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LETTRE PREMIÈRE. BOSSUET A FERRY. Metz, 1660.
LETTRE II. BOSSUET A FERRY. Sans date.
LETTRE III. BOSSUET A FERRY. Explication de différents points de controverse.
8 juillet 1666.
DU MÉRITE DES ŒUVRES.
DE L'EUCHARISTIE ET DU SACRIFICE.
DU CULTE DES SAINTS.
LETTRE IV. BOSSUET A FERRY. Nouvelle explication sur le sacrifice de
l'Eucharistie. A Metz, le 15 juillet 1666.
LETTRE V. BOSSUET A FERRY. Sans date.
LETTRE VI. BOSSUET A FERRY. Sans date.
LETTRE VII. BOSSUET A SON PÈRE. (extrait.) Le 20 août 1666.
LETTRE VIII. BOSSUET A SON PÈRE. (extrait.) Le 21 août 1666.
LETTRE IX. BOSSUET A SON PÈRE. (extrait.) Le 1er septembre 1666.
LETTRE X. BOSSUET A SON PÈRE. (Extrait.) Le 14 septembre 1666.
LETTRE XI. BOSSUET A SON PÈRE. (extrait.) Le 20 septembre 1660.
LETTRE XII. BOSSUET PÈRE A FERRY. Sans date.
LETTRE XIII. FERRY A... Le 8 février 1667.
LETTRE XIV. BOSSUET A... Récit de ce qui avait été traité entre le ministre
Ferry et l'abbé Bossuet, dans plusieurs conférences particulières qu'ils avaient
eues ensemble. Le 24 août 1666.
LETTRE XV. MAIMBOURG (1) A FERRY. A Paris, ce 8
septembre 1666.
LETTRE XVI. FERRY A BOSSUET. A Metz, le 15 septembre 1666.
LETTRE XVII. FERRY A MAIMBOURG. A Metz, le 18 septembre 1666.
LETTRE XVIII. MAIMBOURG A FERRY. Coullonges, le 23 octobre 1666.
LETTRE XIX. BOSSUET A FERRY. A Gassicourt, le 28 octobre 1666.
LETTRE XX. BEGNEGGHER, DE STRASBOURG, A BACHELLÉ, PASTEUR. 27 janvier 1667.
LETTRE XXI. BEGNEGGHER A BACHELLÉ. 3 février 1667.
RÉCIT FAIT PAR LE MINISTRE FERRY, De ce qui s'est passé au sujet du Projet de
réunion.
RÉPONSE Donnée par les ministres de Metz, sur la proposition qui leur avait
été faite de travailler à la réunion.
RELATION Faite par le ministre Ferry, de différent faits, qui ont rapport au
Projet de réunion.
PROJET DE RÉUNION DES DEUX RELIGIONS, PAR LE MINISTRE DU BOURDIEU (a).
LETTRE XXII. BOSSUET AU DUC DE NOAILLES (a). 23 octobre 1683.
RECUEIL DE DISSERTATIONS ET DE LETTRES CONCERNANT UN PROJET DE RÉUNION DES
PROTESTANTS D'ALLEMAGNE, A L'ÉGLISE CATHOLIQUE.
PREMIÈRE PARTIE, qui CONTIENT LES DISSERTATIONS
COPIE DU PLEIN POUVOIR Donné pur l'empereur Léopold, à M. l'évêque de Neustadt
en Autriche, pour travailler à la réunion des protestants d'Allemagne (a).
Monsieur ,
J'envoie apprendre des nouvelles
de votre santé, et vous supplier de me mander quel jour nous pourrons conférer
ensemble. Ce sera dès aujourd'hui, si votre commodité le permet, sinon le jour
que vous en aurez le loisir. Je me rendrai chez vous et en votre bibliothèque,
vous suppliant seulement que nous soyons seuls et en liberté. Songez à votre
santé, et croyez que je suis très-parfaitement à vous.
Bossuet, grand doyen de Metz.
Je vous envoie, Monsieur, par
écrit ce que j'eus l'honneur de vous dire dernièrement. Je l'aurais fait plus
tôt, si j'en eusse eu le loisir. Je vous prie de me mander si je pourrai avoir
l'honneur de vous entretenir jeudi matin, et de me croire à jamais,
Votre très-humble et
très-obéissant serviteur,
Bossuet.
308
Sur le mérite des œuvres,
l'Eglise catholique croit que la vie éternelle doit être proposée aux enfants de
Dieu, et comme une grâce qui leur est miséricordieusement promise par
Notre-Seigneur Jésus-Christ, et comme une récompense qui leur est fidèlement
rendue en vertu de cette promesse (1).
Elle croit que le mérite des
œuvres chrétiennes provient de la grâce sanctifiante qui nous est donnée
gratuitement par Jésus-Christ, et que c'est un effet de l'influence continuelle
de ce divin chef sur ses membres.
Comme c'est le Saint-Esprit qui
fait en nous par si grâce tout ce que nous faisons de bien, l'Eglise catholique
ne peut croire que les bonnes œuvres des fidèles ne soient très-agréables à Dieu
et de grande considération devant lui ; et elle se sert du mot de mérité pour
signifier la valeur, le prix et la dignité de ces œuvres, que nous faisons par
la grâce du Saint-Esprit. Mais comme toute leur sainteté vient de Dieu qui fait
les bonnes œuvres en nous, elle enseigne qu'en couronnant les mérites de ses
serviteurs, il couronne ses dons (2).
Enfin elle enseigne que nous qui
ne pouvons rien de nous-mêmes, pouvons tout avec celui qui nous fortifie ; en
telle sorte que l'homme n'a rien de quoi se glorifier ni de quoi se confier en
lui-même, mais que toute sa confiance et toute sa gloire est en Jésus-Christ, en
qui nous vivons, en qui nous menions, en qui nous satisfaisons, faisant des
fruits dignes de pénitence, qui ont
1 Ce sont les propres paroles du concile de Trente, sess.
V, cap. XVI — 2 Absit ut christianus homo in se ipso vel confidat vel glorietur,
et non in Domino, cujus tanta est erga omnes homines bonitas, ut eorum velit
esse merita quae sunt ipsius dona. Ibid.
309
de lui toute leur force, par lui sont offerts au Père, et
en lui sont acceptés par le Père (1). C'est pourquoi nous demandons tout, nous
espérons tout, nous rendons grâces de tout par Notre-Seigneur Jésus-Christ, etc.
Nous ne comprenons pas qu'on puisse nous attribuer une autre pensée.
Sur la sainte Eucharistie,
l'Eglise distingue deux choses, savoir : la consécration et la manducation ou
participation actuelle de cette viande céleste.
Par la consécration, nous
croyons que le pain et le vin sont changés réellement au corps et au sang de
Jésus-Christ.
Par la manducation, nous croyons
recevoir ce corps et ce sang aussi réellement et aussi substantiellement qu'ils
ont été donnés pour nous à la croix.
Nous croyons que ces deux
actions distinctes, c'est-à-dire tant la consécration que la manducation, sont
très-agréables à Dieu.
C'est en la consécration que
consiste principalement l'action du sacrifice que nous reconnaissons dans
l'Eucharistie, en tant que la mort de Jésus-Christ y est représentée, et que son
corps et son sang y sont mystiquement séparés par ces divines paroles : « Ceci
est mon corps ; ceci est mon sang. »
Nous croyons donc que par ces
paroles, non-seulement Jésus-Christ se met lui-même actuellement sur la sainte
table, mais encore qu'il s'y met revêtu des signes représentatifs de sa mort. Ce
qui nous fait voir que son intention est de s'y mettre comme immolé ; et c'est
pourquoi nous disons que cette table est aussi un autel.
Nous croyons que cette action
par laquelle le l'ils de Dieu est posé sur la sainte table sous les signes
représentatifs de sa mort, c'est-à-dire la consécration, porte avec soi la
reconnaissance de
1 Nam qui ex nobis tanquam ex nobis nihil possumus, eo
cooperante qui qui nos confortat omnia possumus : ita non habet undè glorietur ;
sed omnis gloriatio nostra in Christo est, in quo vivimus, in quo meremur, in
quo satisfaciamus, facientes fructus dignos pœnitentiae, qui ex illo vim habent,
ab illo offeruntur Patri, per illum acceptantur à Patre. Sess. XIV, cap. VIII.
310
la haute souveraineté de Dieu, en tant que Jésus-Christ
présent y renouvelle la mémoire de son obéissance jusqu'à la mort de la croix,
et l'y perpétue en quelque sorte.
Nous croyons aussi que cette
même action nous rend Dieu propice , parce qu'elle lui remet devant les yeux la
mort volontaire de son Fils pour les pécheurs, ou plutôt son Fils même revêtu,
comme il a été dit, des signes représentatifs de cette mort par laquelle il a
rte apaise.
C'est pour cela que nous disons que Jésus-Christ s'offre
encore dans l'Eucharistie : car s'étant une fois dévoué pour être notre victime,
il ne cesse de se présenter pour nous à son Père, selon ce que dit l'Apôtre,
qu'il paraît pour nous devant la face de Dieu (1).
Il ne faut point disputer du
mot. Si l'on entend par offrir l'oblation qui se fait par la mort de la victime,
il est vrai que Jésus-Christ ne s'offre plus. Mais il s'offre en tant qu'il
paraît pour nous, qu'il se présente pour nous à Dieu, qu'il lui remet devant les
yeux sa mort et son obéissance, en la manière qui est expliquée ici.
Nous croyons donc que sa
présence sur les saints autels, en cette figure de mort, est une oblation
continuée qu'il fait de lui-même, et de sa mort et de ses mérites pour le genre
humain. Nous nous unissons à lui en cet état, et nous l'offrons ainsi qu'il
s'offre lui-même, protestant que nous n'avons rien à présenter à Dieu que son
Fils et ses mérites. Si bien que le voyant par la foi présent sur l'autel, nous
le présentons à Dieu comme notre unique propitiateur par son sang ; et tout
ensemble nous nous offrons avec lui, comme hosties vivantes, à la majesté
divine.
Ce n'est pas bien raisonner que de dire que l'oblation de
la croix n'est pas suffisante, supposé que Jésus-Christ s'offre encore dans
l'Eucharistie ; de même qu'il ne s'ensuit pas qu'à cause qu'il continue
d'intercéder pour nous dans le ciel, son intercession sur la croix soit
imparfaite et insuffisante pour notre salut.
Tout cela n'empêche donc pas
qu'il ne soit très-véritable que Jésus-Christ n'est offert qu'une fois parce que
encore qu'il se soit
1 Hebr., IX, 24.
311
offert en entrant au monde pour être notre victime, ainsi
que l'Apôtre le remarque (1) ; encore que nous croyions qu'il ne cesse de se
présenter pour nous à Dieu, non-seulement dans le ciel, mais encore sur la
sainte table, néanmoins tout se rapporte à cette grande oblation par laquelle il
s'est offert une fois à la croix, pour être mis en notre place et souffrir la
mort qui nous était due. Et nous savons que tout le mérite de notre rédemption
est tellement attaché à ce grand sacrifice de la croix, qu'il ne nous reste plus
rien à taire dans celui de l'Eucharistie que d'en célébrer la mémoire et de nous
en appliquer la vertu.
Aussi ne pensons-nous pas que la
victime que nous présentons dans l'Eucharistie y doive être de nouveau
effectivement détruite, parce que le Fils de Dieu a satisfait une fois
très-abondamment à cette obligation par le sacrifice de la croix, comme l'apôtre
saint Paul le prouve divinement dans son Epître aux Hébreux (2).
Tellement que le sacrifice de l'Eucharistie étant établi en commémoration, il
n'y faut chercher qu'une mort et mie destruction mystique, en laquelle la mort
effective que le Fils de Dieu a soufferte une fois pour nous soit représentée.
Tel est le sacrifice de l'Eglise
: sacrifice spirituel, où le sang n'est répandu qu'en mystère, où la mort
n'intervient que par représentation; sacrifice néanmoins très-véritable, en ce
que Jésus-Christ qui en est l'hostie, y est réellement contenu sous cette figure
de mort ; mais sacrifice commémoratif, qui ne subsiste que par sa relation au
sacrifice de la croix (3), et en tire toute sa vertu.
Sur le culte religieux, l'Eglise
catholique enseigne qu'il se doit rapporter à Dieu comme à sa fin nécessaire ;
et c'est pourquoi l'honneur qu'elle rend à la sainte Vierge et aux Saints fait
partie de la religion, à cause qu'elle leur rend cet honneur par relation et
pour l'amour de Dieu seul.
1 Hebr., X, 5 — 2 Ibid., VII, 27. — 3 Ut
relinqueret sacrificium, quo cruentum illud semel in cruce peragendum
repraesentaretur, ejusque memoria in finem usque saeculi permaneret, atque
illus salutaris virtus in remissionem eorum, quae a nobis quotidie committuntur,
peccatorum applicaretur. Conc. Trid., sess. XXII, cap. I.
312
Elle défend expressément de
croire aucune divinité ou vertu et efficace, dans les images, pour laquelle
elles doivent être révérées, ni d'y mettre et attacher sa confiance, et veut que
tout l'honneur se rapporte aux prototypes qu'elles représentent (1).
On peut connaître en quel esprit
elle honore les images, par proportion de l'honneur qu'elle rend à la croix et
au livre de l'Evangile. Tout le monde voit bien que dans la croix elle adore le
crucifié; et que si ses enfants inclinent la tète devant le livre de l'Evangile
et le baisent, tout cet honneur se termine à la vérité éternelle qui nous y est
proposée.
L'Eglise catholique nous apprend
à prier les Saints de se rendre nos intercesseurs, dans le même esprit de
charité et de société fraternelle que nous en prions les fidèles qui sont sur la
terre, avec cette différence qu'elle croit les prières de ceux-là sans
comparaison plus efficaces, à cause de l'état de gloire où ils sont. Néanmoins
elle n'impose aucune obligation aux particuliers de s'adresser à eux, et leur
conseille seulement cette pratique comme très-sainte! et très-profitable.
Elle croit avec toute
l'antiquité chrétienne, que plusieurs des fidèles trépassés sont en état d'être
soulagés par les prières et les sacrifices des vivants ; mais elle ne détermine
pas en quel lieu ils sont détenus, ni quelle est la nature et la matière de
leurs peines.
Elle honore l'Eglise romaine
comme la Mère et la Maîtresse de toutes les Eglises, Matrem ac Magistram
; et croit que l'apôtre saint Pierre et ses successeurs ont reçu de Jésus-Christ
l'autorité principale pour régir le peuple de Dieu, entretenir l'unité du corps
et conserver le sacré dépôt de la foi ; mais elle n'oblige pas à reconnaître
l'infaillibilité dans la doctrine ailleurs que dans tout le corps de l'Eglise
catholique.
Si Messieurs de la religion
prétendue réformée n'ont pas encore
1 Non quòd credatur inesse aliqua in iis divinitas vel
virtus, proter quam sint colendœ..., vel quòd fiducia in imaginibus sit figenda,
etc. Sed quoniam honos qui eis exhibetur refertur ad prototypa. .; ità ut per
imagines quas osculamur..., Christum adoremus, et sanctos quorum similitudinem
gerunt veneremur. Conc. Trid., sess. XXV, cap. de Invocatione,
etc.
313
les yeux ouverts pour connaître la vérité des articles
ci-dessus, tous ceux qui sont éclairés ne peuvent refuser d'avouer du moins,
selon leurs principes, qu'ils ne contiennent rien qui renverse les fondements du
salut.
J. B.
Bossuet, grand doyen de Metz.
L'essence du sacrifice de
l'Eucharistie, consiste précisément dans la consécration, par laquelle en vertu
des paroles de Jésus-Christ, son corps et son sang précieux sont mis réellement
sur la sainte table, mystiquement séparés sous les espèces du pain et du vin.
Par cette action précisément
prise, et sans qu'il y soit rien ajouté de la part du prêtre, Jésus-Christ est
offert réellement à son Père, en tant que son corps et son sang sont posés
devant lui, actuellement revêtus des signes représentatifs de sa mort.
Comme cette consécration se fait
au nom, en la personne et par les paroles de Jésus-Christ, c'est lui
véritablement et qui consacre et qui offre, et les prêtres ne sont que simples
ministres.
La prière qui accompagne la
consécration, par laquelle l'Eglise déclare qu'elle offre Jésus-Christ à Dieu
par ces mots : Offerimus, et autres semblables, n'est point de l'essence
dusacrifice, qui peut absolument subsister sans cette prière.
L'Eglise explique seulement par
cette prière qu'elle s'unit à Jésus-Christ qui continue à s'offrir pour elle, et
qu'elle s'offre elle-même à Dieu avec lui ; et en cela le prêtre ne fait rien de
particulier que tout le peuple ne fasse conjointement, avec cette seule
différence, que le prêtre le fait comme ministre public et au nom de toute
l'Eglise.
Cela étant bien entendu, il
paraît que cette oblation réelle du
314
corps et du sang de Jésus-Christ est une suite de la
doctrine de la réalité, et qu'il ne faut point demander à l'Eglise autre
commission pour offrir que celle qui lui est donnée pour consacrer, puisque
l'oblation en son essence c'est la consécration elle-même.
Je ne dis plus rien du rapport
de cette oblation avec celle de la croix, parce que je crois l'avoir assez
expliquée dans mon écrit précédent. Seulement il faut prendre garde d'éviter
l'équivoque du.mot d'offrir, ainsi que cet écrit le remarque, et tenir pour
très-assuré qu'on ne peut pas s'éloigner davantage de l'intention de l'Eglise,
que de croire qu'elle cherche dans le sacrifice de l'Eucharistie quelque chose
qui doive suppléer à quelque défaut du sacrifice de la croix, qu'elle sait être
d'un mérite, d'une perfection et d'une vertu infinis ; si bien que tout ce qui
se fait ensuite ne tend qu'à nous l'appliquer.
Lorsque l'Eglise catholique dit
ces mots : Offerimus et autres semblables, dans sa liturgie, et qu'elle
offre Jésus-Christ présent sur la sainte table à son Père par ces paroles, elle
ne prétend point par cette oblation présenter à Dieu ni lui faire un nouveau
paiement du prix de son salut, mais seulement employer les mérites et
l'intercession de Jésus-Christ auprès de lui, et le prix qu'il a payé une fois
pour nous en la croix.
J. B.
Bossuet, doyen de l'Eglise de Metz.
Monsieur ,
Vous m'obligerez beaucoup de
m'envoyer présentement, par ce porteur, les Actes du colloque de Poissy, dont
vous venez de me parler, et de marquer les endroits que vous estimez
considérables. Je les parcourrai avant mon départ, et donnerai bon ordre que le
livre vous soit soigneusement rendu. Je suis très-parfaitement à vous,
BOSSUET.
315
Monsieur ,
Je crois avoir déjà fait
quelques avances très-considérables pour l'affaire que vous m'avez recommandée.
J'espère qu'elle sera trouvée juste et raisonnable en votre personne : et comme
je n'ai pu encore aller à la Cour tant qu'elle a été à Fontainebleau, à cause
des occupations qui m'ont arrêté ici : à présent qu'elle est à Vincennes, je
prétends que dans peu de temps je pourrai vous en donner des nouvelles assurées,
et telles que vous les souhaitez.
Cependant je vous supplie de
voir le récit que j'ai dressé le plus simplement que j'ai pu des choses que nous
avons traitées, et d'avoir la bonté de dire à mon père ce que vous en jugerez,
et s'il y a eu quelque chose de plus ou de moins. Je vous garderai sur ce sujet
et sur toutes choses tel secret que vous prescrirez ; et de mon côté je
n'empêche pas que vous ne communiquiez tout ce que je vous ai donné par écrit, à
ceux à qui vous le jugerez à propos.
Permettez que je vous conjure de
nouveau de vous appliquer à la grande et importante affaire dont nous avons
parlé , et croyez que c'est de très-bonne foi et sans avoir dessein de tromper
ni de violenter personne, que l'on y veut travailler. Au reste je ne puis assez
vous dire combien je vous suis acquis, ni l'extrême désir que j'ai de vous faire
connaître que je suis de cœur, Monsieur, votre très-humble et obéissant
serviteur.
Bossuet,
grand doyen de Metz.
316
Je pense à M. Ferry, et verrai
avant mon départ tout ce qui se pourra faire pour lui. La Cour est un peu
difficile pour les moindres grâces qui ont quelque apparence de suite. J'y agis
comme pour moi-même.....
Je vous prie de rendre en main
propre à M. Ferry, cette lettre ou mémoire (a), et de lui dire que j'espère
faire, à son contentement, l'affaire qu'il m'a recommandée, et de le prier de
vous dire ce qu'il pense de ce mémoire...
Je vous prie de dire à M. Ferry
que j'ai parlé au Roi avec tous les témoignages d'estime dus à son mérite. Il me
reste à instruire M. le Tellier, que je n'ai pu encore voir. Je puis bien lui
dire néanmoins que l'affaire semble prendre un bon train. Les PP. Jésuites,
nommément le P. Armât, prennent fort bien la chose et entrent dans nos
sentiments...
(a) La lettre ni et la lettre iv renfermant
l’Explication de différent points de controverse.
317
Sur le sujet de M. Ferry, j'ai
parlé de son affaire au Roi et à M. le Tellier, avec tout le bon témoignage que
j'ai pu rendre de sa personne et de son mérite. On paraît disposé à l'obliger :
on désire savoir les termes du règlement, en vertu duquel on prétend l'exclure
du droit de faire fonction après qu'il aura un successeur, et les raisons
particulières qu'il a contre. Je suis instruit de ce dernier, il faut avoir les
termes du règlement. Vous pouvez l'assurer que je n'omettrai rien de ce qui
dépendra de moi pour son service.
Il est vrai que plusieurs
théologiens d'importance confèrent ici des moyens de terminer les controverses
avec Messieurs de la religion prétendue réformée, et de nous réunir tous
ensemble. Il y a quelques ministres convertis, fort capables, qui donnent des
ouvertures qui sont bien écoutées : ils procèdent sans passion et avec beaucoup
de charité pour le parti qu'ils ont quitté ; c'est ce que vous pouvez dire à M.
Ferry, et que très-assurément on veut procéder chrétiennement et de bonne foi.
Je fais un voyage de huit ou dix
jours ; à mon retour je ferai plus ample réponse à M. Ferry. Je vous supplie de
lui dire en attendant, que pour son affaire particulière on n'omettra rien ;
pour la générale, dont nous avons parlé ensemble, qu'on est persuadé qu'il y
peut beaucoup et qu'il a bonne intention. Il a bien pris
318
mes pensées, et plût à Dieu que tous eussent ses lumières
et sa droiture.
Voilà, Monsieur, les extraits au
vrai, que vous avez désirés de moi, des lettres de mon fils. Je vous demande
pour moi la satisfaction qu'il vous a plu me promettre de l'honneur de votre
conférence sur les points portés dans le mémoire que je vous ai mis en main de
la part de mon fils, de l'affection cordiale duquel je vous assure comme de la
mienne. Je suis, Monsieur, votre, etc.
Bossuet.
Faites-moi savoir quand il vous
plaira que je vous voie et chez vous et à votre loisir, sans incommodité, dès
aujourd'hui ou demain, pourvu que ce ne soit pas demain matin.
La dernière lettre que M.
Bossuet père m'a communiquée de M. son fils, ne portait autre chose, sinon ces
mots : « Je pense ou je crois qu'à force de tourner l'affaire de M. Ferry, nous
en tirerons quelque chose de favorable. » Et parce que je n'avais rien répondu
en la mienne du 2 décembre 1666, à ce qu'il m'avait écrit dans sa précédente,
touchant l'invocation des Saints, parce que je voyais bien que nous ne
tomberions pas d'accord facilement sur cet article, qu'il voulait être laissé
dans le culte public, il ajoutait à son père qu'il reconnaissait bien que ces
matières ne se pouvaient traiter commodément, que dans des entretiens familiers
et en présence.
319
Nous sommes demeurés d'accord
que nous étions obligés de part et d'autre de travailler de tout notre pouvoir à
remédier au schisme qui nous sépare, et fermer une si grande plaie.
Je lui ai dit que, de notre
part, la disposition était plus grande que jamais pour s'y appliquer et en
chercher les moyens :
Que le plus nécessaire de tous
était de nous expliquer aimablement, et que le temps et l'expérience ayant
montré qu'il y avait beaucoup de malentendu et de disputes de mots dans nos
controverses, on a sujet d'espérer que par ces éclaircissements elles seront ou
terminées tout à fait, ou diminuées considérablement :
Que pour cette raison, un grand
nombre de nos théologiens étaient résolus de chercher les occasions de conférer
de ces matières avec les ministres que l'on croirait les plus doctes, les plus
raisonnables et les plus enclins à la paix ; et que l'ayant toujours cru tel,
j'aurais grande joie que nous puissions nous ouvrir à fond, comme aussi lui de
son côté en a témoigné beaucoup.
Il nous a semblé à tous deux
qu'un siècle et demi de disputes devait avoir éclairci beaucoup de choses, qu'on
devait être revenu des extrémités, et qu'il était temps plus que jamais de voir
de quoi nous pouvions convenir.
Il a trouvé bon et nécessaire
d'examiner les causes principales qui ont éloigné de nous ceux de sa communion,
et de considérer ce qui serait à expliquer de leur part ou de la nôtre, pour
faire qu'ils pussent ou revenir tout à fait à nous, ou du moins se rapprocher.
Nous sommes convenus que la
question préalable et qu’il fallait poser pour fondement, était de savoir si les
dogmes pour lesquels
320
321
ils nous ont quittés, détruisaient selon leurs principes
les fondements du salut.
Etant entrés dans le détail, il
a accordé que l'article de la réalité dans l'Eucharistie ne détruisait pas ce
fondement, vu que ni nous ni les luthériens ne dénions point la présence de
Jésus-Christ dans le ciel en la manière ordinaire des corps.
Quant à la transsubstantiation,
il a reconnu que les siens soutenaient aux luthériens que nous raisonnions en
cela plus conséquemment qu'ils ne font, et que c'était un des arguments dont ils
se servaient contre eux.
Et pour l'adoration, il a dit
qu'il ne pourrait ni l'improuver ni la condamner en ceux qui croient en la
présence de Jésus-Christ dans le saint Sacrement.
Sur le sacrifice de
l'Eucharistie, après les explications que je lui ai données par écrit, il est
demeuré d'accord qu'il n'y avait plus de difficulté. Et toutefois je n'ai rien
avancé qui ne soit approuvé universellement parmi les nôtres; et très-assurément
l'Eglise se contentera que nos adversaires en conviennent : ce qui doit donner
grande espérance de s'accorder dans les autres points, pourvu qu'on veuille
s'entendre, puisqu'on a pu convenir de celui-ci, sur lequel lui-même avait cru
qu'il y aurait le plus de peine:
A l'égard de la justification,
il est aussi convenu d'abord qu'en nous entendant bien, toute la question se
résoudrait ou à des disputes de mots ou à des choses très-peu nécessaires ; en
telle sorte qu'il n'y aurait pas de difficulté pour cet article, qui est
néanmoins le principal et le plus essentiel de tous.
Au sujet des prières adressées
aux Saints, je l'ai fait souvenir qu'il avait écrit et enseigné formellement
dans son Catéchisme, qu'elles n'avaient pas empêché nos pères d'être sauvés,
pourvu qu'ils aient mis toute leur confiance en Jésus-Christ ; et il est demeuré
d'accord de l'avoir ainsi enseigné.
Après que je lui eus exposé ce
que dit le concile de Trente qu'il ne faut point attacher sa confiance aux
images, ni croire en elles aucune vertu pour laquelle elles doivent être
honorées, mais
1 Sess. XXV.
321
qu'on ne leur rend aucun honneur qu'en mémoire et par
relation à ceux qu'elles représentent, il n'y fit pas, la première fois que nous
en parlâmes, beaucoup de difficulté ; mais une seconde fois il s'y arrêta un peu
davantage, me faisant néanmoins connaître que l'on pourrait convenir en cet
article et en celui de la prière des Saints, à cause que nous ne reconnaissons
aucune obligation aux particuliers de pratiquer ces choses.
En effet, de là on peut voir que
nous sommes bien éloignés de mettre l'essentiel de la religion dans ces
pratiques, qui ne font partie du culte religieux qu'autant qu'elles se
rapportent à Dieu, qui en est la fin essentielle et dernière.
Nous parlâmes peu du purgatoire
et de la prière pour les morts, mais lui ayant récité mot à mot les passages de
saint Augustin dans le Manuel à Laurent (1), et dans les Sermons
XVII (2) et XXXII (3) des Paroles de l’Apôtre, où il distingue nettement
trois sortes de morts, dont les uns sont très-bons et n'ont pas besoin de nos
prières, les autres très-mauvais, et ne peuvent en être soulagés, les troisièmes
comme entre deux et reçoivent un grand secours par les vœux et les sacrifices de
l'Eglise, ce qui est en termes formels la doctrine que nous professons, il
n'approuva pas cette créance; mais lui ayant demandé s'il se serait séparé pour
cela de la communion de saint Augustin, il me répondit que non.
Nous n'avons parle que de ces
articles ; et en les traitant nous ne sommes pas entrés dans la question ,
savoir s'il les faut croire ou non, mais seulement dans celle s'ils renversent
le fondement du salut ; et cela in ayant donné sujet de lui demander quel était
ce fondement du salut, il a décidé nettement, ainsi qu'il l'avait déjà fait dans
ses écrits, que c'était celui de la justification et de la confiance eu Dieu par
Jésus-Christ seul, qu'il a appelé le sommaire de la religion chrétienne, et sur
lequel nous avons reconnu plusieurs fois que nous conviendrions très-facilement,
pourvu que nous voulussions nous entendre.
Je lui ai rapporté sur ce sujet
quelques endroits du concile de Trente, où il est déclaré que le chrétien n'a de
« confiance qu'en
1 Enchirid. Cap. CIX et CX, n. 29.— 2
Cap. I, nunc serm. CLIX, n. 1.— 3 Cap. II, nunc serm. CLXXII, n. 2.
322
Jésus-Christ; » et la prière que nous faisons tous les
jours dans le sacrifice de la messe en ces mots : Nobis quoque peccatoribus,
de multitudine miserationum tuarum sperantibus, partem aliquam et societatem
donare digneris cum beatis apostolis tuis et martyribus, intra quorum nos
consortium non œstimator meriti, sed veniœ quœsumus largitor admitte, per
Christian Dominum nostrum.
Ainsi puisqu'il est constant
qu'on ne peut nous accuser de nier ce fondement du salut, je crois qu'il
est impossible de n'avouer pas que notre doctrine ne renverse point ce principe
essentiel de la foi et de l'espérance du chrétien.
Sur cela m'ayant demandé si,
quand lui et les siens seraient demeurés d'accord que notre doctrine ne détruit
pas les fondements du salut, nous croirions les pouvoir obliger par là à la
professer, et par conséquent à embrasser notre communion : je lui ai répondu
nettement que ce n'était pas ma pensée, et ai reconnu que c'étaient deux choses
à examiner avec eux séparément, savoir si une doctrine était véritable ou
fausse, et savoir si elle renversait le fondement du salut ou non ; que l'aveu
de ce dernier ne tirait point à conséquence pour l'autre, et qu'il ne pouvait
les engager à autre chose qu'à confesser que de tels dogmes dévoient être
supportés, mais non pour cela avoués ni professés.
J'ai ajouté toutefois que ce
serait toujours une grande avance de convenir de ce point, si nous pouvions ;
que c'était par celui-là qu'il fallait commencer de traiter de la réunion et le
poser pour fondement; que quand nous ne pourrions pas aller plus avant quant à
présent, ce serait toujours beaucoup d'avoir levé un si grand obstacle ; que si
lui ou les siens pouvaient être persuadés de ce point, ils étaient obligés en
conscience de rendre ce témoignage à la vérité, surtout s'ils en étaient requis
; que l'obligation de remédier au schisme était telle, qu'il n'y avait point de
salut pour celui qui refuserait non-seulement de conclure, mais même d'acheminer
cette affaire par toutes les voies raisonnables ; et que quand nous ne pourrions
pas tout terminer d'abord, la charité chrétienne nous obligeait
indispensablement de donner toutes les ouvertures possibles à ceux qui
travailleront après nous
323
à un ouvrage si nécessaire, et de diminuer autant qu'il se
pourrait nos disputes et nos controverses ; et tous ces articles ont passé entre
nous comme indubitables.
M. Ferry m'ayant dit que c'était
une entreprise digne du Roi de travailler à un si grand œuvre, j'ai répondu que
cette affaire regardant la religion et la conscience, devait être premièrement
traitée entre les théologiens, pour voir jusqu'à quel point elle pourrait être
acheminée ; mais qu'il ne fallait nullement douter que la piété du Roi ne
l'engageât à faire tout ce qui se pourrait pour un ouvrage de cette importance,
sans violenter en rien la conscience des uns ni des autres, de quoi on savait
que Sa Majesté était entièrement éloignée.
Bossuet,
grand doyen de l'église de Metz.
LETTRE XV.
MAIMBOURG (1) A FERRY.
A Paris, ce 8 septembre 1666.
J'ai reçu vos deux lettres, qui
me furent rendues avant-hier au matin par notre correspondant, bien fermées et
en fort bon état. Je ne saurais vous exprimer la joie et la consolation qu'elles
m'ont données, à cela près que j'ai quelque déplaisir de ce qu'il semble que ma
paresse vous ait donné sujet de croire pour quelque temps, que j'eusse oublié la
personne du monde pour qui j'ai le
1 Théodore Maimbourg quitta le parti de l'Eglise
catholique, et embrassa celui de la religion prétendue réformée. Pour justifier
son apostasie, il écrivit une lettre à son frère, qui fut imprimée en 1659. On a
de lui une Réponse sommaire à la Méthode du cardinal de Richelieu, qu'il
dédia à madame de Turenne, et dont il est parlé dans cette lettre. Il y prit le
nom de la Ruelle, et envoya le manuscrit à Samuel Desmarets, qui le
publia à Groningue l'an 1664; édition dont il se plaignait beaucoup, comme on le
verra par cette lettre. Quelque éloigné qu'il parût de l'Eglise catholique, il
ne laissa pas d'y rentrer en 1664, et il y était lorsque le livre de l’Exposition
de la Foi catholique, de M. Bossuet, parut; mais peu après il l'abandonna
une seconde fois, et se retira en Angleterre, où il fut chargé de l'éducation
d'un fils naturel de Charles II. Ce fut là qu'il publia une fort méchante
Réponse à l'Exposition, en 1688. Il l'avait annoncée à ses amis avant que de
lever le masque, et c'est ce qui donna lieu à la Bastide, protestant, de dire
qu'un catholique écrivait contre l'Exposition... Il mourut à Londres vers l'an
1693. (Edit. de Déforis.)
324
plus de vénération, d'estime et de tendresse; mais Dieu
soit loué de ce que ma dernière m'a justifié dans votre esprit, et a effacé ces
lâcheuses impressions, comme vous me faites la grâce de m'en assurer.
Pour ma réponse au livre de M.
le cardinal de Richelieu, les reproches que vous me faites sur ce sujet me font
trop d'honneur. Cet ouvrage, Monsieur, dans l'état où il est, n'est pas
assurément digne de vous; et les choses qu'on y a fourrées en plus de deux cents
endroits, nie font tant de honte, que j'avais résolu de le désavouer absolument.
Ceux qui avaient pris le soin de l'impression n'ont pas eu celui de m'en faire
donner quelques exemplaires; néanmoins il faut tâcher d'en recouvrer quelqu'un
pour vous satisfaire, et c'est une commission que je donnerai à Varenne, parce
que j'en ai cherché inutilement jusqu'ici.
Venons, s'il vous plait, à ce
qu'il y a d'essentiel dans notre commerce; et commençant par M. Daillé , je vous
dirai, Monsieur, que je nai pas cru qu'il fût à propos de lui communiquer vos
deux premières lettres, ne sachant pas s'il trouvera bon que je vous eusse écrit
sans sa participation ce qu'il m'a confié. Il serait, ce nie semble, plus à
propos que nous plissiez la peine de m'en écrire une où il ne fût parlé en
aucune façon de l'avis que j'ai pris la liberté de vous donner, mais seulement
du désir que vous avez de vous expliquer nettement, et à lui et à moi, des
choses que vous craignez qu'on n'ait prises tout au rebours de votre pensée et
de la sincérité de vos intentions, comme quelques-uns semblent déjà l'avoir fait
sans désigner pourtant personne. J'enverrais cette lettre à M. Daillé avec mie
autre de ma façon, pour appuyer de mon petit raisonnement ce que vous auriez
avancé pour l'accomplissement d'un dessein aussi juste et aussi salutaire que
celui qui vous est proposé, et sur la réponse qu'il me ferait nous verrions
quelles mesures il y a à prendre et à garder avec lui.
Pour les assemblées dont on vous a parlé, je vous dirai
aussi que je sais très-certainement qu'il s'en tient ici entre des personnes
très-habiles, où l'on traite des moyens de ramener les esprits. Je sais de plus
avec la même certitude, qu'il y a des
325
personnes d'autorité qui ont bon ordre de tout écouter. A
la vérité, je vois bien qu'on ne veut pas sonner le tambour, de peur
d'effaroucher les esprits; mais je crois savoir par des voies aussi certaines,
que L'autorité se déclarera quand il faudra, et que ce ne sont pas les voies
violentes, mais plutôt celles de la douceur qu'on veut tenter. Il est bien vrai
néanmoins que la disposition est plus éloignée que jamais de favoriser nos
églises, ni de faire aucune grâce au général; mais on favorisera sans doute, et
de la lionne manière, le dessein de la réunion en général.
J'ai eu l'honneur de voir M.
l'abbé Bossuet, selon que vous me l'aviez prescrit. Je vous assure qu'il a pour
votre chère personne tous les sentiments d'estime et d'amitié qu'on peut avoir
pour un des plus grands hommes, des plus sages et des mieux intentionnés de
notre siècle. C'est ainsi qu'il parle de vous, avec épanchement de cœur; et il
est difficile de l'entendre sur ce chapitre, sans ajouter encore quelque chose
aux sentiments les plus avantageux qu'on aurait déjà conçus de votre mérite.
Il est vrai qu'il a eu la bonté
de inexpliquée les choses avec tant de netteté et d'équité, et qu'il les met
dans un si beau jour, qu'il ne me reste plus de difficulté sur les matières que
vous avez déjà examinées ensemble. Après lui avoir fait voir tous les articles
de votre lettre qui le regardaient, il m'a montré tous les écrits qu'il vous
avait envoyés, tant à Metz qu'ici. Je ne m'étonne pas, après des
éclaircissements si considérables, que vous vous sentiez obligé d'approfondir
ces matières selon toutes les ouvertures que l'on vous donnera et je trouve en
effet que l'on ne s'est jamais expliqué si clairement.
Je lui ai témoigné là-dessus que
je doutais fort qu'il fût avoué de ces choses; mais il s'est moqué de ma
crainte, et m'a demandé en riant si je le croyais homme à vouloir s'exposer à un
désaveu; puis reprenant sérieusement, il m'a dit qu'il n'avançait rien de
lui-même ; qu'à la vérité Ions n'expliquaient pas les choses avec une égale
netteté, mais que tous convenaient de ce fond ; et que plût à Dieu qu'il ne tint
plus qu'à l'aveu; que pour lui il n'avait jamais enseigné, ni été enseigné, ni
cru autrement : qu'au reste il était bien certain que sa doctrine était conforme
au concile
326
de Trente et aux théologiens de sa communion : mais qu'il
n'était pas nécessaire d'entrer avec nous dans cette discussion, qu'il fallait
voir si nous pourrions convenir, indépendamment de tout cela, et s'attacher au
fond des choses. Il a persisté dans tout ce qu'il vous a écrit sur le sacrifice,
sur la justification et les autres points. Il m'a souvent interpellé moi-même si
j'avais été enseigné d'une autre manière, lorsque j'étais dans leur communion ;
et il est vrai que mes notions étaient fort semblables ou fort approchantes, que
ceux qui s'expliquaient bien et qui étaient les plus habiles tenaient un même
langage. Il parle d'une manière à bien soutenir ses sentiments parmi les siens,
et à y faire venir beaucoup d'autres. Et ce qui m'a le plus satisfait, c'est que
je suis convaincu pleinement de sa sincérité, que je puis vous répondre de
toutes les paroles qu'il vous a données et qu'il vous donnera à l'avenir. Je
vous supplie, Monsieur, de faire fondement là-dessus, et d'être bien persuadé,
comme je le suis, qu'il ne permettra jamais que sur les avances que vous vous
serez laites l'un à l'autre, on vous pousse plus loin que vous ne voudriez
aller. Il m'a répété plusieurs lois que s'il reconnaissait que l'on ne procédât
pas de bonne foi, aucune considération ne pourrait l'empêcher de se retirer de
la chose et d'en avertir ses amis, étant très-persuadé que Dieu ne veut pas être
servi par de mauvaises voies, et qu'il faut poser pour un fondement inébranlable
la sincérité et la droiture en toutes sortes de négociations, mais
particulièrement en celle-ci.
Je ne dois pas vous omettre
qu'en parlant du sacrifice de la messe, il ne m'a pas dit précisément que tout
ce que le prêtre dit après ces paroles : Hoc est, etc., fût inutile; mais
bien que ce n'était point en cela qu'était l'essence de l'action du sacrifice,
et que très-certainement tous les théologiens catholiques en étaient d'accord,
même qu'absolument le sacrifice pouvait être accompli en son essence sans ces
prières ; ce qui est la même chose que ce qu'il vous a donné par écrit.
Il m'a bien dit en passant .
qu'il y a de vieux préjugés dont nous aurions peine, et vous en particulier, à
revenir; mais il ne laisse pas d'être fort satisfait de votre conférence : il
dit que vous
327
entrez dans le fond mieux que personne; que vous êtes
solidement docte, d'un esprit doux, paisible et parfaitement bien tourné. Vous
pouvez juger, Monsieur, si j'ai fait un écho aux plus justes louanges et aux
plus véritables qui aient jamais été données.
J'ai cru aussi que, pour
satisfaire à vos intentions qui m'étaient marquées par votre lettre, je devais
m'informer pour quelle raison on s'était adressé particulièrement à vous; et il
m'a dit qu'il ne savait pas quelles pouvaient être les pensées des autres
là-dessus ; mais qu'il présumait bien que ce ne pouvait être que votre grande
réputation, votre capacité et votre manière d'agir si civile et si raisonnable,
qui fait qu'on a mieux aimé entrer en commerce avec vous qu'avec d'autres qui
n'ont pas les mêmes qualités , mais que pour lui outre cela il avait ses raisons
particulières : que monsieur son père et lui avaient toujours été liés d'amitié
avec vous ; que s'il avait eu les mêmes liaisons avec vos autres confrères, il
leur aurait parlé sans difficulté et leur aurait dit les mêmes choses, même à M.
Daillé, s'il le connaissait ; qu'il en chercherait les occasions, et n'en
perdrait aucune de s'expliquer de la même sorte avec tous ceux qui voudraient y
entendre.
Enfin, Monsieur, il a traité
avec moi d'une manière qui me fait trop voir que l'on y peut prendre une entière
confiance. Mais, sans cela, je puis vous dire que j'ai trop bien éprouvé sa
sincérité, sa fidélité et son zèle, même à bien servir ses amis, depuis plus de
douze ans que j'ai l'honneur de le connaître, pour en douter aucunement.
Je sais de plus par l'organe du
Père Maimbourg, mon cousin, que les Jésuites de Metz ont écrit de vous fort
avantageusement et en termes pleins d'estime au Père Annat; que cette compagnie
entre fort dans le dessein de la réunion en général; et puisque ceux-là y
entendent, il juge qu'il faut de nécessité que le concours soit universel, et
que les dispositions y soient très-grandes.
A Dieu ne plaise donc, Monsieur,
que nous apportions de notre cote quelque obstacle à une œuvre si désirée, et
que la Providence semble déjà avoir si fort avancée; et puisque vous m'ordonnez
de dire mon sentiment sur votre procédé en cette rencontre,
328
je ne puis que louer infiniment votre inclination pour la
paix, et pour entendre les explications et ouvertures qui y conduisent,
particulièrement dans un temps où nous sommes menacés de la dernière désolation,
si nous ne prenons comme il faut et comme vous faites, ce seul expédient qui
nous est offert pour nous sauver.
Je suis à la source des choses;
j'ai des habitudes et des connaissances assez considérables pour pénétrer assez
avant dans l'état de nos affaires; et pour vous dire beaucoup de choses en un
mot, il est temps de penser sérieusement à la paix, et je serais fâché que les
premières ouvertures vous en ayant été faites, vous n'eussiez pas la gloire
toute entière de sa conclusion, pour couronner une aussi belle vie que la votre.
De tous côtés on nous quitte, et ministres et gens de condition; car je dis
qu'on nous quitte, quand je sais qu'on est sur le point de nous quitter, et
qu'on ne fait autre chose que chercher une belle porte pour sortir et pour se
retirer.
Je suis persuadé, aussi bien que
vous, que l'accord n'est pas impossible; et le vrai, le sur et l'infaillible
moyen est de faire ce que vous avez fait, qui ne peut réussir qu'à la gloire de
Dieu, et au repos universel de son Eglise et do son royaume. Surtout il n'y a
rien de plus nécessaire ni de plus juste que la résolution que vous avez prise
de répondre en sincérité, quand vous vous serez enquis de quelque chose, et
d'aider à la réduire au dernier point où elle pourra être mise, par les
éclaircissements que vous pourrez y donner. Si tout le monde agissait de cette
manière, on irait bien loin. Il ne faut point feindre de dire nettement ce qu'on
pense, quand on ne pense que bien, que paix et que réunion. A la vérité les
esprits mal faits en tirent quelquefois de mauvaises conséquences, auxquelles il
faut obvier autant qu'on peut; mais aussi faut-il avouer de bonne foi tout ce
qui est véritable, et diminuer par ce moyen, autant qu'on le peut, les
controverses qui nous séparent.
J'ai trouvé très-raisonnable ce
que M. l'abbé Bossuet vous a écrit là-dessus; et y ayant fait réflexion, j'ai
pensé que c'était cette raison-là, de dire la vérité tout simplement, qui avait
dù
329
obliger M. Daillé et le synode de Charenton de dire ce
qu'ils ont dit sur le sacrement de la Cène, sans se mettre en peine des
avantages que l'on en voudrait tirer, nonobstant lesquels ils ont bien fait
d'enseigner la vérité : et ce serait bien fait aussi de taire de même, dans tous
les autres points où l'on pourrait s'accorder. Je ne vois donc pas qu'il faille
écouter ici les sentiments de réserve que quelques-uns proposent. On se défendra
toujours bien des mauvaises conséquences, des abus et des surprises ; et il ne
faut jamais craindre d'avouer et de déclarer ce qui sera trouvé véritable.
Vous avez grande raison
d'appréhender les syncrétismes et accords qui ne subsistent que dans des paroles
ambiguës et équivoques. Mais de la manière dont vous traitez les choses, on
viendra au dernier point d'éclaircissement, on verra à pur et à plein de quoi on
pourra convenir, et ce qui se pourra faire pour mettre en repos la conscience
d'un chacun. Le premier bien qui pourrait revenir d'une réunion serait celui-ci,
qu'entrant dans mie même communion sous des explications raisonnables, on
bannirait en peu de temps tous les abus grossiers qui se sont glissés depuis
quelques siècles dans la religion chrétienne. Je vous supplie de peser bien ceci
: Intelligenti pauca.
Les affaires de la maison où je
suis engagé m'obligent à partir demain pour y retourner, chargé des ordres et
des arrêts nécessaires pour arrêter le cours des vexations que nous souffrions
depuis quatre mois par la chicane d'un curé et d'un chapitre de chanoines, nos
voisins, qui croyaient se prévaloir du temps. Mais, Monsieur, si nous pouvons
lier un commerce entre nous trois, je veux dire M. de Bossuet, vous et moi, le
chemin serait bien plus court, en lui adressant tout droit les lettres que vous
me ferez l'honneur de m'écrire sur cette matière, vous réservant toujours
pourtant la liberté de m'écrire tout ce qu'il vous plaira par la voie de M.
Gamart, qui me fera tenir vos lettres en toute sûreté; ; et je vous assure que
cette correspondance entre nous trois est, si je ne me trompe, très-conforme à
la sincérité de nos intentions. Toutefois, Monsieur, je soumets cela à votre
prudence et discrétion. Envoyez-moi le chiffre, s'il vous plaît, mais qu'il
330
soit le moins embrouillé et le moins difficile qu'il se
pourra; et surtout informez-moi bien de votre santé si précieuse en ce temps-ci.
Je vous embrasse du plus tendre de mon cœur, et suis au delà de tout ce que je
puis dire, Monsieur, votre très, etc.
DE PLERVILLE
(a).
J'oubliais à vous dire que je me
suis rencontré avec un nommé M. de la Parc, ci-devant ministre de Montpellier et
maintenant catholique romain. C'est un de ceux qui s'appliquent le plus à
proposer les ouvertures de réunion, et le fait dans des sentiments assez
équitables, à ce qui paraît. C'est mi homme savant et modéré , et qui a ici des
entrées, des habitudes et même de la créance qui peuvent beaucoup avancer les
choses. Mais je ne me suis expliqué de rien à lui, ne le connaissant pas assez ;
car je crois qu'il est toujours bon de se tenir un peu sur ses gardes, mais non
pas toutefois jusqu'au point que nous fermions la bouche et que nous ôtions les
moyens à ceux qui travaillent à un si grand bien. Mandez-moi, Monsieur, de
quelle sorte vous voulez que je me conduise en de pareilles rencontres, et avec
des personnes qui sont dans cette disposition ; car je vous assure qu'il s'en
trouve beaucoup tous les jours, et au dedans et au dehors.
Monsieur ,
Au même temps que monsieur votre
père m'eut fait l'honneur de me rendre votre chère lettre et le Mémoire dont il
vous a plu l'accompagner, il me remit à vous faire réponse quand il serait de
retour d'un petit voyage de huit ou dix jours, dont il n'est revenu que depuis
deux ou trois seulement. Pendant cela je me suis tiré des bains, et ai mis fin à
l'usage des remèdes pour
(a) Il prenait ici ce nom factice, mais son vrai nom était
Maimbourg, tel qu'il le signera dans la lettre qui suivra. (Edit. de Déforis.)
331
autant de temps qu'il plaira à Dieu. Je n'ai pas laissé
d'être entièrement inutile au dessein que vous me recommandiez. J'ai reçu avis
de Paris qu'on m'y avait rendu de mauvais offices, et n'ai pas laissé de
convaincre l'auteur, sans l'en accuser, que j'avais raison d'en user comme j'ai
fait, et qu'il ne se pouvait pas mieux autrement. Par là je l'ai rendu
susceptible d'un meilleur sentiment. J'espère même d'y faire entrer ceux de ce
même rang, en les y attirant sans qu'ils s'aperçoivent que l'on en soit
empressé.
J'ai dit, comme vous m'avez
ordonné , à monsieur votre père quelques petites remarques de mémoire sur
quelques articles de notre histoire que vous avez pris la peine de mettre par
ordre ; mais ce sont choses qu'il faut traiter en personne, et pour cela
j'attends la vôtre précieuse, le temps approchant auquel vous me l'avez fait
espérer, et je souhaite que raccommodement qu'on vous propose soit digne de
votre approbation. Alors , Monsieur, nous pourrons nous faire entendre à loisir
l'un à l'autre sur les choses déjà traitées et sur celles qui restent encore à
l'être.
Sur le général, vous m'avez tant
dit et tant fait dire, et tant écrit de si bonnes choses, que je commence à
mieux espérer, et à me sentir vous être plus obligé que je n'aurais cru, pour
l'honneur que vous m'avez fait de me donner la première part à cette
communication. Celui qui a eu l'honneur de vous voir (a) à ma prière, en est si
bien persuadé, qu'il n'a pas fait moins d'efforts sur moi pour cela, qu'il en
faudrait pour convertir une multitude d'incrédules. Mais, Monsieur, les grands
biens que vous lui avez dits de moi, où je pense reconnaître votre style, me
mettent et me tiennent en une confusion agréable : car ne pouvant douter sans
crime de la pureté de votre âme, et ne pouvant pas croire ce qu'il m'en a écrit
sans perdre le reste de ma modestie et sans me mettre en danger d'être pris pour
un autre, je vois en cela un malentendu de votre part qui m'est si avantageux,
que quand tous les avis seraient éclaircis, je dois désirer que celui-là ne le
soit jamais. Croyez donc, Monsieur, s'il vous plait, que c'est le seul
(a) Théodore Maimbourg, le même qui a écrit la lettre qui
précède celle-ci Déforis.)
332
que je prendrai à tâche de faire durer, et crue je ferai
tout ce qui me sera possible pour vous y entretenir, en continuant d'agir de la
manière que j'ai commencé, et que vous approuvez, et que je ne m'en cacherai à
personne, parce qu'il n'y a rien Que de salutaire et que d'honorable.
Je ne sais maintenant comment
passer d'un si bel endroit des choses que vous lui avez dites de moi, à ceux de
deux ou trois de vos lettres, où monsieur votre incomparable père a pris la
peine de me lire deux ou trois fois les favorables témoignages que vous avez eu
la bonté de hasarder de moi en de si grands lieux, que je n'ose pas même
prononcer après vous, parce que ce n'est pas à moi que vous les avez nommés, et
que je ne les lui ai pas osé seulement demander par extrait. Et c'est, Monsieur,
m'engager avec vous d'une manière bien rare et bien extraordinaire. Vous n'avez
pourtant rien obligé qui ne soit à vous, et dont vous ne puissiez toujours
répondre. J'ai seulement à pourvoir qu'on ne vous puisse reprocher en ce sujet
le défaut des grands hommes, d'avoir volontiers trop bonne opinion de ce qu'ils
aiment, parce qu'ils le veulent aimer. C'est aussi sans doute ce que je tâcherai
au moins de faire de bonne foi, quelque succès que Dieu veuille donner à
l'affaire que vous conduisez si bien, qui me sera toujours glorieuse d'avoir été
portée si haut, et de n'y avoir pas été trouvé indigne de votre protection.
Cependant, Monsieur, pour n'y défaillir point de ma part en ce que je puis
faire, je vous envoie, comme vous m'avez ordonné, un gros paquet des choses qui
la concernent : car j'ai cru ne pouvoir point vous représenter mieux au naturel
les termes du règlement que vous désirez, que par les pièces entières. Vous y
verrez, Monsieur, celle de M. le lieutenant-général et les deux sur lesquelles
il l'a appuyée : la première qui est un arrêt du 2 de mai 1631, détruite
expressément par la bouche sacrée du Roi, parlant deux ans après, mise en un
autre arrêt contradictoire du 22 septembre 1633 avec ample connaissance de
cause; et l'autre qui est l'apostille en réponse à l'article de Messieurs de
votre clergé, laquelle ne casse point le prétendu intrus, ne nous réduit point
au nombre de quatre, ne défend point de prêcher, sinon sans
333
permission, mais seulement de ne pas augmenter notre
nombre, ce qu'aussi nous n'avions point fait. Mais. Monsieur, ces pièces n'ont
servi que de prétexte : car je sais de la propre bouche de l'original que le
vrai motif a été de me réduire à quitter tout à fait la chaire à mon gendre,
comme on croyait et qu'il y avait apparence de croire, en l'état où j'étais
alors, que je le ferais plutôt que de laisser partir mes enfants d'avec moi ; de
sorte que m’étant résolu au contraire, il est avenu contre l'intention de ceux
qui m'ont procuré ce déplaisir, que je la remplis toute entière, et prêche deux
fois plus que je n'aurais fait.
J'ai encore, Monsieur, à vous
faire une très-humble prière, qui est de vous souvenir de cette attache qui
m'est de la dernière importance, et qui doit me servir pour le rang après tout
le reste. Pour cela il me serait nécessaire de l'avoir par devers moi par forme
de brevet, et même qu'on n'en sût rien à présent, afin qu'il ne semble point à
personne que je l'eusse obtenue par quelque engagement, qui serait un soupçon
fort aisé à prendre et bien contraire à mes intentions. Mais enfin je
m'aperçois, Monsieur, que c'est faire une trop longue lettre, à un homme de
votre dignité, de mes affaires particulières qui ne vaudront jamais la peine que
vous avez eue de la lire, et encore moins celle que vous avez prise d'en tant
parler, ni la hardiesse que j'ai eue de les mettre entre vos mains, où je vous
supplie pourtant me permettre que je les laisse, comme je fais aussi en celles
de Dieu, auquel je recommande aussi les vôtres de tout mon cœur, dont il sait
toutes les intentions, qui sont assurément celles que je vous ai protesté
d'avoir, et entre autres, celle de vivre et de mourir votre, etc.
Monsieur,
Je crois qu'il serait superflu
que je misse beaucoup de temps à vous assurer que votre lettre du 8 m'a bien
apporté de consolation.
334
Outre la qualité naturelle que votre style a de plaire,
cette dernière est si bonne à vous exprimer sur les choses qui me touchent, et
si riche en particularités de l'affaire dont vous parlez, que j'en suis comblé;
et à chaque fois de plusieurs que je l'ai lue, j'y ai toujours trouvé quelque
nouvelle bonté et quelque richesse cachée, tellement que ma joie s'en accumule
tous les jours. Et quoique je n'aie pas dû différer à vous en rendre toutes les
grâces que j'en puis concevoir, je ne pense pas être encore au bout de bien
savoir ce que je vous en dois. Je l'ai lue presque toute entière au Père de
Rhodes, jésuite et procureur du collège, qui l'a admirée en toutes ses clauses
et en tout son contexte : c'est celui de la maison avec lequel j'ai lié plus
d'amitié. Il a pris grand soin de moi durant mes longues et âpres douleurs ; m'a
amené un de sa robe qui se tient au Pont-à-Mousson, et qui fait la médecine avec
grande réputation, et est souvent venu demander des nouvelles à ma porte, sans
entrer, pour ne donner lieu à aucun soupçon, ni ne me causer le scandale que le
génie qui en a écrit par-delà n'a pu éviter, ou qu'il n'a pas été marri de
trouver.
Je vous dirai ici en passant,
puisque j'y suis tombé, que j'aurai bien de la peine à me résoudre de vous
écrire une nouvelle lettre sur le gros de l'affaire, puisque celui qui vous en a
parlé ne l'a pas fait à dessein que je le susse, et ne vous a pas considéré
assez mon ami pour croire que vous m'en dussiez rien apprendre, et ni moi le
sien pour vouloir que je fusse informé d'une chose dont il a dû croire que je
devais être averti. Il suffira, s'il vous plaît, quand vous le verrez, de lui
faire à fond cette histoire, je veux dire celle de la proposition qui m'a été
faite, et de la manière que je m'y suis conduit jusqu'à présent.
Après ces parenthèses et
retournant au principal sujet de nos lettres, je vous dirai, Monsieur, que j'ai
eu une raison particulière de communiquer une partie de votre dernière à ce
personnage; c'est qu'il me dit, il y a quelque temps, qu'il avait écrit de moi
au Père Annat, et lui avait répondu de ma sincérité, autant qu'il désirait qu'il
fût assuré de la sienne : et une personne d'honneur, qui a vu sa lettre,
m'assura encore hier qu'elle portait que je suis un homme incorruptible et non
intéressé, et lui
335
en donnait quelques marques que je crois qu'il n'ignorait
pas : de sorte qu'ayant trouvé en la vôtre ce que le Père Maimbourg votre cousin
vous en a dit, j'ai été bien aise de lui donner le contentement qu'il m'a
témoigné recevoir de cette preuve que j'avais de la vérité de son dire, et de
prendre cette occasion, en le remerciant, de l'assurer que j'en veux toujours
être persuadé. C'est le premier qui m'a fait l'ouverture de ce grand dessein, et
me la fit d'une manière sérieuse et si franche, et avec une telle avance
d'abord, que je crus ne devoir pas, comme vous dites, Monsieur, lui fermer la
bouche sur une chose que j'ai désirée toute ma vie, et dont j'ai fait plus d'une
fois déclaration et où je n'ai trouvé personne qui m'ait contredit.
J'ai écrit amplement à M. l'abbé
Bossuet par le courrier précédent; c'est une personne d'un vrai honneur, en qui
j'ai confiance entière, et qui m'oblige d'une haute manière et en des lieux où
je ne croyais pas que mon nom dût jamais être porté, comme j'ai appris par ce
que monsieur son père m'a fait l'honneur de me lire de ses lettres; et s'il
réussit, comme il le désire et comme je l'espère, il aura plus fait seul que
tout le monde. Je ne m'explique pas à lui sur le dernier Mémoire qu'il m'a
envoyé, parce que nous voilà bien près du temps qu'il m'a fait espérer son
retour, étant des choses qui ne peuvent être si bien traitées qu'en présence.
Si je vous ai dit le mot d'inutile,
j'ai peut-être passé son expression, mais non pas son sens; car j'ai pris ce mot
au regard du sacrifice : or il avoue que tout ce qui suit la consécration n'y
sert de rien, et par conséquent y est inutile, je veux dire, au sacrifice, qui
est de quoi nous convenons; tellement que sa pensée doit être, et est aussi en
effet, que tout ce que le prêtre a intention de faire, est de rendre la victime
déjà sacrifiée présente (a) ; et tout ce que Jésus-Christ y veut faire,
présupposé qu'il y soit présent, est, non pas de se sacrifier de nouveau, mais
de se montrer et exhiber à Dieu, déjà sacrifié en la croix, et rien davantage.
C'est ce que nous appelons son intercession, et ce que nous exprimons en l'une
de nos prières publiques, que je lui ai lue
(a) Ces paroles ne reproduisent pas toute la
doctrine de Bossuet : on le verra tout à l'heure, dans la lettre XVII.
336
et dont il s'est contenté. Tout le différend qui reste, est
qu'il croit que cette exhibition se fait à l'autel de leurs temples, et nous en
celui du sanctuaire céleste, comme dit l'Apôtre; de sorte que tout est réduit à
la présence réelle : c'est aussi l'explication de ces deux messieurs de la
société, lesquels m'ont parlé. Et cela étant réglé de la sorte, tous les
arguments que nous avons tant faits contre la vocation des prêtres à sacrifier,
nous deviennent inutiles, et une grande controverse est mise à fin.
Mais assurément, Monsieur, ce
n'est pas la théologie ancienne de l'Eglise romaine; et quoique Bellarmin et
Suarez que je vous ai nommés, et plusieurs autres qui ont commencé à la
raffiner, aient beaucoup attribue et quelquefois tout le sacrifice à l'acte de
consacrer, néanmoins ils veulent qu'il y entre aussi de la part du ministre
public un acte d'offrir, bien qu'ils avouent que l'Ecriture n'en dit rien, parce
qu'il n'y a point de sacrifice sans oblation, c'est-à-dire sans intention
actuelle ou habituelle d'offrir et de présenter quelque chose à Dieu. Mais j'ai
posé en fait, et nous avons promis de part et d'autre de ne regarder point à la
manière dont personne se serait exprimé ci-devant, mais d'aller droit au fond;
et comme il vous a dit à vous, Monsieur, indépendamment d'aucune autorité que de
la parole de Dieu. Et plût à Dieu que nous en fussions quittes pour dire qu'ils
ne se sont pas assez bien expliqués, et que nous ne les avons pas assez bien
entendus, bien que quelqu'un m'ait écrit sur cela d'une manière un peu rude et
avec un dilemme atroce, pour réfuter cette manière de nous rapprocher.
On m'avait déjà parlé de M.
Daillé, et j'ai deux collègues qui l'ont connu . M. Ancillon et M. de Combles,
particulièrement ce dernier qui l'a précédé ou qui l'a suivi en une même église.
Ils m'ont fait une partie de son histoire, mais ils ne nient pas qu'il ne soit
savant. J'en ai plus appris de M. de D..... Je n'ai rien à vous dire de la
manière dont vous aurez a user de moi avec lui ou avec d'autres. En celle dont
j'agis, je ne crois pas avoir raison de me cacher à personne : mais vous avez
tant d'amitié pour moi et vous êtes si sage partout, que je me dois entièrement
négliger entre vos mains. Il me suffira bien, quand il s'en présentera des
337
occasions, que mes intentions vous sont bien connues et que
vous les approuvez ; car vous les saurez bien expliquer.
Au surplus, Monsieur, vous
m'avez offert, vos amis et vos connaissances à Paris, la source des choses; et
puis vous m'écrivez que vous en partez le lendemain, sans me dire où vous allez
et si vous reviendrez, et quand : vous pouvez penser que vous me laissez bien
embarrassé. Je vous écris néanmoins par l'adresse que vous m'avez prescrite, et
vous envoie un chiffre dont j'ai garde le double, comme vous l'avez désiré et
sauf à y ajouter.
J'oubliais de vous dire que l'on
a voulu me persuader que le Roi a déjà un mémoire signé de dix-huit ou vingt
pasteurs, qui reconnaissent qu'on se peut sauver en l'Eglise romaine. J'ai
répondu que si cela est, il faut que ce soit des gens qui y sont déjà ou qui y
doivent entrer, comme j'ai dit à ceux qui m'ont parlé ci-devant de le signer.
Après tout, Monsieur, il ne nous faut pas laisser surprendre par ces exemples.
J'avoue que ce sont des achoppements aux faibles, mais il ne le faut pas être;
et quoique je croie qu'il y a beaucoup de choses qu'on peut supporter, je
n'estime pas pardonnable à ceux qui les improuvent de retourner à les faire, et
moins d'en croire d'autres qui ne doivent pas être dissimulées; car il vaudrait
beaucoup mieux n'avoir jamais connu la voie de justice, etc.; mais c'est assez à
un homme si intelligent.
Pour la fin, mandez-moi, s'il
vous plait, où est votre séjour plus ordinaire ; comment se porte Mademoiselle
et quelle famille vous avez, et quand vous espérez retourner à Paris, et si vous
aurez reçu cette lettre bien conditionnée. Adieu cependant, mon cher Monsieur;
et priez toujours Dieu pour moi, comme je fais pour vous, singulièrement à ce
qu'il nous fasse la grâce de lui demeurer fidèles, et de nous revoir ensemble
avec les véritables bienheureux. C'est en sa grâce et en cette espérance que je
vous embrasse de tout mon cœur, que je vous remercie humblement de tout le bien
que vous dites de moi et que vous me faites, et que je veux être à vivre et à
mourir, Monsieur, votre, etc.
FERRY
339
Je vous supplie très-humblement.
Monsieur, de conserver cette lettre, pour me la renvoyer un jour si j'en ai
besoin, pour montrer la pureté de mes intentions en la profession de la vérité;
et pour cette fin je vous prie d'y noter quelque part, quel jour vous l'aurez
reçue.
MONSIEUR,
J'aurais bien de la confusion de
toutes les louanges que vous me faites la grâce de me donner par votre dernière,
du 18 de septembre, si je ne savais de quelle source elles partent, et que ce
serait une vanité dont je ne suis pas capable par la grâce de Dieu, que
d'attribuer à mon mérite ce que je tiens de votre pure bonté et de celle de vos
amis. Tout ce que je puis m'attribuer avec justice, c'est, Monsieur, une passion
sincère, vive et constante à vous honorer comme mon père et comme un des plus
grands hommes de notre siècle; et je vous axone qu'il me fâcherait que vous
n'eussiez pas toute la gloire d'une paix tant désirée, si c'est le bon plaisir
de Dieu de la faire éclore en nos jours.
Peut-être, Monsieur, que le
procédé de M. Daillé, tout grand homme qu'il est, n'est pas exempt de quelque
jalousie qu'il n'ait pas été le premier à qui l'on ait fait les premières
ouvertures de ce dessein. Quoi qu'il en soit, je ne désespère point, malgré les
difficultés que j'y prévois, d'en voir une heureuse conclusion, puisque Dieu
vous a, ce semble, choisi entre tous pour une oeuvre de cette importance, et
qu'il a voulu qu'une réputation aussi belle et aussi pure que la votre fût comme
le principal fondement et le principal appui de tout ce grand édifice.
Le point du sacrifice est
assurément un des plus difficiles à ajuster; mais je suis persuade qu'il n'est
pas impossible de s'approcher et de s'entendre là-dessus, comme sur la plupart
de nos autres controverses; et que dans les conférences que vous aurez avec
notre illustre abbé et ces autres amis que vous me marquez,
339
vous ne puissiez enfin trouver des éclaircissements et des
biais qui pourront satisfaire les plus délicats, sans blesser leur conscience ni
la vérité.
Je voudrais bien être assez
heureux pour me trouver à des entretiens ou il y aura tant à profiter; et le
zèle de la paix, plutôt qu'aucune opinion que j'aie de ma petite capacité, me
fait presque croire que je pourrais bien n'y être pas absolument inutile. Mais
le moyen de rompre les liens qui m'attachent ici . sans le secours de ceux entre
les mains de qui Dieu a mis toutes les choses qui me manquent? Je suis comme ce
pauvre paralytique de l'Evangile : Hominem non habeo; cependant je fais
ce que je puis par-deçà, et peut-être que nies efforts ne seraient pas sans
quelque succès, si cette malheureuse passion, je veux dire la jalousie, ne se
mêlait pas d'interpréter nos intentions contre toute la netteté de mon procède
et de mes paroles. Il ne faut pas pourtant que cela nous rebute, Monsieur, ni
oublier que nous ne sommes pas responsables des événements qui dépendent de Dieu
seul, mais seulement des choses qu'il a mises en notre pouvoir. Après tout,
in magnis voluisse sat est, et comme dit Cicéron, Turpe est quaerendo
defatigari, cùm id quod quaetitur sit pulcherrimum.
On me mande de Paris que M. de
Bossuet est allé à la campagne, et que notre correspondant en devait partir le
15 du courant pour un voyage de deux ou trois mois. Ainsi je vous supplie,
Monsieur, de prendre maintenant l'adresse de vos lettres chez M. de Combel,
secrétaire du Roi, rue des Fossés-Montmartre, en mettant mon nom, et non pas
celui de Plerville qui lui serait inconnu.
Votre chère lettre m'a été bien
et fidèlement rendue le 19 du courant; j'ai marqué ce jour au haut de la lettre,
comme vous l'avez désiré, et je la garderai soigneusement, afin de vous la
renvoyer, lorsque vous le désirerez.
La longueur de ma dernière, et
la hâte que j'avais à la veille de mon départ, me firent oublier de vous dire
que je parfois pour retourner ici, chargé des ordres du Roi, et pour arrêter les
persécutions d'un curé et de quelques mauvais voisins, qui menaçaient
340
cette maison d’une désolation entière. Mais l'envie que
j'avais de me rendre en diligence dans la province avec des ordres si
favorables, ne m'empêcha pas de quitter la route ordinaire, pour prendre celle
de Saumur et de là par Thouars, afin d'avoir l'honneur d'y voir les personnes
qui vous touchent de si près, et de conférer avec M. Baucelin de toutes les
choses que vous m'aviez fait l'honneur de m'écrire ; mais par malheur ils
étaient à une journée de là, et le guide que j'avais pris à Saumur et qui
m'avait loué un cheval, ne voulut jamais consentir à ce petit détour, parce
qu'il dit que nous manquerions à Blaye l'occasion qui l'avait fait résoudre à ce
voyage, ce qui était véritable.
Vous me faites trop de grâces,
Monsieur, des soins que vous avez la bonté de prendre de ma petite famille. Elle
consiste en deux enfants, un petit garçon de six ans et mie fille qui entre dans
la douzième. Ils sont ici tous deux avec leur mère, logés dans le château même,
qui est un des plus beaux et des plus magnifiques de la Guyenne. Je suis, avec
toute la tendresse et tout le respect possibles, Monsieur, votre très-humble,
etc.,
MAIMBOURG.
Depuis la très-obligeante lettre
que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, Monsieur, j'ai presque toujours été
comme errant en divers endroits ; et une personne puissante et très-bien
intentionnée pour l'affaire qui vous touche, ayant été aussi toujours absente
pendant ces vacations, je n'ai pu faire encore le dernier effort que je prétends
faire par son entremise, pour vous faire accorder la grâce que vous désirez.
J'ai laissé néanmoins à Paris des gens très-bien instruits de la chose, et en
résolution de vous y servir dans l'occasion. Je n'en ai rien appris depuis, à
cause des petites courses que j'ai faites en divers lieux.
Voici le temps qui approche que
tout le monde se rassemblera,
341
et que nous pourrons tout réunir pour obtenir ce que nous
souhaitons, et surmonter les difficultés cpie nous avons trouvées plus grandes
que nous ne pensions dans l'esprit du maître, parce qu'à ne vous rien
dissimuler, il nous a paru peu disposé à faire des choses qui peuvent être
tirées à conséquence par d'autres ; si bien que ceux qui traitaient la chose
avec une très - favorable intention pour vous, ont jugé à propos de ne presser
pas dans le temps que j'ai été à la Cour, et je n'ai point appris qu'ils aient
réussi, ni même rien tenté depuis pour les raisons que j'ai marquées.
Quoi qu'il en arrive, Monsieur,
vous pouvez tenir pour certain que je n'omettrai rien en cette rencontre de ce
que je croirai pouvoir être utile à votre dessein. J'ai préparé, autant qu'il a
été en moi les esprits; et le témoignage que j'ai rendu de votre personne a été
assurément tel que votre mérite extraordinaire me l'a inspiré. J'ajouterai
envers tout le monde et dans toutes les occasions, ce que je croirai pouvoir
servir, et du moins j'aurai la joie de pouvoir parler de vous avec L'honneur qui
est du à un homme de votre force.
Au reste il faut avouer que
votre zèle et votre prudence ne peuvent être assez loués dans la conduite que
vous tenez avec vos messieurs. C'est un pas important que de disposer à
entendre, et votre science, votre autorité, votre poids, votre singulière
modération nous y sont absolument nécessaires. Je vous assure qu'on a dessein de
procéder de très-bonne foi, et je puis vous le dire avec certitude, parce que je
suis instruit à fond de l'affaire, et je vous confesserai en confiance que j'y
suis un peu écouté.
A l'égard des explications que
je vous ai données, ne soyez en aucun doute, s'il vous plaît, qu'elles ne soient
très-constantes parmi les nôtres; tellement que si vos messieurs les remisent
aussi bien que vous avez fait, il n'y aura rien a désirer sur ces articles.
Je ne feins point de vous dire,
encore une fois, que l'essence du sacrifice de l'Eucharistie consiste
précisément dans la consécration, c'est-à-dire dans l'action par laquelle le
ministre, ou
342
plutôt Jésus-Christ même, rend son corps et sou sang
présents sur la sainte table par l'efficace de ses paroles, et que Jésus-Christ
n'y est offert mystiquement, qu'en tant que par cette action il se représente
lui-même à son Père, revêtu des signes de mort, et comme ayant été immolé par
une mort effective.
Les prières qui se font devant
et après ne sont en aucune sorte nécessaires pour l'essence de ce sacrifice, et
c'est le commun avis de nos plus grands théologiens ; ce qui n'empêche pas que
nous ne les tenions très-saintes, très-vénérables pour leur antiquité, que nous
voyons témoignée presque de mot à mot par les Pères, et pleines d'un esprit
apostolique qui se fait sentir à tous ceux à qui Dieu ouvre le cœur pour les
bien entendre. Mais enfin nous enseignons constamment que le sacrifice peut
subsister sans ces prières, à la manière que je vous ai exposée; et en un mot je
ne doute pas qu'il ne soit renfermé tout entier dans la seule consécration.
Il ne faut pas taire toutefois
que le cardinal Bellarmin y ajoute quelque chose. Car c'est son opinion, que
pour la vérité de ce sacrifice il désire quelque manière de destruction réelle
qu'il établit dans la consomption des espèces, dans laquelle tous ceux qui
croient la réalité sont obligés de reconnaître qu'il arrive une cessation de
l'être que Jésus-Christ acquiert dans ce sacrement; et cette cessation n'est
toujours qu'une mort mystique, puisque la personne de Jésus-Christ demeure
toujours inviolable en elle-même. Mais quoiqu'il soit véritable que tous ceux
qui posent la réalité doivent aussi confesser par une suite nécessaire cette
cessation d'être dans la consomption des espèces consacrées, toutefois ni les
plus doctes théologiens, ni même Suarez et Vasquez n'accordent pas à Bellarmin
qu'elle puisse être essentielle à l'action du sacrifice, puisque la consomption
le suppose déjà fait, et que c'est là qu'on y participe.
Vous remarquerez, s'il vous
plait, que ces deux façons d'expliquer le sacrifice de l'Eucharistie ne mettent
rien, quant au fond, que ce qui suit nécessairement de l'institution de
Jésus-Christ, supposé la réalité. Il est. permis aux docteurs de proposer chacun
leurs pensées pour exposer les mystères ; et pourvu
343
que le fond demeure entier, la théologie peut s'exercer à
satisfaire la variété des esprits par diverses explications.
Mais je tiens que l'un des
moyens qu'il faut prendre et retenir avec plus de soin dans le dessein
d'accommoder nos controverses, c'est de s'arrêter aux expositions les plus
simples et les moins embarrassées, qui sont aussi ordinairement les plus
véritables. Et c'est pourquoi, Monsieur, j'ai choisi celle que vous avez
approuvée et de laquelle il est certain que tous nos théologiens seront
très-contents, et qu'aucun n'en demandera davantage pour l'intégrité de la foi,
personne n'étant astreint à suivre les sentiments particuliers du cardinal
Bellarmin.
Je fais cette lettre plus longue
que je n'avais médité, afin de répondre exactement à un article de la vôtre.
Mais puisque j'ai commencé une fois de me jeter sur la controverse, sans
controverse néanmoins autant que je puis, puisque mon intention est plutôt de
concilier que de disputer, et de proposer des explications dans lesquelles on
puisse convenir que de traiter des questions sur lesquelles on chicanerait sans
fin : il faut encore que je vous dise ma pensée sur un mot que vous avez dit à
mon père.
Il m'a écrit, Monsieur, que vous
lui aviez témoigné que vous souffriez beaucoup de difficulté touchant
l'invocation des Saints. Si c'est touchant la question au fond, savoir si la
doctrine que nous tenons sur ce sujet est bonne ou mauvaise, je sais assez les
raisons que les vôtres ont accoutumé de nous opposer. Mais ce n'est pas en cette
manière que nous avons considéré ces choses. Nous sommes convenus de peser
d'abord, non ce qu'elles sont en elles-mêmes, mais le rapport qu'elles ont avec
le fondement du salut ; et en cette sorte j'avoue, vu les grandes et pénétrantes
lumières que Dieu vous a données sur ce sujet-là, que je ne puis m'imaginer en
façon quelconque ce qui peut arrêter en ce point.
Est-il possible que vous croyiez
que nous invoquions les Saints comme Dieu? Et n'avons-nous pas dit assez clair,
que nous ne les appelions à notre secours que comme nos conserviteurs, et dans
Le même esprit de communion qui fait que nous prions tous
344
nos frères d'offrir pour nous leurs oraisons, c'est-à-dire
tous nos membres à concourir avec nous à notre commune félicité?
Peut-être que vous direz que
nous attribuons aux Saints qui sont avec Dieu quelque manière de science divine,
en croyant qu'ils pénètrent le secret des cœurs, entendant les prières qu'on
leur adresse. Mais vous savez, Monsieur, que nous sommes bien éloignés de ce
sentiment. Lorsque le Fils de Dieu nous a enseigné que l'on se réjouit au ciel,
devant Dieu, de la conversion des pécheurs , il ne présuppose pas dans les
habitants de cette région céleste une science universelle des secrets mouvements
des cœurs, ni de ce qui se passe en ce bas monde. Nous entendons aisément que
les esprits bienheureux se réjouissent de ces miraculeux événements, autant
qu'il plaît à Dieu leur en donner la connaissance; et de même, quand on dira que
les Saints qui sont dans la gloire peuvent connaître nos prières, ou par le
ministère des anges qui sont établis par ordre de Dieu esprits administrateurs
pour concourir à l'ouvrage de notre salut, ou par quelque autre manière de
révélation divine, jamais votre bonne foi ni votre sincérité ne vous permettront
de penser que ce soit élever les Saints à la science ni à la puissance divine.
Quand donc vous ne voudriez pas
demeurer d'accord qu'ils commissent en cette sorte les prières qu'on leur fait ,
tout ce que vous pourriez conclure de plus fort, c'est qu'elles sont inutiles ;
mais qu'elles aillent à renverser cet unique fondement du salut dont nous avons
tant de l'ois parlé, c'est-à-dire la confiance en Jésus-Christ seul, c'est ce
que je ne puis entendre. Jésus-Christ est jaloux; mais c'est mal interpréter sa
jalousie, que de penser qu'elle s'offense que nous croyions que ses serviteurs
puissent obtenir en son nom beaucoup de grâces à leurs frères, ni que nous nous
adressions à eux pour cela, ni que nous espérions quelque avantage plus grand du
concours de leurs prières que nous ne ferions des nôtres seules. Est-ce
s'éloigner de Jésus-Christ que de prier ses serviteurs et ses membres, et ses
membres unis avec lui, non-seulement par la grâce, mais par la société de la
même gloire, de prier pour nous par Jésus-Christ même? N'est-ce pas pour cela et
dans cette vue que vous-même avez prêché
345
et écrit que la prière des Saints n'empêchait pas le salut
de nos ancêtres, parce qu'elle présupposait le fondement essentiel, c'est-à-dire
l'espérance en Jésus-Christ seul?
Je ne sais pas, Monsieur, ce que
vous avez découvert depuis, qui vous fait trouver tant de difficulté dans cette
prière. Mais je suis très-assuré que, pour peu qu'il vous plaise de vous élever
au-dessus des vieux préjugés, et de suivre les lumières qui vous sont données,
vous verrez que ce n'est non plus renverser le fondement du salut, de prier
saint Pierre vivant avec Dieu, que de le prier vivant avec nous.
Mais il faut considérer ici que
les plus grands hommes ne voient pas tout; et que si Dieu n'étend leurs vues,
elles demeureront toujours trop bornées. C'est donc de lui et du temps qu'il
faut tout attendre ; et c'est pourquoi je ne cesse de le prier qu'il vous fasse
voir combien il est véritable que l'Eglise catholique a retenu constamment le
fondement du salut, et que de là vous entendiez combien donc elle a été protégée
d'en haut.
Peut-être que vous verrez dans
une vérité si manifeste, qu'il ne fallait point s'en séparer, et qu'il n'est
rien de plus nécessaire que d'y retourner bientôt. Mais, Monsieur, vous êtes
déjà très-déterminé à en chercher les moyens. Je vous en pourrais proposer
beaucoup qui me semblent très-efficaces et très-bien fondes, mais desquels nous
ne conviendrions peut-être pas. Reste donc que nous cherchions ceux dont nous
pourrons convenir, ou pour achever tout à fait, ou du moins pour avancer un si
grand ouvrage.
Je travaillerai avec diligence à
terminer mes affaires, pour m'en retourner au plus tôt ; et je vous assure en
vérité que ce qui me presse le plus, c'est le désir de continuer nos
conférences. J'en espère de grands progrès pour le bien que nous souhaitons, et
on peut tout espérer d'une intention aussi pure et d'une charité aussi patiente
qu'est celle que vous témoignez, plus encore par vos oeuvres que par vos
paroles. Les grandes lumières, la sincérité, la modération, tout concourt en
vous à me faire désirer de traiter la chose avec vous plutôt qu'avec aucun
autre, quoique selon mon désir je voudrais parler à tous ; mais il faut suivre
les
346
conseils de Dieu, qui paraissent dans les ouvertures qu'il
nous donne par sa Providence.
J'apprends que vous avez fait
votre semaine. Que je crains pour votre santé, et que je désire avec ardeur que
nous puissions vous procurer un repos honnête et avec les circonstances que vous
aviez raison de souhaiter! Je me sens bien obligé à M. Maimbourg, notre ami
commun, qui vous a si bien expliqué les sentiments d'estime et d'affection que
j'ai pour vous. Vous me l'avez enlevé, et qui sait si ce ne serait point pour
travaillera nous réunir tous en Jésus-Christ? C'est un homme très-capable de
tout bien. Mais il s'en est allé bien loin de nous. Dieu est puissant pour
ramasser quand il lui plaira , par les voies qu'il sait, tous ceux qu'il veut
employer à son œuvre. Je suis, Monsieur, votre très-humble et très-obéissant
serviteur.
BOSSUET.
Pardonnez la mauvaise écriture
et les fautes de ce volume que je ne puis pas relire.
Me trouvant, il y a deux ans, à
Ratisbonne, je rencontrai à la Cour de Sa Majesté impériale deux religieux
espagnols qui y négociaient des affaires secrètes, lesquels parlaient de cette
réunion (des religions) comme d'une affaire fort aisée, et à laquelle le Roi
leur maître avait une inclination très-forte, et même leur avait donne
commission d'en conférer avec les nôtres. A moins que Dieu ne fasse des
miracles, ces choses ne me semblent désormais que de beaux songes. Et
quelquefois la peau de lion ne servant plus de rien, on prend celle du renard.
347
Depuis que j'ai su qu'un des
piliers de la religion protestante s'est amusé d'entretenir, plus de deux ans,
un de ses ministres à la Cour de Rome pour la flatter, je ne m'étonne plus de ce
qu'il vous a plu me mander dernièrement d'une nouvelle espèce de syncrétisme.
Les grands se moquent de Dieu,
qui se moquera d'eux; à quoi il a ajouté ces paroles, ou semblables : mais bien
que les choses changeraient en pis, je ne changerai en rien la résolution que
j'ai faite de demeurer (a)...
Le dimanche 9 janvier 1667, sur
le soir, MM. de Dampierre et de Batilly vinrent me trouver chez moi pour me
dire, comme ils firent, que M. le lieutenant-général avait été chercher M. de
Dampierre chez lui ; et qu'ayant appris de madame sa femme qu'il était au
catéchisme, il l'avait priée d'envoyer un laquais le prier de sa part, lorsqu'il
en sortirait, de prendre avec lui M. de Batilly, et de le venir trouver pour
quelque chose importante qu'il avait à leur communiquer. Eux étant arrivés, il
leur avait dit avoir charge de ne leur parler qu'on présence de M. de la
Voitgarde ; qu'étant allés ensemble chez lui et l'y ayant trouvé, il leur avait
alors déclaré qu'il avait ordre, et faisait sourdement entendre que c'était du
Roi, de leur faire entendre que Sa Majesté désirait
(a) Ferry a ajouté de sa main, à cet extrait, l'observation
suivante : « Peut-être qu'il entend parler de M. Spanheim, qui a bien été en ce
temps-là à Rome connu de tous pour caresser les grands, et où il a composé et
fait imprimer un livre de médailles. »
348
passionnément de voir tous ses sujets réunis en une même
créance, que ce serait une couronne ajoutée à la sienne ; qu'ils en
communiquassent donc avec les quatre pasteurs, et eux avec peu d'autres. Et au
cas qu'ils y trouvassent les esprits disposés, on choisirait de part et d'autre,
en pareil nombre, gens paisibles qui conféreraient ensemble sans dispute des
moyens de s'accorder. Sur lequel récit que ces Messieurs me firent, je leur fis
connaître que je trouvais cette préposition étrange, qu'assurément il n'y avait
point d'ordre du Roi, et je leur en dis mes raisons; et même que le sentiment de
ceux qui m'avaient parlé était que cela ne se fit qu'en une assemblée générale
du royaume, mais qu'auparavant il y aurait bien des préparations à faire; et je
leur dis que j'en parlerais le mercredi suivant, après le prêche, à mes
collègues, lesquels ayant tous prié de monter en notre chambre, M. de Batilly
présent, nous trouvâmes bon d'un commun accord d'en parler à quelques autres que
nous appellerions avec nous. Mais parce que M. de Comble, qui était de semaine,
ne put être induit à s'y trouver qu'après sa semaine, nous remîmes à nous
assembler le lundi suivant ; et parce que ce jour-là les diacres rendaient leurs
comptes en la chambre ordinaire du conseil, je proposai que ce fût chez M. du
Bac, fort contraire à cette proposition comme sa femme, le plus âgé , et qui
avait sa maison au milieu de la ville et à deux issues, et fut prise l'heure à
trois après midi ; et proposai d'y appeler M. Bachellé, le ministre, à cause de
la matière, à qui fut aussi ajouté M. Jennet, s'il était en ville, avec mesdits
sieurs Dampierre et Batilly, M. du Chat, conseiller, qui fut contre, M. Persod,
conseiller, MM. Duclos, frères, M. Ancillon; tous lesquels étant assemblés ledit
jour, à ladite heure, excepté M M. Jennet et du Chat, la proposition étant
ouverte par lesdits deux Messieurs , et moi voulant prendre les voix comme étant
de semaine, je fus prié par MM. mes collègues, les du Bac et autres de la
compagnie, de commencer à opiner, à cause de l'importance de la matière : à quoi
je crus ne devoir pas résister; et après avoir témoigné ma surprise de cette
proposition, dit les raisons que je croyais avoir de ne croire pas que le Roi
eût donné charge de la faire, fait un succinct récit de ce que M. de Bossuet et
les Jésuites
349
avouaient, les avances qu'ils avaient faites, le sujet
qu'il y avait de louer Dieu, de les voir nous avouer des articles pour lesquels
on nous avait autrefois persécutés, que cela pouvait servir à faire voir aux
raisonnables qu'il n'y avait pas tant de sujet de nous haïr qu'ils avaient cru ;
je dis pourtant que je ne voyais pas grande espérance qu'ils fussent avoués, en
tout cas que ce n'était pas à nous à entrer en ces discussions, que nous
n'étions qu'une église particulière et hors du royaume, qui avons pourtant une
même confession de foi et même discipline signées avec les églises de France,
sans lesquelles nous ne devions rien faire de cette nature ; mais qu'il fallait
faire une réponse honnête et modeste, parce que le Roi en pourrait être averti.
Toute la compagnie ayant été de mon avis, je proposai, et M. du Bac aussi, de le
mettre par écrit, ce qui fut trouvé bon, et du papier et de l'encre apportés à
l'instant. Sur quoi je lus à la compagnie la minute que j'en avais toute dressée
, laquelle sembla un peu trop longue ; et après que la manière d'en faire mie
autre eut été fort contestée, que M. du Bac et MM. du Clos et Ancillon, avocats,
se furent joints ensemble pour en faire une autre et l'eurent lue, elle fut
encore plus débattue : enfin il fallut se rapprocher de la mienne ; et après que
j'eus fort insisté à ce qu'on y mît quelques offres d'y apporter en temps et
lieu tout ce que nous pourrions, selon que la vérité et la conscience pourraient
permettre, enfin toute la compagnie s'y réunit, l'ayant trouvée raisonnable,
sans péril et sans conséquence, et qui pourrait satisfaire Sa Majesté, aussi
bien que tous les autres qui la pourraient voir, et qu'il en fallait instruire.
Et étant enfin dressée comme elle est ici, je proposai de la signer ; mais je
fus suivi de peu. Les ayant remis au retour des deux Messieurs, qui furent priés
de la porter à M. le lieutenant-général ; ce qu'ils firent dès le lendemain, car
il était six heures et demie quand nous sortîmes ; et les ayant ledit M. le
lieutenant-général menés chez M. de la Voitgarde, là ils lui firent la réponse
verbale, et enfin la lui laissèrent copiée ; et parce qu'ils lui refusèrent de
la signer avec lui, il refusa de leur donner copie de la proposition qu'il en
avait faite, comme il avait offert. Ce que M. de Batilly ayant rapporté à la
même compagnie le mardi 25, chez
350
M. du Bac, excepté M. de Dampierre, et M. Fibiel appelé,
qui n'y avait pu être la première fois, il tut dit qu'on en demeurerait là; et
MJ. du Clos fut prier M. de Dampierre de dire à M. le lieutenant-général, s'il
le trouvait à ta remontre, et s'il lui en tenait encore quelques propos, que la
compagnie n'avait point trouvé devoir rien faire davantage, et de mettre entre
les mains de M. Ancillon ledit avis.
Messieurs, nous avons fait
rapport à Messieurs nos ministres et autres assemblés avec eux, de votre
proposition touchant la réunion. Ils nous ont dit que c'est une chose que tous
les bons François doivent désirer de tout leur cœur, pour la gloire de Dieu et
le salut des âmes. Mais comme notre église est unie en une même confession de
foi et de discipline avec les autres du royaume, et qu'elle n'est que
particulière, elle n'a point de droit, et ne peut délibérer sur cette
proposition que conjointement avec les autres églises de France ; étant prêts en
ce cas de contribuer en une si bonne œuvre tout ce que la vérité et leur
conscience peuvent permettre.
Le samedi 5 février 1667, le
Père de Rhodes m’étant venu voir, après m'avoir déjà cherché deux fois, je lui
demandai des nouvelles de la proposition qui nous avait été faite par M. le
lieutenant-général, qu'il me témoigna savoir bien, mais non notre réponse par
écrit et surtout la danse, que nous étions prêts de contribuer conjointement
avec les églises de France ce que la conscience et la vérité pourraient
permettre, et en somme protesta ne rien savoir du second voyage de MM. de
Dampierre et
351
de Batilly vers lui. De cela nous passâmes au gros de
l'affaire, et ensuite je lui dis que nul de nous n'avait cru qu'il en eût eu
aucun ordre du Roi ; que les uns disaient qu'il n'avait aucun ordre que du Père
Annat ou conseil de conscience, et les autres que c'était un concert fait avec
le Père Adam et la congrégation des Jésuites.
Sur quoi il m'avoua ingénument,
sous le secret pourtant, qu'il n'avait eu nul ordre pour cela, mais que le Père
Adam étant sur son adieu, M. le lieutenant-général lui demanda et à lui de
Rhodes, s'il y aurait du mal qu'il nous fit cette proposition; à quoi ils ne
s'opposèrent point, pourvu qu'il y eût apparence qu'elle dût être bien reçue et
approuvée à la Cour; et ensuite me dit que le Père Adam en avait donne avis au
Père Annat, et que lui Père de Rhodes lui en avait écrit au long, à quoi le
premier s'en était remis, mais qu'il n'avait eu aucune réponse.
Sur quoi je lui
dis que cette proposition avait bien été faite à contre-temps, qu'elle m'avait
causé de la peine et du déplaisir ; lui en fis un récit sommaire; et ajoutai que
le jeudi précédent, 3 de ce mois, M. du Chat, conseiller, m'était venu montrer
mie lettre qu'il avait reçue de M. Conrard, son beau-frère, où j'étais
maltraite, quoique non nommé, à l'occasion de mes éloges qu'on publiait partout
de pacifiques, et comme si je donnais les mains ou traitais déjà des moyens de
la réunion. Je le fis souvenir que je leur avais toujours dit que je ne me
séparerais jamais de mes frères et collègues; que je ne quitterais jamais rien
de la vérité : que tout ce que je leur avais promis était d'ouïr les
adoucissements ou éclaircissements qu'ils me voudraient donner sur les
controverses et explications du malentendu, et de leur en dire mon sentiment en
bonne conscience et autant que la vérité le pourrait permettre, et sans aucun
engagement; et que j'avais toujours dit que cette affaire n'était pas pour être
traitée à part, mais en une grande assemblée du clergé avec les ministres de
France, convoquée avec l’avis d'un synode national ; que c'était l'ouvrage d un
grand Roi qui n'avait plus rien a l'aire a Taris bous ses yeux; et cela,
disais-je, pour m'en détourner, comme n'étant pas du royaume, ni membre de
synodes, afin de détourner aussi ce qu’on
352
me disait que le Roi m'appellerait : ce qu'il reconnut être
entièrement véritable.
Et pour la fin, sur ce qu'il me
faisait les recommandations du Père Adam, dont il disait être chargé par trois
lettres, et qu'il serait bientôt ici pour se préparer au Carême, de le conjurer
et le prier à son arrivée de se passer de prendre la peine de me venir voir : ce
qu'il me promit, en me disant qu'il voyait que je souffrais dedans et dehors.
Sur la proposition qui nous a
été faite par MM. de Dampierre et de Batilly. de la part de M. de la Voitgarde,
lieutenant de Roi en cette ville et gouvernement, et de M. le lieutenant-général
au bailliage et siège royal de cette dite ville, et par ordre, comme ils ont
dit, de penser aux moyens de parvenir à la réunion des religions d'entre ceux de
la religion catholique romaine et nous, et d'en conférer entre nous et après
avec ceux d'entre eux qui nous seront proposés de leur part en tel nombre qu'il
sera avisé de part et d'autre : répondons avec tout le respect qu'il appartient
que la désunion qui y est survenue au siècle passé ayant été une extrémité à
laquelle les nôtres n'ont cru se devoir réduire que pour le repos de leurs
consciences et pour pouvoir servir Dieu sans l'offenser, il ne nous saurait rien
être présenté de plus agréable que la proposition et les moyens de pouvoir
retourner à le servir ensemble comme il le veut être ; mais que ne nous étant
rien propose de particulier, nous n'avons aussi rien à répondre de plus exprès
quant à présent ; étant prêts, s'il nous en est fait ci-après quelque ouverture,
d'en dire nos sentiments, après que nous aurons pourtant communiqué le tout à
nos Frères du royaume, avec lesquels nous avons signé une même Confession de foi
et avons une même discipline, auxquels cette affaire doit être commune avec
nous, et en la communion desquels nous faisons profession de vouloir demeurer;
promettant néanmoins d'apporter de notre part aux occasions toute la disposition
possible, et qui doit être attendue de bons sujets et de bons citoyens, et
autant que la matière et la conscience le pourront permettre.
353
Nous, ministres soussignés,
ayant dessein de porter notre obéissance aux ordres de Sa Majesté aussi loin que
les grands intérêts de notre conscience pourront nous le permettre, et espérant
de sa bonté royale que, voyant les avances que nous voulons faire vers la
religion qu'il professe, il ordonnera qu'on nous laissera en repos, et que
toutes nos affaires seront en assurance; nous promettons de contribuer de notre
pouvoir au religieux dessein qu'il a de ranger tous ses sujets sous le même
ministère, et pour cet effet de nous réunir à l'église gallicane, si elle veut
nous accorder les articles suivants, selon la promesse solennelle qu'elle a
faite dans l’Avis pastoral, de relâcher de ses droits en faveur de la
paix, et de rectifier les choses qui auront besoin de remède, si la plaie du
schisme est une fois fermée. Voici les articles :
I. Qu'il n'y aura point
d'obligation de croire le purgatoire; qu'on ne disputera point de part ni
d'autre sur cet article, et qu'on parlera avec une grande retenue de l'état où
sont les âmes incontinent après la mort.
II. Que l'on ôtera des temples
les images de la très-sainte Trinité; que les autres, que l'on trouvera à propos
d'y laisser, ne resteront que pour servir d'ornement à l'église ou pour une
simple
(a) L'abbé Millot dit dans ses Mémoires
politiques et littéraires : « Le duc de Noailles, commandant de Languedoc,
soupirait pour l'exécution d'un projet l'orme depuis longtemps, auquel plusieurs
savants théologiens avaient travaillé, mais qu'on ne verra jamais réalisé sans
une espère de miracle. C'était de réunir les protestant à l'Eglise catholique.
Bourdieu, ancien ministre de Montpellier, lui envoya un Mémoire, pour être
présenté au Roi, sur un objet si désirable. Après l'avoir examiné et fait
examiner avec soin, le duc resta persuadé que ce Mémoire traduit à rendre les
catholiques huguenots, et non les huguenots catholiques. Il ne le présenta
point; mais il le communiqua au célèbre Bossuet, l'oracle de l'Eglise de France
et le plus redoutable adversaire des novateurs. »
Après cette citation, Déforis ajoute : « Nous ignorons la
date précise de ce Projet de réunion, qui n'est pas marquée dans la copie qui
nous en a été confiée avec les originaux des autres Pièces qui précèdent. Mais
il paraît par les Mémoires de l'abbé Millot, qu'il est de 1684.
354
instruction historique; et que les pasteurs avertiront
soigneusement les peuples d'éviter sur ce point les abus, qui ne sont que trop
communs parmi les personnes mal instruites.
III. Que les reliques et les
autres dépouilles des Saints, de la vérité desquelles on n'aura pas raison de
douter, seront conservées avec grand respect ; mais qu'elles n'entreront point
dans le service de la religion, et qu'on ne nous obligera pas de leur rendre
aucun culte.
IV. Que l'on n'envisagera que
Dieu, seul objet de notre adoration et de notre culte, qu'on instruira le peuple
de prendre bien garde de ne rien attribuer aux créatures, pour si éminentes
qu'elles soient, qui soit propre ni particulier à Dieu ; mais que cependant,
puisque les Saints s'intéressent dans nos misères, on peut prier Dieu d'accorder
aux prières de l'Eglise triomphante les grâces que l’indifférence de nos
oraisons n'obtiendrait jamais de lui.
V. Qu'entre les cérémonies de
l'Eglise chrétienne, le baptême et l'Eucharistie sont les plus augustes, et que
Tonne donnera aux autres le nom de sacrement que dans un sens large et étendu.
VI. Que sur la nécessité du
baptême on s'en tiendra particulièrement au canon du concile de Trente, sans lui
donner autre forme ou étendue que celle que ces paroles renferment : Si quis
quis dixerit baptismum liberum esse, hoc est non necessarium esse ad salutem,
anathema sit. C'est pourquoi on ne donnera aucune modification au canon X du
chapitre précédent, qui déclare qu'il n'est pas permis à toutes personnes
d'administrer les sacrements, ce droit n'appartenant qu'aux ministres de
l'Eglise, qui ont reçu de Jésus-Christ le pouvoir de les conférer.
VII. Que Jésus-Christ est
réellement présent dans le sacrement de l'Eucharistie, quoique les voies de sa
présence soient incompréhensibles à l'esprit humain ; et par conséquent on
n'obligera personne à définir la manière de sa présence, ni on n'en disputera
point, puisqu'elle passe notre intelligence et que Dieu ne nous l'a pas révélée.
VIII. Que quand on communiera,
on sera dans une posture d'adoration : les communiants rendront alors à
Jésus-Christ les
355
honneurs suprêmes qui ne sont dus qu'à Dieu, sans exiger
autre chose de personne, pour les espèces de la matière de ce sacrement, que
cette vénération profonde qu'on doit aux choses saintes.
IX. Qu'il sera permis au peuple
de lire les Ecritures saintes, et que l'on les lira publiquement dans l'église;
que le service se fera en langue vulgaire ; que la coupe sera administrée au
peuple; que Ton ne reconnaîtra point d'autre sacrifice proprement dit que celui
de la croix. Les pasteurs enseigneront aux fidèles que l'Eglise chrétienne n'a
qu'une seule victime, qui s'est une seule fois immolée; et que l'Eucharistie est
un sacrifice de commémoration, ou la présentation que le chrétien fait à Dieu du
sacrifice de la croix : qu'avant de nous obliger à recevoir l'usage de la
confession, on corrigera les abus qui s'y sont glissés, et l'on y apportera les
modifications nécessaires pour le repos des consciences.
X. Qu'on ne regardera les jeûnes
et toutes les mortifications que comme des aides à la piété, et les moyens pour
se conserver en l'état de la grâce.
XI. Qu'on reformera les maisons
des religieux, et surtout celle des mendiants, ne conservant sur pied que les
sociétés anciennes, comme celles de Saint-Benoît, des Jésuites, des Pères de
l’Oratoire ; mais les soumettant toutes uniquement à l'inspection et à
l'autorité des évêques.
XII. Que les ministres seront
conserves dans l'état ecclésiastique, et qu'ils tiendront un rang distingué dans
l'Eglise, excepte les bigames, auxquels on aura égard de quelque autre manière.
XIII. Que Jésus-Christ ayant
confié gratuitement à ses ministres les sacrements et les choses saintes, ils
les dispenseront aussi gratuitement, sans les vendre, comme on a fait jusqu'ici.
XIV. Qu'on déchargera le peuple
de ce grand nombre de fêtes qui les accablent, ne conservant que celles des
mystères de la rédemption, celles des apôtres, des Saints et Saintes du premier
siècle.
XV. Que les bornes que la
dernière assemblée de France a données à l'autorité du Pape, seront inviolables;
et que, pour le
356
rang qu'il doit tenir avec les évêques de la chrétienté, il
ne sera regardé tout au plus que comme primas in ter pares.
XVI. Que les pratiques et les
cérémonies qui ne conviendront pas à la majesté de la religion, et dont on ne
trouve point les traces dans la plus pure antiquité, seront abolies.
XVII. Que sur les questions du
mérite des œuvres et de la grâce, on s'en tiendra à la doctrine de saint
Augustin et à l’Exposition de M. de Meaux.
Signé
DU BOURDIEU, LA COSTE.
Dieu veuille répandre de plus en
plus son esprit sur les hommes, afin qu'ils ne soient qu'un cœur et qu'une âme,
et que nous puissions voir en nos jours cette bienheureuse réunion, selon les
vœux et les prières de tous les gens de bien de l'une et de l'autre communion, à
laquelle tous ceux qui ont du talent doivent travailler, soit de parole, soit
par écrit. Amen.
Je ne m'étonne pas, non plus que
vous, qu'on ait deviné une chose si grossière touchant la proposition de s'en
tenir aux canons. Celui qui la fait n'est pas loin du royaume de Dieu : mais il
faut savoir de lui,
1° Dans quel siècle il se borne.
2° S'il n'entend pas joindre aux
canons les Actes que nous avons très-entiers des conciles qui les ont faits.
3° Si dans les canons des
conciles, dont nous n'avons pas
(a) Déforis cite de nouveau l'abbé Millot : «
Cependant le duc de Noailles écrivit à Bourdieu, en lui adressant un autre
Projet de réunion, qu'il l'exhortait, lui et ses confrères, à y concourir avec
un esprit de paix et de vérité ; qu'alors il serait en état de l'aire valoir
auprès du Roi ses bonnes intentions; qu'il n'oublierait rien pour en procurer le
succès, et qu'il donnerait volontiers sa vie pour un si grand bien. Bourdieu lui
envoya ses réflexions sur le projet, et sur les moyens de l'exécuter, et proposa
de s'en tenir aux canons par rapport aux points dont on ne pourrait convenir. Le
duc consulta Bossuet, dont il reçut cette réponse.
357
d'autres actes que les canons mêmes, il n'entend pas que
l'on supplée à ce manquement par les auteurs de ce même siècle.
4° S'il croit avoir quelques
bonnes raisons pour s'empêcher de recevoir la doctrine établie par le commun
consentement des Pères qui ont été dans le même temps.
5° S'il peut croire de bonne foi
que tout se trouve dans les canons, qui constamment n'ont été faits que sur les
matières incidentes, et très-rarement sur les dogmes.
Une réponse précise sur ces cinq
demandes, nous donnera le moyen de l'éclaircir davantage, pour peu qu'il le
veuille et qu'il aime la paix autant qu'il veut le paraître.
Qu'il ne dise pas que c'est une
chose immense que d'examiner la doctrine par le commun consentement des Pères,
qui ont vécu du temps des conciles dont il prend les canons pour juges ; car on
pourrait en cela lui faire voir, en moins de deux heures, des choses plus
concluantes qu'il ne croit. Un petit extrait de cette lettre, et des réponses
aussi précises que sont ces demandes, nous donneront de grandes ouvertures.
Je suis à vous de tout mon cœur,
et prie Dieu qu'il vous conserve, et toute la famille, que je respecte au
dernier point.
Léopold par la grâce de Dieu
empereur des Romains, etc., à tous les fidèles de notre royaume de Hongrie et de
Transylvanie, Etats ou autres, de quelque condition, dignité ou religion qu'ils
soient, qui verront, liront ou entendront lire ceci, salut et notre grâce.
Toutes les lois divines et
humaines contenant une obligation formelle, et les conclusions des diètes de
l'Empire, aussi bien que les lettres de fraîche date de la plus grande partie
des protestants, qui depuis peu sont entrés eu conférence avec notre féal et
bien-aimé le très-révérend Christophe, évêque de Neustadt, marquant la grande
nécessité qu'il y a que nous aspirions à ce que dans les royaumes et provinces
des chrétiens, tant dedans que dehors de l'Empire, il y ait une parfaite union,
non-seulement à l'égard du temporel, mais encore à lézard du spirituel, autant
qu'il
(a) Nous n'avons pas trouvé dans les papiers de Bossuet
l'original latin de cet acte. (Edit. de Déforis.)
359
concerne la foi orthodoxe et le véritable culte d'un même
Dieu et que sinon toutes (comme la sainte Ecriture et la raison nous font
pourtant espérer avec l'aide de Dieu) au moins les essentielles controverses,
difformités et méfiances soient levées ou diminuées, d'autant qu'il paraît à
plusieurs et se trouve ainsi en effet en grande partie, que les diversités de
sentiments sur les points principaux viennent du défaut de la charité mutuelle
et de la patience nécessaire pour bien entendre et expliquer sincèrement le vrai
sens et opinion d'un chacun, et les significations différentes qu'on donne aux
termes ou mots qu'on emploie : et ayant de plus considéré avec combien de succès
et d'utilité ledit évêque a travaillé dans la diète de l'Empire et ailleurs,
tant sur cette matière sainte qu'à l'égard de la conservation de notre dit
royaume de Hongrie.
A ces causes, nous avons jugé à
propos de lui donner par la présente plein pouvoir, en tout ce qui regarde notre
autorité et protection royale, et une commission générale de notre part, de
traiter avec tous les Etats, communautés, ou même particuliers de la religion
protestante dans tous nos royaumes et pays, mais particulièrement avec ceux de
Hongrie et de Transylvanie, touchant ladite réunion en matière de foi et
extinction ou diminution des controverses non nécessaires, soit immédiatement ou
par députés ou lettres; et de faire partout avec eux, bien que sous ratification
ultérieure, pontificale et royale, tout ce qu'il jugera le plus convenable et
utile à gagner les esprits, et à obtenir cet te sainte fin de la réunion qu'on
se propose. Et en ce point, nous donnons aussi à tous susdits protestants nos
sujets de Hongrie et de Transylvanie, y compris encore leurs ministres ou
prédicateurs, une pleine faculté de venir trouver ledit évêque au lieu où il
pourra être, et d'envoyer à lui publiquement ou secrètement.
Mandons sérieusement et
sévèrement, en vertu de celle-ci, sous grièves peines à tous ceux que leur
charge oblige d avoir égard à ces choses, de ne faire ni laisser faire aucun
empêchement à ceux qui viendront ou enverront audit évêque, sur l'invitation
qu'il leur aura faite pour la sainte fin susdite; mais de leur faire toutes
sortes de faveurs : comme aussi nous assurons
360
ledit évêque de notre très-clémente protection pour tous
les cas et lieux où besoin sera, et particulièrement à l'égard de cette sainte
occupation et de la sollicitation qu'il pourra faire touchant l'exercice de
religion, ou tolérance, on autres matières appartenantes: le tout en vertu et
témoignage de nos présentes lettres-patentes, en forme de sauf-conduit et plein
pouvoir. Donné en notre cité de Vienne en Autriche, le 20 du mois de mars de
l'an 1601.
( L. S.)
Signé LEOPOLDUS.
Blasius Jachlin . E. L.
Nitrensis. Johannes Maholanus.
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