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LE XVIII NOVEMBRE. LA DÉDICACE DES BASILIQUES DES SS. APÔTRES PIERRE ET PAUL.QUOD DUCE TE MUNDUS SURREXIT IN ASTRA TRIUMPHANS, HANC CONSTANTINUS VICTOR TIBI CONDIDIT AULAM. Parce que le monde sous ta conduite s'est élevé triomphant jusqu'aux cieux, Constantin vainqueur construisit ce temple à ta gloire. C'était l'inscription qui, dans l'ancienne basilique vaticane, se détachait en lettres d'or au sommet de l'arc triomphal (1). Jamais en moins de mots le génie romain ne s'exprima si magnifiquement ; jamais n'apparut mieux la grandeur de Simon fils de Jean sur les sept collines. En 15o6, la sublime dédicace tombant de vétusté périt avec l'arc sous lequel, à la suite du premier empereur chrétien, peuples et rois, le front dans la poussière, s'étaient pressés durant douze siècles en présence de la Confession immortelle, centre et rendez-vous du monde entier. Mais la coupole lancée dans les airs par le génie de Michel-Ange, désigne toujours à la Ville et au monde le lieu où dort le pêcheur galiléen, successeur des Césars,résumant dans le Christ dont il est le Vicaire les destinées de la ville éternelle. La seconde gloire de Rome est la tombe de Paul sur la voie d'Ostie. Cette tombe, à la différence 1. De Rossi, Inscript, christ. T. II, 345. 370 de celle de Pierre qui continue de plonger dans les profondeurs de la crypte vaticane, est portée jusqu'à fleur de terre par un massif de maçonnerie, sur lequel pose le vaste sarcophage. On fut à même de constater cette particularité en 1841, lorsque l'on reconstruisit l'autel papal. Il parut évident que l'intention de soustraire le tombeau de l'apôtre aux inconvénients qu'amènent les débordements du Tibre, avait obligé de soulever ainsi le sarcophage de la place où d'abord Lucine l'avait établi (1). Le pèlerin n'a garde de s'en plaindre, lorsque par le soupirail qui s'ouvre au centre de l'autel, son œil respectueux peut s'arrêter sur le marbre qui ferme la tombe, et y lire ces imposantes paroles, tracées en vastes caractères de l'époque constantinienne : PAULO APOSTOLO ET MARTYRI. A Paul Apôtre et Martyr (2). Ainsi Rome chrétienne est
protégée au nord et au Donc aussi la présente fête méritait d'être plus qu'une solennité locale; l'Eglise mère, en l'étendant 1.Voir XVI Septembre, en la Légende de saint Corneille. — 2. Dom Guéranger, Sainte Cécile et la Société romaine aux deux premiers siècles, ch. VI. 3. Janitorante fores fixit sacraria Petrus : Quis neget has arces instar esse poli ? Parte alia Pauli circumdant atria muros : Hos inter Roma est: hic sedet ergo Deus. Inscription de la porte de Rome qu'on appelait au VI° siècle la porte de Saint-Pierre. (De Rossi, Inscript. II, 99.) 371 à toute Eglise dans ces derniers siècles, a mérité la reconnaissance du monde. Grâce à elle, nous pouvons tous ensemble aujourd'hui faire en esprit ce pèlerinage ad limina (1) que nos aïeux accomplissaient au prix de tant de fatigues, ne croyant jamais en acheter trop cher les saintes joies et les bénédictions. « Célestes monts, sommets brillants de la Sion nouvelle ! là sont les portes de la patrie, les deux lumières du monde en sa vaste étendue : là, Paul comme un tonnerre fait entendre sa voix; là, Pierre retient ou lance la foudre. Par celui-là les cœurs des hommes sont ouverts, par celui-ci les cieux. Celui-ci est la pierre de fondement, celui-là l'ouvrier du temple où s'élève l'autel qui apaise Dieu. Tous deux, fontaine unique, épanchent les eaux qui guérissent et désaltèrent (2). » 1.Ad limina Apostolorum, aux seuils des basiliques des Apôtres, où l'on se prosternait avant d'entrer dans les basiliques mêmes. — 2. Venant. Fortunat. Miscellanea, III, VII. L'Eglise romaine a consigné, dans les Leçons qui suivent, ses traditions concernant les basiliques dont la dédicace fait l'objet de la fête de ce jour. Parmi les lieux sacrés qui
attirèrent autrefois la vénération des chrétiens, les plus célèbres et les plus
fréquentés furent ceux où l'on gardait les corps des saints, ou quelque reste
ou mémoire des Martyrs. Au nombre et en tête de ces saints lieux fut toujours
cette partie glorieuse du Vatican qu'on appelait la Confession de saint Pierre.
Là, en effet, de toutes les parties du monde affluaient les chrétiens ; là
était pour eux la pierre de la foi, le fondement de l'Eglise; leur vénération
pour le lieu consacré parle tombeau du Prince des Apôtres se traduisait par les
plus religieuses et les plus pieuses démonstrations. Là l'empereur Constantin le
Grand vint le huitième jour après son baptême, et déposant le diadème et se
prosternant, répandit une grande abondance de larmes ; puis s'armant de la
pioche et du hoyau, il creusa le sol et en retira douze charges de terre en
l'honneur des douze Apôtres, désignant ainsi l'emplacement de la basilique
qu'il voulait construire à leur Prince. Elle fut dédiée par le Pape saint
Silvestre le quatorze des calendes de décembre, en la manière que, le cinq des
ides de novembre, il avait consacré l'église du Latran, mais en y élevant un
autel de pierre qu'il oignit du chrême, et prescrivant que désormais tout autel
devrait être de pierre. Le bienheureux Silvestre dédia pareillement sur la voie
d'Ostie la basilique de saint Paul Apôtre, que l'empereur Constantin avait de
même construite avec magnificence , l'enrichissant ainsi que la première de
biens-fonds, d'ornements, et de présents
considérables. Or, comme la basilique
vaticane tombait de vétusté, elle fut par
la piété de nombreux Pontifes réédifiée depuis les fondations plus magnifique et plus
grande ; l'an mil six cent vingt-six, en ce même jour, Urbain VIII la
consacrait solennellement. L'an mil huit cent vingt-trois , un violent
incendie consumait entièrement la basilique de la voie d'Ostie; relevée plus
belle qu'auparavant par le zèle persévérant de quatre Pontifes et comme
reconquise sur la destruction, Pie IX
mit à profit pour sa consécration la très heureuse circonstance de la définition de l'Immaculée
Conception de la Bienheureuse Vierge Marie qu'il venait de proclamer , et qui des contrées les plus éloignées de
l'univers catholique avait attiré à Rome nombre d'évêques et de cardinaux ; ce
fut le dixième jour de décembre de l'année mil huit cent cinquante-quatre,
qu'entouré d'une si brillante couronne
de prélats et de princes de l'Eglise il accomplit la solennelle dédicace, en en fixant la
mémoire annuelle au présent jour. Pour célébrer les saints Apôtres, il nous plaît d'emprunter aux bibliothèques de nos frères séparés d'Angleterre cette Séquence que la vénérable Eglise d'York chantait encore, il y a quatre siècles, en leur honneur. SEQUENCE.
En cette mémoire solennelle
du Prince des Apôtres, que l'harmonie de notre louange, inspirée par l'amour,
se fasse jour en cantiques joyeux. Avec lui vénérons, digne
comme lui de nos chants, l'Apôtre des nations ; ainsi la louange réunira ceux
que l'amour unit dans la vie et que la mort elle-même n'a pu séparer. Leur louange, c'est que dans
Rome, siège de l'em-pire,ils
renversèrent l'idolâtrie ; que dans cette Rome, l'Eglise fondée et soutenue par
eux gouverne l'univers. Le fondement de l'Eglise,
c'est la foi de Pierre, comme la doctrine de Paul en est le soutien ; au premier la clef signifiant la puissance, au second
celle qui ouvre les horizons de la science : toutes deux concourent à l'œuvre
commune. Car c'est ainsi que le
troupeau, que le peuple fidèle se félicite, au milieu des tempêtes de cette
vie, d'avoir en Pierre un pasteur et un guide; tandis que Paul par ses
enseignements le fortifie, l'anime et le guérit dans ses maux. L'un répand la parole de vie,
l'autre aux croyants de cette parole ouvre les deux ; ce que l'un prêche,
l'autre en montre la vérité par des miracles sans nombre. Ils appellent au salut,
celui-ci les Juifs, celui-là les nations ignorantes du chemin de la vie ; tous
deux dirigent les appelés , tous deux combattent pour
eux, repoussant l'assaut de l'ennemi, Ne craignant pas de faire
face à la force toute-puissante de l'empire, encourant l'un le supplice de la
croix, l'autre celui du glaive. En la même ville, en un même
jour, ils souffrent la mort et passent aux cieux où sont récompensés les
justes. Puissent-ils, priant pour
nous, nous préserver de tout mal, et nous amener à partager leur bienheureux
sort. Amen. Enfin mettant à profit ce jour pour rappeler et pour compléter les enseignements qui nous furent donnés dans la fête générale de la Dédicace des Eglises, terminons par cette autre Séquence, digne d'Adam de Saint-Victor auquel on l'attribua longtemps. Toutes les allégories du temps des figures y sont relevées à l'honneur du grand mystère de l'union du Christ et de l'humanité, qu'exprime la consécration des temples chrétiens. SEQUENCE.
Qu'ils sont aimés les
tabernacles et les parvis du Seigneur des armées! O architecte incomparable! ô temple édifié de telle sorte, que l'affermissent, au lieu
de l'ébranler, les pluies, les flots débordés, les tempêtes ! Belles sont ses fondations,
qui remontent aux jours où de gracieuses figures l'annonçaient sous les ombres!
C'était le côté d'Adam endormi produisant Eve : première image d'une union qui
doit durer toujours. C'était l'arche faite du bois
: elle sauve Noé, navigue sûrement sur
les eaux du déluge où périt le monde. C'est Sara chargée d'ans et sa fécondité
tardive, et son rire de bonheur quand elle allaite celui dont le nom signifie
notre joie. Rébecca présente l'eau
qu'elle a puisée au serviteur, porteur du message, et abreuve aussi ses
chameaux. Elle se pare des bracelets, des pendants d'oreilles, pour se montrer
telle qu'il convient à une vierge. Par Jacob la synagogue est
supplantée, tandis que, ne se confiant qu'à la lettre, elle s'égare. Aux yeux
chassieux de Lia bien des choses échappent, qui font la force de Rachel la
voyante et rendent égaux ses droits. Veuve longtemps, Thamar
voilée donne à Juda deux fils. Là, Moïse est trouvé dans sa corbeille de jonc
par la jeune fille qui se baigne au fleuve. Là l'agneau mâle est immolé,
rassasiant Israël, le teignant de son sang. Là la mer Rouge est traversée, les
Egyptiens sont engloutis sous les flots profonds. Là est l'urne remplie de la
manne; là, mais dans l'arche de
l'alliance, sont les dix
commandements de la loi. Là sont gardés les ornements du temple, et aussi les
vêtements d'Aaron dont le premier est l'éphod du pontife. Là Bethsabée, veuve d'Urie , élevée en gloire, s'assied sur le trône royal. Dans
sa robe d'or et sa parure variée, elle est devant le prince semblable aux
filles des rois. Là vient s'instruire à la
divine sagesse de Salomon la reine du Toutes ces figures annonçant
sous les ombres l'avenir, le plein jour de la grâce nous en a
révélé la portée. Maintenant unis au bien-aimé, goûtons sa paix, chantons des
psaumes ; car c'est le jour des noces. Les trompettes éclatantes du
festin en annoncent l'ouverture, le psaltérion l'achèvement. L'Epoux ! c'est
lui que chantent, unique mélodie, les millions de voix qui sans fin disent :
Alléluia ! Amen. |