Premiers Pas / L'évangile expliqué par les 240 fables de La Fontaine, Leçons de vie chrétienne
Sous-theme | Tome | Titre | Description | Durée | Date Publication |
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Livre 5 | Livre 5 | La peau de l’ours : Ne jamais se croire en état de grâce avant la Venue du Christ | Deux Compagnons pressés d'argent
À leur voisin fourreur vendirent La peau d'un Ours encor vivant ; Mais qu'ils tueraient bientôt, du moins à ce qu'ils dirent. C'était le roi des ours, au conte de ces gens. Le marchand à sa peau devait faire fortune : Elle garantirait des froids les plus cuisants ; On en pourrait fourrer plutôt deux robes qu'une. Dindenaut prisait moins ses Moutons qu'eux leur Ours : Leur, à leur compte, et non à celui de la Bête. S'offrant de la livrer au plus tard dans deux jours, Ils conviennent de prix, et se mettent en quête ; Trouvent l'ours qui s'avance, et vient vers eux au trot. Voilà mes gens frappés comme d'un coup de foudre. Le marché ne tint pas ; il fallut le résoudre : D'intérêts contre l'ours, on n'en dit pas un mot. L'un des deux compagnons grimpe au faîte d'un arbre. L'autre, plus froid que n'est un marbre, Se couche sur le nez, fait le mort, tient son vent , Ayant quelque part ouï dire Que l'ours s'acharne peu souvent Sur un corps qui ne vit, ne meut, ni ne respire. Seigneur ours, comme un sot, donna dans ce panneau. Il voit ce corps gisant, le croit privé de vie, Et de peur de supercherie Le tourne, le retourne, approche son museau, Flaire aux passages de l'haleine. C'est, dit-il, un cadavre : ôtons-nous, car il sent. A ces mots, l'ours s'en va dans la forêt prochaine. L'un de nos deux marchands de son arbre descend ; Court à son compagnon, lui dit que c'est merveille Qu'il n'ait eu seulement que la peur pour tout mal. Et bien, ajouta-t-il, la peau de l'Animal ? Mais que t'a-t-il dit à l'oreille ? Car il s'approchait de bien près, Te retournant avec sa serre. Il m'a dit qu'il ne faut jamais Vendre la peau de l'Ours qu'on ne l'ait mis par terre. |
03:21:00 | 17/03/2024 |
Livre 5 | Livre 5 | Le lion s'en allant en guerre : Le Christ roi et le principe de subsidiarité | Le lion dans sa tête avait une entreprise.
Il tint conseil de guerre, envoya ses prévôts, Fit avertir les animaux : Tous furent du dessein, chacun selon sa guise : L'Éléphant devait sur son dos Porter l'attirail nécessaire, Et combattre à son ordinaire ; L'ours s'apprêter pour les assauts ; Le renard ménager de secrètes pratiques ; Et le singe, amuser l'ennemi par ses tours. Renvoyez, dit quelqu'un, les ânes qui sont lourds, Et les lièvres sujets à des terreurs paniques. Point du tout, dit le roi ? Je les veux employer. Notre troupe sans eux ne serait pas complète. L'âne effraiera les gens, nous servant de trompette; Et le lièvre pourra nous servir de courrier. Le monarque prudent et sage De ses moindres sujets sait tirer quelque usage, Et connaît les divers talents. Il n'est rien d'inutile aux personnes de sens. |
02:29:00 | 10/03/2024 |
Livre 5 | Livre 5 | L’aigle et le hibou : On trouve toujours ses propres œuvres plus belles que tout | L'Aigle et le Chat-huant leurs querelles cessèrent,
Et firent tant qu'ils s'embrassèrent. L'un jura foi de Roi, l'autre foi de Hibou, Qu'ils ne se goberaient leurs petits peu ni prou. Connaissez-vous les miens ? dit l'Oiseau de Minerve. Non, dit l'Aigle. Tant pis, reprit le triste oiseau : Je crains en ce cas pour leur peau : C'est hasard si je les conserve. Comme vous êtes Roi, vous ne considérez Qui ni quoi : Rois et Dieux mettent, quoi qu'on leur die, Tout en même catégorie. Adieu mes Nourrissons, si vous les rencontrez. Peignez-les-moi, dit l'Aigle, ou bien me les montrez : Je n'y toucherai de ma vie. Le Hibou repartit : Mes Petits sont mignons, Beaux, bien faits, et jolis sur tous leurs compagnons : Vous les reconnaîtrez sans peine à cette marque. N'allez pas l'oublier ; retenez-la si bien Que chez moi la maudite Parque N'entre point par votre moyen. Il avint qu'au Hibou Dieu donna géniture. De façon qu'un beau soir qu'il était en pâture, Notre Aigle aperçut d'aventure, Dans les coins d'une roche dure, Ou dans les trous d'une masure (Je ne sais pas lequel des deux), De petits monstres fort hideux, Rechignés, un air triste, une voix de Mégère. Ces enfants ne sont pas, dit l'Aigle, à notre ami. Croquons-les. Le Galand n'en fit pas à demi : Ses repas ne sont point repas à la légère. Le Hibou, de retour, ne trouve que les pieds De ses chers Nourrissons, hélas ! pour toute chose. Il se plaint; et les dieux sont par lui suppliés De punir le brigand qui de son deuil est cause. Quelqu'un lui dit alors : N'en accuse que toi Ou plutôt la commune loi, Qui veut qu'on trouve son semblable Beau, bien fait, et sur tous aimable. Tu fis de tes enfants à l'Aigle ce portrait : En avaient-ils le moindre trait ? |
02:28:00 | 03/03/2024 |
Livre 5 | Livre 5 | L’âne vêtu de la peau du lion: Celui qui brasse le vent des paroles et n’agit jamais | De la peau du lion l’âne s’étant vêtu
Etait craint partout à la ronde, Et bien qu’animal sans vertu, Il faisait trembler tout le monde. Un petit bout d’oreille échappé par malheur Découvrit la fourbe et l’erreur. Martin fit alors son office. Ceux qui ne savaient pas la ruse et la malice S’étonnaient de voir que Martin Chassât les lions au moulin. Force gens font du bruit en France Par qui cet apologue est rendu familier. Un équipage cavalier Fait les trois quarts de leur vaillance. |
01:29:00 | 24/03/2024 |
Livre 6 | Livre 6 | Le mulet se vantant de sa généalogie : Se souvenir de la juste mesure de sa vie | Ne pas s’élever suite à sa brillante réussite Le mulet d'un prélat se piquait de noblesse, Et ne parlait incessamment Que de sa mère la jument, Dont il contait mainte prouesse. Elle avait fait ceci, puis avait été là. Son Fils prétendait pour cela Qu'on le dût mettre dans l'Histoire. Il eût cru s'abaisser servant un médecin. Étant devenu vieux on le mit au moulin. Son père l'âne alors lui revint en mémoire. Quand le malheur ne serait bon Qu'à mettre un sot à la raison, Toujours serait-ce à juste cause Qu'on le dit bon à quelque chose. |
00:01:28 | 26/05/2024 |
Livre 6 | Livre 6 | Dieu et le métayer: La providence sait ce qu’il nous faut mieux que nous | Jupiter eut jadis une ferme à donner.
Mercure en fit l'annonce ; et gens se présentèrent, Firent des offres, écoutèrent : Ce ne fut pas sans bien tourner. L'un alléguait que l'héritage Etait frayant et rude, et l'autre un autre si. Pendant qu'ils marchandaient ainsi, Un d'eux le plus hardi, mais non pas le plus sage, Promit d'en rendre tant, pourvu que Jupiter Le laissât disposer de l'air, Lui donnât saison à sa guise, Qu'il eût du chaud, du froid, du beau temps, de la bise, Enfin du sec et du mouillé, Aussitôt qu'il aurait bâillé. Jupiter y consent. Contrat passé ; notre homme Tranche du roi des airs, pleut, vente, et fait en somme Un climat pour lui seul : ses plus proches voisins Ne s'en sentaient non plus que les Américains. Ce fut leur avantage ; ils eurent bonne année, Pleine moisson, pleine vinée. Monsieur le Receveur fut très mal partagé. L'an suivant, voilà tout changé, Il ajuste d'une autre sorte La température des cieux. Son champ ne s'en trouve pas mieux. Celui de ses voisins fructifie et rapporte. Que fait-il ? Il recourt au monarque des dieux : Il confesse son imprudence. Jupiter en usa comme un maître fort doux. Concluons que la Providence Sait ce qu'il nous faut mieux que nous. |
00:02:42 | 28/04/2024 |
Livre 6 | Livre 6 | La discorde : pour que jamais le paradis ne s’installe sur la terre | La déesse Discorde ayant brouillé les Dieux,
Et fait un grand procès là-haut pour une pomme, On la fit déloger des Cieux. Chez l'animal qu'on appelle Homme On la reçut à bras ouverts, Elle et Que-si-Que-non, son frère, Avecque Tien-et-Mien, son père. Elle nous fit l'honneur en ce bas univers De préférer notre hémisphère A celui des mortels qui nous sont opposés, Gens grossiers, peu civilisés, Et qui, se mariant sans prêtre et sans notaire, De la Discorde n'ont que faire. Pour la faire trouver aux lieux où le besoin Demandait qu'elle fût présente, La Renommée avait le soin De l'avertir; et l'autre, diligente, Courait vite aux débats et prévenait la paix, Faisait d'une étincelle un feu long à s'éteindre. La Renommée enfin commença de se plaindre Que l'on ne lui trouvait jamais De demeure fixe et certaine; Bien souvent l'on perdait à la chercher sa peine. Il fallait donc qu'elle eût un séjour affecté, Un séjour d'où l'on pût en toutes les familles L'envoyer à jour arrêté. Comme il n'était alors aucun couvent de filles, On y trouva difficulté. L'auberge enfin de l'Hyménée Lui fut pour maison assignée. |
00:02:13 | 08/09/2024 |
Livre 6 | Livre 6 | La jeune veuve : Le temps efface les peines; Et la douleur n’est pas pour toujours | La perte d'un époux ne va point sans soupirs,
On fait beaucoup de bruit, et puis on se console.
Sur les ailes du temps la tristesse s'envole ; Le temps ramène les plaisirs. Entre la veuve d'une année Et la veuve d'une journée La différence est grande : on ne croirait jamais Que ce fût la même personne : L'une fait fuir les gens, et l'autre a mille attraits. Aux soupirs vrais ou faux celle-là s'abandonne ; C'est toujours même note et pareil entretien : On dit qu'on est inconsolable ; On le dit, mais il n'en est rien, Comme on verra par cette fable, Ou plutôt par la vérité. L'Époux d'une jeune beauté Partait pour l'autre monde. A ses côtés, sa femme Lui criait : Attends-moi, je te suis ; et mon âme, Aussi bien que la tienne, est prête à s'envoler. Le mari fait seul le voyage. La belle avait un père, homme prudent et sage : Il laissa le torrent couler. A la fin, pour la consoler, Ma fille, lui dit-il, c'est trop verser de larmes : Qu'a besoin le défunt que vous noyiez vos charmes ? Puisqu'il est des vivants, ne songez plus aux morts. Je ne dis pas que tout à l'heure Une condition meilleure Change en des noces ces transports ; Mais après certain temps souffrez qu'on vous propose Un époux beau, bien fait, jeune, et tout autre chose Que le défunt. Ah ! dit-elle aussitôt, Un cloître est l'époux qu'il me faut. Le père lui laissa digérer sa disgrâce. Un mois de la sorte se passe. L'autre mois, on l'emploie à changer tous les jours Quelque chose à l'habit, au linge, à la coiffure. Le deuil enfin sert de parure, En attendant d'autres atours. Toute la bande des Amours Revient au colombier ; les Jeux, les Ris, la danse, Ont aussi leur tour à la fin : On se plonge soir et matin Dans la fontaine de Jouvence. Le père ne craint plus ce défunt tant chéri ; Mais comme il ne parlait de rien à notre belle : Où donc est le jeune mari Que vous m'avez promis ? dit-elle. |
00:03:34 | 16/09/2024 |
Livre 6 | Livre 6 | Le cerf se voyant dans l'eau : Nous faisons cas du beau, nous méprisons l'utile | Ne pas préférer le charisme à la charité
Dans le cristal d'une fontaine Un cerf se mirant autrefois Louait la beauté de son bois, Et ne pouvait qu'avec peine Souffrir ses jambes de fuseaux, Dont il voyait l'objet se perdre dans les eaux. Quelle proportion de mes pieds à ma tête ! Disait-il en voyant leur ombre avec douleur : Des taillis les plus hauts mon front atteint le faîte ; Mes pieds ne me font point d'honneur. Tout en parlant de la sorte, Un limier le fait partir ; Il tâche à se garantir ; Dans les forêts il s'emporte. Son bois, dommageable ornement, L'arrêtant à chaque moment, Nuit à l'office que lui rendent Ses pieds, de qui ses jours dépendent. Il se dédit alors, et maudit les présents Que le Ciel lui fait tous les ans. Nous faisons cas du Beau, nous méprisons l'utile ; Et le Beau souvent nous détruit. Ce Cerf blâme ses pieds qui le rendent agile ; Il estime un bois qui lui nuit. |
00:02:07 | 16/06/2024 |
Livre 6 | Livre 6 | Le chien qui lâche sa proie pour l'ombre : Ne pas poursuivre les biens de ce monde | Le phaéton d'une voiture à foin vit son char embourbé.
Le pauvre homme était loin De tout humain secours. C'était à la campagne Appelé Quimper-Corentin. On sait assez que le destin Adresse là les gens quand il veut qu'on enrage : Pour venir au chartier embourbé dans ces lieux, Le voilà qui déteste et jure de son mieux, Pestant, en sa fureur extrême, Tantôt contre les trous, puis contre ses chevaux, Contre son char, contre lui même. Il invoque à la fin le Dieu dont les travaux Hercule, lui dit-il, aide-moi ; si ton dos A porté la machine ronde, Ton bras peut me tirer d'ici Sa prière étant faite, il entend dans la nue Une voix qui lui parle ainsi : Hercule veut qu'on se remue, Puis il aide les gens. Regarde d'où provient L'achoppement qui te retient. Ôte d'autour de chaque roue Ce malheureux mortier, cette maudite boue Qui jusqu'à l'essieu les enduit. Prends ton pic, et me romps ce caillou qui te nuit. Comble-moi cette ornière. As-tu fait ? Oui, dit l'homme. Or bien je vas t'aider, dit la voix : prends ton fouet. Je l'ai pris. Qu'est ceci ? mon char marche à souhait. Hercule en soit loué. Lors la voix : Tu vois comme Tes Chevaux aisément se sont tirés de là. Aide-toi, le Ciel t'aidera. |
00:02:42 | 25/08/2024 |
Livre 6 | Livre 6 | Le charlatan: Comment le prophète habile annonce des événements pour après sa mort | Le monde n'a jamais manqué de charlatans :
Cette science, de tout temps, Fut en professeurs très fertile. Tantôt l'un en théâtre affronte l'Achéron, Et l'autre affiche par la ville Qu'il est un passe-Cicéron. Un des derniers se vantait d'être En éloquence si grand maître, Qu'il rendrait disert un badaud, Un manant, un rustre, un lourdaud ; Oui, Messieurs, un lourdaud, un animal, un âne : Que l'on amène un âne, un âne renforcé, Je le rendrai maître passé, Et veux qu'il porte la soutane. Le Prince sut la chose, il manda le rhéteur. J'ai, dit-il, dans mon écurie Un fort beau roussin d'Arcadie : J'en voudrais faire un orateur. Sire, vous pouvez tout, reprit d'abord notre homme. On lui donna certaine somme. Il devait au bout de dix ans Mettre son âne sur les bancs ; Guindé la hart au col, étranglé court et net, Ayant au dos sa rhétorique, Et les oreilles d'un baudet. Quelqu'un des courtisans lui dit qu'à la potence Il voulait l'aller voir, et que, pour un pendu, Il aurait bonne grâce et beaucoup de prestance : Surtout qu'il se souvînt de faire à l'assistance Un discours où son art fût au long étendu. Un discours pathétique, et dont le formulaire Servît à certains Cicérons Vulgairement nommés larrons. L'autre reprit : Avant l'affaire, Le Roi, l'âne, ou moi, nous mourrons. Il avait raison. C'est folie De compter sur dix ans de vie. Soyons bien buvants, bien mangeants, Nous devons à la mort de trois l'un en dix ans. |
00:02:05 | 02/09/2024 |
Livre 6 | Livre 6 | Le cheval et l'âne : L’homme dur reçoit dur purgatoire en l’autre monde | Lazare et le riche
En ce monde il se faut l'un l'autre secourir. Si ton voisin vient à mourir, C'est sur toi que le fardeau tombe. Un âne accompagnait un cheval peu courtois, Celui-ci ne portant que son simple harnois, Et le pauvre baudet si chargé qu'il succombe. Il pria le cheval de l'aider quelque peu : Autrement il mourrait devant qu'être à la ville. La prière, dit-il, n'en est pas incivile : Moitié de ce fardeau ne vous sera que jeu. Le cheval refusa, fit une pétarade ; Tant qu'il vit sous le faix mourir son camarade, Et reconnut qu'il avait tort. Du baudet, en cette aventure, On lui fit porter la voiture, Et la peau par-dessus encor. |
00:01:37 | 11/08/2024 |
Livre 6 | Livre 6 | Le chien qui lâche sa proie pour l'ombre : Ne pas poursuivre les biens de ce monde | Chacun se trompe ici-bas.
On voit courir après l'ombre Tant de fous qu'on n'en sait pas La plupart du temps le nombre. Au chien dont parle Ésope il faut les renvoyer. Ce chien, voyant sa proie en l'eau représentée, La quitta pour l'image, et pensa se noyer ; La rivière devint tout d'un coup agitée. À toute peine il regagna les bords, Et n'eut ni l'ombre ni le corps. |
00:01:39 | 14/08/2024 |
Livre 6 | Livre 6 | Le coq, le chat, et le souriceau : Ne pas se fier à la bonne mine des gens | L’ange des ténèbres se déguise en ange de lumière.
Un souriceau tout jeune, et qui n'avait rien vu, Fut presque pris au dépourvu. Voici comme il conta l'aventure à sa mère. J'avais franchi les monts qui bornent cet État Et trottais comme un jeune Rat Qui cherche à se donner carrière, Lorsque deux animaux m'ont arrêté les yeux ; L'un doux, bénin et gracieux, Et l'autre turbulent et plein d'inquiétude. Il a la voix perçante et rude ; Sur la tête un morceau de chair, Une sorte de bras dont il s'élève en l'air, Comme pour prendre sa volée ; La queue en panache étalée. Or c'était un cochet dont notre Souriceau Fit à sa Mère le tableau, Comme d'un animal venu de l'Amérique. Il se battait, dit-il, les flancs avec ses bras, Faisant tel bruit et tel fracas, Que moi, qui grâce aux Dieux de courage me pique, En ai pris la fuite de peur, Le maudissant de très bon coeur. Sans lui j'aurais fait connaissance Avec cet animal qui m'a semblé si doux. Il est velouté comme nous, Marqueté, longue queue, une humble contenance, Un modeste regard, et pourtant l'oeil luisant : Je le crois fort sympathisant Avec Messieurs les rats ; car il a des oreilles En figure aux nôtres pareilles. Je l'allais aborder, quand d'un son plein d'éclat L'autre m'a fait prendre la fuite. Mon fils, dit la souris, ce doucet est un chat, Qui sous son minois hypocrite, Contre toute ta parenté D'un malin vouloir est porté. L'autre animal tout au contraire, Bien éloigné de nous malfaire, Servira quelque jour peut-être à nos repas. Quant au chat, c'est sur nous qu'il fonde sa cuisine. Garde-toi, tant que tu vivras, De juger des gens sur la mine. |
00:02:56 | 05/05/2024 |
Livre 6 | Livre 6 | Le lièvre et la tortue : Rien ne sert de courir ; il faut partir à point | Rien ne sert de courir ; il faut partir à point.
Le lièvre et la Tortue en sont un témoignage. Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point Si tôt que moi ce but. Si tôt ? Êtes-vous sage ? Repartit l'animal léger. Ma Commère, il vous faut purger Avec quatre grains d'ellébore. Sage ou non, je parie encore. Ainsi fut fait : et de tous deux On mit près du but les enjeux. Savoir quoi, ce n'est pas l'affaire ; Ni de quel juge l'on convint. Notre lièvre n'avait que quatre pas à faire ; J'entends de ceux qu'il fait lorsque prêt d'être atteint Il s'éloigne des chiens, les renvoie aux calendes, Et leur fait arpenter les landes. Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter, Pour dormir, et pour écouter D'où vient le vent, il laisse la tortue Aller son train de sénateur. Elle part, elle s'évertue ; Elle se hâte avec lenteur. Lui cependant méprise une telle victoire ; Tient la gageure à peu de gloire ; Croit qu'il y va de son honneur De partir tard. Il broute, il se repose, Il s'amuse à toute autre chose Qu'à la gageure. À la fin, quand il vit Que l'autre touchait presque au bout de la carrière, Il partit comme un trait ; mais les élans qu'il fit Furent vains : la tortue arriva la première. Eh bien, lui cria-t-elle, avais-je pas raison ? De quoi vous sert votre vitesse ? Moi l'emporter ! et que serait-ce Si vous portiez une maison ? |
00:02:44 | 23/06/2024 |
Livre 6 | Livre 6 | Le lion et le chasseur : ne pas se frotter à un adversaire qui nous dépasse | Un fanfaron amateur de la chasse,
Venant de perdre un Chien de bonne race, Qu'il soupçonnait dans le corps d'un lion, Vit un berger. Enseigne-moi, de grâce, De mon voleur, lui dit-il, la maison ; Que de ce pas je me fasse raison. Le berger dit : C'est vers cette montagne. En lui payant de tribut un mouton Par chaque mois, j'erre dans la campagne Comme il me plaît, et je suis en repos. Dans le moment qu'ils tenaient ces propos, Le lion sort, et vient d'un pas agile. Le fanfaron aussitôt d'esquiver ; Ô Jupiter, montre-moi quelque asile, S'écria-t-il, qui me puisse sauver. La vraie épreuve de courage N'est que dans le danger que l'on touche du doigt, Tel le cherchait, dit-il, qui changeant de langage, S'enfuit aussitôt qu'il le voit. |
00:01:51 | 14/04/2024 |
Livre 6 | Livre 6 | Le lion malade et le renard : Garder son bon sens face à un tyran bienveillant | De par le roi des animaux,
Qui dans son antre était malade, Fut fait savoir à ses vassaux Que chaque espèce en ambassade Envoyât gens le visiter : Sous promesse de bien traiter Les députés, eux et leur suite, Foi de lion, très bien écrite, Bon passeport contre la dent ; Contre la griffe tout autant. L'édit du Prince s'exécute : De chaque espèce on lui députe. Les renards gardant la maison, Un d'eux en dit cette raison : Les pas empreints sur la poussière Par ceux qui s'en vont faire au malade leur cour, Tous, sans exception, regardent sa tanière ; Pas un ne marque de retour. Cela nous met en méfiance. Que Sa Majesté nous dispense : Grand merci de son passeport. Je le crois bon; mais dans cet antre Je vois fort bien comme l'on entre, Et ne vois pas comme on en sort. |
00:01:55 | 21/07/2024 |
Livre 6 | Livre 6 | Le pâtre et le lion : Faut-il demander à Dieu une requête qui nous dépasse ? | Les fables ne sont pas ce qu'elles semblent être :
Le plus simple animal nous y tient lieu de maître. Une morale nue apporte de l'ennui : Le conte fait passer le précepte avec lui. En ces sortes de feinte il faut instruire et plaire, Et conter pour conter me semble peu d'affaire. C'est par cette raison qu'égayant leur esprit, Nombre de gens fameux en ce genre ont écrit. Tous ont fui l'ornement et le trop d'étendue. On ne voit point chez eux de parole perdue. Phèdre était si succinct qu'aucuns l'en ont blâmé ; Ésope en moins de mots s'est encore exprimé. Mais sur tous certain Grec renchérit et se pique D'une élégance laconique. Il renferme toujours son conte en quatre vers : Bien ou mal, je le laisse à juger aux experts. Voyons-le avec Ésope en un sujet semblable. L'un amène un chasseur, l'autre un pâtre, en sa fable. J'ai suivi leur projet quant à l'événement, Y cousant en chemin quelque trait seulement. Voici comme à peu près Ésope le raconte. Un pâtre, à ses brebis trouvant quelque mécompte, Voulut à toute force attraper le larron. Il s'en va près d'un antre, et tend à l'environ Des lacs à prendre loups, soupçonnant cette engeance. Avant que partir de ces lieux, Si tu fais, disait-il, Ô Monarque des Dieux, Que le drôle à ces lacs se prenne en ma présence, Et que je goûte ce plaisir, Parmi vingt veaux je veux choisir Le plus gras, et t'en faire offrande. " À ces mots, sort de l'antre un lion grand et fort. Le pâtre se tapit, et dit à demi-mort : Que l'homme ne sait guère, hélas, ce qu'il demande ! Pour trouver le larron qui détruit mon troupeau, Et le voir en ces lacs pris avant que je parte, Ô monarque des Dieux, je t'ai promis un veau : Je te promets un bœuf si tu fais qu'il s'écarte. C'est ainsi que l'a dit le principal auteur ; Passons à son imitateur. |
00:02:23 | 08/04/2024 |
Livre 6 | Livre 6 | Le renard le singe et les animaux: Le choix du roi porte sur un homme doté de prudence | Les animaux, au décès d'un Lion,
En son vivant prince de la contrée, Pour faire un roi s'assemblèrent, dit-on. De son étui la couronne est tirée : Dans une chartre un dragon la gardait. Il se trouva que sur tous essayée, A pas un d'eux elle ne convenait. Plusieurs avaient la tête trop menue, Aucun trop grosse, aucuns même cornue. Le Singe aussi fit l'épreuve en riant ; Et par plaisir la tiare essayant, Il fit autour force grimaceries, Tours de souplesse, et mille singeries, Passa dedans ainsi qu'en un cerceau. Aux Animaux cela sembla si beau, Qu'il fut élu : chacun lui fit hommage. Le Renard seul regretta son suffrage, Sans toutefois montrer son sentiment. Quand il eut fait son petit compliment, Il dit au Roi : Je sais, Sire, une cache, Et ne crois pas qu'autre que moi la sache. Or tout trésor, par droit de royauté, Appartient, Sire, à Votre Majesté. Le nouveau roi bâille après la finance ; Lui-même y court pour n'être pas trompé. C'était un piège : il y fut attrapé. Le Renard dit, au nom de l'assistance : Prétendrais-tu nous gouverner encor, Ne sachant pas te conduire toi-même ? Il fut démis ; et l'on tomba d'accord Qu'à peu de gens convient le diadème. |
00:02:38 | 12/05/2024 |
Livre 6 | Livre 6 | Le soleil et le vent : Comment le Ciel nous débarrasse de nos attaches terrestres | Force ou douceur ?
Borée et le Soleil virent un voyageur Qui s'était muni par bonheur Contre le mauvais temps (on entrait dans l'automne, Quand la précaution aux voyageurs est bonne : Il pleut ; le soleil luit ; et l'écharpe d'Iris Rend ceux qui sortent avertis Qu'en ces mois le manteau leur est fort nécessaire. Les latins les nommaient douteux pour cette affaire. Notre homme s'était donc à la pluie attendu : Bon manteau bien doublé, bonne étoffe bien forte. Celui-ci, dit le Vent, prétend avoir pourvu A tous les accidents ; mais il n'a pas prévu Que je saurai souffler de sorte Qu'il n'est bouton qui tienne ; il faudra, si je veux, Que le manteau s'en aille au Diable. L'ébattement pourrait nous en être agréable : Vous plaît-il de l'avoir ? Eh bien, gageons-nous deux, (Dit Phébus), sans tant de paroles, A qui plus tôt aura dégarni les épaules Du Cavalier que nous voyons. Commencez : je vous laisse obscurcir mes rayons. Il n'en fallut pas plus. Notre Souffleur à gage Se gorge de vapeurs, s'enfle comme un ballon ; Fait un vacarme de démon, Siffle, souffle, tempête, et brise en son passage Maint toit qui n'en peut mais, fait périr maint bateau : Le tout au sujet du manteau. Le cavalier eut soin d'empêcher que l'orage Ne se pût engouffrer dedans ; Cela le préserva : le Vent perdit son temps : Plus il se tourmentait, plus l'autre tenait ferme ; Il eut beau faire agir le collet et les plis. Sitôt qu'il fut au bout du terme Qu'à la gageure on avait mis, Le Soleil dissipe la nue, Recrée, et puis pénètre enfin le cavalier, Sous son balandras fait qu'il sue, Le contraint de s'en dépouiller. Encor n'usa-t-il pas de toute sa puissance. Plus fait douceur que violence. |
00:03:25 | 22/04/2024 |
Livre 6 | Livre 6 | Le soleil et les grenouilles : Ne pas se réjouir aux noces d’un tyran | Aux noces d'un tyran tout le peuple en liesse
Noyait son souci dans les pots. br>Esope seul trouvait que les gens étaient sots De témoigner tant d'allégresse. Le soleil, disait-il, eut dessein autrefois De songer à l'hyménée. Aussitôt on ouït d'une commune voix Se plaindre de leur destinée Les citoyennes des étangs. Que ferons-nous, s'il lui vient des enfants ? Dirent-elles au Sort, un seul soleil à peine Se peut souffrir. Une demi-douzaine Mettra la mer à sec et tous ses habitants. Adieu joncs et marais : notre race est détruite. Bientôt on la verra réduite A l'eau du Styx. Pour un pauvre Animal, Grenouilles, à mon sens, ne raisonnaient pas mal. |
00:01:41 | 07/07/2024 |
Livre 6 | Livre 6 | Le vieillard et l'âne : Ne pas se relâcher face à un ennemi, toujours veiller | Un vieillard sur son âne aperçut en passant
Un pré plein d'herbe et fleurissant : Il y lâche sa bête, et le grison se rue Au travers de l'herbe menue, Se vautrant, grattant, et frottant, Gambadant, chantant et broutant, Et faisant mainte place nette. L'ennemi vient sur l'entrefaite. Fuyons, dit alors le vieillard. Pourquoi ? répondit le paillard. Me fera-t-on porter double bât, double charge ? Non pas, dit le vieillard, qui prit d'abord le large. Et que m'importe donc, dit l'âne, à qui je sois ? Sauvez-vous, et me laissez paître : Notre ennemi, c'est notre maître : Je vous le dis en bon françois. |
00:01:00 | 02/06/2024 |
Livre 6 | Livre 6 | Le villageois et le serpent : L’attitude juste face à un ingrat | Esope conte qu'un manant,
Charitable autant que peu sage, Un jour d'hiver se promenant A l'entour de son héritage, Aperçut un serpent sur la neige étendu, Transi, gelé, perclus, immobile rendu, N'ayant pas à vivre un quart d'heure. Le villageois le prend, l'emporte en sa demeure; Et, sans considérer quel sera le loyer D'une action de ce mérite, Il l'étend le long du foyer, Le réchauffe, le ressuscite. L'animal engourdi sent à peine le chaud, Que l'âme lui revient avecque la colère. Il lève un peu la tête et puis siffle aussitôt, Puis fait un long repli, puis tâche à faire un saut Contre son bienfaiteur, son sauveur, et son père. Ingrat, dit le manant, voilà donc mon salaire ? Tu mourras. A ces mots, plein d'un juste courroux, Il vous prend sa cognée, il vous tranche la bête ; Il fait trois serpents de deux coups, Un tronçon, la queue et la tête. L'insecte sautillant, cherche à se réunir, Mais il ne put y parvenir. Il est bon d'être charitable, Mais envers qui ? c'est là le point. Quant aux ingrats, il n'en est point Qui ne meure enfin misérable. |
00:01:59 | 14/07/2024 |
Livre 6 | Livre 6 | L’âne et ses maîtres : Comment être heureux là où on est, | L'âne d'un jardinier se plaignait au destin
br>De ce qu'on le faisait lever devant l'aurore.
Les coqs, lui disait-il, ont beau chanter matin ; Je suis plus matineux encor. br>Et pourquoi ? Pour porter des herbes au marché. Belle nécessité d'interrompre mon somme ! Le sort de sa plainte touché Lui donne un autre maître ; et l'animal de somme Passe du Jardinier aux mains d'un corroyeur. La pesanteur des peaux, et leur mauvaise odeur Eurent bientôt choqué l'impertinente bête. J'ai regret, disait-il, à mon premier Seigneur. Encor quand il tournait la tête, J'attrapais, s'il m'en souvient bien, Quelque morceau de chou qui ne me coûtait rien. Mais ici point d'aubaine ; ou si j'en ai quelqu'une C'est de coups. Il obtint changement de fortune, Et sur l'état d'un charbonnier Il fut couché tout le dernier. Autre plainte. Quoi donc, dit le sort en colère, Ce baudet-ci m'occupe autant Que cent monarques pourraient faire. Croit-il être le seul qui ne soit pas content ? N'ai-je en l'esprit que son affaire ? Le sort avait raison ; tous gens sont ainsi faits : Notre condition jamais ne nous contente : La pire est toujours la présente. Nous fatiguons le Ciel à force de placets. Qu'à chacun Jupiter accorde sa requête, Nous lui romprons encor la tête. |
00:02:46 | 30/06/2024 |
Livre 6 | Livre 6 | L’oiseleur, l'autour et l'alouette: Nous serons jugés avec la mesure dont nous jugeons | Les injustices des pervers
Servent souvent d'excuse aux nôtres. Telle est la loi de l'univers ; Si tu veux qu'on t'épargne, épargne aussi les autres. Un manant au miroir prenait des oisillons. Le fantôme brillant attire une alouette. Aussitôt un autour planant sur les sillons Descend des airs, fond et se jette Sur celle qui chantait, quoique près du tombeau. Elle avait évité la perfide machine, Lorsque se rencontrant sous la main de l'oiseau Elle sent son ongle maline. Pendant qu'à la plumer l'autour est occupé, Lui-même sous les rets demeure enveloppé. Oiseleur laisse-moi, dit-il en son langage ; Je ne t'ai jamais fait de mal. L'oiseleur repartit : Ce petit animal T'en avait-il fait davantage ? |
00:01:46 | 05/08/2024 |
Livre 7 | Livre 7 | La cour du Lion : l’attitude des mondains | Sa Majesté Lionne un jour voulut connaître
De quelles nations le ciel l'avait fait maître.
Il manda donc par Députés Ses Vassaux de toute nature, Envoyant de tous les côtés Une circulaire écriture, Avec son sceau. L'écrit portait Qu'un mois durant le Roi tiendrait Cour plénière, dont l'ouverture Devait être un fort grand festin, Suivi des tours de Fagotin. Par ce trait de magnificence Le Prince à ses sujets étalait sa puissance. En son Louvre il les invita. Quel Louvre! un vrai charnier, dont l'odeur se porta D'abord au nez des gens. L'ours boucha sa narine: Il se fût bien passé de faire cette mine, Sa grimace déplut. Le Monarque irrité L'envoya chez Pluton faire le dégoûté. Le singe approuva fort cette sévérité, Et flatteur excessif, il loua la colère Et la griffe du Prince, et l'antre, et cette odeur: Il n'était ambre, il n'était fleur, Qui ne fût ail au prix. Sa sotte flatterie Eut un mauvais succès, et fut encor punie. Ce Monseigneur du Lion-là Fut parent de Caligula. Le Renard étant proche: Or cà, lui dit le sire, Que sens-tu? dis-le moi : parle sans déguiser. L'autre aussitôt de s'excuser, Alléguant un grand rhume : il ne pouvait que dire Sans odorat ; bref, il s'en tire. Ceci vous sert d'enseignement : Ne soyez à la Cour, si vous voulez y plaire, Ni fade adulateur, ni parleur trop sincère ; Et tâchez quelquefois de répondre en Normand. |
00:03:56 | 03/11/2024 |
Livre 7 | Livre 7 | Le coche et la mouche : ceux qui se croient indispensables | Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
Et de tous les côtés au soleil exposé, Six forts chevaux tiraient un coche. Femmes, Moine, Vieillards, tout était descendu. L'attelage suait, soufflait, était rendu. Une mouche survient, et des chevaux s'approche ; Prétend les animer par son bourdonnement ; Pique l'un, pique l'autre, et pense à tout moment Qu'elle fait aller la machine, S'assied sur le timon, sur le nez du cocher ; Aussitôt que le char chemine, Et qu'elle voit les gens marcher, Elle s'en attribue uniquement la gloire ; Va, vient, fait l'empressée ; il semble que ce soit Un sergent de bataille allant en chaque endroit Faire avancer ses gens, et hâter la victoire. La mouche en ce commun besoin Se plaint qu'elle agit seule, et qu'elle a tout le soin ; Qu'aucun n'aide aux chevaux à se tirer d'affaire. Le moine disait son bréviaire ; Il prenait bien son temps ! une femme chantait ; C'était bien de chansons qu'alors il s'agissait ! Dame Mouche s'en va chanter à leurs oreilles, Et fait cent sottises pareilles. Après bien du travail le coche arrive au haut. Respirons maintenant, dit la mouche aussitôt : J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine. Ca, Messieurs les chevaux, payez-moi de ma peine. Ainsi certaines gens, faisant les empressés, S'introduisent dans les affaires : Ils font partout les nécessaires, Et, partout importuns, devraient être chassés. |
00:02:28 | 17/11/2024 |
Livre 7 | Livre 7 | Fable 7, 4 ̶ Le héron au long bec : « Comment choisir son mari ! » | Un jour sur ses longs pieds allait je ne sais où Le Héron au long bec emmanché d’un long cou.
Il côtoyait une rivière. L’onde était transparente ainsi qu’aux plus beaux jours ; Ma commère la Carpe y faisait mille tours Avec le Brochet son compère. Le Héron en eût fait aisément son profit : Tous approchaient du bord, l’Oiseau n’avait qu’à prendre ; Mais il crut mieux faire d’attendre Qu’il eût un peu plus d’appétit. Il vivait de régime, et mangeait à ses heures. Après quelques moments l’appétit vint ; l’Oiseau S’approchant du bord vit sur l’eau Des Tanches qui sortaient du fond de ces demeures. Le mets ne lui plut pas ; il s’attendait à mieux, Et montrait un goût dédaigneux Comme le Rat du bon Horace. Moi des Tanches ? dit-il, moi Héron que je fasse Une si pauvre chère ? Et pour qui me prend-on ? La Tanche rebutée, il trouva du Goujon. Du Goujon ! c’est bien là le dîné d’un Héron ! J’ouvrirais pour si peu le bec ! aux Dieux ne plaise ! Il l’ouvrit pour bien moins : tout alla de façon Qu’il ne vit plus aucun Poisson. La faim le prit ; il fut tout heureux et tout aise De rencontrer un Limaçon. Ne soyons pas si difficiles : Les plus accommodants, ce sont les plus habiles : On hasarde de perdre en voulant trop gagner. Gardez-vous de rien dédaigner ; Surtout quand vous avez à peu près votre compte. Bien des gens y sont pris ; ce n’est pas aux Hérons Que je parle ; écoutez, humains, un autre conte ; Vous verrez que chez vous j’ai puisé ces leçons. LA FILLE Certaine Fille, un peu trop fière Prétendait trouver un mari Jeune, bien fait, et beau, d'agréable manière, Point froid et point jaloux ; notez ces deux points-ci. Cette Fille voulait aussi Qu'il eût du bien, de la naissance, De l'esprit, enfin tout ; mais qui peut tout avoir ? Le destin se montra soigneux de la pourvoir : Il vint des partis d'importance. La Belle les trouva trop chétifs de moitié : Quoi moi ? quoi ces gens-là ? l'on radote, je pense. A moi les proposer ! hélas ils font pitié . Voyez un peu la belle espèce ! L'un n'avait en l'esprit nulle délicatesse ; L'autre avait le nez fait de cette façon-là ; C'était ceci, c'était cela, C'était tout ; car les précieuses Font dessus tout les dédaigneuses. Après les bons partis les médiocres gens Vinrent se mettre sur les rangs. Elle de se moquer. Ah vraiment, je suis bonne De leur ouvrir la porte : ils pensent que je suis Fort en peine de ma personne. Grâce à Dieu je passe les nuits Sans chagrin, quoique en solitude. La Belle se sut gré de tous ces sentiments. L'âge la fit déchoir ; adieu tous les amants. Un an se passe et deux avec inquiétude. Le chagrin vient ensuite : elle sent chaque jour Déloger quelques Ris, quelques Jeux, puis l'Amour ; Puis ses traits choquer et déplaire ; Puis cent sortes de fards. Ses soins ne purent faire Qu'elle échappât au Temps, cet insigne larron : Les ruines d'une maison Se peuvent réparer : que n'est cet avantage Pour les ruines du visage ! Sa préciosité changea lors de langage. Son miroir lui disait : Prenez vite un mari. Je ne sais quel désir le lui disait aussi ; Le désir peut loger chez une précieuse. Celle-ci fit un choix qu'on n'aurait jamais cru, |
00:03:47 | 24/10/2024 |
Livre 7 | Livre 7 | La fille trop difficile : Application de la fable sur le héron au long bec | Certaine Fille, un peu trop fière
Prétendait trouver un mari
Jeune, bien fait, et beau, d'agréable manière, Point froid et point jaloux ; notez ces deux points-ci. Cette Fille voulait aussi Qu'il eût du bien, de la naissance, De l'esprit, enfin tout ; mais qui peut tout avoir ? Le destin se montra soigneux de la pourvoir : Il vint des partis d'importance. La Belle les trouva trop chétifs de moitié : Quoi moi ? quoi ces gens-là ? l'on radote, je pense. A moi les proposer ! hélas ils font pitié. Voyez un peu la belle espèce ! L'un n'avait en l'esprit nulle délicatesse ; L'autre avait le nez fait de cette façon-là ; C'était ceci, c'était cela, C'était tout ; car les précieuses Font dessus tout les dédaigneuses. Après les bons partis les médiocres gens Vinrent se mettre sur les rangs. Elle de se moquer. Ah vraiment, je suis bonne De leur ouvrir la porte : ils pensent que je suis Fort en peine de ma personne. Grâce à Dieu je passe les nuits Sans chagrin, quoique en solitude. La Belle se sut gré de tous ces sentiments. L'âge la fit déchoir ; adieu tous les amants. Un an se passe et deux avec inquiétude. Le chagrin vient ensuite : elle sent chaque jour Déloger quelques Ris, quelques Jeux, puis l'Amour ; Puis ses traits choquer et déplaire ; Puis cent sortes de fards. Ses soins ne purent faire Qu'elle échappât au Temps, cet insigne larron : Les ruines d'une maison Se peuvent réparer : que n'est cet avantage Pour les ruines du visage ! Sa préciosité changea lors de langage. Son miroir lui disait : Prenez vite un mari. Je ne sais quel désir le lui disait aussi ; Le désir peut loger chez une précieuse. Celle-ci fit un choix qu'on n'aurait jamais cru, Se trouvant à la fin tout aise et tout heureuse De rencontrer un malotru. |
00:03:47 | 20/10/2024 |
Livre 7 | Livre 7 | Le rat qui s'est retiré du monde : L’amour de Dieu sans l’amour du prochain est vain | Les Levantins en leur légende
Disent qu'un certain Rat las des soins d'ici-bas, Dans un fromage de Hollande Se retira loin du tracas. La solitude était profonde, S'étendant partout à la ronde. Notre ermite nouveau subsistait là-dedans. Il fit tant de pieds et de dents Qu'en peu de jours il eut au fond de l'ermitage Le vivre et le couvert : que faut-il davantage ? Il devint gros et gras ; Dieu prodigue ses biens A ceux qui font voeu d'être siens. Un jour, au dévot personnage Des députés du peuple Rat S'en vinrent demander quelque aumône légère : Ils allaient en terre étrangère Chercher quelque secours contre le peuple chat ; Ratopolis était bloquée : On les avait contraints de partir sans argent, Attendu l'état indigent De la République attaquée. Ils demandaient fort peu, certains que le secours Serait prêt dans quatre ou cinq jours. Mes amis, dit le Solitaire, Les choses d'ici-bas ne me regardent plus : En quoi peut un pauvre Reclus Vous assister ? que peut-il faire, Que de prier le Ciel qu'il vous aide en ceci ? J'espère qu'il aura de vous quelque souci. Ayant parlé de cette sorte, Le nouveau Saint ferma sa porte. Qui désignai-je, à votre avis, Par ce rat si peu secourable ? Un Moine ? Non, mais un Dervis : Je suppose qu'un Moine est toujours |
00:03:20 | 29/09/2024 |
Livre 7 | Livre 7 | Les animaux malades de la peste : Le péché des puissants est toujours peu regardé | Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur Inventa pour punir les crimes de la terre La Peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom) Capable d’enrichir en un jour l’Achéron, Faisait aux animaux la guerre. Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés : On n'en voyait point d'occupés A chercher le soutien d'une mourante vie ; Nul mets n'excitait leur envie ; Ni loups ni renards n'épiaient La douce et l'innocente proie. Les tourterelles se fuyaient ; Plus d'amour, partant plus de joie. Le lion tint conseil, et dit : Mes chers amis, Je crois que le Ciel a permis Pour nos péchés cette infortune ; Que le plus coupable de nous Se sacrifie aux traits du céleste courroux ; Peut-être il obtiendra la guérison commune. L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents On fait de pareils dévouements : Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence L'état de notre conscience. Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons J'ai dévoré force moutons ; Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense : Même il m'est arrivé quelquefois de manger Le Berger. Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi Car on doit souhaiter selon toute justice Que le plus coupable périsse. Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi ; Vos scrupules font voir trop de délicatesse ; Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce. Est-ce un péché ? Non non. Vous leur fîtes, Seigneur, En les croquant beaucoup d'honneur; Et quant au berger, l'on peut dire Qu'il était digne de tous maux, Etant de ces gens-là qui sur les animaux Se font un chimérique empire. Ainsi dit le renard, et flatteurs d'applaudir. On n'osa trop approfondir Du tigre, ni de l'ours, ni des autres puissances. |
00:04:49 | 09/06/2024 |
Livre 7 | Livre 7 | Les trois souhaits fait au génie : Abondance, puis pauvreté, puis sagesse | Il est au Mogol des Follets
Qui font office de valets,
Tiennent la maison propre, ont soin de l'équipage, Et quelquefois du jardinage. Si vous touchez à leur ouvrage, Vous gâtez tout. Un d'eux près du Gange autrefois Cultivait le jardin d'un assez bon Bourgeois. Il travaillait sans bruit, avait beaucoup d'adresse, Aimait le maître et la maîtresse, Et le jardin surtout. Dieu sait si les Zéphirs Peuple ami du Démon l'assistaient dans sa tâche ! Le follet de sa part travaillant sans relâche Comblait ses hôtes de plaisirs. Pour plus de marques de son zèle Chez ces gens pour toujours il se fût arrêté, Nonobstant la légèreté A ses pareils si naturelle ; Mais ses confrères les esprits Firent tant que le chef de cette république, Par caprice ou par politique, Le changea bientôt de logis. Ordre lui vient d'aller au fond de la Norvège Prendre le soin d'une maison En tout temps couverte de neige ; Et d'Indou qu'il était on vous le fait Lapon. Avant que de partir l'esprit dit à ses hôtes : On m'oblige de vous quitter : Je ne sais pas pour quelles fautes ; Mais enfin il le faut, je ne puis arrêter Qu'un temps fort court, un mois, peut-être une semaine. Employez-la ; formez trois souhaits, car je puis Rendre trois souhaits accomplis ; Trois sans plus. Souhaiter, ce n'est pas une peine Etrange et nouvelle aux humains. Ceux-ci pour premier voeu demandent l'abondance ; Et l'abondance, à pleines mains, Verse en leurs coffres la finance, En leurs greniers le blé, dans leurs caves les vins ; Tout en crève. Comment ranger cette chevance ? Quels registres, quels soins, quel temps il leur fallut ! Tous deux sont empêchés si jamais on le fut. Les voleurs contre eux complotèrent ; Les grands Seigneurs leur empruntèrent ; Le Prince les taxa. Voilà les pauvres gens Malheureux par trop de fortune. Otez-nous de ces biens l'affluence importune, Dirent-ils l'un et l'autre ; heureux les indigents ! La pauvreté vaut mieux qu'une telle richesse. Retirez-vous, trésors, fuyez ; et toi Déesse, Mère du bon esprit, compagne du repos, O médiocrité, reviens vite. A ces mots La médiocrité revient ; on lui fait place ; Avec elle ils rentrent en grâce, Au bout de deux souhaits étant aussi chanceux Qu'ils étaient, et que sont tous ceux Qui souhaitent toujours et perdent en chimères Le temps qu'ils feraient mieux de mettre à leurs affaires. Le Follet en rit avec eux. Pour profiter de sa largesse, Quand il voulut partir et qu'il fut sur le point, Ils demandèrent la sagesse ; C'est un trésor qui n'embarrasse point. |
00:03:47 | 27/10/2024 |
Livre 7 | Livre 7 | Les vautours et les pigeons : Diviser les méchants pour les affaiblir | Mars autrefois mit tout l'air en émûte.
Certain sujet fit naître la dispute Chez les oiseaux ; non ceux que le printemps Mène à sa cour, et qui sous la feuillée Par leur exemple et leurs sons éclatants Font que Vénus est en nous réveillée ; Ni ceux encor que la Mère d'Amour Met à son char : mais le peuple vautour, Au bec retors, à la tranchante serre, Pour un chien mort se fit, dit-on, la guerre. Il plut du sang ; je n'exagère point. Si je voulais conter de point en point Tout le détail, je manquerais d'haleine. Maint chef périt, maint héros expira ; Et sur son roc Prométhée espéra De voir bientôt une fin à sa peine. C'était plaisir d'observer leurs efforts ; C'était pitié de voir tomber les morts. Valeur, adresse, et ruses, et surprises, Tout s'employa. Les deux troupes éprises D'ardent courroux n'épargnaient nuls moyens De peupler l'air que respirent les ombres : Tout élément remplit de citoyens Le vaste enclos qu'ont les royaumes sombres. Cette fureur mit la compassion Dans les esprits d'une autre nation Au col changeant, au coeur tendre et fidèle. Elle employa sa médiation Pour accorder une telle querelle ; Ambassadeurs par le peuple Pigeon Furent choisis, et si bien travaillèrent, Que les vautours plus ne se chamaillèrent. Ils firent trêve, et la paix s'ensuivit : Hélas ! ce fut aux dépens de la race A qui la leur aurait dû rendre grâce. La gent maudite aussitôt poursuivit Tous les pigeons, en fit ample carnage, En dépeupla les bourgades, les champs. Peu de prudence eurent les pauvres gens, D'accommoder un peuple si sauvage. Tenez toujours divisés les méchants ; La sûreté du reste de la terre Dépend de là : semez entre eux la guerre, Ou vous n'aurez avec eux nulle paix. Ceci soit dit en passant ; je me tais. |
00:03:06 | 10/11/2024 |
Livre 7 | Livre 7 | Mal marié : La nécessité du temps des fiançailles | Que le bon soit toujours camarade du beau,
Dès demain je chercherai femme ; Mais comme le divorce entre eux n'est pas nouveau, Et que peu de beaux corps hôtes d'une belle âme Assemblent l'un et l'autre point, Ne trouvez pas mauvais que je ne cherche point. J'ai vu beaucoup d'Hymens, aucuns d'eux ne me tentent : Cependant des humains presque les quatre parts S'exposent hardiment au plus grand des hasards ; Les quatre parts aussi des humains se repentent. J'en vais alléguer un qui, s'étant repenti, Ne put trouver d'autre parti, Que de renvoyer son épouse Querelleuse, avare, et jalouse. Rien ne la contentait, rien n'était comme il faut : On se levait trop tard, on se couchait trop tôt, Puis du blanc, puis du noir, puis encore autre chose; Les valets enrageaient, l'époux était à bout ; Monsieur ne songe à rien, Monsieur dépense tout, Monsieur court, Monsieur se repose. Elle en dit tant, que Monsieur, à la fin, Lassé d'entendre un tel lutin, Vous la renvoie à la campagne Chez ses parents. La voilà donc compagne De certaines Philis qui gardent les dindons Avec les gardeurs de cochons. Au bout de quelque temps, qu'on la crut adoucie, Le mari la reprend. Eh bien ! qu'avez-vous fait ? Comment passiez-vous votre vie ? L'innocence des champs est-elle votre fait ? Assez, dit-elle ; mais ma peine Etait de voir les gens plus paresseux qu'ici ; Ils n'ont des troupeaux nul souci. Je leur savais bien dire, et m'attirais la haine De tous ces gens si peu soigneux. Eh, madame, reprit son époux tout à l'heure, Si votre esprit est si hargneux Que le monde qui ne demeure Qu'un moment avec vous, et ne revient qu'au soir, Est déjà lassé de vous voir, Que feront des valets qui toute la journée Vous verront contre eux déchaînée ? Et que pourra faire un époux Que vous voulez qui soit jour et nuit avec vous ? Retournez au village : adieu. Si de ma vie Je vous rappelle et qu'il m'en prenne envie, Puissé-je chez les morts avoir pour mes péchés Deux femmes comme vous sans cesse à mes côtés. |
00:03:34 | 22/09/2024 |
Livre 8 | Livre 8 | La mort et le mourant : jamais les habitants de ce monde ne seront prêts au Passage | La mort ne surprend point le sage ;
Il est toujours prêt à partir, S'étant su lui-même avertir Du temps où l'on se doit résoudre à ce passage. Ce temps, hélas ! embrasse tous les temps : Qu'on le partage en jours, en heures, en moments, Il n'en est point qu'il ne comprenne Dans le fatal tribut ; tous sont de son domaine ; Et le premier instant où les enfants des rois Ouvrent les yeux à la lumière, Est celui qui vient quelquefois Fermer pour toujours leur paupière. Défendez-vous par la grandeur, Alléguez la beauté, la vertu, la jeunesse, La mort ravit tout sans pudeur Un jour le monde entier accroîtra sa richesse. Il n'est rien de moins ignoré, Et puisqu'il faut que je le die, Rien où l'on soit moins préparé. Un mourant qui comptait plus de cent ans de vie, Se plaignait à la mort que précipitamment Elle le contraignait de partir tout à l'heure, Sans qu'il eût fait son testament, Sans l'avertir au moins. Est-il juste qu'on meure Au pied levé ? dit-il : attendez quelque peu. Ma femme ne veut pas que je parte sans elle ; Il me reste à pourvoir un arrière-neveu ; Souffrez qu'à mon logis j'ajoute encore une aile. Que vous êtes pressante, ô Déesse cruelle ! Vieillard, lui dit la mort, je ne t'ai point surpris ; Tu te plains sans raison de mon impatience. Eh n'as-tu pas cent ans ? trouve-moi dans Paris Deux mortels aussi vieux, trouve-m'en dix en France. Je devais, ce dis-tu, te donner quelque avis Qui te disposât à la chose : J'aurais trouvé ton testament tout fait, Ton petit-fils pourvu, ton bâtiment parfait ; Ne te donna-t-on pas des avis quand la cause Du marcher et du mouvement, Quand les esprits, le sentiment, Quand tout faillit en toi ? Plus de goût, plus d'ouïe : Toute chose pour toi semble être évanouie : Pour toi l'astre du jour prend des soins superflus : Tu regrettes des biens qui ne te touchent plus Je t'ai fait voir tes camarades, Ou morts, ou mourants, ou malades. Qu'est-ce que tout cela, qu'un avertissement ? Allons, vieillard, et sans réplique. Il n'importe à la république Que tu fasses ton testament. |
00:02:56 | 22/03/2022 |