LE X NOVEMBRE. SAINT ANDRÉ AVELLINO,
CONFESSEUR.
On sait quelle moisson l'Esprit-Saint fit germer du sol de l'Eglise au XVI° siècle,
en réponse au reproche d'épuisement formulé contre elle. André fut l'un des
plus méritants coopérateurs de l'Esprit dans l'œuvre de sainte réformation, de
renaissance surnaturelle, qui s'accomplit alors. L'éternelle Sagesse avait
comme, toujours laissé l'enfer s'essayer le premier, mais pour sa honte, à se
parer de ces grands noms de renaissance et de réforme.
Depuis neuf ans saint Gaétan
avait quitté la terre, la laissant réconfortée déjà par ses œuvres, tout
embaumée de ses vertus ; l'ancien évêque de Théate,
son auxiliaire et compagnon dans la fondation des premiers Clercs réguliers,
avait ceint la tiare et gouvernait l'Eglise sous le nom de Paul IV : c'était
l'heure (1) où une nouvelle faveur du ciel donnait aux Théatins, dans la
personne de notre bienheureux, un héritier des dons surnaturels et de
l'héroïque sainteté qui avaient fait de Gaétan le zélateur du sanctuaire. Il
fut l'ami et l'appui du grand évêque de Milan, Charles Borromée, qu'il rejoint
aujourd'hui dans la gloire. Ses pieux écrits continuent de servir l'Eglise.
Lui-même sut
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se former d'admirables disciples,
comme ce Laurent Scupoli qui fut l'auteur du Combat
spirituel, si grandement apprécié par l'Evêque de Genève (1).
Le récit autorisé qui va suivre,
nous dispense de rien ajouter.
André Avellino
, appelé d'abord Lancellotti, naquit à Castro Nuovo, bourg de la Basilicate. Il donna, encore tout
enfant, des marques non équivoques de sa future sainteté. Sorti de la maison paternelle
pour apprendre les lettres , il passa de telle sorte
l'âge glissant de l'adolescence au milieu des études libérales, qu'il n'omit
jamais d'avoir surtout devant les yeux le commencement de la sagesse ,
c'est-à-dire la crainte du Seigneur. Son grand amour de la pureté le fit ainsi
triompher d'embûches réitérées, parfois d'attaques à force ouverte,
qu'une physionomie avantageuse lui attirait de la part de femmes éhontées. Il
était clerc depuis quelque temps déjà quand, se rendant à Naples pour y étudier
le droit, il y prit ses degrés. Honoré du sacerdoce sur ces entrefaites, il
arrêta de ne plaider qu'au for ecclésiastique et pour quelques particuliers,
voulant en cela se conformer aux prescriptions des saints canons. Or il arriva
qu'ayant laissé échapper un léger
mensonge en une plaidoirie, et lisant par hasard peu après l'Ecriture, il tomba sur ces mots : La bouche qui ment tue l'âme. Si vifs furent les sentiments de douleur et de repentir qu'il
conçut de sa faute, qu'il jugea devoir aussitôt renoncer à ce genre de vie, et que, disant adieu au barreau, il se donna
désormais tout entier au culte divin et au
saint ministère. Il présentait en lui le modèle des vertus ecclésiastiques
, et l'archevêque de Naples en ce temps lui confia le gouvernement des
religieuses. Sa fidélité en cette charge lui valut la haine d'hommes pervers qui cherchèrent à ie faire mourir;
il échappa une fois au danger, mais n'évita pas, dans une autre circonstance,
trois blessures que l'assassin lui fit au visage, sans que l'atrocité de
l'attentat parvînt à troubler son âme. Ce fut alors qu'embrasé du désir d'une
vie plus parfaite, il sollicita humblement son admission parmi les Clercs
réguliers, et qu'étant exaucé, il obtint par ses prières qu'on lui donnât le nom d'André,
en raison du grand amour dont il brûlait pour la croix.
Embrassant donc avec courage
la voie étroite, et se dévouant à la vertu, il ne craignit pas de s'astreindre
par vœu, d'une part à toujours combattre sa volonté propre, de l'autre à
progresser sans relâche dans le chemin de la perfection chrétienne. Très
observant de la discipline régulière, il s'en montra le zélateur attentif quand
il fut supérieur. Tout ce qu'il lui restait de temps en dehors de sa charge etde la règle était consacré à la prière et au salut des
âmes. Dans les confessions qu'il entendait, sa piété et sa prudence étaient
admirables ; il parcourait fréquemment bourgs et villages autour de Naples, y
exerçant le ministère évangélique au grand profit des âmes. On vit le Seigneur
lui-même illustrer par des prodiges l'ardente charité du saint homme pour le
prochain. Une nuit d'orage, en effet, qu'il revenait de confesser un malade et
que la violence de l'ouragan avait éteint la lumière, non seulement ses
compagnons ne furent pas plus que lui mouillés par la pluie qui tombait à
torrents, mais encore une clarté insolite rayonnant miraculeusement de son
corps leur montra le chemin au milieu des ténèbres épaisses. Il
excella dans l'abstinence et la patience, l'amour de l'abjection, la haine de
soi. Il supporta d'une âme tranquille la mort violente du fils de son frère,
détournâtes siens de tout désir de vengeance, et alla jusqu'à implorer des
magistrats pour les meurtriers grâce et protection.
Il propagea en plusieurs lieux l'Ordre des Clercs réguliers, et fonda leurs
maisons de Milan et de Plaisance. Ami des cardinaux saint
Charles Borromée et Paul d'Arezzo, théatin, il fut leur aide dans les soucis de la charge
pastorale. Tout spécial était son amour
et son culte pour la Vierge Mère de
Dieu. Il mérita de s'entretenir avec les Anges, et témoigna les avoir entendus,
quand il s'acquittait de la louange
divine, l'accompagner en chœur. Ayant donc donné d'héroïques exemples de vertu, brillé par le don de prophétie qui lui
faisait connaître les secrets des cœurs,
les choses absentes, les événements futurs,il succomba enfin sous le poids des
années et l'épuisement du labeur. Voulant célébrer la sainte Messe, et ayant
par trois fois au pied de l'autel répété ces mots : J'entrerai à l'autel de
Dieu, il fut frappé d'une attaque subite d'apoplexie. Muni sans tarder des
sacrements de l'Eglise, il rendit l'âme en grande paix au milieu des siens. Son
corps repose à Naples, en l'église de Saint-Paul, honore jusqu'à nos temps du
même grand concours au milieu duquel il y fut porté. Insignes furent ses
miracles après la mort comme durant la vie, et le Souverain Pontife Clément XI
l'inscrivit solennellement au catalogue des Saints.
Combien furent suaves et fortes à
votre endroit les voies de l'éternelle Sagesse (1), ô bienheureux André, quand
de la légère faute où vous étiez tombé par surprise en cette vallée des larmes,
elle fit le point de départ de la sainteté qui resplendit en vous ! La
bouche qui ment tue l’âme (2), disait-elle; et comme elle ajoutait : Ne
mettez pas votre zèle en cette vie par une erreur funeste à poursuivre la mort,
n'employez pas vos œuvres à acquérir la perdition (3), elle fut pleinement
comprise; le but de la vie vous apparut tout autre, ainsi que le montrèrent les
vœux qu'elle-même vous inspira pour sans cesse vous éloigner de vous-même, et
sans cesse vous rapprocher du souverain Bien. Avec l'Eglise (4), nous glorifions
le Seigneur qui disposa de si admirables ascensions dans votre âme (5).
Comme l'annonçait le Psaume, cette marche toujours
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progressive de vertu en vertu
vous amène aujourd'hui dans Sion, où vous voyez le Dieu des dieux (1).
Votre cœur, votre chair,
tressaillaient pour le Dieu vivant ; votre âme, absorbée dans l'amour des
parvis sacrés, défaillait à leur pensée (2). Quoi d'étonnant qu'une suprême
défaillance au pied des autels du Seigneur des armées, vous donne entrée dans
sa maison bienheureuse? Avec quelle joie vos angéliques associés de ce monde en
la divine louange vous accueillent dans les chœurs éternels (3)!
Ayez égard aux hommages de la
terre. Daignez répondre à la confiance de Naples et de la Sicile, qui se
recommandent de votre puissant patronage auprès du Seigneur. Unissez-vous, pour bénir la pieuse famille des Clercs réguliers
Théatins, à saint Gaétan, son père et le vôtre. Pour nous tous, implorez une
part dans les bénédictions qui vous furent si abondamment départies (4).
Puissent les vains plaisirs que Ton goûte sous les tentes des pécheurs ne nous
séduire jamais, l'humilité de la maison de Dieu avoir nos préférences sur toute
grandeur mondaine (5). Si comme vous nous aimons la miséricorde et la vérité,
le Seigneur nous donnera comme à vous la grâce et la gloire (6). Au souvenir
des circonstances où s'accomplit votre fin bienheureuse, le peuple chrétien
honore en vous un protecteur contre la mort subite et imprévue : gardez-nous
dans le dernier passage ; que l'innocence de notre vie ou la pénitence en
préparent l'issue fortunée; que notre soupir final s'exhale, pareil au vôtre,
dans l'espérance et l'amour (7).
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Rome nous invite à donner avec elle, en ce jour, un souvenir
au groupe des Martyrs qui forment la protection et la richesse de son grand
hôpital du Saint-Esprit, où ils reposent sous l'autel majeur. L'église de Saint-Augustin, voisine de l'ancienne église stationnale de saint Tryphon,
possède elle-même une partie des précieux restes de ce dernier.
ORAISON.
Faites, nous vous en prions,
Seigneur, que la fête de vos saints Martyrs Tryphon, Respicius et Nympha, nous soit
toujours chère; puissions-nous, grâce à leurs suffrages, éprouver les effets de
votre protection. Par Jésus-Christ.