COMMENTAIRE DU CREDO

 

PAR SAINT THOMAS D’AQUIN

Notes à partir de sermons donnés à Naples, carême 1273, prises de notes par Pierre de Andria

 

Traduction par un moine de Fontgombault, Nouvelles Editions Latines, 1969

Deuxième édition numérique, http ://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique, 2008

Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin

 

[INTRODUCTION A L’ÉDITION FONTGOMBAULT, 1969] 1

[LE TEXTE DU CREDO] 3

PROLOGUE DE SAINT THOMAS_ 3

Article 1 – JE CROIS EN UN SEUL DIEU, LE PERE TOUT-PUISSANT, CRÉATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE. 8

Article 2 – JE CROIS AUSSI EN JÉSUS-CHRIST, LE FILS UNIQUE DU PÈRE, NOTRE SEIGNEUR. 18

Article 3 – JE CROIS EN JÉSUS (…) : QUI A ÉTÉ CONÇU DU SAINT ESPRIT, EST NÉ DE LA VIERGE MARIE. 24

Article 4 – JE CROIS EN JÉSUS, QUI A SOUFFERT SOUS PONCE-PILATE, A ÉTÉ CRUCIFIÉ, EST MORT ET A ÉTE ENSEVELI. 30

Article 5 – JÉSUS-CHRIST EST DESCENDU AUX ENFERS (2) : LE TROISIÈME JOUR IL EST RESSUSCITÉ DES MORTS. 36

Article 6 – (JE CROIS EN JÉSUS-CHRIST) : QUI EST MONTÉ AUX CIEUX, EST ASSIS A LA DROITE DE DIEU LE PÈRE TOUT-PUISSANT. 45

Article 7 – DE LA (c’est-à-dire de la droite du Père), JÉSUS VIENDRA JUGER LES VIVANTS ET LES MORTS. 49

1. De la forme du jugement du Christ. 48

2. De la crainte que doit nous inspirer le jugement de Jésus-Christ. 52

Article 8 – JE CROIS AU SAINT ESPRIT_ 54

Article 9 – JE CROIS EN LA SAINTE EGLISE CATHOLIQUE. 58

Article 10 – JE CROIS A LA COMMUNION DES SAINTS, A LA RÉMISSION DES PÉCHÉS. 63

Article 11 – JE CROIS A LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR. 69

Article 12 – JE CROIS A LA VIE ÉTERNELLE. AMEN. 73

 

 

[INTRODUCTION A L’ÉDITION FONTGOMBAULT, 1969]

Le Commentaire du Credo, dont nous donnons le texte latin avec la traduction française, fut prêché par saint Thomas à Naples, dans l'église de son couvent, un an avant sa mort, au début du Carême de 1273. D'après les témoins, toute la ville accourait pour l'entendre et ses auditeurs étaient tous suspendus à ses lèvres. Comme ceux-ci appartenaient à toutes les classes sociales, le saint leur parlait dans leur langue maternelle. Les dominicains présents se chargèrent de prendre ces sermons à l'audition et de les traduire ensuite en latin.

On ignore si saint Thomas a revu ce texte latin. D'après le jugement unanime des auteurs qui étudièrent la vie du saint Docteur et ses œuvres, il exprime fidèlement sa pensée. Parfois celle-ci est résue; et les citations de l'Ecriture sainte sont données, la plupart du temps, sans que soit faite la liaison avec les assertions qu'elles viennent confirmer. Il a fallu dans la traduction française opérer cette liaison; dans les rares cas où il est impossible de voir leur rapport avec le contexte, nous avons omis de les traduire. Quelquefois nous avons explicité ce que le texte latin dans son extrême concision ne faisait que suggérer.

Les doctes et les familiers de la pensée du grand théologien ne s'offusqueront pas de ces libertés, prises avec discrétion, uniquement dans l'intention d'aider le public chrétien à profiter d'un enseignement magistral, en le mettant davantage à sa portée. Car, nous le rappelons, le but de la Collection «  Docteur Commun », dont ce Commentaire du Credo constitue le troisième volume, n'est pas de donner au public de langue française des éditions savantes, ni non plus de faire progresser l'état de nos connaissances érudites sur le saint Docteur. Cette collection ne s'adresse pas aux spécialistes; elle demeure nu contraire tributaire de leurs recherches. Eclairé par les travaux des vrais disciples de saint Thomas, nous ne visons qu'à établir un texte français que puissent comprendre facilement les hommes de notre temps (cf. le 1er volume de la «  Collection Docteur Commun » de M. Jean Madiran : « Les principes de la réalité naturelle », pp. 16 et 17).

Le texte latin, qui figure dans ce volume, est celui de l'édition de Parme; c'est ce texte, qui a servi de base à l’édition Marietti ; les différences entre les deux éditions sont, pour le Commentaire du Credo, extrêmement rares et sans importance.

Le lecteur s'apercevra très vite que saint Thomas explique en même temps que le Credo, symbole des Apôtres, le Credo, symbole de Nicée-Constantinople, qui est une explicitation du premier et 'l'œuvre des saints Pères qui luttèrent contre ~es hérésies des premiers siècles de l'Eglise. Comme on le sait, le symbole de Nicée-Constantinople est celui que l'Eglise met sur nos lèvres à la sainte Messe.

Existe-t-il sur le Credo un autre commentaire, qui soit à la fois aussi complet et aussi concis, aussi simple et en même temps aussi profond, dont on ne sait ce qu'il faut admirer le plus : la sobriété, la parfaite sûreté doctrinale Ou la grande élévation spirituelle?

Non seulement le saint Docteur y explique avec clarté chaque article du Credo, en s'appuyant sans cesse sur l'autorité de l'Ecriture, mais en même temps il réfute les erreurs opposées et, quand l'occasion s'en présente, il' enseigne les conséquences qui découlent pour la vie spirituelle de l'explication des vérités de la foi. Parce que cet opusculeexpo.se les premiers fondements de la vie chrétienne, qui sont précisément les articles de la foi, il sera vraiment précieux pour les chrétiens soucieux de grandir dans la foi, l'espérance et la charité, ces vertus qui nous unissent à Dieu et nous font dès ici-bas vivre de sa vie éternelle.

Nous n'avons ajouté que peu de notes à un texte dans l'ensemble fort clair. Saint Thomas savait qu'il parlait à la fois à des doctes et à des gens sans culture. Son langage était intelligible pour tous. Aujourd'hui encore toute âme baptisée peut comprendre et goûter cette explication du Credo, donnée par le plus grand théologien de l'Eglise, par son plus éminent Docteur, par celui dont elle a fait sien l'enseignement.

Les pages que nous publions, comme l'Evangile et les autres écrits du Nouveau Testament, cités souvent par elles, ne sont pas destinées au lecteur pressé, superficiel, qui veut rester embarrassé dans les soucis terrestres, attaché aux richesses et aux jouissances du monde. Elles demandent à être lues attentivement. Il faut bien peser chaque, vérité qu'elles contiennent. C'est une nourriture qui demande à être bien assimilée, une liqueur qu'il faut prendre le temps de déguster.

Le peu que nous apprendrons sur Dieu, sur son mystère et sur les merveilles qu'il a accomplies en notre faveur est infiniment plus important que les connaissances les plus certaines que nous pouvons acquérir sur les créatures. Le croyons-nous vraiment? Bien souvent au cours de 'l'année liturgique, l'Eglise, dans sa prière inspirée par l'Esprit de Dieu, nous fait demander au Seigneur de ne pas nous attacher aux choses de la terre et d'aimer les choses célestes. N'est-ce pas trop souvent exactement le contraire que nous faisons? Nous méprisons pratiquement les choses célestes, n'y prêtant aucune attention, et nous sommes si occupés des choses terrestres que nous nous y immergeons complètement. L'homme moderne, souvent surchargé de travail et d'occupations, trouve pourtant le, temps de parcourir son journal, d'écouter la radio et de contempler les images de la télévision; mais n'est-elle pas trop souvent, infime, la place qu'il réserve à Dieu, son Créateur et Sauveur, son Souverain Bien, sa Providence et Fin dernière, dans ces journées que le Seigneur dans sa bonté lui donne pour se préparer à l'éternité de bonheur qu'il veut lui faire goûter dans sa compagnie, au ciel où il l'attend?

Homme de la deuxième moitié du XX° siècle, lisez ce petit livre écrit à votre intention. Vous y trouverez une explication lumineuse de ce qu'il vous importe le plus de savoir au monde pour arriver à la fin très sublime que Dieu a assignée à votre vie terrestre, qui est .la vision face à face de la Tendresse, de la Beauté et de la Pureté infinie, vision du Dieu trine et un, qui comblera éternellement et au delà de toute mesure vos désirs de gloire, de grandeur, de richesse et de bonheur.

 

[LE TEXTE DU CREDO]

Je crois en un seul Dieu, Le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible.

Je crois en un seul Seigneur, Jésus Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles.

Il est Dieu, né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu, Engendré, non pas créé, de même nature que le Père; et par lui tout a été fait.

Pour nous les hommes, et pour notre salut, il descendit du ciel; Par l’Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie, et s’est fait homme.

Crucifié pour nous sous Ponce Pilate, il souffrit sa Passion et fut mis au tombeau. Il ressuscita le troisième jour, conformément aux Écritures, et il monta au ciel; il est assis à la droite du Père.

Il reviendra dans la gloire, pour juger les vivants et les morts; et son règne n’aura pas de fin.

Je crois en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie : il procède du Père et du Fils; Avec le Père et le Fils il reçoit même adoration et même gloire. Il a parlé par les prophètes.

Je crois en l’Eglise, une, sainte, catholique et apostolique.

Je crois à la communion des saints, à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair, à la vie éternelle. Amen

 

 

Prooemium

PROLOGUE DE SAINT THOMAS

 [86670] In Symbolum Apostolorum, pr. Primum quod est necessarium Christiano, est fides, sine qua nullus dicitur fidelis Christianus. Fides autem facit quatuor bona. Primum est quod per fidem anima coniungitur Deo : nam per fidem anima Christiana facit quasi quoddam matrimonium cum Deo : Oseae II, 20 – sponsabo te mihi in fide. Et inde est quod quando homo baptizatur, primo confitetur fidem, cum dicitur ei, credis in Deum? : Quia Baptismus est primum sacramentum fidei. Et ideo dicit dominus, Marc. ult., 16 – qui crediderit et baptizatus fuerit, salvus erit. Baptismus enim sine fide non prodest. Et ideo sciendum est, quod nullus est acceptus Deo sine fide : Hebr. XI, 6 – sine fide autem impossibile est placere Deo. Et ideo dicit Augustinus super illud Rom. XIV, 23 – omne autem quod non est ex fide, peccatum est : ubi non est aeternae et incommutabilis veritatis agnitio, falsa est virtus etiam in optimis moribus. Secundo, quia per fidem inchoatur in nobis vita aeterna : nam vita aeterna nihil aliud est quam cognoscere Deum : unde dicit dominus, Ioan. XVII, 3 – haec est vita aeterna, ut cognoscant te solum verum Deum. Haec autem cognitio Dei incipit hic per fidem, sed perficitur in vita futura, in qua cognoscemus eum sicuti est : et ideo dicitur Hebr. XI, 1 – fides est substantia sperandarum rerum. Nullus ergo potest pervenire ad beatitudinem, quae est vera cognitio Dei, nisi primo cognoscat per fidem : Ioan. XX, 29 – beati qui non viderunt et crediderunt. Tertio, quia fides dirigit vitam praesentem : nam ad hoc quod homo bene vivat, oportet quod sciat necessaria ad bene vivendum : et si deberet omnia necessaria ad bene vivendum per studium addiscere : vel non posset pervenire, vel post longum tempus. Fides autem docet omnia necessaria ad bene vivendum. Ipsa enim docet quod est unus Deus, qui est remunerator bonorum et punitor malorum; et quod est alia vita, et huiusmodi : quibus satis allicimur ad bonum, et vitamus malum : Habac. II, 4 – iustus meus ex fide vivit. Et hoc patet, quia nullus philosophorum ante adventum Christi cum toto conatu suo potuit tantum scire de Deo et de necessariis ad vitam aeternam, quantum post adventum Christi scit una vetula per fidem : et ideo dicitur Isai. XI, 9 – repleta est terra scientia domini. Quarto, quia fides est qua vincimus tentationes : Hebr. XI, 33 – sancti per fidem vicerunt regna. Et hoc patet, quia omnis tentatio vel est a Diabolo, vel a mundo, vel a carne. Diabolus enim tentat ut non obedias Deo nec subiiciaris ei. Et hoc per fidem removetur. Nam per fidem cognoscimus quod ipse est dominus omnium, et ideo sibi est obediendum : I Petr. V, 8 – adversarius vester Diabolus circuit quaerens quem devoret : cui resistite fortes in fide. Mundus autem tentat vel alliciendo prosperis, vel terrendo adversis. Sed haec vincimus per fidem, quae facit nos credere aliam vitam meliorem ista : et ideo prospera mundi huius despicimus, et non formidamus adversa : I Ioan. V, 4 – haec est victoria quae vincit mundum, fides nostra : et etiam quia docet nos credere alia maiora mala, scilicet Inferni. Caro vero tentat inducendo nos ad delectationes vitae praesentis momentaneas. Sed fides ostendit nobis quod per has, si eis indebite adhaeremus, aeternas delectationes amittimus : Ephes. VI, 16 – in omnibus sumentes scutum fidei. Sic ergo patet quod multum est utile habere fidem. Sed dicit aliquis : stultum est credere quod non videtur, nec sunt credenda quae non videntur. Respondeo. Dicendum, quod hoc dubium primo tollit imperfectio intellectus nostri : nam si homo posset perfecte per se cognoscere omnia visibilia et invisibilia, stultum esset credere quae non videmus; sed cognitio nostra est adeo debilis quod nullus philosophus potuit unquam perfecte investigare naturam unius muscae : unde legitur, quod unus philosophus fuit triginta annis in solitudine, ut cognosceret naturam apis. Si ergo intellectus noster est ita debilis, nonne stultum est nolle credere de Deo, nisi illa tantum quae homo potest cognoscere per se? Et ideo contra hoc dicitur Iob XXXVI, 26 – ecce Deus magnus, vincens scientiam nostram. Secundo potest responderi, quia dato quod aliquis magister aliquid diceret in sua scientia, et aliquis rusticus diceret non esse sicut magister doceret, eo quod ipse non intelligeret, multum reputaretur stultus ille rusticus. Constat autem quod intellectus Angeli excedit magis intellectum optimi philosophi, quam intellectus optimi philosophi intellectum rustici. Et ideo stultus est philosophus si nolit credere ea quae Angeli dicunt; et multo magis si nolit credere ea quae Deus dicit. Et contra hoc dicitur Eccli. III, 25 – plurima supra sensum hominum ostensa sunt tibi. Tertio responderi potest, quia si homo nollet credere nisi ea quae cognosceret, certe non posset vivere in hoc mundo. Quomodo enim aliquis vivere posset nisi crederet alicui? Quomodo etiam crederet quod talis esset pater suus? Et ideo est necesse quod homo credat alicui de iis quae perfecte non potest scire per se. Sed nulli est credendum sicut Deo : et ideo illi qui non credunt dictis fidei, non sunt sapientes, sed stulti et superbi, sicut dicit apostolus I ad Tim. VI, 4 – superbus est, nihil sciens. Propterea dicebat II Tim. I, 12 – scio cui credidi et certus sum. Eccli. II, 8 – qui timetis Deum, credite illi. Quare potest etiam responderi, quia Deus probat quod ea quae docet fides, sunt vera. Si enim rex mitteret litteras cum sigillo suo sigillatas, nullus auderet dicere quod illae litterae non processissent de regis voluntate. Constat autem quod omnia quae sancti crediderunt et tradiderunt nobis de fide Christi, signata sunt sigillo Dei : quod sigillum ostendunt illa opera quae nulla pura creatura facere potest : et haec sunt miracula, quibus Christus confirmavit dicta apostolorum et sanctorum. Si dicas, quod miracula nullus vidit fieri : respondeo ad hoc. Constat enim quod totus mundus colebat idola, et fidem Christi persequebatur, sicut Paganorum etiam historiae tradunt; sed modo omnes conversi sunt ad Christum, et sapientes et nobiles et divites et potentes et magni ad praedicationem simplicium et pauperum et paucorum praedicantium Christum. Aut ergo hoc est miraculose factum, aut non. Si miraculose, habes propositum. Si non, dico quod non potuit esse maius miraculum quam quod mundus totus sine miraculis converteretur. Non ergo quaerimus aliud. Sic ergo nullus debet dubitare de fide, sed credere ea quae fidei sunt magis quam ea quae videt : quia visus hominis potest decipi, sed Dei scientia nunquam fallitur.

1. - La foi est le premier bien nécessaire au chrétien. Sans elle, personne ne mérite le nom de chrétien fidèle. La foi produit quatre biens.

2. - I. Premièrement c’est par la foi que l’âme est unie à Dieu. Par elle, en effet, l’âme chrétienne contracte avec Dieu une sorte de mariage, conformément à cette parole du Sei­gneur à Israël (Osée, 2, 22) : Je t’épouserai dans la foi.

Aussi, lors de la réception de son baptême, l’homme confesse-t-il d’abord sa foi, en réponse à la question qui lui est posée croyez-vous en Dieu? La raison en est que le baptême est d’abord le sacrement de la foi. Le Seigneur lui-même le dit (Marc 16, 16) : Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé. Car sans la foi le baptême est inutile. Aussi il faut le savoir sans la foi, nul n’est agréable à Dieu, comme l’Apôtre le déclare aux Hébreux (11, 6) : Il est impossible, sans la foi, de plaire à Dieu. C’est pourquoi saint Augustin dans son commentaire de cette parole (Rom. 14, 23) : tout ce qui ne procède pas de la foi est péché, écrit : "Là où fait défaut la connaissance de la vérité immuable et éternelle, il n’y a pas de vertu véritable."

3. - II. Le second bien produit par la foi, c’est de commencer en nous la vie éternelle. Car la vie éternelle n’est rien d’autre que de connaître Dieu, selon la parole du Seigneur (Jean 17, 3) : La vie éternelle, c’est qu’ils vous connaissent vous, le seul vrai Dieu.

Cette connaissance de Dieu qui s’inaugure ici-­bas par la foi atteindra sa perfection dans la vie future, où nous le connaîtrons tel qu’il est. Aussi est-il écrit dans l’épître aux Hébreux (11, 1) : La foi est la substance des réalités espérées. Personne donc ne peut parvenir à la béatitude éter­nelle, qui consiste à connaître Dieu véritablement, si d’abord il ne le connaît par la foi. Aussi le Seigneur déclare-t-il (Jean 20, 29) : Bienheureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru.

4. - III. Le troisième bien opéré par la foi, c’est de diriger la vie présente. L’homme en effet, pour bien vivre, a besoin de savoir ce qui est nécessaire pour mener une vie vertueuse; et s’il devait apprendre par l’étude toutes les choses nécessaires pour bien vivre, l’homme ne pourrait pas y parvenir ou bien il n’y parviendrait qu’au bout d’un temps considérable. Or précisément, la foi enseigne tout ce qu’il faut savoir pour vivre sagement. Elle nous apprend en effet l’existence du Dieu unique, elle nous révèle que Dieu récompense les bons et punit les méchants, qu’il existe une autre vie, et autres choses semblables. Ces connaissances nous incitent suffisamment à faire le bien et à éviter le mal. Mon juste, dit en effet le Seigneur (Habacuc, 2, 4) vit par la foi. Et cela est si manifeste qu’aucun philosophe, avant l’avènement du Christ, par tous ses efforts, ne put en savoir autant sur Dieu et les vérités nécessaires à la vie éternelle, qu’une vieille femme après l’avènement du Christ au moyen de sa foi. C’est pourquoi le prophète Isaïe a écrit (11, 9) : la terre a été remplie de la connaissance de Dieu.

5. - IV. La foi produit un quatrième bien, à savoir la victoire sur les tentations, comme le déclare l’épître aux Hébreux (11, 33) : Les saints, par la foi, ont vaincu des royaumes. La vérité de cette assertion est manifeste, car toute tentation vient soit du diable, soit du monde, soit de la chair. Le diable en effet nous tente pour nous empêcher d’obéir à Dieu et de nous soumettre à lui. Or, c’est par la foi que nous repoussons la suggestion du malin, car, par elle, nous savons que Dieu est le Maître de tout et donc que nous lui devons obéissance. Aussi saint Pierre déclare-t-il (1. 5, 8) : Votre adversaire, le diable, est là qui rôde, cherchant qui dévorer, résistez-lui, fermes dans la foi.

Quant au monde, il nous tente en nous séduisant par ses biens, et en nous terrifiant par ses adversités. Mais la foi nous donne de triompher de ses assauts, en nous faisant croire à la réalité d’une vie meilleure que la vie présente. Voilà pourquoi, grâce à la foi, les prospérités de ce monde, nous les méprisons, et ses adversités, nous ne les redoutons pas, comme l’écrit saint Jean (1. 5, 4) : La victoire qui nous rend vain­queurs du monde, c’est notre foi, et la foi nous donne également la victoire en nous enseignant qu’il y a des maux pins grands : ceux de l’enfer.

Enfin, la chair, elle aussi, nous tente en nous entraînant vers les délectations passagères de la vie présente. Mais la foi nous montre que par ces délectations, si nous nous y attachons indû­ment, nous perdons les délices de l’éternité.

Aussi l’Apôtre nous donne-t-il cet avertisse­ment (Ephes, 6, 16) : Tenez toujours en main le bouclier de la foi.

Ce que nous venons de dire, touchant les biens produits en nous par la foi, nous montre claire­ment sa très grande utilité.

6. - Mais on peut objecter : il est absurde de croire à ce qu’on ne voit pas; donc nous ne devons pas croire à ce que nous ne voyons pas.

7. - On peut donner quatre réponses à cette objection.

Voici la première cette difficulté, l’imperfec­tion de notre intelligence la réduit à néant : car si l’homme pouvait parfaitement connaître par lui-même toutes les réalités visibles et invisibles, ce serait sottise de croire à ce que nous ne voyons pas. Mais notre connaissance est si débile qu’au­cun philosophe n’a jamais pu découvrir parfai­tement la nature d’un seul insecte. Aussi lisons-nous qu’un philosophe vécut trente ans dans la solitude pour connaître la nature de l’abeille. Si donc notre intelligence est si faible, n’est-il pas insensé de ne vouloir croire de Dieu que ce que l’homme peut connaître par lui-même. C’est pourquoi nous lisons à ce sujet dans Job (36, 26) : Dieu est si grand, qu’il dépasse notre science.

8. - Je réponds en 2ème lieu : Faisons l’hypo­thèse suivante un professeur avance une vérité, acquise par sa science, devant un homme inculte, et voici que ce dernier nie cette vérité parce qu’il ne la comprend pas, que dira-t-on de cet homme inculte, sinon qu’il est très sot. Or, c’est un fait, l’intelligence des anges dépasse l’intel­ligence des philosophes beaucoup plus que l’in­telligence du philosophe le meilleur ne dépasse l’intelligence de l’homme sans aucune culture. C’est pourquoi le philosophe qui refuserait de croire aux dires des Anges serait un sot; à for­tiori le serait-il s’il refusait de croire ce que Dieu affirme. A ce sujet, il est dit dans l’Ecclésiasti­que (3, 25) : Mon fils, on vous a montré des véri­tés nombreuses qui surpassent l’intelligence des hommes.

9. - Voici ma réponse Si un homme vou­lait croire seulement à ce qu’il connaît, il lui serait certainement impossible de vivre en ce monde. Comment en effet pourrait-il vivre, s’il ne croyait personne? Il ne croirait même pas que l’homme qui est véritablement son père est bien son père. C’est pourquoi il est nécessaire à l’homme de croire autrui au sujet des réalités qu’il ne peut connaître parfaitement par lui-­même, Mais personne n’est plus digne de foi que Dieu aussi, ceux qui ne croient pas les vérités de la foi, loin d’être des sages, sont des sots et des orgueilleux. L’Apôtre écrit en effet dans la 1re épître à Timothée (6, 3-4) : Celui qui ne s’at­tache pas aux saintes paroles de notre Seigneur Jésus-Christ est un orgueilleux et un ignorant. C’est pourquoi saint Paul dit dans sa 2° épître (1, 12) : à ce même disciple Je sais en qui j’ai cruel je n’en doute pas. Et de son côté l’Ecclé­siastique dit (2, 8) : Vous qui craignez le Sei­gneur, croyez-le.

10. - On peut encore répondre que Dieu prouve la vérité des enseignements de la foi. Si un roi en effet envoyait des lettres scellées de son sceau, personne n’oserait dire que ces lettres ne proviennent pas de la volonté de ce roi. Or tout ce que les Pères ont cru et nous ont trans­mis dans le domaine de la foi est visiblement marqué du sceau de Dieu ce sceau divin, ce sont les oeuvres que nulle pure créature ne peut accomplir et que nous appelons les miracles c’est par eux que le Christ a confirmé les ensei­gnements de ses apôtres et de ses saints.

11. - Si vous me dites des miracles, per­sonne n’en a vu l’accomplissement, je vous ré­ponds Le monde tout entier adorait les idoles et persécutait la foi du Christ. C’est là un fait certain, attesté même par les historiens païens cependant, actuellement, tous, et les sages et les nobles, et les riches et les puissants et les grands, se sont convertis au Christ, par la prédication d’un petit nombre de pauvres et de simples leur annonçant Jésus-Christ. De deux choses l’une, ou bien ceci a été fait à l’aide de miracles, ou bien non. Si oui, j’ai répondu à votre objection. Et si c’est non, je dis qu’il ne peut pas y avoir de plus grand miracle que de convertir le monde entier sans miracles. Ne cherchons donc pas d’autre démonstration.

12. - Ainsi donc, nul ne doit douter de la foi, mais tous doivent croire davantage aux vérités de la foi qu’à ce qu’ils voient car la vue de l’homme est sujette à l’erreur, tandis que la science de Dieu est toujours infaillible.

 

 

Articulus 1 [86671] In Symbolum Apostolorum, a. 1 tit. Credo in unum Deum patrem omnipotentem, creatorem caeli et terrae

Article 1 – JE CROIS EN UN SEUL DIEU, LE PERE TOUT-PUISSANT, CRÉATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE.

[86672] In Symbolum Apostolorum, a. 1 Inter omnia quae debent credere fideles, hoc est primum quod debent credere, scilicet quod sit unus Deus. Considerandum autem, quid significet hoc nomen Deus : quod quidem nihil est aliud quam gubernator et provisor rerum omnium. Ille igitur credit Deum esse qui credit omnes res mundi huius gubernari et provideri ab illo. Qui autem credit quod omnia proveniant a casu, hic non credit Deum esse. Nullus autem invenitur adeo stultus qui non credat quod res naturales gubernentur, provideantur, et disponantur; cum in quodam ordine et certis temporibus procedant. Videmus enim solem et lunam et stellas, et alias res naturales omnes servare determinatum cursum; quod non contingeret, si a casu essent : unde si aliquis esset qui non crederet Deum esse, stultus esset. Psal. XIII, 1 – dixit insipiens in corde suo : non est Deus. Sunt autem aliqui qui licet credant Deum gubernare et disponere res naturales, non tamen credunt Deum esse humanorum actuum provisorem; qui scilicet credunt actus humanos non disponi a Deo. Cuius ratio est, quia vident in mundo isto bonos affligi, et malos prosperari : quod videtur tollere providentiam divinam circa homines : unde in persona eorum dicitur Iob XXII, 14 – circa cardines caeli perambulat, nec nostra considerat. Hoc autem est valde stultum. Nam istis accidit, sicut si aliquis nesciens medicinam, videret medicum propinantem uni infirmo aquam, alteri vinum, secundum scilicet quod ars medicinae dictat : crederet quod hoc fiat a casu, cum nesciat artem medicinae, quae ex iusta causa hoc facit, scilicet quod isti dat vinum, illi vero aquam. Sic est de Deo. Deus enim ex iusta causa et sua providentia disponit ea quae sunt hominibus necessaria; et sic quosdam bonos affligit, et quosdam malos in prosperitate dimittit. Unde qui credit hoc provenire a casu, est et reputatur insipiens : quia non contingit hoc, nisi quia nescit artem et causam dispositionis divinae. Iob XI, 6 – ut ostenderet tibi secreta sapientiae, et quod multiplex esset lex eius. Et ideo firmiter credendum est, quod Deus gubernat et disponit non solum res naturales, sed etiam actus humanos. Psal. XCIII, 7, 8 et 9 – et dixerunt, non videbit dominus, nec intelliget Deus Iacob. Intelligite insipientes in populo, et stulti aliquando sapite. Qui plantavit aurem, non audiet; aut qui finxit oculum, non considerat? (...) V. 10. Dominus scit cogitationes hominum. Omnia ergo videt, et cogitationes, et occulta voluntatis. Unde et hominibus specialiter imponitur necessitas bene faciendi, quia omnia quae cogitant et faciunt, divino conspectui sunt manifesta, apostolus Hebr. IV, 13 – omnia nuda sunt et aperta oculis eius. Est autem credendum, quod hic Deus qui omnia disponit et regit, sit unus Deus tantum. Cuius ratio est, quia illa dispositio rerum humanarum est bene disposita, in qua multitudo invenitur disponi et gubernari per unum. Nam multitudo praesidentium inducit saepe dissensionem in subditis : unde cum divinum regimen praeeminet regimini humano, manifestum est quod regnum mundi non est per multos deos, sed per unum tantum. Sunt autem quatuor, ex quibus homines inducti sunt ad ponendum plures deos. Primum est imbecillitas intellectus humani. Nam homines imbecillis intellectus non valentes corporalia transcendere, non crediderunt aliquid esse ultra naturam corporum sensibilium; et ideo inter corpora illa posuerunt praeeminere et disponere mundum, quae pulchriora et digniora inter ea videbantur, et eis attribuebant et impendebant divinum cultum : et huiusmodi sunt corpora caelestia, scilicet sol et luna et stellae. Sed istis accidit sicut alicui eunti ad curiam regis, qui volens videre regem, credit quemcumque bene indutum vel in officio constitutum, regem esse : de quibus dicitur Sap. XIII, 2 – solem et lunam, aut gyrum stellarum rectores orbis terrarum deos putaverunt; Isai. LI, 6 – levate in excelsum oculos vestros, et videte sub terra deorsum : quia caeli sicut fumus liquescent, et terra sicut vestimentum atteretur, et habitatores eius sicut haec interibunt; salus autem mea in sempiternum erit, et iustitia mea non deficiet. Secundo provenit ex adulatione hominum. Nam aliqui volentes adulari dominis et regibus, honorem Deo debitum eis exhibuerunt, obediendo eis, et subiiciendo se eis : unde et aliquos post mortem fecerunt deos, alios etiam in vita dixerunt deos. Iudith V, 29 – sciat omnis gens, quomodo Nabuchodonosor Deus terrae est, et praeter ipsum alius non est. Tertio provenit ex carnali affectu ad filios et consanguineos : nam aliqui propter nimium amorem quem ad suos habebant, faciebant statuas post eorum mortem, et sic ex hoc processum est quod illis statuis divinum cultum impendebant : de quibus dicitur Sap. XIV, 21 – quoniam aut effectui aut regibus deservientes homines, incommunicabile nomen lapidibus et lignis imposuerunt. Quarto ex malitia Diaboli. Ipse enim ab initio voluit aequiparari Deo : unde ipse ait, Isai. XIV, 13-14 – ponam sedem meam ab Aquilone, in caelum conscendam, et ero similis altissimo. Et hanc voluntatem nondum deposuit; et ideo totus conatus suus in hoc existit ut faciat se ab hominibus adorari, et sacrificia sibi offerri : non quod delectetur in uno cane vel Cato qui ei offertur, sed delectatur in hoc quod ei impendatur reverentia sicut Deo : unde et Christo dixit, Matth. IV, 9 – haec omnia tibi dabo, si cadens adoraveris me. Inde est etiam quod intrantes idola, dabant responsa, ut scilicet venerarentur ut dii. Psalm. XCV, 5 – omnes dii gentium Daemonia; apostolus, I Cor. X, 20 – sed quae immolant gentes, Daemoniis immolant, et non Deo. Licet autem haec sint horribilia, sunt tamen aliquando et multi qui frequenter incidunt in istas quatuor causas. Et licet non ore aut corde, tamen factis ostendunt se credere plures deos. Nam qui credunt quod corpora caelestia possunt in voluntatem hominis imprimere, et qui in factis suis certa accipiunt tempora, ii ponunt corpora caelestia esse deos, et aliis dominari, facientes astrolabia. Ierem. X, 2 – a signis caeli nolite metuere quae timent gentes, quia leges populorum vanae sunt. Item omnes illi qui obediunt regibus plusquam Deo, vel in illis in quibus non debent, constituunt eos deos suos. Act. V, 29 – obedire oportet Deo magis quam hominibus. Item illi qui diligunt filios aut consanguineos plusquam Deum, ostendunt factis suis plures esse deos. Vel etiam illi qui diligunt escam plusquam Deum : de quibus apostolus Phil. III, 19 – quorum Deus venter est. Item omnes illi qui insistunt veneficiis et incantationibus, credunt Daemones esse deos : cuius ratio est, quia petunt a Daemonibus id quod solus Deus dare potest, scilicet revelationem alicuius rei occultae, et veritatem futurorum. Est ergo primo credendum quod Deus est unus tantum. Sicut dictum est, primum quod credere debemus, est quod sit unus solus Deus; secundum est quod iste Deus sit creator et factor caeli et terrae, visibilium et invisibilium. Et ut rationes subtiles dimittantur ad praesens; quodam rudi exemplo manifestatur propositum, quod scilicet omnia sunt a Deo creata et facta. Constat enim quod si aliquis intraret domum aliquam, et in ipsius domus introitu sentiret calorem, postmodum vadens interius sentiret maiorem calorem, et sic deinceps, crederet ignem esse interius, etiam si ipsum ignem non videret qui causaret dictos calores : sic quoque contingit consideranti res huius mundi. Nam ipse invenit res omnes secundum diversos gradus pulchritudinis et nobilitatis esse dispositas; et quanto magis appropinquant Deo, tanto pulchriora et meliora invenit. Unde corpora caelestia pulchriora et nobiliora sunt quam corpora inferiora, et invisibilia visibilibus. Et ideo credendum est quod omnia haec sunt ab uno Deo, qui dat suum esse singulis rebus, et nobilitatem. Sap. XIII, 1 – vani sunt autem omnes homines in quibus non subest scientia Dei, et de his quae videntur bona, non potuerunt intelligere eum qui est, neque operibus attendentes, agnoverunt quis esset artifex; et infra, 5 – a magnitudine enim speciei et creaturae cognoscibiliter poterit creator horum videri. Sic ergo pro certo debet nobis constare quod omnia quae sunt in mundo, a Deo sunt. Circa hoc autem debemus vitare tres errores. Primus est error Manichaeorum, qui dicunt quod omnia visibilia creata sunt a Diabolo; et ideo Deo solum attribuunt creationem invisibilium. Et causa huius erroris est, quia ipsi Deum asserunt summum bonum, sicut et verum est, et omnia quae a bono sunt, bona esse : unde nescientes discernere quid sit malum et quid bonum, crediderunt quod omnia illa quae sunt aliqualiter mala, simpliciter essent mala; sicut ignis, quia urit, dicitur ab eis simpliciter malus; et aqua, quia suffocat; et sic de aliis. Unde, quia nihil istorum sensibilium est simpliciter bonum, sed aliqualiter malum et deficiens, dixerunt, quod visibilia omnia non sunt facta a Deo bono, sed a malo. Contra hos ponit Augustinus tale exemplum. Si aliquis intraret domum fabri, et inveniret instrumenta ad quae impingeret, et laederent eum, et ex hoc reputaret illum fabrum malum, quia tenet talia instrumenta, stultus esset, cum faber ea teneat ad opus suum. Ita stultum est dicere, quod per hoc creaturae sint malae, quia sunt in aliquo nocivae; nam quod uni est nocivum, alteri est utile. Hic autem error est contra fidem Ecclesiae; et ideo ad hunc removendum, dicitur : visibilium omnium et invisibilium Gen. I, 1 – in principio creavit Deus caelum et terram. Ioan. I, 3 – omnia per ipsum facta sunt. Secundus est error ponentium mundum ab aeterno : secundum quem modum loquitur Petrus dicens (II Petr. III, 4) : ex quo patres dormierunt, omnia sic perseverant ab initio creaturae. Et isti ducti sunt ad hanc positionem, quia nescierunt considerare principium mundi. Unde, sicut Rabbi Moyses dicit, istis contingit sicut puero, qui si statim cum nascitur, poneretur in insula, et nunquam videret mulierem praegnantem, nec puerum nasci; et diceretur isti puero, quando magnus esset, qualiter homo concipitur, portatur in utero, et nascitur; nulli crederet sibi dicenti, quia impossibile sibi videretur quod homo posset esse in utero matris. Sic isti considerantes statum mundi praesentem, non credunt quod inceperit. Est etiam hoc contra fidem Ecclesiae : et ideo ad hoc removendum dicitur : factorem caeli et terrae. Si enim fuerunt facta, constat quod non semper fuerunt; et ideo dicitur in Psal. CXLVIII, 5 – dixit et facta sunt. Tertius est error ponentium Deum fecisse mundum ex praeiacenti materia. Et ad hoc ducti sunt, quia voluerunt metiri potentiam Dei secundum potentiam nostram : et ideo, quia homo nihil potest facere nisi ex praeiacenti materia, crediderunt quod eodem modo et Deus : unde dixerunt, quod in productione rerum habuit materiam praeiacentem. Sed hoc non est verum. Nam homo ideo nihil potest facere sine praeiacenti materia, quia est factor particularis, et non potest inducere nisi hanc formam in determinata materia ab aliquo alio praesupposita. Cuius ratio est, quia virtus sua est determinata ad formam tantum; et ideo non potest esse causa nisi huius. Deus autem est universalis causa omnium rerum, et non solum creat formam, sed etiam materiam; unde et de nihilo omnia fecit. Et ideo ad removendum hunc errorem dicitur : creatorem caeli et terrae. In hoc enim differunt creare et facere, quia creare est de nihilo aliquid facere : facere autem est de aliquo aliquid facere. Si ergo ex nihilo fecit, credendum est quod iterum posset omnia facere, si destruerentur : unde potest caecum illuminare, mortuum suscitare, et cetera opera miraculosa facere. Sap. XII, 18 – subest enim tibi, cum volueris, posse. Ex huiusmodi autem consideratione homo dirigitur ad quinque. Primo ad cognitionem divinae maiestatis. Nam factor praeeminet factis : unde quia Deus est factor omnium rerum, constat eum eminentiorem omnibus rebus. Sap. XIII, 3 – quorum si specie delectati deos putaverunt, sciant quanto his dominator eorum speciosior est (...) ib. 4 – aut si virtutem et opera eorum mirati sunt, intelligant ab illis quomodo qui haec fecit, fortior est illis. Et inde est quod quidquid potest intelligi vel cogitari, minus est ipso Deo. Iob XXXVI, 26 – ecce Deus magnus, vincens scientiam nostram. Secundo ex hoc dirigitur ad gratiarum actionem : quia enim Deus est creator omnium rerum, certum est quod quidquid sumus et quidquid habemus, a Deo est. Apostolus, I Cor. IV, 7 – quid habes quod non accepisti? Psal. XXIII, 1 – domini est terra et plenitudo eius, orbis terrarum, et universi qui habitant in eo. Et ideo debemus ei reddere gratiarum actiones : Psal. CXV, 12 – quid retribuam domino pro omnibus quae retribuit mihi? Tertio inducitur ad patientiam in adversis. Nam licet omnis creatura sit a Deo, et ex hoc sit bona secundum suam naturam; tamen si in aliquo noceat, et inferat nobis poenam, debemus credere quod illa poena sit a Deo; non tamen culpa : quia nullum malum est a Deo, nisi quod ordinatur ad bonum. Et ideo si omnis poena quam homo suffert est a Deo, debet patienter sustinere. Nam poenae purgant peccata, humiliant reos, provocant bonos ad amorem Dei. Iob II, 10 – si bona suscepimus de manu domini, mala autem quare non sustineamus? Quarto inducimur ad recte utendum rebus creatis : nam creaturis debemus uti ad hoc ad quod factae sunt a Deo. Sunt autem factae ad duo : scilicet ad gloriam Dei, quia universa propter semetipsum (id est ad gloriam suam) operatus est dominus, ut dicitur Prov. XVI, 4, et ad utilitatem nostram : Deut. IV, 19 – quae fecit dominus Deus tuus in ministerium cunctis gentibus. Debemus ergo uti rebus ad gloriam Dei, ut scilicet in hoc placeamus Deo; et ad utilitatem nostram, ut scilicet ipsis utendo, non committamus peccatum. I Paralip. XXIX, 14 – tua sunt omnia, et quae de manu tua accepimus dedimus tibi. Quidquid ergo habes, sive scientiam, sive pulchritudinem, totum debes referre, et uti eo ad gloriam Dei. Quinto ducimur ex hoc in cognitionem dignitatis humanae. Deus enim omnia facit propter hominem, sicut dicitur in Psal. VIII, 8 – omnia subiecisti sub pedibus eius. Et homo magis est similis Deo inter creaturas post Angelos : unde dicitur Genes. I, 26 – faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram. Hoc quidem non dixit de caelo sive de stellis, sed de homine. Non autem quantum ad corpus, sed quantum ad animam, quae est liberam voluntatem habens et incorruptibilis, in quo magis assimilatur Deo quam ceterae creaturae. Debemus ergo considerare hominem post Angelos digniorem esse ceteris creaturis, et nullo modo dignitatem nostram diminuere propter peccata et propter inordinatum appetitum rerum corporalium, quae viliores sunt nobis, et ad servitium nostrum factae; sed eo modo debemus nos habere quo Deus fecit nos. Deus enim fecit hominem ut praeesset omnibus quae sunt in terra, et ut subsit Deo. Debemus ergo dominari et praeesse rebus; Deo autem subesse, obedire, ac servire : et ex hoc perveniemus in fruitionem Dei : quod nobis praestare et cetera.

13. - La première de toutes les vérités que doivent croire les fidèles est celle-ci il existe un seul Dieu.

Or il convient d’examiner attentivement la signification de ce Dieu. Le sens de ce terme "Dieu" est sans aucun doute Celui qui pourvoit au bien de toutes cho­ses et les gouverne.

Croire que Dieu gouverne tous les êtres de ce monde et pourvoit à leur bien, c’est donc croire à l’existence de Dieu. Par contre, croire que tout arrive par hasard, c’est nier la réalité de l’exis­tence divine. Cependant, personne n’est assez insensé pour ne pas croire que les êtres de la nature sont soumis à une providence, qu’ils sont gouvernés et ordonnés par elle, alors qu’ils se succèdent selon un certain ordre et selon le rythme des temps.

Nous voyons en effet le soleil, la lune, les étoi­les et les autres êtres de la nature conserver un cours déterminé; ce qui n’arriverait pas, s’ils étaient l’effet du hasard.

Si donc il existait quelqu’un qui ne crût pas en l’existence de Dieu, ce serait un insensé. Le Psalmiste déclare en effet (Ps. 13, 1) : Le fou dit en son coeur : "Il n’y a pas de Dieu."

14. - Que Dieu gouverne et ordonne les réa­lités naturelles, certains le croient qui, en même temps, nient l’action de la Providence divine sur les actes humains; ils sont persuadés que Dieu ne gouverne pas les actions des hommes parce qu’en ce monde ils voient les bons dans l’afflic­tion et les mauvais dans la prospérité. Pour eux, un tel état de choses est la preuve certaine de l’inexistence de l’action d’une providence s’exer­çant en faveur des hommes : c’est pourquoi, le Livre de Job (22, 14) : les fait s’exprimer ainsi Dieu se promène sur les chemins du ciel : il se désintéresse de nos affaires.

Ceux qui pensent ainsi sont extrêmement sots. On peut les comparer à un homme ignorant l’art de la médecine qui, voyant un médecin donner de l’eau à boire à un malade, et à un autre ma­lade du vin, conformément aux règles de la science médicale, croirait, dans son ignorance, que le médecin a agi au hasard et non pour un juste motif.

15. - De même, en effet, Dieu dispose les choses nécessaires aux hommes par sa Provi­dence pour de justes motifs : ainsi il afflige des bous et laisse des méchants jouir de la prospé­rité. Celui donc qui croit qu’un tel état de choses est l’effet du hasard est un insensé, et il est réputé tel, car cette erreur ne provient que de son ignorance de la sagesse et des raisons du gouvernement divin.

C’est à son propos qu’il est dit au Livre de Job (11, 6) : Plût à Dieu qu’il te révèle les se­crets de sa sagesse et la multiplicité de ses desseins.

Il faut donc croire fermement que Dieu gou­verne et dispose non seulement les réalités natu­relles, mais également les actes humains. On lit à ce sujet dans le Psaume 93 (7-10) : Les méchants disent : Dieu ne voit pas, le Dieu de Jacob ne fait pas attention. Comprenez donc, stupides entre tous / et vous insensés, quand aurez-vous l’intelligence? Celui qui a planté l’oreille n’en­tendrait pas? Celui qui a façonné l’oeil ne ver­rait pas?... Le Seigneur connaît les pensées des hommes.

Dieu donc voit toutes choses, aussi bien les pensées des hommes que leurs volontés secrètes. D’où notamment naît pour les hommes un de­voir de bien agir, puisque tout ce qu’ils pensent et accomplissent est exposé à ce regard divin. L’apôtre le dit bien (Hebr. 4, 13) : Tout est à nu et à découvert devant ses yeux.

16. - Or nous devons croire que ce Dieu qui gouverne et dispose toutes choses est un Dieu unique. En voici la preuve : le gouvernement des choses humaines est bien ordonné, lorsqu’un seul homme gouverne et régit la multitude. Sou­vent en effet, le grand nombre des chefs provo­que des dissensions parmi les subordonnés. Comme le gouvernement divin est supérieur au gouvernement humain, il est donc évident que le monde n’est pas régi par plusieurs dieux, mais par un seul.

17. - Il y a quatre raisons qui ont déterminé les hommes à croire à la pluralité des dieux.

La première est la faiblesse de leur intelli­gence. Il y eut en effet des hommes que la débi­lité de leur intelligence rendait incapables de s’élever au-dessus des êtres corporels; ils cru­rent que rien n’existait au delà de la nature des corps sensibles : en conséquence ils admirent que les corps les plus beaux et les plus nobles l’emportaient sur le reste du monde et le gou­vernaient; aussi leur consacrèrent-ils un culte divin. Au nombre des créatures, objet de leurs adorations, se trouvèrent les corps célestes, à savoir le soleil, la lune et les étoiles. Mais ces hommes insensés sont, à la vérité, semblables à quelqu’un qui se rendrait à la cour d’un roi, avec le désir de le voir, et qui s’imaginerait que le premier homme, bien habillé ou chargé d’une fonction, qu’il rencontrerait, serait le roi lui-même. Ces gens, dit la Sagesse (13, 2) : ont re­gardé le soleil, la lune, le cercle des étoiles, comme des dieux gouvernant l’univers. Mais Dieu leur déclare (Is 51, 6) : Levez les yeux vers le ciel, et regardez en bas vers la terre les cieux en effet se dissiperont comme une fumée, et la terre s’usera comme un vêtement, et ses habi­tant périront de même mais mon salut sera éternel et ma justice n’aura pas de fin.

18. - En second lieu, les hommes multipliè­rent les dieux, en adulant leurs semblables. Certains en effet, voulant flatter des puissants et des rois, leur déférèrent les honneurs dus à Dieu seul; ils leur obéirent, ils s’assujettirent à eux avec excès; aussi en firent-ils des dieux après leur mort, ou les déclarèrent-ils dieux de leur vivant même. Ainsi nous lisons dans Judith (5, 29) : Tous les notables d’Holopherne disaient entre eux : que toutes les nations sachent que Nabuchodonosor est le Dieu de la terre et qu’en dehors de lui il n’y a pas de Dieu.

19. - L’affection charnelle pour les enfants et la parenté fut la troisième cause de multiplica­tion des dieux. L’amour excessif de quelques hommes pour les leurs, les poussa en effet à leur ériger des statues après leur mort et les amena ensuite à rendre à ces statues un culte divin. C’est d’eux qu’il est dit au Livre de la Sagesse (14, 21) : Les hommes imposèrent au bois et à la pierre le nom incommunicable, parce qu’ils cédè­rent trop à leur affection ou qu’ils honorèrent exagérément leurs rois.

20. - En quatrième lieu, les dieux se multi­plièrent par la malice du diable. Le démon en effet voulut, dès le commencement, s’égaler à Dieu. Je placerai, dit-il, mon siège vers l’Aquillon, j’escaladerai les cieux et je serai semblable au Très Haut (Is. 14, 13). Or cette volonté per­verse, Satan ne l’a jamais révoquée aussi, tous ses efforts tendent-ils à se faire adorer par les hommes et à les porter à lui offrir des sacrifices, non qu’il prenne ses délices dans un chien ou un chat qui lui seraient offerts, mais il se délecte dans les marques de respect qu’on lui témoigne, comme s’il était Dieu même; c’est pourquoi il ose dire au Christ (Mt. 4, 9) : Tous les royaumes du monde avec leur gloire, je te les donnerai, si lu tombes à mes pieds et m’adores.

C’est également pour se faire vénérer comme des dieux que les démons entraient dans les idoles et donnaient par elles des réponses. Aussi est-il dit au Psaume 95 (5) : Tous les dieux des nations sont des démons et l’Apôtre écrit aux Corinthiens (I Co. 10, 20) : Ce que les païens sacrifient, ils le sacrifient aux démons et non à Dieu.

21. - C’est une chose horrible que l’homme adore d’autres dieux que le seul vrai Dieu. Ce­pendant, nombreux sont ceux qui commettent fréquemment un si grand péché, pour l’un ou l’autre des quatre motifs que nous venons de donner. Certes, ni de bouche ni de coeur, ils ne professent croire en des dieux multiples, mais leurs actions démontrent le contraire.

Ceux en effet qui pensent que les corps céles­tes contraignent la volonté des hommes, et qui choisissent pour agir des temps déterminés, ceux-là regardent les corps célestes comme des dieux qui règnent sur les autres êtres.

Dieu nous met en garde contre un tel com­portement (Jér. 10, 2) : Ne soyez pas effrayés, déclare-t-il, par les Signes du ciel, comme les nations s’en effraient; car les coutumes des nations ne sont que vanité.

De même, tous ceux qui se soumettent aux rois plus qu’à Dieu, ou qui leur obéissent même lorsque leurs commandements s’opposent à ceux de Dieu, ceux-là font des rois leurs dieux, alors que nous lisons dans les Actes (5, 29) : On doit obéir à Dieu plus qu’aux hommes.

Pareillement, ceux qui aiment leurs enfants ou leurs parents plus que Dieu, manifestent par leurs oeuvres qu’ils croient en l’existence de plu­sieurs dieux. Il en est de même pour ceux qui préfèrent la nourriture à Dieu, c’est d’eux que l’Apôtre dit (Phil. 3, 19) : Leur Dieu, c’est leur ventre.

Ceux aussi qui se livrent à la sorcellerie et aux incantations s’imaginent que les démons sont des dieux, puisqu’ils demandent aux démons ce que Dieu seul peut donner, à savoir la révélation d’une chose cachée ou la connaissance de choses futures.

22. - Comme nous venons de le dire, en pre­mier lieu, nous devons croire qu’il existe un seul Dieu. Il nous faut croire, en second lieu, que ce Dieu est le Créateur, qui a fait le ciel et la terre, les choses visibles et invisibles.

Laissant de côté pour le moment les raison­nements trop subtils, montrons par un exemple simple la vérité de la proposition : Toutes cho­ses ont été créées et faites par Dieu.

Si quelqu’un, à son entrée dans une maison, y sentait de la chaleur, et, pénétrant ensuite plus avant, s’il y sentait une chaleur de plus en plus intense à mesure qu’il avance, il croirait évi­demment à l’existence d’un feu dans cette demeure, même s’il ne voyait pas ce feu, source de cette chaleur. Il en va de même pour celui qui considère les choses de ce monde. Il trouve en effet toutes ces choses disposées selon divers degrés de beauté et de noblesse, et il cons­tate que plus elles sont proches de Dieu, plus elles sont belles et bonnes. C’est pourquoi, les corps célestes sont plus beaux et plus nobles que les corps terrestres, les choses invisibles que les choses visibles. Aussi devons-nous croire que toutes ces réalités viennent du Dieu unique, qui donne à chaque chose son existence et son excel­lence.

Il est dit au Livre de la Sagesse (13, 1 & 5) : Oui, ils sont vains, tous les hommes qui mécon­naissent Dieu et qui, par les biens visibles, n’ont pas été capables de connaître celui qui est, ni, par la considération de ses oeuvres, de connaître l’artisan divin; car la grandeur et la beauté de la créature peuvent faire contempler et connaî­tre le Créateur.

Nous devons donc tenir pour certain que tout ce qui est dans le monde vient de Dieu.

23. - A ce sujet, nous devons éviter trois erreurs.

La première, est l’erreur des Manichéens ceux-ci disent : toutes les choses visibles ont été créées par le diable; aussi attribuent-ils à Dieu seulement la création des choses invi­sibles. Voici la cause de leur erreur ils affirment conformément à la vérité : Dieu est le souverain Bien, et tout ce qui vient du Bien est bon; mais dans leur incapacité de dis­cerner ce qu’est le mal et ce qu’est le bien, ils crurent que toutes les choses qui étaient mau­vaises d’une certaine manière, étaient mauvaises purement et simplement : ainsi, selon eux, le feu est entièrement mauvais, parce qu’il brûle l’eau aussi est entièrement mauvaise, parce qu’elle suffoque; et il en est de même, à leurs yeux, des autres réalités visibles. Ainsi, parce qu’aucun des êtres sensibles n’est entièrement bon, mais que tous sont en partie mauvais et déficients, les Manichéens dirent : toutes les choses visibles ne furent pas faites par le Dieu bon, mais par le dieu mauvais.

Pour réfuter ces hérétiques, S. Augustin pro­pose l’exemple suivant : Si quelqu’un entrait dans la maison d’un artisan et y trouvait des outils contre lesquels il se heurterait et qui le blesseraient, et s’il induisait de là que l’artisan est mauvais parce qu’il possède de tels outils, il serait un sot, puisque cet artisan ne les détient que pour accomplir son ouvrage. Ainsi c’est une absurdité de dire telles créatures sont mauvai­ses parce qu’elles sont nuisibles en quelque chose : ce qui en effet est nuisible à l’un est utile à l’autre.

Cette erreur des Manichéens est contraire à la foi de l’Eglise. Pour l’écarter, nous affirmons que Dieu a créé toutes les choses visibles et invi­sibles. On lit en effet dans la Genèse (I, 1) : Au commencement Dieu créa le ciel et la terre, et dans l’Evangile de S. Jean (I, 3) : Tout a été fait par le Verbe.

24. - A cette affirmation de l’Ecriture sur la création du monde par Dieu s’oppose une deuxième erreur : à savoir l’erreur des hommes pour qui le monde est éternel. Voici ce que S. Pierre met sur les lèvres de ces gens (II, 3, 4) : Depuis que nos Pères sont morts, tout demeure comme depuis le commencement de la création. Ces hommes furent amenés à penser ainsi, parce qu’ils ne surent pas considérer l’origine de ce monde. C’est pourquoi, déclare Maimonide, ils ressemblent à un enfant qui dès sa naissance aurait été placé dans une île et n’aurait jamais vu ni une femme enceinte ni un enfant venir au monde : si on expliquait à cet enfant, une fois arrivé à l’âge adulte, comment l’homme est conçu et porté dans le sein, et comment il naît, il refuserait d’ajouter foi aux paroles de son interlocuteur, parce qu’il lui paraîtrait impossi­ble qu’un homme puisse être dans le sein de sa mère. De même, ces hommes, considérant l’état du monde présent, se refusent à croire qu’il ait eu un commencement.

Eux également se mettent en contradiction avec la foi de l’Eglise. Aussi pour repousser leur erreur, nous disons de Dieu qu’il est créateur du ciel et de la terre. Si le ciel et la terre ont été faits, il est évident qu’ils n’ont pas toujours été c’est pourquoi il est dit des créatures dans le Psaume 148, 5 – Dieu commanda et elles furent créées.

25. - La troisième erreur concernant la créa­tion est celle des hommes qui déclarent : Dieu a créé le monde d’une matière préexistante. La cause de leur méprise, c’est qu’ils voulurent mesurer la puissance de Dieu d’après notre puis­sance à nous, hommes. Aussi, comme l’homme ne peut rien faire sans une matière préexistante, ils crurent qu’il en allait de même pour Dieu. C’est pourquoi ils affirmèrent : Dans la produc­tion des êtres, Dieu utilise une matière préexis­tante.

Mais cette assertion est fausse. Car si l’homme ne peut rien faire sans une matière préexistante, cela résulte du fait qu’il est cause partielle, qui ne peut que donner telle ou telle forme à une matière déterminée qui lui est fournie par un autre. Sa puissance, en effet, s’étend seulement à la forme : aussi ne peut-il être cause que d’elle seule. Quant à Dieu, lui, il est la cause uni­verselle de toute chose : il ne crée pas seulement la forme, il crée aussi la matière : il a tout fait de rien. C’est pourquoi, pour écarter l’erreur mentionnée plus haut, nous disons : il est le Créateur du ciel et de la terre.

Entre créer et faire, il y a en effet cette diffé­rence, que créer, c’est faire quelque chose de rien, mais faire, c’est fabriquer ou produire quel­que chose à partir d’une matière préexistante. Si; donc Dieu a tout fait de rien, nous devons croire qu’il pourrait de nouveau tout créer, si tout était détruit; c’est pourquoi il peut rendre la vue à un aveugle, ressusciter un mort et opérer d’au­tres oeuvres miraculeuses. L’auteur du Livre de la Sagesse dit en effet au Seigneur (12, 18) : Car la puissance est avec vous quand vous le voulez.

26. - Cette doctrine a cinq conséquences pra­tiques Premièrement l’homme est conduit à la connaissance de la Majesté divine. En effet l’arti­san est supérieur à ses ouvrages : donc, comme Dieu est le Créateur de toutes choses, il l’emporte sans conteste sur toutes ses créatures. Nous lisons en effet au Livre de la Sagesse (13, 3-4) : Si les hommes, charmés de la beauté des créa­tures, les ont prises pour des dieux, qu’ils sachent combien leur Maître l’emporte sur elles : car c’est l’Auteur même de la beauté qui les a faites; et s’ils en admirèrent la puissance et les effets, qu’ils en déduisent combien plus puissant est celui qui les a formés. C’est pourquoi tout ce que nous pouvons comprendre et penser de Dieu est au-dessous de lui. Aussi lisons-nous au Livre de Job (36, 26) : Oui, Dieu est grand; il dépasse notre Science.

27. - Deuxièmement : la considération de Dieu, créateur de toutes choses, porte l’homme à lui rendre grâces. Car si Dieu est créateur de toutes choses, sans aucun doute tout ce que nous som­mes, et tout ce que nous possédons vient de Dieu. Qu’as-tu que tu ne l’aies reçu? disait en effet l’Apôtre aux Corinthiens (1, 4, 7) : et nous lisons au Psaume 23, 1 – Au Seigneur est la terre avec ce qui la remplit, le monde et tous ses habitants. Nous devons donc rendre des actions de grâces à Dieu et répéter après le Psalmiste (Ps. 115, 12) : Que rendrai-je au Seigneur pour tout ce qu’il m’a accordé?

28. - En troisième lieu : si nous contemplons Dieu comme le Créateur de tous les êtres, nous sommes amenés à pratiquer la patience dans les adversités.

En effet, bien que toute créature vienne de Dieu et par le fait même soit bonne selon sa nature : toutefois si l’une d’entre elles nous nuit en quelque chose et nous inflige une peine, nous devons croire que cette peine vient de Dieu. Le péché ne vient cependant pas de lui, car Dieu ne peut être à l’origine que d’un mal qui soit ordonné au bien.

Si toute peine que l’homme endure vient de Dieu, il doit donc supporter ces maux avec patience. Les peines en effet nous purifient des péchés, elles humilient les coupables, provoquent les bons à aimer Dieu. Si nous avons reçu des biens de la main de Dieu, disait Job (2, 10) : pour­quoi n’accepterions-nous pas également des maux?

29. - En quatrième lieu : contempler Dieu comme Créateur de tout, nous incite à user sagement des créatures. Nous devons en effet utili­ser les créatures pour les fins pour lesquelles Dieu les a faites. Or Dieu les a créées dans un double but : d’abord pour sa gloire, car, disent les Proverbes (16, 4) : Le Seigneur a fait toutes choses pour lui-même (c’est-à-dire pour sa gloire); et aussi en second lieu, pour notre uti­lité, comme le déclare Moïse (Deut. 4, 19) : Le Seigneur ton Dieu a fait ces créatures pour qu’elles soient au service de toutes les nations. Nous devons donc user de ces choses pour la gloire de Dieu, c’est-à-dire pour que, dans l’usage que nous en faisons, nous soyons agréables à Dieu et nous devons nous en servir également pour notre utilité en sorte qu’en les employant nous ne commettions pas de péché. Toutes cho­ses sont vôtres, disait le roi David au Seigneur (I. Par. 29, 14) : et nous vous donnons ce que nous avons reçu de votre main. Donc, tout ce que vous possédez, que ce soit la science ou la beauté, vous devez le rapporter à la gloire de Dieu et l’utiliser pour procurer sa gloire.

30. - La considération de Dieu, Créateur de tout, nous amène en cinquième lieu; à la connais­sance de la dignité de l’homme.

Dieu en effet a créé toutes choses pour l’homme, comme il est dit au Psaume 8, 8 – Vous avez mis toutes choses sous ses pieds. Et l’homme, après les Anges, est parmi toutes les créatures celle qui ressemble le plus à Dieu. Le Seigneur en effet déclare dans la Genèse (1, 26) : Faisons l’homme à notre image et ressemblance. A la vérité, Dieu n’a prononcé cette parole, ni à propos du ciel, ni à propos des étoiles, mais bien au sujet de l’homme. Et cette même parole ne vise pas son corps mais son âme incorruptible et douée d’une volonté libre; c’est par l’âme en effet que l’homme est plus semblable à Dieu que les autres créatures.

Nous devons donc considérer ceci l’homme, après les Anges, l’emporte en dignité sur les autres créatures; aussi, il ne doit en aucune manière amoindrir sa dignité par le péché et l’appétit désordonné des choses corporelles; ces choses, Dieu les a faites inférieures à nous et les a mises à notre service. Mai4s nous devons nous comporter dans nos actes conformément au des­sein que Dieu avait en vue en nous créant.

Dieu en effet a créé l’homme pour dominer sur tous les êtres qui sont sur la terre et pour se soumettre à Dieu.

Nous devons donc dominer et soumettre les créatures inférieures à nous et en même temps nous soumettre à Dieu, lui obéir et le servir et par là nous parviendrons à la jouissance de Dieu ce qu’il daigne nous accorder dans sa miséricorde.

 

 

Articulus 2 [86673] In Symbolum Apostolorum, a. 2 tit. Et in Iesum Christum, filium eius unicum, dominum nostrum

Article 2 – JE CROIS AUSSI EN JÉSUS-CHRIST, LE FILS UNIQUE DU PÈRE, NOTRE SEIGNEUR.

[86674] In Symbolum Apostolorum, a. 2 Non solum est necesse Christianis unum Deum credere, et hunc esse creatorem caeli et terrae et omnium; sed etiam necesse est ut credant quod Deus est pater, et quod Christus sit verus filius Dei. Hoc autem, sicut dicit beatus Petrus in canonica sua II, cap. I, non est fabulosum, sed certum et probatum per verbum Dei in monte : unde dicit ibidem, XVI, 18 – non enim doctas fabulas secuti, notam facimus vobis domini nostri Iesu Christi virtutem et praesentiam; sed speculatores facti illius magnitudinis. Accipiens enim a Deo patre honorem et gloriam, voce delapsa ad eum huiuscemodi a magnifica gloria : hic est filius meus dilectus, in quo mihi complacui : ipsum audite. Et hanc vocem nos audivimus de caelo allatam, cum essemus cum ipso in monte sancto. Ipse etiam Christus Iesus in pluribus locis vocat Deum patrem suum, et se dicit filium Dei : et apostoli et sancti patres posuerunt inter articulos fidei quod Christus est filius Dei, dicentes : et in Iesum Christum filium eius, scilicet Dei. Supple, credo. Sed aliqui haeretici fuerunt qui hoc perverse crediderunt. Photinus enim dicit, quod Christus non est aliter filius Dei quam boni viri, qui bene vivendo merentur dici filii Dei per adoptionem, faciendo Dei voluntatem; et ita Christus qui bene vixit et fecit Dei voluntatem, meruit dici filius Dei : et voluit quod Christus non fuerit ante beatam virginem, sed tunc incepit quando ex ea conceptus est. Et sic in duobus erravit. Primo in hoc quod non dixit eum verum filium Dei secundum naturam; secundo quod dixit, eum secundum totum suum esse ex tempore incepisse; cum fides nostra teneat quod filius sit Dei per naturam, et quod ab aeterno sit : et de his habemus expressas auctoritates contra eum in sacra Scriptura. Nam contra primum dicitur, quod sit non filius solum, sed etiam unigenitus. Ioan. I, 18 – unigenitus qui est in sinu patris, ipse enarravit. Contra secundum, Ioan. VIII, 58 – antequam Abraham fieret, ego sum. Constat autem quod Abraham ante beatam virginem fuit : et ideo sancti patres addiderunt in alio symbolo contra primum, filium Dei unigenitum; contra secundum, et ex patre natum ante omnia saecula. Sabellius vero licet diceret quod Christus fuit ante beatam virginem, dixit tamen quod non est alia persona patris, alia filii, sed ipse pater est incarnatus; et ideo eadem est persona patris et filii. Sed hoc est erroneum, quia aufert Trinitatem personarum : et contra hoc est auctoritas Ioan. VIII, 16 – solus non sum; sed ego, et qui misit me, pater. Constat autem nullum a se mitti. Sic ergo mentitur Sabellius : et ideo in symbolo patrum additur : Deum de Deo, lumen de lumine; idest, Deum filium de Deo patre, et filium qui est lumen, de lumine patre esse, credere debemus. Arius autem licet diceret quod Christus fuerit ante beatam virginem, et quod alia fuerit persona patris, alia filii, tamen tria attribuit Christo. Primum est quod filius Dei fuit creatura; secundum est quod non ab aeterno, sed ex tempore factus sit a Deo nobilissima creaturarum; tertium est quod non fuerit unius naturae Deus filius cum Deo patre, et sic quod non fuerit verus Deus. Sed hoc similiter est erroneum, et contra auctoritates sacrae Scripturae. Dicitur enim Ioan. X, 30 – ego et pater unum sumus, scilicet in natura; et ideo sicut pater fuit semper, ita et filius; et sicut pater est verus Deus, ita et filius. Ubi ergo dicitur ab Ario, Christum fuisse creaturam, e contra dicitur in symbolo a patribus, Deum verum de Deo vero; ubi autem dicitur eum non fuisse ab aeterno, sed ex tempore, e contra in symbolo dicitur, genitum, non factum; contra illud vero quod dicitur eum non esse eiusdem substantiae cum patre, additur in symbolo, consubstantialem patri. Patet ergo quod credere debemus, quod Christus unigenitus Dei est, et vere filius Dei, et quod semper fuerit cum patre, et quod alia est persona filii, alia patris, et quod unius est naturae cum patre. Sed hoc credimus hic per fidem, cognoscemus autem in vita aeterna per perfectam visionem. Et ideo ad consolationem nostram dicemus aliquid de his. Sciendum est igitur, quod diversa diversum modum generationis habent. Generatio autem Dei alia est quam generatio aliarum rerum : unde non possumus attingere ad generationem Dei, nisi per generationem eius quod in creaturis magis accedit ad similitudinem Dei. Nihil est autem Deo ita simile sicut anima hominis, ut dictum est. Modus autem generationis in anima est quia homo cogitat per animam suam aliquid, quod vocatur conceptio intellectus; et huiusmodi conceptio oritur ex anima, sicut ex patre, et vocatur verbum intellectus, sive hominis. Anima igitur cogitando generat verbum suum. Sic et filius Dei nihil est aliud quam verbum Dei; non sicut verbum exterius prolatum, quia illud transit, sed sicut verbum interius conceptum : et ideo ipsum verbum Dei est unius naturae cum Deo, et aequale Deo. Unde et beatus Ioannes de verbo Dei loquens, tres haereses destruxit. Primo haeresim Photini, quae tacta est, cum dicit : in principio erat verbum; secundo Sabellii, cum dicit, et verbum erat apud Deum; tertio Arii, cum dicit, et Deus erat verbum. Verbum autem aliter est in nobis, et aliter in Deo. In nobis enim verbum nostrum est accidens; sed in Deo verbum Dei est idem quod ipse Deus, cum nihil sit in Deo quod non sit essentia Dei. Nullus autem potest dicere quod Deus non habeat verbum, quia contingeret Deum esse insipientissimum : et ideo sicut fuit semper Deus, ita et verbum eius. Sicut autem artifex facit omnia per formam quam praecogitavit in corde suo, quod est verbum eius; ita et Deus omnia facit verbo suo, sicut per artem suam. Ioan. I, 3 – omnia per ipsum facta sunt. Si ergo verbum Dei est filius Dei, et omnia Dei verba sunt similitudo quaedam istius verbi; debemus primo libenter audire verba Dei : hoc est enim signum quod diligamus Deum, si verba illius libenter audimus. Secundo debemus credere verbis Dei, quia ex hoc verbum Dei habitat in nobis, idest Christus, qui est verbum Dei, apostolus, Ephes. III, 17 – habitare Christum per fidem in cordibus vestris. Ioan. V, 38 – verbum Dei non habetis in vobis manens. Tertio oportet quod verbum Dei in nobis manens continue meditemur; quia non solum oportet credere, sed meditari; aliter non prodesset; et huiusmodi meditatio valet multum contra peccatum. Psal. CXVIII, 11 – in corde meo abscondi eloquia tua, ut non peccem tibi; et iterum de viro iusto dicitur Psal. I, 2 – in lege eius meditabitur die ac nocte. Unde de beata virgine dicitur Luc. II, 51, quod conservabat omnia verba haec conferens in corde suo. Quarto oportet quod homo verbum Dei communicet aliis, commonendo, praedicando, et inflammando. Apostolus, Ephes. IV, 29 – omnis sermo malus ex ore vestro non procedat, sed si quis bonus ad aedificationem. Idem, Colos. III, 16 – verbum Christi habitet in vobis abundanter, in omni sapientia, docentes et commonentes vosmetipsos. Idem, I Tim. IV, 2 – praedica verbum, insta opportune, importune, argue, obsecra, increpa in omni patientia et doctrina. Ultimo verbum Dei debet executioni mandari. Iac. I, 22 – estote factores verbi, et non auditores tantum, fallentes vosmetipsos. Ista quinque servavit per ordinem beata Maria in generatione verbi Dei ex se. Primo enim audivit : spiritus sanctus superveniet in te, Luc. II, 35, secundo consensit per fidem : ecce ancilla domini, ibid. 38, tertio tenuit et portavit in utero, quarto protulit et peperit eum, quinto nutrivit et lactavit eum; unde Ecclesia cantat : ipsum regem Angelorum sola virgo lactabat ubere de caelo pleno.

31. - Non seulement il est nécessaire aux chrétiens de croire qu’il existe un Dieu unique et que ce Dieu unique est le Créateur du ciel et de toutes choses, mais il leur est également néces­saire de croire que ce Dieu est Père et que le Christ est son Fils véritable.

Que Dieu soit Père, et que le Christ soit son Fils, ce n’est pas, comme le dit S. Pierre, une fable, mais une certitude, certitude prouvée par la parole de Dieu sur la montagne. Ce t Apôtre déclare en effet dans sa épître (1, 16-18) : En effet, ce n’est pas en nous attachant à d’ingénieu­ses fictions, que nous vous faisons connaître la puissance et la présence de notre Seigneur Jésus­-Christ, mais en témoins oculaires de sa Majesté. En effet il reçut honneur et gloire de Dieu le Père, lorsque, de la gloire magnifique, une voix lui parvint : Celui-ci est mon Fils bien-aimé; en lui je me complais; écoutez-le. Et cette voix, nous l’avons entendue nous-mêmes, venue du ciel, quand nous étions avec lui sur la sainte montagne.

Le Christ Jésus lui-même appelle Dieu son Père en plusieurs circonstances et il se dit le Fils de Dieu; les Apôtres aussi et les saints Pères mirent parmi les articles de foi cette vérité le Christ est Fils de Dieu, lorsqu’ils dirent Je crois aussi en Jésus-Christ, son Fils, c’est-à-dire le Fils de Dieu.

32. - Mais il y eut des hérétiques dont la foi en Jésus Fils de Dieu fut erronée.

Photin en effet déclare : Le Christ est Fils de Dieu exactement comme ces hommes vertueux qui méritèrent, par leur vie honnête et l’accom­plissement de la volonté de Dieu, d’être appelés fils de Dieu par adoption. De même, dit-il, le Christ, dont la vie fut vertueuse et conforme à la volonté de Dieu, mérita d’être nommé fils de Dieu et il prétendit que le Christ n’exista pas avant la Bienheureuse Vierge, mais qu’il com­mença d’exister quand elle le conçut dans son sein.

Ainsi Photin commit une double erreur. La première fut de ne pas affirmer "Le Christ est le vrai Fils de Dieu selon la nature"; la seconde fut de dire "le Christ commença d’exister dans le temps, selon tout son être", alors que notre foi affirme Jésus est le Fils de Dieu par nature et il est éternel, conformément aux témoignages clairement exprimés dans la Sainte Ecriture.

Contre la première erreur, en effet, l’Ecriture affirme Le Christ n’est pas seulement Fils de Dieu, mais il est son Fils unique. Le Fils unique de Dieu, qui est dans le sein du Père, lui, a révélé Dieu, dit S. Jean (Jean 1, 18). Et contre la seconde erreur Jésus-Christ lui-même a déclaré (Jean 8,

58) : En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham fût, je suis. Or, sans aucun doute possible, Abraham a existé avant la Bienheu­reuse Vierge. C’est pourquoi, les saints Pères, dans un autre symbole, contre la première erreur, ajoutèrent aux mots "Je crois en Jésus Christ" les paroles le Fils unique de Dieu, et contre la seconde erreur il est né du Père avant tous les siècles.

33. - Quant à Sabellius, s’il déclara "Le Christ fut antérieur à la Bienheureuse Vierge", par contre il affirma "La personne du Père n’est pas différente de celle du Fils; le Père lui-même s’est incarné; c’est pourquoi la personne du Père et du Fils est la même". Une telle doc­trine, destructrice de la Trinité des personnes est erronée elle a contre elle cette parole de Jésus aux Pharisiens (Jean 8, 16) : Je ne suis pas seul : il y a moi et celui qui m’a envoyé, le Père.

Or, de toute évidence, personne ne peut être envoyé par lui-même. Donc Sabellius se trompe c’est pourquoi le symbole des Pères ajoute au sujet de Jésus-Christ nous devons le croire Dieu de Dieu, lumière de la lumière, c’est-à-dire Dieu Fils procédant de Dieu Père, et Fils qui est lumière, procédant du Père qui est lui-même lumière.

34. - Venons-en à Arius. S’il déclara Le Christ fut antérieur à la Bienheureuse Vierge, et autre est la personne du Père, autre celle du Fils, toutefois il attribua au Christ trois choses con­traires à la vérité selon lui, premièrement, le Fils de Dieu est une créature; deuxièmement, il n’est pas éternel, mais à un moment du temps il a été créé par Dieu comme la plus noble des créa­tures; troisièmement, Dieu le Fils ne possède pas la même nature que Dieu le Père, et ainsi il n’est pas vraiment Dieu.

Une telle doctrine est également erronée et contraire aux témoignages de la Sainte Ecriture.

On y lit en effet ces paroles du Seigneur Jésus (Jean 10, 30) : Le Père et moi nous sommes un, évidemment par la nature; c’est pourquoi, comme le Père a toujours existé, il en est de même du Fils; et de même que le Père est le vrai Dieu, le Fils l’est également.

Ç’est pourquoi, aux paroles d’Anus "le Christ fut une créature" les Pères opposent dans leur symbole ces autres paroles "il est vrai Dieu, procédant du vrai Dieu". Et à l’er­reur d’Anus "le Christ n’a pas été depuis l’éternité, mais il fut créé dans le temps", ils opposèrent ces paroles "il a été engendré et non créé". Enfin, contre cette autre erreur "le Christ n’est pas de la même substance que le Père", ils ajoutèrent ces mots "il est con­substantiel au Père".

35. - Comme nous venons de le montrer clai­rement, nous devons donc croire les vérités sui­vantes Le Christ est le Fils unique de Dieu; il est vraiment Fils de Dieu; il a toujours été avec le Père; autre est la personne du Père, autre la personne du Fils; le Fils possède en commun avec le Père une même nature. Mais ces diffé­rentes vérités que nous croyons ici-bas par la foi, nous les connaîtrons dans la vie éternelle par une vision parfaite. Aussi pour notre conso­lation, allons-nous en dire maintenant quelque chose.

36. - Il faut savoir que les divers êtres ont des modes divers de génération. La génération en Dieu diffère de celle des autres êtres aussi ne pouvons-nous arriver à connaître ce qu’est la génération en Dieu qu’à l’aide de la génération chez les créatures qui sont le plus semblable4s à Dieu. Or rien n’est plus semblable à Dieu, comme nous l’avons dit, que l’âme humaine, et voici comment s’y opère une génération l’homme pense par son âme quelque chose que nous appelons conception de l’intelligence, et cette concep­tion provient de l’âme comme d’un père; on l’appelle verbe (c’est-à-dire parole) : de l’intelli­gence ou de l’homme. L’âme donc engendre son verbe en pensant.

De même, le Fils de Dieu n’est rien d’autre que le Verbe de Dieu; ce n’est pas un verbe, une parole proférée au dehors, parce que ce verbe extérieur passe, mais c’est un verbe, une parole, conçue au-dedans c’est pourquoi ce Verbe de Dieu est de même nature que Dieu et lui est égal.

Le Bienheureux Apôtre S. Jean, en parlant du Verbe de Dieu, détruisit les hérésies que nous venons de rapporter. Premièrement il anéantit l’hérésie de Photin par ces paroles (Jean 1, 1) : Au commencement était te Verbe. Deuxièmement, il ruine celle de Sabellius, en disant Et le Verbe était auprès de Dieu. Troisièmement, il abat celle d’Anus, en ajoutant Et le Verbe était Dieu.

37. - Mais le verbe, la parole n’est pas de la même manière en Dieu et en nous. En nous, notre parole en effet est un accident; mais en Dieu, le Verbe de Dieu est la même réalité que Dieu lui-même, puisqu’il n’y a rien en Dieu qui ne soit l’essence de Dieu. Or nul ne peut dire Dieu ne possède pas de Verbe; car s’il en était ainsi, il serait sans nulle intelligence et c’est pourquoi, comme Dieu a toujours existé, il en est de même de son Verbe.

38. - Et comme l’artisan exécute tous ses ouvrages d’après le modèle qu’il a élaboré à l’avance dans son intelligence, modèle qui est son verbe pareillement, Dieu accomplit aussi toutes choses par son Verbe, qui est comme sa science, son art. Toutes choses, déclare saint Jean (1, 3) : furent faites par lui, le Verbe de Dieu.

39. - Si le Verbe de Dieu est Fils de Dieu, et si toutes les paroles de Dieu sont à la ressem­blance de ce Verbe, nous avons, en premier lieu, le devoir d’écouter volontiers les paroles de Dieu. En effet, si nous écoutons avec plaisir ses paroles, c’est un signe que nous aimons Dieu.

40. - Nous devons, en second lieu, croire aux paroles de Dieu par cette foi, en effet, le Verbe de Dieu habite en nous, conformément à la parole de l’Apôtre (Eph. 3, 17) : Que le Christ, qui est le Verbe de Dieu, habite dans vos coeurs par la foi. Aussi le Seigneur déclare-t-il aux Pha­risiens (Jean 5, 38) : Le Verbe de Dieu ne demeure pas en vous.

41. - Il faut, en troisième lieu, que nous médi­tions continuellement le Verbe, la Parole de Dieu demeurant en nous. H ne suffit pas en effet de croire, la méditation aussi est nécessaire; sans elle, cette présence en nous du Verbe de Dieu ne nous serait pas profitable.

Ce genre de méditation est en effet d’un grand secours contre le péché, comme le montre cette parole du Psalmiste (Ps. 118, 11) : Je garde tes paroles cachées dans mon coeur pour ne pas pécher. A cette méditation l’homme juste s’exerce sans cesse La loi du Seigneur, est-il dit au Psaume 1~, le juste la médite nuit et jour. Aussi saint Luc (2, 19 & 51) : écrit-il de la Bien­heureuse Vierge : Elle gardait toutes les paroles de Jésus dans son coeur pour les méditer.

42. - Il convient, en quatrième lieu, que l’homme communique aux autres la parole de Dieu, en avertissant, en prêchant, en stimulant. Qu’il ne sorte de votre bouche aucune parole mauvaise, disait saint Paul (Eph. 4, 29) : n’en ayez que de bonnes, propres à édifier. De même, il écrivit aux Colossiens (3, 16) : Que la Parole du Christ demeure en vous avec abondance, en toute sagesse, vous enseignant et vous avertis­sant les uns les autres. Et à Timothée (2. Tim. 4, 2) : Proclame la parole, insiste à temps et à contretemps, reprends, exhorte, menace avec une entière patience et une doctrine intègre.

43. - En dernier lieu, nous devons suivre la recommandation de saint Jacques, concernant la Parole de Dieu Mettez-la en pratique, cette parole, dit-il (I, 22), ne vous contentez pas de l’écouter : ce serait vous abuser vous-mêmes.

44. - Ces cinq devoirs relatifs à la Parole de Dieu, la Bienheureuse Vierge les a observés par ordre lorsqu’elle a engendré le Verbe de Dieu. Premièrement, en effet, elle écouta les paroles de saint Gabriel (Luc 1, 35) : l’Esprit Saint survien­dra en vous. Deuxièmement, la Vierge Marie donna son consentement aux paroles de l’Ange par sa foi, en disant (Luc I, 38) : Voici la ser­vante du Seigneur. En troisième lieu, elle porta en son sein le Verbe incarné. En quatrième lieu, elle l’enfanta. Cinquièmement, elle le nourrit et l’allaita. Aussi l’Eglise chante-t-elle : Par un don du ciel, la Vierge nourrissait de son sein le Roi des Anges.

 

 

Articulus 3 [86675] In Symbolum Apostolorum, a. 3 tit. Qui conceptus est de spiritu sancto, natus ex Maria virgine

Article 3 – JE CROIS EN JÉSUS (…) : QUI A ÉTÉ CONÇU DU SAINT ESPRIT, EST NÉ DE LA VIERGE MARIE.

[86676] In Symbolum Apostolorum, a. 3 Non solum est necessarium credere Christiano filium Dei, ut ostensum est; sed etiam oportet credere incarnationem eius. Et ideo beatus Ioannes postquam dixerat multa subtilia et ardua, consequenter insinuat nobis eius incarnationem, cum dicit : et verbum caro factum est. Et ut de hoc aliquid capere possimus, duo exempla ponam in medium. Constat quod filio Dei nihil est ita simile sicut verbum in corde nostro conceptum, non prolatum. Nullus autem cognoscit verbum dum est in corde hominis, nisi ille qui concipit; sed tunc primo cognoscitur cum profertur. Sic verbum Dei dum erat in corde patris non cognoscebatur nisi a patre tantum : sed carne indutum, sicut verbum voce, tunc primo manifestatum et cognitum est. Bar. III, 38 – post hoc in terris visus est, et cum hominibus conversatus est. Aliud exemplum est, quia licet verbum prolatum cognoscatur per auditum, tamen non videtur nec tangitur; sed cum scribitur in charta, tunc videtur et tangitur. Sic et verbum Dei et visibile et tangibile factum est, cum in carne nostra fuit quasi scriptum : et sicut charta in qua verbum regis scriptum est, dicitur verbum regis; ita homo cui coniunctum est verbum Dei in una hypostasi, dicitur filius Dei. Isai. VIII, 1 – sume tibi librum grandem, et scribe in eo stylo hominis; et ideo sancti apostoli dixerunt : qui conceptus est de spiritu sancto, natus ex Maria virgine. In quo quidem multi erraverunt : unde et sancti patres in alio symbolo, in synodo Nicaena, multa addiderunt, per quae nunc omnes errores destruuntur. Origenes enim dixit, quod Christus est natus, et etiam venit in mundum, ut etiam salvaret Daemones : unde dixit Daemones omnes esse salvandos in fine mundi. Sed hoc est contra sacram Scripturam. Dicit enim Matth. XXV, 41 – discedite a me maledicti in ignem aeternum, qui paratus est Diabolo et Angelis eius. Et ideo ad hoc removendum additur : qui propter nos homines (non propter Daemones) et propter nostram salutem. In quo quidem magis apparet amor Dei ad nos. Photinus vero voluit quod Christus natus esset de beata virgine; sed addidit quod esset purus homo, qui bene vivendo et faciendo voluntatem Dei, meruit filius Dei fieri, sicut et alii sancti : contra quod dicitur Ioan. VI, 38 – descendi de caelo, non ut faciam voluntatem meam, sed voluntatem eius qui misit me. Constat autem quod non descendisset nisi ibi fuisset; et si fuisset purus homo, non fuisset in caelo : et ideo ad hoc removendum additur : descendit de caelis. Manichaeus vero dixit, quod, licet filius Dei fuerit semper, et descenderit de caelo, tamen non habuit veram carnem, sed apparentem. Sed hoc est falsum : non enim decebat doctorem veritatis aliquam falsitatem habere : et ideo sicut ostendit veram carnem, sic habuit. Unde dixit, Luc. XXIV, 39 – palpate, et videte, quia spiritus carnem et ossa non habet, sicut me videtis habere. Et ideo ad hoc removendum addiderunt : et incarnatus est. Ebion vero, qui fuit genere Iudaeus, dixit quod Christus natus est de beata virgine, sed ex commixtione viri, et ex virili semine. Sed hoc est falsum, quia Angelus dixit, Matth. I, 20 – quod enim in ea natum est de spiritu sancto est; et ideo sancti patres ad hoc removendum addiderunt : de spiritu sancto. Valentinus autem licet confiteretur quod Christus conceptus fuerit de spiritu sancto, voluit tamen quod spiritus sanctus portaverit unum corpus caeleste, et posuerit in beata virgine, et hoc fuit corpus Christi : unde nihil aliud operata est beata virgo, nisi quod fuit locus eius : unde dixit quod illud corpus transivit per beatam virginem sicut per aquaeductum. Sed hoc est falsum; nam Angelus dixit ei, Luc. I, 35 – quod enim ex te nascetur sanctum, vocabitur filius Dei; et apostolus, Galat. IV, 4 – at ubi venit plenitudo temporis, misit Deus filium suum factum ex muliere. Et ideo addiderunt : natus ex Maria virgine. Arius vero et Apollinarius dixerunt, quod, licet Christus fuerit verbum Dei, et natus ex Maria virgine, tamen non habuit animam, sed loco animae fuit ibi divinitas. Sed hoc est contra Scripturam; quia Christus dixit, Ioan. XII, 27 – nunc anima mea turbata est; et iterum Matth. XXVI, 38 – tristis est anima mea usque ad mortem. Et ideo sancti patres ad hoc removendum addiderunt : et homo factus est. Homo enim ex anima et corpore consistit : unde verissime habuit omnia quae homo habere potest praeter peccatum. In hoc autem quod dicitur homo factus, destruuntur omnes errores superius positi, et omnes alii qui dici possent; et praecipue error Eutychetis, qui dixit commixtionem factam, scilicet ex divina natura et humana factam unam naturam Christi, quae nec Deus pure est, nec purus homo. Sed est falsum, quia tunc non esset homo; et est etiam contra hoc quod dicitur, quod homo factus est. Destruitur etiam error Nestorii, qui dixit filium Dei unitum esse homini solum per inhabitationem. Sed hoc est falsum, quia tunc non esset homo, sed in homine : et quod sit homo, patet per apostolum, Philip. II, 7 – et habitu inventus ut homo; Ioan. VIII, 40 – quid quaeritis me interficere, hominem, qui veritatem vobis locutus sum, quam audivi a Deo? Possumus autem sumere ex his aliqua ad eruditionem. Primo enim confirmatur fides nostra. Si enim aliquis diceret aliqua de aliqua terra remota, et ipse non fuisset ibi, non crederetur ei sicut si ibi fuisset. Antequam ergo veniret Christus in mundum, patriarchae et prophetae et Ioannes Baptista dixerunt aliqua de Deo; sed tamen non ita crediderunt eis homines sicut Christo, qui fuit cum Deo, immo unum cum ipso. Unde multum firma est fides nostra ab ipso Christo nobis tradita. Ioan. I, 18 – Deum nemo vidit unquam : unigenitus filius qui est in sinu patris, ipse enarravit. Et inde est quod multa fidei secreta sunt manifesta nobis post adventum Christi, quae ante occulta erant. Secundo ex iis elevatur spes nostra. Constat enim quod Dei filius non pro parvo ad nos venit, sumens carnem nostram, sed pro magna utilitate nostra; unde fecit quoddam commercium, scilicet quod assumpsit corpus animatum, et de virgine nasci dignatus est, ut nobis largiretur suam deitatem; et sic factus est homo, ut hominem faceret Deum. Rom. V, 2 – per quem habemus accessum per fidem in gratiam istam, in qua stamus et gloriamur in spe gloriae filiorum Dei. Tertio ex hoc accenditur caritas. Nullum enim est tam evidens divinae caritatis indicium quam quod Deus creator omnium factus est creatura, dominus noster factus est frater noster, filius Dei factus est filius hominis. Ioan. III, 16 – sic Deus dilexit mundum ut filium suum unigenitum daret. Et ideo ex huius consideratione amor reaccendi debet et inflammari ad Deum. Quarto inducimur ad servandam puram animam nostram. Intantum enim natura nostra fuit nobilitata et exaltata ex coniunctione ad Deum, quod fuit ad consortium divinae personae suscepta : unde Angelus post incarnationem noluit sustinere quod beatus Ioannes adoraret eum, quod ante sustinuerat etiam a maximis patriarchis. Ideo homo huius exaltationem recolens et attendens, debet dedignari vilificare se et naturam suam per peccatum : ideo dicit beatus Petrus : per quem maxima et pretiosa nobis promissa donavit, ut per haec efficiamur divinae consortes naturae, fugientes eius quae in mundo est concupiscentiae corruptionem. Quinto ex his inflammatur desiderium nostrum ad perveniendum ad Christum. Si enim aliquis rex esset frater alicuius, et esset remotus ab eo, desideraret ille cuius frater esset rex, ad eum venire, et apud eum esse et manere. Unde cum Christus sit frater noster, debemus desiderare esse cum eo et coniungi ei : Matth. XXIV, 28 – ubicumque fuerit corpus, illuc congregabuntur et aquilae; et apostolus desiderium habebat dissolvi et esse cum Christo : quod quidem desiderium crescit in nobis considerando incarnationem eius.

45. - Il est nécessaire au chrétien de croire au Fils de Dieu, nous venons de le montrer. Mais cette foi ne suffit pas. Il nous faut croire égale­ment à son Incarnation. C’est pourquoi, après avoir dit beaucoup de choses très difficiles et très élevées sur le Verbe, le Bx Jean nous parle ensuite de son Incarnation en ces termes (Jean 1, 14) : Et le Verbe s’est fait chair.

Pour nous aider à saisir quelque chose de ce mystère, je proposerai deux exemples. Sans aucun doute rien n’est plus semblable au Fils de Dieu que le verbe que notre intelligence conçoit sans le proférer par les lèvres. Or, nul ne connaît le verbe tant qu’il demeure dans l’intel­ligence de l’homme si ce n’est celui qui le con­çoit; mais dès que notre langue le fait entendre, il est connu de nos auditeurs. Ainsi le Verbe de Dieu, aussi longtemps qu’il demeurait dans l’in­telligence du Père, était connu seulement de son Père; mais une fois revêtu d’une chair, comme le verbe de l’homme se revêt du son de la voix, il s’est alors manifesté au dehors pour la pre­mière fois et s’est fait connaître, selon cette parole de Baruch (3, 38) : Ainsi il est apparu sur la terre et il a conversé avec les hommes.

Voici le deuxième exemple. Nous connais­sons par l’ouïe le verbe proféré par la voix, et cependant nous ne le voyons pas et nous ne le touchons pas; mais si ce verbe nous l’écrivons sur un papier, alors nous pouvons le toucher et le voir. Ainsi le Verbe de Dieu s’est fait, lui aussi, et visible et tangible, lorsqu’il s’inscrivit en quelque sorte dans notre chair. Et de même que le papier sur lequel est inscrite la parole du roi, nous l’appelons la parole du roi, de même l’homme auquel est uni le Verbe de Dieu dans une seule personne, nous le nommons le Fils de Dieu. A ce sujet, il est juste de rappeler les paro­les du Seigneur à Isaïe (8, 1) : Prends un grand livre, et écris-y avec un poinçon d’homme; et c’est pourquoi les saints Apôtres dirent de Jésus, le Fils unique de Dieu il a été conçu du Saint Esprit et il est né de la Vierge Marie.

46. - Sur ce sujet beaucoup ont erré. C’est pourquoi les saints Pères, dans un autre symbole, au Concile de Nicée, ajoutèrent de nombreuses précisions, grâce auxquelles, maintenant, toutes ces erreurs sont détruites.

47. - Origène en effet déclara : Le Christ est né et il est venu dans le monde pour sauver même les démons. Aussi tous les démons, dit-il, seront sauvés à la fin du monde. Assertion contraire aux affirmations de la Sainte Ecriture ainsi lisons-nous dans saint Matthieu ces paroles que le Seigneur dira lors du jugement dernier (25, 41) : Allez-vous-en loin de moi, maudits, au feu éternel, qui a été préparé pour le diable et pour ses anges. C’est pour repousser cette erreur que les Pères ajoutèrent au symbole : C’est pour nous les hommes, (non pour les démons) : et c’est pour notre salut que Jésus est né de la Vierge Marie. : paroles qui font apparaître davantage l’amour de Dieu à notre égard.

48. - Quant à Photin, il consentit bien à ce que le Christ fût né de la Vierge Bienheureuse, mais i. l ajouta : c’était un simple homme; par Sa vie vertueuse et par l’accomplissement de la volonté de Dieu, il mérita de devenir le Fils de Dieu, comme les autres saints : mais à cette erreur s’opposent les paroles mêmes de Jésus (Jean 6, 38) : Je SUÎS descendu du ciel, non pour faire mu volonté à moi, mais la volonté de celui qu[i m’a envoyé. Or, il est évident qu’il ne serait pas descendu du ciel s’il ne s’y était pas trouvé et s’il n’avait été qu’un homme, il n’aurait pas été au ciel. C’est pour écarter l’erreur de Photin que les Pères ajoutèrent dans leur symbole Jésus descendit des cieux.

49. - Manès, lui, déclara : Le Fils de Dieu a, effectivement, toujours existé et il est bien des­cendu du ciel, mais sa chair n’est pas une chair véritable : c’est une chair apparente. Assertion fausse : il ne convenait pas en effet au Maître de la vérité de présenter quelque fausseté; c’est pourquoi, comme il s’offrait aux regards avec une véritable chair humaine, il la possédait vrai­ment. C’est pourquoi le Seigneur déclara à ses Apôtres (Luc 24, 39) : Touchez-moi et voyez un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’en ai. C’est pour supprimer l’erreur de Manès, que les saints Pères ajoutèrent dans leur symbole : Et Jésus-Christ s’est incarné.

50. - Quant à Ebion, Juif d’origine, il disait le Christ est bien né de la Vierge Marie, mais elle le conçut par son union avec un homme et grâce à une semence virile. Affirmation fausse, elle aussi : l’Ange du Seigneur dit en effet à saint Joseph (Mat. I, 21) : Ce qui a été engendré en Marie, ton épouse, vient du Saint Esprit. Aussi les saints Pères pour écarter cette erreur ajou­tèrent-ils dans leur symbole que la conception de Jésus était l’oeuvre du Saint-Esprit.

51 - Valentin confessa justement Le Christ a été conçu du Saint-Esprit; mais il prétendit par contre que le Saint Esprit avait apporté du ciel un corps céleste et l’avait déposé dans la Vierge Bienheureuse, et que ce corps fut celui du Christ : ainsi la Bienheureuse Vierge n’a rien fait d’autre que d’être le réceptacle de ce corps ce corps, disait-il, est passé par la Vierge Bien­heureuse comme par un aqueduc. Affirmation entièrement erronée, car l’Ange Gabriel avait déclaré à Marie (Luc 1, 35) : L’être saint qui naî­tra de toi sera appelé Fils de Dieu - et l’Apôtre écrivit aux Galates (4, 4) : Lorsque fut venu la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils formé d’une femme. Aussi les Pères ajoutèrent-ils dans leur symbole que Jésus est né de la Vierge Marie.

52. - Quant à Anus et Apollinaire, ils décla­rèrent : Le Christ est bien le Verbe de Dieu et il est bien né de la Vierge Marie, mais sa divi­nité lui tient lieu d’âme; car d’âme, il n’en a pas.

Assertion fausse, contraire à l’Ecriture Sainte. Le Christ en effet a dit (Jean 12, 27) : Mainte­nant mon âme est troublée; et à l’heure de son agonie (Matt. 26, 38) : Mon âme est triste jus­qu’à la mort. Aussi les saints Pères, pour anéan­tir cette erreur, ajoutèrent-ils dans leur sym­bole : Et il s’est fait homme. L’homme en effet est composé d’un corps et d’une âme : et Jésus pos­séda très véritablement tout ce qu’un homme peut avoir, hormis le péché.

53. - Par ces paroles : Jésus-Christ s’est fait homme, sont détruites toutes les erreurs rappor­tées plus haut et aussi toutes celles qui pour­raient surgir; et principalement l’erreur d’Eutychès qui enseignait l’unité de nature du Christ par mélange de la nature divine et de la nature humaine, de telle sorte que cette nature du Christ ne serait ni purement divine ni purement humaine. Assertion entièrement erronée car alors le Christ ne serait pas un homme. Contre cette erreur, il a été dit : "Il s’est fait homme".

Par ces paroles Le Christ s’est fait homme, est anéantie également l’erreur de Nestorius. Celui-ci déclarait : Le Fils de Dieu est uni à un homme simplement parce qu’il demeure en lui. Assertion fausse, elle aussi, car elle revient à dire Le Fils de Dieu n’est pas homme, mais il est dans un homme. Or, que le Christ soit vrai­ment homme, l’Apôtre le déclare clairement par ces paroles (Phil. 2, 7) : Le Christ a été reconnu pour homme par tout ce qui a paru en lui. Jésus lui-même a dit de lui aux Juifs (Jean 8, 40) : Pourquoi cherchez-vous à faire mourir l’homme que je suis, qui vous ai dit la vérité que j’ai entendu e de Dieu?

54. - De ce que nous venons de dire de l’Incarnation du Fils de Dieu, nous pouvons tirer plusieurs conséquences pour notre instruction.

Premièrement un affermissement de notre foi. Car si quelqu’un nous décrivait certaines particularités concernant une terre éloignée où il n’aurait jamais été, la foi que nous accorde­rions à ses paroles ne serait pas aussi grande que celle que nous lui donnerions s’il y avait séjourné. Avant donc que le Christ ne vint au monde, les Patriarches, les Prophètes et saint Jean-Baptiste révélèrent différentes choses sur Dieu mais les hommes ne donnèrent pas à leurs paroles une foi égale à celle qu’ils accordèrent au Christ, qui fut avec Dieu, bien plus, qui fut un avec lui. Ainsi notre foi, que le Christ lui-même nous a transmise, est très ferme. "Nul n’a jamais vu Dieu, disait saint Jean (Jn 1, 18) : le Fils unique qui est dans le sein du Père, lui, l’a révélé. De là vient que de nombreux secrets de la foi nous furent dévoilés après l’avènement du Christ, qui auparavant, avaient été cachés.

55. - En second lieu notre espérance s’en trouve élevée.

Il est hors de doute en effet, que le Fils de Dieu, prenant notre chair, n’est pas venu à nous pour un motif peu important, mais bien pour nous être grandement utile; il a en effet accom­pli une sorte d’échange car s’il a pris un corps avec une âme et s’il daigna naître de la Vierge, c’est pour, ensuite, nous faire don de sa divinité et ainsi, il s’est fait homme pour faire que l’homme devînt Dieu.

A lui, Jésus-Christ, disait l’Apôtre aux Ro­mains (5, 2) : à lui nous devons d’avoir accès par la foi à cette grâce où nous sommes établis, et de nous glorifier dans l’espérance de la gloire des fils de Dieu.

56. - En troisième lieu la méditation du mystère de l’Incarnation enflamme notre charité. Savoir, en effet, que Dieu, Créateur de toutes choses, s’est fait créature, que Notre Seigneur est devenu notre frère, que le Fils de Dieu s’est fait le fils de l’homme, est la preuve la plus évi­dente de la divine charité. Comme il est dit dans l’Evangile de saint Jean (3, 16) : Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. Cette vérité, si nous la considérons, doit enflam­mer de nouveau notre amour pour Dieu et l’em­braser.

57. - Quatrièmement : la considération du mystère du Fils de Dieu fait homme nous porte à garder pure notre âme. Notre nature en effet a été tellement ennoblie et exaltée par son union avec Dieu qu’elle a été élevée à l’unité avec une personne divine : aussi l’Ange, après l’Incar­nation, ne put souffrir que le bienheureux Apôtre Jean l’adorât, alors que, avant, il s’était laissé adorer même par les plus grands des Patriar­ches (1). Aussi l’homme doit-il se rappeler et méditer son exaltation : par là, il se gardera de se souiller, lui et sa nature, par le péché; c’est l’en­seignement même du bienheureux Apôtre Pierre (II. I, 4) : Par Jésus Christ, nous dit-il, Dieu a réalisé des promesses magnifiques et précieuses, afin que nous devenions ainsi participants de la nature divine, et que nous nous soustrayions à la corruption de la convoitise qui est dans le monde.

58. -Cinquièmement : la méditation du mystère du Verbe incarné enflamme notre désir d’atteindre le Christ. Si en effet quelqu’un avait pour frère un roi et était éloigné de lui, ne désirerait-il pas se rendre auprès de sa personne royale, être chez lui et y demeurer? Aussi, comme le Christ est notre frère, nous devons nous aussi désirer être avec lui et nous unir à lui.

Le Christ n’a-t-il pas dit à ses disciples (Math. 24, 28) : Partout où sera le corps, ici se rassembleront les aigles - et l’Apôtre n’aspirait-il pas à mourir pour être avec le Christ (Cf. Phil. 1, 23). Sans aucun doute, si nous méditons l’Incarnation du Verbe, nous ferons grandir en nous le désir de partir pour être avec le Seigneur.

 

Articulus 4 [86677] In Symbolum Apostolorum, a. 4 tit. Passus sub Pontio Pilato, crucifixus, mortuus et sepultus

Article 4 – JE CROIS EN JÉSUS, QUI A SOUFFERT SOUS PONCE-PILATE, A ÉTÉ CRUCIFIÉ, EST MORT ET A ÉTE ENSEVELI.

[86678] In Symbolum Apostolorum, a. 4 Sicut necessarium est Christiano quod credat incarnationem filii Dei, ita necessarium est quod credat passionem eius et mortem : quia, sicut dicit Gregorius, nihil nobis nasci profuit, nisi redimi profuisset. Hoc autem, scilicet quod Christus pro nobis est mortuus, ita est arduum quod vix potest intellectus noster capere; immo nullo modo cadit in intellectu nostro. Et hoc est quod dicit apostolus, Act. XIII, 41 – opus operor ego in diebus vestris, opus quod non credetis, si quis enarraverit vobis; et Habac. I, 5 – opus factum est in diebus vestris quod nemo credet cum narrabitur. Tanta est enim gratia Dei et amor ad nos, quod plus ipse fecit nobis quam possumus intelligere. Non tamen debemus credere quod Christus ita sustinuerit mortem quod deitas mortua sit; sed quod humana natura in ipso mortua sit. Non enim mortuus est secundum quod Deus erat, sed secundum quod homo : et hoc patet per tria exempla. Unum est in nobis. Constat enim quod cum homo moritur, in separatione animae a corpore non moritur anima, sed ipsum corpus, seu caro. Sic et in morte Christi non est mortua divinitas, sed natura humana. Sed si Iudaei non occiderunt divinitatem, videtur quod non magis peccaverunt quam si occidissent unum alium hominem. Ad hoc est dicendum, quod dato quod rex esset indutus una veste, si quis inquinaret vestem illam, tantum reatum incurreret ac si ipsum regem inquinasset. Ideo Iudaei licet non possent Deum interficere, tamen humanam naturam a Christo assumptam occidentes, sunt tantum puniti ac si ipsam divinitatem occidissent. Item, sicut dictum est superius, filius Dei est verbum Dei, et verbum Dei incarnatum est sicut verbum regis scriptum in charta. Si igitur aliquis dilaniaret chartam regis, pro tanto habetur ac si dilaniaret verbum regis. Et ideo tanto habetur peccatum Iudaeorum ac si occidissent verbum Dei. Sed quae necessitas ut verbum Dei pateretur pro nobis? Magna : et potest colligi duplex necessitas. Una est ad remedium contra peccata, alia est ad exemplum quantum ad agenda. Ad remedium quidem, quia contra omnia mala quae incurrimus per peccatum, invenimus remedium per passionem Christi. Incurrimus autem quinque mala. Primo maculam : homo enim cum peccat, deturpat animam suam : quia sicut virtus animae est pulchritudo eius, ita peccatum est macula eius. Bar. III, 10 – quid est, Israel, quod in terra inimicorum es (...) coinquinatus es cum mortuis? Sed hoc removet passio Christi : nam Christus sua passione fecit balneum in sanguine suo, quo peccatores lavaret. Apoc. I, 5 – lavit nos a peccatis nostris in sanguine suo. Lavatur autem anima sanguine Christi in Baptismo, quia ex Christi sanguine virtutem habet regenerativam. Et ideo cum aliquis se inquinat per peccatum, facit Christo iniuriam, et magis peccat quam ante. Hebr. X, 28-29 – irritam quis faciens legem Moysi, sine ulla miseratione duobus vel tribus testibus moritur; quanto magis putatis deteriora mereri supplicia qui filium Dei conculcaverit, et sanguinem testamenti pollutum duxerit? Secundo incurrimus offensam Dei. Nam sicut carnalis diligit carnalem pulchritudinem, ita Deus spiritualem, quae est pulchritudo animae. Quando ergo anima per peccatum inquinatur, Deus offenditur, et odio habet peccatorem. Sap. XIV, 9 – odio sunt Deo impius et impietas eius. Sed Christi passio hoc removet, qui Deo patri satisfecit pro peccato, pro quo ipse homo satisfacere non poterat; cuius caritas fuit maior et obedientia quam peccatum primi hominis et praevaricatio. Rom. V, 10 – cum inimici essemus (Deo), reconciliati sumus Deo per mortem filii eius. Tertio incurrimus infirmitatem. Nam homo semel peccando credit postmodum a peccato posse continere; sed totum contrarium accidit : quia per primum peccatum debilitatur, et fit pronior ad peccandum; et peccatum magis dominatur homini, et homo, quantum de se est, ponit se in tali statu ut non surgat, sicut qui in puteum se proiicit, nisi ex divina virtute. Unde postquam homo peccavit, natura nostra fuit debilitata et corrupta; et tunc homo fuit pronior ad peccandum. Sed Christus hanc infirmitatem et debilitatem diminuit, licet non totam deleverit; tamen ita est homo ex Christi passione confortatus, et peccatum debilitatum, quod non tantum dominatur ei; et potest homo conari adiutus gratia Dei, quae confertur in sacramentis, quae ex Christi passione efficaciam habent, ita quod potest resilire a peccatis. Apostolus, Rom. VI, 6 – vetus homo noster simul crucifixus est, ut destruatur corpus peccati. Nam ante passionem Christi pauci inventi sunt sine peccato mortali viventes; sed post sine peccato mortali multi vixerunt et vivunt. Quarto incurrimus reatum poenae. Hoc enim exigit iustitia Dei, ut quicumque peccat, puniatur. Poena autem pensatur ex culpa. Unde cum culpa peccati mortalis sit infinita, utpote contra bonum infinitum, scilicet Deum, cuius praecepta peccator contemnit; poena debita peccato mortali est infinita. Sed Christus per suam passionem abstulit nobis poenam hanc, et sustinuit ipse. I Petr. II, 24 – peccata nostra (idest poenam peccati) ipse pertulit in corpore suo. Nam passio Christi fuit tantae virtutis quod sufficit ad expiandum omnia peccata totius mundi, etiam si essent centum millia. Et inde est quod baptizati ab omnibus peccatis laxantur. Inde est etiam quod sacerdos peccata dimittit. Inde est etiam quod quicumque magis passioni Christi se conformat, maiorem consequitur veniam, et plus meretur de gratia. Quinto incurrimus exilium regni. Nam qui offendunt reges, exulare coguntur a regno. Sic et homo propter peccatum expellitur de Paradiso. Inde est quod Adam statim post peccatum est eiectus de Paradiso, et clausa est ianua Paradisi. Sed Christus sua passione ianuam illam aperuit, et ad regnum exules revocavit. Aperto enim latere Christi, aperta est ianua Paradisi; et fuso sanguine eius, deleta est macula, placatus est Deus, ablata est debilitas, expiata est poena, exules revocantur ad regnum. Et inde est quod statim latroni dicitur (Luc. XXIII, 43) : hodie mecum eris in Paradiso. Hoc non est dictum olim : non enim dictum fuit alicui, non Adae, non Abrahae, non David; sed hodie, scilicet quando aperta est ianua, latro veniam petit et invenit. Hebr. X, 19 – habentes (...) fiduciam in introitu sanctorum in sanguine Christi. Sic ergo patet utilitas ex parte remedii. Sed non minor est utilitas quantum ad exemplum. Nam, sicut dicit beatus Augustinus, passio Christi sufficit ad informandum totaliter vitam nostram. Quicumque enim vult perfecte vivere, nihil aliud faciat nisi quod contemnat quae Christus in cruce contempsit, et appetat quae Christus appetiit. Nullum enim exemplum virtutis abest a cruce. Si enim quaeras exemplum caritatis, maiorem caritatem nemo habet ut animam suam ponat quis pro amicis suis, Ioan. XV, 13. Et hoc in cruce fecit Christus. Et ideo si pro nobis animam suam dedit, non debet nobis esse grave quaecumque mala sustinere pro ipso. Psal. CXV, 12 – quid retribuam domino pro omnibus quae retribuit mihi? Si quaeris exemplum patientiae, excellentissima in cruce invenitur. Patientia enim ex duobus magna ostenditur : aut cum quis magna patienter suffert, aut cum ea suffert quae vitare posset, et non vitat. Christus autem magna in cruce pertulit. Thren. I, 12 – o vos omnes qui transitis per viam, attendite, et videte si est dolor sicut dolor meus; et patienter, quia, cum pateretur, non comminabatur, I Petr. II, 23; et Isai. LIII, 7 – sicut ovis ad occisionem ducetur, et quasi agnus coram tondente se obmutescet. Item vitare potuit, et non vitavit. Matth. XXVI, 53 – an putas quia non possum rogare patrem meum, et exhibebit mihi modo plusquam duodecim legiones Angelorum? Magna est ergo Christi patientia in cruce. Hebr. XII, 1-2 – per patientiam curramus ad propositum nobis certamen, aspicientes in auctorem fidei et consummatorem Iesum, qui, proposito sibi gaudio sustinuit crucem confusione contempta. Si quaeris exemplum humilitatis, respice crucifixum : nam Deus iudicari voluit sub Pontio Pilato, et mori. Iob XXXVI, 17 – causa tua quasi impii iudicata est. Vere impii : quia, morte turpissima condemnemus eum, Sap. II, 20. Dominus pro servo, et vita Angelorum pro homine mori voluit. Philip. II, 8 – factus est obediens usque ad mortem. Si quaeris exemplum obedientiae, sequere eum qui factus est obediens patri usque ad mortem. Rom. V, 19 – sicut per inobedientiam unius hominis peccatores constituti sunt multi : ita per unius obedientiam, iusti constituentur multi. Si quaeris exemplum contemnendi terrena, sequere eum qui est rex regum et dominus dominantium, in quo sunt thesauri sapientiae; in cruce tamen nudatum, illusum, consputum, caesum, spinis coronatum, et felle et aceto potatum, et mortuum. Igitur non afficiaris ad vestes, et ad divitias : quia diviserunt sibi vestimenta mea, Psal. XXI, 19; non ad honores, quia ego ludibria et verbera expertus sum; non ad dignitates, quia plectentes coronam de spinis imposuerunt capiti meo; non ad delicias, quia in siti mea potaverunt me aceto, Psal. LXVIII, 22. Augustinus super illud Hebr. XII : qui proposito sibi gaudio sustinuit crucem, confusione contempta, dicit : omnia bona terrena contempsit homo Christus Iesus ut contemnenda monstraret.

59. - Comme il est nécessaire au chrétien de croire à l’Incarnation du Fils de Dieu, il lui faut croire également à sa passion et à sa mort "naître ne nous eût été utile en rien, disait en effet saint Grégoire, si nous n’avions pas été rachetés".

Or, le fait que le Christ soit mort pour nous est une vérité très élevée que notre intelligence peut à peine saisir; bien plus, elle ne viendrait même pas à l’esprit. C’est ce qu’affirme saint Paul. (Actes 13, 41) : Je vais, dit Dieu, accomplir une oeuvre en vos jours, une oeuvre quel vous ne croi­riez pas, si on vous la racontait. Et de même Habacuc (I, 5) : Une oeuvre a été accomplie en vos jours, que personne ne croira quand on la lui racontera. La grâce de Dieu en effet et son amour pour nous sont si grands que ce qu’il a fait pour nous dépasse ce que nous pouvons comprendre.

60. - Cependant, nous ne devons pas croire que le Christ a souffert la mort de telle manière que sa divinité soit morte; en lui c’est sa nature humaine qui subit la mort. Il est mort, en effet, non en tant que Dieu, mais en tant qu’homme.

Voici trois exemples qui mettront en lumière cette vérité.

Nous puiserons le premier en nous-mêmes. Lorsqu’un homme meurt, son âme en se sépa­rant du corps ne meurt pas, c’est son corps, sa chair, qui subit la mort. De même, dans la mort du Christ, la divinité n’a pas été atteinte, mais bien la nature humaine.

61. - On peut objecter que les Juifs n’ont pas tué la divinité du Christ, ils n’ont pas commis, semble-t-il, un plus grand péché en mettant à mort Jésus, que s’ils avaient tué un autre homme.

62. - Il faut répondre Supposons un roi revêtu d’un vêtement Si quelqu’un souillait ce vêtement, il tomberait dans une faute aussi grande que s’il souillait le roi en personne. Ainsi les Juifs ils ne purent pas tuer Dieu mais, parce qu’ils mirent à mort la nature humaine assumée par le Christ, ils furent châtiés aussi sévèrement que s’ils avaient tué la divinité.

63. - Voici le troisième exemple : Comme nous l’avons dit plus haut, le Fils de Dieu est le Verbe de Dieu et on peut comparer ce Verbe (ou Parole) : de Dieu incarné à une parole de roi écrite sur une feuille de papier. Si donc quelqu’un déchirait le papier où est écrite la parole du roi, il ferait une faute aussi grave que s’il déchirait la parole du roi. C’est pourquoi le péché des Juifs mettant à mort l’Homme-Dieu est aussi grand que s’ils avaient tué le Verbe même de Dieu.

64. – Mais quelle nécessité y avait-il à ce que le Verbe de Dieu souffrît pour nous? C’était très nécessaire et nous pouvons donner deux raisons de cette nécessité. Les souffrances du Christ, en effet, étaient nécessaires, en premier lieu comme remède à nos péchés et, en second lieu, comme modèle de nos actions.

65. - Et d’abord, ses souffrances nous sont un remède. En effet, dans la passion du Christ, contre tous les maux que nous encourons par le péché, nous trouvons un remède.

Or, le péché nous fait encourir cinq maux : 66. - Et premièrement : une souillure l’homme en effet, par le péché, souille son âme car, comme la vertu est la beauté de l’âme, le péché est sa souillure. D’où vient, Israël, est-il dit au Livre de Baruch (3, 10), d’où vient que tu es dans le pays de tes ennemis, que tu te souil­les avec les morts?

Mais cette souillure, la passion du Christ la fait disparaître; le Christ, en effet, par sa passion, a préparé un bain dans son sang pour y laver les pécheurs. Il nous a lavés de nos péchés, dit saint Jean (Apoc. 1, 5), dans son sang.

Or l’âme est lavée par le sang du Christ au baptême, car le baptême tire sa force régénéra­trice du sang du Christ.

Aussi quiconque se souille par le péché fait injure au Christ, et son péché est plus grand que s’il avait été commis avant le baptême, suivant ces paroles de l’épître aux Hébreux (10, 28-29) : Si celui qui a violé la Loi de Moïse est impitoya­blement mis à mort, sur la déposition de deux ou trois témoins, quel châtiment plus grave ne pensez-vous pas que doive encourir celui qui a foulé aux pieds le Fils de Dieu et tenu pour profane le sang de l’alliance?

67. - En second lieu : par le péché nous en­courons la disgrâce de Dieu. De même, en effet, que l’homme charnel aime la beauté charnelle, ainsi Dieu, lui, aime la beauté spirituelle, qui est la beauté de l’âme. Quand donc l’âme se souille par le péché, Dieu est offensé et il prend en haine le pécheur. Dieu, dit en effet la Sagesse, (14, 9) : hait l’impie et son impiété. Mais cette haine, le Christ l’efface par sa passion. Par elle, en effet, il a satisfait à Dieu le Père pour le péché. Car l’homme de lui-même ne pouvait pas satisfaire pour ses fautes; Jésus a bien satisfait, parce que sa charité et son obéissance furent plus grandes que le péché du premier homme et sa désobéissance. Alors que nous étions les enne­mis de Dieu, dit saint Paul (Rom. 5, 10) : nous avons été réconciliés avec lui par la mort de son Fils.

68. - En troisième lieu, le péché nous affai­blit. Car l’homme, après un premier manque­ment, croit pouvoir ensuite se garder du péché mais tout le contraire lui arrive la première faute en effet l’affaiblit et le rend plus enclin à pécher; ainsi le péché le domine davantage et, autant qu’il dépend de lui, il se met dans une situation telle que, sans la puissance divine, il ne peut se relever il est comme un homme qui se jetterait dans un puits.

Après le péché notre nature fut donc affaiblie et corrompue, et l’homme se trouva plus enclin à pécher. Mais le Christ a diminué cette faiblesse et cette infirmité, bien qu’il ne l’ait pas supprim­ée entièrement. Sa passion a fortifié l’homme et affaibli le péché, si bien que nous ne sommes plus autant dominés par lui; aidés par la grâce de Dieu, que nous confèrent les sacrements, dont l’efficacité vient de la passion du Christ, nous pouvons faire des efforts efficaces pour nous dégager du péché. Notre vieil homme, dit l’Apô­tre (Rom. 6, 6), a été crucifié avec le Christ, pour que fût détruit le corps de péché. Avant la passion du Christ, en effet, on trouvait peu d’hom­mes vivant sans péché mortel, mais, après, beau­coup vécurent et vivent exempts du péché mortel.

69. - En quatrième lieu, par le péché, nous encourons l’obligation à une peine. La justice divine exige que quiconque pèche soit puni, et ce châtiment doit se mesurer d’après la faute. Et comme la faute du péché mortel est infinie -par elle, en effet, le pécheur s’élève contre le bien infini, c’est-à-dire Dieu, dont il méprise les préceptes - le châtiment dû au péché mortel sera lui-même infini. Mais le Christ, par sa pas­sion, nous a enlevé cette peine; lui-même l’a subie à notre place. Comme l’écrit saint Pierre dans sa première épître (2, 24) : Il a porté lui-même dans son corps nos péchés (c’est-à-dire la peine de nos péchés). Car la vertu de la passion du Christ est si grande qu’elle suffirait à expier les péchés du monde entier, même si leur nom­bre était infini. C’est pourquoi, les baptisés sont purifiés de tous leurs péchés. De là vient aussi que le prêtre remet les péchés, et que qui­conque se conforme davantage à la passion du Christ reçoit un pardon plus complet et mérite plus de grâce.

70. - En cinquième lieu, le péché est cause de notre bannissement du royaume‘de Dieu. Ceux en effet qui offensent les rois sont forcés de quitter leur royaume. Ainsi Adam, à cause de son péché et aussitôt après l’avoir commis, fut chassé du paradis dont la porte fut fermée. Mais le Christ par sa passion a ouvert cette porte et il a rappelé les exilés dans le royaume.

En effet, quand le côté du Christ fut ouvert, la porte du paradis le fut aussi et par l’effusion de son sang la souillure du pécheur fut effacée, Dieu fut apaisé, la faiblesse de l’homme guérie, sa peine expiée et les exilés rappelés dans le royaume. C’est pourquoi le Christ déclara aussi­tôt au bon larron qui l’implorait (Luc 23, 43) : Aujourd’hui même, tu seras avec moi dans le paradis. Ceci ne fut pas dit auparavant à qui que ce soit, ni à Adam, ni à Abraham, ni à David; mais "aujourd’hui", c’est-à-dire, dès que la porte du paradis fut ouverte, le bon larron im­plora son pardon et l’obtint.

C’est pourquoi l’Apôtre pouvait écrire aux Hébreux (10, 19) : Nous avons la liberté d’entrer avec confiance dans le sanctuaire par le sang du Christ.

Comme nous venons de le montrer, la passion du Christ était donc un remède très utile contre les maux que nous encourons par le péché. Mais son utilité n’est pas moins grande pour nous servir d’exemple.

71. - La passion du Christ, dit saint Augus­tin, suffit à nous instruire complètement de la manière dont nous devons vivre. Quiconque en effet veut mener une vie parfaite, n’a rien d’au­tre à faire que de mépriser ce que le Christ a méprisé sur la croix et de désirer ce qu’il a désiré.

72. - Il n’est pas en effet un seul exemple de vertu que ne nous donne la croix.

Cherchez-vous un exemple de charité? Per­sonne, dit le Christ (Jean 15, 13), ne possède une charité plus grande que celui qui livre sa vie pour ses amis. C’est ce que lui-même a accompli sur la croix. Si donc il a donné sa vie pour nous, il ne doit pas nous être pénible de supporter pour lui n’importe quel mal. Le Psalmiste n’a-t-il pas chanté (Ps. 115, 12) : Que rendrai-je au Seigneur pour tout ce qu’il m’a donné.

73. - Cherchez-vous un exemple de patience? Vous en trouverez un très excellent sur la croix.

Deux caractères manifestent la grandeur de la patience ou bien souffrir patiemment de grands maux, ou endurer ceux qu’on pourrait éviter mais qu’on ne cherche pas à éviter.

Or le Christ sur la croix a enduré de grandes souffrances. Aussi il peut s’appliquer les paroles de Jérémie dans ses Lamentations (1, 12) : O vous tous, qui passez par le chemin, regardez et voyez s’il y a une douleur semblable à ma dou­leur. Et ses grandes souffrances, le Christ les a souffertes avec patience, lui qui, maltraité, dit saint Pierre (I, 2, 23) : ne faisait pas de menaces. Il était, déclare Isaïe (53, 7) : comme la brebis que l’on mène à la tuerie, et semblable à l’agneau muet devant ceux qui le tondent.

En outre, le Christ aurait pu éviter ses souf­frances, et il ne l’a pas fait. Lui-même le dit à son Apôtre Pierre lors de son arrestation à Geth­sémani (Mt. 26, 53) : Crois-tu que je ne puisse prier mon Père et il me donnerait aussitôt plus de douze légions d’anges? Grande fut donc la patience du Christ sur la croix. Aussi l’Apôtre écrit-il aux Hébreux (12, 1-2) : Courons avec patience vers le combat qui nous est préparé, les yeux fixés sur Jésus, l’auteur de notre foi qui la conduit à son achève­ment, lui qui, alors que la joie lui était offerte, a souffert la croix sans regarder à la honte.

74. - Cherchez-vous un exemple d’humilité? Regardez le crucifié Dieu en effet voulut être jugé sous Ponce-Pilate et mourir. Votre cause, Seigneur, pouvons-nous lui dire, a été jugée comme celle d’un impie (cf. Job 36, 17). Oui, vraiment comme celle, d’un impie, car ses enne­mis ont pu se dire entre eux (Sag. 2. 20) : Con­damnons-le à une mort honteuse. Le Seigneur voulut donc mourir pour son serviteur et la vie des anges, s’immoler pour l’homme.

Comme l’Apôtre l’écrit aux Philippiens (2, 8) : Le Christ Jésus s’est abaissé lui-même, se faisant obéissant jus qu’à la mort, et à la mort de la croix.

75. - Cherchez-vous un exemple d’obéis­sance? Suivez celui qui s’est fait obéissant à son Père jusqu’à la mort. L’Apôtre dit en effet aux Romains (5, 19) : De même que, par la désobéis­sance d’un seul homme, la multitude fut consti­tuée pécheresse, ainsi par l’obéissance d’un seul la multitude sera constituée juste.

76. - Cherchez-vous un exemple de mépris des biens, de la terre? Suivez celui qui est le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, en qui, se trouvent tous les trésors de la sagesse (Col. 2, 3) : et qui, cependant, sur la croix, apparaît nu, objet de moquerie, est conspué, frappé, couronne d’épines, abreuvé de fiel et de vinaigre et mis à mort. Ne vous laissez donc pas émouvoir par les habits et par les richesses, car les soldats se par­tagèrent mes vêtements (Ps. 21, 19). Ne vous lais­sez pas émouvoir non plus, ni par les honneurs, car "moi, Jésus, j’ai été l’objet de leurs risées et de leurs coups", ni par les dignités, parce qu’ils tressèrent une couronne d’épines et la pla­cèrent sur ma tête", ni par les délices, car dans ma soif, ils me firent boire du vinaigre (Ps. 68, 22). Au sujet de ces paroles de l’épître aux Hébreux (12, 2) : Jésus, alors que la joie lui était offerte, a souffert la croix sans regarder à la honte, saint Augustin écrit : L’Homme-Dieu Jésus-Christ a méprisé tous les biens de la terre pour nous apprendre que nous devons les mépriser.

 

 

 

Articulus 5 [86679] In Symbolum Apostolorum, a. 5 tit. Descendit ad Inferos, tertia die resurrexit a mortuis

Article 5 – JÉSUS-CHRIST EST DESCENDU AUX ENFERS (2) : LE TROISIÈME JOUR IL EST RESSUSCITÉ DES MORTS.

[86680] In Symbolum Apostolorum, a. 5 Sicut dictum est, mors Christi fuit in separatione animae a corpore, sicut et aliorum hominum; sed divinitas ita insolubiliter iuncta fuit homini Christo, quod licet anima et corpus separarentur ab invicem, ipsa tamen deitas perfectissime semper et animae et corpori affuit; et ideo in sepulcro cum corpore fuit filius Dei, et ad Inferos cum anima descendit. Sunt autem quatuor rationes quare Christus cum anima ad Infernum descendit. Prima ut sustineret totam poenam peccati, ut sic totam culpam expiaret. Poena autem peccati hominis non solum erat mors corporis, sed etiam erat poena in anima : quia etiam peccatum erat quantum ad animam, quia etiam ipsa anima puniebatur quantum ad carentiam visionis divinae : pro qua abolenda nondum satisfactum erat. Et ideo post mortem descendebant omnes, etiam sancti patres, ante Christi adventum, ad Infernum. Ut ergo Christus sustineret totam poenam peccatoribus debitam, voluit non solum mori, sed etiam secundum animam ad Infernum descendere. Unde Psal. LXXXVII, 4 – aestimatus sum cum descendentibus in lacum : factus sum sicut homo sine adiutorio inter mortuos liber. Alii enim erant ibi ut servi, sed Christus ut liber. Secunda ratio est ut perfecte subveniret suis amicis omnibus. Habebat enim amicos suos non solum in mundo, sed etiam in Inferno. In hoc enim sunt aliqui amici Christi inquantum habent caritatem; in Inferno autem multi erant qui cum caritate et fide venturi decesserant, sicut Abraham, Isaac, Iacob, Moyses, David et alii iusti et perfecti viri. Et quia Christus suos visitaverat in mundo, et eis subvenerat per mortem suam, voluit etiam visitare suos qui erant in Inferno, et subvenire eis descendendo ad eos. Eccli. XXIV, 45 – penetrabo omnes inferiores partes terrae, et inspiciam omnes dormientes, et illuminabo omnes sperantes in domino. Tertia vero ratio est ut perfecte de Diabolo triumpharet. Tunc enim perfecte triumphat aliquis de aliquo, quando non solum vincit eum in campo, sed etiam invadit eum usque in domum propriam, et aufert ei sedem regni et domum suam. Christus autem triumphaverat contra Diabolum, et in cruce vicerat eum : unde ait Ioan. XII, 31 – nunc iudicium est mundi, nunc princeps huius mundi (scilicet Diabolus) eiicietur foras. Et ideo ut perfecte triumpharet, voluit auferre sedem regni sui, et ligare eum in domo sua quae est Infernus. Et ideo descendit illuc, et diripuit omnia sua, et ligavit eum, et abstulit ei praedam suam. Coloss. II, 15 – expolians principatus et potestates, traduxit confidenter, palam triumphans illos in semetipso. Similiter etiam quia potestatem et possessionem acceperat Christus caeli et terrae, voluit etiam possessionem accipere Inferni, ut sic, secundum apostolum ad Philip. II, 10 – in nomine Iesu omne genuflectatur, caelestium, terrestrium et Infernorum; Marc., ult. 17 – in nomine meo Daemonia eiicient. Quarta ratio et ultima est ut liberaret sanctos qui erant in Inferno. Christus enim sicut voluit pati mortem ut liberaret viventes a morte; ita etiam voluit descendere ad Infernum, ut liberaret eos qui erant ibi. Zach. IX, 11 – tu quoque in sanguine testamenti tui emisisti vinctos tuos de lacu, in quo non est aqua. Oseae XIII, 14 – ero mors tua, o mors; morsus ero tuus, Inferne. Licet enim mortem totaliter destruxerit Christus, Infernum tamen non omnino destruxit, sed momordit; quia scilicet non omnes liberavit de Inferno, sed illos tantum qui erant sine peccato mortali, et similiter sine peccato originali, a quo quantum ad personam liberati erant per circumcisionem; vel ante circumcisionem, qui salvati erant in fide parentum fidelium, quantum ad eos qui non habebant usum rationis; vel per sacrificia, et in fide Christi venturi, quantum ad adultos; sed erant ibi propter peccatum originale Adae, a quo quantum ad naturam non potuerunt liberari nisi per Christum. Et ideo dimisit ibi illos qui descenderunt cum peccato mortali, et incircumcisos parvulos : et ideo dicit : ero morsus tuus, Inferne. Sic ergo patet quod Christus descendit ad Inferos, et propter quod. Ex iis ad instructionem nostram possumus accipere quatuor. Primo spem firmam de Deo. Nam quantumcumque homo sit in afflictione, semper tamen debet sperare de Dei adiutorio, et in eo confidere. Nihil enim ita grave invenitur sicut esse in Inferno. Si ergo Christus illos qui erant in Inferno liberavit, multum debet quilibet, si est amicus Dei, confidere ut liberetur ab eo a quacumque angustia. Sap. X, 13 – haec (scilicet sapientia) venditum iustum non dereliquit et cetera, ib. 14, descenditque cum illo in foveam, et in vinculis non dereliquit eum. Et quia specialiter Deus iuvat servos suos, multum debet esse securus ille qui servit Deo. Eccli. XXIV, 16 – qui timet Deum, nihil trepidabit, et non pavebit, quoniam ipse est spes eius. Secundo debemus concipere timorem, et propellere praesumptionem. Nam licet Christus passus sit pro peccatoribus, et ad Infernum descenderit; non tamen liberavit omnes, sed illos tantum qui sine peccato mortali erant, ut dictum est. Illos vero qui in mortali decesserant, dimisit. Et ideo nullus qui cum peccato mortali illuc descendit, speret veniam. Sed tantum in Inferno erit quantum sancti patres in Paradiso, scilicet in aeternum. Matth. XXV, 46 – ibunt hi in supplicium aeternum, iusti autem in vitam aeternam. Tertio debemus habere solicitudinem. Nam Christus descendit ad Inferos pro salute nostra, et nos frequenter debemus soliciti esse illuc descendere, considerando scilicet poenas illas, sicut faciebat ille sanctus Ezechias, dicens, Isai. XXXVIII, 10 – ego dixi : in dimidio dierum meorum vadam ad portas Inferi. Nam qui ibi frequenter per cogitationem descendit in vita, non descendit de facili in morte : quia huiusmodi consideratio retrahit a peccato. Videmus enim quod homines huius mundi cavent sibi a maleficiis propter temporalem poenam : quantum ergo magis debent sibi cavere propter poenam Inferni, quae maior est et quantum ad diuturnitatem, et quantum ad acerbitatem, et quantum ad multiplicitatem? Eccli. VII, 40 – memorare novissima tua, et in aeternum non peccabis. Quarto provenit nobis ex hoc exemplum dilectionis. Christus enim descendit ad Inferos, ut liberaret suos; et ideo debemus illuc descendere, ut subveniamus nostris. Ipsi enim nihil possunt; et ideo debemus eis subvenire qui sunt in Purgatorio. Nimis esset durus qui non subveniret caro suo qui esset in carcere terreno : multo ergo magis est durus qui non subvenit amico qui est in Purgatorio, cum nulla sit comparatio poenarum mundi ad illas : Iob XIX, 21 – miseremini mei, miseremini mei, saltem vos amici mei, quia manus domini tetigit me. Machab. XII, 46 – sancta et salubris est cogitatio pro defunctis exorare ut a peccatis solvantur. Subvenitur autem eis praecipue per tria, sicut dicit Augustinus : scilicet per Missas, orationes et eleemosynas. Gregorius addit quartum, scilicet ieiunium. Nec est mirum : quia etiam in mundo isto potest amicus satisfacere pro amico. Intelligendum est tamen hoc de illis qui sunt in Purgatorio. Duo sunt homini necessaria ad cognoscendum : scilicet gloria Dei, et poena Inferni. Nam per gloriam allecti, et per poenas territi, cavent sibi homines, et retrahuntur a peccatis. Sed haec sunt valde difficilia homini ad cognoscendum. Unde de gloria dicitur Sap. IX, 16 – quae in caelis sunt quis investigabit? Et hoc quidem difficile est terrenis, quia, ut dicitur Ioan. III, 31 – qui de terra est, de terra loquitur; sed non est difficile spiritualibus, quia qui de caelo venit, super omnes est, ut dicitur ibidem. Et ideo Deus de caelo descendit, et incarnatus est, ut doceret nos caelestia. Erat etiam difficile cognoscere poenas Inferni. Sap. II, 1 – non est qui agnitus sit reversus ab Inferis; et hoc dicitur in persona impiorum. Et hoc non potest modo dici : quia sicut descendit de caelo ut doceret caelestia, ita resurrexit ab Inferis ut nos de Inferis edoceret. Et ideo necesse est ut credamus quod non solum homo factus est, et mortuus, sed quod resurrexit a mortuis. Et ideo dicitur : tertia die resurrexit a mortuis. Invenimus quod multi surrexerunt a mortuis, sicut Lazarus, et filius viduae, et filia archisynagogi. Sed resurrectio Christi differt a resurrectione istorum et aliorum in quatuor. Primo quantum ad causam resurrectionis, quia alii qui surrexerunt, non surrexerunt sua virtute, sed vel Christi, vel ad preces alicuius sancti; Christus vero resurrexit propria virtute, quia non solum erat homo : sed etiam Deus, et divinitas verbi nunquam separata fuit nec ab anima nec a corpore; et ideo corpus animam, et anima corpus cum voluit resumpsit. Ioan. X, 18 – potestatem habeo ponendi animam meam, et potestatem habeo iterum sumendi eam. Et licet mortuus fuerit, hoc non fuit ex infirmitate nec ex necessitate, sed virtute, quia sponte : et hoc patet, quia cum emisit spiritum, clamavit voce magna : quod alii morientes nequeunt, quia ex infirmitate moriuntur. Unde centurio dixit, Matth. XXVII, 54 – vere filius Dei erat iste. Et ideo sicut sua virtute posuit animam suam, ita sua virtute recepit eam : et ideo dicitur, quia resurrexit, et non quod fuerit suscitatus, quasi ab alio. Psal. III, 6 – ego dormivi, et soporatus sum, et exsurrexi. Nec est hoc contrarium ei quod dicitur Act. II, 32 – hunc Iesum resuscitavit Deus : nam et pater resuscitavit eum, et filius : quia eadem est virtus patris et filii. Secundo differt quantum ad vitam ad quam resurrexit : quia Christus ad vitam gloriosam et incorruptibilem : apostolus, Rom. VI, 4 – Christus resurrexit a mortuis per gloriam patris; alii vero ad eandem vitam quam prius habuerant, sicut patet de Lazaro et de aliis. Tertio differt quantum ad fructum et efficaciam : quia virtute resurrectionis Christi resurgunt omnes. Matth. XXVII, 52 – multa corpora sanctorum quae dormierant, surrexerunt. Apostolus, I Cor. XV, 20 – Christus resurrexit a mortuis, primitiae dormientium. Sed vide quod Christus per passionem pervenit ad gloriam, Luc. XXIV, 26 – nonne sic oportuit pati Christum, et ita intrare in gloriam suam? Ut doceat nos qualiter ad gloriam pervenire possimus : Act. XIV, 21 – per multas tribulationes oportet nos intrare in regnum Dei. Quarto differt quantum ad tempus : quia resurrectio aliorum differtur usque ad finem mundi nisi aliquibus ex privilegio ante concedatur, ut beatae virgini, et, ut pie creditur, beato Ioanni Evangelistae; sed Christus resurrexit tertia die. Cuius ratio est, quia resurrectio et mors et nativitas Christi fuit propter nostram salutem, et ideo tunc voluit resurgere quando salus nostra perficeretur. Unde si statim resurrexisset, non fuisset creditum quod fuisset mortuus. Item si multum distulisset, discipuli non remansissent in fide, et sic nulla utilitas fuisset in passione sua. Psal. XXIX, 10 – quae utilitas in sanguine meo, dum descendo in corruptionem? Et ideo die tertia resurrexit, ut crederetur mortuus, et ut discipuli fidem non amitterent. Possumus autem ex his quatuor ad nostram eruditionem accipere. Primo ut studeamus resurgere spiritualiter a morte animae, quam incurrimus per peccatum, ad vitam iustitiae, quae habetur per poenitentiam. Apostolus, Ephes. V, 14 – surge qui dormis, et exurge a mortuis; et illuminabit te Christus. Et haec est resurrectio prima. Apoc. XX, 6 – beatus qui habet partem in resurrectione prima. Secundo quod non differamus resurgere usque ad mortem, sed cito : quia Christus resurrexit tertia die. Eccli. V, 8 – ne tardes converti ad dominum, et ne differas de die in diem : quia non poteris cogitare quae pertinent ad salutem infirmitate gravatus; et quia etiam perdis partem omnium bonorum quae fiunt in Ecclesia, et multa mala incurris ex perseverantia in peccato. Diabolus etiam quanto diutius possidet, tanto difficilius dimittit, ut dicit Beda. Tertio ut resurgamus ad vitam incorruptibilem; ut scilicet non iterum moriamur, idest in tali proposito quod ultra non peccemus. Rom. VI, 9 – Christus resurgens ex mortuis, iam non moritur; mors illi ultra non dominabitur; et infra, 11-13 – ita et vos existimate vos mortuos quidem esse peccato, viventes autem Deo in Christo Iesu. Non ergo regnet peccatum in vestro mortali corpore, ut obediatis concupiscentiis eius; sed neque exhibeatis membra vestra arma iniquitatis peccato; sed exhibete vos Deo tanquam ex mortuis viventes. Quarto ut resurgamus ad vitam novam et gloriosam; ut scilicet vitemus omnia quae prius fuerant occasiones et causa mortis et peccati. Rom. VI, 4 – quomodo Christus surrexit a mortuis per gloriam patris, ita et nos in novitate vitae ambulemus. Et haec nova vita est vita iustitiae, quae innovat animam, et perducit ad vitam gloriae. Amen.

77. - Comme nous l’avons dit, la mort du Christ a consisté, comme pour les autres hommes, dans la séparation de son âme d’avec son corps mais la divinité était unie de façon si indissoluble au. Christ homme, que, malgré la séparation de son âme d’avec son corps, la divi­nité elle-même s’est trouvée toujours parfaite­ment présente et unie à l’un et à l’autre c’est pourquoi le Fils de Dieu fut dans le sépulcre avec son corps et il est descendu aux enfers avec son âme.

78. - Le Christ est descendu aux enfers avec son âme pour quatre motifs.

Le premier motif, ce fut de supporter toute la peine due au péché, afin, par là, de l’expier en­tièrement. Or la peine du péché de l’homme ne consistait pas seulement dans la mort du corps, mais aussi dans la souffrance de l’âme. L’âme, en effet, elle aussi avait péché, et elle était éga­lement punie par la privation de la vision de Dieu.

C’est pourquoi, avant l’avènement du Christ, tous, même les saints Patriarches, descendaient après leur mort aux enfers.

Le Christ, pour souffrir toute la peine due aux pécheurs, voulut donc, non seulement mourir, mais aussi descendre avec son âme aux enfers. Aussi déclare-t-il (Ps. 87, 5-6) : On me compte parmi ceux qui descendent dans Ici fosse : je suis comme un homme sans secours, libre parmi les morts. Les autres, en effet, étaient là comme des esclaves, mais le Christ y était comme une per­sonne jouissant de la liberté.

79. - Le second motif de la descente du Christ aux enfers, ce fut de secourir parfaite­ment tous ses amis. Il possédait en effet des amis non seulement dans le monde, mais aussi dans les enfers. Car vous êtes les amis du Christ, dans la mesure où vous avez la charité. (Or, dans les enfers, il y en avait beaucoup qui étaient morts avec la charité et la foi au Christ qui devait venir) : ce fut le cas, par exemple, d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, de Moïse, de David et des au­tres hommes justes et parfaits. Et parce que le Christ avait visité les siens dans le monde et les avait secourus par sa mort, il voulut aussi visi­ter les siens qui étaient dans les enfers, et les secourir par sa descente auprès d’eux. Je péné­trerai toutes les profondeurs de la terre, je visi­terai tous ceux qui dorment, et j’illuminerai tous ceux qui espèrent dans le Seigneur (Ecclésiastique 24, 45).

80. - Le troisième motif de la descente de Jésus aux enfers fut de triompher complètement du diable. En effet, quelqu’un triomphe complè­tement d’un adversaire, non seulement quand il l’emporte sur lui sur le champ de bataille, mais aussi quand il l’attaque jusque dans sa propre maison et qu’il la lui ravit ainsi que le siège même de son empire. Or le Christ avait triomphé dans sa lutte contre le diable et il l’avait vaincu sur la croix; c’est pourquoi il déclara (Jean 12, 31) : C’est maintenant le juge­ment de ce monde; c’est maintenant que le Prince de ce monde - à savoir le diable va être jeté dehors. Aussi pour triompher de lui complètement, il voulut lui enlever le siège de son royaume et l’enchaîner dans sa demeure, qui sont les enfers. C’est pourquoi il y descendit et il lui ravit tous ses biens, il l’enchaîna et lui enleva sa proie. Saint Paul écrit en effet aux Colossiens (2, 15) : "Il a dépouillé les Principau­tés et les Puissances et, avec résolution, il les a traînées dans le déploiement de son propre triomphe."

Le Christ avait reçu en sa possession le ciel et la terre, et toute puissance lui avait été donnée sur l’un et sur l’autre; pareillement, il voulut aussi recevoir les enfers en sa possession. Et ainsi s accomplit ce qu’écrira l’Apôtre aux Ph­ilippiens (2, 10) : Qu’au nom de Jésus, tout ge­nou fléchisse aux cieux, sur terre et aux enfers et Jésus lui-même avait dit : En mon nom, ils expulseront les démons (Mc 16, 17).

81. - Le quatrième et dernier motif de la des­cente du Christ aux enfers fut de délivrer les saints qui s’y trouvaient présents.

De même en effet que le Christ voulut souffrir la mort, pour délivrer les vivants de la mort, de même il voulut descendre aux enfers pour libé­rer ceux qui y demeuraient. Aussi pouvons-nous lui adresser les paroles du prophète Zacharie (9, 11) : Vous, Seigneur par le sang de votre alliance, vous avez retiré vos captifs de la fosse sans eau. Le Seigneur a accompli la parole du prophète Osée (13, 14) : O mort, je serai ta mort enfer, je serai ta morsure?"

En effet, bien que le Christ ait entièrement détruit la mort, il n’a pas complètement anéanti les enfers, mais il les a comme mordus; car il n’a pas libéré tous les captifs des enfers, mais ceux-là seuls qui étaient exempts du péché mor­tel et également du péché originel, soit que la circoncision les en ait délivrés quant à leur per­sonne, soit que, avant que. Dieu n’ait donné la circoncision aux Patriarches, ils aient été sauvés, - ou bien par la foi de leurs parents fidèles, s’ils étaient privés de l’usage de la raison, - ou bien, s’ils étaient adultes, par des sacrifices et par la foi au Christ qui devait venir : mais ils demeu­raient dans les enfers à cause du péché originel d’Adam, dont le Christ seul pouvait les libérer selon la nature.

C’est pourquoi le Christ laissa en enfer ceux qui y étaient descendus en état de péché mortel, ainsi que les enfants incirconcis. C’est la rai­son pour laquelle, s’adressant à l’enfer, il lui déclare : Je serai ta morsure, enfer.

Ainsi donc le Christ est descendu aux enfers, et pour les quatre motifs que nous venons d’ex­poser.

82. - Nous pouvons y puiser, pour notre ins­truction, quatre leçons.

Premièrement, une ferme espérance en Dieu, Car quelque grande que soit l’affliction dans la­quelle un homme est plongé, il doit cependant toujours espérer dans le secours de Dieu et met­tre sa confiance en lui. On ne peut pas en effet trouver d’état plus pénible que de demeurer dans les enfers. Si donc le Christ a délivré ceux qui s’y trouvaient, quiconque, s’il est l’ami de Dieu, doit avoir une grande confiance d’être déli­vré par lui de n’importe quelle détresse.

Il est écrit en effet au Livre de la Sagesse (10, 13-14) : La divine Sagesse n’abandonna pas le juste vendu; elle descendit avec lui dans la fosse et ne le quitta pas dans les chaînes. Et parce que Dieu vient spécialement en aide à ses serviteurs, l’homme qui sert Dieu doit vivre dans une grande sécurité. Celui qui craint le Seigneur, dit en effet l’Ecclésiastique (34, 16) : ne se troublera jamais, il n’aura pas peur, parce que Dieu est son espé­rance.

83. - En deuxième lieu, nous devons conce­voir de la crainte à l’égard de Dieu et bannir la présomption. En effet, bien que le Christ ait souffert pour les pécheurs et qu’il soit descendu aux enfers, il n’en a pas délivré tous les captifs, mais seulement, comme nous l’avons dit, les âmes exemptes de péché mortel. Il y laissa ceux qui étaient morts avec ce péché. Que tous ceux qui y descendent en cet état n’espèrent donc pas le pardon. Mais ils demeureront aussi longtemps dans les enfers que les saints dans le Paradis, c’est-à-dire éternellement. Le Christ a déclaré en effet (Math. 25, 46) : Les maudits s’en iront au supplice éternel, et les justes à la vie éternelle.

84. - En troisième lieu, nous devons faire preuve de grande vigilance, car le Christ est des­cendu aux enfers pour notre salut. Oui, nous devons être attentifs à y descendre fréquem­ment en esprit, pour considérer les peines qu’on y souffre, comme le faisait le saint roi Ezéchias, quand il déclarait (Is. 38, 10) : J’ai dit, au milieu de mes jours je m’en vais aux portes de l’enfer. Ceux en effet qui, durant leur vie, descendent souvent dans les enfers en pensée, n’y descen­dent pas facilement à l’heure de la mort car la considération attentive des tourments éter­nels retire l’homme du péché. Ne voyons-nous pas les habitants de ce monde se garder des mau­vaises actions dans la crainte des peines tempo­relles? Combien plus doivent-ils se détourner du mal, dans l’appréhension des peines de l’en­fer, car celles-ci surpassent grandement les souf­frances d’ici-bas par leur durée, leur amertume et leur multiplicité. Souviens-toi de ta fin, dit l’Ecclésiastique (7, 40), et lu ne pécheras jamais.

85. - En quatrième lieu, la venue du Christ aux enfers nous offre un exemple d’amour. Jésus est en effet descendu aux enfers pour délivrer les siens c’est pourquoi nous devons nous aussi nous y rendre en esprit pour venir en aide aux nôtres.

Les âmes du purgatoire en effet, ne peuvent rien faire pour elles-mêmes; notre devoir est donc de leur porter secours. Ne serait-il pas extrêmement cruel, celui qui se désintéresserait d’un être cher enfermé dans une prison terres­tre? Comme il n’y a aucune comparaison entre les peines de ce monde et les souffrances de ce lieu de purification, combien plus cruel ne sera pas celui qui laisserait sans secours un ami re­tenu dans le purgatoire? Ayez pitié de mai, ayez pitié de mai, vous du moins, mes amis, disait le saint homme Job (19, 21) : car ta main de Dieu m’a frappé. Et nous lisons au deuxième Livre des Macchabées (12, 46) : C’est une pensée sainte et salutaire de prier pour les défunts, afin qu’ils soient délivrés de leurs péchés.

86. - D’après saint Augustin, on peut secou­rir les âmes du purgatoire principalement par trois bienfaits, à savoir par des messes, par des prières et par des aumônes. Saint Grégoire en ajoute un quatrième le jeûne. Il n’y a là rien d’étonnant, puisque même en ce inonde un ami peut satisfaire pour un ami.

87. - Il est nécessaire à l’homme de connaî­tre deux réalités à savoir la gloire de Dieu et le châtiment de l’enfer. Attirés, en effet par la gloire et effrayés par les châtiments, les hommes veillent sur eux-mêmes et se retirent du péché. Mais il est très difficile à l’homme de les con­naître. Ainsi, au sujet de la gloire, il est dit dans la Sagesse (9, 16) : Qui donc pénétrera ce qui est dans le ciel? C’est sans aucun doute une oeuvre difficile pour les habitants de la terre, car, dit saint Jean (3. 31) : Celui qui est de la terre parle de la terre’; tandis que découvrir ce qui est dans les cieux est chose facile pour les êtres spirituels. Le même saint Jean dit en effet (dans le même passage) : Celui qui vient d’en-haut est au-dessus de tous. Or c’est précisément pour nous ensei­gner les choses célestes que Dieu est descendu du ciel et s’est incarné.

Il était pareillement difficile de connaître les peines de l’enfer. Le Livre de la Sagesse met en effet cette parole dans la bouche des impies (2, 1) : On ne connaît personne qui soit revenu des enfers. Mais maintenant il n’est plus possible de tenir un tel propos; en effet, comme le Christ est descendu du ciel pour nous enseigner les choses célestes, de même il est ressuscité des enfers pour nous instruire au sujet des enfers. Il est donc nécessaire que nous croyions, non seulement à l’Incarnation du Christ et à sa mort, mais aussi à sa résurrection d’entre les morts. Et c’est pourquoi il est dit dans le Je crois en Dieu : Le troisième jour il est ressuscité des morts.

88. - Nous voyons dans l’Ecriture que nom­breux sont ceux qui ressuscitèrent d’entre les morts, comme par exemple Lazare, comme le fils de la veuve et la fille du chef de la synago­gue. Mais la résurrection du Christ diffère de la leur et des autres résurrections de quatre ma­nières.

Elle en diffère d’abord quant à la cause. Les autres ressuscités, en effet, ne ressuscitèrent pas par leur propre puissance, mais bien, soit par la vertu du Christ, soit grâce aux prières de quel­que saint. Quant au Christ, lui, il est ressuscité par sa propre puissance en effet, il n’était pas seulement homme; il était Dieu également et la divinité du Verbe ne fut jamais séparée ni de son âme ni de son corps c’est pourquoi son corps a repris son âme, et son âme son corps, quand il le voulut. Il l’a dit lui-même (Jean 10, 18) : J’ai le pouvoir de donner mon âme, et j’ai le pouvoir de la reprendre. Et bien que le Christ soit mort, ce ne fut pas en raison de sa faiblesse, ni par suite d’une nécessité, mais bien par sa propre puissance, car il mourut volontairement; ce qui le prouve bien, c’est qu’il rendit l’esprit en jetant un grand cri, ce que ne peuvent pas faire les autres hommes, car ceux-ci meurent en raison de leur faiblesse. Aussi le centurion dit : Vraiment cet homme était le Fils de Dieu (Mth. 27, 54). Et comme Jésus livra son âme par sa propre puissance, il la reprit de même par sa puissance; c’est pourquoi nous disons Le Christ ressuscita, sa résurrection étant son ouvrage à lui; et non il fut ressuscité, comme si sa résurrection était l’oeuvre d’un autre Je me suis couché et me suis endormi, puis je me suis levé (Psaume 3, 6) : Cette ma­nière de parler ne contredit pas saint Pierre, quand il dit aux Juifs (Actes 2, 32) : Ce Jésus, Dieu l’a ressuscité en effet, et le Père a ressus­cité le Fils et le Fils s’est également ressuscité car le Père et le Fils ont une seule et même puissance.

89. - En second lieu, la résurrection du Christ diffère des autres résurrections par la vie à laquelle Jésus est ressuscité il est en effet res­suscité à une vie glorieuse et incorruptible, comme le déclare l’Apôtre aux Romains (6, 4) : Le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père. Quant aux autres ressuscités, ils le fu­rent à la vie qu’ils possédaient avant leur mort, comme on le voit clairement de Lazare et des autres.

90. - En troisième lieu, la résurrection de Jésus diffère des autres résurrections par son fruit et par son efficacité car tous ressuscitent par la puissance de la résurrection du Christ.

Nous lisons en effet en saint Matthieu (27, 52) : les corps de nombreux saints qui étaient morts ressuscitèrent. Et l’Apôtre écrit aux Corinthiens dans sa première Epître (15, 20) : Le Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui se sont endormis.

Mais remarquez ceci Le Christ est parvenu à la gloire par sa passion, comme lui-même le déclare aux disciples d’Emmaüs (Luc 24, 26) : Ne fallait-il pas, leur dit-il, que le Christ endu­rât ses souffrances pour entrer dans la gloire? Il nous apprend par là comment nous-mêmes nous pouvons parvenir à la gloire. Comme l’en­seigne l’Apôtre (Actes 14, 21) : Il nous faut pas­ser par maintes tribulations pour entrer dans le Royaume de Dieu.

91. - Quatrièmement, la résurrection de Jésus diffère de celle des autres hommes par le temps auquel elle s’est effectuée. La résurrection des autres en effet, est différée jusqu’à la fin du monde, sauf pour quelques privilégiés pour les­quels elle a été anticipée il en fut ainsi pour la Bienheureuse Vierge, et, selon une pieuse croyance, pour saint Jean l’Evangéliste; mais le Christ Jésus ressuscita le troisième jour. Et la raison en est que sa résurrection, sa mort et sa nativité furent ordonnées à notre salut. Aussi il voulut ressusciter quand notre salut serait com­plètement réalisé. S’il était ressuscité aussitôt après sa mort, les hommes n'auraient pas cru que son âme s'était séparée de son corps. De même, s’il avait différé longtemps sa résurrec­tion, ses disciples ne seraient pas demeurés dans la foi et ainsi sa passion aurait été absolument inutile. En quoi mon sang (versé) : est-il utile si je descends dans le lieu de la corruption (Ps. 29, 10). Il est donc ressuscité le troisième jour, pour que nous ne doutions pas de sa mort et afin que les disciples ne perdent pas la foi.

92. - Or nous pouvons tirer quatre consé­quences des vérités que nous venons de rappor­ter au sujet de la résurrection du Christ Jésus.

La première est que nous devons nous appli­quer à ressusciter spirituellement de la mort de l’âme causée en nous par le péché, et nous devons, dis-je, ressusciter de cette mort à la vie de la justice, que nous acquérons par la péni­tence. Eveillez-vous, vous qui dormez, nous dit l’Apôtre (Eph. 5, 14) : levez-vous d’entre les morts et le Christ vous illuminera. Cette résur­rection de la mort du péché est la première résurrection. C’est d’elle que saint Jean dit dans l’Apocalypse (20, 6) : Bienheureux celui qui a part à la première résurrection.

93. - En second lieu, n’attendons pas l’heure de la mort pour ressusciter du péché, mais reve­nons vite à la vie de la grâce, puisque le Christ, lui, est ressuscité le troisième jour. Il est dit en effet dans l’Ecclésiastique (5, 8) : Ne tardez pas à vous convertir au Seigneur, et ne différez pas de jour en jour. Comment en effet pourrez-vous penser à l’affaire du salut, quand vous serez accablé par la faiblesse? D’autre part, votre per­sévérance dans le péché vous ferait perdre une partie de tous les biens qui se font dans l’Eglise et vous encourriez beaucoup de maux. D’ail­leurs le diable, dit saint Bède, se laisse dépossé­der d’autant plus difficilement de quelqu’un qu’il le possède depuis plus longtemps.

94. - Troisièmement, notre résurrection du péché doit être une résurrection à une vie incorruptible, de telle sorte que nous ne mourions plus à la vie de la grâce; nous devons, en effet, en ressuscitant nous proposer de ne plus pécher. Saint Paul écrit (Rom. 6, 9 et 11-13) : Le Christ ressuscité des morts ne meurt plus la mort sur lui n’aura plus d’empire. Et vous, de même, dit-il, regardez-vous comme morts au péché et comme vivants pour Dieu dans le Christ Jésus. Que le péché ne règne donc plus dans votre corps mortel pour vous faire obéir à ses convoitises. Ne livrez pas vos membres comme des instruments d’iniquité au service du péché; mais offrez-vous vous-mêmes à Dieu comme des vivants revenus de la mort.

95. - Quatrièmement, notre résurrection du péché doit être une résurrection à une vie nou­velle et glorieuse, de telle sorte que nous évitions désormais tout ce qui auparavant avait été pour nous occasions et cause de péché et de mort. Comme le Christ, dit saint Paul (Rom. 6, 4), est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous aussi, de même, marchons dans une vie nouvelle. Cette vie nouvelle, c’est la vie de la justice qui renouvelle l’âme et la conduit à la vie de la gloire. Amen.

 

 

 

Articulus 6

[86681] In Symbolum Apostolorum, a. 6 tit. Ascendit ad caelos, sedet ad dexteram Dei patris omnipotentis

Article 6 – (JE CROIS EN JÉSUS-CHRIST) : QUI EST MONTÉ AUX CIEUX, EST ASSIS A LA DROITE DE DIEU LE PÈRE TOUT-PUISSANT.

[86682] In Symbolum Apostolorum, a. 6 Post Christi resurrectionem oportet credere eius ascensionem, qua in caelum ascendit die quadragesima. Et ideo dicit : ascendit ad caelos. Circa quod debes notare tria. Primo scilicet quod fuit sublimis, rationalis, et utilis. Sublimis quidem fuit, quia ascendit ad caelos. Et hoc tripliciter exponitur. Primo super omnes caelos corporeos. Apostolus, Ephes. IV, 10 – ascendit super omnes caelos. Et hoc primo incepit in Christo : nam antea corpus terrenum non erat nisi in terra, intantum ut etiam Adam fuerit in Paradiso terrestri. Secundo ascendit super omnes caelos spirituales, scilicet naturas spirituales. Ephes. I, 20 – constituens Iesum ad dexteram suam in caelestibus super omnem principatum et potestatem et virtutem et dominationem, et omne nomen quod nominatur non solum in hoc saeculo, sed etiam in futuro; et omnia subiecit sub pedibus eius. Tertio ascendit usque ad sedem patris. Dan. VII, 13 – ecce cum nubibus caeli quasi filius hominis veniebat, et usque ad antiquum dierum pervenit; et Marc. ult., 19 – et dominus quidem Iesus, postquam locutus est eis, assumptus est in caelum, et sedet a dextris Dei. Non autem accipitur in Deo dextera corporaliter, sed metaphorice : quia inquantum Deus, dicitur sedere ad dexteram patris, idest ad aequalitatem patris; inquantum homo, sedet ad dexteram patris, idest in potioribus bonis. Hoc autem affectavit Diabolus. Isai. XIV, 13 – in caelum conscendam, super astra Dei exaltabo solium meum; sedebo in monte testamenti, in lateribus Aquilonis; ascendam super altitudinem nubium, similis ero altissimo. Sed non pervenit nisi Christus; ideo dicitur : ascendit in caelum, sedet ad dexteram patris. Psal. CIX, 1 – dixit dominus domino meo : sede a dextris meis. Secundo Christi ascensio fuit rationalis, quia ad caelos : et hoc propter tria. Primo quia caelum debebatur Christo ex sua natura. Naturale enim est ut unumquodque revertatur unde trahit originem. Principium autem originis Christi est a Deo, qui est super omnia. Ioan. XVI, 28 – exivi a patre, et veni in mundum : iterum relinquo mundum, et vado ad patrem. Ioan. III, 13 – nemo ascendit in caelum, nisi qui descendit de caelo, filius hominis qui est in caelo. Et licet sancti in caelum ascendant, non tamen sicut Christus : quia Christus sua virtute, sancti vero attracti a Christo. Cant. I, 3 – trahe me post te. Vel potest dici quia nemo ascendit in caelum nisi Christus : quia sancti non ascendunt nisi inquantum sunt membra Christi, qui est caput Ecclesiae. Matth. XXIV, 28 – ubicumque fuerit corpus, illuc congregabuntur et aquilae. Secundo debebatur Christo caelum ex sua victoria. Nam Christus est in mundum missus ad pugnandum contra Diabolum, et vicit eum; et ideo meruit exaltari super omnia. Apoc. III, 21 – ego vici, et sedi cum patre meo in throno eius. Tertio ex sui humilitate. Nulla enim humilitas est ita magna sicut humilitas Christi, qui cum esset Deus, voluit fieri homo, et cum esset dominus, voluit formam servi accipere, factus obediens usque ad mortem, ut dicitur Phil. II, et descendit usque ad Infernum : et ideo meruit exaltari usque ad caelum ad sedem Dei. Nam humilitas via est ad exaltationem : Luc. XIV, 11 – qui se humiliat, exaltabitur; Ephes. IV, 10 – qui descendit, ipse est et qui ascendit super omnes caelos. Tertio Christi ascensio fuit utilis; et hoc quantum ad tria. Primo quantum ad ductum : nam ad hoc ascendit ut nos duceret. Nos enim nesciebamus viam, sed ipse ostendit : Mich. II, 13 – ascendit, iter pandens ante eos. Et ut nos securos redderet de possessione regni caelestis : Ioan. XIV, 2 – vado parare vobis locum. Secundo quantum ad securitatem. Ad hoc enim ascendit ut interpellaret pro nobis : Hebr. VII, 25 – accedens per semetipsum ad Deum semper vivens ad interpellandum pro nobis; I Ioan. II, 1 – advocatum habemus apud patrem Iesum Christum. Tertio ut ad se corda nostra traheret. Matth. VI, 21 – ubi est thesaurus tuus, ibi est et cor tuum; ut contemnamus temporalia : apostolus, Coloss. III, 1 – si consurrexistis cum Christo, quae sursum sunt quaerite ubi Christus est in dextera Dei sedens; quae sursum sunt sapite, non quae super terram.

96. - Nous l’avons vu, il faut croire à la résur­rection du Christ; nous devons ensuite croire en son ascension, par laquelle il est monté aux cieux le quarantième jour. C’est pourquoi nous disons dans le Je crois en Dieu : Il est monté aux cieux.

Dans l’ascension de Jésus, il y a lieu d’obser­ver trois aspects : a) sa sublimité; b) son carac­tère raisonnable; c) son utilité.

97. - a) L’ascension de Jésus fut vraiment sublime, car il est monté aux cieux. Ceci peut être exposé de trois manières : D’abord, il est monté au-dessus de tous les cieux matériels (4). L’Apôtre dit en effet aux Ephésiens (4, 10) : Il est monté par delà tous les cieux. Le Christ, le premier, réalisa une telle ascension; auparavant, en effet, il n’y avait de corps terrestre que sur la terre, si bien que même le paradis où vécut Adam était situé sur la terre.

En second lieu, le Christ est monté au-dessus de tous les cieux spirituels, c’est-à-dire au-dessus de toutes les natures spirituelles, comme saint Paul l’écrit aux Ephésiens (1, 20-22) : Le Père a fait siéger Jésus dans les cieux, à sa droite, bien au-dessus de toute Principauté, Puissance, Vertu, Domination et au-dessus de tout nom quel qu’il soit, non seulement en ce siècle-ci, mais encore dans le siècle à venir; et il a tout mis sous ses pieds.

En troisième lieu, le Christ est monté jusqu’au trône de Dieu le Père. Le prophète Daniel dit de lui en effet (7, 13) : Voici que, sur les nuées du ciel venait comme un Fils d’homme, et il par­vint jus qu’à l’Ancien des jours : et nous lisons dans Marc (16, 19) : Or le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et il est assis à la droite de Dieu.

98. - Quand nous parlons de la droite de Dieu, cette expression ne doit pas s’entendre d’une manière corporelle, mais dans un sens métaphorique. En effet, si en disant de Jésus : il est assis à la droite de Dieu, nous pensons à sa divinité, cela signifie Jésus est égal en tout à son Père; mais si nous pensons à sa nature humaine, cela veut dire alors le Christ jouit des dons les plus excellents. C’est une telle excel­lence que le diable a ambitionnée. Je monterai, dit-il (Is. 14, 13-14) : dans les cieux, j’élèverai mon trône au-dessus des étoiles de Dieu; je m’assiérai sur la montagne de l’alliance au Sep­tentrion; je monterai sur le sommet des nuées, je serai semblable au Très-Haut. Mais le Christ seul est parvenu à cette éminence. C’est pourquoi nous disons dans le Je crois en Dieu : Il est monté au ciel, il est assis à la droite du Père. Et nous lisons au Psaume 109, I Le Seigneur a dit à m-on Seigneur : Assieds-toi à ma droite.

99. - b) Deuxièmement, l’ascension du Christ fut conforme à la raison, parce qu’il s’éleva jus­qu’aux cieux et cela pour trois motifs : En effet,

            Le ciel était dû au Christ à cause de sa nature. Car il est conforme à la nature que chaque être retourne là d’où il tire son ori­gine. Or, le Christ tire son origine de Dieu, qui est au-dessus de tout. Jésus en effet a dit à ses Apôtres (Jean 16, 28) : Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde : maintenant je quitte le monde et je vais au Père. Et le même Jésus a déclaré à Nicodème (Jean 3, 13) : Nul n’est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est au ciel.

Et bien que les saints montent au ciel, cepen­dant ils n’y montent pas de la même manière que le Christ; le Christ en effet s’est élevé aux cieux par sa propre puissance, mais les saints s’y élè­vent comme entraînés par le Christ. Aussi nous lui disons avec l’Epouse du Cantique (1, 3) : Sei­gneur, entraînez-vous à votre suite.

On peut dire également que personne ne monte au ciel si ce n’est le Christ. Le. Christ en effet est la tête de l’Eglise et les saints ne montent au ciel que parce qu’ils sont ses membres. Où que soit le cadavre, disait Jésus à ses Apôtres, (Mat. 24, 28) : là s’assembleront les aigles.

Le ciel était dû au Christ Jésus en raison de sa victoire. Le Christ en effet fut envoyé dans le monde pour lutter contre le diable, et il sortit victorieux du combat : aussi il mérite d’être exalté au-dessus de tout. Moi, j’ai été vainqueur, dit Jésus, (Apoc. 3, 21) : et je suis allé siéger avec mon Père sur son trône.

            Enfin le Christ méritait d’être au ciel à cause de son humilité. En effet, aucune humilité n’est aussi grande que celle du Christ, car, bien qu’il était Dieu, il voulut devenir homme; bien qu’il était Seigneur, il voulut prendre la condition d’esclave, se rendant obéissant jusqu’à la mort (cf. Phil. 2, 7) : et il descendit jusqu’en enfer aussi mérita-t-il d’être exalté jusqu’au ciel, au trône de Dieu. L’humilité en effet est la voie qui conduit à l’exaltation. Celui qui s’abaisse, dit le Seigneur, (Luc 14, 11), sera élevé. Et saint Paul écrit aux Ephésiens (4, 10) : Celui qui est des­cendu, c’est le même qui est aussi monté par delà tous les cieux.

100. - c) Troisièmement, l’ascension du Christ est utile sous trois rapports : En premier lieu, Jésus est monté aux cieux, pour nous y conduire, car nous, nous n’en connaissions pas le chemin, mais lui-même nous l’a montré. Il est monté, dit Michée (2, 13), ouvrant ainsi la voie devant eux. Ensuite Jésus s’est élevé au ciel, pour nous donner l’assurance de posséder le royaume céleste. Je vais, dit-il aux Apôtres (Jean 14, 2), vous préparer une place.

L’utilité de l’ascension apparaît en second lieu dans la sécurité qu’elle nous apporte. Jésus en effet est monté au ciel pour intercéder en notre faveur auprès de son Père. Il s’est approché de Dieu par lui-même, dit l’Apôtre (Hébr. 7, 25), et il est toujours vivant pour intercéder en faveur des hommes. Et saint Jean écrit dans sa 1re épître (2, 1) : Nous avons près du Père un avocat, Jésus-Christ.

En troisième lieu, l’ascension du Christ est d’une grande utilité - et pour attirer nos coeurs à lui où est ton trésor, dit le Seigneur (Math. 6, 21), là aussi est ton coeur - et pour nous faire mépriser les biens temporels. L’Apôtre écrit en effet aux Colossiens (3, 1) : Si vous êtes res­suscités avec (e Christ, recherchez les choses d’en-haut, là où se trouve le Christ, siégeant à la droite de Dieu; affectionnez-vous aux choses d’en-haut et non à celles de la terre.

 

 

 

Articulus 7 [86683] In Symbolum Apostolorum, a. 7 tit. Inde venturus est iudicare vivos et mortuos

Article 7 – DE LA (c’est-à-dire de la droite du Père), JÉSUS VIENDRA JUGER LES VIVANTS ET LES MORTS.

[86684] In Symbolum Apostolorum, a. 7 Ad officium regis et domini spectat iudicare. Prov. XX, 8 – rex qui sedet in solio iudicii, dissipat omne malum intuitu suo. Quia ergo Christus ascendit in caelum, et sedet ad dexteram Dei sicut dominus omnium, manifestum est quod spectat ad eum iudicium. Et ideo in regula Catholicae fidei confitemur quod venturus est iudicare vivos et mortuos. Hoc etiam dixerunt Angeli Act. I, 11 – hic Iesus, qui assumptus est a vobis in caelum, sic veniet quemadmodum vidistis eum euntem in caelum. Sunt autem tria consideranda de hoc iudicio. Primum est forma iudicii; secundum est quod iudicium hoc est timendum; tertium est qualiter praeparemus nos ad hoc iudicium. Quo ad formam iudicii tria concurrunt : scilicet quis sit iudex, qui iudicandi, et de quibus sit. Christus autem est iudex. Act. X, 42 – ipse est qui constitutus est a Deo iudex vivorum et mortuorum : sive accipiamus per mortuos peccatores, et per vivos recte viventes; sive per vivos ad litteram illos qui tunc vivent, et per mortuos omnes qui mortui sunt. Est autem iudex non solum inquantum Deus, sed etiam inquantum homo : et hoc propter tria. Primo quia necessarium est ut iudicandi iudicem videant. Divinitas autem est ita delectabilis quod nullus potest sine gaudio eam videre; et ideo nullus damnatus poterit eam videre, quia tunc gauderet. Et ideo necesse est ut appareat in forma hominis, ut ab omnibus videatur. Ioan. V, 27 – potestatem dedit ei iudicium facere, quia filius hominis est. Secundo quia ipse meruit hoc officium, secundum quod homo. Ipse enim secundum quod homo, fuit iniuste iudicatus, et ex hoc Deus fecit eum iudicem totius mundi. Iob XXXVI, 17 – causa tua quasi impii iudicata est : causam iudiciumque recipies. Tertio ut cesset desperatio ab hominibus, si ab homine iudicantur. Si enim solus Deus iudicaret, homines territi desperarent. Luc. XXI, 27 – videbunt filium hominis venientem in nube. Iudicandi vero sunt omnes qui sunt, fuerunt et erunt. Apostolus, II Cor. V, 10 – omnes nos manifestari oportet ante tribunal Christi, ut referat unusquisque propria corporis, prout gessit, sive bonum sive malum. Est autem, sicut dicit Gregorius, quadruplex differentia inter iudicandos. Aut enim iudicandi sunt boni aut mali. Malorum autem quidam condemnabuntur, sed non iudicabuntur; sicut infideles; quorum facta non discutientur, quia qui non credit iam iudicatus est, ut dicitur Ioan. III, 18. Quidam vero condemnabuntur et iudicabuntur, sicut fideles, qui decesserunt cum peccato mortali. Apostolus, Rom. VI, 23 – stipendia peccati mors : non enim excludentur a iudicio propter fidem quam habuerunt. Bonorum etiam quidam salvabuntur et non iudicabuntur, pauperes scilicet spiritu propter Deum; quinimmo alios iudicabunt. Matth. XIX, 28 – vos qui secuti estis me, in regeneratione, cum sederit filius hominis in sede maiestatis suae, sedebitis et vos super sedes duodecim, iudicantes duodecim tribus Israel : quod quidem non solum intelligitur de discipulis, sed etiam de omnibus pauperibus; alias Paulus, qui plus aliis laboravit, non esset de numero illorum. Et ideo intelligendum est etiam de omnibus sequentibus apostolos, et de apostolicis viris. Ideo apostolus, I Cor. VI, 3 – (an) nescitis quoniam Angelos iudicabimus? Isai. III, 14 – dominus ad iudicium veniet cum senibus populi sui et principibus eius. Quidam autem salvabuntur et iudicabuntur, scilicet morientes in iustitia. Licet enim in iustitia decesserint, in occupatione tamen temporalium in aliquo lapsi sunt; et ideo iudicabuntur sed salvabuntur. Iudicabuntur autem de omnibus factis, bonis et malis. Eccle. XI, 9 – ambula in viis cordis tui (...) et scito quod pro omnibus his adducet te Deus in iudicium. Eccli. XII, 14 – cuncta quae fiunt, adducet Deus in iudicium pro omni errato, sive bonum sive malum sit. De verbis etiam otiosis : Matth. XII, 36 – omne verbum otiosum quod locuti fuerint homines, reddent rationem de eo in die iudicii. De cogitationibus : Sap. I, 9 – in cogitationibus impii interrogatio erit. Et sic patet forma iudicii. Est autem iudicium illud timendum propter quatuor. Primo propter iudicis sapientiam. Scit enim omnia, et cogitationes et locutiones et operationes : quoniam omnia nuda et aperta sunt oculis eius, ut dicitur Hebr. IV, 13. Prov. XVI, 2 – omnes viae hominum patent oculis eius. Ipse etiam scit verba nostra : Sap. I, 10 – auris zeli audit omnia. Item cogitationes nostras : Ierem. XVII, 9 – pravum est cor hominis et inscrutabile : quis cognoscet illud? Ego dominus scrutans corda et probans renes, qui do unicuique iuxta viam suam, et iuxta fructum adinventionum suarum. Ibi erunt testes infallibiles, scilicet propriae hominum conscientiae : apostolus, Rom. II, 15-16 – testimonium reddente illis conscientia ipsorum, et inter se invicem cogitationum accusantium, aut etiam defendentium in die cum iudicabit Deus occulta hominum. Secundo propter iudicis potentiam, quia omnipotens est in se. Isai. XL, 10 – ecce dominus Deus in fortitudine veniet. Item omnipotens est in aliis, quia omnis creatura erit cum eo. Sap. V, 21 – pugnabit cum illo orbis terrarum contra insensatos; et ideo dicebat Iob X, 7 – cum sit nemo qui de manu tua possit eruere. Psal. CXXXVIII, 8 – si ascendero in caelum, tu illic es; si descendero in Infernum, ades. Tertio propter iudicis inflexibilem iustitiam. Nunc enim est tempus misericordiae; sed tempus futurum erit solum tempus iustitiae : et ideo nunc est tempus nostrum, sed tunc erit solum tempus Dei. Psal. LXXIV, 3 – cum accepero tempus, ego iustitias iudicabo. Prov. VI, 34 – zelus et furor viri non parcet in die vindictae, nec acquiescet cuiusquam precibus, nec suscipiet pro redemptione dona plurima. Quarto propter iudicis iram. Aliter enim apparebit iustis, quia dulcis et delectabilis : Isai. XXXIII, 17 – regem in decore suo videbunt; aliter malis, quia iratus et crudelis, intantum ut dicant montibus : cadite super nos, et abscondite nos ab ira agni, ut dicitur Apoc. VI, 16. Haec autem ira non dicit in Deo commotionem animi, sed effectum irae, poenam scilicet peccatoribus inflictam, scilicet aeternalem. Origenes : quam angustae erunt peccatoribus viae in iudicio. Desuper erit iudex iratus, et cetera. Contra autem hunc timorem debemus quatuor habere remedia. Primum est bona operatio. Apostolus, Rom. XIII, 3 – vis non timere potestatem? Bonum fac, et habebis laudem ex illa. Secundum est confessio et poenitentia de commissis : in qua tria debent esse : scilicet dolor in cogitatione, pudor in confessione, et acerbitas in satisfactione : quae quidem expiant poenam aeternam. Tertium est eleemosyna, quae omnia mundat. Luc. XVI, 9 – facite vobis amicos de mammona iniquitatis, ut, cum defeceritis, recipiant vos in aeterna tabernacula. Quartum est caritas, scilicet amor Dei et proximi : quae quidem caritas operit multitudinem peccatorum, ut dicitur I Petr. IV, et Prov. X.

101. - Juger fait partie de l’office des rois et des seigneurs. Nous lisons en effet dans les Pro­verbes (20, 8) : Le Roi, assis sur le trône de la justice, par son regard, dissipe tout mal. Or le Christ est monté au ciel et est assis à la droite de Dieu, comme le Seigneur de toutes les créatures; le jugement lui appartient donc mani­festement. C’est pourquoi, dans la règle de la foi catholique nous confessons que Jésus vien­dra juger les vivants et les morts.

C’est aussi ce que dirent les Anges au moment de l’ascension (Act. I. 11) : Ce Jésus qui vient d’être enlevé au ciel, du milieu de vous, en reviendra de la même manière que vous l’avez vu y aller.

102. - Il y a lieu d’observer trois choses à propos de ce jugement : Premièrement sa forme Deuxièmement la crainte qu’il doit nous inspirer; Troisièmement le genre de préparation qu’il requiert d’en nous.

1. De la forme du jugement du Christ.

103. - Trois réalités concourent à la forme d’un jugement : la personne du juge, les personnes jugées, les matières sur lesquelles celles-ci sont jugées.

104. Or donc, le Christ est Juge. C’est lui, dit saint Pierre (Actes 10, 42), qui a été constitué par Dieu juge des vivants et des morts, soit que nous comprenions par morts les pécheurs, et par vivants les justes, soit que nous entendions au sens littéral par vivants ceux qui vivront au moment du jugement et par morts tous ceux qui, effectivement, seront morts.

Or le Christ Jésus est juge non seulement en tant qu’il est Dieu, mais aussi en tant qu’homme.

Et cela pour trois motifs : Voici le premier motif : il est nécessaire que ceux qui sont jugés voient leur juge. Or la divi­nité possède un tel attrait qu’on ne peut la voir sans éprouver de la joie; aucun damné ne pourra donc la voir parce qu’alors il se réjouirait. Afin que notre juge soit vu de tous les hommes, il faut donc qu’il apparaisse sous la forme d’un homme. Parlant de lui, Jésus dit en effet aux Juifs (Jean 5, 27) : Le Père a donné au Fils le pouvoir d’exercer le jugement parce qu’il est Fils de l’homme.

En second lieu, le Fils de Dieu est juge uni­versel en tant qu’homme, parce qu’il a mérité précisément en tant qu’e tel cet office de juge.

C’est comme homme en effet qu’il fut injuste­ment jugé; aussi fut-il constitué par Dieu juge du monde entier. Votre cause, lisons-nous dans l’e Livre de Job (36, 17), votre cause a été jugée comme celle d’un impie : aussi vous recevrez le jugement.

En troisième lieu, le jugement fut donné au Christ en tant qu’il est homme, afin que les hom­mes, étant jugés par un homme, cessent de désespérer. Si en effet Dieu seul était leur juge, dans leur effroi ils se livreraient au désespoir. Jésus dit dans l’Evangile (Luc 21, 27) : On verra le Fils de l’homme venir dans la nuée. Il jugera tous ceux qui existent, ont existé et existeront.

Il faut en effet, déclare l’Apôtre (2 Cor. 5, 10), que tous nous comparaissions devant le tribunal du Christ, afin que chacun reçoive ce qui est dû aux bonnes ou aux mauvaises actions qu’il aura faites pendant qu’il était revêtu de son corps.

105. Au sujet de ceux qui sont jugés, il y a, d’après saint Grégoire, une quadruple diffé­rence. D’abord, les uns sont bons, les autres, mauvais.

Ensuite, parmi les mauvais, certains seront condamnés, mais ne seront pas jugés ce sera le cas de ceux qui ont refusé la foi; leurs actions ne seront pas soumises à un examen, car qui ne croit pas, dit Jésus (Jean 3, 18), est déjà jugé, perce qu’il n’a pas voulu croire au nom du Fils unique de Dieu.

Les autres méchants, eux, seront jugés et con­damnés, comme les fidèles morts en état de péché mortel. L’Apôtre dit, à propos de ces pécheurs et de leur péché (Rom. 6, 23) : Le salaire du péché, c’est la mort, Ils ne seront pas en effet exclus du jugement, à cause de la foi qui était dans leur intelligence.

Quant aux bons, certains seront sauvés, mais ne seront pas jugés; ce seront ceux qui auront possédé l’esprit de pauvreté, par amour pour Dieu. Bien loin de passer par le jugement, ils jugeront les autres. Vous qui m’avez suivi, déclare Jésus (Mat. 19, 28), lors de la régénération, quand le Fils de l’homme aura pris place sur son trône de gloire, vous siégerez vous aussi sur douze trônes, pour juger les douze tribus d’Israël. Ces paroles visent non seulement les dis­ciples mais aussi tous ceux qui ont l’esprit de pauvreté autrement, saint Paul qui travailla plus que tous les autres, ne serait pas de leur nombre; oui assurément, elles visent, ces paro­les, tous ceux qui suivirent les Apôtres et les hommes apostoliques. Aussi l’Apôtre écrit-il aux Corinthiens (1, 6, 3) : Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges? Et nous lisons en Isaïe (3, 14) : Le Seigneur viendra pour le jugement avec les anciens et les princes de son peuple.

Les autres bons, à savoir ceux qui mourront dans la justice, seront sauvés, mais ils seront jugés. En effet bien qu’ils aient quitté cette vie justifiés, ils ont commis quelques fautes au milieu de leurs occupations temporelles. Ils seront donc jugés, mais ils obtiendront le salut.

106. - 30 Les hommes seront jugés sur tou­tes leurs actions bonnes et mauvaises.

L’Ecclésiaste (11, 9) : dit en effet : Suis les voies de ton coeur, mais sache que pour tout cela, Dieu te fera venir en jugement. Et (12, 14) : Oui, Dieu citera en jugement toutes les oeuvres des hom­mes, soit bonnes soit mauvaises. Même sur nos paroles inutiles nous serons examinés. Je vous le déclare, dit le Seigneur (Mat. 12, 36), les hom­mes rendront compte au jugement de toute parole vaine. Et il en sera de même de nos pensées. La Sagesse (1, 9) : affirme en effet que Dieu fera une enquête sur l’es pensées de l’impie.

2. De la crainte que doit nous inspirer le juge­ment de Jésus-Christ.

107. - Nous devons craindre ce jugement pour quatre raisons.

Le premier motif de le redouter, c’est la sagesse du Juge. Jésus en effet n’ignore absolument rien de nos pensées, de nos paroles et de nos actions. Tout est à nu et à découvert à ses yeux. (Heb. 4, 13) : et toutes les voies de l’homme n’ont pas la moindre obscurité pour les yeux du Seigneur (Prov. 16, 2). Il connaît également toutes nos paroles : son oreille jalouse entend tout (cf. Sag. 1, 10). Le Seigneur pareillement n’ignore rien de nos pensées. Le prophète Jérémie en effet nous rapporte ces paroles de Dieu (17, 9-10) : Le coeur de l’homme est dépravé et impénétrable. Qui le connaîtra? Moi, le Seigneur qui scrute les coeurs et sonde les reins, qui donne à chacun Selon ses voies et le fruit de ses pensées et de ses oeuvres. Là sera un témoin infaillible : la propre conscience des hommes. L’Apôtre écrit aux Romains (2, 15-16) : Leur conscience leur rend témoignage par la diversité des réflexions qui les accusent ou qui les défendent, au jour où Dieu jugera ce qui est caché dans le coeur des hom­mes.

108. - En second lieu il nous faut craindre le jugement à cause de la puissance du juge, car il est par lui-même tout-puissant. Voici, dit Isaïe (40, 10), voici que le Seigneur Dieu viendra avec puissance. Et il est également tout-puissant sur l’es autres, car l’ensemble de la création, à l’heure du jugement, sera avec lui. L’univers entier, dit en effet la Sagesse (5, 21), combattra avec lui contre les insensés. C’est pourquoi Job déclarait (10, 7) : Personne n’est capable de délivrer de ta main, et de son côté le psalmiste (Ps. 138, 8) : chante ces paroles : Si je monte au ciel, tu y es; Si je descends en enfer, tu y es encore.

109. - En troisième lieu il faut redouter le jugement à cause de l’inflexible justice du juge. Actuellement, en effet, c’est le temps de la misé­ricorde, mais alors, ce sera uniquement le temps de la justice. Et c’est pourquoi, maintenant, c’est notre heure à nous, mais alors, ce sera exclusi­vement l’heure de Dieu. Au temps que j’aurai fixé, dit le Seigneur (Ps. 74, 3), je ferai parfaite justice. Et nous lisons dans les Proverbes (6, 34-35) : Au jour de la vengeance, son zèle et sa fureur seront sans pitié, il n’écoutera les prières de personne et il ne recevra pas les dons nom­breux offerts pour le rachat des coupables.

110. - Enfin, le quatrième motif de redouter le jugement, c’est la colère du juge. Si en effet le juge doit apparaître aux justes plein de douceur et de charmes, puisque, selon Isaïe (33, 17), ils contempleront le roi dans sa beauté, il paraîtra par contre aux méchants si dur et ai courroucé qu’ils crieront aux montagnes Tombez sur nous et dérobez-nous à la colère de l’Agneau, comme il est dit dans l’Apocalypse (6, 16). Mais quand l’Ecriture parle de colère, elle n’entend pas signi­fier qu’en Dieu il y aura un mouvement de colère; elle a en vue seulement ce qui parait être un effet de la colère, à savoir la peine éternelle infligé aux pécheurs.

Le second remède contre la crainte du juge­ment, c’est la confession et la pénitence des péchés que l’on a commis. Pour cette confession et cette pénitence, trois conditions sont requises, grâce auxquelles la peine éternelle est expiée, ce sont la douleur dans la pensée, la honte dans l’aveu, la rigueur dans la pénitence.

Le troisième remède est l’aumône qui purifie tout. Le Seigneur a dit à ses disciples (Luc 16, 9) : Avec le malhonnête argent, faites-vous des amis, pour que, le jour où il viendra à manquer, ceux-ci vous reçoivent dans les tentes éternelles.

Parlant de cette peine éternelle, Origène écrit qu "étroites à l’extrême seront au jour du juge­ment les voies des pécheurs…"

111. - Nous devons utiliser quatre remèdes contre la crainte du jugement.

Le premier consiste dans les bonnes oeuvres. Saint Paul en effet écrit aux Romains (13, 3) : Veux-tu n’avoir pas à craindre l’autorité? Fais le bien et tu en recevras des éloges.

Le quatrième remède contre la crainte du juge­ment c’est la charité, c’est-à-dire l’amour de Dieu et du prochain : la charité, en effet, fait dis­paraître la multitude des péchés (I Pierre 4, 8 et Prov. 10, 12).

 

 

Articulus 8 [86685] In Symbolum Apostolorum, a. 8 tit. Credo in spiritum sanctum

Article 8 – JE CROIS AU SAINT ESPRIT

[86686] In Symbolum Apostolorum, a. 8 Sicut dictum est, verbum Dei est filius Dei, sicut verbum hominis est conceptio intellectus. Sed quandoque homo habet verbum mortuum, scilicet quando homo cogitat quae debet facere, sed tamen voluntas faciendi non adest ei; sicut quando homo credit et non operatur, fides eius dicitur mortua, ut dicitur Iac. II. Verbum autem Dei est vivum. Hebr. IV, 12 – vivus est enim sermo Dei; et ideo necesse est quod Deus habeat secum voluntatem et amorem. Unde Augustinus in Lib. de Trin. : verbum quod insinuare intendimus, cum amore notitia est. Sicut autem verbum Dei est filius Dei, ita amor Dei est spiritus sanctus. Et inde est quod tunc homo habet spiritum sanctum, quando diligit Deum. Apostolus, Rom. V, 5 – caritas Dei diffusa est in cordibus nostris per spiritum sanctum, qui datus est nobis. Fuerunt autem aliqui qui male sentientes de spiritu sancto, dixerunt quod erat creatura, et quod erat minor patre et filio, et quod erat servus et minister Dei. Et ideo sancti ad removendum hos errores addiderunt quinque verba in alio symbolo de spiritu sancto. Primum est, quod licet sint alii spiritus, scilicet Angeli, sunt tamen ministri Dei, secundum illud apostoli, Hebr. I, 14 – omnes sunt administratorii spiritus; sed spiritus sanctus dominus est : Ioan. IV, 24 – spiritus est Deus; et apostolus, II Cor. III, 17 – dominus autem spiritus est; et inde est quod ubi est spiritus domini, ibi est libertas, ut dicitur II Cor. III. Cuius ratio est, quia facit diligere Deum, et aufert amorem mundi. Et ideo dicitur : in spiritum sanctum dominum. Secundum est quia in hoc est vita animae quod coniungitur Deo, cum ipse Deus sit vita animae, sicut anima vita corporis. Deo autem coniungit spiritus sanctus per amorem, quia ipse est amor Dei, et ideo vivificat. Ioan. VI, 64 – spiritus est qui vivificat. Unde dicitur : et vivificantem. Tertium est quod spiritus sanctus est eiusdem substantiae cum patre et filio : quia sicut filius est verbum patris, ita spiritus sanctus est amor patris et filii; et ideo procedit ab utroque; et sicut verbum Dei est eiusdem substantiae cum patre, ita et amor cum patre et filio. Et ideo dicitur : qui ex patre filioque procedit. Unde et per hoc patet quod non est creatura. Quartum est quod est aequalis patri et filio quantum ad cultum. Ioan. IV, 23 – veri adoratores adorabunt patrem in spiritu et veritate. Matth. ult., 19 – docete omnes gentes, baptizantes eos in nomine patris et filii et spiritus sancti. Et ideo dicitur : qui cum patre et filio simul adoratur. Quintum, per quod manifestatur quod sit aequalis Deo, est quia sancti prophetae locuti sunt a Deo. Constat autem quod si spiritus non esset Deus, non diceretur quod prophetae fuerint locuti ab eo. Sed Petrus dicit (Epist. II, cap. I, 21), quod spiritu sancto inspirati locuti sunt sancti Dei homines. Isai. XLVIII, 16 – dominus Deus misit me, et spiritus eius. Unde hic dicitur : qui locutus est per prophetas. Per hoc autem destruuntur duo errores : error scilicet Manichaeorum, qui dixerunt, quod vetus testamentum non erat a Deo : quod falsum est, quia per prophetas locutus est spiritus sanctus. Item error Priscillae et Montani, qui dixerunt quod prophetae non sunt locuti a spiritu sancto, sed quasi amentes. Provenit autem nobis multiplex fructus a spiritu sancto. Primo quia purgat a peccatis. Cuius ratio est, quia eiusdem est reficere cuius est constituere. Anima autem creatur per spiritum sanctum, quia omnia per ipsum facit Deus. Deus enim diligendo suam bonitatem causat omnia. Sap. XI, 25 – diligis omnia quae sunt, et nihil odisti eorum quae fecisti. Dionysius in 4 cap. de divinis nominibus : divinus amor non permisit eum sine germine esse. Oportet ergo quod corda hominum per peccatum destructa reficiantur a spiritu sancto. Psal. CIII, 30 – emitte spiritum tuum et creabuntur, et renovabis faciem terrae. Nec mirum si spiritus purgat, quia omnia peccata dimittuntur per amorem : Luc. VII, 47 – dimissa sunt ei peccata multa, quoniam dilexit multum. Prov. X, 12 – universa delicta operit caritas; item I Petr. IV, 8 – caritas operit multitudinem peccatorum. Secundo illuminat intellectum, quia omnia quae scimus, a spiritu sancto scimus. Ioan. XIV, 26 – Paraclytus autem spiritus sanctus, quem mittet pater in nomine meo, ille vos docebit omnia, et suggeret vobis omnia quaecumque dixero vobis. Item I Ioan. II, 27 – unctio docebit vos de omnibus. Tertio iuvat, et quodammodo cogit servare mandata. Nullus enim posset servare mandata Dei, nisi amaret Deum : Ioan. XIV, 23 – si quis diligit me, sermonem meum servabit. Spiritus autem sanctus facit amare Deum, ideo iuvat. Ezech. XXXVI, 26 – dabo vobis cor novum, et spiritum novum ponam in medio vestri; et auferam cor lapideum de carne vestra : et dabo vobis cor carneum, et spiritum meum ponam in medio vestri; et faciam ut in praeceptis meis ambuletis, et iudicia mea custodiatis et operemini. Quarto confirmat spem vitae aeternae, quia est sicut pignus hereditatis illius. Apostolus, Ephes. I, 13-14 – signati estis spiritu promissionis sancto, qui est pignus hereditatis nostrae. Est enim quasi arrha vitae aeternae. Cuius ratio est, quia ex hoc debetur vita aeterna homini, inquantum efficitur filius Dei; et hoc fit per hoc quod fit similis Christo. Assimilatur autem aliquis Christo per hoc quod habet spiritum Christi, qui est spiritus sanctus. Apostolus, Rom. VIII, 15-16 – non enim accepistis spiritum servitutis iterum in timore; sed accepistis spiritum adoptionis filiorum, in quo clamamus, abba, pater. Ipse enim spiritus testimonium reddit spiritui nostro, quod sumus filii Dei; et Gal. IV, 6 – quoniam autem estis filii Dei, misit Deus spiritum filii sui in corda vestra, clamantem, abba, pater. Quinto consulit in dubiis, et docet nos quae sit voluntas Dei. Apoc. II, 7 – qui habet aures audiendi, audiat quid spiritus dicat Ecclesiis. Isai. I, 4 – audiam eum quasi magistrum.

112. - Ainsi que nous l’avons dit : Le Verbe de Dieu est le Fils de Dieu, comme le verbe de l’homme est une conception de son intelligence.

Mais parfois le verbe de l’homme est un verbe mort : il en est ainsi lorsque l’homme songe à ce qu’il doit faire, mais sans avoir la volonté de l’accomplir; de même, quand l’homme a la foi, mais n’agit pas, on dit de sa foi qu’elle est morte. Saint Jacques écrit en effet (2, 26) : Comme le corps sans âme est mort, ainsi la foi sans les oeuvres est morte. Mais, par contre La Parole de Dieu est vivante, comme saint Paul Je déclare aux Hébreux (4, 12). C’est pourquoi, Dieu néces­sairement possède en lui volonté et amour. Saint Augustin le dit dans son ouvrage sur la Trinité.

Le Verbe dont nous nous proposons de donner une idée, c’est une connaissance accompagnée d’amour >. Or, comme le Verbe de Dieu est le Fils de Dieu, ainsi l’amour de Dieu est le Saint Esprit. Il s’ensuit que l’homme possède l’Esprit­ Saint, lorsqu’il aime Dieu. L’Apôtre écrit en effet aux Romains (5, 5) : L’amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné.

113. - Il y eut des hommes dont la doctrine concernant le Saint Esprit fut tout à fait erronée. Ils affirmèrent en effet : le Saint Esprit est une créature, il est inférieur au Père et au Fils et il est l’esclave et le serviteur de Dieu.

Pour repousser ces erreurs, les Pères ajou­tèrent dans un autre symbole (5) : cinq paroles concernant le Saint Esprit.

114. - Premièrement, bien qu’il y ait d’au­tres esprits, à savoir les Anges, ceux-ci cepen­dant sont serviteurs de Dieu, conformément à ces paroles de l’Apôtre aux Hébreux (1, 15) : les Anges sont tous des esprits destinés à servir. Mais le Saint Esprit, lui, est Seigneur. Jésus en effet dit à la Samaritaine (Jean 4, 24) : L’Esprit est Dieu et l’Apôtre écrit aux Corinthiens (II, 3, 17) : L’Esprit est Seigneur; c’est pourquoi d’ailleurs il ajoute : Là où est l’Esprit du Sei­gneur, là est la liberté. La raison en est que l’Es­prit nous fait aimer Dieu et enlève de notre coeur l’amour du monde. La première parole ajoutée par les Pères dans l’autre symbole est donc : Je crois en le Saint Esprit, qui est Seigneur.

115. - Deuxièmement, l’âme possède la vie, si elle est unie à Dieu, puisque Dieu lui-même est la vie de l’âme, comme l’âme est la vie du corps. Or c’est l’Esprit Saint qui unit à Dieu par l’amour, car cet Esprit est l’amour de Dieu : c’est pourquoi il vivifie. Comme Jésus l’enseigne à ses disciples (Jean 6, 64) : C’est l’Esprit qui vivifie. C’est pourquoi les Pères ajoutèrent en second lieu dans leur symbole : Je crois en le Saint Esprit, qui vivifie.

116. - Troisièmement, l’Esprit Saint est de la même substance que le Père et le Fils : car, comme le Fils est le Verbe du Père, le Saint Esprit, lui, est l’Amour du Père et du Fils : c’est pourquoi il procède de l’un et de l’autre; et comme le Verbe est de même substance que le Père, ainsi l’Amour également est de même sub­stance que le Père et le Fils.

C’est pourquoi, en troisième lieu, les Pères dirent du Saint Esprit dans leur symbole qu’il procède du Père et du Fils. Ce qui est la preuve évidente que l’Esprit Saint n’est pas une créature.

117. - Quatrièmement, nous devons rendre à l’Esprit Saint le même culte qu’au Père et au Fils. Le Seigneur dit en effet à la Samaritaine (Jean 4, 23) : Les vrais adorateurs adoreront le Père en Esprit et en Vérité. Et à ses disciples, avant de monter au ciel, Jésus déclare (Mat. 28, 19) : Enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. C’est pourquoi les Pères dirent du Saint Esprit dans leur symbole qu’il est adoré conjointement avec le Père et le Fils.

118. - Cinquièmement, ce qui montre que le Saint Esprit est égal à Dieu, c’est que les saints prophètes ont parlé poussés par Dieu. Il est donc évident que si l’Esprit Saint n’était pas Dieu, on ne dirait pas les prophètes ont parlé poussés par lui. Or saint Pierre écrit dans sa 2 Epître (1, 21) : C’est, poussés par le Saint Esprit, que les saints hommes de Dieu ont parlé, et Isaïe (48, 16) : déclare : Le" Seigneur Dieu et son Esprit m’ont envoyé. C’est pourquoi, les Pères, en cinquième lieu, dirent du Saint Esprit dans leur symbole qu’il a parlé par les prophètes.

119. - Par cette dernière affirmation, on détruit deux erreurs. D’abord, l’erreur des Mani­chéens, qui déclarèrent : l’Ancien Testament ne vient pas de Dieu : ce qui est une fausseté, puis­que l’Esprit Saint a parié par les prophètes.

Et ensuite, l’erreur de Priscille et de Montan qui dirent : les prophètes n’ont pas parlé sous l’inspiration d’e le Saint Esprit, mais comme des hommes qui ont perdu la raison.

120. - Le Saint Esprit produit en nous des fruits abondants.

Premièrement, il nous purifie du péché. La raison en est que c’est à celui qui a fait une chose qu’il appartient de la refaire. Or c’est l’Esprit Saint qui crée l’âme humaine; par son Esprit en effet Dieu fait toutes choses; car c’est en aimant sa propre bonté que Dieu produit tout. Vous aimez tous les êtres, dit le livre de la Sagesse (11, 25) : et vous ne haïssez rien de ce que vous avez fait et saint Denys écrit au chapitre 4 des Noms divins : "L’amour de Dieu n’a pas supporté de demeurer stérile".

Il convient donc que ce soit l’Esprit Saint qui refasse le coeur des hommes détruit par le péché. C’est pourquoi le psalmiste (Ps. 103, 30) : adresse à Dieu cette prière : "Envoyez votre Esprit, et les êtres seront créés, et vous renou­vellerez la face de la terre. Et que l’Esprit puri­fie, ce n’est pas chose étonnante, parce que tous les péchés sont remis par l’amour, suivant cette parole du Seigneur concernant la pécheresse (Luc 7, 47) : Ses nombreux péchés lui sont remis parce qu’elle a beaucoup aimé. Le Livre des Pro­verbes avait dit de même (10, 12) : L’amour cou­vre toutes les fautes. Et cet enseignement est repris par saint Pierre (I. 4, 8) : L’amour, dit-il, couvre la multitude des péchés.

121. - En second lieu, l’Esprit Saint illumine l’intelligence, parce que tout ce que nous savons, en effet, nous l’avons appris de le Saint Esprit, conformément à cette parole de Jésus (Jean 14, 26) : Le Consolateur, le Saint Esprit, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que je vous ai dit.

Et saint Jean, parlant du Saint Esprit, dit de même (I. 2, 27) : Son onction vous instruira de tout.

122. - En troisième lieu, le Saint Esprit nous aide et nous oblige en quelque sorte à garder les commandements. Personne, en effet, ne pourrait garder les commandements de Dieu, s’il n’aimait pas Dieu, conformément à la parole du Christ Jésus (Jean 14, 23) : Si quelqu’un m’aime, il gar­dera ma parole. Or, le Saint Esprit nous fait aimer Dieu, c’est pourquoi il nous aide. L’e Sei­gneur dit en effet dans Ezéchiel (36, 26) : Et je vous donnerai un coeur nouveau et je mettrai au dedans de vous un esprit nouveau; et j’ôterai de votre chair le coeur de pierre, et je vous don­nerai un coeur de chair et je mettrai au dedans de vous mon Esprit, et je vous ferai marcher selon mes préceptes, et vous observerez mes lois et vous les pratiquerez.

123. - En quatrième lieu, l’Esprit Saint affer­mit notre espérance de la vie éternelle, car il est comme le gage de son héritage, selon cette parole de l’Apôtre aux Ephésiens (1, 13-14) : Vous avez été marqués du sceau de l’Esprit Saint promis, qui est le gage de notre héritage. Le Saint Esprit  est en effet comme les arrhes de la vie éternelle.

La raison en est que la vie éternelle est due à l’homme, en tant qu’il est fait fils de Dieu et il le devient en étant rendu semblable au Christ : or l’homme est rendu semblable au Christ par la possession de l’Esprit du Christ, qui est le Saint Esprit. L’Apôtre en effet écrit aux Romains (8, 15-16) : Vous n’avez pas reçu un esprit de ser­vitude pour retomber dans la crainte, mais vous avez reçu un esprit de fils adoptifs qui nous fait nous écrier : Abba, Père ! En effet, l’Esprit en personne témoigne à notre esprit que nous som­mes les fils de Dieu. Et saint Paul écrit de même aux Galates (4, 6) : Parce que vous êtes fils de Dieu, Dieu a envoyé dans vos coeurs l’Esprit de son Fils, qui crie : Abba, Père!

124. - En cinquième lieu, le Saint Esprit nous conseille dans nos doutes et nous apprend quelle est l’a volonté de Dieu. Qui a des oreilles, dit Jésus (Apoc. 2, 7), entende ce que dit l’Esprit aux Eglises et il est écrit dans Isaïe (50, 4) : Je l’écouterai comme un Maître.

 

 

Articulus 9 [86687] In Symbolum Apostolorum, a. 9 tit. Sanctam Ecclesiam Catholicam

Article 9 – JE CROIS EN LA SAINTE EGLISE CATHOLIQUE.

[86688] In Symbolum Apostolorum, a. 9 Sicut videmus quod in uno homine est una anima et unum corpus, et tamen sunt diversa membra ipsius; ita Ecclesia Catholica est unum corpus, et habet diversa membra. Anima autem quae hoc corpus vivificat, est spiritus sanctus. Et ideo post fidem de spiritu sancto, iubemur credere sanctam Ecclesiam Catholicam. Unde additur in symbolo : sanctam Ecclesiam Catholicam. Circa quod sciendum est, quod Ecclesia est idem quod congregatio. Unde Ecclesia sancta idem est quod congregatio fidelium; et quilibet Christianus est sicut membrum ipsius Ecclesiae, de qua dicitur Eccli. ult. 31 – appropiate ad me indocti, et congregate vos in domum disciplinae. Haec autem Ecclesia sancta habet quatuor conditiones : quia est una, quia est sancta, quia est Catholica, idest universalis, et quia est fortis et firma. Quantum ad primum sciendum est, quod licet diversi haeretici diversas sectas adinvenerint, non tamen pertinent ad Ecclesiam, quia sunt divisi in partes : sed Ecclesia est una. Cant. VI, 8 – una est columba mea, perfecta mea. Causatur autem unitas Ecclesiae ex tribus. Primo ex unitate fidei. Omnes enim Christiani qui sunt de corpore Ecclesiae, idem credunt : I Cor. I, 10 – idipsum dicatis omnes, et non sint in vobis schismata; et Ephes. IV, 5 – unus Deus, una fides, unum Baptisma. Secundo ex unitate spei, quia omnes firmati sunt in una spe perveniendi ad vitam aeternam : et ideo dicit apostolus, Ephes. IV, 4 – unum corpus et unus spiritus, sicut vocati estis in una spe vocationis vestrae. Tertio ex unitate caritatis, quia omnes connectuntur in amore Dei, et ad invicem in amore mutuo. Ioan. XVII, 22 – claritatem quam dedisti mihi, dedi eis, ut sint unum, sicut et nos unum sumus. Manifestatur autem huiusmodi amor si verus est, quando membra pro se invicem sunt solicita, et quando invicem compatiuntur. Ephes. IV, 15-16 – in caritate crescamus in illo per omnia qui est caput Christus : ex quo totum corpus connexum et compactum per omnem iuncturam subministrationis secundum operationem in mensuram uniuscuiusque membri, augmentum corporis facit in aedificationem sui in caritate; quia quilibet de gratia sibi collata a Deo, debet proximo servire. Unde nullus debet contemnere, nec pati ab ista Ecclesia abiici et expelli; quia non est nisi una Ecclesia in qua homines salventur, sicut extra arcam Noe nullus salvari potuit. Circa secundum sciendum, quod est etiam alia congregatio, sed malignantium. Psal. XXV, 5 – odivi Ecclesiam malignantium. Sed haec est mala, Ecclesia vero Christi est sancta : apostolus, I Cor. III, 17 – templum Dei sanctum est, quod estis vos; unde dicitur, sanctam Ecclesiam. Sanctificantur autem fideles huius congregationis ex tribus. Primo, quia sicut Ecclesia cum consecratur, materialiter lavatur, ita et fideles loti sunt sanguine Christi. Apoc. I, 5 – dilexit nos, et lavit nos a peccatis nostris in sanguine suo; Hebr. XIII, 12 – Iesus, ut sanctificaret per suum sanguinem populum, extra portam passus est. Secundo ex inunctione : quia sicut Ecclesia inungitur, sic et fideles spirituali inunctione unguntur, ut sanctificentur : alias non essent Christiani : Christus enim idem est quod unctus. Haec autem unctio est gratia spiritus sancti. II Cor. I, 21 – qui unxit nos, Deus; et I Cor. VI, 11 – sanctificati estis in nomine domini nostri Iesu Christi. Tertio ex inhabitatione Trinitatis : nam ubicumque Deus inhabitat, locus ille sanctus est : unde Genes. XXVIII, 16 – vere locus iste sanctus est; et Psal. XCII, 5 – domum tuam decet sanctitudo, domine. Quarto propter invocationem Dei. Ier. XIV, 9 – tu autem in nobis es, domine, et nomen tuum invocatum est super nos. Cavendum est ergo ne post talem sanctificationem polluamus animam nostram, quae templum Dei est, per peccatum. Apostolus, I Cor. III, 17 – si quis templum Dei violaverit, disperdet illum Deus. Circa tertium sciendum est, quod Ecclesia est Catholica, idest universalis : primo quantum ad locum, quia est per totum mundum, contra Donatistas. Rom. I, 8 – fides vestra annuntiatur in universo mundo; Marc. ult., 15 – euntes in mundum universum, praedicate Evangelium omni creaturae. Unde antiquitus Deus erat notus tantum in Iudaea, nunc autem per totum mundum. Habet autem haec Ecclesia tres partes. Una est in terra, alia est in caelo, tertia est in Purgatorio. Secundo est universalis quantum ad conditionem hominum, quia nullus abiicitur, nec dominus, nec servus, nec masculus, nec femina. Gal. III, 28 – non est masculus neque femina. Tertio est universalis quantum ad tempus. Nam aliqui dixerunt, quod Ecclesia debet durare usque ad certum tempus. Sed hoc est falsum : quia haec Ecclesia incepit a tempore Abel, et durabit usque ad finem saeculi. Matth. ult., ult. : ecce ego vobiscum sum omnibus diebus usque ad consummationem saeculi. Sed post consummationem saeculi remanebit in caelo. Circa quartum sciendum est, quod Ecclesia est firma. Domus autem dicitur firma, primo si habet bona fundamenta. Fundamentum autem Ecclesiae principale est Christus. Apostolus, I Cor. III, 11 – fundamentum aliud nemo potest ponere praeter id quod positum est, quod est Christus Iesus. Secundarium vero fundamentum sunt apostoli, et eorum doctrina; et ideo firma est : unde in Apoc. XXI, dicitur, quod civitas habebat duodecim fundamenta, et erant ibi scripta nomina duodecim apostolorum. Et inde est quod dicitur Ecclesia apostolica. Exinde etiam est quod ad significandum firmitatem huius Ecclesiae, b. Petrus dictus est vertex. Secundo apparet firmitas domus, si conquassata non potest destrui. Ecclesia autem nunquam potuit destrui : nec a persecutoribus; immo persecutionibus durantibus magis crevit, et qui eam persequebantur, et quos ipsa persequebatur, deficiebant : Matth. XXI, 44 – qui ceciderit super lapidem istum, confringetur; super quem vero ceciderit, conteret eum; nec ab erroribus; immo quanto magis errores supervenerunt, tanto magis veritas manifestata est : II Tim. III, 8 – homines corrupti mente, reprobi circa fidem; sed ultra non proficient; nec a tentationibus Daemonum : Ecclesia enim est sicut turris, ad quam fugit quicumque pugnat contra Diabolum : Prov. XVIII, 10 – turris fortissima nomen domini. Et ideo Diabolus principaliter conatur ad destructionem eius; sed non praevalet, quia dominus dixit Matth. XVI, 18 – et portae Inferi non praevalebunt adversus eam; quasi dicat : bellabunt adversum te, sed non praevalebunt. Et inde est quod sola Ecclesia Petri (in cuius partem venit tota Italia, dum discipuli mitterentur ad praedicandum) semper fuit firma in fide : et cum in aliis partibus vel nulla fides sit, vel sit commixta multis erroribus, Ecclesia tamen Petri et fide viget, et ab erroribus munda est. Nec mirum : quia dominus dixit Petro, Luc. XXII, 32 – ego rogavi pro te, Petre, ut non deficiat fides tua.

125. - En l’homme, nous le savons, il y a une âme et un corps, et cependant ses membres sont divers. Pareillement, l’Eglise catholique cons­titue un corps unique et elle possède différents membres. Or l’âme qui vivifie ce corps de l’Eglise, c’est le Saint Esprit ; C’est pourquoi, après avoir exprimé notre foi au Saint Esprit, il nous est commandé de croire à la sainte Eglise Catholique, comme nous le voyons marqué dans le symbole.

Il importe de le savoir, "église" signifie "assemblée". C’est pourquoi la Sainte Eglise c’est la même chose que l’assemblée des fidèles et chaque chrétien est comme un membre de cette Eglise, dont il est dit (Ecclésiastique 51, 31) : Approchez-vous de moi, ignorants, et réunissez­-vous dans la maison de l’instruction.

Or cette Eglise possède quatre qualités.

A. Elle est une

B. Elle est sainte.

C. Elle est catholique, c’est-à-dire universelle.

D. Elle est forte et ferme.

126. - A) En premier lieu, l’Eglise est une.

A ce sujet, il faut savoir que, bien que les divers hérétiques aient inventé diverses sectes, ils n’appartiennent pas cependant à l’Eglise, parce qu’ils sont divisés en parties. Mais l’Eglise, elle, est une. Comme le proclame le Cantique des Cantiques (6, 8) : Une est ma colombe, ma par­faite.

Or il y a trois causes, qui concourent à l’unité de l’Eglise.

127. - Premièrement, l’unité de la foi.

Tous les chrétiens, en effet, qui appartiennent au corps de l’Eglise, croient aux mêmes vérités. Saint Paul dit aux Corinthiens (1, t, 10) : Frères, ayez tous un même langage; qu’il n’y ait pas de scission parmi vous. Et aux Ephésiens, il écrit (4, 5) : Il n’y a qu’un Dieu, une foi, un baptême.

128. - Deuxièmement, l’unité de l’espérance. Tous les chrétiens, en effet, ont été affermis dans la même espérance de parvenir à la vie éter­nelle. C’est pourquoi l’Apôtre, dans sa lettre aux Ephésiens, leur dit (4, 4) : Il n’y a qu’un seul corps et un seul Esprit, puisque aussi bien vous avez été appelés, par votre vocation, à une même et unique espérance.

129. - Troisièmement, l’unité de la charité.

Tous les chrétiens, en effet, sont unis dans l’amour de Dieu et dans un amour mutuel, qui les lie les uns aux autres. D’où la parole du Sei­gneur à son Père (Jean 17, 22) : Je leur ai donné la gloire que vous m’avez donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes un. Cet amour, s’il est véritable, se manifestera par la sollicitude mutuelle et la mutuelle com­passion. L’Apôtre écrit en effet aux Ephésiens (4, 15-16) : Par la charité, croissons en toutes choses dans Jésus-Christ" qui est notre tête; c’est de lui que tout le corps, dont les parties sont jointes et unies ensemble avec une si juste proportion, reçoit, par tous les vaisseaux et toutes les liaisons qui portent l’esprit et la vie, l’accrois­sement qu’il lui communique, par l’efficace de son influence, selon la mesure qui est propre à chaque membre, afin qu’il se forme ainsi et s’édi­fie par la charité. Chacun, en effet, doit se mettre au service de son prochain au moyen de la grâce que Dieu lui a conférée.

130. - C’est pourquoi nul ne doit, ni regarder pour indifférent, ni souffrir d’être rejeté et repoussé par cette Eglise. Car il n’y a qu’une Eglise en laquelle les hommes soient sauvés, de même qu’en dehors de l’arche de Noé aucun être vivant ne put trouver le salut (7).

131. - B) Venons-en à la deuxième qualité de l’Eglise : la sainteté.

On sait qu’il existe aussi une autre assemblée, mais elle est composée des méchants. C’est d’elle que le Psalmiste (Ps. 25, 5) : dit Je hais l’Eglise des pervers. Celle-ci est donc mauvaise. Mais l’Eglise du Christ est sainte. L’Apôtre écrit en effet aux Corinthiens (I ép. 3, 17) : Le temple de Dieu est saint, et c’est vous qui êtes ce temple.

C’est pourquoi dans le symbole des Apôtres, nous disons Je crois en la sainte Eglise.

Les fidèles de cette assemblée sainte sont sanc­tifiés par trois réalités le sang du Christ, la grâce du Saint Esprit, l’habitation en eux de la Trinité, et même par une quatrième, l’invoca­tion de Dieu.

132. - En premier lieu, de même en effet qu’une église, lors de sa consécration, est lavée matériellement, de même également les fidèles ont été lavés dans le sang du Christ. Il est dit en effet dans l’Apocalypse (1, 5) : Il nous a aimés et tous nous a lavés de nos péchés dans son sang. Et saint Paul écrit aux Hébreux (13, 12) : Jésus voulant sanctifier le peuple par Son propre sang a souffert hors de la porte de la ville.

133. - En second lieu, de même qu’une église, dans la cérémonie de sa consécration, est ointe d’huile, de même les fidèles sont oints d’une onction spirituelle pour être sanctifiés; autre­ment ils ne seraient pas des chrétiens. Christ en effet ne signifie pas autre chose que "oint".

Or cette onction, c’est la grâce du Saint-Esprit. L’Apôtre écrit en effet aux Corinthiens (Il ép. 1, 21) : Celui qui nous a oints, c’est Dieu même; et (I ép. 6, 11) : Vous avez été sanctifiés, au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ.

134. - En troisième lieu, les fidèles sont sanc­tifiés par l’habitation en eux de la Sainte Trinité. Car quel que soit le lieu où Dieu habite, du fait qu’il y habite, ce lieu est saint. D’où l’exclama­tion de Jacob dans la Genèse (28, 16) : Vraiment ce lieu est saint. Et de son côté le Psalmiste dit à Dieu (Ps. 92, 5) : La sainteté convient à votre maison.

135. - En quatrième lieu, les fidèles de l’Eglise sont sanctifiés par l’invocation de Dieu. Jérémie adresse en effet au Seigneur ces paroles (14, 9) : Seigneur, tu habites au milieu de nous ton nom a été invoqué sur nous.

136. - Après une pareille sanctification de notre âme, il faut bien prendre garde de ne pas la souiller par le péché, car elle est le temple de Dieu. L’Apôtre écrit en effet aux Corinthiens (I ép. 3, 17) : Si quelqu’un profane le temple de Dieu, Dieu le perdra.

137. - C) La troisième note de l’Eglise est sa catholicité, c’est-à-dire son universalité. L’Eglise est universelle - premièrement quant au lieu; car, contrairement à la croyance des Donatistes, elle est répandue dans le monde entier. L’Apôtre écrit en effet aux Romains (1, 8) : Votre foi est célébrée dans le monde entier. Et Jésus, avant de monter au ciel, dit aux onze Apôtres (Marc 16, 15) : Allez dans le monde entier, prêchez l’Evangile à toutes les créatures. C’est pourquoi Dieu, qui dans l’antiquité était connu seulement en Judée, l’est maintenant dans le monde entier.

- Or cette Eglise du Christ comprend trois parties. L’une est sur la terre, une autre au ciel, la troisième au purgatoire.

138. - Deuxièmement - elle est universelle quant à la condition des hommes qui la compo­sent, parce que personne n’en est rejeté, ni le maître, ni l’esclave, ni l’homme, ni la femme. Saint Paul écrit en effet aux Galates (3, 28) : il n’y a plus maintenant ni de Juif ni de Gentil, ni d’esclave ni d’homme libre, ni d’homme ni de femme; mais vous n’êtes tous qu’un en Jésus-Christ.

139. - Troisièmement - L’Eglise est univer­selle quant au temps. H y eut des hommes, qui affirmèrent au contraire : l’Eglise ne doit durer qu’un temps. Ce en quoi ils sont dans l’erreur; car cette Eglise a commencé du temps d’Abel, et elle durera jusqu’à la fin du monde. Jésus en effet, avant de remonter au ciel, dit à ses disci­ples (Mt. 28, 20) : Voici que moi, je vais être avec vous toujours jus qu’à la fin du monde. Et après la consommation des siècles, son Eglise demeurera dans le ciel éternellement.

140. - D) La quatrième note de l’Eglise est sa fermeté inébranlable.

En premier lieu, une maison est solide, si elle possède de bons fondements.

Or le principal fondement de l’Eglise, c’est le Christ. L’Apôtre écrit en effet aux Corinthiens (I ép. 3, 11) : Personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé : Jésus-Christ. Et c’est aussi pour signifier la solidité de cette Eglise que Pierre a été nommé son chef suprême.

141. - En second lieu, la preuve de la soli­dité d’une maison, c’est qu’elle ne peut être ren­versée, Si on l’ébranle.

Or jamais l’Eglise n’a pu être détruite.

- ni par les persécuteurs; au contraire, pen­dant le temps des persécutions, elle s’est déve­loppée, tandis que ses persécuteurs et ceux con­tre qui elle luttait succombaient, conformément à la parole de Jésus (Mt, 21, 44) : Celui qui tom­bera sur cette pierre s’y brisera et celui sur qui elle tombera, elle l’écrasera.

- ni par les erreurs. Bien au contraire, plus celles-ci se présentèrent en grand nombre, plus la vérité fut manifestée. Ecrivant à son disciple Timothée, l’Apôtre lui dit (2 Tim. 3, 8) : Ce sont des yens à l’esprit corrompu, pervertis dans leur foi, mais leur progrès aura ses bornes.

- ni par les tentations des démons. L’Eglise en effet est comme une tour, vers laquelle on court pour se réfugier, quand on a à combattre contre le diable. L’Eglise est un abri très solide, comme le nom du Seigneur, dont il est dit dans les Pro­verbes (18, 10) : Le nom du Seigneur est une tour extrêmement forte. C’est pourquoi le diable dirige ses efforts principaux vers la destruction de l’Eglise, mais il ne l’emporte pas sur elle, parce que le Seigneur a dit (ML 16, 18) : Les portes de l’enfer ne pourront rien contre Elle. C’est comme s’il lui avait dit ils te feront la guerre mais ils ne l’emporteront pas (Jérémie 15, 20).

Elle possède pour fondement secondaire les Apôtres et leur doctrine. C’est pourquoi l’Eglise est solide et ferme. Saint Jean écrit en effet dans l’Apocalypse (21, 1. 4) : que la cité sainte avait douze fondements, et sur eux douze noms, à savoir les noms de douze Apôtres. C’est pour­quoi l’Eglise est appelée apostolique.

Voilà pourquoi seule l’Eglise de saint Pierre, qui eut en partage l’Italie toute entière, lorsque les disciples furent envoyés pour prêcher dans d’autres régions, voilà pourquoi cette Eglise seule demeura toujours ferme dans la foi. Et tandis que dans les autres parties du monde, ou bien la foi est inexistante, ou bien elle est mêlée de beaucoup d’erreurs, l’Eglise de Pierre, elle, est forte dans la foi et demeure pure de toute erreur. Il n’y a là rien d’étonnant, étant donné que le Seigneur a dit à Pierre (Luc 22, 32) : I’ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne défaille pas.

 

 

Articulus 10 [86689] In Symbolum Apostolorum, a. 10 tit. Sanctorum communionem, remissionem peccatorum

Article 10 – JE CROIS A LA COMMUNION DES SAINTS, A LA RÉMISSION DES PÉCHÉS.

[86690] In Symbolum Apostolorum, a. 10 Sicut in corpore naturali operatio unius membri cedit in bonum totius corporis, ita in corpore spirituali, scilicet Ecclesia. Et quia omnes fideles sunt unum corpus, bonum unius alteri communicatur. Apostolus, Rom. XII, 5 – singuli autem alter alterius membra. Unde et inter alia credenda quae tradiderunt apostoli, est quod communio bonorum sit in Ecclesia; et hoc est quod dicitur, sanctorum communionem. Inter alia vero membra Ecclesiae, principale membrum est Christus, quia est caput. Ephes. I, 22-23 – ipsum dedit caput super omnem Ecclesiam, quae est corpus ipsius. Bonum ergo Christi communicatur omnibus Christianis, sicut virtus capitis omnibus membris; et haec communicatio fit per sacramenta Ecclesiae, in quibus operatur virtus passionis Christi, quae operatur ad conferendam gratiam in remissionem peccatorum. Huiusmodi autem sacramenta Ecclesiae sunt septem. Primum est Baptismus, qui est regeneratio quaedam spiritualis. Sicut enim vita carnalis non potest haberi nisi homo carnaliter nascatur : ita vita spiritualis, vel gratiae, non potest haberi nisi homo renascatur spiritualiter. Haec autem generatio fit per Baptismum : Ioan. III, 5 – nisi quis renatus fuerit ex aqua et spiritu sancto, non potest introire in regnum Dei. Et est sciendum, quod sicut homo non nascitur nisi semel, sic et semel tantum baptizatur : unde et sancti addiderunt : confiteor unum Baptisma. Virtus autem Baptismi est quod purgat ab omnibus peccatis et quantum ad culpam et quantum ad poenam : et inde est quod nulla poenitentia imponitur baptizatis, quantumcumque fuerint peccatores; et si statim moriantur post Baptismum, immediate evolant in vitam aeternam. Inde est etiam quod licet soli sacerdotes ex officio baptizent, ex necessitate tamen cuilibet licet baptizare, servata tamen forma Baptismi, quae est : ego te baptizo in nomine patris et filii et spiritus sancti. Sumit autem hoc sacramentum virtutem a passione Christi : Rom. VI, 5 – quicumque baptizati sumus in Christo Iesu, in morte ipsius baptizati sumus. Et inde est quod sicut Christus fuit tribus diebus in sepulcro, ita fit trina immersio in aqua. Secundum sacramentum est confirmatio. Sicut enim in illis qui corporaliter nascuntur, necessariae sunt vires ad operandum; ita spiritualiter renatis necessarium est robur spiritus sancti. Unde et apostoli ad hoc quod essent fortes, receperunt spiritum sanctum post ascensionem Christi : Luc. XXIV, 49 – vos autem sedete in civitate, quousque induamini virtute ex alto. Hoc autem robur confertur in sacramento confirmationis : et ideo illi qui habent curam puerorum, debent multum esse soliciti quod confirmentur, quia in confirmatione confertur magna gratia. Et si decedet, maiorem habet gloriam confirmatus quam non confirmatus, quia hic habuit plus de gratia. Tertium sacramentum est Eucharistia. Sicut enim in vita corporali, postquam homo natus est et vires sumpsit, necessarius est ei cibus, ut conservetur et sustentetur; ita in vita spirituali post habitum robur necessarius est ei cibus spiritualis, qui est corpus Christi. Ioan. VI, 54 – nisi manducaveritis carnem filii hominis et biberitis eius sanguinem, non habebitis vitam in vobis. Et ideo secundum ordinationem Ecclesiae quilibet Christianus semel in anno debet recipere corpus Christi, digne tamen et munde : quia, ut dicitur I Cor. XI, 29, qui manducat et bibit indigne, scilicet cum conscientia peccati mortalis de quo non est confessus, vel non proponit abstinere, iudicium sibi manducat et bibit. Quartum sacramentum est poenitentia. Contingit enim in vita corporali quod quandoque quis infirmatur, et nisi habeat medicinam, moritur; et ita in vita spirituali quis infirmatur per peccatum : unde necessaria est medicina ad recuperandam sanitatem. Et haec est gratia quae confertur in poenitentiae sacramento. Psal. CII, 3 – qui propitiatur omnibus iniquitatibus tuis, qui sanat omnes infirmitates tuas. In poenitentia autem tria debent esse : contritio, quae est dolor de peccato cum proposito abstinendi; confessio peccatorum cum integritate : et satisfactio quae est per bona opera. Quintum sacramentum est extrema unctio. In hac enim vita sunt multa quae impediunt, propter quae homo non potest perfecte consequi purgationem a peccatis. Et quia nullus potest intrare vitam aeternam nisi sit bene purgatus, necessarium fuit aliud sacramentum quo homo purgaretur a peccatis, et liberaretur ab infirmitate, et praepararetur ad introitum regni caelestis. Et hoc est sacramentum extremae unctionis. Sed quod non semper curet corporaliter, hoc est quia forte vivere non expedit saluti animae. Iac. V, 14-15 – infirmatur quis in vobis? Inducat presbyteros Ecclesiae, et orent super eum, ungentes eum oleo in nomine domini : et oratio fidei salvabit infirmum, et alleviabit eum dominus; et si in peccatis sit, remittentur ei. Sic ergo patet quod per quinque sacramenta quae praedicta sunt, habetur perfectio vitae. Sed quia necessarium est quod huiusmodi sacramenta conferantur per determinatos ministros, ideo fuit necessarium sacramentum ordinis, cuius ministerio huiusmodi sacramenta dispensarentur. Nec est attendenda ad hoc eorum vita, si aliquando ad mala declinant; sed virtus Christi, per quam ipsa sacramenta efficaciam habent, quorum ipsi dispensatores sunt : apostolus, I Cor. IV, 1 – sic nos existimet homo ut ministros Christi, et dispensatores mysteriorum Dei; et hoc est sextum sacramentum, scilicet ordinis. Septimum sacramentum est matrimonium, in quo si munde vivunt, homines salvantur, et possunt sine peccato mortali vivere. Et interdum declinant coniugati ad venialia, quando eorum concupiscentia non fertur extra bona matrimonii; et si efferatur extra, tunc declinant ad mortale. Per haec autem septem sacramenta consequimur peccatorum remissionem. Et ideo hic statim subditur : remissionem peccatorum. Per hoc etiam datum est apostolis dimittere peccata. Et ideo credendum est quod ministri Ecclesiae, ad quos derivata est huiusmodi potestas ab apostolis, et ad apostolos a Christo, in Ecclesia habeant potestatem ligandi atque solvendi, et quod in Ecclesia sit plena potestas dimittendi peccata, sed gradatim, scilicet a Papa in alios praelatos. Sciendum est etiam, quod non solum virtus passionis Christi communicatur nobis, sed etiam meritum vitae Christi. Et quidquid boni fecerunt omnes sancti, communicatur in caritate existentibus, quia omnes unum sunt : Psal. CXVIII, 63 – particeps ego sum omnium timentium te. Et inde est quod qui in caritate vivit, particeps est omnis boni quod fit in toto mundo; sed tamen specialius illi pro quibus specialius fit aliquod bonum. Nam unus potest satisfacere pro alio, sicut patet in beneficiis, ad quae plures congregationes admittunt aliquos. Sic ergo per hanc communionem consequimur duo : unum scilicet quod meritum Christi communicatur omnibus; aliud quod bonum unius communicatur alteri. Unde excommunicati, per hoc quod sunt extra Ecclesiam, perdunt partem omnium bonorum quae fiunt; quod est maius damnum quam damnum alicuius rei temporalis. Est etiam aliud periculum : quia constat quod per huiusmodi suffragia impeditur Diabolus ne possit nos tentare : unde quando quis excluditur ab huiusmodi suffragiis, Diabolus facilius vincit eum. Et inde est quod in primitiva Ecclesia, cum aliquis excommunicabatur, statim Diabolus vexabat eum corporaliter.

142. - Comme dans le corps de l’homme ou celui de l’animal l’action d’un membre profite au bien de tout le corps, il en est de même dans ce corps spirituel qu’est l’Eglise. Et comme tous les fidèles forment un seul corps, le bien de l’un est communiqué à l’autre. Saint Paul écrit aux Romains (12, 5) : Nous sommes tous membres les uns des autres. C’est pourquoi, parmi les arti­cles de foi que les Apôtres nous ont enseignés, il se trouve celui-là

Il y a dans l’Eglise, entre les fidèles, commu­nion des biens; c’est ce qu’on appelle La communion des saints.

143. - Mais parmi les membres de I’ Eglise, le membre principal est le Christ, parce qu’il en est la tête. L’Apôtre écrit aux Ephésiens (1, 22-23) : Dieu l’a donné pour tête à toute l’Eglise, qui est son corps. Les biens et les richesses du Christ Jésus sont donc communiqués à tous les chré­tiens, comme la vertu et les énergies de la tête le sont à tous les membres du corps. Et cette communication s’effectue par les sacrements de l’Eglise, dans lesquels agit la vertu de la passion du Christ et elle y agit pour conférer la grâce en vue de remettre les péchés.

144. - Ces sacrements de l’Eglise sont au nombre de sept.

Le premier est le baptême, qui est une seconde naissance, qui est spirituelle.

Comme l’homme, en effet, ne peut pas posséder la vie charnelle s’il ne naît pas charnellement, de même il ne peut pas posséder la vie spirituelle, qui est la vie de la grâce, s’il ne renaît pas spiri­tuellement. Or cette régénération s’opère par le baptême. Le Seigneur Jésus, en effet, a dit à Nicodème (Jean 3, 5) : Personne, à moins de renaî­tre de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu.

Et il faut savoir que, comme l’homme ne naît qu’une fois, de même il ne peut être baptisé qu’une fois. C’est pourquoi les Saints Pères ajou­tèrent dans leur symbole : "Je confesse qu’il y a un seul baptême."

Le baptême, en effet, a la vertu de purifier de tous les péchés et quant à la faute, et quant à la peine. C’est pourquoi aucune pénitence n’est imposée aux baptisés, si grands pécheurs qu’ils aient été; et s’ils meurent aussitôt après leur baptême, ils s’envolent immédiatement dans la vie éternelle.

C’est pourquoi aussi, s’il appartient aux prê­tres seuls de baptiser, en vertu de leur charge, cependant, en cas de nécessité, n’importe quelle personne peut baptiser, à la condition toutefois de garder la forme du baptême, qui consiste dans ces paroles : "Je te baptise au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit".

Ce sacrement tire son efficacité de la passion du Christ. L’Apôtre écrit en effet aux Romains (6, 3) : Nous tous, qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés en sa mort. C’est pourquoi, comme le Christ est demeuré trois jours dans le tombeau, de même il se fait une triple immersion dans l’eau.

145. - Le second sacrement est la confirma­tion.

Comme les enfants qui naissent ont besoin de force pour pouvoir agir, pareillement, à ceux qui naissent à la vie spirituelle, la force du Saint Esprit est indispensable. C’est pourquoi les Apô­tres, afin d’être rendus forts, reçurent l’Esprit Saint après l’Ascension du Christ. Jésus leur avait dit en effet (Luc 24, 49) : Demeurez dans la ville de Jérusalem, jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la Force d’en-haut.

Or cette force est conférée dans le sacrement de confirmation. C’est pourquoi les personnes qui ont la charge des enfants doivent avoir très à coeur de les faire confirmer : parce que dans la confirmation on reçoit une grande grâce; c’est pourquoi, si le confirmé meurt, il aura une gloire plus grande que le non confirmé, parce qu’il aura possédé une grâce plus abondante.

146. - Le troisième sacrement est l’Eucharis­tie.

De même que l’homme, dans sa vie corporelle, après sa naissance et après avoir pris des forces, a besoin de nourriture pour conserver et susten­ter cette vie, de même, dans sa vie spirituelle, après avoir reçu la force, il a besoin de cette nourriture spirituelle., qui est le corps du Christ. Jésus dit en effet à ses disciples (Jean 6, 54) : Si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. C’est pourquoi, d’après le comman­dement de l’Eglise, chaque chrétien est tenu de recevoir au moins une fois l’an le corps de Jésus-Christ, et ce, dignement et avec pureté de coeur parce que, comme l’écrit l’Apôtre (1 Cor. 11, 29) : Quiconque mange et boit indignement le corps et le sang du Seigneur, c’est-à-dire celui qui les reçoit en ayant conscience d’un péché mortel, dont il ne s’est pas confessé ou qu’il n’a pas l’intention de ne plus commettre, celui-là mange et boit sa propre condamnation.

147. - Le quatrième sacrement est la péni­tence.

Il arrive au plan de la vie corporelle qu’un homme tombe malade et, s’il ne prend pas les remèdes appropriés, qu’il en meurt. De même, l’homme, dans sa vie spirituelle, peut devenir malade par le péché. C’est pourquoi il a besoin d’un remède pour recouvrer la santé; et ce remède, c’est la grâce qui lui est conférée par le sacrement de pénitence. Le psalmiste chante dans le Psaume 102 (v. 3) : Dieu pardonne toutes tes fautes et il guérit toutes tes maladies.

Dans le sacrement de pénitence, trois actes sont requis de la part du pénitent, à savoir : la contrition, qui est une douleur du péché commis avec la résolution de s’en abstenir; la confession entière de ses péchés; et la satisfaction qui con­siste dans des bonnes oeuvres.

148. - Le cinquième sacrement est l’Extrême Onction.

Dans la vie d’ici-bas, l’homme rencontre beau­coup d’obstacles qui l’empêchent d’e se purifier parfaitement de ses péchés. Et parce que person­ne ne peut entrer dans la vie éternelle s’il n’est pas entièrement purifié, il a fallu un autre sacre­ment, par lequel l’homme soit complètement purifié de ses péchés, délivré de son infirmité et préparé à entrer dans le royaume céleste; et ce sacrement est celui de l’Extrême Onction. Mais s’il ne guérit pas toujours corporellement le malade, cela vient de ce que le prolongement de sa vie n’eut peut-être pas été expédient pour le salut de son âme.

Voici l’enseignement de saint Jacques concer­nant se sacrement (5, 14-15) : Quelqu’un parmi vous est-il malade? Qu’il appelle les prêtres de l’Eglise et qu’ils prient sur lui, l’oignant d’huile au nom du Seigneur. Et la prière de la foi sau­vera le malade, le Seigneur le soulagera; et s’il a commis des péchés, ils lui seront remis.

149. - Ce que nous venons de dire des cinq premiers sacrements montre que, grâce à eux, nous obtenons la plénitude de la vie de la grâce.

Mais comme il est nécessaire que ces sacre­ments nous soient conférés par des ministres déterminés, il a été également nécessaire que fût institué le sacrement de l’Ordre, par lequel ces cinq sacrements nous seraient dispensés.

Il ne faut pas considérer la vie des ministres qui confèrent les sacrements, si parfois ils tombent dans le péché, mais bien la puissance du Christ, de laquelle les sacrements tirent leur effi­cacité, ces sacrements dont eux-mêmes sont les dispensateurs. L’Apôtre écrit en effet aux Corin­thiens (1 ép. 4, 1) : Que les hommes nous regar­dent comme les ministres du Christ et comme les dispensateurs des mystères de Dieu.

Ce sixième sacrement est celui de l’Ordre.

150. - Le septième est te Mariage.

Si les hommes vivent dans le mariage avec pureté, ils sont sauvés et ils peuvent passer leur vie sans pécher mortellement. Les époux tombent parfois dans le péché véniel, quand leur concupiscence ne se porte pas en dehors des biens du mariage; s’il en était autrement, ils pécheraient mortellement.

151. - Par ces sept sacrements, nous rece­vons la rémission de nos péchés.

C’est pourquoi, dans le symbole des Apôtres, aussitôt après avoir dit "Je crois à la commu­nion des Saints", nous ajoutons "Je crois à la rémission des péchés".

152. - Aussi il a été donné aux Apôtres de remettre les péchés. C’est pourquoi il faut croire que les ministres de l’Eglise, auxquels les Apôtres ont transmis les pouvoirs qu’ils avaient reçus du Christ, pos­sèdent dans l’Eglise la puissance de lier et de délier et que, dans l’Eglise, le pouvoir de remettre les péchés est plein et entier, mais s’exerce par degrés, c’est-à-dire en partant du Pape, pour se communiquer aux autres prélats.

153. - Il importe aussi de savoir que non seulement la vertu de la passion du Christ nous est communiquée, mats aussi le mérite de sa vie. Et tous ceux qui vivent dans la charité entrent également en communication de tout ce que les saints ont opéré de bien, parce que tous ceux qui ont la charité, qu’ils soient en ce monde ou dans l’autre, tous sont un. Le Psalmiste dit en effet (Ps. 118, 63) : I’entre en participation, Sei­gneur, des biens de tous ceux qui te craignent. C’est pourquoi celui qui vit dans la charité par­ticipe à tout le bien qui se fait dans le monde entier. Mais ceux pour lesquels un bien est ac­compli de façon plus spéciale ont part à ce bien de façon plus spéciale. Une personne en effet peut satisfaire pour une autre, comme il parait dans ce fait que de nombreuses congrégations religieuses admettent certaines personnes à avoir part à leurs biens spirituels.

154. - Ainsi donc, par cette communion, nous obtenons deux biens le premier est que tous ont part au mérite du Christ et le second est que le bienfait par une personne est com­muniqué aux autres.

C’est pourquoi les excommuniés, parce qu’ils sont en dehors de l’Eglise, n’ont aucune part au bien qui s’accomplit en elle; ce qui est pour eux une perte beaucoup plus grande que la perte d’un bien temporel si grand soit-il.

Les excommuniés courent également un autre péril il est hors de doute que ce genre de com­munication des bienfaits spirituels empêche le diable de pouvoir nous tenter. C’est pourquoi le diable triomphe plus facilement de ceux que l’ex­communication prive de ces suffrages et c’est aussi la raison pour laquelle dans la primitive Eglise, lorsque quelqu’un était excommunié, aus­sitôt le diable le tourmentait corporellement.

 

 

Articulus 11 [86691] In Symbolum Apostolorum, a. 11 tit. Carnis resurrectionem

Article 11 – JE CROIS A LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR.

[86692] In Symbolum Apostolorum, a. 11 Spiritus sanctus non solum sanctificat Ecclesiam quantum ad animam, sed virtute eius resurgent corpora nostra. Rom. 4, 24 – qui suscitavit Iesum Christum dominum nostrum a mortuis; et I Cor. XV, 21 – quoniam quidem per hominem mors, et per hominem resurrectio mortuorum. Et ideo credimus secundum fidem nostram, resurrectionem mortuorum futuram. Circa quam quatuor consideranda occurrunt. Primum est utilitas, quae ex fide resurrectionis provenit; secundum est qualitas resurgentium, quantum ad omnes in generali; tertium quantum ad bonos; quartum quantum ad malos in speciali. Circa primum sciendum, quod ad quatuor est nobis utilis fides et spes resurrectionis. Primo ad tollendum tristitias quas ex mortuis concipimus. Impossibile est enim quod homo non doleat ad mortem cari sui; sed per hoc quod sperat eum resurrecturum, multum temperatur dolor mortis. I Thess. IV, 12 – nolumus vos ignorare, fratres, de dormientibus, ut non contristemini, sicut et ceteri qui spem non habent. Secundo aufert timorem mortis. Nam si homo post mortem non speraret aliam vitam meliorem, sine dubio mors esset valde timenda, et potius deberet homo quaecumque mala facere, quam incurrere mortem. Sed quia credimus esse aliam vitam meliorem, ad quam perveniemus post mortem, constat quod nullus debet mortem timere, nec timore mortis aliqua mala facere. Hebr. II, 14-15 – ut per mortem destrueret eum qui habebat mortis imperium, idest Diabolum; et liberaret eos qui timore mortis per totam vitam obnoxii erant servituti. Tertio reddit sollicitos et studiosos ad bene operandum. Si enim vita hominis esset tantum ista in qua vivimus, non inesset hominibus magnum studium ad bene operandum : quia quidquid faceret, parvum esset, cum eius desiderium non sit ad bonum determinatum secundum certum tempus, sed ad aeternitatem. Sed quia credimus quod per haec quae hic facimus, recipiemus bona aeterna in resurrectione, ideo studemus bona operari. I Cor. XV, 19 – si in hac vita tantum in Christo sperantes sumus, miserabiliores sumus omnibus hominibus. Quarto retrahit a malo. Sicut enim spes praemii allicit ad bonum operandum, ita timor poenae, quam credimus malis reservari, retrahit a malo. Ioan. V, 29 – et procedent qui bona fecerunt, in resurrectionem vitae; qui vero mala egerunt, in resurrectionem iudicii. Circa secundum sciendum est, quod quantum ad omnes quadruplex conditio attendi potest in resurrectione. Prima est quantum ad identitatem corporum resurgentium : quia idem corpus quod nunc est, et quantum ad carnem et quantum ad ossa resurget; licet aliqui dixerint quod hoc corpus quod nunc corrumpitur, non resurget; quod est contra apostolum. Ait I Cor. XV, 53 – oportet enim corruptibile hoc induere incorruptionem; et quia sacra Scriptura dicit, quod virtute Dei idem corpus ad vitam resurget : Iob XIX, 26 – rursum circumdabor pelle mea, et in carne mea videbo Deum. Secunda conditio erit quantum ad qualitatem, quia corpora resurgentia erunt alterius qualitatis quam nunc sint : quia et quantum ad beatos et quantum ad malos corpora erunt incorruptibilia, quia boni erunt semper in gloria, et mali semper in poena eorum. I Cor. XV, 53 – oportet corruptibile hoc induere incorruptionem, et mortale hoc induere immortalitatem. Et quia corpus erit incorruptibile et immortale, non erit usus ciborum et venereorum : Matth. XXII, 30 – in resurrectione neque nubent neque nubentur; sed erunt sicut Angeli Dei in caelo. Et hoc est contra Iudaeos et Saracenos. Iob VII, 10 – non revertetur ultra in domum suam. Tertia conditio est quantum ad integritatem, quia omnes et boni et mali resurgent cum omni integritate quae ad perfectionem hominis pertinet; non enim erit ibi caecus vel claudus, nec aliquis defectus. Apostolus I Cor. XV, 52 – mortui resurgent incorrupti, idest impassibiles quantum ad corruptiones praesentes. Quarta conditio est quantum ad aetatem, quia omnes resurgent in aetate perfecta, idest triginta trium vel duorum annorum. Cuius ratio est, quia qui nondum pervenerunt ad hoc, non habent aetatem perfectam, et senes hanc iam amiserunt : et ideo iuvenibus et pueris addetur quod deest, senibus vero restituetur. Ephes. IV, 13 – donec occurramus omnes in (...) virum perfectum, in mensuram aetatis plenitudinis Christi. Circa tertium sciendum est, quod quantum ad bonos erit specialis gloria, quia sancti habebunt corpora glorificata in quibus erit quadruplex conditio. Prima est claritas : Matth. XIII, 43 – fulgebunt iusti sicut sol in regno patris eorum. Secunda est impassibilitas; I Cor. XV, 43 – seminatur in ignobilitate, surget in gloria; Apoc. XXI, 4 – absterget Deus omnem lacrymam ab oculis eorum; et mors ultra non erit, neque luctus neque clamor neque dolor erit ultra, quia prima abierunt. Tertia est agilitas : Sap. III, 7 – fulgebunt iusti, et sicut scintillae in arundineto discurrent. Quarta est subtilitas : I Cor. XV, 44 – seminatur corpus animale, surget corpus spiritale : non quod omnino sit spiritus, sed quia erit totaliter spiritui subiectum. Circa quartum sciendum, quod damnatorum conditio contraria erit conditioni beatorum, quia erit in eis poena aeterna : in qua est quadruplex mala conditio. Nam corpora eorum erunt obscura : Isai. XIII, 8 – facies combustae vultus eorum. Item passibilia, licet nunquam corrumpantur; quia semper in igne ardebunt, et nunquam consummabuntur : Isai. LXVI, 24 – vermis eorum non morietur, et ignis eorum non extinguetur. Item erunt gravia : anima enim erit ibi quasi catenata : Psal. CXLIX, 8 – ad alligandos reges eorum in compedibus. Item erunt quodammodo carnalia et anima et corpus : Ioel. I, 17 – computruerunt iumenta et in stercore suo.

155. - Non seulement l’Esprit Saint sanctifie les âmes de ceux qui appartiennent à 1’Eglise, mais de plus par sa puissance il ressuscitera leurs corps.

Saint Paul écrit en effet aux Romains (4, 24) : Nous croyons en celui qui a ressuscité des morts Jésus, Notre Seigneur; et aux Corinthiens il dit (1 ép. 15, 21) : La mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts.

Nous croyons donc, d’après notre foi, à la résurrection future des morts.

156. - Au sujet de cette résurrection future de nos corps, il y a lieu de considérer :

Quels sont les avantages que nous apporte la foi en la résurrection.

Quelles seront les qualités que posséderont les corps de tous les ressuscités, bons ou mauvais.

Quelles seront celles des bons.

Quelles seront celles des mauvais.

157. Notre foi et notre espérance en la résurrection nous apportent quatre biens.

Premièrement, elles font disparaître la tristesse que nous causent les morts. Il est en effet impos­sible qu’un homme n’éprouve pas de la douleur à la mort d’un être cher. Mais l’espérance qu’il a de sa résurrection tempère beaucoup la dou­leur que lui cause sa mort. L’apôtre écrit en effet aux Thessaloniciens (1 ép. 4, 13) : Nous ne vou­lons pas, mes frères, vous laisser dans l’igno­rance au sujet de ceux qui se sont endormis, afin que vous ne vous attristiez pas comme font les autres hommes, qui n’ont pas d’espérance.

158. - Deuxièmement, notre foi et notre espé­rance en la résurrection font disparaître notre crainte de la mort. Si l’homme en effet n’espé­rait pas après sa mort posséder une vie meilleure que la vie présente, sans aucun doute il devrait craindre beaucoup la mort et plutôt que de l’en­courir accomplir n’importe quel mal. Mais parce que nous croyons à l’existence d’une autre vie meilleure, à laquelle nous parviendrons après la mort, il est évident que nul d’entre nous ne doit redouter la mort ou accomplir quelque mauvaise action pour l’éviter. L’Apôtre écrit en effet aux Hébreux (2, 14-15) : Jésus a lui aussi pris une nature toute semblable à la nôtre, afin de dé­truire par sa mort celui qui avait l’empire de la mort, c’est-à-dire le diable, et de délivrer ceux que la crainte de la mort vouait toute leur vie à la servitude.

159. - Troisièmement, notre foi et notre es­pérance en la résurrection nous rendent atten­tifs et zélés à faire le bien.

Si la vie de l’homme en effet se bornait à la vie présente, les hommes n’apporteraient pas une grande application à agir, parce que tout ce qu’ils feraient serait bien peu de chose, comparé à leur désir, qui, lui, ne se borne pas à un bien déterminé, pour un temps limité, mais s’étend à l’éternité.

Au contraire nous croyons fermement que, grâce à nos actions d’ici-bas, nous recevrons, à la résurrection, es biens éternels; aussi som­mes-nous zélés à accomplir le bien.

Si nous n’avions d’espérance en Jésus-Christ que pour cette vie, disait l’Apôtre. (1 Cor. 15, 19), nous serions les plus misérables de tous les hommes.

160. - Quatrièmement, la foi et l’espérance en la résurrection nous détournent du mal. Comme en effet l’espoir de la récompense nous incite à faire le bien, pareillement la crainte de la peine, que nous croyons être réservée aux méchants, nous détourne du mal. Nous savons en effet que Jésus-Christ a dit aux Juifs (Jean 5, 29) : Ceux qui auront fait le bien sortiront des tombeaux pour une résurrection de vie; mais ceux qui auront fait le mal, pour une résurrec­tion de condamnation.

161. - Il y a quatre qualités, ou manières d’être, communes aux corps de tous les ressusci­tés bons ou mauvais.

La première est l’identité des corps qui res­susciteront, parce que c’est ce corps qui existe maintenant, c’est lui qui ressuscitera avec sa chair et ses os, contrairement à ce qu’affirment faussement certains; ils disent en effet : Ce corps, qui actuellement se corrompt, ne ressus­citera pas. Ce qui est opposé à l’enseignement de l’Apôtre (1 Cor. 15, 53) : Il faut que cet être corruptible revête l’incorruptibilité. Et l’Ecriture Sainte affirme que par la puissance de Dieu c’est le même corps qui reviendra à la vie. Job déclare à ses amis (19, 26) : Je sais qu’au dernier jour, je me relèverai de la terre, et dei nouveau je se­rai recouvert de ma peau, et dans ma chair je verrai mon Dieu.

162. - La seconde condition regardera la qualité : les corps, à la résurrection, seront d’une autre qualité que maintenant. Tous, bienheu­reux et méchants, auront d’es corps incorrupti­bles, car les bons seront dans une gloire éter­nelle et les méchants toujours dans leurs tourments. Il faut que cet être corruptible revête l’incorruptibilité et cet être mortel l’immortalité (1 Cor. 15, 53). Et parce que leurs corps seront incorruptibles et immortels, bons et méchants ne prendront plus de nourriture et il n’y aura plus d’union entre les sexes. Jésus en effet a dit aux Sadducéens (Mt. 22, 30) : A la résurrection, on ne prendra ni femme ni mari; mais on sera comme les Anges de Dieu dans le ciel, contraire­ment à ce que pensent les Juifs et les Sarrazins. Job disait (7, 10) : Celui qui est descendu aux enfers… ne reviendra plus dans sa maison.

163. - En troisième lieu, l’état des corps res­suscités sera un état d’intégrité; tous, bons et mauvais, ressusciteront avec toute l’intégrité qui appartient à la perfection de la nature humaine; il n’y aura en effet parmi eux, ni aveugle, ni boi­teux, ni aucun infirme. C’est ce qu’e dit l’Apôtre aux Corinthiens (15, 52) : les morts ressuscite­ront incorruptibles, c’est-à-dire qu’ils ne pour­ront plus subir les corruptions actuelles.

164. - En quatrième lieu, les corps de tous, à leur résurrection, auront l’âge de trente-deux ou trente-trois ans, qui est l’âge parfait. La rai­son en est que ceux qui n’y sont pas encore par­venus n’ont pas atteint l’âge parfait et que les vieillards s’en sont déjà éloignés. C’est pourquoi, à la résurrection, aux jeunes gens et aux enfants il sera donné ce qui leur manque pour atteindre à cette plénitude, et aux vieillards il sera rendu ce qu’ils en ont perdu. L’Apôtre écrit en effet aux Ephésiens (4, 13) : que nous devons tous parvenir à l’état d’homme parfait, à la mesure de l’âge qui réalise la plénitude du Christ.

165. Les corps ressuscités des bons pos­sèderont une gloire spéciale. Ces corps glorifiés des saints posséderont, en effet, quatre qualités.

La première est la clarté. Jésus-Christ a dit à ses disciples (Mt. 13, 43) : A la fin du monde, les jus tes resplendiront comme le soleil dans le Royaume de leur Père.

La seconde est l’impassibilité. L’Apôtre écrit aux Corinthiens (1 ép. 15, 43) : On sème (le corps) : dans l’ignominie, il ressuscitera dans la gloire : et, dans l’Apocalypse (21, 4), nous lisons, qu’il fut dit à saint Jean : Dieu essuiera toute larme des yeux de ses élus; il n’y aura plus de mort, il n’y aura plus ni deuil, ni gémissement, ni douleur, parce te premier état sera passé.

La troisième qualité du corps des élus sera l’agilité. Il est écrit en effet au livre de la Sagesse (3, 7) : Les justes seront resplendissants; ils courront comme des étincelles à travers un champ de roseaux.

La quatrième est la subtilité. Saint Paul écrit en effet aux Corinthiens (1 ép. 15, 44) : On sème un corps animal, il ressuscitera un corps spiri­tuel, non qu’il soit désormais entièrement esprit, mais parce qu’il sera totalement soumis à l’es­prit.

166. L’état des corps des damnés sera contraire à l’état du corps des bienheureux. Ils seront en effet soumis à une peine éternelle impliquant quatre aspects qui les feront souffrir.

Leurs corps, en effet, seront noirs et leurs visages entièrement brûlés (cf. Is. 13, 8).

En second lieu, leurs corps seront passibles, bien qu’éternellement incorruptibles. Ils brûle­ront en effet toujours dans le feu, mais ne se consumeront jamais. Les vers, qui les rongeront, dit Isaïe (66, 24), ne mourront pas, et lé feu, qui l’es torturera, ne s’éteindra pas.

En troisième lieu, leurs corps seront pesants car leurs âmes seront comme enchaînées à leurs Corps.

En dernier lieu, leurs âmes et leurs corps seront, d’une certaine manière, charnelles. Et il est permis de leur appliquer cette parole de Joël (1, 17) : Les bêtes de somme pourriront dans leurs ordures.

 

 

Articulus 12 [86693] In Symbolum Apostolorum, a. 12 tit. Vitam aeternam. Amen

Article 12 – JE CROIS A LA VIE ÉTERNELLE. AMEN.

[86694] In Symbolum Apostolorum, a. 12 Convenienter in fine omnium desideriorum nostrorum, scilicet in vita aeterna, finis datur credendis in symbolo, cum dicitur : vitam aeternam. Amen. Contra quod dicunt illi qui ponunt animam interire cum corpore. Si enim hoc esset verum, homo esset eiusdem conditionis cum brutis : et istis convenit illud Psal. XLVIII, 21 – homo, cum in honore esset, non intellexit; comparatus est iumentis insipientibus, et similis factus est illis. Anima enim humana assimilatur Deo in immortalitate, ex parte autem sensualitatis assimilatur bestiis. Cum ergo credit quis quod anima moriatur cum corpore, recedit a Dei similitudine, et bestiis comparatur : contra quos dicitur Sap. II, 22-23 – neque mercedem speraverunt iustitiae, nec iudicaverunt honorem animarum sanctarum : quoniam Deus creavit hominem inexterminabilem, et ad imaginem similitudinis suae fecit illum. Est autem primo considerandum in hoc articulo, quae vita sit vita aeterna. Circa quod sciendum quod in vita aeterna primum est quod homo coniungitur Deo. Nam ipse Deus est praemium et finis omnium laborum nostrorum : Gen. XV, 1 – ego protector tuus sum, et merces tua magna nimis. Consistit autem haec coniunctio in perfecta visione : I Cor. XIII, 12 – videmus nunc per speculum in aenigmate : tunc autem facie ad faciem. Item consistit in summa laude : Augustinus, in 22 de Civit. Dei : videbimus, amabimus, et laudabimus; Isai. LI, 3 – gaudium et laetitia invenietur in ea, gratiarum actio, et vox laudis. Item in perfecta satietate desiderii : nam ibi habebit quilibet beatus ultra desiderata et sperata. Cuius ratio est, quia nullus potest in vita ista implere desiderium suum, nec unquam aliquod creatum satiat desiderium hominis : Deus enim solus satiat, et in infinitum excedit : et inde est quod non quiescit nisi in Deo, Augustinus, in I Conf. : fecisti nos, domine, ad te, et inquietum est cor nostrum donec requiescat in te. Et quia sancti in patria perfecte habebunt Deum, manifestum est quod satiabitur desiderium eorum, et adhuc gloria excedet. Et ideo dicit dominus, Matth. XXV, 21 – intra in gaudium domini tui. Augustinus : totum gaudium non intrabit in gaudentes, sed toti gaudentes intrabunt in gaudium. Psal. XVI, 15 – satiabor cum apparuerit gloria tua; et iterum CII, 5 – qui replet in bonis desiderium tuum. Quidquid enim delectabile est, totum est ibi superabundanter. Si enim appetuntur delectationes, ibi erit summa et perfectissima delectatio, quia de summo bono, scilicet Deo : Iob XXII, 26 – tunc super omnipotentem deliciis afflues; Psal. XV, 11 – delectationes in dextera tua usque in finem. Item si appetuntur honores, ibi erit omnis honor. Homines praecipue desiderant esse reges, quantum ad laicos, et episcopi, quantum ad clericos : et utrumque erit ibi : Apoc. V, 10 – fecisti nos Deo nostro regnum et sacerdotes; Sap. V, 5 – ecce quomodo computati sunt inter filios Dei. Item si scientia appetitur, ibi erit perfectissima : quia omnes naturas rerum et omnem veritatem, et quidquid volemus, sciemus, et quidquid volumus habere, habebimus ibi cum ipsa vita aeterna. Sap. VII, 11 – venerunt mihi omnia bona pariter cum illa. Prov. X, 24 – desiderium suum iustis dabitur. Tertio consistit in perfecta securitate : nam in mundo isto non est perfecta securitas : quia quanto quis habet plura et magis eminet, tanto plura timet et pluribus indiget; sed in vita aeterna nulla est tristitia, nullus labor, nullus timor. Prov. I 33 – abundantia perfruetur, malorum timore sublato. Quarto consistit in omnium beatorum iucunda societate, quae societas erit maxime delectabilis : quia quilibet habebit omnia bona cum omnibus beatis. Nam quilibet diliget alium sicut seipsum; et ideo gaudebit de bono alterius sicut de suo. Quo fit ut tantum augeatur laetitia et gaudium unius, quantum est gaudium omnium. Psal. LXXXVI, 7 – sicut laetantium omnium habitatio est in te. Haec quae dicta sunt, et multa ineffabilia habebunt sancti qui erunt in patria. Mali vero, qui erunt in morte aeterna, non minus habebunt de dolore et poena quam boni de gaudio et gloria. Exaggeratur autem poena eorum, primo ex separatione Dei et omnium bonorum. Et haec est poena damni, quae respondet aversioni, quae poena maior est quam poena sensus. Matth. XXV, 30 – inutilem servum eiicite in tenebras exteriores. In vita enim ista mali habent tenebras interiores, scilicet peccati; sed tunc habebunt etiam exteriores. Secundo ex remorsu conscientiae. Psal. XLIX, 21 – arguam te et statuam contra faciem tuam. Sap. V, 3 – prae angustia spiritus gementes. Et tamen haec poenitentia et gemitus erit inutilis, quia non propter odium mali, sed propter dolorem poenae. Tertio ex immensitate poenae sensibilis, scilicet ignis Inferni, qui animam et corpus cruciabit : quae est acerbissima poenarum, sicut dicunt sancti; et erunt sicut semper morientes, et nunquam mortui nec morituri : unde dicitur mors aeterna, quia sicut moriens est in acerbitate poenarum, sic et illi qui sunt in Inferno. Psal. XLVIII, 15 – sicut oves in Inferno positi sunt : mors depascet eos. Quarto ex desperatione salutis. Nam si eis daretur spes liberationis a poenis, eorum poena mitigaretur; sed cum subtrahitur eis omnis spes, poena efficitur gravissima. Isai. LXVI, 24 – vermis eorum non morietur, et ignis eorum non extinguetur. Sic ergo patet differentia inter bene operari et male : quia bona opera ducunt ad vitam, mala autem trahunt ad mortem; et propter hoc homines deberent frequenter reducere haec ad memoriam, quia ex hoc provocarentur ad bonum et retraherentur a malo. Unde et signanter in fine omnium ponitur : vitam aeternam, ut semper magis memoriae imprimatur : ad quam vitam nos perducat dominus Iesus Christus, Deus benedictus in saecula saeculorum. Amen.

167. - Il est très convenable que le Symbole des vérités que nous devons croire se termine par ces mots : "Je crois à la vie éternelle", puis­que aussi bien la vie éternelle est la fin et le terme de tous nos désirs.

Ceux-là s’opposent à cette croyance à la vie éternelle, qui disent que l’âme meurt en même temps que le corps. Si cela était vrai, la condi­tion de l’homme serait la même que celle des bêtes.

A ces hommes, qui ne croient pas à la survie de l’âme, conviennent parfaitement ces paroles du Psalmiste (Ps. 48, 21) : L’homme, tandis qu’il était en honneur, ne l’a pas compris; il a été comparé aux bêtes qui n’ont aucune raison; et il leur est devenu semblable.

L’immortalité, en effet, rend l’âme humaine semblable à Dieu; mais ses facultés sensibles la font ressembler aux bêtes. Donc lorsque quel­qu’un croit que l’âme meurt avec le corps, il s’éloigne de la ressemblance de Dieu et devient semblable aux animaux. Il est du nombre de ceux dont il est dit au livre de la Sagesse (2, 22-23) : Ils n’ont pas cru qu’il y eut de récompense à espérer pour les justes, et ils n’ont fait nul étal de la gloire qui est réservée aux âmes sain­tes. Car Dieu a créé l’homme immortel; il l’a fait pour être une image qui lui ressemblât.

168. - Il faut premièrement considérer, dans cet article de foi, quel genre de vie est la vie éternelle.

a) : Or il convient de savoir, qu’elle consiste, en premier lieu, dans l’union de l’homme avec Dieu. Dieu lui-même, en effet, est la récompense et la fin de tous nos labeurs, comme il le dit un jour à Abraham, (Gen. 15, 1) : Moi le Seigneur, je suis ton protecteur, et ta récompense infini­ment grande.

Cette union de l’homme à Dieu consiste dans une parfaite vision. L’Apôtre écrit en effet aux Corinthiens (1° ép. 13, 12) : Nous ne voyons main­tenant que comme en un miroir, et en énigme; mais alors nous verrons Dieu face à face.

Cette union consiste également dans la louange la plus grande que l’homme puisse adresser à Dieu. Saint Augustin écrit au livre 22 de la Cité de Dieu que nous verrons, aimerons et louerons Dieu; et Isaïe écrit au sujet de Sion ces paroles (51, 3), que l’on peut appliquer à la vie des élus au ciel : On y trouvera la joie et l’allégresse, les actions de grâces et des chants de louange.

169. - b) La vie éternelle consiste, en second lieu, dans le parfait rassasiement des désirs de l’homme. Chacun des bienheureux, en effet, pos­sédera au ciel bien au-delà de ce qu’il aura désiré et espéré ici-bas.

La raison en est, que personne ne peut, en cette vie, satisfaire pleinement ses désirs; jamais aucune chose créée ne les comble. Dieu seul en effet peut les rassasier totalement et même il les surpasse infiniment. C’est pourquoi l’homme ne trouve de repos qu’en Dieu conformément à ces paroles de saint Augustin (Conf. liv. 1) : "Vous nous avez fait pour vous, Seigneur, et notre coeur est inquiet jusqu’à ce qu’il se repose en vous". Les saints dans la patrie possèderont Dieu parfaitement, aussi leurs désirs seront-ils entièrement rassasiés et leur gloire même sur­passera toutes leurs aspirations. Le Seigneur dit (Mt 25, 21) : Bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton maître. Et saint Augustin explique ainsi cette parole du Seigneur : "Toute la joie du Seigneur n’entrera pas dans ceux qui se réjoui­ront, mais eux entreront tout entiers dans la joie". Ce qui fait dire au Psalmiste (Ps. 16, 15) : Je serai rassasié, lorsque apparaîtra votre gloire; et (102, 5) : C’est le Seigneur qui remplit votre désir, en vous comblant de biens.

170. - Absolument tout ce qui est délectable se trouve surabondamment dans la vie éternelle.

Recherche-t-on en effet les jouissances? Là, on goûtera les jouissances les plus parfaites, les délectations les plus hautes, parce qu’elles auront pour objet le Souverain Bien, c’est-à-dire Dieu. Nous lisons dans le livre de Job (22, 26) : Alors ta mettras tes délices dans le Tout-Puissant; et le Psalmiste, dans sa prière, dit à Dieu (Ps. 15, 11) : Des délices seront éternellement à votre droite.

Pareillement, Si vous désirez l’es honneurs, là vous l’es posséderez tous. Les hommes, en effet, lorsqu’ils sont laïcs, aspirent principalement à être rois; et, s’ils sont clercs, ils souhaitent deve­nir évêques. Or, dans la vie éternelle, on possé­dera ces deux dignités : Tu as fait de nous des rois et des prêtres pour notre Dieu (Apoc. 5, 10). Et au livre de la Sagesse (5, 5), il est dit des jus­tes, après leur mort Les voilà élevés au rang des enfants de Dieu.

De même, désirez-vous la science, là, vous la posséderez avec la plus entière perfection; en effet flous connaîtrons alors la nature de toutes choses et toute vérité; nous n’ignorerons rien de ce que nous voudrons savoir; et tout ce que nous voulons actuellement posséder, nous le pos­séderons au ciel, avec cette vie éternelle. Salo­mon dit en effet (Sag. 7, 11) : Tous les biens me viendront avec la Sagesse; et dans les Prover­bes (10, 24), nous lisons : Les Justes obtiendront ce qu’ils désirent.

171. - c) En troisième lieu, la vie éternelle consiste dans une sécurité parfaite. Dans ce monde, en effet, il n’y a pas de par­ faite sécurité, car plus on possède de richesses et plus on est élevé en dignité, plus on a de sujets de crainte, plus aussi on éprouve de besoins.

Mais, dans la vie éternelle, il n’y aura ni tris­tesse, ni labeur, ni crainte. Ce que les Prover­bes, en effet, (1, 33) : disent de celui qui écoute la Sagesse, à savoir qu’il reposera en assurance et jouira d’une abondance de biens sans craindre aucun mal, se vérifiera alors en chacun des élus.

172. - d) En quatrième lieu, la vie éternelle consiste dans la société pleine de charmes de tous les bienheureux.

Les délices de cette société seront extrêmes. Chaque élu, en effet, possédera, avec les autres bienheureux, tous les biens; car il aimera cha­cun des bienheureux comme lui-même; c’est pourquoi il se réjouira du bien des autres comme de son bien propre. Aussi l’allégresse et la joie de tous les élus s’augmenteront-elles de la joie et de l’allégresse de chacun d’entre eux. O Sion, c’est une grande joie pour tous d’habiter en toi (Ps. 86, 7).

173. - Les biens, dont nous venons de parler, les saints en jouiront dans la patrie céleste, et ils posséderont en outre beaucoup d’autres biens ineffables. Quant aux méchants ils seront plongés dans une mort éternelle, et ils éprouveront une dou­leur et souffriront un châtiment qui ne seront pas moindres que la joie et la gloire réservées aux bons.

174. - Quatre causes concourent pour aug­menter la peine des méchants.

En premier lieu, le fait d’être séparés de Dieu et de tous les biens. Cette séparation constitue la peine du dam, qui répond à l’aversion que ces méchants ont pour Dieu. C’est une peine plus grande que la peine du sens. Du serviteur inu­tile, le Seigneur dit (Mat. 25, 30) : Jetez-le dans les ténèbres extérieures. Dans cette vie, en effet, ceux qui font le mal vivent dans des ténèbres intérieures, qui sont celles du péché; mais alors ils seront aussi plongés dans des ténèbres exté­rieures.

En second lieu, le châtiment des méchants est augmenté par le remords de leur conscience. On peut leur appliquer Ces paroles du psaume (49, 21) : Je vous reprendrai sévèrement, et je vous exposerai vous-mêmes devant votre face. Le livre de la Sagesse (5, 3) : nous dépeint les damnés poussant des gémissements dans le serrement de leurs coeurs. Ces regrets et ces gémissements, cependant, seront tout à fait inutiles, parce qu’ils procèderont non de la haine du mal, mais de la douleur du châtiment.

En troisième lieu, la peine des damnés est augmentée par l’immensité du châtiment sensible auquel ils sont soumis, à savoir le feu de l’enfer, qui torturera leur âme et leur corps c’est là, comme disent les Pères, le plus terrible de tous les châtiments physiques. Ces malheureux seront, en quelque sorte, toujours mourant; cependant ils ne seront jamais morts et jamais la mort ne les frappera. C’est pourquoi, on appelle ce châtiment la mort éternelle; comme le mourant en effet souffre des peines terribles, il en est de même de ceux qui sont en enfer. Le Psalmiste a dit (48, 15) : Ils ont été placés en enfer comme des brebis, la mort les dévorera.

En quatrième lieu, le châtiment des méchants est encore aggravé par le fait qu’ils n’ont pas la moindre espérance d’être délivrés de leurs tour­ments. Si, en effet, ils nourrissaient cet espoir, leurs peines en seraient adoucies. Mais comme toute espérance leur est interdite, leurs souffran­ces par le fait même sont les plus terribles qui soient. Comme le dit Isaïe (66, 24) : Leur ver ne mourra pas et leur feu ne s’éteindra pas.

175. - Ainsi apparaît avec évidence la diffé­rence entre les bonnes et les mauvaises actions. Les premières nous mènent à la vie et les secon­des à la mort. C’est pourquoi les hommes devraient fréquemment se remettre en mémoire ces vérités; ils seraient par là excités à faire le bien et à se détourner du mal.

C’est pour que cette vérité se grave toujours plus profondément dans notre mémoire, qu’il est expressément dit à la fin du Credo : "Je crois à la Vie éternelle".

A cette vie éternelle, que nous conduise Notre Seigneur Jésus-Christ, Dieu béni dans les siècles des siècles.

Amen.