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LETTRES DIVERSES DE L'AUTORITÉ DES JUGEMENTS ECCLÉSIASTIQUES, OU SONT NOTÉS
LES AUTEURS DES SCHISMES ET DES HÉRÉSIES (a).
Il revient de beaucoup d'endroits des plaintes amères, qui
font sentir que plusieurs sont scandalisés de l'autorité qu'on donne
(a) l'abbé Ledieu nous fait connaître l'origine de cet
ouvrage. Après avoir mentionné la Lettre aux Religieuses de Port-Royal, parlant
de l'autorité des jugements ecclésiastiques, il dit dans ses Mémoires : «
Sentant le besoin qu'avait l'Eglise d'une instruction à fond en cette matière,
il (Bossuet) recueillit des mémoires de l'histoire ecclésiastique et des
conciles, qu'il poussa jusqu'à celui de Constance, auquel il travaillait encore
à Versailles au mois d'août (1702), quand il fut attaqué de la pierre, pour
prouver par la pratique de tous les siècles... la nécessite de la soumission
entière de jugement et de la persuasion absolue dans les décisions de l'Eglise
contre les erreurs, aussi bien que contre les auteurs et les livres qui les
enseignent. » Et dans un autre endroit : « il voulait faire une plus ample
instruction pour prouver que l'on doit une soumission parfaite aux décisions de
l’Eglise, même dans les laits dogmatiques. Dans le mois de février et pendant
tout le carême de 1703, il dicta un long mémoire avec un grand recueil de toutes
les preuves de la tradition sur cette affaire. »
L'abbé Le Queux, qui avait entrepris, puis cédé à Déforis
l'édition des œuvres complètes de Bossuet, reçut, avec les autres papiers du
grand homme, le manuscrit qui renfermait ces précieux documents, ces savantes
discussions : quel usage en fit-il? Feller va nous l'apprendre : « Feu M.
Riballier, syndic de la faculté de Paris, parlant à l'abbé le Queux du petit
ouvrage qu'avait fait ce prélat (Dossuet) sur le formulaire d'Alexandre VII, lui
dit que sûrement il avait dû le trouver parmi ses manuscrits. L'abbé répondit
que effectivement il l'avait trouvé, mais qu'il F avait jeté au feu. Riballier
lui fit à ce sujet une réprimande convenable. Nous pouvons citer les personnes
les plus respectables qui vivent encore, et à qui M. Riballier a fait part de
cette anecdote. Il n'en revenait pas toutes les fois qu'il racontait cette
impertinente réponse. » Voilà ce que dit un auteur digne de toute confiance.
Mais pourquoi l'abbé Le Queux brûla-t-il l'ouvrage de l'immortel écrivain? Parce
qu'il le trouvait trop fort de faits et de raisonnements contre les jansénistes,
parce qu'il avait « entrepris » dit encore Feller, la nouvelle édition de
Bossuet « précisément pour corrompre les écrits de ce grand homme, et rendre sa
foi suspecte.» Déforis et les Bénédictins des Blancs-Manteaux partageaient ses
préventions, sa haine, son opiniâtreté janséniste. Et c'est sur la foi de ces
hommes-là que tous les éditeurs ont reproduit et reproduisent aveuglément, sans
collationner un seul mot sur les originaux, les œuvres de Bossuet,
principalement les œuvres posthumes.
Cependant l'abbé Le Queux avait fait, de l'écrit sur
L'autorité des jugements ecclésiastiques, une copie de sa façon, tronquée,
mutilée, telle qu'elle nous paraîtra tout à l'heure. C'est sur cette copie qu'on
a imprimé, il le fallait bien, l'ouvrage de Bossuet.
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aux jugements ecclésiastiques, où sont flétris et notés les
auteurs des schismes et des hérésies avec leur mauvaise doctrine. Plusieurs gens
doctes, éblouis du savoir et de l'éloquence d'un certain auteur célèbre parmi
nous (1), croient rendre service à Dieu en affaiblissant l'autorité de ces
jugements. A les entendre, on croirait que les Formulaires et les
souscriptions sur les condamnations des hérétiques, sont choses nouvelles dans
l'Eglise de Jésus-Christ ; qu'elles sont introduites pour opprimer qui on voudra
; ou que l'Eglise n'a pas toujours exigé selon l'occurrence, que les fidèles
passassent des actes qui marquassent leur consentement et leur approbation
expresse, ou de vive voix, ou par écrit, aux jugements dont nous parlons,
avec une persuasion entière et absolue dans l'intérieur. Le contraire leur
paraît sans difficulté ; ils prennent un air de décision qui semble fermer la
bouche aux contre-disants ; et ils voudraient faire croire qu'on ne peut
soutenir la certitude des jugements sur les faits, sans offenser la
pudeur et la vérité manifeste. Cependant toute l'histoire de l'Eglise est
remplie de semblables actes et de semblables soumissions, dès l'origine du
christianisme.
Il m'est venu dans l'esprit qu'il serait utile au bien de
la paix de représenter ces actes, à peu près dans l'ordre des temps, en toute
simplicité et vérité. Je pourrais en faire l'application aux matières
contentieuses du temps ; mais j'ai cru plus pacifique de la laisser faire à un
chacun. Loin donc de ce discours tout esprit de contention et de dispute. Je ne
veux ici produire que des faits constants, que des actes authentiques de
l'Eglise, que des exemples certains, qui autorisent le droit perpétuel d'exiger
le consentement et l'approbation des actes dont il s'agit.
Je soutiens donc, 1° qu'elle a exercé ce droit sacré dès
l'origine du christianisme, et que cette vérité est incontestable; je passe
encore plus avant, elle peut être démontrée en une ou deux pages d'une manière à
ne laisser aucune réplique. Par exemple, j'exposerai par avance ce fait tiré, du
concile de Constance, lequel ayant défini plusieurs faits contre Jean
Wiclef et Jean Hus, dans les sessions huitième et quinzième, comme « qu'ils
étaient hérétiques,
1 Le docteur Arnauld.
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et avaient prêché et soutenu plusieurs hérésies, et
notamment que Wiclef était mort opiniâtre et impénitent, anathématisant lui et
sa mémoire (1) ; » le pape Martin V ordonne dans ce concile, avec son
approbation expresse (sacro approbante concilio), « que tous ceux qui
seraient suspects d'adhérer à ces hérétiques, sans aucune distinction, soient
obligés de déclarer en particulier qu'ils croient que la condamnation faite par
le saint concile de Constance, de leurs personnes, de leurs livres et de leurs
enseignements, s été très-juste, et doit être retenue et fermement assurée pour
telle par tous les catholiques, et qu'ils sont hérétiques et doivent être crus
et nommés tels (2). »
Arrêtons-nous là; et supposons, si vous voulez, qu'il n'y
ait que ce seul l'ait à produire et à discuter : je dis que par ce seul fait la
chose est décidée; et toutes les objections qu'on peut faire tombent par terre
sans ressource.
Ce jugement est prononcé par un concile oecuménique, toutes
les obédiences, comme on parlait, étant réunies, le Pape à la tête. Est-on
obligé d'y croire, ou non? Ceux qui nient la certitude de tels jugements,
répondent que non, parce que l'Eglise n'est pas infaillible en les prononçant,
puisque ce sont des laits qui ne sont pas révélés Je ne suis pas obligé à
résoudre cette objection. Je demande à mes adversaires si le concile de
Constance est plus infaillible dans les faits que les autres assemblées
ecclésiastiques : quand il oblige à croire le jugement porté contre Wiclef, de
quelle sorte de croyance veut-il parler? ou bien n'exige-t-il aucune croyance?
Que veulent donc dire ces mots appliqués à tant de faits? Est-ce une croyance
naturelle ou surnaturelle, ou une simple résolution de garder un silence
respectueux, pendant qu'on est présent devant le juge qui demande un oui ou un
non précis? Je ne réponds rien, je demande seulement ; je conformerai ma réponse
à celle qu'on me fera; et on ne doit point m'inquiéter, si on n'en a point à me
faire.
Mais, direz-vous, on ne me propose point de souscription.
Peut-on jamais exiger une déclaration plus formelle sur les faits jugés au
concile, et aurait-on fait davantage, si on eût demandé
1 Concil. Constant., sess. VIII, XV. — 2 Bull., Inter
cunctas.
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la signature? Peut-on croire que toute l'Eglise assemblée
en concile œcuménique mette ses enfants dans le péril de mentir, et de calomnier
Wiclef sur la foi d'un jugement qui ne peut avoir de certitude?
Mais, dira-t-on, au défaut de la foi, on a une certitude de
prudence humaine. Où la prend-on? qui l'a révélée? et qui ne voit qu'on ne peut
s'assurer de rien, que sur la foi du jugement de toute l'Eglise?
Je n'ai encore allégué qu'un seul fait; et en m'y tenant,
je vois tous mes adversaires à bout. Mais un tel fait ne marche jamais seul. Un
concile œcuménique, tel que celui de Constance, est toujours précédé par la
tradition; et dès là je suis assuré de l'avoir pour moi sans entrer dans une
plus ample discussion, comme je l’avais promis. J'y entrerai néanmoins, pour
comble de conviction et pour aller à la source. Il en résultera des règles
avouées par nos savants ; on verra qu'ils n'ont pu trouver d'actes contraires;
et quand il sera constant que le droit de l'Eglise, que je veux défendre, est
appuyé sur une tradition incontestable dès l'origine du christianisme, alors je
me joindrai avec eux; et d'eux-mêmes, ils se trouveront obligés à chercher avec
moi des solutions aux objections qu'ils proposent contre le droit de l'Eglise,
qu'ils verront si clairement établi : ce qui fera une seconde partie de ce
discours, mais une partie qui ne me regardera pas plus que tous les autres
théologiens, puisqu'ils ont le même intérêt que moi à défendre la tradition.
Il ne s'agira donc pas de me demander quelle est la nature
de l'autorité des jugements ecclésiastiques sur les faits qui ne sont pas
révélés de Dieu, puisqu'une fois il sera vrai que cette autorité aura été
reconnue par cent actes inviolables, et qu'il faudra bien trouver les moyens de
l'exercer pour le salut des fidèles.
Encore, comme j'ai dit, que je ne veuille point entrer dans
les matières contentieuses qui ont fait l'agitation de nos jours, je souhaite
qu'il me soit permis de lever, par deux faits constants, deux préjugés
considérables que je trouve dans les esprits de quelques savants.
Le premier, que la souscription pure et simple du
Formulaire
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porte préjudice à la doctrine de saint Augustin et à la
grâce efficace : mais le contraire est indubitable, puisque cette doctrine va
son cours à la face de toute l'Eglise ; on la soutient par tout l'univers et à
Rome même avec la même liberté et si on peut ainsi parler, avec la même hauteur.
Alexandre VII a recommandé par un décret exprès la doctrine de saint Augustin et
de saint Thomas. Innocent XII consulté par l'Université de Louvain, si elle
devait changer quelque chose dans son ancienne doctrine sur la grâce et
le libre arbitre, qui est celle de saint Augustin et de saint Thomas, a
répété les anciens décrets de l'Eglise Romaine, pour adopter la doctrine de
saint Augustin, dans les mêmes termes dont s'est servi le pape saint Hormisdas
dans sa décrétale ad Possessorem (1) qui sont les plus authentiques
qu'elle ait jamais employés. Le clergé de France, dans son Formulaire de
1654, pour ôter tout scrupule ou tout prétexte à ceux qui pourraient appréhender
que la doctrine de saint Augustin ait pu recevoir aucune atteinte par la
condamnation des cinq propositions de Jansénius, dans les Constitutions
d'Innocent X et d'Alexandre VII, a expressément inséré dans ce Formulaire
que la doctrine de saint Augustin subsiste dans toute sa force, et que Jansénius
l'a mal entendue. Ce Formulaire du clergé de, France subsiste en Sorbonne
dans sa pleine autorité ; c'est celui qu'elle a reçu, qu'elle conserve, qu'elle
fait encore aujourd'hui souscrire à tous ses bacheliers et à tous ses docteurs,
parmi lesquels depuis cinquante ans se trouveront trente évêques. C'est donc une
illusion manifeste de faire craindre dans les Formulaires la moindre
altération de la doctrine de ce Père. L'école de saint Thomas s'élève en
témoignage contre de si vaines appréhensions ; et suffit seule pour faire voir
qu'on peut défendre, sans rien craindre, le besoin que l'on a d'un secours qui
donne l’agir par-dessus celui qui donne le pouvoir complet en ce genre,
qui est tout ce que j'avais à remarquer.
Mais une seconde remarque n'est guère moins importante. Il
y en a qui veulent se persuader que l'obligation à la souscription pure et
simple, donne trop d'avantage à ceux qu'ils appellent les
1 Hormisd.; epist. LXX.
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auteurs de la morale relâchée, et leur donne
indirectement trop de pouvoir. C'est là sans doute un vain prétexte. Les évêques
qui se sont le plus attachés à maintenir les Constitutions et les Formulaires
n'en ont pas été moins attachés à défendre la bonne morale, témoin l'assemblée
de 1700, où sans faire querelle à personne, les relâchements ont été attaqués
avec autant de vigueur que jamais. Jamais l'obligation d'aimer Dieu n'a été ni
mieux établie ni plus étendue. On n'a jamais poussé plus loin, ni par des
principes plus solides, la fausse et dangereuse probabilité. La même
assemblée s'est expliquée plus vivement que jamais pour la doctrine de saint
Augustin ; et on ne s'était jamais déclaré plus clairement contre le
semi-pélagianisme des derniers temps. Il faut donc être convaincu que les
souscriptions et les Formulaires ne nuisent en rien à la pureté de la
morale, ni même à la vérité de la grâce chrétienne, ni enfin à aucune partie de
la saine théologie, puisqu'on voit les évêques également opposés à tous les
excès.
Ces préventions ainsi levées, je crois qu'on se porterait
naturellement à reconnaître l'autorité toute entière des actes ecclésiastiques
dont nous avons promis le récit. Il serait temps d'entrer dans cette déduction,
s'il n'était encore plus essentiel d'établir le fondement des saintes Ecritures,
qui doit servir d'appui à tout ce discours.
Ce fondement important consiste à dire que si l'Eglise
prononce des jugements authentiques sur les faits dont il s'agit, encore
que bien constamment ils ne soient pas révélés de Dieu, elle ne l'entreprend pas
d'elle-même ni de sa propre autorité ; elle en a reçu un commandement exprès
d'en haut, dans tous les passages où le Saint-Esprit lui commande de censurer,
de reprendre, de convaincre, de noter l'homme hérétique, de le faire connaître,
afin qu'on l'évite, qu'on l'ait en exécration, et que sa folie soit connue ;
tous préceptes divins donnés à l'Eglise, et qui se trouvent renfermés dans
celui-ci seul : « Donnez-vous de garde des faux prophètes qui viennent à vous
dans des vêtements de brebis, et au dedans sont des loups ravissants (1). »
1 Matth., VII, 15; Act., XX, 29.
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Il ne faut pas écouter ceux qui, pour éluder ces passages,
semblent vouloir introduire la dangereuse maxime que l'Eglise ne prononce de
tels jugements que par des notoriétés de fait, lorsque les erreurs sont
constantes et avouées par leurs auteurs ; à quoi j'oppose ces maximes, dont la
vérité paraîtra dans tout ce discours, et qui dès à présent vont lui servir de
soutien, en sorte que la question peut être décidée par elles seules.
Première maxime. Il n'est pas vrai que l'Eglise
n'ait à flétrir parmi les hérétiques que ceux dont les erreurs sont notoires et
avouées, puisqu'au contraire ceux-là étant si publiquement connus, sont ceux
qu'il est moins besoin de noter par la censure ecclésiastique.
Seconde maxime. Il est vrai au contraire que ceux
qu'il lui est plus expressément commandé de noter, sont ceux qui se cachent et
se déguisent le plus.
Troisième maxime. C'est l'intention expresse de ce passage
: « Donnez-vous de garde de ceux qui viennent à vous avec des habillements de
brebis, et au dedans sont des loups ravissants. » Car ce sont ceux-là
précisément à qui il faut ôter la peau de brebis et le masque de l'hypocrisie,
qui les rend les plus dangereux de tous les séducteurs, et à qui aussi pour
cette raison l'Eglise doit opposer avec plus de force l'autorité de ses
jugements.
Quatrième maxime. Aussi Jésus-Christ donne-t-il le
moyen de les connaître, en disant : « Vous les connaîtrez par leurs fruits, par
leurs œuvres ; » comme s'il disait : Il n'est pas question ici des notoriétés,
et de l'aveu de ces hypocrites ; plus ils nient, plus vous les devez détester,
et rendre public votre jugement. Je vous donne le moyen de les convaincre ;
rendez-vous attentifs aux fruits qu'ils portent ; discernez la vérité des
apparences : en un mot, convainquez-les, notez-les, afin que personne ne s'y
trompe. Quand vous les voyez entraîner des disciples avec eux, partager même les
catholiques, en mettre un grand nombre dans leur parti, en sorte qu'on ne sache
presque plus qu'en croire : bien loin de vous rebuter, plus vous devez
interposer votre jugement, quand ce ne serait que pour mettre fin aux
dissensions et aux schismes qui font tant de maux aux églises.
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Cinquième maxime. A Dieu ne plaise qu'on laisse
croire aux fidèles que ce soit un joug que l'Eglise leur impose, que de les
obliger à l'en croire, puisqu'au contraire c'est le plus grand bien qu'on leur
puisse procurer, n'y ayant rien de plus nécessaire à la santé que de bien
connaître la maison où est la peste, et les personnes qui peuvent nous
l'apporter.
Nous pouvons rapporter ici par avance une requête présentée
sous Mennas, où l'on demande que le concile fasse de Sévère et de quelques
autres hérétiques, ce que les conciles ont fait selon la coutume de Nestorius,
d'Eutychès et de Dioscore c'est-à-dire de les frapper d'anathème, et de les
faire connaître à tout le peuple, comme gens d'une doctrine empoisonnée. Nous
trouvons encore dans le même concile les acclamations de tout le peuple au
patriarche, afin qu'il frappe le même Sévère d'anathème et d'exécration, où tout
le peuple presse le patriarche avec de grands cris et une espèce de violence à
anathématiser Sévère (1). Il ne s'agissait pas d'une notoriété ou d'un aveu ;
Sévère était connu de tout le peuple ; mais ils veulent avoir contre lui
l'anathème du patriarche et l'autorité des choses jugées, afin que l'hérésie
passe à jamais pour condamnée et détestée, avec l'exécration de son auteur.
Sixième maxime. C'est en suivant ces maximes de l'Evangile,
qu'on a vu dans tous les temps de l'Eglise flétrir et noter les hérétiques, non
point par leur aveu ni par les notoriétés qu'on voudrait introduire ; on a
toujours procédé par examen, par information juridique. Je me contente d'abord
d'en apporter deux exemples tirés des conciles généraux.
Dans celui d'Ephèse, où Nestorius fut condamné, on ne veut
point se fonder sur son aveu. On lit les lettres de cet hérésiarque ; on les
improuve, on lit les extraits de ses serinons qu'il avait lui-même envoyés au
pape saint Célestin ; s'il avait proféré quelque blasphème, on en informait
juridiquement ; on le cite dans le concile ; on accuse sa contumace ; on montre
par la procédure qu’on veut agir par l'autorité des choses jugées. On procède à
peu près de même contre Dioscore patriarche d'Alexandrie, au
1 Conc. Constantinop., sub Menn., act. V. — 2
Concil., Labbe, tom. V, col. 178.
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quatrième concile général, c'est-à-dire à celui de
Chalcédoine, où les erreurs et les violences de ce patriarche furent dénoncées ;
on accuse ses autres crimes ; on le cite ; on le contumace ; et comme Nestorius,
il demeure anathématisé et détesté par l'autorité des choses jugées, sans qu'on
se serve de son aveu ni de la notoriété. Voilà deux exemples fameux, qui seront
bientôt suivis d'une infinité d'autres, qui rendent constante la maxime que
l'Eglise procède par voies judiciaires, par examen, par information, par un
jugement canonique, et en un mot par l'autorité des choses jugées.
Nous voyons dans les lettres du concile de Carthage et
de..... à saint Innocent Ier, qu'on tenait registre des informations qu'on
faisait contre les auteurs de sectes, de leur interrogatoire, de leur aveu, de
leur déni, pour montrer qu'on n'attendait pas à condamner quand eux ou leurs
disciples avoueraient leurs erreurs ; mais qu'on voulait les forcer et les
convaincre, afin que le peuple ne put les méconnaître ; et que plus ils
tâchaient à les déguiser et à envelopper leurs discours, plus ils fussent
découverts.
Otez à l'Eglise ces saintes maximes, vous la désarmez
contre les hérésies; elles ne se répandent pas toutes seules; c'est quelque
personne, c'est quelque livre qui les tirent de l'enfer, où elles ont été
conçues. Priver l'Eglise du pouvoir de noter ces livres ou ces personnes, c'est
la livrer en proie à l'hérésie. Réduisez-la à ne flétrir que ceux qui avouent,
le plus grand hypocrite l'emportera toujours ; la parole demeurera au plus
opiniâtre, et le plus simple sera toujours le plus exposé.
Il est bon de se mettre ici le plus vivement qu'on pourra
devant les yeux le caractère de l'homme hérétique. On en peut prendre l'idée
dans les interrogatoires d'Eutychès, dans les conférences avec les donatistes,
manichéens, ariens, eutychiens et très-clairement au concile d'Aquilée, sous
saint Ambroise. C'est là qu'on découvre tant de déguisements, tant de chicanes,
tant d'ambiguïtés affectées, des procédures si éloignées de la bonne foi, qu'on
voit par cet endroit seul combien les fidèles ont besoin d'être prévenus, par
l'autorité inviolable des jugements ecclésiastiques,
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contre tant de tentations subtiles, et, comme parle saint
Jean, contre les malices et les profondeurs de Satan (1).
C'est pourquoi il faut ici observer soigneusement que les
ordres donnés à l'Eglise pour manifester les hérétiques, sont conçus en termes
très-généraux, et qu'on n'y trouve dans les Ecritures aucune limitation : «
Prenez garde à vous, dit saint Paul, et à tout le troupeau dont le Saint-Esprit
vous a établis évêques, pour gouverner l'Eglise de Dieu, qu'il a rachetée par
son sang. Je sais, poursuit-il, qu'après mon départ ou après ma mort, il entrera
parmi vous des loups ravissants, et que même il s'élèvera au milieu de vous des
menteurs, des séducteurs, des hypocrites qui tiendront des discours pervers,
artificieux, pour entraîner des disciples après eux. Souvenez-vous que je n'ai
cessé nuit et jour de vous en avertir avec larmes (2). » Pourquoi un si grave
avertissement, si ce n'est afin de rendre l'Eglise attentive à découvrir ces
trompeurs futurs, de quelques couleurs qu'ils se parent et quelque nombre de
disciples qu'ils entraînent après eux, même du milieu des frères qui se disent
le plus catholiques?
Il n'y a rien de plus général que ces commandements divins.
Les fidèles vivent en repos sur cette foi qu'ils ont des surveillants établis de
Dieu, avec des ordres exprès de dénoncer l'hérétique, sous quelque forme qu'il
paroisse, puisque, bien loin de se taire quand il se cache, c'est au contraire
le cas précis de l'examiner, de le déclarer, et de le montrer au doigt, de peur
qu'on ne s'y trompe.
Je n'en veux pas dire davantage à présent; le reste viendra
en son tour : c'est sur ce fondement de l'Ecriture que l'Eglise, par une
pratique aussi ancienne que la religion, s'est accoutumée à dénoncer tout homme
hérétique à toute la société chrétienne. Les apôtres en ont donné l'exemple.
Saint Paul a dénoncé publiquement Hyménée et Philète avec l'expression de leur
erreur, qui était de croire que la résurrection était déjà faite (3). Il
nomme ailleurs dans une de ses Epîtres, Hyménée et Alexandre, comme gens
qu'il a livrés à Satan, afin de leur apprendre à ne point blasphémer (4).
Il n'oublie pas Phigelle et Hermogène (5). L'apôtre
1 Apoc., II. 24. — 2 Act., XX, 28 et seq. — 3
II Tim., II, 17, 13. — 4 Tim., I, 20. — 5 II Tim., I, 15.
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saint Jean dénonce Diotrèphes (1), qui s'était fait une
primauté dans l'Eglise d'Asie, et refusait de reconnaître cet Apôtre. Ces
exemples apostoliques ont été suivis ; et c'est une tradition de tous les
siècles, d'envoyer le nom de tous les hérétiques chargés des anathèmes de toute
l'Eglise contre leurs personnes et leurs livres, en exprimant leurs erreurs.
Nous en allons rapporter les actes, pour faire foi à tout l'univers que l'Eglise
a exercé le pouvoir de prononcer sur ces faits, encore qu'ils ne soient point
révélés de Dieu, et d'exiger le consentement à ces jugements (a).
Premier et deuxième exemples (b). Jugements rendus
contre les semi-pélagiens, en faveur de saint Augustin.
Comme l'Eglise pour l'utilité des fidèles note l'homme
hérétique, il est utile aussi qu'elle marque les principaux docteurs suscités
par la Providence pour combattre les hérésies. Elle l'a fait à l'égard de saint
Augustin en deux occasions. Prosper et Hilaire s'étaient plaints à saint
Célestin des accusations de saint Augustin. Ce pape se déclare, et décide pour
l'autorité de saint Augustin. Hormisdas fit la même chose dans le temps que
Fauste de Riez tâchait de relever l'hérésie des semi-pélagiens, et canonisa en
particulier les deux livres que les ennemis de saint Augustin improuvaient.
Toute l'Eglise a consenti à ce jugement, et ceux qui veulent le plus affaiblir
l'autorité des choses jugées, sont les plus attentifs à maintenir l'autorité des
jugements de ce pape.
Troisième exemple. La reconnaissance du pontificat
du pape saint Corneille, tirée de saint Cyprien et d'Eusèbe de Césarée. Autres
exemples semblables répandus dans tous les siècles, et réflexions sur la
certitude de chaque pontificat légitime.
Quatrième exemple. La condamnation de Paul de
Samosate au concile d'Antioche.
1 III Joan., IX.
(a) L'abbé Lequeux dit à cet endroit dans la copie de
l'ouvrage de Bossuet; « Jusqu'ici j'ai copié exactement le manuscrit, qui
n'est qu'une espèce de brouillon dicté par l'auteur dans un temps où ses grandes
infirmités l'avaient mis hors d'état d'écrire lui-même. Je me contenterai
présentement de marquer les exemples de la tradition qu'il a employés. » Cela
veut dire en bon français : Les preuves contre les jansénistes deviennent trop
fortes ; je me contenterai présentement de les supprimer. — (b) Autre note de
l'abbé Lequeux : « Pag. 17 du manuscrit.
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Cinquième exemple. La condamnation de Nestorius.
Sixième et septième exemples. Accord de saint
Cyrille avec Jean d'Antioche et les évêques d'Orient, sur le fait de Nestorius.
Il est anathématisé par Théodoret au concile de Chalcédoine.
Huitième et neuvième exemples. Diverses manières de
souscrire dans le concile de Chalcédoine : semblables distinctions dans le
concile de Latran sous le pape saint Martin.
Dixième exemple. Jugement favorable à saint
Athanase.
Onzième et douzième exemples. Condamnation d'Origène
avec souscription, et d'Auxence sans souscription, avec égale autorité.
Treizième exemple. Parole de saint Augustin sur
Cécilien.
Quatorzième exemple. Décret du pape saint Léon pour
condamner les auteurs de l’hérésie pélagienne, par souscription expresse.
Quinzième exemple. Le formulaire du pape Hormisdas
contre Acace, patriarche de Constantinople. Doctrine des papes sur les
souscriptions.
Seizième et dix-septième exemples. Le formulaire de
saint Hormisdas (Prima salus) répété sous le pape Agapet, et encore plus
expressément dans le concile huitième, sous les papes Nicolas Ier et Adrien II.
Dix-huitième exemple. La condamnation de Timothée,
patriarche d'Alexandrie, par les lettres qu'on a appelées circulaires.
Dix-neuvième et vingtième exemples. Requête donnée
aux évêques pour demander l'anathème de Sévère, et les cris du peuple au
patriarche sur le même sujet.
Vingt-unième exemple. Confession de foi du pape
saint Grégoire.
Vingt-deuxième exemple. La condamnation des trois
Chapitres au cinquième concile.
Vingt-troisième exemple. La condamnation des
monothélites dans le concile de Latran, sous saint Martin Ier.
Vingt-quatrième exemple. Actes du sixième concile,
sous le pape Hormisdas (a).
(a) Voici encore une note de l'abbé Lequeux : « Ce titre de
chapitre finit le manuscrit; et c’est là sans doute que l'auteur en demeura, à
la page 107. » L'habile abréviateur marquait au commencement des exemples : Nous
voici à
250
EPISTOLA LXIV.
VIRO CLARISSIMO AMPLISSIMOQUE. MICHAELI ANGEL0 RICCIO (a).
Ego te, vir clarissime, ac singulares animi tui dotes, et
celebrante famà, et affirmantibus viris summo ingenio summâque dignitate
prœditis, pridem habeo cognitas. Illi te omni litteraturà cultissimum, te
antiquae theologiœ ac disciplinae scientissimum pariter ac retinentissimum
prœdicabant; te amplissimas quasque dignitates et virtute promeritum et animo
supergressum in publica commoda totum incumbere, dignumque omninô esse quo
Innocentius XI, Pontifex verè sanctissimus, plurimùm uteretur. Quae quidem à me
non eò commemorantur quo viro modestissimo adblandiar, aut vicem rependam iis
laudibus quas in me paucis gravissimisque sententiis amplissimas contulisti :
verum quò intelligas quanti te faciam, fidemque habeas flagitanti ut quem
ornasti diligas. Id quidem ego, vir clarissime, nisi me vita destituat, omni
officii atque obsequii genere promerebor.
In Regià San-Germunâ 12 kal. jan. 1678.
la page 17 du manuscrit de Bossuet; il nous dit
maintenant que nous sommes arrivés à la page 107; il a donc mis 90 pages de
Bossuet dans 2 ou 3 des siennes. D'ailleurs qu'est-ce qui nous assure que
Bossuet demeura à la page 107? D'après le rapport de son secrétaire
intime, il travailla à son ouvrage en 1702, et « dicta dans le mois de février
et pendant tout le carême de 1703; » il recueillit des témoignages et des faits
dans « l'histoire ecclésiastique et dans les conciles; » en un mot, il fit « un
long mémoire avec un grand recueil de toutes les preuves de la tradition : » et
tous ces documents, toutes ces pièces, toutes ces discussions n'auraient rempli
que 107 petites pages, car Bossuet et ses secrétaires n'employaient que du
papier de petite dimension ? Quiconque parle par intérêt et non par devoir ;
quiconque défend, non pas la doctrine de l'Eglise, mais sa propre opinion, tout
sectaire est menteur.
(a) Secretarius Congregationis Indulgentiarum ac SS.
Reliquiarum, sanctique Officii consultorfuit. Ab Innocentio XI in Cardinalium
collegio cooptatus,anno vix elapso obiit, 12 mail 1682, annos natus 61. Eximiam
Italicae versioni Expositionis dedit approbationem, in hujus libelli
editione. Parisiuà anni 1679 inserlam. Hanc vide suprà, tom. XIII. p. 40.
251
EPISTOLA LXV.
BOSSUETUS REVERENDISSIMO PATRI M. LAURENTIO DE LAUREA (a). JACOBUS BENIGNUS,
EPISCOPUS CONDOMENSIS. In palatio San-Germano 12 kalendas januarii 1672.
Homini religiosissimo atque in theologià versatissimo quem
Roma miretur et consulat, quem omnes ubique purpura dignissimum judicent,
reverendissime Pater, mea scripta probari ; cùm mihi honorificum esse sentio,
tùm haereticis nostris spero salutare futurum. Nimirùm illi jactare non desinunt
diversissimas inter nos de fide quoque esse sententias, à Gallis dissentire
Romanos, neque unquàm eventurum ut opusculum meum Roma? approbarem. Homines
rerum nostrarum imperitissimi, qui catholicum episcopum ab Ecclesià Romanà
dissidere posse putant, aut Romae non placere, quam ego unam sum prosecutus,
expositam Tridenti fidem. Quos tamen non argumentis, sed ipsà re confutari
refellique oportebat. Id à te potissimùm praestitum mihi gratulor : neque
quidquam memini gratius contigisse, quàm quod vir nobilissimus juxta atque
doctissimus abbas a sancto Lucà nuper ad me retulit, te nostri studiosissimuni
esse atque amantissimum. Id nempè superest, vir révérendissime atque
observandissime, ut quem tantoperè commendasti, pari benevolentiâ complectare ;
meque tibi semper et conjunctissimum et obsequentissimum fore credas.
EPISTOLA LXVI.
CASTORIENSIS EPISCOPI CONDOMENSI.
Hisce veniam deprecor, quòd nobilissima vestra Catholicœ
Fidei Expositio, non solùm parùm nobili charactere, vilique
(a) Brancati de Laureà vel Laurià. minor couventualis,
bibliothecae Vaticanae prœfectus. Eum Innocentius XI sacro collegio adscripsit,
auno 1681. Obiit 30 novembris 1693, annos natus 82.
253
chartà, verùm etiam variis typographie violata vitiis hic
édita fuerit.
Commiseram ejus edendae curam homini et docto et in arte
typographicà expertissimo, verùm haeretico. Hinc vereor ne infensus libro, ex
quo suae sectae diminutionem metuit, minus emaculatis typis eum edendum
crediderit ; ut sic lucem veritatis, quà liber lucetet vincit, nonnihil
obscuraret. Minime fueram arbitratus ipsum creditam sibi provinciam, vel tam
negligenter, vel tam infideliter curaturum fuisse. Promiserat enim mihi
curaturum se, ut nec in typis elegantia, nec in chartà nitor, nec in imitatione
propositi sibi exemplaris fulelitas à quoquam posset desiderari.
Curabo, Antistes illustrissime, ut fldeliùs typographus
libello vestro debitam reddat observantiam, edens illum typis nobilibus et
emaculatis. Ausim dicere eum esse in nostrum idioma tam feliciter àmagni ingenii
viro (a) transfusum, ut Gallicana? elegantiae vel parùm vel nihil
detraxerit. Nullus dubito quin tam catholicis quàm a catholicis nostris evadet
utilissimus; omnesque ejus auctori summa à Domino bona sint apprecaturi cum illo,
qui magnâ cum observantià sese profitetur, illustrissime et révérendissime
Domine mihi observandissime, humillimum et obedientissimum famulum, etc.
12 aprilis 1678.
EPISTOLA LXVII.
CONDOMENSIS CASTORIENSI.
Ego verò plurimas tibi habeo gratias de libello meo latine
edito, ac missis ad me per clarissimum virum Dominum des Carrières exemplaribus.
Sanè fatendum est multa errata, eaque gravia ac sensum obscurantia, irrepsisse :
quae si nova editione emendare velis, uti tuae postremae litterae profitentur,
pergratum mihi feceris. Quod ut faciliùs praestari possit, mitto ad te, Praesul
(a) Petrus Codde, qui deindè, sub litulo Archiepiscopi
Sebasteni, ab anno 1686, Vicarii aposlolici muuere functus est, post obitum
Castoriensis Episcopi.
253
illustrissime, horum erratorum seriem, uti à me notata sunt.
Tu me, uti facis, tuî amantissimum atque observantissimum ama, illustrissime,
etc.
Datum in regio castello San-Germano, 22
maii 1678.
EPISTOLA LXVIII.
BOSSUETUS EMINENTISSIMO PRINCIPI ALDERANDO CIBO, S. R. E. CARDINALI, JACOBUS
BENIGNES, EPISCOPUS CONDOMENSIS, SALUTEM.
Neque me contiscere, eminentissime Cardinalis, Innocentii
optimi sanctissimique Pontificis benignitas singularis ; neque ipsi adeundo
alium praeter te ducem quaerere, aut auctoritas tua, aut effusa in episcopos
maxime Gallicanos benevolentia patitur. Hùc accedit quòd me quoque, quae tua
humanitas est, nuper oblato Eminentlae Tuae exiguo tractatu meo, egregiâ animi
tui ac propensissimae voluntatis significatione cohonestatum volueris,
effecerisque omninô ut ingralus insulsusque videar, nisi et te uno nitar
plurimùm, mihique ipsi tanti viri benevolentiam gratuler. Quaie etiam atque
etiam rogo, eminentissime Princeps, primùm ut Innocentio pontifici verè maxinio
gratulationem meam, summumque erga ipsum Sedemque apostolicam obsequium
commendare velis : tùm ut tu quoque, cujus animi dotes suspicio venerorque,
tuorum numéro me adscribas. Nec deerit conciliator optimus, ille qui in te viget
sincera? pietatis, propagandae fidei, atque ecclesiasticae disciplinae in
pristinum splendorem revocandae amor impensissimus, qui ut in te vim depromit
suam, ita me ad eamdem metam, pro virium mediocritate, currentem ultrò adjuvabit.
Perspectum sanè mihi est, eminentissime Cardinalis, quàm
indefesso studio ipsos adeas fidei ac disciplinae fontes, quàm sacris canonibus
te ipsum primùm informandum tradas ; tùm verò Ecclesiam universam procurandam
constituendamque committas.
254
Esto illud praeclarum opus Innocentio XI, summo Pontifice,
teque doctissimo sanctissimoque consultore dignissimum ; non statuas ponere, non
obeliscos erigere, non immensas aedificiorum moles extollere ; sed fidem
amplificare, sancire pacem, mores christianos excolere, sanctissimam disciplinam
et firmare regulis, et exemplis instruere : ut ipse Ecclesiae décor ad eam
pulchritudinem potiundam extraneos quoque et adversarios alliciatet instiget.
Mihi verò conato ecclesiasticam doctrinam illustrare, ne illi posteà dixerint
quod hactenùs immeritô exprobrarunt, meam sententiam Sedi apostolicae non
probari, intelligant ei Sedi, cui Petrus praesidet et Pétri semulator
Innocentius, quaecumque sunt vera, quaecumque pudica, quaecumque justa,
quaecumque sancta, quaecumque amabilia, quaecumque bonae famae (1), et probari
semper, et esse probata : tùm si qua sincera virtus, si qua laus disciplinae,
haec cogilare Innocentium XI, et Innocentii sanctissimum consultorem Alderanum
Cibum, quem ego summà animi reverentià prosequor, eique me addictissimum atque
obsequentissimum fore spondeo. Vale.
In Regià Versaliensi, 8 kalendas decembris anno 1678.
EPISTOLA LXIX.
BOSSUETUS AD INNOCENTIUM XL
BEATISSIME PATER,
Quod votis omnibus expetendum fuit, id ego Vestrae
Sanctitatis summo beneficio sum assecutus, uti mea scripta gestaque Sedi
apostolicae probarentur, undè terris Deus fundit oracula, eique potissimùm
Pontifici quem unum sincerae pietatis, christianarumque omnium virtutum laude
eonspicuum, puriori quoque diviuitùs luce, afflatum esse oporteat. Equidem cùm
elaboravi meum de Catholicœ Fidei Expositione tractatum, id mihi animo
proponebam, ut et adversarii doctrinam Ecclesiae, tôt calumniis impetitam ac
deformatam, qualis esset agnoscerent, et Ecclesiae filii compendioso sermone,
sanctae Matris sensa perspicerent.
1 Philip., IV, 8.
255
Quod mihi cumidatissimè contigisse minime dubitaverim,
postquàm libellus meus, nonnullis jam gentibus cognitus, in Italiae quoque luce
atque adeò Romae, quod est fidei caput, est editus, publicâ approbatione non
munitus tantùm, sed ornatus, quoque nihil quidquam aut ad commendationem
illustrius, aut ad auctoritatem firmius esse queat, Vestrae Sanctitatis
sententiâ comprobatus.
Neque verò minus laetum fuit, beatissime Pater, quòd Vestra
Sanctitas signification mihi esse voluerit gratam ipsi esse quantulamcumque meam,
in informando serenissimi Delphini animo, diligentiam atque operam. Quo quidem
in officio amplissimo gravissimoque quid praestarem, ipsa maximi régis jussa
mons-trabant. Is namque cùm mihi regium adolescentem erudiendum tradidit, recolo
enim lubens, id prae omnibus unum inculcabat infarciebatque, ubi pietatem, uti
summam erga vestram Serlem reverentiam tenerae menti instillarem, eam deniquè
fidem quam ejus progenitores non tantùm piè coluerint, sed etiam acerrimè
propugnarint.
Sit illa profectô maxima, beatissime Pontifex, Francorum
regum gloria, quòd à mille ducentis annis, Romanam, id est, catholicam fidem,
semel animo haustam nunquàm exuerint : ipsi quoque Ecclesiae Romanae decorum,
regnum illud totius orbis vel nobilissimum et antiquissimum, idem erga Sedem
vestram et obsequentissimum et beneficentissimum extitisse. Non eam imminuet
gloriam Ludovicus Magnus, ille data pace magis quàm tot reportatis victoriis,
tot provinciis debellatis inclytus, atque in tanto gratulantis Orbis applausu,
décora religionis omnibus laures ac laudibus anteponens. Nec tàm nostris
documentis quàm ejus exemplis, Delphinus augustissimus discet nihil esse magis
regium quàm Regem regum colère. Ac si Vestra Sanctitas nostris conatibus
sanctissimas preces atque apostolicam benedictionem adjungat, mox sese
ostentabit orbi regius juvenis virtutibus longe quàm genere clariorem. Regem
parentem intueturunum in infidèles bis jàm arma movisse, non injuria provocatum,
non permotum periculo, sed rei christianae incredibili studio incitatum. An ergò
ille impiam gentem requiescere, imò omnia longe latèque
256
devastare patietur ? An non quod accepit ab optimo parente
optimè institutus, id posteris tradet, emergetque Galliae, ex illà pulcherrimà
sanctissimàque disciplina, perpétua regum series, qui Carolum Magnum, qui
sanctum Ludovicum, qui nostrum quoque Ludovicum référant, planèque intelligant
reges francos verè christianissimos atque Ecclesiae primogenitos, fidei
propugnandae, frangendae impiorum audaciae esse natos factosque.
Quod ad me attinet, Beatissime Pater, cùm nihil planè
habeam tantà vestra benignitate atque apostolicae benevolentiae testificatione
dignum, id unum intelligo mihi commendationi fuisse, quòd fidem catholicam
maxime propagatam atque ecclesiasticam disciplinam impensissimè restitutam
velim. Id nimirùm unum Vestra Sanctitas curât, id agit, id spirat. Fortunet verò
labores vestros Deus optimus maximus, qui vos in tantam Sedem evexit, ut
Ecclesiae laboranti succurreret. Habeat vos diutissimè Pétri cathedra, orbi
christiano virtute magis quàm loco présidentes. Dùm tuba insonatis, atque ad
ecclesiasticam pacem paternosque complexiis omnes undecumquè Christianos
evocatis, Jéricho corruat, exsurgat verò Jerosolyma, Dei sanctuarium instauretur
: neque tantùm schismata haeresesque discedant; sed Ecclesià Christi prodeat
nativo décore conspicua, suis firmata regulis, an-tiquis illis suis
castissimisque nioribus exornata. Id verò vestrum est, beatissime Pontifex, id
vestra tempora postulant, id ut vobis eveniat assiduis suppliciis Deum flagito ;
ac Vestrae Sanctitatis pedibus advolutus apostolicam benedictionem expecto,
eique me meaque omnia summà animi demissione subjicio.
Deus Sanclitatem Vestram diù Ecclesiae suae salvam et
incolumem custodiat, Domine beatissime et in Christo colendissime, sancte Papa.
Vestra Sanctitatis,
Devotissimus et obedientissimus filius,
+ J. BENIGNUS, Ep. Condomensis.
In palatio Versaliensi, 8 kalendas decemb. 1018.
257
LETTRE LXIX.
BOSSUET A INNOCENT XI (1).
TRÈS-SAINT PÈRE,
Il ne pouvait rien m'arriver de plus désirable que de
recevoir par les ordres de Votre Sainteté, des témoignages de son approbation,
c'est-à-dire de celle de Dieu même, puisqu'elle est assise dans le Siège d'où il
a accoutumé de prononcer ses oracles à toute la terre, et qu'elle se rend digne
par sa sainte vie d'être éclairée des plus pures lumières du ciel. Après une
telle approbation, très-saint Père, je ne puis plus douter que mon traité de
l’Exposition de la Foi ne fasse l'effet que j'en avais espéré, qui est de
détromper les hérétiques des erreurs qu'ils imputent à l'Eglise, et d'instruire
ses enfants en peu de mots des sentiments de leur Mère sur les matières
controversées. Après avoir paru en beaucoup de langues, il fallait, très-saint
Père, qu'il parût encore en Italie et à Rome même (2), c'est-à-dire dans la
source de la foi, avec toutes les marques de l'approbation publique ; et, ce qui
est au-dessus de tous les titres, avec celle de Votre Sainteté.
Je n'ai pas été moins ravi, très-saint Père, de ce que
Votre Sainteté a bien voulu que je susse qu'elle est satisfaite des soins que je
prends pour instruire le jeune prince qu'il a plu au Roi de me confier. Dans un
emploi si grand et si important, je n'ai eu qu'à suivre les ordres de ce roi
incomparable, qui dans le temps qu'il m'y appela (je prends plaisir, très-saint
Père, à le rappeler en ma mémoire) ne me commanda rien si expressément que
d'élever Monseigneur le Dauphin dans la crainte de Dieu, dans la révérence
envers le saint Siège et dans la foi que les rois ses ancêtres ont toujours
non-seulement embrassée, mais encore protégée et défendue.
C'est le grand honneur de la France de se pouvoir glorifier
que depuis douze cents ans que ses rois ont embrassé la foi catholique,
1 Nous donnons cette traduction, parce qu'elle est de
Bossuet. — 2 L’Exposition fut imprimée à Rome en italien, et publiée vers
le mois de septembre 1678.
258
c'est-à-dire la Romaine, elle n'en a jamais eu qui l'ait
quittée. Mais nous pouvons dire, très-saint Père, que ce n'est pas un petit
honneur à l'Eglise Romaine, que le trône le plus ancien et le plus auguste de
l'univers ait toujours été le plus soumis et le plus libéral envers le saint
Siège. Louis le Grand ne démentira pas ces beaux sentiments de ses ancêtres, lui
qui dans ce haut point de gloire où le met la paix donnée à l'Europe, plus
encore que tant de batailles gagnées et tant de provinces réduites, craint et
admiré de tout l'univers, est plus touché de la religion que de toute la
grandeur qui l'environne. Monseigneur le Dauphin apprendra, plutôt par ses
exemples que par nos instructions, qu'il n'y a rien de plus grand ni de plus
royal, que de servir le Roi des rois ; et si Votre Sainteté qui approuve notre
conduite, daigne y joindre ses saintes prières et sa bénédiction apostolique, le
monde verra bientôt ce jeune prince illustre par ses vertus plus encore que par
sa naissance. Quand il considérera que le Roi son père a été le seul à qui le
zèle, et non le besoin, ait fait prendre les armes déjà deux fois pour défendre
la chrétienté attaquée par les infidèles, il connaîtra qu'un de ses devoirs est
de réprimer leur audace. Il fera instruire sa postérité comme il l'a été
lui-même. La France portera toujours des Charlemagne, des saint Louis et des
Louis le Grand; et ses rois apprendront qu'être roi de France, c'est être
vraiment très-chrétien, vrai fils aîné de l'Eglise, son protecteur naturel
contre les impies, et invincible, vengeur de leurs attentats.
Quant à moi, très-saint Père, qui ne mérite les bontés
extrêmes dont il a plu à Votre Sainteté de m'honorer, que par un désir immense
de voir la foi étendue et la discipline, ecclésiastique heureusement rétablie,
je ferai des vœux continuels pour Votre Sainteté, dont tous les desseins tendent
uniquement à ces deux choses. Puissions-nous voir longtemps un si grand Pape
dans la chaire de saint Pierre, y tenir la première place de l'univers plus
encore par ses vertus que par l'autorité d'une charge si éminente ! Puisse le
Dieu qui vous a élevé à un si grand siège pour le bien de son Eglise, bénir vos
soins et vos travaux ! Pendant
1 La paix de Nimègue, signée au mois d'août 1678.
259
que Votre Sainteté sonne la trompette pour appeler tous les
chrétiens à l'unité catholique et à vos embrassements paternels, puissions-nous
voir tomber à vos pieds sacrés les murailles de Jéricho, c'est-à-dire les
schismes et les hérésies. Mais en abattant cette infidèle Jéricho, il faut
encore relever la sainte Jérusalem, c'est-à-dire rendre à l'Eglise son ancienne
beauté, ses premières mœurs, ses règles et sa discipline. Voilà, très-saint
Père, le digne ouvrage de Votre Sainteté ; c'est ce qui semble être réservé à
votre pontificat. Je ne cesse de prier Dieu qu'il vous fasse cette grâce ; et
humblement prosterné aux pieds de Votre Sainteté, j'y attends sa bénédiction
apostolique, lui soumettant, avec un profond respect mes écrits et ma personne.
Dieu veuille conserver longtemps Votre Sainteté à son
Eglise, très-saint Père, digne en Jésus-Christ de tout respect et de tout
honneur, etc. (a).
A Versailles, ce 24 novembre 1678.
EPISTOLA LXX.
CARDINALIS CIBO AD BOSSUETUM.
Cùm sibi jam aditum ad sanctissimi Domini nostri
benevolentiam aperuerat, illustrissimae Dominationis Tuae virtus et eruditio, ut
manuductore non indigeret, litteras sanè tuas eà excepit paterni erga te animi
significatione Sanctitas Sua, quae devoto illarum officio; et Praesuli omni
laude praestanti, ac de catholica religione praeelarè meritô debebatur. Id
illustrissimâ Dominatio Tua ex adjunctis Sanctitatis Suaelitteris cognoscet
uberiùs quàm ex meis : neque dubito quin re ipsà etiam cognitura sit, si occasio
se dederit pontificia; benignitatis experiendae.
Probè intelligit Sanctitas Sua, et quidem magno cum animi
sui solatio, quantum illustrissimà Dominatio Tua prodesse
christiana; reipublicae possit, cùm piis doctisque ingenii tui fœtibus.
(a) Le Pape fit réponse à cette lettre de M. de Condom, par
le bref du 4 janvier 16 il, qui contient l'approbation expresse du livre de l’Exposition.
Ce bref était accompagné d'une lettre signée par le cardinal Cibo, lettre que
nous donnons après celle-ci.
260
tùm institutione serenissimi Delphini, qui auctoritate et
exemplo suo comprobaturus olim sit quae tu ad instaurandam Ecclesiae disciplinam
et ad profligandam haeresim docte sapienterque tra-dideris. Ego sanè pro
comperto habeo nullà in re magis posse me Sanctitatis Suae animum demereri, quàm
occasiones illi sup-peditando, tibi, tuîque similibus viris gratificandi : qui
intérim illustrissimae Dominationi Tuae de humanissimâ ad me scriptà Epistolà
gratias agens, omne studium, omnia officia mea ex animo offero, ac sospitatem
diuturnam atque florentem à Deo auguror. Illustrissimae Dominationis Tuae
servitor,
Alderanus, Cardinalis Cibo.
Romœ, die 4 januarii 1679.
LETTRE LXXI.
BOSSUET AU MARÉCHAL DE BELLEFONDS. A Saint-Germain, ce 22 janvier 1678.
Je vous prie, Monsieur, de me mander de vos nouvelles, sans
oublier celles de votre santé. Pour nous, nous allons toujours expliquant les
saints Prophètes; nous sommes bien avant dans Jérémie, et nous ne cessons
d'admirer sa manière forte et douce. La douceur avec laquelle il plaide sa cause
devant les grands assemblés en conseil et devant le peuple, est admirable. Il
n'est pas moins merveilleux quand il répond au faux prophète Animas. Le bel
exemple! Comme il souhaite de bon cœur que les promesses favorables de ce faux
prophète soient accomplies! Avec quelle modestie lui parle-t-il ! De lui-même il
ne lui dit rien de fâcheux et n'ose pas le reprendre : s'il le fait à la fin,
c'est que Dieu l'y oblige. Dieu nous fasse la grâce, quand nous serons attaqués,
d'agir dans le même esprit, quoique nous ayons encore un plus grand exemple, qui
est celui du Sauveur même qui ne se défend que par son silence. Quelle dignité
et quelle autorité dans ce silence de Notre-Seigneur ! Quelle punition à ceux à
qui il ne daigne pas faire voir son innocence ! et qu'ils méritaient
261
bien que l'instruction de la parole leur fût refusée, eux
qui n'avaient pas cru à celle des œuvres !
Voilà, Monsieur, un petit sermon que je vous fais, afin que
vous soyez toujours de la communion du concile (a) de Saint-Germain. Nous
vous regardons toujours comme un des Pères laïques.
La lettre de notre saint ami (b) a fait grand bruit;
n'importe : car elle, ne fait pas ce bruit pour être partiale, mais parce
qu'elle est simple, et que les partis veulent qu'on entre dans leur chaleur. Au
fond, malgré les contradictions, je crois qu'elle édifiera, et je ne me repens
point que nous l'ayons divulguée. Je vous prie, quand vous le verrez, de le,
prier de redoubler ses prières pour moi, et de demander à Dieu ma conversion.
C'est une étrange chose d'estimer tant la vertu, et de n'en avoir point. Prions
les uns pour les autres. Dieu soit avec vous.
LETTRE LXXII.
ROSSUET A M. NICAISE, CHANOINE DE LA SAINTE CHAPELLE DE DIJON. A Saint-Germain,
ce 9 février 1679.
Vous pouvez assurer M. Spon (c), Monsieur, que ses
Miscellanea (d) seront bien reçus de, Monseigneur le Dauphin, et
qu'il peut les lui dédier, aussi bien que sa Réponse à la Guilletière (e).
Nous avons estimé son Dictionnaire. Pour son In te, Domine, speravi, il
nous a paru ce qu'il était, c'est-à-dire ridicule et profane. Au surplus, j'ai
ouï dire qu'il y avait quelques bonnes
(a) C'est ainsi qu'on appelait, en Cour, l'assemblée
de plusieurs savants qui se rendaient à certains jours auprès de Bossuet pour
conférer sur l'Ecriture, la théologie et d'autres matières ecclésiastiques ou
philosophiques. — (b) Tout porte à croire qu'il s'agit ici de la lettre
de l'abbé de Rancé, au sujet des humiliations qu'on faisait subir à des
religieux, en leur imputant des fautes ou des défauts dont ils n'étaient pas
coupables. La lettre LIX, ci-dessus, adressée à M. le Roi, abbé de
Haute-Fontaine, fait connaître le sujet de celle contestation. (Les édit.) — (c)
Médecin de Lyon, qui professait la religion protestante. Il se fit connaître par
un grand nombre d'ouvrages. — (d) Miscellanea eruditae Antiquitam,
in-fol., Imprimés plusieurs fois. — (e) A. M. Guillet, qui avait écrit
contre son Voyage de Grèce et du Levant, publie en trois volumes in-12.
262
marques dans son livre, car pour moi je n'en ai rien lu;
mais j'ai lu avec grand plaisir tout le Voyage de M. Spon, plein de belles
observations et de recherches curieuses de l'antiquité. Il a donné au public une
bonne opinion de son érudition, qui prépare bien les voies à ses Miscellanea.
L'inscription (a) est du goût antique : il me semble qu'il pourrait ôter le
fuluro, et laisser le deliciis tout seul. Je ne sais ce que peut signifier parmi
nous, le Principi juventutis, ni le Tulelari genio pacis. Pour le à divis
concesso, l'allusion en est ingénieuse, mais il est païen; et s'il faut imiter
les anciens, c'est principalement en ce qu'ils ont fait leurs inscriptions selon
leurs mœurs et leur religion, sans y rien mêler d'étranger. Les auteurs exacts
n'approuvent pas qu'on se serve du mot de divi pour les Saints, quoique les
catholiques s'en soient servis aussi bien que les protestants. Dans
l'inscription pour le Roi, il y a trois adverbes de suite, celeriter,
fortiter, audacter; ce qui est du style affecté, plutôt que de la
grandeur qui convient aux inscriptions : je les ôterais tous trois. Je doute
aussi un peu du conculcatis, et je ne sais si ce mot se trouve en ce
genre : il paraît un peu trop figuré et trop éloigné de la simplicité. Je ne
sais si pace datâ ne serait pas mieux que oblatâ : le reste est
excellent.
Voilà, Monsieur, ce que vous avez souhaité de moi,
c'est-à-dire mon avis très-simplement. Conseillez à M. Spon d'éviter les
railleries excessives dans sa Réponse aux turlupinades : elles tombent
bientôt dans le froid, et il sait bien que les plaisanteries ne sont guère du
goût des honnêtes gens ; ils veulent du sel et rien de plus. S'il faut railler,
ce doit du moins être avec mesure. Assurez-le de mon estime. Comme je le vois né
pour le bon goût, je serais fâché qu'il donnât dans le mauvais. Je suis,
Monsieur, comme vous savez, très-sincèrement à vous, et ravi de voir l'amitié
qui est entre vous et M. Drouas.
(a) Il s'agit de l'inscription que M. Spon devait mettre à
la tête de ses Miscellanea, pour les dédier à M. le Dauphin. On voit en
examinant celle qui s'y trouve, que cet auteur a exactement suivi les
observations de Bossuet.
263
EPISTOLA LXXIII.
BOSSUETUS AD CARDINALEM CIBO.
Cùm in eo essem, ut acceptis apostolicis Tuaeque Eminentiae
litteris (a), ad agendas gratias totà mente conversus, eas in sinum tuum
laetus effunderem, nova scribendi ad te, eaque mihi jucundissima, occasio
supervenit. Petiit à me qui Sedis apostolicae negotia tractât, vir amplissimus
atque humanissimus, do-minus Joannes Baptista Laurius (b), uti
perscriberem ad serenissimi Delphini animum informandum quam viam secuti si mus
: scriptum ad te milterem, non modo perlegendum ; sed etiam ipsi Pontifici meo
nomine offerendum : id Eminentiae Tuae, id Sanctitati Suae gratissimum futurum.
Rem sanè apostolicâ sollicitudine dignissimam tantique Pontificis paterna
viscera demonstrantem, animum adhibere institutioni Principis ad tantum imperium
ca-tholicaeque fidei defensionem nati.
Ego, eminentissime Princeps, cui praecipua cura est
Pontifici morem gerere, Tuaeque Eminent iaejam in me propensissimam ac
testatissimam voluntatem magis magisque demereri, confecto penè cursu, totam
studiorum nostrorum rationem diligenter ex-pono, atque ab ipso Pontifice verè
sanctissimo per Eminentiam Tuam summà demissione flagito, ut emendanda
significet, addenda constituât, peccata condonet ; tùm, pro illâ suà in Regem
Delphinumque patrià charitate, nos tanto in officio desudantes sanctissimis
precibus atque apostolicâ benedictione sustentet. Tu quoque, eminentissime
Cardinalis, quâ, in ipsâ christianitatis arce constitutus, rem universam
christianam complecteris, prudentiâ singulari nostros conatus adjuves, mihique
porrò eam, quâ maxime laetor, benevolentiam exhibere non desinas. Vale.
In palatio San-Germano, 8 mart., 1679.
(a) Hic ugitur de Brevi pontificio, 4 januarii 1679,
deque epistolà Cardinali ei adjunctâ. Vide suprà, Epist. LX, LXI.— (b)
Protonotarius apostolicus, ac nuntiaturae Auditor in Gallià.
204
EPISTOLA LXXIV.
CARDINALIS CIBO.
Luculentam et elegantissimè scriptam relationem quam ad me
misit illustrissimà Dominatio Tua, de ratione instituendi serenissimi Delphini (a),
Sanctitati Suœ, cui nuncupatur, legendam tra-didi. Ex adjuncto Brevi pontificio
cognosces quo illà in pretio habeatur à Sanctitate Suâ, et quâ spe animum ejus
impleveris, uberes aliquandô fructus in christianae reipublicae bonum colligendi.
Illud affirmare verè possum illustrissimae Dominationi Tuae, Pontificem optimum
incredibili cum animi voluptate legisse ac perlegisse relationem, et ad
pristinam suam ergà te voluntatem non parùm cumuli hàc lectione accessisse. Ab
illustrissimà Dominatione Tuâ vehementer peto, ut meum inserviendi eximiae
virtuti tuae desiderium fréquenter exerceas. Cui laeta omnia cum diuturnà
incolumitate à Deo auguror.
Die 19 aprilis 1679 (b).
EPISTOLA LXXV.
AD CARDINALEM CIBO.
Apostolicâ benignitate tuàque
benevolentiâ factus audacior, ad Eminentiam Tuam iterùm affero meum de
Catholicœ Fidei Expositione libellum, auctoritate pontificiâ commendatum, ac
Pontificis
(a) Epistolam ad Innocentium XI, de institutione
Delphini, prœfiximus operibus quae pro erudiendo Principe scripsit Bossuetus.
Eam require, cum Responso sumini Pontificis, tom. XXXIV hujusce editionis. — (b)
His ferè temporibus, abbas Renaudot haec Bossueto scribebat, mittens ei nonnulla
ex Epistolà secretarii Brevium excerpta : Je crois, Monseigneur, que vous ne
serez pas fâché de voir cet extrait d'une lettre de M. Favoriti, du 5 avril
1679. « Legi Sanctitati Suœ relationem episcopi Condomensis, in quà exponit
eleganter sanè et copiosè institua sui rationem in liberalibus disciplinis
serenissimo Delphino Iradendis, eoque ad omnem virtulern, tanto Principe, tanto
Regis filio dignam, informando. Incredibili gaudio illam audiens perfusa est
Sanctitas Sua, et praeclara quœque de tam sapienler ; instituto adolescente,
florentissimum in terris imperium quondàm habituro, auguratur. »
265
maximi pedibus iterùm adponendum. Quo consilio nova haec
sit editio adornata, ipsi Pontifici summatim expono ; ac, si Eminentia Tua
dignetur inspicere, Monitum libello praefixum copiosiùs explicabit. Sanè
approbatione pontificiâ ad salutem animarum uti, atque hujus usùs ipsi Sedi
apostolicae reddere rationem oportebat. Ea mihi causa est adeundi tuî,
eminentissime Princeps. Vereor equidem interpellare graves illas curas tuas
reipublicae christianae adeò salutares. Verùm enim veto si plus aequo audeara ;
si arcanum illud omnique reverentià prosequendum conclave tuum, ubi res tantas
tractas, importunus ac propô jam protervus irrumpam, id acceptum referas
singulari humanitati tuae. Me verò, eminentissime Cardinalis, tanta tui cepit
fiducia, ut etiam amicum singularem Eminentiae Tuae commendaverim ; idque illa
quidem gratum sibi esse humanissimis litteris significavit. Hujus ergò negotii
successum omnem, mihi sanè optatissimum, Eminentiae Tuae me debere profitebor,
atque iterùm enixè rogo, ut in eo procurando quam pollicita est impendat operam.
Ego et maximas habebo grattas, et omnibus votis Eminentiae Tuae faustissima
quaeque imprecabor. Vale.
7 junii 1679.
EPISTOLA LXXVI.
AD INNOCENTIUM XI.
Beatissime Pater,
En redit ad Vestram Sanctitatem exiguus ille, meus de
Catholicœ Fidei Expositione tractatus, jàm magnus, jàm validus, jàm invictus,
vestra scilicet approbatione munitus. Brevis ad haereticos accessit oratio, quâ
oves dissipatas ac per avia deerrantes ad vitae pascua revocamus, vestro quoque
interposito nomine; ut voci Pastoris grex perditus et vagus assuescat,
vestraeque Sedis auctoritatem propugnatricem fidei, et conciliatricem
christiaiue pacis, ipsâ ejusutilitate perspectà, amplificatam potiùs quàm
imminutam velit.
Enim verò juvat, Beatissime Pater, antiquam illam et
innatam
266
cordibus chrislianis Sedis apostolicae reverentiam vestris
maxime temporibus excitare, ac sub eo Pontifice qui factus forma gregis, exemplo
primùm, tùm etiam verbo christianam disciplinam informel, qui mores christianos
exigatnon ad inanis ratiocinii, sed ad Evangelii regulam, Patrumque doctrinam;
qui episcopalem auctoritatem quâ salus Ecclesiae nititur, jacentem ac penè
prostratam erigat, eamque Sedi apostolicae conjunctissimam praestet; qui pace
constitutâ, in Christi adversarios bella convertat ; qui futuros Pontifices
doceat quam familiani ornare, quos propinquos habere debeant, Christi scilicet
familiam, eosque qui cœlestis Patris faciant voluntatem. Hoc nempô est caput
ipsum malorum aggredi. Sic, novum Melchisedech ipsumque adeò Christum, quoad
mortali fas est, orbi christiano exhibetis, ac sacerdotium christianae legis ad
pristinam formam revocatis. Audiet et seque-tur haec exempta posteritas :
haereticorum maledicentia conticescet ; suspicient vestram Sedem homines
universi, non humanae, sed divinae gloriae servientem ; Romanosque Pontifices,
non tàm potestate quàm moribus apostolos, proni venerabuntur.
Jàm paternam vestram, Beatissime Pontifex, de augustissimo
Delphino ad optima quaeque adhortando curam, quis pro merito commendaverit? Quis
dignis laudibus prosequatur Brève illud apostolicum recens ad me missum, quo
quidem quot sententias scribitis, tôt panditis oracula, magistrumque ac
discipulum reclusis fontibus cœlestis sapientiae, flumine irrigatis? Quòd verò
me minimum Episcopura, neque dignum vocari Episcopum, quippe qui vix ullam
episcopalis officii partem attigerim, statim ab altari raptus ad aulam ; tàm
honorificè, tàm paterne, penè dixerim, absit à verbo invidiâ, tàm amicè
compellatis : quid dicam, quid sentiam, quid rependam? Hoc scilicet votum,
arcano conceptum pectore, assiduisque vocibus iterandum.
Deus Sanctitatem Vestram reipublicae christianae diù servet
incolumem, ac pro quotidianâ vestra instantià, pro sollicitudine omnium
Ecclesiarum, pro piis illis lacrymis quibus Ecclesiae de-fletis vulnera ac
diligentiâ quâ curatis, det vobis, post longum felicis vitae cursum, perpetuam
pacem, aeterna gaudia, veram vitam, ac vestri similem successorem.
267
Haec voveo, haec precor ; ac, Vestrae Sanctitatis pedibus
advo-lutus apostolicam benedictionem supplex flagito (a).
Beatissime Pater,
Vestrae Sanctitatis,
Devotissimus et obedientissimus filius,
+ J. BENIGNUS, Ep. Condomensis.
In palatio San-Germano, 7 jun. 1679.
EPISTOLA LXXVII.
CARDINALIS CIBO.
Eum jàm tibi locum in pontificiâ gratiâ, tuâ excellenti
virtute, et praeclaris tui in apostolicam Sedem obsequii significationibus
comparasti, ut non solùm me ad Sanctitatis suae solium manuductore litterae tuae
non indigeant, sed possis aliis ad ipsius aures et paternum sinum aditum aperire.
Id cognoscere non unâ in re potuit illustrissimà Dominatio tua, et denuô
cognoscet ex adjuncto Brevi, quô Sanctitas sua ad litteras proximè à te datas
respondet. Nova libelli editio Sanctitati suae, et omnibus qui editionis causam
norunt, valdè probatur ; ac sperare juvat magis etiam pro-bandam fructu ipso,
cùm nullum relinquat haeresi perfugium vel excusationem. Eô quòd me quoque
donaveris, ago illustrissimae Dominationi tuae uberes gratias, meaque erga te
studia, et rerum tuarum percupidam voluntatem ex animo confirmo, ac laeta
illustrissimœ Dominationi tuae omnia à Deo apprecor. Illustrissimae, etc.
Romœ, 13 julii 1079.
(a) Innocentius XI hisee litteris respondit, Brevi
dato 12 julii 1679, quo denuò XXpositionem approbat. Breve pontificium sextae
hujus libri editioui, anno 1686, auctore praefixum est, quod vide suprà, tom.
XIII, pag. 48.
268
EPISTOLA LXXVIII.
CASTORIENSIS CONDOMENSI.
Ex tuo mandato, Antistes illustrissime, Domine
révérendissime, direxit ad me vir clarissimus des Carrières duo exemplaria
Doctrinœ Catholicœ, quae pio cum gaudio exosculatus sum; tùm quia in illis
vidi apostolicum Breve quo Expositio non solùm approbatur, sed etiam in fidei
regulam erigitur; tùm quia Expositioni Animadversionem contra Ministrorum
cavillas praefixam conspexi. Dùm viribus veritatis sternuntur inimici, manu
charitatis, ne ex casu offendantur, à modestissimo victore excipiuntur. Et quia
ex illius versione in Latinam et Flandricam linguam non dubitamus auctum iri
illos fructus, quos et praeclaros et copiosos ex versione Expositionis
Doctrinœ Catholicœ hic collegimus; ea propter, Antistes illustrissime, audeo
supplicare ut sicut ex no-bili interpretatione clarissiini viri Claudii Fleurii
Expositionem habemus Latinam, ita quoque ex ejusdem interpretatione Latinam
Animadversionem habere mereamur. Ubi illa fuerit perfecta, curabo diligenter ut
unà cum Exposilione elegantibus correctisque typis imprimatur.
Ille verò amicus meus (a) qui fuit Expositionis,
Animadversionis quoque erit interpres, si modo, Autistes illustrissime, tuo
cum beneplacito, ac tuà cum benedictione, quam ejus nomine hîc à te supplex
postulo, eo officio fungi possit.
Dùm autem de Flandricâ Expositione loquor, silere
non pos-sum eam tantà hîc aviditate divendi (b), ut necesse sit jàm secundà vice
impressam, iterùm praelo subdere. Quod eò majori tùm catholicorum, tùm
protestantium bono fiet, quo à Romanis elogiis decus et auctoritatem, et ab
Animadversione invictum robur con-sequetur.
Si penitùs me ipsum oblivisci possem, mihi singularem
(a) Petrus Codde, de quo suprà. — (b) 25 oct.
1678, Castoriensis haec abbati de Pontchâteau scribebat : « Incredibile dicta
quanta aviditate etiam ministro-» rum calvinistarum, libellus ille Batavus
factus ematur et legitur. »
269
laetitiam ea laus adferret quae mihi à te, Antistes
illustrissime, in Animadversione tribuitur. Verùm dùm mentis oculos ad mea omnia
saepiùs cogor revocare, me eum esse invenio qui magis plangendus quàm laudandus
sit, et cui tuam charitatem tune fructuosissimè exhibebis, quandô et precum
tuarum auxiliarem manum extendere dignaberis. Hanc gratiam humiliter efflagitans,
summâ cum observantià me profiteor, Antistes illustrissime, Domine
observantissime, etc.
1 Septembris 1679.
LETTRE LXXIX.
BOSSUET A M. SPON, DOCTEUR EN MÉDECINE. A Paris, 1679.
J'ai présenté à Monseigneur le Dauphin votre défense (a)
: elle a été bien reçue, et j'ai ordre de vous témoigner qu'il estime votre
mérite. M. le duc de Montausier verra avec plaisir votre ouvrage plein
d'érudition agréable et curieuse. Mais vous lui devez un livre; je lui donnerai,
de votre part, celui que vous avez envoyé pour moi. Je suis, Monsieur, fort
content de, votre manière de traiter les choses, et de vos belles recherches. Si
vous m'en croyez, vous ne vous amuserez plus dorénavant à des réponses et à des
querelles dont le public n'a que faire. C'est assez d'avoir donné ce premier
écrit à votre défense : au surplus, donnez-nous de bonnes choses, comme vous le
pouvez ; c'est bien répondre que de bien faire. Quant à votre grand ouvrage, M.
le chancelier est ferme à ne donner le privilège qu'après que les ouvrages
entiers ont été examinés ; et on ne serait pas bien reçu à lui demander autre
chose : au surplus, je vous rendrai tout le service que je pourrai, comme un
homme qui ai pour vous toute l'estime possible. Je suis, Monsieur, etc.
(a) C'est la réponse de M. Spon à la critique publiée par
M. Guillet, contre ses Voyages de Grèce et du Levant.
270
LETTRE LXXX.
BOSSUET A M. SPON, DOCTEUR EN MÉDECINE. Ce 15 octobre 1679.
J'ai reçu le paquet où il y avait plusieurs exemplaires du
commencement de vos Miscellanea. J'en ai présenté, un de votre part à
Monseigneur le Dauphin, qui m'a commandé de vous écrire qu'il l'avait eu
très-agréable. M. de Montausier m'a prié de vous faire ses compliments pour
celui que je lui ai donné. On a trouvé l'inscription belle; mais on a jugé qu'il
eût été mieux de ne point mettre le nom de Bourbon, qui s'éteint dans la branche
qui vient à la couronne. L'impression et les figures sont fort belles : les
choses sont curieuses et bien expliquées. Le public vous doit savoir gré du soin
que vous prenez de l'instruire si bien. Pour moi, outre que j'entre dans ce
sentiment, je vous suis obligé en mon particulier, et suis de tout mon cœur,
etc.
LETTRE LXXXI.
BOSSUET A M. MIGNARD, PREMIER PEINTRE DU ROI (a).
Je ne puis vous dire, Monsieur, combien je suis
sensiblement touché de la perte que vous avez faite. Comment donc avez-vous
perdu cette chère fille, dont j'ai plus tôt appris la mort que la maladie ? Je
prie Dieu qu'il vous donne ses consolations. C'est là, Monsieur, qu'il faut
regarder. Nos vues sont trop courtes pour savoir absolument ce qui nous est
propre. Il faut se reposer sur
(a) Cette lettre est tirée de la Vie de Pierre Mignard,
où elle est rapportée, p. 97. L'auteur de cette Vie rapporte ainsi l'accident
qui donna heu au faux bruit de la mort de la demoiselle Mignard, qui valut à son
père cette lettre de l'illustre prélat. « Lorsque tout concourait à rendre la
vie de cette enfant précieuse à Mignard. Elle tomba dans une maladie qu'on crut
longtemps mortelle, et qui porta jusqu'au fond de l’âme du père une douleur
accablante, qui ne cessa qu'avec le danger de sa fille. Il est si glorieux pour
ce peintre d'avoir pu compter M. Bossuet au rang de ses amis, que je crois
devoir transcrire ici une lettre de consolation que ce grand homme lui écrivoit
de Versailles, où le bruit de lu mort de la jeune mademoiselle Mignard avait été
répandu.
271
celui qui fait tout pour notre bien, par rapport à ses fins
cachées. L'innocence de cette chère et aimable enfant lui a fait trouver dans la
mort la félicité éternelle, qu'une vie plus longue aurait mise en péril.
Consolez-vous, Monsieur, avec Dieu. Consolez madame Mignard, et croyez que je
suis touché au vif de votre malheur.
EPISTOLA LXXXII.
AD CARDINALEM CIBO.
Ad Eminentiam Tuam, singulari ejus benevolentià provocatus,
accedo frequens libellosque meos, quibus ministros erroris atque hœresum duces
insector, pronus ac demissus offero. Mihi enim ad extremum usque halitum certum
est exagitare impiam gentem. Dùmque id fit apud nos, quod œvo suo optabat
Augustinus ut haeretici, edictis regiis fractà contumacià, nostris rébus intenti
diligentiùs nos audiant; nihil prœtermittam quo ab insanis erroribus catholicœ
doctrinae luce revocentur.
Sanè, eminentissime Princeps, testari possumus ea in
illorum cœtibus de summis rébus esse dissidia, eos animorum motus ; sic
infractam apud plerosque, quà unâ nitebantur, ministrorum auctoritatem ; sic
omnium ferè mentes ad nos arrectas atque conversas, ut ipsi propemodùm se ad
unitatem nostram velut compelli exposcere videantur. Ac profectò spes sit
perduellium aciem ultrò arma posituram, si conjunctis viribus disjcctam ac
palantem adorianiur, atque hœc quœ Ecclesiam, heu! jàm nimiùm nimiùmque
conturbant, infausta dissidia componantur : quod meo quidem sanguine redemptum
velim.
Accipe intérim, eminentissime Princeps, quo soles vultu
munuscula hœc mea (a). Ac si Suœ Sanctitati grata fore judicas, ut ad
illius adponas pedes, etiam supplico. Jàm enim expertus qualescumque libellos
meos apostolico conspectui oblatos atque ibi comprobatos, novis indè captis
viribus multis fuisse salutares, eamdem opem saepiùs implorandam arbitror. Id si
officii prœstiteris, ac tanto Pontifici meum studium ac obsequentissimam vol
(a) Fortè Oratio de universali Historiâ.
272
voluntatem gratam et acceptam feceris, novo atque arctiore
vinculo obligabis tibi jàm devinctissimum, Tuae Eminentiae, Princeps
eminentissime, etc. (a).
EPISTOLA LXXXIII.
BOSSUETUS CASTORIENSI.
Ad te mitto Monitum, novae libelli mei editioni à me
praefixum, atque à viro clarissimo Claudio Fleury in latinam linguam transfusum.
Eam ego interpretationem recensui; atque ad te transmittendam curavi, jamjàm
profecturus, atque ad Selestadium augustissimae Delphinae (b), unà cum
ejus domo, iturus obviàm. Ità tibi morem gero lubens, atque amplissimas ago
gratias, quòd meam hanc lucubratiunculam, elegantibus typis imprimendam, edere
velis. Etiam atque etiam rogo te, ut errata diligenter
entendes, quae in primam editionem Latinam irrepsere. Haec ad te, Praesul
illustrissime, unà cum ipsâ Animadversionis interpretatione mitto. Quòd
ex hâc editione quam apparas haud mediocrem fructum speres, gaudeo. Quòd
me semper ames, id singulari tuae humanitati acceptum refero. Te verò summo
honore summàque benevolentià œternùm prosequar, meque tibi, Praesul
illustrissime, addictissimum atque obedientissimum fore spondeo.
In palatio San-Germano, 21 januarii 1680.
EPISTOLA LXXXIV.
BOSSUETUS CASTORIENSI.
Quod à me nuper est editum, ad serenissimi Delphi ni
informa tionem, ab aliquot jàm annis compositum opus, id offerre tibi, quanquàm
haud satis dignnm amplitudine, tuà, mei officii est; pariterque agere quàm
maximas possum gratias pro eà cura quâ
(a) In hâc epistolà dies non est appositus. Cùm
autem posterior videatur Brevi suuimi Pontilicis, quo Expositionem
approbat, hune locum ei assignamus. — (b) Anna Maria Christina, Elecloris
Bavarici lilia, Delphino nupta Catalauni. 8 martii 1681.
273
meum de Catholicœ Doctrinœ Expositione tractatum,
Latinura Batavicumque factum, tôt commendationibus, tàmque praeclarâ exigui
operis editione illustrasti.
Quod ut è re Ecclesiae fuisse, vir omni doctrinae laude
conspicuus, idemque sanctissimus ac veracissimus testificatus es, sic animum
induxisti meum ad eum libelluin in septentrionales oras summà diligentià
perferendum. Significavit enim mihi maximus summique judicii D. Marchio de
Feuquières, christianissimi régis noslri in Sueciâ legatus, maximam illic esse
copiam planèque incredibilem bonorum virorum, qui ab Ecclesiae sinu fato quodam
miserando potiùs, ut ità dicam, quàm pertinaci errore avulsi, animum gérant ad
hauriendam veritatem satis comparatum, si aliqua offerretur illis hujus idonea
explicatio : huic rei videri natam Expositionem illam, tibi,
illustrissime Domine, tantoperè probatam, si Latino sermone ad eos perveniret,
nec defuturos qui in popularem linguam verterent : Gallicam sanè linguam sic ibi
intellectam, vix ut totam ejus vira per sese caperent ; sed Latinae linguae
auxilio ad eruditos propagandum opus, tandem ad manus plebis deventurum, nec
sine magno quidem fructu.
Id cùm illustrissimus Legatus, pari pietatis atque ingenii
laude clarus, ad me scripserit; id ego, illustrissime Antistes, in tuum refundo
sinum, ut aliquam ineas viam catholicte doctrinae per libellum illum eas in
regiones vicinasque partes, totamque adeò Baltici maris oram universamque
Germanium, propagandae. Id quâ ratione confici possit, rogo etiam atque etiam ut
ad me per-scribas. Quod meum erit praestabo sedulô : quod tuae diligentiae est,
id tua illa apostolicâ charitas solito studio exequetur; magnumque eâ in re
operae pretium fore, tanti testis auctoritate adductus minime dubitabis.
Accepi per illustrissimum D. Comitem d'Avaux, Régis istis
in partibus extraordinarium legatum, clarissimi viri Friderici Spanhemii
Strinturas (1). An è re catholicae Ecclesiae sit ut aliquid reponam,
(a) Loquitur de libro quem adversus, Expositionem
Fidei ediderat Spanhemius, subhoc titulo : Speciment stricturam ad
libellum nuperùm Episcopi Condomensis, Lugd. Batav., 1681, in-8°. Conjicii
potest, ex epistolis sequentibus, aliquam hujus libri confutationem suscepturum
fuisse Bossuetum ; sed deinceps, multis occupationibus impeditus, à
proposito destitisse videtur. Spanhemii cavillationes obiter refellit Arnaldus,
in tomo II Apologiœ pro Catholicis.
274
à te postulo, tuamque auctoritatem sequar. Nunc superest
uti summà fide testificer me tibi addictissimum fuisse ac fore, atque omninò,
etc.
Versaliœ, 8 maii, 1681.
EPISTOLA LXXXV.
CASTORIENSIS CONDOMENSI.
Opusculum nuper à te editum, et ad Serenissimi Delphini
informationem olim compositum, quo tua humanitas, Antistes observantissime, me
donandum duxit, magno cum gaudio, ubi aeeepero, exosculabor ; certus illud tanti
discipuli instructione, tantique magistri eruditione dignissimum esse ; ac in eo
reperturum me undè et religio incrementum, et studia mea lumen poterunt mutuare.
Quae Marchio de Feuquières ex Suecià nuntiat, uti spem
praebent futuros illic plurimos qui non erunt rebelles lumini dùm eis proponetur,
ità simul attjue Amsterodamum advenero, conferam cum bibliopolis, ut ineamus
rationem quâ praeclarissima tua, Autistes illustrissime, Expositio Fidei
Catholicœ ad quàm plurimos poterit pervenire. Si catholicorum libros in Suecià
vendere liceat, non erit difficile plurima illùc hinc exemplaria mittere. De
rationibus à nobis initis, ut libellus tuus et per Sueciam, om-nesque maris
Raltici regiones distrahatur, ad te Antistes illustrissime, Amsterodamo referam
; ut, si forte opus erit, Marchio de Feuquières moneatur ad suam protectionem
bibliopolis impertiendam, vel ad venditionein libri quocumque modo promoven-dam,
qui ejus prudentiae videbitur opportunior.
Luculentissimùm mihi praebes, Antistes illustrissime, tui
erga me amoris argumentum, dùm meo judicio detiniendum relin-quis, nùm
cavillationibus et Stricturis Frederici Spanhemii aliquod responsum reponendum
sit. Quamvis haec humilitas, quâ tu, Antistes sapientissime, tuas occupationes
meo subdis arbitrio,
275
pudorem mihi ingerat, audebo tamen quid optem significare.
Ex responso magnum fructum non dubius spero. Ea est enim, Antistes
illustrissime, tui nominis celebritas, ea de tuà eruditione opinio, ea de tuis
virtutibus existimatio ; ut nullum de rebus fidei ac religionis sis scriptum
editurus, quod non ab omnibus, ut illud legant, expetatur. Tanta verò est in
libris tuis et perspicuitas ad docendum, et virtusad persuadendum ; ut vix legi
possint ab iis qui fidei catholieae adversantur, quin de illà vel meliùs sentire
incipiant, vel suam ab illà separationem suspectam habeant. Rogo itaque,
Antistes observantissime, ut, si per occupationes liceat, aliquo responso
Spanhemii objecta diluas, remque catholicam illustrare et confirmare digneris.
Spero te, per familiarem illustrissimi Comitis d'Avaux, qui
summâ me benevolentià prosequitur, et quem ob religionem in Deum, et ob
prudentiam in administratione sui muneris plurimùm colo, accepisse libellum(a)
qui hîc nuperrimè editus est contra epistolam Lugdunensis medici, cui nomen
Spon. Ea epistola hic magno applausuab iis omnibus accipitur, quibus jucun-dum
brevissimo scripto comprehensum viderequidquid ferè catholicis objici potest.
Sed speramus plurimos posituros insaiium de istà epistolà gaudium, dùm ex
erudito ad illam responso salubrem concipient dolorem.
Libellus cui titulus, La politique du clergé de France (b),
licèt mendaciis apertissimis scateat, hîc tamen celebratur tanquàm summi
ingenii, eruditionis etpoliticae scientiae stupendum opus : undè brevi tempore
plurima hic ejus divendita exemplaria ; et ut ab omnibus is libellus legi
possit, in nostram quoque linguam tiansfusus est ; praefixà monitione ad
lectorem, quà maximis elogiis auctoris eximia in rébus theologicis scientia, in
historicis eruditio, in politicis perspicacia commendantur. Et quamvis
prae-cipue scriptus videatur ut Anglorum in catholicos furorem nostris inspiret
Ordinibus, illi tamen pergunt indulgenter nobiscum agere ac connivere ad
progressum religionis nostrae, neglectà intentione maledici scriptoris.
Judicavit vir magnus, quocum
(a) Hujus libelli auctor erat Arnaldus, sicque
inscriptus est : Remarques sur une lettre de M. Spou. — (b) Auctore
Jurieu.
276
mihi nonnullum litterarum commcrrium, è re catholicœ
religionis futurum, si suum otium refutando ei libro impenderet (a). Confido
ipsum adeò féliciter istâ operà defuncturum, ut calvinismo indè pudor, et
Ecclesiae catholicae ingens gloria sit accessura. Hœc refero tibi, Antistes
illustrissime ; quia scio nihil esse Ecclesiae, quod non tuum, pro illà quà eam
complecteris dilectione, existimes.
Non possum huic epistolae finem imponere, quin significem
me gaudere quàm maxime ; quia ecclesià Meldensis te, Antistes sapientissime,
pastorem habere meruit (b). Illà felicitate ut diù fruatur, Deum rogo.
27 maii 1681.
EPISTOLA LXXXVI.
MELDENSIS CASTORIENSI.
Accepi equidem luculentam, atque omni elegantiâ et erudi-tione
refertam Responsionem ad Spondii Epistolam ; ac velim multa hujus praeclarissimi
libelli exemplaria ad nos perveniant. Libellum cui titulus, La politique du
clergé de France, utinàm ille confutet qui Epistolam Spondii tantis jàm viribus,
tantâque eruditione confecit (c) ! Te verò etiam atque etiam rogo, Praesul
illustrissime, ut hujus mihi responsionis copiam facias, ubi erit édita. Confido
enim fore ut mendaciorum pudeat auctorem etiam ipsum, si res accuratè exponatur
; quoque ille liber majore est arte contextus ad capiendas levés imperitasque
animas, eò magis necesse est ut ejus fraudes publiée detegantur.
De Spanhemio videro quid agendum, ubi per otium licuerit :
tuis certè consiliis obtemperaturum me profiteor. Urget illustrissimus atque
excellentissimus régis nostri in Suecià legatus, ut ad eam regionem nostrae
Expositionis Latina versio deferatur ; plurimùmque in eà re momenti ponit, ac
rerum necessitudines excitandae fidei opportunissimas esse scribit.
Oro te etiam atque etiam, ut Sedis apostolicae bullas propè
diem
(a) Arnaldus, qui Jurii librum confutavit, opere
edito sub hoc titulo : Apologie pour les Catholiques. — (b) Paulò antè,
scilicet 2 maii, Bossuetus designalus fuerat Episcopus Meldensis. — (e) Arnaldus.
277
expectantem, atque ad episcopale opus se accingentem
precibus tuis subleves, ut exemplo incendis. Me verò ne dubites summâ cum
reverentià et esse et futurum, illustrissime Praesul, tibi obedientissimùm et
conjunctissimum,
+ J. BENIGNUM, Episc. Condomensem,
Meldensem designatum (a).
LETTRE LXXXVII.
BOSSUET A M. DIROIS, DOCTEUR DE SORBONNE. A Versailles, ce 23 mai 1681.
Je n'ai pas eu le loisir, Monsieur, dans les derniers
ordinaires, de vous donner de nies nouvelles : vous en aurez appris par
Monseigneur le cardinal d'Estrées.
J'espère que quelque jour vous viendrez produire à Germigny
(b) quelqu'un de ces grands ouvrages (c), que vous méditez pour
l'utilité de l'Eglise.
Je vous enverrai par la première commodité, un ouvrage (d)
que j'ai donné depuis peu : j'en ai envoyé quelques exemplaires à Rome par les
derniers ordinaires ; j'en destine un à la bibliothèque Vaticane. Faites-le un
peu valoir aux savans de Rome et de l'Italie, parmi lesquels votre savoir vous
donne tant de créance.
Aidez-moi de vos offices auprès de Messeigneurs les
cardinaux, et faites-moi la grâce d'entrer dans ce que feront pour moi à Rome
Monseigneur le cardinal et M. le duc d'Estrées, qui trouveront en vous un
agréable exécuteur des ordres qu'ils auront à donner pour mes intérêts (e).
Je m'y attends et suis très-parfaitement, etc.
(a) Dies non est appositus : certè tamen scripta est
epistola mense junio, praecedentique respondet. — (b) Maison de campagne
dépendante de l'évêché de Meaux, auquel Bossuet était alors nommé. — (c)
M. Dirois a donné au public plusieurs ouvrages, parmi lesquels on distingue
celui qui a pour titre : Preuves et préjugés pour la religion chrétienne et
catholique, contre les fausses religions et l’athéisme. — (d ) LeDiscours
sur l’Histoire universelle. — (e) Il y a toute apparence qu’il s’agit ici d’obtenirle
gratis des bulles pour l’évêché de Meaux, ou du moins une diminution.
278
LETTRE LXXXVIII.
BOSSUET A M. DE RANCÉ, ABBÉ DE LA TRAPPE. A Paris, ce 22 juin 1681.
J'ai reçu, Monsieur, trois lettres de vous depuis environ
quinze jours. La première parlait de mon Livre (a) avec les sentiments
ordinaires de la bonté dont vous m'honorez. La seconde regardait une ordination
faite par M. de Séez à votre prière. J'écris à ce prélat que je lui en suis
obligé et de la civilité qu'il me fait sur cela. Le troisième, qui ne m'a été
rendu qu'hier seulement par la voie du grand couvent des Carmélites, était du 21
du passé.
Sur votre témoignage, je ne ferai aucune difficulté
d'ordonner l'ecclésiastique dont vous me parlez, à moins que je n'y reconnaisse
des empêchements que vous pourriez ne savoir pas ; ce que je ne présume point :
et au contraire je sens une secrète consolation, que le premier homme dont on me
parle pour l'ordination soit approuvé de vous. La promesse que vous me faites,
de prier Dieu qu'il me conduise dans les fonctions de l'épiscopat, m'est un
grand soutien: mais vous n'en serez pas quitte pour cela.
Il y a dix ans que j'eus dans l'esprit que si Dieu me
remettait en charge dans son Eglise, j'aurais deux choses à faire : l'une,
d'aller passer quelque temps en action avec feu M. de Châlons (b) ;
l'autre, d'aller aussi passer quelque temps en oraison avec vous. Dieu m'a privé
du premier par la mort de ce saint prélat : je vous prie de ne me refuser pas
l'autre. J'accompagnerai mon voyage de toute la discrétion possible ; et comme
j'ai des raisons pour aller en Normandie, ce voyage couvrira celui de la Trappe.
Il n'y aura que le roi seul à qui il faudra le dire, et qui très-assurément le
prendra bien. Mon cœur est rempli de joie quand je songe à l'accomplissement de
ce dessein : je vous supplie de
(a) Le Discours sur l'Histoire universelle. — (b)
Félix Vialart, prélat d'une éminente vertu, mort le 10 juin 1680.
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l'agréer. Si vous me faites cette grâce, aussitôt que
j'aurai réponse de Rome je disposerai mes affaires au départ. Je suis, Monsieur,
de tout mon cœur à vous.
LETTRE LXXXIX.
BOSSUET A M. L'ABBÉ NICAISE, CHANOINE DE LA SAINTE CHAPELLE DE DIJON. A Paris,
ce 8 juillet 1681.
J'ai de la peine à croire que Messieurs de Genève
traduisent ni impriment mon dernier livre, qui est trop contre eux par son fond
sans les attaquer directement. Pour celui de la Nature et de la grâce, de
l'auteur de la Recherche de la vérité, je n'en ai pas été satisfait, et je crois
que l'auteur le réformera ; car il est modeste, et ses intentions sont
très-pures. Mais il me semble qu'il n'a pas fait toutes les lectures nécessaires
pour écrire de la grâce, ni assez considéré tous les principes qui servent à
décider cette matière. Je suis persuadé que le livre sur la lettre de M. Spon (a)
est de M. Arnauld, quoique son nom n'y soit pas. L'ouvrage est fort, et à mon
avis d'une très-bonne et très-solide doctrine. Notre bon ami M. Spon avait bien
dit des pauvretés dans sa lettre. Je vous remercie de vos nouvelles, et suis de
tout mon cœur, etc.
EPISTOLA XC.
CASTORIENSIS CONDOMENSI.
A sex ampliùs septimanis egi cum bibliopolà Amsterodamensi,
ut iniret rationem in Suecià divendendi tuam Catholicœ Fidei Expositionem.
Gaudebat ille se ad eam rem invitari, sibique spem dari, quòd eo in regno non
pauca Latinœ editionis exemplaria distrahere posset. Eà occasione mihi retulit
quòd in nundinis Francofurdiensibus Expositio avidissimos inveniret
emptores ,
(a) L'ouvrage de M. Spon avait pour titre :
Lettre au Père de la Chaise, confesseur du roi, sur l'antiquité de la religion
; et la réfutation était en effet de Arnauld. Elle parut en 1681, n-18.
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quòdque per totam Germaniam legatur et fructificet.
Hamburgum varia jàm miserat exemplaria ; promptus ut ad omnes maris Baltici
portus ea quoque dirigat.
Haec, Antistes illustrissime, citiùs tibi indicassem, nisi
decrevissem non priùs tibi scribere quàm acceptus et lectus à me esset tuus de
Historià Universali Commentarius. Legi illum, et reperi quòd grandiora in
penetralibus contineat, quàm in fronte osten-tet. Quae de vità, miraculis, et
doctrinà Christi narrât, legi non possunt, quin lectorem in religionis nostrae
admirationem et amorem rapiant. Certè de doctrinà Christi nihil sublimius
cogitari, nihil potest eloquentius dici, quàm mente concepisti et calamo
expressisti. Prophetiis lucem intulisti gratissimam; et quidquid ex Daniele pro
religione nostra confici potest, tantâ rationis evidentiâ confecisti, Antistes
eruditissime, ut vix judaica perfidia ei possit resistere. Et quia ex istà tuà
lucubratione maximum fruetum animo praevident ii omnes qui illum legere
potuerunt, hinc librarii nostri eum suis typis subdiderunt.
Dùm haec tibi, Antistes illustrissime, significo, non
possum non rogare ut, dùm otium feret, fastuosum Striclurarum auctorem cogas
detumescere, et modestiùs de se ipso sentire. Hoc si ejus typhus discere nequeat,
erunt tamen hîc quamplurimi quibus lucubrationes tuae facem praeferent, ut ad
catholicam, à quà devulsi sunt, redeant unitatem.
21 augusti 1681.
EPISTOLA XCI.
CONDOMENSIS CASTORIENSI.
Accepi suavissimam epistolam tuam ; et quidem jucundissimum
mihi fuit probatum tibi opus illud (a) quod ad te transmiseram. Sic enim placet,
non ipsum quidem, ut ità dicam, laudari, sed incitari. Sanè Spanhemii
Stricturas non perstringendas, sed configendas esse arbitror ; et facerem id
confestim, Deo duce, nisi me multa alia ab hoc studio avocarent. Arripiam tempus,
ubicumquè se dederit, et ingentes illos viri spirilus comprimam. Tu me sanctis
tuis precibus adjuva.
(a) Oratio in universalem Historiam.
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Jàm video curarum tuarum aliquos in
Suecià fructus. Nostram enim Expositionem eò pervenisse legatus
noster testatur; et aliquot è Suecis, viri primarii, eà commoti ad nos venerunt
sacram exquisituri doctrinam. Utinàm aliquandò tôt populi fœdissimà ac
deformissimà reformatione delusi, catholicae Ecclesiae, sub pellibus licèt ac
tenloriis peregrinantis, decorem cum Ralaamo respiciant, eamque admirati
exclament : Qui benedixerit tibi, erit et ipse benedictus : qui maledixerit,
in maledictione reputabitur (a).
Quòd illustrissimi Ordines nullà ratione adduci possint ut
vos malè habeant, legi equidem in tuis litteris eò lubentiùs, quòd mihi aliud
renuntiatum erat. Adsit Omnipotens, teque tanto studio pro animarum salute
laborantem tueatur. Tu quoque nos et Ecclesiam Gallicanam, mox jussu regio
congregandam, commendare velis assiduis precibus optimo Patri, uti nos pacem
sectari donet, atque Ecclesiae vulnera curare, non multiplicare. Idifuturum
spero; nec sine timoré spes. Unum id dixero, quod preces tuas et sollicitudinem
quam pro Ecclesià geris acuat.
Mitto ad te aliqua errata libri mei (b), quae typographe
dare possis, ut ea quam apparat editio sit ornatior.
Ego te, Praesul illustrissime, Ecclesiae flagrantissimum
amatorem, impendiò amo, meque à te amari vehementer laetor, tibique sum
addictissimus ; utque inter nos sancta libertas ac familiaritas vigeat, peto.
P.S. Errata quae dixeram non vacat mittere. Nihil magni mo
menti est, quodque non facile adverti possit.
Datum in regià Fontis-Bellaquei, 22 septembris 1681.
EPISTOLA XCII.
CONDOMENSIS CASTORIENSI.
Ad te mitto, illustrissime Antistes,
typographorum errata quae superiore epistolà promiseram, nec per otium eo die
praestare
(a) Num., XXIV, 9.— (6) Oratio in universalem
Historiam, quam praelo jàm subdiderant Batavi typographi.
282
potueram ; ut si nova adornetur editio, emendatior esse
queat. Te autem rogo uti ea errata non ut à me accepta des typographo, quicumque
ille sit qui novam editionem apparat. Sanè spero si minore volumine eam fecerit,
eam nostris quoque hominibus gratam fore. Hœc habui quae dicerem : id addo, quod
tibi certissimum esse velim, me tibi esse addictissimum. Res nostras
sanctissimis tuis commendo precibus.
In regià Fontis-Bellaquei, mense septembris 1681.
LETTRE XCIII.
BOSSUET A M. DIROIS, DOCTEUR DE SORBONNE. Paris, au mois de septembre 1681.
La grande affaire du consistoire de lundi a absorbé les
petites, et il faut, Monsieur, que je me donne patience. Je suis persuadé que
.Monseigneur le cardinal d'Estrées et M. l'ambassadeur feront pour moi tout ce
qui sera possible, tant pour la diminution de la somme que pour la diligence :
ainsi je me repose sur leurs bontés, et je ne les importunerai pas par cet
ordinaire.
Je prends la liberté de vous adresser seulement ces deux
lettres pour les mettre entre les mains de son Eminence, et les rendre ensuite,
ou faire rendre à leur adresse, s'il le juge à propos. Ce sont, comme vous
savez, les deux approbateurs de mon livre de l’Exposition, à qui je dois
ce compliment après la manière honnête dont ils ont agi avec moi. J'ai ouï dire
qu'ils ne sont pas de nos amis : je les renonce à cet égard. Mais le roi ayant
eu la bonté de me permettre d'écrire à qui je trouverais à propos, et mes
lettres étant d'une si petite conséquence, j'ai cru être obligé à ce compliment.
Vous ne sauriez me faire un plus grand plaisir, que de
faire faire un présent honnête à M. l'abbé Nazzari (a). Si vous voulez
faire mettre mes armes sur ces pièces d'argenterie dont vous me parlez, je vous
en envoie une empreinte. Je vous prie de faire de ma part toutes les honnêtetés
possibles à M. l'abbé Nazzari, et de
(a) Il avait traduit l’Exposition en italien.
283
faire mettre la somme que coûteront les pièces
d'argenterie, avec celles dont je suis redevable à M. de la Flageole, que
j'acquitterai à son premier ordre ; mais pressez-le, s'il vous plait, de me
l'envoyer.
Il y a quelque apparence que je pourrai être de
l'assemblée. Vous pouvez me mander confidemment vos vues, persuadé que vous
saurez considérer ce qui convient à des évêques. De notre part, nous devons
entrer dans l'esprit de la négociation qui est entamée. J'aurai encore le loisir
d'apprendre vos sentiments avant qu'on fasse rien de considérable. Je voudrais
bien être un quart d'heure avec Monseigneur le cardinal, et un autre quart
d'heure avec vous ; nous aurions bientôt posé les principes. Il me paraît qu'on
ira avec une bonne intention d'avancer ou faciliter raccommodement : mais il
faut être sur les lieux pour bien juger des moyens. Je suis à vous de tout mon
cœur.
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