TRAITÉS

TRAITÉS

SAINT JEAN CHRYSOSTOME, OEUVRES COMPLÈTES, TRADUITES POUR LA PREMIÈRE FOIS SOUS LA DIRECTION DE M. JEANNIN, licencié ès-lettres professeur de rhétorique au collège de l'Immaculée-Conception de Saint-Dizier. Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1864,

TOME I, p. 534-624 ; TOME II, p. 1-188


 

EXHORTATIONS A THÉODORE, TOMBÉ.

Tome I, p. 534-564

PREMIÈRE EXHORTATION.

 
ANALYSE. Théodore mérite mieux les larmes de saint Jean Chrysostome, que tout le peuple des Juifs ne méritait celles de Jérémie. — Désolation d'une âme tombée dans le péché. — Si bas qu'il soit tombé, un pécheur peut toujours se relever pourvu qu'il ne désespère point. — L'espérance est une chaîne qui nous attache au Ciel; Satan s'efforce de la couper par le désespoir. — Combien de Chrétiens qui, après avoir renoncé a Jésus-Christ, ont effacé le crime de leur apostasie et mérité par leur pénitence d'être couronnés avec les Saints. — Donnez-moi le pécheur le plus chargé de crimes et le plus abominable, je lui dirai : ne désespère point, fais pénitence et Dieu te pardonnera ; car il ne se gouverne pas par passion, et c'est par bonté et non par un esprit de vengeance qu'il châtie. — Nabuchodonosor. — Achab. — Manassès. — Les Ninivites. — Le bon larron. — La pénitence ne se mesure point par le temps; mais par la contrition. Elle peut tout effacer en cette vie. — Il ne faut perdre l'espérance que lorsqu'on est en enfer:- Le démon, qui sent que Dieu fait miséricorde à ceux qui se convertissent, met tout en usage pour jeter un pécheur dans le désespoir. — Toute pénitence, si petite qu'elle soit, trouvera sa récompense. — Les joies du paradis : la plus grande c'est la vue du Christ. —Les peines de l'enfer : la plus insupportable c'est la privation du ciel. — Témoignages du jugement futur. L'âme de Théodore est malade de l'amour d'Hermione. — Toute maladie de l'âme peut se guérir. — La voie de la pénitence, qui parait difficile de loin, devient douce et aisée quand on y est entré. — Exemple du jeune Phénix. — Exemple d'un vieux moine. — Il ne suffit pas d'accuser ses péchés, il faut que l'accusation soit faite dans l'intention et avec la confiance d'en obtenir le pardon. — Ne pas négliger les petites oeuvres. — Compter sur la miséricorde divine, mais ne pas la lasser.

 


 

DEUXIÈME EXHORTATION.


ANALYSE. A la première exhortation, Théodore pouvait faire, et peut-être avait-il fait , l'objection suivante : Est-ce donc un crime si énorme de prendre soin des affairés de sa famille ? or, je ne fais pas autre chose. Voici la réponse : Ce qui est permis à d'autres, ne l'est plus à Théodore, qui a contracté avec Dieu un engagement d'une nature particulière ; enrôlé dans la milice sainte, il ne peut plus vivre comme les simples chrétiens, sans se rendre coupable de désertion. Théodore a donc commis un péché grave; il ne doit pas l'aggraver encore, en restant dans l'état où il s'est mis. Sa chute a été le résultat d'une surprise; qu'il se relève, et tout sera réparé. — La nature humaine est faillible , mais elle se relève aussi vite qu'elle tombe, exemple de David. — Théodore sera jugé un jour par celui qu'il méprise aujourd'hui. — Vanité des biens de ce monde. — Inconvénients de la royauté, de la gloire, de la richesse, du mariage. Du reste, l'union conjugale, quoiqu'elle soit une chose sainte, serait maintenant un adultère pour Théodore. — Théodore ne doit pas avoir moins de zèle pour son propre salut, que n'en ont ses amis. — Soucis de la vie de famille. — Nul n'est libre que celui qui vit pour Jésus-Christ. Il n'y a pour le chrétien qu'un seul malheur, c'est d'offenser Dieu. Résumé rapide et éloquent des motifs développés dans cette seconde exhortation.

 


 

TRAITÉ DU SACERDOCE

Tome I, p. 565-624

LIVRE PREMIER.

ANALYSE : Jean et Basile ont été amis dès l’enfance; ils ne se sont jamais quittés. — Ils ont formé le dessein d’embrasser la vie solitaire. —Jean en est détourné par les larmes et par les représentations de sa mère. — Les deux amis apprennent tout à coup qu’on se propose de les élever à la dignité sacerdotale. — Jean a recourt à la ruse pour faire élire Basile évêque et pour s’en exempter lui-même; Basile se plaint d’avoir été trompé par son ami. — Jean se justifie. — Il soutient que la ruse n’est pas essentiellement mauvaise. — Elle devient bonne ou mauvaise selon l’intention de celui qui l’emploie ; elle est avantageuse dans la paix comme dans la guerre. — Des médecins de l’âme y ont recours bien que ceux du corps. — Malade guéri par ce moyen. — Saint aussi Paul l’emploie pour attirer les Juifs à Jésus-Christ.


LIVRE DEUXIÈME

ANALYSE : Le sacerdoce est la plus grande preuve d’amour que l’on puisse donner à Jésus-Christ. — Avantage du sacerdoce. — Le sang de Jésus-Christ est le prix des âmes. — Amour de Jésus-Christ pour son Eglise. — Les devoirs du sacerdoce sont plus grands que ceux de tout autre état. — Il y en a peu qui en sont dignes. — Le prêtre a une responsabilité. — Les ennemis du troupeau du Seigneur. — La guérison des âmes est plus difficile des brebis. — La cause et l’existence même des maladies de l’âme que celle sont difficiles à connaître. — Nul autre remède que la persuasion. — Le sacerdoce demande une âme supérieure. — Combien la prudence est nécessaire au prêtre. — Le sacerdoce est une fonction pleine de difficultés et de périls. — Nécessité de connaître parfaitement le candidat. —— Excellence de la charité. — Eloge de Basile. — Sa charité. — Pourquoi Chrysostome a refusé l’épiscopat. — Son refus, loin d’être une offense pour les électeurs, les a mis à l’abri d’une foule d’accusations qu’on n’aurait pas manqué de lancer contre eux.


LIVRE TROISIÈME

ANALYSE : Saint Jean Chrysostome continue sa justification. — Son refus ne vient pas de l’orgueil, et ceux qui le disent, parlent contre eux-mêmes, car accuser les autres de mépriser le sacerdoce, c’est montrer que l’en n’en a pas soi-même mie assez haute idée. —Son refus ne vient pas davantage de la vaine gloire. — L’amour de la gloire l’eût bien plutôt porté à accepter. — Il insiste par des raisons tirées de la nature du sacerdoce. — Le sacerdoce est d’une nature céleste. — Quel appareil terrible entourait le prêtre de l’ancienne loi! Cependant le sacerdoce antique n’était que l’ombre de celui de la loi de grâce. — Excellence de nos saints mystères vivement représentés. — Le prêtre est plus puissant que les anges. — De quels biens son pouvoir est la source? — Les prêtres de l’ancienne Loi constataient seulement la guérison de la lèpre corporelle, ceux de la loi nouvelle guérissent la lèpre de l’âme. — Si nos parents nous donnent la vie du corps , les prêtres nous communiquent la vie de l’âme; ils peuvent même nous la rendre quand nous l’avons perdue. — Baptême. — Pénitence. — Pan! lui-même tremblait, en considérant la grandeur de son ministère. — C’est aussi ce qui a effrayé saint Jean Chrysostome. — La claire vue de l’excellence du ministère sacerdotal d’eue part, et de l’autre la conscience de sa faiblesse, voilà ce qui a motivé son refus. — Autres motifs tirés des dangers et des difficultés que l’on rencontre dans l’exercice des fonctions sacerdotales. — Ecueil de la vaine gloire avec tout son cortège de passions déréglées. — Plus le sacerdoce est excellent, plus l’abus qu’on en fait est détestable. — On peut désirer le sacerdoce, mais non l’élévation et la puissance attachées au sacerdoce. — Un prêtre doit être maître de lui-même; funestes effets de la colère. — Les fautes des prêtres sont aussitôt rendues publiques scandale qui en résulte. — Mauvaises élections fortement décrites. — Direction des veuves, conduite des vierges, juridiction ecclésiastique, difficultés qui y sont attachées. — L’excommunication, prudence qu’elle demande. 


LIVRE QUATRIÈME

ANALYSE : Ce livre débute par une objection de Basile : ce que son ami vient de dire s’applique, prétend-il, à ceux qui s’ingèrent d’eux-mêmes dans les fonctions sacrées; mais non à celui qu’on y entraîne malgré lui. — Chrysostome prouve que c’est là une erreur. — Exemples de Saül, d’Héli, d’Aaron. et de Moïse. — Judas avait été appelé. — Ceux qui imposent les mains à des indignes encourent les mêmes peines qu’eux. — Plusieurs comparaisons tendant à prouver qu’il faut n’imposer les mains qu’avec une extrême prudence, suivant le précepte de saint Paul à Timothée. — Ce début peut se résumer en un seul mot : de la vocation ecclésiastique. — Tout le reste du livre roule sur le talent de la parole que doit posséder le prêtre. — Le bon exemple ne suffit pas, sans le talent de la parole ni même le don des miracles. — La parole est la seule arme avec laquelle on puisse combattre les ennemis de l’Eglise. — Comparaison de l’Eglise avec une ville forte. — Principaux ennemis aux entreprises desquels l’Eglise est en butte : les Juifs, les Païens, les Manichéens, les Valentiniens, les Marcionites, les Sabelliens, les Ariens; ces deux dernières sectes se rapprochent de l’hérésie de Paul de Samosate. — Les ennemis domestiques, les agitateurs de questions oiseuses et insolubles. — Objections de Basile : saint Paul n’a-t-il pas méprisé l’éloquence? — Non, il n’a méprisé que l’art frivole des rhéteurs de son temps. — Si quelque ministre de Jésus-Christ pouvait se passer du talent de la parole, c’était bien saint Paul, muni comme il l’était du don des miracles, et de son amour incomparable pour Jésus-Christ, amour qui lui fait souhaiter d’être anathème pour le salut des Juifs. — Eloquence de saint Paul : elle est simple et forte et uniquement fondée sur la science et l’enthousiasme. — Eloge sublime de ses épîtres. — Textes de saint Paul, établissant la nécessité pour un évêque de posséder la doctrine pour l’instruction des autres: il faut qu’un évêque soit habile à défendre les dogmes.


LIVRE CINQUIÈME

 ANALYSE : Tout le Livre cinquième roule sur le même sujet que les derniers chapitres du quatrième, c’est-à-dire sur l’éloquence de la chaire. — Il contient une suite de réflexions aussi justes que profondes sur la pratique de l’art oratoire dans la chaire chrétienne. —En les lisant on croirait entendre non un futur orateur à qui son génie révèle d’avance toutes les difficultés et toutes les ressources de son art, mais bien un vétéran de l’éloquence, un Cicéron écrivant le de Oratore. — Les discours qu’on adresse an peuple exigent un grand travail. — Les auditeurs sont très-difficiles à contenter, parce qu’ils viennent pour juger le prédicateur plus que pour s’instruire. — Pour manier avantageusement cette multitude mal disposée, deux choses sont nécessaires : le mit-pris des louanges et la puissance de la parole. — Le mépris des louanges ne mène à rien sans la puissance de la parole, et réciproquement. — Au mépris des louanges, il faut ajouter le mépris de l’envie. — Ce n’est pas tout d’acquérir le talent de la parole, il faut encore le conserver par le trayait et l’exercice, car l’éloquence est fille de l’étude plus encore que de la nature. — Plus un orateur a de talent, plus il est obligé de travailler. — A combien de cabales un grand orateur est en but de la part de ses ennemis jaloux. — Combien peu d’hommes sont en état de bien juger d’un discours. — Fort de la conscience de son génie, l’orateur peut se placer au—dessus du jugement de la foule. — Une chose qui lui donnera une confiance encore pins ferme, ce sera de travailler dans le but de plaire à Dieu. — Le mépris des louanges n’est pas moins nécessaire à celui qui est sans éloquence.


LIVRE SIXIÈME

ANALYSE : On voit dans le sixième livre avec quelle rigueur les prêtres seront punis pour les péchés du peuple, sans qu’ils puissent s’excuser sur la capacité, ni sur l’ignorance, ou sur la violence qu’on leur a faite pour les élever au sacerdoce. — On y voit encore avec quelle prudence et quelle précaution ils doivent vivre pour se préserver de la contagion du siècle, pour conserver en son enlier la beauté spirituelle de leur âme : avec combien de zèle, d’exactitude et de vigilance, ils doivent s’acquitter de leurs fonctions. — Ils sont ambassadeurs de Dieu non pour une seule ville, mais pour toute la terre. — Ils sont établis afin de prier et d’intercéder pour les péchés de tous les hommes, et non-seulement de ceux qui sont vivants, mais même de ceux qui sont morts. — Après avoir invoqué le Saint-Esprit, ils accomplissent ce sacrifice si digne de vénération, et dont on n’approche qu’avec tremblement. — Ils tiennent si longtemps entre leurs mains le Maître et le Seigneur de tons les hommes. — La prudence la plus attentive leur est nécessaire pour ne blesser aucun de ceux qu’ils sont obligés de voir chaque jour, et s’accommoder avec tous, non en usant d’artifice, de dissimulation, de complaisance et de flatterie, mais plutôt en agissant avec une grande confiance et beaucoup de liberté, usant toutefois de condescendance en de certaines rencontres, selon la nécessité des affaires, et en entremêlant dans leur conduite la sévérité avec la douceur. — Quelque grands que soient les travaux des moines , et quelque rudes que soient les combats qu’ils ont à essuyer, saint Chrysostome trouve qu’il y a moins de peines dans leur état que dans le ministère épiscopal; qu’il est bien plus aisé de pratiquer la vertu dans la solitude que dans les emplois de l’Eglise, qui exposent un évêque à beaucoup d’occasions, et réveillent aisément en lui les vices et les défauts, qui seraient couverts par la solitude. — Le saint docteur revient encore à la fin de ce livre sur le conseil déjà donné précédemment, de ne pas négliger les bruits populaires, quand même ils sont faux. — Il n’est pas difficile de se sauver soi-même. — Le prêtre est exposé à un châtiment plus terrible que tes simples fidèles. — On démontre par diverses comparaisons quels doivent être la crainte et le saisissement d’un homme que l’on veut élever au sacerdoce. — Il n’y a point de guerre plus terrible que celle que nous fait le démon en pareil cas.

 


Tome II, p. 1-188

APOLOGIE DE LA VIE MONASTIQUE

LIVRE PREMIER CONTRE LES ENNEMIS DE LA VIE MONASTIQUE.

ANALYSE. Ceux qui déclarent la guerre à Dieu sont punis infailliblement. — Cette vérité est prouvée par l’exemple des peuples qui voulurent empêcher la reconstruction du temple de Jérusalem après le retour de la captivité de Babylone. — Ce début a quelque chose de poétique et de majestueux. — il y a de l’exagération dans le tableau du châtiment des ennemis du peuple de Dieu, une exagération qui sent le jeune homme. — De ceux qui combattaient l’oeuvre de la reconstruction du temple à ceux qui troublent l’Eglise de Dieu en persécutant les moines, la transition est naturelle et facile. — Détails pittoresques de cette persécution, saint Jean Chrysostome feint de l’apprendre de la bouche d’un témoin qui lui donne le conseil d’écrire contre les persécuteurs. — Cette entrée en matière a quelque chose de dramatique et qui rappelle les dialogues de Platon. — Saint Chrysostome entre dans la composition de son livre avec mie émotion profonde; il n’est pas ému de colère , mais de compassion pour les malheureux persécuteurs. — Il se compare d’une manière charmante à une mère qui ne veut pas que son petit enfant la frappe, non pas à cause du mal qu’il lui sait à elle, mais de celui qu’il pourrait se faire à lui-même. — Les persécuteurs des saints se nuisent beaucoup à eux-mêmes et nullement à ceux qu’ils persécutent. — Cette vérité est démontrée, par l’exemple de saint Paul et de Néron, et par la parole de Jésus-Christ : Heureux serez-vous, lorsque les hommes vous ha iront, etc. (Luc. IV, 22, 23); donc saint Jean Chrysostome écrit dans l’intérêt des persécuteurs plus que dans celui des persécutés; il espère qu’ils écouteront ses conseils et qu’ils les apprécieront dès cette vie, de peur qu’ils ne soient obligés de les apprécier quand il sera trop tard, à l’exemple du mauvais riche. — Les ennemis de la vie monastique sont plus coupables que le mauvais riche; sa faute consistait seulement à omettre de faire du bien, tandis qu’ils empêchent, eux, les autres d’en faire. — Ils sont aussi coupables que les juifs qui persécutèrent les Apôtres et s’opposèrent à la propagation de l’Evangile.— Mais aussi par quels châtiments ils payèrent leur impiété dès cette vie. — Longue citation de l’historien Josèphe. — La foi ne suffit pas pour être sauvé, la bonne vie est nécessaire au salut.— De nombreux textes sont cités pour appuyer cette thèse qu’on dirait écrite exprès contre les protestants. — On objecte qu’il y aura donc beaucoup d’hommes qui seront damnés. — Mais le grand nombre ne saurait prévaloir contre la vérité. — Le fléau du déluge s’appesantit sur la totalité de la race humaine, excepté deux ou trois personnes, et il ne se commettait pas plus de crimes alors qu’aujourd’hui. — Tableau effrayant de la dépravation du monde à l’époque où vivait saint Jean Chrysostome.
 



LIVRE DEUXIÈME A UN PÈRE CHRÉTIEN.

ANALYSE : Ce n’était pas seulement des étrangers, mais les amis et les pères eux-mêmes qui détournaient leurs enfants de la profession monastique : et ce désordre était égal parmi les chrétiens et parmi les païens. — Saint Chrysostome s’adresse d’abord à un père infidèle, qu’il suppose outré de douleur de voir son fils engagé dans cette profession.— Dans la peinture qu’il fait de l’état de ce personnage supposé, il rassemble tous les motifs qui font ordinairement qu’un père déplore de voir son fils embrasser la vie monastique. — il est riche et noble, il n’a qu’un fils et ne peut espérer d’en avoir d’autres. — De son côté le fils est doué de toutes les qualités nécessaires pour être en droit d’aspirer à ce qu’il y a de plus grand dans le monde, mais il a entendu parler de la religion chrétienne et il a tout quitté pour s’enfuir dans les montagnes. — Quelque justes sujets que ce père, paraisse avoir de se plaindre de la résolution de son fils, saint Chrysostome soutient que c’est à tort qu’il déplore son changement de vie, parce que le pauvre volontaire est plus heureux que le riche toujours tourmenté de la passion de l’argent; parce que le solitaire, tout en ne possédant rien en propre, dispose, pour le bien des pauvres, de la bourse de toutes les personnes de piété. —Comme le père est païen, saint Chrysostome n’employant que des raisonnements et des exemples à sa portée, lui cite l’exemple de Criton qui met tout son bien à la disposition de Socrate, son maître de philosophie. — Citation d’un passage du dialogue de Platon, le Criton. — Autre exemple de Diogène refusant les offres d’Alexandre.
Si le père veut parler de la gloire que son fils aurait acquise dans le monde, saint Chrysostome lui répond que la gloire suit la vertu encore plus que ta puissance. — Platon est plus illustre que Denys, tyran de Syracuse ; Socrate qu’Archelaüs; Aristide qu’Alcibiade. — Alexandre porta envie à Diogène. — Saint Chrysostome va plus loin et fait voir que ce fils , devenu solitaire, est plus puissant que s’il fût resté dans le monde. — Car, dit-il, il y a trois degrés de puissance, dont le premier est de pouvoir se venger des injures ; le second, de se guérir soi-même, quelque blessure que l’on ait reçue ; le troisième, de se mettre dans un état où personne ne puisse nuire. — C’est ce dernier degré dont jouit le solitaire. — Personne ne peut lui nuire ; développement de cette pensée.
De là, saint Chrysostome passe à ce qui regarde personnellement le père de ce solitaire, et montre que jamais fils n’a eu tant de respects et d’égards pour son père : élevé à quelque haute dignité dans le monde, il n’aurait peut-être eu que du mépris pour l’auteur de ses jours; restant dans le siècle, il aurait peut-être été jusqu’à souhaiter la mort de son père par l’espérance d’une riche succession ; retiré dans la solitude il prie Dieu, au contraire, qu’il lui accorde une longue vie. — Résumé des motifs. —Réfutation des objections. — Exemple d’un fait récent : Père païen qui, après avoir tout fait pour retirer son fils de la profession monastique, finit par se laisser vaincre et convertir par lui.
Comme nous en avons déjà fait la remarque à propos du sacerdoce, saint Chrysostome prend dans ce traité la marche et le ton oratoire, il se transporte par la pensée devant un tribunal et il plaide une cause. — On le sentirait au style, quand il ne le dirait pas lui-même en propres termes.


LIVRE TROISIÈME. A UN PÈRE CHRÉTIEN.

Analyse : Dans le troisième livre, saint Chrysostome entreprend de prouver aux pères chrétiens qu’ils ont tort d’empêcher leurs fils d’embrasser la vie monastique. — Il u convaincu le père infidèle avec les seules ressources de la raison et de la philosophie profane l’Ecriture sainte—sera son principal secours contre le père chrétien. — Avant tout, afin de rendre le coeur et l’oreille de son contradicteur plus dociles à recevoir les enseignements qu’il va développer, il lui rappelle le Jugement dernier et les peines de l’enfer, brièvement mais vigoureusement décrits. — Les Chrétiens sont tenus de veiller au salut de leur prochain; textes de saint Mathieu et de saint Paul cités à l’appui de cette thèse générale. — ils sont tenus à bien plus forte raison de veiller au salut de leurs enfants. — Exemple du grand-prêtre Héli; l’écrivain ou, pour mieux dire , l’orateur raconte et commente éloquemment cette histoire, d’où il conclut que Dieu punit souvent dès cette vie les pères qui élèvent mal leurs enfants, ainsi que les enfants mal élevés. — Dieu a fait des lois positives pour la bonne éducation des enfants. — Textes de l’Exode, de la Genèse, de l’Epître aux Ephésiens, et de l’Epître à Timothée. — L’auteur va au-devant d’une objection, et dit que ceux qui auront violé ces lois de Dieu n’auront aucune excuse, parce que c’est volontairement que nous devenons bons ou mauvais.— Autre objection : Ne peut—on se sauver en demeurant dans une ville, en habitant une maison, avec une femme et des enfants? — Concession : il est vrai qu’il y a de nombreux degrés de salut, saint Paul le déclare : Autre est l’éclat du soleil, autre l’éclat de la lune, autre l’éclat des étoiles, etc. — Mais que faut-il en conclure, sinon qu’un père doit faire en sorte que son fils arrive dans la cour du Roi des rois au plus grand éclat possible ? — Au lieu de cela les pères, trop souvent, ne font pas même connaître à leurs enfants la loi de Dieu. — ils ne leur apprennent que deux choses : l’amour de l’argent et l’amour de la vaine gloire. — Ces deux amours sont deux tyrans pernicieux; l’âme qu’ils ont une fois saisie ne peut plus s’en débarrasser que dans la solitude. — Exemple des Hébreux que Dieu conduisit au désert comme dans un monastère pour les guérir de ce double mal qu’ils avaient rapporté d’Egypte. — Les pères ne s’en tiennent pas là, mais ils infectent les âmes de leurs enfants de certaines maximes qui ont cours dans le monde et qui contredisent formellement la morale de l’Evangile. — Il est un crime plus abominable que tous les autres, que l’auteur n’a pas encore osé nommer, tant il lui inspire d’horreur, tant il outrage la nature. — Cependant il est obligé d’en parler: les médecins ne guérissent pas une plaie sans y toucher; d’ailleurs le règne hideux de ce vice abominable, si répandu dans la ville d’Antioche, est un motif bien puissant pour porter à la vie monastique. — Ce crime, c’est celui des Sodomites. — Peinture effrayante de la dépravation des moeurs dans la ville d’Antioche : rien n’était plus propre à faire aimer le désert que cet affreux tableau. — Autre objection : Mais si tout le monde embrassait la vie chrétienne dans sa perfection, toutes les choses de ce monde s’en iraient en décadence, la société périrait. — Réponse : Les dangers qui menacent la société ne viennent pas de ce côté : cette pensée est développée très-éloquemment dans un parallèle entre le mondain et le chrétien. — De là deux tableaux, l’un de la société mondaine, l’autre de la société monastique. — Autre objection : Il est bon, disent certains pères de famille, de faire étudier les lettres et l’éloquence aux enfants, avant de les laisser s’engager dans la vie monastique. — Réponse : Les bonnes moeurs valent mieux que l’éloquence; l’éloquence sans l’honnêteté est un grand mal; nécessité des bonnes moeurs pour acquérir la science et l’éloquence ; l’éloquence n’est pas indispensable, même à l’exécution des plus grandes choses; les Apôtres n’en ont pas eu besoin pour convertir le monde.— Histoire d’un jeune homme élevé par un moine : saint Chrysostome consent à ce que ceux qui peuvent suivre dans le monde la perfection chrétienne y demeurent mais ceux qui en sont capables sont très-peu nombreux. — Il est plus facile de se sauver moine que séculier. — Pour les moines elles séculiers les préceptes sont les mêmes. — Le véritable père est celui qui s’occupe du salut de son fils. — Celui qui donne son bien, comme le moine, en est plus véritablement le maître que celui qui entasse ses richesses.— Nécessité de contracter l’habitude de la vertu dès le jeune âge. — Histoire d’Anne et de Samuel. — Péroraison du troisième livre, exhortation aux parents d’élever chrétiennement leurs enfants.


COMPARAISON DU SOLITAIRE ET DU ROI.


TRAITÉ DE LA COMPONCTION.

LIVRE PREMIER. AU MOINE DÉMÉTRIUS.

 ANALYSE. Saint Chrysostome, en écrivant sur la componction, se rend au désir souvent exprimé de son ami Démétrius. — La componction est nécessaire parce que le péché règne partout sur la terre. — Les pécheurs disent pour s'excuser qu'il y a quelque exagération dans certains préceptes de l'Evangile ,comme celui qui défend la médisance sous peine des supplices de l'enfer. — Ne croyons pas les pécheurs, les médisants seront punis sévèrement, thèse appuyée sur des textes nombreux. — Le chrétien est obligé d'aimer ses ennemis et de leur faire du bien ; raisons et autorités qui démontrent ce précepte. — Beau commentaire de ce passage de l'Oraison dominicale : Dimitte nobis débita nostra, sicut et nos dimittimus debitoribus nostris. —Autre commentaire de ces mots : Nolite dare sancta canibus, neque mittatis margaritas vestras ante porcos. — Les moines trop épris du repos et de la tranquillité : un désir vrai des biens célestes bannirait cet amour du repos. — Puissance merveilleuse de ce désir des biens futurs. — Saint Paul, modèle de componction et d'amour de Dieu.

LIVRE DEUXIÈME. AU MOINE STÉLÉCHIUS.

ANALYSE. La componction donne des ailes à l'âme. — Admirable description d'une âme ainsi élevée jusqu'au ciel sur les ailes de la componction. — Commentaire de ce mot de saint Paul : Mihi mundus crucifixus est, et ego mundo. — Amour extraordinaire de saint Paul pour Jésus-Christ. — Amour de David pour le Christ ; sa componction. — Dissertation sur le psaume VI. — Textes nombreux commentés admirablement, et donnant une très-haute idée de la componction et de l'humilité du saint Roi. — Un puissant motif de componction, c'est encore la bonté et la providence de Dieu pour les hommes. — Magnifique description de l'univers, dont l'homme a été établi le roi par la bonté de Dieu; elle rappelle les descriptions analogues qu'on lit dans Le Traité de l'Existence de Dieu, de Fénelon.

 


TRAITÉ DES COHABITATIONS ILLICITES.

LIVRE PREMIER: CONTRE LES CLERCS QUI LOGENT DES VIERGES CHEZ EUX.

ANALYSE. Un abus étrange s'est introduit dans l'Église ; on voit des ecclésiastiques et des vierges habiter ensemble sous le même toit. — Ceux qui commettent cette irrégularité ont beau vouloir se justifier, on peut les défier d'apporter aucune raison plausible. — La volupté est la seule et unique cause de ces cohabitations plus voluptueuses qu'un mariage légitime. — Vive peinture de cette volupté. — Je suppose, dit saint Chrysostome , ces sociétés aussi innocentes qu'on veut bien le dire, elles sont encore très-pernicieuses à cause du scandale qu'elles donnent. — Le scandale est un péché toutes les fois que l'action qui le produit n'est pas plus avantageuse que nuisible. — Exemple de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et de saint Paul. — Or, de quelle utilité sont ces sociétés? — Nous verrons qu'elles ne sont d'aucune utilité , qu'elles sont même très-nuisibles soit aux fidèles qui en sont scandalisés, soit aux clercs, soit aux vierges. — Vous, qui habitez avec une vierge, vous êtes fort ou faible ; si vous êtes faible, quittez cette société pour vous-même; si vous êtes fort, quittez-la pour les autres. — Votre force n'est qu'imaginaire, votre faiblesse seule est réelle : voyez plutôt le saint homme Job, voyez saint Paul lui-même, l'un et l'autre se trouvaient faibles pour combattre la volupté, avez-vous la prétention d'être plus fort qu'eux? — Comprenez la parole de Jésus-Christ : Qui potest capere capiat. — Il est moralement impossible que la cohabitation n'allume pas la concupiscence. — Vous voilà donc convaincu , vous êtes forcé d'avouer que rien ne vous fait rester avec une vierge , excepté la concupiscence et la volupté. — Qu'avez-vous à objecter pour votre défense? — Mais une vierge a besoin de protection pour sa personne et pour ses biens. — Mauvaise raison. — La protection que vous exercez sur la personne de cette vierge ne fait que la perdre pour l'éternité et vous-même avec elle. — Quant à celle que vous exercez sur ses biens, elle est tout à fait indigne d'un soldat de Jésus-Christ. — Votre objection n'est pas sincère, vous n'agissez point par charité; car la charité ne fait acception de personne, et votre prétendue protection ne s'étend que sur les vierges. — Pourquoi cette prédilection? — Mais les femmes ont plus besoin de secours que les hommes. — Cette raison ne vaut pas mieux que l'autre. — Les femmes qui sont accablées de vieillesse et d'infirmités ont encore plus besoin d'aide que celles qui sont jeunes et qui se portent bien, et vous ne secourez que celles-ci. — Je vais plus loin et je soutiens que quand même votre charité ne trouverait aucune autre occasion de se déployer, vous devriez vous abstenir de l'exercer en faveur de filles jeunes et belles. — Le bien que vous pouvez faire ainsi n'égale pas le scandale que vous causez. — Celui qui pèche sans scandaliser personne encourt une peine. moindre : vérité prouvée par un exemple de Moïse. — Ne dites pas qu'une jeune fille vous est nécessaire pour prendre soin de votre maison. — La maison d'un ecclésiastique ne doit pas être assez considérable pour exiger une intendante. — Quand même vous auriez besoin de quelqu'un pour cette charge, un frère vous conviendrait mieux. — Vive et spirituelle satire. — Conduite aussi ridicule que dégradante de ces clercs à l'égard des vierges, dans l'intérieur des maisons, et jusqu'à l'église. — Après la correction qui est sévère, hardie, véhémente, ironique, satirique, vient l'exhortation ; elle est pleine de douceur, de charité, d'onction ; elle est pressante, amicale, paternelle. — Saint Chrysostome a, dans cet écrit, quelque chose de l'âpreté de saint Jérôme. — Cette remarque est de M. l'abbé Martin.


LIVRE DEUXIÈME. LES VIERGES VOUÉES A DIEU NE DOIVENT PAS COHABITER AVEC DES HOMMES. 

ANALYSE. Ici, ce n'est pas une plume que tient notre saint Docteur , c'est une verge qu'il porte pour mieux venger la morale chrétienne outragée par l'étrange abus de la cohabitation des  clercs et des vierges consacrées à Dieu. — Dans le livre précédent, il s'adressait aux hommes ; dans celui-ci, c'est aux femmes qu'il s'en prend particulièrement sans laisser de flageller aussi leurs complices avec elles. — Il débute par une lamentation imitée de Jérémie. — Il déplore la décadence de la virginité autrefois l'honneur, maintenant la honte du nom chrétien. — En quoi différez-vous des femmes perdues ? — Il est vrai, vous ne provoquez pas les passants de la voix, mais vous les provoquez par votre mise recherchée, par votre démarche pleine de volupté, par vos regards. — Les hommes que vous rendez adultères par les désirs empoisonnés dont vous leur lancez les traits seraient punis, et vous ne le seriez pas? — Il y a encore, je le sais , des vierges dignes de ce nom , il est inutile de dire que mes reproches ne les atteignent pas. — Mais ces reproches, d'un caractère général, ne sont rien : venons à une accusation plus précise, mettons le doigt sur la plaie de notre époque. — Certaines femmes qui se sont vouées à Dieu et qui se disent vierges logent des hommes dans leur maison. — A quels bruits scandaleux, et quelquefois à quels crimes cela ne donne-t-il pas lieu ? — On devrait les traiter comme Phinées traita la Madianite : mais il vaut mieux pleurer sur elles pour les corriger, s'il est possible. — Notre-Seigneur Jésus-Christ a pleuré sur Jérusalem, saint Paul sur la perte des Juifs, ses frères. — Dieu veut que nous pleurions le malheur des coupables que sa justice est obligée de punir; deux exemples tirés, l'un d'Ezéchiel, l'autre de Michée, le prouvent. — Nouvelle lamentation. — Objections des accusées et réfutation de ces objections : 1° Notre corps est intact. — Votre cœur l'est-il? — L'honneur de Dieu et du christianisme l'est-il ? — Si vous vouliez vivre dans la société des hommes, il fallait entrer dans l'état, non de la virginité, mais du mariage. — Voyez donc à quel point votre virginité mal observée vous dégrade : qui êtes-vous ? quel nom vous donner ? — Vous n'en avez pas qui soit écrit dans les lois : mais quel est celui que l'on vous donne dans les conversations ? — Je n'ose pas le répéter. — 2° Nous n'avons pas d'enfants. — Les prostituées non plus n'en ont pas. — 3° Nous n'arrêtons pas les hommes au passage. — Vous les tenez continuellement enfermés dans vos demeures. — 4° Nos chambres sont séparées. — Je l'admets , le scandale n'en subsiste pas moins. — 5° Mais ces hommes nous rendent. des services. — A les entendre, c'est vous au contraire qui les servez. — Une femme vous servirait mieux. — Digression sur la dégradation d'un homme qui se réduit à servir des femmes comme un vil esclave. — Retour au sujet. — Le scandale. — On ne doit pas mépriser la médisance quand on y a donné lieu ; il faut même la faire cesser sans qu'on y ait donné lieu, quand on le peut. — Cette malheureuse cohabitation vous sépare de Jésus-Christ. — Je crois que c'est la vaine gloire qui vous attache surtout à cette déplorable habitude. — Vous vous éloignez de votre but; en recherchant la gloire, vous rencontrez l'ignominie. —  L'homme qui entre chez vous laisse dehors ce qu'il pouvait avoir de mérite et de bonne réputation. — Il n'est pas convenable à vous de gouverner un homme, puisque cela ne convient même pas à une épouse. — Tenez-vous à l'estime des hommes, n'ayez rien de commun avec eux. — Comment l'on exalte dans le monde les vierges dignes de cette sainte profession; comment l'on vilipende au contraire celles qui cohabitent avec des hommes. — Vos adorateurs eux-mêmes vous méprisent au fond de leurs coeurs. — Les vierges coupables au jugement dernier. —Admirable portrait de la vierge chrétienne. — Le vêtement a été donné à l'homme pour couvrir sa nudité, et non comme une parure. — Il doit nous humilier et non nous donner de l'orgueil. — Ridicule de la cohabitation démontré par une description pittoresque. — Exhortation animée et pathétique sur ce texte de David : Audi filia et vide. (Ps. XLIV, 12.)


TRAITÉ DE LA VIRGINITÉ.

Traduit par l'abbé J. DUCHASSAING
 
Tome II, p. 125-171
 
ANALYSE. Il n'y a point de véritables vierges parmi les hérétiques, parce qu'elles ne sont point chastes, n'étant pas épouses d'un seul, comme l'ordonne saint Paul. — En second lieu, elles n'embrassent la virginité que par horreur du mariage, qu'elles regardent comme un crime. — Elles ne peuvent donc prétendre à la même récompense que les vierges catholiques. — L'Apôtre, qui conseille la continence, n'en fait point un précepte, et les hérésiarques, qui s'éloignent de sa doctrine, placent leurs disciples dans une condition pire que celle des païens. — Enfin , la virginité des hérétiques est injurieuse à Dieu , car, ayant renoncé à la foi, leurs vierges ne sauraient avoir le coeur pur. — D'ailleurs, la profession de la virginité exige, pour être méritoire, une pleine liberté de se marier, ce qui ne se rencontre pas chez les hérétiques, qui réprouvent le mariage. — L'Église, au contraire, loue le mariage, et le regarde comme le port de la continence pour ceux qui veulent en bien user. — Quant aux personnes qui n'ont pas besoin de ce secours contre l'effervescence des passions, l'Église les exhorte à ne point se marier, mais elle ne le leur défend pas. — Elle ne condamne et ne chasse de son sein que ceux qui profanent la sainteté du mariage. — Car le mariage est bon, mais la virginité est bien meilleure, et elle lui est autant supérieure que les anges le sont aux hommes.
La virginité est avantageuse au catholique selon l'enseignement de l'Apôtre; et dans le plan premier de la création, elle devait seule régner sur la terre, car le péché, qui a été cause de la mort, l'a été également du mariage. — Adam et Eve ne lui doivent point la naissance, les anges n'ont point été multipliés par cette voie, et si nos premiers parents fussent demeurés fidèles, Dieu eût pourvu à la propagation du genre humain par un moyen qui nous est inconnu. — Aujourd'hui même le mariage n'est permis que pour remédier à l'incontinence, en sorte que l'Apôtre veut que les chrétiens, à l'exemple des juifs, s'en abstiennent certains jours, afin de mieux vaquer au jeûne et à la prière. — Mais si ce même apôtre dit que la continence est un don de Dieu, il n'exclut point la coopération de l'homme, et ne parle ainsi que par humilité. — L'auteur trace alors une vive et effrayante peinture des mariages mal assortis, et rappelle aux vierges, ainsi qu'aux veuves, qu'après avoir fait veau de continence, elles ne peuvent se marier sans pécher grièvement. — Il prouve ensuite que le mariage est avec raison appelé une chaîne, parce qu'il est une suite non interrompue de soins et d'inquiétudes, et surtout parce que le devoir conjugal soumet les époux l'un à l'autre. — Cette soumission est pour eux une obligation grave , et dont ils ne peuvent s'affranchir que momentanément et d'un mutuel consentement. — Il se trouvait aussi des vierges qui faisaient consister la virginité à ne point se marier, et qui du reste se permettaient les parures et les amusements du monde ; mais si elles imitent ainsi les vierges folles de l'Évangile, elles seront, comme celles-ci, exclues du royaume des cieux. — L'excellence de la virginité se montre surtout en ce qu'elle nous facilite l'exercice de la prière et des bonnes oeuvres. — Quelques-uns s'autorisaient du nom d'Abraham pour mettre le mariage au-dessus de la virginité, mais l'auteur montre que les apôtres sont plus élevés en gloire que ce patriarche ;et tout en avouant qu'un homme riche, marié et chargé d'affaires, peut mener une vie juste et vertueuse, il affirme que les exemples en sont rares. — Enfin, il termine en disant que dans la loi nouvelle on exige plus de perfection que dans l'ancienne, parce que les dons et les grâces du Saint-Esprit nous y sont donnés plus abondamment.


TRAITÉ CONTRE LES SECONDES NOCES.

A UNE JEUNE VEUVE.

Tome II, p. 173-188.

Traduit par l'abbé J. DUCHASSAING

LIVRE PREMIER.

ANALYSE. Les motifs de consolation que saint Jean Chrysostome présente à la veuve de Thérasius, sont : 1° le soin que Dieu prend des veuves; 2° la dignité de l'état de viduité qui est honorée des chrétiens et des païens ; 3° la joie que doit nous inspirer l'espérance et la confiance de revoir dans le ciel ceux que nous avons aimés ; 4° la brièveté de la vie, les misères qui l'accompagnent et l'instabilité de la fortune. — Pour prouver cette dernière proposition, il lui cite d'abord l'exemple de deux veuves, riches, puissantes, et réduites , par la mort de leurs époux, à une extrême indigence, puis celui des neuf empereurs qui avaient régné à Constantinople, et dont sept avaient péri de mort violente. — Enfin il termine par le tableau de la gloire et du bonheur dont Thérasius jouit dans les cieux.


LIVRE DEUXIÈME

Traduit par l'abbé J. DUCHASSAING
 
Tome II, p. 181-188

ANALYSE. L'auteur expose d'abord et puis réfute les trois motifs qui portent ordinairement les veuves à se remarier, l'espérance d'une meilleure condition, l'amour du monde et la faiblesse de la chair. — Puis il déclare que son intention n'est point de blâmer les secondes noces que saint Paul autorise, et que l'Eglise reconnaît pour légitimes. — Il observe seulement que la veuve qui se remarie donne une grande marque de faiblesse et de sensualité, fait paraître un esprit attaché à la terre, et laisse apercevoir combien peu lui est chère la mémoire de son premier mari. — Elle ne peut aimer le second autant qu'elle a fait le premier ; et ce nouvel engagement soulève contre elle ses parents, ses serviteurs, et surtout les enfants qu'elle a eus de son premier mariage. — C'est donc pour dissuader les veuves de contracter de secondes noces que les législateurs ont voulu en bannir tout éclat, montrant ainsi qu'ils ne les permettent qu'à regret. — Il terminé par l'éloge de la viduité qu'il rapproche de la virginité, et il dit qu'elle en partage la gloire et les mérites.


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