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INSTRUCTION
SUR LES ÉTATS D'ORAISON
Où sont exposées les erreurs des faux mystiques de nos
jours : avec les actes de leur condamnation.
PRÉFACE
Où l'on pose les fondements et l'on explique le dessein
de cet ouvrage.
Si l'on croyait, en lisant le
titre de ce livre, que je voulusse y donner des règles pour tous les états
d'oraison, ou des moyens pour y arriver et s'y bien conduire, on m'attribuerait
un dessein trop vaste, et qui aussi est bien éloigné de ma pensée. Il faut se
souvenir de l'occasion qui m'a engagé à traiter cette matière dans une
Ordonnance et Instruction pastorale, et qui m'a fait promettre un
traité plus ample sur un sujet si important. J'ai voulu exposer les excès de
ceux qui abusent de l'oraison, pour jeter les âmes, sous prétexte de perfection,
dans des sentiments et dans des pratiques contraires à l'Evangile, et dans une
cessation de plusieurs actes expressément commandés de Dieu et essentiels à la
piété, Je les ai marqués dans l’ Instruction pastorale autant que la
brièveté d'un discours de cette nature le pouvait permettre, et il s'agit
maintenant de les expliquer plus à fond.
Il faudra aussi faire voir que
les erreurs que l'on entreprend de combattre ne sont pas des erreurs
imaginaires, mais qu'elles sont véritablement contenues dans un grand nombre de
livres qu'on
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trouve entre les mains de tout le monde, et qu'on lit
d'autant plus qu'ils sont ordinairement fort petits.
Dans un temps où chacun se mêle
de dogmatiser sur l'oraison, et où il n'y a presque point de directeur qui
n'entreprenne d'en donner des règles par son propre esprit à ses pénitents et à
ses pénitentes, celui qui doit traiter un si grand sujet, et que l'obligation de
son ministère jointe aux besoins de l'Eglise obligent à s'expliquer sur cette
matière, doit aussi avant toutes choses demander à Dieu son esprit de
discernement et d'intelligence pour démêler le vrai d'avec le faux, et le
certain ou le sur d'avec le suspect et le dangereux. C'est ce que j'ai tâché de
faire en toute simplicité, et je me confie en Notre-Seigneur, qu'il aura reçu
mes vœux dans son sanctuaire.
Je me suis du moins proposé la
règle sûre et invariable pour juger de toutes ces choses, qui est l'Ecriture
sainte et la tradition. Molinos et ses sectateurs voudraient qu'on renvoyât tout
à l'expérience ; et pour laisser un champ libre à leurs imaginations ils
décrient la science et les savants. « Ces savants scolastiques, disent-ils, ne
savent ce que c'est que se perdre en Dieu : » on l'ait accroire aux théologiens
« qu'ils condamnent la science mystique, parce qu'ils n'y commissent rien : » et
on donne pour « règle sans exception, qu'il en faut savoir la pratique avant la
théorie, et en ressentir les effets par la contemplation surnaturelle », » avant
que de prononcer dessus. Parmi les soixante-huit propositions de cet auteur
condamnées par la bulle d'Innocent XI d'heureuse mémoire, une des plus
remarquables est la LXIV° où il dit que « les théologiens sont moins disposez à
la contemplation que les ignorants, parce qu'ils ont moins de foi, moins
d'humilité, moins de soin de leur salut ; et qu'ils ont la teste remplie de
fantômes, d'espèces, d'opinions et de spéculations qui ferment rentrée à la
véritable lumière : » de là on conclut « qu'ils ne sont pas propres à juger de
telles matières, et que la contemplation ne reçoit point
1 Guide spir., liv. III, chap. XVII, XVIII.
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d'autres juges que les contemplatifs. » C'était la me des
dix-neuf propositions qu'on envoya de Rome aux évêques pour les mettre en garde
contre les nouveaux contemplatifs. Et c'est encore à présent ce qu'ils
ont sans cesse à la bouche pour éluder les censures dont on les flétrit de tous
côtés.
Gerson, que nos pères ont
justement appelé Docteur très-chrétien tant à cause de sa piété que pour
avoir été en son temps la lumière de ce royaume, remarquait dès lors qu'un des
artifices de ceux qui veulent se donner toute liberté d'enseigner ce qu'il leur
plait sur une matière si cachée et si délicate, est d'en appeler toujours aux
expériences (1). Ils se proposent certaines personnes connues ou inconnues,
qu'ils prétendent guidées de Dieu d'une façon particulière; et avec cette
fragile autorité, ils récusent tous les juges qui ne leur sont pas favorables,
sous prétexte qu'il ne sont pas expérimentés : ce qui ne tend à rien moins qu'à
rendre ces nouveaux docteurs indépendants des censures et des jugements de
l'Eglise, parce qu'on ne saura jamais qui sont ces juges expérimentés dont il
faudra suivre les sentiments, ni si les docteurs, les évêques ou les pasteurs
ordinaires sont certainement de ce nombre. Mais il est clair indépendamment de
ces prétendues expériences, qu'il y a des règles certaines dans l’Eglise pour
juger des bonnes et mauvaises oraisons, et que toutes les expériences qui y sont
contraires sont des illusions. On ne peut douter que les prophètes et les
apôtres, que Dieu nous a donnes pour docteurs, n'aient été très-instruits et
très-expérimentés dans ses voies : les saints Pères, qui les ont suivis et nous
en ont expliqué la sainte doctrine, ont pris leur esprit; et animés de la même
grâce, ils nous ont laissé des traditions infaillibles sur cette matière comme
sur toutes les autres qui regardent la religion, voilà les expériences
solennelles et authentiques sur lesquelles il se faut fonder, et non pas sur les
expériences particulières qu'il
1 Epist. ad fratr. Barth. Carthus., et lib. de
Dist. verar. vis. à falsis. cont.
epist. Jo. de Schoen.
Edit. Ant. 1706, tom. 1, col. 43, 59, 78.
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est difficile ni d'attribuer ni de contester à personne par
des principes certains.
Ce même docteur, pour réfuter
ceux qui prétendaient que ces matières de l'oraison ne devaient point être
portées à l’école, mais seulement traitées par les hommes expérimentés
dans cette pratique, découvre les illusions où tombent ceux qui donnent pour
toute raison « leurs expériences, et qui, transportés par des affections
déréglées envers les vertus et par des idées indiscrètes de l'amour de Dieu, ont
un zèle qui n'est pas selon la science » Il se trouve, ajoute-t-il, parmi eux
« des femmes d'une incroyable subtilité, » dont les écrits quelquefois «
contiennent de très-bonnes choses ; mais leur orgueil et la véhémence de leur
excessive passion leur persuadant qu'elles jouissent de Dieu dès cette vie,
elles disent des choses sur cette bienheureuse vision, que rien n'aurait
égalées, si elles les avoient appliquées à la vie future (1). » Je rapporte ces
passages pour montrer jusqu'où peut aller l'esprit de séduction, et ensemble
comme sous le nom de l'amour divin il s'introduit des excès qui détruisent la
piété. C'est de là, dit ce pieux docteur, que sont nés les béguards et les
béguines, dont on connaît les énormes excès ; mais Gerson les attaque ici
par leur bel endroit, je veux dire par la trompeuse apparence de leur spécieux
commencement, et il attaque en même temps les « autres semblables folies
d'amants insensés que la science ne guide pas : insanias amentium, imò et
amentium, quia non secundum scientiam : d'où il conclut qu'il en fallait
croire les doctes théologiens qui savaient les règles, plutôt que les dévots qui
se glorifient de leur expérience.
C'est aussi ce qu'on pratiqua
dans le concile de Vienne contre ces faux contemplatifs. A les entendre, ils
étaient élevés à la plus sublime oraison, passifs sous la main de Dieu,
transportés par un amour extatique et toujours mus par des impulsions et
1 Ep. Jo. De Schoen. et Resp. Gers., ibid. lib.
de Dist. verar. vis à falsis, etc.— 2 Ibid., col. 55.
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impressions divines. Mais encore qu'ils ne cessassent
d'alléguer leurs expériences, on ne les écouta pas ; et malgré ces épreuves tant
vantées qu'on prit pour des tromperies du malin esprit, et en tout cas pour de
vains transports d'une imagination échauffée, ils furent frappés d'un anathème
éternel, dont ils furent plutôt abattus que convertis : laissant au monde un
exemple des aveugles et opiniâtres engagements où l'on entre, en préférant des
expériences particulières et souvent trompeuses à la règle invariable de la
tradition.
C'est par la même raison que
sainte Thérèse a désiré à la vérité de trouver dans les directeurs la science et
l'expérience, s'il se peut, unies ensemble ; mais faute ou de l'une ou de
l'autre, elle a préféré le savant et celui qui n'est que spirituel (1).
Ce passage n'est ignoré de personne ; mais on n'a peut-être pas assez réfléchi
sur les raisons de cette Sainte : l'une est que l'homme d'oraison renfermé dans
son expérience, « s'il ne marche pas dans votre voie, comme il en sera surpris (
par le défaut de science ), il ne manquera pas de la condamner : » ce que les
hommes savants et bien instruits de la règle ne feront pas : « l'autre, que la
connaissance que leur science leur donne d'autres choses non moins admirables
reçues dans l'Eglise, leur fait ajouter foi à celles que vous leur : raconterez
(de votre intérieur), quoiqu'elles ne leur soient pas encore connues (2). »
Ainsi ce qu'on n'aura point
expérimenté en soi-même, on le sentira dans les autres ou dans des cas
approchants. La Sainte n'y met qu'une condition, qui est que ces savants que
l'on consulte soient gens de bien, parce qu'alors en joignant ensemble la
science et la vertu, ils seront de ces spirituels, au sens de saint Paul
(3), qui jugent de toutes choses, sans que pour cela il soit nécessaire
qu'ils soient arrives à ces hautes spiritualités de ceux qu'on appelle les
grands Directeurs : car on voit que le saint Apôtre dit bien que le
1 Chât.,
6e dem. chap. VIII. — 2 Chât., 5e
dem. Chap. I. — 3 I Cor., II, 15.
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spirituel, dont il parle, juge de tout; mais
non pas qu'il ait tout expérimenté par lui-même, ni que pour juger de chaque
manière, d'oraison, il faille qu'il y ait passé : autrement il faudrait aussi
avoir éprouvé les extases pour en porter un jugement droit et discerner les
bonnes d'avec les mauvaises ; et le spirituel, qui juge de tout, serait
uniquement celui qui aurait expérimenté toutes les oraisons extraordinaires : ce
qui bien assurément n'est pas véritable.
Ces directeurs renommés dont on
vante les expériences et qui ne doutent de rien, ignorent-ils que Dieu dont le
bras s'étend au-delà de toutes leurs épreuves, auxquelles, comme sainte Thérèse
vient de nous le dire, ils veulent réduire les âmes, les jette bien loin à
l'écart et se plaît à les dérouter : en sorte que leurs expériences, qu'ils
prenaient pour guides, ne serviront souvent qu'à les confondre, pendant que les
savants hommes bien instruits des règles, pourvu seulement qu'ils soient humbles
et que leur cœur soit droit avec Dieu, sauront bien quand il faudra ne pas
juger, et jugeront aussi quand il le faudra, avec d'autant plus de sûreté, « que
Dieu, dit sainte Thérèse, les ayant choisis pour être des lumières de son
Eglise, ils ont cet avantage par-dessus les autres, que quand on leur propose
quelques vérités, il les dispose à les recevoir (1) : « de sorte qu'en les
suivant, ce n'est pas sur eux, mais sur Dieu seul qu'on s'appuie. Il ne faut pas
oublier que la Sainte ajoute qu'elle en peut bien parler par expérience:
et puisque c'est à l'expérience qu'on voudrait tout rapporter, on en peut croire
la sienne.
C'est donc, pour ainsi parler,
l'expérience elle-même qui empêche de tout donner à l'expérience : mais pour
pénétrer au fond de cette matière, voici en dernier lieu une autre sorte
d'expérience marquée par cette Sainte. C'est qu'on est contemplatif, sans le
penser être : le dirai-je? on est expérimenté sans le savoir : « Je sais, dit
sainte Thérèse, une personne qui n'ayant jamais pu
1. Chât., 5e dem., chap. I.
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faire d'autre oraison que la vocale, possédait toutes les
autres; et quand elle, voulait prier d'une autre manière, son esprit s'égarait
de telle sorte qu'elle ne se pouvait souffrir elle-même : mais plût à Dieu que
nos oraisons mentales fussent semblables à l'oraison vocale quelle faisait. Un
jour, continue la Sainte, elle me vint trouver fort affligée de ce que ne
pouvant faire une oraison mentale ni s'appliquer à la contemplation, elle se
trouvait réduite à faire souvent quelques oraisons vocales (1). » A la fin
pourtant il se trouva qu'elle était, sans y avoir seulement songé, dans la plus
sublime contemplation. Ce sont les secrets et pour ainsi dire les jeux
merveilleux de la sagesse éternelle, qui cache aux âmes ce qu'elle leur donne,
et qui leur fait rechercher la contemplation pendant qu'elles la possèdent : les
gens savants sont soumis comme les autres à ces conduites cachées : Dieu les
fait petits autant qu'il lui plaît, et ils ne trouvent en eux qu'ignorance et
aveuglement. Par ces admirables ressorts de la divine sagesse, un bon et simple
docteur, qui ne croira pas savoir prier autrement que le commun des fidèles,
sans faire le grand directeur ni parler de son oraison ou raconter les
expériences que les autres vantent, vous dira eu simplicité ce que Dieu demande
de vous : son étude, qui selon la règle de saint Augustin, n'est qu'une
attention à la lumière éternelle, et un saint attachement de son cœur à celui
qui est la vérité même, est une sorte de contemplation : quand il parlera de
l'oraison, il croira parler du don d'autrui plutôt que du sien : plus ses
épreuves lui paraissent faibles, ou plutôt moins il les connaît et moins il y
songe, plus il se met en état de profiter de celles des autres; et en se
laissant lui-même pour ce qu'il est aux yeux de Dieu, il annoncera la doctrine
que les Ecritures apostoliques et la tradition des Saints lui auront apprise.
Qu'on ne croie pas toutefois que
je rejette le secours de l'expérience : ce serait manquer de sens et de raison :
mais je dis que
1 Chem. De perf., chap. III.
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l'expérience, qui peut bien régler certaines choses, est
subordonnée dans son tout à la science théologique, qui consulte la tradition et
qui possède les principes. C'est ici une vérité constante et inébranlable qu'on
ne peut nier sans erreur : le contraire, comme on a vu, est un moyen indirect de
se soustraire au jugement de la saine théologie, et en général à l'autorité des
jugements ecclésiastiques.
Appuyé sur ces solides
fondements, j'entrerai avec confiance dans cette matière ; et pour y procéder
avec ordre, je diviserai cet ouvrage en cinq traités. Je proposerai dans le
premier, qui est celui-ci, les faux principes des mystiques de nos jours et leur
mauvaise théologie, avec une juste censure de leurs erreurs. Pour les réfuter
plus à fond, le second traité fera voir les principes communs de l'oraison
chrétienne. Le troisième exposera par les mêmes règles les principes des
oraisons extraordinaires, dont Dieu favorise quelques-uns de ses serviteurs. Les
épreuves et les exercices feront le sujet du quatrième. Enfin je conclurai cet
ouvrage en expliquant les sentiments et les locutions des saints docteurs dont
les faux mystiques ont abusé, et partout je tâcherai d'empêcher que l'abus
qu'ils en auront fait, ne fasse perdre le goût de la vérité. J'espère que par ce
moyen le pieux lecteur n'aura rien à désirer sur cette matière : les erreurs
seront découvertes : ceux qui manquent moins par malice que par imprudence se,
réjouiront d'être redressés : les âmes simples et encore infirmes seront
attirées à l'oraison, et celles qui y sont déjà exercées craindront moins de se
livrer aux attraits divins. Dieu sait que ce n'est pas de moi-même, mais de la
doctrine des Saints et de la force de la vérité que j'espère ces avantages.
Quoique mon dessein principal
soit de répandre dans tous les cœurs les doux attraits de la parfaite oraison,
néanmoins en divers endroits et surtout lorsqu'il s'agira de l'oraison qu'on
nomme passive, je ne pourrai éviter l'abstraction et la sécheresse, qui dans un
sujet si sublime et si délicat, accompagnent nécessairement
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rement les définitions et les résolutions précises.
D'ailleurs il faudra entrer dans des matières que le monde ne goûte guère, et
dont souvent il fait le sujet de ses railleries. On y traite ordinairement les
contemplatifs de cerveaux faibles et blessés; les ravissement, les extases et
les saintes délicatesses de l'amour divin, de songes et de creuses visions.
L'homme animal, comme dit saint Paul qui ne veut ni ne peut entendre les
merveilles de Dieu, s'en scandalise : ces admirables opérations du Saint-Esprit
dans les âmes, ces bienheureuses communications et cette douce familiarité de la
sagesse éternelle, qui fait ses délices de converser avec les hommes, sont un
secret inconnu, dont chacun veut raisonner à sa fantaisie. Parmi tant de
différentes pensées qui se forment sur ce sujet dans tous les esprits, comment
empêcherai-je la profanation du mystère de la piété, que le monde ne veut pas
goûter? Dieu le sait, et il sait encore l'usage que je dois faire des
contradictions ou secrètes ou déclarées qu'on trouve sur son chemin, dans une
matière où tout le inonde se croit maître, et où l'on ne voit que trop que les
esprits prévenus se passionnent d'une étrange sorte pour leurs sentiments. Mais
qu'importent ces oppositions à qui cherche la vérité? Dieu connaît ceux à qui il
veut parler : il sait les trouver, et sait malgré tous les obstacles faire dans
leurs cœurs, par nos faibles discours, les impressions qu'il a résolues. Son
œuvre dont une partie et peut-être la principale, du moins la fondamentale, est
de découvrir les erreurs, s'accomplit avec patience, et souvent s'avance
davantage par les contradictions de ceux qui s'y opposent que par les
applaudissements de ceux qui l'approuvent. Marchons donc avec confiance, et
n'épargnons rien pour prévenir le venin d'une doctrine qui ne cherche qu'à
s'établir insensiblement sous couleur de piété. Plusieurs seront étonnés de la
nécessité où je me suis mis d'exposer le sentiment de quelques pieux
contemplatifs des derniers temps, dans la doctrine desquels le public
s'intéresse peu, et que souvent il ne
1 I Cor., II, 14.
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connaît guère : on me dira qu'après avoir établi la vérité
révélée par l'Ecriture et par les Pères, je devais présupposer que ces
spirituels s'y sont conformés, en tout cas qu'ils ont dû le faire; ainsi que je
pouvais m'épargner le soin d'examiner leurs pensées, auxquelles aussi bien on ne
se croit pas obligé de déférer beaucoup. Je ne sais que dire à cette objection,
si ce n'est que la charité m'a inspiré un dessein plus étendu, et que je me suis
proposé de ne laisser aucun refuge à ceux qui n'épargnent rien pour trouver des
approbateurs à leurs nouveautés. Qu'on souffre donc ma diligence peut-être
excessive : L'affaire est plus importante que le peuvent penser ceux qui n'en
sont pas tout à fait instruits : et avant que de passer outre, j'en reviens à
fléchir mes genoux devant Dieu Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour lui
demander non-seulement la netteté et la précision, ruais encore la simplicité et
l'onction de sa grâce, dans un ouvrage où il s'agit de, parler au cœur plutôt
qu'à l'esprit.
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