Comment se vivent les principes moraux
universels, immuables et négatifs !
Un tel titre : « Comment se
vivent les principes moraux universels, immuables et négatifs », évoque chez
certains la morale géométrique de Spinoza : Ethica more geometrico
demonstrata, dont les démonstrations se terminent par un Q.E.D. latin, l’équivalent
de notre C.Q.F.D. français – ce qu’il fallait démontrer. Voici ce qu’en dit
l’encyclique de Jean-Paul II, La
splendeur de la vérité : « Les préceptes moraux négatifs,
c’est-à-dire ceux qui interdisent certains actes ou comportements concrets
intrinsèquement mauvais, n’admettent aucune exception légitime ; ils ne
laissent aucun espace moralement acceptable pour “ créer ” une
quelconque détermination contraire[1]. »
On se sent coincé, mais l’est-on vraiment ?
La morale de Thomas d’Aquin, qui tient plus
de l’esprit de finesse, dont parle Pascal, que de l’esprit de géométrie,
introduit quelques distinctions qui rendent moins rébarbatifs ces austères principes
de la conduite humaine. D’abord celui-ci : « Quand il doit poser une
action humaine concrète, c’est-à-dire entourée de circonstances nombreuses et
variables, l’être humain ne peut s’appuyer sur des principes absolus, mais sur
des règles dont le propre est d’être vraies dans la plupart des cas[2]. » L’action humaine concrète, c’est ce mariage par
opposition au mariage. On ne contracte pas LE mariage, mais CE mariage.
Thomas d’Aquin prouve que la loi nouvelle –
celle de l’Évangile – est beaucoup moins onéreuse que l’ancienne, du point de
vue des actes extérieurs à poser. La
loi nouvelle, qui nous vient du Christ et des Apôtres, ajoutait très peu de
préceptes, paucissima praecepta, à
ceux de la loi naturelle (I-II, q. 107, a.
4). Pour lui, tous les préceptes moraux
de la loi ancienne – qu’il distingue des préceptes cérémoniels et des préceptes
judiciaires – appartiennent à la loi naturelle, et les dix commandements du
décalogue en sont le résumé. La question qu’il soulève est claire : Utrum omnia praecepta moralia veteris legis
reducantur ad decem praecepta decalogi. Il se demande donc si tous les préceptes moraux de la loi
ancienne se ramènent aux dix préceptes
du décalogue, et il prouve que tel est bien le cas (I-II, q.
La
notion thomiste de loi naturelle
L’évocation de la loi naturelle exige
quelques considérations sur cette notion bien floue ; elle n’est pas la
seule à l’être. « Nous vivons sur des notions très vagues et très
grossières, qui d’ailleurs vivent de nous. Ce que nous savons, nous le savons
par l’opération de ce que nous ne savons pas », affirme Paul Valéry[3].
Pour se faire une juste idée de la loi
naturelle, selon Thomas d’Aquin, il importe d’abord d’oublier les jolies
métaphores qui nous la présentent comme étant « gravée par Dieu dans le
cœur » de l’homme ou encore « écrite et gravée dans l’âme »,
comme dit Léon XIII, cité par le Catéchisme de l’Église catholique (1954).
Désigner Dieu comme graveur de cette loi crée l’impression d’une loi imposée de
l’extérieur, comme la loi de l’impôt. Quand on lit les articles consacrés à la
loi naturelle dans le CEC, on ne trouve aucune référence aux inclinations
naturelles de l’être humain. Les auteurs disent fort bien que c’est « la
raison qui l’édicte » ou encore qu’elle est « établie par la raison »,
mais à partir de quoi ? On n’en souffle mot, et l’impression demeure
qu’elle a été « écrite dans le cœur » par une main invisible, comme les mots Mané,
Thécel, Pharès l’ont été sur une muraille, pendant un festin du roi
Balthazar (Daniel V, 25-28).
Selon Thomas d’Aquin, la loi naturelle est
élaborée par la raison humaine à partir des inclinations naturelles que l’être
humain découvre en lui et qu’il trouve forcément bonnes : un homme ne peut
pas trouver mauvais d’être incliné à boire quand il a soif, d’être incliné à manger
quand il a faim, d’être incliné à se défendre quand il est attaqué, etc. Tous
les êtres de la nature recherchent ce qui leur convient et repoussent, quand
ils en sont capables – la plante déshydratée est incapable de s’approcher du ruisseau
pour siphonner l’eau qui lui manque – ce qui leur ne leur convient pas. C’est on ne peut plus évident pour les
humains.
Cette observation du sens commun se formule
de la manière suivante : « Tout être désire ce qui lui convient – et
qu’on appelle son bien – et il fuit ce qui ne lui convient pas – et qu’on
appelle son mal » (I-II, q.
La
dictature du relativisme
Cette énumération de différences évoque l’homélie
prononcée par le cardinal Ratzinger, le 18 avril 2005, à la veille du conclave
qui fera de lui le successeur de Jean-Paul II. Il n’était donc pas encore
infaillible à ce moment-là… Pour décrire les enfants dans la foi, il fait appel
à saint Paul : ce sont gens « ballottés et emportés à tout vent de la
doctrine » (Éphésiens 4, 14). « Peu à peu se constitue une dictature
du relativisme qui ne reconnaît rien comme définitif et qui ne retient comme
ultime mesure que son propre ego et ses désirs. »
Ces propos me semblent un peu pessimistes.
Depuis des millénaires, les humains ont reconnu comme valeurs constitutives de
la personne humaine, les valeurs corporelles (santé, vigueur, beauté), les
valeurs morales (justice, courage, tempérance), les valeurs intellectuelles
(prudence, sciences et arts) et la majorité des êtres humains font une place à
un être suprême au sommet de la création et dans leur vie : juifs,
chrétiens, musulmans, anglicans, luthériens, mormons, etc. Il n’y a pas
beaucoup de ballottement entre ces groupes. Le peu de progrès que fait
l’œcuménisme en est la preuve.
J’ai parlé des valeurs constitutives de l’être
humain. Il y a aussi des valeurs extérieures. Là non plus le ballottement est
peu sensible. Si l’on demandait aux gens d’inscrire les principales de ces
valeurs extérieures, on obtiendrait dans le désordre : l’argent, l’amitié,
le pouvoir, la réputation. L’Ecclésiaste grincheux a dit : « L’argent
a réponse à tout » (X, 19). Thomas d’Aquin avait en main la traduction
suivante : « Tout obéit à l’argent, pecunia
obediunt omnia. » Sur l’amitié, voici l’opinion d’Aristote :
« L’amitié est absolument indispensable à la vie ; sans amis, nul ne
voudrait vivre, même en étant comblé de tous les autres biens[6]. »
Au sujet du pouvoir, voici l’opinion de Mgr T. D. Roberts, S.J., ancien
archevêque de Bombay : « Toute autorité entre des mains humaines, à
plus forte raison s’il s’agit d’une autorité considérée comme d’origine divine,
monte à la tête, comme une drogue, pire encore que l’alcool[7]. »
Je pense que rien n’a tellement changé :
Nihil novi sub sole. Je ne dirais
donc pas avec Ratzinger qu’il n’y a rien de « définitif ». Si ce
n’est pas définitif, c’est d’une solidité admirable. Qu’il essaie d’amener les
musulmans et les juifs dans sa bergerie ; il verra qu’il est difficile de
provoquer du ballottement d’un groupe religieux à un autre. Ratzinger
conclut : « Une dictature du relativisme […] qui ne retient comme
ultime mesure que son propre ego et ses désirs. » Je n’imagine pas cette phrase dans une
encyclique ; mais, dans une homélie, elle n’étonne pas tellement.
On apprend chez Thomas d’Aquin et chez les
grands moralistes de son école qu’il existe deux règles de moralité : une
règle prochaine et subjective, c’est la conscience ; une règle éloignée et
objective, c’est la raison droite. Ratzinger parle de l’« ultime
mesure », ce ne peut être que la conscience, car la raison droite n’intervient
pas dans l’agir des gens égarés dont il parle. Mais je ne vois pas comment
l’ego peut être la mesure ultime de la moralité d’une action. La conscience morale
est un jugement de la raison ; l’ego n’est ni un jugement ni une faculté.
Ratzinger a dit que « l’ultime
mesure » de la moralité chez l’homme vivant sous la dictature du
relativisme était « son propre ego et ses désirs. » Situons les désirs
dans le processus de l’acte humain. Thomas d’Aquin a posé comme premier principe : Le bien est ce que tous
les êtres désirent (I-II, q.
Conjuguons l’affirmation déjà citée de
Thomas d’Aquin : Non Deus a nobis
offenditur nisi eo quod contra nostrum bonum agimus[8],
affirmation fort peu connue, comme tant d’autres du même auteur. Cela
donne : j’offense Dieu quand j’agis contre mon bien ; tu offenses Dieu
quand tu agis contre ton bien ; il offense Dieu quand il agit contre son
bien, etc. Mon bien, c’est le bien de mon moi, de mon ego, si j’ai un ego au
lieu d’un moi. Quand Pascal dit : « Le moi est haïssable[9] »,
le moi, c’est alors la personnalité dans sa tendance à ne considérer que soi. C’est
en ce sens que Ratzinger entend l’ego.
L’affirmation de Thomas d’Aquin pulvérise
l’affirmation que l’on trouve dans Les
frères Karamazov : « Si Dieu n’existe pas, tout est
permis. » Que Dieu existe ou n’existe pas, rien de plus ni rien de moins
n’est permis puisque nous l’offensons quand nous agissons contre notre bien. Agirions-nous contre notre
bien s’il n’existait pas ? La façon thomiste de dire les choses est plus
claire que le souhait du Notre
Père : « Que votre volonté soit faite. » Car qui peut connaître cette volonté quand
Isaïe formule ainsi un oracle de Yahvé : « Vos pensées ne sont pas
mes pensées, et mes voies ne sont pas vos voies. Autant les cieux sont élevés
au-dessus de la terre, autant sont élevées mes voies au-dessus de vos voies, et
mes pensées au-dessus de vos pensées[10] » ?
Thomas d’Aquin dit bien que nous offensons Dieu quand nous agissons
« contre notre bien » et
non contre le bien du prochain, ou contre le bien commun, ou contre la volonté
de Dieu. Car l’homme bon de Thomas d’Aquin développe toutes ses dimensions, et
les qualités de chacune. Il est forcément un bon citoyen. C’est pourquoi
Aristote dira : « Ce qui est très bon pour chacun en particulier
l’est aussi pour l’État[11]. »
De
l’inclination fondamentale au premier précepte
En prenant conscience de l’inclination
fondamentale de sa nature, à savoir : « Le bien est ce vers quoi tendent
tous les êtres », l’être humain SE donne une règle de conduite, un précepte : « Je dois faire ce
qui convient à ma nature d’être humain et éviter ce qui ne lui convient
pas. » Bonum est faciendum et
prosequendum, et malum vitandum (I-II, q. 94, a. 2). Il faut noter avec soin la distinction
que fait Thomas d’Aquin entre principe
et précepte. Ces deux mots reviennent
constamment dans les articles consacrés la loi naturelle.
Par ce premier précepte de la loi
naturelle, l’être humain ne se sent aucunement contraint de l’extérieur :
il reconnaît qu’il y va de son intérêt de l’observer. La loi morale naturelle
commence alors à se constituer par cet acte de la raison humaine, qui transforme
en règle de conduite, en précepte, l’évidence, face à notre inclination
naturelle fondamentale, qu’il nous est avantageux de faire ce qui nous convient
[le bien] et d’éviter ce qui ne nous convient pas [le mal], dans tous les
domaines de notre activité. C’est pourquoi Thomas d’Aquin a cette formule
étonnante pour les tenants du Dieu graveur : Lex naturalis est aliquid
per rationem constitutum – la loi naturelle est quelque chose de constitué
par la raison [humaine] (I-II, q. 94, a. 1).
Ceux qui fréquentent Maurice Zundel
rencontreront ici une difficulté. Thomas d’Aquin dit qu’il faut faire le bien, bonum est faciendum, alors que Zundel le
contredit : « Il ne s’agit pas de faire le bien, il faut le devenir,
il faut l’être. Le bien ce n’est pas quelque chose à faire, c’est quelqu’un à
aimer, quelqu’un qui est là, qui se donne, qui ne s’impose jamais tout en se
proposant toujours[12]. »
Je pense qu’on peut dire ici, avec Saint-Exupéry : « … ces litiges ne
sont que litiges de langage[13]. »
En effet, c’est en faisant le bien qu’on le devient ; par exemple, à force
de rendre le dû, on devient juste. Mais, à la limite, pour un chrétien, le bien
sera quelqu’un à aimer, Jésus Christ. Zundel ne veut pas dire que l’amour de
Jésus Christ dispense de rendre le dû et d’éviter l’adultère. Mais il peut
vouloir dire que si une personne aime le Christ, que, pour elle, comme pour
saint Paul, vivre, c’est le Christ, elle évitera l’adultère et le vol. Quand on
considère son corps comme le temple de l’Esprit saint, on ne le traîne pas dans
la boue de l’impureté.
L’ordre
des autres préceptes de la loi naturelle
Après avoir établi le premier principe de la loi naturelle et en avoir
dégagé le premier précepte, Thomas
d’Aquin enchaîne : Et super hoc fundantur
omnia alia praecepta legis naturae (I-II, q.
L’ordre des préceptes de la loi naturelle
est conforme à l’ordre des inclinations naturelles : Secundum igitur ordinem inclinationum naturalium est ordo praeceptorum
legis naturae (I-II, q.
Tout d’abord, en tant que substance, l’être
humain ressent une puissante inclination à conserver sa vie. Tout être humain
admet reconnaître en soi cette inclination. Mais de là à voir que cette
inclination découle du fait qu’il est une substance, il y a une marge que
franchiraient seuls ceux qui s’astreindraient à une étude de la notion de
substance. Je m’en tiendrai à l’inclination. Le Malheureux de
Le texte latin marque clairement la
distinction à faire entre l’inclination naturelle et les règles de conduite que
la raison en dégage : Secundum hanc
inclinationem pertinent ad legem naturalem ea per quae vita hominis conservatur
et contrarium impeditur (I-II, q.
Ensuite, l’homme incline vers des choses
plus spéciales en vertu de la nature qu’il partage avec les autres animaux. Et
selon cette inclination sont dites appartenir à la loi naturelle les choses que
la nature a enseignées à tous les animaux, comme l’union du mâle et de la
femelle, commixtio maris et feminae, l’éducation
des enfants ou des petits, et autres choses semblables.
Enfin, troisième inclination : il y a
dans l’homme une inclination au bien selon la nature de la raison, qui lui est
propre. En vertu de cette inclination, l’homme désire connaître la vérité au
sujet de Dieu, et il ressent une inclination à vivre en société. Il s’ensuit
qu’appartiennent à la loi naturelle les choses qui concernent cette double inclination.
Par exemple, que l’homme évite l’ignorance, qu’il ne commette pas d’injustices
envers les personnes avec lesquelles il doit vivre, et toutes les autres choses
de ce genre qui concernent cette inclination. La joie de connaître nous est familière
; du moins la formule. « La soif de connaître reste, il me semble, la
dernière région du vouloir vivre », écrit Nietzsche[17].
La
loi naturelle est la même chez tous les hommes
Thomas d’Aquin se demande ensuite si la loi
naturelle est une ou identique chez tous les hommes : Utrum lex naturae sit una apud omnes (I-II, q.
Comme il a été dit ci-dessus (a. 2),
appartiennent à la loi naturelle les choses vers lesquelles l’homme est
naturellement incliné, parmi lesquelles il est propre à l’homme d’être incliné
à agir selon la raison. Or, la raison procède du commun au propre, ex communibus ad propria. En morale, par
exemple, Thomas d’Aquin va parler des habitus en général, in communi, notion qui englobe les vertus et les vices, puis il va
parler de ce qui est propre aux vertus puis aux vices, enfin ce qui est propre à
chaque vertu et à chaque vice.
Cette démarche du commun au propre ou du général
au particulier diffère selon qu’il s’agit de la raison spéculative, orientée
vers la vérité, ou de la raison pratique, orientée vers l’opération (agir et
faire). Comme la raison spéculative exerce son action principalement au sujet
des choses nécessaires, qui ne peuvent être autrement qu’elles sont, elle
atteint la vérité sans jamais défaillir tant dans les conclusions qu’elle dégage
que dans les principes communs d’où elle part. Mais la raison pratique déploie
son activité dans les choses contingentes, dont font partie les opérations de
l’homme. C’est pourquoi s’il y a du nécessaire au niveau des principes communs
de l’opération, plus on descend vers les cas particuliers, plus on rencontre de
défaillances ou d’exceptions. C’est ce qui se produit quand on va du mariage à
ce mariage.
Ainsi donc il est évident qu’en ce qui
concerne les principes communs de la raison, tant spéculative que pratique, la
vérité ou rectitude est la même chez tous et elle est également connue. Mais en
ce qui concerne les conclusions propres de la raison spéculative, la vérité est
la même chez tous, cependant elle n’est pas également connue de tous. Par
exemple, chez tous, en effet, il est vrai que le triangle a trois angles égaux
à deux droits, quoique cela ne soit pas connu de tous, mais de ceux-là seuls
qui ont fait de la géométrie.
En ce qui concerne les conclusions propres
de la raison pratique, la vérité ou rectitude n’est pas la même chez tous, et
chez ceux où elle est la même, elle n’est pas également connue. Chez tous, en
effet, il est vrai qu’il faille agir selon la raison. De ce principe, il suit, par
exemple, comme une conclusion propre, que le dépôt doit être rendu, mais cela n’est
vrai que dans la plupart des cas, ut in
pluribus, car il peut se présenter des cas où il serait nuisible et,
partant, irrationnel, de rendre le dépôt. Par exemple, si quelqu’un réclamait un
dépôt d’armes pour attaquer la patrie ou commettre des attentats terroristes.
Et les exceptions au principe général de rendre le dépôt sont d’autant plus
nombreuses qu’on descend davantage dans les précisions. En effet, la manière de
rendre le dépôt peut exiger que le dépositaire tienne compte de certaines
circonstances de lieu, de temps, de personne, etc. Plus on fixe de conditions à
la reddition du dépôt, plus il y a de causes qui peuvent rendre injuste de
rendre ou de ne pas rendre le dépôt.
Ainsi donc il faut dire qu’en ce qui
concerne les préceptes communs, la loi naturelle la même chez tous les hommes
du double point de vue de la rectitude objective et de la connaissance.
Personne ne conteste qu’il faille faire le bien et éviter le mal, ou encore qu’il
faille vivre selon la raison. Mais, en ce qui concerne les conclusions tirées
de principes communs, la loi naturelle n’est la même chez tous que dans la
plupart des cas seulement, du double point de vue de la rectitude et de la
connaissance ; mais, dans un petit
nombre de cas, la loi naturelle peut ne pas être la même chez tous les
hommes de l’un et de l’autre point de vue : celui de la rectitude et celui
de la connaissance.
La loi naturelle peut ne pas être la même
chez tous les hommes du point de vue de la rectitude
des conclusions tirées des principes communs, à cause de certains empêchements
particuliers. L’inclination vers le sexe opposé, en vue de la génération, peut
ne pas être ressentie par le petit nombre des personnes attirées par les
personnes de même sexe. À maintes reprises, Thomas d’Aquin fait une distinction
entre ce qui est naturel à l’espèce et ce qui est naturel à l’individu (I-II,
q.
La loi naturelle peut ne pas être la même
chez tous les hommes du point de vue de la connaissance des conclusions tirées
des principes communs du fait que certains ont une raison dépravée par la
passion, ou bien à cause d’une mauvaise habitude, ou encore d’une mauvaise
disposition naturelle. C’est ainsi que, chez les anciens Germains, dit-on, le brigandage,
latrocinium, expressément défendu par
la loi naturelle, n’était pas considéré comme un vol.
La
loi naturelle peut-elle changer ?
En I-II, q.
En ce qui concerne la loi divine, il faut revenir
à la q.
Si l’on entend changer par mode de
soustraction, en ce sens que quelque chose serait soustrait de la loi
naturelle, c’est-à-dire que quelque chose qui faisait partie de la loi
naturelle cesserait d’en faire partie, la réponse est moins catégorique. Thomas
d’Aquin commence par rappeler sa distinction entre les préceptes premiers et
les préceptes seconds de la loi naturelle. Les préceptes premiers, on les
trouve en I-II, q.
Quant aux préceptes seconds, qui sont comme
des conclusions ou des quasi-conclusions tirées des préceptes premiers, la loi
naturelle ne change pas dans la plupart des cas. Elle peut cependant changer
dans un cas particulier, in aliquo
particulari, et dans un petit nombre de cas, in paucioribus, en raison de certaines causes qui empêchent
l’observance de tels préceptes, comme il a été dit à l’article 4.
La loi naturelle peut-elle être détruite
dans le cœur de l’homme ?
Thomas d’Aquin ne parle pas souvent de la
loi naturelle écrite « dans le cœur » de l’homme. Pour lui, la loi naturelle est constituée par
la raison, aliquid per rationem
constitutum (I-II, q.
Comme toujours, ou presque toujours, Thomas
d’Aquin introduit une distinction : d’une part, il y a des préceptes très
communs, praecepta communissima ;
d’autre part, il y a des préceptes plus propres, magis propria. Or, il a été dit ci-dessus (a. 4 et 5), qu’appartiennent
d’abord, primo, à la loi naturelle
certains préceptes très communs, praecepta
communissima, qui sont connus de tous. [Pour se rappeler ces préceptes très
communs, il suffit de se reporter à l’article 2 : faire le bien et éviter
le mal, conserver sa vie, propager l’espèce et éduquer ses enfants, vivre selon
la raison, chasser l’ignorance et vivre en société. Quelques exceptions de
suicidaires n’interdisent pas de qualifier un précepte de naturel et connu de
tous.]
Appartiennent à la loi naturelle, en second
lieu, secundario, certains préceptes
plus propres, magis propria, qui sont
comme des conclusions des principes très communs. [Par exemple, le souci de
conserver sa vie va faire tirer des conclusions pratiques concernant
l’alimentation, le tabagisme, les drogues, le repos, le vêtement, etc.]
Thomas d’Aquin répond maintenant à sa
question. En ce qui concerne les préceptes communs, la loi naturelle ne peut
d’aucune manière, nullo modo, être
détruite ou effacée du cœur des hommes en général, in universali. Mais elle peut l’être in particulari operabili, c’est-à-dire dans un cas particulier si
la raison est empêchée d’appliquer un précepte général à cause de la
concupiscence ou de toute autre passion, comme il a été dit en I-II, q. 77,
a. 2. [On peut penser au roi David qui perd la tête en voyant Bethsabée dans
son bain.]
En ce qui concerne les préceptes
secondaires, qui sont comme les conclusions des préceptes communs ou très
communs, la loi naturelle peut être effacée du cœur des hommes. D’abord, à
cause de mauvaises persuasions, propter
malas persuasiones. On peut convaincre certaines personnes que le
précepte : « Il ne faut pas voler », ne s’applique pas dans tel
cas où normalement il devrait s’appliquer et où elles l’appliquaient. Thomas
d’Aquin dit que la persuasion peut être efficace même dans le cas de
conclusions nécessaires. Ex. immortalité de l’âme, existence de Dieu.
En ce qui concerne les préceptes
secondaires, la loi naturelle peut encore être détruite par des coutumes
dépravées, propter pravas consuetudines, et
des dispositions corrompues, et habitus
corruptos. Chez certains peuples, comme il a été dit, le brigandage, latrocinium, n’était pas considéré comme
une faute, voire le crime contre nature, nous apprend saint Paul dans sa lettre
aux Romains, quand il parle de ceux qui sont sous la colère de Dieu :
« Aussi Dieu les a-t-il livrés à des passions avilissantes, car leurs
femmes ont échangé les rapports naturels pour des rapports contre nature ;
pareillement, les hommes, délaissant l’usage naturel de la femme, ont brûlé de
désir les uns pour les autres, perpétuant l’infamie d’homme à homme. Non
seulement ils commettent ces actions, mais ils approuvent ceux qui les
commettent » (Op. cit., I, 26,
27, 32). En note,
L’application
des préceptes universels, immuables et négatifs
Après avoir dépouillé la loi naturelle de
ses atours métaphoriques, venons-en à l’application des préceptes universels,
immuables et négatifs. Thomas d’Aquin prend position à ce sujet quand il se
demande si l’on peut être dispensé parfois d’observer les préceptes du
décalogue (I-II, q.
En répondant à l’objection, Thomas d’Aquin
ajoute un mot : Tu ne tueras pas injustement. Dans certains cas, il
est conforme à la justice de tuer un être humain. L’homicide que le
commandement défend, c’est l’homicide injuste, qu’on appelle communément
le meurtre, et que le Petit Robert définit ainsi : « Action de
tuer volontairement (sic) un être humain. » Volontairement
ne convient pas : il faut dire injustement, car, à la guerre, on
tue volontairement mais pas toujours injustement[19].
En commentant l’Écriture sainte, Thomas
d’Aquin ajoute parfois des mots à des textes trop concis. Quand il commente cette
parole de saint Paul : « Tout pouvoir vient de Dieu », il
ajoute : « ce qui est bon ». Et la parole de saint Paul
devient : « Tout ce qui est bon dans le pouvoir vient de
Dieu. » Ce qui laisse entendre que tout n’est pas nécessairement bon dans
le pouvoir. Autre exemple. Saint Paul enjoint : « Enfants, obéissez
en tout à vos parents ; serviteurs, obéissez en tout à vos maîtres. »
Thomas d’Aquin ajoute un important déterminatif au pronom tout : « ce
qui les concerne ». La
parole de saint Paul devient : « Enfants, obéissez à vos parents en
tout ce qui les concerne. » De même pour les
serviteurs. La précision est de taille. Il y a des choses qui ne
concernent ni les parents ni les maîtres.
La traduction de
Homicide point ne seras,
De fait ni volontairement.
Ce n’est pas génial comme formulation. Les traducteurs
de Bayard / Médiaspaul remplaceraient homicide par meurtrier ;
Thomas d’Aquin ajouterait injustement, car un homicide volontaire peut
être juste. Volontairement a ici le
sens d’intentionnellement, comme
quand le Christ a dit que celui qui désire la femme de son voisin a déjà commis
l’adultère dans son cœur.
Après avoir répondu à l’objection portant sur
l’homicide, Thomas d’Aquin applique son principe à d’autres cas. Il est
dit : « Tu ne voleras pas. » C’est un autre précepte négatif,
comme dit l’encyclique de Jean-Paul II, La splendeur de la vérité. Thomas
d’Aquin entre dans le débat avec son gros bon sens. Selon lui, il existe des
circonstances où il est conforme à la raison, donc moral, d’enlever à une
personne quelque chose qui lui appartient. En l’occurrence, on ne commet pas le
vol défendu par le commandement. L’encyclique a beau dire que le commandement
négatif « interdit toujours et dans tous les cas », il faut savoir
reconnaître les cas auxquels s’applique l’interdiction et les cas auxquels elle
ne s’applique pas. Or, il existe des cas où le commandement : « Tu ne
voleras pas » ne s’applique pas. Par exemple, dans le cas d’extrême
nécessité non seulement une personne peut prendre sur le bien d’autrui ce qui
lui est nécessaire pour subsister, mais une tierce personne peut le prélever pour elle (II-II, q.
Thomas d’Aquin enchaîne ensuite avec un
autre commandement négatif : « Tu ne commettras pas
d’adultère. » On pourrait croire qu’il est un de ces commandements
négatifs qui s’appliquent, comme dit l’encyclique, toujours et en toute
circonstance, tel un théorème de géométrie. Ce n’est pas l’enseignement de
Thomas d’Aquin. Une relation sexuelle avec une personne engagée dans les liens
du mariage n’est pas nécessairement un adultère. Il donne l’exemple d’un homme
qui, dans des circonstances qu’il imaginait facilement au XIIIe siècle,
prendrait pour son épouse une femme qui ne l’est pas. Cette
« circonstance », dit-il, ferait que la relation sexuelle avec elle
ne constituerait pas l’adultère interdit par le commandement (I-II, q. 6,
a. 8).
Le père Marcel-Marie Desmarais, o.p., a
écrit un petit livre intitulé L’avortement,
une tragédie[20].
Après avoir cité Humanae Vitae de
Paul VI : « Nous devons encore une fois déclarer qu’est absolument à
exclure […] l’avortement directement voulu et procuré, même pour des raisons
thérapeutiques », le père Desmarais enchaîne : « Voilà qui est
clair et net en tant qu’il s’agit des principes de la moralité objective. Pourtant, dans le cas précis
que nous examinons, la moralité subjective
pourrait facilement, semble-t-il, en arriver vertueusement à une autre
conclusion » (Op. cit., p. 54).
On pourrait apporter l’exemple tout frais de la mère qui a fait avorter sa
fillette de neuf ans enceinte de jumeaux après avoir été violée pendant des
années par son beau-père. Thomas d’Aquin donne un exemple qui peut éclairer ce
problème. Dans le cas d’extrême nécessité, dit-il, il faut abandonner les
enfants et non les parents (II-II, q. 31, a. 3, sol. 4). Sauver la
mère avant le fœtus. Et c’est le médecin qui avait la compétence pour apprécier
la gravité des risques que courait la jeune fille si elle menait sa grossesse à
terme. Ceux qui sont préoccupés par la mort d’enfants innocents peuvent voler
au secours des vingt mille qui meurent de faim chaque jour dans le monde.
Les
principes propres
L’examen des diverses circonstances de
l’action concrète va conduire à des principes propres, tirés de l’expérience,
et ce sont ces principes propres et non les principes universels qui règlent
immédiatement l’action singulière, concrète. Thomas d’Aquin est catégorique à
ce sujet : « Dans les actions humaines particulières [ce mariage et
non le mariage, cet avortement et non l’avortement], l’homme ne peut s’appuyer
sur des principes absolus ; il doit s’appuyer sur des règles vraies dans
la plupart des cas seulement. Ces règles que l’expérience lui enseigne, ce sont
les principes propres de l’action concrète » (II-II, q.
Et Thomas d’Aquin de conclure que les
préceptes du décalogue sont, en soi, immuables – immutabilia sunt (I-II,
q.
Insuffisance
des préceptes généraux
Pour la bonne conduite de la vie, les
préceptes généraux, universels, immuables ne suffisent pas. Dans
Voici maintenant la deuxième phrase de son
Prologue : Sermones enim morales
universales minus sunt utiles, eo quod actiones in particularibus sunt.
Certains traducteurs ont hésité devant l’expression minus sunt utiles, par crainte, peut-être, de trahir
l’auteur : Traduttore, traditore. Il
n’y a pourtant là rien de sorcier. Minus
est le comparatif de parum, qui
signifie « peu ». Ici, Thomas d’Aquin compare les considérations
universelles aux considérations particulières ; non plus le vice ou la vertu,
mais tel vice ou telle vertu ; non plus le mariage, mais ce mariage, et il
dit que les considérations universelles ou communes sont moins utiles, minus utiles, que les considérations
particulières.
Dans Miséricorde,
le franciscain Roger Poudrier traduit ainsi : « En morale, selon
saint Thomas, les principes universels ne servent pas à grand-chose, car la
morale traite toujours de cas particuliers[21]. »
Comme il omet la première phrase, le lecteur ne peut deviner que Thomas d’Aquin
établit une comparaison entre les considérations générales et les
considérations particulières, comparaison qui justifie l’emploie de minus. Thomas d’Aquin ne dit pas que les
principes universels « ne servent pas à grand-chose » ni qu’ils sont inutiles,
ou peu utiles ; il dit qu’ils sont moins utiles, minus utiles.
Aristote soulève et tranche cette question
dans son Éthique de Nicomaque[22].
Voici comment Thomas d’Aquin le comprend. Il s’agit alors de la prudence. La
prudence, dit-il, considère non seulement les universels, qui ne sont pas le
lieu de l’action, in quibus non est actio
; mais il faut qu’elle connaisse les singuliers, car l’action porte sur les
singuliers, actio est circa singularia. On
ne contracte pas le mariage mais ce mariage. Il s’ensuit que ceux qui ne
possèdent pas la science universelle, mais ont l’expérience des cas
particuliers, sont de meilleurs conseillers que ceux qui ne possèdent que la
science universelle,
Thomas d’Aquin donne l’exemple d’un médecin
qui saurait que les viandes légères sont faciles à digérer et bonnes pour la
santé, mais qui ignorerait quelles sont les viandes légères ; ce médecin
ne pourrait pas guérir, facere sanitatem. Par contre, celui qui saurait
que la chair des oiseaux est légère, facile à digérer et bonne pour la santé,
pourrait davantage guérir, magis poterit
sanare, que le précédent. Puisque
la prudence est la raison engagée dans l’action, il faut que le prudent possède
les deux sortes de connaissance, celle des universels et celle des particuliers ;
s’il lui arrive de ne posséder que l’une des deux, il lui est plus avantageux
de posséder la connaissance des particuliers, car ils sont plus proches de
l’opération[23].
La
conscience morale aux prises avec les préceptes négatifs !
Dans l’application des préceptes
universels, immuables, négatifs ou positifs, il est un intervenant de taille dont
il faut tenir compte : la conscience morale. Plusieurs expressions du
langage courant nous incitent à penser qu’elle est une faculté comme
l’intelligence, la volonté, l’imagination, la mémoire. En effet, on dit de la
même manière : volonté forte, conscience large ; on a quelque chose
sur la conscience comme on a une poussière dans l’œil ; on met la main sur
sa conscience comme on la met sur son ventre ; la conscience a une voix,
etc.
Thomas d’Aquin est donc justifié de se
demander si la conscience est une puissance, un pouvoir d’agir (I, q. 79, a. 13).
Aux objections qu’il apporte, il oppose, contrairement à son habitude,
une affirmation non fondée sur une autorité : « La conscience peut
être mise de côté, deponi, mais une puissance ne peut l’être. On ne peut
pas déposer sa puissance locomotrice ; qu’on l’utilise ou non, elle est en
nous. La conscience n’est donc pas une puissance. »
Si l’on parle proprement, proprie
loquendo, la conscience n’est pas une puissance mais un acte. Cependant, de
son temps comme de nos jours, les gens qui parlaient proprement étaient rares. Saint
Augustin en témoigne pour le sien : « Rarement nous parlons des
choses en termes propres, le plus souvent, c’est en termes impropres, mais [l’interlocuteur]
comprend ce que nous voulons dire[24]. »
C’est pourquoi certains moralistes appellent conscience non pas l’acte,
mais la faculté qui le produit. Thomas d’Aquin ne s’en étonne pas, car il est
d’usage courant que l’on prenne l’effet pour la cause, le contenant pour le
contenu, le signe pour la chose signifiée. Cette figure de rhétorique a nom métonymie.
C’est ainsi qu’en français on appelle parfois intelligence non pas la
faculté, mais la compréhension qu’on a d’un auteur ou d’une notion. Avoir
l’intelligence d’un auteur peut signifier le comprendre et non pas avoir une
intelligence aussi pénétrante que la sienne.
Le Petit Robert donne de la
conscience la définition suivante : « Faculté ou fait de porter des
jugements de valeur morale sur ses actes. » Le « fait de
porter », c’est un acte. Il considère donc la conscience comme une faculté
et comme un acte. Le père H.-D. Noble, o.p., joue également sur ces deux
sens : « La conscience morale est le jugement [acte] d’appréciation
qu’à chaque instant notre raison porte sur nos actes réfléchis[25]. »
À la page suivante : « Ce jugement […] est l’acte propre de ma
conscience [puissance ou faculté maintenant] morale. »
La
conscience est un acte
Pour Thomas d’Aquin, il est manifeste qu’à
proprement parler la conscience n’est pas une puissance mais un acte.
L’évidence découle pour lui de l’étymologie du mot et des fonctions que le
langage commun attribue à la conscience.
Le mot conscientia est formé du
préfixe cum, avec, et de scientia, connaissance ; cum et scientia, c’est scientia
cum, sous-entendu alio, quelque chose, dit Thomas d’Aquin (I,
q. 79, a. 13). Le mot évoque donc une connaissance non pas isolée, mais une
connaissance en rapport avec quelque chose d’autre, une connaissance appliquée.
D’après l’étymologie du mot, il est donc manifeste que la conscience n’est pas
une puissance mais un acte.
En second lieu, il apparaît que la
conscience est un acte, et non une puissance, à l’examen des fonctions que la
manière usuelle de parler lui attribue, secundum communem usum loquendi.
Dans
Cette application s’effectue d’une triple
façon. D’abord, selon que nous reconnaissons avoir posé un acte ou ne pas
l’avoir posé. La conscience joue alors sa fonction d’attester, testificari.
Le blessé inconscient ne se souvient de rien ; le somnambule non plus.
Devant les tribunaux, il arrive – rarement, j’en conviens – que des accusés,
sans qu’on les soumette à la torture, avouent des crimes qu’ils n’ont pas
commis ; d’autres nient – fréquemment – avoir commis les crimes dont on
les accuse et qu’ils ont commis ; enfin, les autres reconnaissent avoir
commis les crimes dont on les accuse. Cette conscience est dite psychologique.
Il va de soi qu’on ne trouve pas cette expression chez Thomas d’Aquin.
Ensuite, l’application de nos connaissances
à notre activité est l’occasion pour la conscience d’exercer trois autres
fonctions : instigare, vel inducere, vel ligare. Instigare, c’est
pousser à l’action ; agir « à l’instigation de » quelqu’un, c’est
suivre ses conseils ou subir son influence ; l’expression est bien connue. Inducere
est plus fort qu’instigare. Dans son commentaire de l’Oraison dominicale (II-II, q. 83, a.
9), Thomas d’Aquin explique la demande suivante : « Ne nous fais pas
entrer, inducere, en tentation, et ne nos inducas in tentationem.
Nous demandons de ne pas succomber à la tentation. C’est ce que Thomas
d’Aquin entend par entrer en tentation ou être induit en tentation, inducere
in tentationem. Enfin, ligare, c’est lier, obliger. Une personne
peut se sentir obligée ou incitée à poser une action ou à ne pas la poser. On
dit alors que la conscience oblige, ligat, ou incite, instigat.
« Malheur à moi, disait saint Paul, si je n’annonce pas l’Évangile. »
Mais, les passions l’emportant, une personne peut ne pas tenir compte de ce que
lui dicte sa conscience.
Enfin, l’application de nos connaissances à
ce que nous avons fait ou omis de faire amène la conscience à exercer trois
autres fonctions : excuser, accuser et engendrer du remords ou reprocher.
Après s’être mal conduit, il est normal qu’un être humain cherche des excuses.
On dit alors que sa conscience l’excuse. Parfois, elle accuse ou fait des
reproches ; on peut penser à Caïn et à cet œil qui l’a poursuivi jusque dans la
tombe. Enfin, certains criminels avouent leurs fautes, mais n’éprouvent aucun
remords. Les trois dernières fonctions de la conscience sont donc : excusare,
accusare, remordere. Il est évident
que toutes ces fonctions : attester, inciter, obliger, excuser, accuser,
reprocher, sont consécutives à l’application de nos connaissances à ce que nous
avons fait ou allons faire.
Définition
de la conscience morale
Thomas d’Aquin ne parle pas plus de
conscience morale que de conscience psychologique : il parle de la
conscience et il lui reconnaît les sept fonctions que nous venons de
distinguer. Cependant, les manuels thomistes parlent de la conscience morale et ils en donnent une définition.
Chercheront-ils à y loger les sept fonctions que Thomas d’Aquin reconnaît à la
conscience ? Non ; ils commenceront par écarter la conscience
psychologique, puis des six autres fonctions de la conscience, c’est le premier
groupe de trois qui est le plus important : instigare, inducere, ligare. Si tout se passe bien à ce stade-là,
les trois dernières fonctions n’auront pas à s’exercer : pas d’excuse, pas
d’accusation, pas de remords. Il est donc normal qu’une bonne définition de la
conscience morale s’inspire de l’une ou l’autre de ces trois fonctions.
Pour s’assurer
qu’il en est bien ainsi, on peut consulter le De Veritate, q.
Dans sa réponse,
Thomas d’Aquin commence par dire que suffit ce qui a été dit à l’article 3. Il y
a été dit, en effet, que la conscience ne lie ou n’oblige que par la force du
précepte divin, ou selon la loi en nous de la nature. Donc comparer le lien, ligamen,
de la conscience au lien qui découle du précepte du prélat, n’est rien d’autre
que de comparer le lien du précepte divin au lien du précepte du prélat. D’où,
comme le précepte divin oblige contre le précepte du prélat, et oblige
davantage que le précepte du prélat, le lien de la conscience est plus fort que
le lien du précepte du prélat, et c’est la conscience qui liera quand un
précepte de prélat ira en sens contraire, praecepto praelati in
contrario existente.
Même fausse, la conscience oblige
« Celui qui agit selon sa conscience,
même erronée, à supposer que sa volonté soit droite, obéit lui aussi à la loi
de Dieu, puisqu’il agit conformément à ce précepte, le premier de tous et le
seul au fond : obéis à ta conscience[26]. »
Une précision s’impose concernant la
distinction entre raison droite et volonté droite. La raison est droite quand
elle n’est pas dans l’erreur ; la volonté est droite quand elle tend au bien
tel qu’il lui est présenté par la raison. Si le mal lui est présenté comme un
bien, la volonté est droite en y tendant, et vice versa.
« J’aime à
faire observer, dit le cardinal Newman, que la conscience ne juge pas de
quelque vérité spéculative ou de quelque doctrine abstraite ; elle est un
principe de décision qui regarde immédiatement la vie pratique : Que
peut-on faire ou ne pas faire ? “ La conscience, dit saint
Thomas, est le jugement pratique de la raison par lequel nous jugeons, hic
et nunc, ici et maintenant, si nous pouvons faire telle chose parce qu’elle
est bonne, ou si nous devons l’éviter parce qu’elle est
mauvaise. ” En sorte que la conscience ne peut venir en conflit avec
l’infaillibilité de l’Église et du pape. En effet, du moment que la conscience
est un impératif pratique, une opposition entre elle et l’autorité du pape
n’est possible que quand le pape donne des ordres particuliers. Or le pape,
dans ses lois, ses ordres, ses commandements, n’est pas infaillible[27]. »
Le Catéchisme
de l’Église catholique dit ceci dans l’article sur la conscience
morale : « Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence
d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu
d’obéir. Cette voix qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien
et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur. (…)
C’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme. La conscience est le centre
le plus intime et le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec
Dieu et où sa voix se fait entendre » (Op. cit., 1776). Le prophète
Jérémie rapporte cet oracle de Yahvé : « Je mettrai ma loi au fond de
leur être et je l’écrirai sur leur cœur » (31, 33).
Ceux qui ont
fréquenté le moindrement Thomas d’Aquin ont déjà conclu que le texte du CEC
n’est pas de lui. La conscience morale étant un jugement de la raison, il est
anormal de parler de son fond comme de sa surface. La loi que l’homme doit
observer, c’est la loi naturelle ; l’homme se l’est donnée : elle est
aliquid per rationem constitutum, il faut le répéter. Elle n’est
pas inscrite par Dieu au cœur de l’homme. Dire que « la conscience est le
sanctuaire où [l’homme] est seul avec Dieu et où sa voix se fait
entendre », c’est de la poésie. Un jugement n’est pas un sanctuaire. À
supposer qu’il en soit un, l’homme n’y est pas seul avec Dieu : il y est
avec ses passions. Et, la plupart du temps, plerumque, dit Thomas
d’Aquin, le jugement de la raison suit les passions (I-II, q.
Dans Miséricorde,
Roger Poudrier rapporte : « Le pape Grégoire XVI, dans son encyclique
Mirari vos (15 août 1832), la
première des grandes encycliques modernes, condamne la liberté de conscience,
la liberté d’association et la séparation de l’Église et de l’État. Il
considère aussi la liberté de conscience comme “ un mal pestilentiel,
véritable délire…”, condamnation reprise en 1864 par le Syllabus de Pie IX,
dans les propositions 15, 78 et 79 » (Op.
cit., p. 25, note).
Plus loin, page 72, le même auteur
écrit : « Au XXe siècle, dans le Code de droit canonique de
Le 22 mai 1994, Jean-Paul II publiait une
lettre apostolique désignée en latin par ses deux premiers mots : Ordinatio sacerdotalis, mais dont le
titre français dégage bien l’idée principale du document : Sur l’ordination sacerdotale exclusivement
réservée aux hommes. Une Note de
présentation accompagnait la lettre du pape en insistant sur « la
nature définitive et le caractère d’obligation de cette doctrine ». Il ne
s’agit pas d’« une simple disposition disciplinaire », mais d’une
doctrine « certainement vraie ». « N’appartenant pas aux
matières ouvertes à la discussion, elle requiert l’assentiment plénier et
inconditionnel des fidèles, et enseigner le contraire revient à induire en
erreur leur conscience. » L’année suivante, soit en 1995, le cardinal
Ratzinger aurait écrit une note dans laquelle il disait que la lettre de
Jean-Paul II engageait l’infaillibilité. L’infaillibilité aurait pu s’en passer.
L’idée d’ordonner des femmes ne heurtait
pas la majorité des catholiques des diocèses de Québec et de Montréal appelés à
former des équipes synodales. Le Synode de Québec, tenu de juin 1992 à septembre
1995, groupa plus de 1000 personnes formant 198 équipes, qui formulèrent 492
propositions. De ces 1000 personnes, 360 furent invitées à former ce que les
responsables ont appelé l’Assemblée synodale, qui étudia les propositions, les
modifia parfois, en fusionna, puis se prononça par vote. Il avait été statué
que, pour être acceptée, une proposition devait recueillir les deux tiers des
voix.
La proposition concernant l’accès des
femmes au sacerdoce « n’avait pas obtenu, de justesse, le minimum [les
2/3] de voix requises par le règlement ». Tout près des 2/3 des 360 personnes
formant l’Assemblée synodale – la crème des 1000 qui avaient été membres de 198
équipes – avaient voté en faveur de l’ordination des femmes.
Ces 360 personnes savaient que, le 22 mai
1994, Jean-Paul II s’était prononcé contre l’ordination des femmes ; elles
savaient que sa position était définitive et obligatoire, que ce n’était pas
matière à discussion. Mais, comme membres du peuple de Dieu, ces 360 personnes
savaient qu’elles ont leur mot à dire dans l’Église ; on leur a assez
répété : « Vous êtes l’Église. »
Le Synode du diocèse de Montréal donna des
résultats analogues. La proposition concernant le mariage des prêtres obtint
les 2/3 des voix requises par le règlement ; il manqua quelques dixièmes à
la proposition concernant le sacerdoce des femmes pour être acceptée.
Jean-Paul
II et la conscience
Concernant la conscience, voici ce que dit
Jean-Paul II : « La position de saint Thomas est on ne peut plus
nette : il est à tel point favorable au respect inconditionnel de la
conscience qu’il soutient que l’acte de foi au Christ serait indigne de l’homme
au cas où, par extraordinaire, ce dernier serait en conscience convaincu de mal
agir en accomplissant un tel acte (I-II, q.
Dans cette citation, je n’aime pas le mot
« appel » ; il évoque pour moi la « voix » dont il est
question dans La splendeur de la vérité (p.
88, 95, 147, etc.) et me rappelle la petite chèvre de Monsieur Seguin. Or, la
conscience morale est tout simplement un jugement de la raison pratique décidant
que tel acte doit être posé ou non. Jean-Paul II ajoute, et c’est malheureux :
« Il ne faut toutefois pas en déduire qu’il peut persévérer impunément
dans l’erreur, sans chercher à atteindre la vérité » (Ibid.). Pour qu’une personne dans l’erreur cherche à atteindre la
vérité, il faut qu’elle doute. Tant qu’elle ne doute pas, elle persévère « impunément »
dans son erreur.
Il y a plus d’un milliard de musulmans pour
qui c’est un blasphème de croire que Jésus est Dieu, fils de Dieu et l’une des
trois personnes d’un Dieu trine. Voici quelques versets du Coran sur ces
sujets. « Ils disent : Dieu a un fils : loin de sa gloire ce
blasphème » (Sourate X, 69). « Ne dites point : Il y a Trinité.
[…] Car Dieu est unique » (Sourate IV, 169). « Le Messie, fils de
Marie, n’est qu’un apôtre ; d’autres l’ont précédé » (Sourate V, 79).
Ce n’est donc pas « par extraordinaire » que des humains n’adhèrent
pas à des enseignements fondamentaux du christianisme : ils sont plus d’un
milliard ! Et ils ne cherchent pas la vérité, car ils sont convaincus de
la détenir, tout comme l’était Jean-Paul II.
Selon mon Petit Robert, l’adverbe impunément signifie : « Sans
dommage pour soi, sans s'exposer à aucun risque, à aucun inconvénient. » Dire ça
aux musulmans… On imagine facilement la réaction si Benoît XVI leur disait :
« Vous ne persévérerez pas impunément dans votre négation de la divinité
de Jésus, Fils de Dieu. » On assisterait à un autre Ratisbonne.
Benoît XVI et la conscience
Dans son Jésus de Nazareth, Joseph Ratzinger / Benoît XVI termine par ce
long paragraphe son commentaire de la quatrième béatitude : « Heureux
ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés » (Matthieu 5, 6). « Le moment est venu, me
semble-t-il, de partir du Nouveau Testament pour parler du salut de ceux qui ne
connaissent pas le Christ. La pensée contemporaine tend à dire que chacun doit
vivre sa religion ou peut-être même l’athéisme qui est le sien et que, de cette
manière, il trouvera le salut. Une telle opinion présuppose une étrange image
de Dieu et une étrange conception de l’homme et de la juste façon d’être homme.
Essayons d’expliciter cela en posant quelques questions pratiques. Est-ce que
l’on sera bienheureux et reconnu par Dieu comme un juste parce qu’on se sera
scrupuleusement conformé aux devoirs qu’impose la vengeance par le sang ?
Parce que l’on se sera engagé de toutes ses forces en faveur de “
En évoquant la « Guerre Sainte »,
Benoît XVI nous fait penser aux musulmans comme s’il les avait nommés. Mais les
musulmans sont certes aussi convaincus que les catholiques romains de la valeur
de leur religion et du devoir de la propager dans le monde entier. « Nous
vous appellerons à marcher contre des nations puissantes, dit Le Coran ;
vous les combattrez jusqu’à ce qu’elles embrassent l’islamisme. Si vous
obéissez, Dieu vous accordera une belle récompense ; mais si vous
tergiversez comme vous l’avez déjà fait autrefois, il vous infligera un
châtiment douloureux » (Sourate XLVIII, 16). Les fils de François d’Assise
allaient prêcher le christianisme chez les musulmans dans l’espoir d’y subir le
martyre. Julien Green nous apprend, dans son Frère François : « Une
nouvelle lui [à François d’Assise] parvint à la fin du printemps qui le fit
tressaillir : cinq de ses frères avaient subi le martyre au Maroc, en
janvier. La joie remplit le cœur de François. Pour la première fois, le sang
franciscain coulait chez les Infidèles, comme il avait jadis coulé chez les
païens de Rome[31]. »
Le martyre fascine tout autant les musulmans qu’il a fasciné certains chrétiens.
Pour eux, nous sommes les Infidèles qu’il faut convertir.
Le savant pape semble oublier que toute
personne qui agit selon sa conscience fait la volonté de Dieu, comme dit
Sertillanges, dans un passage déjà cité, mais qu’il n’est pas inutile de
répéter : « Celui qui agit selon sa conscience, même erronée, à
supposer que sa volonté soit droite, obéit lui aussi à la loi de Dieu,
puisqu’il agit conformément à ce précepte, le premier de tous et le seul au
fond : obéis à ta conscience[32]. »
Je répète également la distinction entre raison droite et volonté droite. La
raison est droite quand elle n’est pas dans l’erreur ; la volonté est
droite quand elle tend au bien tel qu’il lui est présenté par la raison. Si le
mal lui est présenté comme un bien, la volonté est droite en y tendant.
À ce sujet, il y a un article capital dans
Conclusion
générale
J’ai posé au départ la question
suivante : « Comment se vivent les principes moraux universels, immuables
et négatifs ? » Rappelons ce qu’en dit l’encyclique de Jean-Paul II, La splendeur de la vérité : « Les
préceptes moraux négatifs, c’est-à-dire ceux qui interdisent certains actes ou
comportements concrets intrinsèquement mauvais, n’admettent aucune exception
légitime ; ils ne laissent aucun espace moralement acceptable pour
“ créer ” une quelconque détermination contraire[33]. »
On se sentait piégé, mais on ne l’était pas.
Rappelons d’abord ce texte capital :
« Dans les actions humaines particulières [ce mariage et non le mariage,
cet avortement et non l’avortement], l’homme ne peut s’appuyer sur des
principes absolus ; il doit s’appuyer sur des règles vraies dans la
plupart des cas seulement. Ces règles que l’expérience lui enseigne, ce sont
les principes propres de l’action concrète » (II-II, q.
Thomas d’Aquin nous a montré, à partir d’exemples
tirés du décalogue qu’au niveau de l’action les décisions n’avaient rien de
géométrique. Il a pris des préceptes négatifs bien connus : « Tu ne
commettras pas de meurtre » ; « Tu ne voleras pas » ; « Tu
ne commettras pas d’adultère. » D’accord, ce genre de commandement, comme
dit Jean-Paul II, « ne laisse aucun espace moralement acceptable pour “
créer ” une quelconque détermination contraire ». Mais le problème, dans le
concret de la vie, c’est de savoir s’il est toujours interdit de prendre ce qui
appartient à autrui. La réponse, comme on l’a vu, c’est non. À ce niveau, comme
dit Thomas d’Aquin, on est dans le mouvant, hoc
est mutabile (I-II, q.
La conscience perturbe à son tour l’application
des principes universels, immuables et négatifs. À ce sujet, il faut buriner
dans sa mémoire l’article capital de
[1] Op. cit., Montréal, Éditions Paulines, 1993, p. 107.
[2] Somme théologique, II-II,
q.
[3] Paul Valéry, Œuvres,
Gallimard,
[4] Somme contre les Gentils, 3, chap. 122.
[5] Ibid., 3, chap. 3.
[6] Éthique de Nicomaque, Traduction et notes par Jean Voilquin, VIII, chap. Premier.
[7] Mgr T. D. Roberts, S.J., Réflexions sur l’exercice de l’autorité, Paris, Cerf, 1956, p. 126.
[8] Somme contre les Gentils, 3, chap. 122.
[9] Pensées, 455.
[10] Isaïe 55, 8-9.
[11]
[12] Jocelyne Chemier Mishkin, En Quête, Québec, Éditions Anne Sigier, 2008, p. 233.
[13] Citadelle, XIV.
[14]
[15] Alain, Philosophie, Tome Second, Paris, PUF, 1955, p. 18.
[16] Commentaire de l’Éthique de Nicomaque, I, XV, 180.
[17] Friedrich Nietzsche, Lettres choisies, Paris, Gallimard, 5e édition, p. 131.
[18] Commentaire de l’Éthique de Nicomaque, VI, XV, 1074.
[19] Saint Augustin, Du Libre Arbitre, I, chap. 4. ,
[20] Marcel-Marie Desmarais, o.p., L’Avortement, une tragédie, Montréal, Éditions du Jour, 1973, 163 p.
[21] Op. cit., Montréal, Médiaspaul, 2005, p. 73.
[22] Op. cit., VI, VII, 1141 b 15-22.
[23] Commentaire de l’Éthique de Nicomaque, VI, VI, 1194.
[24] Les Confessions, XI, chap. 20.
[25] H.-D. Noble, o.p.,
[26] A.-D. Sertillanges, o.p., La philosophie morale de saint Thomas d’Aquin, Paris, Aubier, 1946, p. 390.
[27] Théodule Rey-Mermet, Conscience et liberté, Paris, Nouvelle Cité, 1990, p. 138.
[28] Somme contre les Gentils, 3, chap. 122.
[29] Entrez dans l’espérance, Plon-Mame, 1994, p. 279-280.
[30] Op. cit., Paris, Flammarion, 2007, p. 113-114.
[31] Op. cit., Paris, Seuil, 1983, p. 242.
[32] A.-D. Sertillanges, o.p., La philosophie morale de saint Thomas d’Aquin, Paris, Aubier, 1946, p. 390.
[33] Op. cit., p. 107.