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PRÉCIS D'UN PANÉGYRIQUE
DE L'APOTRE SAINT PAUL (a).
Charitas Christi urget nos.
La charité de Jésus-Christ nous presse. II Cor., V,
14.
La charité est une huile qui
remplit le cœur et un feu qui le presse. C'est cet effort de la charité
pressante que je veux considérer. Ave.
Charitas Christi urget nos :
aestimantes hoc, quoniam si unus pro omnibus mortuus est, ergo omnes mortui sunt
: et pro omnibus mortuus est Christus, ut et qui vivunt, jam non sibi vivant,
sed ei qui pro ipsis mortuus est et resurrexit (1). « La charité de
Jésus-Christ nous presse : considérant que si un seul est mort pour tous, donc
tous sont morts ; et que Jésus-Christ est mort pour tous, afin que ceux qui
vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité
pour eux. » La vue de Jésus-Christ mort doit donc nous inspirer le désir de lui
rendre autant de vies qu'il y a de cœurs en ne vivant plus que pour lui. Aussi
saint Basile parlant de saint Paul sur ce passage, dit qu'il était insensé d'une
folie d'amour, vivant d'une vie d'amour pour celui qui l'avait gagné.
1 II Cor., V, 14, 15.
(n) Prêché vers 1686.
C'est dans la troisième époque, lorsqu'il fut chargé de
gouverner une portion de l'Eglise et de défendre la vérité contre toutes les
erreurs, c'est alors surtout que Bossuet se contentait d'ébaucher de simples
crayons, c'est-à-dire de tracer rapidement sur le papier les idées fondamentales
de ses discours.
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Mais qu'est-ce que vivre pour
Jésus-Christ? C'est aimer ce qu'il aimait, et renfermer par une parfaite
conformité ses affections dans les objets qui lui ont gagné le cœur, détruisant
en nous toute autre chose.
Or nous pouvons déterminer trois
choses que Jésus a aimées. Il a aimé sa vérité; il a aimé sa croix; il a aimé
son Eglise. Il est venu pour prêcher les hommes ; c'est pourquoi il a aimé la
vérité : il est venu pour racheter les hommes; c'est pourquoi il a aimé sa croix
: il est venu pour sanctifier les hommes par l'application de son sang ; c'est
pourquoi il a aimé son Eglise.
Paul a vécu pour Jésus, et aimé
ce que Jésus aime. Il a aimé la vérité, et il en a fait tout son emploi ; il a
aimé la croix, et il en a fait toutes ses délices; il a aimé l'Eglise, et il en
a fait l'objet de ses complaisances et l'unique sujet de tous ses travaux.
Jésus a aimé la vérité. Engendré
par la connaissance de la vérité, vérité lui-même, principe avec le Père de
l'Esprit qui est appelé l’Esprit de vérité, parce qu'il procède de l'amour
d'icelle, la charité a pressé Jésus de sortir du sein de son Père, pour
manifester la vérité, pour la rendre sensible et palpable : Unigenitus Filius
qui est in sinu Patris, ipse enarravit (1). Quiconque aime la vérité la veut
publier et la veut faire régner. « La vérité est une vierge, mais sa pudeur est
de n'être pas découverte : » Nihil veritas erubescit, nisi solummodô abscondi
(2). Quand on est animé de son amour, on est pressé de la publier :
Charitas Christi urget nos.
PREMIER POINT.
Paul ayant connu la vérité, il
ne va point aux apôtres qui la savaient, mais il la prêche en Arabie, à Damas,
montrant que celui-ci était Jésus. Voyez comme il est pressé de la découvrir :
Incitabatur spiritus ejus in ipso, videns idololatriœ deditam civitatem (3).
Mais Paul montre la vérité toute nue, sans fard , sans aucuns de ces ornements
d'une sagesse mondaine : il la prêche avec une éloquence qui tire sa force de sa
simplicité toute céleste.
Pour prêcher la vérité avec
autorité, il la prêche dans un esprit d'indépendance; et pour cela il ne veut
rien tirer de personne : il
1 Joan., I, 18. — 2 Tertull., adv. Valentin.,
n. 3. — 3 Act., XVII 16.
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impose à ses propres mains la charge de lui fournir tout ce
qui lui est nécessaire. Et en effet pour prêcher la vérité, il faut un cœur de
roi, une grandeur d’âme royale : Ego autem constitutus sum Rex ab eo super
Sion montem sanctum ejus, prœdicans prœceptum ejus (1). « J'ai été établi
roi sur Sion, sa montagne sainte, afin d'annoncer ses ordonnances ; » et si
cette noble fonction ne demande pas qu'on soit roi par l'autorité du
commandement, du moins exige-t-elle qu'on soit roi par indépendance. C'est
pourquoi saint Paul se rend indépendant de tout ; et s'étant mis en état de
n'avoir besoin de rien (2), « il va reprenant tout homme à temps et à
contre-temps : » Corripientes omnem hominem... opportunè, importunè (3).
Il s'était mis en état de ne se réjouir du bien qu'on lui faisait, que pour
l'amour de ceux qui le faisaient (4).
SECOND POINT.
Jésus a aimé la croix, et a
toujours témoigné une grande avidité pour les souffrances. Paul aimait la croix
pour se conformer à Jésus, et pour faire régner Jésus. Aussi ce sont ses
souffrances qui ouvrent la porte à l'Evangile dans les différents lieux où il
prêche (5). Les moments de souffrances sont des moments précieux. Dans les
autres occasions, la bouche seule loue : parmi les souffrances, et tout le corps
affligé, et tout le cœur abattu sous la main de Dieu, et tout l'esprit assujetti
aux lois de sa volonté, se tournent en langues pour célébrer la grandeur de sa
souveraineté absolue et sa miséricorde et sa justice.
TROISIEME POINT.
Qui peut dire combien saint Paul
a aimé l'Eglise? Trois choses nous montrent assez à quel haut degré son amour
pour l'Eglise était porté : l'empressement de la charité de l'Apôtre pour ses
frères, la tendresse de sa charité pour chacun d'eux, l'étendue de sa charité
pour tous les membres qui composent l'Eglise. Ainsi c'est avec grande raison que
saint Chrysostome frappé du zèle étonnant de l'Apôtre et de son immense charité,
dit que Paul par sa grande
1 Psal. II, 6. — 2 Coloss.,
I, 28. — 3 II Timoth., IV. 2. — 4 Philem., 7. — 5 I Thess.,
II. 1, 2.
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sensibilité sur les intérêts de l'Eglise, en était
non-seulement le cœur, cor Ecclesiœ, mais qu'il s'affectait aussi
vivement sur les biens et les maux de tout le corps que s'il eût été l'Eglise
entière : Quasi ipse universa esset orbis Ecclesia.
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