Accueil Remonter Lettres diverses Sur la Comédie Lettres III-VIII Lettres IX-XVII Lettres XVIII-XXXVII Lettres XXXVIII-XL Lettres XLI-XLIV Lettres XLV-LV Lettres LVI-LXI Lettres LXII-LXX Lettres LXXI-LXXXII Lettres LXXXIII-XCV Lettres Dlle de Metz Lettre Mme de Maisonfort I Lettre Mme de Maisonfort II Lettre Mme de Maisonfort III Lettres Mme de Maisonfort IX Lettres Mme de Maisonfort XV Lettres Mme de Cornuau I Lettres Mme de Cornuau IX Lettres Mme de Cornuau XXXVIII Lettres Mme de Cornuau CXXXI
| |
LETTRE LVI.
BOSSUET A M. PASTEL, DOCTEUR DE SORBONNE. A Meaux, ce 24 mars 1701.
Vous entendîtes, Monsieur, ces jours passés M. Pourchot,
qui me disait qu'il avait une lettre de M. Descartes sur la transsubstantiation.
Je vous prie de la lui demander, et de prendre le soin de m'en envoyer une
copie. Il n'est pas nécessaire qu'on sache ma curiosité; c'est à bonne fin. Je
vois de grands inconvénients à la publier ; et si elle est telle que je
l'imagine sur le récit qu'on m'en a fait, elle n'évitera pas la censure. M.
Descartes a toujours craint d'être noté par l'Eglise, et on lui voit prendre sur
cela des précautions dont quelques-unes allaient jusqu'à l'excès. Quoique ses
amis pussent désavouer pour lui une pièce qu'il n'aurait pas donnée lui-même,
ses ennemis en tireraient des avantages qu'il ne faut pas leur donner. Je vous
en dirai davantage quand j'aurai
218
vu la lettre, et je ne ferai point difficulté d'en dire mon
sentiment à M. Pourchot. Je vous prie de lui faire mes compliments, et de bien
croire, Monsieur, que je suis sincèrement à vous.
LETTRE LVII.
BOSSUET A M. PASTEL, DOCTEUR DE SORBONNE. A Meaux, ce 30 mars 1701.
J'ai reçu, Monsieur, avec votre lettre la copie que vous
avez faite des deux de M. Descartes (a). Vous pouvez dans l'occasion bien
assurer notre ami qui m'en parla, qu'elles ne passeront jamais, et qu'elles se
trouveront directement opposées à la doctrine catholique. M. Descartes, qui ne
voulait point être censuré, a bien senti qu'il les fallait supprimer, et ne les
a pas publiées. Si ses disciples les imprimaient, ils seraient une occasion de
donner atteinte à la réputation de leur maître, et il y a charité à les en
empêcher. Pour moi, je tiens pour suspect tout ce qu'il n'a pas donné lui-même ;
et dans ce qu'il a imprimé, je voudrais qu'il eût retranché quelques points pour
être entièrement irrépréhensible par rapport à la foi ; car pour le pur
philosophique, j'en fais bon marché. Parle titre qu'ont les deux lettres, il
semble qu'elles soient déjà imprimées ; et qu'elles aient servi de véhicule à
des écrits déjà publics. Je suis avec estime et affection, etc.
LETTRE LVIII.
BOSSUET A M. LE CARDINAL DE NOAILLES. A Germigny, ce 23 mai 1701.
J'ai lu, Monseigneur, le nouveau livre français (b)
sur l'Histoire de la Congrégation de Auxiliis; et sans entrer dans la
question de
(a) Ces deux lettres de Descartes sur l'Eucharistie
ont été imprimées pour la première fois en 1811, dans l'ouvrage intitulé :
Pensées de Descartes sur la Religion et la Morale, pag. 250 et suiv. — (b)
Composé par le P. Serri, dominicain, ce livre parut sous le titre de
Questions importantes, à l'occasion de la nouvelle histoire des
congrégations de Auxiliis.
219
la science moyenne, voici la remarque que j'ai faite, et
que Votre Eminence aura faite aussi bien que moi. C'est qu'encore que l'auteur
déclare que la société n'a pas adopté la doctrine de Molina sur les forces
naturelles, auxquelles il attache la grâce, il ne laisse pas de déclarer en même
temps que la même société tient cette doctrine à couvert de toute censure, à
cause du nombre des auteurs qui l'ont soutenue.
C'est là, Monseigneur, attaquer directement la censure du
clergé, résolue sous votre présidence et rendue exécutoire par votre décret :
c'est dire que cette doctrine, qui est purement et manifestement
semi-pélagienne, est reconnue pour probable, à cause qu'elle n'a pas été
condamnée parle saint Siège. C'est faire dépendre les dons de la grâce des
dispositions naturelles, les y ramener comme à leur racine, et répondre au
Quis te discernit de saint Paul (1) ; ce qui ne renferme rien moins que le
renversement entier de la piété et de la doctrine de la grâce.
J'avoue que ce sentiment a été soutenu par plusieurs
scholastiques avant le concile de Trente, et que depuis ce concile quelques-uns
n'ont pas eu assez d'attention à ses décrets. Mais après les grands
éclaircissements qu'on a donnés sur cette matière et après le décret du clergé,
appuyé du vôtre, on n'a pas dû à vos yeux soutenir une doctrine si pernicieuse.
C'est faire injure à l'Eglise romaine de la faire
approbatrice de cette doctrine, et d'étendre jusque-là la défense de se
condamner les uns les autres, qu'il faut restreindre à la principale matière de
l'examen, qui est celle delà congruité par la science moyenne.
Je supplie très-humblement Votre Eminence de considérer
devant Dieu, et de faire considérer dans son conseil le remède qu'on peut
apporter à un si grand mal. Pour moi j'attendrai vos ordres, et demeurerai en
repos.
M. de Reims, dans son ordonnance sur la grâce, a bien
distingué la doctrine de la grâce congrue d'avec celle-ci, puisqu'il a toléré
l'une et condamné l'autre. Si nous la souffrons, il faut laisser enseigner
impunément que tous les dons de la grâce, même la première efficace et celle de
la persévérance, marcheront
1 I Cor., IV, 7.
220
ensuite des dispositions naturelles, qui par là feront la
racine du discernement. Le décret du clergé, qui a marqué cette erreur, ira en
fumée, aussi bien qu'une approbation aussi authentique que la vôtre; et le
semi-pélagianisme sera remis en honneur sous d'autres termes.
Le cardinal Baronius en a déploré la renaissance, sous
prétexte de s'opposer à Luther. Le cardinal Bellarmin ne s'éloigne pas de ce
sentiment, quoique d'ailleurs défenseur delà doctrine de Molina sur l'autre
point. Je sais que Votre Eminence n'abandonnera non plus qu'eux la cause de
Dieu, pour laquelle elle est si déclarée. Je marcherai humblement sur les pas de
Votre Eminence, de qui je suis à jamais avec un respect sincère, etc.
LETTRE LIX.
BOSSUET A M. LE CARDINAL DE NOAILLES (a). A Meaux, ce 25 mai 1701.
Je prends encore la liberté, Monseigneur, de rendre compte
à Votre Excellence d'un rapport qui m'a été fait par gens qui semblent instruits
; c'est que, dans la dernière assemblée des Pères de Saint-Maur, il a été résolu
de changer la préface du dernier tome. Si cela est, Votre Excellence sera sans
doute avertie, et aura vu mieux que moi que ce changement causerait de grands et
inévitables scandales : en sorte que si l'on ne pouvait autrement rompre ce
coup, je crois que Votre Eminence ne trouverait pas hors de propos d'y employer
l'autorité du Roi, qui ne peut avoir de plus saint et de plus nécessaire usage
que celui de préserver l'Eglise de tels troubles. Cette préface a été présentée
au clergé de France, et le moindre changement qu'on y apporlerait soulèverait
tout le monde. Votre Excellence, Monseigneur, me pardonnera la liberté que je
prends. Car à qui peut-on mieux s'adresser qu'à celui que Dieu a placé si
hautement dans son Eglise, et qu'il a rempli d'un si grand zèle pour faire tête
à droite et à gauche contre ceux qui brouillent.
Je suis avec un respect sincère, etc…
(a) Inédite. Manuscrit à la bibliothèque du séminaire de
Meaux.
221
LETTRE LX.
BOSSUET A M. BRISACIER, SUPÉRIEUR DU SÉMINAIRE DES MISSIONS ÉTRANGÈRES. A
Meaux, ce 30' août 1701.
J'ai lu en effet, Monsieur, avec une extrême diligence, le
livre intitulé : Judicum unius (a)..., comme M. le cardinal de
Noailles l'avait prévu. Je vous ai promis de vous en dire mon Sentiment: je le
fais à condition, s'il vous plaît, que vous communiquerez cette lettre à M. le
Cardinal. Mon dessein est par là que vous preniez le temps le plus commode à Son
Eminence pour lui en faire la lecture : et en même temps de lui sauver à peine
de lire mon écriture, qui devient tous les jours plus pénible pour moi, et plus
difficile aux autres ; ce qui m'oblige souvent de me servir d'une main
étrangère.
Je dis donc en général que ce livre est fait pour appuyer
l’indifférence des religions, qui est la folie du siècle où nous vivons. Cet
esprit règne en Angleterre et en Hollande trop visiblement : mais par malheur
pour les âmes, il ne s'introduit que trop pari les catholiques. Ce livre
autorise ce sentiment, en faisant tous les hommes, de quelque religion qu'ils
soient, capables du salut. L'auteur fait servir à cette doctrine la volonté
générale de sauver tous les hommes; d'où il conclut que la religion véritable a
pu dans tous les peuples : et comme cette volonté subsiste toujours, il doit
tirer la même conséquence du temps présent, comme il a fait de celui qui a
précédé l'Evangile.
Il est vrai qu'il reconnaît que les sept nations dont les
Juifs étaient environnés, la Chaldée, la Grèce et tout l'empire romain ont été
vraiment idolâtres. Mais si on le pousse, en lui demandant si Dieu ne voulait
pas sauver ces peuples comme les autres, il sera contraint d'abandonner son
système ou de trouver des excuses a
(a) Ce livre, composé par M. Coulau, docteur de Sorbonne,
défendait les ouvrages que les PP. le Comte et Gobien, Jésuites, avaient publiés
sur la religion des Chinois, et que la faculté de théologie de Paris avait
censurés.
222
ces idolâtres, en disant comme il l'insinue en quelques
endroits, qu'on a pu adorer le vrai Dieu sous le nom de Jupiter, ainsi du reste,
puisque même il approuve les auteurs qui disent que les anciens Germains ont
adoré le Père, le Fils et le Saint-Esprit, sous le nom du soleil, de la lune et
du feu; c'est-à-dire de Jupiter, de Junon et de Vulcain.
Mais il s'attache particulièrement à justifier les anciens
Perses, comme ayant connu le vrai Dieu, et même le Messie : et il entreprend de
prouver la première partie, même par l'autorité de l'Ecriture; à cause, dit-il,
qu'il n'est pas probable que les Perses aient été choisis pour détruire
l'idolâtrie de Babylone et rétablir le temple de Dieu, s'ils ne l'eussent connu
et servi de tout temps : ce qu'il confirme par Cyrus, que Dieu appelle son
Christ dans Isaïe (1), et qui déclare lui-même que le Dieu du ciel lui a donné
le royaume.
Ce discours est d'une prodigieuse témérité, puisque dans le
même prophète Isaïe, Dieu dit deux fois à Cyrus : Vous ne m'avez point connu
(2) ; où saint Jérôme interprète qu'il avait servi de faux dieux : Idola
coluisti.
Ce que répond l'auteur à, ces passages précis est
incroyable. C'est qu'encore que Cyrus connût le vrai Dieu, il ne savait pas que
les Hébreux en fussent les adorateurs ; et qu'aussitôt qu'il l'a su, il a
reconnu que le Dieu des Juifs était le vrai Dieu du ciel, que lui-même il
l'avait toujours servi : que si l'on pouvait soupçonner que Dieu eût fait
l'injustice à Cyrus de lui dire qu'il ne le connaissait pas, sous prétexte qu'il
ne savait pas qu'il fût le Dieu d'Abraham et des Juifs, quoique d'ailleurs lui
et les Perses le connussent de tout temps, par la tradition perpétuelle venue de
Noé.
L'auteur passe jusqu'à assurer que non-seulement Cyrus,
mais encore les autres rois de Perse n'ont changé leur ancien culte véritable,
que depuis qu'ils ont été subjugués par les Grecs : où il paraît qu'il a oublié
le livre d'Esther, où les Perses et leurs rois sont appelés avec, horreur des
incirconcis. « Vous savez, Seigneur, disait Esther, que je hais la gloire des
impies, et que je
1 Isa., XLV, 1. — 2 Ibid., 4, 5.
223
déteste le lit des incirconcis et de tout étranger. Vous
savez la nécessité qui m'oblige de porter sur ma tête le signe d'orgueil et de
gloire que j'ai en abomination, que je le déteste comme ce qu'il y a de plus
immonde, et que je ne le porte pas dans les jours de mon silence, mais seulement
dans les jours d'ostentation et de cérémonie. Vous savez enfin que je n'ai
jamais mangé à la table d'Aman; et que s'il m'a fallu manger à celle du Roi mon
mari, je ne me suis pas plu dans ce banquet, et je n'ai pas bu le vin des
effusions (1). »
Qu'Esther ait parlé ainsi d'un roi et d'un peuple qui
aurait servi le vrai Dieu et lui aurait offert de pieux et véritables
sacrifices, c'est ce qui n'entrera dans l'esprit de personne.
On lit encore dans le même livre ces paroles de Mardochée :
« Vous savez, Seigneur, que ce n'est pas par orgueil que j'ai refusé d'adorer le
superbe Aman; car j'aurais volontiers baisé ses pas pour le salut d'Israël :
mais j'ai craint de transférer l'honneur de mon Dieu à un homme (2). »
Ce qui fait voir que la vraie raison du refus de Mardochée,
c'est que le culte divin, que les Perses, comme l'on sait, rendaient à leurs
rois, s'appliquait par proportion à leurs favoris, dans lesquels reluisait leur
puissance.
De là venait cette ordonnance publiée par Darius roi de
Perse, à la commune sollicitation de tous les satrapes : «Que si quelqu'un osait
présenter quelque prière à quelque Dieu ou à quelque homme que ce fût, excepté
au roi, durant trente jours, il serait jeté dans la fosse des lions (3). Voilà
ces adorateurs du vrai Dieu qui se font des dieux eux-mêmes de leurs rois, et
que les saints regardent avec horreur, comme on a vu que fit Esther. C'est aussi
ce qui obligea Mardochée à avertir la même Esther de ne point déclarer son
peuple (4), parce qu'il savait que c'était un peuple odieux aux Perses, et
qu'Aman aussi décriait au Roi comme un peuple dont les singularités dévoient
être en horreur au roi et à tout l'empire des Perses.
C'est encore ce qui fait dire à la même reine, dans sa
prière, « que les Perses voulaient fermer la bouche à ceux qui louaient
1 Esth., XIV, 15-17. — 2 Ibid., XIII, 12-14.
— 3 Dan., VI, 6, 7, etc. — 4 Esth., III, 8.
224
Dieu, pour ouvrir celle des gentils et leur faire louer
leurs idoles (1). »
Après cela il est étonnant qu'on veuille, par de petites
conjectures, faire passer les Perses pour un peuple vraiment religieux, sous
prétexte que Cyrus aurait connu le Dieu du ciel, « et que Darius aurait ordonné
qu'on payât les frais des sacrifices, de ses propres revenus, dans le temple de
Jérusalem, à la charge qu'on y prierait pour la vie du roi et de ses enfants
(2), » sans songer qu'il est écrit dans les Macchabées (3) que Séleucus roi
d'Asie avait donné un ordre semblable, sans que pour cela on puisse conclure que
les Syriens, qui n'avaient point d'autre religion que celle des Grecs, eussent
servi le vrai Dieu.
C'est ignorer les premiers principes de la théologie, que
de ne pas vouloir entendre que l'idolâtrie adorait tout, et le vrai Dieu comme
les autres. Cyrus peut avoir été dans la même pratique ; et Dieu se sera servi
de lui pour faire, en faveur de son peuple, ce que les prophètes en avaient
prédit. Il se peut aussi qu'il ait connu Dieu, comme avait fait Nabuchodonosor
(4), sans que cette connaissance ait eu de suite. Mais il est beaucoup plus
croyable qu'il n'a jamais eu le vrai culte, puisqu'on lui voit dans Xénophon
toujours invoquer le soleil avec le Jupiter de son pays, quel qu'il soit, lui
offrir des sacrifices, et pratiquer la divination par les entrailles des animaux
immolés.
On voit aussi dans le dernier discours qu'il tient à ses
enfants, qu'il se sert de la doctrine de l'immortalité de l’âme pour leur
persuader de suivre ses derniers ordres, et leur faire croire qu'il serait
toujours vivant pour les y obliger. Voilà comme sont faits ces princes qu'on
nous veut donner pour si religieux, et les Chinois peuvent l'avoir été à même
prix.
Au reste on assure trop positivement que les Perses
n'avaient point d'idoles. Car encore que cela soit vrai des idoles à figure
humaine, on doit croire qu'ils en avaient d'autres, puisque Esther le remarque
ainsi au lieu que nous avons allégué (5). Et en effet Zoroastre donne
expressément chez Eusèbe la tête d'un épervier
1 Esth., XIV, 9, 10. — 2 I Esdr., VI, 9, 10.
— 3 II Mach., III, 3. — 4 Dan., III, 96, 99, 100, etc. — 5
Esth., XIV, 10.
225
à son Dieu, comme l'auteur l'a remarqué lui-même. Il croit
se sauver en disant que c'était une image hiéroglyphique, comme si ces sortes
d'images n'avaient pas pu devenir des idoles chez les Perses à la manière des
autres. Je n'empêcherai pourtant pas qu'on ne réponde au passage d'Esther, que
le terme d'idole y est employé pour signifier toute fausse divinité : mais
toujours il demeurera véritable que la Perse adorait de faux dieux, et que par
un faux culte elle se rendait exécrable aux adorateurs du vrai Dieu.
Que sert de nous opposer après cela l'autorité de Zoroastre
chez Sanchoniathon et chez Eusèbe? On ne nie point que les philosophes n'aient
eu des restes de la véritable idée de la Divinité ; et ils ne sont devenus
idolâtres qu'en les appliquant mal. Par exemple, l'auteur admire que Zoroastre
ait pu dire que Dieu est immortel, sans commencement, sans parties,
très-dissemblable, auteur de tout bien, et qui seul s'enseigne lui-même; toutes
choses qui peuvent convenir en un certain sens au soleil, qui était réputé voir
tout du haut du ciel, diriger tout, n'avoir point de parties distinctes à la
manière des hommes et des animaux, être différent de lui-même, ainsi que
chantait Horace : Aliusque et idem nasceris; ce qui sous des paroles
emphatiques ne signifierait que le soleil ou le monde, si l'on veut, et quelque
chose de fort éloigné du vrai Dieu.
On sait d'ailleurs que les Perses adoraient deux dieux,
l'un bon et l'autre mauvais, comme le dit expressément saint Augustin (1), qui
le rapporte de leurs propres auteurs; ce que Plutarque avait fait avant lui.
L'auteur tire avantage de ces deux dieux, pour prouver que les anciens Perses
ont connu Dieu et le diable : excuse impie et pernicieuse, puisqu'aux termes de
saint Augustin, c'est faire adorer le diable à ceux qu'on nous veut donner pour
si religieux.
Je ne finnois point, si j'entreprenais de rapporter tout ce
qui pourrait convaincre les anciens Perses d'une parfaite idolâtrie, fort
différente de celle des Grecs. Il est certain par le livre de la Sagesse (2),
qu'on a adoré le soleil, la lune, les étoiles, les vents,
1 De Civit. Dei, lib. V, cap. XXI. — 2 Sapient.,
XIII, 2.
226
les éléments et les autres parties du monde. Chercher des
excuses à ce culte impie, ou vouloir que les Perses en aient été incapables
plutôt que les autres peuples, c'est vouloir chercher des justifications à ceux
qui bien constamment et par des témoignages exprès de l'Ecriture, ont été en
exécration au peuple de Dieu.
On peut juger de là ce qu'il faut croire des autres nations
qu'on entreprend d'excuser d'idolâtrie. Géraldin n'est pas plus heureux à
défendre l'Ethiopie, que Hyde à excuser les Perses; et l'auteur, qui relève
leurs fades et impertinentes conjectures contre les témoignages exprès de la
parole de Dieu, ouvre la porte à ceux qui voudront excuser tout le reste des
païens, et soutenir que sans cela on ne peut entendre cet oracle de l'Apôtre :
Dieu veut que tous les hommes soient sauvés (1).
Je crois donc qu'il est nécessaire de résister à ces
nouveautés, et non-seulement par des discours, mais encore par des censures
expresses, si l'on ne veut donner cours à l'indifférence des religions. Il ne
faut pas se flatter sur l'impertinence de l'auteur, qui fera tomber son livre
comme de lui-même. Car tout ignorant qu'il est, il se donne un air de savoir,
qui éblouira tous les esprits médiocres, dont le nombre est le plus grand parmi
les hommes, et qui flatte la pente du siècle.
Je voudrais donc prier ou M. Dupin, ou le Père Alexandre,
de relever les faux raisonnements et les fausses citations qui sont
particulières à cet auteur; et en attendant supplier M. le cardinal de Noailles,
ou d'en faire ou d'en procurer la censure par la Faculté. Mais comme le dernier
serait long et peut-être trop difficile, le droit du jeu est que M. le cardinal
commence d'abord, et qu'il arrête par son autorité le cours d'une impiété si
manifeste; et c'est de quoi je le supplie.
J'avais dessein d'extraire et de qualifier quelques
propositions : mais c'est assez pour cette fois; et j'avoue que je me lasse de
dicter : je pourrai continuer au premier loisir. Cependant je suis, Monsieur, ce
que vous savez.
1 I Timoth., II, 4.
227
LETTRE LXI.
BOSSUET A M. BRISACIER, SUPÉRIEUR DU SÉMINAIRE DES MISSIONS ÉTRANGÈRES. A
Meaux, ce 8 septembre 1701.
Je continuerai mes remarques, Monsieur, par forme de
Mémoire, comme vous me témoignez le désirer dans votre réponse du premier
septembre. Il faut beaucoup insister sur les Perses, parce que l'auteur en fait
son principal fondement par les trois propositions de la page 25, dont la
première est « que les Perses ont toujours reconnu un seul Dieu : » Persas
unicum semper Deum agnovisse; la seconde, « qu'ils ont toujours été fort
opposés aux idoles : » Idolis et simulacris nunquàm non fuisse infensissimos;
et la troisième, « qu'on peut tirer des Livres sacrés de fortes conjectures qui
autorisent ce sentiment : » Non leves è sacris codicibus in eam sententiam
conjecturas duci posse. Sur les deux dieux, bon et mauvais, c'est en vain
que l'auteur allègue Agathias, livre II de l'histoire de Justinien. Cet auteur
ne dit point du tout, comme on le lui fait dire, « qu'il est constant que les
Perses n'ont adoré qu'un seul Dieu. » Car cet auteur dit expressément que de
toute antiquité les Perses adoraient Jupiter, Saturne, Vénus, et les autres
dieux de la Grèce sous d'autres noms. Et quant aux deux dieux, bon et mauvais,
il se trompe manifestement en disant que ce culte vient des Grecs, puisque
Plutarque le fait venir de Zoroastre, comme de l'ancien et premier législateur
des Perses; ce qui est hors de contestation, quoi qu'en puisse dire Agathias :
et le même Plutarque remarque expressément qu'on offrait le sacrifice à ces deux
dieux : à l'un, les votifs et d'action de grâces; à l'autre, ce qu'on appelait
apotropaion (grec) , tels que ceux que les Latins appelaient
Averruncarii, qui tendaient à les apaiser comme des puissances nuisibles ;
ce qui aussi est conforme à ce qu'on a rapporté de saint Augustin. Au reste le
même Plutarque remarque que le bon Dieu venait d'une très-pure lumière, et le
mauvais de l'obscurité et des ténèbres ; ce qui s'accorde
228
parfaitement à l'adoration du soleil. Manès ou Manichaeus,
qui était Perse de nation, avait pris sa doctrine dans son pays ; ce qui est
aussi observé par Agathias : et l'on sait par saint Augustin, que les Manichéens
adoraient le soleil. Cependant l'auteur a toujours recours à Agathias, comme
s'il était favorable à sa prétention. Quoi qu'il en soit, on ne trouve parmi les
Grecs aucun culte semblable à celui des deux dieux, et il était naturel à la
Perse.
L'auteur fait dire aussi à Plutarque que Darius Codomanus,
étendant les mains au ciel, ne dit pas : « O soleil, ô Apollon; » mais : « O
Dieu de mes ancêtres et Jupiter de mon pays ! » Ce sont des gloses que cet
auteur a mêlées aux paroles de Plutarque, qui fait invoquer à Darius le Jupiter
de son pays et les autres dieux des rois (1); et tout le reste est ajouté.
Ce qu'il dit, qu'on ne trouve point dans Xénophon que Cyrus
ait jamais invoqué le soleil, n'est pas moins faux, puisque avec le Jupiter de
son pays il joignait ordinairement le soleil, comme il paraît en plusieurs
endroits, et notamment au dernier livre de la Cyropédie.
Quant à ce que l'auteur assure, que les Perses n'ont changé
leur ancien culte du vrai Dieu que depuis l'empire des Grecs et des Macédoniens,
il est démenti par l'Ecriture, puisque premièrement, ni Cyrus ni les autres
rois, en reconnaissant le Dieu du ciel, n'ont jamais dit qu'ils l'ont toujours
adoré. Secondement, ce pourrait donc être en tout cas un sentiment particulier
de Cyrus, à qui l'on montra son nom dans la prophétie d'Isaïe : ce qui était si
visiblement miraculeux, qu'il pouvait en particulier en être touché, comme
Nabuchodonosor le fut des miracles qu'il avait vus (2), et comme le roi de
Babylone dont il est parlé dans Daniel (3). Troisièmement, aucun de ces rois
n'établit le culte dans tout son empire, mais précisément dans le temple de
Jérusalem. Quatrièmement, il est dit expressément dans ce dernier passage, que
le Dieu dont il rebâtissait la maison est le Dieu qui est dans Jérusalem (4),
faisant voir par là clairement qu'il n'était adoré que là.
1 Plut., lib. II, de Fort. Alex.— 2 Dan.,
III, 95. — 3 Ibid., XIV, 42. — 5 II Paral., XXXVI, 23 ; et I
Esdr., 1, 2, 3.
229
Cinquièmement, dans le décret de Darius (1), non plus que
dans celui de Cyrus, on ne lit autre chose, sinon qu'on offrait au Dieu du ciel
à Jérusalem, sans marquer que ce fût le Dieu qui était connu dans tout l'empire.
Sixièmement, la même chose paraît dans le décret de Darius, où l'ordonnance en
faveur du Dieu de Daniel est marquée comme nouvelle, et donnée sur un fait
particulier (2) : de sorte que l'on voit toujours et partout, que ce n'était
point le culte public du royaume : ce qui aussi n'a eu dans l'empire aucune
suite, comme il a déjà été dit et prouvé démonstrativement par Esther et
par Daniel. L'expression : Ut qui petierit à quocumque deo aut homine
(3) : « Que celui qui demandera quoi que ce soit à quelque dieu, ou à quelque
homme que ce puisse être, » marque clairement la pluralité des dieux. Et de tout
cela il résulte que les propositions ci-dessus marquées, doivent être qualifiées
fausses, téméraires, contraires à la parole de Dieu, et induisantes à erreur et
à hérésie. On pourrait dire hérétiques, si ce n'était qu'il s'agit d'un fait
particulier, et non pas d'un dogme.
Ce que l'auteur dit, qu'il ne veut pas nier que les Perses
aient admiré et honoré le soleil, comme celui à qui le Créateur avait donné la
première place parmi les astres, à la manière des Américains, montre qu'il ne
fait autre chose que pallier l'idolâtrie, étant si certain d'ailleurs que ceux
du Pérou ne connaissaient point d'autre dieu que le soleil.
Le passage qu'il allègue, tiré d’Esther (4), est une
reconnaissance que le royaume avait été donné par le Dieu des Juifs à Cyrus et à
ses successeurs : mais il ne dit point du tout que ce Dieu ait toujours été
servi en Perse, ni aussi qu'il soit le seul qu'il faille servir.
L'auteur dit que Cambyse, fils de Cyrus, a détruit
entièrement l'idolâtrie en Egypte, comme elle l'avait été en Assyrie; et c'est
ce qui lui donne la hardiesse d'appliquer à ce prince impie la prophétie d'Isaïe
: « Israël se joindra pour troisième aux Egyptiens et aux Assyriens : » Erit
Israël tertius AEgyptio et Assyrio (5), etc. Le sens, dit-il, de la
prophétie est bien plus clair :
1 I Esdr., VI, 10. — 2 Dan., VI,
25, 26. — 3 Ibid., 7. — 4 Esth., XVI, 16. — 5 Isa., XIX, 24.
230
Longe tamen planior dilucidiorque sensus erit, etc.;
où il enseigne expressément que l'Egypte et l'Assyrie ont été ramenées par les
rois de Perse au culte du vrai Dieu : proposition impie, et qu'on peut qualifier
en cette sorte. Cette proposition, qui assure que l'Egypte et l'Assyrie sont
devenues le peuple de Dieu avec les Juifs, par le moyen de Cambyse qui leur a
fait connaître le Dieu véritable, est téméraire, scandaleuse, impie ; et
applique à un prince impie ce qui ne peut regarder que la gloire de Jésus-Christ
et la conversion des gentils, notamment des Assyriens et des Egyptiens, par la
prédication évangélique.
Il corrompt la prophétie de Malachie (1), et l'explique
contre la tradition universelle des Pères.
Il nie que les deux peuples soient distingués à raison de
la piété. Il attribue ce sentiment à l'orgueil judaïque, et il égale les deux
peuples, en ce qui regarde la connaissance de Dieu. Il enseigne expressément que
les païens ont eu la même religion que les chrétiens; que les Juifs n'excellent
en rien par-dessus les autres peuples, etc.; que l'opposition des deux peuples
faite par saint Paul, ne consiste en aucune sorte dans la connaissance de Dieu
et dans la piété ; qu'il faut donc prendre les gentils en général pour le seul
empire romain : toutes propositions qui sont hérétiques, directement contraires
à l'intention de saint Paul, aux paroles de l'Ecriture, qui établit la
constitution du peuple juif précisément dans le culte d'un seul Dieu, comme il
paraît à la tête du Décalogue (2) et dans d'autres passages (3), qui tous sont
formels pour montrer que l'alliance qui constitue le peuple de Dieu, a pour
fondement la reconnaissance, volontaire et par choix, de sa seule divinité et de
son culte.
Il parle ainsi : « Le choix que Dieu donne au peuple juif
ne regarde pas la foi ni le culte nécessaire de la Divinité : car qui dira que
Dieu a laissé à délibérer aux hommes s'ils le serviraient? » D'où il conclut «
que l'alliance ne regarde pas le culte de Dieu, puisqu'elle est remise au choix
du peuple, » selon ces paroles : « Tous êtes maîtres de prendre tel parti que
vous
1 Malach., II. — 2 Exod., XX, 2. — 3 Deuter., V, 6; VI,
4-6; XXIX, 9, 10, etc.; Jos., XXIV, 14, 15, 18, 22, 24.
231
voudrez : choisissez aujourd'hui ce qu'il vous plaira, et
voyez qui vous devez plutôt adorer, ou les dieux qu'ont servis vos pères dans la
Mésopotamie, » etc. : Optio vobis datur : eligite eut servire debeatis, utrùm
diis quibus servierunt patres vestri in Mesopotamiâ (1), etc.
Il suppose que cette option déférée aux Juifs ne regarde
pas le libre arbitre dont on doit user en choisissant Dieu, mais l'indifférence
de la chose en elle-même ; ce qui est formellement hérétique et impie. Le choix
qui est ici marqué regarde celui dont il est écrit ailleurs : « J'ai mis devant
vos yeux la vie et la mort (2) », et non pas un choix semblable à celui dont
parle saint Paul (3) : » « Si vous mariez votre fille, vous faites bien, etc.,
faites ce que vous voudrez ; » puisqu'au contraire celui qui ne choisit pas Dieu
est maudit (4).
Il se fait l'objection qu'il faudrait selon ces principes
mettre un troisième peuple, outre les Juifs et les gentils idolâtres, qui serait
celui qui aurait adoré le vrai Dieu sans le secours de la loi ; et il l'élude en
disant que ces derniers sont rangés avec le peuple des gentils, quoique
plusieurs parmi eux fussent idolâtres : ce qui est impie et erroné, puisque
l'intention de saint Paul ne fut jamais de faire un même peuple de ceux qui
adoraient les idoles et de ceux qui adoraient le vrai Dieu : Gentium itaque
nomine, Paulus et Scripturœ omnes intelligunt quicumque extra Israeliticam legem
extitere uspiam, ullâve religione, seu antique et Noemicà, seu recenter confictâ
et idololatricâ, quosvis populos. Cette doctrine est contraire à la décision
de saint Paul, qui dit qu'il a prouvé « que les Juifs et les Grecs sont sous le
péché, et que Dieu a tout renfermé sous le péché, afin d'avoir pitié de tous
(5). » L'auteur élude en disant qu'il faut prendre tous pour plusieurs, selon la
coutume de l'Ecriture : Ex ultisque igitur populis plurimos tantùm, juxta
consuetam Scripturœ locutionem, Apostolus désignât; neque prorsùs omnes tùm
Judœos, tùm Gentes altematim in impietate involvit : ce qui est hérétique,
et directement contraire à l’intention de saint Paul.
1 Jos., XXIV, 15. — 2 Deuter., XXX, 19. — 3 I
Cor., VII, 36-38. — 4 Deuter., XXVII, 15 et aeq. — 5 Rom.,
III, 9. XI, 32 ; et Galat., III, 22.
232
La force de l'argument de cet Apôtre consiste en ce qu'il a
fait voir d'un côté que les gentils étaient criminels en ne servant pas le Dieu
qu'ils connaissaient (1), ce qui leur a attiré tous les autres crimes dont le
même Apôtre fait le dénombrement (2) ; et de l'autre, que les Juifs n'étaient
pas moins coupables pour avoir été prévaricateurs de la loi (3) : ce qui montre
que tout ce qui n'est pas Juif est idolâtre, malgré le témoignage de sa
conscience, puisque Dieu s'est fait connaître également à toutes les nations par
les ouvrages de sa sagesse. L'auteur élude tout cela, en disant que la
prérogative du peuple juif ne regarde pas le culte de Dieu, puisque les autres
nations l'ont conservé dès le temps de Noé.
L'auteur fait consister la doctrine de saint Paul et la
différence des deux peuples, juif et grec, en ce que vers l'avènement du Messie,
toute la terre presque a été couverte des ténèbres de l'idolâtrie et de
l'infidélité : comme si la distinction des deux peuples n'avait lieu qu'en ce
temps précis, et non pas dans tous les siècles précédents ; ce qui est
hérétique, et renverse toute l'économie de la religion.
Pour éluder les passages des Pères, il dit qu'il ne les
faut pas prendre au pied de la lettre, afin que tant de passages, qui renferment
tous les peuples, excepté les Juifs, dans une pareille infidélité, demeurent
sans effet : ce qui tend à rendre inutile toute la tradition, qui s'exprime en
termes généraux et sans exception.
Le passage de saint Augustin, tiré du livre de la Cité
de Dieu (4), où il dit que le culte de Dieu était renfermé dans la seule
famille de Tharé et d'Abraham, prouve trop selon lui, à cause qu'il est constant
que Sem et peut-être Noé vivaient encore alors, et que la famille de
Melchisédech a été fidèle. Mais il n'a pas voulu prendre garde que l'intention
de saint Augustin est de dire que la famille d'Abraham a été la seule marquée où
le culte de Dieu se soit conservé : ce qui est incontestable, puisque l'Ecriture
ne dit rien de la famille de Sem, ni de celle de Melchisédech : et la
conséquence que l'auteur tire de saint Augustin en disant qu'il prouve trop, est
fausse, téméraire et scandaleuse. Il en est de
1 Rom., I, 20, 21. — 2 Ibid., 26. — 3 Ibid.,
II, I, etc. — 4 De Civit. Dei, lib. XVI, cap. XII.
233
même des autres passages des saints Pères, qu'il a éludés
dans les pages suivantes.
Il élude aussi dans les mêmes endroits ces mêmes passages,
en disant que lorsqu'on y dit que toutes les nations, excepté la juive, étaient
infidèles, cela se doit entendre seulement de plusieurs, et encore
comparativement avec les Juifs. Il objecte les brachmanes parmi les Indiens,
comme gens attachés au culte d'un seul Dieu, aussi bien que les Perses et les
Sères ; où il cite Eusèbe, et Bardesanes produit par Eusèbe, en témoignage que
les brachmanes au nombre de plusieurs milliers étaient recommandables par leur
piété envers Dieu. Il a oublié que chez Eusèbe même les brachmanes observaient
les abstinences superstitieuses, qui durent encore aujourd'hui parmi les
Indiens; que ces peuples croient aussi la métempsycose ; qu'ils se tuent
eux-mêmes, etc., comme fit Calanus, qui était du nombre des brachmanes, ainsi
que Strabon le remarque
Le même Strabon au même livre rapporte l'épitaphe de
Zarmanochagas, Indien, qui se fit aussi mourir lui-même selon la coutume de son
pays. Voilà quels étaient ceux dont on veut rendre la piété si recommandable. La
croyance de l'immortalité des âmes les portait à l'abus qu'on vient de voir, et
les y porte encore. On n'a pas sujet de croire qu'ils servissent le vrai Dieu au
milieu de tant de pratiques détestables. Ainsi quand Bardesanes dit chez Eusèbe
qu'ils étaient attachés à Dieu, sans dire quel Dieu, on peut entendre sous ce
nom le Dieu qu'ils croyaient, quel qu'il fût ; cette locution étant ordinaire
parmi les Grecs : et quand ce serait le Dieu véritable dont ils auraient
conservé quelque idée, comme tous les autres gentils, on ne peut pas conclure de
là qu'ils lui rendissent un culte agréable au milieu de tant de superstitions
criminelles, ni même qu'ils l'adorassent seul, puisqu'on voit tant d'autres
nations joindre le culte du vrai Dieu créateur avec les autres fausses
divinités. Au reste le même Strabon marque expressément au même livre que les
Indiens adoraient Jupiter, auteur de la pluie, le Gange et les esprits qui y
habitaient : de sorte qu'il faut dire de deux choses l'une, ou que ce n'était
pas le Dieu
1 Strab., lib. XV.
234
véritable qui était adoré par les brachmanes, ou que les
brachmanes n'en étaient pas crus par le peuple.
L'auteur allègue à ce propos saint Isidore de Damiette, où
est rapporté le serment que faisaient les Perses, qu'il traduit ainsi :
Colendo Deo incumbam (1), où le grec porte tò deion; ce qui signifie
indéfiniment tout ce qui est réputé divin, et ne conclut rien du tout pour le
vrai Dieu.
Il assure que le sentiment des Pères sur l'idolâtrie des
Gentils ne peut pas être connu par leurs apologies contre les païens, parce
qu'ils parlaient selon les principes des païens mêmes, qui tenaient pour assuré
que les Juifs étaient les seuls qui n'eussent pas plusieurs dieux. Il avoue donc
que les apologistes de la religion chrétienne sont contre lui, et il en élude
l'autorité qui est si grande, surtout en cette matière. Ses paroles sont
remarquables: « Les ennemis de la chrétienté donnaient pour certain qu'excepté
les Juifs, tous les autres peuples avaient plusieurs dieux. » Voici ses propres
paroles en latin : Sanctorum Patrum de gentium idololatriâ sententiam, ex
suis adversùs ethnicos disputalionibus, certù dignosci non posse. Cùm enim sœpè
argumento,ut vacant, adhominem, adversarios refellcrent, multa ad illorum potiàs
qaàm ad propriam mentem,pro concessis relinquebant. Statuebant autem
christianitatis hostes tanquàm rem apud se compertam, prœter Judaïcam nationem,
prorsùs reliquos homines suis multiplicibus diis deditos fuisse : comme si
c'était là un sentiment particulier des ennemis de la religion, et non pas la
commune supposition tant des païens que des chrétiens.
Il allègue en plusieurs endroits le passage de saint Paul :
Naturaliter quœ legis sunt faciunt (2) : ce qu'il ne ferait pas avec
tant de confiance s'il avait voulu apprendre de saint Augustin que ce passage
s'entend des gentils convertis à l'Evangile, dans lesquels la nature était
réparée par la grâce ; ce qui donne lieu à l'expression naturaliter :
quoique en quelque sens que se prenne ce passage, il ne conclut rien pour
l'auteur; mais seulement que la nature n'était pas tout à fait anéantie, et que
jusqu'à un certain point les gentils pratiquaient la loi naturelle.
1 Lib. IV, ep. CXCVIII. — 2 Rom., II, 14.
235
En général il abuse par tout son livre de deux doctrines
très-orthodoxes, dont l'une est qu'il y a eu des fidèles dispersés par-ci par-là
hors de l'enceinte du peuple juif; et la seconde, que Dieu veut que tous les
hommes soient sauvés.
Il est vrai que depuis la loi de Moïse les païens avaient
acquis une certaine facilité plus grande de connaitre Dieu par la dispersion des
Juifs, et par les prodiges que Dieu avait faits en leur faveur, en sorte que le
nombre des particuliers qui l'adoraient parmi les gentils est peut-être plus
grand qu'on ne pense ; mais que des peuples entiers aient ouvert les yeux à la
vraie religion, c'est de quoi l'on ne voit aucun exemple.
On doit aussi avouer qu'il y a eu parmi les païens des
idées générales et confuses de la corruption de la nature, et de la venue future
d'un libérateur : mais cela ne conclut pas que ces lumières aient produit leur
effet pour le faire reconnaître.
Je ne crois pas que l'auteur, qui allègue l’Eglogue IV de
Virgile comme contenant une idée du mystère de Jésus-Christ veuille conclure de
là que Virgile et les Romains de son temps l'aient reconnu. Sans entrer dans la
discussion des Sibylles, il suffit de savoir que leurs vers prophétiques, vrais
ou faux, n'ont eu aucun effet parmi les païens, qui ne paraissent pas avoir
connu les vers qui regardent Jésus-Christ, et que nous trouvons dans plusieurs
Pères, et dont aussi il est certain que plusieurs Pères ont douté.
L'auteur allègue un passage de Cicéron, où il est parlé
d'un roi qu'il faudrait reconnaître pour être sauvé; ce qu'on appliquait à
Jules-César. Cicéron même fait voir que cette prétendue prophétie n'avait rien
que de vague et d'ambigu (1). Quoi qu'il en soit et quelque usage qu'on en
veuille faire, aussi bien que des bruits qui se répandaient par lesquels la
venue prochaine de Jésus-Christ semblait être pronostiquée : tout cela pouvait
bien être, si l’on veut, des préparations éloignées pour disposer les païens à
la foi du Sauveur qui devait venir, mais n'a jamais eu l'effet de la faire
naître dans les cœurs.
Quant à l'argument tiré de ce que Dieu veut que tous les
hommes soient sauvés, il est bien aisé d'entendre que les témoignages
1 Cicer., de Divinat., lib. II.
236
généraux que Dieu donne de lui-même et de sa sagesse,
pouvaient induire les hommes à connaître Dieu et à rejeter les idoles, avec les
grâces communes et générales qui ne manquent à personne. Il n'y a pas non plus
sujet de douter qu'il n'y ait eu à l'égard de quelques-uns des motions spéciales
et efficaces pour profiter de ces lumières générales; et que ceux qui en auront
profité auront pu être amenés plus loin par les moyens qui sont connus à Dieu.
Mais c'est là aussi tout ce qu'on peut conclure de cette volonté générale, et de
ces grâces données ou offertes aux païens, et ce qu'y ajoute l'auteur est inouï
dans toute la théologie. Il passe même jusqu'à dire qu'en soutenant que nul
peuple n'a connu Dieu que les Juifs on établit l'incrédulité, comme l'effet
d'une espèce de violence. Voici ses paroles : Hœccine sunt arcana novi
systematis mysteria, quibas Dei voluntas omnes homines salvandi, atque adeù
potissimùm caput religionis funditùs subvertilur. Si enim dimoveri ab electione
Judœorum non potuit gentium omnium obedientia, fuit omnino necessaria illarum à
Dei cultu secessio, et quœ perfidiœ débita pœna est, necessarius œternus
interitus. Vocamus siquidem omnes illud necessarium, quod aliter ac fit esse non
potest. Excès vraiment insupportable, puisque chaque particulier pouvait
profiter des grâces générales, et qu'il ne faut point douter qu'il n'y ait eu
grand nombre de ces croyants dispersés parmi les gentils dont nous venons de
parler ; mais que Dieu, qui commît seul la dispensation de ses grâces, avait su
et révélé que celles qui dévoient entraîner efficacement les peuples gentils à
sa connaissance et à son culte, étaient réservées au temps de la nouvelle
Alliance.
Dieu a révélé qu'il n'y aurait pas d'homme si juste, qu'il
ne tombât dans quelque péché. Est-ce à dire qu'il force les hommes au péché? À
Dieu ne plaise. Ainsi il aura prédit que les peuples hors de la Judée ne
viendraient à sa connaissance et à son culte que par Jésus-Christ. A Dieu ne
plaise qu'on croie pour cela qu'il les ait forcés à l'incrédulité : il n'a fait
que prédire l'effet de la distribution qu'il avait prédestinée de ses grâces.
J'ajouterai en un mot, que cet auteur ajuste les passages à
sa mode. On a déjà vu ce qu'il avait fait dire à Agathias sur l'adoration
237
d'un seul Dieu ; ce qui est directement contraire au texte,
quoique l'auteur y revienne souvent. Ce qu'il fait dire à Cicéron dans le second
livre des Lois, sur le culte du soleil, ne se trouve pas dans le texte,
ni rien d'approchant. Il ajoute deux lignes entières à un passage de saint
Augustin (1), et il en retranche aussi des paroles essentielles, quoique ce
passage, même comme il le rapporte, ne fasse rien pour lui. On ne sait ce qu'il
veut dire des nations incirconcises, et il y a beaucoup de galimatias dans ce
discours. Il rapporte ailleurs un passage de saint Augustin qui ne dit autre
chose, sinon qu'il n'y a point d'acception de personnes devant Dieu ; ce qui ne
conclut rien du tout. Il marque un passage de saint Augustin, où ce Père dit
seulement que Dieu a voulu que la vertu de ses promesses ait paru plus
manifestement dans le peuple juif (2) : d'où il conclut que la promesse de la
foi et de la grâce du Messie, est en quelque sorte communiquée à tous les
peuples. Il voudrait donc dire qu'il leur a été promis : mais où est cette
promesse divine? Il ne peut parler ainsi que par une erreur manifeste, puisqu'il
demeure lui-même d'accord que les promesses, le testament et la parole de Dieu,
n'ont été communiqués à d'autres qu'aux Hébreux. C'est donc une hérésie
manifeste que d'attribuer des promesses aux gentils.
Il est vrai qu'en la page 85, il rapporte de saint Irénée
qu'il y a trois Testaments (3) (sans parler de celui d'Adam qui est le premier)
; ce qui est en effet très-véritable. Il y a le Testament du déluge, celui de
Moïse et celui de Jésus-Christ. Mais que fait ce Testament du déluge à la
question, puisqu'il ne contient point d'autres promesses, sinon de ne plus noyer
la terre (4)? Ce qui montre qu'en voulant profiter de tout sans raison, l'auteur
ne fait que tout embrouiller.
Il se sert d'un passage de saint Augustin, où se trouvent
ces paroles : Populus enim reverâ, qui propriè Dei populus diceretur, nullus
alius fuit (5) : « Il n'y a point eu en effet d'autre peuple que le juif qui
fût appelé proprement le peuple de Dieu ; » ce qu'il
1 De Gratiâ Christi. lib. II, c. XXIV. — 2 De
Cons. Evangel., lib. II, c.
XXV, n. 39. — Iren., lib. III cont. Hœr., c. XI, n. 8. — 4 Gen.,
VIII, 21. — 5 De Civit. Dei, lib. XVIII, c. XLVII.
238
explique en cette sorte : « Saint Augustin ne dit pas qu'il
n'y eut point d'autre peuple qui fût vraiment le peuple de Dieu ; mais qu'il n'y
en avait point qu'on appelât tel. » Attendite ad verba. Non ait : Nullus
alius qui verè Dei populus, sed qui PROPRIÈ ; non qui Dei populus esset, sed qui
DICERETUR. Quœ profectù nequaquàm significant alios omnes populos à Deo alienos
fuisse ; sed inter eos solum electum Hebraicum, quem Deus tanquàm Rex ac
Pontifex eximiâ sui cognitione, institutisque à se ritibus propriè ac
singulariter gubernaret. Cette explication, qui suppose que d'autres peuples
pouvaient être le peuple de Dieu par rapport au culte, est erronée; et'il est
clair par toute la suite que saint Augustin n'a voulu dire autre chose, sinon
que tous les peuples sont à Dieu par son souverain domaine, quoique par rapport
à la patrie céleste ceux qui pouvaient y appartenir, hors les Juifs, étaient
seulement quelques particuliers qui avaient la foi du Médiateur. Ce n'était donc
point un peuple, mais quelques particuliers qui avaient alors cette foi, excepté
les Juifs. Enfin il dit ces paroles : Verùm hanc nostram sententiam in
Epistolà eu Augustinus non innuit, sed statuit; non insinuât, sed exponit ac
élucidât....... In hoc testimonio et sensus et verba ipsa Augustini aperta sunt.
Nullus tritœ interpretationi, de privatis tantùm Dei cultoribus, hic ampliùs
locus relinquitur : par où il prétend que saint Augustin n'insinue pas
seulement, mais qu'il établit et expose parfaitement dans son Epitre CII
(1), le sentiment de l'auteur touchant les peuples gentils, quoique ce Père ne
dise autre chose, sinon que le même mystère de Jésus-Christ peut avoir été
signifié pardivers sacrements : ce qui est certain et ne fait rien à la
question, puisque dans ce même endroit de VEpître eu il ne marque que des
particuliers par-ci par-là, qui connussent le mystère de Jésus-Christ, hors la
race d'Abraham.
Concluons que ce livre est pernicieux en toute manière.
J'ai vu la déclaration qu'on a imprimée de l'auteur ; et je trouve entre nous
qu'elle est bien faible, puisqu'au lieu de lui faire au moins désavouer sa
doctrine, on se contente qu'il désavoue l'impression du livre. Il fallait, à mon
avis, le censurer expressément ; et puisqu'on
1 Quaest., II, n. 14 et 15.
239
n'a point pris ce parti, il faudrait du moins faire un
écrit qui en marquât et en réfutât les erreurs et les faux principes.
Cette réfutation aura trois utilités : la première et la
principale, que le peuple sera instruit de vérités capitales, et prévenu contre
des erreurs où l'on a beaucoup de penchant ; la seconde, que Rome verra les
mauvaises suites de la doctrine chinoise ; la troisième, qu'elle sera réveillée
sur cette matière, et connaîtra le besoin de remédier à un si grand mal.
Je crois, Monsieur, voir dans votre lettre que vous avez la
pensée d'écrire vous-même sur ce sujet avec M. Tiberge. J'en serais ravi, et
personne ne le peut mieux faire. Vous voyez que, sans rien dire de ce que
contient le livre de M. Dupin (a), il y a de quoi faire un discours
très-solide et très-instructif, où en mêlant l'onction et la piété avec la
doctrine, on donnera beaucoup d'édification.
Si je n'étais présentement très-occupé à des choses fort
nécessaires, je mettrais volontiers la main à la plume dans un si grand besoin
de l'Eglise. Mais si vous entreprenez l'ouvrage, comme je le souhaite et vous en
prie, je vois outre ceci beaucoup d'autres choses qui pourront y servir.
Par exemple en relisant cet écrit, il rne revient qu'il
faudrait examiner dans Eusèbe, Histoire ecclésiastique, livre V, chapitre
X; Socrate, livre I, chapitre XV ; dans Théodoret, livre I, chapitre XXIII ; et
dans Sozomène, livre II, chapitre XXIII, la mission dans les Indes de Pantenus
et Frumentius : par où il demeurerait pour constant qu'ils n'ont trouvé dans le
pays aucun culte de Dieu que celui qui y avait été porté par les apôtres saint
Matthieu et saint Barthélémy. Il faudrait aussi remarquer dans Eusèbe, livre I,
chapitre I, que la connaissance de Dieu et de Jésus-Christ fut portée en
Ethiopie par l'eunuque de la reine de Candace, sans qu'il paroisse qu'il y en
eût auparavant aucun vestige.
On pourrait examiner en même temps les passages de
l'Ecriture où il paraît que Zara, Ethiopien, faisant la guerre à Aza avec, un
million d'hommes, Aza invoqua l'aide de Dieu contre
(a) La Défense de la Censure, que la Faculté avait
faite des livres des deux Jésuites sur la religion et le culte des Chinois. (Les
édit.)
240
lui (1), comme on fait contre un infidèle. Isaïe compte les
Ethiopiens comme parmi les infidèles (2), où le peuple de Dieu était dispersé,
et contre lesquels il a protégé ce même peuple : ce qui paraît aussi chapitre
XVIII, 30, 31. Ce prophète, chapitre XLIII, 3, range l'Ethiopie avec l'Egypte et
Saba, peuples infidèles, qu'il sacrifiait au salut de son peuple; et chapitre
XLV, 14, 15, après avoir parlé des trois mêmes nations, il vient à dire que Dieu
n'est qu'en Israël. En Jérémie, Dieu parle manifestement des Ethiopiens comme de
ses ennemis, dont il se veut venger (3). Le chapitre XXX d'Ezéchiel prouve la
même chose. Amos est encore plus exprès, puisque Dieu y reprochant à son peuple
qu'il a mérité d'être abandonné, il le menace de le traiter comme les enfants
des Ethiopiens (4), dont Jérémie a écrit qu'ils ne changent point de peau (5);
ce qui est le symbole d'un pécheur incorrigible. Enfin il est souvent parlé de
l'Ethiopie dans l'Ecriture ; et ses peuples sont souvent venus au secours du
peuple de Dieu, comme Taraca, roi de l'Ethiopie, pour Ezéchias (6), aussi bien
que les Egyptiens et les autres infidèles. Le peuple de Dieu a été dispersé en
ce pays ; et quoiqu'il soit si souvent parlé de ce peuple dans l'Ecriture (7),
loin qu'il y ait un seul mot qui marque qu'on y connût Dieu, on y voit tout le
contraire.
Il faudrait sur cela reprendre la pente qu'on a de sauver
les hommes contre toute raison; ce qui va à obscurcir les jugements de Dieu, et
fait voir qu'on peut être au rang de ses adorateurs à un très-bas prix.
Strabon marque les dieux qu'on adorait en Ethiopie (8).
On voit chez Homère que les dieux allaient en Ethiopie,
pour les festins qui leur y étaient préparés.
Les Ethiopiens ont souvent conquis l'Egypte, et pris les
mœurs du peuple conquis avec leur religion, sans y rien changer.
Sozomène raconte (9) comment, dans la persécution de Sapor
roi des Perses, du temps de Constantin, on voulait faire adorer le soleil aux
chrétiens.
1 II Paral., XIV, 9-12; XVI, 16, 8, 9. —
2 Isa., XI, 11. — 3 Jerem., XLVI, 9-12. — 4 Amos, IX, 1. — 5
Jerem., XIII, 23. — 6 Isa., XXXVII, 9. — 7 Soph., III, 10. — 8
Strab., lib. XVII. — 9 Sozom., lib. II, c. IX, X et seq.
241
Il y a quelques réflexions à faire sur l'Adiabène en
Assyrie, convertie au judaïsme du temps d'Hérode chez Josèphe, et toute
chrétienne chez Sozomène (1).
Chez Ammian Marcellin, la religion des Perses envers les
astres et le feu est amplement décrite. Les augures des mages, et l'obligation
qu'avaient les rois de Perse de s'instruire de leur discipline, sont marqués
dans Cicéron (2).
Je voudrais voir Hyde, Géraldin et Tollius, pour ne pas
attaquer seul un homme qui se soumet. Il faudrait aussi parler d'un auteur qui
justifie Socrate et le culte d'Esculape. On sait aussi ce qu'a écrit Zwingle
dans un livret dédié à François Ier, sur le salut d'Orphée, d'Hercule, etc.
Vous ne sauriez trop tôt vous déterminer à commencer ce
travail utile et pieux, et même nécessaire.
A vous, sans réserve.
P. S. Au moment que j'écris, il se forme un plan dans mon
esprit, qui me paraît grand, simple et court; où sans parler de qualifications,
on ferait voir l'impiété de tant de faux systèmes, d'une manière très-grave :
mais il faut finir.
|