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EXORDE ET FRAGMENT
POUR
LE DIMANCHE DANS L'OCTAVE DE NOËL (a).
Erant pater ejus et mater mirantes.
Son père et sa mère étaient étonnés. Luc, II, 33.
Je remarque dans l'Evangile que
le caractère particulier des mystères delà sainte enfance de Jésus-Christ notre
Sauveur, c'est d'imprimer dans les âmes par leur profondeur, par leur
simplicité,par leur sainteté, un étonnement intime et secret des voies inconnues
de Dieu et de sa sagesse cachée. Un enfant naît dans une étable, pauvre,
inconnu, méprisé; et toutefois, ô prodige (b) ! le ciel et la terre s'en
remuent, les anges descendent, une étoile nouvelle brille ; les pasteurs le font
connaître dans Bethléem, les Mages dans la ville royale, Siméon et Anne dans le
temple même ; ceux qui sont de loin le cherchent, ceux qui sont près le
méconnaissent ou le persécutent. Dieu fait des miracles inouïs pour le
découvrir, et dans la suite il en fait de non moins surprenants pour le cacher.
Le ciel se déclare en sa faveur, et à peine peut-il trouver un asile
(a) On reconnaîtra sans peine la grande époque de
l'orateur. L'exorde est complet, le fragment très-court.
(b) Var. : O merveille !
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dans toute la terre. On lui prédit tout ensemble et des
grandeurs extraordinaires et des humiliations terribles. Que peut faire une âme
religieuse dans un si grand mélange de choses si sagement rassemblées, sinon de
se laisser jeter insensiblement avec Joseph et Marie dans cette sainte
admiration que je lis dans mon évangile? Erant pater ejus et mater mirantes
: « Son père et sa mère étaient étonnés. » Je ne puis vous dire, mes sœurs,
combien de grâces étaient renfermées dans cet étonnement sacré; un recueillement
très-profond, une secrète attention à ce qui se passe, une attente respectueuse
de je ne sais quoi de grand et de relevé qui se prépare, une dépendance absolue
des desseins cachés de Dieu (a). un abandon aveugle à sa grande et
occulte providence. Voilà les saintes dispositions, ou plutôt voilà Les grandes
vertus qui sont renfermées dans cette admiration de la sainte Vierge : Erant
mirantes ; et j'espère que nous entrerons dans ces mêmes sentiments par son
entremise , que nous lui allons demander avec les paroles de l'ange. Ave.
« Qui est celui, dit le Sage,
qui a mesuré les hauteurs du ciel et les profondeurs de l'abîme (1) ? »
c'est-à-dire qui est celui qui a pu comprendre (b) et les grandeurs
infinies d'un Dieu considéré en lui-même, et les profondes bassesses d'un Dieu
anéanti pour l'amour de nous (c) ? L'un et l'autre secret est
impénétrable à la créature; et comme elle s'y perd en les contemplant, il ne lui
reste qu'à les adorer avec un étonnement religieux. Aussi voyons-nous dans les
saintes Lettres que les anges qui voient face à face la gloire et la majesté
d'un Dieu régnant, sont contraints de baisser la vue et de se cacher devant lui
comme étonnés de sa grandeur ; et les hommes qui sont appliqués par un ordre
particulier à contempler les profondeurs d'un Dieu abaissé, ne pouvant trouver
le fond d’un si grand abîme, sont jetés dans un pareil étonnement, ainsi que
nous le lisons dans notre évangile : Erant pater ejus et mater mirantes ;
« Son père et sa mère étaient étonnés. »
1 Eccli., I, 2.
(a) Var. : Dépendance totale des ordres cachés de
Dieu. — (b) Entendre. — (c) Des hommes.
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J'ai déjà remarqué, mes sœurs,
que cet étonnement religieux est le véritable sentiment de l’âme par lequel nous
devons honorer les profondes et inconcevables conduites de Dieu dans l'enfance
de son Fils; et pour entrer, comme nous devons, dans cette sainte disposition,
considérons attentivement toutes les circonstances particulières de l'histoire
de ce Dieu enfant. Ainsi mon dessein n'est pas aujourd'hui de vous parler
simplement de la naissance de notre Sauveur, mais de vous représenter comme en
raccourci tous les mystères de sa sainte enfance, auxquels ce temps est
consacré, avec leurs secrets rapports à l'œuvre de la rédemption de notre
nature, afin que contemplant d'une même vue (a), autant que le
Saint-Esprit nous l'a révélé, tout l'ordre et l'enchaînement des desseins de
Dieu sur cet enfant, nous nous perdions dans l'admiration de ses conseils et de
sa sagesse : Erant mirantes. Voilà, mes très-chères sœurs, le dessein que
je me propose ; mais de peur que nos esprits ne s'égarent, je réduirai à trois
points cette pieuse méditation de l'enfance du Sauveur des âmes. Cet enfant a
été découvert au monde ; il a été caché au monde ; il a été persécuté par le
monde. Il a été découvert; et les pasteurs, et les Mages, el le vénérable
vieillard Siméon, et Anne cette sainte veuve en sont des témoins fidèles.
Ensuite il a été caché ; et sa fuite précipitée en Egypte, et la retraite
obscure de Nazareth en sont une preuve suffisante. Il a été persécuté; et la
cruelle jalousie d'Hérode, et le meurtre des saints Innocents le font bien
connaître. Tels sont les trois sujets d'admiration que j'ai à vous proposer en
Jésus enfant. Les voies nouvelles et imprévues par lesquelles Dieu le manifeste,
les ténèbres profondes et impénétrables dans lesquelles Dieu le retire et le
cache (b), les persécutions inopinées par lesquelles Dieu l'exerce, et
par lui sa sainte famille : ce sont les trois vérités que je veux considérer
avec vous, mes sœurs, afin que nous apprenions tous ensemble et à recevoir ses
lumières quand il se découvre, et à révérer ses ténèbres quand il se cache, et à
nous unir à ses souffrances (c). Il se cache, aimons son obscurité; il se
montre (d),
(a) Var. : Afin que voyant d'un même regard.
— (b) Et le couvre. — (c) Dieu veuille que nous apprenions
par ces vérités, et à recevoir ses lumières, et a vénérer ses ténèbres, et à
profiter de ses souffrances. — (d) Il se découvre.
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suivons ses lumières; il souffre, unissons-nous à ses
peines.
Jésus ne doit pas dégénérer de
sa haute et admirable bassesse. Si de La limite de ce qu'il se cache, plus de ce
qu'il se découvre. De pauvres bergers. C'est à eux auxquels il envoie ses anges.
Mon Sauveur, cachez-vous plutôt. Orgueil humain. On veut se faire connaître des
grands, et on aime mieux la retraite et l'obscurité tout entière. Mais mon
Sauveur veut porter toute cette honte, et celle d'être caché, et celle d'être
découvert seulement aux pauvres et aux méprisables du monde, (a) Leur
condition met plus à couvert des égarements de la présomption, des folies et des
extravagances de la vanité ; il n'y trouve pas ce faste affecté, cet air superbe
et dédaigneux ; mais s'il reste quelque trace de la justice et de l'innocence,
c'est là ce qu'il cherche. N'importe qu'ils soient occupés à garder les bêtes ;
il y a plus d'innocence dans ces emplois bas que dans ceux que le monde admire,
plus de dépravation dans les affaires humaines, plus de malignité à conduire et
à gouverner les hommes. Les animaux marchent d'une voie droite, les hommes se
sont dévoyés. Je ne sais quoi de plus innocent dans les créatures qui sont
demeurées dans la pureté de leur être, sans avoir en rien altéré l'ouvrage du
Créateur. Ce sont des esprits grossiers ; mais ils ne se dissipent pas dans de
vaines subtilités, mais ils ne s'égarent pas dans des présomptions
extravagantes. Mais Dieu ne cherche pas dans l'esprit des hommes la vivacité, la
pénétration, la subtilité, mais la seule docilité et humilité pour se laisser
enseigner de lui. Qu'il ne soit pas capable d'entendre, c'est assez qu'il le
soit de croire. Rien n'est plus insupportable au cœur de Dieu que les hommes qui
s'imaginent ou pénétrer ses mystères par leur subtilité , ou mesurer ses
grandeurs par leurs pensées, ou attirer ses bienfaits parleurs seuls mérites, ou
avancer ses ouvrages par leur industrie, ou lui être nécessaires par leur
puissance. C'est pourquoi non multi sapientes secundùm carnem, non
multipotentes, non multi nobiles (1). Il en vient néanmoins de ces sages,
les Mages ; mais après l'étoile, mais toujours prêts à retourner par une
1 I Cor., I, 26.
(a) Note marg. : Il ne faut pas s’étonner si
celui qui est innocent, s'attache premièrement où il trouve le moins de
corruption et où la nature est moins gâtée.
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autre voie; de ces riches et de ces puissants, l'opinion
publique les a couronnés. Trois conditions : offrir son or à Jésus ; ses
richesses à ses membres ; son encens, lui rendre hommage de sa grandeur; sa
myrrhe, lui présenter au milieu des pompes du monde le souvenir de sa mort, la
mémoire de sa sépulture. Grand et agréable sacrifice de la main des grands!
Que nous sacrifions volontiers à
Dieu des plaisirs médiocres ! Que nous mettons volontiers au pied de la croix
des contradictions légères et des injures de néant ! Que nous sommes patients et
humbles, lorsqu'il ne faut que donnera Dieu des choses qui ne coûtent rien à la
nature! Choisissez-moi toute autre croix ; je veux bien souffrir, mais non pas
cela; mais toujours celle qui arrive, c'est celle que nous refusons. Nous
voulons bien des croix pourvu qu'elles ne soient pas croix, et des peines qui ne
soient pas peines, et des contradictions pourvu que notre humeur n'en soit pas
choquée. N'est-ce pas au médecin à nous mêler la médecine, à mesurer la dose ?
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