UNIVERSITE
DE PARIS SORBONNE
PARIS IV
LES HYMNES « SACRIS SOLEMNIIS » et « VERBUM
SUPERNUM » de
SAINT THOMAS D'AQUIN
Mémoire de MAITRISE
présenté par Anne MUGNIER
sous la direction de Monsieur le Professeur Alain MICHEL
1988
Édition numérique, https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique, 2009
Les œuvres complètes
de saint Thomas d'Aquin
TRADUCTION DE L'HYMNE DE MATINES : " SACRIS
SOLEMNIIS "
TRADUCTION DE L'HYMNE DE LAUDES: " VERBUM SUPERNUM
"
PREMIERE PARTIE : LE CHANT LITURGIQUE
CHAPITRE
I - LE ROLE DE L'HYMNE, POEME DE LOUANGE
CHAPITRE
II - LITURGIE ET EXPRESSION
Composition de
"Sacris Solemniis"
Composition de
"Verbum Supernum"
CHAPITRE
I - LE MYSTERE DE LA TRINITE
CHAPITRE
II - LE MYSTERE DE L'INCARNATION
CHAPITRE
III - LE MYSTERE DE LA REDEMPTION
Chapitre
I - L'EUCHARISTIE SACRIFICE-SACREMENT
Les
Sacrifices de l'Ancienne Loi
Le
dernier sacrifice de l'Ancienne Alliance
Le
Sacrifice-Sacrement de la Nouvelle Alliance
CHAPITRE
II - LE MINISTRE DE L'EUCHARISTIE
CHAPITRE III - LES FRUITS DE L'EUCHARISTIE
1.
Ouvrages de saint Thomas utilisés dans cette étude
3.
Ouvrages concernant saint Thomas d'Aquin
5.
Ouvrages sur la liturgie, l'art, la poésie ...
Hymnus : SACRIS SOLEMNIIS SACRIS SOLEMNIIS iuncta Sint gauclia et ex precordiis sonent preconia ; Recedant vetera, nova sint omnia, Corda, voces et opera. 5- Noctis
recolitur cena novissima, Qua Christus creditur agnum et azyma Dedisse fratribus, iuxta legitima Priscis indulta patribus. Post agnum typicum, expletis epulis, 10. Corpus
dominicum datum discipulis, Sic totum omnibus quod totum singulis, Eius fatemur manibus. Dedit fragilibus corporis ferculum, Dedit et triatibus sanguinis poculum, 15. Dicens:
" Accipite, quod trado, vasculum, Omnes ex eo bibite ". Sic
sacrificium istud instituit, Cuius
officium committi voluit Solis presbyteris, quibus sit congruit 20. Ut
aument et dent ceteris. Panis agelicus fit partis hominum, Dat panis celicus figuris terminum. O mirabilis ! Manducat Dominum Pauper, servus et humilis. 25. Te,
trina Deitas unaque, poscimus: Sicut nos visitas, sicut te colimus, Per tuas semitas duc nos quo tendimus, Ad
lucem quam inhabitas. Amen. |
TRADUCTION DE L'HYMNE DE MATINES : " SACRIS SOLEMNIIS "Qu'à ces saintes solennités réponde notre joie Et que du fond des cœurs résonnent nos louanges. Que s'efface l'ancien et que tout soit nouveau Les cœurs, les voix, les œuvres. Célébrons le banquet suprême de la nuit Où le Christ, nous le croyons, donna à ses frères L'agneau et les azymes, selon la Loi Jadis octroyée à leurs pères. Après l'agneau qui le figurait, à la fin du repas, Le corps du Seigneur fut donné aux disciples Tout entier à tous, comme entier à chacun, De ses propres mains: telle est notre foi. A leur faiblesse il donna son corps en nourriture A leur tristesse il donna son sang comme breuvage Disant: Recevez la coupe que je vous livre, Buvez-en tous. Ainsi, fut institué, par lui, ce sacrifice Dont il voulut confier le ministère A ses seuls prêtres: c'est à eux qu'il incombe D'y communier et de le donner aux autres. Le pain des anges devient le pain des hommes, Le pain du ciel accomplit les figures. O prodige admirable! Il mange son Seigneur L'esclave pauvre et humble. Déité trine et une nous vous en prions, Vous dont la visite permet notre culte, Par vos chemins, conduisez-nous là où nous aspirons, A la lumière que vous habitez. |
1. VERBUM SUPERNUM prodiens Nec Patris linquens dexteram, Ad
opus suum exiens, Venit
ad vite vesperam. 2. In
mortem a discipulo Suis tradendus emulis, Prius in vite ferculo Se tradidit discipulis. Quibus sub bina specie 10 Carnem
dedit et sanguinem, Ut duplicie substantie Totum cibaret hominem. Se nascens dedit socium, Convescens in edulium, 15. Se
moriens in pretium, Se regnans dat in premium. O salutaris hostia, Que celi pandis ostium, Bella premunt hostilia, 20. Da
robur, fer auxilium. Uni trinoque Domino Sit sempiterna gloria, Qui vitam sine termino Nobis
donet in patria. Amen. |
TRADUCTION DE L'HYMNE DE LAUDES: " VERBUM SUPERNUM "Le Verbe venant d'en-haut, Sans quitter la droite du Père, Sortant pour accomplir son œuvre, Est arrivé au soir de sa vie. Devant être livré, pour mourir, A ses rivaux jaloux, par un de ses disciples; D'abord il se livra lui-même à ses disciples Comme aliment de vie. A ceux-ci, sous une double apparence, Il donna sa chair et son sang. Ainsi, en sa double substance, Il nourrit l'homme tout entier. Par sa naissance, il s'est donné à nous comme
compagnon, A la Cène comme aliment, En mourant, comme rançon, Dans son royaume il se donne comme récompense. O Victime qui nous sauvez Et nous ouvrez la porte du ciel, Les attaques ennemies nous pressent, Donnez-nous force et portez-nous secours. Au Seigneur un et trine Soit la gloire éternelle, Lui qui nous donnera La vie sans fin, dans la patrie. |
La tradition attribue la composition de l'Office du
Corpus Christi à saint Thomas d'Aquin. Pensant qu'il n'a pas de meilleur
commentateur que lui-même ("interpres sui"), nous voudrions voir, à
travers ses enseignements, s'il existe une cohérence possible entre la poésie
de nos hymnes et la théologie du Docteur Commun. Saint Thomas serait-il, alors,
au sens chrétien du terme, "poeta theologus"?
La présence de deux poèmes et la "complexité"
de leur sujet commun - l'Eucharistie - nous ont conduit à choisir un
commentaire composé, certes moins favorable à souligner la beauté affective de
la louange, néanmoins plus conforme à l'étude littéraire recherchée. En outre,
afin de suivre mieux l'harmonie scripturaire de l'Office du Corpus Christi
(dont nous donnons, en annexe, le texte latin), les références du Missel et du
Bréviaire Romains renvoient aux éditions antérieures à la dernière réforme
liturgique; les textes bibliques cités ou indiqués sont ceux de la Vulgate.
Les Origines de la Fête du "Corpus Christi".
En 1262, à Bolsena (à mi-chemin entre Sienne et Rome), un
prêtre, célébrant la Messe, doute de la présence réelle: le sang jaillit de
l'hostie consacrée et laisse des traces sur le corporal. Le Pape Urbain IV fait
apporter ce linge à Orvieto, ville voisine où il résidait avec la cour
pontificale. Il décrète, en 1264, par la bulle "Transiturus", que la
fête du Corpus Christi, déjà célébrée çà et là, sera étendue à l'Eglise
universelle[1].
On trouve, en effet, avant 1264, un culte en l'honneur du
Saint Sacrement dans certaines régions et spécialement dans le diocèse de Liège
où, sous l'impulsion de sainte Julienne, a été solennisée cette dévotion. Un
office fut composé sous sa direction, par un moine cistercien du
Mont-Cornillon, vers 1240. A la même époque, vers 1237, le futur Urbain IV
était archidiacre de Liège. Il avait eu connaissance, d'une part, des
révélations divines dont sainte Julienne avait été favorisée et, d'autre part,
de la composition d'un office nouveau diffusé dans son diocèse lors du Synode
de 1246[2].
Ceci explique l'attention et l'insistance d'Urbain IV
pour la diffusion et la célébration de cette nouvelle solennité. "Le Pape,
note le Père Gy, O.P., prescrit non seulement la célébration de la fête, mais
l'emploi de l'office et de la messe dont le texte est "interclusus"
inclus sous le pli de la bulle: "(... ) mandantes quatenus tam excelsum et
tam gloriosum festum (... )(cum novem lectionibus, cum responsoriis,
versiculis, antifonis, psalmis, ymnis et orationibus ipsi festo specialiter
congruentibus, que cum proprio misse officio vobis sub bulla nostra
interclusa) devote ac sollempniter celebratis (... )[3].
Fait remarquable car, souligne le P. Gy, si "ce
n'est pas le premier cas où le Pape prescrit à tous la célébration d'une fête,
c'est le premier où il ait imposé l'office"[4].
Objet et date de la fête
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La troisième leçon des Matines, selon le manuscrit B.N.
lat. n° 1143, nous donne le sens de cette nouvelle fête: la solennité du Corpus
Christi a été instituée pour fêter plus spécialement l'Eucharistie parce que la
liturgie du Jeudi Saint, qui rappelle l'institution de ce sacrement, appartient
pour tout le reste à la Passion du Christ que l'Eglise est tout occupée à
vénérer à ce moment:
"...
totum tamen residuum ejusdem diei officium ad Christi Passionem pertinet circa
cujus venerationem Ecclesia illo tempore occupatus"[5].
Pour un regard distrait, cette fête pourrait sembler en
dehors du cycle de l'année liturgique, comme une pieuse manifestation
d'adoration des fidèles en l'honneur du Saint Sacrement, quelque fête
surérogatoire qu'on aurait aussi bien pu placer à une autre date. Or, il semble
bien que ce ne soit pas l'intention de l'Eglise: la leçon de Matines précise et
l'objet de la fête et la raison du choix de la date. Le Sacrement de
l'Eucharistie, en effet, instituée le Jeudi Saint, est maintenant pour toujours
le centre de la liturgie, chaque jour, sur tous les autels du monde,
"per totum anni circulum". Et l'Eglise nous donne à méditer ce
mystère pendant le temps qui suit la Pentecôte où l'effusion de l'Esprit Saint
a ouvert les cœurs des disciples à la pleine connaissance des mystères de ce
sacrement: ... "ejus institutionem illo specialiter tempore recolamus quo
Spiritus Sanctus discipulorum corda edocuit ad plene cognoscenda hujus mysteria
sacramenti".
En outre, si la Pentecôte, comme la Cène, eut lieu au
Cénacle, on peut noter que, dans l'histoire de l'Eglise, ajoute la Leçon, c'est
le moment où les premiers fidèles, convertis par la prédication de saint Pierre
et des Apôtres, ont commencé à fréquenter ce sacrement.
La fête du Corpus Christi n'est donc pas un pieux
supplément du cycle liturgique mais le chant d'amour solennel de l'Eglise
envers le cœur des mystères divins. L'Eucharistie, c'est l'Incarnation et la
Rédemption vécues à chaque instant dans l'Eglise.
Les différents manuscrits.
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Lorsqu'en 1264 Urbain IV promulgue la bulle
"Transiturus" et l'office inclus dans la bulle, il existait déjà,
nous l'avons dit, un office utilisé dans le diocèse de Liège. Quels sont donc
les manuscrits présentant un office du "Corpus Christi" ?
Nous renvoyons, pour l'étude approfondie de ces textes et
leur attribution, à l'article déjà cité du Père Gy. Nous présentons ici un
schéma rapide dressé d'après ce même article, et "conformément à l'usage
médiéval", l'office sera désigné par les premiers mots de la première
antienne des premières Vêpres.
Nous relevons l'existence de quatre textes:
1. l'office
liégeois "Animarum cibus", composé vers 1240 au monastère du
Mont-Cornillon sous la direction de sainte Julienne.
2. un office
"Sapientia" - Messe : "Ego sum panis" - partiellement
identique à l'office "Sacerdos" (n° 3) et en usage à Troyes, ville
natale d'Urbain IV, jusqu'au XVIIe siècle; office conservé chez les Prémontrés
dans un bréviaire du XIVe siècle trouvé en 1942.
3. l'office "Sacerdos"
- Messe: "Cibavit" - de 1264, traditionnellement attribué à saint
Thomas d'Aquin, et qui accompagnait la bulle "Transiturus"; c'est
l'office romain actuel, et le texte du manuscrit B.N. lat. n° 1143 (reproduit
en annexe et sur lequel nous travaillons).
4. l'office
dominicain "Gaude Felix Parens", composé par Hervé de Nédellec O.P.,
à la demande du chapitre général de Lyon en 1318; cet office, calqué sur celui
de saint Dominique, avait été approuvé par les chapitres généraux de 1321 et
1322. Il fut abandonné en 1323 - année de la canonisation de saint Thomas, le
18 juillet 1323 en faveur de "Sacerdos" lorsque le chapitre général
de Barcelone apprit que l'office romain du "Corpus Christi" avait
pour auteur Thomas d'Aquin et décida de substituer l'office de ce dernier à
celui d'Hervé de Nédellec.
Difficultés
-----------
La présence de quatre textes soulève un certain nombre de
difficultés. Nous ne prétendons pas les résoudre toutes. Nous retiendrons la
question essentielle: l'attribution de l'office romain à saint Thomas
d'Aquin. En effet "l'attribution de l'office du Corpus Christi à saint
Thomas d'Aquin n'est pas attestée avec la même certitude que celle de ses
grands écrits théologiques et philosophiques"[6]. Les objections se présentent à plusieurs niveaux et
peuvent se résumer ainsi:
1. le manuscrit - et les copies - ne portent pas de
signature. En outre, l'œuvre ne figure pas dans le catalogue des ouvrages de
saint Thomas présenté pour le procès de canonisation par Barthélémy de Capoue.
2. l'extrême
discrétion de saint Thomas qui laissait son Ordre ignorer la chose au point de
composer - près de soixante ans après "Transiturus" - un office
nouveau au propre dominicain.
3. l'œuvre de saint Thomas apparaît essentiellement
théologique. Est-il vraisemblable que la poésie y trouve sa place ?
A la première difficulté, on peut répondre qu'une œuvre
telle que la composition de cet office est une œuvre d'Eglise, par définition
universelle"; ce qui rend la signature superflue - et même malvenue - Saint
Thomas était alors à la cour pontificale, appelé par le prédécesseur d'Urbain
IV, Alexandre IV,- pour y enseigner 'La théologie. Le père Molien[7] souligne en outre que ... "si l'office n'est pas
inscrit dans le catalogue des ouvrages de saint Thomas il se trouve dans la
plus ancienne liste connue de ses œuvres et le P. Mandonnet donne une très
bonne raison pour expliquer qu'on ne l'ait pas attribué à son auteur au moment
de la canonisation: il était entré dans la littérature ecclésiastique; il ne
convenait pas "que dans les actes officiels, il fût revendiqué comme le
bien propre de saint Thomas"[8].
En outre, la discrétion de saint Thomas s'explique
aisément. Dans toute communauté humaine - y compris les couvents - les
nouvelles extérieures circulent très rapidement mais les faits internes peuvent
facilement être ignorés[9]. Il n'est donc pas étonnant que les frères de saint
Thomas n'aient pas eu connaissance de ce travail d'un genre nouveau demandé par
le Pape à son théologien.
Quant à la composition, près de soixante ans plus tard,
en 1318, d'un office nouveau dans l'ordre dominicain, un article de 1"'Histoire
du Christianisme" de Dom Poulet nous apporte à ce sujet quelques
lumières. L'office, institué en 1264, était loin d'être partout connu et suivi.
Clément V intervint en 1311 puis en 1312 et c'est à partir de 1317, lorsque le
Pape Jean XXII eût envoyé aux Universités la collection des décrétales qui
comprenaient le texte de la bulle "Transiturus" que cette solennité
se répandit réellement dans l'Eglise [10].
Par ailleurs, entre 1264 et 1317, sur cinquante-trois
années d'histoire de l'Eglise, se succèdent quinze pontificats! Ceci explique
qu'une fête promulguée cinquante ans plus tôt fut encore appelée, en 1318,
"la nouvelle solennité du Corpus Christi". Et les dominicains, qui
ignorent que l'office romain du Corpus Christi a été composé par leur illustre
frère Thomas d'Aquin, l'apprennent en 1323, année précisément de sa
canonisation: "Cum ordo noster debeat se sancte Romane Ecclesie, in
quantum est possibile, in divino officio conformare, et in eo precipue, quod
per nostrum ordinem de mandato apostolico est confectum, volumus quod officium
de corpore Christi per venerabilem doctorem fratrem Thomam de Aquino editum, ut
asseritur, per totum ordinem fiat Va feria post festum Trinitatis usque ad
octavas inclusive, et dictum officium in ordinario in locis debitis
annotetur"[11].
Reste l'objet de notre étude: comment accorder poésie et
théologie? Il semblerait que chaque terme des poèmes puisse trouver son
commentaire dans les écrits de saint Thomas qu'ils soient antérieurs ou non à
1264. Ne peut-on, d'ailleurs, retourner la question en demandant comment un
simple poète aurait pu composer le traité de théologie eucharistique du
"Lauda Sion"; ou encore, quel génie à la fois théologique et
poétique, ayant pleinement assimilé la doctrine thomiste de l'Eucharistie, nous
pouvons trouver dans l'entourage d'Urbain IV à l'époque de la composition de
l'office?
L'office de Hervé de Nédellec avait un but
essentiellement liturgique. Celui de saint Thomas a d'abord en vue la
proclamation de la foi en l'Eucharistie et l'enseignement de la doctrine
eucharistique. Ce qui requiert une expression liturgique choisie au service
d'une parfaite connaissance des mystères divins et du sacrement eucharistique.
Tel est le plan que nous suivrons dans l'étude de nos deux poèmes afin
d'illustrer combien l'écriture de l'office en est aussi la signature.
Avant d'aborder l'étude approfondie de nos deux textes, il
est bon de rappeler l'origine de l'hymne et son rôle dans la liturgie sacrée.
En outre, la place du poème dans l'office souligne sa tonalité propre alors que
la versification et le rythme du chant s'harmonisent à la louange particulière
de chaque texte.
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La distinction entre l'hymne religieuse et l'hymne
national trouve son origine dans un parti-pris du siècle dernier; nous nous en
tenons au genre masculin des termes latin: hymnus, i et grec : .
Sur la naissance de l'hymnique chrétienne, nous renvoyons
aux premiers chapitres du livre du professeur Alain Michel, "In hymnis
et canticis"[12]. L'on peut se reporter aussi aux ouvrages de Dom Pius
Parsch et de Dom Baudot[13].
L'hymne est un instrument du culte divin. La louange
divine s'exprimait dans l'Ancien Testament à travers les psaumes. "De leur
symétrie souple" naîtront les hymnes chrétiens, chants de louange et
d'action de grâces. Car "les chrétiens savaient par la tradition judaïque
qu'ils avaient le devoir de chanter"[14]. Saint Paul exhorte les Colossiens (III, 16) et aussi
les Ephésiens (V, 19) à chanter à Dieu de tout cœur leur reconnaissance
"par des psaumes, des hymnes et des cantiques spirituels". Et en
effet, insiste Dom Parsch, "il faut toujours considérer l'hymne comme un
chant - "Cantare amantis est"[15] (4) - "Le sentiment ne peut demeurer seul sans
pensée, il doit être dirigé et dominé par la pensée et ainsi le cœur et la
raison sont la double source du cantique" [16].
L'hymne trouve donc naturellement sa place dans l'office
divin exprimant tantôt l'heure du jour, tantôt l'objet du mystère ou de la
fête.
L'office divin est composé de sept heures: Matines et
Laudes, Prime, Tierce, Sexte, None et Vêpres - selon le verset 64 du psaume
CXVIII: "Septies in die laudem dixi tibi" - auxquelles on a rajouté,
au Ve siècle, l'office des Complies - intermédiaire entre l'heure de la fin du
jour: Vêpres et celle de la nuit: Matines -. Ces heures sont communément classées
en "grandes" et "petites" heures. Matines, Laudes et Vêpres
appartiennent aux premières. Prime, Tierce, Sexte et None aux secondes.
Dans chaque heure se trouvent plusieurs psaumes et un
hymne mais on peut noter des différences dans la situation et la forme de ce
dernier. Ainsi, les petites heures commencent chacune par un hymne propre et
conservé chaque jour de l'année. Le texte en est court: cinq strophes pour
Prime, trois seulement pour toutes les autres heures. Quant aux grandes heures,
si Matines place l'hymne presque à l'ouverture de l'office, Laudes et Vêpres le
situent après les psaumes en fin d'office. Ces hymnes sont propres à chaque
jour et à chaque fête et comportent chacun six à sept strophes ou plus encore.
Il est clair que ces différences de place et de forme
indiquent aussi la double fonction qu'ils ont à remplir, tantôt comme un écho
après la psalmodie (Laudes, Vêpres, Complies) tantôt comme une invitation
pressante à la vigilance dans la prière et l'adoration (Matines et petites
heures). Nous allons le voir spécialement dans nos deux poèmes.
Chantées dans le recueillement de la nuit, les Matines
donnent le ton et l'élan solennel. Elles sont "la partie dramatique"[17] de tout l'office. En effet la pensée maîtresse de la
fête, joyeusement annoncée par l'invitatoire et exprimée dans le chant de
l'hymne, est ensuite longuement développée dans l'alternance des psaumes et des
leçons. Aussi, avant d'étudier l'hymne, est-il indispensable de considérer
l'invitatoire.
Celui-ci est comme "un cri d'avertissement"[18] annonçant brièvement le mystère du jour. Il exprime,
ici, dans un contraste saisissant, le mystère du Christ maître du monde, se
donnant à nous comme nourriture. "Christum Regem adoremus dominantem
gentibus, qui se manducantibus dat spiritus pinguedinem" - "Adorons
le Christ, dominateur des nations, qui donne à ceux qui le mangent, la vie de
l'esprit en abondance". Ainsi donc, introduction solennelle, l'invitatoire
résume et annonce le mystère du Corps et du Sang du Christ livrés pour le
rachat du monde au temps de sa passion et offerts chaque jour pour la
sanctification des hommes dans le sacrement de l'autel. L'hymne, les psaumes et
les leçons traduisent et reprennent en écho la jubilation émerveillée qui
entoure ce don divin si admirable. "Quid hoc sacramento mirabilius ?"[19].
Les pièces de l'office du "Corpus Christi"
célèbrent l'Eucharistie chacune dans une harmonie propre. Ici, le point central
de l'hymne est le récit historique de la dernière Cène. La première strophe est
une invitation joyeuse à chanter. La deuxième célèbre la dernière pâque juive
du Christ et des apôtres (str. 2), suivie de l'institution de l'Eucharistie
(str. 3 et 4); la mission des prêtres (str. 5), le pain des Anges (str. 6) et
la Trinité (str. 7). Mais il faut noter comment la tonalité générale du poème
est un appel à la dévotion. Fait plus remarquable encore, l'adoration et
l'exultation du psaume invitatorial (Ps. XCIV) se prolongent comme
naturellement dans l'hymne, tant par l'ampleur du rythme - sept quatrains dont
les vers sont de douze syllabes - et la majesté de la mélodie, que par la
reprise des termes-clefs et leurs développement[20].
Placé à l'ouverture de l'office, l'hymne de Matines est
donc bien destiné à introduire au cœur de la fête, dans une invitation
pressante à la prière et à la louange adoratrice.
L'office des Laudes, lui, se déroule dans une toute autre
nuance. Ecoutons Dom Parsch[21]:
"Il fait encore nuit ... mais à l'est le jour
commence poindre ... la nature commence à s'éveiller ... C'est à cette heure-là
que le Sauveur a brisé les liens de la mort ... Une triple résurrection, le
réveil de la nature, la résurrection du Christ, la résurrection spirituelle de
l'homme, forme le fond du tableau devant lequel nous récitons Laudes".
Les Laudes sont, en effet, expressément une heure de
louange, d'hommage de la Création à la seconde personne de la Trinité saluée
dans sa Résurrection - "o Oriens" -. Le jour, qui chasse les
ténèbres, rappelle la victoire de la Vie sur la mort.
Dans l'office du "Corpus Christi", après le
chant de la psalmodie tout empreinte de ce caractère laudatif, l'hymne célèbre,
lui aussi, la personne du Verbe incarné, non plus avec la pensée de la
Résurrection mais dans la lumière du don Eucharistique. Le Verbe dans la
Trinité (str. 1), s'incarnant pour la rédemption du monde (str. 2), laisse aux
disciples l'Eucharistie (str. 3). Sa vie entière est un don total (str. 4). Les
strophes 5 et 6 sont une prière adorante à l'Hostie et à la Trinité. Le
mouvement parti de la Trinité y remonte dans un chant de louange et
d'adoration. Le Verbe, don de Dieu aux hommes, devient, par l'Eucharistie, don
des hommes à Dieu.
"L'effort chrétien consiste à établir l'unité entre
l'enseignement théologique - qui convient aux doctes - et l'éducation de la
multitude. La grandeur de l'entreprise réside dans le fait de ne pas séparer
les deux exigences, ce qui est impliqué par l'esprit même des Béatitudes. Où
trouver le moyen d'atteindre ce but ?
D'une part dans la simplification du langage,
d'autre part dans le recours au symbolisme poétique qui peut corriger
l'abstraction des dogmes par une imagerie vigoureuse."
Alain Michel, op.cit., p. 52.
Ces trois points, que nous soulignons, seront les fils conducteurs
de notre étude du langage poétique de saint Thomas. Le fidèle, qui écoute le
poème sacré ou contemple les sculptures des chapiteaux, accueille en lui la
beauté et la vérité. Comment le Docteur en théologie a-t-il uni la poésie du
chant et la force de l'enseignement ?
"De même qu'il est plus beau d'illuminer que de
briller seulement, de même il est plus beau de transmettre aux autres le fruit
de sa contemplation que de s'en tenir à la seule contemplation."
II
a II ae, q.188, art. 6
L'hymne revêt un caractère didactique universel. Il
s'adresse avec la même aisance au plus humble des fidèles comme au plus docte
théologien. Le premier y trouve la totalité de la doctrine et une source
inépuisable de méditations. Ainsi "Sacris Solemniis" insiste sur
l'historique de la dernière Cène (str. 2, 3, 4). "Verbum Supernum"
renvoie aux grands Mystères de la Trinité, de l'Incarnation et de la
Rédemption. (str. 1, 2, 6). Le second peut,sur une seule strophe, construire tout
un sermon. Ainsi, le cinquième quatrain de "Sacris Solemniis"
concentre tout l'enseignement de l'Eglise sur le sacerdoce, son caractère, son
rôle et renvoie aux études consacrées à ce sujet (par exemple, cf. "Contra
Gentiles", Liv. IV, chap. 74 à 77 ou "Scriptum Super Sententiis).
Ou encore, le quatrième quatrain de "Verbum Supernum" permet de
développer les "qualités" essentielles de la vie du Christ et la
source de grâce qu'elle continue d'être pour nous.
Il faut donc que l'hymne soit en même temps savant et
simple. Alain Michel souligne, dans son étude de l'hymnique chrétienne, ce
caractère particulier où la pensée purifiée se trouve comme cristallisée,
"où la difficulté savante des poèmes se résout, sans perdre son contenu,
en une simplicité accessible à tous". Ceci se manifeste à la fois dans le
contenu et dans la forme.
Quelques exemples rapides ont illustré le premier point.
Voyons comment, par la prosodie et la composition, le second répond, lui aussi,
à cette double exigence.
Si l'on veut scander nos hymnes il est clair que les
quantités classiques ne sont pas respectées. Depuis plusieurs siècles déjà, on
ne mesure plus, on nombre les syllabes. L'enchaînement musical des rimes, la
souplesse du rythme sont préférées à l'agencement des brèves et des longues.
Chaque strophe de l'hymne de Matines présente le même
schéma de pieds:
6 + 6 )
6 + 6 )
équivalant au vers asclépiade 6 + 6 )
8
équivalant au vers glyconique,
et sept rimes réparties d'une façon assez curieuse:
lère strophe: a
b a b b b b
2e strophe: c b c
b d b d
3e strophe: e a e
a d a d
4e strophe: d e d
e f e .1
5e strophe: e g e
g a g a
6e strophe: d e d
e a e a
7e strophe: h d h
d h d h
Ainsi les quatre premiers demi-vers offrent des rimes
croisées et la rime du septième répond à celle du cinquième. Trois vers sur
quatre se terminent régulièrement sur la même rime (lettres 2.4.6).
Ne peut-on appliquer à ce poème les remarques de Rémy de
Gourmont au sujet de l'hymne "Sanctorum meritis", dont les éléments
offrent l'aspect d'un alexandrin? "L'asclépiade imposait, depuis Horace,
ses douze et presque immuables syllabes. Que la numérotation remplace pour
l'oreille le mètre sans valeur et que, par conséquent, la possibilité
disparaisse de substituer au premier spondée un dactyle, que la rime surgisse
et, car son ancienne contexture lui impose la césure médiale, le vers français
classique est complet. De plus, le vers glyconique, qui clôt la strophe,
signifie avec non moins de véracité, l'octosyllabique français" [22].
A Laudes, le poème se compose de sept quatrains de vers
octosyllabiques à rimes croisées, (la quatrième strophe offre la même rime à
chaque vers). Cette forme de vers, universellement répandue dans les langues
romanes, s'inspire de saint Ambroise. Lui-même avait emprunté, à la versification
classique, un vers populaire à partir d'Hadrien: le dimètre iambique
catalectique. Mais ici encore, les quantités ne sont plus recherchées:
l'harmonie des rimes et des sonorités internes - les allitérations[23] - la fluidité du rythme - dans les inversions, le choix
et la position des termes accentués -, accompagnent la prière poétique et
permettent l'épanouissement du chant sacré.
Il faut garder à l'esprit que les poèmes liturgiques se
chantent. Le XIIIe siècle puisait au trésor grégorien des siècles précédents.
Comme un orfèvre saint Thomas a fondu et ciselé ses poèmes sur des harmonies
déjà existantes et, s'il ne s'est pas plié à des règles métriques anciennes qui
ne pouvaient plus être entendues, il a recherché l'unité parfaite du texte et
de la musique sacrée ordonnés à la gloire divine. Il a choisi l'envol ample et
majestueux de la mélodie dans la jubilation naissante des Matines; et pour
l'heure des Laudes, la méditation musicale, plus humble et plus attentive, du
Mystère du Verbe incarné. Alliance souveraine de la poésie et de la musique;
alliance voulue et recherchée "de formes d'art à la fois très libres et
très pures, si simples que nous ne nous apercevons plus qu'elles sont
savantes..." [24].
L'hymne de Matines est comme l'écho du psaume
invitatorial dans sa liesse et son insistante invitation à la louange divine.
Mais il contient aussi son propre écho: en effet, la joie liturgique (str. 1)
nous unit à la joie céleste (str. 7),et aux souhaits des premiers vers
répondent les vœux de la doxologie. En outre, la chronologie souligne le
déploiement du chant: partant de l'évocation d'un fait passé, le poème célèbre
le sacrement qui est présence et gage d'éternité dans un mouvement qui est tout
à la fois d'ouverture et de concentration.
Certains termes annoncent le développement des strophes
suivantes: ainsi, strophe 1, "vetera" et "nova" préparent
l'esprit au plein accomplissement de l'Ancienne Alliance et de ses clauses
(str. 2) et à l'avènement de la Nouvelle Alliance (str. 3). Dans cette -strophe
(v. 11) le mot "totum", deux fois répété, entraîne les précisions de
la quatrième strophe: "corporis ferculum" (v. 13) et "sanguines
poculum" (v. 14). "Totum", "tout entier",
le corps et le sang livrés, comme l'exprime le verbe "trado" (v. 15).
Ce verbe - plus expressif que "do" - annonce la Passion volontaire,
i. e., le sacrifice dont l'institution nécessite des prêtres ordonnés pour le
sacrement (str. 5). La louange et l'adoration du sacrement eucharistique (str.
6) ouvrent sur l'éternité de la vie divine (str. 7)[25].
Ainsi l'enchaînement des strophes entre elles souligne
l'ascension du texte qui se déploie et s'enroule comme les volutes de l'encens
autour de l'ostensoir. Les généralités se précisent et se fixent sur le cœur de
la fête: l'hostie. Le souvenir appelle la prophétie: le temps sert de support à
l'aspiration humaine à la Vie hors du temps.
L'hymne de Laudes, centré sur le Verbe, offre aussi un
mouvement tout à fait remarquable. La chronologie, ici encore, a toute son
importance. Nous partons du présent d'éternité (str. 1) pour rappeler le passé
historique (str. 2, 3, 4) et son prolongement actuel (str. 5), avant de
retourner au présent d'éternité (str. 6). C'est toute l'économie du salut qui
est exprimée ici, en un mouvement que souligne déjà le prologue des Sentences
et que reprendra la Somme Théologique: "un mouvement qui part de Dieu pour
retourner à Dieu" [26].
En effet, les êtres sortis de Dieu, conservés en Dieu,
retournent à Dieu. "Le rythme de ce retour eût répondu symétriquement au
rythme de la création s'il n'y avait eu l'usage désordonné de la liberté.
Désormais la cadence est rompue, par la rébellion de certains anges, par la
désobéissance du premier couple humain. La symphonie resterait inachevée
si Dieu ne venait remettre en mouvement vers Lui l'univers spirituel. La
réparation de l'ordre s'opère en faveur des hommes, par le sacrifice du Christ,
fils de Dieu et fils de l'homme. La Rédemption commencée dès ici-bas par la
grâce et par les Sacrements se terminera dans l'au-delà par la gloire. Alors la
créature humaine retournera à Dieu, son origine. L'histoire du monde se résume
ainsi en un mouvement qui va de Dieu à l'homme et de l'homme à Dieu par
l'intermédiaire de l'Homme-Dieu".
Tel est le plan de l'hymne:
lère
str. Le Père, le Fils à la
droite du Père (Ia pars)
L'Incarnation
("exiens").
2e str. La mort du Christ pour la rédemption (IIIa pars)
de
l'homme
précédée
...
3e str. du don de l'Eucharistie à l'humanité. (IIIa pars)
4e str. La vie du Verbe est don par excellence
dans
le passé, présentement et pour (ibidem)
l'éternité.
5e et 6e
str. Prière d'adoration à l'Hostie.
L'homme
nourri et fortifié par l'Eucharistie
dans
le combat terrestre (IIa pars)
sauvé
par le Sacrifice (Salutaris Hostia) (IIIa
pars)
retourne
vers la Trinité sainte dans la vie
sans
fin de la patrie. (Suppl.)
Tel est le parallèle qu'un lecteur attentif peut
discerner entre ce texte et la "Somme Théologique" [27].
Tout à l'honneur et à la louange du Saint Sacrement, nos
deux poèmes, gardant la tonalité qui leur est propre, sont des chefs-d'œuvre de
composition. "Ici, comme dans les psaumes, la plus grande science
tend par le choix des moyens et par l'intensité de la pensée au plus grand
dépouillement" [28].
En réalité,la poésie elle-même est dépouillement. Elle
est une sélection de la parole pour une expression exacte de la louange. Elle
est une recherche du divin là où il faut le plus abandonner l'humain. Elle doit
être transparence, c'est-à-dire compréhension aisée, immédiate de l'idée. C'est
pourquoi chaque poème est une "mélodie" dont chaque terme mériterait
un commentaire. Aucun mot n'est superflu et, s'il n'y a pas un mot de trop, on
peut remarquer des mots "en moins", des raccourcis d'expression, des
verbes sous-entendus, non repris parce que très clairs. Ainsi le sujet de
l'hymne de Laudes, "Verbum", porte sur quatre strophes sans
être jamais rappelé, mais sa position initiale éclaire tout le poème; car si le
choix des termes est capital, leur place est aussi importante. De même, le
verbe donner (str. 4) dont on note une seule reprise pour la chronologie
soulignant l'idée théologique: "dedit", "dat".
Aux Matines, l'hymne présente de nombreux verbes: presque
un verbe à chaque vers, parfois deux (v. 3; v. 15; v. 20, etc.) alors que
l'hymne des Laudes offre un verbe pour deux vers ou donne des formes plus
brèves quand elles ne sont pas sous-entendues. (str. 1; str. 2; str. 4, etc.).
Nous ne pouvons tout relever mais il faut noter encore l'utilisation de termes
très courts, de "petits mots" tels "prius",
"quibus", "se" (Verbum Supernum str. 2, 3, 4),
"ejus", "solis" (Sacris Solemniis str. 2, 5), tous à
l'initiale des vers pour renforcer l'idée exprimée.
Verbum Supernum - str. 2: Le Christ a été livré, mais le premier,
"prius", il s'est livré à ses disciples, "quibus",
auxquels il a donné ...
str. 4: "Se dedit": il s'est donné, il se
donne.
Sacris Solemniis - str. 2: "ejus manibus": de ses mains ...
Tous sont l'écho de la même idée: le sacrifice volontaire
du Christ.
Enfin, aux Matines, str. 5; "solis presbyteris"
à ses seuls pretres, il donne le dépôt eucharistique.
Ainsi le chant est construit pour faire apparaître
l'idée, et inversement, l'idée crée le chant, ses échos et ses accents dans la
transparence et la simplicité.
Cette simplicité - qui est peut-être plus exactement un
refus de l'ornementation telle que l'entendaient les Anciens (plus sensibles
aux syllabes nombreuses) - n'est pas le rejet d'un certain symbolisme poétique.
Le théologien et le liturgiste ne font qu'un dans le souci d'un langage
parfaitement adapté au chant du Sacrement. C'est pourquoi saint Thomas emploie
fréquemment les termes du vocabulaire liturgique qui est en réalité le
vocabulaire patristique (le second étant la source du premier)[29].
Par exemple (dans Sacris Solemniis, au v. 2) PRAECONIUM,
signifiant proclamation solennelle", ici "louange, chant solennel à
Dieu", est inexistant dans la Bible où l'on rencontre "praeco",
"le hérault", six fois dans l'Ancien Testament et une fois dans le
Nouveau Testament. Employé sept fois dans toute l'œuvre de saint Thomas,
"praeconium" est très fréquent dans la liturgie - le chant de
"l'Exultet" pascal fut longtemps nommé "Praeconium
Pascale"- . L'on peut donc noter la force de ce mot dans la volonté d'une
expression plus noble, déjà annoncé par la locution initiale "sacris
solemniis!'et faisant écho au terme poétique classique, lui aussi fréquent chez
les Pères, de "praecordia". La louange doit venir du fond même de
notre être, touchant notre affection (corda), notre intelligence (voces) et
notre volonté (opera) (v. 4).
Au v. 13 de Sacris Solemniis et au v.7 de Verbum
Supernum, on note la reprise de FERCULUM: à l'origine "le plateau du
service de table", puis "les mets qui sont sur le plateau", il
signifie ici "la nourriture". Rarissime dans la Bible (un emploi dans
l'Ancien testament) et peu fréquent chez saint Thomas (sept emplois), ce terme,
chez les Pères, a le sens de "nourriture de la Parole et des commandements
divins". Désignant l'Eucharistie, on ne le rencontre pas dans les oraisons
ni dans les sacramentaires. Il faut attendre l'Office du Corpus Christi.
"Dedit fragilibus corporis ferculum" (v. 13 de
Sacris Solemniis):
"Il a donné aux faibles l'aliment de son
corps."
"Prius in vitae ferculo
se tradidit discipulis" v. 7 (Verbum Supernum)
"Le premier il se livra lui-même à ses disciples en
aliment de vie"
"Ferculum", l'aliment de vie donné par le Verbe
- qui est don de Vie -répare notre fragilité. Il nous soutient, nous restaure
et nous fortifie, annonçant le v. 20, str. 5 (Verbum Supernum)
"da robur, fer auxilium"
"donne nous la force, porte nous secours".
Dans la deuxième strophe de Verbum Supernum, AEMULIS,
"rival, adversaire": utilisé trois fois au "1er Livre des
Rois" et six fois par saint Thomas, renvoie ici aux Princes des prêtres et
aux pharisiens jaloux du Christ en qui ils voyaient un rival ...
"Près de mourir, allant être livré A ses ennemis
par un disciple..."
(traduction Spitzmuller)
Le texte latin est plus frappant encore, qui encadre "tradendus"
par "suis ... aemulis". Le Christ trahi et livré est totalement
aux pouvoirs de ses ennemis, eux-mêmes sous l'emprise de Satan. En effet, dans
la langue patristique, "aemulus" désigne souvent notre ennemi, Satan,
i.e., l'adversaire.
Il faudrait aussi noter l'emploi unique chez saint Thomas
d'un terme liturgique LEGITIMA (Sacris Solemniis, v. 7) que l'on rencontre
trois fois dans la Bible avec la même signification: "legitima",
orum: ce sont les "préceptes, les commandements", tout ce qui est
conforme à la loi divine.
"t ... juxta legitima ... selon les préceptes
Priscis indulta patribus" donnés aux anciens Pères."
Le Christ ne brise pas la Loi. Il l'accomplit
entièrement, l'achève pour la dépasser.
Dans Verbum Supernum au v. 14, EDULIUiM (lui aussi
courant chez les Pères) mériterait un développement. Autre manière d'exprimer
que le Christ s'est fait notre nourriture, notre "aliment". Ces quelques
exemples révèlent chez l'auteur une grande connaissance de la Tradition
patristique et de la Liturgie.
L'étude du langage poétique, dans sa sobriété et son
symbolisme, nous conduit à celle des images. Celles-ci sont peu nombreuses:
Sacris Solemniis exalte le "Pain des Anges" v.
21
et le "Pain du Ciel" v. 22.
Verbum Supernum présente "la droite du Père" v. 2 "le
soir de la vie" du Christ v. 4 "la porte du Ciel v. 19. 19
et "les guerres hostiles" de la vie v. 20.
Là encore, nous ne pouvons faire le commentaire de
chacune. C'est pourquoi nous les donnons ci-après en un tableau, avec les
références aux œuvres de saint Thomas permettant un commentaire approfondi.
A) LE PAIN
DES ANGES - PANIS ANGELORUM - PANIS ANGELICUS
------------------------------
Références bibliques: Psaume LXXVII, v. 25.
Sagesse XVI, v. 20.
Saint Thomas: 1. Scriptum Super Sententiis, Livre
IV, Dist. XI. 7, Pierre Lombard citant saint Ambroise (de Consec., d. 2,
cap.: "omnia"; L 187, 1771).
2. Scriptum
Super Sententiis, Livre IV, Dist. IX, art. 2, n° 45, rep. 72 à 74.
3. Super
Evangelium S. Joannis Lectura n° 904.
4. IIIa
pars, q. 80, art. 2, sol. 1.
5. "Piae Preces" in Opuscula
Theologica II, p. 287.
6. "Lauda
Sion"v. 20.
B) LE PAIN DU CIEL PANIS CAELICUS
--------------
Références bibliques: Psaume LXXVII, v. el_4.
Exode XVI, v. 4.
Sagesse XVI, v. 20.
Saint Thomas: 1. Scriptum Super Sententiis, Livre
IV, Dist. VIII,
1, a. Pierre Lombard citant saint Ambroise (de Myster.,
C. 8, n. 47, 48. L.16, 404).
2. Super
Ev. S. Joan. Lectura (Jn. VI. 31 à 50) n°s 905, 906 - 909, 910.
n° 953 et 955.
C) LA DROITE
DU PERE - "Nec PATRIS linquens DEXTERAM"
--------------
Références bibliques: Psaume CIX, v. 1, cit. dans Heb I,
13.
Credo
Saint Paul (cf infra)
Saint Pierre III, 22 etc
...
Saint
Thomas: 1. Super Symbolum Apostolorum: n° 98 (p. 135)
2. Super S. Pauli Apostoli
Epistolas:
- ad Galatas: n° 202, p. 611.
- ad Ephesios: n° 60, p. 16.
- ad Philippenses: n°54 sq, p. 100.
- ad Colossenses: n' 138, p. 151.
3. Compendium Theologiae ad fr.
Reginaldum in "Opuscula Theologica I", caput 240, n° 519,
p. 120.
D) LE SOIR DE
LA VIE - "Venit ad VITAE VESPERAM"
-------------
Saint
Thomas: 1. Scriptum Super Sententiis, Livre IV, dist. VIII,
q.
I, art. 3, n° 98
2. Super S. Pauli Apostoli Epistolas:
· I ad Corinthîos (XI, v. 23) n° 648
3. Super Ev. S. Matthaei Lectura,
(XXVI v. 20) no-11357 et 2158
4. IIIa, q.73, art. 5, ad 3m.
E) LA PORTE
DU CIEL - CAELI ... OSTIUM
----------------
Dans la Bible l'idée de la porte du Ciel, de la maison du
Seigneur etc ... est fréquente. Mais le terme "janua" est préféré à
celui de "ostium".
Par exemple: Psaume L"IXVII, v. 23.
Saint Thomas: 1. Scriptum Super Sententiis, Livre
IV, dist. VIII, q. 1, art. 1, n° 35
2. ibidem,
Livre IV, dist. VIII, q. 1, art. 3, n° 69 et 88.
3. Super
Ev. S. Joan. Lectura (Jn X, 7 et 9), n° 1382. Cf aussi no3l366 et 1371.
F) LES
GUERRES HOSTILES - "BELLA premunt HOSTILIA"
-------------
L'expression elle-même n'est pas très courante mais
l'idée qu'elle exprime est très fréquente. La vie est un combat pour lequel le
chrétien doit s'armer et s'exercer. L'Eglise est un camp. Le fidèle un soldat
qui combat pour la patrie . le ciel. Etc ...
Références bibliques: nous en retenons quelques unes: -
Psaume XXII, v. 6 (repris dans la 2e antienne du IId Nocturne de-l'Office).
-
Job VII, 1
-
Saint Paul: Romains XIII, 12
II Corinthiens VI, 7
Ephésiens VI, 11 - 17
I Thessaloniciens V, 8
- Dans la liturgie: véritable refrain. cf. les oraisons
du Missel; ex: Post Communion Vendredi ap. Pentecôte; collecte, ler dimanche
ap. Pentecôte, etc ...
Saint Thomas: 1. Contra Gentiles L. IV, ch LX. De
la confirmation.
2. Super
S. Pauli Epistolas Lectura:
- ad
Romanos: n° 1071 et 1072.
- ad
Ephesios: n"353 à 367.
- ad
Colossenses: Prologue et n° 161.
- I ad
Thessalonicenses: n° 120.
Les exemples de ce tableau soulignent combien les textes
bibliques et liturgiques sont familiers à l'auteur de ces poèmes.
L'on peut rapprocher les deux premiers vers de Verbum
Supernum avec ceux de l'hymne des matines de l'Avent[30]
Verbum supernum prodiens Le Verbe d'en Haut sortant
E Patris aeternis sinu du sein du Père
Saint Thomas empruntant le début de l'hymne l'abandonne
au deuxième vers, répondant par "Nec Patris linquens dexteram".
L'intention est évidente; il veut insister, sur la
permanence de la divinité du Verbe en Jésus mais ce qui nous intéresse ici,
c'est l'image. Il est clair que des expressions telles que "la
droite" ou "le sein du Père" sont des métaphores. Saint Thomas
le rappelle dans le commentaire du Credo:
" Quand nous parlons de la droite de Dieu, cette
expression ne doit pas s'entendre de manière corporelle mais dans un sens
métaphorique".
En effet "il est assis à la droite du Père" en
tant que Dieu, i.e., égal en tout à son Père, et en tant qu'homme, i.e.,
jouissant des dons les plus excellents[31].
La même remarque est faite par saint Thomas dans le
commentaire de la première Epître aux Ephésiens, v. 20: "Le Christ est
établi à la droite du Père, ce qui ne doit pas être compris corporellement,
selon ce que dit saint Jean (IV, 24): "Dieu est pur espritlt, mais
métaphoriquement. Car par la droite, on entend la partie la plus noble et plus
??agile" (adroite) de l'homme ..." [32].
Si, de nos jours, le fidèle, ignorant l'hymne de l'Avent,
ne peut en reconnaître ici le rappel, la-familiarité de l'image de "la
droite du Père" résonnera en lui comme l'écho de son Credo [33].
Dans la même strophe, au v. 4, nous chantons le "soir
de la vie" du Verbe incarné. Cette image est belle et riche de
correspondances et de contrastes variés. Qu'est-ce que le soir? C'est la fin du
jour répond saint Thomas, commentant le chapitre XXV de l'Evangile de saint
Matthieu. Mais, chez les juifs, c'est le début du jour suivant.
C'est, avec la chute de la lumière - "vespere sol
occidit", (Super S. Matthaei n° 1357) - l'emprise des ténèbres,
l'heure de Judas; mais c'est déjà l'heure où le Christ est glorifié (Jn-XII,
30-31).
C'est, avec la dernière Pâque juive du Christ -et de
Apôtresl'accomplissement des figures de l'Ancien Testament et la réalisation de
la Nouvelle Alliance -cf les paroles de la Consécration: (Calix) Novi et
Aeterni Testamenti-.
C'est encore l'heure solennelle où les gestes et les
dernières paroles de l'ami qui s'en va prennent valeur de testament et
s'imposent davantage au cœur de ceux qui restent - IIIA, q. 73, art. 5, ad 3m [34].
Enfin, "secundum mysterium", selon ce qui
touche le mystère - Super S. Matthaei n° 1357 - c'est la Passion: le
couronnement de la vie du Christ. Par sa mort, les âmes vont renaître à la vie
et à la lumière de la grâce.
Telle est la richesse et la complexité d'une image
apparemment si simple où s'opposent et s'unissent la mort et la vie, la nuit et
la lumière. Paradoxe que saint Thomas lui-même souligne et résume en citant
Zacharie XIV, 7: "et in tempore vesperi erit lux "Ce sera un
jour unique, et il n'y aura ni jour ni nuit; le soir il fera clair" -
Super S. Matthaei (XXVI, 20), n° 2158.
Ces divers exemples évoquent ce que saint Thomas disait
de la Sainte Ecriture: "L'Ecriture Sainte a ceci de propre, que les
réalités signifiées par les mots signifient elles-mêmes quelque chose"[35].
Chantant les mystères du Christ dans les termes même de
la tradition liturgique, l'auteur unit la légèreté de la poésie à la richesse
de la doctrine, la fragilité du cristal et la force du diamant. Harmon-Le et
lumière, science et transparence se fondent dans un langage qui semble mériter
les remarques du Père Garrigou-Lagrange sur la "Somme Théologique"
dont "les articles (pour nous, ici, les mots) sont comme les grands
sommets d'une chaîne de montagnes qui éclairent par leurs reflets toute la
chaîne. Cette simplicité supérieure est l'antipode de la simplicité
superficielle du vulgarisateur, c'est celle de la contemplation. Tandis que la
vulgarisation reste inférieure aux recherches techniques, la contemplation d'un
saint Thomas est supérieure à ces recherches. (... ) Son langage s'élève, se
libère de la technicité; comme les grands classiques, il évite les néologismes
et les archaïsmes parce qu'il retrouve le sens plus profond des termes reçus,
qui perdent leur banalité et prennent une actualité supérieure à celle du temps
[36]."
LE CHANT SACRE DES MYSTERES DIVINS
L'écriture de l'office du "Corpus Christi" - à
travers les deux hymnes de Matines et de Laudes - s'inscrit dans la tradition
liturgique. Se référant continuellement à la Bible, aux écrits des Pères de
l'Eglise et aux textes liturgiques, l'auteur fait œuvre tout à la fois
ecclésiale et personnelle, doxologique et théologique. Non seulement saint
Thomas chante le mystère mais il en souligne les multiples aspects tout en les
concentrant dans un langage qui ne permet aucun écart, aucune divagation ou
dévaluation. La sobriété et la rigueur des termes permettent ainsi d'exprimer,
à la mesure humaine, la réalité indicible des mystères divins. Mais comment se
résument, par le chant poétique, les connaissances du théologien? A les bien
considérer, nos hymnes offrent une doctrine très vaste sur les trois mystères
fondamentaux de la religion chrétienne: la Trinité, l'Incarnation et la
Rédemption présentés spécialement dans la "lumière" du mystère de
l'Eucharistie, sacrifice sacramentel.
O O O
Le Christ est au cœur de la liturgie, et les offices célébrés
au long de l'année ont été instaurés "par des hommes qui ont compris toute
la sublimité des mystères de son Incarnation, de sa Nativité, de sa Passion, de
sa Résurrection et de son Ascension, et qui ont su la proclamer par la parole,
les lettres et les rites..."[37].
La première strophe de l'hymne des Laudes est, à cet
égard, d'une richesse tout à fait remarquable. En quatre vers sont exprimés les
trois mystères.
Verbum supernum prodiens Le
Verbe venant d'En-Haut
Nec Patris linquens dexteram Sans quitter la droite du Père
Ad opus suum exiens Sortant
pour accomplir son œuvre
Venit ad vitae vesperam Est
venu au soir de sa vie.
Les deux premiers vers évoquent le mystère de la Trinité,
par deux des personnes divines - "Verbum" et "Patris". Le
troisième vers chante le mystère de l'Incarnation - "exiens" - et sa
finalité -"ad opus suum" le mystère de la Rédemption, accompli
par la Passion et la mort du Christ - "vitae vespera"- (v. 4).
Avant d'étudier l'enseignement de cette strophe, les
échos ou les développements qu'elle entraîne dans l'ensemble même des deux
hymnes, nous voudrions brièvement comparer les formules trinitaires des
doxologies (strophes 6 et 7). C'est en effet le Verbe - sujet unique de Verbum
Supernum - qui révèle la Trinité divine mais c'est à la gloire de la Trinité
que s'adresse toute louange, que s'achèvent psaumes et hymnes.
Le mystère de la Trinité, c'est-à-dire d'un seul Dieu en
trois personnes distinctes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, est rappelé
dans chaque doxologie. Ce terme signifie "prière de louange" et vient
du grec ecclésiastique " ***** " littéralement "parole de
gloire". La doxologie en tant que formule de bénédiction était chez les
les juifs déjà, une des formes consacrées du culte. Elle exprimait en formules
variées la gloire - "**** " - l'honneur et les attributs propres à
Dieu. Cette coutume juive fut adoptée très vite par les Chrétiens. L'on relève
ainsi dans le Nouveau Testament - IIe Cor. XIII, 13 - l'une des plus anciennes
doxologies trinitaires: "Que la grâce du Seigneur Jésus-Christ, et
l'amour de Dieu, et la communication de l'Esprit-Saint soient avec vous
tous". Dans la liturgie chrétienne, la formule de bénédiction peut varier,
mais elle exprime toujours la gloire du mère par le Fils dans l'Esprit, ou
encore la gloire du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Cette dernière
expression "rappelant la formule baptismale (fut) adoptée au milieu du IVe
siècle en réaction contre l'arianisme; elle évinça toutes les autres parce
qu'elle exprimait clairement l'égalité parfaite des trois personnes
divines"[38].
Dans l'office du "Corpus Christi", la doxologie
de l'hymne des Vêpres distingue les trois personnes dans leur procession. Nous
relevons cet exemple, car saint Thomas s’est visiblement inspiré d'un texte
d'Adam de Saint-Victor:
"Qui
procedit ab utroque
Genitori
Genitoque
Pariter
Paracliti "[39]
face à:
"Genitori Genitoque "Au
Père comme au Fils
Laus et jubilatio Gloire
et jubilation
Salus, Honor, Virtus quoque Salut, honneur, puissance
Sit et Benedictio et
bénédiction.
Procedenti ab utroque Louange
égale à l'Esprit,
Compar sit laudatio.[40] qui de tous les deux procède."
Les doxologies de Matines et de Laudes offrent une
expression plus concise:
"Te
trina Deitas unaque poscimus " (Sacris Solemniis)
"Unitrinoque
Domino " (Verbum Supernum)
"Déité trine et une..." "Au Seigneur un et
trine..."
Qu'il s'agisse d'une prière à l'ouverture de l'heure des
Matines ou d'une louange accompagnée d'une profession de foi à la fin des
Laudes, ces deux formules, liturgiquement très classiques, sont des actes
d'adoration à la Trinité "dans la distinction des personnes, l'unité de
l'essence et l'égalité de leur majesté" (Préface de la Trinité). Car là où
est le Verbe est aussi le Père et le Saint-Esprit et réciproquement.
"L'excellence étant commune aux trois personnes, un même honneur et une
unique révérence leurs sont dus et par suite une seule adoration"[41].
L'office étant eucharistique, c'est à la lumière de
l'Eucharistie que seront affirmées les vérités de la foi. Ainsi le mystère de
la Trinité est-il célébré à travers la seconde personne, le Verbe. C'est le
Verbe qui conduit au Père et envoie l'Esprit. C'est dans le Verbe que l'on
connaît la Trinité. C'est par la contemplation du Verbe que l'on peut aller à
Dieu[42].
"Au commencement était le Verbe". Tels sont les
premiers mots de l'Evangile de saint Jean; c’est aussi le premier mot de
l'hymne de Laudes. Pour une étude approfondie de ce mystère, nous renvoyons aux
développements philosophiques et théologiques de saint Thomas[43]. Nous n’en donnerons ici
qu'un résumé succinct emprunté au "Commentaire sur l'Evangile de
Saint Jean"[44].
Dans un esprit créé, le verbe mental, la parole
intérieure est le fruit de l'acte intellectuel qui, nous dit saint Thomas, est
porté çà et là par la recherche, le raisonnement, le "discursus
inquisitionis", jusqu'à ce qu'enfin, après bien des détours,
l'intelligence arrive à la connaissance de la vérité et l'exprime dans un
terme, une parole (le verbe, c’est ce que l'on profère - "prodiens"
ce que l'on exprime "exiens").
Nos connaissances étant très imparfaites et incomplètes,
nous ne pouvons les exprimer par un mot unique; "aussi nous faut-il former
de nombreux "verbes" imparfaits pour exprimer séparément tout ce qui se
trouve dans notre connaissance" (27).
En Dieu, rien de semblable. Dieu est Acte pur,
Intelligence pure, et, en un seul Acte, il se connaît lui-même et toutes choses
en lui-même, en une seule parole, en un unique Verbe divin. Un
seul Verbe et qui ne peut être, comme en notre intelligence, un accident; car,
en Dieu, l'être et l'intelligence sont une seule et même chose. Son Verbe est
donc un être substantiel, une Personne divine (28).
Le Verbe est égal à Dieu, coéternel, coessentiel,
consubstantiel à Dieu. Il est Dieu. Le Verbe, qui procède du Père dans la
similitude de sa nature, est donc appelé "Fils" et sa production est
une génération (29).
Pourquoi alors l'appeler "le Verbe" plutôt que
"le Fils"? C'est à saint Jean Chrysostome que saint Thomas emprunte
la réponse[45].
Le terme de "fils", qui appelle les termes de "génération"
et d’"engendré", risque d'évoquer en notre esprit l'idée de
génération matérielle et passible, ce qui serait tout à fait faux: "c'est
pourquoi il n'est pas dit "Fils" mais "Verbe" - terme qui
est essentiellement lié à un processus intellectuel - pour qu'on ne comprenne
pas cette génération comme matérielle et soumise au changement" (31)..
Il s'agit donc d'une génération immatérielle d'une
"procession intelligible". Le Verbe est la parole de Dieu
éternellement engendrée. "Dieu ne dit qu'une Parole et Il la dit
éternellement".
In
principio erat Verbum
et
Verbum erat apud Deum
et Deus
erat Verbum.
Jn.
I, 1
Le Verbe est-il resté dans le sein du Père ?
En saint Jean VIII, 23, Jésus déclare aux Pharisiens:
"Vos de deorsum estis, ego de SUPERNIS sum. Vos de hoc mundo estis, EGO
NON SUM DE HOC MUNDO", "Vous, vous êtes d'en-bas, moi je suis
d'en-haut. Vous, vous êtes de ce monde, moi je ne suis pas de ce monde".
Et à la Cène, il redit aux Apôtres (Jn. XVI, 28) "EXIVI A PATRE et VENI in
mundum". Ce sont les mots mêmes que reprend saint Thomas dans l'hymne de
Laudes:
"Verbum
SUPERNUM PRODIENS
Nec
Patris linquens dexteram,
Ad
opus suum EXIENS
VENIT ad vitae vesperam."
Ils expriment le mystère de la venue du Verbe en ce
monde, mystère chanté par la liturgie de Noël, mystère de l'Incarnation.
"Et
Verbum caro factum est" Jn. I, 14.
Il existe en effet, une union étroite entre Noël et la Fête-Dieu,
entre le mystère de l'Incarnation et celui de l'Eucharistie. Par l'un, Dieu se
rend visible, sur la terre, le temps d'une vie humaine; dans l'autre,
l'Homme-Dieu reste accessible sous les espèces eucharistiques jusqu'à la fin
des temps[46]
Ce n'est pas un hasard si la préface choisie pour la
Fête-Dieu est celle de Noël[47]. La Messe de minuit
chante la génération éternelle du Verbe au sein de la Trinité "in
splendoribus sanctorum, dans les splendeurs du Ciel, avant de célébrer sa venue
sur la terre. Et nous avons vu plus haut comment la théologie explique le nom
du VERBE, parole unique et éternelle du Père. En même temps néanmoins, le Verbe
"est sorti pour accomplir son œuvre" et nous devons maintenant dire
quelques mots de ce mystère.
Devenu homme, le Fils de Dieu n’en garde pas moins sa
divinité. C'est ce qu'exprime immédiatement le second vers de notre hymne
"Nec Patris linquens dexteram" (v. 2)
"Sans quitter la droite du Père". Commentant le "Verbum caro
factum est" (Jn. I, 14), saint Thomas énumère toutes les erreurs
d'interprétation possibles de ces termes et explique: "Si l'on prend garde
aux mots précédents (de l'Evangile): "Verbum erat Deus", puisque Dieu
est immuable - comme dit le prophète Malachie, III, 6: "Ego Deus et non
mutor"- , d'aucune manière il ne peut changer de nature, il faut
donc entendre que le Verbe a pris chair, "assumpsit carnem" ,
et non qu'il est devenu lui même chair" (166) -[48].
"Il a pris une chair et une âme humaine, i.e., une
nature humaine complète, mais sans cesser d'être Dieu. Il y a, dans le Christ,
une seule Personne et deux natures: "In Christo una et eadem
persona est in duabus naturis; quia humana natura in Christo fuit
assumpta in unitatem personae" (175). Et l'expression "Verbum caro
factum est" met en relief la réalité de son humanité et l'immensité de son
amour qui est allé jusqu'à un tel abaissement (169). Le Christ dans cet
"anéantissement" (St. Paul aux Philippiens) peut continuer à
affirmer: "Le Père et moi sommes UN" (Jn. X, 10, 30) et "avant
qu'Abraham fût, JE SUIS" (Jn. VIII, 58). "JE SUIS" c'est le nom
propre de JAHVE et, dans l'Evangile de Jean, on voit le Christ le redire à
maintes reprises. Les Juifs ne s'y sont pas trompés et c’est pour cette affirmation
répétée de sa divinité qu'ils l'accusèrent de blasphème et le condamnèrent à
mort.
Car le Messie Vrai Homme pouvait mourir, il s'est
même incarné pour cela. En continuant la "lectura super Joannem"
du verset 14
"et
habitavit in nobis",
on croit lire la strophe 3 de Verbum Supernum:
Se
nascens dedit socium,
Convescens
in edulium;
Se
moriens in pretium,
Se
regnans dat in praemium. "
"En
naissant il se fait notre compagnon,
A la
Cène notre nourriture,
En
mourant notre rançon,
Dans son
royaume notre récompense.
C'est le même ton, rappelant l'intimité de Jésus avec ses
disciples, si sensible dans nos deux hymnes. "Il a habité parmi
nous", i.e. "inter nos apostolos conversatus est familiariter"
(177). Admirable conformité du Verbe aux hommes parmi lesquels il a vécu comme
s'il était l'un d'eux! Non seulement il a voulu être assimilé aux hommes dans
sa nature, mais il a voulu aussi être avec eux "in convictu et familiari
conversations absque peccato", pour attirer ainsi à lui les hommes séduits
par la douceur de sa vie ("conversatio") (178). Car c'est parmi eux
qu'il a choisi ses disciples et a formé tout particulièrement ceux qu'il
appelle ses amis, "ses frères" dit saint Thomas.
Dedisse fratribus
juxta legitima
(Sacris Solemniis, v. 7)[49]
Et le Verbe, devenu vrai homme, a voulu être soumis à la
faim, à la soif, à la fatigue, à la joie, à la tristesse ("Tristis est
anima mea usque ad mortem", Marc, XIV, 34), à toutes les faiblesses de la
nature humaine excepté le péché[50]. Enfin "le Verbe de
Vie que nous avons entendu, que nous avons vu de nos yeux, que nous avons
touché de nos mains "comme écrit St. Jean (I Jn I, 1) arrive au soir de sa
vie humaine. Ce corps qu'il a pris - "corpus dominicum"
(Sacris Solemniis, v. 10), cette chair, ce sang: "carnem et sanguinem"
(Verbum Supernum, v. 10) avant de les offrir sur la Croix pour sauver les
hommes, il va les donner en nourriture à ses disciples par le mystère de la
transsubstantiation eucharistique.
Prius in
vitae ferculo
Se
tradidit discipulis
(Verbum Supernum, v. 7 et 8).
Il maintient ainsi sa présence invisible sur la terre[51].
Le Verbe s'est incarné, en effet, afin de s'offrir en
rachat pour l'homme pécheur. C'est ce que l'Eglise appelle le mystère de la
REDEMPTION, "RED-IMERE", i.e. R-ACHETER.
L'homme, par le péché, s'était soustrait à la grâce et
S'était mis sous l'empire du démon. Le Christ-Jésus est venu le libérer de cet
esclavage, se faisant, par sa mort, notre rançon, "se(dedit)moriens in
pretium" (Verbum Supernum, v. 15). C'est l’œuvre, par excellence, du
Messie. Le Messie-Sauveur attendu par les Juifs ("Jésus" signifie en
hébreu "Dieu sauve") n'est pas venu seulement pour le peuple élu mais
pour sauver le monde entier. Vrai Dieu et vrai homme, le Christ peut seul
racheter tout le genre humain, en justice: "L'homme, par le péché était
esclave du diable(..). Le Christ a payé la rançon pour nos péchés"[52].
Aucune satisfaction n'était suffisante, dit saint Thomas,
puisque le genre humain tout entier était "sub peccato". Seul
le Christ, homme parfait, sans péché, peut représenter l'humanité devant la
justice divine. Etant Dieu, il a pouvoir sur tout le genre humain et sa nature
divine donne, à chacun de ses actes, une valeur infinie pour réparer l'offense
commise envers la Majesté infinie. Il a pris une nature en laquelle il puisse
souffrir et mourir -ce qu'il ne pouvait pas en sa nature divine- et il meurt
dans sa chair qui est l'instrument de sa divinité: "caro Christi est
instrumentum divinitatis"[53].
Dieu, certes, dans sa Toute Puissance et sa Miséricorde,
aurait pu délivrer l'homme du péché de quelque autre manière (cf. IIIa, q.46,
art. 2, ad 3m) mais cet anéantissement du Verbe, prenant la forme de l'esclave
et mourant sur une croix comme un criminel, manifeste davantage l'immensité de
l'Amour de Dieu pour sa créature déchue. L'article 3, q. 46, de la IIIa pars
expose les cinq principaux motifs de la convenance de la Passion du Christ pour
le rachat de l'homme:
"Un moyen est d'autant plus en harmonie avec une fin
que les avantages qui en résultent pour cette fin sont plus nombreux. Or, non
seulement la passion du Christ a libéré l'homme du péché, mais elle lui a
procuré de nombreux profits pour son salut.
1° Tout d'abord, par la passion du Christ, l'homme a
connu combien Dieu l'aimait, et il fut ainsi provoqué à aimer Dieu en
retour: c'est en cela que réside la perfection du salut de l'homme.
Aussi saint Paul écrit-il aux Romains (V, 8-9): "Dieu prouve son amour
pour nous en ce que, lorsque nous étions encore pécheurs, le Christ est mort
pour nous".
2° Par la passion, le Christ nous a aussi donné un exemple
d'obéissance, d'humilité, de constance, de justice, et d'autres vertus qui
sont nécessaires au salut de l'homme. Saint Pierre le souligne: "Le Christ
a souffert pour vous, vous laissant un modèle afin que vous suiviez ses
traces" (I Pet. II, 21).
3° Le Christ, par sa passion, a non seulement libéré
l'homme du péché, mais il lui a en outre mérité la grâce de la justification
et la gloire de la béatitude, comme on le dira plus loin.
4° L'homme se sent également poussé par nécessité à se
garder pur de tout péché suivant le mot de saint Paul aux Corinthiens:
"Vous avez été achetés assez cher! Glorifiez donc Dieu en votre
corps" (I Cor. VI, 20).
5° L'homme a atteint à une plus haute dignité:
vaincu et trompé par le diable, l'homme devait le vaincre à son tour; ayant
mérité la mort, l'homme devait aussi, en mourant, l'emporter sur la
mort. "Rendons grâces à Dieu, écrit saint Paul aux Corinthiens, car il
nous a donné la victoire par Notre-Seigneur Jésus-Christ" (I Cor. XV, 57).
En fin de compte, il convenait donc que nous soyons
délivrés par la passion du Christ, plutôt que par la seule volonté de
Dieu".
(Traduction du P. Synave, O.P. - Ed. Revue des Jeunes).
Ainsi donc le Christ, par sa mort, satisfait
surabondamment à la justice divine pour les péchés du genre humain et, ce
faisant, il "achève" son œuvre propre de Verbe incarné. "je suis
venu pour cette heure" dit-il; pour accomplir "hoc opus nostrae
salutis" reprend le "Pange lingua" du Vendredi-Saint. C'est
aussi ce que résume la lère strophe de Verbum Supernum.
"Verbum
(... )
AD OPUS SUUM exiens
venit ad vitae vesperam
"
Faut-il voir, dans ce verset, une réminiscence du psaume
CIII, v.23?
"Exibit
homo ad opus suum
Et ad operationem suam usque ad
vesperum" (1).
"l'homme est sorti pour son œuvre... jusqu'au
soir"
Le psaume CIII est un hymne de louange au Dieu créateur.
Au milieu d'une immense fresque de l'univers dont la "peinture" suit
d'assez près l'ordre de la création dans la Genèse, l'homme. Par son péché
l'harmonie est détruite et le désordre est entré dans le monde; l'ordre doit
être restauré par un homme qui sera en même temps un Dieu.
"Quam
magnificata sunt opera tua Domine!
Omnia in
sapientia fecisti"[54]
proclame
immédiatement le verset suivant (v. 24).
Or, dans le Prologue du ler Livre des Sentences,
nous lisons:
"Per sapientiam Dei, manifestantur divinorum
abscondita, producuntur creaturarum opera, nec tantum producuntur sed restaurantur
et perficiuntur" (... ) "Haec autem reparatio per Filium facta
est inquantum ipse homo factus est".
"Par la Sagesse de Dieu sont manifestés les mystères divins et sont
produites les œuvres des créatures; non seulement produites mais restaurées et
achevées parfaitement. (... ) Et cette restauration fut faite spécialement par
le Fils en tant qu'Il s'est incarné. "
La rédemption est donc bien l'œuvre par excellence du
Verbe parce qu'elle manifeste le plus l'amour de Dieu aux hommes [55].
Cette rencontre des textes -psaume CIII, ler Livre des
Sentences et notre hymne "Verbum Supernum"- est un nouvel exemple de
l'aisance avec laquelle saint Thomas puise au trésor de l'Ecriture Sainte ou des
Pères apostoliques.
Voyons maintenant comment sont célébrés, dans nos hymnes,
les bienfaits de la rédemption. Quelles sont, pour l'homme, les conséquences de
son rachat?
La quatrième strophe de Verbum Supernum résumait de façon
saisissante la vie terrestre du Christ se faisant notre lumière et notre
remède, notre rançon et notre récompense pour la vie éternelle. Mais la louange
eucharistique devient plus pressante et plus précise dans les derniers vers:
"O
salutaris Hostia
Quae
caeli PANDIS ostium " (v. 17, 18)
...
"(quae) vitam sine termino
Nobis donet in patria " (v. 23, 24)
"O Victime salutaire
Qui
nous ouvrez la porte du Ciel
"Qui
nous (donnerez) la vie sans fin dans la patrie "
Nombreux sont les commentaires de saint Thomas sur les
fruits de notre rédemption. L'explication de l'article 4 du Credo,
"Passus
sub Pontio Pilato, crucifixus,
mortuus
et sepultus "[56]
résume avec clarté le sens de ce rachat. Les souffrances
du Christ, en effet, étaient nécessaires, en premier lieu, comme remède à nos
péchés, en second lieu comme modèle de nos actions[57]. Le Christ, par sa
passion, a rouvert la porte du paradis lorsque son côté fut transpercé et a
rappelé les exilés dans le Royaume[58].
C'est encore ce que l'on peut lire dans le commentaire du
verset 34, au chapitre XIX de l'évangile de saint Jean[59]. "Unus militum
lancea latus ejus aperuit. Et signanter dicit APERUIT non vulnerabit; quia per
hoc latus APERITUR NOBIS OSTIUM VITAE AETERNAE"[60].
Nous retrouvons ici l'emploi du mot "OSTIUM"
plus fréquemment remplacé par "janua" dans la Bible, les Pères et
même chez saint Thomas[61]. Il est clair que
l'utilisation de l'un ou l'autre des deux termes n'affecte en rien le sens du
texte; mais il est certain que, dans notre hymne, "ostium" a été
choisi et préféré à "janua" ou "porta" pour renforcer
l'allitération dans le voisinage de "hostia" et "hostilia":
ces trois termes se faisant écho à la finale de trois vers.
"O
Salutaris HOSTIA
Quae
caeli pandis OSTIUM
Bella
premunt HOSTILIA
Da
robur, fer auxilium. "
En outre, le choix du verbe "pandere" ne
semble pas indifférent. Son utilisation, dans le sens très classique
d"'ouvrir une brèche", s’harmonise avec l'image guerrière du vers
suivant; mais elle rappelle aussi deux textes. L'un de saint Augustin, lu aux
Matines de la fête du Précieux Sang: "Latus ejus (... ) aperuit ut illic
quodammodo VITAE OSTIUM PANDERETUR unde sacramenta Ecclesiae manaverunt, sine
quibus ad vitam, quae vera vita est, non intratur" [62]. L'autre, cité à plusieurs
reprises par saint Thomas[63] est un verset d'une
prophétie de Michée:
"Ascendet
PANDENS iter ante eos: divident et transibunt
portam
et ingredientur per eam: et transibit rex eorum
coram
eis et Dominus in capite eorum".
"?(je
te rassemblerai tout entier, ô Jacob, je
recueillerai
les restes d'Israël"; v. 12).
"Celui
qui fait la brèche monte devant; ils font la brèche,
ils
franchissent la porte, et par elle, ils sortent; leur Roi
passe
devant eux et Yahvé est à leur tête."
L'exil et la captivité du peuple juif étaient signe de
l'exil du genre humain captif du péché. C'est le Christ, chef de l'humanité
rachetée qui, lui ayant rendu la vie, la conduira dans la patrie. Le chef, le
guide vient en tête; il est le modèle et il montre la voie.
"Per
TUAS semitas DUC NOS quo tendimus" (Sacris Solem. v. 27)
"Conduis-nous
par tes chemins là où nous tendons".
La richesse des textes de saint Thomas est inépuisable et
nous pourrions trouver, dans son œuvre, d'autres échos ou d'autres parallèles
aux versets que nous avons cités. Il nous faut simplement retenir l'aisance et
la sobriété avec lesquelles il concentre en quelques termes la poésie biblique,
l'enseignement patristique et la théologie.
"Poésie où les mâles sonorités de la langue latine
noblement rythmée, étonnamment simple, évangéliquement concise, riche en
formules dogmatiquement ramassées, martelées, rebondissantes, s'unissent au
souci pastoral de rappeler au peuple fidèle ce que tout chrétien doit savoir du
mystère de Jésus-Hostie."
Jean Ousset
A la découverte du beau, Paris 1971, p. 128.
LA DOCTRINE EUCHARISTIQUE
Les développements précédentes ont tenté de jeter quelque
lumière sur les grands mystères chrétiens de la Trinité, de l'Incarnation et de
la Rédemption: le Verbe, seconde personne de la Trinité, s’est incarné pour le
rachat du Monde. Cette œuvre s'accomplit au Calvaire par le Sacrifice de la
Croix. Avant de mourir au Golgotha, à l'heure qu'Il a choisie, Jésus s'est
offert d'avance -"prius... se tradidit"- et a institué à la Cène, le
sacrifice eucharistique -"sic sacrificium istud instituit"- qui
rendra présent sur les autels, jusqu'à la fin des temps, le sacrifice de la
Croix.
Il nous faut maintenant préciser ces notions de sacrifice
et replacer l'institution de l'Eucharistie dans l'Histoire du peuple juif sans
laquelle on ne peut la comprendre.
Définissons d'abord succinctement le SACRIFICE; de tout
temps, dans toutes les religions, l'homme a offert des sacrifices. Cela fait
partie, nous dit saint Thomas, de la religion naturelle. Reconnaissant qu'il
vient de Dieu et qu'il lui doit tout, l'homme met à part et offre des biens
qu'il consacre ( "sacra facit"). "Car la raison commande à l'homme
d'offrir à Dieu, en signe de soumission et d'hommage, quelques-unes des choses
sensibles qui sont à son usage, comme on fait à l'égard des maîtres dont on
veut reconnaître la domination"[64]. Ces biens ne valent pas
seulement pour eux-mêmes mais pour l'homme dont ils tiennent la place et qui,
le plus souvent, les détruit afin de montrer qu'ils ne lui appartiennent plus.
Ceci distingue le sacrifice de la simple offrande. Ces sacrifices, d'animaux le
plus souvent, sont offerts rituellement sur un autel, par un prêtre
"pontifex" ou "sacerdos" qui est l'intermédiaire entre
l'homme et Dieu.
Pour la définition du sacrifice dans la religion
catholique, nous renvoyons le lecteur à saint Thomas lui-même et à ses
commentaires. Nous suivons ici le traité "de Eucharistia" du P.
Garrigou-Lagrange[65].
Dans le sens large, nous dit-il, le sacrifice est toute œuvre
bonne, faite par révérence envers Dieu, et ce peut être un acte purement
intérieur. C'est ainsi qu'il est dit au psaume L, v. 18: "Sacrificium Deo
spiritus contribulatus." et au psaume CXL, v. 2: "Elevatio manuum
mearum sacrificium vespertinum". Et en ce sens, n'importe quel fidèle est
prêtre au sens large selon I Petr. II, 5: "Et vous-mêmes, comme des
pierres vivantes, entrez dans la structure de l'édifice, pour former un temple
spirituel, un sacerdoce saint, afin d'offrir des sacrifices spirituels"
etc ...
Le sacrifice proprement dit, au sens strict, est
défini par saint Thomas dans la IIa IIae, q. 85, art. 1, 2, 3, 4. Cette
définition comporte quatre éléments essentiels (parties intégrantes):
1) l'oblation
d'une chose sensible: "oblatio rei sensibilisa art. 1.
2) faite à
Dieu seul pour témoigner sa domination suprême et notre sujétion: "soli
Deo facta... ad testandum ejus supremum dominium nostramque subjectionem",
art. 2.
3) avec une
modification de la chose offerte: "... per quamdam immutationem
circa rem oblatam", art. 3, ad 3m.
4) et faite
par un ministre légitime qui est proprement un prêtre: "et facta a legitimo
ministro qui est proprie sacerdos", art. 4.
Nous n'avons pas à faire ici une étude complète des
sacrifices du Judaïsme mais on peut en suivre l'histoire dans le Pentateuque.
A l'époque des Patriarches: nous notons d'abord les offrandes des biens de la terre
par Caïn et des premiers-nés du troupeau par Abel (Genèse IV, 3, 4). Puis
l'holocauste offert par Noé sur un autel au sortir de l'arche (Genèse VIII,
20). L'offrande du pain et du vin par Melchisedech, roi et prêtre (Genèse XIV,
18). Abraham dressant des autels à Dieu (Genèse XII, 8; XIII, 4; XIII, 18, etc
... )'et surtout l'épreuve du sacrifice d'Isaac, image du Fils de Dieu.-
"Prends ton fils, ton unique celui que tu aimes, Isaac, et va-t-en au pays
de Moria; et là offre-le en holocauste sur la montagne que je
t'indiquerai" (Genèse XXII, 1).
A l'époque mosaïque: le sacrifice de l’agneau pascal (Exode XII, XIII)
instituait la grande fête juive; la Pâque (le "passage") commémorait,
chaque année, la délivrance de la servitude d'Egypte. L'agneau, immolé ce jour-là
et mangé avec des pains sans levain ("azyma"), annonçait le véritable
Agneau, "l'Agneau de Dieu qui rachète les péchés du monde".
Dans le Lévitique: tous ces sacrifices seront codifiés postérieurement par
le Lévitique. Offerts anciennement par les chefs de clan, ils ne seront plus
offerts, en dehors du roi, que par les prêtres. Et, plus tard, le temple
de Jérusalem sera le seul lieu de culte autorisé[66].
C'est cette Pâque juive que Jésus célèbre une dernière
fois à la Cène, le Jeudi-Saint. Venu non pas pour abroger la Loi mais pour
l'achever, le Christ s'est soumis aux préceptes du Deutéronome (chap. XVI), en
mangeant l'agneau et les pains azymes avec ses disciples:
"Noctis
recolitur coena novissima
Qua
Christus, creditur, agnum et azyma
Dedisse
fratribus juxta legitima
Priscis
indulta patribus. " (Sacris Solemniis, str. 2).
La précision voulue dans l'énumération des éléments
traditionnels souligne le parfait accomplissement des préceptes cérémoniels
(legitima) que les patriarches (priscis patribus) ont transmis selon la volonté
même de Dieu.
La date de la dernière Cène (coena novissima) fut aussi
respectée, malgré l'apparente contradiction des Evangiles. Cf. Jn XIII, 1 et
XVIII, 28 face à Mtt. XXVI, 17-29; Mc. XIV, 12-26; Luc XXII, 7-23. Saint Thomas
répond aux objections dans le Contra Centiles Liv. IV, chap. LXIX et
dans le Commentaire sur l'Evangile de saint Matthieu (n° 2151 et sq.)[67]. Citant saint Jean
Chrysostome, il souligne dès le Livre des Sentences, la docilité
exemplaire du Christ, de la circoncision jusqu’à la dernière Pâque, à se
soumettre à la Loi[68].
"
juxta legitima " v. 7
" indulta
" v. 8.
Une fois le repas terminé (expletis epulis v. 9),
"pour que ce sacrement nouveau succédât à l'ancien comme la vérité
succède à la figure"[69], le Christ institua le
sacrement de la Nouvelle Alliance "comme le mémorial perpétuel de sa
passion (sacrifice), l'accomplissement des anciennes figures et le couronnement
de tous ses miracles"[70].
Il faut souligner combien est délicate, pour ne pas dire
factice, la distinction "Eucharist-Sacrifice",
"Eucharistie-Sacrement". Elle marque, imparfaitement, deux aspects
d'une même réalité.
En effet, l'Eucharistie est Sacrifice ET Sacrement.
Saint Thomas emploie, tour à tour, les deux termes:
"Tantum
ergo sacramentum" (hymne des Vêpres)
"Fracto
demum sacramento" (séquence de la Messe)
"Sic
sacrificium istud institua (hymne des Matines)
L'on peut aussi unir verbalement ces deux notions
sacrifice-sacramentel ou sacrement-sacrificiel encore que soit préférable,
"par son exactitude, cette simple équation verbale, le sacrement-sacrifice"[71].
De la même façon, le Christ, qui est la fois victime et
pontife du sacrifice, est l'auteur du sacrement et LE Sacrement.
Il est donc essentiel de garder à l'esprit que, si nous
parlons de l'un des aspects, nous parlons, en même temps, de l'autre.
Que signifie le terme "sacrement" ? Pour en distinguer les
nuances nous nous appuierons sur l'exposé de Dom Vonier, étudiant lui-même les
traités des Sacrements et de l'Eucharistie dans saint Thomas[72].
Le Verbe de Dieu, qui était apparu d'abord dans une nature
sensible, se manifeste maintenant par des signes sensibles: ce sont
les sacrements. Car, à la différence de la parole humaine, la Parole de Dieu ne
se contente pas de faire connaître l'intention, elle la réalise. Institués par
le Christ selon certains rites, les sacrements sont donc des "signes
sensibles de la grâce invisible destinés à produire et à augmenter la grâce -
i.e, la vie du Christ - dans les âmes."
Les "sacrements" de la Loi ancienne
n'avaient par eux-mêmes aucun pouvoir de conférer la grâce qui justifie. Ils
étaient seulement des signes de la foi par laquelle l'homme était justifié[73]. Les sacrements de la Loi
nouvelle, au contraire, contiennent la grâce et la confèrent[74] ;i ils sont tout ensemble
cause et signes et c’est pourquoi ils opèrent ce qu'ils signifient[75].
C'est par sa passion que le Christ a opéré notre sanctification.
C'est la grâce qui, maintenant, transforme les âmes et annonce la gloire future
de la vie éternelle. Le sacrement exprime ces trois aspects simultanément:
en
remémorant la cause passée (la Passion),
en
manifestant, en nous, l'effet de cette passion (la grâce),
en
annonçant la gloire à venir[76].
Cette triple signification spirituelle l'Eucharistie la
possède au plus haut degré. Ce que saint Thomas proclame merveilleusement dans
l'antienne "O Sacrum Convivium" (Magnificat des II des Vêpres), véritable
joyau dont les feux concentrent et prolongent, en cette fin d'office, toute la
grandeur du mystère:
" O Sacrum convivium in quo Christus
sumitur,
recolitur memoria passionis ejus,
mens
impletur gratia,
et
futurae gloriae nobis pignus datur alleluia. "
"O
banquet sacré ou le Christ est reçu en nourriture,
où
sa passion est commémorée,
où
notre âme est comblée de grâce,
où
nous est donné le gage de notre gloire future, alleluia".
Est-il besoin de souligner, avec Dom Vonier, la signature
thomiste de ce texte[77] ?
Ces précisions données, voyons ce qui est spécifique du
sacrement de l'Eucharistie, quelles en furent les figures et quels sont ses
différents noms.
Alors que les autres sacrements sont des signes et des
instruments de la grâce divine, l'Eucharistie livre, en outre, l'auteur même de
la grâce, la Personne du Verbe incarné dans l'intégrité de sa double nature.
Nos hymnes ne permettent aucun doute à ce sujet et se font, à leur manière, un
écho des textes évangéliques[78] :
"CORPUS
DOMINICUM datum discipulis
Sic
totum omnibus quod totum singulis
Ejus,
fatemur, manibus.
Dedit
fragilibus corporis ferculum
Dedit et
tritium sanguines poculum
Dicens: "Accipite
quod trado vasculum,
Omnes ex
eo bibite." (Sacris Solemniis, v. 10 à 16)
"Le
corps du Seigneur fut donné aux disciples
Tout
entier à tous comme entier à chacun,
De ses
propres mains, nous l'affirmons.
Il
donna... son corps en nourriture
Il
donna... son sang en breuvage
Disant:
recevez la coupe que je vous livre
Buvez-en
tous. "
Sous les espèces du pain et du vin sont reçus le corps et
le sang du Christ. C'est ainsi que se réalise, à l'heure de la dernière Cène,
la promesse du Sauveur annoncée au chapitre VI de l'évangile de saint Jean, V.
32-33: "Je suis le PAIN VIVANT descendu du Ciel: Celui qui mange de ce
Pain vivra éternellement; et le Pain que je donnerai, c'est ma CHAIR pour la
vie du monde". Cette promesse est reprise en trois vers dans l'hymne de
Laudes (vers 7 à 10):
"Prius
in vitae ferculo "D'abord
il se livra lui-même
Se
tradidit discipulis En
aliment de vie à ses disciples
*
Quibus sub
bina specie Auxquels sous
une double apparence
Carnem
dedit et sanguinem" Il donna sa chair
et son sang."
Car "il était nécessaire à la vie spirituelle,
commente saint Thomas, d'avoir un aliment spirituel (vitae ferculum) qui
entretiendrait les vertus et ferait grandir les régénérés. Et comme il
convenait que des effets spirituels fussent donnés sous des images visibles,
cet aliment nous est donné sous la forme des réalités dont l'homme use le plus
communément pour son alimentation corporelle. Ces réalités sont bien le pain
et le vin"[79].
Ces deux aliments ne sont pas nommés ici explicitement, mais cette double
apparence (sub bina specie) recouvre la réalité du corps et du sang
séparés comme au jour de la Passion lorsque le corps du Sauveur était sur la
croix et son sang répandu sur la Terre. Pour que ce sacrement soit d'un usage
aisé et pour qu'il ne soit pas un sujet d'horreur ni de répulsion pour qui le
reçoit ou le voit, le corps du Christ nous est proposé à manger, son sang à
boire, sous les espèces du pain et du vin:
"convescens
se (dedit) in edulium." (,Verbum Supernum v. 14),
"à
la Cène, il s'est donné comme aliment."
réalisant ainsi la parole du Christ (Jean, VI, 56):
"Caro
mea vere est cibus et sanguis meus vere est potus".
"Ma chair est vraiment une nourriture et mon sang
est vraiment un breuvage[80].
Par l'institution de ce sacrement le Fils de Dieu, fait
homme, met un terme aux figures qui l'annonçaient.
" Dat... figuris terminum" (Sacris Solemniis,
v. 22). Saint Thomas reprend, au v. 9 du même hymne, une expression de
l'enseignement scholastique (déjà chère aux Pères de l'Eglise): "AGNUS
TYPICUS". "Le Seigneur institua le Sacrement quand, après l'agneau
qui le figurait, il offrit son corps et son sang"[81].
"Voici l'Agneau de Dieu, avait dit saint
Jean-Baptiste en désignant le Christ (Jn, I, 29 et 36) et nombreuses sont, dans
l'Ecriture, les allusions au Messie Agneau[82]. Dans la IIIa l'article 6
de 'La question 73 est consacré entièrement à l'agneau pascal:
"Fut-il la principale figure de l'Eucharistie?". Malgré l'aspect
"technique" de la distinction l'éblouissante simplicité de la réponse
nous entraîne à citer largement:
"En
ce sacrement nous pouvons considérer trois choses:
-
ce qui est "sacramentum tantum", sacrement seul, et c'est le pain
et le vin,
-
ce qui est "res et sacramentum", réalité et sacrement, et c’est le
véritable corps du Christ,
-
ce qui est "res tantum", réalité seule, et c'est l'effet du
sacrement, la grâce.
Or, en ce qui concerne le sacrement seul, la plus claire
figure en fut l'oblation de Melchisedech qui offrit du pain et du vin.
Pour ce qui est du Christ en sa Passion, qui est contenu
dans ce sacrement, tous les sacrifices de l'Ancien Testament l'ont préfiguré et
spécialement le sacrifice de l'Expiation qui était le plus solennel.
Enfin, quant à l'effet, sa principale figure fut la manne
qui, dit la Sagesse (XVI, 20), "avait en soi la douceur de tous les
goûts"; de même que la grâce de ce sacrement restaure l'âme selon tous ses
besoins.
Mais l'agneau pascal préfigurait le sacrement de
l'Eucharistie selon ces trois aspects:
- puisqu'on le mangeait avec des pains azymes selon le
précepte de l'Exode (XII, 18).
- car il était immolé le quatorzième jour du mois par
toute l'assemblée des enfants d'Israël; et c'était là une figure de la passion
du Christ qui est appelé "agneau" à cause de son innocence.
- et que, par le sang de l'agneau, les enfants d'Israël
furent protégés contre l'ange exterminateur et délivrés de la servitude
d'Égypte.
C'est pourquoi l'agneau pascal est donné comme la
principale figure de ce sacrement puisqu'il le représente sous tous ses aspects[83].
Ainsi, "veniente enim veritate debet cessare
figura", les figures devaient-elles s'effacer devant la réalité[84]. Car, sous l'Ancienne loi
la Vérité était seulement promise (promisa), c'est pourquoi il v avait
les figures sans les réalités: sous la Nouvelle loi, la Vérité est révélée
(inchoata) par N.S.J.C., et l'on a les figures avec les réalités; dans la
Patrie, la Vérité sera consommée (consummata), ce sera la réalité sans
les figures.
Sacrement unique, l'Eucharistie reçoit de multiples
appellations. Saint Thomas, à la suite du Maître des Sentences, les expose à
plusieurs reprises[85]. Il faut toujours
considérer dans un sacrement, dit-il, son origine, son accomplissement (perfectio)
et sa fin.
Ainsi, par rapport au passé, l'Eucharistie commémore là
passion du Christ; elle est donc "SACRIFICE", et, parce qu'elle
contient le Christ lui-même, "HOSTIE" (Salutaris Hostia).
Dans le présent, où l'on tend à l'unité ecclésiale, on
l'appelle "COMMUNION" ou "SYNAXE". Selon saint Jean
Damascène (de Fide Orth., Lib. 4, cap. 13), on nomme ainsi ce sacrement
"car c'est lui qui nous unit au Christ, nous fait participer à sa chair et
à sa divinité; c'est lui qui nous relie, nous met en communion les uns avec les
autres".
A l'égard de l'avenir, il préfigure la jouissance de Dieu
dans la patrie (p tria). A ce titre il est appelé "VIATIQUE", car il
nous donne, ici-bas, la voie et la force pour y parvenir (da robur fer auxilium).
Ou encore, "EUCHARISTIE", i.e., "bonne grâce", parce que la
grâce de Dieu, c'est la vie éternelle (Rom., VI, 23) et qu'il contient
réellement le Christ qui possède la vie en plénitude[86].
Curieusement, ce sont d’autres termes que saint Thomas
réserve à ses hymnes. Dans ces études, remarque G.K. Chesterton,
"d'ordinaire saint Thomas est bref, même si son livre est long (... ) Il
ne complique jamais une question en utilisant un grand mot ou, ce qui serait
plus légitime, en utilisant un mot qui ne s'adresserait qu'à l'imagination ou à
l'intuition" (1). Or ici, à la fin des hymnes et de la séquence, nous
relevons des expressions bibliques ...
"Panis
Angelicus... "pain
des Anges
Panis
caelicus " pain du Ciel
"
(Sacris Solemniis, v. 21 et 22)
"O
Salutaris Hostia" "Victime
Salutaire"
(Verbum Supernum, v. 17)
"Bone
Pastor panis vere" "Bon
Pasteur, pain véritable"
(Lauda Sion, v. 58)
Images dont nous avons parlé plus haut[87] et dont la présence
illustre un autre propos de Chesterton: "Saint Thomas est si loin de toute
notre sensibilité moderne qu'il ne met jamais de poésie ailleurs que dans un
poème"[88].
0 0
L'on ne peut fêter l'Eucharistie, sacrifice de la
Nouvelle Alliance où l'on communie au sacrement du Corps du Christ, sans parler
du prêtre.
"Sacerdos in aeternum Christus Dominus" sont
les premiers mots de notre Office. Voyons, maintenant, comment nos hymnes
célèbrent le Pontife Suprême, Auteur du Sacrement.
L'agneau Pascal n'est pas l'unique figure du Christ:
l'Ancien Testament tout entier prépare la Nouvelle Alliance. Isaac devant être
immolé par son père (Genèse XXII, 1), Joseph vendu par ses frères (Genèse
XXVII) annoncent imparfaitement le Christ, VICTIME PARFAITE qui s’offre
elle-même à la justice divine. Saint Thomas, reprenant les affirmations de saint
Paul[89], insiste tout au long de
l'Office : "Ce que le Christ prit de nous, il le livra entièrement pour
notre salut. Car son corps, il l'a pour notre réconciliation, offert comme
hostie sur l’autel de la croix à Dieu son Père; et son sang, il l'a répandu à la
fois comme rançon et comme bain de purification, afin que rachetés d'une
misérable servitude, nous soyons lavés de tous nos péchés[90]".
Le Christ victime est aussi le PRETRE qui offre la
victime:
"Corpus
dominicum datum discipulis
(...)
Ejus
fatemur manibus" "De
ses propres mains"
*
"Accipite
quod trado vasculum" "Recevez
la coupe que je vous Livre
(Sacris Solemniis, v. 10, 12 et 15).
Car lui-même, conformant sa vie à la volonté du Père,
soumet les hommes et les événements à l’accomplissement de cette volonté. Rien
ne se fait avant "son heure"[91]. Nous avons déjà souligné
l'importance des verbes "do" et "trado", "donner"
et "livrer". Jésus n'attend pas la trahison de Judas, l'un de ceux
qu'il s'était choisi,
"In
mortem a discipulo "Devant
être livré pour mourir
Suis
tradendus aemulis" ... par
un de ses disciples "
pour accomplir son sacrifice; Il se donne lui-même, se
livre dans la communion de l'Eucharistie:
"Prius
in vitae ferculo "D'abord
il se livra lui-même
Se
tradidit discipulis" ... à ses
disciples "
(Verbum Supernum, v. 5 et 6; 7 et 8).
Alors le sacerdoce antique est dépassé par la sainteté
divine du Christ-Prêtre, le prix infini de son Oblation et la portée sans
limite de sa médiation[92].
C'est pourquoi "l'Oint du Seigneur" (*****) a le
pouvoir de communiquer la grâce de son sacerdoce en instituant les ministres de
son sacrement.
" Sic sacrificium istud INSTITUIT
Cujus
OFFICIUM committi VOLUIT
SOLIS
PRESBYTERIS, quibus sic congruit
UT
SUMENT et DENT ceteris "
Ainsi il institua ce sacrifice dont il voulut
confier la charge à ses seuls prêtres; auxquels il convient
qu'ils le prennent et le donnent aux autres."
Cette cinquième strophe de Sacris Solemniis, unique en
son genre dans tout l'ensemble de l'Office, est d'une importance capitale.
Saint Thomas y résume l'enseignement de l'Eglise sur le sacrement de l'Ordre:
"sacrement qui fait d'un homme le représentant visible du Christ, Chef
invisible de l'Eglise, et son délégué authentique; tant pour l'exercice de
l'autorité que pour la répartition des bienfaits divins découlant de
l'Incarnation et de la Rédemption". Le Christ, instituant à la Cène, le
Sacrement de son Corps et de son Sang, choisit-- et institue aussi les
ministres de ce sacrement.
L'Eucharistie ne s'arrête pas aux Apôtres, comme
"simple" réconfort avant l'épreuve terrible de la Passion, dans
l'atmosphère tragique de la trahison et le pressentiment du déicide[93] ; ni même comme
consolation, maintenant la présence du Christ au milieu d'eux, après la fin de
sa vie terrestre. Mais ce sacrifice-sacrement qui RE-PRESENTE -au sens
rigoureux du terme le sacrifice du Calvaire, c'est-à-dire le témoignage du plus
grand amour, la rédemption de toute l'humanité; ce sacrifice-sacrement qui
contient l'auteur de la rédemption, prêtre et victime, doit être perpétué
jusqu'à la fin des temps et pour tous les hommes selon la demande même
du Christ:
"J'ai entendu de la bouche du Seigneur ce que je
vous ai appris. Le Seigneur Jésus, le soir même où il fut trahi, prit du pain
et, après avoir rendu grâces, il le rompit en disant: - Prenez et mangez, ceci
est mon Corps qui sera livré pour vous; faites cela en mémoire de moi.
Pareillement, après le repas, il prit la coupe en disant: - Ce calice est la
nouvelle alliance en mon Sang: faites cela lorsque vous le boirez, en
mémoire de moi. C'est pourquoi, chaque fois que vous boirez ce calice, vous
annoncerez la mort du Seigneur jusqu'à ce . qu'il vienne" [94].
Saint Thomas rappelle que le Christ, par sa mort, apporte
le salut à l'humanité dans son ensemble. Mais il reste à faire bénéficier
chacun du sacrifice rédempteur par la foi et par les sacrements[95].
C'est pourquoi le Christ, instituant ceux-ci comme moyens
de sanctification, donne à ses Apôtres et à leurs successeurs les pouvoirs de
les dispenser indéfiniment[96].
"Faites ceci en mémoire de moi"
c’est aussi "Ut sument et dent ceteris"
(v. 20).
"Qu’ils le reçoivent et le donnent aux autres".
Les prêtres ont donc mission de perpétuer le sacrifice,
de communier au pain eucharistique (SUMENT) et de faire communier les fidèles
(DENT),. De la même façon ils reçoivent la charge (OFFICIUM) de mettre les âmes
en état de se nourrir de cet aliment sacré, et ceci, par l'administration des
autres sacrements.
Une fois encore le poète pèse et choisit ses mots; il se
fait insistant, dans la construction même du quatrain, par l'emploi. de six
verbes se rapportant à la volonté du Christ, à la convenance de l'institution
et à son objet (communion et distribution).
v. 17,
"instituit" marque la création, selon les règles définies,
du sacrement (sacrificium) de la Nouvelle Alliance.
v. 18,
"voluit" souligne la décision, la volonté du Verbe,
Pontife suprême...
"committi", confiant la charge, la fonction
liturgique (officium) à ses seuls ministres (solis presbyteris).
V. 19 "congruit";
par cette charge, il convient, il est dans l'ordre des choses ...
V. 20
"sument", qu'ils le prennent, le reçoivent, i.e. dans le
langage de l'Eglise, qu'ils communient
"dent", et qu'ils le donnent aux fidèles
(ceteris).
A l'inverse de la strophe précédente (str. 4), saint
Thomas rejette les verbes en fin de vers, comme pour répondre aux mots très
courts qu'il a placés à l'initiale et sur lesquels il veut appuyer-.
"sic", ainsi ; "cujus", dont; "solis", aux seuls
; "ut", qu'ils[97].
Nous retiendrons deux termes parmi les plus importants de
ce quatrain : SOLIS et SUMANT.
A ses seuls prêtres, SOLIS PRESBYTERIS, le Christ a
confié la charge de son sacrement nouveau. Car, si tous les baptisés (discipulis)
sont marqués de l'onction sacerdotale et royale reçue par leur chef, le
Christ[98] ; les prêtres, eux,
participent directement à son Sacerdoce étant comme ses mains et sa voix. Ils
officient en la personne du Christ, "in persona Christi."
Saint Thomas a signalé les nombreuses objections à cette
élection: un laïc ne pourrait-il pas consacrer et dispenser ce sacrement[99] ? Ce sacrifice est offert
pour la réconciliation avec Dieu ce qui est proprement la charge du
Christ-MEDIATEUR. Après le départ de celui-ci et en vertu de son mandat ("faites
ceci en mémoire de moi"), les apôtres seront - et à leur suite les prêtres
- les intermédiaires entre Dieu et le peuple. C'est donc à eux seuls qu'il
revient de "faire" ce sacrement. "Soli sacerdotes hoc
sacramentum conficere possunt". Cette mission même, en fait des prêtres
(IIIa, q. 22, a. 1: "unde sacerdos dicitur quasi "sacra"
dans")[100].
Et de même que dans un corps naturel sont répartis divers
rôles entre les différents membres et organes, ainsi, dans l'Eglise corps
mystique, certains membres reçoivent comme fonction de dispenser les sacrements
de vie. C'est pourquoi ne peut revenir aux laïcs - aussi pieux et saints
soient-ils- ni la consécration ni la distribution de ce sacrement[101].
"Accipite... vasculum "Recevez
cette coupe
Omnes ex
eo bibite "Buvez-en
tous "
(Sacris Solemniis, v. 15, 16)
L'invitation est formelle. La consécration appelle
logiquement la communion; "car le sacrifice n'est consommé - au sens de
"porté à son terme" - que lorsque la victime immolée est-elle même
consommée - sa chair mangée et son sang bu"[102]. Pour Dieu le sacrifice
est accompli dès la consécration, mais pour l'Eglise et le rite qu'elle
accomplit, le sacrifice resterait inachevé sans la communion du prêtre. En
effet, souligne saint Thomas[103], l'usage du sacrement
(communion) suit l'accomplissement de celui-ci. C'est pourquoi il ajoute, au v.
20,
"Ut SUMANT et dent ceteris".
Le sacrifice n'est représenté que pour permettre à chacun
de recevoir le Corps livré et le Sang versé. L'Eucharistie est le Sacrement de
la nourriture; l'aliment qui restaure l'être humain tout entier, "(Ut)
Totum cibaret hominem", (Verbum Supernum, v. 12). C'est pourquoi il
est nécessaire que le prêtre, chaque fois qu'il consacre, consomme (sumat) ce
sacrement, et fasse communier tous ceux qui peuvent le recevoir dignement.
"SUMERE": Ce verbe, qui signifie classiquement
"prendre" ou "recevoir", doit être compris, ici, dans son
sens liturgique: "recevoir l'hostie consacrées i.e., communier ou
encore "consommer". On le rencontre fréquemment lorsqu'il s'agit de
l'Eucharistie, et tout au long de l'office, à la Séquence de la Messe par
exemple:
"Sumit
unus, sumunt mille;
Quantum
isti, tantum ille;
Nec
sumptus consumitur " (str. 16)
"Qu'un
seul ou mille communient;
Chacun
le reçoit sans partage,
Sans
l'épuiser en le mangeant "
Cette citation nous entraîne vers une remarque plus
"extérieure" à notre présent développement. Nous avons noté, pour
Matines, l'insistance de saint Thomas au sujet des ministres du sacrement, Sur
un poème de vingt-huit vers, quatre sont consacrés à cette question. L'hymne de
Laudes, tout à l'honneur du Verbe, n'y fait pas allusion. Quant au Lauda Sion,
sur un ensemble de soixante-dix-sept vers (en vingt-trois strophes), six vers
(deux strophes) reprennent la transmission du Sacerdoce du Christ et de
l'Eucharistie:
Lauda
Sion: "Quod in cena Christi
gessit
Faciendum hoc expressif
In sui memoriam " (str. 9)
"Ce que le Christ fit à la Cène, il ordonna de le
refaire en mémoire de lui."
"Docti
sacri institutis
Panem
vinum et salutis
Consecramus
hostiam " (str. 10)
"Suivant les préceptes sacrés nous consacrons
le pain et le vin en victime du salut."
Ainsi après le développement de Sacris Solemniis, le
sujet de "consecramus" ne fait pas de doute; il ne peut s'agir
des fidèles Mais bien de ceux qui ont reçu la consécration, le pouvoir de
consacrer (sacer-dos). L'auteur, alors, se permet d'être bref, le sens est
évident.
Inversement, cinq strophes de la Séquence - str. 14, 15,
16, 18 et 19 - exposent largement ce que le vers 11 de l'hymne de Matines
énonce en un balancement remarquable;
"Sic
totum omnibus quod totum singulis"
"(Le
Corps du Seigneur est donné aux disciples)
tout
entier à tous, comme entier à chacun.
"
Ici est suggéré ce qui sera expliqué là: la fraction et
le nombre ne peuvent porter atteinte à la réalité contenue sous les espèces du
pain et du vin. Le Christ, par sa substance, est tout entier dans n'importe
quelle partie des espèces consacrées[104]. Et c'est pendant la
Messe, où est distribuée l'Eucharistie, que saint Thomas rappelle cette vérité
fondamentale.
Nous pourrions, certes, relever d'autres exemples.
Ceux-ci semblent, néanmoins, suffire à souligner l'harmonie interne de tout
l’Office. Chaque pièce, remarquablement construite dans sa tonalité
particulière, participe à l'équilibre de l'ensemble.
Commentant précédemment les mystères du Verbe, les
figures de l'Eucharistie, ses différents noms, nous avons nécessairement évoqué
les fruits de ce sacrement:
- le salut obtenu au genre humain par la passion et
appliqué à chacun par le sacrement.
- l'honneur et la gloire restitués à Dieu par le Verbe
incarné s’offrant lui-même.
Le sacrifice de la Nouvelle Alliance est donc culte divin
autant que sanctification de l'homme. Comment nos hymnes expriment-ils ces deux
aspects de la même réalité?
Le sacrifice-sacrement de l'Eucharistie contient le
Christ qui a rouvert l'entrée du ciel; le Christ, aliment de vie, qui par sa
grâce apporte à chaque communion l'augmentation des forces spirituelles et le
secours immédiat dans les luttes d'ici-bas[105] :
" O
Salutaris Hostia " O Victime Salutaire
Quae
caelis pandis ostium Qui
nous ouvrez la porte du ciel
Bella
premunt hostilia Les
guerres hostiles nous pressent
Da robur
fer auxilium" Donnez-nous
la force, portez-nous secours.
(Verbum Supernum, str. 5)
Avec le retour des exilés dans la patrie céleste, elle
prépare à la gloire sans limite 'de la vie éternelle où le Christ se donnera en
plénitude:
" Se regnans dat in praemium (...
)
Qui
vitam sine termino
Nobis
donet in patria. " (ibidem, v. 16, 23-24)
L'antienne à Benedictus et l'évangile de la Messe
reprennent en écho cette promesse du Verbe incarné: "Je suis le Pain
vivant descendu du ciel; si quelqu'un mange de ce pain il vivra éternellement."
(Jn, VI,52) L'Eucharistie, à la fois nourriture et remède, est aussi gage
d'éternité.
Ainsi, à l'heure des Laudes où l'on célèbre l'œuvre du
Verbe en faveur de l'humanité, le Sacrement est loué comme source de salut
universel et personnel[106].
L'hymne des Matines, dont la première strophe invite à
une louange retentissante, insiste plus particulièrement sur l'Eucharistie
culte parfait rendu à Dieu par le Verbe et à travers lui, par l'humanité.
En effet., par son oblation, le Christ a institué le rite
de la religion chrétienne[107]. L'Eglise, par les
Apôtres, reçoit la charge du Sacrifice[108]. Son enseignement , sa
prière, son action apostolique, sa vie-même, sont fondés sur le Sacrifice,
source de Vie éternelle.
Et la communion eucharistique fait participer
dès-maintenant à la vie céleste: le fidèle mange celui que les anges servent et
adorent, celui dont la vue seule les rassasie[109] :
" Panis angelicus fit panis hominum
(...)
Opes
mirabilis! manducat Dominum
Pauper
servus et humilis "
" Le Pain des anges est devenu le pain
des hommes (... )
O
prodige étonnant ! Il mange son Seigneur
L'esclave
pauvre et humble. "
(Sacris Solemniis, str. 6)
Le poème sacré, si rempli de l'enseignement des réalités
spirituelles, conduit naturellement à la charité de la contemplation. Préparé
par l'accumulation des images et double écho du terme "panis";
prenant appui sur trois mots qui seuls trahissent une émotion, le mouvement de
louange S'élance, proclame la cause de son saisissement et redescend paisible
dans la douceur du vers finissant. Le sommet de l'hymne s'épanouit ainsi dans
l'admiration en présence du mystère divin.
La doxologie prolonge cet élan de ferveur et d’adoration:
" Te trina Deitas unaque poscimus
Sicut
nos VISITAS[110]
sicut te COLIMUS
Per
tuas semitas duc nos quo tendimus
Ad
lucem quam inhabitas.
" O Déité trine et une nous vous en
prions,
Ainsi
vous nous visitez, ainsi nous pouvons vous honorer,
Conduisez-nous
par vos sentiers, là où nous tendons,
A
la lumière que vous habitez. "
(v. 25-28)
Le vers 26 est particulièrement dense: par la grâce
première de Dieu, sa "visite", l'homme peut le recevoir, l'aimer
davantage et le servir mieux. Le balancement des termes souligne leur rapport:
par le don du Pain de Vie venu d'en Haut, l'Eglise rend "action de grâces
devenue son bien propre. Plus elle honore Dieu de ce culte parfait plus il se
communique à elle dans une nouvelle preuve d'amour, faisant de son œuvre divine
l'œuvre de ses membres.
Dans cette strophe comme dans la première, les verbes
sont au pluriel. Dans sa prière l'Eglise ne dit jamais "je" mais nous
, car, rappelle saint Thomas[111], citant saint Cyprien,
"le Maître de l’unité n’a point voulu que la prière fût affaire privée et
chacun prie pour soi seulement: il a voulu que chacun prie pour tous, lui qui
nous a tous porté en son unité." C'est ce que réalise excellemment
l'Eucharistie dans la communion de tous les fidèles, ici-bas jusqu'à la
plénitude de l'unité céleste.
Le Christ remède est aussi le modèle, la Voie qui ramène
à la lumière de la Trinité
" Per tuas semitas, duc nos quo tendimus".
Alors, "le Dieu qui est aimé pour lui-même est aussi celui qui accorde le
don même de l'amour et la joie de l'aimer; mais c'est celui qui, déjà
invisiblement présent par la grâce, sera visible et possédé dans la béatitude
face à face."[112].
"Ad
lucem quam inhabités".
" Il n'est pas de poème plus pur où tant d'amour
soit enfermé dans tant de lumière ... "
J. Maritain[113]
Pour clore notre étude, et comme un résumé harmonieux,
nous voudrions citer encore une page particulièrement belle, la prose fluide
des premiers nocturnes de Matines. Saint Thomas rappelle le sens de la
solennité, donne la "quintessence" de la doctrine eucharistique, en
un latin clair et fort au rythme souple et balancé.
"Immensa divinae largitatis beneficia, exhibita
populo christiano, inestimabilem ei conferunt dignitatem. Neque enim est aut
fuit aliquando tam grandis natio, quae habeat deos appropinquantes sibi, sicut
adest nobis Deus noster. Unigenitus siquidem Dei Filius, suae divinitatis
volens nos esse participes, naturam nostram assumpsit ut homines deos faceret
factus homo"[114].
"Les immenses bienfaits de la largesse divine,
offerts au peuple chrétien, lui confèrent une dignité inestimable. Car il n'est
point et il ne fut jamais de nation si grande, qui eût des dieux proches
d'elle, comme notre Dieu nous est présent. En effet, le Fils unique de Dieu,
voulant nous 'faire participer à sa divinité, a pris notre nature afin que,
fait homme, il fît les hommes semblables à des dieux. Et en outre, ce qu'il
prit de nous, il le livra entièrement pour notre salut. Car son corps, il l'a
pour notre réconciliation, offert comme hostie sur l'autel de la croix, à Dieu
son Père; et son sang, il l'a répandu à la fois comme rançon et comme bain de
purification, afin que, rachetés d'une misérable servitude, nous soyons lavés
de tous nos péchés. Mais afin que le souvenir d'un si grand bienfait nous
demeurât toujours présent, il laissa aux fidèles, pour être pris sous
l'apparence du pain et du vin, son corps en nourriture et son sang en boisson.
O festin précieux et admirable, salutaire et rempli de
toute suavité! Que peut-il y avoir de plus précieux que ce festin? Ce ne sont
point là, comme jadis sous la loi, les chairs des veaux et des boucs, mais le
Christ, vrai Dieu, qui nous est offert en nourriture. Quoi de plus admirable
que ce Sacrement? En lui, en effet, le pain et le vin sont changés
substantiellement au corps et au sang du Christ de telle sorte que le Christ,
Dieu et homme parfait, est contenu sous l'apparence d'un peu de pain et d'un
peu de vin. Il est donc mangé par les fidèles, mais nullement déchiré; bien
plus, dans le Sacrement divisé, il demeure entier sous chaque particule de
cette division. Quant aux accidents, ils subsistent dans le même Sacrement,
sans leur substance, pour que la foi ait lieu de s'exercer, alors que le
(corps) visible est reçu invisiblement, caché sous d'autres apparences, et pour
que les sens soient prémunis contre toute erreur, jugeant des accidents qui
sont l'objet de leur connaissance.
Aussi aucun sacrement n'est plus salutaire que celui-là:
par lui les péchés sont effacés, les vertus s’accroissent et l’âme est
"engraissée" de l'abondance de tous les dons spirituels. Il est
offert dans l'Eglise pour les vivants et pour les morts, afin qu'il profite à
tous, puisqu'il a été institué pour le salut de tous. Enfin personne ne peut
exprimer la suavité de ce Sacrement, où l'on goûte à sa source 'La douceur
spirituelle, alors qu'il nous rappelle cette charité extrême que le Christ a
montrée dans sa passion. C'est pourquoi, afin de graver plus profondément dans
le cœur des fidèles l'immensité de cette charité, à la dernière cène, quand il
eut célébré la Pâque avec ses disciples et fut sur le point de passer de ce
monde à son Père, il institua ce Sacrement, comme le mémorial perpétuel de sa
passion, l'accomplissement des anciennes figures et le couronnement de tous ses
miracles. Ainsi, à tous ceux que son absence contrasterait, il laissait une
consolation unique. "
Méditation poétique où l'admiration s'unit à la ferveur,
où toute la science théologique se fond dans la pure lumière de la
contemplation.
"Nous n'épuiserons jamais la fécondité de ces textes
qui renferment la plus vivante et la plus magnifique théologie. Et pourtant ils
sont de tous les jours, ils s'adaptent à tous les états, ils disent chaque âme
comme elle n'aurait jamais su s'exprimer, en la dépassant toujours en l'appelant
au large, avec une tranquillité si sûre qu'elle prévient toute erreur comme
elle exclut toute exaltation"[115].
Ces mots de Maurice Zundel, sur les textes de "la
Sainte Liturgie" s’appliquent , sans peine, à l'Office du Corpus Christi.
Toute la science théologique et toute l'âme du Docteur Commun y sont enfermées;
et qui veut chercher un peu retrouve rapidement, sous l'objectivité et la
sobriété de la langue, la richesse et la lumière de la pensée.
Pourtant "il est vrai que la Théologie n'est pas
poésie; et c'est même une des opérations théologiques principales que
d'élaborer en concepts et jugements d'ordre intelligibles la matière
théologique proposée dans les Livres Saints dans un langage si prodigieusement
poétique"[116]. Comment s'étonner,
alors, que "le plus grand des théologiens ait été le plus grand des poètes
liturgiques. C'est le contraire qu'(on) ne s’expliquerait pas" (2). Car le
maître de Vérité devient naturellement maître de contemplation, redisant le
saisissement et l'admiration de l'Eglise en présence du mystère eucharistique[117].
Le poète s'efface derrière le chant sacré dont la
simplicité semble déconcertante mais dont chaque terme exprime l'Ineffable.
"C'est le même dépouillement dans la prière que dans les anciennes
basiliques où la beauté, sans apparent mystère, s'offre au premier coup d'oeil
entièrement lisible, pour s'approfondir sans fin à chaque nouveau regard; et
c’est aussi la même pauvreté volontaire que dans les récits de la Passion (...
). A quoi bon multiplier les mots puisqu'aucune parole ne peut suffire? La
véritable action de grâces est une vie conforme au mystère qu'on vient de
célébrer"[118].
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1. Antiphona.
Sacerdos in eternum Christus Dominus secundun ordinem Nelchisedech panem et
vinum obtulit. Evovae. Ps. Dixit Dominus.
Contra: Gloria
tibi Tritas, de Trinitate
2. Antiphona. Miserator Dominus
encam dedit timentibus se in memoriam suorum mirabilium. Evovae. Ps.
Confitebor tibi Domine.
Contra: Totus orbis, de sancto Thoma.
3-
Antiphona. Calicem salutaris accipiam et sacrificabo hostiam laudis.
Evovae. Ps. Credidi propter.
Contra : Pudore bono, de sancto Nicolao.
4- Antiphona.
Sicut novelle olivarum Ecclesie filii sint in ciruitu mense Domini. Evovae. Ps.
Beati omnes.
Contra: Iuste
et sancte vivendo, de sancto Nicolao.
5- Antiphona.
Qui pacem ponit fines Ecclesie frumenti adipe satiat nos Dominus. Evovae. Ps.
Lauda Ierusalem.
Contra: Innocenter
puerilia iura, de sancto Nicolao.
Capitulum Dominus Iesus in qua nocte tradebatur accepit panem et gratias agens
fregit et dixit : "Accipite et manducate. Hoc est corpus meum, quod pro
vobis traiteur".
Responsorium : Homo quidam fecit cenam magnam et misit se servum suum
hora cene dicere invitatis ut renirent, Quia parata sunt omnia. Vs.
Venite, comedite panem meum et bibite vinum quod miscui vobis. Quia. Gloria
Patri et Filio et Spiritui Sancto. Quia.
Contra: Virgo
flagellatur, de sancta Catharina.
Hymnus.
PANGE
LINGUA gloriosi
Corporis mysterium
Sanguinisque pretiosi,
Quem in mundi pretium
Contra: Pange
lingua gloriosi prelium certaminis, in passione Domini.
5- Fructus
ventris generosi
Rex effudit gentium.
Nobis datus, nobis natus
Ex intacta Virgine
Et in mundo conversatus,
10. Sparso
verbi semine,
Sui
moras incolatus,
Miro
clausit ordine.
In
supreme nocte cene
Recumbens
cum fratribus,
15. Observata lege plene
Cibis
in legalibus,
Cibum turbe duodene
Se dat suis manibus.
Verbum caro panem verum
20. Verbo
carnem efficit
Fitque sanguis Christi merum
Etsi
sensus deficit
Ad
firmandum cor sincerum
Sola fides sufficit.
25. Tantum
ergo sacramentum
Veneremur cernui
Et anticum documentum
Novo cedat ritui
Prestet fides supplementum
30. Sensuun
defectui.
Genitore Genitoque
Laus et iubilatio,
Salus honor virtus quoque
Sit et benedictio
35. Procedentis
ab utroque
Compar sit laudatio. Amen.
Vs. Panem de celo prestitisti eis alleluia.
Resp.
Omne delectamentum in se habentem alleluia.
Ad
magnificat antiphona. O quam suavis est Domine, spiritus tuus, qui, ut
dulcedinem tuam in filios demonstrares, pane suavissimo de celo prestito
esurientes reples bonis, fastidiosos divites
5. dimittens
inanes. Evovae. Ps. Magnificat anima.
Oratio. Deus qui nobis sub sacramento mirabili passionis tue memoriam reliquisti,
tribue, quesumus, ita nos corporis et sanguinis tui sacra mysteria venerari ut
redemptionis tue fructum in nobis iugiter sentiamus. Qui vivis et regnas cum
Deo Patre in unitate Spiritus Sancti Deus per omnia secula seculorum. Amen
Contra
: O Christi pietas, de sancto Nicolao.
AD
MATUTINAS.
Invitatorium.
Christum regem adoremus dominantem gentibus, qui se manclicatibus
dat spiritus pinguedinem. Ps. Venite.
Hymnus.
SACRIS SOLEMNIIS iuncta sint gaudia et ex precordiis sonent
preconia ; Recedant vetera, nova sint omnia, Corda, voces et opera.
5. Noctis
recolitur cena novissima, Qua Christus creditur agnum et azyma Dedisse
fratribus, iuxta legitima Priscis indulta patribus.
Post agnum typicum, expletis epulis.
10. Corpus dominicum
datum discipulis,
Sic totum omnibus quod totum singulis, Eius fatemur
nanibus.
Dedit fragilibus corporis ferculum, Dedit et tristibus
sanguines poculum,
15. Dicens :
"Accipite, quod trado, vasculum, Omnes ex eo bibite".
Contra : Christum regem regum adoremus Dominum, de sancto
indrea.
Contra: Sanctorum meritis.
Sic sacrificium istud instituit,
Cuius officium committi voluit
Solis presbyteris, quibus ait congruit
20. Ut sument
et dent ceteris.
Panis angelicus fit panis hominum,
Dat panis celicus figuris terminum. O res mirabilis !
Manducat Dominum
Pauper, servus et humilis.
25. Te, trina
Deitas unaque, poscimus :
Sicut nos visitant sicut te colimus,
per tuas semitas duc non quo tendimus,
Ad
lucem quam inhabités.
Amen.
IN
PRIMO NOCTURNO.
Antiphona.
Fructum salutiferum gustandum dedit Dominus mortis sue tempore. Evovae. Ps.
Beatus vir.
Contra
: Granum cadenas, de sancto Thoma.
Antiphona.
A fructu frumenti et vini multiplicati fideles, in pace Christi requiescunt.
Evovae. Ps. Cum invocarem.
Contra: Novus homo, de sancto Thoma.
Antiphona. Communione calicis quo Deus ipse sumitur, non vitulorum sanguine,
congregavit nos Dominus. Evovae.
Contra: Crescente etate, de sancto Bernardo.
Vs. Panem celi dedit eis alleluia.
Resp. Panem angelorum manducavit homo alleluia.
Lectio prima. Immensa divine largitatis beneficia, exhibita populo
christiano, inestimabilem ei conferunt dignitatem. Neque enim est aut fuit
aliquando tan grandis natio que habeat deos appropinquantes sibi, sicut adest
nobis Deus noster. Unigenitus siquidem Dei Filius, sue divinitatis volens nos
esse participes, naturam nostram assumpsit ut homines deos faceret factus homo,
et hoc insuper quod de nostro assumpsit, totum nobis contulit ad
10. salutem.
Corpus namque suum pro nostra reconciliatione in ara crucis hostiam obtulit Deo
Patri, sanguinem suum fudit in pretium simul et lavacrum, ut redempti a
miserabili servitute, a peccatis omnibus mundaremur, et, ut tanti
beneficii iugis in nobis maneret memoria, corpus suum in cibum et sanguinem
suum in potum, sub specie panis et vini sumendum, fidelibus dereliquit. O
pretiosum et admirandum convivium, salutiferum et omni suavitate
repletum ! Quid enim hoc convivio pretiosius esse potest, in quo non carnes
vitulorum et hircorum, ut olim in lege, sed nobis Christus sumendus
proponitur verus Deus ? Quid hoc sacramento mirabilius ? In ipso namque
panis et vinum in corpus Christi et sanguinem substantialité
convertuntur. Ideoque Christus Deus et homo perfectus sub modici panis specie
continetur.
Responsorium. Immolabit hedum multitudo filiorum Israel ad vesperam
pasche et odent carnes et azimos panes. Va. Pascha nostrum immolatus est
Christus. Itaque epulemur in azimis sinceritatis et veritatis.
Contra : Te sanctum Dominum de angelis.
Lactio secunda. Manducatur utique a fidelibus, sed minime laceratur:
quinimo, diviso Sacramento integer sub qualibet divisionis particula
perseverat. Accidentia etiam sine subiecto in eodem existunt, ut fides locum
habeat dum visibile invisibiliter sumitur, aliena specie occultatum, et sensus
a deceptione immunes reddantur, qui de accidentibus iudicant sibi notis. Nullum
etiam sacramentum est isto salubrius, quo purgantur peccata, virtutes
10. augentur,
et mens omnium spiritualium charismatum abundantia impinguatur. Offertur in
ecelesia pro vivra et mortuis, ut omnibus prosit quod est pro salute omnium
institutum. Suavitatem denique huiusmodi sacramenti nullus exprimée sufficit,
per quod spiritualis dulcedo in suo fonte gustatur, et recolitur nemoria illius
quam in sua passione Christus monstravit excellentissime caritatis. Une, ut
arctius huiusmodi caritatis immensitas cordibus infigeretur fidelium, in ultima
cena, quando, paschacum discipulis celebrato, transiturus erat ex hoc mundo
ad Patren, hoc sacramentum instituit tanquan passionis eue monoriale
perenne, figurarum veterum impletivum, miraculorum ab ipso factorum maximum, et
de sua contristatis absentia solatium singulare.
Responsorium. Comedetis carnes et saturabimni panibus. Iste
est panis quem dedit vobis Dominus ad vescendum. Vs. Non Moyses dedit
vobis panem de celo, sed Pater meus dat vobis panem de celo varum. Iste.
Contra: Stirps
Iesse, de sancta Maria.
Lactio tertia. Convenit itaque devotioni fidelium solemniter recolere
inatitutionem tam salutiferi tamque mirabilis sacramenti, ut ineffabilem modum
divine presentie in sacramento visibili veneremur, et laudetur Dei potentia que
in saccramento eodem tot miribalia operatur, necnon et de tam salubri tamque
suavi beneficio exsolvantur Deo gratiarum debite actiones. Verum, etsi in die
cane, quando sacramentum predictum noscitur institutum,
10. inter
missarum solemnia de institutions ipsius specialis mentio habeatur, totum tamem
residuum eiusdea diei officium ad Christi passionem pertinet, circa cuias
venerationem Ecclesia illo tempore occupatur. Unde, ut integro celebritatis
officio institutionem tanti sacramenti solemniter racoleret pleba fidelis,
romanus pontifex Urbanue quartus, huius sacramenti devotione affectus, pie
statuit prefate institutionis memoriam prima feria quinta post octavas
Pentecostes a cunctis fidelibus celebrari, ut, qui per totum anni circulum hoc
sacramento utimur ad salutem, eius inatitutionem illo specialiter tempore
recolamus quo Spiritus Sanctus discipulorum corda edocuit ad plene cognoscenda
huius misteria sacramenti. Nam et in eodem tempore
25. cepit hoc
sacramentum a fidelibus frequentari; legitur enim in actibus apostolorum quod
erant perseverantes in doctrina apostolorum, et communicatione fractionis
panis, et orationibus, statim post Spiritus Sancti missionem. Ut autem predicta
quinta
30- feria, et
per octavas sequentes, eiusdem salutaris institutionis honorificentius agatur
memoria, et solemnitas de hoc celebrior habeatur, loco distributionun
materialium que in ecclesiis cathedralibus largiuntur existentibus canonicis,
horis nocturnes
35. pariterque
diurnis, prefatue romanus pontifex eis qui huiuemodi horis in hac solemnitate
personaliter in acclesiis interessent stipendia spiritualia apostolica
largitione concessit, quatenus per hec fideles ad tanti festi celebritatem
avidius et copiosius convenirent. Unde, omnibus vere penitentibus et confessis
qui matutinali officio huius festi presentialiter in ecclesia ubi celebraretur
adessent, centum: qui vero misse, totidem; illis autem qui interessent in
primis ipsius festi vesperis,
45. similiter
centum; qui vero in secundis totidem; eis quoque qui prime, tertie, sexte, none
ac completorii adessent officiis, pro quolibet horarum isparum quadraginta;
illis vero, qui per ipsius festi octavas in matutinalibus, vespertinis, misse,
ac predictarum horarum officiis presentes existerent, singulis diebus octavarum
ipsarum centum dierum indulgentiam misericorditer tribuit perpetuis temporibus
duraturam.
Responsorium. Respexit Elias ad caput suum subcinericium panem, qui
surgens comedit et bibit. Et ambulavit in fortitudine cibi illius usque ad
montem Dei. Vs. Si quis manducaverit ex hoc pane, vivet in eternum. Et
ambulavit. Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto. Ad montem.
Contra: Videte
miraculum matris Domini.
IN SECUNDO NOCTURNO.
Antiphona. Memor sit Dominus sacrificii nostri, et holocaustum nostrum pingue fiat.
Evovae. Ps. Exaudiat te Dominus.
Contra: In
celis gaude virgines et cantant canticum.
Antiphona. Paratur nobis mensa Domini adversus omnes qui tribulant nos. Evovae. Ps.
Dominus regit me.
Contra: Sanguis
sancto martirum pro Christ to effusus est terra.
Antiphona. In voce exsultationis resonent epulantes in mensa Domini. Evovae. Ps.
Quemadmodum.
Contra: O
quam gloriosum est regnum, de omnibus sanctis.
Vs. Cibavit illos ex adipe frumenti alleluia.
Resp. Et de petra melle saturavit eos alleluia.
Lectio quarta. Huius sacramenti figura precessit quando manna
pluit Deus patribus in deserto, qui quotidiano celi pascebantur alimento. Unde dictum
est: "Panem angelorum manducavit homo". Sed tamen panem illum qui
manducaverunt omnes in deserto mortui sunt; ista autem esca quam accipitis,
iste panis vivus qui de celo descendit, vite eterne substantiam ministrat, et
quicumque hune panem manducaverit non morietur in eternum, quia corpus Christi
est. Considera utrum nunc prestantior sit panis angelorum an caro Christi, que
utique est corpus vite. Manna illud de celo, hoc super celum; illud celi, hoc
Domini celorum; illud corruption obnoxium si in diem alterum servaretur, hoc
alienum ab
15. omni
corruptione. Quicumque religiose gustaverit, corruptionem sentire non poterit.
Illis aqua de petra fluxit, tibi sanguis ex Christo; illos ad horam satiavit
aqua, te sanguis diluit in eternum. Iudeus bibit et sitit, tu cum biberis
sitire non poteris, et illud/umbra, hoc in veritate. Si illud quod miraris
umbra est, quantum istud est cuius umbram miraris ? Audi quia umbra est que
apud patres facta est: " Bibebant, inquit, de spirituali consequenti eos
petra. Petra autem eram Christus. Sed non in
25. pluribus
eorum complacitum est Deo, nom prostrati sunt in deserto. Hec autem facta sunt
in figura nostri" . Cognovisti potiora : potior est enim lux quam umbra,
veritas quam figura, corpus auctoris quart manna de celo.
Responsorium.
Panis quem ego dabo caro mea est pro mundi vita. Litigabant ergo Iudei dicentea
: Quomodo potest hic nobis dare carnem suam ad manducandum. Vs. Locutus est populus contra Dominum : anima nostra nauseat super cibo isto
levissimo. Quomodo.
Contra: Deus qui sedes super thronos et judicas, de quada
dominica.
Lectio quinta. Forte dicis: Aliud video, quomodo tu mihi asseris quod
corpus Christi accipiam ? Et hoc nobis superest ut probemus. Quantis igitur
utimur exemplis ut probemus hoc non esse quod natura formavit, sed quod
benedictio consecravit, maioremque vim esse benedictionis quam nature, quia
benedictione etiam natura ipsa mutatur. Unde virgam tenebat Moyses, proiecit
eam et facta est serpens; rursus apprehendit caudam serpentas et in virge
10. naturam
revertitur. Vides ergo prophetica gratia bis mutatam naturam esse et serpentis
et virge. Currebant egypti flumina puro meatu aquarum : subito de fontium venis
sanguis cepit erumpere; non erat potus in fluviis. Rursus ad prophete preces
15. cruor
fluminum cessavit, aquarum natura remeavit. Circumclusus undique erat populus
hebreorum, hinc egyptiis vallatus, inde mari conclusus : virgam levavit Moyses,
separavit se aqua et in murorum speciem se congelavit, atque inter undas via
pedestris apparuit. Iordanis retrorsum conversus contra naturam in sui fontis
revertitur exordium. Nonne claret naturam vel maritimorum fluctuum vel cursus
fluvialis esse mutatam ? Sitiebat populus patrum : tetigit Moyses petram, et
aqua de petra
25. fluxit.
Numquid non preter nataram operata est gratia, ut aquam vomeret petra, quam non
habebat natura ?
Responsorilum. Cenantibus illis accepit Iesus panem et benedixit ac
fregit, deditque discipulis suis et ait:"Accipite et comedite: hoc est
corpus meum". Vs. Dixerunt viri tabernaculi mei: "Quis det de
carnibus eius, ut saturemur ?". Accipite. Lectio sexta.
Marath fluvius amarissimus erat, ut sitiens populus bibere non posset: Moyses
misit lignum in aquam, et amaritudinem suam aquarum natura deposuit,
quam infusa subito gratia temperavit. Sub Heliseo propheta uni ex filiis
prophetarua excussum est ferrum de securi et statim immersum est. Rogavit
Heliseum, qui amiserat ferrum: misit etiam Heliseus lignum in aquam, et
ferrum natavit. Utique etiam hoc preter naturam factum
10. cognovimus:
gravior est enim ferri species quam aquarum liquor. Advertimus igitur maiorem
esse gratiam quam naturan, et adhuc tamen prophetice benedictionis numeramus
gratiam. Quod si tantun valuit humana
benedictio ut naturam converteret,
15. quid
dicimus de ipsa consecratione divina, ubi ipsa verba domini salvatoris
operantur ? Nam sacramentum istud, quod accipis, Christi sermone conficitur.
Quod si tantum valuit sermo Helie, ut ignem de celo de-poneret, non valebit
Christi sermo, ut species
20. mutet elementorum,
?
Contra: Qui cum audissent, de
sancto Nicola
Responsorium.
Accepit Iesus calicem postquam cenavit, dicens: "Hic calix novum
testamentum est in meo sanguine. Hoc
facite in meam commémorationem".
Vs.
Memoria memor ero et tabescet in me anima mea. Hoc. Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto. Commemorationem.
Contra:
Virtute multa, de sa-ncto Bernardo.
IN
TERTIO NOCTURNO.
Antiphona.
Introibo ad altare Dei, sumam Christum qui renovat iuventutem meam. Evovae. Ps. Iudica me Deus.
Contra. Ascendo ad Patrem meum, de Ascensione.
Antiphona. Cibavit nos Dominus ex adipe frumenti et de
petra melle saturavit nos. Evovae. Ps. Exsultate Deo adiutori.
Contra : O per omnia laudabilem virum, de sancto Nicolao.
Antiphona. Ex altari tuo Domine Chriatum sumimus, in quem
cor et caro nostra exaultant. Evovae.
Ps. Quam dilecta.
Contra: Gloriam mundi sprevit, de sancto Nicolao.
Vs. Educas panem de terra alleluia.
Resp. Et vinum letificet cor hominis alleluia.
Secundum Iohannem. In illo tempore dixit Iesus discipulis suis et turbis
Iudeorum: "Caro mea vere est cibus et sanguis meus vere est potus".
Et reliqua.
Homelia beati Augustini de ea lectione. Lectio septima. Cun enim cibo et potu id appetant homines ut non
esuriant neque sitiant, hoc vere non prestat nisi iste cibus et potus, qui eos
a quibus sumitur
5. immortales
et incorrupti-biles facit, id est societas ipsorum sanctorum, ubi pax erit et
unitas plena atque perfecta. Propterea quippe, sicut etiam ante nos
intellexerunt homines Dei, Dominus noster Iesus Christus corpus et sanguinem
suum in eis rebus commandavit, que ad unum aliquid rediguntur. Ex multis namque
granis unus panis conficitur et ex multis racemis vinua confluit.
Responsorium. Qui manducat meam carnem et bibit meum sanguinem, in me
manet, et ego in illo. Vs. Non est alia natio tam grandis, que habeat deos
appropinquantes sibi, sicut Deus noster adest nobis. In me.
Contra: Felix vitia de sancto Dominico.
Lectio octava. Denique iam exponit quomodo id fiat quod loquitur, et
quid sit manducare corpus eius et sanguinem bibere. Et " qui manducat meam
carnem et bibit meum sanguinem in me manet et ego in
5. eo".
Hoc est ergo manducare illam escam et illum biberq potum, in Christo manere et
illum manentem in se habere. Ac per hoc qui non manet in Christo
et in quo non manet Christus, proculdubio non manducat
spiritualiter eius carnem, licet carnaliter et
10. visibiliter
premat dentibus sacramenta corporis et sanguinis Christi; sed magis tante rei
sacramentum ad iudicium sibi manducat et bibit, qui immundus presumpsit ad
Christi accedere sacramental, que alius non digne sumi nisi qui mundus est; de
quibus dicitur: "Beati mundo corde, quoniam ipsi Deum videbunt".
Responsorium. Misit me Pater vivens et ego vivo propter Patrem. Et qui
manducat me vivit propter me.
Contra: Verbum
caro factum est, de Circumcisione.
Va. Cibavit eum Dominus pane vite et intellectus. Et qui.
Lectio nona."Sicut me misit, inquit, vivens Pater, et ego vivo
propter Patrem. Et qui manducat me et ipse vivet propter me". Non enim Filius
participatione Patris fit melior, qui est natus equalis,
5- sicut
participatione Filii per unitatem corporis et sa-nguinis quam illa manducatio
potatioque significat efficit nos meliores. Vivimus ergo nos propter ipsum,
manducantes eum, id est ipsum accipientes, vitam eternam quam non habemus ex nobis. Vivit autem
10. ipse
propter Patrem, missus ab eo, quia semetipsum exinanivit, factus obediens usque
ad signum crucis. "Sicut misit me vivens Pater, et ego vivo propter
Patrem. Et qui manducat me, et ipse vivet propter me". Ac si diceret:
"Et ego vivo, propter Patrem", id
15. est, ut ad illum tamquam ad maiorem
referam vitam meam exinanitio mea fecit in qua me misit. Ut autem quisque vivat propter me participatio facit qui
manducat me. Ego itaque humilitatus vivo propter Patrem, ille rectus vivit
propter me. Non de ea natura dixit
20. qua semper
est equalis Patri, sed ea qua minor factus est Patre, de qua etiam superius
dixit. "Sicut Pater habet vitam in
semetipso, sic dedit Filio vitam habere in semetipso", id est genuit
Filium habentem vitam in semetipso.
Responsorium. Unue panis et unue corpus multi sumus, Omnes qui de uno
pane et de uno calice participamus. Vs. Parasti in dulcedine tua pauperi
Deus, qui habitare facis unanimes in domo. Omnes. Gloria Patri et Filio et
Spiritui Sancto. Et de uno.
Te Deum.
Vs. Panem de celo prestitisti eis alleluia.
Reps.
Omne delectamentum in se habentem alleluia.
IN LAUDIBUS.
1. Antiphona.
Sapientia edificavit sibi domum, miscuit vinum et posuit mensam alleluia. Evovae. Ps. Dominus regnavit.
2. Antiphona.
Angelorum esca nutrivisti populum tuum et panem de celo prestitisti illis
alleluia. Evovae. Ps. Iubilate.
3. Antiphona.
Pinguis est panis Christi et prebebit delicias regibus alleluia. Evovae. Ps.
Deus, Deus.
4. Antiphona.
Sacerdotes sancti incens-um et panes offerunt Deo alleluia. Evovae. Ps.
Benedicite.
5. Antiphona. Vincenti dabo manna absconditum et
nomen novum alleluia. Evovae. Ps Laudate.
Capitulum : Dominus Iesus in qua nocte tradebatur accepit panem et gratias agens
fregit et dixit: "Accipiteet manducate. Hoc
est corpus meum quod provobis tradetur. Hoc facite in meam
commemorationem".
Contra: Ex
ejus tumba, de sancto Nicolao.
Contra : Adest dies, de sancto Dominico.
Contra : Pauper esca, de sancto Dominico.
Contra: Scala
celo, de sancto Dominico.
Contra: ingressus angelus, de Annuntione sancte Marie.
Contra : Ex quo omnia, de Trinitate.
Hymnus.
1. VERBUM
SUPERNUM prodiens
Nec Patris linquens dexteram,
Ad
opus suum exiens,
Venit
ad vite vesperam.
2. In mortem
a discipulo
Suis tradendus emulis,
Prius in vite ferculo
Se tradidit discipulis.
Quibus sub bina specie
10 Carnem
dedit et sanguinem,
Ut duplicie substantie
Totum cibaret hominem.
Se nascens dedit socium,
Convescens in edulium,
15. Se moriens
in pretium,
Se regnans dat in premium.
O salutaris hostia,
Que celi pandis ostium,
Bella premunt hostilia,
20. Da robur,
fer auxilium.
Uni trinoque Domino
Sit sempiterna gloria,
Qui vitam sine termino
Nobis
donet in patria.
Amen.
Vs. Posuit fines tuos pacem alleluia.
Resp. Et adipe frumenti satiat te alleluia.
Contra: Eterne
rex altissime, de Ascensione.
Ad benedictus antiphona. Ego sum panis vivus qui de celo descendis. Si quis
manducaverit ex hoc pane vivet in eternum alleluia. Ps. Benedictus.
Contra. Pax eterna, de Dedicatione
Oratio. Deus qui sub sacramento mirabili passionis tue memoriam reliquisti,
tribue, quesumus, ita nos corporis et sanguines tui sacra misteria venerari ut
redemptionis tue fructum in nobis iugiter sentiamus. Qui
vivis.
AD
PRIMAM, antiphona. Sapientia. Ps.
Deus in nomine.
AD
TERTIAM, antiphona. Angelorum esca.
Capitulum. Dominus Iesus, in qua nocte tradebatur,
agens/ accepit panem et gratias/fregit et dixit :
"Accipite et manducate. Hoc est corpus
meum quod pro vobis tradetur".
Resronsorium.
Panem celi dedit eis alleluia alleluia.
Vs.
Panea angelorum manducavit homo alleluia alleluia. Gloria Patri. Panem.
Vs. Cibavit illos ex adipe frumenti alleluia.
Resp. Et de petra melle saturavit eos alleluia.
Oratio, Deus qui nobis.
AD SEXTAN, antiphona. Pinguis est partis.
Capitulum. Quoties manducabitis panem hunc et calicem bibetie, mortem Domini
annuntiabitis donec veniat.
Responsorium. Cibavit illos ex adipe frumenti alleluia alleluia. Vs.
Et de petra melle saturavit eos alleluia alleluia. Gloria Patri. Cibavit.
Vs. Educas panem de terra alleluia.
Resp . Et vinum letificet cor hominis alleluia.
AD
NONAM, antiphona. Vincenti dabo.
Capitulum. Quicumque manducaverit panem et biberit calicem Domini indigne, reus erit
corporis et sanguinis Domini.
Responsorium. Educas panem de terra alleluia alleluia.
Vs. Et vinum letificet cor hominis alleluia alleluia.
Gloria Patri. Educas.
Vs. Posuit fines tuos pacem alleluia.
Resp. Et adipe frumenti satiat te alleluia.
IN SECUNDIS VESPERIS, anti-phone et psalmi de primis
vesperis.
Captulum. Dominus Iesus.
Responsorium. Respexit Elias.
Hymnus. PANGE LINGUA.
Vs. Panem de celo prestitisti eis alleluia.
Resp.
Panem angelorum manducavit homo alleluia.
Ad
magnificat antiphona. O SACRUM
CONVIVIUM in quo Christus sumitur, recolitur memoria passionis eius, mens
impletur gratia et future glorie nobis pignus datur alleluia. Evovae. Ps. Magnificat.
Contra: Benedictus
Dominus Deus patrie nostri, de sent Bernardo.
AD MISSAM.
Officium. CIBAVIT eos ex adipe frumenti, alleluia, et de petra melle saturavit eos,
alleluia, alleluia, alleluia. Ps. Exultate Deo adiutori nostro, iubilate
Deo Iacob. Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto, sicut erat in principio et
nunc et semper et in secula seculorum.
KYRIE fons bonitatis.
GLORIA in excelais Deo, et in terra pax hominibus bone
voluntatis.
Oratio. Deus qui nobis sub sacramento mirabili passionis tue memoriam reliquisti,
tribue, quesumus, ita nos corporis et sanguines tui sacra misteria venerari ut
redemptionis tue fructum in nobis iugiter sentiamus. Qui vivis et regnas cum
Deo Patre in unitate Spiritus Sancti Deus per omnia secula seculorum. Amen.
Ad Corinthios. Fratres, ego accepi a Domino quod et tradidi vobis,
quoniam Dominus noster Iesus in qua nocte tradebatur accepit panem et gratias
agens fregit et dixit: "Accipite et manducate. Hoc
est corpusl meum, quod pro vobis tradetur. Hoc facite in meam
commemorationem". Similiter et calicem, postquam cenavit, dicens:
"Hic calix novum testamentum est in meo sanguine. Hoc facite,
quotiescumque sumetis, in meam commemorationem". Quotiescumque
10. enim
manducaveritis panem hunc, et calicem bibetis, mortem Domini annuntiabitis
donec veniat. Itaque quicumque manducaverit hune panem vel biberit calicem
Domini indigne, reus erit corporis et sanguinis Domini. Probet autem seipsum
homo, et sic de
15. pane illo
edat, et de calice bibat. Qui enim manducat et bibit indigne, iudicium sibi
manducat et bibit, non diiudicans corpus Domini.
Graduale. Oculi omnium in te sperant Domine, et tu das illis escam in tempore
opportuno. Vs. Aperis tu manum tuam et imples omne animal benedictione.
Alleluia. Caro mea vere est cibus, et sanguis meus vere est potus. Qui ma nducat
meam carnem et bibit meum sanguinem in me manet et ego in eo. Alleluia.
Contra : Nativitas
gloriosa, de sancta Maria.
Contra : Laudes
crucis tollams, de sancta cruce.
Prosa.
LAUDA SION salvatorem,
Lauda
ducem et pastorem,
In
hymnis et canticis.
Quantum
potes, tantum aude,
5. Quia
maior omni laude,
Nec laudare
sufficis.
Laudis
thema specialis,
Panis
vivus et vitalis,
Hodie
proponitur,
10. Quem in
sacra mensa cene
Turbe
fratrum duodene
Datum
non ambigitur.
Sit
laudas plena, ait sonora,
Sit
iucunda, ait decora
15. Mentis
iubilatio.
Dies
enim solemnis agitur
In qua
menue prima recolitur
Huius
institution
In hac
mensa novi regis,
20. Novum
pascha nove legis
Phase
vetus terminat,
Vetustatem
novitas,
Umbram fugat veritas,
Noctem lux eliminat.
25. Quod in cena Christus gessit,
Faciendum hoc expressit,
In oui memoriam.
Docti sacris inatitutis,
Panem, vinum in salutis
30. Consecramus hostiam.
Dogma datur christiania
Quod in carnem transit panis
Et vinum in sanguinem.
Quod non
capis, quod non vides,
35. Animosa
firmat fides
Preter
rerum ordinem.
Sub
diversis spécieuse,
Signis
tantum et non rebus,
Latent
res eximie.
40. Caro
cibus, sanguis potus,
Manet
tamen. Christus totus
Sub
utraque specie.
A
sumente non concisus,
Non
confractus, non divisus,
45. Integer
accipitur.
Sumit
unus, sumunt mille,
Quantum
isti, tantum ille,
Nec
sumptus, absumitur.
Sumunt
boni, sumunt mali,
50. Sorte
tamen inequali,
Vite vel
interitus.
Mors est
malie, vita bonis,
Vide
paris sumptionis
Quam ait
dispar exitus.
55. Fracto demum sacramento,
Ne vacilles sed memento
Tantum esse sub fragmenta
Quantum
toto tegitur.
Nulla
rei fit scissura,
60. Signi
tantum fit fractura
Qua nec
status nec stature
Signati
minuitur.
Ecce
panis angelorum,
Factus
cibus viatorum,
65. Vere panis
filiorum,
Non
mittendus canibus.
In
figuris presignatur
Cum
Isaac immolatur,
Agnus
pasche deputatur,
70. Datur
manna patribus.
Bone
pastor, panis vere,
Iesu
nostri miserere,
Tu nos
pasce, nos tuere,
Tu nos
bona fac videre
75. In terra
viventium.
Tu qui
cuncta scie et vales,
qui nos
pascis hic mortales,
Tuos ibi
commensales,
Coheredes
et sodales
80. Fac sanctorum civium.
Amen.
Secundum
Iohannem. In illo tempore dixit Ieisus discipulis suis et turbis
Iudeorum: Caro mea vere est cibus et sanguis meus vere est potus. qui manducat
meam carnem et bibit meum sanguines in me manet et ego in illo. Sicut misit me
vivens Pater, et ego vivo propter Patrem, et qui manducat me, et ipse vivet
propter me. Hic est panis qui de celo descendit. Non sicut manducaverunt patres
vestri manna et mortui sunt, qui manducat hunc panem vivet in eternum.
Offertorium. Sacerdotes incensum Domini et panes offerunt Deo, et ideo sancti
erunt Deo suo et non polluent nomen eius, alleluia.
Contra: Confirma
hoc Deus, de Sancto Spiritu.
Secreta. Ecclesie tue, quesumus Domine, unitatis et pacis propitius dona concede,
que sub oblatis numeribus mistice designantur. Per Dominum nostrum.
Prefatio. Vere dignum eterne Deus. Quia per incarnati Verbi misterium nova mentis
nostre oculis lux tue claritatis infulsit, ut, dum visibilité Deum cognoscimus,
per hunc in invisibilium amorem rapiamur. Et ideo cum angelis et archangelis,
cum thronis et dominationibus, cumque omni militia celestis exercitus, hymnum
glorie tue canimus, sine fine dicentes :
SANCTUS.
AGNUS DEI
Communio. Quotiescumque manducabitis panem hunc et calicem bibetis, mortem Domini
annuntiabitis donec veniat. Itaque quicumque manducaverit panem vel biberit
calicem Domini indigne, reus erit corporis et sanguines Domini, alleluia.
Contra: Factus
est repente, de Sancto Spiritu.
Postcommunio. Fac nos, quesumus Domine, divinitatis tue sempiterna
fruitione repleri, quam pretiosi corporis et sanguines tui temporalis perceptio
prefigurat. Qui vivis.
( à déplier svp. )
Texte latin de l'Hymne
Hymnus.
1. VURBUM
SUPERNUM prodiens
Nec
Patris linquens dexteram,
Ad opus
suum exiens,
Venit ad
vite vesperam.
2. In mortem
a discipulo
Suis
tradendus emulis,
Prius in
vite ferculo
Se
tradidit discipulis.
Quibus
sub bina specie
10 Carnem
dedit et sanguinem,
Ut
duplicis substantie
Totum
cibaret hominem.
Se
nascens dedit socium,
Convescens
in edulium,
15. Se moriens
in pretium,
Se
regnans dat in premium.
O
salutaris hostia,
Que celi
pandis ostium,
Bella
premunt hostilia,
20. Da robur,
fer auxilium.
Uni
trinoque Domino
Sit
sempiterna gloria,
Qui
vitam sine termino
Nobis
donet in patria.
Amen.
[1] Congrès
Eucharistique à Orvieto en présence de Paul VI le 11.08.1964. -Documentation catholique,
année 1964, col. 1107-1109.
[2] A.
Molien, "Le culte rendu à l'hostie": lère partie, la Fête du St
Sacrement, in "Eucharistia, Encyclopédie populaire sur
l'Eucharistie", Bloud et Gay, Paris 1942, chap. IX, pp. 306 à 310.
[3] Registres
d'Urbain IV, éd. J.
Guiraud, II/1, Paris 1901, n. 874, p.425.
[4] P.
Gy O.P., "L'Office du Corpus Christi et St Thomas d'Aquin",
état d'une recherche, in "Revue Sc. ph. th." 64, 1980, pp. 491 à 507.
[5] Matines,
Leçon III du manuscrit B.N. lat. n' 1143 ou leçon V du Bréviaire romain.
[6] P. Gy - opus
cit., p.491.
[7] in "Eucharistia"
- opus cit. p.312.
[8] P.
Mandonnet. Revue Biblique 1909 - 1910
cf. aussi R. Louis - "St
Thomas Liturgiste", dans la "Revue des Jeunes", 10 mars
1920.
[9] cf.
l'étonnement de la Soeur cuisinière à la mort de sainte Thérèse de L'Enfant Jésus,
se demandant ce qu'on allait bien pouvoir dire sur cette petite Soeur qui
n'avait rien fait...
[10] E. Dumoutet: "Moyen
Age", in Dom Poulet. "Histoire du Christianisme", Livre XIII, chap. II, pp. 946 à 948.
[11] P.
Gv - opus cit., p. 493.
[12] Alain
Michel. "In hymnis et canticis" - Vander Oyez, Paris 1976.
Chap. I à IV.
[13] Dom
Pius Parsch. "Le bréviaire expliqué" - Casterman,-Pari-s 1947.
Dom Baudot. "Hymnes et hymnaires" - Collection Science et
religion, Paris 1914.
[14] A.
Michel. opus cit. Chap. IV, p. 52.
[15] Idée
chère à St Augustin - Serm. 33, PL 38, 207; Serm. 336, PL 38, 1472.
[16] Dom P. Parsch.
opus cit., p. 114.
[17] Dom P. Parsch.
opus cit., p. 30.
[18] Dom P. Parsch.
opus cit. p. 127.
[19] Matines,
Leçon I du manuscrit B.N. lat. n' 1143 ou Leçon V du Bréviaire Romain.
[20] cf.
strophe 1 et 7 par exemple.
[21] Dom
Parsch. opus ci-t., p. 31.
[22] Rémy
de Gourmont. Le Latin mystique. Paris 1930, p. 186.
[23] Telle,
au vers 4 de Verbum Supernum: "Venit ad vitae ve,tsperam" ou encore,
aux vers 17-18-19, "Hostia, ostium, hostiliat" ; cf. infra.
[24]
André Charlier sur le grégorien "chant de la liberté de l'âme", dans
"Que faut-il dire aux hommes?", N.E.L., Paris 1964, pp.57 à
70.
[25] La
dévotion des fidèles a retenu, à travers les siècles, ces deux dernières
strophes comme cantique eucharistique, même en dehors de l'office du
"Corpus Christi": "Panis Angelicus". De même pour l'hymne
des Laudes: "O Salutaris Hostia" et pour celui de Vêpres:
"Tantum Ergo".
[26] P.
Webert - "St Thomas d'Aquin - Le génie de l'ordre". Edit. Denoël Steel 1934, Chap. II, p. 33.
[27] Ce
rapprochement révèle, en outre,une pensée très patristique. Nombreux sont les
hymnes anciens qui suivent dans leur composition le plan du salut, mais
l'originalité de St Thomas est d'y intégrer l'Eucharistie.
[28] Alain
Michel, op. cit.,p. 61.
[29] Le
cadre restreint d'une maîtrise oblige à faire un choix, aussi renvoyons-nous le
lecteur désireux d'une recherche plus détaillée, àl'utilisation de
"l'Index Thomesticus", du "Dictionnaire Latin-Français
des Auteurs Chrétiens" de Blaise et bien sûr d'une Concordance Biblique.
[30] Au
Bréviaire Romain, texte anonyme, mais classé "ambrosien".
[31] "In
Symbolum Apostolorum" n°
98, p. 135 - le Credo, N.E.L. 1969 (Collection Dr Commun). Intr. traduction et
notes par un moine de
Fontgombault: "Non accipitur in Deo dextera corporaliter sed metaphorice,
quia in quantum Deus, dicitur sedere ad dexteram Patris, idest ad aequalitatem
Patris".
[32] "ad
Eph." n° 60: "Christus constitutus est ad dexteram (Patris) quae
quidem non est intel'Ligenda per corporalis quia, ut dicitur Joa. IV, 24,
"Spiritus est Deus", sed metaphorice dicitur, ut sicut per
dexteram intelligitur nobilior et virtuosior pars hominis, ita cum dicimus
Christum Iesum constitutum ad dexteram Dei, intelligatur secundum humanitatem
constitutus in potioribus bonis Patris et secundum divinitatem intelligatur
aequalis Patri".
[33] Au
XIIIE siècle les fidèles "imprégnés" de liturgie reconnaissaient
cette t'intertextualité" et goûtaient ce renouvellement du trésor
liturgique par référence aux textes traditionnels.
[34] cf.
Luc, XXIV, 13-35: "Mane nobiscum Domine, quoniam advesperascit"
"Restez avec nous Seigneur car il se fait tard'. Prière des pélerins
d'Emmaüs, dans un contexte qui évoque l'Eucharistie.
[35] cf. St. Thomas,
Ia, q. 1, a. 10; "Quodlibet", VII, q. 6, a. 3.
[36] R.
P. Garrigou-Lagrange. Article: "Le premier regard de l'intelligence et
la contemplation" in "La Vie Spirituelle ascétique et
mystique" - ler octobre 1935.
[37] Rupert
de Deutz - sur "Les Offices divins", P.L. 170, 11, 12 - cité
par Dom J. Leclercq dans "L'amour des lettres et le désir de Dieu"
- Cerf, 1963.
[38] Abbé
Henry Rabotin. Article "Les textes liturgiques" in
"Liturgia", p. 367 sq.
[39] Adam
de Saint-Victor, P.L. 196, 1454.
[40] Peut-être
avons-nous, chez Adam de Saint-Victor et chez saint Thomas, un écho du récent
IVe Concile de Latran (1215) définissant: "Pater generans, Filius nascens
et Spiritus Sanctus procedens... Ti? (Denzinger, 428).
[41] IIa
IIae, q. 84, art. 1, rep. 3m.
[42] Il
faut souligner l'importance de la théologie du Verbe chez saint Thomas, opposée
aux déviations de Joachim de Flore.
[43] Contra
Gentiles .
Livre IV, chap. 2 à 14. Summa Theologica Ia Pars."Dieu", IIIA
Pars."Du Verbe Incarné :" q. 1 à 26.
[44] "Commentaire
sur l'Evangile de Saint Jean". Tome I - Traduction du Père M.D.
Philippe, O.P. - Ed. de l'Agneau (1978). Les nos renvoient aux paragraphes de
cette édition.
[45] St
Jean Chrysostome. "In Joannem
hom., II, 4; PG 59, col. 34.
[46] Cf.
Fulbert de Chartres, Lettre V, PL 141, 201-202. L'Eucharistie récapitule tous
les mystères. De plus les sacrements sont comme un prolongement de
l'Incarnation, ils s'inscrivent dans le plan divin du salut par la
"chair". Cf IIIa pars, le traité des sacrements.
[47] "Il
est juste et nécessaire, Ct est notre devoir et clest notre salut, de vous
rendre grâces toujours et partout, Seigneur, Père saint, Dieu Eternel et
Tout-puissant, de ce que le mystère du Verbe Incarné a fait briller d'un nouvel
éclat aux yeux de notre âme la lumière de votre gloire; et tandis que nous
contemplons Dieu sous une forme visible, il nous emporte à l'amour des réalités
invisibles" (Sacramentaire grégorien et Missel Feder, p. 847). De
plus, les mêmes mélodies sont chantées aux petites heures des deux solennités.
[48] Les
n°s entre ( ) renvoient aux paragraphes du commentaire sur l'Evangile de St. Jean
- op. cit.
[49] Voir
aussi le début de la IIIA pars sur les convenances de l'Incarnation, par
exemple:
"La
nature de Dieu, c'est la bonté. Tout ce qui est essentiel au bien convient donc
à Dieu. (... ) Il appartient à la nature du souverain bien de se communiquer
souverainement à la créature. Et cette souveraine communication se réalise
quand Dieu stunit à la nature créée de façon à ne former qu'une seule personne
de ces trois réalités: le verbe, l'âme et la chair..." (IIIa, q.1, art. 1,
resp.) ou encore, IIIa, q. 1, art. 2, resp., saint Thomas citant le pape saint
Léon:
"La puissance s'est revêtue
d'infirmité, la grandeur d'humilité: car il fallait pour nous guérir, qu'un
seul et même médiateur de Dieu et des hommes puisse d'une part mourir et
d'autre part revivre. Vrai Dieu il apportait le remède; vrai homme,
il nous offrait l'exemple".
[50] IIIA,
q. 14, art.l:
"Dizendum convenions fuisse
corpus assumptum a Filio Dei humanis infirmitatibus et defectibus
subjacere; et praecipue propter tria ... (etc ... ). Hujusmodi autem defectus
corporales, sc. mors, fames, si.tis et hujusmodi ...
Cf. aussi Super S. Pauli Apostoli
Epistolas: ad Philippenses, III, 7.
[51] "Hic
ritus Ecclesiae non cessabit usque ad finem mundi secundum illud Matthaei:
"ecce ego vobiscum sum usque ad consummationem saeculi". Super S. Pauli Apostoli Epistolas: I ad Corinthios, XI, 26. "donec veniat".
[52] Super S. Pauli
Apostoli Epistolas:
Ad Haebreos II - 15, 16. et IIIa, q. 46, art. 1, 2, 3.
IIIa, q. 49, art. 1, 2. etc ...
[53] "Assumpsit
naturam in qua posset pati et mori, quod non poterat in divina, ut per mortem
destrueret eum qui habebat mortis imperium, i.e. diabolum".
Super S. Pauli Apostoli Epistolas: Ad Haebreos, II, 15, 16 et IIIa, q. 49, art.l.
[54] "Que
vos oeuvres sont admirables Seigneur, Vous faites toutes choses avec
Sagesse."
[55] Super
Ev. S. Joan. Lectura (Jn XVII, 3-6) n° 2194:
"Quod est proprium opus
Filii Dei qui est Verbum cujus est proprium manifestare dicentem."
[56] "Il
a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort et a été enseveli."
Opus cit. pp. 89 à 107.
[57] "Sed
quae necessitas-ut Verbum Dei pateretur pro nobis? Magna: et potest colligi
duplex nécessitas. Una est ad remedium
contra peccata, alia est ad exemplum quantum ad agenda". Ibidem, p. 92, n° 64.
[58] "
... clausa est janua paradisi. Sed Christus sua passione januam illam
aperuit, et ad regnum exules revocavit. Aperto enim latere Christi aderta est
janua paradisi." Opus cit. p. 99, n° 70.
[59] Super
Ev. S. Joannis lectura, n° 2458.
[60] "Un
soldat, d'un coup de lance, lui ouvrit le côté. Et il est dit spécialement
"ouvrit" et non "blessa"; car par ce côté nous fut ouverte
la porte de la vie éternelle."
[61] Cf.supra,
lère partie, chap. 2: Etude des Images.
Cf commentaire du Credo, art.
IV et IIIa, q. 49, art. 5: "Utrum Christus sua passione aperuit nobis
januam caeli?"
Scriptum S. Sententiis, 1. III, dist. XVIII, art. 6, q. 6:
"Utrum nobis meruit apertionem januae?" et solutio 2 ad lm: "Per
peccatum hominis autem clausa fuit janua Daradisi terrestres in signum quod
humanae naturae claudebatur ostium paradisi caelestis." etc ...
[62] "Tractatus
120 in Joannem, cité à la leçon 7 des Matines du Précieux Sang (fêté le ler
juillet).
[63] Michée,
II, 13, cité en IIIa, q. 49, a. 5, 4m.
[64] IIa
IIae, q. 85, a. 1.
[65] P.
Garrigou-Lagrange. De Eucharistia, éd. Marietti, Turin-Rome 1946; pp.
265 et suivantes.
[66] Cf.
Dictionnaire biblique, par J. Dheilly, éd. Desclée 1964; article
"sacrifice", pp. 1063-1067.
[67] la
question a été reprise et traitée par Melle Jaubert, dans le Dictionnaire
biblique (cf. supra) p. 850 sq. On peut voir aussi les travaux plus
approfondis du P. Carmignac dans la revue Qmran.
[68] Scriptum
S. Sententiis-,
Liv. IV, dist. XI, q. 2, a. 2; n° 198.
[69] cf.
Super Ev. S. Matthaei Lectura, n° 2168.
Scriptum S. Sententiis, Liv. IV, dist. VIII, q. 1, a. 3 et IIIa,
q. 80, a. 8, sol. 1.
[70] Matines.
Leçon II du ler nocturne. Ms BN. lat. n' 1143 ou Leçon VI du Bréviaire Romain.
[71] cf.
Dom Vonier, opus cit., p. 96.
[72] Dom
Vonier. "La clefs de la doctrine eucharistique",
Traduction du P. Roguet, ed. de l'Abeille,
Lyon 1942.
IIIa pars, q. 60 à 65 (sacrements);
q. 73 à 83 (Eucharistie). cf. aussi P. Raphaël Sineux, O.P., "Initiation
à la théologie de saint Thomas d'Aquin". Desclée,1953, pp. 607 à 684.
[73] IIIa,
q. 62, a. 6.
[74] IIIa,
q. 61, a. 4, ad 2m.
[75] Dom
Vonier, opus cit., p. 35.
[76] IIIa,
q. 60, a. 3.
[77] Dom
Vonier, opus cit. pp. 28-29:
"Cette
antienne de l'Office du St Sacrement, si on la rapproche du texte de la Somme
cité plus haut, trahit tout de suite son origine thomiste". cf. aussi
l'oraison même de l'Office:
"Deus
qui nobis sub Sacramento mirabili,
passionis tuae memoriam reliquisti, tribue,
quaesumus, ita nos Corporis et Sanguinis tui sacra mysteria venerari,
ut redemptionis tuae fructum in nobis jugiter sentiamus".
[78] Matthieu XXVI,
26-28; I Corinthiens XI, 23-25.
[79] Contra
Gentiles,
Liv. IV, chap. LXI, p. 316 et sq.
Scriptum S. Sententiis, Liv IV, dist. XI, q. 2, a. 1, n° 154
et sq.
Super S. Pauli Apostoli Epistolas, ad I Cor. XI, 23-24.
Ia IIae, q. 102, art. 3; IIa IIae,
q. 83, art. 9, etc ...
[80] cf.
Contra Gentiles, Liv. IV, chap. LXI, p. 327.
[81] Scriptum
S. Sententiis,
Liv. IV, dist. VIII, 2 et 4: "agnum typicumtt et "typico
Pascha".
[82] Isaïe,
XVI, 1; LIII, 7 - Jérémie, XI, 19 etc...
En hébreu, les mots
"agneau" et "serviteur" sont identiques. Dans l'Apocalypse,
on peut relever plus de vingt emplois ...
[83] IIIa,
q. 73, art. 6; traduction du Père A.M. Roguet.
cf. aussi IIIA, q. 80, a. 10, ad 2m.
Scriptum-S. Sententiis, Liv. IV, D.VIII, q. I, art. 2, n° 52 sq.
[84] Scriptum
S. Sententiis,
ibidem, n° 66 et n° 78.
[85] Scriptum
S. Sententiis,
liv. IV, dist. VIII, q. 1, a. 1, n° 31 sq. IIIa, q. 73, a. 4:"Convient-il
que ce sacrement soit désigné par plusieurs noms?"
[86] cf.
IIIa, ut supra.
[87] Ière
partie, chap. II, de cette étude.
[88] G.K.
Chesterton. Saint Thomas du Créateur. Trad. A. Barrois. Ed. D.M.M. 1977,
p. 111.
[89] Cf.
Hébreux, III, 5-6; V, 4-6; VII, 22-28 etc...
Ephésiens, V, 2; Romains; etc...
[90] Matines:
Leçon I du manuscrit BN. lat. no 1143
ou Leçon V du Bréviaire Romain.
[91] Isaïe
53, 7: "Oblatus est, quia ipse voluit", "Le Christ s'est offert
lui-même parce qu'il l'a voulu".
Jean, VII, 20; VIII, 30 "quia
nondum venerat hora ejus"; X, 17-18
[92] IIIa,
q. 22, a. 1 à 6:"le sacerdoce du Christ'.. spécialement art. 2:
"Le Christ fut-il, en même
temps prêtre et victime?"
[93] Aucun
des disciples n'est sûr de ne pas trahir. Cf. la remarque de Romano Amerio dans
"Iota Unum", N.E.L. 1987, p. 489, soulignant comment l'art chrétien a
toujours représenté la Cène comme un événement tragique et non comme un joyeux
banquet.
"Dedit et tristibus
sanguines poculum " (S. Solemniis, v. 14).
Cf. aussi Super S. Matthaei, XXVI,
22, n° 2161.
[94] le
Corinthiens. XI, 23-26.
[95] IIIa,
q. 62, art. 6.
[96] Cf.
Scriptum S. Sententiis, liv. IV, dist. VIII; IX; XIII, etc...
Super Ev. S. Matthaei (XXVI, 26, 28), nos 2197, 2202 ...
Contra Gentiles, Liv. IV; I!Ia , q.
78, a. 2; q.80.
Super I. ad Corinthios (XI, 23, 26), etc ...
[97] Cf.
supra. lère partie de cette étude.
[98] Apocalvpse
I, 4-6. "Jésus-Christ nous a purifiés de nos péchés dans son sang et nous
a faits Rois et Prêtres près de Dieu son Père."
[99] cf.
études déjà citées in "Contra Gentiles" et IIIa. Nous suivrons
le texte des Sentences, Liv. IV, dist. XIII en entier.
[100] "De
plus, comme le calice est consacré d'une onction, en raison de la révérence
due à ce sacrement, ils reçoivent, sur les mains, l'onction sacramentelle
qui les consacre définitivement au culte de Dieu". Ibidem, n° 111. Cf.
aussi IIIa, q. 82, a. 3, resp.
[101] Scriptum
S. Sententiis.
L4-v. IV, dist. XIII, q. 1, a. 3 - n° 109. fl Sicut in corpore naturali sunt
quaedam membra principalia per ouae virtutes et operationes vitae a principio
vitae ad cetera membra decurrunt; ita et in Ecclesia sacerdotes et alii
ministri sunt quasi membra principalia quibus mediantibus sacramenta vitae
populo dispensari debent. Et ita laicis, quantumcumque sanctis, sicut nec
consecratio, ita nec dispensatio hujus sacramenti competit."
cf. Contra Gentiles, liv. IV,
locus cit.
"Nul, fût-il parfait, ne peut
dispenser ce sacrement s'il n'a reçu le pouvoir de le dispenser".
[102] Cardinal
Journet, article paru en 1971 dans "Nova et Vetera"; repris
par le "Bulletin de Saint François de Sales" (3e trim. 1985)
sous le titre "La Messe, un acte d'amour".
[103] IIIa,
q. 74, a. 7, resp.; q.79, a. 5; q. 82, a. 4, 2m.
"Le prêtre qui consacre est-il
tenu de communier?"
cf. aussi Scriptum S. Sententiis,
Liv. IV, dist. X, a. 4;
dist. XII, q. 3, a.2.
[104] "Si
un être substantiel se trouve tout entier dans un tout, il se trouve également
tout entier dans n'importe quelle partie de ce tout."
Super S. Matthaei (XXVI, 26-28) n° 2185-2188.
Cf. aussi Contra Gentiles chap. LXVII.
[105] IIIa,
q. 79 en entier.
[106] Nous
ne développerons pas plus ici. Cf. la seconde partie de cette étude.
[107] IIIa,
q. 62, a. 5.
[108] P.H.
Clérissac - opus cit., p. 64.
[109] IIIa,
q. 80, a. 2.
[110] Le
Bréviaire Romain donne: "Sic nos tu visita, sicut te colimus."
L'erreur du copiste est évidente:
"sic-tu/sicut"; le "s" final du verbe visitas,
répondant en rime intérieure à Deitas et semitas, a été absorbé par le
"s" initial de sicut. Il ne peut s'agir d'un impératif, dont la
nuance serait difficile à traduire!, mais de l'indicatif.
[111] IIa
IIae, q. 83, a. 7.
[112] IIa
IIae, q. 28 et 29; notes du P. Noble, éd. Revue des Jeunes, 1957, p. 253.
[113] J.
Maritain, Le docteur angélique, p. 35.
[114] pp.
4* à 6* de l'Annexe.
[115] M.
Zundel, opus cit. p. 99.
[116] P.V.A.
Berto, Pour la Ste Eglise Romaine, Cèdre, Paris 1976, p. 41.
[117] "stupor",
"admiratio", cf. Baudouin de Ford (XIIe s.), "De Sacramento
altaris", cité par Dom J. Leclercq, opus cit., p. 215.
[118] M. Zundel. opus
cit., pp. 338-339.