UNIVERSITE DE PARIS SORBONNE

 

PARIS IV

 

LES HYMNES « SACRIS SOLEMNIIS » et « VERBUM SUPERNUM » de

 

SAINT THOMAS D'AQUIN

 

Mémoire de MAITRISE

présenté par Anne MUGNIER

 

sous la direction de Monsieur le Professeur Alain MICHEL

 

1988

 

 

Édition numérique, https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique, 2009

Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin

 

 

SOMMAIRE

 

SOMMAIRE_ 2

TRADUCTION DE L'HYMNE DE MATINES : " SACRIS SOLEMNIIS " 3

TRADUCTION DE L'HYMNE DE LAUDES: " VERBUM SUPERNUM " 4

INTRODUCTION_ 8

APERCU HISTORIQUE_ 8

PREMIERE PARTIE : LE CHANT LITURGIQUE_ 12

CHAPITRE I - LE ROLE DE L'HYMNE, POEME DE LOUANGE_ 12

Origine et rôle de l'hymne_ 12

L'hymne dans l'office_ 12

Sacris Solemniis 14

Verbum Supernum_ 14

CHAPITRE II - LITURGIE ET EXPRESSION_ 15

Simplicité et science_ 16

Prosodie_ 16

Composition de "Sacris Solemniis" 18

Composition de "Verbum Supernum" 18

Simplification du langage_ 20

Le symbolisme du langage_ 21

Images 22

Conclusion_ 26

SECONDE PARTIE_ 27

CHAPITRE I - LE MYSTERE DE LA TRINITE_ 27

Les doxologies 28

Le Verbe Divin_ 29

CHAPITRE II - LE MYSTERE DE L'INCARNATION_ 30

Le Verbe Incarné: Vrai Dieu_ 31

Le Verbe incarné, vrai homme_ 32

CHAPITRE III - LE MYSTERE DE LA REDEMPTION_ 33

Définition: Red-imere_ 33

"Opus suum"_ 34

Les Fruits de la Rédemption_ 37

Conclusion_ 38

TROISIEME PARTIE_ 40

Chapitre I - L'EUCHARISTIE SACRIFICE-SACREMENT_ 40

Définition_ 40

Les Sacrifices de l'Ancienne Loi 41

Le dernier sacrifice de l'Ancienne Alliance_ 41

Le Sacrifice-Sacrement de la Nouvelle Alliance_ 42

Corpus Christi 44

Les Figures de l'Eucharistie_ 46

Les noms de l'Eucharistie_ 47

CHAPITRE II - LE MINISTRE DE L'EUCHARISTIE_ 48

Le Christ: Victime et Pontife_ 48

Les Ministres du Sacrement 49

Communion_ 51

CHAPITRE III - LES FRUITS DE L'EUCHARISTIE_ 54

Salutaris Hostia_ 54

Culte parfait 54

Conclusion_ 56

CONCLUSION_ 58

BIBLIOGRAPHIE_ 59

1. Ouvrages de saint Thomas utilisés dans cette étude_ 59

2. Ouvrages généraux_ 59

3. Ouvrages concernant saint Thomas d'Aquin_ 60

4. Ouvrages théologiques 61

5. Ouvrages sur la liturgie, l'art, la poésie ... 61

ANNEXE : OFFICIUM NOVE SOLOMNITATIS CORPORIS DOMINI IESU CHRISTI CELEBRANDE SINGULIS ANNIS FERIA QUINTA POST OCTAVAS PENCOSTES IN PRIMIS VESPERIS. 63

VERBUM SUPERNUM_ 77

 

 

 

Hymnus : SACRIS SOLEMNIIS

 

SACRIS SOLEMNIIS iuncta Sint gauclia

et ex precordiis sonent preconia ;

Recedant vetera, nova sint omnia,

Corda, voces et opera.

 

5-         Noctis recolitur cena novissima,

Qua Christus creditur agnum et azyma

Dedisse fratribus, iuxta legitima

Priscis indulta patribus.

 

Post agnum typicum, expletis epulis,

10.       Corpus dominicum datum discipulis,

Sic totum omnibus quod totum singulis,

Eius fatemur manibus.

 

Dedit fragilibus corporis ferculum,

Dedit et triatibus sanguinis poculum,

15.       Dicens: " Accipite, quod trado, vasculum,

Omnes ex eo bibite ".

 

Sic sacrificium istud instituit,

Cuius officium committi voluit

Solis presbyteris, quibus sit congruit

20.       Ut aument et dent ceteris.

 

Panis agelicus fit partis hominum,

Dat panis celicus figuris terminum.

O mirabilis ! Manducat Dominum

Pauper, servus et humilis.

 

25.       Te, trina Deitas unaque, poscimus:

Sicut nos visitas, sicut te colimus,

Per tuas semitas duc nos quo tendimus,

Ad lucem quam inhabitas.

 

Amen.

                

               TRADUCTION DE L'HYMNE DE MATINES : " SACRIS SOLEMNIIS "

 

Qu'à ces saintes solennités réponde notre joie

Et que du fond des cœurs résonnent nos louanges.

Que s'efface l'ancien et que tout soit nouveau

Les cœurs, les voix, les œuvres.

 

Célébrons le banquet suprême de la nuit

Où le Christ, nous le croyons, donna à ses frères

L'agneau et les azymes, selon la Loi

Jadis octroyée à leurs pères.

 

Après l'agneau qui le figurait, à la fin du repas,

Le corps du Seigneur fut donné aux disciples

Tout entier à tous, comme entier à chacun,

De ses propres mains: telle est notre foi.

 

A leur faiblesse il donna son corps en nourriture

A leur tristesse il donna son sang comme breuvage

Disant: Recevez la coupe que je vous livre,

Buvez-en tous.

 

Ainsi, fut institué, par lui, ce sacrifice

Dont il voulut confier le ministère

A ses seuls prêtres: c'est à eux qu'il incombe

D'y communier et de le donner aux autres.

 

Le pain des anges devient le pain des hommes,

Le pain du ciel accomplit les figures.

O prodige admirable! Il mange son Seigneur

L'esclave pauvre et humble.

 

Déité trine et une nous vous en prions,

Vous dont la visite permet notre culte,

Par vos chemins, conduisez-nous là où nous aspirons,

A la lumière que vous habitez.

1.         VERBUM SUPERNUM prodiens

Nec Patris linquens dexteram,

Ad opus suum exiens,

Venit ad vite vesperam.

 

2.         In mortem a discipulo

Suis tradendus emulis,

Prius in vite ferculo

Se tradidit discipulis.

 

Quibus sub bina specie

10        Carnem dedit et sanguinem,

Ut duplicie substantie

Totum cibaret hominem.

 

Se nascens dedit socium,

Convescens in edulium,

15.       Se moriens in pretium,

Se regnans dat in premium.

 

O salutaris hostia,

Que celi pandis ostium,

Bella premunt hostilia,

20.       Da robur, fer auxilium.

 

Uni trinoque Domino

Sit sempiterna gloria,

Qui vitam sine termino

Nobis donet in patria.

Amen.

               TRADUCTION DE L'HYMNE DE LAUDES: " VERBUM SUPERNUM "

 

Le Verbe venant d'en-haut,

Sans quitter la droite du Père,

Sortant pour accomplir son œuvre,

Est arrivé au soir de sa vie.

 

Devant être livré, pour mourir,

A ses rivaux jaloux, par un de ses disciples;

D'abord il se livra lui-même à ses disciples

Comme aliment de vie.

 

A ceux-ci, sous une double apparence,

Il donna sa chair et son sang.

Ainsi, en sa double substance,

Il nourrit l'homme tout entier.

 

Par sa naissance, il s'est donné à nous comme compagnon,

A la Cène comme aliment,

En mourant, comme rançon,

Dans son royaume il se donne comme récompense.

 

O Victime qui nous sauvez

Et nous ouvrez la porte du ciel,

Les attaques ennemies nous pressent,

Donnez-nous force et portez-nous secours.

 

Au Seigneur un et trine

Soit la gloire éternelle,

Lui qui nous donnera

La vie sans fin, dans la patrie.

               INTRODUCTION

 

La tradition attribue la composition de l'Office du Corpus Christi à saint Thomas d'Aquin. Pensant qu'il n'a pas de meilleur commentateur que lui-même ("interpres sui"), nous voudrions voir, à travers ses enseignements, s'il existe une cohérence possible entre la poésie de nos hymnes et la théologie du Docteur Commun. Saint Thomas serait-il, alors, au sens chrétien du terme, "poeta theologus"?

 

La présence de deux poèmes et la "complexité" de leur sujet commun - l'Eucharistie - nous ont conduit à choisir un commentaire composé, certes moins favorable à souligner la beauté affective de la louange, néanmoins plus conforme à l'étude littéraire recherchée. En outre, afin de suivre mieux l'harmonie scripturaire de l'Office du Corpus Christi (dont nous donnons, en annexe, le texte latin), les références du Missel et du Bréviaire Romains renvoient aux éditions antérieures à la dernière réforme liturgique; les textes bibliques cités ou indiqués sont ceux de la Vulgate.

                   APERCU HISTORIQUE

 

Les Origines de la Fête du "Corpus Christi".

 

 

En 1262, à Bolsena (à mi-chemin entre Sienne et Rome), un prêtre, célébrant la Messe, doute de la présence réelle: le sang jaillit de l'hostie consacrée et laisse des traces sur le corporal. Le Pape Urbain IV fait apporter ce linge à Orvieto, ville voisine où il résidait avec la cour pontificale. Il décrète, en 1264, par la bulle "Transiturus", que la fête du Corpus Christi, déjà célébrée çà et là, sera étendue à l'Eglise universelle[1].

 

On trouve, en effet, avant 1264, un culte en l'honneur du Saint Sacrement dans certaines régions et spécialement dans le diocèse de Liège où, sous l'impulsion de sainte Julienne, a été solennisée cette dévotion. Un office fut composé sous sa direction, par un moine cistercien du Mont-Cornillon, vers 1240. A la même époque, vers 1237, le futur Urbain IV était archidiacre de Liège. Il avait eu connaissance, d'une part, des révélations divines dont sainte Julienne avait été favorisée et, d'autre part, de la composition d'un office nouveau diffusé dans son diocèse lors du Synode de 1246[2].

 

Ceci explique l'attention et l'insistance d'Urbain IV pour la diffusion et la célébration de cette nouvelle solennité. "Le Pape, note le Père Gy, O.P., prescrit non seulement la célébration de la fête, mais l'emploi de l'office et de la messe dont le texte est "interclusus" inclus sous le pli de la bulle: "(... ) mandantes quatenus tam excelsum et tam gloriosum festum (... )(cum novem lectionibus, cum responsoriis, versiculis, antifonis, psalmis, ymnis et orationibus ipsi festo specialiter congruentibus, que cum proprio misse officio vobis sub bulla nostra interclusa) devote ac sollempniter celebratis (... )[3].

 

Fait remarquable car, souligne le P. Gy, si "ce n'est pas le premier cas où le Pape prescrit à tous la célébration d'une fête, c'est le premier où il ait imposé l'office"[4].

 

Objet et date de la fête

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La troisième leçon des Matines, selon le manuscrit B.N. lat. n° 1143, nous donne le sens de cette nouvelle fête: la solennité du Corpus Christi a été instituée pour fêter plus spécialement l'Eucharistie parce que la liturgie du Jeudi Saint, qui rappelle l'institution de ce sacrement, appartient pour tout le reste à la Passion du Christ que l'Eglise est tout occupée à vénérer à ce moment:

 

"... totum tamen residuum ejusdem diei officium ad Christi Passionem pertinet circa cujus venerationem Ecclesia illo tempore occupatus"[5].

 

Pour un regard distrait, cette fête pourrait sembler en dehors du cycle de l'année liturgique, comme une pieuse manifestation d'adoration des fidèles en l'honneur du Saint Sacrement, quelque fête surérogatoire qu'on aurait aussi bien pu placer à une autre date. Or, il semble bien que ce ne soit pas l'intention de l'Eglise: la leçon de Matines précise et l'objet de la fête et la raison du choix de la date. Le Sacrement de l'Eucharistie, en effet, instituée le Jeudi Saint, est maintenant pour toujours le centre de la liturgie, chaque jour, sur tous les autels du monde, "per totum anni circulum". Et l'Eglise nous donne à méditer ce mystère pendant le temps qui suit la Pentecôte où l'effusion de l'Esprit Saint a ouvert les cœurs des disciples à la pleine connaissance des mystères de ce sacrement: ... "ejus institutionem illo specialiter tempore recolamus quo Spiritus Sanctus discipulorum corda edocuit ad plene cognoscenda hujus mysteria sacramenti".

 

En outre, si la Pentecôte, comme la Cène, eut lieu au Cénacle, on peut noter que, dans l'histoire de l'Eglise, ajoute la Leçon, c'est le moment où les premiers fidèles, convertis par la prédication de saint Pierre et des Apôtres, ont commencé à fréquenter ce sacrement.

 

La fête du Corpus Christi n'est donc pas un pieux supplément du cycle liturgique mais le chant d'amour solennel de l'Eglise envers le cœur des mystères divins. L'Eucharistie, c'est l'Incarnation et la Rédemption vécues à chaque instant dans l'Eglise.

 

Les différents manuscrits.

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Lorsqu'en 1264 Urbain IV promulgue la bulle "Transiturus" et l'office inclus dans la bulle, il existait déjà, nous l'avons dit, un office utilisé dans le diocèse de Liège. Quels sont donc les manuscrits présentant un office du "Corpus Christi" ?

 

Nous renvoyons, pour l'étude approfondie de ces textes et leur attribution, à l'article déjà cité du Père Gy. Nous présentons ici un schéma rapide dressé d'après ce même article, et "conformément à l'usage médiéval", l'office sera désigné par les premiers mots de la première antienne des premières Vêpres.

 

Nous relevons l'existence de quatre textes:

 

1.         l'office liégeois "Animarum cibus", composé vers 1240 au monastère du Mont-Cornillon sous la direction de sainte Julienne.

 

2.         un office "Sapientia" - Messe : "Ego sum panis" - partiellement identique à l'office "Sacerdos" (n° 3) et en usage à Troyes, ville natale d'Urbain IV, jusqu'au XVIIe siècle; office conservé chez les Prémontrés dans un bréviaire du XIVe siècle trouvé en 1942.

 

3.         l'office "Sacerdos" - Messe: "Cibavit" - de 1264, traditionnellement attribué à saint Thomas d'Aquin, et qui accompagnait la bulle "Transiturus"; c'est l'office romain actuel, et le texte du manuscrit B.N. lat. n° 1143 (reproduit en annexe et sur lequel nous travaillons).

 

4.         l'office dominicain "Gaude Felix Parens", composé par Hervé de Nédellec O.P., à la demande du chapitre général de Lyon en 1318; cet office, calqué sur celui de saint Dominique, avait été approuvé par les chapitres généraux de 1321 et 1322. Il fut abandonné en 1323 - année de la canonisation de saint Thomas, le 18 juillet 1323 en faveur de "Sacerdos" lorsque le chapitre général de Barcelone apprit que l'office romain du "Corpus Christi" avait pour auteur Thomas d'Aquin et décida de substituer l'office de ce dernier à celui d'Hervé de Nédellec.

 

Difficultés

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La présence de quatre textes soulève un certain nombre de difficultés. Nous ne prétendons pas les résoudre toutes. Nous retiendrons la question essentielle: l'attribution de l'office romain à saint Thomas d'Aquin. En effet "l'attribution de l'office du Corpus Christi à saint Thomas d'Aquin n'est pas attestée avec la même certitude que celle de ses grands écrits théologiques et philosophiques"[6]. Les objections se présentent à plusieurs niveaux et peuvent se résumer ainsi:

 

1. le manuscrit - et les copies - ne portent pas de signature. En outre, l'œuvre ne figure pas dans le catalogue des ouvrages de saint Thomas présenté pour le procès de canonisation par Barthélémy de Capoue.

 

2.         l'extrême discrétion de saint Thomas qui laissait son Ordre ignorer la chose au point de composer - près de soixante ans après "Transiturus" - un office nouveau au propre dominicain.

 

3. l'œuvre de saint Thomas apparaît essentiellement théologique. Est-il vraisemblable que la poésie y trouve sa place ?

 

A la première difficulté, on peut répondre qu'une œuvre telle que la composition de cet office est une œuvre d'Eglise, par définition universelle"; ce qui rend la signature superflue - et même malvenue - Saint Thomas était alors à la cour pontificale, appelé par le prédécesseur d'Urbain IV, Alexandre IV,- pour y enseigner 'La théologie. Le père Molien[7] souligne en outre que ... "si l'office n'est pas inscrit dans le catalogue des ouvrages de saint Thomas il se trouve dans la plus ancienne liste connue de ses œuvres et le P. Mandonnet donne une très bonne raison pour expliquer qu'on ne l'ait pas attribué à son auteur au moment de la canonisation: il était entré dans la littérature ecclésiastique; il ne convenait pas "que dans les actes officiels, il fût revendiqué comme le bien propre de saint Thomas"[8].

 

En outre, la discrétion de saint Thomas s'explique aisément. Dans toute communauté humaine - y compris les couvents - les nouvelles extérieures circulent très rapidement mais les faits internes peuvent facilement être ignorés[9]. Il n'est donc pas étonnant que les frères de saint Thomas n'aient pas eu connaissance de ce travail d'un genre nouveau demandé par le Pape à son théologien.

 

Quant à la composition, près de soixante ans plus tard, en 1318, d'un office nouveau dans l'ordre dominicain, un article de 1"'Histoire du Christianisme" de Dom Poulet nous apporte à ce sujet quelques lumières. L'office, institué en 1264, était loin d'être partout connu et suivi. Clément V intervint en 1311 puis en 1312 et c'est à partir de 1317, lorsque le Pape Jean XXII eût envoyé aux Universités la collection des décrétales qui comprenaient le texte de la bulle "Transiturus" que cette solennité se répandit réellement dans l'Eglise [10].

 

Par ailleurs, entre 1264 et 1317, sur cinquante-trois années d'histoire de l'Eglise, se succèdent quinze pontificats! Ceci explique qu'une fête promulguée cinquante ans plus tôt fut encore appelée, en 1318, "la nouvelle solennité du Corpus Christi". Et les dominicains, qui ignorent que l'office romain du Corpus Christi a été composé par leur illustre frère Thomas d'Aquin, l'apprennent en 1323, année précisément de sa canonisation: "Cum ordo noster debeat se sancte Romane Ecclesie, in quantum est possibile, in divino officio conformare, et in eo precipue, quod per nostrum ordinem de mandato apostolico est confectum, volumus quod officium de corpore Christi per venerabilem doctorem fratrem Thomam de Aquino editum, ut asseritur, per totum ordinem fiat Va feria post festum Trinitatis usque ad octavas inclusive, et dictum officium in ordinario in locis debitis annotetur"[11].

 

Reste l'objet de notre étude: comment accorder poésie et théologie? Il semblerait que chaque terme des poèmes puisse trouver son commentaire dans les écrits de saint Thomas qu'ils soient antérieurs ou non à 1264. Ne peut-on, d'ailleurs, retourner la question en demandant comment un simple poète aurait pu composer le traité de théologie eucharistique du "Lauda Sion"; ou encore, quel génie à la fois théologique et poétique, ayant pleinement assimilé la doctrine thomiste de l'Eucharistie, nous pouvons trouver dans l'entourage d'Urbain IV à l'époque de la composition de l'office?

 

L'office de Hervé de Nédellec avait un but essentiellement liturgique. Celui de saint Thomas a d'abord en vue la proclamation de la foi en l'Eucharistie et l'enseignement de la doctrine eucharistique. Ce qui requiert une expression liturgique choisie au service d'une parfaite connaissance des mystères divins et du sacrement eucharistique. Tel est le plan que nous suivrons dans l'étude de nos deux poèmes afin d'illustrer combien l'écriture de l'office en est aussi la signature.

 

               PREMIERE PARTIE : LE CHANT LITURGIQUE

 

Avant d'aborder l'étude approfondie de nos deux textes, il est bon de rappeler l'origine de l'hymne et son rôle dans la liturgie sacrée. En outre, la place du poème dans l'office souligne sa tonalité propre alors que la versification et le rythme du chant s'harmonisent à la louange particulière de chaque texte.

 

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                   CHAPITRE I - LE ROLE DE L'HYMNE, POEME DE LOUANGE

 

                        Origine et rôle de l'hymne

 

La distinction entre l'hymne religieuse et l'hymne national trouve son origine dans un parti-pris du siècle dernier; nous nous en tenons au genre masculin des termes latin: hymnus, i et grec : .

 

Sur la naissance de l'hymnique chrétienne, nous renvoyons aux premiers chapitres du livre du professeur Alain Michel, "In hymnis et canticis"[12]. L'on peut se reporter aussi aux ouvrages de Dom Pius Parsch et de Dom Baudot[13].

 

L'hymne est un instrument du culte divin. La louange divine s'exprimait dans l'Ancien Testament à travers les psaumes. "De leur symétrie souple" naîtront les hymnes chrétiens, chants de louange et d'action de grâces. Car "les chrétiens savaient par la tradition judaïque qu'ils avaient le devoir de chanter"[14]. Saint Paul exhorte les Colossiens (III, 16) et aussi les Ephésiens (V, 19) à chanter à Dieu de tout cœur leur reconnaissance "par des psaumes, des hymnes et des cantiques spirituels". Et en effet, insiste Dom Parsch, "il faut toujours considérer l'hymne comme un chant - "Cantare amantis est"[15] (4) - "Le sentiment ne peut demeurer seul sans pensée, il doit être dirigé et dominé par la pensée et ainsi le cœur et la raison sont la double source du cantique" [16].

 

L'hymne trouve donc naturellement sa place dans l'office divin exprimant tantôt l'heure du jour, tantôt l'objet du mystère ou de la fête.

 

                        L'hymne dans l'office

 

 

 

L'office divin est composé de sept heures: Matines et Laudes, Prime, Tierce, Sexte, None et Vêpres - selon le verset 64 du psaume CXVIII: "Septies in die laudem dixi tibi" - auxquelles on a rajouté, au Ve siècle, l'office des Complies - intermédiaire entre l'heure de la fin du jour: Vêpres et celle de la nuit: Matines -. Ces heures sont communément classées en "grandes" et "petites" heures. Matines, Laudes et Vêpres appartiennent aux premières. Prime, Tierce, Sexte et None aux secondes.

Dans chaque heure se trouvent plusieurs psaumes et un hymne mais on peut noter des différences dans la situation et la forme de ce dernier. Ainsi, les petites heures commencent chacune par un hymne propre et conservé chaque jour de l'année. Le texte en est court: cinq strophes pour Prime, trois seulement pour toutes les autres heures. Quant aux grandes heures, si Matines place l'hymne presque à l'ouverture de l'office, Laudes et Vêpres le situent après les psaumes en fin d'office. Ces hymnes sont propres à chaque jour et à chaque fête et comportent chacun six à sept strophes ou plus encore.

Il est clair que ces différences de place et de forme indiquent aussi la double fonction qu'ils ont à remplir, tantôt comme un écho après la psalmodie (Laudes, Vêpres, Complies) tantôt comme une invitation pressante à la vigilance dans la prière et l'adoration (Matines et petites heures). Nous allons le voir spécialement dans nos deux poèmes.

                        Sacris Solemniis

 

 

Chantées dans le recueillement de la nuit, les Matines donnent le ton et l'élan solennel. Elles sont "la partie dramatique"[17] de tout l'office. En effet la pensée maîtresse de la fête, joyeusement annoncée par l'invitatoire et exprimée dans le chant de l'hymne, est ensuite longuement développée dans l'alternance des psaumes et des leçons. Aussi, avant d'étudier l'hymne, est-il indispensable de considérer l'invitatoire.

 

Celui-ci est comme "un cri d'avertissement"[18] annonçant brièvement le mystère du jour. Il exprime, ici, dans un contraste saisissant, le mystère du Christ maître du monde, se donnant à nous comme nourriture. "Christum Regem adoremus dominantem gentibus, qui se manducantibus dat spiritus pinguedinem" - "Adorons le Christ, dominateur des nations, qui donne à ceux qui le mangent, la vie de l'esprit en abondance". Ainsi donc, introduction solennelle, l'invitatoire résume et annonce le mystère du Corps et du Sang du Christ livrés pour le rachat du monde au temps de sa passion et offerts chaque jour pour la sanctification des hommes dans le sacrement de l'autel. L'hymne, les psaumes et les leçons traduisent et reprennent en écho la jubilation émerveillée qui entoure ce don divin si admirable. "Quid hoc sacramento mirabilius ?"[19].

 

Les pièces de l'office du "Corpus Christi" célèbrent l'Eucharistie chacune dans une harmonie propre. Ici, le point central de l'hymne est le récit historique de la dernière Cène. La première strophe est une invitation joyeuse à chanter. La deuxième célèbre la dernière pâque juive du Christ et des apôtres (str. 2), suivie de l'institution de l'Eucharistie (str. 3 et 4); la mission des prêtres (str. 5), le pain des Anges (str. 6) et la Trinité (str. 7). Mais il faut noter comment la tonalité générale du poème est un appel à la dévotion. Fait plus remarquable encore, l'adoration et l'exultation du psaume invitatorial (Ps. XCIV) se prolongent comme naturellement dans l'hymne, tant par l'ampleur du rythme - sept quatrains dont les vers sont de douze syllabes - et la majesté de la mélodie, que par la reprise des termes-clefs et leurs développement[20].

 

Placé à l'ouverture de l'office, l'hymne de Matines est donc bien destiné à introduire au cœur de la fête, dans une invitation pressante à la prière et à la louange adoratrice.

 

 

                        Verbum Supernum

 

 

L'office des Laudes, lui, se déroule dans une toute autre nuance. Ecoutons Dom Parsch[21]:

"Il fait encore nuit ... mais à l'est le jour commence poindre ... la nature commence à s'éveiller ... C'est à cette heure-là que le Sauveur a brisé les liens de la mort ... Une triple résurrection, le réveil de la nature, la résurrection du Christ, la résurrection spirituelle de l'homme, forme le fond du tableau devant lequel nous récitons Laudes".

 

Les Laudes sont, en effet, expressément une heure de louange, d'hommage de la Création à la seconde personne de la Trinité saluée dans sa Résurrection - "o Oriens" -. Le jour, qui chasse les ténèbres, rappelle la victoire de la Vie sur la mort.

 

 

Dans l'office du "Corpus Christi", après le chant de la psalmodie tout empreinte de ce caractère laudatif, l'hymne célèbre, lui aussi, la personne du Verbe incarné, non plus avec la pensée de la Résurrection mais dans la lumière du don Eucharistique. Le Verbe dans la Trinité (str. 1), s'incarnant pour la rédemption du monde (str. 2), laisse aux disciples l'Eucharistie (str. 3). Sa vie entière est un don total (str. 4). Les strophes 5 et 6 sont une prière adorante à l'Hostie et à la Trinité. Le mouvement parti de la Trinité y remonte dans un chant de louange et d'adoration. Le Verbe, don de Dieu aux hommes, devient, par l'Eucharistie, don des hommes à Dieu.

 

                   CHAPITRE II - LITURGIE ET EXPRESSION

 

"L'effort chrétien consiste à établir l'unité entre l'enseignement théologique - qui convient aux doctes - et l'éducation de la multitude. La grandeur de l'entreprise réside dans le fait de ne pas séparer les deux exigences, ce qui est impliqué par l'esprit même des Béatitudes. Où trouver le moyen d'atteindre ce but ?

 

D'une part dans la simplification du langage, d'autre part dans le recours au symbolisme poétique qui peut corriger l'abstraction des dogmes par une imagerie vigoureuse."

 

Alain Michel, op.cit., p. 52.

 

 

 

Ces trois points, que nous soulignons, seront les fils conducteurs de notre étude du langage poétique de saint Thomas. Le fidèle, qui écoute le poème sacré ou contemple les sculptures des chapiteaux, accueille en lui la beauté et la vérité. Comment le Docteur en théologie a-t-il uni la poésie du chant et la force de l'enseignement ?

 

                        Simplicité et science

 

 

"De même qu'il est plus beau d'illuminer que de briller seulement, de même il est plus beau de transmettre aux autres le fruit de sa contemplation que de s'en tenir à la seule contemplation."

 

II a II ae, q.188, art. 6

 

 

L'hymne revêt un caractère didactique universel. Il s'adresse avec la même aisance au plus humble des fidèles comme au plus docte théologien. Le premier y trouve la totalité de la doctrine et une source inépuisable de méditations. Ainsi "Sacris Solemniis" insiste sur l'historique de la dernière Cène (str. 2, 3, 4). "Verbum Supernum" renvoie aux grands Mystères de la Trinité, de l'Incarnation et de la Rédemption. (str. 1, 2, 6). Le second peut,sur une seule strophe, construire tout un sermon. Ainsi, le cinquième quatrain de "Sacris Solemniis" concentre tout l'enseignement de l'Eglise sur le sacerdoce, son caractère, son rôle et renvoie aux études consacrées à ce sujet (par exemple, cf. "Contra Gentiles", Liv. IV, chap. 74 à 77 ou "Scriptum Super Sententiis). Ou encore, le quatrième quatrain de "Verbum Supernum" permet de développer les "qualités" essentielles de la vie du Christ et la source de grâce qu'elle continue d'être pour nous.

 

Il faut donc que l'hymne soit en même temps savant et simple. Alain Michel souligne, dans son étude de l'hymnique chrétienne, ce caractère particulier où la pensée purifiée se trouve comme cristallisée, "où la difficulté savante des poèmes se résout, sans perdre son contenu, en une simplicité accessible à tous". Ceci se manifeste à la fois dans le contenu et dans la forme.

 

Quelques exemples rapides ont illustré le premier point. Voyons comment, par la prosodie et la composition, le second répond, lui aussi, à cette double exigence.

 

 

                        Prosodie

 

Si l'on veut scander nos hymnes il est clair que les quantités classiques ne sont pas respectées. Depuis plusieurs siècles déjà, on ne mesure plus, on nombre les syllabes. L'enchaînement musical des rimes, la souplesse du rythme sont préférées à l'agencement des brèves et des longues.

 

Chaque strophe de l'hymne de Matines présente le même schéma de pieds:

            6 + 6 )

            6 + 6 ) équivalant au vers asclépiade 6 + 6 )

            8 équivalant au vers glyconique,

et sept rimes réparties d'une façon assez curieuse:

            lère      strophe:           a b       a b       b b       b

            2e        strophe:           c b       c b       d b       d

            3e        strophe:           e a        e a        d a       d

            4e        strophe:           d e       d e       f e        .1

            5e        strophe:           e g       e g       a g       a

            6e        strophe:           d e       d e       a e        a

            7e        strophe:           h d       h d       h d       h

 

Ainsi les quatre premiers demi-vers offrent des rimes croisées et la rime du septième répond à celle du cinquième. Trois vers sur quatre se terminent régulièrement sur la même rime (lettres 2.4.6).

 

Ne peut-on appliquer à ce poème les remarques de Rémy de Gourmont au sujet de l'hymne "Sanctorum meritis", dont les éléments offrent l'aspect d'un alexandrin? "L'asclépiade imposait, depuis Horace, ses douze et presque immuables syllabes. Que la numérotation remplace pour l'oreille le mètre sans valeur et que, par conséquent, la possibilité disparaisse de substituer au premier spondée un dactyle, que la rime surgisse et, car son ancienne contexture lui impose la césure médiale, le vers français classique est complet. De plus, le vers glyconique, qui clôt la strophe, signifie avec non moins de véracité, l'octosyllabique français" [22].

 

A Laudes, le poème se compose de sept quatrains de vers octosyllabiques à rimes croisées, (la quatrième strophe offre la même rime à chaque vers). Cette forme de vers, universellement répandue dans les langues romanes, s'inspire de saint Ambroise. Lui-même avait emprunté, à la versification classique, un vers populaire à partir d'Hadrien: le dimètre iambique catalectique. Mais ici encore, les quantités ne sont plus recherchées: l'harmonie des rimes et des sonorités internes - les allitérations[23] - la fluidité du rythme - dans les inversions, le choix et la position des termes accentués -, accompagnent la prière poétique et permettent l'épanouissement du chant sacré.

 

Il faut garder à l'esprit que les poèmes liturgiques se chantent. Le XIIIe siècle puisait au trésor grégorien des siècles précédents. Comme un orfèvre saint Thomas a fondu et ciselé ses poèmes sur des harmonies déjà existantes et, s'il ne s'est pas plié à des règles métriques anciennes qui ne pouvaient plus être entendues, il a recherché l'unité parfaite du texte et de la musique sacrée ordonnés à la gloire divine. Il a choisi l'envol ample et majestueux de la mélodie dans la jubilation naissante des Matines; et pour l'heure des Laudes, la méditation musicale, plus humble et plus attentive, du Mystère du Verbe incarné. Alliance souveraine de la poésie et de la musique; alliance voulue et recherchée "de formes d'art à la fois très libres et très pures, si simples que nous ne nous apercevons plus qu'elles sont savantes..." [24].

                        Composition de "Sacris Solemniis"

 

 

L'hymne de Matines est comme l'écho du psaume invitatorial dans sa liesse et son insistante invitation à la louange divine. Mais il contient aussi son propre écho: en effet, la joie liturgique (str. 1) nous unit à la joie céleste (str. 7),et aux souhaits des premiers vers répondent les vœux de la doxologie. En outre, la chronologie souligne le déploiement du chant: partant de l'évocation d'un fait passé, le poème célèbre le sacrement qui est présence et gage d'éternité dans un mouvement qui est tout à la fois d'ouverture et de concentration.

 

Certains termes annoncent le développement des strophes suivantes: ainsi, strophe 1, "vetera" et "nova" préparent l'esprit au plein accomplissement de l'Ancienne Alliance et de ses clauses (str. 2) et à l'avènement de la Nouvelle Alliance (str. 3). Dans cette -strophe (v. 11) le mot "totum", deux fois répété, entraîne les précisions de la quatrième strophe: "corporis ferculum" (v. 13) et "sanguines poculum" (v. 14). "Totum", "tout entier", le corps et le sang livrés, comme l'exprime le verbe "trado" (v. 15). Ce verbe - plus expressif que "do" - annonce la Passion volontaire, i. e., le sacrifice dont l'institution nécessite des prêtres ordonnés pour le sacrement (str. 5). La louange et l'adoration du sacrement eucharistique (str. 6) ouvrent sur l'éternité de la vie divine (str. 7)[25].

 

 

Ainsi l'enchaînement des strophes entre elles souligne l'ascension du texte qui se déploie et s'enroule comme les volutes de l'encens autour de l'ostensoir. Les généralités se précisent et se fixent sur le cœur de la fête: l'hostie. Le souvenir appelle la prophétie: le temps sert de support à l'aspiration humaine à la Vie hors du temps.

 

 

                        Composition de "Verbum Supernum"

 

 

L'hymne de Laudes, centré sur le Verbe, offre aussi un mouvement tout à fait remarquable. La chronologie, ici encore, a toute son importance. Nous partons du présent d'éternité (str. 1) pour rappeler le passé historique (str. 2, 3, 4) et son prolongement actuel (str. 5), avant de retourner au présent d'éternité (str. 6). C'est toute l'économie du salut qui est exprimée ici, en un mouvement que souligne déjà le prologue des Sentences et que reprendra la Somme Théologique: "un mouvement qui part de Dieu pour retourner à Dieu" [26].

 

En effet, les êtres sortis de Dieu, conservés en Dieu, retournent à Dieu. "Le rythme de ce retour eût répondu symétriquement au rythme de la création s'il n'y avait eu l'usage désordonné de la liberté. Désormais la cadence est rompue, par la rébellion de certains anges, par la désobéissance du premier couple humain. La symphonie resterait inachevée si Dieu ne venait remettre en mouvement vers Lui l'univers spirituel. La réparation de l'ordre s'opère en faveur des hommes, par le sacrifice du Christ, fils de Dieu et fils de l'homme. La Rédemption commencée dès ici-bas par la grâce et par les Sacrements se terminera dans l'au-delà par la gloire. Alors la créature humaine retournera à Dieu, son origine. L'histoire du monde se résume ainsi en un mouvement qui va de Dieu à l'homme et de l'homme à Dieu par l'intermédiaire de l'Homme-Dieu".

 

 

Tel est le plan de l'hymne:

 

            lère str.            Le Père, le Fils à la droite du Père      (Ia pars)

                        L'Incarnation ("exiens").

 

            2e str.  La mort du Christ pour la rédemption            (IIIa pars)

                        de l'homme

                        précédée ...

 

            3e str.  du don de l'Eucharistie à l'humanité.  (IIIa pars)

 

            4e str.  La vie du Verbe est don par excellence

                        dans le passé, présentement et pour    (ibidem)

                        l'éternité.

 

            5e et 6e str.      Prière d'adoration à l'Hostie.

                        L'homme nourri et fortifié par l'Eucharistie

                        dans le combat terrestre          (IIa pars)

                        sauvé par le Sacrifice (Salutaris Hostia)          (IIIa pars)

                        retourne vers la Trinité sainte dans la vie

                        sans fin de la patrie.    (Suppl.)

 

Tel est le parallèle qu'un lecteur attentif peut discerner entre ce texte et la "Somme Théologique" [27].

 

Tout à l'honneur et à la louange du Saint Sacrement, nos deux poèmes, gardant la tonalité qui leur est propre, sont des chefs-d'œuvre de composition. "Ici, comme dans les psaumes, la plus grande science tend par le choix des moyens et par l'intensité de la pensée au plus grand dépouillement" [28].

 

                        Simplification du langage

 

En réalité,la poésie elle-même est dépouillement. Elle est une sélection de la parole pour une expression exacte de la louange. Elle est une recherche du divin là où il faut le plus abandonner l'humain. Elle doit être transparence, c'est-à-dire compréhension aisée, immédiate de l'idée. C'est pourquoi chaque poème est une "mélodie" dont chaque terme mériterait un commentaire. Aucun mot n'est superflu et, s'il n'y a pas un mot de trop, on peut remarquer des mots "en moins", des raccourcis d'expression, des verbes sous-entendus, non repris parce que très clairs. Ainsi le sujet de l'hymne de Laudes, "Verbum", porte sur quatre strophes sans être jamais rappelé, mais sa position initiale éclaire tout le poème; car si le choix des termes est capital, leur place est aussi importante. De même, le verbe donner (str. 4) dont on note une seule reprise pour la chronologie soulignant l'idée théologique: "dedit", "dat".

 

Aux Matines, l'hymne présente de nombreux verbes: presque un verbe à chaque vers, parfois deux (v. 3; v. 15; v. 20, etc.) alors que l'hymne des Laudes offre un verbe pour deux vers ou donne des formes plus brèves quand elles ne sont pas sous-entendues. (str. 1; str. 2; str. 4, etc.). Nous ne pouvons tout relever mais il faut noter encore l'utilisation de termes très courts, de "petits mots" tels "prius", "quibus", "se" (Verbum Supernum str. 2, 3, 4), "ejus", "solis" (Sacris Solemniis str. 2, 5), tous à l'initiale des vers pour renforcer l'idée exprimée.

 

 

Verbum Supernum - str. 2: Le Christ a été livré, mais le premier, "prius", il s'est livré à ses disciples, "quibus", auxquels il a donné ...

 

str. 4: "Se dedit": il s'est donné, il se donne.

 

Sacris Solemniis - str. 2: "ejus manibus": de ses mains ...

Tous sont l'écho de la même idée: le sacrifice volontaire du Christ.

Enfin, aux Matines, str. 5; "solis presbyteris" à ses seuls pretres, il donne le dépôt eucharistique.

 

Ainsi le chant est construit pour faire apparaître l'idée, et inversement, l'idée crée le chant, ses échos et ses accents dans la transparence et la simplicité.

 

                        Le symbolisme du langage

 

Cette simplicité - qui est peut-être plus exactement un refus de l'ornementation telle que l'entendaient les Anciens (plus sensibles aux syllabes nombreuses) - n'est pas le rejet d'un certain symbolisme poétique. Le théologien et le liturgiste ne font qu'un dans le souci d'un langage parfaitement adapté au chant du Sacrement. C'est pourquoi saint Thomas emploie fréquemment les termes du vocabulaire liturgique qui est en réalité le vocabulaire patristique (le second étant la source du premier)[29].

 

Par exemple (dans Sacris Solemniis, au v. 2) PRAECONIUM, signifiant proclamation solennelle", ici "louange, chant solennel à Dieu", est inexistant dans la Bible où l'on rencontre "praeco", "le hérault", six fois dans l'Ancien Testament et une fois dans le Nouveau Testament. Employé sept fois dans toute l'œuvre de saint Thomas, "praeconium" est très fréquent dans la liturgie - le chant de "l'Exultet" pascal fut longtemps nommé "Praeconium Pascale"- . L'on peut donc noter la force de ce mot dans la volonté d'une expression plus noble, déjà annoncé par la locution initiale "sacris solemniis!'et faisant écho au terme poétique classique, lui aussi fréquent chez les Pères, de "praecordia". La louange doit venir du fond même de notre être, touchant notre affection (corda), notre intelligence (voces) et notre volonté (opera) (v. 4).

 

Au v. 13 de Sacris Solemniis et au v.7 de Verbum Supernum, on note la reprise de FERCULUM: à l'origine "le plateau du service de table", puis "les mets qui sont sur le plateau", il signifie ici "la nourriture". Rarissime dans la Bible (un emploi dans l'Ancien testament) et peu fréquent chez saint Thomas (sept emplois), ce terme, chez les Pères, a le sens de "nourriture de la Parole et des commandements divins". Désignant l'Eucharistie, on ne le rencontre pas dans les oraisons ni dans les sacramentaires. Il faut attendre l'Office du Corpus Christi.

 

"Dedit fragilibus corporis ferculum" (v. 13 de Sacris Solemniis):

"Il a donné aux faibles l'aliment de son corps."

 

"Prius in vitae ferculo

se tradidit discipulis" v. 7 (Verbum Supernum)

 

"Le premier il se livra lui-même à ses disciples en aliment de vie"

 

"Ferculum", l'aliment de vie donné par le Verbe - qui est don de Vie -répare notre fragilité. Il nous soutient, nous restaure et nous fortifie, annonçant le v. 20, str. 5 (Verbum Supernum)

 

"da robur, fer auxilium"

 

"donne nous la force, porte nous secours".

 

Dans la deuxième strophe de Verbum Supernum, AEMULIS, "rival, adversaire": utilisé trois fois au "1er Livre des Rois" et six fois par saint Thomas, renvoie ici aux Princes des prêtres et aux pharisiens jaloux du Christ en qui ils voyaient un rival ...

 

"Près de mourir, allant être livré A ses ennemis par un disciple..."

(traduction Spitzmuller)

 

Le texte latin est plus frappant encore, qui encadre "tradendus" par "suis ... aemulis". Le Christ trahi et livré est totalement aux pouvoirs de ses ennemis, eux-mêmes sous l'emprise de Satan. En effet, dans la langue patristique, "aemulus" désigne souvent notre ennemi, Satan, i.e., l'adversaire.

 

Il faudrait aussi noter l'emploi unique chez saint Thomas d'un terme liturgique LEGITIMA (Sacris Solemniis, v. 7) que l'on rencontre trois fois dans la Bible avec la même signification: "legitima", orum: ce sont les "préceptes, les commandements", tout ce qui est conforme à la loi divine.

 

"t ... juxta legitima ... selon les préceptes Priscis indulta patribus" donnés aux anciens Pères."

 

Le Christ ne brise pas la Loi. Il l'accomplit entièrement, l'achève pour la dépasser.

 

Dans Verbum Supernum au v. 14, EDULIUiM (lui aussi courant chez les Pères) mériterait un développement. Autre manière d'exprimer que le Christ s'est fait notre nourriture, notre "aliment". Ces quelques exemples révèlent chez l'auteur une grande connaissance de la Tradition patristique et de la Liturgie.

 

 

                        Images

 

 

L'étude du langage poétique, dans sa sobriété et son symbolisme, nous conduit à celle des images. Celles-ci sont peu nombreuses:

Sacris Solemniis exalte le "Pain des Anges" v. 21

et le "Pain du Ciel" v. 22.

 

Verbum Supernum présente "la droite du Père" v. 2 "le soir de la vie" du Christ v. 4 "la porte du Ciel v. 19. 19

et "les guerres hostiles" de la vie v. 20.

 

Là encore, nous ne pouvons faire le commentaire de chacune. C'est pourquoi nous les donnons ci-après en un tableau, avec les références aux œuvres de saint Thomas permettant un commentaire approfondi.

 

 

A)        LE PAIN DES ANGES - PANIS ANGELORUM - PANIS ANGELICUS

------------------------------

Références bibliques: Psaume LXXVII, v. 25.

Sagesse XVI, v. 20.

Saint Thomas: 1. Scriptum Super Sententiis, Livre IV, Dist. XI. 7, Pierre Lombard citant saint Ambroise (de Consec., d. 2, cap.: "omnia"; L 187, 1771).

2.         Scriptum Super Sententiis, Livre IV, Dist. IX, art. 2, n° 45, rep. 72 à 74.

 

3.         Super Evangelium S. Joannis Lectura n° 904.

 

4.         IIIa pars, q. 80, art. 2, sol. 1.

 

5.         "Piae Preces" in Opuscula Theologica II, p. 287.

 

6.         "Lauda Sion"v. 20.

 

B) LE PAIN DU CIEL PANIS CAELICUS

--------------

 

Références bibliques: Psaume LXXVII, v. el_4.

Exode XVI, v. 4.

Sagesse XVI, v. 20.

Saint Thomas: 1. Scriptum Super Sententiis, Livre IV, Dist. VIII,

1, a. Pierre Lombard citant saint Ambroise (de Myster., C. 8, n. 47, 48. L.16, 404).

2.         Super Ev. S. Joan. Lectura (Jn. VI. 31 à 50) n°s 905, 906 - 909, 910.

n° 953 et 955.

 

 

C)        LA DROITE DU PERE - "Nec PATRIS linquens DEXTERAM"

--------------

Références bibliques: Psaume CIX, v. 1, cit. dans Heb I, 13.

Credo

Saint Paul (cf infra)

Saint Pierre III, 22      etc ...

 

Saint Thomas: 1. Super Symbolum Apostolorum: n° 98 (p. 135)

2.         Super S. Pauli Apostoli Epistolas:

-           ad Galatas: n° 202, p. 611.

-           ad Ephesios: n° 60, p. 16.

-           ad Philippenses: n°54 sq, p. 100.

-           ad Colossenses: n' 138, p. 151.

3.         Compendium Theologiae ad fr. Reginaldum in "Opuscula Theologica I", caput 240, n° 519, p. 120.

 

D)        LE SOIR DE LA VIE - "Venit ad VITAE VESPERAM"

-------------

Saint Thomas: 1. Scriptum Super Sententiis, Livre IV, dist. VIII,

q. I, art. 3, n° 98

2.         Super S. Pauli Apostoli Epistolas:

·           I ad Corinthîos (XI, v. 23) n° 648

 

3.         Super Ev. S. Matthaei Lectura, (XXVI v. 20) no-11357 et 2158

 

4.         IIIa, q.73, art. 5, ad 3m.

 

 

E)        LA PORTE DU CIEL - CAELI ... OSTIUM

----------------

 

Dans la Bible l'idée de la porte du Ciel, de la maison du Seigneur etc ... est fréquente. Mais le terme "janua" est préféré à celui de "ostium".

Par exemple: Psaume L"IXVII, v. 23.

Saint Thomas: 1. Scriptum Super Sententiis, Livre IV, dist. VIII, q. 1, art. 1, n° 35

2.         ibidem, Livre IV, dist. VIII, q. 1, art. 3, n° 69 et 88.

3.         Super Ev. S. Joan. Lectura (Jn X, 7 et 9), n° 1382. Cf aussi no3l366 et 1371.

 

 

F)         LES GUERRES HOSTILES - "BELLA premunt HOSTILIA"

-------------

 

L'expression elle-même n'est pas très courante mais l'idée qu'elle exprime est très fréquente. La vie est un combat pour lequel le chrétien doit s'armer et s'exercer. L'Eglise est un camp. Le fidèle un soldat qui combat pour la patrie . le ciel. Etc ...

Références bibliques: nous en retenons quelques unes: - Psaume XXII, v. 6 (repris dans la 2e antienne du IId Nocturne de-l'Office).

- Job VII, 1

- Saint Paul: Romains XIII, 12

 

II Corinthiens VI, 7

 

Ephésiens VI, 11 - 17

 

I Thessaloniciens V, 8

 

- Dans la liturgie: véritable refrain. cf. les oraisons du Missel; ex: Post Communion Vendredi ap. Pentecôte; collecte, ler dimanche ap. Pentecôte, etc ...

Saint Thomas: 1. Contra Gentiles L. IV, ch LX. De la confirmation.

2.         Super S. Pauli Epistolas Lectura:

-           ad Romanos: n° 1071 et 1072.

 

-           ad Ephesios: n"353 à 367.

-           ad Colossenses: Prologue et n° 161.

 

-           I ad Thessalonicenses: n° 120.

 

Les exemples de ce tableau soulignent combien les textes bibliques et liturgiques sont familiers à l'auteur de ces poèmes.

L'on peut rapprocher les deux premiers vers de Verbum Supernum avec ceux de l'hymne des matines de l'Avent[30]

Verbum supernum prodiens Le Verbe d'en Haut sortant

E Patris aeternis sinu du sein du Père

 

Saint Thomas empruntant le début de l'hymne l'abandonne au deuxième vers, répondant par "Nec Patris linquens dexteram".

L'intention est évidente; il veut insister, sur la permanence de la divinité du Verbe en Jésus mais ce qui nous intéresse ici, c'est l'image. Il est clair que des expressions telles que "la droite" ou "le sein du Père" sont des métaphores. Saint Thomas le rappelle dans le commentaire du Credo:

" Quand nous parlons de la droite de Dieu, cette expression ne doit pas s'entendre de manière corporelle mais dans un sens métaphorique".

En effet "il est assis à la droite du Père" en tant que Dieu, i.e., égal en tout à son Père, et en tant qu'homme, i.e., jouissant des dons les plus excellents[31].

La même remarque est faite par saint Thomas dans le commentaire de la première Epître aux Ephésiens, v. 20: "Le Christ est établi à la droite du Père, ce qui ne doit pas être compris corporellement, selon ce que dit saint Jean (IV, 24): "Dieu est pur espritlt, mais métaphoriquement. Car par la droite, on entend la partie la plus noble et plus ??agile" (adroite) de l'homme ..." [32].

 

Si, de nos jours, le fidèle, ignorant l'hymne de l'Avent, ne peut en reconnaître ici le rappel, la-familiarité de l'image de "la droite du Père" résonnera en lui comme l'écho de son Credo [33].

 

Dans la même strophe, au v. 4, nous chantons le "soir de la vie" du Verbe incarné. Cette image est belle et riche de correspondances et de contrastes variés. Qu'est-ce que le soir? C'est la fin du jour répond saint Thomas, commentant le chapitre XXV de l'Evangile de saint Matthieu. Mais, chez les juifs, c'est le début du jour suivant.

 

C'est, avec la chute de la lumière - "vespere sol occidit", (Super S. Matthaei n° 1357) - l'emprise des ténèbres, l'heure de Judas; mais c'est déjà l'heure où le Christ est glorifié (Jn-XII, 30-31).

 

C'est, avec la dernière Pâque juive du Christ -et de Apôtresl'accomplissement des figures de l'Ancien Testament et la réalisation de la Nouvelle Alliance -cf les paroles de la Consécration: (Calix) Novi et Aeterni Testamenti-.

 

C'est encore l'heure solennelle où les gestes et les dernières paroles de l'ami qui s'en va prennent valeur de testament et s'imposent davantage au cœur de ceux qui restent - IIIA, q. 73, art. 5, ad 3m [34].

 

Enfin, "secundum mysterium", selon ce qui touche le mystère - Super S. Matthaei n° 1357 - c'est la Passion: le couronnement de la vie du Christ. Par sa mort, les âmes vont renaître à la vie et à la lumière de la grâce.

 

Telle est la richesse et la complexité d'une image apparemment si simple où s'opposent et s'unissent la mort et la vie, la nuit et la lumière. Paradoxe que saint Thomas lui-même souligne et résume en citant Zacharie XIV, 7: "et in tempore vesperi erit lux "Ce sera un jour unique, et il n'y aura ni jour ni nuit; le soir il fera clair" - Super S. Matthaei (XXVI, 20), n° 2158.

 

                   Conclusion

 

Ces divers exemples évoquent ce que saint Thomas disait de la Sainte Ecriture: "L'Ecriture Sainte a ceci de propre, que les réalités signifiées par les mots signifient elles-mêmes quelque chose"[35].

 

 

Chantant les mystères du Christ dans les termes même de la tradition liturgique, l'auteur unit la légèreté de la poésie à la richesse de la doctrine, la fragilité du cristal et la force du diamant. Harmon-Le et lumière, science et transparence se fondent dans un langage qui semble mériter les remarques du Père Garrigou-Lagrange sur la "Somme Théologique" dont "les articles (pour nous, ici, les mots) sont comme les grands sommets d'une chaîne de montagnes qui éclairent par leurs reflets toute la chaîne. Cette simplicité supérieure est l'antipode de la simplicité superficielle du vulgarisateur, c'est celle de la contemplation. Tandis que la vulgarisation reste inférieure aux recherches techniques, la contemplation d'un saint Thomas est supérieure à ces recherches. (... ) Son langage s'élève, se libère de la technicité; comme les grands classiques, il évite les néologismes et les archaïsmes parce qu'il retrouve le sens plus profond des termes reçus, qui perdent leur banalité et prennent une actualité supérieure à celle du temps [36]."

 

 

               SECONDE PARTIE

 

 

 

LE CHANT SACRE DES MYSTERES DIVINS

 

 

 

L'écriture de l'office du "Corpus Christi" - à travers les deux hymnes de Matines et de Laudes - s'inscrit dans la tradition liturgique. Se référant continuellement à la Bible, aux écrits des Pères de l'Eglise et aux textes liturgiques, l'auteur fait œuvre tout à la fois ecclésiale et personnelle, doxologique et théologique. Non seulement saint Thomas chante le mystère mais il en souligne les multiples aspects tout en les concentrant dans un langage qui ne permet aucun écart, aucune divagation ou dévaluation. La sobriété et la rigueur des termes permettent ainsi d'exprimer, à la mesure humaine, la réalité indicible des mystères divins. Mais comment se résument, par le chant poétique, les connaissances du théologien? A les bien considérer, nos hymnes offrent une doctrine très vaste sur les trois mystères fondamentaux de la religion chrétienne: la Trinité, l'Incarnation et la Rédemption présentés spécialement dans la "lumière" du mystère de l'Eucharistie, sacrifice sacramentel.

 

 

O   O   O

 

 

                   CHAPITRE I - LE MYSTERE DE LA TRINITE

 

 

Le Christ est au cœur de la liturgie, et les offices célébrés au long de l'année ont été instaurés "par des hommes qui ont compris toute la sublimité des mystères de son Incarnation, de sa Nativité, de sa Passion, de sa Résurrection et de son Ascension, et qui ont su la proclamer par la parole, les lettres et les rites..."[37].

 

La première strophe de l'hymne des Laudes est, à cet égard, d'une richesse tout à fait remarquable. En quatre vers sont exprimés les trois mystères.

 

 

Verbum supernum prodiens                               Le Verbe venant d'En-Haut

Nec Patris linquens dexteram                             Sans quitter la droite du Père

Ad opus suum exiens                                         Sortant pour accomplir son œuvre

Venit ad vitae vesperam                                     Est venu au soir de sa vie.

 

 

Les deux premiers vers évoquent le mystère de la Trinité, par deux des personnes divines - "Verbum" et "Patris". Le troisième vers chante le mystère de l'Incarnation - "exiens" - et sa finalité -"ad opus suum" le mystère de la Rédemption, accompli par la Passion et la mort du Christ - "vitae vespera"- (v. 4).

 

 

                        Les doxologies

 

 

 

Avant d'étudier l'enseignement de cette strophe, les échos ou les développements qu'elle entraîne dans l'ensemble même des deux hymnes, nous voudrions brièvement comparer les formules trinitaires des doxologies (strophes 6 et 7). C'est en effet le Verbe - sujet unique de Verbum Supernum - qui révèle la Trinité divine mais c'est à la gloire de la Trinité que s'adresse toute louange, que s'achèvent psaumes et hymnes.

 

 

Le mystère de la Trinité, c'est-à-dire d'un seul Dieu en trois personnes distinctes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, est rappelé dans chaque doxologie. Ce terme signifie "prière de louange" et vient du grec ecclésiastique " ***** " littéralement "parole de gloire". La doxologie en tant que formule de bénédiction était chez les les juifs déjà, une des formes consacrées du culte. Elle exprimait en formules variées la gloire - "**** " - l'honneur et les attributs propres à Dieu. Cette coutume juive fut adoptée très vite par les Chrétiens. L'on relève ainsi dans le Nouveau Testament - IIe Cor. XIII, 13 - l'une des plus anciennes doxologies trinitaires: "Que la grâce du Seigneur Jésus-Christ, et l'amour de Dieu, et la communication de l'Esprit-Saint soient avec vous tous". Dans la liturgie chrétienne, la formule de bénédiction peut varier, mais elle exprime toujours la gloire du mère par le Fils dans l'Esprit, ou encore la gloire du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Cette dernière expression "rappelant la formule baptismale (fut) adoptée au milieu du IVe siècle en réaction contre l'arianisme; elle évinça toutes les autres parce qu'elle exprimait clairement l'égalité parfaite des trois personnes divines"[38].

 

 

Dans l'office du "Corpus Christi", la doxologie de l'hymne des Vêpres distingue les trois personnes dans leur procession. Nous relevons cet exemple, car saint Thomas s’est visiblement inspiré d'un texte d'Adam de Saint-Victor:

 

            "Qui procedit ab utroque

            Genitori Genitoque

            Pariter Paracliti "[39]

 

face à:

 

"Genitori Genitoque                                  "Au Père comme au Fils

Laus et jubilatio                                         Gloire et jubilation

Salus, Honor, Virtus quoque                     Salut, honneur, puissance

Sit et Benedictio                                       et bénédiction.

Procedenti ab utroque                               Louange égale à l'Esprit,

Compar sit laudatio.[40]                               qui de tous les deux procède."

 

 

Les doxologies de Matines et de Laudes offrent une expression plus concise:

 

            "Te trina Deitas unaque poscimus " (Sacris Solemniis)

            "Unitrinoque Domino " (Verbum Supernum)

 

"Déité trine et une..."                                 "Au Seigneur un et trine..."

 

Qu'il s'agisse d'une prière à l'ouverture de l'heure des Matines ou d'une louange accompagnée d'une profession de foi à la fin des Laudes, ces deux formules, liturgiquement très classiques, sont des actes d'adoration à la Trinité "dans la distinction des personnes, l'unité de l'essence et l'égalité de leur majesté" (Préface de la Trinité). Car là où est le Verbe est aussi le Père et le Saint-Esprit et réciproquement. "L'excellence étant commune aux trois personnes, un même honneur et une unique révérence leurs sont dus et par suite une seule adoration"[41].

 

 

                        Le Verbe Divin

 

 

 

L'office étant eucharistique, c'est à la lumière de l'Eucharistie que seront affirmées les vérités de la foi. Ainsi le mystère de la Trinité est-il célébré à travers la seconde personne, le Verbe. C'est le Verbe qui conduit au Père et envoie l'Esprit. C'est dans le Verbe que l'on connaît la Trinité. C'est par la contemplation du Verbe que l'on peut aller à Dieu[42].

 

"Au commencement était le Verbe". Tels sont les premiers mots de l'Evangile de saint Jean; c’est aussi le premier mot de l'hymne de Laudes. Pour une étude approfondie de ce mystère, nous renvoyons aux développements philosophiques et théologiques de saint Thomas[43]. Nous n’en donnerons ici qu'un résumé succinct emprunté au "Commentaire sur l'Evangile de Saint Jean"[44].

 

 

Dans un esprit créé, le verbe mental, la parole intérieure est le fruit de l'acte intellectuel qui, nous dit saint Thomas, est porté çà et là par la recherche, le raisonnement, le "discursus inquisitionis", jusqu'à ce qu'enfin, après bien des détours, l'intelligence arrive à la connaissance de la vérité et l'exprime dans un terme, une parole (le verbe, c’est ce que l'on profère - "prodiens" ce que l'on exprime "exiens").

 

Nos connaissances étant très imparfaites et incomplètes, nous ne pouvons les exprimer par un mot unique; "aussi nous faut-il former de nombreux "verbes" imparfaits pour exprimer séparément tout ce qui se trouve dans notre connaissance" (27).

 

En Dieu, rien de semblable. Dieu est Acte pur, Intelligence pure, et, en un seul Acte, il se connaît lui-même et toutes choses en lui-même, en une seule parole, en un unique Verbe divin. Un seul Verbe et qui ne peut être, comme en notre intelligence, un accident; car, en Dieu, l'être et l'intelligence sont une seule et même chose. Son Verbe est donc un être substantiel, une Personne divine (28).

 

Le Verbe est égal à Dieu, coéternel, coessentiel, consubstantiel à Dieu. Il est Dieu. Le Verbe, qui procède du Père dans la similitude de sa nature, est donc appelé "Fils" et sa production est une génération (29).

 

Pourquoi alors l'appeler "le Verbe" plutôt que "le Fils"? C'est à saint Jean Chrysostome que saint Thomas emprunte la réponse[45]. Le terme de "fils", qui appelle les termes de "génération" et d’"engendré", risque d'évoquer en notre esprit l'idée de génération matérielle et passible, ce qui serait tout à fait faux: "c'est pourquoi il n'est pas dit "Fils" mais "Verbe" - terme qui est essentiellement lié à un processus intellectuel - pour qu'on ne comprenne pas cette génération comme matérielle et soumise au changement" (31)..

 

Il s'agit donc d'une génération immatérielle d'une "procession intelligible". Le Verbe est la parole de Dieu éternellement engendrée. "Dieu ne dit qu'une Parole et Il la dit éternellement".

 

            In principio erat Verbum

            et Verbum erat apud Deum

            et Deus erat Verbum.

                                                Jn. I, 1

                   CHAPITRE II - LE MYSTERE DE L'INCARNATION

 

 

Le Verbe est-il resté dans le sein du Père ?

 

En saint Jean VIII, 23, Jésus déclare aux Pharisiens: "Vos de deorsum estis, ego de SUPERNIS sum. Vos de hoc mundo estis, EGO NON SUM DE HOC MUNDO", "Vous, vous êtes d'en-bas, moi je suis d'en-haut. Vous, vous êtes de ce monde, moi je ne suis pas de ce monde". Et à la Cène, il redit aux Apôtres (Jn. XVI, 28) "EXIVI A PATRE et VENI in mundum". Ce sont les mots mêmes que reprend saint Thomas dans l'hymne de Laudes:

 

 

            "Verbum SUPERNUM PRODIENS

            Nec Patris linquens dexteram,

            Ad opus suum EXIENS

            VENIT ad vitae vesperam."

 

Ils expriment le mystère de la venue du Verbe en ce monde, mystère chanté par la liturgie de Noël, mystère de l'Incarnation.

 

            "Et Verbum caro factum est" Jn. I, 14.

 

Il existe en effet, une union étroite entre Noël et la Fête-Dieu, entre le mystère de l'Incarnation et celui de l'Eucharistie. Par l'un, Dieu se rend visible, sur la terre, le temps d'une vie humaine; dans l'autre, l'Homme-Dieu reste accessible sous les espèces eucharistiques jusqu'à la fin des temps[46]

 

Ce n'est pas un hasard si la préface choisie pour la Fête-Dieu est celle de Noël[47]. La Messe de minuit chante la génération éternelle du Verbe au sein de la Trinité "in splendoribus sanctorum, dans les splendeurs du Ciel, avant de célébrer sa venue sur la terre. Et nous avons vu plus haut comment la théologie explique le nom du VERBE, parole unique et éternelle du Père. En même temps néanmoins, le Verbe "est sorti pour accomplir son œuvre" et nous devons maintenant dire quelques mots de ce mystère.

 

 

                   Le Verbe Incarné: Vrai Dieu

 

 

 

Devenu homme, le Fils de Dieu n’en garde pas moins sa divinité. C'est ce qu'exprime immédiatement le second vers de notre hymne

 

"Nec Patris linquens dexteram" (v. 2) "Sans quitter la droite du Père". Commentant le "Verbum caro factum est" (Jn. I, 14), saint Thomas énumère toutes les erreurs d'interprétation possibles de ces termes et explique: "Si l'on prend garde aux mots précédents (de l'Evangile): "Verbum erat Deus", puisque Dieu est immuable - comme dit le prophète Malachie, III, 6: "Ego Deus et non mutor"- , d'aucune manière il ne peut changer de nature, il faut donc entendre que le Verbe a pris chair, "assumpsit carnem" , et non qu'il est devenu lui même chair" (166) -[48].

 

"Il a pris une chair et une âme humaine, i.e., une nature humaine complète, mais sans cesser d'être Dieu. Il y a, dans le Christ, une seule Personne et deux natures: "In Christo una et eadem persona est in duabus naturis; quia humana natura in Christo fuit assumpta in unitatem personae" (175). Et l'expression "Verbum caro factum est" met en relief la réalité de son humanité et l'immensité de son amour qui est allé jusqu'à un tel abaissement (169). Le Christ dans cet "anéantissement" (St. Paul aux Philippiens) peut continuer à affirmer: "Le Père et moi sommes UN" (Jn. X, 10, 30) et "avant qu'Abraham fût, JE SUIS" (Jn. VIII, 58). "JE SUIS" c'est le nom propre de JAHVE et, dans l'Evangile de Jean, on voit le Christ le redire à maintes reprises. Les Juifs ne s'y sont pas trompés et c’est pour cette affirmation répétée de sa divinité qu'ils l'accusèrent de blasphème et le condamnèrent à mort.

 

 

                   Le Verbe incarné, vrai homme

 

 

Car le Messie Vrai Homme pouvait mourir, il s'est même incarné pour cela. En continuant la "lectura super Joannem" du verset 14

 

            "et habitavit in nobis",

 

 

on croit lire la strophe 3 de Verbum Supernum:

 

            Se nascens dedit socium,

            Convescens in edulium;

            Se moriens in pretium,

            Se regnans dat in praemium. "

 

            "En naissant il se fait notre compagnon,

            A la Cène notre nourriture,

            En mourant notre rançon,

            Dans son royaume notre récompense.

 

C'est le même ton, rappelant l'intimité de Jésus avec ses disciples, si sensible dans nos deux hymnes. "Il a habité parmi nous", i.e. "inter nos apostolos conversatus est familiariter" (177). Admirable conformité du Verbe aux hommes parmi lesquels il a vécu comme s'il était l'un d'eux! Non seulement il a voulu être assimilé aux hommes dans sa nature, mais il a voulu aussi être avec eux "in convictu et familiari conversations absque peccato", pour attirer ainsi à lui les hommes séduits par la douceur de sa vie ("conversatio") (178). Car c'est parmi eux qu'il a choisi ses disciples et a formé tout particulièrement ceux qu'il appelle ses amis, "ses frères" dit saint Thomas.

 

            Dedisse fratribus juxta legitima

(Sacris Solemniis, v. 7)[49]

 

Et le Verbe, devenu vrai homme, a voulu être soumis à la faim, à la soif, à la fatigue, à la joie, à la tristesse ("Tristis est anima mea usque ad mortem", Marc, XIV, 34), à toutes les faiblesses de la nature humaine excepté le péché[50]. Enfin "le Verbe de Vie que nous avons entendu, que nous avons vu de nos yeux, que nous avons touché de nos mains "comme écrit St. Jean (I Jn I, 1) arrive au soir de sa vie humaine. Ce corps qu'il a pris - "corpus dominicum" (Sacris Solemniis, v. 10), cette chair, ce sang: "carnem et sanguinem" (Verbum Supernum, v. 10) avant de les offrir sur la Croix pour sauver les hommes, il va les donner en nourriture à ses disciples par le mystère de la transsubstantiation eucharistique.

 

            Prius in vitae ferculo

            Se tradidit discipulis

(Verbum Supernum, v. 7 et 8).

Il maintient ainsi sa présence invisible sur la terre[51].

                   CHAPITRE III - LE MYSTERE DE LA REDEMPTION

 

 

 

                   Définition: Red-imere

 

 

 

Le Verbe s'est incarné, en effet, afin de s'offrir en rachat pour l'homme pécheur. C'est ce que l'Eglise appelle le mystère de la REDEMPTION, "RED-IMERE", i.e. R-ACHETER.

 

L'homme, par le péché, s'était soustrait à la grâce et S'était mis sous l'empire du démon. Le Christ-Jésus est venu le libérer de cet esclavage, se faisant, par sa mort, notre rançon, "se(dedit)moriens in pretium" (Verbum Supernum, v. 15). C'est l’œuvre, par excellence, du Messie. Le Messie-Sauveur attendu par les Juifs ("Jésus" signifie en hébreu "Dieu sauve") n'est pas venu seulement pour le peuple élu mais pour sauver le monde entier. Vrai Dieu et vrai homme, le Christ peut seul racheter tout le genre humain, en justice: "L'homme, par le péché était esclave du diable(..). Le Christ a payé la rançon pour nos péchés"[52].

 

Aucune satisfaction n'était suffisante, dit saint Thomas, puisque le genre humain tout entier était "sub peccato". Seul le Christ, homme parfait, sans péché, peut représenter l'humanité devant la justice divine. Etant Dieu, il a pouvoir sur tout le genre humain et sa nature divine donne, à chacun de ses actes, une valeur infinie pour réparer l'offense commise envers la Majesté infinie. Il a pris une nature en laquelle il puisse souffrir et mourir -ce qu'il ne pouvait pas en sa nature divine- et il meurt dans sa chair qui est l'instrument de sa divinité: "caro Christi est instrumentum divinitatis"[53].

 

 

Dieu, certes, dans sa Toute Puissance et sa Miséricorde, aurait pu délivrer l'homme du péché de quelque autre manière (cf. IIIa, q.46, art. 2, ad 3m) mais cet anéantissement du Verbe, prenant la forme de l'esclave et mourant sur une croix comme un criminel, manifeste davantage l'immensité de l'Amour de Dieu pour sa créature déchue. L'article 3, q. 46, de la IIIa pars expose les cinq principaux motifs de la convenance de la Passion du Christ pour le rachat de l'homme:

 

"Un moyen est d'autant plus en harmonie avec une fin que les avantages qui en résultent pour cette fin sont plus nombreux. Or, non seulement la passion du Christ a libéré l'homme du péché, mais elle lui a procuré de nombreux profits pour son salut.

 

1° Tout d'abord, par la passion du Christ, l'homme a connu combien Dieu l'aimait, et il fut ainsi provoqué à aimer Dieu en retour: c'est en cela que réside la perfection du salut de l'homme. Aussi saint Paul écrit-il aux Romains (V, 8-9): "Dieu prouve son amour pour nous en ce que, lorsque nous étions encore pécheurs, le Christ est mort pour nous".

 

2° Par la passion, le Christ nous a aussi donné un exemple d'obéissance, d'humilité, de constance, de justice, et d'autres vertus qui sont nécessaires au salut de l'homme. Saint Pierre le souligne: "Le Christ a souffert pour vous, vous laissant un modèle afin que vous suiviez ses traces" (I Pet. II, 21).

 

3° Le Christ, par sa passion, a non seulement libéré l'homme du péché, mais il lui a en outre mérité la grâce de la justification et la gloire de la béatitude, comme on le dira plus loin.

 

4° L'homme se sent également poussé par nécessité à se garder pur de tout péché suivant le mot de saint Paul aux Corinthiens: "Vous avez été achetés assez cher! Glorifiez donc Dieu en votre corps" (I Cor. VI, 20).

 

5° L'homme a atteint à une plus haute dignité: vaincu et trompé par le diable, l'homme devait le vaincre à son tour; ayant mérité la mort, l'homme devait aussi, en mourant, l'emporter sur la mort. "Rendons grâces à Dieu, écrit saint Paul aux Corinthiens, car il nous a donné la victoire par Notre-Seigneur Jésus-Christ" (I Cor. XV, 57).

 

En fin de compte, il convenait donc que nous soyons délivrés par la passion du Christ, plutôt que par la seule volonté de Dieu".

(Traduction du P. Synave, O.P. - Ed. Revue des Jeunes).

 

 

 

                   "Opus suum"

 

 

Ainsi donc le Christ, par sa mort, satisfait surabondamment à la justice divine pour les péchés du genre humain et, ce faisant, il "achève" son œuvre propre de Verbe incarné. "je suis venu pour cette heure" dit-il; pour accomplir "hoc opus nostrae salutis" reprend le "Pange lingua" du Vendredi-Saint. C'est aussi ce que résume la lère strophe de Verbum Supernum.

 

            "Verbum (... )

            AD OPUS SUUM exiens

            venit ad vitae vesperam "

 

 

Faut-il voir, dans ce verset, une réminiscence du psaume CIII, v.23?

 

            "Exibit homo ad opus suum

            Et ad operationem suam usque ad vesperum" (1).

 

 

"l'homme est sorti pour son œuvre... jusqu'au soir"

 

 

 

Le psaume CIII est un hymne de louange au Dieu créateur. Au milieu d'une immense fresque de l'univers dont la "peinture" suit d'assez près l'ordre de la création dans la Genèse, l'homme. Par son péché l'harmonie est détruite et le désordre est entré dans le monde; l'ordre doit être restauré par un homme qui sera en même temps un Dieu.

 

 

            "Quam magnificata sunt opera tua Domine!

            Omnia in sapientia fecisti"[54]

            proclame immédiatement le verset suivant (v. 24).

 

 

Or, dans le Prologue du ler Livre des Sentences, nous lisons:

 

"Per sapientiam Dei, manifestantur divinorum abscondita, producuntur creaturarum opera, nec tantum producuntur sed restaurantur et perficiuntur" (... ) "Haec autem reparatio per Filium facta est inquantum ipse homo factus est".

 

 

"Par la Sagesse de Dieu sont manifestés les mystères divins et sont produites les œuvres des créatures; non seulement produites mais restaurées et achevées parfaitement. (... ) Et cette restauration fut faite spécialement par le Fils en tant qu'Il s'est incarné. "

 

La rédemption est donc bien l'œuvre par excellence du Verbe parce qu'elle manifeste le plus l'amour de Dieu aux hommes [55].

 

 

Cette rencontre des textes -psaume CIII, ler Livre des Sentences et notre hymne "Verbum Supernum"- est un nouvel exemple de l'aisance avec laquelle saint Thomas puise au trésor de l'Ecriture Sainte ou des Pères apostoliques.

                        Les Fruits de la Rédemption

 

 

Voyons maintenant comment sont célébrés, dans nos hymnes, les bienfaits de la rédemption. Quelles sont, pour l'homme, les conséquences de son rachat?

 

 

La quatrième strophe de Verbum Supernum résumait de façon saisissante la vie terrestre du Christ se faisant notre lumière et notre remède, notre rançon et notre récompense pour la vie éternelle. Mais la louange eucharistique devient plus pressante et plus précise dans les derniers vers:

 

            "O salutaris Hostia

            Quae caeli PANDIS ostium "   (v. 17, 18)

            ...

            "(quae) vitam sine termino

            Nobis donet in patria "    (v. 23, 24)

 

            "O Victime salutaire

            Qui nous ouvrez la porte du Ciel

 

            "Qui nous (donnerez) la vie sans fin dans la patrie "

 

Nombreux sont les commentaires de saint Thomas sur les fruits de notre rédemption. L'explication de l'article 4 du Credo,

 

            "Passus sub Pontio Pilato, crucifixus,

            mortuus et sepultus "[56]

 

résume avec clarté le sens de ce rachat. Les souffrances du Christ, en effet, étaient nécessaires, en premier lieu, comme remède à nos péchés, en second lieu comme modèle de nos actions[57]. Le Christ, par sa passion, a rouvert la porte du paradis lorsque son côté fut transpercé et a rappelé les exilés dans le Royaume[58].

 

C'est encore ce que l'on peut lire dans le commentaire du verset 34, au chapitre XIX de l'évangile de saint Jean[59]. "Unus militum lancea latus ejus aperuit. Et signanter dicit APERUIT non vulnerabit; quia per hoc latus APERITUR NOBIS OSTIUM VITAE AETERNAE"[60].

 

Nous retrouvons ici l'emploi du mot "OSTIUM" plus fréquemment remplacé par "janua" dans la Bible, les Pères et même chez saint Thomas[61]. Il est clair que l'utilisation de l'un ou l'autre des deux termes n'affecte en rien le sens du texte; mais il est certain que, dans notre hymne, "ostium" a été choisi et préféré à "janua" ou "porta" pour renforcer l'allitération dans le voisinage de "hostia" et "hostilia": ces trois termes se faisant écho à la finale de trois vers.

 

            "O Salutaris HOSTIA

            Quae caeli pandis OSTIUM

            Bella premunt HOSTILIA

            Da robur, fer auxilium. "

 

 

En outre, le choix du verbe "pandere" ne semble pas indifférent. Son utilisation, dans le sens très classique d"'ouvrir une brèche", s’harmonise avec l'image guerrière du vers suivant; mais elle rappelle aussi deux textes. L'un de saint Augustin, lu aux Matines de la fête du Précieux Sang: "Latus ejus (... ) aperuit ut illic quodammodo VITAE OSTIUM PANDERETUR unde sacramenta Ecclesiae manaverunt, sine quibus ad vitam, quae vera vita est, non intratur" [62]. L'autre, cité à plusieurs reprises par saint Thomas[63] est un verset d'une prophétie de Michée:

 

            "Ascendet PANDENS iter ante eos: divident et transibunt

            portam et ingredientur per eam: et transibit rex eorum

            coram eis et Dominus in capite eorum".

 

            "?(je te rassemblerai tout entier, ô Jacob, je

            recueillerai les restes d'Israël"; v. 12).

            "Celui qui fait la brèche monte devant; ils font la brèche,

            ils franchissent la porte, et par elle, ils sortent; leur Roi

            passe devant eux et Yahvé est à leur tête."

 

L'exil et la captivité du peuple juif étaient signe de l'exil du genre humain captif du péché. C'est le Christ, chef de l'humanité rachetée qui, lui ayant rendu la vie, la conduira dans la patrie. Le chef, le guide vient en tête; il est le modèle et il montre la voie.

 

            "Per TUAS semitas DUC NOS quo tendimus" (Sacris Solem. v. 27)

            "Conduis-nous par tes chemins là où nous tendons".

 

                   Conclusion

 

La richesse des textes de saint Thomas est inépuisable et nous pourrions trouver, dans son œuvre, d'autres échos ou d'autres parallèles aux versets que nous avons cités. Il nous faut simplement retenir l'aisance et la sobriété avec lesquelles il concentre en quelques termes la poésie biblique, l'enseignement patristique et la théologie.

 

"Poésie où les mâles sonorités de la langue latine noblement rythmée, étonnamment simple, évangéliquement concise, riche en formules dogmatiquement ramassées, martelées, rebondissantes, s'unissent au souci pastoral de rappeler au peuple fidèle ce que tout chrétien doit savoir du mystère de Jésus-Hostie."

 

 

Jean Ousset

A la découverte du beau, Paris 1971, p. 128.

               TROISIEME PARTIE

 

 

 

LA DOCTRINE EUCHARISTIQUE

 

 

 

                   Chapitre I - L'EUCHARISTIE SACRIFICE-SACREMENT

 

                        Définition

 

Les développements précédentes ont tenté de jeter quelque lumière sur les grands mystères chrétiens de la Trinité, de l'Incarnation et de la Rédemption: le Verbe, seconde personne de la Trinité, s’est incarné pour le rachat du Monde. Cette œuvre s'accomplit au Calvaire par le Sacrifice de la Croix. Avant de mourir au Golgotha, à l'heure qu'Il a choisie, Jésus s'est offert d'avance -"prius... se tradidit"- et a institué à la Cène, le sacrifice eucharistique -"sic sacrificium istud instituit"- qui rendra présent sur les autels, jusqu'à la fin des temps, le sacrifice de la Croix.

 

 

Il nous faut maintenant préciser ces notions de sacrifice et replacer l'institution de l'Eucharistie dans l'Histoire du peuple juif sans laquelle on ne peut la comprendre.

 

 

Définissons d'abord succinctement le SACRIFICE; de tout temps, dans toutes les religions, l'homme a offert des sacrifices. Cela fait partie, nous dit saint Thomas, de la religion naturelle. Reconnaissant qu'il vient de Dieu et qu'il lui doit tout, l'homme met à part et offre des biens qu'il consacre ( "sacra facit"). "Car la raison commande à l'homme d'offrir à Dieu, en signe de soumission et d'hommage, quelques-unes des choses sensibles qui sont à son usage, comme on fait à l'égard des maîtres dont on veut reconnaître la domination"[64]. Ces biens ne valent pas seulement pour eux-mêmes mais pour l'homme dont ils tiennent la place et qui, le plus souvent, les détruit afin de montrer qu'ils ne lui appartiennent plus. Ceci distingue le sacrifice de la simple offrande. Ces sacrifices, d'animaux le plus souvent, sont offerts rituellement sur un autel, par un prêtre "pontifex" ou "sacerdos" qui est l'intermédiaire entre l'homme et Dieu.

 

Pour la définition du sacrifice dans la religion catholique, nous renvoyons le lecteur à saint Thomas lui-même et à ses commentaires. Nous suivons ici le traité "de Eucharistia" du P. Garrigou-Lagrange[65].

 

Dans le sens large, nous dit-il, le sacrifice est toute œuvre bonne, faite par révérence envers Dieu, et ce peut être un acte purement intérieur. C'est ainsi qu'il est dit au psaume L, v. 18: "Sacrificium Deo spiritus contribulatus." et au psaume CXL, v. 2: "Elevatio manuum mearum sacrificium vespertinum". Et en ce sens, n'importe quel fidèle est prêtre au sens large selon I Petr. II, 5: "Et vous-mêmes, comme des pierres vivantes, entrez dans la structure de l'édifice, pour former un temple spirituel, un sacerdoce saint, afin d'offrir des sacrifices spirituels" etc ...

 

 

Le sacrifice proprement dit, au sens strict, est défini par saint Thomas dans la IIa IIae, q. 85, art. 1, 2, 3, 4. Cette définition comporte quatre éléments essentiels (parties intégrantes):

 

1)         l'oblation d'une chose sensible: "oblatio rei sensibilisa art. 1.

2)         faite à Dieu seul pour témoigner sa domination suprême et notre sujétion: "soli Deo facta... ad testandum ejus supremum dominium nostramque subjectionem", art. 2.

3)         avec une modification de la chose offerte: "... per quamdam immutationem circa rem oblatam", art. 3, ad 3m.

4)         et faite par un ministre légitime qui est proprement un prêtre: "et facta a legitimo ministro qui est proprie sacerdos", art. 4.

 

 

                   Les Sacrifices de l'Ancienne Loi

 

 

 

Nous n'avons pas à faire ici une étude complète des sacrifices du Judaïsme mais on peut en suivre l'histoire dans le Pentateuque.

 

A l'époque des Patriarches: nous notons d'abord les offrandes des biens de la terre par Caïn et des premiers-nés du troupeau par Abel (Genèse IV, 3, 4). Puis l'holocauste offert par Noé sur un autel au sortir de l'arche (Genèse VIII, 20). L'offrande du pain et du vin par Melchisedech, roi et prêtre (Genèse XIV, 18). Abraham dressant des autels à Dieu (Genèse XII, 8; XIII, 4; XIII, 18, etc ... )'et surtout l'épreuve du sacrifice d'Isaac, image du Fils de Dieu.- "Prends ton fils, ton unique celui que tu aimes, Isaac, et va-t-en au pays de Moria; et là offre-le en holocauste sur la montagne que je t'indiquerai" (Genèse XXII, 1).

 

A l'époque mosaïque: le sacrifice de l’agneau pascal (Exode XII, XIII) instituait la grande fête juive; la Pâque (le "passage") commémorait, chaque année, la délivrance de la servitude d'Egypte. L'agneau, immolé ce jour-là et mangé avec des pains sans levain ("azyma"), annonçait le véritable Agneau, "l'Agneau de Dieu qui rachète les péchés du monde".

 

Dans le Lévitique: tous ces sacrifices seront codifiés postérieurement par le Lévitique. Offerts anciennement par les chefs de clan, ils ne seront plus offerts, en dehors du roi, que par les prêtres. Et, plus tard, le temple de Jérusalem sera le seul lieu de culte autorisé[66].

 

                   Le dernier sacrifice de l'Ancienne Alliance

 

 

C'est cette Pâque juive que Jésus célèbre une dernière fois à la Cène, le Jeudi-Saint. Venu non pas pour abroger la Loi mais pour l'achever, le Christ s'est soumis aux préceptes du Deutéronome (chap. XVI), en mangeant l'agneau et les pains azymes avec ses disciples:

 

            "Noctis recolitur coena novissima

            Qua Christus, creditur, agnum et azyma

            Dedisse fratribus juxta legitima

            Priscis indulta patribus. " (Sacris Solemniis, str. 2).

 

La précision voulue dans l'énumération des éléments traditionnels souligne le parfait accomplissement des préceptes cérémoniels (legitima) que les patriarches (priscis patribus) ont transmis selon la volonté même de Dieu.

 

La date de la dernière Cène (coena novissima) fut aussi respectée, malgré l'apparente contradiction des Evangiles. Cf. Jn XIII, 1 et XVIII, 28 face à Mtt. XXVI, 17-29; Mc. XIV, 12-26; Luc XXII, 7-23. Saint Thomas répond aux objections dans le Contra Centiles Liv. IV, chap. LXIX et dans le Commentaire sur l'Evangile de saint Matthieu (n° 2151 et sq.)[67]. Citant saint Jean Chrysostome, il souligne dès le Livre des Sentences, la docilité exemplaire du Christ, de la circoncision jusqu’à la dernière Pâque, à se soumettre à la Loi[68].

            " juxta legitima " v. 7

            "  indulta   " v. 8.

 

                   Le Sacrifice-Sacrement de la Nouvelle Alliance

 

 

 

Une fois le repas terminé (expletis epulis v. 9), "pour que ce sacrement nouveau succédât à l'ancien comme la vérité succède à la figure"[69], le Christ institua le sacrement de la Nouvelle Alliance "comme le mémorial perpétuel de sa passion (sacrifice), l'accomplissement des anciennes figures et le couronnement de tous ses miracles"[70].

 

 

Il faut souligner combien est délicate, pour ne pas dire factice, la distinction "Eucharist-Sacrifice", "Eucharistie-Sacrement". Elle marque, imparfaitement, deux aspects d'une même réalité.

 

 

En effet, l'Eucharistie est Sacrifice ET Sacrement. Saint Thomas emploie, tour à tour, les deux termes:

 

            "Tantum ergo sacramentum" (hymne des Vêpres)

 

            "Fracto demum sacramento" (séquence de la Messe)

 

            "Sic sacrificium istud institua (hymne des Matines)

 

 

L'on peut aussi unir verbalement ces deux notions sacrifice-sacramentel ou sacrement-sacrificiel encore que soit préférable, "par son exactitude, cette simple équation verbale, le sacrement-sacrifice"[71].

 

De la même façon, le Christ, qui est la fois victime et pontife du sacrifice, est l'auteur du sacrement et LE Sacrement.

 

 

Il est donc essentiel de garder à l'esprit que, si nous parlons de l'un des aspects, nous parlons, en même temps, de l'autre.

 

 

Que signifie le terme "sacrement" ? Pour en distinguer les nuances nous nous appuierons sur l'exposé de Dom Vonier, étudiant lui-même les traités des Sacrements et de l'Eucharistie dans saint Thomas[72].

 

 

Le Verbe de Dieu, qui était apparu d'abord dans une nature sensible, se manifeste maintenant par des signes sensibles: ce sont les sacrements. Car, à la différence de la parole humaine, la Parole de Dieu ne se contente pas de faire connaître l'intention, elle la réalise. Institués par le Christ selon certains rites, les sacrements sont donc des "signes sensibles de la grâce invisible destinés à produire et à augmenter la grâce - i.e, la vie du Christ - dans les âmes."

 

 

Les "sacrements" de la Loi ancienne n'avaient par eux-mêmes aucun pouvoir de conférer la grâce qui justifie. Ils étaient seulement des signes de la foi par laquelle l'homme était justifié[73]. Les sacrements de la Loi nouvelle, au contraire, contiennent la grâce et la confèrent[74] ;i ils sont tout ensemble cause et signes et c’est pourquoi ils opèrent ce qu'ils signifient[75].

 

C'est par sa passion que le Christ a opéré notre sanctification. C'est la grâce qui, maintenant, transforme les âmes et annonce la gloire future de la vie éternelle. Le sacrement exprime ces trois aspects simultanément:

            en remémorant la cause passée (la Passion),

            en manifestant, en nous, l'effet de cette passion (la grâce),

            en annonçant la gloire à venir[76].

 

 

Cette triple signification spirituelle l'Eucharistie la possède au plus haut degré. Ce que saint Thomas proclame merveilleusement dans l'antienne "O Sacrum Convivium" (Magnificat des II des Vêpres), véritable joyau dont les feux concentrent et prolongent, en cette fin d'office, toute la grandeur du mystère:

 

            "           O Sacrum convivium in quo Christus sumitur,

                        recolitur memoria passionis ejus,

                        mens impletur gratia,

                        et futurae gloriae nobis pignus datur alleluia. "

 

 

            "O banquet sacré ou le Christ est reçu en nourriture,

                        où sa passion est commémorée,

                        où notre âme est comblée de grâce,

                        où nous est donné le gage de notre gloire future, alleluia".

 

 

Est-il besoin de souligner, avec Dom Vonier, la signature thomiste de ce texte[77] ?

 

 

Ces précisions données, voyons ce qui est spécifique du sacrement de l'Eucharistie, quelles en furent les figures et quels sont ses différents noms.

 

 

                   Corpus Christi

 

 

Alors que les autres sacrements sont des signes et des instruments de la grâce divine, l'Eucharistie livre, en outre, l'auteur même de la grâce, la Personne du Verbe incarné dans l'intégrité de sa double nature. Nos hymnes ne permettent aucun doute à ce sujet et se font, à leur manière, un écho des textes évangéliques[78] :

 

 

            "CORPUS DOMINICUM datum discipulis

            Sic totum omnibus quod totum singulis

            Ejus, fatemur, manibus.

 

 

            Dedit fragilibus corporis ferculum

            Dedit et tritium sanguines poculum

            Dicens: "Accipite quod trado vasculum,

            Omnes ex eo bibite." (Sacris Solemniis, v. 10 à 16)

 

            "Le corps du Seigneur fut donné aux disciples

            Tout entier à tous comme entier à chacun,

            De ses propres mains, nous l'affirmons.

 

            Il donna... son corps en nourriture

            Il donna... son sang en breuvage

            Disant: recevez la coupe que je vous livre

            Buvez-en tous. "

 

 

 

Sous les espèces du pain et du vin sont reçus le corps et le sang du Christ. C'est ainsi que se réalise, à l'heure de la dernière Cène, la promesse du Sauveur annoncée au chapitre VI de l'évangile de saint Jean, V. 32-33: "Je suis le PAIN VIVANT descendu du Ciel: Celui qui mange de ce Pain vivra éternellement; et le Pain que je donnerai, c'est ma CHAIR pour la vie du monde". Cette promesse est reprise en trois vers dans l'hymne de Laudes (vers 7 à 10):

 

            "Prius in vitae ferculo              "D'abord il se livra lui-même

            Se tradidit discipulis               En aliment de vie à ses disciples

                        *

            Quibus sub bina specie            Auxquels sous une double apparence

            Carnem dedit et sanguinem"   Il donna sa chair et son sang."

 

Car "il était nécessaire à la vie spirituelle, commente saint Thomas, d'avoir un aliment spirituel (vitae ferculum) qui entretiendrait les vertus et ferait grandir les régénérés. Et comme il convenait que des effets spirituels fussent donnés sous des images visibles, cet aliment nous est donné sous la forme des réalités dont l'homme use le plus communément pour son alimentation corporelle. Ces réalités sont bien le pain et le vin"[79]. Ces deux aliments ne sont pas nommés ici explicitement, mais cette double apparence (sub bina specie) recouvre la réalité du corps et du sang séparés comme au jour de la Passion lorsque le corps du Sauveur était sur la croix et son sang répandu sur la Terre. Pour que ce sacrement soit d'un usage aisé et pour qu'il ne soit pas un sujet d'horreur ni de répulsion pour qui le reçoit ou le voit, le corps du Christ nous est proposé à manger, son sang à boire, sous les espèces du pain et du vin:

 

            "convescens se (dedit) in edulium." (,Verbum Supernum v. 14),

            "à la Cène, il s'est donné comme aliment."

 

réalisant ainsi la parole du Christ (Jean, VI, 56):

            "Caro mea vere est cibus et sanguis meus vere est potus".

"Ma chair est vraiment une nourriture et mon sang est vraiment un breuvage[80].

 

                   Les Figures de l'Eucharistie

 

Par l'institution de ce sacrement le Fils de Dieu, fait homme, met un terme aux figures qui l'annonçaient.

" Dat... figuris terminum" (Sacris Solemniis, v. 22). Saint Thomas reprend, au v. 9 du même hymne, une expression de l'enseignement scholastique (déjà chère aux Pères de l'Eglise): "AGNUS TYPICUS". "Le Seigneur institua le Sacrement quand, après l'agneau qui le figurait, il offrit son corps et son sang"[81].

"Voici l'Agneau de Dieu, avait dit saint Jean-Baptiste en désignant le Christ (Jn, I, 29 et 36) et nombreuses sont, dans l'Ecriture, les allusions au Messie Agneau[82]. Dans la IIIa l'article 6 de 'La question 73 est consacré entièrement à l'agneau pascal: "Fut-il la principale figure de l'Eucharistie?". Malgré l'aspect "technique" de la distinction l'éblouissante simplicité de la réponse nous entraîne à citer largement:

            "En ce sacrement nous pouvons considérer trois choses:

                        - ce qui est "sacramentum tantum", sacrement seul, et c'est le pain et le vin,

                        - ce qui est "res et sacramentum", réalité et sacrement, et c’est le véritable corps du Christ,

                        - ce qui est "res tantum", réalité seule, et c'est l'effet du sacrement, la grâce.

Or, en ce qui concerne le sacrement seul, la plus claire figure en fut l'oblation de Melchisedech qui offrit du pain et du vin.

Pour ce qui est du Christ en sa Passion, qui est contenu dans ce sacrement, tous les sacrifices de l'Ancien Testament l'ont préfiguré et spécialement le sacrifice de l'Expiation qui était le plus solennel.

Enfin, quant à l'effet, sa principale figure fut la manne qui, dit la Sagesse (XVI, 20), "avait en soi la douceur de tous les goûts"; de même que la grâce de ce sacrement restaure l'âme selon tous ses

besoins.

 

Mais l'agneau pascal préfigurait le sacrement de l'Eucharistie selon ces trois aspects:

- puisqu'on le mangeait avec des pains azymes selon le précepte de l'Exode (XII, 18).

- car il était immolé le quatorzième jour du mois par toute l'assemblée des enfants d'Israël; et c'était là une figure de la passion du Christ qui est appelé "agneau" à cause de son innocence.

- et que, par le sang de l'agneau, les enfants d'Israël furent protégés contre l'ange exterminateur et délivrés de la servitude d'Égypte.

C'est pourquoi l'agneau pascal est donné comme la principale figure de ce sacrement puisqu'il le représente sous tous ses aspects[83].

Ainsi, "veniente enim veritate debet cessare figura", les figures devaient-elles s'effacer devant la réalité[84]. Car, sous l'Ancienne loi la Vérité était seulement promise (promisa), c'est pourquoi il v avait les figures sans les réalités: sous la Nouvelle loi, la Vérité est révélée (inchoata) par N.S.J.C., et l'on a les figures avec les réalités; dans la Patrie, la Vérité sera consommée (consummata), ce sera la réalité sans les figures.

 

                   Les noms de l'Eucharistie

 

Sacrement unique, l'Eucharistie reçoit de multiples appellations. Saint Thomas, à la suite du Maître des Sentences, les expose à plusieurs reprises[85]. Il faut toujours considérer dans un sacrement, dit-il, son origine, son accomplissement (perfectio) et sa fin.

 

Ainsi, par rapport au passé, l'Eucharistie commémore là passion du Christ; elle est donc "SACRIFICE", et, parce qu'elle contient le Christ lui-même, "HOSTIE" (Salutaris Hostia).

 

Dans le présent, où l'on tend à l'unité ecclésiale, on l'appelle "COMMUNION" ou "SYNAXE". Selon saint Jean Damascène (de Fide Orth., Lib. 4, cap. 13), on nomme ainsi ce sacrement "car c'est lui qui nous unit au Christ, nous fait participer à sa chair et à sa divinité; c'est lui qui nous relie, nous met en communion les uns avec les autres".

 

A l'égard de l'avenir, il préfigure la jouissance de Dieu dans la patrie (p tria). A ce titre il est appelé "VIATIQUE", car il nous donne, ici-bas, la voie et la force pour y parvenir (da robur fer auxilium). Ou encore, "EUCHARISTIE", i.e., "bonne grâce", parce que la grâce de Dieu, c'est la vie éternelle (Rom., VI, 23) et qu'il contient réellement le Christ qui possède la vie en plénitude[86].

 

Curieusement, ce sont d’autres termes que saint Thomas réserve à ses hymnes. Dans ces études, remarque G.K. Chesterton, "d'ordinaire saint Thomas est bref, même si son livre est long (... ) Il ne complique jamais une question en utilisant un grand mot ou, ce qui serait plus légitime, en utilisant un mot qui ne s'adresserait qu'à l'imagination ou à l'intuition" (1). Or ici, à la fin des hymnes et de la séquence, nous relevons des expressions bibliques ...

 

                        "Panis Angelicus...                  "pain des Anges

                        Panis caelicus   "                      pain du Ciel  "

(Sacris Solemniis, v. 21 et 22)

 

                        "O Salutaris Hostia"                "Victime Salutaire"

(Verbum Supernum, v. 17)

 

                        "Bone Pastor panis vere"                     "Bon Pasteur, pain véritable"

(Lauda Sion, v. 58)

 

Images dont nous avons parlé plus haut[87] et dont la présence illustre un autre propos de Chesterton: "Saint Thomas est si loin de toute notre sensibilité moderne qu'il ne met jamais de poésie ailleurs que dans un poème"[88].

 

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L'on ne peut fêter l'Eucharistie, sacrifice de la Nouvelle Alliance où l'on communie au sacrement du Corps du Christ, sans parler du prêtre.

"Sacerdos in aeternum Christus Dominus" sont les premiers mots de notre Office. Voyons, maintenant, comment nos hymnes célèbrent le Pontife Suprême, Auteur du Sacrement.

                   CHAPITRE II - LE MINISTRE DE L'EUCHARISTIE

 

                        Le Christ: Victime et Pontife

 

L'agneau Pascal n'est pas l'unique figure du Christ: l'Ancien Testament tout entier prépare la Nouvelle Alliance. Isaac devant être immolé par son père (Genèse XXII, 1), Joseph vendu par ses frères (Genèse XXVII) annoncent imparfaitement le Christ, VICTIME PARFAITE qui s’offre elle-même à la justice divine. Saint Thomas, reprenant les affirmations de saint Paul[89], insiste tout au long de l'Office : "Ce que le Christ prit de nous, il le livra entièrement pour notre salut. Car son corps, il l'a pour notre réconciliation, offert comme hostie sur l’autel de la croix à Dieu son Père; et son sang, il l'a répandu à la fois comme rançon et comme bain de purification, afin que rachetés d'une misérable servitude, nous soyons lavés de tous nos péchés[90]".

 

Le Christ victime est aussi le PRETRE qui offre la victime:

            "Corpus dominicum datum discipulis

            (...)

            Ejus fatemur manibus"                        "De ses propres mains"

                        *

            "Accipite quod trado vasculum"         "Recevez la coupe que je vous Livre

(Sacris Solemniis, v. 10, 12 et 15).

 

Car lui-même, conformant sa vie à la volonté du Père, soumet les hommes et les événements à l’accomplissement de cette volonté. Rien ne se fait avant "son heure"[91]. Nous avons déjà souligné l'importance des verbes "do" et "trado", "donner" et "livrer". Jésus n'attend pas la trahison de Judas, l'un de ceux qu'il s'était choisi,

 

            "In mortem a discipulo            "Devant être livré pour mourir

            Suis tradendus aemulis"          ... par un de ses disciples "

pour accomplir son sacrifice; Il se donne lui-même, se livre dans la communion de l'Eucharistie:

 

            "Prius in vitae ferculo              "D'abord il se livra lui-même

            Se tradidit discipulis"  ... à ses disciples "

(Verbum Supernum, v. 5 et 6; 7 et 8).

 

Alors le sacerdoce antique est dépassé par la sainteté divine du Christ-Prêtre, le prix infini de son Oblation et la portée sans limite de sa médiation[92].

 

C'est pourquoi "l'Oint du Seigneur" (*****) a le pouvoir de communiquer la grâce de son sacerdoce en instituant les ministres de son sacrement.

 

                   Les Ministres du Sacrement

 

            "           Sic sacrificium istud INSTITUIT

                        Cujus OFFICIUM committi VOLUIT

                        SOLIS PRESBYTERIS, quibus sic congruit

                        UT SUMENT et DENT ceteris "

Ainsi il institua ce sacrifice dont il voulut confier la charge à ses seuls prêtres; auxquels il convient qu'ils le prennent et le donnent aux autres."

Cette cinquième strophe de Sacris Solemniis, unique en son genre dans tout l'ensemble de l'Office, est d'une importance capitale. Saint Thomas y résume l'enseignement de l'Eglise sur le sacrement de l'Ordre: "sacrement qui fait d'un homme le représentant visible du Christ, Chef invisible de l'Eglise, et son délégué authentique; tant pour l'exercice de l'autorité que pour la répartition des bienfaits divins découlant de l'Incarnation et de la Rédemption". Le Christ, instituant à la Cène, le Sacrement de son Corps et de son Sang, choisit-- et institue aussi les ministres de ce sacrement.

 

L'Eucharistie ne s'arrête pas aux Apôtres, comme "simple" réconfort avant l'épreuve terrible de la Passion, dans l'atmosphère tragique de la trahison et le pressentiment du déicide[93] ; ni même comme consolation, maintenant la présence du Christ au milieu d'eux, après la fin de sa vie terrestre. Mais ce sacrifice-sacrement qui RE-PRESENTE -au sens rigoureux du terme le sacrifice du Calvaire, c'est-à-dire le témoignage du plus grand amour, la rédemption de toute l'humanité; ce sacrifice-sacrement qui contient l'auteur de la rédemption, prêtre et victime, doit être perpétué jusqu'à la fin des temps et pour tous les hommes selon la demande même du Christ:

 

"J'ai entendu de la bouche du Seigneur ce que je vous ai appris. Le Seigneur Jésus, le soir même où il fut trahi, prit du pain et, après avoir rendu grâces, il le rompit en disant: - Prenez et mangez, ceci est mon Corps qui sera livré pour vous; faites cela en mémoire de moi. Pareillement, après le repas, il prit la coupe en disant: - Ce calice est la nouvelle alliance en mon Sang: faites cela lorsque vous le boirez, en mémoire de moi. C'est pourquoi, chaque fois que vous boirez ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu'à ce . qu'il vienne" [94].

 

Saint Thomas rappelle que le Christ, par sa mort, apporte le salut à l'humanité dans son ensemble. Mais il reste à faire bénéficier chacun du sacrifice rédempteur par la foi et par les sacrements[95].

 

C'est pourquoi le Christ, instituant ceux-ci comme moyens de sanctification, donne à ses Apôtres et à leurs successeurs les pouvoirs de les dispenser indéfiniment[96].

"Faites ceci en mémoire de moi"

c’est aussi "Ut sument et dent ceteris" (v. 20).

 

"Qu’ils le reçoivent et le donnent aux autres".

Les prêtres ont donc mission de perpétuer le sacrifice, de communier au pain eucharistique (SUMENT) et de faire communier les fidèles (DENT),. De la même façon ils reçoivent la charge (OFFICIUM) de mettre les âmes en état de se nourrir de cet aliment sacré, et ceci, par l'administration des autres sacrements.

 

Une fois encore le poète pèse et choisit ses mots; il se fait insistant, dans la construction même du quatrain, par l'emploi. de six verbes se rapportant à la volonté du Christ, à la convenance de l'institution et à son objet (communion et distribution).

v.         17, "instituit" marque la création, selon les règles définies,

du sacrement (sacrificium) de la Nouvelle Alliance.

v.         18, "voluit" souligne la décision, la volonté du Verbe,

Pontife suprême...

"committi", confiant la charge, la fonction liturgique (officium) à ses seuls ministres (solis presbyteris).

V.        19 "congruit"; par cette charge, il convient, il est dans l'ordre des choses ...

V.        20 "sument", qu'ils le prennent, le reçoivent, i.e. dans le

langage de l'Eglise, qu'ils communient

"dent", et qu'ils le donnent aux fidèles (ceteris).

 

A l'inverse de la strophe précédente (str. 4), saint Thomas rejette les verbes en fin de vers, comme pour répondre aux mots très courts qu'il a placés à l'initiale et sur lesquels il veut appuyer-. "sic", ainsi ; "cujus", dont; "solis", aux seuls ; "ut", qu'ils[97].

 

Nous retiendrons deux termes parmi les plus importants de ce quatrain : SOLIS et SUMANT.

 

A ses seuls prêtres, SOLIS PRESBYTERIS, le Christ a confié la charge de son sacrement nouveau. Car, si tous les baptisés (discipulis) sont marqués de l'onction sacerdotale et royale reçue par leur chef, le Christ[98] ; les prêtres, eux, participent directement à son Sacerdoce étant comme ses mains et sa voix. Ils officient en la personne du Christ, "in persona Christi."

 

Saint Thomas a signalé les nombreuses objections à cette élection: un laïc ne pourrait-il pas consacrer et dispenser ce sacrement[99] ? Ce sacrifice est offert pour la réconciliation avec Dieu ce qui est proprement la charge du Christ-MEDIATEUR. Après le départ de celui-ci et en vertu de son mandat ("faites ceci en mémoire de moi"), les apôtres seront - et à leur suite les prêtres - les intermédiaires entre Dieu et le peuple. C'est donc à eux seuls qu'il revient de "faire" ce sacrement. "Soli sacerdotes hoc sacramentum conficere possunt". Cette mission même, en fait des prêtres (IIIa, q. 22, a. 1: "unde sacerdos dicitur quasi "sacra" dans")[100].

 

Et de même que dans un corps naturel sont répartis divers rôles entre les différents membres et organes, ainsi, dans l'Eglise corps mystique, certains membres reçoivent comme fonction de dispenser les sacrements de vie. C'est pourquoi ne peut revenir aux laïcs - aussi pieux et saints soient-ils- ni la consécration ni la distribution de ce sacrement[101].

 

                        Communion

 

            "Accipite...  vasculum             "Recevez cette coupe

            Omnes ex eo bibite                 "Buvez-en tous    "

(Sacris Solemniis, v. 15, 16)

 

L'invitation est formelle. La consécration appelle logiquement la communion; "car le sacrifice n'est consommé - au sens de "porté à son terme" - que lorsque la victime immolée est-elle même consommée - sa chair mangée et son sang bu"[102]. Pour Dieu le sacrifice est accompli dès la consécration, mais pour l'Eglise et le rite qu'elle accomplit, le sacrifice resterait inachevé sans la communion du prêtre. En effet, souligne saint Thomas[103], l'usage du sacrement (communion) suit l'accomplissement de celui-ci. C'est pourquoi il ajoute, au v. 20,

 

"Ut SUMANT et dent ceteris".

Le sacrifice n'est représenté que pour permettre à chacun de recevoir le Corps livré et le Sang versé. L'Eucharistie est le Sacrement de la nourriture; l'aliment qui restaure l'être humain tout entier, "(Ut) Totum cibaret hominem", (Verbum Supernum, v. 12). C'est pourquoi il est nécessaire que le prêtre, chaque fois qu'il consacre, consomme (sumat) ce sacrement, et fasse communier tous ceux qui peuvent le recevoir dignement.

 

"SUMERE": Ce verbe, qui signifie classiquement "prendre" ou "recevoir", doit être compris, ici, dans son sens liturgique: "recevoir l'hostie consacrées i.e., communier ou encore "consommer". On le rencontre fréquemment lorsqu'il s'agit de l'Eucharistie, et tout au long de l'office, à la Séquence de la Messe par exemple:

            "Sumit unus, sumunt mille;

            Quantum isti, tantum ille;

            Nec sumptus consumitur    " (str. 16)

            "Qu'un seul ou mille communient;

            Chacun le reçoit sans partage,

            Sans l'épuiser en le mangeant "

 

Cette citation nous entraîne vers une remarque plus "extérieure" à notre présent développement. Nous avons noté, pour Matines, l'insistance de saint Thomas au sujet des ministres du sacrement, Sur un poème de vingt-huit vers, quatre sont consacrés à cette question. L'hymne de Laudes, tout à l'honneur du Verbe, n'y fait pas allusion. Quant au Lauda Sion, sur un ensemble de soixante-dix-sept vers (en vingt-trois strophes), six vers (deux strophes) reprennent la transmission du Sacerdoce du Christ et de l'Eucharistie:

 

Lauda Sion:     "Quod in cena Christi gessit

                        Faciendum hoc expressif

                        In sui memoriam       " (str. 9)

 

"Ce que le Christ fit à la Cène, il ordonna de le refaire en mémoire de lui."

            "Docti sacri institutis

            Panem vinum et salutis

            Consecramus hostiam  " (str. 10)

 

"Suivant les préceptes sacrés nous consacrons le pain et le vin en victime du salut."

 

Ainsi après le développement de Sacris Solemniis, le sujet de "consecramus" ne fait pas de doute; il ne peut s'agir des fidèles Mais bien de ceux qui ont reçu la consécration, le pouvoir de consacrer (sacer-dos). L'auteur, alors, se permet d'être bref, le sens est évident.

 

Inversement, cinq strophes de la Séquence - str. 14, 15, 16, 18 et 19 - exposent largement ce que le vers 11 de l'hymne de Matines énonce en un balancement remarquable;

            "Sic totum omnibus quod totum singulis"

            "(Le Corps du Seigneur est donné aux disciples)

            tout entier à tous, comme entier à chacun.   "

Ici est suggéré ce qui sera expliqué là: la fraction et le nombre ne peuvent porter atteinte à la réalité contenue sous les espèces du pain et du vin. Le Christ, par sa substance, est tout entier dans n'importe quelle partie des espèces consacrées[104]. Et c'est pendant la Messe, où est distribuée l'Eucharistie, que saint Thomas rappelle cette vérité fondamentale.

Nous pourrions, certes, relever d'autres exemples. Ceux-ci semblent, néanmoins, suffire à souligner l'harmonie interne de tout l’Office. Chaque pièce, remarquablement construite dans sa tonalité particulière, participe à l'équilibre de l'ensemble.

               CHAPITRE III - LES FRUITS DE L'EUCHARISTIE

 

Commentant précédemment les mystères du Verbe, les figures de l'Eucharistie, ses différents noms, nous avons nécessairement évoqué les fruits de ce sacrement:

- le salut obtenu au genre humain par la passion et appliqué à chacun par le sacrement.

- l'honneur et la gloire restitués à Dieu par le Verbe incarné s’offrant lui-même.

Le sacrifice de la Nouvelle Alliance est donc culte divin autant que sanctification de l'homme. Comment nos hymnes expriment-ils ces deux aspects de la même réalité?

 

                        Salutaris Hostia

 

Le sacrifice-sacrement de l'Eucharistie contient le Christ qui a rouvert l'entrée du ciel; le Christ, aliment de vie, qui par sa grâce apporte à chaque communion l'augmentation des forces spirituelles et le secours immédiat dans les luttes d'ici-bas[105] :

 

"           O Salutaris Hostia                   "           O Victime Salutaire

            Quae caelis pandis ostium                   Qui nous ouvrez la porte du ciel

            Bella premunt hostilia                         Les guerres hostiles nous pressent

            Da robur fer auxilium"                        Donnez-nous la force, portez-nous secours.

(Verbum Supernum, str. 5)

 

Avec le retour des exilés dans la patrie céleste, elle prépare à la gloire sans limite 'de la vie éternelle où le Christ se donnera en plénitude:

 

            "           Se regnans dat in praemium (... )

                        Qui vitam sine termino

                        Nobis donet in patria. " (ibidem, v. 16, 23-24)

 

L'antienne à Benedictus et l'évangile de la Messe reprennent en écho cette promesse du Verbe incarné: "Je suis le Pain vivant descendu du ciel; si quelqu'un mange de ce pain il vivra éternellement." (Jn, VI,52) L'Eucharistie, à la fois nourriture et remède, est aussi gage d'éternité.

Ainsi, à l'heure des Laudes où l'on célèbre l'œuvre du Verbe en faveur de l'humanité, le Sacrement est loué comme source de salut universel et personnel[106].

 

                        Culte parfait

 

L'hymne des Matines, dont la première strophe invite à une louange retentissante, insiste plus particulièrement sur l'Eucharistie culte parfait rendu à Dieu par le Verbe et à travers lui, par l'humanité.

 

En effet., par son oblation, le Christ a institué le rite de la religion chrétienne[107]. L'Eglise, par les Apôtres, reçoit la charge du Sacrifice[108]. Son enseignement , sa prière, son action apostolique, sa vie-même, sont fondés sur le Sacrifice, source de Vie éternelle.

 

Et la communion eucharistique fait participer dès-maintenant à la vie céleste: le fidèle mange celui que les anges servent et adorent, celui dont la vue seule les rassasie[109] :

            "           Panis angelicus fit panis hominum

                        (...)

                        Opes mirabilis! manducat Dominum

                        Pauper servus et humilis "

            "           Le Pain des anges est devenu le pain des hommes (... )

                        O prodige étonnant ! Il mange son Seigneur

                        L'esclave pauvre et humble. "

(Sacris Solemniis, str. 6)

Le poème sacré, si rempli de l'enseignement des réalités spirituelles, conduit naturellement à la charité de la contemplation. Préparé par l'accumulation des images et double écho du terme "panis"; prenant appui sur trois mots qui seuls trahissent une émotion, le mouvement de louange S'élance, proclame la cause de son saisissement et redescend paisible dans la douceur du vers finissant. Le sommet de l'hymne s'épanouit ainsi dans l'admiration en présence du mystère divin.

La doxologie prolonge cet élan de ferveur et d’adoration:

            "           Te trina Deitas unaque poscimus

                        Sicut nos VISITAS[110] sicut te COLIMUS

                        Per tuas semitas duc nos quo tendimus

                        Ad lucem quam inhabitas.

            "           O Déité trine et une nous vous en prions,

                        Ainsi vous nous visitez, ainsi nous pouvons vous honorer,

                        Conduisez-nous par vos sentiers, là où nous tendons,

                        A la lumière que vous habitez. "

(v. 25-28)

 

Le vers 26 est particulièrement dense: par la grâce première de Dieu, sa "visite", l'homme peut le recevoir, l'aimer davantage et le servir mieux. Le balancement des termes souligne leur rapport: par le don du Pain de Vie venu d'en Haut, l'Eglise rend "action de grâces devenue son bien propre. Plus elle honore Dieu de ce culte parfait plus il se communique à elle dans une nouvelle preuve d'amour, faisant de son œuvre divine l'œuvre de ses membres.

 

Dans cette strophe comme dans la première, les verbes sont au pluriel. Dans sa prière l'Eglise ne dit jamais "je" mais nous , car, rappelle saint Thomas[111], citant saint Cyprien, "le Maître de l’unité n’a point voulu que la prière fût affaire privée et chacun prie pour soi seulement: il a voulu que chacun prie pour tous, lui qui nous a tous porté en son unité." C'est ce que réalise excellemment l'Eucharistie dans la communion de tous les fidèles, ici-bas jusqu'à la plénitude de l'unité céleste.

 

Le Christ remède est aussi le modèle, la Voie qui ramène à la lumière de la Trinité

 

" Per tuas semitas, duc nos quo tendimus". Alors, "le Dieu qui est aimé pour lui-même est aussi celui qui accorde le don même de l'amour et la joie de l'aimer; mais c'est celui qui, déjà invisiblement présent par la grâce, sera visible et possédé dans la béatitude face à face."[112].

            "Ad lucem quam inhabités".

 

                   Conclusion

 

" Il n'est pas de poème plus pur où tant d'amour soit enfermé dans tant de lumière ... "

J. Maritain[113]

 

Pour clore notre étude, et comme un résumé harmonieux, nous voudrions citer encore une page particulièrement belle, la prose fluide des premiers nocturnes de Matines. Saint Thomas rappelle le sens de la solennité, donne la "quintessence" de la doctrine eucharistique, en un latin clair et fort au rythme souple et balancé.

 

"Immensa divinae largitatis beneficia, exhibita populo christiano, inestimabilem ei conferunt dignitatem. Neque enim est aut fuit aliquando tam grandis natio, quae habeat deos appropinquantes sibi, sicut adest nobis Deus noster. Unigenitus siquidem Dei Filius, suae divinitatis volens nos esse participes, naturam nostram assumpsit ut homines deos faceret factus homo"[114].

 

"Les immenses bienfaits de la largesse divine, offerts au peuple chrétien, lui confèrent une dignité inestimable. Car il n'est point et il ne fut jamais de nation si grande, qui eût des dieux proches d'elle, comme notre Dieu nous est présent. En effet, le Fils unique de Dieu, voulant nous 'faire participer à sa divinité, a pris notre nature afin que, fait homme, il fît les hommes semblables à des dieux. Et en outre, ce qu'il prit de nous, il le livra entièrement pour notre salut. Car son corps, il l'a pour notre réconciliation, offert comme hostie sur l'autel de la croix, à Dieu son Père; et son sang, il l'a répandu à la fois comme rançon et comme bain de purification, afin que, rachetés d'une misérable servitude, nous soyons lavés de tous nos péchés. Mais afin que le souvenir d'un si grand bienfait nous demeurât toujours présent, il laissa aux fidèles, pour être pris sous l'apparence du pain et du vin, son corps en nourriture et son sang en boisson.

O festin précieux et admirable, salutaire et rempli de toute suavité! Que peut-il y avoir de plus précieux que ce festin? Ce ne sont point là, comme jadis sous la loi, les chairs des veaux et des boucs, mais le Christ, vrai Dieu, qui nous est offert en nourriture. Quoi de plus admirable que ce Sacrement? En lui, en effet, le pain et le vin sont changés substantiellement au corps et au sang du Christ de telle sorte que le Christ, Dieu et homme parfait, est contenu sous l'apparence d'un peu de pain et d'un peu de vin. Il est donc mangé par les fidèles, mais nullement déchiré; bien plus, dans le Sacrement divisé, il demeure entier sous chaque particule de cette division. Quant aux accidents, ils subsistent dans le même Sacrement, sans leur substance, pour que la foi ait lieu de s'exercer, alors que le (corps) visible est reçu invisiblement, caché sous d'autres apparences, et pour que les sens soient prémunis contre toute erreur, jugeant des accidents qui sont l'objet de leur connaissance.

 

Aussi aucun sacrement n'est plus salutaire que celui-là: par lui les péchés sont effacés, les vertus s’accroissent et l’âme est "engraissée" de l'abondance de tous les dons spirituels. Il est offert dans l'Eglise pour les vivants et pour les morts, afin qu'il profite à tous, puisqu'il a été institué pour le salut de tous. Enfin personne ne peut exprimer la suavité de ce Sacrement, où l'on goûte à sa source 'La douceur spirituelle, alors qu'il nous rappelle cette charité extrême que le Christ a montrée dans sa passion. C'est pourquoi, afin de graver plus profondément dans le cœur des fidèles l'immensité de cette charité, à la dernière cène, quand il eut célébré la Pâque avec ses disciples et fut sur le point de passer de ce monde à son Père, il institua ce Sacrement, comme le mémorial perpétuel de sa passion, l'accomplissement des anciennes figures et le couronnement de tous ses miracles. Ainsi, à tous ceux que son absence contrasterait, il laissait une consolation unique. "

Méditation poétique où l'admiration s'unit à la ferveur, où toute la science théologique se fond dans la pure lumière de la contemplation.

               CONCLUSION

 

"Nous n'épuiserons jamais la fécondité de ces textes qui renferment la plus vivante et la plus magnifique théologie. Et pourtant ils sont de tous les jours, ils s'adaptent à tous les états, ils disent chaque âme comme elle n'aurait jamais su s'exprimer, en la dépassant toujours en l'appelant au large, avec une tranquillité si sûre qu'elle prévient toute erreur comme elle exclut toute exaltation"[115].

 

Ces mots de Maurice Zundel, sur les textes de "la Sainte Liturgie" s’appliquent , sans peine, à l'Office du Corpus Christi. Toute la science théologique et toute l'âme du Docteur Commun y sont enfermées; et qui veut chercher un peu retrouve rapidement, sous l'objectivité et la sobriété de la langue, la richesse et la lumière de la pensée.

 

Pourtant "il est vrai que la Théologie n'est pas poésie; et c'est même une des opérations théologiques principales que d'élaborer en concepts et jugements d'ordre intelligibles la matière théologique proposée dans les Livres Saints dans un langage si prodigieusement poétique"[116]. Comment s'étonner, alors, que "le plus grand des théologiens ait été le plus grand des poètes liturgiques. C'est le contraire qu'(on) ne s’expliquerait pas" (2). Car le maître de Vérité devient naturellement maître de contemplation, redisant le saisissement et l'admiration de l'Eglise en présence du mystère eucharistique[117].

 

Le poète s'efface derrière le chant sacré dont la simplicité semble déconcertante mais dont chaque terme exprime l'Ineffable. "C'est le même dépouillement dans la prière que dans les anciennes basiliques où la beauté, sans apparent mystère, s'offre au premier coup d'oeil entièrement lisible, pour s'approfondir sans fin à chaque nouveau regard; et c’est aussi la même pauvreté volontaire que dans les récits de la Passion (... ). A quoi bon multiplier les mots puisqu'aucune parole ne peut suffire? La véritable action de grâces est une vie conforme au mystère qu'on vient de célébrer"[118].

               BIBLIOGRAPHIE

 

                   1. Ouvrages de saint Thomas utilisés dans cette étude

 

CATENA AUREA in quatuor Evangelia, Fr. Seguin, Avignon 1851.

 

CONTRA GENTILES, texte de l'éd. léonine et trad. R. Bernier et F. Kerouanton, Lethielleux, 1957.

 

IN SYMBOLUM APOSTOLORUM, "Le Credo", intr. traduction et notes par un moine de Fontgombault, N.E.L. 1969.

 

OPUSCULA THEOLOGICA, 2 vol., Marietti, 1954.

 

Quaestiones OUODLIBETALES, Marietti, 1963.

 

Scriptum super SENTENTIIS, 4 vol., Lethielleux, 1947

 

SERMO dominica IIa post Trinitatem, "Homo quidam fecit cenam magnam" in Revue des Sciences Phil. théol., juillet 1983"; (L.J. Bataillon, sermon inédit de saint Thomas).

 

SUMMA THEOLOGICA, 4 vol., J.P. Migne, 1877.

 

Somme Théologique, Latin-Français, fascicules de la "Revue des Jeunes".

 

Super EPISTOLAS S. PAULI, 2 vol., Marietti, 1953.

 

Super Evangelium S. JOANNIS Lectura, Marietti, 1952.

 

Commentaire sur l'Evangile de S. Jean, tome 1, 2, 3: trad. du Père M.D. Philippe, o.p., chez l'auteur, 1978-1987.

 

Super Evangelium S.MATTHAEI Lectura, Marietti, 1951.

 

 

 

                   2. Ouvrages généraux

 

 

 

ACTA Capitulorum Generalium Ordinis Praedicatorum, Vol.II,in Monumenta Ordinis Fratrum Praedicatorum Historica , 4 , Rome l899.

 

BREVIAIRE Romain Latin-Français, Labergerie, 1933.

 

CONCORDANCE biblique de la Vulgate.

 

DENZINGER, Enchiridion Symbolorum... 1955.

 

DICTIONNAIRE BIBLIQUE, sous la direction de J. Dheilly, Desclée 1964.

 

DICTIONNAIRE Latin-Français des Auteurs Chrétiens, A.Blaise, Paris 1983.

 

DICTIONNAIRE de Théologie Catholique, Paris 1913; art."Eucharistie", tome V; art. "Messe", tome X.

 

EUCHARISTIA, Encyclopédie populaire sur l'Eucharistie, sous la direction de M. Brillant, Paris 1941.

 

HISTOIRE du Christianisme, sous la direction de Dom Poulet, Beauchesne,

 

Paris 1934; vol.II "Moyen Age", liv. XIII, chap.II, art. de E.Dumoutet.

 

INDEX THOMESTICUS.

 

LITURGIA, Encyclopédie populaire des connaissances liturgiques, sous la direction de R. AIGRAIN, PARIS 1930.

 

MISSEL quotidien des fidèles, selon le code de Jean XXIII, par le P. J. FEDER, s.j., Mame 1961.

 

REGISTRES d'URBAIN IV, éd. J. Guiraud, II, 1, Paris 1901.

 

 

 

                   3. Ouvrages concernant saint Thomas d'Aquin

 

 

 

( par ordre alphabétique d'auteurs )

 

Père Ch.D. BOULOGNE, o.p., Saint Thomas d'Aquin, essai biographique, N.E.L., 1968.

 

G.K. CHESTERTON, Saint Thomas du Créateur, trad. A. Barrois.D.M.M. 1977.

 

Père P.M. GY, L'Office du Corpus Christi et saint Thomas d'Aquin, état d'une recherche, "Revue des Sciences phil. théol." n° 64, 1.980, (,pp. 491 à 507).

 

René LOUIS, Saint Thomas liturgiste, Revue des Jeunes, 10 mars 1920.

 

Père P. MANDONNET, o.p., Les écrits authentiques de saint Thomas, Fribourg 1910.

 

Jacques MARITAIN, Le docteur angélique, D.D.B., 1930.

 

Père X. NASSAUX, Notre Office du Saint Sacrement, in "Revue diocésaine de Tournai", Casterman; mai 1946 (pp. 241-266); Juillet 1946 (pp. 369-386); mars 1947 (pp. 97-112); mai 1947 (pp. 204-221); novembre 1955 (pp. 481-499).

 

Père M.D. PHILIPPE, o.p., Saint Thomas docteur, témoin de Jésus, éd. Saint Paul, Paris 1956.

 

Père L.H. PETITOT, o. p., La vie intégrale de saint Thomas d’Aquin, Revue des Jeunes, Paris, Ile édition.

 

Pères A.D. SERTILLANGES et B. BOULANGER, o. p. , Les plus belles pages de saint Thomas d'Aquin, Flammarion, 1935.

 

Père A.D. SERTILLANGES, o.p., Saint Thomas d'Aquin, Flammarion, 1931.

 

Angelus WALZ, o.p., Saint Thomas d'Aquin, trad. P. Novarina, coll. "Philosophes médiévaux" (Publ. Univ.), Louvain-Paris 1962.

 

Père J. WEBERT, o. p., Saint Thomas d'Aquin le génie de l'Ordre, Denoël Steel, 1934.

 

 

 

                   4. Ouvrages théologiques

 

 

 

Romano AMERIO, Iota Unum, trad. Père Von Groenvendel, s.j. , N.E.L., 1987.

 

Père V.A. BERTO, Pour la Sainte Eglise romaine, éd. du Cèdre, 1976.

 

Père Humbert CLERISSAC, o.p., Le Mystère de l'Eglise, Cerf, Paris 5e éd.

 

Père R. GARRIGOU-LAGRANGE, De Eucharistia, Marietti, 1946.

 

Père Joseph de SAINTE MARIE, o.c.d., l'Eucharistie salut du monde, Ed. du Cèdre, Paris 1981.

 

Père Raphaël SINEUX, o.p., Initiation à la théologie de saint Thomas, Desclée, 1953.

 

Dom M.A. VONIER, La clef de la doctrine eucharistique trad. du Père A.M. Roguet, éd. de l'Abeille, Lyon 1942.

 

 

 

                   5. Ouvrages sur la liturgie, l'art, la poésie ...

 

Abbé R. AIGRAIN, Liturgia, (cf. "ouvrages généraux").

 

Dom Jules BAUDOT, Hymnes et hymnaires, coll. "Science et religion", Paris 1914.

 

M. BRILLANT, Eucharistia, (cf. "ouvrages généraux").

 

Dom Fernand CABROL, Le livre de la prière antique, Mame, 1921.

 

André CHARLIER, Que faut-il dire aux hommes?, N.E.L., Paris 1964, (pp. 57 à 70 sur le chant grégorien).

 

E.R. CURTIUS, La littérature européenne et le Moyen Age latin, P.U.F., 1956.

 

Père R. GARRIGOU-LAGRANGE, Le premier regard de l'intelligence et la contemplation, in "La Vie Spirituelle", ler octobre 1935.

 

Rémy de GOURMONT, Le latin mystique, Paris 1930.

 

Dom Jean LECLERCQ, L'amour des lettres et le désir de Dieu, Cerf, 1963.

 

Emile MALE, L'art religieux du XIIIe en France, 2 tomes, Liv. de Poche, 1969.

 

Jacques MARITAIN, Art et Scholastique, D.D.B., 1965.

 

M. Mad. MARTIN, Le latin immortel, Diffusion de la Pensée Française, 1971.

 

Alain MICHEL, In hymnis et canticis, Vander Oyez, Paris 1976.

 

A. MOLIEN, "Le culte rendu à l'hostie":  lère partie, "la Fête du Saint Sacrement", in Eucharistia, Bloud et Gay, Paris 1942, chap. IX, pp. 306-310.

 

Jean OUSSET, A la découverte du beau, Montalza, Paris 1971.

 

Dom Pius PARSCH, Le bréviaire expliqué, Casterman, Paris 1947.

 

Abbé Henry RABOTIN,  "Les textes liturgiques" in Liturgia, Bloud et Gay, Paris 1930, pp. 367 et sq.

 

 

Abbé Maurice ZUNDEL, Le poème de la sainte liturgie, D.D.B., 1954.

 

               ANNEXE : OFFICIUM NOVE SOLOMNITATIS CORPORIS DOMINI IESU CHRISTI CELEBRANDE SINGULIS ANNIS FERIA QUINTA POST OCTAVAS PENCOSTES IN PRIMIS VESPERIS.

 

1.         Antiphona. Sacerdos in eternum Christus Dominus secundun ordinem Nelchisedech panem et vinum obtulit. Evovae. Ps. Dixit Dominus.

Contra:            Gloria tibi Tritas, de Trinitate

 

2.         Antiphona. Miserator Dominus encam dedit timentibus se in memoriam suorum mirabilium. Evovae. Ps. Confitebor tibi Domine.

Contra:            Totus orbis, de sancto Thoma.

 

3- Antiphona. Calicem salutaris accipiam et sacrificabo hostiam laudis. Evovae. Ps. Credidi propter.

Contra : Pudore bono, de sancto Nicolao.

 

4-         Antiphona. Sicut novelle olivarum Ecclesie filii sint in ciruitu mense Domini. Evovae. Ps. Beati omnes.

Contra:            Iuste et sancte vivendo, de sancto Nicolao.

 

5-         Antiphona. Qui pacem ponit fines Ecclesie frumenti adipe satiat nos Dominus. Evovae. Ps. Lauda Ierusalem.

Contra:            Innocenter puerilia iura, de sancto Nicolao.

 

Capitulum Dominus Iesus in qua nocte tradebatur accepit panem et gratias agens fregit et dixit : "Accipite et manducate. Hoc est corpus meum, quod pro vobis traiteur".

 

Responsorium : Homo quidam fecit cenam magnam et misit se servum suum hora cene dicere invitatis ut renirent, Quia parata sunt omnia. Vs. Venite, comedite panem meum et bibite vinum quod miscui vobis. Quia. Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto. Quia.

Contra:            Virgo flagellatur, de sancta Catharina.

 

Hymnus.

            PANGE LINGUA gloriosi

Corporis mysterium

Sanguinisque pretiosi,

Quem in mundi pretium

 

Contra:            Pange lingua gloriosi prelium certaminis, in passione Domini.

 

 

5-         Fructus ventris generosi

Rex effudit gentium.

Nobis datus, nobis natus

Ex intacta Virgine

Et in mundo conversatus,

10.       Sparso verbi semine,

Sui moras incolatus,

Miro clausit ordine.

In supreme nocte cene

Recumbens cum fratribus,

15.       Observata lege plene

Cibis in legalibus,

Cibum turbe duodene

Se dat suis manibus.

 

Verbum caro panem verum

20.       Verbo carnem efficit

Fitque sanguis Christi merum

Etsi sensus deficit

Ad firmandum cor sincerum

Sola fides sufficit.

 

25.       Tantum ergo sacramentum

Veneremur cernui

Et anticum documentum

Novo cedat ritui

Prestet fides supplementum

 

30.       Sensuun defectui.

Genitore Genitoque

Laus et iubilatio,

Salus honor virtus quoque

Sit et benedictio

35.       Procedentis ab utroque

Compar sit laudatio. Amen.

 

 

Vs. Panem de celo prestitisti eis alleluia.

Resp. Omne delectamentum in se habentem alleluia.

 

Ad magnificat antiphona. O quam suavis est Domine, spiritus tuus, qui, ut dulcedinem tuam in filios demonstrares, pane suavissimo de celo prestito esurientes reples bonis, fastidiosos divites

5.         dimittens inanes. Evovae. Ps. Magnificat anima.

Oratio. Deus qui nobis sub sacramento mirabili passionis tue memoriam reliquisti, tribue, quesumus, ita nos corporis et sanguinis tui sacra mysteria venerari ut redemptionis tue fructum in nobis iugiter sentiamus. Qui vivis et regnas cum Deo Patre in unitate Spiritus Sancti Deus per omnia secula seculorum. Amen

 

Contra : O Christi pietas, de sancto Nicolao.

 

 

 

AD MATUTINAS.

 

Invitatorium. Christum regem adoremus dominantem gentibus, qui se manclicatibus dat spiritus pinguedinem. Ps. Venite.

 

Hymnus.

SACRIS SOLEMNIIS iuncta sint gaudia et ex precordiis sonent preconia ; Recedant vetera, nova sint omnia, Corda, voces et opera.

5.         Noctis recolitur cena novissima, Qua Christus creditur agnum et azyma Dedisse fratribus, iuxta legitima Priscis indulta patribus.

Post agnum typicum, expletis epulis.

10.       Corpus dominicum datum discipulis,

Sic totum omnibus quod totum singulis, Eius fatemur nanibus.

Dedit fragilibus corporis ferculum, Dedit et tristibus sanguines poculum,

15.       Dicens : "Accipite, quod trado, vasculum, Omnes ex eo bibite".

 

 

Contra : Christum regem regum adoremus Dominum, de sancto indrea.

 

Contra: Sanctorum meritis.

 

Sic sacrificium istud instituit,

Cuius officium committi voluit

Solis presbyteris, quibus ait congruit

20.       Ut sument et dent ceteris.

Panis angelicus fit panis hominum,

Dat panis celicus figuris terminum. O res mirabilis ! Manducat Dominum

Pauper, servus et humilis.

 

25.       Te, trina Deitas unaque, poscimus :

Sicut nos visitant sicut te colimus,

per tuas semitas duc non quo tendimus,

Ad lucem quam inhabités.

Amen.

 

IN PRIMO NOCTURNO.

 

Antiphona. Fructum salutiferum gustandum dedit Dominus mortis sue tempore. Evovae. Ps. Beatus vir.

 

Contra : Granum cadenas, de sancto Thoma.

 

 

Antiphona. A fructu frumenti et vini multiplicati fideles, in pace Christi requiescunt. Evovae. Ps. Cum invocarem.

 

Contra:            Novus homo, de sancto Thoma.

 

Antiphona. Communione calicis quo Deus ipse sumitur, non vitulorum sanguine, congregavit nos Dominus. Evovae.

 

Contra: Crescente etate, de sancto Bernardo.

 

Vs. Panem celi dedit eis alleluia.

 

Resp. Panem angelorum manducavit homo alleluia.

 

Lectio prima. Immensa divine largitatis beneficia, exhibita populo christiano, inestimabilem ei conferunt dignitatem. Neque enim est aut fuit aliquando tan grandis natio que habeat deos appropinquantes sibi, sicut adest nobis Deus noster. Unigenitus siquidem Dei Filius, sue divinitatis volens nos esse participes, naturam nostram assumpsit ut homines deos faceret factus homo, et hoc insuper quod de nostro assumpsit, totum nobis contulit ad

 

10.       salutem. Corpus namque suum pro nostra reconciliatione in ara crucis hostiam obtulit Deo Patri, sanguinem suum fudit in pretium simul et lavacrum, ut redempti a miserabili servitute, a peccatis omnibus mundaremur, et, ut tanti beneficii iugis in nobis maneret memoria, corpus suum in cibum et sanguinem suum in potum, sub specie panis et vini sumendum, fidelibus dereliquit. O pretiosum et admirandum convivium, salutiferum et omni suavitate repletum ! Quid enim hoc convivio pretiosius esse potest, in quo non carnes vitulorum et hircorum, ut olim in lege, sed nobis Christus sumendus proponitur verus Deus ? Quid hoc sacramento mirabilius ? In ipso namque panis et vinum in corpus Christi et sanguinem substantialité convertuntur. Ideoque Christus Deus et homo perfectus sub modici panis specie continetur.

 

Responsorium. Immolabit hedum multitudo filiorum Israel ad vesperam pasche et odent carnes et azimos panes. Va. Pascha nostrum immolatus est Christus. Itaque epulemur in azimis sinceritatis et veritatis.

Contra : Te sanctum Dominum de angelis.

 

Lactio secunda. Manducatur utique a fidelibus, sed minime laceratur: quinimo, diviso Sacramento integer sub qualibet divisionis particula perseverat. Accidentia etiam sine subiecto in eodem existunt, ut fides locum habeat dum visibile invisibiliter sumitur, aliena specie occultatum, et sensus a deceptione immunes reddantur, qui de accidentibus iudicant sibi notis. Nullum etiam sacramentum est isto salubrius, quo purgantur peccata, virtutes

 

10.       augentur, et mens omnium spiritualium charismatum abundantia impinguatur. Offertur in ecelesia pro vivra et mortuis, ut omnibus prosit quod est pro salute omnium institutum. Suavitatem denique huiusmodi sacramenti nullus exprimée sufficit, per quod spiritualis dulcedo in suo fonte gustatur, et recolitur nemoria illius quam in sua passione Christus monstravit excellentissime caritatis. Une, ut arctius huiusmodi caritatis immensitas cordibus infigeretur fidelium, in ultima cena, quando, paschacum discipulis celebrato, transiturus erat ex hoc mundo ad Patren, hoc sacramentum instituit tanquan passionis eue monoriale perenne, figurarum veterum impletivum, miraculorum ab ipso factorum maximum, et de sua contristatis absentia solatium singulare.

 

Responsorium. Comedetis carnes et saturabimni panibus. Iste est panis quem dedit vobis Dominus ad vescendum. Vs. Non Moyses dedit vobis panem de celo, sed Pater meus dat vobis panem de celo varum. Iste.

 

Contra:            Stirps Iesse, de sancta Maria.

 

Lactio tertia. Convenit itaque devotioni fidelium solemniter recolere inatitutionem tam salutiferi tamque mirabilis sacramenti, ut ineffabilem modum divine presentie in sacramento visibili veneremur, et laudetur Dei potentia que in saccramento eodem tot miribalia operatur, necnon et de tam salubri tamque suavi beneficio exsolvantur Deo gratiarum debite actiones. Verum, etsi in die cane, quando sacramentum predictum noscitur institutum,

10.       inter missarum solemnia de institutions ipsius specialis mentio habeatur, totum tamem residuum eiusdea diei officium ad Christi passionem pertinet, circa cuias venerationem Ecclesia illo tempore occupatur. Unde, ut integro celebritatis officio institutionem tanti sacramenti solemniter racoleret pleba fidelis, romanus pontifex Urbanue quartus, huius sacramenti devotione affectus, pie statuit prefate institutionis memoriam prima feria quinta post octavas Pentecostes a cunctis fidelibus celebrari, ut, qui per totum anni circulum hoc sacramento utimur ad salutem, eius inatitutionem illo specialiter tempore recolamus quo Spiritus Sanctus discipulorum corda edocuit ad plene cognoscenda huius misteria sacramenti. Nam et in eodem tempore

25.       cepit hoc sacramentum a fidelibus frequentari; legitur enim in actibus apostolorum quod erant perseverantes in doctrina apostolorum, et communicatione fractionis panis, et orationibus, statim post Spiritus Sancti missionem. Ut autem predicta quinta

30-       feria, et per octavas sequentes, eiusdem salutaris institutionis honorificentius agatur memoria, et solemnitas de hoc celebrior habeatur, loco distributionun materialium que in ecclesiis cathedralibus largiuntur existentibus canonicis, horis nocturnes

35.       pariterque diurnis, prefatue romanus pontifex eis qui huiuemodi horis in hac solemnitate personaliter in acclesiis interessent stipendia spiritualia apostolica largitione concessit, quatenus per hec fideles ad tanti festi celebritatem avidius et copiosius convenirent. Unde, omnibus vere penitentibus et confessis qui matutinali officio huius festi presentialiter in ecclesia ubi celebraretur adessent, centum: qui vero misse, totidem; illis autem qui interessent in primis ipsius festi vesperis,

45.       similiter centum; qui vero in secundis totidem; eis quoque qui prime, tertie, sexte, none ac completorii adessent officiis, pro quolibet horarum isparum quadraginta; illis vero, qui per ipsius festi octavas in matutinalibus, vespertinis, misse, ac predictarum horarum officiis presentes existerent, singulis diebus octavarum ipsarum centum dierum indulgentiam misericorditer tribuit perpetuis temporibus duraturam.

 

Responsorium. Respexit Elias ad caput suum subcinericium panem, qui surgens comedit et bibit. Et ambulavit in fortitudine cibi illius usque ad montem Dei. Vs. Si quis manducaverit ex hoc pane, vivet in eternum. Et ambulavit. Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto. Ad montem.

 

Contra:            Videte miraculum matris Domini.

 

IN SECUNDO NOCTURNO.

 

Antiphona. Memor sit Dominus sacrificii nostri, et holocaustum nostrum pingue fiat. Evovae. Ps. Exaudiat te Dominus.

 

Contra:            In celis gaude virgines et cantant canticum.

 

Antiphona. Paratur nobis mensa Domini adversus omnes qui tribulant nos. Evovae. Ps. Dominus regit me.

 

Contra:            Sanguis sancto martirum pro Christ to effusus est terra.

 

Antiphona. In voce exsultationis resonent epulantes in mensa Domini. Evovae. Ps. Quemadmodum.

 

Contra:            O quam gloriosum est regnum, de omnibus sanctis.

 

Vs. Cibavit illos ex adipe frumenti alleluia.

Resp. Et de petra melle saturavit eos alleluia.

 

Lectio quarta. Huius sacramenti figura precessit quando manna pluit Deus patribus in deserto, qui quotidiano celi pascebantur alimento. Unde dictum est: "Panem angelorum manducavit homo". Sed tamen panem illum qui manducaverunt omnes in deserto mortui sunt; ista autem esca quam accipitis, iste panis vivus qui de celo descendit, vite eterne substantiam ministrat, et quicumque hune panem manducaverit non morietur in eternum, quia corpus Christi est. Considera utrum nunc prestantior sit panis angelorum an caro Christi, que utique est corpus vite. Manna illud de celo, hoc super celum; illud celi, hoc Domini celorum; illud corruption obnoxium si in diem alterum servaretur, hoc alienum ab

15.       omni corruptione. Quicumque religiose gustaverit, corruptionem sentire non poterit. Illis aqua de petra fluxit, tibi sanguis ex Christo; illos ad horam satiavit aqua, te sanguis diluit in eternum. Iudeus bibit et sitit, tu cum biberis sitire non poteris, et illud/umbra, hoc in veritate. Si illud quod miraris umbra est, quantum istud est cuius umbram miraris ? Audi quia umbra est que apud patres facta est: " Bibebant, inquit, de spirituali consequenti eos petra. Petra autem eram Christus. Sed non in

25.       pluribus eorum complacitum est Deo, nom prostrati sunt in deserto. Hec autem facta sunt in figura nostri" . Cognovisti potiora : potior est enim lux quam umbra, veritas quam figura, corpus auctoris quart manna de celo.

 

Responsorium. Panis quem ego dabo caro mea est pro mundi vita. Litigabant ergo Iudei dicentea : Quomodo potest hic nobis dare carnem suam ad manducandum. Vs. Locutus est populus contra Dominum : anima nostra nauseat super cibo isto levissimo. Quomodo.

 

Contra: Deus qui sedes super thronos et judicas, de quada dominica.

 

Lectio quinta. Forte dicis: Aliud video, quomodo tu mihi asseris quod corpus Christi accipiam ? Et hoc nobis superest ut probemus. Quantis igitur utimur exemplis ut probemus hoc non esse quod natura formavit, sed quod benedictio consecravit, maioremque vim esse benedictionis quam nature, quia benedictione etiam natura ipsa mutatur. Unde virgam tenebat Moyses, proiecit eam et facta est serpens; rursus apprehendit caudam serpentas et in virge

10.       naturam revertitur. Vides ergo prophetica gratia bis mutatam naturam esse et serpentis et virge. Currebant egypti flumina puro meatu aquarum : subito de fontium venis sanguis cepit erumpere; non erat potus in fluviis. Rursus ad prophete preces

15.       cruor fluminum cessavit, aquarum natura remeavit. Circumclusus undique erat populus hebreorum, hinc egyptiis vallatus, inde mari conclusus : virgam levavit Moyses, separavit se aqua et in murorum speciem se congelavit, atque inter undas via pedestris apparuit. Iordanis retrorsum conversus contra naturam in sui fontis revertitur exordium. Nonne claret naturam vel maritimorum fluctuum vel cursus fluvialis esse mutatam ? Sitiebat populus patrum : tetigit Moyses petram, et aqua de petra

25.       fluxit. Numquid non preter nataram operata est gratia, ut aquam vomeret petra, quam non habebat natura ?

 

Responsorilum. Cenantibus illis accepit Iesus panem et benedixit ac fregit, deditque discipulis suis et ait:"Accipite et comedite: hoc est corpus meum". Vs. Dixerunt viri tabernaculi mei: "Quis det de carnibus eius, ut saturemur ?". Accipite. Lectio sexta. Marath fluvius amarissimus erat, ut sitiens populus bibere non posset: Moyses misit lignum in aquam, et amaritudinem suam aquarum natura deposuit, quam infusa subito gratia temperavit. Sub Heliseo propheta uni ex filiis prophetarua excussum est ferrum de securi et statim immersum est. Rogavit Heliseum, qui amiserat ferrum: misit etiam Heliseus lignum in aquam, et ferrum natavit. Utique etiam hoc preter naturam factum

10.       cognovimus: gravior est enim ferri species quam aquarum liquor. Advertimus igitur maiorem esse gratiam quam naturan, et adhuc tamen prophetice benedictionis numeramus gratiam. Quod si tantun valuit humana  benedictio ut naturam converteret,

15.       quid dicimus de ipsa consecratione divina, ubi ipsa verba domini salvatoris operantur ? Nam sacramentum istud, quod accipis, Christi sermone conficitur. Quod si tantum valuit sermo Helie, ut ignem de celo de-poneret, non valebit Christi sermo, ut species

20.       mutet elementorum, ?

 

Contra:            Qui cum audissent, de sancto Nicola

 

Responsorium. Accepit Iesus calicem postquam cenavit, dicens: "Hic calix novum testamentum est in       meo sanguine. Hoc facite in meam commémorationem".

Vs. Memoria memor ero et tabescet in me anima mea. Hoc. Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto. Commemorationem.

 

Contra: Virtute multa, de sa-ncto Bernardo.

 

IN TERTIO NOCTURNO.

Antiphona. Introibo ad altare Dei, sumam Christum qui renovat iuventutem meam. Evovae. Ps. Iudica me Deus.

 

Contra. Ascendo ad Patrem meum, de Ascensione.

 

Antiphona. Cibavit nos Dominus ex adipe frumenti et de petra melle saturavit nos. Evovae. Ps. Exsultate Deo adiutori.

 

Contra : O per omnia laudabilem virum, de sancto Nicolao.

 

Antiphona. Ex altari tuo Domine Chriatum sumimus, in quem cor et caro nostra exaultant. Evovae.  

 

Ps. Quam dilecta.

Contra: Gloriam mundi sprevit, de sancto Nicolao.

 

 

Vs. Educas panem de terra alleluia.

Resp. Et vinum letificet cor hominis alleluia.

 

Secundum Iohannem. In illo tempore dixit Iesus discipulis suis et turbis Iudeorum: "Caro mea vere est cibus et sanguis meus vere est potus". Et reliqua.

 

Homelia beati Augustini de ea lectione. Lectio septima. Cun enim cibo et potu id appetant homines ut non esuriant neque sitiant, hoc vere non prestat nisi iste cibus et potus, qui eos a quibus sumitur

5.         immortales et incorrupti-biles facit, id est societas ipsorum sanctorum, ubi pax erit et unitas plena atque perfecta. Propterea quippe, sicut etiam ante nos intellexerunt homines Dei, Dominus noster Iesus Christus corpus et sanguinem suum in eis rebus commandavit, que ad unum aliquid rediguntur. Ex multis namque granis unus panis conficitur et ex multis racemis vinua confluit.

 

Responsorium. Qui manducat meam carnem et bibit meum sanguinem, in me manet, et ego in illo. Vs. Non est alia natio tam grandis, que habeat deos appropinquantes sibi, sicut Deus noster adest nobis. In me.

Contra: Felix vitia de sancto Dominico.

 

Lectio octava. Denique iam exponit quomodo id fiat quod loquitur, et quid sit manducare corpus eius et sanguinem bibere. Et " qui manducat meam carnem et bibit meum sanguinem in me manet et ego in

5.         eo". Hoc est ergo manducare illam escam et illum biberq potum, in Christo manere et illum manentem in se habere. Ac per hoc qui non manet in Christo

et in quo non manet Christus, proculdubio non manducat spiritualiter eius carnem, licet carnaliter et

10.       visibiliter premat dentibus sacramenta corporis et sanguinis Christi; sed magis tante rei sacramentum ad iudicium sibi manducat et bibit, qui immundus presumpsit ad Christi accedere sacramental, que alius non digne sumi nisi qui mundus est; de quibus dicitur: "Beati mundo corde, quoniam ipsi Deum videbunt".

 

Responsorium. Misit me Pater vivens et ego vivo propter Patrem. Et qui manducat me vivit propter me.

Contra:            Verbum caro factum est, de Circumcisione.

 

Va. Cibavit eum Dominus pane vite et intellectus. Et qui.

Lectio nona."Sicut me misit, inquit, vivens Pater, et ego vivo propter Patrem. Et qui manducat me et ipse vivet propter me". Non enim Filius participatione Patris fit melior, qui est natus equalis,

5-         sicut participatione Filii per unitatem corporis et sa-nguinis quam illa manducatio potatioque significat efficit nos meliores. Vivimus ergo nos propter ipsum, manducantes eum, id est ipsum accipientes, vitam eternam  quam non habemus ex nobis. Vivit autem

10.       ipse propter Patrem, missus ab eo, quia semetipsum exinanivit, factus obediens usque ad signum crucis. "Sicut misit me vivens Pater, et ego vivo propter Patrem. Et qui manducat me, et ipse vivet propter me". Ac si diceret: "Et ego vivo, propter Patrem", id

15.       est, ut ad illum tamquam ad maiorem referam vitam meam exinanitio mea fecit in qua me misit. Ut autem quisque vivat propter me participatio facit qui manducat me. Ego itaque humilitatus vivo propter Patrem, ille rectus vivit propter me. Non de ea natura dixit

20.       qua semper est equalis Patri, sed ea qua minor factus est Patre, de qua etiam superius dixit. "Sicut Pater habet vitam in semetipso, sic dedit Filio vitam habere in semetipso", id est genuit Filium habentem vitam in semetipso.

 

Responsorium. Unue panis et unue corpus multi sumus, Omnes qui de uno pane et de uno calice participamus. Vs. Parasti in dulcedine tua pauperi Deus, qui habitare facis unanimes in domo. Omnes. Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto. Et de uno.

Te Deum.

 

Vs. Panem de celo prestitisti eis alleluia.

Reps. Omne delectamentum in se habentem alleluia.

 

IN  LAUDIBUS.

 

1.         Antiphona. Sapientia edificavit sibi domum, miscuit vinum et posuit mensam alleluia.  Evovae. Ps. Dominus regnavit.

 

2.         Antiphona. Angelorum esca nutrivisti populum tuum et panem de celo prestitisti illis alleluia. Evovae. Ps. Iubilate.

 

3.         Antiphona. Pinguis est panis Christi et prebebit delicias regibus alleluia. Evovae. Ps. Deus, Deus.

 

4.         Antiphona. Sacerdotes sancti incens-um et panes offerunt Deo alleluia. Evovae. Ps. Benedicite.

 

5. Antiphona. Vincenti dabo manna absconditum et nomen novum alleluia. Evovae. Ps Laudate.

 

Capitulum : Dominus Iesus in qua nocte tradebatur accepit panem et gratias agens fregit et dixit: "Accipiteet manducate. Hoc est corpus meum quod provobis tradetur. Hoc facite in meam commemorationem".

 

Contra:            Ex ejus tumba, de sancto Nicolao.

 

Contra : Adest dies, de sancto Dominico.

 

Contra : Pauper esca, de sancto Dominico.

 

Contra:            Scala celo, de sancto Dominico.

 

Contra: ingressus angelus, de Annuntione sancte Marie.

 

Contra : Ex quo omnia, de Trinitate.

 

Hymnus.

 

1.         VERBUM SUPERNUM prodiens

Nec Patris linquens dexteram,

Ad opus suum exiens,

Venit ad vite vesperam.

 

2.         In mortem a discipulo

Suis tradendus emulis,

Prius in vite ferculo

Se tradidit discipulis.

 

Quibus sub bina specie

10        Carnem dedit et sanguinem,

Ut duplicie substantie

Totum cibaret hominem.

 

Se nascens dedit socium,

Convescens in edulium,

15.       Se moriens in pretium,

Se regnans dat in premium.

 

O salutaris hostia,

Que celi pandis ostium,

Bella premunt hostilia,

20.       Da robur, fer auxilium.

 

Uni trinoque Domino

Sit sempiterna gloria,

Qui vitam sine termino

Nobis donet in patria.

Amen.

 

Vs. Posuit fines tuos pacem alleluia.

Resp. Et adipe frumenti satiat te alleluia.

 

Contra:            Eterne rex altissime, de Ascensione.

 

Ad benedictus antiphona. Ego sum panis vivus qui de celo descendis. Si quis manducaverit ex hoc pane vivet in eternum alleluia. Ps. Benedictus.

 

Contra. Pax eterna, de Dedicatione

 

 

Oratio. Deus qui sub sacramento mirabili passionis tue memoriam reliquisti, tribue, quesumus, ita nos corporis et sanguines tui sacra misteria venerari ut redemptionis tue fructum in nobis iugiter sentiamus. Qui vivis.

 

AD PRIMAM, antiphona. Sapientia. Ps. Deus in nomine.

AD TERTIAM, antiphona. Angelorum esca.

 

Capitulum. Dominus Iesus, in qua nocte tradebatur,

agens/ accepit panem et gratias/fregit et dixit : "Accipite et manducate. Hoc est corpus meum quod pro vobis tradetur".

 

Resronsorium. Panem celi dedit eis alleluia alleluia.

Vs. Panea angelorum manducavit homo alleluia alleluia. Gloria Patri. Panem.

Vs. Cibavit illos ex adipe frumenti alleluia.

Resp. Et de petra melle saturavit eos alleluia.

 

Oratio, Deus qui nobis.

 

 

AD SEXTAN, antiphona. Pinguis est partis.

Capitulum. Quoties manducabitis panem hunc et calicem bibetie, mortem Domini annuntiabitis donec veniat.

 

Responsorium. Cibavit illos ex adipe frumenti alleluia alleluia. Vs. Et de petra melle saturavit eos alleluia alleluia. Gloria Patri. Cibavit.

 

Vs. Educas panem de terra alleluia.

Resp . Et vinum letificet cor hominis alleluia.

AD NONAM, antiphona. Vincenti dabo.

Capitulum. Quicumque manducaverit panem et biberit calicem Domini indigne, reus erit corporis et sanguinis Domini.

 

Responsorium. Educas panem de terra alleluia alleluia.

Vs. Et vinum letificet cor hominis alleluia alleluia.

Gloria Patri. Educas.

Vs. Posuit fines tuos pacem alleluia.

Resp. Et adipe frumenti satiat te alleluia.

 

IN SECUNDIS VESPERIS, anti-phone et psalmi de primis vesperis.

 

Captulum. Dominus Iesus.

Responsorium. Respexit Elias.

Hymnus. PANGE LINGUA.

Vs. Panem de celo prestitisti eis alleluia.

Resp. Panem angelorum manducavit homo alleluia.

Ad magnificat antiphona. O SACRUM CONVIVIUM in quo Christus sumitur, recolitur memoria passionis eius, mens impletur gratia et future glorie nobis pignus datur alleluia. Evovae. Ps. Magnificat.

 

Contra:            Benedictus Dominus Deus patrie nostri, de sent Bernardo.

 

AD MISSAM.

 

Officium. CIBAVIT eos ex adipe frumenti, alleluia,        et de petra melle saturavit eos, alleluia, alleluia, alleluia. Ps. Exultate Deo adiutori nostro, iubilate Deo Iacob. Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto, sicut erat in principio et nunc et semper et in secula seculorum.

KYRIE fons bonitatis.

GLORIA in excelais Deo, et in terra pax hominibus bone voluntatis.

 

Oratio. Deus qui nobis sub sacramento mirabili passionis tue memoriam reliquisti, tribue, quesumus, ita nos corporis et sanguines tui sacra misteria venerari ut redemptionis tue fructum in nobis iugiter sentiamus. Qui vivis et regnas cum Deo Patre in unitate Spiritus Sancti Deus per omnia secula seculorum. Amen.

 

Ad Corinthios. Fratres, ego accepi a Domino quod et tradidi vobis, quoniam Dominus noster Iesus in qua nocte tradebatur accepit panem et gratias agens fregit et dixit: "Accipite et manducate. Hoc est corpusl meum, quod pro vobis tradetur. Hoc facite in meam commemorationem". Similiter et calicem, postquam cenavit, dicens: "Hic calix novum testamentum est in meo sanguine. Hoc facite, quotiescumque sumetis, in meam commemorationem". Quotiescumque

10.       enim manducaveritis panem hunc, et calicem bibetis, mortem Domini annuntiabitis donec veniat. Itaque quicumque manducaverit hune panem vel biberit calicem Domini indigne, reus erit corporis et sanguinis Domini. Probet autem seipsum homo, et sic de

15.       pane illo edat, et de calice bibat. Qui enim manducat et bibit indigne, iudicium sibi manducat et bibit, non diiudicans corpus Domini.

 

Graduale. Oculi omnium in te sperant Domine, et tu das illis escam in tempore opportuno. Vs. Aperis tu manum tuam et imples omne animal benedictione.

 

Alleluia. Caro mea vere est cibus, et sanguis meus vere est potus. Qui ma nducat meam carnem et bibit meum sanguinem in me manet et ego in eo. Alleluia.

 

Contra :           Nativitas gloriosa, de sancta Maria.

 

Contra :           Laudes crucis tollams, de sancta cruce.

 

Prosa.

LAUDA SION salvatorem,

            Lauda ducem et pastorem,

            In hymnis et canticis.

            Quantum potes, tantum aude,

5.         Quia maior omni laude,

            Nec laudare sufficis.

 

            Laudis thema specialis,

            Panis vivus et vitalis,

            Hodie proponitur,

10.       Quem in sacra mensa cene

            Turbe fratrum duodene

            Datum non ambigitur.

 

            Sit laudas plena, ait sonora,

            Sit iucunda, ait decora

15.       Mentis iubilatio.

            Dies enim solemnis agitur

            In qua menue prima recolitur

            Huius institution

 

            In hac mensa novi regis,

20.       Novum pascha nove legis

            Phase vetus terminat,

            Vetustatem novitas,

            Umbram fugat veritas,

            Noctem lux eliminat.

 

25.       Quod in cena Christus gessit,

            Faciendum hoc expressit,

            In oui memoriam.

            Docti sacris inatitutis,

            Panem, vinum in salutis

30.       Consecramus hostiam.

            Dogma datur christiania

            Quod in carnem transit panis

            Et vinum in sanguinem.

            Quod non capis, quod non vides,

35.       Animosa firmat fides

            Preter rerum ordinem.

            Sub diversis spécieuse,

            Signis tantum et non rebus,

            Latent res eximie.

40.       Caro cibus, sanguis potus,

            Manet tamen. Christus totus

            Sub utraque specie.

 

            A sumente non concisus,

            Non confractus, non divisus,

45.       Integer accipitur.

            Sumit unus, sumunt mille,

            Quantum isti, tantum ille,

            Nec sumptus, absumitur.

 

            Sumunt boni, sumunt mali,

50.       Sorte tamen inequali,

            Vite vel interitus.

            Mors est malie, vita bonis,

            Vide paris sumptionis

            Quam ait dispar exitus.

 

55.       Fracto demum sacramento,

            Ne vacilles sed memento

            Tantum esse sub fragmenta

            Quantum toto tegitur.

            Nulla rei fit scissura,

60.       Signi tantum fit fractura

 

            Qua nec status nec stature

            Signati minuitur.

            Ecce panis angelorum,

            Factus cibus viatorum,

65.       Vere panis filiorum,

            Non mittendus canibus.

 

            In figuris presignatur

            Cum Isaac immolatur,

            Agnus pasche deputatur,

70.       Datur manna patribus.

            Bone pastor, panis vere,

            Iesu nostri miserere,

 

            Tu nos pasce, nos tuere,

            Tu nos bona fac videre

75.       In terra viventium.

            Tu qui cuncta scie et vales,

            qui nos pascis hic mortales,

            Tuos ibi commensales,

 

            Coheredes et sodales

80.       Fac sanctorum civium.

            Amen.

 

Secundum Iohannem. In illo tempore dixit Ieisus discipulis suis et turbis Iudeorum: Caro mea vere est cibus et sanguis meus vere est potus. qui manducat meam carnem et bibit meum sanguines in me manet et ego in illo. Sicut misit me vivens Pater, et ego vivo propter Patrem, et qui manducat me, et ipse vivet propter me. Hic est panis qui de celo descendit. Non sicut manducaverunt patres vestri manna et mortui sunt, qui manducat hunc panem vivet in eternum.

Offertorium. Sacerdotes incensum Domini et panes offerunt Deo, et ideo sancti erunt Deo suo et non polluent nomen eius, alleluia.

Contra:            Confirma hoc Deus, de Sancto Spiritu.

 

Secreta. Ecclesie tue, quesumus Domine, unitatis et pacis propitius dona concede, que sub oblatis numeribus mistice designantur. Per Dominum nostrum.

 

Prefatio. Vere dignum eterne Deus. Quia per incarnati Verbi misterium nova mentis nostre oculis lux tue claritatis infulsit, ut, dum visibilité Deum cognoscimus, per hunc in invisibilium amorem rapiamur. Et ideo cum angelis et archangelis, cum thronis et dominationibus, cumque omni militia celestis exercitus, hymnum glorie tue canimus, sine fine dicentes :

 

SANCTUS.

 

AGNUS DEI

Communio. Quotiescumque manducabitis panem hunc et calicem bibetis, mortem Domini annuntiabitis donec veniat. Itaque quicumque manducaverit panem vel biberit calicem Domini indigne, reus erit corporis et sanguines Domini, alleluia.

Contra:            Factus est repente, de Sancto Spiritu.

 

Postcommunio. Fac nos, quesumus Domine, divinitatis tue sempiterna fruitione repleri, quam pretiosi corporis et sanguines tui temporalis perceptio prefigurat. Qui vivis.

 

( à déplier svp. )

Texte latin de l'Hymne

               VERBUM SUPERNUM

 

Hymnus.

1.         VURBUM SUPERNUM prodiens

            Nec Patris linquens dexteram,

            Ad opus suum exiens,

            Venit ad vite vesperam.

2.         In mortem a discipulo

            Suis tradendus emulis,

            Prius in vite ferculo

            Se tradidit discipulis.

            Quibus sub bina specie

10        Carnem dedit et sanguinem,

            Ut duplicis substantie

            Totum cibaret hominem.

            Se nascens dedit socium,

            Convescens in edulium,

15.       Se moriens in pretium,

            Se regnans dat in premium.

            O salutaris hostia,

            Que celi pandis ostium,

            Bella premunt hostilia,

20.       Da robur, fer auxilium.

            Uni trinoque Domino

            Sit sempiterna gloria,

            Qui vitam sine termino

            Nobis donet in patria.

            Amen.

 



[1]           Congrès Eucharistique à Orvieto en présence de Paul VI le 11.08.1964. -Documentation catholique, année 1964, col. 1107-1109.

[2]           A. Molien, "Le culte rendu à l'hostie": lère partie, la Fête du St Sacrement, in "Eucharistia, Encyclopédie populaire sur l'Eucharistie", Bloud et Gay, Paris 1942, chap. IX, pp. 306 à 310.

[3]           Registres d'Urbain IV, éd. J. Guiraud, II/1, Paris 1901, n. 874, p.425.

[4]           P. Gy O.P., "L'Office du Corpus Christi et St Thomas d'Aquin", état d'une recherche, in "Revue Sc. ph. th." 64, 1980, pp. 491 à 507.

[5]           Matines, Leçon III du manuscrit B.N. lat. n' 1143 ou leçon V du Bréviaire romain.

[6]           P. Gy - opus cit., p.491.

[7]           in "Eucharistia" - opus cit. p.312.

[8]           P. Mandonnet. Revue Biblique 1909 - 1910

            cf. aussi R. Louis - "St Thomas Liturgiste", dans la "Revue des Jeunes", 10 mars 1920.

[9]           cf. l'étonnement de la Soeur cuisinière à la mort de sainte Thérèse de L'Enfant Jésus, se demandant ce qu'on allait bien pouvoir dire sur cette petite Soeur qui n'avait rien fait...

[10]          E. Dumoutet: "Moyen Age", in Dom Poulet. "Histoire du Christianisme", Livre XIII, chap. II, pp. 946 à 948.

[11]          P. Gv - opus cit., p. 493.

[12]          Alain Michel. "In hymnis et canticis" - Vander Oyez, Paris 1976. Chap. I à IV.

[13]          Dom Pius Parsch. "Le bréviaire expliqué" - Casterman,-Pari-s 1947. Dom Baudot. "Hymnes et hymnaires" - Collection Science et religion, Paris 1914.

[14]          A. Michel. opus cit. Chap. IV, p. 52.

[15]          Idée chère à St Augustin - Serm. 33, PL 38, 207; Serm. 336, PL 38, 1472.

[16]          Dom P. Parsch. opus cit., p. 114.

[17]          Dom P. Parsch. opus cit., p. 30.

[18]          Dom P. Parsch. opus cit. p. 127.

[19]          Matines, Leçon I du manuscrit B.N. lat. n' 1143 ou Leçon V du Bréviaire Romain.

[20]          cf. strophe 1 et 7 par exemple.

[21]          Dom Parsch. opus ci-t., p. 31.

[22]          Rémy de Gourmont. Le Latin mystique. Paris 1930, p. 186.

[23]          Telle, au vers 4 de Verbum Supernum: "Venit ad vitae ve,tsperam" ou encore, aux vers 17-18-19, "Hostia, ostium, hostiliat" ; cf. infra.

[24]          André Charlier sur le grégorien "chant de la liberté de l'âme", dans "Que faut-il dire aux hommes?", N.E.L., Paris 1964, pp.57 à 70.

[25]          La dévotion des fidèles a retenu, à travers les siècles, ces deux dernières strophes comme cantique eucharistique, même en dehors de l'office du "Corpus Christi": "Panis Angelicus". De même pour l'hymne des Laudes: "O Salutaris Hostia" et pour celui de Vêpres: "Tantum Ergo".

[26]          P. Webert - "St Thomas d'Aquin - Le génie de l'ordre". Edit. Denoël Steel 1934, Chap. II, p. 33.

[27]          Ce rapprochement révèle, en outre,une pensée très patristique. Nombreux sont les hymnes anciens qui suivent dans leur composition le plan du salut, mais l'originalité de St Thomas est d'y intégrer l'Eucharistie.

[28]          Alain Michel, op. cit.,p. 61.

[29]          Le cadre restreint d'une maîtrise oblige à faire un choix, aussi renvoyons-nous le lecteur désireux d'une recherche plus détaillée, àl'utilisation de "l'Index Thomesticus", du "Dictionnaire Latin-Français des Auteurs Chrétiens" de Blaise et bien sûr d'une Concordance Biblique.

[30]          Au Bréviaire Romain, texte anonyme, mais classé "ambrosien".

[31]          "In Symbolum Apostolorum" n° 98, p. 135 - le Credo, N.E.L. 1969 (Collection Dr Commun). Intr. traduction et notes par un moine de

            Fontgombault: "Non accipitur in Deo dextera corporaliter sed metaphorice, quia in quantum Deus, dicitur sedere ad dexteram Patris, idest ad aequalitatem Patris".

[32]          "ad Eph." n° 60: "Christus constitutus est ad dexteram (Patris) quae quidem non est intel'Ligenda per corporalis quia, ut dicitur Joa. IV, 24, "Spiritus est Deus", sed metaphorice dicitur, ut sicut per dexteram intelligitur nobilior et virtuosior pars hominis, ita cum dicimus Christum Iesum constitutum ad dexteram Dei, intelligatur secundum humanitatem constitutus in potioribus bonis Patris et secundum divinitatem intelligatur aequalis Patri".

[33]          Au XIIIE siècle les fidèles "imprégnés" de liturgie reconnaissaient cette t'intertextualité" et goûtaient ce renouvellement du trésor liturgique par référence aux textes traditionnels.

[34]          cf. Luc, XXIV, 13-35: "Mane nobiscum Domine, quoniam advesperascit" "Restez avec nous Seigneur car il se fait tard'. Prière des pélerins d'Emmaüs, dans un contexte qui évoque l'Eucharistie.

[35]          cf. St. Thomas, Ia, q. 1, a. 10; "Quodlibet", VII, q. 6, a. 3.

[36]          R. P. Garrigou-Lagrange. Article: "Le premier regard de l'intelligence et la contemplation" in "La Vie Spirituelle ascétique et mystique" - ler octobre 1935.

[37]          Rupert de Deutz - sur "Les Offices divins", P.L. 170, 11, 12 - cité par Dom J. Leclercq dans "L'amour des lettres et le désir de Dieu" - Cerf, 1963.

[38]          Abbé Henry Rabotin. Article "Les textes liturgiques" in "Liturgia", p. 367 sq.

[39]          Adam de Saint-Victor, P.L. 196, 1454.

[40]          Peut-être avons-nous, chez Adam de Saint-Victor et chez saint Thomas, un écho du récent IVe Concile de Latran (1215) définissant: "Pater generans, Filius nascens et Spiritus Sanctus procedens... Ti? (Denzinger, 428).

[41]          IIa IIae, q. 84, art. 1, rep. 3m.

[42]          Il faut souligner l'importance de la théologie du Verbe chez saint Thomas, opposée aux déviations de Joachim de Flore.

[43]          Contra Gentiles . Livre IV, chap. 2 à 14. Summa Theologica Ia Pars."Dieu", IIIA Pars."Du Verbe Incarné :" q. 1 à 26.

[44]          "Commentaire sur l'Evangile de Saint Jean". Tome I - Traduction du Père M.D. Philippe, O.P. - Ed. de l'Agneau (1978). Les nos renvoient aux paragraphes de cette édition.

[45]          St Jean Chrysostome. "In Joannem hom., II, 4; PG 59, col. 34.

[46]          Cf. Fulbert de Chartres, Lettre V, PL 141, 201-202. L'Eucharistie récapitule tous les mystères. De plus les sacrements sont comme un prolongement de l'Incarnation, ils s'inscrivent dans le plan divin du salut par la "chair". Cf IIIa pars, le traité des sacrements.

[47]          "Il est juste et nécessaire, Ct est notre devoir et clest notre salut, de vous rendre grâces toujours et partout, Seigneur, Père saint, Dieu Eternel et Tout-puissant, de ce que le mystère du Verbe Incarné a fait briller d'un nouvel éclat aux yeux de notre âme la lumière de votre gloire; et tandis que nous contemplons Dieu sous une forme visible, il nous emporte à l'amour des réalités invisibles" (Sacramentaire grégorien et Missel Feder, p. 847). De plus, les mêmes mélodies sont chantées aux petites heures des deux solennités.

[48]          Les n°s entre ( ) renvoient aux paragraphes du commentaire sur l'Evangile de St. Jean - op. cit.

[49]          Voir aussi le début de la IIIA pars sur les convenances de l'Incarnation, par exemple:

            "La nature de Dieu, c'est la bonté. Tout ce qui est essentiel au bien convient donc à Dieu. (... ) Il appartient à la nature du souverain bien de se communiquer souverainement à la créature. Et cette souveraine communication se réalise quand Dieu stunit à la nature créée de façon à ne former qu'une seule personne de ces trois réalités: le verbe, l'âme et la chair..." (IIIa, q.1, art. 1, resp.) ou encore, IIIa, q. 1, art. 2, resp., saint Thomas citant le pape saint Léon:

            "La puissance s'est revêtue d'infirmité, la grandeur d'humilité: car il fallait pour nous guérir, qu'un seul et même médiateur de Dieu et des hommes puisse d'une part mourir et d'autre part revivre. Vrai Dieu il apportait le remède; vrai homme, il nous offrait l'exemple".

[50]          IIIA, q. 14, art.l:

            "Dizendum convenions fuisse corpus assumptum a Filio Dei humanis infirmitatibus et defectibus subjacere; et praecipue propter tria ... (etc ... ). Hujusmodi autem defectus corporales, sc. mors, fames, si.tis et hujusmodi ...

            Cf. aussi Super S. Pauli Apostoli Epistolas: ad Philippenses, III, 7.

[51]          "Hic ritus Ecclesiae non cessabit usque ad finem mundi secundum illud Matthaei: "ecce ego vobiscum sum usque ad consummationem saeculi". Super S. Pauli Apostoli Epistolas: I ad Corinthios, XI, 26. "donec veniat".

[52]          Super S. Pauli Apostoli Epistolas: Ad Haebreos II - 15, 16. et IIIa, q. 46, art. 1, 2, 3.

            IIIa, q. 49, art. 1, 2. etc ...

[53]          "Assumpsit naturam in qua posset pati et mori, quod non poterat in divina, ut per mortem destrueret eum qui habebat mortis imperium, i.e. diabolum".

            Super S. Pauli Apostoli Epistolas: Ad Haebreos, II, 15, 16 et IIIa, q. 49, art.l.

[54]          "Que vos oeuvres sont admirables Seigneur, Vous faites toutes choses avec Sagesse."

[55]          Super Ev. S. Joan. Lectura (Jn XVII, 3-6) n° 2194:

            "Quod est proprium opus Filii Dei qui est Verbum cujus est proprium manifestare dicentem."

[56]          "Il a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort et a été enseveli." Opus cit. pp. 89 à 107.

[57]          "Sed quae necessitas-ut Verbum Dei pateretur pro nobis? Magna: et potest colligi duplex nécessitas. Una est ad remedium contra peccata, alia est ad exemplum quantum ad agenda". Ibidem, p. 92, n° 64.

[58]          " ... clausa est janua paradisi. Sed Christus sua passione januam illam aperuit, et ad regnum exules revocavit. Aperto enim latere Christi aderta est janua paradisi." Opus cit. p. 99, n° 70.

[59]          Super Ev. S. Joannis lectura, n° 2458.

[60]          "Un soldat, d'un coup de lance, lui ouvrit le côté. Et il est dit spécialement "ouvrit" et non "blessa"; car par ce côté nous fut ouverte la porte de la vie éternelle."

[61]          Cf.supra, lère partie, chap. 2: Etude des Images.

            Cf commentaire du Credo, art. IV et IIIa, q. 49, art. 5: "Utrum Christus sua passione aperuit nobis januam caeli?"

            Scriptum S. Sententiis, 1. III, dist. XVIII, art. 6, q. 6: "Utrum nobis meruit apertionem januae?" et solutio 2 ad lm: "Per peccatum hominis autem clausa fuit janua Daradisi terrestres in signum quod humanae naturae claudebatur ostium paradisi caelestis." etc ...

[62]          "Tractatus 120 in Joannem, cité à la leçon 7 des Matines du Précieux Sang (fêté le ler juillet).

[63]          Michée, II, 13, cité en IIIa, q. 49, a. 5, 4m.

[64]          IIa IIae, q. 85, a. 1.

[65]          P. Garrigou-Lagrange. De Eucharistia, éd. Marietti, Turin-Rome 1946; pp. 265 et suivantes.

[66]          Cf. Dictionnaire biblique, par J. Dheilly, éd. Desclée 1964; article "sacrifice", pp. 1063-1067.

[67]          la question a été reprise et traitée par Melle Jaubert, dans le Dictionnaire biblique (cf. supra) p. 850 sq. On peut voir aussi les travaux plus approfondis du P. Carmignac dans la revue Qmran.

[68]          Scriptum S. Sententiis-, Liv. IV, dist. XI, q. 2, a. 2; n° 198.

[69]          cf. Super Ev. S. Matthaei Lectura, n° 2168.

            Scriptum S. Sententiis, Liv. IV, dist. VIII, q. 1, a. 3 et IIIa, q. 80, a. 8, sol. 1.

[70]          Matines. Leçon II du ler nocturne. Ms BN. lat. n' 1143 ou Leçon VI du Bréviaire Romain.

[71]          cf. Dom Vonier, opus cit., p. 96.

[72]          Dom Vonier. "La clefs de la doctrine eucharistique",

            Traduction du P. Roguet, ed. de l'Abeille, Lyon 1942.

            IIIa pars, q. 60 à 65 (sacrements); q. 73 à 83 (Eucharistie). cf. aussi P. Raphaël Sineux, O.P., "Initiation à la théologie de saint Thomas d'Aquin". Desclée,1953, pp. 607 à 684.

[73]          IIIa, q. 62, a. 6.

[74]          IIIa, q. 61, a. 4, ad 2m.

[75]          Dom Vonier, opus cit., p. 35.

[76]          IIIa, q. 60, a. 3.

[77]          Dom Vonier, opus cit. pp. 28-29:

            "Cette antienne de l'Office du St Sacrement, si on la rapproche du texte de la Somme cité plus haut, trahit tout de suite son origine thomiste". cf. aussi l'oraison même de l'Office:

            "Deus qui nobis sub Sacramento mirabili,

            passionis tuae memoriam reliquisti, tribue, quaesumus, ita nos Corporis et Sanguinis tui sacra mysteria venerari,

            ut redemptionis tuae fructum in nobis jugiter sentiamus".

[78]          Matthieu XXVI, 26-28; I Corinthiens XI, 23-25.

[79]          Contra Gentiles, Liv. IV, chap. LXI, p. 316 et sq.

            Scriptum S. Sententiis, Liv IV, dist. XI, q. 2, a. 1, n° 154 et sq.

            Super S. Pauli Apostoli Epistolas, ad I Cor. XI, 23-24.

            Ia IIae, q. 102, art. 3; IIa IIae, q. 83, art. 9, etc ...

[80]          cf. Contra Gentiles, Liv. IV, chap. LXI, p. 327.

[81]          Scriptum S. Sententiis, Liv. IV, dist. VIII, 2 et 4: "agnum typicumtt et "typico Pascha".

[82]          Isaïe, XVI, 1; LIII, 7 - Jérémie, XI, 19 etc...

            En hébreu, les mots "agneau" et "serviteur" sont identiques. Dans l'Apocalypse, on peut relever plus de vingt emplois ...

[83]          IIIa, q. 73, art. 6; traduction du Père A.M. Roguet.

            cf. aussi IIIA, q. 80, a. 10, ad 2m.

            Scriptum-S. Sententiis, Liv. IV, D.VIII, q. I, art. 2, n° 52 sq.

[84]          Scriptum S. Sententiis, ibidem, n° 66 et n° 78.

[85]          Scriptum S. Sententiis, liv. IV, dist. VIII, q. 1, a. 1, n° 31 sq. IIIa, q. 73, a. 4:"Convient-il que ce sacrement soit désigné par plusieurs noms?"

[86]          cf. IIIa, ut supra.

[87]          Ière partie, chap. II, de cette étude.

[88]          G.K. Chesterton. Saint Thomas du Créateur. Trad. A. Barrois. Ed. D.M.M. 1977, p. 111.

[89]          Cf. Hébreux, III, 5-6; V, 4-6; VII, 22-28 etc...

            Ephésiens, V, 2; Romains; etc...

[90]          Matines: Leçon I du manuscrit BN. lat. no 1143

            ou Leçon V du Bréviaire Romain.

[91]          Isaïe 53, 7: "Oblatus est, quia ipse voluit", "Le Christ s'est offert lui-même parce qu'il l'a voulu".

            Jean, VII, 20; VIII, 30 "quia nondum venerat hora ejus"; X, 17-18

[92]          IIIa, q. 22, a. 1 à 6:"le sacerdoce du Christ'.. spécialement art. 2:

            "Le Christ fut-il, en même temps prêtre et victime?"

[93]          Aucun des disciples n'est sûr de ne pas trahir. Cf. la remarque de Romano Amerio dans "Iota Unum", N.E.L. 1987, p. 489, soulignant comment l'art chrétien a toujours représenté la Cène comme un événement tragique et non comme un joyeux banquet.

            "Dedit et tristibus sanguines poculum " (S. Solemniis, v. 14).

            Cf. aussi Super S. Matthaei, XXVI, 22, n° 2161.

[94]          le Corinthiens. XI, 23-26.

[95]          IIIa, q. 62, art. 6.

[96]          Cf. Scriptum S. Sententiis, liv. IV, dist. VIII; IX;  XIII, etc...

            Super Ev. S. Matthaei (XXVI, 26, 28), nos 2197, 2202 ...

            Contra Gentiles, Liv. IV; I!Ia , q. 78, a. 2; q.80.

            Super I. ad Corinthios (XI, 23, 26), etc ...

[97]          Cf. supra. lère partie de cette étude.

[98]          Apocalvpse I, 4-6. "Jésus-Christ nous a purifiés de nos péchés dans son sang et nous a faits Rois et Prêtres près de Dieu son Père."

[99]          cf. études déjà citées in "Contra Gentiles" et IIIa. Nous suivrons le texte des Sentences, Liv. IV, dist. XIII en entier.

[100]         "De plus, comme le calice est consacré d'une onction, en raison de la révérence due à ce sacrement, ils reçoivent, sur les mains, l'onction sacramentelle qui les consacre définitivement au culte de Dieu". Ibidem, n° 111. Cf. aussi IIIa, q. 82, a. 3, resp.

[101]         Scriptum S. Sententiis. L4-v. IV, dist. XIII, q. 1, a. 3 - n° 109. fl Sicut in corpore naturali sunt quaedam membra principalia per ouae virtutes et operationes vitae a principio vitae ad cetera membra decurrunt; ita et in Ecclesia sacerdotes et alii ministri sunt quasi membra principalia quibus mediantibus sacramenta vitae populo dispensari debent. Et ita laicis, quantumcumque sanctis, sicut nec consecratio, ita nec dispensatio hujus sacramenti competit."

            cf. Contra Gentiles, liv. IV, locus cit.

            "Nul, fût-il parfait, ne peut dispenser ce sacrement s'il n'a reçu le pouvoir de le dispenser".

[102]         Cardinal Journet, article paru en 1971 dans "Nova et Vetera"; repris par le "Bulletin de Saint François de Sales" (3e trim. 1985) sous le titre "La Messe, un acte d'amour".

[103]         IIIa, q. 74, a. 7, resp.; q.79, a. 5; q. 82, a. 4, 2m.

            "Le prêtre qui consacre est-il tenu de communier?"

            cf. aussi Scriptum S. Sententiis, Liv. IV, dist. X, a. 4;

            dist. XII, q. 3, a.2.

[104]         "Si un être substantiel se trouve tout entier dans un tout, il se trouve également tout entier dans n'importe quelle partie de ce tout."

            Super S. Matthaei (XXVI, 26-28) n° 2185-2188.

            Cf. aussi Contra Gentiles chap. LXVII.

[105]         IIIa, q. 79 en entier.

[106]         Nous ne développerons pas plus ici. Cf. la seconde partie de cette étude.

[107]         IIIa, q. 62, a. 5.

[108]         P.H. Clérissac - opus cit., p. 64.

[109]         IIIa, q. 80, a. 2.

[110]         Le Bréviaire Romain donne: "Sic nos tu visita, sicut te colimus."

            L'erreur du copiste est évidente: "sic-tu/sicut"; le "s" final du verbe visitas, répondant en rime intérieure à Deitas et semitas, a été absorbé par le "s" initial de sicut. Il ne peut s'agir d'un impératif, dont la nuance serait difficile à traduire!, mais de l'indicatif.

[111]         IIa IIae, q. 83, a. 7.

[112]         IIa IIae, q. 28 et 29; notes du P. Noble, éd. Revue des Jeunes, 1957, p. 253.

[113]         J. Maritain, Le docteur angélique, p. 35.

[114]         pp. 4* à 6* de l'Annexe.

[115]         M. Zundel, opus cit. p. 99.

[116]         P.V.A. Berto, Pour la Ste Eglise Romaine, Cèdre, Paris 1976, p. 41.

[117]         "stupor", "admiratio", cf. Baudouin de Ford (XIIe s.), "De Sacramento altaris", cité par Dom J. Leclercq, opus cit., p. 215.

[118]         M. Zundel. opus cit., pp. 338-339.