Explication des deux préceptes de la charité
et des dix commandements de la loi
Tractatus de duobus praeceptis charitatis et
decem legis praeceptis.
Par saint Thomas d'Aquin
Docteur de l’Eglise
Deux traductions :
Abbé Bralé, Editions Louis Vivès, 1857 (incomplet)
Traduction par un moine de Fontgombault, Nouvelles Editions Latines, 1970
Édition numérique, https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique, 2004
Les œuvres complètes de
saint Thomas d'Aquin
INTRODUCTION
A L’EDITION FONTGOMBAULT, 1970
PROLOGUE
(Traduction Abbé Bralé, Editions Louis Vivès, 1857)
PROLOGUE
(Traduction Fontgombault, N.E.L., 1970_
I-
[Les trois connaissances nécessaires à l’homme pour son salut]
Des
quatre lois qui règlent les actions humaines.
b)
La loi de la concupiscence.
c)
La loi de l’Ecriture ou loi de la crainte.
d)
La loi évangélique ou loi de l’amour.
Des
trois différences existant entre la loi de la crainte et la loi de l’amour.
1)
La première fait des esclaves, la deuxième des hommes libres et des fils.
2)
La première fait obtenir des biens temporels, la seconde des biens éternels.
3)
La loi de la crainte est lourde à porter, la loi de l’amour légère.
La
loi de l’amour est une loi abrégée.
II –
[La loi de l’amour doit régler tous les actes humains pour les rendre bons et
vertueux.]
III
- Les effets merveilleux de la loi du divin amour.
1)
Le premier effet, c’est de nous donner la vie spirituelle.
2)
Le deuxième effet, c’est de taire observer les commandements.
3)
Le troisième effet de la loi de l’amour, c’est d’être un secours efficace
contre toute adversité.
4)
Le quatrième effet est de conduire à la félicité éternelle.
5)
Le cinquième effet produit en nous par la charité, c’est de remettre tous nos
péchés.
La
Charité nous fait fils de Dieu.
Le
don de la charité surpasse absolument tous les autres. Qui le possède, possède
l’Esprit Saint.
Des
deux dispositions pour acquérir le don de la charité.
1)
La première est l’audition attentive de la parole de Dieu.
2)
La deuxième est d’entretenir en nous sans cesse des bonnes pensées.
Des
deux dispositions qui augmentent la charité.
1)
La première est de détacher son cœur des choses terrestres.
2)
La deuxième est la patience inaltérable dans les adversités.
[I-
LES COMMANDEMENTS DE L’AMOUR DE DIEU]
Le
plus grand commandement, le plus noble, le plus utile, celui qui renferme en
lui tous les autres.
1) La première est le
souvenir des bienfaits divins.
3)
Le troisième moyen d’aimer Dieu à la perfection, c’est de renoncer
aux choses terrestres.
4)
Le quatrième moyen d’aimer Dieu à la perfection, c’est d’éviter complètement le
péché.
De
ceux qui pèchent contre la charité.
L’homme
doit donner à Dieu son cœur, son âme, son esprit, et sa force.
[II-
LES COMMANDEMENTS DE L’AMOUR DU PROCHAIN]
Des
quatre motifs d’aimer le prochain.
Quelle
est la mesure à garder dans l’amour du prochain?
I-
Il faut l’aimer pour lui-même, et non pour nous.
2)
Nous ne devons pas aimer le prochain autant que Dieu ou plus que Dieu, mais
comme nous-mêmes.
5)
Nous devons aimer le prochain d’un amour saint et donc qui ne le porte pas à
pécher.
Des
cinq motifs de faire du bien à nos ennemis.
3)
Le troisième motif de faire du bien à nos ennemis, c’est qu’ainsi nous faisons
d’eux nos amis.
DU PREMIER PRÉCEPTE DE LA LOI – Tu
n’auras pas de dieux étrangers devant moi. Ex 20, 3.
1)
Ceux qui rendent un culte. - Aux démons,
3)
Aux éléments du monde inférieur.
Des
cinq motifs qui nous engagent à n’adorer que le Dieu unique.
1)
Le premier est de savoir que c’est priver Dieu de sa dignité infinie que
d’adorer un autre dieu.
DU SECOND PRÉCEPTE DE LA LOI – Tu ne
prendras pas le nom du Seigneur ton Dieu en vain. Ex 20, 7.
B)
C’est prendre le nom de Dieu en vain que de l’employer pour confirmer une
futilité.
Quand
peut-on faire usage du nom de Dieu ?
1°
Lorsqu’il est nécessaire de confirmer une parole, comme dans le serment
2°
Pour sanctifier comme dans le baptême
4°
On peut faire usage du nom de Dieu pour le louer
5°
On utilise le nom de Dieu comme une défense toute puissante
6°
On utilise le nom de Dieu, comme d’un secours très efficace pour agir
avec perfection
DU TROISIEME PRÉCEPTE DE LA LOI –
Souviens-toi de sanctifier le jour du sabbat. Ex 20, 8.
Comment
on doit sanctifier le dimanche et les autres fêtes importantes.
2°
Le dimanche surtout, il faut éviter cette œuvre servile qu’est le péché.
3°
Le dimanche et les jours de fêtes nous devons nous garder de l’oisiveté.
Des
trois occupations, auxquelles il faut se livrer le dimanche.
1)
Premièrement il faut faire des sacrifices.
2°
il faut le dimanche écouler la parole de Dieu, la méditer et tenir de bons
discours.
3°
Il faut le dimanche s’occuper des réalités divines, afin que notre âme puisse
se reposer en Dieu.
Que
le repos en Dieu est un bien souverainement désirable et délectable.
2-
LES COMMANDEMENTS DE L'AMOUR DU PROCHAIN
Les
enfants doivent nourrir leurs parents dans leur vieillesse.
Les
enfants doivent obéir à leurs parents, sauf quand ceux-ci leur commandent de
désobéir à Dieu.
Pourquoi
au seul précepte d’honorer ses père et mère est-il ajouté. afin d’avoir une
longue vie?
Cinq
récompenses sont promises à ceux qui honorent leurs parents.
a)
La première est la grâce dans le présent et dans l’éternité la gloire.
b)
La seconde récompense promise à ceux qui honorent leurs parents, c’est la vie.
c)
La troisième, c’est d’avoir des enfants reconnaissants et sympathiques.
d)
La quatrième, c’est une réputation honorable.
e)
La cinquième, c’est la possession des richesses.
DU CINQUIEME PRÉCEPTE DE LA LOI – Tu ne
tueras pas, Ex. 20, 13.
Quel
est le sens du précepte. Tu ne tueras pas.
Il est permis de tuer les animaux.
On
ne peut tuer un homme de sa propre autorité.
Le
sens de ce précepte. Tu ne tueras pas est par conséquent. Tu
ne tueras pas de ta propre autorité.
Des
différentes manières de tuer autrui.
1)
On peut tuer de sa propre main.
3)
En consentant à la mort d’autrui.
4)
Comment on peut tuer l’âme du prochain.
5)
et à la fois son âme et son corps.
Des
cinq manières de se garder de la colère.
La
colère s’introduit dans le sage, mais il la maîtrise.
A)
Dans quels cas ce péché est mortel et dans quels cas il est véniel.
B)
il faut prendre garde à ne pas rester longtemps en colère.
C)
il faut prendre garde que la colère ne s’aggrave en entrant dans le cœur.
D)
il faut éviter que la colère ne se manifeste par des injures ou des paroles
orgueilleuses.
E)
Enfin il faut éviter que la colère ne se manifeste par des actes.
DU SIXIEME PRÉCEPTE DE LA LOI – Tu ne
commettras pas d’adultère. Ex 20, 14.
L’épouse
adultère est coupable de sacrilège, de trahison et de vol.
La
fornication est un péché mortel.
L’union
des époux accomplie avec l’intention de donner au monde l’enfant est un acte de
vertu...
Des
cinq motifs pour lesquels adultère et fornication sont défendus.
DU SEPTIEME PRÉCEPTE DE LA LOI – Tu ne
voleras pas. Ex 20, 15.
Des
cinq façons différentes de voler.
3)
En ne payant pas ses dettes.
4)
En fraudant dans les ventes.
5)
En achetant des dignités temporelles ou spirituelles.
Des
quatre motifs pour lesquels il faut se garder de voler.
1)
L’Ecriture assimile ce péché à l’homicide.
2)
Nul péché n’est aussi dangereux, à cause de la difficulté d’en faire
satisfaction.
3)
Les biens dérobés sont inutiles au point de vue spirituel et au point de vue
temporel.
4)
ils entraînent la perte des biens temporels.
A PARTIR D’ICI : Œuvre
complétée par Pierre d’Andria
A)
On peut porter faux témoignage : - Soit dans un procès.
2)
En étant un témoin menteur,
3)
En portant une sentence injuste.
B)
Soit dans la conversation courante.
2)
En écoutant volontiers les diffamateurs.
3)
En répétant tout le mal que l’on entend dire.
Des
quatre raisons qui doivent nous détourner de mentir.
1)
Mentir nous rend semblable au diable et nous fait son fils.
2)
Le mensonge est la ruine de la société.
3)
Le menteur perd sa bonne réputation.
4)
Le mensonge donne la mort à l’âme.
Des
personnes qui mentent dans leur propre intérêt.
3)
Soit pour obtenir un bien ou échapper à un mal.
De
ceux qui mentent pour rendre service au prochain.
De
ceux qui mentent pour s’amuser.
Des
six motifs de ne pas convoiter le bien d’autrui.
1)
L’avidité infinie de la convoitise.
2)
La convoitise du bien d’autrui fait perdre le repos.
3)
Elle l’end les richesses convoitées, inutiles à soi et aux autres.
4)
Elle mine l’équilibre de la justice.
5)
Elle tue la charité envers le prochain.
6)
Elle engendre tous les péchés.
DU DIXIEME PRÉCEPTE DE LA LOI – Tu ne
désireras pas la femme de ton prochain. Ex. 20, 17.
Des
trois degrés de la concupiscence.
Des
quatre manières de vaincre la concupiscence.
2)
En ne donnant pas entrée aux pensées impures.
3)
En s’appliquant à l’oraison et en jeûnant.
4)
En fuyant l’oisiveté, préférant à toute autre occupation l’étude des saintes
Ecritures.
RESUMÉ DE TOUT L’OPUSCULE (par saint
Thomas)
L’amour
de Dieu, source principale des trois premiers commandements.
L’Opuscule « Explication des deux préceptes de la charité et des dix commandements
de la loi », publié dans ce volume, constitue la troisième et dernière
partie des sermons prêchés par saint Thomas d’Aquin, à Naples, dans l’église de
Saint-Dominique, durant le Carême de 1273, un an avant l’achèvement de sa carrière
terrestre.
Parmi la foule nombreuse, toujours
très attentive qui accourait pour l’entendre, se trouvait un élève de l’orateur,
le Père dominicain Pierre de Andria, futur évêque d’Aquin; celui-ci recueillit
soigneusement les paroles de son maître prononcées dans le dialecte napolitain
et les traduisit ensuite en latin. D’après le jugement des auteurs qui étudièrent
la vie et les œuvres du saint, le travail du disciple reflète parfaitement la
pensée du maître.
*
* *
Au début de cet opuscule, saint Thomas
nous avertit que trois connaissances, sont nécessaires à l’homme pour
son salut : la connaissance des vérités qu’il doit croire, la connaissance des
biens qu’il doit désirer et celle des œuvres qu’il a le devoir d’accomplir. La
première nous est enseignée dans le Symbole des Apôtres. (Le 3° volume de
la q : Collection Docteur commun » donne l’explication du symbole de saint
Thomas). La seconde de ces connaissances nous est transmise dans le «
Notre Père » (dont l’explication donnée par le même, saint Docteur se
trouve dans le 2° volume de la même collection). La troisième connaissance, celle
des œuvres que l’homme a le devoir d’accomplir, nous est transmise dans la loi;
ce 4’volume de la « Collection Docteur
commun » contient l’explication fournie sur ce sujet par le docteur angélique,
comme suite des deux explications précédentes.
*
* *
Le texte latin, qui figure
dans ce volume, est celui de l’édition de Parme; mais pour la ponctuation nous
avons le plus souvent suivi celle adoptée par l’édition de Marietti.
*
* *
Saint Thomas, dans cet
opuscule, cite sans cesse la Sainte Ecriture. Il semble que c’est un besoin de
son âme de se retremper à tout moment à cette source bénie et de ne rien
avancer qui ne trouve appui dans la parole même de Dieu.
Pour mieux comprendre la doctrine,
très riche contenue dans ces pages, les lecteurs, qui ne possède pas la connaissance
en quelque sorte exhaustive qu’avait de la Bible le saint docteur feront bien
de s’y reporter de temps en temps, d’autant plus que les citations du texte sacré
sont souvent écourtées.
*
* *
Est-il besoin de souligner ici
l’intérêt suprême de ces sermons du plus grand docteur de l’Eglise? Ils nous
expliquent avec une grande clarté et une parfaite précision ce que Dieu lui-même
nous demande d’accomplir pour sa gloire comme aussi pour la nôtre et notre
bonheur dans le temps et dans l’éternité.
Déjà dans l’Ancien
Testament le Seigneur avait dit à son peuple : Celui qui est votre Dieu a
trouvé toutes, les lois de la sagesse et il l’a donnée à Jacob, son serviteur, et à
Israël, son bien-aimé. Après cela il a apparu sur la terre, et il a
converse parmi les hommes. LA SAGESSE, C’EST LE LIVRE DES COMMANDEMENTS DE
DIEU tous ceux qui s’y attachent arriveront à la vie, mais ceux qui l’abandonnent
iront à la mort... Ô Jacob, embrasse-la; marche à la
splendeur de sa lumière. (Baruch III, 37-38, IV, 1, 2).
Ces paroles, que Dieu, avant l’ère
chrétienne, adressait à son peuple, il nous les adresse à nous aujourd’hui, à
nous qui, par la miséricorde du Seigneur, sommes le vrai Israël de Dieu (cf. Rom
9 et Gal 4). Ce serait en effet une erreur de penser qu’elles ne gardent pas
pour nous la plénitude de leur divine autorité.
Jésus, en mettant
en pleine lumière la primauté des deux commandements de la charité, n’a pas en
effet aboli les dix commandements de la loi (Matth. 5, 17-19) : N’allez pas croire
que je sois venu abroger la loi et les prophètes ; je ne suis pas
venu abroger, mais parfaire. Car en vérité, je vous le dis, avant
que ne passent le ciel et la terre, pas un iota, pas un menu trait ne
passera de la loi que tout ne soit accompli. Celui donc qui violera un seul
de ces commandements, les plus petits et enseignera les autres à faire
de même, sera déclaré le plus petit dans le Royaume des cieux; celui au contraire
qui les pratiquera sera déclaré grand dans le Royaume des Cieux.
Et nous lisons dans l’Evangile de saint Matthieu (19, 16-20)
: Voici que quelqu’un s’approchant de Jésus lui dit : « Maître, que
dois-je faire de bon pour avoir en héritage la vie éternelle? » il
lui répondit : « … Si tu veux entrer dans la vie, garde les
commandements » -- « Lesquels ? » demanda-t-il. Jésus
déclara : « Tu ne tueras pas; tu ne commettras pas d’adultère; tu ne
voleras pas ; tu ne porteras pas de faux témoignage ; honore tes père et mère;
et aussi : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Et cette doctrine est si
essentielle, que nous trouvons ce même épisode rapporté dans les Evangiles
de saint Marc (10, 17-19) et de saint Luc (18, 18-20).
Sans doute, dés
l’Ancien Testament, Dieu avait promulgué solennellement le commandement d’aimer
le Seigneur de tout son cœur, de toute son âme et de toutes ses forces (cf.
Deut. 6, 5) et celui d’aimer son ami comme soi-même (cf. Levit 19, 18). Cependant
le Fils de Dieu, en venant dans la chair, édicte à nouveau et avec une force
accrue le commandement de l’amour de Dieu; et il déclare que c’est le premier
et le plus grand commandement (cf. Matth. 22, 37-38). « Mais de peur que
quelque ignorant, dit Bossuet, ne soupçonnât qu’en réunissant en Dieu tout son
amour, 11 n’en restât plus pour le prochain, il ajoute au premier précepte un second
qui lui est semblable (cf. Matth. 22, 39) ; et il porta l’amour du prochain
à sa perfection, en montrant encore dans la loi, qu’il faut aimer son prochain
comme soi-même ; où il met le mot de prochain, au lieu de celui d’ami, qui
est dans la loi. Parce que le nom d’ami eût semblé restreindre l’amour à ceux
avec qui on avait des liaisons et une confiance particulière : au lieu que le
mot de prochain, plus général, l’étendait sur tous ceux qui nous touchaient par
la nature qui nous est commune ». Voilà ce que fait Jésus, et en outre il nous apprend
que de ces deux commandements, les plus grands qui soient {cf. Marc. 12, 31), dépendent
toute la loi et les prophètes (cf. Matth. 20, 40).
Dans les pages qui suivent, saint
Thomas, nous expliquera :
-
Comment effectivement toute la loi repose sur la charité,
-
Comment la charité repose elle-même sur deux préceptes, dont l’un se
rapporte à l’amour de Dieu et l’autre à l’amour du prochain,
-
Comment les trois premiers préceptes de Moïse, écrits sur la première table
de pierre, se rapportent à l’amour de Dieu; et les sept, écrits sur la deuxième
table, à l’amour du prochain, et qu’ainsi, suivant l’affirmation de Jésus, toute
la loi, est fondée sur les deux préceptes de la chante, qui sont les deux
sources principales de tous les commandements.
*
* *
« Il est d’expérience commune que nous enseignons
plus par notre vie que par nos discours, et l’exemple, quel qu’il soit, impressionne
d’autant plus profondément qu’il tombe de plus haut » (Dom Delatte). Le
Seigneur le savait. C’est pourquoi il ne s’est pas contenté de nous enseigner
par ses paroles la primauté des deux commandements de la charité; cette primauté,
il l’a proclamée par toute sa vie, par sa douloureuse passion et sa mort d’amour
sur la croix. Et la vie de sa bienheureuse Mère, celle de ses Apôtres, de ses
martyrs et de ses saints, tout au long de l’histoire de l’Eglise, que
sont-elles? Sinon l’apologie de la charité envers Dieu et envers le prochain?
*
* *
Dieu veuille que la lecture attentive
de cet opuscule de saint Thomas d’Aquin aide ceux qui en prendront connaissance
à mieux comprendre « la loi d’amour » promulguée par Ce1ui que l’Apôtre bien-aimé
nous dit être « L’AMOUR », afin que, avec son secours, à son exemple, à l’exemple
de sa Mère et de tous les saints, ils marchent toujours dans « la voie de l’amour
» ; cette voie, qui, si elle est celle de l’abnégation parfaite, est aussi celle
du bonheur parfait!
Prooemium |
PROLOGUE
(Traduction Abbé Bralé, Editions Louis Vivès, 1857)
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PROLOGUE
(Traduction Fontgombault, N.E.L., 1970
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I- [Les trois
connaissances nécessaires à l’homme pour son salut]
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[86715] De decem praeceptis, pr. Tria sunt homini
necessaria ad salutem: scilicet scientia credendorum, scientia
desiderandorum, et scientia operandorum. Primum docetur in symbolo, ubi
traditur scientia de articulis fidei; secundum in oratione dominica; tertium
autem in lege. Nunc autem de scientia
operandorum intendimus: ad quam tractandam quadruplex lex invenitur. Prima
dicitur lex naturae; et haec nihil aliud est nisi lumen intellectus insitum
nobis a Deo, per quod cognoscimus quid agendum et quid vitandum. Hoc lumen et
hanc legem dedit Deus homini in creatione. Sed multi credunt excusari per
ignorantiam, si hanc legem non observant. Sed contra eos dicit propheta in
Psal. IV, 6: multi dicunt: quis ostendit nobis bona? Quasi ignorent
quid sit operandum. Sed ipse ibidem 7, respondet: signatum est super nos
lumen vultus tui, domine: lumen scilicet intellectus, per quod nota sunt
nobis agenda. Nullus enim ignorat quod illud quod nollet sibi fieri, non
faciat alteri, et cetera talia. Sed licet Deus in creatione dederit homini hanc
legem, scilicet naturae, Diabolus tamen in homine superseminavit aliam legem,
scilicet concupiscentiae. Quousque enim in primo homine anima fuit subdita
Deo, servando divina praecepta, etiam caro fuit subdita in omnibus animae vel
rationi. Sed postquam Diabolus per suggestionem retraxit hominem ab
observantia divinorum praeceptorum, ita etiam caro fuit inobediens rationi.
Et inde accidit quod licet homo velit bonum secundum rationem, tamen ex
concupiscentia ad contrarium inclinatur. Et hoc est quod apostolus dicit Rom.
VII, 23: video autem aliam legem in membris meis, repugnantem legi mentis
meae. Et inde est quod frequenter lex concupiscentiae legem naturae et
ordinem rationis corrumpit. Et ideo subdit apostolus, ibid.: captivantem
me in lege peccati, quae est in membris meis. Quia ergo lex naturae per
legem concupiscentiae destructa erat, oportebat quod homo reduceretur ad
opera virtutis, et retraheretur a vitiis: ad quae necessaria erat lex
Scripturae. Sed sciendum, quod homo
retrahitur a malo et inducitur ad bonum ex duobus. Primo, timore: primum enim
propter quod aliquis maxime incipit peccatum vitare, est consideratio poenae
Inferni, et extremi iudicii. Et ideo dicitur Eccli. I, 16: initium
sapientiae timor domini; et ibidem 27: timor domini expellit peccatum.
Licet enim ille qui ex timore non peccat, non sit iustus: inde tamen incipit
iustificatio. Hoc ergo modo retrahitur homo a malo et inducitur ad bonum per
legem Moysi, quam quidam irritantes, morte puniebantur. Hebr. X, 28: irritam
quis faciens legem Moysi, sine ulla miseratione duobus vel tribus testibus
moritur. Sed quia modus iste est insufficiens, et lex quae data erat per
Moysen, hoc modo, scilicet per timorem, retrahebat a malis, insufficiens
fuit: licet enim coercuerit manum, non coercebat animum; ideo est alius modus
retrahendi a malo et inducendi ad bonum, modus scilicet amoris. Et hoc modo
fuit data lex Christi, scilicet lex evangelica, quae est lex amoris. Sed considerandum
est quod inter legem timoris et legem amoris triplex differentia invenitur. Et primo, quia lex timoris facit suos observatores
servos, lex vero amoris facit liberos. Qui enim operatur solum ex timore,
operatur per modum servi; qui vero ex amore, per modum liberi vel filii. Unde
apostolus II Cor. III, 17: ubi spiritus domini, ibi libertas; quia
scilicet tales ex amore ut filii operantur. Secunda differentia est quia
observatores primae legis ad bona temporalia introducebantur. Isai. I, 19, si volueritis et audieritis me, bona
terrae comedetis. Sed observatores secundae legis, in bona caelestia
introducuntur. Matth. XIX, 17, si vis ad vitam ingredi, serva mandata;
et ibid. III, 2: poenitentiam agite: appropinquavit enim regnum caelorum.
Tertia differentia est, quia prima gravis: Act. XV, 10: cur tentatis
imponere iugum super cervicem nostram, quod neque nos neque patres nostri
portare potuerunt? Secunda autem levis: Matth. XI, 30: iugum enim meum
suave est; et onus meum leve; apostolus, Rom. VIII, 15: non accepistis
spiritum servitutis iterum in timore, sed accepistis spiritum adoptionis
filiorum. Sicut ergo iam praedictum
est, quadruplex lex invenitur: et prima quidem lex naturae, quam Deus in
creatione infudit; secunda lex concupiscentiae; tertia lex Scripturae; quarta
est lex caritatis et gratiae, quae est lex Christi. Sed manifestum est quod non
omnes possunt scientiae insudare; et propterea a Christo data est lex brevis,
ut ab omnibus posset sciri, et nullus propter ignorantiam possit ab eius
observantia excusari. Et haec est lex divini amoris. Apostolus, Rom. IX, 28: verbum
breviatum faciet dominus super terram. Sed sciendum, quod haec lex debet
esse regula omnium actuum humanorum. Sicut enim videmus in artificialibus
quod unumquodque opus tunc bonum et rectum dicitur quando regulae coaequatur;
sic etiam quodlibet humanum opus rectum est et virtuosum quando regulae
divinae dilectionis concordat; quando vero discordat ab hac regula, non est
bonum nec rectum aut perfectum. Ad hoc autem quod actus humani boni
reddantur, oportet quod regulae divinae dilectionis concordent. Sed sciendum
quod haec lex, scilicet divini amoris, quatuor efficit in homine valde
desiderabilia. Primo causat in eo spiritualem vitam. Manifestum est enim quod
naturaliter amatum est in amante. Et ideo qui Deum diligit, ipsum in se
habet: I Ioan. IV, 16: qui manet in caritate, in Deo manet, et Deus in eo.
Natura etiam amoris est quod amantem in amatum transformat: unde si vilia
diligimus et caduca, viles et instabiles efficimur: Os. IX, 10: facti sunt
abominabiles sicut ea quae dilexerunt. Si autem Deum diligimus, divini
efficimur, quia, ut dicitur I Cor. VI, 17: qui adhaeret domino, unus
spiritus est. Sed sicut Augustinus dicit, sicut anima est vita
corporis, ita Deus est vita animae. Et hoc manifestum est. Tunc enim
dicimus corpus per animam vivere quando habet operationes proprias vitae, et
quando operatur et movetur; anima vero recedente, corpus nec operatur nec
movetur. Sic etiam tunc anima operatur virtuose et perfecte quando per
caritatem operatur, per quam habitat Deus in ea; absque caritate vero non
operatur: I Ioan. III, 14, qui non diligit, manet in morte.
Considerandum est autem, quod si quis habet omnia dona spiritus sancti absque
caritate, non habet vitam. Sive enim sit gratia linguarum, sive sit donum
fidei, vel quicquid sit aliud, sine caritate vitam non tribuunt. Si enim
corpus mortuum induatur auro et lapidibus pretiosis, nihilominus mortuum
manet. Hoc est ergo primum quod efficit caritas. Secundum quod facit caritas,
est divinorum mandatorum observantia. Gregorius: nunquam est Dei amor
otiosus: operatur enim magna si est; si vero operari renuit, amor non est.
Unde manifestum signum caritatis est promptitudo implendi divina praecepta.
Videmus enim amantem propter amatum magna et difficilia operari. Ioan. XIV,
23: si quis diligit me, sermonem meum servabit. Sed considerandum,
quod qui mandatum et legem divinae dilectionis servat, totam legem implet.
Est autem duplex modus divinorum mandatorum. Quaedam enim sunt affirmativa:
et haec quidem implet caritas; quia plenitudo legis quae consistit in
mandatis, est dilectio, qua mandata servantur. Quaedam vero sunt
prohibitoria; haec etiam implet caritas, quia non agit perperam, ut dicit
apostolus I Cor. XIII. Tertium quod facit caritas, est, quia est praesidium
contra adversa. Habenti enim caritatem nulla adversa nocent, sed in utilia
convertuntur: Rom. VIII, 28: diligentibus Deum omnia cooperantur in bonum;
immo etiam adversa et difficilia suavia videntur amanti, sicut et apud nos
manifeste videmus. Quartum vero est quod ad felicitatem perducit. Solum enim
caritatem habentibus aeterna beatitudo promittitur. Omnia enim absque
caritate insufficientia sunt. II Tim. IV, 8: in reliquo reposita est mihi
corona iustitiae, quam reddet mihi in illa die iustus iudex: non solum autem
mihi, sed et his qui diligunt adventum eius. Et sciendum, quod solum
secundum differentiam caritatis est differentia beatitudinis et non secundum
aliquam aliam virtutem. Multi enim magis abstinentes fuerunt quam apostoli;
sed ipsi in beatitudine omnes alios excellunt propter excellentiam caritatis:
ipsi enim fuerunt primitias spiritus habentes, sicut dicit apostolus, Rom.
VIII. Unde differentia beatitudinis est ex differentia caritatis. Et sic
patent quatuor quae in nobis efficit caritas. Sed praeter illa, quaedam alia
efficit quae praetermittenda non sunt. Primo enim efficit peccatorum
remissionem. Et hoc manifeste videmus ex nobis. Si enim aliquis aliquem
offendit, et ipsum postea intime diligat, propter dilectionem sibi offensam
laxat. Sic et Deus diligentibus se peccata dimittit. I Petr. IV, 8: caritas
operit multitudinem peccatorum. Et bene dicit, operit, quia
scilicet a Deo non videntur ut puniat. Sed licet dicat quod operit
multitudinem, tamen Salomon dicit, Prov. X,
12, quod universa delicta operit caritas. Et hoc maxime manifestat
Magdalenae exemplum, Luc. VII, 47: dimissa sunt ei peccata multa: et
causa subditur: quoniam dilexit multum. Sed forte dicet aliquis:
sufficit ergo caritas ad delenda peccata, et non est necessaria poenitentia.
Sed considerandum, quod nullus vere diligit qui non vere poenitet. Manifestum
est enim quod quanto magis aliquem diligimus, tanto magis dolemus si ipsum
offendimus. Et hic est unus caritatis effectus. Item causat cordis
illuminationem. Sicut enim dicit Iob XXXVII, 19: omnes involvimur tenebris.
Frequenter enim nescimus quid agendum vel desiderandum. Sed caritas docet
omnia necessaria ad salutem. Ideo dicitur
I Ioan. II, 27: unctio eius docet vos de omnibus. Et hoc ideo est,
quia ubi caritas, ibi spiritus sanctus, qui novit omnia, qui deducit nos in
viam rectam, sicut dicitur in Psal. CXLII. Ideo dicitur Eccli. II, 10: qui
timetis Deum, diligite illum; et illuminabuntur corda vestra, scilicet ad
sciendum necessaria ad salutem. Item perficit in homine perfectam laetitiam.
Nullus enim vere gaudium habet, nisi existens in caritate. Quicumque enim
aliquod desiderat, non gaudet nec laetatur nec quietatur donec illud
adipiscatur. Et accidit in rebus temporalibus quod non habitum appetatur, et
habitum despicitur et taedium generat; sed non sic est in spiritualibus; immo
qui Deum diligit, habet ipsum, et ideo animus diligentis et desiderantis
quietatur in eo. Qui enim manet in caritate, in Deo manet, et Deus in eo,
ut dicitur I Ioan. IV, 16. Item efficit pacem perfectam. Accidit enim in
rebus temporalibus, quod frequenter desiderantur; sed ipsis habitis adhuc
animus desiderantis non quiescit; immo uno habito aliud appetit. Isai. LVII,
20: cor autem impii quasi mare fervens, quod quiescere non potest.
Item ibidem, 20: non est pax impiis, dicit dominus. Sed non sic
accidit in caritate circa Deum. Qui enim diligit Deum, pacem perfectam habet.
Psal. CXVIII, 165: pax multa diligentibus legem tuam, et non est illis
scandalum. Et hoc ideo est, quia solus Deus sufficit ad implendum
desiderium nostrum: Deus enim maior est corde nostro, sicut dicit apostolus:
et ideo dicit Augustinus in I confessionum: fecisti nos domine ad te, et
inquietum est cor nostrum, donec requiescat in te. Psal. CII, 5: qui
replet in bonis desiderium tuum. Item facit caritas hominem magnae
dignitatis. Omnes enim creaturae ipsi divinae maiestati serviunt (omnia enim
ab ipso sunt facta) sicut artificialia subserviunt artifici; sed caritas de
servo facit liberum et amicum. Unde ait dominus apostolis, Ioan. XV, 15: iam
non dicam vos servos (...) sed amicos. Sed nunquid Paulus non servus; sed
et alii apostoli, qui se servos scribunt? Sed sciendum, quod duplex est
servitus. Prima est timoris; et haec est poenosa, et non meritoria. Si enim
aliquis a peccato abstinet solum timore poenae, non meretur ex hoc, sed adhuc
est servus. Secunda est amoris. Si enim quis operatur non timore iustitiae
sed amore divino, non sicut servus operatur, sed sicut liber, quia
voluntarie. Et ideo dicit: iam non dicam vos servos. Et quare? Ad hoc respondet
apostolus, Rom. VIII, 15: non accepistis spiritum servitutis iterum in
timore; sed accepistis spiritum adoptionis filiorum. Timor enim non est
in caritate, sicut dicitur I Ioan. IV; habet enim poenam; sed caritas facit
non solum liberos, sed etiam filios, ut scilicet filii Dei nominemur et
simus, ut dicitur I Ioan. III. Tunc enim
extraneus efficitur alicuius filius adoptivus, quando acquiritur sibi ius. In
hereditate illius. Sic et caritas acquirit ius in hereditate Dei, quae est
vita aeterna: quia, ut dicitur Rom. VIII, 16-17: ipse spiritus testimonium
reddit spiritui nostro, quod sumus filii Dei. Si autem filii, et heredes:
heredes quidem Dei, coheredes autem Christi. Sap. V, 5: ecce quomodo
computati sunt inter filios Dei. Ex iam dictis patent utilitates
caritatis. Postquam igitur tam utilis est, studiose laborandum est ad
acquirendam eam et retinendam. Sed sciendum, quod nullus a se caritatem
habere potest, immo solius Dei est donum: unde Ioannes dicit: non quasi
nos dilexerimus Deum, sed quoniam ipse prior dilexit nos: quia videlicet
non propterea ipse nos diligit quia nos prius dilexerimus eum; sed hoc ipsum
quod diligimus eum, causatur in nobis ex dilectione ipsius. Considerandum
etiam, quod licet omnia dona sint a patre luminum, istud tamen donum,
scilicet caritatis, omnia alia dona superexcellit. Omnia enim alia sine
caritate et spiritu sancto habentur, cum caritate vero necessario spiritus
sanctus habetur. Apostolus, Rom. V, 5: caritas Dei diffusa est in cordibus
nostris per spiritum sanctum, qui datus est nobis. Sive enim sit donum
linguarum, sive scientiae, sive prophetiae, absque gratia et spiritu sancto
habentur. Sed licet caritas sit donum divinum, ad ipsam tamen habendam
requiritur dispositio ex parte nostra. Et ideo sciendum, quod duo specialiter
ad acquirendam caritatem necessaria sunt, et duo ad augmentum caritatis iam
acquisitae. Ad acquirendam igitur caritatem primum est diligens divini verbi
auditio. Et hoc manifestum est satis ex his quae sunt apud nos. Audientes
enim bona de aliquo, in eius dilectionem accendimur. Sic et Dei verba audientes,
accendimur in amorem ipsius. Psal. CXVIII, 140: ignitum eloquium tuum
vehementer, et servus tuus dilexit illud. Item Psal. CIV, 19: eloquium
domini inflammavit eum. Et propterea illi duo discipuli divino amore
aestuantes dicebant, Luc. XXIV, 32: nonne cor nostrum ardens erat in nobis
dum loqueretur in via, et aperiret nobis Scripturas? Unde et Act. X,
legitur, quod praedicante Petro, spiritus sanctus in auditores divini verbi
cecidit. Et hoc frequenter accidit in praedicationibus, quod qui duro corde
accedunt, propter verbum praedicationis ad divinum amorem accenduntur.
Secundum est bonorum continua cogitatio. Psal. XXXVIII, 4: concaluit cor
meum intra me. Si ergo vis divinum amorem consequi, mediteris bona. Durus
enim nimis esset qui divina beneficia quae consecutus est, pericula etiam
quae evasit, et beatitudinem quae sibi a Deo repromittitur, cogitans, ad
divinum amorem non accenderetur. Unde Augustinus: durus est animus
hominis, qui etsi dilectionem nolit impendere, saltem non velit rependere.
Et universaliter, sicut cogitationes malae destruunt caritatem, ita bonae eam
acquirunt, nutriunt et conservant. Unde iubemur Isai. I, 16: auferte malum
cogitationum vestrarum ab oculis meis. Sap. I, 3: perversae
cogitationes separant a Deo. Sunt autem et duo quae habitam caritatem
augent. Primum est cordis separatio a terrenis. Cor enim perfecte in diversa
ferri non potest. Unde nullus valet Deum et mundum diligere. Et ideo quanto
magis ab amore terrenorum noster animus elongatur, tanto magis firmatur in
dilectione divina. Unde Augustinus dicit in Lib. 83 quaest.: caritatis
venenum est spes adipiscendorum aut retinendorum temporalium; nutrimentum
eius est imminutio cupiditatis; perfectio, nulla cupiditas: quia radix omnium
malorum est cupiditas. Quisquis igitur caritatem nutrire vult, instet
minuendis cupiditatibus. Est autem cupiditas amor adipiscendi aut obtinendi
temporalia. Huius imminuendae initium est Deum timere, qui solus timeri sine
amore non potest. Et propter hoc ordinatae fuerunt religiones, in quibus et
per quas a mundanis et corruptibilibus animus trahitur, et erigitur ad
divina: quod signatur II Mac. I, 22, ubi dicitur: refulsit sol, qui prius
erat in nubilo. Sol, idest intellectus humanus, est in nubilo, quando
deditus est terrenis; sed refulget, quando a terrenorum amore elongatur et
retrahitur. Tunc enim splendet, et tunc divinus amor in eo crescit. Secundum
est firma patientia in adversis. Manifestum est enim quod quando gravia pro
eo quem diligimus, sustinemus, amor ipse non destruitur, immo crescit. Cant.
VIII, 7: aquae multae (idest tribulationes multae) non potuerunt
extinguere caritatem. Et ideo sancti viri qui adversitates pro Deo
sustinent, magis in eius dilectione firmantur; sicut artifex illud artificium
magis diligit in quo plus laboravit. Et inde est quod fideles quanto plures
afflictiones pro Deo sustinent, tanto magis elevantur in amore ipsius. Gen.
VII, 17: multiplicatae sunt aquae (idest tribulationes) et
elevaverunt arcam in sublime, idest Ecclesiam, vel animam viri iusti. |
1. Trois choses sont nécessaires à l'homme pour marcher dans la voie du
salut: la science de la foi, la science des désirs et la science des œuvres.
De ces trois sciences, la première nous est enseignée dans le Symbole, où
sont formulés tous les dogmes de notre religion; la seconde dans l'oraison
dominicale, et la troisième dans la loi. Nous allons nous occuper de la
science des œuvres. Quatre lois président à nos actions: la première est la
loi naturelle, qui n'est autre chose que la conscience, cette lumière intellectuelle
que Bien a mise dans notre âme, et qui nous montre ce que nous devons faire
et ce que nous devons éviter. Cette lumière intellectuelle, cette loi
naturelle, Dieu on a fait don à l'homme une fois créé. Cependant il ne manque
pas de gens qui croient excuser leurs fautes en prétextant l'ignorance de
leurs devoirs; c'est à eux qu'il faut appliquer ces paroles du roi prophète: "Beaucoup
disent: Qui nous enseignera ce qui est bien?" comme s'ils ne
savaient point ce qu'ils doivent faire. Mais le roi prophète leur répond en
ces termes: "Seigneur, vous avez mis en nous votre lumière,"
c'est-à-dire cette lumière intellectuelle qui nous éclaire sur nos devoirs.
Nul ne peut ignorer, par exemple, qu'il ne doit point faire à autrui ce qu'il
ne voudrait pas qu'on lui fit, et las autres préceptes de la loi naturelles
sont également gravés dans la conscience de chacun. Cette loi, disons-nous, a
été donnée a l'homme nu moment de la création; mais le démon a soumis la
créature de Dieu à une autre loi, à la loi de concupiscence. Tant que le
premier homme resta fidèle à son créa leur, en observant les préceptes
divins, la chair obéit aussi à l'esprit, et les sens restèrent soumis à la
raison. 2. Une fois que, cédant aux perfides insinuations de Satan, l'homme se fut
révolté contre Dieu, les sens se révoltèrent aussi contre la raison, et la
chair contre l'esprit. De là vient que, tout en voulant le bien, qui lui est
montré par la raison, l'homme est entraîné au mal parla concupiscence. Cette
lutte dont l'âme est le théâtre, saint Paul l'a décrite dans une de ses Épi
très aux Romains: "Je vois, dit-il, dans mes sens une loi qui
combat la loi de mon esprit. "Il arrive souvent que la loi de
concupiscence triomphe de la loi naturelle, et que la chair l'emporte sur
l'esprit; aussi l'Apôtre ajoute-t-il: "Cette loi funeste m'asservit an
péché. "L'homme, dominé par la loi de concupiscence, plus forte sur lui
que la loi naturelle, avait donc besoin d'être détourné du mal et ramené au
bien par une loi nouvelle. Ce fat la mission de la loi mosaïque de répondre à
ce besoin. 3. Remarquons ici qu'il y a deux motifs qui détournent l'homme du mal et le
ramènent au bien, savoir la crainte et l'amour. De ces deux motifs, le
premier qui agit sur lui, c'est la crainte. Ce qui l'engage avant tout et le
plus puissamment à éviter le crime, c'est la pensée de l'enfer et des peines
infligées au coupable par le souverain juge. Voilà pourquoi l'Ecclésiaste a
dit: "La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse;"
voilà pourquoi il dit encore: "La crainte du Seigneur écarte le
péché. "Sans doute celui qui s'abstient de faire le mal par crainte
du châtiment n'est pas encore vertueux; mais il est arrivé au point de départ
de la vertu. Ainsi la loi mosaïque détournait l'homme du mal et le ramenait
au bien par la menace et la terreur. "Quiconque violait un précepte
de cette loi sévère était mis à mort" – "sans pitié, en présence de
deux ou trois témoins," comme le rappelle saint Paul aux Hébreux.
Mais la crainte est un motif insuffisant pour détourner l'homme du mal et le
ramener au bien; la loi mosaïque n'enchaînait à ses préceptes que l'homme
physique, l'homme spirituel échappait à son pouvoir. Il fallait donc à la
vertu un nouveau motif, à la morale une nouvelle loi; ce motif c'est l'amour,
cette loi, c'est l'Évangile. Ainsi la loi d'amour succéda à la loi de
crainte. 4. Mais il faut remarquer qu'entre la loi de crainte et la loi d'amour il
existe une triple différence. La première, c'est que la loi de crainte nous
impose une obéissance servile, tandis que la loi d'amour nous demande une
soumission volontaire et libre. Celui agit par crainte agit en esclave; mais
celui dont les actions n'ont d'autre motif que l'amour agit en homme libre,
et son obéissance est toute filiale. "Partout où est l'esprit du Seigneur,
dit saint Paul, est aussi la liberté. "En effet, grâce à l'amour,
l'homme obéit à Dieu comme un fils à son père. La seconde différence, c'est
que la loi de crainte promettait les biens temporels à ceux qui observeraient
ses préceptes, tandis que la loi d'amour promet les biens célestes pour
récompense de la vertu. Interprète de la loi de crainte, Isaïe fait parler
ainsi le Seigneur: "Si vous êtes soumis à mes commandements et docile
à ma voix, vous jouirez de tous les biens de la terre. "Auteur de la
loi d'amour, Jésus-Christ nous dit: "Si vous voulez posséder la vie
éternelle, observez les commandements de Dieu. "Précurseur de Jésus,
Jean s'écrie: "Faites pénitence, car le règne céleste est proche.
"La troisième différence, c'est que la loi de crainte est dure,
tandis que la loi d'amour est pleine de douceur. Pierre dit, en parlant des
préceptes mosaïques: "Pourquoi cherchez-vous à nous imposer un joug que
nos pères n'ont pus supporter, et qui nous accablerait?" Jésus-Christ
dit, en parlant de la morale de l'Évangile: "Mon joug est doux et mon
fardeau est léger. "Saint Paul dit à son tour: "Vous n'avez
pas reçu, comme les Juifs, l'esprit de crainte qui rend l'homme esclave, mais
l'esprit d'amour, qui fait l'homme enfant de Dieu." 5. Ainsi donc, je le répète, quatre lois président à nos actions: la loi
naturelle, que Dieu a gravée dans le cœur de l'homme en le créant; la loi de
concupiscence, dont le démon est l'auteur; la loi de crainte, promulguée par
Moïse; et la loi d'amour, apportée au monde par Jésus-Christ. Mais il est
évident que tous les hommes ne peuvent pas consacrer leur temps à l'élude de
la morale: c'est pourquoi Jésus-Christ a exposé les préceptes de la loi
d'amour avec brièveté et précision, afin que tous les hommes fussent à portée
de les connaître et ne pussent, en les violant, prétexter l'ignorance de
leurs devoirs. "La parole du Seigneur, dit saint Paul, retentira
sur la terre, et tous la comprendront. "Maintenant il faut remarquer
que cette loi d'amour doit être la règle de toutes les actions humaines. Dans
les arts. nous appelons beau ce qui est conforme au type de la beauté: ainsi,
en morale, un acte est vertueux quand il est d'accord avec la loi d'amour;
tout acte qui s'écarte de cette règle divine une peut être ni bon, ni juste. Si
nous étudions maintenant les effets de l'amour divin sur l'homme, nous en
trouverons quatre principaux qui méritent toute notre admiration. 6. Premièrement, l'amour divin donne à l'homme la vie
spirituelle. L'objet aimé existe dans le coeur de celui qui aime: ainsi celui
qui aime Dieu possède Dieu dans son cœur. "Quiconque a la charité vit
en Dieu, et Dieu vit en lui," dit saint Jean. L'amour transforme
encore celui qui aime et le rend semblable à l'objet aimé. Aimons-nous un
objet vil et méprisable, nous devenons vils et méprisables comme lui. Ecoutez
les paroles du prophète: "Ils sont devenus abominables comme les
objets qu'ils ont aimés. "Au contraire, si nous aimons Dieu, nous
devenons des hommes divins; car "celui qui est uni à Dieu reçoit de
lui la vie spirituelle. "Or, dit saint Augustin, "de même
que l'âme est la vie du corps, ainsi Dieu est la vie de l'âme. "Le
corps est doué de vie, quand l'âme habite on lui et le fait agir; aussitôt
que l'âme s'envole le corps reste immobile, et n'est plus qu'un cadavre:
ainsi l'âme possède la vie parfaite, elle révèle sa puissance par la vertu,
quand elle est unie à Dieu par l'amour; elle languit et meurt dès que l'amour
et Dieu l'abandonnent. "Quiconque n'aime point demeure dans la mort.
"Il ne faut pas oublier que celui qui possède tous les dons du
Saint-Esprit sans l'amour ne possède point la vie. Le don des langues, le don
de la foi et tous les autres dons de la grâce, ne peuvent donner la vie s'ils
ne sont point joints à l'amour. Qu'un cadavre soit enveloppé de vêtements où
l'or brille mêlé aux pierres précieuses, ce n'en est pas moins un cadavre.
Ainsi donc la vie spirituelle, tel est le premier effet de l'amour divin. 7. En second lieu, l'amour divin nous rend attentifs à observer les
commandements de Dieu. "Celui qui aime Dieu ne reste jamais oisif.
"Il accomplit de grandes chose, si l'amour l'anime véritablement;
s'il se refuse à la pratique de la vertu, l'amour n'habite point dans son
cœur: par conséquent le signe le plus manifeste de l'amour divin, c'est la
promptitude à accomplir les commandements de Dieu. Ne voyons-nous pas que
celui qui aime se dévoue aux plus grandes, aux plus difficiles entreprises
pour obéir à la voix de l'objet aimé? "Celui qui m'aime, dit le Seigneur, gardera ma
parole. "Ajoutons qu'aimer Dieu fidèlement, c'est accomplir toute la
loi divine. Remarquons aussi que les préceptes de la loi divine sont de deux
sortes: les uns sont positifs et commandent le bien; les autres sont
négatifs, et défendent le mal. L'amour divin accomplit également les uns et
les autres, car il ne peut faire le mal, et sa plénitude consiste à faire le
bien. 8. Le troisième effet de l'amour divin, c'est de nous offrir un refuge
contre l'adversité. Rien ne peut nuire, tout sert à celui qui aime Dieu, tout
concourt à son avantage: les peines, les afflictions lui semblent douces. Et
pourrait-il en être autrement, quand celui-là même dont le cœur n'est animé
que d'un amour terrestre souffre tout avec joie pour l'objet aimé? 9. Le quatrième et dernier effet principal de l'amour
divin, c'est de nous conduire au suprême bonheur. La béatitude éternelle
n'est promise qu'à ceux dont le cœur est pénétré de cet amour sublime; toutes
les vertus sans lui sont insuffisantes pour nous mériter les récompenses
célestes. "Il ne me reste plus, dit saint Paul, qu'à recevoir
la couronne que le souverain juge me réserve. Cette couronne ne m'attend pas
seul; elle attend aussi tous ceux qui, comme moi, aiment le Seigneur. "Ajoutons
qu'il y a différents degrés dans la béatitude éternelle, suivant les
différents degrés de l'amour divin, et non suivant ceux de toute autre vertu.
Bien des hommes se sont soumis plus que les Apôtres à de rigoureuses
abstinences. Cependant les Apôtres tiennent le premier rang dans le royaume
du ciel, parce que, plus que tous les autres hommes, ils étaient pénétrés de
l'amour divin. "Ils avaient reçu, comme dit saint Paul, les prémices
du Saint-Esprit," et voilà pourquoi ils sont récompensés plus
magnifiquement. 10. Mais, outre ces
quatre effets principaux de l'amour divin, il en est encore d'autres que nous
ne devons point passer sons silence. D'abord il nous obtient de Dieu la
rémission de nos péchés. Si un homme offense son prochain et lui voue plus
tard une tendre amitié, celui qu'il a offensé n'oublie-t-il pas ses torts
d'autrefois en faveur de son affection? C'est ainsi que Dieu pardonne à ceux
qui l'aiment, les offenses dont ils se sont rendus coupables envers lui. "L'amour,
dit l'Apôtre, couvre une foule de fautes. "Il les couvre si bien
qu'il les dérobe aux regards de Dieu. L'Apôtre dit que l'amour couvre une
foule de fautes, et Salomon assure qu'il les couvre toutes; c'est ce que
prouve l'exemple de Madeleine, de cette pécheresse repentante que le Seigneur
montrait à ses disciples, en disant: "Il lui sera beaucoup pardonné,
parce qu'elle a beaucoup aimé. "Mais, objectera-t-on, l'amour
suffit-il à lui seul pour effacer nos fautes, et ne faut-il pas qu'il soit
joint au repentir? Je réponds à cela qu'il est impossible d'avoir un amour
sincère sans avoir en même temps un sincère repentir de ses fautes. Plus nous
aimons quelqu'un, et plus nous éprouvons de regrets quand nous l'avons
offensé. 11. Un autre effet
de l'amour divin, c'est d'éclairer le cœur. "Nous sommes tous, selon
l'expression de Job, plongés dans les ténèbres. "Souvent nous ne
savons que faire, que désirer; mais l'amour divin illumine notre âme, il nous
enseigne tout ce qui est nécessaire à notre salut. Où règne l'amour divin
règne aussi le Saint-Esprit, qui connaît toutes choses, qui nous guide "dans
la voie de la justice," suivant l'expression du roi prophète: "Vous
qui craignez Dieu, dit l'Ecclésiastique, aimez-le, et vos cœurs seront
éclairés;" c'est-à-dire, vous saurez tout ce qui est nécessaire à
votre salut. 12. Un autre effet
de l'amour divin, c'est de produire dans l'homme un contentement parfait. Nul
ne peut goûter de jouissance réelle que dans le sein de Dieu. Quiconque
désire quelque chose ne peut trouver de satisfaction et de repos que dans la
possession de l'objet de ses désirs; souvent même, quand l'homme est agité
par une affection terrestre, il désire ardemment ce qu'il ne possède pas, et
il dédaigne, il méprise ce qu'il a obtenu. Il n'en est pas ainsi quand le
cœur est rempli de l'amour divin. Celui qui aime Dieu le possède tout entier,
et il trouve en lui son repos et son bonheur. "Celui qui aime Dieu
demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui." 13. L'amour divin
produit encore en nous une paix parfaite. Quand le cœur de l'homme est animé
d'un amour terrestre, il arrive souvent qu'après avoir possédé l'objet de ses
désirs, il est encore inquiet, il désire encore autre chose; car "le
cœur de l'impie est comme une mer bouillonnante, qui ne peut se calmer."
- "Point de paix pour les impies, dit le Seigneur. "II n'en est
pas ainsi de celui qu'anime l'amour divin. Quand on aime Dieu, on jouit d'une
paix parfaite. "Seigneur, s'écrie le Psalmiste, une paix
profonde est le partage de ceux qui aiment ta sainte loi; rien ne saurait
troubler leur âme. "Pourquoi cela? N'est-ce point que Dieu seul peut
remplir l'immensité de nos désirs? L'immensité de Dieu n'est-elle pas plus
grande encore que le vide de notre cœur? "Mon Dieu, s'écrie saint
Augustin, vous nous avez faits pour vous, et notre cœur est inquiet tant
qu'il ne se repose pas en vous." - "Ô mon âme! s'écrie aussi le roi
prophète, bénis le Seigneur qui remplit tous tes désirs." 14. Un autre effet
de l'amour divin, c'est d'ennoblir la nature humaine. Toutes les créatures
rendent hommage à la majesté divine, toutes sont soumises à Dieu comme à leur
Créateur, comme au souverain de l'univers; mais, grâce à l'amour, nous
cessons d'être esclaves; nous devenons libres, nous devenons les amis de Dieu.
"Je ne vous donnerai plus le titre de serviteurs, mais celui
d'amis," dit le Seigneur à ses disciples. Cependant, objectera-t-on,
saint Paul et tous les apôtres ne se donnent-ils pas à eux-mêmes le titre de
serviteurs de Dieu? Il est vrai; mais remarquons qu'il y a deux espèces de
servitude: la première est une servitude de crainte; elle est pénible et sans
mérite. Je dis sans mérite; celui qui ne s'abstient de faire le mal que par
crainte du châtiment n'a droit à aucune récompense; et sa soumission est
encore celle d'un esclave. La seconde est une servitude d'amour. Quand on a
pour motif de ses actions, non pas la crainte du châtiment, mais l'amour
divin, on n'agit point en esclave, on agit en homme libre, parce qu'on obéit
volontairement à Dieu. Voilà pourquoi le Seigneur dit à ses disciples: "Je
ne vous donnerai plus le titre de serviteurs. "Cette explication ne
suffit-elle point? saint Paul lui-même la complétera. "Vous n'avez
pas, dit-il, reçu comme les Juifs, l'esprit de crainte qui rend
l'homme esclave, mais l'esprit d'amour qui le rend libre et enfant de
Dieu." - "La crainte est étrangère à l'amour," ajoute saint
Jean. La crainte est pénible, et l'amour est plein de douceur. 15. L'amour divin ne
rend pas seulement l'homme libre, il le fait enfant de Dieu. Oui, grâce à
l'amour," nous obtenons le litre d'enfants de Dieu, et nous le sommes
véritablement," selon ce que dit encore saint Jean. Nous acquérons ainsi
un droit à l'héritage de notre Père céleste, et cet héritage, c'est la vie
éternelle. "L'Esprit saint, dit le grand Apôtre, nous rend ce
témoignage, que nous sommes enfants de Dieu. Si nous sommes enfants de Dieu,
nous sommes aussi ses héritiers; si nous sommes héritiers de Dieu,
nous sommes cohéritiers du Christ." - "Les justes, dit aussi
Salomon, sont enfants de Dieu." 16. Ce qui précède
fait assez comprendre les avantages de l'amour divin. Il est donc de notre
devoir de faire tous nos efforts pour acquérir et pour conserver une chose si
avantageuse. Mais remarquons d'abord que nul ne peut avoir par lui-même
l'amour divin, et que c'est Dieu seul qui le donne. "Si Dieu nous a
montré tant de bonté," dit saint Jean, ce n'est point à cause de
notre amour pour lui, mais a cause de son amour pour nous. "Car
l'amour que Dieu a pour nous n'est point l'effet de l'amour que nous avons
pour lui, mais l'amour que nous avons pour Dieu est l'effet de l'amour qu'il
a pour nous. "Ajoutons que, bien que tous les dons viennent du Père
des lumières, celui de l'amour divin est supérieur à tous les autres. On peut
posséder tous les autres dons sans posséder l'amour divin et le Saint-Esprit;
mais le Saint-Esprit est inséparable de l'amour divin, et il est impossible
de posséder l'un sans posséder aussi l'antre. "L'amour divin, dit
l'Apôtre, a pénétré dans nos cœurs avec le Saint-Esprit qui nous a été donné.
"Il n'en est pas de même des autres dons. On peut, je le répète,
posséder le don des langues, le don de la science, le don de prophétie, sans
posséder le Saint Esprit, sans
posséder l'amour divin. Bien que l'amour divin soit un don de Dieu et le plus
grand de tous, nous devons, pour le posséder, disposer notre cœur à le
recevoir et à le garder. 17. Deux choses sont
principalement nécessaires pour obtenir l'amour divin. Il faut d'abord
entendre avec assiduité la parole de Dieu. La manière dont naissent les
affections terrestres est une preuve de cette vérité. Quand nous entendons
dire du bien d'une personne, ne sommes-nous pas portés à l'aimer? C'est ainsi
qu'en entendant la parole de Dieu, notre cœur s'enflamme d'amour pour lui.
"Seigneur, s'écrie le roi prophète, votre parole est de feu, et
elle enflamme d'amour ce cœur qui vous est dévoué." - "La parole du
Seigneur," dit-il encore, enflamma le cœur de Joseph. "Ces
deux disciples de Jésus, qui avaient rencontré leur maître après sa
résurrection, se disaient l'un à l'autre, tout brûlants de l'amour divin: "Notre
cœur ne s'enflammait-il pas dans notre poitrine, tandis qu'il nous parlait en
chemin et nous expliquait les Écritures!" Nous lisons, dans les
actes des Apôtres, que, Simon Pierre prêchant l'Évangile a Césarée, le
Saint-Esprit descendit sur tous ceux qui écoutaient la parole divine.
N'arrive-t-il pas souvent que la prédication amollit les cœurs les plus durs,
et leur inspiré tout à-coup l'amour divin? 18. Pour obtenir
l'amour divin, il faut, en second lieu, entretenir sans cesse son esprit de
bonnes pensées. "Mon cœur s'enflamme au milieu de ses méditations
pieuses," dit le Psalmiste. Si vous voulez obtenir l'amour divin,
occupez-vous de pieuses méditations. Il serait bien insensible, celui qui, eu
songeant aux bienfaits du Seigneur, aux périls qu'il a évités, à la béatitude
qui lui est promise, ne s'enflammerait pas d'amour pour Dieu, "Il a
le cœur bien dur celui qui, s'il n'aime pas le premier, ne paie pas au moins
de retour l'amour qu'on a pour lui. "On peut dire, en général, que
les mauvaises pensées détruisent l'amour divin, et que les bonnes le font
naître, le nourrissent, et veillent à sa conservation. "Otez, dit
le Seigneur, ôtez de devant mes yeux vos mauvaises pensées." -
"Les mauvaises pensées, dit Salomon, éloignent de Dieu. "Deux
conditions principales sont nécessaires à l'accroissement de l'amour divin. 19. Il faut d'abord
éloigner son cœur des objets terrestres. Le cœur ne peut se donner
complètement à des objets divers; nul ne peut aimer à la fois le monde et
Dieu. C'est pourquoi plus notre cœur s'éloigne des affections terrestres,
plus il s'affermit dans l'amour divin. "Ce qui tue l'amour divin, dit
saint Augustin, c'est le désir d'obtenir ou de conserver les biens
temporels; ce qui le vivifie, c'est l'affaiblissement des passions; ce qui le
rend parfait, c'est l'absence de toute passion, car la passion est la source
de tous les maux." Quiconque veut accroître en lui l'amour divin
doit donc travailler à détruire en lui les passions. J'entends par passion
l'amour des biens temporels. Pour le détruire il faut d'abord craindre Dieu,
qui seul ne peut être craint sans être aimé. L'institution des ordres
religieux n'a pas d'autre but que l'accomplissement de cette œuvre. L'état
monastique nous éloigne des vanités du monde et des objets terrestres, il
élève notre âme vers le ciel et vers Dieu. "Le soleil brille après
avoir été voilé de nuages," lisons-nous dans le livre des Macabées.
Le soleil voilé de nuages, c'est l'esprit humain quand il est obscurci par
les affections terrestres; le soleil qui brille, c'est l'esprit humain quand
il se dégage des affections terrestres pour s'élever à l'amour divin. 20. La seconde
condition nécessaire à l'accroissement de l'amour divin, c'est une patience
inébranlable dans l'adversité. Les peines que nous endurons pour une personne
aimée augmentent notre tendresse pour elle, loin de la diminuer. "Des
torrents d'eau ne pourraient éteindre l'amour," dit le Cantique des
cantiques. Ces torrents d'eau, ce sont les tribulations de la vie, et ces
tribulations endurées pour Dieu affermissent l'amour divin dans les âmes
saintes, bien loin de l'affaiblir. L'artiste contemple avec plus d'amour
l'œuvre qui lui a coûté plus d'efforts et de peines. C'est ainsi que les
cœurs fidèles aiment d'autant plus Dieu qu'ils souffrent davantage pour lui.
"Les eaux se multiplièrent et l'arche s'éleva avec elles." Les
eaux du déluge, en sont les afflictions du monde; l'arche qui s'élève, c'est
l'Église ou l'âme du juste. |
1. Trois connaissances sont nécessaires à
l’homme pour son salut : la connaissance des vérités qu’il doit croire, la
connaissance des biens qu’il doit désirer, et la connaissance des œuvres
qu’il a le devoir d’accomplir. La première nous est enseignée dans le
symbole des Apôtres, qui nous fait connaître les articles de la foi; la
seconde nous est transmise dans le « Notre Père » et la
troisième dans la loi. Traitons maintenant de la connaissance des œuvres
que nous avons le devoir d’accomplir. Pour en traiter il faut parler des quatre
lois existantes. Des quatre lois qui règlent les actions humaines.a) La loi naturelle.2. a) La première est appelée la
loi naturelle. Cette loi n’est pas autre chose que la lumière de
l’intelligence, mise en nous par Dieu, par laquelle nous connaissons ce qu’il
faut faire el ce qu’il convient d’éviter. Cette lumière et cette loi, Dieu
les a données à l’homme, au moment de la création. Cependant beaucoup
croient, sous prétexte d’ignorance, qu’ils sont excusés, s’ils n’observent
pas cette loi. Mais le prophète, après avoir mis sur leurs lèvres ces paroles
(Ps. 4, 6) : Qui nous montrera ce qui est bien? Comme s’ils ignoraient
leur devoir, s’adressant au Seigneur pour les contredire, répond (v. 7) : Vous
avez répandu sur nous la lumière de
votre face, à savoir la lumière de l’intelligence, qui nous fait voir ce
que nous devons accomplir. Personne en effet n’ignore qu’il ne doit pas faire
à autrui ce qu’il ne voudrait pas qu’on lui fît à lui-même, et les autres
règles de morale, semblables. b) La loi de la concupiscence.3. b) Mais si Dieu, au moment de la
création, a donné à l’homme cette loi, à savoir la loi naturelle, le diable a
semé ensuite en lui une autre loi, à savoir la loi de la concupiscence. Aussi
longtemps en effet que l’âme du premier homme fut soumise à Dieu par
l’observance des préceptes divins, sa chair fut également soumise en tout à
son âme et à sa raison. Mais après que le diable, par suggestion, eût
détourné l’homme de l’observance des préceptes divins, la chair de l’homme
elle aussi, à son tour, n’obéit plus à sa raison. Et, en conséquence, il
advint ceci : encore que l’homme veuille le bien selon sa raison, par sa
concupiscence toutefois il est incliné à ce qui lui est contraire; c’est ce
que l’Apôtre dit aux Romains (7, 23) : Je vois dans mes membres une autre
loi que la loi de Dieu, qui lutte contre la loi de ma raison.
Aussi arrive-t-il souvent que la loi de la concupiscence tend à détruire
en nous la loi naturelle et l’ordre de la raison. Et c’est pourquoi l’Apôtre
ajoute : Cette loi de la concupiscence me tient captif sous la loi du
péché qui est dans mes membres. c) La loi de l’Ecriture ou loi de la crainte.4. c) La loi de la concupiscence avait
détruit, la, loi naturelle; il fallait donc que l’homme fût ramené à la
pratique de la vertu et arraché aux vices ; c’est ce qui rendit nécessaire la
loi de l’Ecriture. 5. Or, pour retirer l’homme du
mal et l’entraîner au bien, il faut savoir que deux moyens sont nécessaires. Le premier est la crainte ; car, le
premier et principal motif pour lequel l’homme commence à éviter le péché,
c’est la considération des peines de l’Enfer et du jugement dernier. On lit
en effet dans l’Ecclésiastique (1, 16 & 27) : La crainte du
Seigneur est le commencement de la sagesse et de chasse le péché. Bien que,
de fait, cette crainte qui détourne l’homme du péché ne suffise pas à le
rendre juste, toutefois c’est par cette crainte que commence sa
justification. La loi de Moïse retirait donc l’homme du mal et
le portait au bien par ce moyen de la crainte et ceux qui la violaient
étaient punis de mort, comme, le dit l’épître aux Hébreux (10, 28) : Celui
qui a violé la loi de Moïse est condamné à mort sans miséricorde, sur
la déposition de deux ou trois témoins. d) La loi évangélique ou loi de l’amour.6. d) Mais ce moyen est insuffisant, est
insuffisante fut la loi, donnée par Moïse, car celle-ci retirait l’homme du
mal précisément par ce moyen de, la crainte, qui, s’il contenait la main, ne
pouvait pas retenir le cœur. Il fallait donc un autre moyen pour retirer du
mal et conduire au bien et ce moyen est celui de l’amour. Et selon ce moyen
fut donnée la loi du Christ, à savoir la loi évangélique, qui est la loi de
l’amour. Des trois différences existant entre la loi de la crainte et la loi de l’amour.1) La première fait des esclaves, la deuxième des hommes libres et des fils.7. La loi de la crainte et la loi de,
J’amour, il faut, le remarquer, se différencient de trois manières. Premièrement, la loi de la crainte
fait de ceux qui l’observent des esclaves; alors que la loi de l’amour en
fait des hommes libres. Car celui qui n’agit que par crainte agit comme un
esclave; celui au contraire qui, agit par amour agit comme un homme libre et
un fils. Aussi l’apôtre écrit aux Corinthiens (2 ép., 3, 17) : Là où est
l’Esprit de Dieu, là est la liberté, c’est-à-dire ceux en qui réside l’Esprit
de Dieu possèdent la liberté, parce qu’ils agissent par amour comme des fils.
2) La première fait obtenir des biens temporels, la seconde des biens éternels.8. Deuxièmement la loi de la crainte et
celle de l’amour se différencient en ceci, que l’observation de lia première
faisait entrer en possession de biens temporels, conformément à cette parole
d’Isaïe (1, 19) : Si vous le
voulez, dit le Seigneur, et si vous m’écoutez, vous mangerez les biens
de la terre ; alors que l’observation de la deuxième fait entrer en
possession des biens célestes. Le Seigneur dit en effet (Mt, 19, 17) : Si
vous voulez entrer dans la vie, observez les commandements ; et (Mt,
3, 2) : Repentez-vous, car le Royaume de Dieu est proche. 3) La loi de la crainte est lourde à porter, la loi de l’amour légère.9. Troisièmement, ces deux lois se différencient en ceci, que lia première est lourde à
porter. Saint Pierre dit en effet, aux Juifs (Ac. 15, 10) : Pourquoi
vouloir nous charger d’un joug que ni nos pères ni nous-mêmes n’avons été
capables de porter? Au contraire, la loi de Jésus-Christ est légère;
lui-même en effet a déclaré (Mt 11, 30) : Mon joug est doux et mon fardeau
est léger; et l’Apôtre dit aux Romains (8, 15) : Vous n’avez pas reçu
un esprit de servitude pour retomber dans la crainte, mais vous avez reçu
l’esprit d’adoption des enfants. 10. Comme nous l’avons déjà dit, il y a quatre
lois : la première, qui est
la loi naturelle, gravée par Dieu en l’homme au moment de sa création; la deuxième,
la loi de la concupiscence ; la troisième, la loi de l’Ecriture ; la quatrième, la loi de la charité et de
la grâce, qui est la loi du Christ. La loi de l’amour est une loi abrégée.Or, manifestement, tous ne peuvent pas
s’appliquer au dur travail nécessaire pour l’acquisition de la science. C’est
pourquoi le Christ nous a donné une loi abrégée ; à cause de sa brièveté tous
peuvent la connaître et personne ne peut, sous prétexte d’ignorance,
s’excuser de ne pas l’observer. Cette loi est celle du divin amour; à elle
s’appliquent les paroles ide l’Apôtre (Rm. 9, 28) : Le Seigneur abrégera
sa parole sur la terre. II – [La loi de l’amour doit régler tous les actes humains pour les rendre bons et vertueux.]11. C’est la loi du divin amour, il faut
le savoir, doit être la règle de tous les actes humains. De même en effet que
nous disons d’une œuvre d’art qu’elle est bonne et belle lorsqu’elle est
conforme aux règles de l’art, de même un acte humain est bon et vertueux
quand il est conforme à la règle de la dilection divine. Lorsqu’il est en
désaccord avec cette règle, il n’est ni bon, ni droit, ni parfait. Donc pour
que les, actes humains deviennent bons, il faut qu’ils soient en accord avec
la règle du divin amour. III – [Les effets merveilleux de la loi du divin amour.]1) Le premier effet, c’est de nous donner la vie spirituelle.12. Cette loi du divin amour, il faut le
savoir, opère en l’homme quatre effets souverainement désirables. 1) Le premier effet, c’est de nous donner la
vie spirituelle, en nous transformant en Dieu. Le premier est la vie spirituelle.
Manifestement, en effet, selon lia nature, l’aimé est dans l’aimant. C’est
pourquoi celui qui aime Dieu le possède en lui-même, conformément à cette
parole de saint Jean (1
Jean 4, 16) : Quiconque demeure dans la charité demeure en : Dieu et Dieu,
demeure en lui. C’est, aussi la nature de l’amour de transformer,
l’aimant en l’aimé. C’est pourquoi, si nous aimons des choses viles et
caduques, nous devenons nous-mêmes vils et instables. On dit en effet en Osée
(9, 10) : Vos pères, dit Dieu aux enfants d’Israël, sont devenus
abominables, comme les idoles, objet de leur amour. Si, au contraire,
nous, aimons Dieu, nous devenons divins, car, dit l’Apôtre (1 Co 6, 17), celui
qui s’attache au Seigneur n’est avec lui qu’un seul esprit. 13. Mais « comme l’âme est la
vie du corps, dit saint Augustin, de même Dieu est la vie de l’âme. »
C’est là une vérité manifeste. Nous disons en effet que le corps vit par
l’âme, quand il accomplit les œuvres propres de la vie et quand il agit et se
meut; mais l’âme vient-elle à le quitter, le corps cesse d’agir et de se
mouvoir. De même également l’âme accomplit des actes de vertu et agit avec
perfection, lorsqu’elle opère par la charité; c’est par cette vertu en effet
que Dieu habite en elle; mais sans charité elle est inerte par saint Jean a
écrit (1 Jean 3, 14) : Celui qui n’aime pas demeure dans la mort. Car, il importe de l’observer, si quelqu’un
possède tous les dons du Saint-Esprit, sans la charité, il ne possède pas la
vie. Le don des langues, en effet, le don de la foi ou tout autre don ne
saurait, sans la charité, donner la vie. Couvrez un corps mort d’or et de
pierres précieuses, il n’en demeure pas moins privé de la vie. Ainsi donc le
premier effet de la charité, c’est de donner la vie. 2) Le deuxième effet, c’est de taire observer les commandements.14. 2) Le deuxième effet opéré en l’homme par la charité est
l’observation des commandements divins. « L’amour de Dieu, dit en effet saint
Grégoire, n’est jamais inactif; il opère de grandes choses s’il existe; mais
s’il refuse d’agir, il montre par là, son inexistence. » C’est pourquoi
la promptitude à accomplir les préceptes est un signe manifeste de la réalité
de la charité. Nous voyons en effet que celui qui aime accomplit des actions
grandes et difficiles pour celui qu’il aime. Jésus lui-même a dit (Jn. 14,
23) : Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole. 15. Mais il faut observer que celui qui
garde le commandement et, la loi de l’amour divin accomplit toute la loi. Or
il y a deux sortes de commandements divins. Les uns sont
positifs et la charité les accomplit, car la plénitude de la loi, qui
consiste dans les commandements, c’est l’amour, par lequel iles commandements
sont observés. Les autres, sont négatifs et la charité les accomplit
également, parce que, comme le dit l’Apôtre (1 Co 13, 4), elle n’agit pas
inconsidérément. 3) Le troisième effet de la loi de l’amour, c’est d’être un secours efficace contre toute adversité.16. 3) Le troisième effet produit
par la charité, c’est d’être un secours contre les adversités. A celui en
effet qui possède la charité, l’adversité, quelle qu’elle soit, loin de
nuire, se transforme en un bien salutaire, car, dit l’Apôtre (Rm. 8, 28), tout contribue au bien de ceux qui aiment
Dieu. Il faut même ajouter : les choses contraires et difficiles
paraissent douces à celui qui aime, comme nous-mêmes l’expérimentons. 4) Le quatrième effet est de
conduire à la félicité éternelle.
17. 4) Le quatrième effet de la charité est
de nous conduire à la félicité. La béatitude éternelle en effet est promise
seulement à ceux qui possèdent la charité ; car, sans la charité, tout est
insuffisant. L’Apôtre écrit en effet (2 Tim 4, 8) : il ne me reste qu’à
recevoir la couronne de justice, qu’en ce jour-là me donnera le juste Juge,
et non seulement à moi, mais à tous ceux qui auront atten1du son apparition
avec amour. 18. Et il importe de savoir que la
différence de degré de lia béatitude est proportionnée uniquement à la
différence de la, charité et non proportionnée à quelque autre vertu. Il y
eut en effet beaucoup d’hommes à pratiquer davantage l’abstinence que les
Apôtres; Ceux-ci toutefois à cause de l’excellence de leur charité,
surpassent en béatitude tous les autres hommes, car, selon l’Apôtre (Rm 8,
23), ils possédèrent les prémisses de l’Esprit. La différence de degré
de la béatitude provient donc de la différence de la charité. Ainsi sont manifestés les quatre effets produits
en nous par la charité. Il y en a en outre quelques autres opérés par
elle, qu’on ne peut passer sous silence. 5) Le cinquième effet produit en nous par la charité, c’est de remettre tous nos péchés.19. 5) Premièrement, en effet,
elle opère la rémission des péchés. Notre propre expérience nous le rend
clairement manifeste. Car si un : homme en offense un autre et ensuite l’aime
intimement, à cause de l’amour que lui témoigne l’offenseur 1’offensé lui
pardonne son offense. De la même manière Dieu pardonne leurs péchés à ceux
qui l’aiment. C’est pourquoi saint Pierre écrit (l ep., 4, 8) : La
chanté couvre une multitude des péchés. Et il dît bien : elle couvre, car
Dieu ne voit plus leurs péchés pour les punir. Mais, bien que saint Pierre
dise que la charité couvre une multitude de péchés, néanmoins, Salomon écrit
(Prov. 12) : La charité couvre la totalité des fautes. Et c’est ce que
manifeste surtout l’exemple de Marie-Madeleine, dont le Seigneur dit (Lc 7,
47) : Ses nombreux péchés lui sont pardonnés, et il en donne ensuite
la raison : parce qu’elle a
beaucoup aimé. 20. Mais peut-être quelqu’un
dirait-il : La charité suffit donc pour effacer, les péchés ; par conséquent,
la pénitence n’est pas nécessaire. Il faut répondre par cette considération :
Personne n’aime sincèrement, qui ne se repent pas sincèrement. Il est
manifeste en effet que plus nous aimons quelqu’un, plus nous, avons de
douleur, si nous, l’offensons. Et c’est là un des effets de la charité. 6) Le sixième effet produit en nous par la charité, c’est de nous enseigner tout ce qu’il est nécessaire de savoir pour être sauvé.21. La charité cause également l’illumination du cœur. Il est dit
dans le livre de Job (37, 19) : Nous sommes tous enveloppés de
ténèbres. Car il nous arrive fréquemment d’ignorer ce que nous devons faire
et ce que nous devons désirer. Or c’est la charité qui nous enseigne tout ce
qui est nécessaire au salut. C’est pourquoi saint Jean écrit (1 Jean 2, 27) :
Son onction vous instruit de tout. Là en effet où est la charité, là
est l’Esprit Saint, qui est l’onction du Seigneur; cet Esprit connaît tout et
nous conduit dans la ‘voie droite’, comme il est dit au psaume 142 (10).
C’est pourquoi il est écrit au livre de l’Ecclésiastique (2, 10) : Vous
qui craignez, le Dieu, aimez-le, et
vos cœurs seront remplis de lumière, pour connaître ce qui est nécessaire au
salut. 7) Le septième effet produit par la charité, c’est de donner une joie parfaite, en faisant reposer, l’âme en Dieu.22. 7) La charité produit aussi
en nous une joie parfaite. Personne en effet ne possède vraiment la joie,
s’il ne vit pas dans la charité. Car quiconque désire un bien, ne pourra
trouver ni joie ni repos, aussi longtemps qu’il ne l’aura pas obtenu. Et il
arrive ceci dans les choses temporelles : le bien que nous ne possédons pas,
nous le désirons, et une fois possédé, nous le méprisons et il engendre notre
dégoût. Mais il en va autrement dans les choses spirituelles. Et même, celui
qui aime Dieu le possède; aussi l’âme de celui qui aime et désire le Seigneur
se repose en lui. Car, dit saint Jean (1 Jean 4, 16), celui qui demeure dans la charité, demeure en Dieu et Dieu
demeure en lui. 8) Le huitième effet produit par la charité, c’est de donner une paix parfaite, en rassasiant tous les désirs.23. 8) En outre la charité
produit en nous une paix parfaite. Il arrive en effet que les désirs des
hommes se portent fréquemment vers les choses temporelles, mais leur âme,
après être entrée en possession de ce qu’elle convoitait, n’est pas pour
autant en repos; bien au contraire, aussitôt qu’elle entre en possession d’un
bien temporel, elle en désire un autre. Le Seigneur dit en effet (Is.
57, 20) : Le cœur de l’impie est
comme la mer agitée, qui ne peut se calmer;
et il n’y a pas de paix pour les méchants. Mais il en va autrement
dans la charité envers Dieu ; en effet celui qui aime possède une paix complète;
car nous lisons dans le Psaume 118 (v. 165) : il y a une grande
paix pour ceux qui aiment votre loi, Seigneur, et rien ne leur est une
occasion de chute. Il en est ainsi, parce que Dieu seul peut
rassasier entièrement nos désirs. Dieu en effet, dit l’Apôtre saint
Jean (1 Jean 3, 20), est plus grand que notre cœur. Et c’est pourquoi
saint Augustin écrit (Confessions L. 1) : « Vous nous avez fait pour vous,
Seigneur, et notre cœur est sans repos, aussi longtemps qu’il ne se repose
pas en vous ». Et il est dit au Psaume 102 (v. 5) : Le Seigneur
remplit vos désirs, en vous comblant de biens. 9) Le neuvième effet produit en l’homme par la charité, c’est de lui conférer la très haute dignité d’ami de Dieu.24. – 9) De plus la charité confère
à l’homme une grande dignité. Toutes les créatures en effet sont au service
de la Majesté divine, (car toutes ont été faites par lui), comme sont au
service d’un artisan les objets fabriqués par lui. Mais la charité fait du
serviteur un affranchi et un ami. C’est pourquoi le Seigneur dit aux Apôtres
(Jn. 15, 15) : Vous, je ne vous appelle plus serviteurs... mais amis. La Charité nous fait fils de Dieu.25. Cependant saint Paul n’est-il pas le
serviteur du Christ et également les autres Apôtres, puisque dans leurs
lettres, ils se donnent ce titre? A cette objection, il faut répondre : il existe deux espèces de servitude. La première
est celle de la crainte, qui est une servitude pénible et non méritoire.
Quiconque en effet s’abstient du péché, uniquement par crainte du châtiment,
ne gagne pas de mérite ; mais il est encore serviteur. La seconde
servitude est celle de l’amour. Quiconque en effet agit non par crainte de la
justice de Dieu, mais par amour pour lui, celui-là n’agit pas comme un
serviteur, mais comme un homme libre, parce qu’il agit de son plein gré.
C’est de cette manière qu’agirent les Apôtres. Et c’est pourquoi le Christ
leur dit : Je ne vous appellerai plus serviteurs. Et si nous demandons
: Pourquoi? L’Apôtre répond (Rm 8, 15) : Vous n’avez pas reçu un esprit de
servitude pour retomber dans la crainte; mais vous avez reçu un esprit de
fils adoptifs. En effet il n’y a pas de crainte dans l’amour, comme
dit saint Jean (1 Jean 4, 18), car la crainte suppose un châtiment. Cependant
la charité ne nous fait pas seulement libres, elle nous fait aussi fils, de
telle sorte, dit saint Jean (1
Jean 3, 1), que nous sommes appelés fils de Dieu et nous le sommes en
réalité. C’est en effet lorsque l’étranger s’est acquis un
droit à son héritage qu’il devient le fils adoptif de quelqu’un. Ainsi est-ce
par la charité que nous acquérons un droit à l’héritage de Dieu, qui est la
vie éternelle. Car, comme le dit saint Paul (Rm 8, 16-17), l’Esprit
lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes fils de Dieu.
M’ais si nous sommes fils, nous sommes aussi héritiers; héritiers de ‘Dieu et
cohéritiers du Christ. Le livre de la Sagesse dit également à propos des
justes (5, 5) : Voici qu’ils ont été comptés parmi les fils de Dieu. De la nécessité de travailler avec ardeur et acquérir cette vertu aux effets si merveilleux, qu’est la charité. Elle est un don de Dieu seul26. Ce que nous venons dei dire montre
avec clarté les avantage. s de la charité. Puisque donc elle présente de si
grands avantages, il faut travailler avec ardeur à l’acquérir et à la
conserver. il faut le savoir cependant, personne par
soi-même ne peut posséder la charité; et même, c’est un don de Dieu seul.
Saint Jean (l ép. 4, 10) dit en effet : Ce n’est pas nous qui avons aimé
Dieu; non, c’est lui qui nous a aimés le premier. Car il est hors de
doute que Dieu ne nous aime pas parce que nous l’avons aimé les premiers;
mais c’est son amour ‘qui cause en nous l’amour que nous lui portons. Le don de la charité surpasse absolument tous les autres. Qui le possède, possède l’Esprit Saint.27. Il nous faut également considérer
ceci : encore que tous les dons procèdent du Père des lumières, ce don de la
charité surpasse absolument tous les autres. On peut posséder en effet tous
les autres dons sans la charité et l’Esprit Saint; par contre avec la charité
on possède nécessairement l’Esprit-Saint. La charité de Dieu, dit en
effet l’Apôtre (Rm. 5, 5), a été répandue dans nos cœurs par
l’Esprit-Saint, qui nous a été donné. Car on peut posséder sans la grâce
et sans l’Esprit-Saint soit le don des langues, soit le don de la science,
soit le don de la prophétie. 28. Bien que la charité soit un
don divin, toutefois pour la posséder, nous devons de notre part nous y
disposer. Des deux dispositions pour acquérir le don de la charité.Or, il faut savoir que deux dispositions
particulières sont nécessaires pour acquérir la charité et deux autres
pour augmenter la charité déjà acquise. 1) La première est l’audition attentive de la parole de Dieu.A) La première disposition pour acquérir la
charité est l’audition attentive de la parole divine. Ce qui se passe parmi
nous en est une preuve manifeste et suffisante. Si, en effet, nous entendons
dire du bien de quelqu’un, nous nous enflammons d’amour pour lui. Ainsi, en
écoutant les paroles de Dieu, nous nous embrasons de charité pour lui. Nous
lisons en effet au Psaume 118 (v. 140) : Votre parole est pleine de feu,
et votre serviteur la chérit; et au Psaume 104 (v. 19) (au sujet de
Joseph, fils de Jacob) : La parole
du Seigneur l’enflamma; et voilà pourquoi les deux disciples d’Emmaüs,
enflammés de l’amour divin, se disaient l’un à l’autre, (Lc 24, 32) : Notre
cœur n’était-il pas tout brûlant au dedans de nous, quand il nous parlait en
chemin et qu’il nous expliquait les Ecritures? C’est pourquoi
nous lisons également dans les Actes (10, 44) qu’à la prédication de Pierre, l’Esprit-Saint
tomba sur tous ceux qui écoutaient la parole divine. Et la même chose
arrive fréquemment dans les prédications lorsque ceux qui y viennent avec un
cœur dur sont embrasés de l’amour divin à cause de la parole du prédicateur. 2) La deuxième est d’entretenir en nous sans cesse des bonnes pensées.29. La deuxième disposition pour
acquérir la charité est la méditation continuelle du bien. Mon cœur, est-il
dit au Psaume 38 (v. 4), s’est enflammé
au dedans de moi, à ma méditation un feu s’est embrasé. Si donc vous
voulez acquérir l’amour de Dieu, il vous faut méditer le bien. Celui-là en
effet aurait un cœur tout à fait insensible qui, pensant aux bienfaits à lui
octroyés par Dieu, aux périls dont il l’a délivré et à la béatitude qu’il lui
a promise, ne s’enflammerait pas pour cet amour divin. C’est pourquoi saint
Augustin écrit : « il est vraiment insensible le cœur de l’homme, qui non
seulement ne veut pas donner d’amour, mais ne veut même pas payer de retour
l’amour qu’on lui donne ». Et il est toujours vrai de dire : de même
que les mauvaises pensées détruisent la charité, ainsi les bonnes pensées
l’engendrent, la nourrissent et la conservent. Aussi Dieu nous commande-t-il
(Is. 1, 16) : Otez de devant mes yeux vos pensées mauvaises, car (Sg.
1, 3) les pensées perverses éloignent de Dieu. Des deux dispositions qui augmentent la charité.30. – B) D’autre part il y a également deux
dispositions qui augmentent la charité. 1) La première est de détacher son cœur des choses terrestres.La première consiste à séparer son cœur
des choses terrestres. Le cœur en effet ne peut pas se porter parfaitement
vers plusieurs réalités différentes. C’est pourquoi nul ne peut aimer à la
fois Dieu et le monde. Aussi plus notre âme s’éloigne de l’amour des choses
terrestres, plus elle s’affermit dans l’amour divin. Saint Augustin dit en
effet (Livre des 83 questions) : «
La ruine de la charité c’est l’espérance d’acquérir ou de garder les biens
temporels; l’aliment de la charité, c’est la diminution de la cupidité; sa
perfection, c’est l’absence de toute cupidité : car la racine de tous les
maux, c’est la cupidité (1 Tm 6, 10) ». Donc, quiconque veut
nourrir en lui la charité, qu’il s’applique à réduire en lui la cupidité. 31. Or la cupidité consiste dans
la passion que l’on éprouve à acquérir ou retenir les choses temporelles. La
cupidité commence à diminuer en l’homme, quand il se met à craindre Dieu ;
car Dieu seul ne peut être craint sans aussi être aimé. C’est pour la
destruction de la cupidité que furent établis les ordres religieux. En eux et
grâce à eux, l’âme du religieux est retirée des choses corruptibles et
mondaines et élevée aux choses divines. Ce que l’on peut voir signifié dans
le deuxième livre des Maccabées (1, 22), où il est dit : Le soleil se mit
à resplendir, qui auparavant était obscurci par les nuages. Le soleil,
c’est-à-dire l’intelligence humaine, est obscurci par les nuages, quand elle
s’applique aux choses terrestres; mais elle resplendit, quand elle s’éloigne
et se retire de l’amour des réalités terrestres. Alors en effet elle devient
toute lumineuse et l’amour divin grandit en elle. 2) La deuxième est la patience inaltérable dans les adversités.32. – Le second moyen d’augmenter la
charité, c’est de garder une patience inaltérable dans les adversités. Si en
effet nous souffrons des choses pénibles pour une personne aimée, notre amour
pour elle n’en est pas détruit c’est chose manifeste mais bien plutôt il
s’accroît. L’afflux des eaux, c’est-à-dire l’afflux des tribulations,
est-il dit au Cantique des cantiques (8, 7), a été impuissant à éteindre
l’amour. Et c’est pourquoi les hommes saints qui supportent pour Dieu des
adversités s’affermissent davantage dans son amour ; de même un artisan, se
complaît davantage dans l’œuvre pour laquelle il a plus peiné. De là vient
aussi que plus les fidèles souffrent d’afflictions pour Dieu, plus ils
grandissent dans son amour. Il est dit dans la Genèse (7, 17) : Les eaux
(c’est-à-dire les tribulations) se multiplièrent et élevèrent dans les
airs l’arche, qui était la figure de l’Eglise et de l’âme du juste. |
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[I- LES
COMMANDEMENTS DE L’AMOUR DE DIEU]
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[DE LA CHARITE
ENVERS DIEU]
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Articulus
1 [86716] De decem praeceptis, a. 1 tit. 1 De dilectione Dei |
Article 1 – Premier précepte : De l’amour de
Dieu |
Le plus grand commandement, le plus noble, le plus utile, celui qui renferme en lui tous les autres. |
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[86717] De decem praeceptis, a. 1 Interrogatus Christus ante passionem, a legisperitis,
quod esset maximum et primum mandatum, dixit, Matth. XXII, 37: diliges
dominum Deum tuum ex toto corde tuo, et in tota anima tua, et in tota mente
tua; hoc est maximum et primum mandatum. Et vere istud est maius et
nobilius et utilius inter omnia mandata, sicut satis manifestum est. In hoc enim omnia
mandata implentur. Sed ad hoc quod istud praeceptum dilectionis possit
perfecte impleri, quatuor requiruntur. Primum
est divinorum beneficiorum rememoratio: quia omnia quae habemus, sive anima,
sive corpus, sive exteriora, habemus a Deo: et ideo oportet quod sibi de
omnibus serviamus, et eum diligamus corde perfecto. Nimis enim ingratus est
qui cogitans alicuius beneficia, eum non diligit. Haec recogitans David
dicebat, I Paralip. XXIX, 14: tua sunt omnia: quae de manu tua accepimus,
dedimus tibi. Et ideo in eius laudem dicitur Eccli. XLVII, 10: de omni
corde suo laudavit dominum, et dilexit Deum qui fecit illum. Secundum est
divinae excellentiae consideratio. Deus enim maior est corde nostro, I Ioan.
III: unde si toto corde et viribus ei serviamus, adhuc non sufficimus. Eccli.
XLIII, 32-33: glorificantes dominum quantumcumque potueritis, supervalebit
adhuc (...) benedicentes dominum exaltate illum quantum potestis: maior est
enim omni laude. Tertium est mundanorum et terrenorum abdicatio. Magnam
enim iniuriam Deo facit qui aliquid ei adaequat. Isai. XL, 18: cui similem
fecistis Deum? Tunc autem alia Deo adaequamus, quando res temporales et
corruptibiles simul cum Deo diligimus. Sed hoc est omnino impossibile.
Propterea dicitur Isai. XXVIII, 20: coangustatum est stratum, ita ut alter
decidat; et pallium breve utrumque operire non potest. Ubi cor hominis
assimilatur strato arcto et pallio brevi. Cor enim humanum arctum est in
respectu ad Deum: unde quando alia ab eo in corde tuo recipis, ipsum
expellis: ipse enim non patitur consortem in anima, sicut nec vir in uxore. Et ideo dicit ipse Exod. XX, 5: ego sum Deus tuus
Zelotes. Nihil enim vult quod diligamus quantum eum aut praeter eum.
Quartum est omnimoda peccatorum vitatio. Nullus enim potest diligere Deum in
peccato existens. Matth. VI, 24: non potestis Deo servire et mammonae.
Unde si in peccato existis, Deum non diligis. Sed ille diligebat qui dicebat,
Isai. XXXVIII,
3: memento quomodo ambulaverim coram te in veritate et in corde perfecto.
Praeterea dicebat Elias, III Reg. XVIII,
21: quousque claudicatis in duas partes? Sicut claudicans nunc huc
nunc illuc inclinatur; sic et peccator nunc peccat, nunc Deum quaerere
nititur. Et ideo dominus dicit, Ioelis II, 12: convertimini ad me in toto
corde vestro. Sed contra istud praeceptum duo genera hominum peccant.
Illi scilicet homines, qui vitando unum peccatum, utputa luxuriam, aliud
committunt, ut usuram. Sed nihilominus damnantur: quia qui offendit in
uno, factus est omnium reus, ut dicitur Iac. II, 10. Item sunt aliqui qui
confitentur quaedam, quaedam non, vel quantum ad diversos confessionem
dividunt. Sed isti non merentur, immo peccant in hoc, quia Deum decipere
intendunt, et quia divisionem in sacramento committunt. Quantum ad primum
dicit quidam: impium est a Deo dimidiam sperare veniam. Quantum ad
secundum, Psal. LXI, 9: effundite coram illo corda vestra: quia
videlicet omnia sunt in confessione revelanda. Iam ostensum est quod homo se Deo dare tenetur. Nunc considerandum
est quid homo de se Deo dare debeat. Debet enim homo Deo dare quatuor:
scilicet cor, animam, mentem et fortitudinem. Et ideo dicitur Matth. XXII,
37: diliges dominum Deum tuum ex toto corde tuo, et ex tota anima tua, et
ex tota mente tua et ex tota virtute, idest fortitudine tua. Sciendum est
autem, quod per cor intelligitur hic intentio. Est autem intentio tantae
virtutis quod omnia opera ad se trahit: unde quaecumque bona mala intentione
facta, in mala convertuntur. Luc. XI, 34: si oculus tuus (idest
intentio) nequam fuerit, totum corpus tenebrosum erit; idest,
congeries bonorum operum tuorum tenebrosa erit. Et propterea in omni opere
nostro intentio ponenda est in Deo. Apostolus, I Cor. X, 31: sive ergo
manducatis, sive bibitis, vel aliud quid facitis, omnia in gloriam Dei facite.
Sed bona intentio non sufficit; immo oportet quod adsit bona voluntas, quae
per animam significatur. Frequenter enim aliquis bona intentione operatur,
sed inutiliter, cum bona voluntas desit; ut si quis furetur ut pascat
pauperem, est quidem recta intentio, sed deest rectitudo debitae voluntatis. Unde nullum malum bona intentione factum excusatur.
Rom. III, 8: qui dicunt, faciamus mala ut veniant bona: quorum damnatio
iusta est. Tunc autem adest bona voluntas intentioni, quando ipsa
voluntas voluntati divinae concordat; quod quotidie postulamus dicentes: fiat
voluntas tua sicut in caelo et in terra; et Psal. XXXIX, 9: ut facerem
voluntatem tuam, Deus meus, volui. Et propter hoc dicit, in tota anima
tua. Anima enim in Scriptura frequenter pro voluntate accipitur, ut Hebr.
X, 38: quod si subtraxerit se, non placebit animae meae, idest
voluntati meae. Sed aliquando est bona intentio et bona voluntas, sed in
intellectu quandoque aliquod peccatum habetur, et ideo totus intellectus
dandus est Deo. Apostolus, II Cor. X, 5: in captivitatem redigentes omnem
intellectum in obsequium Christi. Multi enim in opere non peccant, sed
tamen volunt ipsa peccata cogitare frequenter; contra quos dicitur Isai. I,
16: auferte malum cogitationum vestrarum. Sunt etiam multi qui in sua sapientia confidentes,
nolunt fidei assentire, et tales non dant mentem Deo. Contra hos dicitur
Prov. III, 5: ne innitaris prudentiae tuae. Sed istud non sufficit;
immo totam virtutem et fortitudinem Deo dare oportet. Psal. LVIII, 10: fortitudinem
meam ad te custodiam. Aliqui enim sunt qui fortitudinem suam tribuunt ad
peccandum, et in hoc suam potentiam manifestant; contra quos dicitur Isai. V,
22: vae qui potentes estis ad bibendum vinum, et viri fortes ad miscendam
ebrietatem. Aliqui ostendunt potentiam suam vel virtutem in nocendo proximis;
deberent eam ostendere in subveniendo ipsis. Prov.
XXIV, II: erue eos qui ducuntur ad mortem; et qui trahuntur ad interitum,
liberare ne cesses. Igitur ad diligendum Deum danda sunt ista Deo:
scilicet intentio, voluntas, mens, fortitudo. |
21. Quand les
docteurs de la loi mosaïque demandèrent à Jésus quel était le plus grand et
le premier commandement, il leur répondit: "Vous aimerez le Seigneur,
votre Dieu, de tout votre cœur, de toute votre âme et de tout votre esprit;
tel est le plus grand et le premier commandement." Et en effet, il
est le plus important et le plus sublime de tous, il contient à lui seul tous
les autres. Quatre conditions sont nécessaires à l'accomplissement parfait de
ce précepte. 22. La première,
c'est une reconnaissance profonde pour les bienfaits de Dieu. Tout ce que
nous possédons, soit en nous, soit hors de nous, vient de lui; il faut donc
que nous lui rendions hommage de tout et que nous l'aimions d'un amour sans
bornes. Ne serait ce point une coupable ingratitude que de ne pas aimer son
bienfaiteur? Le souvenir des bienfaits du Seigneur n'abandonnait jamais
David: "Mon Dieu, s'écrie-t-il, tout vous appartient, nous ne faisons
que vous rendre ce que nous avons reçu de votre main." Aussi
l'Ecclésiastique fait-il l'éloge du roi prophète en ces termes: "Il a
glorifié de toute son âme le nom du Seigneur; il a aimé d'un amour sans
bornes le Dieu qui l'avait créé." 23. La seconde
condition, c'est un profond respect pour la majesté divine. "Dieu est
plus grand que notre cœur;" ainsi, quand même nous le servirions de
tout notre cœur, notre soumission ne serait pas encore assez humble. "Glorifiez
le Seigneur de toutes vos forces, dit l'Ecclésiastique, vous n'atteindrez
jamais jusqu'à lui. Bénissez le Seigneur, exaltez-le de toute la puissance de
votre âme, car il est au-dessus de toute louange." 24. La troisième
condition, c'est le renoncement aux vanités du monde et aux affections
terrestres. C'est faire injure à Dieu que de lui égaler quelque chose. "A
quel rang me faites-vous descendre?" dit le Seigneur à ceux qui le
rabaissent au niveau des créatures. Nous faisons injure à Dieu, nous
dégradons sa majesté quand nous mêlons les affections terrestres à l'amour
divin; ou plutôt, il est impossible d'aimer à la fois le monde et Dieu. "Une
couche trop étroite ne peut recevoir deux personnes, dit Isaïe, et un manteau
trop court ne peut les couvrir en même temps." Ce manteau trop
court, cette couche trop étroite c'est le cœur de l'homme, qui peut à peine
contenir Dieu lui seul, et que Dieu abandonne quand il lui faut le partager
avec le monde. Il ne souffre point de rival dans notre cœur, non plus qu'un
époux dans le cœur de son épouse. N'a-t-il pas dit lui-même: "Je suis
votre Dieu jaloux?" II ne veut point que nous aimions quoi que ce
soit autant que lui; il ne veut point que nous aimions autre chose que lui. 25. La quatrième
condition, c'est l'horreur du péché. Nul ne saurait aimer Dieu en vivant dans
le mal. "Vous ne pouvez, est-il dit, servir en même temps Dieu et
Mammon." Ainsi quiconque vit dans le péché n'aime point Dieu. Il
l'aimait ce pieux monarque qui l'invoquait en ces termes: "Seigneur,
souvenez-vous que j'ai marché sous vos yeux dans la voie de la vérité et dans
la pureté de mon cœur." - "Jusques à quand, s'écrie le
prophète Élie, balancerez-vous incertains entre le bien et le mal?"
Telle est, en effet, l'incertitude du pécheur: tantôt il se laisse entraîner
sur les pas du démon, tantôt il s'efforce de chercher Dieu; mais cette
incertitude déplaît au Seigneur: "Venez à moi, nous dit-il, de
tout votre cœur." Deux espèces d'hommes pèchent contre ce précepte:
les uns, en évitant un vice, par exemple, la luxure, tombent dans un autre,
par exemple, l'avarice. Ils ne sont pas moins coupables que ceux qui tombent
dans ces deux vices à la fois; "car, dit l'apôtre saint Jacques, celui
qui viole un seul précepte de la loi divine viole toute la loi." Il
en est d'autres qui confessent une partie de leurs péchés et taisent le
reste, ou bien qui partagent l'aveu de leurs fautes entre deux confesseurs.
Ceux-là ne méritent point l'absolution; ils commettent, au contraire, une
nouvelle faute en cherchant à tromper Dieu et en profanant un sacrement.
"C'est une impiété, dit un sage, d'attendre de Dieu un pardon incomplet."
- "Répandez vos cœurs en présence de l'Éternel," dit aussi le
Psalmiste. Et en effet, on doit révéler tout son cœur dans la confession. 26. Nous avons
montré que l'homme est tenu de se donner à Dieu; mais comment peut-il se
donner à lui? Qu'y a-t-il en nous que nous puissions et que nous devions lui
consacrer? Il y a dans l'homme quatre choses qu'il peut et qu'il doit
consacrer à Dieu; savoir: le cœur, l'âme, l'esprit et la force. "Vous
aimerez le Seigneur votre Dieu, dit l'Évangile, de tout votre cœur, de
toute votre âme, de tout votre esprit et de toute votre puissance,"
c'est-à-dire de toute votre force. 27. Remarquons que
le mot cœur signifie ici l'intention. L'intention est d'une telle importance
dans nos actes qu'elle leur imprime à tous son propre caractère, en sorte que
le bien fait dans une intention mauvaise devient un mal. "Si votre
œil est mauvais, est-il dit, tout votre corps restera dans les
ténèbres;" c'est-à-dire, si votre intention est mauvaise, toute la
masse de vos bonnes œuvres restera sans mérite. Ainsi, dans toutes nos
œuvres, notre intention doit avoir Dieu pour but: "Soit que vous
mangiez, dit l'Apôtre, soit que vous buviez, quelque chose enfin que vous
fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu." 28. Mais il ne
suffit pas que l'intention soit bonne pour que l'action le soit aussi. Il
faut que cette bonne intention soit accompagnée d'une volonté droite, et
c'est ce que veut nous faire entendre l'Évangile quand il nous commande
d'aimer Dieu de toute notre âme; car l'âme, c'est la volonté. Souvent on agit
avec une bonne intention, mais sans mérite, parce que, outre cette bonne
intention, on n'a pas une volonté droite. Par exemple, dérober pour nourrir
un pauvre qui meurt de faim, c'est agir avec une bonne intention, mais la
bonté de l'intention n'excuse pas le mal que l'on commet par défaut de
rectitude dans la volonté: "Ceux-là sont coupables, dit saint Paul,
qui veulent faire le mal pour qu'il en arrive un bien." La rectitude
de la volonté est unie à la bonté de l'intention quand la volonté humaine est
aussi d'accord avec la volonté divine; et c'est ce que nous demandons chaque
jour en disant à notre Père céleste: "Que votre volonté soit faite sur
la terre comme dans le ciel. "C'est ce même accord qu'exprime le roi
prophète quand il dit: "Seigneur, je veux faire votre sainte volonté.
"Voilà donc pourquoi l'Évangile nous ordonne d'aimer aussi Dieu de
toute notre âme; car l'âme, je le répète, est souvent prise pour la volonté
dans l'Écriture sainte: "La désobéissance, dit le Seigneur, déplaît
à mon âme, c'est-à-dire est en désaccord avec ma volonté." 29. Quelquefois
enfin l'intention est bonne, la volonté est droite, mais la pensée est
coupable; et voilà pourquoi l'Évangile nous recommande d'aimer Dieu de tout
notre esprit. Nous devons donner à Dieu toutes nos pensées afin qu'elles
soient saintes: "Notre mission, dit l'Apôtre, est de soumettre toute
intelligence à la loi du Christ." Bien des hommes, sans accomplir
l'acte même du péché, en gardent complaisamment la pensée dans leur esprit.
C'est à eux qu'il faut appliquer ces paroles du Seigneur: "Otez de
devant mes yeux vos pensées criminelles." Il en est d'autres qui,
pleins de confiance dans leur sagesse orgueilleuse, ne veulent point
soumettre leur raison à la foi; ceux-là ne donnent pas à Dieu leur esprit.
C'est à eux que Salomon adresse ces paroles: "Ne vous fiez pas à
votre prudence." 30. Mais il ne
suffit pas d'aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme et de tout
notre esprit; nous devons aussi l'aimer de toute notre puissance, de toute
notre force: "Seigneur, dit le roi prophète, c'est à vous servir que
je veux consacrer ma force." Il est des hommes qui consacrent leur
force au péché, qui ne révèlent leur puissance que dans le vice; c'est à eux
que s'adressent ces menaçantes paroles d'Isaïe: "Malheur à vous qui
n'avez de force que pour vous livrer à la débauche et de courage que pour
vous enivrer!" Il en est d'autres qui déploient au détriment de leur
prochain la puissance qu'ils devraient déployer en servant ses intérêts: "Arrachez
à la mort celui qui va périr," dit Salomon; c'est ainsi qu'il
convient de se montrer fort et puissant. Nous devons donc, pour accomplir
pleinement le précepte de l'amour divin, donner à Dieu notre cœur, notre âme,
notre esprit, notre puissance, c'est-à-dire dans toutes nos œuvres avoir Dieu
pour but de notre intention, de notre volonté, de nos pensées et de nos
efforts. |
33. Interrogé avant sa passion par les
Docteurs de la loi sur ce qui était à ses yeux le plus grand et le premier
commandement, le Christ répondit (Mt 22, 37) : Tu aimeras le Seigneur, ton
Dieu, de tout ton cœur, et de toute ton âme, et de tout ton esprit; c’est là
le plus grand et le premier commandement. Et en vérité, de tous les
commandements, celui-là est manifestement le plus grand, le plus noble et le
plus utile. Dans ce commandement en effet sont renfermés tous les autres. Des quatre conditions requises pour le parfait accomplissement du précepte de la charité envers Dieu.1) La première est le souvenir des bienfaits divins.La première est de garder le souvenir des
bienfaits divins 34. Or pour le parfait accomplissement
de ce précepte, quatre conditions sont requises. La première est de garder le souvenir des
bienfaits divins; car tout ce que nous possédons, l’âme’, le corps, les biens
extérieurs, nous le tenons de Dieu; aussi devons-nous le servir à l’aide de
toutes ces choses et l’aimer d’un cœur parfait. Celui-là en effet est
particulièrement ingrat, qui, à la pensée des bienfaits de quelqu’un, ne
l’aime pas. David, lui, au souvenir des bienfaits de Dieu, disait (1 Ch. 29,
14) : A vous, notre Dieu, appartiennent toutes choses ; et ce que nous
recevons de votre main, nous vous l’offrons. Aussi Ben Sirac loue-t-il David
en ces termes (Si. 47, 10) : il célébra le Seigneur de tout son cœur et il
a1ima Dieu, son Créateur. 2) Le second moyen d’aimer parfaitement Dieu, c’est de considérer qu’il dépasse toutes nos adorations.35. Le second moyen d’accomplir
parfaitement le précepte de la charité, c’est de considérer l’excellence
divine. Dieu, en effet, est plus grand que notre cœur, dit
saint Jean (1 Jean 3, 20) ; donc, même si nous le servons de tout notre cœur
et de toutes nos forces, notre amour est encore insuffisant. Aussi est-il dit
dans l’Ecclésiastique (43, 32-33) : Glorifiez le Seigneur autant que vous
le pourrez; il est encore beaucoup plus haut que vos adorations. Bénissez le
Seigneur et exaltez-le de toutes vos forces, car il est plus grand que toute
louange. 3) Le troisième moyen d’aimer Dieu à la perfection, c’est de renoncer aux choses terrestres.36. Pour accomplir dans sa perfection le
précepte de la charité, le troisième moyen est de renoncer aux choses
mondaines et terrestres. Celui-là fait une grande injure à Dieu qui lui égale
quelque chose. A quoi donc comparerez-vous Dieu, est-il dit en Isaïe
(40, 18). Or nous égalons à Dieu d’autres réalités quand nous aimons, en même
temps que Dieu, des biens temporels et corruptibles. Mais c’est chose tout à
fait impossible. Aussi est-il dit en Isaïe (28, 20) : Le lit est si étroit, qu’un seul y tient sans tomber, et
la couverture si petite qu’elle ne peut envelopper deux personnes. Dans
ce texte, le cœur de l’homme est assimilé à un lit étroit et à une petite
couverture; car le cœur de l’homme en effet est étroit, si on le compare à
Dieu; c’est pourquoi vous chassez Dieu de votre cœur, lorsque vous y
accueillez d’autres réalités que lui; il ne supporte pas en effet qu’un autre
se partage la possession de notre âme, de même que l’époux ne supporte pas
qu’un autre possède son épouse en même temps que lui. C’est pourquoi le
Seigneur dit (Ex. 20, 5) : Moi, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux; car Dieu ne veut pas que nous aimions quoi
que ce soit autant que lui et en dehors de lui. 4) Le quatrième moyen d’aimer Dieu à la perfection, c’est d’éviter complètement le péché.37. La quatrième condition
nécessaire pour le parfait accomplissement du précepte de la charité, c’est
d’éviter toute espèce de péché. Personne, en effet, s’il vit dans le péché,
ne peut aimer Dieu; car, le Seigneur Jésus a dit (Mt 6, 24) : Vous ne
pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent. Si donc vous vivez
dans le péché, vous n’aimez pas Dieu. Par contre celui-là aimait le Seigneur,
qui lui adressait cette prière (Is. 38, 3) : Souvenez-vous que j’ai marché
devant vous dans la fidélité et avec un cœur parfait. Et Elie disait (3,
Rois 18, 21) ; Jusqu’à quand boiterez-vous des deux côtés. Or comme
celui qui boîte se penche, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, de même aussi
le pécheur : tantôt il, s’adonne au péché, tantôt il s’efforce de chercher
Dieu. C’est pourquoi le Seigneur lui adresse ces paroles (Ji. 2, 12) : Revenez
à moi de tout votre cœur. De ceux qui pèchent contre la charité.38. Contre ce précepte de la charité,
pèchent deux catégories d’hommes. D’une part, ceux qui évitent un péché,
par exemple la luxure, mais en commettent un autre, par exemple l’usure.
Ceux-là se damnent quand même, car, dit saint Jacques (2, 10), si l’on
pèche en un point, on se rend coupable pour tout. D’autre part, ceux qui confessent une
partie de leurs péchés, mais non la totalité, ou ceux qui confessent à un
prêtre une partie de leurs péchés et le reste à un autre prêtre; ceux-ci ne
gagnent pas de mérite, mais bien plutôt ils pèchent, parce qu’ils cherchent à
tromper Dieu et opèrent une division dans le sacrement. Des premiers, qui confessent seulement une partie
de leurs péchés, quelqu’un a dit : « C’est chose impie d’espérer de Dieu la
moitié d’un pardon ». El contre ceux/qui s’efforcent de tromper le
Seigneur, en divisant le sacrement, il est écrit au Psaume 61 (9) : Epanchez vos cœurs devant le Seigneur; car
on doit dans la confession tout révéler. L’homme doit donner à Dieu son cœur, son âme, son esprit, et sa force.39. Il a été montré déjà que l’homme
doit se donner à Dieu. Il faut maintenant considérer ce que l’homme doit
donner à Dieu de lui-même. En vérité l’homme doit donner à Dieu quatre choses
à savoir : son cœur, son âme, son esprit el sa force. C’est pourquoi Jésus a
dit (Mt 22, 37) : Tu aimeras
le Seigneur, ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit
et de toute sa force. Tu aimeras le Seigneur de tout ton cœur, c’est-à-dire dans toutes actions tu dirigeras ton intention vers Dieu.40. Le cœur, il faut le savoir, désigne
ici l’intention. Or l’intention possède une telle force, qu’elle exerce son
influence sur l’activité entière; aussi toutes les actions bonnes, faites
avec une mauvaise intention, deviennent-elles mauvaises. Le Seigneur dit en
effet (Lc 11, 34) : Si ton œil (c’est-à-dire ton intention) est
mauvais, tout ton corps
(c’est-à-dire l’ensemble de tes bonnes œuvres) restera dans
l’obscurité. C’est pourquoi nous devons dans toutes nos actions diriger notre
intention vers Dieu, ainsi que l’A pâtre le recommande aux Corinthiens (l ép.
10, 31) : Soit que vous mangiez,
dit-il, soit que vous buviez, ou quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu. Tu aimeras le Seigneur de toute ton âme, c’est-à-dire tu l’aimeras avec une volonté accordée avec la volonté divine.41. Mais l’intention bonne ne suffit
pas; il faut de plus la rectitude de la volonté, signifiée par l’âme (dans
l’énoncé du premier commandement : Tu aimeras... de toute ton âme, car
souvent on agit avec une bonne intention, mais inutilement, parce que la
volonté bonne manque. Par exemple, si quelqu’un vole pour nourrir un pauvre,
son intention assurément est droite; mais sa volonté, elle, ne possède pas la
rectitude nécessaire. C’est pourquoi aucune action mauvaise, faite avec une
bonne intention, ne peut se justifier. L’Apôtre dit en effet aux Romains (3,
8) : Ceux qui disent. Faisons le mal, pour qu’il en sorte un bien, ceux-là
sont justement condamnés. Or la volonté bonne est jointe à l’intention
droite, quand cette volonté elle-même concorde avec la volonté divine. C’est
ce que nous demandons chaque jour par ces paroles : Que votre volonté soit
faite sur la terre comme au ciel; et c’est aussi le désir du Psalmiste
(Ps. 39, 9) : Je veux, dit-il, ô mon Dieu, faire ta volonté. Voilà
pourquoi le Christ dit : Tu aimeras le Seigneur de toute ton âme. Souvent
en effet dans la sainte Ecriture l’âme désigne la volonté; comme par exemple
dans ce texte (Heb. 10, 38) : Si le juste fait défection, il déplaira à
mon âme, c’est-à-dire à ma volonté. Nous devons aimer Dieu de toute notre intelligence, en donnant notre assentiment aux vérités de la foi.42. Mais il arrive parfois que la bonne
intention et la volonté bonne existent alors qu’il se trouve un péché dans la
pensée. C’est pourquoi nous devons donner à Dieu toutes nos pensées. L’Apôtre
ne disait-il pas (2 Cor. 10, 5) : Nous
réduisons en captivité toute pensée
pour l’amener à obéir au Christ. Il y en a en effet beaucoup qui ne
pèchent pas par action, mais qui veulent penser souvent aux péchés eux-mêmes;
c’est contre eux qu’Isaïe ait (1, 16) : Otez la malice de vos pensées. Il y en
a beaucoup également qui ne veulent pas donner leur assentiment à la foi,
parce qu’ils se confient dans leur sagesse, et ceux-là ne donnent pas leur
esprit à Dieu. C’est contre eux qu’il est dit dans les Proverbes (3, 5) : Ne t’appuie pas sur ta propre prudence. Nous devons aimer Dieu de toute notre force, ne l’employant jamais pour pécher, en particulier pour nuire au prochain.43. Mais il ne suffit pas de donner à
Dieu l’intention, la volonté, la pensée, il faut de plus lui faire don de
toute notre puissance et de toute notre force; car le Psalmiste dit au
Seigneur (Ps 58, 10) : C’est pour vous que je garderai ma force. En
effet certains emploient leur force à pécher et de cette manière montrent
leur puissance; c’est contre eux qu’Isaïe dit (5, 22) : Malheur à vous qui
êtes puissants pour boire le vin et dont la force s’emploie à mêler les
liqueurs fortes pour s’enivrer. D’autres manifestent leur puissance ou
leur courage en faisant du tort au prochain, alors qu’ils devraient
montrer leur force en lui venant en aide. C’est pour eux qu’il a été dit dans
les Proverbes (24, 11) : Délivrez
ceux que l’on conduit à la mort;
et ne cessez pas de libérer ceux que l’on traîne au trépas. Pour aimer. Dieu nous devons donc lui donner ces
quatre choses : notre intention, notre volonté, notre pensée et notre force. |
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Articulus
2 [86718] De decem praeceptis, a. 2 tit. 1 De dilectione proximi |
Article 2 – De l’amour du prochain |
[II- LES COMMANDEMENTS DE L’AMOUR DU PROCHAIN] |
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[86719] De decem praeceptis, a. 2 Interrogatus Christus quod esset maximum mandatum, uni
interrogationi duas responsiones dedit. Et prima fuit: diliges dominum
Deum tuum; de quo dictum est. Secunda vero fuit: et proximum tuum
sicut teipsum. Ubi considerandum est, quod qui hoc servat, totam legem
implet. Apostolus,
Rom. XIII, 10: plenitudo ergo legis est dilectio. Sed sciendum, quod
ad dilectionem proximi quatuor nos inducunt. Primo
divinus amor: quia sicut dicitur I Ioan. IV, 20: si quis dixerit quoniam
diligo Deum, et fratrem suum oderit, mendax est. Qui enim dicit se
diligere aliquem, et filium eius vel eius membra odio habet, mentitur. Omnes
autem fideles filii et membra Christi sumus. Apostolus, I Cor. XII, 27: vos
estis corpus Christi, et membra de membro. Et ideo qui odit proximum, non
diligit Deum. Secundum est divinum praeceptum. Christus enim in recessu suo
inter omnia alia praecepta, hoc praeceptum discipulis praecipue commendavit
dicens, Ioan. XV, 12: hoc est praeceptum meum, ut diligatis invicem sicut
dilexi vos. Nullus enim praecepta divina servat qui proximum odit. Unde
istud est signum observantiae divinae legis, dilectio proximi. Unde dominus,
Ioan. XIII, 35: in hoc cognoscent omnes quia discipuli mei estis, si
dilectionem habueritis ad invicem. Non dicit in suscitatione mortuorum,
non in aliquo evidenti signo; sed hoc est signum, si dilectionem
habueritis ad invicem. Et hoc beatus Ioannes recte considerabat: unde
dicebat: nos scimus quoniam translati sumus de morte ad vitam. Et
quare? Quoniam diligimus fratres. Qui non diligit, manet in morte.
Tertium est naturae communicatio. Sicut enim dicitur Eccli. XIII, 19, omne
animal diligit simile sibi. Unde cum omnes homines sint similes in
natura, invicem se diligere debent. Et ideo odire proximum non solum est
contra divinam legem, sed etiam contra legem naturae. Quartum utilitatis
consecutio. Omnia enim alterius alii sunt utilia per caritatem. Haec enim est
quae unit Ecclesiam, et omnia communia facit. Psal. CXVIII, 63: particeps
ego sum omnium timentium te, et custodientium mandata tua. Diliges proximum tuum sicut teipsum. Istud est secundum praeceptum legis, et est de
dilectione proximi. Quantum autem proximum diligere debeamus, iam dictum est;
et dicendum restat de modo dilectionis: qui quidem innuitur cum dicitur, sicut
teipsum. Circa quod verbum quinque considerare possumus, quae in
dilectione proximi servare debemus. Primum est quia debemus eum diligere vere
sicut nos: quod facimus, si propter seipsum ipsum diligimus, non propter nos.
Ideo notandum, quod triplex est amor; quorum duo non sunt veri, tertius autem
verus. Primus est qui est propter utile. Eccli. VI, 10: est amicus socius
mensae, et non permanebit in die necessitatis. Sed certe iste non est
verus amor. Deficit enim deficiente utilitate. Et tunc nolumus bonum proximo,
sed potius bonum utilitatis volumus nobis. Est et alius amor qui est propter
delectabile. Et hic etiam non est verus, quia deficiente delectabili deficit.
Et ideo nolumus bonum propter hoc principaliter proximo, sed potius bonum
suum nobis volumus. Tertius est amor qui est propter virtutem. Et iste solus
est verus. Tunc enim non diligimus proximum propter bonum nostrum, sed
propter suum. Secundum est quod debemus diligere ordinate: ut scilicet non
diligamus eum supra Deum vel quantum Deum, sed iuxta sicut teipsum debes
diligere. Cant. II, 4: ordinavit in me caritatem. Hunc ordinem docuit
dominus Matth. X, 37, dicens: qui amat patrem aut matrem plus quam me, non
est me dignus; et qui amat filium aut filiam super me, non est me dignus.
Tertium est quod debemus eum diligere efficaciter. Non enim te solum diligis,
sed etiam procuras studiose tibi bona, et vitas mala. Sic quoque debes facere
proximo. I Ioan. III, 18: non diligamus verbo neque lingua, sed opere et
veritate. Sed certe illi pessimi sunt qui ore diligunt et corde nocent;
de quibus Psal. XXVII, 3: loquuntur pacem cum proximo suo, mala autem in cordibus
eorum. Apostolus, Rom. XII, 9: dilectio
sine simulatione. Quartum, quod debemus eum diligere perseveranter, sicut
et te perseveranter diligis. Prov. XVII, 17: omni tempore diligit qui
amicus est, et frater in angustiis comprobatur: scilicet tam tempore
adversitatis quam prosperitatis; immo tunc, scilicet tempore adversitatis,
maxime probatur amicus, ut dicitur ibidem. Sed sciendum, quod duo sunt
quae iuvant ad amicitiam conservandam. Primum
est patientia: vir enim iracundus suscitat rixas, ut dicitur Prov.
XXVI, 21. Secundum est humilitas, quae causat primum, scilicet patientiam:
Prov. XIII, 10: inter superbos semper iurgia sunt. Qui enim considerat
magna de se, et despicit alium, non potest defectus illius pati. Quintum est
quod eum debemus diligere iuste et sancte, ut scilicet eum non diligamus ad
peccandum, quia nec te sic debes diligere, cum Deum ex hoc amittas. Unde
Ioan. XV, 9: manete in dilectione mea: de qua dilectione dicitur
Eccli. XXIV, 24: ego mater pulchrae dilectionis. Diliges proximum tuum
sicut teipsum. Hoc praeceptum Iudaei et Pharisaei male intelligebant,
credentes quod Deus praeciperet diligendos amicos, et odiendos inimicos; et
ideo per proximos intelligebant tantum amicos. Hunc autem intellectum
intendit Christus reprobare, dicens Matth. V, 44: diligite inimicos
vestros, benefacite his qui oderunt vos. Sciendum autem, quod quicumque
odit fratrem suum, non est in statu salutis. I Ioan. II, 9: qui (...) odit
fratrem suum, in tenebris est. Est autem attendendum, quod etiam in hoc
invenitur quaedam contrarietas. Nam sancti aliquos oderunt: Psal. CXXXVIII, 22: perfecto
odio oderam illos; et in Evangelio Luc. XIV,
26: si quis (...) non odit patrem suum et matrem et uxorem et filios et
fratres et sorores, adhuc autem et animam suam, non potest meus esse
discipulus. Et ideo sciendum, quod in omnibus factis nostris factum
Christi debet esse nobis exemplum. Deus enim diligit et odit. Quia in
quolibet homine duo sunt consideranda: scilicet natura et vitium. Natura
quidem in hominibus diligi debet, vitium vero odiri. Unde si quis vellet
hominem esse in Inferno, odiret naturam; si quis vero vellet ipsum esse
bonum, odiret peccatum, quod semper odiendum est. Psal. V, 7: odisti omnes
qui operantur iniquitatem. Sap. XI, 25: diligis domine omnia quae
sunt, et nihil odisti eorum quae fecisti. Ecce ergo quod Deus diligit et
odit: diligit naturam et odit vitium. Sciendum etiam, quod homo aliquando
sine peccato potest malum facere: quando scilicet sic facit malum ut velit
bonum: quia et Deus sic facit. Sicut cum homo infirmatur, convertitur ad
bonum, qui in sanitate erat malus. Item in adversitate aliquis convertitur et
est bonus, qui in prosperitate erat malus, iuxta illud Isai. XXVIII, 19: vexatio
intellectum dabit auditui. Item si desideras malum tyranni destruentis
Ecclesiam, inquantum desideras bonum Ecclesiae per destructionem tyranni:
unde II Mac. I, 17: per omnia benedictus Deus, qui tradidit impios. Et
hoc omnes debent velle non solum voluntate, sed etiam opere. Non enim est
peccatum suspendere iuste malos: ministri enim Dei sunt tales, secundum
apostolum, Rom. XIII, et servant isti dilectionem, quia poena fit aliquando
propter castigationem, aliquando propter bonum melius et divinius. Est enim
maius bonum unius civitatis quam vita unius hominis. Sed sciendum, quod non
sufficit non velle malum, sed oportet velle bonum; scilicet emendationem
suam, et vitam aeternam. Duobus enim modis quis vult bonum alterius. Uno modo
generaliter, inquantum est creatura Dei, et participabilis vitae aeternae;
alio modo specialiter, inquantum est amicus vel socius. A generali autem
dilectione nullus excluditur: debet enim quilibet pro quolibet orare, et
cuilibet in necessitate ultima subvenire. Sed non teneris cum quolibet habere
familiaritatem, nisi peteret veniam: quia tunc esset amicus; et si refutares,
haberes odio amicum. Unde Matth. VI, 14, dicitur: si dimiseritis hominibus
peccata eorum, dimittet et pater vester caelestis delicta vestra; si autem
non dimiseritis hominibus, nec pater vester dimittet vobis peccata vestra.
Et in oratione dominica quae ponitur Matth. VI, 9, dicitur: dimitte nobis
debita nostra, sicut et nos dimittimus debitoribus nostris. Diliges proximum
tuum sicut te ipsum. Dictum est, quod tu peccas, si non parcis veniam
postulanti; et quod perfectionis est, si tu eum ad te revocas, licet non
tenearis. Sed ad hoc ut eum trahas ad te, multae rationes inducunt. Prima est propriae dignitatis conservatio. Diversae
enim dignitates diversa signa habent. Nullus autem propriae dignitatis signa
dimittere debet. Inter omnes autem dignitates maior est quod quis sit filius
Dei. Huius autem dignitatis signum est, si diligis inimicum: Matth. V, 44-45:
diligite inimicos vestros, ut sitis filii patris vestri qui in caelis est.
Si enim diligis amicum, non est hoc signum filiationis divinae: nam publicani
et ethnici hoc faciunt, ut dicitur Matth. V. Secunda est victoriae
acquisitio: omnes enim hoc naturaliter desiderant. Oportet ergo quod vel
trahas eum qui te offendit ad dilectionem bonitate tua, et tunc vincis; vel
quod alius trahat te ad odium, et tunc perdis. Rom. XII, 21: noli vinci a
malo, sed vince in bono malum. Tertia
est multiplicis utilitatis consecutio. Acquiris enim ex hoc amicos. Rom. XII,
20: si esurierit inimicus tuus, ciba illum; si sitit, potum da illi: hoc
enim faciens, carbones ignis congeres super caput eius. Augustinus: nulla
maior provocatio ad amorem, quam praevenire amando. Nullus enim est ita
durus, qui etsi dilectionem nolit impendere, nolit tamen rependere: quia,
ut dicitur Eccli. VI, 15, amico fideli nulla comparatio. Prov. XVI, 7:
cum placuerint domino viae hominis, inimicos quoque eius convertet ad
pacem. Quarta est, quia ex hoc preces tuae facilius exaudiuntur. Unde
super illud Ier. XV, si steterint Moyses et Samuel coram me, dicit
Gregorius, quod fecit potius de istis mentionem, quia rogaverunt pro inimicis.
Similiter Christus ait, Luc. XXIII, 34: pater, dimitte illis. Item
beatus Stephanus orando pro inimicis magnam utilitatem fecit Ecclesiae, quia
Paulum convertit. Quinta est peccati evasio, quam maxime desiderare debemus.
Aliquando enim peccamus, nec Deum quaerimus: et Deus trahit nos ad se vel
infirmitate, vel aliquo huiusmodi. Os. II, 6: sepiam viam tuam spinis. Sic fuit
tractus beatus Paulus. Psal. CXVIII, 176: erravi sicut ovis quae periit.
Quaere servum tuum, domine. Cant. I, 3: trahe me post te. Hoc
autem consequimur, si inimicum ad nos trahimus, primo remittentes: quia, ut
dicitur Luc. VI, 38, eadem quippe
mensura qua mensi fueritis, remetietur vobis; et ibidem 37, dimittite
et dimittemini; et Matth. V, 7: beati misericordes, quoniam ipsi misericordiam
consequentur. Nulla est enim maior misericordia quam offendenti
dimittere. |
31. Quand les
docteurs de la loi demandèrent à Jésus quel était le précepte fondamental de
la morale, il fit à cette question unique deux réponses: "Vous
aimerez, leur dit-il, le Seigneur, votre Dieu, de tout votre cœur, de
toute votre âme, de tout votre esprit et de toute votre force;" nous
avons traité de cette première partie du précepte; "et vous aimerez,
ajouta-t-il, votre prochain comme vous-même." Remarquons que l'accomplissement
de cette seconde partie du précepte renferme l'accomplissement de tous les
devoirs de l'homme envers l'homme: "L'entier accomplissement de la
loi, dit l'Apôtre, c'est la charité." Quatre motifs nous
invitent à l'amour du prochain. 32. Le premier,
c'est l'amour divin: "Celui-là ment qui prétend aimer Dieu en
détestant son prochain." N'est-ce point mentir que de prétendre
aimer quelqu'un en détestant ses enfants et sa famille? Or tous les fidèles
sont les enfants de Dieu, ils ne forment qu'une famille dont Dieu est le
père: "Vous êtes, dit saint Paul, le corps et les membres de
Jésus-Christ." Par conséquent, celui qui hait son frère ne peut
aimer Dieu, qui est notre père commun. 33. Le second motif
qui nous invite à l'amour du prochain, c'est l'obéissance que nous devons à
la volonté divine. Entre autres préceptes que Jésus-Christ nous a laissés
avant de quitter la terre, il a principalement recommandé à notre obéissance
celui de l'amour du prochain, en disant à ses disciples: "Voici le
précepte que je vous donne: aimez-vous les uns les autres comme je vous ai
aimés." On ne peut donc accomplir la volonté de Dieu en détestant
son prochain, et le témoignage le plus éclatant de notre soumission à la loi
divine, c'est l'amour que nous avons pour nos frères. Aussi Notre Seigneur
lui-même a-t-il dit: "Voici à quoi tous reconnaîtront que vous êtes
mes disciples, c'est à l'amour que vous aurez les uns pour les autres."
Il n'a point dit: On vous reconnaîtra au pouvoir qui vous sera donné de
ressusciter les morts, ou bien à quelque autre signe éclatant, mais "à
l'amour que vous aurez les uns pour les autres." Saint Jean
appréciait toute l'importance du précepte de son divin maître; aussi
disait-il: "Nous avons passé de la mort à la vie; et pourquoi? Parce
que nous aimons nos frères; celui qui ne les aime point demeure dans la
mort." 34. Le troisième
motif qui nous invite à l'amour du prochain, c'est l'identité de notre
nature: "Tout être vivant, dit l'Ecclésiastique, aime son
semblable;" et puisque les hommes se ressemblent tous par leur
nature, ils doivent s'aimer mutuellement, et la haine de l'homme contre
l'homme n'est pas seulement une violation de la loi divine, c'est aussi une
violation de la loi naturelle. 35. Le quatrième
motif qui nous invite à l'amour du prochain, c'est l'utilité générale. Grâce
à la charité, ce qui est avantageux à chacun le devient à tous; c'est la
charité qui unit les fidèles dans le sein de l'Église et qui établit entre
eux une communauté de sentiments, de besoins et d'intérêts. "Seigneur,
s'écrie le roi prophète, je m'unis à ceux qui vous craignent et qui observent
votre sainte loi." 36. "Vous
aimerez votre prochain comme vous-même;" tel est le second précepte de la loi morale. Nous
avons dit combien nous devons aimer notre prochain; il nous reste à dire
comment nous devons l'aimer. L'Évangile nous l'indique en nous disant: "Vous
aimerez votre prochain comme vous-même." Il y a dans cette parole de
l'Évangile cinq choses à considérer, et qui sont les éléments essentiels de
l'amour du prochain. 37. Premièrement,
nous devons aimer notre prochain avec vérité, c'est-à-dire l'aimer pour
lui-même et non pour nous. Remarquons à ce sujet qu'il y a trois sortes
d'amour dont une seule est l'amour vrai. L'amour repose quelquefois sur
l'intérêt: "Un ami, dit l'Ecclésiastique, n'est souvent qu'un
compagnon de plaisir, souvent il nous abandonne dans les jours de
détresse." Ce n'est point là le véritable amour; il naît de
l'égoïsme, et l'égoïsme le tue. Tant qu'il règne dans notre cœur, ce n'est
pas le bonheur du prochain, mais le nôtre que nous souhaitons. Quelquefois
l'amour a pour motif le plaisir; ce n'est point encore là le véritable amour,
il meurt avec le plaisir qui le fait naître. Tant qu'il règne dans notre
cœur, nous aimons encore notre prochain non pour lui-même, mais pour nous.
Quelquefois enfin l'amour a pour base la vertu, et c'est le seul véritable
amour. Alors nous n'aimons point notre prochain pour nous-mêmes, mais pour
lui. 38. Secondement,
nous devons aimer notre prochain avec mesure, c'est-à-dire ne pas l'aimer
plus que Dieu ni autant que Dieu, mais juste autant que nous devons nous
aimer nous-mêmes. "Il a modéré son amour pour moi," est-il
dit dans le Cantique des cantiques. Notre Seigneur a pris soin de nous
indiquer la mesure d'affection que nous devons à notre prochain en disant:
"Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi,
et celui qui aime son fils et sa fille plus que moi n'est pas non plus digne
de moi." 39. Troisièmement,
nous devons aimer notre prochain avec efficacité. L'homme ne se borne point
pour lui-même à un amour stérile; il fait tous ses efforts pour obtenir ce
qui lui est avantageux, pour éviter ce qui lui est funeste. C'est ainsi qu'il
doit aimer son prochain. "Que notre amour, dit saint Jean, ne
se témoigne point par de vaines paroles, mais par des actes de dévouement
sincère." Ceux-là sont les pires de nos ennemis dont la bouche est
remplie de paroles d'amitié et le cœur plein de sentiments de haine. C'est
d'eux que parle le roi prophète quand il dit: "Leur bouche a des
paroles de paix pour le prochain et leur cœur cache des pensées
criminelles." - "Que votre amour soit sans feinte,"
dit aussi l'Apôtre. 40. Quatrièmement,
nous devons aimer notre prochain avec persévérance, comme nous faisons pour
nous-mêmes: "Un véritable ami aime toujours, et la puissance de son
affection se révèle dans les jours de détresse;" il nous est fidèle
dans le malheur comme dans la prospérité, et c'est quand la fortune nous
abandonne qu'il s'attache plus fortement à nous, ainsi que l'observe Salomon.
Deux choses contribuent à la durée de l'amitié: d'abord la patience; en
effet, un homme irascible ne cherche que les querelles; ensuite l'humilité,
qui produit la patience; car "la discorde est compagne de l'orgueil."
Celui qui est fier de lui-même et qui méprise les autres ne peut supporter
leurs défauts. 41. Cinquièmement,
nous devons aimer notre prochain avec justice et sainteté, c'est-à-dire ne
pas l'aimer jusqu'à faire le mal pour lui; car ce n'est pas ainsi que nous
devons nous aimer nous-mêmes, et une pareille amitié serait contraire à
l'amour divin, qui doit être la règle principale de notre conduite, et que
Salomon appelle la source des nobles affections. 42. "Vous aimerez votre prochain comme vous-même." Les
Juifs et les Pharisiens comprenaient mal ce précepte en croyant que Dieu
ordonnait aux hommes d'aimer leurs amis et de haïr leurs ennemis. Le terme de
prochain était pour eux synonyme de celui d'ami; mais cette interprétation
est fausse, et la preuve en est dans ces paroles de Jésus-Christ: "Aimez
vos ennemis." Il ne faut pas oublier que quiconque déteste son frère
n'est point en état de grâce: "Celui qui déteste son frère, dit
saint Jean, est plongé dans les ténèbres." 43. Il y a cependant
ici une distinction à faire. Des hommes d'une sainteté éminente ont connu la
haine: "Seigneur, s'écrie le roi prophète, je hais d'une haine profonde
ceux qui foulent aux pieds votre sainte loi. Jésus-Christ déclare lui-même
qu'on "ne peut être son disciple si on ne hait pas et son père, et sa
mère, et toute sa famille." Or nous devons en toutes choses suivre
l'exemple de ce divin maître et savoir aimer et haïr, comme lui, à propos;
car Dieu connaît aussi l'amour et la haine. Pourquoi cela? c'est qu'il y a
dans l'homme deux choses à considérer, la nature humaine et le vice. La
nature humaine, dans tout homme, a droit à l'amour; dans tout homme, le vice
mérite la haine. Souhaiter à son prochain la damnation éternelle, c'est
détester en lui la nature humaine et aimer le péché; mais faire des vœux pour
son salut, c'est détester en lui le péché et aimer la nature humaine.
"Seigneur, dit le psalmiste, vous haïssez tous ceux qui font le
mal." - "Seigneur, dit Salomon, vous aimez tout ce qui
existe et vous ne haïssez rien de ce que vous avez fait. "Quels sont
donc les objets de l'amour et de la haine de Dieu? L'objet de son amour,
c'est la nature; l'objet de sa haine, c'est le mal. 44. Ajoutons que
l'homme peut quelquefois faire du mal à son prochain sans péché. C'est ce qui
arrive quand il lui fait du mal avec la volonté de servir ses véritables
intérêts; et Dieu lui-même en agit souvent de la sorte avec nous. Ainsi il
afflige le pécheur d'infirmités et de maladies afin de le ramener au bien;
ainsi encore il accable le méchant sous les coups de l'adversité, afin que
cette dure leçon lui fasse, selon l'expression d'Isaïe, ouvrir les yeux sur
ses égarements. On peut donc sans péché désirer la chute d'un tyran qui
désole l'Église; on le peut, dis-je, sans péché, en tant qu'on désire le bien
de l'Église par la chute du tyran. "Béni soit le Seigneur qui a frappé
les impies!" lisons-nous dans le livre des Macchabées. 45. Et c'est na
devoir pour tous non seulement de souhaiter la ruine des méchants, mais
encore d'y travailler dans l'intérêt général. Certes ce n'est point un péché
que de donner la mort à ceux qui l'ont méritée par leurs crimes. "Les
princes, dit saint Paul, sont les ministres de Dieu, et ce n'est point
en vain qu'ils sont armés du glaive de la justice." Ceux qui
veillent au maintien des lois ne violent point le précepte de la charité en
frappant le coupable; s'ils le punissent, c'est quelquefois pour le châtier,
quelquefois pour garantir la sûreté publique, qui est plus précieuse que la
vie d'un homme. Cependant on ne serait pas exempt de péché en punissant le
coupable avec la seule intention de ne point lui nuire, et si l'on ne
joignait à cette intention celle de servir ses véritables intérêts,
c'est-à-dire de lui infliger un châtiment salutaire et de lui procurer la vie
éternelle. 46. On peut vouloir
du bien à son prochain de deux manières: d'abord d'une manière générale, en
tant qu'il est la créature de Dieu et qu'il a part à la promesse de la vie
éternelle; puis d'une manière spéciale, en tant qu'il est notre ami ou notre
parent. On ne peut refuser à personne l'affection générale qu'on doit à
l'humanité; tout homme est obligé de prier pour les autres, quels qu'ils
soient, et de les secourir dans leurs besoins; mais nous ne sommes pas tenus
d'accorder à qui que ce soit des marques particulières de bienveillance, à
moins qu'on nous demande le pardon d'une offense. Celui qui nous adresse une
pareille demande n'est plus pour nous une personne indifférente, et ne pas
l'admettre dans notre intimité ce serait repousser un ami, ce serait nous
priver d'une puissante intercession auprès de Dieu. Jésus-Christ n'a-t-il pas
dit: "Si vous pardonnez aux hommes leurs péchés, votre Père céleste
vous pardonnera aussi les vôtres; si vous ne faites point grâce aux hommes,
votre Père céleste ne vous fera point grâce non plus?" Ne
disons-nous pas à Dieu, dans l'oraison dominicale: "Pardonnez-nous
nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés?" 47. "Vous aimerez votre prochain comme vous-même." Nous
avons dit que c'est un péché de refuser le pardon qu'on nous demande: le plus
haut degré de vertu que nous puissions atteindre, c'est d'aimer tendrement
ceux qui nous ont fait du mal; nous n'y sommes pas obligés, mais de nombreux
motifs nous y engagent. 48. Le premier,
c'est le maintien de notre dignité. Les divers degrés de dignité se
reconnaissent à des signes divers, et nul ne doit perdre le signe de sa
dignité propre. Or, entre toutes les dignités, la plus élevée est celle que
nous donne le titre d'enfants de Dieu, et le signe qui la fait reconnaître,
c'est notre amour pour nos ennemis. "Aimez vos ennemis, est-il
dit dans l'Évangile, afin que vous soyez les dignes enfants de votre Père
qui est dans les cieux." En effet, il ne suffit pas d'aimer ceux qui
nous aiment pour être enfants de Dieu. Les publicains et les gentils
observent aussi bien que nous cette loi de la nature. 49. Le second motif
qui nous engage à aimer ceux qui nous font du mal, c'est le triomphe des
nobles affections sur les passions mauvaises. Le désir de la supériorité en
toutes choses est inné dans l'homme. Il faut donc on qu'à force de bonté nous
obligions celui qui nous offense à nous aimer, et alors nous sommes
vainqueurs; ou que nous nous laissions entraîner à la haine par une influence
étrangère, et alors nous sommes vaincus. "Ne permettez pas au mal de
triompher de vous, dit saint Paul, mais triomphez du mal par le
bien." 50. Le troisième
motif qui nous engage à aimer ceux qui nous font du mal, c'est notre intérêt
même. Nous les forçons ainsi à devenir nos amis. "Si votre ennemi a
faim, dit encore saint Paul, donnez-lui à manger; s'il a soif, donnez
lui à boire; ainsi faisant, vous amasserez des charbons de feu sur sa
tête." - "Rien ne provoque à l'amour, dit saint
Augustin, comme d'aimer le premier. Nul n'a le cœur assez dur pour ne pas
payer au moins de retour l'amour qu'on lui témoigne." - "Un
ami fidèle est le plus précieux de tous les trésors," suivant
Salomon: "Et quand le Seigneur voit marcher un homme dans la bonne
voie, il change le cœur de ses ennemis," dit encore le Sage
couronné. 51. Le quatrième
motif qui nous engage à aimer ceux qui nous font du mal, c'est que, grâce à
ce généreux effort de vertu, nos prières sont plus agréables à Dieu. "Quand
même Moïse et Samuel se présenteraient devant moi, dit le Seigneur, je
ne ferais point de grâce à ce peuple." - "Si Dieu, observe
saint Grégoire, cite de préférence Moïse et Samuel, et s'il exprime par
cela même le pouvoir qu'ils ont sur lui, c'est que Moïse et Samuel avaient
aimé leurs ennemis, qu'ils avaient prié pour eux." Jésus-Christ pria
aussi pour ses bourreaux, et les prières du bienheureux saint Étienne en
faveur de ceux qui le lapidaient furent d'une très grande utilité à l'Église,
en obtenant la conversion de Paul. 52. Le cinquième et
dernier motif qui nous engage à aimer ceux qui nous font du mal, c'est le
désir de sortir du péché, désir qui doit être le plus puissant de tous dans
notre cœur. Quelquefois il nous arrive de pécher et de ne point chercher
Dieu; alors Dieu nous ramène à lui en nous faisant sentir rudement le besoin
de son appui. "Je couvrirai votre chemin d'épines," nous
dit-il par la bouche du prophète Osée. C'est ainsi qu'il frappa Paul
d'aveuglement sur le chemin de Damas, afin de le ramener à lui. "Seigneur,
s'écrie le Psalmiste, je me suis égaré comme une brebis loin du
troupeau; venez chercher votre serviteur." Dieu vient à notre
secours, si nous pardonnons à nos ennemis, si nous les ramenons au bien par
l'indulgence et la bonté. "Dieu, est-il dit dans l'Évangile, se
servira à votre égard de la mesure dont vous vous serez servis à l'égard des
autres." - "Pardonnez, et il vous sera pardonné." -
"Heureux ceux qui font miséricorde, car ils obtiendront miséricorde à
leur tour." Or le plus éclatant témoignage de miséricorde, c'est de
pardonner à ceux qui nous font du mal. |
44. On avait interrogé le Christ
pour savoir de lui quel était le plus grand commandement. A cette unique
interrogation, il donna deux réponses. Voici la première : Tu
aimeras le Seigneur, ton Dieu; cette réponse, nous venons de l’expliquer.
Voici la seconde : Et tu aimeras ton prochain comme toi-même. Celui
qui garde ce commandement il faut l’observer ici accomplit toute la loi.
L’Apôtre en effet a écrit aux Romains (13, 10) : La charité est le plein accomplissement de la loi. Des quatre motifs d’aimer le prochain.45. Or il faut le savoir, quatre motifs
nous portent à aimer le prochain. 1) Le premier est notre amour pour Dieu le Père, dont le prochain est le fils, et notre amour pour le Fils de Dieu, dont il est le membre.Le premier est l’amour divin; car, comme
le dit saint Jean (1 Jean 4, 20), si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », et hait son
frère, c’est un menteur. En effet celui qui dit qu’il aime quelqu’un et
nourrit de la haine pour son fils ou pour ses membres est un menteur. Or,
nous tous le. s fidèles, nous sommes les fils et les membres du Christ.
L’Apôtre dit en effet aux Corinthiens (1 Jean 12, 27). Vous êtes le corps
du Christ et membres les uns des autres. Voila pourquoi celui qui hait
le prochain n’aime pas Dieu. 2) Le second motif d’aimer le prochain c’est que le Christ nous en fait un précepte qu’il préfère à tous les autres.46. Le deuxième motif qui nous
porté à aimer le prochain, c’est le précepte divin. Le Christ en effet avant
de quitter ses Apôtres leur a recommandé ce précepte de préférence à tous les
autres par ces paroles (Jn 15, 12). Ceci est mon commandement, que
vous vous aimiez, les uns les autres, comme je vous ai aimés. Personne en
effet ne garde les préceptes divins, s’il a de la haine pour son prochain.
C’est pourquoi l’amour du prochain est le signe de l’observance de la loi
divine. Aussi le Seigneur dit-il à ses Apôtres (Jn. 13, 35) : A cela
tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous, vous aimez les uns
les autres. Il ne dit pas : Si vous ressuscitez les morts ou accomplissez
quelque autre miracle manifeste; mais voici le signe que vous êtes mes
disciples; c’est si vous vous aimez les uns les autres. Ce que le
bienheureux Jean comprenait fort bien, puisqu’il disait (1 Jean 3, 14) : Nous
savons que nous sommes passés de la mort à la vie. Et pourquoi? Parce
que nous aimons nos frères. Celui qui n’aime pas demeure dans la mort. 3) Le troisième motif d’aimer le prochain c’est que, lui et nous, nous possédons la même nature humaine.47. Le troisième motif qui nous
porte à aimer le prochain, c’est le fait de participer avec lui à la même
nature. Comme le dit en effet l’Ecclésiastique (13, 19), tout être
vivant aime son semblable. Donc, comme tous les hommes sont semblables par
leur nature, ils doivent s’aimer les uns les autres. Et c’est pourquoi haïr
son prochain est contraire non seulement à la loi divine, mais aussi à la loi
naturelle. 4) Le quatrième motif d’aimer le prochain, c’est que l’aimer procure l’immense avantage d’avoir part à tous ses biens.48. Le quatrième motif qui incite
à aimer le prochain, ce sont les avantages que procure cet amour. Car grâce à
la charité, tous les biens que l’on possède sont au service d’autrui. C’est
la charité en effet qui unit l’Eglise en rend toutes choses communes; c’est
elle, qui fait également dire au Psalmiste (Ps. 118, 63) : Je partage avec tous ceux qui vous
craignent et gardent vos commandements. Quelle est la mesure à garder dans l’amour du prochain?49. Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Tel est le second précepte de la loi; il traite de l’amour du prochain. Nous
avons dit jusqu’à quel prochain s’étend le devoir aimer; il reste à
dire dans quelle mesure il faut l’aimer. Jésus nous l’indique, par ces
paroles : Tu aimeras comme toi-même. Il faut l’aimer comme
soi-même. Au sujet de ces paroles : comme toi-même,
nous pouvons considérer cinq points que dans l’amour du prochain il
nous faut garder. C’est-à-dire : I- Il faut l’aimer pour lui-même, et non pour nous.1) La première est que nous devons l’aimer vraiment comme nous-mêmes. ce que nous faisons, si nous l’aimons pour lui-même, et non pour nous.50. A ce sujet il faut noter
ceci : il y a trois amours; deux d’entre eux ne sont pas de véritables
amours, mais le troisième amour, lui, est véritable. Le premier est celui qui a pour motif l’utilité. Tel est ami, dit l’Ecclésiastique (6,
10), pour partager ton repas et il ne le demeurera pas au jour du malheur.
Assurément cet amour-là n’est pas un véritable amour. Il s’évanouit en
effet quand s’évanouit l’utilité qu’il apportait. Par un tel amour, nous ne
voulons pas de bien au prochain, mais plutôt nous voulons pour nous, dans le
prochain, un bien qui nous soit utile. Le second amour a pour motif le plaisir et
lui non plus n’est pas un amour véritable, parce qu’il disparaît quand
disparaît le plaisir. Par un tel amour, nous ne voulons pas principalement du
bien au prochain, mais plutôt nous voulons pour nous son bien personnel. Le troisième amour est celui qui a pour
motif la vertu. Celui-là seul est véritable. Par cet amour en effet nous
n’aimons pas le prochain pour notre bien personnel, mais pour le sien. 2) Nous ne devons pas aimer le prochain autant que Dieu ou plus que Dieu, mais comme nous-mêmes.51. 2) La seconde chose à garder
dans j’amour du prochain, c’est de l’aimer avec ordre, c’est-à-dire que nous
ne l’aimions pas plus ou autant que Dieu, mais que nous l’aimions comme nous-mêmes.
Il a ordonné en moi la charité, dit l’Epouse dans le Cantique des cantiques
(2, 4). Cet ordre de la charité, le Seigneur nous l’enseigne dans l’Evangile
(Mt 10, 37), par ces paroles : Celui qui aime son père ou sa mère plus que
moi, n’est pas digne de moi; et celui qui aime son fils ou sa fille
plus que moi, n’est pas digne de moi. 3) Nous devons aimer le prochain d’un amour efficace, lui procurant, s’il y a lieu, les biens nécessaires et le préservant du mal.52. 3) en troisième lieu il faut
considérer que nous devons aimer le prochain d’un amour efficace. En effet
vous ne vous contentez pas de vous aimer vous-même, mais vous travaillez avec
empressement à acquérir les biens qui vous sont nécessaires et à éviter les
maux. Vous devez agir de même envers le prochain. Saint Jean écrit en effet
(1 Jean 3, 18). Petits enfants, n’aimons pas en parole et de bouche,
mais en actes et en vérité. Aussi sans aucun doute ceux-là sont-ils très
perfides, dont la bouche dit : « Je vous aime », alors que leur cœur
s’emploie à vous causer du tort. C’est d’eux qu’il est écrit (Ps. 27, 3) : ils
parlent de paix à leur prochain, mais leur cœur est plein de
malice, alors que l’Apôtre dit (Rm. 12, 9) : Que votre charité soit sans
feinte. 4) Nous devons aimer le prochain avec persévérance et aussi bien au temps de l’adversité qu’au temps de la prospérité.53. En quatrième lieu il faut
considérer que nous devons aimer le prochain avec persévérance, comme nous,
nous nous aimons avec persévérance. On lit en effet dans les Proverbes (17,
17) : L’ami aime en tout temps et dans le malheur il se montre un frère. L’amour doit donc se manifester
aussi bien au temps de l’adversité qu’au temps de la prospérité; et même,
comme l’Ecriture vient de nous le dire, c’est principalement au temps de
l’adversité que se reconnaît un ami. La patience et l’humilité
sont les deux vertus qui aident à conserver l’amitié. 54. Or, il importe de le savoir, il y a deux
vertus, qui aident à conserver l’amitié. La première est la
patience. L’homme irascible, disent en effet les Proverbes (26, 21), engendre
les disputes. La deuxième est l’humilité, qui produit la première,
c’est-à-dire la patience; car nous lisons dans les Proverbes (13, 10) : Les
superbes passent leur temps à se quereller entre eux. Celui en effet qui
a une haute idée de lui-même et méprise un autre, ne peut en supporter les
défauts. 5) Nous devons aimer le prochain d’un amour saint et donc qui ne le porte pas à pécher.55. En cinquième lieu il faut
considérer que nous devons aimer le prochain d’un amour droit et saint, en
sorte que notre amour pour autrui ne le porte pas à pécher, car vous-même
vous ne devez pas vous aimer de cette manière, qui vous ferait perdre Dieu.
Le Seigneur dit en effet à ses disciples (Jn. 15, 9) : Demeurez dans mon
amour. De cet amour, nous lisons dans l’Ecclésiastique (24, 24), que la
Sagesse en est la mère : Je suis, dit-elle, la mère du bel amour. 56. Tu aimeras ton prochain
comme toi-même. Ce précepte, Juifs et Pharisiens le comprenaient mal; ils croyaient que
Dieu commandait d’aimer les amis et de haïr les ennemis; c’est pourquoi, par
prochain, ils entendaient seulement les amis. Pour condamner une telle
interprétation, le Christ nous dit (Mt 5, 44) : Aimez vos ennemis, faites
du bien à ceux qui vous haïssent. 57. Il importe de le savoir, quiconque
hait son frère n’est pas dans l’état voulu pour se sauver. Nous lisons en
effet en saint Jean (1 Jean 2, 9) : Celui qui hait son frère est dans les
ténebres. Il faut le remarquer,
cette affirmation de saint Jean est parfois contredite. En effet des saints
haïrent certaines personnes, comme en témoigne cette parole du Psalmiste (Ps
138, 12) : Seigneur, j’ai haï d’une haine parfaite ceux qui vous haïssent; et le Seigneur a dit dans l’Evangile (Lc 14, 26) : Si quelqu’un...
ne hait pas son père et sa mère, sa femme et ses enfants, ses frères et ses
sœurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple. Du devoir d’aimer dans le prochain
sa nature, à l’imitation du Christ, et de haïr ses péchés. 58. Il importe de savoir que les
actions du Christ doivent nous servir de modèle pour toutes nos actions. Or,
Dieu aime et il hait. Il y a en effet en tout homme deux réalités à
considérer, à savoir la nature et le péché. Sans aucun doute on doit aimer
dans les hommes leur nature et on doit haïr leurs péchés. C’est pourquoi si
quelqu’un voulait que l’homme fût en enfer, il haïrait sa nature; par contre
s’il voulait qu’il fût bon, il aurait en haine le péché, car le péché doit
toujours être objet de haine. Le Psalmiste dit en effet au Seigneur (Ps. 5,
7) : Vous haïssez tous les
artisans d’iniquité et l’auteur du livre de la Sagesse adresse à Dieu ces
paroles (11, 25) : Vous aimez,
Seigneur, tout ce qui existe et
vous ne haïssez rien de ce que vous avez fait. Voici donc ce que Dieu aime
et ce qu’il hait : il aime la nature et il hait le péché. 59. Il faut le savoir également,
parfois l’homme peut faire un mal, sans commettre de péché; à savoir quand il
accomplit le mal en voulant un bien; car Dieu lui-même agit ainsi : Par
exemple lorsqu’un homme tombé malade se tourne vers le bien, alors qu’en
bonne santé il était mauvais. Pareillement dans l’adversité tel autre se
convertit et devient bon, qui dans la prospérité était mauvais, conformément
à cette parole d’Isaïe (28, 19) : L’épreuve vous donnera
l’intelligence de ce qui vous est dit. De même si vous désirez du mal
à un tyran, destructeur de l’Eglise, dans la mesure où vous désirez le bien
de l’Eglise par la destruction du tyran; car on lit au livre 2 des Maccabées
(1, 17) : Que notre Dieu soit
béni en toutes choses, lui
qui a livré les impies au châtiment. Et tous doivent non seulement le vouloir, ce
châtiment, mais aussi sa réalisation effective. En effet pendre des méchants pour un juste motif
n’est pas un péché; car comme l’écrit l’Apôtre aux Romains (13, 4), ceux qui
agissent ainsi sont les instruments de Dieu et il gardent la charité; en
effet, si la peine a parfois pour but de châtier, parfois au s, si elle a
pour dessein d’obtenir un bien plus divin et meilleur. Le bien de toute une
cité en effet est plus grand que la vie d’un seul homme. 60. Mais il importe de le
savoir, il ne suffit pas de ne pas vouloir le mal; il faut aussi vouloir le
bien, c’est-à-dire l’amendement du coupable et la possession pour lui de la
vie éternelle. Il y a en effet deux manières de vouloir
le bien de quelqu’un. On peut premièrement le lui vouloir d’une manière
générale, parce qu’il e. st une créature de Dieu, qui peut participer à la
vie éternelle; et deuxièmement d’une manière particulière, en tant qu’il est
un ami et un compagnon. Or on ne doit exclure personne de l’amour général
; chacun en effet doit prier pour tous et venir en aide même au premier venue
dans une nécessité extrême. Par contre on n’est pas tenu d’avoir de la
familiarité avec le premier venu, sauf s’il demande son pardon : car alors il
serait un ami; et si vous le repoussiez, ce serait témoigner de la haine à un
ami. C’est pourquoi le Seigneur a dit (Mt 6, 14) : Si
vous remettez aux hommes leurs fautes, votre Père Céleste vous remettra aussi
vos péchés; mais si vous ne remettez pas aux hommes, votre Père non plus ne
vous remettra pas vos fautes. Et dans l’oraison dominicale (Mt, 6, 9),
il nous fait dire : Remettez-nous nos dettes, comme nous-mêmes avons remis il
nos débiteurs. Des cinq motifs de faire du bien à nos ennemis.61. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Nous
l’avons dit : tu pèches, si tu n’accordes pas le pardon à qui te le demande ;
et si tu le ramènes à toi, alors que tu n’y es pas tenu, tu accomplis un acte
de perfection. Or il y a beaucoup de raisons qui te déterminent à l’attirer
vers toi. 1) Le premier, c’est qu’aimer nos ennemi nous donne de garder notre dignité de fils de Dieu, qui est la dignité la plus élevée de toutes.La première est la conservation de ta
propre dignité. A des dignités différentes en effet correspondent des signes
différents. Or nul ne doit abandonner les signes de sa propre dignité.
D’autre part, parmi toutes les dignités, la plus élevée pour quelqu’un, c’est
d’être fils de Dieu. Or le signe de cette dignité, c’est d’aimer un ennemi,
conformément à cette parole de Jésus (Mt 5, 44-45) : Aimez vos ennemis... ainsi serez-vous fils de votre Père qui est dans les cieux.
Si en effet tu aimes un ami, ce n’est pas un signe de filiation divine; car
les publicains et les pécheurs en font autant, comme le Seigneur le dit en
saint Mathieu (5, 46). 2) Le second, c’est qu’ainsi nous gagnons une victoire, celle qui consiste à triompher du mal par le bien.62. La seconde raison de ramener
à soi celui qui vous offense est l’obtention d’une victoire; ce qui est un
bien que tous désirent naturellement. Il faut donc ou que par ta bonté tu attires
à l’amour celui qui t’offense, et alors tu triomphes, ou bien qu’un autre te
tire à la haine, et alors tu es vaincu. Or l’Apôtre te dit (Rom. 12, 21) : Ne
te laisse pas vaincre par le mal, mais triomphe du mal par le
bien. 3) Le troisième motif de faire du bien à nos ennemis, c’est qu’ainsi nous faisons d’eux nos amis.63. La troisième raison de
ramener à, soi qui vous offense est l’obtention de multiples avantages. Par
ce moyen en effet tu te procures des amis. Si donc ton ennemi a faim,
donne-lui à manger; s’il a soif, donne-lui à boire; ce faisant, tu amasseras
sur sa tête des charbons brûlants (Rom. 12, 20). Saint Augustin dit en
effet : « il n’est pas de meilleur moyen de susciter l’amour que de prendre
soi-même les devants par son propre amour. Car même s’il arrive qu’on refuse
de donner un témoignage spontané d’amour, qui sera assez dur pour refuser de
rendre amour pour amour? »; rien en effet, ne peut se
comparer à un ami fidèle (Ecclésiastique 6, 15). Et on lit dans
les Proverbes (16, 7) : Si la conduite d’un homme plaît a« Seigneur, il
lui réconcilie même ses ennemis.
4) Le quatrième motif de faire du bien à nos ennemis, c’est que Dieu, en récompense, exaucera plus volontiers nos prières.64. Le quatrième motif de ramener
à toi celui qui t’offense, c’est que par là tes prières sont plus facilement
exaucées. C’est pourquoi dans son commentaire sur ce passage de Jérémie (15,
1) : Même si Moïse et Samuel se
tenaient devant ma face, saint Grégoire dit : Jérémie fit mention de
préférence de ces deux saints, parce qu’ils intercédèrent pour leurs ennemis.
Le Christ fit la même prière (Luc, 23, 34) : Père, dit-il, pardonne-leur. De même le bienheureux Etienne
en priant pour ses ennemis procura un grand avantage à l’Eglise, car il
convertit saint Paul. 5) Le cinquième motif de pardonner à nos ennemis ce qui est le plus grand acte de miséricorde est que par cette œuvre de charité nous obtenons ce bien souverainement désirable qu’est le pardon de nos péchés.65. Le cinquième motif de ramener
à soi qui vous offense, c’est la délivrance du péché, bienfait que nous
devons désirer par dessus tout. Quelquefois en effet nous péchons et nous ne
cherchons pas Dieu; et Dieu nous attire à Lui par la maladie ou par quelque
autre moyen semblable, comme il le dit en Osée (2, 6) : Je fermerai ton chemin avec des épines. Ainsi
Dieu tira à lui le bienheureux Paul. Il est dit au Psaume 118 (v. 176) : J’ai erré comme une brebis qui s’est perdue;
Seigneur, cherchez votre serviteur; et dans le Cantique des cantiques (1,
3) : Tirez moi après vous. C’est ce que nous obtenons, si nous
attirons à nous un ennemi, avant tout en lui pardonnant; car, comme le dit
Jésus (Luc, 8, 38), de la mesure
même dont vous mesurerez, on mesurera pour vous en retour, et (37) : Remettez et il vous sera remis; et encore (Mt
5, 7) Bienheureux, les
miséricordieux, car eux-mêmes obtiendront miséricorde. En effet il n’y a
pas de plus grande miséricorde que de pardonner à un offenseur. |
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Articulus
3 [86720] De decem praeceptis, a. 3 tit. 1 De primo praecepto legis. Non habebis deos alienos
coram me. Exod. XX, 3. |
Article 3 – Du premier précepte de la loi:
"Vous n'aurez pas de dieux étrangers." |
DU PREMIER PRÉCEPTE DE LA LOI – Tu n’auras pas de dieux étrangers devant moi. Ex 20, 3. |
||
[86722] De decem praeceptis, a. 3 Sicut iam dictum est, tota lex Christi dependet a
caritate. Caritas autem pendet ex duobus praeceptis; quorum unum est de
dilectione Dei, reliquum de dilectione proximi. Et de istis duobus iam dictum
est. Nunc autem sciendum, quod Deus dando legem Moysi, dedit decem praecepta
in duabus tabulis lapideis scripta: quorum tria in prima tabula scripta
pertinent ad amorem Dei; septem vero scripta in secunda tabula pertinent ad
amorem proximi. Et ideo tota lex fundatur in duobus praeceptis. Primum autem
quod pertinet ad amorem Dei est, non habebis deos alienos. Et ad huius
intellectum sciendum est, quod antiqui multipliciter hoc praeceptum
transgrediebantur. Quidam enim colebant Daemonia. Psal. XCV, 5: omnes dii
gentium Daemonia. Hoc autem est maximum omnium peccatorum, et horribile.
Nunc quoque multi transgrediuntur hoc praeceptum, omnes scilicet qui
divinationibus et sortilegiis intendunt. Haec enim, secundum Augustinum,
fieri non possunt quin aliquod pactum cum Diabolo contrahatur. I Cor. X, 20: nolo
vos fieri socios Daemoniorum; et iterum ibidem 21, non potestis mensae
domini participes esse, et mensae Daemoniorum. Alii colebant caelestia
corpora, credentes astra esse deos. Sap. XIII, 2: solem et lunam rectores
orbis terrarum deos putaverunt. Et ideo Moyses prohibuit Iudaeis, quod
non levarent oculos, nec adorarent solem et lunam et stellas. Deut. IV, 19: custodite
solicite animas vestras, ne forte elevatis oculis ad caelum videas solem et
lunam et omnia astra caeli, et errore deceptus adores ea, et colas quae
creavit dominus Deus tuus in ministerium cunctis gentibus. Idem dicitur
Deut. V. Contra hoc praeceptum peccant astrologi, qui dicunt haec esse
animarum rectores; cum tamen propter hominem facta sint, cuius solus Deus
rector est. Alii vero colebant inferiora elementa. Sap. XIII, 2: aut ignem
aut spiritum (...) deos putaverunt. In quorum errorem inciderunt homines
qui inferioribus male utuntur, nimis ea diligentes. Apostolus, Ephes. V, 5: aut
avarus, quod est idolorum servitus. Alii errantes colebant homines, vel
aves, vel alios, vel seipsos. Quod quidem contingit ex tribus. Primo ex
carnalitate. Sap. XIV, 15: acerbo luctu dolens pater rapti cito sibi
filii, fecit imaginem et illum qui tunc quasi homo mortuus fuerat, nunc
tanquam Deum colere coepit, et constituit inter servos suos sacra et
sacrificia. Secundo ex adulatione. Etenim quidam aliquos quos non
potuerunt honorare in praesentia, curaverunt in absentia honorare, faciendo
scilicet eorum imagines, et colendo loco eorum. Sap. XIV, 17: quem honorare
volebant, fecerunt ut illum qui aberat, tanquam praesentem colerent.
Tales sunt quicumque diligunt et venerantur homines plusquam Deum. Matth. X,
37: qui diligit patrem aut matrem plusquam me, non est me dignus.
Psal. CXLV, 2-3: nolite confidere in principibus, neque in filiis hominum,
in quibus non est salus. Tertio ex praesumptione. Quidam enim ex
praesumptione fecerunt se vocari deos, sicut patet Iudith III, de
Nabuchodonosor. Ez. XXVIII, 2: elevatum est cor tuum, et dixisti, Deus ego
sum. Et hoc faciunt qui plus suo sensui quam Dei praeceptis credunt. Isti enim se pro
diis colunt, sequentes enim delectationes carnis, corpus suum pro Deo colunt.
Apostolus, Philip. III, 19: quorum Deus
venter est. Ab his ergo omnibus cavere oportet. Non habebis deos alienos
coram me. Sicut dictum est, primum praeceptum legis est hoc, quo
prohibemur non colere nisi unum Deum. Et ad hoc etiam inducimur quinque
rationibus. Prima sumitur ex Dei dignitate, quae si auferatur, fit Deo
iniuria, sicut potest videri ex consuetudine hominum. Cuilibet enim dignitati
debetur reverentia: unde proditor regis est qui aufert quod exhibere
teneretur. Et hoc quidam Deo faciunt. Rom. I, 23: mutaverunt gloriam
incorruptibilis Dei in similitudinem imaginis corruptibilis hominis. Et
hoc summe Deo displicet. Isai. XLII, 8: gloriam meam alteri non dabo, et
laudem meam sculptilibus. Et considerandum, quod haec Dei dignitas est,
scilicet quod omnia sciat. Unde Deus dicitur a videndo; hoc enim est unum
signum deitatis. Isai. XLI, 23: annuntiate quae ventura sunt in futurum,
et sciemus quia dii estis vos. Hebr. IV, 13: omnia nuda et aperta sunt
oculis eius. Hanc autem dignitatem auferunt divinatores: contra quos
dicit Isai. VIII, 19: nunquid non populus a Deo suo requirit visionem pro
vivis ac mortuis? Secunda ratio sumitur ex eius largitate. Omne enim
bonum habemus a Deo. Et hoc etiam ad dignitatem Dei pertinet quod factor et
dator est omnium bonorum. Psal. CIII, 28: aperiente te manum tuam, omnia
implebuntur bonitate. Et hoc importatur in hoc nomine Deus, quod dicitur
a distributione, idest dator rerum, quia omnia replet sua bonitate. Nimis
ergo ingratus es, si ab illo tibi collatum non recognoscis; immo facis tibi
alium Deum, sicut filii Israel deducti de Aegypto fecerunt idolum. Os. II, 5:
vadam post amatores meos. Hoc etiam fit quando quis in alio quam in
Deo spem ponit, hoc est quando adiutorium ab alio petit. Psal. XXXIX, 5: beatus
vir cuius est nomen domini spes eius. Apostolus, ad Gal. IV, 9-10: cum
cognoveritis Deum (...) quomodo convertimini iterum ad infirma et egena
elementa? (...). Dies observatis et
menses, et tempora et annos. Tertia
ratio sumitur ex promissi firmitate. Abrenuntiavimus enim Diabolo, et fidem
promisimus soli Deo: unde non debemus ipsam infringere. Hebr. X, 28-29: irritam
quis faciens legem Moysi, sine ulla miseratione duobus vel tribus testibus
moritur: quanto magis putatis deteriora mereri supplicia qui filium Dei
conculcaverit, et sanguinem testamenti pollutum duxerit, in quo sanctificatus
est, et spiritui gratiae contumeliam fecerit? Rom. VII, 3: vivente
viro vocabitur adultera, si fuerit cum alio viro: et talis debet comburi.
Vae ergo peccatori ingredienti terram duabus viis, et claudicantibus in duas
partes. Quarta ratio est ex dominii diabolici gravitate. Ier. XVI, 13: servietis
diis alienis die ac nocte, qui non dabunt vobis requiem. Non enim quiescit in
uno peccato, sed potius nititur ad aliud ducere. Qui facit peccatum,
servus est peccati, Ioan. VIII, 34; ideo non de facili quis egreditur de
peccato, Gregorius: peccatum quod per poenitentiam non diluitur, mox suo
pondere in aliud trahit. Contrarium
est de dominio divino: quia praecepta eius gravia non sunt. Matth. XI, 30: iugum
enim meum suave est, et onus meum leve. Satis enim reputatur quis facere,
si tantum facit pro Deo quantum fecit pro peccato. Rom. VI, 19: sicut
exhibuistis membra vestra servire immunditiae et iniquitati ad iniquitatem;
ita nunc exhibete membra vestra servire iustitiae in sanctificationem.
Sed de servis Diaboli dicitur Sap. V, 7: lassati sumus in via iniquitatis
et perditionis, et ambulavimus vias difficiles; et Ier. IX, 5: ut
inique agerent, laboraverunt. Quinta est ex praemii sive muneris
immensitate. In nulla enim lege talia promittuntur praemia sicut in lege Christi. Saracenis enim promittuntur fluvii lactis et mellis,
Iudaeis terra promissionis; sed Christianis Angelorum gloria. Matth. XXII, 30: erunt
sicut Angeli Dei in caelo. Hoc considerans Petrus ait, Ioan. VI, 69: domine, ad quem ibimus? Verba vitae aeternae
habes. |
53. Du premier précepte de la loi: "Vous n'aurez pas de dieux étrangers." Ainsi que nous l'avons dit, la loi du Christ est une
loi d'amour; elle repose toute entière sur la charité. Les devoirs de la
charité sont formulés dans deux préceptes, dont l'un est relatif à l'amour de
Dieu, et l'autre relatif à l'amour du prochain. Nous avons déjà parlé de ces
deux préceptes. Maintenant il est bon de savoir que la loi donnée à Moïse au
sommet du Sinaï renfermait dix préceptes gravés sur deux tables de pierre.
Sept étaient gravés sur la première, et trois sur la seconde; ceux là se
rapportent à l'amour de Dieu, et ceux-ci à l'amour du prochain. Ainsi, toute
la loi morale repose sur deux préceptes fondamentaux. 54. Le premier des
sept préceptes relatifs à l'amour de Dieu est celui-ci: "Vous n'aurez
pas de dieux étrangers." Pour bien comprendre ce précepte, il faut
savoir que la plupart des peuples anciens se rendaient coupables de sa
violation. Les uns adoraient les démons, comme le témoignent ces paroles du
Psalmiste: "Tous les dieux des nations sont des démons." Un
pareil culte est le plus grand et le plus horrible de tous les péchés.
Maintenant encore ce culte abominable est maintenu par tous ceux qui
s'adonnent à la divination et à la sorcellerie; car selon saint Augustin, il
est impossible d'être initié aux secrets des sciences occultes sans faire un
pacte avec le diable. "Je ne veux point, dit saint Paul aux
fidèles, que vous deveniez les associés du Démon. Vous ne pouvez,
ajoute-t-il, vous asseoir tour à tour à la table du Seigneur, et à celle du
démon." 55. D'autres
adoraient les corps célestes; ils prenaient les astres pour des divinités,
comme le témoignent ces paroles du sage Salomon: "Ils ont pris pour
des divinités le soleil et la lune, ces flambeaux de la terre." Moïse
défendit sévèrement aux Juifs de suivre à ce sujet l'exemple des autres
peuples: "Gardez-vous, leur dit-il, quand vous élèverez vos
regards vers le ciel et que vous contemplerez le soleil, la lune et toutes
les étoiles, gardez-vous bien de vous laisser séduire par leur éclat, et
d'adorer ces astres brillants que le Seigneur, votre Dieu, a semés dans
l'espace pour luire sur toutes les nations." Les astrologues pèchent
donc contre cette défense, puisqu'ils attribuent aux corps célestes créés
pour l'homme le pouvoir de régir les destinées humaines, pouvoir qui
n'appartient qu'à Dieu seul. 56. D'autres
adoraient les éléments répandus dans les sphères inférieures, comme le
témoignent encore ces paroles de Salomon: "Ils prenaient pour des
divinités le feu ou l'air." Ceux-là se rendent coupables de ce culte
honteux et frivole, qui donnent leur cœur à des objets indignes de leur amour.
"Sachez, dit saint Paul, que le fornicateur, le libertin et l'avare
sont des idolâtres." D'autres adoraient les hommes, et parmi eux de
faibles mortels se faisaient passer pour des dieux. Trois causes ont donné
naissance à ce genre d'idolâtrie. 57. La première,
c'est l'affection. "Un père, gémissant sur la perte d'un fils ravi à
sa tendresse par une mort prématurée, lui dressa une statue, et commença
d'adorer comme un Dieu celui qui était mort comme un mortel, et il établit
dans sa maison un culte et des sacrifices en son honneur." 58. La seconde,
c'est l'adulation. Les hommes, voulant témoigner leur vénération à un prince,
à un héros, qui ne pouvait recueillir en personne leurs hommages, cherchèrent
un moyen de l'honorer quoique absent; ils lui élevèrent donc des statues
qu'ils adorèrent à sa place. Nous invoquerons encore l'autorité de Salomon. "Les
hommes, dit-il, voulant honorer un monarque absent, rendirent un culte
à son image, afin de lui témoigner leur vénération comme s'il était
présent." Tels sont encore aujourd'hui tous ceux qui ont plus de
respect pour le monde que pour Dieu. "Quiconque, dit Notre
Seigneur, aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de
moi." - "Ne mettez pas, dit le Psalmiste, votre
confiance dans les princes et les enfants des hommes: ce n'est pas en eux que
vous trouverez votre salut." 59. La troisième
cause de ce genre d'idolâtrie, c'est la présomption. Certains rois, dans
l'enivrement de leur orgueil, se sont donné à eux-mêmes le titre de dieux.
Tel fut Nabuchodonosor, ce monarque impie, à qui le prophète Ézéchiel adresse
ces paroles: "Ton cœur s'est gonflé d'orgueil, et tu as dit: Je suis
dieu." Ceux-là imitent son impiété, chez qui les sens aveuglent la
raison. Eux aussi s'adorent comme des dieux, en cherchant les voluptés
charnelle, ils rendent un culte à leur corps: "Ils se font un dieu de
leur ventre," suivant l'expression de l'apôtre Philippe. Nous devons
donc éviter avec soin tout ce qui est contraire au culte du vrai Dieu. 60. "Vous n'aurez pas de dieux étrangers." Ainsi que nous
l'avons dit, le premier précepte de la loi morale est celui qui nous interdit
tout autre culte que celui du vrai Dieu. Cinq raisons principales nous
invitent à l'accomplissement de ce précepte. 61. La première,
c'est la grandeur de Dieu: refuser nos hommages à cette grandeur souveraine,
c'est outrager le monarque des cieux. Toute dignité a droit aux respects, et
le vassal qui se révolte contre son suzerain est coupable de lèse-majesté et
traître à son roi. Tels sont quelques hommes à l'égard de Dieu. "Ils
ont, dit saint Paul, outragé la gloire du Dieu éternel, en rendant
hommage à la vaine ressemblance de la créature périssable." Or rien
n'irrite autant le Seigneur qu'une pareille injure, "Je ne céderai
point, dit-il par la bouche du prophète Isaïe, je ne céderai point ma
gloire à un autre, ni mon culte aux idoles." Ce qui fait la grandeur
de Dieu, c'est son omniscience: son nom même exprime l'idée d'un regard
auquel rien n'échappe. Et, en effet, le signe caractéristique de la divinité,
c'est la connaissance de toutes choses. "Annoncez-nous les événements
de l'avenir, et nous croirons que vous êtes des dieux." - "Rien
n'est caché, rien n'est secret pour l'Éternel." Or ceux-là outragent
sa grandeur qui ont recours à la divination pour connaître l'avenir. "N'est-ce
pas Dieu seul que les hommes doivent consulter pour les vivants et pour les
morts?" 62. La seconde
raison qui nous engage à rester fidèle au culte du vrai Dieu, c'est sa bonté
pour nous. Tous les biens nous viennent de lui comme d'une source féconde et
inépuisable, "Vous n'avez, Seigneur, qu'à ouvrir la main, et
l'univers est plein de vos bienfaits." Cette bonté infinie n'est pas
un attribut moins essentiel à la Divinité que l'omniscience, et le mot Dieu
lui-même emporte avec lui l'idée d'une puissance bienfaisante. Ne serait-ce
donc pas le comble de l'ingratitude d'oublier tout ce que Dieu a fait pour
nous, d'abandonner son culte, et d'adorer à sa place de vaines idoles, comme
les enfants d'Israël, après leur sortie d'Egypte? Nous abandonnons le culte
du vrai Dieu quand nous plaçons notre espoir ailleurs qu'en lui, quand nous
demandons à d'autres qu'à lui les secours dont nous avons besoin. "Heureux
celui qui place son espérance dans le nom du Seigneur." -
"Maintenant que vous connaissez Dieu, pourriez-vous encore retourner au
culte honteux et frivole des éléments?" 63. La troisième
raison qui nous engage à n'adorer que Dieu, c'est l'obligation où nous sommes
de rester fidèles à nos promesses. Nous avons renoncé à Satan, nous avons
promis notre cœur à Dieu seul; cet engagement est sacré, et ce serait un
crime de le violer. "Si l'infraction à la loi de Moïse était punie de
mort en présence de deux ou trois témoins, quel supplice ne mériterait pas
celui qui aurait foulé aux pieds la loi du fils de Dieu, qui aurait souillé
le sang de la nouvelle alliance, ce sang précieux répandu sur la terre pour
purifier le monde, et qui aurait outragé le Saint-Esprit, ce dispensateur de
la grâce d'en-haut?" - "La femme qui, du vivant de son époux, passe
dans les bras d'un autre, est adultère; elle mérite d'être brûlée vive.
Malheur donc à l'âme infidèle qui se sépare du Dieu vivant pour offrir au
monde un amour criminel!" 64. La quatrième
raison qui nous invite à n'adorer que Dieu, c'est l'accablante servitude que
le démon fait peser sur ses adorateurs. Écoutez ce que le Seigneur dit aux
Juifs rebelles par la bouche de Jérémie: "Vous servirez jour et nuit
des dieux étrangers, qui ne vous laisseront point un instant de repos."
Le démon ne se contente pas de nous faire commettre un seul péché; il nous
conduit de fautes en fautes. Or le pécheur est l'esclave du péché, et ce
n'est pas sans peine qu'on recouvre sa liberté, une fois qu'on a subi le joug
des passions mauvaises: c'est ce qui faisait dire à saint Grégoire: "La
faute que n'efface point la pénitence nous entraîne plus avant dans le
gouffre du vice." La soumission que Dieu nous demande n'a rien de
pénible, parce que sa loi n'a rien d'onéreux. "Venez à moi, nous
dit-il, car mon joug est doux et mon fardeau est léger." Et en
effet tout ce qu'il exige de nous, c'est que nous fassions pour lui ce que
nous faisons pour le péché. Que dit saint Paul? "Déployez maintenant,
dans la pratique de la vertu, la force que vous avez déployée dans la
pratique du mal." Est-il donc une loi plus douce que celle de Dieu?
Voulez-vous juger, au contraire, de la pesanteur du joug de Satan? Méditez
ces paroles que Salomon met dans la bouche des méchants: "Nous avons
marché, accablés sous le poids de la fatigue, dans la voie pénible de
l'iniquité et de la perdition." Méditez encore ces paroles de
Jérémie: "Les méchants font laborieusement le mal." 65. Enfin la
cinquième raison qui nous invite à n'adorer que le vrai Dieu, c'est
l'immensité de la récompense qu'il réserve à ses serviteurs. Les mahométans
espèrent des fleuves de lait et de miel, les Juifs la terre promise; mais les
chrétiens espèrent la gloire des anges. "Ils seront, a dit
Jésus-Christ, semblables aux anges de Dieu dans le ciel." Et
voilà pourquoi Pierre disait à son divin maître: "Seigneur, vers quel
autre que vous pourrions-nous aller? vous nous promettez la vie
éternelle." |
Toute la loi du Christ repose sur la charité et toute la loi de Moïse est également fondée sur l’amour de Dieu et sur l’amour du prochain.66. Comme il a été dit déjà, toute la
loi du Christ repose sur la charité. Or la charité elle-même repose sur deux
préceptes, dont l’un se rapporte à l’amour de Dieu et l’autre à l’amour du
prochain. Nous avons parlé déjà de ces deux préceptes. Maintenant il faut
savoir que Dieu, en donnant la loi à Moïse, lui donna dix préceptes écrits
sur deux tables de pierre; dont trois, écrits sur la première table, se
rapportent à l’amour de Dieu et, sept, écrits sur la seconde table, se
rapportent à l’amour du prochain. C’est pourquoi toute la loi est fondée sur
les deux préceptes de la charité. 67. Le premier précepte qui se
rapporte à l’amour de Dieu est celui-ci : Tu n’auras pas de dieux
étrangers. Des différentes catégories de
transgresseurs du précepte : « Tu n’auras pas de dieux étrangers ». Pour comprendre ce précepte il faut savoir que
les anciens l’ont transgressé de multiples manières. 1) Ceux qui rendent un culte. - Aux démons,Les uns en effet rendaient un culte aux démons ;
car dit le Psaume 95 (v. 5), tous les dieux des nations étaient des
démons. Or c’est là le plus grand des péchés et une chose horrible. Maintenant aussi beaucoup transgressent le
précepte de ne pas avoir de Dieux étrangers, à savoir tous ceux qui se
livrent à la divination et à la sorcellerie. Selon saint Augustin en effet,
ils ne peuvent s’adonner à ce genre d’activité sans contracter quelque pacte
avec le diable. Ce que défend l’Apôtre par ces paroles (1 Co 10, 20) : Je
ne veux pas que vous entriez en communion avec les démons et (21) vous
ne pouvez pas partager la table du Seigneur et la table des démons. 2) aux corps célestes.68. D’autres
offraient un culte aux corps célestes, croyant que les astres étaient des
dieux, comme l’atteste le livre de la Sagesse (13. 2) : ils pensèrent que
le soleil et la lune étaient des dieux gouvernant, l’univers. C’est pourquoi Moïse défendit aux Juifs de lever les yeux au ciel et
d’y adorer le soleil, la lune et les étoiles. Prenez bien garde à vos âmes, dit-il (Deut. 4, 15b, 19), de peur que levant les yeux vers
le ciel et voyant le soleil, la lune et les étoiles et, induit en, erreur,
vous ne les adoriez et ne leur rendiez un culte; le Seigneur
votre Dieu les a créés p’0ur être au service de toutes les nations. Et il redit la même chose au Deut. 5, 8. Contre
ce précepte pèchent les astrologues; ils affirment en effet que les corps
célestes gouvernent les âmes. Ce sont eux au contraire qui furent créés pour
l’homme, dont Dieu seul est le souverain. 3) Aux éléments du monde inférieur.69. Cependant d’autres anciens rendaient
un culte aux éléments du monde inférieur. Ils pensèrent, nous
dit la Sagesse (13, 2) que le
feu ou le vent... étaient des dieux. Dans leur erreur tombèrent les
hommes qui usèrent mal des éléments du monde inférieur en les aimant avec
excès, comme c’est, par exemple, le cas de l’avare, dont l’Apôtre dit
(Ephes. 5, 5) : c’est un idolâtre. 4) Aux hommes, à eux-mêmes, ou aux autres créatures. et cela, en cédant soit à une sensibilité désordonnée, soit à la flatterie, soit à la présomption.70. D’autres, dans leur égarement,
rendaient un culte à des hommes, ou à des oiseaux, ou à d’autres créatures,
ou à eux-mêmes. Cet égarement est produit par une de ces trois causes
: Soit premièrement par une sensibilité désordonnée. On lit en effet dans la
Sagesse (14, 15) : Un Père accablé par un deuil cruel façonna l’image de
son fils, trop tôt enlevé, et il honora comme un dieu celui qui n’était plus
qu’un homme mort et il institua parmi ses serviteurs des rites sacrés et des
sacrifices. Ou deuxièmement par la flatterie.
Certains, en effet, prirent soin d’honorer en raison de leur absence ceux
qu’ils ne pouvaient pas honorer en leur présence; ils façonnèrent donc leurs
àimages, et les vénérèrent à leur place. On lit en effet dans la Sagesse
(14, 17) : Les hommes exposèrent
aux yeux l’image de celui qu’ils voulaient honorer, afin d’adorer, comme
présent, celui qui était absent. Ils leur ressemblent tous ceux qui
aiment et vénèrent les hommes plus que Dieu. Jésus nous dit au contraire (Mt 10, 37) : Qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est
pas digne de moi. Et au Psaume 145 (2, 3) il est écrit : Ne
vous confiez ni dans les princes, ni dans les fils des hommes dans
lesquels il n’y a pas de salut. Ou troisièmement par la présomption.
Certains, en effet, par présomption se firent appeler dieux, comme le montre
clairement le livre de Judith (c. III) au sujet de Nabuchodonosor, et comme
le Seigneur le dit d’un prince de Tyr au livre d’Ezéchiel (28, 2) Tu t’es enflé
d’orgueil, tu as dit : Je suis un dieu. Et ils agissent ainsi ceux qui
croient plus à leur propre sens qu’aux préceptes de Dieu. Ceux-ci en effet se
rendent un culte comme à des dieux; car en suivant les délectations de la
chair, ils rendent à leur corps le culte dû à Dieu. Leur dieu, c’est
leur ventre, dit l’Apôtre (Ph. 3, 19). Il convient donc de se garder de ces
trois vices. 71. Tu n’auras pas de dieux étrangers devant moi. Comme il a été dit, le
premier précepte de la loi est de nous interdire d’adorer sinon le Dieu
unique. D’ailleurs cinq motifs nous y déterminent. Des cinq motifs qui nous engagent à n’adorer que le Dieu unique.1) Le premier est de savoir que c’est priver Dieu de sa dignité infinie que d’adorer un autre dieu.1) Le premier motif se prend
se la dignité de Dieu. Si on la lui enlève, on lui fait injure, comme on peut
le constater d’après la coutume des hommes. A toute dignité en effet on doit
des égards; aussi est traître au roi celui qui lui retire ce qu’il est tenu
de lui donner. Or certains agissent ainsi à l’égard de Dieu. Ils
changèrent, dit saint Paul (Rm. 1, 23), la gloire du Dieu
incorruptible contre une image représentant un homme corruptible. Ce qui
déplaît souverainement à Dieu. Je ne donnerai pas, dit-il (Is. 42, 8),
ma gloire à un autre ni mon honneur à des idoles. Les devins ravissent à Dieu ou
plutôt prétendent lui ravir le privilège qu’il a de tout savoir; 72. Et il y a lieu de le considérer, cette
dignité de Dieu est telle qu’il sait tout. C’est pourquoi le mot «
Dieu » (theos) dérive du verbe « voir » (en grec) : c’est en effet une
des marques de la divinité que de tout savoir. Aussi Dieu, dit-il aux faux
dieux (Is. 41, 23) ; Révélez ce
qui adviendra plus tard que nous sachions si vous êtes des Dieux; et
l’Apôtre écrit aux Hébreux (4, 13) : Tout est nu et à découvert aux
yeux de Dieu. Or les devins ravissent à Dieu cette dignité qui lui est
propre. Isaïe écrit contre eux ceci (8, 19) : Un peuple ne doit-il pas
consulter son Dieu? Consultera-t-il les morts pour les. vivants? 2) Le second motif d’adorer Dieu seul, c’est que lui seul, dans son infinie générosité, est le Créateur et le distributeur de tous les biens.73. Le second motif qui nous engage
à n’adorer que Dieu se prend de sa libéralité. Nous tenons en effet de Dieu
absolument tout bien. Et le fait que Dieu soit le créateur et le distributeur
de tous les biens fait également partie de sa dignité. Ô Dieu, si vous
ouvrez votre main, tous sont l’emplis de vos biens (Ps. 103, 28). Cette idée que Dieu est le donateur de toutes
choses est impliquée également dans le mot « Dieu » (Theos), qui vient de «
distribution », (thein = pourvoir à toutes choses), parce qu’il remplit
tout par sa bonté. Si donc vous ne reconnaissez pas tout ce que Dieu
vous a donné, vous êtes trop ingrat; bien plus, vous vous faites un autre
Dieu, comme les fils d’Israël conduits hors d’Egypte, qui se façonnèrent une
idole (Israël dit en Osée 2, 5 : J’irai après mes amants). Ceci arrive
également quand quelqu’un met son espérance en un autre qu’en Dieu,
c’est-à-dire, quand il demande de l’aide à un autre qu’à Dieu. Le Psalmiste,
lui, nous dit (Ps. 39, 5) : Bienheureux l’homme dont le nom du Seigneur
est l’espérance et l’Apôtre (Gal. 4, 9-10) : Maintenant que vous
connaissez Dieu, comment retournez-vous à ces faibles et pauvres éléments...
? Vous observez certains jours, certains mois, certains temps, certaines
années. 3) Le troisième motif d’adorer. Dieu seul, c’est la promesse faite au baptême (en notre nom) d’être fidèle à lui seul.74. Le troisième motif qui engage
à n’adorer que le Dieu unique se
prend de la fermeté de notre promesse. Nous avons en effet renoncé au diable
et promis fidélité à Dieu seul; aussi ne devons-nous pas la violer, car
l’Apôtre dit aux Hébreux (10, 28-29) : Celui qui viole la loi de Moïse est
mis à mort sans aucune miséricorde sur la déposition de deux ou trois
témoins. N’estimez-vous pas qu’il méritera un châtiment plus grave encore
celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu, tenu pour profane le sang de
l’alliance, par lequel il a été sanctifié, et fait outrage à l’Esprit de la
grâce? et il écrit aux Romains (7, 3) : Si, du vivant de son
mari, la femme s’unit ci un autre homme, elle sera dite adultère;
et une telle femme doit être brûlée. (Un châtiment semblable attend ceux qui
auront violé la fidélité promise à Dieu). Malheur donc au pécheur s’engageant
sur la terre par deux voies et clochant des deux côtés. 4) Le quatrième motif d’adorer Dieu, c’est la légèreté de son joug comparé ci la pesanteur du joug du diable.75. 4) Le quatrième motif d’adorer Dieu
seul se prend de la pesanteur du joug du diable. Vous servirez des
dieux étrangers jour et nuit et ils ne vous laisseront pas un instant de
repos, dit en effet Jérémie (16-13). Le démon, de fait, ne se repose pas,
quand il a fait commettre un péché; mais il s’efforce plutôt de vous porter à
un autre péché. Celui qui fait le péché est l’esclave du péché (Jean,
8, 34), dit Jésus. Aussi n’est-il pas facile de sortir du péché. Saint
Grégoire dit : « Un péché, non effacé par la pénitence, par son propre poids
ne tarde pas à entraîner à un autre péché. » Toute
différente est la souveraineté de Dieu; ses préceptes en effet ne sont pas
pesants; car mon joug, dit Jésus, (Mt, 11, 30), est doux et mon fardeau léger. Celui-là,
en effet, fait assez, estime-t-on, s’il travaille autant pour Dieu, qu’il a
œuvré pour le péché. De même,
dit saint Paul (Rom. 6, 19), que
vous avez livré vos membres ci l’impureté et ci l’iniquité
pour l’iniquité, de même livrez ci présent vos membres comme esclaves
à la justice pour la sainteté. Mais
les esclaves du démon disent d’eux-mêmes (Sag. 5, 7) : Nous nous sommes
lassés dans la joie de L’iniquité et de la perdition, et nous avons marché
dans des voies difficiles; et Jérémie (9, 5) écrit à leur sujet
: ils peinèrent pour accomplir le mal. 5) Le cinquième motif d’adorer Dieu c’est l’immensité de, la récompense accordée aux adorateurs du Dieu unique.76. 5) Le cinquième motif
d’adorer le Dieu unique se prend de l’immensité de la récompense. Dans nulle
autre loi en effet ne sont promises des récompenses aussi grandes que celles
promises par la loi du Christ. Aux Mahométans en effet sont promis des
fleuves de lait et de miel, aux Juifs la terre promise, mais aux Chrétiens
est promise la gloire des Anges. (A la résurrection) as seront, dit
Jésus (Mt 22, 30), comme les
Anges de Dieu dans le ciel. Saint Pierre, considérant cette gloire,
s’écria (Jean, 6, 69) : Seigneur,
à qui irions-nous? Tu possèdes les paroles de la vie éternelle. |
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Articulus
4 [86723] De decem praeceptis, a. 4 tit. 1 De secundo praecepto. [86724]
De decem praeceptis, a. 4 tit. 2 Non assumes nomen domini Dei tui
in vanum. Exod. XX, 7. |
Article 4 – Du second précepte de la loi. "Vous
ne prononcerez pas en vain le nom du Seigneur votre Dieu." |
DU SECOND PRÉCEPTE DE LA LOI – Tu ne prendras pas le nom du Seigneur ton Dieu en vain.
Ex 20, 7.
|
||
[86725] De decem praeceptis, a. 4 Hoc est secundum praeceptum legis: et sicut non est
nisi unus Deus quem debemus colere, ita non est nisi unus quem debemus maxime
venerari. Et primo quantum ad nomen: unde non assumes nomen domini Dei tui
in vanum. Sciendum, quod vanum dicitur tripliciter. Aliquando enim
dicitur falsum. Psal. XI, 3: vana locuti sunt unusquisque ad proximum
suum. Assumis ergo nomen Dei in vanum, quando assumis illud ad
confirmationem falsitatis. Zach. VIII, 17:
iuramentum mendax ne diligatis; ibidem XIII, 3: non vives, quia
locutus es mendacium in nomine domini. Talis autem facit iniuriam Deo,
sibi ipsi, et omnibus hominibus. Deo quidem, quia cum iurare per Deum nihil
aliud sit nisi invocare eius testimonium, cum iuras falsum: aut credis Deum
nescire verum, et sic ponis ignorantiam in Deo, cum tamen omnia nuda et aperta
sint oculis eius, ut dicitur ad Hebr. IV; aut quod diligat mendacium, cum
tamen odiat ipsum: Psal. V, 7: perdes omnes qui loquuntur mendacium;
aut derogas potentiae, quasi non possit de eo punire. Item facit iniuriam
sibi ipsi: obligat enim se iudicio Dei. Nihil est autem aliud dicere, per
Deum ita est, nisi quod Deus puniat me, si non est ita. Item iniuriatur aliis
hominibus. Nulla enim inter aliquos societas durare potest, nisi credant sibi
invicem. Dubia autem iuramentis confirmantur. Hebr. VI, 16: omnis
controversiae finis ad confirmationem est iuramentum. Iniuriatur ergo
Deo, crudelis est sibi, et noxius et hominibus. Aliquando dicitur vanum,
inutile. Psal. XCIII, 11: dominus scit cogitationes hominum, quoniam vanae
sunt. Et ideo confirmando vanitatem assumitur nomen Dei in vanum. In
veteri enim lege prohibitum fuit ut non iuraretur falsum: Deut. V, 11: non
usurpabis nomen Dei tui frustra. Sed Christus prohibuit non nisi in
necessitate iurare; et ideo dicitur Matth. V, 33-34: audistis quia dictum
est antiquis, non iurabis. Ego autem dico vobis: nolite iurare omnino. Et
huius ratio est, quia in nulla parte ita fragiles sumus sicut in lingua: quia
eam nullus domare potuit, sicut dicitur Iac. III, et ideo de levi posset homo
deierare. Matth. V, 37: sit sermo vester, est est, non non; et iterum,
vers. 34: ego autem dico vobis: nolite iurare omnino. Et nota, quod
iuramentum est sicut medicina, quae non semper accipitur, sed in necessitate.
Et ideo, ut dicitur Matth. V, 37, quod his amplius est, a malo est.
Eccli. XXIII, 9: iurationi non assuescat os tuum: multi enim casus in
illa. Nominatio vero Dei non sit assidua in ore tuo, et nominibus sanctorum
ne admiscearis: quoniam non eris immunis ab eis. Aliquando autem dicitur
vanum, peccatum vel iniustitia. Psal. IV, 3: filii hominum usquequo gravi
corde? Ut quid diligitis vanitatem? Qui ergo iurat pro peccato faciendo,
assumit nomen Dei sui in vanum. Iustitiae vero partes sunt facere bonum, et
dimittere malum. Si ergo iuras facere furtum, vel aliud huiusmodi, hoc contra
iustitiam est: et quamvis non sit servandum hoc iuramentum, tamen sic iurans
periurus est. Talis fuit Herodes contra Ioannem, Marc. VI. Similiter contra
iustitiam facit qui iurat non facere bonum, sicut non intrare Ecclesiam vel
religionem: et hoc etiam iuramentum non est servandum, et tamen periurus est
iurans. Non est ergo iurandum de falso, non de inutili, non etiam de
iniustitia: et ideo dicitur Ier. IV, 2: et iurabis, vivit dominus, in
veritate et in iudicio et in iustitia. Vanum dicitur aliquando fatuum:
Sap. XIII, 1: vani sunt omnes homines in quibus non est scientia Dei.
Qui ergo accipiunt nomen Dei stulte, sicut blasphemi, assumunt nomen Dei in
vanum. Lev. XXIV, 16: qui blasphemaverit nomen domini, morte morietur. Non
assumes nomen domini Dei tui in vanum. Sciendum, quod nomen Dei sumitur
ad sex. Primo quidem ad dicti confirmationem sicut in iuramento. Et in hoc
confitemur quod prima veritas non est nisi in Deo. In hoc autem fit reverentia
Deo: unde in lege praecipitur, Deut. VI,
quod non iuretur nisi per Deum. Contrarium faciunt qui aliter iurant. Exod.
XXIII, 13: non iurabis per nomina deorum exterorum. Et quamvis
aliquando iuretur per creaturas, tamen sciendum, quod in omnibus his non
iuratur nisi per Deum. Cum enim iuras per animam tuam vel caput tuum, idem
est quod eam obligare poenae infligendae a Deo. Apostolus, II Cor. I, 23: testem
Deum invoco in animam meam. Item cum iuras per Evangelium, iuras per
Deum, qui dedit Evangelium: et ideo peccant qui iurant per Deum de facili,
aut per Evangelium. Secundo sumitur ad sanctificationem. Baptismus enim
sanctificat. Apostolus, I Cor. VI, 11: sed
abluti estis, sed sanctificati estis, sed iustificati estis in nomine domini
nostri Iesu Christi. Hoc autem non habet virtutem nisi in invocatione
Trinitatis. Ier. XIV, 9: tu autem in nobis es, domine, et nomen sanctum
tuum invocatum est super nos. Tertio sumitur ad adversarii expulsionem. Unde ante
Baptismum abrenuntiatur Diabolo. Isai. IV, 1: tantummodo invocetur nomen
tuum super nos, aufert opprobrium nostrum. Et ideo si redis ad peccata,
nomen Dei sumitur in vanum. Quarto sumitur ad eiusdem nominis confessionem.
Apostolus, Rom. X, 14: quomodo ergo invocabunt in quem non crediderunt?
Et iterum, vers. 13: omnis enim
quicumque invocaverit nomen domini, salvus erit. Confitemur autem primo
ore ad manifestandum gloriam Dei. Isai. XLIII, 7: omnis qui invocat nomen
meum, in gloriam meam creavi eum. Ergo si dicis aliquid contra gloriam
Dei, assumis nomen Dei in vanum. Confitemur secundo opere, cum ea operamur quae
gloriam Dei manifestant. Matth. V, 16: videant opera vestra bona, et
glorificent patrem vestrum qui in caelis est. Contrarium faciunt quidam,
de quibus dicit apostolus, Rom. II, 24: nomen Dei per vos blasphematur
inter gentes. Quinto assumitur ad defensionem. Prov. XVIII, 10: turris
fortissima nomen domini: ad ipsam currit iustus, et exaltabitur. Marc.
ult., 17: in nomine meo Daemonia eiicient. Act. IV, 12: non est
aliud nomen sub caelo datum hominibus, in quo oporteat nos salvos fieri. Sexto sumitur ad
operis completionem. Apostolus, Col. III, 17: omne quodcumque facitis in
verbo aut in opere, omnia in nomine domini nostri Iesu Christi facite.
Psal. CXXIII, 8: adiutorium nostrum in nomine domini. Sed quia
aliquando aliquis indiscrete incipit, sicut accidit in voto quod non
adimpletur, tunc etiam in vanum nomen domini assumitur. Unde Eccli. V, 3: si quid vovisti Deo, ne moreris
reddere. Psal. LXXV, 12: vovete et reddite domino Deo vestro omnes qui
in circuitu eius affertis munera. Displicet enim ei infidelis et stulta
promissio, Eccli. V, 3. |
66. Du second précepte de la loi. "Vous ne prononcerez pas en vain le nom du Seigneur
votre Dieu." Tel est le second précepte de la loi morale. De même qu'il
n'y a qu'un seul Dieu, que nous devons adorer, il n'y a aussi qu'un seul Dieu
que nous devons respecter par-dessus tout, et d'abord quant à son nom. 67. Remarquons ici
que le mot vain se prend dans trois acceptions différentes: quelquefois il
veut dire faux, et c'est dans ce sens que l'emploie le roi prophète quand il
dit: "Leurs paroles sont des paroles vaines. "C'est donc prononcer
en vain le nom de Dieu quand on invoque ce nom sacré pour servir d'appui au
mensonge. "Gardez-vous de faire un faux serment," dit le
Seigneur par la bouche du prophète Zacharie: "Vous mourrez, vous qui
mentez au nom de l'Éternel," dit-il encore par la bouche du même
prophète. C'est un crime, en effet, d'invoquer ce nom auguste pour servir
d'appui au mensonge; c'est faire injure à Dieu, c'est se faire tort à
soi-même, ainsi qu'à tous les hommes. C'est faire injure à Dieu: car donner à
un serment l'autorité de son nom, c'est invoquer son témoignage: par
conséquent, lorsqu'on invoque ce témoignage à l'appui d'un mensonge, ou bien
on s'imagine que Dieu ne connaît point la vérité, et alors on fait injure à
sa sagesse et à son omniscience; ou bien on suppose qu'il aime le mensonge,
et alors on fait injure à sa bonté; ou bien on croit qu'il ne peut pas
manifester la vérité et punir le mensonge, et alors on fait injure à sa
puissance. De plus, c'est se faire tort à soi-même; car c'est se soumettre au
jugement de Dieu. Dire: J'atteste le nom de Dieu que cela est, c'est dire:
Que Dieu me punisse si cela n'est pas. Enfin, c'est faire tort à tous les
hommes; car c'est détruire, autant qu'il est en soi, le lien social, qui
n'existe que par la confiance. Le but du serment est de rendre certain ce qui
est douteux. "Toute discussion est terminée, dit saint Paul, quand
l'une des deux parties adverses appuie ses prétentions de l'autorité du
serment." Ainsi donc, celui qui fait un faux serment insulte à la
gloire de Dieu; il se nuit à lui-même, et il nuit aux autres. 68. Vain est
quelquefois synonyme de frivole, et c'est dans ce sens que l'emploie le roi
prophète, quand il dit: "Le Seigneur connaît les pensées des hommes;
il sait qu'elles sont vaines." C'est donc prononcer en vain le nom
de Dieu, que d'invoquer son autorité pour appuyer une chose frivole. La loi
mosaïque ne défendait que le faux serment; mais la loi évangélique ne permet
de jurer, même pour certifier une chose vraie, que dans le cas d'extrême
nécessité; c'est ce que nous voyons dans ces paroles de Jésus-Christ: "Il
a été dit aux anciens: Vous ne commettrez pas de parjure; et moi, je vous
dis: Ne jurez pas du tout." La raison de cette sévère défense, c'est
la légèreté de notre langue, légèreté telle, que nul de nous ne peut y mettre
un frein, et qu'elle nous expose à nous parjurer pour la moindre chose. Il
faut donc, suivant le précepte de l'Évangile, ne rien affirmer que par ces
deux simples mots, "oui et non." Remarquez bien qu'il en est
du serment comme de la médecine: c'est une ressource qu'on ne doit employer
que dans les cas de nécessité. Voilà pourquoi Jésus-Christ nous dit:
"Tout ce que vous dites de plus que oui et non est un nul. "Voilà pourquoi
l'Ecclésiastique nous dit aussi: "Ne vous habituez pas à jurer; c'est
là une habitude dangereuse; que le nom de Dieu et de ses saints ne soit pas
toujours dans votre bouche, c'est là une profanation qui ne restera pas
impunie." 69. Quelquefois le mot
vain exprime l'idée de péché ou d'injustice, et c'est dans ce sens que
l'emploie le Psalmiste, quand il dit: "Enfants des hommes, jusques à
quand votre cœur sera-t-il amoureux des vanités?" C'est donc
prononcer en vain le nom de Dieu que de s'engager par un serment à faire le
mal. Le caractère de la justice, c'est la pratique de la vertu et l'horreur
du crime. Si on jure de commettre un vol ou toute autre action coupable, on
prononce un serment contraire à la justice, et c'est en même temps un crime
de l'accomplir et un parjure de le prononcer. Tel fut le serment prononcé par
Hérode, et qui coûta la vie à saint Jean-Baptiste. On prononce aussi un
serment contraire à la justice quand on jure de ne point faire ce qui est
bien, par exemple, de ne pas entrer dans le sein de l'Eglise, ou dans un
ordre religieux; et, malgré qu'on ne soit pas tenu d'accomplir un pareil
serment, c'est un parjure de le prononcer. Ainsi donc tout serment faux,
frivole ou injuste est un péché. 70. Enfin vain est
quelquefois synonyme d'insensé, et c'est dans ce sens que l'emploie Salomon
quand il dit: "Tous les hommes que n'éclaire point l'esprit de Dieu
sont des hommes vains." C'est donc prononcer en vain le nom de Dieu
que de blasphémer ce nom auguste, et la loi mosaïque punissait de mort un
pareil crime. 71. "Vous ne prononcerez pas en vain le nom du Seigneur, votre
Dieu." Il est bon de savoir que le nom de Dieu peut être prononcé
dans six buts différents. Premièrement, on peut le prononcer pour affirmer
une chose vraie: on confesse alors que Dieu est la vérité même, et un pareil
aveu glorifie celui dont on invoque le témoignage. Aussi est-il ordonné dans
le Deutéronome de ne jurer que par le nom du vrai Dieu, et c'est violer ce
précepte que de jurer par un autre nom: "Vous ne jurerez pas par le
nom des dieux étrangers" est-il dit dans l'Exode. On jure
quelquefois par le nom des créatures; mais remarquons que c'est encore jurer
par le nom de Dieu. Jurer sur son âme ou sur sa tête, c'est remettre sa vie
entre les mains du Dieu qui punit le mensonge. "J'en atteste Dieu sur
mon âme," dit saint Paul aux Corinthiens. Jurer par l'Évangile c'est
aussi jurer par Dieu, qui a donné l'Évangile au monde, et c'est un péché que
d'invoquer pour une chose futile le témoignage de Dieu ou celui de l'Évangile. 72. Secondement, on
peut prononcer le nom de Dieu pour la sanctification de l'âme. C'est ainsi
que le baptême sanctifie: "Vous avez été purifiés, dit saint
Paul, vous avez été sanctifiés, vous avez été justifiés au nom de notre
Seigneur Jésus-Christ." Or ce qui donne au baptême sa vertu
sanctifiante, c'est l'invocation de la très sainte Trinité: "Seigneur,
dit Jérémie, vous êtes en nous et nous avons invoqué sur nous votre saint
nom." 73. Troisièmement,
on peut prononcer le nom de Dieu pour repousser l'esprit malin, et c'est
ainsi qu'avant de recevoir le baptême nous renonçons à Satan par la bouche de
nos parrains: "Seigneur, dit Isaïe, que votre nom soit invoqué
sur nous, et vous nous délivrerez de l'esclavage du péché." Par
conséquent, c'est avoir prononcé en vain le nom de Dieu que de revenir au
péché après avoir renoncé à Satan, à ses pompes et à ses œuvres. 74. Quatrièmement,
on peut prononcer le nom de Dieu pour confesser la foi qu'on a en ce nom
sacré et pour le glorifier: "Comment, dit saint Paul,
invoqueraient-ils le Seigneur ceux qui ne croient pas en lui?" -
"Quiconque, dit le même apôtre, invoque le Seigneur et croit en
lui sera sauvé." Or il y a deux manières de confesser le nom de
Dieu; on le confesse par la parole, afin de manifester la grandeur divine: "Quiconque,
dit le Seigneur, confesse mon nom est le proclamateur de ma gloire."
C'est donc prononcer en vain le nom de Dieu que de parler du Très-Haut avec
irrévérence. On confesse le nom de Dieu par les œuvres quand ces œuvres
servent à manifester aussi la grandeur divine: "Que les hommes,
dit Jésus-Christ, voient vos bonnes œuvres et qu'ils apprennent à
glorifier votre Père céleste." Combien il est de gens dont les
œuvres sont pour les hommes une occasion d'insulter à la majesté divine! C'est
à eux que s'adressent ces paroles du Seigneur: "Mon nom est blasphémé
à cause de vous parmi les nations." 75. Cinquièmement,
on peut prononcer le nom de Dieu pour se défendre contre les embûches de
l'esprit malin: "Le nom du Seigneur est un fort rempart; derrière ce
rempart le juste est en sûreté et brave ses ennemis." - "C'est
en mon nom, dit Jésus-Christ, que les démons seront chassés;" -
"et ce nom, suivant qu'il est écrit dans les Actes des apôtre, est
le seul sur la terre qui puisse nous sauver." 76. Sixièmement, on
peut prononcer le nom de Dieu pour donner de la plénitude à ses œuvres: "Quelque
chose que vous fassiez, dit l'Apôtre, faites tout au nom de notre
Seigneur Jésus-Christ;" - "Notre appui, dit le
psalmiste, est dans le nom du Seigneur." Quelquefois on n'achève
pas une œuvre commencée au nom de Dieu; par exemple, lorsqu'on ne remplit pas
un vœu qu'on a fait librement, c'est aussi prononcer en vain le nom de Dieu. "Si
vous avez fait un vœu au Seigneur, dit l'Ecclésiastique, ne tardez pas
à le remplir; car une promesse infidèle et légère lui déplaît." |
77. Tel est le second
précepte de la loi; et comme unique est le Dieu auquel nous devons rendre un
culte, ainsi est également unique le Dieu que nous devons vénérer par dessus
tout; et d’abord quant à son nom; aussi (dit-il à Moïse) : Tu ne prononceras pas le nom du Seigneur
ton Dieu en vain. Remarquons-le, le mot vain peut s’employer dans
trois acceptions différentes. Il est interdit de jurer pour
confirmer soit le faux, soit le futile, soit l’injuste. A) Celui qui se sert du nom de Dieu pour confirmer un mensonge fait injure à Dieu, est cruel à lui-même et nuit au prochain.78. A) Quelquefois vain veut dire
faux, comme dans le Psaume 11, verset 3 : ils ont dit des choses vaines, chacun à son prochain. Vous prenez
donc le nom de Dieu en vain, quand vous l’utilisez pour confirmer un
mensonge. N’aimez pas le faux serment, dit le Seigneur (Zach. 8, 17)
et (Zach. 13, 3) au faux prophète il déclare : Tu ne vivras pas, car tu
as proféré le mensonge au nom du Seigneur. 79. Or celui qui agit ainsi fait
injure à Dieu, à lui-même et à tous les hommes. A Dieu sans aucun doute; jurer au nom de Dieu, en
effet, ce n’est pas autre, chose qu’invoquer son témoignage; si donc vous
jurez en faux, ou bien vous croyez que Dieu ignore le vrai et dl’. la
sorte vous supposez en Dieu de l’ignorance, alors que, au contraire, comme le
dit l’Apôtre (Hébr. 4, 13), tout est
à nu et à découvert
à ses yeux; ou bien vous
croyez que Dieu aime le mensonge, alors qu’il le hait; le Psalmiste dit en
effet au Seigneur (Ps. 5, 7) : Vous perdrez tous ceux qui profèrent le mensonge; ou bien vous outragez sa
puissance, comme s’il ne pouvait pas punir le mensonge. De même celui qui utilise le nom de Dieu
pour confirmer le mensonge se fait tort à lui-même; car il se livre au
jugement (de condamnation) de Dieu. En effet, dire : Je jure au nom de Dieu
qu’il en est ainsi, équivaut à dire : que Dieu me punis, se, s’il n’en est
pas ainsi. Pareillement utiliser le nom de Dieu
pour confirmer un mensonge, c’est faire tort aux autres hommes. En effet,
nulle société ne peut durer entre plusieurs hommes, s’ils n’ont pas confiance
les uns dans les autres. Or les choses douteuses sont confirmées par les
serments. L’Apôtre le dit (Hébr. 6, 16) :
Toute contestation entre les
hommes se termine par la garantie du serment. Celui donc qui se sert du nom de Dieu pour
confirmer un mensonge fait injure à Dieu; il est cruel à lui-même et il nuit
également aux hommes. B) C’est prendre le nom de Dieu en vain que de l’employer pour confirmer une futilité.80. B) Parfois vain est synonyme
de futile. Tel est le sens du mot vain dans le verset il du Psaume 93 : Le Seigneur connaît les pensées des hommes;
il sait qu’elles sont vaines. Aussi
est-ce prendre le nom de Dieu en vain que de l’employer pour confirmer une
futilité. La loi ancienne défend seulement le
faux serment; le Christ, lui, défend d’utiliser le serment, sauf en cas de
nécessité. La loi ancienne défendit le faux serment. Tu
ne prendras pas le nom de ton Dieu en vain, est-il dit au Deutéronome (5,
11). Mais le Christ défendit de jurer, si ce n’est en cas de nécessité; il
dit en effet (Mt 5, 33-34) : Vous avez
entendu qu’il a été dit aux anciens : Tu ne te parjureras pas... Et moi je
vous dis de ne jurer en aucune façon. Et la raison en est qu’il n’y a
rien en quoi nous soyons plus fragiles qu’en la langue; car, comme le dit
saint Jacques (3, 8), personne n’a pu la dompter; c’est pourquoi l’homme est
exposé à jurer pour une chose de peu d’importance. Mais le Seigneur nous dit
(Mt 5, 37) : Que votre langage soit : oui, oui; non, non; et (Mt 5, 34) moi je vous dis de ne pas
jurer du tout. 81. Et remarquez-le, il en est du serment, comme
d’un médicament; on ne l’utilise pas toujours, mais seulement en cas de nécessité.
C’est pourquoi le Seigneur dit (Mt 5, 37) : Que votre langage soit : oui,
oui; non, non; tout le reste vient du mauvais ; et l’Ecclésiastique (23, 9) : Que ta bouche ne s’accoutume pas au serment, car par lui se font
beaucoup de chutes; Et que le nom de Dieu ne soit pas continuellement dans ta
bouche et ne mêle pas à tes discours le nom des saints, car en
cela tu ne serais pas exempt de châtiment. C’est prendre le nom de Dieu en vain
que de jurer d’accomplir ce qui est un péché. 82. C) Quelquefois le mot vain exprime
l’idée de péché et d’injustice. Il est employé dans ce sens au Psaume 4 (v.
3) : Enfants des hommes, jusques à quand aurez-vous le cœur lourd?
Pourquoi aimez-vous la vanité ? Celui donc qui jure d’accomplir un péché,
prend le nom de Dieu en vain. Car la pratique de la justice consiste à faire
le bien et à éviter le mal. Si donc vous jurez de faire un vol ou
quelqu’autre péché semblable, vous faites un acte contre la Justice; et bien
qu’un tel serment ne doive pas être gardé, toutefois celui qui jure ainsi est
parjure. Ce fut le cas d’Hérode contre. Jean-Baptiste (cf. Marc, 6, 17-28).
Il agit de même contre la justice, celui qui jure de ne pas accomplir un
bien, par exemple de ne pas entrer dans l’Eglise ou de ne pas entrer en
religion; et pareillement ce serment ne doit pas être gardé, et toutefois
celui qui l’a fait est parjure. Il est donc interdit de jurer pour confirmer soit
le faux, soit le futile, soit encore l’injustice. C’est pourquoi il est dit
en Jérémie (4, 2) : Tu jureras : Dieu est vivant, dans la
vérité, dans l’équité et dans la justice. C) C’est également prendre le nom de Dieu en vain que d’en faire un usage insensé, comme par exemple de le blasphémer.83. Vain est parfois synonyme d’insensé.
Il est employé dans ce sens au livre de la
Sagesse (13, 1) : Vains sont tous les hommes qui ne savent pas qui est
Dieu. Ceux donc qui font du nom de Dieu un usage insensé, comme les
blasphémateurs, prennent le nom de Dieu en vain. Le Lévitique dit à leur
sujet (24, 16) : Qui blasphémera
le nom du Seigneur devra mourir. Quand peut-on faire usage du nom de Dieu ?84. Tu ne prendras pas le nom du
Seigneur ton Dieu en vain. Il faut le savoir, le nom de Dieu peut être
employé pour six motifs différents. On peut en faire usage 1° Lorsqu’il est nécessaire de confirmer une parole, comme dans le sermentPremièrement pour confirmer une
parole, comme dans le serment. Ce faisant, nous confessons que la vérité
première n’est pas ailleurs qu’en Dieu et par cette reconnaissance, nous
rendons hommage à Dieu; c’est pourquoi dans la loi il est prescrit (Deut. 6,
13), de ne jurer que par le nom de
Dieu. Ceux qui jurent autrement font le contraire. Ce qui est défendu par
l’Exode (23, 13) en ces termes : Tu
ne jureras pas par le nom des dieux étrangers. On jure quelquefois par des créatures; mais il
faut le savoir, agir ainsi, c’est jurer vraiment par Dieu. Si en effet tu
jures par ton âme ou par ta tête, tu l’obliges par là même à subir la peine
infligée par Dieu (en cas de parjure). Tel fut le serment de l’Apôtre dans la
deuxième aux Corinthiens (1, 23) : Je prends Dieu à témoin
sur mon âme. De même si tu jures par l’Evangile, tu jures par Dieu, qui a
donné l’Evangile; aussi pèchent-ils ceux qui jurent facilement par Dieu ou
par l’Evangile. 2° Pour sanctifier comme dans le baptême85. Deuxièmement le nom de Dieu s’emploie
pour sanctifier. En effet le baptême sanctifie. L’Apôtre dit aux chrétiens (1
Co 6, 11) : Vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés, vous avez été
justifiés par le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Mais le baptême n’a de vertu que par
l’invocation de la Trinité. Seigneur, dit Jérémie (14, 9),
vous êtes au milieu de nous, et votre nom est invoqué sur nous. 3° Pour expulser le démon86. En troisième lieu le nom de Dieu est
utilisé pour expulser l’adversaire. C’est pourquoi avant de recevoir le
baptême, on renonce au diable. Seigneur,
dit Isaïe (4, 1), que votre nom
soit invoqué sur nous, enlevez notre opprobre. C’est pourquoi, si vous
revenez au péché, le nom de Dieu a été invoqué en vain sur vous. 4° On peut faire usage du nom de Dieu pour le louer87. Quatrièmement on fait usage de ce nom pour le confesser. Comment donc, dit saint
Paul (Rom. 10, 14), invoqueront-ils Celui en qui ils n’ont pas cru? et
(v. 13) Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Or nous confessons son nom premièrement de
bouche pour manifester sa gloire divine, selon cette parole d’Isaïe (43, 7) :
Quiconque invoque mon nom, je l’ai créé pour ma gloire. Si donc tu dis
quelque chose contre la gloire de Dieu, tu prends le nom de Dieu en vain. Nous confessons deuxièmement le nom de
Dieu par nos œuvres, lorsque nous accomplissons des œuvres qui manifestent la
gloire de Dieu, conformément à la parole de Jésus (Mt 5, 16) : Que les
hommes voient vos bonnes œuvres et qu’ils en glorifient votre Père qui est
dam les cieux. Ils agissent d’une manière toute contraire ceux-là, dont
l’Apôtre dit aux Romains (2, 24) : Le nom de Dieu, à cause de vous, est
blasphémé parmi les nations. 5° On utilise le nom de Dieu comme une défense toute puissante88. Cinquièmement, le nom de Dieu peut être
utilisé pour se défendre. Nous lisons, en effet, dans les Proverbes (18, 10)
: C’est une tour très forte que le nom du Seigneur; le juste y court et il
sera exalté. En mon nom, dit à son tour Jésus (Marc 16, 17),
(ceux qui auront cru) chasseront, les démons et saint Pierre parle ainsi
aux Juifs (Actes, 4, 12) : il n’est sous le ciel aucun autre nom parmi ceux
donnés aux nommes, qui doive nous sauver. 6° On utilise le nom de Dieu, comme d’un secours très efficace pour agir avec perfection89. Sixièmement on invoque le nom de Dieu pour bien
accomplir son travail. Quoique vous fassiez en parole ou en œuvre, dit
saint Paul (Col. 3, 17), faites tout au nom du Seigneur Jésus-Christ.
Notre secours, dit en effet le Psaume 123, verset 8, est dans le nom du
Seigneur. Or parfois on commence à agir sans réflexion; c’est le cas de
celui qui fait un vœu sans ensuite l’accomplir; se conduire ainsi, c’est
également prendre le nom de Dieu en vain. Aussi l’Ecclésiaste (5, 3) dit-il :
Si tu as fait un vœu à Dieu, ne tarde pas à l’accomplir; et
dans le Psaume 75 (v. 12) il est écrit : Faites des vœux au Seigneur
votre Dieu et accomplissez-les, vous tous qui (vous tenant) autour de lui
apportez des présents.
Car, dit l’Ecclésiaste (5, 3), la promesse infidèle et insensée
déplaît à Dieu. |
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Articulus
5 [86726] De decem praeceptis, a. 5 tit. 1 De tertio praecepto. [86727]
De decem praeceptis, a. 5 tit. 2 Memento ut diem sabbati
sanctifices. Exod. XX, 8. |
Article 5 – Du troisième précepte de la loi.
"Souvenez-vous de sanctifier le jour de sabbat." |
DU
TROISIEME PRÉCEPTE DE LA LOI – Souviens-toi de sanctifier le jour du sabbat.
Ex 20, 8.
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||
[86728] De decem praeceptis, a. 5 Hoc est tertium mandatum legis, et convenienter. Primo
enim debemus Deum venerari corde: unde praecipitur quod non colatur nisi unus
Deus: unde non habebis deos alienos coram me. Secundo ore: unde non
assumes nomen domini Dei tui in vanum. Tertio opere: et hoc est: memento
ut diem sabbati sanctifices. Voluit enim ut esset certus dies in quo
intenderent homines ad servitium Dei. Habetur autem hoc praeceptum quinque
rationibus. Primo enim datum fuit ad destructionem erroris. Praevidit enim
spiritus sanctus quod futuri erant aliqui dicturi mundum semper fuisse. II
Petr. III, 3-5: venient in novissimis diebus in deceptione illusores iuxta
proprias concupiscentias ambulantes, dicentes: ubi est promissio aut adventus
eius? Ex quo enim patres dormierunt, omnia sic perseverant ab initio
creaturae. Latet enim eos hoc volentes quod caeli erant prius et terra de
aqua, et per aquam consistens Dei verbo. Voluit ergo Deus ut
custodiretur unus dies in memoriam quod Deus omnia creaverat in sex diebus,
et in septimo quievit a novis creaturis condendis. Et hanc rationem ponit
dominus in lege, dicens: memento ut diem sabbati sanctifices. Sed
Iudaei in memoriam primae creationis colebant sabbatum; Christus autem
veniens fecit novam creationem. Per primam enim homo terrenus, per secundam
homo caelestis effectus est. Gal. VI, 15: in Christo Iesu neque
circumcisio aliquid valet neque praeputium, sed nova creatura. Et haec
nova creatura est per gratiam, quae incepit in resurrectione. Rom. VI, 4-5: quomodo
Christus surrexit a mortuis per gloriam patris, ita et nos in novitate vitae
ambulemus. Si enim complantati
facti sumus similitudini mortis eius, simul et resurrectionis erimus. Et quia resurrectio facta est in dominica, ideo
celebramus illum diem, sicut Iudaei sabbatum propter primam creationem.
Secundo datum fuit ad instructionem fidei redemptoris. Caro enim Christi in
sepulcro corrupta non fuit: unde dicit Psal. XV, 9: caro mea requiescat in
spe; item, ibidem 10: non dabis sanctum tuum videre corruptionem.
Unde voluit sabbatum observari, ut sicut sacrificia significabant mortem
Christi, ita quies sabbati requiem carnis eius. Sed nos ista sacrificia non
servamus, quia adveniente re et veritate, debet cessare figura, sicut
adveniente sole cessat umbra; servamus tamen in veneratione virginis
gloriosae, in qua remansit tota fides tali die in morte Christi. Tertio datum
fuit ad roborandum sive figurandum veritatem promissionis. Promittitur enim
nobis quies. Isai. XIV, 3: et erit in
die illa, cum requiem dederit tibi Deus a labore tuo et a concussione tua et
a servitute dura qua ante servisti; item ibid. XXXII, 18: sedebit
populus meus in pulchritudine pacis et in tabernaculis fiduciae et in requie
opulenta. Et nota, quod expectamus requiem de tribus: de labore
praesentis vitae, de tentationum concussione, et de Diaboli servitute. Hanc
Christus repromisit venientibus ad se, dicens, Matth. XI, 28-30: venite ad
me omnes qui laboratis et onerati estis; et ego reficiam vos. Tollite iugum
meum super vos, et discite a me, quia mitis sum et humilis corde; et
invenietis requiem animabus vestris: iugum enim meum suave est, et onus meum
leve. Invenimus autem quod dominus operatus est sex diebus, et in septimo
quievit: quia primo oportet facere opera perfecta. Eccli. LI, 35: modicum
laboravi, et inveni mihi multam requiem. Plus enim incomparabiliter
excedit tempus aeternitatis totum tempus praesens, quam mille anni diem unum.
Quarto datum fuit hoc praeceptum ad inflammationem amoris. Sap. IX, 15: corpus
quod corrumpitur, aggravat animam, et ideo homo semper ad terrena
inferius tendit, nisi conetur erigere se ab eis. Et ideo oportet habere certum
tempus ad hoc. Unde aliqui toto tempore hoc faciunt: Psal. XXXIII, 2: benedicam
dominum in omni tempore, semper laus eius in ore meo; apostolus, I Thess.
V, 17: sine intermissione orate: et
hi continue sabbatum habent. Aliqui hoc faciunt in aliqua parte temporis:
Psal. CXVIII, 164: septies in die laudem dixi tibi. Alii, ne omnino
alienarentur a Deo, oportuit quod haberent aliquem diem determinatum, ne
nimis tepescat in eis amor Dei. Isai. LVIII, 13-14: si vocaveris sabbatum
delicatum (...) tunc delectaberis super domino. Iob. XXII, 26: tunc
super omnipotentem deliciis afflues, et elevabis ad Deum faciem tuam. Non
enim ad ludendum ordinatur talis dies, sed ad laudandum et orandum dominum
Deum. Unde Augustinus dicit, quod minus malum est tali die arare, quam
ludere. Quinto datum fuit ad opera pietatis respectu subiectorum. Aliqui enim
crudeles sibi et suis, non cessant continue operari propter lucrum; et hoc
habent Iudaei maxime, quia avarissimi sunt. Deut. V, 12-14: observa diem
sabbati (...) ut requiescat servus tuus et ancilla tua, sicut et tu; et
post: non faciens in eo quidquam operis tu et filius et filia, servus et
ancilla, bos et asinus et omne iumentum tuum, ut requiescat servus et ancilla
tua sicut et tu. Propter praedicta ergo praedictum mandatum datum fuit. Memento
ut diem sabbati sanctifices. Dictum est, quod sicut Iudaei celebrant
sabbatum, sic nos Christiani dominicam, et alia principalia festa. Videamus
ergo quomodo ista servare debemus. Et sciendum, quod non dicit, custodi
sabbatum, sed memento ut diem sabbati sanctifices. Sanctum autem
accipitur duobus modis. Aliquando enim est sanctum idem quod purum.
Apostolus, I Cor. VI, 11: sed abluti estis, sed sanctificati estis.
Aliquando dicitur sanctum res consecrata ad cultum Dei, ut locus, tempus,
vestes et vasa sacra. Istis ergo duobus modis debemus festa celebrare; quia
et pure, et mancipando se divino servitio. In isto ergo praecepto duo
considerantur. Primo quidem in festo quid cavendum sit; secundo quid
faciendum. Debemus autem cavere tria. Primo corporalem operam. Ier. XVII, 22:
sanctificabis sabbatum, ut non facias in eo opus servile; unde et in
lege dicitur, Lev. XXIII, 25: omne opus
servile non facietis in eo. Opus autem servile est opus corporale: nam
opus liberum est animae, sicut intelligere et huiusmodi; ad quod opus homo
constringi non potest. Sed sciendum, quod opera corporalia possunt fieri in
sabbato propter quatuor. Primo propter necessitatem. Unde dominus excusavit
discipulos evellentes spicas in sabbato, ut dicitur Matth. XII. Secundo
propter Ecclesiae utilitatem. Unde dicitur in Evangelio ibid., quod
sacerdotes faciebant omnia quae erant necessaria in templo in die sabbati.
Tertio propter proximi utilitatem. Unde dominus curavit in die sabbati
habentem manum aridam, et confutavit Iudaeos reprehendentes eum, ponens
exemplum de ove, ibid. Quarto propter superioris auctoritatem. Unde dominus
praecepit Iudaeis ut circumciderent in die sabbati, ut dicitur Ioan. VII.
Secundo debemus cavere culpam. Ier. XVII, 21: custodite animas vestras, et
nolite portare pondera in die sabbati. Onus
autem animae vel pondus malum est peccatum: Psal. XXXVII, 5: sicut onus
grave gravatae sunt super me. Peccatum autem opus servile est: quia, ut
dicitur Ioan. VIII, 34, qui facit peccatum, servus est peccati. Unde
cum dicitur, omne opus servile non facietis in eo, potest intelligi de
peccato: et ideo contra praeceptum hoc facit quis, quando in sabbato peccat,
quia operando et peccando Deus offenditur. Isai. I, 13-14: sabbatum et
festivitates alias non feram. Et quare? Quia iniqui sunt coetus
vestri. Calendas vestras et solemnitates vestras odivit anima mea: facta sunt
mihi molesta. Tertio debemus cavere negligentiam, Eccli. XXXIII, 29: multam
malitiam docuit otiositas. Hieronymus, ad rusticum: semper aliquid
boni operis facito, ut te Diabolus inveniat occupatum. Et ideo non est
bonum custodire nisi principalia festa, si in aliis debeat homo esse otiosus.
Psal.
XCVIII, 4: honor regis iudicium diligit, scilicet discretionem. Unde I
Mach. II, dicitur, quod Iudaei quidam
occultati erant, et inimici irruerunt super eos, qui credentes quod se non
possent in sabbato defendere, victi et occisi sunt. Ita accidit multis qui
otiosi sunt in festis. Thren. I, 7: viderunt eam hostes, et deriserunt
sabbata eius. Sed tales debent facere sicut illi Iudaei fecerunt: unde I Mach. II, 41, dicitur: quicumque venerit ad nos in bello
in die sabbatorum, pugnemus adversus eum. Memento ut diem sabbati sanctifices.
Sicut dictum est, homo diem festum debet sanctificare: et dictum est, quod
sanctum dicitur duobus modis: quia et quod mundum est, et quod Deo
consecratum est. Item dictum est a quibus tali die abstinere debemus. Nunc
dicendum est in quibus occupari debemus: et sunt tria. Primo in faciendis
sacrificiis. Unde Num. XXVIII, dicitur, quod Deus praecepit quod quolibet die
unus agnus mane, et alius vespere debeat offerri; sed in sabbato debent
duplicari. Et significat quod in sabbato debemus offerre Deo sacrificium, et
de omnibus quae habemus. I Paralip. XXIX, 14: tua sunt omnia, et quae de
manibus tuis accepimus, dedimus tibi. Unde primo debemus ultro
offerre animam nostram, dolendo de peccatis: Psal. I, 19: sacrificium Deo
spiritus contribulatus, et orando pro beneficiis: Psal. CXL, 2: dirigatur,
domine, oratio mea, sicut incensum in conspectu tuo. Factus est enim dies
festus ad habendam spiritualem laetitiam, quam facit oratio: unde et tali die
multiplicari debent preces. Secundo corpus nostrum affligere, et hoc
ieiunando: Rom. XII, 1: obsecro vos per misericordiam Dei, ut exhibeatis
membra vestra hostiam viventem Deo, sanctam; laudando: Psal. XLIX, 2: sacrificium
laudis honorificabit me: unde in tali die cantus multiplicantur. Tertio
res tuas sacrificare, et hoc dando eleemosynas. Hebr. XIII, 16: beneficentiae
autem et communionis nolite oblivisci: talibus enim hostis promeretur Deus;
et hoc in duplo magis quam in aliis diebus, quia tunc est communis laetitia. Nehem. VIII, 10: mittite partes his qui non
paraverunt sibi, quia sanctus dies domini est. Secundo in verborum Dei
studiis, sicut et Iudaei faciunt hodie. Act. XIII, 27: voces prophetarum
quae per omne sabbatum leguntur. Unde et Christiani, quorum iustitia
debet esse perfectior, debent tali die convenire ad praedicationes et ad
officium Ecclesiae. Ioan. VIII, 47: qui
ex Deo est, verba Dei audit; item loqui utilia: apostolus, Ephes. IV, 29:
omnis sermo malus ex ore vestro non procedat: sed si quis bonus, ad
aedificationem. Ista enim duo utilia sunt animae peccatoris, quia
immutant cor eius in melius. Ierem. XXIII, 29: verba mea sunt quasi ignis
ardens, dicit dominus, et quasi malleus conterens petram. Contrarium
autem accidit etiam in perfectis non loquentibus utilia, vel audientibus.
Apostolus, I Cor. XV, 33-34: corrumpunt bonos mores colloquia mala.
Evigilate iusti, et nolite peccare; et Psal. CXVIII, 11: in corde meo
abscondi eloquia tua. Eloquium enim et instruit ignorantem: Psal. eodem,
105: lucerna pedibus meis verbum tuum; et inflammat tepescentem: Psal.
CIV, 19: eloquium domini inflammavit eum. Tertio in divinorum
exercitiis. Hoc autem perfectorum est. Psal. XXXIII, 9: vacate et videte
quoniam suavis est dominus. Et hoc propter quietem animae. Sicut enim
corpus fatigatum quietem desiderat, ita et anima. Locus autem animae Deus
est: Psal. XXX, 3: esto mihi in Deum protectorem, et in locum refugii.
Hebr. IV, 9-10: itaque relinquitur
sabbatismus populo Dei: qui enim ingressus est in requiem eius, etiam ipse
requievit ab operibus suis, sicut a suis Deus. Sap. VIII, 16: intrans
in domum meam, quiescam cum illa. Sed antequam ad hanc quietem perveniat
anima, oportet tres quietes praecedere. Prima
ab inquietudine peccati. Isai. LVII, 20: cor autem impii quasi mare
fervens, quod quiescere non potest. Secunda a passionibus carnis; quia
caro concupiscit adversus spiritum, spiritus autem adversus carnem, ut
dicitur Gal. V. Tertia ab occupationibus mundi. Luc. X, 41: Martha,
Martha, sollicita es, et turbaris erga plurima. Et tunc post haec anima
libere quiescit in Deo. Isai. LVIII, 13-14: si vocaveris sabbatum
delicatum tunc delectaberis super domino. Propterea sancti omnia
dimiserunt; quia haec est pretiosa margarita, quam qui invenit homo
abscondit, et prae gaudio illius vadit, et vendit universa quae habet, et
emit eam, ut dicitur Matth. XIII. Haec enim requies vita aeterna, et
delectatio aeterna est. Psal. CXXXI, 14: haec requies mea in saeculum
saeculi: hic habitabo, quoniam elegi eam: ad quam nos perducat. |
77. Du troisième précepte de la loi. "Souvenez-vous de sanctifier le jour de sabbat;"
tel est le troisième précepte de la loi morale, et c'est avec raison qu'il
est le troisième. Premièrement, nous devons honorer Dieu du fond du cœur, et
c'est ce qui nous est ordonné dans ce précepte: "Vous n'aurez pas de
dieux étrangers." Secondement nous devons l'honorer par la parole,
et c'est ce qui nous est ordonné dans ce précepte: "Vous ne
prononcerez pas en vain Je nom du Seigneur votre Dieu." Troisièmement,
nous devons l'honorer par les œuvres, et c'est ce qui nous est ordonné dans
ce précepte: "Sanctifiez le jour du sabbat." Dieu a voulu
qu'il y eût un jour spécialement consacré à son culte, et il l'a voulu pour
cinq raisons principales. 78. La première,
c'est la destruction de l'erreur. Il prévoyait bien dans sa sagesse qu'une
époque viendrait où certains hommes oseraient affirmer l'éternité du monde,
où, suivant les expressions de l'apôtre saint Pierre, "des esprits
égares par les trompeuses lumières de la raison diraient: Qu'est devenue la
promesse de la résurrection? Depuis que nos pères se sont endormis du sommeil
de la mort rien n'est changé, tout demeure éternellement le même." Insensés!
comme si l'origine de l'univers n'avait pu précéder la naissance de leurs
pères; comme si le ciel et la terre ne pouvaient être détruits après eux pour
faire place à une nouvelle terre et à un nouveau ciel! Il fallait donc qu'il
y eut un jour spécialement consacré au culte divin, afin que cette solennité
rappelât sans cesse au souvenir des hommes que Dieu a créé le monde en six
jours et qu'il s'est reposé le septième. Les Juifs observaient le samedi en
mémoire de la première création; mais Jésus-Christ a fait sortir une création
nouvelle du sein de la première; l'homme céleste a été créé après l'homme
terrestre. "Depuis la venue de Jésus-Christ, dit saint Paul, la
circoncision n'a plus de valeur morale." L'humanité a été renouvelée
par la grâce et créée une seconde fois par la résurrection du Fils de Dieu. "De
même que le Christ est ressuscité d'entre les morts pour s'asseoir à la
droite du Père, nous avons aussi reçu une seconde naissance qui nous donne
droit au céleste héritage; et si le Fils de Dieu est mort comme un mortel,
les mortels doivent, comme lui, renaître à une vie nouvelle." Or, la
résurrection du Christ ayant eu lieu le dimanche, c'est ce jour que nous observons
en mémoire de la nouvelle création de l'humanité, de même que les Juifs
observaient le samedi en mémoire de la création primitive du monde. 79. Secondement,
Dieu a donné ce précepte pour instruire les hommes à croire au Rédempteur. La
corruption n'atteignit point le corps du Christ dans le sépulcre; lui-même a
dit par la bouche du prophète: "Ma chair reposera dans l'espérance de
la vie, et Dieu ne permettra point à la corruption d'approcher de mon corps
sacré." Dieu a donc voulu qu'on sanctifiât le jour du sabbat,
c'est-à-dire du samedi, afin que le repos des hommes dans ce jour solennel
fût un symbole du repos de la chair du Rédempteur dans le sépulcre, de même
que les sacrifices sanglants étaient le symbole de sa mort. Nous n'avons
point conservé les sacrifices sanglants de l'ancienne loi, parce que les
images et les symboles doivent cesser quand la réalité se montre, ainsi que
l'ombre disparaît quand le soleil brille à l'horizon. Cependant le samedi est
encore en honneur parmi nous, il est spécialement consacré à la glorieuse
Vierge Marie, qui, dans ce jour où son divin Fils reposait dans le tombeau,
ne perdit rien de l'ardeur de sa foi. 80. Troisièmement,
Dieu a donné ce précepte pour confirmer la vérité de sa promesse. Ce qui nous
est promis, c'est le repos: "En ce jour-là, dit Isaïe, Dieu vous fera
reposer de vos travaux et de votre ancienne servitude." - "Mon
peuple, dit le Seigneur par la bouche du même prophète, mon peuple se
reposera dans le calme de la paix, dans les tabernacles de la sécurité et
dans l'abondance de tous les biens." Remarquez que notre attente est
de nous reposer de trois choses: des travaux de la vie présente, de la
persécution de la chair et de la servitude du démon. Cette promesse du repos,
Jésus-Christ l'a renouvelée en disant: "Venez à moi, vous tous qui
êtes fatigués, et j'adoucirai vos peines; portez mon joug et apprenez de moi
que je suis doux et humble de cœur, et que vous trouverez en moi le repos de
votre âme; car mon joug est doux et mon fardeau est léger." Si Dieu
a travaillé pendant six jours et ne s'est reposé que le septième, c'est pour
nous montrer que nous devons mettre la dernière main à nos œuvres avant de
chercher le repos. Mais que sont les peines de cette vie en comparaison de la
tranquille béatitude dont nous jouirons dans la vie future? Un siècle occupe
infiniment moins de place dans l'éternité qu'un seul jour dans une durée de
mille ans. 81. Quatrièmement,
Dieu a donné ce précepte pour entretenir dans l'homme l'amour divin. "Le
corps est un pesant fardeau pour l'âme," et elle a besoin de faire
beaucoup d'efforts pour se relever sous le poids qui l'accable, pour n'être
pas toujours baissée vers la terre. Il faut donc qu'il y ait une époque
déterminée où elle puisse se dégager du sein de la matière et s'élancer dans
le monde spirituel. Pour certaines âmes, cette époque n'est point fixée, elle
revient à chaque instant: "Je bénirai en tout temps le Seigneur, dit
le Psalmiste, et sa louange sera sans cesse dans ma bouche." -
"Priez sans interruption," dit saint Paul aux fidèles. Pour ces
âmes d'élite, la vie entière est une fête continuelle; pour d'autres, cette
époque revient à de courts intervalles de temps: "Seigneur, dit
encore le Psalmiste, j'ai chanté vos louanges sept fois par jour. "Enfin,
pour les âmes ordinaires, cette époque revient une fois par semaine, et le
jour où elles doivent s'occuper exclusivement des choses du ciel a été
déterminé, de peur qu'abandonnées à leur propre discrétion elles ne
perdissent tout à fait l'amour divin. "En ce jour, dit Isaïe, vous
vous réjouirez dans le Seigneur;" - "Alors, dit Job, le
Tout-Puissant remplira votre cœur de délices, et vous élèverez vos regards
vers Dieu." En effet, ce jour n'est pas destiné à de frivoles
amusements, mais à la prière et au service divin. Aussi, suivant saint
Augustin, serait-ce un moins grand péché de labourer la terre ce jour-là que
de se livrer à des réjouissances mondaines. 82. Cinquièmement,
Dieu a donné ce précepte pour forcer les maîtres à laisser un peu de repos à
leurs serviteurs. Sans cet ordre émané du ciel, les riches ne cesseraient,
impitoyables pour eux-mêmes et pour leurs domestiques, de travailler à
l'augmentation de biens périssables; et ceci s'applique surtout aux Juifs,
parce qu'ils sont d'une avarice sordide. Et voilà pourquoi Moïse leur
recommande si fortement d'interrompre toute espèce de travail le jour du
sabbat: "Observez, leur dit-il, le jour du sabbat, afin que
votre serviteur et votre servante se reposent ainsi que vous. Ce jour-là,
ajoute-t-il encore, vous ne ferez aucune œuvre, ni vous, ni votre fils, ni
votre fille, ni votre serviteur, ni votre servante, ni votre âne, ni votre
bœuf, ni aucune de vos bêtes; vous prendrez du repos, vous et tout ce qui
vous appartient." Telles sont donc les raisons principales pour lesquelles
Dieu a voulu qu'il y eût un jour spécialement destiné à son culte. 83. "Souvenez-vous de sanctifier le jour du sabbat." Les
Juifs, avons-nous dit, célèbrent le samedi et les chrétiens le dimanche, puis
les autres fêtes principales. Voyons donc comment nous devons célébrer ces
jours solennels. Remarquons d'abord que Dieu n'a pas dit: Observez le jour du
sabbat; mais bien: "Souvenez-vous de sanctifier le jour du sabbat.
"Or le mot saint a deux acceptions différentes: il est quelquefois
synonyme de pur, comme dans ce passage des Épîtres de saint Paul: "Vous
avez été purifiés, vous avez été sanctifiés." Quelquefois il est
synonyme de sacré: ainsi une chose est sainte quand elle est consacrée au
culte de Dieu, comme une église, un calice, etc. Nous devons donc célébrer
les jours de fêtes de deux manières, savoir en purifiant nos cœurs, et en
consacrant nos loisirs au service divin. Par conséquent, il y a deux
questions à examiner dans le précepte qui nous occupe: d'abord ce que nous
devons éviter, puis ce que nous devons faire un jour de fête. 84. Nous devons
éviter trois choses: la première, c'est le travail corporel: "Vous
sanctifierez le jour du sabbat, est-il dit dans Jérémie, en ne vous
livrant à aucune œuvre servile;" et le même commandement se trouve
dans le Lévitique. Or le travail corporel est une œuvre servile, tandis que
le travail de l'esprit est une œuvre libre, une œuvre à laquelle nul homme ne
peut être astreint. Remarquons cependant que le travail corporel peut être
permis un jour de fête, pour quatre motifs principaux. Premièrement, à cause
de la nécessité. Ainsi Jésus-Christ ne blâma point ses disciples de ce qu'ils
arrachaient des épis dans un champ le jour du sabbat. Secondement, à cause de
l'intérêt de l'Église. Ainsi nous lisons dans l'Évangile que les prêtres
faisaient ce jour-là tout ce qui était nécessaire dans le temple.
Troisièmement, à cause de l'utilité du prochain. Ainsi Notre Seigneur guérit,
pendant le sabbat, un homme dont la main était desséchée, et confondit les
pharisiens, qui lui reprochaient son action, en leur citant l'exemple de la
brebis égarée. Quatrièmement, à cause d'une autorité supérieure. Ainsi Dieu
ordonna aux Juifs d'opérer sur eux la circoncision le jour du sabbat. 85. La seconde chose
que nous devons éviter un jour de fête, c'est le péché. "Veillez
attentivement sur vos âmes, est-il dit dans Jérémie, et ne leur
imposez pas de fardeau le jour du sabbat." Or le fardeau des âmes,
c'est le péché. "Le poids de mes iniquités, dit le Psalmiste, m'accable
comme un lourd fardeau." Le péché est aussi une œuvre servile, car,
suivant l'expression de saint Jean: "Celui qui fait le mal est
l'esclave du péché." Par conséquent, la défense qui nous est faite
de nous livrer à aucune œuvre servile pendant le jour consacré au Seigneur
peut s'étendre à toute action mauvaise, et c'est violer cette défense que de
pécher alors, puisque le péché est une œuvre servile, et que toute œuvre
servile entreprise ce jour-là est une offense à Dieu. "Je ne puis,
dit-il aux Juifs, supporter plus longtemps vos sabbats et vos fêtes, parce
que l'injustice règne dans vos assemblées. Mon âme déteste vos calendes et
vos solennités; elle s'ennuie de vos pompeuses cérémonies." 86. Troisièmement,
nous devons éviter l'oisiveté. "L'oisiveté est mère du vice,"
dit l'Ecclésiastique. "Travaillez sans cesse à quelque bonne œuvre,
écrit saint Jérôme à Rustique, afin que le démon vous trouve occupé."
Il est donc à propos de ne célébrer que les fêtes principales, si l'homme
doit rester oisif pendant les autres. Nous lisons, dans le livre des
Macchabées, que les Juifs ayant été surpris par leurs ennemis, pendant le
sabbat, se laissèrent vaincre et tuer, parce qu'ils croyaient qu'il leur
était défendu de combattre et de se défendre dans un pareil jour. C'est ainsi
que se laissent surprendre et vaincre par le démon, ceux qui restent oisifs
pendant les jours de fêtes. Mais les Juifs reconnurent leur méprise et
résolurent de "combattre désormais quiconque viendrait les attaquer le
jour du sabbat. "C'est ainsi que les fidèles doivent résister en tout
temps aux persécutions de l'esprit malin, et ne pas craindre d'accomplir une
bonne œuvre pendant les jours consacrés au Seigneur. 87. "Souvenez-vous de sanctifier le jour du sabbat." Ainsi
que nous l'avons dit, l'homme doit sanctifier les jours de fêtes. Nous avons
fait remarquer aussi que le mot saint a deux significations différentes; que
tantôt il se prend dans le sens de pur, tantôt dans le sens de consacré à
Dieu. Enfin nous avons montré ce qu'on doit éviter pendant les jours
spécialement destinés au service divin. Il nous reste à montrer ce qu'on doit
faire pendant ces mêmes jours. On doit s'occuper alors de trois choses. 88. Premièrement, il
faut offrir au Seigneur un sacrifice agréable. Nous lisons dans la loi
mosaïque que Dieu avait ordonné aux Juifs de lui sacrifier chaque jour deux
agneaux, l'un le matin, l'autre le soir, et de doubler le nombre des victimes
le jour du sabbat. Ce précepte nous enseigne que nous devons redoubler de
zèle et de piété pendant les jours spécialement consacrés au culte divin, et
faire alors tout ce qui dépend de nous pour témoigner au Seigneur la
reconnaissance qu'il a droit d'attendre de ses créatures. Car, suivant
l'expression du roi prophète: "Tout lui appartient, et nous ne
faisons que lui rendre ce que nous avons reçu de lui." Nous ne
pouvons pas, il est vrai, immoler de nombreuses victimes sur ses autels; car
la loi évangélique est venue abolir les sacrifices sanglants de l'ancienne
loi; mais nous pouvons lui offrir notre âme en holocauste, c'est-à-dire
pleurer nos péchés et lui adresser de ferventes prières. "Le
sacrifice agréable au Seigneur, dit le Psalmiste, c'est un cœur
contrit et pénétré de repentir." - "Seigneur, dit-il
encore, que ma prière s'élève vers vous comme la fumée de l'encensoir."
Les jours de fêtes sont consacrés à des joies graves et sérieuses, aux joies
qu'éprouve l'esprit et que fait naître la prière. Nous pouvons affliger aussi
en nous la chair par le jeûne. "Je vous en conjure au nom de la
miséricorde divine, dit saint Paul aux fidèles; que votre corps soit
une hostie vivante et sans tache, et digne d'être offerte au Seigneur."
Nous pouvons encore offrir à Dieu un sacrifice de louanges, et voilà pourquoi
les églises retentissent de chants pieux en l'honneur de l'Éternel. Enfin
nous pouvons offrir à Dieu le sacrifice de biens périssables, en faisant
d'abondantes aumônes. "N'oubliez pas, dit l'Apôtre, les
devoirs de la charité et le lien fraternel qui vous unit." C'est là
un sacrifice qui plaît au Seigneur, et qui doit être plus abondant en un jour
de fête qu'en tout autre jour, parce qu'il est consacré à l'allégresse
générale. "Envoyez leur part aux indigents, disait Néhémie aux
Juifs délivrés de la captivité; car c'est aujourd'hui la fête des
tabernacles, et tous doivent se réjouir dans le Seigneur." 89. Secondement, il
faut se nourrir de la parole de Dieu. Ainsi font les Juifs qui, le jour du
sabbat, lisent et méditent l'ancien Testament. Les chrétiens, dont la piété
doit être plus parfaite que celle des Juifs, sont donc tenus d'assister, le
dimanche et les jours de fêtes, à l'office divin, et d'aller recueillir dans
les églises la nourriture céleste que les ministres du Seigneur distribuent
aux fidèles du haut de la chaire évangélique. "Celui qui aime Dieu
écoute la parole de Dieu." Ils doivent également ne tenir que des
conversations pieuses. "Qu'il ne sorte pas de votre bouche une seule
parole mauvaise, dit l'Apôtre; si vous avez quelque chose de bon à
dire, dites-le, afin d'édifier votre prochain." Écoutez ce qui est bon
à entendre, dire ce qui est bon à dire, voilà deux choses éminemment utiles
au pécheur; car elles changent son cœur, et lui inspirent l'amour de la vertu.
"Ma parole, dit le Seigneur, est comme un feu qui brûle et
comme un marteau qui brise la pierre." Au contraire, les justes
eux-mêmes se laissent entraîner a l'amour du mal en écoutant ce qu'ils ne
doivent pas entendre, en disant ce qu'ils ne doivent pas dire. "Les
mauvais entretiens corrompent les bonnes mœurs, dit l'Apôtre; veillez
donc à votre salut, vous qui marchez dans la voie de la justice, et
gardez-vous du péché." - "Seigneur, s'écrie le
Psalmiste, je conserve votre parole au fond de mon cœur." La
parole divine éclaire l'ignorant; c'est une "lumière qui guide ses
pas," suivant l'expression de roi prophète; elle enflamme aussi les
cœurs tièdes, et les remplit d'ardeur. 90. Troisièmement,
il faut se livrer à la contemplation de Dieu; mais ce devoir n'en est un que
pour les hommes parfaits. "Reposez-vous et voyez combien le Seigneur
est doux." La contemplation, c'est le repos de l'âme; l'âme se
fatigue comme le corps, et comme lui elle a besoin de se reposer. Or l'asile
où elle peut trouver le repos, c'est Dieu. "Seigneur, soyez mon abri
et mon refuge," dit le Psalmiste. "J'entrerai dans ma
demeure, et je me reposerai dans le sein de la sagesse," dit
Salomon. 91. Mais, avant que
l'âme puisse arriver à ce degré sublime de quiétude, il faut qu'elle passe
par trois autres degrés successifs de repos. Il faut d'abord qu'elle soit à
l'abri des agitations qui naissent du péché. "Le cœur de l'impie est
comme une mer bouillonnante qui ne peut se calmer." Il faut ensuite
qu'elle se mette hors de l'atteinte des passions charnelles; car la chair
conspire contre l'esprit, de même que l'esprit conspire contre la chair. Il
faut enfin qu'elle abandonne toute occupation mondaine. "Marthe,
Marthe, vous vous inquiétez, vous vous agitez pour bien des choses; mais une
seule chose est nécessaire, etc." C'est après avoir passé, dis-je,
par ces trois degrés successifs de repos, que l'âme arrive au plus haut degré
de quiétude, qu'elle se repose dans le sein de Dieu. C'est pour arriver là
que les saints ont tout abandonné sur la terre. La quiétude, c'est la perle
inestimable dont parle l'Évangile, et que celui qui l'a trouvée achète au
prix de tous ses biens. La quiétude, c'est la vie éternelle, c'est l'éternel
bonheur; puissions-nous l'obtenir! Puisse chacun de nous répéter, en parlant
de la céleste Jérusalem, ces paroles du roi prophète: "C'est là que
j'habiterai à jamais, c'est là que je reposerai dans les siècles des
siècles!" |
90. Tel est le troisième commandement
de la loi et il est convenable que ce soit le troisième. Nous devons en effet
premièrement honorer Dieu avec le cœur; aussi est-il prescrit
de n’adorer qu’un seul Dieu, par le premier précepte : Tu n’auras pas de
dieux étrangers devant moi. Deuxièmement nous devons honorer Dieu avec les
lèvres; aussi le deuxième précepte est-il : Tu ne prendras pas en vain
le nom du Seigneur, ton Dieu. Troisièmement nous devons honorer
Dieu par nos œuvres; c’est pourquoi le troisième précepte est : Souviens-toi
de sanctifier le Jour du sabbat. Dieu voulut en effet qu’il y eut un jour
déterminé durant lequel les hommes s’adonneraient à son service. Le précepte de la sanctification du sabbat fut promulgué pour les cinq motifs suivants. 1° il fut donné pour commémorer le repos que prit Dieu le septième jour qui suivit les six jours de la création.91. Ce précepte a été promulgué
pour cinq motifs. a) il fut donné en effet premièrement
pour détruire une erreur. Car l’Esprit-Saint a prévu qu’il y aurait un
jour des hommes qui affirmeraient l’éternité du monde. Il viendra, dit
saint Pierre (2 Pierre 3, 3-5), à la fin des jours des railleurs
pleins de moqueries vivant au gré de leurs propres convoitises. Que devient,
diront-ils, la promesse de son avènement? Nos Pères sont morts et tout
demeure comme au commencement de la création. Car ils veulent ignorer qu’il y
eut d’abord des cieux et une terre que la parole de Dieu avait fait surgir de
l’eau et par l’eau. Dieu voulut donc que fût gardé un jour en mémoire de ce
qu’il avait tout créé en, six jours el que le septième il se reposa,
s’abstenant de créer de nouvelles créatures. C’est précisément ce motif que
le Seigneur met dans la loi. Souviens-toi, dit-il, de sanctifier
le jour du sabbat. 92. Mais les Juifs honoraient le sabbat
en souvenir de la première création; or le Christ vint accomplir une nouvelle
création. Par la première en effet fut fait l’homme terrestre et par la
seconde l’homme céleste. En. Jésus-Christ, dit l’Apôtre (Gal. 6, 15), la
circoncision n’est rien, rien non
plus l’incirconcision; ce qui compte c’est d’être une créature
nouvelle. Et cette créature nouvelle est l’œuvre de la grâce; celle-ci eut
son principe dans la résurrection du Christ. Comme le Christ, dit
saint Paul (Rom. 6, 4-5), est
ressuscité des morts par la gloire du Père, vivons nous aussi d’une vie
nouvelle. Si en effet nous
avons été entés en la
ressemblance de sa mort, nous le serons aussi en celle de sa résurrection.
Et comme la résurrection du Christ se fit un dimanche, c’est ce jour-là que
nous solennisons, comme les Juifs le sabbat, à cause de la première création.
2° Le précepte de la sanctification du sabbat fut donné pour signifier le repos que prendrait le corps du Christ dans le tombeau. maintenant nous le fêtons en l’honneur de Marie, en qui demeurera toute la foi de l’Eglise, lors du sabbat qui suivit la mort du Christ.93. b) Deuxièmement ce précepte du sabbat fut donné pour nous instruire
dans la foi au Rédempteur. En effet la chair du Christ ne fut
pas corrompue dans le sépulcre; aussi dit-il (Ps. 15, v. 9) : Ma chair reposera dans l’espérance et (v.
10) : Vous ne permettrez pas que
votre saint voie la corruption. C’est pourquoi il voulut que fût observé
le sabbat; comme en effet les sacrifices de la loi, signifiaient la mort du
Christ, ainsi le repos du sabbat signifiait le repos de sa chair. Mais nous,
nous ne conservons pas ces sacrifices de la loi, car, lorsque la réalité et
la vérité arrivent, la figure doit disparaître, car à l’apparition du soleil
l’ombre disparaît; toutefois nous conservons le sabbat en l’honneur de la
glorieuse Vierge, car en ce jour de la mort du Christ sa foi demeura entière.
3° Le précepte de la sanctification du sabbat fut donné pour figurer à l’avance le repos de l’éternité, promis par Dieu.94. C) Troisièmement le précepte du sabbat fut donné pour fortifier et aussi
pour figurer la vérité de la promesse. Il nous est promis en effet le repos.
On lit en Isaïe (14, 3) : Et il arrivera en ce jour-là,
lorsque le Seigneur t’aura donné du repos après ton travail, et après
ton oppression et après la dure servitude à laquelle tu as été
assujetti auparavant; et (32, 18) : Mon peuple reposera dans la beauté
de sa paix, dans la sécurité de ses tentes et dans l’opulence de son
repos. 95. Et remarquez-le, nous espérons nous
reposer de trois épreuves : le labeur de la vie présente, le trouble
de la tentation et l’esclavage du démon. Ce repos, le Christ l’a promis à
ceux qui viennent à lui, quand il dit (Mt 11, 28-30) : Venez à moi, vous
tous qui peinez et ployez sous le fardeau; et moi je vous
soulagerai. Prenez mon joug sur vous, et recevez mes leçons, car je
suis doux et humble de cœur; et vous trouverez le repos de
vos âmes; car mon joug est doux et mon fardeau léger. Or nous
remarquons ceci : le Seigneur a travaillé six jours et le septième il s’est
reposé; car, il faut, avant de se reposer, achever ses œuvres. De l’extrême brièveté, du
temps du labeur, comparée à la durée sans fin du temps du repos; J’ai peu
travaillé,
dit l’Ecclésiastique (51, 35), et
je me suis acquis un grand repos. La durée de l’éternité en effet excède
toute la durée du temps présent incomparablement plus que mille ans un seul
jour. 4° Le précepte du sabbat fut promulgué pour que l’homme ravivât en lui l’amour de Dieu. Ceux qui bénissent Dieu en tout temps vivent un sabbat perpétuel.96. d) ce précepte du sabbat fut donné
pour enflammer notre amour. Il est dit dans la Sagesse (9, 15) : Le corps soumis à la corruption appesantit l’âme; c’est pourquoi l’homme
tend toujours en bas vers les choses terrestres, si on ne l’oblige pas à
s’élever au-dessus d’elles. Aussi faut-il disposer d’un temps déterminé pour
se détourner ainsi des choses terrestres. C’est pourquoi certains
hommes s’y efforcent en tout temps, comme le dit d’une part le Psalmiste (Ps.
33, 2) : Je bénirai le Seigneur en tout temps; toujours sa louange sera dans
ma bouche, et, d’autre part l’Apôtre (1 Thess. 5, 17) : Priez sans cesse; et ceux-ci vivent un sabbat
continuel. D’autres accomplissent cette œuvre de louange à certains moments
de la journée. A eux s’appliquent ces paroles du Psalmiste (ps. 118, 164) : Sept fois le jour je vous ai loué,
Seigneur. Quant aux autres, afin de ne pas vivre tout à fait
étrangers à Dieu, il a fallu qu’ils possédassent quelque jour déterminé (pour
vaquer à Dieu) de peur que ne s’attiédisse démesurément en eux l’amour de
Dieu. Il leur est dit (Isaïe 58, 13-14) : Si tu appelles le sabbat :
Délicieux... alors tu trouveras dans le Seigneur tes délices; et, (Job
22, 26), Alors tu mettras tes délices dans le Tout-Puissant et tu lèveras
vers Dieu ta face. Dieu a établi le sabbat non pas pour
que l’homme l’emploie tout entier à se divertir, mais pour qu’il prie et loue
Dieu. Un tel jour en effet n’est pas destiné au jeu,
mais il est établi pour louer et prier le Seigneur Dieu. C’est pourquoi saint
Augustin dit : il est moins mal ce jour-là de labourer que de jouer. 5° Le précepte du sabbat fut donné pour obliger les maîtres à témoigner leur bonté envers leurs serviteurs en leur accordant du repos.97. e) Cinquièmement le précepte
du sabbat fut donné afin que les maître. s manifestent de la bonté à ceux qui
leur sont soumis. Certains hommes en effet, cruels à eux-mêmes et aux leurs,
ne cessent jamais de travailler pour le gain; et c’est le fait surtout des
Juifs, à cause de leur extrême avarice. Il est dit dans le Deutéronome (5,
12-14) : Observe le jour du sabbat... afin que ton serviteur et ta servante se reposent, comme toi aussi.
Tu ne feras en ce jour aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni
ton serviteur, ni ta servante, ni ton bœuf, ni ton âne, ni aucune de tes
bêtes... Le précepte du sabbat fut donc donné pour les
cinq motifs exposés plus haut. Comment on doit sanctifier le dimanche et les autres fêtes importantes.98. Souviens-toi de sanctifier le jour
du sabbat. Nous l’avons dit, comme les Juifs célèbrent le sabbat, ainsi nous, les
chrétiens, nous célébrons le Dimanche et les autres fêtes importantes. Voyons
donc comment nous devons observer celles-ci. Il importe de le savoir, Dieu ne
dit pas : Garde le sabbat, mais souviens-toi de sanctifier le sabbat. 99. Or le mot saint a deux acceptions
différentes. Quelquefois, en effet, saint est synonyme de pur, comme
dans ce passage de la première aux Corinthiens (6, 11) : Mais vous avez été
lavés, mais vous avez été sanctifiés, Quelquefois on appelle saint une chose
consacrée au culte de Dieu, comme un lieu, un temps, des vêtements et de, s
vases sacrées. Nous devons donc célébrer de ces deux manières les fêtes,
c’est-à-dire avec pureté (de cœur) et en nous consacrant au service divin. 100. Il y a donc deux points
à considérer dans ce précepte : d’abord ce qu’il faut éviter un
jour de fête et ensuite ce qu’il convient de faire. Ce qu’il faut éviter de faire le Dimanche et les jours de fêtes 1° il faut éviter de s’occuper à des œuvres serviles.Or, nous devons éviter trois choses : a) Premièrement
le travail corporel. Vous sanctifierez le sabbat, dit Jérémie (17, 22)
en ne faisant pas, en ce jour, d’œuvre servile. C’est pourquoi la loi
dit aussi Lev. 23, 25 : Vous ne ferez aucune œuvre servile en ce jour.
Une œuvre servile, c’est une œuvre corporelle; car une œuvre libre c’est une
œuvre de l’âme, comme par exemple, faire travailler son intelligence ou autre
chose semblable, œuvre à laquelle nul homme ne peut être contraint. 101. Mais il faut le savoir, on
peut accomplir des œuvres corporelles le jour du sabbat pour quatre motifs.
D’abord à cause d’une nécessité. C’est
pourquoi le Seigneur excusa ses disciples, qui avaient arraché des épis le
jour du sabbat, comme le rapporte saint Mathieu (12, 3-7). En deuxième lieu
on peut accomplir des œuvres corporelles le jour du sabbat pour l’utilité de
l’Eglise. C’est pourquoi dans l’Evangile (Mt, 12, 5), il est dit que les
prêtres accomplissaient tout ce qu’il était nécessaire de faire dans le
temple le jour du sabbat. En troisième lieu on peut faire des œuvres
corporelles ce jour-là pour l’utilité du prochain. C’est pourquoi le Seigneur
guérit en ce jour un homme qui avait une main desséchée et confondit les
Juifs, qui l’en blâmaient, par l’exemple d’une brebis (Mt 12, 11-12). En quatrième
lieu on peut accomplir des œuvres corporelles un sabbat par obéissance à une
autorité supérieure. C’est pourquoi le Seigneur ordonna aux Juifs de
circoncire en ce jour, comme il est dit en saint Jean (7, 23). 2° Le dimanche surtout, il faut éviter cette œuvre servile qu’est le péché.102. b) En second lieu nous devons
le jour du sabbat éviter le péché. Gardez vos âmes, dit Jérémie (17,
21), et ne portez point de fardeaux au jour du sabbat. Or le fardeau
de l’âme et son poids mauvais, c’est le péché. Mes iniquités, dit le Psalmiste (Ps. 37, 5), comme
un fardeau pesant, se sont appesanties sur moi. Or le
péché est une œuvre servile, car, comme le Seigneur le dit (Jean, 8, 34), quiconque
commet le péché est esclave du péché. C’est pourquoi lorsqu’il est dit : Vous
ne ferez aucune œuvre servile en ce jour, cela peut s’entendre du péché.
Aussi agit-il contre ce précepte celui qui pèche un jour de sabbat, car Dieu
est offensé ce jour-là et par le travail et par le péché. Le sabbat et vos
autres fêtes, dit le Seigneur aux Juifs (Is 1, 13-14) : je ne les
souffrirai pas. Et pourquoi? Parce que l’iniquité règne dans vos
assemblées. Vos calendes et vos solennités, mon âme les hait; elles me
sont devenues à charge. 3° Le dimanche et les jours de fêtes nous devons nous garder de l’oisiveté.103. c) Troisièmement, nous devons
nous garder de l’oisiveté (le jour du sabbat). Car l’oisiveté, dit
l’Ecclésiastique (33, 29), a enseigné beaucoup de malice. Aussi saint
Jérôme écrit-il à Rustique : « Travaille sans cesse à quelque bonne œuvre,
afin que le démon te trouve occupé ». C’est pourquoi il est à propos de
ne célébrer que les fêtes principales, si l’on doit rester oisif pendant les
autres. Il est dit au Psaume 98 (4) : La gloire du roi est d’aimer les
choses justes, c’est-à-dire : la discrétion. Aussi lit-on au premier livre
des Maccabées (2, 34-38) que certains Juifs s’étaient cachés de leurs ennemis
et, comme ils croyaient qu’ils ne pouvaient pas se défendre un jour de
sabbat, leurs ennemis se jetèrent sur eux, les vainquirent et les tuèrent.
C’est ce qui arrive à beaucoup qui demeurent oisifs les Jours de fête. Ses
ennemis ont vu Jérusalem, est-il dit dans les Lamentations de Jérémie (1,
7), et ils se sont moqués de ses sabbats. Mais ces oisifs doivent
faire ce que firent ces Juifs, qui se dirent (1 Mac 2, 41) : Quiconque
viendra nous attaquer le jour du sabbat, luttons contre lui. Des trois occupations, auxquelles il faut se livrer le dimanche.104. Souviens-toi de sanctifier le jour
du sabbat.
Comme il a été dit, l’homme doit sanctifier les jours de fête; on a dit
également : le mot saint a deux significations; tantôt il se prend dans le
sens de pur, tantôt dans le sens de consacré à Dieu. De même il a été précisé
de quelles choses nous devons nous abstenir en ce jour du sabbat. Maintenant
il faut dire quelles doivent être nos occupations en ce même jour. Elles sont
au nombre de trois. Il faut : 1° Offrir un
sacrifice de propitiation, en s’affligeant (Je ses péchés, un sacrifice de
prière en multipliant les oraisons, source. de joie spirituelle ; il faut
offrir aussi le sacrifice de notre corps, en le privant des jouissances
charnelles, et en le faisant chanter les louanges divin. es ; il faut enfin offrir
le sacrifice de l’aumône en donnant nos biens aux pauvres. 1) Premièrement il faut faire des sacrifices.Aussi au livre des Nombres (28, 3-10), il est dit
: Dieu ordonna : Vous offrirez (au
Seigneur) chaque jour un agneau le matin et un autre le soir; mais le jour du
sabbat vous doublerez votre offrande. Ce qui signifie qu’en ce jour nous
devons offrir à Dieu un sacrifice et l’offrir de tout ce que nous possédons. Toutes
choses sont tiennes, est-il dit au premier livre des Chroniques (29, 14),
et ce que nous avons reçu de tes mains, nous te le donnons. 105. C’est pourquoi nous devons en
premier lieu faire l’offrande spontanée de notre âme, d’une part, par la
douleur de nos péchés, car (Psaume 50, v. 19) le sacrifice agréable de
Dieu est un esprit brisé de douteur ; et d’autre part, par la demande des
bienfaits divins : Seigneur, dit le Psaume 140, v. 2, que ma prière s’élève comme l’encens en votre présence. Les jours de
fête en effet furent institués en vue de posséder lu joie spirituelle que
produit l’oraison; c’est pourquoi, en ces j ours, on doit multiplier les
prières. Nous devons ensuite le jour du sabbat
affliger notre corps et ce, d’abord, par le jeûne; Je vous conjure par
la miséricorde de Dieu, dit l’Apôtre (Rom. 12, 1), d’offrir vos corps à Dieu
en hostie vivante et sainte; et aussi par la louange, car, dit Dieu
(Ps. 49, 23) : Qui m’offrira un sacrifice de louange m’honorera;
aussi, en un tel jour, multiplie-t-on les chants de louange. Enfin tu dois (le jour du sabbat)
sacrifier tes biens, et ce, en faisant des aumônes. N’oubliez pas,
dit, saint Paul (Hebr. 13, 16), la charité et la mise en commun des ressources ; car c’est par de telles
offrandes qu’on se concilie Dieu. Et en ce jour il faut faire deux fois plus
d’offrandes que les autres jours, car alors l’allégresse est générale. Faites
porter des parts à ceux qui n. ‘en ont pas préparé pour eux, est-il
dit au livre de Néhémie (8, 10), car c’est le saint jour du Seigneur. 2° il faut le dimanche écouler la parole de Dieu, la méditer et tenir de bons discours.106. b) Deuxièmement nous devons
nous occuper le jour du sabbat à l’étude de la parole de Dieu, comme les Juifs
eux-mêmes le font aujourd’hui. Saint Paul disait en effet (Actes, 13, 27) que
chaque sabbat on lit les paroles des prophètes. C’est pourquoi les
chrétiens également, dont la justice doit être plus parfaite, doivent, ce
jour-là, venir ensemble aux sermons et à l’office de l’Eglise. Celui qui
est de Dieu, dit le Seigneur (Jn. 8, 47), entend les paroles de Dieu. Ils doivent également tenir de bons discours, car l’Apôtre
dit aux Ephésiens (4, 29) : De votre bouche ne doit sortir aucun
mauvais discours mais s’il en sort un, qu’il soit propre à édifier.
Ces deux occupations, (étudier la parole de Dieu et proférer de bons
discours), sont profitables à l’âme du pécheur; elles changent son cœur en
mieux. Mes paroles sont comme un feu ardent, dit le Seigneur (Jr. 23,
29), et comme un marteau qui brise une pierre. Le contraire arrive même aux parfaits, s’ils ne
disent pas ou n’écoutent pas de bons discours. Les mauvais entretiens, dit
en effet saint Paul (1. Cor. 15, 33-34), corrompent les bonnes mœurs.
Veillez, justes, et ne péchez point; et au Psaume 118, v. 11, il
est dit : Dans mon cœur, j’ai caché vos paroles. La parole (de Dieu)
en effet instruit l’ignorant, car, dit le Psaume 118, v. 105, Votre parole
est une lampe qui éclaire mes pas ; et elle enflamme le tiède, comme le
dit le Psaume 104, v. 19 : La parole du Seigneur l’enflamma. 3° Il faut le dimanche s’occuper des réalités divines, afin que notre âme puisse se reposer en Dieu.107. c) Troisièmement nous devons,
durant le sabbat, nous occuper des réalités divines; ce qui est l’occupation
des parfaits. Vaquez dit le Psaume 33, v. 9, et voyez combien le
Seigneur est doux. Le but d’un tel exercice est le repos de l’âme. Comme
en effet le corps fatigué aspire au repos, ainsi en est-il de l’âme. Or le
lieu de l’âme, c’est Dieu; car le Psalmiste (Ps. 30, 3) dit à Dieu :
Soyez-moi un Dieu protecteur et un lieu de refuge et l’Apôtre (He. 4,
9-10) écrit : Ainsi il reste un repos celui du sabbat au peuple de Dieu. Car
celui qui est entré dans s. on repos, lui aussi s’est reposé de ses œuvres,
comme Dieu des siennes. Enfin il est dit au livre de la Sagesse (8, 16) :
Entrant dans ma maison, je me reposerai avec la Sagesse. Mais l’âme ne peut se reposer en
Dieu, que si elle connaît trois autres repos, le repos du trouble du péché,
de la fièvre des passions chamelles, de l’agitation des occupations du monde.
108. Mais avant que l’âme ne parvienne à
ce repos, elle doit connaître trois autres repos. Le premier est
le repos du trouble du péché. Isaïe (57, 20) dit en effet : le cœur de
l’impie est comme une mer impétueuse qui ne peut s’apaiser. Le second est le repos des passions de la chair;
car la chair convoite contre l’esprit et l’esprit contre la chair, comme
dit saint Paul (Gal. 5, 27). Le troisième est le repos des occupations
du monde; comme le Seigneur le dit fi Marthe (Lc 10, 41) : Marthe, Marthe,
tu t’agites et t’inquiètes pour beaucoup de choses. Et alors après cela
l’âme se repose librement en Dieu. Si tu appelles le sabbat délicieux... est-il
dit en Isaïe (58, 13-14), alors tu trouveras des délices dans le Seigneur.
Que le repos en Dieu est un bien souverainement désirable et délectable.109. C’est la raison pour laquelle les
saints ont tout abandonné; car c’est là la pierre précieuse dont un homme a
fait la découverte et qu’il cache; puis dans sa joie, il s’en va vendre tout
ce qu’il possède et il l’achète, comme il est dit en saint Mathieu (13, 45).
Ce repos en effet est la vie éternelle et la j oie éternelle. Là est
pour toujours le lieu de mon repos, dit le Psalmiste (Ps. 131, 14), j’y
habiterai parce que je l’ai choisi. Que Dieu daigne nous y conduire! |
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2- LES
COMMANDEMENTS DE L'AMOUR DU PROCHAIN
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Articulus
6 [86729] De decem praeceptis, a. 6 tit. 1 De quarto praecepto. [86730]
De decem praeceptis, a. 6 tit. 2 Honora patrem tuum et matrem
tuam, ut sis longaevus super terram quam dominus Deus tuus dabit tibi. Exod.
XX, 12. |
Article 6 – Du quatrième précepte de la loi.
"Honorez votre père et votre mère, etc." |
DU QUATRIEME PRÉCEPTE DE LA LOI – Honore ton père et ta mère, afin
d’avoir une longue vie sur la terre que le Seigneur ton Dieu te donnera. Ex. 20,
12.
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[86731] De decem praeceptis, a. 6 Perfectio hominis consistit in dilectione Dei et
proximi. Et ad dilectionem Dei pertinent tria praecepta quae scripta fuerunt
in prima tabula; ad dilectionem vero proximi septem quae sunt in secunda
tabula. Sed, sicut dicitur I Ioan. III, non debemus diligere verbo neque
lingua, sed opere et veritate. Homo enim sic diligens debet duo facere:
scilicet fugere malum, et facere bonum. Unde quaedam sunt in praeceptis
inducentia ad bonum, alia autem sunt prohibentia facere malum. Et sciendum,
quod cavere a malo faciendo est in potentia nostra; sed facere cuilibet bonum
non possumus: et ideo dicit beatus Augustinus, quod nos omnes debemus
diligere, sed non omnibus tenemur benefacere. Sed inter omnes debemus
benefacere coniunctis nobis: quia, si quis suorum, et maxime domesticorum,
curam non habet, infidelis est, I ad Tim. V,
8. Inter omnes autem propinquos sunt nobis propinquiores pater et mater; et
ideo dicit Ambrosius: primo debemus diligere Deum; secundo patrem et
matrem; et hoc est quod dicit: honora patrem tuum et matrem tuam.
Et huiusmodi rationem reddit philosophus, qui dicit, quod ex magno beneficio
recepto ab eis non possumus eis respondere ex aequali: et ideo bene potest
pater offensus expellere filium, sed non e converso. Dant autem parentes
filio tria. Primo stabilimentum quoad esse. Eccli. VII, 29: honora patrem
tuum, et gemitus matris tuae non obliviscaris. Memento quoniam nisi per illos
natus non fuisses. Secundo nutrimentum sive fulcimentum quoad necessaria
vitae. Nudus enim intrat filius in hunc mundum, ut dicitur Ioan. I, sed a
parentibus sustentatur. Tertio documentum. Hebr. XII, 9: patres quidem
carnis nostrae eruditores habuimus. Eccli. VII, 25: filii tibi sunt?
Erudi illos. Et debent parentes dare duo documenta filiis, et cito: quia,
ut dicitur Prov. XXII, 6, adolescens iuxta viam suam, etiam cum senuerit,
non recedet ab ea; et Thren. III, 27: bonum est viro cum portaverit
iugum ab adolescentia sua. Et sunt illa quae docuit Tobias filium suum
Tobiae IV, scilicet timorem domini, et abstinere ab omni peccato.
Et hoc est contra illos qui delectantur in malitiis filiorum. Sed, sicut
dicitur Sap. IV, 6, ex iniquis omnes filii qui nascuntur, testes sunt
nequitiae adversus parentes. Unde Deus punit peccatum in filio, ut
dicitur Exod. XX. Igitur filii a parentibus habent esse, nutrimentum et
disciplinam. Et quia esse habemus ab eis, debemus magis revereri quam
dominos, a quibus solum res, praeterquam Deum, a quo habemus animam. Eccli.
III, 8-10: qui timet dominum, honorat parentes, et quasi dominis serviet
his qui se genuerunt, in opere et sermone, et omni patientia. Honora patrem
tuum et matrem tuam, ut superveniat tibi benedictio a Deo. Et in hoc
etiam honoras teipsum: quia, sicut dicitur Eccli. III, 13, gloria hominis
ex honore patris sui, et dedecus filii pater sine honore. Item quia dant
nobis nutrimentum in pueritia, et nos debemus eis dare in senectute. Eccli.
III, 14-15: fili, suscipe senectam patris tui, et non contristes eum in
vita illius; et si defecerit sensu, veniam da; et ne spernas eum in tua
virtute. Quam malae famae est qui derelinquit patrem. Et est maledictus a Deo
qui exasperat matrem. Ad confusionem illorum qui contra faciunt, ponit
Cassiodorus in epistolis, Lib. 2, quod ciconiae cum parentes earum pennas,
senio cogente, laxaverunt, nec ad proprios cibos idonei possunt inveniri,
plumis suis genitorum membra foventes, escis corpora laxa reficiunt, et pia
vicissitudine iuvenes reddunt quod a parentibus parvuli susceperunt. Item
tertio quia docuerunt nos, debemus eis obedire. Coloss. III, 20: filii
obedite parentibus vestris per omnia, nisi scilicet in his quae sunt
contra Deum. Hieronymus, ad Heliodorum: solum pietatis genus in hac re esse
crudelem. Luc. XIV, 26: si quis non
odit patrem suum et matrem (...) non potest meus esse discipulus. Deus
enim verior pater est. Deut. XXXII, 6: nunquid non ipse est pater tuus,
qui possedit et fecit et creavit te? Honora patrem tuum et matrem tuam.
Inter omnia praecepta huic tantum adiungitur: ut sis longaevus super
terram. Et ratio huius est, ne credatur non deberi praemium honorantibus
parentes, quia est naturale. Sed sciendum, quod honorantibus parentes quinque
desiderabilia promittuntur. Et primum est gratia in praesenti, et gloria in
futuro, quae maxime desiderantur. Eccli. III, 9: honora patrem tuum, ut superveniat
tibi benedictio a Deo, et benedictio illius in novissimo maneat.
Contrarium debetur maledicentibus; et etiam in lege maledicuntur a Deo, ut
dicitur Deut. XXVII; et Luc. XVI, 10,
dicitur: qui in modico iniquus est, et in maiori iniquus est. Sed vita
naturalis quasi nihil est in comparatione ad vitam gratiae. Si ergo non
recognoscis beneficium vitae naturalis quam habes a parentibus, indignus es
vita gratiae quae maior est, et per consequens vita gloriae, quae maxima est.
Secundum desiderabile est vita: unde ut sis longaevus super terram.
Dicitur Eccli. III, 7: qui honorat patrem suum, vita vivet longiore. Et
nota, quod vita longa est quando est plena: quae non mensuratur tempore, sed
actione, secundum philosophum. Tunc autem plena est vita quando est virtuosa.
Et ideo virtuosus et sanctus diu vivit, quamvis cito moriatur corporaliter.
Ideo dicitur Sap. IV, 13-14: consummatus in brevi, explevit tempora multa:
placita enim erat Deo anima illius. Optime autem mercatur ille qui tantum
facit una die quantum alius in uno anno. Et nota, quod aliquando accidit quod
longior vita causa est mortis corporalis et spiritualis, sicut accidit Iudae.
Praemium ergo est vita corporalis. Sed contrarium, scilicet mortem, acquirunt
illi qui iniuriantur parentibus. Habemus enim ab eis vitam, sicut milites a
rege feudum; et ideo sicut dignum est quod illi amittant pro proditione feudum,
ita isti propter iniuriam illatam parentibus vitam. Prov. XXX, 17: oculum
qui subsannat patrem, et qui despicit partum matris suae, suffodiant eum
corvi de torrentibus et comedant eum filii aquilae. Per filios aquilae
intelliguntur reges et principes, per corvos officiales; et si aliquando non
puniuntur corporaliter, mortem tamen spiritualem effugere non possunt.
Propterea pater non debet potestatem multam dare filiis. Eccli. XXXIII, 21: dum
adhuc superes, et aspiras, non immutet te omnis caro; item, ibid. 20: filio,
mulieri, fratri et amico non des potestatem super te in vita tua, et ne
dederis illis possessionem in vita tua ne forte poeniteat te. Tertium est
habere filios sibi gratos et acceptos. Naturaliter enim pater thesaurizat
filiis, sed non e converso. Eccli. III, 6: qui honorat patrem suum,
iucundabitur in filiis. Matth. VII, 2: in qua mensura mensi fueritis,
remetietur vobis. Quartum est habere famam laudabilem. Eccli. III, 13: gloria
hominis ex honore patris sui; et iterum, 18, quam malae famae est qui
derelinquit patrem. Quintum est habere divitias. Eccli. III, 11: benedictio
patris firmat domos filiorum; maledictio autem matris eradicat fundamenta.
Honora patrem tuum et matrem tuam. Notandum, quod non solum dicitur
aliquis pater ratione carnalis generationis; sed quibusdam aliis rationibus
aliqui dicuntur patres, et cuilibet eorum debetur aliqua reverentia. Dicuntur
enim patres apostoli et alii sancti per doctrinam et exemplum fidei. Apostolus, I Cor.
IV, 15: nam si decem millia paedagogorum habeatis in Christo, sed non
multos patres: nam in Christo Iesu per Evangelium ego vos genui. Et ideo
dicitur Eccli. XLIV, 1: laudemus viros gloriosos et parentes nostros in
generatione sua: laudemus autem non ore, sed imitatione. Et hoc fit, si non invenitur in nobis contrarium eius
quod laudamus. Hebr. XIII, 7: mementote praepositorum vestrorum (...)
quorum intuentes exitum conversationis, imitamini fidem. Dicuntur etiam
praelati patres; et isti venerandi sunt, sunt enim Dei ministri. Luc. X, 16: qui
vos audit, me audit; et qui vos spernit, me spernit. Et ideo debemus eos
honorare obediendo: apostolus, Hebr. XIII, 17: obedite praepositis
vestris, et subiacete eis; et decimas praebendo: Prov. III, 9: honora
dominum de tua substantia, et de primitiis frugum tuarum da pauperibus.
Item reges et principes: IV Reg. V, 13: pater, etsi rem grandem dixisset
tibi propheta, certe facere debueras: qui dicuntur patres, quia debent
intendere bonum populi. Et istos honoramus per subiectionem: Rom. XIII, 1: omnis
anima potestatibus sublimioribus subdita sit. Et hoc non solum timore,
sed amore; nec solum propter rationem, sed etiam propter conscientiam. Et
ratio huius est, quia, secundum apostolum ibidem, omnis potestas a Deo est;
et ideo reddendum est debitum; quia cui tributum, tributum; cui vectigal,
vectigal; cui timorem, timorem; cui honorem, honorem, Rom. XIII, 7. Prov. XXIV,
21: time dominum, fili mi, et regem. Item benefactores. Eccli. IV, 10:
esto pupillis misericors ut pater: est enim proprium patris benefacere
filiis. Et ideo tenemur reddere vicem in benefaciendo. Eccli. XXIX, 20: gratiam
fideiussoris ne obliviscaris. Ingratis enim accidit illud Sap. XVI, 29: ingrati
spes tanquam hibernalis glacies tabescet. Item aetate. Deut. XXXII, 7: interroga patrem tuum, et annuntiabit
tibi; maiores tuos, et dicent tibi. Lev. XIX, 32: coram cano capite
consurge, et honora personam senis. Eccli. XXXII, 13: in medio
magnatorum loqui non praesumas, et ubi sunt senes non multum loquaris.
Ibid. 9, audi tacens; et pro reverentia accedet tibi bona gratia.
Omnes igitur isti venerandi sunt: quia omnes portant quodammodo similitudinem
patris qui in caelis est. Et de istis dicitur Luc. X, 16: qui vos spernit,
me spernit. |
92. Du quatrième précepte de la loi. "Honorez votre père et votre mère,
etc." La perfection de l'homme consiste dans l'amour de Dieu et dans
l'amour du prochain. A l'amour de Dieu se rapportent les trois préceptes
gravés sur la première table que Dieu donna à Moïse; à l'amour du prochain se
rapportent les sept autres préceptes gravés sur la seconde table de la loi.
Mais, ainsi que saint Jean le dit, "l'amour doit se témoigner non pas
par de vaines paroles, mais par des actes de dévouement sincère." L'homme,
dont le cœur est plein d'un amour vrai doit éviter le mal et faire le bien;
et c'est pourquoi les préceptes de la loi morale sont tantôt négatifs, et
défendent le mal, tantôt positifs, et commandent le bien. Il est toujours en
notre pouvoir d'éviter le mal, mais il n'est pas toujours en notre pouvoir de
faire le bien; et c'est ce qui a fait dire à saint Augustin que nous sommes
tenus d'aimer tous les hommes, mais que nous ne sommes pas obligés de donner
à tous des marques particulières de bienveillance. C'est donc un devoir pour
nous de faire du bien, d'abord à ceux qui nous sont unis par les liens du
sang, car, suivant l'Apôtre, négliger sa famille, c'est se conduire en
infidèle et non en chrétien. Or, nos parents les plus proches, ceux qui nous
sont le plus intimement unis, ce sont nos père et mère. "Nous devons,
dit saint Ambroise, aimer d'abord Dieu, puis notre père et notre
mère." Et c'est ce qui nous ordonne ce précepte divin, quand il nous
commande de les honorer. 93. Pourquoi
devons-nous les honorer? Un philosophe a répondu à cette question en disant
que la grandeur des bienfaits que nous avons reçus d'eux ne nous permet pas
de les traiter comme si nous étions leurs égaux. Ainsi un père offensé par
son fils peut fort bien le chasser de sa maison, mais la réciproque n'est pas
vraie. Quels sont donc les bienfaits que nous avons reçus d'eux? Nous avons
d'abord reçu la vie: "Honorez votre père, dit l'Ecclésiastique, et
n'oubliez pas les douleurs que vous avez coûtées à votre mère; souvenez-vous
que sans eux vous ne seriez pas au monde." Secondement, ils nous ont
nourris, ils ont soutenu notre faiblesse, ils ont fourni à tous nos besoins.
L'homme entre faible et nu dans ce monde; mais ceux qui lui ont donné la vie
ne l'abandonnent point à sa faiblesse et à sa misère. Troisièmement, ils nous
ont instruits, ils nous ont élevés: "Nos pères selon la chair, dit
l'Apôtre, ont été nos premiers maîtres;" - "Avez-vous des
enfants, dit l'Ecclésiastique, instruisez-les." Or les
parents doivent enseigner à leurs enfants deux choses principales: la crainte
de Dieu et l'horreur du péché. Ils doivent leur donner de bonne heure cet
enseignement salutaire; car, suivant les saintes Ecritures, "l'homme
qui marche dans la bonne voie dès son enfance ne s'en écartera pas aux jours
de sa vieillesse; et celui-là est heureux qui a été soumis jeune encore au
joug de la vertu." Cet enseignement salutaire, le pieux Tobie
l'avait donné à son fils, et tous les parents devraient imiter l'exemple de
ce saint homme. Combien ils sont coupables ceux qui se réjouissent de la
malice de leurs enfants! "Tous les enfants qui naissent du péché,
dit Salomon, sont de vivants témoignages de la faute de leurs
parents," et Dieu punit le père dans ses fils. 94. Ainsi donc nos
parents nous ont donné la vie, ils nous ont nourris, ils nous ont élevés.
Puisque nous tenons d'eux la vie, nous devons avoir pour eux plus de respect
que des serviteurs pour leurs maîtres, sans toutefois les honorer plus que
les créatures ne doivent honorer leur créateur. "Celui qui craint le
Seigneur, dit l'Ecclésiastique, honore ses parents, il leur est
soumis, il leur parle avec respect et obéit sans murmure à leur volonté.
Honorez donc votre père et votre mère, afin que la bénédiction divine repose
sur vous." N'est-ce pas d'ailleurs nous honorer nous-mêmes que
d'honorer les auteurs de nos jours? L'Ecclésiastique ne dit-il pas: "L'honneur
du père fait la gloire du fils, de même que la honte du fils fait le
déshonneur du père?" Puisqu'ils nous ont nourris dans notre enfance,
nous devons à notre tour les nourrir dans leur vieillesse. "Ayez soin
de la vieillesse de votre père; dit encore l'Ecclésiastique; n'attristez
pas ses derniers jours, et s'il devient faible et languissant, ne le méprisez
pas dans l'orgueil de votre force. Combien il est coupable celui qui
abandonne son père! Combien il est maudit de Dieu celui qui fait pleurer sa
mère!" 95. Que les mauvais
fils songent à la piété filiale de la cigogne, et qu'ils rougissent de honte
et de confusion. Quand la vieillesse, dit Cassiodore, a brisé l'aile de ses
parents et les a rendus incapables de chercher eux-mêmes leur nourriture, sa
tendresse supplée à leur vigueur éteinte: elle réchauffe de ses plumes leurs
membres engourdis, elle leur apporte les aliments qu'elle a trouvés, ranime
leurs forces languissantes, et par une pieuse reconnaissance, jeune, elle
rend à son tour à ceux qui lui ont donné la vie, les soins qu'elle en a reçus
aux jours de sa faiblesse. Enfin, puisque nos parents ont été nos premiers
instituteurs, nous devons leur obéir. "Enfants, dit l'Apôtre,
obéissez à vos parents, excepté en ce qui est contraire à la religion;"
car, suivant l'expression de saint Jérôme, "c'est le seul cas où la
désobéissance soit un devoir et la révolte une piété." - "Celui
qui n'abandonne pas son père et sa mère pour me suivre, dit Notre Seigneur,
ne peut être mon disciple." C'est qu'en effet, Dieu est notre
véritable père: "N'est-il pas votre père celui qui vous protège, qui
vous a faits ce que vous êtes et qui vous a tirés du néant?" 96. "Honorez votre père et votre mère." Entre tous les
préceptes, celui-ci est le seul auquel le législateur ait ajouté la promesse
d'une récompense, et cette promesse est celle d'une longue vie sur la terre.
La raison en est qu'il ne voulait point laisser croire que le respect filial
fût une vertu sans mérite, bien qu'elle soit une vertu naturelle. Mais il
faut savoir qu'il y a cinq choses désirables promises à ceux qui honoreront
leurs parents. 97. La première
récompense promise au respect filial, c'est la grâce dans le présent et
surtout la gloire dans l'avenir. "Honorez votre père et votre mère, dit
l'Ecclésiastique, afin que la bénédiction divine repose sur vous. "Le
contraire est dû à ceux qui les offensent, et ceux-là sont maudits de Dieu
dans la loi ancienne; car, est-il dit dans l'Évangile, "celui qui
commet l'iniquité dans les petites choses la commet également dans les
grandes." Mais la vie naturelle n'est rien, pour ainsi dire, quand
on la compare à la vie de grâce. Si donc on ne reconnaît point le bienfait de
cette vie naturelle qu'on doit à ses parents, on est indigne de la vie de
grâce, qui lui est supérieure, et par conséquent de la vie de gloire, qui est
encore supérieure à la vie de grâce. 98. La seconde
récompense promise au respect filial, c'est "une longue
carrière." Dieu nous commande d'honorer nos parents, afin que nous
vivions longtemps sur la terre. "Celui qui honore son père, dit
l'Ecclésiastique, jouira d'une plus longue vie." Remarquez bien
que la vie est longue quand elle est pleine et qu'elle a pour mesure non pas
le nombre des années, mais celui des actions, ainsi que l'a dit un
philosophe. Or la vie est pleine quand elle est vertueuse, par conséquent
l'homme vertueux et saint vit longtemps, alors même que sa mort est
prématurée sous le rapport des années. "Le juste, dit Salomon, a
rempli une longue carrière bien qu'il l'ait achevée de bonne heure; son âme
plaisait à Dieu, et c'est pourquoi Dieu s'est hâté de le rappeler à lui et de
le retirer du sein des iniquités humaines." Celui-là, certes, fait
un grand bénéfice qui gagne en un jour ce qu'un autre gagne à peine dans un
an. Et remarquez qu'il n'est pas rare qu'une vie trop longue soit cause d'une
mort funeste et pour l'âme et pour le corps, comme le prouve l'exemple de
Judas. Ainsi, je le répète, une des récompenses promises au respect filial,
c'est une longue vie sur la terre; il suit de là que la mort est la juste
punition de ceux qui outragent leurs parents; car nous tenons la vie de nos
parents, comme les guerriers tiennent un fief de leur roi; et de que les
vassaux infidèles méritent de perdre le fief qu'ils ont reçu de leur
suzerain, les mauvais fils méritent de perdre la vie qu'ils ont reçue de
leurs parents. "Celui qui se moque de son père et qui méprise sa mère
mérite d'avoir les yeux crevés par les corbeaux du torrent et dévorés par les
aiglons." Les aiglons, ce sont les rois et les princes; les
corbeaux, ce sont les officiers de justice. Si quelquefois les mauvais fils
échappent à la mort corporelle, ils ne peuvent échapper à la mort
spirituelle. Aussi un père ne doit-il pas laisser trop de pouvoir à ses
enfants. "Tant que vous avez la vie et que vous respirez, dit
l'Ecclésiastique, restez inébranlable et ferme; ne donnez pas pouvoir sur
vous à votre fils, ni à votre femme, ni à votre ami, et ne vous livrez pas à
leur discrétion, de peur que vous n'ayez à vous repentir de votre
faiblesse." 99. La troisième
récompense promise an respect filial, c'est le bonheur d'avoir des enfants
reconnaissants et dévoués. Naturellement le père amasse pour ses enfants;
mais la réciproque n'est pas vraie. "Celui qui honore son père,
dit l'Ecclésiastique, sera heureux dans ses fils." - "La
mesure que vous aurez employée pour les autres, dit l'Évangile, sera aussi
employée pour vous." 100. La quatrième
récompense promise an respect filial, c'est une réputation honorable; car un
fils s'honore en honorant son père, et il se couvre de honte en
l'abandonnant. 101. La cinquième
récompense promise au respect filial, c'est la prospérité; car, suivant
l'Ecclésiastique, "la bénédiction d'un père affermit la maison de ses
enfants, et la malédiction d'une mère la fait écrouler de fond en
comble." 102. "Honorez votre père et votre mère." Il faut remarquer
que ce nom de père ne s'applique pas seulement à celui qui nous à donné la
vie, mais à quiconque mérite notre respect et notre vénération à quelque
titre que ce soit. Ainsi on appelle pères les apôtres et les autres saints
personnages qui sont pour nous des modèles de doctrine et de foi. "Vous
pouvez, dit saint Paul aux Corinthiens, vous pouvez avoir mille
pédagogues qui vous enseignent la doctrine du Christ, mais vous n'avez pas
beaucoup de pères spirituels; c'est moi seul qui vous ai engendrés en
Jésus-Christ par l'Évangile." - "Gloire aux hommes illustres
d'autrefois, dit l'Ecclésiastique, car ils sont aussi nos pères."
Oui, gloire a ces hommes Illustres, et que notre vénération pour eux se
témoigne non par de vaines paroles, mais par l'imitation de leur vie. Or, si
nous voulons imiter véritablement la vie des grands personnages que nous
admirons, il faut que leurs vertu revivent tout entières en nous. "Souvenez-vous,
dit saint Paul, souvenez-vous de ceux qui vous ont enseigné la parole
divine, et que leur foi vous serve d'exemple." Les prélats méritent
aussi le nom de pères; eux aussi ont droit au respect et à la vénération; ils
sont les ministres de Dieu. Jésus-Christ n'a-t-il pas dit à ses apôtres: "Celui
qui vous écoute m'écoute moi-même, et celui qui vous méprise me méprise
également?" Nous devons donc honorer les prélats, leur être soumis
en toutes choses et leur payer la dîme. "Obéissez à vos chefs
spirituels, dit l'Apôtre, soyez soumis à leur autorité." - "Honorez
le Seigneur, dit l'auteur des Proverbes, honorez le Seigneur par des
dons volontaires, et apportez-lui les prémices de vos fruits." Les
rois et les princes méritent aussi le nom de pères, et nous voyons dans
l'Écriture sainte que ce nom leur était autrefois accordé. C'est le titre le
plus glorieux qu'on puisse leur donner: il les avertit qu'ils sont placés sur
le trône pour veiller au bonheur des peuples et qu'ils doivent considérer
leurs sujets comme leurs enfants. Tel est le devoir des rois à l'égard des
peuples; celui des peuples à l'égard des rois est donc d'avoir pour eux un
respect filial et de leur témoigner ce respect par une soumission pleine et
entière. "Que tout homme, dit l'Apôtre, soit soumis aux
puissances qui le gouvernent." Or cette soumission ne doit pas venir
seulement de la crainte, mais aussi de l'amour; elle est commandée non
seulement par la raison, mais aussi par la conscience. En effet, suivant
l'Apôtre, toute puissance vient de Dieu, et nous devons, par conséquent,
rendre hommage à qui de droit. "Mon fils, dit Salomon, craignez
Dieu et le roi." Nos bienfaiteurs sont aussi nos pères: "Que
les orphelins soient vos enfants," dit l'Ecclésiastique. En effet,
la bienfaisance est un attribut de la paternité: "N'oubliez pas, dit
encore l'Ecclésiastique, le service que vous a rendu celui qui vous a
secouru dans vos besoins." L'oubli des services est une ingratitude
odieuse; aussi lisons-nous dans le livre de la Sagesse que l'espérance de
l'ingrat est toujours vaine et fond comme la neige. Enfin le titre de père
est encore dû au vieillard: "Interrogez votre père, dit
l'Écriture sainte, et il vous répondra; questionnez les vieillards, et ils
vous instruiront. Levez-vous devant celui dont la tête est blanchie par les
années et honorez sa personne; ne soyez pas assez présomptueux pour vous
mêler aux entretiens des personnes âgées: écoutez en silence, et votre
modestie vous fera estimer." Ainsi donc le précepte que nous donne
le Seigneur d'honorer nos parents s'applique aussi aux vieillards, à nos
bienfaiteurs, à nos chefs temporels et à nos chefs spirituels; car eux aussi
sont ici-bas l'image de notre Père céleste, et les mépriser, c'est mépriser
Dieu lui-même. |
110. La perfection de l’homme consiste
dans l’amour de Dieu et du prochain. A l’amour de Dieu se rapportent les
trois préceptes, qui furent inscrits sur la première table; et à l’amour du
prochain les sept préceptes gravés sur la seconde table. Or, comme il est dit
en, saint Jean (1 Jean 3, 18), nous ne devons pas aimer en parole et de
langue, mais en actes et en vérité. L’homme en effet qui aime ainsi doit
faire deux choses, à savoir : fuir le mal et faire le bien. Voilà
pourquoi parmi les préceptes, certains conduisent au bien, et les autres
interdisent de faire le mal. 111. Il faut le savoir, éviter
de faire le mal est en notre pouvoir; mais nous ne pouvons pas faire du bien
à n’importe qui; voilà pourquoi, dit le bienheureux Augustin, si nous devons
aimer tous les hommes, nous ne sommes pas tenus de faire du bien à tous. Mais
parmi tous les hommes nous devons en faire à nos proches car, dit saint Paul
(1 Tim. 5, 8), si quelqu’un n’a pas soin des siens, et surtout de ceux
de sa maison, il est un infidèle. Or parmi tous nos proches, notre
père et notre mère sont les plus proches; voilà pourquoi saint Ambroise dit :
« Nous devons aimer d’abord Dieu et ensuite notre père et notre mère. »
C’est précisément ce que dit le quatrième précepte : Honore ton père et ta
mère. Le philosophe Aristote explique le pourquoi de ce
précepte, quand il dit : Au grand bienfait reçu de nos parents, nous ne
pouvons répondre à égalité; et c’est pourquoi un père offensé peut bien
renvoyer son fils, mais le contraire n’est pas possible. Les parents donnent à leurs enfants trois biens. 1° l’existence, 2° la nourriture et les choses nécessaires à la vie, et troisième l’éducation.112. Or les parents donnent à leur fils trois
biens. Le premier est l’existence. Il est écrit en effet (Si. 7.
29) : Honore ton père et n’oublie pas les gémissements de ta mère; et
souviens-toi que sans eux tu ne serais pas né. Deuxièmement ils lui donnent la
nourriture et le. s autres choses nécessaires à la vie. L’enfant en effet
entre nu en ce monde, comme il est dit dans Job (1, 21) ; mais ses parents le nourrissent. Troisièmement ils lui donnent l’enseignement. Saint Paul le dit aux Hébreux (12, 9) : Nous
avons eu pour nous éduquer nos pères selon la chair et il est écrit dans
l’Ecclésiastique (7, 25) : As-tu des fils? Instruis-les. Les deux
enseignements que les parents doivent donner à leurs enfants sont de craindre
Dieu et de s’abstenir de tout péché. 113. Les parents doivent donner à leurs
enfants deux enseignements et cela sans tarder, car, comme il est écrit dans
les Proverbes (22, 6) : Le jeune
homme une fois engagé dans sa voie ne la quittera plus même dans sa
vieillesse, et dans les Lamentations de Jérémie (3, 27) ; il est bon pour l’homme de porter le joug
des sa jeunesse. Ces deux enseignements que les parents doivent donner
sont ceux que Tobie apprit à son fils (Tb. 4), à savoir : la crainte du Seigneur et l’abstention de tout péché. Et
ceci est la condamnation de ceux qui éprouvent du plaisir dans les mauvaises
actions de leurs fils. Mais comme il est écrit dans la Sagesse (4, 6), tous
les fils qui naissent de parents iniques sont contre leurs parents des
témoins de leur perversité. C’est pourquoi Dieu punit leur péché sur leurs
enfants, comme il est dit dans l’Exode (20, 5). Les enfants doivent honorer leurs
parents. 114. Les fils reçoivent donc de leurs
parents l’existence, la nourriture et l’éducation. Et parce que nous tenons
d’eux l’existence, nous devons les honorer plus que des maîtres, de qui nous
recevons seulement des biens, mais moins que Dieu de qui nous tenons notre
âme. Celui qui craint le Seigneur, dit en effet l’Ecclésiastique (3,
8-10), honore ses parents, et il servira, comme ses maîtres, ceux
qui lui ont donné le jour, eu œuvres, en paroles et en toute patience. Honore ton père (et
ta mère), afin que vienne sur toi la
bénédiction de Dieu. Et en honorant tes parents tu t’honores aussi
toi-même; car ainsi qu’il est dit dans l’Ecclésiastique (3, 13), la gloire
d’un homme vient de l’honneur de son père, et c’est le déshonneur d’un
fils qu’un père sans honneur. Les enfants doivent nourrir leurs parents dans leur vieillesse.115. De même parce
qu’ils nous donnent la nourriture dans notre enfance, nous devons la leur donner dans leur vieillesse.
On lit en effet dans l’Ecclésiastique (3, 14-15, 18) : Mon fils, soutiens
la vieillesse de ton père, et ne le con triste pas durant sa vie. Son esprit
viendrait-il à s’affaiblir, sois indulgent et ne le méprise pas
dans ta force. Quelle mauvaise réputation à celui qui abandonne son père 1 et
il est maudit de Dieu celui qui exaspère sa mère. Pour confondre ceux qui abandonnent leurs parents
dans leur vieillesse, Cassiodore écrit au livre 2 de ses lettres : Les
cigognes, lorsque leurs parents, à cause de leur âge avancé, ne peuvent plus
faire usage de leurs ailes et deviennent incapables de se procurer leur
nourriture, réchauffent de leurs plumes les membres de ceux qui leur ont
donné la vie, refont par des aliments leurs corps épuisés, et par une juste
réciprocité, devenues adultes, elles rendent à leurs parents ce que, toutes
petites, elles en ont reçu. Les enfants doivent obéir à leurs parents, sauf quand ceux-ci leur commandent de désobéir à Dieu.116. En outre troisièmement parce
que nos parents nous ont instruits, nous devons leur obéir. L’Apôtre
dit en effet aux Colossiens (3, 20) : Enfants, obéissez en tout à vos
parents; non pas toutefois en ce qui est contraire à Dieu; « dans
ce cas, dit saint Jérôme à Héliodore, le seul moyen de manifester sa piété
filiale, c’est de ce montrer cruel ». Si quelqu’un ne hait pas son père et sa mère, dit le Seigneur (Lc 14,
26), il ne peut pas être mon disciple. Dieu en effet est plus
véritablement notre père que nos parents. N’est-ce pas lui ton Père,
qui t’a possédé, qui t’a fait, qui t’a créé, comme le chante Moïse (Dt. 32,
6). Pourquoi au seul précepte d’honorer ses père et mère est-il ajouté. afin d’avoir une longue vie?117. Honore ton père et ta mère. Parmi tous les préceptes celui-ci est le seul à qui soit
ajouté : afin d’avoir une longue vie sur la terre. En voici la raison
: c’est afin que l’on ne croie pas qu’une récompense n’est pas due à ceux qui
honorent leurs parents, sous prétexte que cela est naturel. Cinq récompenses sont promises à ceux qui honorent leurs parents.118. Il faut savoir qu’il y a cinq récompenses
désirables, promises à ceux qui honorent leurs parents. a) La première est la grâce dans le présent et dans l’éternité la gloire.a) La première, c’est la grâce, dans le
présent, et, dans l’éternité, la gloire, dons souverainement désirables. Il
est dit en effet dans l’Ecclésiastique (3, 9-10) : Honore ton père, afin que vienne de Dieu
sur toi la bénédiction et que sa bénédiction demeure jusqu’à la fin. Le
contraire est dû à ceux qui maudissent leurs parents. Et même dans la loi ils
sont maudits de Dieu, comme on le lit dans le Deutéronome (27, 16) et le
Seigneur a dit (Lc 16, 10) : Celui qui est injuste dans les petites choses le sera aussi dans les grandes. Mais la vie naturelle est comme rien, en
comparaison de la vie de la grâce. Si donc tu ne reconnais pas le bienfait de
la vie naturelle, que tu tiens de tes parents, tu e. s indigne de la vie de
la grâce, qui est plus haute et, par conséquent, de la Vie de la gloire,
encore plus haute. b) La seconde récompense promise à ceux qui honorent leurs parents, c’est la vie.119. b) La seconde
récompense promise à ceux qui honorent leurs parents, c’est la vie; aussi le
précepte dit-il : (Honore ton père et ta mère) afin d’avoir une longue
vie sur la terre. De même il est écrit dans l’Ecclésiastique (3, 7) : Celui
qui honorera son père jouira d’une
longue vie. Et remarquez-le : une vie est longue quand elle est bien
remplie ; elle ne se mesure pas par le temps, d’après Aristote, mais par les
œuvres. Une vie est donc pleine, quand elle est vertueuse. C’est pourquoi
l’homme vertueux et saint vit longtemps, encore que, selon la vie corporelle.
Il meure prématurément. Aussi lit-on dans la Sagesse (4, 13-14) : Arrivé en peu de temps à la perfection, le juste a fourni une longue carrière; car son âme
était agréable à Dieu. Or celui-là fait une excellente affaire, qui
gagne autant en un jour, qu’un autre en un an. Et remarquez ceci : Une plus
longue vie quelquefois est cause de la mort corporelle et spirituelle, comme
ce fut le cas pour Judas. Une des récompenses de ceux
qui honorent leurs parents, c’est donc la vie corporelle. 120. Mais ceux qui outragent
leurs parents obtiennent le contraire, c’est-à-dire la mort. Nous tenons
d’eux, en effet, la vie, comme les soldats reçoivent du roi un fief; aussi,
comme il est juste que ceux-ci pour une trahison perdent leur fief, ainsi
convient-il que ceux-là pour l’outrage fait à leurs parents perdent la vie.
Il est dit dans le, s
Proverbes (30, 17) : Que l’œil
qui insulte son père, et qui méprise l’enfantement de sa mère, soit arraché
par les corbeaux des torrents et dévoré par les enfants de l’aigle. Par
les enfants de l’aigle il faut entendre les rois et les princes et par les
corbeaux leurs agents. Et si parfois ils ne sont pas châtiés dans leur corps,
cependant ils ne peuvent pas éviter la mort spirituelle. 121. Aussi un
père ne doit-il pas donner trop de pouvoir à ses fils. On lit en effet dan. s
l’Ecclésiastique (33, 20-21) : Ne donnez pas pouvoir sur vous pendant
votre vie à votre fils, à votre femme, à votre frère ou à votre ami. Ne
donnez point à un autre le bien que vous possédez pendant votre vie, de peur que vous ne vous
en repentiez. Tant que vous vivez et que vous respirez, que personne ne vous
fasse changer sur ce point. c) La troisième, c’est d’avoir des enfants reconnaissants et sympathiques.122. c) La troisième récompense promise à
ceux qui honorent leurs parents, c’est d’avoir des enfants reconnaissants et
sympathiques; car il est naturel pour un père d’amasser des richesses pour
ses enfants; mais la réciproque n’est pas vraie. L’Ecclésiastique le dit (3,
6) : Celui qui honore son père,
trouvera sa joie dans ses enfants; et le Seigneur lit déclaré (Mt, 7, 2)
: On se servira envers vous de la même mesure dont vous vous serez servis.
d) La quatrième, c’est une réputation honorable.123. d) La quatrième récompense
promise au respect filial, c’est une réputation honorable. L’Ecclésiastique
dit en effet (3, 13, 18) : Le fils tire
sa gloire de l’honneur de son père; et combien est infâme celui
qui abandonne son père. e) La cinquième, c’est la possession des richesses.124. e) La cinquième récompense
promise à ceux qui honorent leurs parents, ce sera la possession des
richesses, car il est dit dans l’Ecclésiastique (3, 11) : La bénédiction du père affermit la maison des
enfants; et la malédiction de la mère la détruit jusqu’aux fondements. On appelle pères non seulement son
père et sa mère mais aussi les Apôtres, les saints, les prélats, les rois et
les princes, les bienfaiteurs et les vieillards. 125. Honore ton père et ta mère. Il faut le
noter, la génération charnelle n’est pas l’unique motif pour lequel on donne
à quelqu’un le nom de père; mais pour plusieurs autres raisons quelques-uns
sont appelés pères, et à chacun d’eux on doit un certain respect. Ainsi on
appelle pères les Apôtres et les autres saints pour leur doctrine et
l’exemple de leur foi. Car quand vous auriez dix mille maîtres en
Jésus-Christ, dit l’Apôtre (1 Co 4, 15),
vous n’avez pas néanmoins
plusieurs pères, puisque c’est moi qui vous ai engendrés en Jésus Christ par
l’Evangile. Aussi lit-on dans l’Ecclésiastique (44, 1) : Louons ces hommes pleins de gloire dans leur siècle, qui sont nos pères;
mais louons-les non des lèvres, mais en les imitant; et nous les
imiterons, s’il ne se trouve rien en notre conduite, qui soit le contraire de
ce que nous louons en eux. Souvenez-vous de vos chefs, dit l’Apôtre
(He 13, 7), et considérant quelle a été la fin de leur vie,
imitez leur foi. 126. On appelle également pères
les prélats; et on doit les vénérer, car ce sont des ministres de Dieu. C’est
pourquoi Jésus Christ a dit (Lc 10, 16) : Celui qui vous écoute
m’écoute, et celui qui vous méprise me méprise. Aussi devons-nous les honorer
en leur obéissant (Obéissez à vos chefs, dit l’Apôtre aux
Hébreux (13, 17), et soyez soumis à leur autorité) et également
en leur donnant la dîme de nos biens; car il est dit dans les Proverbes (3,
9) : Honorez de vos biens le
Seigneur, et donnez aux pauvres les prémices de vos fruits. 127. On appelle aussi pères les
rois et les princes, comme le firent les serviteurs de Naaman, général du roi
de Syrie (IV Rois 5, 13) : Père, lui dirent-ils, même si le
prophète vous avait commandé quelque chose de difficiles ?
Certainement vous devriez l’accomplir. On les appelle pères, parce qu’ils
doivent veiller au salut du peuple. Or nous honorons ceux-ci par la
soumission, comme le dit l’Apôtre (Rm. 13, 1) : Que chacun soit soumis aux
puissances supérieures. Et nous leur sommes soumis non seulement par
crainte, mais aussi par amour; et non seulement parce que la raison le
demande, mais également parce que la conscience le commande. Et le motif de
ceci, c’est que, selon l’Apôtre (Rm 13, 1), tout pouvoir vient de
Dieu, c’est pourquoi il faut à rendre à chacun ce qui lui est dû : le
tribut à qui est dû le tribut; à qui les impôts, les impôts; à qui la
crainte, la crainte; à qui l’honneur, l’honneur; on lit également dans
les Proverbes (24, 21) : Mon fils, craignez le Seigneur et le roi. 128. On nomme également pères les
bienfaiteurs. On lit en effet dans l’Ecclésiastique (4, 10) : Soyez
miséricordieux pour les orphelins comme un père. Car c’est le propre du
père de faire du bien à ses enfants. C est pourquoi nous (qui avons été
l’objet de la bienveillance de nos pères) nous devons à notre tour faire du
bien aux autres. N’oubliez jamais, dit l’Ecclésiastique (29, 20),
le bienfait que vous accorde celui qui répond pour vous. En effet voici
ce qui arrive aux ingrats, selon la Sagesse (16, 29) : L’espérance de
l’ingrat fondra comme la glace de l’hiver. 129. De même on nomme père
l’homme avancé en âge; car on lit dans le Deutéronome (32, 7) : interrogez votre père et il vous instruira;
vos aînés et ils vous apprendront; et dans le Lévitique (19, 32) : Levez-vous devant ceux qui ont, les
cheveux blancs et honorez la personne du vieillard. Lorsque vous êtes au
milieu des grands, dit l’Ecclésiastique (32, 13), ne vous
permettez pas d’ouvrir la bouche et ne parlez pas beaucoup là où se trouvent
des vieillards et v. 9 : Ecoutez en silence et votre retenue vous
acquerra beaucoup de grâce. 130. Tous ceux-ci donc (Apôtres, saints,
prélats, rois et princes, bienfaiteurs et vieillards) sont dignes de
vénération; car tous d’une certaine manière portent la ressemblance du, père
qui est dans les cieux; et d’eux le Seigneur dit (Lc 10, 16) : Qui vous
méprise me méprise. |
||
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|
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||
Articulus
7 [86732] De decem praeceptis, a. 7 tit. 1 De quinto praecepto. [86733]
De decem praeceptis, a. 7 tit. 2 Non occides. Exod. XX, 13. |
Article 7 – Du cinquième commandement de la loi.
"Vous ne tuerez pas." |
DU CINQUIEME PRÉCEPTE DE LA LOI – Tu ne tueras pas, Ex. 20, 13.
|
||
[86734]
De decem praeceptis, a. 7 In lege divina, per quam ordinamur ad dilectionem
Dei et proximi, praecipitur non solum facere bonum, sed etiam declinare a
malo. Inter alia autem maius malum quod
possit fieri proximo, est occidere eum; et hoc prohibetur cum dicitur, non
occides. Circa quod praeceptum tripliciter est erratum. Quidam enim
dixerunt, quod non licet occidere etiam bruta animalia. Sed hoc falsum est,
quia non est peccatum uti illis quae sunt subdita hominis potestati. Est
etiam naturalis ordo quod plantae sint in nutrimentum animalium, et quaedam
animalia in nutrimentum aliorum, et omnia in nutrimentum hominum. Gen. IX, 3:
quasi olera virentia tradidi vobis omnia. Philosophus etiam dicit in
politica, quod venatio est sicut iustum bellum. Apostolus I Cor. X, 25: omne
quod in macello venit, manducate nihil interrogantes propter conscientiam.
Ergo, non occides homines. Quidam dixerunt hic prohibitum esse homicidium
hominis omnino. Unde homicidas dicunt esse iudices saeculares, qui condemnant
secundum leges aliquos. Contra quos dicit Augustinus, quod Deus per hoc
praeceptum non abstulit sibi potestatem occidendi: unde Deut. XXXII, 39: ego
occidam, et vivere faciam. Est ergo licitum illis qui mandato Dei
occidunt, quia tunc Deus facit. Omnis enim lex mandatum Dei est. Prov. VIII,
15: per me reges regnant, et legum conditores iusta decernunt. Et
apostolus, Rom. XIII, 4: si malum feceris, time: non enim sine causa
gladium portat, Dei enim minister est. Moysi quoque dicitur, Exod. XXII,
18: maleficos non patieris vivere. Id enim quod licitum est Deo,
licitum est et ministris eius, per mandatum ipsius. Constat autem quod Deus
non peccat, cum sit auctor legum, infligendo mortem propter peccatum. Rom.
VI, 23: stipendia peccati mors. Ergo nec minister eius. Est ergo
sensus: non occides propria auctoritate. Alii vero dixerunt, quod per
hoc quod dicitur, non occides, prohibetur non occidere alium; unde dicebant,
quod licitum erat occidere seipsum. Sic enim invenitur de Samsone, Iudic.
XVI, et de Catone, et de quibusdam virginibus quae se in flammas iniecerunt,
sicut recitat Augustinus I de Civit. Dei. Sed ad hoc respondet Augustinus
ibidem, dicens: qui se occidit, hominem utique occidit. Si ergo
hominem non licet occidere, nisi auctoritate Dei: ergo nec seipsum, nisi vel
auctoritate Dei, vel instinctu spiritus sancti, sicut dicitur de Samsone.
Ergo non occides. Sciendum est etiam, quod hominem occidere contingit
multipliciter. Primo manu. Isai. I, 15: manus vestrae sanguine plenae sunt:
quod quidem est non solum contra caritatem qua praecipitur ut diligas
proximum sicut teipsum: I Ioan. III, 15: omnis homicida non habet vitam
aeternam in se manentem; verum etiam contra naturam: quia, ut dicitur
Eccli. XIII, 19, omne animal diligit sibi simile. Unde Exod. XXI, 12: qui
percusserit hominem volens occidere, morte moriatur. Et hic quidem
crudelior est lupo, de quo dicitur in 4 animalium, quod si lupo detur caro
lupi, non comedit. Item ore. Et hoc fit dando consilium alicui contra
aliquem, provocando, accusando et detrahendo. Psal. LVI, 5: filii hominum,
dentes eorum arma et sagittae, et lingua eorum gladius acutus. Tertio
adiutorio. Prov. I, 15: fili mi, ne ambules cum eis (...) pedes enim
illorum ad malum currunt, et festinant ut effundant sanguinem. Item
consensu. Rom. I, 32: digni sunt morte non solum qui ea faciunt, sed etiam
qui consentiunt facientibus. Consentis autem quodammodo, quando potes
impedire: Prov. XXIV, 11: erue eos qui ducuntur ad mortem; et iterum
si vires suppetunt, sed dimittis negligentia vel avaritia. Ambrosius: pasce
fame morientem: si non paveris, occidisti. Et sciendum, quod aliqui
occidunt solum corpus, de quo dictum est; alii animam, auferendo vitam
gratiae, trahendo scilicet ad peccatum mortale. Ioan. VIII, 44: ille
homicida erat ab initio, inquantum scilicet traxit ad peccatum. Alii
autem utrumque, et hoc dupliciter. Primo in destructione praegnantium:
occiduntur enim pueri in corpore et in anima. Secundo interficiendo seipsum. Non
occides. Christus dat in Evangelio, Matth. V, quandam doctrinam, quae
est, quod iustitia nostra debet esse maior iustitia legis. Unde docet
perfectius servari mandata legis a Christianis quam Iudaei servaverunt. Et
ratio huius est, quia maiori labore acquiritur maior merces. II Cor. IX, 6: qui
parce seminat, parce et metet. In lege enim promittebantur temporalia et
terrena: Isai. I, 19: si volueritis et audieritis me, bona terrae
comedetis; sed in lege nostra promittuntur caelestia et aeterna. Ergo
iustitia, quae est observantia mandatorum, debet abundare, cum maior
expectetur merces. Inter alia autem praecepta facit mentionem de isto, dicens
Matth. V, 21-22: audistis quod dictum est antiquis, non occides. Ego autem
dico vobis, quia omnis qui irascitur fratri suo, reus erit iudicio, idest
poena quam lex adiudicavit. Exod. XXI, 14, ubi dicitur: si quis per
industriam occiderit proximum suum, et per insidias; ab altari meo evelles
eum, ut moriatur. Debet autem quilibet quinque modis ab ira cavere. Primo
ne cito provocetur. Iac. I, 19: sit omnis homo velox ad audiendum, tardus
autem ad loquendum, et tardus ad iram. Et ratio est, quia ira peccatum
est, et punitur a Deo. Sed nunquid omnis ira est contraria virtuti? Circa hoc
duplex est opinio. Stoici enim dixerunt, quod nulla passio cadit in
sapientem; immo volebant quod vera virtus esset in quiete mentis.
Peripatetici autem dixerunt, quod ira cadit in sapientem, sed moderata: et
est opinio verior. Et patet primo auctoritate, quia in Evangeliis invenimus
istas passiones Christo attributas, in quo fuit fontalis plenitudo
sapientiae. Secundo patet ratione: nam si omnes passiones virtuti
contrarientur, essent aliquae potentiae animae quae essent frustra, immo quae
essent homini in nocumentum, quia non haberent aliquos actus convenientes; et
sic irascibilis et concupiscibilis frustra datae essent homini. Et ideo
dicendum est, quod aliquando ira est virtus, aliquando non. Accipitur enim
ira tripliciter. Primo prout est in solo iudicio rationis absque commotione
animi; et ista non dicitur proprie ira, sed iudicium. Sic enim dominus
puniens malos, iratus dicitur. Mich. VII, 9: iram domini portabo, quoniam
peccavi ei. Secundo accipitur prout est passio. Et ista est in appetitu
sensitivo. Et est duplex: quia aliquando ordinatur ratione et continetur sub
terminis rationis, quando scilicet quis irascitur quando debet et quantum
debet et pro quo debet, et huiusmodi: et tunc est actus virtutis, et dicitur
ira per zelum. Unde philosophus dicit, quod mansuetudo non est nullo modo
irasci. Ista ergo ira non est peccatum. Est et tertia ira quae refugit
iudicium rationis: et ista semper est peccatum; sed aliquando veniale,
aliquando est mortale: et hoc distinguitur ex eo quod ad iram incitat, quod
aliquando est veniale, aliquando est mortale. Mortale duplex: vel ex genere,
vel ex circumstantiis. Homicidium autem videtur esse actus peccati mortalis
ex suo genere, quia directe ordinatur contra praeceptum divinum. Et ideo
consensus in homicidium est peccatum mortale ex genere: quia si actus est
mortalis, et consensus in actus erit mortalis. Aliquando autem peccatum
mortale est ex genere, sed tamen motus non est peccatum mortale, quia est
sine consensu; sicut si ascendit motus concupiscentiae ad fornicandum, et non
consentitur, non est peccatum mortale. Similiter ira: est enim motus ad
iniuriam illatam vindicandam: haec enim est proprie ira. Si ergo iste motus
est taliter in passione, ita quod ratio deducatur, tunc est peccatum mortale;
si autem usque ad consensum non pervertitur ratio, tunc est peccatum veniale.
Si autem motus non sit ex genere peccatum mortale, tunc etsi consensus
adhibeatur, non est peccatum mortale. Quod ergo dicit, qui irascitur
fratri suo, reus erit iudicio, intelligendum est de motu tendente in
nocumentum, qui motus est peccatum mortale, ita quod sit ibi consensus. Eccli. ult., 14: cuncta
quae fiunt, adducet Deus in iudicium pro omni errato, sive bonum sive malum.
Secunda ratio quare debemus non provocari
cito ad iram, est, quia omnis homo diligit libertatem et odit servitutem. Non
est autem iracundus dominus sui ipsius. Prov. XXVII, 4: impetum concitati
spiritus ferre quis poterit? Et ibidem, 3: grave saxum et onerosa
arena; sed ira stulti utroque gravior. Secundo cavere debet ne diu in ira
permaneat. Psal. IV, 5: irascimini, et nolite peccare; Ephes. IV, 26: sol
non occidat super iracundiam vestram. Et rationem huius assignat in
Evangelio dominus, dicens, Matth. V, 25: esto consentiens adversario tuo
cito dum es in via cum eo, ne forte tradat te ministro, et in carcerem
mittaris. Amen dico tibi, non exies inde donec reddas novissimum quadrantem.
Tertio cavere debet ne in ira procedat. Primo in corde, quod fit quando
pervenit ad odium. Est enim differentia inter iram et odium, quia ira subita
est, odium vero diuturnum; et ideo est mortale peccatum. I Ioan. III, 15: qui
odit fratrem suum, homicida est. Et ratio huius est, quia et se
interficit spoliando se caritate, et alium. Augustinus, in regula: lites
aut nullas habeatis, aut quam celerrime finiatis, ne ira crescat in odium, et
trabem faciat de festuca, et animam faciat homicidam. Prov. XV, 18: vir
iracundus provocat rixas. Gen. XLIX, 7: maledictus furor eorum quia
pertinax, et indignatio eorum, quia dura. Quarto cavere debet ne procedat
in verbo. Prov. XII, 16: fatuus statim indicat iram suam. Et potest indicare duobus modis; iniuriando scilicet,
et superbe loquendo. Quantum ad primum dicit dominus, Matth. V, 22: qui
dixerit fratri suo, fatue, reus erit Gehennae ignis. Qui autem dixerit,
racha, reus erit Concilio. Prov. XV, 1: responsio mollis frangit iram,
sermo durus suscitat furorem. Quinto cavere debet ne procedat in opere. In omni
enim opere nostro duo debemus observare, scilicet facere iustitiam et
misericordiam. Et ira utrumque impedit: ira
enim viri iustitiam Dei non operatur, ut dicitur Iac. I, 20: quamvis enim
velit, tamen non potest. Unde philosophus quidam dixit cuidam qui eum
offenderat: punirem te, nisi essem iratus. Prov. XXVII, 4: ira non
habet misericordiam, nec erumpens furor. Gen. XLIX, 6: in furore suo
occiderunt virum. Et propter hoc
Christus non solum docuit nos cavere ab homicidio, sed ab ira. Bonus enim
medicus non tantum tollit malum quod apparet, sed etiam radicem removet
infirmitatis, ne scilicet recidivet: et ideo vult nos abstinere a principiis
peccatorum, et ita ab ira, quae est principium homicidii. |
103. Du cinquième commandement de la loi. "Vous ne tuerez pas." La loi divine, en nous ordonnant d'aimer Dieu et
notre prochain, nous commande non seulement de faire le bien, mais aussi
d'éviter le mal. Or le plus grand mal que nous puissions faire à notre
prochain, c'est de lui ôter la vie. "Vous ne tuerez pas;"
tel est le précepte qui défend le meurtre. Ce précepte a donné lieu à trois
interprétations 104. Certains
philosophes ont prétendu qu'il n'est pas même permis de tuer les animaux.
Évidemment cette opinion est erronée; ce ne peut être un crime de faire
servir à notre usage les créatures soumises à notre puissance. La nature veut
que les plantes soient la pâture des animaux, que certains animaux deviennent
à leur tour la proie des autres, et que le règne végétal et le règne animal
fournissent à l'homme les aliments qui lui sont nécessaires. Cette loi de la
nature est aussi ancienne que le monde, et Dieu lui-même l'a confirmée, en
disant: "J'abandonne à votre pouvoir toutes les créatures vivantes,
aussi bien que les végétaux." Un philosophe a dit que la chasse
ressemble à une guerre légitime, et saint Paul déclare expressément qu'il est
permis de manger toute espèce de viande. 105. D'autres ont
pensé qu'il est défendu d'ôter la vie à l'homme, de quelque manière et pour
quelque motif que ce soit. Ainsi les juges séculiers, qui condamnent les
criminels à la peine de mort, en faisant l'application de la loi, sont pour
eux des homicides. Mais cette doctrine est sans fondement; et saint Augustin
fait une observation qui la renverse: c'est que Dieu n'a pu s'ôter à lui-même
le droit de vie et de mort en donnant ce précepte; droit qu'il s'est reconnu
lui-même en disant: "C'est moi qui ferai vivre, c'est moi qui ferai
mourir. "Il suit de là que les juges séculiers ont aussi le droit de
condamner à mort les criminels; car ils ne sont que les exécuteurs de la
volonté de Dieu, et c'est lui qui prononce la sentence des coupables. Toute
loi est un décret divin. "C'est par moi que les rois règnent, dit
le Seigneur; c'est par moi que les législateurs punissent." -
"Si vous faites le mal, dit saint Paul, tremblez; car ce n'est
pas en vain que les magistrats sont armés du glaive de la justice; ils sont
les ministres du Tout-Puissant." Nous voyons que la loi mosaïque
punissait de mort les moindres délits. Ce qui est permis à Dieu est permis à
ses ministres, en vertu du mandat qu'ils ont reçu de lui; et certes Dieu
n'est point coupable, lui qui est le législateur suprême, en punissant le
crime de mort. "La mort est le prix du crime," suivant
l'expression de l'Apôtre; par conséquent, les ministres de Dieu ne sont point
coupables non plus en exécutant ses décrets souverains. Le véritable sens du
précepte est donc celui-ci: Vous ne tuerez pas de votre autorité privée. 106. Enfin on a
prétendu que ce précepte ne concerne que le meurtre commis sur autrui; et, de
ce qu'il nous défend de tuer notre prochain, on a conclu qu'il nous permet de
nous ôter la vie à nous-mêmes. L'histoire nous rapporte plus d'un exemple de
ces morts volontaires. C'est ainsi que Samson périt sous les ruines du palais
dont son bras avait ébranlé les colonnes; c'est ainsi que Caton se perça de
son épée; c'est ainsi que ces jeunes filles dont parle saint Augustin se
jetèrent au milieu des flammes. Mais le même écrivain sacré, en racontant ce
dernier trait, a soin d'ajouter: "Celui qui se donne la mort ôte la
vie à un homme." Si donc c'est un crime de tuer un homme, à moins
qu'on ne soit investi pour cela d'une autorité divine, c'est également un
crime de se tuer, à moins qu'on ne soit poussé à cette extrémité par la voix
de Dieu ou l'inspiration du Saint-Esprit, ainsi qu'il arriva à Samson. Donc "vous
ne tuerez pas." Il y a
plusieurs manières d'être homicide. 107. On tue avec la
main. "Vos mains sont pleines de sang," dit le Seigneur aux
Juifs coupables. Cet acte de férocité horrible n'est pas seulement un
attentat contre la loi divine, qui nous ordonne d'aimer notre prochain comme
nous-mêmes, c'est encore un crime contre nature; car " tout être
vivant aime naturellement son semblable." Aussi est-il dit dans
l'Exode: "Quiconque aura versé volontairement le sang d'un homme sera
puni de mort." Cette punition, certes, est légitime. L'homicide est
un monstre plus cruel que le loup des forêts qui recule à l'aspect du sang
d'un autre loup. 108. On tue encore
avec la bouche, et cela en excitant à la haine contre quelqu'un, en
l'accusant, en le calomniant. "Redoutez les enfants des hommes,
dit le Psalmiste; leurs dents sont des armes dangereuses, des traits
funestes, et leur langue est un glaive acéré." 109. On est homicide
en aidant au meurtre. "Mon fils, ne suivez pas leurs pas; ils courent au
crime, et ils sont impatiens de répandre le sang." 110. On tue en
consentant au meurtre. "La mort est le juste châtiment de ceux qui
consentent an crime aussi bien que de ceux qui l'accomplissent. "Or
c'est consentir en quelque façon au meurtre que de le laisser commettre quand
on peut empêcher son exécution. "Arrachez au péril ceux qui vont
recevoir le coup mortel," dit l'auteur des Proverbes. C'est être
homicide enfin, que de ne point sauver un malheureux quand on le peut, et de
l'abandonner soit par négligence, soit par égoïsme. "Nourrissez le
pauvre qui meurt de faim," dit saint Ambroise; si vous êtes sans
pitié pour lui, c'est vous qui le tuez." Ajoutons qu'on peut tuer le
corps sans tuer l'âme, ou tuer l'âme sans tuer le corps, et qu'il y a des cas
où l'on peut tuer le corps et l'âme en même temps. On tue le corps en versant
le sang, et on tue l'âme en l'entraînant à un pèche mortel. "Le
démon, est-il dit dans l'Évangile, a été homicide dès le commencement
du monde." Il a été homicide en tant qu'il a entraîné l'homme au
péché. Il y a deux cas où l'on tue à la fois l'âme et le corps: le premier,
c'est quand on ôte la vie à une femme enceinte; car alors le coup qui la
frappe tue également le corps et l'âme de l'enfant qu'elle porte dans son
sein; le second, c'est quand on s'ôte la vie à soi-même. 111. "Vous ne
tuerez pas." Le Christ nous enseigne, dans l'Évangile, que notre
justice doit être plus parfaite que celle des scribes et des pharisiens; il
veut nous faire entendre par là que nous devons apporter plus de zèle à
l'accomplissement de la loi nouvelle que les Juifs n'en apportaient à
l'accomplissement de la loi ancienne. Et la raison en est que plus la
récompense est grande, plus on doit faire d'efforts pour l'obtenir. "Celui
qui sème peu, dit l'Apôtre, recueillera peu." Or la loi
mosaïque promettait à la vertu des récompenses temporelles et terrestres. "Si
vous obéissez à ma voix, dit le Seigneur par la bouche du prophète Isaïe,
vous jouirez de tous les biens de la terre." Mais la loi
évangélique promet aux fidèles des récompenses éternelles et célestes: par
conséquent, la justice, qui n'est autre chose que l'accomplissement des
préceptes divins, doit être mieux pratiquée chez nous qu'elle ne l'était chez
les Juifs, puisque le prix qui lui est réservé est plus grand chez nous que
chez eux. Entre autres préceptes que Jésus-Christ nous a donnés à ce sujet,
nous citerons le suivant: "Vous avez entendu qu'il a été dit aux
anciens: Vous ne tuerez pas, et moi je vous déclare que quiconque s'irrite
contre son frère mérite d'être condamné." Il mérite d'être condamné
à la peine que la loi mosaïque inflige au meurtrier quand elle dit: "Si
un homme commet volontairement un meurtre, eût-il cherché un asile au pied
des autels, arrachez-le de ce lieu sacré et faites-le mourir." Or on
doit éviter la colère de cinq manières. 112. Premièrement, il
faut prendre garde de s'emporter sans réflexion: "Que tout homme,
dit l'apôtre saint Jacques, soit prompt à écouter, lent à prendre la
parole, lent à s'irriter." La raison en est que la colère est un
péché et qu'elle ne saurait rester impunie. Mais toute colère est-elle
contraire à la vertu? Cette question a été résolue diversement. Les stoïciens
ont prétendu que le sage n'éprouve aucune passion; bien plus, ils ont fait
consister la véritable vertu dans la tranquillité de l'âme. Les
péripatéticiens, de leur côté, ont dit que le sage peut éprouver un mouvement
de colère, mais de colère modérée, et cette opinion est la plus
vraisemblable; elle est à la fois fondée sur l'autorité et sur le
raisonnement. Elle est fondée sur l'autorité, car nous voyons dans l'Évangile
certaines passions attribuées à Jésus-Christ lui-même, ce modèle divin de la
parfaite sagesse. Elle est fondée sur le raisonnement. En effet, si toutes
les passions étaient contraires à la vertu, il y aurait certaines puissances
de l'âme qui resteraient inutiles, ou plutôt qui seraient funestes,
puisqu'elles ne se révéleraient que par une action désordonnée. Ainsi Dieu
aurait donné à l'homme, pour son malheur, la faculté que nous appelons
irascible et celle qui produit le désir. Il faut donc convenir que la colère
est quelquefois coupable, quelquefois non; car ce mot de colère exprime trois
choses différentes: il s'applique d'abord à un simple jugement que la raison
prononce à part de toute émotion de l'âme; ce jugement de la raison n'est
point la colère proprement dite; c'est une sentence équitable, et quand Dieu
punit les méchants, il ne prend point conseil de la fureur, mais de la
justice. L'Écriture sainte parle souvent de la colère du Seigneur, mais en
donnant à cette expression le sens d'équité. C'est dans ce sens qu'il faut
l'interpréter lorsque le prophète dit: "La colère du Seigneur
s'appesantira sur moi, parce que j'ai péché contre lui." Ce mot de
colère exprime aussi une passion; dans ce sens, la colère appartient, non
plus à la raison, mais à la sensibilité. Comme passion, elle est tantôt
coupable, tantôt légitime. En effet, bien que n'appartenant point à la
raison, elle se laisse quelquefois gouverner par cette faculté supérieure,
qui la contient dans de justes limites; par exemple, quand on s'irrite à
propos, avec mesure et pour un sujet qui le mérite. Alors, loin d'être un
péché, la colère est un acte de vertu, un zèle généreux. Aussi un philosophe
a-t-il dit que la véritable douceur ne consiste pas à ne s'irriter jamais.
Quelquefois la colère refuse d'obéir aux conseils de la raison et reste toute
entière sous l'empire de la sensibilité; c'est alors seulement qu'elle est un
péché; mais ce péché est tantôt véniel, tantôt mortel, suivant le degré de
force du mouvement passionné qui le produit. Un péché est mortel ou par sa
nature ou par les circonstances. Le meurtre parait être un péché mortel par
sa nature, car il est directement opposé au précepte divin; le consentement
que la raison accorde à l'exécution d'un pareil crime est aussi un péché
mortel par sa nature; car si l'acte est tel, l'intention réfléchie qui
précède l'acte le sera également. Mais il peut se faire qu'un acte criminel
soit un péché mortel par sa nature, et que pourtant le mouvement passionné
qui sollicite à le commettre ne soit pas lui-même un péché mortel; c'est ce
qui arrive quand ce mouvement passionné n'obtient pas le consentement de la
raison. Ainsi lorsqu'un mouvement de concupiscence nous pousse à la recherche
de plaisirs coupables, et que la raison lui refuse son approbation, ce
mouvement passionné n'est point un péché mortel. Ce que nous disons de la
concupiscence, nous pouvons le dire de la colère: la colère est un mouvement
passionné qui pousse l'homme à se venger d'une injure reçue; c'est là sa
véritable définition. Si donc ce mouvement
passionné a un tel caractère de violence que la raison ne puisse résister à
son entraînement et soit forcée de lui obéir, il prend alors le caractère de
péché mortel. Si, au contraire, il n'est pas assez violent, assez tyrannique
pour arracher à la raison son consentement et son approbation, il garde le
caractère de péché véniel. Ajoutons que si un mouvement passionné sollicite à
un acte qui ne soit pas un péché mortel par sa nature, il garde encore le
caractère de péché véniel, lors même qu'il obtient le consentement de la
raison. Par conséquent la colère que Jésus-Christ a qualifiée de crime, en
disant: "Quiconque s'irrite contre son frère mérite d'être
condamné," doit s'entendre d'un mouvement passionné auquel la raison
a consenti et qui tend à nuire au prochain, ce qui lui donne le caractère de
péché mortel. Nous devons donc éviter la colère parce qu'elle est un péché;
nous devons aussi l'éviter pour conserver cette indépendance dont l'amour est
inné dans le cœur de l'homme aussi bien que la haine de la servitude. Or
celui qui s'abandonne à sa fureur n'est pas maître de lui-même, il n'est pas
libre. "Qui pourra, dit l'auteur des Proverbes, résister à
l'impétuosité de sa colère? Un rocher est pesant, un monceau de sable est un
lourd fardeau, mais la fureur de l'insensé est pour lui-même un fardeau plus
lourd encore." 113. Nous avons dit
que l'homme doit d'abord prendre garde de s'emporter sans réflexion. Il doit,
en second lieu, prendre garde de conserver un long ressentiment. "Mettez-vous
en colère, dit le Psalmiste, mais que ce soit sans pécher." -
"Que le soleil ne se couche point sur votre colère," dit
l'Apôtre. Pourquoi cela? Notre Seigneur lui-même nous l'explique dans
l'Evangile: "Arrangez-vous au plus vite avec votre adversaire pendant
que vous êtes en chemin avec lui, de peur qu'il ne vous livre au magistrat et
ne vous fasse envoyer en prison. En vérité, je vous le dis, vous ne sortirez
pas de là que vous n'ayez rendu jusqu'au dernier quadrain." 114. Troisièmement,
l'homme doit prendre garde que sa colère ne dégénère en un sentiment plus
coupable encore, c'est-à-dire en haine. Il y a cette différence entre la
colère et la haine que la colère est une passion soudaine et peu durable,
tandis que la haine est une passion persévérante et vivace, et c'est ce qui
donne à celle-ci le caractère de péché mortel. "Quiconque déteste son
frère, dit saint Jean, est homicide." En se dépouillant de la
charité, il tue son prochain et il se lue lui-même. "N'ayez pas de
procès, dit aussi saint Augustin, ou, si vous en avez, terminez-les le
plus promptement possible, de peur que la colère qui vous anime ne dégénère
en haine, qu'elle ne fasse une poutre d'un fétu de paille et ne rende voire
âme homicide." - "L'homme emporté, dit l'auteur des Proverbes, appelle
les querelles." - "Maudite soit leur fureur, est-il dit dans la
Genèse, parce qu'elle a été obstinée; maudite soit leur indignation, parce
qu'elle a été cruelle." 115. Quatrièmement,
l'homme doit prendre garde que sa colère ne se manifeste par des paroles
amères et violentes. "L'insensé, dit l'auteur des Proverbes, laisse
aussitôt percer au dehors la colère qui l'anime." Il peut la laisser
percer de deux manières, par des injures et par un langage plein d'orgueil et
d'arrogance. Touchant le premier cas, Notre Seigneur dit: "Quiconque
aura traité son frère de fou sera condamné an feu de l'enfer." Touchant
le second, il a dit: "Quiconque, en parlant à son frère, se sera
servi contre lui du mot raca sera jugé par le conseil." - "Des
paroles douces, dit l'auteur des Proverbes, brisent la violence de la
colère, et un langage dur excite la fureur." 116. Cinquièmement,
l'homme doit prendre garde que sa colère ne se manifeste par des actions.
Toutes nos œuvres doivent lire inspirées par la justice et la miséricorde! Or
la colère détruit la miséricorde et la justice. "La colère de
l'homme, suivant l'expression de saint Jacques, n'accomplit pas les
œuvres de Dieu." Quand même un homme irrité voudrait faire le bien,
il ne le pourrait pas; et voilà pourquoi un philosophe disait à son esclave
qui avait commis une faute: "Je te punirais si je n'étais en
colère." - "La colère, dit l'auteur des Proverbes, ne
connaît point la pitié." - "Ils ont commis le meurtre dans leur
fureur," est-il dit dans la Genèse. Jésus-Christ avait donc raison
de défendre la colère aussi bien que le meurtre, puisqu'elle en est l'origine
première. Un bon médecin ne se contente pas de faire disparaître les
symptômes extérieur du mal; il le détruit dans sa racine, afin qu'il ne
reparaisse plus. Jésus-Christ, ce grand médecin des âmes, a donc voulu
détruire en nous les principes du péché et surtout la colère, qui est le
principe du meurtre. |
131. La loi divine nous ordonne d’aimer
Dieu et le ‘prochain et nous prescrit non seulement de faire le bien, mais
aussi d’éviter le mal. Or, parmi tous les maux qui puissent être faits au
prochain, le plus grand, c’est de le tuer; et ce mal est interdit par ces
paroles : Tu ne tueras pas. Quel est le sens du précepte. Tu ne tueras pas. Il est permis de tuer les animaux.132. Ce précepte a donné lieu à trois interprétations
erronées. Certains, en effet, dirent : il n’est pas
permis de tuer même les animaux. Mais cette opinion est fausse; car ce n’est
pas un péché pour l’homme d’utiliser les animaux; ils, sont en effet soumis à
son pouvoir. C’est même l’ordre naturel que les plantes servent d’aliment aux
animaux, que certains animaux servent de nourriture à d’autres, et que tous
servent à nourrir les hommes ; car nous lisons dans la Genèse (9, 3) : Je
vous ai abandonné toutes ces choses (à savoir tout ce qui a vie et
mouvement), comme la verdure des plantes (pour être votre nourriture).
Et Aristote, dans sa Politique, dit : La chasse est comme une guerre juste.
Quant à l’Apôtre, il écrit aux Corinthiens (1 Jean 10, 25) : Mangez de
tout ce qui se vend au marché, sans poser de question par motif de
conscience. Donc, tu ne tueras pas les hommes. On ne peut tuer un homme de sa propre autorité.133. D’autres dirent que ce cinquième précepte
prohibait l’homicide absolument. Aussi appellent-ils homicides les juges,
séculiers, qui condamnent à mort des hommes, selon les lois. Saint Augustin
dit contre eux : Dieu, par ce précepte, ne s’est pas retiré le pouvoir de
tuer : il est dit en effet dans le Deutéronome (32, 39) : Moi je ferai mourir et je ferai vivre.
A ceux donc qui tuent par un commandement de Dieu, il est permis de le faire,
parce qu’alors c’est Dieu qui le fait. En effet toute loi (juste) est un
commandement de Dieu. Car, disent les Proverbes (8, 15), les rois règnent par Moi et c’est par Moi
que les législateurs ordonnent ce qui est juste. Et l’Apôtre écrit aux
Romains (13, 4) : Si vous faites le mal, soyez dans la crainte; en
effet le prince ne porte pas en vain l’épée, car il est le ministre de Dieu.
Et il fut dit également à Moïse (Ex. 22, 18) : Tu ne laisseras pas en vie les magiciens.
En effet, ce qui est licite à Dieu, l’est également à ses ministres, par son
mandat. Or, c’est certain, Dieu ne pèche pas, lui, l’auteur des lois, quand
il inflige la mort, à cause du péché, puisque, dit l’Apôtre (Rm 6, 23), la
mort est le salaire du péché.
Donc son ministre ne pèche pas davantage. Le sens de ce précepte. Tu ne tueras pas est par conséquent. Tu ne tueras pas de ta propre autorité.134. D’autres enfin avancèrent : Par le
commandement : Tu ne tueras pas,
il est interdit de tuer autrui; donc, disaient-ils, il est permis de se tuer
soi-même. On constate en effet que Samson (Jg. 16, 30) et Caton se donnèrent
la mort et que plusieurs vierges se jetèrent dans les flammes, comme le
raconte saint Augustin au livre 1° de la Cité de Dieu. Mais saint
Augustin lui-même leur répond au même endroit : « Qui se tue, sans aucun
doute tue un homme ». Si donc il n’est pas permis de tuer un homme,
qu’en vertu de l’autorité de Dieu, il n’est par conséquent pas permis de se
tuer soi-même, sinon en vertu de l’autorité de Dieu, ou bien en vertu de
l’inspiration du Saint Esprit, comme il est dit de Samson. Donc, tu ne tueras pas. Des différentes manières de tuer autrui.135. Il faut savoir également qu’il y a
bien des manières d’être homicide. 1) On peut tuer de sa propre main.En premier lieu, on peut tuer de sa propre
main. Il est dit en effet en Isaïe (1, 15) : Vos mains sont pleines de
sang. Or, tuer son semblable est contraire non seulement à la charité, qui te
prescrit d’aimer ton prochain comme toi-même (Nul homicide, dit saint
Jean, 1 Jean 3, 15, n’a la vie
éternelle demeurant en soi); mais c’est également contraire à la nature,
car, comme dit l’Ecclésiastique (13, 19), tout être vivant aime son
semblable. C’est pourquoi il est dit dans l’Exode (21, 12) : Si quelqu’un
frappe un homme avec le dessein de
le tuer, qu’il soit puni de mort. En vérité celui-ci est plus cruel qu’un
loup. On lit en effet dans le livre 4 « des
animaux » d’Aristote : Si on donne à un loup de la chair de loup,
il ne la mange pas. On peut tuer également avec la bouche. Ce
qui arrive, quand on donne à quelqu’un un conseil contre son prochain, pour
qu’il le défie, l’accuse et le calomnie. Les enfants des hommes, dit le Psaume 66, v. 6, ont des dents, qui sont comme des armes et
des flèches et leur langue est une épée très aiguë. 2) En aidant un autre à tuer.En troisième lieu
on peut tuer en
aidant un autre à tuer. Mon fils,
disent les Proverbes (l., 15-16), n’allez pas avec les
homicides... ; car leurs pieds courent au mal et ils se hâtent de
répandre, le sang. 3) En consentant à la mort d’autrui.On peut aussi tuer quelqu’un en consentant à sa
mort. En effet, dit l’Apôtre (Rm. 1, 3),
ils sont dignes de mort, non
seulement ceux qui accomplissent de tels actes, mais également tous ceux qui
approuve ceux qui les font. Or vous consentez à l’homicide d’une certaine
manière quand, pouvant l’empêcher, vous ne le faites pas, comme il est écrit
au livre des Proverbes (24, 11) : Tirez du péril ceux qu’on mène à la mort. De même c’est consentir à la
mort d’un malheureux si, ayant les moyens de le secourir, vous renoncez à le
faire par négligence ou par avarice : « Nourrissez celui qui meurt de faim;
si vous ne le faites pas, vous le tuez. » 4) Comment on peut tuer l’âme du prochain.136. Et on doit savoir que certains,
comme nous l’avons vu, tuent seulement le corps; alors que d’autres
tuent l’âme, en enlevant la vie de la grâce; ce qu’ils font en entraînant au
péché mortel, à l’exemple du diable, dont le Seigneur a dit (Jn 8, 44) : il
a été homicide dès le commencement, à savoir en incitant au péché. 5) et à la fois son âme et son corps.D’autres enfin tuent le corps et l’âme et
ceci arrive de deux manières : ou bien en donnant la mort à des femmes
enceintes, car ainsi on tue les enfants, qu’elles portent, dans leur corps et
dans leur âme[1]
; ou bien en se donnant la mort à soi-même. Le Christ a dit que quiconque se met en colère contre son frère mérite d’être condamné à la peine que doit subir celui qui tue autrui.137. Tu ne tueras point. Le Christ enseigne dans
l’Evangile (Mt 5) que notre justice doit surpasser la Justice de la loi.
Aussi apprend-il aux chrétiens à garder les commandements de la loi plus
parfaitement que ne les gardèrent les Juifs. La raison en e. st qu’un plus
grand effort acquiert une plus grande récompense; car, dit l’Apôtre (2 Cr. 9,
6), celui qui sème peu moissonne peu. Dans la loi en effet étaient promis
des biens temporels et terrestres. Si vous voulez m’écouter, disait le Seigneur (Is. 1, 19), vous serez rassasiés des biens terrestres;
mais dans notre loi sont promis des biens célestes et éternels. La justice
qui consiste dans l’observance des commandements doit donc abonder, lorsqu’on
attend une plus grande récompense. 138. Or, entre les autres
préceptes, le Seigneur, dans l’Evangile, fait mention de celui concernant
l’homicide, par ces paroles (Mt 5, 21-22) : Vous avez appris qu’il a été
dit aux anciens : vous ne tuerez pas. Mais moi je vous dis : quiconque se
mettra en colère contre son frère mérite d’être condamné par le tribunal, c’est-à-dire,
condamné à la peine prononcée par la loi en ces termes (Ex. 21, 14) : Si quelqu’un tue son
prochain de dessein prémédité et en lui dressant des embûches, vous
l’arracherez de mon autel pour le faire mourir. Des cinq manières de se garder de la colère.139. Or chacun doit se garder de la
colère de cinq manières. A) On ne doit pas s’y, laisser aller facilement.
a) Parce que c’est un péché puni par Dieu. A) Premièrement on doit se garder de la
colère en ne s’y laissant pas aller facilement. Saint Jacques dit en effet
(1, 19) : Que tout homme soit prompt à écouter, lent à parler, et lent à se mettre en colère. La raison en est d’abord, que la colère est un péché
et que Dieu le punit. La colère s’introduit dans le sage, mais il la maîtrise.140. Mais toute colère est-elle contraire
à ln vertu? A ce sujet il y a deux opinions. Les Stoïciens dirent
: Le sage ne donne entrée en lui à aucune passion; ils voulaient même gue la
véritable vertu fut dans le repos de l’esprit. Les Péripatéticiens
enseignèrent au contraire : La colère s’introduit dans le sage, mais il la
maitrise ; et cette opinion est plus vraie. L’autorité de l’Ecriture d’abord le
prouve, car dans les Evangiles nous voyons ces passions attribuées au Christ,
en qui furent la p1énitude el la source de la sagesse. La raison ensuite le montre; car si toutes
les passions étaient contraires à la vertu, il y aurait des puissances de
l’âme inutiles et même nuisibles à l’homme, parce qu’elles n’auraient pas
d’opérations qui lui conviennent; et alors les puissances d’agressivité et de
désir seraient données à l’homme en vain. 141. Aussi doit-on dire : Parfois
la colère est une vertu et parfois elle ne l’est pas. Elle peut en effet être
prise en trois sens différents. Premièrement elle consiste dans le seul
jugement de la raison, qui ne s’accompagne d’aucune émotion de l’âme; et
cette colère n’est pas à proprement parler une colère, mais c’est un
jugement. C’est ainsi que Dieu est dit irrité, quand il punit les méchants.
On lit en Michée (7, 9) : Je porterai la colère du Seigneur, parce que
j’ai péché contre lui. Deuxièmement la colère sert à désigner
une passion et celle-ci réside dans l’appétit sensitif. Et elle est double;
car parfois la raison lui commande et la maintient dans ses justes
limites; c’est ce qui arrive, lorsque quelqu’un s’irrite, quand il le doit,
et autant qu’il le doit, et pour un juste motif, etc. ; une telle colère est
alors un acte de vertu et on l’appelle zèle. Ce qui fait dire à Aristote : La
mansuétude ne consiste pas à ne s’irriter d’aucune manière. Ce genre de
colère n’est donc pas un péché. Quand cette passion de l’appétit sensitif qu’est la colère échappe au jugement de la raison, c’est un péché.142. Il y a également un troisième
genre de colère; celle-là échappe au jugement de la raison et elle est
toujours un péché; mais ce péché est soit véniel, soit mortel; et cette
différence de gravité vient de ce que ce à quoi incite à la colère est tantôt
véniel, tantôt mortel. A) Dans quels cas ce péché est mortel et dans quels cas il est véniel.143. Il y a deux sortes de péché
mortel : celui qui l’est par sa nature et celui qui l’est en
vertu des circonstances. Ainsi l’homicide est, de sa nature, un acte de péché
mortel, parce qu’il va directement contre un précepte divin. C’est pourquoi
le consentement à l’homicide est de sa nature également un péché mortel ;
parce que si un acte est mortel, le consentement à cet acte est aussi mortel.
Mais quelquefois le péché est mortel de sa nature et cependant le mouvement
de passion n’est pas un péché mortel, parce qu’il se produit sans le
consentement de la raison; si donc s’élève en nous un mouvement de
concupiscence, qui nous pousse à forniquer, et que nous n’y consentons pas,
il n’y a pas de péché mortel. Il en va de même pour la colère. Celle-ci en
effet est un mouvement pour se venger d’une injure; c’est en quoi consiste
proprement la colère. Si donc ce mouvement est si violent qu’il entraîne la
raison, c’est alors un péché mortel; cependant si la raison n’est pas
pervertie au point de donner son consentement, alors c’est un péché véniel.
Mais si le mouvement de colère n’est pas de sa nature un péché mortel, alors,
même si la raison y apporte son consentement, ce n’est pas un péché mortel. Ce que donc le Seigneur dit : Celui qui se
mettra en colère contre son frère mérite d’être condamné par le tribunal,
doit s’entendre du mouvement de vengeance qui porte à nuire au prochain
gravement et qui est un péché mortel, parce qu’il y a eu consentement. Gomme
il est dit dans l’Ecclésiaste (12, 14), Dieu fera rendre compte en son jugement de toutes les
fautes et de tout le bien et le mal qu’on aura fait. 144. La deuxième raison pour laquelle
nous ne devons pas nous laisser aller facilement à la colère, c’est que tout
homme aime la liberté et déteste la servitude. Or, l’homme en colère n’est
pas maître de soi. On lit en effet dans les Proverbes (27, 4) : Qui pourra
soutenir la violence de l’homme emporté; et (3) : La pierre est
lourde, le sable est pesant; mais la colère de l’insensé pèse encore plus
lourd que l’une et l’autre. B) il faut prendre garde à ne pas rester longtemps en colère.145. B) Deuxièmement on doit
prendre garde à ne pas rester en colère longtemps. Il est dit en effet (Ps.
4, 5) : Mettez-vous en colère et ne péchez pas et (Ephes. 4, 26) : Que le soleil ne se couche sur votre colère. Et le
Seigneur en donne la raison dans l’Evangile par ces paroles (Mt 5, 25-26) : Accordez-vous
au plus tôt avec votre adversaire, pendant que vous êtes en
chemin avec lui, de peur qu’il ne vous livre au juge et que vous ne soyez mis
en prison. Je vous dis en vérité que vous ne sortirez pas de
là, que vous n’ayez payé jusqu’à la dernière obole. C) il faut prendre garde que la colère ne s’aggrave en entrant dans le cœur.146. C) Troisièmement on doit
prendre garde que la colère ne s’aggrave. Et d’abord en entrant dans le cœur;
ce qui arrive, quand on en vient à haïr. Car ce en quoi diffèrent colère et
haine, c’est que la colère est subite, mais la haine est durable; et c’est
pourquoi celle-ci est un péché mortel. Saint Jean dit en effet (1 Jean 3, 15)
: Celui qui hait son frère est
un homicide. Et la raison en est qu’en se dépouillant de la charité, il
se tue lui-même et il tue, son frère. Saint Augustin écrit dans sa règle : «
Ou n’ayez aucun procès, ou si vous en avez, terminez-les le plus promptement
possible, de peur que votre colère ne grandisse au point de devenir de la
haine et qu’elle ne fasse d’un fétu de paille une poutre et ne vous rende
homicide. » On lit en effet dans les Proverbes (15, 18) : L’homme
coléreux provoque des querelles; et le patriarche Jacob dit dei ses fils,
Siméon et Levi (Gen. 49, 7) : Maudite soit leur fureur, parce qu’elle est
opiniâtre et maudite leur colère, parce qu’elle est inflexible. D) il faut éviter que la colère ne se manifeste par des injures ou des paroles orgueilleuses.147. D) Quatrièmement on doit
éviter que la colère ne se manifeste par des paroles, car on lit dans les
Proverbes (12, 16) : L’insensé montre aussitôt sa colère.
Et il peut la montrer de deux manières : par des injures, ou par des
paroles orgueilleuses. Au sujet des injures le Seigneur a dit (Mt 5,
22) : Quiconque dira à son frère : Fou! sera passible de la géhenne de
feu. Et quiconque lui dira : Raca ! sera passible du Conseil. Et
on lit dans les Proverbes (15, 1) : Une réponse douce rompt la colère et
une parole dure excite la fureur. E) Enfin il faut éviter que la colère ne se manifeste par des actes.148. E) Cinquièmement on doit
prendre garde que la colère ne se manifeste par des actes. Nous devons en
effet dans toutes nos actions observer deux points : accomplir la justice et
la miséricorde. Or la colère empêche l’une et l’autre. Car la colère de l’homme, dit saint Jacques (1,
20), n’accomplit pas la justice
de Dieu; en effet bien qu’il veuille l’accomplir, il ne le peut pas.
C’est pourquoi un certain philosophe a dit un jour à quelqu’un qui l’avait
offensé : « Je te punirais, si je n’étais pas irrité. » Et nous lisons
dans les Proverbes (27, 4) : La colère et la fureur qui éclate est sans miséricorde. Et dans la Genèse
(49. 6) : Dans leur fureur
Siméon et Levi tuèrent un homme.
149. C’est pourquoi le Christ non
seulement nous a enseigné à nous garder de l’homicide, mais aussi à éviter la
colère. Un bon médecin en effet non seulement enlève le mal qui se voit, mais
il arrache également la racine de la maladie pour éviter qu’elle ne revienne;
aussi veut-il que nous tenions éloignées de nous les causes des péchés et
donc de la colère, qui est la cause de l’homicide. |
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Articulus
8 [86735] De decem praeceptis, a. 8 tit. 1 De sexto praecepto. [86736] De decem
praeceptis, a. 8 tit. 2 Non moechaberis. Exod. XX, 14. |
Article 8 – Du sixième précepte de la loi.
"Vous ne commettrez pas d'adultère." |
DU SIXIEME PRÉCEPTE DE LA LOI – Tu ne commettras pas d’adultère. Ex 20,
14.
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[86737] De decem praeceptis, a. 8 Post prohibitionem homicidii prohibetur adulterium; et
congrue, quia vir et uxor sunt quasi unum corpus. Erunt inquit
dominus, Gen. II, 24, duo in carne una. Et ideo post iniuriam quae
infertur personae, nulla maior est quam illa quae infertur coniunctae.
Prohibetur autem adulterium uxori, et viro. Sed prius dicendum est de uxoris
adulterio, quia maius peccatum videtur committere. Committit autem tria
peccata gravia uxor moechando, quae insinuantur Eccli. XXIII, 32-34: mulier
omnis relinquens virum suum (...) primo in lege altissimi incredibilis fuit,
secundo virum suum dereliquit, tertio adulterio fornicata est, et ex alio
viro filios statuit sibi. Primo ergo peccat per incredulitatem, quia legi
incredibilis fit: dominus enim prohibuit adulterium. Item facit contra Dei
ordinationem, Matth. XIX, 6: quos Deus coniunxit, homo non separet.
Item contra Ecclesiae statuta, vel sacramentum. Fit enim matrimonium in facie
Ecclesiae; et ideo adducitur Deus quasi in testem et fideiussorem de servanda
fide: Mal. II, 14: dominus testificatus
est inter te et uxorem pubertatis tuae, quam tu despexisti. Ergo peccatur
contra legem, contra statutum et contra sacramentum Dei. Secundo peccat per proditionem,
quia derelinquit virum. Apostolus, I Cor. VII, 4: mulier sui corporis
potestatem non habet, sed vir: ideo etiam nec castitatem servare potest
sine consensu viri. Et ideo si moechatur, proditionem committit, dum seipsam
alteri tradit, sicut servus dans se alteri domino. Prov. II, 17: reliquit ducem pubertatis suae, et
pacti Dei sui oblita est. Tertio per furti commissionem, quia ex alieno
viro constituit sibi filios; et hoc maximum furtum est, quia totam
hereditatem dat alienis filiis. Et nota, quod ista deberet studere quod filii
intrarent religionem, vel aliquid aliud facerent, ita quod in bonis viri non
succederent. Est ergo mulier moechans, sacrilega, proditrix, furatrix. Viri
vero peccant non minus quam uxores, licet sibi quandoque blandiantur. Quod
patet ex tribus. Primo ex aequalitate quam habet; nam vir sui corporis
potestatem non habet, sed mulier, ut dicitur I Cor. VII, 4: et ideo
neuter potest aliquid facere sine alterius consensu quantum ad matrimonium.
Et ad hoc significandum Deus non de pede vel capite, sed de costa mulierem
formavit. Et ideo matrimonium nunquam statum perfectum habuit, nisi in lege
Christi: quia Iudaeus unus plures habebat uxores, sed uxor non plures viros;
et ideo non erat aequalitas. Secundo ex viri fortitudine; quia propria passio
mulierum est concupiscentia: I Petr. III, 7: viri similiter cohabitantes
secundum scientiam, quasi infirmiori vasculo muliebri impartientes honorem.
Et ideo si petis ab uxore quod tu non vis servare, frangis fidem. Tertio ex
eius auctoritate, quia vir est caput mulieris: unde mulieres non debent loqui
in Ecclesia, sed domi viros interrogare, ut dicitur I Cor. XIV. Est ergo vir
doctor mulieris; et ideo Deus praeceptum dedit viro. Magis autem peccat
sacerdos quam laicus, et episcopus quam sacerdos, si non servant quae debent,
quia docere alios ad ipsos pertinet. A simili, si vir moechatur, frangit
fidem non servando ea quae debet. Sed tamen uxores attendant ad id quod Christus
dicit, Matth. XXIII, 3: omnia
quaecumque dixerint vobis, servate et facite; secundum opera vero eorum
nolite facere. Non moechaberis. Sicut dictum est, Deus tam viris quam
mulieribus prohibuit adulterium. Sed sciendum, quod licet aliqui credant
adulterium esse peccatum, tamen non credunt simplicem fornicationem esse peccatum
mortale: contra quos apostolus, Hebr. XIII, 4: fornicatores enim et
adulteros iudicabit Deus; I Cor. VI, 9: nolite errare: neque
fornicarii (...), neque adulteri, neque molles, neque masculorum concubitores
regnum Dei possidebunt. A regno autem Dei non excluditur aliquis nisi per
peccatum mortale. Ergo est peccatum mortale. Sed forte dices: non est ratio
quare sit peccatum mortale; cum non detur corpus uxoris, sicut in adulterio.
Dico quod si non detur corpus uxoris, datur tamen corpus Christi, quod sibi
datum fuit, et consecratum in Baptismo. Si ergo nullus debet facere iniuriam
uxori, multo magis nec Christo. I Cor. VI, 15: nescitis quoniam corpora vestra
membra sunt Christi? Tollens ergo membra Christi, faciam membra meretricis?
Absit. Est ergo haeresis dicere, fornicationem simplicem non esse
peccatum mortale. Et ideo sciendum, quod in isto praecepto, non
moechaberis, prohibetur non solum adulterium, sed omnis carnalis
corruptio, praeter eam quae est matrimonii. Ulterius
autem sciendum, quod alii dicunt commixtionem viri et uxoris non esse sine
peccato; quod est haereticum. Apostolus, Hebr. XIII, 4: sit honorabile
connubium in omnibus, et torus immaculatus. Talis autem coniunctio
aliquando non solum sine peccato est, sed etiam est ad meritum vitae aeternae
habentibus caritatem; aliquando est cum peccato veniali; aliquando cum
mortali. Quando enim est cum intentione procreandae prolis, tunc est opus
virtutis; quando autem cum intentione reddendi debitum, tunc est etiam opus
iustitiae; quando autem est causa exercendae libidinis, tunc est cum veniali,
quando scilicet non excedit limites matrimonii. Quando autem excedit, ut
scilicet si posset, extenderet se ad aliam, tunc est mortale. Sciendum autem, quod
adulterium et fornicatio prohibentur propter multa. Primo enim perimit
animam. Prov. VI, 32: qui adulter est,
propter cordis inopiam perdet animam suam. Et dicit, propter cordis
inopiam, quod est quando caro dominatur spiritui. Secundo privat vita:
talis enim secundum legem debet mori, ut dicitur Lev. XX, et Deut. XXII. Et quod aliquando non puniatur
corporaliter, est in malum suum; quia poena corporalis, quae cum patientia
toleratur, est in remissionem peccatorum: punietur tamen postea in vita
futura. Tertio consumit substantiam suam: unde Luc. XV, de filio prodigo
dicitur, quod dissipavit substantiam suam vivendo luxuriose. Eccli. IX, 6: ne
des fornicariis animam tuam in ullo, ne perdas te et haereditatem tuam.
Quarto vilificat prolem. Sap. III, 16-17: filii adulterorum in
consummatione erunt, et ab iniquo toro semen exterminabitur; et si quidem
longae vitae erunt, in nihilum computabuntur, et sine honore. I Cor. VII,
14: alioquin filii vestri immundi essent, nunc autem sancti sunt.
Nunquam etiam habent honorem in Ecclesia, si clerici sine dedecore haberi possunt.
Quinto privat honore, et specialiter mulieres. Eccli. IX, 10: omnis mulier
quae est fornicaria, quasi stercus in via conculcabitur; et de viro
dicitur Prov. VI, 33: turpitudinem et ignominiam congregat sibi, et
opprobrium illius non delebitur. Gregorius etiam dicit, quod peccata
carnalia sunt maioris infamiae et minoris culpae quam spiritualia. Et ratio
huius est, quia est commune cum bestiis. Psal. XLVIII, 21: homo, cum in
honore esset, non intellexit: comparatus est iumentis insipientibus, et similis
factus est illis. |
117. Du sixième précepte de la loi. "Vous ne commettrez pas d'adultère." Après
avoir défendu le meurtre, le législateur suprême nous défend l'adultère. Ce
précepte est à sa place. L'homme et la femme deviennent, grâce au mariage, un
seul et même corps. Dieu a dit: "Ils ne formeront à eux deux qu'une
seule et même chair. "Après le meurtrier, qui attaque le prochain
dans sa personne et dans sa vie, l'ennemi le plus dangereux pour l'homme
c'est le libertin, qui l'attaque dans la personne et dans l'honneur de celle
qui est la moitié de lui-même. L'adultère est également défendu à l'époux et
à l'épouse. Cependant il est bon de le considérer en premier lieu par rapport
à l'épouse, parce que ce crime semble plus grand quand c'est elle qui le commet.
L'épouse adultère est coupable de trois fautes très graves qui sont ainsi
indiquées par l'Ecclésiastique: "Toute femme qui abandonne son mari
est trois fois coupable: d'abord elle a été incrédule à la loi du Très-Haut,
ensuite elle a trahi sa foi, enfin elle s'est donnée à un autre." 118. Elle pèche donc
par incrédulité, et cela de plusieurs manières. Elle n'a pas cru à la parole
du Seigneur, qui a défendu l'adultère; elle agit contre l'ordre de Dieu, qui
veut que l'union de l'homme et de la femme soit indissoluble; elle agit
contre les statuts de l'Église, qui a béni son mariage; elle viole le serment
qu'elle a prononcé a la face du ciel et en prenant Dieu pour témoin et pour
garant de la foi jurée. "Le Seigneur, dit le prophète, a été
témoin entre toi et l'épouse de ta jeunesse, laquelle tu as méprisée." Ainsi
elle pèche par incrédulité en agissant contre la loi divine, contre les
statuts de l'Eglise et contre la sainteté d'un sacrement établi par Dieu
lui-même. 119. Elle pèche
ensuite par trahison, parce qu'elle a abandonné son époux. "La femme,
dit l'Apôtre, n'est pas maîtresse de sa personne; c'est son mari qui
en est le maître." Aussi ne lui est-il pas même permis de garder la
continence sans le consentement de celui qui a tout pouvoir sur sa personne.
Si donc elle devient adultère, elle se rend coupable de trahison en se
donnant à un autre, comme le serviteur infidèle qui se donne à un nouveau
maître. "Elle a abandonné le guide de sa jeunesse, elle a oublié le
pacte qui la liait à lui." 120. Enfin elle pèche
par larcin, car elle introduit sous le toit conjugal les enfants d'un
étranger, elle leur livre tout l'héritage paternel, et c'est un vol qu'elle
fait à ses enfants légitimes. Une femme adultère devrait au moins, pour
diminuer l'énormité de sa faute, vouer à l'état religieux les fruits d'un
amour criminel, et faire en sorte qu'ils n'aient point de part à la
succession de son mari. Ainsi donc la femme adultère est coupable de
sacrilège, de trahison et de vol. 121. L'époux adultère
n'est pas moins coupable, bien qu'il soit souvent indulgent pour ses propres
faiblesses; il n'est pas moins coupable, dis-je, et cela par trois raisons
principales. 122. Première raison.
La femme a sur lui les mêmes droits que lui sur la femme. "Le mari,
dit saint Paul, n'est point maître de sa personne; c'est la femme qui en
est la maîtresse." Ainsi, comme époux, l'homme et la femme sont dans
une dépendance mutuelle vis-à-vis l'un de l'autre, et les devoirs du mariage
sont les mêmes pour tous deux. Ce fut pour marquer cette dépendance mutuelle
des époux que Dieu forma la femme de l'une des côtes de l'homme et non de
toute autre partie du corps humain. Le mariage n'a été ce qu'il doit être que
depuis la promulgation de la loi chrétienne. Chez les Juifs, il était permis
à un homme d'avoir plusieurs femmes; mais il ne l'était pas à une femme
d'avoir plusieurs maris. Il n'y avait donc pas égalité de droits et de
devoirs entre l'époux et l'épouse. 123. Seconde raison.
La force est l'attribut de l'homme, et la faiblesse celui de la femme. La
passion, pour ainsi dire, propre à la femme, c'est l'amour; la fragilité de
ce sexe est donc une sorte d'excuse à ses fautes, et le mari qui exige de sa
femme une fidélité qu'il ne veut point garder lui-même est un tyran injuste. 124. Troisième
raison. L'homme a autorité sur la femme, il en est le chef. Aussi les femmes
doivent-elles, suivant le précepte de l'Apôtre, garder un silence respectueux
dans les églises, et se contenter de questionner leurs maris sous le toit
conjugal. L'homme a donc mission de guider la femme, de l'éclairer de ses
lumières; et voilà pourquoi c'est à lui que Dieu a donné ses préceptes et ses
lois. Or le mépris des lois et des préceptes de Dieu est plus coupable dans
un prêtre que dans un laïque, plus coupable dans un évêque que dans un simple
prêtre. Car les ministres de la religion ont mission d'instruire les autres
hommes, et cette mission est un devoir plus rigoureux pour ceux qui sont plus
haut placés dans la hiérarchie ecclésiastique. De même, l'époux étant le guide
et le chef de l'épouse, il est plus coupable qu'elle de fouler aux pieds la
sainteté du mariage en commettant un adultère. Cependant, que les épouses
n'oublient point le précepte que Jésus-Christ leur a donné: "Femmes,
obéissez à vos maris; faites ce qu'ils vous ordonneront; mais gardez-vous de
suivre leurs mauvais exemples." 125. "Vous ne
commettrez pas d'adultère." Nous
avons dit que ce précepte regarde l'époux aussi bien que l'épouse. Ajoutons
que certaines gens, tout en avouant que l'adultère est un crime, ne croient
point que la simple fornication soit un péché mortel. Mais cette doctrine est
renversée par ces paroles de saint Paul: "Dieu jugera les
fornicateurs et les adultères;" et par cet autre passage du même
Apôtre: "Ne vous y trompez pas, ni les fornicateurs, ni les
adultères, ni les libertins, n'entreront dans le royaume de Dieu." Or,
la seule chose qui puisse fermer à l'homme l'entrée du royaume céleste, c'est
un péché mortel. Par conséquent, la simple fornication est un péché mortel.
Mais, direz-vous, comment la simple fornication peut-elle être un péché
mortel, puisqu'elle ne souille point comme l'adultère le corps d'une épouse?
Je réponds à cela que si elle ne souille point le corps d'une épouse, elle
souille le corps de Jésus-Christ, puisque notre corps à tous devient celui de
Jésus-Christ qui prend possession de nous au moment du baptême. Si c'est un
crime de déshonorer l'épouse de son prochain, c'en est un bien plus grand
d'outrager le Christ lui-même. "Ne savez-vous pas, dit saint Paul
aux fidèles, que votre corps est le corps de Jésus-Christ, que vos membres
sont ses membres? Pourriez-vous donc faire des membres du Christ les membres
d'une vile prostituée, en les souillant par la fornication? Loin de vous un
pareil péché." 126. C'est donc une
hérésie de croire que la simple fornication n'est pas un péché mortel. Disons
à ce sujet que le précepte qui nous occupe, si nous l'interprétons dans son
sens véritable et complet, ne défend pas seulement l'adultère, mais encore
tous les plaisirs charnels, excepté ceux que le mariage a légitimés. Ajoutons
que, suivant certaines gens, l'union des sexes dans le mariage n'est jamais
par elle-même exempte de péché; mais cette doctrine est encore une hérésie.
"Le mariage est respectable, dit l'Apôtre, et la couche nuptiale sans
tache." Quelquefois l'union des sexes dans le mariage est si loin
d'être un péché qu'elle est une œuvre méritoire; c'est ce qui arrive quand
les époux ont la charité. En effet, lorsqu'elle est accompagnée de
l'intention d'augmenter le nombre des créatures de Dieu en procréant des
enfants, elle prend le caractère d'un acte de vertu; lorsqu'elle est
accompagnée de l'intention de remplir un devoir, d'obéir à un droit, elle
conserve encore le caractère d'un acte de justice. Cependant elle peut
devenir selon les circonstances ou un péché véniel, ou un péché mortel.
Lorsqu'elle n'a d'autre but que de satisfaire les appétits grossiers de la
chair, mais sans dégénérer en libertinage, elle a le caractère de péché
véniel; lorsqu'elle dépasse les besoins de la nature et les limites sévères
du mariage, elle prend le caractère du pèche mortel. Disons maintenant
pourquoi la fornication et l'adultère sont défendus. Il y a plusieurs motifs
à cette défense. 127. Premier motif.
Le libertinage perd l'âme. "L'époux adultère, dit l'auteur des
Proverbes, perd son âme, à cause de la faiblesse de son cœur." Cette
expression, la faiblesse de son cœur, signifie la lâche complaisance que
l'esprit a pour la chair. 128. Second motif. Le
libertinage mérite la mort. "L'époux adultère doit mourir," suivant
le précepte de la loi mosaïque. Il peut échapper au châtiment dans cette vie;
mais cette impunité est un malheur pour lui; car les châtiments endurés avec
résignation sur la terre obtiennent au coupable la rémission de ses fautes.
Cette impunité, d'ailleurs, ne sera pas de longue durée; et s'il a pu se
soustraire à la justice humaine, il n'évitera pas la justice divine. 129. Troisième motif.
Le libertinage est une cause de ruine. Ainsi l'enfant prodigue dont il est
parlé dans l'Évangile dissipa tout son patrimoine, en vivant dans le désordre
et dans la débauche. "Ne vous livrez pas aux voluptés des sens, dit
l'Ecclésiastique, de peur de perdre à la fois votre fortune et votre
âme." 130. Quatrième motif.
Le libertinage avilit jusqu'aux innocentes victimes qui ont puisé la vie à
cette source impure. "Les fruits de l'adultère ne prospéreront pas,
dit Salomon, et les enfants de l'étranger seront chassés de la demeure de
l'époux. S'ils vivent et grandissent, la tache de leur naissance restera
ineffaçable sur leur front, et leur vieillesse languira méprisée jusqu'à leur
dernier jour." Jamais un bâtard n'est élevé aux dignités
ecclésiastiques, et c'est tout au plus si l'on peut, sans honte pour
l'Église, le laisser au dernier degré de la cléricature. 131. Cinquième motif.
Le libertinage est un déshonneur pour ceux qui s'en rendent coupables, et
surtout pour les femmes. "La réputation d'une femme souillée par le
vice n'est plus qu'un lambeau déchiré, flétri et foulé aux pieds sur le grand
chemin." Quant à l'homme, il se couvre de honte et d'ignominie, et
rien ne peut effacer son opprobre. Saint Grégoire dit que les péchés de la
chair sont plus infâmes et moins condamnables que les péchés de l'esprit.
Pourquoi cela? C'est qu'ils nous ravalent au rang des brutes, et que l'homme,
dans cet état d'abjection, mérite plus de mépris que de blâme. "L'homme
était le roi de la terre; mais il n'a pas compris sa haute destinée, il est
descendu au niveau des créatures soumises à son empire, et il est devenu
semblable aux animaux qu'il était appelé à gouverner." |
150. Après avoir interdit
l’homicide, Dieu interdit l’adultère; et c’est juste, car le mari et sa femme
sont comme un seul corps. Ils seront, dit le Seigneur (Gen. 2, 24), deux
dans une seule chair. C’est pourquoi après l’injure infligée à une personne,
il n’y en a pas de plus grande que celle infligée à son conjoint. L’adultère est interdit à l’épouse et à l’époux. A)
Mais il faut parler d’abord de l’adultère de l’épouse, car celle-ci semble
commettre un plus grand péché. L’épouse adultère est coupable de sacrilège, de trahison et de vol.151. L’épouse, en commettant l’adultère, fait trois
péchés graves. L’Ecclésiastique les insinue, quand il dit (23, 32-34) :
Toute femme qui abandonne son mari... premièrement est infidèle à la loi du
Très-Haut, deuxièmement elle a péché contre son mari, troisièmement elle
s’est souillée par l’adultère et elle s’est donné des fils d’un autre que de
son mari. Premièrement donc elle pèche par
infidélité, car elle se rend infidèle à la loi; Dieu en effet défend
l’adultère. En outre elle agit contre le décret de Dieu, qui dit (Mt
19, 6) : Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a joint. De même
elle pèche contre les statuts de l’Eglise et contre le sacrement. Le mariage
en effet s’accomplit en présence de l’Eglise; et c’est pourquoi Dieu en
quelque sorte est pris comme témoin et garant de la foi jurée. On lit en
effet en Malachie (2, 14) : Dieu est témoin entre toi et la femme de ta
jeunesse, que tu as méprisée. La femme adultère pèche donc contre la loi,
contre le décret de l’Eglise et contre le sacrement de Dieu. 152. En second lieu, elle pèche par trahison,
parce qu’elle abandonne son mari. L’Apôtre dit (1 Co 7, 4) : La femme n’a pas son corps en son pouvoir, mais
le mari. Aussi ne peut-elle même pas, sans le consentement de son mari,
garder la chasteté. C’est pourquoi, si elle commet un adultère, elle
accomplit une trahison, en se livrant elle-même à un autre, à l’exemple de
l’esclave qui se donne à un autre maître. Elle a abandonné le guide de
sa jeunesse, disent les Proverbes (2, 17-18), et elle a oublié
l’alliance de son Dieu. 153. En troisième lieu elle commet un vol, parce
qu’elle se donne des enfants d’un homme étranger ; et c’est le plus grand des
vols, parce qu’elle donne tout l’héritage à des enfants étrangers. Et notez-le, une telle femme devrait favoriser
l’entrée en religion de ses fils ou les inciter à faire quelque autre chose,
afin qu’ils n’héritent pas des biens de son mari. Pour conclure nous dirons : La femme adultère est
coupable de sacrilège, de trahison et de vol. Des trois preuves qui montrent que les époux adultères ne sont pas moins coupables que les épouses adultères.154. B) Les époux adultères en vérité ne
sont pas moins coupables que les épouses adultères, bien que parfois ils se
fassent illusion. Trois preuves le démontrent clairement. La première est basée sur l’égalité qui
existe entre les époux; car, lui non plus, le mari, dit saint Paul (1
Co 7, 4), n’a pas en son pouvoir son corps, mais sa femme; c’est pourquoi, dans le domaine du mariage,
ni l’un ni l’autre ne peut faire quelque chose sans le consentement de
l’autre. Et pour signifier cet état de choses, Dieu n’a pas formé la femme à
partir d’un pied de l’homme ou de sa tête, mais d’une de ses côtes. Aussi le
mariage n’eut jamais un statut parfait, si ce n’est dans la loi du Christ;
car un seul Juif avait plusieurs épouses, mais l’épouse n’avait pas plusieurs
maris; il n’y avait donc pas alors d’égalité. 155. La seconde preuve est
basée sur la force de l’homme; car la passion propre des femmes, c’est la
concupiscence. Vous, maris, dit en effet saint Pierre (1 Jean 3, 7), comportez-vous
avec sagesse à l’égard de vos femmes, comme étant
des êtres plus faibles, les traitant avec honneur. C’est pourquoi si vous
demandez de votre épouse ce que vous ne voulez pas observer, vous rompez
votre fidélité. 156. La troisième preuve
est basée, sur l’autorité du mari; celui-ci est en effet le chef de la femme;
c’est pourquoi les femmes ne doivent pas parler dans l’Eglise, mais
interroger leur mari dans leur demeure, comme le dit saint Paul (1 Cor. 14,
34-35). C’est donc le mari qui instruit sa femme; aussi est-ce à l’homme que
Dieu donna son précepte. Or le prêtre pèche plus que le laïque, et l’évêque
plus que le prêtre, s’ils n’observent pas ce qu’ils doivent, parce qu’il leur
appartient d’enseigner les autres. Pareillement, Si le mari commet un
adultère, il brise la fidélité conjugale, n’observant pas ce qu’il doit. Mais toutefois que les épouses, soient attentives à ces paroles du Christ
(Mt 23, 3) : Faites donc et observez tout ce qu’ils vous diront, mais ne
vous réglez pas sur leurs actes. La fornication est un péché mortel.157. Tu ne commettras pas d’adultère. Comme il a été dit, Dieu défend l’adultère aux
hommes comme aux femmes. Mais il faut le savoir : bien gue certains croient
que l’adultère est un péché mortel, toutefois ils ne croient pas que la
simple fornication en soit un. C’est contre eux que l’Apôtre dit (Heb. 13, 4)
: Dieu condamnera les fornicateurs et les adultères; et (1 Cor. 6,
9-10) : Ne vous y trompez pas : ni les fornicateurs... ni les adultères,
ni les dépravés, ni les gens de mœurs infâmes..., ne possèderont le royaume
de Dieu. Or personne n’est exclu du royaume de Dieu, si ce n’est par le
péché mortel. La fornication est donc un péché mortel. 158. Mais peut-être direz-vous :
il n’y a pas de raison que la fornication soit un péché mortel, puisque, par
cet acte, on ne donne pas, comme dans l’adultère, un corps, propriété d’une
épouse. Je réponds : Si on ne donne pas un corps propriété d’une épouse,
toutefois on donne un corps, propriété du Christ, puisqu’il lui a été donné
et consacré au baptême. Si donc personne ne doit commettre d’injustice envers
son épouse, à plus forte raison ne doit-on pas en commettre contre le Christ.
Ne savez-vous pas, dit en
effet saint Paul (l Cor. 6, 15), que vos corps sont les membres du Christ? Enlèverai-je donc au
Christ ses membres pour en faire
des membres de Prostituée ? A Dieu
ne plaise. C’est donc une erreur de dire : La simple fornication n’est
pas un péché mortel. 159. Aussi convient-il de savoir
que ce précepte : Tu ne
commettras pas d’adultère, défend non seulement l’adultère, mais encore
tout acte sexuel, en dehors de celui qui s’accomplit dans le mariage. L’union des époux accomplie avec l’intention de donner au monde l’enfant est un acte de vertu...160. Il convient en outre de savoir que
certains disent : L’union de l’homme et de la femme ne se fait pas sans
péché; ce qui est une doctrine hérétique; car l’Apôtre a dit (Heb. 13, 4) : Que
le mariage soit honoré en toutes
choses et que le lit nuptial soit sans tache. Or cette union non
seulement se fait quelquefois sans péché, mais pour Ceux qui ont la
charité, elle est méritoire de la vie éternelle; cependant quelquefois
elle se réalise avec un péché véniel et quelquefois avec un mortel. Lorsque, en effet, elle s’accomplit avec
l’intention de donner au monde un enfant, c’est un acte de vertu; lorsqu’elle
se fait avec l’intention de donner au conjoint ce qui lui est dû, c’est une
œuvre de justice; mais lorsqu’elle se réalise pour assouvir un désir
charnel, elle s’accompagne d’un péché véniel, si elle n’excède pas les
limites du mariage; et quand elle les dépasse en sorte que, si le mari
le pouvait, il s’unirait à une autre femme, alors c’est un péché mortel. Des cinq motifs pour lesquels adultère et fornication sont défendus.161. Il faut savoir que l’adultère et
la fornication sont défendus pour bien des motifs. Premièrement en effet ils donnent la mort
à l’âme; car, disent les Proverbes (6, 32), Celui qui est adultère, perdra son âme par légèreté de cœur; par légèreté
de cœur, c’est-à-dire, parce que la chair domine en lui l’esprit. Deuxièmement l’adultère fait perdre
la vie; car celui qui commet l’adultère, selon la loi, doit mourir, comme il
est écrit dans le Lévitique (20, 10) et le Deutéronome (22, 22). Et s’il
n’est pas puni corporellement, c’est pour son malheur; en effet, la peine
corporelle, supportée avec patience, remet les péchés; mais il, sera puni
ensuite dans la vie future. Troisièmement celui qui s’adonne à ces
péchés dissipe ses biens ; ainsi il est dit du fils prodigue de l’Evangile
(Lc. 15, 13), qu’il dissipa ses biens en menant une vie de débauché. Et on lit
dans l’Ecclésiastique (9, 6) : N’abandonnez en aucune sorte votre âme
aux prostituées, de peur que vous ne vous perdiez, vous et votre héritage. Quatrièmement la personne adultère fait peu de cas de ses enfants.
Les enfants des adultères, dit
la Sagesse (3, 16-17), seront détruits et la race issue d’une souche
criminelle sera exterminée ; toutefois même s’ils vivent longtemps, ils
seront comptés pour rien et traités sans honneur. Aussi
n’ont-ils jamais de charge dans l’Eglise, encore qu’ils peuvent sans déshonneur
y être clercs. Cinquièmement l’adultère déshonore, et
surtout les femmes; car, dit l’Ecclésiastique (9, 10), toute femme
prostituée est semblable à une ordure que l’on foule aux pieds dans le
chemin; et de l’homme adultère il est dit (Prov. 6, 33) : il rassemble sur
lui la turpitude et l’ignominie et son opprobre ne s’effacera pas. Saint
Grégoire dit également que les péchés de la chair sont plus infâmants,
mais moins graves que ceux de l’esprit. Et la raison en est que cet acte
charnel nous est commun avec les bêtes. Comme le dit le Psaume 48 (21) : L’homme, lorsqu’il était en
honneur, s’est montré sans intelligence; On l’a comparé aux bêtes sans raison
et il leur est devenu semblable. |
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Articulus
9 [86738] De decem praeceptis, a. 9 tit. 1 De septimo praecepto. [86739] De decem
praeceptis, a. 9 tit. 2 Non furtum facies. Exod. XX, 15. |
Article 9 – Du septième précepte de la loi.
"Vous ne volerez pas." |
DU
SEPTIEME PRÉCEPTE DE LA LOI – Tu ne voleras pas. Ex 20, 15.
|
||
[86740] De decem praeceptis, a. 9 Dominus prohibuit principaliter in lege sua iniuriam
proximi: et primo iniuriam in propriam personam, ibi, non occides;
secundo in persona coniuncta, ibi, non moechaberis; tertio in rebus,
hic, non furtum facies. Et sciendum, quod in hoc praecepto prohibetur omne
male ablatum. Committitur enim furtum
multis modis. Primo occulte accipiendo. Matth. XXIV, 43: si sciret
paterfamilias qua hora fur venturus esset: et hoc vituperabile est, quia
est proditio quaedam. Eccli. V, 17: super furem enim est confusio.
Secundo violenter auferendo: et haec est maior iniuria. Iob XXIV, 9: vim
fecerunt depraedantes pupillos. Inter istos sunt mali principes et reges.
Sophon. III, 3: principes eius in medio eius quasi leones rugientes;
iudices eius lupi vespere, non relinquebant in mane. Isti enim faciunt
contra intentionem domini volentis iustum regnum, et dicentis, Prov. VIII,
15: per me reges regnant, et legum conditores iusta decernunt. Et
aliquando talia faciunt per modum furti, aliquando per violentiam. Isai. I,
23: principes tui infideles, socii furum: omnes diligunt munera, sequuntur
retributionem. Aliquando condendo leges, et statuendo ad lucrandum
tantum. Isai. X, 1: vae qui condunt leges iniquas; et Augustinus
dicit, quod omnis mala dominatio furtum est: unde dicit: quid regna, nisi
latrocinia? Tertio mercedem non solvendo. Lev. XIX, 13: non morabitur
opus mercenarii tui apud te usque mane. Et hoc intelligitur quod homo
cuilibet dare debet quod suum est, sive principi, sive praelato, sive clerico
et cetera. Rom. XIII, 7: reddite ergo omnibus debita: cui tributum,
tributum; cui vectigal, vectigal. Tenemur enim regibus
custodientibus pacem nostram dare mercedem. Quarto fraudem in mercationibus
committendo: unde dicitur Deut. XXV, 13: non habebis in sacculo diversa
pondera; et Lev. XIX, 35-36: nolite facere iniquum aliquid in iudicio,
in regula, in pondere, in mensura. Statera
iusta, et aequa sint pondera, iustus modius, aequusque sextarius; Prov. XX, 23: abominatio est apud Deum pondus et
pondus: statera dolosa non est bona. Hoc est etiam contra caupones, qui
miscent aquam vino. In hoc etiam prohibetur usura. Psal. XIV, 1: quis
habitavit in tabernaculo tuo, aut quis requiescet in monte sancto tuo? Et
postea, 5: qui pecuniam suam non dedit ad usuram. Hoc est etiam contra
campsores, qui multas falsitates committunt, et contra venditores pannorum et
aliarum rerum. Sed dices forsitan: quare non possum dare pecuniam sicut equum
vel domum? Dicendum, quod in illis est peccatum quae bis venduntur. In domo
autem sunt duo: scilicet substantia et usus. Aliud autem est habere domum, et
aliud uti domo: unde separatim possum usum vendere sine domus venditione; et
ita in omnibus huiusmodi. Unde si aliqua sunt quae consistant in ipso usu
tantum, et usus eorum est distractio, non potest fieri id quod de domo.
Denariis enim utimur distrahendo, et frumento consumendo: et ideo si usum
vendis, bis vendis. Quinto dignitates emendo, sive temporales, sive
spirituales. De primo, Iob XX, 15: divitias quas devoravit, evomet et de
ventre illius extrahet eas Deus. Omnes enim tyranni, qui vi tenent regna
vel provinciam vel feudum, fures sunt, et omnes tenentur ad restitutionem. De
secundo Ioan. X, 1: amen amen dico vobis: qui non intrat per ostium in
ovile ovium, sed ascendit aliunde, ille fur est et latro; et ideo
simoniaci fures sunt. Non furtum facies. Hoc praeceptum, sicut dictum
est, prohibet omne male ablatum. Et debent
nos inducere multae rationes ad hoc cavendum. Prima sumitur ex gravitate.
Assimilatur enim hoc peccatum homicidio. Eccli. XXXIV, 25: panis egentium,
vita pauperis est: qui defraudat illum, vir sanguinis est; et iterum,
ibidem 27: qui effundit sanguinem, et qui fraudem facit mercenario,
fratres sunt. Secunda ex periculi qualitate. Nullum enim peccatum est ita
periculosum. Nullum enim peccatum remittitur sine satisfactione et
poenitentia. De omnibus cito poenitet quis; sicut patet de homicidio,
cessante ira; ita et de fornicatione, cessante passione concupiscentiae, et
sic de aliis. De hoc autem peccato licet aliquando poeniteat quis, non tamen
de facili satisfacit; et maxime cum non solum teneatur ad id quod accepit,
sed etiam de damno quod fecit patrono ex hoc; et cum hoc etiam tenetur facere
poenitentiam de peccato. Ideo dicitur Habac. II, 6: vae ei qui multiplicat
non sua. Usquequo et aggravat contra se densum lutum? Densum lutum dicit,
quod non de facili homo egreditur. Tertio ex talium inutilitate. Non enim
sunt utilia, neque spiritualiter, Prov. X, 2: nil proderunt thesauri
impietatis: divitiae enim spiritualiter prosunt ad eleemosynas et
sacrificia: Prov. XIII, 8: redemptio animae viri divitiae suae; sed de
non propriis dicitur, Isai. LXI, 8: ego dominus diligens iudicium, et odio
habens rapinam in holocaustum; Eccli. XXXIV, 24: qui offert
sacrificium ex substantia pauperum, quasi qui victimat filium in conspectu
patris sui; nec temporaliter, quia parum durant. Habac. II, 9: vae qui
congregat avaritiam in malum domui suae (...) et liberari se putat de manu
mali. Prov. XXVIII, 8: qui coacervat divitias usuris, et fenore
liberali in pauperes congregat eas. Prov. XIII, 22: custoditur iusto
substantia peccatoris. Quarto ex nocumenti singularitate: faciunt enim
perdere alia: sunt enim sicut ignis paleis commixtus. Iob XV, 34: ignis
devoravit tabernacula eorum qui munera libenter accipiunt. Scias insuper,
quod talis non solum suam amittit animam, sed etiam filiorum, quia illi
tenentur reddere. |
132. Du septième précepte de la loi. "Vous ne volerez pas." Le législateur suprême nous a sur toutes choses
imposé la loi de ne point nuire à notre prochain. Il nous a défendu d'abord
de l'attaquer dans sa personne: "Vous ne tuerez pas," tel
est le premier article de la loi. Il nous a défendu ensuite de l'attaquer
dans la personne qui le touche de plus près et qui est la moitié de lui-même:
"Vous ne commettrez pas d'adultère;" tel est le second
article de la loi. Puis il nous a défendu de l'attaquer dans ses biens: "Vous
ne volerez pas;" tel est le troisième article de la loi. Disons que
ce dernier article concerne tout mode injuste d'acquisition. Il y a plusieurs
manières de dérober. 133. Premièrement, on
dérobe quand on s'empare en secret de ce qui appartient à autrui: "Si
le père de famille savait à quelle heure le larron doit venir, etc."
Cette manière de dérober est aussi lâche que coupable, c'est une espèce de
trahison: "Honte à celui dont la main furtive ravit ce qui ne lui
appartient pas " 134. Secondement, on
dérobe en enlevant ouvertement et par la violence ce qu'on veut posséder. Ce
genre de vol est aussi criminel qu'audacieux, et le nom de brigands flétrit
ceux qui le commettent. Ce nom convient aussi aux mauvais princes et aux
mauvais rois. Un prophète les a comparés à "des lions qui cherchent
leur proie en rugissant;" et certes ils méritent plus le titre de
brigands et de tigres que celui de princes et de rois; car ils font asseoir
avec eux le crime sur ce trône où Dieu leur commande de faire asseoir la
justice; ils se révoltent contre le souverain des cieux, par la puissance
duquel ils régnent et gouvernent. Ils emploient tantôt la ruse, tantôt la
force, tantôt l'autorité des lois pour dépouiller leurs sujets. "Malheur
aux monarques qui font des lois injustes!" dit Isaïe. Saint Augustin
dit aussi que tout impôt qui n'est pas commandé par la justice est un vol
fait aux peuples, et il ajoute: "Qu'est-ce que la royauté, sinon un
brigandage?" 135. Troisièmement,
on dérobe en ne rendant pas à chacun ce qui lui est dû. Ainsi c'est commettre
un vol que de ne pas payer le travail du mercenaire, de ne pas donner à un
prince, à un prélat, à un simple clerc ce qu'on est tenu de lui donner. "Rendez
à chacun ce qui lui est dû, dit saint Paul; payez le tribut et l'impôt
à qui de droit." Nous devons une récompense aux rois qui veillent à
notre tranquillité et à notre bonheur. 136. Quatrièmement,
on dérobe en commettant une fraude dans le commerce, et c'est pourquoi il est
dit dans le Deutéronome: "Vous ne vous servirez pas de poids
différents," et dans le Lévitique: "ne commettez pas de
fraude dans les jugements, dans les poids et dans les mesures; que vos balances
soient justes ainsi que vos poids, vos boisseaux et vos septiers." -
"Le Seigneur déteste les faux poids et les fausses balances,"
dit l'auteur des Proverbes. Le précepte qui défend à l'homme de dérober le
bien d'autrui et la condamnation de ces cabaretiers avides de gain qui
falsifient les boissons qu'ils vendent; il est aussi la condamnation des
usuriers. "Seigneur, dit le Psalmiste, qui entrera dans vos
tabernacles, etc.? celui qui n'aura point prêté à usure." Il est
enfin la condamnation de tous ceux qui se livrent à un trafic injuste et
frauduleux. Mais, dira-t-on, pourquoi ne vendrait-on pas l'usage de l'argent
comme on vend celui d'un cheval ou d'une maison? Je réponds d'abord qu'il
n'est pas permis de vendre deux fois le même objet. Or dans une maison il y a
deux choses à considérer, l'usage et la propriété. Ces deux choses sont bien
différentes, et je puis vendre l'usage sans vendre la propriété; il en est de
même de tous les objets de commerce qui donnent lieu à une distinction
semblable: mais il est des objets dont toute la valeur est dans l'usage qu'on
en fait. On ne peut donc en vendre séparément l'usage et la propriété, comme
on peut le faire d'une maison. Ainsi l'argent n'a de valeur qu'autant qu'il
sert à nos dépenses et circule dans le commerce; le blé n'a de valeur
qu'autant qu'il sert à notre nourriture; par conséquent, vendre séparément
l'usage et la propriété de ces objets, c'est vendre deux fois la même chose,
puisque ces objets n'ont d'autre prix que celui qui est attaché à leur jouissance. 137. Cinquièmement,
on dérobe en achetant soit les dignités temporelles, soit les dignités
spirituelles. Pour ce qui concerne les dignités temporelles, Job a dit: "L'ambitieux
vomira les richesses qu'il a dévorées et Dieu les lui arrachera du ventre."
Toute usurpation, soit d'un royaume, soit d'une province, soit d'un fief est
un vol, et les usurpateurs sont tenus de rendre à qui de droit ce qu'ils ont
acquis par la violence et l'injustice. Pour ce qui concerne les dignités
temporelles, nous lisons dans l'Évangile: "En vérité, en vérité, je
vous le dis, quiconque n'entre point par la porte dans la bergerie est un
larron et un voleur." Par conséquent, la simonie est un vol. 138. "Vous ne volerez pas." Ce précepte, ainsi que nous
l'avons dit, défend toute espèce d'acquisition injuste, et bien des raisons
nous engagent à l'observer. 130. La première,
c'est la gravité de la faute qu'il condamne, car cette faute est assimilée au
meurtre. "Le pain de l'indigence est la vie du pauvre; quiconque le
lui arrache est un homme de sang." - "Celui qui verse le sang de
son prochain et celui qui retient à l'ouvrier le prix de son travail sont
frères." 140. La seconde,
c'est la grandeur du danger qui accompagne une pareille faute. Il n'est point
de péché qui soit aussi dangereux que le vol. En effet, nul péché n'obtient
de pardon avant que le coupable n'ait fait réparation et ne se soit repenti.
Or on se repent bien vite de tous les autres péchés, par exemple, du meurtre,
quand la colère est apaisée; de la fornication, quand les feux de la
concupiscence sont éteints; mais pour le vol, bien qu'on puisse quelquefois
s'en repentir, on ne fait pas aisément réparation; on n'est pas seulement
obligé de rendre ce qu'on a dérobé, mais encore de réparer le dommage qui
peut résulter du vol outre le vol lui-même. Voilà pourquoi il est dit dans
l'Écriture sainte: "Malheur à celui qui amasse des richesses
injustement acquises! Jusques à quand entassera-t-il autour de lui une boue
épaisse?" Cette boue épaisse exprime les embarras qui l'environnent
et qui seront un obstacle à la réparation de sa faute. 142. La troisième
raison qui doit détourner l'homme du vol, c'est l'inutilité des biens mal
acquis; ils ne servent à rien sous le point de vue spirituel: "Les
trésors de l'impie, dit l'auteur des Proverbes, ne lui profiteront
pas. "En effet, les richesses, sous le point de vue spirituel,
doivent être employées au soulagement des malheureux et à des œuvres pieuses;
mais ces œuvres pieuses sont sans mérite quand elles proviennent d'une source
corrompue. "J'aime la justice, dit le Seigneur, et je déteste
la rapine offerte en holocauste." - "Celui qui offre en sacrifice à
Dieu la substance des pauvres ressemble à celui qui immole les enfants en
présence du père. "Ces biens ne sont pas plus profitables sous le
point de vue temporel, car ils durent peu. "Malheur à celui qui
amasse des richesses et qui croit échapper aux coups de l'adversité!"
- "Celui qui entasse des monceaux d'or qui sont le fruit de l'usure
verra passer ses trésors entre les mains des pauvres; la fortune du pécheur
deviendra l'héritage du juste." 142 bis. La quatrième raison qui doit détourner l'homme de
toute voie injuste d'acquisition, c'est le mal qui en résulte pour lui; car
les biens mal acquis font perdre même ceux qu'on possède légitimement. Une
ruine complète attend celui qui a voulu augmenter sa fortune par des moyens
criminels: "La flamme dévorera la maison de ceux qui s'enrichissent
par la rapine." Ajoutons qu'ils ne se perdent pas seuls, et qu'ils
perdent aussi leurs enfants avec eux, car ceux-ci sont tenus de rendre ce que
leurs pères ont injustement acquis. |
162. Le Seigneur dans sa loi a surtout
interdit ce qui fait tort au prochain; et premièrement ce qui lui apporte un
dommage dans sa personne, lorsqu’il prescrit : Tu ne tueras pas; deuxièmement
ce qui lui nuit dans son conjoint, lorsqu’il donne ce précepte : Tu ne commettras pas d’adultère,
troisièmement ce qui le lèse dans ses biens, lorsqu’il fait ce commandement :
Tu ne voleras pas. Des cinq façons différentes de voler.163. On doit savoir que par ce précepte
est défendue toute manière injuste d’obtenir un bien. Le vol en effet peut se
commettre de beaucoup de façons différentes. 1) En dérobant secrètement.Premièrement en dérobant secrètement,
comme le voleur, dont il est dit dans l’Evangile (Mt 24, 42) : Si le
père de famille était averti de l’heure à laquelle le voleur doit venir; et
une telle conduite est blâmable, car elle est une espèce de trahison.
L’Ecclésiastique dit en effet (5, 17) : La confusion tombe sur le
voleur. 2) En enlevant par violence.164. Deuxièmement en enlevant par la violence,
et un tel procédé est plus injuste. Job en donne un exemple (24, 9) : il y en a, dit-il, qui ravissent les biens des orphelins par force. Au nombre
de cette catégorie de voleurs, se trouvent de mauvais princes et de mauvais
rois; par exemple ceux, dont Sophonie a dit (3, 3) : Ses princes sont au milieu de Jérusalem, comme
des lions rugissants. Ses justes sont comme des loups qui dévorent leurs
prozes au soir, sans rien laisser pour le lendemain. En vérité ces
personnes agissent contre les intentions du Seigneur, car il veut que les
rois règnent avec justice; ne dit-il pas dans les Proverbes (8, 15) : Les
rois règnent par moi, et c’est par moi que les législateurs
ordonnent ce qui est juste. Et les monarques commettent de telles
injustices parfois en cachette, et parfois en usant de la violence. Vos princes,
disait Isaïe (l, 23), sont des infidèles; ils sont les compagnons des
voleurs. Tous aiment les présents; ils ne cherchent que l’intérêt. Il arrive
aussi qu’ils dépouillent leurs sujets, en composant des lois dont tout le but
est de leur gagner des richesses. A leur intention le prophète Isaïe s’écrie
(10, 1) : Malheur à ceux qui établissent des lois
d’iniquité! Et saint Augustin dit : Toute souveraineté qui use mal de son
pouvoir est un vol. Aussi ajoute-t-il : Que sont les royautés, sinon des
brigandages? 3) En ne payant pas ses dettes.165. Troisièmement on peut voler en ne payant
pas à qui on le doit son salaire. On lit dans le Lévitique (19, 13) : Le
salaire du mercenaire qui vous
donne son travail ne demeurera pas chez vous jusqu’au matin. Ce qui veut
dire : On doit donner à chacun ce qui lui revient, que celui dont on est le
débiteur soit un prince, un prélat, un clerc ou toute autre personne. Rendez
à chacun ce qui lui est dû, écrit saint Paul (Rom. 13, 7), à qui
l’impôt, l’impôt; à qui les taxes, les taxes. Nous devons en effet donner
le tribut aux rois qui assurent notre paix. 4) En fraudant dans les ventes.166. Quatrièmement
on peut voler
en fraudant dans les ventes. C’est
pourquoi il est dit dans le Deutéronome (25, 13) : Vous n’aurez pas dans
votre sac diverses sortes de poids; et dans le Lévitique (19,
35-36) : Vous ne commettrez pas d’injustice, soit dans les jugements, soit
dans ce qui sert de règle, soit dans les poids, soit dans les mesures. Que la
balance soit juste, justes les poids, que le boisseau soit juste et juste le
sétier; et dans les Proverbes (20, 23) : Avoir deux
poids est en abomination devant le Seigneur et la balance trompeuse n’est pas
une chose bonne. Et en pratiquant l’usure.Ce commandement est également contre les
cabaretiers qui mêlent de l’eau au vin; et, par lui aussi, est défendue
l’usure. Au sujet de l’usure, il est dit au Psaume 14 (vv. 1 et 5) : Seigneur, qui demeurera dans votre
tabernacle, ou qui reposera sur votre montagne sainte ?... Celui qui n’a point donné son
argent à usure. Ces paroles de l’Ecriture condamnent en outre les
changeurs qui commettent beaucoup de fraudes, comme aussi certains vendeurs
de drap et d’autres objets. 167. Mais peut-être direz-vous :
Pourquoi ne puis-je pas donner de l’argent, comme je donne un cheval ou une
maison? Il faut répondre à cette question : C’est un péché que de vendre deux
fois la même chose. Or dans la maison il y a deux réalités à
considérer, à savoir la maison elle-même et l’usage que l’on en fait.
Assurément autre chose est posséder une maison et autre chose
utiliser cette maison. Aussi je peux vendre séparément l’usage de la maison
sans vendre la maison elle-même; et il en va de même de tous les objets du
même genre. C’est pourquoi s’il y a des choses, dont la valeur consiste
seulement dans l’usage qu’on en fait et que cet usage les détruit, on ne
pourra agir avec elles comme on agit avec une maison. Nous utilisons en effet
l’argent en le dépensant et le froment en le consommant; si donc nous en
vendons l’usage, nous les vendons deux fois. 5) En achetant des dignités temporelles ou spirituelles.168. Cinquièmement on commet un vol en
achetant des dignités temporelles ou spirituelles. A propos de celui qui
achète les premières, il est dit dans Job (20, 15) : il rejettera les richesses qu’il a dévorées et
Dieu les tirera de son ventre. Tous les tyrans en effet qui possèdent par
la violence royaumes, provinces ou fief, sont des voleurs et tous doivent les
restituer. Et au sujet de celui qui achète les dignités spirituelles, le
Seigneur a dit (Joan 10, 1) : En vérité,
en vérité, je vous le dis, celui qui n’entre pas dans la bergerie par la
porte, mais qui y monte par un autre
endroit, celui-là est un voleur
et un pillard ; et
c’est pourquoi les simoniaques sont des voleurs. Des quatre motifs pour lesquels il faut se garder de voler.1) L’Ecriture assimile ce péché à l’homicide.169. Tu ne voleras pas. Ce précepte, comme il a
été dit, défend toute manière injuste d’obtenir un bien et beaucoup de
motifs doivent nous engager à nous détourner de ce péché. 1) L’Ecriture assimile ce péché à l’homicide. Le
premier se prend de sa gravité. Dans l’Ecriture en effet ce péché
est assimilé à l’homicide. Le pain dont se nourrissent les nécessiteux, dit
l’Ecclésiastique (34, 25-27), est ta vie du pauvre ; celui qui le
lui ôte est Un homme de sang... et : Celui qui répand le sang
et celui qui prive le mercenaire de son salaire sont frères. 2) Nul péché n’est aussi dangereux, à cause de la difficulté d’en faire satisfaction.170. Le second motif de se garder
du vol se prend de la nature du péril auquel il expose; nul péché en effet
n’est aussi dangereux que celui-là. Car aucun péché n’est remis sans une
satisfaction et une pénitence. De tous les autres péchés on peut se repentir
rapidement; comme il apparaît clairement dans le cas de l’homicide, quand la
colère cesse; et il en est de même de la fornication, quand cesse la passion
de la concupiscence, et ainsi des autres. Mais de ce péché de vol, bien que
parfois on s’en repente, il n’est pas facile de faire satisfaction; et
surtout parce qu’on est tenu de satisfaire non seulement pour ce que l’on a
dérobé, mais encore pour le dommage causé par ce larcin au propriétaire; et
en outre on est tenu de faire pénitence de son péché. C’est pourquoi il est
dit en Habacuc (2, 6) : Malheur à celui qui amasse sans cesse ce qui ne
lui appartient pas. Jusques à quand accumulera-t-il contre lui une boue épaisse? Le prophète parle d’une boue
épaisse, parce qu’il n’est pas facile à l’homme de sortir de ce péché. 3) Les biens dérobés sont inutiles au point de vue spirituel et au point de vue temporel.171. Le troisième motif d’éviter le vol
se prend de l’inutilité des biens dérobés. Ils sont mutiles d’abord au point
de vue spirituel; il est dit en effet dans les Proverbes (10, 2) : Les
trésors de l’iniquité ne serviront
de rien : car les richesses sont utiles dans l’ordre spirituel pour faire
des aumônes ou offrir des sacrifices, comme on le lit dans les Proverbes (13,
8) : Les richesses de l’homme servent de rançon à son âme; mais
des sacrifices offerts avec les biens d’autrui, le Seigneur dit (Is. 61, 8) :
Moi, le Seigneur, j’aime la justice et j’ai en haine la rapine dans
l’holocauste; et (Ecclésiastique 34, 24) : Celui qui offre un
sacrifice avec les biens des pauvres est comme celui qui égorge son fils en
présence de son père. Les biens dérobés sont aussi inutiles dans l’ordre
temporel, car ils durent peu. On lit en effet en Habaquq (2, 9) : Malheur
à qui amasse les fruits d’une avarice criminelle pour sa maison... s’imaginant
qu’il pourra ainsi échapper aux
atteintes de l’adversité; et il est dit dans les Proverbes (28, 8) : Celui
qui amasse des richesses par usures et intérêts les amasse pour un homme qui
sera libéral envers les pauvres, et (13, 22) : Les biens du pécheur
sont réservés pour le juste. 4) ils entraînent la perte des biens temporels.172. Le quatrième motif
d’éviter le vol se prend du grand préjudice qu’il cause; les biens volés en
effet entraînent la perte des autres biens personnels, car ils sont comme un
feu mêlé à de la paille. Il est dit en effet dans le livre de Job (15, 34) : Le
feu dévorera les maisons de ceux qui aiment à recevoir des présents. Et la perte de l’âme.Sachez en outre que le voleur perd non seulement
son âme, mais aussi celle de ses enfants, car ceux-ci doivent rendre les
biens dérobés par leur père. |
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Reportatio Petri de Andria |
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A PARTIR D’ICI : Œuvre complétée par Pierre
d’Andria
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Articulus
10 [86741] De decem praeceptis, a. 10 tit. 1 De
octavo praecepto [86742] De decem praeceptis,
a. 10 tit. 2 Non loqueris contra proximum tuum falsum testimonium.
Exod. XX, 16. |
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DU HUITIEME PRÉCEPTE DE LA LOI – Tu ne porteras pas de faux témoignage
contre ton prochain. Ex. 20, 16.
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[86743] De decem praeceptis, a. 10 Prohibuit iam dominus, quod nullus iniurietur proximo
suo opere; nunc autem praecipit quod non iniurietur verbo; et hoc est: non
loquaris contra proximum tuum falsum testimonium. Hoc autem potest esse
dupliciter: vel in iudicio, vel in communi locutione. In iudicio autem tribus
modis, secundum quod tres personae possunt facere contra hoc praeceptum.
Prima persona, scilicet accusantis falso. Lev. XIX, 16: non eris
criminator nec susurro in populo. Et nota, quod sicut non debes dicere
falsum, ita non debes tacere verum. Matth. XVIII, 15: si autem peccaverit
in te frater tuus, vade, et corripe eum. Item persona testificantis mentiendo.
Prov. XIX, 5: testis falsus non erit impunitus. Hoc enim praeceptum
includit omnia praecedentia: quia aliquando talis est homicida, aliquando fur
et cetera. Debent autem isti puniri poena, de qua dicitur, Deut. XIX, 18, 19,
21: cum diligentissime perscrutantes invenerint falsum testem dixisse
contra fratrem suum mendacium, reddent ei sicut fratri suo facere cogitavit
(...). Non misereberis eius, sed animam (idest vitam) pro anima,
oculum pro oculo, dentem pro dente, manum pro manu, pedem pro pede exiges;
et Prov. XXV, 18: iaculum et gladius et
sagitta acuta homo qui loquitur contra proximum suum falsum testimonium.
Item persona iudicis male sententiando. Lev. XIX, 15: non iniuste
iudicabis. Non consideres personam pauperis, nec honores vultum potentis.
Iuste iudica proximo tuo. In communi locutione peccant aliquando contra
hoc praeceptum quinque genera hominum. Scilicet detractores. Rom. I, 30: detractores
Deo odibiles. Dicit enim, Deo odibiles, quia nihil est ita carum
homini sicut fama. Eccle. VII, 2: melius est nomen bonum quam unguenta
pretiosa. Prov. XXII, 1: melius est nomen bonum quam divitiae multae.
Detractores autem auferunt hoc. Eccle. X, 11: si mordeat serpens in
silentio, nihil eo minus habet qui occulte detrahit. Unde si famam non
restituant, salvari non possunt. Item qui detractores libenter audit. Eccli.
XXVIII, 28: sepi aures tuas spinis, et linguam nequam noli audire, et ori
facito ostia, et seras auribus tuis. Non debet autem homo tales libenter
audire: quinimmo debet detrahenti ostendere vultum tristem et torvum. Prov.
XXV, 23: ventus Aquilo dissipat pluvias, et facies tristis linguam
detrahentem. Item susurratores, qui scilicet recitant quidquid audiunt.
Prov. VI, 16: sex sunt quae odit dominus, et septimum detestatur anima
eius: (scilicet) eum qui seminat inter fratres discordias. Eccli. XXVIII,
15: susurro et bilinguis maledictus; multos enim turbavit pacem habentes;
et multa quae sequuntur. Item blanditores, idest adulatores. Psal. X, 3: laudatur
peccator in desideriis animae suae, et iniquus benedicitur. Isai. III, 12: popule meus, qui beatum te dicunt,
ipsi te decipiunt. Psal. CXL, 5: corripiet me iustus in misericordia,
et increpabit me; oleum autem peccatoris non impinguet caput meum. Item
murmuratores; et hoc maxime abundat in subditis. I Cor. X, 10: neque
murmuraveritis. Sap. I, 11: custodite vos a murmuratione, quae nihil
prodest. Prov. XXV, 15: patientia lenietur princeps, et lingua mollis
constringet duritiem. Non loquaris contra proximum tuum falsum testimonium. In hac prohibitione
prohibetur omne mendacium. Eccli. VII, 14:
noli velle mentiri omne mendacium; assiduitas enim illius non est bona.
Et hoc propter quatuor. Primo propter Diaboli assimilationem. Talis enim
efficitur Diaboli filius. Nam homo ex verbis suis cognoscitur de qua regione
et patria sit: nam et loquela tua manifestum te facit, ut dicitur
Matth. XXVI, 73. Item homines quidam sunt de genere Diaboli, et dicuntur
Diaboli filii, qui scilicet loquuntur mendacium: quia Diabolus mendax est, et
pater eius, ut dicitur Ioan. VIII. Ipse enim mentitus est, Gen. III, 4: nequaquam
moriemini. Quidam vero filii Dei, qui scilicet veritatem loquuntur, quia
Deus veritas est. Secundo propter societatis dissolutionem. Homines enim
simul vivunt: quod esse non posset, si simul verum non dicerent. Apostolus,
Ephes. IV, 25: deponentes mendacium, loquimini veritatem unusquisque cum
proximo suo, quoniam sumus invicem membra. Tertio propter famae
amissionem. Qui enim assuescit mendaciis, non creditur sibi, etiam si verum
dicat. Eccli. XXXIV, 4: ab immundo quid mundabitur: et a mendace quid
verum dicetur? Quarto propter animae perditionem. Occidit enim homo
mendax animam suam. Sap. I, 11: os quod mentitur, occidit animam.
Psal. V, 7: perdes omnes qui loquuntur mendacium. Unde patet quod est
peccatum mortale. Unde advertas, quia ipsorum mendaciorum quoddam est
mortale, quoddam veniale. Mortale autem est mentiri in his quae sunt fidei;
quod pertinet ad praeclaros magistros et praedicatores: et hoc gravius
omnibus aliis speciebus mendacii: II Petr. II, 1: in vobis erunt magistri
mendaces, qui introducent sectas perditionis. Et aliqui aliquando talia
dicunt, ut videantur scire: Isai. LVII, 4: super quem lusistis, super quem
dilatastis os, et eiecistis linguam? Nunquid non vos filii scelesti, semen
mendax? Item aliquando mentiuntur aliqui in damnum proximi. Col. III, 9: nolite
mentiri invicem. Et haec duo mendacia mortalia sunt. Aliqui autem
mentiuntur pro seipsis; et hoc multipliciter. Aliquando ex humilitate. Et hoc
in confessione quandoque: de quo ait Augustinus: sicut cavendum est ne
homo taceat quod fecit, ita ne dicat quod non fecit. Iob XIII, 7: nunquid
Deus indiget vestro mendacio? Eccli. XIX, 23: est qui nequiter se
humiliat, et interiora eius plena sunt dolo; et est iustus qui se nimium submittit
a multa humilitate. Aliqui ex verecundiae levitate, cum scilicet quis
credit verum dicere, et dicit falsum; et hoc advertens verecundatur
retractare. Eccli. IV, 30: non contradicas verbo veritatis ullo modo, et
de mendacio ineruditionis confundere. Aliqui ex utilitate, quando volunt
aliquid adipisci, vel ab aliquo evadere. Isai. XXVIII, 15: posuimus
mendacium spem nostram, et mendacio protecti sumus. Prov. X, 4: qui
nititur mendaciis, hic pascit ventos. Aliqui propter alterius commodum,
quando scilicet volunt aliquem a morte vel periculo vel damno aliquo
liberare: et hoc cavendum est, sicut dicit Augustinus. Eccli. IV, 26: non
accipias faciem adversus faciem tuam, nec adversus animam tuam mendacium.
Aliqui propter ludum: et hoc cavendum, ne propter consuetudinem ducat ad
mortale. Sap. IV, 12: fascinatio nugacitatis obscurat bona. |
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A) On peut porter faux témoignage : - Soit dans un procès.173. Précédemment le Seigneur a défendu à
quiconque de léser son prochain par ses actes ; maintenant il ordonne de ne
pas lui nuire en paroles; Tu ne porteras pas, dit-il, de faux
témoignages contre ton prochain. Or on peut porter faux témoignage de deux
manières : soit dans un procès, soit dans la conversation
courante. 174. Dans un procès il y a trois
manières de porter faux témoignage; celles-ci correspondent aux trois
catégories de personnes qui peuvent violer ce précepte. 1) En accusant faussement.La première catégorie est celle des
personnes qui accusent faussement, contre la prescription du Lévitique (19,
16) : Vous ne serez pas, parmi votre peuple, calomniateur ni médisant.
Et remarquez-le : comme vous ne devez pas dire de faussetés, pareillement
vous ne devez pas taire la vérité. Le Seigneur a dit en effet (Mt 18, 15) : Si
votre frère a péché contre vous, allez le trouver et reprenez-le. 2) En étant un témoin menteur,175. La seconde catégorie est
celle des témoins menteurs. Il est dit dans les Proverbes (19, 5) : Le
faux témoin ne demeurera pas impuni. En effet ce précepte défendant le
faux témoignage inclut tous les précédents; car celui qui témoigne faussement
devient parfois homicide, parfois voleur, etc. Les témoins menteurs
doivent donc être punis de la peine dont il est dit (Deut. 19, 18, 19, 21) :
Lorsqu’après une très exacte recherche ils auront reconnu que le faux témoin
a avancé une calomnie contre son frère, ils le traiteront comme il avait
dessein de traiter son frère... Vous n’aurez pas compassion du coupable, mais
vous lui ferez rendre vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main,
pied pour pied; et on lit dans les Proverbes (25, 18) : Celui qui
porte un faux témoignage contre son prochain est un dard, une épée, et une
flèche perçante. 3) En portant une sentence injuste.176. La troisième catégorie est
celle des juges qui portent une sentence injuste, contrairement au précepte
du Lévitique (19, 15) : Vous ne jugerez pas injustement. N’ayez pas de
faveur pour le pauvre et n’ayez pas de complaisance pour le puissant. Jugez
votre prochain selon la justice. B) Soit dans la conversation courante.177. Dans la conversation courante il y a
cinq catégories de personnes qui parfois pèchent contre ce précepte
interdisant le faux témoignage. 1) En diffamant.A savoir les diffamateurs; de ceux-ci l’Apôtre
dit aux Romains (1, 30) : Les diffamateurs sont odieux à Dieu. Il les
appelle odieux à Dieu, parce que rien n’est aussi cher à l’homme que sa bonne
renommée. On lit en effet dans l’Ecclésiaste (7, 2) : La bonne réputation
vaut mieux que les parfums précieux; et dans les Proverbes (22, 1) : La
bonne renommée vaut mieux que de grandes richesses. Or les diffamateurs
enlèvent cette bonne renommée. Celui qui diffame en secret, dit
l’Ecclésiaste (l0, 11), est comme un serpent qui mord sans faire de
bruit. C’est pourquoi si les diffamateurs ne rétablissent pas la bonne
réputation, ils ne pourront pas se sauver. 2) En écoutant volontiers les diffamateurs.178. Celui-là pèche également
contre le huitième précepte qui écoute volontiers les diffamateurs. Entoure
tes oreilles d’une haie d’épines, est-il dit dans l’Ecclésiastique (28,
28), et n’écoute pas la langue méchante et mets des portes à ta bouche et
des serrures à tes oreilles. On ne doit donc pas écouter volontiers les
diffamateurs; bien au contraire on doit leur montrer un visage attristé et
sévère, car il est dit dans les Proverbes (25, 23) : Le vent du Nord
dissipe la pluie et un visage sévère fait taire la langue du diffamateur. 3) En répétant tout le mal que l’on entend dire.179. Les chuchoteurs qui colportent tout
ce qu’ils entendent pèchent aussi contre le 8’précepte. On lit dans
les Proverbes (6, 16-19) : il y a six choses que le Seigneur hait. et
son âme déteste la septième à savoir : celui qui sème des dissensions
entre les frères ; et il est dit dans l’Ecclésiastique (28, 15) : Le
médisant et l’homme à deux langues sera maudit; car il jettera
le trouble parmi beaucoup qui vivaient en paix. Et il accomplira
les nombreux méfaits décrits dans les versets suivants (16-22). 4) En flattant.180. Violent également le huitième
précepte les flatteurs, c’est-à-dire les adulateurs. L’Ecriture dit à leur
sujet : Le pécheur est loué (par eux) dans les désirs de son âme et
le méchant béni (Ps. 10, 3) et : Mon peuple, dit le Seigneur, ceux
(les adulateurs) qui vous disent bienheureux vous séduisent (Is.
3, 12). C’est pourquoi le Psalmiste exprime ce vœu (Ps. 140, 5) : Que le
juste me reprenne et me corrige avec miséricorde; mais que l’huile du
pécheur ne parfume pas ma tête. 181. Enfin sont coupables de la violation du 8e
précepte les murmurateurs. Ce vice du murmure est très fréquent surtout
chez les subordonnés. Ne murmurez pas, dit l’Apôtre (1 Cor. 10, 10) et
au livre de la Sagesse il est dit (1, 11) : Gardez-vous des murmures qui
ne peuvent servir de rien. Par contre, on lit dans les Proverbes (25,
15) : Le prince se laissera fléchir par la patience et une langue douce
brisera la dureté. Des quatre raisons qui doivent nous détourner de mentir.182. Tu ne porteras pas contre ton
prochain de faux témoignage. Par cette interdiction est défendue toute espèce de
mensonge. Il est dit dans l’Ecclésiastique (7, 14) : Gardez-vous
absolument de commettre aucun mensonge ; car l’habitude de mentir n’est pas
bonne. Et cela pour quatre raisons. 1) Mentir nous rend semblable au diable et nous fait son fils.La première est qu’elle nous rend
semblables au diable; le menteur devient en effet le fils du diable; car on
connaît de quelle région et de quelle patrie est un homme d’après ses
paroles; votre parler vous fait assez connaître, est-il dit en effet à
Pierre (Mt 26, 73). De même certains hommes sont de la race du diable,
et sont dits ses fils, à savoir ceux dont le langage est menteur ; car le
diable est menteur et père du mensonge, comme l’a dit notre Seigneur
(Joan 8, 44). Il mentit en effet quand il dit (à nos premiers parents) (Gen.
3, 4) : Assurément vous ne mourrez pas. Mais les autres hommes
sont les fils de Dieu, à savoir ceux qui disent la vérité, car Dieu est
vérité. 2) Le mensonge est la ruine de la société.183. La seconde raison de
ne pas mentir, c’est que le mensonge est la ruine de la société; les hommes
en effet vivent ensemble; et cette vie en société serait impossible, si entre
eux ils ne disaient pas la vérité, comme le demande l’Apôtre (Ephes. 4, 25) :
Rejetez le mensonge et que chacun de vous dise la vérité à son
prochain, puisque nous sommes membres les uns des autres. 3) Le menteur perd sa bonne réputation.184. Le troisième motif de se
détourner du mensonge, c’est que le menteur perd sa bonne réputation. En
effet on ne croit pas aux paroles de celui qui a l’habitude de mentir, même
s’il dit la vérité. Que peut purifier ce qui est impur, dit en effet
l’Ecclésiastique (34, 4), et quelle vérité peut sortir de la bouche du
menteur? 4) Le mensonge donne la mort à l’âme.185. Le quatrième motif de se
détourner du mensonge, c’est qu’il donne la mort à l’âme. La Sagesse le dit
(1, 11) : La bouche qui ment tue l’âme; et à Dieu le Psalmiste dit
(Ps. 5, 7) : Vous perdrez tous ceux
qui profèrent le mensonge. Ce qui montre clairement que le mensonge est
un péché mortel. 186. Remarquez toutefois que certains
mensonges sont mortels et d’autres véniels. 1.
Au sujet des vérités de la foi. 2.
Pour nuire gravement à son prochain. Il est d’abord mortel de mentir au sujet
des vérités qui sont de foi; ce qui regarde les maîtres et les prédicateurs
illustres; et une telle faute est plus grave que toutes les autres espèces de
mensonge. Il y aura parmi
vous, dit saint Pierre (2 ép. 2, 1), des faux docteurs qui introduiront des sectes de perdition. Et parfois
certains profèrent de semblables mensonges contre la foi pour paraître
savants. De qui vous êtes-vous joués? dit Isaïe (57, 4), contre qui avez-vous ouvert la bouche et
tiré la langue? N’êtes-vous pas, vous, des fils criminels, une race de
mensonge? Pareillement parfois certains mentent pour nuire à leur prochain,
contrairement au précepte de l’Apôtre (Col 3, 9) : Ne vous mentez pas les uns aux autres. Et
ces deux sortes de mensonge sont mortelles. Des personnes qui mentent dans leur propre intérêt.187. D’autres personnes mentent dans leur
propre intérêt; et ce, de multiples manières. 1) Soit par humilité.Parfois on ment par humilité, et
quelquefois dans la confession; à ce sujet saint Augustin dit : « De même que
l’on doit prendre garde à ne pas cacher ce que l’on a fait, ainsi on ne doit
pas dire ce que ion n’a pas fait ». Job dit en effet (13, 7) : Dieu a-t-il besoin de votre mensonge? Et
on lit dans l’Ecclésiastique (19, 23) : il est tel qui s’humilie
méchamment et son intérieur est plein de tromperie; et il est tel qui dans sa
profonde humilité s’abaisse jusqu’à l’excès. 2) Soit par un peu de honte.Certains mentent par un peu de honte;
c’est le cas, lorsque quelqu’un croit dire vrai et profère une chose fausse
et que s’en apercevant il a honte de se rétracter. L’Ecclésiastique dit au
contraire (4, 30) : Ne contredisez
en aucune sorte la parole de vérité et ayez confusion du mensonge où vous
êtes tombé par ignorance. 3) Soit pour obtenir un bien ou échapper à un mal.D’autres mentent par intérêt, quand
ils veulent obtenir un bien ou échapper à un mal. Nous avons établi
notre confiance dans le mensonge, disent-ils (Is. 28, 15), et le
mensonge nous a protégés. Or il est dit dans les Proverbes (10, 4) : Celui
qui s’appuie sur des mensonges se repaît de vent. De ceux qui mentent pour rendre service au prochain.Certains autres mentent pour rendre
service au prochain, à savoir quand ils veulent le délivrer de la mort, ou
d’un péril ou d’un préjudice quelconque; d’une telle conduite il faut se
garder, comme le dit saint Augustin; car il est dit dans l’Ecclésiastique (4,
26) : N’ayez pas égard à lia
qualité des personnes contre le salut de votre propre personne et ne vous
laissez pas aller au mensonge au détriment de votre âme. De ceux qui mentent pour s’amuser.Il en est enfin qui mentent pour s’amuser;
d’un pareil jeu, qui pourrait conduire au péché mortel, si l’on s’en faisait
une habitude, if faut se garder, car on lit dans la Sagesse (4, 12) : La fascination de la frivolité obscurcit le bien. |
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Articulus
11 [86744] De decem praeceptis, a. 11 tit. 1 De nono praecepto [86745]
De decem praeceptis, a. 11 tit. 2 Non concupisces rem proximi tui.
Exod. XX, 17. |
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DU NEUVIEME PRÉCEPTE DE LA LOI – Vous ne convoiterez pas ce qui
appartient à votre prochain. Ex. 20, 17.
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[86746] De decem praeceptis, a. 11 Haec est differentia inter legem divinam et mundanam:
quia lex mundana iudicat facta et dicta; divina autem non haec tantum, sed
etiam cogitata. Et ratio huius est, quia illa est per homines, qui iudicant
ea quae apparent exterius; sed divina est a Deo, qui exterius interiusque
conspicit. Psal. LXXII, 26: Deus cordis mei. I Reg. XVI, 7: homo
videt quae foris sunt, Deus autem intuetur cor. Dictum est autem de
praeceptis quae pertinent ad dicta et facta; nunc ergo dicendum est de
cogitatis. Nam apud Deum voluntas pro facto reputatur: unde non
concupisces; idest, non solum non auferas facto, sed nec etiam rem
proximi tui concupisces. Et hoc propter multa. Primo propter concupiscentiae
infinitatem. Concupiscentia enim quid infinitum est. Quilibet autem sapiens
debet intendere finem aliquem, immo nullus debet ire per viam infinitam.
Eccle. V, 9: avarus non implebitur pecunia. Isai. V, 8: vae qui
coniungitis domum ad domum, et agrum agro copulatis. Et quod concupiscentia
nunquam satietur, ratio est, quia cor hominis factum est ad recipiendum Deum.
Unde Augustinus, in I Confess.: fecisti nos domine ad te, et inquietum est
cor nostrum donec requiescat in te. Id ergo quod minus Deo est, ipsum
implere non potest. Psal. CII, 5: qui replet in bonis desiderium tuum.
Secundo quia aufert quietem, quae multum est delectabilis. Semper enim cupidi
soliciti sunt acquirere non habita, et habita custodire. Eccle. V, 11: saturitas
divitis non sinit eum dormire. Matth. VI, 21: ubi est thesaurus tuus,
ibi est et cor tuum. Et ideo Christus, Luc. VIII, divitias spinis
assimilavit, ut dicit Gregorius. Tertio quia causat in divitiis inutilitatem.
Facit enim divitias esse non utiles nec sibi nec aliis: non enim utuntur eis
nisi conservando. Eccli. XIV, 3: viro cupido et tenaci sine ratione est
substantia. Quarto, quia tollit iustitiae aequitatem. Exod. XXIII, 8: ne
accipias munera, quae etiam excaecant prudentes, et subvertunt verba iustorum.
Eccli. XXXI, 5: qui autem diligit, non iustificabitur. Quinto, quia
necat caritatem proximi: quia, secundum Augustinum, quanto magis habet quis
de caritate, tanto minus de cupiditate; et e converso, Eccli. VII, 20: neque
fratrem carissimum auro spreveris; et caritatem Dei: quia sicut nemo
potest duobus dominis servire, ita neque Deo et mammonae, ut dicitur Matth.
VI. Sexto, quia producit omnem iniquitatem. Est enim radix omnium malorum,
secundum apostolum, ut dicitur I Tim. VI. Et ideo si in corde radicata est,
et homicidium et furtum et omnia mala operatur. Et ideo dicit apostolus, I
Tim. VI, 9-10: qui volunt divites fieri, incidunt in tentationem et in
laqueum Diaboli, et desideria multa inutilia et nociva, quae mergunt homines
in interitum et perditionem: radix enim omnium malorum est cupiditas. Et
nota, quod cupiditas tunc est peccatum mortale, quando sine ratione
concupiscitur res proximi; sed quando rationabiliter, veniale. |
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188. Il y a cette différence entre la loi
divine et la loi humaine que la loi humaine juge les actions et les paroles
et que la loi divine juge non seulement les actions et les paroles, mais
aussi les pensées. Et la raison en est que la loi humaine est l’œuvre des
hommes qui jugent ce qui apparaît à l’extérieur, alors que la loi divine est
de Dieu, qui voit l’extérieur et l’intérieur de l’homme. Le Psalmiste dit en
effet à Dieu (Ps. 72, 26) : Vous êtes le Dieu de mon cœur, et
on lit au premier livre des Rois (16, 7) : L’homme voit les
choses par le dehors; mais Dieu voit le fond des cœurs. Jusqu’ici il a été traité des préceptes qui se
rapportent aux paroles et aux actions; maintenant donc il faut parler de ceux
qui ont trait aux pensées. Dieu en effet compte l’intention comme une action;
c’est pourquoi il prescrit : Tu ne convoiteras pas; c’est-à-dire : non
seulement tu ne raviras pas par un acte le bien du prochain, mais même tu ne
le convoiteras pas. Et cela, pour bien des motifs. Des six motifs de ne pas convoiter le bien d’autrui.1) L’avidité infinie de la convoitise.189. Le premier est l’avidité
infinie de la convoitise. La convoitise en effet est quelque chose d’infini.
Or tout sage doit tendre vers une fin déterminée; bien plus, nul ne doit
marcher par un chemin sans fin. On lit en effet dans l’Ecclésiaste (5, 9) : L’avare
ne sera pas rassasié par l’argent; et il est dit en Isaïe (5,
8) : Malheur à vous qui joignez maison à maison et qui ajoutez terre à terre. Et la raison pour
laquelle la convoitise n’est jamais rassasiée, c’est que le cœur de l’homme a
été fait pour recevoir Dieu. C’est pourquoi, au premier livre des
Confessions, saint Augustin dit : « Vous nous avez faits pour vous, Seigneur,
et notre cœur est sans repos jusqu’à ce qu’il se repose en vous ». Ce
qui est inférieur à Dieu ne peut donc pas remplir notre cœur. Dieu,
dit en effet le Psalmiste (Ps 102, 5), est
celui qui remplit votre désir en
vous comblant de ses biens. 2) La convoitise du bien d’autrui fait perdre le repos.190. Le deuxième motif de ne pas
convoiter le bien d’autrui, c’est qu’une telle convoitise prive d’un bien
extrêmement agréable, à savoir, le repos. Les hommes cupides en effet ont
toujours le souci d’acquérir ce qu’ils ne possèdent pas et de garder ce
qu’ils possèdent. La satiété du
riche, dit l’Ecclésiaste (5, 11), l’empêche de dormir et le Seigneur déclare (Math. 6, 21) : Où est ton trésor, là aussi sera ton cœur.
C’est pourquoi, dit saint Grégoire, le Christ compare les richesses aux
épines (cf. Lc 8, 14). 3) Elle l’end les richesses convoitées, inutiles à soi et aux autres.191. Le troisième motif de ne pas
convoiter les richesses d’autrui est que cette convoitise rend celles-ci
inutiles à soi et aux autres; car ceux qui les convoitent ne s’en servent que
pour les conserver. Comme dit l’Ecclésiastique (31, 5) : L’homme
cupide et avare la richesse
est inutile. 4) Elle mine l’équilibre de la justice.192. Le quatrième motif de ne pas
convoiter le bien d’autrui, c’est qu’une telle convoitise ruine l’équilibre
de la justice. On lit en effet dans l’Ecriture : Vous ne recevrez point de présents, car ils
aveuglent les sages eux-mêmes et corrompent les paroles des justes (Ex.
23, 8) ; et Celui qui aime l’or
ne sera pas justifié (Ecclésiastique 31, 5). 5) Elle tue la charité envers le prochain.193. Le cinquième motif de ne pas
convoiter le bien du prochain, c’est que cette convoitise tue la charité
envers lui. Selon saint Augustin en effet, plus quelqu’un possède la charité,
moins il est avide des biens d’ici-bas, et inversement. C’est pourquoi il est
dit dans l’Ecclésiastique (7, 20) : Ne méprise pas pour de l’or un frère très cher. La convoitise du bien d’autrui détruit également
la charité envers Dieu; car de même que personne ne peut servir deux maîtres,
pareillement on ne peut servir Dieu et l’argent, comme le Seigneur nous en a
avertis (Math. 6, 24). 6) Elle engendre tous les péchés.194. Le sixième motif de ne pas
convoiter le bien d’autrui, c’est qu’une telle convoitise engendre tous les
péchés. Elle est en effet, selon l’Apôtre (1 Tim. 6, 10), la racine de tous
les maux. C’est pourquoi si la cupidité est enracinée dans l’âme, elle
produit l’homicide, le vol et tous les maux. Aussi saint Paul écrit-il à
Timothée (1 Jean 6, 9-10) : Ceux
qui veulent devenir riches tombent dans la tentation et dans le piège du
diable et en beaucoup de désirs
inutiles et pernicieux qui
précipitent les hommes dans la ruine et la perdition ; car la racine de tous
les maux, c’est la cupidité 195. Et remarquez-le, la cupidité
est un péché mortel, lorsque l’on convoite sans raison le bien du prochain;
elle est vénielle, si cette convoitise est raisonnable. |
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Articulus
12 [86747] De decem praeceptis, a. 12 tit. 1 De decimo praecepto [86748]
De decem praeceptis, a. 12 tit. 2 Non desiderabis uxorem proximi
tui. Exod. XX, 17. |
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DU DIXIEME PRÉCEPTE DE LA LOI – Tu ne désireras pas la femme de ton
prochain. Ex. 20, 17.
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[86749] De decem praeceptis, a.
12 Beatus Ioannes in I canonica sua, II capite vers. 16, dicit, quod omne quod est in mundo,
concupiscentia carnis est, et concupiscentia oculorum, et superbia vitae.
Unde omne desiderabile in his tribus consistit; sed duo ex istis
intelliguntur prohibita per hoc praeceptum: non concupisces domum proximi
tui. In
domo enim intelligitur et altitudo, per quam avaritia designatur: Psal. CXI,
3: gloria et divitiae in domo eius. Qui ergo desiderat domum,
desiderat dignitates. Et ideo post hoc praeceptum, non concupisces domum
proximi tui, ponitur aliud, per quod prohibetur carnis concupiscentia. Non, inquit, desiderabis
uxorem proximi tui. Et est sciendum, quod post peccatum, propter
corruptionem nullus evadit concupiscentiam praeter Christum et virginem
gloriosam. Et quandocumque concupiscentia adest, adest vel cum veniali, vel
cum mortali, quando scilicet dominatur. Apostolus, Rom. VI, 12: non regnet
peccatum in vestro mortali corpore; et non dicit, non sit, quia, sicut ipse
dicit scio quod non habitat in me, idest in carne mea, bonum. Regnat
autem peccatum in carne, quando primo in corde regnat concupiscentia,
consentiendo: et ideo subdit apostolus: ut scilicet obediatis
concupiscentiis carnis. Matth. V, 28: qui viderit mulierem ad
concupiscendum eam, iam moechatus est eam in corde suo. Voluntas enim
apud Deum pro facto reputatur. Secundo quando dominatur in ore, conceptum
exprimendo. Matth. XII, 34: ex abundantia enim cordis os loquitur.
Ephes. IV, 29: omnis sermo malus ex ore vestro non procedat. Et ideo non est sine peccato componere cantiones vanas,
etiam secundum philosophos; quia et poetae fingentes carmina amatoria
debebant expelli ex civitatibus. Tertio quando egreditur in opere, membris
concupiscentiae serviendo. Rom. VI, 19: sicut exhibuistis membra vestra
servire iniquitati ad iniquitatem. Isti ergo sunt gradus concupiscentiae.
Et sciendum quod in fugiendo istud peccatum oportet multum laborare, cum sit
intrinsecum: difficilius enim vincitur inimicus familiaris. Vincitur autem
quatuor modis. Primo occasiones exteriores fugiendo, ut puta malam
societatem, et omnia inducentia occasionaliter ad hoc peccatum. Eccli. IX,
5-9: virginem ne conspicias, ne forte scandalizeris in decore illius (...)
noli circumspicere in vicis civitatis, nec oberraveris in plateis illius.
Averte faciem tuam a muliere compta, et ne circumspicias speciem alienam.
Propter speciem mulieris multi perierunt, et ex hoc concupiscentia quasi
ignis exardescit. Prov. VI, 27: nunquid potest homo abscondere ignem
in sinu suo, ut vestimenta illius non ardeant? Et ideo praeceptum fuit
Lot ut fugeret ab omni circa regione, Gen. XIX, 17. Secundo cogitationibus
aditum non praebendo, quia occasio sunt excitandae concupiscentiae. Et hoc
faciendum est per carnis afflictionem: I Cor. IX, 27: castigo corpus meum
et in servitutem redigo. Tertio orationibus insistendo: quia nisi
dominus custodierit civitatem, frustra vigilat qui custodit eam, Psal.
CXXVI, I. Sap. VIII, 21: scivi quoniam aliter non possum esse continens,
nisi Deus det. Matth. XVII, 20: hoc genus Daemoniorum non eiicitur
nisi per orationem et ieiunium. Si enim duo pugnarent, et velles unum
iuvare, alterum vero non: oportet primo auxilium dare, secundo vero
subtrahere. Inter spiritum autem et carnem est praelium continuum: unde
oportet quod si vis quod spiritus vincat, quod des ei auxilium, et hoc fit
per orationem; carni vero subtrahas, et hoc fit per ieiunium; nam caro per
ieiunium debilitatur. Quarto licitis occupationibus insistendo. Eccli.
XXXIII, 29: multam malitiam docuit otiositas. Ezech. XVI, 49: haec
fuit iniquitas Sodomae, superbia, saturitas panis, et abundantia, et otium.
Hieronymus: semper aliquid boni facito, ut te Diabolus inveniat occupatum.
Inter omnes autem occupationes melior est studium Scripturarum. Hieronymus,
ad Paulinum: ama studia Scripturarum, et carnis vitia non amabis. Haec
ergo sunt decem verba, de quibus dicit dominus, Matth. XIX, 17: si vis ad
vitam ingredi, serva mandata. Duae enim sunt radices principales omnium
mandatorum, scilicet dilectio Dei et proximi. Diligenti autem Deum tria
necesse est facere: scilicet quod non habeat alium Deum, et quantum ad hoc
dicit: non coles deos alienos. Secundo quod honoret eum; et quantum ad
hoc dicit: non assumes nomen Dei tui in vanum. Tertio quod libenter
quiescat in eo; et quantum ad hoc dicit: memento ut diem sabbati
sanctifices. Diligentem autem proximum oportet quod primo faciat ei
honorem debitum: unde dicit: honora patrem tuum. Secundo quod
abstineat a faciendo ei malum; et hoc vel facto: unde dicit, non occides,
quod est in persona propria; non adulterabis, quod est in persona
coniuncta; non furtum facies, quod est in rebus exterioribus. Item
dicto, ibi, non falsum testimonium dices; vel corde: et quantum ad hoc
dicit: non concupisces rem proximi tui, et non desiderabis uxorem proximi
tui. |
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196. Tout ce qui est dans le monde, écrit le bienheureux Jean
(1 Jean 2, 16) est convoitise de
la chair, convoitise des yeux
et orgueil de la vie. C’est
pourquoi tout ce qui est objet de désir se trouve compris dans cette triple
concupiscence. Mais on peut remarquer que deux d’entre elles sont défendues
par ce précepte : Tu ne
convoiteras pas la maison de ton prochain. Dans la maison en effet il
faut entendre aussi l’élévation que désigne l’avarice; la gloire et les
richesses sont dans sa maison, t’st-il dit au Psaume 111 (v. 3). Celui donc
qui désire une maison désire des dignités. C’est pourquoi après le précepte :
Ne convoite pas la maison de ton
prochain, Dieu place cet autre par lequel il interdit la concupiscence de
la chair. Tu ne désireras pas, dit-il, la femme de ton prochain. Des trois degrés de la concupiscence.201. Il faut savoir que depuis le
péché, à cause de la corruption qu’il entraîne, nul n’échappe à la
concupiscence à l’exception toutefois du Christ et de la Vierge glorieuse. Et
toutes les fois qu’il y a concupiscence, elle est accompagnée soit de péché
véniel, soit, si elle est maîtresse dans l’âme, de péché mortel; car l’Apôtre
écrit aux Romains (6, 12) : Que le péché ne règne plus dans votre corps
mortel; et il ne dit pas : Qu’il n’y soit pas, parce que, ainsi qu’il
l’écrit lui-même (Rom. 7, 18), ce n’est pas le bien qui habite en moi, c’est-à-dire,
en ma chair. 198. Or le péché règne dans la
chair, quand premièrement la concupiscence règne dans le cœur, par le
fait d’y consentir; c’est pourquoi l’Apôtre, à la recommandation : Que le
péché ne règne plus dans votre chair mortelle, ajoute : en sorte que
vous obéissiez aux convoitises de la de la chair; et le Seigneur a dit
(Math. 5, 28) : Quiconque regarde une femme avec convoitise a déjà dans
son cœur commis l’adultère avec elle. Dieu en effet regarde l’intention comme
une action. 199. Deuxièmement le péché règne dans la
chair, lorsqu’il est maître de la bouche, quand celle-ci exprime une pensée;
car c’est du trop plein du cœur que parle la bouche 0Matth. 12, 34).
Que nul discours mauvais ne sorte de votre bouche, dit l’Apôtre (Ephes
4, 29). Ils ne sont donc pas sans péché les compositeurs de vaines chansons,
de l’avis même des philosophes; parce que même les poètes, auteurs de
chansons d’amour, devaient être expulsés des cités. 200. Troisièmement le péché règne dans la
chair, quand il se manifeste dans un acte, en mettant les membres du corps au
service de la concupiscence, comme le dit l’Apôtre aux Romains (6, 19) : Vous
avez fait servir les membres de votre corps à l’iniquité pour l’iniquité Tels sont donc les trois degrés de la
concupiscence. Des quatre manières de vaincre la concupiscence.201. Il faut savoir que pour fuir ce
péché il importe de beaucoup peiner, parce qu’il est intérieur à l’homme; un
ennemi domestique en effet se vainc plus difficilement. Or il y a quatre manières d’en venir à
bout. 1) En fuyant les occasions.Premièrement en fuyant les occasions
extérieures, comme par exemple les mauvaises compagnies et tout ce qui veut
être occasion conduisant à ce péché. On lit en effet dans l’Ecriture
(Ecclésiastique 9, 5) : N’arrête pas tes regards sur une vierge de peur que
sa beauté ne te devienne un sujet de chute... Ne jette pas tes yeux de
tous côtés dan$ les rues de la ville et n’erre pas sur les places publiques.
Détourne tes yeux d’une femme parée et n’embrasse pas du regard une beauté
étrangère. Beaucoup se sont perdus à cause de la beauté d’une
femme; car c’est là que la concupiscence s’embrase comme un feu; et
(Prov. 6, 27) : Un homme peut-il cacher le feu dans son sein, sans que ses vêtements en soient consumés? C’est
pourquoi il fut prescrit à Lot de fuir tout le pays qui était alentour de
Sodome (cf. Gen. 19, 17). 2) En ne donnant pas entrée aux pensées impures.202. Le deuxième moyen de vaincre
la concupiscence, c’est de ne pas donner entrée aux pensées impures, car
elles sont une occasion de l’exciter en nous; on leur ferme l’accès par la
mortification de la chair. Je châtie mon corps, disait l’Apôtre aux
Corinthiens (1 Jean 9, 27), et je le réduis en servitude. 3) En s’appliquant à l’oraison et en jeûnant.203. Le troisième moyen
de vaincre la concupiscence, c’est de s’appliquer à l’oraison, parce que si
le Seigneur ne garde pas la cité, c’est en vain que veille celui qui la
garde (Ps. 126, 1). J’ai su, dit aussi l’auteur du livre de la Sagesse
(8, 21), que je ne pouvais avoir la continence, si Dieu ne me la donnait; et
le Seigneur a dit (Matth. 17, 20) : Cette sorte de démons ne se chasse que
par la prière et par le jeûne. Si
en effet deux adversaires étaient aux prises, et que vous vouliez aider l’un,
mais pas l’autre : il faudrait donner au premier votre secours et le
soustraire au second. Or, entre l’esprit et la chair il y a une lutte
incessante; c’est pourquoi, si vous voulez que l’esprit soit vainqueur, il
faut lui donner votre aide, ce que vous faites par la prière; et le
soustraire par contre à la chair, ce qui se fait par le jeûne ; car le jeûne
affaiblit la chair. 4) En fuyant l’oisiveté, préférant à toute autre occupation l’étude des saintes Ecritures.204. Le quatrième moyen de vaincre
la concupiscence, c’est de s’adonner à des occupations licites, car, dit
l’Ecclésiastique (33, 29), l’oisiveté
enseigne beaucoup de mal; et il est dit en Ezéchiel (16, 49) ; Voici quelle a été l’iniquité de Sodome :
cela a été l’orgueil, l’excès de nourriture, l’abondance et l’oisiveté. C’est
pourquoi saint Jérôme donne ce conseil : « Fais sans cesse quelque chose de
bien, de telle sorte que le diable te trouve occupé. » La meilleure de
toutes les occupations est l’étude des saintes Ecritures. Aussi le même saint
Jérôme dit à Paulin; « Aime l’étude des Ecritures et tu n’aimeras pas les
vices de la chair. » |
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CONCLUSION |
RESUMÉ DE TOUT L’OPUSCULE (par saint Thomas)
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Duae enim sunt radices
principales omnium mandatorum, scilicet dilectio Dei et proximi. Diligenti
autem Deum tria necesse est facere: scilicet quod non habeat alium Deum, et
quantum ad hoc dicit: non coles deos alienos. Secundo quod honoret
eum; et quantum ad hoc dicit: non assumes nomen Dei tui in vanum.
Tertio quod libenter quiescat in eo; et quantum ad hoc dicit: memento ut
diem sabbati sanctifices. Diligentem autem proximum oportet quod primo faciat
ei honorem debitum: unde dicit: honora patrem tuum. Secundo quod
abstineat a faciendo ei malum; et hoc vel facto: unde dicit, non occides,
quod est in persona propria; non adulterabis, quod est in persona
coniuncta; non furtum facies, quod est in rebus exterioribus. Item
dicto, ibi, non falsum testimonium dices; vel corde: et quantum ad hoc
dicit: non concupisces rem proximi tui, et non desiderabis uxorem proximi
tui. |
164. Telle est l'explication que nous avions à donner des dix préceptes de la loi divine, de ces préceptes augustes dont Notre Seigneur lui-même a fait voir l'importance et la sublimité, en disant: "Si vous voulez entrer dans la vie éternelle, observez les commandements." Deux préceptes principaux résument toute la loi, savoir celui de l'amour de Dieu et celui de l'amour du prochain. L'amour divin renferme trois sortes de devoirs: Premièrement, il impose à
l'homme l'obligation de n'adorer que Dieu, et c'est ce qui nous est ordonné
dans cet article de la loi: "Vous n'adorerez pas des dieux
étrangers." Secondement, il impose à l'homme l'obligation d'honorer Dieu, et c'est ce qui nous est ordonné dans cet article de la loi: "Vous ne prononcerez pas en vain le nom de votre Dieu." Troisièmement, il impose à
l'homme l'obligation de chercher le repos en Dieu; et c'est ce qui nous est
ordonné dans cet article de la loi: "Souvenez-vous de sanctifier le
jour du sabbat." L'amour du prochain renferme deux sortes de devoirs: Premièrement, il impose à l'homme l'obligation de rendre à chacun l'honneur qui lui est dû: "Honorez votre père et votre mère." Secondement, il impose à
l'homme l'obligation de ne point faire tort à autrui; soit en actions, dans
sa personne, dans la personne qui lui est le plus étroitement unie, et dans
ses biens: "Vous ne tuerez pas; vous ne commettrez pas d'adultère;
vous ne volerez pas;" soit en paroles: "Vous ne prononcerez
pas de faux témoignage contre votre prochain;" soit en pensées: "Vous
ne désirerez pas le bien de votre prochain; vous ne désirerez pas la femme de
votre prochain." |
205. Tels sont donc les dix
préceptes, au sujet desquels le Seigneur dit au jeune homme riche (Matth. 19,
17) ; Si tu veux entrer dans la
vie, garde les commandements. En effet, les deux sources principales de tous
les commandements sont; l’amour de Dieu el l’amour du prochain. L’amour de Dieu, source principale des trois premiers commandements.Or celui qui aime Dieu doit nécessairement
observer trois points : premièrement il ne doit pas avoir un autre
Dieu, et à ce sujet il lui est dit : Tu n’adoreras pas des dieux
étrangers. Deuxièmement il doit honorer Dieu; c’est
pourquoi il lui est prescrit : Tu ne prononceras pas en vain le nom de Dieu. Troisièmement il doit se reposer volontiers en
Lui; aussi lui est-il dit : Souviens-toi de sanctifier le jour du
sabbat. L’amour du prochain, source
principale des sept derniers commandements. Quant à celui qui aime son prochain, premièrement
il doit lui rendre l’honneur qui lui est dû ; c’est pourquoi le
Seigneur dit : Honore ton père ; Deuxièmement il doit se garder de lui faire du
mal; et d’abord par action : aussi Dieu dit : Tu ne tueras pas (précepte qui vise la
propre personne du prochain) ; Tu ne commettras pas d’adultère (précepte qui vise la
personne unie au prochain par le mariage) ; Tu ne voleras pas (précepte qui concerne les
biens extérieurs d’autrui). Ensuite en parole; c’est pourquoi Dieu prescrit
: Tu ne porteras pas de faux témoignage. Enfin dans son cœur; aussi Dieu dit : Tu ne
convoiteras pas ce qui appartient à ton prochain, et tu ne désireras
pas la femme de ton prochain. |
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Fin du traité des préceptes de la Loi ancienne et de la Loi
nouvelle. |
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[1] Ils tuent les enfants dans leur âme, en les privant
de la possibilité d’être régénérés par la grâce du saint baptême.