HOMÉLIE XLVII« JÉSUS DIT TOUTES CES CHOSES AU PEUPLE EN PARABOLES, ET IL NE LEUR PARLAIT POINT SANS PARABOLES, AFIN QUE CETTE PAROLE DU PROPLIÈTHIE FUT ACCOMPLIE: JOUVRIRAI MA BOUCHE POUR PARLER EN PARABOLES; JE PUBLIERAI DES CHOSES QUI ONT ÉTÉ CACHÉES DEPUIS LA CRÉATION DU MONDE. » (CHAP. XLII, 34, 35, JUSQUAU VERSET 53.) ANALYSE 1. De lusage des paraboles et pourquoi Jésus-Christ parlait aux Juifs en paraboles. LEvangile nous montre Jésus-Christ semant lui-même, cest-à-dire répandant les grâces, tandis que sil faut punir, il le fait par le ministère des anges : cest pour mieux faire voir sa miséricorde. 2. Double supplice des damnés. Renoncer à tout cest un gain et non pas une perte. 3 et 4. Combien nous devons être soigneux de lire lEcriture sainte. . Que la vertu est comme un corps dune beauté parfaite, dont lhumilité est la tête, description du corps. Excellence de la pauvreté évangélique. 1. Saint Marc dit que Jésus-Christ parlait en paraboles à ce peuple, « autant quil était capable de lentendre, » (Marc, IV, 33.) Et pour montrer ensuite que ce nétait pas là une nouveauté dont on neût jamais ouï parler, il fait voir que les prophètes avaient prédit cette manière denseigner. Il montre ensuite que le but du Sauveur dans ces paraboles, nétait pas daveugler les Juifs et de les jeter dans lignorance, mais de les exciter à sinstruire et à se faire éclairer sur ce quon leur disait si obscurément : « Il ne leur parlait point, » dit-il, « sans paraboles, » du moins en ce moment-là, car il leur avait déjà parlé autrement quen paraboles. Et néanmoins personne ne linterrogea. Les Juifs avaient fait autrefois plusieurs questions aux prophètes, comme à Ezéchiel et aux autres, mais ils ne font rien de semblable à légard de Jésus-Christ. Quoique ce quil leur disait fût de nature à les étonner et à les porter à sen éclaircir, parce que ces paraboles se terminaient à de grandes menaces, rien néanmoins ne les put toucher. Cest pourquoi, les ayant quittés, il sen alla. « Après cela Jésus ayant renvoyé le peuple, vint à la maison (36); n pas un des scribes et des pharisiens ne le suivit alors, ce qui fait voir quils ne le suivaient que pour lui dresser des piéges. Comme donc ces hommes ne comprenaient rien à ses paroles et ne sinquiétaient pas de les comprendre, Jésus-Christ les laissa désormais de côté. « Ses disciples sapprochant de lui, lui dirent: Expliquez-nous la parabole de livraie semée dans le champ (36). » On voit les disciples trembler ailleurs, lorsquils veulent faire quelque demande à Jésus-Christ. Doù leur vient donc ici cette hardiesse? Cest parce que Jésus-Christ venait de leur dire : « Il vous est donné de connaître les mystères du royaume des cieux. » Cette parole les avait remplis de confiance. Cest pourquoi ils sapprochent de Jésus-Christ pour lui faire cette question. Ils linterrogent en particulier et non par aucun mouvement denvie contre le peuple; mais seulement pour obéir à la loi de leur maître qui leur avait dit: « Et cela ne leur a pas été « donné. » Ils ne demandent point à Jésus-Christ lexplication de la parabole « du levain » et de celle «du grain de sénevé, » parce quelles étaient assez claires delles-mêmes : mais ils linterrogent sur celle de « livraie » comme ayant plus de rapport avec la parabole des semences et renfermant encore plus dinstructions. Car ils ne regardaient point cette seconde comparaison seulement comme une redite; et les menaces étonnantes quils y entrevoyaient, les excitaient encore plus à en demander (366) léclaircissement. Cest pourquoi Jésus-Christ ne leur reproche point leur ignorance, mais il satisfait à leur désir. Il leur explique cette parabole; il lexplique comme je vous ai si souvent dit quil fallait faire, cest-à-dire en ne sattachant pas à la lettre et aux moindres mots, ce qui donnerait lieu à beaucoup dabsurdités, Il nous apprend lui-même cette vérité par la manière dont il explique cette parabole. Car il ne dit rien de « ces serviteurs »qui vont trouver leur maître quand ils saperçoivent « quon avait semé de livraie au mi-«lieu du blé. » Mais témoignant que cette circonstance navait été ajoutée que comme une suite de la parabole, et pour en rendre limage plus vive et plus naturelle, il ne sy arrête point, et passe à ce qui était le but principal de la parabole, et il fait voir clairement quil est le juge et le Seigneur de toutes choses. « Et il leur, parla en cette sorte : Celui qui sème le bon grain cest le Fils de lhomme » (37). Le champ cest le monde, le bon grain ce sont les enfants du royaume, livraie ce sont les enfants du malin esprit (38). Lennemi qui la semée cest le diable, la moisson cest la fin du monde; les moissonneurs ce sont les anges (39). Comme donc on cueille livraie et on la brûle dans le feu, il en arrivera de même à la fin du monde (40). »« Le Fils de lhomme enverra ses anges, et ils ramasseront et enlèveront hors de son royaume tous les scandales, et ceux qui commettent liniquité (41). Et ils les précipiteront dans la fournaise du feu. Cest là «quil y aura des pleurs et des grincements de dents (42). » Puisque cest Jésus-Christ qui sème, que cest dans son champ quil sème, et quil ramasse livraie pour la jeter hors de son royaume, il est visible que tout le monde est à lui, et quil en est le Seigneur. Mais considérez combien est grande sa bonté envers tous les hommes; comme il est toujours prompt à leur faire du bien, et éloigné de les punir. Car lorsquil faut semer, il le fait par lui-même; mais lorsquil faut punir il le fait par dautres, cest-à-dire, par les anges: « Le Fils de lhomme, » dit-il, « enverra ses anges. » « Et alors les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père (43).» Non quils ne brillent alors beaucoup plus que Je soleil; mais il se sert de cet exemple, parce que rien sur la terre nest si brillant que cet astre. Jésus-Christ dit en dautres endroits de son Evangile, que la « moisson » est déjà arrivée, comme lorsquil dit à ses apôtres, au sujet des Samaritains : « Levez vos yeux, et voyez que les campagnes sont déjà blanches pour la moisson (Jean, IV, 35) ; » et ailleurs: « La moisson est grande, mais il y a peu douvriers. » (Luc, X, 2.) Si « la moisson » est déjà prête, comment dit-il ici quelle narrivera quà la fin du monde? Le Fils de Dieu, mes frères, dans ces deux endroits de lEvangile, entend par le mot de « moisson » une autre chose que ce quil entend ici. Mais, direz-vous, pourquoi, lorsquailleurs il dit: « Que cest lun qui sème et lautre qui recueille (Jean, IV, 36), » il dit néanmoins ici que cest lui-même qui sème? Cest parce que, lorsquil disait : « Que lun sème et que lautre « recueille, » il comparait les prophètes qui avaient semé, avec les apôtres qui devaient recueillir, ou les Samaritains avec les Juifs; mais cétait lui-même qui avait toujours semé même par les prophètes. Il se sert même indifféremment en quelques endroits du nom de « semence » et « de moisson, » pour marquer une même chose par différents noms. Car lorsquil veut exprimer la foi et lobéissance de ceux qui lécoutaient, il se sert du nom de « moisson, » comme pour montrer quil avait alors consommé tout son ouvrage : mais lorsquil cherche le fruit de la prédication, il en appelle la consommation tantôt du mot de « moisson, » et tantôt du nom de « semence.» 2. Mais comment est-il dit ailleurs que les justes seront les premiers « enlevés en lair; »puisque Jésus-Christ commande ici que lon commence par « cueillir livraie et la lier pour la jeter dans le feu? » Les justes seront les premiers e enlevés dans lair auprès de « Jésus-Christ, » aussitôt quil paraîtra : mais cest seulement après que les méchants auront été condamnés et livrés aux supplices, que les justes enfin iront dans le royaume des cieux. Comme il faut que les justes soient dans le ciel, et que cest sur la terre que Jésus-Christ viendra juger tous les hommes, aussitôt quil aura condamné les méchants, il sen retournera au ciel comme un roi triomphant accompagné de ses amis, quil rendra héritiers de sa gloire et de son royaume. Ainsi les méchants souffriront une double peine, la première (367) dêtre brûlés dans ces feux, et la seconde dêtre éternellement privés de la gloire. Mais doù vient, me direz-vous, quaprès même que le peuple sest retiré, Jésus-Christ ne laisse pas de parler encore en paraboles à ses disciples? Parce que les instructions de leur Maître leur avaient ouvert lintelligence, et quils comprenaient mieux maintenant. Cest pourquoi il leur dit à la fin de ce discours « Avez-vous entendu tout ceci? Oui, Seigneur, répondirent-ils. » Ainsi outre les autres avantages de ces paraboles, Jésus-Christ en retirait encore cette utilité, quelles rendaient ses apôtres plus intelligents et plus habiles. Mais voyons ce que Jésus-Christ leur dit ensuite. « Le royaume des cieux est semblable encore à un trésor caché dans un champ, quun homme ayant trouvé, cache de nouveau, et dans la joie quil en ressent, il va vendre tout ce quil a et achète ce champ (44). » « Le royaume des cieux est semblable encore à un marchand qui cherche de belles perles (45); lequel ayant trouvé une perle de grand prix, va vendre tout ce quil avait et lachète (46). » Comme les deux paraboles « du grain de sénevé et du levain » n ont beaucoup de rapport ensemble, il se trouve aussi que celles du trésor et de la perle sont assez semblables. Lune et lautre nous font entendre quil faut préférer la prédication de lEvangile à tous les biens de la terre. Ces deux premières du sénevé et du levain en marquent la force, et ces deux dernières nous en font voir lexcellence. La prédication de lEvangile croît comme « le grain de sénevé; » elle sétend comme « le levain » qui pénètre toute la pâte où on le mêle. Elle est aussi précieuse que « les perles, » et elle enrichit et sert à toutes choses comme « le trésor. » Nous ny apprenons pas seulement à mépriser tout pour nous attacher uniquement à la parole évangélique, mais encore à le faire avec plaisir et avec joie. Car celui qui renonce à ses richesses pour suivre Dieu, doit être persuadé que bien loin de perdre il gagne beaucoup en y renonçant. Vous voyez donc, mes frères, que la parole et la vérité évangélique est cachée dans ce monde comme un trésor et que tous les biens y sont renfermés. On ne peut lacheter quen vendant tout. On ne peut la trouver quen la cherchant avec la même ardeur quon cherche un trésor. Car il y a deux choses qui nous sont entièrement nécessaires; le mépris des biens de la vie, et une vigilance exacte et continuelle. « Le royaume des cieux, » dit Jésus-Christ, « est semblable à un marchand qui cherche « de belles perles, lequel en ayant trouvé une « de grand prix, va vendre tout ce quil avait « et lachète. » Cette perle unique est la vérité qui est une et ne se divise point. Celui qui a trouvé cette perle précieuse sait bien quil est riche, mais sa richesse échappe aux autres, parce quil la cache, et quil peut tenir dans sa main ce qui le fait riche. Il en est de même de la parole et de la vérité évangélique. Celui qui la embrassée avec foi, et qui la renferme dans son coeur comme son trésor, sait bien quil est riche; mais les infidèles ne connaissent point ce trésor, et ils nous croient pauvres parmi ces richesses. Mais pour empêcher les hommes de sappuyer trop sur ce quils auront reçu lEvangile, et de croire que la foi seule leur suffit pour les sauver, Jésus-Christ ajoute une autre parabole pleine de terreur. « Le royaume des cieux est encore semblable à un filet jeté dans la mer, et qui recueille des poissons de toutes sortes (47). » «Et lorsquil est plein, les pêcheurs le tirent sur le bord, où sétant assis ils mettent ensemble tous les bons dans des vaisseaux, et jettent dehors les mauvais (48). » En quoi cette parabole est-elle différente de celle « de livraie, » puisque lune et lautre montre que de tous les hommes, les uns seront enfin sauvés, et lés autres réprouvés? Oui, en effet, nous voyons dans lune et dans lautre quune partie des hommes se perdent, mais dune manière différente. Ainsi ceux qui étaient figurés par. la parabole des semences se perdent, parce. quils nécoutent point la parole de la vérité; ceux qui sont figurés par livraie se perdent, par leur doctrine hérétique, et par leurs erreurs : mais ces derniers périssent à cause du dérèglement de leurs moeurs et de leur mauvaise vie. Et ceux-ci sans doute sont les plus misérables de tous, puisquaprès avoir connu la vérité et avoir été pris dans « ce filet » spirituel, ils nont pu se sauver dans lEglise même. Jésus-Christ marque en un endroit de lEvangile quil séparera lui-même les bons davec les méchants, comme un pasteur sépare les brebis davec les boucs; et il dit ici au (368) contraire, aussi bien que dans la parabole de livraie, que ce discernement se fera par les anges. « Cest ce qui arrivera à la fin du monde. Les anges viendront et sépareront les méchants des justes (49), et les jetteront dans la fournaise du feu; cest là quil y aura des pleurs et des grincements de dents (50). » Le Sauveur parle quelquefois à ses disciples dune manière plus simple et plus commune, et quelquefois aussi dune manière plus élevée. Il interprète de lui-même cette parabole des poissons sans attendre quon linterroge, pour inspirer encore plus de terreur. Car afin que vous ne croyiez pas quune fois jetés dehors les mauvais poissons nauront plus rien à craindre, quils en seront quittes pour une simple séparation, Jésus-Christ montre le châtiment qui les attendent dehors en disant quils « seront jetés dans la fournaise du feu, » et il marque la violence de la douleur quils souffriront en disant: « Là il y aura des pleurs et des grincements de dents. » Considérez, je vous prie, mes frères, par combien de voies on peut se perdre. On se perd comme les semences ou « dans le chemin », ou « dans les pierres »; ou « dans les épines. » On se perd par livraie ou lhérésie. On se perd enfin, comme les mauvais catholiques, dans « le filet » de lEglise. Après cela est-ce sans sujet que le Fils de Dieu dit : «Que la voie qui mène à la perdition est e large, et que beaucoup y entrent? » (Matth, VII, 13.) Ayant donc achevé ces paraboles et terminé ce long discours par la crainte, il laugmente encore en sétendant sur ce sujet et disant : « Avez-vous entendu tout ceci? Oui, Seigneur, «répondirent-ils (54). » Et les louant de ce quils lavaient compris, il ajoute : « Cest pourquoi tout docteur qui est bien instruit en ce qui regarde le royaume des cieux, est semblable à un père de famille qui tire de son trésor des choses nouvelles et anciennes (52.) » 3. Le Fils de Dieu dit ailleurs : « Je vous enverrai des sages et des scribes. »(Matth. XXIII, 34.) Ainsi on voit quil ne rejette point lAncien Testament, mais quil le loue au contraire en lappelant « un trésor ». Tous ceux donc qui sont ignorants dans IEcriture sainte ne seront jamais du nombre des vrais « pères de famille. » Ce sont des lâches qui ne savent rien par eux-mêmes, et qui ne veulent rien apprendre des autres. Ainsi ils meurent de faim, et ils périssent sans quils sen aperçoivent. Mais ceux-là ne seront pas exclus seuls de cette béatitude. Les hérétiques encore ny auront aucune part; parce quils « ne tirent point de leur trésor de choses nouvelles et anciennes. » En rejetant la loi ancienne, ils ne peuvent non plus suivre «la nouvelle» comme ceux qui rejettent « la nouvelle » se vantent en vain davoir « lancienne ». Ainsi en séparant lune de lautre, ils sont privés de lune et de lautre. Ecoutons ceci, mes frères, nous tous qui négligeons de lire lEcriture sainte, comprenons quel tort nous nous faisons à nous-mêmes et dans quelle pauvreté nous nous jetons. Car comment nous pourrons-nous appliquer à la pratique de la piété, puisque nous nen savons pas même les règles? Les personnes riches et avares ont soin de visiter souvent leurs mets-hies et leurs habits précieux pour empêcher quils ne se gâtent, ou que les vers ne les mangent. Mais vous, lorsque votre âme se perd par loubli de ses devoirs, lorsque le ver de lingratitude la dévore, vous ne pensez point à avoir recours à ces livres saints tour vous guérir de cette langueur, et pour embellir votre âme, en traçant en elle une image de la vertu où sa tète et tous ses membres soient parfaitement représentés. Car la vertu est comme un corps dune excellente beauté. Ce corps a sa tête et ses autres parties qui le composent, mais si belles et si agréables quil ny a rien dégal dans toutes les autres beautés du monde. La tête de ce corps divin cest lhumilité : cest pourquoi Jésus-Christ commence les béatitudes par celle-ci : « Bienheureux sont les pauvres desprit. » (Matt. V, 3.) Cette tête nest point ornée par des cheveux bouclés et frisés, et néanmoins elle a tant dagréments, quelle attire sur elle les yeux de Dieu même : « Sur qui, » dit-il, « jetterai-je mes regards, sinon sur celui qui est doux et humble, et qui tremble à la moindre de mes paroles ? » (Is. LXVI, 4.) Et ailleurs : « Mes yeux sont sur les doux et sur les humbles de la terre. » (Ps. XXXIII, 17.) Et ailleurs : « Le Seigneur est proche de ceux qui ont le coeur brisé.» (Ps. XXXIV, 16.) Lornement et la couronne de cette tête (369) sainte cest doffrir à Dieu des sacrifices qui lui sont très-agréables. Cest un autel dor; un autel spirituel : « Le sacrifice agréable à Dieu, » dit David, « est un esprit affligé et un coeur brisé. .» (Ps. L, 18.) Cette humilité sainte est la mère de la sagesse; celui qui la possède possédera tous les biens. Après avoir vu, mes frères, lexcellence de cette tête auguste, admirez maintenant la beauté de son visage. Considérez quel est son teint et sa couleur, voyez-y cette rougeur si agréable que lui imprime la pudeur et la modestie dont le Sage disait: « La grâce et la beauté marchera devant celui qui a de la pudeur. » (Prov. XXXII, 11.) Cet éclat relève tout ce quelle a dailleurs de très-agréable, et il efface toute cette rougeur artificielle dont la vanité des femmes se peint le visage. Que si vous voulez maintenant considérer les yeux de cette tête, admirez quelle grâce la douceur y a imprimée; combien ils sont non-seulement beaux et agréables, mais encore si vifs et si perçants quils pénètrent le ciel et sélèvent jusque dans le sein de Dieu « Bienheureux, » dit-il, « ceux qui ont le coeur pur, parce quils verront Dieu.» (Matth. V, 7.) La bouche de cette tête dont nous parlons, cest la sagesse et la prudence, elle est toujours pleine de saints cantiques. Le coeur de cet admirable corps est la connaissance et la pénétration des Ecritures; cest la pratique et lobservance exacte de la loi de Dieu; cest la charité et la bonté. Le corps ne peut vivre sans le coeur, ni les vertus sans la charité. Car toutes les vertus et tous les biens naissent de lamour et de la charité, commue (le leur source. Ce corps que nous représentons-a encore ses pieds et ses mains qui sont les bonnes oeuvres qui paraissent au dehors, li a une âme qui est la piété sincère. Il aune poitrine plus solide que lor et le diamant, cest la force. Et comme dans notre corps la tête et le coeur sont les sources de la vie, ainsi lamour de Dieu répand lesprit et la vie daims la tête et le coeur de ce divin corps. 4. Mais voulez-vous que je vous rende cette image vivante, et que vous représentant des actions effectives, je vous fasse voir ce que je vous viens de dire? Jetez les yeux sur saint Matthieu, sur cet admirable évangéliste que nous vous expliquons. Nous savons peu de ses actions; mais ce peu suffit pour nous faire voir un tableau admirable de la vertu. On voit combien il était humble et combien il avait le coeur contrit, puisquaprès même quil est devenu apôtre et prédicateur de lEvangile, il ne laisse pas de sappeler « publicain. » On voit combien il a aimé les pauvres, puisquil se dépouilla tout dun coup de tous ses biens pour suivre le Fils de Dieu. Sa piété paraît par la sainteté de sa doctrine, et sa sagesse par toute léconomie de son Evangile. Sa charité sy fait voir par le soin quil a eu de toute la terre. Labondance de ses bonnes oeuvres, parce quil doit être un jour sur lun de ces douze trônes pour juger le monde; enfin son courage et sa patience, « parce quil se tient heureux de souffrir pour Jésus, et quil sortait de lassemblée des Juifs avec joie. » (Act. IV, 35.) Imitons, mes frères, ces grandes vertus, mais particulièrement lhumilité et la charité, sans lesquelles nous ne pouvons être sauvés. Ces cinq vierges folles le font assez voir, aussi bien que le pharisien de lévangile. On peut entrer au ciel sans être vierge; mais on ny peut entrer sans être charitable. La charité est la vertu la plus essentielle et la plus nécessaire pour le salut. Elle est le principe de toutes les autres. Cest pourquoi nous avons dit quelle tient lieu du coeur dans le corps de la vertu. Mais comme le coeur périt lui-même, sil ne répand lesprit et la vie dans tout le corps; ainsi la charité meurt si elle nagit. Comme une source se corrompt, si son ruisseau cesse de couler, les riches de même se corrompent sils retiennent leurs richesses, et sils ne les font couler sur les autres. Cest pourquoi le peuple a coutume de dire dun riche avare quil se perd de grands biens dans sa maison. Il ne dit pas quil y a chez lui de grands trésors, mais quil sy perd de grands biens. Et en effet les avares se perdent, et tout ce quils ont se perd aussi. Leurs meubles et leurs habillements dépérissent, leur or se rouille; leur blé se gâte, et leur âme se corrompt et se perd encore plus que toutes ces choses par les chagrins et les inquiétudes qui la dévorent. Si nous pouvions vous représenter ici lâme dun avare, elle vous paraîtrait comme un vêtement rongé de vers. Vous verriez quelle na plus aucune partie qui soit saine, mais que les vices la déchirent, et que le péché la corrompt de toutes parts. Lâme du pauvre, au contraire, je dis du pauvre qui lest volontairement et de bon (370) coeur, est bien différente de celle-là. Elle brille comme lor; elle éclate comme le diamant. elle fleurit comme la rose. Elle nest sujette ni aux vers, ni à la rouille, ni aux voleurs. Elle nest point agitée de soins ni dinquiétudes, mais elle vit sur la terre comme les anges vivent dans le ciel. Voulez-vous voir quelle est la beauté de cette âme, et quelles sont les richesses de sa pauvreté? Elle ne se fait point obéir des hommes, mais elle commande aux démons. Elle na point daccès auprès des rois de la terre; mais elle en a beaucoup auprès de Dieu. Elle ne combat point sous les enseignes des hommes; mais elle combat avec les anges. Elle na point deux ou trois coffres pleins dor ou dargent, mais elle est tellement riche que tout le monde ne lui paraît rien au prix de ce quelle possède. Elle na point de trésor sur la terre ; mais le ciel même est son trésor. Elle na point besoin de serviteurs, mais elle est la maîtresse de ses désirs déréglés, et elle domine souverainement sur ses passions, dont les rois même sont esclaves. Car quoiquils portent la pourpre et la couronne, aussitôt quune passion est entrée dans leur tête, elle les domine souverainement, et ils noseraient lui désobéir en la moindre chose. Elle se rit des richesses, de la royauté et de toutes les magnificences du siècle, comme des châteaux de carte, des poupées, des osselets, et de tous les jouets des petits enfants. Car elle a des ornements vraiment magnifiques et précieux, qui ne peuvent seulement être compris par ceux qui samusent à ces bagatelles. Quy a-t-il donc de comparable à ces pauvres évangéliques? Ils marchent déjà dans le ciel, et si le ciel même nest que comme la base du palais où ils habitent, jugez quel en doit être le faîte et le comble. Vous me direz peut-être quils nont ni chevaux ni carrosses? Ils nen ont point en effet, parce quils nen ont point besoin. Car que servirait ce vain appareil àcelui qui va bientôt être enlevé dans lair, et transporté dans les nuées, pour être éternellement avec- Jésus-Christ ? Pensez à cela, mes frères; pensez-y, mes soeurs. Aimons ces richesses qui sanctifient ceux qui les possèdent. Recherchons ces trésors qui ne périront lamais, que je vous souhaite, par la grâce et par la miséricorde de notre Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et lempire dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il. |