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LE XX NOVEMBRE SAINT FÉLIX DE VALOIS, CONFESSEUR.Félix, appelé dès l'adolescence au désert, semblait devoir y mourir oublié d'un monde qu'il avait méprisé. Mais le Seigneur se réservait de rendre aux yeux des hommes sa vieillesse féconde (1). On était à ce qu'on nomme de nos jours un tournant de l'histoire. Le premier des grands Ordres actifs allait, avec saint Jean de Matha, se lever dans l'Eglise; d'autres suivraient, réclamés par les temps nouveaux. Ce fut l'heure où l'éternelle Sagesse, qui préside immuable aux variations des peuples (2), voulut montrer qu'elle non plus la sainteté ne change pas, la charité demeurant sous des formes variées ce que la connurent nos pères, n'ayant toujours qu'en Dieu aimé pour lui-même son principe et sa fin. Et c'est pourquoi Jean de Matha fut amené par l'Esprit à Félix de Valois , comme le disciple au maître ; l'anachorète dont les derniers ans s'achevaient au fond des forêts, vit se greffer sur la contemplation pure, en sa personne, la vie d'action débordante du rédempteur des captifs; Cerfroid, son désert, resta le chef-lieu des Trinitaires comme il en avait été le berceau. 1. Psalm. XCI, 15. — 2, Sap. VII, 27. 390 Lisons la vie du serviteur de Dieu dans le livre de la sainte Eglise. Mais rappelons-nous qu'elle demande à être complétée par celle de son disciple et fils ( VIII février). Félix, appelé d'abord Hugues,
était né en France de la famille royale des Valois. Il donna dès le plus jeune
âge de sérieuses marques de sa sainteté future, surtout pour la miséricorde
envers les pauvres ; car encore tout petit enfant, il distribuait de sa main
des pièces d'argent aux malheureux, comme s'il eût été grand et en âge de
comprendre. Un peu plus âgé, il avait la coutume de leur envoyer des mets
servis sur la table, et choisissant ce qu'il y avait de meilleur, il le servait
aux enfants pauvres. Jeune homme, il se dépouilla plus d'une fois de ses habits
pour en couvrir les indigents. Il obtint de son oncle Thibauld,
comte de Champagne et de Blois, la grâce d'un condamné à mort, annonçant que
celui qui n'était jusque-la qu'un sicaire infâme deviendrait sous peu un grand
saint : prédiction justifiée par l'événement. Au sortir de sa vertueuse
adolescence, il se sentit porté par l'attrait de la contemplation céleste à
s'enfermer dans la solitude, mais voulut tout d'abord cependant recevoir les
Ordres sacrés pour se prémunir contre les droits éventuels à la couronne qu'il
tenait de la loi Salique. Ordonné prêtre, il célébra sa première Messe avec
grande ferveur et gagna peu après le désert ou il vécut en grande abstinence,
réconforté par l'abondance des grâces du ciel. Il y fut trouvé par saint Jean
de Matha, docteur de Paris, qu'une inspiration divine avait poussé à sa
recherche. Tous deux vécurent là très saintement quelques années, jusqu'à ce
qu'un Ange les avertît delà part de Dieu qu'ils eussent à se rendre à Rome pour
obtenir du Souverain Pontife une règle de vie. C'était alors Innocent III,
lequel pendant la Messe solennelle eut révélation du nouvel Ordre et institut
qu'ils devaient fonder pour la rédemption des captifs. Le Pape revêtit lui-même
Félix et Jean du vêtement blanc avec la croix rouge et bleue sous lequel l’Ange
était apparu, et il voulut que leur famille religieuse, en raison de ces trois
couleurs de son habit, fût honorée du nom de la très sainte Trinité. Félix donc, avec la règle
confirmée par le Pape Innocent, revint à Cerfroid, au
diocèse de Meaux, où lui et son compagnon ayant peu auparavant bâti la première
maison de l'Ordre, il l'agrandit, y fit régner l'observance religieuse, se
montrant le promoteur admirable de l'œuvre de la Rédemption, mettant tout son
zèle à la propager par ses disciples en d'autres provinces. Il fut en ce lieu
favorisé d'une insigne grâce de la Vierge Mère : c'était en la nuit de la Nativité
de la Mère de Dieu ; tandis que par une permission divine les frères
continuaient de dormir et ne se levaient pas pour Matines, Félix, veillant à
son ordinaire et prévenant l'heure de l'Office, entra au chœur où il trouva la
bienheureuse Vierge. Elle portait sur son vêtement la croix de l'Ordre ; des
Anges vêtus de même, l'accompagnaient ; elle entonna les chants, et ce fut avec
elle et les Anges que Félix accomplit le devoir de l'Office canonial. Et comme
si déjà on l'appelait du chœur de la terre a celui des cieux, averti par un
céleste messager de sa mort prochaine, il exhorta ses fils à la charité envers
les captifs et les pauvres, puis rendit l'âme, chargé de mérites et d'années,
l'an douze cent douze du Seigneur, sous le pontificat du même Innocent III. 393 Félix, heureux amant de la charité, enseignez-nous le prix de cette reine des vertus et aussi sa nature. C'est elle qui vous attira dans la solitude pour y poursuivre son objet divin, et quand vous sûtes trouver Dieu en lui-même, vous le montra et fit aimer dans vos frères. N'est-ce pas le secret qui rend l'amour fort comme la mort, lui donne comme en vos fils l'audace d'affronter l'enfer (1) ? Puisse-t-il ne point cesser d'être chez nous l'inspirateur de tous les dévouements ; qu'il demeure la part excellente de votre saint Ordre, le procédé précieux de son adaptation toujours féconde aux besoins d'une société où ne cesse point de régner sous mille formes la tyrannie des pires servitudes. 1. Cant. VIII, 6. |