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PROJET DOCTEUR ANGÉLIQUE
TRADUCTION ET PUBLICATION DE L’ŒUVRE DE SAINT THOMAS D’AQUIN
« Saint Thomas a reçu du Ciel un pouvoir: celui de transformer en statue de sel
l’esprit de ceux qui ne mettent pas la charité au cœur de leur théologie ». (19-04-05)
En philosophie
Saint Thomas est RÉALISTE, c’est-à-dire que, pour lui, la philosophie n’a de valeur que si elle tend à se conformer à ce qui est. Aussi, il ne s’appuie pas sur des spéculations coupées du réel, mais sur l’observation du réel. N’étant pas lui-même un homme de terrain, il fait confiance pour ce travail préparatoire à sa vraie vocation -celle de théologien- au plus grand des philosophes réalistes, Aristote. Il a commenté la plupart de ses œuvres, non parce qu’il s’appelait Aristote, mais parce qu’il lui semblait être l’homme le plus soumis au réel.
Ainsi, un vrai thomiste se doit de l’imiter, non matériellement mais spirituellement. Tout ce qui est réaliste dans les apports modernes, DOIT ÊTRE ASSUMÉ et ajouté à l’irremplaçable corpus Aristotélicien… Saint Thomas ne méprisait aucun auteur, ni les anciens, ni les nouveaux, dans la mesure de leur conformité au réel.
ATTENTION: Saint Thomas reste un homme des livres et non un philosophe ou un scientifique de terrain, ce à quoi doivent prendre garde ceux qui cherchent dans ses livres la seule philosophie.
Saint Thomas est d’abord théologien
Il n’a aimé la philosophie réaliste qu’en vue d’être meilleur théologien, ne voyant pas d’opposition mais au contraire une co-actuation entre ces deux manières d’approcher la création divine.
Ainsi, il a su faire marcher, comme deux amants, la raison et la foi au service de la vérité. « Si je dois demander un conseil de guérison, je préfère m’adresser à un médecin qu’à un pape, ce qui n’est pas le cas quand il s’agit de la Trinité ».
Dans le domaine de la foi, il fait confiance à l’Église. N’étant pas allé au Ciel, il sait trouver la vérité dans les trois canaux unis, tels que Dieu les a données pour nourrir d’eau vive les théologiens: 1- l’Ecriture Sainte, 2- qu’il éclaire par les écrits des saints canonisés, des grands théologiens (et parmi eux, les Pères et les Docteurs de l’Eglise), 3- que vient confirmer le Magistère authentique de Pierre.
Ce qui est périmé dans sa pensée
Malgré cette méthodologie harmonieuse, saint Thomas ne fut pas infaillible.
— Dans le domaine des sciences naturelles, il s’est parfois trompé. Ses descriptions aristotéliciennes de sciences positives (astronomie, physique moderne, biologie, zoologie) sont manifestement périmées sur bien des points - ce qui est de peu d’importance pour celui qui se conforme non à la lettre mais à l’esprit réaliste de saint Thomas -.
Ce n’est pas le cas de ses approches philosophiques qui sont absolument modernes, performantes et précises, davantage que beaucoup de ce qu’on lit de nos jours.
— Dans le domaine théologique, on peut citer deux erreurs confirmées depuis par le Magistère de l’Eglise. La seconde est majeure et influence en négatif toute sa pensée:
1° Il dit: - Marie fut purifiée du péché originel (IIIa, Q. 27). Cette théorie ne s’harmonise pas avec le dogme de l’Immaculée conception de Marie, 1854.« Marie fut préservée du péché originel, par la grâce prévenante de la Trinité, les mérites futurs de son fils. »
2° Et surtout, il dit: - Certains hommes, n’ayant pas reçu la révélation de Dieu, meurent en conséquence sans la grâce sanctifiante et la charité et sont damnés pour l’éternité -d’où sa théorie des Limbes éternelles pour les enfants morts sans baptême (Suppl. Q. 70bis), et sa théorie de la damnation des païens (Ia IIae Q. 113, 114)-. Cette opinion s’oppose à Vatican II: “Puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal” (Gaudium et Spes n° 22, 5, trad. officielle). Ce texte ne fait que reprendre des dogmes solennels plus anciens: « Dieu qui veut que tout homme soit sauvé… propose à tous son salut… ce qui ne signifie pas que tous l’acceptent… » C’est pourquoi, en 2007, la Commission théologique internationale s’est penché sur la théorie thomiste et augustinienne des Limbes éternelles des enfants morts sans baptême.
D’autres problèmes ont été soulevés:
3° Le fait qu’il n’ait pas centré son traité du mariage sur l’amour des époux ET le don de la vie (et non sur le seul don de la vie). D’où l’intérêt de lire le Traité du mariage de saint Thomas à la lumière des textes du Concile Vatican II.
4° Le fait qu’il ait centré le sacrement de l’Ordre sur le seul culte eucharistique de Dieu et non sur l’alliance de charité entre Dieu-eucharistie et l’homme. D’où l’intérêt de lire le Traité de l’Ordre de saint Thomas à la lumière des textes du Concile Vatican II.
5° Il manque chez saint Thomas le traité de l’Eglise. D’où l’intérêt de lire le Traité néo-thomiste de l’Eglise.
6° Le fait qu’il n’ai pas centré son eschatologie sur la Vision béatifique mais sur la résurrection de la chair. D’où l’intérêt de lire le Traité des fins dernières de saint Thomas à la lumière de ce traité néo-thomiste.
A chaque fois, ce sont des traités entiers de saint Thomas qu’il faut réécrire. Et l’Eglise ou la théologie établit ces rectifications tout en disant: « Saint Thomas est le docteur commun de l’Eglise catholique ».
Ce qui peut être dangereux dans l’usage de sa pensée
Au cours des siècles, les écrits de saint Thomas ont formé des générations de théologiens de haute qualité… quand ils vivaient par et pour l’amour de Dieu et du prochain. Dans le cas contraire, l’expérience montre que la passion intellectuelle qu’il suscite peut générer trois types de corruption de l’intelligence.
1- Les rationnels desséchés, qui se laissent excessivement séduire par la précision des raisonnements, comme si la réalité toute entière était maîtrisable par la raison. Ceux-là quittent le jugement sur la réalité en philosophie, sur l’amour de Dieu en théologie.
2- Ceux qui se laissent enfermer dans l’esprit de système, à cause de l’universalité et de la cohérence de sa théologie. Ces personnes se reconnaissent à un certain mépris qu’elles ressentent pour les autres auteurs.
3- Les répétiteurs qui, comme incapables de rendre vivante la théologie par leur propre énergie intellectuelle, répètent la pensée de saint Thomas, la clonent.
Un autre danger, affectif celui-là, peut venir de l’orgueil et rendre insupportable un authentique disciple de saint Thomas.
Pour éviter ces risques, deux remèdes sont ESSENTIELS
Distinguer l’esprit de saint Thomas d’Aquin qui fait de lui le docteur commun.
Dans les domaines de la philosophie, il faut maintenir que le seul vrai maître n’est pas saint Thomas, mais le réel. Il faut donc suivre ces trois règles: Humilité devant le réel, Expérience, Expérimentation.
En théologie, le lien avec les trois canaux de la Révélation: Tradition apostolique et des saints, Ecriture, Magistère.
Pour la sainteté: il est plus qu’utile d’avoir une vivante et active fréquentation de la Vierge Marie par la prière. Sa simplicité féminine, est, à coup sûr, une véritable protection contre le rationalisme desséchant.
Il est vraiment le Docteur des docteurs de l’Eglise
« Un an passé à l’étude de saint Thomas peut apporter plus que toute une vie dans n’importe quel autre auteur » (Jean XXII, bulle de canonisation)…
Et ceux qui ont pris ce défi au sérieux savent que c’est vrai: il développe de manière UNIQUE l’amour de la vérité, l’humilité devant le réel, la simplicité de l’expression, la fidélité à la foi catholique, la perfection de sa compréhension, etc. Il forme des théologiens inimitables.
En bref, il forme l’intelligence plus que tout autre.
Un saint
Au delà de son travail intellectuel, Thomas est un saint. Il sait la valeur de ses écrits: « Ils sont bons pour les débutants dans la sagesse. Car le plus petit au Ciel en sait plus que moi. » Vers la fin de sa vie, cette vérité va surgir de manière brûlante dans sa vie. Un matin, pendant la messe, il vit une expérience proche de la mort. Sans doute voit-il la gloire du Christ. Il n’écrira plus jamais rien « Tout ce que j’ai écrit est de la paille », lui arrachera son fidèle secrétaire, Frère Réginald, désolé de voir ses œuvres inachevées.
Sans doute a-t-il eu, ce jour-là, la solution brûlante et expérimentale à cet ultime problème de la théologie catholique: « Quelle est cette façon que Dieu seul connaît, qui donne la possibilité à tous ceux qui l’acceptent, d’être associés au mystère pascal? »
« Je viens tout simplement, lui a probablement révélé l’apparition du Messie, leur prêcher l’évangile à l’heure de leur mort, dans ce passage qui fait encore partie de leur vie terrestre. Beaucoup sont sauvés en devenant les ouvriers de la 11ème heure ».
Arnaud Dumouch, 2004
Auteur: Guillaume (---.w81-249.abo.wanadoo.fr)
Date: 09/03/2004 14:41
Vos propos sur les erreurs de saint Thomas en théologie sont choquant. Oubliez-vous que saint Thomas est docteur de l'Eglise, que "l'Eglise fait sienne la doctrine de saint Thomas"
Guillaume
Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.233.codenet.be)
Date: 11/03/2004 17:18
Cher Guillaume,
"Je répondrais à votre remarque de la manière suivante:
Il ne faut pas identifier, malgré notre grand respect et amour de saint Thomas, l'autorité INFAILLIBLE du Magistère de l'Eglise et l'autorité générale des docteurs de l'Eglise.
-- Le Magistère solennel de Pierre est infaillible dans chacune de ses conclusions solennelles ou ordinaires, si elles sont dogmatiques ou morales. Il y a là véritablement une série de bornes de repères essentiels aux théologiens.
-- Les docteurs de l'Eglise doivent être regardés tout autrement: Ils sont des maîtres morts dont la DOCTRINE GENERALE est conforme à la pensée de l'Eglise. Cependant, rien n'empêche qu'ils se soient trompés sur des conclusions particulières.
Exemple: Deux évêques orientaux, tous deux martyres (je ne donne pas leur nom car j'hésite entre saint Grégoire de Naziance et un autre Grégoire), s'opposaient sur la Vierge Marie: le premier disait: "D'après l'Ecriture, Marie est visiblement une matrone arrogante et vaniteuse que Jésus doit reprendre plusieurs fois". L'autre s'opposait à lui avec des arguments parfois verts: "Blasphémateur que tu es! Elle est sainte plus que tout autre". Les deux furent martyrisés par les Romains. Les deux sont Docteurs de l'Eglise. Saint Thomas, commentant les paroles du premier, dit simplement: "Manifestement, il exagère".
C'est de la même façon qu'il faut aimer saint Thomas, à ces trois nuances prêt
1° qu'il est docteur sur (presque (voir note)) TOUS LES POINTS DE LA THEOLOGIE,
2° QU'IL A PRIS CE QU'IL Y AVAIT DE MIEUX CHEZ TOUS SES PREDECESSEURS,
3° QU'IL A LE MIEUX HARMONISÉ LE RAPPORT ENTRE LA FOI ET LA SCIENCE (D'où son Titre de Docteur Commun).
Mais cela ne veut pas dire qu'il est INFAILLIBLE.
ATTENTION: Défendre pied à pied chacune de ses conclusions comme si elles étaient définitivement gravées dans le marbre fut la tentation d'un mouvement théologique qui a le plus contribué à faire mépriser saint Thomas: Il s'agit de la "scolastique décadente".
Selon moi, aimer saint Thomas, consiste à se mettre à l'école:
1- PARTOUT DE SON ESPRIT (Humilité devant le réel; Collaboration de la philosophie réaliste et de la foi; sens de la prière).
2- EN THEOLOGIE: De ses principes et conclusions quand elles ont été confirmées par l'Eglise (ce qui est, dans 98% des fois le cas. PAS DANS 100% des cas !!!!!!!!)
3- EN PHILOSOPHIE: De son réalisme et de sa logique.
4- EN SCIENCES POSITIVES, il faut selon moi faire comme lui aurait fait: se mettre à l'école des immenses progrès du XXIème siècle.
Arnaud
Note: Exemple de domaines "oubliés", en tant que tel par le Docteur Commun:
1- Pas de traité de l'Eglise développé pour lui-même ni prévu dans la IIIa pars de sa somme… (voir Vatican II).
2- Pas de traité des trois degrés de l'autorité du Magistère intellectuel de Pierre. (Voir Vatican II).
Auteur: Charles Delaporte (---.ppp.tiscali.fr)
Date: 07/03/2004 21:47
Cher Arnaud,
Félicitations pour votre nouveau site ! La présentation est très belle.
Vous souvenez-vous de notre discussion sur la souffrance ?
J'ai eu la joie de rencontrer le père Descouvemont, l'un des grands spécialistes de Thérèse de Lisieux.
Il m'a expliqué que Dieu mettait dans le cœur des saints le désir de la souffrance, car ils savent que c'est un moyen privilégié de sauver le monde. C'est le moyen que Dieu a choisi pour notre rédemption, et toute souffrance offerte participe effectivement à cette rédemption, même si fondamentalement Dieu n'a pas besoin de cela. Tout mystique sait que la transformation du cœur passe nécessairement par la souffrance. Ce qui ne les empêche pas pour autant de tout faire pour l'éviter ou, à défaut, de l'atténuer. Aucun masochisme.
Cordialement.
Charles
Auteur: L'animateur du forum, Guy Delaporte (---.w81-50.abo.wanadoo.fr)
Date: 08/03/2004 09:03
Cher Arnaud,
Dans votre site, vous écrivez : «Il [Thomas d'Aquin] dit: - Marie fut purifiée du péché originel. Cette théorie s'oppose au dogme contraire, celui de l'Immaculée conception de Marie, 1853». Il me semble que ce n'est pas exact. Le dogme dit que Marie fut "préservée" dans l'instant même de sa conception. Il faut entendre par "préservée" une intervention spéciale de la Grâce efficace de Dieu, telle que Thomas l'entendait avec "purifiée". Ceci est fort différent d'une opposition de contrariété et réduit sérieusement l' "erreur" de Thomas d'Aquin. Celui-ci pensait que la purification survenait quelques temps après la conception. Elle intervient à l'instant même, ni avant, ni après d'où le choix de "préservation" plutôt que "purification"
Affirmer que Marie n'aurait eu pas besoin de préservation / purification pose tous les problèmes insurmontables qu'énumère saint Thomas et qui expliquent sa réponse en partie insuffisante. «En fait, c'est le bienheureux Duns Scot qui devait le premier déclarer formellement qu'il fallait entendre l'immaculée conception non comme une exemption pour la Vierge de la transmission de la faute originelle dans la transmission même de la vie par ses parents, mais bien comme une sanctification s'opérant dès cette transmission, de sorte que la grâce du Christ la préservât de toute existence dans un état irrégénéré, si brève qu'on l'imaginât (Scriptum oxo-niense, In IV. Sent., lib. IlI, dist. 3, q. 1)» (Louis BOUYER in Dictionnaire théologique Desclée). En effet, Il faut maintenir que Marie est de condition naturelle strictement humaine. S'il n'y avait eu intervention spéciale de la Grâce, elle eut connu le péché originel comme tout un chacun. La question n'est pas de savoir si elle fut purifiée ou non, mais quand. Ce que précise Ineffabilis Deus
J'y ai rencontré d'autres "sujets de débats" entre nous, que je ne manquerai pas de soulever. Que cela ne m'empêche pas de vous féliciter et de vous encourager dans votre œuvre qui enrichit substantiellement la famille thomiste sur le net.
Cordialement
Auteur: L'animateur du forum, Guy Delaporte (---.w193-252.abo.wanadoo.fr)
Date: 08/03/2004 10:08
Cher Arnaud,
Vous écrivez : «Dans le domaine des sciences naturelles, il s'est trompé. Ses descriptions aristotéliciennes de sciences positives (astronomie, physique moderne, biologie, zoologie) sont manifestement périmées sur bien des points». C'est un peu rapide et pose quelques questions. D'abord, périmé ne veut pas dire erroné. Ainsi la conception newtonienne de l'Univers est périmée. Dirons-nous qu'elle est erronée ? Ensuite, Thomas d'Aquin est loin d'en être resté aux conceptions aristotéliciennes. En astronomie, il s'était rallié au système ptoléméen et en biologie aux avancées arabes et occidentales.
Savez-vous que le système géocentrique qu'on attribue à tort à Aristote est toujours aujourd'hui d'une grande utilité ? Dès que vous vous orientez sur une carte, ou avec une boussole, ou avec les étoiles du ciel, vous y faites appel. Mais surtout, regardez comment est conçu un planétarium qui simule cinématographiquement l'évolution du ciel sur un dôme (demi-spère). Il reproduit exactement le modèle géocentrique (et pour cause …). Il paraît même que pour certains, les caméras ont trois axes de rotation comparables à ceux qu'avait défini Eudoxe, assistant de Platon. Ce dernier est le véritable père du modèle géocentrique, qu'il conçut à partir d'observations très élaborées et sur les instructions du Maître : utiliser le mouvement parfait, celui de la rotation circulaire.
Cordialement
Auteur: Arnaud Dumouch (193.191.142.---)
Date: 08/03/2004 11:11
Cher Guy,
Pour vos remarques, je dirais : saint Thomas est le Docteur commun
1- pour son esprit et sa méthode et sur ce point, RIEN NE PEUT être critiqué, si ce n'est le risque de sécheresse rationnelle. Mais sur ce point, il le reconnaissait lui-même: ses écrits sont pour des débutants en théologie. Les parfaits sont les tout-petits…
2- pour la plus grande part de ses conclusions théologiques.
Mais il n'est pas infaillible, ni en philo, ni en théologie.
C'est d'ailleurs parce que AUCUN SAINT CANONISE, NI AUCUN DOCTEUR DE L'EGLISE n'est infaillible que les orthodoxes ont des problèmes avec leur théologie fondamentale.
Eux ne reconnaissent que deux canaux de leur certitude théologique:
1- L'Ecriture.
- Les saints canonisés.
Or, sur bien des points, leurs saints Docteurs se contredisent (comme c'est le cas par exemple chez nous pour saint Thomas et saint Bonaventure).
C'est pourquoi ils n'avancent plus en théologie depuis leur schisme.
Pour nous catholiques, il est essentiel d'avoir une troisième canal : LE MAGISTERE. Vous vous rappelez notre discussion sur ce point, récemment.
En ce qui concerne l'immaculée conception, je ne crois pas qu'on puisse sauver l'article de saint Thomas en tertia pars. Les conclusions de l'Eglise, tout en s'appuyant sur le même principe (c'est le Christ qui a opéré son œuvre en Marie), sont toutes différentes.
être immaculée conception n'est pas la même chose "qu'être purifié tout de suite", au moment de la conception.
Qu'en pensez-vous?Arnaud
Auteur: Arnaud Dumouch (193.191.142.---)
Date: 08/03/2004 13:04
Cher Guy:
Voilà un exemple de théorie fausse (pas périmée ni erronée mais FAUSSE = non conforme au réel) au plan des pures sciences positives (que d'ailleurs saint Thomas adopterait avec joie et immédiatement s'il pouvait revenir aujourd'hui:
1- "La semence féminine est inutile dans la procréation." suit une description et un raisonnement sur passif-actif.
---- Explication de l'erreur: confusion entre le lubrifiant de l'acte sexuel (glaire cervicale) et la semence féminine.
2- En cosmologie: il existe une cinquième matière, au-dessus de la lune, qui ne se corrompt pas (la quintessence).
------Explication de l'erreur: toute matière de ce monde est soumise à l'entropie même si c'est lent et peu mesurable.
Il y a beaucoup d'exemples autres et moins essentiels dans le livre sur les animaux.
Mais qu'importe: sa méthodologie expérimentale reste bonne et c'est cela l'essentiel. Il faudrait cependant lui ajouter une méthode expérimentale telle que la science le fait de nos jours.
Arnaud
Auteur: L'animateur du forum, Guy Delaporte (---.w80-14.abo.wanadoo.fr)
Date: 08/03/2004 14:43
Cher Arnaud,
Vous n'êtes pas de très bonne foi. Nous en avons déjà largement discuté. Aristote n'aurait jamais pu dire : «"La semence féminine est inutile dans la procréation." Suit une description et un raisonnement sur passif-actif». Jamais Aristote n'aurait utilisé le terme de "semence" dans ce cas de figure, car ce serait une contradiction intrinsèque. Enfin, j'ai montré que la biologie actuelle était beaucoup plus proche d'Aristote sur ce sujet qu'elle ne le fut dans le passé.
«il existe une cinquième matière». Le débat sur la quintessence, ou sur l'éther, ou sur le champ universel est loin d'être faux et périmé. Cela n'a rien à voir avec l'entropie.
«Mais qu'importe: sa méthodologie expérimentale reste bonne et c'est cela l'essentiel». Cela importe infiniment, car je ne vois pas qu'on puisse juger bonne une méthodologie expérimentale qui conduirait à tant d'erreurs.
Cordialement
Auteur: L'animateur du forum, Guy Delaporte (---.w80-14.abo.wanadoo.fr)
Date: 08/03/2004 14:53
Cher Arnaud,
«être immaculée conception n'est pas la même chose "qu'être purifié tout de suite"». Aux termes près, je pense qu'il s'agit de la même Grâce. Voici la différence :
Quant à la Grâce et à son action, elle est la même dans les deux cas. Si vous pensez à d'autres différences, je serais heureux de vous entendre.
Cordialement
Auteur: Arnaud Dumouch (193.191.142.---)
Date: 08/03/2004 16:11
Cher Guy,
Pourquoi une méthode bonne peut-elle conduire à tant d'erreurs?
Parce qu'il lui manque plusieurs outils:
1- Des instruments de mesure qui affinent les sens. Le microscope seul permet de découvrir le microbe… parce qu'on le voit bouger…
2- La méthodologie de l'expérimentation scientifique. Par exemple, la méthode en double aveugle seule permet de distinguer le médicament du placebo.
Aristote est LE fondateur. On ne lui demande pas d'être parfait en tout. L'essentiel est qu'en le suivant sur ses voies, saint Thomas a trouvé, pour une époque donnée, le modèle scientifique du "comment" de la matière le plus adéquat. Adéquat pour une époque ne veut pas dire conforme au réel.
La vraie conformité au réel, nous l'aurons quand, dans la Vision béatifique, nous verrons face à face "l'idea" de toutes les créatures.
MA CONCLUSION: sur bien des points de doctrine, Aristote (et donc saint Thomas) peut être périmé tout en étant le Docteur commun.
Pour moi saint Thomas doit être lu sur ces points avec la phrase suivante: "Apprenez que la lettre tue mais que l'esprit vivifie".
Arnaud
Auteur: Arnaud Dumouch (193.191.142.---)
Date: 08/03/2004 16:18
Cher Guy, à propos de l'immaculée conception,
je vais chercher ce soir la lettre du texte de saint Thomas.
Je vais essayer de mettre en face le dogme du pape Pie IX. Ce sera le meilleure façon de procéder.
Juste une dernière remarque: Sur ce point, saint Thomas et saint Bonaventure ont discuté fortement. C'est la théologie de Bonaventure qui a été canonisée. Cela montre que eux deux faisaient une différence.
Arnaud
Auteur: L'animateur du forum, Guy Delaporte (---.w81-49.abo.wanadoo.fr)
Date: 08/03/2004 17:32
Cher Arnaud,
Désolé de ne pas vous suivre dans cette conception de la philosophie (au delà d'Aristote et de Thomas d'Aquin). Que nos ancêtres aient manqué de moyens d'observation, cela est évident. Qu'ils ne soient pas parfaits et qu'ils aient commis des erreurs, nul ne songe à le nier. Mais beaucoup, comme vous, ne veulent retenir que les principes et la méthode, en balayant d'un revers les conclusions. C'est ne pas voir qu'on scie la branche sur laquelle on veut s'endormir. Les conclusions d'Aristote et de Thomas sont beaucoup plus actuelles qu'on ne le croit habituellement. D'autres et moi n'ont pas manqué de le signaler à chaque fois que nécessaire. Je regrette fort que vous n'en teniez pas compte.
Je m'étonne par ailleurs que vous tombiez dans le relativisme et que vous fassiez de la vérité - la conformité au réel - une affaire d'époque. Je doute qu'Aristote et Thomas d'Aquin vous approuvent sur ce point. De même que je doute qu'ils vous applaudissent lorsque vous séparez la lettre de l'esprit. On peut comprendre la lettre sans l'esprit, mais il est impossible de comprendre l'esprit sans la lettre. Et c'est bien de cela qu'il est question. Comprendre la lettre d'Aristote afin d'en dégager le véritable esprit, indépendamment des contingences d'époque.
«Adéquat pour une époque ne veut pas dire conforme au réel». Relisez les premières questions du De Veritate, vous verrez que saint Thomas met en balance "adéquation" et "conformité" et retient finalement cette dernière expression comme la plus exacte de la vérité : l'esprit est "de même forme" que le réel.
Cordialement
Auteur: L'animateur du forum, Guy Delaporte (---.w81-49.abo.wanadoo.fr)
Date: 08/03/2004 17:41
Cher Arnaud,
«C'est la théologie de Bonaventure qui a été canonisée. Cela montre que eux deux faisaient une différence». Bien sûr qu'ils faisaient une différence. Evidemment que Thomas s'était trompé. Je veux seulement dire que son erreur n'était pas ce que vous dîtes, c'est à dire le contraire du dogme. Là encore, seule la fidélité extrême à la lettre permet de dégager le véritable esprit. Au passage, ce n'est pas à Bonaventure que revient le mérite de la formulation exacte de l'Immaculée Conception, mais à Duns Scott, quelques 50 ans après.
Cordialement
Auteur: Yves (---.214-130-66.mc.videotron.ca)
Date: 08/03/2004 18:13
Cher animation du forum,
Le système de Newton est périmé et erroné. Car il n'expliquait pas tout, et je pense qu'un système vrai a le devoir de tout expliquer (la réciproque n'est pas vraie, bien sûr: un système qui explique tout n'est pas nécessairement vrai). En philosophie, par contre, il me semble que c'est différent: les idées et les systèmes sont oubliés et périmés bien plus qu'ils ne sont réfutés. C'est une affaire d'époque et de culture. J'irais même jusqu'à dire: une affaire de mode.
Ainsi, l'existence du mal servait autrefois à prouver l'existence d'un Principe mauvais du cosmos. Aujourd'hui, elle sert à nier l'existence d'un Principe bon du cosmos. À mon avis, la différence est une affaire de culture plus que de raison. On ne veut plus choisir entre 2 ou 1, mais entre 1 ou 0. C'est plus économique ainsi. Et c'est devenu important d'économiser depuis le rasoir d'Occam…
De même, pour plusieurs philosophes, la métaphysique est passée de mode. Mais est-elle réfutée? Inutile d'en discuter, ce serait perdre son temps: la métaphysique n'est plus à l'ordre du jour. Parlons de bioéthique ou d'intelligence artificielle: ça, c'est actuel.
Connaissez-vous des biologistes contemporains qui se réclament d'Aristote?
Cordialement,
Yves M
Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.105.codenet.be)
Date: 08/03/2004 20:08
Cher Guy, J'ai mieux compris votre avis sur l'Immaculée Conception. Merci pour la précision sur D. Scott.
Les erreurs de saint Thomas ne portent que sur quelques conclusions. La grande majorité est et reste valable et valide.
Il y a pourtant chez saint Thomas comme chez saint Augustin une erreur FONDAMENTALE car elle porte sur un PRINCIPE et non seulement une conclusion. Selon eux, DIEU NE PROPOSERA PAS SON SALUT A TOUT HOMME (les enfants morts sans baptême, les païens non évangélisés etc.) Cela s'oppose à un dogme essentiel. Je comprends mal comment s'est glissée cette erreur dans l'école scolastique issue des Pères de l'Eglise. C'est beaucoup plus grave…
Pourtant, cette erreur mystérieuse semble avoir été … voulue (permise?) par Dieu… car c'est cette erreur qui a produit les immenses fruits positifs des missions d'évangélisation. Saint Dominique par exemple, ne s'est usé dans l'urgence de la prédication que parce qu'il était sûr que les hérétiques seraient damnés. Si les anciens avaient compris que Dieu à d'autres méthodes que nos pauvres efforts, se seraient ils ainsi donnés?
Maintenant, je vous pose une question: A le dire, pensez-vous vraiment que l'amour de saint thomas y perd quelque chose?
Arnaud
Auteur: Ramdam (---.152-200-80.adsl.skynet.be)
Date: 09/03/2004 14:37
Cher Arnaud,
je voulais avoir votre sentiment sur ce risque dont vous parler du danger des écrits de saint T. sur l'amour. Je comprends mal ce complexe de qualité et de quantité.
Auteur: Arnaud Dumouch (193.191.142.---)
Date: 10/03/2004 11:49
Cher Ramdam,
Je vous réponds:
Selon moi, historiquement, la précision technique et scientifique de saint Thomas présente un risque: c'est tellement génial qu'on risque d'y mettre toute la puissance de son esprit… à tel point qu'on peut en oublier la primauté de l'amour. Pourtant saint Thomas l'explique: "Dans l'autre monde, Dieu sera une réalité qu'on connaîtra d'abord pour l'aimer. Ici bas, Dieu étant le suprême inconnaissable, l'amour précède la connaissance."
Et c'est vrai, des thomistes historiques se sont desséchés.
D'où, quand on lit saint Thomas, deux précautions à suivre:
1- Se souvenir que c'est la théologie des débutants, que les parfaits contemplent comme des enfants (et il n'y a pas opposition entre les deux. Juste un ordre).
2- Toujours avoir en face de son coeur Marie, la Vierge, car sa féminité rééquilibre ce qui est par trop masculin dans l'intelligence thomiste.
Qu'en pensez-vous?
Arnaud
Auteur: François
Sent: Friday, April 23, 2004 7:29 PM
Cher Arnaud,
J'aurais enfin une question qui est pour l'instant plus un sentiment confus. J'aime beaucoup saint Thomas, mais j'ai été très choqué par ses articles de la somme sur les hérétiques.
- Le rapport à la foi y parait assez mécanique et dogmatique,
- le jugement si froid, si despotique, si peu miséricordieux,
- enfin la Parole de Dieu me semble un peu instrumentalisé et détourné.
Je n'ai pas du tout eu le temps de travailler cela mais si pour m'éclairer vous aviez quelques pistes de travail (philo, théo ou culturelles), ce serait super.
Christ est vraiment ressuscité ! Dans la communion des saints.
François
Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.233.codenet.be)
Date: 24/04/2004 17:19
Cher François,
Merci pour votre message. Je suis heureux si ce CD vous sert.
Je vous réponds tout de suite sur saint Thomas.
La première fois que j'ai lu la Somme de théologie, j'ai détesté. J'en ai parlé au Père Marie-Dominique Philippe qui m'a dit de m'accrocher.
Je l'ai donc relue.
Maintenant, j'enseigne la théologie à des lycéens en Belgique et je dois le reconnaître: par rapport à mes collègues, ma théologie a reçu de saint Thomas une clarté et une précision unique.
Saint Thomas est strictement dans la rigueur et la précision intellectuelle. Il ne peut que choquer dans un premier temps votre sens de l'amour personnel pour Dieu.
Mais accrochez vous: UN AN PASSE A SA FREQUENTATION, Disait le Pape Jean XXII, vaut mieux que toute une vie dans n'importe quel auteur. Et c'est vrai.
Pour éviter le risque de dessèchement du coeur qu'on voit chez certains disciples de saint Thomas, je disais avec ferveur un Ave Maria entre la lecture de chaque article de la Somme.
Vous dites: """""j'ai été très choqué par ses articles de la somme sur les hérétiques.""""""
Il y a en effet chez saint thomas un problème dans sa théologie: le destin éternel des non croyants, des enfants morts sans baptême. Depuis sa mort, il y a eu Vatican II qui a dit: "Dieu les sauve par un moyen connu de lui". Ce moyen est évident et saint Thomas ne l'a pas trouvé: l'évangile est prêché à tout homme, par le Christ lui-même, à l'heure de la mort de chacun.
Si vous avez cela en tête, vous rectifiez sans peine ce problème récurent dans la pensée de saint Thomas.
L'autre erreur porte sur l'immaculée conception de Marie.
Tout le reste est théologiquement précis et l'Eglise en a fait le Docteur des docteurs.
- Le rapport à la foi y parait assez mécanique et dogmatique,
- le jugement si froid, si despotique, si peu miséricordieux,
- enfin la Parole de Dieu me semble un peu instrumentalisé et détourné.
""""- le jugement si froid, si despotique, si peu miséricordieux, """"
En fait, c'est un JUGEMENT SCIENTIFIQUE ET RIGOUREUX, donc séparé de toute affectivité. A vous de remettre l'amour lorsque, formée par lui, votre intelligence retransmettra sa pensée.
""""""- enfin la Parole de Dieu me semble un peu instrumentalisé et détourné. """"" C'est que la religion catholique n'est pas, comme le protestantisme, une religion du Livre. Elle s'appuie aussi sur la Parole vivante, repensée par les saints et confirmée par les papes.
Cher François, travaillez aussi, dans le site eschatologie, le livre "l'heure de la mort". Il me semble essentiel pour redonner soif du Ciel. Il donne les réponse sur notre vie, nos souffrances, notre chemin après la mort.
Vierge Marie!! Arnaud
From: Thienpont thomas
To: a.dumouch@free.fr
Sent: Thursday, November 18, 2004 5:43 PM
Subject: les erreurs de saint Thomas
Bonjour,
Je reviens sur les erreurs en théologie de saint Thomas que vous mettez sur votre site:
citation: "Il dit: - Marie fut purifiée du péché originel (IIIa, Q. 27). Cette théorie ne s'harmonise pas avec le dogme de l'Immaculée conception de Marie, 1854."Marie fut préservée du péché originel, par la grâce prévenante de la Trinité, les mérites futurs de son fils."
Réponse: Cette seule citation de saint Thomas est insuffisante pour porter un jugement sur la théologie de saint Thomas au sujet de l'immaculée conception. Il apparaît que la pensée du docteur a évolue dans sa vie, comme l'explique très bien le père Garrigou-Lagrange dans son ouvrage que je ne peux que recommander: "la mère du sauveur et notre vie spirituelle."
De plus la question a son époque était en débat. A votre place je retirerai la citation et votre conclusion hâtive, et la remplacerait par des explications des positions qu'a pu avoir saint Thomas, en replaçant tout dans son contexte.
Thomas
From: a.dumouch@free.fr
Sent: Thursday, November 18, 2004 18:36
Subject: les erreurs de saint Thomas
Cher Thomas,
Effectivement, saint Thomas n'était pas hérétique (=obstination contre une décision définitive de l'Église en matière de foi), mais dans l'erreur sur ce point puisque cette question était libre de discussion à son époque. Y a-t-il ambiguïté sur ce point? Je corrigerai s'il le faut.
Pour vous répondre, ce texte de saint Thomas (IIIa pars de la Somme théologique) fut écrit quelques mois avant sa vision extatique qui le conduisit à ne plus dicter. C'est donc, semble-t-il, la forme la plus achevée de sa pensée.
Mais la légende dit qu'il fit ensuite, juste avant de mourir, un commentaire du Cantique des Cantique, hélas perdu. Peut-être aurait-il eu une dernière version de la grâce de Marie après cette vision? Savez-vous ce qu'en dit le Père Garrigou-Lagrange? Si saint Thomas évolue, ce ne peut être qu'à ce moment. Pouvez-vous vérifier?
Cordialement
Arnaud
From: Jacques Ménard
To: a.dumouch@free.fr
Sent: Thursday, Janvier 23, 2005 17:54
Subject: Le Commentaire des Sentences de saint Thomas
Arnaud,
Faut-il traduire le Commentaire des Sentences? J'ai soulevé la question parce que j'ai été un peu rafraîchi (!), en lisant la p. 90 de l'Introduction à la Somme de théologie, publiée sur ton site. Tu verras que les traducteurs ont explicitement exclu la publication de la traduction du Supplément de la Somme de théologie parce qu'il est composé d'éléments tirés du commentaire sur les Sentences, qui, disent-ils, "ne représente pas «l'authentique pensée de Thomas d'Aquin" et, au surplus, comporte beaucoup d'opinions qui ont été par la suite récusées par lui-même ou par l'opinion théologique commune. Qu'ils pensent cela ne me dérangent pas du tout, mais que soit ainsi écarté toute possibilité de publication du commentaire sur les Sentences, cela donne à réfléchir, n'est-ce pas? En tout cas, nous y réfléchirons en temps et lieu…
À bientôt.
Jacques
From: a.dumouch@free.fr
Sent: Thursday, Janvier 24, 2005 19:36
Subject: Le Commentaire des Sentences de saint Thomas
Cher Jacques, oui, effectivement, le Commentaire des Sentences pose souvent des problèmes au plan théologique. Et là je peux t'en parler. C'est mon domaine.
Si tu regardes le Supplément de la Somme Théologique de saint Thomas que Frère Réginald construit à partir des Sentences, tu vois qu'il traite de l'Ordre, du mariage, des Fins dernières. Or on trouve trois gros problèmes de fond sur ces trois traités, pas de petits problèmes mais des problèmes sur le principe fondateur:
1° L'ordre: Saint thomas soutient la doctrine traditionnelle des trois ministères ordonnés (sacerdoce, Diacre, sous-diacre) et des quatre institués (acolytat, lectorat, exorcisme, portier). Le Concile Vatican II remplace cela par celle des trois ministères ordonnés (épiscopat, sacerdoce et diaconat) et des deux ministères institués (acolyte et lecteur). C'est un changement de la nature même l'Ordre qui ne centre plus sur le service de la seule eucharistie (saint Thomas) mais sur le service des chrétiens sanctifiés pour vivre de la communion du cœur à cœur eucharistique. Ce n'est donc plus un ordre au service de Dieu, mais au service de l'alliance de la charité entre Dieu et l'homme. Ça change tout.
2° Pour le mariage, c'est plus visible encore: La doctrine traditionnelle de saint Thomas était reprise et résumée dans le canon 1013 du Code de Droit Canonique de 1917: "La fin première du mariage est la procréation et l’éducation des enfants; la fin secondaire est l’aide mutuelle et le remède à la concupiscence." Le Code de Droit Canonique de 1989, s'appuyant sur les textes du Concile Vatican II, réforme cette perspective (Canon 1055): "L'alliance matrimoniale, par laquelle un homme et une femme constituent une communauté de toute une vie, est ordonnée de manière naturelle au bien des conjoints ainsi qu'à la génération et à l'éducation des enfants." C'est un changement de fond qui ne dévalorise pas l'enfant et son éducation qui sont toujours la fin première du mariage, mais qui en font le fruit naturel d'une autre fin première qui fonde le couple et sa fécondité, à savoir l'union des époux. Évidemment, c'est tout le traité du mariage qui s'en trouve bouleversé.
3° Et pour les Fins dernières, c'est du même acabit: Premier problème, le Commentaire des Sentences centre le Traité sur la résurrection de la chair, alors que le vrai principe du traité est la Vision béatifique.
Problème plus grave: saint Thomas dit: - Certains hommes, n'ayant pas reçu la révélation de Dieu, meurent en conséquence sans la grâce sanctifiante et la charité et sont damnés pour l'éternité -d'où sa théorie des Limbes éternelles pour les enfants morts sans baptême (Suppl. Q. 70bis), et sa théorie de la damnation des païens (Ia IIae Q. 113, 114)-. Cette opinion s'oppose à Vatican II: “Puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l'homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l'Esprit Saint offre à tous, d'une façon que Dieu seul connaît, la possibilité d'être associé au mystère pascal” (GS n° 22, 5, trad. officielle).
Bref, je me demande si Dieu n'a pas rappelé saint Thomas à lui avant la fin de la rédaction de sa Somme de peur qu'il ne bloque à jamais la théologie dans une voie sans issue, à cause de la révérence qu'il suscitait.
Arnaud