EXPOSITION DE LA SALUTATION ANGÉLIQUE
PAR SAINT THOMAS d’AQUIN
Note des sermons donnés à Naples,
printemps 1273, prises de notes par Pierre de Andria
Deux traductions :
Abbé Bralé, Editions Louis Vivès, 1857
Traduction par un moine de Fontgombault, Nouvelles
Editions Latines, 1978
Édition numérique, https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique,
2008
Les œuvres complètes de
saint Thomas d'Aquin
INTRODUCTION A L’ÉDITION FONTGOMBAULT, 1978
EXPLICATION DE LA SALUTATION ANGELIQUE
PROLOGUE (Traduction Editions Louis Vivès, 1857)
PROLOGUE (Traduction Fontgombault, 1978)
Explication de la salutation de l’ange Gabriel
Explication de la salutation de sainte Elisabeth
Article 2 : VOUS ÊTES BÉNIE ENTRE TOUTES LES FEMMES
Article 3 : LE FRUIT DE VOS ENTRAILLES EST BÉNI
Le
témoignage de ses contemporains, au nombre desquels il faut compter plusieurs
de ses Frères en religion, nous apprend qu’un an avant sa mort, depuis le
Dimanche de la Sexagésime, 12 février 1273, au jour de Pâques, 9 avril, saint
Thomas d’Aquin se consacra avec beaucoup de zèle à l’instruction des fidèles,
dans l’église conventuelle de saint Dominique, à Naples.
Il
y donna successivement des sermons sur le Symbole
des Apôtres, l’Oraison dominicale, la Salutation angélique, sur les deux
préceptes de la charité et les dix commandements de la loi.
Le
lien qui unit ces différents sujets n’apparaît pas à première vue ; mais le
saint Docteur prit la peine de le montrer à ses auditeurs.
«
Il y a, leur dit-il, trois choses nécessaires il l’homme pour son salut. La
première est la connaissance de ce qu’il doit croire, la seconde la
connaissance de ce qu’il doit désirer, la troisième la connaissance de ce qu’il
doit accomplir. L’homme apprend la première de ces connaissances dans le Symbole
des Apôtres. Il est instruit sur ce qu’il doit désirer dans l’Oraison
dominicale ; les deux préceptes de la charité et les dix commandements de la
loi le renseignent sur cc qu’il doit accomplir. »
L’ensemble
de ces sermons constituent une véritable catéchèse prébaptismale.
Le
Père Tocco, dominicain, qui assistait aux prédications, rapporte qu’elles
attiraient chaque fois un grand concours de peuple ; la foule écoutait le
Bienheureux avec vénération, comme si la parole fût venue de Dieu même. La seule
vue de son maintien produisait une impression profonde. D’après Jean Blasio,
juge de Naples, il donna ses deux sermons sur la salutation angélique, les yeux
fermés ou levés au ciel l’air extatique.
Les
nombreux auditeurs du saint, lors de ce Carême de 1273, appartenaient à toutes
les classes sociales. Aussi ne leur adressait-il pas la parole en latin, mais
en italien.
Le
texte latin, qui nous est parvenu, des sermons de saint Thomas, n’est donc pas
un texte original, mais seulement un résumé. Et il n’est pas certain que le
saint les ait écrits lui-même de sa main, ni même qu’il les ait eus sous les
yeux pour y apporter précisions et corrections.
Pourtant
tous les auteurs, qui en ont parlé (Mandonnet, Michelitisch, Grabman, ... Walz)
affirment unanimement leur authenticité. Tous assurent qu’ils expriment
fidèlement la pensée du saint Docteur.
L’origine
du texte explique que l’on y trouve parfois des obscurités dans l’expression et
que l’on ne discerne pas toujours parfaitement le lien qui unit les pensées.
Les
citations de l’Ecriture sainte sont fort nombreuses et il n’est pas rare que
leur rapport avec le contexte ne paraisse pas clairement.
Pour
rendre la lecture de la traduction plus aisée et plus coulante, nous n’avons
pas hésité à supprimer quelques-unes de ces citations, toutes les fois que leur
rapport avec le contexte n’était pas assez perceptible.
Pour
la même raison, toutes les fois où cela nous a paru nécessaire, nous avons
cherché à exprimer plus explicitement le mouvement de la pensée de saint Thomas,
soit en développant ce que dans sa concision le texte latin ne faisait que
suggérer, soit même en modifiant l’ordre matériel des propositions.
Nous
avons adopté cette façon de procéder pour entrer dans l’esprit qui préside à
cette collection et atteindre le but particulier qui lui a été assigné (cf. le
premier volume de la Collection Docteur commun, par M. Jean Madiran, « Les principes de la réalité naturelle »,
pp. 15 et suivantes).
De
toute façon, les lecteurs qui entendent le latin pourront toujours s’y référer.
Les
différentes éditions ont réuni les sermons en quatre opuscules, qui ont pour
titres :
« Explication
du Symbole des Apôtres ou Sermons sur le « Je crois en Dieu » ;
« Explication
de l’Oraison dominicale ou Sermons sur le « Notre Père
« Explication
de la Salutation angélique ou Sermons sur le « Je vous salue Marie » ;
« Sermons
sur les deux préceptes de la charité et les dix commandements de la loi.
Parlant de la salutation
angélique, dans son Traité de la dévotion
à la sainte Vierge, saint Grignon de Montfort écrit : « Peu de chrétiens,
même éclairés, connaissent le prix, le mérite, l’excellence et la nécessité de
l’Ave Maria. »
« L’Ave Maria » est la plus
belle prière après le « Notre Père ». C’est le plus beau compliment que vous
puissiez faire à Marie, puisque c’est le compliment que le Très-Haut lui envoya
faire par un Archange, pour gagner son cœur ; et il fut si puissant sur son
cœur, par les charmes secrets dont il est plus plein, que Marie donna son’
consentement à l’Incarnation du Verbe, malgré sa profonde humilité. C’est par
ce compliment que vous gagnerez infailliblement son cœur, si vous le dites
comme il faut, c’est-à-dire avec attention, dévotion et modestie ».
Nous pourrions ajouter : avec
intelligence, ce qui demande que nous nous efforcions de comprendre, de notre
mieux, le sens profond des paroles, que nous prononçons.
La lecture des explications du
Docteur angélique nous y aidera grandement.
Dès le début de son commentaire
sur la Salutation angélique, saint Thomas nous donne son plan.
Le voici en résumé :
1. EXPLICATION DE LA SALUTATION DE SAINT GABRIEL
Je vous salue (nn° 2,
3, 4),
Pleine de grâce (nn° 5,
6, 7, 8, 9), Le Seigneur est avec vous (n. 10),
Vous êtes bénie entre les femmes (nn° 12, 13, 14).
2. EXPLICATION DE LA SALUTATION DE SAINTE ÉLISABETH.
Le fruit de vos entrailles est béni (nn° 16, 17, 18).
3. EXPLICATION DU MOT MARIE, introduit dans le « Je vous salue
Marie » par l’Eglise (nn° 10, 12, 17).
Si le saint Docteur vivait à
notre époque, il apporterait, comme nous l’avons fait par nos sous-titres, une
légère modification à son plan.
Suivant la version de la Vulgate
en effet, il attribue à saint Gabriel les paroles : Vous êtes bénie entre
les femmes.
Or, d’après les meilleures
versions de l’Evangile de saint Luc cette louange n’a pas été formulée par
l’Archange saint Gabriel, mais, comme la suivante, par sainte Elisabeth.
D’après l’opinion la plus
admise, il faut attribuer au pape Urbain VIII l’introduction du nom de Jésus
dans la salutation angélique.
Ce Pontife a régné de 1261 à
1264 et cependant saint Thomas, dans son explication de l’Ave, bien qu’elle
date de 1273, ne fait pas mention du nom de Jésus. Mais il en a parlé à
diverses reprises, en particulier dans sa Somme théologique (IIIa, q.37, a.2,
c.).
Il ne semble pas avoir connu
davantage la deuxième partie du « Je vous salue Marie », telle que nous la
récitons aujourd’hui.
Cette deuxième partie s’est
constituée peu à peu. Au XII° siècle, on en trouve une ébauche dans une hymne
attribuée à Gottschalk, chapelain de l’empereur Henri IV. Au xv" siècle,
saint Bernardin de Sienne connaissait une réduction de cette deuxième partie :
sainte Marie, priez pour nous, pauvres pécheurs. La formule actuelle était en
usage au XVI° siècle ; elle fut consacrée officiellement par son insertion, en
1568, au bréviaire de saint Pie V.
Comme beaucoup de scholastiques
du XIII° siècle, saint Thomas pensait, et il l’a pensé jusqu’à la fin de sa
vie, que la Sainte Vierge avait contracté en acte le péché originel et qu’elle
en avait été purifiée dès le sein de sa mère. Il le dit à deux reprises dans
son explication de la salutation angélique (nn° 6 et 7).
A ces deux endroits, notre
traduction volontairement n’est plus une traduction ; car elle n’exprime pas le
sens du texte latin, mais ce qui est la foi de la sainte Eglise et ce que
contemple actuellement le saint Docteur dans la vision béatifique, à savoir
l’Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie.
Prooemium |
PROLOGUE de saint Thomas (Traduction Editions Louis Vivès, 1857) |
PROLOGUE de saint Thomas (Traduction Fontgombault, 1978) |
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[86708] Super Ave Maria, pr. In salutatione ista continentur tria. Unam partem fecit Angelus,
scilicet ave gratia plena, dominus tecum, benedicta tu in mulieribus.
Aliam partem fecit Elisabeth, mater Ioannis Baptistae, scilicet benedictus
fructus ventris tui. Tertiam partem addidit Ecclesia, scilicet Maria:
nam Angelus non dixit, ave Maria, sed ave, gratia plena. Et hoc nomen,
scilicet Maria, secundum suam interpretationem convenit dictis Angeli, sicut
patebit. |
"Je vous salue, Marie,
pleine de grâce, le Seigneur est avec vous." Cette salutation contient trois parties; l'ange a
composé la première, qui est celle-ci: "Je
vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre
toutes les femmes." La seconde est l'œuvre d'Elisabeth, mère de
Jean-Baptiste; elle est renfermée dans ces paroles: "Béni le fruit de votre ventre." L'Eglise a ajouté la
troisième, qui ne contient que ce mot: "Marie."
L'ange n'a pas dit, en effet: "Je vous salue, Marie," mais, "Je
vous salue, pleine de grâce." Ce nom de Marie convient aux paroles
de l'ange, comme nous allons le prouver par son interprétation. |
1. - La salutation angélique comprend trois
parties. L’Ange compose la première. Voici ses paroles, d’après la
Vulgate : Je vous salue, pleine de grâce, Le Seigneur est avec vous, Vous
êtes bénie entre les femmes (Luc 1, 28). La
deuxième partie est l’œuvre d’Elisabeth, la mère de
saint Jean-Baptiste ; celle-ci s’exprima ainsi : Béni est le fruit de vos
entrailles (Luc 1, 42). L’Eglise a ajouté la troisième partie : Marie. L’Ange, en effet, n’a pas dit
: Je vous salue, Marie, mais : Je
vous salue, pleine de grâce. Ce nom de Marie, par sa
signification, comme on le verra plus loin, s’harmonise avec les paroles de
l’Ange Gabriel. |
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Articulus 1
[86709] Super Ave Maria, a. 1 tit. Ave Maria gratia plena,
dominus tecum |
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Explication de la salutation de
l’ange Gabriel
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Article 1 : JE VOUS SALUE |
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[86710] Super Ave Maria,
a. 1 Est ergo circa primum considerandum, quod
antiquitus erat valde magnum quod Angeli apparerent hominibus; vel quod
homines facerent eis reverentiam, habebant pro maxima laude. Unde et ad
laudem Abrahae scribitur, quod recepit Angelos hospitio, et quod exhibuit eis
reverentiam. Quod autem Angelus faceret homini reverentiam, nunquam fuit
auditum, nisi postquam salutavit beatam virginem, reverenter dicens, ave.
Quod autem antiquitus non reverebatur hominem Angelus, sed homo Angelum,
ratio est, quia Angelus erat maior homine; et hoc quantum ad tria. Primo
quantum ad dignitatem: ratio est, Angelus est naturae spiritualis. Psal.
CIII, 4: qui facit Angelos suos spiritus; homo vero est naturae
corruptibilis: unde dicebat Abraham (Gen. XVIII, 27): loquar ad dominum
meum, cum sim pulvis et cinis. Non ergo erat decens ut spiritualis et
incorruptibilis creatura reverentiam exhiberet corruptibili, scilicet homini.
Secundo quantum ad familiaritatem ad Deum.
Nam Angelus est Deo familiaris, utpote assistens. Dan. VII, 10: millia millium ministrabant ei, et decies millies
centena millia assistebant ei. Homo vero est quasi extraneus, et
elongatus a Deo per peccatum. Psal. LIV, 8: elongavi fugiens. Ideo
conveniens est ut homo revereatur Angelum, utpote propinquum et familiarem
regis. Tertio praeeminebat propter plenitudinem splendoris gratiae divinae:
Angeli enim participant ipsum lumen divinum in summa plenitudine. Iob. XXV,
3: nunquid est numerus militum eius, et super quem non surget lumen eius?
Et ideo semper apparet cum lumine. Sed homines, etsi aliquid participent de
ipso lumine gratiae, parum tamen, et in obscuritate quadam. Non ergo decens
erat ut homini reverentiam exhiberet, quousque aliquis inveniretur in humana
natura qui in his tribus excederet Angelos. Et haec fuit beata virgo. Et ideo ad designandum quod in his tribus
excedebat eum, voluit ei Angelus reverentiam exhibere: unde dixit, ave.
|
Il faut donc savoir, pour ce qui est de la première partie,
qu'anciennement l'apparition des anges aux hommes était une chose très importante;
les hommes aussi tenaient pour un honneur souverain de les révérer. C'est
pourquoi il est écrit, à la louange d'Abraham, qu'il a donné aux auges
l'hospitalité, et qu'il leur a fait la révérence. Mais qu'un ange fît la
révérence à un homme, c'est une chose inouïe, avant qu'il eût salué la
bienheureuse Vierge, disant: "Je vous salue." La raison pour
laquelle, dans l'antiquité, l'ange ne révérait pas l'homme, et que celui-ci
révérait l'ange, c'est parce que l'ange était plus grand que l'homme, et cela
sous trois rapports. Il lui était, premièrement, supérieur en dignité, et ce qui le
prouve, c'est que, de sa nature, l'ange est spirituel. Il est écrit, Psaume
CXXX: "Il a fait ses anges des esprits, etc." Pour l'homme,
lui, il est d'une nature corruptible; c'est ce qui faisait dire à Abraham: "Je
parlerai au Seigneur, moi qui suis cendre et poussière !" Il ne
convenait donc pas que la créature spirituelle et incorruptible révérât la
créature corruptible, c'est-à-dire l'homme. Il lui était, secondement, supérieur, par les rapports plus immédiats
qu'il a avec Dieu. L'ange, en effet, est le familier du Très-Haut, il est
comme son assistant. Daniel dit, chapitre VII: "Un million d'anges le
servaient, et mille millions assistaient devant lui." Mais l'homme
est comme étranger, comme exilé loin de Dieu par le péché. Il est écrit,
Psaume LIV: "Fuyant, je me suis éloigné." Il convient donc à
l'homme de révérer l'ange, comme plus proche et plus familier du Roi. Il lui était supérieur, troisièmement, par la plénitude de la
splendeur de la grâce divine. Les anges, en effet, participent pleinement à
la lumière divine. Job dit, chapitre XXV: "Le nombre de ses soldats
est-il connu? et sur lequel ne se lèvera pas sa lumière?" Et c'est
ce qui fait qu'il apparaît toujours lumineux. Mais pour les hommes, bien
qu'ils aient quelque part à la lumière de la grâce, cette lumière cependant
est petite, et ils sont comme dans l'obscurité. Il ne convenait donc pas que
l'ange révérât l'homme, jusqu'à ce qu'il se fût trouvé dans la nature humaine
quelqu'un qui, sur ces trois points, fût supérieur à l'ange; et cette
créature, ce fut la bienheureuse Vierge. Et c'est pour montrer qu'en ces
trois points elle lui était supérieure, qu'il voulut la révérer; ce qui lui
fit dire: "Je vous salue." |
2. - Dans l’antiquité, l’apparition des Anges aux
hommes constituait un événement d’une très grande portée et les hommes
tenaient pour un honneur inestimable de pouvoir témoigner aux Anges leur
vénération. Aussi l’Ecriture loue-t-elle
Abraham d’avoir donné à des Anges l’hospitalité et de les avoir traités avec
beaucoup d’honneur. Mais qu’un Ange se fût incliné
devant une créature humaine, on ne l’avait jamais entendu dire, avant que
l’Archange Gabriel eut exprimé sa vénération à la Bienheureuse Vierge par ces
paroles : Je vous salue. 3. - Si, dans l’antiquité, l’homme révérait l’Ange et
l’Ange ne révérait pas l’homme, la raison en était la supériorité de l’Ange
par rapport à l’homme. Cette supériorité se manifeste
de trois manières. Premièrement,
l’Ange est supérieur à l’homme en dignité, du fait de sa nature
spirituelle. Il est écrit en effet (Ps.
103, Vers. 4) : D’êtres spirituels (et incorruptibles), Dieu a fait ses
Anges. Mais l’homme, lui, est d’une
nature corruptible. C’est pourquoi Abraham disait à Dieu (Gn 18, 27) : Je
parlerai à mon Seigneur, moi, cendre et poussière. Il ne convenait pas qu’une
créature spirituelle et incorruptible rendît hommage à une créature
corruptible. En
second lieu, l’Ange surpasse l’homme par sa
familiarité avec Dieu. L’Ange, en effet, appartient à
la famille de Dieu ; il se tient auprès de lui. Des milliers de milliers
d’Anges le servaient et dix milliers de centaines de milliers d’Anges se
tenaient en sa présence, est-il écrit au livre de Daniel (7, 10). Mais l’homme, lui, est comme
étranger à Dieu, comme exilé loin de sa face, par le péché, suivant cette
parole du Psalmiste (Ps. 54, 8) : Je me suis
éloigné de mon Dieu par la fuite. Il convient donc que l’homme
honore l’Ange, à cause de sa proximité avec la Majesté divine et de son
intimité avec elle. En
troisième lieu, l’Ange est élevé au dessus de
l’homme, par la plénitude de la splendeur de sa grâce divine. Les Anges, en
effet, participent avec la plus grande plénitude à la lumière divine
elle-même. Peut-on dénombrer les soldats de Dieu, dit Job (25, 3), et
en est-il un seul sur lequel ne se lève sa lumière ? Aussi les Anges
apparaissent-ils toujours lumineux. Les hommes, eux, participent
bien à cette lumière de la grâce, mais avec parcimonie et comme dans un
clair-obscur. 4. - Il ne convenait donc pas que l’Ange s’inclinât
devant l’homme, jusqu’au jour où parut une créature humaine, surpassant les
Anges par sa plénitude de grâce (cf. nn° 5 à 10), par sa familiarité avec
Dieu (cf. n° 10) et par sa dignité. Cette créature humaine fut la
bienheureuse Vierge Marie. Pour reconnaître cette
supériorité, l’Ange lui témoigna sa vénération par ces paroles : Je vous
salue. |
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PLEINE DE GRÂCE
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Unde beata virgo excessit
Angelos in iis tribus. Et primo in plenitudine gratiae, quae magis est in
beata virgine quam in aliquo Angelo; et ideo ad insinuandum hoc, Angelus ei
reverentiam exhibuit, dicens, gratia plena, quasi diceret: ideo
exhibeo tibi reverentiam, quia me excellis in plenitudine gratiae. Dicitur
autem beata virgo plena gratia quantum ad tria. Primo quantum ad animam, in
qua habuit omnem plenitudinem gratiae. Nam gratia Dei datur ad duo: scilicet
ad bonum operandum, et ad vitandum malum; et quantum ad ista duo
perfectissimam gratiam habuit beata virgo. Nam
ipsa omne peccatum vitavit magis quam aliquis sanctus post Christum. Peccatum
enim aut est originale, et de isto fuit mundata in utero; aut mortale aut
veniale, et de istis libera fuit. Unde Cant. IV, 7: tota pulchra es, amica
mea, et macula non est in te. Augustinus in libro de natura et gratia: excepta
sancta virgine Maria, si omnes sancti et sanctae cum hic viverent,
interrogati fuissent utrum sine peccato essent, omnes una voce clamassent: si
dixerimus quia peccatum non habemus, ipsi nos seducimus, et veritas in nobis
non est. Excepta, inquam, hac sancta virgine, de qua propter honorem domini,
cum de peccato agitur, nullam prorsus volo quaestionem habere. Scimus enim
quod ei plus gratiae collatum fuerit ad peccatum ex omni parte vincendum quae
illum concipere et parere meruit quem constat nullum habuisse peccatum.
Sed Christus excellit beatam virginem in hoc quod sine originali conceptus et
natus est. Beata autem virgo in originali est concepta, sed non nata. Ipsa
etiam omnium virtutum opera exercuit, alii autem sancti specialia quaedam:
quia alius humilis, alius castus, alius misericors; et ideo ipsi dantur in
exemplum specialium virtutum, sicut beatus Nicolaus in exemplum misericordiae
et cetera. Sed beata virgo in
exemplum omnium virtutum: quia in ea reperis exemplum humilitatis: Luc. I, 38: ecce ancilla domini, et post, vers. 48: respexit
humilitatem ancillae suae, castitatis, quoniam virum non cognosco,
vers. 34, et omnium virtutum; ut satis patet. Sic ergo plena est gratia beata
virgo et quantum ad boni operationem, et quantum ad mali vitationem. Secundo plena fuit gratia quantum ad redundantiam
animae ad carnem vel corpus. Nam magnum est in sanctis habere tantum de
gratia quod sanctificet animam; sed anima beatae virginis ita fuit plena quod
ex ea refudit gratiam in carnem, ut de ipsa conciperet filium Dei. Et ideo
dicit Hugo de s. Victore: quia in corde eius amor spiritus sancti
singulariter ardebat, ideo in carne eius mirabilia faciebat, intantum quod de
ea nasceretur Deus et homo. Luc. I, 35:
quod enim nascetur ex te sanctum, vocabitur filius Dei. Tertio quantum
ad refusionem in omnes homines. Magnum enim est in quolibet sancto, quando
habet tantum de gratia quod sufficit ad salutem multorum; sed quando haberet
tantum quod sufficeret ad salutem omnium hominum de mundo, hoc esset maximum:
et hoc est in Christo, et in beata virgine. Nam in omni periculo potes
salutem obtinere ab ipsa virgine gloriosa. Unde Cant. IV, 4: mille clypei,
(idest remedia contra pericula), pendent ex ea. Item in omni opere virtutis potes eam habere in
adiutorium; et ideo dicit ipsa, Eccli. XXIV, 25: in
me omnis spes vitae et virtutis. |
De là, la bienheureuse Vierge a surpassé les anges en ces trois
choses; et d'abord par la plénitude de la grâce, qui est plus grande dans la
bienheureuse Vierge que dans lequel que ce soit des anges; et c'est pour
l'insinuer que l'ange lui a fait la révérence, disant: "pleine de
grâce," comme s'il disait je vous révère, parce que vous l'emportez
sur moi par la plénitude de la grâce. La bienheureuse Vierge est pleine de
grâce quant à trois choses. Premièrement, quant à l'âme, dans laquelle elle eut la plénitude de
la grâce. Dieu, de fait, donne la grâce pour deux choses, à savoir, pour
faire le bien et pour éviter le mal; et, pour ce qui est de ces deux choses,
la bienheureuse Vierge eut la grâce la plus parfaite. Après Jésus-Christ,
elle évita le péché d'une manière plus parfaite que nul autre saint. Le
péché, en effet, est, ou originel, et elle fut pure dès le sein de sa mère,
ou mortel ou véniel, et elle fut exempte de ceux-ci. C'est pourquoi il est
écrit au livre des Cantiques, chapitre IV: "Vous êtes toute belle, ma
bien-aimée, il n'y a pas en vous de souillures." Saint Augustin dit,
dans son livre de la Nature et de la Grâce: "Si, excepté la sainte
vierge Marie, on interrogeait tous les saints et saintes qui ont vécu ici-bas
s'ils ont été sans péchés, ils s'écrieraient d'une voix unanime: Si nous
disons que nous sommes sans péché, nous nous trompons nous-mêmes, la vérité
n'est pas en nous. Exceptez donc, dis-je, cette sainte Vierge, de laquelle,
pour l'honneur du Seigneur, quand il s'agit du péché, je ne veux nullement
parler." Nous savons qu'il lui a été donné plus de grâce pour
vaincre le péché, sous quelque forme qu'il se présentât; elle a mérité de
concevoir et d'enfanter celui qui, comme il est constant, ne fut souillé
d'aucun péché. Mais Jésus-Christ l'a emporté sur la bienheureuse Vierge, en
ce qu'il a été conçu et qu'il est né sans le péché originel; pour la
bienheureuse Vierge, elle a été conçue dans le péché originel, mais elle
n'est pas née en lui. La bienheureuse Vierge pratiqua même toutes les vertus
d'une manière parfaite; pour les autres saints, ils en pratiquèrent
quelques-unes d'une manière plus spéciale; l'un pratiqua surtout l'humilité,
l'autre, la chasteté, un autre, la miséricorde; c'est ce qui les fait donner
comme les modèles de vertus particulières: ainsi le bienheureux Nicolas est
un modèle de miséricorde, etc. Mais la bienheureuse Vierge, elle, est le
modèle de toutes les vertus, parce qu'en elle vous trouverez un modèle
d'humilité. Il est écrit en saint Luc, chapitre I: "Voici la servante
du Seigneur;" et plus loin: "Il a regardé l'humilité de sa
servante." Elle est un modèle de chasteté: "Je n'ai connu aucun
homme;" elle est, comme il est facile de le voir, le modèle de toutes
les vertus. Ainsi donc elle est pleine de grâce, et pour faire le bien, et
pour éviter le mal. Elle fut, secondement, pleine de grâce, au point que de l'aine elle
rejaillit encore sur la chair ou le corps. Pour les saints, avoir reçu assez
de grâces pour sanctifier l'âme, c'est en avoir reçu de grandes; mais l'âme
de la bienheureuse Vierge en fut si pleine, que de celle-ci elle se répandit
sur la chair, au point que, de cette même chair, elle conçut le Fils de Dieu;
ce qui fait dire à Hugues de Saint-Victor: "Parce que l'amour du
Saint Esprit brûlait dans son cœur, c'est pour cela qu'il opérait dans sa
chair des choses merveilleuses, au point que d'elle naquît un Dieu
homme." Il est écrit en saint Luc, chapitre I: "Le Saint qui
naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu." Elle en fut pleine, troisièmement, au point d'en répandre sur tous
les autres hommes. C'est beaucoup pour chaque saint, quand il a assez de
grâce pour qu'elle suffise au salut de plusieurs hommes; mais en avoir qui
suffisent au salut de tous les hommes, voilà qui est immense; et c'est ce qui
existe en Jésus-Christ et dans la bienheureuse Vierge. Dans toute espèce de
périls vous pouvez, en effet, obtenir de la glorieuse Vierge le salut. C'est
pour cela qu'il est; dit au livre des Cantiques, chapitre IV: "Mille
boucliers, c'est-à-dire mille remèdes sont suspendus contre les périls,
etc." Vous pouvez de même l'avoir pour soutien dans toute œuvre de
vertu; et c'est ce qui lui fait dire dans l'Ecclésiastique, chapitre XLIV: "En
moi est tout espoir de vie et de vertu." |
5. - Premièrement,
la Bienheureuse Vierge surpassa tous les Anges, par sa plénitude de
grâce. Pour manifester cette
prééminence, l’Archange Gabriel s’inclina devant elle et lui adressa ces
paroles : Vous êtes pleine de grâce, ce qui revenait à lui dire : Je vous révère, parce
que vous me surpassez par votre plénitude de grâce. 6. - On peut envisager la plénitude de grâce de la
Bienheureuse Vierge de trois manières. En
premier
lieu, son âme possède toute la plénitude de la grâce. Dieu donne la grâce pour deux
motifs, à savoir pour faire le bien et pour éviter le mal. A ce double point de vue, la
Bienheureuse Vierge fut favorisée de la grâce la plus parfaite. Car elle évita le péché, mieux
que tout autre saint, après le Christ. Le péché en effet
est soit originel, soit actuel mortel ou, véniel. La Vierge fut préservée du
péché originel, dès le premier instant de sa conception, et elle demeura
toujours étrangère à tout péché mortel ou véniel. Aussi est-il dit à son sujet
dans le Cantique des Cantiques (4, 7) : Vous êtes toute belle, mon amie, et sans tache aucune. « Hormis la Sainte Vierge, dit
saint Augustin dans son livre de la nature et de la grâce, tous les saints et
les saintes, durant leur vie terrestre à la question suivante : « êtes-vous
sans péché ? » se seraient écriés d’une voix unanime : « Si nous disions : Nous sommes sans péché (cf. 1 Jn 1, 8), nous nous tromperions nous-mêmes et la
vérité ne serait pas en nous. » La Vierge sainte, elle, fait exception.
Pour l’honneur du Seigneur, quand il s’agit du péché, je veux qu’il ne soit
jamais question d’Elle. Nous le savons en effet, à elle il fut donné une
grâce plus abondante pour triompher complètement du péché. Elle mérita de
concevoir Celui qui assurément ne fut souillé d’aucune faute. » Mais le
Christ surpassa la Bienheureuse Vierge. Sans doute,
l’un et l’autre furent conçus et naquirent sans le péché originel. Mais
Marie, contrairement à son Fils, y était soumise de droit. Et si elle en fut
de fait totalement préservée, ce fut par une grâce et un privilège singulier
du Dieu Tout-Puissant, et en vue des mérites de son Enfant,
Jésus-Christ, Sauveur du genre humain. 7. - La
Vierge accomplit également les œuvres de toutes les vertus. Les autres saints excellèrent
en quelques-unes d’entre elles. Celui-ci fut humble, celui-là fut chaste, cet
autre miséricordieux. Aussi les offre-t-on comme modèles de ces vertus
particulières. Par exemple, on présente saint Nicolas comme modèle de la
miséricorde. Mais la Bienheureuse Vierge,
elle, est le modèle et l’exemplaire de toutes les vertus. En Elle, vous
trouvez un modèle d’humilité. Ecoutez ses paroles (Luc 1, 38) : Voici la
servante du Seigneur. Et encore
(Luc 1, 48) : Le Seigneur a
regardé la bassesse de sa servante. Elle est aussi un modèle de chasteté
; de son propre aveu en effet elle ne connaît pas d’homme (cf. Luc 1, 34). Et
comme il est facile de le constater, elle donne l’exemple de toutes les
vertus. La Bienheureuse Vierge est
donc pleine de grâce et pour faire le bien et pour éviter le mal. 8. - En deuxième lieu,
la plénitude de grâce de la Vierge sainte se manifeste dans le
rejaillissement de la grâce de son âme sur sa chair et sur tout son corps. Que les saints jouissent d’une
grâce suffisante pour la sanctification de leur âme, c’est déjà un grand
bienfait. Mais l’âme de la Bienheureuse
Marie, elle, possède une plénitude de grâce telle qu’elle rejaillit de son
âme sur sa chair, et que, de cette même chair, elle conçut le Fils de Dieu. « Parce que l’amour du
Saint-Esprit, dit Hugues de Saint-Victor, brûlait dans le cœur de la Vierge
avec une ardeur singulière, il opérait clans sa chair des merveilles si
grandes, que d’Elle naquit un Homme-Dieu, conformément au message de l’Ange à
cette Vierge sainte (Luc 1, 35) : Un Enfant saint naîtra de vous et sera appelé Fils de Dieu. 9. - En troisième lieu, la
Bienheureuse Vierge fut pleine de grâce, au point de répandre de sa plénitude
sur tous les hommes. Que chacun des saints possède
une grâce suffisante au salut de beaucoup d’hommes, c’est chose considérable.
Mais si un saint était doté d’une grâce capable de sauver toute l’humanité,
il jouirait d’une abondance de grâce insurpassable. Or une telle plénitude existe
dans le Christ et dans la Bienheureuse Vierge. En tout péril, en effet, vous
pouvez obtenir le salut de cette glorieuse Vierge. C’est pourquoi l’Epoux,
dans le Cantique des Cantiques (4, 4), lui chante : Votre cou est pareil à la tour de David, bâtie pour serrer
les armes ; mille boucliers, c’est-à-dire mille remèdes contre les
dangers, y sont suspendus. En toute action vertueuse
également, vous pouvez bénéficier de son aide. Car en moi, dit-elle, vous
trouverez toute l’espérance de la vie et de la vertu (Ecclésiastique 24, 25). |
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MARIE
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Sic ergo plena est gratia, et excedit
Angelos in plenitudine gratiae; et propter hoc convenienter vocatur Maria
quae interpretatur illuminata in se; unde Isai. LVIII, 11: implebit
splendoribus animam tuam; et illuminatrix in alios, quantum ad totum
mundum; et ideo assimilatur soli et lunae. |
Ainsi donc elle est pleine de grâce, et elle surpasse les anges par
la plénitude de la grâce, et elle a pour cela reçu le nom de Marie, que l'on
interprète par illuminé en soi-même. C'est ce qui fait dire à Isaïe, chapitre
LVIII: "Il remplira ton âme de splendeur;" elle servira de
lumière aux autres dans l'univers entier, et pour cela elle est comparée au
soleil et à la lune. |
10. - La Vierge, pleine de grâce, surpasse donc les
Anges, par sa plénitude de grâce. C’est pourquoi elle est
appelée Marie à juste titre. Ce nom signifie en effet « illuminée
intérieurement ». Aussi à Marie s’appliquent parfaitement les paroles d’Isaïe
(58, 11) : Dieu remplira votre
âme de ses splendeurs. Le nom de Marie veut dire
également « illuminatrice des autres » dans tout l’univers. C’est pourquoi
Marie est à bon droit comparée au soleil et à la lune (cf. Cant 6, 9). |
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LE SEIGNEUR EST AVEC VOUS
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Secundo excellit Angelos
in familiaritate divina. Et ideo hoc designans
Angelus dixit: dominus tecum; quasi dicat: ideo exhibeo tibi
reverentiam, quia tu familiarior es Deo quam ego, nam dominus est tecum.
Dominus, inquit, pater cum eodem filio; quod nullus Angelus, nec aliqua
creatura habuit. Luc. I, XXXV: quod enim nascetur ex te sanctum, vocabitur
filius Dei. Dominus filius in utero. Isai. XII, 6: exulta et lauda
habitatio Sion, quia magnus in medio tui sanctus Israel. Aliter est ergo
dominus cum beata virgine quam cum Angelo; quia cum ea ut filius, cum Angelo
ut dominus. Dominus spiritus sanctus, sicut in templo; unde dicitur: templum
domini, sacrarium spiritus sancti, quia concepit ex spiritu sancto: Luc.
I, 35: spiritus sanctus superveniet in te. Sic ergo familiarior cum
Deo est beata virgo quam Angelus: quia cum ipsa dominus pater, dominus
filius, dominus spiritus sanctus, scilicet tota Trinitas. Et ideo cantatur de
ea: totius Trinitatis nobile triclinium. Hoc autem verbum, dominus
tecum, est nobilius verbum quod sibi dici possit. |
Elle l'emporte, secondement, en familiarité avec Dieu sur les anges,
et c'est pour l'apprendre aux anges qu'il dit: "le Seigneur est avec
vous," comme s'il disait, je vous révère parce que vous êtes plus
familière avec Dieu que moi, car le Seigneur est avec vous. Le Seigneur, dit-il, est avec elle comme père, ils ont le même Fils,
ce que n'eut aucun ange ni aucune créature. Saint Luc dit, chapitre I: "Le
Saint qui naîtra de vous sera appelé Fils de Dieu;" Dieu le Fils
dans le sein; Isaïe dit: "Maison de Sion, tressaillez de joie et
bénissez Dieu, parce que le Grand, le Saint d'Israël est parmi vous."
Le Seigneur est donc avec la bienheureuse Vierge d'une manière toute
différente de celle par laquelle il est avec l'ange, parce qu'il est avec
elle comme Fils, et avec l'ange comme Seigneur. L'Esprit saint est en elle
comme dans son temple; d'où il est écrit: "Temple du Seigneur,
sanctuaire de l'Esprit saint," parce qu'elle a conçu de l'Esprit
saint. Il est dit dans saint Luc, chapitre I: "L'Esprit saint viendra
en elle, etc.;" donc la bienheureuse Vierge a des rapports plus
intimes avec Dieu que les anges, parce que le Seigneur est avec elle et comme
Père, et comme Fils, et comme Saint Esprit, c'est-à-dire que la Trinité tout
entière est avec elle. C'est ce qui fait chanter d'elle qu'elle est le digne
siège de la Trinité entière. Mais pour ce mot: "le Seigneur soit avec
vous," il est le mot le plus parfait qui puisse lui être adressé. |
11. - b) En second lieu, la sainte Vierge
surpasse les Anges par son intimité avec le Seigneur. L’Archange Gabriel reconnut
cette supériorité, lorsqu’il lui adressa ces paroles : Le Seigneur est
avec vous. C’était dire à la
Vierge : Je vous vénère et je confesse que vous êtes plus proche de
Dieu, que je ne le suis moi-même : Le Seigneur, en effet, est avec vous. Le Seigneur Père est avec
Marie, puisqu’il ne se sépare pas de celui qui est son Fils et que Marie le
posséda comme nulle créature, fût-elle angélique. Dieu en effet lui envoya
dire par l’Archange Gabriel (Luc 1, 35) : L’Enfant saint qui naîtra de vous sera appelé Fils de Dieu. Le Seigneur Fils est avec
Marie, puisqu’il repose en son sein. Aussi on peut lui appliquer, à
elle, mieux qu’à toute autre créature, ces paroles d’Isaïe (12, 6) : Exultez,
Maison de Sion ; le saint d’Israël ! En effet, est grand au milieu de
vous. Le Seigneur ne demeure donc
pas de la même manière avec la Bienheureuse Vierge et avec les Anges. Il est
avec elle, comme son Fils ; avec eux, il demeure, comme leur Seigneur. Le Seigneur Esprit-Saint est
avec Marie, comme dans le Temple, où il opère. L’Archange lui avait annoncé
(Luc 1, 35) : L’Esprit-Saint
viendra sur vous. Marie conçut donc par l’effet du Saint-Esprit ; aussi
nous l’appelons : « Temple du Seigneur » et « Sanctuaire de l’Esprit-Saint »
(cf. Liturgie des fêtes de Notre-Dame). La bienheureuse Vierge Marie
jouit donc d’une intimité plus grande avec Dieu que la créature angélique. Avec elle, en effet, est le Seigneur
Père, le Seigneur Fils, le Seigneur Esprit-Saint, là Trinité toute entière. C’est pourquoi la sainte
Eglise lui chante : « Vous êtes le digne Trône de toute la Trinité. » Assurément cette parole : Le Seigneur est avec vous est la parole
la plus noble, la plus louangeuse, qui puisse être adressée à la Vierge. |
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MARIE
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Merito ergo Angelus reveretur beatam
virginem, quia mater domini, et ideo domina est. Unde convenit ei hoc nomen
Maria, quod Syra lingua interpretatur domina. Tertio excedit Angelos quantum ad puritatem: quia beata virgo non
solum erat pura in se, sed etiam procuravit puritatem aliis. Ipsa enim purissima fuit et quantum ad culpam, quia ipsa virgo nec
mortale nec veniale peccatum incurrit. Item quantum ad poenam. |
C'est donc avec justice que l'ange révère la bienheureuse Vierge,
parce qu'elle est la mère de Notre Seigneur, et qu'ainsi elle est notre
souveraine. Donc ce nom de Marie, qui, en langue syriaque, signifie
maîtresse, lui convient. La bienheureuse Vierge, troisièmement, l'emporte sur les anges en
pureté; elle n'était pas seulement, en effet, pure en elle-même, mais elle a
encore procuré aux autres la pureté. Elle fut, en effet, très pure quant à la
faute, parce que, Vierge, elle ne commit ni péché mortel ni péché véniel;
elle fut de même pure quant à la peine. |
12. - La Vierge est, en effet, la Mère du Souverain
Seigneur, et donc elle-même Souveraine. Aussi ce nom de Marie qui, en
syriaque, signifie précisément Souveraine, lui convient-il parfaitement. 13. - En troisième lieu,
la Vierge a surpassé les Anges en pureté. Non seulement, en effet, elle
posséda en elle-même la pureté, mais encore elle procura la pureté aux autres. Et d’autre part, elle fut
parfaitement pure et de tout péché, car cette Vierge fut préservée du péché
originel et elle ne commit aucun péché mortel ou véniel, et de toute peine,
elle fut pure. |
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Explication de la salutation de
sainte Elisabeth
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Tres enim maledictiones
datae sunt hominibus propter peccatum. Prima data
est mulieri, scilicet quod cum corruptione conciperet, cum gravamine
portaret, et in dolore pareret. Sed ab hac immunis fuit beata virgo: quia
sine corruptione concepit, in solatio portavit, et in gaudio peperit
salvatorem. Isai. XXXV, 2: germinans germinabit exultabunda et laudans.
Secunda data est homini, scilicet quod in sudore vultus vesceretur pane suo.
Ab hac immunis fuit beata virgo: quia, ut dicit apostolus, I Cor. VII,
virgines solutae sunt a cura huius mundi, et soli Deo vacant. Tertia fuit
communis viris et mulieribus, scilicet ut in pulverem reverterentur. Et ab
hac immunis fuit beata virgo, quia cum corpore assumpta est in caelum.
Credimus enim quod post mortem resuscitata fuerit, et portata in caelum.
Psal. CXXXI, 8: surge, domine, in requiem tuam; tu, et arca
sanctificationis tuae. |
Trois malédictions ont été prononcées contre les hommes à cause du
péché. La première fut prononcée contre la femme, c'est qu'elle concevrait
dans la corruption, que sa gestation serait pénible, et qu'elle enfanterait
dans la douleur. Mais la bienheureuse Vierge ne fut point soumise à cette
malédiction, parce qu'elle conçut sans aucune espèce de corruption, sa
gestation fut pleine de consolation, et elle enfanta le Sauveur dans la joie.
Il est dit dans Isaïe, chapitre XXXV: "Elle poussera et elle germera
dans l'effusion de la joie et de la louange." La seconde fut prononcée contre l'homme, et c'est qu'il mangerait son
pain à la sueur de son front. La bienheureuse Vierge fut exempte de cette
malédiction, parce que, comme dit l'Apôtre, Epître aux Corinthiens, chapitre
VII: "Les Vierges sont libres des soucis du monde, elles ne
s'occupent que du service de Dieu." La troisième fut commune à l'homme et à la femme, c'est qu'ils
deviendraient poussière; et la bienheureuse Vierge en fut préservée, parce
qu'elle fut enlevée avec son corps dans le ciel. Il est dit, Psaume CXXXI: "Levez-vous,
Seigneur, pour entrer dans votre repos, vous et l'arche où éclate votre
sainteté." |
14. - Trois malédictions furent en
effet, à cause du péché, portées par Dieu contre les hommes. La
première fut prononcée contre la femme. En vertu de cette malédiction,
celle-ci devait porter ses enfants avec peine et les enfanter dans la douleur. Mais la Bienheureuse Vierge ne
fut pas soumise à ces peines. Elle conçut en effet le Sauveur sans
corruption, le porta allègrement et l’enfanta dans la joie. A Elle s’applique
excellemment la parole d’Isaïe (35, 2) : La terre germera, elle exultera, elle chantera des louanges. 15. - La deuxième malédiction fut
prononcée contre l’homme :
en voici la teneur (Gn 3, 19) : A la sueur de ton visage, tu mangeras ton pain. La Bienheureuse Vierge fut
exempte de cette peine. Comme le dit l’Apôtre, en effet (1 Co 7,
32-34) : Les Vierges sont
affranchies des soucis de ce monde ; elles vaquent à Dieu seul. 16. - La troisième malédiction
fut commune à l’homme et à la femme. En vertu de cette malédiction,
l’un et l’autre doivent retourner à la poussière. La Bienheureuse Vierge en a
été également préservée ; elle fut en effet enlevée au ciel avec son corps.
Nous croyons en effet qu’elle a été ressuscitée après sa mort et emportée au
ciel. Aussi lui applique-t-on très justement ces paroles (Ps, 131, vers. 8) :
Levez-vous, Seigneur, pour le
lieu de votre repos, vous et l’arche de votre sainteté. |
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Articulus 2
[86711] Super Ave Maria, a. 2 tit. Benedicta tu in
mulieribus |
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Article 2 : VOUS ÊTES BÉNIE ENTRE TOUTES LES FEMMES |
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[86712] Super Ave Maria,
a. 2 Sic ergo immunis fuit ab omni maledictione,
et ideo benedicta in mulieribus: quia ipsa sola maledictionem sustulit, et
benedictionem portavit, et ianuam Paradisi aperuit; et ideo convenit ei nomen
Maria, quae interpretatur stella maris; quia sicut per stellam maris navigantes
diriguntur ad portum, ita Christiani diriguntur per Mariam ad gloriam. |
Ainsi donc elle fut exempte de toute malédiction, et par conséquent
bénie entre toutes les femmes, parce que c'est elle-même qui leva la
malédiction, apporta la bénédiction, ouvrit la porte du paradis, et, ce qui
est plus encore, le nom de Marie, qui signifie étoile de la mer, lui
convient, parce que, comme l'étoile de la mer conduit au port les
navigateurs, de même Marie conduit les chrétiens à la gloire: |
17. - La Vierge fut donc exempte de toute malédiction
et Bénie entre les femmes
(Luc 1, 28 et 42). Elle seule, en effet, leva la malédiction, apporta la
bénédiction et ouvrit les portes du paradis. A ce titre le nom de Marie lui
convient. Marle signifie en effet « Etoile de la mer ». Comme les
navigateurs, par l’étoile de la mer, sont conduits vers le port, ainsi, par
Marie, les chrétiens sont conduits vers la gloire. |
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Articulus 3
[86713] Super Ave Maria, a. 3 tit. Benedictus fructus
ventris tui |
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Article 3 : LE FRUIT DE VOS ENTRAILLES EST BÉNI |
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[86714] Super Ave Maria, a. 3 Peccator aliquando quaerit in
aliquo quod non potest consequi, sed consequitur illud iustus. Prov. XIII,
22: custoditur iusto substantia peccatoris. Sic Eva quaesivit fructum,
et in illo non invenit omnia quae desideravit; beata autem virgo in fructu
suo invenit omnia quae desideravit Eva. Nam Eva in fructu suo tria
desideravit. Primo id quod falso promisit ei Diabolus, scilicet quod essent
sicut dii, scientes bonum et malum. Eritis (inquit ille mendax) sicut
dii, sicut dicitur Gen. III, 5. Et mentitus est, quia mendax est, et
pater eius. Nam Eva propter esum fructus non est facta similis Deo, sed
dissimilis: quia peccando recessit a Deo salutari suo, unde et expulsa est de
Paradiso. Sed hoc invenit beata virgo et omnes Christiani in fructu ventris
sui: quia per Christum coniungimur et assimilamur Deo. I Ioan. III, 2: cum
apparuerit, similes ei erimus, quoniam videbimus eum sicuti est. Secundo
in fructu suo Eva desideravit delectationem, quia bonus ad edendum; sed non
invenit, quia statim cognovit se nudam, et habuit dolorem. Sed
in fructu virginis suavitatem invenimus et salutem. Ioan. VI, 55: qui
manducat meam carnem, habet vitam aeternam. Tertio fructus Evae erat
pulcher aspectu; sed pulchrior fructus virginis, in quem desiderant Angeli
prospicere. Psal.
XLIV, 3: speciosus forma prae filiis hominum: et hoc est, quia est
splendor paternae gloriae. Non ergo potuit invenire Eva in fructu suo quod
nec quilibet peccator in peccatis. Et ideo quae desideramus, quaeramus in
fructu virginis. Est autem hic fructus benedictus a Deo, quia sic
replevit eum omni gratia quod pervenit ad nos exhibendo ei reverentiam:
Ephes. I, 3: benedictus Deus et pater domini nostri Iesu Christi, qui
benedixit nos in omni benedictione spirituali in Christo: ab Angelis:
Apoc. VII, 12: benedictio
et claritas et sapientia et gratiarum actio, honor et virtus et fortitudo Deo
nostro; ab hominibus: apostolus, Phil. II, 11: omnis lingua
confiteatur, quia dominus Iesus Christus in gloria est Dei patris. Psal.
CXVII, 26: benedictus qui venit in nomine domini. Sic ergo est virgo
benedicta; sed et magis benedictus fructus eius. |
"Béni le fruit de votre ventre." Le pécheur quelquefois cherche dans un
objet ce qu'il ne lui est pas donné d'obtenir; pour le juste, il l'y trouve.
Il est écrit au livre des Proverbes, chapitre XIII: "Le bien du
pécheur est conservé pour le juste." Ainsi Eve chercha le fruit, et
elle n'y trouva pas tout ce quelle avait désiré; la bienheureuse Vierge, au
contraire, trouva dans son fruit tout ce qu'Eve avait désiré. Eve, en effet,
désira trouver dans son fruit trois choses. Elle désira y trouver d'abord ce
que le démon lui promit faussement, à savoir, qu'ils seraient "comme
des dieux, sachant le bien et le mal." Vous serez, dit ce menteur, "comme
des dieux," ainsi qu'il est écrit dans la Genèse, chapitre III: Il
mentit, parce que, "père du mensonge, il est de sa nature
menteur." Eve, par la manducation du fruit, loin de devenir
semblable à Dieu, lui devint tout à fait dissemblable, parce que, par son
péché, elle s'éloigna de Dieu, son salut, et fut chassée du paradis. La
bienheureuse Vierge trouva, et tous les chrétiens avec elle, cet avantage
dans le fruit de ses entrailles, parce que, par le Christ, nous sommes unis
et assimilés à Dieu. Il est écrit dans saint Jean, première Epître, chapitre
III: "Lorsqu'il aura apparu, nous serons semblables à lui, etc."
Eve, en second lieu, désira en son fruit le bonheur, parce qu'il était doux à
manger; mais elle ne l'y trouva pas, parce que aussitôt elle s'aperçut
qu'elle était nue, et elle y trouva la source de la douleur; dans le fruit de
la Vierge, nous trouvons le salut et le bonheur, il est dit dans saint Jean,
chapitre VI: "Celui qui mange ma chair a la vie éternelle." Le
fruit d'Eve, troisièmement, était d'un aspect charmant; mais le fruit de la
Vierge est encore plus beau; le désir des anges est de contempler sa face. Il
est écrit, Psaume XLIV: "Il est d'une forme plus belle que celle des
enfants des hommes;" et cela, parce qu'il est la splendeur de la
gloire du Père. Il ne fut donc pas possible à Eve de trouver dans son fruit
ce que personne ne saurait trouver dans le péché. Cherchons par conséquent
dans le fruit de la Vierge ce que nous désirons. Mais c'est ici le fruit béni
de Dieu, parce qu'il l'a tellement comblé de grâces, qu'il vient parmi, nous
entouré du respect de Dieu même. Il est dit, Epître aux Ephésiens, chap. I: "Béni
soit Dieu et le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a comblés en
Jésus-Christ de toutes sortes de bénédictions spirituelles pour le
ciel." Il est révéré par les anges de l'Apocalypse, qui disent
aussi, chapitre VII: "Bénédiction, lumière, sagesse, action de grâce,
honneur, puissance et force à notre Dieu." Il l'est par les hommes;
saint Paul dit, Epître aux Philippiens, chapitre II: "Que toute
langue confesse, etc." Il est aussi écrit, Psaume CXVII: "Béni
soit celui qui vient au nom du Seigneur." Ainsi donc la Vierge elle
aussi fut bénie; mais son fruit le fut plus encore qu'elle. |
18. - Le pécheur cherche parfois dans quelque chose ou
quelqu’un ce qu’il ne peut obtenir, mais que le juste, lui, obtient. La richesse
du pécheur est gardée pour le juste, disent les Proverbes (13, 22). Ainsi Eve
rechercha un fruit, sans trouver en lui la satisfaction de ses désirs. La Bienheureuse Vierge, au
contraire, trouva dans son fruit tout ce qu’Eve désira. 19. - Eve, en effet, désira dans son fruit trois choses. Elle désira y trouver d’abord
sa déification et celle d’Adam, promise mensongèrement par le diable. Vous
serez comme des dieux, connaissant
le bien et le mal, lui dit ce menteur (Gn 3, 5). Le diable mentit, parce
qu’il est menteur et père du mensonge (cf. Jn 8, 44). Et par la
manducation du fruit, Eve, loin de devenir semblable à Dieu, lui devint
dissemblable. Par son péché, en effet, elle s’éloigna de Dieu, son Sauveur,
et c’est pourquoi elle fut expulsée du paradis. La Vierge bienheureuse, au
contraire, trouva sa déification dans le fruit de ses entrailles. Par le
Christ, en effet, nous nous unissons à Dieu et lui devenons semblables. Lorsque
Dieu se manifestera, dit saint Jean (1 Jean 3, 2), nous lui serons semblables, parce que nous le
verrons tel qu’il est. 20. - Eve, en second lieu, désira trouver dans son fruit la joie de la
délectation, car, dit la Genèse (3, 6), ce fruit était bon à manger. Mais elle ne l’y trouva pas
; dès qu’elle l’eut mangé en effet, elle prit conscience de sa nudité et la
douleur entra dans sa vie. Dans le fruit de la Vierge, au
contraire, nous trouvons la suavité et le salut. Celui qui mange ma chair,
dit en effet le Seigneur (Jn 6, 5), possède la vie éternelle. 21. - En troisième lieu, enfin,
le fruit d’Eve était séduisant à voir (Gn 3, 6). Mais combien plus beau est le fruit de la Vierge, sur lequel les Anges
désirent plonger leur regard (cf.
1 Pierre, 1, 12). C’est le plus beau des fils des hommes, dit
le Psalmiste (Ps 44, 3), parce
qu’il est, déclare saint Paul (He 1, 3), la splendeur de la
gloire de son Père. Eve ne put donc trouver dans
son fruit ce qu’aucun pécheur ne trouvera dans ses péchés. Aussi tout ce que nous pouvons
désirer, recherchons-le dans le fruit de la Vierge. 22. - Ce fruit
de la Vierge Marie est béni de Dieu. Dieu, en effet, l’a tellement
rempli de grâce, que sa venue à nous rend déjà honneur à Dieu. Béni soit Dieu et le Père de Notre Seigneur
Jésus Christ, déclare saint Paul (Eph 1, 3), dans le
Christ, il nous a bénis de toutes les bénédictions spirituelles. Ce fruit de la Vierge est béni des
Anges. L’Apocalypse (7, 11-12) nous
montre, en effet, les Anges, tombant la face contre terre et adorant le
Christ, par ces chants : La louange, la gloire, la sagesse, [‘action de grâces, l’honneur, la puissance et la force soient à
notre Dieu dans les éternités d’éternités. Amen. Le fruit de
Marie est aussi béni des hommes ; car, dit l’Apôtre, toute langue confesse que
Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père. (Cf. Phil 2, 11). Et le Psalmiste lui-même (Ps.
117, 26) le salue en ces termes : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Ainsi donc la Vierge est bénie,
mais son fruit l’est encore bien davantage. |
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Fin du huitième Opuscule ou exposition
de la Salutation angélique de saint Thomas d'Aquin, de l'ordre des Frères
prêcheurs. |
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