Accueil Remonter Saint André Saint Jean S. Th de Cantorbéry Saint Sulpice S. François de Sales S. Pierre de Nolasque Saint Joseph I Saint Joseph II Saint Benoît S. François de Paule I S. François de Paule II Saint Pierre Saint Paul Saint Paul précis Saint Victor Saint Jacques précis Saint Bernard Saint Gorgon I Saint Gorgon II Saints Anges Gardiens Saint François d'Assise Sainte Thérèse Sainte Catherine Henriette de France Henriette d'Angleterre Anne d'Autriche Anne de Gonzague Michel Le Tellier Louis de Bourbon R.P. Bourgoing Nicolas Cornet Yolande de Monterby Henri de Gornay Académie Française
| |
PANÉGYRIQUE POUR
LA FÊTE DES ANGES GARDIENS (a).
Amen dico vobis, videbitis cœlum apertum, et angelos Dei
ascendentes et descendantes.
Je vous dis en vérité, vous verrez les cieux ouverts, et
les anges de Dieu montans et descendants. Paroles du Fils de Dieu à Nathanaël;
en S. Jean, chap. I, 51.
Il paraît par les saintes Lettres que Satan et ses anges
montent et descendent, a Ils montent, dit saint Bernard, par l'orgueil,
(a) Prêché dans l'église des Feuillans, le 2 octobre
1659.
Les Feuillans, Bernardins réformés dans l'abbaye des
Feuillans, non loin de Toulouse, par le bienheureux Jean de la Barrière. Ils
avoient deux maisons à Paris : l'une dans la rue Saint-Honoré, près des
Tuileries; l'autre dans la rue d'Enfer, qui recevait les novices. Reconstruite
sous l'invocation des saints anges gardiens, l'église de cette dernière maison
l'ut consacrée le 1er octobre 1659, et Bossuet prononça le sermon le jour
suivant consacré à l'honneur des esprits célestes.
Maintenant une ou deux observations. L'aine humaine est
faite pour être revêtue d'un corps. Qu'est-ce donc que l'homme ? Ce n'est ni
l’âme ni le corps pris séparément l'un de l'autre; c'est l’âme et le corps unis
substantiellement, personnellement; c'est le totum conjunctum, pour
employer l'expression de saint Thomas. Il n'est donc pas rigoureusement exact de
dire, comme on l'a déjà lu précédemment et comme on le lira dans notre sermon, «
que ces membres, que cette figure et enfin tout l'extérieur de ce corps mortel
nous cache l'homme plutôt qu'il ne nous le découvre.» Le corps ne nous montre
pas tout l'homme, cela est vrai, mais il nous en montre plus de la moitié; il
nous en découvre une partie tout entière, et nous présente l'image de l'autre
partie.
Encore une fois l’âme et le corps sont liés par les nœuds
les plus intimes, dans l'unité d'une seule personne. Aussi lame reçoit-elle du
corps un puissant appui dans presque toutes ses opérations. Il v a bien plus :
trois de ses facultés, la perception, la mémoire et l'imagination ne peuvent se
déployer qu'à l'aide d’un « organe corporel, » comme s'exprime encore l'Ange de
l'Ecole. Cependant on dit : Sous le poids du corps, l’âme est pour ainsi dire
attachée à la glèbe ; affranchie de ces lourdes entraves, elle franchit l’espace
comme d’un seul bond. — Voici plutôt ce qui se passe : la vie perçoit des idées
partielles de Paris et de Rome, par exemple ; l’imagination transforme ces idées
particulières en images générales; le cerveau garde ces images dans des
empreintes permanentes ; l’âme porte son regard sur ces empreintes : voilà
tout son essor. Les organes n’enchaînent donc pas l’âme ; ils lui donnent des
ailes.
Le corps si soigneusement construit, si merveilleusement
organisé par le Créateur, aide aussi l’âme dans les œuvres du salut. Quel
bien l’âme fait-elle au prochain, quel honneur rend-elle à Dieu sans son noble
coopérateur? Le corps prépare le pain qui apaise la faim du pauvre, les
vêtements qui couvrent la nudité de l'orphelin, les remèdes qui calment les
douleurs du malade et les armes qui défendent les droits de l'innocence
injustement attaquée; le corps proche la vérité, transmet la foi dans le cours
des âges, élève des temples à la Majesté suprême, subit le martyre de la
pénitence, s'offre en holocauste d'agréable odeur et consomme le sacrifice de la
Victime adorable. Oh! non, « le poids de ce corps mortel n'apporte pas à la
prière beaucoup de retardement,» il ne l'empêche pas de s'élever vers le ciel.
332
et ils descendent contre nous par l'envie : » Ascendit
studio vanitatis, descendit livore malignitatis (1). Ils ont entrepris de
monter, lorsqu'ils ont suivi celui qui a dit : Ascendam : « Je m'élèverai
et je me rendrai égal au Très-Haut. » Mais leur audace étant repoussée, ils sont
descendus, chrétiens, pleins de rage et de désespoir, comme dit saint Jean dans
l'Apocalypse : « O terre, ô mer, malheur à vous (a), parce que le diable
descend à vous plein d'une grande colère! » Vœ terrœ et mari, quia descendit
diabolus ad vos habens iram magnam (2) ! Ainsi son élévation présomptueuse (b)
est suivie d'une descente cruelle; et quoique Dieu l'ait banni de devant sa face
, n'ose-t-il pas encore s'y présenter pour se rendre notre accusateur, selon ce
qu'écrit le même Apôtre? N'est-ce pas pour cela qu'il est appelé « l'accusateur
des fidèles, qui les accuse nuit et jour en la présence de Dieu? » Accusator
fratrum nostrorum, qui accusabat illos die ac nocte (3). Et en effet ne
lisons-nous pas qu'il s'est trouvé avec les saints anges (c) pour accuser
le fidèle Job? Adfuit cum illis etiam Satan (4). Mais étant monté devant
Dieu pour le calomnier avec artifice, il est aussi bientôt descendu pour le
persécuter avec fureur : tellement que toute sa vie, c'est un mouvement éternel
par lequel il monte et descend, méditant toujours en lui-même le dessein de
notre ruine.
Que si cet esprit malfaisant se
remue continuellement avec ses complices pour persécuter les fidèles ;
chrétiens, les saints anges ne sont pas oisifs, et ils se remuent pour les
secourir ; c'est pourquoi vous les voyez monter et descendre : Ascendentes et
descendentes ; et j'espère vous faire voir aisément que tout cela se fait
1 In Psal. Qui habitat, serm.
XII, n. 2. — 2 Apoc., XII, 12. — 3 Ibib., 10. — 4 Job, I,
6.
(a) Var. : Malheur à la terre, malheur à la mer! — (b)
Trompeuse. — (c) Les enfants de Dieu.
333
pour notre salut, après que nous aurons imploré
l'assistance du Saint-Esprit par l'intercession de la sainte Vierge. Ave.
Si vous n'avez pas assez entendu
la dignité de notre nature et la grandeur de nos espérances, vous le pourrez
connaître aisément par la sainte solennité que nous célébrons en cette journée.
C'est ici qu'il vous faut apprendre, par la sainte société que nous avons avec
les saints anges, que notre origine est céleste, que l'homme n'est pas ce que
nous voyons ; et que ces membres, que cette figure, et enfin tout l'extérieur de
ce corps mortel nous le cache plutôt qu'il ne nous le montre. Car puisque nous
voyons ces esprits bienheureux destinés à notre conduite venir converser avec
les hommes, et se faire leurs compagnons et leurs frères; puisque l'amour chaste
qu'ils ont pour les hommes leur fait quitter (a) le ciel pour la terre,
et trouver leur paradis parmi nous, ne devons-nous pas reconnaître qu'il y a
quelque chose en l'homme qui l'approche de ces esprits immortels, et qui est
capable de les inviter à se réjouir de notre alliance ? C'est ce que le grand
Augustin nous explique admirablement par cette excellente doctrine (1), sur
laquelle j'établirai ce discours (b) : c'est qu'encore que les saints
anges soient si fort au-dessus de nous par leur dignité naturelle, il ne laisse
pas d'être véritable que nous sommes égaux en ce point, que ce qui rend les
anges heureux fait aussi le bonheur des hommes ; que nous buvons les uns et les
autres à la même fontaine de vie, qui n'est autre que la vérité
1 In Joan., tract. XXIII, n. 5.
(a) Var. : Puisque touchés d'un pieux désir
d'entrer en société avec les hommes, ils quittent. — (b) L'Eglise
catholique a plus d'étendue que nous ne pensons. C'est peu pour elle d'être
répandue sur toute la surface de la terre : elle remplit encore les cieux, et
elle les peuple de ses citoyens, non-seulement par le moyen des saints hommes
qu'elle envoie de ce lieu d'exil en cette céleste patrie, mais encore par les
esprits bienheureux, lesquels , quoiqu'ils ne soient pas conçus dans son sein ,
ne laissent pas d'être associés à sou unité. C'est ce qui fait dire à saint
Augustin, dans cet excellent Manuel qui comprend un admirable abrégé de toute la
doctrine évangélique; c'est, dis-je, Messieurs, ce qui lui fait dire que lorsque
nous confessons au sacré Symbole l'universalité de l’Eglise, nous y comprenons
les esprits célestes, qui composent avec nous cette sainte et bienheureuse cité
en laquelle Dieu a mis son trône. Ce que nous enseigne le grand Augustin de la
société de l’homme et de l’ange dans l'unité de l’Eglise, il le prouve par un
beau principe, sur lequel j'établirai ce discours.
334
éternelle; et que nous pouvons tous chanter ensemble par un
admirable concert ce verset du divin Psalmiste : Mihi autem adhœrere Deo
bonum est (1) : « Tout mon bien, c'est d'être uni à mon Dieu » par de
chastes embrassements et de mettre en lui mon repos.
Sur ce fondement, chrétiens, il
est bien aisé d'établir la société de l'homme et de l'ange : car c'est une loi
immuable, que les esprits qui s'unissent à Dieu se trouvent en même temps tous
unis ensemble. Ceux qui puisent dans les ruisseaux et qui aiment les créatures,
se partagent en des soins contraires et divisent leurs affections. Mais ceux qui
vont à la source même, au principe de tous les êtres, c'est-à-dire au souverain
bien (a), se trouvant tous en cette unité et se rassemblant à ce centre,
ils y prennent un esprit de paix et un saint amour les uns pour les autres ;
tellement que toute leur joie, c'est d'être associés éternellement dans la
possession de leur commun bien : ce qui fait, dit saint Augustin, qu'ils font
tous ensemble un même royaume (b) et une même cité de Dieu : Habent et
cum illo cui adhœrent et inter se societatem sanctam, suntque una civitas Dei
(2). D'où il est aisé de conclure que les hommes, non moins que les anges, étant
faits pour jouir de Dieu, ils ne composent les uns et les autres qu'un même
peuple et un même empire, où l'on adore le même prince, où l'on est régi par la
même loi ; je veux dire par la charité , qui est la loi des esprits célestes et
la loi des hommes mortels ; et qui se répandant du ciel en la terre, fait une
même société des habitants de l'un et de l'autre. C'est, mes Frères, de cette
alliance que j'espère vous entretenir, et vous en montrer les secrets dans le
texte de mon Evangile (c).
1 Psal. LXXII, 28. — 2 S. August., De Civit. Dei,
lib. XII, cap. IX.
(a) Var. : .Mais ceux qui s'élèvent au
principe même, et s'attachent au souverain bien.— (b) Et c’est pourquoi,
dit saint Augustin, étant associés si étroitement dans l'amour de leur commun
bien, ils font tous ensemble un même royaume. — (c) Ils composent les uns
et les autres une même Eglise et un même peuple, dont la charité est la loi et
dont Jésus-Christ est le prince. Il est vrai que le péché qui divise tout, avait
rompu cet accord et cette alliance. Les anges nous avoient déclaré la guerre,
parce que nous l'avions déclarée à Dieu en nous joignant au parti rebelle de
leurs compagnons séditieux. Mais enfin le Sauveur Jésus a pacifié le ciel et la
terre; il a réconcilié les esprits célestes avec les hommes mortels, et vous en
voyez une belle preuve dans le texte de mou Evangile.
335
Car quel est ce nouveau
spectacle que le Sauveur nous y représente? D'où vient que les cieux sont
ouverts? et que veulent dire ces anges qui montent et descendent d'un vol si
léger, de la terre au ciel, du ciel en la terre ? Chrétiens, ne voyez-vous pas
que ces esprits pacifiques viennent rétablir le commerce que les hommes avoient
rompu, en prenant le parti rebelle de leurs séditieux compagnons. La terre n'est
plus ennemie du ciel; le ciel n'est plus contraire à la terre (a) : le
passage de l'un à l'autre est tout couvert (b) d'esprits bienheureux,
dont la charité officieuse entretient une parfaite communication entre ce lieu
de pèlerinage et notre céleste patrie.
C'est, Messieurs, pour cette
raison que vous les voyez monter et descendre : Ascendentes et descendantes.
Ils descendent de Dieu aux hommes, ils remontent des hommes à Dieu, parce que la
sainte alliance qu'ils ont renouvelée avec nous (c) les charge d'une
double ambassade. Ils sont les ambassadeurs de Dieu vers les hommes, ils sont
les ambassadeurs des hommes vers Dieu. Quelle merveille! nous dit saint Bernard;
chrétiens, le pourrez-vous croire ? Ils ne sont pas seulement les anges de Dieu,
mais encore les anges des hommes : Illos utique spiritus tam felices, et tuos
ad nos, et nostros ad te angelos facis (1). « Oui, Seigneur, nous dit ce
saint homme, ils sont vos anges, et ils sont les nôtres. » Anges, c'est-à-dire
envoyés : ils sont donc les anges de Dieu, parce qu'il nous les envoie pour nous
assister; et ils sont les anges des hommes, parce que nous les lui renvoyons
pour l'apaiser. Ils viennent à nous chargés de ses dons ; ils retournent chargés
de nos voeux : ils descendent pour nous conduire ; ils remontent pour porter à
Dieu nos désirs et nos bonnes œuvres. Tel est l'emploi et le ministère de ces
bienheureux gardiens : c'est ce qui les fait monter et descendre :
Ascendentes et descendentes. Vous voyez en ce mouvement la double assistance
que nous recevons par leur
1 In Psal., Qui habitat, serm. XII, n. 3.
(a) Ne voyez-vous pas que ces esprits pacifiques
viennent rétablir le commerce que nous avions rompu par nos crimes et par notre
désobéissance? Lorsque le commerce entre deux villes est interdit, on ne va pas
ordinairement de l’une à l’autre : le chemin n’est pas battu. Les choses vont et
viennent continuellement du ciel en la terre, de la terre au ciel ; le commerce
est donc rétabli. — (b) Rempli. — (c) La sainte société qu’ils ont
renouée avec nous.
336
entremise ; et vous voyez les deux points qui partageront
ce discours. Dans le texte que j'ai rapporté, la descente est précédée par
l'élévation ; mais permettez-moi, chrétiens , que pour suivre l'ordre du
raisonnement, je laisse un peu l'ordre des paroles et que je parle avant toutes
choses de leur descente mystérieuse.
PREMIER POINT.
Il ne suffit pas, chrétiens, que
nous remarquions aujourd'hui que les anges descendent du ciel en la terre : si
vous n'entendez rien par ce mouvement, sinon qu'ils passent d'un lieu à un
autre, vous n'avez pas encore compris le mystère. Il faut élever nos pensées
plus haut, et concevoir dans cette descente le caractère particulier de la
charité des saints anges, qui la rend différente de celle des hommes. Je
m'explique et je dis, Messieurs, qu'encore que la charité soit la même dans les
anges et dans les hommes, qu'elle soit dans tous les deux de même nature,
qu'elle dépende d'un même principe, toutefois elle agit en eux par deux
mouvements opposés. Elle élève les hommes mortels de la terre au ciel, de la
créature au Créateur; au contraire elle pousse les esprits célestes du ciel en
la terre, et du Créateur à la créature. La charité nous fait monter, la charité
les fait descendre : chrétiens, c'est un grand mystère que vous comprendrez
aisément, si vous savez faire la distinction de l'état des uns et des autres.
Où sommes-nous, et où sont les
anges ? Quelle est notre vie, et quelle est la leur? Misérables bannis, enfants
d'Eve, nous sommes ici relégués bien loin au séjour de misère et de corruption (a)
: pour eux ils se reposent dans la patrie, à la source même du bien, dans le
centre même du repos qu'ils possèdent par la claire vue. Nous pleurons et nous
soupirons sur les fleuves de Babylone : ils boivent à longs traits les eaux
toujours vives de ce fleuve qui réjouit la cité de Dieu.
Etant donc dans des étals si
divers, que ferons-nous les uns et les autres? Les hommes demeureront-ils liés
aux biens périssables dont ils sont environnés; et les anges seront-ils toujours
occupés de leur paix et de leur repos, sans penser à secourir
(a) Var. : Misérables captifs, nous gémissons
dans ce lieu d'exil.
337
ceux qui travaillent? Non, mes Frères, il n'en est pas
ainsi : la charité ne le permet pas. Elle nous fait monter, elle fait descendre
les anges : elle nous trouve au milieu des biens corruptibles, elle trouve les
esprits célestes unis immuablement au bien éternel (a) : elle se met
entre deux, et tend la main aux uns et aux autres. Elle nous dit au fond de nos
cœurs : Vous qui êtes parmi les créatures, gardez-vous bien de vous arrêter aux
créatures ; mais dans cette bassesse où vous êtes, faites qu'elles vous
conduisent au Créateur : vous qui êtes au bord des ruisseaux, apprenez à
remonter à la source. Elle dit aux anges célestes : Vous qui jouissez du
Créateur, jetez aussi les yeux sur ses créatures : vous qui êtes à la source, ne
dédaignez pas les ruisseaux. Ainsi vous voyez, chrétiens, qu'une même charité,
qui remplit les anges et les hommes, meut différemment les uns et les autres.
Ce que voient les hommes mortels
doit leur faire chercher ce qu'ils ne voient pas : tel doit être le progrès de
leur charité. C'est pourquoi l'apôtre saint Jean, le disciple chéri de notre
Sauveur, le docteur de la charité, a dit ces beaux mots : « Celui qui n'aime pas
son frère qu'il voit, comment pourra-t-il aimer Dieu qu'il ne voit pas? » Qui
non diligit fratrem suum quem videt, Deum quem non videt quomodò potest diligere
(1)? Par où il avertit l’âme chrétienne que le mouvement naturel que le saint
amour lui doit inspirer, c'est de s'exercer sur ce qu'elle voit pour tendre à ce
que les sens ne pénètrent pas. Aussi est-ce pour cela que nous avons dit que son
propre c'est de s'élever : Ascensiones in corde suo disposuit (2). Comme
elle se trouve en bas, mais se dispose toujours à monter plus haut, elle regarde
la terre non pas comme un siège pour se reposer, mais comme un marchepied pour
s’avancer : Scabellum pedum tuorum (3). Le degré pour aller au trône, ce
n'est pas le siège, c'est le marchepied. Elevez-vous sur le marchepied, et
tâchez d'arriver au trône. Il n'en est pas ainsi des saints anges : unis à la
source du bien et du beau, comme nous avons déjà dit, ils ne peuvent pas
s'élever, parce qu'il n'y a
(1) I Joan., IV, 20. — 2 Psal. LXXXIII, 6. —
3 Psal. CIX, 2.
(a) Var. : Elle nous trouve au milieu des
créatures ; elle trouve les esprits unis éternellement au Créateur.
Misérables captifs, nous gémissons dans ce lieu d’exil.
338
rien au-dessus de ce qu'ils possèdent. Mais la charité
officieuse qui nous fait monter pour aller à eux, les rabaisse aussi pour venir
jusqu'à nous par une miséricordieuse condescendance ; et voilà quelle est la
descente dont il est parlé dans notre Evangile,
Réjouissons-nous, chrétiens, de
cette descente bienheureuse qui unit le ciel et la terre, et fait entrer les
esprits célestes dans une sainte société avec les hommes. O bonheur ! ô
miséricorde ! Car, mes Frères, qui le pourrait croire, que ces intelligences
sublimes ne dédaignent pas de pauvres mortels ; qu'étant au séjour de la
félicité et au centre même du repos, elles veulent bien se mêler parmi nos
continuelles agitations, et lier une amitié si étroite avec des créatures si
faibles et si peu proportionnées à leur naturelle grandeur ? O Dieu , que
peuvent-elles trouver en ce monde , que peut produire cette terre ingrate qui
soit capable d'y attirer ces glorieux citoyens du paradis ? Chrétiens , ne
l'ai-je pas dit? c'est la charité qui les pousse ; mais encore n'est-ce pas
assez : qui ne sait que la charité est la fin générale de leurs actions ? Il
nous faut descendre au détail des motifs particuliers qui les pressent de
quitter le ciel pour la terre.
Pour bien entendre cette vérité,
ce serait peut-être assez de vous dire que telle est la volonté de leur
Créateur, et que c'est l'unique raison que désirent de si fidèles ministres :
car ils savent que la créature étant faite par la seule volonté de son Créateur
elle doit vivre toujours souple et toujours soumise à cette volonté souveraine.
On pourrait encore ajouter que la subordination des natures créées demande que
ce monde sensible et inférieur soit régi par le supérieur et intelligible, et la
nature corporelle par la spirituelle. Que si on voulait pénétrer plus loin, il
serait aisé de vous faire voir que les hommes étant destinés pour réparer les
ruines que l'orgueil de Satan a faites dans le ciel, c'est une sage dispensation
d'envoyer les anges à notre secours (a), afin qu'ils travaillent
eux-mêmes aux recrues de leurs légions, en ramassant cette nouvelle milice qui
doit rendre leurs troupes complètes. Tous ces raisonnements sont solides et
très-bien appuyés sur les Ecritures ; mais je laisserai à l'Ecole cette belle
théologie , pour
(a) Var. : Pour être coopérateurs de notre
salut, afin qu'ils travaillent...
339
m'attacher à une doctrine qui me semble plus capable de
toucher les cœurs.
Je dis donc, et je vous prie de
le bien entendre , que ce qui attire les anges, ce qui les fait descendre du
ciel en la terre, c'est le désir d'y exercer la miséricorde. Car ils savent, ces
esprits célestes , que sous un Dieu si bon et si bienfaisant, dont les
miséricordes n'ont point de bornes, dont les infinies misérations éclatent
magnifiquement par-dessus tous ses autres ouvrages (1) ; ils savent, dis-je, que
sous ce Dieu il n'y a rien de plus grand ni de plus illustre que de secourir les
misérables. Que feront-ils, qu'entreprendront-ils? Ils n'en trouvent point dans
le ciel, ils en viennent chercher sur la terre. Là ils ne voient que des
bienheureux : ils quittent ce lieu de bonheur afin de rencontrer des affligés.
Apprenez ici, chrétiens, de quel prix sont les œuvres de miséricorde. Il manque
, ce semble , quelque chose au ciel, parce qu'on ne peut pas les y pratiquer.
Encore qu'on y voie Dieu face à face, encore qu'il y enivre les esprits célestes
du torrent de ses voluptés , toutefois leur félicité n'est pas accomplie , parce
qu'il n'y a point de pauvres que l'on assiste, point d'affligés que l'on
console, point de faibles que l'on soutienne, enfin point de misérables que l'on
soulage. Mais ils ne découvrent autre chose en ce lieu d'exil ; c'est pourquoi
vous les voyez accourir en foule. Ils pressent les cieux de s'ouvrir, et ils
descendent impétueusement du ciel en la terre : Videbitis cœlos apertos ;
tant ils trouvent de contentement à exercer les œuvres de miséricorde. Ah! mes
Frères, le grand exemple pour nous qui sommes au milieu des maux, dans le pays
propre de la misère !
Mais disons encore, mes Frères,
pour consoler ceux qui s'y appliquent , disons et tâchons de le bien entendre ,
quels charmes, quel agrément et quelle douceur trouvent ces esprits bienheureux
à se mêler parmi nos faiblesses, et à prendre part dans nos peines. Il en faut
aujourd'hui expliquer la cause ; et la voici, si je ne me trompe, autant qu'il
est permis à des hommes de pénétrer de si hauts mystères. C'est qu'ils voient
face à face et à découvert cette bonté infinie de Dieu (2); ils voient ses
entrailles de
1 Psal. CXLIV, 9. — 2 Marc., X, 18.
340
miséricorde et cet amour paternel par lequel il embrasse
ses créatures ; ils voient que de tous les titres augustes qu'il se donne
lui-même dans ses Ecritures, c'est celui de Bon et de Charitable , de Père de
miséricorde et de Dieu de toute consolation (1), dont il se glorifie davantage.
Ils sont ravis en admiration (a), chrétiens, de cette bonté infinie et
infiniment gratuite, par laquelle il délivre les hommes pécheurs de la damnation
qu'ils ont méritée. Mais en considérant ce qu'il donne aux autres, ils savent
bien reconnaître ce qu'ils doivent en particulier à cette bonté. Ils se
considèrent eux-mêmes comme des ouvrages de grâce, comme des miracles de
miséricorde. Car n'est-ce pas la bonté de Dieu qui les a tirés du néant, « qui
les a remplis de lumière dès l'instant qu'il les a formés : » Simul ut facti
sunt, lux facti sunt (2), « et qui en créant leur nature leur a en même
temps accordé sa grâce ? » Simul in eis et contiens naturam et largiens
gratiam (3). N'est-ce pas Dieu qui les a créés avec l'amour chaste par
lequel ils se sont attachés à lui ; qui les a faits, et les a faits bons ; qui
étant l'Auteur de leur être, l'est aussi de leur sainteté et conséquemment de
leur béatitude ? Ils doivent donc aussi bien que nous, ils doivent tout ce
qu'ils sont à la grâce et à la miséricorde divine. Elle se montre différemment
en eux et en nous ; mais toujours, dit saint Fulgence, c'est la même grâce :
Una est in utroque gratia operata. « Elle nous a relevés, mais elle a
empêché leur chute : » In illo, ne caderet ; in hoc, ut surgeret. « Elle
nous a guéris de nos blessures ; en eux elle a prévenu le coup : » In illo,
ne vulneraretur ; in isto, ut sanaretur. « Elle a remédié à nos maladies ;
elle n'a pas permis qu'ils fussent malades : » Ab hoc infirmitatem repulit,
illum infirmari non sivit (4). Reconnaissez donc, ô saints anges, que vous
devez tout, aussi bien que nous, à la miséricorde divine.
Ils le reconnaissent, mes Frères
; et c'est aussi pour cette raison que désirant honorer la miséricorde qui a été
exercée sur eux, ils s'empressent de l'exercer sur les autres. Car le meilleur
moyen de
1 II Cor., I, 3. — 2 S. August., De Civit.
Dei, lib. XI, cap. XI. — 2
Ibid., lib. XII, cap. IX. — 2 Ad Trasimund., lib. II, cap.
III.
(a) Var. ; Etonnés.
341
la reconnaître, chrétiens, c'est de l'imiter et d'ouvrir
nos mains sur nos frères, comme nous voyons les siennes ouvertes sur nous:
Estote misericordes, sicut Pater rester misericors est (1) : « Soyez,
dit-il, miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux. » — «
Revêtez-vous comme des élus de Dieu, saints et bien-aimés, d'entrailles de
miséricorde : » Induite vos, sicut electi Dei, sancti et dilecti, viscera
misericordiœ (2). Imitez ce que vous recevez, et prenez plaisir de donner en
actions de grâces de ce qu'on vous donne. Celui-là ne sent pas un bienfait, qui
ne sait ce que c'est que de bien faire ; et il méprise la miséricorde, puisqu'il
n'a pas soin de la pratiquer. C'est pourquoi les anges célestes, de peur d'être
ingrats envers le Créateur, aiment à être bienfaisants envers ses créatures. La
miséricorde qu'ils font glorifie celle qu'ils reçoivent ; ils savent, je vous
prie, remarquez ceci, que Dieu exige deux sacrifices : l'un pour honorer sa
miséricorde, et l'autre pour reconnaître sa justice; l'un détruit, et l'autre
conserve; l'un est un sacrifice qui tue, l'autre un sacrifice qui sauve : Qui
facit misericordiam, offert sacrificium (3).
D'où vient cette diversité ?
Elle dépend de la différence de ces deux divins attributs. La justice divine
poursuit les pécheurs : elle lave ses mains dans leur sang, elle les perd, elle
les dissipe : Vereant peccatores a facie Dei (4). Au contraire la
miséricorde ne veut pas que personne périsse : Non vult perire quemquam
(5). « Elle pense des pensées de paix, et non pas des pensées de destruction : »
Ego cogito super vos cogitationes pacis, et non afflictionis (6). Que ces
deux attributs sont opposés! Aussi, Messieurs, les honore-t-on par des
sacrifices divers. A cette justice qui rompt et qui brise, qui renverse les
montagnes et arrache les cèdres du Liban, c'est-à-dire qui extermine les
pécheurs superbes, il lui faut des sacrifices sanglants et des victimes
égorgées, pour marquer la peine qui est due au crime. Mais pour cette
miséricorde toujours bienfaisante, qui guérit ce qui est blessé, qui affermit ce
qui est faible et qui vivifie ce qui est mort, elle veut qu'on lui offre en
sacrifice, non des victimes détruites, mais des victimes
1 Luc., VI, 36. — 2 Coloss.,
III, 12. — 3 Eccli., XXXV , 5. — 4 Psal. LXVII,
3. — 5 II Petr., III, 9. — 6 Jerem., XXIX, 11.
342
conservées, c'est-à-dire des pauvres soulagés, des infirmes
soutenus, des morts ressuscites, c'est-à-dire des pécheurs convertis. Tels sont,
mes Frères, les sacrifices qui honorent la miséricorde divine : c'est ainsi
qu'elle veut être reconnue.
Venez donc, anges célestes,
honorer cette bonté souveraine : venez tous ensemble chercher sur la terre les
victimes qu'elle demande , vous ne les pouvez trouver dans le ciel (a). «
On n'y peut exercer de miséricorde, parce qu'il n'y a point de misères : »
Ibi nulla miseria est, in quâ fiat misericordia (1). Peut-on consoler les
affligés, où toutes les larmes sont essuyées? Peut-on secourir ceux qui
travaillent, où tous les travaux sont finis ? Peut-on visiter les prisonniers,
où tout le monde jouit de la liberté? Peut-on recueillir les étrangers, où nul
n'est reçu que les citoyens? Ici toutes les misères abondent ; c'est leur pays,
c'est leur lieu natal. O mes Frères, la riche moisson pour ces esprits
bienfaisants, qui cherchent à exercer la miséricorde! Il n'y a que des
misérables, parce qu'il n'y a que des hommes (b). Tous les hommes sont
des prisonniers, chargés des liens de ce corps mortel : esprits purs, esprits
dégagés, aidez-les à porter ce pesant fardeau, et soutenez l’âme qui doit tendre
au ciel contre le poids de la chair qui l'entraîne en terre. Tous les hommes
sont des ignorants qui marchent dans les ténèbres : esprits qui voyez la lumière
pure, dissipez les nuages qui nous environnent. Tous les hommes sont attirés par
les biens sensibles : vous qui buvez à la source même des voluptés chastes et
intellectuelles, rafraîchissez notre sécheresse par quelques gouttes de cette
céleste rosée. Tous les hommes ont au fond de leurs âmes un malheureux germe
d'envie, toujours fécond en
1 S. August., Enar. in Psal.
CXLVIII, n. 8.
(a) Var. : Comme Jésus-Christ, ils suivent
les mouvements de leur Maître : Ascendentes et descendentes. Quelle
beauté nous veulent-ils? Celle qu'ils ont; la charité. Car ils aiment la chanté,
parce que la charité vient de Dieu. Les hommes commencent par l'amour fraternel,
pour aller à Dieu : les anges par l'amour de Dieu, pour aller aux hommes. Ils
voient Dieu dans les âmes quand ils y voient la charité : ils voient le ruisseau
dans la source, ils voient comment il n'eu est pas séparé : ils voient ce Dieu
amour, faisant en nous l'amour : Intùs inhabitat Deus. — (b)
Autant d'hommes que vous voyez, autant d'infirmes et de misérables, dont
l'extrême nécessité a besoin de votre secours. Ils y viennent, n’en doutez pas,
et c'est pour cela qu'ils descendent : Vidi angelos descendentes. Et
quelle œuvre de miséricorde ne pratiquent-ils pas parmi nous ?
343
procès, en querelles, en murmures, en médisances, en
divisions : esprits charitables, esprits pacifiques, calmez la tempête de nos
colères, adoucissez l'aigreur de nos haines, soyez des médiateurs invisibles
pour réconcilier en Notre-Seigneur nos cœurs ulcérés.
Mais, mes Frères, quand aurai-je
fait, si j'entreprends de vous raconter tout ce que font ces esprits célestes,
qui descendent pour notre secours? Ils s'intéressent à tous nos besoins ; ils
ressentent toutes nos nécessités : à toute heure et à tous moments ils se
tiennent prêts pour nous assister : gardiens toujours fervents et infatigables ;
sentinelles qui veillent toujours, qui sont en garde autour de nous nuit et
jour, sans se relâcher un instant du soin qu'ils prennent de notre salut.
Heureux mille et mille fois d'avoir toujours à nos côtés de si puissants
protecteurs !
Mais quelles actions de grâces
leur rendrons-nous, et comment reconnaîtrons-nous leurs soins assidus? Combien
s'empresse le jeune Tobie à remercier le saint ange qui l'avait conduit durant
son voyage (1) ! Ceux-ci nous gardent toute notre vie. Ces princes de la Cour
céleste, non contents de devenir compagnons des hommes, se rendent leurs
ministres et leurs serviteurs, depuis leur naissance jusqu'à leur mort; et ils
ne rougissent pas d'être ingrats d'une telle miséricorde, (a) A Dieu ne
plaise que nous le soyons :
1 Tob., XII, 2 et seq.
(a) Note marg. : Les saints anges nous
assistent extérieurement, en diminuant les efforts du diable, à qui ils fout la
guerre sans aucune trêve. Raphaël lie Asmodée. démon de l'incontinence. Ils nous
secourent par une secrète intelligence qu'ils ont entre eux, pour concourir tous
ensemble au salut des hommes qui leur sont commis Deux personnes sont ennemies ,
leurs saints anges sont amis et concourent aies réunir : ce sont des amis
communs et des médiateurs invisibles. Ils nous assistent aussi intérieurement.
Si nous avions tout à coup les yeux ouverts, et que nous vissions tous les anges
de cette assemblée, quelle joie ce beau spectacle ne nous causerait-il pas? Ils
attendent ce que nous leur ordonnerons, les requêtes dont nous les chargerons
pour Dieu. Ils y portent le bien et le mal. Quand ils retournent, leurs saints
compagnons leur demandent de nos nouvelles. Si nous faisons pénitence, c'est
pour eux le sujet d'une grande joie : Gaudium in cœlo. Si nous nous
endurcissons contre Dieu, ces anges de paix qui voulaient nous procurer le salut
ressentent une douleur amère de notre état : Angeli pacis amarè flebunt.
Notre société envers eux est de converser avec eux : Conversatio nostra in
cœlis est. Si un homme passe seulement d'une rue à l'autre pour nous venir
voir, nous croyons être incivils, si nous ne conversons avec lui. Les anges
viennent du ciel en la terre, et nous ne serions pas soigneux de converser avec
eux? Deux choses sont nécessaires pour cette conversation il faut les écouter et
leur parler. Si nous ne les écoutons, ils nous quitteront : Fugiamus hinc,
disaient-ils autrefois dans le tabernacle. Quittons, quittons les hommes ; il
n'y a que dissension, qu'envie, qu'injustice parmi eux : retournons au lieu de
notre paix.
344
chrétiens, étudions-nous à récompenser leurs services. Ah !
qu'il est aisé de les contenter! Ils descendent pour notre salut du ciel en la
terre : savez-vous ce qu'ils demandent en reconnaissance? Qu'ils ne soient'pas
venus inutilement, que nous ne les déshonorions pas en les renvoyant les mains
vides. Ils sont venus à nous pleins des dons célestes dont ils ont enrichi nos
âmes : ils demandent pour récompense que nous les chargions de nos prières, et
qu'ils puissent présenter à Dieu quelque fruit des grâces qu'il nous a
distribuées par leur entremise. O les amis désintéressés, amis commodes et
officieux, qui se croient payés de tous leurs bienfaits, quand on leur donne de
nouveaux sujets d'exercer leur miséricorde ! Ils sont descendus pour l'amour de
nous : chrétiens, les voilà prêts, ils s'en retournent pour notre service :
après nous avoir apporté des grâces, ils s'offrent encore à porter nos vœux pour
nous en attirer de nouvelles. Usez, mes Frères, de leur amitié : il faut, s'il
se peut, vous y obliger par cette seconde partie.
SECOND POINT.
Encore que vous voyiez remonter
au ciel vos fidèles et bien-aimés gardiens, n'appréhendez pas qu'ils vous
abandonnent. Ils peuvent changer de lieu, mais ils ne changent pas de pensée ;
et comme ils quittent le ciel sans perdre leur gloire, ils quittent la terre
sans perdre leurs soins. Quand ils descendent du ciel, leur félicité les suit
partout (a) autrement, nous dit saint Grégoire, « pourraient-ils
illuminer les aveugles, si eux-mêmes perdaient leur lumière ? » Fontem lucis,
quem egredientes perderent, cœcis nullatenùs propinarent (1). Ainsi
lorsqu'ils marchent à notre secours, lorsqu'ils viennent combattre pour nous,
leur béatitude les suit partout ; et c'est peut-être en vue d'un si grand
mystère que Débora glorifiant Dieu de la victoire qu'il lui a donnée, dit ces
mots au livre des Juges : Stellœ manentes in ordine suo
1 Moral, in Job, lib. II, cap.
III.
(a) Var.: Quoiqu'ils descendent du ciel, lieu
de félicité, ils ne laissent pas de la conserver.
345
versus Sisaram pugnaverunt (1) : « Les étoiles demeurant en
leur ordre ont combattu pour nous contre Sisara; » c'est-à-dire les anges qui
brillent au ciel comme des étoiles pleines d'une lumière divine, ont combattu
pour nous contre Sisara, contre l'ancien ennemi du peuple de Dieu : Adversùs
Sisaram pugnaverunt. Mais en s'avançant pour nous secourir, ils sont
demeurés en leur ordre : Manentes in ordine suo; et ils n'ont pas quitté
la place que leurs mérites leur ont acquise dans la béatitude éternelle.
Concluez de là, chrétiens, qu'ils apportent, venant sur la terre, la gloire dont
ils jouissent au ciel; et qu'ils portent avec eux, retournant au ciel, les mêmes
soins qu'ils ont sur la terre. Ils y vont traiter nos affaires, ils y vont
représenter nos nécessités, ils y portent nos prières et nos oraisons.
Pour quelle raison a-t-il plu à
Dieu qu'elles lui soient présentées par le ministère des anges? C'est un secret
de sa providence que je n'entreprends pas de vous expliquer ; mais il me suffit
de vous assurer qu'il n'est rien de mieux fondé sur les Ecritures. Et afin que
vous entendiez combien cette entremise des esprits célestes est utile pour notre
salut, je vous dirai seulement ce mot : c'est qu'encore que les oraisons soient
d'une telle nature qu'elles s'élèvent tout droit au ciel, ainsi qu'un encens
agréable que le feu de l'amour divin fait monter en haut, néanmoins le poids de
ce corps mortel leur apporte beaucoup de retardement. Trouvez bon ici,
chrétiens, que j'appelle le témoignage de vos consciences. Quand vous offrez à
Dieu vos prières, quelle peine d'élever à lui vos esprits : au milieu de quelles
tempêtes formez-vous vos vœux? Combien de vaines imaginations, combien de
pensées vagues et désordonnées (a), combien de soins temporels qui se
jettent continuellement à la traverse pour en interrompre le cours? Etant donc
ainsi empêchées, croyez-vous qu'elles puissent s'élever au ciel, et que cette
prière faible et languissante, qui parmi tant d'embarras qui l'arrêtent, à peine
a pu sortir de vos cœurs, ait la force de percer les nues et de pénétrer
jusqu'au haut des cieux? Chrétiens, qui pourrait le croire? Sans doute elles
retomberaient
1 Judic., V, 20.
(a) Var. : Frivoles, mal digérées.
346
de leur propre poids, si la bonté de Dieu n'y avait pourvu.
Je sais bien que Jésus-Christ, au nom duquel nous les présentons , les fait
accepter. Mais il a envoyé son ange, que Tertullien appelle l'Ange d'oraison
(1) : c'est pourquoi Raphaël disait à Tobie : « J'ai offert à Dieu tes
prières : » Obtuli orationem tuam Domino (2). Cet ange vient recueillir
nos prières, et « elles montent, dit saint Jean, de la main de l'ange jusqu'à la
face de Dieu : » Et ascendit fumus incensorum de orationibus sanctorum de
manu angeli coram Deo (3). Voyez comme elles montent de la main de l'ange :
admirez combien il leur sert d'être présentées d'une main si pure. Elles montent
de la main de l'ange, parce que cet ange se joignant à nous et aidant par son
secours nos faibles prières, leur prête ses ailes pour les élever, sa force pour
les soutenir , sa ferveur pour les animer, (a)
Que nous sommes heureux, mes Frères, d'avoir des amis si
officieux, des intercesseurs si fidèles, des interprètes si charitables! Mais
ils ne se contentent pas de porter nos vœux; ils offrent nos aumônes et nos
bonnes œuvres ; ils recueillent jusqu'à nos désirs; ils font valoir devant Dieu
jusqu'à nos pensées. Surtout qui pourrait assez exprimer combien abondante est
leur joie, quand ils peuvent présenter à Dieu, ou les larmes des pénitents, ou
les travaux soufferts pour l'amour de lui en humilité et en patience? Car pour
les larmes des pénitents , chrétiens, que puis-je dire de l'estime qu'ils font
d'un si beau présent? Comme ils savent que la conversion des hommes pécheurs
fait la fête et la joie des esprits célestes, ils assemblent leurs saints
compagnons ; ils leur racontent les heureux succès de leurs soins et de leurs
conseils. Enfin ce rebelle endurci a rendu les armes, cette tête superbe s'est
humiliée, ces épaules indomptables ont subi le joug, cet aveugle a ouvert les
yeux et déplore les erreurs de sa vie passée : il a rompu ces liens trop doux
qui tenaient son âme captive, il renonce à tous ces trésors amassés par tant de
rapines ; les pleurs du pupille ont percé (b) son cœur, il se résout de
faire
1 De Orat., n. 12. — 2 Tob., XII, 12. — 3
Apoc., VIII, 4.
(a) Note marg.: Il les porte, dit saint Jean,
à cet autel d'or qui nous signifie Jésus-Christ, et au nom duquel elles sont
reçues : Ad altare aureum.— (b) Var. : Les cris de
l'orphelin ont touché.
347
justice à la veuve qu'il a opprimée. Là-dessus il s'élève
un cri d'allégresse parmi les esprits bienheureux; le ciel retentit de leur joie
et de l'admirable cantique par lequel ils glorifient Dieu dans la conversion des
pécheurs.
« Prends courage, âme pénitente, considère attentivement en
quel lieu l'on se réjouit de ta conversion : » Heus tu peccator, bono animo
sis, vides ubi de tuo reditu gaudeatur (1). Et pour vous qui vivez dans les
afflictions ou qui languissez dans les maladies, si vous souffrez vos maux avec
patience en bénissant la main qui vous frappe, quoique vous soyez peut-être le
rebut du monde, réjouissez-vous en Notre-Seigneur de ce que vous avez un ange
qui tient compte de vos travaux. Mon cher Frère , je te le veux dire pour te
consoler, il regarde avec respect tes blessures (a), comme de sacrés
caractères qui te rendent semblable à un Dieu souffrant. Je dis quelque chose de
plus, il les regarde avec jalousie ; et afin de le bien entendre, remarquez,
s'il vous plaît, Messieurs, que ce corps qui nous accable de maux, nous donne
cet avantage au-dessus des anges, de pouvoir souffrir pour l'amour de Dieu, de
pouvoir représenter en notre corps glorieux la vie glorieuse de Jésus, en notre
corps mortel et passible la vie souffrante du même Jésus : Ut vita Jesu
manifestetur in carne nostrà mortali (2). Ces esprits immortels peuvent être
compagnons de la gloire de Notre-Seigneur; mais ils ne peuvent pas avoir cet
honneur, d'être les compagnons de ses souffrances. Ils peuvent bien paraître
devant Dieu avec des cœurs tout brûlants d'une charité éternelle ; mais leur
nature impassible ne leur permet pas de signaler la constance d'un amour fidèle
par cette généreuse épreuve des afflictions.
Si vous consultez votre sens,
vous me répondrez peut-être aussitôt que ces esprits bienheureux ne doivent pas
nous envier ce triste avantage. Mais eux qui jugent des choses par d'autres
principes , eux qui savent qu'un Dieu immuable est descendu du ciel en la terre
et s'est revêtu d'une chair mortelle seulement pour pouvoir souffrir, ah ! ils
connaissent par là le prix des
1 Tertull., de Pœnitent., n. 8. — 2 II Cor.,
IV, 11.
(a) Var. ; Tes douleurs.
348
souffrances; et si la charité le pouvait permettre, ils
verraient en» nous avec jalousie ces caractères sacrés, qui nous rendent
semblables à un Dieu souffrant. Et voyez combien ils estiment l'honneur qu'il y
a de porter la croix. Ils ne peuvent présenter à Dieu leurs propres souffrances,
ils empruntent les nôtres pour les lui offrir : s'il ne leur est pas permis de
souffrir, ils exaltent du moins ceux qui souffrent. Et je lis avec joie dans
Origène la belle description qu'il nous fait des enfants de Dieu assemblés
autour de son trône, où ils louent les combats de Job , où ils admirent le
courage de Job, où ils publient la constance et la foi de Job, toujours ferme et
inviolable dans les ruines de sa fortune et de sa santé : Venientes ante Deum
attestati sunt tolerantiœ, fidei, constantiœ atque dilectionis plenitudini
(1). Et d'où vient qu'ils prennent plaisir à rendre à Job ce beau témoignage ?
C'est qu'ils estiment ce saint homme heureux de signaler sa fidélité par cette
épreuve : ils voient qu'ils ne peuvent pas avoir cet honneur , ils se satisfont
en le louant, ils suivent la pompe du triomphe, et prennent part à l'honneur du
combat en chantant la vaillance du victorieux.
Je vous dis ces choses, afin,
mes Frères, que vous appreniez à goûter les choses célestes. Vous croyez n'être
associés qu'avec les hommes ; vous ne pensez qu'à les satisfaire, comme si les
anges ne vous touchaient pas. Chrétiens, désabusez-vous : il y a un peuple
invisible qui vous est uni par la charité. « Vous vous êtes approchés de la
montagne de Sion, de la ville du Dieu vivant, de la Jérusalem céleste, d'une
troupe innombrable d'anges : » Accessistis ad Sion montem, Jerusalem cœlestem
et multorum millium angelorum frequentiam (2). Un de leur compagnie
bienheureuse est attaché spécialement à votre conduite ; mais tous prennent part
à vos intérêts plus que vos parents les plus tendres, plus que vos amis les plus
confidents. Rendez-vous dignes de leur amitié , et songez à ménager leur estime.
Que si leurs bienfaits ne vous touchent pas, si vous êtes insensibles à leurs
bons offices, appréhendez du moins leur indignation, et craignez la juste colère
par laquelle ils puniront votre ingratitude.
1 Anonymi in Job, lib. II;
apud Origen. — 2 Hebr., XII, 22.
349
Sachez donc, et je finis en vous
le disant, sachez que ces mêmes habitants du ciel, que vous avez vus y porter
nos vœux, sont aussi obligés d'y porter nos crimes : c'est la doctrine de
l'Ecriture, c'est la tradition des saints Pères. Ce sont eux qui seront un jour
produits contre nous comme des témoins irréprochables ; ce sont eux qui nous
seront confrontés pour convaincre notre perfidie. On ouvrira les livres, nous
dit l'Ecriture (1) ; on nous montrera les saints anges ; et on lira dans leur
esprit et dans leur mémoire , comme dans des registres vivons, un journal exact
de nos actions et de notre vie criminelle. C'est saint Augustin qui le dit, «
que nos crimes sont écrits, comme dans un livre, dans la connaissance des
esprits célestes qui sont destinés à punir les crimes : » Reatus tanquàm in
chirographo scriptus, in notitiâ spiritualium potestatum, per quas pœna exigitur
peccatorum (2). Jugez, jugez, mes Frères, combien nos crimes paraîtront
horribles, lorsque l'on découvrira d'une même vue, et la honte de notre vie, et
la beauté incorruptible de ces esprits purs, qui nous reprochant leurs soins
assidus, feront éclater avec tant de force l'énormité de nos crimes, que
non-seulement le ciel et la terre s'irriteront contre nous, mais encore que nous
ne pourrons plus nous souffrir nous-mêmes : c'est ce que j'ai tiré de saint
Augustin.
Pensez, mes Frères, à vos
consciences , rappelez en votre mémoire vos dangereux (a) commerces, et
écoutez Tertullien qui vous dit : « Prenez garde que ces lettres que vous avez
écrites ne soient produites un jour contre vous, signées et paraphées de la main
des anges : » Ne illœ litterœ negatrices in die judicii adverses
vosprofenmlur, signatœ signis nonjam advocatorum sed angelorum (3). On
paraphe les écritures , de peur qu'on ne puisse en supposer d'autres : mais au
jugement du grand Dieu vivant, telles surprises (b) ne sont pas à
craindre. Pourquoi donc ce paraphe de la main des anges , sinon pour confondre
les hommes ingrats ?
Quoi ! vous aussi, mon gardien
fidèle, quoi! vous prenez aussi
1 Apoc., XX, 12. — 2 Cont. Julian., lib. VI,
cap. XIX, n. 62. — 3 De Idolol. n.
23.
(a) Var. : Pernicieux. — (b)
Tromperies.
350
parti contre moi ! Là leur âme éperdue et désespérée
sentira l'abandonnement où elle est, en voyant ses meilleurs amis s'élever
contre elle. Que si vous doutez, chrétiens, que ces gardiens charitables
puissent devenir vos persécuteurs, ouvrez les yeux, et reconnaissez que votre
péché a tourné à votre perte tout ce qui vous était donné pour votre salut. Un
Sauveur devient un juge inflexible ; son sang, répandu pour votre pardon, crie
vengeance contre vos crimes. Les sacrements, ces sources de grâces, sont changés
pour vous en des sources de malédiction. Le corps de Jésus-Christ, la viande
d'immortalité, porte la damnation dans vos entrailles; et si telle est la
malignité de votre péché , qu'elle change en venin mortel et en peste les
remèdes les plus salutaires, ne vous étonnez pas si je dis que les anges vos
gardiens deviendront vos persécuteurs et vos ennemis implacables.
Ce n'est pas que je ne confesse
qu'ils ont compassion des pécheurs ; mais cela va à certaines bornes, hors
desquelles la miséricorde se tourne en fureur. Ils ne voient jamais une âme
tombée qu'ils ne songent à la relever. Je les entends concerter ensemble les
moyens de la soulager, au chapitre li de Jérémie : Babylone s'est enivrée,
disent-ils : cette âme a bu les plaisirs du siècle ; et la tête lui ayant
tourné, elle est tombée d'une grande chute, elle s'est blessée dangereusement :
Cecidit et contrita est. Aussitôt ils ajoutent : « Courons aux remèdes,
étanchez le sang , donnez des onguents pour fermer ses plaies : » Tollite
resinam ad dolorem ejus, si forte sanetur (1). Admirez leur empressement
pour nous secourir : mais si nous méprisons les remèdes, si nous les rendons
inutiles par notre mauvais régime, nous les verrons bientôt changer de langage.
Ecoutez la suite de leurs discours : « Nous avons traité
Babylone , et tous nos remèdes n'ont pas profité : » Curavimus Babylonem, et
non est sanata (2). Représentez-vous, chrétiens, des médecins assemblés qui
consultent sur l'état d'un homme frappé d'une maladie périlleuse. La famille
pâle et tremblante attend le résultat de leur conférence : cependant ils pèsent
entre eux les fâcheux symptômes qu'on a remarqués et les remèdes appliqués
inutilement,
1 Jerem., LI, 8. — 2 lbid., 9.
351
pour résoudre s'ils tenteront quelque chose encore, ou
s'ils abandonneront le malade désespéré. Mais pendant que l'on consulte de la
vie mortelle, peut-être, mes Frères, qu'en ce même temps des médecins invisibles
consultent d'une maladie bien plus importante : c'est de la maladie mortelle de
l’âme. Nous l'avons traitée avec tout notre art, disent-ils, et nous n'avons pas
oublié nos secrets les plus efficaces : tout a réussi contre nos pensées ; et
telle est sa dépravation, qu'elle s'est empirée parmi nos remèdes :
Derelinquamus eam, et eamus unusquisque in terram suam (1) : « Laissons-la,
abandonnons-la. Ne voyez-vous pas sur ce front le caractère d'un réprouvé ? Son
procès lui est fait au ciel : » Pervenit usque ad cœlos judicium ejus.
Ses crimes ont percé les nues, leur cri a pénétré jusque devant Dieu; et la
miséricorde divine accusée de le soutenir trop longtemps, se justifie envers la
justice en le livrant en ses mains : c'est pourquoi les anges laissent cette âme
: Derelinquamus eam. Ils la laissent en proie aux démons, et leur
patience épuisée est contrainte enfin de l'abandonner. Non contents de
l'abandonner, ils sollicitent la juste vengeance des crimes qu'elle a commis : «
Aiguisez vos flèches , remplissez votre carquois : » Acuite sagittas, implete
pharetras (2): « Voici la vengeance du Seigneur, et il vengera aujourd'hui
la profanation de son temple : » Quoniam ultio Domini est, ultio templi sui.
Ainsi, mes Frères, nos saints
anges gardiens ne pouvant plus supporter nos crimes en poursuivent enfin la
vengeance. Quand arrivera ce funeste jour? C'est un secret de la Providence; et
plût à Dieu, chrétiens, qu'il n'arrivât jamais pour nous! Ne contraignons pas
ces esprits célestes de forcer leur naturel bienfaisant, et de devenir des anges
exterminateurs, et non plus des protecteurs et des gardiens. N'éteignons pas
cette charité si tendre, si vigilante, si officieuse ; et si nous les avons
affligés par notre long endurcissement, réjouissons-les par nos pénitences. Oui,
mes frères, faisons ainsi, renouvelons-nous dans ce nouveau temple. Les saints
anges, auxquels on l'élève, y habiteront volontiers, si nous commençons
aujourd'hui à le sanctifier par nos conversions.
1 Jerem., LI, 9. — 2 Ibid., 11.
352
Il nous faut quelque victime pour consacrer cette Eglise.
Quel sera cet heureux pécheur , qui deviendra la première hostie immolée à Dieu
dans ce temple abattu et relevé, devant ces autels? Mais, ô Dieu, serait-il en
cette audience? N'y a-t-il point ici quelque âme attendrie, qui commence à se
déplaire en soi-même, à se lasser de ses excès et de ses débauches, et que les
soins des saints anges gardiens aient invitée de les reconnaître? O âme, quelle
que tu sois, je te cherche, je ne te vois pas ; mais tu sens en ta conscience si
Dieu a aujourd'hui parlé à ton cœur. Ne rejette point sa voix qui t'appelle,
laisse-toi toucher par sa grâce : hâte-toi de remplir de joie cette troupe
invisible qui nous environne , qui s'estimera bienheureuse, si elle peut
aujourd'hui rapporter au ciel que la première solennité célébrée dans leur
nouveau temple a été mémorable éternellement par la conversion d'un pécheur (a).
Mais que dis-je d'un pécheur? Mes Frères, si nous savions qu'il y en eût un, qui
de nous ne voudrait pas l'être ? Pressons-nous de mériter un si grand honneur ;
et fasse par ce moyen la bonté divine qu'en cherchant un pécheur qui se
convertisse, nous en puissions aujourd'hui rencontrer plusieurs qui s'abaissent
par la pénitence, pour être relevés par la grâce et couronnés enfin par la
gloire. Amen.
(a) Var.: Super uno peccatore paenitentiam
agente. Ils n'en demandent qu'un. Se seront-ils ici assemblés pour nous,
sans que nous leur donnions quelque joie? Un pécheur, nous n'en voulons qu'un;
et telle est notre dureté, nous ne pouvons pas le trouver.
|