Saint Thomas d’Aquin

Docteur de l'Eglise

 

Commentaire du Traité du ciel et du monde d’Aristote

 

İ Livres 1, 2 et 3, Copyright et traduction par Barbara Ferré, 2008, 2009

Prologue traduit par Guy Delaporte, 2004

 

Edition numérique https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique 2008

Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin

Prologue – [Situation de ce livre dans les sciences] 3

Livre 1 – [Le monde matériel] 7

Leçon 1 – [La science de la nature porte surtout sur les corps et les grandeurs] 7

Leçon 2 – [L’étude de l’univers matériel] traduction par Barbara Ferré, 2008_ 9

Leçon 3 – [Les cinq éléments qui composent le monde] 15

Leçon 4 – [Les éléments du monde : étude par le mouvement des corps] 22

Leçon 5 – [La nature de la quintessence] 34

Leçon 6 – [La quintessence n’est pas soumise à la génération et à la corruption] 38

Leçon 7 – [La quintessence n’est pas sujet à l’augmentation et à la diminution] 49

Leçon 8 – [L’univers infralunaire est composé de quatre éléments seulement] 54

Leçon 9 – [L’univers est-il infini en taille ?] 68

Leçon 10 – [L’univers n’est pas infini en taille, preuve par le temps] 73

Leçon 11 – [L’univers n’est pas infini en taille, preuve par la surface] 77

Leçon 12 – [L’univers n’est pas infini en taille, preuve par les corps se mouvant en ligne droite] 80

Leçon 13 – [L’univers n’est pas infini en taille, autre preuve] 91

Leçon 14 – [L’univers n’est pas infini en taille, preuves par l’action et la passion] 98

Leçon 15 – [L’univers n’est pas infini en taille, preuves logiques] 104

Leçon 16 – [Y a-t-il un nombre infini d’univers ?] 109

Leçon 17 – [L’unicité du monde, preuve par le mouvement vers un lieu] 116

Leçon 18 – [Le mouvement vise toujours un lieu déterminé] 123

Leçon 19 – [Autre preuve : il ne peut y avoir d’autre monde] 129

Leçon 20 – [Le monde est composé de toute sa matière] 137

Leçon 21 – [Il n’y a rien en dehors du ciel, ni lieu, ni vide, ni temps] 143

Leçon 22 – [L’univers est-il éternel ? opinion de Platon] 151

Leçon 23 – [Xénocrate et l’hypothèse d’un monde créé quoique incorruptible] 155

Leçon 24 – [Préalable à l’opinion d’Aristote : Définition de l’engendré et du corruptible] 161

Leçon 25 – [Préalable à l’opinion d’Aristote : Définition du possible et de l’impossible] 169

Leçon 26 – [L’opinion d’Aristote : toute chose éternelle est non engendrée et incorruptible] 173

Leçon 27 – [Comparaison de l’éternel et du corruptible] 180

Leçon 28 – [ce qui peut être engendré et ce qui peut être corrompu s’impliquent mutuellement] 184

Leçon 29 – [Rejet de l’opinion contraire à la précédante] 189

Livre 2 – [Le corps céleste] 199

Leçon 1 – [L’éternité du ciel] 199

Leçon 2 – [Opinions des philosophes sur les parties du ciel] 209

Leçon 3 – [Opinion d’Aristote sur les parties du ciel] 217

Leçon 4 – [Les multiples sphères célestes] 227

Leçon 5 – [La forme du ciel] 236

Leçon 6 – [le ciel est sphérique –arguments-] 241

Leçon 7 – [Le mouvement du ciel] 248

Leçon 8 – [L’uniformité du mouvement du ciel] 253

Leçon 9 – [suite et preuves] 257

Leçon 10 – [La nature des étoiles] 263

Leçon 11 – [le mouvement des étoiles] 275

Leçon 12 – [Le mouvement des étoiles est un cercle –arguments-] 282

Leçon 13 – [Arguments, suite] 290

Leçon 14 – [Le son des étoiles] 298

Leçon 15 – [L’ordre et la place des étoiles] 308

Leçon 16 – [La forme des étoiles] 314

Leçon 17 – [Difficultés sur les étoiles] 319

Leçon 18 – [Solutions] 326

Leçon 19 – [Solutions aux difficultés sur les étoiles –suite-] 338

Leçon 20 – [L’emplacement de la terre] 343

Leçon 21 – [Le mouvement de la terre] 348

Leçon 22 – [L’immobilité de la terre] 353

Leçon 23 – [La cause de l’immobilité de la terre] 358

Leçon 24 – [Autres raisons sur l’immobilité de la terre] 361

Leçon 25 – [Suite] 366

Leçon 26 – [L’opinion d’Aristote sur la terre] 370

Leçon 27 – [L’opinion d’Aristote sur la forme de la terre] 378

Leçon 28 – [Autre preuve de la rontondité de la terre] 383

Livre 3 – [Les autres corps simples, c’est-à-dire le lourd et le léger] 388

Leçon 1 – [les corps ayant un mouvement droit] 388

Leçon 2 – [Opinions des anciens philosophes] 392

Leçon 3 – [L’opinion de Platon est-elle vraie ?] 396

Leçon 4 – [Réfutation de Platon par Aristote] 405

Leçon 5 – [Le mouvement naturel des corps naturels] 409

Leçon 6 – [Réfutation de l’opinion de Platon sur les mouvements naturels] 413

Leçon 7 – [Les corps qui se déplacent naturellement en ligne droite ont pesanteur et légèreté] 419

Leçon 8 – [Comment se produisent génération et mouvement ?] 428

Pierre d’Auvergne : suite du commentaire du livre du Ciel et du monde 435

Leçon 8 (suite) 435

Leçon 9_ 440

Leçon 10_ 448

Leçon 11_ 452

Leçon 12_ 461

Livre 4 (commenté par Pierre d’Auvergne) 475

Leçon 1_ 475

Leçon 2_ 489

Leçon 3_ 505

 

 

Prooemium

Prologue – [Situation de ce livre dans les sciences]

[70814] In De caelo, pr. 1 Sicut philosophus dicit in I Physic., tunc opinamur cognoscere unumquodque, cum causas cognoscimus primas, et principia prima, et usque ad elementa. Ex quo manifeste philosophus ostendit in scientiis esse processum ordinatum, prout proceditur a primis causis et principiis usque ad proximas causas, quae sunt elementa constituentia essentiam rei. Et hoc est rationabile: nam processus scientiarum est opus rationis, cuius proprium est ordinare; unde in omni opere rationis ordo aliquis invenitur, secundum quem proceditur ab uno in aliud. Et hoc patet tam in ratione practica, cuius consideratio est circa ea quae nos facimus, quam in ratione speculativa, cuius consideratio est circa ea quae sunt aliunde facta.

Selon le philosophe au début de sa Physique, Ğ nous pensons connaître quelque chose lorsque nous connaissons ses causes et ses principes premiers, et jusqu'à ses éléments. ğ Il veut nous montrer par là qu'il y a un ordre de procéder dans les sciences consistant à partir des premières causes et des premiers principes pour aller jusqu'aux causes les plus immédiates : les éléments constituant l'essence de la réalité en question. Et cela est rationnel : l’avancement des sciences est effectivement une œuvre de la raison où l'on trouve, comme dans chacune de ses réalisations, une progression ordonnée d'un point à un autre. On le constate aussi bien pour la raison pratique, dont la considération porte sur ce que nous faisons, que pour la raison spéculative, qui étudie ce qui a été fait ailleurs.

[70815] In De caelo, pr. 2 Invenitur autem processus de priori ad posterius in consideratione practicae rationis secundum quadruplicem ordinem: primo quidem secundum ordinem apprehensionis, prout artifex primo apprehendit formam domus absolute, et postea inducit eam in materiam; secundo secundum ordinem intentionis, secundum quod artifex intendit totam domum perficere, et propter hoc facit quidquid operatur circa partes domus; tertio secundum ordinem compositionis, prout scilicet prius dolat lapides, et postea compingit eos in unum parietem; quarto secundum ordinem sustentationis artificii, prout artifex primo iacit fundamentum, super quod ceterae partes domus sustentantur. Similiter etiam invenitur quadruplex ordo in consideratione rationis speculativae. Primus quidem secundum quod proceditur a communibus ad minus communia. Et hic ordo respondet proportionaliter primo ordini, quem diximus apprehensionis: universalia enim considerantur secundum formam absolutam, particularia vero secundum applicationem formae ad materiam; sicut philosophus in I de caelo dicit quod qui dicit caelum, dicit formam, qui autem dicit hoc caelum, dicit formam in materia. Secundus ordo est secundum quod proceditur a toto ad partes. Et hic ordo proportionaliter respondet ordini quem diximus intentionis, prout scilicet totum est prius in consideratione quam partes, non qualescumque, sed partes quae sunt secundum materiam et quae sunt individui; sicut semicirculus, in cuius definitione ponitur circulus (est enim semicirculus media pars circuli), et acutus angulus, in cuius definitione ponitur rectus (est enim acutus angulus minor recto). Accidit autem circulo et recto angulo sic dividi: unde huiusmodi non sunt partes speciei. Huiusmodi enim partes sunt priores in consideratione quam totum, et ponuntur in definitione totius, sicut carnes et ossa in definitione hominis, ut dicitur in VII Metaphys. Tertius autem ordo est secundum quod proceditur a simplicibus ad composita, inquantum composita cognoscuntur per simplicia, sicut per sua principia. Et hic ordo comparatur tertio ordini, quem diximus compositionis. Quartus autem ordo est secundum quod principales partes necesse est prius considerare, sicut cor et hepar quam arterias et sanguinem. Et hic proportionatur practico ordini, secundum quod fundamentum prius iacitur.

Le développement du raisonnement pratique suit un quadruple ordre. Un de saisie tout d'abord : ainsi, l’artisan conçoit la forme de la maison pour elle-même avant de la matérialiser. Un d'intention ensuite, car ce même artisan qui veut porter la maison à son achèvement, s'occupe de chaque étape qui concourt à sa réalisation. Un de composition en outre, car il commence par tailler les pierres puis les assemble en un mur. Un de soutènement enfin, car il creuse d'abord les fondations sur lesquelles tout le reste reposera. Analogiquement, on retrouve ces quatre mêmes démarches avec la raison spéculative. Elle passe d'abord du commun au moins commun, ce qui correspond, toutes proportions gardées, à notre premier ordre dit de saisie. Le concept universel renvoie à la forme comme telle tandis que le concept particulier renvoie à la forme matérialisée. Aristote écrit par exemple au premier livre du Traité du Ciel : qui dit Ğ galaxie ğ dit la forme seule, mais qui dit Ğ cette galaxie ğ dit une forme matérialisée. Deuxièmement, elle passe du tout aux parties, ce qui correspondrait à l'ordre d'intention : on considère en effet le tout avant ses parties matérielles, c'est à dire celles qui l'individualisent ; dans la définition du demi-cercle par exemple, est déjà posée celle du cercle ( le demi-cercle est Ğ la moitié d'un cercle ğ ), et la définition de l'angle aigu suppose celle de l'angle droit (l'angle aigu est un angle inférieur à 90°) ‑ lorsque le cercle ou l'angle droit sont divisés, il ne s'agit pas de parties spécifiques, car la considération de ces dernières précède celle du tout et intervient dans sa définition -. Troisièmement elle passe du simple au complexe puisque ce dernier est connu par les éléments simples qui en sont les principes. On peut comparer cela à l'ordre dit de composition. Quatrièmement, elle doit considérer en premier les parties principales, comme par exemple le cœur ou le foie, avant les artères ou le sang, analogiquement à l'ordre pratique qui commence par poser les fondements.

[70816] In De caelo, pr. 3 Et hic quadruplex ordo consideratur etiam in processu scientiae naturalis. Nam primo determinantur communia naturae in libro physicorum, in quo agitur de mobili inquantum est mobile. Unde restat in aliis libris scientiae naturalis huiusmodi communia applicare ad propria subiecta. Subiectum autem motus est magnitudo et corpus: quia nihil movetur nisi quantum. In corporibus autem est attendere tres alios ordines: uno quidem modo secundum quod totum universum corporeum est prius in consideratione quam partes eius; alio modo secundum quod simplicia corpora prius considerantur quam mixta; tertio secundum quod inter simplicia corpora prius necesse est de priori considerare, scilicet de caelesti corpore, per quod omnia alia firmantur. Et haec tria in hoc libro aguntur, qui apud Graecos intitulatur de caelo. Traduntur enim in hoc libro quaedam pertinentia ad totum universum, sicut patet in primo libro; quaedam pertinentia ad corpus caeleste, sicut patet in secundo; quaedam pertinentia ad alia simplicia corpora, sicut patet in tertio et quarto. Et ideo rationabiliter hic liber ordinatur primus post librum physicorum. Et propter hoc statim in principio huius libri agitur de corpore, cui necesse est applicari omnia quae tradita sunt de motu in libro physicorum.

Aussi retrouve-t-on ces quatre ordres dans le développement des sciences de la nature. Les concepts communs de la nature sont mis au point dès la Physique, qui traite de l'être mobile comme tel. Il reste alors aux autres livres à les appliquer à leurs sujets propres. Le sujet du mouvement est un volume matériel car tout mouvement est quantitatif. Mais les corps physiques sont aussi organisés de trois autres façons : premièrement l'univers, qui totalise l'ensemble des corps, est à envisager avant ses parties, deuxièmement l'étude des réalités de structure simple doit précéder celles élaborées, et enfin, parmi ces structures simples, il faut d'abord considérer les primordiales sur lesquelles se greffent les autres : les corps célestes. C'est de ces trois ordres que traite ce livre appelé : Ğ Du Ciel ğ par les Grecs. On y lit en effet des considérations sur l'univers dans sa totalité au premier livre, sur les corps célestes dans le second et sur les autres réalités de structure simple dans les deux suivants. Cet ouvrage est donc logiquement le premier à suivre le traité de la Physique. Aussi commence-t-il avec la notion de corps, à laquelle il faut appliquer tout ce que la physique dit du mouvement.

[70817] In De caelo, pr. 4 Quia igitur diversa in hoc libro traduntur, dubium fuit apud antiquos expositores Aristotelis de subiecto huius libri. Alexander enim opinatus est quod subiectum de quo principaliter in hoc libro agitur, sit ipsum universum. Unde, cum caelum tripliciter dicatur, quandoque ipsa ultima sphaera, quandoque totum corpus quod circulariter movetur, quandoque autem ipsum universum, asserit hunc librum intitulari de caelo, quasi de universo vel de mundo: in cuius assertionem assumit quod philosophus in hoc libro determinat quaedam ad totum universum pertinentia, puta quod sit finitum, quod sit unum tantum, et alia huiusmodi. E contrario autem aliis videtur quod subiectum de quo principaliter in hoc libro intenditur, est corpus caeleste quod circulariter movetur; et propter hoc intitulatur de caelo. De aliis autem corporibus determinatur in hoc libro vel ex consequenti, inquantum continentur a caelo et eius influentiam recipiunt, sicut Iamblichus dixit; vel per accidens, inquantum aliorum corporum notitia assumitur ad manifestandum ea quae dicuntur de caelo, ut dixit Syrianus. Sed hoc non videtur probabile: quia postquam philosophus in secundo libro determinavit de caelo, in tertio et quarto subiungit considerationem de aliis simplicibus corporibus, quasi principaliter de eis intendens. Non enim consuevit philosophus principalem partem alicuius scientiae assignare his quae per accidens assumuntur. Et ideo aliis visum est, sicut Simplicius dixit, quod intentio philosophi in hoc libro est determinare de simplicibus corporibus, inquantum conveniunt in communi intentione simplicis corporis: et quia inter simplicia corpora principalius est caelum, a quo alia dependent, ideo denominatur totus liber a caelo. Et, sicut dicit, non obstat quod in hoc libro determinantur quaedam quae pertinent ad totum universum: quia huiusmodi conditiones conveniunt universo inquantum conveniunt caelesti corpori, scilicet esse finitum et sempiternum, et alia huiusmodi. Si autem intentio principalis philosophi esset determinare de universo, sive de mundo, oporteret quod Aristoteles considerationem suam extenderet ad omnes partes mundi, etiam usque ad plantas et animalia, sicut Plato in Timaeo. Sed eadem ratione possumus arguere contra Simplicium: quia si in hoc libro principaliter intenderet de corporibus simplicibus, oporteret quod omnia quae pertinent ad corpora simplicia in hoc libro traderentur; nunc autem in hoc libro traduntur solum ea quae pertinent ad levitatem et gravitatem ipsorum, alia vero traduntur in libro de generatione.

Ce livre aborde beaucoup de problèmes, et les anciens commentateurs d'Aristote se sont interrogés sur son sujet. De l'avis d'Alexandre, c'est principalement l'univers lui-même. Le mot Ğ ciel ğ désigne en effet tantôt la sphère ultime, tantôt tout corps animé de mouvement circulaire, tantôt l'univers entier ; aussi ce commentateur affirme-t-il que le titre Ğ Du Ciel ğ équivaut à Ğ De l'Univers ğ ou bien à Ğ Du Monde ğ, montrant par-là qu'Aristote arrive à des conclusions qui concernent l'univers dans son ensemble, comme sa finitude, son unicité, etc. D'autres, au contraire, ont vu comme sujet principal le corps céleste animé de mouvement circulaire. D’où son titre Ğ Du Ciel ğ. Les autres corps physiques y sont abordés soit parce qu’ils sont contenus dans le ciel et reçoivent son influence, comme le pense Jamblique, soit parce qu’on a accidentellement besoin de connaître d'autres corps pour éclairer son propos sur le ciel, selon les dires de Syrianus. Mais il parait peu probable qu'après que le philosophe a traité du ciel au second livre, il ait joint aux deux suivants des considérations sur les corps simples, exactement comme s'il en faisait son sujet premier. Il n'est pas en effet dans les habitudes d'Aristote de regarder comme partie principale d'une science des données accidentelles. Il a semblé à d'autres, et à Simplicius, que l'intention de ce livre était de traiter des corps de structure simple dans ce qu'ils ont de commun. Cet ouvrage prendrait son titre du ciel parce que celui-ci est le plus important d'entre eux et leur fondement. En disant cela, on justifie que le texte aborde la question de l'univers : certaines propriétés sont en effet communes aux corps célestes et à l'univers (la finitude, l’éternité, ...), mais si l'intention essentielle d'Aristote avait été de parler de l'univers ou du monde, il aurait étendu sa considération à tous les aspects de celui-ci, y compris aux plantes et aux animaux comme Platon dans son Ğ Timée ğ. Pourtant le même argument se retourne contre Simplicius : s'il s'agissait premièrement de l'étude des corps de structure simple, il aurait fallu parler de tout ce qui leur appartient, et non pas seulement, comme c'est le cas, de leur gravitation, en abandonnant le reste au traité de la Ğ Génération ğ.

[70818] In De caelo, pr. 5 Et ideo rationabilior videtur sententia Alexandri, quod subiectum huius libri sit ipsum universum, quod dicitur caelum vel mundus; et quod de simplicibus corporibus determinatur in hoc libro, secundum quod sunt partes universi. Constituitur autem universum corporeum ex suis partibus secundum ordinem situs: et ideo de illis solum partibus universi determinatur in hoc libro, quae primo et per se habent situm in universo, scilicet de corporibus simplicibus. Unde et de quatuor elementis non determinatur in hoc libro secundum quod sunt calida vel frigida, vel aliquid huiusmodi; sed solum secundum gravitatem et levitatem, ex quibus determinatur eis situs in universo. Aliis autem partibus universi, puta lapidibus, plantis et animalibus, non determinatur situs secundum se, sed secundum simplicia corpora: et ideo de his non erat in hoc libro agendum. Et hoc consonat ei quod consuevit apud Latinos dici, quod in hoc libro agitur de corpore mobili ad situm, sive secundum locum: qui quidem motus communis est omnibus partibus universi.

C'est pourquoi semble plus rationnelle la pensée d'Alexandre, pour qui le sujet de l'ouvrage est l'univers, sous les noms de ciel ou de monde. Les corps simples y sont considérés comme des composants du cosmos. L'univers matériel est constitué par un ordre spatial entre eux. Aussi le texte n'aborde-t-il que les composants dont la caractéristique essentielle est d'avoir Ğ place ğ dans l'univers : les corps de structure simple. Pour cette raison également, il n'étudie pas la température des quatre éléments ou toute propriété autre que la gravitation qui détermine cette place. On n'assigne un endroit dans l'univers aux autres composants comme les roches, les plantes ou les animaux, que par rapport à un corps de structure simple. Aussi ce livre n'en parle-t-il pas. La même pensée fait dire aux commentateurs latins que l'ouvrage traite des corps en mouvement local car ce mouvement est commun à tous les composants de l'univers.

 

 

Liber 1

Livre 1 – [Le monde matériel]

Lectio 1

Leçon 1 – [La science de la nature porte surtout sur les corps et les grandeurs]

[70819] In De caelo, lib. 1 l. 1 n. 1 Quia igitur in hoc libro primo incipit applicare Aristoteles ad corpora, ea quae communiter dicta sunt de motu in libro physicorum, ideo primo prooemialiter ostendit quod ad scientiam naturalem pertinet determinare de corporibus et magnitudinibus; secundo incipit prosequi suum propositum, ibi: continuum quidem et cetera. Circa primum ponit talem rationem. Res naturales sunt corpora et magnitudines, et quae ad haec pertinent: sed scientia naturalis est de rebus naturalibus: ergo scientia naturalis consistit circa corpora et magnitudines.

Dans ce premier livre, Aristote entreprend d’appliquer aux corps ce qu’il a globalement dit du mouvement dans la Physique. Il montre d’abord, en une introduction, qu’il appartient à la Science de la Nature de déterminer des corps et des grandeurs avant de poursuivre son propos. Il donne à cette fin l’argument suivant : les êtres naturels sont des corps et des grandeurs, ainsi que tous leurs attributs, mais la science de la nature porte sur les réalités naturelles, donc sur les corps et les grandeurs.

[70820] In De caelo, lib. 1 l. 1 n. 2 Primo ergo ponit conclusionem, dicens quod scientia quae est de natura, fere plurima, idest in maiori parte, videtur esse existens circa corpora et magnitudines, idest lineas et superficies. De quibus tamen aliter considerat naturalis quam geometra. Naturalis quidem considerat de corporibus inquantum sunt mobilia, de superficiebus autem et lineis inquantum sunt termini corporum mobilium: geometra autem considerat de eis prout sunt quaedam quanta mensurabilia. Et quia ad scientiam pertinet non solum considerare subiecta, sed etiam passiones, ut dicitur in I Poster., ideo subiungit quod naturalis scientia existit circa praedictorum passiones et motus: ut per passiones intelligantur alterationes et alii motus consequentes, secundum quos alteratur aliquid in substantia rei: subdit autem et motus, quasi procedens a speciali ad commune. Vel per motus intelligit specialiter motus locales, qui sunt perfectiores in genere motuum.

Il commence par la conclusion : la science de la nature porte surtout sur les corps et les grandeurs comme la ligne et la surface [268a1]. Mais le naturaliste, à la différence du géomètre, considère les corps en tant que mobiles et les surfaces et les lignes en tant que frontières des corps mobiles. Alors que la géométrie voit en elles des quantités mesurables. Et comme il revient à la science de considérer les sujets, mais aussi les passions (I poster), il ajoute que la science naturelle traite surtout des passions et des mouvements [268a1]. Par passion, on peut entendre altération, ainsi que les mouvements qui en découlent et altèrent quelque chose dans la substance. Il ajoute alors Ğ ... et les mouvements ğ afin de procéder du spécifique au commun. Ou bien, par mouvement, il désigne spécialement le mouvement local, qui est le plus parfait dans le genre du mouvement. Ou encore, par passion, il signifie propriétés et par mouvement les opérations des êtres naturels, qui ne peuvent s’exécuter sans mouvement.

Vel per passiones intelligit proprietates, per motus autem operationes rerum naturalium, quae non sunt sine motu. Et quia in qualibet scientia oportet considerare principia, subiungit quod naturalis scientia est circa quaecumque principia praedictae substantiae; scilicet corporeae mobilis. Per quod datur intelligi quod ad naturalem pertinet praecipue considerare de corpore inquantum est in genere substantiae, sic enim est subiectum motus: ad geometram autem inquantum est in genere quantitatis, sic enim mensuratur. Et quia minor est manifesta, scilicet quod scientia naturalis sit de rebus naturalibus, subiungit maiorem, dicens quod ideo scientia naturalis existit circa praedicta, quia eorum quae sunt secundum naturam, quaedam sunt corpora et magnitudines, sicut lapides et alia inanimata; quaedam habent corpus et magnitudinem, sicut plantae et animalia, quorum principalior pars est anima (unde magis sunt id quod sunt secundum animam quam secundum corpus); quaedam vero sunt principia habentium corpus et magnitudinem, sicut anima, et universaliter forma, et materia. Et ex hoc apparet quare dixit quod scientia de natura fere plurima existit circa corpora et magnitudines: quaedam enim pars eius est circa habentia corpus et magnitudines; est etiam circa principia horum; est etiam circa quaedam quae non sunt in natura, quae aliqui attribuerunt corporibus et magnitudinibus, scilicet circa vacuum et infinitum.

Une science, quelle qu’elle soit, doit considérer les principes. Aussi ajoute-t-il que la science de la nature porte sur l’ensemble des principes des substances naturelles que sont les corps mobiles. Ceci explique qu’il appartienne à la science de la nature de considérer principalement les corps comme relevant du genre substance et sujet du mouvement, et à la géométrie comme relevant du genre quantité et sujet de mesures. La mineure – la science de la nature porte sur les réalités naturelles – est manifeste, car relèvent de la nature, d’une part les corps et les grandeurs, comme la pierre et les autres êtres inanimés, d’autre part les êtres ayant corps et grandeur, comme les plantes et les animaux, mais dont la partie principale est l’âme (ils doivent plus ce qu’ils sont à leur âme qu’à leur corps), d’autre part encore les principes de ce qui a corps et grandeur, comme l’âme ou toute forme en général, et la matière. Aristote dit que la science de la nature porte surtout sur les corps et les grandeurs, car pour une partie elle traite des corps et des grandeurs, pour une autre de leurs principes et pour une troisième seulement de réalités qui n’existent pas dans la nature, mais à qui certains ont attribué corps et grandeur, comme le vide et l’infini.

 

 

Lectio 2

Leçon 2 – [L’étude de l’univers matériel] traduction par Barbara Ferré, 2008

[70821] In De caelo, lib. 1 l. 2 n. 1 Postquam philosophus ostendit prooemialiter quod determinandum est de corporibus et magnitudinibus in scientia naturali, hic incipit prosequi principale propositum. Et quia, ut supra dictum est, in hoc libro principaliter intendit Aristoteles determinare de universo corporeo et principalibus partibus eius, quae sunt corpora simplicia, inter quae potissimum est corpus caeleste, ideo dividitur liber iste in partes tres: in prima determinat de universo corporeo; in secunda determinat de corpore caelesti, et hoc in secundo libro, ibi: quod quidem igitur neque factum est etc.; in tertia parte determinat de aliis simplicibus corporibus, scilicet de gravi et levi, in tertio libro, ibi: de primo quidem igitur caelo et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit perfectionem universi; secundo determinat quasdam conditiones seu proprietates ipsius, ibi: sed quoniam manifestum de his et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit perfectionem universi; secundo ostendit ex quibus partibus eius perfectio integretur, ibi: de totius quidem igitur natura et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit perfectionem universi quam habet secundum communem rationem sui generis, inquantum scilicet est corpus; secundo probat perfectionem propriam ipsius, ibi: partialium quidem igitur corporum et cetera. Circa primum tria facit: primo manifestat definitionem corporis, qua utitur ad propositum ostendendum; secundo probat propositum, ibi: itaque quoniam omne et totum etc.; tertio ostendit quid ex praemissis possit esse manifestum, ibi: quaecumque quidem igitur et cetera. Circa primum duo facit: primo definit continuum, quod est genus corporis; secundo manifestat corporis definitionem, ibi: corpus autem et cetera.

[70821] Sur le De caelo, I, 2, 1. Après que le Philosophe a montré en introduction ce qu’il faut déterminer à propos des corps et des grandeurs dans la science naturelle, il commence à exposer ici sa principale proposition. Et puisque, comme on l’a dit ci-dessus, dans ce livre Aristote vise à traiter principalement de l’univers matériel et de ses principales parties, qui sont les corps simples, parmi lesquels le corps céleste est le plus important, ce livre se divise donc en trois parties : dans la première il traite de l’univers matériel ; dans la seconde il traite du corps céleste, et cela dans le second livre, ici : Ğ ce qui donc n’a ni été fait ğ, etc. ; dans la troisième partie, il traite des autres corps simples, c’est-à-dire du lourd et du léger, dans le troisième livre, ici : Ğ du premier ciel donc ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : premièrement il montre la perfection de l’univers ; deuxièmement il détermine certaines de ses dispositions ou de ses propriétés, ici : Ğ mais puisqu’il est manifeste à leur sujet ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : premièrement il montre la perfection de l’univers ; deuxièmement il montre de quelles parties cette perfection est composée, ici : Ğ de la nature de la totalité ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : premièrement il montre la perfection de l’univers qu’il a selon la conception commune de son genre, en tant que corps ; deuxièmement il prouve la perfection qui lui est propre, ici : Ğ du reste parmi les corps incomplets ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait trois choses : premièrement il expose la définition du corps, dont il se sert pour démontrer la proposition ; deuxièmement il prouve la proposition, ici : Ğ c’est pourquoi puisque tout et la totalité ğ, etc. ; troisièmement il montre ce qui peut être évident d’après les prémisses, ici : Ğ donc tout ce qui ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il accomplit deux choses : premièrement il définit le continu, qui est le genre du corps ; deuxièmement il expose la définition du corps, ici : Ğ or le corps ğ, etc.

[70822] In De caelo, lib. 1 l. 2 n. 2 Circa primum considerandum est quod continuum invenitur a philosopho dupliciter definitum. Uno modo definitione formali, prout dicitur in praedicamentis quod continuum est cuius partes copulantur ad unum communem terminum: unitas enim continui est quasi forma ipsius. Alio modo definitione materiali, quae sumitur ex partibus, quae habent rationem materiae, ut dicitur in II Physic.: et sic definitur hic, quod continuum est quod est divisibile in semper divisibilia. Nulla enim pars continui potest esse indivisibilis: quia ex indivisibilibus non componitur aliquod continuum, ut probatur in VI Physic. Et satis convenienter haec definitio ponitur hic, alia autem in praedicamentis: quia consideratio naturalis versatur circa materiam, consideratio autem logici circa rationem et speciem.

[70822] Sur le De caelo, I, 2, 2. [268a5] En ce qui concerne le premier point, il faut considérer que le continu se trouve défini de deux manières par le philosophe. D’une part selon une définition formelle, dans la mesure où il est dit dans les Catégories que le continu est ce dont les parties sont reliées à une limite commune : en effet, l’unité du continu est pour ainsi dire sa forme. D’autre part selon une définition matérielle, qui est tirée des parties qui possèdent l’organisation de la matière, comme il est dit dans le livre II de la Physique : et il est ainsi défini ici que le continu est ce qui est divisible en éléments toujours divisibles. Car aucune partie du continu ne peut être indivisible : puisque quelque chose de continu ne se compose pas d’éléments indivisibles, comme il est prouvé dans le livre VI de la Physique. Et cette définition est posée de manière assez juste ici, mais l’autre se trouve dans les Catégories, puisque la considération naturelle s’applique à la matière, mais que la considération de la logique concerne la raison et l’espèce.

[70823] In De caelo, lib. 1 l. 2 n. 3 Deinde cum dicit: corpus autem etc., definit corpus. Et primo proponit definitionem, dicens quod corpus est continuum quod est divisibile omniquaque, idest ad omnem partem, vel secundum omnem dimensionem. Secundo ibi: magnitudinis autem etc., probat propositam definitionem tali ratione. Corpus dividitur secundum tres dimensiones: quod autem dividitur secundum tres dimensiones, dividitur secundum omnes: ergo corpus est divisibile secundum omnes dimensiones. Primo ergo manifestat minorem, quasi per divisionem. Nam magnitudinum quaedam est quae dividitur ad unam partem, et haec dicitur linea: quaedam autem est quae dividitur ad duas partes, et haec dicitur planum, idest superficies: quaedam autem est quae dividitur secundum tres dimensiones; et cum talis magnitudo non sit linea neque superficies, sequitur quod sit corpus. Maiorem propositionem ponit ibi: et praeter has et cetera. Et primo ponit eam: et dicit quod praeter has magnitudines seu dimensiones non est alia magnitudo seu dimensio, propter hoc quod tria habent rationem ut sint omnia, quia habent rationem cuiusdam totalitatis; et quod est ter, videtur esse omniquaque, vel omnino, idest secundum omnem modum.

[70823] Sur le De caelo, I, 2, 3. [268a5] Ensuite lorsqu’il dit : Ğ or le corps ğ, etc., il définit le corps. Et premièrement il propose une définition en disant que le corps est le continu qui est divisible de toutes les façons, c’est-à-dire en toute partie, ou selon toute dimension. Et deuxièmement ici : Ğ de la grandeur ğ, etc., il prouve la définition proposée par le raisonnement suivant. [268a10] Le corps se divise selon trois dimensions : or ce qui se divise selon trois dimensions se divise selon toutes ; donc le corps est divisible selon toutes les dimensions. Premièrement donc il expose la mineure, comme par division. En effet, l’une des grandeurs est celle qui se divise en une seule partie, et on l’appelle ligne ; une autre est celle qui se divise en deux parties et qu’on appelle plan, c’est-à-dire surface ; et l’autre est celle qui se divise selon trois dimensions ; et comme cette grandeur n’est pas la ligne ni la surface, il s’ensuit que c’est le corps. Il place ici la majeure : Ğ et outre celles-là ğ, etc. Et il l’établit : il dit qu’outre ces grandeurs ou dimensions il n’est pas d’autre grandeur ou dimension, étant donné que trois choses équivalent à toutes, puisqu’elles équivalent à un certain total ; et ce qui est trois fois semble être de toutes les façons, ou bien en tout, c’est-à-dire de toute sorte.

[70824] In De caelo, lib. 1 l. 2 n. 4 Secundo ibi: quemadmodum enim etc., probat quod dixerat tripliciter. Primo quidem secundum rationem Pythagoricorum, qui dixerunt quod id quod dicitur totum et omne, determinatur ternario numero. Principium enim et medium et consummatio, idest finis, habent numerum qui convenit toti et omni: in rebus enim divisibilibus prima pars non sufficit ad integritatem totius, quod constituitur per ultimum, ad quod a principio pervenitur per medium. Haec autem, scilicet principium, medium et finis, habent numerum ternarium: et sic patet quod numerus ternarius convenit omni et toti.

[70824] Sur le De caelo, I, 2, 4. Deuxièmement ici : Ğ de même que, en effet ğ, etc., il prouve ce qu’il avait dit de trois manières. Premièrement selon le raisonnement des Pythagoriciens, qui ont dit que ce qui est dit total et tout est déterminé par le nombre trois. En effet le début, le milieu et l’achèvement, c’est à-dire la fin, ont le nombre qui convient au total et au tout : car dans les choses divisibles la première partie ne suffit pas à l’ensemble du tout, qui est constitué par l’extrémité, à laquelle on parvient en partant du début et en passant par le milieu. Or ces choses, à savoir le début, le milieu et la fin, ont comme nombre trois : et ainsi il est évident que le nombre trois convient au tout et au total.

[70825] In De caelo, lib. 1 l. 2 n. 5 Secundo ibi: propter quod a natura etc., probat idem per ea quae in cultu divino observantur. Utimur enim numero hoc, scilicet ternario, ad sanctificationes deorum (quos scilicet gentiles colebant), idest in sacrificiis et laudibus ipsorum, ac si acceperimus a natura leges et regulas ipsius: ut scilicet, sicut natura perficit omnia ternario numero, ita illi qui instituerunt cultum divinum, volentes Deo attribuere omne quod perfectum est, attribuunt ei ternarium numerum.

[70825] Sur le De caelo, I, 2, 5. [268a15] Deuxièmement ici : Ğ étant donné que par la nature ğ, etc., il prouve la même chose par ce qui est observé dans le culte divin. En effet nous nous servons de ce nombre, c’est-à-dire trois, dans les sanctifications des dieux (à savoir ceux que les Gentils honoraient), c’est-à-dire dans les sacrifices et les louanges en leur honneur, et si nous avons reçu de la nature ses lois et ses règles : c’est-à-dire que, de même que la nature accomplit tout selon le nombre trois, de même ceux qui ont institué le culte divin, voulant attribuer à leur dieu tout ce qui est parfait, lui ont attribué aussi le nombre trois.

[70826] In De caelo, lib. 1 l. 2 n. 6 Tertio ibi: assignamus autem etc., probat idem per communem usum loquendi. Et dicit quod etiam assignamus vocabula rebus secundum modum praedictum, quo scilicet perfectio competit ternario. Si enim aliqua sunt duo, dicimus quod sint ambo, et duos homines dicimus ambos: non autem de his dicimus omnes, sed primo hoc vocabulo utimur circa tres. Et istum modum loquendi sequimur communiter omnes, propter hoc quod natura ad hoc nos inclinat. Ea enim quae sunt propria singulis in modo loquendi, videntur provenire ex propriis conceptionibus uniuscuiusque: sed id quod observatur communiter apud omnes, videtur ex naturali inclinatione provenire.

[70826] Sur le De caelo, I, 2, 6. Troisièmement ici : Ğ or nous attribuons ğ, etc., il prouve la même chose par l’usage commun de la parole. Et il dit que nous attribuons aussi les mots aux choses selon la manière déjà dite, c’est-à-dire où la perfection correspond au nombre trois. Si en effet des choses sont au nombre de deux, nous disons qu’elles sont toutes deux et nous disons que deux hommes sont tous les deux ; or nous ne disons pas d’eux tous, mais nous utilisons ce mot en premier lieu à partir de trois. Et nous suivons tous communément cette manière de parler, étant donné que la nature nous fait penser vers cela. Car ce qui est propre à chacun dans la manière de parler semble provenir de conceptions propres à chacun, mais ce qui s’observe communément chez tous semble provenir d’un penchant naturel.

[70827] In De caelo, lib. 1 l. 2 n. 7 Est autem attendendum quod nusquam alibi Aristoteles invenitur Pythagoricis rationibus utens ad propositum ostendendum; neque invenitur alibi per numerorum proprietates aliquid de rebus concludere: et forte hoc hic facit propter affinitatem numerorum ad magnitudines, de quibus hic agitur. Videtur tamen quod haec probatio non sit efficax: non enim magis videtur sequi quod dimensiones sint tres, propter hoc quod ternarius est numerus totius et omnis: alioquin sequeretur per eandem rationem quod essent solum tria elementa, vel tres digiti manus. Sed sciendum est quod, sicut dicit Simplicius in commento, Aristoteles non procedit hic demonstrative, sed secundum probabilitatem: et hic modus sufficiens est post demonstrationes praemissas, vel praesuppositas ab alia scientia. Manifestum est autem quod determinare de dimensionibus corporum inquantum huiusmodi, per se pertinet ad mathematicum: naturalis autem assumit a mathematico ea quae circa dimensiones considerat. Et ideo probare demonstrative esse solum tres dimensiones, pertinet ad mathematicum: sicut Ptolomaeus probat per hoc quod impossibile est coniungi simul lineas perpendiculares plures quam tres super idem punctum; omnis autem dimensio mensuratur secundum aliquam lineam perpendicularem. Huius igitur demonstrationem Aristoteles supponens a mathematico, utitur testimonio et signis, sicut consuevit facere post demonstrationes a se inductas.

[70827] Sur le De caelo, I, 2, 7. Or il faut remarquer qu’on ne voit nulle part ailleurs Aristote se servir de raisonnements pythagoriciens pour démontrer une proposition et qu’on ne le voit pas ailleurs tirer une conclusion sur les choses au moyen des propriétés des nombres ; et peut-être fait-il cela ici en raison d’une affinité des nombres avec les grandeurs dont il est question ici. Cependant il semble que cette démonstration ne soit pas efficace : car il ne semble pas s’ensuivre que les dimensions sont trois du fait que trois est le nombre du total et du tout : autrement il s’ensuivrait par cette raison qu’il n’y aurait que trois éléments ou trois doigts d’une main. Mais il faut savoir que, comme le dit Simplicius dans son commentaire, Aristote ne procède pas ici par une démonstration, mais selon la probabilité : et cette méthode est suffisante après les démonstrations déjà produites ou présupposées à partir de l’autre science. Or il est évident que déterminer les dimensions des corps en tant que de cette manière relève en soi de la mathématique : le naturaliste emprunte à la mathématique ce qu’il considère au sujet des dimensions. Et c’est pourquoi prouver par une démonstration qu’il existe seulement trois dimensions relève de la mathématique : de même que Ptolémée prouve par cela qu’il est impossible de relier en même temps plus de trois lignes perpendiculaires sur le même point ; or toute dimension se mesure selon une ligne perpendiculaire. Donc Aristote, rattachant la démonstration de celui-là à la mathématique, utilise son témoignage et ses indications, comme il a l’habitude de le faire après les démonstrations produites par lui.

[70828] In De caelo, lib. 1 l. 2 n. 8 Deinde cum dicit: itaque quoniam omne etc., ex eo quod ostensum est, procedit ad principale propositum ostendendum. Et dicit quod haec tria, omne et totum et perfectum, non differunt ab invicem secundum speciem, idest secundum formalem rationem, quia omnia important integritatem quandam: sed si in aliquo differant, differunt in materia et subiecto, inquantum de diversis dicuntur. Nam hoc quod dicitur omne, utimur in discretis, sicut dicimus omnem hominem: utimur etiam eo in continuis quae sunt propinqua divisioni, sicut dicimus omnem aquam et omnem aerem. Totum autem dicitur et in his et in continuis: dicimus enim totum populum et totum lignum. Perfectum autem dicimus et in his et in formis: dicimus enim perfectam albedinem et perfectam virtutem. Quia igitur omne et perfectum est idem, consequens est quod corpus sit perfectum inter magnitudines: quia solum corpus est determinatum tribus dimensionibus, et hoc habet rationem omnis, ut supra ostensum est: cum enim sit tribus modis divisibile, sequitur quod sit divisibile omniquaque, idest secundum omnem dimensionem. Sed inter alias magnitudines aliquid est divisibile secundum duas dimensiones, scilicet superficies; aliud autem secundum unam, scilicet linea. Ut enim numerum adepta sunt, idest sicut magnitudines habent numerum dimensionum, ita habent divisionem et continuitatem: ita scilicet quod aliqua magnitudo est continua secundum unum modum, scilicet linea; alia est continua duobus modis, scilicet superficies; corpus autem est continuum secundum omnem modum. Unde patet quod corpus est magnitudo perfecta, quasi habens omnem modum continuitatis.

[70828] Sur le De caelo, I, 2, 8. [268a20] Ensuite, lorsqu’il dit : Ğ c’est pourquoi puisque tout, etc. ğ, à partir de ce qui a été montré il procède à la démonstration de la principale proposition. Et il dit que ces trois mots, tout, entier et parfait, ne diffèrent pas les uns des autres selon l’espèce, c’est-à-dire selon la raison formelle, puisque toutes comportent une certaine totalité : mais s’ils diffèrent en quelque chose, ils diffèrent en matière et en sujet, dans la mesure où on les dit à propos de choses diverses. En effet nous utilisons ce qui est appelé tout pour des choses divisées, comme nous disons tout homme : nous l’utilisons aussi pour les choses continues qui sont proches de la division, comme nous disons toute eau et tout air. Or nous disons entier à la fois pour ces choses et pour les choses continues : nous disons en effet le peuple entier et la ligne entière. Or nous appelons parfait à la fois ces choses et les formes : nous disons en effet une blancheur parfaite et une vertu parfaite. Donc puisque tout et parfait sont la même chose, la conséquence est que le corps est parfait entre les grandeurs : puisque seul le corps est déterminé par trois dimensions, il a aussi totalement la relation avec le tout, comme on l’a montré ci-dessus. En effet, comme il est divisible de trois manières, il s’ensuit qu’il est divisible de toute manière, c’est-à-dire selon toute dimension. [265a25] Mais parmi les autres grandeurs l’une est divisible selon deux dimensions, à savoir la surface ; l’autre l’est selon une seule, à savoir la ligne. En effet, comme elles ont obtenu un nombre, c’est-à-dire de même que les grandeurs ont un nombre de dimensions, de même elles ont la division et la continuité ; tout comme une grandeur est continue selon une seule manière, à savoir la ligne ; une autre est continue selon deux manières, à savoir la surface ; or un corps est continu selon toute manière. De là il est clair que le corps est une grandeur parfaite, ayant pour ainsi dire tout mode de continuité.

[70829] In De caelo, lib. 1 l. 2 n. 9 Deinde cum dicit: quaecumque quidem igitur etc., ostendit quid ex praemissis manifestum sit vel non: et ponit tria. Quorum primum secundum se manifestum est, scilicet quod quaecumque magnitudo est divisibilis, sit continua: si enim non esset continua, non haberet rationem magnitudinis, sed potius numeri. Secundum autem est conversum huius, scilicet quod omne continuum sit divisibile, sicut in definitione fuit positum. Et hoc quidem manifestum est ex his quae probata sunt in VI Physic., ut supra dictum est. Non est autem manifestum ex his quae nunc dicta sunt: quia quod continuum sit divisibile, hic supposuit, non probavit. Tertium est manifestum ex praemissis, scilicet quod non fit transitus a corpore in aliud genus magnitudinis, sicut fit transitus ex longitudine in superficiem, et ex superficie in corpus. Et utitur modo loquendi quo utuntur geometrae, imaginantes quod punctus motus facit lineam, linea vero mota facit superficiem, superficies autem corpus. A corpore autem non fit transitus ad aliam magnitudinem: quia talis exitus, sive processus, ad aliud genus magnitudinis, est secundum defectum eius a quo transitur (unde etiam motus naturalis est actus imperfecti). Non est autem possibile quod corpus, quod est perfecta magnitudo, deficiat secundum hanc rationem, quia est continuum secundum omnem modum: et ideo non potest fieri transitus a corpore in aliud genus magnitudinis.

[70829] Sur le De caelo, I, 2, 9. [268ab1] Ensuite, lorsqu’il dit : Ğ tout ce qui donc ğ, il montre ce qui est évident ou non d’après les prémisses : et il expose trois idées. La première d’entre elles est évidente par elle-même, à savoir que toute grandeur divisible est continue : en effet si elle n’était pas continue, elle n’aurait pas la configuration d’une grandeur, mais plutôt d’un nombre. La seconde idée est la réciproque de cette dernière, à savoir que tout être continu est divisible, comme il a été présenté dans la définition. Et cela est assurément évident d’après ce qui a été prouvé dans le livre VI de la Physique, comme on l’a dit ci-dessus. Mais cela n’est pas évident d’après ce que l’on a dit à l’instant, parce qu’il a supposé et non prouvé que le continu soit divisible. La troisième idée est évidente d’après les prémisses, à savoir qu’il n’existe pas de passage d’un corps à un autre genre de grandeur, comme il existe un passage de la longueur à la surface, et de la surface au corps. Et il utilise la manière de parler dont se servent les géomètres, imaginant que le déplacement d’un point fait la ligne, le déplacement de la ligne fait la surface, et celui de la surface le corps. Il ne se fait pas de passage du corps vers une autre grandeur, puisqu’un tel résultat, ou développement, vers un autre genre de grandeur se produit selon la disparition de ce dont il procède (d’où il découle aussi que le mouvement naturel est acte de ce qui est imparfait). Or il n’est pas possible qu’un corps, qui est grandeur parfaite, disparaisse de cette manière, puisqu’il est continu selon tout mode : et c’est pourquoi il ne peut se produire un passage d’un corps vers un autre genre de grandeur.

[70830] In De caelo, lib. 1 l. 2 n. 10 Deinde cum dicit: partialium quidem etc., manifestat propriam perfectionem universi, per differentiam ad corpora particularia. Et primo ponit qualiter particularia corpora se habeant ad perfectionem. Et dicit quod unumquodque particularium corporum, secundum rationem communem corporis, est tale, idest perfectum, inquantum habet omnes dimensiones: sed tamen terminatur ad proximum corpus, inquantum contingit ipsum. Et ita unumquodque talium corporum quodammodo est multa, idest perfectum, inquantum habet omnes dimensiones, et imperfectum, inquantum habet aliud corpus extra se ad quod terminatur. Vel est multa secundum contactum ad diversa corpora: vel est multa, quia sunt plura unius speciei propter imperfectionem; quod non contingit de universo.

[70830] Sur le De caelo, I, 2, 10. [268b5] Ensuite, quand il dit : Ğ partiels ğ, etc., il montre la perfection propre à l’univers, à la différence des corps particuliers. Et il établit premièrement de quelle manière les corps particuliers sont parfaits. Et il dit que chacun des corps particuliers, selon l’organisation commune du corps, est tel, c’est-à-dire parfait, en tant qu’il a toutes les dimensions. Mais cependant il est limité par un corps très proche, dans la mesure où il le touche. Et ainsi chacun de ces corps est multiple, c’est-à-dire parfait, en tant qu’il a toutes les dimensions, et imparfait, dans la mesure où il a un autre corps en dehors de lui où il se termine. Ou bien il est multiple selon son contact avec différents corps ; ou bien il est multiple, puisqu’ils sont plusieurs d’une seule espèce en raison de leur imperfection, ce qui n’arrive pas à l’univers.

[70831] In De caelo, lib. 1 l. 2 n. 11 Secundo ibi: totum autem etc., ostendit quomodo universum se habeat ad perfectionem. Et dicit quod totum, idest universum, cuius partes sunt particularia corpora, necesse est quod sit perfectum omnibus modis; et sicut ipsum nomen universi significat, omniquaque, idest omnibus modis, perfectum, et non secundum unum modum ita quod non secundum alium: quia et habet omnes dimensiones, et comprehendit in se omnia corpora.

[70831] Sur le De caelo, livre I, 2, 11. [268b5] Deuxièmement ici : Ğ le tout ğ, etc., il montre de quelle manière l’univers est parfait. Et il dit qu’il est nécessaire que le tout, c’est-à-dire l’univers, dont les parties sont les corps particuliers, soit parfait de toutes les manières ; et de même le nom même de l’univers signifie Ğ parfait ğ en tout point, c’est-à-dire de toutes les manières, et non selon une manière ou une autre, puisqu’il a toutes les dimensions et qu’il comprend en lui tous les corps.

 

 

Lectio 3

Leçon 3 – [Les cinq éléments qui composent le monde]

[70832] In De caelo, lib. 1 l. 3 n. 1 Postquam philosophus ostendit universum esse perfectum et ratione suae corporeitatis et ratione suae universitatis, hic ostendit ex quibus partibus eius perfectio integratur. Et primo dicit de quo est intentio; secundo ostendit propositum, ibi: omnia enim physica corpora et cetera. Circa primum considerandum est quod, sicut dicitur in III Physic., antiqui dixerunt infinitum esse extra quod nihil est. Quia igitur probavit universum esse perfectum ex hoc quod nihil est extra ipsum, sed omnia complectitur, posset aliquis suspicari ipsum esse infinitum. Et ideo huic opinioni occurrens, concludit subdens quod posterius intendendum est quantum ad naturam totius universi, si est infinitum secundum magnitudinem, sive finitum secundum totam suam molem. Interim tamen, antequam hoc tractetur, dicendum est de partibus eius quae sunt secundum speciem, in quibus scilicet integritas speciei ipsius consistit, cuiusmodi sunt simplicia corpora. Nam animalia et plantae et alia huiusmodi sunt secundariae partes eius, quae magis pertinent ad bene esse ipsius quam ad primam eius integritatem. Et hanc considerationem inchoabimus a principio infra posito.

[70832] Sur le De caelo, livre I, 3, 1. Après que le philosophe a montré que l’univers est parfait à la fois sous le rapport de sa corporéité et sous celui de son universalité, il montre ici de quelles parties sa perfection est composée. Il dit premièrement sur quoi porte son intention ; il montre deuxièmement la proposition, ici : Ğ tous les corps physiques en effet ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il faut considérer que, comme il est dit au livre III de la Physique, les Anciens ont dit que l’infini est ce en dehors de quoi il n’est rien. Puisque donc il a prouvé que l’univers est parfait du fait qu’il n’est rien en dehors de lui, mais qu’il embrasse tout, on pourrait conjecturer qu’il est infini. Et c’est pourquoi, s’opposant à cette opinion, il conclut en supposant qu’en second lieu il faut examiner, quant à la nature de l’univers tout entier, s’il est infini selon sa grandeur, ou s’il est fini selon toute sa masse. Entre temps, cependant, avant de traiter de cela, il faut parler des parties de celui-ci qui sont selon l’espèce, c’est-à-dire où se trouve la totalité de son espèce, parmi lesquelles sont les corps simples. En effet les animaux, les plantes et autres êtres de ce genre sont les parties secondaires de l’univers, qui concernent davantage le fait de bien être à lui plutôt que son intégrité première. Et nous commencerons cette réflexion par un principe établi ci-dessous.

[70833] In De caelo, lib. 1 l. 3 n. 2 Deinde cum dicit: omnia enim physica etc., ostendit propositum, scilicet ex quibus partibus principalibus perfecta species universi integretur. Et primo ostendit quod praeter quatuor elementa, necesse est esse aliud corpus simplex; secundo ostendit quod praeter quinque corpora simplicia non est aliud corpus, ibi: manifestum autem ex dictis et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit esse quintum corpus praeter quatuor elementa; secundo ostendit differentiam eius ad quatuor elementa, ibi: quoniam autem haec quidem supponuntur et cetera. Circa primum duo facit: primo praemittit quaedam quae sunt necessaria ad propositum ostendendum; secundo argumentatur ad propositum, ibi: si quidem igitur est simplex motus et cetera. Circa primum duo facit: primo praemittit quaedam quae pertinent ad motus; secundo ponit quaedam quae pertinent ad corpora mobilia, ibi: quoniam autem corporum haec quidem et cetera. Circa primum duo facit: primo praemittit continuitatem motus localis ad corpora naturalia; secundo ponit distinctionem motuum localium, ibi: omnis autem et cetera.

[70833] Sur le De caelo, livre I, 3, 2. Ensuite, quand il dit : Ğ toutes les choses physiques ğ, etc., il montre la proposition, c’est-à-dire de quelles parties principales l’espèce parfaite de l’univers est composée. Et il montre premièrement que, outre les quatre éléments, il est nécessaire qu’il y ait un autre corps simple ; il montre deuxièmement qu’au-delà des cinq corps simples, il n’y a pas d’autre corps, ici : Ğ il est évident d’après ce qui a été dit ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : il montre premièrement qu’il y a un cinquième corps en dehors des quatre éléments ; deuxièmement il montre la différence de ce corps avec les quatre éléments, ici : Ğ puisque ceux-ci sont supposés ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : premièrement, il avance certains points qui sont nécessaires pour montrer la proposition ; deuxièmement, il argumente pour cette proposition, ici : Ğ donc si le mouvement est simple ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il avance au préalable certains points qui ont trait au mouvement ; deuxièmement il établit certains points qui ont trait aux corps mobiles, ici : Ğ puisque parmi les corps ceux-ci ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : premièrement il avance la continuité du mouvement local vers les corps naturels ; deuxièmement il établit la distinction des mouvements locaux, ici : Ğ or tout ğ, etc.

[70834] In De caelo, lib. 1 l. 3 n. 3 Dicit ergo primo quod omnia corpora physica, idest naturalia, dicimus esse mobilia secundum locum secundum seipsa, idest secundum sui naturam; et similiter alias magnitudines naturales, puta superficies et lineas, prout sunt termini naturalium corporum; ita tamen quod corpora per se moventur, aliae tamen magnitudines per accidens, motis corporibus. Et ad huius probationem inducit definitionem naturae, quae est principium motus in eis in quibus est, ut dicitur in II Physic. Ex hoc autem sic argumentatur. Corpora naturalia sunt quae habent naturam: sed natura est principium motus in eis in quibus est: ergo corpora naturalia habent principium motus in seipsis. Sed quaecumque moventur quocumque motu, moventur localiter, non autem e converso, ut patet in VIII Physic., eo quod motus localis est primus motuum. Omnia ergo corpora naturalia moventur naturaliter motu locali, non autem omnia aliquo aliorum motuum.

[70834] Sur le De caelo, I, 3 ; 3. [268b15] Il dit donc premièrement que nous disons que tous les corps physiques, c’est-à-dire naturels, sont mobiles selon le lieu selon eux-mêmes, c’est-à-dire selon leur nature, et également les autres grandeurs naturelles, par exemple les surfaces et les lignes, dans la mesure où elles sont les limites des corps naturels, tout comme les corps se meuvent par eux-mêmes, mais que les autres grandeurs le font par accident, par le déplacement des corps. Et pour prouver cela, il introduit la définition de la nature, qui est le principe du mouvement pour les êtres dans lesquelles elle est, comme il est dit dans le livre II de la Physique. À partir de là, il argumente ainsi. Les corps naturels sont ceux qui ont une nature ; mais la nature est le principe du mouvement pour les êtres dans lesquels elle est ; donc les corps naturels ont un principe du mouvement en eux-mêmes. Mais tout ce qui est déplacé par tout mouvement l’est dans un lieu, et non le contraire, comme cela apparaît dans le livre VIII de la Physique, parce que le mouvement local est le premier des mouvements. Donc tous les corps physiques sont déplacés naturellement par le mouvement local, et non tous par l’un des autres mouvements.

[70835] In De caelo, lib. 1 l. 3 n. 4 Sed videtur hoc esse falsum: caelum enim est corpus naturale, nec tamen eius motus videtur esse a natura, sed magis ab aliquo intellectu, sicut ex his quae determinantur in VIII Physic. et XII Metaphysic. patet. Sed dicendum est quod duplex est principium motus: unum quidem activum, quod est ipse motor, et tale principium motus animalium est anima: aliud autem est principium motus passivum, scilicet secundum quod corpus habet aptitudinem ut sic moveatur, et huiusmodi principium motus est in gravibus et levibus. Non enim componuntur ex movente et moto, ut philosophus dicit in VIII Physic.: quod quidem, inquit, nihil horum, scilicet gravium et levium, ipsum movet seipsum, manifestum est: sed motus habent principium, non movendi neque faciendi, sed patiendi. Sic igitur dicendum est quod principium activum motus caelestium corporum est intellectualis substantia: principium autem passivum est natura illius corporis, secundum quam natum est tali motu moveri. Et esset simile in nobis si anima non moveret corpus nostrum nisi secundum naturalem inclinationem eius, scilicet deorsum.

[70835] Sur le De caelo, I, 3, 4. Mais ceci semble être faux : le ciel en effet est un corps naturel, et cependant son mouvement ne semble pas être du fait de la nature, mais plutôt de quelque intelligence, comme cela apparaît d’après ce qui est déterminé dans le livre VIII de la Physique et dans le livre XII de la Métaphysique. Mais il faut dire que le principe du mouvement est double : l’un est actif, lequel est le moteur lui-même, et ce principe du mouvement des êtres vivants est l’âme ; l’autre est le principe du mouvement passif, c’est-à-dire selon que le corps a l’aptitude d’être ainsi déplacé, et le principe du mouvement de ce genre se trouve dans les choses lourdes et légères. En effet, elles ne sont pas composées de ce qui se meut et de ce qui est mu, comme le philosophe le dit dans le livre VIII de la Physique : il est évident qu’assurément, dit-il, aucune de celles-ci, c’est-à-dire les choses lourdes et légères, ne se déplace elle-même ; mais elles ont le principe du mouvement, non de se mouvoir et ni de faire, mais de subir. Ainsi donc il faut dire que le principe actif du mouvement des corps célestes est substance intellectuelle : or le principe passif est la nature de ce corps, selon laquelle il est destiné à être déplacé par un tel mouvement. Et il serait semblable chez nous si l’âme ne mouvait pas notre corps si ce n’est selon son inclination naturelle, c’est-à-dire vers le bas.

[70836] In De caelo, lib. 1 l. 3 n. 5 Deinde cum dicit: omnis autem motus etc., ponit distinctionem localium motuum. Et primo distinguit communiter motus locales tam compositos quam simplices; secundo distinguit motus simplices, ibi: circulatio quidem igitur et cetera. Circa primum duo facit. Primo proponit quod intendit, scilicet quod omnis motus localis (qui vocatur latio) aut est circularis, aut rectus, aut mixtus ex his, sicut motus obliquus eorum quae hac illacque feruntur. Secundo ibi: simplices enim etc., probat quod dixerat, per hoc quod motus simplices non sunt nisi duo, scilicet rectus et circularis. Et huius causam assignat ex hoc quod solae sunt duae magnitudines simplices, scilicet recta et circularis: motus autem localis secundum loca specificatur, sicut et quilibet alius motus secundum suos terminos.

[70836] Sur le De Caelo, I, 3, 5. Ensuite lorsqu’il dit : Ğ or tout mouvement ğ, etc., il établit une distinction entre les mouvements locaux. Et premièrement il fait communément une distinction entre les mouvements locaux aussi bien composés que simples ; deuxièmement il fait une distinction entre les mouvements simples, ici : Ğ donc le mouvement circulaire ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses. Premièrement il expose ce qu’il cherche à démontrer, c’est-à-dire que tout mouvement local (qui est appelé translation) est soit circulaire, soit droit, soit un mélange des deux, comme le mouvement oblique des choses qui sont déplacées par ici et par là. Deuxièmement ici : Ğ en effet les simples ğ, etc., il prouve ce qu’il avait dit par le fait que les mouvements simples sont seulement deux, c’est-à-dire droits et circulaires. Et il en tire la raison du fait qu’il y a seulement deux grandeurs simples, c’est-à-dire droite et circulaire : or le mouvement local est différencié selon les lieux, comme l’autre mouvement, quel qu’il soit, aussi selon ses limites.

[70837] In De caelo, lib. 1 l. 3 n. 6 Sed videtur quod probatio Aristotelis non sit conveniens: quia, ut dicitur in I Poster., transcendentem in aliud genus non contingit demonstrare. Inconvenienter igitur per divisionem magnitudinum, quae pertinet ad mathematicum, concluditur aliquid circa motus, qui pertinent ad naturalem. Sed dicendum quod scientia quae se habet ex additione ad aliam, utitur principiis eius in demonstrando, sicut geometria utitur principiis arithmeticae: magnitudo enim addit positionem supra numerum, unde punctus dicitur esse unitas posita. Similiter autem corpus naturale addit materiam sensibilem supra magnitudinem mathematicam: et ideo non est inconveniens si naturalis in suis demonstrationibus utatur principiis mathematicis: non enim est omnino aliud genus, sed quodammodo sub illo continetur. Item videtur esse falsum quod solae duae magnitudines sint simplices, scilicet recta et circularis. Elix enim videtur esse una linea simplex, quia omnis pars eius est uniformis; et tamen linea elica nec est recta nec est circularis. Sed dicendum quod elix, si quis eius originem consideret, non est linea simplex, sed mixta ex recta et circulari. Causatur enim elix ex duobus motibus imaginatis, quorum unus est lineae circumeuntis columnam, alius autem est puncti moti per lineam: si enim uterque motus simul et regulariter perficiatur, constituetur elica linea per motum puncti in linea mota. Item videtur quod motus circularis non sit simplex. Partes enim sphaerae circulariter motae non uniformiter moventur, sed pars quae est circa polos vel circa centrum, movetur tardius, quia peragit minorem circulum in eodem tempore: et ita motus sphaerae videtur compositus ex tardo et veloci. Sed dicendum quod continuum non habet partes in actu, sed solum in potentia: quod autem non est actu, non movetur actu: unde partes sphaerae, cum sint corpus continuum, non moventur actu. Unde non sequitur quod in motu sphaerico vel circulari sit diversitas actualis, sed solum potentialis; quae non repugnat simplicitati de qua nunc loquimur; omnis enim magnitudo habet pluralitatem potentialem.

[70837] Sur le De Caelo, I, 3, 6. Mais il semble que le raisonnement d’Aristote ne soit pas convenable, puisque, comme il est dit dans le livre I des Posteriora, il n’est pas donné de faire une démonstration en passant à un autre genre. Ce n’est donc pas de façon convenable qu’il tire quelque conclusion de la division des grandeurs, qui concerne la mathématique à propos des mouvements, qui concerne la physique. Mais il faut dire que la science qui provient de l’addition à une autre utilise les principes de cette dernière pour démontrer, comme la géométrie utilise les principes de l’arithmétique : la grandeur en effet ajoute la position au nombre, de là le point est dit être une unité ayant une position. De même le corps naturel ajoute la matière sensible à la grandeur mathématique. Et pour cette raison il n’est pas inconvenant pour la physique d’utiliser des principes mathématiques dans ses démonstrations : en effet ce n’est absolument pas un autre genre, mais elle est contenue par la mathématique en quelque sorte. Il semble également faux de dire que seules deux grandeurs sont simples, c’est-à-dire la droite et la circulaire. La spirale en effet semble être une ligne simple, parce que chacune de ses parties est uniforme ; et cependant la spirale n’est ni droite, ni circulaire. Mais il faut dire que la spirale, si on considérait son origine, n’est pas une ligne simple, mais un mélange de lignes droite et circulaire. Car la spirale est causée par deux mouvements imaginaires, dont l’un est celui d’une ligne tournant autour d’une colonne et l’autre est celui d’un point déplacé sur une ligne. Si en effet les deux mouvements s’achèvent en même temps et régulièrement, une ligne spirale est formée par le mouvement d’un point sur une ligne déplacée. De même il semble que le mouvement circulaire ne soit pas simple. En effet, les parties d’une sphère déplacée circulairement ne se déplace pas uniformément, mais la partie qui est autour des pôles ou autour du centre se déplace plus lentement, parce qu’elle parcourt un plus petit cercle dans le même temps ; et ainsi le mouvement d’une sphère semble composé de mouvements lents et rapides. Mais il faut dire que le continu n’a pas de parties en acte, mais seulement en puissance ; or ce qui n’est pas en acte n’est pas déplacé en acte ; de là les parties d’une sphère, comme elles sont un corps continu, ne sont pas déplacées en acte. Il ne s’ensuite pas que dans le mouvement sphérique ou circulaire il y a une diversité en acte, mais seulement en puissance ; cette dernière ne s’oppose pas à la simplicité dont nous parlons maintenant ; en effet toute grandeur a une pluralité de puissances.

[70838] In De caelo, lib. 1 l. 3 n. 7 Deinde cum dicit: circulatio quidem igitur etc., distinguit motus simplices. Et primo ponit unum, scilicet circularem; secundo ponit duos rectos, ibi: rectus autem etc.; tertio concludit numerum ternarium simplicium motuum, ibi: itaque necesse et cetera. Dicit ergo primo quod circulatio, idest motus circularis, dicitur qui est circa medium. Et est intelligendum circa mundi medium: rota enim, quae movetur circa medium sui, non movetur proprie circulariter; sed motus eius est compositus ex elevatione et depressione. Sed videtur secundum hoc quod non omnia corpora caelestia circulariter moveantur: nam, secundum Ptolomaeum, motus planetarum est in excentricis et epicyclis; qui quidem motus non sunt circa medium mundi, quod est centrum terrae, sed circa quaedam alia centra. Dicendum est autem quod Aristoteles non fuit huius opinionis, sed existimavit quod omnes motus caelestium corporum sunt circa centrum terrae, ut ponebant astrologi sui temporis. Postmodum autem Hipparchus et Ptolomaeus adinvenerunt motus excentricorum et epicyclorum, ad salvandum ea quae apparent sensibus in corporibus caelestibus. Unde hoc non est demonstratum, sed suppositio quaedam. Si tamen hoc verum sit, nihilominus omnia corpora caelestia moventur circa centrum mundi secundum motum diurnum, qui est motus supremae sphaerae revolventis totum caelum.

[70838] Sur le De caelo, I, 3, 7. [268b20] Ensuite, lorsqu’il dit : Ğ donc le mouvement circulaire ğ etc., il distingue les mouvements simples. Et premièrement il en établit un, c’est-à-dire le circulaire ; deuxièmement il établit deux mouvements rectilignes, ici : Ğ or le droit ğ, etc. ; troisièmement il conclut avec le nombre ternaire des mouvements simples, ici : Ğ c’est pourquoi il est nécessaire ğ, etc. Il dit donc premièrement que la circulation, c’est-à-dire le mouvement circulaire, se dit de ce qui est autour du milieu. Et il faut comprendre autour du centre du monde : en effet la roue, qui est déplacée autour de son centre, ne l’est pas circulairement à proprement parler ; mais son mouvement est composé d’élévation et d’abaissement. Mais il semble suivant ce principe que tous les corps célestes ne se déplacent pas circulairement : car, selon Ptolémée, le mouvement des planètes est formé de déplacements excentriques et d’épicycles ; or ces mouvements ne sont pas autour du milieu du monde, qui est le centre de la terre, mais autour de certains autres centres. Or il faut dire qu’Aristote n’était pas de cette opinion, mais qu’il considérait que tous les mouvements des corps célestes sont autour du centre de la terre, comme le pensaient les astronomes de son temps. Par la suite, Hipparque et Ptolémée découvrirent les mouvements des excentriques et des épicycles, pour sauver ce qui apparaît aux sens dans les corps célestes. De là cela n’a pas été démontré, mais c’est une hypothèse. Pourtant si cela est vrai, tous les corps célestes se déplacent néanmoins autour du centre du monde selon le mouvement diurne, qui est le mouvement de la sphère suprême qui fait rouler tout le ciel.

[70839] In De caelo, lib. 1 l. 3 n. 8 Deinde cum dicit: rectus autem etc., distinguit motum rectum in duos, scilicet in eum qui est sursum, et in eum qui est deorsum: et describit utrumque per habitudinem ad medium mundi, sicut descripserat motum circularem, ut sit uniformis descriptio. Et dicit quod motus sursum est qui est a medio mundi; motus autem deorsum qui est ad medium mundi. Quorum primus est motus levium, secundum motus gravium.

[70839] Sur le De caelo, I, 3, 8. Ensuite, lorsqu’il dit : Ğ le droit ğ etc., il sépare le mouvement droit en deux, c’est-à-dire en celui qui est vers le haut et en celui qui est vers le bas : et il décrit l’un et l’autre grâce à leur position par rapport au milieu du monde, comme il avait décrit le mouvement circulaire, afin que la description soit uniforme. Et il dit que le mouvement vers le haut est celui qui part du milieu du monde ; et le mouvement vers le bas est celui qui va vers le milieu du monde. Le premier d’entre eux est le mouvement des corps légers, le second est celui des corps lourds.

[70840] In De caelo, lib. 1 l. 3 n. 9 Deinde cum dicit: itaque necesse etc., concludit numerum simplicium motuum. Et primo inducit conclusionem intentam: et dicit quod necesse est simplicem lationem, idest motum localem, quendam esse a medio, et hic est motus sursum corporum levium; quendam vero esse ad medium, et hic est motus deorsum corporum gravium; alium vero esse circa medium, et huiusmodi est motus circularis corporum caelestium.

[70840] Sur le De caelo, I, 3, 9. Ensuite, lorsqu’il dit : Ğ c’est pourquoi il est nécessaire ğ, etc., il conclut par le nombre des mouvements simples. Et premièrement il introduit la conclusion recherchée : et il dit qu’il est nécessaire qu’un déplacement simple, c’est-à-dire un mouvement local, parte du milieu, et c’est le mouvement vers le haut des corps légers ; qu’un autre se dirige vers le milieu, et c’est le mouvement vers le bas des corps lourds ; qu’un autre se fasse autour du milieu, et le mouvement de ce genre est le mouvement circulaire des corps célestes.

[70841] In De caelo, lib. 1 l. 3 n. 10 Secundo ibi: et videtur sequi etc., ostendit hanc conclusionem supra dictis congruere. Et dicit quod hoc quod dictum est de numero simplicium motuum, videtur consequenter se habere ad id quod supra dictum est de perfectione corporis: sicut enim perfectio corporis consistit in tribus dimensionibus, ita et motus simplices corporis in tres distinguuntur. Hoc autem dicit esse secundum rationem, idest secundum probabilitatem quandam: non enim proprie tres motus coaptantur tribus dimensionibus.

[70841] Sur le De caelo, I, 3, 10. [268b25] Deuxièmement ici : Ğ et il semble s’ensuivre ğ, etc., il montre que cette conclusion s’accorde avec les propos tenus ci-dessus. Et il dit que ce qui a été dit sur le nombre des mouvements simples semble en conséquence être en accord avec ce qui a été dit ci-dessus sur la perfection des corps : en effet, de même que la perfection du corps consiste en trois dimensions, de même les mouvements simples du corps se divisent aussi en trois. Or il dit que c’est selon la logique, c’est-à-dire selon une certaine probabilité : en effet, les trois mouvements ne s’ajustent pas à proprement parler aux trois dimensions.

[70842] In De caelo, lib. 1 l. 3 n. 11 Deinde cum dicit: quoniam autem corporum etc., ponit quaedam ex parte corporum mobilium. Circa quod sciendum est quod, sicut habitum est in III Physic., motus est actus mobilis; actus autem proportionatur perfectibili; unde oportet motus proportionari corporibus mobilibus. Sunt autem corporum quaedam simplicia, quaedam composita. Simplex autem corpus est quod habet principium alicuius naturalis motus in seipso; sicut patet de igne, qui est simpliciter levis, et de terra, quae est simpliciter gravis, et de speciebus horum (sicut flamma dicitur esse quaedam species ignis, et bitumen quaedam species terrae). Addit autem et cognata his, propter media elementa; quorum aer habet maiorem affinitatem cum igne, aqua vero cum terra. Et per consequens necesse est corpus mixtum esse quod non habet in se secundum propriam naturam principium alicuius motus simplicis. Et ex hoc concludit quod necesse est motuum quosdam esse simplices, quosdam autem aliqualiter mixtos: sive ita quod motus mixtus non sit unus, sed habens diversas partes, sicut ille qui componitur ex elevatione et depressione, aut ex pulsu et tractu; sive ita quod motus mixtus sit unus, sicut patet de motu qui in obliquum tendit, et de motu qui est super lineam elicam. Unde simplicium corporum necesse est esse simplices motus: mixtorum autem, mixtos, ut patet de motu pluviae aut alicuius huiusmodi corporis, in quo non totaliter gravitas aut levitas dominatur. Et si aliquando contingat quod corpus mixtum moveatur motu simplici, hoc erit secundum elementum in eo praedominans; sicut ferrum movetur deorsum secundum motum terrae, quae in eius mixtione dominatur.

[70842] Sur le De caelo, I, 3, 11. Ensuite, lorsqu’il dit : Ğ puisque parmi les corps ğ, etc., il établit certains points à partir des corps mobiles. À propos de cela, il faut savoir que, selon les considérations du livre III de la Physique, le mouvement est un acte mobile ; or un acte est proportionné à ce qui est perfectible ; de là il faut que le mouvement soit proportionné aux corps mobiles. Or parmi les corps certains sont simples, d’autres sont composés. Un corps simple est celui qui a un principe de mouvement naturel en lui-même, comme il est évident à propos du feu, qui est simplement léger, de la terre, qui est simplement lourde et de leurs espèces (comme la flamme est dite une espèce du feu et le bitume une espèce de la terre). Il ajoute aussi ceux qui leur sont apparentés, en raison des éléments du milieu ; parmi eux l’air a une plus grande affinité avec le feu et l’eau avec la terre. Et par conséquent il est nécessaire que le corps mixte soit ce qui n’a pas en lui-même, selon sa nature propre, le principe d’un mouvement simple. Et il en conclut qu’il est nécessaire que certains des mouvements soient simples et que certains soient de quelque manière mixtes : soit qu’ainsi le mouvement mixte ne soit pas unique, mais ayant différentes parties, comme celui qui est composé de l’élévation et de l’abaissement, ou bien de la poussée et de la traction ; soit qu’ainsi le mouvement mixte soit unique, comme cela est évident à propos du mouvement qui tend vers l’oblique et du mouvement qui suit une ligne spirale. [269a1] De là il est nécessaire que les mouvements des corps simples soient simples, et que les mouvements des corps mixtes soient mixtes, comme cela est évident à propos du mouvement de la pluie ou de quelque corps de ce genre, dans lequel le poids et la légèreté ne dominent pas totalement. Et si parfois il arrive qu’un corps mixte soit déplacé par un mouvement simple, cela sera selon l’élément qui prédomine en lui, comme le fer est mu vers le bas selon le mouvement de la terre, qui domine dans son alliage.

 

 

Lectio 4

Leçon 4 – [Les éléments du monde : étude par le mouvement des corps]

[70843] In De caelo, lib. 1 l. 4 n. 1 Postquam philosophus praemisit quaedam necessaria ad propositum ostendendum, hic incipit arguere ad propositum; et hoc quinque rationibus. Quarum prima talis est. Motus circularis est motus simplex: motus autem simplex est primo et per se simplicis corporis (quia etsi contingat quod aliquis motus simplex sit alicuius corporis compositi, hoc erit secundum corpus simplex quod in eo praedominatur; sicut in lapide praedominatur terra, secundum cuius naturam movetur deorsum): ergo necesse est esse aliquod corpus simplex, quod moveatur naturaliter secundum motum circularem. Posset autem aliquis huic rationi obviare, dicendo quod, licet simplex motus sit simplicis corporis, non tamen oportet quod illud simplex corpus quod movetur circulariter, sit aliud a corpore simplici quod movetur motu simplici recto. Et ideo hoc excludit, subdens quod nihil prohibet quin diversa corpora moveantur uno motu non naturaliter, ita scilicet quod unum corpus moveatur per violentiam motu alterius; sed quod unum corpus moveatur secundum naturam motu naturali alterius corporis, est impossibile. Necesse enim est esse unum motum simplicem naturalem unius simplicis corporis, et diversos diversorum. Unde, si motus circularis est simplex, et alius a motibus rectis, necesse est quod sit naturalis corpori simplici, quod sit aliud a corporibus simplicibus quae moventur motu recto.

[70843] Sur le De caelo, I, 4, 1. Après que le Philosophe a avancé certains points nécessaires pour démontrer sa proposition, il commence ici à argumenter en vue de cette proposition ; et cela avec cinq raisonnements. Le premier d’entre eux est le suivant. Le mouvement circulaire est un mouvement simple : or le mouvement simple est en premier lieu et en lui-même celui d’un corps simple (parce que, même s’il arrivait qu’un mouvement simple soit celui d’un corps composé, il serait selon le corps simple qui prédomine en lui, comme dans la pierre prédomine la terre, selon la nature de laquelle elle est déplacée vers le bas) : [269a5] il est donc nécessaire que ce soit un corps simple qui soit mu naturellement selon un mouvement circulaire. Quelqu’un pourrait faire une objection à ce raisonnement en disant que, bien qu’un mouvement simple soit celui d’un corps simple, il n’est cependant pas obligatoire que ce corps simple qui est mu circulairement soit autre qu’un corps simple qui est mu par un mouvement simple droit. Et pour cette raison il rejette cela, supposant que rien n’empêche que différents corps soient mus par un mouvement d’une façon qui n’est pas naturelle, et qu’ainsi assurément un corps soit mu avec violence par le mouvement d’un autre ; mais il est impossible qu’un corps soit mu selon la nature par le mouvement naturel d’un autre corps. En effet il est nécessaire qu’il y ait un seul mouvement simple naturel pour un seul corps simple et des mouvements différents pour des corps différents. De là , si le mouvement circulaire est simple, et autre que les mouvements rectilignes, il est nécessaire qu’il soit naturel à un corps simple, qu’il soit autre que les corps simples qui sont mus par un mouvement droit.

[70844] In De caelo, lib. 1 l. 4 n. 2 Sed videtur hoc esse falsum, quod unus motus simplex sit solum unius corporis simplicis: motus enim deorsum est naturalis aquae et terrae, et motus sursum est naturalis igni et aeri. Sed dicendum quod motus localis attribuitur elementis, non secundum calidum et frigidum, humidum et siccum, secundum quae distinguuntur quatuor elementa, ut patet in II de Generat.: haec enim sunt principia alterationum. Motus autem localis attribuitur elementis secundum gravitatem et levitatem. Unde duo corpora gravia comparantur ad motum localem sicut unum corpus; et similiter duo corpora levia. Humidum enim et siccum, secundum quae differunt terra et aqua vel ignis et aer, accidentalem habitudinem habent ad motum localem. Et tamen in gravi et levi differentia quaedam est: nam ignis est levis simpliciter et absolute, terra autem gravis; aer autem est levis per comparationem ad duo elementa, et similiter aqua est gravis. Unde non omnino est idem secundum speciem motus aquae et terrae, vel ignis et aeris: quia non sunt idem termini, secundum quos specificantur eorum motus: aer enim natus est moveri ad locum qui subsidet igni, aqua autem ad locum qui supereminet terrae.

[70844] Sur le De caelo, I, 4, 2. Mais il semble être faux de dire qu’un mouvement simple soit seulement celui d’un corps simple : en effet le mouvement vers le bas est naturel à l’eau et à la terre, et le mouvement vers le haut est naturel au feu et à l’air. Mais il faut dire que le mouvement local est attribué aux éléments, non selon le chaud et le froid, l’humide et le sec, selon lesquels sont distingués les quatre éléments, comme il apparaît dans le livre II du De la Génération : car ce sont les principes de l’altération. Le mouvement local est attribué aux éléments selon la pesanteur et la légèreté. De là deux corps lourds sont appariés au mouvement local comme un seul corps, et également deux corps légers. En effet l’humide et le sec, selon lesquels la terre et l’eau, ou le feu et l’air diffèrent, ont une habitude accidentelle au mouvement local. Et cependant dans le lourd et le léger il y a une certaine différence ; car le feu est léger simplement et absolument, et la terre est lourde ; l’air est léger en comparaison des deux éléments et de la même manière l’eau est lourde. De là le mouvement de l’eau et de la terre, ou du feu et de l’air n’est pas totalement identique selon leur espèce, puisque leurs limites ne sont pas les mêmes, limites selon lesquelles leurs mouvements sont distingués : car l’air est destiné à se mouvoir vers le lieu qui se trouve sous le feu, et l’eau vers le lieu qui domine la terre.

[70845] In De caelo, lib. 1 l. 4 n. 3 Item videtur quod non sit necessarium, si corporis simplicis est unus motus simplex, quod propter hoc aliquis motus simplex sit alicuius corporis simplicis: sicut etiam non est necessarium quod tot sint corpora composita quot sunt motus compositi, qui diversificantur in infinitum. Sed dicendum est quod, sicut motus simplex localis non respondet corpori simplici quantum ad calidum et frigidum, humidum et siccum, ita etiam neque motus compositus respondet corpori mixto secundum gradus mixtionis praedictarum qualitatum, sed secundum compositionem gravis et levis; secundum cuius diversitatem diversificatur obliquatio corporis mixti a simplici motu gravis vel levis. Utraque autem diversitas non tendit in infinitum secundum speciem, sed solum secundum numerum.

[70845] Sur de De caelo, I, 4, 3. Également, il semble qu’il ne soit pas nécessaire que, si un mouvement simple est celui d’un corps simple, à cause de cela chaque mouvement simple soit celui de chaque corps simple, de même qu’il n’est pas non plus nécessaire qu’il y ait autant de corps composés que de mouvements composés, qui se diversifient à l’infini. Mais il faut dire que, de même que le mouvement simple local ne correspond pas à un corps simple quant au chaud et au froid, à l’humide et au sec, de même le mouvement composé ne correspond pas non plus au corps mixte selon le degré de mélange des qualités susdites, mais selon leur composition de lourdeur et de légèreté ; selon leur diversité l’obliquité du corps mixte se distingue du mouvement simple d’un corps lourd ou léger. Les deux distinctions ne tendent pas à l’infini selon l’espèce, mais seulement selon le nombre.

[70846] In De caelo, lib. 1 l. 4 n. 4 Item videtur quod secundum hoc sint multa corpora simplicia: quia sicut motus sursum et deorsum videntur esse motus simplices, ita motus qui est dextrorsum vel sinistrorsum, et qui est ante et retro. Et dicendum est quod, cum corpora simplicia sint essentiales et primae partes universi, oportet quod motus simplices, qui sunt naturales corporibus simplicibus, attendantur secundum conditionem universi. Quod cum sit sphaericum, ut infra probabitur, oportet quod motus eius attendatur per comparationem ad medium, quod est immobile: quia omnis motus fundatur supra aliquod immobile, ut dicitur in libro de causa motus animalium. Et ideo oportet esse solum tres motus simplices, secundum diversas habitudines ad medium: scilicet eum qui est a medio, et eum qui est ad medium, et eum qui est circa medium. Dextrum autem et sinistrum, ante et retro, considerantur in animalibus, et non in toto universo, nisi secundum quod ponuntur in caelo, ut in secundo dicetur: et secundum hoc motus circularis caeli est secundum dextrum et sinistrum, ante et retro.

[70846] Sur le De caelo, I, 4, 4. De même il semble que selon ce principe il y ait de nombreux corps simples, puisque, de même que les mouvements vers le haut et vers le bas semblent être des mouvements simples, de même pour le mouvement qui est vers la droite ou vers la gauche et pour celui qui est vers l’avant et vers l’arrière. Et on doit dire que, comme les corps simples et les premières parties de l’univers sont essentiels, il faut que les mouvements simples, qui sont naturels aux corps simples, considérés selon la condition de l’univers. Et comme il est sphérique, comme cela sera prouvé plus bas, il faut que son mouvement soit considéré en comparaison avec le milieu, qui est immobile, étant donné que tout mouvement est fondé sur quelque chose d’immobile, comme cela est dit dans le livre sur la cause du mouvement des êtres animés. Et c’est pourquoi il faut qu’il y ait seulement trois mouvements simples, selon les différentes manières dont ils se font par rapport au milieu, à savoir celui qui part du milieu, celui qui va au milieu et celui qui tourne autour du milieu. Le mouvement vers la droite et vers la gauche, le mouvement vers l’avant et vers l’arrière concernent les êtres vivants et non l’univers tout entier, si ce n’est qu’ils sont établis sur le ciel, comme on dira dans le second livre : et selon cela le mouvement circulaire du ciel se fait vers la droite, la gauche, l’avant et l’arrière.

[70847] In De caelo, lib. 1 l. 4 n. 5 Item videtur quod motus rectus et circularis non sint eiusdem rationis. Est enim motus rectus corporis nondum habentis complementum suae speciei, ut in quarto dicetur, et existentis extra proprium locum: motus autem circularis est corporis habentis complementum suae speciei, et in loco proprio existentis. Unde non videtur quod secundum eandem rationem motus simplices corporales sint simplicium corporum; sed quod alii motus sint corporum prout sunt in fieri, circularis autem prout sunt in facto esse. Sed dicendum quod, quia motus proportionatur mobili tanquam actus eius, conveniens est quod corpori quod est separatum a generatione et a corruptione, et non potest per violentiam expelli a proprio loco, debeatur motus circularis, qui est corporis in suo loco existentis: corporibus autem aliis generabilibus et corruptibilibus debetur motus extra proprium locum, qui est absque complemento speciei. Non tamen ita quod corpus quod movetur naturaliter motu recto, non habeat primum complementum suae speciei, quod est forma; hanc enim sequitur talis motus: sed quia non habet ultimum complementum, quod est in consecutione finis, qui est locus conveniens et conservans.

[70847] Sur le De caelo, I, 4, 5. Il semble également que le mouvement droit et le mouvement circulaire ne procèdent pas de la même manière. En effet le mouvement droit est celui d’un corps qui n’a pas encore le complément de son espèce, comme on le dira dans le quatrième livre, et qui existe en dehors de son lieu propre. Or le mouvement circulaire est celui d’un corps qui a le complément de son espèce et qui existe en son lieu propre. De là il ne semble pas que selon le même raisonnement les mouvements simples corporels soient ceux de corps simples, mais que les autres mouvements soient ceux de corps dans la mesure où ils sont en devenir et que le mouvement circulaire est celui de corps dans la mesure où ils sont dans ce qui est devenu. Mais il faut dire que, puisque ce mouvement est en rapport avec le mouvement mobile en tant qu’acte de celui-ci, il convient qu’à un corps qui est préservé de la génération et de la corruption et qui ne peut pas être chassé de son propre lieu par la violence soit dû un mouvement circulaire, qui est celui d’un corps qui existe en son lieu : aux autres corps qui peuvent être engendrés et corrompus est dû un mouvement en dehors de son propre lieu, qui est dépourvu de ce qui complète son espèce. Ce n’est cependant pas au point que le corps qui est déplacé naturellement par un mouvement droit n’ait pas le premier complément de son espèce, qui est la forme ; en effet un tel mouvement la suit, mais puisqu’il n’a pas le dernier complément, qui se trouve dans la conséquence de la fin qui est le lieu convenable et conservateur.

[70848] In De caelo, lib. 1 l. 4 n. 6 Secundam rationem ponit ibi: adhuc si qui praeter naturam etc.: in qua praesupponit duo principia. Quorum unum est quod motus qui est praeter naturam, idest violentus, contrarietur motui naturali; sicut terra movetur deorsum secundum naturam, sursum autem contra naturam. Secundum principium est quod unum uni est contrarium, ut probatum est in X Metaphys. Oportet autem et tertium supponere, quod sensu videtur, scilicet esse aliquod corpus circulariter motum. Et si quidem ille motus sit illi corpori naturalis, habemus propositum secundum praemissam rationem, quod scilicet illud corpus naturaliter motum circulo, sit aliud a quatuor corporibus simplicibus. Si vero motus huiusmodi non sit ei naturalis, oportet quod sit ei contra naturam. Ponatur ergo primo quod illud corpus circulariter motum sit ignis, ut quidam dicunt, vel quodcumque aliud quatuor elementorum. Oportebit ergo quod motus naturalis ignis, qui est moveri sursum, sit contrarius motui circulari. Sed hoc non potest esse: quia uni unum est contrarium, motui autem sursum contrariatur motus deorsum, et sic non potest ei contrariari motus circularis. Et eadem ratio est de aliis tribus elementis. Et similiter, si detur quod illud corpus quod contra naturam movetur circulariter, sit quodcumque aliud corpus praeter quatuor elementa, oportebit quod habeat aliquem alium motum naturalem. Sed hoc est impossibile: quia si sit ei naturalis motus qui est sursum, erit ignis aut aer; si autem motus qui est deorsum, erit aqua aut terra; positum est autem quod sit extra quatuor elementa. Sic ergo necesse est corpus quod movetur circulariter, naturaliter hoc motu moveri. Videtur autem Aristoteles, secundum ea quae hic dicit, contrarius esse Platoni, qui posuit corpus quod circulariter fertur, esse ignem. Sed secundum veritatem eadem est circa hoc utriusque philosophi opinio. Plato enim corpus quod circulariter fertur, ignem vocat propter lucem, quae species ignis ponitur; non quod sit de natura ignis elementaris. Unde et posuit quinque corpora in universo, quibus adaptavit quinque figuras corporales quas geometrae tradunt, quintum corpus aetherem nominans.

[70848] Sur le De caelo, I, 4, 6. [269a15] Il pose ici une seconde raison : Ğ encore si quelqu’un au-delà de la nature ğ, etc., où il présuppose deux principes. L’un d’entre eux est le fait que le mouvement qui est en dehors de la nature, c’est-à-dire violent, est contraire au mouvement naturel ; de même que la terre est déplacée vers le bas selon la nature, elle est déplacée vers le haut contre la nature. Le second principe est qu’une chose est contraire à une seule autre, comme cela est prouvé dans le livre X de la Métaphysique. Or il faut aussi en supposer un troisième, qui est visible par les sens, à savoir qu’il y a un corps déplacé circulairement. Et certes, si ce mouvement est naturel à ce corps, nous obtenons la proposition selon le raisonnement déjà avancé, à savoir que ce corps mu naturellement en cercle est différent des quatre corps simples. Si le mouvement de ce genre ne lui est pas naturel, il faut qu’il soit contre sa nature. Que l’on établisse donc en premier lieu le fait que ce corps déplacé circulairement est le feu, comme certains le disent, ou n’importe quel autre des quatre éléments. Il faudra donc que le mouvement naturel du feu, qui est d’être déplacé vers le haut, soit contraire au mouvement circulaire. Mais cela ne peut être, parce qu’une chose est contraire à une seule autre, et que le mouvement vers le bas est opposé au mouvement vers le haut, et ainsi le mouvement circulaire ne peut pas lui être contraire. Et le même raisonnement s’applique aux trois autres éléments. Et également, si on pose que ce corps qui est déplacé circulairement contre nature est n’importe quel autre corps en dehors des quatre éléments, il faudra qu’il ait un autre mouvement naturel. Mais cela est impossible, puisque s’il a un mouvement naturel qui est vers le haut, ce sera le feu ou l’air ; et si c’est le mouvement qui est vers le bas, ce sera l’eau ou la terre ; or on a posé qu’il est en dehors des quatre éléments. Ainsi donc il est nécessaire que le corps qui est mu circulairement soit mu naturellement par ce mouvement. Aristote semble, d’après ce qu’il dit ici, être opposé à Platon, qui a établi que le corps qui est porté circulairement est le feu. Mais en vérité l’opinion des deux philosophes est identique sur ce point. Platon, en effet, appelle feu le corps qui est porté circulairement, en raison de la lumière, qui est établie comme l’espèce du feu, et non parce qu’il serait de la nature du feu élémentaire. De là il établit aussi cinq corps dans l’univers, auxquels il a adapté les cinq figures corporelles que l’on rapporte au géomètre, appelant le cinquième élément éther.

[70849] In De caelo, lib. 1 l. 4 n. 7 Sed ulterius, quod hic dicitur, ignem moveri circulariter esse praeter naturam, videtur contrarium ei quod dicitur in I Meteor., ubi ipse Aristoteles ponit quod hypeccauma, idest ignis, et superior pars aeris feruntur circulariter motu firmamenti, sicut patet per motum stellae comatae. Sed dicendum est quod illa circulatio ignis vel aeris non est eis naturalis, quia non causatur ex principio intrinseco; neque iterum est per violentiam, sive contra naturam; sed est quodammodo supra naturam, quia talis motus inest eis ex impressione superioris corporis, cuius motum ignis et aer sequuntur secundum completam circulationem, quia haec corpora sunt caelo propinquiora; aqua vero secundum circulationem incompletam, scilicet secundum fluxum et refluxum maris; terra autem, velut remotissima a caelo, nihil de tali permutatione participat, nisi secundum solam alterationem partium ipsius. Quod autem inest inferioribus corporibus ex impressione superiorum, non est eis violentum nec contra naturam: quia naturaliter apta sunt moveri a superiori corpore.

[70849] Sur le De caelo, I, 4, 7. Mais ensuite, ce qu’il dit ici, à savoir que le feu est déplacé circulairement selon la nature semble contraire à ce qui est dit dans le livre I des Météorologiques, où Aristote lui-même établit que l’hypeccauma, c’est-à-dire le feu, et la partie supérieure de l’air, sont portés circulairement par le mouvement du firmament, comme cela apparaît dans le mouvement des comètes. Mais il faut dire que cette circulation du feu ou de l’air ne leur est pas naturelle, parce qu’elle n’est pas causée par un principe intrinsèque, et qu’elle ne l’est pas encore par la violence ou bien contre la nature ; mais elle est d’une certaine manière au-dessus de la nature, parce qu’un tel mouvement se trouve en eux sous l’influence d’un corps supérieur, dont le feu et l’air suivent le mouvement selon la circulation complète, puisque ces corps sont plus proches du ciel ; l’eau, selon une circulation incomplète, à savoir selon le flux et le reflux de la mer ; la terre, en tant que la plus éloignée du ciel, ne participe en rien d’une telle modification, si ce n’est selon l’altération seule des parties du ciel. Ce qui ne se trouve pas dans les corps inférieurs sous l’influence des supérieurs ne leur est pas violent, ni contre la nature, puisqu’ils sont naturellement capables d’être déplacés par un corps supérieur.

[70850] In De caelo, lib. 1 l. 4 n. 8 Item videtur falsum esse quod hic dicitur, unum uni esse contrarium: uni enim vitio contrariatur et virtus et vitium oppositum, sicut illiberalitati prodigalitas et liberalitas. Dicendum est autem quod eidem secundum idem est unum tantum contrarium; nihil tamen prohibet quin uni secundum diversa sint plura contraria, sicut si sit idem subiectum dulce et album, contrariabitur ei nigrum et amarum. Sic igitur illiberalitati contrariatur virtus liberalitatis sicut ordinatum inordinato; prodigalitas autem sicut superabundantia defectui. Non potest autem dici quod uterque motus, scilicet qui est sursum et qui est deorsum, contrarietur motui circulari secundum communem rationem recti. Rectum enim et circulare non sunt contraria: pertinent enim ad figuram, cui nihil est contrarium.

[70850] Sur le De caelo, I, 4, 8. De même ce qui est dit ici semble être faux, à savoir qu’une chose est contraire à une seule autre (269a10) : en effet à un vice sont contraires à la fois la vertu et le vice opposé, comme la générosité et la prodigalité le sont à l’avarice. Il faut dire qu’une chose est seulement contraire à la même chose selon la même chose ; cependant rien n’empêche que plusieurs choses soient contraires à une autre selon différentes choses, de même que si le doux et le blanc sont proches de la même chose, le noir et l’amer lui seront contraires. Ainsi donc la vertu de la générosité est opposée à l’avarice, comme ce qui est ordonné l’est à ce qui est désordonné ; la prodigalité, tout comme la surabondance, l’est au manque. On ne peut pas dire que les deux mouvements, c’est-à-dire celui qui va vers le haut et celui qui va vers le bas, sont opposés au mouvement circulaire selon le raisonnement commun du droit. Car le droit et le circulaire ne sont pas opposés : ils concernent en effet la figure, à qui rien n'est opposé.

[70851] In De caelo, lib. 1 l. 4 n. 9 Tertiam rationem ponit ibi: sed adhuc et primam et cetera. Circa quam primo ostendit quod motus circularis sit primus inter motus locales. Est enim comparatio motus circularis ad motum rectum, qui est sursum vel deorsum, sicut comparatio circuli ad lineam rectam. Probatur autem quod circulus, idest linea circularis, sit prior linea recta, quia perfectum naturaliter est prius imperfecto; circulus autem sive linea circularis est perfecta, quia quidquid in ea accipitur, est principium et finis et medium; unde non recipit alicuius exterioris additionem. Linea autem recta nulla est perfecta. Quod patet et quantum ad lineam infinitam, quae imperfecta est quia fine caret, ex quo denominatur aliquid perfectum in Graeco: et idem patet in linea finita, quia quamlibet lineam finitam contingit augeri, idest accipere maiorem quantitatem, et sic est aliquid extra eam. Et sic linea circularis naturaliter est prior quam recta. Ergo et motus circularis est prior naturaliter motu recto. Sed prior motus est naturaliter prioris corporis. Motus autem rectus est naturaliter alicuius simplicium corporum, sicut ignis movetur sursum, et terra deorsum et ad medium: et si contingat quod motus rectus sit corporum mixtorum, hoc erit secundum naturam simplicis corporis dominantis in mixtione. Cum igitur corpus simplex sit naturaliter prius mixto, consequens est quod motus circularis est proprius et naturalis alicuius corporis simplicis, quod est prius corporibus elementaribus quae sunt hic apud nos. Et ita ex his patet quod, praeter substantias corporales quae hic sunt apud nos, nata est esse quaedam substantia corporalis, quae est dignior et prior omnibus corporibus quae sunt apud nos.

[70851] Sur le De caelo, I, 4, 9. [269a20-25] Il établit le troisième raisonnement ici : Ğ mais à la fois la première ğ, etc. À son propos, il montre premièrement que le mouvement circulaire est le premier des mouvements locaux. En effet il y a une comparaison du mouvement circulaire au mouvement droit, qui est vers le haut ou vers le bas, comme une comparaison du cercle à la ligne droite. Il est prouvé que le cercle, c’est-à-dire la ligne circulaire, est la première ligne droite, parce que le parfait est naturellement premier par rapport au non parfait ; le cercle, ou bien ligne circulaire, est parfait, parce que tout ce qui est placé sur lui est le commencement, la fin et le milieu ; de là il ne reçoit pas d’addition de quelque élément extérieur. Mais aucune ligne droite n’est parfaite. Et cela est aussi évident quant à la ligne infinie, qui est imparfaite parce qu’elle n’a pas de fin, d’où le nom donné à quelque chose de parfait en grec ; et cela est aussi évident pour la ligne finie, parce qu’il arrive qu’une ligne finie s’accroisse, c’est-à-dire reçoive une plus grande quantité, et ainsi il existe quelque chose en dehors d’elle. Et ainsi la ligne circulaire est naturellement première par rapport à la ligne droite. Donc le mouvement circulaire est aussi naturellement premier par rapport du mouvement droit. Mais le premier mouvement est naturellement celui d’un premier corps. Le mouvement droit est naturellement celui de corps simples, comme le feu qui se meut vers le haut et la terre qui se meut vers le bas et au milieu ; et s’il arrive que le mouvement droit soit celui de corps mixtes, cela sera selon la nature du corps simple qui domine dans ce mélange. Donc comme le corps simple est naturellement premier par rapport au corps mélangé, il s’ensuit que le mouvement circulaire est plus propre et naturel à un corps simple, qui est premier par rapport aux corps élémentaires qui sont chez nous. Et il est ainsi évident à partir de là qu’outre les substances corporelles qui sont ici chez nous, est née pour exister une substance corporelle qui est plus digne et première par rapport à tous les corps qui sont chez nous.

[70852] In De caelo, lib. 1 l. 4 n. 10 Videtur autem esse falsum quod nulla linea recta sit perfecta. Si enim perfectum est quod habet principium, medium et finem, ut supra habitum est, videtur quod linea recta finita, quae habet principium et medium et finem, sit perfecta. Sed dicendum est quod ad hoc quod aliquid sit perfectum partialiter, oportet quod habeat principium, medium et finem in seipso: sed ad rationem perfecti simpliciter, requiritur quod non sit aliquid extra ipsum. Et hic modus perfectionis competit primo et supremo corpori, quod est omnium corporum contentivum: et secundum hunc modum linea recta dicitur esse imperfecta, circularis vero perfecta. Item videtur quod etiam secundum hunc modum aliqua linea recta sit perfecta: quia diameter caeli non potest additionem accipere. Sed dicendum est quod hoc ei accidit inquantum est in tali materia, non autem hoc habet ex hoc quod est linea recta: secundum hoc enim non impediretur ne ei possit additio fieri. Sed circulus ex propria ratione circuli habet quod non sit additionis susceptivus.

[70852] Sur le De caelo, I, 4, 10. Il semble être faux de dire qu’aucune ligne droite n’est parfaite. En effet si ce qui a commencement, milieu et fin est parfait, comme on l’a dit ci-dessus, il semble qu’une ligne droite finie, qui a début, milieu et fin, soit parfaite. Mais il faut dire que ce qui est quelque chose de partiellement parfait doit avoir un début, un milieu et une fin en soi-même ; mais pour la raison de ce qui est simplement parfait, on a besoin du fait qu’il n’y ait pas quelque chose en dehors de cela même. Et ce mode de perfection s’accorde avec le corps premier et le corps dernier, qui contient tous les corps ; et selon ce mode la ligne droite est dite imparfaite, la ligne circulaire parfaite. De même il semble qu’une ligne droite soit aussi parfaite selon ce mode, puisque le diamètre du ciel ne peut pas recevoir d’addition. Mais il faut dire que cela lui arrive dans la mesure où il est dans une telle matière et qu’il n’a pas cela du fait qu’il est une ligne droite : car selon cela rien n’empêcherait qu’une addition lui doit faite. Mais le cercle, grâce à la propriété même du cercle, n’est pas susceptible de recevoir une addition.

[70853] In De caelo, lib. 1 l. 4 n. 11 Videtur quod secundum hoc concludi non possit quod motus circularis sit perfectus: additionem enim recipit, cum sit continuus et sempiternus, secundum Aristotelem. Ad quod dicendum est quod una circulatio habet complementum suae speciei, cum redierit ad principium a quo incoepit. Unde non fit additio ad eandem circulationem: sed quod sequitur, ad aliam circulationem pertinet. Item, si hoc solum perfectum dicitur, cui non potest fieri additio, sequitur quod neque homo neque aliquid aliud finitum in corporibus sit perfectum, cum eis possit additio fieri. Et dicendum quod huiusmodi dicuntur esse perfecta secundum speciem, inquantum non potest eis fieri additio alicuius quod pertineat ad rationem speciei ipsorum: lineae autem rectae fit additio eius quod pertinet ad speciem suam, et pro tanto dicitur imperfecta inquantum est linea. Praeterea videtur quod circulus non sit perfectus. Perfectum enim est in magnitudinibus quod habet tres dimensiones: hoc autem lineae circulari non competit. Et dicendum est quod linea circularis non est simpliciter magnitudo perfecta, quia non habet quidquid pertinet ad rationem magnitudinis: est tamen quoddam perfectum in linea, quia linealiter aliquid ei addi non potest.

[70853] Sur le De caelo, I, 4, 11. Il semble que selon ce principe on ne puisse pas conclure que le mouvement circulaire est parfait : car il reçoit une addition, comme il est continu et éternel, d’après Aristote. À cela il faut dire qu’un mouvement circulaire a le complément de son espèce, comme il est revenu au point d’où il est parti. De là ne se fait pas une addition au même mouvement circulaire, mais ce qui suit, elle concerne un autre mouvement circulaire. De même, si est dit parfait seulement ce à quoi on ne peut rien ajouter, il s’ensuit que ni un homme, ni une autre chose qui soit finie parmi les corps n’est parfait, étant donné qu’on ne peut rien leur ajouter. Et il faut dire que les corps de ce genre sont appelés parfaits selon l’espèce dans la mesure où on ne peut pas leur ajouter quelque chose qui concerne le domaine de leurs espèces : à une ligne droite on ajoute ce qui concerne son espèce et pour autant on la dit imparfaite en tant que ligne. En outre il semble que le cercle ne soit pas parfait. En effet est parfait dans les grandeurs ce qui a trois dimensions : or cela ne s’accorde pas avec la ligne circulaire. Et il faut dire que la ligne circulaire n’est pas simplement une grandeur parfaite, puisqu’elle n’a pas quelque chose qui concerne le domaine de la grandeur ; cependant il existe quelque perfection dans la ligne, parce qu’on ne peut pas lui ajouter quelque chose de façon en matière de ligne.

[70854] In De caelo, lib. 1 l. 4 n. 12 Videtur etiam falsum esse quod perfectum sit prius imperfecto. Simplex enim est prius composito, cum tamen compositum se habeat ad simplicia ut perfectum ad imperfecta. Ad quod dicendum quod perfectum ad imperfectum se habet sicut actus ad potentiam: qui quidem simpliciter est prior potentia in diversis; in uno autem et eodem, quod movetur de potentia ad actum, potentia est prior actu tempore, sed actus est prior secundum naturam; quia scilicet hoc est quod primo et principaliter natura intendit. Non autem philosophus hic intendit quod perfectum sit prius imperfecto in uno et eodem, sed in diversis: nec etiam quod sit prius tempore, sed natura, sicut expresse dicit.

[70854] Sur le De caelo, I, 4, 12. Il semble aussi être faux de dire que le parfait se trouve avant l’imparfait. En effet le simple se trouve avant le composé, bien que le composé se trouve par rapport aux choses simples comme le parfait par rapport aux choses imparfaites. À cela il faut dire que le parfait se trouve par rapport à l’imparfait comme l’acte par rapport à la puissance : la puissance se trouve certes simplement avant pour différentes choses ; dans l’un et le même, qui se meut de la puissance à l’acte, la puissance se trouve avant l’acte dans le temps, mais l’acte se trouve avant selon la nature, puisque assurément c’est ce que recherche la nature en premier lieu et principalement. Or le philosophe n’entend pas ici que le parfait se trouve avant l’imparfait dans l’un et le même, mais dans la diversité, ni même qu’il se trouve avant dans le temps, mais avant dans la nature, comme il l’a dit expressément.

[70855] In De caelo, lib. 1 l. 4 n. 13 Item, videtur quod philosophus inconvenienter argumentetur. Procedit enim ex perfectione lineae circularis ad probandum perfectionem circularis motus; ex cuius perfectione procedit ad probandum perfectionem circularis corporis; et sic videtur eius probatio esse circularis, quia linea circularis non videtur esse alia quam quae est ipsius corporis quod circulariter movetur. Et dicendum est quod motus circularis probatur esse perfectus ex perfectione lineae circularis absolute; ex perfectione autem motus circularis in communi, probatur hoc corpus quod circulariter movetur, esse perfectum; et sic non proceditur ab eodem in idem, sed ex communi ad proprium.

[70855] Sur le De caelo, I, 4, 13. De même, il semble que le philosophe n’argumente pas de façon convenable. Il se sert en effet de la perfection de la ligne circulaire pour prouver la perfection du mouvement circulaire ; de cette perfection il se sert pour prouver la perfection du corps circulaire ; et sa démonstration semble ainsi circulaire, parce que la ligne circulaire ne semble pas différente de celle du corps lui-même qui se meut circulairement. Et il faut dire qu’il est prouvé que le mouvement circulaire est parfait à partir de la perfection de la ligne absolument circulaire ; à partir de la perfection du mouvement circulaire au sens commun on prouve que ce corps qui se meut circulairement est parfait ; et ainsi on ne tire pas la même chose de la même chose, mais on tire le propre du commun.

[70856] In De caelo, lib. 1 l. 4 n. 14 Quartam rationem ponit ibi: et utique si quis etc.: quae quidem procedit ex duabus propositionibus suppositis. Quarum prima est, quod omnis motus simplex aut est secundum naturam, aut praeter naturam. Secunda est, quod motus qui est praeter naturam uni corpori, est alii corpori secundum naturam; sicut patet in motu qui est sursum, qui est secundum naturam igni et praeter naturam terrae; et in motu qui est deorsum, qui est naturalis terrae et praeter naturam igni. Manifestum est autem quod motus circularis inest alicui corpori, quod ad sensum circulariter movetur. Et si quidem talis motus sit ei naturalis, habebimus propositum, scilicet quod praeter quatuor elementa sit quoddam aliud corpus, quod circulariter movetur. Si autem motus circularis sit praeter naturam corpori quod circulariter fertur, sequitur ex praemissa suppositione quod sit alicuius alterius corporis secundum naturam: quod consequenter erit aliud in natura a quatuor elementis.

[70856] Sur le De caelo, I, 4, 14. [269a30-35] Il établit ici une quatrième raison : Ğ et de toute part si quelqu’un ğ, etc. : cette raison procède de deux propositions supposées. La première d’entre elles est que tout mouvement simple est soit selon la nature, soit en dehors de la nature. La seconde est que le mouvement qui est en dehors de la nature pour un corps est selon la nature pour un autre corps, comme c’est évident pour le mouvement vers le haut, qui est selon la nature du feu et en dehors de la nature de la terre et pour le mouvement qui est vers le bas, qui est naturel à la terre et en dehors de la nature pour le feu. Il est clair que le mouvement circulaire se trouve dans un corps qui est déplacé circulairement à notre vue. Et si un tel mouvement lui est naturel, nous tiendrons la proposition, c’est-à-dire qu’en dehors des quatre éléments il existe un autre corps qui se meut circulairement. Si un mouvement circulaire est en dehors de la nature pour un corps qui est porté circulairement, il s’ensuit à partir de la supposition déjà avancée que c’est celui d’un autre corps selon la nature : par conséquent il sera différent des quatre éléments dans la nature.

[70857] In De caelo, lib. 1 l. 4 n. 15 Videtur autem Aristoteles sibi ipsi esse contrarius: nam supra probavit quod motus circularis non est praeter naturam corpori quod circulariter fertur, hic autem supponit contrarium. Dicunt igitur quidam quod philosophus supra accepit praeter naturam pro eo quod est contra naturam: sic enim oportet quod motus contra naturam alicuius corporis, sit contrarius motui etiam naturali eiusdem, ut supra procedebat. Hic autem accipit praeter naturam communius, secundum quod praeter naturam idem est quod non secundum naturam. Sic autem in se comprehendit tam id quod est contra naturam, quam id quod est supra naturam: et hoc modo supponit hic quod aliquod corpus potest circulariter praeter naturam moveri; sicut dictum est supra quod ignis in sua sphaera circulariter movetur praeter naturam, delatus a motu caeli. Sed hoc videtur esse contra intentionem Aristotelis. Eodem enim modo videtur utrobique accipere praeter naturam: quia tam hic quam supra exemplificat de motu qui est sursum et deorsum, qui est uni corpori contra naturam et alteri secundum naturam. Et ideo dicendum est, et melius, quod Aristoteles in prima ratione probavit quod aliquod corpus secundum naturam circulariter movetur. Et quia posset aliquis dicere quod corpus quod videtur circulariter moveri, movetur hoc motu contra naturam, dupliciter contra hoc argumentatur: uno modo ostendendo quod iste motus non est contra naturam, ut patet in secunda ratione et etiam in tertia; alio modo ostendendo quod etiam si moveatur contra naturam, adhuc sequitur esse aliud corpus, quod secundum naturam movetur circulariter. Sic ergo quod supra negavit secundum veritatem propriae opinionis loquens, hic negat quasi utens suppositione adversariorum.

[70857] Sur le De caelo, I, 4, 15. Aristote semble ici être en contradiction avec lui-même : car il a prouvé ci-dessus que le mouvement circulaire n’est pas en dehors de la nature pour un corps qui est porté circulairement, or ici il suppose le contraire. Certains disent donc que le philosophe entendait ci-dessus par en dehors de la nature ce qui est contre la nature : en effet, il faut ainsi que le mouvement contre la nature d’un corps soit aussi contraire à son mouvement naturel, comme il procédait ci-dessus. Il entend ici par en dehors de la nature plus communément ce qui n’est pas selon la nature. Ainsi cette expression comprend en elle aussi bien ce qui est contre la nature que ce qui est au-delà de la nature : et de cette manière il suppose ici qu’un corps peut être déplacé circulairement en dehors de la nature, comme on a dit ci-dessus que le feu est déplacé circulairement dans sa sphère en dehors de la nature, emporté par le mouvement du ciel. Mais cela semble être contraire aux intentions d’Aristote. En effet, de la même manière il semble entendre en dehors de la nature par l’un et l’autre sens, puisqu’il utilise des exemples aussi bien ici que ci-dessus à propos du mouvement qui est vers le haut et vers le bas, qui est contre la nature pour un corps et selon la nature pour l’autre. Et c’est pourquoi il faut dire, et c’est mieux, qu’Aristote a prouvé dans la première raison qu’un corps est déplacé circulairement selon la nature. Et puisque quelqu’un pourrait dire qu’un corps qui semble être déplacé circulairement l’est par ce mouvement contre la nature, on argumente doublement contre cette idée : d’une manière en montrant que ce mouvement n’est pas contre la nature, comme cela est évident dans la deuxième raison et aussi dans la troisième ; d’une autre manière en montrant que même s’il était déplacé contre la nature, il s’ensuivrait encore qu’il y a un autre corps qui est déplacé circulairement selon la nature. Ainsi donc ce qu’il a nié ci-dessus en parlant selon la vérité de son opinion personnelle, il le nie ici en utilisant pour ainsi dire la supposition de ses adversaires.

[70858] In De caelo, lib. 1 l. 4 n. 16 Item, non videtur sequi quod, si aliquis motus sit praeter naturam alicui corpori, quod sit alteri corpori naturalis. Potest enim ignis, vel quodcumque aliud corpus, multiformiter moveri: nec tamen propter hoc oportet quod huiusmodi motus omnes sint naturales aliquibus corporibus. Est autem advertendum quod philosophus hic loquitur de simplici motu, ad quem natura corporis simplicis inclinat sicut ad aliquid unum: motus autem diversimode variati magis videntur ex arte dispositi, quae potest esse principium diversorum. Est etiam considerandum quod, licet motus qui est alicui corpori praeter naturam, sit alteri corpori secundum naturam, non tamen oportet quod omne corpus cui est aliquis motus secundum naturam, habeat aliquem motum praeter naturam: quia omne corpus quod est susceptivum alienae impressionis, habet aliquid sibi proprium et connaturale; non autem omne corpus potest extraneam impressionem recipere, ut sic possit naturalem motum habere.

[70858] Sur le De caelo, I, 4, 16. De même, il ne semble pas s’ensuivre que, si un mouvement est selon la nature pour un corps, il soit naturel pour un autre corps. En effet le feu, ou n’importe quel autre corps, peut se mouvoir de multiples manières ; et cependant ce n’est pour cette raison que tous les mouvements de ce genre doivent être naturels à quelques corps. Il faut prendre garde à ce que le philosophe parle ici du mouvement simple, auquel la nature du corps simple incline comme à quelque chose d’unique : les mouvements variés de diverses façons semblent davantage disposés selon un art qui peut être le principe de différentes choses. Il faut même considérer que, bien que le mouvement qui est en dehors de la nature pour un corps soit selon la nature pour un autre corps, tout corps, pour qui un mouvement est selon la nature, ne doit pourtant avoir un mouvement en dehors de la nature, puisque tout corps qui est susceptible d’une autre impression a quelque chose qui lui est propre et naturel ; tout corps ne peut pas recevoir d’impression extérieure, de telle sorte qu’il puisse ainsi avoir un mouvement naturel.

[70859] In De caelo, lib. 1 l. 4 n. 17 Quintam rationem ponit ibi: adhuc autem etc., quae talis est. Conclusum est ex praemissa ratione quod si corpus quod ad sensum circulariter movetur, moveatur praeter naturam, oportet quod talis motus sit alteri corpori secundum naturam. Quod quidem si concedatur, scilicet quod circularis motus sit alicui corpori secundum naturam, manifestum est quod erit aliquod corpus simplex et primum quod circulariter movetur, propter simplicitatem et prioritatem circularis motus, ut ex praemissis rationibus patet, sicut ignis movetur sursum et terra deorsum. Si autem non concedatur processus praecedentis rationis, sed dicatur quod omnia quae moventur circulariter secundum peripheriam, idest secundum circumferentiam, moventur praeter naturam, ita quod hic motus nulli corpori sit secundum naturam: hoc videtur esse mirabile, immo omnino irrationabile. Ostensum est enim in VIII Physic. quod solum motum circularem contingit esse continuum et sempiternum: irrationabile autem est quod id quod est sempiternum, sit praeter naturam, et motus non sempiternus sit secundum naturam. Videmus enim quod ea quae sunt praeter naturam, citissime transeunt et corrumpuntur, sicut calefactio aquae et proiectio lapidis in altum: ea vero quae sunt secundum naturam, videntur diutius permanere. Sic ergo oportet omnino motum circularem esse alicui corpori naturalem. Si ergo istud corpus quod videmus circulariter ferri, est de natura ignis, ut quidam dicunt, motus iste erit ei praeter naturam, sicut et motus qui est deorsum: videmus enim quod motus naturalis ignis est sursum secundum rectam lineam. Et sic, sicut motus qui est deorsum est alteri corpori naturalis, scilicet terrae, ita erit motus circularis alicui alii corpori naturalis.

[70859] Sur le De caelo, I, 4,17. [269b1-15] Il établit ici la cinquième raison : Ğ mais encore ğ, etc., qui est la suivante. Il a été conclu de la raison déjà avancée que si un corps qui est déplacé circulairement à notre vue l’est en dehors de la nature, il faut qu’un tel mouvement soit selon la nature pour un autre corps. Si quelqu’un concède cela, c’est-à-dire qu’un mouvement circulaire est selon la nature pour un corps, il est évident qu’il y aura un corps simple et premier qui est déplacé circulairement, en raison de la simplicité et de la priorité du mouvement circulaire, comme cela est clair d’après les raisons déjà avancées, comme le feu est déplacé vers le haut et la terre vers le bas. Si on ne concède pas le résultat du raisonnement précédent, mais si on dit que tout ce qui est déplacé circulairement selon la périphérie, c’est-à-dire selon la circonférence, l’est en dehors de la nature, et que ce mouvement n’est selon la nature pour aucun corps, cela semble étonnant, mais absolument pas irrationnel. En effet il a été montré dans le livre VIII de la Physique qu’il arrive seulement au mouvement circulaire d’être continu et éternel ; or sont irrationnels le fait que ce qui est éternel soit en dehors de la nature et le fait que le mouvement non éternel soit selon la nature. Car nous voyons que ce qui est en dehors de la nature passe et se corrompt très rapidement, comme le réchauffement de l’eau et le jet d’une pierre en hauteur : ce qui est selon la nature semble demeurer plus longtemps. Ainsi donc il faut absolument que le mouvement circulaire soit naturel à un corps. Donc si ce corps que nous voyons être porté circulairement est de la nature du feu, comme certains le disent, ce mouvement sera en dehors de la nature pour lui, tout comme le mouvement qui va vers le bas : nous voyons en effet que le mouvement naturel du feu est d’aller vers le haut en suivant une ligne droite. Et ainsi comme le mouvement qui est vers le bas est naturel à un autre corps, c’est-à-dire à la terre, ainsi le mouvement circulaire sera naturel à un autre corps.

[70860] In De caelo, lib. 1 l. 4 n. 18 Ultimo autem epilogando concludit, quod si aliquis ex omnibus praemissis syllogizaverit per modum praedictum, credet, idest firmiter assentiet, quod sit aliquod corpus praeter corpora quae sunt hic circa nos (idest quatuor elementa et ex his composita), separatum ab eis, et in natura tanto habens nobiliorem naturam, quanto est magis elongatum secundum loci distantiam ab his quae sunt hic: corpora enim continentia in universo se habent ad corpora contenta sicut forma ad materiam et actus ad potentiam, ut dictum est in IV Physic.

[70860] Sur le De caelo, I, 4, 18. Il conclut enfin en épiloguant que si quelqu’un fait un syllogisme à partir de toutes les prémisses d’après la méthode déjà mentionnée, il croira, c’est-à-dire il approuvera avec fermeté, qu’un corps, en dehors des corps qui sont ici autour de nous (c’est-à-dire les quatre éléments et leurs composés), est séparé d’eux et a dans la nature une nature d’autant plus connue qu’il est plus éloigné selon la distance du lieu de ce qui est ici : en effet les corps contenant dans l’univers se comportent vis-à-vis des corps contenus comme la forme vis-à-vis de la matière et l’acte vis-à-vis de la puissance, comme il est dit dans le livre IV de la Physique.

 

 

Lectio 5

Leçon 5 – [La nature de la quintessence]

[70861] In De caelo, lib. 1 l. 5 n. 1 Postquam philosophus ostendit quod est corpus quoddam aliud a corporibus quae sunt hic, scilicet a quatuor elementis et his quae componuntur ex eis, hic ostendit differentiam huius corporis ad corpora quae sunt hic. Et primo per comparationem ad motum localem; secundo secundum alios motus, ibi: similiter autem rationabile et cetera. Circa primum tria facit: primo proponit quod intendit; secundo ostendit propositum, ibi: oportet autem supponere etc.; tertio excludit quandam obviationem, ibi: quoniam autem in idem feruntur et cetera. Dicit ergo primo quod, quia eorum quae dicta sunt quaedam sunt supposita (scilicet quod unum uni sit contrarium, et quod sint solae duae simplices magnitudines, scilicet recta et circularis, et si qua alia sunt huiusmodi), quaedam autem sunt demonstrata ex quibusdam praemissis (puta quod sint tres motus simplices, et quod motus circularis sit naturalis alicui corpori quod est aliud in natura a corporibus quae sunt hic), manifestum potest esse ex praedictis quod totum corpus illud quod circulariter movetur, non habet gravitatem neque levitatem, quae sunt principia quorundam motuum localium.

[70861] Sur le De caelo, I, 5, 1. Après que le philosophe a montré qu’il existe un corps différent de ceux qui sont ici, c’est-à-dire des quatre éléments et de leurs composés, il montre ici la différence de ce corps avec les corps qui sont ici. Et premièrement en comparaison avec le mouvement local, en second lieu selon les autres mouvements, ici : Ğ également rationnel ğ, etc. Sur le premier point il fait trois choses : premièrement il expose ce qu’il se proposait ; deuxièmement il démontre sa proposition, ici : Ğ il faut supposer ğ, etc. ; troisièmement il exclut un certain obstacle, ici : Ğ puisqu’ils sont portés au même endroit ğ. Il dit donc premièrement que, puisque certains des propos qui ont été tenus sont supposés (c’est-à-dire qu’une chose est contraire une seule autre et qu’il y a seulement deux grandeurs simples, à savoir la droite et la circulaire, et d’autres choses de ce genre), certains points ont été démontrés à partir de certaines prémisses (par exemple qu’il y a trois mouvements simples et que le mouvement circulaire est naturel à un corps qui est dans la nature différent des corps qui sont ici), il peut être évident à partir de ce qui a été déjà dit que tout ce corps qui est déplacé circulairement n’a pas de pesanteur ni de légèreté, qui sont les principes de certains mouvements locaux.

[70862] In De caelo, lib. 1 l. 5 n. 2 Deinde cum dicit: oportet autem supponere etc., ostendit propositum. Et quia principium demonstrationis est quod quid est, ut dicitur in libro Poster., primo supponit definitiones gravis et levis; secundo ex his argumentatur ad propositum, ibi: necesse autem et cetera. Circa primum duo facit: primo describit quid est grave et quid est leve; secundo describit quid est gravissimum et quid levissimum, ibi: gravissimum autem et cetera. Dicit ergo primo quod ad propositum ostendendum, oportet supponere quid dicamus grave et quid leve. Ideo autem dicit supponere, quia non perfecte investigat hic eorum definitiones; sed utitur eis ut suppositionibus, quantum sufficit ad necessitatem praesentis demonstrationis. Diligentius autem considerabitur de eis in quarto huius, ubi exponetur substantia, sive natura, ipsorum. Definit ergo grave, quod natum est moveri ad medium: leve autem, quod natum est moveri a medio.

[70862] Sur le De caelo, I, 5, 2. Ensuite lorsqu’il dit : Ğ il faut supposer ğ, etc., il démontre la proposition. Et puisque le principe de la démonstration est ce qui est quelque chose, comme il est dit dans le livre des Analytiques postérieurs, il suppose premièrement les définitions du lourd et du léger ; deuxièmement il en tire des arguments pour la proposition, ici : Ğ il est nécessaire ğ, etc. À propos du premier point, il fait deux choses : il décrit en premier lieu ce qui est lourd et ce qui est léger ; il décrit en second lieu ce qui est le plus lourd et ce qui est le plus léger, ici : Ğ le plus lourd ğ, etc. [269b20] Il dit donc premièrement que pour démontrer la proposition il faut supposer ce que nous disons lourd et ce que nous disons léger. C’est pourquoi il dit supposer, puisqu’il ne recherche pas parfaitement ici leurs définitions ; mais il s’en sert comme de suppositions, autant qu’il suffit pour la nécessité de la présente démonstration. Ils seront examinés avec plus d’attention dans le quatrième livre, où sera exposée leur substance, c’est-à-dire leur nature. Il définit donc le lourd comme ce qui se meut naturellement vers le milieu et le léger comme ce qui se meut naturellement à partir du milieu.

[70863] In De caelo, lib. 1 l. 5 n. 3 Utitur autem tali modo definiendi, ut observet se a contrarietate Platonis, qui dicebat quod in mundo secundum se non est sursum et deorsum, propter rotunditatem mundi: corpus enim rotundum est undique uniforme. Dicebat autem quod sursum et deorsum est in mundo solum quoad nos, qui nominamus sursum id quod est supra caput nostrum, deorsum autem id quod est sub pedibus nostris: si autem essemus e contrario situati, e contrario nominaremus sursum et deorsum. Sic ergo Plato non accipit id quod est sursum et deorsum, secundum rei naturam, sed quoad nos. Aristoteles autem utitur his nominibus secundum communem modum loquendi, prout dicit in II Topic. quod nominibus utendum est ut plures: unde sursum et deorsum appellat in mundo id quod communiter ab hominibus appellatur sursum et deorsum. Nec tamen est distinctum solum quoad nos, sed etiam secundum naturam. Sicut enim in nobis distinguitur dextrum et sinistrum secundum diversam habitudinem ad motum animalem qui est secundum locum, ita sursum et deorsum determinatur in mundo secundum habitudinem ad motus simplicium corporum, quae sunt principales partes mundi. Et propter hoc ipse dicit quod sursum est locus in quem feruntur levia, deorsum autem locus in quem feruntur gravia. Et hoc rationabiliter: nam sicut in nobis nobilior pars est quae est sursum, ita in mundo corpora levia sunt nobiliora, quasi formaliora. Hic tamen, ut sine calumnia procedat ad propositum ostendendum, definit grave et leve per habitudinem ad medium.

[70863] Sur le De caelo, I, 5, 3. Il utilise une telle manière de définir afin de se garder de l’opposition de Platon, qui disait que dans le monde selon lui il n’est ni mouvement vers le haut ni mouvement vers le bas, en raison de la sphéricité du monde : car un corps rond est uniforme de toutes parts. Il disait que le mouvement vers le haut et le mouvement vers le bas dans le monde le sont seulement pour nous, qui appelons vers le haut ce qui est au-dessus de notre tête et vers le bas ce qui est sous nos pieds : or si nous étions situés dans un lieu opposé nous appellerions le mouvement vers le haut et le mouvement vers le bas à l’inverse. Ainsi donc Platon n’entend pas ce qui est vers le haut et vers le bas selon la nature de la chose, mais par rapport à nous. Aristote se sert de ces noms selon la façon commune de parler, dans la mesure où il dit dans le livre II des Topiques qu’il faut utiliser ces noms comme plusieurs : de là il appelle vers le haut et vers le bas dans le monde ce que les hommes appellent communément vers le haut et vers le bas. Cependant la distinction n’a pas été faite seulement par rapport à nous, mais aussi selon la nature. En effet, de même que chez nous on distingue la droite et la gauche selon l’état différent du mouvement animé qui est selon le lieu, de même le mouvement vers le haut et le mouvement vers le bas sont déterminés dans le monde selon l’état du mouvement des corps simples, qui sont les principales parties du monde. Et c’est pourquoi il dit lui-même que le haut est le lieu où sont portés les corps légers et le bas est le lieu où sont portés les corps lourds. Et cela raisonnablement : car de même que chez nous la partie la plus noble est celle qui va vers le haut, de même dans le monde les corps légers sont les plus nobles, les plus formels pour ainsi dire. Ici pourtant, afin de procéder sans tromperie pour démontrer sa proposition, il définit le lourd et le léger selon leur état par rapport au centre.

[70864] In De caelo, lib. 1 l. 5 n. 4 Deinde cum dicit: gravissimum autem etc., definit gravissimum et levissimum. Et dicit quod gravissimum est quod substat omnibus quae deorsum feruntur: levissimum autem est quod supereminet omnibus quae sursum feruntur. Et est intelligendum inter ea quae sursum et deorsum feruntur: nam caelum non est levissimum, quamvis omnibus superemineat, quia non sursum fertur. Est autem attendendum quod hic iam utitur eo quod est sursum et deorsum, tanquam sursum et deorsum esse accipiat ad quae terminatur motus qui est a medio, vel ad medium.

[70864] Sur le De caelo, I, 5, 4. Ensuite, lorsqu’il dit : Ğ le plus lourd ğ, etc., il définit le plus lourd et le plus léger. Et il dit que le plus lourd est celui qui est dessous tous ceux qui sont portés vers le bas ; [269b25] le plus léger est celui qui se trouve au-dessus de tous ceux qui sont portés vers le haut. Et il faut comprendre la différence entre ceux qui sont portés vers le haut et ceux qui sont portés vers le bas : car le ciel n’est pas le plus léger, bien qu’il se trouve au-dessus de tout, parce qu’il n’est pas porté vers le haut. Et il faut remarquer qu’il utilise déjà ici ce qui est vers le haut et vers le bas, comme s’il acceptait que le haut et le bas soient l’endroit où se termine le mouvement qui part du milieu ou qui va au milieu.

[70865] In De caelo, lib. 1 l. 5 n. 5 Deinde cum dicit: necesse autem etc., ostendit propositum ex praemissis, dicens necessarium esse quod omne corpus quod fertur deorsum aut sursum, habeat absolute gravitatem, tanquam gravissimum, sicut terra, quae substat omnibus; aut quod habeat levitatem absolute, sicut ignis, qui superstat omnibus; aut habeat ambo, non quidem respectu eiusdem, sed respectu diversorum. Media enim elementa, scilicet aer et aqua, sunt ad invicem gravia et levia: sicut aer est levis per respectum ad aquam, quia superfertur ei, et eadem ratione aqua ad terram; aer vero ad ignem quidem est gravis, quia substat ei, et similiter aqua ad aerem. Corpus autem quod circulariter movetur, impossibile est quod habeat gravitatem aut levitatem. Neque enim potest moveri ad medium vel a medio secundum naturam, neque praeter naturam. Et quod non possit secundum naturam hoc modo moveri, manifestat per hoc quod motus rectus, qui est ad medium vel a medio, est naturalis quatuor elementis: dictum est autem supra quod unus motus est naturalis uni simplicium corporum: ergo sequeretur quod corpus quod circulariter fertur, sit eiusdem naturae cum aliquo corporum quod movetur motu recto; cuius contrarium est supra ostensum. Similiter non potest dici quod motus rectus praeter naturam conveniat corpori quod circulariter fertur. Quia si unus contrariorum motuum inest alicui corpori praeter naturam, alius motus erit ei secundum naturam, ut ex supra dictis patet. Si ergo motus deorsum sit quinto corpori praeter naturam, motus sursum erit ei secundum naturam, et e converso. Utrumque autem eorum est falsum, ut patet per praecedentem rationem. Sequitur ergo quod corpus quintum, quod circulariter fertur, non moveatur a medio vel ad medium, neque secundum naturam neque praeter naturam. Omne autem corpus habens gravitatem aut levitatem, movetur uno horum motuum secundum naturam, et altero praeter naturam. Ergo corpus quintum neque habet gravitatem neque levitatem.

[70865] Sur le De caelo, I, 5, 5. Ensuite, lorsqu’il dit : Ğ il est nécessaire, etc., il démontre la proposition d’après les prémisses, en disant qu’il est nécessaire que tout corps porté vers le bas ou vers le haut ait absolument de la pesanteur, en tant que corps le plus lourd, comme la terre, qui se trouve au-dessous de tout, ou qu’il ait absolument de la légèreté, comme le feu, qui se trouve au-dessus de tout, ou bien qu’il ait les deux, non certes en considération de la même chose, mais en considération de différentes choses. En effet, les éléments du milieu, c’est-à-dire l’air et l’eau sont alternativement lourds et légers, de même que l’air est léger en comparaison de l’eau, puisqu’il est porté au-dessus d’elle, et pour la même raison l’eau, en comparaison de la terre ; or l’air est lourd en comparaison du feu, puisqu’il se trouve au-dessous de lui, et également l’eau en comparaison de l’air. [269b30] Le corps qui est déplacé circulairement ne peut pas avoir de pesanteur ou de légèreté. Car il ne peut être déplacé vers le milieu ou à parti du milieu selon la nature ni contre la nature. Et parce qu’il ne peut pas être déplacé selon la nature de cette manière, il est manifeste que le mouvement droit, qui va vers le milieu ou qui part du milieu est naturel aux quatre éléments : on a dit ci-dessus qu’un mouvement naturel appartient à un seul des corps simples : il s’ensuivrait donc qu’un corps porté circulairement est de la même nature qu’un des corps qui est déplacé selon un mouvement droit ; le contraire a été démontré ci-dessus. On ne peut également dire qu’un mouvement droit en dehors de la nature convienne à un corps qui est porté circulairement. Puisque si l’un des mouvements contraires se trouve dans un corps en dehors de la nature, un autre mouvement sera pour lui selon la nature, comme c’est évident d’après ce qui a été dit ci-dessus. Donc si un mouvement vers le bas est le fait d’un cinquième corps en dehors de la nature, le mouvement vers le haut sera pour lui selon la nature, et inversement. Les deux idées sont fausses, comme c’est évident d’après le raisonnement précédent. Il s’ensuit donc que le cinquième corps, qui est porté circulairement, n’est pas déplacé à partir du milieu ou vers le milieu, ni selon la nature, ni en dehors de la nature. Tout corps ayant pesanteur ou légèreté est déplacé suivant l’un de ces mouvements selon la nature, et suivant l’autre en dehors de la nature. Donc le cinquième corps n’a ni pesanteur, ni légèreté.

[70866] In De caelo, lib. 1 l. 5 n. 6 Deinde cum dicit: quoniam autem in idem etc., excludit quandam obviationem. Dicebant enim quidam quod partes elementorum sunt corruptibiles, ita quod extra proprium locum existentes, moventur naturaliter motu recto: ipsa autem elementa secundum suam totalitatem sunt incorruptibilia, et nunquam extra proprium locum esse possunt: unde in locis suis moventur circulariter. Et sic corpus quod circulariter movetur in suo loco secundum suam totalitatem, non oportet quod careat gravitate et levitate. Ad hoc igitur excludendum, philosophus proponit quod in eundem locum feruntur naturaliter pars et totum, sicut tota terra et unus bolus eius. Et hoc patet ex quiete: quia unumquodque movetur naturaliter ad locum in quo quiescit naturaliter, in eodem autem loco quiescit naturaliter tota terra et pars eius. Unde manifestum est quod tota terra habet inclinationem naturalem quod moveatur ad medium, si esset extra suum locum.

[70866] Sur le De caelo, I, 5, 6. Ensuite, quand il dit : Ğ puisque sur la même chose ğ, il rejette un certain obstacle. En effet certains disaient que les parties des éléments sont corruptibles, et ainsi que, s’élevant en dehors de leur lieu propre, elles sont naturellement déplacées selon un mouvement droit : les éléments eux-mêmes sont incorruptibles dans leur totalité et ne peuvent jamais être en dehors de leur lieu propre. De là ils sont déplacés circulairement dans leurs lieux. Et ainsi un corps qui est déplacé circulairement dans son lieu dans sa totalité ne doit pas manquer de pesanteur et de légèreté. [270a1-5] Donc, pour rejeter cela, le philosophe propose que la partie et le tout soient naturellement portés au même endroit, comme la terre tout entière et une de ses mottes. Et c’est évident au repos : puisque n’importe quelle chose est naturellement déplacée vers l’endroit où elle est naturellement au repos, toute la terre et une de ses parties sont naturellement au repos au même endroit. De là il est clair que toute la terre aurait une inclinaison naturelle à se mouvoir vers le milieu, si elle était en dehors de son lieu.

[70867] In De caelo, lib. 1 l. 5 n. 7 Sic ergo ex praemissis duo sequuntur. Quorum primum est quod totum corpus quintum nullam levitatem neque gravitatem habet: quia, ut patet ex ratione praedicta, moveretur naturaliter ad medium vel a medio. Secundo sequitur ex suppositione nunc inducta, quod si aliqua pars detraheretur a corpore caelesti, non moveretur neque sursum neque deorsum: quia cum sit eadem ratio de toto et partibus, non convenit neque toti quinto corpori neque alicui parti eius quod moveatur vel secundum naturam vel praeter naturam alio motu quam circulari.

[70867] Sur le De caelo, I, 5, 7. Ainsi donc deux choses sont la conséquence de ces prémisses. La première d’entre elles est que le cinquième corps tout entier n’a aucune légèreté, ni pesanteur, puisque, comme c’est évident d’après le raisonnement précédent, il serait naturellement déplacé vers le milieu ou à partir du milieu. Deuxièmement il s’ensuit à partir de la supposition présentée maintenant que, si une partie était enlevée à un corps céleste, elle ne se déplacerait ni vers le haut, ni vers le bas, puisque, comme le même raisonnement s’applique au tout et aux parties, il ne convient ni à la totalité du cinquième corps, ni à l’une de ses parties d’être déplacé soit selon la nature, soit en dehors de la nature suivant un mouvement autre que circulaire.

 

 

Lectio 6

Leçon 6 – [La quintessence n’est pas soumise à la génération et à la corruption]

[70868] In De caelo, lib. 1 l. 6 n. 1 Postquam philosophus ostendit differentiam quinti corporis ad alia corpora quae sunt hic, ex parte levitatis et gravitatis, secundum quod corpora habent inclinationem ad motum localem; hic ostendit differentiam quinti corporis ad corpora quae sunt hic, secundum alios motus; ostendens scilicet quod illud corpus non subiicitur aliis motibus, quibus haec corpora subiiciuntur. Et primo ostendit hoc per rationem; secundo per signa, ibi: videtur autem et ratio et cetera. Circa primum duo facit. Primo proponit quod intendit: et dicit quod sicut dictum est de quinto corpore quod caret gravitate et levitate, similiter rationabile est aestimare de ipso quod sit ingenitum et incorruptibile et inaugmentabile et inalterabile, idest non subiectum generationi et corruptioni, neque augmento neque alterationi. Secundo ibi: propter fieri quidem etc., probat propositum: et primo ostendit corpus caeleste esse ingenerabile et incorruptibile; secundo quod est inaugmentabile, ibi: at vero et augmentabile etc.; tertio quod non est alterabile, ibi: si autem est et inaugmentabile et cetera.

[70868] Sur le De caelo, I, 6, 1. Après que le philosophe a montré la différence entre le cinquième corps et les autres corps qui sont ici, sous le rapport de la légèreté et de la pesanteur, selon quoi les corps ont une inclination vers le mouvement local, il montre ici la différence entre le cinquième corps et les corps qui sont ici selon les autres mouvements, montrant assurément que ce corps n’est pas soumis aux autres mouvements auxquels ces corps sont soumis. Et premièrement il montre cela par un raisonnement, deuxièmement par des signes, ici : Ğ la raison semble aussi ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses. Il propose en premier lieu ce qu’il avait l’intention de faire, et il dit que, comme on a dit à propos du cinquième corps qu’il est dépourvu de pesanteur et de légèreté, il est également raisonnable de penser à son sujet qu’il n’est pas soumis à la génération et à la corruption, ni à l’augmentation et à l’altération. En second lieu ici : Ğ devenir à côté ğ, etc., il prouve cette proposition, et il montre premièrement que le corps céleste ne peut être engendré, ni corrompu, deuxièmement qu’il ne peut être augmenté, ici : Ğ mais en vérité peut être aussi augmenté ğ, etc., troisièmement qu’il ne peut être altéré, ici : Ğ s’il ne peut être accru ğ, etc.

[70869] In De caelo, lib. 1 l. 6 n. 2 Circa primum ponit talem rationem. Omne generabile fit ex contrario et subiecto quodam, sive materia: nam ex contrario fit aliquid sicut ex non permanente, ex subiecto autem sicut ex permanente, ut patet in I Physic. Et similiter etiam omne corruptibile corrumpitur existente aliquo subiecto. Est etiam omnis corruptio a contrario activo: omnis etiam corruptio terminatur in contrarium, sicut dictum est in primis sermonibus, idest in I Physic. Sed corpori quinto non est aliquid contrarium: ergo nec est generabile nec corruptibile. Mediam probat per hoc quod contrariorum contrarii sunt motus, sicut leve movetur sursum et grave deorsum: sed motui naturali quinti corporis, qui est motus circularis, nullus motus est contrarius, ut infra probabitur: ergo huic corpori nihil est contrarium. Et ita recte videtur natura fecisse, eximens hoc corpus a contrarietate, tanquam futurum, idest debens esse, ingenitum et incorruptibile.

[70869] Sur le De caelo, I, 6, 2. [270a10-15] En ce qui concerne le premier point, il établit le raisonnement suivant. Tout ce qui peut être engendré le devient à partir d’un contraire et d’un sujet, soit la matière : en effet d’un contraire naît une chose comme du non permanent, et d’un sujet, comme du permanent, comme c’est clair dans le livre I de la Physique. Et également tout ce qui est corruptible est corrompu en raison de l’existence de quelque sujet. Toute corruption vient aussi d’un contraire actif : toute corruption se termine aussi dans un contraire, comme il a été dit dans les traités précédents, c’est-à-dire dans le livre I de la Physique. [270a20] Mais le cinquième corps n’a pas de contraire : donc il ne peut ni être engendré, ni être corrompu. Il prouve la proposition intermédiaire par ce que les mouvements des contraires sont contraires, comme le léger est déplacé vers le haut et le lourd vers le bas ; mais au mouvement naturel du cinquième corps, qui est le mouvement circulaire, il n’est aucun mouvement contraire, comme on le prouvera ci-dessous. Donc à ce corps rien n’est contraire. Et ainsi la nature semble avoir bien fait de le soustraire à la classe des contraires, en tant que destiné à être, c’est-à-dire devant être non engendré et incorruptible.

[70870] In De caelo, lib. 1 l. 6 n. 3 Sed circa ea quae hic Aristoteles dicit, duplex consideratio occurrit: una quidem circa positionem eius, qua ponit corpus caeli esse ingenerabile et incorruptibile; alia autem est circa rationem ipsius. Sciendum est autem circa primum, quod quidam posuerunt corpus caeli esse generabile et corruptibile secundum suam naturam, sicut Ioannes grammaticus, qui dictus est Philoponus. Et ad suam intentionem adstruendam, primo utitur auctoritate Platonis, qui posuit caelum esse genitum et totum mundum. Secundo inducit talem rationem. Omnis virtus corporis finiti est finita, ut probatur in VIII Physic.: sed virtus finita non potest se extendere ad durationem infinitam (unde per virtutem finitam non potest aliquid moveri tempore infinito, ut ibidem probatur): ergo corpus caeleste non habet virtutem ut sit infinitum tempore. Tertio obiicit sic. In omni corpore naturali est materia et privatio, ut patet ex I Physic.: sed ubicumque est materia cum privatione, est potentia ad corruptionem: ergo corpus caeleste est corruptibile. Si quis autem dicat quod non est eadem materia caelestium corporum et inferiorum, obiicit in contrarium: quia secundum hoc oporteret quod materia esset composita, ex eo scilicet quod est commune utrique materiae, et ex eo quod facit diversitatem inter materias.

[70870] Sur le De caelo, I, 6, 3. Mais concernant ce qu’Aristote dit ici, une double considération se présente : l’une au sujet de sa position, où il établit que le corps du ciel ne peut être engendré ni corrompu : l’autre au sujet de son raisonnement. Il faut savoir au sujet du premier point que certains ont établi que le corps du ciel pouvait être engendré et corrompu selon sa nature, comme le grammairien Jean qui est appelé Philopon. Et pour prouver sa thèse, il s’appuie en premier lieu sur l’autorité de Platon, qui a établi que le ciel est engendré, tout comme le monde entier. Deuxièmement il présente le raisonnement suivant. Toute la puissance d’un corps fini est finie, comme il est prouvé dans le livre VIII de la Physique : mais la puissance finie ne peut pas s’étendre dans une durée infinie (et c’est pourquoi une chose ne peut pas être déplacée par une puissance finie dans un temps infini, comme il est prouvé au même endroit) : donc un corps céleste n’a pas de puissance telle qu’il est infini en temps. Troisièmement il fait l’objection suivante. Dans tout corps naturel il y a matière et manque, comme c’est évident d’après le livre I de la Physique : mais partout où il y a de la matière avec du manque, il y a possibilité de corruption : donc un corps céleste peut être corrompu. Si on dit que la matière des corps célestes et des inférieurs n’est pas la même, il rejette cette idée au contraire, puisque en la suivant il faudrait que la matière soit composée de ce qui est commun aux deux matières, et de ce qui fait la diversité des matières.

[70871] In De caelo, lib. 1 l. 6 n. 4 Sed haec necessitatem non habent. Quod enim Plato posuit caelum genitum, non intellexit ex hoc quod est generationi subiectum, quod Aristoteles hic negare intendit: sed quod necesse est ipsum habere esse ab aliqua superiori causa, utpote multitudinem et distensionem in suis partibus habens; per quod significatur esse eius a primo uno causari, a quo oportet omnem multitudinem causari.

[70871] Sur le De caelo, I, 6, 4. Mais elles n’ont pas de nécessité. En effet parce que Platon a établi le ciel comme engendré, il n’en tirait pas l’idée qu’il est soumis à la génération, ce qu’Aristote cherche à nier ici, mais qu’il est nécessaire qu’il ait une existence par quelque cause supérieure, étant donné qu’il a multitude et extension dans ses parties ; par cela il est montré que son existence est causée par une chose première, qui doit causer toute multitude.

 [70872] In De caelo, lib. 1 l. 6 n. 5 Quod autem obiicit virtutem corporis caelestis esse finitam, solvit Averroes dicendo quod in corpore caelesti est virtus sive potentia ad motum secundum locum, non est autem virtus sive potentia ad esse, neque finita neque infinita. Sed in hoc manifeste dixit contra Aristotelem, qui infra in hoc eodem libro ponit in sempiternis virtutem ad hoc quod sint semper. Fuit autem deceptus per hoc quod existimavit virtutem essendi pertinere solum ad potentiam passivam, quae est potentia materiae; cum magis pertineat ad potentiam formae, quia unumquodque est per suam formam. Unde tantum et tamdiu habet unaquaeque res de esse, quanta est virtus formae eius. Et sic non solum in corporibus caelestibus, sed etiam in substantiis separatis est virtus essendi semper. Dicendum est ergo quod id quod requirit virtutem infinitam, oportet esse infinitum. Infinitum autem, secundum philosophum in I Physic., pertinet ad quantitatem; ita quod id quod quantitate caret, neque finitum neque infinitum est. Motus autem quantitatem habet, quae mensuratur tempore et magnitudine, ut patet in VI Physic.: et ideo virtus quae potest in motum sempiternum, potest in effectum infinitum: et propter hoc talem virtutem oportet esse infinitam. Ipsum autem esse alicuius rei secundum se consideratum non est quantum: non enim habet partes, sed totum est simul. Accidit autem ei quod sit quantum, uno quidem modo secundum durationem, inquantum est subiectum motui et per consequens tempori, sicut esse rerum variabilium: unde virtus cuiuslibet rei corporalis cuius esse subiectum est variationi, non potest nisi in durationem finitam. Alio autem modo esse alicuius rei potest per accidens dici quantum, ex parte subiecti, quod habet determinatam quantitatem. Dicendum est ergo quod esse caeli non est subiectum variationi nec tempori: unde non est quantum quantitate durationis, et per consequens neque finitum neque infinitum. Est autem quantum secundum quantitatem corporis extensi; et secundum hoc est finitum. Sic igitur dicendum est quod virtus essendi corporis caelestis est finita: nec tamen sequitur quod sit ad essendum tempore finito; quia finitum et infinitum temporis accidit ipsi esse rei, quod non est subiectum varietati temporis. Non tamen posset huiusmodi virtus causare esse in infinita magnitudine, vel etiam in maiori quam sit magnitudo caelestis corporis.

[70872] Sur le De caelo, I, 6, 5. Averroès a résolu le problème posé par le fait qu’Aristote a nié que la capacité du corps céleste soit finie, en disant que dans un corps céleste la capacité ou puissance de se mouvoir selon un lieu n’est pas la capacité ou puissance d’être, ni finie, ni infinie. Mais en cela il parle manifestement contre Aristote, qui établit ci-dessous dans le même livre pour les corps éternels la capacité à ce qu’ils existent toujours. Il a été trompé par le fait qu’il a estimé que la capacité d’être concernait seulement la puissance passive, qui est la puissance de la matière, alors qu’elle concerne plutôt la puissance de la forme, puisque toute chose est par sa forme. De là chaque chose a autant et aussi longtemps d’être que la puissance de sa forme est. Et ainsi la puissance d’être toujours s’applique non seulement aux corps célestes, mais aussi aux substances séparées. Il faut donc dire que ce qui réclame une capacité infinie doit être infini. Or l’infini, selon le philosophe dans le livre I de la Physique, concerne la quantité ; ainsi ce qui est dépourvu de quantité n’est ni fini, ni infini. Le mouvement a de la quantité, qui est mesurée par le temps et la grandeur, comme il apparaît dans le livre VI de la Physique : et pour cette raison la puissance qui est capable du mouvement éternel est capable de l’accomplissement éternel : et c’est pourquoi il faut qu’une telle puissance soit infinie. L’être même d’une chose considérée en soi n’est pas quantifiable : il n’a en effet pas de parties, mais il est tout entier en même temps. Il lui arrive d’être quantifiable, mais d’une seule manière selon la durée, dans la mesure où il est soumis au mouvement et par conséquent au temps, comme l’être des choses variables : de là la puissance de n’importe quelle chose corporelle dont l’être est soumis à la variation n’est possible que dans une durée finie. D’une autre manière l’être de quelque chose peut par accident être dit quantifiable, à partir du sujet qui a une quantité déterminé. Il faut donc dire que l’être du ciel n’est pas sujet à la variation ni au temps : de là il n’est pas quantifiable selon la quantité de la durée et par conséquent il n’est ni fini, ni infini. Or il est quantifiable selon la quantité du corps étendu ; et selon ce critère, il est infini. Ainsi donc il faut dire que la puissance d’être d’un corps céleste est finie ; et cependant il ne s’ensuit pas qu’il soit pour être dans un temps fini, puisque le fini et l’infini du temps arrivent à l’être même d’une chose qui n’est pas sujet à la variation du temps. Cependant une puissance de ce genre ne pourrait pas causer un être dans une grandeur infinie, ou même dans une grandeur plus grande que celle du corps céleste.

[70873] In De caelo, lib. 1 l. 6 n. 6 Similiter tertium quod obiicit, Averroes solvit per interemptionem. Negat enim corpus caeleste habere materiam: sed dicit corpus caeleste esse subiectum actu ens, ad quod comparatur anima eius sicut forma ad materiam. Et si quidem intelligat quod corpus caeleste non habeat materiam secundum quod dicitur materia in ordine ad motum vel mutationem, verum dicit: sic enim etiam Aristoteles in VIII et XII Metaphys. ponit corpus caeleste habere materiam non ad esse sed ad ubi; quia scilicet non est subiecta transmutationi quae est secundum esse, sed ei quae est secundum ubi. Si vero intelligat quod corpus caeleste nullo modo habet materiam, vel quodcumque subiectum, manifeste dicit falsum. Patet enim quod corpus illud est actu ens: alioquin non ageret in haec inferiora. Omne autem quod est actu ens, vel est actus, vel est habens actum. Non potest autem dici quod corpus caeleste sit actus: quia sic esset forma subsistens, et esset aliquid intellectum in actu, non autem sensu apprehensum. Oportet ergo in corpore caelesti ponere aliquod subiectum suae actualitati. Non tamen oportet quod istud subiectum vel materia habeat privationem: quia privatio nihil aliud est quam absentia formae quae est nata inesse, huic autem materiae vel subiecto non est nata inesse alia forma, sed forma sua replet totam potentialitatem materiae, cum sit quaedam totalis et universalis perfectio. Quod patet ex hoc, quod virtus activa eius est universalis, non particularis sicut virtus inferiorum corporum; quorum formae, tanquam particulares existentes, non possunt replere totam potentialitatem materiae; unde simul cum una forma remanet in materia privatio formae alterius, quae est apta nata inesse. Sicut etiam videmus quod corpora inferiora sunt susceptiva diversarum figurarum: sed corpus caeli non est figurabile alia figura. Sic igitur in corpore caelesti non est privatio alicuius formae, sed solum privatio alicuius ubi. Unde non est mutabile secundum formam per generationem et corruptionem; sed solum secundum ubi. Ex quo patet quod materia caelestis corporis est alia et alterius rationis a materia inferiorum corporum, non quidem per aliquam compositionem, sicut Philoponus existimavit; sed per habitudinem ad diversas formas, quarum una est totalis et alia partialis: sic enim potentiae diversificantur secundum diversitatem actuum ad quos sunt.

[70873] Sur le De caelo, I, 6, 6. Averroès a également résolu la troisième objection d’Aristote par réfutation. En effet il nie qu’un corps céleste ait de la matière ; mais il dit qu’un corps céleste est un étant sujet par l’acte, auquel il compare son âme, comme la forme à la matière. Et s’il entend qu’un corps céleste n’a pas de matière selon que la matière est dite dans l’ordre pour le mouvement ou le changement, il dit vrai : ainsi en effet Aristote dans les livres VIII et XII de la Métaphysique établit que le corps céleste a de la matière non pour l’être, mais pour le lieu, puisqu’elle n’est pas sujette à la transformation qui est selon l’être, mais à celle qui est selon le lieu. Mais s’il entend qu’un corps céleste ne peut en aucune façon avoir de la matière, ou n’importe quoi qui lui soit soumis, il dit manifestement faux. Car il est évident que ce corps est un étant par acte : sinon il ne pourrait pas agir sur ces inférieurs. Tout ce qui est étant par acte est soit acte, soit ayant acte. On ne peut dire qu’un corps céleste soit acte, puisqu’il serait forme subsistante et qu’il serait une chose comprise en acte et non saisie par sensation. Il faut donc établir pour le corps céleste une chose soumise à son activité. Il ne faut pourtant pas que cette chose sujette ou la matière ait quelque privation, puisque la privation n’est rien d’autre que l’absence de la forme qui se trouve naturellement à l’intérieur, or une autre forme ne se trouve pas naturellement dans cette matière ou dans son sujet, mais sa forme remplit toute la potentialité de la matière, alors qu’il y a une perfection totale et universelle. Cela est évident d’après le fait que sa puissance active est universelle, non particulière, comme la puissance des corps inférieurs ; leurs formes, en tant qu’êtres particuliers, ne peuvent remplir toute la potentialité de la matière ; de là en même temps qu’une forme il reste dans la matière la privation d’une autre forme, qui est naturellement apte à se trouver à l’intérieur, tout comme nous voyons aussi que les corps inférieurs sont capables de différentes formes, mais que le corps du ciel ne peut pas prendre une autre forme. Ainsi donc dans un corps céleste il n’y a pas privation de quelque forme, mais seulement privation de quelque lieu. De là il ne peut être changé selon sa forme par génération et corruption, mais seulement selon le lieu. D’où il est évident que la matière du corps céleste est autre et d’une autre constitution que la matière des corps inférieurs, non certes par quelque composition, comme Philopon le pensait, mais par la tendance à prendre différentes formes, dont l’une est totale et l’autre partielle ; ainsi en effet les puissances se différencient selon la diversité des actes pour lesquelles elles sont.

[70874] In De caelo, lib. 1 l. 6 n. 7 Manifestum est igitur ex his quod corpus caeli secundum suam naturam non est subiectum generationi et corruptioni, utpote primum in genere mobilium, et propinquissimum rebus immobilibus. Et inde est quod minimum habet de motu. Movetur enim solum motu locali, qui nihil variat intrinsecum rei. Et inter motus locales habet motum circularem, qui etiam minimum variationis habet: quia in motu sphaerico totum non mutat suum ubi subiecto, sed solum ratione, ut probatur in VI Physic.; sed partes mutant ubi diversum etiam subiecto. Non tamen dicimus secundum fidem Catholicam, quod caelum semper fuerit, licet dicamus quod semper sit duraturum. Nec hoc est contra demonstrationem Aristotelis hic positam: non enim dicimus quod incoeperit esse per generationem, sed per effluxum a primo principio, a quo perficitur totum esse omnium rerum, sicut etiam philosophi posuerunt. A quibus tamen in hoc differimus, quod illi ponunt Deum produxisse caelum coaeternum sibi; nos autem ponimus caelum esse productum a Deo secundum totam sui substantiam ab aliquo determinato principio temporis.

[70874] Sur le De caelo, I, 6, 7. Il est donc manifeste à partir de cela que le corps du ciel n’est pas sujet à la génération et à la corruption selon sa nature, en tant que premier dans le genre des choses mobiles, et en tant que le plus proche des choses immobiles. Et de là vient le fait qu’il a le plus petit des mouvements. En effet il est seulement déplacé suivant un mouvement local, qui ne varie en rien à l’intérieur de la chose. Et parmi les mouvements locaux il a un mouvement circulaire, qui a aussi la plus petite variation, puisque dans son mouvement sphérique il ne change pas son lieu en sujet, mais seulement en raison, comme il est prouvé dans le livre VI de la Physique ; mais ses parties changent de lieu différent même en sujet. Cependant nous ne disons pas selon la foi catholique que le ciel a toujours été, bien que nous disions qu’il est destiné à toujours durer. Et cela n’est pas en contradiction avec la démonstration d’Aristote établie ici : en effet nous ne disons pas qu’il a commencé à être par génération, mais par écoulement à partir d’un principe premier, qui accomplit la totalité des choses, comme les philosophes l’ont aussi établi. Cependant nous nous distinguons d’eux en ce qu’ils établissent que Dieu a créé un ciel qui est éternel comme lui, mais que nous, nous établissons que le ciel a été créé par Dieu selon toute sa substance à partir d’un premier moment déterminé.

[70875] In De caelo, lib. 1 l. 6 n. 8 Contra quod tamen obiicit Simplicius, Aristotelis Commentator, super hunc locum, tripliciter. Primo quidem quia Deus produxit caelum secundum suum esse, non per aliquid aliud additum: unde, cum esse suum sit aeternum et invariabile, semper caelum ab ipso processit. Item, si bonitas Dei est causa rerum, fuisset bonitas Dei otiosa et vacans antequam mundus esset, si ex aliquo determinato principio temporis incoepit. Item, omne quod incipit esse in aliqua determinata parte temporis cum prius non fuerit, hoc contingit ei ex ordine alicuius superioris motus, ex quo contingit quod hoc nunc incoepit et non prius; sicut homo incoepit esse nunc et non prius, secundum ordinem revolutionis caelestis corporis. Non est autem dare aliquam superiorem revolutionem aut motum ultra corpus caeleste. Non ergo potest dici quod corpus caeli ita nunc incoeperit quod prius non fuerit.

[70875] Sur le De caelo, I, 6, 8. À cela Simplicius, le commentateur d’Aristote, a fait une triple objection à propos de ce passage. Premièrement puisque Dieu a créé le ciel selon son être, et non en ajoutant quelque autre chose, de là, comme son être est éternel et invariable, le ciel a toujours procédé de lui. De même, si la bonté de Dieu était la cause des choses, la bonté de Dieu serait oisive et inoccupée avant que le monde ne soit, s’il commençait à partir d’un premier moment déterminé. Également, à tout ce qui a commencé d’être à un instant déterminé alors qu’il n’était pas auparavant cela arrive d’après l’ordre d’un mouvement supérieur, à partir duquel il arrive que cela commence à cet instant et non avant, comme un homme commence à être maintenant et non avant, selon l’ordre de la révolution d’un corps céleste. Or il n’est pas possible de donner une révolution supérieure ou un mouvement au-delà du corps céleste. On ne peut donc pas dire que le corps du ciel a commencé maintenant ainsi qu’il n’était pas auparavant.

[70876] In De caelo, lib. 1 l. 6 n. 9 Sed haec necessitatem non habent. Quod enim primo dicitur, quod Deus agit per suum esse et non per aliquid superadditum, verum est: sed esse suum non est distinctum a suo intelligere, sicut in nobis, nec etiam a suo velle: unde producit secundum intelligere et velle suum. In his autem quae producuntur ab aliquo agente inquantum est intelligens et volens, oportet esse illud quod producitur, hoc modo sicut est intellectum a producente; non autem eo modo quo est ipse producens secundum suum esse. Unde, sicut non oportet quod id quod est productum a Deo producente secundum suum esse, sit in aliis conditionibus tale quale est esse divinum, sed quale est determinatum per eius intelligere; ita non est necessarium quod id quod est productum a Deo, sit tam diuturnum quantum Deus, sed quantum determinatum est per intellectum ipsius. Et hoc etiam potest dici circa quantitatem dimensivam caeli. Quod enim caelum habeat tantam quantitatem et non maiorem, provenit ex determinatione intellectus divini determinantis sibi talem quantitatem, et coaptantis ei naturam proportionatam tali quantitati: sicut etiam exemit ipsum a contrariis, ut esset ingenitum et incorruptibile, ut dicitur in littera. Quod enim dicit recte fecisse naturam, importat actionem intellectus agentis propter aliquem finem: non enim alia natura superior exemit eum a contrariis nisi divina. Similiter, quod dicit bonitatem divinam fuisse vacantem et otiosam ante productionem mundi, non habet rationem. Otiosum enim dicitur quod non consequitur finem ad quem est: bonitas autem Dei non est propter creaturas. Unde creaturae essent otiosae si non consequerentur divinam bonitatem: divina autem bonitas non esset otiosa, etiam si nullam unquam creaturam produxisset. Similiter etiam quod tertio obiicit, locum habet in agente particulari, quod praesupponit tempus et in parte temporis aliquid facit: et ita oportet quod id quod fit, proportionetur ab agente et ad aliam partem temporis et ad totum tempus, vel etiam ad causam totius temporis. Sed nunc agimus de agente universali, quod producit ipsum totum tempus simul cum his quae sunt in tempore. Et ideo non habet hic locum ut quaeratur quare nunc et non prius: quasi praesupponatur alia pars temporis praecedens, vel aliqua alia causa universalior causans totum tempus. Sed habet hic locum quaestio, quare agens universale, scilicet Deus, voluit tempus non esse semper et ea quae sunt in tempore. Et hoc dependet ex determinatione intellectus ipsius: sicut et in domo artifex quantitatem alicuius partis domus accipit secundum proportionem ad aliam partem vel ad totam domum; sed quantitatem totius domus determinat secundum suum intellectum et voluntatem.

[70876] Sur le De caelo, I, 6, 9. Mais ces propos n’ont pas de nécessité. En effet ce qui est dit en premier, à savoir que Dieu agit par son être et non par quelque chose d’ajouté, est vrai, mais son être n’est pas distinct de son intelligence, comme chez nous, ni aussi de son vouloir : de là il crée selon son intelligence et son vouloir. Dans ce qui est créé par quelque agent en tant qu’il est intelligent et volontaire, il faut que ce qui est créé soit comme il a été compris par celui qui le crée, et non comme ce dernier est lui-même créateur selon son être. De là, comme il ne faut pas que ce qui est créé par Dieu créateur selon son être soit dans d’autres conditions tel qu’il peut être divin, mais tel qu’il est déterminé par son intelligence ; de même il n’est pas nécessaire que ce qui est créé par Dieu soit aussi durable que Dieu, mais aussi durable qu’il a été déterminé par son intelligence. Et cela peut aussi être dit à propos de la dimension du ciel. En effet le fait que le ciel ait une dimension aussi grande et non plus grande provient de la détermination de l’intelligence divine qui détermine pour elle une telle dimension et qui lui attache une nature proportionnée à cette dimension, de même qu’elle le dégage aussi des contraires, afin qu’il soit non engendré et incorruptible, comme il est dit à la lettre. Car le fait qu’il dise que la nature a bien fait implique une action de l’intelligence agissant pour quelque fin : en effet ce n’est pas une autre nature supérieure qui le dégage des contraires, si ce n’est une nature divine. Également, le fait qu’il dise que la bonté divine fut inoccupée et oisive avant la création du monde n’a pas de sens. Car on appelle oisif ce qui n’atteint pas le but pour lequel il existe ; or la bonté de Dieu n’est pas en pour les créatures. À partir de là, les créatures seraient oisives si elles n’atteignaient pas la bonté divine ; et la bonté divine ne serait pas oisive, même si elle n’avait jamais créé aucune créature. Également ce qu’il objecte en troisième lieu, c’est le lieu d’un agent particulier, parce qu’il présuppose le temps et qu’il fait quelque chose dans un intervalle de temps : et ainsi il faut que ce qui est fait soit proportionné par un agent, à la fois pour un autre intervalle de temps et pour tout le temps, ou même pour la cause de tout le temps. Mais nous traitons maintenant d’un agent universel, qui crée le temps même tout entier en même temps que ce qui est dans le temps. Et pour cette raison ce n’est pas ici le lieu de demander pourquoi à ce moment-ci et non avant, comme si une autre partie de temps précédente était présupposée, ou une autre cause plus universelle causant le temps tout entier. Mais c’est le lieu ici de demander pour quelle raison un agent universel, c’est-à-dire Dieu, a voulu que le temps ne soit pas toujours, tout comme ce qui est dans le temps. Et cela dépend de la limite de son intelligence, de même qu’un artisan reçoit aussi dans une maison la quantité d’une partie de la maison en proportion de l’autre partie ou de toute la maison, mais qu’il limite la quantité de toute sa maison selon son intelligence et sa volonté.

[70877] In De caelo, lib. 1 l. 6 n. 10 Restat autem alia consideratio circa demonstrationem Aristotelis, contra quam obiicit Ioannes grammaticus: quia si nihil generatur et corrumpitur nisi quod habet contrarium, cum substantiae non sit aliquid contrarium, quod maxime manifestum est in animalibus et plantis (similiter etiam nec figuris et relationibus est aliquid contrarium), nihil horum generabitur aut corrumpetur. Respondet autem ad hoc Simplicius quod hoc est intelligendum de contrario communiter dicto, prout includit etiam contrarietatem privationis et speciei: sic enim Aristoteles loquitur de contrario in I Physic., quo nos remittit. Et hoc modo contrarium invenitur in omnibus praedictis, sicut informe est contrarium formato, et infiguratum figurato: privatio autem non habet locum in corporibus caelestibus, ut dictum est. Haec autem responsio, etsi sit vera, non tamen habet locum in proposito. Aristoteles enim dicit contrarietatem motuum localium respondere contrarietati corporum; cum tamen certum sit quod privationi non respondet aliquis motus localis. Unde dicendum est quod, sicut ipse etiam post dicet, substantiae nihil est contrarium secundum compositum, vel secundum materiam, vel secundum formam substantialem: est tamen aliquid sibi contrarium secundum propriam dispositionem ad talem formam, sicut ignis dicitur esse contrarius aquae contrarietate calidi et frigidi. Et talis contrarietas requiritur in omnibus quae generantur et corrumpuntur. Huiusmodi autem contrarietatem consequitur contrarietas motuum secundum grave et leve: per quorum subtractionem intelligitur corpus caeleste esse exemptum ab omnibus aliis contrariis quae comitantur grave et leve.

[70877] Sur le De caelo, I, 6, 10. Il reste une autre considération sur la démonstration d’Aristote, contre laquelle Jean le grammairien a fait une objection : puisque si rien n’est engendré ni n’est corrompu si ce n’est parce qu’il a un contraire, alors qu’il n’y a rien de contraire à la substance, ce qui est évident chez les animaux et les plantes (également il n’y a rien de contraire aux figures et aux relations), rien de ceux-là ne sera engendré ou corrompu. Simplicius répond à cela qu’il faut le comprendre au sujet du contraire communément dit, dans la mesure où il inclut aussi l’opposition de la privation et de l’espèce : en effet, Aristote parle ainsi du contraire dans le livre I de la Physique, où il nous renvoie. Et de cette manière le contraire se trouve dans toutes les choses déjà mentionnées, comme l’informe est contraire à ce qui est formé et le non figuré au figuré : la privation n’a pas lieu dans les corps célestes, comme on l’a dit. Cette réponse, quoique vraie, n’a cependant pas lieu dans la proposition. En effet Aristote dit que l’opposition des mouvements locaux correspond à l’opposition des corps, alors qu’il est pourtant certain qu’à la privation ne correspond pas un mouvement local. De là il faut dire que, comme il le dira aussi lui-même ensuite, rien n’est contraire à la substance selon sa composition, selon sa matière, ou selon sa forme substantielle : cependant une chose est contraire à elle-même selon sa propre disposition à telle forme, comme le feu est dit contraire à l’eau en ce qui concerne le chaud et le froid. Et une telle opposition est recherchée dans tout ce qui est engendré et corrompu. L’opposition des mouvements selon le lourd et le léger suit une opposition de ce genre : quand on les soustrait, on comprend qu’un corps céleste est exempt de toutes les autres oppositions qui accompagnent le lourd et le léger.

[70878] In De caelo, lib. 1 l. 6 n. 11 Item videtur, secundum hoc quod contrarietati corporum dicit respondere contrarietatem motuum, quod ignis magis sit contrarius terrae quam aquae, cum qua convenit in una qualitate, scilicet in siccitate. Et dicendum est quod philosophus in hoc libro agit de corporibus simplicibus secundum situm: sic enim constituunt universum ut partes. Et secundum hoc maior est contrarietas ignis ad terram quam ad aquam: licet ad aquam sit maior contrarietas ignis secundum qualitates activas et passivas, quod pertinet ad considerationem libri de generatione.

[70878] Sur le De caelo, I, 6, 11. De même il semble, d’après le fait qu’il dise que l’opposition des mouvements correspond à l’opposition des corps, que le feu soit plus contraire à la terre qu’à l’eau, avec laquelle il s’accorde en une seule qualité, à savoir la sécheresse. Et il faut dire que le philosophe dans ce livre traite des corps simples selon leur position : ainsi en effet ils constituent l’univers en tant que parties. Et d’après ce principe, le feu est plus contraire à la terre qu’à l’eau, bien que le feu soit plus contraire à l’eau selon ses qualités actives et passives, ce qui concerne les considérations du livre de la génération.

[70879] In De caelo, lib. 1 l. 6 n. 12 Videtur etiam non ex necessitate sequi quod corpori caelesti nihil sit contrarium, ex eo quod motui circulari, quo movetur, nihil sit contrarium: quia etiam ignis in propria sphaera, et suprema pars aeris circulariter moventur, ut in I Meteor. dicitur; aeri tamen et igni est aliquid contrarium. Sed dicendum est quod ignis et aer non moventur circulariter quasi proprio motu, sed deferuntur per motum caeli: corpora autem caelestia moventur circulariter proprio motu: unde non est similis ratio.

[70879] Sur le De caelo, I, 6, 12. Il semble aussi que le fait que rien ne soit contraire au corps céleste ne soit pas nécessairement la conséquence de ce que rien n’est contraire au mouvement circulaire, selon lequel il est déplacé, puisque le feu aussi dans sa propre sphère, et la partie supérieure de l’air sont déplacés circulairement, comme il est dit dans le livre I des Météorologiques ; pourtant il existe un contraire à l’air et au feu. Mais il faut dire que le feu et l’air ne sont pas déplacés circulairement comme de leur propre mouvement, mais qu’ils sont entraînés par un mouvement du ciel ; or les corps célestes sont déplacés circulairement de leur propre mouvement, si bien qu’ils n’ont pas la même organisation.

[70880] In De caelo, lib. 1 l. 6 n. 13 Item videtur quod contrarietas motuum non attestetur contrarietati mobilium. Eadem enim substantia numero, quae sibi non contrariatur, est susceptiva contrariorum, ut dicitur in praedicamentis; et ita movetur motibus contrariis, qui sunt ad contraria, puta dealbatione et denigratione et similibus motibus. Praeterea aer movetur sursum in loco aquae existens, deorsum autem existens in loco ignis: idem ergo contrariis motibus movetur, et sic contrarietas motuum non consequitur contrarietatem mobilium. Adhuc etiam videmus quod eadem anima movetur motu virtutis et vitii, qui sunt contrarii motus. Est autem circa hoc considerandum quod philosophus utitur hac propositione: quod si motus non sint contrarii, quod etiam mobilia non sunt contraria. Non autem ponit e converso quod si mobilia non sunt contraria, quod motus non sint contrarii (quia posset aliquis dicere quod omnium corporum contrarietatem habentium sint contrarii motus, non autem omnes contrarii motus sunt contrariorum): contra quod praedictae obiectiones procedunt. Tamen, secundum rei veritatem, contrarietas motuum naturalium consequitur proprietatem principiorum activorum sive formalium, ad quae consequitur motus; non autem contrarietatem principiorum passivorum sive materialium, quia eadem materia susceptiva est contrariorum. Et ideo alterationes quae fiunt ex principiis extrinsecis, nihil prohibet esse circa idem subiectum, quamvis sint contrariae. Si qua vero est alteratio ex intrinseco principio proveniens, sicut sanatio quando fit per naturam, oportet quod contrarietas talium alterationum consequatur contrarietatem mobilium. Et eadem ratio est de motibus localibus, de quibus nunc intendit: huiusmodi enim motus consequuntur principia formalia intrinseca. Ad id vero quod obiicitur de aere, dicendum quod contradictio quae includitur in omnibus oppositis, habet in sui ratione quod sit secundum idem et respectu eiusdem. Motus autem aeris naturalis non est sursum et deorsum respectu eiusdem; sed sursum quidem respectu aquae et terrae, deorsum vero respectu ignis. Unde huiusmodi motus non sunt contrarii: non enim sunt ad contraria loca, sed ad eundem locum, qui scilicet supereminet aquae et subsidet igni. Quod autem dicitur de motu animae secundum virtutem et vitium, non est ad propositum: quia huiusmodi motus non sunt naturales, sed voluntarii.

[70880] Sur le De caelo, I, 6, 13. De même, il semble que l’opposition des mouvements ne soit pas attestée par l’opposition des corps mobiles. En effet, la même substance en grand nombre, qui n’est pas contraire à elle-même, est capable d’avoir des contraires, comme il est dit dans les Catégories ; et ainsi elle est déplacée dans des mouvements contraires, qui vont vers les contraires, à savoir dans le blanchissement et le noircissement et dans de semblables mouvements. En outre l’air est déplacé vers le haut, à la place de l’eau, et vers le bas, à la place du feu : donc une même chose est déplacée suivant des mouvements contraires, et ainsi l’opposition des mouvements n’est pas la conséquence l’opposition des corps mobiles. Nous voyons maintenant aussi que la même âme est déplacée par le mouvement de la vertu et du vice, qui sont des mouvements contraires. Sur ce point il faut considérer que le philosophe se sert de cette proposition : si les mouvements ne sont pas contraires, les corps mobiles ne le sont pas non plus. Il n’établit pas inversement que si les mobiles ne sont pas contraires, les mouvements ne sont pas contraires (puisque quelqu’un pourrait dire que les mouvements de tous les corps qui ont une opposition sont contraires, mais que tous les mouvements des corps contraires ne sont pas contraires) : c’est contre cela que procèdent les objections déjà mentionnées. Cependant, selon la vérité des faits, l’opposition des mouvements naturels suit la propriété des principes actifs ou formels, que suit le mouvement, et non l’opposition des principes passifs ou matériels, puisque la même matière est susceptible d’avoir des contraires. Et c’est pourquoi rien n’empêche que les altérations qui sont produites d’après les principes externes ne concernent le même sujet, bien qu’elles soient contraires. S’il y a une altération provenant d’un principe externe, comme la guérison quand elle a lieu naturellement, il faut que l’opposition de telles altérations suive l’opposition des corps mobiles. Et le même raisonnement concerne les mouvements locaux, au sujet desquels il tourne maintenant son attention : en effet, les mouvements de ce genre suivent des principes formels internes. À propos de l’objection faite sur l’air, il faut dire que la contradiction qui est incluse dans toutes les choses opposées a dans son organisation ce qui est selon la même chose et par rapport à la même chose. Le mouvement naturel de l’air n’est pas vers le haut et vers le bas par rapport à la même chose, mais vers le haut par rapport à l’eau et à la terre et vers le bas par rapport au feu. De là les mouvements de ce genre ne sont pas contraires : en effet ils ne vont pas vers des lieux contraires, mais vers le même lieu, qui en vérité s’élève au-dessus de l’eau et qui se place sous le feu. Ce qui est dit du mouvement de l’âme selon la vertu et le vice ne concerne pas la proposition, puisque les mouvements de ce genre ne sont pas naturels, mais volontaires.

 

 

Lectio 7

Leçon 7 – [La quintessence n’est pas sujet à l’augmentation et à la diminution]

[70881] In De caelo, lib. 1 l. 7 n. 1 Postquam philosophus ostendit quod corpus quintum non est subiectum generationi et corruptioni, hic ostendit quod non est subiectum augmento et deminutioni. Et utitur tali ratione. Omne corpus augmentabile est quantum ad aliquid subiectum generationi et corruptioni. Ad cuius manifestationem proponit quod omne corpus augmentabile augetur per appositionem alicuius connaturalis advenientis; quod quidem, cum prius esset dissimile, factum est simile per resolutionem in propriam materiam, quae, deposita forma priori, formam corporis augmentandi assumpsit; sicut panis, resolutus in materiam, accipit formam carnis, et ita per additionem ad carnem praeexistentem facit augmentum. Unde ubicumque est augmentum, ibi oportet quod sit generatio et corruptio in aliquid. Corpori autem caelesti non est dare aliquid ex quo sit generatum, ut ostensum est. Ergo non potest esse augmentabile vel deminuibile.

[70881] Sur le De caelo, I, 7, 1. [270a20] Après que le philosophe a montré que le cinquième corps n’est pas soumis à la génération et à la corruption, il montre ici qu’il n’est pas sujet à l’augmentation et à la diminution. Et il se sert d’un tel raisonnement. Tout corps qui peut s’accroître est relatif à une chose qui est sujette à la génération et à la corruption. Pour révéler cela il expose que tout corps qui peut s’accroître est augmenté par l’ajout d’une chose de même nature qui advient ; et cette chose est devenue semblable, alors qu’elle était auparavant différente, grâce à sa décomposition en la matière de l’autre corps, matière qui, après avoir quitté sa forme antérieure, prend la forme du corps augmenté, comme le pain, décomposé en matière, reçoit la forme de la chair et ainsi accomplit une augmentation par addition à une chair préexistante. De là partout où il y a eu augmentation, il faut qu’il y ait génération et corruption en quelque chose. Or il n’est pas possible de donner à un corps céleste une chose à partir de laquelle il a été engendré, comme on l’a démontré. Donc il ne peut être augmenté, ni diminué.

[70882] In De caelo, lib. 1 l. 7 n. 2 Deinde cum dicit: si autem est etc., ostendit quod non sit subiectum alterationi. Posset autem videri alicui quod brevis via removendi alterationem a corpore caelesti, esset per remotionem contrarietatis: sicut enim generatio est ex contrariis, ita et alteratio. Sed advertendum quod Aristoteles removit contrarietatem a quinto corpore removendo ab eo contrarietatem motus: alteratio autem videtur fieri non solum secundum contrarietatem cui respondent contrarii motus locales, quae est gravis et levis et eorum quae assequuntur; sed etiam secundum alia contraria quae ad hoc non pertinent, puta secundum album et nigrum: et ideo utitur alia via, quae sumitur ex parte augmenti. Et dicit quod eiusdem rationis est aestimare quod corpus caeleste non sit alterabile, et quod non sit augmentabile seu corruptibile. Quia alteratio est motus secundum qualitatem, ut dictum est in V Physic. Alteratio autem, ut in VII Physic. ostensum est, proprie fit secundum tertiam speciem qualitatis, quae est passio et passibilis qualitas: quamvis enim habitus et dispositio pertineant ad genus qualitatis, non tamen causantur sine transmutatione quae fit secundum passiones; sicut sanitas et languor proveniunt ex transmutatione frigidi et calidi, humidi et sicci. Omnia autem corpora naturalia quae transmutantur secundum passionem vel passibilem qualitatem, per consequens videntur habere augmentum et decrementum; sicut patet de corporibus animalium et de partibus eorum, et etiam de plantis, in quibus proprie est augmentum. Ita etiam est de elementis: quae quidem secundum transmutationem calidi et frigidi rarefiunt et condensantur, et per consequens transmutantur in maiorem vel minorem quantitatem, quod est quodammodo augeri et deminui. Sic igitur patet quod, si corpus quod circulariter movetur, non subiacet augmento vel decremento, quod etiam non subiaceat alterationi. Ultimo autem epilogando concludit manifestum esse ex dictis, si quis velit assentire prioribus demonstrationibus, non proterve contradicendo, quod corpus primum, quod scilicet movetur motu primo et perfecto, idest circulari, est sempiternum, quasi non subiacens generationi et corruptioni; neque etiam habet augmentum neque decrementum; et non subiacet senectuti, neque alterationi, neque passioni.

[70882] Sur le De caelo, I, 7, 2. Ensuite, lorsqu’il dit : Ğ mais s’il y a ğ, etc., il montre qu’il n’est pas sujet à l’altération. Quelqu’un pourrait penser que la voie pour écarter l’altération d’un corps céleste serait brève si l’on repoussait le contraire : de même que la génération est tirée des contraires, de même l’altération. Mais il faut remarquer qu’Aristote a écarté l’opposition du cinquième corps en écartant de lui l’opposition de mouvement : l’altération semble être produite non seulement selon l’opposition à laquelle correspondent les mouvements locaux contraires, c’est-à-dire l’opposition du lourd et du léger et de ce qui les rejoint, mais aussi selon les autres oppositions qui ne concernent pas cela, par exemple selon le blanc et le noir : et c’est pourquoi il utilise une autre voie, qui est tirée d’une partie de l’augmentation. Et il dit qu’il appartient au même raisonnement d’estimer qu’un corps céleste ne peut être altéré et qu’il ne peut être augmenté ou corrompu, puisque l’altération est un mouvement selon la qualité, comme il est dit dans le livre V de la Physique. [270a25] Or l’altération, comme il est démontré dans le livre VII de la Physique, est produite à proprement parler selon une troisième espèce de qualité, qui est l’affection et la qualité susceptible d’affection : en effet, bien que l’état et la disposition concernent ce genre de qualité, ils ne sont cependant pas causés sans une transmutation produite selon l’affection, tout comme la santé et la maladie proviennent de la transmutation du froid et du chaud, de l’humide et du sec. Tous les corps naturels qui sont changés selon l’affection ou la qualité susceptible d’affection semblent par conséquent avoir une augmentation et une diminution, comme c’est évident au sujet des corps animés et de leurs parties, et aussi des plantes, dans lesquels se trouve l’augmentation proprement dite. Il en est également ainsi des éléments : ils se raréfient et se condensent selon la transmutation du chaud et du froid et par conséquent sont modifiés en une quantité plus grande ou plus petite, ce qui revient d’une certaine manière à être augmenté et diminué. Ainsi donc il est évident que, si un corps qui est déplacé circulairement n’est pas soumis à l’augmentation ou à la diminution, il n’est pas non plus soumis à l’altération. Enfin il conclut en guise d’épilogue qu’il est évident d’après ce qui a été dit que, si l’on voulait donner son assentiment aux démonstrations antérieures, en ne contredisant pas sans retenue, le corps premier, qui est assurément déplacé par un mouvement premier et parfait, c’est-à-dire circulaire, est éternel, n’étant pas soumis pour ainsi dire à la génération et à la corruption, qu’il n’a pas non plus d’augmentation ni de diminution et qu’il n’est pas soumis au vieillissement, ni à l’altération, ni à l’affection.

[70883] In De caelo, lib. 1 l. 7 n. 3 Potest autem obiici contra hanc Aristotelis rationem dupliciter. Primo quidem contra conclusionem. Videtur enim esse falsum quod corpus caeleste non alteretur: manifeste enim apparet lunam a sole illuminari, et per umbram terrae obscurari. Dicendum est autem quod duplex est alteratio. Una quidem passiva, secundum quam ita aliquid adiicitur, quod etiam aliquid aliud abiicitur; sicut cum aliquid alteratur de calido in frigidum, amittit calorem et recipit frigiditatem: et talem alterationem, quae fit secundum passiones, intendit hic philosophus excludere a corpore caelesti. Est autem alia alteratio perfectiva, quae fit secundum quod aliquid ab alio perficitur absque alterius abiectione, qualem alterationem ponit philosophus in II de anima etiam in potentia sensitiva: et talem alterationem nihil prohibet esse in corporibus caelestibus, quorum quaedam recipiunt virtutes ab aliis secundum coniunctiones et varios aspectus, absque hoc quod aliquod eorum propriam virtutem amittat.

[70883] Sur le De caelo, I, 7, 3. On peut faire une double objection à ce raisonnement d’Aristote. Premièrement à la conclusion. Car il semble être faux de dire qu’un corps céleste n’est pas altéré : il apparaît manifestement que la lune est illuminée par le soleil et obscurcie par l’ombre de la terre. Il faut dire que cette altération est double. L’une est passive : selon elle une chose est ajoutée, de même qu’une autre chose est aussi amoindrie, tout comme, alors qu’une chose est altérée en passant du chaud au froid, elle perd de la chaleur et reçoit du froid : et le philosophe cherche ici à écarter du corps céleste une telle altération, qui se produit selon des affections. Or il y a une autre altération complète, qui est produite dans le cas où une chose est achevée par une autre chose sans abandonner une autre chose, laquelle altération est établie par le philosophe dans le livre II De l’âme également dans la puissance sensitive : et rien n’empêche qu’une telle altération se trouve dans les corps célestes, dont certains reçoivent leurs puissances d’autres corps selon des conjonctions et des aspects divers, sans que l’un d’entre eux ne perde sa propre puissance.

[70884] In De caelo, lib. 1 l. 7 n. 4 Secundo obiicitur contra processum rationis hic inductae: non enim videtur esse verum quod quaecumque alterantur, augmentum et decrementum suscipiant. Augmentum enim et decrementum fit per additionem alicuius quod est conversum in substantiam eius quod augetur, ut dicitur in libro de Generat. et in II de anima; et etiam hoc supra dictum est. Hic autem motus augmenti non est nisi in animalibus et plantis: nam ea quae rarefiunt et condensantur, non augentur ex aliquo addito, ut probatur in IV Physic. Inconvenienter igitur videtur hic Aristoteles attribuere motum augmenti non solum animalibus et plantis et partibus eorum, sed etiam elementis. Dicendum est autem quod Aristoteles hic loquitur de augmento pro quolibet motu quo aliquid proficit in maiorem quantitatem. Nondum enim perfecte explicaverat naturam motus augmenti: est autem suae consuetudinis ut ante manifestationem veritatis, utatur opinionibus communibus. Nec impedit virtutem probationis eius, quod supra exclusit augmentum a corpore caelesti per exclusionem additionis corporis in ipsum quod augetur transmutati: quia sicut quod augetur per additionem, non est omnino liberum a generatione et corruptione, ita etiam quod augetur per rarefactionem. Est autem considerandum quod signanter in hac ratione mentionem facit de corporibus physicis: quia in corporibus mathematicis potest esse augmentum sine alteratione, puta cum quadratum crevit apposito gnomone, sed non est alteratum, ut dicitur in praedicamentis; et e converso potest aliquid alterari sine hoc quod augeatur, sicut cum fit triangulus aequalis quadrato.

[70884] Sur le De caelo, I, 7, 4. La deuxième objection porte sur l’avancée du raisonnement mené ici : il ne semble en effet ne pas être vrai de dire que tout ce qui est altéré subit une augmentation et une diminution. Car l’augmentation et la diminution se produisent par addition de quelque chose qui est converti en la substance de ce qui est augmenté, comme il est dit dans le livre De la génération dans le livre II De l’âme ; et cela a été aussi dit ci-dessus. Ce mouvement d’augmentation ne se trouve que chez les êtres vivants et les plantes ; car ce qui se raréfie et se condense n’est pas augmenté par quelque ajout, comme il est prouvé dans le livre IV de la Physique. C’est donc à tort qu’Aristote semble attribuer ici le mouvement d’augmentation non seulement aux animaux, aux plantes et à leurs parties, mais aussi aux éléments. Il faut dire qu’Aristote parle ici de l’augmentation pour n’importe quel mouvement dont une chose profite pour une plus grande quantité. Car il n’avait pas encore parfaitement expliqué la nature du mouvement d’augmentation : il a l’habitude d’utiliser des opinions communes avant la manifestation de la vérité. Et le fait qu’il ait ci-dessus exclu l’augmentation du corps céleste en écartant l’addition du corps en lui-même qui est augmenté de ce qui est transféré n’empêche pas la force de sa démonstration, puisque, comme ce qui est augmenté par addition n’est absolument pas délivré de la génération et de la corruption, il en est de même aussi pour ce qui est augmenté par raréfaction. Il faut considérer qu’il fait significativement mention dans ce raisonnement des corps physiques, puisque dans les corps mathématiques il peut y avoir augmentation sans altération, par exemple quand un carré s’est agrandi par l’application d’un gnomon, mais qu’il n’a pas été altéré, comme il est dit dans les Catégories ; et inversement une chose peut être altérée sans être augmentée, comme un triangle qui devient égal à un carré.

[70885] In De caelo, lib. 1 l. 7 n. 5 Deinde cum dicit: videtur autem etc., manifestat propositum per signa. Et dicit quod ratio et ea quae apparent probabiliter videntur in materia ista sibi invicem testificari. Et ponit tria signa. Quorum primum est ex communi hominum opinione, qui ponunt multos deos, vel unum Deum, cui alias substantias separatas deservire dicunt; et omnes sic opinantes attribuunt supremum locum, scilicet caelestem, Deo, sive sint barbari sive Graeci, quicumque scilicet putant esse res divinas. Sic autem attribuunt caelum divinis substantiis, quasi adaptantes immortalem locum immortalibus et divinis rebus; ut sic habitatio Dei in caelo intelligatur esse secundum similitudinis adaptationem, quia scilicet hoc corpus inter cetera corpora magis accedit ad similitudinem spiritualium substantiarum et divinarum. Est enim impossibile quod aliter Deo habitatio caeli attribuatur, quasi indigeat loco corporali a quo comprehendatur. Si igitur ponendae sint res divinae, immo quia pro certo ponendae sunt, consequens est quod bene sint dicta ea quae dicta sunt de prima substantia corporali, scilicet de corpore caelesti, quod scilicet est ingenitum et impassibile. Quamvis autem existimant homines templa esse locum Dei, hoc tamen non existimant ex parte ipsius Dei, sed ex parte colentium Deum, quos oportet in aliquo loco Deum colere. Unde templa corruptibilia sunt proportionalia hominibus corruptibilibus, caelum autem incorruptioni divinae.

[70885] Sur le De caelo, I, 7, 5. Ensuite, quand il dit : Ğ il semble ğ, il montre la proposition par des signes. Et il dit que le raisonnement et ce qui apparaît semblent probablement se témoigner mutuellement dans la matière ces choses. Et il établit trois signes. [270b5] Le premier d’entre eux est tiré de l’opinion commune des hommes, qui établissent de nombreux dieux ou un seul Dieu, à qui d’autres substances séparées sont consacrées, selon eux ; et tous ceux qui pensent ainsi attribuent un lieu supérieur, c’est-à-dire céleste, au Dieu, qu’ils soient barbares ou grecs, tous ceux qui pensent qu’il y a des choses divines. Ils attribuent ainsi un ciel aux substances divines, adaptant pour ainsi dire un lieu immortel aux choses immortelles et divines, de même que l’habitation de Dieu se trouve être dans le ciel selon une correspondance établie par la similitude, puisque assurément ce corps parmi tous les autres corps accède davantage à la similitude des substances spirituelles et divines. Il est en effet impossible que l’habitation du ciel soit attribuée autrement à Dieu, comme s’il avait besoin d’un lieu corporel, qui permette de l’appréhender. Donc, si les choses divines doivent être établies, surtout parce qu’elles doivent être établies avec certitude, il en résulte que ce qui a été dit sur la première substance corporelle, c’est-à-dire sur le corps céleste, qui assurément est non engendré et non susceptible d’être affecté, a été bien dit. Bien que les hommes pensent que les temples sont le lieu de Dieu, ils ne le pensent pourtant pas à partir de Dieu lui-même, mais à partir de ceux qui vénèrent Dieu, qui doivent vénérer Dieu dans un lieu. De là les temples corruptibles sont proportionnés aux hommes corruptibles, or le ciel est proportionné à l’absence de corruption divine.

[70886] In De caelo, lib. 1 l. 7 n. 6 Secundum signum ponit ibi: accidit autem hoc et per sensum etc.: quod quidem accipitur ab experientia longi temporis. Et dicit quod id quod probatum est per rationem et per communem opinionem, accidit, idest consequitur, sufficienter; non quidem simpliciter, sed sicut potest dici per comparationem ad humanam fidem, idest quantum homines possunt testificari de his quae parvo tempore et a remotis viderunt. Secundum enim memoriam quam sibi invicem tradiderunt astrologi, dispositiones et motus caelestium corporum observantes, in toto praeterito tempore non videtur aliquid transmutatum esse neque secundum totum caelum, neque secundum aliquam propriam partem eius. Quod quidem non esset si caelum generabile et corruptibile esset: quaecumque enim generantur et corrumpuntur, paulatim et successive ad perfectum statum perveniunt, et ex eo paulatim recedunt: quod quidem non posset tanto tempore latere in caelo, si naturaliter generationi et corruptioni subiaceret. Nec tamen hoc est necessarium, sed probabile. Quanto enim aliquid est diuturnius, tanto maius tempus requiritur ad hoc quod eius mutatio deprehendatur; sicut transmutatio hominis non deprehenditur in duobus vel tribus annis, in quibus deprehenditur transmutatio canis, vel alicuius alterius animalis breviorem vitam habentis. Posset igitur aliquis dicere quod, etsi caelum sit naturaliter corruptibile, est tamen tam diuturnum, quod totum tempus cuius memoria potest haberi, non sufficit ad deprehendendam eius transmutationem.

[70886] Sur le De caelo, I, 7, 6. [270b10] Il établit ici le second signe : Ğ ceci arrive et par les sens ğ, qui est certainement reçu par l’expérience d’une longue époque. Et il dit que ce qui est prouvé par le raisonnement et par l’opinion commune, arrive, c’est-à-dire suit comme conséquence, suffisamment, et non simplement, mais comme on peut dire en comparaison avec la foi humaine, c’est-à-dire autant que les hommes peuvent témoigner de ce qu’ils ont vu dans un laps de temps bref, et non loin d’eux. En effet selon les souvenirs que les astrologues se sont transmis, en observant les dispositions et les mouvements des corps célestes, rien ne semble avoir changé dans tout le temps passé, ni dans tout le ciel, ni dans une de ses propres parties. Cela ne pourrait être si le ciel pouvait être engendré et corrompu : tout ce qui, en effet, est engendré et corrompu parvient peu à peu et successivement à un état parfait, et d’où il s’écarte peu à peu : cela ne pourrait se cacher dans le ciel pendant une si longue époque, si c’était naturellement soumis à la génération et à la corruption. Cela n’est cependant pas nécessaire, mais probable. En effet plus une chose est durable, plus long est le temps requis pour que sa transformation soit découverte, de même que la transformation d’un homme n’est pas découverte en deux ou trois ans, pendant lesquels est découverte la transformation d’un chien ou de quelque autre animal ayant une vie plus brève. On pourrait donc dire que, bien que le ciel puisse naturellement être corrompu, il est cependant si durable que tout le temps dont on puisse avoir la mémoire ne suffit pas à découverte sa transformation.

[70887] In De caelo, lib. 1 l. 7 n. 7 Tertium signum ponit ibi: videtur autem et cetera. Quod quidem sumitur a nomine imposito ab antiquis, quod durat usque ad praesens tempus; per quod datur intelligi quod ipsi etiam hoc modo opinabantur caelum esse incorruptibile, sicut nos opinamur. Et ne aliquis contra hoc obiiceret quod aliqui ante suum tempus, caelum generabile et corruptibile posuerunt, subiungit quod opiniones verae renovatae sunt secundum diversa tempora non semel aut bis, sed infinities, supposita infinitate temporis. Destruuntur enim studia veritatis per diversas mutationes in his inferioribus accidentes: sed quia mentes hominum naturaliter inclinantur ad veritatem, cessantibus impedimentis, renovantur studia, et homines tandem perveniunt ad opiniones veras quae prius fuerant: opiniones autem falsas non necesse est renovari. Et ideo antiqui, opinantes quod primum corpus, scilicet caeli, esset alterius naturae praeter quatuor elementa, nominaverunt supremum locum mundi aethera, ponentes scilicet ei nomen ab eo quod semper currit sempiterno tempore: thein enim in Graeco idem est quod currere. Sed Anaxagoras male interpretatus est hoc nomen, attribuens ipsum igni, quasi caeleste corpus sit igneum: aethein enim in Graeco idem est quod ardere, quod est proprium ignis. Sed quod caeleste corpus non sit igneum, patet ex supra dictis.

[70887] Sur le De caelo, I, 7, 7. [270b20] Il établit ici le troisième signe : Ğ or il semble ğ, etc. Celui-là est tiré d’un nom utilisé par les anciens, qui dure jusqu’au temps présent, par lequel il nous est donné à comprendre qu’ils pensaient eux-mêmes de cette manière que le ciel ne peut être corrompu, comme nous le pensons. Et afin que quelqu’un n’objecte pas à cela que quelques uns avant son temps ont établi que le ciel peut être engendré et corrompu, il ajoute que les opinions vraies ont été renouvelées suivant les différentes époques non pas une fois ou deux fois, mais un nombre infini de foi, si l’on suppose que le temps est infini. En effet les études de la vérité sont détruites par différentes mutations qui se produisent dans les temps postérieurs ; mais puisque les esprits des hommes inclinent naturellement vers la vérité, les obstacles cessant, les études sont renouvelées et les hommes parviennent enfin aux opinions vraies qui avaient existé auparavant : il n’est pas nécessaire de renouveler les opinions fausses. [270b20] Et c’est pourquoi les anciens, pensant que le corps premier, c’est-à-dire celui du ciel, serait d’une autre nature que celle des quatre éléments, ont nommé éther le lieu le plus élevé du monde, établissant assurément son nom à partir du fait qu’il court toujours pendant un temps éternel : thein, en effet, est synonyme de courir en grec. Mais Anaxagore a mal interprété ce nom, l’attribuant au feu, comme si le corps céleste était igné : aethein en effet signifie brûler, qui est le propre du feu. Mais il est évident d’après ce qui a été dit ci-dessus que le corps céleste n’est pas igné.

 

 

Lectio 8

Leçon 8 – [L’univers infralunaire est composé de quatre éléments seulement]

[70888] In De caelo, lib. 1 l. 8 n. 1 Postquam philosophus ostendit necesse esse aliquod corpus praeter quatuor elementa, hic ostendit quod praeter ista corpora non requirit integritas universi aliquod aliud corpus. Et primo ostendit propositum; secundo probat quoddam quod supposuerat, ibi: quod autem non est circulationi et cetera. Dicit ergo primo quod ex dictis, quibus probatum est esse quintum corpus praeter corpora gravia et levia, potest etiam manifestari quod impossibile est esse maiorem numerum simplicium corporum. Quia, sicut supra dictum est, necesse est quod cuiuslibet simplicis corporis sit aliquis motus simplex. Sed non est alius motus simplex praeter praedictos, quorum unus est circularis et alius est rectus, qui in duas partes dividitur: nam motuum rectorum unus quidem est a medio, qui dicitur motus sursum; alius autem est ad medium, qui dicitur motus deorsum. Horum autem motuum ille qui est ad medium, est corporis gravis, scilicet terrae et aquae; ille autem qui est a medio, est corporis levis, scilicet ignis et aeris; ille autem qui est circularis, est primi et supremi corporis. Unde relinquitur quod praeter praedicta corpora simplicia non sit aliquod aliud corpus simplex: et ita integritas universi ex istis quinque corporibus consistit.

[70888] Sur le De caelo, I, 8, 1. Après que le philosophe a montré qu’il est nécessaire qu’il y ait un corps en dehors des quatre éléments, il montre ici qu’en dehors de ces corps l’intégralité de l’univers ne réclame pas un autre corps. Et il montre en premier lieu cette proposition ; en second lieu il prouve une certaine chose qu’il avait supposée, ici : Ğ ce qui n’est pas le propre du mouvement circulaire ğ, etc. Il dit donc premièrement que, d’après les propos tenus, qui ont permis de prouver qu’il y a un cinquième corps en dehors des corps lourds et légers, on peut aussi montrer qu’il est impossible qu’il y ait un plus grand nombre de corps simples, puisque, comme on l’a dit ci-dessus, il est nécessaire qu’à n’importe quel corps simple appartienne un mouvement simple. [270b25] Mais il n’y a pas d’autre mouvement simple en dehors de ceux qui ont été déjà mentionnés, dont l’un est circulaire et l’autre est droit, lui qui se divise en deux parties : car l’un des mouvements droits part du milieu, mouvement qui est dit vers le haut, l’autre va vers le milieu, mouvement qui est dit vers le bas. Parmi ces mouvements, celui qui va vers le milieu est celui d’un corps lourd, c’est-à-dire celui de la terre et de l’eau ; celui qui part du milieu est celui d’un corps léger, c’est-à-dire celui du feu et de l’air ; celui qui est circulaire est celui d’un corps premier et supérieur. Il en résulte qu’en dehors des corps simples précités il n’y a pas d’autre corps simple : et ainsi la totalité de l’univers est constituée de ces cinq corps.

[70889] In De caelo, lib. 1 l. 8 n. 2 Deinde cum dicit: quod autem non est circulationi etc., probat quoddam quod supposuerat, scilicet quod motui circulari non sit aliquis motus contrarius. Et hoc quidem supposuerat in demonstratione qua probavit corpus caeli non esse subiectum generationi et corruptioni: sed ideo non statim ibi probavit, sed distulit probationem usque huc, quia hoc etiam valet ad ostendendum quod non sit maior numerus simplicium corporum. Si enim motui circulari esset aliquis motus contrarius, posset dici quod sicut est duplex corpus quod movetur motu recto, propter contrarietatem huius motus, ita etiam est duplex corpus quod movetur motu circulari. Hoc autem non continget, si constet quod corpori circulari non sit aliquis motus contrarius. Circa hoc ergo primo proponit quod intendit. Et dicit quod per multas rationes potest aliquis accipere fidem quod motui circulari non sit aliquis motus localis contrarius.

[70889] Sur le De caelo, I, 8, 2. Ensuite quand il dit : Ğ ce qui n’est pas le propre d’un mouvement circulaire ğ, il prouve une certaine chose qu’il avait supposée, à savoir que le mouvement circulaire n’a pas de mouvement contraire. Et il avait supposé cela dans la démonstration où il prouvait que le corps du ciel n’était pas soumis à la génération et à la corruption ; mais il ne l’a pas aussitôt prouvé à cet endroit, mais il en a différé l’argumentation jusqu’à maintenant, puisque cela lui permet de montrer aussi qu’il n’y a pas un plus grand nombre de corps simples. Si en effet un mouvement circulaire avait un mouvement contraire, on pourrait dire que, de même qu’est double le corps qui est déplacé par un mouvement droit, en raison du caractère opposé de ce mouvement, de même est double le corps qui est déplacé par un mouvement circulaire. Cela ne pourrait pas arriver, s’il était reconnu qu’un corps circulaire n’a pas de mouvement contraire. Sur ce point il expose donc premièrement ce qu’il s’était proposé de faire. Et il dit que pour de multiples raisons on peut croire que le mouvement circulaire n’a pas de mouvement local contraire.

[70890] In De caelo, lib. 1 l. 8 n. 3 Secundo ibi: primum quidem etc., ostendit propositum. Circa quod considerandum est quod, si in motu circulari sit contrarietas, oportet hoc esse altero trium modorum: quorum unus est ut motui circulari rectus sit contrarius, alius modus est ut sit aliqua contrarietas in ipsis partibus motus circularis, tertius est ut uni motui circulari alius motus circularis contrarietur. Primo ergo ostendit quod motui circulari non contrariatur motus rectus; secundo ostendit quod non sit contrarietas in partibus motus circularis, ibi: deinde si quis existimat etc.; tertio quod non sit contrarietas in toto motu circulari, unius scilicet motus circularis ad alium, ibi: at vero neque quae ab a et cetera.

[70890] Sur le De caelo, I, 8, 3. Deuxièmement ici : Ğ le premier ğ, etc., il montre la proposition. Sur ce point, on doit considérer que, si l’opposition se trouve dans le mouvement circulaire, il faut que ce soit selon un autre des trois modes : l’un d’entre eux est tel que le mouvement droit est opposé au mouvement circulaire, un autre est tel qu’une opposition réside dans les parties mêmes du mouvement circulaire, un troisième est tel qu’un autre mouvement circulaire est opposé à un mouvement circulaire. Donc il montre en premier lieu que le mouvement droit n’est pas opposé au mouvement circulaire ; deuxièmement il montre qu’il n’y a pas d’opposition dans les parties du mouvement circulaire, ici : Ğ ensuite si quelqu’un pense ğ, etc. ; troisièmement il montre qu’il n’y a pas d’opposition dans le mouvement circulaire tout entier, c’est-à-dire d’un mouvement circulaire à un autre, ici : Ğ mais ni ce qui par là ğ, etc.

[70891] In De caelo, lib. 1 l. 8 n. 4 Dicit ergo primo quod maxime circulari videtur opponi rectum. Linea enim recta nullam fractionem habet; figura autem angularis habet quandam fractionem, non per totum, sed in angulis; sed figura circularis videtur per totum habere fractionem, ac si totum esset angulus. Et secundum hoc rectum et circulare videntur esse contraria quasi maxime distantia. Et quia posset aliquis dicere quod circulari non opponitur rectum, sed concavo opponitur convexum sive gibbosum, ad hanc obviationem excludendam, subiungit quod concavum et gibbosum, idest convexum, non solum videntur habere oppositionem ad invicem, sed etiam ad rectum. Ad se invicem autem videntur habere oppositionem sicut combinata et iuxta se posita, idest secundum relationem: nam concavum dicitur respectu eorum quae intra sunt, gibbosum autem respectu eorum quae sunt extra. Et sic omni modo rectum contrariatur circulari, sive accipiatur sub ratione concavi, sive sub ratione convexi. Et quia contrarietas motuum videtur esse secundum contrarietatem eorum in quibus est motus, videtur esse consequens quod si aliquis motus sit contrarius motui circulari, maxime sit ei contrarius motus rectus, qui scilicet est super lineam rectam. Sed motus recti contrariantur ad invicem, propter loca contraria (motus enim qui est sursum, contrariatur ei qui deorsum est, quia sursum et deorsum important differentiam et contrarietatem loci): et sic uni motui recto contrariabitur alius motus rectus, et circularis. Hoc autem est impossibile: quia uni unum est contrarium. Ergo impossibile est quod motui circulari sit aliquis motus contrarius.

[70891] Sur le De caelo, I, 8, 4. Il dit donc premièrement que le mouvement droit semble principalement être opposé au mouvement circulaire. En effet une ligne droite n’a aucune fraction ; une figure dotée d’angles a une fraction, non dans sa totalité, mais dans ses angles ; mais une figure circulaire semble avoir une fraction dans sa totalité, même si la totalité est un angle. Et selon cela le droit et le circulaire semble être contraires, pour ainsi dire très éloignés. Et puisque l’on pourrait dire que le droit n’est pas opposé au circulaire, mais que le convexe ou gibbeux est opposé au concave, pour rejeter cette objection, [270b35] il ajoute que le concave et le gibbeux, c’est-à-dire le convexe, semblent avoir une opposition non seulement l’un envers l’autre, [271a1] mais aussi envers le droit. Ils semblent avoir une opposition l’un envers l’autre en tant que choses combinées et placées l’une à côté de l’autre, c’est-à-dire selon leur relation : car le concave est appelé ainsi en considération de ce qui se trouve à l’intérieur, et le gibbeux en considération de ce qui se trouve à l’extérieur. Et ainsi de toutes les manières le droit s’opposerait au circulaire, qu’il l’obtienne sous le rapport du concave ou sous le rapport du convexe. Et puisque l’opposition des mouvements semble être selon l’opposition des choses où se trouve le mouvement, il semble être logique que, si un mouvement est contraire au mouvement circulaire, le mouvement droit lui est surtout contraire, mouvement qui suit une ligne droite. [271a5] Mais les mouvements droits sont opposés les uns aux autres, en raison des lieux opposés (car le mouvement qui est vers le haut est opposé à celui qui est vers le bas, puisque le mouvement vers le haut et le mouvement vers le bas introduisent de la différence et de l’opposition au sein du lieu) : et ainsi à un mouvement droit s’opposera un autre mouvement droit, ainsi qu’un mouvement circulaire. Or c’est impossible, puisque une chose est contraire à une seule autre. Donc il est impossible qu’un mouvement soit contraire au mouvement circulaire.

[70892] In De caelo, lib. 1 l. 8 n. 5 Potest autem aliquis obiicere contra hoc quod dicitur, quod circulari maxime contrariatur rectum. Dictum est enim in praedicamentis quod figurae nihil est contrarium: rectum autem et circulare sunt differentiae figurarum. Potest autem dici quod philosophus hic ex hypothesi loquitur, et non simpliciter. Si enim aliquid esset contrarium circulari, maxime contrariaretur sibi rectum, ratione supra dicta. Potest etiam dici quod in quolibet genere invenitur contrarietas differentiarum, ut patet X Metaphys., licet non sit in omni genere contrarietas specierum: etsi enim rationale et irrationale sint contrariae differentiae, non tamen homo et asinus sunt contrariae species. Sic igitur ponitur contrarietas inter rectum et circulare, non sicut inter species, sed sicut inter differentias eiusdem generis. Huiusmodi autem contrarietas, quae posset attendi in motibus secundum differentiam recti et circularis, non est contrarietas corruptiva, qualem intendit hic philosophus excludere a corpore caelesti, sicut est contrarietas calidi et frigidi: contrarietatem autem secundum differentias aliquorum generum nihil prohibet in corpore caelesti esse, puta sicut par vel impar, vel secundum aliquid huiusmodi. Obiicit autem Ioannes grammaticus contra id quod philosophus videtur ponere concavum et gibbosum opponi secundum relationem: quia relativa videntur simul esse, concavum autem et gibbosum non sunt simul ex necessitate: potest enim esse aliquod corpus sphaericum exterius convexum absque hoc quod sit interius concavum. Sed in hoc deceptus fuit: quia philosophus hic loquitur de concavo et convexo secundum quod inveniuntur in linea circulari, non autem secundum quod inveniuntur in corpore sphaerico, in quo unum potest esse sine altero, non autem in linea.

[70892] Sur le De caelo, I, 8, 5. On peut objecter à ce qui est dit le fait que le droit est surtout opposé au circulaire. Il est dit dans les Catégories que rien n’est opposé à une figure : le droit et le circulaire sont les différences des figures. On peut dire que le philosophe parle ici d’une hypothèse, et cela sans simplicité. Si en effet une chose était contraire au circulaire, le droit s’opposerait surtout à lui-même, suivant la raison dite ci-dessus. On peut aussi dire que dans n’importe quel genre on trouve l’opposition des différences, comme il apparaît dans le livre X de la Métaphysique, bien que l’opposition des espèces ne se trouve pas en tout genre : en effet bien que le rationnel et l’irrationnel soient des différences opposées, l’homme et l’âne ne sont pourtant pas des espèces opposées. Ainsi est donc établie l’opposition entre le droit et le circulaire, non comme entre espèces, mais comme entre différences du même genre. Une opposition de cette sorte, qui pourrait être remarquée dans les mouvements selon la différence du droit et du circulaire, n’est pas une opposition corruptrice, telle que le philosophe cherche ici à écarter du corps céleste, comme est l’opposition du chaud et du froid : rien n’empêche que l’opposition selon les différences de genres ne se trouve dans un corps céleste, telles que le pair ou l’impair ou quelque chose de cette sorte. Jean le grammairien a objecté à cela que le philosophe semble établir que le concave et le gibbeux s’opposent selon leur relation : puisqu’ils semblent être relatifs en même temps, le concave et le gibbeux ne sont pas nécessairement en même temps : car un corps sphérique peut être convexe à l’extérieur sans qu’il soit concave à l’intérieur. Mais il a été induit en erreur sur ce point : puisque le philosophe parle ici du concave et du convexe selon qu’ils se trouvent sur une ligne circulaire, non selon qu’ils se trouvent dans un corps sphérique, où l’un peut être sans l’autre, mais non sur une ligne.

[70893] In De caelo, lib. 1 l. 8 n. 6 Deinde cum dicit: deinde si quis existimat etc., ostendit non esse contrarietatem in partibus motus circularis. Et primo excludit contrarietatem a partibus huius motus; secundo ostendit quod contrarietas partium non sufficeret ad contrarietatem totius, ibi: si autem et istae contrariae et cetera. Circa primum tria facit: primo ostendit quod non est contrarietas in partibus motus circularis quae accipiuntur secundum diversas portiones circuli, quae designantur inter duo puncta; secundo ostendit quod non est contrarietas in partibus motus circularis quae accipiuntur secundum eundem semicirculum, ibi: similiter autem et quae in semicirculo etc.; tertio ostendit quod non est contrarietas in partibus motus circularis quae accipiuntur secundum duos semicirculos, ibi: similiter autem et utique et cetera. Dicit ergo primo quod posset aliquis existimare quod eadem sit ratio contrarietatis in motu qui est per lineam circularem, et in motu qui est per lineam rectam. Si enim designetur una linea recta inter duo puncta quae sunt a et b, manifestum est quod motus localis qui fiet super lineam rectam ab a in b, contrarius erit motui locali qui fiet e converso a b in a. Sed non est similis ratio si describatur una linea circularis super duo puncta quae sunt a et b: quia inter duo puncta non potest esse nisi una linea recta, sed inter duo puncta possunt describi infinitae lineae curvae, quae sunt diversae portiones circulorum. Sequeretur igitur, si motui qui est ab a in b per lineam circularem, esset contrarius motus qui est a b in a secundum lineam circularem, quod infiniti motus essent contrarii uni. Est autem attendendum quod, loco huius quod debuit dicere, quod linea recta est una inter duo puncta, dixit quod lineae rectae sunt finitae: quia si accipiamus in diversis locis duo puncta, erunt inter ea lineae rectae finitae; sed inter quaelibet duo puncta poterunt describi lineae curvae infinitae.

[70893] Sur le De caelo, I, 8, 6. Ensuite, quand il dit : Ğ si quelqu’un pense ğ, etc., il montre qu’il n’y a pas d’opposition dans les parties du mouvement circulaire. Et premièrement il rejette l’opposition des parties de ce mouvement ; deuxièmement il montre que l’opposition des parties ne suffirait pas à l’opposition de la totalité, ici : Ğ si ces contraires aussi ğ, etc. Sur le premier point il fait trois choses : premièrement il montre qu’il n’est pas d’opposition dans les parties du mouvement circulaire qui sont reçues selon différents portions du cercle, qui sont tracées entre deux points ; deuxièmement il montre qu’il n’est pas d’opposition dans les parties du mouvement circulaire qui sont reçues selon le même demi-cercle, ici : Ğ également et ce qui dans un demi-cercle ğ, etc. ; troisièmement il montre qu’il n’est pas d’opposition dans les parties du mouvement circulaire qui sont reçues selon deux demi-cercles, ici : Ğ également et de toute façon ğ, etc. [271a10] Il dit donc premièrement que l’on pourrait penser que le mode d’opposition dans le mouvement qui suit une ligne circulaire et dans le mouvement qui suit une ligne droite est le même. En effet si une ligne droite est tracée entre deux points qui sont A et B, il est évident que le mouvement local qui se ferait sur la ligne droite AB de A vers B sera opposé au mouvement local qui se fera inversement de B vers A. Mais le mode n’est pas semblable si une ligne circulaire est dessinée entre deux points qui sont A et B, puisque entre deux points il ne peut y avoir qu’une ligne droite, [271a15] mais qu’entre deux points peut être dessiné un nombre infini de lignes courbes, qui sont différentes portions de cercles. Il s’ensuivrait donc que, si un mouvement qui est de B vers A selon une ligne circulaire était contraire à un mouvement qui est de A vers B par une ligne circulaire, une infinité de mouvements serait contraire à un seul. Il faut remarquer que, au lieu de ce qu’il aurait dû dire, à savoir qu’une ligne droite est unique entre deux points, il dit que les lignes droites sont limitées, puisque, si nous acceptons deux points en différents endroits, il y aura un nombre limité de lignes droites entre eux ; mais entre deux points, quels qu’ils soient, pourront être tracés un nombre infini de lignes courbes.

[70894] In De caelo, lib. 1 l. 8 n. 7 Obiicit autem contra hanc rationem Ioannes grammaticus, quia non videtur sequi quod uni motui sint infiniti motus contrarii, sed infiniti infinitis: quia secundum unamquamque portionem circuli qui describitur super duo puncta, erunt duo motus sibi invicem contrarii. Item videtur quod sit idem inconveniens quod sequitur ex contrarietate motuum rectorum. Manifestum est enim quod sicut inter duo puncta possunt describi infinitae lineae curvae, ita a centro mundi ad circumferentiam possunt describi infinitae lineae rectae. Sed dicendum est ad primum quod, si contrarietas sit motuum qui fiunt per lineas curvas secundum contrarietatem terminorum, sicut accidit in motibus rectis, sequitur ex hac suppositione quod quilibet motus qui fit a b in a per quamcumque linearum curvarum, sit contrarius motui qui est ab a in b: et sic sequetur quod non solum uni motui sint infiniti motus contrarii, sed quod cuilibet infinitorum motuum ex una parte incipientium, contrarientur infiniti motus qui incipiunt ex parte contraria. Ad secundum dicendum quod omnes infinitae lineae rectae quae sunt a centro ad circumferentiam, sunt aequales, et ideo designant eandem distantiam inter contrarios terminos; et ideo in omnibus est eadem ratio contrarietatis, quae importat maximam distantiam. Sed omnes lineae curvae infinitae quae describuntur super eadem puncta, sunt inaequales: unde non est in eis eadem ratio contrarietatis, quia non est una et eadem distantia accepta secundum quantitatem lineae curvae.

[70894] Sur le De caelo, I, 8, 7. Jean le grammairien a fait une objection à ce raisonnement, puisqu’il ne semble pas s’ensuivre qu’un nombre infini de mouvements soient contraires à un seul mouvement, mais un nombre infini à un nombre infini, puisque suivant chaque portion de cercle qui est tracé entre deux points il y aura deux mouvements contraires l’un à l’autre. De même il semble que ce qui est tiré de l’opposition des mouvements droits ne soit également pas convenable. Car il est manifeste que, de même qu’entre deux points peuvent être tracées une infinité de lignes courbes, de même du centre du monde à sa circonférence peuvent être tracées une infinité de lignes droites. Mais il faut dire sur le premier point que, s’il y a une opposition des mouvements qui se font par des lignes courbes selon l’opposition de leurs extrémités, comme il arrive aux mouvements droits, il s’ensuit de cette supposition que n’importe quel mouvement qui se fait de B vers A par n’importe quelle ligne courbe est contraire au mouvement qui est de A vers B ; et ainsi il s’ensuivra que non seulement une infinité de mouvements sont contraires à un seul, mais qu’à n’importe lequel des mouvements infinis qui commencent à une partie s’opposent une infinité de mouvements qui commencent à la partie opposée. Sur le deuxième point il faut dire que l’infinité des lignes droites qui partent du centre vers la circonférence sont toutes égales et c’est pourquoi elles marquent la même distance entre des extrémités opposées ; et c’est pourquoi dans toutes se trouve le même rapport d’opposition, qui introduit la plus grande distance. Mais l’infinité de lignes courbes qui sont tracées sur les mêmes points sont toutes inégales : de là il n’y a pas en elles le même rapport d’opposition, puisque la distance reçue selon la quantité de la ligne courbe n’est pas unique et identique.

[70895] In De caelo, lib. 1 l. 8 n. 8 Deinde cum dicit: similiter autem et quae in semicirculo etc., ostendit quod non sit contrarietas in motu circulari secundum unum et eundem semicirculum. Posset enim aliquis dicere quod motui qui est super unam lineam curvam ab a in b, non contrariatur quilibet motus qui est a b in a per quamcumque lineam curvam, sed per unam et eandem, puta per unum semicirculum. Sit autem semicirculus gd, et sit ita quod motus qui est per semicirculum a g ad d, contrarietur motui qui est super eundem semicirculum a d ad g. Sed contra hoc procedit Aristoteles ex hoc quod eadem distantia reputatur quae est inter g et d per semicirculum, illi distantiae quae accipitur per diametrum: non quod semicirculus sit aequalis diametro, sed quia omnem distantiam mensuramus per lineam rectam. Cuius ratio est, quia omnis mensura debet esse certa et determinata et minima: inter duo autem puncta mensura lineae rectae est certa et determinata, quia non potest esse nisi una; et est minima omnium linearum quae sunt inter duo puncta. Lineae vero curvae inter duo puncta describi possunt infinitae, quae omnes sunt maiores linea recta inter eadem puncta descripta. Unde distantia quae est inter duo puncta, mensuratur per lineam rectam, et non per lineam curvam semicirculi, seu cuiuslibet alterius portionis circuli, aut maioris aut minoris circuli. Cum igitur de ratione contrarietatis sit quod habeat maximam distantiam, ut dicitur in X Metaphys., cum distantia quae est inter duo puncta non mensuretur secundum lineam curvam sed secundum rectam, consequens est quod contrarietas terminorum non faciat contrarietatem in motibus qui sunt super semicirculum, sed solum in motibus qui sunt super diametrum.

[70895] Sur le De caelo, I, 8, 8. [271a10] Ensuite, quand il dit : Ğ également aussi ce qui dans un demi-cercle ğ, etc., il montre qu’il n’y a pas d’opposition dans un mouvement circulaire selon un seul et même demi-cercle. En effet quelqu’un pourrait dire qu’à un mouvement qui est sur une ligne courbe de A vers B ne s’opposerait pas n’importe quel mouvement qui va de B vers A par n’importe quelle ligne courbe, mais par une seule et même, c’est-à-dire par un seul demi-cercle. Soit un demi-cercle GD et qu’il soit tel que le mouvement qui suit le demi-cercle de G à D soit opposé au mouvement qui suit le même cercle de D à G. Mais contre cela Aristote fait avancer son raisonnement en disant que la distance qui est entre G et D sur le demi-cercle est considérée comme la même que la distance qui est reçue sur le diamètre, non parce que le demi-cercle est égal au diamètre, mais puisque nous mesurons toute distance par une ligne droite. La raison en est que toute mesure doit être certaine, déterminée et la plus petite : entre deux points la mesure d’une ligne droite est certaine et déterminée, puisqu’il ne peut y en avoir qu’une ; et c’est la plus petite de toutes les lignes qui sont entre deux points. Une infinité de lignes courbes peuvent être tracées entre deux points, lignes qui sont toutes plus grandes qu’une ligne droite dessinée entre les mêmes points. De là la distance qui est entre deux points est mesurée par une ligne droite et non par la ligne courbe d’un demi-cercle ou de n’importe quelle autre portion de cercle, d’un cercle plus grand ou plus petit. Donc comme, concernant le rapport de l’opposition, il y a le fait qu’il a la plus grande distance, comme il est dit dans le livre X de la Métaphysique, comme la distance qui est entre deux points n’est pas mesurée selon une ligne courbe, mais selon une ligne droite, il s’ensuit que l’opposition des extrémités n’entraîne pas d’opposition dans les mouvements qui suivent le demi-cercle, mais seulement dans ceux qui suivent le diamètre.

[70896] In De caelo, lib. 1 l. 8 n. 9 Obiicit autem contra hoc Ioannes grammaticus, quia non solum geometrae et astrologi accipiunt quantitatem lineae curvae per lineam rectam, sed etiam e converso: probant enim quantitatem chordae per arcum, et quantitatem arcus per chordam. Sed in hoc deficit ab intellectu Aristotelis. Non enim hoc intendit Aristoteles, quod linea curva mensuretur per rectam; sed quod distantia quae est inter quaelibet duo puncta, mensuretur per lineam rectam, ratione iam dicta. Obiicit etiam quod maxima distantia est in caelo, quae est inter duo puncta opposita, puta inter principium arietis et principium librae: et tunc, si contrarietas est maxima distantia, potest secundum hanc distantiam attendi contrarietas in motu circulari. Sed dicendum est quod ista distantia maxima attenditur secundum quantitatem diametri, et non secundum quantitatem semicirculi: alioquin plus distaret principium arietis a principio sagittarii, quod respicit trino aspectu, quam a principio librae, quod respicit aspectu rectae oppositionis.

[70896] Sur le De caelo, I, 8, 9. Jean le grammairien a objecté à cela que les géomètres et les astrologues acceptent non seulement la quantité d’une ligne courbe par une ligne droite, mais aussi l’inverse : car ils prouvent la quantité de la corde par l’arc et la quantité de l’arc par la corde. Mais en cela il ne comprend pas Aristote. En effet Aristote ne prétend pas qu’une ligne courbe est mesurée par une droite, mais que la distance qui est entre deux points quels qu’ils soient est mesurée par une ligne droite, suivant le raisonnement déjà tenu. Jean le grammairien objecte aussi que la plus grande distance est dans le ciel, distance qui est entre deux points opposés, par exemple entre le début du Bélier et le début de la Balance : et alors, si l’opposition est la plus grande distance, l’opposition dans le mouvement circulaire peut être observée selon cette distance. Mais il faut dire que cette distance est observée la plus grande selon la quantité du diamètre, et non selon la quantité du demi-cercle : autrement le début du Bélier serait plus distant du début du Sagittaire, qui regarde en arrière par trois aspects, que du début de la Balance, qui regarde en arrière par l’aspect de opposition droite.

[70897] In De caelo, lib. 1 l. 8 n. 10 Deinde cum dicit: similiter autem et utique etc., ostendit non esse contrarietatem in motu circulari secundum duos semicirculos. Et dicit quod similis est ratio, si quis describens circulum totum, ponat motum qui est in uno semicirculo, contrarium ei qui est in alio semicirculo. Sit enim circulus cuius diameter sit ez, dividens ipsum in duos semicirculos, in uno quorum describatur I, in alio t. Posset ergo aliquis dicere quod motus qui est ab e ad z per semicirculum I, contrariatur motui qui est a z ad e per semicirculum t. Sed hoc improbatur eadem ratione qua et primum: quia scilicet distantia quae est inter e et z, non mensuratur semicirculo, sed diametro. Et adhuc alia ratio est: quia unus motus continuus est, qui incipiens ab e, venit in z per I semicirculum, et iterum per t semicirculum redit a z in e; duo autem motus contrarii non possunt sibi invicem continuari, ut patet in VIII Physic.

[70897] Sur le De caelo, I, 8, 10. [271a15] Ensuite, quand il dit : Ğ également et de toute façon ğ, il montre qu’il n’y a pas d’opposition dans le mouvement circulaire suivant deux demi-cercles. Et il dit que le raisonnement est semblable, si en dessinant un cercle tout entier on établit un mouvement qui est dans un demi-cercle contraire à celui qui est dans un autre demi-cercle. Soit en effet un cercle dont le diamètre est EZ, divisé en deux demi-cercles : sur l’un d’entre eux est tracé le demi-cercle I, dans l’autre le demi-cercle T. Quelqu’un pourrait donc dire que le mouvement qui va de E vers Z par le demi-cercle I est opposé au mouvement qui va de Z à E par le demi-cercle T. Mais cela est réfuté par la même raison que précédemment : puisque assurément la distance qui est entre E et Z n’est pas mesurée par un demi-cercle, mais par un diamètre. Et il y a encore une autre raison : puisqu’il y a un seul mouvement continu qui, commençant à E, vient à Z par le demi-cercle I, et qui revient de nouveau de Z à E par le demi-cercle T ; deux mouvements contraires ne peuvent pas se continuer l’un l’autre, comme il apparaît dans le livre VIII de la Physique.

[70898] In De caelo, lib. 1 l. 8 n. 11 Deinde cum dicit: si autem et istae etc., ostendit quod etiam si istae partes motuum circularium essent contrariae, non tamen propter hoc sequeretur quod contrarietas esset in motibus circularibus secundum totum: non enim sequitur ad contrarietatem partium contrarietas totius. Et sic patet quod id quod iam ostendit philosophus de contrarietate partium motus circularis, ex abundanti prosecutus est, ut totaliter a motu circulari contrarietatem excluderet.

[70898] Sur le De caelo, I, 8, 11. Ensuite quand il dit : Ğ or si ces ğ, etc., il montre que même si ces parties des mouvements circulaires étaient contraires, il ne s’ensuivrait pourtant pas que cette opposition se trouverait dans les mouvements circulaires dans leur totalité : car l’opposition du tout n’est pas la conséquence de l’opposition des parties. Et ainsi il est évident que ce que le philosophe montre maintenant sur l’opposition des parties du mouvement circulaire, il l’a abondamment exposé afin d’exclure totalement l’opposition du mouvement circulaire.

[70899] In De caelo, lib. 1 l. 8 n. 12 Deinde cum dicit: at vero etc., ostendit quod toti motui circulari non est alius totus motus circularis contrarius: et hoc duabus rationibus. Quarum prima sumitur ex consideratione ipsius motus circularis in communi. Sit ergo unus circulus, super quem in tribus punctis describantur a et b et g. Super hunc autem circulum intelligantur duo motus circulares, quorum unus incipiat ab a, et per b vadat in g, et sic revertatur ad a; alius autem motus e converso, incipiens ab a, primo vadat ad g, et sic transiens per b revertatur ad a. Dicit ergo hos duos motus non esse contrarios. Uterque enim horum motuum ab eodem incipit, scilicet ab a, et in idem terminatur, scilicet in ipsum a; et sic patet quod isti duo motus non incipiunt a contrario, neque terminantur ad contrarium; contrarius autem motus localis est qui est a contrario in contrarium. Patet ergo praedictos motus circulares non esse contrarios.

[70899] Sur le De caelo, I, 8, 12. Ensuite quand il dit : Ğ mais en vérité ğ, etc., il montre qu’à un mouvement circulaire tout entier n’est pas contraire un autre mouvement circulaire entier, et cela pour deux raisons. La première d’entre elles est tirée de la considération du mouvement circulaire lui-même en commun. Soit donc un cercle, sur lequel sont placés A, B et G en trois points. Sur ce cercle sont compris deux mouvements circulaires, dont l’un commence à A, va vers G par B et revient ainsi à A et dont l’autre mouvement, à l’inverse, commençant à A, va d’abord vers G et, passant ainsi par B, revient vers A. Il dit donc que ces deux mouvements ne sont pas contraires. En effet l’un et l’autre de ces mouvements commencent au même point, c’est-à-dire à A, et se terminent au même point, c’est-à-dire à A lui-même ; et ainsi il est évident que ces deux mouvements ne commencent pas à un point contraire et ne se terminent pas à un point contraire ; est contraire le mouvement local qui va d’un contraire à un contraire. Il est donc patent que les mouvements circulaires déjà mentionnés ne sont pas contraires.

[70900] In De caelo, lib. 1 l. 8 n. 13 Obiicit autem contra hoc iterum Ioannes grammaticus. Primo quidem quia in diversis videtur esse diversa ratio contrarietatis. Moveri enim a contrario in contrarium determinat contrarietatem in motibus rectis: unde non oportet, si talis contrarietas non est in motibus circularibus, quod propter hoc nulla contrarietas in eis esse possit. Item, sicut est de ratione motus contrarii in motibus rectis quod sit de contrario in contrarium, ita est de ratione motus quod sit de uno in aliud. Per hoc autem quod motus circularis est ab eodem in idem, non solum excluditur quod non sit de contrario in contrarium, sed etiam quod non sit de uno in aliud. Ergo non solum excluditur a motibus circularibus quod non sint contrarii, sed etiam quod penitus non sint motus. Dicendum est autem ad primum quod esse a contrario in contrarium non est ratio contrarietatis propria in motibus localibus qui sunt secundum lineam rectam; sed est communis ratio contrarietatis in omnibus motibus, ut patet in V Physic. Et huius ratio est, quia contrarietas est differentia secundum formam, ut ostenditur in X Metaphys.; motus autem habet formam seu speciem ex suo termino; et ideo in nullo motu potest esse contrarietas absque contrarietate terminorum. Ad secundum dicendum quod motus circularis, quia est primus motuum, minimum habet de diversitate et plurimum de uniformitate. Et hoc quidem apparet proportionaliter in mobili et in motu. In mobili quidem, quia non mutat suum ubi secundum totum subiecto, sed solum ratione: pars vero quaelibet mutat suum ubi etiam subiecto, ut ostensum est in VI Physic. Et similiter etiam pars motus circularis est de uno in aliud subiecto differens: totus autem motus circularis est quidem de eodem in idem secundum subiectum, sed est de uno in aliud differens sola ratione. Si enim accipiatur circulatio una quae ab a redit in a, ipsum a, quod est terminus a quo et in quem, est idem subiecto, sed differt ratione, inquantum accipitur ut principium et finis. Et ideo, quia motus circularis plurimum habet de unitate, est natura eius longinqua a contrarietate, quae est maxima distantia. Et ideo talis motus competit primis corporibus, quae sunt propinquissima substantiis simplicibus, quae penitus contrarietate carent.

[70900] Sur le De caelo, I, 8, 13. Jean le grammairien a objecté à cela premièrement que le rapport de l’opposition semble être différent pour différentes choses. En effet il détermine que l’opposition dans les mouvements droits est déplacée du contraire vers le contraire : de là il ne faut pas que, si une telle opposition ne se trouve pas dans les mouvements circulaires, pour cette raison aucune opposition ne puisse être en eux. Également, de même que le fonctionnement du mouvement contraire concernant les mouvements droits est d’aller du contraire vers le contraire, de même le fonctionnement du mouvement est d’aller d’un point à un autre. Par le fait que le mouvement circulaire va du même au même, il est non seulement exclu qu’il n’aille pas du contraire vers le contraire, mais aussi qu’il n’aille pas de d’un point à l’autre. Donc il est non seulement exclu des mouvements circulaires qu’ils ne soient pas contraires, mais aussi qu’ils ne soient pas au fond des mouvements. Il faut dire sur le premier point qu’aller du contraire vers le contraire n’est pas le fonctionnement propre de l’opposition dans les mouvements locaux qui suivent une ligne droite ; mais le fonctionnement de l’opposition est commun à tous les mouvements, comme il apparaît dans le livre V de la Physique. Et la raison en est que l’opposition est une différence selon la forme, comme il est montré dans le livre X de la Métaphysique ; le mouvement a une forme ou une espèce d’après son extrémité ; et c’est pourquoi en aucun mouvement il ne peut y avoir opposition sans opposition des extrémités. Sur le second point il faut dire que le mouvement circulaire, puisqu’il est le premier des mouvements, est celui qui a le moins de diversité et le plus d’uniformité. Et cela apparaît proportionnellement dans le mobile et dans le mouvement. Dans le mobile, puisqu’il ne change pas son lieu selon la totalité par le sujet, mais seulement par la raison : n’importe quelle partie change son lieu même par le sujet, comme il est montré dans le livre VI de la Physique. Et également aussi une partie du mouvement circulaire est différente de l’un vers l’autre par le sujet : le mouvement circulaire tout entier va du même vers le même selon le sujet, mais il est différent de l’un vers l’autre par la raison seule. Si en effet on accepte un mouvement circulaire qui, partant de A, revient à A, A lui-même, qui est l’extrémité d’où l’on part et où l’on va, est la même chose par le sujet, mais est différent par la raison, dans la mesure où il est accepté comme principe et fin. Et c’est pourquoi, puisque le mouvement circulaire a une très grande unité, sa nature est éloignée de l’opposition, qui est la plus grande distance. Et c’est pourquoi un tel mouvement s’accorde avec les corps premiers, qui sont très proches des substances simples, qui sont au fond dépourvues d’opposition.

[70901] In De caelo, lib. 1 l. 8 n. 14 Secundam rationem ponit ibi: si autem et esset et cetera. Et haec quidem ratio sumitur per applicationem circularis motus ad corpora naturalia. Quae quidem ratio talis est. Si unus motus circularis esset contrarius alii, oporteret quod alter eorum esset frustra; sed nihil est frustra in natura; ergo non sunt duo motus circulares contrarii. Conditionalem autem probat sic. Si essent duo motus circulares contrarii, oporteret quod corpora quae moverentur illis duobus motibus, transirent per eadem signa in circulo signata: et hoc ideo, quia contrarietas motus localis exigit contrarietatem locorum, quae attingit utrumque mobilium. Si ergo essent motus circulares contrarii, oporteret quod loca aliqua designarentur contraria in circulo. In recta quidem linea designantur sola duo loca contraria, quae scilicet maxime distant: alia vero loca signata per lineam rectam, quae sunt infra duo loca extrema, cum non maxime distent, non habent contrarietatem ad invicem. Sed in circulo cuiuslibet puncti est accipere maximam distantiam ad aliquod aliud punctum circuli: quia a quolibet puncto signato in circulo contingit ducere aliquam diametrum, quae est maxima linearum rectarum cadentium in circulo; dictum est autem quod omnis distantia mensuratur secundum lineam rectam. Quia igitur ea quae moventur contrariis motibus, necesse est attingere contraria loca, necesse est, si motus circulares sint contrarii, quod utrumque corpus circulariter motum, a quovis puncto circuli moveri incipiat, perveniat ad omnia loca circuli, quae omnia sunt contraria. Nec est inconveniens si in circulo describantur loca contraria secundum omnem partem: quia contrarietates loci accipiuntur non solum secundum sursum et deorsum, sed etiam secundum ante et retro, et dextrum et sinistrum; dictum est autem quod contrarietates motus localis accipiuntur secundum contrarietates locorum; et sic, si motus circulares sunt contrarii, necesse est accipi contrarietates in circulo secundum praedicta. Ex his autem sequitur quod alterum motuum vel corporum esset frustra. Quia si aequales essent magnitudines motae, idest aequalis virtutis, neutra ipsarum moveretur; quia una totaliter impediret alteram, cum oporteret utramque transire per eadem loca. Si vero alter motus dominaretur propter praeeminentiam virtutis in altero mobilium vel moventium, consequens est quod alter motus esse non posset; quia totaliter impediretur per motum fortiorem. Itaque, si ambo corpora essent, quae essent nata moveri contrariis motibus circularibus, frustra esset alterum ipsorum corporum, quod non posset moveri illo motu qui impediretur per fortiorem: unumquodque enim dicimus esse frustra, quod non potest habere suum usum, sicut dicimus calceamentum esse frustra, quo non potest aliquis calceari. Et similiter corpus erit frustra, quod non poterit moveri proprio motu: et etiam motus erit frustra, quo nihil potest moveri. Sic ergo patet quod, si sint duo motus circulares contrarii, necesse est aliquid esse frustra in natura. Sed quod hoc sit impossibile, probat sic. Omne quod est in natura, vel est a Deo, sicut primae res naturales; vel est a natura sicut a secunda causa, puta inferiores effectus. Sed Deus nihil facit frustra, quia, cum sit agens per intellectum, agit propter finem. Similiter etiam natura nihil facit frustra, quia agit sicut mota a Deo velut a primo movente; sicut sagitta non movetur frustra, inquantum emittitur a sagittante ad aliquid certum. Relinquitur ergo quod nihil in natura sit frustra. Est autem attendendum quod Aristoteles hic ponit Deum esse factorem caelestium corporum, et non solum causam per modum finis, ut quidam dixerunt.

[70901] Sur le De caelo, I, 8, 14. [271a20] Il établit ici la seconde raison : Ğ or s’il y avait ğ, etc. Et cette raison est tirée de l’application du mouvement circulaire aux corps naturels. Et cette raison est la suivante. Si un mouvement circulaire était contraire à un autre, il faudrait que l’un d’entre eux soit en vain ; mais rien n’est en vain dans la nature ; donc il n’y a pas deux mouvements circulaires opposés. Il prouve cette condition ainsi. S’il y avait deux mouvements circulaires contraires, il faudrait que les corps qui sont déplacés par ces deux mouvements passent par les mêmes points indiqués sur le cercle : et cela, puisque l’opposition du mouvement local exige l’opposition des lieux, qui atteint l’un et l’autre des mobiles. Donc s’il y avait des mouvements circulaires contraires, il faudrait que des lieux soient désignés comme contraires sur le cercle. Sur une ligne droite sont tracés seulement deux lieux contraires, qui sont assurément les plus distants : d’autres lieux marqués sur la ligne droite, qui sont inférieurs aux deux lieux extrêmes, comme ils ne sont pas les plus distants, ne sont pas opposés les uns aux autres. Mais sur le cercle c’est le propre de n’importe quel point de recevoir la plus grande distance vers un autre point du cercle, puisqu’il arrive à n’importe quel point marqué sur le cercle de conduire un diamètre, qui est la plus grande des lignes droites qui se produisent dans un cercle ; or on a dit que toute distance est mesurée selon une ligne droite. Donc puisque ce qui est déplacé par des mouvements contraires atteint nécessairement des lieux contraires, il est nécessaire que, si des mouvements circulaires sont contraires, l’un et l’autre corps mus circulairement commencent à se mouvoir à n’importe quel point du cercle, parviennent en tous les lieux du cercle, qui sont tous contraires. Et il n’est pas inconvenant si sur un cercle des lieux contraires soient tracés selon toute partie, puisque les oppositions du lieu sont reçues non seulement selon le mouvement vers le bas et selon le mouvement vers le bas, mais aussi vers l’avant et vers l’arrière, vers la droite et vers la gauche ; on a dit que les oppositions du mouvement local sont reçues selon les oppositions des lieux ; et ainsi, si les mouvements circulaires sont contraires, il est nécessaire que les oppositions soient reçues sur le cercle selon ce qui a été déjà mentionné. Il s’ensuit que l’un des mouvements ou des corps serait vain, puisque, si les grandeurs déplacées étaient égales, c’est-à-dire d’une égale puissance, ni l’une ni l’autre d’entre elles ne seraient déplacées, puisque l’une empêcherait totalement l’autre, comme il faudrait que l’une et l’autre passent par les mêmes lieux. Si un mouvement dominait en raison de la prééminence de sa puissance sur l’autre des corps mobiles ou se mouvant, il s’ensuivrait que l’autre mouvement ne pourrait être, puisqu’il serait totalement empêché par un mouvement plus fort. C’est pourquoi, s’il y avait deux corps qui étaient naturellement déplacés par des mouvements circulaires contraires, l’autre de ces mêmes corps, qui ne pourrait être déplacé par un mouvement qui serait empêché par un mouvement plus fort, serait vain : car nous disons qu’est vain tout ce qui ne peut avoir son usage, comme nous disons qu’est vaine une chaussure que personne ne peut mettre. Et sera également vain un corps, qui ne pourra pas être déplacé par un mouvement propre : et sera aussi vain le mouvement par lequel rien ne peut être déplacé. [271a30] Ainsi donc il est évident que, si deux mouvements circulaires sont contraires, il est nécessaire que quelque chose soit vain dans la nature. Mais il prouve ainsi que c’est impossible. Tout ce qui est dans la nature vient soit de Dieu, comme les premières choses naturelles, soit de la nature, comme d’une cause seconde, par exemple les effets inférieurs. Mais Dieu ne fait rien en vain, puisque, comme c’est un agent par l’intellect, il agit pour une fin. Également aussi la nature ne fait rien en vain, puisqu’elle agit comme déplacée par Dieu en tant que premier moteur, de même que la flèche n’est pas déplacée en vain, dans la mesure où elle est envoyée par quelqu’un qui la lance dans un but précis. Il reste donc que rien n’est en vain dans la nature. Il faut considérer qu’Aristote établit ici que Dieu est le créateur des corps célestes et non seulement une cause en vue d’une fin, comme certains l’ont dit.

[70902] In De caelo, lib. 1 l. 8 n. 15 Obiicit autem contra hanc rationem Ioannes grammaticus, quia pari ratione posset aliquis concludere quod in motibus rectis non sit contrarietas; quia contraria mobilia impediunt se invicem. Sed dicendum quod alia ratio est in motibus rectis et circularibus, propter duo. Primo quidem quia duo corpora moventur contrariis motibus rectis absque eo quod se invicem impediant, eo quod non attenditur contrarietas in motibus rectis nisi secundum extrema linearum rectarum, puta secundum centrum mundi et circumferentiam eius: a centro autem ad circumferentiam possunt infinitae lineae duci, ita quod id quod movetur per unam earum sursum, non impedit id quod movetur per aliam deorsum. Sed in motu circulari eadem ratio contrarietatis est in omnibus partibus circuli: et ideo oportebit quod per eadem loca circuli utrumque transeat; et sic ex necessitate oportet quod motus circulares contrarii se invicem impediant. Secundo est diversa ratio utrobique, quia corpus quod movetur naturaliter motu recto, sicut naturaliter est aptum corrumpi, ita naturaliter est aptum impediri: unde si impediatur, non est hoc frustra, sicut nec quod corrumpatur. Sed corpus circulariter motum est naturaliter incorruptibile; unde non est natum impediri: unde si in natura esset aliquid impeditivum ipsius, esset frustra.

[70902] Sur le De caelo, I, 8, 15. Jean le grammairien objecte à ce raisonnement que quelqu’un pourrait conclure par un raisonnement semblable que dans les mouvements droits il n’y a pas d’opposition, puisque les corps mobiles s’entravent les uns les autres. Mais il faut dire qu’un raisonnement différent s’applique aux mouvements droits et circulaires, pour deux raisons. Premièrement puisque deux corps sont déplacés par des mouvements droits contraires sans qu’ils s’entravent l’un l’autre, parce que l’opposition n’est pas constatée dans les mouvements droits si ce n’est selon les extrémités des lignes droites, par exemple selon le centre du monde et sa circonférence : du centre à la circonférence peuvent être tracées une infinité de lignes, et ce qui est déplacé par une seule d’entre elles vers le haut n’empêche pas ce qui est déplacé par une autre ligne vers le bas. Mais dans un mouvement circulaire le même fonctionnement de l’opposition se trouve dans toutes les parties du cercle : et c’est pourquoi il faudra que les deux mouvements passent par les mêmes lieux du cercle ; et ainsi il faut nécessairement que les mouvements circulaires contraires s’entravent les uns les autres. Deuxièmement le raisonnement est différent pour les uns et les autres, puisque le corps qui est naturellement déplacé par un mouvement droit, comme il est naturellement apte à être corrompu, est de même naturellement apte à être entravé : de là s’il est entravé, ce n’est pas en vain, tout comme ce n’est pas en vain qu’il soit corrompu. Mais un corps déplacé circulairement est naturellement incorruptible ; de là il n’est pas né pour être entravé : de là, si quelque chose dans la nature lui était une entrave, ce serait en vain.

[70903] In De caelo, lib. 1 l. 8 n. 16 Item potest obiici de motu planetarum, qui moventur propriis motibus ab occidente in orientem; quod videtur esse in contrarium motus firmamenti, quod movetur motu diurno ab oriente in occidentem. Sed dicendum est quod tales motus habent quidem aliquam diversitatem ad invicem, quae designat aliquo modo diversam naturam mobilium: non tamen est aliqua contrarietas, propter tria. Primo quidem quia huiusmodi diversitas non est secundum contrarios terminos, sed secundum contrarias vias perveniendi ad eundem terminum; puta quia firmamentum a puncto orientis movetur ad punctum occidentis per hemisphaerium superius, et redit ad punctum orientis per hemisphaerium inferius, planeta autem movetur a puncto occidentis ad orientem per aliud hemisphaerium. Moveri autem diversis viis ad eundem finem, non facit contrarietatem actionum vel motuum, sed pertinet ad diversum ordinem motuum et mobilium: quia quod nobiliori via pertingit ad terminum est nobilius, sicut melior medicus est qui efficaciori via sanitatem inducit. Et inde est quod motus primus firmamenti est nobilior secundo motu, qui est planetarum, sicut et supremus orbis est nobilior. Unde et orbes planetarum moventur motu primi orbis absque hoc quod impediantur a suis propriis motibus. Secunda ratio est, quia quamvis uterque motus sit super idem centrum, est tamen uterque motus super alios et alios polos: unde non sunt contrarii. Tertia ratio est, quia non sunt in eodem circulo, sed motus planetarum sunt in inferioribus circulis. Oportet autem contrarietatem attendi circa eandem distantiam, sicut patet in motibus rectis, quorum contrarietas consistit in distantia centri et circumferentiae.

[70903] Sur le De caelo, I, 8, 16. De même on peut faire une objection sur le mouvement des planètes, qui sont déplacées par leurs propres mouvements de l’occident vers l’orient ; il semble être à l’opposé du mouvement du firmament, qui est déplacé par le mouvement du jour de l’orient vers l’occident. Mais il faut dire que de tels mouvements ont certes quelque diversité les uns par rapport aux autres, diversité qui représente de quelque manière les différentes natures des corps mobiles ; il n’y a cependant pas d’opposition, pour trois raisons. Premièrement puisqu’une diversité de ce genre n’est pas selon des extrémités opposées, mais selon des voies contraires pour parvenir au même terme : par exemple puisque le firmament est déplacé d’un point de l’orient vers un point de l’occident par l’hémisphère supérieur et qu’il revient vers un point de l’orient par l’hémisphère inférieur, une planète est déplacée d’un point de l’occident vers l’orient par un autre hémisphère. Le fait d’être déplacé par des voies différentes vers le même but ne fait pas l’opposition des actions ou des mouvements, mais concerne les différents ordres des mouvements et des corps mobiles, puisque ce qui touche au terme par une voie plus noble est plus noble, comme le meilleur médecin est celui qui amène à la guérison par une voie plus efficace. Et il s’ensuit que le premier mouvement du firmament est plus noble que le second mouvement, qui est celui des planètes, tout comme l’orbite supérieure est la plus noble. De là les orbites des planètes sont aussi déplacées par le mouvement de la première orbite sans qu’elles ne soient entravées par leurs propres mouvements. La seconde raison est que, bien que l’un et l’autre mouvement soient sur le même centre, les deux mouvements sont cependant sur différents pôles : ils ne sont donc pas contraires. La troisième raison est qu’ils ne sont pas sur le même cercle, mais que les mouvements des planètes sont sur des cercles inférieurs. Il faut que l’opposition soit considérée à propos de la même distance, comme c’est évident dans les mouvements droits, dont l’opposition se produit sur la distance du centre et de la circonférence.

 

 

Lectio 9

Leçon 9 – [L’univers est-il infini en taille ?]

[70904] In De caelo, lib. 1 l. 9 n. 1 Postquam philosophus ostendit perfectionem universi et ex quibus partibus eius perfectio integretur, hic incipit inquirere de infinitate ipsius; quia, ut dicitur in III Physic., quidam rationem perfecti attribuerunt infinito. Potest autem aliquid dici infinitum tripliciter: uno modo secundum magnitudinem, alio modo secundum numerum, tertio modo secundum durationem. Primo igitur inquirit utrum universum sit infinitum secundum magnitudinem; secundo utrum sit infinitum secundum multitudinem, utrum scilicet sit unus mundus tantum, vel infiniti seu plures, ibi: quia autem neque plures etc.; tertio utrum sit infinitum duratione, quasi semper existens, ibi: his autem determinatis et cetera. Circa primum duo facit: primo dicit prooemialiter de quo est intentio; secundo exequitur propositum, ibi: quod quidem igitur necesse et cetera. Circa primum tria facit: primo dicit de quo est intentio; secundo assignat rationem suae intentionis, ibi: sic enim aut illo modo etc.; tertio determinat modum agendi, ibi: necesse itaque et cetera.

[70904] Sur le De caelo, I, 9, 1. [271b1] Après que le philosophe a montré la perfection de l’univers et dans quelles parties sa perfection est intégrée, il commence ici à faire des recherches sur son étendue infinie, puisque, comme il est dit dans le livre III de la Physique, certains ont attribué le raisonnement de ce qui est parfait à l’infini. Or quelque chose peut être dit infini de trois façons : d’une façon selon la grandeur, d’une autre façon selon le nombre, d’une troisième façon selon la durée. Donc il cherche premièrement à savoir si l’univers est infini selon la grandeur, deuxièmement s’il est infini selon la multitude, c’est-à-dire s’il y a seulement un monde, une infinité ou un grand nombre, ici : Ğ puisqu’il n’y a pas un grand nombre ğ, etc., troisièmement s’il est infini en durée, existant toujours pour ainsi dire, ici : Ğ ces points ayant été déterminés ğ, etc. Sur le premier point il fait deux choses : premièrement il dit en introduction sur quoi est son intention ; deuxièmement il poursuit sa proposition ici : Ğ ce qui est donc nécessaire ğ, etc. Sur le premier point il fait trois choses : premièrement il dit sur quoi est son intention ; deuxièmement il présente le raisonnement de son intention ici : Ğ ainsi en effet ou bien de cette manière ğ, etc. ; troisièmement il détermine un mode d’action, ici : Ğ c’est pourquoi il est nécessaire ğ, etc.

[70905] In De caelo, lib. 1 l. 9 n. 2 Dicit ergo primo quod, quia manifestum est de praedictis, quod motui circulari non est aliquis motus contrarius, et de aliis quae dicta sunt, oportet nunc intendere ad ea quae residua sunt. Et primo inquirendum est utrum sit aliquod corpus infinitum in actu secundum magnitudinem, sicut plurimi antiquorum philosophorum putaverunt (omnes scilicet qui posuerunt unum principium materiale, puta ignem aut aerem aut aquam aut aliquod medium horum); vel potius hoc est impossibile, quod sit aliquod corpus infinitum in actu, sicut probatum est in III Physic., supponendo tamen quod non sit aliud corpus praeter quatuor elementa, secundum opinionem aliorum. Sed quia iam probavit quod est aliquod corpus praeter quatuor elementa, repetit hanc considerationem, ut universalior sit inquisitio veritatis.

[70905] Sur le De caelo, I, 9, 2. Il dit donc premièrement que, puisqu’il est manifeste au sujet de ce qui a déjà été dit qu’il n’est pas de mouvement contraire au mouvement circulaire, et au sujet des autres propos tenus, il faut maintenant s’appliquer à ce qui reste. Et premièrement il faut rechercher s’il y a un corps infini en acte selon la grandeur, comme un très grand nombre de philosophes antiques l’ont pensé (assurément tous ceux qui ont établi un seul principe matériel, par exemple le feu, l’air, l’eau ou un de leurs intermédiaires) ; ou plutôt il est impossible qu’il y ait un corps infini en acte, comme il a été prouvé dans le livre III de la Physique, en supposant cependant qu’il n’y ait pas d’autre corps en dehors des quatre éléments, selon l’opinion des autres. Mais puisqu’il a déjà prouvé qu’il y a un corps en dehors des quatre éléments, il reprend cette considération, afin que la recherche de la vérité soit plus universelle.

[70906] In De caelo, lib. 1 l. 9 n. 3 Deinde cum dicit: sic enim aut illo modo etc., assignat rationem suae intentionis, ex diversitate quae accidit propter praedictam positionem. Et primo proponit hanc diversitatem consequentem. Et dicit quod non modicum differt in comparatione ad speculationem veritatis in naturali philosophia, utrum hoc aut illo modo se habeat, scilicet quod sit aliquod corpus infinitum secundum magnitudinem vel non: sed magis inducit differentiam circa totum, idest circa totum universum, et circa omnem considerationem naturalem. Hoc enim quod dictum est, fere fuit in praeterito, et erit in futuro principium omnium contradictionum inter eos qui aliquid enuntiaverunt de tota natura rerum. Illi enim qui posuerunt unum infinitum principium, posuerunt alia fieri quasi per separationem ab illo principio; et sic, propter infinitatem illius principii, dixerunt generationem rerum non deficere; sicut si aliquis diceret quod ex infinita massa possunt fieri panes in infinitum. Illi vero qui posuerunt principia finita, dixerunt fieri res in infinitum per reciprocam congregationem et separationem elementorum.

[70906] Sur le De caelo, I, 9, 3. Ensuite quand il dit : Ğ ainsi en effet ou de cette façon ğ, il expose le raisonnement de son intention, à partir de la divergence qui arrive en raison de la position déjà dite. Et premièrement il propose cette divergence qui en est la conséquence. [271b5] Et il dit qu’il est très différent en comparaison de la contemplation de la vérité dans la philosophie naturelle de savoir si les choses sont de cette manière-ci ou de cette manière-là, c’est-à-dire s’il y a un corps infini selon la grandeur ou non : mais il introduit plutôt une différence sur le tout, à savoir sur tout l’univers, et sur toute considération naturelle. En effet ce qui a été dit a à peu près été dans le passé et sera dans le futur le principe de toutes les contradictions entre ceux qui ont énoncé quelque chose sur la nature toute entière des choses. Car ceux qui ont posé un seul principe infini ont établi que d’autres choses arrivaient pour ainsi en se séparant de ce principe ; et ainsi, en raison du caractère infini de ce principe ils ont dit que la génération des choses ne cessait pas, comme si quelqu’un disait que des pains peuvent être faits à l’infini à partir d’une masse infinie. Ceux qui ont posé des principes finis ont dit que les choses se produisaient à l’infini par réunion et séparation réciproques des éléments.

[70907] In De caelo, lib. 1 l. 9 n. 4 Deinde cum dicit: siquidem qui modicum etc., assignat causam quare tanta diversitas ex hoc sequatur: quia scilicet qui modicum transgreditur a veritate circa principium, procedens in ulteriora fit magis longe a veritate decies millies. Et hoc ideo, quia omnia subsequentia dependent ex suis principiis. Et hoc maxime apparet in errore viarum: quia qui parum elongatur a recta via, postmodum procedens fit multum longe. Et ponit exemplum de eo quod dictum est, in his qui posuerunt aliquam minimam magnitudinem, sicut Democritus posuit corpora indivisibilia: sic autem introducens aliquid minimum in quantitate, destruit maximas propositiones mathematicorum, puta quod lineam datam contingit secari in duo media. Et huius causa est, quia principium, etsi sit modicum magnitudine, est tamen magnum virtute, sicut ex modico semine producitur magna arbor: et inde est quod illud quod est modicum in principio, in fine multiplicatur, quia pertingit ad totum id ad quod se extendit virtus principii, sive hoc sit verum sive falsum. Infinitum autem habet rationem principii (omnes enim quicumque sunt locuti de infinito, posuerunt infinitum esse principium, ut dictum est in III Physic.); et cum hoc habet maximam virtutem quantum ad quantitatem, quia excedit omnem quantitatem datam. Si igitur principium quod est minimum quantitate, facit magnam differentiam in sequentibus, multo magis infinitum, quod non solum excedit in virtute principii, sed etiam in quantitate. Et ideo neque inconveniens neque irrationabile est, si mirabilis differentia sequatur in scientia naturali ex eo quod sumitur aliquod corpus esse infinitum. Et ideo de hoc dicendum est, resumendo considerationem nostram a principio quod supra accepimus, de differentia simplicium corporum et compositorum.

[70907] Sur le De caelo, I, 9, 4. [271b10] Ensuite quand il dit : Ğ si vraiment celui qui un peu ğ, etc., il expose une cause pour laquelle une si grande diversité s’ensuit : puisque assurément celui qui s’écarte un peu de la vérité sur le principe, s’avançant par la suite, devient dix mille fois plus éloigné de la vérité. Et cela parce que tout ce qui suit immédiatement dépend de son principe. Et cela apparaît surtout quand on se trompe de route, puisque celui qui s’éloigne un peu du droit chemin, avançant bientôt après, se trouve très loin. Et il établit comme exemple de ce qui a été dit ceux qui ont posé la plus petite grandeur, comme Démocrite a posé des corps indivisibles : introduisant ainsi la plus petit chose dans la quantité, il a détruit les plus grandes propositions des mathématiques, par exemple qu’il arrive qu’une ligne donnée soit coupée en deux moitiés. Et la cause en est que le principe, bien qu’il soit de la plus petite grandeur, est cependant d’une grande puissance, comme d’une petite semence est produit un grand arbre ; et de là vient que ce qui est petit dans son principe se multiplie à la fin, puisqu’il atteint tout ce à quoi la puissance de son principe s’est étendue, que ce soit vrai ou faux. Or l’infini tient lieu de principe (car tous ceux qui ont parlé de l’infini ont établi que l’infini était le principe, comme il est dit dans le livre III de la Physique) ; et avec cela il a la plus grande puissance en quantité, puisqu’il dépasse toute quantité donnée. Donc si un principe qui est d’une très petite quantité fait une grande différence dans ses conséquences, l’infini fait beaucoup plus, lui qui dépasse non seulement en puissance de principe, mais aussi en quantité. [271b15] Et c’est pourquoi ce n’est ni inconvenant, ni irrationnel si une étonnante différence suit, dans la science naturelle, ce qu’on pose comme préalable qu’un corps est infini. Et c’est pourquoi il faut parler de cela, en résumant notre considération à partir du principe que nous avons accepté ci-dessus sur la différence des corps simples et composés.

[70908] In De caelo, lib. 1 l. 9 n. 5 Deinde cum dicit: necesse itaque etc., ostendit quo ordine agendum sit. Et dicit quod necesse est omne corpus aut de numero simplicium esse aut de numero compositorum corporum: unde oportet quod etiam corpus infinitum aut sit simplex aut compositum. Iterum manifestum est quod, si corpora simplicia essent finita multitudine et magnitudine, necesse est quod compositum sit finitum et multitudine et magnitudine: tantam enim quantitatem habet corpus compositum, quanta est quantitas corporum simplicium ex quibus componitur. Ostensum est autem supra quod corpora simplicia sunt finita multitudine, quia non est aliquod corpus praeter praedicta. Restat igitur videre utrum aliquod corpus simplicium sit infinitum magnitudine, vel si hoc sit impossibile. Et hoc quidem ostendemus primo argumentantes de primo corporum, quod scilicet circulariter movetur; et sic intendemus ad reliqua corpora, quae scilicet moventur motu recto.

[70908] Sur le De caelo, I, 9, 5. Ensuite, quand il dit : Ğ c’est pourquoi il est nécessaire ğ, etc., il montre dans quel ordre il faut agir. Et il dit qu’il est nécessaire que tout corps soit ou bien au nombre des corps simples ou bien au nombre des corps composés ; de là il faut qu’un corps infini soit aussi ou bien simple ou bien composé. De nouveau il est manifeste que, si les corps simples sont finis en multitude et en grandeur, il est nécessaire qu’un corps composé soit fini à la fois en multitude et en grandeur : en effet un corps composé a une quantité aussi grande que la quantité de corps simples dont il est composé. Il a été montré ci-dessus que les corps simples sont finis en multitude, puisqu’il n’y a pas de corps en dehors de ceux qui ont été déjà mentionnés. Il reste donc à voir si un corps simple est infini en grandeur, ou si cela est impossible. Et nous le montrerons en argumentant en premier lieu sur le premier des corps, qui est déplacé circulairement ; et ainsi nous tournerons notre attention vers les autres corps, qui sont déplacés par un mouvement droit.

[70909] In De caelo, lib. 1 l. 9 n. 6 Deinde cum dicit: quod quidem igitur etc., ostendit quod non sit corpus infinitum: et primo propriis rationibus de singulis corporibus; secundo tribus communibus rationibus de omnibus, ibi: quod quidem igitur non est infinitum corpus et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit propositum in corpore quod circulariter movetur; secundo in corporibus quae moventur motu recto, ibi: sed adhuc neque quod ad medium et cetera. Circa primum duo facit. Primo proponit quod intendit: et dicit quod manifestum est ex his quae dicentur, quod necesse est omne corpus quod circulariter fertur, esse finitum (hoc enim est primum corporum).

[70909] Sur le De caelo, I, 9, 6. Ensuite quand il dit : Ğ le fait donc que ğ, etc., il montre qu’il n’y a pas de corps infini : et premièrement par des raisons propres à chaque corps ; deuxièmement par trois raisons communes à tous, ici : Ğ le fait donc qu’il n’y ait pas de corps infini ğ, etc. Sur le premier point il fait deux choses : premièrement il montre la proposition sur le corps qui est déplacé circulairement ; deuxièmement sur les corps qui sont déplacés par un mouvement droit, ici : Ğ mais encore ni ce qui vers le milieu ğ, etc. Sur le premier point il fait deux choses. Premièrement il expose ce qu’il a l’intention de faire : et il dit qu’il est manifeste d’après ce qui sera dit qu’il est nécessaire que tout corps qui est porté circulairement soit fini (car c’est le premier des corps).

[70910] In De caelo, lib. 1 l. 9 n. 7 Deinde cum dicit: si enim infinitum etc., probat propositum sex rationibus: quarum prima talis est. Si aliquod corpus est infinitum, non potest moveri circulariter; sed corpus primum movetur circulariter; ergo non est infinitum. Primo ergo probat conditionalem sic: quia si corpus quod circulariter fertur est infinitum, necesse est quod lineae rectae quae egrediuntur a centro ipsius, sint infinitae; protenduntur enim quamdiu durat corporis quantitas. Distantia autem quae est inter infinitas lineas, est infinita. Posset autem aliquis dicere quod, etiam si sint lineae infinitae a centro egredientes, tamen inter eas est aliqua distantia finita: quia omnis distantia mensuratur secundum lineam rectam, potest autem aliqua linea finita protrahi infra duas praedictas lineas, puta in propinquitate ad centrum. Sed manifestum est quod extra illam lineam poterit alia linea recta maior protrahi inter illas lineas de quibus primo loquebamur. Et ideo dicit quod non loquitur de distantia quam mensurant tales lineae; sed illam distantiam dicit esse infinitam, quae mensuratur per lineam extra quam non est sumere aliquam aliam lineam maiorem, quae tangat utramque primarum linearum. Et talem distantiam probat esse infinitam dupliciter. Primo quidem quia omnis talis distantia finita est inter lineas egredientes a centro finitas: oportet enim quod iidem sint termini linearum egredientium a centro, et lineae finitae mensurantis extremam distantiam inter eas. Secundo probat idem per hoc quod qualibet distantia data inter duas lineas mensuratas egredientes a centro, est accipere aliam maiorem, sicut quolibet numero dato est accipere maiorem: unde sicut est infinitum in numeris, ita est infinitum in tali distantia. Ex hoc sic argumentatur. Infinitum non est pertransire, ut probatum est in VI Physic.; sed si corpus sit infinitum, necesse est quod distantia sit infinita inter lineas egredientes a centro, ut probatum est; ad hoc autem quod fiat motus circularis, oportet quod una linea egrediens a centro pertingat ad situm alterius; sic igitur nunquam contingeret aliquid circulariter moveri.

[70910] Sur le De caelo, I, 9, 7. [271b25] Ensuite quand il dit : Ğ si en effet infini ğ, etc., il prouve la proposition par six raisons : en voici la première. Si un corps est infini, il ne peut pas être déplacé circulairement ; mais un corps premier est déplacé circulairement ; donc il n’est pas infini. Premièrement donc il prouve la condition ici : puisque, si un corps qui est déplacé circulairement est infini, il est nécessaire que des lignes droites qui partent de son centre soient infinies : car elles sont étendues aussi longtemps que dure la quantité du corps. La distance qui est entre des lignes infinies est infinie. Quelqu’un pourrait dire que, même s’il y a des lignes infinies qui partent du centre, la distance entre elles est cependant finie : puisque toute distance est mesurée par une ligne droite, une ligne finie peut être tirée sous les deux lignes déjà dites, par exemple au voisinage du centre. Mais il est manifeste qu’en dehors de cette ligne une autre ligne droite plus grande pourra être tracée entre les deux lignes dont nous parlions en premier lieu. Et c’est pourquoi il dit qu’il ne parle pas de la distance que mesurent de telles lignes ; mais il dit qu’est infinie la distance qui est mesurée par une ligne en dehors de laquelle il n’est pas possible de prendre une autre ligne plus grande, qui touche l’une et l’autre des premières lignes. Et il prouve qu’une telle distance est infinie pour deux raisons. Premièrement puisqu’une telle distance tout entière est finie entre des lignes finies qui partent du centre : car il faut que les extrémités des lignes qui partent du centre et de la ligne finie qui mesure la distance extrême entre elles soient les mêmes. [272a1] Deuxièmement il prouve la même chose par le fait que, n’importe quelle distance ayant été donnée entre deux lignes mesurées partant du centre, il est possible d’en recevoir une autre plus grande, de même que, n’importe quel nombre ayant été donné, de même il est possible d’en obtenir un plus grand : de là comme il y a un infini pour les nombres, il y a aussi un infini pour une telle distance. À partir de là il argumente ainsi. Il n’est pas possible de dépasser l’infini, comme c’est prouvé dans le livre VI de la Physique ; mais si un corps est infini, il est nécessaire que la distance entre deux lignes partant de son centre soit infinie, comme on l’a prouvé ; pour qu’il y ait mouvement circulaire, il faut qu’une ligne partant du centre atteigne la position d’une autre chose ; ainsi donc il ne pourrait jamais arriver [272a5] qu’une chose se déplace circulairement.

[70911] In De caelo, lib. 1 l. 9 n. 8 Secundo ibi: caelum autem videmus etc., probat destructionem consequentis dupliciter: primo quidem quia ad sensum videmus quod caelum circulariter movetur; secundo quia supra per rationem probatum est quod motus circularis est alicuius corporis. Unde relinquitur quod impossibile sit corpus esse infinitum, quod circulariter movetur.

[70911] Sur le De caelo, I, 9, 8. Deuxièmement ici : Ğ nous voyons le ciel ğ, etc., il prouve la réfutation de la conséquence par deux raisons : premièrement puisque nous voyons par notre sens que le ciel se déplace circulairement ; deuxièmement puisqu’il a été prouvé ci-dessus par un raisonnement que le mouvement circulaire est celui d’un corps. Il s’ensuit qu’il est impossible que soit infini un corps qui se déplace circulairement.

 

 

Lectio 10

Leçon 10 – [L’univers n’est pas infini en taille, preuve par le temps]

[70912] In De caelo, lib. 1 l. 10 n. 1 Praemissa prima ratione, quae procedebat ad ostendendum corpus non esse infinitum quod circulariter fertur, ex hoc quod distantia quae est inter duas lineas a centro egredientes erit infinita et impertransibilis, hic ponit secundam rationem, ex hoc quod lineae descriptae imaginatae in corpore infinito, sive in eius loco, non possunt se invicem intersecare. Et praemittit in hac ratione quoddam principium, scilicet quod si a tempore finito subtrahatur tempus finitum, quod relinquitur necesse est esse finitum: quia pars finiti non potest esse infinita, alioquin totum esset minus sua parte. Et si illud residuum temporis est finitum, consequens est quod habeat principium: hoc enim tempus dicimus esse finitum, quod habet principium et finem. Demonstratum est autem in VI Physic. quod tempus et motus et mobile consequuntur se invicem in hoc quod est esse finitum vel infinitum. Unde si tempus mensurans incessum sive motum, est finitum et habens principium, necesse est quod motus sit finitus et quod habeat principium, et quod etiam magnitudo mota sit finita et habens principium. Et sicut hoc dicimus in motu caeli, similiter oportet se habere in aliis motibus et mobilibus.

[70912] Sur le De caelo, I, 10, 1. Cette première raison ayant été avancée, raison qui cherchait à montrer qu’un corps qui est porté circulairement n’est pas infini à partir du fait que la distance qui est entre deux lignes partant du centre sera infinie et infranchissable, il établit ici une seconde raison à partir du fait que les lignes tracées et représentées sur un corps infini, ou même à sa place, ne peuvent pas se couper les unes les autres. Et il avance dans ce raisonnement un principe, à savoir que, si un temps fini est soustrait à un temps fini, il est nécessaire que ce qui reste soit fini, puisqu’une partie du fini ne peut être infinie, sinon tout serait inférieur à sa partie. Et si ce reste de temps est fini, il s’ensuit qu’il a ce principe : car nous disons qu’est fini le temps qui a un début et une fin. Or il a été démontré dans le livre VI de la Physique que le temps, le mouvement et le corps mobile se suivent en ce qu’il est possible qu’ils soient finis ou infinis. De là si le temps qui mesure la marche ou même le mouvement est fini et a un début, [272a10] il est nécessaire que le mouvement soit fini, qu’il ait un commencement et aussi que la grandeur déplacée soit finie et ait un commencement. Et de même que nous disons cela sur le mouvement du ciel, il faut également que cela soit chez les autres mouvements et corps mobiles.

[70913] In De caelo, lib. 1 l. 10 n. 2 Istis igitur praemissis tanquam principiis, procedit ad demonstrandum propositum. Supponatur ergo quod a centro corporis infiniti quod est a, protrahatur quaedam linea, scilicet age, quae sit infinita ad aliam partem, scilicet ex parte e; et intelligatur ista linea circumvolvi secundum motum totius corporis, et quod secundum punctum g describat quendam circulum suo motu. Imaginemur etiam in spatio imaginato in quo revolvitur corpus infinitum, quandam lineam stantem immobilem, quae non transeat per centrum, sed sit infinita ex utraque parte, et sit linea bb. Si ergo, sicut dictum est, linea quae est age, sua incessione describat circulum a g, idest cuius semidiameter sit ag, continget quod linea age, circumeundo circulum praedictum, secabit totam lineam bb in tempore finito. Manifestum est enim quod semidiameter circuli non potest volvi in circuitu nisi incidat vel secet successive totam lineam immobilem imaginatam in circulo extra centrum. Et quod tempus sit finitum in quo linea quae educitur a centro, secet lineam infinitam quae describitur extra centrum, manifestat per hoc quod totum tempus in quo caelum movetur, est finitum, sicut patet ad sensum: unde consequens est quod pars illius temporis, quod aufertur a toto tempore, sit finita, in quo scilicet linea age incidit lineam bb. Vel potius sequitur illud tempus esse finitum, in quo illa linea incidens fertur usque ad lineam quae inciditur; et hoc oportet auferri a toto tempore finito, ut residui temporis accipiatur quoddam principium, secundum principium supra positum. Sequitur ergo quod sit aliquod principium temporis, in quo linea age incipit incidere lineam bb. Hoc autem est impossibile: quia, cum unam partem incidat ante aliam, si sit dare principium temporis in quo incipit incidere, esset dare principium aliquod in linea infinita, quod est contra rationem infiniti. Sic ergo patet quod corpus infinitum non contingit revolvi circulariter. Unde si mundus sit infinitus, sequitur quod non moveatur circulariter. Videmus autem firmamentum moveri circulariter: non ergo est infinitum.

[70913] Sur le De caelo, I, 10, 2. Par conséquent, ces principes pour ainsi dire ayant été avancés, il procède à la démonstration de la proposition. Donc que l’on suppose que du centre d’un corps infini qui est A soit tracée une ligne, à savoir AGE, qui soit infinie, d’un côté, c’est-à-dire en partant du côté E ; et que l’on comprenne que cette ligne se déplace circulairement selon le mouvement du corps tout entier et que selon le point G elle décrit un cercle par son mouvement. Représentons-nous aussi dans un espace imaginaire où un corps infini se déplace circulairement une ligne qui se tienne immobile, qui ne passe pas par le centre, mais qui soit infinie de part et d’autre et que ce soit la ligne BB. Donc si, comme on l’a dit, une ligne qui est AGE décrit dans sa marche un cercle AG, c’est-à-dire dont le rayon soit AG, il arrivera que la ligne AGE, en tournant suivant le cercle déjà dit, coupe toute la ligne BB dans un temps fini. Car il est manifeste que le rayon du cercle ne peut se dérouler sur le circuit à moins qu’il ne coupe ou divise successivement toute ligne immobile représentée sur le cercle en dehors du centre. Et il montre qu’est fini le temps pendant lequel une ligne qui est tirée du centre coupe une ligne infinie qui est tracée en dehors du centre, par le fait que le temps tout entier pendant lequel le ciel se déplace est fini, comme cela apparaît au sens ; [272a15] il s’ensuit que la partie de ce temps qui est enlevé au temps tout entier est fini, temps pendant lequel une ligne AGE divise une ligne BB. Ou plutôt il s’ensuit qu’est fini le temps pendant lequel cette ligne qui divise est portée jusqu’à la ligne qui est divisée : et il faut que cela soit enlevé du temps fini tout entier, afin qu’un début de temps restant soit accepté, selon le principe établi ci-dessus. Il s’ensuit donc qu’il y a un début de temps, où une ligne AGE commence à diviser une ligne BB. Or c’est impossible, puisque, comme elle divise une partie avant une autre, s’il était possible de donner un début de temps où elle commence à diviser, il serait possible de donner un début sur une ligne infinie, ce qui est contraire au principe de l’infini. Ainsi donc il est évident qu’il ne peut arriver qu’un corps infini se déplace circulairement. De là si le monde était infini, il s’ensuivrait qu’il ne se meut pas circulairement. Or nous voyons le firmament se mouvoir circulairement : il n’est donc pas infini.

[70914] In De caelo, lib. 1 l. 10 n. 3 Tertiam rationem ponit ibi: adhuc autem et ex his etc.: et sumitur haec ratio ex infinitate totius corporis quod ponitur circulariter moveri. Dicit ergo quod ex his etiam quae sequuntur, manifestum est quod impossibile est corpus infinitum moveri circulariter. Praemittit autem quod si sint duae lineae finitae, quarum una sit a et alia b, ita quod a feratur iuxta b quiescentem, ex necessitate sequitur quod simul linea mota quae est a, separetur a linea stante quae est b, et e contra linea stans quae est b, separetur a linea mota quae est a. Et huius ratio est, quia quantam partem una earum accipit de alia, tantam e converso alia accipit de ipsa. Sed tamen si ambae moveantur una contra aliam, velocius separabuntur lineae ab invicem; si autem una moveatur iuxta aliam quiescentem, tardius separabuntur lineae ab invicem; dummodo sit aequalis velocitas duarum motarum contra se invicem, et unius motae iuxta aliam stantem. Et hoc ideo praemisit, quia idem est tempus quo una linea pertransit aliam, et quo alia pertransit ipsam. Et postquam hoc manifestavit per lineas finitas, applicat hoc ad lineas infinitas, de quibus intendit. Et dicit manifestum esse quod impossibile est lineam infinitam pertransiri tempore finito a linea finita; unde relinquitur quod linea finita pertranseat infinitam tempore infinito; quod quidem ostensum est prius in his quae de motu, idest in VI Physic. Sicut autem apparet ex his quae dicta sunt de lineis finitis, nihil differt quod linea finita moveatur per infinitam, et quod infinita moveatur super finitam: cum enim linea infinita moveatur per lineam finitam, similis ratio est si linea finita moveatur vel non moveatur; manifestum est autem quod si moveatur linea finita sicut et infinita, utraque earum pertransibit aliam. Unde manifestum est quod etiam si non moveatur linea finita, simile erit quod pertransitur a linea infinita, ac si pertransiret illam. Sed quia dixerat quod similiter se habet sive moveatur altera sive non, ostendit in quo circa hoc posset esse differentia: quia si utraque linearum moveatur una contra aliam, velocius separabuntur ab invicem. Sed hoc intelligendum est, si sit eadem velocitas, sicut supra dictum est: aliquando tamen nihil prohibet quin linea quae movetur iuxta quiescentem, velocius pertranseat eam, quam si moveretur iuxta lineam in contrarium motam; puta quando duae lineae quae contra se moverentur, haberent motum lentum, illa vero quae moveretur iuxta quiescentem, haberet motum velocem. Sic igitur patet quod nullum impedimentum est quantum ad rationem istam, quod linea infinita moveatur iuxta lineam finitam quietam: quia contingit quod linea mota quae est a, tardius pertransit lineam b motam, quam si non moveretur, dummodo ponatur quod, linea b quiescente, linea a velocius moveretur.

[70914] Sur le De caelo, I, 10, 3. Il établit la troisième raison ici : Ğ encore et parmi ceux-ci ğ, etc. : et cette raison est tirée du caractère infini de tout corps que l’on présente comme se déplaçant circulairement. Il dit donc que d’après ce qui suit aussi il est manifeste qu’il est impossible qu’un corps infini se meuve circulairement. [272a25] Il annonce d’avance que s’il y a deux lignes finies, dont l’une est A et l’autre B, telles que A soit portée à côté de B immobile, il s’ensuit nécessairement que la ligne déplacée qui est A est en même temps séparée de la ligne statique qui est B et qu’au contraire la ligne statique qui est B est en même temps séparée de la ligne déplacée qui est A. La raison en est que l’une d’entre elles reçoit de l’autre une partie aussi grande que l’autre reçoit inversement d’elle-même. Mais cependant si toutes les deux se déplacent l’une contre l’autre, les lignes seront séparées plus rapidement l’une de l’autre ; or si l’une se déplaçait à côté de l’autre immobile, les lignes seront séparées plus lentement l’une de l’autre, pourvu que la rapidité des deux lignes déplacées l’une contre l’autre et de l’une déplacée à côté de l’autre soit égale. Et il a avancé cela parce que le temps pendant lequel une ligne en a parcouru une autre et le temps pendant lequel l’autre ligne l’a parcourue sont les mêmes. [272a30] Et après qu’il a montré cela par des lignes finies, il l’applique aux lignes infinies, dont il traite. Et il dit qu’il est manifeste qu’il est impossible qu’une ligne infinie soit parcourue en un temps fini par une ligne finie ; d’où il résulte qu’une ligne finie parcourt une ligne infinie en un temps infini ; ce qui certes a été montré auparavant dans ce qui concerne le mouvement, c’est-à-dire dans le livre VI de la Physique. Comme cela apparaît à partir de ce qui a été dit sur les lignes finies, il n’y a pas de différence entre une ligne finie se déplaçant sur une ligne infinie, et une ligne infinie se déplaçant sur une ligne finie : en effet, comme une ligne infinie se meut sur une ligne finie, le raisonnement est identique si une ligne finie se meut ou ne se meut pas ; il est manifeste que si une ligne finie se meut tout comme une ligne infinie, chacune parcourra l’autre. De là il est manifeste que, même si une ligne finie ne se déplace pas, ce sera la même chose si elle est parcourue par une ligne infinie et si elle en parcourt une. Mais puisqu’il avait dit que si l’autre se déplaçait ou non c’était chose semblable, il montre où pourrait se trouver la différence sur ce point : puisque si les deux lignes se déplacent l’une contre l’autre, elles seront plus vite séparées l’une de l’autre. Mais il faut comprendre cela, s’il y a la même vitesse, comme on l’a dit ci-dessus : [272b1] parfois cependant rien n’empêche que la ligne qui se déplace à côté d’une ligne immobile ne la parcoure plus rapidement que si elle se déplaçait à côté d’une ligne déplacée en sens contraire ; par exemple quand deux lignes qui se meuvent contre elles ont un mouvement lent, celle qui se déplace à côté de la ligne immobile a un mouvement rapide. Ainsi donc il apparaît qu’il n’y a aucun empêchement à ce raisonnement selon lequel une ligne infinie se déplace à côté d’une ligne finie immobile : puisqu’il arrive qu’une ligne déplacée qui est A parcoure plus lentement une ligne B déplacée que si elle ne se déplaçait pas, pourvu que l’on établisse que, la ligne B étant immobile, la ligne A se déplace plus vite.

[70915] In De caelo, lib. 1 l. 10 n. 4 Sic igitur ostenso quod nihil differt lineam infinitam moveri iuxta finitam quiescentem, ab eo quod linea finita moveretur supra infinitam, ex hoc argumentatur quod, si tempus quo linea finita pertransit lineam infinitam, est infinitum, consequens est quod tempus quo linea infinita movetur per lineam finitam, sit infinitum. Sic igitur patet quod impossibile est totum corpus infinitum moveri per totum spatium infinitum, in quo imaginamur motum eius, tempore scilicet finito: quia si infinitum moveretur etiam per minimum spatium finitum, sequeretur quod tempus esset infinitum: probatum est enim quod infinitum movetur per finitum tempore infinito, sicut et finitum per infinitum. Videmus autem quod caelum circuit totum spatium suum tempore finito. Unde manifestum est quod pertransit tempore finito aliquam lineam finitam, puta quae continet interius totum circulum descriptum circa centrum eius, scilicet lineam ab: quod non contingeret si esset infinitum. Impossibile est igitur corpus quod circulariter fertur, esse infinitum.

[70915] Sur le De caelo, I, 10, 4. [272b10] Ainsi donc après avoir montré qu’il n’y a pas de différence entre une ligne infinie se déplaçant à côté d’une ligne immobile et une ligne finie se déplaçant au-dessus d’une ligne infinie, il s’en sert comme argument pour prouver que, si le temps pendant lequel une ligne finie a parcouru une ligne infinie est infini, la conséquence en est que le temps pendant lequel une ligne infinie se déplace par une ligne finie est infini. Ainsi donc il apparaît qu’il est impossible qu’un corps infini tout entier se déplace par un espace tout entier infini, où nous nous représentons son mouvement, pendant un temps assurément fini, puisque, si l’infini se déplaçait aussi par un très petit espace fini, il s’ensuivrait que le temps serait infini : car il a été prouvé que l’infini est déplacé par le fini dans un temps infini, tout comme le fini par l’infini. Or nous voyons que le ciel tourne autour de tout son espace pendant un temps limité. De là il est manifeste qu’il parcourt une ligne finie pendant un temps fini, par exemple qui contient tout le cercle intérieur tracé autour de son centre, c’est-à-dire la ligne AB, ce qui ne pourrait pas arriver s’il était infini. Il est donc impossible qu’un corps qui est porté circulairement soit infini.

 

 

Lectio 11

Leçon 11 – [L’univers n’est pas infini en taille, preuve par la surface]

[70916] In De caelo, lib. 1 l. 11 n. 1 Praemissis tribus rationibus ad probandum quod corpus quod circulariter movetur, non possit esse infinitum, hic ponit quartam, quae talis est. Impossibile est lineam esse infinitam, cuius est aliquis finis, nisi forte ad alteram partem habeat finem et ad alteram partem sit infinita. Et simile etiam est de superficie, quod si habeat finem ad unam partem, quod non contingit eam esse infinitam ad illam partem. Sed quando ad omnem partem determinatur, nullo modo potest esse infinita; sicut patet quod non contingit esse tetragonum, idest quadratum, infinitum, neque circulum, qui est superficialis figura, neque sphaeram, quae est figura corporea; haec enim sunt nomina figurarum, figura autem est quae termino vel terminis comprehenditur. Et sic patet quod nulla superficies figurata est infinita. Si ergo neque sphaera est infinita neque quadratum neque circulus, manifestum est quod non potest esse motus circularis infinitus. Sicut enim si non est circulus, non potest esse motus circularis, ita si non sit infinitus circulus, non potest esse infinitus motus circularis. Sed si corpus infinitum moveatur circulariter, necesse est motum circularem esse infinitum: non est ergo possibile quod corpus infinitum circulariter moveatur.

[70916] Sur le De caelo, I, 11, 1. Après avoir avancé trois raisons pour prouver qu’un corps qui se déplace circulairement ne pourrait pas être infini, il en établit ici une quatrième, qui est la suivante. Il est impossible qu’une ligne qui a une limite soit infinie, à moins que par hasard elle n’ait une limite d’un côté et qu’elle ne soit infinie de l’autre côté. Et il en est aussi de même pour la surface : si elle avait une limite d’un côté, il n’arriverait pas qu’elle soit infinie de ce côté. Mais quand elle est limitée de tout côté, elle ne peut en aucune manière être infinie, [272b20] comme il apparaît qu’il ne peut arriver qu’un tétragone, c’est-à-dire un carré, soit infini, ni un cercle, qui est une figure plane, ni une sphère, qui est une figure solide ; ce sont en effet des noms de figures, or une figure est ce qui est enfermé par une extrémité ou des extrémités. Et ainsi il apparaît qu’aucune surface sous forme de figure n’est infinie. Donc si ne sont infinis ni la sphère, ni le carré, ni le cercle, il est manifeste que le mouvement circulaire ne peut être infini. En effet, de même que, s’il n’y a pas de cercle, il ne peut y avoir de mouvement circulaire, de même, s’il n’y a pas de cercle infini, il ne peut y avoir de mouvement circulaire infini. Mais si un corps infini se déplaçait circulairement, il serait nécessaire que le mouvement circulaire soit infini : donc il n’est pas possible qu’un corps infini se meuve circulairement. [272b25]

[70917] In De caelo, lib. 1 l. 11 n. 2 Quintam rationem ponit ibi: adhuc autem si g etc., quae talis est. Supponatur quod corporis infiniti circulariter moti centrum sit g; ducatur autem per hoc centrum linea ad utramque partem infinita, quae sit linea ab; ducatur autem alia linea praeter centrum, cadens ad rectos angulos super lineam ba, in puncto scilicet e, et sit etiam haec linea infinita ex utraque parte; et hae duae lineae sint stantes, quasi imaginatae in spatio in quo corpus infinitum movetur circulariter. Sit etiam tertia linea egrediens a centro, quae sit linea dg, infinita ex parte d (nam ex parte g oportet eam esse finitam): haec autem linea moveatur per motum corporis, utpote in eo descripta. Quia igitur linea e est infinita, nunquam absolvetur, idest separabitur, ab ea: quia non potest eam pertransire, cum sit infinita, sed semper se habebit quemadmodum ge, idest semper continget vel secabit lineam e, sicut secabat eam in principio a quo incoepit moveri, puta quando linea gd superponebatur lineae ba et secabat lineam e perpendiculariter in puncto e. Recedens enim ab hoc situ incidet lineam e in puncto z, et sic semper in alio et alio puncto secabit illam: nunquam tamen totaliter poterit ab ea separari. Impossibile est autem quod motus circularis compleatur, nisi linea gd dimittat lineam e: quia oportebit, antequam compleatur motus circularis, quod linea gd pertranseat partem circuli quae est in opposito lineae e. Sic patet ergo quod linea infinita nullo modo potest circuire circulum, ita scilicet quod totus motus circularis compleatur. Et ita sequitur quod corpus infinitum non possit circulariter moveri.

[70917] Sur le De caelo, I, 11, 2. Il établit une cinquième raison ici : Ğ encore si G ğ, etc., qui est la suivante. Supposons qu’un corps infini mu circulairement ait un centre G ; que soit conduite par ce centre une ligne infinie des deux côtés, qui soit la ligne AB ; que soit conduite une autre ligne en dehors du centre, perpendiculaire à la ligne BA, en un point E, et que cette ligne soit aussi infinie des deux côtés ; et que ces deux lignes soient immobiles, pour ainsi dire représentées dans l’espace où le corps infini se meut circulairement. Soit aussi une troisième ligne partant du centre, qui soit la ligne DG, infinie du côté D (car du côté G il faut qu’elle soit finie) : que cette ligne se déplace selon le mouvement du corps, parce que tracée sur lui. Donc puisque la ligne E est infinie, elle ne sera jamais dégagée, c’est dire séparée, de celle-là : puisqu’elle ne peut pas la parcourir, comme elle est infinie, mais qu’elle sera toujours comme GE, autrement dit elle atteindra ou coupera toujours la ligne E, comme elle la coupait au début à partir duquel elle avait commencé à se mouvoir, par exemple quand la ligne GD était posée sur la ligne BA et coupait la ligne E perpendiculairement au point E. En effet s’éloignant de ce lieu, elle coupera la ligne E en un point Z et ainsi la coupera toujours en tel et tel point : elle ne pourra pourtant jamais se séparer totalement d’elle. Or il est impossible qu’un mouvement circulaire soit complet, à moins que la ligne GD ne renvoie la ligne E, puisqu’il faudra que, avant que le mouvement circulaire ne soit complet, la ligne GD parcoure la partie du cercle qui est opposée à la ligne E. Ainsi donc il apparaît qu’une ligne infinie ne peut en aucune manière parcourir un cercle, de telle sorte qu’un mouvement circulaire tout entier soit complet. Et ainsi il s’ensuit qu’un corps infini ne pourrait pas se mouvoir circulairement.

[70918] In De caelo, lib. 1 l. 11 n. 3 Sextam rationem ponit ibi: adhuc si quidem et cetera. Et hanc quidem rationem format dupliciter: primo ducendo ad impossibile hoc modo. Sit caelum infinitum, sicut tu ponis. Manifestum est autem ad sensum quod movetur circumquaque tempore finito: videmus enim eius revolutionem perfici in viginti quatuor horis. Ex hoc ergo sequetur quod infinitum sit pertransitum tempore finito: et hoc ideo, quia necesse est imaginari aliquod spatium aequale caelo, in quo caelum movetur. Hoc autem spatium imaginamur ut quiescens: sic igitur oportebit quod sit quoddam caelum manens infinitum, idest ipsum spatium in quo caelum movetur; et quod sit corpus caeli quod movetur in hoc spatio, aequale dicto spatio, quia oportet corpus aequari spatio in quo est. Si igitur caelum infinitum existens circulariter motum est tempore finito, consequens est quod pertransiverit infinitum tempore finito. Hoc autem est impossibile, scilicet infinitum pertransire tempore finito, ut probatum est in VI Physic. Impossibile est igitur quod corpus infinitum circulariter moveatur.

[70918] Sur le De caelo, I, 11, 3. Il établit une sixième raison ici : Ğ en outre si ğ, etc. Et il organise cette raison de deux façons : premièrement en effectuant une réduction à l’impossible de cette manière. Que le ciel soit infini, comme tu l’établis. Il est évident pour notre sens qu’il se meut tout autour dans un temps fini : nous voyons en effet que sa révolution s’achève en vingt-quatre heures. Il s’ensuivra donc que l’infini s’est écoulé en un temps fini : et cela parce qu’il est nécessaire de se représenter un espace égal au ciel, où le ciel se meut. Or nous imaginons cet espace comme au repos : ainsi donc il faudra qu’il y ait un ciel qui demeure infini, c’est-à-dire l’espace dans lequel le ciel se meut, et qu’il y ait un corps de ciel qui se déplace dans cet espace, égal à l’espace mentionné, puisqu’il faut que le corps soit égal à l’espace dans lequel il se trouve. Donc si un ciel infini s’est déplacé circulairement dans un temps fini, la conséquence en est que l’infini s’est écoulé dans un temps fini. [273a1] Or il est impossible que l’infini s’écoule dans un temps fini, comme il est prouvé dans le livre VI de la Physique. Il est donc impossible qu’un corps infini se déplace circulairement.

[70919] In De caelo, lib. 1 l. 11 n. 4 Secundo ibi: est autem et convertibiliter etc., format rationem e converso, ut sit probatio ostensiva. Et dicit quod possumus e converso dicere quod, ex quo tempus est finitum in quo caelum revolutum est, sicut ad sensum patet, consequens est quod magnitudo quae est pertransita, sit finita. Manifestum est autem quod spatium pertransitum est aequale ipsi corpori pertranseunti. Sequitur ergo corpus quod circulariter movetur, esse finitum. Sic ergo epilogando concludit manifestum esse quod corpus quod circulariter movetur, non est interminatum, idest carens termino quasi infiguratum: et per consequens non est infinitum, sed habet finem.

[70919] Sur le De caelo, I, 11, 4. Deuxièmement ici : Ğ il y aussi et inversement ğ, il organise son raisonnement à l’inverse, de telle sorte que la preuve est démontrée. Et il dit que nous pouvons inversement dire que, à partir du fait que le temps pendant lequel le ciel s’est tourné, comme cela apparaît au sens, la conséquence en est que la grandeur qui est parcourue est finie. Il est manifeste que l’espace parcouru est égal au corps même qui le parcourt. Il s’ensuit donc que le corps qui se meut circulairement est fini. [273a5] Ainsi donc en épiloguant il conclut qu’il est manifeste qu’un corps qui se meut circulairement n’est pas illimité, c’est-à-dire dépourvu de limite, pour ainsi dire informe ; et par conséquent il n’est pas infini, mais il a une fin.

 

 

Lectio 12

Leçon 12 – [L’univers n’est pas infini en taille, preuve par les corps se mouvant en ligne droite]

[70920] In De caelo, lib. 1 l. 12 n. 1 Postquam philosophus ostendit quod corpus circulariter motum non est infinitum, hic ostendit idem de corpore quod movetur motu recto, vel a medio vel ad medium. Et primo proponit quod intendit: dicens quod sicut corpus quod circulariter fertur non potest esse infinitum, ita corpus quod fertur motu recto, vel a medio vel ad medium, non potest esse infinitum. Secundo ibi: contrariae enim lationes etc., ostendit propositum: et primo ex parte locorum quae sunt huiusmodi corporibus propria; secundo ex parte gravitatis et levitatis, per quae huiusmodi corpora in propria loca moventur, ibi: et adhuc si gravitas et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit propositum quantum ad corpora extrema, quorum unum est simpliciter grave, scilicet terra, et aliud simpliciter leve, scilicet ignis; secundo quantum ad corpora media, quae sunt aer et aqua, ibi: adhuc si sursum et cetera.

[70920] Sur le De caelo, I, 12, 1. Après que le philosophe a montré qu’un corps déplacé circulairement n’est pas infini, il montre ici la même chose à propos d’un corps qui se meut par un mouvement droit, soit en partant du milieu, soit en se dirigeant vers le milieu. Et premièrement il propose ce qu’il s’était proposé, en disant que, de même qu’un corps qui est porté circulairement ne peut être infini, de même un corps qui est porté par un mouvement droit, soit en partant du milieu, soit en allant vers le milieu, ne peut être infini. Deuxièmement ici : Ğ les déplacements contraires ğ, etc., il démontre la proposition, et premièrement à partir des lieux qui sont propres aux corps de ce genre, deuxièmement à partir de la pesanteur et de la légèreté, par lesquelles les corps de ce genre se meuvent dans leurs lieux propres, ici : Ğ en outre si la pesanteur ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : il montre premièrement la proposition quant aux corps extrêmes, dont l’un est simplement lourd, à savoir la Terre, et l’autre simplement léger, à savoir le feu ; deuxièmement quant aux corps du milieu, qui sont l’air et l’eau ici : Ğ encore si vers le haut ğ, etc.

[70921] In De caelo, lib. 1 l. 12 n. 2 Proponit ergo primo quod huiusmodi motus qui sunt sursum et deorsum, vel a medio et ad medium, sunt motus contrarii: contrarii autem motus locales sunt, qui sunt ad loca contraria, ut supra dictum est, et est ostensum in V Physic.: relinquitur ergo quod loca propria in quae feruntur huiusmodi corpora, sint contraria. Ex hoc autem statim concludere posset huiusmodi loca esse determinata: contraria enim sunt quae maxime distant; maxima autem distantia locorum non potest esse nisi sint loca determinata, quia maxima distantia est qua non est alia maior, in infinitis autem semper est maiorem ac maiorem distantiam accipere; unde si loca essent infinita, cessaret locorum contrarietas. Sed Aristoteles, praetermissa hac probatione tanquam manifesta, procedit per alium modum. Verum est enim quod, si unum contrariorum est determinatum, quod aliud erit determinatum, eo quod contraria sunt unius generis. Medium autem mundi, quod est medius terminus motus deorsum, est determinatum: ex quacumque enim parte caeli aliquid feratur deorsum (quod scilicet substat superiori parti quae est versus caelum), non continget longius pertransire recedendo a caelo quam quod perveniat ad medium: si enim pertransiret medium, iam fieret propinquius caelo, et sic moveretur sursum. Sic igitur patet quod medius locus est determinatus. Patet etiam ex praedictis quod, determinato medio, quod est locus deorsum, necesse est et determinatum esse locum qui est sursum, cum sint contraria. Si autem ambo loca sunt determinata et finita, necesse est quod corpora quae sunt nata esse in his locis, sint finita. Unde patet huiusmodi corpora extrema, quae moventur motu recto, esse finita.

[70921] Sur le De caelo, I, 12, 2. Il expose donc premièrement que les mouvements de ce genre qui sont vers le haut et vers le bas, ou bien à partir du milieu et vers le milieu, sont des mouvements contraires : or sont contraires des mouvements locaux qui vont vers des lieux contraires, comme il a été dit ci-dessus et qu’il est montré dans le livre V de la Physique : il en résulte donc que les lieux propres, vers lesquels sont portés des corps de ce genre, sont contraires. Il pourrait aussitôt en conclure que les lieux de ce genre sont limités : car sont contraires sont qui sont les plus éloignés ; la plus grande distance entre des lieux ne peut être si les lieux ne sont pas limités, parce que la plus grande distance est celle en comparaison de laquelle il n’y en a pas de plus grande, or, dans les corps infinis il est toujours possible d’obtenir une distance de plus en plus grande ; à partir de là si les lieux étaient infinis, l’opposition des lieux cesserait. Mais Aristote, après avoir laissé de côté cette démonstration car évidente, procède d’une autre manière. [273a10] Car il est vrai que, si l’un des contraires est limité, l’autre sera limité, pour la raison que les contraires sont d’un seul genre. Or le milieu du monde, qui est le milieu du mouvement vers le bas, est limité : en effet, quelle que soit la partie du ciel d’où quelque chose est entraîné vers le bas (ce qui est placé sous la partie supérieure qui est dans la direction du ciel), il ne sera pas susceptible de parcourir plus loin, en s’écartant du ciel, que ce qui parvient au milieu : car s’il traversait le milieu, il deviendrait déjà plus proche du ciel et ainsi il se déplacerait vers le haut. Ainsi donc il apparaît que le lieu central est limité. Il apparaît aussi d’après ce qui a déjà été dit que, comme le milieu qui est le lieu vers le bas est limité, il est nécessaire aussi que le lieu qui est vers le haut soit aussi limité, comme ils sont contraires. Or si les deux lieux sont limités et finis, il est nécessaire que les corps qui sont nés pour être dans ces lieux soient finis. De là il apparaît que les corps extrêmes de ce genre, qui se meuvent par un mouvement droit, sont [273a15] finis.

[70922] In De caelo, lib. 1 l. 12 n. 3 Deinde cum dicit: adhuc si sursum etc., ostendit idem quantum ad media corpora. Et primo proponit quandam conditionalem, scilicet quod, si sursum et deorsum sunt determinata, necesse est quod locus intermedius sit determinatus. Et hoc probat duplici ratione. Quarum prima est: si, primis existentibus determinatis, medium non sit determinatum, sequetur quod motus qui est ab uno extremo in aliud, sit infinitus, utpote medio existente infinito. Quod autem hoc sit impossibile, ostensum est prius in his quae dicta sunt de motu circulari, ubi ostensum est quod motus qui est per infinitum, non potest compleri. Sic ergo patet quod locus medius est determinatus. Et ita, cum locatum commensuretur loco, consequens est quod corpus sit finitum quod actu existit in hoc loco, vel quod potest ibi existere.

[70922] Sur le De caelo, I, 12, 3. Ensuite quand il dit : Ğ en outre si vers le haut ğ, etc., il montre la même chose quant aux corps du milieu. Et premièrement il propose une certaine condition, à savoir que, si les mouvements ascendants et descendants sont limités, il est nécessaire qu’un lieu intermédiaire soit limité. Et il prouve cela par une double raison. La première d’entre est : si, les premières choses qui existent étant limitées, le milieu n’était pas limité, il s’ensuivrait que le mouvement qui va d’une extrémités à une autre est infini, parce que le milieu se montre infini. Or, il a été montré auparavant que cela serait impossible, dans ce qui a été dit sur le mouvement circulaire, où il a été montré que le mouvement qui passe par l’infini ne peut être complet. Ainsi donc il apparaît que le lieu du milieu est limité. Et ainsi, comme ce qui a un lieu est de commune mesure avec ce lieu, il est logique qu’un corps qui existe en acte dans ce lieu ou qui puisse exister ici soit fini.

[70923] In De caelo, lib. 1 l. 12 n. 4 Secundam rationem ponit ibi: sed et adhuc etc.: quae talis est. Corpus quod fertur sursum vel deorsum, potest pervenire ad hoc quod sit factum existens in loco tali. Quod quidem patet per hoc quod tale corpus natum est moveri a medio vel ad medium, idest habet naturalem inclinationem ad hunc vel illum locum; naturalis autem inclinatio non potest esse frustra, quia Deus et natura nihil frustra faciunt, ut supra habitum est. Sic igitur omne quod movetur naturaliter sursum vel deorsum, potest motus eius terminari ad hoc quod sit sursum vel deorsum. Sed hoc non posset esse si locus medius esset infinitus. Est ergo locus medius finitus, et corpus in eo existens finitum. Ex praemissis igitur epilogando concludit, manifestum esse quod non contingit aliquod corpus esse infinitum.

[70923] Sur le De caelo, I, 12, 4. Il établit ici la seconde raison : Ğ mais encore ğ, etc. : la voici. Un corps qui est entraîné vers le haut ou vers le bas [273a20] peut parvenir à ce qu’il existe dans un tel lieu. Ce qui apparaît par le fait qu’un tel corps est né pour se mouvoir à partir du milieu ou vers le milieu, c’est-à-dire qu’il a une inclinaison naturelle vers ce lieu-ci ou vers ce lieu-là ; or, une inclinaison naturelle ne peut être en vain, parce que Dieu et la nature ne font rien en vain, comme on l’a considéré ci-dessus. Ainsi donc tout ce qui se meut naturellement vers le haut ou vers le bas peut limiter ses mouvements vers ce qui est vers le haut ou vers le bas. Mais cela ne pourrait être si le lieu central était infini. Le lieu du milieu est donc fini, tout comme le corps étant fini en lui. À partir des prémisses il conclut donc en épiloguant qu’il est manifeste qu’il n’arrive pas qu’un corps soit infini.

[70924] In De caelo, lib. 1 l. 12 n. 5 Deinde cum dicit: et adhuc si gravitas etc., ostendit non esse corpus grave vel leve infinitum, ratione sumpta ex gravitate vel levitate: quae talis est. Si est corpus grave vel leve infinitum, necesse est quod sit gravitas vel levitas infinita: sed hoc est impossibile: ergo et primum. Circa hoc ergo duo facit: primo probat conditionalem; secundo probat destructionem consequentis, ibi: sed adhuc quoniam infinitam et cetera. Circa primum duo facit. Primo proponit quod intendit, dicens: si non est gravitas infinita, nullum erit corporum horum, scilicet gravium, infinitum: et hoc ideo, quia necesse est infiniti corporis infinitam esse gravitatem. Et eadem ratio est de corpore levi: quia si infinita est gravitas corporis gravis, necesse est quod etiam levitas sit infinita, si supponatur corpus leve, quod sursum fertur, esse infinitum.

[70924] Sur le De caelo, I, 12, 5. Ensuite quand il dit : Ğ encore si la pesanteur ğ, etc., il montre qu’il ne peut y avoir un corps lourd ou léger infini, après en avoir tiré la raison de la pesanteur ou de la légèreté : la voici. S’il y a un corps lourd ou léger infini, il est nécessaire que la pesanteur ou la légèreté soient infinies : mais cela est impossible : donc le premier point aussi. Sur cela il fait donc deux choses : premièrement il prouve la condition ; deuxièmement il prouve la réfutation de la conséquence, ici : Ğ mais en outre puisque l’infinie ğ, etc. Sur le premier point il fait deux choses. Premièrement il propose ce qu’il avait l’intention de faire, en disant : si la pesanteur n’est pas infinie, aucun de ces corps, c’est-à-dire des corps lourds, ne sera infini : et cela parce qu’il est nécessaire que la pesanteur d’un corps infini soit infinie. [273a25] Et la même raison concerne le corps léger : puisque, si la pesanteur d’un corps lourd est infini, il est nécessaire que la légèreté aussi soit infinie, si on suppose qu’un corps léger qui est entraîné vers le haut est infini.

[70925] In De caelo, lib. 1 l. 12 n. 6 Secundo ibi: palam autem etc., probat quod supposuerat: et primo ponit probationem; secundo excludit obviationes quasdam, ibi: nihil autem differt gravitates et cetera. Ponit ergo primo rationem ducentem ad impossibile, quae talis est. Si non est verum quod supra dictum est, supponatur quod corporis infiniti sit gravitas finita: et sit corpus infinitum ab, gravitas autem eius finita sit g. A corpore igitur infinito praedicto auferatur aliqua pars eius finita quae est magnitudo bd, quam necesse est esse multo minorem toto corpore infinito. Minoris autem corporis minor est gravitas: sic ergo gravitas corporis bd est minor quam sit gravitas g, quae est gravitas totius corporis infiniti; et sit ista minor gravitas e. Haec autem minor gravitas, scilicet e, mensuret maiorem gravitatem finitam quae est g, quotiescumque, idest secundum quemcumque numerum, puta secundum tria, ut scilicet dicatur quod e est tertia pars totius g. Accipiatur autem a corpore infinito aliqua pars, quae superaddatur corpori finito bd, secundum proportionem qua g excedit e, et hoc corpus excedens sit bz; ita scilicet quod, sicut gravitas minor quae est e se habet ad maiorem quae est g, ita corpus bd se habeat ad bz. Et quod hoc fieri possit, probat quia a corpore infinito potest auferri quantumcumque oportuerit; eo quod, sicut dicitur in III Physic., infinitum est cuius quantitatem accipientibus semper est aliquid extra accipere. His igitur praesuppositis, argumentatur ducendo ad tria inconvenientia: primo quidem sic. Eadem est proportio magnitudinum gravium, quae est ipsarum gravitatum: videmus enim quod minor gravitas est minoris magnitudinis, et maior maioris. Sed quae est proportio e ad g, minoris scilicet gravitatis ad maiorem, eadem est proportio bd ad bz, minoris scilicet corporis ad maius, ut suppositum est: cum igitur e sit gravitas corporis bd, sequetur quod g sit gravitas corporis bz. Supponebatur autem quod esset gravitas totius corporis infiniti: ergo aequalis numero eadem erit gravitas corporis finiti et infiniti. Quod est inconveniens, quia sequetur quod totum residuum corporis infiniti nihil habeat gravitatis. Ergo et primum est impossibile, scilicet quod corporis infiniti sit gravitas finita. Secundo ibi: adhuc autem si maioris etc., ducit ad aliud inconveniens. Quia enim a corpore infinito potest accipi quantumcumque quis voluerit, ut dictum est, accipiatur adhuc aliqua pars corporis infiniti, quae superaddatur corpori bz, et sit unum corpus bi finitum maius corpore finito quod est bz. Maioris autem corporis maior est gravitas, ut supra dictum est: ergo gravitas corporis bi est maior quam gravitas g, quae concludebatur gravitas esse corporis bz. Sed primo supponebatur quod g erat gravitas totius corporis infiniti. Ergo gravitas corporis finiti erit maior quam gravitas corporis infiniti, quod est impossibile. Ergo et primum, scilicet quod gravitas corporis infiniti sit finita. Tertio ibi: et inaequalium etc., ducit ad tertium inconveniens, scilicet quod inaequalium magnitudinum sit eadem gravitas. Quod manifeste sequitur ex praemissis, quia infinitum est inaequale finito, cum sit maius eo. Unde, cum haec sint impossibilia, impossibile est corporis infiniti esse gravitatem finitam.

[70925] Sur le De caelo, I, 12, 6. Deuxièmement ici : Ğ manifestement ğ, etc., il prouve ce qu’il avait supposé : et il établit premièrement la démonstration ; il exclut deuxièmement certaines obstacles, ici : Ğ or il ne diffère en rien que des pesanteurs ğ, etc. Il établit donc premièrement un raisonnement qui conduit à l’impossible, le voici. Si ce qui a été dit ci-dessus n’est pas vrai, supposons que la pesanteur d’un corps infini soit finie : et soit un corps infini AB, soit G sa pesanteur finie. Qu’au corps infini déjà mentionné soit enlevée [273a30] une partie finie qui est la grandeur BD, qui est nécessairement beaucoup plus petite que le corps infini tout entier. Or, la pesanteur d’un corps plus petit est plus petite : ainsi donc la pesanteur du corps BD est plus petite que la pesanteur G, qui est la pesanteur du corps infini tout entier ; et soit E cette pesanteur plus petite. Que cette pesanteur plus petite, à savoir E, mesure la pesanteur finie plus grande qui est G, toutes les fois, c’est-à-dire selon n’importe quel point, par exemple selon trois, de telle sorte que l’on dise que E est le tiers de tout G. [273b1] Que soit reçue par le corps infini une partie qui est ajoutée au corps fini BD, selon la proportion dont G dépasse E, et que ce corps dépassant soit BZ, ainsi que, de même que la pesanteur plus petite qui est E se trouve par rapport à la plus grande qui est G, de même le corps BD se trouve par rapport à BZ. Et il prouve que cela pourrait se faire par le fait qu’à un corps infini peut être retranché tout ce qu’il faudrait ; parce que, comme il est dit dans le livre III de la Physique, est infini ce dont il est possible à ceux qui reçoivent la quantité de toujours recevoir quelque chose en plus. Donc après avoir présupposé cela, il argumente en conduisant à trois inconvénients : Ğ premièrement certes ainsi ğ. La proportion des grandeurs lourdes est la même que celle des pesanteurs mêmes : nous voyons en effet [273b5] que la pesanteur plus petite est celle de la grandeur plus petite et que la pesanteur plus grande est la même que celle de la pesanteur plus grande. Mais la proportion qui est de E par rapport à G, c’est-à-dire celle de la pesanteur plus petite par rapport à la pesanteur plus grande, est la même que la proportion de BD par rapport à BZ, c’est-à-dire du corps plus petit par rapport au corps plus grand, comme on l’a supposé : donc comme E est la pesanteur du corps BD, il s’ensuit que G est la pesanteur du corps BZ. Or on supposait que c’était la pesanteur du corps infini tout entier : donc la pesanteur du corps fini et infini sera égale en nombre. Cela ne convient pas, puisqu’il s’ensuivra que tout le reste du corps infini n’aura aucune pesanteur. Deuxièmement ici : Ğ de plus si de la plus grande ğ, etc., il conduit à un autre inconvénient. En effet, puisque tout ce que l’on voudra peut être reçu par un corps infini, comme on l’a dit, une partie du corps infini serait encore reçue, partie qui serait ajoutée au corps BZ, et un corps fini BI serait plus grand que le corps fini qui est BZ. Or la pesanteur plus grande est celle du corps plus grand, comme on l’a dit ci-dessus : donc la pesanteur du corps BI est plus grande que la pesanteur G, que l’on avait conclu être la pesanteur du corps BZ. Mais premièrement on supposait que G était la grandeur du corps infini tout entier. Donc la pesanteur du corps fini sera plus grande que la pesanteur du corps infini, ce qui est impossible. Donc le premier point l’est aussi, à savoir que la pesanteur du corps infini est finie. Troisièmement ici : Ğ et des inégaux ğ, etc., il conduit à un troisième inconvénient, à savoir que la pesanteur des corps inégaux est la même ; Cela est tiré manifestement des prémisses, parce que l’infini n’est pas égal au fini, comme il est plus grand que lui. De là, comme cela est impossible, il est impossible que la pesanteur du corps infini soit finie.

[70926] In De caelo, lib. 1 l. 12 n. 7 Deinde cum dicit: nihil autem differt etc., excludit duas obviationes contra praemissam rationem: primo primam; secundo secundam, ibi: nec utique magnitudinem et cetera. Prima autem obviatio est, quia supposuerat in praecedenti ratione quod gravitas minor quae est e, mensuret secundum aliquem numerum gravitatem maiorem quae est g: quod quidem aliquis posset negare: non enim omne maius mensuratur a minori, quia linea trium palmarum non mensurat lineam octo palmarum. Hanc autem obviationem excludit philosophus dupliciter. Primo quidem quia nihil differt ad propositum utrum duae praedictae gravitates, scilicet maior et minor, sint commensuratae, ita scilicet quod minor mensuret maiorem; vel incommensuratae, scilicet quod minor maiorem non mensuret: eadem enim ratio sequitur utrobique. Necesse est enim quod minus aliquoties sumptum aut mensuret maius aut excedat ipsum; sicut binarius ter sumptus mensurat senarium (ter enim duo sunt sex), quinarium autem non mensurat sed excedit. Sic igitur, si gravitas e non mensuret gravitatem g, sit ita quod ter sumpta mensuret quandam maiorem gravitatem, quae excedit gravitatem g. Et ex hoc sequitur inconveniens sicut prius. Quia si assumpserimus ex corpore infinito tres magnitudines secundum quantitatem bd, magnitudinis ex his tribus compositae erit tripla gravitas gravitatis e, quae ponitur esse gravitas corporis bd. Gravitas autem tripla ad e est maior secundum praedicta quam gravitas g, quae est gravitas corporis infiniti. Quare sequitur idem impossibile quod prius, scilicet quod maior sit gravitas corporis finiti quam infiniti.

[70926] Sur le De caelo, I, 12, 7. Ensuite, quand il dit : Ğ il ne diffère en rien ğ, etc., il exclut deux obstacles contre la raison déjà mentionnée : premièrement le premier, deuxièmement le deuxième, ici : Ğ et en tout cas la grandeur ğ, etc. Le premier obstacle est qu’il avait supposé dans le raisonnement précédent que la pesanteur plus petite qui est E mesure selon un nombre la pesanteur plus grande qui est G, ce que l’on pourrait nier : car tout ce qui est plus grand n’est pas mesuré par ce qui est plus petit, puisqu’une ligne de trois palmes ne mesure pas une ligne de huit palmes. Or, le philosophe rejette cet obstacle doublement. [273b10] Premièrement parce que c’est la même chose pour la proposition si les deux pesanteurs déjà mentionnées, à avoir la plus grande et la plus petite, sont commensurables, c’est-à-dire que la plus petite mesure la plus grande, ou sont incommensurables, à savoir que la plus petite ne mesure pas la plus grande : car la même raison suit des deux côtés. Car il est nécessaire que la plus petite chose prise plusieurs fois soit mesure la plus grande chose soit la dépasse, comme un binaire pris trois fois fait un sénaire (car trois fois deux font six), or il ne mesure pas un quinaire, mais le dépasse. Ainsi donc si la pesanteur E ne mesurait pas la pesanteur G, la situation serait telle que cette pesanteur prise trois fois mesurerait une certaine pesanteur plus grande, qui dépasserait la pesanteur G. Et il s’ensuivrait un inconvénient, comme auparavant. Puisque si nous tirons du corps infini trois grandeurs selon la quantité BD, la pesanteur de la grandeur composée de ces trois grandeurs sera le triple de la pesanteur E, qui, on l’a établi, est la pesanteur du corps BD. Or la pesanteur qui est le triple de E est plus grande, selon ce qui a déjà été dit, que la pesanteur G, qui est la pesanteur du corps infini. C’est pourquoi s’ensuit la même impossibilité qu’auparavant est impossible, à savoir que la pesanteur du corps fini est plus grande que la pesanteur du corps infini. [273b15]

[70927] In De caelo, lib. 1 l. 12 n. 8 Secundo ibi: adhuc autem etiam contingit etc., excludit eandem obviationem alio modo. Et dicit quod possumus sumere in demonstratione praedicta quod duae gravitates sint commensuratae, ita scilicet quod e commensuret g. Supra enim primo sumpta est magnitudinis pars, scilicet bd, cuius gravitatem diximus esse e: et ideo dici poterat quod e non mensurat g. Nihil autem differt ad propositum utrum incipiamus a gravitate, accipiendo partem eius quamcumque volumus, aut a magnitudine sic sumpta; puta si, incipiendo a gravitate, sumatur quaedam pars eius, scilicet e, quae mensuret totum, scilicet g; et consequenter ab infinito corpore accipiamus aliquam partem, scilicet bd, cuius gravitas sit e; et deinde procedamus ut supra, ut scilicet sicut se habet gravitas e ad gravitatem g, ita se habeat magnitudo bd ad aliam magnitudinem maiorem quae est bz. Et hoc ideo, quia ex quo magnitudo totius corporis est infinita, contingit auferri ex ea quantumcumque placuerit. Hoc igitur modo sumptis partibus gravitatis et magnitudinis, sequetur quod et magnitudines et gravitates erunt invicem commensuratae; ita scilicet quod minor gravitas mensurabit maiorem, et similiter minor magnitudo maiorem.

[70927] Sur le De caelo, I, 12, 8. Deuxièmement ici : Ğ de plus il arrive aussi ğ, etc., il exclut le même obstacle d’une autre manière. Et il dit que nous pouvons poser comme préalable dans la démonstration déjà mentionnée que deux pesanteurs sont commensurables, c’est-à-dire que E est commensurable avec G. En effet ci-dessus on a pris en premier lieu la partie de la grandeur, c’est-à-dire BD, dont nous avons dit que la pesanteur était E : et c’est pourquoi on avait pu dire que E ne mesurait pas G. Or il n’y a pas de différence pour cette proposition si nous commençons par la pesanteur, en en obtenant une partie, comme nous la voulons, ou bien par la grandeur ainsi prise ; par exemple si, en commençant par la pesanteur, on en prend une certaine partie, c’est-à-dire E, qui mesure le tout, à savoir G ; et si par conséquent nous acceptons une partie du corps infini, c’est-à-dire BD, dont la pesanteur est E ; et si ensuite nous procédons comme ci-dessus, c’est-à-dire que, comme la pesanteur E est par rapport à la pesanteur G, de même la grandeur BD est par rapport à une autre grandeur plus importante qui est BZ. Et cela parce qu’à partir du fait que la grandeur du corps tout entier est infinie il arrive qu’on retranche tout ce qu’on a voulu. [273b20] Donc, après avoir pris les parties de la pesanteur et de la grandeur, il s’ensuivra que et les grandeurs et les pesanteurs seront commensurables entre elles, c’est-à-dire que la pesanteur la plus petite mesurera la plus grande et également que la grandeur la plus petite mesurera la grandeur la plus grande.

[70928] In De caelo, lib. 1 l. 12 n. 9 Deinde cum dicit: nec utique magnitudinem etc., excludit secundam obviationem. Supposuerat enim esse magnitudines proportionales gravitatibus. Quod quidem necesse est in corpore similium partium; cum enim sit undique per totum similis gravitatis, necesse est quod in maiori parte sit maior gravitas: sed in corpore dissimilium partium hoc non est necesse, quia potest esse quod gravitas minoris partis excedat gravitatem maioris, sicut minor pars terrae est gravior maiori parte aquae. Hanc ergo obviationem excludit, dicens quod nihil differt ad demonstrationem praemissam utrum magnitudo infinita de qua loquimur, quantum ad gravitatem sit homoeomera, idest similium partium, vel anomoeomera, idest dissimilium partium. Quia a corpore infinito possumus sumere quantumcumque voluerimus, vel apponendo vel subtrahendo; ita quod accipiamus aliquas partes habere aequalem gravitatem parti primo sumptae, scilicet bd, sive illae partes posterius assumptae sint maiores in magnitudine sive minores. Si enim primo acceperimus quod bd sit tricubitum, habens gravitatem e; et accipiamus alias multas partes, puta decem cubitorum, habentes aequalem gravitatem; idem erit ac si sumeretur alia pars aequalis habens aequalem gravitatem. Sic igitur sequitur idem inconveniens. Praemissa igitur demonstratione, et exclusis obviationibus, concludit ex dictis quod infiniti corporis non potest esse finita gravitas. Relinquitur ergo quod sit infinita. Si ergo impossibile est esse gravitatem infinitam, ut statim probabit, consequens est quod impossibile sit esse aliquod corpus infinitum.

[70928] Sur le De caelo, I, 12, 9. Ensuite, quand il dit : Ğ et en tout cas la grandeur ğ etc., il rejette le deuxième obstacle. Car il avait supposé que les grandeurs étaient proportionnelles aux pesanteurs. Cela est nécessaire dans un corps formé de parties semblables, car, comme il est en tout point dans sa totalité d’une pesanteur semblable, il est nécessaire que sa pesanteur la plus grande soit dans sa partie la plus grande : mais dans un corps formé de parties dissemblables ce n’est pas nécessaire, puisqu’il est possible que la pesanteur de la plus petite partie dépasse la pesanteur de la partie la plus grande, comme la plus petite partie de la terre est plus lourde que la plus grande partie de l’eau. Il rejette donc cet obstacle, en disant qu’il n’y aucune différence pour la démonstration avancée si une grandeur infinie, dont nous parlons, soit homéomère, c’est-à-dire de parties semblables quant à la gravité, ou non homéomère, c’est-à-dire de parties dissemblables, puisque nous pouvons prendre d’un corps infini tout ce que nous avons voulu, soit en appliquant, soit en soustrayant ; tout comme nous acceptons que des parties aient une pesanteur égale à la partie prise en premier, c’est-à-dire BD, que ces parties prises ensuite soient plus grandes en grandeur ou plus petites. Si en effet nous avons accepté en premier lieu que BD soit de trois coudées, en ayant la pesanteur E, et si nous acceptons de nombreuses autres parties, par exemple de dix coudées, qui aient une pesanteur égale, ce sera la même chose que si on prenait une autre partie égale qui ait une pesanteur égale. Ainsi donc le même inconvénient s’ensuit. Donc après avoir avancé cette démonstration et avoir rejeté les obstacles, il conclut d’après ce qui a été dit que la pesanteur d’un corps infini ne peut être finie. Il reste donc à voir si elle est infinie. Donc s’il est impossible que la pesanteur soit infinie, comme il le prouvera aussitôt, il s’ensuit logiquement qu’il est impossible qu’un corps soit infini.

[70929] In De caelo, lib. 1 l. 12 n. 10 Deinde cum dicit: sed adhuc quoniam infinitam etc., ostendit quod supposuerat, scilicet quod non possit esse gravitas infinita: et in hoc destruit consequens praemissae conditionalis. Circa hoc autem duo facit. Primo proponit quod intendit: et dicit quod adhuc oportet manifestare ex his quae subsequuntur, quod impossibile sit gravitatem infinitam esse.

[70929] Sur le De caelo, I, 12, 10. Ensuite quand il dit : Ğ mais en outre puisque infinie ğ, etc., il montre ce qu’il avait supposé, c’est-à-dire qu’une pesanteur ne peut être infinie : et en cela il réfute la conséquence de la condition avancée. Sur ce point il fait deux choses. Il propose premièrement ce qu’il avait l’intention de faire : et il dit qu’il faut encore montrer d’après ce qui suit immédiatement qu’il est impossible que la pesanteur soit infinie.

[70930] In De caelo, lib. 1 l. 12 n. 11 Secundo ibi: si enim tanta etc., probat propositum. Et primo praemittit quasdam suppositiones; secundo ex his argumentatur ad propositum, ibi: necesse igitur ex his etc.; tertio excludit quandam obiectionem, ibi: neque si esset et cetera. Ponit autem primo tres suppositiones. Quarum prima est quod, si gravitas tanta, idest alicuius determinatae mensurae, movet tantam, idest per determinatam magnitudinem spatii, in hoc tempore, scilicet determinato, necesse est quod tanta et adhuc, idest quod gravitas maior quae habet tantam quantam minor et adhuc amplius, moveat per tantam magnitudinem spatii in minori tempore: quia quanto virtus motiva est fortior, tanto motus eius est velocior, et ita pertransit aequale spatium in minori tempore, ut probatum est in VI Physic. Secundam suppositionem ponit ibi: et analogiam etc.: et haec sequitur ex prima. Si enim maior gravitas movet in minori tempore, consequens est quod eadem sit analogia, idest proportio, gravitatum et temporum, tamen e converso; ita scilicet quod, si media gravitas movet in tanto tempore, duplum gravitatis movet in medietate eius, scilicet temporis. Tertiam suppositionem ponit ibi: adhuc finita et cetera. Et dicit quod finita gravitas movet per finitam magnitudinem spatii in quodam tempore finito.

[70930] Sur le De caelo, I, 12, 11. Deuxièmement ici : Ğ si en effet une si grande ğ, etc., il prouve sa proposition. Et premièrement il avance certaines suppositions ; deuxièmement il argumente d’après elles pour sa proposition, ici : Ğ il est donc nécessaire d’après cela ğ, etc. ; troisièmement il exclut une certain objection, ici : Ğ et s’il n’était pas ğ, etc. Il établit premièrement trois suppositions. [273b30] La première d’entre elles est que, si une pesanteur si grande, c’est-à-dire d’une mesure déterminée, parcourt une distance si grande, c’est-à-dire une grandeur d’espace déterminée, pendant ce temps, à savoir pendant un temps déterminé, il est nécessaire que la pesanteur aussi grande et encore plus, c’est-à-dire une pesanteur plus grande qui a une pesanteur aussi grande que la plus petite et encore davantage parcourt une aussi grande distance dans un temps moindre, puisque plus la puissance motrice est forte, plus son mouvement est rapide, et ainsi parcourt un espace égal dans un moindre temps, comme il a été prouvé dans le livre VI de la Physique. Il établit ici une seconde supposition : Ğ et l’analogie ğ, etc. : et cette dernière est impliquée par la première. En effet si une pesanteur plus grande se déplace dans un moindre temps, il s’ensuit logiquement que l’analogie, c’est-à-dire la proportion, des pesanteurs et des temps est la même, et inversement ; [274a1] ainsi que, si une pesanteur moyenne se déplace pendant un si grand temps, le double de pesanteur se déplace dans la moitié de celui-ci, c’est-à-dire du temps. Il établit ici une troisième supposition : Ğ encore finie ğ, etc. Et il dit que la pesanteur finie se déplace sur une distance finie dans un temps fini.

[70931] In De caelo, lib. 1 l. 12 n. 12 Deinde cum dicit: necesse igitur ex his etc., argumentatur ex praemissis. Si enim sit gravitas infinita, sequentur duo contradictoria; scilicet quod aliquid moveatur secundum eam, et quod non moveatur. Quod moveatur quidem, sequitur ex prima suppositione; quia, si tanta gravitas movet in tanto tempore, maior movebit velocius, scilicet in minori tempore. Quia ergo infinita gravitas est maior quam finita, si finita movet secundum determinatum tempus per determinatum spatium, ut tertia suppositio dicebat, consequens est quod infinita moveat tantum et adhuc amplius, idest vel per maius spatium in aequali tempore, vel per aequale spatium in minori tempore, quod est velocius moveri. Sed quod aliquid non moveatur secundum infinitam gravitatem, sequitur ex secunda suppositione. Oportet enim proportionaliter aliquid moveri secundum excellentias gravitatis e contrario, scilicet quod maior gravitas moveat in minori tempore. Nulla autem proportio potest esse infinitae gravitatis ad finitam: minoris autem temporis ad maius, dummodo sit finitum, est aliqua proportio. Sic igitur non erit aliquod tempus dare in quo infinita gravitas moveat; sed semper erit accipere aliquid moveri in minori tempore quam sit tempus in quo movet gravitas infinita; non est autem dare minimum tempus in quo gravitas infinita moveat, ita quod possit dici quod non potest aliquid in minori tempore moveri. Ideo autem non est minimum tempus accipere, quia, cum omne tempus sit divisibile, sicut et quodlibet continuum, quolibet tempore est accipere aliquod minus, partem scilicet temporis divisi. Sic igitur non potest esse gravitas infinita.

[70931] Sur le De caelo, I, 12, 12. Ensuite, quand il dit : Ğ il est donc nécessaire à partir de cela ğ, etc., il argumente à partir des prémisses. [274a5] En effet si la pesanteur était infinie, il s’ensuivrait deux contradictions, à savoir qu’une chose se déplacerait selon elle et qu’elle ne se déplacerait pas. Le fait qu’elle se déplacerait est la conséquence logique de la première supposition, puisque, si une aussi grande pesanteur se déplace dans un si long temps, une pesanteur plus grande se déplacera plus rapidement, c’est-à-dire dans un moindre temps. Donc puisqu’une pesanteur infinie est plus grande qu’une pesanteur finie, si une pesanteur finie se déplace selon un temps déterminé par un espace déterminé, comme la troisième supposition le disait, il s’ensuit logiquement qu’une pesanteur infinie se déplace autant et encore plus, c’est-à-dire par un espace plus grand dans un temps égal ou par un espace égal dans un temps moindre, ce qui consiste à se déplacer plus rapidement. Mais le fait que quelque chose ne se déplace pas selon une pesanteur infinie s’ensuit logiquement à partir de la seconde supposition. Car il faut que quelque chose se déplace proportionnellement selon les supériorités de la pesanteur au contraire, c’est-à-dire qu’une pesanteur plus grande se déplace dans un temps moindre. Aucune proportion ne peut être celle de la pesanteur infinie par rapport à la pesanteur finie : or il y a quelque proportion du temps moindre par rapport au temps plus long, pourvu qu’il soit fini. Ainsi donc il ne sera pas possible de donner un temps où la pesanteur infinie se déplace ; mais il sera toujours possible d’accepter que quelque chose se déplace dans un temps moindre que serait le temps où la pesanteur infinie se déplace ; or il n’est pas possible de donner le plus petit temps où la pesanteur infinie se déplace, tout comme on pourrait dire que quelque chose ne peut pas se déplacer dans un temps moindre. Pour cette raison il n’est pas possible d’accepter le plus petit temps, puisque, comme tout temps est divisible, de même que n’importe quelle chose continue, il est possible d’accepter pendant n’importe quel temps un temps plus bref, c’est-à-dire une partie du temps divisé. Ainsi donc la pesanteur ne peut être infinie. [274a10]

[70932] In De caelo, lib. 1 l. 12 n. 13 Deinde cum dicit: neque si esset etc., excludit quandam obviationem. Posset enim aliquis dicere aliquod esse minimum tempus, scilicet indivisibile, in quo movet gravitas infinita; sicut et quidam posuerunt aliquas magnitudines esse minimas et indivisibiles. Sed hanc obviationem excludit: et primo ostendit quod inconveniens sequatur si ponatur minimum tempus, et quod in hoc infinita gravitas movet; secundo ostendit idem inconveniens sequi si in quocumque tempore, etiam non minimo, infinita gravitas moveat, ibi: sed adhuc necesse et cetera. Dicit ergo primo quod, etiam si esset tempus minimum, nulla utilitas ex hoc esset ponenti gravitatem infinitam, ad vitandum inconveniens. Quamvis enim ponamus minimum tempus, non tamen excludimus quin sit aliqua proportio huius minimi temporis ad tempus maius, eo quod hoc tempus minimum erit pars maioris temporis; sicut unitas est pars numeri, unde est aliqua proportio eius ad omnem numerum. Illud autem indivisibile non habet proportionem ad divisibile, quod non est pars eius; sicut punctum non est pars lineae, et ideo non est aliqua proportio puncti ad lineam. Accipiatur ergo alia gravitas finita e contrario, tanto maior gravitate finita quae movebat in maiori tempore quam gravitas infinita, in qua proportione tempus minimum gravitatis infinitae se habet ad tempus maius alterius gravitatis finitae. Puta, sit gravitas infinita e, tempus minimum in quo movet b, gravitas autem finita g, quae movet in maiori tempore quam b, scilicet in tempore d: accipiatur ergo alia gravitas tanto maior quam g, in qua proportione d excedit b, et sit haec gravitas f. Sic ergo, cum minoratio temporis sit secundum additionem gravitatis, sequetur quod gravitas f, quae est finita, moveat in eodem tempore cum gravitate infinita: quod est impossibile. Est autem attendendum quod, sicut non est proportio puncti ad lineam, ita etiam non est proportio instantis ad tempus; quia instans non est pars temporis. Sic ergo solum ista ratio tolleretur, si quis poneret quod gravitas infinita moveret in instanti: sed hoc est impossibile, ut probatum est in VI Physic., scilicet quod aliquis motus sit in instanti.

[70932] Sur le De caelo, I, 12, 13. Ensuite, quand il dit : Ğ et s’il y avait ğ, etc., il rejette un certain obstacle. On pourrait en effet dire que le plus petit temps, c’est-à-dire indivisible, est celui où une pesanteur infinie se déplace, de même que certains ont aussi établi que certaines grandeurs étaient petites et indivisibles. Mais il rejette cet obstacle : et il montre premièrement qu’un inconvénient suivrait si on établissait le temps le plus petit et si pendant celui-là une pesanteur infinie se déplaçait ; deuxièmement il montre que le même inconvénient suivrait si pendant n’importe quel temps, même celui qui n’est pas le plus petit, une pesanteur infinie se déplaçait, ici : Ğ mais encore il est nécessaire ğ, etc. Il dit donc premièrement que, même s’il y avait le temps le plus petit, cela ne serait d’aucune utilité à qui établirait une pesanteur infinie, afin d’éviter l’inconvénient. En effet, bien que nous posions le plus petit temps, nous n’excluons cependant pas qu’il y ait quelque proportion entre ce très bref temps et un temps plus grand, parce que ce temps très bref sera une partie du temps plus grand, de même que l’unité est une partie du nombre, et c’est pourquoi il y a une proportion entre elle et tout nombre. Or cet indivisible n’a pas de proportion avec le divisible, qui n’en est pas une partie, de même qu’un point n’est pas une partie de ligne, et pour cette raison il n’y a pas de proportion entre le point et la ligne. Que l’on accepte donc une autre pesanteur, finie au contraire, beaucoup plus grande que la gravité finie qui se déplaçait dans un temps plus long que la gravité infinie, dans une proportion où le temps le plus petit de la pesanteur infinie se trouve en rapport avec le temps plus long d’une autre pesanteur finie. Par exemple, soit une pesanteur infinie E, le temps le plus petit où B se meut, une pesanteur infinie G, qui se meut dans un temps plus long que B, c’est-à-dire dans un temps D : que l’on accepte donc une autre pesanteur beaucoup plus grande que G, dans une proportion où D dépasse B et que cette pesanteur soit F. Ainsi donc, comme la diminution du temps est selon l’addition de la pesanteur, il s’ensuivra que la pesanteur F, qui est finie, se déplace dans le même temps que la pesanteur infinie, ce qui est impossible. Il faut donc considérer que, de même qu’il n’y a pas de proportion entre le point et la ligne, de même aussi il n’y a pas de proportion entre l’instant et le temps, puisque l’instant n’est pas une partie du temps. Ainsi donc on supprimerait cette raison seulement, si quelqu’un établissait que la pesanteur infinie se déplace en un instant : mais il est impossible, comme il a été prouvé dans le livre VI de la Physique, qu’il y ait un mouvement en un instant.

[70933] In De caelo, lib. 1 l. 12 n. 14 Deinde cum dicit: sed adhuc necesse etc., ostendit quod idem inconveniens sequitur in quocumque tempore ponamus gravitatem infinitam movere, etiam in tempore non minimo. Et hoc est quod dicit, quod si in qualicumque tempore finito, etiam non minimo, gravitas infinita movet, adhuc necesse est quod in ipso tempore aliqua gravitas finita moveat per finitum spatium; quia erit accipere excessum gravitatis secundum deminutionem temporis, ut praedictum est. Sic igitur patet quod impossibile est esse gravitatem infinitam: et eadem ratio est de levitate.

[70933] Sur le De caelo, I, 12, 14. Ensuite quand il dit : Ğ mais encore il est nécessaire ğ, etc., il montre que le même inconvénient suit logiquement quel que soit le temps où nous établissons qu’une pesanteur infinie se déplace, même dans un temps qui n’est pas le plus petit. Et c’est ce qu’il dit : si dans un temps fini quelconque, même dans un temps qui n’est pas très bref, une pesanteur infinie se déplace, [274a15] il est encore nécessaire que pendant ce temps même une pesanteur finie se déplace dans un espace fini, puisqu’il sera possible d’accepter un excès de pesanteur selon une diminution de temps, comme on l’a déjà dit. Ainsi donc il apparaît qu’il est impossible que la pesanteur soit infinie : et c’est le même raisonnement pour la légèreté.

 

 

Lectio 13

Leçon 13 – [L’univers n’est pas infini en taille, autre preuve]

[70934] In De caelo, lib. 1 l. 13 n. 1 Postquam philosophus ostendit de singulis corporibus naturalibus quod nullum eorum sit infinitum, hic ostendit communi ratione quod nullum corpus naturale sit infinitum: probatio enim quae est per medium commune, perfectiorem scientiam causat. Circa hoc ergo duo facit: primo dicit de quo est intentio; secundo ostendit propositum, ibi: necesse itaque corpus omne et cetera.

[70934] Sur le De caelo, I, 13, 1. [274a20] Après que le philosophe a montré pour chacun corps naturel qu’aucun d’entre eux n’est infini, il montre ici par une raison commune qu’aucun corps naturel n’est fini : car la preuve qui se fait par un moyen commun cause un savoir plus parfait. Donc sur ce point il fait deux choses : il dit premièrement sur quoi se porte son intention ; deuxièmement il montre la proposition, ici : Ğ c’est pourquoi il est nécessaire que tout corps ğ, etc.

[70935] In De caelo, lib. 1 l. 13 n. 2 Circa primum tria facit. Primo ostendit quasi epilogando quid prius sit dictum; dicens quod praedicto modo considerantibus manifestum est quod non est corpus infinitum, per ea quae sunt secundum partem, idest secundum proprias rationes singularium partium universi, scilicet corporis quod movetur circulariter, et quod movetur sursum aut deorsum.

[70935] Sur le De caelo, I, 13, 2. Sur le premier point il fait trois choses. Premièrement il montre dans sa péroraison pour ainsi dire ce qui a été dit auparavant, disant que pour ceux qui examinent selon la manière déjà dite il est manifeste qu’il n’y a pas de corps infini, par ce qui est selon la partie, c’est-à-dire selon les raisons propres de chaque partie de l’univers, c’est-à-dire du corps qui se meut circulairement, et qui se meut vers le haut ou vers le bas.

[70936] In De caelo, lib. 1 l. 13 n. 3 Secundo ibi: et universaliter intendentibus etc., ostendit quid immediate restet dicendum. Et dicit quod idem potest esse manifestum si aliquis intendat universaliter, idest per medium commune. Et hoc non solum secundum illas rationes communes quae positae sunt in libro physicorum, ubi determinatum est de principiis communibus corporum naturalium (in tertio enim physicorum determinatur universaliter de infinito quomodo sit et quomodo non sit: ostensum est enim ibi quod infinitum est in potentia, sed non in actu). Nunc autem determinandum est alio modo de infinito, ostendendo scilicet universaliter quod nullum corpus sensibile potest esse infinitum in actu.

[70936] Sur le De caelo, I, 13, 3. Deuxièmement ici : Ğ et pour qui tourne son attention universellement ğ, etc., il montre ce qu’il reste à dire immédiatement. Et il dit que la même chose peut être manifeste si on tourne son attention universellement, c’est-à-dire par un moyen commun. Et cela non seulement selon les raisons communes qui sont établies dans le livre de la Physique, où les principes communs des corps naturels sont déterminés (car dans le livre III de la Physique la manière dont l’infini est et la manière dont il n’est pas sont universellement déterminées : en effet il a été montré ici que l’infini est en puissance, mais non en acte). Or, maintenant l’infini doit être déterminé d’une autre façon maintenant, c’est-à-dire en montrant universellement qu’aucun corps sensible ne peut être infini en acte.

[70937] In De caelo, lib. 1 l. 13 n. 4 Tertio ibi: post haec autem intendendum etc., ostendit quid sit determinandum immediate post ista. Et dicit quod postquam ostenderimus hoc quod dictum est, intentio nostra erit inquirere, supposito quod totum corpus universi non sit infinitum, utrum tamen totum corpus sit tantae quantitatis, quod possint ex eo esse plures caeli, idest plures mundi. Forte enim potest de hoc aliquis dubitare, an sit possibile quod, sicut iste mundus est constitutus circa nos, ita etiam sint alii mundi plures uno, non tamen infiniti. Sed antequam hoc pertractemus, dicemus universaliter de infinito, ostendendo scilicet communibus rationibus quod nullum corpus sit infinitum.

[70937] Sur le De caelo, I, 13, 4. Troisièmement ici : Ğ après ceci il faut tourner son attention ğ, etc., il montre ce qu’il faut déterminer immédiatement après cela. Et il dit que, après avoir montré ce qui a été dit, notre intention sera de rechercher, une fois supposé que le corps tout entier de l’univers n’est pas infini, [274a25] si cependant son corps tout entier est d’une si grande étendue qu’il puisse y avoir plusieurs ciels, c’est-à-dire plusieurs mondes. Car on peut peut-être douter de ceci, à savoir s’il est possible que, comme ce monde a été constitué autour de nous, de même il y ait d’autres mondes plus nombreux qu’un seul, sans qu’ils soient infinis. Mais avant de traiter de cela, nous parlerons universellement de l’infini, en montrant assurément par des raisons communes qu’il n’y a pas de corps infini.

[70938] In De caelo, lib. 1 l. 13 n. 5 Deinde cum dicit: necesse itaque etc., ostendit propositum: et primo per rationes naturales demonstrativas; secundo per rationes logicas, ibi: rationabilius autem et cetera. Dico autem rationes demonstrativas et naturales, quae sumuntur ex propriis principiis scientiae naturalis; cuius consideratio consistit circa motum, et actionem et passionem, quae in motu consistunt, ut dicitur in III Physic. Primo ergo ostendit nullum corpus esse infinitum, ex parte motus localis, qui est primus et communissimus motuum; secundo universaliter ex parte actionis et passionis, ibi: quod autem omnino impossibile et cetera. Circa primum duo facit: primo praemittit quasdam divisiones; secundo prosequitur singula membra, ibi: quod quidem igitur et cetera.

[70938] Sur le De caelo, I, 13, 5. Ensuite, quand il dit : Ğ c’est pourquoi il est nécessaire ğ, etc., il démontre la proposition : et premièrement par des raisons naturelles démonstratives ; deuxièmement par des raisons logiques, ici : Ğ par de raisonnables ğ, etc. Je dis les raisons démonstratives et naturelles, qui sont tirées des principes propres de la science naturelle, sur le mouvement de laquelle l’attention se porte, ainsi que sur l’action et la passivité, qui consistent dans le mouvement, comme il est dit dans le livre III de la Physique. Donc il montre premièrement qu’aucun corps n’est infini, à partir du mouvement local, qui est le premier et le plus commun des mouvements, deuxièmement universellement à partir de l’action et de la passivité, ici : Ğ ce qui est absolument impossible ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : premièrement il avance certaines divisions ; deuxièmement il s’attache aux membres un par un, ici : Ğ ce qui donc ğ, etc. [274a30]

[70939] In De caelo, lib. 1 l. 13 n. 6 Praemittit ergo primo tres divisiones. Quarum prima est, quod necesse est omne corpus aut esse finitum aut infinitum. Et si quidem sit finitum, habemus propositum: si autem sit infinitum, restat secunda divisio, scilicet quod aut est totum anomoeomerum, idest dissimilium partium, sicut corpus animalis, quod componitur ex carnibus, ossibus et nervis; aut est totum homoeomerum, idest similium partium, sicut aqua, cuius quaelibet pars est aqua. Si vero sit totum dissimilium partium, restat tertia divisio: utrum scilicet species partium talis corporis sint finitae numero aut infinitae. Si ergo probetur quod non sunt infinitae, neque iterum sunt finitae; et quod iterum nullum corpus similium partium sit infinitum: probatum erit quod nullum corpus universaliter est infinitum.

[70939] Sur le De caelo, I, 13, 6. Il avance donc trois divisions en premier lieu. La première d’entre elles est qu’il est nécessaire que tout corps soit fini ou infini. Et s’il est fini, nous avons la proposition ; mais s’il est infini, il reste une deuxième division, à savoir qu’il est soit tout entier non homéomère, c’est-à-dire formé de parties dissemblables, comme le corps d’un être vivant, qui est composé de chair, d’os et de nerfs, soit tout entier homéomère, c’est-à-dire formé de parties semblables, comme l’eau, dont chaque partie est faite d’eau. Or s’il est tout entier formé de parties dissemblables, il reste une troisième division, à savoir si les espèces des parties d’un tel corps sont finies en nombre ou infinies. Donc s’il est prouvé qu’elles ne sont pas infinies, ni qu’elles ne sont pas finies de nouveau, et qu’aucun corps formé de parties semblables n’est de nouveau infini, il sera prouvé qu’aucun corps n’est universellement infini.

[70940] In De caelo, lib. 1 l. 13 n. 7 Deinde cum dicit: quod quidem igitur etc., prosequitur singula praedictorum. Et circa hoc tria facit: primo ostendit quod non est possibile corporis dissimilium partium esse infinitas species partium eius; secundo ostendit quod non est possibile esse corpus infinitum dissimilium partium, ita quod species partium sint finitae, ibi: sed tamen si quidem etc.; tertio ostendit quod non est possibile esse aliquod corpus infinitum similium partium, ibi: sed adhuc neque totum et cetera. Dicit ergo primo quod manifestum est quod non est possibile ex infinitis speciebus partium constitui aliquod corpus infinitum, si quis permittat manere in sua veritate primas hypotheses, idest suppositiones prius factas, scilicet quod sint solae tres species motuum simplicium. Si enim primi motus, scilicet simplices, sunt finiti, necesse est quod species corporum simplicium sint finitae: et hoc ideo, quia motus ipsius corporis simplicis est simplex, ut supra habitum est. Dictum est autem supra quod simplices motus sunt finiti: sunt enim tres, scilicet motus qui est ad medium, et motus qui est a medio, et motus qui est circa medium. Ideo autem oportet quod, si motus simplices sunt finiti, quod corpora simplicia sint finita, quia necesse est quod omne corpus naturale habeat proprium motum: si autem essent infinitae species corporum, motibus existentibus finitis, oporteret esse aliquas species corporum, quae non haberent motus: quod est impossibile. Sic igitur ex hoc quod motus simplices sunt finiti, sufficienter probatur quod species corporum simplicium sint finitae. Omnia autem corpora mixta componuntur ex simplicibus. Unde si esset aliquod totum dissimilium partium, quod componeretur ex infinitis speciebus corporum mixtorum, tamen oporteret quod species primorum componentium sint finitae: quamvis etiam hoc non videatur possibile, quod finitorum elementorum diversificentur commixtiones in infinitum. Nec tamen aliquod corpus mixtum potest dici omnium similium partium: quia, etsi partes eius quantitativae sint similes specie, sicut quaelibet pars lapidis est lapis, partes tamen essentiales eius sunt diversae secundum speciem: componitur enim substantia corporis mixti ex corporibus simplicibus.

[70940] Sur le De caelo, I, 13, 7. Ensuite quand il dit : Ğ ce qui donc ğ, etc., il s’attache à chacun des propos tenus. Et sur ce point il fait trois choses : il montre premièrement qu’il n’est pas possible pour un corps formé de parties dissemblables que les espèces soient infinies ; il montre deuxièmement qu’il n’est pas possible qu’un corps formé de parties dissemblables soit infini, et que les espèces des parties soient finies, ici : Ğ mais cependant si du moins ğ, etc. ; il montre troisièmement qu’il n’est pas possible qu’il y ait un corps infini formé de parties semblables, ici : Ğ mais encore ni la totalité ğ, etc. Il dit donc premièrement qu’il est manifeste qu’il n’est pas possible qu’un corps infini soit constitué d’une infinité d’espèces de parties, si on permet que restent dans leur vérité les premières hypothèses, c’est-à-dire les suppositions faites auparavant, à savoir qu’il y a seulement trois espèces de mouvements simples. [274b1] Si en effet les premiers mouvements, c’est-à-dire les mouvements simples, sont finis, il est nécessaire que les espèces des corps simples soient finies ; et cela parce que le mouvement d’un même corps simple est simple, comme on l’a considéré ci-dessus. Il a été dit ci-dessus que les mouvements simples sont finis : car ils sont trois, à savoir le mouvement qui va vers le milieu, le mouvement qui part du milieu et le mouvement qui tourne autour du milieu. Pour cette raison il faut que, si les mouvements simples sont finis, les corps simples soient finis, puisqu’il est nécessaire que tout corps naturel ait son propre mouvement : or si les espèces des corps étaient infinies, alors que les mouvements sont finis, il faudrait qu’il y ait des espèces de corps qui n’aient pas de mouvements, ce qui est impossible. Ainsi donc à partir du fait que les mouvements simples sont finis, il est suffisamment prouvé que les espèces des corps simples sont finies. Or tous les corps mélangés sont composés de corps simples. De là s’il y avait un corps tout entier formé de parties dissemblables, qui serait composé d’une infinité d’espèces de corps mélangés, il faudrait cependant que les espèces des premiers composants soient finies, bien que cela aussi ne semble pas possible, à savoir que les mélanges des éléments finis se diversifient à l’infini. Et cependant un corps mélangé ne peut être dit formé de parties toutes semblables, puisque, même si ses parties quantitatives sont d’une espèce semblable, comme n’importe quelle partie d’une pierre est une pierre, ses parties essentielles sont cependant différentes selon l’espèce : car la substance d’un corps mélangé est composée de corps simples. [274b5]

[70941] In De caelo, lib. 1 l. 13 n. 8 Deinde cum dicit: sed tamen si quidem etc., ostendit quod non est possibile esse corpus infinitum dissimilium partium, ita quod species partium sint finitae. Et ad hoc inducit quatuor rationes. Quarum prima est quod, si corpus dissimilium partium, infinitum existens, ex partibus finitis specie componeretur, oporteret quod quaelibet partium eius esset infinita secundum magnitudinem: puta, si aliquod corpus mixtum esset infinitum, elementis existentibus finitis, oporteret aerem esse infinitum et aquam et ignem. Sed hoc est impossibile: quia, cum quodlibet eorum sit grave vel leve, sequeretur secundum praemissa quod gravitas eius vel levitas esset infinita; ostensum est autem quod nulla gravitas vel levitas potest esse infinita. Ergo non est possibile quod corpus infinitum dissimilium partium componatur ex finitis speciebus partium. Potest autem aliquis obiicere quod non sequitur, hac ratione facta, quod unaquaeque partium sit infinita: esset enim possibile totum esse infinitum, una parte existente infinita secundum magnitudinem, et aliis existentibus finitis. Sed hoc reprobatum est in III Physic.: si enim una pars esset infinita, consumeret alias partes finitas propter excessum virtutis. Potest tamen dici quod, etiam hoc posito, sequetur idem inconveniens, scilicet quod sit gravitas vel levitas infinita; et ideo de hoc Aristoteles non curavit.

[70941] Sur le De caelo, I, 13, 8. Ensuite quand il dit : Ğ mais cependant si ğ, etc., il montre qu’il n’est pas possible qu’il y ait un corps infini formé de parties dissemblables, ni que les espèces des parties soient finies. Et il introduit quatre raisons pour cela. La première d’entre elles est que, si un corps formé de parties dissemblables, étant infini, était composé de parties d’une espèce finie, il faudrait que n’importe laquelle de ses parties soit infinie selon la grandeur ; par exemple, si un corps mélangé était infini, ses éléments étant finis, il faudrait que l’air soit infini, ainsi que l’eau et le feu. Mais c’est impossible, puisque, comme n’importe lequel d’entre eux est lourd ou léger, il s’ensuivrait selon les prémisses que sa pesanteur ou sa légèreté est infinies ; or il a été montré qu’aucune pesanteur ou légèreté ne peut être infinie. Donc il n’est pas possible qu’un corps infini formé de parties dissemblables soit composé d’espèces finies de parties. Quelqu’un peut objecter qu’il ne s’ensuit pas, cette raison étant posée, que chacune des parties est infinie : car il serait possible que le tout soit infini, une partie étant infinie selon la grandeur, et les autres étant finies. Mais cela a été désapprouvé dans le livre III de la Physique : car si une partie était infinie, elle absorberait les autres parties finies en raison de son excès de puissance. On peut cependant dire que, cela aussi étant établi, il s’ensuivrait le même inconvénient, à savoir que la pesanteur ou la légèreté serait infinie ; et c’est pourquoi Aristote ne s’est pas soucié de cela.

[70942] In De caelo, lib. 1 l. 13 n. 9 Secundam rationem ponit ibi: adhuc necessarium et cetera. Si enim partes totius infiniti sint infinitae secundum magnitudinem, oportet etiam quod loca earum essent infinita secundum magnitudinem; quia loca oportet esse aequalia locatis. Sed motus mensuratur secundum magnitudinem loci in quem pertransit, ut probatur in VI Physic. Ergo sequitur quod motus omnium harum partium sint infiniti. Sed hoc est impossibile, si sint vera ea quae supra supposuimus, scilicet quod non contingit aliquid moveri deorsum in infinitum, neque etiam sursum; quia deorsum est determinatum, cum sit medium, et eadem ratione sursum est determinatum (si enim unum contrariorum est determinatum, et aliud). Et hoc etiam hic ostendit per id quod est commune omnibus motibus. Videmus enim in transmutatione quae est secundum substantiam, quod impossibile est fieri illud quod non potest esse factum; sicut non potest fieri asinus rationalis, quia impossibile est asinum esse talem. Et simile est in tali, idest in motu qui est secundum qualitatem, et in tanto, idest in motu qui est secundum quantitatem, et in ubi, idest in motu qui est secundum locum. Si enim impossibile est quod aliquid nigrum sit factum album, sicut corvus, impossibile est quod fiat album; et si aliquid impossibile est quod sit cubitale, sicut formica, impossibile est quod ad hoc moveatur; et si impossibile est quod aliquid sit in Aegypto, puta Danubius, impossibile est quod illuc moveatur. Et huius ratio est, quia natura nihil facit frustra: esset autem frustra si moveret ad id ad quod impossibile est pervenire. Sic igitur impossibile est quod aliquid moveatur localiter illuc quo non est pervenire. Non est autem pertransire locum infinitum. Si igitur loca essent infinita, nullus esset motus. Quod cum sit impossibile, non potest esse quod partes corporis infiniti dissimilium partium, sint infinitae in magnitudine.

[70942] Sur le De caelo, I, 13, 9. Il établit la seconde raison ici : Ğ il est en outre nécessaire ğ, etc. Car si les parties du tout infini sont infinies selon la grandeur, il faut aussi que leurs lieux soient infinis selon la grandeur, puisqu’il faut que les lieux soient égaux à ce qui est placé. Mais un mouvement se mesure selon la grandeur du lieu qu’il parcourt, comme il est prouvé dans le livre VI de la Physique. [274b10] Il s’ensuit donc que les mouvements de toutes ces parties sont infinis. Mais c’est impossible, si ce que nous avons supposé ci-dessus est vrai, à savoir qu’il n’arrive pas que quelque chose se déplace vers le bas à l’infini, ni même vers le haut, puisque le mouvement vers le bas est déterminé, comme il y a un milieu et que, pour la même raison, le mouvement vers le haut est limité (si en effet l’un des contraires est limité, l’autre l’est aussi). Et il montre ici cela aussi par le fait que c’est commun à tous les mouvements. Car nous voyons dans la transformation qui est selon la substance qu’il est impossible que devienne ce qui ne peut pas être devenu, de même qu’un âne ne peut devenir doué de raison, puisqu’il est impossible qu’il soit ainsi. Et c’est la même chose pour un mouvement tel, c’est-à-dire pour un mouvement qui est selon la qualité, pour un mouvement aussi grand, c’est-à-dire un mouvement qui est selon la quantité, pour un mouvement ici, c’est-à-dire un mouvement qui est selon le lieu. [274b15] En effet s’il est impossible que quelque chose de noir soit devenu blanc, comme un corbeau, il est impossible qu’il devienne blanc ; et s’il est impossible que quelque chose mesure une coudée, comme une fourmi, il est impossible qu’il évolue vers cela ; et s’il est impossible que quelque chose soit en Égypte, par exemple le Danube, il est impossible qu’il se déplace là-bas. Et la raison en est que la nature ne fait rien en vain : ce sera en vain s’il se déplaçait là où il lui est impossible de parvenir. Ainsi donc il est impossible que quelque chose se déplace localement là où il ne lui est pas possible de parvenir. Or il n’est pas possible de parcourir un lieu infini. Donc si les lieux étaient infinis, il n’y aurait aucun mouvement. Comme c’est impossible, il ne peut être que les parties d’un corps infini formé de parties dissemblables soient infinies en grandeur.

[70943] In De caelo, lib. 1 l. 13 n. 10 Tertiam rationem ponit ibi: adhuc si et discerpta et cetera. Posset enim aliquis dicere quod non est unum continuum infinitum, sunt tamen quaedam partes discerptae, idest disiunctae et non continuae, infinitae; sicut Democritus posuit infinita corpora indivisibilia, et sicut Anaxagoras posuit infinitas partes consimiles. Sed ipse dicit quod ex hac positione nihil minus sequitur inconveniens: quia, si sint infinitae partes ignis non continuae, nihil prohibet illas omnes coniungi, et sic fieri ex omnibus unum ignem infinitum.

[70943] Sur le De caelo, I, 13, 10. Il établit ici la troisième raison : Ğ de plus si divisées aussi ğ, etc. Car on pourrait dire qu’il n’y a pas un infini continu, mais qu’il y a certaines parties divisées, c’est-à-dire disjointes et non continues, infinies, de même que Démocrite a établi une infinité de corps indivisibles et de même qu’Anaxagore a établi une infinité de parties entièrement semblables. Mais il dit lui-même que rien de moins inconvenant ne suit cette position, puisque, s’il y avait une infinité de parties de feu non continues, rien n’empêcherait que toutes ces parties s’unissent et qu’ainsi un seul feu infini se forme de toutes. [274b20]

[70944] In De caelo, lib. 1 l. 13 n. 11 Quartam rationem ponit ibi: sed corpus est et cetera. Cum enim aliquid dicitur esse infinitum, oportet quod infinitum accipiatur secundum propriam eius rationem: puta, si dicamus lineam esse infinitam, intelligimus eam esse infinitam secundum longitudinem; si vero dicamus superficiem esse infinitam, intelligimus quod sit infinita secundum longitudinem et latitudinem. Corpus autem distenditur ad omnem partem, quia habet omnes dimensiones, ut supra dictum est: et sic, si corpus dicatur infinitum, oportet quod sit infinitum ad omnem partem; et ita ex nulla parte erit aliquid extra ipsum. Non ergo est possibile quod in corpore infinito sint plura dissimilia, quorum unumquodque sit infinitum: quia non est possibile esse plura infinita, secundum praedicta.

[70944] Sur le De caelo, I, 13, 11. Il établit la quatrième raison ici : Ğ mais le corps est ğ, etc. En effet comme on dit quelque chose infini, il faut que l’infini soit accepté selon sa propre raison : par exemple, si nous disons qu’une ligne est infinie, nous comprenons qu’elle est infinie selon sa longueur ; mais si nous disons qu’une surface est infinie, nous comprenons qu’elle est infinie selon la longueur et la largeur. Or un corps s’étend en toute partie, puisqu’il a toutes les dimensions, comme il a été dit ci-dessus : et ainsi, si un corps était dit infini, il faudrait qu’il soit infini en toute partie ; et ainsi il n’y aurait rien en dehors de lui en aucune partie. Il n’est donc pas possible qu’il y ait dans un corps infini plusieurs choses différentes dont chacune serait infinie, puisqu’il n’est pas possible qu’il y ait plusieurs choses infinies, selon ce que l’on a déjà dit.

[70945] In De caelo, lib. 1 l. 13 n. 12 Deinde cum dicit: sed adhuc neque totum etc., ostendit quod corpus infinitum non potest esse similium partium: et hoc duabus rationibus. Quarum prima est, quia cuiuslibet corporis naturalis oportet esse aliquem motum localem; non est autem alius motus praeter istos qui supra dicti sunt, quorum scilicet unus est circa medium, alius a medio, et tertius ad medium; sequitur igitur quod habeat unum istorum motuum. Sed hoc est impossibile: quia si moveatur sursum vel deorsum, erit grave vel leve; et ita accidet gravitatem et levitatem esse infinitam, quod est impossibile secundum praemissa. Similiter etiam non est possibile quod moveatur circulariter, quia est impossibile infinitum circumferri: nihil enim differt hoc dicere, quam si dicatur caelum infinitum, quod impossibile est, ut supra ostensum est. Non ergo contingit totum corpus infinitum esse homoeomerum.

[70945] Sur le De caelo, I, 13, 12. Ensuite quand il dit : Ğ mais de plus ni la totalité ğ, etc. il montre qu’un corps infini ne peut être formé de parties semblables, et cela pour deux raisons. La première d’entre elles est que n’importe quel corps naturel doit avoir un mouvement local ; or il n’y a pas d’autre mouvement en dehors de ceux qui ont été mentionnés ci-dessus, dont l’un tourne autour du milieu, l’autre part du milieu et le troisième va vers le milieu ; il s’ensuit donc qu’il a l’un de ces mouvements. Mais c’est impossible, puisque, s’il se déplaçait vers le haut ou vers le bas, il serait lourd ou léger [274b25] ; et ainsi il arriverait que la pesanteur et la légèreté seraient infinies, ce qui est impossible selon les prémisses. Il n’est également pas possible qu’il se déplace circulairement, puisqu’il est impossible que l’infini soit porté circulairement : car il n’y a pas de différence entre dire cela et dire que le ciel est infini, ce qui est impossible, comme on l’a montré ci-dessus. Il n’arrive donc pas qu’un corps infini tout entier soit homéomère.

[70946] In De caelo, lib. 1 l. 13 n. 13 Secundam rationem ponit ibi: sed adhuc neque omnino etc.; quae sequitur ex communi ratione motus localis. Si enim sit corpus similium partium infinitum, sequitur quod nullo modo possit moveri. Quia si movetur, aut movebitur secundum naturam, aut secundum violentiam. Si autem sit ei aliquis motus violentus, sequitur quod etiam sit ei aliquis motus naturalis: quia motus violentus contrariatur motui naturali, ut supra habitum est. Si autem aliquis sit ei motus naturalis, sequitur quod etiam sit ei aliquis locus aequalis sibi, in quem naturaliter fertur: quia motus naturalis est eius quod fertur in proprium locum. Hoc autem est impossibile: quia sequeretur quod sint duo corporalia loca infinita; quod est aeque impossibile sicut quod sint duo corpora infinita; quia sicut corpus infinitum est undique infinitum, ita et locus infinitus. Non est igitur possibile quod corpus infinitum moveatur. Si ergo omne corpus naturale movetur, sequitur quod nullum corpus naturale sit infinitum. Est tamen attendendum quod haec ratio non procedit nisi de motu recto: nam id quod movetur circulariter, non mutat totum locum subiecto, sed solum ratione, ut probatur in VI Physic. Sed quod corpus infinitum non possit moveri circulariter, supra multipliciter est ostensum.

[70946] Sur le De caelo, I, 13, 13. Il établit ici la troisième raison : Ğ mais de plus absolument pas ğ, etc., qui est impliquée par la raison commune du mouvement local. Car s’il y avait un corps infini formé de parties semblables, il s’ensuivrait qu’il ne pourrait se mouvoir en aucune manière. Puisque, s’il se déplace, ce sera soit selon la nature, soit selon la violence. Or s’il a un mouvement violent, il s’ensuit qu’il a aussi un mouvement naturel, puisque le mouvement violent est contraire au mouvement naturel, comme on l’a considéré ci-dessus. Or s’il a un mouvement naturel, il s’ensuit qu’il a aussi un lieu qui lui est équivalent, où il est naturellement porté, puisqu’un mouvement naturel est propre à ce qui est porté dans son propre lieu. Or c’est impossible, puisqu’il s’ensuivrait qu’il y a deux lieux corporels infinis, ce qui est également impossible, comme le fait qu’il y ait deux corps infinis, puisque, comme un corps infini est de tous côtés infini, il en est de même pour un lieu infini. Il n’est donc pas possible qu’un corps infini se déplace. Donc si tout corps naturel est déplacé, il s’ensuit qu’aucun corps naturel n’est infini. Il faut cependant considérer que cette raison fonctionne seulement avec le mouvement droit : en effet ce qui se meut circulairement ne change pas tout son lieu en sujet, mais seulement en raison, comme il est prouvé dans le livre VI de la Physique. Mais il a été montré maintes fois ci-dessus qu’un corps infini ne peut se mouvoir circulairement.

 

 

Lectio 14

Leçon 14 – [L’univers n’est pas infini en taille, preuves par l’action et la passion]

[70947] In De caelo, lib. 1 l. 14 n. 1 Postquam philosophus ostendit corpus sensibile non esse infinitum, ratione accepta ex parte motus localis, hic ostendit idem ratione accepta ex parte actionis et passionis, quae consequuntur omnem motum. Et circa hoc duo facit: primo ostendit propositum; secundo excludit quandam obviationem, ibi: sed tamen et quaecumque et cetera.

[70947] Sur le De caelo, I, 14, 1. Après que le philosophe a montré qu’un corps sensible n’est pas infini, la raison étant tirée du mouvement local, il montre ici la même chose par une raison tirée de l’action et de la passivité, qui suivent tout mouvement. Et sur ce point il fait deux choses : il montre premièrement la proposition ; il rejette deuxièmement un certain obstacle, ici : Ğ mais cependant et tout ce qui ğ, etc.

[70948] In De caelo, lib. 1 l. 14 n. 2 Circa primum ponit talem rationem. Nullum corpus infinitum habet virtutem activam aut passivam aut utramque; sed omne corpus sensibile habet virtutem activam aut passivam aut utramque; ergo nullum corpus sensibile est infinitum. Circa hoc ergo duo facit: primo probat maiorem; secundo ponit minorem et conclusionem, ibi: si igitur omne corpus et cetera. Circa primum duo facit: primo proponit quod intendit, et dicit manifestum esse ex his quae dicentur, quod non solum impossibile est infinitum moveri localiter, sed universaliter est impossibile infinitum pati aliquid, vel etiam agere aliquid in corpus finitum. Secundo ibi: sit enim infinitum etc., probat propositum. Et primo ostendit quod infinitum non patitur a finito; secundo ostendit quod finitum non patitur ab infinito, ibi: sed adhuc neque infinitum etc.; tertio ostendit quod infinitum non patitur ab infinito, ibi: neque infinitum utique et cetera.

[70948] Sur le De caelo, I, 14, 2. Sur le premier point il établit la raison suivante. Aucun corps infini n’a de puissance active, passive ou les deux à la fois ; mais tout corps sensible a une puissance active, passive ou les deux à la fois ; donc aucun corps sensible n’est infini. Sur ce point il fait donc deux choses : il prouve premièrement la majeure ; il établit deuxièmement la mineure et la conclusion, ici : Ğ donc si tout corps ğ, etc. Sur le premier point il fait deux choses : il propose premièrement ce qu’il a l’intention de faire, et il dit qu’il est manifeste d’après ce qui est dit qu’il est non seulement impossible que l’infini se déplace localement, mais qu’il est universellement impossible que l’infini pâtisse quelque chose, ou même fasse quelque chose à un corps infini. Deuxièmement ici : Ğ car soit infini ğ, etc., il prouve la proposition. Et il montre premièrement que l’infini ne pâtit pas du fini ; deuxièmement il montre que le fini ne pâtit pas de l’infini, ici : Ğ mais encore ni l’infini ğ, etc. ; troisièmement il montre que l’infini ne pâtit pas de l’infini, ici : Ğ ni l’infini en tous cas ğ, etc.

[70949] In De caelo, lib. 1 l. 14 n. 3 Dicit ergo primo quod, si corpus infinitum patitur a finito, sit corpus infinitum in quo est a, corpus autem finitum in quo est b: et quia omnis motus est in tempore, sit tempus g in quo b movit aut a motum est. Si ergo ponamus quod a quod est corpus infinitum, a b quod est corpus finitum, sit alteratum, puta calefactum, aut latum, idest motum secundum locum, aut aliquid aliud passum, puta infrigidatum aut humectatum aut quocumque modo motum, in tempore g: accipiamus unam partem b moventis, quae sit d (et nihil referret ad propositum si d esset quoddam aliud corpus minus quam b). Manifestum est autem quod minus corpus movet minus mobile in aequali tempore (hoc tamen supposito, quod in minori corpore sit minor virtus; quod oportet dicere si sit corpus similium partium; minor autem virtus in aequali tempore movet minus mobile). Sit ergo corpus e, quod alteratur aut qualitercumque movetur a d in tempore g; ita quod intelligamus corpus e esse partem totius infiniti quod est a. Sed quia tam d quam b est finitum, et quorumlibet duorum finitorum corporum est aliqua proportio ad invicem; secundum illam proportionem quam habet d ad b, accipiatur proportio corporis e ad quodcumque corpus maius finitum, puta quod sit f. Hac ergo positione facta, ponit quasdam suppositiones. Quarum prima est, quod alterans aequale in magnitudine et virtute, in aequali tempore alterabit aequale corpus. Secunda est, quod minus corpus alterans in aequali tempore alterabit minus; ita scilicet quod tantum erit corpus motum minus altero corpore moto, quantum erit analogum quodcumque maius ad minus, idest, quanta erit proportio excessus maioris corporis moventis ad minus. Ex praemissis igitur concludit quod infinitum a nullo finito potest moveri secundum quodcumque tempus. Quia aliquid minus quam infinitum movebitur in aequali tempore ab illo minori quam sit corpus movens infinitum; scilicet e, quod est minus quam a, movebitur a d, quod est minus quam b, secundum praemissa. Id autem quod est analogum ad e, idest quod in eadem proportione se habet ad e sicut b ad d, est quoddam finitum: non enim potest dici quod ipsum infinitum quod est a, se habeat ad e sicut b se habet ad d, quia infinitum ad finitum nullam proportionem habet. Supposito autem quod aliquod finitum se habeat ad e sicut b ad d, erit commutatim dicere quod sicut d se habet ad e, ita b se habet ad illud finitum. Sed d movet e in tempore g: ergo b movet finitum in tempore g. Sed in hoc tempore positum est quod movet totum infinitum quod est a: ergo finitum in eodem tempore movebit finitum et infinitum.

[70949] Sur le De caelo, I, 14, 3. Il dit donc premièrement ceci : si un corps infini pâtit d’un corps fini, soient [275a1] un corps infini où il y a A, et un corps fini où il y a B : et puisque tout mouvement se fait dans le temps, soit un temps G où B s’est déplacé ou bien où A a été déplacé. Donc si nous établissions que A qui est un corps infini a été altéré par B qui est un corps fini, par exemple chauffé ou porté, c’est-à-dire déplacé selon le lieu, ou qu’il a subi quelque chose, par exemple, qu’il a été refroidi, humidifié ou déplacé de n’importe quelle manière, dans le temps G, nous accepterions une partie de B qui se meut, c’est-à-dire D (et il n’y aurait pas de différence pour la proposition si D était un autre corps plus petit que B). Il est manifeste qu’un corps plus petit déplace un corps moins mobile dans un temps égal (cela ayant été cependant supposé, à savoir que dans un plus petit corps il y a une plus petite puissance ; il faut le dire s’il y a un corps formé de parties semblables ; or une puissance plus petite dans un temps égal déplace un corps moins mobile). [275a5] Soit donc un corps E, qui est altéré ou déplacé de n’importe quelle manière par D dans un temps G, tout comme nous comprenons que le corps E est une partie de tout l’infini qui est A. Mais puisque D aussi bien que B sont finis, il y a aussi une proportion de n’importe lequel des deux corps finis l’un avec l’autre ; selon la proportion que D a avec B, qu’il y ait une proportion du corps E avec n’importe quel corps fini plus grand, par exemple avec F. Donc cette position faite, il établit certaines suppositions. La première d’entre elles est que le corps qui altère égal en grandeur et en puissance altérera un corps égal dans un temps égal. La seconde est qu’un corps plus petit qui altère altérera un corps plus petit dans un temps égal ; tout comme un corps déplacé plus petit qu’un autre corps déplacé sera aussi grand que n’importe quel corps plus grand analogue à un plus petit, c’est-à-dire aussi grand que la proportion de l’excès d’un corps plus grand se déplaçant avec un plus petit. [275a10] Donc il conclut à partir des prémisses qu’un corps infini ne peut être déplacé par aucun corps fini dans n’importe quel temps, puisqu’un corps plus petit qu’un corps infini sera déplacé dans un temps égal par ce corps plus petit que le corps infini qui le déplace ; assurément E, qui est plus petit que A, sera déplacé par D, qui est plus petit que B, selon les prémisses. Ce qui est analogue à E, c’est-à-dire qui est dans la même proportion avec E que B avec D, est quelque chose de fini : on ne peut en effet dire que l’infini même qui est A est avec E comme B est avec D, puisque l’infini n’a aucune proportion avec le fini. Après avoir supposé que quelque chose de fini est avec E comme B avec D, il sera possible de dire d’une autre manière que, de même que D est avec E, de même B est avec ce corps fini. Mais D déplace E dans un temps G : donc B déplace un corps fini dans un temps G. Mais dans ce temps il a été établi qu’il déplace l’infini tout entier qui est A : donc dans le même temps le fini déplacera le fini et l’infini.

[70950] In De caelo, lib. 1 l. 14 n. 4 Deinde cum dicit: sed adhuc neque infinitum etc., probat quod infinitum corpus non movet corpus finitum in aliquo tempore: et primo ostendit quod non movet in tempore finito; secundo quod non movet in tempore infinito, ibi: sed adhuc in infinito et cetera. Dicit ergo primo quod neque etiam corpus infinitum movebit corpus finitum in nullo tempore, scilicet determinato. Si enim detur contrarium, sit corpus infinitum in quo est a, corpus vero finitum quod ab eo movetur sit b vel bz, tempus autem in quo movetur sit g. D autem sit quaedam pars finita corporis infiniti quod est a: et quia minus in aequali tempore minus movet, consequens est quod corpus finitum quod est d, in g tempore moveat minus corpus eo quod est b; et sit id minus z, quod est pars eius. Quia igitur totum bz habet aliquam proportionem ad z, accipiatur quod sicut totum bz se habet ad z, ita e se habet ad d, quorum uterque est pars infiniti. Ergo commutatim quae est proportio d ad z, eadem est proportio e ad bz. Sed d movet z in g tempore: ergo e movebit bz in tempore g. Sed in hoc tempore, bz movebatur a corpore infinito quod est a: sequitur igitur quod infinitum et finitum alterent vel qualitercumque moveant in eodem tempore unum et idem mobile. Sed hoc est impossibile: supponebatur enim supra quod maius movens movet aequale mobile in minori tempore, quia velocius movet. Sic igitur impossibile est quod finitum moveatur ab infinito in tempore g; et idem sequitur quodcumque aliud tempus finitum sumatur. Nullum ergo tempus finitum est dare, in quo infinitum moveat finitum.

[70950] Sur le De caelo, I, 14, 4. Ensuite, quand il dit : Ğ mais ni l’infini ğ, etc., il prouve qu’un corps infini ne déplace pas un corps fini dans un temps quelconque : et premièrement il montre qu’il ne le déplace pas dans un temps fini ; deuxièmement qu’il ne le déplace pas dans un temps infini, ici : Ğ mais encore dans un infini ğ, etc. Il dit donc premièrement qu’un corps infini ne déplacera pas non plus un corps fini dans aucun temps, c’est-à-dire limité. [275a15] En effet si on supposait le contraire, soit un corps infini où il y a A, soit un corps fini B ou BZ qui est déplacé par lui, soit un temps G où il est déplacé. Soit D une partie finie du corps infini qui est A : et puisqu’un plus petit corps déplace un plus petit corps dans un temps égal, il s’ensuit logiquement que le corps fini qui est D déplace dans un temps G un corps plus petit que celui qui est B ; et soit Z ce corps plus petit, qui en est une partie. Donc puisque BZ tout entier a une proportion avec Z, que l’on accepte que, de même que BZ tout entier se trouve par rapport à Z, de même E se trouve par rapport à D, qui sont tous deux une partie de l’infini. Donc, d’une autre manière, la proportion qui est entre D et Z est la même que la proportion qui est entre E et BZ. Mais D déplace Z dans un temps G : donc E déplacera BZ dans un temps G. Mais dans ce temps, BZ était déplacé par un corps infini qui est A : il s’ensuit donc que l’infini et le fini changent ou déplacent de n’importe quelle manière dans le même temps un seul et même corps mobile. [275a20] Mais c’est impossible : car on supposait ci-dessus qu’un corps plus grand déplaçant déplace un corps mobile égal dans un temps moindre, puisqu’il se déplace plus rapidement. Ainsi donc il est impossible qu’un corps fini soit déplacé par un corps infini dans un temps G ; et il s’ensuit également que n’importe quel autre temps fini est pris. Donc il n’est pas possible de donner aucun temps fini pendant lequel l’infini déplace le fini.

[70951] In De caelo, lib. 1 l. 14 n. 5 Deinde cum dicit: sed adhuc in infinito etc., ostendit quod neque hoc potest esse in tempore infinito. Non enim contingit quod in tempore infinito aliquid moverit vel motum sit: quia tempus infinitum non habet finem, omnis autem actio vel passio habet finem: nihil enim agit vel patitur nisi ut perveniat ad aliquem finem. Relinquitur ergo quod infinitum non moveat finitum in tempore infinito.

[70951] Sur le De caelo, I, 14, 5. Ensuite quand il dit : Ğ mais dans l’infini ğ, etc., il montre que cela ne peut être non plus dans un temps infini. En effet il n’arrive pas que dans un temps fini quelque chose déplace ou soit déplacée : puisque un temps infini n’a pas de fin, toute action ou toute passion a une fin : car rien n’agit ni ne pâtit si ce n’est pour parvenir à une fin. Il reste donc que l’infini ne déplace pas le fini pendant un temps infini.

[70952] In De caelo, lib. 1 l. 14 n. 6 Deinde cum dicit: neque infinitum utique etc., probat quod infinitum non moveat infinitum. Et dicit quod infinitum non contingit aliquid pati ab infinito secundum quamcumque speciem motus. Alioquin, sit corpus infinitum agens in quo est a, et corpus infinitum patiens in quo est b, tempus autem in quo b passum est ab a sit in quo dg; sit autem e pars infiniti mobilis quod est b. Quia ergo totum b passum est ab a in toto tempore quod est dg, manifestum est quod e, quod est pars eius, non movetur in toto hoc tempore: oportet enim supponere quod ab eodem movente minus mobile moveatur in minori tempore; quanto enim mobile magis vincitur a movente, tanto velocius movetur ab ipso. Sit ergo quod e, quod est minus quam b, moveatur ab a in tempore d, quod est pars totius temporis gd. D autem ad gd est aliqua proportio, cum utrumque sit finitum: accipiamus autem quod eandem proportionem habeat e ad aliquam partem ipsius mobilis infiniti maiorem, quam scilicet d habet ad gd. Sic ergo illud finitum maius quam e, necesse est quod moveatur ab a in gd tempore: oportet enim supponere quod ab eodem movente moveatur maius et minus mobile in maiori et minori tempore, ita quod divisio mobilium sit secundum proportionem temporum. Quia igitur proportio illius finiti ad e, est sicut proportio totius temporis gd ad d, oportet commutatim dicere quod proportio totius temporis gd ad illud mobile finitum maius, sit sicut proportio temporis d ad mobile e. Sed e movetur ab a in tempore d: ergo illud finitum maius movebitur ab a in tempore gd: et sic in eodem tempore movebitur finitum et infinitum, quod est impossibile. Et idem inconveniens sequitur, quodcumque tempus finitum accipiatur. Sic igitur impossibile est quod infinitum moveatur ab infinito in tempore finito. Relinquitur igitur, si moveatur, quod moveatur in infinito tempore. Sed hoc est impossibile, ut supra ostensum est, quia infinitum tempus non habet finem, omne autem quod movetur, habet finem sui motus: quia etsi totus motus caeli non haberet finem, una tamen circulatio habet finem. Sic igitur manifestum est quod infinitum non habet neque virtutem activam neque passivam.

[70952] Sur le De caelo, I, 14, 6. Ensuite quand il dit : Ğ et l’infini de toute façon ğ, etc., il prouve que l’infini ne déplace pas l’infini. Et il dit qu’il n’arrive pas que l’infini subisse [275a25] quelque chose à cause de l’infini selon n’importe quelle espèce de mouvement. Sinon, soient un corps infini agissant où se trouve A, et un corps infini subissant où se trouve B, un temps DG pendant lequel B a été victime de A ; soit E une partie de l’infini mobile qui est B. Donc puisque B tout entier a été victime de A pendant tout le temps qui est DG, il est manifeste que E, qui en est une partie, n’est pas déplacé pendant tout ce temps : car il faut supposer qu’un corps mobile plus petit est déplacé dans un moindre temps par le même corps déplaçant ; car plus un corps mobile est vaincu par un corps déplaçant, plus vite il est déplacé par lui. Donc que E, qui est plus petit que B, soit déplacé par A dans un temps D, qui est une partie de tout le temps GD. [275a30] D est en proportion avec GD, comme l’un et l’autre sont finis : acceptons que E ait la même proportion avec une partie plus grande du corps mobile infini même que D a avec GD. Ainsi donc ce corps fini plus grand que E est nécessairement déplacé par A dans un temps GD : [275b1] il faut en effet supposer qu’un corps mobile plus grand et un corps mobile plus petit sont déplacés par le même corps déplaçant dans un temps plus grand et plus petit, tout comme la division des mobiles se fait selon la proportion des temps. Donc puisque la proportion de ce corps fini avec E est comme la proportion de tout le temps GD avec D, il faut d’une autre manière dire que la proportion de tout le temps GD avec ce corps mobile fini plus grand est comme la proportion du temps D avec le mobile E. Mais E est déplacé par A dans un temps D : donc ce corps fini plus grand sera déplacé par A dans un temps GD : et ainsi dans le même temps seront déplacés un corps fini et un corps infini, ce qui est impossible. Et le même inconvénient s’ensuit, quel que soit le temps fini accepté. Ainsi donc il est impossible que l’infini soit déplacé par l’infini dans un temps fini. Il reste donc que, s’il est déplacé, il l’est dans un temps infini. Mais c’est impossible, comme on l’a montré ci-dessus, puisqu’un temps infini n’a pas de fin, et que tout ce qui est déplacé à la fin de son mouvement, puisque, même si le mouvement du ciel tout entier n’a pas de fin, un mouvement circulaire a une fin. Ainsi donc il est manifeste que l’infini n’a de puissance ni active ni passive. [275b5]

[70953] In De caelo, lib. 1 l. 14 n. 7 Deinde cum dicit: si igitur etc., assumpta minori, infert conclusionem: dicens quod omne corpus sensibile habet virtutem activam aut passivam aut utramque. Dicitur autem hic corpus sensibile ad differentiam corporis mathematici: ita quod corpus sensibile dicatur omne corpus naturale, quod inquantum huiusmodi, natum est movere et moveri. Sic ergo concludit quod impossibile est aliquod corpus sensibile esse infinitum.

[70953] Sur le De caelo, I, 14, 7. Ensuite quand il dit : Ğ si donc ğ, etc., après avoir posé la mineure, il met en avant la conclusion, disant que tout corps sensible a une puissance active, passive ou les deux. Ici il est question d’un corps sensible à la différence du corps mathématique, ainsi que tout corps naturel est appelé corps sensible, qui, en tant que corps de ce genre, est né pour déplacer et être déplacé. Ainsi donc il conclut qu’il est impossible qu’un corps sensible soit infini.

[70954] In De caelo, lib. 1 l. 14 n. 8 Deinde cum dicit: sed tamen et quaecumque etc., excludit quandam obviationem: quia posset aliquis dicere quod sit aliquod corpus extra caelum intelligibile, quod sit infinitum. Et dicit quod omnia corpora quae sunt in loco, sunt sensibilia. Non enim sunt corpora mathematica, quia talibus non debetur locus nisi secundum metaphoram, ut dicitur in I de Generat.: locus enim non quaeritur nisi propter motum, ut dicitur in IV Physic.; non autem moventur nisi corpora sensibilia et naturalia, nam mathematica sunt extra motum. Sic igitur manifestum est quod quaecumque corpora sunt in loco, sunt sensibilia. Et ex hoc concludit quod corpus infinitum non sit extra caelum; immo universalius, quod nullum corpus sit extra caelum, neque simpliciter, scilicet corpus infinitum, neque secundum quid (vel usque ad aliquid), idest corpus finitum; cum enim corpus omne sit finitum vel infinitum, sequitur quod nullum omnino corpus sit extra caelum. Quia si dicas quod sit intellectuale, sequetur quod sit in loco, ex quo ponitur extra caelum: extra enim et intra significant locum. Sic igitur sequitur quod, si aliquod corpus sit extra caelum, finitum vel infinitum, quod sit sensibile; eo quod nullum sensibile corpus est, quod non sit in loco (quia etiam caelum quodammodo est in loco, ut patet in IV Physic.). Manifestum est autem secundum haec verba quod nullum corpus intelligibile, neque finitum neque infinitum, est extra caelum; quia extra significat locum, nihil autem est in loco nisi corpus sensibile. Manifestum est etiam quod nullum corpus infinitum sensibile est extra caelum: ostensum est enim supra quod nullum corpus sensibile est infinitum. Quod autem nullum corpus sensibile finitum sit extra caelum, non videtur hic probari, sed supponi: nisi forte per hoc quod omne corpus sensibile est in loco, omnia autem loca continentur infra caelum, quae determinantur tribus motibus localibus supra positis, scilicet qui sunt circa medium, a medio, et ad medium.

[70954] Sur le De caelo, I, 14, 8. Ensuite quand il dit : Ğ mais cependant tout ce qui aussi ğ, etc., il écarte un certain obstacle : puisque quelqu’un pourrait dire qu’il y a un corps en dehors du ciel intelligible qui est infini. Et il dit que tous les corps qui sont dans un lieu sont sensibles. Car ce ne sont pas des corps mathématiques, puisqu’à de tels corps n’est pas dû un lieu, si ce n’est par métaphore, comme il est dit dans le livre I de la Génération : en effet un lieu n’est pas requis si ce n’est pour le mouvement, comme il est dit dans le livre IV de la Physique ; seuls les corps sensibles et naturels sont déplacés, car les corps mathématiques sont en dehors du mouvement. Ainsi donc il est manifeste que tous les corps qui sont dans un lieu sont sensibles. Et il en conclut qu’un corps infini ne se trouve pas en dehors du ciel, ou mieux de façon plus universelle qu’aucun corps ne se trouve en dehors du ciel, ni simplement, c’est-à-dire un corps infini, ni selon quelque chose (ou jusqu’à quelque chose), à savoir un corps fini ; car comme tout corps est fini ou infini, il s’ensuit qu’absolument aucun corps ne se trouve en dehors du ciel. Puisque si on disait qu’il est intellectuel, il s’ensuivrait qu’il se trouve dans un lieu, d’où il est établi en dehors du ciel : en effet en dehors et dedans désignent un lieu. [275b15] Ainsi donc il s’ensuit que, si un corps est en dehors du ciel, qu’il soit fini ou infini, il est sensible ; et cela parce qu’il n’y a aucun corps sensible qui ne soit pas dans un lieu (puisque même le ciel est d’une certaine manière dans un lieu, comme cela apparaît dans le livre IV de la Physique). Il est manifeste selon ces propos qu’aucun corps intelligible, ni fini, ni infini, n’est en dehors du ciel, puisqu’en dehors désigne un lieu, et que rien ne se trouve dans un lieu sauf un corps sensible. Il est également manifeste qu’aucun corps infini sensible ne se trouve en dehors du ciel : car il a été montré ci-dessus qu’aucun corps sensible n’est infini. Le fait qu’aucun corps sensible fini ne se trouve en dehors du ciel ne semble pas être prouvé ici, mais supposé : si ce n’est, par hasard, par le fait que tout corps sensible se trouve dans un lieu, et que tous les lieux sont contenus sous le ciel, eux qui sont déterminés par trois mouvements locaux établis ci-dessus, c’est-à-dire ceux qui tournent autour du centre, ceux qui partent du centre et ceux qui vont vers le centre.

 

 

Lectio 15

Leçon 15 – [L’univers n’est pas infini en taille, preuves logiques]

[70955] In De caelo, lib. 1 l. 15 n. 1 Postquam philosophus ostendit universaliter non esse corpus infinitum rationibus physicis, idest quae sumuntur ex propriis scientiae naturalis, hic ostendit idem rationibus logicis, idest quae sumuntur ex aliquibus communioribus principiis, vel ex aliquibus probabilibus et non necessariis. Et hoc est quod dicit: est, idest contingit, conari ad propositum ostendendum rationabilius, idest magis per viam logicam, sic, idest secundum rationes sequentes. Unde alia littera planior est quae sic habet: magis autem logice est argumentari et sic. Primo autem ostendit propositum de corpore infinito continuo; secundo de infinito non continuo, ibi: si autem non continuum et cetera.

[70955] Sur le De caelo, I, 15, 1. Après que le philosophe a montré universellement qu’il n’y a pas de corps infini par des raisonnements physiques, c’est-à-dire qui sont tirés des propriétés de la science naturelle, il montre ici la même chose par des raisonnements logiques, c’est-à-dire qui sont tirés de quelques principes plus communs, ou de principes plus probables et non nécessaires. Et c’est ce qu’il dit : il est possible, c’est-à-dire il arrive, de se préparer à démontrer la proposition par des moyens fondés sur le raisonnement, c’est-à-dire par la voie logique, ainsi, c’est-à-dire selon les raisons suivantes. À partir de là il y a un autre texte plus clair, qui est le suivant : il est possible d’argumenter plus logiquement aussi de la façon suivante. Il montre premièrement la proposition sur le corps infini continu ; deuxièmement sur le corps infini non continu, ici : Ğ or si le non continu ğ, etc.

[70956] In De caelo, lib. 1 l. 15 n. 2 Circa primum duo facit. Primo ostendit quod corpus infinitum, similium partium existens, non potest moveri circulariter. Quod quidem probat per hoc, quod infiniti non est aliquod medium, sicut nec extremum: motus autem circularis est circa medium, ut supra habitum est: ergo et cetera.

[70956] Sur le De caelo, I, 15, 2. Sur le premier point, il fait deux choses. Il montre premièrement qu’un corps infini, étant de parties semblables, ne peut être déplacé circulairement. Il le prouve par le fait que l’infini n’a pas de milieu, ni extrémités : or le mouvement circulaire tourne autour du milieu, comme on l’a considéré ci-dessus : donc, etc. [275b15]

[70957] In De caelo, lib. 1 l. 15 n. 3 Secundo ostendit tribus rationibus quod non est possibile quod tale corpus infinitum moveatur motu recto. Quarum prima talis est. Omne corpus quod movetur motu recto, potest moveri naturaliter et per violentiam. Quod autem movetur per violentiam, habet aliquem locum in quem movetur violenter; et omne quod movetur naturaliter, habet aliquem locum in quem movetur naturaliter. Locus autem omnis est aequalis locato. Sic ergo sequetur quod sint duo loca tanta quantum est corpus infinitum, in quorum unum movetur violenter, et in alium naturaliter. Hoc autem est impossibile, scilicet quod sint duo loca infinita, sicut et quod sint duo infinita corpora, ut supra habitum est. Relinquitur ergo quod nullum corpus naturale sit infinitum. Dicitur autem utraque ratio logica esse, quia procedit ex eo quod contingit corpori infinito inquantum est infinitum, sive sit mathematicum sive sit naturale, scilicet non habere medium, et non habere aliquid aequale extra se. Supra autem posuit aliqua similia, sed non tanquam principalia, sed tanquam assumpta ad manifestationem aliorum.

[70957] Sur le De caelo, I, 15, 3. Il montre deuxièmement par trois raisons qu’il n’est pas possible qu’un tel corps infini soit déplacé par un mouvement droit. La première d’entre elles est la suivante. Tout corps qui est déplacé par un mouvement droit peut être déplacé naturellement et par violence. Celui est déplacé par violence a un lieu où se déplacer violemment ; et tous ceux qui sont déplacés naturellement ont un lieu où se déplacer naturellement. Or tout lieu est égal à ce qui est placé en lui. Ainsi donc il s’ensuivra qu’il y a deux lieux aussi grands que le corps infini : dans l’un, il se déplace violemment et dans l’autre, il se déplace naturellement. Or il est impossible qu’il y ait deux lieux infinis, de même aussi qu’il y ait deux corps infinis, comme on l’a considéré ci-dessus. Il reste donc qu’aucun corps naturel n’est infini. Les deux raisons sont dites logiques, puisqu’elles procèdent de ce qui arrive à un corps infini en tant qu’il est infini, qu’il soit mathématique ou naturel, c’est-à-dire qu’il n’ait pas de milieu et qu’il n’ait pas une chose égale en dehors de lui. Il a établi ci-dessus quelques points semblables, mais non en tant que points principaux, mais en tant que points posés pour faire apparaître les autres.

[70958] In De caelo, lib. 1 l. 15 n. 4 Secundam rationem ponit ibi: adhuc sive natura habet etc.: quae talis est. Sive dicatur quod corpus infinitum moveatur motu recto naturaliter, sive per violentiam, utroque modo oportet dicere quod sit potentia movens corpus infinitum: ostensum est enim in VII et VIII Physic. quod omne quod movetur ab alio movetur, non solum in his quae moventur per violentiam, de quibus magis est manifestum, sed etiam in his quae moventur naturaliter, sicut corpora gravia et levia moventur a generante vel a removente prohibens. Cum autem fortius non moveatur a debiliori, impossibile est quod infinitum, cuius virtus est infinita, moveatur a potentia finita moventis: unde relinquitur quod oportet potentiam moventis esse infinitam. Manifestum est autem quod, si potentia sit infinita, erit rei infinitae: et e converso, si corpus sit infinitum, oportet quod virtus eius sit infinita. Si ergo est corpus infinitum quod movetur, necesse est quod corpus movens sit etiam infinitum. Probatum est enim in his quae de motu, idest in VIII Physic., quod nullum finitorum habet virtutem infinitam, nec aliquod infinitorum habet virtutem finitam. Sic igitur patet quod, si sit corpus infinitum quod movetur motu recto, oportet quod moveatur a corpore infinito. Si ergo ponamus quod hoc corpus infinitum contingit moveri et secundum naturam et praeter naturam, similiter continget secundum utrumque motum quod sint duo infinita, scilicet illud quod movet sic, idest naturaliter vel violenter, et aliud quod movetur. Hoc autem est impossibile, quod sint duo corpora infinita, ut supra ostensum est. Ergo non est possibile esse corpus infinitum quod moveatur motu recto. Haec etiam ratio logica est, quia procedit ex communi proprietate infiniti corporis, quod scilicet non habeat extra se aliud corpus aequale. Potest autem ex hac ratione concludi non solum quod sint duo infinita, sed plura. Nam si corpus infinitum movetur naturaliter, corpus naturaliter ipsum movens erit infinitum; et quia contingit ipsum moveri violenter, corpus quod movet ipsum violenter erit infinitum; et sic erunt tria infinita. Rursus, quia motus qui est violentus uni, est naturalis alteri, ut supra dictum est, sequetur etiam quod sit aliud corpus infinitum, quod naturaliter hoc modo moveatur a virtute infinita.

[70958] Sur le De caelo, I, 15, 4. Il établit ici la seconde raison : Ğ en outre soit que la nature ait ğ, etc., qui est la suivante. Que l’on dise qu’un corps infini est déplacé par un mouvement droit naturellement, ou par violence, il faut dire par les deux moyens qu’il y a une puissance qui déplace ce corps infini : en effet il a été montré dans les livres VII et VIII de la Physique que tout ce qui est déplacé l’est par une autre chose, non seulement pour ce qui est déplacé par violence, pour lesquels c’est plus manifeste, mais aussi pour ce qui est déplacé naturellement, de même que les corps lourds et légers sont déplacés par un corps qui produit ou qui écarte ce qui les éloigne. Comme un corps plus fort n’est pas déplacé par un corps plus faible, il est impossible que l’infini, dont la puissance est infinie, soit déplacé par la puissance finie du corps qui le déplace : de là il reste qu’il faut que la puissance du corps qui le déplace soit infinie. [275b20] Il est manifeste que, si la puissance était infinie, ce serait celle d’une chose infinie : et à l’inverse, si le corps était infini, il faudrait que sa puissance soit aussi infinie. Donc si le corps qui est déplacé est infini, il est nécessaire que le corps qui le déplace soit infini. Car on a prouvé dans les textes sur le mouvement, c’est-à-dire dans le livre VIII de la Physique, qu’aucun des corps finis n’a de puissance infinie, et qu’aucun des corps infinis n’a de puissance finie. Ainsi donc il apparaît que, s’il y a un corps infini qui est déplacé par un mouvement droit, il faut qu’il soit déplacé par un corps infini. Donc si nous établissons qu’il arrive que ce corps infini soit déplacé à la fois selon la nature et soit contre la nature, il arrivera également qu’il y ait selon les deux mouvements deux infinis, [275b25] c’est-à-dire celui qui déplace ainsi, c’est-à-dire naturellement ou violemment, et celui qui est déplacé. Or il est impossible qu’il y ait deux corps infinis, comme on l’a montré ci-dessus. Il n’est donc pas possible qu’il y ait un corps infini qui soit déplacé par un mouvement droit. Cette raison aussi est logique, puisqu’elle procède d’une propriété commune du corps infini, à savoir qu’il n’a pas un autre corps qui lui soit égal en dehors de lui. On peut conclure de cette raison non seulement qu’il y a deux infinis, mais qu’il y en a plusieurs. Car si un corps infini est déplacé naturellement, le corps qui le déplace naturellement sera infini ; et puisqu’il arrive qu’il soit déplacé violemment, le corps qui le déplace violemment sera infini ; et ainsi il y aura trois infinis. De nouveau, puisque le mouvement qui est violent pour l’un est naturel pour l’autre, comme on l’a dit ci-dessus, il s’ensuivra aussi qu’il y a un autre corps infini qui est déplacé naturellement de cette manière par une puissance infinie.

[70959] In De caelo, lib. 1 l. 15 n. 5 Tertiam rationem ponit ibi: adhuc movens et cetera. Et haec quidem ratio inducitur ad excludendum obviationem quandam ad praedictam rationem. Posset enim aliquis dicere quod corpus infinitum movetur naturaliter non quidem ab alio, sed a seipso, sicut animalia dicuntur seipsa movere: et sic non sequetur esse duo corpora infinita, quod praemissa ratio concludebat. Et ideo proponit quod necesse est dicere, si sit corpus infinitum, quod movens ipsum sit aliquid aliud: quia si moveret seipsum, esset animatum (hoc enim est proprium animalium, quod seipsa moveant). Si ergo corpus infinitum sit movens seipsum, sequetur quod sit animal infinitum. Sed hoc non videtur esse possibile, quia omne animal habet determinatam figuram et determinatam proportionem partium ad totum, quod non competit infinito. Sic igitur non potest dici quod infinitum moveat seipsum. Si autem dicatur quod aliquid aliud moveat ipsum, sequetur quod sint duo infinita, scilicet movens et quod movetur. Et ex hoc sequitur quod differunt secundum speciem et virtutem: quia movens comparatur ad mobile sicut actus ad potentiam. Hoc autem est impossibile, sicut prius dictum est.

[70959] Sur le De caelo, I, 15, 5. Il établit ici une troisième raison : Ğ de plus déplaçant ğ, etc. Et cette raison est certes introduite pour exclure l’objection lancée à la raison déjà présentée. En effet, quelqu’un pourrait dire qu’un corps infini n’est pas déplacé naturellement par un autre corps, mais par lui-même, comme on dit que les êtres vivants se déplacent eux-mêmes : et ainsi il ne s’ensuivra pas qu’il y ait deux corps infinis, ce que concluait la raison déjà mentionnée. Et pour cette raison il avance qu’il est nécessaire de dire que, s’il y a un corps infini, le corps qui le déplace est quelque chose d’autre, puisque, s’il se déplaçait lui-même, il serait animé (car c’est le propre des êtres animés de se déplacer eux-mêmes). Donc s’il y avait un corps infini qui se déplaçait lui-même, il s’ensuivrait qu’il serait un être animé infini. Mais cela ne semble pas être possible, puisque tout être animé a une forme déterminée et une proportion déterminée des parties au tout, ce qui ne s’accorde pas avec l’infini. Ainsi donc on ne peut dire que l’infini se meut lui-même. Or si on disait que quelque chose d’autre le déplace, il s’ensuivrait qu’il y aurait deux infinis, c’est-à-dire celui qui déplace et celui qui est déplacé. Et il s’ensuit qu’ils sont différents selon l’espèce et la puissance, puisque celui qui déplace est comparé au corps mobile comme l’acte à la puissance. Or c’est impossible, de même qu’on l’a dit auparavant.

[70960] In De caelo, lib. 1 l. 15 n. 6 Deinde cum dicit: si autem non continuum etc., ostendit non esse infinitum non continuum, sed distinctum per interpositionem vacui, sicut posuerunt Democritus et Leucippus. Et hoc ostendit tribus rationibus. Circa quarum primam dicit quod, si infinitum non sit unum totum continuum, sed, sicut dicunt Democritus et Leucippus, distinguatur vacuo intermedio (ponebant enim quod corpora indivisibilia non possunt invicem coniungi nisi vacuo mediante); secundum autem horum opinionem sequitur quod necessarium sit omnium esse unum motum. Dicebant enim quod illa corpora indivisibilia infinita sunt determinata, idest distincta ad invicem, solummodo per figuras, inquantum scilicet unum eorum est pyramidale, aliud sphaericum, aliud cubicum, et sic de aliis; et tamen dicunt naturam omnium eorum esse unam, sicut si aliquis dicat quod unumquodque eorum, per se separatum, sit de natura auri. Si autem eorum est una natura, necesse est quod sit unus et idem motus eorum, non obstante quod sint minimae partes corporum; quia idem est motus totius et partis, sicut totius terrae et unius boli (idest unius particulae), et totius ignis et unius scintillae. Si ergo omnia sunt eiusdem naturae et habent eundem motum, aut omnia moventur deorsum quasi habentia gravitatem, et sic nullum corpus erit simpliciter leve, cum omnia corpora dicantur esse ex his composita; aut omnia moventur sursum quasi habentia levitatem, et sic nullum corpus erit grave; quod est impossibile.

[70960] Sur le De caelo, I, 15, 6. Ensuite quand il dit : Ğ si le non continu ğ, etc., il montre qu’il n’y a pas d’infini non continu, mais séparé par interposition du vide, comme l’ont établi Démocrite et Leucippe. Et il le montre par trois raisons. Sur la première d’entre elles, il dit que, si l’infini n’était pas un seul tout continu, [275b30] mais, comme le disent Démocrite et Leucippe, s’il était séparé par un vide intermédiaire (car ils établissaient que les corps indivisibles ne peuvent être unis les uns aux autres sans qu’un vide s’interpose) ; selon leur opinion il s’ensuit qu’il est nécessaire qu’ils aient tous un seul mouvement. En effet, ils disaient que ces corps invisibles infinis sont limités, c’est-à-dire distincts les uns des autres, seulement par leur configuration, dans la mesure où l’une est pyramidale, une autre sphérique, une autre cubique, et ainsi de suite ; et ils disent pourtant que la nature de tous ceux-ci est unique, comme si l’on disait que chacun d’entre eux, [276a1] séparé par lui-même, est de la nature de l’or. Or s’ils sont d’une seule nature, il est nécessaire que leur mouvement soit unique et identique, bien qu’ils soient les plus petites parties des corps, puisque le mouvement du tout et de la partie est le même, tout comme celui de toute la terre et d’une seule motte (c’est-à-dire petite partie) et celui de tout le feu et d’une étincelle. Donc si tous sont de même nature et ont le même mouvement, soit tous sont déplacés vers le bas comme s’ils avaient une pesanteur, et ainsi [276a5] aucun corps ne sera simplement léger, comme tous les corps sont dits être composés par eux ; soit tous se déplacent vers le haut, comme s’ils avaient de la légèreté, et ainsi il n’y aura aucun corps lourd, ce qui est impossible.

[70961] In De caelo, lib. 1 l. 15 n. 7 Secundam rationem ponit ibi: adhuc si gravitatem etc.: quae talis est. Omne corpus grave movetur ad medium, omne autem corpus leve movetur ad extremum. Si ergo aliquod vel quodlibet praedictorum indivisibilium corporum haberet gravitatem aut levitatem, sequeretur quod totius spatii contenti ex indivisibilibus corporibus et vacuis intermediis, sit aliquod extremum aut medium. Sed hoc est impossibile, cum totum istud spatium sit infinitum. Relinquitur ergo hanc positionem esse impossibilem.

[70961] Sur le De caelo, I, 15, 7. Il établit ici la seconde raison : Ğ en outre si la pesanteur ğ, etc. : la voici. Tout corps lourd est déplacé vers le milieu, tout corps léger est déplacé vers l’extrémité. Donc si un des corps indivisibles déjà mentionnés ou n’importe lequel d’entre eux avait de la pesanteur ou de la légèreté, il s’ensuivrait que tout l’espace contenu par les corps indivisibles et par les vides intermédiaires aurait une extrémité ou un milieu. Mais c’est impossible, étant donné que cet espace est infini. Il reste donc que cette position est impossible.

[70962] In De caelo, lib. 1 l. 15 n. 8 Et quia haec ratio valet ad destruendum infinitum, qualitercumque infinitum ponatur, sive sicut continuum sive sicut non continuum, ideo hanc eandem rationem universalius ponit cum subdit: totaliterque et cetera. Et dicit quod universaliter possumus dicere quod ubi non est medium et extremum, ibi non est sursum, quod est extremum, neque deorsum, quod est medium. Quibus subtractis, nullus locus erit quo corpora ferantur motu recto: feruntur enim sursum vel deorsum. Sublato autem loco, nullus erit motus: quia omne quod movetur necesse est moveri aut secundum naturam aut praeter naturam, quod quidem determinatur per loca propria et aliena (nam motus naturales dicuntur quibus corpora moventur ad loca propria, motus autem violenti dicuntur quibus moventur ad loca aliena). Hoc autem est impossibile, quod motus auferatur a corporibus: ergo impossibile est ponere infinitum.

[70962] Sur le De caelo, I, 15, 8. Et puisque cette raison vise à détruire l’infini, de quelque manière que l’infini soit établi, qu’il soit continu ou non continu, pour cette raison il établit cette même raison de façon plus universelle, quand il soumet : Ğ et totalement ğ, etc. Et il dit que nous pouvons dire universellement que là où il n’y a pas de milieu ni d’extrémité il n’y a pas de mouvement vers le haut, c’est-à-dire vers l’extrémité, ni de mouvement vers le bas, c’est-à-dire vers le milieu. Une fois qu’on les a soustraits, il n’y aura pas de lieu où les corps [276a10] soient portés par un mouvement droit : car ils sont portés vers le haut ou vers le bas. Une fois le lieu supprimé, il n’y aura aucun mouvement, puisque tout ce qui est déplacé l’est nécessairement soit selon la nature, soit contre la nature, ce qui est déterminé par des lieux propres ou étrangers (car sont appelés mouvements naturels ceux par lesquels les corps sont déplacés vers les lieux qui leur sont propres, sont appelés mouvements violents ceux par lesquels ils sont déplacés vers des lieux qui leur sont étrangers). Or il est impossible que le mouvement soit enlevé des corps : il est donc impossible d’établir l’infini.

[70963] In De caelo, lib. 1 l. 15 n. 9 Tertiam rationem ponit ibi: adhuc si ubi et cetera. Et dicit quod locus ad quem movetur aliquid praeter naturam, vel in quo quiescit praeter naturam, necesse est quod sit cuiusdam alterius secundum naturam, ad quem scilicet naturaliter moveatur, et in quo naturaliter quiescat. Et hoc credibile fit ex inductione: nam terra movetur sursum praeter naturam, ignis vero secundum naturam; et e converso ignis deorsum praeter naturam, terra vero secundum naturam. Videmus autem quaedam moveri deorsum et quaedam sursum. Si autem illa quae moventur sursum, moventur praeter naturam, oportebit dicere aliqua alia esse quae moventur sursum secundum naturam; et similiter, si ponatur quod ea quae moventur deorsum, moventur praeter naturam, necesse est ponere alia quae moventur deorsum secundum naturam. Unde neque omnia habent gravitatem, neque omnia levitatem, secundum positionem praedictam: sed haec quidem habent gravitatem quae naturaliter moventur deorsum; haec autem non, quae naturaliter moventur sursum. Ultimo autem epilogando concludit manifestum esse ex praedictis quod omnino non est corpus infinitum, scilicet infinitum continuum neque infinitum distinctum per interpositionem vacui. Dicuntur autem hae ultimae rationes logicae, quia procedunt ex quibusdam probabilibus nondum plene probatis.

[70963] Sur le De caelo, I, 15, 9. Il établit la troisième raison ici : Ğ de plus si là où ğ, etc. Et il dit que le lieu vers lequel quelque chose est déplacé contre la nature, ou dans lequel il est au repos contre la nature a nécessairement quelque chose d’autre selon la nature, vers lequel il est naturellement déplacé et où il est naturellement au repos. Et cela devient crédible par induction : car la terre est déplacée vers le haut contre la nature, mais le feu l’est selon la nature ; et inversement le feu est déplacé vers le bas contre la nature, mais la terre l’est selon la nature. Nous voyons que certains corps sont déplacés vers le bas et certains autres vers le haut. Or si ceux qui sont déplacés vers le haut le sont contre la nature, il faudra dire qu’il y en a quelques autres qui sont déplacés vers le bas selon la nature, et également si on établissait que ce qui est déplacé vers le bas l’est contre la nature, il serait nécessaire d’établir d’autres choses qui sont déplacées vers le bas selon la nature. [276a15] De là tous n’ont pas de la pesanteur et tous n’ont pas de la légèreté, selon la position déjà mentionnée : mais ceux qui sont naturellement déplacés vers le bas ont de la pesanteur ; ceux qui sont naturellement déplacés vers le haut n’en ont pas. Enfin il conclut en épiloguant qu’il est manifeste d’après ce qui a déjà été dit qu’il n’y a absolument pas de corps infini, c’est-à-dire infini continu ou infini séparé par interposition de vide. Ces dernières raisons sont dites logiques puisqu’elles procèdent de certaines choses probables pas encore complètement prouvées.

 

 

Lectio 16

Leçon 16 – [Y a-t-il un nombre infini d’univers ?]

[70964] In De caelo, lib. 1 l. 16 n. 1 Postquam philosophus ostendit quod universum non est infinitum magnitudine, hic ostendit quod non sunt plures mundi numero, nedum quod sint infiniti. Et primo dicit de quo est intentio; secundo exequitur propositum, ibi: omnia enim et manent et cetera. Dicit ergo primo quod, quia ostensum est quod corpus totius universi non est infinitum, restat dicendum quod non est possibile esse plures caelos, idest plures mundos: iam enim supra diximus quod de hoc erat intendendum. Est autem considerandum quod supra philosophus fecit mentionem quod extra caelum non est aliquod corpus neque finitum neque infinitum; ex quo sequitur quod non sit alius mundus praeter istum; esset enim aliquod corpus extra caelum. Et ideo, si sufficienter esset supra probatum quod extra caelum non sit aliquod corpus neque finitum neque infinitum, nihil restaret probandum. Sed si quis non putat quod in superioribus sit ostensum universaliter de corporibus, quod scilicet impossibile sit quodcumque eorum esse extra mundum, sed solum quod ratio supra sit inducta de corporibus quae ponuntur esse infinita; secundum hoc adhuc restat videndum an sit possibile esse plures caelos, sive plures mundos.

[70964] Sur le De caelo, I, 16, 1. Après que le philosophe a montré que l’univers n’est pas infini en grandeur, il montre ici qu’il n’y a pas plusieurs mondes en nombre, à plus forte raison qu’ils ne sont pas infinis. Et premièrement il dit sur quoi porte son intention ; deuxièmement il expose la proposition, ici : Ğ car tout demeure en effet ğ, etc. Il dit donc premièrement que, puisqu’il a été montré que le corps de tout l’univers n’est pas infini, il reste à dire qu’il n’est pas possible qu’il y ait plusieurs ciels, c’est-à-dire plusieurs mondes : car nous avons déjà dit ci-dessus ce qu’il fallait entendre sur ce point. Or il faut considérer que le philosophe a fait mention ci-dessus du fait qu’en dehors du ciel il n’y a pas de corps ni fini ni infini ; il s’ensuit qu’il n’y a pas d’autre monde en dehors de celui-là : car il y aurait un corps en dehors du ciel. Et c’est pourquoi, s’il était suffisamment prouvé ci-dessus qu’en dehors du ciel il n’y a pas de corps ni fini ni infini, il ne resterait rien à prouver. Mais si on pense [276a20] que dans les passages précédents on n’a montré pas universellement à propos des corps qu’il est impossible que n’importe lequel d’entre eux soit en dehors du monde, mais seulement que le raisonnement ci-dessus soit introduit à propos des corps qui sont établis être infinis, selon cela il reste encore à voir s’il est possible qu’il y ait plusieurs ciels, ou plusieurs mondes.

[70965] In De caelo, lib. 1 l. 16 n. 2 Deinde cum dicit: omnia enim et manent etc., probat propositum: et primo ostendit quod sit tantum unus mundus; secundo inquirit an possibile sit esse plures mundos, ibi: quod autem non solum unus et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit esse tantummodo unum mundum, ratione sumpta ex inferioribus corporibus, ex quibus omnes ponebant mundum consistere; secundo ostendit idem communiter ex utrisque corporibus, tam inferioribus quam caelestibus, ibi: adhuc autem et per eas et cetera. Circa primum duo facit: primo inducit rationes ad propositum ostendendum; secundo probat quoddam quod supposuerat, ibi: quod autem est aliquid et cetera. Circa primum ponit tres rationes: secunda incipit ibi: adhuc necesse etc.; tertia ibi: sed adhuc et cetera.

[70965] Sur le De caelo, I, 16, 2. Ensuite quand il dit : Ğ car tout demeure en effet ğ, etc., il prouve la proposition : et il montre premièrement qu’il y a seulement un monde ; deuxièmement il cherche à découvrir s’il est possible qu’il y ait plusieurs mondes, ici : Ğ ce que non seulement un seul ğ, etc. Sur le premier point il fait deux choses : premièrement il montre qu’il y a seulement un monde, ayant tiré la raison des corps inférieurs, dont le monde est constitué, comme tous l’établissaient ; deuxièmement il montre la même chose communément à partir des deux types de corps, aussi bien inférieurs que célestes, ici : Ğ de plus par elles ğ, etc. Sur le premier point il fait deux choses : premièrement il introduit des raisons pour montrer la proposition ; deuxièmement il prouve un certain point qu’il avait supposé, ici : Ğ ce qui est quelque chose ğ, etc. Sur le premier point il établit trois raisons : la seconde commence ici : Ğ il est de plus nécessaire ğ, etc. ; la troisième ici : Ğ mais encore ğ, etc.

[70966] In De caelo, lib. 1 l. 16 n. 3 Circa primum duo facit. Primo praemittit tres suppositiones. Quarum prima est, quod omnia corpora quiescunt et moventur tam secundum naturam, quam etiam secundum violentiam. Quod quidem habet veritatem in corporibus inferioribus, quae cum sint generabilia et corruptibilia, sicut per vim fortioris agentis possunt permutari a sua specie, ita etiam possunt removeri a suo loco per motum violentum vel quietem: in corporibus autem caelestibus nihil potest esse violentum et extra naturam, cum sint incorruptibilia. Secunda suppositio est, quod in quocumque loco aliqua corpora manent secundum naturam et non per violentiam, in illum locum per naturam feruntur: et in quemcumque locum e converso aliqua per naturam feruntur, in illo loco naturaliter quiescunt. Et idem dicendum est circa violentiam: quia in quo loco aliqua quiescunt per violentiam, in illum locum feruntur per violentiam; et e converso, si ad aliquem locum feruntur per violentiam, in illo loco per violentiam quiescunt. Et huius suppositionis ratio est quia, cum quies in loco sit finis motus localis, oportet motum proportionari quieti, sicut finis proportionatur his quae sunt ad finem. Tertia suppositio est, quod si aliqua loci mutatio sit per violentiam alicui corpori, contraria est ei secundum naturam, sicut patet ex his quae supra dicta sunt.

[70966] Sur le De caelo, I, 16, 3. Sur le premier point il fait deux choses. Premièrement il avance trois suppositions. La première d’entre elles est que tous les corps sont au repos et sont déplacés aussi bien selon la nature que selon la violence aussi. Cela est vrai pour les corps inférieurs, qui, comme ils peuvent être engendrés et corrompus, de même que leur espèce peut être transformée par la puissance d’un agent plus fort, peuvent ainsi être aussi écartés de leur lieu par un mouvement violent ou calme : mais pour les corps célestes rien ne peut être violent et en dehors de la nature, comme ils sont incorruptibles. La seconde supposition est que, quel que soit le lieu où certains corps demeurent selon la nature et non par la violence, ils sont portés dans ce lieu par la nature, et que, quel que soit le lieu où inversement certains corps sont portés par la nature, ils sont naturellement au repos dans ce lieu. [276a25] Et il faut dire la même chose sur la violence, puisque dans le lieu où des corps sont au repos par violence, ils sont portés dans ce lieu par violence, et qu’inversement, s’ils sont portés par la violence dans un lieu, ils sont au repos par la violence dans ce lieu. Et la raison de cette supposition est que, comme le repos dans un lieu est la fin du mouvement local, il faut que le mouvement soit proportionnel au repos, comme la fin est proportionnée à ce qui va vers la fin. La troisième supposition est que si un corps a un changement de lieu par la violence, ce changement lui est contraire selon la nature, comme cela apparaît d’après qui a été dit ci-dessus.

[70967] In De caelo, lib. 1 l. 16 n. 4 Secundo ibi: ad medium itaque etc., ex praedictis suppositionibus argumentatur ad propositum. Primo quidem ex parte motus. Si enim sunt duo mundi, oportet esse in utroque aliquam terram. Terra ergo quae est in alio mundo, aut feretur ad medium huius mundi per naturam, aut per violentiam. Si per violentiam, oportebit dicere, secundum tertiam suppositionem, quod contraria loci mutatio, quae est ab isto mundo in medium illius mundi, sit ei secundum naturam. Et hoc patet esse falsum, quia a medio istius mundi nunquam terra movetur secundum naturam: ergo et primum est falsum, scilicet quod sint plures mundi.

[70967] Sur le De caelo, I, 16, 4. Deuxièmement ici : Ğ c’est pourquoi vers le milieu ğ, etc., il argumente à partir des suppositions déjà mentionnées pour prouver la proposition. Premièrement à partir du mouvement. En effet s’il y a deux mondes, il faut qu’il y ait une terre dans l’un et l’autre. Donc la terre qui est dans l’autre monde sera portée vers le milieu de ce monde soit par la nature, soit par la violence. Si c’est par la violence, il faudra dire, selon la troisième proposition, que le changement contraire de lieu, qui part de ce monde-ci pour le milieu de ce monde-là, sera selon la nature pour elle. Et cela paraît être faux, puisque la terre ne se déplace jamais selon la nature à partir du milieu de ce monde-ci : donc le premier point est également faux, à savoir qu’il y a plusieurs mondes.

[70968] In De caelo, lib. 1 l. 16 n. 5 Secundo ibi: et si manet etc., argumentatur ad idem ex parte quietis. Sicut enim manifestum est quod natura terrae non patitur quod moveatur secundum naturam a medio huius mundi, ita etiam terrae natura hoc habet, quod in medio huius mundi quiescat naturaliter. Si ergo inde huc delata terra manet hic non per violentiam, sed per naturam, sequitur per secundam suppositionem quod ab illo medio feretur huc secundum naturam. Et hoc ideo, quia unus est motus, vel una loci mutatio terrae secundum naturam: unde non potest esse quod uterque motus sit terrae naturalis, scilicet ab illo medio ad istud, et ab isto ad illud.

[70968] Sur le De caelo, I, 16, 5. Deuxièmement ici : Ğ et si demeure ğ, etc., il argumente dans le même but à partir du repos. Car de même qu’il est manifeste que la nature de la terre ne souffre pas d’être déplacée selon la nature à partir du milieu de ce monde, de même la nature de la terre a de quoi être naturellement au repos au milieu de ce monde. Donc si la terre, entraînée de là jusqu’ici demeure à cet endroit non par violence, mais par nature, il s’ensuit d’après la seconde supposition qu’elle sera portée à partir de ce milieu jusqu’ici selon la nature. [276a30] Et cela parce que le mouvement est unique ou que le changement de lieu de la terre est unique selon la nature : à partir de là il n’est pas possible que les deux mouvements soient naturels à la terre, c’est-à-dire de ce milieu-là à celui-ci, et de ce milieu-ci à celui-là.

[70969] In De caelo, lib. 1 l. 16 n. 6 Deinde cum dicit: adhuc necesse etc., ponit secundam rationem, quae excludit quendam defectum quem posset aliquis imponere primae rationi: posset enim aliquis ad primam rationem respondere quod terra quae est in illo mundo, est alterius naturae quam terra quae est in hoc mundo. Primo ergo Aristoteles hoc excludit; secundo ex hoc argumentatur ad propositum, ibi: natae sunt igitur ferri etc.; tertio excludit quandam obviationem, ibi: dignificare autem et cetera. Ostendit autem terram quae est in alio mundo, esse eiusdem naturae cum terra quae est in hoc mundo, primo quidem ratione accepta ex parte mundi; secundo ratione accepta ex parte motus, ibi: quod autem necesse sit et cetera.

[70969] Sur le De caelo, I, 16, 6. Ensuite quand il dit : Ğ de plus il est encore nécessaire ğ, etc., il établit une seconde raison, qui exclut un certain défaut que l’on pourrait trouver à la première raison : car on pourrait répondre à la première raison que la terre qui est dans ce monde-là est d’une autre nature que la terre qui est dans ce monde-ci. Premièrement donc Aristote exclut cela ; deuxièmement il s’en sert comme argument pour prouver la proposition, ici : Ğ elles sont donc nées pour être portées ğ, etc. ; troisièmement il rejette une certaine objection, ici : Ğ rendre digne ğ, etc. Il montre que la terre qui est dans l’autre monde est de la même nature que la terre qui est dans ce monde-ci, en tirant premièrement la raison du monde, en tirant deuxièmement la raison du mouvement, ici : Ğ ce qui est nécessaire ğ, etc.

[70970] In De caelo, lib. 1 l. 16 n. 7 Dicit ergo primo quod, si plures mundi qui ponuntur sint similis naturae, necesse est quod sint ex eisdem corporibus: et adhuc ulterius necesse est quod unumquodque illorum corporum habeat eandem virtutem cum corpore quod est in hoc mundo: et sic oportet ignem et terram esse eiusdem virtutis in quolibet illorum mundorum, et eadem ratio est de intermediis corporibus, quae sunt aer et aqua. Quia si corpora quae sunt ibi in alio mundo, dicuntur aequivoce cum corporibus quae sunt apud nos in hoc mundo, et non secundum eandem ideam, idest non secundum eandem speciem, consequens erit quod etiam ipsum totum constans ex huiusmodi partibus aequivoce dicatur mundus: ex partibus enim diversis in specie necesse est et totum diversum in specie componi. Hoc autem non videntur intendere qui ponunt plures mundos; sed univoce utuntur nomine mundi. Unde sequitur secundum eorum intentionem quod corpora quae sunt in diversis mundis, habeant eandem virtutem. Et ita manifestum est quod etiam in aliis mundis, sicut et in isto, aliquod ipsorum corporum ex quibus constituitur mundus, natum sit ferri a medio, quod competit igni, aliud autem ad medium, quod competit terrae; si hoc verum est, quod omnis ignis omni igni est eiusdem speciei, in quocumque mundo sit ignis, sicut et diversae partes ignis in hoc mundo existentis sunt unius speciei. Et eadem est ratio de aliis corporibus.

[70970] Sur le De caelo, I, 16, 7. Il dit donc premièrement que, si plusieurs mondes établis sont d’une nature semblable, ils sont nécessairement formés des mêmes corps : et en allant encore plus loin il est nécessaire que chacun des ces corps ait la même puissance que le corps qui est dans ce monde : et il faut ainsi que le feu et la terre soient de la même [276b1] puissance dans n’importe lequel de ces mondes et le même raisonnement s’applique aux corps intermédiaires, qui sont l’air et l’eau. Puisque si les corps qui sont ici dans un autre monde sont appelés de façon équivoque comme les corps qui sont chez nous dans ce monde-ci et non selon la même idée, c’est-à-dire selon la même espèce, il s’ensuivra que le monde sera appelé de façon équivoque, même en demeurant tout entier lui-même formé des parties de ce genre : car il est nécessaire qu’étant formé de parties différentes en espèce il soit aussi constitué tout entier différemment en espèce. Or ceux qui établissent plusieurs mondes ne semblent pas avoir voulu cela ; mais ils utilisent de façon univoque le nom du monde. Il s’ensuit selon leur intention que les corps qui sont dans différents mondes ont la même puissance. Et il est ainsi manifeste que même dans d’autres mondes, comme dans celui-ci aussi, un des corps mêmes dont le monde est constitué, est né pour être tiré [276b5] du milieu, quand il correspond au feu, mais un autre est né pour être porté au milieu, quand il correspond à la terre ; s’il est vrai que tout feu est de la même espèce que tout feu, quel que soit le monde où se trouve le feu, de même aussi les différentes parties du feu existant dans ce monde-ci sont d’une seule espèce. Et c’est le même raisonnement pour les autres corps.

[70971] In De caelo, lib. 1 l. 16 n. 8 Deinde cum dicit: quod autem necesse etc., ostendit idem ratione accepta ex parte motus. Et dicit manifestum esse quod necesse sit sic se habere sicut dictum est, de uniformitate corporum quae sunt in diversis mundis; et hoc ex suppositionibus quae accipiuntur circa motus. Vocat autem suppositiones ea quibus utitur ad propositum ostendendum, propter hoc quod hic supponuntur sicut principia, licet quaedam eorum supra fuerint probata. Est autem una suppositio quod motus sunt finiti, idest determinati secundum species: non enim sunt infinitae species motuum simplicium, sed tres tantum, ut supra probatum est. Secunda suppositio est quod quodlibet elementorum dicitur secundum quod habet naturam ad unum aliquem motuum; sicut terra dicitur gravis propter habitudinem ad motum deorsum, ignis dicitur levis propter aptitudinem ad motum sursum. Quia igitur sunt determinatae species motus, necesse est quod sint iidem motus secundum speciem in quolibet mundo. Et quia unumquodque elementorum dicitur secundum aliquem motuum, necesse est ulterius quod elementa sint eadem secundum speciem ubique, idest in quolibet mundo.

[70971] Sur le De caelo, I, 16, 8. Ensuite quand il dit : Ğ ce qui est nécessaire ğ, etc., il montre la même chose en tirant sa raison du mouvement. Et il dit qu’il est manifeste qu’il est nécessaire que les choses en soient ainsi qu’on l’a dit en ce qui concerne l’uniformité des corps qui sont dans les différents mondes ; et cela à partir des suppositions qui sont faites sur les mouvements. Il appelle suppositions les idées dont il se sert pour démontrer une proposition, pour la raison qu’elles sont ici supposées comme des principes, bien que certaines d’entre elles aient été prouvées ci-dessus. Il y a une supposition selon laquelle les mouvements sont finis, c’est-à-dire déterminés selon leurs espèces : car les espèces des mouvements simples ne sont pas infinies, mais seulement trois, comme on l’a prouvé ci-dessus. La seconde supposition dit que n’importe lequel des éléments tire son nom [276b10] de la nature de son mouvement ; de même que la terre est dite lourde en raison de son habitude du mouvement vers le bas, le feu est dit léger en raison de son aptitude au mouvement vers le haut. Donc puisque les espèces des mouvements sont déterminées, il est nécessaire que les mêmes mouvements soient selon leur espèce dans n’importe quel monde. Et puisque chacun des éléments est appelé d’après un mouvement, il est nécessaire en allant plus loin que les éléments soient les mêmes selon l’espèce partout, c’est-à-dire dans n’importe quel monde.

[70972] In De caelo, lib. 1 l. 16 n. 9 Deinde cum dicit: natae sunt igitur etc., ex praemissis argumentatur ad propositum. Si enim corpora quae sunt in quolibet mundo, sunt eiusdem speciei; videmus autem quod omnes partes terrae quae sunt in hoc mundo, feruntur ad hoc medium huius mundi, et omnes partes ignis ad extremum huius; consequens erit quod etiam omnes partes terrae quae sunt in quocumque alio mundo, feruntur ad medium huius mundi; et omnes partes ignis quae sunt in quocumque alio mundo, feruntur ad extremum huius mundi. Sed hoc est impossibile. Si enim hoc accideret, necesse esset quod terra quae est in alio mundo, ferretur sursum in proprio suo mundo, et quod ignis in illo mundo ferretur ad medium. Et simili ratione terra quae est in hoc mundo, ferretur secundum naturam a medio huius mundi in medium illius mundi. Et hoc necesse est sequi propter dispositionem mundorum, qui talem situm habent ut medium unius mundi sit distans a medio alterius; et sic non potest terra ad medium alterius mundi moveri, nisi recedat a medio sui mundi mota versus extremum, quod est moveri sursum. Similiter, quia extrema diversorum mundorum habent diversum situm, necesse est quod si ignis debeat ferri ad extremum alterius mundi, quod recedat ab extremo proprii mundi, quod est moveri deorsum in proprio mundo. Haec autem sunt inconvenientia: quia aut ponendum est quod non sit eadem natura simplicium corporum in pluribus mundis, quod supra improbatum est; aut si dicamus esse eandem naturam, et velimus vitare praedicta inconvenientia quae sequuntur ex diversitate mediorum et extremorum, necesse est ponere unum solum medium, ad quod feruntur omnia gravia ubicumque sint, et unum extremum, ad quod feruntur omnia levia ubicumque sint. Quo posito, impossibile est esse plures mundos; quia ad unitatem medii et extremi sequitur unitas circuli seu sphaerae.

[70972] Sur le De caelo, I, 16, 9. Ensuite quand il dit : Ğ elles sont donc nées ğ, etc., il argumente à partir des prémisses pour sa proposition. En effet si les corps qui sont dans n’importe quel monde sont de la même espèce nous voyons que toutes les parties de la terre qui sont dans ce monde sont portées vers le milieu de ce monde-ci et que toutes les parties du feu sont portées vers son extrémité, il s’ensuivra que toutes les parties de la terre qui sont dans n’importe quel autre monde sont aussi portées vers le milieu de ce monde-ci et que toutes les parties du feu qui sont dans n’importe quel autre monde sont portées à l’extrémité de ce monde-ci. Mais c’est impossible. Car si cela arrivait, [276b15] il serait nécessaire que la terre qui est dans l’autre monde soit portée vers le haut dans son propre monde et que le feu dans ce monde-là soit porté vers le milieu. Et pour une raison semblable la terre qui est dans ce monde-ci serait portée selon la nature du milieu de ce monde-ci au milieu de ce monde-là. Et il est nécessaire de la suivre à cause de la disposition des mondes, qui ont une situation telle que le milieu d’un monde est distant du milieu de l’autre monde ; et ainsi la terre ne peut être déplacée vers le milieu de l’autre monde, à moins de s’éloigner du milieu de son monde, déplacée vers l’extrémité, ce qui revient à se déplacer vers le haut. Également, puisque les extrémités des différents mondes ont un emplacement différent, il est nécessaire que, si le feu devait être porté vers les extrémités de l’autre monde, il s’écarte de l’extrémité de son propre monde, ce qui revient à se déplacer vers le bas dans son propre monde. Or ces choses ne sont pas compatibles : puisque soit il faut établir que la nature des corps simples n’est pas la même dans plusieurs mondes, [276b20] ce qui a été rejeté ci-dessus, soit si nous disons qu’ils ont la même nature et que nous voulons éviter les incompatibilités déjà mentionnées qui sont la conséquence de la différence des milieux et des extrémités, il est nécessaire d’établir un seul milieu, vers lequel tous les corps lourds sont entraînés, où qu’ils soient, et une seule extrémité, vers laquelle sont entraînés tous les corps légers, où qu’ils soient. Cela établi, il est impossible qu’il y ait plusieurs mondes, puisque l’unité du cercle ou de la sphère est la conséquence de l’unité du milieu et de l’extrémité.

[70973] In De caelo, lib. 1 l. 16 n. 10 Deinde cum dicit: dignificare autem etc., excludit quandam obviationem, qua posset aliquis dicere quod corpora quae sunt in alio mundo, non moventur ad medium et extremum huius mundi, propter distantiam. Sed ipse hoc excludens dicit quod irrationabile est dignum reputare quod sit alia natura simplicium corporum, propter hoc quod distent plus vel minus a propriis locis, ita scilicet quod ad propria loca moveantur de propinquo et non de remoto. Non enim videtur differre quantum ad naturam corporis, quod per tantam longitudinem distet a suo loco vel per tantam: quia differentia mathematicorum non diversificat naturam. Est enim secundum rationem quod quanto plus corpus appropinquat ad suum locum, tanto magis velociter moveatur; ita tamen quod species sit eadem et motus et mobilis. Differentia enim velocitatis est secundum quantitatem, non secundum speciem; sicut et differentia longitudinis.

[70973] Sur le De caelo, I, 16, 10. Ensuite quand il dit : Ğ or justifier ğ, etc., il rejette une certaine objection, selon laquelle on pourrait dire que les corps qui sont dans l’autre monde ne se déplacent pas vers le milieu et l’extrémité de ce monde-ci, en raison de la distance. Mais en excluant cela lui-même, il dit qu’il est digne de trouver déraisonnable qu’il y ait une autre nature de corps simples, pour la raison qu’ils sont plus ou moins distants de leurs propres lieux, et aussi qu’ils se déplacent vers leurs lieux propres de près et non de loin. Car le fait qu’un corps soit distant de telle ou telle longueur de son lieu ne semble pas entraîner de différence pour sa nature, puisque la différence des mathématiques ne rend pas la nature différente. En effet le fait que plus un corps s’approche de son lieu, plus il se déplace rapidement est selon la nature, tout comme l’espèce, le mouvement et le corps mobile sont les mêmes. Car la différence de rapidité concerne la quantité, non l’espèce, de même que la différence de longueur. [276b25]

 

 

Lectio 17

Leçon 17 – [L’unicité du monde, preuve par le mouvement vers un lieu]

[70974] In De caelo, lib. 1 l. 17 n. 1 Praemissis duabus rationibus ad ostendendum unitatem mundi, hic Aristoteles ponit tertiam rationem ad idem; quae quidem addit quoddam aliud, quod videbatur deficere ad primam rationem. Posset enim aliquis dicere quod corporibus non inest moveri naturaliter ad aliqua loca determinata: vel, si ad aliqua loca determinata moventur, ea quae sunt unius speciei et diversa secundum numerum, moventur ad loca diversa secundum numerum, quae conveniunt in specie; non autem ad eundem locum secundum numerum, sicut prima ratio supponebat. Ad haec igitur certificanda philosophus inducit hanc tertiam rationem. Circa quam tria facit: primo ponit rationem; secundo excludit quandam obviationem, ibi: si autem ad specie eadem etc.; tertio infert principalem conclusionem, ibi: itaque necessarium et cetera.

[70974] Sur le De caelo, I, 17, 1. Après avoir avancé deux raisons pour montrer l’unicité du monde, Aristote établit ici une troisième raison dans le même but ; celle-ci ajoute quelque chose d’autre, qui semblait manquer à la première. Car on pourrait dire qu’il n’appartient pas aux corps de se déplacer naturellement vers des lieux déterminés : ou bien, s’ils se déplacent vers des lieux déterminés, ceux qui sont d’une seule espèce et différents selon le nombre se déplacent vers différents lieux selon le nombre, lieux qui s’accordent à l’espèce, et non vers le même lieu selon le nombre, comme la première raison le supposait. Donc pour soutenir cela, le philosophe induit cette troisième raison. En ce qui la concerne, il fait trois choses : premièrement il établit la raison ; deuxièmement il rejette une objection ici : Ğ mais si à l’espèce la même chose ğ, etc. ; troisièmement il met en avant sa principale conclusion, ici : Ğ c’est pourquoi il est nécessaire ğ, etc.

[70975] In De caelo, lib. 1 l. 17 n. 2 Dicit ergo primo necessarium esse quod sit aliquis motus praedictorum corporum. Manifestum est autem quod moventur: quod quidem apparet et per sensum et per rationem, quia huiusmodi sunt corpora naturalia, quibus competit moveri. Potest ergo dubitatio remanere, utrum sit dicendum quod corpora naturalia moveantur per violentiam omnibus motibus quibus moventur, etiam si sint contrarii; puta quod ignis inducatur et sursum et deorsum per violentiam. Sed hoc est impossibile: quia quod non est omnino natum moveri, idest quod nullum motum habet ex sua natura, impossibile est quod moveatur per violentiam. Hoc enim dicimus violentiam pati, quod per vim fortioris agentis removetur a propria inclinatione: si igitur corporibus non inesset aliqua naturalis inclinatio ad quosdam motus, violentia in eis locum non haberet; sicut si animal non esset natum videre, non attribueretur ei caecitas. Oportet igitur dicere quod istorum corporum quae sunt partes mundi, sit aliquis motus secundum naturam. Eorum igitur quorum est una natura, est unus motus. Unus autem motus dicitur, qui est ad unum terminum, ut patet in V Physic. Necesse est ergo quod motus singulorum quae sunt unius speciei, sit ad unum numero locum: videlicet, si sint gravia, ad hoc medium quod est huius mundi; et si sint levia, ad hoc extremum huius mundi. Et ad hoc sequitur esse unum mundum.

[70975] Sur le De caelo, I, 17, 2. Il dit donc premièrement qu’il est nécessaire qu’il y ait un mouvement des corps déjà mentionnés. Il est manifeste qu’ils se déplacent : cela apparaît en tout cas à la fois par les sens et par la raison, puisque sont naturels les corps de ce genre, à qui il est possible de se déplacer. Le doute peut donc demeurer, pour savoir s’il faut dire que les corps naturels sont déplacés avec violence selon tous les mouvements par lesquels ils se déplacent, même s’ils sont contraires ; par exemple lorsque le feu est entraîné à la fois vers le haut et vers le bas par la violence. Mais c’est impossible, puisque ce qui n’est absolument pas né pour être déplacé, c’est-à-dire ce qui n’a aucun mouvement selon sa nature, ne peut pas être déplacé par la violence. En effet nous disons que subit de la violence ce qui est écarté de sa propre inclinaison par la force d’un agent plus puissant : donc si une inclinaison naturelle ne se trouvait pas dans les corps, la violence n’aurait pas lieu en elles, de même que si un animal n’était pas né pour voir, on ne lui attribuerait pas la cécité. Il faut donc dire que ces corps qui sont des parties du monde ont un mouvement selon la nature. Par conséquent ceux qui ont une seule nature ont un seul mouvement. On appelle mouvement ce qui va vers une limite, comme cela apparaît dans le livre V de la Physique. Il est donc nécessaire [276b30] que le mouvement de tous ceux qui sont d’une seule espèce se dirige vers un lieu unique en nombre : il est clair que, s’ils sont lourds, ils vont vers le milieu qui appartient à ce monde-ci ; et s’ils sont légers, ils vont vers l’extrémité de ce monde-ci. Et il s’ensuit qu’il y a un seul monde.

[70976] In De caelo, lib. 1 l. 17 n. 3 Deinde cum dicit: si autem ad specie eadem etc., excludit quandam obviationem. Posset enim aliquis dicere quod omnia corpora quae habent eundem motum naturalem, moventur ad loca quae sunt eadem specie, sed plura numero: quia etiam ipsa singularia, idest singulae partes unius corporis naturalis, puta terrae vel aquae, sunt plura numero, sed non differunt specie. Non videtur autem plura requirere unitas naturae mobilium quae sunt unius speciei, quam quod eorum motus sit unus secundum speciem; ad quod videtur sufficere quod loca ad quae terminatur, sint similia in specie.

[70976] Sur le De caelo, I, 17, 3. Ensuite, quand il dit : Ğ mais si vers la même espèce ğ, il rejette une objection. Car on pourrait dire que tous les corps qui ont le même mouvement naturel sont déplacés vers les lieux qui sont de la même espèce [277a1], mais qu’ils sont plus nombreux, puisque chacun pris en particulier aussi, c’est-à-dire chaque partie d’un corps naturel, par exemple de la terre ou de l’eau, est en plus nombre, mais ne diffère pas en espèce. L’unité de natures des mobiles qui sont d’une seule espèce ne semble pas avoir besoin de parties plus nombreuses du fait que le mouvement est unique selon l’espèce ; il semble suffire à cela que les lieux vers lesquels elle est déterminée soient semblables en espèce.

[70977] In De caelo, lib. 1 l. 17 n. 4 Sed ipse ad hoc excludendum dicit quod tale accidens, scilicet moveri ad eadem loca secundum speciem, non videtur convenire huic partium, huic autem non (ut scilicet quaedam partes similes specie moveantur ad eundem locum numero, quaedam vero ad eundem locum secundum speciem); sed similiter oportet quod conveniat omnibus (ut scilicet vel omnes partes similes specie moveantur ad unum locum secundum numerum, vel omnes huiusmodi partes moveantur ad unum locum similem specie, numero tamen differentem); quia omnes huiusmodi similiter se habent quantum ad hoc quod non differunt specie ab invicem, sed unumquodque differt ab altero secundum numerum. Hoc autem ideo dicit, quia partes alicuius corporis, puta terrae, quae sunt in hoc mundo, similiter se habent ad invicem et cum partibus terrae quae sunt in alio mundo, ex quo terra hic et ibi est eiusdem speciei. Si ergo hinc, idest ex isto mundo, sumatur aliqua pars, puta terrae, nihil differt si comparetur ad aliquam partium quae sunt in aliquo alio mundo, vel si comparatur ad eas quae sunt in hoc mundo, sed similis est comparatio ad utrasque; quia non differunt specie ad invicem partes terrae quae sunt in hoc mundo, et quae sunt in alio mundo. Et eadem ratio est de aliis corporibus. Videmus autem quod omnes partes terrae quae sunt in hoc mundo, moventur ad unum numero locum; et similiter est in aliis corporibus. Ergo omnes partes terrae, in quocumque mundo sint, naturaliter moventur ad hoc medium huius mundi.

[70977] Sur le De caelo, I, 17, 4. Mais il dit lui-même pour rejeter cela qu’un tel accident, c’est-à-dire un mouvement vers les mêmes lieux selon l’espèce ne semble pas s’accorder à telle partie oui et à telle partie non (de telle sorte que certaines parties semblables en espèce sont déplacées vers le même lieu en nombre, mais que certaines le sont vers le même lieu selon l’espèce) ; mais il faut également qu’il s’accorde à toutes (de telle sorte que toutes les parties semblables en espèce sont déplacées vers un lieu unique en nombre, ou bien que toutes les parties de ce genre sont déplacées vers un seul lieu semblable en espèce, mais différentes en nombre), puisque toutes les parties de ce genre sont semblables quant au fait qu’elles ne diffèrent point en espèce les unes des autres, mais que chacune diffère d’une autre selon le nombre. [277a5] Or il dit cela parce que les parties d’un corps, par exemple de la terre, qui sont dans ce monde-ci sont semblables les unes aux autres et aux parties de la terre qui sont dans l’autre monde, d’où il résulte que la terre est de la même espèce ici et là. Donc si à partir d’ici, c’est-à-dire de ce monde-ci, on prenait une partie, par exemple de la terre, il n’y aurait pas de différence si on la comparait à l’une des parties qui sont dans un autre monde, ou si on la comparait à celles qui sont dans ce monde-ci, mais la comparaison serait semblable avec les unes ou les autres, puisque ne diffèrent pas en espèce les unes des autres les parties de terre qui sont dans ce monde-ci, et celles qui sont dans l’autre monde. Et le même raisonnement s’applique aux autres corps. Or nous voyons que toutes les parties de la terre qui sont dans ce monde-ci sont déplacées vers un lieu unique en nombre ; et il en est de même pour les autres corps. Donc toutes les parties de la terre, quel que soit le monde où elles se trouvent, sont naturellement déplacées vers le milieu de ce monde-ci.

[70978] In De caelo, lib. 1 l. 17 n. 5 Ipsa igitur naturalis inclinatio omnium corporum gravium ad unum numero medium, et omnium levium corporum ad unum numero extremum, manifestat unitatem mundi. Non enim potest dici quod in pluribus mundis ordinentur corpora secundum diversa media et extrema, sicut et in pluribus hominibus sunt media et extrema diversa numero, sed in eadem specie. Quia natura membrorum hominis vel cuiuslibet animalis non determinatur secundum ordinem ad aliquem locum, sed magis secundum ordinem ad aliquem actum; talis autem situs partium animalis congruit decentiae operationis membrorum. Sed natura gravium et levium determinatur ad certa loca; ita scilicet quod omnia quae habent eandem naturam, ad unum numero locum unam numero habent naturalem inclinationem.

[70978] Sur le De caelo, I, 17, 5. Par conséquent l’inclinaison naturelle même de tous les corps lourds vers un milieu unique en nombre et de tous les corps légers vers une extrémité unique en nombre manifeste l’unicité du monde. Car on ne peut dire que les corps sont disposés dans plusieurs mondes selon des milieux et des extrémités différents, de même qu’il y a chez plusieurs hommes des milieux et extrémités qui diffèrent en nombre, mais qui sont de la même espèce. Puisque la nature des membres d’un homme ou de n’importe quel être vivant n’est pas déterminée selon l’ordre vers un lieu, mais plutôt selon l’ordre vers un acte ; or une telle situation des parties d’un être vivant est en accord avec ce qui convient à l’activité des membres. Mais la nature des corps lourds et légers est déterminée pour des lieux certains, tout comme tout ce qui a la même nature a une inclinaison naturelle unique en nombre vers un lieu unique en nombre.

[70979] In De caelo, lib. 1 l. 17 n. 6 Deinde cum dicit: itaque necessarium etc., infert principalem conclusionem. Cum enim conclusio secundum formam debitam infertur ex praemissis, necesse est vel conclusionem concedere, vel praemissas negare. Concludit ergo quod aut est necesse amovere, idest negare, has suppositiones, idest principia ex quibus conclusit propositum; aut necesse est concedere conclusionem, quod scilicet sit unum medium, ad quod feruntur omnia gravia, et unum extremum, ad quod feruntur omnia levia. Quo existente vero, necesse est ex consequenti quod sit unum caelum, idest unus mundus, et non plures; et hoc per argumenta, idest signa, praedicta, et per necessitates, idest necessarias rationes, praedictas.

[70979] Sur le De caelo, I, 17, 6. Ensuite quand il dit : Ğ c’est pourquoi il est nécessaire ğ, etc., il tire la principale conclusion. En effet lorsque la conclusion selon la forme due est tirée des prémisses, il est nécessaire soit de concéder la conclusion, [277a10] soit de nier les prémisses. Il conclut donc qu’il est nécessaire d’écarter, c’est-à-dire de nier, ces suppositions, c’est-à-dire les principes grâce auxquels il conclut la proposition, ou bien qu’il est nécessaire de concéder la conclusion, à savoir qu’il y a un seul milieu vers lequel sont entraînés tous les corps lourds, et une seule extrémité, vers laquelle sont entraînés tous les corps légers. Si cela est, il est nécessaire par conséquent qu’il y ait un seul ciel, c’est-à-dire un seul monde, et non plusieurs ; et cela par les arguments, c’est-à-dire les preuves, et par les nécessités, c’est-à-dire les raisons nécessaires, susdites.

[70980] In De caelo, lib. 1 l. 17 n. 7 Deinde cum dicit: quod autem est aliquid etc., ostendit quoddam quod supposuerat, scilicet quod corpora naturalia habent loca determinata, ad quae naturaliter ferantur. Et primo ostendit propositum; secundo destruit opinionem contrariam, ibi: sed adhuc neque ab alio et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit propositum per rationem naturalem; secundo per signum, ibi: argumentum autem et cetera. Circa primum tria facit. Primo proponit quod intendit: et dicit manifestum esse tam ex aliis rationibus quam ex praemissis (vel etiam ex aliis motibus) quod est aliquis locus determinatus, quo naturaliter terra fertur. Et similiter dicendum est de aqua et de quolibet aliorum corporum.

[70980] Sur le De caelo, I, 17, 7. Ensuite quand il dit : Ğ le fait qu’il y a quelque chose ğ, etc., il montre ce qu’il avait supposé, à savoir que les corps naturels ont des lieux déterminés, vers lesquels ils sont naturellement entraînés. Et il montre premièrement la proposition ; deuxièmement il détruit l’opinion contraire, ici : Ğ mais ni par un autre ğ, etc. Sur le premier point il fait deux choses : il montre premièrement la proposition par une raison naturelle ; deuxièmement par une preuve ici : Ğ mais l’argument ğ, etc. Sur le premier point il fait trois choses. Premièrement il propose ce qu’il avait l’intention de faire : et il dit qu’il est manifeste autant d’après d’autres raisons que d’après les prémisses (ou bien d’après les autres mouvements) qu’il y a un autre lieu déterminé où la terre est naturellement entraînée. Et il faut le dire également de l’eau et de n’importe quel autre corps.

[70981] In De caelo, lib. 1 l. 17 n. 8 Secundo ibi: omnino enim quod movetur etc., ponit rationem: dicens omnino, idest universaliter, hoc esse verum, quod omne quod movetur, transmutatur ex quodam determinato in quoddam determinatum: dicitur enim in I Physic. quod album fit non ex quolibet non albo, sed ex nigro. Haec autem duo, scilicet ex quo motus procedit et in quod terminatur, differunt specie: sunt enim contraria, ut patet in V Physic.; contrarietas autem est differentia secundum formam, ut dicitur in X Metaphys. Hoc autem quod dictum est, probat per hoc, quod omnis transmutatio est finita, ut probatur in VI Physic., et etiam per ea quae supra dicta sunt, scilicet quod nihil movetur ad id ad quod non potest pervenire; nihil autem potest pervenire ad infinitum; unde oportet omnem mutationem esse finitam. Si autem non esset aliquod determinatum in quod tendit motus, differens specie ab eo a quo motus incipit, oporteret motum esse infinitum: nulla enim ratio esset quare motus magis terminaretur hic quam alibi; sed eadem ratione qua incoepit illinc moveri, inciperet moveri et hinc. Manifestat etiam per exemplum quod dictum est. Illud enim quod sanatur, movetur ex infirmitate in sanitatem; et illud quod augmentatur, movetur ex parvitate in magnitudinem: oportet igitur etiam illud quod fertur, idest quod movetur secundum locum, moveri a quodam determinato in quoddam determinatum; et haec sunt locus unde incipit motus, et locus quo tendit. Sic igitur oportet quod specie differat locus a quo aliquid movetur localiter, et in quem naturaliter fertur; sicut id quod sanatur non tendit ubicumque contingit, quasi a casu, neque ex sola voluntate moventis, sed ad aliquid determinatum, ad quod natura inclinatur. Sic igitur et ignis et terra et alia corpora naturalia non feruntur ad infinitum, idest ad aliquod indeterminatum, sicut posuit Democritus; sed feruntur in loca opposita locis in quibus prius erant. Contrariatur autem sursum secundum locum ei quod est deorsum. Sequitur ergo quod sursum et deorsum sunt termini naturalium motuum corporum simplicium.

[70981] Sur le De caelo, I, 17, 8. Deuxièmement ici : Ğ car totalement ce qui est déplacé ğ, etc., il établit un raisonnement, en disant qu’il est totalement, c’est-à-dire universellement, vrai que tout ce qui se déplace est transformé d’une chose déterminée en une autre chose déterminée : [277a15] car il est dit dans le livre I de la Physique que le blanc n’est pas fait à partir de quelque chose qui n’est pas blanc, mais à partir du noir. Or ces deux choses, c’est-à-dire ce dont le mouvement procède et ce en quoi il se termine, diffèrent en espèce : car ce sont des contraires, comme il apparaît dans le livre V de la Physique ; l’opposition est une différence selon la forme, comme il est dit dans le livre X de la Métaphysique. Il prouve ce qui est dit par le fait que toute transformation est finie, comme il est prouvé dans le livre VI de la Physique, et aussi par ce qui a été dit ci-dessus, à savoir que rien ne se déplace vers ce vers quoi il ne peut parvenir ; or rien ne peut parvenir à l’infini ; de là il faut que toute mutation soit finie. Mais s’il n’y avait pas une chose déterminée vers laquelle tend le mouvement, différent en espèce de ce par quoi le mouvement commence, il faudrait que le mouvement soit infini : car il n’y a aucune raison pour laquelle le mouvement se termine davantage ici qu’ailleurs ; mais selon la même raison pour laquelle il commence à être déplacé de là, il commencerait aussi à être déplacé d’ici. Il le manifeste aussi par l’exemple qui a été dit. Car ce qui est guéri est déplacé de l’infirmité à la guérison ; et ce qui est augmenté est déplacé de la petitesse à la grandeur : il faut donc aussi que ce qui est entraîné, c’est-à-dire ce qui est déplacé selon le lieu, le soit d’un lieu déterminé vers un lieu déterminé ; et c’est un lieu d’où le mouvement commence et un lieu où il tend. Ainsi donc il faut que diffèrent en espèce le lieu d’où une chose est déplacée localement et le lieu vers lequel cette chose est naturellement portée [277a20], de même que ce qui est guéri ne tend pas partout où il arrive, comme par accident, ni par la seule volonté de ce qui déplace, mais à une chose déterminée, vers laquelle la nature est inclinée. Ainsi donc à la fois le feu, la terre et les autres corps naturels ne sont pas entraînés vers l’infini, c’est-à-dire vers une chose indéterminée, comme Démocrite l’a établi ; mais ils sont entraînés vers des lieux opposés aux lieux où ils étaient auparavant. Or le mouvement vers le haut est opposé selon le lieu à celui qui va vers le bas. Il s’ensuit donc que les mouvements vers le haut et vers le bas sont les limites des mouvements naturels des corps simples.

[70982] In De caelo, lib. 1 l. 17 n. 9 Tertio ibi: quoniam autem et qui in circuitu etc., excludit quandam obviationem, qua posset aliquis obviare ex motu circulari, qui non videtur esse ex opposito in oppositum, sed magis ex eodem in idem. Sed ipse dicit quod etiam motus circularis aliqualiter habet oppositum in termino. Dicit autem aliqualiter, propter duo. Primo quidem quia non invenitur oppositio in motu circulari secundum aliqua puncta in circulo designata, prout sunt puncta ipsius circuli, sed solum prout sunt extrema diametri, secundum quam mensuratur maxima distantia in circulo, ut supra dictum est: unde subdit: ea quae secundum diametrum, scilicet extrema, opposita sunt. Secundo quia, sicut totum corpus sphaericum non mutat locum subiecto sed solum ratione, partes autem eius variant locum etiam subiecto; ita si accipiatur totus motus circularis, non invenitur aliqua oppositio in terminis nisi secundum rationem, prout scilicet idem, a quo et in quod est motus circularis, accipitur ut principium et ut finis; sed accipiendo partes motus circularis, accipitur ibi oppositio secundum lineam rectam, ut supra dictum est; et ideo subdit quod toti circulationi non est aliquid contrarium. Sic ergo patet quod etiam in his quae circulariter feruntur, mutatio est aliquo modo in opposita et finita. Et sic universaliter concludit quod intendit, scilicet quod necesse est esse aliquem finem motus localis; non autem in infinitum fertur corpus naturale, idest ad aliquod indeterminatum, sicut posuit Democritus motum atomorum.

[70982] Sur le De caelo, I, 17, 9. Troisièmement ici : Ğ puisque et celui qui dans le mouvement circulaire ğ, il rejette une objection, selon laquelle on pourrait tirer une réfutation sur le mouvement circulaire, qui ne semble pas aller de l’opposé vers l’opposé, mais plutôt du même vers le même. Mais il dit lui-même que même le mouvement circulaire a d’une certaine manière un contraire dans sa limite. Or il dit d’une certaine manière, pour deux raisons. Premièrement parce qu’on ne trouve pas d’opposition dans un mouvement circulaire selon des points tracés dans un cercle, dans la mesure où ce sont des points du cercle, mais seulement dans la mesure où ce sont les extrémités du diamètre, selon lequel on mesure la plus grande distance dans un cercle, comme on l’a dit ci-dessus : de là il suppose : ceux qui sont opposés selon le diamètre, c’est-à-dire les extrémités. Deuxièmement puisque, de même qu’un corps sphérique tout entier change de lieu non pas en sujet, mais seulement en raison, ses parties changent de lieu aussi en sujet ; ainsi, si on acceptait un mouvement circulaire tout entier, on ne trouverait pas d’opposition dans les limites si ce n’est selon la raison, dans la mesure où le même, à partir duquel et vers lequel il y a un mouvement circulaire, est tenu pour le début et pour la fin ; mais en acceptant les parties du mouvement circulaire, on accepte ici une opposition selon une ligne droite, comme on l’a dit ci-dessus ; et c’est pourquoi il suppose qu’il n’y a pas quelque chose d’opposé à un mouvement circulaire tout entier. [277a25] Ainsi donc il apparaît que même pour ce qui est entraîné circulairement le changement se fait de quelque façon vers des lieux opposés et finis. Et il conclut ainsi universellement ce qu’il avait l’intention de faire, à savoir qu’il est nécessaire qu’il y ait une fin au mouvement circulaire ; un corps naturel n’est pas entraîné vers l’infini, c’est-à-dire vers quelque chose d’indéterminé, comme Démocrite a établi le mouvement des atomes.

[70983] In De caelo, lib. 1 l. 17 n. 10 Deinde cum dicit: argumentum autem etc., probat idem per signum: quam quidem probationem vocat argumentum, eo quod talis probatio est quasi coniecturalis. Et dicit quod argumentum eius quod corpus naturale non feratur in infinitum sed ad aliquod certum, est quod terra, quanto magis appropinquat ad medium, velocius fertur (quod potuit deprehendi ex maiori eius impulsu, prout scilicet a gravi cadente fortius impellitur aliquid iuxta terminum sui motus): et eadem ratio est de igne, quod motus eius in tanto est velocior, quanto magis appropinquat ad locum sursum. Si ergo in infinitum ferretur terra vel ignis, in infinitum posset velocitas eius augeri. Et ex hoc concludit quod in infinitum posset augeri gravitas vel levitas corporis naturalis. Sicut enim velocitas corporis gravis est maior, quanto grave corpus amplius descendit, quod quidem corpus grave est velox per suam gravitatem; sic etiam ita poterit esse additio infinita ad velocitatem, si sit additio infinita ad gravitatem vel levitatem. Ostensum est autem supra quod non potest esse gravitas vel levitas infinita, et quod non potest aliquid moveri ad id ad quod non potest pertingere. Sic igitur additio gravitatis non potest esse in infinitum; et per consequens nec additio velocitatis. Unde nec motus corporum naturalium potest esse in infinitum.

[70983] Sur le De caelo, I, 17, 10. Ensuite quand il dit : Ğ or l’argument ğ, etc., il prouve la même chose par une preuve : il appelle cette démonstration argument, parce qu’une telle démonstration est pour ainsi dire conjecturale. Et il dit que l’argument qui prouve qu’un corps naturel n’est pas entraîné vers l’infini, mais vers quelque chose de certain est que plus la terre s’approche du milieu, plus elle est entraînée rapidement (ce qui a pu être découvert à partir de la plus grande impulsion, dans la mesure où quelque chose est poussé plus fortement près de la limite de son mouvement par un corps lourd tombant) : et la même raison concerne le feu, selon laquelle son mouvement est d’autant plus rapide qu’il s’approche davantage du lieu [277a30] vers le haut. Donc si la terre et le feu sont entraînés vers l’infini, leur rapidité pourrait être accrue à l’infini. Et il en conclut que le poids ou la légèreté d’un corps naturel pourraient être augmentés à l’infini. En effet de même que la rapidité d’un corps lourd est d’autant plus importante qu’un corps lourd descend davantage, parce qu’un corps lourd est rapide à cause de sa pesanteur, ainsi l’accroissement de la rapidité pourra aussi être infinie, si l’accroissement de la pesanteur ou de la légèreté est infini. Or, il a été montré ci-dessus que la pesanteur ou la légèreté ne peuvent être infinies et que rien ne peut être déplacé vers ce qu’il ne peut pas atteindre. Ainsi donc l’accroissement de la pesanteur ne peut être à l’infini ; et par conséquent l’accroissement de la rapidité non plus. De là le mouvement des corps naturels ne peut être non plus à l’infini [277b1].

[70984] In De caelo, lib. 1 l. 17 n. 11 Sciendum est autem quod causam huius accidentis, quod terra velocius movetur quanto magis descenderit, Hipparchus assignavit ex parte moventis per violentiam; a quo quantum elongatur motus, tanto minus remanet de virtute moventis, et sic motus fit tardior; unde motus violentus in principio quidem intenditur, in fine autem remittitur intantum quod finaliter grave non potest plus sursum ferri, sed incipit moveri deorsum, propter parvitatem eius quod remanserat de virtute motoris violenti; quae quanto magis minoratur, tanto motus contrarius fit velocior. Sed ista ratio est particularis solum in his quae moventur naturaliter post motum violentum; non autem habet locum in his quae moventur naturaliter eo quod generantur extra propria loca. Alii vero assignaverunt huius causam ex quantitate medii per quod fit motus, puta aeris, qui minor restat quanto plus proceditur in motu naturali; et ideo minus potest impedire motum naturalem. Sed et haec ratio non minus competeret in motibus violentis quam naturalibus; in quibus tamen contrarium accidit, ut infra dicetur. Et ideo dicendum est cum Aristotele quod causa huius accidentis est, quod quanto corpus grave magis descendit, tanto magis confortatur gravitas eius, propter propinquitatem ad proprium locum. Et ideo argumentatur quod si cresceret in infinitum velocitas, quod cresceret etiam in infinitum gravitas. Et eadem ratio est de levitate.

[70984] Sur le De caelo, I, 17, 11. Il faut savoir qu’Hipparque a attribué la cause de cet accident, à savoir que la terre est déplacée d’autant plus rapidement qu’elle descend davantage, au fait qu’on la déplace avec violence ; à partir de là plus le mouvement est prolongé, moins il reste de puissance à ce qui déplace, et ainsi le mouvement devient plus lent ; de là le mouvement violent est augmenté au début, mais il est relâché à la fin, à tel point que finalement un corps lourd ne peut être entraîné davantage vers le haut, mais qu’il commence à être déplacé vers le bas, en raison de la petitesse de ce qui restait de puissance au moteur violent ; cette puissance diminue d’autant plus que le mouvement opposé devient rapide. Mais cette raison est seulement particulière aux corps qui sont naturellement déplacés après un mouvement violent ; elle n’a pas lieu chez ceux qui sont déplacés naturellement là où ils sont engendrés en dehors de leur propre lieu. D’autres en ont attribué la cause à la quantité du milieu par lequel se fait le mouvement, par exemple, d’air, qui reste d’autant plus petit qu’il s’avance dans un mouvement naturel ; et c’est pourquoi il peut moins empêcher un mouvement naturel. [277b5] Mais cette raison aussi ne s’accorderait pas moins aux mouvements violents qu’aux naturels ; cependant il leur arrive quelque chose d’opposé, comme on le dira ci-dessous. Et c’est pourquoi il faut dire avec Aristote que la cause de cet accident est que plus un corps lourd descend, plus sa pesanteur est renforcée, en raison de la proximité de son lieu propre. Et pour cette raison il produit comme preuve que si la rapidité s’accroissait à l’infini, sa pesanteur s’accroîtrait aussi à l’infini. Et la raison est la même pour la légèreté.

 

 

Lectio 18

Leçon 18 – [Le mouvement vise toujours un lieu déterminé]

[70985] In De caelo, lib. 1 l. 18 n. 1 Postquam ostendit philosophus quod corpora naturalia moventur naturaliter ad determinata loca, hic excludit opinionem contrariam. Et primo proponit quod intendit; secundo probat propositum, ibi: tardius enim et cetera. Quia vero per hoc quod falsitas excluditur, veritas comprobatur, inducit hic philosophus exclusionem erroris quasi quandam veritatis demonstrationem; dicens quod adhuc etiam quod dictum est manifestatur per hoc, quod corpora naturalia non feruntur sursum et deorsum neque sicut ab alio exteriori mota. Per quod quidem intelligendum est quod removet exteriorem motorem, qui per se huiusmodi corpora moveat postquam sunt formam specificam sortita. Moventur enim levia quidem sursum, gravia autem deorsum a generante quidem, inquantum dat eis formam quam consequitur talis motus; sed a removente prohibens, per accidens et non per se. Quidam vero posuerunt quod postquam speciem sunt adepta huiusmodi corpora, indigent ab aliquo extrinseco moveri per se: quod hic philosophus removet. Neque etiam dicendum est quod huiusmodi corpora moveantur per violentiam; sicut quidam dixerunt quod moveantur per quandam extrusionem, inquantum scilicet unum corpus truditur ab alio fortiori. Ponebant enim quod omnium corporum erat naturaliter unus motus: sed dum quaedam eorum ab aliis impelluntur, fit quod quaedam eorum moventur sursum, quaedam autem deorsum.

[70985] Sur le De caelo, I, 18, 1. Après que le philosophe a montré que les corps naturels sont naturellement déplacés vers des lieux déterminés, il rejette ici l’opinion opposée. Et il propose premièrement ce qu’il avait l’intention de faire ; deuxièmement il prouve la proposition, ici : Ğ plus lentement en effet ğ, etc. Puisque, en excluant l’erreur, la vérité est confirmée, le philosophe introduit ici l’exclusion de l’erreur en tant que démonstration de la vérité, disant que ce qui a été dit est encore montré également par le fait que les corps naturels ne sont pas entraînés vers le haut et vers le bas et qu’ils ne sont pas déplacés comme par un autre corps extérieur. Par cela il faut comprendre qu’il écarte un moteur extérieur, qui déplacerait les corps de ce genre par lui-même après qu’ils ont obtenu une forme spécifique. Car les corps légers sont déplacés vers le haut, et les corps lourds vers le bas par ce qui les produit, dans la mesure où il leur donne une forme que suit un tel mouvement, mais en les détournant de ce qui écarte, par accident et non par lui-même. Or certains ont établi que, après que les corps de ce genre ont obtenu une espèce, ils ont besoin d’être déplacés d’eux-mêmes par quelque chose d’extérieur, ce que le philosophe écarte ici. Et il ne faut pas non plus dire que les corps de ce genre sont déplacés par violence, de même que certains ont dit qu’ils sont déplacés par une certaine poussée violente, dans la mesure où un corps est bousculé par un autre plus fort. Car ils établissaient que tous les corps avaient naturellement un seul mouvement : mais pendant que certains d’entre eux sont heurtés par d’autres, il arrive que certains d’entre eux soient déplacés vers le haut, et certains autres vers le bas.

[70986] In De caelo, lib. 1 l. 18 n. 2 Deinde cum dicit: tardius enim etc., probat propositum tribus rationibus. Quarum prima principaliter inducitur ad ostendendum quod huiusmodi corpora in suis naturalibus motibus non moventur ab exterioribus motoribus. Manifestum est enim quod tanto tardior est motus, quanto movens minus vincit super mobile. Eadem autem virtus moventis minus vincit maius mobile quam minus. Si ergo huiusmodi corpora moverentur ab aliquo exteriore movente, tardius moveretur maior ignis sursum et maior terra deorsum. Nunc autem contrarium accidit, quod maior ignis et maior terra velocius feruntur in propria loca. Per quod datur intelligi quod huiusmodi corpora habent intrinsecus principia sui motus; quorum virtutes motivae tanto sunt maiores, quanto corpora fuerint maiora; et ideo velocius feruntur. Sic ergo patet quod huiusmodi corpora suis motibus naturalibus moventur non per virtutem exteriorem, sed per virtutem intrinsecam, quam acceperunt a generante.

[70986] Sur le De caelo, I, 18, 2. Ensuite quand il dit : Ğ plus lentement en effet ğ, etc., il prouve la proposition avec trois raisons. La première d’entre elles est principalement introduite pour démontrer que les corps de ce genre, dans leurs propres mouvements naturels, ne sont pas déplacés par des moteurs extérieurs. En effet il est manifeste que plus le mouvement est lent, moins ce qui déplace l’emporte sur le corps mobile. La même puissance de ce qui déplace l’emporte moins sur le corps mobile le plus grand que sur le plus petit. Donc si des corps de ce genre étaient déplacés par un corps déplaçant extérieur, un plus grand feu serait déplacé plus lentement vers le haut et une plus grande terre vers le bas. Maintenant le contraire arrive, à savoir qu’un plus grand feu et une plus grande terre sont entraînés plus rapidement vers leurs propres lieux. Pour cette raison il est donné de comprendre que les corps de ce genre ont intérieurement les principes de leur mouvement ; leurs puissances à se mouvoir sont d’autant plus grandes que les corps étaient plus grands ; et c’est pourquoi ils sont entraînés plus rapidement. Ainsi donc il apparaît que les corps de ce genre sont déplacés de leurs mouvements naturels non par une puissance extérieure, mais par une puissance intrinsèque, qu’ils ont reçue de celui qui les crée.

[70987] In De caelo, lib. 1 l. 18 n. 3 Secundam rationem ponit ibi: neque velocius etc.; quae quidem principaliter ad hoc inducitur, quod motus horum corporum non est per violentiam. Videmus enim quod omnia quae per violentiam moventur, tanto tardius feruntur, quanto magis elongantur a motore qui vim intulit; sicut patet in his quae proiiciuntur, quod eorum motus in fine est remissior, et tandem totaliter deficit. Si ergo corpora gravia et levia moverentur per violentiam, quasi mutuo se trudentia, sequeretur quod eorum motus ad propria loca non esset velocior in fine, sed magis tardior; cuius contrarium ad sensum apparet.

[70987] Sur le De caelo, I, 18, 3. Il établit ici la deuxième raison : Ğ ni plus rapidement ğ, etc. ; ce qui est principalement introduit ici dans ce but, c’est que le mouvement de ces corps ne se fait pas par violence. Nous voyons en effet que tous ceux qui sont déplacé par violence sont entraînés d’autant plus lentement qu’ils sont plus éloignés du moteur qui leur a fait violence ; de même qu’il apparaît dans les corps qui sont projetés que leur mouvement est plus relâché à la fin et qu’enfin il fait totalement défaut. Donc si des corps lourds et légers étaient déplacés par violence, comme s’ils se poussaient mutuellement, il s’ensuivrait que leur mouvement vers leurs lieux propres ne serait pas plus rapide à la fin, mais plus lent ; or c’est le contraire qui apparaît au sens.

[70988] In De caelo, lib. 1 l. 18 n. 4 Tertiam rationem ponit ibi: et unde vi etc.; quae potest respicere ad utrumque. Videmus enim quod nullum corpus illuc fertur per violentiam, unde per violentiam removetur. Ex hoc enim aliquod corpus a loco aliquo per violentiam removetur, quia natum est ibi esse: unde illuc naturaliter, et non per violentiam fertur. Si ergo ponatur quod motus aliqui corporum gravium et levium, quibus ab aliquibus locis removentur, sint violenti, non potest dici quod motus contrarii, quibus ad illa loca feruntur, sint violenti. Et ita non est verum quod omnes motus horum corporum sint ab alio et per violentiam. Concludit autem ex dictis epilogando, quod per speculationem horum contingit accipere fidem de his quae dicta sunt.

[70988] Sur le De caelo, I, 18, 4. Il établit ici une troisième raison : Ğ et de là par la violence ğ, etc. ; laquelle peut concerner les deux choses. En effet nous voyons qu’aucun corps n’est entraîné par violence là d’où il est écarté par violence. À partir de cela en effet un corps est écarté par violence d’un lieu, puisqu’il est né pour y être : de là il est entraîné naturellement là-bas, et non par violence. Donc si on établissait que des mouvements de corps lourds et légers, par lesquels ils sont écartés de certains lieux, sont violents, on ne pourrait dire que les mouvements contraires, par lesquels ils sont entraînés vers ces lieux, sont violents. Et ainsi il n’est pas vrai que tous les mouvements de ces corps sont causés par un autre corps et par violence. Il conclut de ces propos en épiloguant qu’il arrive d’avoir foi en ce qui a été dit grâce à l’examen de ces questions. [277b10]

[70989] In De caelo, lib. 1 l. 18 n. 5 Deinde cum dicit: adhuc autem et per eas etc., ostendit unitatem mundi per corpora superiora, quae circulariter feruntur: et primo specialiter per corpora superiora; secundo communiter per superiora et inferiora, ibi: palam autem utique et cetera. Dicit ergo primo quod adhuc ostendi potest quod sit solum unus mundus, per rationes sumptas ex prima philosophia, idest per ea quae determinata sunt in metaphysica, et per hoc quod ostensum est in VIII Physic., quod motus circularis est sempiternus, quod quidem habet naturalem necessitatem et in hoc et in aliis mundis. Conclusit enim philosophus sempiternitatem motus caeli in VIII Physic. per ordinem mobilium et moventium; quod quidem necesse est similiter se habere in quolibet mundo, si mundus univoce dicatur. Si autem motus caeli sit sempiternus, oportet quod moveatur a virtute infinita, quae non sit virtus in magnitudine, ut probatur in VIII Physic. Talis autem virtus est immaterialis, et per consequens una numero, cum sit tantum forma et species, multiplicatio autem individuorum eiusdem speciei est per materiam. Et sic oportet quod virtus quae movet caelum, sit una numero. Unde oportet quod et caelum sit unum numero, et per consequens totus mundus.

[70989] Sur le De caelo, I, 18, 5. Ensuite quand il dit : Ğ mais par celles-ci ğ, etc., il montre l’unicité du monde par les corps supérieurs, qui sont entraînés circulairement : et premièrement spécialement par les corps supérieurs ; deuxièmement communément par les corps supérieurs et inférieurs, ici : Ğ ouvertement surtout ğ. Il dit donc premièrement que l’on peut encore démontrer qu’il y a seulement un monde, par des raisons tirées de la philosophie première, c’est-à-dire par ce qui a été déterminé dans la métaphysique, et par ce qui a été montré dans le livre VIII de la Physique, à savoir que le mouvement circulaire est éternel, ce qui a une nécessité naturelle et dans ce monde-ci et dans les autres mondes. En effet le philosophe a conclu l’éternité du mouvement du ciel dans le livre VIII de la Physique par l’ordre des corps mobiles et en mouvement ; or il est nécessaire que cela soit également dans n’importe quel monde, si Ğ monde ğ est dit de façon univoque. Or si le mouvement du ciel est éternel, il faut qu’il soit déplacé par une puissance infinie, qui n’est pas une puissance en grandeur, comme il est prouvé dans le livre VIII de la Physique. Une telle puissance est immatérielle, et par conséquent unique en nombre, comme elle a seulement une forme et une espèce, mais la multiplication des individus de cette espèce se fait par la matière. Et ainsi il faut que la puissance qui déplace le ciel soit unique en nombre. De là il faut que le ciel aussi soit unique en nombre, et par conséquent le monde tout entier.

[70990] In De caelo, lib. 1 l. 18 n. 6 Potest autem aliquis dicere hanc rationem non ex necessitate concludere. Primum enim movens movet caelum sicut desideratum, ut dicitur in XII Metaphys.; nihil autem prohibet idem a pluribus desiderari; et ita videtur quod ex unitate primi moventis non possit ex necessitate concludi unitas caeli. Sed dicendum est quod multa possunt unum desiderare, non quidem quasi de pari, eo quod uni primo non immediate adiungitur absoluta multitudo; sed secundum quendam ordinem possunt multa desiderare unum, quaedam propinquius et quaedam remotius, quorum coordinatio in ordine ad unum ultimum, facit unitatem mundi.

[70990] Sur le De caelo, I, 18, 6. Quelqu’un pourrait dire que cette raison n’est pas conclue par la nécessité. Premièrement, en effet, ce qui déplace meut le ciel comme il l’a désiré, comme il est dit dans le livre XII de la Métaphysique ; or rien n’empêche que la même chose soit désirée par plusieurs ; et ainsi il semble que l’on ne peut pas nécessairement conclure l’unicité du ciel à partir de l’unicité de ce qui déplace en premier. Mais il faut dire que beaucoup de choses peuvent en désirer une seule, non certes sur un pied d’égalité, parce qu’une multitude complète n’est pas immédiatement adjointe à un seul être premier ; mais beaucoup de choses peuvent en désirer une seule selon un certain ordre, les unes plus proches, les autres plus éloignées, dont la coordination en cet ordre vers une seule chose ultime fait l’unicité du monde. [277b15]

[70991] In De caelo, lib. 1 l. 18 n. 7 Deinde cum dicit: palam autem utique etc., probat propositum ratione sumpta communiter ex corporibus superioribus et inferioribus. Et dicit quod etiam sic intendendo sicut dicetur, necesse est esse unum caelum, idest unum mundum. Ad quod probandum assumit quod, sicut sunt tria corporalia elementa, scilicet caelum et terra et medium, ita sunt et tria loca eis correspondentia: unus quidem locus qui est circa medium, qui est corporis subsistentis, idest corporis gravissimi quod substat omnibus, scilicet terrae; alius autem locus qui est extremus in altitudine, qui est corporis quod movetur circulariter; tertius autem locus qui est intermedius horum, qui est medii corporis. Circa quae quidem verba primo considerandum est quod etiam caelum inter elementa computat, cum tamen elementum sit ex quo componitur res, ut dicitur in V Metaphys. Caelum autem, etsi non veniat in compositionem corporis mixti, venit tamen in compositionem totius universi, quasi quaedam pars eius. Vel elementa large nominat quaecumque simplicia corpora: quae quidem vocat corporalia elementa, ad differentiam materiae primae, quae est elementum, non tamen corporale, sed absque omni forma, prout in se consideratur. Secundo autem considerandum est de hoc quod dicit tria esse loca. Cum autem locus sit terminus corporis continentis, ut dicitur in IV Physic., satis potest esse manifestum quid sit locus medii elementi; quia superficies supremi corporis continentis ipsum. De primo autem corpore quomodo sit in loco, ostensum est in IV Physic. Sed quomodo medium, quod non habet rationem continentis sed contenti, sit locus corporis gravis, videtur dubitationem habere. Sed dicendum est quod, sicut dictum est in IV Physic., superficies corporis continentis non habet rationem loci secundum quod est superficies talis corporis, sed secundum ordinem situs quem habet ad primum continens, prout scilicet magis vel minus ei appropinquat. Corpus autem grave in sua natura est maxime elongatum a corpore caelesti propter eius materialitatem; et ideo debetur ei locus remotissimus a primo continente, qui est propinquissimus medio; et ita superficies continens corpus grave dicitur locus eius secundum propinquitatem ad medium. Unde signanter dicit quod locus qui est circa medium est corporis subsistentis.

[70991] Sur le De caelo, I, 18, 7. Ensuite quand il dit : Ğ ouvertement en tout cas ğ, etc., il prouve la proposition en tirant la raison communément des corps supérieurs et inférieurs. Et il dit qu’en tournant ainsi son attention sur ce point, comme on le dira, il est nécessaire qu’il y ait un seul ciel, c’est-à-dire un seul monde. Pour prouver cela, il établit que, de même qu’il y a trois éléments corporels, à savoir le ciel, la terre et le milieu, de même il y a aussi trois lieux qui leur correspondent : le premier lieu qui est autour du milieu, celui du corps subsistant, c’est-à-dire du corps le plus lourd placé sous tous les autres, à savoir celui de la terre ; le second qui est le plus éloigné en hauteur, celui du corps qui est déplacé circulairement ; le troisième lieu qui se trouve entre eux, celui du corps du milieu. À propos de ces trois mots il faut premièrement considérer que le ciel aussi est compté parmi les éléments, bien qu’il soit un élément à partir duquel une chose est composée, comme il est dit dans le livre V de la Métaphysique. Le ciel, bien qu’il ne vienne pas dans la composition d’un corps mixte, vient cependant dans la composition de tout l’univers, comme si c’en était une partie. Ou bien il nomme, de façon large, Ğ éléments ğ tous les corps simples : il les appelle éléments corporels, à la différence de la matière première, qui est un élément, cependant non corporel, mais sans toute forme, dans la mesure où elle est considérée en elle-même. Deuxièmement il faut considérer sur ce point qu’il dit qu’il y a trois lieux. Comme un lieu est la limite du corps contenant, ainsi que le dit le livre IV de la Physique, quel est le lieu de l’élément du milieu peut être assez manifeste, puisque c’est la surface du corps le plus haut qui le contient. Il a été montré dans le livre IV de la Physique à propos du premier corps comment il est dans un lieu. Mais il semble difficile de savoir comment le milieu, qui n’a pas la disposition du contenant, mais du contenu, est le lieu d’un corps lourd. Mais il faut dire que, comme il a été dit dans le livre IV de la Physique, la surface du corps contenant n’a pas la disposition du lieu selon qu’il est la surface d’un tel corps, mais selon l’ordre de la situation qu’il a par rapport au premier contenant, dans la mesure où il s’approche plus ou moins de lui. Or, un corps lourd dans sa nature est très éloigné d’un corps céleste en raison de son caractère matériel [277b20] ; et c’est pourquoi lui est dû un lieu très éloigné du premier contenant, qui est le plus proche du milieu ; et ainsi la surface contenant un corps lourd est appelée son lieu selon sa proximité par rapport au milieu. De là il dit clairement que le lieu qui est autour du milieu est celui du corps subsistant.

[70992] In De caelo, lib. 1 l. 18 n. 8 Ex his autem quae proposita sunt procedit ad propositum ostendendum ex corpore levi, sicut supra processerat ex corpore gravi. Necesse est enim corpus leve quod superfertur, esse in hoc loco medio: quia, cum omne corpus sit in aliquo loco, si corpus leve non esset in hoc loco medio, esset extra ipsum; quod est impossibile, quia extra hunc locum medium ex una parte est corpus caeleste, quod est sine gravitate et levitate, ex alia autem parte est corpus terrestre, quod habet gravitatem. Non autem potest dici quod sit aliquis locus magis deorsum quam locus qui est corporis habentis gravitatem; quia locus qui est apud medium, est proprius eius. Ex hoc autem patet quod impossibile est esse alium mundum quia oporteret ibi esse aliquod corpus leve; et sic, si mundus ille esset supra hunc mundum, corpus leve esset supra locum caeli; si autem esset infra hunc mundum, corpus leve esset infra locum corporis gravis, quod est impossibile.

[70992] Sur le De caelo, I, 18, 8. À partir de ce qui a été proposé il procède à une démonstration de la proposition tirée du corps léger, comme il avait procédé ci-dessus à partir du corps lourd. Il est en effet nécessaire qu’un corps léger qui est porté au-dessus, se trouve dans ce lieu central, puisque, comme tout corps est dans un lieu, si un corps léger n’était pas dans ce lieu central, il serait en dehors ; cela est impossible, puisque, en dehors de ce lieu central, d’un côté on trouve le corps céleste, qui est sans pesanteur et sans légèreté, d’un autre côté on trouve le corps terrestre, qui a de la pesanteur. Or, on ne peut dire qu’il y a un lieu plus bas qu’un lieu qui est celui d’un corps qui a de la pesanteur, puisque le lieu qui est vers le milieu lui est propre. À partir de là il apparaît qu’il est impossible qu’il y ait un autre monde puisqu’il faudrait qu’il y ait ici un corps léger ; et ainsi, si ce monde-là était au-dessus de ce monde-ci, le corps léger serait au-dessus du lieu du ciel ; or s’il était au-dessous de ce monde-ci, le corps léger serait au-dessous du lieu du corps lourd, ce qui est impossible.

[70993] In De caelo, lib. 1 l. 18 n. 9 Sed huic rationi posset aliquis obviare, dicendo quod corpus leve est extra hunc locum medium, non secundum naturam, sed praeter naturam. Sed ad hoc excludendum, subdit quod neque etiam praeter naturam possibile est corpus leve esse extra hunc medium locum. Quia omnis locus qui est alicuius corporis praeter naturam, est alicuius corporis secundum naturam: non enim Deus vel natura fecit aliquem locum frustra, in quo scilicet non sit natum esse aliquod corpus. Non autem invenitur in rerum natura aliquod aliud corpus praeter ista tria, quibus tria loca praedicta deputantur, ut ex dictis patet. Unde neque secundum naturam, neque praeter naturam, potest esse corpus leve extra hunc medium locum: et sic impossibile est esse multos mundos. Quia vero locutus fuerat de medio elemento quasi de uno quodam corpore, subiungit quod posterius, scilicet in tertio et quarto, dicetur quae sunt differentiae istius medii. Dividitur enim in ignem, aerem et aquam, quae etiam est levis per respectum ad terram. Ultimo epilogando concludit quod ex dictis manifestum est de corporeis elementis, quae et quot sint, et quis sit locus cuiuslibet eorum, et universaliter quot sint loca corporalia.

[70993] Sur le De caelo, I, 18, 9. Mais quelqu’un pourrait objecter à ce raisonnement qu’un corps léger se trouve en dehors de ce lieu central, non pas selon la nature, mais contre la nature. Mais pour rejeter cela, il suppose qu’il n’est pas possible, même contre la nature, qu’un corps léger soit en dehors de ce lieu central, puisque tout lieu qui est celui d’un corps contre la nature est celui d’un corps selon la nature : en effet Dieu ou la nature n’a pas créé un lieu en vain où un corps ne soit pas né pour se trouver. Or on ne trouve pas dans la nature un autre corps en dehors de ces trois, à qui les trois lieux déjà mentionnés sont attribués, comme cela apparaît d’après ce qui a été dit. À partir de là un corps léger ne peut être en dehors de ce lieu central, ni selon la nature, ni contre la nature : et ainsi il est impossible qu’il y ait de nombreux mondes. Puisqu’il avait parlé de l’élément du milieu comme d’un certain corps, il ajoute que par la suite, c’est-à-dire dans le troisième et le quatrième livre, on dira qu’elles sont les différences de ce milieu. En effet il est divisé en feu, air et eau, qui est aussi légère en comparaison de l’eau. Enfin en guise d’épilogue, il conclut qu’est évident d’après ce qui a été dit sur les éléments corporels, lesquels et combien ils sont, et quel est l’emplacement de n’importe lequel d’entre eux, et universellement [277b25] combien il y a de lieux corporels.

 

 

Lectio 19

Leçon 19 – [Autre preuve : il ne peut y avoir d’autre monde]

[70994] In De caelo, lib. 1 l. 19 n. 1 Postquam philosophus ostendit quod est unus solus mundus, hic ostendit quod impossibile est esse plures. Et hoc necessarium fuit ostendere: quia nihil prohibet aliquid esse falsum, quod tamen contingit esse verum. Circa hoc autem tria facit: primo ponit obiectionem, ex qua videtur ostendi quod possibile sit esse plures mundos; secundo solvit eam, ibi: considerandum autem iterum etc.; tertio probat quod in solutione supposuerat, ibi: hoc ipsum igitur restat ostendere et cetera. Circa primum duo facit: primo dicit de quo est intentio, et quo ordine sit agendum; secundo incipit exequi propositum, ibi: videbitur enim utique et cetera.

[70994] Sur le De caelo, I, 19, 1. Après que le philosophe a montré qu’il y a un seul monde, il montre ici qu’il est impossible qu’il y en ait d’autre. Et il a été nécessaire de le montrer, puisque rien n’empêche d’être faux ce à quoi il arrive pourtant d’être vrai. Sur ce point il fait trois choses : premièrement il établit l’objection selon laquelle il semble être montré qu’il est possible qu’il y ait plusieurs mondes ; deuxièmement il la réfute, ici : Ğ il faut considérer derechef ğ, etc. ; troisièmement il prouve ce qu’il avait supposé dans la réfutation, ici : Ğ il reste donc à montrer ceci même ğ, etc. Sur le premier point il fait deux choses : premièrement il dit sur quoi porte son intention, et dans quel ordre il faut procéder ; deuxièmement il commence à exposer sa proposition, ici : Ğ car il semblera en tout cas ğ, etc.

[70995] In De caelo, lib. 1 l. 19 n. 2 Dicit ergo primo quod post praedicta restat ostendendum quod non solum sit unus mundus, sed quod etiam impossibile sit esse plures: et ulterius quod mundus sit sempiternus, ita scilicet quod sit incorruptibilis, tanquam nunquam desinens esse, et ingenitus, tanquam nunquam esse incipiens, secundum suam opinionem. Et hoc adiungit quia videtur prima consideratio aliqualiter dependere ex secunda. Si enim esset mundus generabilis et corruptibilis per compositionem et dissolutionem, secundum amicitiam et litem, ut Empedocles posuit, possibile esset esse multos mundos, ita scilicet quod, uno corrupto, alius postea generaretur, sicut ipse Empedocles posuit. Et quia tunc vere cognoscitur veritas, quando dubitationes sunt solutae, quae videntur esse contra veritatem; ideo prius oportet ponere dubitationes circa hoc ipsum, ex quibus scilicet videtur quod sint vel possint esse plures mundi; huius enim solutio est confirmatio veritatis.

[70995] Sur le De caelo, I, 19, 2. Il dit donc premièrement qu’après les propos tenus il reste à montrer non seulement qu’il y a un seul monde, mais aussi qu’il est impossible qu’il y en ait plusieurs, et ensuite que le monde est éternel, tout comme il est incorruptible, étant donné qu’il ne cesse jamais d’être, et inengendré, étant donné que ne commençant jamais à être, selon son opinion. Et il ajoute que la première considération semble de quelque manière dépendre de la seconde. En effet, s’il y avait un monde qui puisse être engendré et corrompu par composition et dissolution, selon l’amitié et le conflit, comme Empédocle l’a établi, il serait possible qu’il y ait de nombreux mondes, et aussi que, l’un ayant été corrompu, un autre soit engendré par la suite, de même qu’Empédocle lui-même l’a établi. Et puisque la vérité est connue, quand ont été dissipés les doutes qui semblent être contre la vérité, il faut premièrement établir les hésitations sur ce même point, d’après lesquelles il semble que plusieurs mondes existent ou peuvent exister ; car la réfutation de cette idée est la confirmation de la vérité. [277b30]

[70996] In De caelo, lib. 1 l. 19 n. 3 Deinde cum dicit: videbitur enim utique etc., ponit rationem ex qua aliquis potest dubitare, aestimans possibile esse quod sint plures mundi. Unde praemittit quod sic intendentibus, scilicet secundum rationem quae sequitur, videbitur esse impossibile ipsum, scilicet mundum, esse unum et solum: subintelligendum est ex necessitate. Non enim sequens ratio probat quod necesse sit esse plures mundos, quod aequipollet ei quod est impossibile unum solum esse mundum: sed probat quod possibile est esse plures mundos, quod aequipollet ei quod est non necesse esse unum solum mundum. Ad hoc autem ostendendum inducit rationem quae continet duos syllogismos: quorum primum primo ponit; secundo secundum, ibi: quorum autem est forma quaedam et cetera. Primus syllogismus talis est. In omnibus sensibilibus quae fiunt ab arte vel a natura, alia est consideratio formae secundum se consideratae, alia est consideratio formae prout est in materia; sed caelum est quoddam sensibile habens formam in materia; ergo alia est consideratio absoluta formae ipsius, prout consideratur in universali, et alia est consideratio formae ipsius in materia, prout consideratur in particulari. Primo ergo ponit maiorem; secundo minorem, ibi: quoniam igitur est caelum etc.; tertio infert conclusionem, ibi: si autem singularium et cetera.

[70996] Sur le De caelo, I, 19, 3. Ensuite quand il dit : Ğ il semblera en effet en tous cas ğ, etc., il établit la raison qui fait que l’on peut douter, en estimant qu’il est possible qu’il y ait plusieurs mondes. De là il avance qu’à ceux qui ont cette intention, c’est-à-dire selon la raison qui suit, il semblera qu’il est impossible que cela même, à savoir le monde, soit unique et seul : il faut sous-entendre d’après la nécessité. En effet la raison suivante ne prouve pas qu’il soit nécessaire qu’il y ait plusieurs mondes, ce qui équivaut à ce qu’il soit impossible qu’il y ait un seul monde, mais il prouve qu’il est possible qu’il y ait plusieurs mondes, ce qui équivaut à au fait qu’il est possible qu’un seul monde ne soit pas nécessaire. Pour montrer cela, il introduit un raisonnement qui contient deux syllogismes : il établit premièrement le premier d’entre eux ; deuxièmement le second d’entre eux, ici : Ğ ils ont une certaine forme ğ, etc. Le premier syllogisme est le suivant. Dans toutes les choses sensibles qui sont produites par l’art ou par la nature, la considération de la forme considérée en elle-même est une chose, la considération de la forme dans la mesure où elle est dans la matière en est une autre ; mais le ciel est une chose sensible qui a une forme dans la matière ; donc la considération absolue de la forme elle-même est une chose, dans la mesure où elle est considérée universellement, et la considération de la forme elle-même dans la matière en est une autre, dans la mesure où elle est considérée en particulier. Il établit donc premièrement la majeure ; deuxièmement la mineure, ici : Ğ puisque donc le ciel est ğ, etc. ; il tire troisièmement la conclusion, ici : Ğ si une chose isolée ğ, etc.

[70997] In De caelo, lib. 1 l. 19 n. 4 Dicit ergo primo quod in omnibus existentibus et generatis, idest factis, vel a natura vel ab arte, alterum est secundum nostram considerationem ipsa forma secundum seipsam considerata; et alterum est ipsa forma mixta cum materia, idest secundum quod accipitur prout est coniuncta cum materia. Et hoc primo manifestat per exemplum in mathematicis, in quibus est magis manifestum, eo quod in ratione eorum non ponitur materia sensibilis. Alterum est enim secundum considerationem nostram ipsa species sphaerae, et alterum forma sphaerae in materia sensibili, prout significatur cum dicitur aurea vel aerea sphaera: et similiter aliud est ipsa forma circuli, et aliud est quod dicitur aereus aut ligneus circulus. Et hoc manifestat quia, cum dicimus quod quid erat esse, idest definitivam rationem, sphaerae aut circuli, non ponimus in eius ratione aureum aut aereum; tanquam hoc quod dicimus aureum aut aereum, non sint de eorum substantia, quam scilicet significat definitio. Sed videtur hoc magis esse dubium in rebus naturalibus, quarum formae non possunt esse nec intelligi sine materia sensibili; sicut simum non potest esse nec intelligi sine naso. Sed tamen formae naturales, quamvis non possint intelligi sine materia sensibili in communi, possunt tamen intelligi sine materia sensibili signata, quae est individuationis et singularitatis principium; sicut pes non potest intelligi sine carnibus et ossibus, potest tamen intelligi sine his carnibus et his ossibus. Et ideo subdit quod, si non possumus intelligere neque sumere in nostra consideratione aliquid aliud praeter singulare, idest praeter materiam, quae includitur in ratione singularis, scilicet prout est signata (quia quandoque nihil prohibet hoc accidere, ut scilicet non possit forma intelligi sine materia sensibili, sicut si intelligamus circulum sine materia sensibili): nihilominus tamen in naturalibus, in quibus hoc accidit quod non intelligitur forma sine materia, alia est ratio rei in communi acceptae et in singulari, sicut hominis et huius hominis; puta si dicamus quod aliud est esse circulo et huic circulo, idest alia est ratio definitiva utriusque. Et haec quidem, scilicet ratio rei in communi, est species, idest ipsa ratio speciei: haec autem, scilicet ratio rei in particulari, significat rationem speciei in materia determinata, et est de numero singularium.

[70997] Sur le De caelo, I, 19, 4. Il dit donc premièrement que dans tout ce qui existe et qui a été engendré, c’est-à-dire produit, soit par la nature, soit par l’art, une chose est, selon notre considération, la forme même considérée en elle-même, et qu’une autre chose est la forme même mélangée à la matière, c’est-à-dire selon ce qui est compris dans la mesure où elle est unie à la matière. Et il montre cela par l’exemple des mathématiques, dans lesquelles c’est plus manifeste parce que la matière sensible n’est pas utilisée dans leur raisonnement. Car une chose est l’espèce même de la sphère selon notre considération, et une autre chose est la forme de la sphère dans la matière sensible, dans la mesure où elle est désignée quand on dit [278a1] une sphère d’or ou d’airain ; et également une chose est la forme même du cercle et une autre chose est cercle qui est dit d’airain ou de bois. Et il le montre parce que, quand nous disons ce que quelque chose pouvait être, c’est-à-dire la raison définitive de la sphère ou du cercle, nous n’établissons pas dans sa raison qu’ils soient d’airain ou d’air, de même que, par le fait que nous les disons d’airain ou d’air, il ne s’agit pas de leur substance, que désigne évidemment la définition. Mais cela semble être plus douteux dans les choses naturelles, dont les formes ne peuvent être comprises sans la matière sensible, de même que Ğ camard ğ ne peut être compris sans le nez. [278a5] Mais cependant les formes naturelles, bien qu’elles ne puissent être comprises sans la matière sensible communément, peuvent être comprises sans la matière sensible indiquée, qui est le principe de l’individuation et de la singularité ; de même que le pied ne peut être compris sans la chair et les os, il peut cependant être compris sans ces chairs-ci et ces os-ci. Et c’est pourquoi il suppose que, si nous ne pouvons pas comprendre ni saisir dans notre considération quelque chose d’autre que le singulier, c’est-à-dire d’autre que la matière, qui est incluse dans la raison du singulier, évidemment dans la mesure où elle est indiquée (puisque rien n’empêche qu’il arrive un jour que la forme ne puisse être comprise sans la matière sensible, comme si nous comprenions un cercle sans matière sensible), néanmoins dans les choses naturelles, dans lesquelles il arrive que la forme ne soit pas comprise sans matière, c’est une chose que la raison de la chose acceptée communément et une autre que celle de la chose acceptée singulièrement, comme celle de l’homme et de cet homme-ci ; par exemple si nous disions qu’être pour un cercle et être pour ce cercle sont deux choses différentes, c’est-à-dire que la raison définitive est différente pour les deux. Et celle-ci, c’est-à-dire la raison de la chose communément, est l’espèce, à savoir la raison même de l’espèce ; mais celle-ci, c’est-à-dire la raison de la chose en particulier, désigne la raison de l’espèce dans la matière déterminée et est au nombre des choses singulières. [278a10]

[70998] In De caelo, lib. 1 l. 19 n. 5 Deinde cum dicit: quoniam igitur est caelum etc., ponit minorem syllogismi inducti. Et dicit quod, cum caelum, idest mundus, sit quoddam sensibile, necesse est quod sit de numero singularium: et hoc ideo, quia omne sensibile habet esse in materia. Id autem quod est forma non in materia, non est sensibile, sed intelligibile tantum: qualitates enim sensibiles sunt dispositiones materiae.

[70998] Sur le De caelo, I, 19, 5. Ensuite quand il dit : Ğ puisque donc le ciel est ğ, etc., il établit la mineure du syllogisme introduit. Et il dit que, comme le ciel, c’est-à-dire le monde, est quelque chose de sensible, il est nécessaire qu’il soit au nombre des êtres singuliers, et cela parce que toute chose sensible a son être dans la matière. Ce dont la forme n’est pas dans la matière n’est pas sensible, mais seulement intelligible : car les qualités sensibles sont les dispositions de la matière.

[70999] In De caelo, lib. 1 l. 19 n. 6 Deinde cum dicit: si autem singularium etc., ponit conclusionem. Et dicit quod si caelum, idest mundus, est de numero singularium, ut ostensum est, alterum erit esse huic caelo singulariter dicto, et caelo simpliciter, idest universaliter sumpto; idest alia erit ratio utriusque. Et sic sequitur quod alterum sit secundum considerationem hoc caelum singulariter dictum, et caelum universaliter sumptum: ita scilicet quod hoc caelum universaliter sumptum sit sicut species et forma; hoc autem, scilicet caelum singulariter sumptum, sit sicut forma coniuncta materiae. Quod non est sic intelligendum quod in ratione rei naturalis universaliter sumptae nullo modo cadat materia; sed quod non cadat ibi materia signata.

[70999] Sur le De caelo, I, 19, 6. Ensuite quand il dit : Ğ si une chose singulière ğ, etc., il établit la conclusion. Et il dit que si le ciel, c’est-à-dire le monde, est au nombre des choses singulières, comme on l’a montré, être sera une chose pour ce ciel désigné individuellement, et autre chose pour le ciel pris simplement, c’est-à-dire universellement ; c’est-à-dire que la configuration sera différente pour les deux. Et ainsi il s’ensuit que ce ciel désigné singulièrement sera une chose et que le ciel pris universellement en sera une autre, selon la considération, de même que ce ciel pris universellement est comme l’espèce et la forme selon la considération et que le ciel pris singulièrement est comme la forme unie à la matière. [278a15] Ainsi il ne faut pas comprendre que la matière ne tombe en aucune manière dans la raison de la chose naturelle prise universellement, mais que la matière désignée ne tombe pas ici.

[71000] In De caelo, lib. 1 l. 19 n. 7 Deinde cum dicit: quorum autem est forma quaedam etc., ponit secundum syllogismum, qui talis est. Quorumcumque est forma in materia, aut sunt aut contingit esse plura individua unius speciei; sed hoc caelum significat formam in materia, ut dictum est; ergo aut sunt aut possunt esse plures caeli. Circa hoc autem primo ponit maiorem; secundo manifestat eam, ibi: sive enim sint species etc.; tertio infert conclusionem, ibi: itaque aut sunt et cetera. Minorem supponit ex praemisso syllogismo. Dicit ergo primo quod omnia illa quorum est forma quaedam et species, idest quae non sunt ipsae formae et species, sed habent formas et species, aut sunt plura singularia unius speciei, aut contingit fieri plura: illa vero quae ipsamet sunt formae et species subsistentes, sicut substantiae separatae, non possunt esse plura unius speciei.

[71000] Sur le De caelo, I, 19, 7. Ensuite quand il dit : Ğ ils ont une certaine forme ğ, etc., il établit le second syllogisme, qui est le suivant : quelle que soit la chose dont la forme est dans la matière, il y a ou il arrive qu’il y ait plusieurs individus d’une seule espèce ; mais Ğ ce ciel ğ désigne la forme dans la matière, comme on l’a dit ; donc il y a ou il peut y avoir plusieurs ciels. Sur ce point il établit premièrement la majeure ; deuxièmement il la démontre, ici : Ğ car soit qu’il y ait des espèces ğ, etc. ; troisièmement il met en avant la conclusion, ici : Ğ c’est pourquoi ou bien ils sont ğ, etc. Il suppose la mineure à partir du syllogisme déjà présenté. Il dit donc premièrement que toutes les choses qui ont une certaine forme et espèce, c’est-à-dire qui ne sont pas elles-mêmes formes et espèces, mais qui ont formes et espèces, sont plusieurs choses singulières d’une seule espèce, ou bien qu’il leur arrive de devenir plusieurs : celles qui sont elles-mêmes formes et espèces subsistantes, comme les substances séparées, ne peuvent être plusieurs choses d’une seule espèce.

[71001] In De caelo, lib. 1 l. 19 n. 8 Deinde cum dicit: sive enim sint species etc., manifestat praedictam propositionem tam secundum opinionem Platonicam, quam secundum opinionem propriam. Et dicit quod sive sint species, idest ideae separatae, sicut Platonici dicunt, necesse est hoc accidere, scilicet quod sint plura individua unius speciei (quia species separata ponitur sicut exemplar rei sensibilis; possibile est autem ad unum exemplar fieri multa exemplata); sive etiam nullum talium, idest nulla specierum, separatim existat; nihilominus plura individua possunt esse unius speciei. Videmus enim in omnibus sic accidere, quorum substantia, idest essentia quam significat definitio, est in materia signata, quod sunt plura, immo infinita individua unius speciei. Et hoc ideo est, quia cum materia signata non sit de ratione speciei, ratio speciei indifferenter potest salvari in hac materia signata et in illa: et ita possunt esse plura individua unius speciei.

[71001] Sur le De caelo, I, 19, 8. Ensuite quand il dit : Ğ soit que, en effet, il y ait des espèces ğ, il montre la proposition déjà mentionnée aussi bien selon l’opinion platonicienne que selon sa propre opinion. Et il dit que soit il y ait des espèces, c’est-à-dire des idées séparées, comme les platoniciens disent, il est nécessaire qu’il arrive qu’il y ait plusieurs individus d’une seule espèce (puisque l’espèce séparée est établie comme exemple d’une chose sensible ; or il est possible que de nombreux exemples conviennent à un seul modèle) ; soit aucune d’entre elles, c’est-à-dire aucune espèce, n’existe séparément ; néanmoins plusieurs individus peuvent appartenir à une seule espèce. Car nous voyons que cela se produit ainsi pour tout ce dont la substance, c’est-à-dire l’essence que désigne la définition, est dans la matière désignée, parce qu’il y a plusieurs, voire une infinité d’individus d’une seule espèce. Et cela parce que, comme la matière désignée ne concerne pas la configuration de l’espèce, la raison de l’espèce peut indifféremment être conservée dans cette matière désignée-ci et dans celle-là : et ainsi il peut y avoir plusieurs individus d’une seule espèce. [278a20]

[71002] In De caelo, lib. 1 l. 19 n. 9 Deinde cum dicit: itaque aut sunt etc., infert conclusionem intentam, scilicet quod aut sunt plures caeli, aut contingit esse factos plures caelos. Ultimo autem epilogat quod ex praemissis potest aliquis suspicari quod vel sint vel possint esse plures mundi.

[71002] Sur le De caelo, I, 19, 9. Ensuite quand il dit : Ğ c’est pourquoi soit il y a ğ, etc., il met en avant la conclusion proposée, à savoir que soit il y a plusieurs ciels, soit il arrive que plusieurs ciels soient créés. Enfin il épilogue en disant que l’on peut conjecturer d’après les prémisses qu’il y a ou qu’il peut y avoir plusieurs mondes.

[71003] In De caelo, lib. 1 l. 19 n. 10 Sed videtur hic esse contrarietas inter Aristotelem et Platonem. Nam Plato in Timaeo ex unitate exemplaris probavit unitatem mundi: hic autem Aristoteles ex unitate speciei separatae concludit possibile esse quod sint plures mundi. Et potest dupliciter responderi. Uno modo ex parte ipsius exemplaris. Quod quidem si sic sit unum quod unitas sit essentia eius, necesse est exemplatum etiam imitari exemplar in sua unitate. Et tale est primum exemplar separatum: unde et mundum, qui est primum exemplatum, necesse est esse unum: et secundum hoc procedit probatio Platonis. Si vero unitas non sit essentia exemplaris, sed sit praeter essentiam eius, sic exemplatum poterit assimilari exemplari in eo quod pertinet ad eius speciem, puta in ratione hominis vel equi, non autem quantum ad ipsam unitatem: et hoc modo procedit hic ratio Aristotelis. Alio modo potest solvi ex parte exemplati, quod tanto est perfectius, quanto magis assimilatur exemplari. Alia ergo exemplata assimilantur exemplari uni secundum unitatem speciei, non secundum unitatem numeralem: sed caelum, quod est perfectum exemplatum, assimilatur suo exemplari secundum unitatem numeralem.

[71003] Sur le De caelo, I, 19, 10. Mais il semble y avoir ici une opposition entre Aristote et Platon. Car Platon dans le Timée prouve l’unicité du monde à partir de l’unicité du modèle : ici Aristote conclut de l’unicité de l’espèce séparée qu’il est possible qu’il y ait plusieurs mondes. Et on peut répondre de deux manières. D’une manière en partant du modèle lui-même. Celui-ci, s’il est ainsi unique du fait que l’unicité est son essence, il est nécessaire que la copie imite aussi le modèle dans son unicité. Et tel est le premier modèle séparé : de là il est nécessaire que le monde aussi, qui est la première copie, soit unique : et la démonstration de Platon procède selon cela. Or si l’unicité n’était pas l’essence du modèle, mais était contre son essence, la copie pourrait être assimilée au modèle dans ce qui concerne son espèce, par exemple dans le fonctionnement de l’homme ou du cheval, mais non pas quant à l’unicité elle-même : et le raisonnement d’Aristote procède ici de cette manière. D’une autre manière on peut résoudre cette difficulté à partir de la copie, qui est d’autant plus parfaite qu’elle est rendue plus semblable au modèle. Donc d’autres copies peuvent être rendues semblables à un seul modèle selon l’unicité de l’espèce, et non selon l’unité numérale : mais le ciel, qui est une copie parfaite, est rendu semblable à son modèle selon l’unicité numérale.

[71004] In De caelo, lib. 1 l. 19 n. 11 Deinde cum dicit: considerandum autem iterum etc., solvit obiectionem praedictam. Et primo ponit solutionem; secundo manifestat eam, ibi: sic autem forte et cetera. Dicit ergo primo quod oportet iterum, ad solvendum dubitationem praedictam, considerare quid dicatur bene et quid non bene: si enim omnia praemissa sint vera, necesse est conclusionem esse veram. Dicit igitur quod bene dictum est quod altera sit ratio formae, ea scilicet quae est sine materia, et ea quae est cum materia, et hoc concedatur tanquam verum; et sic concedatur conclusio primi syllogismi, quae est minor secundi. Sed non sequitur ex necessitate propter hoc quod sint multi mundi, vel quod possint esse plures, si verum sit quod iste mundus sit ex tota sua materia, sicuti est verum, ut infra probabitur: maior enim propositio secundi syllogismi, scilicet quod illa quae habent formam in materia possunt esse multa numero unius speciei, non habet veritatem nisi in illis quae non constant ex tota sua materia.

[71004] Sur le De caelo, I, 19, 11. Ensuite quand il dit : Ğ il faut considérer de nouveau ğ, etc., il résout l’objection déjà mentionnée. Et premièrement il établit la solution ; deuxièmement il la montre ici : Ğ ainsi par hasard ğ, etc. Il dit donc premièrement qu’il faut de nouveau, pour dissiper le doute déjà mentionné, considérer ce qui est bien dit et ce qui ne l’est pas : car si toutes les prémisses sont vraies, il est nécessaire que la conclusion soit vraie. Il dit donc qu’est bien dit le fait que la définition de la forme est autre, c’est-à-dire celle qui est sans matière et celle qui est avec de la matière, [278a25] et que ce point soit concédé comme vrai : et que soit ainsi concédée la conclusion du premier syllogisme, qui est la mineure du second. Mais il ne s’ensuit pas nécessairement pour cette raison qu’il y a de nombreux mondes ou bien qu’il puisse y avoir plusieurs, s’il est vrai que ce monde en est composé de toute sa matière, de même que cela est vrai, comme on le prouvera ci-dessous : en effet, la proposition majeure du second syllogisme, à savoir que ce qui a une forme dans la matière peut être multiple en nombre d’une seule espèce, n’a pas de vérité si ce n’est pour ce qui n’est pas composé de toute sa matière.

[71005] In De caelo, lib. 1 l. 19 n. 12 Deinde cum dicit: sic autem forte etc., manifestat quod dixerat per exemplum. Et primo ponit exempla; secundo adaptat ad propositum, ibi: caelum autem est quidem singularium et cetera. Dicit ergo primo quod per ea quae dicentur, magis fiet manifestum quod dictum est. Simitas enim est curvitas in naso aut in carne; et ita caro est materia simitatis. Si ergo ex omnibus carnibus fieret una caro, scilicet unius nasi, et in hac esset simitas, nihil aliud esset simum, neque posset esse. Et eadem ratio est de homine, cum carnes et ossa sint materia hominis, si ex omnibus carnibus et ossibus fieret unus homo, ita scilicet quod nullo modo possent dissolvi, non posset esse aliquis alius homo quam unus (si vero possent dissolvi, possibile esset, illo homine corrupto, alium hominem esse; sicut dissoluta arca, ex eisdem lignis fit alia arca). Et ita etiam est in aliis. Et huius rationem assignat, quia nihil eorum quorum forma est in materia, potest fieri, si non adsit propria materia; sicut domus non posset fieri si non sint lapides et ligna. Et ita, si non sint aliae carnes et ossa praeter ea ex quibus componitur unus homo, non poterit fieri alius homo praeter illum.

[71005] Sur le De caelo, I, 19, 12. Ensuite quand il dit : Ğ ainsi par hasard ğ, etc., il montre ce qu’il avait dit par un exemple. Et il établit premièrement des exemples : deuxièmement il les adapte à la proposition ici : Ğ le ciel est certes unique ğ, etc. Il dit donc premièrement que ce qui est dit deviendra plus manifeste par ce qui sera dit. En effet, le Ğ camus ğ est une convexité du nez ou de la chair ; et ainsi la chair est [278a30] la matière du Ğ camus ğ. Donc si une seule chair, c’est-à-dire celle d’un seul nez, était créée à partir de toutes les chairs, et si en elle on trouvait un caractère camus, rien d’autre ne serait camus, ni ne pourrait l’être. Et le même raisonnement s’applique à l’homme : comme les chairs et les os sont la matière de l’homme, si à partir de toutes les chairs et tous les os on créait un seul homme, et qu’ils ne puissent en aucune manière être désagrégés, [278a35] il ne pourrait y avoir un autre homme que l’homme unique (s’ils pouvaient être désagrégés, il serait possible, cet homme ayant été décomposé, qu’il y ait un autre homme, de même que, après avoir démonté un coffre, on fait un autre coffre à partir des mêmes planches de bois). [278b1] Et il en est également ainsi pour les autres choses. Et il en attribue la raison au fait que rien de ce dont la forme est dans la matière ne peut être créé, si sa propre matière n’est pas présente, de même qu’une demeure ne peut être construite s’il n’y a pas de pierre ni de bois. Et ainsi, s’il n’y a pas d’autres chairs et d’autres os en dehors de ceux dont est composé un seul homme, un autre homme ne peut être créé en dehors de celui-là.

[71006] In De caelo, lib. 1 l. 19 n. 13 Deinde cum dicit: caelum autem est quidem singularium etc., adaptat ad propositum. Et dicit verum esse caelum esse de numero singularium, et eorum quae ex materia constituuntur: non tamen est ex parte suae materiae, sed ex tota sua materia. Et ideo, quamvis sit alia ratio caeli et huius caeli, non tamen est aut potest esse aliud caelum, propter hoc quod tota materia caeli comprehensa est sub hoc caelo.

[71006] Sur le De caelo, I, 19, 13. Ensuite quand il dit : Ğ or le ciel fait certes partie des êtres singuliers ğ, etc., il fait une adaptation à la proposition. Et il dit qu’il est vrai que le ciel fait partie des êtres singuliers et des êtres qui sont constitués de matière : il n’est cependant pas constitué d’une partie de sa matière, [278b5] mais de sa matière toute entière. Et c’est pourquoi, bien qu’il y ait une autre organisation du ciel et de ce ciel-ci, il n’y a pourtant pas, et il ne peut y avoir un autre ciel, pour la raison que toute la matière du ciel est comprise sous ce ciel.

[71007] In De caelo, lib. 1 l. 19 n. 14 Sciendum est autem quod quidam aliis modis probant possibile esse plures caelos. Uno modo sic. Mundus factus est a Deo; sed potentia Dei, cum sit infinita, non determinatur ad istum solum mundum; ergo non est rationabile quod non possit facere etiam alios mundos. Et ad hoc dicendum est quod, si Deus faceret alios mundos, aut faceret eos similes huic mundo, aut dissimiles. Si omnino similes, essent frustra: quod non competit sapientiae ipsius. Si autem dissimiles, nullus eorum comprehenderet in se omnem naturam corporis sensibilis: et ita nullus eorum esset perfectus, sed ex omnibus constitueretur unus mundus perfectus. Alio modo potest argui sic. Quanto aliquid est nobilius, tanto eius species est magis virtuosa; mundus autem est nobilior qualibet re naturali hic existente; cum igitur species rei naturalis hic existentis, puta equi aut bovis, possit perficere plura individua, multo magis species totius mundi potest plura individua perficere. Sed ad hoc dicendum est quod maioris virtutis est facere unum perfectum, quam facere multa imperfecta. Singula autem individua rerum naturalium quae sunt hic, sunt imperfecta; quia nullum eorum comprehendit in se totum quod pertinet ad suam speciem. Sed mundus hoc modo perfectus est: unde ex hoc ipso eius species ostenditur magis virtuosa. Tertio obiicitur sic. Melius est multiplicari optima, quam ea quae sunt minus bona; sed mundus est optimus; ergo melius est esse plures mundos, quam plura animalia aut plures plantas. Et ad hoc dicendum quod hoc ipsum pertinet ad bonitatem mundi, quod sit unus; quia unum habet rationem boni: videmus enim quod per divisionem aliqua decidunt a propria bonitate.

[71007] Sur le De caelo, I, 19, 14. Il faut savoir que certains prouvent d’autres manières qu’il est possible qu’il y ait plusieurs ciels. De la manière suivante. Le monde a été créé par Dieu ; mais la puissance de Dieu, comme elle est infinie, n’est pas limitée à ce seul monde ; donc il n’est pas raisonnable de dire qu’il n’a pas pu créer aussi d’autres mondes. Et à cela il faut dire que, si Dieu faisait d’autres mondes, il les ferait soit semblables à ce monde-ci, soit dissemblables. S’ils étaient tout à fait semblables, ce serait en vain, ce qui ne conviendrait pas à sa sagesse. S’ils étaient dissemblables, aucun d’entre eux ne comprendrait en lui toute la nature du corps sensible : et ainsi aucun d’entre eux ne serait parfait, mais un monde parfait serait constitué de tous. On peut proposer une autre argumentation ainsi. Plus quelque chose est noble, plus son espèce est puissante ; or un monde est plus noble quand n’importe quelle chose naturelle s’y trouve ; donc comme l’espèce de la chose naturelle qui s’y trouve, par exemple celle du cheval ou du bœuf, peut former plusieurs individus complets, l’espèce du monde tout entier peut bien davantage former plusieurs individus. Mais à cela il faut dire que la marque d’une plus grande puissance est de créer une seule chose parfaite plutôt que de créer plusieurs choses imparfaites. Chaque individu parmi les êtres naturels qui sont ici est imparfait, parce qu’aucun d’entre eux ne comprend en lui tout ce qui appartient à son espèce. Mais le monde est parfait de cette manière ; de là son espèce se montre plus puissante de ce fait même. La troisième objection est la suivante. Il est mieux de multiplier les êtres les meilleurs plutôt que ceux qui sont moins bons ; mais le monde est le meilleur être ; donc il vaut mieux qu’il y ait plusieurs mondes plutôt que plusieurs animaux ou plusieurs plantes. Et à cela il faut dire que le fait même que le monde soit unique concerne sa bonté, puisqu’une seule chose a la raison du bien : nous voyons en effet que des êtres perdent de leur propre bonté en se divisant.

 

 

Lectio 20

Leçon 20 – [Le monde est composé de toute sa matière]

[71008] In De caelo, lib. 1 l. 20 n. 1 Posita solutione inducta, hic philosophus probat quod supposuerat, scilicet quod mundus constet ex tota sua materia. Et primo dicit de quo est intentio, et quo ordine sit procedendum: dicens quod hoc ipsum restat ostendere ad complementum praemissae solutionis, quod mundus constet ex omni corpore naturali et sensibili, quod est materia eius. Sed antequam hoc ostendamus, oportet primo dicere quid significetur per hoc nomen caelum, et quot modis dicatur, ut illud quod quaeritur magis possit manifestari.

[71008] Sur le De caelo, I, 20, 1. Après avoir posé la solution présentée, le philosophe prouve ici ce qu’il avait supposé, à savoir que le monde est composé de toute sa matière. Et il dit premièrement sur quoi porte son intention, et dans quel ordre il faut procéder, en disant qu’il reste à montrer en complément de la solution déjà mentionnée cela même, à savoir que le monde est composé de tout le corps naturel et sensible, qui est sa matière. Mais avant de montrer cela, il faut premièrement dire ce que signifie ce nom ciel, et de combien de manières il est nommé, afin que ce qui est demandé puisse davantage être montré. [278b10]

[71009] In De caelo, lib. 1 l. 20 n. 2 Secundo ibi: uno quidem igitur modo etc., exequitur propositum: et primo ostendit quot modis dicatur caelum; secundo ostendit principale propositum, ibi: tripliciter autem et cetera. Circa primum ponit tres significationes caeli. Uno enim modo dicitur caelum substantia quaedam quae est extremae circulationis totius, idest quae in toto universo est extrema, et circulariter movetur. Et quia exposuerat significationem nominis per substantiam, cuius ratio transcendit considerationem naturalem, cum pertineat ad considerationem metaphysici, adhibet aliam expositionem, in eadem tamen significatione, dicens quod caelum est corpus naturale quod est in extrema circumferentia totius: et haec expositio est magis propria scientiae naturali. Probat autem hanc significationem ex consuetudine loquendi: quia nominibus est utendum ut plures, sicut dicitur in II Topic. Consueverunt enim homines vocare caelum illud quod est extremum totius mundi, et quod maxime est sursum: non quidem secundum quod sursum accipitur in scientia naturali, prout scilicet est terminus motus levium (sic enim nihil magis est sursum quam locus in quem fertur ignis): sed sumitur hic sursum secundum communem modum loquendi, prout id quod est remotius a medio, vocatur sursum. Consuevit etiam vocari sursum id quod est locus omnium divinorum (ut tamen divina non dicantur hic corpora caelestia, quae non omnia sunt in suprema sphaera; sed secundum quod divina dicuntur substantiae immateriales et incorporeae): dictum est enim supra quod omnes homines locum qui est sursum attribuunt Deo. Secundo modo dicitur caelum non solum suprema sphaera, sed totum corpus quod continuatur cum extrema circumferentia totius universi, idest omnes sphaerae caelestium corporum, in quibus sunt luna et sol et quaedam stellarum, scilicet alii quinque planetae (nam stellae fixae sunt in suprema sphaera secundum opinionem Aristotelis, qui non posuit aliam sphaeram esse supra sphaeram stellarum fixarum). Et hanc etiam significationem probat per communem usum loquendi: dicimus enim solem et lunam et alios planetas esse in caelo. Dicuntur autem haec corpora continuari cum suprema sphaera, propter convenientiam in natura, quia scilicet sunt incorruptibilia et circulariter mobilia; non autem ita quod ex omnibus sit unum corpus continuum; quia sic eorum non possent esse plures et diversi motus; continuum est enim cuius motus est unus, ut dicitur in V Metaphys. Tertio modo dicitur caelum totum corpus quod continetur ab extrema circumferentia, idest a suprema sphaera. Et hoc etiam probat ex usu loquendi: quia consuevimus totum mundum et omne, idest universum, vocare caelum. Est autem considerandum quod caelum his tribus modis dicitur non aequivoce, sed analogice, scilicet per respectum ad unum primum: primo enim et principaliter dicitur caelum suprema sphaera; secundo autem aliae sphaerae caelestes, ex continuitate quam habent ad supremam sphaeram; tertio modo universitas corporum, secundum quod continetur ab extrema sphaera.

[71009] Sur le De caelo, I, 20, 2. Deuxièmement ici : Ğ donc d’une seule manière ğ, etc., il recherche la proposition : et il montre premièrement de combien de manières le ciel est nommé ; deuxièmement il montre la principale proposition ici : Ğ de trois manières ğ, etc. En ce qui concerne le premier point il donne trois significations au mot ciel. En effet selon l’une d’entre elles le ciel est dit certaine substance qui est celle de toute la circonférence ultime, c’est-à-dire qui est extrême dans tout l’univers et qui se meut circulairement. Et puisqu’il avait expliqué la signification du nom par substance, dont la définition dépasse la considération naturelle, étant donné qu’elle concerne la considération de la métaphysique, il emploie une autre définition, avec cependant la même signification, en disant que le ciel est un corps naturel qui est dans la circonférence ultime du tout : et cette définition est plus propre à la science naturelle. Or il prouve cette signification par l’habitude de parler, puisqu’il faut utiliser des noms comme le font un grand nombre de gens, comme il est dit dans le livre II des Topiques. Car les hommes ont l’habitude d’appeler ciel ce qui est l’extrémité du monde entier et qui est tout à fait en haut, mais non selon le sens que prend en haut en science naturelle, c’est-à-dire dans la mesure où c’est le terme des mouvements des corps légers (ainsi, en effet, rien n’est plus en haut que le lieu vers lequel le feu est entraîné) ; mais ici en haut est pris dans une manière commune de parler, dans la mesure où ce qui est plus éloigné du milieu est appelé en haut. On a aussi l’habitude d’appeler en haut ce qui est le lieu de toutes les choses divines (de telle sorte qu’ici ne sont pas dits divins les corps célestes qui ne sont pas tous dans la sphère suprême, mais selon le fait que sont dites divines les substances immatérielles et incorporelles) : car il a été dit ci-dessus que tous les hommes attribuent à Dieu un lieu qui est en haut. Dans une seconde acception est nommé ciel non seulement la sphère suprême, mais tout corps qui est en continuité avec la circonférence ultime de tout l’univers, c’est-à-dire toutes les sphères des corps célestes, dans lesquelles se trouvent la Lune, le Soleil et certaines des étoiles, c’est-à-dire les cinq autres planètes (car les étoiles fixes sont dans la sphère suprême selon l’opinion d’Aristote, qui n’a pas établi qu’il y a une autre sphère au-dessus de la sphère des étoiles fixes). Et il prouve cette signification par l’usage commun de parler : car nous disons que le Soleil, la Lune et les autres planètes sont dans le ciel. Or on dit que ces corps sont en continuité avec la sphère suprême, en raison de l’harmonie de la nature, puisqu’ils sont incorruptibles et qu’ils se déplacent circulairement, et non pas que parmi tous il y a un seul corps continu, puisque ainsi ils ne pourraient avoir plusieurs mouvements différents ; car est continu ce dont le mouvement est un, comme il est dit dans le livre V de la Métaphysique. Dans une troisième acception est dit ciel tout corps qui est contenu par la [278b20] circonférence extrême, c’est-à-dire par la sphère suprême. Et il le prouve aussi par l’usage de la parole, puisque nous avons l’habitude d’appeler ciel le monde tout entier et le tout, c’est-à-dire l’univers. Or il faut considérer que le ciel est défini de ces trois manières sans équivoque, mais par analogie, c’est-à-dire par rapport à un premier sens : car en premier lieu et principalement le ciel est dit sphère suprême ; en second lieu ce sont les autres sphères célestes, par la continuité qu’elles ont avec la sphère suprême ; en troisième lieu c’est la totalité des corps, selon le fait qu’elle est contenue par la sphère extrême.

[71010] In De caelo, lib. 1 l. 20 n. 3 Deinde cum dicit: tripliciter autem etc., ostendit propositum. Et primo ostendit quod non est aliquod corpus sensibile extra caelum tertio modo dictum, idest extra hunc mundum; secundo ostendit quod non est extra ipsum aliquid eorum quae consequuntur ad corpora naturalia, ibi: simul autem manifestum et cetera. Circa primum tria facit: primo proponit quod intendit; secundo probat propositum, ibi: si enim est etc.; tertio concludit principale intentum, ibi: manifestum igitur ex dictis et cetera. Dicit ergo primo quod, cum tripliciter dicatur caelum, nunc intendimus de caelo tertio modo dicto, secundum quod caelum dicitur totum quod continetur ab extrema circumferentia: et hoc caelum necesse est quod constet ex omni corpore sensibili et naturali (quod est eius materia: et sic constat ex tota sua materia), propter hoc quod extra hoc caelum nullum corpus est, nec contingit esse.

[71010] Sur le De caelo, I, 20, 3. Ensuite quand il dit : Ğ de trois manières ğ, etc., il démontre la proposition. Et il montre premièrement qu’il n’existe pas de corps sensible en dehors du ciel pris dans la troisième acception, c’est-à-dire en dehors de ce monde ; il montre deuxièmement qu’il n’existe en dehors de lui aucune chose parmi celles qui suivent les corps naturels, ici : Ğ en même temps il est manifeste ğ, etc. En ce qui concerne le premier point il fait trois choses : premièrement il propose ce qu’il a l’intention de faire ; deuxièmement il prouve la proposition, ici : Ğ si en effet il y a ğ, etc. ; troisièmement il conclut la thèse principale ici : Ğ il est donc manifeste d’après les propos tenus ğ, etc. Il dit donc premièrement que, comme Ğ ciel ğ a trois sens, nous tournons maintenant notre attention sur le ciel pris dans la troisième acception, selon laquelle le ciel est dit tout ce qui est contenu par la circonférence extrême : et il est nécessaire que ce ciel soit composé de la totalité du corps sensible et naturel (qui est sa matière : et ainsi il est composé de toute sa matière), pour la raison qu’en dehors de ce ciel il n’existe aucun corps et qu’il ne peut en exister. [278b25]

[71011] In De caelo, lib. 1 l. 20 n. 4 Deinde cum dicit: si enim est etc., probat propositum. Et primo ostendit quod nullum corpus est extra caelum; secundo quod nullum potest ibi esse, ibi: sed et neque factum esse et cetera. Circa primum duo facit: primo praemittit quandam divisionem, per quam manifestat propositum; secundo excludit singula membra divisionis, ibi: simplicium quidem igitur et cetera. Dicit ergo primo quod, si est aliquod corpus physicum, idest naturale, extra extremam peripheriam, idest circumferentiam, necesse est quod illud corpus aut sit de numero simplicium corporum, aut de numero compositorum. Item necesse est quod vel sit ibi secundum naturam, vel praeter naturam.

[71011] Sur le De caelo, I, 20, 4. Ensuite quand il dit : Ğ si en effet il y a ğ, etc., il prouve la proposition. Et il démontre premièrement qu’il n’y a aucun corps en dehors du ciel, d’après le fait qu’ici il ne peut y en avoir aucun, ici : Ğ mais aussi il n’a pu être créé ğ, etc. Sur le premier point il fait deux choses : il avance premièrement une certaine division, par laquelle il montre la proposition ; deuxièmement il exclut chaque membre de cette division, ici : Ğ donc parmi les simples ğ, etc. Il dit donc premièrement que, s’il y a un corps physique, c’est-à-dire naturel, en dehors de la périphérie, c’est-à-dire de la circonférence, extrême, il est nécessaire que ce corps soit au nombre des corps simples ou bien au nombre des corps composés. De même il est nécessaire qu’il soit ici selon la nature ou contre la nature.

[71012] In De caelo, lib. 1 l. 20 n. 5 Deinde cum dicit: simplicium quidem igitur etc., excludit singula membra praedictae divisionis. Et primo ostendit quod extra extremam sphaeram non est aliquod corpus simplex secundum naturam. Corporum enim simplicium quoddam est circulariter motum; quoddam est quod movetur a medio; quoddam quod movetur ad medium, et in medio subsistit omnibus aliis, ut supra habitum est. Nullum autem horum potest esse extra extremam circumferentiam. Ostensum est enim supra in VI Physic. quod corpus quod circulariter fertur, non permutat proprium locum secundum totum, nisi solum ratione. Sic igitur non est possibile quod corpus quod circulariter fertur, transferatur ad aliquem locum extra eum in quo est. Hoc autem sequeretur si esset aliquod corpus circulariter motum extra extremam circumferentiam, sicut in suo loco naturali. Quia per quam rationem esset naturalis illi corpori circulariter moto, per eandem rationem esset naturalis huic corpori quod in hoc mundo circulariter fertur; omne autem corpus naturaliter fertur ad suum locum naturalem; sequeretur ergo quod istud corpus circulariter motum transferretur extra suum locum ad alium locum, quod est impossibile. Similiter etiam non est possibile esse extra extremam circumferentiam corpus leve, quod movetur a medio, neque etiam corpus grave, quod substat aliis corporibus in medio. Si enim dicatur quod sint extra extremam circumferentiam naturaliter, hoc esse non potest, quia habent alia loca naturalia, scilicet infra extremam circumferentiam totius; ostensum est autem supra quod omnium gravium est unus numero locus, et similiter omnium levium. Unde non est possibile quod ista corpora sint naturaliter extra extremam circumferentiam totius. Et est considerandum quod ista ratio, et quantum ad corpus circulariter motum, et quantum ad corpus quod movetur motu recto, habet necessitatem ex eo quod supra probatum est, quod est tantum unum extremum et unum medium.

[71012] Sur le De caelo, I, 20, 5. Ensuite quand il dit : Ğ donc parmi les simples ğ, etc., il exclut chaque membre de la division déjà dite. Et il montre premièrement qu’en dehors de la sphère extrême il n’y a pas de corps simple selon la nature. Car un des corps simples est déplacé circulairement ; un autre est celui qui est déplacé à partir du milieu ; un autre est celui qui est déplacé vers le milieu, et au milieu il reste tous les autres, comme on l’a considéré ci-dessus. Or il ne peut exister aucun de ceux-là en dehors de la circonférence extrême. Il a été montré ci-dessus dans le livre VI de la Physique que le corps qui est entraîné circulairement ne change pas le lieu qui lui est propre selon le tout, si ce n’est par la raison seule. Ainsi donc il n’est pas possible qu’un corps qui est entraîné circulairement soit transporté vers un lieu en dehors de celui où il est. [278b30] Cela s’ensuivrait s’il y avait un corps déplacé circulairement en dehors de la circonférence extrême, comme dans son lieu naturel, puisque par la même raison selon laquelle il serait naturel à ce corps-là déplacé circulairement, il serait naturel à ce corps-ci qui est entraîné circulairement dans ce monde-ci ; or tout corps est naturellement entraîné vers son lieu naturel ; il s’ensuivrait donc que ce corps déplacé circulairement serait transporté en dehors de son lieu vers un autre lieu, ce qui est impossible. De la même manière il n’est pas non plus possible qu’il y ait en dehors de la circonférence extrême un corps léger qui soit déplacé du milieu, ni non plus un corps lourd qui se trouve sous les autres corps au milieu. En effet, si on dit qu’ils sont naturellement en dehors de la circonférence extrême, cela ne peut être, puisqu’ils ont d’autres lieux naturels, à savoir au-dessous de la circonférence extrême du tout ; il a été montré ci-dessus que tous les corps lourds ont un lieu unique en nombre et de la même manière tous les légers. De là il n’est pas possible que ces corps soient naturellement en dehors de la circonférence extrême du tout. Et il faut considérer que cette raison, et quant au corps déplacé circulairement, et quant au corps qui est déplacé par un mouvement droit, tire sa nécessité de ce qui a été prouvé ci-dessus, à savoir qu’il y a seulement une extrémité et un milieu.

[71013] In De caelo, lib. 1 l. 20 n. 6 Secundo ibi: praeter naturam autem etc., ostendit quod nullum corpus simplex est extra caelum praeter naturam. Si enim esset ibi praeter naturam, ille locus alicui corpori esset naturalis: locus enim qui est uni corpori praeter naturam, necesse est quod sit alii corpori secundum naturam: quia si alicui loco deesset proprium corpus, locus ille esset frustra. Sed non potest esse quod ille locus sit naturalis alicui corpori: non enim est naturalis neque corpori circulariter moto, neque corpori levi aut gravi; ostensum est autem supra quod nullum aliud corpus est praeter ista. Sic igitur patet quod nullum corpus simplex est extra caelum, neque secundum naturam neque praeter naturam.

[71013] Sur le De caelo, I, 20, 6. Deuxièmement ici : Ğ or contre la nature ğ, etc., il montre qu’aucun corps simple ne se trouve en dehors du ciel contre la nature. Car s’il se trouvait ici contre la nature, ce lieu-là serait naturel à un corps : en effet un lieu qui appartient à un corps contre la nature appartiendrait nécessairement à un autre corps selon la nature, puisque, si un corps qui serait propre à un lieu lui manquait, ce lieu-là existerait en vain. Mais il n’est pas possible que ce lieu soit naturel à un corps : car il n’est naturel ni à un corps déplacé circulairement, ni à un corps léger ou lourd ; on a montré ci-dessus qu’il n’existe aucun autre corps en dehors [278b35] de ceux-là. Ainsi donc il est évident qu’aucun corps simple ne se trouve en dehors [279a1] du ciel, ni selon la nature, si contre la nature.

[71014] In De caelo, lib. 1 l. 20 n. 7 Tertio ibi: si autem non simplicium etc., probat quod non est ibi aliquod corpus mixtum. Quia si non est ibi aliquod simplicium corporum, sequitur quod non sit ibi etiam aliquod corpus mixtum: ubicumque enim est corpus mixtum, necesse est ibi esse corpora simplicia, eo quod corpora simplicia sunt in mixto; et mixtum sortitur locum naturalem secundum corpus simplex quod in eo dominatur.

[71014] Sur le De caelo, I, 20, 7. Troisièmement ici : Ğ si non parmi les corps simples ğ, etc., il prouve qu’il n’y a pas de corps mixte, puisque, s’il n’y a pas ici des corps simple, il s’ensuit qu’il n’y a pas non plus de corps mixte : car partout où il y a un corps mixte, il est nécessaire qu’il y ait des corps simples, parce que des corps simples sont dans un corps mixte ; et un corps mixte obtient un lieu naturel selon le corps simple qui domine en lui.

[71015] In De caelo, lib. 1 l. 20 n. 8 Deinde cum dicit: sed et neque factum esse etc., ostendit quod etiam extra caelum non contingit esse aliquod corpus. Unde dicit quod non est possibile fieri aliquod corpus extra caelum. Quia aut esset ibi secundum naturam aut praeter naturam, et iterum aut esset simplex aut mixtum; et quidquid horum detur, erit eadem ratio quae est supra: quia non differt secundum rationes praemissas an sit aliquod corpus extra caelum, vel possit ibi fieri; quia rationes praemissae utrumque concludunt, et quia in sempiternis non differt esse et posse, ut dicitur in III Physic.

[71015] Sur le De caelo, I, 20, 8. Ensuite quand il dit : Ğ et il n’a pas été créé ğ, etc., il montre qu’il n’arrive pas non plus qu’il y ait un corps en dehors du ciel. De là il dit qu’il n’est pas possible qu’un corps soit créé en dehors du ciel, puisqu’il y serait selon la nature ou en dehors de la nature, et encore qu’il serait soit simple, soit mixte ; et pour n’importe lequel d’entre eux, la raison qui est ci-dessus sera la même, puisqu’il n’y a pas de différence selon les raisons avancées entre le fait qu’un corps se trouve en dehors du ciel et qu’il puisse y être créé, [279a5] puisque les raisons avancées concluent les deux choses et que dans l’éternité il n’y a pas de différence entre être et pouvoir, comme il est dit dans le livre III de la Physique.

[71016] In De caelo, lib. 1 l. 20 n. 9 Deinde cum dicit: manifestum igitur ex dictis etc., concludit conclusionem principaliter intentam. Et dicit manifestum esse ex dictis quod extra caelum neque est aliqua moles cuiuscumque corporis, neque contingit ibi tale aliquid fieri: quia totus mundus est ex tota materia sua propria, materia autem mundi est corpus naturale sensibile. Nec est intelligendum quod velit probare nullum corpus sensibile esse extra caelum, propter hoc quod est ex tota sua materia; sed potius e converso. Utitur autem illo modo loquendi propter hoc quod ista duo invicem convertuntur. Concludit igitur quod neque sunt in praesenti plures caeli, neque fuerunt in praeterito, neque unquam poterunt fieri in futuro: sed istud caelum est unum et solum et perfectum, utpote constans ex omnibus suis partibus, sive ex tota sua materia.

[71016] Sur le De caelo, I, 20, 9. Ensuite quand il dit : Ğ il est donc manifeste d’après ce qui a été dit ğ, etc., il apporte la conclusion recherchée principalement. Et il dit qu’il est manifeste d’après ce qui a été dit qu’en dehors du ciel il n’y a pas de masse corporelle et qu’il n’arrive pas qu’une telle chose soit créée ici, puisque le monde entier est formé de toute la matière qui lui est propre, or la matière du monde est un corps naturel sensible. Et il ne faut pas comprendre qu’il veut prouver qu’aucun corps sensible ne se trouve en dehors du ciel, parce qu’il est formé de toute sa matière, mais plutôt le contraire. Or il se sert de cette manière de parler parce que ces deux idées sont la réciproque l’une de l’autre. Il conclut donc qu’il n’y a plusieurs ciels ni dans le temps présent, [279a10] ni dans le passé, et qu’ils ne pourront jamais être créés dans le futur : mais ce ciel est unique et parfait, en tant que composé de toutes ses parties ou bien de toute sa matière.

 

 

Lectio 21

Leçon 21 – [Il n’y a rien en dehors du ciel, ni lieu, ni vide, ni temps]

[71017] In De caelo, lib. 1 l. 21 n. 1 Postquam philosophus ostendit quod extra caelum non est aliquod corpus sensibile, nec potest esse, hic ostendit quod extra caelum non est aliquod eorum quae consequuntur ad corpora sensibilia. Et primo ostendit propositum; secundo ostendit qualia sint quae extra caelum nata sunt esse, ibi: propter quod quidem neque in loco et cetera. Circa primum tria facit: primo proponit quod intendit; secundo probat propositum, ibi: in omni enim loco etc.; tertio infert conclusionem intentam, ibi: manifestum igitur et cetera. Dicit ergo primo quod simul cum hoc quod probatum est, extra caelum non esse corpus sensibile, manifestum est quod extra caelum neque est locus, neque vacuum, neque tempus: de his enim tribus determinatur in IV Physic. sicut de quibusdam consequentibus corpora naturalia.

[71017] Sur le De caelo, I, 21, 1. Après que le philosophe a montré qu’en dehors du ciel il n’y a pas de corps sensible et qu’il ne peut y en avoir, il montre ici qu’en dehors du ciel il n’y a rien de ce qui accompagne les corps sensibles. Et il montre premièrement la proposition ; deuxièmement il montre quelles sont les choses qui se trouvent naturellement en dehors du ciel, ici : Ğ pour la raison que ni dans un lieu ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait trois choses : il propose ce qu’il a l’intention de faire ; deuxièmement il prouve la proposition, ici : Ğ car dans tout lieu ğ, etc. ; troisièmement il tire la conclusion recherchée, ici : Ğ il est donc manifeste ğ, etc. Il dit donc premièrement qu’en même temps qu’il a été prouvé qu’en dehors du ciel il n’est pas de corps sensible, il est manifeste qu’en dehors du ciel il n’y a ni lieu, ni vide, ni temps : en effet ces trois choses sont déterminées dans le livre IV de la Physique, tout comme les choses qui accompagnent les corps naturels.

[71018] In De caelo, lib. 1 l. 21 n. 2 Deinde cum dicit: in omni enim loco etc., probat propositum. Primo quidem quantum ad locum. In omni enim loco possibile est existere corpus, alioquin locus esset frustra; sed extra caelum non est possibile existere aliquod corpus, ut probatum est; ergo extra caelum non est locus. Secundo ibi: vacuum autem etc., probat quod extra caelum non est vacuum. Illi enim qui ponunt vacuum, definiunt vacuum esse locum in quo non existit corpus, sed possibile est esse; sed extra caelum non est possibile corpus esse, ut ostensum est; ergo extra caelum non est vacuum.

[71018] Sur le De caelo, I, 21, 2. Ensuite quand il dit : Ğ dans tout lieu en effet ğ, etc., il prouve la proposition. Premièrement quant au lieu. En effet dans tout lieu il est possible qu’un corps existe, autrement ce lieu serait en vain ; mais en dehors du ciel il n’est pas possible qu’un corps existe, comme on l’a prouvé ; donc en dehors du ciel il n’y a pas de lieu. Deuxièmement ici : Ğ or le vide ğ, etc., il prouve qu’en dehors du ciel il n’y a pas de vide. Car ceux qui établissent le vide le définissent comme un lieu où il n’existe pas de corps, mais où il est possible qu’il y en ait ; mais en dehors du ciel il n’est pas possible qu’il y ait un corps, comme on l’a montré ; donc en dehors du ciel il n’y a pas de vide.

[71019] In De caelo, lib. 1 l. 21 n. 3 Est autem sciendum quod Stoici posuerunt vacuum infinitum, in cuius quadam parte est mundus: et ita relinquitur secundum eos quod extra extremam circumferentiam sit vacuum. Quod quidem tali imaginatione probare volebant. Si enim esset aliquis in extrema circumferentia caeli, aut posset extendere manum suam extra aut non. Si non posset, ergo impediretur ab aliquo extrinseco existente; et redibit eadem quaestio de illo extrinseco, si in extremo eius aliquis existens posset ultra manum porrigere; et ita vel procedetur in infinitum, vel devenietur ad aliquod extremum corpus, ultra quod homo ibi existens posset manum porrigere. Quo dato, sequitur quod extra illud possit esse corpus et non sit; et ita extra erit vacuum. Ad hoc autem respondet Alexander, dicens positionem esse impossibilem: cum enim corpus caeli sit impassibile, non est receptivum alicuius extranei. Unde si ex hac impossibili positione sequitur aliquod inconveniens, non est curandum. Sed haec responsio non videtur esse sufficiens: quia impossibilitas huius positionis non est ex parte eius quod est extra caelum, sed ex parte ipsius caeli; nunc autem agitur de eo quod est extra caelum. Unde eadem ratio est si totum universum esset terra, in cuius extremo posset esse homo. Et ideo oportet aliter dicere, sicut ipse etiam dicit, quod manum suam extra extendere non posset homo in extrema circumferentia constitutus, non propter aliquod extrinsecum impediens, sed quia de natura omnium corporum naturalium est, quod contineantur infra extremam circumferentiam caeli; alioquin caelum non esset universum. Unde si esset aliquod corpus quod non dependeret a corpore caeli sicut a continente, illud nihil prohiberet esse extra caelum, sicut substantiae spirituales, ut infra dicetur.

[71019] Sur le De caelo, I, 21, 3. Or il faut savoir que les stoïciens ont établi un vide infini, dans une partie duquel se trouve le monde : et ainsi il en résulte selon eux qu’en dehors de la circonférence extrême il y a du vide. Et ils voulaient le prouver par la vision suivante. Car si quelqu’un se trouvait sur la circonférence extrême du ciel, il pourrait tendre la main en dehors ou non. S’il ne le pouvait pas, il serait donc empêché par quelque chose qui se trouverait à l’extérieur ; et la même question reviendra à propos de cette chose extérieure, pour savoir si quelqu’un qui se trouve à son extrémité pourrait tendre la main au-delà ; et soit on fera ainsi à l’infini, soit on tombera sur un corps extrême, au-delà duquel un homme s’y trouvant pourrait tendre la main. Cela étant concédé, il s’ensuit qu’en dehors de ceci il peut y avoir un corps et qu’il y en a pas ; et ainsi en dehors se trouve le vide. À cela Alexandre répond en disant que cette position est impossible : en effet, comme le corps du ciel est impassible, il ne peut pas recevoir quelque chose du dehors. De là si à partir de cette position impossible il s’ensuit quelque inconvénient, il ne faut pas s’en soucier. Mais cette réponse ne semble pas être suffisante, puisque l’impossibilité de cette position ne provient pas de ce qui est en dehors du ciel, mais du ciel lui-même ; maintenant il est question de ce qui est en dehors du ciel. De là la raison est la même si tout l’univers est la terre, à l’extrémité de laquelle il pourrait y avoir un homme. Et c’est pourquoi il faut dire autrement, de même qu’il dit lui-même aussi qu’un homme établi sur la circonférence extrême ne pourrait pas étendre sa main en dehors, non à cause d’un obstacle extérieur, mais parce qu’il appartient à la nature de tous les corps naturels d’être contenus sous de la circonférence extrême du ciel ; autrement le ciel ne serait pas l’univers. De là s’il y avait un corps qui ne dépendait pas du corps du ciel comme de ce qui le contient, rien n’empêcherait qu’il soit en dehors du ciel, comme les substances spirituelles, comme on le dira plus bas.

[71020] In De caelo, lib. 1 l. 21 n. 4 Quod autem non sit vacuum extra caelum, probat Alexander quia aut illud vacuum erit finitum, aut infinitum: si finitum, oportet quod alicubi terminetur, et redibit eadem quaestio, utrum extra illud possit aliquis manum extendere; si autem sit infinitum, erit potens recipere corpus infinitum; aut ergo illa potentia vacui erit frustra, aut oportebit ponere corpus infinitum, quod possit recipi in vacuo infinito. Item, si sit vacuum extra mundum, similiter se habet mundus ad quamlibet partem vacui, quia in vacuo nulla est differentia: et ita haec pars vacui in qua est mundus, non est proprius locus eius. Nulla est ergo causa quare in hac parte vacui maneat. Si autem mundus feratur, non feretur magis ad unam partem quam ad aliam, quia in vacuo non est differentia: feretur ergo ad omnem partem; et ita mundus discerpetur.

[71020] Sur le De caelo, I, 21, 4. Alexandre prouve qu’il n’y a pas de vide en dehors du ciel en disant que ce vide sera soit fini, soit infini : s’il est fini, il faut qu’il se termine quelque part, et la même question reviendra, pour savoir si quelqu’un peut tendre la main en dehors ; or s’il est infini, il sera capable d’accueillir un corps infini ; donc soit cette puissance du vide sera en vain, soit il faudra établir un corps infini qui puisse être accueilli dans le vide infini. De même, s’il y a du vide en dehors du monde, le monde se tiendra de façon semblable par rapport à n’importe quelle partie du vide, puisqu’il n’y a aucune différence dans le vide : et ainsi cette partie du vide dans laquelle se trouve le monde n’est pas son lieu propre. Donc il n’y a aucune raison pour qu’il reste dans cette partie du vide. Or si le monde est entraîné, il ne le sera pas plus vers une partie que vers une autre, puisqu’il n’y a pas de différence dans le vide : il sera donc porté vers toute partie ; et ainsi le monde sera mis en pièces.

[71021] In De caelo, lib. 1 l. 21 n. 5 Tertio, ibi: est autem tempus etc. probat quod extra caelum non sit tempus. Tempus enim est numerus motus, ut patet in IV Physic.; motus autem non potest esse sine corpore naturali, corpus autem naturale nec est nec potest esse extra caelum, ut probatum est; ergo extra caelum non potest esse nec tempus nec motus.

[71021] Sur le De caelo, I, 21, 5. Troisièmement ici : Ğ or le temps est ğ, etc., il prouve qu’en dehors du ciel il n’y a pas de temps. Car le temps est [279b15] le nombre du mouvement, comme il apparaît dans le livre IV de la Physique ; le mouvement ne peut exister dans un corps naturel, or un corps naturel n’est pas et ne peut être en dehors du ciel, comme on l’a prouvé ; donc en dehors du ciel il ne peut être ni temps, ni mouvement.

[71022] In De caelo, lib. 1 l. 21 n. 6 Deinde cum dicit: manifestum igitur etc., infert conclusionem intentam; concludens manifestum esse ex praedictis quod extra totum mundum nec est locus, neque vacuum, neque tempus.

[71022] Sur le De caelo, I, 21, 6. Ensuite quand il dit : Ğ il est donc manifeste ğ, il met en avant la conclusion recherchée, en concluant qu’il est manifeste d’après les propos tenus qu’en dehors du monde entier il n’y a ni lieu, ni vide, ni temps.

[71023] In De caelo, lib. 1 l. 21 n. 7 Deinde cum dicit: propter quod quidem neque in loco etc., ostendit qualia sunt ea quae sunt extra mundum. Et circa hoc duo facit: primo concludit ex praemissis eorum qualitatem; secundo ostendit idem ex his quae communiter dicuntur, ibi: etenim quemadmodum in encycliis et cetera. Circa primum duo facit: primo removet ab eis conditionem eorum quae sunt hic; secundo ostendit propriam conditionem eorum, ibi: sed inalterabilia et cetera. Dicit ergo primo quod, quia extra caelum non est locus, sequitur quod ea quae ibi sunt nata esse, non sunt in loco. Et hoc quidem Alexander dicit posse intelligi de ipso caelo, quod quidem non est in loco secundum totum, sed secundum partes, ut probatur in IV Physic. Et iterum, quia tempus non est extra caelum, sequitur quod non sint in tempore; et ita tempus non facit ea senescere. Quod etiam dicit Alexander posse caelo convenire, quod quidem non est in tempore, secundum quod esse in tempore est quadam parte temporis mensurari, ut dicitur in IV Physic. Et non solum talia non senescunt in tempore, sed neque est aliqua transmutatio eorum quae sunt super illam lationem quae est maxime extra ordinata, idest super motum localem corporum levium: motum enim rectum consuevit vocare lationem. Sed hoc non videtur esse verum, quod corporum caelestium non sit aliqua transmutatio, cum moveantur localiter: nisi forte exponamus de transmutatione quae est in substantia. Sed haec videtur extorta expositio, cum philosophus universaliter omnem mutationem excludat. Similiter etiam non potest dici proprie quod caelum sit ibi, idest extra caelum. Et ideo convenientius est quod hoc intelligatur de Deo et de substantiis separatis, quae manifeste neque tempore neque loco continentur, cum sint separatae ab omni magnitudine et motu. Huiusmodi autem substantiae dicuntur esse ibi, idest extra caelum, non sicut in loco, sed sicut non contenta nec inclusa sub continentia corporalium rerum, sed totam corporalem naturam excedentia. Et his convenit quod dicitur, quod eorum nulla sit transmutatio: quia superexcedunt supremam lationem, scilicet ultimae sphaerae, quae ordinatur sicut extrinseca et contentiva omnis mutationis.

[71023] Sur le De caelo, I, 21, 7. Ensuite quand il dit : Ğ pour la raison que certes ni dans un lieu ğ, etc., il montre quelles sont les choses qui sont en dehors du monde. Et sur ce point il fait deux choses : premièrement il conclut leur qualité d’après les prémisses ; deuxièmement il montre la même chose à partir de ce qui est communément dit, ici : Ğ en effet de même que dans le cycle des études ğ, etc. En ce qui concerne le premier point il fait deux choses : premièrement il écarte d’eux la condition de ce qui se trouve ici ; deuxièmement il montre la condition qui leur est propre, ici : Ğ mais les choses inaltérables ğ, etc. Il dit donc premièrement que, puisqu’il n’y a pas de lieu en dehors du ciel, il s’ensuit que ce qui est né pour se trouver ici ne se trouve pas dans un lieu. Et Alexandre dit du moins qu’il est possible de comprendre ceci à propos du ciel lui-même, à savoir qu’il n’est pas dans un lieu selon le tout, mais selon les parties, comme il est prouvé dans le livre IV de la Physique. Et de nouveau, puisqu’il n’y a pas de temps en dehors du ciel, il s’ensuit que ces choses ne sont pas dans le temps ; et ainsi le temps ne les fait pas vieillir. Alexandre dit aussi que ceci peut convenir au ciel, qui n’est pas dans le temps, d’après le fait qu’être dans le temps revient à être mesuré par une certaine partie de temps, comme il est dit dans le livre IV de la Physique. Et non seulement de tels êtres ne vieillissent pas dans le temps, mais il n’y a pas non plus de changement [279a20] chez les êtres qui sont sur la translation la plus disposée vers l’extérieur, c’est-à-dire sur le mouvement local des corps légers ; car il a l’habitude d’appeler le mouvement droit translation. Mais il ne semble pas être vrai que les corps célestes ne subissent pas de transformation, comme ils sont déplacés localement, à moins que par hasard nous traitions de la transformation qui est dans la substance. Mais cette présentation semble exagérée, comme le philosophe exclut universellement tout changement. De la même façon on ne peut non plus dire à proprement parler que le ciel est ici, c’est-à-dire en dehors du ciel. Et c’est pourquoi il est plus convenable de comprendre cela à propos de Dieu et des substances séparées, qui ne sont manifestement contenues ni par le temps, ni par le lieu, comme elles sont séparées de toute grandeur et de tout mouvement. Or les substances de ce genre sont dites être ici, c’est-à-dire en dehors du ciel, non comme dans un lieu, mais en tant qu’êtres non contenus et non inclus par l’ensemble des êtres corporels, mais dépassant toute la nature corporelle. Et il convient de dire qu’elles ne subissent aucune transformation, puisqu’elles dépassent toute translation suprême, c’est-à-dire celle de la sphère ultime, qui est disposée comme un être extérieur et qui contient tout changement.

[71024] In De caelo, lib. 1 l. 21 n. 8 Deinde cum dicit: sed inalterabilia etc., ostendit qualia sunt huiusmodi entia. Et primo ostendit eorum conditionem; secundo exponit quoddam nomen quo usus fuerat, ibi: etenim hoc nomen etc.; tertio ostendit influentiam eorum in alia, ibi: unde et aliis et cetera. Dicit ergo primo quod illa entia quae sunt extra caelum, sunt inalterabilia et penitus impassibilia, habentia optimam vitam, inquantum scilicet eorum vita non est materiae permixta, sicut vita corporalium rerum. Habent etiam vitam per se sufficientissimam, inquantum non indigent aliquo vel ad conservationem suae vitae, vel ad executionem operum vitae. Habent etiam vitam non temporalem, sed in toto aeterno. Horum autem quae hic dicuntur, quaedam possunt attribui corporibus caelestibus, puta quod sint impassibilia et inalterabilia: sed alia duo non possunt eis convenire, etiam si sint animata. Non enim habent optimam vitam, cum eorum vita sit ex unione animae ad corpus caeleste: nec etiam habent vitam per se sufficientissimam, cum per motum suum bonum consequantur, ut dicetur in secundo.

[71024] Sur le De caelo, I, 21, 8. Ensuite quand il dit : Ğ mais les choses inaltérables ğ, etc., il montre quels sont les étants de ce genre. Et il montre premièrement leur condition ; deuxièmement il expose le nom dont il s’était servi, ici : Ğ en effet ce nom ğ, etc. ; troisièmement il montre leur influence sur les autres êtres, ici : Ğ de là et les autres choses ğ, etc. Il dit donc premièrement que les étants qui sont en dehors du ciel sont inaltérables et totalement impassibles, et qu’ils ont une très bonne vie, étant donné que leur vie n’est pas mélangée à la matière, comme la vie des choses corporelles. Ils ont aussi une vie qui se suffit tout à fait à elle-même, dans la mesure où ils ne manquent de rien soit pour la conservation de leur vie, soit pour l’exécution des œuvres de cette vie. Ils ont également une vie non temporelle, mais de toute éternité. Parmi ce qui est mentionné ici, certaines choses peuvent être attribuées aux corps célestes, par exemple le fait qu’ils sont impassibles et inaltérables ; mais deux choses ne peuvent leur convenir, même s’ils sont animés. En effet ils n’ont pas la meilleure des vies, comme leur vie provient de l’union de l’âme et du corps céleste ; et ils n’ont pas non plus une vie qui se suffit tout à fait à elle-même, comme ils poursuivent le bien par leur mouvement, comme on le dira dans le second livre.

[71025] In De caelo, lib. 1 l. 21 n. 9 Deinde cum dicit: etenim hoc nomen etc., exponit nomen aeterni, quo usus fuerat. Et dicit quod antiqui pronunciaverunt hoc nomen divine, idest convenienter rebus divinis. Hoc enim nomen dupliciter accipitur. Uno quidem modo secundum quid, quod scilicet est aeternum vel saeculum alicuius rei: idem enim apud Graecos utrumque significat. Dicit ergo quod aeternum vel saeculum uniuscuiusque rei vocatur finis, idest mensura quaedam terminans, quae continet tempus vitae cuiuslibet rei, ita quod nihil de tempore vitae quae est alicuius rei secundum naturam, est extra illum finem vel mensuram; sicut si dicamus quod spatium centum annorum est saeculum vel aeternum hominis. Alio modo dicitur aeternum simpliciter, quod comprehendit et continet omnem durationem. Et hoc est quod dicit, quod secundum eandem rationem aeternum dicitur finis totius caeli, idest spatium continens totam durationem caeli, quod est spatium totius temporis. Et secundum hoc dicitur aeternum perfectio quaedam, quae continet omne tempus et omnem infinitatem durationis: non quidem sic quod ipsum aeternum distendatur secundum successionem praeteriti et futuri, sicut spatium temporis quantumcumque sit, quia talis successio sequitur motum, illa autem sunt penitus immobilia quae dixit habere vitam in aeterno; sed aeternum totum simul existens, comprehendit omne tempus et omnem infinitatem. Et denominatur in Graeco ab hoc quod est semper esse. Et talis finis, qui aeternum dicitur, est immortalis, quia vita illa non terminatur morte; et divinus, quia excedit omnem materiam, quantitatem et motum.

[71025] Sur le De caelo, I, 21, 9. Ensuite quand il dit : Ğ car ce nom ğ, etc., il expose le nom éternité, dont il s’était servi. Et il dit que les anciens ont prononcé ce mot par inspiration divine, c’est-à-dire conformément aux choses divines. Car ce nom a une double acception. D’une part selon ce qui est l’éternité ou bien la durée de vie de quelque chose : en effet chez les Grecs ce même mot signifie l’une et l’autre chose. Il dit donc que l’éternité ou la durée de quelque chose est appelé fin, c’est-à-dire mesure délimitant, qui contient le temps de la vie de n’importe quelle chose, et que rien du temps de la vie qui est celle de quelque chose selon la nature [279a25] ne se trouve en dehors de cette fin ou mesure, comme si nous disions qu’un intervalle de cent ans est la durée ou l’éternité d’un homme. D’autre part, Ğ éternité ğ désigne simplement ce qui comprend et contient toute durée. Et c’est ce qu’il dit : selon le même raisonnement l’éternité désigne la fin de tout le ciel, c’est-à-dire l’intervalle contenant toute la durée du ciel, qui est l’intervalle de tout le temps. Et d’après cela on appelle éternité la perfection qui contient tout le temps et tout l’infini de la durée : et c’est ainsi que l’éternité même ne s’étend pas selon la succession du passé et du futur, tout comme l’intervalle du temps n’est pas aussi grand, puisqu’une telle succession suit le mouvement, or les êtres qui, selon lui, ont une vie pour l’éternité sont totalement immobiles ; mais l’éternité existant tout entière en même temps comprend tout le temps et tout l’infini. Et elle est dénommée en grec d’après l’expression Ğ toujours être ğ. Et une telle fin, qui s’appelle éternité, est immortelle, puisque cette vie n’est pas limitée par la mort, et divine, puisqu’elle dépasse toute la matière, la quantité et le mouvement.

[71026] In De caelo, lib. 1 l. 21 n. 10 Deinde cum dicit: unde et aliis etc., ostendit influentiam eorum in alia. Est autem manifestum quod ab eo quod est perfectissimum, fit derivatio ad alia quae sunt minus perfecta; sicut calidum derivatur ab igne ad alia quae sunt minus calida, ut dicitur in II Metaphys. Unde cum ista entia habeant vitam optimam et per se sufficientissimam, et esse sempiternum, consequens est quod inde communicetur aliis esse et vivere. Non tamen aequaliter omnibus: sed his quidem clarius, idest evidentius et perfectius, scilicet his quae habent esse sempiternum eadem numero existentia, et his quae habent vitam rationalem; his autem obscurius, idest debilius et imperfectius, sicut his quae sunt sempiterna non secundum idem numero sed secundum idem specie, et quae habent vitam sensibilem vel nutritivam.

[71026] Sur le De caelo, I, 21, 10. Ensuite, quand il dit : Ğ de là aux autres aussi ğ, etc., il montre l’influence de ces êtres sur les autres. Il est manifeste qu’une dérivation vers les choses qui sont moins parfaites est produite à partir de ce qui est le plus parfait, de même que le chaud est dérivé du feu vers d’autres choses qui sont moins chaudes, comme il est dit dans le livre II de la Métaphysique. De là comme ces étants ont une vie très bonne et se suffisant totalement à elle-même et une existence éternelle, il s’ensuit que l’existence et la vie sont communiquées de là aux autres. Cependant cela ne se fait pas de façon égale pour tous les êtres, mais plus clairement, c’est-à-dire plus évidemment et plus parfaitement pour ceux qui ont une existence éternelle par une existence identique en nombre, et pour ceux qui ont une vie rationnelle ; mais plus obscurément, c’est-à-dire plus faiblement et plus imparfaitement, pour ceux qui sont éternels non selon la même chose en nombre, mais selon la même chose en espèce, et qui ont une vie sensible et nutritive. [279a30]

[71027] In De caelo, lib. 1 l. 21 n. 11 Deinde cum dicit: etenim quemadmodum in encycliis etc., manifestat quod dixerat de conditione praedictorum entium quae sunt extra caelum. Et primo proponit quod intendit; secundo inducit rationes, ibi: neque enim aliud et cetera. Circa primum considerandum est quod apud philosophos erant duo genera dogmatum. Quaedam enim erant quae a principio secundum ordinem doctrinae multitudini apponebantur, quae quidem vocabantur encyclia: quaedam autem erant magis subtilia, quae proponebantur auditoribus iam provectis, quae vocabantur syntagmatica, idest coordinalia, vel acroamatica, idest auditionalia. Dogmata autem philosophorum dicuntur philosophemata. Dicit ergo quod in huiusmodi encycliis philosophematibus circa res divinas, multoties philosophi rationibus manifestabant quod necesse est omne divinum esse intransmutabile, quasi non subiectum motui, et primum, quasi non subiectum tempori, et summum, quasi non contentum loco: divinum autem dicebant omnem substantiam separatam. Et hoc attestatur his quae dicta sunt de huiusmodi entibus.

[71027] Sur le De caelo, I, 21, 11. Ensuite quand il dit : Ğ en effet de même que dans le cycle des études ğ, il montre ce qu’il avait dit sur la condition des étants déjà mentionnés qui sont en dehors du ciel. Et premièrement il propose ce qu’il a l’intention de faire ; deuxièmement il introduit les raisons, ici : Ğ car ni autre chose ğ, etc. En ce qui concerne le premier point il faut considérer que chez les philosophes il y avait deux genres de dogmes. Car les uns étaient ceux qui étaient appliqués à la multitude depuis le début selon l’ordre de la doctrine, et qui étaient appelés cycle des études ; les autres étaient plus subtils et étaient proposés à des auditeurs plus avancés, dogmes qui étaient appelés syntagmatiques, c’est-à-dire ordonnés, ou acroamatiques, c’est-à-dire oraux. Les dogmes des philosophes sont appelés recherches. Il dit donc que dans les recherches encyclopédiques de ce genre sur les êtres divins les philosophes montraient très souvent par leurs raisonnements qu’il est nécessaire que tout être divin soit immuable, en tant que non sujet au mouvement, premier, en tant que non sujet au temps, et suprême, en tant que non contenu par un lieu : ils appelaient divine toute substance séparée. Et c’est attesté par ce qui a été dit des étants de ce genre.

[71028] In De caelo, lib. 1 l. 21 n. 12 Deinde cum dicit: neque enim aliud etc., ponit rationes ad ostendendum quod dixerat, scilicet quod primum et supremum sit intransmutabile. Et primo ostendit propositum; secundo infert quandam conclusionem ex dictis, ibi: et incessabili itaque et cetera. Circa primum ponit duas rationes: quarum prima talis est. Semper movens et agens est melius moto et passo; sed non est aliquid melius primo et summo divino, quod possit ipsum movere, quia illud esset adhuc divinius; primum ergo divinum non movetur, quia omne quod movetur necesse est ab alio moveri, ut probatur in VII et VIII Physic.

[71028] Sur le De caelo, I, 21, 12. Ensuite quand il dit : Ğ car ni un autre être ğ, etc., il établit des raisons pour montrer ce qu’il avait dit, à savoir qu’un être premier et suprême est immuable. Et il montre premièrement la proposition ; il avance deuxièmement une certaine conclusion d’après ce qui a été dit, ici : Ğ et c’est pourquoi par un incessant ğ, etc. En ce qui concerne le premier point il établit deux raisons : la première d’entre elles est la suivante. Ce qui déplace et ce qui agit est toujours meilleur que ce qui est déplacé et que ce qui subit ; mais il n’existe pas d’être meilleur que l’être divin premier et suprême qui pourrait le déplacer, puisque ce serait un être encore plus divin ; donc l’être premier divin n’est pas déplacé, puisque tout ce qui est déplacé l’est nécessairement par un autre être, comme il est prouvé dans les livres VII et VIII de la Physique. [279a35]

[71029] In De caelo, lib. 1 l. 21 n. 13 Secundam rationem ponit ibi: neque habet pravum etc.: quae talis est. Omne quod movetur, aut movetur ad hoc quod evadat aliquod malum, aut ad hoc quod acquirat aliquod bonum; sed primum non habet aliquod malum quod possit evadere, neque indiget aliquo bono quod possit acquirere, quia est perfectissimum; ergo primum non movetur. Potest autem et sic formari ratio. Omne quod movetur, aut movetur ad melius aut ad deterius; sed neutrum potest Deo convenire, secundum ea quae hic dicuntur; ergo Deus nullo modo movetur. Et est attendendum quod haec secunda ratio potest induci ad hoc quod non moveatur a seipso.

[71029] Sur le De caelo, I, 21, 13. Il établit la seconde raison ici : Ğ et il n’a rien de défectueux ğ, etc. : la voici. Tout ce qui est déplacé l’est soit vers ce qui évite quelque chose de mauvais, soit vers ce qui acquiert quelque chose de bon ; mais l’être premier n’a pas rien de mauvais qu’elle puisse éviter, et ne manque de rien qu’elle puisse acquérir, puisqu’elle est tout à fait parfaite ; donc l’être premier n’est pas déplacé. [279b1] Le raisonnement peut aussi être formé ainsi. Tout ce qui est déplacé l’est soit vers une chose meilleure, soit vers une chose pire ; mais ni l’un ni l’autre ne peuvent convenir à Dieu, selon ce qui est dit ici ; donc Dieu n’est déplacé en aucune manière. Et il faut être attentif à ce que cette seconde raison puisse être mise en avant pour ce qui n’est pas déplacé par lui-même.

[71030] In De caelo, lib. 1 l. 21 n. 14 Deinde cum dicit: et incessabili itaque etc., infert conclusionem ex dictis. Et dicit rationabiliter, idest probabiliter, sequi quod illud primum movens primum mobile, moveat motu incessabili. Quaecumque enim mota quiescunt, tunc quiescunt quando perveniunt ad proprium locum, sicut patet in gravibus et levibus; sed hoc non potest dici in primo mobili, quod circulariter movetur, quia idem est unde incipit motus eius et in quod terminatur; ergo primum mobile movetur a primo motore motu incessabili. Et est attendendum quod haec ratio non ex necessitate concludit. Potest enim dici quod motus caeli non cessat, non propter naturam loci, sed propter voluntatem moventis. Et ideo non inducit eam tanquam necessariam, sed tanquam probabilem.

[71030] Sur le De caelo, I, 21, 14. Ensuite quand il dit : Ğ et c’est pourquoi par ce qui est incessant ğ, il met en avant la conclusion tirée de ce qui a été dit. Et il dit qu’il s’ensuit raisonnablement, c’est-à-dire probablement, que ce premier être déplaçant le premier être mobile le déplace selon un mouvement incessant. Car tous les êtres déplacés qui sont au repos le sont quand ils parviennent dans le lieu qui leur est propre, comme il apparaît pour les corps lourds et légers ; mais cela ne peut être dit pour le premier être mobile qui est déplacé circulairement, puisque le lieu où commence son mouvement et celui où il se termine sont identiques ; donc le premier être mobile est déplacé par le premier moteur dans un mouvement incessant. Et il faut remarquer que cette raison ne conclut pas par la nécessité. Car on peut dire que le mouvement du ciel ne cesse pas, non en raison de la nature du lieu, mais en raison de la volonté de ce qui le déplace. Et c’est pourquoi il ne l’introduit pas en tant que nécessaire, mais en tant que probable.

 

 

Lectio 22

Leçon 22 – [L’univers est-il éternel ? opinion de Platon]

[71031] In De caelo, lib. 1 l. 22 n. 1 Postquam philosophus ostendit quod corpus totius mundi non est infinitum, et quod non est multiplex numero, hic inquirit utrum sit infinitum durationis aeternitate. Et primo ponit opiniones aliorum; secundo determinat propositum secundum propriam opinionem, ibi: primum autem dividendum et cetera. Circa primum tria facit: primo dicit de quo est intentio; secundo ponit opiniones, ibi: genitum quidem igitur etc.; tertio improbat eas, ibi: factum esse quidem et cetera.

[71031] Sur le De caelo, I, 22, 1. Après que le philosophe a montré que le corps du monde tout entier n’est pas infini, et qu’il n’est pas multiple en nombre, il cherche à découvrir s’il est infini selon la durée de l’éternité. Et il établit premièrement les opinions des autres ; il détermine deuxièmement la proposition selon sa propre opinion, ici : Ğ l’être premier doit être divisé ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait trois choses : premièrement il dit sur quoi porte son intention ; deuxièmement il établit les opinions, ici : Ğ ce qui a été engendré donc ğ, etc. ; troisièmement il les rejette, ici : Ğ être fait ğ, etc.

[71032] In De caelo, lib. 1 l. 22 n. 2 Circa primum duo facit: primo dicit de quo est intentio, et quo ordine sit agendum. Et dicit quod post determinationem praemissorum, dicendum est postea utrum mundus sit ingenitus aut genitus, idest utrum per generationem incoeperit esse a quodam principio temporis, aut non; et utrum sit incorruptibilis aut corruptibilis, idest utrum per corruptionem post aliquod tempus esse desinat, vel non. Prius tamen quam haec pertractemus secundum nostram opinionem, debemus pertranseuntes, idest breviter, dicere suspiciones aliorum, idest opiniones aliorum philosophorum circa hoc; quas suspiciones vocat, quia ex levibus rationibus ad haec dicenda movebantur. Difficile enim est ad hoc inducere efficaces rationes: unde et ipse Aristoteles dicit in I Topic. quod quaedam problemata sunt de quibus rationes non habemus, ut utrum mundus sit aeternus vel non.

[71032] Sur le De caelo, I, 22, 2. En ce qui concerne le premier point il fait deux choses : il dit premièrement sur quoi porte son intention, et dans quel ordre il faut procéder. Et il dit qu’après avoir déterminé ce qui a été dit au préalable il faut dire ensuite si le monde est [279b5] inengendré ou engendré, c’est-à-dire s’il a commencé à être par génération à partir d’un commencement de temps, ou non ; et s’il est incorruptible ou corruptible, c’est-à-dire s’il cesse d’être par corruption après un certain temps, ou non. Cependant avant que nous ne traitions de cela selon notre opinion, nous devons dire en passant, c’est-à-dire brièvement, les conjectures des autres, c’est-à-dire les opinions des autres philosophes sur ce point ; il les appelle conjectures, puisqu’elles sont suscitées par des raisons légères pour dire cela. Car il est difficile d’introduire des raisons efficaces pour cela : à partir de là Aristote lui-même dit aussi dans le livre I des Topiques qu’il y a certains problèmes dont nous n’avons pas les raisons, comme pour savoir si le monde est éternel ou non.

[71033] In De caelo, lib. 1 l. 22 n. 3 Secundo ibi: contrariorum enim etc., assignat rationes tres quare hic et alibi aliorum opiniones pertractet. Quarum prima est quia demonstrationes, idest probationes, contrariorum, idest contrariarum opinionum, sunt dubitationes de contrariis, scilicet opinionibus, idest sunt obiectiones ad contrarias opiniones: expedit autem ei qui vult cognoscere aliquam veritatem, ut sciat dubitationes quae sunt contra illam veritatem; quia solutio dubitatorum est inventio veritatis, ut dicitur in III Metaphys. Et ita ad sciendum veritatem multum valet videre rationes contrariarum opinionum.

[71033] Sur le De caelo, I, 22, 3. Deuxièmement ici : Ğ car des contraires ğ, etc., il attribue trois raisons par lesquelles il approfondit ici et ailleurs les opinions des autres. La première d’entre elles est que les démonstrations, c’est-à-dire les preuves, des contraires, c’est-à-dire des opinions contraires, sont des hésitations sur les contraires, à savoir sur les opinions, c’est-à-dire que ce sont des objections aux opinions contraires : il l’explique à celui qui veut connaître une vérité, pour qu’il sache les hésitations qui sont contre cette vérité, puisque l’explication de ceux qui doutent est la découverte de la vérité, comme il est dit dans le livre III de la Métaphysique. Et ainsi pour savoir la vérité mieux vaut voir les raisonnements des opinions contraires.

[71034] In De caelo, lib. 1 l. 22 n. 4 Secundam rationem ponit ibi: simul autem et cetera. Et dicit quod simul cum praedicta ratione est alia ratio: quia ea quae dicenda sunt magis redduntur credibilia apud illos qui primo audiunt iustificationes, idest rectificationes, sermonum dubitatorum, idest solutiones rationum ex quibus dubitatio emergit: quia quandiu homo dubitat, antequam eius dubitatio solvatur, est mens eius similis ligato, qui non potest ire.

[71034] Sur le De caelo, I, 22, 4. Il établit la seconde raison ici : Ğ en même temps ğ, etc. Et il dit qu’en même temps que la raison déjà mentionnée il existe une autre raison, puisque ce qui doit être dit est davantage rendu crédible chez ceux qui entendent premièrement les justifications, c’est-à-dire les rectifications, des discours de ceux qui doutent, c’est-à-dire des solutions des raisons qui font émerger le doute, puisque tant que l’homme doute, avant que son hésitation ne soit levée, son esprit est semblable à un être attaché, qui ne peut avancer.

[71035] In De caelo, lib. 1 l. 22 n. 5 Tertiam rationem ponit ibi: gratis enim condemnare et cetera. Et dicit quod quando nos posuerimus opiniones aliorum, et induxerimus eorum rationes, et solverimus eas, et posuerimus rationes in contrarium, minus inerit nobis quod videamur condemnare dicta aliorum gratis, idest sine debita ratione, sicut qui reprobant dicta aliorum ex solo odio, quod non convenit philosophis, qui profitentur se inquisitores esse veritatis. Oportet enim eos qui volunt sufficienter iudicare de veritate, quod non exhibeant seipsos sicut inimicos eorum de quorum dictis est iudicandum; sed sicut arbitros, et disquisitores pro utraque parte.

[71035] Sur le De caelo, I, 22, 5. Il établit la troisième raison ici : Ğ condamner en effet gratuitement ğ, etc. Et il dit que quand nous aurons établi les opinions des autres, que nous aurons présenté leurs raisons, que nous les aurons réfutées et que nous aurons établi les raisons qui vont dans le sens contraire, il ne nous appartiendra moins de sembler condamner les propos des autres gratuitement, c’est-à-dire sans raison due, de même que ceux qui rejettent les propos des autres par pure haine, ce qui ne convient pas à des philosophes, qui déclarent ouvertement être à la recherche de la vérité. [279b10] Car il faut que ceux qui veulent porter un jugement suffisant sur la vérité ne se montrent pas les ennemis de ceux dont il faut juger les propos, mais des arbitres et des enquêteurs pour l’une et l’autre partie.

[71036] In De caelo, lib. 1 l. 22 n. 6 Deinde cum dicit: genitum quidem igitur etc., ponit opiniones aliorum. Et primo ponit in quo omnes conveniunt: et dicit quod omnes qui fuerunt ante eum, dixerunt quod mundus sit genitus, idest a quodam principio temporis esse incipiens per generationem.

[71036] Sur le De caelo, I, 22, 6. Ensuite quand il dit : Ğ donc engendré ğ, etc., il établit les opinions des autres. Et il établit premièrement ce dont tous conviennent : et il dit que tous ceux qui ont été avant lui ont dit que le monde est engendré, c’est-à-dire qu’il a commencé à être par génération à partir d’un début situé dans le temps.

[71037] In De caelo, lib. 1 l. 22 n. 7 Secundo ibi: sed genitum etc., ponit in quo differunt. Et tangit tres opiniones. Quidam enim dicebant quod, quamvis incoeperit esse ab aliquo principio temporis, tamen in sempiternum durabit; sicut primo dixerunt quidam poetae, ut Orpheus et Hesiodus, qui dicti sunt theologi, quia res divinas poetice et fabulariter tradiderunt; quos in hac positione secutus est Plato, qui posuit mundum generatum, sed indissolubilem. Secunda opinio fuit quorundam aliorum, qui posuerunt mundum corruptibilem esse eo modo quo quodlibet aliud generatorum, quae constituuntur ex multis; ita scilicet quod mundus post corruptionem nunquam reparabitur, sicut Socrates post corruptionem nunquam reparatur per naturam. Et haec fuit positio Democriti, qui posuit mundum generari casu per concursum atomorum semper mobilium, et ita etiam per eorum segregationem quandoque esse dissolvendum. Tertia opinio est dicentium quod mundus quandoque vicissim generatur et quandoque corrumpitur, et ista vicissitudo semper duravit et durabit. Et hoc dixit Empedocles Agrigentinus: posuit enim quod, amicitia congregante elementa et lite dissolvente ea, mundus generabatur et corrumpebatur. Hoc etiam posuit Heraclitus Ephesius, qui posuit quod quandoque totus mundus exureretur per ignem, et post certos decursus temporum iterum totus mundus generaretur per ignem, quem ponebat esse principium omnium rerum.

[71037] Sur le De caelo, I, 22, 7. Deuxièmement ici : Ğ mais engendré ğ, etc., il établit en quoi ils sont en désaccord. Et il traite trois opinions. En effet, certains disaient que, bien qu’il commence à être à partir d’un certain moment, il durera cependant éternellement, de même l’ont dit en premier certains poètes, comme Orphée et Hésiode, qui ont été appelés théologiens, puisqu’ils ont rapporté des choses divines par la poésie et la fiction ; Platon les a suivis sur cette position, lui qui a établi un monde engendré, mais indestructible. La seconde opinion était celle de certains autres, qui ont établi que le monde était corruptible de la même manière que n’importe quel autre des corps engendrés, qui sont constitués de beaucoup de choses, et que le monde ne sera jamais réparé après sa corruption, de même que Socrate n’est jamais ressuscité par la nature après sa corruption. Et cette position fut celle de Démocrite, qui a établi que le monde est engendré par hasard en raison d’une rencontre d’atomes toujours mobiles et qu’ainsi il doit aussi être désagrégé un jour à cause de leur séparation. La troisième opinion est celle de ceux qui disent que le monde est engendré un jour à son tour [279b15] et qu’il est corrompu un autre jour, et cette alternance a toujours duré et durera toujours. Et c’est ce qu’Empédocle d’Agrigente a dit : car il a établi que, l’amitié assemblant les éléments et le conflit les séparant, le monde était engendré et corrompu. C’est ce qu’Héraclite d’Ephèse a aussi établi, lui qui a posé qu’un jour le monde tout entier était consumé par le feu, et que, après qu’un certain temps aurait passé, le monde tout entier était de nouveau engendré par le feu, qu’il établissait comme le principe de toute chose.

[71038] In De caelo, lib. 1 l. 22 n. 8 Dicunt autem quidam quod isti poetae et philosophi, et praecipue Plato, non sic intellexerunt secundum quod sonat secundum superficiem verborum; sed suam sapientiam volebant quibusdam fabulis et aenigmaticis locutionibus occultare; et quod Aristotelis consuetudo fuit in pluribus non obiicere contra intellectum eorum, qui erat sanus, sed contra verba eorum, ne aliquis ex tali modo loquendi errorem incurreret, sicut dicit Simplicius in commento. Alexander tamen voluit quod Plato et alii antiqui philosophi hoc intellexerunt quod verba eorum exterius sonant; et sic Aristoteles non solum contra verba, sed contra intellectum eorum conatus est argumentari. Quidquid autem horum sit, non est nobis multum curandum: quia studium philosophiae non est ad hoc quod sciatur quid homines senserint, sed qualiter se habeat veritas rerum.

[71038] Sur le De caelo, I, 22, 8. Certains disent que ces poètes et ces philosophes, et principalement Platon, n’ont pas entendu cela selon ce qui est signifié par la surface des mots, mais qu’ils voulaient cacher leur sagesse sous certaines fables et expressions énigmatiques ; et que l’habitude d’Aristote fut de ne pas faire d’objection sur plusieurs points à leur intelligence, qui était saine, mais à leurs mots, de peur que quelqu’un ne tombe dans l’erreur à partir d’une telle façon de parler, comme le dit Simplicius dans son commentaire. Alexandre pourtant voulait que Platon et les autres philosophes de l’antiquité aient compris que leurs mots ont un sens plus matériel ; et ainsi Aristote a entrepris d’argumenter non seulement contre leurs mots, mais contre leur intelligence. N’importe lequel d’entre eux ne doit pas être longuement traité par nous, puisque l’occupation de la philosophie n’est pas de savoir ce que les hommes ont pensé, mais quelle est la vérité.

[71039] In De caelo, lib. 1 l. 22 n. 9 Deinde cum dicit: factum esse quidem etc., improbat praedictas positiones: et primo primam; secundo tertiam, ibi: vicissim autem etc.; tertio secundam, ibi: totaliter autem factum etc. (secunda enim opinio minus habet rationis). Circa primum duo facit: primo improbat positionem; secundo excludit quandam excusationem, ibi: auxilium autem et cetera. Circa primum ponit duas rationes. Circa quarum primam dicit quod impossibile est mundum esse factum vel genitum ex quodam principio temporis, et quod postmodum in sempiternum duret. Cum enim aliqua volumus sumere rationabiliter, idest probabiliter absque demonstratione, talia oportet ponere quae videmus esse vera in omnibus aut in multis: hoc enim est de ratione probabilis. Sed in proposito accidit contrarium, quia omnia quae generantur, videmus corrumpi. Non ergo est ponendum quod mundus sit generatus, et quod sit incorruptibilis.

[71039] Sur le De caelo, I, 22, 9. Ensuite quand il dit : Ğ qu’il a été certes fait ğ, etc., il condamne les positions déjà mentionnées : et premièrement la première, deuxièmement la troisième, ici : Ğ inversement ğ, etc. ; troisièmement la deuxième, ici : Ğ totalement fait ğ, etc. (car la deuxième opinion a moins de raison). En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : il condamne premièrement la position ; deuxièmement il exclut une certaine justification, ici : Ğ or l’aide ğ, etc. En ce qui concerne le premier point il établit deux raisons. Sur la première d’entre elles il dit qu’il est impossible que le monde ait été créé ou engendré à partir d’un commencement, ni qu’il dure par la suite pour l’éternité. En effet quand nous voulons poser quelque chose au préalable raisonnablement, c’est-à-dire probablement sans démonstration, il faut établir que ce que nous voyons est vrai pour tout ou pour beaucoup : car cela se rapporte au raisonnement du probable. [279b20] Mais dans la proposition il arrive le contraire, puisque nous voyons que tout ce qui est engendré est corrompu. Donc il ne faut pas établir que le monde est engendré et qu’il est incorruptible.

[71040] In De caelo, lib. 1 l. 22 n. 10 Secundam rationem ponit ibi: adhuc autem et cetera. Et inducit primo quoddam principium: et dicit quod, si aliquid est quod non habet in se potentiam quae sit principium eius quod est sic et aliter se habere, sed impossibile est quod aliter se habuerit prius per omnia saecula, impossibile est quod talis res transmutetur. Et hoc probat ducendo ad impossibile. Quia si talis res transmutaretur, erit quando transmutatur aliqua causa faciens eam transmutari, scilicet sua potentia ad transmutationem: quae si prius fuisset, possibile erat illam rem aliter se habere, quae tamen ponebatur impossibile aliter se habere. Si autem prius non habuit potentiam ad hoc quod aliter se haberet, et postea habet eam, hoc ipsum est transmutari illam rem: et sic etiam antequam haberet potentiam transmutandi, erat potens transmutari, ad hoc scilicet quod acciperet potentiam transmutandi. Ex his autem sic argumentatur ad propositum. Si enim mundus constitutus est ex quibusdam rebus, quae priusquam mundus fieret aliter se habebant; si ita sit quod illa ex quibus constitutus est mundus, semper sic se haberent sicut prius se habebant, et impossibile sit aliter ea se habere, non fieret mundus ex eis. Si ergo factus est mundus ex eis, necesse est quod illa ex quibus factus est mundus, sint possibilia aliter se habere, et quod non semper eodem modo se habeant. Unde sequitur quod etiam constantia, idest postquam fuerint adunata ad constitutionem mundi, iterum possunt dissolvi; et quando erant dissoluta, prius fuerunt composita; et quod infinities vicissim haec sic se habebant, aut possibile erat sic se habere. Et si hoc est verum, sequitur quod mundus non sit incorruptibilis, neque unquam erit incorruptibilis, si ea ex quibus constat mundus aliter se habebant, neque etiam si possibile erat quod aliter se haberent: quia ex utroque sequitur quod etiam nunc possibile sit ea aliter se habere.

[71040] Sur le De caelo, I, 22, 10. Il établit une seconde raison ici : Ğ en outre ğ, etc. Et il présente premièrement un certain principe : et il dit que, s’il y a une chose qui n’a pas en elle de puissance qui soit le principe de ce qui peut être ainsi et autrement, mais qu’il est impossible qu’il se soit trouvé autrement auparavant au cours de tous les siècles, il est impossible qu’une telle chose soit transformée. Et il le prouve par réduction à l’impossible. Puisque si une telle chose est transformée, il y aura, quand elle sera transformée, une cause qui la fait se transformer, à savoir la puissance de transformer : et si elle avait existé auparavant, il aurait été possible que cette chose soit autrement, elle dont il était pourtant établi qu’il était impossible qu’elle soit autrement. Or si elle n’avait pas la puissance d’être autrement, et qu’elle l’a par la suite, cela même revient à transformer cette chose : et ainsi aussi avant qu’elle ait la puissance de transformer, elle était capable d’être transformée en ce qui recevait la puissance de transformer. À partir de là il argumente ainsi pour la proposition. [279b25] Car si le monde est constitué de certains éléments, qui étaient dans un autre état avant que le monde ne soit créé ; si ces choses étaient telles que ce dont le monde est constitué était toujours comme il était auparavant et s’il était impossible qu’il soit autrement, le monde ne serait pas créé à partir d’elles. Donc si le monde est créé à partir d’elles, il est nécessaire que ce à partir de quoi le monde est créé soit capable d’être autrement, et que ce ne soit pas toujours de la même manière. De là il s’ensuit que même les choses consistantes, c’est-à-dire après qu’elles ont été assemblées pour constituer le monde, peuvent de nouveau être désagrégées ; qu’avant d’être désagrégées, elles ont été d’abord placées ensemble ; [279b30] et que ces choses à leur tour étaient ainsi à l’infini ou bien capables d’être ainsi. Et si c’est vrai, il s’ensuit que le monde n’est pas incorruptible et qu’il ne sera jamais incorruptible, si les choses à partir desquelles le monde est composé ont été autrement, ni même s’il était possible qu’elles soient autrement, puisqu’il s’ensuit à partir des deux idées qu’il est possible même maintenant qu’elles soient autrement.

 

 

Lectio 23

Leçon 23 – [Xénocrate et l’hypothèse d’un monde créé quoique incorruptible]

[71041] In De caelo, lib. 1 l. 23 n. 1 Praemissis rationibus contra opinionem Platonis, hic philosophus excludit quandam excusationem praedictae opinionis, quam Xenocrates et alii Platonici afferebant. Et circa hoc duo facit: primo proponit excusationem; secundo excludit eam, ibi: hoc autem est, quemadmodum dicimus et cetera. Dicit ergo primo quod non est verum illud auxilium, idest illa excusatio, quam quidam Platonicorum, dicentium mundum esse incorruptibilem sed tamen factum vel genitum, conantur ferre sibi ipsis, ut non irrationabiliter posuisse videantur. Dicunt enim se dixisse de generatione mundi ad similitudinem eorum qui describunt figuras geometricas, qui primo describunt quasdam partes figurae, puta trianguli, et postea alias, non quasi prius fuerint huiusmodi partes antequam talis figura ex huiusmodi partibus constitueretur, sed ut magis explicite demonstrent ea quae ad figuram requiruntur. Et similiter dicunt Platonem dixisse mundum factum esse ex elementis, non tanquam aliquo tempore determinato mundus sit generatus, sed causa doctrinae; ut facilius instruerentur aliqui de natura mundi, dum prius demonstrantur eis partes mundi, et quid habeant huiusmodi partes ex seipsis, postea demonstratur eis compositio quam habent a causa mundi, quae Deus est. Et ita aspiciunt, idest considerant, mundum esse genitum, ad modum descriptionis qua utuntur geometrae in descriptione figurarum.

[71041] Sur le De caelo, I, 23, 1. Après avoir avancé des raisons contre l’opinion de Platon, le philosophe exclut ici une certaine justification de l’opinion déjà mentionnée, que Xénocrate et d’autres platoniciens soutenaient. Et en ce qui concerne le premier point il fait deux choses : il expose premièrement la justification ; il l’exclut deuxièmement ici : Ğ c’est, comme nous le disons ğ, etc. Il dit donc premièrement que cette aide, c’est-à-dire cette justification, n’est pas vraie, justification que certains des platoniciens, disant que le monde est incorruptible, mais pourtant créé ou engendré, entreprennent de la rapporter à eux-mêmes, afin de ne pas sembler l’avoir établie de façon déraisonnable. Car ils disent avoir parlé de la création du monde par ressemblance avec ceux qui décrivent les figures géométriques, qui décrivent premièrement certaines parties des figures, par exemple d’un triangle, et ensuite d’autres, non pas comme si les parties de ce genre avaient été antérieures à la figure constituée par les parties de ce genre, mais de telle sorte qu’ils montrent plus explicitement ce qui est réclamé pour cette figure. [279b35] Et ils disent également que Platon a affirmé que le monde avait été créé à partir des éléments, non pas comme s’il avait été engendré à un moment déterminé, [280a1] mais à cause de l’enseignement, afin d’instruire plus facilement quelques uns sur la nature du monde, tandis que leur sont d’abord montrées les parties du monde, ainsi que ce que les parties de ce genre comportent en elles-mêmes, et ensuite la composition qu’elles tirent de la cause du monde, qui est Dieu. Et ainsi ils aperçoivent, c’est-à-dire considèrent, que le monde est engendré, selon le mode de construction dont se servent les géomètres dans celle des figures.

[71042] In De caelo, lib. 1 l. 23 n. 2 Deinde cum dicit: hoc autem est, quemadmodum dicimus etc., improbat quod dictum est. Et dicit quod non eodem modo se habet quod ipsi dicunt circa generationem mundi, et quod geometrae dicunt circa descriptiones figurarum, sicut manifestabitur per ea quae nunc dicemus. Quia in descriptionibus geometricalibus, idem accidit si omnes partes figurae simul accipiantur ut constituunt figuram, et si non accipiantur simul: quia quando non accipiuntur simul, nihil aliud dicitur de eis nisi quod sunt lineae vel anguli; et hoc etiam salvatur in eis quando accipiuntur omnia simul in figura constituta ex eis. Sed in demonstrationibus eorum qui ponunt generationem mundi, non idem accipitur cum sunt simul et cum non sunt simul; sed impossibile est quod idem ex utraque parte accipiatur, sicut impossibile est opposita esse simul; illa enim quae accipiuntur prius, scilicet ante constitutionem mundi, et posterius, scilicet mundo iam constituto, sunt subcontraria, idest habent quandam adiunctam et latentem contrarietatem. Dicunt enim quod ex elementis inordinatis facta sunt ordinata, Deo scilicet reducente inordinationem elementorum ad ordinem, ut Plato in Timaeo dicit: geometrae autem non dicunt quod ex lineis divisis componatur triangulus, sed simpliciter quod ex lineis. Et esset simile si isti solum dicerent quod mundus sit ex elementis: sed dicunt quod mundus ordinatus sit ex elementis inordinatis. Non est autem possibile quod aliquid sit simul ordinatum et inordinatum: sed necesse est dari aliquam generationem, per quam unum eorum ab altero separetur, ut scilicet ante generationem sit inordinatum, post generationem vero ordinatum; et per consequens necesse est dari aliquod tempus distinguens utrumque. Sed in descriptionibus figurarum non requiritur aliqua distinctio temporis: non enim oportet quod linea et triangulus tempore distinguantur, sicut ordinatum et inordinatum.

[71042] Sur le De caelo, I, 23, 3. Ensuite quand il dit : Ğ or c’est, de même que nous disons ğ, etc., il condamne ce qui a été dit. Et il dit que ce qu’eux-mêmes disent sur la création du monde et ce que les géomètres disent de la description des figures n’est pas la même chose, comme cela sera démontré par ce qui nous allons maintenant dire. Puisque dans les constructions géométriques, la même chose arrive si toutes les parties d’une figure sont acceptées en même temps qu’elles constituent une figure et si elles ne sont pas acceptées en même temps, puisque, quand elles ne sont pas acceptées en même temps, rien d’autre n’est dit sur elles si ce n’est que ce sont des lignes ou des angles ; et cela est aussi maintenu chez elles quand elles sont toutes considérées en même temps dans la figure constituée par elles. [280a5] Mais dans les démonstrations de ceux qui établissent la création du monde, la même chose n’est pas acceptée quand elles sont ensemble et quand elles ne sont pas ensemble ; mais il est impossible que la même chose soit acceptée des deux côtés, de même qu’il est impossible que des choses opposées existent en même temps ; les choses, en effet, qui sont acceptées auparavant, c’est-à-dire avant la formation du monde, et par la suite, c’est-à-dire une fois que le monde a été désormais formé, sont sous-contraires, c’est-à-dire qu’elles contiennent une contradiction reliée et latente. Car ils disent qu’elles sont créées en ordre à partir d’éléments en désordre, alors que Dieu ramène le désordre des éléments à l’ordre, comme Platon le dit dans le Timée : or les géomètres ne disent pas qu’un triangle est composé de lignes divisées, mais simplement à partir de lignes. Et ce serait la même chose s’ils disaient seulement que le monde est produit à partir d’éléments ; mais ils disent que le monde est ordonné à partir d’éléments en désordre. Or il n’est pas possible que quelque chose soit en même temps en ordre et en désordre : mais il est nécessaire que soit donnée une création par laquelle l’un d’entre eux est séparé d’un autre, de telle sorte qu’il est désordonné avant la création, et ordonné après la création ; et par conséquent il est nécessaire que soit donné un temps séparant les deux. Mais dans les [280a10] constructions des figures une séparation par le temps n’est pas requise : car il ne faut pas qu’une ligne et un triangle soient séparés par le temps, en tant qu’ordonné et désordonné.

[71043] In De caelo, lib. 1 l. 23 n. 3 Volunt autem quidam adhuc excusare Platonem, quasi non posuerit quod inordinatio prius tempore fuerit in elementis mundi, et postea aliquo tempore incoeperint ordinari; sed quia inordinatio semper quantum ad aliquid adiuncta est elementis mundi, licet quantum ad aliquid ordinentur; sicut etiam ipse Aristoteles ponit quod materiae semper adiungitur privatio, quamvis et semper sit secundum aliquid formata. Potest etiam intelligi Platonem dedisse intelligere quid elementa ex se haberent, si non essent ordinata a Deo; non quod prius tempore fuerint inordinata. Sed quidquid Plato intellexerit, Aristoteles, sicut dictum est, obiiciebat contra id quod verba Platonis exprimunt. Concludit ergo ex praemissis quod impossibile sit mundum factum esse per generationem, et tamen eum in sempiternum durare.

[71043] Sur le De caelo, I, 23, 3. Certains veulent en outre excuser Platon, comme s’il n’avait pas établi que le désordre est antérieur au temps dans les éléments du monde et que ces derniers ont commencé à être ordonné par la suite, à un moment ; mais puisque le désordre est toujours lié aux éléments du monde quant à une chose, ils peuvent être ordonnés quant à une chose ; de même qu’Aristote, lui aussi, établit que la privation est toujours reliée à la matière, bien qu’elle soit toujours réglée selon une chose. On peut aussi comprendre que Platon comprend avoir donné quels éléments se tiennent d’eux-mêmes, s’ils n’ont pas été ordonnés par Dieu, et non qu’ils étaient désordonnés avant le temps. Mais quel que soit ce que Platon a compris, Aristote, comme on l’a dit, faisait objection à ce que les mots de Platon expriment. Il conclut donc à partir des prémisses qu’il est impossible que le monde ait été fait par création et qu’il dure cependant éternellement.

[71044] In De caelo, lib. 1 l. 23 n. 4 Deinde cum dicit: vicissim autem etc., prosequitur opinionem Empedoclis, quam tertio posuerat. Et dicit quod illi qui dicunt mundum vicissim componi et dissolvi, nihil aliud faciunt quam quod adstruunt mundum esse sempiternum secundum substantiam, sed se transmutare secundum formam, sive secundum eius dispositionem; sicut si aliquis videns aliquem ex puero factum virum, si ponatur quod videat vicissim eundem ex viro factum puerum, putet eum quandoque fieri et quandoque corrumpi. Et quod secundum hanc opinionem Empedoclis ponatur ipsa substantia mundi sempiterna, manifestat per hoc quod post separationem elementorum per litem, quando iterum convenient elementa, non fiet qualiscumque ordo mundi et qualiscumque eius constitutio, sed eadem quae nunc est. Et hoc manifestum est et aliter, scilicet per rationem, quia ab eadem causa, scilicet amicitia, congregabuntur tunc elementa, ex qua et prius congregata sunt, et sic eadem constitutio mundi sequetur: sed etiam hoc manifestum est secundum eos qui hanc positionem ponunt, qui asserunt contrarietatem litis et amicitiae, quas ponunt causam contrariae dispositionis in elementis, ut scilicet quandoque sint coniuncta, quandoque separata. Unde concludit quod, si totum corpus mundi, continuum existens, idest coniunctum, quandoque disponatur et aptetur uno modo, quandoque alio modo; cum ipsa consistentia sive substantia omnium corporum vocetur mundus sive caelum, sequitur quod mundus non generetur et corrumpatur, sed solum dispositiones ipsius.

[71044] Sur le De caelo, I, 23, 4. Ensuite quand il dit : Ğ tour à tour ğ, etc., il s’attache à exposer l’opinion d’Empédocle, qu’il avait établie en troisième lieu. Et il dit que ceux qui disent que le monde est composé et désagrégé tour à tour ne font rien d’autre que d’affirmer que le monde est éternel selon la substance, mais qu’il se transforme selon la forme, ou selon l’organisation, comme, si on établissait que quelqu’un, voyant quelqu’un devenu homme après avoir été enfant, [280a15] voyait tour à tour le même devenu enfant après avoir été homme, il penserait qu’il a été créé un jour et corrompu un autre jour. Et il prouve que la substance même du monde est établie éternelle selon cette opinion d’Empédocle par le fait qu’après la séparation des éléments par le conflit, quand les éléments se rassembleront de nouveau, ne seront pas créés n’importe quel ordre du monde et n’importe quelle constitution, mais la même qui est maintenant. Et c’est manifeste aussi autrement, c’est-à-dire par la raison, puisque les éléments étaient alors assemblés par la même cause, c’est-à-dire par l’amitié, grâce à laquelle ils avaient aussi été assemblés auparavant, et qu’ainsi la même constitution du monde s’ensuivra ; mais c’est également manifeste selon ceux qui tiennent cette position, et qui affirment l’opposition du conflit et de l’amitié, qu’ils établissent comme la cause de la disposition opposée des éléments, de telle sorte qu’ils sont un jour unis et un jour séparés. Il en conclut que, si le corps tout entier du monde, [280a20] existant continûment, c’est-à-dire de façon unie, est disposé et arrangé un jour d’une manière et un jour d’une autre manière, comme la consistance même ou substance de tous les corps est appelée monde ou ciel, il s’ensuit que ce n’est pas le monde qui est engendré et corrompu, mais seulement ses dispositions.

[71045] In De caelo, lib. 1 l. 23 n. 5 Deinde cum dicit: totaliter autem factum etc., prosequitur opinionem Democriti, quam supra secundo posuerat. Et primo dicit qualiter se habeat ista opinio; secundo ostendit quid circa hanc postmodum erit manifestum, ibi: sed tamen et cetera. Dicit ergo primo quod, si aliquis ponat quod mundus sit factus, et totaliter corrumpatur absque regressu, ita scilicet quod nunquam iterum fiat, hoc quidem est impossibile, si ponatur unus tantum mundus. Et hoc ideo, quia si sit unus mundus qui quandoque est factus, cum non sit factus ex nihilo, priusquam fieret existebat substantia quae erat ante eum. Aut ergo ponemus quod illa substantia quae praeerat mundo, poterat subiici generationi, aut non. Et si quidem non poterat generationi subiici, non poterat ex ea fieri mundus: et hoc est quod dicit, qua non facta, vel non genita, idest qua non subiecta generationi, impossibile esse dicimus transmutari, idest non possibile esse quod transmutetur, ad hoc ut ex ea fiat mundus. Si vero in sua natura habebat quod posset transmutari, ad hoc quod fieret ex ea mundus, etiam post corruptionem mundi poterit transmutari, ut ex ea iterum fiat mundus. Sed si aliquis ponat infinitos mundos, ita scilicet quod ex quibusdam atomis uno modo compositis fiat hic mundus, et ex eisdem vel aliis alio modo compositis fiat alius mundus, et hoc in infinitum; magis poterit sustineri quod dictum est, scilicet quod mundus semel corruptus nunquam iterum generetur; quia ex quo possibile est esse alios mundos, ex illis atomis poterit alius mundus constitui. Sed si non posset esse mundus nisi unus, sequeretur inconveniens: quia materia in quam mundus resolveretur, esset adhuc in potentia ut ex ea fieret mundus; unde si non posset esse alius mundus, oporteret quod idem ipse iterum fieret.

[70045] Sur le De caelo, I, 23, 5. Ensuite quand il dit : Ğ totalement créé ğ, etc., il s’attache à exposer l’opinion de Démocrite, qu’il avait établie ci-dessus en second lieu. Et il dit premièrement quelle est cette opinion ; deuxièmement il montre ce qui sera par la suite évident sur ce point, ici : Ğ mais cependant ğ, etc. Il dit donc premièrement que, si quelqu’un établit que le monde a été créé, qu’il est totalement corrompu sans retour en arrière, et qu’il n’est jamais de nouveau créé, c’est impossible, si on établit un seul monde. Et cela pour la raison que, s’il y a un seul monde qui a été créé un jour, comme il n’a pas été créé du néant, avant qu’il ne soit créé existait [280a25] une substance qui était avant lui. Ou bien nous établirons donc que la substance qui était antérieure au monde pouvait être soumise à la génération, ou non. Et si elle ne pouvait pas être soumise à la génération, le monde ne pouvait pas être créé à partir d’elle : et c’est ce qu’il dit, laquelle n’étant pas créée, ou bien non engendrée, c’est-à-dire laquelle n’étant pas soumise à la génération, nous disons qu’il est impossible qu’elle soit transformée, c’est-à-dire qu’il n’est pas possible qu’elle soit transformée en ce que le monde deviendrait à partir d’elle. Mais si elle avait dans sa nature ce qui pourrait être transformé en ce que le monde deviendrait à partir d’elle, elle pourrait être transformée même après la corruption du monde, de telle sorte que le monde serait de nouveau créé à partir d’elle. Mais si on établissait une infinité de mondes, et que ce monde-ci était créé à partir de certains atomes organisés d’une manière, un autre monde serait aussi créé à partir des mêmes atomes ou d’autres atomes organisés d’une autre manière, et cela à l’infini ; on pourrait davantage soutenir ce qui a été dit, à savoir que le monde une fois corrompu n’est jamais engendré à nouveau, puisque, à partir du fait qu’il est possible qu’il y ait d’autres mondes, un autre monde pourrait être constitué à partir de ces atomes. Mais s’il ne pouvait y avoir qu’un monde, il s’ensuivrait un inconvénient, puisque la matière dans laquelle le monde est dissout, serait encore en puissance pour que le monde soit créé à partir d’elle ; de là s’il ne peut y avoir un autre monde, il faut que le même soit lui-même créé de nouveau.

[71046] In De caelo, lib. 1 l. 23 n. 6 Deinde cum dicit: sed tamen etc., ostendit quid restet dicendum: et dicit quod ex posterioribus erit manifestum utrum hoc sit possibile vel impossibile. Et si quidem ly hoc referatur ad immediate dictum de opinione ponentium infinitos mundos, non est intelligendum quod posteriora hic nominet ea quae immediate sequuntur, in quibus nulla de hoc fit mentio; sed intelliguntur posteriora ea quae dicentur de opinione Democriti in tertio huius, et in I de generatione. Si vero ly hoc referatur ad totum praecedens, ubi actum est de opinione ponentium mundum esse genitum, per posteriora intelliguntur immediate sequentia. Et ad hoc concordat quod immediate subditur. Sunt enim quidam, quibus videtur esse contingens quod aliquid quod nunquam fuit generatum, quandoque corrumpatur, et quod aliquid de novo genitum, incorruptibile perduret; sicut in Timaeo dicit Plato non solum quod caelum sit factum de novo, sed etiam quod duret de cetero sempiterno tempore; et sic ponit utrumque dictorum, scilicet quod materia inordinata, quae nunquam incoepit esse inordinata, quandoque esse desinat; et quod mundus incipiat, et nunquam desinat. Et contra istos sic ponentes mundum generari, supra circa principium huius libri naturalibus rationibus processum est solum quantum ad caelum, quod probavit esse ingenitum et incorruptibile, tanquam non habens contrarium: sed nunc hoc manifestabitur universali consideratione de omnibus entibus.

[71046] Sur le De caelo, I, 23, 6. Ensuite quand il dit : Ğ mais cependant ğ, etc., il montre ce qui reste à dire : il dit qu’il sera plus loin manifeste si c’est possible ou impossible. Et si le mot ce se rapportait à ce qui a été immédiatement dit de l’opinion de ceux qui établissent des mondes infinis, il ne faut pas comprendre que Ğ plus loin ğ désigne ici ce qui suit immédiatement, où il n’est fait aucune mention à cela ; mais l’expression Ğ plus loin ğ désigne ce qui sera dit de l’opinion de Démocrite dans le livre III de ce traité et dans le livre I de la génération. Or si le mot ce se rapportait à tout ce qui précède, où il a été question de l’opinion de ceux qui établissent que le monde a été engendré, Ğ plus loin ğ désigne ce qui suit immédiatement. Et à cela s’accorde ce qui est supposé immédiatement. Car il y en a certains qui pensent qu’est contingent le fait qu’un être qui n’a jamais été engendré soit corrompu un jour et qu’un être qui a été engendré de nouveau subsistera, incorruptible ; de même que dans le Timée Platon dit non seulement que le ciel a été créé de nouveau, mais aussi qu’il dure pendant le reste de l’éternité ; et il établit ainsi les deux propos tenus, à savoir que la matière non organisée, qui n’a jamais commencé à être non organisée, cessera un jour d’être, et que le monde commence, et ne finit jamais. Et contre ces gens qui établissent ainsi que le monde est engendré, ci-dessus, au début de ce livre il a procédé par des raisons naturelles seulement quant au ciel, qu’il a prouvé être non engendré et incorruptible, étant donné qu’il n’a pas de contraire ; mais maintenant cela sera manifesté par une considération universelle sur tous les étants.

 

 

Lectio 24

Leçon 24 – [Préalable à l’opinion d’Aristote : Définition de l’engendré et du corruptible]

[71047] In De caelo, lib. 1 l. 24 n. 1 Postquam philosophus prosecutus est opiniones aliorum circa propositam quaestionem de mundo, an sit genitus et corruptibilis, hic prosequitur praedictam quaestionem secundum suam opinionem. Et primo praemittit quaedam quae sunt necessaria ad investigationem propositi; secundo prosequitur propositam quaestionem, ibi: determinatis autem his et cetera. Circa primum duo facit: primo distinguit multiplicitatem horum nominum, quibus utitur in quaestione, scilicet geniti et ingeniti, corruptibilis et incorruptibilis; secundo distinguit multiplicitatem quorundam nominum, quae in praedictorum definitione cadunt, scilicet possibilis et impossibilis, ibi: si itaque haec sic habent et cetera. Circa primum duo facit: primo dicit de quo est intentio; secundo propositum prosequitur, ibi: dicitur autem ingenitum et cetera. Circa primum duo facit. Primo dicit de quo est intentio: et dicit quod circa inquisitionem praedictae quaestionis, primo oportet distinguere quibus modis aliqua dicuntur generabilia et ingenerabilia, et iterum corruptibilia et incorruptibilia.

[71047] Sur le De caelo, I, 24, 1. Après que le philosophe s’est attaché à exposer les opinions des autres concernant la question proposée sur le monde, s’il est engendré et corruptible, il poursuit ici la question déjà mentionnée selon son opinion. Et il avance premièrement certains points qui sont nécessaires à la recherche attentive de la proposition ; il s’attache deuxièmement à exposer la question proposée, ici : Ğ une fois ces choses déterminées ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : il distingue premièrement la multiplicité des noms, dont il se sert dans la question, à savoir engendré et non engendré, corruptible et incorruptible ; il distingue deuxièmement la multiplicité des noms qui conviennent à la définition de ce qui a été déjà dit, c’est-à-dire possible et impossible, ici : Ğ c’est pourquoi s’il en est ainsi ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : il dit premièrement sur quoi porte son attention ; il s’attache deuxièmement à présenter la proposition, ici : Ğ or on appelle non engendré ğ, etc. En ce qui concerne le premier point il fait deux choses. Il dit premièrement sur quoi porte son attention ; [280b1] et il dit que, concernant la recherche de la question déjà mentionnée, il faut premièrement distinguer de quelle manière des choses sont appelées pouvant être engendrée et ne pouvant pas être engendrées, et de nouveau corruptibles et incorruptibles.

[71048] In De caelo, lib. 1 l. 24 n. 2 Deinde cum dicit: multipliciter enim dictis etc., assignat rationem suae intentionis. Et dicit quod quando aliqua multipliciter dicuntur, contingit quandoque quod illa multiplicitas nullam differentiam inducat quantum ad rationem quae proponitur, quando scilicet in illa ratione sumitur nomen solum in una significatione: tunc enim multiplicitas differentiam facit in ratione, quando nomen sumitur in diversis significationibus. Sed tamen, licet nulla differentia fiat quantum ad rationem, tamen intellectus audientis confuse se habet, si aliquis utatur nomine quod multipliciter potest distingui, tanquam distingui non posset: quia quando aliquis utitur indistincte nomine multiplici, non est manifestum secundum quam naturam significatam accidit conclusio.

[71048] Sur le De caelo, I, 24, 2. Ensuite quand il dit : Ğ dites de multiples façons ğ, etc., il confie la méthode qui lui permettra d’atteindre son but. Et il dit que, quand des choses portent de multiples noms, il arrive un jour que cette multiplicité ne présente aucune différence quant au raisonnement qui est proposé, à savoir quand dans ce raisonnement est pris un nom seul avec un seul sens : alors en effet la multiplicité fait une différence dans le raisonnement, quand un nom est pris dans différentes significations. Mais cependant, bien qu’aucune différence ne soit faite quant au raisonnement, la pensée de l’auditeur est confuse, si on utilise un nom qui admet de multiples distinctions, comme s’il n’en présentait aucune, puisque, quand on utilise indistinctement un nom multiple [280b5], il n’est pas évident de savoir sous quelle signification de nature arrive la conclusion.

[71049] In De caelo, lib. 1 l. 24 n. 3 Deinde cum dicit: dicitur autem ingenitum etc., distinguit praedicta nomina: et primo ingenitum et genitum; secundo corruptibile et incorruptibile, ibi: et corruptibile autem et cetera. Circa primum duo facit: primo distinguit hoc nomen ingenitum; secundo hoc nomen genitum, ibi: eodem autem modo et cetera. Ponit autem primo quod hoc nomen ingenitum dicitur tribus modis. Quorum primus est prout dicitur aliquid ingenitum, quod quidem nunc est, sed prius non erat, ita tamen quod hoc contingat sine generatione et transmutatione eius quod esse incipit; sicut aliqui ponunt exemplum de eo quod est tangi et moveri; dicunt enim quod tactum et motum non contingit generari. Et hoc probatum est in V Physic., quia, cum generatio sit quaedam species motus sive transmutationis, si motus generaretur, sequeretur quod mutationis esset mutatio. Sic ergo tactus et motus, licet esse incipiant, tamen dicuntur ingenita, quia non generantur, nec nata sunt generari. Secundo modo dicitur aliquid esse ingenitum, quod quidem contingit fieri vel non fieri, et tamen nondum est factum; sicut hominem qui nascetur cras, contingit in futurum fieri vel non fieri, et tamen dicitur ingenitus, quia nondum est natus. Similiter enim et hoc potest dici ingenitum, quasi non genitum, quod contingit generari, quia nondum est generatum, sicut et illud quod non contingit generari. Tertio modo dicitur aliquid ingenitum, quod omnino impossibile est fieri hoc modo ut quandoque sit et quandoque non sit, sive per generationem sive quocumque alio modo; et secundum hoc ingenita dicuntur quae non possunt esse, vel quae non possunt non esse. Hic autem modus distinguitur in duos: nam impossibile esse seu fieri dicitur dupliciter; uno modo absolute, quando scilicet simpliciter non est verum dicere quod hoc aliquando fiat; secundo modo prout dicitur aliquid impossibile fieri, quia non de facili potest fieri; et hoc quia non cito potest fieri, vel quia non est bene factibile, sicut si dicamus aliquod malum ferrum non esse bene fabricabile.

[71049] Sur le De caelo, I, 24, 3. Ensuite quand il dit : Ğ on appelle non engendré ğ, etc., il distingue les noms déjà mentionnés : premièrement non engendré et engendré ; deuxièmement corruptible et incorruptible, ici : Ğ et corruptible ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : il distingue premièrement l’expression non engendré ; deuxièmement le mot engendré, ici : Ğ de la même manière ğ, etc. Or il établit premièrement que l’expression non engendré est utilisée de trois manières. La première d’entre elles est dans la mesure où est dit non engendré quelque chose qui est certes maintenant, mais qui n’était pas auparavant, de telle façon que ceci arrive sans génération ni corruption de ce qui commence à être, tout comme pour quelques uns le toucher et le mouvement par exemple ; car ils disent qu’il n’arrive pas que ce qui est touché et déplacé soit engendré. Et c’est prouvé dans le livre V de la Physique, puisque, comme la génération est une espèce de mouvement ou de transformation, si le mouvement était engendré, il s’ensuivrait que c’est un changement de changement. Ainsi donc le toucher et le mouvement, bien qu’ils commencent à être, sont cependant appelés non engendrés, puisqu’ils ne sont pas engendrés, et qu’ils ne sont pas nés pour être engendrés. Dans un second sens est appelé non engendré une chose susceptible d’être créée ou de ne pas être créée, et qui cependant n’a pas encore été créée, tout comme il arrive que l’homme qui naîtra demain sera créé dans le futur ou ne le sera pas, et qu’il est dit pourtant non engendré, puisqu’il n’est pas encore né. Également, en effet, peut être dit non engendré, étant donné cela n’a pas été engendré, ce qui est susceptible d’être engendré, puisqu’il n’a pas encore été engendré, de même que ce qui n’est pas susceptible d’être engendré. Selon un troisième sens, est dit non engendré ce à quoi il est impossible d’être créé de telle manière que cela sera un jour et que cela ne sera pas un autre jour, soit par génération, soit de n’importe quelle autre manière ; et selon cela sont dites non engendrées les choses qui ne peuvent être, ou qui ne peuvent ne pas être. Or cette définition se distingue en deux sens : en effet on dit de deux manières qu’il est impossible d’être ou d’être créé ; d’une manière absolue, quand il n’est simplement pas vrai de dire que cela sera créé un jour ; d’une seconde manière dans la mesure où l’on dit qu’il est impossible qu’une chose soit créée, puisqu’elle ne peut être créée facilement ; et cela puisqu’elle ne peut être créée rapidement, ou qu’elle ne peut pas bien être créée, comme si nous disions qu’un mauvais fer ne peut être bien travaillé.

[71050] In De caelo, lib. 1 l. 24 n. 4 Ad evidentiam autem horum modorum, considerandum est quod generatio importat aliquid commune, quod est incipere esse; et etiam importat determinatum modum essendi, scilicet per transformationem. Negatio igitur quae importatur hoc nomine ingenitum, uno modo potest negare utrumque, scilicet incoeptionem et modum incipiendi; vel potest solum negare modum incipiendi. Et utrumque contingit dupliciter: uno modo secundum actum, alio modo secundum potentiam. Si igitur praedicta negatio non neget incoeptionem, sed solum modum incipiendi, sic est primus modus, secundum quem dicitur aliquid ingenitum, quod potest incipere esse, sed non per generationem. Si vero neget non potentiam, sed solum actum, ut puta quia potest incipere esse et potest generari, non tamen adhuc incoepit esse vel est generatum, sic est secundus modus. Si vero non solum neget modum incipiendi, sicut in primo modo, nec solum actum generationis, sicut in secundo, sed simul modum incoeptionis et incoeptionem, et quantum ad actum et quantum ad potentiam; sic est tertius modus, qui est perfectissimus, secundum quem proprie et simpliciter dicitur aliquid ingenitum; quamvis et hic modus distinguatur secundum quod possibile dicitur aliquid vel simpliciter vel secundum quid.

[71050] Sur le De caelo, I, 24, 4. Devant l’évidence produite par ces significations, il faut considérer que la génération comporte quelque chose de commun, qui est de commencer à être ; et qu’elle comporte aussi une manière déterminée d’être, à savoir par transformation. Donc la négation qui est contenue dans l’expression non engendré peut nier d’une seule manière les deux choses, à savoir le commencement et la manière de commencer ; ou bien elle peut seulement nier la manière de commencer. Et les deux choses arrivent de deux façons ; d’une façon selon l’acte, de l’autre selon la puissance. Donc si la négation déjà mentionnée ne nie pas le commencement, mais seulement la manière de commencer, telle est la première façon, selon laquelle on appelle non engendrée une chose qui peut commencer à être, mais non par génération. Or si la négation ne nie pas la puissance, mais seulement l’acte, comme par exemple puisqu’elle peut commencer à être, qu’elle peut être engendrée, et que, cependant, elle n’a pas encore commencé à être ou qu’elle a été engendrée, telle est la seconde façon. Si elle nie non seulement la manière de commencer, comme dans la première façon, et non seulement l’action d’engendrer, comme dans la seconde façon, mais en même temps la manière de commencer et le commencement, à la fois quant à l’acte et quant à la puissance, telle est la troisième façon, qui est la plus parfaite, selon laquelle on appelle une chose non engendrée au sens propre et simple, bien que ce mode se distingue aussi selon qu’il est possible d’appeler quelque chose soit simplement, soit selon une mesure très partielle.

[71051] In De caelo, lib. 1 l. 24 n. 5 Deinde cum dicit: eodem autem modo etc., distinguit significationem huius nominis genitum. Et dicit quod eodem modo genitum dicitur tribus modis. Quorum primus est si aliquid prius non fuit et postea incoepit esse, sive per generationem, sicut homo, sive sine generatione, sicut tactus; dummodo illud quod dicitur genitum, quandoque non sit, et iterum postea sit. Secundo modo dicitur aliquid genitum, si possibile sit illud incipere esse; sive possibile determinetur per verum, ut scilicet dicatur possibile quod potest esse, sive determinetur per facile, ut scilicet dicatur possibile fieri quod de facili potest. Tertio modo dicitur aliquid genitum, cuius potest esse generatio, ut per hoc procedat de non esse in esse: et hoc indifferenter sive iam esse incoeperit, et hoc per fieri, idest per modum generationis; sive nondum esse incoeperit, sed contingat illud esse incipere per modum generationis. Apparet etiam secundum praemissa ratio horum modorum. Quia cum dicitur genitum secundum primum modum, asseritur actualis incoeptio, non autem modus determinatus incipiendi, quem significat generatio. Secundum autem modum secundum, asseritur possibilitas incoeptionis absque determinato modo incipiendi: et hic modus potest distingui in duos secundum distinctionem potentiae. Secundum autem modum tertium, asseritur non solum incoeptio, sed determinatus modus incipiendi: et hic modus potest distingui in duos, quia vel asseritur determinatus modus incipiendi secundum actum, ut quia sit aliquid iam generatum; aut secundum potentiam, ut quia aptum natum sit generari.

[71051] Sur le De caelo, I, 24, 5. Ensuite quand il dit : Ğ de la même manière ğ, etc., il distingue la signification du mot engendré. Et il dit que de la même manière [280b15] engendré est utilisé de trois manières. La première d’entre elles est si une chose n’a pas été auparavant et commence à être par la suite, soit par génération, comme l’homme, soit sans génération, comme le toucher, pourvu que ce qui est appelé engendré ne soit pas un jour et soit de nouveau ensuite. Selon la seconde manière, on dit une chose engendrée, s’il est possible qu’elle commence à être, soit que cette possibilité soit déterminée par la vérité, comme on dirait qu’est possible ce qui peut être, soit qu’elle soit déterminée par la facilité, comme on dirait qu’est possible d’être créé ce qui peut l’être facilement. Selon la troisième manière, on dit engendré une chose, dont la génération peut être, de telle sorte qu’elle procède par cela du non être à l’être : et cela indifféremment, soit qu’elle ait déjà commencé à être, et cela par génération, c’est-à-dire par mode de conception, soit qu’elle n’ait pas encore commencé à être, [280b20] mais qu’elle soit susceptible de commencer à être par mode de génération. La raison de ces significations apparaît aussi selon les prémisses. Car, comme on dit engendré selon la première signification, le commencement actuel est soutenu, mais non la manière déterminée de commencer, que signifie la génération. Selon la seconde acception, est soutenue la possibilité d’un commencement sans manière déterminée de commencer : et cette signification peut être distinguée en deux selon la distinction de la puissance. Selon la troisième acception, est soutenu non seulement le commencement, mais la manière déterminée de commencer : et cette signification peut être distinguée en deux, puisque est soutenu un mode déterminé de commencer selon l’acte, comme pour une chose qui a déjà été engendrée, ou bien selon la puissance, comme pour une chose qui est née apte à être engendrée.

[71052] In De caelo, lib. 1 l. 24 n. 6 Et si quis recte consideret modos quos posuit circa genitum, differunt a modis quos posuit circa ingenitum dupliciter: uno modo secundum distinctionem, alio modo secundum ordinem. Secundum distinctionem quidem, quia in distinctione modorum ingeniti, sub alio modo comprehendebatur negatio determinati modi incipiendi secundum potentiam, et in alio secundum actum: nam in primo modo dicebatur ingenitum, quod non poterat incipere per generationem; in secundo autem quod poterat incipere per generationem, sed nondum erat generatum. Sed quantum ad negationem incoeptionis in communi, sub eodem modo comprehendebat negationem potentiae et actus: dicebatur enim tertio modo ingenitum, quod nec incoepit esse, nec potest incipere. Sed circa modos geniti, e converso ex parte incoeptionis in communi distinguit modos secundum potentiam et actum: nam primus modus est quod actu incipit esse quocumque modo; secundus modus est quod potest incipere quocumque modo, licet nondum incoeperit. Sed ex parte determinati modi incipiendi, sub uno modo comprehendit potentiam et actum: dicitur enim tertio modo genitum, quod vel est generatum vel potest generari. Et sic patet quod isti tres modi non directe contraponuntur tribus primis: quia quod ibi distinguebatur, hic remanet indistinctum, et e converso. Secundum ordinem autem differunt isti modi. Nam in modis ingeniti praemittebatur id quod pertinet ad determinatum modum incoeptionis, ei quod pertinet ad incoeptionem in communi: sed circa modos geniti praemittitur id quod est ex parte incoeptionis in communi. Et hoc subtili ratione Aristoteles fecit. Voluit enim primo ponere modos imperfectos, et ultimo modos perfectos: differenter autem se habent negatio et affirmatio circa proprium et commune. Nam negatio quae negat proprium, est imperfecta; negatio autem quae negat commune, est perfecta, quia negato communi negatur proprium: et ideo ultimum modum ingeniti quasi perfectum posuit, quo negatur incoeptio in communi. Et quia negatio particularis modi incipiendi est imperfecta, ideo ex hac parte posuit partiales modos distinctos secundum potentiam et actum. Sed affirmatio proprii est perfecta, quia posito proprio ponitur commune; affirmatio autem communis est imperfecta: et ideo ultimum modum geniti posuit tanquam perfectum, quod incoepit esse per generationem; et comprehendit sub hoc modo, tanquam sub perfecto, et potentiam et actum. Modos autem pertinentes ad incoeptionem in communi, praemisit tanquam imperfectos: non enim perfecte dicitur aliquid genitum ex hoc solo quod incoepit esse. Et ideo ex hac etiam parte distinxit hos modos, tanquam partiales, secundum potentiam et actum.

[71052] Sur le De caelo, I, 24, 6. Et si quelqu’un considérait correctement les significations qu’il a établies à propos d’engendré, elles diffèrent doublement de celles qu’il a établies à propos de non engendré : dans une signification selon la distinction, dans une autre selon l’ordre. Selon la distinction, puisque dans la distinction des significations de non engendré, la négation du mode déterminé de commencement était comprise par une signification selon la puissance, et dans une autre signification selon l’acte : car dans la première signification on disait non engendré ce qui ne pouvait commencer par génération ; or, dans la seconde ce qui pouvait commencer par génération, mais qui n’avait pas encore été engendré. Mais quant à la négation du commencement communément, il comprenait sous la même signification la négation de la puissance et de l’acte : on disait en effet d’après la troisième signification engendré ce qui n’a pas commencé à être et qui ne peut pas commencer à être. Mais concernant les significations d’engendré, au contraire, à partir du commencement il distingue communément les significations selon la puissance et selon l’acte : car la première signification est ce qui commence à être en acte de n’importe quelle manière ; la seconde signification est ce qui peut commencer de n’importe quelle manière, bien que cela n’ait pas encore commencé à être. Mais à partir du mode déterminé de commencement, il comprend sous une seule signification la puissance et l’acte : car il appelle, dans la troisième signification, engendré ce qui a été engendré ou qui peut être engendré. Et ainsi il apparaît que ces trois significations ne sont pas directement opposées aux trois premières, puisque ce qui était distingué là demeure indistinct ici, et inversement. Or ces significations diffèrent selon l’ordre. Car dans les significations de non engendré ce qui concerne le mode déterminé de commencement précédait ce qui concerne le commencement communément : mais suivant les significations d’engendré, ce qui est à partir du commencement au sens commun est placé avant. Et Aristote l’a fait avec un subtil raisonnement. En effet, il a voulu premièrement établir les significations imparfaites, et enfin les significations parfaites : la négation et l’affirmation sont différentes concernant le sens propre et le commun. Car la négation qui nie le propre est imparfaite ; mais la négation qui nie le sens commun est parfaite, étant donné que, une fois le sens commun nié, le sens propre l’est : et c’est pourquoi il a établi la dernière signification de non engendré comme parfaite, là où est nié le commencement au sens commun. Et puisque la négation particulière du mode de commencement est imparfaite, cela explique qu’il ait établi à partir de là des significations partielles distinctes selon la puissance et l’acte. Mais l’affirmation du sens propre est parfaite, puisque, une fois le sens propre établi, est établi le sens commun ; or l’affirmation commune est imparfaite : et c’est pourquoi il a établi la dernière signification d’engendré comme parfaite, c’est-à-dire commencer à être par génération ; et il commence par cette signification, en tant que parfaite, et la puissance et l’acte. Or il a avancé les significations concernant le commencement au sens commun comme imparfaites : car on ne dit pas parfaitement qu’une chose est engendrée d’après le seul fait qu’elle commence à être. Et c’est pourquoi à partir de là aussi il a distingué ces significations, en tant que partielles, selon la puissance et l’acte.

[71053] In De caelo, lib. 1 l. 24 n. 7 Deinde cum dicit: et corruptibile autem etc., distinguit modos corruptibilis et incorruptibilis: et primo corruptibilis; secundo incorruptibilis, ibi: et de incorruptibili et cetera. Dicit ergo primo quod corruptibile et incorruptibile similiter dicuntur multipliciter: et ponit tres modos corruptibilis. Ubi considerandum est quod, sicut generatio importat incoeptionem cum determinato modo, ita corruptio importat desitionem cum determinato modo, scilicet transmutationis. Primus ergo modus corruptionis ponit desitionem in communi, absque distinctione potentiae et actus. Et est eadem ratio ordinis quae est supra de genito: sicut enim non dicitur aliquid perfecte genitum ex hoc quod incipit esse, ita non dicitur aliquid perfecte corruptum ex hoc quod desinit esse, nec perfecte corruptibile ex hoc quod potest desinere esse. Est ergo primus modus, secundum quem dicimus aliquid esse corruptibile, quod, cum prius sit aliquid, posterius vel non est vel contingit non esse; sive hoc contingat per corruptionem et transmutationem, sicut homo est corruptibilis; sive non per corruptionem et transmutationem desinat esse, sicut tactus et motus. Secundo modo dicimus aliquid esse corruptibile, quod contingit non esse, idest quandoque potest desinere esse, per specialem modum corruptionis. Tertio modo dicitur aliquid corruptibile, quod de facili corrumpitur: quod potest dici euphtharton, idest bene corruptibile.

[71053] Sur le De caelo, I, 24, 7. Ensuite quand il dit : Ğ et corruptible ğ, etc., il distingue les significations de Ğ corruptible ğ et d’Ğ incorruptible ğ : et premièrement de Ğ corruptible ğ ; deuxièmement d’Ğ incorruptible ğ, ici : Ğ et sur l’incorruptible ğ, etc. Il dit donc premièrement que Ğ corruptible ğ et Ğ incorruptible ğ sont également entendus de multiples façons : et il établit trois significations pour Ğ corruptible ğ. Et là il faut considérer que, comme la génération implique un commencement de façon déterminée, de même la corruption implique une fin d’une façon déterminée, c’est-à-dire celle d’une transformation. Donc le premier mode de corruption établit une fin au sens commun, sans distinction de puissance et d’acte. Et le raisonnement concernant l’ordre est le même que celui qui a été tenu ci-dessus sur l’engendré : en effet, de même qu’on ne dit pas qu’une chose est parfaitement engendrée à partir du fait qu’elle commence à être, de même on ne dit pas qu’une chose est parfaitement corrompue à partir du fait qu’elle cesse d’être, ni qu’elle est parfaitement corruptible à partir du fait qu’elle peut cesser d’être. Donc c’est la première signification, selon laquelle nous disons qu’est corruptible une chose qui, comme il y a une chose avant, par la suite, soit elle n’est pas, soit elle est susceptible de ne pas être, que cela arrive par corruption et transformation, de même que l’homme est corruptible, ou qu’elle cesse d’être non par corruption et transformation, comme le toucher et le mouvement. Selon la deuxième signification, nous disons qu’est corruptible une chose qui est susceptible de ne pas être, c’est-à-dire qui peut cesser d’être un jour, par mode spécial de corruption. Selon la troisième signification, on dit qu’est corruptible une chose qui [280b25] est facilement corrompue et qui peut être dite euphtarton, c’est-à-dire facile à corrompre.

[71054] In De caelo, lib. 1 l. 24 n. 8 Est autem considerandum quod, licet modi corruptibilis cum modis geniti conveniant quantum ad ordinem, quia sicut ibi praemittitur generalis incoeptio, ita hic praemittitur generalis desitio; est tamen differentia quantum ad distinctionem. Nam ibi distinguebantur modi secundum actum et potentiam: hic autem distinguuntur modi secundum potentiam absolutam, et perfectam; quod est ultimus modus, tanquam perfectissimus; perfectissime enim corruptibile est quod de facili potest corrumpi. Et huius ratio est, quia genitum dicitur secundum actum, corruptibile autem dicitur secundum potentiam: unde genitum potest intelligi secundum actum et secundum potentiam, sed corruptibile non potest intelligi nisi secundum potentiam. Ideo autem posuit genitum secundum actum, et corruptibile secundum potentiam, quia cum generatio sit de non esse in esse, corruptio de esse in non esse, illud quod est generabile nondum est ens, sed solum illud quod iam est genitum: e converso autem id quod est corruptibile est ens, non autem id quod iam est corruptum. Intendit autem philosophus facere quaestionem de entibus, non autem de non entibus: et ideo utitur nomine geniti et corruptibilis.

[71054] Sur le De caelo, I, 24, 8. Or il faut considérer que, bien que les significations de Ğ corruptible ğ s’accordent avec celles d’Ğ engendré ğ quant à l’ordre, puisque, de même que le commencement général est avancé ici, de même la fin générale est avancée ici ; cependant il existe une différence quant à la distinction. En effet les significations étaient distingués là selon l’acte et la puissance ; or ici sont distingués les modes selon la puissance absolue, et parfaite, ce qui est la dernière signification, en tant que la plus parfaite ; en effet est très parfaitement corruptible ce qui peut être facilement corrompu. Et la raison en est que l’engendré peut être compris selon l’acte, or Ğ corruptible ğ est dit selon la puissance : de là Ğ engendré ğ peut être entendu selon l’acte et la puissance, mais le corruptible ne peut être compris si ce n’est selon la puissance. Et c’est pourquoi il a établi l’engendré selon l’acte et le corruptible selon la puissance, puisque, de même que la génération concerne le non être devenu être, et la corruption l’être devenu non être, ce qui peut être engendré n’est pas encore un étant, mais seulement ce qui a déjà été engendré : inversement ce qui est corruptible est un étant, mais non ce qui a déjà été corrompu. Or le philosophe cherche à traiter cette question au sujet des étants, et non au sujet des non étants : et c’est pourquoi il utilise les mots engendré et corruptible.

[71055] In De caelo, lib. 1 l. 24 n. 9 Deinde cum dicit: et de incorruptibili etc., distinguit modos incorruptibilis. Et dicit quod de incorruptibili etiam est eadem distinctionis ratio. Ponit enim tres modos. Quorum primus est secundum negationem determinati modi desitionis; secundum scilicet quod incorruptibile dicitur, quod quidem potest desinere sic quod quandoque sit ens et postmodum non ens, sed hoc sine corruptione; sicut tactus et motus, qui cum primo sint, posterius non sunt, sed hoc est sine corruptione eorum, quia eorum non est corruptio, sicut nec generatio. Unde hic modus respondet primo modo ingeniti. Secundo modo dicitur aliquid incorruptibile secundum negationem desitionis in communi: et sic dicit quod illud quod nunc est ens, et est impossibile quod postea non sit, vel quandoque non sit futurum, dicitur incorruptibile. Et hic modus incorruptibilitatis non competit alicui rei quae possit desinere esse per corruptionem: tu enim qui potes desinere esse per corruptionem, es nunc in praesenti; et similiter tactus, qui potest desinere esse, sed non per corruptionem, est nunc; sed tamen utrumque horum dicitur aliquo modo corruptibile, scilicet secundum primum modum corruptibilis; quia scilicet erit aliquando quando non erit verum dicere quod tu sis, nec erit verum dicere quod hoc tangatur. Et ideo illud maxime proprie dicitur incorruptibile, quod quidem est ens, sed impossibile est illud corrumpi hoc modo ut, cum modo sit ens, posterius non sit ens aut contingat non esse, et quamvis nondum sit corruptum, tamen contingat postremo illud non esse: illud enim quod non hoc modo se habet, dicitur proprie incorruptibile. Tertio modo dicitur aliquid incorruptibile, quod non de facili corrumpitur. Quod etiam respondet tertio modo corruptibilis, sicut et secundus secundo, et primus primo.

[71055] Sur le De caelo, I, 24, 9. Ensuite quand il dit : Ğ et sur l’incorruptible ğ, etc., il distingue les significations d’incorruptible. Et il dit que concernant l’incorruptible il existe aussi le même raisonnement sur la distinction. Il établit en effet trois significations. La première d’entre elles est selon la négation déterminée du mode de fin, d’après le fait qu’on appelle incorruptible ce qui peut cesser d’être ainsi que ce qui est un étant un jour et qui n’est pas un étant un autre jour, mais cela sans corruption, comme le toucher et le mouvement, qui sont d’abord et qui ne sont pas par la suite, mais cela se fait sans qu’ils soient corrompus, puisqu’ils n’ont pas de corruption, ni de génération. De là ce sens correspond au premier sens de non engendré. Selon le second sens on appelle incorruptible selon la négation de la fin au sens commun ; et ainsi il dit que ce qui est maintenant un étant et à qui il est impossible de ne pas être ensuite, ou bien qui n’est pas destiné à être un jour, est appelé incorruptible. Et ce sens de non corruption ne s’accorde pas avec une chose qui pourrait cesser d’être par corruption : en effet toi qui peux cesser d’être par corruption, tu es maintenant présent ; et [280b30] également le toucher, qui peut cesser d’être, mais non par corruption, est maintenant ; mais pourtant les deux sont dits corruptibles de quelque manière, c’est-à-dire selon le premier sens de Ğ corruptible ğ, puisqu’il y aura un jour où il ne sera pas vrai de dire que tu es et où il ne sera pas vrai de dire que cela est touché. Et c’est pourquoi est surtout dit à proprement parler incorruptible ce qui est un étant, mais à qui il est impossible d’être corrompu de telle manière que, comme c’est tantôt un étant, il n’est, pas un être ou qu’il est susceptible de ne pas être, et que, bien qu’il ne soit pas encore corrompu, il est cependant susceptible en dernier lieu de ne pas être ; car ce qui n’est pas de cette manière est appelé incorruptible à proprement parler. Selon un troisième sens, [281a1] est appelé incorruptible ce qui n’est pas facilement corrompu. Et cela correspond aussi au troisième sens de Ğ corruptible ğ, de même que le second correspond au second, et le premier au premier.

 

 

Lectio 25

Leçon 25 – [Préalable à l’opinion d’Aristote : Définition du possible et de l’impossible]

[71056] In De caelo, lib. 1 l. 25 n. 1 Postquam philosophus ostendit quot modis dicitur genitum et ingenitum, corruptibile et incorruptibile, hic exponit significationem huius quod dicitur possibile et impossibile. Et primo dicit de quo est intentio; secundo exequitur propositum, ibi: si itaque aliquid potest et cetera. Circa primum duo facit. Primo dicit de quo est intentio: et dicit quod, cum ita se habeant ea quae dicta sunt circa significationem geniti et ingeniti, corruptibilis et incorruptibilis, oportet considerare quomodo dicatur aliquid possibile et impossibile.

[71056] Sur le De caelo, I, 25, 1. Après que le philosophe a montré de combien de sens on dit engendré et non engendré, corruptible et incorruptible, il expose ici la signification de ce qui est dit possible et impossible. Et il dit premièrement sur quoi porte son intention ; deuxièmement il présente la proposition, ici : Ğ c’est pourquoi si quelque chose peut ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses. Il dit premièrement sur quoi porte son intention ; et il dit que, comme ce qui a été dit sur la signification de l’engendré et du non engendré, du corruptible et de l’incorruptible est ainsi, il faut considérer la façon dont on dit une chose possible et impossible.

[71057] In De caelo, lib. 1 l. 25 n. 2 Secundo ibi: propriissime enim etc., assignat rationem suae intentionis, quia scilicet possibile et impossibile includuntur in ratione praedictorum. Quia, ut supra dictum est, propriissime dicitur aliquid esse incorruptibile, quod non solum non potest corrumpi, sed nec etiam quocumque modo aliquando esse et postea non esse. Et similiter ingenitum proprie dicitur quod est impossibile, scilicet esse et non esse, et quod non potest fieri quocumque tali modo quod prius non sit et postea sit; sicut diametrum quadrati esse symmetrum, idest commensuratum lateri quadrati, est ingenitum, quia nullo modo potest incipere esse.

[71057] Sur le De caelo, I, 25, 2. Deuxièmement ici : Ğ de façon tout à fait propre en effet ğ, etc., il assigne la raison de son intention, puisque le possible et l’impossible sont inclus dans le raisonnement de ce qui a déjà été dit. Parce que, comme on l’a dit ci-dessus, on dit au sens le plus propre qu’est incorruptible une chose qui non seulement ne peut être corrompue, mais aussi qui ne peut être un jour de n’importe quelle manière et ne pas être par la suite. Et également on dit [281a5] non engendré au sens propre ce qui est impossible, à savoir ce qui ne peut être et ne pas être, et qui ne peut être créé de n’importe quelle manière de telle sorte qu’il n’est pas avant et qu’il est après, comme le fait que la diagonale d’un carré soit proportionnelle, c’est-à-dire commensurable avec le côté du carré, est non engendré, puisqu’il ne peut en aucune manière commencer à être.

[71058] In De caelo, lib. 1 l. 25 n. 3 Deinde cum dicit: si itaque aliquid potest etc., ostendit quomodo aliquid dicatur possibile et impossibile. Et est notandum quod, sicut dicit philosophus in V Metaphys., possibile et impossibile uno modo dicitur absolute, quia scilicet secundum se est tale quod possit esse verum vel non possit esse verum, propter habitudinem terminorum ad invicem; alio modo dicitur possibile et impossibile alicui, quod scilicet potest vel secundum potentiam activam vel passivam. Et sic accipitur hic possibile et impossibile, scilicet quod aliquod agens aut patiens potest aut non potest: haec enim significatio maxime congruit rebus naturalibus. Primo ergo ostendit quomodo dicatur aliquid esse possibile vel impossibile; secundo excludit obiectionem, ibi: nihil autem nos turbet et cetera. Circa primum duo facit: primo manifestat quomodo dicatur aliquid esse possibile; secundo ostendit quomodo dicatur aliquid esse impossibile, ibi: et utique si quid et cetera.

[71058] Sur le De caelo, I, 25, 3. Ensuite, quand il dit : Ğ c’est pourquoi si quelque chose peut ğ, etc., il montre de quelle manière une chose est dite possible et impossible. Et il faut noter que, comme le philosophe dit dans le livre V de la Métaphysique, que Ğ possible ğ et Ğ impossible ğ sont utilisés de façon absolue dans un sens, puisque tel est, selon lui, ce qui peut être vrai ou ne pas être vrai, en raison de la relation des termes entre eux ; dans un autre sens Ğ possible ğ et Ğ impossible ğ sont dits pour une chose qui peut soit selon la puissance active, soit selon la puissance passive. Et ainsi possible et impossible sont entendus ici comme ce qu’une chose qui agit ou qui subit peut ou ne peut pas : en effet, cette signification s’accorde très bien aux choses naturelles. Donc il montre premièrement de quelle manière une chose est dite possible ou impossible ; il exclut deuxièmement une objection, ici : Ğ or rien ne nous troublerait ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : il montre premièrement de quelle manière une chose est dite possible ; il montre deuxièmement de quelle manière une chose est dite impossible, ici : Ğ et en tout cas si quelque chose ğ, etc.

[71059] In De caelo, lib. 1 l. 25 n. 4 Ad primi autem manifestationem dicit quod, si contingat aliquam rem posse in aliquid magnum, puta quod aliquis homo ambulet per centum stadia, aut possit levare aliquod magnum pondus, semper determinamus sive denominamus eius potentiam per respectum ad plurimum in quod potest; sicut dicimus potentiam huius hominis esse quod potest levare pondus centum talentorum, aut quod potest ire per spatium centum stadiorum, quamvis possit omnes partes infra istam quantitatem contentas, siquidem potest in id quod superabundat. Nec tamen denominatur ab illis partibus, puta quod determinetur eius potentia quia potest ferre quinquaginta talenta, aut ire quinquaginta stadia; sed per id quod est maximum: ita scilicet ut potentia uniuscuiusque denominetur per respectum ad finem, idest per ultimum et per maximum ad quod potest, et per virtutem suae excellentiae; sicut etiam et magnitudo cuiuslibet rei determinatur per id quod est maximum, sicut quantitatem tricubiti notificantes, non dicimus quod sit bicubitum. Et similiter rationem hominis assignamus per rationale, et non per sensibile: quia semper id quod est ultimum et maximum, est completivum et dans speciem rei. Sic igitur patet quod ille qui potest in ea quae excellunt, necesse est quod possit etiam in ea quae sunt infra; puta si aliquis potest portare centum talenta, poterit etiam portare duo, et si potest ire per centum stadia, potest ire per duo: sed tamen virtus rei non attribuitur nisi excellentiae, idest, secundum id attenditur virtus rei, quod est excellentissimum omnium eorum in quae potest. Et hoc est quod dicitur in alia translatione, virtus est ultimum potentiae, quia scilicet virtus rei determinatur secundum ultimum in quod potest. Et hoc etiam habet locum in virtutibus animae: dicitur enim virtus humana, per quam homo potest in id quod est excellentissimum in operibus humanis, scilicet in opere quod est secundum rationem.

[71059] Sur le De caelo, I, 25, 4. Pour prouver le premier point il dit que, s’il arrive qu’une chose puisse faire quelque chose de grand, par exemple qu’un homme se promène sur cent stades, ou puisse soulever un poids lourd, nous déterminons toujours ou nous dénommons sa puissance au regard de la plus grande chose dont il soit capable, de même que nous disons que la puissance de cet homme est de pouvoir soulever un poids de cent talents ou de pouvoir aller sur une distance de cent stades, [281a10] bien qu’il puisse faire toutes les parties contenues au-dessous de cette quantité, puisqu’il peut accomplir ce qui les surpasse. Et il n’est cependant pas dénommé d’après ces parties, par exemple si sa puissance est déterminée par le fait qu’il peut porter cinquante talents ou aller sur cinquante stades, mais d’après ce qui est le plus grand : de même que la puissance de chacun est nommée en considération de la fin, c’est-à-dire de ce qu’il peut faire en dernier et de plus grand, et par la capacité de son excellence, tout comme, aussi, la grandeur de n’importe quelle chose est déterminée par ce qui est le plus grand, ainsi que, en connaissant la quantité de trois coudées, nous ne disons pas qu’elle est de deux coudées. Et également nous imputons la raison de l’homme au raisonnable et non au sensible, puisque, toujours, ce qui est le dernier et le plus grand est complet et donne l’espèce de la chose. Ainsi donc il apparaît que celui qui peut faire ce qui est supérieur peut aussi nécessairement faire ce qui est inférieur ; par exemple si l’on peut porter cent talents, on pourra aussi en porter deux, et si on peut aller sur cent stades, on peut aller sur deux ; mais cependant la vertu d’une chose n’est attribuée qu’à la supériorité, c’est-à-dire que la vertu d’une chose est considérée d’après ce qui surpasse tout ce qu’elle peut faire. Et c’est ce qui est dit dans l’autre traduction, la vertu est la dernière chose de la puissance, puisque la vertu d’une chose est déterminée d’après la dernière chose qu’elle peut faire. Et cela a aussi une application dans les vertus de l’âme : car on appelle humaine la vertu, par laquelle l’homme peut faire ce qui est au plus haut degré dans les actes humains, c’est-à-dire dans l’acte qui est suivant la raison.

[71060] In De caelo, lib. 1 l. 25 n. 5 Deinde cum dicit: et utique si quid etc., ostendit quomodo dicatur aliquid alicui esse impossibile. Et dicit quod, si aliquod tantum est impossibile alicui, si aliquis accipiat ea quae excellunt, manifestum est quod impossibile erit ei portare vel facere plura; sicut ille qui non potest ire per mille stadia, manifestum est quod non potest ire per mille et unum. Unde patet quod, sicut determinatur id quod est possibile alicui per maximum in quod potest, in quo attenditur virtus eius; ita id quod est impossibile alicui determinatur per minimum eorum in quae non potest, in quo consistit eius debilitas. Puta si maximum in quod potest aliquis, est ire viginti stadia, minimum eorum in quae non potest, est viginti et unum; et ab hoc oportet determinare eius debilitatem, non autem ex eo quod non potest ire per centum vel per mille.

[71060] Sur le De caelo, I, 25, 5. Ensuite quand il dit : Ğ et en tout cas si quelque chose ğ, etc., il montre de quelle manière une chose est impossible à quelqu’un. [281a15] Et il dit que, si une chose est seulement impossible à quelqu’un, si quelqu’un accepte ce qui est au plus haut degré, il est manifeste qu’il lui sera impossible de porter ou de faire davantage, comme celui qui ne peut pas aller sur mille stades ne peut manifestement pas aller sur mille un. De là il apparaît que, de même que ce qui est possible à quelqu’un est déterminé par le plus haut degré dont il est capable, où sa vertu est considérée, de même ce qui est impossible à quelqu’un est déterminé par le minimum de ce dont il n’est pas capable, en quoi consiste sa faiblesse. Par exemple si le maximum dont quelqu’un est capable est d’aller sur vingt stades, le minimum de ce dont il n’est pas capable est vingt et un ; et c’est par cela qu’il faut déterminer sa faiblesse, non d’après le fait qu’il ne peut pas aller sur cent ou sur mille.

[71061] In De caelo, lib. 1 l. 25 n. 6 Deinde cum dicit: nihil autem nos turbet etc., excludit quandam obiectionem. Et primo movet eam; secundo solvit, ibi: sed nihil differt et cetera. Dicit ergo primo quod nihil debet nos turbare, quin id quod proprie dicitur possibile, sit determinandum secundum terminum excellentiae. Potest enim aliquis instare, quasi non sit necessarium in omnibus id quod dictum est: videtur enim habere instantiam in visu et in aliis sensibus. Ille enim qui videt aliquam magnam quantitatem, puta unius stadii, non potest propter hoc videre magnitudines minoris quantitatis, quae infra illam quantitatem continentur: sed magis accidit contrarium, quia ille qui potest videre punctum, idest aliquod minimum sensu perceptibile, aut etiam qui potest audire parvum sonum, potest et maiora sentire.

[71061] Sur le De caelo, I, 25, 6. Ensuite quand il dit : Ğ rien ne nous troublerait ğ, etc., il exclut une objection. Et premièrement il l’écarte ; deuxièmement il la résout, ici : Ğ mais rien ne diffère ğ, etc. Il dit donc premièrement que, le fait que ce qui est dit possible à proprement parler doit être déterminé selon la limite de la supériorité ne doit en rien nous troubler. En effet on peut [281a20] objecter que ce qui a été dit n’est pas nécessaire à tout : en effet, cela semble contenir une objection concernant la vue et les autres sens. En effet celui qui voit une grande quantité, par exemple d’un stade, ne peut pas voir pour cette raison les grandeurs d’une plus petite quantité, qui sont contenues en deçà de cette quantité : mais le contraire arrive plus souvent, puisque celui qui peut voir un point, c’est-à-dire la plus petite chose perceptible par le sens, ou celui qui peut aussi entendre un faible son, peut également percevoir de plus grandes choses.

[71062] In De caelo, lib. 1 l. 25 n. 7 Deinde cum dicit: sed nihil differt etc., solvit praedictam obiectionem. Et dicit quod hoc quod dictum est, nihil differt ad rationem qua determinabatur quod possibile determinatur secundum excellentiam: quia huiusmodi excellentia, secundum quam attenditur virtus rei, potest determinari vel secundum virtutem vel secundum rem. Secundum rem quidem, quando in ipsa re est excellentia, sicut dictum est de centum stadiis vel centum talentis: et secundum hanc excellentiam oportet determinari virtutem activam; quia quod potest agere in rem maiorem, potest etiam in rem minorem. Secundum virtutem autem attenditur excellentia, quando aliquid quod non excellit in quantitate, requirit excellentiam virtutis: et hoc maxime videtur accidere circa potentias passivas; quanto enim aliquid est passibilius, tanto a minori potest moveri. Et quia sensus sunt potentiae passivae, ideo in sensibilibus accidit ut qui potest sentire minus, potest sentire maius. Illud autem quod dictum est, hoc modo manifestat: quia visus qui est sensitivus minoris corporis, excedit in virtute, et sic attenditur hic excellentia in virtute, non in re; sed velocitas est excellentior quae est maioris magnitudinis (illud enim est velocius, quod in eodem tempore per maius spatium movetur), et talis excellentia non solum est in virtute, sed etiam in re.

[71062] Sur le De caelo, I, 25, 7. Ensuite quand il dit : Ğ mais rien ne diffère ğ, etc., il résout l’objection déjà mentionnée. Et il dit que ce qui a été dit ne diffère en rien du raisonnement qui avait permis de déterminer ce qui est déterminé possible selon le plus haut degré, puisque le plus haut degré de ce genre, selon lequel la vertu d’une chose est déterminée, peut être déterminé soit selon la vertu, [281a25] soit selon la chose. Selon la chose, quand la supériorité se trouve dans la chose elle-même, comme on l’a dit à propos des cent stades ou des cent talents : et c’est selon ce plus haut degré que doit être déterminée la vertu active, étant donné que ce qui peut agir sur une chose plus grande peut aussi agir sur une chose plus petite. Le plus haut degré est considéré selon la vertu, quand une chose qui n’est pas supérieure en quantité requiert le plus haut degré de la vertu : et cela semble surtout arriver au sujet des puissances passives ; car plus une chose est susceptible de subir, plus elle peut être déplacée par une chose plus petite. Et puisque les sens sont des puissances passives, pour cette raison il arrive dans les choses sensibles que celui qui peut sentir le moins peut sentir le plus. Or il montre de cette manière ce qui a été dit : puisque c’est la vue qui perçoit le plus petit corps qui dépasse en puissance et ainsi sa supériorité est considérée ici en puissance et en l’objet ; mais la rapidité qui est dans le cas d’une plus grande distance est à un plus haut degré (car est plus rapide ce qui est déplacé dans le même temps sur une plus grande distance), et une telle supériorité est non seulement en puissance, mais aussi en l’objet.

 

 

Lectio 26

Leçon 26 – [L’opinion d’Aristote : toute chose éternelle est non engendrée et incorruptible]

[71063] In De caelo, lib. 1 l. 26 n. 1 Postquam philosophus exposuit significationem nominum quae in quaestione proponuntur, hic incipit argumentari ad quaestionem propositam, utrum scilicet aliquid possit esse genitum et incorruptibile, vel ingenitum et corruptibile. Et primo ostendit hoc esse impossibile per rationes communes; secundo per rationem propriam scientiae naturalis, ibi: et naturaliter et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit quid sequitur ex praemissis circa propositum; secundo incipit argumentari ad propositum ostendendum, ibi: principium autem sit hinc et cetera.

[71063] Sur le De caelo, I, 26, 1. Après que le philosophe a exposé la signification des noms qui sont proposés dans la question, il commence ici à argumenter pour la question proposée, à savoir si une chose peut être engendrée et incorruptible, ou bien non engendrée et corruptible. Et il montre premièrement que c’est impossible par des raisons communes ; deuxièmement par une raison propre à la science naturelle, ici : Ğ et naturellement ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : il montre premièrement ce qui est la conséquence des prémisses à propos de la proposition ; deuxièmement il commence à argumenter pour démontrer la proposition, ici : Ğ que le commencement soit à partir de là ğ, etc.

[71064] In De caelo, lib. 1 l. 26 n. 2 Dicit ergo primo quod, determinatis praemissis circa significationem nominum, oportet nunc dicere illud quod consequenter se habet in hac consideratione. Dictum est enim supra quod possibile dicitur secundum aliquod determinatum, puta potens currere dicitur aliquis secundum centum stadia. Sunt autem in rebus quaedam quae possunt esse et non esse. Necesse est ergo ex praemissis quod sit determinatum aliquod plurimum tempus et respectu ipsius esse, ita scilicet quod non possit ampliori tempore esse, et respectu ipsius non esse, ita scilicet quod non possit ampliori tempore non esse. Et ne hoc intelligatur solum de esse substantiali, subiungit quod, cum dicimus possibile vel non possibile rem esse, vel id quod est possibile non esse, potest intelligi secundum quamcumque praedicationem, idest secundum quodcumque praedicamentum: puta hominem esse vel non esse, quod pertinet ad genus substantiae; aut album esse aut non esse, quod pertinet ad genus qualitatis; aut bicubitum esse vel non esse, quod pertinet ad genus quantitatis; aut de quocumque alio consimili. Et quod oporteat intelligi secundum aliquod determinatum tempus, cum dicitur aliquid posse esse vel non esse, probat ducendo ad impossibile. Quia, sicut ipse dicit, si non est aliquod tempus determinatae quantitatis, in quo possit esse vel non esse, sed semper accipiatur maius tempore proposito (puta si potest esse in quinquaginta annis, et adhuc plus, et iterum plus), et non sit devenire ad aliquod tempus respectu cuius omne tempus in quo potest esse sit minus; cum idem possit esse et non esse, ut dictum est, sequitur quod idem possit esse in tempore infinito, et non esse in tempore infinito; quia eadem ratio est circa hoc quod est non esse, et circa hoc quod est esse. Non tamen ita quod illud tempus respectu cuius aliquid potest non esse, quod concluditur esse infinitum, sit idem cum illo tempore infinito respectu cuius aliquid dicitur posse esse; quia sic posset esse et non esse in eodem tempore, quod est impossibile, ut infra dicetur: sed quod aliud tempus infinitum sit eius quod est non esse, et aliud eius quod est esse. Quod est impossibile: non enim possunt esse duo tempora infinita, quia sic essent duo tempora simul. Hoc autem impossibile sequitur ex hoc quod dicitur quod possibile esse vel possibile non esse non intelligitur respectu determinati temporis: hoc ergo oportet primo esse manifestum, quod possibile esse dicitur respectu determinati temporis, et similiter possibile non esse: quod etiam consonat his quae sunt praemissa de significatione possibilis.

[71064] Sur le De caelo, I, 26, 2. Il dit donc premièrement que, les prémisses ayant été déterminées au sujet de la signification des noms, il faut maintenant dire ce qui suit dans cette considération. Car on a dit ci-dessus que le possible est dit selon quelque chose de déterminé, par exemple que quelqu’un est dit capable de courir cent stades. Or il y a parmi les choses certaines qui peuvent être et ne pas être. Il est donc nécessaire d’après les prémisses que le temps le plus long soit déterminé aussi au regard de l’être lui-même, [281a30] tout comme il ne peut être d’un temps plus étendu, et au regard de non être lui-même, et c’est ainsi qu’il n’est pas possible qu’il ne soit pas d’un temps plus long. Et afin que ce ne soit pas compris seulement sur l’être substantiel, il ajoute que, lorsque nous disons possible ou impossible qu’une chose soit, ou bien ait la possibilité de ne pas être, cela peut être entendu selon n’importe quelle prédication, c’est-à-dire selon n’importe quel prédicat : par exemple qu’un homme soit ou ne soit pas, ce qui concerne le genre de la substance, ou qu’il soit ou ne soit pas blanc, ce qui concerne le genre de la qualité, ou qu’il soit ou ne soit pas de deux coudées, ce qui concerne le genre de la quantité, ou de même pour n’importe quelle autre chose très semblable. Et il prouve par réduction à l’impossible qu’il faut comprendre selon un temps déterminé, quand on dit qu’une chose peut être ou ne pas être. Puisque, comme il le dit lui-même, s’il n’y a pas un temps d’une durée déterminée, où il puisse être ou ne pas être, mais s’il était toujours considéré comme plus long que le temps proposé (par exemple s’il peut être de cinquante ans, et plus, et encore plus), et s’il ne pouvait pas en venir à un temps plus court ; comme la même chose peut être et ne pas être, comme on l’a dit, [281b1] il s’ensuit que la même chose peut être dans un temps infini, et ne pas être dans un temps infini, puisque la même raison concerne ce qui peut ne pas être et ce qui peut être. Et ce n’est pourtant pas ainsi que ce temps au regard duquel une chose peut ne pas être, et dont on conclut qu’il est infini, est le même que le temps infini au regard duquel on dit qu’une chose peut être, puisque ainsi il pourrait être et ne pas être au même moment, ce qui est impossible, comme on le dira ci-dessous, mais il est impossible qu’un temps infini soit pour ce qui peut ne pas être et qu’un autre temps infini soit pour ce qui peut être. C’est impossible : car il ne peut y avoir deux temps infinis puisqu’il y aurait ainsi deux temps en même temps. Cette impossibilité est la conséquence de ce que l’on dit que le fait d’être possible ou de ne pas être possible n’est pas considéré par rapport à un temps déterminé : donc il faut premièrement qu’il soit évident qu’être possible et également ne pas être possible se disent par rapport à un temps déterminé : cela est aussi en harmonie avec ce qui a déjà été dit sur la signification de Ğ possible ğ.

[71065] In De caelo, lib. 1 l. 26 n. 3 Deinde cum dicit: principium autem sit hinc etc., incipit argumentari ad propositum. Et circa hoc duo facit: primo argumentatur ad propositum per communes rationes; secundo per propriam rationem scientiae naturalis, ibi: et naturaliter et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit veritatem, scilicet quod incorruptibile et ingenitum se consequuntur, et similiter corruptibile et genitum; secundo improbat positionem contrariam, ibi: dicere itaque nihil et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit propositum, ostendendo quomodo se habeat sempiternum ad ingenitum et incorruptibile, et ad genitum et corruptibile; secundo quomodo ista se habeant ad invicem, ibi: palam autem et ex determinatione et cetera. Circa primum tria facit: primo ostendit quod omne sempiternum est incorruptibile et ingenitum; secundo ostendit quod nullum sempiternum est genitum vel corruptibile, neque e converso, ibi: quoniam autem negatio etc.; tertio concludit quod omne ingenitum et incorruptibile est sempiternum, ibi: igitur si et ingenitum et cetera. Circa primum duo facit: primo praemittit quaedam necessaria; secundo argumentatur ad propositum, ibi: si itaque aliquid et cetera.

[71065] Sur le De caelo, I, 26, 3. Ensuite quand il dit : Ğ commençons à partir de là ğ, etc., il commence à argumenter en vue de la proposition. Et concernant cela il fait deux choses : il argumente premièrement pour la proposition par des raisons communes ; deuxièmement par une raison propre à la science naturelle, ici : Ğ et naturellement ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : il montre premièrement la vérité, à savoir que l’incorruptible et le non engendré se suivent et également le corruptible et l’engendré ; deuxièmement il condamne la position contraire, ici : Ğ c’est pourquoi ne rien dire ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : il montre premièrement la proposition, en montrant comment est l’éternité par rapport au non engendré et à l’incorruptible, ainsi qu’à l’engendré et au corruptible ; deuxièmement comment ils sont réciproquement, ici : Ğ ouvertement et à partir de la détermination ğ, etc. Concernant le premier point il fait trois choses : il montre premièrement que toute chose éternelle est incorruptible et non engendrée ; il montre deuxièmement qu’aucune chose éternelle n’est engendrée ou corruptible, ni l’inverse, ici : Ğ puisque la négation ğ, etc. ; il conclut troisièmement que toute chose non engendrée et incorruptible est éternelle, ici : Ğ donc si une chose non engendrée aussi ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : il avance premièrement certains éléments nécessaires ; il argumente deuxièmement pour la proposition, ici : Ğ c’est pourquoi si quelque chose ğ, etc.

[71066] In De caelo, lib. 1 l. 26 n. 4 Dicit ergo primo quod oportet hinc sumere principium ad propositum ostendendum, quod impossibile et falsum non significant idem. Circa quod quatuor ponit. Quorum primum est quod tam impossibile quam possibile, tam verum quam falsum, dicuntur dupliciter. Uno modo ex suppositione, quod scilicet necesse est esse verum vel falsum, possibile vel impossibile, suppositis quibusdam: sicut triangulum secundum rei veritatem necesse est habere tres angulos aequales duobus rectis, sed tamen hoc est impossibile suppositis quibusdam, puta si supponamus quod triangulus sit quadratum, ad quod sequitur triangulum habere quatuor rectos. Similiter etiam diametrum quadrati sequetur esse commensurabilem lateri, si quaedam supposita sint vera, puta si ponamus quod quadratum diametri sit quadruplum quadrati lateris: sic enim sequetur quod proportio diametri ad latus sit sicut proportio numeralis, quae est ratio commensurabilis. Alio modo dicuntur aliqua simpliciter, scilicet absolute et secundum se possibilia et impossibilia, falsa et vera. Secundum ponit ibi: non autem idem et cetera. Et dicit quod non est idem aliquid esse falsum simpliciter, idest absolute, et esse impossibile absolute. Si enim dicam te stare, qui non stas sed sedes, falsum erit quod dicitur, non autem impossibile; et similiter falsum erit et non impossibile, si quis dicat cantare eum qui citharizat sed non cantat; sed quod aliquis simul stet et sedeat, vel quod diameter sit commensurabilis lateri, non solum est falsum, sed et impossibile. Tertium ponit ibi: non itaque etc.: quod concluditur ex praemissis. Cum enim non idem sit falsum et impossibile, sequitur quod non sit idem supponere falsum et impossibile: nam ex falso non sequitur impossibile, sed ex impossibili sequitur impossibile. Quartum ponit ibi: hoc quidem igitur et cetera. Et quia dictum est quod simul stare et sedere est impossibile, concludit quod, licet aliquid simul habeat virtutem ad opposita (puta ad sedere et stare), tali ratione, quia quandoque una potentia reducitur in actum, quandoque altera; nihil tamen hanc habet potentiam ut simul habeat opposita (puta ut simul sedeat et stet), sed oportet hoc in alio et alio tempore esse.

[71066] Sur le De caelo, I, 26, 4. Donc il dit premièrement qu’il faut en tirer le principe pour montrer la proposition, à savoir que l’impossible et le faux n’ont pas la même signification. Concernant cela il pose quatre prémisses. La première d’entre elles est qu’aussi bien l’impossible que le possible, aussi bien que le vrai que le faux, sont utilisés sous un double sens. Selon un sens [281b5] à partir d’une supposition, à savoir qu’il est nécessaire qu’il y ait du vrai ou du faux, du possible ou de l’impossible, certaines prémisses ayant été supposées, comme il est nécessaire qu’un triangle ait trois angles égaux à deux angles droits selon la vérité, mais que pourtant c’est impossible, une fois que l’on a supposé certaines prémisses, par exemple si nous supposions qu’un triangle est un carré, ce qui a pour conséquence qu’un triangle a quatre angles droits. Il s’ensuivra également aussi que la diagonale d’un carré sera commensurable avec un côté, si certaines suppositions sont vraies, par exemple si nous établissions que le carré de la diagonale est le quadruple du carré du côté : ainsi, en effet, il s’ensuivra que la proportion de la diagonale au côté est comme la proportion du nombre, qui est un rapport commensurable. Selon un autre sens des choses sont dites simplement, c’est-à-dire absolument et en elles-mêmes, possibles et impossibles, vraies et fausses. Il établit une deuxième prémisse ici : Ğ non pas la même chose ğ, etc. Et il dit que le fait qu’une chose soit fausse simplement, c’est-à-dire absolument, et qu’elle soit impossible ne sont pas la même chose. En effet, si je disais que tu es debout, toi qui n’es pas debout mais assis, [281b10] ce sera faux, mais non impossible ; et également ce sera faux et non impossible si on disait que le cithariste chante, alors qu’il ne chante pas ; mais le fait que quelqu’un soit debout et assis en même temps, ou bien qu’une diagonale soit commensurable avec un côté n’est pas seulement faux, mais aussi impossible. Il établit une troisième idée ici : Ğ c’est pourquoi non ğ, etc., qui est conclue à partir des prémisses. En effet comme le faux et l’impossible ne sont pas la même chose, il s’ensuit que supposer le faux et l’impossible n’est pas la même chose : car l’impossible n’est pas la conséquence du faux, [281b15] mais l’impossible est impliqué par l’impossible. Il établit une quatrième idée ici : Ğ donc ceci ğ, etc. Et puisqu’il a été dit qu’être en même temps debout et assis est impossible, il conclut que, bien qu’une chose soit simultanément capable de faire les contraires (par exemple d’être assis et debout), par un tel raisonnement, puisqu’une puissance est un jour réduite en acte, et une autre un autre jour, rien n’a pourtant la puissance d’avoir en même temps les contraires (par exemple d’être assis et debout), mais il faut qu’ils aient lieu à différents moments. [281b20]

[71067] In De caelo, lib. 1 l. 26 n. 5 Deinde cum dicit: si itaque aliquid etc., ostendit propositum, scilicet quod omne sempiternum sit incorruptibile et ingenitum. Et primo ostendit quod omne sempiternum sit incorruptibile; secundo quod omne sempiternum sit ingenitum, ibi: similiter autem et ingenitum et cetera. Dicit ergo primo, concludens ex praemissis, in quibus dictum est possibile determinari ad aliquod tempus, quod si aliquid habet virtutem ad plura tempore infinito, non potest dici quod possit aliquid eorum respectu unius temporis, et aliud respectu alterius temporis; sed quidquid potest, potest respectu huius temporis, quia non est aliquod tempus extra tempus infinitum. Si ergo ponamus quod aliquid existens in infinito tempore sit corruptibile, sequitur ex hoc quod est corruptibile, quod habeat virtutem ad hoc quod quandoque non sit; quod quidem oportet intelligi respectu eiusdem temporis infiniti in quo est, vel respectu alicuius partis eius. Quia ergo est in infinito tempore, et tamen ponitur potens non esse, eo quod est corruptibile, sit existens quod potest non esse, idest ponatur non esse ex quo dicis quod potest non esse. Et quia poterat non esse respectu infiniti temporis vel alicuius partis eius, sequitur quod simul secundum actum sit et non sit: quia in infinito tempore ponebatur esse, et postea ponitur non esse respectu eiusdem temporis. Manifestum est igitur quod hoc falsum accidit ex falso posito, scilicet ex hoc quod tu ponebas istud existens in infinito tempore non esse quandoque. Sed si hoc falsum non esset impossibile, non sequeretur impossibile; sequitur autem impossibile, scilicet idem simul esse et non esse; ergo impossibile fuit illud non esse. Non ergo poterat non esse; et ita non erat corruptibile. Sic ergo patet quod omne quod est semper ens, non potest esse corruptibile; et ita simpliciter est incorruptibile.

[71067] Sur le De caelo, I, 26, 5. Ensuite quand il dit : Ğ c’est pourquoi si une chose ğ, etc., il montre la proposition, à savoir que toute chose éternelle est incorruptible et non engendrée. Et il montre premièrement que toute chose éternelle est incorruptible, deuxièmement que toute chose éternelle est non engendrée, ici : Ğ également non engendré aussi ğ, etc. Il dit donc premièrement, concluant à partir des prémisses, où il est dit que le possible est déterminé par rapport à un temps, que si une chose a la capacité de faire plusieurs choses dans un temps infini, on ne peut dire qu’elle puisse faire l’une d’entre elles au regard d’un seul temps et une autre au regard d’un autre temps ; mais tout ce qu’il peut faire, il le peut au regard de ce temps, puisqu’il n’y a pas d’autre temps en dehors du temps infini. Donc si nous établissions qu’une chose qui existe pendant un temps infini est corruptible, il s’ensuit qu’est corruptible ce qui a la capacité de ne pas être un jour ; et il faut le comprendre au regard du même temps infini où cela existe, ou bien au regard d’une de ses parties. Donc puisque cela existe pendant un temps infini, et qu’il est cependant établi que cela n’a pas la capacité d’être, étant donné que c’est corruptible, serait existant ce qui peut ne pas être, c’est-à-dire qu’on établirait que cela n’est pas à partir de ce que l’on dit que cela peut ne pas être. Et puisque cela pouvait ne pas être au regard d’un temps infini ou d’une partie de ce temps, il s’ensuit que cela serait et ne serait pas en même temps selon l’acte, puisqu’on établissait que cela était dans un temps infini et qu’on établit ensuite que cela n’est pas par rapport au même temps. Il est donc manifeste que cette erreur arrive suite à une erreur établie, à savoir suite à ce que l’on établissait que cette chose qui existe dans un temps infini n’est pas un jour. Mais si cette erreur n’était pas impossible, la conséquence ne serait pas impossible ; or il est impossible que la même chose soit et ne soit pas en même temps ; donc il était impossible que cela ne soit pas. Donc cela ne pouvait pas ne pas être ; et ainsi ce n’était pas corruptible. [281b25] Ainsi donc il apparaît que tout ce qui est toujours un étant ne peut être corruptible ; et ainsi c’est simplement incorruptible.

[71068] In De caelo, lib. 1 l. 26 n. 6 Sed videtur quod iste processus Aristotelis necessitatem non habeat. Quamvis enim nullius potentia sit ad hoc quod duo opposita sint in eodem tempore in actu, tamen nihil prohibet quod potentia alicuius sit ad duo opposita respectu eiusdem temporis sub disiunctione, aequaliter et eodem modo: sicut potentia mea est ad hoc quod cras in ortu solis vel sedeam vel stem; non tamen ut utrumque sit simul, sed aequaliter possum vel stare non sedendo, vel sedere non stando. Sic igitur posset aliquis obviare rationi Aristotelis. Ponamus enim aliquid semper ens, ita tamen quod istud esse suum sempiternum sit contingens et non necessarium. Poterit ergo non esse respectu cuiuscumque partis temporis infiniti, in quo ponitur semper esse: nec propter hoc sequetur quod aliquid sit simul ens et non ens. Eadem enim ratio videtur in toto infinito tempore, et in aliquo toto tempore finito. Etsi enim ponamus quod aliquis sit in domo semper per totam diem, tamen non est impossibile eum in domo non esse in quacumque parte diei: quia non ex necessitate est in domo per totam diem, sed contingenter. Sed dicendum est quod non est eadem ratio utrobique. Nam illud quod semper est, scilicet per infinitum tempus, habet potentiam ut sit in infinito tempore: potentia autem existendi non est ad utrumque respectu temporis in quo quis potest esse; omnia enim appetunt esse, et unumquodque tantum est quantum potest esse. Et hoc praecipue patet in his quae sunt a natura, quia natura est determinata ad unum. Et sic quidquid semper est, non contingenter semper est, sed ex necessitate.

[71068] Sur le De caelo, I, 26, 6. Mais il semble que ce développement d’Aristote n’ait pas de nécessité. En effet, quoique rien n’oblige que deux contraires soient en même temps en acte, cependant rien n’empêche que la puissance d’une chose s’exerce sur deux contraires en même temps avec une disjonction, également et de la même manière, de même que ma puissance s’exerce sur le fait que demain au lever du soleil soit je serais assis soit je serais debout, - non cependant de telle sorte que les deux choses soient simultanées,- mais je peux également soit être debout sans être assis, soit être assis sans être debout. Ainsi donc quelqu’un pourrait faire une objection au raisonnement d’Aristote. En effet nous établirions une chose qui soit toujours un étant, de telle façon que cet être éternel soit contingent et non nécessaire. Elle pourrait donc ne pas être au regard de n’importe quelle partie d’un temps infini, où on établit qu’elle est toujours ; et pour cette raison il ne s’ensuivrait pas qu’une chose soit et ne soit pas en même temps un étant. Car le raisonnement semble le même dans un temps infini tout entier et dans un temps fini tout entier. En effet, même si nous établissions que quelqu’un est toujours à la maison pendant toute la journée, cependant il n’est pas impossible qu’il ne soit pas à la maison à n’importe quelle partie de la journée, puisqu’il est à la maison non pas par nécessité, mais de façon contingente. Mais il faut dire que le raisonnement n’est pas le même des deux côtés. Car ce qui est toujours, c’est-à-dire par un temps infini, a le pouvoir d’être dans un temps infini ; or la puissance d’exister n’est pas vers les deux choses par rapport au temps où quelqu’un peut être ; en effet toutes les choses désirent être, et chacune est autant qu’elle le peut. Et cela apparaît principalement chez celles qui sont issues de la nature, puisque la nature est déterminée à une seule chose. Et ainsi tout ce qui est toujours n’est pas toujours de façon contingente, mais du fait de la nécessité.

[71069] In De caelo, lib. 1 l. 26 n. 7 Deinde cum dicit: similiter autem et ingenitum etc., ostendit idem ex parte geniti vel ingeniti: et dicit quod similiter illud quod est semper, scilicet in infinito tempore, necesse est esse ingenitum. Quia si esset genitum, esset possibile quod quodam tempore non esset, sicut de corruptibili dictum est: sicut enim corruptibile est quod, cum prius fuerit, nunc non est, vel contingit non esse quandoque in futurum, ita genitum est quod nunc est, sed prius non fuit. Non est autem dare aliquod tempus in quo id quod semper est, possibile sit non esse, neque in tempore finito neque in tempore infinito: quia quod potest esse tempore infinito, sicut id quod semper est, potest esse quolibet tempore finito, quod includitur a tempore infinito; et ita sequetur, secundum praedictam deductionem, quod aliquid simul sit et non sit, quod est impossibile. Non igitur contingit quod unum et idem possit semper esse et semper non esse: quia hoc esset semper esse et semper non esse tempore infinito. Similiter etiam non est possibilis negatio eius quod est semper esse, puta ut si dicamus quod id quod semper est, possit non semper esse: hoc enim esset posse non esse ad minus tempore finito. Sic igitur patet quod impossibile est aliquid semper esse, et quod sit corruptibile, vel etiam quod sit genitum. Quia si sint duo termini ita se habentes quod posterius non possit esse sine primo, sicut homo non potest esse sine animali; si illud, scilicet primum, est impossibile esse, sequitur quod posterius etiam sit impossibile esse; sicut si impossibile est lapidem esse animal, impossibile est lapidem esse hominem. Hoc autem quod est aliquando non esse, sequitur ad corruptibile et genitum sicut quoddam communius, ut ex dictis patet. Si ergo illud quod semper est, non contingit quandoque non esse, sequitur etiam quod impossibile sit id quod semper est, esse genitum; et similiter impossibile est illud esse corruptibile. Et sic patet quod omne quod est sempiternum, est ingenitum et incorruptibile.

[71069] Sur le De caelo, I, 26, 7. Ensuite quand il dit : Ğ également aussi le non engendré ğ, etc., il montre la même chose à partir de l’engendré et du non engendré : et il dit qu’également ce qui est toujours, c’est-à-dire pendant un temps infini, est nécessairement non engendré. Puisque, si cela était engendré, il serait possible que cela ne soit pas à un certain moment, comme on l’a dit au sujet du corruptible : car de même que le corruptible est ce qui, alors qu’il a été auparavant, n’est pas maintenant, ou bien à qui il arrive de ne pas être un jour dans le futur, de même est engendré ce qui est maintenant, mais qui n’était pas auparavant. Or il n’est pas possible de donner un temps [281b30] où ce qui est toujours a la possibilité de ne pas être, ni dans un temps fini, ni dans un temps infini, puisque ce qui peut être dans un temps infini, tout comme ce qui est toujours, peut être à n’importe quel moment fini, ce qui est inclus par le temps infini ; et ainsi il s’ensuivra selon la déduction déjà faite qu’une chose soit et ne soit pas, ce qui est impossible. Donc il n’arrive pas qu’une seule et même chose puisse toujours être et toujours ne pas être, puisque ce serait toujours être et toujours ne pas être dans un temps infini. Également la négation de la proposition Ğ toujours être ğ n’est pas possible, par exemple si nous disions que ce qui est toujours peut ne pas toujours être : car ce serait pouvoir ne pas être dans un temps infini au moins. Ainsi donc il apparaît qu’il est impossible qu’une chose soit toujours et qu’elle soit corruptible, [281a1] ou même qu’elle soit engendrée. Car s’il y avait deux termes dans une relation telle qu’il ne puisse y avoir de postérieur sans antérieur, de même qu’il ne peut y avoir d’homme sans animal ; si cela, c’est-à-dire le premier, est impossible, il s’ensuit qu’il est aussi impossible que le postérieur soit, de même que s’il est impossible qu’une pierre soit un être vivant, il est impossible qu’une pierre soit un homme. Or ce qui peut parfois ne pas être suit le corruptible et l’engendré en tant qu’élément commun, comme cela apparaît d’après ce qui a été dit. Donc si ce qui est toujours il n’est pas susceptible de ne pas être un jour, il s’ensuit aussi qu’il est impossible que ce qui est toujours soit engendré ; et il est également impossible que ce soit corruptible. Et ainsi il apparaît que tout ce qui est éternel est non engendré et incorruptible.

 

 

Lectio 27

Leçon 27 – [Comparaison de l’éternel et du corruptible]

[71070] In De caelo, lib. 1 l. 27 n. 1 Postquam philosophus ostendit quod omne sempiternum est ingenitum et incorruptibile, hic comparat sempiternum ad corruptibile et genitum, ostendens quod simul esse non possunt. Et primo praemittit quaedam ex quibus procedit ratio; secundo ex illis argumentatur ad propositum, ibi: neque itaque semper existens et cetera. Circa primum tria proponit. Primo quidem declarat oppositionem eius quod est semper esse et semper non esse: et quamvis adiungat hoc, quod est possibile, non tamen tradit oppositionem quae attenditur secundum possibile et non possibile, sed secundum semper esse et non semper esse. Dicit ergo primo quod huius affirmativae quae est possibile semper esse, negatio contradictorie ei opposita est possibile non semper esse: non quidem ex parte ipsius possibilis, respectu cuius haec est affirmativa possibile non semper esse; sed quantum ad ipsum quod est non semper esse. Sed hoc quod est possibile semper non esse, opponitur contrarie secundum eundem modum ei quod est possibile semper esse. Negativa autem huius est possibile non semper non esse. Et huius ratio est quia hoc adverbium semper designat universalitatem temporis, sicut hoc signum omnis designat universalitatem suppositorum. Unde sicut huic enuntiationi omnis homo est, contradictoria est non omnis homo est, aequipollens ei quae est aliquis homo non est; contraria vero huic omnis homo est, dicitur omnis homo non est, aequipollens huic nullus homo est; huius autem contradictoria est non omnis homo non est, aequipollens huic aliquis homo est: ita huic quod dico semper esse, contradictorie opponitur non semper esse, quod aequipollet ei quod est aliquando non esse; sed ei quod est semper esse, contrarie opponitur semper non esse, quod aequipollet huic quod est nunquam esse; huic vero contradictorie opponitur non semper non esse, quod aequipollet ei quod est aliquando esse.

[71070] Sur le De caelo, I, 27, 1. Après que le philosophe a montré que toute chose éternelle est non engendrée et incorruptible, il compare ici l’éternel au corruptible et à l’engendré, montrant qu’ils ne peuvent être en même temps. Et premièrement il avance certaines pensées dont son raisonnement procède ; deuxièmement il argumente à partir d’eux en vue de la proposition, ici : Ğ c’est pourquoi ce qui n’existe pas toujours ğ, etc. En ce qui concerne le premier point il propose trois choses. Premièrement il déclare l’opposition des propositions Ğ toujours être ğ et Ğ non toujours être ğ : et bien qu’il ajoute ceci, Ğ qui peut ğ, il ne rapporte cependant pas l’opposition qui est attendue selon le possible et le non possible, mais selon le fait de toujours être et de ne pas toujours être. Il dit donc premièrement que la négation [282a5] de cette affirmative Ğ qui peut toujours être ğ, opposée à elle de façon contradictoire est qui peut non toujours être : non pas certes à partir du possible lui-même, au regard de ce dont l’affirmative est Ğ qui peut non toujours être ğ, mais quant à ce qui est non toujours être. Mais ce qui peut non toujours être s’oppose de façon contraire selon le même mode à ce qui peut toujours être. Or la négative de ceci est qui peut non toujours non être. Et la raison en est que cet adverbe Ğ toujours ğ désigne la totalité du temps, de même que le mot Ğ tout ğ désigne la totalité des suppositions. De là de même qu’à cet énoncé Ğ tout homme est ğ, l’énoncé contradictoire est Ğ non tout homme est ğ, équivalent d’Ğ un homme n’est pas ğ ; or le contraire de Ğ tout homme est ğ se dit Ğ tout homme n’est pas ğ, équivalent d’Ğ aucun homme n’est ğ ; la proposition contradictoire est Ğ non tout homme n’est pas ğ, équivalent d’ Ğ un homme est ğ : ainsi à Ğ toujours être ğ, s’oppose de façon contradictoire Ğ non toujours être ğ, ce qui est l’équivalent de Ğ non être un jour ğ, mais à Ğ toujours être ğ s’oppose Ğ toujours non être ğ, ce qui est l’équivalent de Ğ ne jamais être ğ ; à cela s’oppose de façon contradictoire Ğ non toujours non être ğ, ce qui est l’équivalent d’être parfois.

[71071] In De caelo, lib. 1 l. 27 n. 2 Secundo cum dicit: necesse negationes etc., concludit ex praedicto modo oppositionis quod oportet eidem subiecto inesse negationes ambarum, scilicet eius quod est semper esse et eius quod est semper non esse; quae scilicet negationes sunt non semper esse et non semper non esse. Quae quidem negationes eodem modo insunt eidem, ut illud sit medium inter semper ens et semper non ens quod quidem potest quandoque esse et quandoque non esse; sicut si dicamus quod inter omnem hominem esse et nullum hominem esse, medium est aliquem hominem esse et aliquem hominem non esse.

[71071] Sur le De caelo, I, 27, 2. Deuxièmement quand il dit : Ğ il est nécessaire que les négations ğ, etc., il conclut suivant la méthode d’opposition déjà mentionnée qu’il faut qu’appartiennent au même sujet les négation des deux propositions, c’est-à-dire Ğ toujours être ğ et Ğ toujours non être ğ ; et ces négations sont non toujours être et non toujours non être. Et ces négations se trouvent selon la même méthode dans le même sujet, de telle sorte que le moyen terme entre Ğ toujours étant ğ et Ğ toujours non étant ğ est ce qui peut être un jour et ne pas être un jour, comme si nous disions qu’entre Ğ tout homme est ğ et Ğ aucun homme n’est ğ, le moyen terme est Ğ un homme est ğ et Ğ un homme n’est pas ğ.

[71072] In De caelo, lib. 1 l. 27 n. 3 Tertio ibi: utriusque enim negatio etc., probat hanc conclusionem sequi ex praemissis. Et primo ratione propria, quae scilicet sumitur ex ratione terminorum in quaestione positorum, dicens: utriusque enim negatio, scilicet tam eius quae est semper esse quam eius quae est semper non esse, quandoque existet, idest ponit aliquid quandoque esse, si non semper sit, idest si per negationem non ponitur aliquid semper: verbi gratia, ista negatio non semper ens, non ponit sempiternitatem neque circa esse neque circa non esse, et ideo ponit quandoque esse et quandoque non esse; et simile est de hac negatione non semper non esse. Concludit ergo quod illud quod non semper est non ens, erit quandoque et quandoque non erit: quia sic negatur semper non esse, quod non ponitur semper esse. Et similiter ista negatio quae est non semper possibile esse, quia removet sempiternitatem circa esse ita quod non ponit sempiternitatem circa non esse, ponit ens quandoque; et quia non ponit esse semper, nihil prohibet illud non esse. Sic ergo idem erit possibile esse quandoque et non esse quandoque. Et hoc est medium inter duo contraria quae sunt semper esse et semper non esse.

[71072] Sur le De caelo, I, 27, 3. Troisièmement ici : Ğ en effet [282a10] la négation des deux propositions ğ, etc., il prouve que cette conclusion suit les prémisses. Et premièrement par un raisonnement approprié, qui est tiré du raisonnement des termes établis dans la question, disant : en effet la négation des deux propositions, c’est-à-dire aussi bien de Ğ toujours être ğ que de Ğ toujours ne pas être ğ, existerait un jour, c’est-à-dire qu’il établit qu’une chose sera un jour, si elle n’est pas toujours, c’est-à-dire si une chose n’était pas établie toujours par une négation : par exemple, la négation Ğ non toujours étant ğ n’établit pas l’éternité ni concernant l’être, ni concernant le non être, et c’est pourquoi il établit Ğ être un jour ğ et Ğ non être un jour ğ ; et il en est de même pour la négation Ğ non toujours non être ğ. Il conclut donc que ce qui n’est pas toujours un non étant sera un jour et ne sera pas un jour, puisque ainsi est nié Ğ toujours non être ğ, ce qui ne revient pas à Ğ toujours être ğ. Et également la négation qui est non toujours être possible, puisqu’elle écarte l’éternité concernant l’être tout comme elle n’établit pas l’éternité concernant le non être, établit ce qui est un jour ; et puisqu’elle n’établit pas Ğ être toujours ğ, rien n’empêche que cela ne soit pas. Ainsi donc il sera également possible d’être un jour et de ne pas être un jour. Et c’est le moyen entre les deux contraires qui sont Ğ toujours être ğ et Ğ toujours non être ğ.

[71073] In De caelo, lib. 1 l. 27 n. 4 Secundo ibi: ratio autem etc., probat idem ratione communi, quae scilicet in quibuslibet terminis locum habet. Sint enim duo termini a et b, ita se habentes quod nulli eidem possint inesse quia sunt contrarii, sicut semper ens et semper non ens. Accipiatur autem alius terminus, scilicet g, qui ita se habeat ad a quod omni subiecto insit vel a vel g: habent enim se sicut affirmatio et negatio, ut semper ens et non semper ens. Sit autem alius terminus, scilicet d, qui eodem modo se habeat ad b, sicut semper non ens et non semper non ens. Necesse est ergo quod omni ei quod neque est a neque b, idest quod neque est semper ens neque semper non ens, insint et g et d, quae sunt negationes amborum: quia a quo removetur semper esse et semper non esse, necesse est quod attribuatur ei non semper esse, idest quandoque non esse, et non semper non esse, idest quandoque esse. Et sic illud subiectum a quo removetur utraque affirmatio, et cui attribuitur utraque negatio, est quod est medium inter a et b: quia illud quod negat utrumque extremum, est medium inter duo contraria; sicut quod neque est album neque nigrum, est medium inter album et nigrum. Huic ergo medio necesse est quod ambae negationes insint, scilicet g et d. Quia sicut dictum est, oportet quod cuicumque insit g aut a; unde oportet quod alterum eorum insit ei quod est e; quia igitur ei quod est e impossibile est quod insit a, sequitur quod insit ei g. Et eadem ratione probatur quod insit ei d. Sic igitur et g et d praedicantur de e, a quo removetur et a et b: quia scilicet aliquid est quandoque ens, quandoque non ens, quod neque est semper ens neque semper non ens. Et hoc est quod probare intendit.

[71073] Sur le De caelo, I, 27, 4. Deuxièmement ici : Ğ or le raisonnement ğ, etc., il prouve la même chose par un raisonnement commun, qui s’applique à n’importe lequel des termes. Soient en effet deux termes a et [282a15] b, dans une situation où ils ne puissent se trouver dans aucune même chose puisqu’ils sont contraires, comme Ğ toujours étant ğ et Ğ toujours non étant ğ. Que l’on accepte un autre terme, c’est-à-dire g, qui soit par rapport à a tel que soit a, soit g se trouve dans tout sujet : car ils sont comme l’affirmation et la négation, tout comme Ğ toujours étant ğ et Ğ non toujours étant ğ. Soit un autre terme, c’est-à-dire d, qui soit dans le même rapport avec d que Ğ toujours non étant ğ et Ğ non toujours non étant ğ. Il est donc nécessaire que dans tout ce qui n’est ni a, ni b, c’est-à-dire qui n’est ni Ğ toujours étant ğ, ni Ğ toujours non étant ğ, se trouvent à la fois g et d, qui sont les négations des deux propositions, puisque à ce dont sont écartés Ğ toujours être ğ et Ğ toujours non être ğ il est nécessaire que soit attribué Ğ non toujours être ğ, c’est-à-dire non être un jour, et Ğ non toujours non être ğ, c’est-à-dire être un jour. Et ainsi le sujet dont les deux affirmations sont écartées, et à qui les deux négations sont attribuées est ce qui est le moyen terme entre a et b, puisque ce qui nie les deux extrémités est le moyen terme entre deux contraires, de même que ce qui n’est ni blanc, ni noir est le moyen terme entre le blanc et le noir. Donc il est nécessaire que les deux négations, à savoir g et d, se trouvent dans ce moyen terme. [282a20] Puisque, comme on l’a dit, il faut que dans n’importe quelle chose se trouve g ou a ; de là il faut que l’un d’entre eux se trouve dans ce qui est e ; donc puisqu’il est impossible qu’a soit dans ce qui est e, il s’ensuit que g se trouve dans e. Et selon le même raisonnement il est prouvé que d se trouve dans e. Ainsi donc à la fois g et d sont affirmés à propos de e, dont sont écartés à la fois a et b, puisqu’est un étant un jour, un non étant un autre jour ce qui n’est ni toujours un étant, ni toujours un non étant. Et c’est ce qu’il cherchait à prouver.

[71074] In De caelo, lib. 1 l. 27 n. 5 Deinde cum dicit: neque itaque semper existens etc., ex praemissis argumentatur ad propositum. Si enim est aliquid semper existens, neque est genitum neque corruptibile: similiter etiam si est semper non existens, neque est genitum neque corruptibile. Manifestum est autem quod etiam e converso, si aliquid est genitum aut corruptibile, non est sempiternum, neque quantum ad esse neque quantum ad non esse. Si enim detur oppositum, scilicet quod aliquid sit simul sempiternum et genitum et corruptibile, sequetur quod aliquid sit simul potens semper esse et non semper esse; quia sempiternum potest semper esse, generabile autem et corruptibile non semper est. Quod autem hoc sit impossibile, ostensum est prius: quia dictum est quod semper esse et non semper esse opponuntur contradictorie. Unde relinquitur impossibile esse quod aliquid sit simul sempiternum et corruptibile vel genitum.

[71074] Sur le De caelo, I, 27, 5. Ensuite quand il dit : Ğ c’est pourquoi ni ce qui est toujours ğ, etc., il argumente en vue de la proposition à partir des prémisses. En effet, s’il y a une chose qui toujours existe, elle n’est ni engendrée, ni corruptible : également aussi si elle est toujours sans existence, elle n’est ni engendrée, ni corruptible. Or il est manifeste qu’inversement aussi, si une chose est engendrée ou corruptible, elle n’est pas éternelle, ni quant à l’être, ni quant au non être. En effet si le contraire était donné, c’est-à-dire qu’une chose est en même temps éternelle, engendrée, et corruptible, il s’ensuivrait qu’elle est en même temps capable de toujours être et de ne pas toujours être ; puisque l’éternel peut toujours être, il ne peut pas être toujours être engendré et corrompu. Or il a auparavant été démontré que c’est impossible, puisque l’on a dit que Ğ toujours être ğ et Ğ non toujours être ğ s’opposent de façon contradictoire. De là il reste qu’il est impossible qu’une chose soit en même temps éternelle et corruptible ou engendrée. [282a25]

[71075] In De caelo, lib. 1 l. 27 n. 6 Deinde cum dicit: igitur si et ingenitum etc., ostendit quod omne ingenitum et incorruptibile est sempiternum. Et primo concludit hoc ex praemissis, dicens quod necesse est quod ingenitum omne sit sempiternum, et similiter incorruptibile omne sit sempiternum, dummodo sit ens; ita tamen quod accipiamus ingenitum et incorruptibile secundum quod proprie dicuntur; prout scilicet ingenitum dicitur quod ita est nunc quod non erat prius verum dicere de ipso quod non erat, et secundum quod incorruptibile dicitur quod ita nunc est quod posterius non erit verum dicere de ipso quod non sit; sicut patet ex his quae supra dicta sunt in distinctione horum nominum.

[71075] Sur le De caelo, I, 27, 6. Ensuite quand il dit : Ğ donc si à la fois non engendré ğ, etc., il montre que tout ce qui est non engendré et incorruptible est éternel. Et il le conclut premièrement à partir des prémisses, disant qu’il est nécessaire que tout ce qui n’est pas engendré soit éternel, et également que tout ce qui est incorruptible soit éternel, pourvu qu’il soit un étant ; et c’est ainsi que nous acceptons Ğ non engendré ğ et Ğ incorruptible ğ dans leur sens propre ; dans la mesure où Ğ non engendré ğ se dit de ce qui est maintenant et de ce dont il n’était pas auparavant vrai de dire qu’il n’était pas, et selon qu’est dit incorruptible ce qui est maintenant et dont il ne sera pas vrai par la suite de dire qu’il n’est pas, comme cela apparaît à partir de ce qui a été dit ci-dessus sur la distinction de ces noms.

[71076] In De caelo, lib. 1 l. 27 n. 7 Secundo ibi: aut si quidem etc., probat idem ex his quae infra ostendentur: dicens quod, si ingenitum et incorruptibile consequuntur se invicem hoc modo quod omne ingenitum sit incorruptibile et e converso, necesse est quod sempiternum consequatur ad utrumque; ut scilicet omne ingenitum et omne incorruptibile sit sempiternum. Ex omnibus autem praemissis talis potest colligi ratio: nullum sempiternum est genitum neque corruptibile; omne ingenitum et omne incorruptibile est sempiternum; ergo nullum ingenitum est corruptibile, et nullum incorruptibile est genitum.

[71076] Sur le De caelo, I, 27, 7. Deuxièmement ici : Ğ or si vraiment ğ, etc., il prouve la même chose à partir de ce qui sera montré ci-dessus, disant que, si le non engendré et l’incorruptible se suivent mutuellement de telle manière que toute chose non engendrée est incorruptible et inversement, il est nécessaire que l’éternel suive l’un et l’autre, si bien que toute chose non engendrée [282b1] et toute chose incorruptible sont éternelles. Or à partir de toutes les prémisses le raisonnement suivant peut être conclu : aucune chose éternelle n’est engendrée, ni corruptible ; toute chose non engendrée et toute chose incorruptible sont éternelles ; donc aucune chose non engendrée n’est corruptible, et aucune chose incorruptible n’est engendrée.

 

 

Lectio 28

Leçon 28 – [ce qui peut être engendré et ce qui peut être corrompu s’impliquent mutuellement]

[71077] In De caelo, lib. 1 l. 28 n. 1 Supra philosophus ostendit propositum ex parte sempiterni, nunc autem ostendit propositum ex parte geniti et ingeniti, corruptibilis et incorruptibilis. Et primo probat propositum ex suppositione; secundo ex necessitate, ibi: quod autem necesse consequi et cetera. Circa primum duo facit: primo ex suppositione huius quod ingenitum et incorruptibile convertantur, probat quod genitum et corruptibile convertuntur; secundo ostendit unde sit supponenda conversio ingeniti et incorruptibilis, ibi: si autem non consequuntur et cetera.

[71077] Sur le De caelo, I, 28, 1. Ci-dessus le philosophe a démontré la proposition à partir de l’éternité, or maintenant il la montre à partir de l’engendré et du non engendré, du corruptible et de l’incorruptible. Et il prouve premièrement la proposition par une supposition ; deuxièmement par la nécessité, ici : Ğ or ce qu’il est nécessaire de suivre ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses ; premièrement en supposant que le non engendré et l’incorruptible sont intervertis, il prouve que l’engendré et le corruptible le sont ; deuxièmement il démontre d’où il faut supposer l’interversion du non engendré et de l’incorruptible, ici : Ğ or s’ils ne se suivent pas ğ, etc.

[71078] In De caelo, lib. 1 l. 28 n. 2 Dicit ergo primo quod id quod intendimus potest fieri manifestum ex determinatione ipsorum, idest ex distinctione et habitudine horum terminorum ad invicem. Et primo ostendit quod genitum sequatur ad corruptibile, ita scilicet quod si aliquid sit corruptibile, ex necessitate sit genitum. Oportet enim id quod est corruptibile aut esse genitum aut ingenitum, quia de quolibet existentium alterum horum oportet praedicari: si ergo aliquid sit corruptibile quod non sit genitum, sequitur quod sit ingenitum. Supponimus autem quod ingenitum et incorruptibile convertantur: et ita si aliquid est ingenitum, erit incorruptibile. Si ergo aliquod corruptibile non sit genitum, sequitur quod aliquod corruptibile sit incorruptibile.

[71078] Sur le De caelo, I, 28, 2. Il dit donc premièrement que ce que nous recherchons peut être rendu manifeste à partir de la détermination des notions elles-mêmes, c’est-à-dire à partir de la distinction et de la relation de ces termes entre eux. Et premièrement il montre que l’engendré implique le corruptible, et c’est ainsi que si une chose est corruptible, elle est par nécessité engendrée. Car il faut que ce qui est corruptible soit engendré ou non engendré, puisqu’il faut dire l’une ou l’autre de ces choses à propos de n’importe quel être existant : donc si une chose qui n’a pas été engendrée est corruptible, il s’ensuit qu’elle est non engendrée. Or nous supposons que le non engendré et l’incorruptible sont intervertis : et ainsi si une chose est non engendrée, elle sera incorruptible. Donc si une chose corruptible n’est pas engendrée, il s’ensuit qu’une chose corruptible est incorruptible.

[71079] In De caelo, lib. 1 l. 28 n. 3 Secundo ibi: et si genitum autem etc., probat eodem modo quod necesse sit, si aliquid est genitum, quod sit corruptibile. Oportet enim id quod est genitum aut esse corruptibile aut incorruptibile; sed hoc supponitur, quod si aliquid est incorruptibile, quod sit ingenitum, propter eorum convertibilitatem; sequitur ergo quod sit aliquid genitum quod sit ingenitum, quod est impossibile. Et sic probatum est quod omne corruptibile est genitum, et e converso: supposito tamen quod ingenitum et incorruptibile convertantur.

[71079] Sur le De caelo, I, 28, 3. Deuxièmement ici : Ğ et si l’engendré ğ, etc., il prouve de la même manière qu’il est nécessaire que, si une chose est engendrée, elle soit corruptible. Car il faut que ce qui est engendré soit corruptible ou incorruptible ; mais il est supposé que si une chose est incorruptible elle est non engendrée, en raison de la capacité des termes à être intervertis ; donc il s’ensuit qu’une chose qui est non engendrée est engendrée, ce qui est impossible. Et ainsi il est prouvé que toute chose corruptible est engendrée, et inversement, cependant une fois supposé que le non engendré et l’incorruptible sont transposés.

[71080] In De caelo, lib. 1 l. 28 n. 4 Deinde cum dicit: si autem non consequuntur etc., ostendit unde hoc oporteat supponi. Et dicit quod si non consequuntur se invicem incorruptibile et ingenitum, non ex necessitate hoc quod est esse sempiternum, erit consequens ad hoc quod est ingenitum et ad incorruptibile: quod tamen supra ostensum est.

[71080] Sur le De caelo, I, 28, 4. Ensuite quand il dit : Ğ or si ne se suivent pas ğ, etc., il démontre à partir d’où il faut le supposer. Et il dit que si l’incorruptible et le non engendré ne se suivent pas mutuellement, ce qui peut être éternel ne sera pas nécessairement la conséquence de ce qui est non engendré et de l’incorruptible, ce qui pourtant a été démontré ci-dessus.

[71081] In De caelo, lib. 1 l. 28 n. 5 Deinde cum dicit: quod autem necesse consequi etc., probat propositum ex necessitate. Et primo ostendit quod genitum et corruptibile convertantur; secundo ex hoc ulterius ostendit quod etiam ingenitum et incorruptibile convertantur, ibi: sit itaque in quo est e et cetera. Circa primum tria facit. Primo proponit quod intendit: et dicit quod ex his quae dicentur, manifestum erit quod necesse est praedicta se invicem consequi; quia primo hoc manifestabitur, quod genitum et corruptibile se invicem consequuntur.

[71081] Sur le De caelo, I, 28, 5. Ensuite quand il dit : Ğ qu’il est nécessaire de suivre ğ, etc., il prouve la proposition par la nécessité. Et il montre premièrement que l’engendré et le corruptible sont intervertis ; il montre deuxièmement plus loin à partir de là en allant plus loin que le non engendré et l’incorruptible sont aussi intervertis, ici : Ğ c’est pourquoi soit là où est e ğ, etc. Concernant le premier point il fait trois choses. Premièrement il propose ce qu’il a l’intention de montrer ; et il dit qu’à partir de ce qui sera dit, il sera manifeste qu’il est nécessaire que les éléments mentionnés précédemment s’impliquent mutuellement, puisqu’il sera premièrement manifeste que l’engendré et le corruptible s’impliquent mutuellement.

[71082] In De caelo, lib. 1 l. 28 n. 6 Secundo ibi: palam autem etc., inducit rationem ad hoc ostendendum. Et dicit quod sicut convertibilitas incorruptibilis et ingeniti manifestatur ex prius dictis, ita etiam hoc quod genitum et corruptibile sint convertibilia, manifestatur ex prioribus. Quia inter semper ens et semper non ens est medium, sicut supra dictum est, id ad quod neutrum consequitur, idest quod neque est semper ens neque semper non ens: tale autem est genitum et corruptibile, quia utrumque eorum est possibile esse et non esse secundum aliquod tempus determinatum, ita scilicet quod aliquo tempore finito utrumque eorum sit, et iterum non sit quodam alio tempore: si ergo est aliquid quod sit genitum aut quod sit corruptibile, necesse est quod huiusmodi sit medium inter semper ens et semper non ens; et sic utrumque eorum eidem attribuitur, et se invicem consequi videntur.

[71082] Sur le De caelo, I, 28, 6. Deuxièmement ici : Ğ or ouvertement ğ, etc., il introduit un raisonnement pour le démontrer. Et il dit que, de même que la capacité d’intervertir l’incorruptible et le non engendré se manifeste dans les propos tenus auparavant, et c’est ainsi qu’il apparaît que l’engendré et le corruptible peuvent être intervertis est manifesté [282b10] dans les propos précédents. Puisque entre le toujours étant et le toujours non étant le moyen terme est, comme on l’a dit ci-dessus, ce que ni l’un ni l’autre ne s’impliquent, c’est-à-dire ce qui n’est pas toujours un étant, ni toujours un non étant : or une telle chose est engendrée et corruptible, puisque les deux ont la possibilité d’être et de ne pas être pendant un temps déterminé, et c’est ainsi que pendant un temps fini les deux sont et de nouveau ne sont pas pendant un autre temps : donc s’il y a une chose qui soit engendrée ou qui soit corruptible, [282b15] il est nécessaire que le moyen terme de cette manière soit entre le toujours étant et le toujours non étant ; et ainsi les deux sont attribués à la même chose et semblent ainsi s’impliquer mutuellement.

[71083] In De caelo, lib. 1 l. 28 n. 7 Tertio ibi: sit enim a etc., manifestat praemissam rationem in terminis, dicens: sit a semper ens, et b sit semper non ens, g autem sit genitum, d autem sit corruptibile. Necesse est ergo g, quod est genitum, esse medium inter a et b, idest inter semper ens et semper non ens: quia his, scilicet a et b, non est aliquod tempus ad neutrum terminum, idest nec ante nec post, in quo vel a, quod est semper ens, non sit, aut b, quod est semper non ens, sit; sed ipsi genito necesse est quod sit tempus in quo non sit, ad utrumque extremum vel ad alterum, et similiter in quo sit, et hoc vel secundum actum vel secundum potentiam; cum tamen his quae sunt a et b neutro modo existat tempus ad oppositum, idest nec secundum actum nec secundum potentiam. Relinquitur ergo quod genitum quod est g, in quodam determinato tempore est, et quodam determinato tempore non est; et similis ratio est de d. Sequitur igitur quod utrumque eorum sit et genitum et corruptibile; ita scilicet quod genitum sit utrumque, et corruptibile sit utrumque. Sic ergo patet quod genitum et corruptibile se invicem consequuntur.

[71083] Sur le De caelo, I, 28, 7. Troisièmement ici : Ğ soit en effet a ğ, etc., il montre la raison déjà mentionnée dans les termes, disant : soit a, toujours étant, et soit b, qui toujours non étant, or soit g, qui est engendré, soit d, qui est corruptible. Il est donc nécessaire que g, qui est engendré, soit le moyen terme entre a et b, c’est-à-dire entre le toujours étant et le toujours non étant, puisque ceux-ci, c’est-à-dire pour a et b, n’ont de temps vers ni l’une ni l’autre limite, c’est-à-dire ni avant ni après, où a, le toujours étant, ne soit pas, ou bien b, le toujours non étant, soit ; mais à l’ engendré même il est nécessaire qu’il y ait un temps où il ne soit pas, vers les deux limites ou bien vers l’une des deux, et également un temps où il soit [282b20], et cela soit en acte, soit en puissance ; cependant comme pour ceux qui sont a et b suivant aucune des deux manières il n’existe un temps pour le contraire, c’est-à-dire ni en acte, ni en puissance. Il en résulte donc que l’engendré qui est g est pendant un temps déterminé, et n’est pas pendant un temps déterminé ; et le même raisonnement s’applique à d. Il s’ensuit donc que les deux sont à la fois engendré et corruptible, et c’est ainsi que les deux sont engendrés et que les deux sont corruptibles. Ainsi donc il apparaît que l’engendré et le corruptible s’impliquent mutuellement.

[71084] In De caelo, lib. 1 l. 28 n. 8 Sed videtur quod haec ratio non sit efficax: non enim est necesse quod quidquid est medium inter duo contraria, sit unum et idem. Nam inter album et nigrum medium quidem est quod neque est album neque nigrum, et tamen hoc dicitur de diversis quae se invicem non consequuntur: quia et rubeum et pallidum et quilibet mediorum colorum neque est album neque nigrum, et tamen isti colores non se invicem consequuntur. Et ita posset aliquis dicere quod medium inter semper ens et semper non ens est quod neque est semper ens neque semper non ens, sed alio modo hoc convenit corruptibili et alio modo generabili: nam genitum habet non esse antequam sit, corruptibile autem habet non esse postquam fuit. Sed haec obiectio excluditur per hoc quod dicit, quod utrumque eorum est et non est quodam determinato tempore: et ita oportet quod utrumque eorum habeat esse post non esse et ante non esse. Et hoc magis manifestabitur in sequentibus.

[71084] Sur le De caelo, I, 28, 8. Mais il semble que ce raisonnement ne soit pas efficace : car il n’est pas nécessaire que tout ce qui est le moyen terme entre deux contraires soit une seule et même chose. En effet entre le blanc et le noir, certes, le milieu est ce qui n’est ni blanc, ni noir, et cependant cela se dit de diverses choses qui ne s’impliquent pas mutuellement, puisque et le roux, et le jaune, et n’importe quelle couleur intermédiaire ne sont ni blanc, ni noir, et pourtant ces couleurs ne s’impliquent pas mutuellement. Et ainsi on pourrait dire que le moyen terme entre ce qui toujours est et ce qui toujours n’est pas est ni ce qui toujours est, ni ce qui toujours n’est pas, mais d’un côté cela convient au corruptible, et d’un autre à l’engendré : car l’engendré a le non être avant d’être, or le corruptible a le non être après avoir été. Mais cette objection est exclue par ce qu’il dit, à savoir que les deux sont et ne sont pas pendant un temps déterminé ; et ainsi il faut que les deux aient l’être après le non être et avant le non être. Et cela sera plus évident dans les propos qui suivent.

[71085] In De caelo, lib. 1 l. 28 n. 9 Deinde cum dicit: sit itaque in quo est e etc., ostendit ex hoc quod etiam ingenitum et incorruptibile convertantur, dicens: sit e ingenitum, z genitum, I incorruptibile, t corruptibile. Quia igitur ostensum est quod genitum et corruptibile se invicem consequuntur, planum est quod z et t se invicem consequuntur. Quando igitur positum fuerit quod z et t se consequuntur, scilicet genitum et corruptibile; et quod e et z, idest genitum et ingenitum, nulli eidem insunt, sed cuilibet oportet inesse alterum eorum; et eadem ratio est de t et I, scilicet de corruptibili et incorruptibili, scilicet quod nulli eidem insunt, sed omni alterum: quando igitur haec ita ponuntur, necesse est quod I et e, idest ingenitum et incorruptibile, se invicem consequantur. Et hoc probat ducendo ad impossibile. Si enim ad I, quod est incorruptibile, non ex necessitate consequatur e, quod est ingenitum, sequetur quod z, quod est genitum, simul possit stare cum I, quod est incorruptibile: quia iam dictum est quod de quolibet praedicatur aut e, idest ingenitum, aut z, idest genitum. Insuper dictum est quod cui inest z, idest genitum, ei inest et t, idest corruptibile. Sic igitur sequetur quod t, idest corruptibile, insit ei quod est I, idest incorruptibili. Quod est contra positum: positum enim erat quod t et I nunquam eidem inessent: nihil enim est corruptibile et incorruptibile. Et eadem ratio est quod I, idest incorruptibile, consequatur ad id quod est e, scilicet ingenitum: quia eodem modo se habet ingenitum quod est e, ad genitum quod est z, sicut incorruptibile quod est I, ad corruptibile quod est t. Sic igitur patet ex praedictis quod omne corruptibile est genitum et e converso, et omne incorruptibile ingenitum et e converso.

[71085] Sur le De caelo, I, 28, 9. Ensuite quand il dit : Ğ soit là où il y a e ğ, etc., il montre à partir de là que le non engendré et l’incorruptible sont intervertis, disant : soit e, non engendré, z, engendré, [282b25] i incorruptible, t corruptible. Donc puisqu’il a été démontré que l’engendré et le corruptible s’impliquent mutuellement, il est clair que z et t se suivent mutuellement, donc quand il aura été établi que z et t s’impliquent, c’est-à-dire l’engendré et le corruptible, et que e et z, c’est-à-dire l’engendré et le non engendré, ne se trouvent pas dans la même chose, mais qu’il faut que l’un d’entre eux se trouve dans n’importe quelle chose ; et le même raisonnement s’applique à t et i, c’est-à-dire au corruptible et à l’incorruptible, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas dans la même chose, mais l’un est dans toute chose : donc quand ces faits sont ainsi établis, il est nécessaire que i et e, c’est-à-dire le non engendré et l’incorruptible, s’impliquent mutuellement. Et il le prouve par réduction à l’impossible. En effet s’il n’est pas nécessaire que e, qui est non engendré, soit impliqué par i, qui est incorruptible, il s’ensuit que z, qui est engendré, peut se trouver en même temps que i, qui est incorruptible, puisqu’il a déjà été dit que soit e, c’est-à-dire le non engendré, soit z, c’est-à-dire l’engendré, sont rapportés à n’importe quelle chose. Ci-dessus il a été dit que si z, c’est-à-dire l’engendré, est dans une chose, t, c’est-à-dire le corruptible, y est aussi. Ainsi donc il s’ensuivra que t, c’est-à-dire le corruptible, se trouve dans ce qui est i, c’est-à-dire l’incorruptible. Et cela est contraire à ce qui a été établi : car il avait été établi que t et i ne se trouvaient jamais dans la même chose : car rien n’est à la fois corruptible et incorruptible. Et le même raisonnement dit que i, c’est-à-dire l’incorruptible, est impliqué par e, c’est-à-dire le non engendré, puisque le non engendré, qui est e, entretient le même rapport avec l’engendré, qui est z, que l’incorruptible, qui est i, avec le corruptible, qui est t. [283a1] Ainsi donc il apparaît d’après les propos déjà tenus que toute chose corruptible est engendrée et inversement, et que toute chose incorruptible est non engendré et inversement.

 

 

Lectio 29

Leçon 29 – [Rejet de l’opinion contraire à la précédante]

[71086] In De caelo, lib. 1 l. 29 n. 1 Postquam philosophus ostendit quod generabile et corruptibile se invicem consequuntur, et similiter ingenitum et incorruptibile, hic reprobat opinionem contrariam, per hoc quod ex contraria opinione necesse est aliqua principiorum suppositorum destrui. Et primo ostendit quomodo per hanc positionem destruitur id quod suppositum est, virtutem omnem referri ad determinatum tempus; secundo ostendit quod per hanc positionem destruitur quod suppositum est, quod non contingit simul idem esse et non esse, ibi: adhuc quid magis et cetera.

[71086] Sur le De caelo, I, 29, 1. Après que le philosophe a montré que ce qui peut être engendré et ce qui peut être corrompu s’impliquent mutuellement, et également le non engendré et l’incorruptible, il condamne ici l’opinion contraire, par le fait que suivant cette opinion, il est nécessaire que certains des points de départ supposés soient anéantis. Et il montre premièrement comment par cette position est anéanti ce qui a été supposé, à savoir que toute puissance est rapportée à un temps déterminé ; il montre deuxièmement que par cette position est anéanti ce qui a été supposé, à savoir que la même chose n’est pas susceptible d’être et de ne pas être en même temps, ici : Ğ de plus ce qui davantage ğ, etc.

[71087] In De caelo, lib. 1 l. 29 n. 2 Dicit ergo primo quod, cum ostensum sit demonstrative ex praesuppositis quibusdam principiis quod omne genitum est corruptibile, et omne ingenitum est incorruptibile, et e converso, consequens est quod qui dicit nihil prohibere quod aliquid quod est factum seu genitum sit incorruptibile, et aliquid quod est ingenitum possit corrumpi; ita scilicet quod uni eorum, scilicet genito, adsit semel tantum generatio, et alteri adsit semel tantum corruptio, sine vicissitudine generationis et corruptionis: per hoc necesse est destruere aliquod principiorum suppositorum. Si enim conclusio syllogistice sequitur ex praemissis, non potest interimi conclusio ex necessitate consequens ex praemissis, nisi interimatur aliquod praemissorum. Hoc autem videtur dicere contra Platonem, qui posuit mundum genitum sed incorruptibilem, et ex consequenti posuit quod illud inordinatum ex quo mundus est genitus, fuerit ingenitum sed corruptibile: quamvis quidam dicant hoc Platonem non sic intellexisse sicut sonant verba eius, contra quae hic Aristoteles disputat. Sed quantum pertinet ad expositionem huius libri, non refert utrum sic vel aliter Plato senserit, dummodo videatur qualiter haec positio improbetur per rationes Aristotelis.

[71087] Sur le De caelo, I, 29, 2. Il dit donc premièrement que, comme on a montré par raison démonstrative à partir de certains principes présupposés que toute chose engendrée est corruptible, et que toute chose non engendrée est incorruptible, et qu’inversement, il s’ensuit que celui qui dit que rien n’empêche qu’une chose qui a été créée ou engendrée soit incorruptible [283a5], et qu’une chose qui n’est pas engendrée puisse être corrompue et c’est ainsi que la génération a lieu seulement une fois pour l’un, c’est-à-dire l’engendré, et que la corruption a lieu seulement une fois pour l’autre, sans les vicissitudes de la génération et de la corruption ; pour cela il est nécessaire de détruire l’un des principes supposés. En effet si la conclusion est impliquée dans un syllogisme par les prémisses, cette conclusion nécessairement impliquée par les principes ne peut être abolie, à moins que l’une des prémisses ne le soit. Or il semble dire cela contre Platon, qui a établi que le monde est engendré, mais incorruptible, et qui en conséquence a établi que le principe désordonné d’où le monde a été engendré est non engendré, mais corruptible, bien que certains disent que Platon n’a pas voulu entendre ce que ses mots disent, mots contre lesquels Aristote discute. Mais en ce qui concerne la présentation de ce livre, il ne rapporte pas si Platon a pensé ainsi ou autrement, pourvu qu’il apparaisse comment cette position est condamnée par les raisonnements d’Aristote.

[71088] In De caelo, lib. 1 l. 29 n. 3 Resumit autem unum principiorum datorum, ex cuius suppositione argumentabatur ad propositum ostendendum: et dicit quod omnia habentia aliquam virtutem, possunt facere vel pati, vel esse vel non esse ea quorum habent virtutem, vel in tempore infinito vel in quodam tempore determinatae quantitatis, quod sit simpliciter finitum. Et quia supra non fecerat mentionem quod virtus diceretur nisi respectu determinati temporis, subiungit quod propter hoc habentia virtutem possunt aliqua facere vel esse tempore infinito, quia etiam ipsum tempus infinitum est aliqualiter determinatum, scilicet secundum rationem, ut non possit in eo diversitas inveniri: quia scilicet infinitum est cuius non est plus, idest quo non potest maius accipi. Nec obstat quod Aristoteles in III Physic. improbat hanc definitionem infiniti, dicens eam magis esse definitionem perfecti et totius, cum tamen infinitum sit imperfectum et in modum partis se habens: quia philosophus ibi loquitur de infinito secundum id quod de eo est in actu, cui semper potest additio fieri; hic autem loquitur de infinito secundum totum quod est de eo in potentia, cui non potest additio fieri. Et talis etiam est dispositio temporis, de quo nunc loquitur: quia tempus non est totum simul, sed est successivum. Illud autem tempus quod est infinitum quo, idest secundum aliquid, scilicet secundum principium vel secundum finem, neque est infinitum simpliciter, quia potest eo aliquid esse plus, neque simpliciter determinatum, quia non habet aliquam certam quantitatem. Et ideo, secundum praedictam suppositionem, non potest esse quod aliquid habeat virtutem faciendi vel patiendi, sive essendi vel non essendi, aliquo tempore quod sit finitum ex una parte et infinitum ex alia. Quicumque autem ponit quod aliquid est ingenitum et corruptibile, vel genitum et incorruptibile, ponit quod aliquid habeat potentiam essendi vel non essendi tempore secundum quid infinito et secundum quid finito: ergo destruit praedictum principium suppositum.

[71088] Sur le De caelo, I, 29, 3. Or il résume un des principes donnés, qu’il supposait pour argumenter afin de démontrer la proposition : et il dit que tout ce qui en a la capacité peut faire ou subir, ou bien être ou ne pas être ce dont elles ont la capacité, soit pendant un temps infini, soit pendant un temps d’une durée déterminée, qui soit simplement fini. Et puisque ci-dessus il n’avait pas mentionné que la capacité n’était dite que par rapport à un temps déterminé, il ajoute que pour cette raison ce qui en a la capacité peut faire quelque chose ou être pendant un temps infini, puisque aussi le temps infini même est d’une certaine manière déterminé, c’est-à-dire pour la raison, que l’on ne peut trouver de la diversité en lui : puisque est infini ce au regard duquel [283a10] il n’est pas de temps plus long, c’est-à-dire ce par rapport auquel une plus grande durée ne peut être acceptée. Et rien n’empêche qu’Aristote, dans le livre III de la Physique, condamne cette définition de l’infini, disant qu’elle constitue davantage une définition de la perfection et de la totalité, alors que pourtant l’infini est imparfait et qu’il l’est à la manière d’une partie, puisque le philosophe parle ici de l’infini selon ce qui est en acte à son sujet, auquel on peut toujours ajouter quelque chose ; or il parle ici de l’infini selon le tout qui est à son sujet en puissance, auquel on ne peut rien ajouter. Et telle est aussi la disposition du temps, dont il parle maintenant, puisque le temps n’est pas tout entier en même temps, mais est successif. Or le temps qui est infini par quelque chose, c’est-à-dire selon quelque chose, c’est-à-dire selon un principe ou selon une fin, n’est ni infini simplement, puisqu’une chose peut être plus longue que lui, ni simplement limité, puisqu’il n’a pas de durée certaine. Et c’est pourquoi, selon la supposition déjà mentionnée, il n’est pas possible qu’une chose ait la capacité soit de faire ou de subir, soit d’être ou de ne pas être, pendant un temps qui soit fini d’une côté et infini d’un autre. Tout ceux qui établissent qu’une chose est non engendrée et corruptible, ou bien engendré et incorruptible, établissent qu’une chose a la puissance d’être ou de ne pas être pendant un temps infini d’un côté et fini d’un autre côté : donc il anéantit le principe supposé déjà mentionné.

[71089] In De caelo, lib. 1 l. 29 n. 4 Deinde cum dicit: adhuc quid magis etc., ostendit quod praedicta positio destruit aliud principium suppositum, scilicet quod impossibile est idem esse et non esse. Et circa hoc duo facit: primo ostendit propositum ex parte potentiae eius quod ponitur generari vel corrumpi; secundo ex parte causae ipsius, ibi: est autem et sic videre et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit quod ponentibus aliquod ingenitum corrumpi, vel aliquod genitum incorruptibile, sequitur quod aliquid possit simul esse et non esse; secundo ostendit quod idem inconveniens sequitur ponentibus aliquid esse corruptibile quod non corrumpitur, ibi: manifestum autem et aliter et cetera. Circa primum ponit tres rationes. Circa quarum primam dicit: si ponamus quod aliquid ingenitum prius semper fuit, et postea corrumpatur in aliquo signo temporis, idest in aliquo instanti, nulla ratio potest assignari quare magis possit corrumpi in isto instanti quam in aliquo infinitorum praecedentium. Et similiter si aliquid sit genitum quod prius non erat tempore infinito, et postea factum est in aliquo instanti, nulla ratio potest assignari quare magis possit esse vel fieri in hoc instanti quam in aliquo praecedentium infinitorum. Posset autem ratio assignari si tempus praecedens poneretur finitum, quia posset dici quod haberet virtutem ad esse vel non esse in tanto tempore, et non in pluri: sed ex quo ponitur fuisse vel non fuisse tempore infinito, praedicta ratio cessat. Et ideo necesse est ponere quod ingenitum potuerit non esse in quolibet instantium praecedentis temporis; et similiter quod genitum potuerit esse in quolibet instantium praecedentis temporis. Si enim nihil magis, idest si nulla maior ratio est quare possit incipere esse vel non esse in isto instanti quam in aliquo praecedentium, cum infinita signa, idest infinita instantia, praecesserint, manifestum est quod in illo infinito tempore erit aliquid generabile, ita quod in quolibet instanti illius temporis infiniti potuerit generari. Et similiter est dicendum quod in quolibet instanti illius temporis erat corruptibile illud quod ponitur ingenitum et postea corruptum. Sic igitur patet quod illud quod ponitur praeextitisse tempore infinito, potuit etiam non esse toto illo tempore infinito. Sequetur igitur quod aliquid habebit virtutem simul, idest respectu eiusdem temporis, eius quod est esse et eius quod est non esse: ita tamen quod ex parte eius quod est ingenitum et corruptibile, accipiatur esse prius quam non esse; ex parte autem geniti et incorruptibilis accipiatur esse posterius quam non esse. Nihil autem prohibet ponere id quod est possibile. Si ergo ponamus quod illud quod est ingenitum, pro illo tempore in quo erat et poterat non esse, quod tunc non fuerit, sequetur opposita simul esse, scilicet quod illud simul sit et non sit. Sic igitur praedicta positio removet hoc quod suppositum est, scilicet quod impossibile est idem simul esse et non esse.

[71089] Sur le De caelo, I, 29, 4. Ensuite quand il dit : Ğ en outre qu’est-ce qui de plus ğ, etc., il montre que la position déjà mentionnée anéantit un autre principe supposé, à savoir qu’il est impossible que la même chose soit et ne soit pas. Et sur ce point il fait deux choses : il montre premièrement la proposition à partir de la puissance de ce qui est établi être engendré ou corrompu ; deuxièmement à partir de la cause elle-même, ici : Ğ or c’est à la fois voir ainsi ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : il montre premièrement que pour ceux qui établissent qu’une chose non engendrée n’est pas corrompue ou qu’une chose engendrée est incorruptible, il s’ensuit qu’une chose peut en même temps être et ne pas être ; il montre deuxièmement que le même inconvénient s’ensuit pour ceux qui établissent qu’est corruptible une chose qui n’est pas corrompue, ici : Ğ or il est manifeste à la fois autrement ğ, etc. Concernant le premier point, il établit trois raisons. Sur la première d’entre elles il dit : si nous établissions qu’une chose non engendrée a toujours été auparavant, et qu’elle est corrompue dans un signe de temps, c’est-à-dire en un instant, aucune raison ne peut expliquer pourquoi elle peut être corrompue à cet instant plutôt que dans l’un des instants infinis précédents. Et également si est engendrée une chose qui auparavant n’était pas pendant un temps infini, et si par la suite elle est créée à un instant, aucune raison ne peut expliquer pour quelle raison elle peut être ou bien être créée plus à cet instant-ci qu’à un des instants précédents infinis. Or une raison pourrait être avancée si on établissait que le temps précédent est fini, puisque l’on pourrait dire qu’elle a la capacité d’être ou de ne pas être pendant un temps aussi long et non pendant un temps plus long : mais la raison déjà mentionnée ne fonctionne pas du fait qu’on établit qu’elle a été ou qu’elle n’a pas été pendant un temps infini. Et c’est pourquoi il est nécessaire d’établir que le non engendré pourrait ne pas être pendant n’importe lequel des instants du temps précédent, et également que l’engendré pourrait être pendant n’importe lequel des instants du temps précédent. En effet s’il n’y a rien de plus, c’est-à-dire s’il n’y a aucune raison plus importante pour laquelle elle puisse commencer à être ou à ne pas être à cet instant plutôt qu’à un de ceux qui le précèdent, comme des signes infinis, c’est-à-dire des instants infinis, l’ont précédé, il est manifeste que pendant ce temps infini il y aura une chose qui puisse être engendrée, et c’est ainsi qu’à n’importe quel instant de ce temps infini elle a pu être engendrée. Et il faut également dire qu’à n’importe quel instant de ce temps était corruptible ce qui est établi non engendré et par la suite corrompu. Ainsi donc il apparaît que ce qui est établi avoir préexisté pendant un temps infini a pu aussi ne pas être pendant tout ce temps infini. [283a15] Il s’ensuivrait donc qu’une chose aura en même temps, c’est-à-dire au regard du même temps, la capacité d’être et de ne pas être et c’est ainsi qu’à partir de ce qui est non engendré et corruptible serait accepté le fait d’être avant celui de ne pas être ; à partir de l’engendré et de l’incorruptible serait accepté le fait d’être après celui de ne pas être. Or rien n’empêche d’établir ce qui est possible. Donc si nous établissons que ce qui est non engendré pour le temps où il était et pouvait ne pas être, n’a pas été alors, il s’ensuivra que des contraires sont en même temps, à savoir que cela est et n’est pas en même temps. Ainsi donc la position déjà mentionnée écarte ce qui a été supposé, c’est-à-dire qu’il est impossible que la même chose soit et ne soit pas en même temps.

[71090] In De caelo, lib. 1 l. 29 n. 5 Sed videtur quod ista ratio non cogat. Nihil enim prohibet aliquid esse simpliciter possibile, quod tamen est impossibile aliquo posito: sicut si ponamus Socratem sedere pro aliquo tempore, possibile est simpliciter illum pro illo tempore non sedere, tamen non est compossibile. Ita etiam potest dici quod illud quod fuit tempore infinito, pro tempore illo poterat non esse: non tamen hoc quod est ipsum non esse, est compossibile posito, ut scilicet simul possit poni cum eo quod est ipsum esse. Sed dicendum est quod illud quod est incompossibile ei quod est contingenter, nihil prohibet simpliciter possibile esse: sed illud quod est incompossibile ei quod simpliciter necesse est esse, est simpliciter impossibile. Id autem quod naturaliter est per tempus infinitum, necesse est esse: quia necesse est quod unumquodque tantum sit quantum natura rerum habet; non enim aliquid deficit esse nisi quando iam non potest esse, eo quod omnia appetunt esse. Si igitur aliquid ponitur possibile esse, ex hoc ipso necesse est quod ponatur compossibile ei quod necesse est esse. Et ideo si ponamus illud quod semper fuit, fuisse possibile non esse pro illo tempore, sequitur quod possit simul esse et non esse.

[71090] Sur le De caelo, I, 29, 5. Mais il semble que cette raison ne soit pas concluante. Car rien n’empêche que soit simplement possible une chose qui pourtant est impossible une fois qu’une autre est établie : de même que, si nous établissions que Socrate est assis pour un temps, il est simplement possible qu’il ne soit pas assis pour ce temps-là, cependant ce n’est pas possible en même temps. Ainsi on peut aussi dire que ce qui a été pendant un temps infini pouvait ne pas être pour ce temps-là : cependant cela même qui peut ne pas être n’est pas possible en même temps que ce qui a été établi, à savoir que cela peut être établi en même que cela même qui peut être. Mais il faut dire que rien n’empêche que ce qui n’est pas possible en même temps que ce qui est de façon contingente soit simplement possible : mais ce qui n’est pas possible en même temps que ce qui est nécessairement simplement est simplement impossible. Or il est nécessaire que ce qui est naturellement pendant un temps infini soit, puisqu’il est nécessaire que chaque chose soit aussi grande que la nature le peut ; en effet une chose ne manque pas d’être si ce n’est lorsqu’elle ne peut plus être, pour la raison que toutes les choses désirent être. Donc si on établit qu’une chose est possible, il est nécessaire à partir de cela même que l’on établisse qu’elle est possible en même temps que ce qui est nécessairement. Et c’est pourquoi si nous établissons que ce qui a toujours été n’a pas eu la possibilité d’être pendant ce temps-là, il s’ensuit que cela peut à la fois être et ne pas être.

[71091] In De caelo, lib. 1 l. 29 n. 6 Secundam rationem ponit ibi: adhuc autem et hoc et cetera. Et dicit quod illud quod semper fuit vel semper non fuit, secundum praemissa ponitur habuisse potentiam oppositi eius quod ei inerat, non secundum aliquod signum vel instans, sed simpliciter in omni signo, idest in omni instanti: et sic sequitur quod aliquid habeat potentiam ut sit et non sit tempore infinito, quod est impossibile, ut supra ostensum est.

[71091] Sur le De caelo, I, 29, 6. Il établit le second raisonnement ici : Ğ de plus cela aussi ğ, etc. Et il dit que l’on établit selon les prémisses que ce qui a toujours été ou n’a pas toujours été a eu la puissance du contraire de ce qui était en lui, non pas selon un signe ou un instant, mais simplement à tout signe, c’est-à-dire à tout instant : et ainsi il s’ensuit qu’une chose a la puissance d’être et de ne pas être pendant un temps infini, [283a20] ce qui est impossible, comme on l’a montré ci-dessus.

[71092] In De caelo, lib. 1 l. 29 n. 7 Tertiam rationem ponit ibi: adhuc si prius etc., quae talis est. In eo quod incipit esse postquam non fuerat, vel non esse postquam fuerat, prius est virtus vel potentia quam actus: et ita si aliquod ens est ingenitum quod semper fuit, sequitur quod etiam semper habuit virtutem vel potentiam ad non esse; nulla enim est ratio quare advenerit ei ista potentia non essendi post tempus infinitum. Similiter etiam si sit aliquid genitum quod prius non fuerit tempore infinito, sequitur quod toto illo tempore fuerit possibile fieri: ita quod simul dum non erat, habebat potentiam essendi et non essendi hoc, et quod esset posterius secundum infinitum tempus, ex quo ponitur quod habet esse incorruptibile. Sic igitur ex quo in infinitum antequam esset, habebat potentiam ut esset in futurum in infinito tempore, nulla ratio erat quare potuerit esse in tali instanti et non prius, ex quo non est in potentia ad hoc quod est esse in tempore determinato. Relinquitur ergo quod potuerit esse etiam in aliquo tempore antequam fuerit: et ita poterat esse in illo tempore in quo non erat, et sic sequitur, secundum praemissa, quod potuerit simul esse et non esse. Et eadem ratio est de eo quod ponitur semper fuisse et quandoque corrumpi.

[71092] Sur le De caelo, I, 29, 7. Il établit une troisième raison ici : Ğ de plus si auparavant ğ, etc., qui est la suivante. Dans ce qui commence à être après ne pas avoir été, ou à ne pas être après avoir été, la capacité ou puissance est antérieure à l’acte : et ainsi si un étant qui a toujours été est non engendré, il s’ensuit qu’il a toujours aussi la capacité ou la puissance de ne pas être ; car il n’y a aucune raison pour laquelle cette puissance de ne pas être lui arrive après un temps infini. Également aussi s’il y a une chose engendrée qui n’a pas été avant pendant un temps infini, il s’ensuit que pendant tout ce temps il a été possible qu’elle soit créée ; et c’est ainsi que, pendant qu’elle n’était pas, elle avait la puissance d’être et de ne pas être cela, et qu’elle serait plus tard selon un temps infini, d’où il est établi qu’elle a un être incorruptible. Ainsi donc à partir du fait que dans l’infini avant qu’elle ne soit, elle avait la puissance d’être dans le futur pendant un temps infini, il n’y avait aucune raison pour laquelle elle ait pu être à un tel instant et non auparavant, si bien qu’elle n’a pas la puissance d’être pendant un temps déterminé. Il reste donc qu’elle a pu être même pendant un temps avant d’avoir été : et ainsi elle pouvait être pendant le temps où elle n’était pas et de cette façon il s’ensuit, selon les prémisses, qu’elle a pu en même temps être et ne pas être. Et le même raisonnement concerne ce dont on établit qu’il a toujours été et qu’il est un jour corrompu.

[71093] In De caelo, lib. 1 l. 29 n. 8 Deinde cum dicit: manifestum autem et aliter etc., concludit secundum eandem rationem quod impossibile est quod aliquid sit corruptibile, quod quandoque non corrumpatur. Posset enim aliquis obviare praedictis rationibus, dicendo quod omne genitum est corruptibile secundum suam naturam, sed potest contingere quod illud quod est corruptibile nunquam corrumpatur, propter aliquam causam conservantem ipsum in esse; sicut Plato posuit quod mundus est genitus et corruptibilis secundum seipsum, sed semper manebit propter voluntatem Dei (quamvis quidam dicant quod Plato non sic intellexerit mundum esse corruptibilem sicut ea quae in se habent necessariam causam corruptionis, sed per hoc voluerit designare dependentiam sui esse ab alio, quia scilicet necessitas essendi non est ei a seipso, sed a Deo. Sed quicumque fuerit intellectus Platonis non refert ad propositum, quia Aristoteles obiicit contra verba ipsius). Unde dicit manifestum esse quod impossibile est id quod est corruptibile, quandoque non corrumpi. Quia si quandoque non corrumpetur, potest non corrumpi, et ita erit incorruptibile: et tamen ponitur sempiterno tempore corruptibile existens: semper igitur, idest infinito tempore, erit simul actu corruptibile et incorruptibile. Sed quod corrumpitur non semper est, quod autem est incorruptibile, semper est: ergo erit aliquid simul possibile et semper esse et non semper esse, quod est impossibile, ut patet ex his quae supra dicta sunt; quia quod potest semper esse, ex necessitate semper est, unde non potest non semper esse. Sic igitur patet quod omne corruptibile quandoque corrumpetur. Et similiter si aliquid est generabile in sui natura, necesse est quod factum sit. Quod quidem non est sic intelligendum, quod omnia quae possunt generari quandoque generentur; multa enim possunt fieri quae nunquam fient: sed hoc non potest esse, quod aliquid iam existens in sua natura sit generabile, et tamen non sit generatum, sed ab aeterno praeextiterit. Illud enim quod est generabile non habet potentiam naturalem ad semper essendum, sed ut possit esse postquam aliquando est factum. Et ideo non dicit, si generabile est fiet, sed factum est.

[71093] Sur le De caelo, I, 29, 8. Ensuite quand il dit : Ğ il est manifeste aussi autrement ğ, etc., il conclut selon le même raisonnement qu’il est [283a25] impossible que soit corruptible une chose qui n’est pas un jour corrompue. En effet on pourrait objecter aux raisons déjà présentées que toute chose engendrée est corruptible selon sa nature, mais qu’il a pu arriver que celle qui est corruptible ne soit jamais corrompue, en raison d’une cause qui la préserve dans son être, comme Platon a établi que le monde est engendré et corruptible selon lui-même, mais qu’il restera toujours à cause de la volonté de Dieu (bien que certains disent que Platon n’a pas voulu dire que le monde est corruptible comme ce qui a en soi la cause nécessaire de sa corruption, mais qu’il a voulu désigner par cela que son être dépend d’un autre, puisque la nécessité d’être ne provient pas de lui-même, mais de Dieu. Mais quel qu’ait été le sens voulu par Platon, il ne se rapporte pas à la proposition, puisque Aristote a fait des objections contre ses propos). De là il dit qu’il est manifeste qu’il est impossible que ce qui est corruptible ne soit pas un jour corrompu. Puisque, si ce n’est pas un jour corrompu, cela peut ne pas être corrompu, et ainsi ce sera incorruptible : et pourtant on établit corruptible ce qui existe pendant un temps éternel : toujours donc, c’est-à-dire pendant un temps infini, ce sera en même temps corruptible et incorruptible en acte. Mais ce qui est corrompu n’est pas toujours, or, ce qui est incorruptible est toujours : donc une chose aura en même temps la possibilité et de toujours être et de ne pas toujours être, ce qui est impossible, comme il apparaît d’après ce qui a été dit ci-dessus ; puisque ce qui peut toujours être est toujours par nécessité, à partir de là cela ne peut pas ne pas toujours être. Ainsi donc il apparaît que toute chose corruptible sera un jour corrompue. Et également si une chose peut être engendrée selon sa nature, il est nécessaire qu’elle soit créée. Et il ne faut pas ainsi comprendre que tout ce qui peut être engendré le sera un jour ; car peuvent être créées beaucoup de choses, qui ne le seront jamais : mais il n’est pas possible qu’une chose existant déjà puisse être engendrée selon sa nature, et que pourtant elle n’ait pas été engendrée, mais existe déjà de toute éternité. Car ce qui peut être engendré n’a pas la puissance naturelle d’être toujours, mais de pouvoir être après avoir été créée une fois. Et c’est pourquoi il ne dit pas que, si une chose peut être engendrée, elle le sera, mais qu’elle l’a été.

[71094] In De caelo, lib. 1 l. 29 n. 9 Deinde cum dicit: est autem et sic videre etc., ostendit idem ex parte causae eius quod ponitur ingenitum vel incorruptibile. Et primo ponit rationem; secundo excludit quandam obviationem, ibi: sed adhuc neque verum et cetera. Dicit ergo primo quod etiam sic sicut dicetur, contingit videre quod impossibile est aut quod id quod quandoque factum est, sit incorruptibile, aut quod est ingenitum et semper prius existens, corrumpatur. Illud enim quod est incorruptibile vel ingenitum, non potest esse a casu: quia illud quod est a casu vel a fortuna, neque sicut semper neque sicut frequenter aut est aut fit; illud autem quod est in infinito tempore, sive simpliciter infinito sive infinito ex una parte, scilicet ante vel post, vel est sicut semper, sicut illud quod est in infinito tempore simpliciter, vel sicut frequenter, sicut illud quod est in infinito tempore ex una parte. Necesse est ergo quod talia quae vel generantur vel corrumpuntur post infinitum tempus, a natura habeant quod quandoque sint et quandoque non sint. Sed eorum quae naturaliter quandoque sunt quandoque non sunt, eadem potentia est ad contradictoria, scilicet ad esse et non esse: quia quod aliqua quandoque sint et quandoque non sint, habent ex materia, inquantum subiicitur privationi vel formae. Sic igitur idem sequitur quod prius, scilicet quod opposita possint simul inesse eidem. In eo enim quod est generatum, remanet materia potens non esse: et ita, cum sit incorruptibile, simul erit potens esse et potens non esse. Et eadem ratio est ex parte ingeniti.

[71094] Sur le De caelo, I, 29, 9. Ensuite quand il dit : Ğ or il est possible de voir ainsi ğ, etc. il montre la même chose à partir de la cause de ce qu’on établit non engendré ou incorruptible. Et il établit premièrement le raisonnement ; il exclut deuxièmement une certaine objection, ici : Ğ mais encore il n’est pas vrai ğ, etc. Il dit donc premièrement qu’aussi, comme on le dira, il arrive de voir qu’il est impossible [283a30] que ce qui a été créé un jour soit incorruptible, ou bien que ce qui est non engendré et qui existait toujours avant soit corrompu. Car ce qui est incorruptible ou non engendré ne peut pas être par hasard, puisque ce qui est par hasard ou du fait de la fortune n’est pas ou n’est pas créé ni en tant que toujours [282b1], ni fréquemment ; or ce qui est pendant un temps infini, soit simplement infini soit infini à partir d’un moment, c’est-à-dire avant ou après, est soit toujours, comme ce qui est pendant un temps infini simplement, soit fréquemment, comme ce qui est pendant un temps infini à partir d’un moment. Il est donc nécessaire que de telles choses qui sont soit engendrées, soit corrompues après un temps infini, tiennent de la nature tantôt qu’elles soient et tantôt qu’elles ne soient pas. Mais la puissance de celles qui naturellement tantôt sont, tantôt ne sont pas est la même pour les contraires, c’est-à-dire pour le fait d’être et de ne pas être : puisqu’elles tirent de la matière le fait que tantôt elles soient et tantôt ne soient pas, dans la mesure où elle est soumise à la privation ou à la forme. Ainsi donc la conséquence est la même que précédemment, à savoir que les contraires peuvent se trouver en même temps dans la même chose. En effet, la matière qui peut ne pas être demeure dans ce qui est engendré : et ainsi, comme elle est incorruptible, elle sera capable d’être et capable de ne pas être en même temps : et le même raisonnement se fait à partir du non engendré.

[71095] In De caelo, lib. 1 l. 29 n. 10 Deinde cum dicit: sed adhuc neque verum etc., excludit quandam obviationem. Posset enim aliquis dicere quod illud incorruptibile quod est genitum, habet potentiam ad non esse, non quidem in futurum, sed respectu praeteriti: et similiter illud quod est ingenitum sed corruptibile, habet potentiam ad esse respectu praeteriti. Sed hoc ipse excludit, dicens quod non est verum dicere nunc quod modo sit annus prior, vel aliquid eorum quae in praeterito tempore fuerunt; neque etiam potest dici quod id quod est nunc, fuerit in anno praeterito: sic enim aliqua sunt secundum tempus distincta, ut ordo temporis perverti non possit, ut scilicet ea quae sunt praeterita vertantur in praesentia, et ea quae sunt praesentia attribuantur tempori praecedenti. Ex quo patet quod impossibile est illud quod aliquando non fuit, quod posterius habeat esse in sempiternum, sicut iam conclusum est ex praemissa ratione. Quia ratione materiae ex qua genitum est, etiam postquam est, habet virtutem ad non esse: sed non potest dici quod habeat potentiam ad non esse tunc, quia iam existit actu ens, et sic opposita essent simul, ut in praemissis rationibus concludebatur; sed sequitur quod habeat potentiam ad non esse respectu prioris anni vel praeteriti temporis. Quod autem hoc sit impossibile, sic patet. Quia illud ad quod habet aliquid potentiam vel virtutem, potest poni esse in actu: si ergo possibile est aliquid respectu praeteriti temporis vel esse vel non esse, poterit poni quod annus prior non sit, idest quod illud quod fuit in anno priori tunc non fuerit: sed hoc est impossibile, ut praemissum est; et hoc ideo, quia nulla potentia respicit id quod factum est in praeterito, sed id quod est in praesenti vel quod futurum est. Et quod dictum est circa genitum quod ponitur incorruptibile, eadem etiam ratio est si aliquid ponatur prius existens in sempiterno tempore, et postea ponatur non existens per corruptionem. Sequetur enim quod postquam corruptum est, ratione materiae habeat potentiam ad illud quod non potest poni in actu, scilicet ad esse in priori tempore. Quod si ponatur esse possibile, verum erit dicere quod nunc est annus prior, et quod nunc est quidquid fuit in praeterito tempore, ex quo potentia non est nisi respectu praesentis, ut dictum est. Virtus igitur huius rationis in hoc consistit quod, cum potentia non sit nisi respectu praesentis vel futuri, si aliquid dicatur habere potentiam respectu praeteriti, sequitur quod praeteritum convertatur, et fiat praesens vel futurum.

[71095] Sur le De caelo, I, 29, 10. Ensuite quand il dit : Ğ mais encore il n’est pas vrai ğ, etc., il rejette une certaine objection. En effet, quelqu’un pourrait dire que la chose incorruptible qui est engendrée a la puissance de ne pas être, non certes dans le futur, mais au regard du passé : et également cette chose qui est non engendrée mais corruptible a la puissance d’être au regard du passé. Mais il rejette cela lui-même, disant qu’il n’est pas vrai de dire maintenant que l’année d’avant est bientôt, ou l’une des choses qui ont été dans le temps passé et qu’il n’est pas non plus possible de dire que ce qui est maintenant a été l’an passé ; car ainsi quelques choses sont distinctes selon le temps, si bien que l’ordre du temps ne peut être bouleversé de telle sorte que ce qui est passé revienne dans le présent, et ce qui est présent est attribué au temps précédent. À partir de là il apparaît qu’il est impossible que ce qui n’a pas été un jour ait une existence plus tard pour l’éternité, comme on l’a déjà conclu d’après le raisonnement déjà mentionné. Puisque suivant l’organisation de la matière à partir de laquelle cette chose a été engendrée, même après avoir été, elle a la capacité de ne pas être : mais on ne peut dire qu’elle ait la puissance de ne pas être alors, [283b10] puisque son étant existe déjà en acte, et qu’il y aurait ainsi des contraires en même temps, comme on le concluait dans les raisonnements déjà tenus ; mais il s’ensuit qu’elle a la puissance de ne pas être au regard de l’année d’avant ou du temps passé. Il apparaît ainsi que c’est impossible. Puisque l’on peut établir que ce dont une chose a la puissance ou la capacité est en acte ; donc s’il est possible qu’une chose soit ou ne soit pas au regard du temps passé, on pourrait établir que l’année d’avant n’a pas été, c’est-à-dire que ce qui a été pendant l’année d’avant n’a pas été alors : mais c’est impossible, comme on l’a déjà admis ; et cela parce qu’aucune puissance ne regarde ce qui a été créé dans le passé, mais ce qui est dans le présent ou ce qui sera. Et parce que l’on a dit concernant l’engendré qu’il est établi incorruptible, le raisonnement est aussi le même si une chose est établie existant auparavant pendant l’éternité, et par la suite n’existant pas en raison de la corruption. Il s’ensuivra en effet que, après qu’elle a été corrompue, grâce à l’organisation de la matière, [283b15] elle a la puissance de ce qui ne peut être établi en acte, c’est-à-dire d’être dans le temps précédent. Et si on établit que c’est possible, il sera vrai de dire que l’année précédente se passe maintenant, et qu’est maintenant tout ce qui a été dans le temps passé, d’où il n’y a pas de puissance si ce n’est au regard du présent, comme on l’a dit. Donc la force de ce raisonnement consiste en ce que, comme il n’y a pas de puissance si ce n’est au regard du présent ou du futur, si on dit qu’une chose a de la puissance au regard du passé, il s’ensuit que le présent est transformé et devient le présent ou le futur.

[71096] In De caelo, lib. 1 l. 29 n. 11 Deinde cum dicit: et naturaliter etc., ostendit propositum principale per rationem propriam scientiae naturali. Et dicit quod etiam per rationem naturalem, et non per rationem universalem, idest logicam vel metaphysicam, sicut in praecedentibus, potest considerari quod impossibile est id quod semper fuit postea corrumpi, vel id quod prius non fuit postea esse sempiternum. Et hoc probat quia omnia corruptibilia et generabilia sunt alterabilia; generatio autem et corruptio est terminus alterationis; alteratio autem fit de contrario in contrarium. Et sic patet quod ex illis contrariis ex quibus aliqua fiunt cum prius non essent, ab illis etiam postea corrumpuntur, et in eadem reducuntur per corruptionem; sicut si aliquid ex calido factum sit frigidum, potest iterum a calido calefieri. Et sic patet quod illud quod est generatum, potest iterum corrumpi; et illud quod est corruptum, fuit quandoque generatum.

[71096] Sur le De caelo, I, 29, 11. Ensuite quand il dit : Ğ et naturellement ğ, etc., il démontre la proposition principale par une raison propre à la science naturelle. Et il dit que grâce aussi à une raison naturelle, et non par une raison universelle, c’est-à-dire logique ou métaphysique, comme dans les propos précédents, on peut considérer qu’est impossible que soit par la suite corrompu ce qui a toujours été, ou que ce qui n’a pas été avant soit éternel par la suite. Et il le prouve par le fait que toutes les choses qui peuvent être corrompues et engendrées sont altérables ; or la génération et la corruption sont le terme de l’altération ; or l’altération se fait de contraire en contraire. Et il apparaît ainsi que par les contraires à partir desquels des choses sont créées alors qu’elles n’étaient pas auparavant, elles sont aussi corrompues par la suite, et sont ramenées au même état par la corruption ; de même que si une chose, de chaude, est devenue froide, elle peut de nouveau être réchauffée par le chaud. Et il apparaît ainsi que ce qui a été engendré peut de nouveau être corrompu ; et ce qui est corrompu a été un jour engendré.

[71097] In De caelo, lib. 1 l. 29 n. 12 Est autem considerandum quod praedictae rationes Aristotelis procedunt contra positionem ponentem mundum esse factum per generationem, et etiam esse incorruptibilem vel per se vel per voluntatem Dei. Nos autem secundum fidem Catholicam ponimus quod incoepit esse, non quidem per generationem quasi a natura, sed effluens a primo principio, cuius potentia non erat alligata ad dandum ei esse infinito tempore, sed secundum quod voluit, postquam prius non fuerat, ut manifestetur excellentia virtutis eius supra totum ens; quod scilicet totum ens tantum dependet ab ipso, et eius virtus non est alligata vel determinata ad productionem talis entis. Ea vero quae ab eo sic producta sunt ut in sempiternum sint, habent potentiam et virtutem ad semper essendum, et nullo modo ad hoc quod aliquando non sint. Quando enim non erant, talem potentiam non habebant: quando autem iam sunt, non habent potentiam respectu non esse quod prius fuit, sed respectu esse quod nunc est vel erit; quia potentia non respicit praeteritum, sed praesens vel futurum, ut philosophus dicit. Sic igitur patet quod rationes praemissae in nullo impugnant sententiam Catholicae fidei. Et in hoc terminatur sententia primi libri.

[71097] Sur le De caelo, I, 29, 2. Or il faut considérer que les raisons d’Aristote déjà mentionnées sont avancées contre la position établissant que le monde a été créé par génération et qu’il est aussi incorruptible soit de lui-même, soit par la volonté de Dieu. Nous, suivant la foi catholique, nous établissons qu’il a commencé à être, non certes par génération comme par nature, mais s’écoulant d’un principe premier, dont la puissance n’avait pas été liée au fait de lui donner à être pendant un temps infini, mais selon ce qu’il a voulu, après qu’il n’avait pas été, de telle sorte que l’excellence de son pouvoir se manifeste sur tout l’étant ; que l’étant tout entier dépend seulement de lui-même, et que son pouvoir n’est pas lié ou déterminé à la production d’un tel étant. Or les choses qui ont été ainsi produites par lui dans le but qu’elles soient éternelles ont la puissance et le pouvoir de toujours être, et en aucune manière de ne pas être un jour. En effet, quand elles n’étaient pas, elles n’avaient pas une telle puissance : or quand elles sont désormais, elles n’ont pas de puissance au regard du non être qui était auparavant, mais au regard de l’être qui est maintenant ou qui sera, puisque cette puissance ne regarde pas le passé, mais le présent ou le futur, comme le philosophe le dit. Ainsi donc il apparaît que les raisons déjà mentionnées n’attaquent nullement la doctrine de la foi catholique. Et c’est sur ces mots que se termine l’exposé du livre premier.

 

 

Liber 2

Livre 2 – [Le corps céleste]

Lectio 1

Leçon 1 – [L’éternité du ciel]

[71098] In De caelo, lib. 2 l. 1 n. 1 Postquam in primo libro philosophus determinavit de toto mundo, in quo ostendit esse quaedam corpora quae moventur circulariter, quaedam quae moventur motu recto, hic incipit determinare de corporibus quae moventur circulariter. Et primo determinat de ipsis corporibus circulariter motis; secundo determinat de centro super quod circulariter moventur, ibi: reliquum autem de terra dicere et cetera. Circa primum duo facit: primo determinat de caelo, quod est corpus circulariter motum; secundo de stellis quae sunt in caelo, ibi: de vocatis autem astris et cetera. Circa primum duo facit: primo determinat de his quae pertinent ad substantiam caeli; secundo de his quae pertinent ad motum eius, ibi: quoniam autem est dupliciter et cetera. Circa primum tria facit: primo determinat de duratione caeli; secundo de diversitate partium eius, ibi: quoniam autem quidam sunt etc.; tertio determinat de figura ipsius, ibi: figuram autem sphaericam et cetera. Circa primum duo facit: primo infert conclusionem in praecedentibus manifestatam; secundo ex illa conclusione arguit ad propositum, ibi: propter quod bene se habet et cetera.

[71098] Sur le De caelo, II, 1, 1. Après que le Philosophe a traité du monde entier dans le premier livre, où il a montré qu’il y a des corps qui se déplacent circulairement, et d’autres qui se déplacent selon un mouvement droit, il commence ici à traiter des corps qui se déplacent circulairement. Et il traite premièrement des corps se déplaçant circulairement eux-mêmes ; il traite deuxièmement du centre autour duquel ils se déplacent circulairement, ici : Ğ or il reste à dire de la terre ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : il traite premièrement du ciel, qui est un corps au mouvement circulaire, deuxièmement des étoiles qui sont dans le ciel, ici : Ğ à propos des astres appelés ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : il traite premièrement de ce qui concerne la substance du ciel ; deuxièmement de ce qui concerne son mouvement, ici : Ğ or puisqu’il est doublement ğ, etc. Concernant le premier point, il fait trois choses : il traite premièrement de la durée du ciel ; deuxièmement de la diversité de ses parties, ici : Ğ puisque certains sont ğ, etc. ; il traite troisièmement de sa forme, ici : Ğ la forme sphérique ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : il tire premièrement la conclusion rendue évidente par les passages précédents ; il argumente deuxièmement à partir de cette conclusion en vue de la proposition, ici : Ğ parce qu’il est bon, etc.

[71099] In De caelo, lib. 2 l. 1 n. 2 Dicit ergo primo quod ex praemissis possumus accipere credulitatem quod totum caelum neque sit factum, neque contingat ipsum corrumpi, sicut quidam dicunt. Dicit autem totum caelum esse ingenitum et incorruptibile, eo quod maxima pars corporum mundi est substantia caelestis corporis, quod est ingenitum et incorruptibile per modum quo in primo libro probatum est. Vel hoc dicit ad differentiam quarundam partium mundi, quae sunt generabiles et corruptibiles secundum partes, licet non secundum totum, sicut patet de elementis. Vel quia huiusmodi corpora quae sunt generabilia et corruptibilia, sicut animalia et plantae et lapides, non proprie sunt partes mundi (alioquin mundus nunquam perfectus esset, cum non habeat omnia huiusmodi simul): sed huiusmodi sunt quidam effectus partium mundi; et ideo, licet huiusmodi res subiaceant generationi et corruptioni non solum secundum partem, sed secundum totum, nihilominus tamen totus mundus caret generatione et corruptione. Et est notandum quod dicit caelum omne non est factum; sed non dicit neque corruptum, sed neque contingit corrumpi, propter illos qui dicebant mundum ex natura sua esse corruptibilem, et tamen nunquam corrumpetur propter voluntatem Dei; et ideo signanter dicit quemadmodum quidam dicunt. Sed probatum est supra quod est unum tantum et sempiternum (quod dicit ne crederetur sempiternum esse non unum numero, sed specie); ita scilicet quod non habet principium neque finem totius aeterni, idest totius suae durationis infinitae. Et ne aliquis putaret mundum corporeum sic dici aeternum sicut Deus, cuius esse et vivere est totum simul, scilicet absque successione prioris et posterioris, subiungit habens autem infinitum tempus; quia scilicet eius duratio extenditur secundum successionem temporis. Non tamen totus mundus habet hoc modo durationem temporalem, sicut aliquod singulare generabile et corruptibile, cuius duratio comprehenditur a tempore, non tamen continet tempus: sed tempus continetur a toto mundo, tum quia tempus non extenditur ultra durationem mundi, tum quia tempus causatur ex motu primi corporis mundi, ut in IV Physic. habitum est. Unde tempus continetur a mundo, sicut effectus a causa. Habet autem tempus quod mensuret motum caeli, non quidem inquantum continetur ab eo sicut effectus a causa (non enim continens mensuratur per contentum, sed e converso): sed hoc, inquam, habet tempus inquantum est imago quaedam derivata ab aeternitate divina, sicut et Boethius dicit: qui tempus ab aevo ire iubes. Haec igitur quae dicta sunt, non solum credibilia redduntur per rationes supra positas, sed etiam per opiniones aliter dicentium, qui attribuunt mundo generationem et corruptionem. Si enim ita sit, quod et contingit mundum sic se habere sicut nos dicimus, absque hoc quod aliquod inconveniens sequatur, non autem contingit se habere secundum modum quo illi dicunt mundum factum esse, hoc iam habebit magnam inclinationem, idest magnam vim persuasivam, ad hoc quod aliquis credat immortalitatem caeli et sempiternitatem ipsius (ut immortalitas referatur ad perpetuitatem vitae, sempiternitas autem ad perpetuitatem essendi: ponebant enim caelum non solum esse, sed etiam vivere, tanquam animatum). Ex hoc autem quod hic dicit, apparet quod Aristoteles induxit praedictas rationes ad probandum sempiternitatem mundi, non tanquam ostendentes ex necessitate quod mundus non incoeperit, sed tanquam ostendentes quod non incoepit illo modo quo ab aliis incoepisse ponebatur.

[71099] Sur le De caelo, II, 1, 2. [283b26] Il dit donc premièrement que, d’après les prémisses, nous pouvons accepter de croire que le ciel tout entier n’a pas été créé, ni n’est susceptible d’être lui-même corrompu, comme le disent certains. Or il dit que le ciel tout entier est non engendré et incorruptible, du fait que la plus grande part des corps du monde constitue la substance du corps céleste, qui est non engendré et incorruptible comme on l’a prouvé dans le premier livre. Ou bien il dit cela pour marquer une différence avec certaines parties du monde, qui peuvent être engendrées et corrompues selon leurs parties, mais non selon le tout, comme on le voit pour les éléments, ou bien parce que les corps de ce genre qui peuvent être engendrés ou corrompus, comme les animaux, les plantes et les pierres, ne sont pas des parties du monde à proprement parler (autrement le monde ne serait jamais parfait, comme il n’aurait pas tous les corps de ce genre en même temps) : mais certains effets des parties du monde sont de ce genre ; et c’est pourquoi, bien que les êtres de ce genre soient soumis à la génération et à la corruption non seulement selon la partie, mais selon le tout, le monde entier est cependant dépourvu de génération et de corruption. Et il faut noter qu’il dit que Ğ tout le ciel n’a pas été créé ğ, mais qu’il ne dit pas qu’il n’a pas été corrompu, mais Ğ qu’il n’est pas susceptible d’être corrompu ğ, à cause de ceux qui disaient que le monde est corruptible par nature et qu’il n’est pourtant jamais corrompu par la volonté de Dieu ; et c’est pourquoi il dit clairement : Ğ comme certains le disent ğ. Mais on a prouvé ci-dessus qu’il est seulement unique et éternel (il le dit afin que l’on ne croie pas que l’éternel n’est pas unique en nombre, mais en espèce) ; et c’est ainsi qu’il n’a pas de début, ni de fin Ğ de toute son éternité ğ, c’est-à-dire de toute sa durée infinie. Et de peur que l’on croie que le monde matériel est dit éternel comme Dieu, dont l’être et la vie sont tout entiers en même temps, c’est-à-dire sans que se succèdent l’avant et l’après, il ajoute Ğ qu’il a un temps infini ğ, puisque sa durée s’étend dans la succession du temps. Cependant le monde entier n’a pas la même durée qu’une unique chose qui peut être engendrée et corrompue, et dont la durée est comprise par le temps, mais qui ne contient pas le temps : mais le temps est contenu par le monde entier, d’une part parce que le temps ne s’étend pas au-delà de la durée du monde, d’autre part parce que le temps est causé par le mouvement du premier corps du monde, comme il est considéré dans le livre IV de la Physique. De ce fait le temps est contenu par le monde, comme l’effet par la cause. Or, le temps a pour particularité de mesurer le mouvement du ciel, non certes dans la mesure où il est contenu par lui comme l’effet par la cause (car le contenant n’est pas mesuré par le contenu, mais inversement), cependant le temps a, dis-je, cette particularité dans la mesure où c’est une image dérivée de l’éternité divine, comme Boèce le dit aussi : Ğ toi qui ordonnes au temps d’aller par la durée ğ. [283b30] Donc ce qui a été dit est non seulement rendu crédible par les raisonnements établis ci-dessus, mais aussi par les opinions de ceux qui disent autrement, en attribuant au monde génération et corruption. En effet si les choses étaient telles que le monde soit susceptible d’être comme nous le disons, sans qu’aucun inconvénient ne suive, et qu’il ne soit pas susceptible d’être de la manière dont ceux-là disent que le monde a été créé, cela aurait alors Ğ une grande propension ğ [284a1], c’est-à-dire une grande force persuasive, pour que l’on croie à l’immortalité du ciel et à son éternité (de même que Ğ l’immortalité ğ se rapporte à la perpétuité de la vie, Ğ l’éternité ğ ressortit à la perpétuité de l’être : car ils établissaient non seulement que le ciel est, mais qu’il vit aussi, en tant qu’être animé). À partir de ce qu’il dit ici, il apparaît qu’Aristote a avancé les raisons déjà mentionnées pour prouver l’éternité du monde, dans le but de montrer non pas qu’il est nécessaire que le monde n’ait pas commencé, mais qu’il n’a pas commencé de la manière dont d’autres l’établissaient.

[71100] In De caelo, lib. 2 l. 1 n. 3 Deinde cum dicit: propter quod bene se habet etc., ex praemissa conclusione, quae erat de sempiternitate totius mundi, concludit propositum, scilicet sempiternitatem corporis caelestis. Et circa hoc tria facit: primo infert conclusionem in generali; secundo manifestat eam in speciali, ibi: caelum autem etc.; tertio ex veritate manifestata excludit contrarias opiniones, ibi: propter quod quidem et cetera. Circa primum duo facit: primo infert conclusionem intentam; secundo ponit rationem ipsius, ibi: etenim finis et cetera. Dicit ergo primo quod, quia ex praemissis inclinamur ad credendum sempiternitatem mundi, consequens est quod homo se exhibeat de facili persuasibilem a dictis antiquorum: non tamen quantum ad quoscumque antiquos errantes, sed praecipue quantum ad patres nostros, qui scilicet nos in cultu divino instruxerunt; ut scilicet credamus eorum sermones esse veros, quantum ad hoc quod credamus aliquid esse immortale et divinum, non solum de numero substantiarum immobilium, quae sunt penitus a materia separatae, sed etiam quantum ad corpora quae habent motum, talem tamen ut ipsius motus corporis divini et immortalis non sit aliquis finis, quo scilicet iste motus terminetur, sed magis iste motus sit finis omnium aliorum motuum. Ideo autem hoc attribuit antiquis sermonibus patrum, quia omnes illi qui apud gentiles cultum divinum instituerunt, hoc intendebant, quod cultus divinus exhiberetur caelo tanquam divino et immortali corpori et quod semper movetur: unde et a thein, quod est semper currere, in Graeco Theon, idest Deum, nominaverunt.

[71100] Sur le De caelo, II, 1, 3. Ensuite quand il dit : Ğ parce qu’il est bon ğ, etc., à partir de la conclusion déjà tirée, qui traitait de l’éternité du monde entier, il conclut la proposition, à savoir l’éternité du corps céleste. Et concernant cela il fait trois choses : il tire premièrement la conclusion en général ; il la montre deuxièmement spécialement, ici : Ğ or, le ciel ğ, etc. ; il rejette troisièmement les opinions contraires grâce à la vérité démontrée, ici : Ğ parce que, du moins, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : il tire premièrement la conclusion recherchée ; il établit deuxièmement son propre raisonnement, ici : Ğ en effet la fin ğ, etc. Il dit donc premièrement que, puisque, d’après les prémisses, nous tendons à croire à l’éternité du monde, il s’ensuit que l’homme se montre aisément propre à être persuadé par les propos des Anciens, non cependant par n’importe quel Ancien tombé dans l’erreur, mais surtout par nos Pères, qui nous ont instruits dans le culte divin, pour que nous croyions que leurs discours sont vrais, concernant la foi en quelque chose d’immortel et de divin, non seulement parmi les substances immobiles, profondément séparées de la matière, mais aussi chez les corps doués de mouvement, mais d’un mouvement [284a5] tel que celui du corps divin et immortel lui-même n’a pas de limite où se terminer, mais que en étant plutôt la limite de tous les autres mouvements. C’est pourquoi il attribue cela aux discours anciens des Pères, puisque tous ceux qui chez les Gentils ont institué le culte divin avaient l’intention de l’attribuer au ciel en tant que corps divin, immortel et qui se déplace toujours : de ce fait en grec ils ont appelé Dieu Theos à partir de thein, qui signifie Ğ toujours courir ğ.

[71101] In De caelo, lib. 2 l. 1 n. 4 Deinde cum dicit: etenim finis etc., ponit rationem praedictae conclusionis, quantum ad hoc quod dixerat, quod motus caeli sit finis aliorum motuum. Omne enim continens habet rationem finis, inquantum contentum terminatur ad suum continens. Manifestum est autem quod imperfectum natum est contineri a perfecto. Sicut autem in primo ostensum est, motus circularis est perfectus, motus autem recti sunt imperfecti: quia non redeunt ad suum principium, sicut motus circularis, sed habent terminum maxime distantem et contrarium principio; unde sicut in principio incipiunt moveri, ita cum sunt in termino, incipiunt quiescere. Unde oportet quod motus circularis contineat alios motus, sicut perfectum continet imperfectum. Et propter hoc motus circularis est finis aliorum motuum, ita scilicet quod ipse motus circularis nullum habeat principium neque finem, quo incipiat moveri neque desinat, sed quod incessabiliter moveatur tempore infinito. Omne autem quod incipit aut desinit moveri, hoc patitur per aliquem motum praecedentem, qui est causa motus ipsius: si enim in eadem dispositione se haberet movens et mobile, non magis inciperet motus postea quam prius, in his quae a natura moventur; unde si aliquis motus incipit de novo, oportet praeexistere aliquem motum qui causet novitatem huius motus. Si autem mundus est sempiternus, oportet quod semper fuerit motus. Unde oportebat ponere aliquem motum sempiternum, qui contineat alios motus non sempiternos, tanquam finis ipsorum; ita tamen quod horum quidem mobilium sit causa quod incipiant moveri, illorum autem quae desinunt moveri, suscipiat quietem. Non autem dicit causet quietem, sed suscipiat: quia de intentione causae universalis est quod imprimat suam similitudinem effectibus, qui tamen non possunt adaequare causam universalem, sed recipiunt similitudinem eius secundum suum modum; sicut patet quod haec inferiora non recipiunt uniformiter a Deo sempiternitatem divini esse, ut scilicet maneant semper eadem numero, sed manent eadem specie per generationem et corruptionem individuorum; unde Deus ipse quidem dat esse rebus, sed earum corruptionem recipit, quasi ea utens ad generationem aliorum. Et similiter inferiores motus recipiunt similitudinem sempiternitatis motus caelestis non uniformiter, sed secundum alternationem quietis et motus. Unde id quod est in eis de motu, causatur ex motu caelesti; quod autem est in eis de defectu motus, idest de quiete, causatur ex defectu ipsorum, in quorum natura non est ut semper moveantur; sed motus caeli dicitur suscipere quietem horum corporum, sicut ordinatam ad finem. Et sic etiam Plato in Timaeo Deum mundi conditorem inducit dicentem caelestibus diis: alimentum dantes augete, et detrimentum passa iterum suscipite.

[71101] Sur le De caelo, II, 1, 4. Ensuite quand il dit : Ğ en effet la fin ğ, etc., il établit la raison de la conclusion déjà mentionnée sur ce qu’il avait dit, à savoir que le mouvement du ciel est la limite des autres mouvements. En effet, tout contenant a le principe de limite, dans la mesure où le contenu est limité par son contenant. Or il est manifeste que ce qui est imparfait est né pour être contenu par ce qui est parfait. Comme on l’a montré dans le premier livre, le mouvement circulaire est parfait, mais les mouvements rectilignes sont imparfaits, puisqu’ils ne reviennent pas à leur début, comme le mouvement circulaire, mais qu’ils ont une fin très éloignée et opposée à leur début ; de ce fait, de même qu’ils commencent à se déplacer au début, ils commencent à s’arrêter de la même façon qu’ils sont à la fin. À partir de là il faut que le mouvement circulaire contienne les autres mouvements, comme ce qui est parfait contient ce qui ne l’est pas. Et pour cette raison le mouvement circulaire est la fin  des autres mouvements, et c’est ainsi que le mouvement circulaire lui-même n’a ni début, ni fin où commencer et cesser de se déplacer, mais qu’il se déplace sans cesse pendant [284a10] un temps infini. Or tout ce qui commence ou cesse de se déplacer subit cela par un mouvement précédent, qui est la cause du mouvement lui-même : en effet, si ce qui déplace et ce qui est déplacé étaient dans la même disposition, le mouvement ne commencerait pas plus après qu’avant, concernant les êtres déplacés par nature ; de ce fait, si un mouvement commence de nouveau, il faut que préexiste un mouvement qui soit la cause de ce nouveau mouvement. Or si le monde est éternel, il faut que ce mouvement soit toujours. À partir de là, il faudrait établir un mouvement éternel qui contienne d’autres mouvements non éternels et qui soit leur fin ; et c’est ainsi que pour ces corps mobiles-ci il est la cause de leur commencement et que pour ceux-là qui cessent de se déplacer il reçoit leur repos. Or il ne dit pas qu’il cause leur repos, mais qu’il le Ğ reçoit ğ, puisque l’intention de la cause universelle est d’imprimer sa ressemblance aux effets, qui pourtant ne peuvent l’égaler, mais qui peuvent recevoir sa ressemblance selon leur mode, de même qu’il apparaît que ces êtres inférieurs ne reçoivent pas uniformément de Dieu l’éternité de l’être divin, de telle sorte qu’ils demeurent toujours les mêmes en nombre, mais qu’ils restent de la même espèce par génération et corruption des individus ; de ce fait, Dieu lui-même donne un être aux choses et reçoit leur corruption, l’utilisant en quelque sorte pour engendrer d’autres choses. Et, de la même façon, les mouvements inférieurs reçoivent la ressemblance de l’éternité du mouvement céleste non pas de façon uniforme, mais selon l’alternance du repos et du mouvement. Par conséquent, ce qui participe du mouvement chez eux est causé par le mouvement céleste ; ce qu’il participe chez eux du défaut de mouvement, c’est-à-dire du repos, est causé par le défaut des corps inférieurs eux-mêmes, pour lesquels il n’est pas naturel de se déplacer toujours ; mais on dit que le mouvement du ciel engendre le repos de ces corps, comme si ce dernier était ordonné vers une fin. Et ainsi Platon avance aussi dans le Timée que Dieu a fondé le monde, en disant aux divinités célestes : Ğ développez-les en leur donnant des aliments, et recevez-les de nouveau s’ils ont connu des pertes ğ.

[71102] In De caelo, lib. 2 l. 1 n. 5 Deinde cum dicit: caelum autem etc., manifestat in speciali quod dixerat: et primo quantum ad sempiternitatem caeli; secundo quantum ad qualitatem motus eius, ibi: adhuc autem sine labore et cetera. Quod autem caelum sit sempiternum, manifestat dupliciter. Primo quidem secundum dicta antiquorum. Et dicit quod antiqui ipsis diis attribuebant caelum et locum qui est sursum, tanquam caelum sit immortale, ut convenienter possit esse locus immortalium, sicut etiam supra dictum est in primo. Vocat autem locum sursum ipsum caelum propter communem opinionem sic loquentium; et quia locus quo feruntur levia, qui proprie dicitur locus sursum, propinquissimus est caelesti corpori.

[71102] Sur le De caelo, II, 1, 5. Ensuite, quand il dit : Ğ or le ciel ğ, etc., il démontre spécialement ce qu’il avait dit ; premièrement sur l’éternité du ciel ; deuxièmement sur la qualité de son mouvement, ici : Ğ de plus sans labeur ğ, etc. Il montre de deux façons que le ciel est éternel. Premièrement selon les propos des Anciens. Et il dit que les Anciens attribuaient aux dieux eux-mêmes le ciel et le lieu qui est en haut, parce que le ciel est immortel, afin qu’il puisse être un lieu convenable aux immortels, comme on l’a dit ci-dessus dans le premier livre. Or il appelle Ğ lieu en haut ğ le ciel lui-même suivant l’opinion commune de ceux qui parlent ainsi, et puisque le lieu où sont portés les corps légers, qui est appelé lieu en haut au sens propre, est le plus proche du corps céleste.

[71103] In De caelo, lib. 2 l. 1 n. 6 Secundo ibi: nunc autem testificatur etc., manifestat idem per rationem supra positam, qua ostendebatur quod caelum sit ingenerabile et incorruptibile, ex hoc scilicet, quod caret contrario. Ibidem etiam est ostensum quod caelum est impassibile passione quae inducit difficultatem corruptionis, ut ibidem ostensum est. Sunt tamen corpora caelestia passibilia passione perfectionis, sicut quod luna illuminatur et recipit virtutem a sole: et haec etiam supra dicta sunt.

[71103] Sur le De caelo, II, 1, 6. Deuxièmement ici : Ğ or maintenant il est attesté ğ, etc., il montre la même chose grâce au raisonnement établi ci-dessus, où il démontrait que le ciel ne peut être engendré ni corrompu, étant donné qu’il est dépourvu de contraire. Ici même il a été montré que le ciel n’est pas affecté par un accident qui crée une difficulté causée par corruption, comme on l’a montré ici-même. Cependant les corps célestes sont affectés par un accident causé par la perfection, comme la Lune est illuminée par le Soleil et en reçoit sa puissance : et cela aussi a été dit ci-dessus. [284a15]

[71104] In De caelo, lib. 2 l. 1 n. 7 Deinde cum dicit: adhuc autem sine labore etc., manifestat qualitatem motus caeli, et quod movetur sine labore. Et hoc probat quia non est ponere quod per aliquam necessitatem violentam detineatur, quae prohibeat ipsum aliter moveri, scilicet secundum suam naturam. Omne enim quod cum labore movetur, movetur contra motum naturalem sui corporis (propter quod motus animalis sursum est laboriosus): quae autem contra suam naturam moventur, si debeat eorum motus continuari, oportet quod hoc sit per aliquod violentum movens, quod imponat eis necessitatem coactionis; nam necessitas naturalis non est nisi ad ea quae sunt secundum naturam. Omne autem quod est tale, quod scilicet movetur aliquo motu contra suam naturam, tanto magis laboriosum est, quanto motus eius est magis continuus et sempiternus, et quanto magis est expers optimae dispositionis, ut scilicet sit secundum suam naturam. Hoc autem non potest attribui corpori caelesti, quod est nobilissimum corporum: unde relinquitur quod motus caeli non sit laboriosus.

[71104] Sur le De caelo, II, 1, 7. Ensuite quand il dit : Ğ en outre sans effort ğ, etc., il montre la qualité du mouvement du ciel, et le fait qu’il est déplacé sans effort. Et il le prouve en disant qu’il n’est pas possible d’établir qu’il est retenu par une nécessité violente, qui l’empêche de se déplacer autrement, c’est-à-dire selon sa nature. En effet tout ce qui est déplacé avec effort l’est contre le mouvement naturel de son corps (parce que le mouvement ascendant est pénible pour un animal) : or pour les choses qui se déplacent contre leur nature, si leur mouvement doit être continué, il faut que ce soit par quelque corps violent capable de les déplacer et qui leur impose la nécessité de sa force ; car la nécessité naturelle ne s’exerce que sur les corps qui suivent la nature. Or ce phénomène ne peut être attribué au corps céleste, qui est le plus noble des corps : de ce fait il reste que le mouvement du ciel est sans effort.

[71105] In De caelo, lib. 2 l. 1 n. 8 Deinde cum dicit: propter quod quidem etc., excludit opiniones contrarias. Et primo excludit errores; secundo concludit veritatem intentam, ibi: si itaque quemadmodum et cetera. Circa primum excludit tres opiniones. Quarum prima est fabularis. Et dicit quod, quia motus caeli non est laboriosus nec contra naturam, non est nec leviter suspicandum quod se habeat sempiternitas caeli et motus eius secundum antiquam fabulam Homeri et aliorum poetarum, qui dicebant quod caelum, ad hoc quod conservetur in suo situ, indiget quodam gigante, quem vocabant Atlantem, stantem super duas columnas et sustentantem humeris caelum. Illi enim qui istum sermonem fabularem composuerunt, videntur eandem opinionem habuisse de corporibus caelestibus, quam habuerunt quidam posteriores, scilicet ut essent gravia et terrea, ut sic indigeret sursum contra suam naturam detineri per aliquam virtutem animatam, vel alicuius rei viventis, puta Dei vel cuiuscumque substantiae separatae. Et si quidem hoc dicant caelo esse necessarium propter hoc quod caelum habeat gravitatem, fabula est omnino reprobanda: si autem intelligant quod caelum habeat naturam talis situs et motus, et tamen natura est ei ab alio causante et conservante, sic fabula aliquid divinum continet.

[71105] Sur le De caelo, II, 1, 8. Ensuite quand il dit : Ğ certes parce que ğ, etc., il rejette les opinions contraires. Et premièrement il exclut les erreurs ; deuxièmement il conclut la vérité recherchée, ici : Ğ c’est pourquoi de même que ğ, etc. Concernant le premier point, il exclut trois opinions. La première d’entre elles concerne un mythe. Et il dit que, puisque le mouvement du ciel n’est pas forcé, ni contre nature, il ne faut pas conjecturer à plus forte raison avec légèreté que l’éternité du ciel et de son mouvement se fait selon le mythe antique d’Homère et d’autres poètes, qui disaient que [284a20] le ciel, pour être maintenu à sa place, a besoin d’un géant, qu’ils appelaient Atlas, se tenant sur deux colonnes et soutenant le ciel de ses épaules. En effet, ceux qui ont inventé ce discours mythique semblent avoir eu la même opinion des corps célestes, que certains savants postérieurs, à savoir qu’il y a des corps lourds et terrestres qui ont ainsi besoin d’être maintenus en haut contre leur nature par une puissance animée, ou par celle d’un être vivant, par exemple Dieu ou n’importe quelle substance séparée. Et s’ils disent que c’est nécessaire au ciel parce qu’il a de la pesanteur, il faut totalement désapprouver ce mythe : mais s’ils entendent que le ciel a naturellement une telle situation et un tel mouvement, et que cependant sa nature lui vient d’un autre principe qui le cause et le conserve, alors la légende contient quelque chose de divin.

[71106] In De caelo, lib. 2 l. 1 n. 9 Secundo ibi: neque propter circumgyrationem etc., excludit opinionem Empedoclis, qui ponebat quod caelum in tali situ conservatur ne cadat, propter velocitatem sui motus, quae excedit inclinationem propriae naturae ad cadendum; sicut accidit in aqua, quae non effunditur si vas aquae velocius gyretur quam sit motus aquae deorsum. Et hoc etiam dicuntur posuisse Democritus et Anaxagoras. Sed hoc quidem forte esset possibile accidere in aliquo brevi tempore: sed quod per talem velocitatem motus conservetur situs caeli in tanto tempore, scilicet perpetuo et infinito, hoc est valde improbabile. Cum enim id quod est violentum sit quaedam exorbitatio ab eo quod est secundum naturam, non videtur quod possit esse maius tempus eius quod est violentum, quam eius quod est secundum naturam: quia id quod est secundum naturam est quasi semper aut sicut frequenter. Arguuntur etiam isti, sicut et primi, quia videntur putasse corpora caelestia esse gravia, sed propter velocitatem motus deorsum non cadere.

[71106] Sur le De caelo, II, 1, 9. Deuxièmement, ici : Ğ ni en raison d’un tourbillon ğ, etc., il rejette l’opinion d’Empédocle, qui établissait [284a25] que le ciel est conservé dans une telle situation afin de ne pas tomber à cause de la rapidité de son mouvement, qui dépasse son propre penchant naturel à tomber, comme cela arrive à l’eau, qui ne s’écoule pas si le vase qui la contient tourne plus vite que le mouvement descendant de l’eau. Et cela, on dit que ce sont aussi Démocrite et Anaxagore qui l’ont établi. Mais il serait peut-être possible que cela arrive dans un moment bref : mais il est hautement improbable que le ciel conserve sa place grâce à un mouvement aussi rapide, pendant un temps aussi long, c’est-à-dire perpétuel et infini. En effet, comme ce qui est violent s’écarte de ce qui est selon la nature, il ne semble pas possible que le temps de ce qui est violent soit plus long que celui de ce qui est selon la nature, puisque ce qui est selon la nature est pour ainsi dire toujours ou en quelque sorte fréquemment. Ceux-là aussi sont convaincus d’erreur, comme les premiers également, puisqu’ils semblent avoir pensé que les corps célestes sont lourds, mais qu’ils ne tombent pas en bas en raison de la rapidité de leur mouvement.

[71107] In De caelo, lib. 2 l. 1 n. 10 Tertio ibi: sed adhuc neque ab anima etc., excludit tertiam opinionem, quae est Platonis, qui posuit in Timaeo quod in medio mundi anima eius, ad extremum caelum omniquaque complexa, incoepit incessabilem et prudentem vitam ad omne tempus. Et primo ex parte ipsius corporis. Unde dicit quod non est rationabile dicere quod caelum et motus eius in sempiternum maneat propter coactionem animae rationalis, quia nullum coactum potest esse sempiternum: cum enim violentum sit contra naturam, sequeretur id quod est secundum naturam nunquam esse.

[71107] Sur le De caelo, II, 1, 10. Troisièmement ici : Ğ mais en outre ni par une âme ğ, etc., il rejette la troisième opinion, celle de Platon, qui a établi dans le Timée qu’au milieu du monde son âme, qui l’entoure de tous côtés à l’extrémité du ciel, commence une vie incessante et prudente pour toujours. Et premièrement à partir du corps lui-même. De ce fait, il dit qu’il n’est pas raisonnable d’affirmer que le ciel et son mouvement demeurent pour l’éternité sous la contrainte d’une âme rationnelle, puisqu’aucune contrainte ne peut être éternelle : en effet, comme la violence est contre-nature, il s’ensuivrait que ce qui est selon la nature n’est jamais.

[71108] In De caelo, lib. 2 l. 1 n. 11 Secundo ibi: neque enim etc., ostendit idem ex parte animae, dicens quod non posset esse vita animae moventis sic corpus, sine tristitia et beata. Cum enim motus sit corporis per violentiam, et anima moveat circulariter corpus quod est aptum natum aliter moveri, et cum hoc moveat ipsum continue, necesse est quod talis anima nunquam vacet, et quod sit remota ab omni robore prudenti. Et potest per robur prudens intelligi operatio speculativi intellectus, ad quam requiritur prudentia et robur, quasi dicat: si nullo modo vacat anima caeli a labore quem patitur movendo caelum contra suam naturam, semper impedietur a vehementi contemplatione, quam impedit continuitas laboris et tristitia consequens. Vel per prudens robur intelligit conatum animae, appositum ad movendum secundum prudentiam: non enim videtur esse prudentis adhibere robur suum ad continue laborandum sine intermissione. Nam si aliquid laboriosum assumatur ad modicum tempus, tolerabile erit: caelum autem movetur motu continuo et sempiterno. Unde si anima caeli moveret caelum contra suam naturam et cum labore, sequeretur quod esset peioris conditionis quam animae mortalium animalium, quae requiescunt a motu corporis saltem in somno: sed necessarium est quod fatum, idest ordinatio alicuius superioris, detineat ipsam animam caeli sempiternam et inconteribilem, idest non deficientem a movendo, ad similitudinem cuiusdam viri qui Ixion dicebatur, de quo fabulariter dicunt quod, cum esset praepositus a Iove nuptiis Iunonis, concupivit eam, quae loco sui supposuit ei nebulam, ex qua genuit Centaurum, unde Iupiter alligavit trocho, in quo continue moveretur. Quod quidem videtur Aristoteles dicere contra dictum Platonis, qui dixit quod ex medio mundi ad extremum caelum anima omniquaque complexa incoepit incessabilem et prudentem vitam ad omne tempus: secundum hoc enim videtur anima caeli alligata caelo sicut Ixion trocho. Et videtur quod vita talis animae non sit prudens, sed insipiens, utpote quae incoepit perpetuum laborem. Non autem reprehendit hic Aristoteles Platonem, qui posuit caelum animatum, quia et inferius hoc ipse ponit: sed de hoc quod videtur ponere quod moveat caelum in sempiternum contra suam naturam. Sed forte Plato non intellexit motum hunc esse contra naturam caeli; sed voluit exprimere quod natura secundum quam convenit ei talis motus, est ei ab alio.

[71108] Sur le De caelo, II, 1, 11. Deuxièmement, ici : Ğ ni en effet ğ, etc., il montre la même chose à partir de l’âme, disant que la vie de l’âme qui déplace ainsi un corps ne peut être sans tristesse et heureuse. En effet comme le mouvement du corps se fait par violence [284a30] et que l’âme déplace circulairement le corps qui est naturellement apte à l’être autrement, et comme elle le déplace continûment, il est nécessaire qu’une telle âme ne manque jamais à sa tâche, et qu’elle soit écartée de toute Ğ force prudente ğ. Et on peut comprendre par Ğ force prudente ğ un acte de l’intellect spéculatif, qui requiert prudence et force, comme s’il disait : si en aucune manière l’âme du ciel ne manque au travail subi par le ciel en se déplaçant contre sa nature, elle se verra toujours privée de force de la contemplation, qu’empêchent un travail continu et la tristesse qui s’ensuit. Ou bien par Ğ force prudente ğ il entend une tentative de l’âme, pour effectuer les déplacements avec prudence : en effet l’emploi de la force pour un travail continu et sans relâche ne semble pas caractéristique d’un être prudent. En effet si on entreprend une activité pénible pour un court moment, ce sera supportable ; or le ciel se déplace suivant un mouvement continu et éternel. De ce fait, si l’âme du ciel le déplaçait contre sa nature et avec peine, il s’ensuivrait qu’elle aurait une condition pire que l’âme des animaux mortels, qui se reposent du mouvement de leur corps du moins pendant leur sommeil : mais il est nécessaire que le Ğ destin ğ, c’est-à-dire la disposition d’un être supérieur, contienne l’âme du ciel elle-même [284a35] Ğ éternelle et inusable ğ, c’est-à-dire sans s’arrêter de déplacer, à l’image d’un homme qui s’appelait Ixion, dont le mythe raconte que, comme il était invité par Jupiter à ses noces avec Junon, il la désira, que Jupiter la remplaça par un nuage, dont naquit Centaure, et que par conséquent Jupiter l’attacha à un trochus, où il était déplacé continûment. Aristote semble dire cela contre les propos de Platon, qui a affirmé que du milieu du monde à l’extrémité du ciel une âme l’entourant de tous côtés commence une vie incessante et prudente pour toujours : selon cela, en effet, l’âme du ciel lui semble liée comme Ixion au trochus. Et il semble que la vie d’une telle âme n’est pas prudente, mais déraisonnable, puisqu’elle commence un travail perpétuel. Or ici Aristote ne critique pas Platon pour avoir établi un ciel animé, puisqu’il établit lui-même cela aussi plus bas, mais pour sembler établir qu’elle déplace le ciel pour l’éternité contre sa nature. Mais peut-être Platon n’a-t-il pas compris que ce mouvement est contraire à la nature du ciel ; mais peut-être a-t-il voulu dire que la nature qui fait qu’un tel mouvement lui convienne lui vient d’autre chose.

[71109] In De caelo, lib. 2 l. 1 n. 12 Deinde cum dicit: si itaque quemadmodum etc., concludit ex praemissis quod, si contingit ita se habere de primo motu locali, qui est motus caeli, sicut diximus, ut scilicet sit sine labore, non solum hoc existimare est melius quantum ad sempiternitatem ipsius caeli, sed hoc est magis conveniens existimationi quam habemus de diis (quam quidem vocat divinationem, quasi ex divina revelatione habitam): solum enim per istum modum dicemus ubique concordes sermones; non enim videtur esse consonum quod caelum moveatur a Deo, et quod motus eius sit cum labore. Sed de talibus sermonibus satis sit nunc ad praesens dictum.

[71109] Sur le De caelo, II, 1, 12. [284b1] Ensuite quand il dit : Ğ c’est pourquoi de même que ğ, etc., il conclut des prémisses que, s’il arrive qu’il en soit ainsi pour le premier mouvement local, qui est le mouvement du ciel, comme nous l’avons dit, à savoir qu’il est sans effort, non seulement il est mieux de le penser de l’éternité du ciel lui-même, mais cela convient davantage à l’opinion que nous avons des dieux (il l’appelle d’ailleurs Ğ divination ğ, comme si on la tenait d’une révélation divine) : en effet nous appellerons seulement de cette manière les propos en tout point concordants ; car le fait que le ciel soit déplacé par Dieu et que son mouvement se fasse avec effort ne semblent pas s’accorder. [284b5] Mais il en a assez été dit sur de tels propos pour l’instant.

 

 

Lectio 2

Leçon 2 – [Opinions des philosophes sur les parties du ciel]

[71110] In De caelo, lib. 2 l. 2 n. 1 Postquam philosophus determinavit de perpetuitate caeli, hic determinat de diversitate partium eius. Et primo determinat de diversitate partium caeli quae accipiuntur secundum diversitatem situs in eodem caelo; secundo de diversitate partium quae accipiuntur secundum ordinem corporum caelestium ad invicem, ibi: quoniam autem non est contrarius motus et cetera. Circa primum duo facit: primo determinat de diversitate situalium partium caeli secundum opinionem aliorum; secundo secundum opinionem propriam, ibi: nobis autem quoniam determinatum est et cetera. Circa primum duo facit: primo proponit quod intendit; secundo manifestat propositum, ibi: determinatum est quidem igitur et cetera. Dicit ergo primo quod, quia quidam dicunt quandam partem caeli esse dextram et quandam sinistram, scilicet Pythagorici, qui posuerunt dextrum et sinistrum in omnibus rebus, considerandum videtur utrum hoc modo se habeat sicut illi dicunt, vel magis aliter sint caelo attribuenda quam ipsi dicant: si tamen oportet aptare haec principia, scilicet dextrum et sinistrum, corpori totius mundi, per hoc quod insunt corpori caelesti, quod continet totum mundum. Hoc autem ideo considerandum videtur, quia statim a principio occurrit homini quod, si dextrum et sinistrum sint in caelo, quod multo magis et per prius aestimanda sint esse in caelo priora principia, scilicet sursum et deorsum, ante et retro.

[71110] Sur le De caelo, II, 2, 1. Après que le philosophe a traité de l’éternité du ciel, il traite ici de la diversité de ses parties. Et il traite premièrement de la diversité des parties du ciel qui sont considérées selon leurs différentes positions dans le même ciel ; deuxièmement des différentes parties qui sont considérées selon l’ordre des corps célestes les uns par rapport aux autres, ici : Ğ or puisque le mouvement n’est pas contraire ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : il traite premièrement des différentes positions des parties du ciel selon l’opinion des autres ; deuxièmement selon sa propre opinion, ici : Ğ pour nous puisqu’il a été traité ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : premièrement il propose ce qu’il a l’intention de faire ; deuxièmement il montre la proposition, ici : Ğ il a donc été traité ğ, etc. Il dit donc premièrement que, puisque, selon certains, une partie du ciel est à droite et qu’une autre est à gauche, c’est-à-dire les Pythagoriciens, qui ont établi une droite et une gauche en toute chose, il semble être nécessaire d’examiner si les choses sont comme ils le disent ou s’il faut attribuer au ciel des caractéristiques différentes de ce qu’ils disent eux-mêmes : cependant s’il faut adapter ces principes, c’est-à-dire la droite et la gauche, au corps du monde entier, parce qu’ils sont dans un corps céleste, qui contient le monde entier. Pour cette raison, cette question semble devoir être considérée, étant donné que, dès le début, s’il y a une droite et une gauche dans le ciel, on doit estimer en priorité et avant tout qu’il y a des principes antérieurs, c’est-à-dire le haut et le bas, l’avant et l’arrière.

[71111] In De caelo, lib. 2 l. 2 n. 2 Deinde cum dicit: determinatum est quidem igitur etc., manifestat propositum. Et primo ostendit conditionem istorum principiorum secundum quod in aliis rebus inveniuntur; secundo ostendit quod non inveniuntur in omnibus corporibus, ibi: propter quod et non in omni corpore et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit quod non omnia praedicta principia insunt omnibus; secundo ostendit quo ordine se habeant ad invicem, ibi: est autem sursum quidem et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit quod huiusmodi principia non omnia omnibus insint, sed quibusdam quaedam et non omnia; secundo ostendit hoc omnino esse inconveniens, ut caelo attribuantur quaedam et non omnia, ibi: si autem oportet caelo adaptare et cetera. Dicit ergo primo quod de huiusmodi principiis, quae dicuntur differentiae positionum, determinatum est in libro de processu animalium, propter hoc quod sunt propria naturae illorum, scilicet animatorum. In animalibus enim manifeste videntur huiusmodi existere secundum determinatas partes: ita quidem quod aliquibus animalibus, scilicet perfectis, quae non solum sentiunt sed etiam moventur motu locali, insint omnes tales partes, scilicet dextrum et sinistrum, ante et retro, sursum et deorsum; quibusdam vero animalibus, scilicet imperfectis et immobilibus, insunt quaedam eorum, scilicet sursum et deorsum, ante et retro; plantis autem non insunt nisi sursum et deorsum.

[71111] Sur le De caelo, II, 2, 2. Ensuite quand il dit : Ğ il faut donc déterminer ğ, etc., il montre la proposition. Et il expose premièrement la condition de ces principes dans la mesure où ils se trouvent dans les autres choses ; il montre deuxièmement qu’ils ne se trouvent pas dans tous les corps, ici : Ğ parce que et non pas dans tout corps ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : il montre premièrement que tous les principes ne se trouvent pas dans tous les corps ; il expose deuxièmement dans quel ordre ils sont les uns par rapport aux autres, ici : Ğ or c’est en haut ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : il montre premièrement que les principes de ce genre ne se trouvent pas tous dans toute chose, mais certains dans certaines et non tous ; il montre deuxièmement qu’il ne convient absolument pas de dire que [284b10] certains principes sont attribués au ciel et non tous, ici : Ğ or s’il faut adapter au ciel ğ, etc. Il dit donc premièrement que des principes de ce genre, qui sont appelés différences de position, il a été question dans le livre sur la marche des animaux, parce qu’ils sont propres à leur nature, c’est-à-dire à celle d’êtres animés. [284b15] En effet chez les animaux des principes de ce genre semblent clairement exister avec des parties déterminées ; et c’est ainsi que chez quelques animaux, à savoir parfaits, qui non seulement sentent, mais aussi se déplacent par un mouvement local, se trouvent toutes les parties de ce genre, à savoir la droite et la gauche, le devant et l’arrière, le haut et le bas ; or chez certains animaux, à savoir imparfaits et immobiles, se trouvent certains d’entre eux, c’est-à-dire le haut et le bas, l’avant et l’arrière ; or chez les plantes on ne trouve que le haut et le bas.

[71112] In De caelo, lib. 2 l. 2 n. 3 Deinde cum dicit: si autem oportet caelo adaptare etc., ostendit quod si in caelo aliquid de his ponatur, quod necesse est omnia huiusmodi in eo ponere. Et dicit quod si aliquid talium oportet attribuere caelo, scilicet vel dextrum vel sinistrum, rationabile est quod ibi primum existat id quod invenitur in animalibus perfectis: vel, rationabile est quod in eo existat id quod est primum in animalibus, quia posito posteriori, ponitur prius. Cum autem sint tres oppositiones vel dimensiones, unumquodque horum trium, scilicet sursum, ante et dextrum, est velut quoddam principium suae oppositionis vel dimensionis. Exponit autem consequenter quae dixerit esse illa tria: quorum unum est oppositio vel dimensio quae est inter sursum et deorsum, in qua quidem sursum est principium; aliud autem est inter anterius et eius oppositum, quod dicitur retro, ubi quod est ante est principium; aliud autem est inter dextrum et sinistrum, in qua dextrum est principium. Et quia perfectum est quod constat ex omnibus partibus seu principiis, rationabile est quod omnes huiusmodi oppositiones vel dimensiones inveniantur in corporibus perfectis, idest in animalibus perfectis. Unde, cum caelum sit maxime perfectum, rationabile est quod si sit capax harum partium, quod habeat omnes, et non quasdam tantum.

[71112] Sur le De caelo, II, 2, 3. Ensuite quand il dit : Ğ or s’il faut adapter au ciel ğ, etc., il montre que si on établit l’un de ces principes pour le ciel, il est nécessaire de le faire pour tous les principes de ce genre chez lui. Et il dit que, s’il faut attribuer au ciel l’un d’entre eux, c’est-à-dire la gauche et la droite, il est rationnel [284b20] qu’existe ici premièrement ce qui se trouve chez les animaux parfaits : ou bien il est rationnel que ce qui est premier chez les animaux existe en lui, puisque, une fois que le principe postérieur a été établi, le principe antérieur l’est. Or comme il y a trois oppositions ou Ğ dimensions ğ, chacune de ces trois, à savoir le haut, l’avant et la droite, est en quelque sorte le principe de leur opposition ou dimension. Il expose par conséquent ce que sont ces trois principes, selon lui : le premier d’entre eux est l’opposition ou la dimension qui est entre le haut et le bas, mais dans laquelle le haut est le principe ; un autre est l’opposition entre l’avant et son opposé, qui est appelé l’arrière, où ce qui est avant est le principe ; et l’autre est entre la droite et la gauche, où la droite est le principe. Et puisqu’est parfait ce qui est constitué de toutes les parties ou principes, il est rationnel que toutes les oppositions ou dimensions de ce genre se trouvent dans Ğ les corps parfaits ğ, c’est-à-dire chez les animaux parfaits. De ce fait, comme le ciel est parfait au plus haut point, il est rationnel que, s’il est capable d’avoir ces parties-là, il les ait toutes, et non seulement certaines.

[71113] In De caelo, lib. 2 l. 2 n. 4 Deinde cum dicit: est autem sursum quidem etc., ostendit ordinem dictorum principiorum dupliciter. Primo quidem ex parte ipsarum dimensionum. Nam sursum est principium longitudinis: nam in homine, qui est animal maxime perfectum, dicitur longitudo, quasi maxima dimensio eius, a capite, quod est sursum eius, usque ad pedes, qui sunt deorsum eius. Dextrum autem est principium latitudinis: attenditur enim latitudo hominis secundum distantiam quae est inter dextrum et sinistrum. Anterius autem est principium profunditatis: attenditur enim profunditas sive grossities hominis secundum distantiam quae est inter ante et retro. In aliis autem animalibus proportionaliter se habet. Longitudo autem est prior latitudine, et latitudo profunditate, sicut linea superficie, et superficies corpore. Ergo sursum est prius eo quod est dextrum, et dextrum est prius eo quod est ante.

[71113] Sur le De caelo, II, 2, 4. Ensuite quand il dit : Ğ or le haut est ğ, etc., il montre de deux façons l’ordre des principes présentés. Premièrement à partir des dimensions elles-mêmes. En effet le haut est le principe de la longueur [284b25] : car chez l’homme, qui est l’animal le plus parfait, on appelle longueur pour ainsi dire sa plus grande dimension, de la tête, qui est en haut, à ses pieds, qui sont en bas. Or la droite est le principe de la largeur : en effet, la largeur d’un homme est considérée selon la distance qui se trouve entre la droite et la gauche. Or le principe de profondeur est antérieur : car la profondeur ou la grosseur d’un homme est considérée selon la distance qui est entre l’avant et l’arrière. Chez les autres animaux c’est en proportion. Or la longueur précède la largeur, et la largeur précède la profondeur, comme la ligne la surface et la surface le corps. Donc le haut précède ce qui est à droite, et la droite précède ce qui est avant.

[71114] In De caelo, lib. 2 l. 2 n. 5 Secundo ibi: adhuc autem aliter etc., probat idem ex parte motuum. Et hoc ideo, quia ea quae dicta sunt, sunt quaedam principia a quibus primo incipiunt motus in animalibus habentibus huiusmodi partes sive principia. Motus enim augmenti incipit quidem a sursum. Et hoc manifeste apparet in hominibus: nam caput, quod est sursum hominis, est etiam sursum secundum positionem mundi; a capite autem incipit motus augmenti, quia in orificio oris, quod est in capite, trahitur alimentum, quod est augmenti materia. Plantarum autem sursum est radix, quae proportionatur capiti in animalibus in sumptione alimenti: sed id quod est sursum plantae, per oppositum se habet secundum situm ad sursum mundi. In aliis autem animalibus medio modo se habet. Motus autem qui est secundum locum, incipit a dextris: naturaliter enim animalia prius movent dextram partem quam sinistram, sicut in ambulando prius movent dextrum pedem. Sed in motu alterationis ipsorum sensuum, est principium id quod est anterius: anterior enim pars animalis dicitur in qua sensus existunt. Quia igitur motus augmenti est prior motu sensitivo, qui etiam est prior motu locali in animalibus, consequens est quod sursum sit prius quam anterius, et anterius prius quam dextrum.

[71114] Sur le De caelo, II, 2, 5. Deuxièmement ici : Ğ en outre autrement ğ, etc., il prouve la même idée à partir des mouvements. Et cela parce que ce qui a été dit constitue des principes à partir desquels les mouvements commencent en premier lieu chez les animaux qui ont des parties ou des principes de ce genre. En effet le mouvement de croissance commence par le haut. Et cela apparaît clairement chez les hommes : car la tête, qui est le haut de l’homme est aussi le haut du monde, à considérer sa position ; à la tête commence le mouvement de croissance, puisqu’à l’orifice du visage, qui se trouve sur la tête, est apporté l’aliment qui est la matière de la croissance. Or le haut des plantes est la racine, qui est en rapport avec la tête des animaux quand ils s’alimentent ; mais ce qui est le haut d’une plante est en opposition avec le sommet du monde. Chez les autres animaux il est seulement au milieu. Le mouvement qui est selon le lieu commence à droite : car les animaux déplacent naturellement leur partie droite avant la gauche, de même qu’en marchant ils avancent d’abord le pied droit. Mais pour ce qui est du mouvement d’altération de leurs sens, est principe ce qui est antérieur : en effet on appelle antérieure [284b30] la partie de l’animal où se trouvent ses sens. Donc puisque le mouvement de croissance précède le mouvement sensitif, qui précède à son tour le mouvement local chez les animaux, il s’ensuit que le haut précède l’antérieur et que l’antérieur précède la droite.

[71115] In De caelo, lib. 2 l. 2 n. 6 Deinde cum dicit: propter quod et non in omni corpore etc., ostendit quod huiusmodi principia non sunt in omnibus corporibus. Et primo concludit ex praemissis quod proprie et per se loquendo non sunt huiusmodi principia in corporibus inanimatis; secundo ostendit per quem modum ibi esse dicuntur, ibi: sed in his quidem et cetera. Dicit ergo primo quod, quia praedicta sunt principia quorundam motuum, consequens est quod sursum et deorsum, dextrum et sinistrum, anterius et posterius non sint quaerenda in omnibus corporibus, sed solum in corporibus animatis, quaecumque habent in seipsis principium motus: sed in nullo corporum inanimatorum videmus aliquod principium unde incipiat motus. Quod quidem potest intelligi dupliciter. Uno modo quia in corporibus animatis est principium activum motus, quod est anima: in corporibus autem inanimatis non est principium motus activum, quod scilicet moveat, sed moventur ab exteriori movente, quod est generans vel removens prohibens. Interius autem habent principium motus passivum, quo scilicet nata sunt moveri, puta gravitatem vel levitatem, ut patet in VIII Physic. Alio modo potest intelligi quia in corporibus animatis invenitur determinata pars corporis a qua incipit motus, sicut dictum est: quod quidem in corporibus inanimatis non invenitur. Quia, sicut subdit, inanimatorum corporum quaedam omnino non moventur, sicut illa quae sunt in propriis locis (vel potius hoc dicit propter corpora artificialia, quae non habent ex seipsis aliquem motum): quaedam autem moventur, sicut corpora naturalia existentia extra proprium suum locum, sed tamen unumquodque eorum movetur ad suum locum similiter ab omni parte; sicut ignis solum movetur sursum et terra solum movetur ad medium mundi, nulla alia differentia situs considerata vel ex parte corporis quod movetur, ut scilicet una pars eius prius incipiat moveri quam alia, vel etiam quantum ad locum, ut scilicet ex uno situ locali moveatur corpus naturale ad suum locum, et non ex alio.

[71115] Sur le De caelo, II, 2, 6. Ensuite quand il dit : Ğ parce que et non dans tout corps ğ, etc., il montre que les principes de ce genre ne sont pas dans tous les corps. Et il conclut premièrement à partir des prémisses que les principes de ce genre ne se trouvent pas au sens propre et en soi dans les corps inanimés ; il montre deuxièmement de quelle manière ils sont, d’après ce qui est dit ici, dans ce passage : Ğ mais chez eux ğ, etc. Il dit donc premièrement que, puisque les principes de certains mouvements ont déjà été exposés, il s’ensuit que le haut et le bas, la droite et la gauche, l’antérieur et le postérieur ne doivent pas être recherchés dans tous les corps, mais seulement dans les corps animés, tous ceux qui portent en eux le principe du mouvement ; mais nous ne voyons dans aucun corps inanimé de principe où commence le mouvement. Ce phénomène peut être compris de deux façons. La première est que dans les corps animés il y a un principe actif de mouvement, qui est l’âme : or dans les corps inanimés il n’y a pas de principe actif de mouvement moteur, mais ces corps sont déplacés par un corps extérieur moteur, qui crée et écarte les obstacles. Plus à l’intérieur d’eux ils contiennent un principe passif de mouvement, qui leur permet de se déplacer naturellement, par exemple la pesanteur ou la légèreté, comme il apparaît dans le livre VIII de la Physique. La deuxième façon est que l’on peut comprendre que dans les corps animés se trouve une partie déterminée du corps où commence le mouvement, comme on l’a dit : du moins elle ne se trouve pas dans les corps inanimés. Puisque, comme il le suppose, certains des corps inanimés ne se déplacent absolument pas, comme ceux qui sont dans leurs propres lieux (ou plutôt il le dit des corps artificiels, qui n’ont pas de mouvement qui vienne d’eux-mêmes) : or certains [284b35] se déplacent à l’exemple des corps naturels qui existent en dehors de leur propre lieu, mais pourtant chacun d’entre eux se déplace vers son emplacement de la même manière en venant de tout côté ; de même que le feu se déplace vers le haut [284a1] et que la terre se déplace seulement vers le milieu du monde, on ne peut prendre en compte aucune autre différence d’emplacement soit à partir du corps qui se déplace, à savoir qu’une de ses parties commence à se déplacer avant une autre, soit aussi quant au lieu, à savoir qu’un corps naturel se déplace en partant d’un tel emplacement pour aller vers son lieu et non de tel autre.

[71116] In De caelo, lib. 2 l. 2 n. 7 Deinde cum dicit: sed in his quidem etc., ostendit quomodo praedictae positiones quandoque dicantur in corporibus inanimatis. Et dicit quod in huiusmodi corporibus dicimus sursum et deorsum, et dextrum et sinistrum, et similiter ante et retro, solum per comparationem ad nos. Et hoc tripliciter: uno modo secundum quod dicimus dextrum id quod est nobis oppositum secundum nostram dextram, sicut divinatores, puta augures, nominant avem dextram quae est nobis ad dextram, sinistram vero quae est nobis ad sinistram; alio modo per similitudinem ad partes nostras, sicut in statua dicimus dextrum quod est simile dextro hominis, et sinistrum quod est simile sinistro; tertio modo per contrariam positionem, dicendo sinistrum quod est oppositum nostro dextro, et dextrum quod est oppositum nostro sinistro, sicut patet in imagine quae resultat in speculo. Et eadem ratio est in aliis positionibus. Sed in ipsis rebus inanimatis secundum se consideratis, nulla invenitur diversitas talium partium. Et hoc patet quia, si convertantur ad nos, e contrario se habebunt quam prius: illud enim quod erat dextrum, dicetur sinistrum, et e converso; et simile est in aliis positionibus. In rebus autem animatis, qualitercumque vertantur, semper eodem modo se habent huiusmodi partes.

[71116] Sur le De caelo, II, 2, 7. Ensuite quand il dit : Ğ mais chez eux ğ, etc., il montre comment les positions déjà exposées sont parfois avancées concernant les corps inanimés. Et il dit que pour les corps de ce genre nous parlons de haut et de bas, de droite et de gauche, et également d’avant et d’arrière, seulement en comparaison avec nous. Et cela de trois manières : premièrement dans la mesure où nous appelons droite ce qui est opposé à nous selon notre droite, comme les devins, par exemple les augures, disent à droite un oiseau qui est à notre droite, à gauche un oiseau qui est à notre gauche ; deuxièmement à l’image de nos parties, [285a5] comme dans une statue nous disons à droite ce qui correspond à la droite d’un homme, et à gauche ce qui correspond à la gauche ; troisièmement en position contraire, en disant à gauche ce qui est opposé à notre droite, et à droite ce qui est opposé à notre gauche, comme il apparaît pour une image qui se reflète dans un miroir. Et le même raisonnement s’applique aux autres positions. Mais chez les êtres inanimés eux-mêmes considérés en soi, on ne trouve aucune différence pour de telles parties. Et il est évident que, si on les retourne vers nous, ils seront à l’opposé de leur position antérieure : car ce qui était à droite sera dit à gauche et inversement ; et c’est la même chose pour les autres positions. Or pour les êtres animées, de quelque manière qu’ils soient tournés, les parties de ce genre sont toujours de la même manière. [285a10]

[71117] In De caelo, lib. 2 l. 2 n. 8 Deinde cum dicit: propter quod et Pythagoricos etc., ostendit Pythagoricos male attribuisse caelo huiusmodi differentias: et hoc tribus modis, qui ex superioribus accipi possunt; et ideo illos per modum conclusionis hic inducit. Primus autem modus est quia, cum sint sex positiones, mirabile videtur quare solum duo horum attribuebant caelo, scilicet dextrum et sinistrum, et alia quatuor reliquerunt; cum tamen rationabile sit quod omnia caelo conveniant, ut supra dictum est.

[71117] Sur le De caelo, II, 2, 8. Ensuite quand il dit : Ğ parce que les Pythagoriciens aussi ğ, etc., il montre que les Pythagoriciens ont eu tort d’attribuer au ciel des différences de ce genre : et cela pour trois raisons, qui peuvent être tirées des passages précédents ; et c’est pourquoi il les introduit ici en guise de conclusion. La première dit que, comme il y a six positions, il semble étonnant d’attribuer deux d’entre elles seulement au ciel, c’est-à-dire la droite et la gauche, et de laisser les quatre autres, alors qu’il est rationnel que toute chose s’accorde avec le ciel, comme on l’a dit ci-dessus.

[71118] In De caelo, lib. 2 l. 2 n. 9 Secundum modum ponit ibi: nihil minus etc.: quia scilicet, si aliqua debuerunt praetermitti ut non attribuerentur caelo, oportuit praetermitti illa quae sunt minus principalia. Quod autem illa quatuor quae praetermisit, non sint minus principalia quam illa duo quae posuit, ostendit quatuor rationibus. Quarum primam ponit ibi: nihil enim minorem et cetera. Non enim videmus in quibuscumque animalibus quod minorem differentiam habeat pars quae est sursum ad eam quae est deorsum, et quae est anterius ad eam quae est posterius, quam dextra ad sinistram, immo maiorem. Nam pars dextra et sinistra differunt solum virtute, et conveniunt in figura (manus enim dextra est fortior quam sinistra, licet sit eiusdem figurae; et similiter humerus dexter est fortior quam sinister ad motum, quamvis sinister sit fortior ad portandum onus; et similiter pes dexter est fortior ad motum, sed pes sinister ad fixionem); manifestum est autem quod pars anterior et posterior animalis, et superior et inferior, differunt non solum in virtute, sed etiam in figura: illa autem quae magis differunt, videntur principaliorem distantiam habere.

[71118] Sur le De caelo, II, 2, 9. Il établit la seconde raison ici : Ğ rien de moins ğ, etc. : puisque, si on devait omettre certains points pour ne pas les attribuer au ciel, il aurait fallu omettre ceux qui sont moins importants. Or il montre par quatre raisonnements que les quatre qu’il a omises ne sont pas moins importantes que les deux qu’il a établies. Il établit le premier d’entre eux ici : Ğ car rien de moindre ğ, etc. En effet nous ne voyons pas chez tous les animaux que la partie qui est en haut a la moindre différence avec celle qui est en bas, et celle qui est à l’avant avec celle qui est à l’arrière, la droite [285a15] avec la gauche, bien au contraire. Car la partie droite et la gauche diffèrent seulement en force et se ressemblent dans leur apparence (car la main droite est plus forte que la gauche, bien qu’elle ait le même aspect ; et, de la même façon, l’épaule droite est plus forte que la gauche pour le mouvement, bien que la gauche soit plus forte pour porter une charge ; et également le pied droit est plus fort pour le mouvement, mais le pied gauche l’est pour l’appui) ; or il est manifeste que la partie antérieure et postérieure de l’animal, ainsi que sa partie supérieure et inférieure, diffèrent non seulement en force, mais aussi en apparence : or celles qui diffèrent le plus semblent être à une plus grande distance.

[71119] In De caelo, lib. 2 l. 2 n. 10 Secundam rationem ponit ibi: et sursum et deorsum etc.: quae talis est. Sursum et deorsum inveniuntur in omnibus corporibus animatis, tam animalibus quam plantis; sed dextrum et sinistrum non existit in plantis, sed solum in animalibus perfectis; et sic sursum et deorsum sunt priora, secundum quod prius dicitur illud a quo non convertitur consequentia essendi.

[71119] Sur le De caelo, II, 2, 10. Il établit un deuxième raisonnement ici : Ğ à la fois le haut et le bas ğ, etc. Le voici. Le haut et le bas se trouvent chez tous les corps animés, aussi bien chez les animaux que chez les plantes ; mais la droite et la gauche n’existe pas chez les plantes, mais seulement chez les animaux parfaits ; et ainsi le haut et le bas sont antérieurs, dans la mesure où est dit antérieur ce qui ne modifie pas la conséquence de l’être.

[71120] In De caelo, lib. 2 l. 2 n. 11 Tertiam rationem ponit ibi: adhuc autem etc.: quae talis est. Longitudo est prior latitudine, et hoc in via generationis, quia secundum geometras linea mota facit superficiem: sursum autem est principium longitudinis, dextrum autem principium latitudinis, ut supra ostensum est. Cum igitur principium prioris sit prius, consequens est quod sursum sit prius quam dextrum, secundum scilicet quod aliquid est prius generatione (propterea quod multis modis dicitur aliquid prius, ut patet in praedicamentis et V Metaphys.).

[71120] Sur le De caelo, II, 2, 11. Il établit le troisième raisonnement ici : Ğ en outre ğ, etc. Le voici. La longueur est antérieure à la largeur, et cela sur la voie de la génération, puisque selon les géomètres une ligne que l’on déplace forme une surface : or le haut [285a20] est le principe de la longueur, la droite est le principe de la largeur, comme on l’a montré ci-dessus. Donc, comme le principe d’une chose antérieure est antérieur, il s’ensuit que le haut l’est à la droite, dans la mesure où une chose est antérieure en génération (parce que l’on peut dire une chose antérieure de nombreuses manières, comme il apparaît dans les Catégories et dans le livre V de la Métaphysique).

[71121] In De caelo, lib. 2 l. 2 n. 12 Quartam rationem ponit ibi: adhuc autem si sursum quidem et cetera. Et dicit quod sursum est unde est motus, quod potest intelligi de motu augmenti; dextrum autem est a quo est motus localis; anterius autem est ad quod procedit animal, quasi oppositum suo sensui; et sic patet quod sursum habet quandam principalitatem respectu aliarum specierum positionis, sicut motus augmenti est magis essentialis et magis intrinsecus animali quam motus localis. Potest autem melius totum quod hic dicitur ad motum localem referri, ut dicatur quod sursum in animali quod movetur secundum locum, est principium unde motus, quia scilicet in capite, quod est sursum, viget sensus, qui est movens in animalibus, ut dicitur in III de anima; dextrum autem est a quo incipit motus localis, quia pars dextra primo movetur, ut dictum est; sed anterius est versus quod movetur animal. Principium autem movens est principalissimum in motu animalis; et secundum hoc patet quod sursum habet principalitatem inter alias species positionis. Sic igitur ex his quatuor rationibus concludit philosophus secundum modum improbandi dictum Pythagoricorum, concludens quod iustum est eos increpare, quia derelinquebant principaliora principia, non attribuentes ea caelo.

[71121] Sur le De caelo, II, 2, 12. Il établit le quatrième raisonnement, ici : Ğ en outre, si le haut ğ, etc. Et il dit que le haut est l’endroit d’où part le mouvement, ce qui peut être compris à propos du mouvement de croissance ; or la droite est l’endroit d’où part le mouvement local ; l’avant est ce vers quoi avance un animal, opposé en quelque sorte à ses sens ; et ainsi il apparaît que le haut [285a25] a un rôle principal à l’égard des autres espèces de position, comme le mouvement de croissance est plus essentiel et plus intrinsèque à l’animal que le mouvement local. Or tout ce qui, selon lui, dans ce passage, se rapporte au mouvement local peut être mieux présenté, si l’on dit que le haut, chez l’animal qui se déplace selon le lieu, est le principe d’où naît le mouvement, puisque dans sa tête, qui est en haut, le sens qui pousse les animaux au mouvement est vigoureux, comme il est dit dans le livre III De l’âme ; or la droite est l’endroit où commence le mouvement local, puisque la partie droite se déplace en premier, comme on l’a dit ; mais l’avant est l’endroit vers lequel l’animal se déplace. Le principe moteur est le plus important dans le mouvement de l’animal ; et d’après cela il apparaît que le haut a un rôle de principe entre les autres espèces de position. Ainsi donc, de ces quatre raisonnements le philosophe tire une conclusion qui lui permet de condamner les propos des Pythagoriciens, en disant qu’il est juste de les blâmer, puisqu’ils abandonnaient les principes les plus fondamentaux, en ne les attribuant pas au ciel.

[71122] In De caelo, lib. 2 l. 2 n. 13 Tertium modum ponit ibi: et quia haec etc.: dicens quod etiam sunt increpandi quia ponebant similiter dextrum et sinistrum existere in omnibus, cum tamen non sint nisi in animalibus perfectis, ut supra dictum est. Sciendum tamen quod de intentione Pythagoricorum erat omnia reducere ad bonum et malum, sicut ad duo principia. Et quia credebant omnem numerum sub denario comprehendi, posuerunt decem ex parte boni, et decem opposita ex parte mali, ut patet in I Metaphys. Per unumquodque autem illorum quae ponebant in illa enumeratione, intelligebant omnia quae sunt sui generis. Unde per dextrum et sinistrum intelligebant omnes alias positiones, intelligentes quod sicut dextrum, ita sursum et anterius referuntur ad bonum, sinistrum autem et posterius et deorsum ad malum. Ideo autem potius ponebant dextrum et sinistrum quam alias positiones, quia manifestius dextrum consuevit referri ad bonum et sinistrum ad malum: consuevimus enim bonam fortunam vocare dextram, malam autem sinistram: et ideo omnibus attribuebant dextrum et sinistrum, quibus attribuebant bonum et malum. Vel ideo nominabant tantum dextrum et sinistrum, in his alia comprehendentes, quia videbant quod in quibuscumque invenitur dextrum et sinistrum, inveniuntur et alia, sed non convertitur. Forte autem specialiter caelo attribuerunt dextrum et sinistrum potius quam alia, quia in caelo est motus localis, ad quem pertinet dextrum et sinistrum, non autem augmentum, ad quod pertinet sursum et deorsum, neque etiam alteratio sensus, ad quam pertinet ante et retro. Vel quia sursum et deorsum, ante et retro diversificantur secundum figuram, non autem dextrum et sinistrum: partes enim caeli, cum sint circulares, non diversificantur secundum figuram.

[71122] Sur le De caelo, II, 2, 13. Il établit la troisième raison, ici : Ğ et puisque ces ğ,etc., disant qu’ils doivent aussi être blâmés pour établir également que la droite et la gauche existaient pour toutes choses, alors qu’elles ne se trouvent que chez les animaux parfaits, comme on l’a dit ci-dessus. Cependant il faut savoir que les Pythagoriciens avaient l’intention de tout ramener au bien et au mal, comme à deux principes. Et puisqu’ils croyaient que tout nombre était compris sous une dizaine, ils ont établi dix idées à partir du bien et dix contraires à partir du mal, comme il apparaît dans le livre I de la Métaphysique. Par chacune de celles qu’ils établissaient dans cette énumération, ils entendaient toutes celles qui appartiennent à leur genre. De ce fait, par la droite et la gauche ils entendaient toutes les autres positions, jugeant que, comme la droite, le haut et l’avant se rapportent au bien mais que la gauche, l’arrière et le haut se rapportent au mal. C’est pourquoi ils établissaient la droite et la gauche plutôt que les autres positions, puisqu’il est plus clair que l’on a l’habitude de rapporter la droite au bien et la gauche au mal : en effet nous appelons d’ordinaire droite la bonne fortune et gauche la mauvaise ; et c’est pourquoi ils attribuaient la droite et la gauche à toutes les choses auxquelles ils attribuaient le bien et le mal. Ou bien pour cette raison ils nommaient seulement la droite et la gauche, entendant d’autres idées par elles, puisqu’ils voyaient que dans tout ce qui contient la droite et la gauche, se trouvent aussi d’autres idées, mais non soumises au changement. Peut-être ont-ils attribué au ciel la droite et la gauche en particulier, plutôt que d’autres idées, puisque dans le ciel se trouve le mouvement local, lié à la droite et à la gauche, mais non la croissance, liée au haut et au bas, ni l’altération non plus, liée à l’avant et à l’arrière. Ou bien parce que le haut et le bas, l’avant et l’arrière se distinguent selon leur configuration, mais non la droite et la gauche : car les parties du ciel, comme elles sont circulaires, ne se distinguent pas selon leur configuration.

 

 

Lectio 3

Leçon 3 – [Opinion d’Aristote sur les parties du ciel]

[71123] In De caelo, lib. 2 l. 3 n. 1 Postquam philosophus determinavit de partibus situalibus caeli secundum opinionem aliorum, hic determinat de his secundum opinionem suam. Et circa hoc tria facit: primo ostendit quod huiusmodi differentias oportet esse in caelo; secundo ostendit secundum quam dimensionem caeli accipiatur sursum et deorsum in ipso, ibi: dico autem longitudinem etc.; tertio ostendit quae pars in caelo sit sursum et quae deorsum, ibi: polorum autem qui quidem super nos et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit propositum; secundo excludit quasdam obiectiones, ibi: non oportet enim dubitare et cetera.

[71123] Sur le De caelo, II, 3, 1. Après que le philosophe a traité des parties locales du ciel selon l’opinion des autres, il traite ici de celles-ci selon sa propre opinion. Et concernant cela il fait trois choses : premièrement il montre qu’il faut qu’il y ait des différences de ce genre dans le ciel ; deuxièmement il montre selon quelle dimension du ciel sont considérés le haut et le bas chez lui, ici : Ğ je dis que la longueur ğ, etc. ; troisièmement il montre quelle partie du ciel est en haut et laquelle se trouve en bas, ici : Ğ or parmi les pôles, celui qui est au-dessus de nous ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : premièrement il montre la proposition ; deuxièmement il rejette certaines objections, ici : Ğ car il ne faut pas douter ğ, etc.

[71124] In De caelo, lib. 2 l. 3 n. 2 Circa primum ponit talem rationem. Determinatum est prius quod in habentibus principium motus, scilicet in corporibus animatis, quae habent in se principium movens, existunt tales virtutes, idest positionum differentiae, secundum determinatas virtutes partium; et non solum secundum habitudinem ad nos, sicut est in corporibus inanimatis, quae non habent in se principium activum motus, sed solum passivum, ut dicitur in VIII Physic. Caelum autem est animatum, et habet principium motus. Quod autem caelum sit animatum, supponit ex eo quod probatum est in VIII Physic., quod omnia mobilia necesse est reducere in unum primum, quod est movens seipsum, et habet in se principium motus activum, et non solum principium passivum, sicut quidam posuerunt, ut Simplicius refert qui posuerunt Aristotelem dicere caelum animatum, non quia haberet animam rationalem, sed ita quod haberet quandam vitam complantatam corpori, ita quod in eo nihil est aliud anima quam natura talis corporis. Quod manifeste ostenditur esse falsum ex hoc quod Aristoteles in XII Metaphys. dicit, quod primum movens, quod est omnino immobile, movet caelum sicut desideratum et intellectum: et sic sequitur quod secundum opinionem eius, caelum est secundum suam animam appetens et intelligens. Et secundum hoc motus caeli est et a natura et ab anima eius: sed a natura quidem sicut a principio secundario et passivo, inquantum scilicet tale corpus est aptum natum sic moveri; ab anima vero sicut a principio principali et activo motus.

[71124] Sur le De caelo, II, 3, 2. Concernant le premier point il établit le raisonnement suivant. Il a été déterminé auparavant que chez les corps dotés du principe du mouvement, à savoir les corps animés, qui ont en eux le principe moteur, il existe Ğ de telles fonctions ğ, c’est-à-dire des différences de position, selon les fonctions déterminées des parties, et cela non seulement par rapport à nous, comme chez les corps inanimés, qui n’ont pas en eux le principe actif du mouvement, mais seulement le principe passif, comme le dit dans le livre VIII de la Physique. Or le ciel est animé et a un principe de mouvement. Il suppose que le ciel est animé [285a30] à partir de ce qui a été prouvé dans le livre VIII de la Physique, à savoir qu’il est nécessaire de ramener tous les corps mobiles à un seul principe premier, qui est le moteur lui-même, et qui a en lui un principe actif de mouvement, et pas seulement un principe passif, comme certains l’ont établi, de même que Simplicius rapporte l’opinion de ceux qui ont établi qu’Aristote disait le ciel animé, non parce qu’il avait une âme rationnelle, mais parce que sa vie était implantée dans son corps, de telle sorte qu’en lui l’âme n’est rien d’autre que la nature d’un tel corps. Il est clairement démontré que c’est faux d’après ce qu’Aristote dit dans le livre XII de la Métaphysique, à savoir que le premier moteur, qui est absolument immobile, déplace le ciel en tant que corps désiré et compris : et ainsi il s’ensuit que, selon son opinion, le ciel est doué de désir et d’intelligence grâce à son âme. Et d’après cela le mouvement du ciel part de la nature et de son âme : mais il part de la nature comme d’un principe secondaire et passif, dans la mesure où un tel corps est naturellement apte à se déplacer ainsi ; cependant, il part de son âme comme d’un principe fondamental et actif de mouvement.

[71125] In De caelo, lib. 2 l. 3 n. 3 Nec multum refert quantum ad hunc modum movendi, utrum moveatur a substantia spirituali coniuncta quae dicatur anima eius, vel tantum a substantia spirituali separata; nisi quod ponere ipsum moveri a substantia spirituali coniuncta, pertinet ad maiorem dignitatem ipsius caeli; quod attendentes Plato et Aristoteles, posuerunt caelum animatum. Quamvis possit aliquis e contrario dicere quod, sicut nobilius est corpus quod habet substantiam spiritualem coniunctam, ita nobilior est substantia spiritualis quae omnino est a corpore separata: unde et Plato posuit in bonum animae rationali esse quod quandoque a corpore separatur. Et secundum hoc, cum movens sit nobilius moto, et magis ab eo dependeat motus, magis videtur dicendum substantiam moventem caelum esse a corpore separatam, quam corpus caeli esse animatum, ut motus caeli sit nobilior: alioquin videretur, secundum dictum Platonis, quod anima caeli esset peioris conditionis quam anima humana. Sed ad hoc responderi potest quod animae humanae quantum ad aliquid nobilius est esse extra corpus quam in corpore, scilicet quantum ad hoc quod movet corpus cum labore contra naturam eius; sed quantum ad naturale esse ipsius animae melius est ei esse in corpore, quia per hoc consequitur perfectum esse speciei. Unde si sit aliqua substantia spiritualis cuius virtus sit determinata ad motum caeli, quod movet sine labore, ut supra dictum est, nobilius est ei esse in tali corpore quam esse separatam: quia perfectior est actio quam quis agit per instrumentum coniunctum, quam per instrumentum separatum. Sed substantia separata cuius virtus non determinatur ad hunc effectum, est omnino nobilior. Ex hoc autem quod caelum est animatum, concludit secundum praedicta quod habeat sursum et deorsum, dextrum et sinistrum.

[71125] Sur le De caelo, II, 3, 3. Et peu importe pour ce mode de déplacement de savoir si le corps est déplacé par une substance spirituelle conjointe appelée son âme ou seulement par une substance spirituelle séparée, à moins que le fait d’établir qu’il est déplacé par une substance spirituelle conjointe confère au ciel une dignité plus grande ; Platon et Aristote, portant leur attention sur ce point, ont établi un ciel animé. Bien que l’on puisse dire au contraire que, comme un corps qui a une substance spirituelle conjointe est plus noble, de même la substance spirituelle qui est absolument séparée du corps l’est également : de ce fait, Platon aussi a établi bon que l’âme rationnelle soit un jour séparée du corps. Et d’après cela, comme le moteur est plus noble que le corps déplacé, et que le mouvement dépend plus de lui, il semble être plus nécessaire de dire que la substance qui déplace le ciel est séparée de son corps, que de dire que le corps du ciel est animé, pour que son mouvement soit plus noble ; autrement il semblerait, selon les propos de Platon, que l’âme du ciel ait une condition pire que l’âme humaine. Mais à cela on peut répondre qu’il est plus noble pour l’âme humaine d’être en dehors du corps qu’à l’intérieur du corps, à savoir du point de vue de ce qui déplace un corps avec peine contre sa nature ; mais en ce qui concerne l’être naturel de l’âme elle-même, il est mieux pour elle d’être dans un corps, puisqu’il s’ensuit qu’il est parfait pour l’espèce. De ce fait s’il y a une substance spirituelle dont la fonction est limitée au mouvement du ciel, qui déplace sans peine, comme on l’a dit ci-dessus, il est plus noble pour elle d’être dans un tel corps que d’en être séparée, puisque plus parfaite est l’action que l’on fait par un moyen joint que par un moyen séparé. Mais la substance séparée dont la fonction n’est pas limitée à cet effet est en tout point plus noble. Du fait que le ciel est animé, [285a30] il conclut selon les propos déjà tenus qu’il possède le haut et le bas, la droite et la gauche.

[71126] In De caelo, lib. 2 l. 3 n. 4 Sed videtur hoc non esse conveniens. Dixit enim supra quod sursum et deorsum competit corpori animato secundum augmentum, ante et retro secundum sensum, dextrum et sinistrum secundum motum localem; nullus autem ponens caelum animatum, ponit in eo motum augmenti, neque etiam motum sensus; ergo neque deberet poni in caelo sursum aut deorsum, aut ante aut retro. Sed dicendum est quod in animalibus perfectis habentibus motum localem, attenduntur praedictae differentiae non solum secundum augmentum et secundum sensum, sed etiam secundum motum localem. Unde ipse supra dixit in quadam ratione quod sursum est unde est motus, dextrum autem a quo, anterius autem ad quod. Sed in illis quae non habent motum localem, quae omnino carent dextro et sinistro, inveniuntur sursum et deorsum, ante et retro, secundum alios motus. Et sic oportet omnia ista attribui caelo secundum solum motum localem, sicut perfectissimo.

[71126] Sur le De caelo, II, 3, 4. Mais il semble que cela ne convienne pas. Car il a dit ci-dessus que le haut et le bas sont propres à un corps animé selon la croissance, l’avant et l’arrière selon le sens, la droite et la gauche selon le mouvement local ; or personne, en établissant un ciel animé, n’établit en lui de mouvement de croissance, ni même de mouvement de sens ; donc on ne devrait pas établir pour le ciel de haut ou de bas, ni d’avant ou d’arrière. Mais il faut dire que, chez les animaux parfaits capables de mouvement local, on attend les différences déjà dites non seulement selon la croissance et selon le sens, mais aussi selon le mouvement local. De ce fait, il a dit lui-même ci-dessus dans un raisonnement que le haut est l’endroit d’où part le mouvement, la droite est ce qui le cause et l’avant est l’endroit où il va. Mais chez les corps dépourvus de mouvement local et totalement dénués de droite et de gauche, on trouve le haut et le bas, l’avant et l’arrière, selon les autres mouvements. Et ainsi il faut que tout cela soit attribué au ciel selon le mouvement local seulement, en tant que corps le plus parfait.

[71127] In De caelo, lib. 2 l. 3 n. 5 Deinde cum dicit: non oportet enim dubitare etc., excludit duas obiectiones: et primo ponit eas. Quarum prima talis est. Caelum enim est sphaericae figurae, et ita omnes partes eius sunt similes; praedictae autem differentiae positionum requirunt dissimilitudinem partium, vel in virtute solum, sicut dextrum et sinistrum, vel etiam in figura, sicut sursum et deorsum, ante et retro, ut supra dictum est; non ergo videtur quod huiusmodi positionum differentiae possint caelo attribui. Secunda obiectio est, quia in animalibus, quibus huiusmodi positionum species attribuuntur, una pars movetur ante alteram; sed hoc non potest esse in caelo, sed partes eius omni tempore moventur, ut ipse dicit in VIII Physic.; unde videtur quod huiusmodi positiones non sint ponendae in caelo.

[71127] Sur le De caelo, II, 3, 5. Ensuite quand il dit : Ğ car il ne faut pas douter ğ, etc., il rejette deux objections : et il commence par les exposer. La première d’entre elles est la suivante. Le ciel a en effet une configuration sphérique, et ainsi toutes [285b1] ses parties sont semblables ; les différentes positions déjà mentionnées requièrent des parties dissemblables, soit dans leur fonction seulement, comme la droite et la gauche, soit aussi dans leur configuration, comme le haut et le bas, l’avant et l’arrière, comme on l’a dit ; il ne semble donc pas que l’on puisse attribuer au ciel différentes positions. La seconde objection est que chez les animaux, à qui on attribue des espèces de position de ce genre, une partie se déplace avant l’autre ; mais cela ne peut s’appliquer au ciel, dont les parties se déplacent tout le temps, comme le dit le livre VIII de la Physique ; de ce fait, il semble que l’on ne doive pas attribuer les positions de ce genre au ciel.

[71128] In De caelo, lib. 2 l. 3 n. 6 Secundo ibi: sed intelligere etc., solvit praedictas obiectiones. Et primo primam, dicens quod non oportet propter hoc dubitare, sed hoc modo oportet hoc intelligere in caelo, sicut si aliquam habeat differentiam dextri et sinistri etiam secundum figuras partium, et postea circumponat aliquis ei sphaeram, non quidem exterius sicut vestimentum, sed sicut corpus coniunctum naturaliter contegens exterius: sic enim quod huiusmodi est haberet virtutem differentem dextri et sinistri, sed videretur non habere propter similitudinem figurae quae exterius apparet. Et similiter ab anima caeli sunt diversae virtutes in diversis partibus eius, quamvis similibus secundum figuram, propter quas praedictae positiones caelo attribuuntur.

[71128] Sur le De caelo, II, 3, 6. Deuxièmement ici : Ğ mais comprendre ğ, etc., il a résolu les objections déjà faites. Et il commence par la première, disant qu’il ne faut pas douter pour cette raison, mais qu’il faut le comprendre de la façon suivante pour le ciel : comme on y distinguait la différence entre droite et gauche même dans les formes de ses parties et qu’on l’entourait ensuite d’une sphère, non certes à l’extérieur comme un vêtement, mais comme un corps uni couvrant naturellement l’extérieur ; et c’est ainsi qu’il a une fonction de ce genre qui distingue la droite et la gauche, mais qu’il semble ne pas l’avoir en raison de la ressemblance de sa forme [285b5] apparaissant à l’extérieur. Et de la même façon, les fonctions de l’âme du ciel sont différentes dans ses diverses parties, quoique d’une forme semblable, si bien que l’on attribue des positions au ciel.

[71129] In De caelo, lib. 2 l. 3 n. 7 Secundam solvit ibi: eodem autem modo et cetera. Et dicit quod eodem modo non est dubitandum propter hoc quod animalia, in quibus sunt huiusmodi differentiae, habent principium eius quod est moveri. Etsi enim caelum nunquam incoepit moveri, tamen quia motus eius est ordinatus, necesse est in motu eius accipere aliquod principium unde motus eius incoeperit, si incoepit moveri, et unde etiam iterum moveri inciperet, si contingeret ipsum stare.

[71129] Sur le De caelo, II, 3, 7. Il résout la seconde objection ici : Ğ de la même manière ğ, etc. Et il dit que de la même manière il ne faut pas douter pour cette raison que les animaux, chez lesquels se trouvent des différences de ce genre, possèdent le principe du mouvement. En effet, bien que le ciel ne commence jamais à se déplacer, cependant, puisque son mouvement est réglé, il est nécessaire qu’il reçoive dans son mouvement un principe où commence son mouvement, s’il commence à se déplacer, et d’où il commencerait aussi à se déplacer de nouveau, s’il lui arrivait d’être immobile. 

[71130] In De caelo, lib. 2 l. 3 n. 8 Deinde cum dicit: dico autem longitudinem etc., ostendit secundum quam dimensionem caeli attendatur sursum et deorsum. Et primo proponit quod intendit: et dicit quod longitudo caeli est distantia quae est inter polos ipsius, Arcticum scilicet ad Antarcticum, ita quod unus polorum sit sursum et alius deorsum.

[71130] Sur le De caelo, II, 3, 8. Ensuite quand il dit : Ğ or j’appelle longueur ğ, etc., il montre suivant quelle dimension céleste sont considérés le haut et le bas. Et il expose premièrement ce qu’il se propose de faire : et il dit que la longueur du ciel est la distance qui se trouve entre ses pôles, c’est-à-dire de l’Arctique à l’Antarctique, de telle façon qu’un des pôles est en haut et l’autre [285b10] en bas.

[71131] In De caelo, lib. 2 l. 3 n. 9 Secundo ibi: differentiam enim etc., probat propositum dupliciter. Primo quidem per rationem. Manifestum est enim quod in quolibet corpore longitudo attenditur secundum maximam dimensionem ipsius. Maxima autem dimensio corporis sphaerici est secundum diametrum eius. Diameter autem in caelo determinatur solum qui est inter duos polos, qui sunt duo puncta sphaerae immobilia et semper eodem modo se habentia; quaecumque autem alia puncta in sphaera accipiantur, sunt mobilia; unde et diametri inter quaecumque alia duo puncta protrahantur, indeterminate se habent. Et propter hoc, secundum lineam quae est inter duos polos, maxime attenditur longitudo caeli: quia in his solis punctis caeli videmus determinatam differentiam hemisphaeriorum, per hoc quod huiusmodi Poli non moventur.

[71131] Sur le De caelo, II, 3, 9. Deuxièmement ici : Ğ la différence en effet ğ, etc., il prouve la proposition de deux façons. Premièrement par un raisonnement. Car il est clair que dans n’importe quel corps la longueur est considérée comme sa plus grande dimension. Or la plus grande dimension d’un corps sphérique est son diamètre. Or le diamètre du ciel est considéré seulement comme celui qui est entre les deux pôles, qui sont deux points immobiles de la sphère et qui sont toujours dans le même rapport ; quels que soient les autres points considérés dans la sphère, ils sont mobiles ; de ce fait, les diamètres aussi, quels que soient les deux autres points entre lesquels ils sont tracés, sont indéterminés. Et pour cette raison, on considère surtout la longueur du ciel d’après la ligne qui est entre les deux pôles, puisque c’est seulement dans ces points du ciel que nous voyons une différence précise d’hémisphères, parce que les Pôles de ce genre ne se déplacent pas.

[71132] In De caelo, lib. 2 l. 3 n. 10 Secundo ibi: simul autem etc., probat idem per communem modum loquendi. Consuevimus enim dicere quod latera in mundo non sunt ipsi Poli, quos dicimus sursum et deorsum, sed id quod est iuxta polos, ex utraque scilicet parte eorum, ut scilicet oriens sit unum latus mundi et occidens sit aliud, tanquam distantia polorum sit ipsa longitudo caeli: hoc enim dicimus laterale quod est iuxta sursum et deorsum ex utraque parte eius, sicut patet in homine. Est autem attendendum quod, secundum astrologos considerantes non dimensiones caeli, sed magis dimensiones nostrae habitabilis, attenditur longitudo secundum differentiam orientis et occidentis, latitudo autem secundum distantiam meridiei et Septentrionis: quia quantitas nostrae habitabilis est maior plus quam in duplo ab oriente in occidentem quam a polo versus aequinoctialem, quia nec hoc totum habitatur.

[71132] Sur le De caelo, II, 3, 10. Deuxièmement ici : Ğ en même temps ğ, etc., il prouve la même chose par une façon de parler commune. Car nous avons l’habitude de dire que les côtés du monde ne sont pas les Pôles eux-mêmes, que nous appelons haut et bas, mais ce qui est Ğ à côté des pôles ğ, c’est-à-dire de chacun de leurs côtés, à savoir que l’orient est un côté du monde et l’occident en est un autre, de même que la distance entre les pôles est la longueur même du ciel : car nous appelons latéral ce qui est à côté du haut et du bas, de part et d’autre, comme chez l’homme. Or il faut considérer que les astronomes qui examinent non pas les dimensions du ciel, mais plutôt celles de notre terre habitée considèrent la longueur suivant la différence entre l’orient et l’occident, mais la largeur selon la distance entre le midi et le septentrion, puisque la dimension de notre terre habitée est plus de deux fois plus grande de l’orient à l’occident que du pôle vers l’équateur, puisque toute cette région n’est pas habitée.

[71133] In De caelo, lib. 2 l. 3 n. 11 Deinde cum dicit: polorum autem qui quidem super nos etc., ostendit quis polorum sit sursum et quis deorsum. Et primo ostendit hoc quantum ad motum primum; secundo quantum ad motum planetarum, ibi: sed secundae quidem et cetera. Circa primum tria facit: primo proponit quod intendit; secundo probat quod dixerat, ibi: dextrum enim etc.; tertio infert conclusionem ex dictis, ibi: et ibi quidem habitantes et cetera. Dicit ergo primo quod inter polos ille qui semper apparet super nos, est pars caeli quae est deorsum, scilicet polus Arcticus: ille autem qui semper nobis est immanifestus, qui dicitur Antarcticus propter hoc quod est ei oppositus, est pars caeli quae est sursum.

[71133] Sur le De caelo, II, 3, 11. Ensuite quand il dit : Ğ parmi les pôles celui qui au-dessus de nous ğ, il montre quel pôle est en haut et quel pôle est en bas. Et il le montre premièrement du point de vue du mouvement premier ; deuxièmement du point de vue du mouvement des planètes, ici : Ğ les secondes ğ, etc. Concernant le premier point, il fait trois choses : il expose premièrement ce qu’il se propose de faire ; il prouve deuxièmement ce qu’il avait dit, ici : Ğ en effet, la droite ğ, etc. ; il avance troisièmement la conclusion tirée de ses propos, ici : Ğ et ceux qui habitent ici ğ, etc. Il dit donc premièrement qu’entre les pôles [285b15] celui qui apparaît toujours au-dessus de nous est la partie du ciel qui est en bas, à savoir le pôle Arctique, et que celui qui nous est toujours caché, appelé Antarctique parce qu’il lui est opposé, est la partie du ciel qui est en haut.

[71134] In De caelo, lib. 2 l. 3 n. 12 Deinde cum dicit: dextrum enim etc., probat quod dixerat. Manifestum est enim quod in unoquoque animali dextrum dicimus unde est principium motus localis eius (et propter hoc pars dextra animalis est calidior, ut sit magis apta ad motum); principium autem circularis motus caeli est ex illa parte unde astra oriuntur, quae vocatur oriens; unde oriens dicitur dextrum caeli, et per consequens occasus erit sinistrum eius. Si ergo motus caeli incipit a dextris et circumfertur ad dextram, tanquam ab eodem in idem, necesse est quod polus immanifestus, scilicet Antarcticus, sit sursum caeli: si enim polus Arcticus, qui semper est nobis manifestus, esset sursum, sequeretur quod motus caeli esset a sinistra et ad sinistram, quod nos non dicimus. Et hoc sic apparet. Imaginemur enim hominem cuius caput sit in polo Arctico et pedes in polo Antarctico: manus eius dextra erit in occidente et manus sinistra in oriente; si tamen facies eius sit versus hemisphaerium superius, quod est nobis apparens. Cum ergo motus caeli sit ab oriente in occidentem, sequetur quod sit a sinistro in dextrum. Sed si ponamus e converso quod caput hominis sit in polo Antarctico et pedes in polo Arctico, eadem dispositione faciei manente, manus dextra erit in oriente et sinistra in occidente: et sic motus incipiet a dextra, secundum quod convenit. Et ita manifestum est quod sursum caeli est polus immanifestus.

[71134] Sur le De caelo, II, 3, 12. Ensuite quand il dit : Ğ car la droite ğ, etc., il prouve ce qu’il avait dit. Car il est clair que chez n’importe quel animal nous appelons droite l’endroit où se trouve l’origine de son mouvement local (et pour cette raison la partie droite de l’animal est plus chaude, de telle sorte qu’elle est plus apte au mouvement) ; or l’origine du mouvement circulaire du ciel est la partie où se lèvent les astres, laquelle est appelée orient ; à partir de là l’orient est appelée la droite du ciel, et par conséquent le couchant sera sa gauche. Donc si le mouvement du ciel commence à droite [285b20] et qu’il se déplace circulairement vers la droite, comme du même vers le même, il est nécessaire que le pôle caché, c’est-à-dire l’Antarctique, soit en haut du ciel : car si c’était le pôle Arctique, toujours visible pour nous, qui était en haut, il s’ensuivrait que le mouvement du ciel irait de la gauche vers la gauche, ce que nous ne disons pas. Et cela apparaît ainsi. Imaginons en effet un homme dont la tête soit au pôle Arctique et les pieds au pôle Antarctique : sa main droite sera en occident et sa main gauche en orient, cependant si son visage est tourné vers l’hémisphère supérieur, qui est apparent pour nous. Donc comme le mouvement du ciel va de l’orient vers l’occident, il s’ensuivra qu’il va de la gauche vers la droite. Mais si nous établissons au contraire que la tête de l’homme est au pôle Antarctique et que ses pieds sont au pôle Arctique, son visage demeurant dans la même disposition, sa main droite sera en orient et sa main gauche en occident : et ainsi le mouvement commencera à droite, selon ce qui convient. Et ainsi il est clair que le haut du ciel est le pôle caché.

[71135] In De caelo, lib. 2 l. 3 n. 13 Sed primo contra hoc obiicitur, quod Aristoteles praetermittit determinare quid sit anterius et posterius caeli. Sed dicendum est quod hoc praetermittit tanquam manifestum ex his quae determinantur. Motus enim animalis, a dextris incipiens, procedit in ante, et non retrorsum: unde cum caelum moveatur ab oriente versus superius hemisphaerium, quod apparet per elevationem stellarum orientium, consequens est quod anterius caeli sit superius hemisphaerium, posterius autem caeli sit hemisphaerium inferius.

[71135] Sur le De caelo, II, 3, 13. Mais on objecte premièrement à cela le fait qu’Aristote oublie de déterminer ce qui est l’avant et l’arrière du ciel. Mais il faut dire qu’il l’oublie parce que c’est clair grâce à ce qui est déterminé. Car le mouvement de l’animal, qui commence à droite, va vers l’avant, et non vers l’arrière : de ce fait, comme le ciel se déplace de l’orient vers l’hémisphère supérieur, ce qui apparaît par l’élévation des étoiles qui se lèvent, la conséquence en est que l’avant du ciel est l’hémisphère supérieur et que l’arrière du ciel est l’hémisphère inférieur.

[71136] In De caelo, lib. 2 l. 3 n. 14 Secundo obiicitur quia, cum in animalibus sit semper eadem pars dextra et eadem pars sinistra, hoc in caelo observari non videtur: nam eadem pars caeli, quae prius est in oriente, posterius est in occidente; et sic, si dextrum est oriens et sinistrum occidens, eadem pars caeli quandoque erit dextra, quandoque sinistra. Sed hoc solvitur per hoc quod philosophus dicit in VIII Physic., quod principium movens caelum non movetur secundum accidens, sicut principium movens animalia inferiora. Huiusmodi autem virtutes, secundum quas attribuuntur praedictae positiones animalibus, dependent ex principio motivo: et ideo in animalibus quae sunt hic, virtus dextra movetur per accidens, moto corpore animalis; sed in caelo virtus illa intelligitur quasi immobiliter stans, etiam partibus caelestis corporis motis. Et ideo semper dextrum caeli est in oriente, quamcumque partem singularem caeli contingat ibi esse. Et eadem ratio est de aliis virtutibus.

[71136] Sur le De caelo, II, 3, 14. On objecte deuxièmement que, comme chez les animaux la droite est toujours la même partie et la gauche aussi, cela ne semble pas être observé dans le ciel : car la même partie du ciel, qui est d’abord en orient, est ensuite en occident ; et ainsi, si la droite est l’orient et la gauche l’occident, la même partie du ciel sera tantôt à droite, tantôt à gauche. Mais cela est résolu par ce que le philosophe a dit dans le livre VIII de la Physique, à savoir que le principe qui déplace le ciel ne se meut pas par accident, comme le principe qui déplace les animaux inférieurs. Or les fonctions de ce genre, qui permettent d’attribuer les positions déjà mentionnées aux animaux, dépendent d’un principe moteur : et c’est pourquoi chez les animaux qui sont ici, la fonction droite est déplacée par accident, une fois que le corps de l’animal s’est déplacé ; mais pour le ciel cette fonction est comprise comme s’il se tenait immobile, alors que les parties du corps céleste se déplacent. Et à cause de cela, la droite du ciel est toujours en orient, quelle que soit la partie singulière du ciel susceptible d’être ici. Et le raisonnement est le même sur les autres fonctions.

[71137] In De caelo, lib. 2 l. 3 n. 15 Tertio obiicitur quia oriens et occidens non videtur esse determinata pars caeli, sed diversificari secundum horizontem uniuscuiusque regionis. Sic igitur si dextrum et sinistrum attribuitur ortui et occasui, dextrum et sinistrum non erunt determinata in caelo secundum se, sicut in corporibus animatis, sed relatione ad nos, sicuti in corporibus inanimatis. Sed dicendum est quod, propter immobilitatem polorum, sursum et deorsum dicit esse determinata in caelo: dextrum autem et sinistrum lateraliter se habent ad sursum et deorsum. Accipit ergo hic Aristoteles ortum et occasum, non per comparationem ad aspectum nostrum, sed per comparationem ad polos immobiles mundi.

[71137] Sur le De caelo, II, 3, 15. On objecte troisièmement que l’orient et l’occident ne semblent pas être une partie déterminée du ciel, mais être différentes selon l’horizon de chaque région. Ainsi donc si la droite et la gauche sont attribuées au levant et au couchant, elles ne seront pas déterminées dans le ciel selon elles-mêmes, comme dans les corps animés, mais par rapport à nous, comme dans les corps inanimés. Mais il faut dire que, en raison de l’immobilité des pôles, le haut et le bas sont fixés dans le ciel, selon lui : or la droite et la gauche se trouvent de côté par rapport au haut et au bas. Aristote considère donc ici le levant et le couchant non par rapport à ce que nous voyons, mais par rapport aux pôles immobiles du monde.

[71138] In De caelo, lib. 2 l. 3 n. 16 Deinde cum dicit: et ibi quidem habitantes etc., concludit secundum praedicta differentiam habitationis terrae: dicens quod ex quo polus immanifestus est sursum, illi qui habitant sub illo polo sunt in hemisphaerio superiori et apud dextram caeli; nos autem qui in hac parte terrae habitamus, sumus in inferiori hemisphaerio et in sinistra. Et hoc est e contrario ei quod Pythagorici dixerunt, qui posuerunt nos habitare sursum et in dextra parte, illos autem deorsum et in sinistra parte; cum tamen contrarium accidat secundum praedicta. Hemisphaerium autem hic videtur accipere secundum quod dividitur caelum per circulum aequinoctialem aeque distantem ab utroque polo. Et ex hoc patet Aristotelem hic dicere quod etiam ex alia parte aequinoctialis aliqui homines habitant vel habitare possunt, in parte opposita nobis. Si qui autem habitant vel habitarent in duabus quartis terrae quae distinguuntur a nobis per circulum qui intelligitur secare aequinoctialem ad rectos angulos, transeuntem per polos aequinoctiales, illi distinguerentur a nobis utrisque, qui scilicet habitamus sursum et deorsum, tanquam habitantes in posteriori parte caeli ab habitantibus in anteriori, inquantum motus caeli posterius ad eos pervenit, utpote stellis eis orientibus cum nobis occidunt, et redeuntibus ad principium motus, quod est dextrum, in occasu stellarum. Sed cum dextrum et sinistrum aequaliter distent et lateraliter ab eo quod est sursum et deorsum, videtur inconvenienter dicere quod nos qui sumus sub polo Arctico, habitemus in inferiori parte et sinistra, alii autem in superiori et dextra. Et ad hoc potest dici quod Aristoteles locutus est secundum Graeciam, in qua habitabat, quae quidem est ad sinistram inquantum est versus occidentem, est autem deorsum inquantum est sub polo Arctico. Sed quia Aristoteles hic loqui videtur communiter pro habitantibus omnibus in nostra habitabili, melius respondetur quod ipse loquitur more Pythagoricorum, qui ad idem referebant dextrum, sursum et ante, et opposita etiam ad idem: Pythagoras autem secundum hoc aestimavit nos esse in parte superiori et dextra; vel secundum aspectum, quia polus Arcticus supereminet nobis; vel magis, aspiciens ad motus planetarum, ut immediate patebit.

[71138] Sur le De caelo, II, 3, 16. Ensuite quand il dit : Ğ et ceux qui habitent ici ğ, etc., il conclut selon les propos précédents que la Terre est habitée différemment, disant que du fait que le pôle invisible est en haut, ceux qui habitent sous ce pôle sont dans l’hémisphère supérieur et à droite du ciel, mais que nous, qui habitons dans cette partie de la terre, nous sommes dans l’hémisphère inférieur et [285b25] à gauche. Et c’est le contraire de ce que les Pythagoriciens disaient, eux qui établissaient que nous habitons en haut et dans la partie droite, et que ceux-là se trouvent en bas et à gauche, alors que c’est le contraire selon les propos précédents. Or il semble considérer ici l’hémisphère en divisant le ciel par le cercle de l’équateur qui est à égale distance des deux pôles. Et à partir de là il est clair qu’Aristote dit ici que des hommes habitent ou peuvent habiter aussi de l’autre côté de l’équateur, dans la partie opposée à nous. Or si des hommes habitent ou habitaient dans les deux quarts de la terre qui sont séparés de nous par le cercle que l’on sait couper l’équateur à angles droits, en passant par les pôles de l’équateur, ils seraient séparés de nous qui habitons des deux côtés en haut et en bas, en car ils demeurent tous dans la partie postérieure du ciel et sont séparés des habitants de la partie antérieure, dans la mesure où le mouvement du ciel leur parvient plus tard, étant donné que les étoiles se lèvent pour eux quand elles se couchent pour nous et qu’elles reviennent au début de leur mouvement, qui est à droite, au coucher des étoiles. Mais comme la droite et la gauche sont à égale distance et de côté par rapport à ce qui est en haut et en bas, il ne semble pas convenable de dire que nous qui sommes sous le pôle Arctique nous habitons dans la partie inférieure et à gauche et que les autres habitent dans la partie supérieure et à droite. Et pour cela on peut dire qu’Aristote a parlé de la Grèce, où il habitait, laquelle est à gauche, dans la mesure où elle est en occident, mais laquelle est en bas, dans la mesure où elle est sous le pôle Arctique. Mais puisqu’Aristote semble parler ici communément pour tous les habitants de notre terre habitée, il est mieux de répondre qu’il parle lui-même à la manière des Pythagoriciens, qui rapportaient la droite, le haut et l’avant à une même chose, et leurs contraires à une autre même chose : or Pythagore a estimé selon ce principe que nous sommes dans la partie supérieure et droite ; ou bien d’après ce que nous voyons, puisque le pôle Arctique s’élève au-dessus de nous ; ou bien plutôt, en regardant le mouvement des planètes, comme ce sera évident immédiatement.

[71139] In De caelo, lib. 2 l. 3 n. 17 Deinde cum dicit: sed secundae quidem etc., ostendit quomodo istae positiones distinguantur secundum motus planetarum. Et dicit quod quantum ad secundum motum circularem, qui est planetarum, nos e converso sumus sursum et in dextra, illi autem deorsum et in sinistra: quia principium huius motus e contrario se habet (incipiunt enim moveri ab occidente); et hoc ideo, quia isti duo motus sunt contrarii, idest diversi (nam contrarietas proprie non est in motibus circularibus, ut in primo ostensum est). Et secundum hoc accidit nos esse in principio, et illos in fine motus planetarum. Et ideo illi videntur esse potiores quantum ad permanentiam, quae est in primo motu; nos autem quantum ad diversitatem generationis et corruptionis, quae dependet ex secundo motu, ut infra dicetur. Ultimo autem epilogat, dicens quod tanta dicta sunt de partibus caeli, quae determinantur secundum dimensiones caeli et secundum locum, non autem secundum materiales partes caeli, ut dictum est.

[71139] Sur le De caelo, II, 3, 17. Ensuite quand il dit : Ğ mais les secondes ğ, etc., il montre comment ces positions se différencient selon les mouvements des planètes. Et il dit que, concernant le second mouvement circulaire, qui est celui des planètes, nous sommes au contraire en haut et à droite et que ceux-là [285b30] sont en bas et à gauche, puisque le principe de ce mouvement est contraire (car elles commencent à se mouvoir à l’occident) ; et cela parce que ces deux mouvements sont Ğ contraires ğ, c’est-à-dire différents (car le fait d’être contraire à proprement parler ne concerne pas les mouvements circulaires, comme on l’a montré dans le premier livre). Et pour cette raison il arrive que nous soyons au début et qu’eux soient à la fin du mouvement des planètes. Et c’est pourquoi ceux-là semblent être plus puissants du point de vue de la permanence, qui est dans le premier mouvement, et nous du point de vue de la différence de génération et de corruption, qui dépend du second mouvement, comme on le dira ci-dessous. Enfin il conclut en disant qu’il a été assez question des parties du ciel, [286a1] qui sont déterminées selon ses dimensions et selon le lieu, et non seulement selon ses parties matérielles, comme on l’a dit.

 

 

Lectio 4

Leçon 4 – [Les multiples sphères célestes]

[71140] In De caelo, lib. 2 l. 4 n. 1 Postquam philosophus determinavit de diversitate partium situalium caeli, hic determinat de diversitate partium quantum ad ordinem sphaerarum, ostendens videlicet causam quare in caelo non est una sphaera tantum circulariter mota, sed sunt plures sphaerae quae circulariter moventur. Et circa hoc tria facit: primo ponit dubitationem; secundo ostendit difficultatem solutionis, ibi: et quidem a longe tentantibus etc.; tertio incipit solvere, ibi: unumquodque est quorum est opus et cetera.

[71140] Sur le De caelo, II, 4, 1. Après que le philosophe a traité des différentes parties spatiales du ciel, il traite ici des différentes parties du point de vue de l’ordre des sphères, montrant naturellement la cause selon laquelle dans le ciel il n’y a pas une seule sphère qui se déplace circulairement, mais plusieurs. Et concernant cela il fait trois choses : il pose premièrement un problème ; il montre deuxièmement qu’il est difficile de le résoudre, ici : Ğ et certes pour ceux qui examinent de loin ğ, etc. ; il commence troisièmement à le faire, ici : Ğ chacun de ceux dont l’œuvre est ğ, etc.

[71141] In De caelo, lib. 2 l. 4 n. 2 Circa primum considerandum est quod, si contingeret motus circulares esse contrarios, non esset difficile videre quare in caelo non est tantum unus motus circularis, sed plures. Cum enim contraria differant specie, eo quod contrarietas est differentia secundum formam, ut dicitur X Metaphys., non esset universum perfectum in suis speciebus, si esset unus motus contrarius et non alius, puta si esset motus deorsum et non esset motus sursum. Quia ergo, ut supra probatum est, unus motus circularis non est contrarius alteri, oportet diligenter considerare quae est necessitas quod in caelo essent multi et diversi motus circulares. Et quaestio satis congrue sequitur ad praemissa, in quibus dictum est quod sursum et deorsum et alia huiusmodi aliter considerantur in caelo quantum ad primum motum, et aliter quantum ad secundum.

[71141] Sur le De caelo, II, 4, 2. Concernant le premier point, il faut considérer que, si des mouvements circulaires étaient susceptibles d’être contraires, il ne serait pas difficile de voir pourquoi dans le ciel il n’y a pas seulement un mouvement circulaire, mais plusieurs. [286a5] En effet, comme les contraires diffèrent en espèce, du fait que l’opposition est une différence selon la forme, comme il est dit dans le livre X de la Métaphysique, l’univers ne serait pas parfait dans ses espèces, s’il y avait un seul mouvement contraire, et non un autre, par exemple s’il y avait un mouvement vers le bas et non un mouvement vers le haut. Donc puisque, comme on l’a prouvé ci-dessus, un mouvement circulaire n’est pas contraire à un autre, il faut considérer avec attention quelle est la nécessité qui fait que dans le ciel il y a des mouvements circulaires en grand nombre et divers. Et cette question est la conséquence assez convenable des prémisses, où on a dit que le haut, le bas et les autres mouvements de ce genre sont considérés dans le ciel d’une manière du point de vue du premier mouvement, d’une autre manière du point de vue du second.

[71142] In De caelo, lib. 2 l. 4 n. 3 Deinde cum dicit: et quidem a longe tentantibus etc., ostendit difficultatem solvendae quaestionis. Hoc enim dicit esse considerandum hominibus qui tentant facere quaestionem a longe, idest de corporibus caelestibus longe a nobis existentibus; cum tamen de his quae sunt elongata a nobis, non possimus habere certum iudicium. Corpora autem caelestia non ita sunt longe a nobis tanto, idest secundum quantitatem localis distantiae; sed multo magis eo quod pauca accidentium eorum cadant sub sensum nostrum; cum tamen connaturale sit nobis quod ex accidentibus, idest sensibilibus, deveniamus ad cognoscendam naturam alicuius rei. Hanc autem elongationem dicit multo maiorem esse quam localem: quia si consideremus localem distantiam, aliqua proportio est distantiae qua distat a nobis corpus caeleste, ad distantiam qua distat a nobis aliquod inferiorum corporum, puta lapis aut lignum, et utraque distantia est unius generis; sed accidentia caelestium corporum sunt alterius rationis, et omnino improportionata accidentibus inferiorum corporum. Et tamen, quamvis sit difficile, dicamus propter quid est talis diversitas motus in caelo. Et huius diversitatis causa est accipienda ex his quae nunc dicentur.

[71142] Sur le De caelo, II, 4, 3. Ensuite quand il dit : Ğ et certes pour ceux qui examinent de loin ğ, etc., il montre qu’il est difficile de résoudre cette question. Car il dit qu’elle doit être considérée par des hommes qui tentent de l’étudier Ğ de loin ğ, c’est-à-dire à propos des corps célestes qui existent loin de nous, alors que, sur ces corps qui sont éloignés de nous, nous ne pouvons pas avoir de jugement certain. Or les corps célestes ne sont pas éloignés de nous Ğ d’autant ğ, c’est-à-dire selon les dimensions de la distance locale, mais beaucoup plus parce que peu de leurs accidents nous sont visibles, alors qu’il nous est naturel d’en venir à connaître la nature d’une chose à partir des Ğ accidents ğ, c’est-à-dire des choses sensibles. Or il dit que cet éloignement est beaucoup plus important que la distance locale, puisque, si nous la considérons, on trouve une proportion entre la distance qui nous sépare d’un corps céleste et celle qui nous sépare d’un des corps inférieurs, par exemple d’une pierre ou d’un morceau de bois, et les deux distances appartiennent à un seul genre ; mais les accidents des corps célestes appartiennent à un autre domaine, et ils sont totalement sans rapport avec les accidents des corps inférieurs. Et pourtant, bien que ce soit difficile, disons pourquoi il y a une telle diversité de mouvements dans le ciel. Et la cause de cette diversité doit être considérée à partir de ce qui va être dit maintenant.

[71143] In De caelo, lib. 2 l. 4 n. 4 Deinde cum dicit: unumquodque est quorum est opus etc., assignat causam praedictorum. Et primo assignat eam per viam compositionis, procedendo a primo ad ultimum quod quaeritur; secundo per viam resolutionis, procedendo ab ultimo quod quaeritur usque ad primum, ibi: nunc autem tantum manifestum est et cetera. Circa primum ponit talem rationem. Si caelum est quoddam corpus divinum, necesse est motum eius esse sempiternum et circularem; si motus eius est sempiternus et circularis, necesse est terram esse; si terra est, necesse est ignem esse; si ignis est et terra, est necesse etiam aliqua corpora intermedia esse; si autem sunt huiusmodi corpora, necesse est generationem esse; si autem generatio est, necesse est plures motus esse in caelo. Ergo, si caelum est corpus perpetuum et divinum, necesse est plures motus esse in caelo, et per consequens plura corpora mobilia.

[71143] Sur le De caelo, II, 4, 4. Ensuite quand il dit : Ğ il y a chacun parmi ceux dont il est besoin ğ, etc., il attribue une cause à ce qui a été déjà dit. Et premièrement il l’attribue par mode de composition, en procédant de la première à la dernière question ; deuxièmement par mode de résolution, en procédant de la dernière question à la première, ici : Ğ maintenant seulement il est manifeste ğ, etc. Concernant le premier point, il expose le raisonnement suivant. Si le ciel est un corps divin, il est nécessaire que son mouvement soit éternel et circulaire ; si son mouvement est éternel et circulaire, il est nécessaire que la terre soit ; si la terre est, il est nécessaire que le feu soit ; si le feu et la terre sont, il est aussi nécessaire que des corps intermédiaires soient ; or s’il y a des corps de ce genre, il est nécessaire que la génération soit ; or si la génération est, il est nécessaire qu’il y ait plusieurs mouvements dans le ciel. Donc, si le ciel est un corps éternel et divin, il est nécessaire qu’il y ait plusieurs mouvements dans le ciel, et par conséquent plusieurs corps mobiles.

[71144] In De caelo, lib. 2 l. 4 n. 5 Singula igitur per ordinem manifestat: et primo primum. Circa quod considerandum est quod Platonici ponebant unum Deum summum, qui est ipsa essentia bonitatis et unitatis, sub quo ponebant ordinem superiorum intellectuum separatorum, qui apud nos consueverunt intelligentiae vocari; et sub hoc ordine ponebant ordinem animarum, sub quo ordine ponebant ordinem corporum. Dicebant ergo quod inter intellectus separatos, superiores et primi dicuntur intellectus divini, propter similitudinem et propinquitatem ad Deum; alii vero non sunt divini, propter distantiam ad Deum; sicut etiam animarum supremae sunt intellectivae, infimae autem non intellectivae, sed irrationales. Corporum autem suprema et nobiliora dicebant esse animata, alia vero inanimata. Rursus dicebant quod supremae animae propter hoc quod dependent ex intelligentiis divinis, sunt animae divinae; et iterum corpora suprema, propter hoc quod sunt coniuncta animabus divinis, sunt corpora divina. Hoc igitur modo etiam Aristoteles hic loquitur, dicens quod unumquodque quod habet propriam operationem, est propter suam operationem: quaelibet enim res appetit suam perfectionem sicut suum finem, operatio autem est ultima rei perfectio (vel saltem ipsum operatum, in his in quibus est aliquod opus praeter operationem, ut dicitur in I Ethic.); dictum est enim in II de anima quod forma est actus primus, operatio autem est actus secundus, tanquam perfectio et finis operantis. Et hoc est verum tam in corporalibus quam in spiritualibus, puta in habitibus animae; et tam in naturalibus quam in artificialibus. Dicit tamen quorum opus est, propter ea quae sunt contra naturam, sicut sunt monstra; quorum non est aliquod opus inquantum huiusmodi, sed patiuntur defectum operativae virtutis, ut patet in his qui nascuntur claudi vel caeci; non enim claudicatio est finis intentus a natura, propter quem faciat nasci animal claudum, sed hoc accidit praeter intentionem naturae ex defectu naturalium principiorum. Subdit autem quod operatio Dei est immortalitas. Nominat autem hic Deum, non solum primam causam omnium rerum, sed, more Platonicorum et aliorum gentilium, omnia quae dicuntur divina, secundum morem praedictum. Sed videtur quod immortalitas non sit operatio, sed potius differentia vel impassibilitas, sicut mortale est differentia vel passio. Dicendum est ergo quod immortalitas signat vitam indeficientem: vivere autem non solum nominat ipsum esse viventis, sed etiam operationem vitae, sicut intelligere est quoddam vivere, et sentire et alia huiusmodi, ut patet in II de anima et in IX Ethic. Et ad hoc exprimendum subiungit, haec autem, scilicet immortalitas, est vita sempiterna: propter quod etiam non dicit quod Dei operatio sit incorruptibilitas, quae importat solum sempiternitatem ipsius esse, sed dicit immortalitas, ut includat sempiternitatem operationis. Unde concludit quod, si aliquid mobilium dicatur Deus secundum modum praedictum, quod motus eius sit sempiternus; sicut et si qua substantia immobilis Deus dicitur, eius operatio est sempiterna absque motu; alioquin frustra esset talis res sempiterna non habens operationem sempiternam, propter quam unaquaeque res est. Quia ergo caelum est tale quod secundum antiquos Deus dicebatur, non quia sit ipse summus Deus, sed quia corpus eius est quoddam divinum, propter hoc quod est ingenitum et incorruptibile, ut supra ostensum est; inde est quod habet corpus circulare, ad hoc quod possit semper et circulariter moveri. Ostensum est enim in VIII Physic. quod solus motus circularis potest esse perpetuus: nam super lineam rectam infinitam nullus est motus, ut etiam in primo probatum est; super lineam autem rectam finitam non potest esse motus infinitus nisi per reflexionem, quae quidem non potest esse sine interpolatione quietis, ut probatur in VIII Physic. Et est attendendum quod Aristoteles hic probat sempiternitatem motus caeli ex sempiternitate corporis eius; qua via non fuit usus in VIII Physic., quia nondum probaverat sempiternitatem caeli. Sed quia ad motum caeli se habet ipsum corpus caeleste ut materia et subiectum, primum autem movens, scilicet Deus, sicut agens quod facit ipsum esse in actu; ex parte caeli probari potest quod sit potens semper moveri, ex parte autem voluntatis divinae dependet quod moveatur in actu vel semper vel non semper.

[71144] Sur le De caelo, II, 4, 5. Il montre donc chaque question dans l’ordre : et premièrement la première. Sur celle-ci il faut considérer que les Platoniciens établissaient un seul Dieu suprême, qui est l’essence même du bien et de l’unité, sous lequel il plaçait l’ordre des intellects supérieurs séparés, qui sont habituellement appelés chez nous intelligences ; et au-dessous de cet ordre ils plaçaient celui des âmes, au-dessous duquel ils établissaient celui des corps. Ils disaient donc qu’entre les intellects séparés, les intellects supérieurs et premiers s’appellent divins, en raison de leur ressemblance et de leur proximité avec Dieu ; mais que les autres ne sont pas divins, en raison de leur distance avec Dieu, de même que les âmes suprêmes sont aussi intelligentes, mais que les âmes infimes ne sont pas intelligentes, mais irrationnelles. Ils disaient que les corps suprêmes et plus nobles sont animés, mais que les autres ne le sont pas. Ils disaient en revanche que les âmes suprêmes, parce qu’elles dépendent des intelligences divines, sont des âmes divines ; et encore que les corps suprêmes, parce qu’ils sont unis aux âmes divines, sont divins. Aristote parle donc ici aussi de cette manière, en disant que chaque chose qui a sa propre action existe pour cette action : car n’importe quelle chose cherche à atteindre sa perfection comme sa fin, or l’action est la perfection ultime d’une chose (ou du moins l’œuvre même, pour ceux chez qui on trouve quelque activité pour leur action, comme le dit le livre I de l’Éthique) ; car le livre II du traité De l’Âme a dit que la forme est l’acte premier, l’action est l’acte second, en qualité de perfection et de fin de celui qui opère. Et c’est vrai aussi bien pour les êtres corporels que pour les spirituels, par exemple pour les dispositions de l’âme, et aussi bien chez les êtres naturels que chez les artificiels. Il dit cependant Ğ qui ont une activité ğ pour ceux qui sont contre-nature, comme les monstres, qui n’ont pas d’activité de ce genre, mais qui subissent un défaut de leur fonction active, comme chez ceux qui naissent boiteux ou aveugles ; car la claudication n’est pas la fin visée par la nature, pour laquelle elle fait naître un animal boiteux, mais cela se produit contre l’intention de la nature en raison d’un défaut des principes naturels. Il ajoute que Ğ l’action de Dieu est l’immortalité ğ. Or il appelle ici Dieu non seulement la cause première de toutes les choses, mais, à la façon des Platoniciens et d’autres Gentils, tout ce qui est appelé divin, de la façon dont on a déjà parlé. Mais il semble que l’immortalité ne soit pas une action, mais plutôt une différence ou un état qui ne subit rien, comme la mortalité est une différence ou une passion. Il faut donc dire que l’immortalité indique une vie sans fin : or vivre désigne non seulement l’être même du vivant, mais aussi l’opération de la vie, de même que comprendre est vivre, ainsi que sentir et autres choses de ce genre, comme le montrent le livre II de l’Âme et le livre IX de l’Éthique. Et pour exprimer cela, il ajoute : Ğ or celle-ci, c’est-à-dire l’immortalité, est la vie éternelle ğ : dans ce but aussi il ne dit pas que l’action de Dieu est le fait de ne pouvoir être corrompu, ce qui introduit seulement l’éternité de l’être lui-même, mais il dit Ğ immortalité ğ en incluant l’éternité de l’action. [286a10] De ce fait, il conclut que, si Dieu est considéré comme l’un des corps mobiles selon la manière dont on a déjà parlé, son mouvement est éternel ; de même que, si Dieu est considéré comme une substance immobile, son action est éternelle sans mouvement ; sinon, en vain serait une telle chose éternelle dépourvue d’action éternelle, pour laquelle chaque chose est. Donc puisque le ciel est tel qu’il était appelé Dieu par les Anciens, non parce qu’il est lui-même le Dieu suprême, mais parce que son corps est une chose divine, étant donné qu’il est non engendré et incorruptible, comme on l’a démontré ci-dessus ; de là vient qu’il a un corps circulaire, qui puisse toujours se déplacer circulairement. En effet, il a été montré dans le livre VIII de la Physique que seul le mouvement circulaire peut être perpétuel : en effet sur une ligne droite infinie il ne peut y avoir aucun mouvement, comme on l’a prouvé aussi dans le premier livre ; or sur une ligne droite finie il ne peut y avoir de mouvement infini, si ce n’est avec un retour en arrière, qui ne peut avoir lieu sans l’intervention d’une pause, comme le prouve le livre VIII de la Physique. Et il faut remarquer qu’Aristote prouve ici l’éternité du mouvement du ciel à partir de l’éternité de son corps et qu’il n’a pas utilisé cette méthode dans le livre VIII de la Physique, puisqu’il n’avait pas encore prouvé l’éternité du ciel. Mais puisque le corps céleste lui-même constitue matière et sujet par rapport au mouvement du ciel, le premier à le déplacer, c’est-à-dire Dieu, est l’agent qui crée lui-même l’être en acte ; à partir du ciel on peut prouver qu’il est capable de se déplacer toujours déplacé, et que, de la volonté divine dépend qu’il soit déplacé en acte, soit toujours, soit pas toujours.

[71145] In De caelo, lib. 2 l. 4 n. 6 Deinde cum dicit: propter quid igitur etc., ostendit secundam conditionalem, scilicet quod si caelum movetur sempiterno et circulari motu, quod necesse sit esse terram. Dicit ergo: si ita est quod caelum est corpus divinum sempiterne et circulariter motum, propter quid ergo non est tale corpus totius caeli, idest totius mundi, ut scilicet quaelibet pars mundi esset de natura caelestis corporis? Et ad hoc respondet quod necesse est esse aliquid manens et quietum in medio corporis quod circulariter fertur: manifestum est enim quod omnis motus circularis est circa aliquod medium quiescens. Et hoc oportet esse aliquod corpus: nam hoc quod dico medium, non est aliquid subsistens, sed accidens alicui rei corporeae, si sit medium corporis. Non est autem possibile quod tale aliquid sit aliqua pars huius, idest aliqua pars caelestis corporis, quod supra dixerat corpus divinum, licet oporteat quod sit pars totius mundi. Et hoc probat dupliciter. Primo quia nulla pars caelestis corporis universaliter potest quiescere ubicumque, cum corpori caelesti conveniat sempiternus motus, ut ostensum est: medium autem circa quod est motus circularis, oportet esse quietum. Secundo quia specialiter non potest esse quod quiescat in medio. Quia si secundum naturam in medio quiesceret, naturaliter moveretur ad medium (unumquodque enim naturaliter movetur ad locum in quo quiescit, ut in primo habitum est): nulla autem pars corporis caeli naturaliter movetur ad medium, quia naturalis eius motus est quod moveatur circulariter, et, sicut in primo habitum est, unius simplicis corporis non possunt esse duo motus naturales. Unde relinquitur quod quies partis illius caelestis corporis in medio esset ei contra naturam. Et ex hoc sequitur quod motus caeli non possit esse sempiternus: quia non potest esse nisi sit aliquid quietum in medio, et si quies eius quod est in medio esset violenta, sequeretur quod non posset esse sempiterna; et per consequens nec motus eius sempiternus. Nihil enim quod est praeter naturam, est sempiternum: quia illud quod est praeter naturam, est posterius eo quod est secundum naturam: quod quidem patet ex hoc quod in generatione cuiuslibet rei, id quod est praeter naturam est excessus quidam, idest corruptio et defectus, eius quod est secundum naturam (sicut videmus quod monstra sunt quaedam corruptiones et defectus rei naturalis); corruptio autem et defectus est naturaliter posterior, sicut privatio quam habitus. Non autem est possibile id quod est naturaliter prius, nunquam esse, et id quod est naturaliter posterius, esse semper. Unde patet quod non est possibile id quod est violentum esse sempiternum. Id autem quod in medio quiescit, sempiterne quiescit, sicut et caelum sempiterne movetur. Relinquitur ergo quod oporteat esse aliquid quod naturaliter quiescat in medio, si motus caeli est circularis et sempiternus. Hoc autem quod naturaliter quiescit in medio, est terra, ut infra ostendetur. Ergo, si caelum movetur circulariter et sempiterne, necesse est terram esse, quod fuit propositum.

[71145] Sur le De caelo, II, 4, 6. Ensuite quand il dit : Ğ pourquoi donc ğ, etc., il montre la seconde condition, à savoir que, si le ciel se déplace dans un mouvement éternel et circulaire, il est nécessaire que la terre soit. Il dit donc : Ğ s’il en est ainsi que le ciel est un corps divin déplacé éternellement et circulairement, pourquoi donc le corps du ciel tout entier, c’est-à-dire du monde entier, n’est-il pas tel que n’importe quelle partie du monde est de la nature du corps céleste ? ğ Et à cela il répond qu’il est nécessaire qu’il y ait une chose qui demeure au repos au milieu du corps qui est emporté circulairement : car il est manifeste que tout mouvement circulaire tourne autour d’un milieu immobile. Et il faut que ce soit un corps : car ce que j’appelle le milieu n’est pas une chose qui subsiste, mais un accident qui arrive à une chose corporelle, si c’est le milieu d’un corps. Or il n’est pas possible qu’une telle chose soit la partie Ğ de cela ğ, c’est-à-dire celle d’un corps céleste, qu’il avait appelé ci-dessus corps divin, bien qu’elle doive être une partie du monde entier. Et il le prouve de deux façons. [286a15] Premièrement puisqu’aucune partie du corps céleste ne peut universellement être partout immobile, alors qu’un mouvement éternel convient à un corps céleste, comme on l’a montré : or le milieu autour duquel se fait le mouvement circulaire doit être immobile. Deuxièmement puisqu’il n’est pas possible spécialement que [cette partie] soit au repos au milieu. Puisque si elle était au repos au milieu selon la nature, elle se déplacerait naturellement vers le milieu (car chaque corps se déplace naturellement vers le lieu où il s’arrête, comme on l’a considéré dans le premier livre) : or, aucune partie du corps du ciel ne se déplace naturellement vers le milieu, puisque son mouvement naturel est de se déplacer circulairement, et comme on l’a vu dans le premier livre, un corps simple ne peut avoir deux mouvements naturels. Par conséquent, il reste que le repos de cette partie du corps céleste au milieu serait contre-nature. Et il s’ensuit que le mouvement du ciel ne pourrait être éternel, puisqu’il ne peut se faire à moins qu’un être ne soit immobile au milieu, que, si l’immobilité de ce qui est au milieu était contraint, il s’ensuivrait qu’il ne pourrait être éternel, et que par conséquent son mouvement ne le serait pas. En effet, rien de ce qui est contre-nature n’est éternel, puisque ce qui est contre-nature est postérieur à ce qui est selon la nature : c’est évident du fait que, dans la génération de n’importe quelle chose, ce qui est contre-nature est Ğ une sorte d’excès ğ, c’est-à-dire une corruption et un défaut [286a20] de ce qui est selon la nature (de même que nous voyons que les monstres sont une sorte de corruption et de défaut d’une chose naturelle) ; or la corruption et le défaut sont naturellement postérieurs, comme la privation par rapport aux dispositions naturelles. Or il n’est pas possible que ce qui est naturellement antérieur ne soit jamais et que ce qui est naturellement postérieur soit toujours. Par conséquent il est clair qu’il n’est pas possible que ce qui est violent soit éternel. Or ce qui est immobile au milieu l’est éternellement, comme le ciel aussi se déplace éternellement. Il reste donc qu’il faut qu’il y ait une chose qui soit naturellement immobile au milieu, si le mouvement du ciel est circulaire et éternel. Or ce qui est naturellement immobile au milieu est la terre, comme on le montrera ci-dessous. Donc, si le ciel se déplace circulairement et éternellement, il est nécessaire que la terre soit, ce qui était la proposition.

[71146] In De caelo, lib. 2 l. 4 n. 7 Deinde cum dicit: sed adhuc si terram etc., ostendit tertiam conditionalem, scilicet quod si est terra, quod sit ignis. Et primo proponit quod intendit, dicens quod adhuc, si necesse est terram esse, necesse est et ignem esse. Secundo ibi: contrariorum enim etc., probat hoc duabus rationibus. Quarum prima talis est. Si unum contrariorum est in natura, necesse est etiam quod alterum sit in natura. Et hoc quidem probat sic: quia si sit aliquod contrariorum, necesse est quod sit aliqua natura ei subiecta, ut patet ex I Physic.; est autem eadem materia contrariorum, ut ibidem ostenditur, et sic oportet quod materia unius contrarii habeat potentiam ad aliud contrarium; quae quidem potentia esset frustra, si illud contrarium non posset esse in natura. Unde, cum nihil sit frustra in natura, necesse est quod si unum contrariorum est, quod et reliquum sit. Ignis autem et terra sunt contraria: quia maxime distant secundum contrarietatem situs, de qua nunc loquimur, inquantum unum est gravissimum et aliud levissimum (quantum autem ad alias qualitates, ignis maxime contrariatur aquae, sicut calidissimum frigidissimo: sed nunc loquitur de istis corporibus secundum eorum situm; sic enim sunt partes totius universi). Relinquitur ergo quod si est terra, necesse est etiam ignem esse.

[71146] Sur le De caelo, II, 4, 7. Ensuite quand il dit : Ğ mais si la terre ğ, etc., il montre la troisième condition, à savoir que si la terre est, le feu est. Et il expose premièrement ce qu’il se propose de faire, disant que, s’il est nécessaire que la terre soit, il est en outre nécessaire que le feu soit aussi. Deuxièmement ici : Ğ car parmi les contraires ğ, etc., il le prouve par deux raisonnements. Le premier d’entre eux est le suivant. Si un des contraires est dans la nature, il est aussi nécessaire que l’autre le soit. Et il le prouve ainsi : puisque si un des contraires est, il est nécessaire qu’une nature lui soit subordonnée, comme c’est évident d’après le livre I de la Physique ; or la matière des contraires est la même, comme on le démontre ici-même, et ainsi faut-il que la matière d’un contraire ait du pouvoir sur l’autre contraire ; et ce qui est certain, c’est que ce pouvoir serait en vain, si ce contraire ne pouvait être dans la nature. De ce fait, comme rien n’est en vain dans la nature, il est nécessaire que si l’un des contraires est, l’autre soit aussi. Or le feu et la terre sont contraires, puisqu’ils sont très distants du fait que leurs situations sont opposées, dont nous parlons maintenant, dans la mesure où l’un est le plus lourd et l’autre le plus léger (or du point de vue des autres qualités, le feu est très opposé à l’eau, tout comme le plus chaud l’est au plus froid : mais il parle maintenant de ces corps selon leur situation ; ainsi ils sont en effet les parties de tout l’univers). Il reste donc que, si la terre est, il est nécessaire que le feu soit aussi. [286a25]

[71147] In De caelo, lib. 2 l. 4 n. 8 Secundam rationem ponit ibi: et privatione et cetera. Circa quam considerandum est quod semper contraria se habent secundum peius et melius, ut dicitur in I Physic.; ita scilicet quod unum est privatio et defectus respectu alterius, sicut frigidum respectu calidi, et nigrum respectu albi. Manifestum est autem quod affirmatio, idest omne quod positive dicitur ut aliquid completum, est prius eo quod dicitur per privationem et defectum, sicut calidum est prius frigido. Quies autem et gravitas, quae attribuuntur terrae, dicuntur per privationem levitatis et motus, quae attribuuntur igni: ergo ignis naturaliter est prior terra. Posito autem posteriori, ponitur prius. Ergo necesse est quod si est terra, quod sit ignis. Et est considerandum quod Plato in Timaeo probavit esse terram et ignem, per hoc quod necesse est corpora esse visibilia propter ignem, et palpabilia propter terram.

[71147] Sur le De caelo, II, 4, 8. Il établit le second raisonnement ici : Ğ et par la privation ğ, etc. Le concernant, il faut considérer que les contraires sont toujours selon le meilleur et le pire, comme le dit le livre I de la Physique, de telle façon que l’un est privation et manque par rapport à l’autre, comme le froid par rapport au chaud et le noir par rapport au blanc. Or il est manifeste que Ğ l’affirmation ğ, c’est-à-dire tout ce qui est considéré positivement comme une chose complète, est antérieure à ce qui est dit par privation et défaut, comme le chaud est antérieur au froid. Or le repos et la pesanteur, qui sont attribués à la terre, sont dits par privation de légèreté et de mouvement, qui sont attribués au feu : donc le feu est naturellement antérieur à la terre. Une fois que l’on a établi le postérieur, on établit l’antérieur. Il est donc nécessaire que, si la terre est, le feu soit. Et il faut considérer que Platon a prouvé dans le Timée que la terre et le feu sont du fait qu’il est nécessaire que les corps soient visibles à cause du feu, et palpables à cause de la terre.

[71148] In De caelo, lib. 2 l. 4 n. 9 Deinde cum dicit: sed adhuc si quidem etc., ponit quartam conditionalem, scilicet quod si est ignis et terra, quod sint media elementa. Quia unumquodque elementorum habet aliqualiter contrarietatem ad unumquodque aliorum trium; sicut terra contrariatur igni secundum contrarietatem gravis et levis, et calidi et frigidi, aeri autem secundum contrarietatem calidi et frigidi, humidi et sicci: et hoc quidem dicit esse inferius manifestandum, praecipue in II de generatione. Unde relinquitur, si sunt duo elementa, quod necesse est esse alia duo, ex hoc quod probatum est quod si necesse est esse unum contrariorum, necesse est esse alterum. Plato autem probavit ex extremis elementis quod necesse est esse media, per proportiones numerales: quia inter duos cubicos numeros necesse est esse duos alios numeros secundum continuam proportionalitatem; sicut cubicus binarii est octonarius, cubicus autem ternarii sunt viginti septem, inter quos cadunt media in proportione duodeviginti et duodecim, quae omnia se habent secundum sesquialteram proportionem.

[71148] Sur le De caelo, II, 4, 9. Ensuite quand il dit : Ğ mais si du moins ğ, etc., il établit la quatrième condition, à savoir que, si le feu et la terre sont, les éléments intermédiaires sont, puisque chacun des éléments s’oppose d’une certaine manière [286a30] à chacun des trois autres, de même que la terre est opposée au feu selon l’opposition du lourd et du léger, et celle du chaud et du froid, à l’air selon l’opposition du chaud et du froid, de l’humide et du sec. Et il dit que cela devra être démontré plus loin, principalement dans le livre II de la Génération. De ce fait, il reste que, si deux éléments sont, il est nécessaire que les deux autres soient aussi, à partir du fait qu’il a été prouvé que, s’il est nécessaire que l’un des contraires soit, il est nécessaire que l’autre soit. Or Platon a prouvé à partir des éléments extrêmes qu’il est nécessaire que ceux du milieu soient, par des proportions numériques, puisque entre deux nombres cubiques, il est nécessaire qu’il y ait deux autres nombres selon la proportionnalité continue ; de même que le cube de deux est huit, le cube de trois est vingt-sept, entre lesquels tombent en proportion les nombres intermédiaires dix-huit et de douze, qui sont tous selon la proportion sesquialtère.

[71149] In De caelo, lib. 2 l. 4 n. 10 Deinde cum dicit: his autem existentibus etc., probat quintam conditionalem, scilicet quod si sint huiusmodi corpora, necesse est esse generationem et corruptionem. Quod quidem probat duplici ratione. Quarum prima est quia contraria agunt et patiuntur ab invicem, et se invicem corrumpunt, ut probabitur in libro de generatione; sed praedicta corpora sunt contraria ad invicem, ut dictum est; ergo se invicem corrumpunt. Et ita necesse est esse generationem et corruptionem.

[71149] Sur le De caelo, II, 4, 10. Ensuite quand il dit : Ğ ceux-ci existant ğ, etc., il prouve la cinquième condition, à savoir que, si des corps de ce genre sont, il est nécessaire que la génération et la corruption soient aussi. Il le prouve par un double raisonnement. Le premier d’entre eux est que les contraires agissent et subissent mutuellement, et se corrompent mutuellement, comme le livre sur la Génération le prouvera ; mais les corps dont on a parlé sont contraires les uns aux autres, comme on l’a dit ; ils se corrompent donc les uns les autres. Et ainsi il est nécessaire que la génération et la corruption soient.

[71150] In De caelo, lib. 2 l. 4 n. 11 Secundam rationem ponit ibi: adhuc autem etc.: quae talis est. Non est rationabile quod sit aliquod corpus sempiternum, cuius motus non potest esse sempiternus: quia motus est operatio corporis mobilis, et omnis res est propter suam operationem, ut dictum est. Sed praedicta corpora, scilicet elementa, habent motus rectos, qui non possunt esse sempiterni, ut in VIII Physic. probatur. Ergo ipsa non possunt esse sempiterna, sed necesse est quod sint generabilia et corruptibilia. Et ita necesse est quod generatio et corruptio fiat.

[71150] Sur le De caelo, II, 4, 11. Il établit le second raisonnement ici : Ğ en outre ğ, etc. : le voici. Il n’est pas rationnel que soit éternel un corps [286a35] dont le mouvement ne peut être éternel, puisque le mouvement est l’action d’un corps mobile, et que toute chose est en vue de son action, comme on l’a dit. [286b1] Mais les corps dont on a parlé, c’est-à-dire les éléments, ont des mouvements rectilignes, qui ne peuvent être éternels, comme le prouve le livre VIII de la Physique. Donc ils ne peuvent être eux-mêmes éternels, mais il est nécessaire qu’ils puissent être engendrés et corrompus. Et ainsi est-il nécessaire que la génération et la corruption aient lieu.

[71151] In De caelo, lib. 2 l. 4 n. 12 Deinde cum dicit: si autem etc., probat sextam conditionalem, scilicet quod si sit generatio, quod necesse est esse alium motum circularem praeter primum, aut unum aut plures. Quia, cum primus motus circularis, qui est supremae sphaerae revolventis totum caelum ab oriente in occidentem, sit uniformis, non causaret diversam dispositionem in corporibus inferioribus; et ita elementa corporum et alia corpora similiter se haberent ad invicem; unde non esset generatio et corruptio. Et hoc manifestabitur magis in sequentibus, scilicet in II de generatione. Unde necesse est esse alium motum, qui est per obliquum circulum, qui proprie causet generationem et corruptionem per elongationem et appropinquationem planetarum ad nos, sicut primus motus causat permanentiam et sempiternitatem in rebus.

[71151] Sur le De caelo, II, 4, 12. Ensuite quand il dit : Ğ or si ğ, etc., il prouve la sixième condition, à savoir que, si la génération est, il est nécessaire que un autre mouvement circulaire soit en dehors du premier, qu’il soit unique ou multiple. Puisque, comme le premier mouvement circulaire, qui est celui de la sphère suprême qui fait tourner le ciel tout entier de l’orient vers l’occident, est uniforme, il ne causerait pas de disposition différente pour les corps inférieurs ; et ainsi les éléments des corps et les autres corps sont semblables les uns aux autres [286b5] ; de ce fait, il n’y aurait ni génération ni corruption. Et cela sera prouvé davantage dans ce qui suit, à savoir dans le livre II de la Génération. Il est donc nécessaire qu’un autre mouvement, qui suit un cercle oblique et qui cause la génération et la corruption à proprement parler lorsque les planètes s’éloignent et se rapprochent de nous, comme le premier mouvement produit la permanence et l’éternité des choses.

[71152] In De caelo, lib. 2 l. 4 n. 13 Quaerit autem Alexander, si cessante motu caeli elementa contraria remanerent, utrum se invicem corrumperent. Et dicit quod sic, propter contrarietatem ipsorum: non tanquam esset generatio et corruptio ordinata secundum quandam reciprocationem, ut scilicet nunc ex calidis generarentur frigida, nunc e converso; sed contingeret, sicut Heraclitus posuit, quod quandoque omnia fierent ignis; nam ordinatio reciprocae conversionis invicem est etiam per virtutem caeli. Sed melius est dicere quod, cessante motu caeli, omnis motus corporum inferiorum cessaret, ut Simplicius dicit: quia virtutes inferiorum corporum sunt sicut materiales et instrumentales respectu caelestium virtutum, ita quod non movent nisi motae.

[71152] Sur le De caelo, II, 4, 13. Or Alexandre demande si les éléments contraires se corrompent les uns les autres s’ils demeurent au moment où le mouvement du ciel cesse. Et il dit qu’il en est ainsi, en raison de leur opposition : non parce que la génération et la corruption seraient organisés selon une certaine réciprocité, de même que tantôt le froid serait engendré par le chaud, tantôt l’inverse ; mais parce qu’il arriverait que, comme Héraclite l’a établi, un jour tout devienne feu ; car l’ordre du changement réciproque est aussi causé par la puissance du ciel. Mais mieux vaut dire que, si le mouvement du ciel cessait, tout mouvement des corps inférieurs cesserait, comme Simplicius l’a dit, puisque les fonctions des corps inférieurs sont pour ainsi dire matérielles et instrumentales par rapport aux fonctions célestes, de telle façon qu’elles ne déplacent que si elles sont déplacées.

[71153] In De caelo, lib. 2 l. 4 n. 14 Deinde cum dicit: nunc autem tantum manifestum est etc., recolligit eandem rationem ordine resolutorio. Et dicit quod hoc nunc manifestum est, propter quam causam oportet esse plura corpora circulariter mota: quia scilicet necesse est esse generationem; generationem autem necesse est esse, si est ignis et alia corpora; ignem autem et alia huiusmodi corpora necesse est esse, si sit terra; quam quidem necesse est esse, quia necesse est esse aliquid sempiterne quiescens in medio, si est aliquid circulariter motum.

[71153] Sur le De caelo, II, 4, 14. Ensuite quand il dit : Ğ or maintenant il est seulement manifeste ğ, etc., il rassemble le même raisonnement dans un ordre analytique. Et il dit qu’il est maintenant clair pour quelle raison il faut que plusieurs corps soient déplacés circulairement : puisqu’il est nécessaire que la génération soit ; or il est nécessaire que la génération soit, si le feu et les autres corps sont ; il est nécessaire que le feu et les autres corps de ce genre soient, si la terre est ; il est nécessaire qu’elle soit, puisqu’il est nécessaire qu’une chose éternellement au repos soit au milieu, s’il y a une chose déplacée circulairement.

 

 

Lectio 5

Leçon 5 – [La forme du ciel]

[71154] In De caelo, lib. 2 l. 5 n. 1 Postquam philosophus determinavit de perpetuitate caeli et diversitate partium eius, hic determinat de figura ipsius. Et primo ostendit caelum esse sphaericae figurae; secundo ostendit quod haec figura perfecte in ipso existit, ibi: quod quidem igitur sphaericus est et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit caelum esse sphaericae figurae, rationibus sumptis ex parte ipsius caeli; secundo ratione sumpta ex parte inferiorum corporum, ibi: sumet autem utique quis et cetera. Circa primum duo facit. Primo proponit quod intendit: et dicit quod necesse est caelum habere sphaericam figuram, tum quia ista figura est maxime propria, idest conveniens, corpori caelesti; tum etiam quia est prima figurarum, et naturaliter, sicut perfectum est prius imperfecto, et substantia, idest secundum rationem, sicut unum est prius multis. Secundo ibi: dicamus autem universaliter etc., probat propositum. Et primo ostendit caelum esse sphaericae figurae, ex hoc quod haec figura est prima figurarum; secundo ex hoc quod est convenientissima caelo, ibi: adhuc autem quoniam videtur et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit quod supremum caelum est sphaericae figurae; secundo ostendit quod etiam alia caelestia corpora inferiora sunt sphaericae figurae, ibi: et continuum igitur illi et cetera.

[71154] Sur le De caelo, II, 5, 1. [286b10] Après que le philosophe a traité de l’éternité du ciel et de la diversité de ses parties, il traite ici de sa configuration. Et il montre premièrement que le ciel a une forme sphérique ; il montre deuxièmement que cette forme existe parfaitement en soi, ici : Ğ donc qu’il soit sphérique ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : il montre premièrement que le ciel a une forme sphérique, en tirant les raisons du ciel lui-même ; en tirant la seconde raison des corps inférieurs, ici : Ğ on tirera en tout cas ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses. Premièrement il expose ce qu'il se propose de faire : et il dit qu’il est nécessaire que le ciel ait une forme sphérique, d'une part parce que cette forme est tout à fait "appropriée", c’est-à-dire convenable, au corps céleste, d'autre part parce qu’elle est la première des figures, à la fois "naturellement", comme ce qui est parfait est antérieur à ce qui ne l'est pas, et en "substance", c’est-à-dire selon la raison, de même que l’un est antérieur au multiple. Deuxièmement ici : Ğ disons universellement ğ, etc., il prouve la proposition. Et il montre premièrement que le ciel a une forme sphérique, à partir du fait que cette forme est la première de toutes ; deuxièmement à partir du fait qu’elle est celle qui convient le mieux au ciel, ici : Ğ en outre puisqu’il semble ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : il montre premièrement que la partie supérieure du ciel est d’une forme sphérique ; il montre deuxièmement que les autres corps célestes inférieurs le sont aussi, dans ce passage : Ğ et donc continûment ceux-là ğ, etc.

[71155] In De caelo, lib. 2 l. 5 n. 2 Circa primum ponit talem rationem. Prima figura debetur corpori primo; sed inter figuras corporales sphaerica figura est prima; ergo caelum, quod est corpus primum, est sphaericae figurae. Huius autem rationis primo probat minorem; secundo, posita maiori, infert conclusionem, ibi: quoniam autem prima quidem et cetera. Circa primum duo facit: primo probat figuram sphaericam esse primam corporalium figurarum, per rationes; secundo per opiniones aliorum, ibi: adhuc autem dividentes et cetera. Circa primum duo facit. Primo proponit quod intendit: et dicit quod universaliter est dicendum de figuris quae sit prima earum, tam in figuris planis, idest in superficialibus, quam in solidis, idest in corporalibus figuris. Dicitur autem superficialis figura, qua figuratur superficies; corporalis autem figura, qua figuratur corpus.

[71155] Sur le De caelo, II, 5, 2. Concernant le premier point il établit le raisonnement suivant. La première forme est due au premier corps ; mais parmi les formes corporelles la forme sphérique est la première ; donc le ciel, qui est le premier corps, est d’une forme sphérique. Il prouve premièrement la mineure de ce raisonnement ; deuxièmement, après avoir établi la majeure, il en tire la conclusion, ici : Ğ or puisque la première ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : il prouve premièrement que la forme sphérique est la première des formes corporelles, par des raisonnements ; deuxièmement par les opinions des autres, ici : Ğ en outre en divisant ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses. Il expose premièrement ce qu’il se propose de faire : et il dit qu’il faut dire universellement quelle est la première des figures, aussi bien "planes", c’est-à-dire superficielles, que "solides", c’est-à-dire corporelles. Or on appelle superficielle une figure qui forme une surface ; corporelle une figure qui forme un corps.

[71156] In De caelo, lib. 2 l. 5 n. 3 Secundo ibi: omnis itaque etc., probat propositum: et primo quantum ad figuras superficiales; secundo quantum ad corporales, ibi: similiter autem et sphaera et cetera. Circa primum ponit duas rationes: quarum prima talis est. Omnis figura plana, idest superficialis, aut est rectilinea, sicut triangulus et quadratum, aut est circularis, sicut ipse circulus. Omnis autem rectilinea figura continetur a pluribus lineis et non ab una sola (una enim sola linea recta non porrigitur nisi ad unam partem, de ratione autem figurae est quod sit terminata ex omni parte): sed circularis figura comprehenditur ab una sola linea, quae undique porrigitur. In unoquoque autem genere unum est prius multitudine, et simplex est prius compositis. Unde relinquitur quod inter superficiales figuras circularis est prima.

[71156] Sur le De caelo, II, 5, 3. Deuxièmement ici : Ğ c’est pourquoi toute ğ, etc., il prouve la proposition : et premièrement relativement aux figures superficielles ; deuxièmement relativement aux corporelles, ici : Ğ également la sphère aussi ğ, etc. Concernant le premier point, il établit deux raisonnements : le premier d’entre eux est le suivant. Toute figure "plane", c’est-à-dire superficielle, est soit rectiligne, comme le triangle et le carré, soit circulaire, comme le cercle même. Or toute figure rectiligne [286b15] est contenue par plusieurs lignes et non par une seule (car une seule ligne droite n’est prolongée que d’un côté, et la manière d’être d’une figure fait qu’elle est limitée de tous côtés) : mais la figure plane est circonscrite par une seule ligne, qui se prolonge de tout côté. Or dans chaque genre l’un est antérieur au multiple, et le simple au composé. De ce fait, il résulte que parmi les figures superficielles la figure circulaire est la première.

[71157] In De caelo, lib. 2 l. 5 n. 4 Secundam rationem ponit ibi: adhuc autem si quidem et cetera. Perfectum dicitur esse illud extra quod nihil est accipere eorum quae possunt ipsi convenire, sicut homo dicitur esse perfectus cui non deest aliquid eorum quae ad hominem pertinent: et hoc determinatum est prius, tam in III Physic. quam in principio huius libri. Videmus autem quod rectae lineae semper potest fieri appositio quantum est ex natura ipsius lineae, licet forte ex aliqua alia causa non posset ei aliquid aliud apponi, sicut diametro totius mundi. Et hoc manifestum est si linea recta sit finita: unde omnis linea recta finita est imperfecta. De infinita autem manifestum est quod sit imperfecta: caret enim fine, quem nata est habere. Lineae vero circulari non potest fieri additio, quia finis eius coniungitur principio: unde manifestum est quod linea continens circulum est perfecta. Perfectum autem est prius imperfecto: simpliciter quidem natura et tempore; in uno autem et eodem perfectum prius est natura, sed imperfectum est prius tempore, sicut aliquis homo prius tempore est puer quam vir perfectus; tamen vir perfectus est prius natura, quia hoc est quod natura intendit; simpliciter autem etiam tempore perfectum est prius, nam puer ab aliquo viro generatur. Sic igitur patet quod propter hanc rationem etiam circulus est prima superficialium figurarum.

[71157] Sur le De caelo, II, 5, 4. Il établit un deuxième raisonnement ici : Ğ en outre si ğ, etc. On appelle parfaite la chose en dehors de laquelle on ne peut rien trouver qui puisse lui convenir de même que l'on dit parfait l'homme à qui rien de ce qui concerne l’être humain ne manque : [286b20] et cette question a déjà été traité, aussi bien dans le livre III de la Physique qu’au début de ce livre-ci. Or nous voyons qu’à une ligne droite on peut toujours ajouter quelque chose, dans la mesure où c'est de la nature de la ligne elle-même, bien que, pour une autre raison, on ne puisse peut-être rien lui ajouter, comme au diamètre du monde entier. Et c’est clair si une ligne droite est finie : de ce fait, toute ligne droite finie est imparfaite. Concernant la ligne infinie il est manifeste qu’elle est imparfaite : car il lui manque la fin qu’elle est destinée à avoir. Or à la ligne circulaire on ne peut rien ajouter, puisque sa fin est unie à son commencement : par conséquent, il est manifeste que la ligne qui circonscrit le cercle est parfaite. Or ce qui est parfait est antérieur à ce qui ne l'est pas : simplement par  nature et dans le temps ; pour une et même chose ce qui parfait est antérieur par nature, mais ce qui ne l'est pas est antérieur dans le temps, comme un être humain est enfant dans le temps avant d'être un homme achevé, mais qu’un homme achevé est avant par nature, puisque c’est le but que recherche la nature ; or simplement ce qui est parfait est antérieur dans le temps aussi, car l’enfant est engendré par l’homme. Ainsi donc il est évident que, pour cette raison aussi, le cercle est la première des figures superficielles.

[71158] In De caelo, lib. 2 l. 5 n. 5 Deinde cum dicit: similiter autem et sphaera etc., ostendit quae sit prima figurarum corporalium. Et dicit quod similiter sphaera est prima inter figuras solidas, idest corporeas: quia sola sphaerica figura continetur una sola superficie, quae undique ambit corpus sphaericum; figurae autem rectilineae corporales continentur pluribus superficiebus, sicut corpus cubicum sex superficiebus, et pyramis triangularis quatuor: sicut enim se habet circulus in superficiebus, ita se habet sphaera in solidis, idest in corporibus.

[71158] Sur le De caelo, II, 5, 5. Ensuite quand il dit : Ğ également la sphère aussi ğ, etc., il montre quelle est la première des figures corporelles. Et il dit que la sphère est également la première des figures "solides", c’est-à-dire corporelles, puisque seule la figure sphérique est contenue par une seule [286b25] surface, qui entoure de tous côtés le corps sphérique ; or les figures corporelles rectilignes sont contenues par plusieurs surfaces, comme le corps cubique par six surfaces, et la pyramide par quatre triangles : la sphère occupe le même rang parmi les "solides", c'est-à-dire les figures corporelles, que le cercle parmi les superficielles.

[71159] In De caelo, lib. 2 l. 5 n. 6 Deinde cum dicit: adhuc autem dividentes etc., ostendit propositum per opiniones aliorum. Et ponit duas opiniones. Quarum prima est eorum qui resolvunt corpora in superficies, et ex superficiebus generant corpora. Quia solam sphaericam figuram inter figuras solidas non resolvunt in plures superficies, eo quod continetur una sola superficie: alias vero figuras resolvunt in plures superficies, sicut pyramidem in quatuor superficies triangulares. Talis autem divisio corporum in superficies non est per illum modum quo corpus aliquod dividitur in suas partes corporeas; sic enim et sphaera dividitur in suas partes: sed haec est divisio quasi in ea quae differunt specie ab eo quod dividitur. Sic igitur concludit planum esse quod sphaera sit prima solidarum figurarum.

[71159] Sur le De caelo, II, 5, 6. Ensuite quand il dit : Ğ en outre ceux qui divisent ğ, etc., il démontre la proposition par les opinions d'autres savants. Et il expose deux opinions. La première est l'opinion de ceux qui ramènent les corps à des surfaces et qui engendrent les corps à partir des surfaces. Puisque la figure sphérique est la seule, parmi les solides, qu’ils ne ramènent pas à plusieurs surfaces, étant donné qu’elle est contenue par une seule surface [286b30] : or ils ramènent les autres figures à plusieurs surfaces, comme la pyramide à quatre surfaces triangulaires. Or une telle division des corps en surfaces ne se fait pas de la même manière qu'un corps divisé en parties corporelles ; c’est ainsi, en effet, que la sphère est divisée elle aussi en ses parties : mais c'est une division, pour ainsi dire, en ce qui diffère en espèce de ce qui est divisé. Ainsi donc, il conclut qu’il est clair que la sphère est la première des figures solides.

[71160] In De caelo, lib. 2 l. 5 n. 7 Secundam opinionem ponit ibi: est autem et secundum numerum et cetera. Et dicit quod quidam assignaverunt ordinem figurarum secundum species numerorum, adaptando figuras numeris. Et secundum hoc dicit rationabilissimum esse quod circulus adaptetur unitati, propter hoc quod est prima et simplicissima figurarum; triangulus autem adaptetur dualitati, propter hoc quod anguli trianguli adaequantur duobus rectis. Si autem acciperetur unitas secundum triangulum, sequeretur quod circulus, qui est naturaliter prior triangulo, esset extra genus figurae, si triangulus esset prima figurarum.

[71160] Sur le De caelo, II, 5, 7. Il expose la seconde opinion ici : Ğ or selon le nombre aussi ğ, etc. Et il dit que certains ont attribué un ordre aux figures selon l’espèce des nombres, en adaptant les figures aux nombres. Et selon cela il dit que le plus [286b35] rationnel est de faire correspondre le cercle à l’unité, parce que c’est la première et la plus simple des figures, et le triangle [287a1] au nombre deux, parce que les angles du triangle équivalent à deux angles droits. Or si on attribuait l’unité au triangle, il s’ensuivrait que le cercle, qui est naturellement antérieur au triangle, serait en dehors du genre de la figure, si le triangle était la première des figures.

[71161] In De caelo, lib. 2 l. 5 n. 8 Deinde cum dicit: quoniam autem prima quidem etc., probata minori, syllogizat ad propositum. Et dicit quod, quia prima figura debetur primo corpori, cum primum corpus sit id quod est in extrema circumferentia totius mundi, consequens est quod tale corpus, quod circulariter fertur, etiam ipsum in seipso sit sphaericum.

[71161] Sur le De caelo, II, 5, 8. Ensuite quand il dit : Ğ or puisque la première ğ, etc., après avoir prouvé la mineure, il fait un syllogisme pour la proposition. Et il dit que, puisque la première figure est due au premier corps, comme le premier corps est celui qui est dans la circonférence extrême du monde entier, il s’ensuit qu’un tel corps, [287a5] qui est transporté circulairement, est lui aussi sphérique en soi.

[71162] In De caelo, lib. 2 l. 5 n. 9 Deinde cum dicit: et continuum igitur illi etc., ostendit quod etiam inferiora caelestia corpora sunt sphaerica. Et dicit quod ex quo primum corpus est sphaericum, consequens est quod et corpus consequens continuum illi, idest immediate coniunctum ad ipsum, sit sphaericum: illud enim corpus quod est continuum, idest immediate coniunctum, sphaerico, oportet quod etiam sit sphaericum. Et hoc est verum si corpus primum sit sphaericum non solum secundum suum convexum, sed etiam secundum suum concavum: cum enim eadem natura sit primi corporis in concavo et convexo, oportet quod utrobique habeat eandem figuram. Et eadem ratio est de corporibus aliis quae sunt in medio horum contenta ab istis, quod oportet ea sphaerica esse. Illa enim corpora quae continentur et continguntur a corpore sphaerico secundum suum convexum, necesse est esse sphaerica secundum suum convexum; et per consequens secundum concavum, si sunt unius naturae. Cum igitur sphaerae planetarum inferiorum contingant sphaeram superiorem, sequitur quod tota latio, idest totum corpus quod circulariter fertur, habeat sphaericam figuram: quia omnia illa corpora caelestium sphaerarum se invicem tangunt, et sunt continua, idest immediate sibi invicem coniuncta. Nec est aliquod corpus intermedium quod suppleat vacuitates sphaerarum, ut quidam ponunt: sequeretur enim illa corpora esse otiosa, cum non haberent motum circularem.

[71162] Sur le De caelo, II, 5, 9. Ensuite quand il dit : Ğ et contigu à celui-là ğ, etc., il montre que même les corps célestes inférieurs sont sphériques. Et il dit que, du fait que le corps premier est sphérique, il s’ensuit que le corps suivant "qui lui est contigu", c’est-à-dire uni immédiatement à lui, est sphérique : car ce corps sphérique qui est contigu, c’est-à-dire uni immédiatement au sphérique doit être aussi sphérique. Et c'est vrai si le corps premier est sphérique non seulement selon sa convexité, mais aussi selon sa concavité : en effet, comme la nature du premier corps est la même dans la concavité et la convexité, il faut qu’il ait la même figure des deux côtés. Et le raisonnement est le même pour les autres corps qui sont au milieu de ceux qui sont contenus par ceux-là, à savoir qu’il faut qu’ils soient sphériques. Car les corps qui sont contenus par le corps sphérique et qui lui sont contigus selon leur convexité sont nécessairement sphériques selon leur convexité ; et par conséquent selon leur concavité, s’ils sont de la même nature. Donc, comme les sphères des planètes inférieures sont contiguës à la sphère supérieure, il s’ensuit que toute "translation", c’est-à-dire tout corps qui est transporté circulairement, a une figure sphérique [287a10] : puisque tous les corps des sphères célestes se touchent les uns les autres, et sont "contigus", c’est-à-dire unis immédiatement les uns aux autres. Et il n’y a pas de corps intermédiaire qui remplace les espaces vides des sphères, comme certains l’ont établi : car il en résulterait que ces corps sont oisifs, comme ils n’ont pas de mouvement circulaire.

 

 

Lectio 6

Leçon 6 – [le ciel est sphérique –arguments-]

[71163] In De caelo, lib. 2 l. 6 n. 1 Postquam philosophus ostendit quod caelum est sphaericae figurae, ex eo quod haec figura est prima figurarum, hic ostendit idem ex eo quod haec figura est convenientissima caelo. Et primo ex eo quod est propria caelo quantum ad hoc quod est universaliter continens omnia corpora; secundo quantum ad hoc quod motus eius est universalis mensura omnium motuum, ibi: adhuc autem si quidem et cetera.

[71163] Sur le De caelo, II, 6, 1. Après que le philosophe a montré que le ciel a une forme sphérique, du fait que cette forme est la première de toutes, il montre ici la même chose du fait que c’est celle qui convient le mieux au ciel. Et premièrement parce qu’elle est appropriée au ciel, étant donné qu’il contient universellement tous les corps ; deuxièmement parce que son mouvement est la mesure universelle de tous les mouvements, ici : Ğ en outre, si du moins ğ, etc.

[71164] In De caelo, lib. 2 l. 6 n. 2 Circa primum praemittit duas suppositiones in superioribus manifestatas. Quarum prima est quod caelum movetur circulariter: hoc enim et ad sensum videtur, et supponitur ex probationibus primi libri. Secunda suppositio est ex eo quod ostensum est in primo libro, in capitulo de unitate mundi, scilicet quod extra extremam circulationem supremae sphaerae non est nec vacuum nec locus. Et ex his suppositionibus ex necessitate concludit quod corpus caeli sit sphaericum. Si enim non sit sphaericum, oportet quod aut habeat figuram rectilineam totaliter, aut oportet quod habeat quantum ad aliquam partem circularem figuram, quae tamen non perveniat ad perfectionem sphaerae. Si vero corpus caeli sit vere rectilineum, puta cubicum vel pyramidale, sequetur quod extra caelum sit aliquis locus, et aliquod corpus, et aliquod vacuum. Quam quidem consequentiam ex hoc probat, quod corpus rectilineum, si circulariter vertatur, non permanebit in eodem loco secundum omnes partes suas: immo sequetur quod ubi primo erat aliqua pars eius, nunc nulla pars eius est, et quod iterum ubi nunc non est aliqua pars eius, iterum erit aliqua pars eius; et hoc propter permutationem angulorum. Cuiuslibet enim corporis rectilineae figurae oportet esse aliquos angulos corporales praeeminentes ceteris partibus, quia linea ducta a medio talis corporis est maior linea ducta ad aliquod punctum designatum in superficie plana eius: et sic quando, secundum versionem corporis, linea terminata ad angulum pervenerit ad locum in quo erat linea ducta ad aliud punctum quod est inter angulos, accipiet plus de loco, et ita erit corpus ubi prius non erat; et subsequens linea quae pertinget ad locum anguli, non poterit occupare totum locum qui occupabatur ab angulo, et ideo ubi nunc non est corpus, prius erat. Sic ergo extra illum locum in quo nunc est caelum, potest esse aliquod corpus, idest aliqua pars eiusdem caeli; et per consequens est ibi locus, qui est corporis receptaculum; et consequenter est ibi vacuum, quod nihil aliud est quam locus non plenus corpore cuius est capax.

[71164] Sur le De caelo, II, 6, 2. Concernant le premier point, il avance deux suppositions découvertes dans le passage précédent. La première d’entre elles est que le ciel se déplace circulairement : en effet, cela est perçu par notre vue, et supposé par les démonstrations du premier livre. La seconde supposition est tirée de ce qui a été montré dans le premier livre, dans le chapitre sur l’unicité du monde, à savoir que, au-delà de la dernière circonférence de la sphère suprême, il n’y a ni vide, ni lieu. Et de ces suppositions il conclut nécessairement que le corps du ciel est sphérique. En effet, s’il n’était pas sphérique, il faudrait soit qu’il ait une figure totalement rectiligne, soit qu’il ait, du point de vue d’une partie, une forme circulaire, qui n’atteigne cependant pas la perfection de la sphère. Or si le corps du ciel était vraiment rectiligne, par exemple cubique ou pyramidal, [287a15] il en résulterait qu’en dehors du ciel se trouve un lieu, un corps et un vide. Il prouve cette conséquence à partir du fait qu’un corps rectiligne, s’il était en rotation, ne resterait pas dans le même lieu, de toutes ses parties : bien au contraire, il s’en suivrait que là où se trouvait d’abord une de ses parties, maintenant il n’y a rien et que, de nouveau, là où maintenant ne se trouve aucune de ses parties, il y aura une de ses parties ; et cela en raison d’une permutation des angles. Car la figure rectiligne de n’importe quel corps doit avoir des angles corporels dépassant toutes les autres parties, puisqu’une ligne tracée du milieu d’un tel corps est plus grande que la ligne tracée vers un point dessiné sur sa surface plane ; et ainsi, quand, avec la rotation du corps, la ligne limitée à l’angle sera parvenue à l’endroit où était la ligne tracée vers un autre point qui est entre les angles, elle recevra plus de lieu, et ainsi il y aura un corps là il n’y en avait pas auparavant ; et la ligne qui suit immédiatement et qui parvient à l’angle ne pourra pas occuper tout le lieu qui était occupé par l’angle, et c’est pourquoi là où maintenant il n’y a pas de corps il y en avait un avant. Ainsi donc en dehors du lieu où se trouve maintenant le ciel peut se trouver un corps, c’est-à-dire une partie du même ciel ; et par conséquent il y a ici un lieu, qui est le réceptacle du corps ; et en conséquence il y a ici du vide, qui n’est qu’un lieu non rempli par le corps dont il est capable.

[71165] In De caelo, lib. 2 l. 6 n. 3 Sed quia etiam sunt quaedam figurae non habentes angulos, quae tamen non sunt sphaericae, ideo idem ostendit consequenter de huiusmodi figuris. Et dicit quod simile inconveniens sequitur si attribuatur caelo aliqua alia figura, a cuius medio non omnes lineae protractae sint aequales, quod est proprium sphaerae. Et has figuras dicit esse duas, lenticularem scilicet et ovalem. In figura enim ovali, linea quae designat longitudinem, est maior ea quae designat profunditatem: est enim figura ovalis quasi ex duabus pyramidalibus rotundis coniunctis in basi. Figura autem lenticularis est quasi facta ad modum rotae, cuius latitudo est maior quam grossities. In omnibus enim huiusmodi figuris accidit secundum aliquem modum quod extra ultimum motum supremae sphaerae est locus et vacuum, propter hoc quod totum secundum omnes partes suas non semper retinet eundem locum. Et hoc quidem accidit, si Poli super quos revolvitur corpus ovalis figurae, accipiantur ex parte minoris diametri ipsius: tunc enim oportet quod maiores diametri circumvolvantur, et sic occupabit unum caput ovi motum aliquem locum, in quo prius nulla pars ovi erat. Si vero longitudo ovi acciperetur in motu ipsius sicut axis immobilis, fieret revolutio semper secundum partes circulares, ita quod una pars succederet alteri. Et similiter est etiam imaginandum in figura lenticulari: et ita etiam est de figura columnari, et de quacumque alia huiusmodi. Unde patet quod sola sphaerica figura est quae, a quacumque parte moveatur, non occupat de novo aliquem locum secundum aliquam sui partem, sed semper una pars eius succedit alteri. Unde talis figura est convenientissima caelo.

[71165] Sur le De caelo, II, 6, 3. Mais puisqu’il y a aussi certaines figures dépourvues d’angles qui ne sont pourtant pas sphériques, il montre la même chose par conséquent pour les figures de ce genre. Et il dit que le même inconvénient s’ensuit si on attribue au ciel une autre figure [287a20], dont toutes les lignes tirées du milieu ne sont pas égales, ce qui est le propre d’une sphère. Et il dit que ces figures sont au nombre de deux, à savoir la figure lenticulaire et l’ovale. En effet, dans la figure ovale, la ligne qui représente la longueur, est plus grande que celle qui représente la profondeur : car la figure ovale est pour ainsi dire formée de deux pyramides rondes unies à leur base. Une figure lenticulaire est en quelque sorte faite à la manière d’une roue, dont la largeur est plus grande que la grosseur. Pour toutes les figures de ce genre, en effet, il arrive d’une certaine manière qu’en dehors du dernier mouvement de la sphère suprême il y ait un lieu et un vide, parce que le tout ne conserve pas toujours le même emplacement dans toutes ses parties. Et cela se produit, si les pôles au-dessus desquels tourne un corps d’une figure ovale sont considérés à partir de son plus petit diamètre : alors, en effet, il faut que les plus grands diamètres soient en rotation, et, ainsi, un seul sommet déplacé de l’ovoïde occupera un lieu où auparavant ne se trouvait aucune partie de cet ovoïde. Or si la longueur de l’ovoïde était considérée dans son mouvement comme un axe immobile, la révolution se ferait toujours selon les parties circulaires, de telle sorte qu’une partie succéderait à une autre. Et, de la même manière, il faut aussi l’imaginer pour la figure lenticulaire : et ainsi il en est de même pour la colonne et pour n’importe quelle autre figure de ce genre. De ce fait, il est clair que seule la forme sphérique est celle qui, quelle que soit la partie dont part son mouvement, n’occupe pas de nouveau un lieu au moyen d’une de ses parties, mais dont toujours une partie succède à une autre. C’est la raison pour laquelle une telle figure est celle qui convient le mieux au ciel.

[71166] In De caelo, lib. 2 l. 6 n. 4 Deinde cum dicit: adhuc autem si quidem etc., probat idem per aliam rationem, quae sumitur ex mensuratione motuum. Et primo ponit hanc suppositionem, quod motus caeli sit mensura omnium motuum, ut habitum est in IV Physic. Et huius rationem assignat, quia solus motus caeli est continuus et regularis et sempiternus: aliter enim per ipsum motum caeli non posset certificari quantitas aliorum motuum, quod est mensurare ipsos. Si enim non esset motus caeli continuus, sed interpolatus, non esset aequalitas temporis inter motum mensurantem et mensuratum; si autem non esset regularis, sed quandoque velocior quandoque tardior, non haberet in se certitudinem determinatam, per quam posset certificari quantitas aliorum motuum; si autem non esset sempiternus, non mensurarentur secundum ipsum motus qui fuerunt ante et qui erunt post, secundum opinionem ponentium motum secundum suum genus esse aeternum. His autem suppositis, argumentatur ad propositum sic. Manifestum est quod id quod est minimum in unoquoque genere, est mensura illius generis, ut habetur in X Metaphys., sicut in melodia tonus, et in ponderibus uncia, et in numeris unitas; manifestum est autem quod minimus motus est qui est velocissimus, qui scilicet habet minimum de tempore, quod est mensura motus; omnium ergo motuum velocissimus est motus caeli. Et accipitur hic motus velocissimus, qui citius peragit cursum suum ex parte brevitatis temporis, licet non supponatur aequalitas ex parte magnitudinis super quam transit motus, sicut supponitur in VI Physic., ubi dicitur quod velocius est quod pertransit in minori tempore aequale spatium vel etiam maius. Unde hic subdit quod velocissimus motus attenditur secundum minimam magnitudinem. Inter omnes autem lineas quae ab eodem in idem redeunt, minima est circularis: quia in figuris rectilineis sunt anguli, ad quos lineae protractae a medio sunt maiores, et sic anguli illarum figurarum excedunt lineam circularem. Et ideo oportet quod caelum, quod movetur circulariter quasi ab eodem in idem, et velocissimo motu, quod motus eius sit super lineam circularem. Et ita oportet quod ipsum sit sphaericum.

[71166] Sur le De caelo, II, 6, 4. Ensuite quand il dit : Ğ en outre si ğ, il prouve la même idée par un autre raisonnement, qui est tiré de la mesure des mouvements. Et il établit premièrement cette supposition, à savoir que le mouvement du ciel est la mesure de tous les mouvements, comme le dit le livre IV de la Physique. Et il présente son raisonnement, à savoir que seul le mouvement du ciel est continu, régulier et éternel : car, autrement, la quantité des autres mouvements ne pourrait être certifiée par le mouvement même du ciel, ce qui revient à les mesurer. En effet, si le mouvement du ciel n’était pas continu, mais altéré, le temps entre le mouvement qui mesure et celui qui est mesuré ne serait pas égal ; s’il n’était pas régulier, mais tantôt plus rapide, tantôt plus lent, il n’aurait pas en lui de certitude déterminée qui puisse certifier la quantité des autres mouvements ; s’il n’était pas éternel, il ne permettrait pas de mesurer les mouvements qui ont été avant et qui seront après, selon l’opinion de ceux qui établissent que son mouvement est éternel selon son genre. Après avoir supposé cela, il argumente ainsi pour prouver la proposition. Il est manifeste que [287a25] ce qui est le plus petit dans chaque genre est la mesure de ce genre, comme le dit le livre X de la Métaphysique, comme le ton dans une mélodie, l’once pour les poids, et l’unité pour les nombres ; or il est manifeste que le plus petit mouvement est le plus rapide, à savoir qu’il prend le minimum de temps, qui est la mesure du mouvement ; donc le mouvement du ciel est le plus rapide de tous les mouvements. Et on considère comme le plus rapide le mouvement qui accomplit plus vite sa course à partir d’un temps bref, bien que l’égalité ne soit pas supposée à partir de la grandeur que suit le mouvement, comme le suppose le livre VI de la Physique, où il est dit qu’est plus rapide ce qui parcourt en un temps moindre un espace égal ou même plus grand. De ce fait, il conjecture que le mouvement le plus rapide est considéré selon la grandeur la plus petite. Parmi toutes les lignes qui, partant du même point, reviennent au même point, la plus petite est la ligne circulaire, puisque dans les figures rectilignes il y a des angles, vers lesquels sont tracées des lignes partant du milieu qui sont plus grandes, et qu’ainsi les angles de ces figures dépassent la ligne circulaire. Et c’est pourquoi il faut que le ciel, qui se déplace circulairement du même point vers le même point pour ainsi dire, et avec le mouvement le plus rapide, ait un mouvement qui suive une ligne circulaire. [287a30] Et ainsi il faut qu’il soit sphérique.

[71167] In De caelo, lib. 2 l. 6 n. 5 Deinde cum dicit: sumet autem utique quis etc., ostendit quod caelum sit sphaericae figurae, ratione sumpta ex corporibus inferioribus. Et primo ponit rationem; secundo probat quod supposuerat, ibi: sed et quod aquae superficies et cetera. Dicit ergo primo quod aliquis potest sumere fidem ad ostendendum caelum esse sphaericum, ex corporibus inferioribus, quae sunt collocata circa medium mundi. Aqua enim est circa terram, licet non ex omni parte cooperiat terram (quod est propter necessitatem generationis et conservationis vitae, maxime animalium et plantarum), aer autem circumdat aquam, ignis autem circumdat aerem; et secundum eandem rationem superiora corpora circumdant inferiora usque ad supremum caelum. Huiusmodi enim corpora non sunt continua, ut sit totum unum corpus, quia sic non esset quodlibet ipsorum sphaericum, sed totum (pars enim corporis continui non est actu figurata); sed haec corpora tangunt se invicem absque aliqua interpolatione alterius corporis, vel etiam vacui, ut Democritus posuit; et hoc supra nominavit continuum. Superficies autem unius horum inferiorum corporum est sphaerica: illud autem quod continuatur, idest sine interpolatione coniungitur, corpori sphaerico continenti, aut etiam quod movetur circa corpus sphaericum contentum, necesse est esse sphaericum. Unde ab inferiori probari potest ascendendo usque ad supremum caelum, quod caelum sit sphaericum.

[71167] Sur le De caelo, II, 6, 5. Ensuite quand il dit : Ğ on prendra en tout cas ğ, il montre que le ciel a une forme sphérique, en utilisant un raisonnement portant sur les corps inférieurs. Et il expose premièrement ce raisonnement ; il prouve deuxièmement ce qu’il avait supposé, ici : Ğ mais aussi parce que la surface de l’eau ğ, etc. Il dit donc premièrement que l’on peut utiliser, pour montrer que le ciel est sphérique, les corps inférieurs, qui entourent ensemble le milieu du monde. L’eau, en effet, est autour de la terre, bien qu’elle ne la recouvre pas de tout côté (en raison de la nécessité de la génération et de la conservation de la vie, surtout des animaux et des plantes), l’air entoure l’eau et le feu entoure l’air ; et selon ce raisonnement les corps supérieurs entourent les inférieurs jusqu’au ciel suprême. Car les corps de ce genre ne sont pas continus, de façon à former un seul corps - puisqu’ainsi aucun d’entre eux ne serait sphérique - mais un tout (car la partie d’un corps continu n’est pas formée en acte) ; pourtant ces corps se touchent les uns les autres sans que s’interpose un autre corps ou même le vide, comme Démocrite l’a établi ; et c’est ce qu’il a appelé continu ci-dessus. [287b1] Or la surface d’un de ces corps inférieurs est sphérique : ce qui Ğ est continu ğ, c’est-à-dire qui est joint sans interposition, avec le corps sphérique qui le contient, ou bien aussi ce qui est déplacé autour du corps sphérique contenu, est nécessairement sphérique. De ce fait, on peut prouver en partant de l’inférieur pour remonter vers le ciel suprême que le ciel est sphérique.

[71168] In De caelo, lib. 2 l. 6 n. 6 Sed videtur quod haec probatio non habeat necessitatem. Si enim detur quod aqua sit sphaericae figurae, ex hoc manifeste habebitur quod aer sit sphaericae figurae quantum ad eius concavum; non autem oportet, ut videtur, quod quantum ad convexum. Ad hoc igitur Alexander respondet, quod ex hac demonstratione probatur corpora mundi esse sphaerica quantum ad concavum, sicut ex priori, qua procedebat a supremo caelo procedendo, probabatur quod haec corpora essent sphaerica quantum ad suum convexum: et secundum hoc neutra demonstrationum est sufficiens sine alia, sed ex duabus una demonstratio conficitur. Quod videtur esse contra intentionem Aristotelis, qui utramque demonstrationem divisim inducit, quasi utraque sit per se sufficiens. Et ideo dicendum est, sicut Simplicius dicit, quod per hanc demonstrationem sufficienter probatur corpora mundi esse sphaerica, non solum quantum ad concavum, sed etiam quantum ad convexum. Quod enim superficies concava aeris sit sphaerica, patet ex hoc, quod superficies convexa aquae est sphaerica. Quod autem superficies aeris convexa sit sphaerica, patet eodem modo sicut de aqua, quia scilicet omnes partes eius aequaliter concurrunt ad suum locum. Et sic patet quod etiam superficies concava ignis sit sphaerica. Quod autem superficies ignis convexa sit sphaerica, patere potest tum ex eo quod continuatur cum sphaera lunae (unde et simul revolvitur cum ea, ut manifeste apparet ex motu stellae comatae, quae movetur ab oriente in occidentem secundum motum caeli); tum etiam ex hoc quod partes ignis moventur undique aequaliter ad suum ubi.

[71168] Sur le De caelo, II, 6, 6. Mais il semble que cette démonstration n’ait pas de nécessité. En effet, si on concède que l’eau a une forme sphérique, il est manifeste grâce à cela que l’air a une forme sphérique relativement à sa concavité ; or il ne faut pas, à ce qu’il paraît, que ce soit à propos de la convexité. À cela Alexandre répond donc que cette démonstration prouve que les corps du monde sont sphériques relativement à leur concavité, de même que dans le raisonnement précédent qui avançait en partant du ciel suprême il était prouvé que ces corps sont sphériques relativement à leur convexité : et selon cela aucune de ces deux démonstrations ne tient sans l’autre, mais une seule démonstration est effectuée à partir des deux. Et il semble que ce soit contre l’intention d’Aristote, qui introduit ces démonstrations en les divisant, comme si elles se suffisaient à elles-mêmes. Et c’est pourquoi il faut dire, comme Simplicius, que par cette démonstration on a suffisamment prouvé que les corps du monde sont sphériques, non seulement du point de vue de la concavité, mais aussi de la convexité. En effet, il apparaît que la surface concave de l’air est sphérique grâce au fait que la surface convexe de l’eau est sphérique. Il est clair que la surface convexe de l’air est sphérique de la même manière que pour l’eau, à savoir que toutes ses parties se rejoignent également au même point. Et ainsi il est évident que la surface concave du feu est elle aussi sphérique. Or il est peut-être clair que la surface convexe du feu est sphérique d’une part puisqu’elle est continue avec la sphère de la Lune (par conséquent elle accomplit aussi une révolution avec elle, comme le mouvement d’une comète qui se déplace d’orient en occident suivant le mouvement du ciel le montre manifestement), d’autre part aussi puisque les parties du feu se déplacent également de tous côtés vers leur propre lieu.

[71169] In De caelo, lib. 2 l. 6 n. 7 Deinde cum dicit: sed et quod aquae superficies etc., probat quod supposuerat, scilicet quod superficies convexa aquae sit sphaerica: nam de terra inferius ostendet. Ad hoc autem ostendendum praemittit duas suppositiones. Quarum prima est quod, quia aqua naturaliter est gravis, semper naturaliter fluit ad id quod est magis concavum, vel magis infimum. Alia autem suppositio est, quod illud est magis concavum et magis infimum, quod est propinquius centro mundi. His igitur suppositis, sit centrum mundi a, et signentur in superficie aquae duo puncta b et g, aequaliter distantia a centro, et producantur duae lineae quae sunt ab et ag. Deinde coniungantur duo puncta b et g per lineam bg; quae quidem linea est recta, si suprema superficies aquae sit plana. Signetur igitur in linea bg, quae est basis trianguli, punctum d, et ducatur a centro linea quae est ad. Hanc lineam necesse est esse minorem utraque duarum linearum a centro procedentium: si enim esset aequalis, tunc omnes tres lineae essent aequales ab eodem puncto procedentes, et ita linea bdg, transiens per summitates earum, esset circularis, ut patet ex III Euclidis; quod est contra positum, quo posuimus lineam bg esse lineam rectam. Supposito ergo quod linea ad sit minor, sequetur quod punctum d minus distabit a centro; et ita locus ille erit profundior, vel magis infimus. Unde sequetur, secundum suppositionem praemissam, quod aqua quae est in puncto g et in puncto b, circumfluet ad punctum d, donec adaequetur locus medius aliis duobus extremis; et sit linea tota adaequata duobus extremis ex concursu aquae, linea ae. Oportet igitur quod aqua sit apud omnes lineas egredientes a centro aequales: tunc enim solum aqua quiescit, quando omnes lineae sunt aequales. Sed linea quae tangit tres lineas egredientes a centro aequales, est circularis, ut probatur in III Euclidis. Sequitur ergo quod superficies aquae, in qua describitur linea beg, sit superficies sphaerica; et hoc est quod demonstrare intendit.

[71169] Sur le De caelo, II, 6, 7. Ensuite quand il dit : Ğ mais aussi que la surface de l’eau ğ, etc., il prouve ce qu’il avait supposé, à savoir que la surface convexe [287b5] de l’eau est sphérique : car il le montrera plus bas en ce qui concerne la terre. Pour le démontrer, il avance deux suppositions. La première d’entre elles est que, puisque l’eau est naturellement lourde, elle afflue toujours naturellement vers ce qui est plus concave, ou plus en bas. L’autre supposition est que ce qui est plus concave et plus en bas, est plus près du centre du monde. Donc, après avoir supposé cela, soit A le centre du monde, soient B et G deux points tracés sur la surface de l’eau, à égale distance du centre, soient AB et AG deux lignes tracées. Ensuite que les points B et G soient joints par une ligne BG ; cette ligne est droite, si la surface supérieure de l’eau est plane. Qu’un point D soit donc tracé sur la ligne BG, qui est la base du triangle, et qu’une ligne AD soit tracée à partir du centre. Il est nécessaire que cette ligne soit plus courte que chacune des deux lignes qui partent du centre : car si elle était égale, alors les trois lignes seraient toutes égales en partant du même point, et ainsi la ligne BDG, passant par leurs extrémités, serait circulaire, comme il apparaît dans le livre III d’Euclide ; cela est contre à ce qui a été établi, à savoir que la ligne BG est droite. Donc, après avoir supposé que la ligne AD est plus courte, il s’ensuivra que le point D est moins éloigné du centre ; et ainsi ce lieu [287b10] sera plus profond, ou plus bas. Il s’ensuit que, selon la supposition dont a parlé, l’eau qui est sur le point G et sur le point B coulera en cercle jusqu’au point D, jusqu’à ce que ce lieu au milieu soit au même niveau que les deux autres extrémités ; et soit AE la ligne totalement au même niveau que les deux extrémités après l’écoulement de l’eau. Il faut que l’eau soit sur toutes les lignes égales qui partent du centre : en effet l’eau est au repos seulement quand toutes les lignes sont égales. Mais la ligne qui touche trois lignes égales partant du centre est circulaire, comme il est prouvé dans le livre III d’Euclide. Il en résulte donc que la surface de l’eau, sur laquelle est tracée la ligne BEG, est sphérique ; et c’est qu’il voulait démontrer.

[71170] In De caelo, lib. 2 l. 6 n. 8 Deinde cum dicit: quod quidem igitur sphaericus est etc., concludit ex praemissis manifestum esse quod mundus sit sphaericus, tum propter corpus primum quod continet totum mundum, tum etiam propter alia corpora ab eo contenta. Sunt autem apud nos quaedam corpora sphaerica, quae tamen non perfecte habent sphaericam figuram; sicut ipsum corpus terrae dicitur esse sphaericum, cum tamen habeat magnas elevationes montium et concavitates vallium. In corporibus etiam artificialibus quae sunt apud nos sphaerica, inveniuntur aliquae tumorositates vel depressiones, quibus non obstantibus huiusmodi artificiata dicuntur esse sphaericae figurae, quia huiusmodi additiones vel subtractiones secundum sensum quasi non apparent. Ne igitur credatur hoc etiam accidere in corpore caelesti, addit quod est secundum diligentiam tornatus, idest carens omni tumorositate et concavitate, sicut corpora quae diligenter tornantur; in tantum quod nihil, neque chirocmeton, idest manu elaboratum, se habeat similiter ad corpus caeleste quantum ad hoc quod dictum est, neque etiam quodcumque corpus aliud naturale quod nostris oculis appareat: quia illa ex quibus huiusmodi corpora constituuntur, non possunt illam regularitatem, idest uniformitatem, suscipere per actionem artis vel naturae inferioris, et illam diligentiam quantum ad perfectionem sphaericae figurae, quam habet corpus caeleste, quod est naturaliter sphaericae figurae. Et hoc probat per proportionem partium mundi ad invicem. Manifestum est enim quod secundum eandem proportionem qua aqua excedit terram, semper elementa continentia distant a corporibus contentis, et etiam adhuc plus. Aqua autem, quae continet terram, non habet huiusmodi tumorositates et concavitates in superficie quas habet terra, sed magis est regularis quam superficies terrae. Similiter oportet quod superficies aeris sit magis regularis quam superficies aquae. Unde sequitur quod superficies supremi corporis caelestis sit maxime regularis, ita quod in eo omnino nihil sit, nec minimum, superadditum vel subtractum.

[71170] Sur le De caelo, II, 6, 8. Ensuite quand il dit : Ğ donc qu’est sphérique ğ, etc., il conclut des prémisses qu’il est manifeste que [287b15] le monde est sphérique, d’une part en raison du corps premier qui contient le monde entier, d’autre part aussi en raison des autres corps contenus par lui. Or il y a chez nous des corps sphériques, qui n’ont pourtant pas une forme parfaitement sphérique, de même que le corps même de la terre, dit-on, est sphérique, alors qu’elle a cependant les grandes élévations des montagnes et les concavités des vallées. Aussi sur les corps artificiels qui sont sphériques chez nous se trouvent des gonflements et des creux, sans que cela empêche de dire que les objets de ce genre sont de forme sphérique, puisque les ajouts ou les suppressions de ce genre n’apparaissent pas, pour ainsi dire, à notre vue. Donc, de peur que l’on croie que cela arrive aussi au corps céleste, il ajoute qu’il a été Ğ fait au tour avec précision ğ, c’est-à-dire sans le moindre gonflement ni concavité, comme les corps qui sont faits au tour avec soin ; si bien que rien, aucun Ğ ceirovkmhton ğ, c’est-à-dire objet fabriqué à la main, ne se compare au corps céleste quant à ce qui a été dit, ni même aucun autre corps naturel qui apparaît à nos yeux : puisque les constituants des corps de ce genre ne peuvent recevoir cette Ğ régularité ğ, c’est-à-dire uniformité, par action de l’art ou de la nature du corps inférieur, ni cette précision relative à la perfection de la forme sphérique, que le corps céleste a, lui qui est naturellement d’une forme sphérique. Et il le prouve par la proportion des parties du monde entre elles. [287b20] Car il est manifeste que les éléments qui contiennent sont toujours distants des corps contenus suivant la même proportion dont l’eau dépasse la terre, et même encore plus. Or l’eau, qui contient la terre, n’a pas sur sa surface les renflements et les concavités de ce genre que la terre a, mais elle est plus régulière que la surface de la terre. Il faut pareillement que la surface de l’air soit plus régulière que celle de l’eau. Il en résulte que la surface du corps céleste suprême est au plus haut point régulière, de telle façon qu’en lui il n’y a absolument rien de plus petit, d’ajouté ou de soustrait.

 

 

Lectio 7

Leçon 7 – [Le mouvement du ciel]

[71171] In De caelo, lib. 2 l. 7 n. 1 Postquam philosophus determinavit de partibus caeli et de figura ipsius, hic determinat de motu eius. Et primo determinat de modo motus; secundo determinat de uniformitate motus caelestis, ibi: de motu autem ipsius et cetera. Circa primum tria facit: primo ponit quaestionem; secundo ostendit difficultatem quaestionis, ibi: forte quidem igitur etc.; tertio proponit solutionem, ibi: nunc autem quod videtur et cetera. Circa primum tria facit. Primo proponit quaedam ex quibus oritur dubitatio. Quorum unum est, quod dupliciter contingit per aliquem circulum aliquid moveri. Signetur enim punctum a in aliquo circulo, et ab eo ducatur diameter, et in superiori semicirculo signetur punctum b, in inferiori autem signetur punctum g. Dupliciter ergo potest aliquid moveri per hunc circulum: uno modo quod moveatur ab a versus b, alio modo quod moveatur ab a versus g. Aliud autem quod proponit est, quod isti duo motus non sunt contrarii: ostensum est enim in primo quod duo motus circulares non sunt contrarii. Si enim isti motus essent contrarii, oporteret quod competerent naturis contrariorum mobilium, ita quod unus eorum attribueretur uni mobili, et alius contrario: quia sicut supra dictum est, si unum contrariorum est in natura, necesse est alterum esse.

[71171] Sur le De caelo, II, 7, 1. Après que le philosophe a traité des parties du ciel et de sa forme, il traite ici de son mouvement. Et il traite premièrement du mode de son mouvement ; il traite deuxièmement de l’uniformité du mouvement céleste, ici : Ğ de son mouvement ğ, etc. Concernant le premier point il fait trois choses : il pose premièrement la question ; il montre deuxièmement la difficulté qu’elle présente, ici : Ğ donc peut-être ğ, etc. ; il propose troisièmement la solution, ici : Ğ maintenant ce qui semble ğ, etc. Concernant le premier point, il fait trois choses. Il avance premièrement certains propos qui font naître le doute. Le premier d’entre eux est qu’une chose est susceptible de se déplacer sur un cercle de deux façons. En effet, soit A un point marqué sur un cercle, et à partir duquel un diamètre est tracé, soient B un point marqué sur le demi-cercle supérieur, et G un point marqué sur le demi-cercle inférieur. Une chose peut donc se déplacer de deux façons sur ce cercle : d’une manière de A vers B, d’une autre de A vers G. Il propose aussi que ces deux mouvements ne soient pas contraires : en effet, le premier livre a montré que deux mouvements circulaires ne sont pas contraires. Car si ces mouvements étaient contraires, il faudrait qu’ils s’accordent avec les natures des corps mobiles contraires, de telle façon que l’un d’entre eux soit attribué à un seul corps mobile et l’autre à son contraire, puisque, comme on l’a dit ci-dessus, si l’un des contraires est dans la nature, il est nécessaire que l’autre le soit. [287b25]

[71172] In De caelo, lib. 2 l. 7 n. 2 Secundo ibi: sed si nihil etc., movet dubitationem. Manifestum est enim ex praemissis quod in sempiternis nihil accidit contingenter aut casualiter: quia ea quae sunt a casu, non sunt semper, neque etiam ut frequenter. Dictum est autem supra quod caelum est sempiternum, et etiam circularis motus eius. Unde rationabiliter quaeritur propter quam causam caelum movetur versus unam partem et non versus aliam, puta ab oriente versus superius hemisphaerium, et non versus inferius.

[71172] Sur le De caelo, II, 7, 2. Deuxièmement ici : Ğ mais si rien ğ, etc., il soulève le problème. Car il est manifeste d’après les propos déjà tenus qu’aux êtres éternels rien n’arrive de façon contingente ou fortuitement, puisque ce qui est par hasard n’est pas toujours, ni fréquemment non plus. Or on a dit ci-dessus que le ciel est éternel, et aussi que son mouvement est circulaire. De ce fait, on se demande raisonnablement pour quelle cause le ciel se déplace vers telle partie et non telle autre, par exemple de l’orient vers l’hémisphère supérieur et non vers l’inférieur.

[71173] In De caelo, lib. 2 l. 7 n. 3 Tertio ibi: necesse enim etc., ostendit qualiter sit huiusmodi causa assignanda. In praecedentibus enim dupliciter assignavit causam caelestium accidentium. Primo enim ostendit quod oportet esse diversos motus in caelo, ad hoc quod sit principium generationis et corruptionis: secundo ostendit quod oportet figuram caeli esse rotundam, ex aliquo principio priori supposito, quia scilicet corpori primo debetur figura prima; et sic primitas corporis est principium primae figurae. Et ideo hic dicit quod, si debeat assignari ratio quare caelum sic moveatur et non aliter, necesse est huiusmodi rationem assignari, aut secundum hoc quod talis modus motionis sit principium alicuius effectus, aut potius quod iste modus motionis dependeat ex aliquo priori principio. Potest autem et aliter intelligi. Dixerat enim quod sempiterna non possunt esse a casu: nec tamen omnia sempiterna habent causam, sed aliquod sempiternum est quod causam non habet, sed ipsum est prima causa aliorum. Quia igitur ex sempiternitate caeli et motus eius concluserat quaestionem, qua quaeritur propter quam causam motus caeli est versus unam partem et non versus aliam; ne videatur quaestio irrationabilis seu inutilis, subiungit quod necesse est hoc ipsum quod est caelum sic moveri, aut esse primum principium omnium (quod est impossibile, cum omnis motus habeat causam moventem); aut oportet dicere quod eius sit quoddam aliud principium. Et sic rationabiliter quaesitum est de causa quare movetur ad hanc partem et non ad aliam.

[71173] Sur le De caelo, II, 7, 3. Troisièmement ici : Ğ il est nécessaire en effet ğ, etc., il montre de quelle manière on doit présenter une cause de ce genre. En effet, dans le passage précédent il présente de deux façons la cause des accidents célestes. En effet, il montre premièrement qu’il faut qu’il y ait différents mouvements dans le ciel, pour qu’il y ait un principe de génération et de corruption. Il montre deuxièmement qu’il faut que la forme du ciel soit ronde, à partir du principe antérieur supposé, à savoir que la première forme est due au premier corps ; et ainsi la primauté du corps est le principe de la première forme. Et c’est pourquoi il dit que, s’il doit présenter la raison pour laquelle le ciel se déplace ainsi et non autrement, il est nécessaire de présenter une raison de ce genre, soit dans la mesure où un tel mode de déplacement est le principe de quelque effet, soit dans la mesure où il dépend d’un principe antérieur. Or on peut le comprendre autrement. En effet, il avait dit que les êtres éternels ne peuvent être par hasard et qu’ils n’ont pourtant pas tous une cause, mais qu’une chose éternelle est ce qui n’a pas de cause, mais qui est la cause première des autres. Donc, puisque de l’éternité du ciel et de son mouvement il avait conclu la question, qui le poussait à se demander pour quelle raison le mouvement du ciel va vers tel côté et non tel autre, de peur que cette question semble irrationnelle ou inutile, il ajoute qu’il est nécessaire que cela même qui fait que le ciel se déplace ainsi est le principe premier de tout (ce qui est impossible, puisque tout mouvement a une cause qui le déplace), ou bien il faut dire qu’il a un autre principe. Et ainsi s’est-on rationnellement demandé pour quelle raison il se déplace vers ce côté-ci et non vers l’autre.

[71174] In De caelo, lib. 2 l. 7 n. 4 Deinde cum dicit: forte quidem igitur etc., ostendit difficultatem huius quaestionis. Et dicit quod hoc quod aliquis de quibusdam difficilibus et occultis velit attente enuntiare, assignando causam eorum, et quod de omnibus velit inquirere et nihil praetermittere, forte videbitur esse signum vel multae stultitiae, ex qua provenit quod nescit discernere inter facilia et difficilia; aut est signum multae promptitudinis, idest magnae praesumptionis, ex qua contingit quod homo non cognoscit mensuram suae facultatis circa inquisitionem veritatis. Et quamvis quidam super hoc sint increpandi, non tamen iustum est quod omnes similiter reprehendantur, sed ad duo oportet attendere. Primo quidem ad causam quae movet hominem ad loquendum de talibus: utrum scilicet hoc faciat ex amore veritatis, an ad ostentationem sapientiae. Secundo oportet considerare quomodo se habeat aliquis in credendo ea quae asserit: utrum scilicet habeat de eis debilem certitudinem, secundum communem hominum modum, aut etiam firmius ea cognoscat, scilicet supra communem modum hominum. Quando igitur aliquis potest attingere ad hoc quod cognoscat necessarias causas certius quam secundum communem hominum modum, tunc oportet reddere gratias his qui tales necessitates inveniunt, magis quam eos increpare.

[71174] Sur le De caelo, II, 7, 4. Ensuite, quand il dit : Ğ peut-être donc ğ, etc., il montre la difficulté que représente cette question. Et il dit vouloir s’exprimer avec précision sur des sujets difficiles et secrets, en leur attribuant une cause, et faire des recherches sur tous [287b30], sans rien omettre, ce qui semblera peut-être le signe d’une grande bêtise qui empêche de distinguer les sujets faciles des difficiles, ou bien Ğ d’un grand empressement ğ, c’est-à-dire d’une grande présomption, qui empêche l’homme de connaître la mesure de sa capacité à rechercher la vérité. Et, bien que certains doivent être blâmés sur ce point, il n’est pourtant pas juste de faire des reproches à tous de la même manière, mais il faut prendre en considération deux choses. Premièrement la cause qui pousse un homme à parler de telles choses : c’est-à-dire s’il fait cela par amour de la vérité, ou pour exhiber son savoir. Il faut deuxièmement considérer quelle est son attitude par rapport à ce qu’il avance : s’il en a une faible certitude, selon la manière commune des hommes, ou s’il en a une connaissance plus ferme, c’est-à-dire supérieure à la manière commune des hommes. Donc, quand on peut parvenir à connaître les causes nécessaires avec plus de certitude que la manière commune des hommes, [288a1] il faut alors remercier ceux qui découvrent de telles nécessités, plutôt que les en blâmer.

[71175] In De caelo, lib. 2 l. 7 n. 5 Deinde cum dicit: nunc autem quod videtur etc., solvit praemissam quaestionem. Et dicit quod, si gratiae sint agendae his qui certiores necessitates inveniunt, nunc autem in hac quaestione sufficit dicere illud quod nobis videtur, etsi non sit adeo certum. Dicit ergo quod inter ea quae contingit fieri, natura semper facit id quod est optimum, tanquam mota et directa a primo principio, quod est ipsa essentia bonitatis. Videmus autem quod tanto aliquis motus localis est dignior, quanto versus digniorem partem procedit; motus enim accipit speciem a termino; sicut in motibus localibus rectis, motus localis qui est ad superiorem locum, est honorabilior et nobilioris corporis quam motus localis qui est ad inferiorem locum, eo quod locus qui est sursum est dignior loco qui est deorsum. Et hoc quidem manifestum est in homine: nam caput, quod est sursum, est nobilius pedibus, qui sunt deorsum. Et similiter pars anterior dignior est posteriori, sicut etiam et dextrum est dignius quam sinistrum, sicut supra dictum est, et sicut patet in animalibus. Dicta ergo dubitatio quam nunc movimus, testificatur quod in caelo sit prius et posterius, idest ante et retro, de quibus supra nullam mentionem fecit. Haec enim causa, scilicet distinctio anterioris et posterioris in caelo, solvit praedictam dubitationem. Si enim motus caeli se habet optime quantum contingit, sicut dictum est, haec erit causa dictae dubitationis: quia optimum est quod caelum moveatur motu simplici, idest semper versus eandem partem, et incessabili, idest sine interpolatione quietis, quam necesse esset intervenire, si quandoque moveretur versus unam partem, quandoque versus aliam; et ulterius optimum est quod moveatur versus honorabiliorem partem, est autem anterior pars nobilior. Et ideo caelum movetur ab oriente versus suum anterius, idest versus superius hemisphaerium; non autem versus inferius, quod est caeli posterius.

[71175] Sur le De caelo, II, 7, 5. Ensuite quand il dit : Ğ or maintenant qu’il semble ğ, etc., il trouve une réponse à la question déjà posée. Et il dit, si on doit remercier ceux qui découvrent des nécessités plus certaines, il suffit maintenant de dire ce qui nous semble juste dans cette question, bien que cela ne soit pas à ce point certain. Il dit donc que parmi ce qui est susceptible de se produire la nature produit toujours le meilleur, parce que déplacé et disposé par le principe premier, qui est l’essence même de la bonté. Or nous voyons que plus un mouvement local est digne, plus il s’avance vers une partie plus digne ; car le mouvement reçoit son espèce de son terme, de même que parmi les mouvements locaux droits le mouvement local qui va vers un lieu supérieur est plus honorable et possède un corps plus noble que le mouvement local qui va vers un lieu inférieur, étant donné que le lieu qui est en haut est plus digne [288a5] que celui qui est en bas. Et c’est manifeste chez l’homme : car sa tête, qui est en haut, est plus noble que ses pieds, qui sont en bas. Et, de la même façon, la partie antérieure est plus digne que la postérieure, de même aussi que la droite est plus digne que la gauche, comme on l’a dit ci-dessus, et comme on le voit chez les animaux. Donc le problème posé que nous avons soulevé à l’instant atteste que dans le ciel il y a Ğ un antérieur et un postérieur ğ, c’est-à-dire un avant et un arrière, dont il n’a fait nullement mention ci-dessus. Cette cause, en effet, à savoir la distinction de l’antérieur et du postérieur dans le ciel, résout le problème posé. Car si le mouvement du ciel est le meilleur possible, [288a10] comme on l’a dit, ce sera la cause de ce problème, puisque la meilleure des choses est que le ciel se déplace avec un mouvement Ğ simple ğ, c’est-à-dire toujours en direction du même côté, et Ğ incessant ğ, c’est-à-dire sans phase d’immobilité, qui interviendrait nécessairement, s’il se déplaçait tantôt vers un côté, tantôt vers un autre ; et enfin la meilleure des choses est qu’il se déplace vers le côté le plus honorable, or la partie antérieure est la plus noble. Et c’est pourquoi le ciel se déplace de l’orient vers son Ğ avant ğ, c’est-à-dire vers l’hémisphère supérieur, et non vers l’inférieur, qui est Ğ l’arrière ğ du ciel.

[71176] In De caelo, lib. 2 l. 7 n. 6 Sed videtur quod inconvenienter hanc rationem assignet. Supra enim assignavit distinctionem harum partium in caelo ex principio motus, quia scilicet motus caeli videtur incipere ab una parte et non ab alia; hic autem assignat rationem quare caelum sic moveatur et non aliter, ex distinctione partium caeli; et ita videtur processus eius esse circularis. Ad quod dicendum est quod distinctio partium caeli est causa quod motus caeli incipiat ab hac parte et non ab alia, et non e converso: sed motum incipere ab hac parte caeli et non ab alia, est signum distinctionis partium caeli. Causa autem distinctionis harum partium est virtus animae moventis caelum, vel cuiuscumque intellectualis substantiae, diversimode attributa diversis partibus caeli. Nihil autem prohibet, cum quaeritur an aliquid sit, probare illud per signum; cum tamen quaeritur de causa alicuius propter quam est, oportebit signum ad causam reducere; sicut si probemus cor moveri per motum venae pulsatilis, si tamen quaeratur quae sit causa motus venae pulsatilis, dicetur quod hoc est propter motum cordis. Et similiter Aristoteles probavit esse talem distinctionem partium in caelo, per inchoationem motus a determinata parte, sicut per signum; et tamen inchoationem motus reducit in differentiam partium caeli, sicut in causam. Distinguitur autem pars anterior et posterior in caelo, non naturaliter, scilicet secundum determinatam partem corporis caelestis, quia una et eadem pars caelestis corporis quae nunc est in superiori hemisphaerio, postea erit in hemisphaerio inferiori; sed secundum situm, sicut etiam supra dictum est de differentia dextri et sinistri.

[71176] Sur le De caelo, II, 7, 6. Mais il semble qu’il présente ce raisonnement d’une façon qui ne convient pas. En effet, ci-dessus il a présenté que ces côtés se distinguent dans le ciel selon le principe du mouvement, à savoir que le mouvement du ciel semble commencer d’un côté et non d’un autre ; ici il présente la raison pour laquelle le ciel se déplace ainsi et non autrement, à partir de la distinction des côtés du ciel ; et ainsi sa progression semble être circulaire. À cela il faut dire que la distinction des côtés du ciel est la cause pour laquelle le mouvement du ciel commence de ce côté-ci, non de l’autre, et non inversement : mais le fait que le mouvement commence de ce côté-ci du ciel et non de l’autre est le signe que les côtés du ciel sont distincts. Or la cause de la différence de ces parties est la puissance de l’âme qui déplace le ciel ou de n’importe quelle substance intellectuelle, attribuée de différentes façons aux différents côtés du ciel. Rien n’empêche, quand on se demande si une chose est, de la prouver par un signe ; pourtant, quand on s’interroge sur la cause pour laquelle une chose est, il faudra ramener le signe à la cause, de même que, si nous prouvions que le cœur est mu par le mouvement de pulsation d’une veine, et, si on se demandait quelle est la cause du mouvement de cette veine qui palpite, on dirait que c’est pour mouvoir le cœur. Et, de la même façon, Aristote a prouvé que les côtés se distinguent ainsi dans le ciel, parce que le mouvement commence à un côté déterminé, comme par signe ; et cependant il ramène le commencement du mouvement à la différence entre les côtés du ciel, comme à une cause. Or on distingue la partie antérieure et la partie postérieure dans le ciel, non pas naturellement, à savoir selon un côté déterminé du corps céleste, puisque le seul et même côté du corps céleste qui est maintenant dans l’hémisphère supérieur sera ensuite dans l’hémisphère inférieur, mais selon sa situation, comme on l’a dit ci-dessus aussi de la différence entre la droite et la gauche.

 

 

Lectio 8

Leçon 8 – [L’uniformité du mouvement du ciel]

[71177] In De caelo, lib. 2 l. 8 n. 1 Postquam philosophus assignavit causam quare caelum movetur versus unam partem et non versus aliam, hic determinat de uniformitate motus caeli. Et primo proponit quod intendit; secundo probat propositum, ibi: si enim irregulariter movebitur et cetera. Circa primum duo facit. Primo proponit quod intendit: et dicit quod post praedicta consequenter est pertranseundum, idest breviter dicendum, de motu caeli, ostendendo quod est regularis, idest semper uniformem velocitatem habens, et nunquam irregularis, ut quandoque scilicet velocius quandoque tardius moveatur. Et hoc rationabiliter: nam iste motus est regula et mensura omnium aliorum motuum; unde nulla irregularitas vel inaequalitas in eo debet apparere.

[71177] Sur le De caelo, II, 8, 1. Après que le philosophe a présenté la cause pour laquelle le ciel se déplace vers un côté et non vers l’autre, il traite ici de l’uniformité du mouvement du ciel. Et il expose premièrement ce qu’il se propose de faire ; il prouve deuxièmement la proposition, ici : Ğ en effet, s’il se déplace irrégulièrement ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses. Il propose premièrement ce qu’il se propose de faire : et il dit que, après les propos déjà tenus, Ğ il faut ğ en conséquence Ğ passer outre ğ, c’est-à-dire parler brièvement, sur le mouvement du ciel, en montrant qu’il est Ğ régulier ğ, c’est-à-dire qu’il a une vitesse toujours uniforme, et jamais irrégulière, au point de se déplacer tantôt plus vite, tantôt plus lentement. Et cela rationnellement : car ce mouvement est la règle et la mesure de tous les autres mouvements ; de ce fait, aucune irrégularité ou inégalité ne doit apparaître en lui.

[71178] In De caelo, lib. 2 l. 8 n. 2 Secundo ibi: dico autem hoc etc., exponit quod dixerat. Et dicit quod hic intendit dicere de primo caelo, idest de suprema sphaera, et de prima latione, idest de motu diurno quo totum caelum revolvitur, per motum primi mobilis, ab oriente usque in occidentem. Ideo autem de hoc motu specialiter loquitur, quia in hoc motu neque est aliqua irregularitas secundum rei veritatem, neque secundum apparentiam. Sed in his quae de subtus, idest in motu planetarum, iam plures motus conveniunt ad movendum unum corpus; vel secundum diversas sphaeras volventes et revolventes, sicut dicebant astrologi qui fuerunt tempore Aristotelis, ut patet in XII Metaphys.; vel secundum motus eccentricorum et epicyclorum, secundum modernos astrologos. Et ex hac diversitate motuum causatur irregularitas quae apparet circa planetas, secundum quam quandoque videntur directi motus, quandoque retrogradi, quandoque stationarii; quamvis secundum rei veritatem nullus motus in caelo sit irregularis. Rationes enim quas hic inducet, habent locum non solum in motu primi caeli, qui est simplex, et ex hoc nulla apparet in eo irregularitas; sed etiam in motibus planetarum, in quibus apparet irregularitas propter concursum multorum motuum.

[71178] Sur le De caelo, II, 8, 2. Deuxièmement ici : Ğ or je dis cela ğ, etc., il expose ce qu’il avait dit. [288a15] Et il dit qu’il cherche ici à parler du Ğ premier ciel ğ, c’est-à-dire de la sphère suprême, de la Ğ première translation ğ, c’est-à-dire du mouvement diurne qui fait tourner la totalité du ciel, par le mouvement du premier mobile, de l’orient vers l’occident. Pour cette raison il parle spécialement de ce mouvement, puisque, en lui, il n’y a d’irrégularité ni selon la vérité, ni selon l’apparence. Mais Ğ pour ce qui est en dessous ğ, c’est-à-dire pour le mouvement des planètes, plusieurs mouvements s’accordent déjà pour déplacer un seul corps, soit suivant différentes sphères tournant en avant et en arrière, comme le disaient les astronomes du temps d’Aristote, comme le montre le livre XII de la Métaphysique, soit suivant les mouvements des excentriques et des épicycles, selon les astronomes modernes. Et cette diversité de mouvements cause l’irrégularité qui apparaît chez les planètes, et selon laquelle les mouvements semblent tantôt droits, tantôt rétrogrades, tantôt stationnaires, bien que, en vérité, aucun mouvement ne soit irrégulier dans le ciel. En effet, les raisonnements qu’il tient ici concernent non seulement le mouvement du premier ciel, qui est simple, et où aucune irrégularité n’apparaît, mais aussi les mouvements des planètes, où une irrégularité apparaît en raison de la rencontre de nombreux mouvements.

[71179] In De caelo, lib. 2 l. 8 n. 3 Deinde cum dicit: si enim irregulariter movebitur etc., probat propositum quatuor rationibus. Quarum prima sumitur ex ipsa forma motus circularis, et procedit sic. Si primum caelum irregulariter moveretur, manifeste oporteret quod in eo esset intensio, idest augmentum velocitatis, et virtus, idest summum velocitatis, et remissio, idest deminutio velocitatis. Omnis enim motus irregularis habet ista tria; non ita quod in quolibet motu irregulari vel inaequali sint ista tria, sed quia in quolibet motu sunt duo horum; idest virtus et intensio, sicut in motu naturali corporum gravium et levium est intensio et virtus, quia talis motus semper augetur in velocitate usque ad finem, in quo est velocissimus; motus autem horum corporum qui est contra naturam, habet virtutem et remissionem, quia in principio est velocissimus, et semper deminuitur velocitas, quousque tandem totus motus consumatur. Et sic ly omnis accipitur quasi collective, ut intelligatur quod in omnibus motibus irregularibus ista tria inveniuntur, non autem in unoquoque eorum.

[71179] Sur le De caelo, II, 8, 3. Ensuite quand il dit : Ğ en effet, s’il se déplace irrégulièrement ğ, etc., il prouve la proposition par quatre raisonnements. Le premier d’entre eux est tiré de la forme même du mouvement circulaire, et procède ainsi. Si le premier ciel se déplaçait irrégulièrement, il faudrait manifestement qu’il y ait en lui une Ğ tension ğ, c’est-à-dire une augmentation de la vitesse, une force, c’est-à-dire une vitesse maximale, et une Ğ rémission ğ, c’est-à-dire une diminution de la vitesse. En effet, tout mouvement irrégulier a ces trois caractéristiques, non qu’elles se trouvent dans n’importe quel mouvement irrégulier ou régulier, mais parce que dans n’importe quel mouvement se trouvent deux d’entre elles, c’est-à-dire la force et la tension, de même que dans le mouvement naturel des corps lourds et légers on trouve une tension et une force, puisqu’un tel mouvement s’accroît toujours en vitesse jusqu’à sa fin, où il est le plus rapide ; or le mouvement de ces corps, qui est contre-nature, comporte force et rémission, puisqu’il est le plus rapide au début, et que sa vitesse diminue toujours, jusqu’à ce qu’enfin tout mouvement s’épuise. Et ainsi le terme Ğ tout ğ est considéré collectivement pour ainsi dire, pour que l’on comprenne que dans tous les mouvements irréguliers se trouvent ces trois choses, et non dans chacun d’entre eux.

[71180] In De caelo, lib. 2 l. 8 n. 4 Deinde ostendit in qua parte motus irregularis inveniatur maxima velocitas. Et dicit quod virtus motus, idest maxima eius velocitas, invenitur aut unde fertur, idest versus terminum a quo, aut quo fertur, idest versus terminum ad quem, aut circa medium; sicut in his quae naturaliter moventur motu recto, invenitur maxima velocitas versus terminum ad quem feruntur, quia motus naturalis intenditur in fine, ut in primo habitum est; in his autem quae moventur contra naturam, invenitur maxima velocitas unde, idest versus terminum a quo, quia motus violentus intenditur in principio et remittitur in fine, ut in primo libro habitum est; sed in proiectis maxima velocitas motus invenitur circa medium.

[71180] Sur le De caelo, II, 8, 4. Ensuite il montre dans quelle partie du mouvement irrégulier se trouve la plus grande vitesse. Et il dit que la Ğ force ğ du mouvement, c’est-à-dire sa vitesse maximale, [288a20] se trouve soit à l’endroit Ğ d’où il part ğ, c’est-à-dire à la limite d’où il part, soit à l’endroit Ğ où il est porté ğ, c’est-à-dire à la limite vers laquelle il va, soit au milieu, de même que pour les corps qui se déplacent naturellement par un mouvement droit la vitesse maximale se trouve à la limite où ils sont transportés, puisque le mouvement naturel augmente en sa fin, comme on l’a considéré dans le premier livre ; pour les êtres qui se déplacent contre-nature la vitesse maximale se trouve Ğ là d’où ğ, c’est-à-dire à la limite d’où il part, puisque le mouvement violent accélère au début et se calme à la fin, comme on l’a dit dans le premier livre ; mais pour les projectiles la vitesse du mouvement atteint son maximum au milieu.

[71181] In De caelo, lib. 2 l. 8 n. 5 Dubitatur autem quae philosophus vocet hic proiecta. Nam quaecumque proiiciuntur, aut moventur secundum motum naturalem, sicut cum lapis deorsum iacitur, et sic videtur quod motus intendatur in fine; vel moventur violenter, sicut cum lapis iacitur sursum, et sic motus eius debet esse intensissimus in principio, non autem in medio. Dicit autem Simplicius quod proiecta hic philosophus vocat corpora animalium, quae moventur ab anima non in sursum directe, neque directe in deorsum, sed quasi in latus, ad modum sagittae et aliorum proiectorum; propter quod et Aristoteles hic ea proiecta vocat. Manifestum est autem quod in motibus animalium maxima velocitas non invenitur neque a principio, quando quodammodo paulatim membra sua animalia expediunt ad motum; neque etiam circa finem, quando iam membra eorum sunt lassata; sed circa medium, quando sunt in ipso impetu motus. Sed haec expositio videtur esse extorta. Unde Alexander dicit quod medium hic est accipiendum secundum locum, et non secundum tempus. Motus enim sagittae et aliorum sic proiectorum, non est neque in sursum neque in deorsum, sed in intermedio utriusque; et in hoc intermedio maxima velocitas horum motuum invenitur. Possumus autem dicere quod etiam in his secundum tempus accipiendo medium, talia proiecta circa medium velocius moventur. Causatur enim motus talium proiectorum ex impulsu medii deferentis, quod facilius recipit impressionem moventis quam ipsum corpus grave quod proiicitur, ut patet in VIII Physic.; et ideo, quando multum de aere fuerit commotum, velocior est motus proiectionis in medio quam in principio, quando adhuc parum de aere commovetur, vel etiam quam in fine, quando iam incipit debilitari impressio proiicientis. Et huius signum est, quia huiusmodi proiecta non tantum impulsum faciunt in eo quod est omnino propinquum, vel in eo quod est multum remotum, sicut in eo quod mediocriter distat.

[71181] Sur le De caelo, II, 8, 5. On se demande ce que le philosophe appelle ici Ğ projectiles ğ. En effet, tout ce qui est projeté se déplace soit selon un mouvement naturel, comme lorsqu’une pierre est lancée en bas – et ainsi il semble que le mouvement accélère à la fin –, soit violemment, comme une pierre qui est lancée en haut, et ainsi son mouvement doit être le plus intense au début –, mais non au milieu. Or Simplicius dit que le philosophe appelle ici Ğ projectiles ğ les corps des animaux qui sont déplacés par leur âme non pas directement vers le haut, ni directement vers le bas, mais en quelque sorte sur le côté, à la manière d’une flèche et d’autres projectiles ; pour cette raison Aristote les appelle ici aussi Ğ projectiles ğ. Or il est manifeste que dans les mouvements des animaux la vitesse maximale n’est atteinte ni au début, quand, d’une certaine manière, peu à peu, les animaux préparent leurs membres au mouvement, ni même à la fin, quand leurs membres sont déjà fatigués, mais au milieu, quand ils sont dans l’élan même du mouvement. Mais cette explication semble être obtenue par la force. De ce fait, Alexandre dit que le milieu ici doit être entendu selon le lieu et non selon le temps. Car le mouvement d’une flèche et d’autres objets projetés ainsi ne va ni vers le haut, ni vers le bas, mais entre les deux ; et c’est dans ce lieu intermédiaire que la vitesse maximale de ces mouvements est atteinte. Or nous pouvons dire que, même en considérant le milieu selon le temps pour eux, de tels projectiles se déplacent plus rapidement au milieu. Car le mouvement de tels projectiles est causé par l’impulsion du milieu qui les entraîne, lui qui reçoit plus facilement le choc du corps moteur que le corps lourd qui est lui-même projeté, comme le montre le livre VIII de la Physique ; et c’est pourquoi, quand une grande masse de bronze a été déplacée, le mouvement de projection est plus rapide au milieu qu’au début, lorsqu’une faible masse de bronze est déplacée, ou même qu’à la fin, quand le choc du corps qui projette commence à s’affaiblir. Et la preuve en est que les projectiles de ce genre ne causent pas une impulsion aussi forte sur ce qui est très proche, ou sur ce qui est très éloigné, que sur ce qui est modérément éloigné.

[71182] In De caelo, lib. 2 l. 8 n. 6 Sic igitur manifestum est quod maxima velocitas cuiuslibet motus irregularis, vel est in principio, vel in medio, vel in fine. Sed haec tria non est accipere in motu circulari caelestis corporis, neque quantum ad tempus, cum sit sempiternus, secundum eius opinionem; neque etiam quantum ad longitudinem, idest quantum ad figuram loci, quae est secundum lineam circularem, quae quidem est conducta, quasi circulariter in seipsam rediens, et est infrangibilis, non divisa in actu, ut possit ibi actu designari principium et finis. Et ita in circulatione caeli non invenitur secundum aliquam eius partem virtus, idest maxima eius velocitas; et per consequens neque irregularitas, quae fit propter intensionem et remissionem.

[71182] Sur le De caelo, II, 8, 6. Ainsi donc il est manifeste que la vitesse de n’importe quel mouvement irrégulier est à son maximum soit au début, soit au milieu, soit à la fin. Mais il n’est possible d’appliquer ces trois caractéristiques au mouvement circulaire d’un corps céleste, ni du point de vue du temps, comme il est éternel, [288a25] selon son opinion, ni même du point de vue de la Ğ longueur ğ, c’est-à-dire de la forme du lieu, qui suit une ligne circulaire, qui est Ğ conduite ğ, en revenant pour ainsi dire circulairement sur elle-même, et Ğ sans brisure ğ, non divisée en acte, de telle sorte que son début et sa fin peuvent être tracés ici en acte. Et ainsi dans la rotation du ciel on ne trouve pas de Ğ force ğ, c’est-à-dire de vitesse maximale, dans une de ses parties, et par conséquent on ne trouve pas d’irrégularité non plus, laquelle est causée par l’accélération et le ralentissement.

[71183] In De caelo, lib. 2 l. 8 n. 7 Secundam rationem ponit ibi: adhuc quoniam omne etc.; quae accipitur simul ex parte moventis et mobilis. Ostensum est enim in VII et in VIII Physic. quod omne quod movetur, ab aliquo movente movetur. Unde necesse est, si in aliquo motu sit irregularitas, quod aut hoc fiat propter movens, aut propter id quod movetur, aut propter utrumque. Si enim movens non semper et aequali virtute moveat, sed quandoque maiori quandoque minori, fiet motus quandoque quidem velocior quandoque autem tardior: quia velocitas motus contingit ex hoc quod virtus moventis, propter suam magnitudinem, multum dominatur mobili. Et similiter si corpus quod movetur, per aliquam alterationem non permaneat in eadem dispositione, non erit aequaliter subiectum virtuti moventis, et ita non erit aequa velocitas motus. Et similiter si fiat transmutatio circa utrumque, scilicet moventem et mobile, poterit esse motus irregularis. Sed nihil horum potest accidere circa caelum. De ipso enim corpore mobili ostensum est supra quod est primum et simplex, quia movetur primo et simplici motu; et quod est ingenitum et incorruptibile et totaliter intransmutabile (transmutatione scilicet variante substantiam et virtutem eius). Motor autem eius multo magis rationabile est quod sit talis conditionis. Cum enim movens sit potius moto, si corpus quod movetur est primum et simplex, et ingenitum et incorruptibile, multo magis motivum eius erit tale. Ostensum est etiam in VIII Physic. quod motor caeli est incorporeus, nullam habens magnitudinem: si igitur ipsum caelum, quod est corpus, non immutetur a dispositione suae substantiae et virtutis, multo magis non transmutabitur motor eius, qui est incorporeus. Ex quo patet quod impossibile est motum caeli esse irregularem.

[71183] Sur le De caelo, II, 8, 7. Il présente le second raisonnement ici : Ğ en outre puisque tout ğ, etc. ; il est mené à la fois à partir du moteur et du mobile. En effet, il a été montré dans les livres VII et VIII de la Physique que tout ce qui est déplacé l’est par un moteur. De ce fait, il est nécessaire que, s’il y a irrégularité dans un mouvement, ce soit à cause du moteur, à cause de ce qui est déplacé, ou bien à cause des deux. [288a30] Car si un moteur ne déplace pas toujours et avec une force égale, mais avec une force tantôt plus grande, tantôt plus faible, le mouvement sera tantôt plus rapide, tantôt plus lent, puisque sa rapidité se produit du fait que la force du moteur, en raison de sa grandeur, domine fortement le mobile. Et, de la même façon, si le corps déplacé ne demeure pas dans la même disposition par altération, il ne sera pas soumis également à la force du moteur, et ainsi la rapidité du mouvement ne sera pas égale. Et, de façon semblable, si un changement se produit chez les deux, c’est-à-dire chez le moteur et le mobile, le mouvement pourra être irrégulier. Mais rien de cela ne peut arriver au ciel. Car on a montré ci-dessus que le corps mobile lui-même est premier et simple, [288b1] et qu’il est inengendré, incorruptible et totalement soustrait au changement (à savoir un changement qui modifie sa substance et sa force). Or il est beaucoup plus rationnel de penser que son moteur a une telle condition. En effet, comme le moteur est plus puissant que le corps déplacé, si celui-ci est premier, simple, inengendré et incorruptible, le corps qui le déplace beaucoup plus le sera. Il a été aussi montré dans le livre VIII de la Physique que le moteur du ciel est incorporel, n’ayant aucune grandeur ; donc, si le ciel lui-même, [288b5] qui est un corps, n’est pas modifié par la disposition de sa substance et de sa force, son moteur, qui est incorporel, ne sera pas beaucoup plus transformé. À partir de là, il est clair qu’il est impossible que le mouvement soit irrégulier.

 

 

Lectio 9

Leçon 9 – [suite et preuves]

[71184] In De caelo, lib. 2 l. 9 n. 1 Hic ponit tertiam rationem, quae sumitur solum ex parte mobilis. Et dicit quod si motus caeli irregulariter peragatur, aut hoc erit ita quod tota caeli mutatio transmutetur, ita quod quandoque sit velocior quandoque tardior, aut partes eius: et intelligitur tota mutatio motus totius sphaerae supremae, partes autem mutationis intelliguntur motus partium caeli. Quod autem partes supremae sphaerae non moveantur irregulariter, ita scilicet quod una pars caeli quandoque citius quandoque tardius moveatur, ostendit supponendo quod sphaera stellarum fixarum sit suprema sphaera: nondum enim suo tempore deprehensum erat quod stellae fixae haberent proprium motum praeter motum diurnum; et ideo attribuit primum motum, scilicet diurnum, sphaerae stellarum fixarum, quasi proprium ei; cum tamen posteriores astrologi dicant quod sphaera stellarum fixarum habeat quendam proprium motum, supra quem ponunt aliam sphaeram, cui attribuunt primum motum. Supposito ergo quod sphaera stellarum fixarum sit suprema sphaera, probat quod partes eius non moveantur irregulariter. Quia si singulae partes eius quandoque citius quandoque tardius moverentur, iam a longinquo tempore stellae fixae in alia distantia se haberent ad invicem quam prius, una earum velocius et alia tardius mota. Sed huius contrarium apparet: quia inveniuntur eandem figuram conservare, et eodem modo ab invicem elongari in hoc tempore, sicut etiam invenerunt antiquissimi observatores. Non ergo est irregularitas in motu primi caeli quantum ad partes eius.

[71184] Sur le De caelo, II, 9, 1. Il expose ici le troisième raisonnement, qui est tiré seulement du mobile. Et il dit que si le mouvement du ciel s’accomplit irrégulièrement, les choses seront telles que tout le changement du ciel se fera de telle façon qu’il sera tantôt plus rapide, tantôt plus lent, ou bien que ce seront ses parties ; et Ğ tout le changement ğ désigne le mouvement de toute la sphère suprême, et Ğ les parties ğ du changement renvoient au mouvement des parties du ciel. Le fait que les parties de la sphère suprême ne se déplacent pas irrégulièrement, de telle façon qu’une partie du ciel se meut tantôt plus vite, tantôt plus lentement, montre par supposition que la sphère des étoiles fixes est la sphère suprême ; car on n’avait pas encore découvert à son époque que les étoiles fixes ont leur propre mouvement en dehors du mouvement diurne ; et pour cette raison il attribue le premier mouvement, à savoir le mouvement diurne, à la sphère des étoiles fixes, qui lui est propre pour ainsi dire, alors que les astronomes des temps postérieurs disent que la sphère des étoiles fixes a un certain mouvement qui lui est propre, au-dessus duquel ils placent une autre sphère, à laquelle ils attribuent le premier mouvement. Donc, après avoir supposé que la sphère des étoiles fixes est la sphère suprême, il prouve que ses parties ne se déplacent pas irrégulièrement. [288b10] Puisque si chacune de ses parties se déplaçaient tantôt plus vite, tantôt plus lentement, les étoiles fixes se trouveraient déjà depuis un long moment à une autre distance les unes des autres qu’auparavant, l’une se déplaçant plus vite et l’autre plus lentement. Mais c’est le contraire qui apparaît, puisqu’elles se trouvent conserver la même configuration et être à la même distance à cette époque que l’ont découvert aussi les plus anciens observateurs. Donc il n’y a pas d’irrégularité dans le mouvement du premier ciel quant à ses parties.

[71185] In De caelo, lib. 2 l. 9 n. 2 Sed neque etiam tota transmutatio primi caeli transmutatur de velocitate in remissionem velocitatis. Manifestum est enim quod remissio velocitatis motus cuiuscumque mobilis sit propter impotentiam; sicut videmus quod quando corpora animalium lassantur, remittitur eorum motus. Omnis autem impotentia et defectus est praeter naturam, sicut patet in animalibus, in quibus senectus et decrementum et alia huiusmodi sunt praeter naturam. Quod est intelligendum quantum ad naturam particularem, quae est conservativa uniuscuiusque individui quantum potest: unde praeter intentionem eius est quod deficiat in conservando. Non autem est praeter naturam universalem, ex qua causatur non solum generatio, sed etiam corruptio, et per consequens alii defectus ad corruptionem tendentes, in his inferioribus: dicitur autem natura universalis virtus activa in causa universali, puta in corpore caelesti. Ideo autem defectus praeter naturam particularem in animalibus accidere possunt, quia tota substantia animalis consistit ex talibus corporibus quae distant a propriis locis: componitur enim corpus animalis ex quatuor elementis, quorum nullum tenet proprium locum. Et quia ea quae sunt praeter naturam non possunt esse sempiterna, ut patet ex his quae supra dicta sunt, necesse est quod quandoque animalibus accidat corruptio et defectus. Sed in primis corporibus, scilicet caelestibus, nihil potest accidere praeter naturam: quia sunt simplicia, non autem mixta ex diversis, et in proprio loco existunt, et nihil contrarium est eis, ut patet ex his quae in primo libro dicta sunt. Et ita in eis non potest esse aliqua impotentia. Et ideo in eis non potest esse aliqua remissio, idest deminutio velocitatis: et per consequens neque intensio, idest velocitatis augmentum, quia ista duo se invicem consequuntur; sicut enim quando intenditur motus, proceditur a remisso ad intensum, ita quando remittitur, proceditur ab intenso ad remissum.

[71185] Sur le De caelo, II, 9, 2. Mais le changement du premier ciel ne se fait pas entièrement en passant de la vitesse au ralentissement. Car il est manifeste que le ralentissement du mouvement de n’importe quel mobile est causé par une impuissance, comme on voit que, de même que l’on voit les corps des animaux sont fatigués, leur mouvement ralentit. Or toute impuissance et tout défaut est contre-nature, [288b15] comme il apparaît chez les animaux, pour lesquels la vieillesse, l’affaiblissement et autres phénomènes de ce genre sont contre-nature. Et il faut comprendre cela quant à la nature particulière de chaque individu, laquelle est conservatrice, autant que faire se peut : de ce fait, il est contraire à son intention de manquer à la conservation. Or ce n’est pas contraire à la nature universelle, qui cause non seulement la génération, mais aussi la corruption, et par conséquent les autres défauts qui tendent à la corruption, chez ces êtres inférieurs : or on appelle nature universelle la vertu active dans la cause universelle, par exemple dans un corps céleste. C’est pourquoi des défauts peuvent arriver aux animaux contre leur nature particulière, puisque toute la substance de l’animal est constituée de tels corps qui sont éloignés de leurs propres lieux : car le corps d’un animal est composé de quatre éléments, dont aucun n’occupe son propre lieu. Et puisque ce qui est contre-nature ne peut être éternel, comme le montre ce qui a été dit ci-dessus, il est nécessaire que la corruption et le défaut arrivent un jour aux animaux. Mais rien ne peut arriver contre-nature aux corps premiers, c’est-à-dire célestes, puisqu’ils sont simples, et non mélangés à différentes choses, [288b20], qu’ils existent dans leur propre lieu et qu’ils n’ont pas de contraire, comme le montre ce qui a été dit dans le premier livre. Et ainsi il ne peut y avoir d’impuissance en eux. Et c’est pourquoi il ne peut y avoir en eux ni Ğ ralentissement ğ, c’est-à-dire diminution de la vitesse, ni Ğ accélération ğ, par conséquent, c’est-à-dire augmentation de la vitesse, puisque tous deux se suivent l’un l’autre ; en effet, de même que, lorsque le mouvement est lancé, il passe du ralentissement à l’accélération, de même, quand il ralentit, il passe de l’accélération au ralentissement.

[71186] In De caelo, lib. 2 l. 9 n. 3 Quartam rationem ponit ibi: adhuc autem et irrationabile etc.; quae sumitur ex parte moventis, et procedit ex quadam divisione. Si enim in motu caeli sit intensio et remissio, hoc non potest esse nisi tribus modis: uno modo ut semper intendatur vel semper remittatur; alio modo ut quandoque intendatur et quandoque remittatur, et hoc dupliciter: uno modo ut tota intensio et tota remissio sit simul, ad quod quidem, supposito quod caelum moveatur tempore infinito, secundum eius opinionem, sequitur quod infinito tempore prius intendatur motus eius et postea remittatur, aut e converso; alio modo ut vicissim quandoque remittatur et quandoque intendatur. Sed quodlibet istorum est impossibile. Ergo impossibile est quod in motu caeli sit remissio et intensio. Primo ergo ostendit impossibile esse quod infinito tempore intendatur prius, et postea infinito tempore remittatur, vel e converso; secundo ostendit impossibile esse quod semper intendatur vel semper remittatur, ibi: sed adhuc neque etc.; tertio ostendit impossibile esse quod vicissim intendatur et remittatur, ibi: relinquitur itaque et cetera.

[71186] Sur le De caelo, II, 9, 3. Il présente le quatrième raisonnement ici : Ğ en outre il est aussi irrationnel ğ, etc., lequel est tiré du moteur et procède par division. Car si dans le mouvement du ciel il y a accélération et ralentissement, cela ne peut être que de trois manières : premièrement en accélérant toujours ou bien en ralentissant toujours ; deuxièmement tantôt en accélérant, tantôt en ralentissant, et cela de deux façons : d’une part avec une accélération et un ralentissement entièrement simultanés, - après avoir supposé que le ciel se déplace pendant un temps infini, selon son opinion, il en résulte que son mouvement accélère d’abord dans un temps infini et ralentit ensuite, ou inversement - ; d’autre part tantôt en ralentissant, tantôt en accélérant, tour à tour. Mais chacune de ces représentations est impossible. Donc il est impossible qu’il y ait ralentissement et accélération dans le mouvement du ciel. Il montre donc premièrement qu’il est impossible qu’il accélère d’abord pendant un temps infini et qu’il ralentisse ensuite pendant un temps infini, ou inversement ; il montre deuxièmement qu’il est impossible qu’il accélère toujours ou qu’il ralentisse toujours, ici : Ğ mais en outre ni ğ, etc. ; il montre troisièmement qu’il est impossible qu’il accélère et qu’il ralentisse tour à tour, ici : Ğ c’est pourquoi il reste ğ, etc.

[71187] In De caelo, lib. 2 l. 9 n. 4 Dicit ergo primo quod irrationabile est quod motor caeli infinito tempore sit potens et velociter moveat, et rursus alio infinito tempore sit impotens et tarde moveat (nam remissio motus causatur ex impotentia, intensio autem ex potentia). Et hoc idem esse irrationabile, ostendit duobus mediis. Primo quidem quia nihil praeter naturam videtur existere tempore infinito: ea enim quae sunt secundum naturam, sunt semper vel in maiori parte. Impotentia autem est praeter naturam, ut habitum est: ergo impossibile est quod aliquid infinito tempore sit impotens. Secundo quia non est aequale tempus eius quod est secundum naturam, et eius quod est praeter naturam: quia id quod est praeter naturam est in paucioribus, id autem quod est secundum naturam est ut in pluribus vel semper. Sed potentia rei est secundum naturam, impotentia autem est praeter naturam. Ergo impossibile est quod aliquid tempore aequali, scilicet tempore infinito, sit potens et impotens: et per consequens impossibile est quod infinito tempore intendatur motus, et iterum infinito tempore remittatur. Sed si remittitur motus caeli secundum modum qui dictus est, necesse est quod infinito tempore remittatur. Quidam tamen, non intelligentes intentionem Aristotelis, accipiunt hoc quasi simpliciter et absolute dictum, eo quod non est ratio quare magis uno tempore remittatur quam alio. Sed hoc est praeter intentionem philosophi.

[71187] Sur le De caelo, II, 9, 4. Il dit donc premièrement qu’il est irrationnel que le moteur du ciel soit puissant pendant un temps infini pour déplacer rapidement, et qu’il soit de nouveau impuissant pendant un autre temps infini pour déplacer lentement (car le ralentissement du mouvement est causé par l’impuissance, et l’accélération par la puissance). Et il montre par deux moyens que cela même est irrationnel. Premièrement puisque rien ne semble exister contre-nature pendant un temps infini : car ce qui est selon la nature est toujours ou en grande partie. Or l’impuissance [288b25] est contre-nature, comme on l’a considéré : donc il est impossible qu’une chose soit impuissante pendant un temps infini. Deuxièmement puisque le temps de ce qui est selon la nature et le temps de ce qui est contre-nature ne sont pas égaux, étant donné que ce qui est contre-nature dure un bref instant, et que ce qui est selon la nature dure un temps plus long ou bien toujours. Mais la puissance d’une chose est selon la nature, et son impuissance est contre-nature. Donc il est impossible qu’une chose soit puissante et impuissante pendant un temps égal, à savoir infini ; et par conséquent il est impossible qu’un mouvement accélère pendant un temps infini et ralentisse de nouveau pendant un temps infini. Mais si le mouvement du ciel ralentit de la manière qui a été dite, il est nécessaire qu’il ralentisse pendant un temps infini. Certains, cependant, qui ne comprennent pas l’intention d’Aristote, entendent cela pour ainsi dire simplement et absolument, du fait qu’il n’y a pas de raison pour laquelle il ralentisse davantage à un moment qu’à un autre. Mais cela est contraire à l’intention du philosophe.

[71188] In De caelo, lib. 2 l. 9 n. 5 Deinde cum dicit: sed adhuc neque etc., ostendit quod impossibile sit motum caeli vel semper intendi, vel semper remitti; et hoc duabus rationibus. Quarum prima est, quia intensio et remissio cuiuslibet motus irregularis deficit circa aliquem terminum ipsius motus; sicut motus naturalis intenditur usque ad aliquem terminum, et similiter motus violentus remittitur usque ad aliquem terminum. Si ergo intensio vel remissio motus caeli nunquam terminetur, sed in infinitum procedat, sequitur quod motus caeli sit infinitus et indeterminatus. Quod patet esse falsum: probatum est enim in VI Physic. quod, quia omnis motus est ex aliquo in aliquid, necesse est quod sit determinatus. Unde etiam una circulatio caeli est determinata: sed motus caeli dicitur infinitus secundum diversas circulationes sibi succedentes.

[71188] Sur le De caelo, II, 9, 5. Ensuite quand il dit : Ğ mais ni ğ, etc., il montre qu’il est impossible que le mouvement du ciel accélère toujours ou bien ralentisse toujours ; et cela pour deux raisons. La première d’entre elles est que l’accélération et le ralentissement de n’importe quel mouvement irrégulier cessent à la limite du mouvement même, de même que le mouvement naturel accélère jusqu’à une limite et que, pareillement, le mouvement violent ralentit jusqu’à une limite. Donc, si l’accélération ou le ralentissement du mouvement du ciel n’est jamais limité, mais continue à l’infini, il s’ensuit que ce mouvement est infini et indéterminé. Et il est évident que c’est faux : car le livre VI de la Physique a prouvé que, puisque tout mouvement va d’une chose vers une autre, il est nécessaire qu’il soit déterminé. [288b30] De ce fait, le mouvement circulaire du ciel est déterminé : mais le mouvement du ciel est dit infini en raison de divers mouvements circulaires qui se succèdent.

[71189] In De caelo, lib. 2 l. 9 n. 6 Secundam rationem ponit ibi: adhuc autem si quis et cetera. Et dicit quod hoc etiam esse impossibile est manifestum, si quis concedat esse aliquod tempus minimum, ita quod in minori non contingat moveri caelum. Quilibet enim motus vel actio habet determinatum tempus, quod non transcendit: quamvis enim tempus sit divisibile in infinitum, non tamen est possibile citharizare vel ambulare in quocumque tempore; sed quilibet actus habet determinatum minimum tempus, quod non excedit velocitate, ut scilicet in minori tempore perficiatur. Unde nec caelum possibile est moveri in quocumque tempore, sed habet aliquod minimum tempus determinatum. Ex quo patet quod non semper intenditur velocitas motus eius, quia sic velocitas eius excederet quodlibet minimum tempus. Si vero non semper potest intendi motus caeli, pari ratione neque semper potest remitti, quia eadem ratio est de uno et de altero: sicut enim est minimum tempus alicuius actionis, ita et maximum in quo peragitur.

[71189] Sur le De caelo, II, 9, 6. Il établit une seconde raison ici : Ğ en outre, si on ğ, etc. Il dit qu’il est manifeste que c’est impossible aussi, si on concède qu’il a une durée minimale telle que le ciel n’est pas susceptible de se déplacer dans un temps plus court. En effet, n’importe quel mouvement ou action a une durée déterminée, qu’il ne dépasse pas : car bien que le temps soit divisible à l’infini, il n’est pourtant pas possible de jouer de la cithare ou de se promener pendant n’importe quelle durée ; mais n’importe quel acte a une durée minimale déterminée, qu’il ne dépasse pas en vitesse, pour être accompli en un temps plus bref. De ce fait, il n’est pas possible non plus que le ciel se déplace pendant n’importe quelle durée, mais il a une durée minimale déterminée. Il est donc clair que la rapidité de son mouvement n’accélère pas toujours, puisque, ainsi, sa rapidité franchirait n’importe quelle durée minimale. Or si le mouvement du ciel ne peut pas toujours accélérer, [289a1] il ne peut pas non plus toujours ralentir pour une raison semblable, puisque la même raison porte sur une chose et une autre : en effet, de même qu’une action a une durée minimale, de même elle a aussi une durée maximale, pendant laquelle elle est accomplie.

[71190] In De caelo, lib. 2 l. 9 n. 7 Posset autem aliquis praedictae rationi obviare, dicendo quod semper intenditur velocitas motus caeli, et tamen nunquam transcenditur quoddam minimum tempus datum, si quidem fiat appositio velocitatis non aequalis aut maior, sed semper minor et minor; sicut dicitur in III Physic. quod, si linea dividatur secundum eandem proportionem, puta ut subtrahatur a tota linea tertia pars, et iterum a residuo tertia pars, et a residuo iterum tertia pars, hoc poterit in infinitum procedere; et si eorum quae subtrahuntur posterius addatur priori, fiet in infinitum additio, nec tamen pervenietur unquam ad quantitatem totius lineae, quia semper erit aliquid residuum de linea quae dividebatur. Si tamen semper subtraheretur pars aequalis quantitatis vel maioris, et adderetur ad id quod prius acceptum est, oporteret transcendere omnem quantitatem determinatam. Et similiter dicit hic intelligendum esse quod transcendetur omne minimum tempus datum, quod est transcendere omnem magnitudinem velocitatis, si semper per infinitum tempus addatur aequalis velocitas vel etiam maior. Si vero prius adderetur magna velocitas, et postea minor, et sic inde, sicut dictum est in divisione et additione lineae, non transcenderetur omnis velocitas, nec omne minimum tempus; cum non esset pura intensio, sed intensio remissioni adiuncta, quia movens non posset semper aequaliter addere ad velocitatem.

[71190] Sur le De caelo, II, 9, 7. Or on pourrait faire une objection au raisonnement précédent, en disant que la rapidité du mouvement céleste s’accroît toujours et que pourtant elle ne dépasse jamais un temps minimal donné, si vraiment ce que l’on ajoute à la vitesse n’est pas égal ou plus grand, mais toujours plus petit, de même que le livre III de la Physique dit que, si une ligne est divisée selon la même proportion, par exemple de telle sorte qu’un tiers est soustrait à la ligne tout entière, puis un tiers au reste, et de nouveau un tiers au reste, cela pourrait continuer à l’infini ; et si on ajoute ensuite la quantité précédente à ce qui est soustrait, l’addition se fera à l’infini, et pourtant on ne parviendra jamais à la quantité de la ligne tout entière, puisqu’il restera toujours quelque chose de la ligne qui était divisée. Cependant, si on soustrayait toujours une partie égale ou plus grande, et si on l’ajoutait à ce qui a été considéré auparavant, il faudrait dépasser toute la quantité déterminée. Et, de la même façon, il dit ici qu’il faut comprendre que toute durée minimale donnée est dépassée, ce qui revient à dépasser toute grandeur de vitesse, si on ne cesse d’ajouter une vitesse égale ou même plus grande pendant un temps infini. Or si on ajoute d’abord une grande vitesse, puis une plus petite, et ainsi de suite, comme on l’a dit à propos de la division et de l’addition faites à une ligne, la vitesse toute entière n’est pas dépassée, ni le temps minimal tout entier, comme l’accélération n’est pas pure, mais ajoutée à un ralentissement, puisque le moteur ne pourrait pas toujours ajouter la même grandeur à la vitesse.

[71191] In De caelo, lib. 2 l. 9 n. 8 Deinde cum dicit: relinquitur itaque etc., ostendit impossibile esse quod vicissim intendatur et remittatur motus caeli; et hoc dupliciter. Primo quidem quia hoc videtur penitus esse irrationabile, et simile fictioni: nulla enim ratio assignari potest huius vicissitudinis. Secundo quia talis diversitas in motu caeli non lateret; opposita enim iuxta se posita magis sentiuntur: et tamen nihil tale percipimus. Unde relinquitur quod in motu caeli nulla sit irregularitas. Ultimo autem, quia hic finit suam considerationem de toto caelo, epilogat intantum dictum esse quod sit unum tantum caelum, et quod sit ingenitum et sempiternum, et quod regulariter moveatur.

[71191] Sur le De caelo, II, 9, 8. Ensuite quand il dit : Ğ c’est pourquoi il reste ğ, etc., il montre qu’il est impossible [289a5] que le mouvement s’accélère et ralentisse tour à tour ; et cela pour deux raisons. Premièrement puisque cela semble profondément irrationnel et pareil à de la fiction : en effet on ne peut attribuer aucune raison à cette alternance. Deuxièmement puisqu’une telle diversité ne serait pas cachée dans le mouvement du ciel ; en effet, on se rend mieux compte des contraires juxtaposés ; et pourtant nous ne percevons rien de tel. Il résulte qu’il n’y a aucune irrégularité dans le mouvement du ciel. Enfin, puisqu’il termine ici ses considérations sur la totalité du ciel, il conclut en disant qu’il y a seulement un ciel, qu’il est inengendré et éternel et qu’il se déplace [289a10] régulièrement.

 

 

Lectio 10

Leçon 10 – [La nature des étoiles]

[71192] In De caelo, lib. 2 l. 10 n. 1 Postquam philosophus determinavit de caelo, hic determinat de stellis. Et primo determinat veritatem; secundo movet quasdam dubitationes et solvit, ibi: duabus autem dubitationibus et cetera. Circa primum quatuor facit: primo determinat de natura stellarum; secundo de motu earum, ibi: quoniam autem videntur etc.; tertio de ordine earum, ibi: de ordine autem ipsorum etc.; quarto de figura earum, ibi: figuram autem uniuscuiusque et cetera. Circa primum tria facit: primo dicit de quo est intentio; secundo manifestat veritatem, ibi: rationabilissimum autem etc.; tertio excludit obiectionem, ibi: calor autem ab ipsis et cetera. Dicit ergo primo quod, postquam determinatum est de toto caelo, consequens est ut dicamus de his quae vocantur astra, ex quibus constant, idest ex qua natura sint, et quam figuram habeant, et quales sint motus eorum.

[71192] Sur le De caelo, II, 10, 1. Après que le philosophe a traité du ciel, il traite ici des étoiles. Et il détermine premièrement la vérité ; il écarte deuxièmement certains doutes et les résout, ici : Ğ par deux hésitations ğ, etc. Concernant le premier point, il fait quatre choses : premièrement il traite de la nature des étoiles ; deuxièmement de leur mouvement, ici : Ğ puisqu’elles semblent ğ, etc. ; troisièmement de leur ordre, ici : Ğ à propos de leur ordre ğ, etc. ; quatrièmement de leur configuration, ici : Ğ la configuration de chacune ğ, etc. Concernant le premier point, il fait trois choses : premièrement il dit sur quoi porte son intention ; deuxièmement il montre la vérité, ici : Ğ le plus rationnel ğ, etc. ; troisièmement il exclut une objection, ici : Ğ or la chaleur par elles ğ, etc. Il dit donc premièrement que, après avoir traité du ciel tout entier, il est logique de dire, à propos de ce qu’on appelle les astres, Ğ de quels éléments ils sont constitués ğ, c’est-à-dire quelle est leur nature, quelle configuration ils ont, et quels sont leurs mouvements.

[71193] In De caelo, lib. 2 l. 10 n. 2 Deinde cum dicit: rationabilissimum autem etc., ostendit ex qua natura sint corpora stellarum. Et primo proponit quod intendit, dicens quod ponere unamquamque stellam esse de natura corporis sphaerici in quo movetur, est in se consideratum valde rationabile, eo quod loca consequuntur naturas corporum; unde rationabile est quod stellae pertineant ad naturam sphaerae in qua situantur. Consequitur etiam hoc ex necessitate ad ea quae supra diximus. Dictum est enim quod caelum habet naturam aliam praeter naturam quatuor elementorum, propter hoc quod habet alium motum naturalem a motibus elementorum, scilicet motum circularem; unde, cum stellae moveantur circulariter sicut sphaerae caelestes, consequens est quod habeant eandem naturam cum sphaeris caelestibus, et differant a natura quatuor elementorum.

[71193] Sur le De caelo, II, 10, 2. Ensuite quand il dit : Ğ le plus rationnel ğ, etc., il montre de quelle nature sont les corps des étoiles. Et il expose premièrement ce qu’il recherche, disant qu’il est tout à fait rationnel d’établir que chaque étoile est de la nature du corps sphérique [289a15] où elle se déplace, considéré en soi, parce que les lieux suivent les natures des corps ; de ce fait, il est rationnel que les étoiles appartiennent à la nature de la sphère où elles sont situées. C’est aussi la conséquence nécessaire de ce que nous avons dit ci-dessus. Car on a dit que le ciel a une nature différente des quatre éléments, étant donné qu’il a un mouvement naturel différent du mouvement des éléments, à savoir un mouvement circulaire ; donc comme les étoiles se déplacent circulairement à la manière des sphères célestes, il est logique que leur nature soit la même que les sphères célestes et qu’elle soit différente des quatre éléments.

[71194] In De caelo, lib. 2 l. 10 n. 3 Sed circa hoc videtur esse duplex dubitatio. Prima quidem dubitatio est quia corpora stellarum videntur habere differentiam ad corpora sphaerarum caelestium, ex eo quod sunt lucida et videntur spissiora; et ita videtur in corporibus caelestibus esse aliqua contrarietas. Contrarietas autem est causa corruptionis. Videtur ergo quod corpora caelestia sint corruptibilia secundum suam naturam; quod est contra ea quae in primo libro determinata sunt. Et ad hoc dicendum est quod non omnis diversitas, proprie loquendo, habet rationem contrarietatis; sed ad hoc quod aliqua diversa sint contraria, duo requiruntur. Quorum unum est quod sint nata aliqualiter esse in eodem subiecto, vel proximo vel saltem remoto: calor enim contrariatur frigori, quod tamen non est natum esse in igne, sed est natum esse in materia ignis, quae est primum subiectum. Secundo requiritur quod diversa quae sunt contraria, non possint esse simul, sed mutuo se expellant. Unde album et nigrum, secundum quod sunt in materia, sunt contraria mutuo se expellentia; secundum tamen quod sunt in intellectu, non habent contrarietatem, sed sunt simul; quinimmo unum eorum cognoscitur per aliud. Formae autem vel qualitates diversae quae videntur esse in corporibus caelestibus, nullo modo sunt natae esse in eodem, nec sicut in proximo, nec sicut in primo subiecto: non enim corpus stellae est natum reduci ad dispositionem ceterarum partium sphaerae caelestis, sed nec e converso. Similiter etiam oportet dicere formas seu qualitates contrarias quae sunt in inferioribus corporibus, esse aliqualiter in corporibus caelestibus, non quidem univoce, sed sicut in causis universalibus, per quandam similitudinem, ad modum quo formae quae sunt particulariter in materia sensibili, sunt universaliter in intellectu. Et ideo, sicut nec in intellectu, ita nec in corporibus caelestibus sunt sub ratione contrarietatis. Unde et Plato dixit quod in corporibus caelestibus sunt excellentiae seu sublimitates elementorum, quasi primordialia eorum activa principia: comparantur enim corpora caelestia ad elementaria, sicut activa ad passiva. Et ideo e contrario accidit in corporibus caelestibus et elementaribus. Nam corpora elementaria, quanto magis congregantur per inspissationem, tanto sunt magis materialia et passiva, et minus habentia de luce, sicut patet in terra, quae etiam dominatur in corporibus mixtis: sed in corporibus caelestibus, quanto est maior congregatio per modum inspissationis, tanto magis multiplicatur luminositas et virtus activa, sicut patet in ipsis corporibus stellarum. Sic igitur patet quod talis diversitas quae in corporibus caelestibus apparet, non videtur habere rationem contrarietatis. Unde non sequitur quod sint susceptiva corruptionis. Sequeretur autem hoc si ibi esset vera contrarietas, sicut in primo Aristoteles ostendit.

[71194] Sur le De caelo, II, 10, 3. Mais sur ce point le problème semble être double. Le premier est que les corps des étoiles semblent avoir une différence avec les corps des sphères célestes, du fait qu’elles sont brillantes et qu’elles semblent plus compactes ; et ainsi il semble qu’il y ait une opposition avec les corps célestes. Or l’opposition est cause de corruption. Donc il semble que les corps célestes soient corruptibles selon leur nature, ce qui est contraire à ce qui a été déterminé dans le premier livre. Et à cela il faut dire que toute différence, à proprement parler, ne contient pas de principe d’opposition ; mais on recherche deux choses pour montrer que des corps différents sont opposés. La première d’entre elles est qu’ils sont destinés à être de quelque manière dans le même sujet, qu’il soit très proche ou éloigné ; car la chaleur est contraire au froid, qui cependant n’est pas destiné à se trouver dans le feu, mais dans la matière du feu, qui est son premier sujet. La deuxième porte sur le fait que des corps différents qui sont opposés ne peuvent être en même temps, mais se repoussent mutuellement. De ce fait, le blanc et le noir, dans la mesure où ils sont dans la matière, sont des contraires qui se repoussent mutuellement ; cependant, quand ils sont dans l’intellect, ils ne contiennent pas d’opposition, mais existent en même temps ; bien au contraire, l’un est connu grâce à l’autre. Les formes ou les qualités différentes qui semblent être chez les corps célestes ne sont en aucune manière destinées à se trouver dans le même sujet, ni dans le plus proche, ni dans le premier : en effet, le corps d’une étoile n’est pas destiné à être ramené à la disposition de toutes les autres parties de la sphère céleste, mais l’inverse n’est pas vrai. De la même façon, il faut aussi dire que les formes ou les qualités opposées qui se trouvent chez les corps inférieurs se trouvent de quelque manière chez les corps célestes, non certes de façon univoque, mais comme dans les causes universelles, par une certaine ressemblance, de la manière dont les formes qui se trouvent particulièrement dans la matière sensible se trouvent universellement dans l’intellect. Et c’est pourquoi, de même qu’elles ne sont pas dans l’intellect sous le rapport de l’opposition, de même elles ne le sont pas dans les corps célestes. De ce fait, Platon lui aussi a dit que dans les corps célestes se trouvent les excellences ou les grandeurs des éléments, en quelque sorte leurs principes actifs primordiaux : car les corps célestes sont comparés aux éléments, comme les principes actifs aux principes passifs. Et c’est pourquoi cela arrive au contraire aux corps célestes et élémentaires. Car les corps élémentaires, plus ils sont assemblés en profondeur, plus ils sont matériels et passifs, et moins ils ont de lumière, comme on le voit dans la terre, qui domine aussi dans les corps mixtes : mais dans les corps célestes, plus les éléments s’assemblent en profondeur, plus la luminosité et la vertu active se multiplient, comme on le voit dans les corps mêmes des étoiles. Ainsi donc il est évident qu’une telle différence qui se manifeste dans les corps célestes ne semble pas avoir de rapport d’opposition. Il ne s’ensuit pas qu’ils soient susceptibles d’être corrompus. Or cela s’ensuivrait s’il y avait ici une vraie opposition, comme Aristote l’a montré dans le premier livre.

[71195] In De caelo, lib. 2 l. 10 n. 4 Secunda dubitatio est quia, cum in corpore caelesti appareat diversitas inter stellas et reliquas partes sphaerarum, videtur quod non sint simplicia corpora. Sed dicendum est quod intantum dicuntur corpora simplicia, inquantum non sunt composita ex contrariis naturis. Est tamen in eis aliqua diversitas secundum naturam speciei, licet conveniant in natura generis; sicut conveniunt in communi ratione motus, quia omnia circulariter moventur.

[71195] Sur le De caelo, II, 10, 4. Le second doute porte sur le fait que, puisque, dans le corps céleste, une différence apparaît entre les étoiles et les autres parties des sphères, il semble que ce ne soient pas des corps simples. Mais il faut dire qu’elles sont appelées corps simples dans la mesure où elles ne sont pas composées de natures opposées. Cependant en elles la différence porte sur la nature de leur espèce, bien qu’elles s’accordent dans la nature de leur genre, tout comme elles s’accordent dans le rapport commun du mouvement, puisque toutes se déplacent circulairement.

[71196] In De caelo, lib. 2 l. 10 n. 5 Secundo ibi: sicut enim ignea etc., ostendit hoc etiam esse consonum aliqualiter dictis aliorum: dicens quod, sicut illi qui dicunt stellas esse igneas, propterea hoc dicunt quia caeleste corpus existimant ignem esse, quasi rationabile sit quod unumquodque astrum constet ex natura illarum sphaerarum in quibus est; ita etiam et nos dicimus quod stellae sunt de natura alia a natura quatuor elementorum, propter hoc quod supra probavimus caelos tales esse.

[71196] Sur le De caelo, II, 10, 5. Deuxièmement ici : Ğ car de même que de feu ğ, etc., il montre que cette idée est en accord, de quelque manière, avec les propos des autres : disant que, de même que ceux qui déclarent que les étoiles sont de feu, ils le disent parce qu’ils pensent que le corps céleste est un feu, comme s’il était rationnel pour eux que chaque astre soit constitué à partir de la nature des sphères dans lesquelles ils se trouvent ; ainsi nous disons nous aussi que les étoiles sont d’une nature différente des quatre éléments, parce que nous avons prouvé ci-dessus que les cieux sont tels.

[71197] In De caelo, lib. 2 l. 10 n. 6 Deinde cum dicit: calor autem ab ipsis etc., excludit obiectionem: quia quidam opinabantur stellas esse de natura ignis, sic argumentantes. Esse calidum et luminosum videtur esse proprium ignis; sed stellae calefaciunt et illuminant; ergo videtur quod sint de natura ignis. Et circa hoc tria facit: primo solvit hanc obiectionem per quoddam exemplum; secundo ostendit differentiam exempli ad propositum, ibi: hae quidem ipsae etc.; tertio respondet tacitae quaestioni, ibi: et hac maxime et cetera. Dicit ergo primo quod calor et lumen generatur a stellis per quandam contritionem sive confricationem aeris ex motu eorum, non propter hoc quod sunt ignea. Videmus enim quod motus natus est ignire et ligna et lapides et ferrum: unde multo magis rationabile est quod per motum possit igniri corpus quod est propinquius igni quam praedicta corpora; quia eorum quae sunt sibi propinquiora, facilior est transmutatio in invicem. Aer autem propinquius se habet ad ignem quam corpora praedicta: unde magis aer potest igniri ex motu quam praedicta corpora. Et ponit exemplum de sagittis, quae cum sint plumbeae quantum ad aliquam sui partem, ex vehementia motus sic calefiunt, ut quandoque liquescat plumbum. Et quia ipsae sagittae igniuntur ex motu, necesse est quod multo magis aer qui est in circuitu sagittarum igniatur. Nec hoc est intelligendum quod calefactio sagittarum sit causa calefactionis aeris, sicut Simplicius intellexit; sed magis est intelligendum quod calefactio aeris per motum sit causa calefactionis sagittarum, ut exposuit Alexander. Aristoteles enim vult probare per locum a minori, quod si sagittae calefiunt, necesse est quod aer circumstans calefiat, qui est propinquior igni, ut supra dixit: non autem per locum a causa, ut intellexit Simplicius.

[71197] Sur le De caelo, II, 10, 6. Ensuite quand il dit : Ğ or la chaleur par elles ğ, etc., il rejette une objection : certains pensaient que les étoiles étaient de la nature du feu, en argumentant ainsi. Le fait d’être chaud et lumineux semble être propre au feu ; mais les étoiles produisent de la chaleur et de la lumière ; donc il semble qu’elles soient de la nature du feu. Et concernant cela il fait trois choses : premièrement il repousse cette objection par un exemple ; deuxièmement il montre la différence entre cet exemple et la proposition, ici : Ğ celles-ci mêmes ğ, etc. ; troisièmement il répond à une question tacite, ici : Ğ et par celle-ci surtout ğ, etc. Il dit donc premièrement que la chaleur [289a20] et la lumière sont engendrées par les étoiles qui brisent ou frottent l’air en se déplaçant, non parce qu’elles sont de feu. Car nous voyons que le mouvement est fait pour brûler le bois, les pierres et le fer : il est donc beaucoup plus rationnel que le corps qui est plus proche du feu que les corps dont on a parlé puisse être brûlé par le mouvement, puisque ceux qui sont plus proches de lui se métamorphosent plus facilement. Or l’air est plus proche du feu que les corps dont on a parlé : l’air peut donc être davantage brûlé à cause du mouvement que les corps mentionnés. Et il établit un exemple concernant des flèches, qui, lorsqu’une de leurs parties est en plomb, se réchauffent en raison d’un mouvement si violent que le plomb [289a25] se liquéfie parfois. Et puisque les flèches elles-mêmes brûlent à cause du mouvement, il est nécessaire que l’air qui est autour des flèches brûle beaucoup plus. Et il ne faut pas comprendre que l’incandescence des flèches est la cause de celle de l’air, comme Simplicius l’a compris ; mais il faut plutôt comprendre que l’incandescence de l’air due au mouvement est la cause de celle des flèches, comme l’a exposé Alexandre. Car Aristote veut prouver par un argument a minori que si les flèches sont échauffées, il est nécessaire que l’air qui se trouve autour soit échauffé, lui qui est plus près du feu, comme on l’a dit ci-dessus : ce n’est pas un argument a causa, comme Simplicius l’a compris.

[71198] In De caelo, lib. 2 l. 10 n. 7 Deinde cum dicit: hae quidem ipsae etc., ostendit differentiam exempli inducti ad propositum. Et dicit quod ipsae sagittae calefiunt propter hoc quod feruntur per aerem; qui quidem aer ignitur ex motu propter plagam, idest propter percussionem et divisionem quam patitur a sagitta; unde ex contactu aeris calefacti sagittae calefiunt. Sed hoc non accidit in stellis: quia unaquaeque stellarum non fertur per aerem, sed in propria sphaera separata ab aere. Et ideo ipsae stellae non igniuntur nec calefiunt: tum quia sunt longe ab aere, qui ignitur per motum; tum etiam quia non sunt susceptivae peregrinae impressionis. Sed aer qui existit sub sphaera corporis circularis, necesse est quod incalescat per motum sphaerae caelestis: quia scilicet ex ipso motu sphaerae caelestis movetur non solum ignis, sed etiam aer (usque scilicet ad istum aerem qui infra montes continetur), ut apparet ex motu comatarum stellarum, ut dicitur in I Meteor.

[71198] Sur le De caelo, II, 10, 7. Ensuite quand il dit : Ğ ces flèches elles-mêmes ğ, etc., il montre la différence entre l’exemple introduit et la proposition. Et il dit que les flèches elles-mêmes s’échauffent parce qu’elles sont portées dans l’air, qui est brûlé sous l’effet du mouvement en raison du Ğ coup ğ, c’est-à-dire en raison de la percussion et de la division dont il souffre à cause de la flèche ; les flèches s’échauffent donc au contact de l’air réchauffé. Mais cela n’arrive pas aux étoiles, puisque chacune d’entre elles n’est pas transportée par l’air, mais portée dans sa propre sphère séparée de l’air. Et c’est pourquoi les étoiles elles-mêmes ne brûlent ni ne s’échauffent, d’une part parce qu’elles sont loin de l’air, qui brûle du fait du mouvement, d’autre part aussi parce qu’elles ne sont pas sensibles à une impression étrangère. Mais l’air [289a30] qui se trouve sous la sphère du corps circulaire s’enflamme nécessairement à cause du mouvement de cette sphère céleste, puisque sont déplacés par le mouvement même de la sphère céleste non seulement le feu, mais aussi l’air (jusqu’à l’air qui est contenu sous les montagnes), comme le montre le mouvement des comètes, comme le dit le livre I des Météorologiques.

[71199] In De caelo, lib. 2 l. 10 n. 8 Deinde cum dicit: et hac maxime etc., respondet tacitae obiectioni. Si enim per motum sphaerae caelestis aer inferior ignitur, cum sphaera caelestis continue moveatur, videtur esse consequens quod semper debeat esse aequalis calor in aere, scilicet aestate et hieme, nocte et die; cuius contrarium videmus. Sed ad hoc ipse respondet quod maxime aer ignitur per motum illius sphaerae cui sol est infixus; et ideo generatur calor propter propinquitatem solis ad nos. Et hoc dupliciter: uno modo secundum quod per suum ortum ascendit ad nostrum hemisphaerium superius; alio modo inquantum accedit ad summitatem capitum nostrorum; sicut enim est maior calor in die quam in nocte, ita etiam est maior calor in meridie quam in mane. Ultimo autem concludit epilogando tantum dictum esse de stellis, quod neque ipsae sunt igneae naturae, neque etiam feruntur in corpore igneo, sed supra sphaeram ignis in sphaeris caelestibus.

[71199] Sur le De caelo, II, 10, 8. Ensuite quand il dit : Ğ et principalement là ğ, etc., il répond à une objection tacite. En effet, si l’air inférieur est brûlé par le mouvement de la sphère céleste, puisque cette dernière se déplace continûment, il semble être logique que la chaleur de l’air doive toujours être égale, à savoir en été et en hiver, la nuit et le jour ; or nous constatons le contraire. Mais il répond lui-même à cette objection que l’air est principalement brûlé par le mouvement de la sphère à laquelle le Soleil est fixé ; et c’est pourquoi la chaleur est engendrée par la proximité du Soleil avec nous. Et cela de deux manières : d’une part en s’élevant vers notre hémisphère supérieur par son lever ; d’autre part en parvenant au-dessus de nos têtes ; en effet, de même que la chaleur est plus grande le jour que la nuit, de même elle est aussi plus forte à midi que le matin. Enfin il conclut que l’on a seulement dit des étoiles qu’elles ne sont pas elles-mêmes de la nature du feu, et qu’elles ne sont pas transportées dans un corps de feu, mais sous une sphère de feu dans les sphères célestes. [289a35]

[71200] In De caelo, lib. 2 l. 10 n. 9 Est autem hic primo dubium: cum Aristoteles proponat quod ex motu stellarum generetur calor et lumen, videtur insufficienter hoc manifestare, cum non manifestet de lumine, sed solum de calore. Et ad hoc respondet Alexander quod illud quod pertinet ad lumen, reservat ad determinandum ad librum de anima, in cuius secundo dicit quod lumen non est proprium ignis, sed est aliquid commune sibi et supremo corpori. Sed cum Aristoteles hic dicat quod utrumque eorum generatur ex contritione aeris, melius est ut dicamus quod utrumque Aristoteles hic manifestat, per hoc quod ostendit ex motu stellarum igniri inferiora corpora; in igne autem invenitur calor et lumen.

[71200] Sur le De caelo, II, 10, 9. Or une première question se pose : comme Aristote expose que la chaleur et la lumière sont engendrées par le mouvement des étoiles, il semble le montrer de façon insuffisante, comme il ne fait pas de démonstration sur la lumière, mais seulement sur la chaleur. Et à cela Alexandre répond qu’il réserve ce qui concerne la lumière au traité de l’Âme, où il dit, dans le second livre, que la lumière n’est pas propre au feu, mais que c’est quelque chose qu’il a en commun avec le corps suprême. Mais comme Aristote dit ici que les deux sont engendrées par le frottement de l’air, mieux vaut dire qu’Aristote le prouve ici en montrant que les corps inférieurs brûlent à cause du mouvement des étoiles ; or dans le feu se trouvent chaleur et lumière.

[71201] In De caelo, lib. 2 l. 10 n. 10 Sed adhuc dubium est, ex qua natura contingat quod motus habeat virtutem igniendi sive calefaciendi. Ad quod respondet Averroes in suo commento quod proprium est calidi esse mobile; et ideo cum aliquid actu movetur, fit etiam actu calidum. Sed hoc non videtur verum. Primo quidem quia moveri non est proprium calidi, sed cuiuslibet corporis naturalis: nam ea quae moventur motu recto, in suis locis quiescunt, moventur autem existentia extra sua loca; corpora autem caelestia moventur circulariter in suis locis, quae neque sunt calida neque frigida. Secundo quia posterius non est causa prioris: si ergo moveri sit proprium calidi, magis calor erit causa motus, quam e converso. Et ideo dicendum est quod, sicut probatur in VIII Physic., motus localis est primus motuum. In quolibet autem genere id quod est primum est causa eorum quae sunt post in eodem genere: unde motus localis est causa alterationis, quae est prima inter alios motus; et praecipue est causa primae alterationis, quae est calefactio. Alteratio enim secundum omnes alias qualitates, causatur ex alteratione primarum quatuor qualitatum; inter quas duae activae, scilicet calidum et frigidum, sunt priores passivis, scilicet humido et sicco; calidum autem est prius frigido, sicut forma privatione, ut patet ex supra dictis. Unde motus localis proprie est causa calefactionis. Habet autem hoc omnis motus localis ex virtute motus caelestis, qui est primus localium motuum.

[71201] Sur le De caelo, II, 10, 10. Mais on peut encore se demander selon quelle nature le mouvement est susceptible d’avoir la capacité de brûler ou de s’échauffer. À cela Averroès répond dans son commentaire qu’il est propre au chaud d’être mobile ; et c’est pourquoi lorsqu’une chose se déplace en acte, elle se réchauffe aussi en acte. Mais cela ne semble pas vrai. Premièrement puisque le mouvement n’est pas propre au chaud, mais à n’importe quel corps naturel : car les corps qui se déplacent par un mouvement droit se reposent dans leurs lieux propres, or ils se déplacent en étant en dehors de leurs lieux ; or les corps célestes se déplacent circulairement dans leurs lieux, eux qui ne sont ni chauds, ni froids. Deuxièmement ce qui est après n’est pas la cause de ce qui est avant : donc si le mouvement est propre au chaud, la chaleur sera la cause du mouvement, plutôt que l’inverse. Et c’est pourquoi il faut dire que, comme le prouve le livre VIII de la Physique, le mouvement local est le premier des mouvements. Dans n’importe quel genre ce qui est premier est la cause de ce qui est après dans le même genre : de ce fait, le mouvement local est la cause de l’altération, qui est le premier des autres mouvements ; et c’est principalement la cause de la première altération, qui est le réchauffement. En effet, l’altération, selon toutes les autres qualités, est causée par l’altération des quatre premières qualités, parmi lesquelles les deux actives, à savoir le chaud et le froid, sont avant les passives, à savoir l’humide et le sec ; or le chaud est antérieur au froid, comme la forme à l’absence de forme, comme le montrent les propos ci-dessus. Donc le mouvement local à proprement parler est la cause du réchauffement. Tout mouvement local tient cela de la puissance du mouvement céleste, qui est le premier des mouvements locaux.

[71202] In De caelo, lib. 2 l. 10 n. 11 Dubitatur autem ulterius, cum sol immediate non tangat neque aerem neque ignem, quomodo ex motu solis causatur calor in aere et in igne: non enim media corpora caelestia, scilicet sphaerae Veneris, Mercurii et lunae, ex motu solis calefiunt. Ad quod respondet Alexander quod nihil prohibet ab aliquo agente aliquid alterari per medium, ita tamen quod illud medium non alteretur; sicut piscis qui dicitur stupor, stupefacit manus piscatoris mediante reti, quod tamen non stupescit. Recipit tamen aliqualiter impressionem piscis secundum suum modum, alio tamen modo quam manus. Ita etiam sol imprimit aliquid in corpora caelestia media, non tamen calefactionem; sed impressio solis pervenit ad corpora inferiora per modum calefactionis, secundum eorum conditionem. Sed contra hanc responsionem videtur esse, quod Aristoteles dicit quod calor causatur in aere trito vel compresso per motum stellarum; hoc autem non est possibile, quod contritio vel compressio a motu solis perveniat ad aerem, nisi media corpora caelestia conterantur; quod est impossibile. Et ideo Averroes in commento dicit quod totum corpus caeleste movetur motu diurno quasi unum corpus, vel quasi unum animal totum; motus autem planetarum proprii sunt quasi motus partium animalis. Causatur autem calor in aere praecipue ex motu totius caeli, qui est motus diurnus: unde et Aristoteles dicit quod approximante sole, et oriente et super nos existente, generatur calor; quod quidem fit per motum diurnum. Manifestum est autem quod corpus alterans non alterat solum secundum extremam superficiem, qua tangit corpus alteratum, sed secundum suam totam profunditatem vel grossitiem: et huius signum est, quia corpus tenue non est ita efficax ad alterandum sicut corpus habens profunditatem vel grossitiem, supposita identitate naturae. Et ita totum caelum calefacit non solum secundum infimam sphaeram, sed secundum totam grossitiem caeli, quasi una alteratione. Et ideo alteratio sequitur in istis inferioribus non solum secundum orbem lunae, qui immediate contingit inferiora corpora; sed etiam secundum virtutem stellarum, in quibus est magis adunata et quasi commassata virtus activa caelestis corporis; et praecipue secundum virtutem solis, qui excedit alia corpora virtute et magnitudine. Quia igitur totum caelum agit ut unum corpus secundum motum diurnum, non est intelligendum quod seorsum una sphaera imprimat in aliam; sed quod totum caelum una impressione alteret inferiorem aerem virtute solis et aliarum stellarum, quando nobis appropinquant. Sed etiam haec ratio non videtur esse sufficiens, ut Simplicius dicit. Primo quidem quia, si secundum contritionem vel compressionem aeris ex motu caelestis corporis, praesente sole, causaretur calor aeris, primo quidem sequeretur quod loca quae sunt inferiora, minus calefierent, tanquam magis remota a motu calefaciente: nunc autem videmus contrarium, nam in planitie est maior calor quam in montibus. Secundo quia, cum sphaera terrae fere se habeat per modum puncti ad sphaeram solis, sol supra terram existens videtur ex omni parte quasi aequaliter esse nobis propinquus; et ita non deberet esse tanta differentia calefactionis ex sole, quanta apparet inter mane et meridiem, et inter hiemem et aestatem. Tertio quia nulla ratio esset quare minor esset calor in locis umbrosis, quam in locis in quibus radii solis percutiunt. Et eisdem rationibus probatur quod sol non calefacit quasi igneae naturae existens. Et ideo Simplicius dicit quod a solis corpore egrediuntur radii, quos dicit esse corporales; et quod per caelestia corpora quae sunt infra solem, quae sunt immaterialia, sine prohibitione penetrare possunt; per aerem autem penetrant propter aeris poros; sed a corporibus solidis, scilicet terra et aqua, reflectuntur ad aequales angulos (quia, ut probant perspectivi, omnis reflexio fit ad aequales angulos). Quando ergo radius solaris percutit terram diametraliter, radius reflectitur in seipsum, et sic fit maxima inspissatio, quae causat maximum calorem: et hoc contingit quando sol est directe super summitatem capitum nostrorum. Quanto autem sol magis recedit a summitate capitum nostrorum, tanto reflexio radii fit ad magis distans, et ideo generatur minor calor: et inde est quod in hieme, et apud ortum solis vel occasum, fit minor calor in aere, quia radii solares percutiunt terram secundum angulos magis obtusos, unde radii reflexi magis distant a radiis primo obiectis. Et propter hoc Aristoteles signanter non simpliciter dixit quod sole magis appropinquante generatur maior calor, sed addidit et oriente et super nos existente; ut intelligatur approximatio per respectum ad summitatem capitum nostrorum, non autem secundum quantitatem linearum a sole ad nos ductarum, quia fere ex omni parte sunt aequales. Et si quidem intelligat Simplicius in his verbis radios esse corpora confricantia aerem et inspissantia, et per hunc modum calefacientia, expresse falsum dicit: probat enim Aristoteles in II de anima quod radius neque est corpus neque defluxus corporis alicuius. Si vero dicat radios esse corporales, quia ad modum corporum se habent, inquantum directe proiiciuntur, et reflectuntur a corpore spisso quod radii penetrare non possunt, sic verum dicit: tales enim reflexiones per contra-resistentiam corporum, non solum competunt corporibus, sed etiam qualitatibus; nam et calor reflectitur cum invenit obstaculum, et similiter alia huiusmodi.

[71202] Sur le De caelo, II, 10, 11. En allant plus loin, on se demande, vu que le Soleil ne touche pas immédiatement ni l’air, ni le feu, comment le mouvement du Soleil transmet la chaleur à l’air et au feu : en effet, les corps célestes intermédiaires, à savoir les sphères de Vénus, de Mercure et de la Lune, ne se réchauffent pas à cause du mouvement du Soleil. À cela Alexandre répond que rien n’empêche qu’une chose soit altérée par un agent grâce à un intermédiaire, sans que cet intermédiaire ne soit altéré, de même que le poisson appelé torpille engourdit la main du pêcheur, par l’intermédiaire du filet, qui n’est cependant pas affecté. Il reçoit pourtant de quelque façon l’impression causée par le poisson à sa manière, mais différemment de la main. Ainsi le Soleil laisse aussi une impression aux corps célestes intermédiaires, mais ce n’est pas un réchauffement ; cependant l’impression du Soleil parvient aux corps inférieurs par mode de réchauffement, selon leur condition. Mais le fait qu’Aristote dise que la chaleur est causée dans l’air frotté ou comprimé par les étoiles en mouvement semble être contraire à cette réponse ; or il n’est pas possible que le frottement ou la compression produite par le mouvement du Soleil parvienne à l’air, si les corps célestes intermédiaires ne sont pas frottés ; or c’est impossible. Et c’est pourquoi Averroès dit dans son commentaire que le corps céleste tout entier se déplace dans son mouvement diurne comme un seul corps, ou comme un seul animal tout entier ; or les mouvements propres aux planètes sont en quelque sorte les mouvements des parties d’un animal. La chaleur de l’air est principalement causée par le mouvement du ciel tout entier, qui est le mouvement diurne : de ce fait, Aristote dit aussi que la chaleur est engendrée par le Soleil qui s’approche et se trouve à l’orient et au dessus de nous, ce qui se produit lors du mouvement diurne. Or il est manifeste qu’un corps qui altère n’altère pas seulement grâce à l’extrémité de sa surface, dont il touche le corps altéré, mais selon toute sa profondeur ou épaisseur ; et la preuve en est qu’un corps fin n’est pas aussi capable d’altérer qu’un corps qui a de la profondeur ou de l’épaisseur, une fois leur identité de nature supposée. Et ainsi le ciel tout entier se réchauffe non seulement dans la dernière partie de la sphère, mais dans toute son épaisseur, comme par une seule altération. Et c’est pourquoi l’altération passe chez ces corps inférieurs non seulement par le globe de la Lune, qui touche immédiatement les corps inférieurs, mais aussi par la puissance des étoiles, à laquelle la puissance active du corps céleste est davantage mêlée et pour ainsi dire assemblée, et principalement par la puissance du Soleil, qui dépasse les autres corps en puissance et grandeur. Donc puisque le ciel tout entier agit comme un seul corps selon le mouvement diurne, il ne faut pas comprendre qu’une seule sphère imprime ce mouvement à une autre séparément, mais que tout le ciel altère l’air inférieur en une seule impression grâce à la puissance du Soleil et des autres étoiles, quand ils s’approchent de nous. Mais aussi cette raison ne semble pas être suffisante, comme le dit Simplicius. Premièrement parce que, si la chaleur de l’air était causée par le frottement ou la compression de l’air produite par le mouvement du corps céleste, en présence du Soleil, il s’ensuivrait premièrement que les lieux qui sont inférieurs se réchaufferaient moins, étant donné qu’ils sont plus éloignés du mouvement qui crée la chaleur : or nous voyons maintenant le contraire, car la chaleur est plus intense dans les plaines que dans les montagnes. Deuxièmement parce que, comme la sphère de la Terre est à la façon d’un point par rapport à la sphère du Soleil, le Soleil qui se trouve au-dessus de la Terre semble être également proche de nous de toute part en quelque sorte ; et ainsi la différence du réchauffement produit par le Soleil ne devrait pas être aussi importante qu’elle apparaît entre le matin et midi, ainsi qu’entre l’hiver et l’été. Troisièmement parce qu’il n’y aurait aucune raison pour laquelle la chaleur serait moindre dans les lieux ombragés que dans les lieux qui sont frappés par les rayons du Soleil. Et pour les mêmes raisons il est prouvé que le Soleil ne produit pas de la chaleur étant, pour ainsi dire, de la nature du feu. Et c’est pourquoi Simplicius dit que les rayons, qu’il appelle corporels, quittent le corps du Soleil, qu’ils peuvent pénétrer sans entraves dans les corps célestes qui sont sous le Soleil et qui sont immatériels, qu’ils pénètrent l’air par ses pores, mais qu’ils sont réfléchis par les corps solides, à savoir la terre et l’eau, à angles droits (puisque, comme le prouvent les perspectives, toute réflexion se fait à angles droits). Donc quand un rayon de Soleil frappe la terre diamétralement, le rayon se reflète en lui-même, et ainsi a lieu une très grande compression, qui cause une très forte chaleur : et cela arrive quand le Soleil est directement au-dessus de nos têtes. Plus le Soleil s’éloigne du sommet de nos têtes, plus la réflexion du rayon se fait à une grande distance, et c’est pourquoi une moindre chaleur est engendrée ; et de là vient qu’en hiver, et au moment du lever ou du coucher du Soleil, la chaleur devient moins forte dans l’air, puisque les rayons solaires frappent la terre selon des angles plus obtus, qui éloignent davantage les rayons réfléchis des rayons projetés en premier. Et pour cette raison Aristote n’a pas dit simplement avec clarté que, lorsque le Soleil s’approche davantage, une chaleur plus intense est engendrée, mais il a ajouté : Ğ et qui se trouve à l’orient et au-dessus de nous ğ, afin que cette approche soit comprise par rapport au sommet de nos têtes, et non selon la quantité de lignes tracés vers nous en partant du Soleil, puisqu’elles sont égales presque de toutes parts. Et si Simplicius comprend par ces mots que les rayons sont des corps qui frottent ensemble l’air et le compriment, et qui le réchauffent de cette manière, il est clairement dans l’erreur : car Aristote prouve dans le livre II de l’Âme qu’un rayon n’est ni un corps, ni l’écoulement d’un corps. Mais s’il dit que les rayons sont corporels, puisqu’ils sont comme des corps, dans la mesure où ils sont projetés directement et qu’ils sont réfléchis par un corps compact que les rayons ne peuvent pénétrer, il dit vrai ainsi : car de telles réflexions par contre-résistance des corps conviennent non seulement aux corps, mais aussi aux qualités ; car la chaleur elle aussi est réfléchie lorsqu’elle trouve un obstacle, et d’autres choses de ce genre.

[71203] In De caelo, lib. 2 l. 10 n. 12 Si quis autem diligenter consideret, omnia quae dicta sunt aliqualiter vera sunt. Dicit enim Aristoteles quod a stellis generatur et calor et lumen, trito aere ab illorum latione. Quod non videtur sic intelligendum quasi calor et lumen generentur per aeris contritionem ex motu caelestium corporum: non enim agitur hic de lumine ignis generati ex motu, ut prius dicebatur, sed de lumine quod causatur ab ipsis stellis, inquantum sunt entia lucida in actu. Duplex est ergo causa caloris ex corporibus caelestibus in his inferioribus generati: una quidem causa est motus, alia causa est lumen. Quare autem motus causa sit calefactionis, supra dictum est. Non est autem intelligendum quod mutua contritio vel confricatio corporis caelestis et aeris sit causa caloris; sed solum motus aeris ex superiori motu caelestis corporis causatus. Movetur autem aer superior, et similiter ignis, secundum motum diurnum caeli totius, secundum virtutem solis et omnium stellarum, ut Averroes dicit. Secunda autem causa calefactionis corporum inferiorum ab astris, et praecipue a sole, est lumen. Quod quidem habet virtutem calefaciendi inquantum est qualitas activa primi alterantis, scilicet caeli; unde directe causat qualitatem primam inferiorum corporum, quae est calor. Et quia haec qualitas, scilicet lumen, magis abundat in sole, inde est quod est maxime potens ad calefaciendum. Reliqua autem caelestium corporum, inquantum participant de lumine, quae est universalis virtus activa caelestium corporum, habent virtutem calefaciendi; intantum quod etiam lumen lunae est calefactivum, secundum id quod philosophus dicit in libro de partibus animalium, quod noctes plenilunii sunt calidiores, unde quidam pisces moventur ad superficiem aquae. Quod autem quaedam astra dicantur infrigidare vel humectare, Averroes in commento dicit hoc non esse per se, sed inquantum agunt calorem proportionatum unicuique corpori: unde reprehendit Avicennam, qui dicit quod stellae faciunt et infrigidationem et calefactionem. Sed in hoc non recte dicit Averroes. Illud enim videtur esse per accidens, quod non per se producitur ab agente. Corpora autem caelestia sunt agentia eorum quae sunt hic. Si igitur non per se agerent frigiditatem et humiditatem et alia huiusmodi, sequeretur quod ista essent per accidens in universo. Item, cum omnes formae substantiales inferiorum corporum sint ex virtute caelestium corporum, consequens est quod ex eorum virtute sint etiam qualitates consequentes species seu formas elementorum, quae sunt calidum, frigidum, humidum et siccum, et alia huiusmodi. Dicendum est ergo quod omnia corpora caelestia, secundum communem virtutem luminis, habent calefacere; sed secundum alias proprias virtutes singulis corporibus attributas, habent non solum calefacere et infrigidare, sed etiam omnes alios effectus corporales efficere in istis inferioribus. Et secundum influentiam luminis et harum virtutum, verum est quod Alexander dixit, media corpora caelestia recipere impressionem solis alio modo quam corpora inferiora. Est igitur considerandum quod, secundum quod calor causatur in inferioribus corporibus ex motu astrorum et totius caeli, corpora propinquiora caelo, scilicet ignis et superior aeris pars, quae circumferuntur secundum motum caeli, sunt calidiora: secundum autem quod ex lumine stellarum causatur calor, sunt calidiora ea quae sunt infima, quia in superioribus reflexiones radiorum magis disperguntur. Et inde est etiam quod circa terram plures species rerum generantur ex virtute radiorum solis et stellarum, quae per reflexionem circa terram multiplicantur.

[71203] Sur le De caelo, II, 10, 12. Si on y prête attention, tout ce qui a été dit est vrai de quelque manière. En effet Aristote dit qu’Ğ à la fois la chaleur et la lumière sont engendrées par les étoiles, qui ont déplacé l’air par frottement ğ. Et il ne semble pas qu’il faille comprendre cela comme si la chaleur et la lumière étaient engendrées par le frottement de l’air causé par le mouvement des corps célestes : en effet, il ne s’agit pas ici de la lumière du feu engendré par le mouvement, comme on le disait d’abord, mais de celle qui est causée par les étoiles elles-mêmes, dans la mesure où elles sont des étants lumineux en acte. La cause de la chaleur engendrée chez les corps inférieurs par les corps célestes est donc double : l’une est le mouvement, l’autre est la lumière. Pour quelle raison la cause du mouvement est celle du réchauffement, on l’a dit ci-dessus. Or il ne faut pas comprendre que le frottement ou la friction mutuels du corps céleste et de l’air est la cause de la chaleur, mais que seul le mouvement de l’air est causé par le mouvement supérieur du corps céleste. L’air supérieur se déplace, tout comme le feu, en suivant le mouvement diurne du ciel tout entier, selon la puissance du Soleil et de la totalité des étoiles, comme le dit Averroès. La seconde cause du réchauffement des corps inférieurs par les astres, et principalement par le Soleil, est la lumière. Et cette dernière possède la vertu de réchauffer dans la mesure où c’est une qualité active du premier corps qui altère, à savoir le ciel ; de ce fait, elle cause directement la première qualité des corps inférieurs, qui est la chaleur. Et puisque cette qualité, à savoir la lumière, est plus abondante dans le Soleil, de là vient qu’elle est au plus haut point capable de réchauffer. Le reste des corps célestes, dans la mesure où ils participent de la lumière, qui est la vertu universelle active des corps célestes, a la vertu de réchauffer, à tel point que même la lumière de la Lune est source de chaleur, d’après ce que dit le philosophe dans le livre sur les Parties des animaux, à savoir que les nuits de pleine Lune sont plus chaudes, si bien que certains poissons se déplacent vers la surface de l’eau. Quant au fait que certains astres, dit-on, refroidissent ou humidifient, Averroès dit dans son commentaire que ce n’est pas en soi, mais dans la mesure où ils produisent une chaleur proportionnée à chaque corps : par conséquent il blâme Avicenne, qui dit que les étoiles créent à la fois du refroidissement et du réchauffement. Mais Averroès a tort de dire cela. Car ce qui n’est pas produit en soi par un agent semble être par accident. Or les corps célestes sont les agents de ce qui est ici. Donc s’ils ne créaient pas par eux-mêmes du froid, de l’humidité et d’autres choses de ce genre, il s’ensuivrait que ces qualités seraient par accident dans l’univers. De même, comme toutes les formes substantielles des corps inférieurs sont issus de la puissance des corps célestes, il est logique que les qualités caractéristiques des espèces ou des formes des éléments soient aussi issues de leur puissance, à savoir le chaud, le froid, l’humide, le sec et autres qualités de ce genre. Il faut donc dire que tous les corps célestes, grâce à la puissance commune de la lumière, ont la capacité de réchauffer, mais que, grâce aux autres puissances propres attribuées à chaque corps céleste, ils peuvent non seulement réchauffer et refroidir, mais aussi produire tous les autres effets corporels chez ces corps inférieurs. Et concernant l’influence de la lumière et de ces autres puissances, ce qu’Alexandre a dit est vrai, à savoir que les corps célestes intermédiaires reçoivent l’impression du Soleil d’une autre manière que les corps inférieurs. Il faut donc considérer que, dans la mesure où la chaleur est causée, chez les corps inférieurs, par le mouvement des astres et du ciel tout entier, les corps les plus proches du ciel, à savoir le feu et la partie supérieure de l’air, qui tournent selon le mouvement du ciel, sont plus chauds ; or, dans la mesure où la chaleur est causée par la lumière des étoiles, ce qui est le plus bas est plus chaud, puisque dans les corps supérieurs les réflexions des rayons sont plus répandues. Et de là vient aussi que plusieurs espèces sont engendrées autour de la terre par la puissance des rayons du Soleil et des étoiles, qui se multiplient par réflexion autour d’elle.

[71204] In De caelo, lib. 2 l. 10 n. 13 Movet autem hic quaestionem Alexander: si corpora caelestia suo motu conterunt aerem, videtur sequi quod sint tangibilia; et ita videtur sequi quod sint calida et frigida; haec enim sunt primae tangibiles qualitates, ut dicitur in II de Generat. Sed ad hoc de facili patet responsio per id quod philosophus dicit in I de Generat., quod illa quae sunt nata agere et pati ad invicem, tangunt se ad invicem; et talium qualitates sunt calidum et frigidum. Corpora autem caelestia agunt et non patiuntur: unde tangunt et non tanguntur. Unde in corporibus caelestibus non sunt qualitates tangibiles per modum quo sunt in inferioribus corporibus, sed per modum eminentiorem, sicut in causa activa. Non est enim ibi calidum vel frigidum, humidum vel siccum, sed virtus quae est horum causativa. Similiter non est ibi grave et leve; sed loco horum est ibi aptitudo ad motum circularem. Rarum autem et densum invenitur in corporibus caelestibus, secundum quod astra sunt spissiora et magis commassata quam sphaerae eorum: non tamen secundum differentiam contrarietatis, sed solum secundum additionem et deminutionem virtutis, secundum maiorem et minorem congregationem partium.

[71204] Sur le De caelo, II, 10, 13. Or Alexandre soulève ici la question : si les corps célestes frottent l’air de leur propre mouvement, il semble logique qu’ils soient tangibles : et ainsi il semble logique qu’ils soient chauds et froids ; en effet ce sont les premières qualités tangibles, comme le dit le livre II de la Génération. Mais il est aisé de répondre à cela par ce que le philosophe dit dans le livre I de la Génération : les corps qui sont destinés à agir et à subir mutuellement, se touchent les uns les autres ; et les qualités de tels corps sont le chaud et le froid. Or les corps célestes agissent et ne subissent pas : de ce fait, ils touchent et ne sont pas touchés. Donc chez les corps célestes il n’y a pas de qualités tangibles de la manière dont elles sont chez les corps célestes, mais d’une manière plus éminente, comme dans la cause active. En effet ne se trouvent ici ni chaud, ni froid, ni humide, ni sec, mais la puissance qui leur est causative. De la même façon, il n’est pas ici de lourd et de léger ; mais à leur place se trouve ici l’aptitude au mouvement circulaire. Or le rare et le dense se trouvent dans les corps célestes, dans la mesure où les astres sont plus compacts et massifs que leurs sphères, mais non selon la différence qu’est l’opposition, mais suivant l’addition et la diminution de leur puissance, selon que leurs parties s’assemblent en un nombre plus grand ou plus petit.

 

 

Lectio 11

Leçon 11 – [le mouvement des étoiles]

[71205] In De caelo, lib. 2 l. 11 n. 1 Postquam philosophus ostendit qualis sit natura stellarum, hic determinat de motu earum. Et primo ostendit qualiter stellae moveantur; secundo ostendit utrum ex eorum motu sonus causetur, ibi: manifestum autem ex his et cetera. Circa primum, ostendit stellas non per se moveri, sed deferri eas motu orbium, tribus rationibus. Quarum prima sumitur per comparationem stellarum ad orbes. In qua quidem ratione unum praesupponit ex eo quod apparet secundum sensum: videmus enim et stellas et totum caelum moveri. Necesse est autem hoc contingere tribus modis: uno quidem modo ita quod utrumque quiescat, scilicet et stella et orbis; alio quidem modo ita quod utrumque moveatur; tertio vero modo ita quod unum eorum quiescat et alterum moveatur. Hac autem divisione posita, prosequitur tria membra praedicta.

[71205] Sur le De caelo, II, 11, 1. Après que le philosophe a montré quelle est la nature des étoiles, il traite ici de leur mouvement. Et il montre premièrement comment les étoiles se déplacent ; il montre deuxièmement si un son est produit par leur mouvement, ici : Ğ il est manifeste d’après cela ğ, etc. Concernant le premier point, il montre que les étoiles ne se déplacent pas par elles-mêmes, mais qu’elles sont entraînées par le mouvement des cercles, pour trois raisons. La première d’entre elles est tirée de la comparaison des étoiles avec les cercles. Dans ce raisonnement il fait une supposition à partir de ce qui apparaît selon les sens : car nous voyons à la fois les étoiles et le ciel tout entier se déplacer. Or il est nécessaire que cela arrive de trois manières : premièrement quand les deux sont immobiles, à savoir les étoiles et le cercle ; deuxièmement quand les deux se déplacent ; troisièmement quand l’un est au repos et l’autre se déplace. Après avoir établi cette distinction, il s’attache à exposer les trois membres de proposition déjà mentionnés.

[71206] In De caelo, lib. 2 l. 11 n. 2 Et primo prosequitur primum, cum dicit: utraque quidem igitur et cetera. Circa quod dicit quod impossibile est dicere quod utrumque quiescat, scilicet stella et orbis, si supponatur quod etiam terra quiescat: non enim posset salvari apparens motus stellarum, si et stellae quae videntur moveri quiescerent, et homines qui vident. Quod enim motus appareat, causatur vel ex motu visibilis vel ex motu videntis. Et ideo quidam, ponentes stellas et totum caelum quiescere, posuerunt terram in qua nos habitamus, moveri ab occidente in orientem circa polos aequinoctiales qualibet die semel; et ita per motum nostrum videtur nobis quod stellae in contrarium moveantur; quod quidem dicitur posuisse Heraclitus Ponticus et Aristarchus. Supponit autem Aristoteles ad praesens quod terra quiescat, quod postmodum probabit. Unde relinquitur, remoto primo membro, quo ponebatur caelum et stellas quiescere, alterum duorum membrorum verificari: scilicet, vel quod utrumque moveatur, scilicet stella et orbis; vel quod unum eorum moveatur et alterum quiescat.

[71206] Sur le De caelo, II, 11, 2. [289b10] Et il s’attache d’abord au premier, quand il dit : Ğ donc les deux ğ, etc. Sur ce point il dit qu’il est impossible de dire que les deux sont immobiles, à savoir les étoiles et le cercle, si on suppose que la terre aussi est immobile : en effet on ne pourrait pas sauver le mouvement apparent des étoiles, si à la fois celles-ci, qui semblent se déplacer, et les hommes qui les voient étaient immobiles. Car l’apparition du mouvement est causée soit par le déplacement de ce qui est visible, soit par celui de celui qui voit. Et c’est pourquoi certains, en établissant que les étoiles et le ciel tout entier sont immobiles, ont établi que la terre dans laquelle nous habitons se déplace d’occident en orient autour des pôles de l’équinoxe une fois par jour ; et ainsi, à cause de notre mouvement, il nous semble que les étoiles se déplacent dans le sens contraire ; on dit qu’Héraclite le Pontique et Aristarque ont établi cela. [289b5] Or Aristote suppose à présent que la terre est immobile, ce qu’il prouvera par la suite. Il en résulte que, après avoir écarté le premier membre, où il établissait que le ciel et les étoiles sont au repos, il vérifie le second des deux autres, à savoir si les deux se déplacent, soit l’étoile et le cercle, ou bien si l’un se déplace et l’autre est immobile.

[71207] In De caelo, lib. 2 l. 11 n. 3 Deinde cum dicit: si quidem igitur ambo movebuntur etc., destruit alterum membrum, scilicet quod tam stella quam orbis moveatur. Et dicit quod si ambo moventur, videtur sequi quiddam quod est irrationabile, scilicet quod sit eadem velocitas stellae et circuli deferentis ipsam. Si enim utrumque movetur, oportet dicere quod velocitas uniuscuiusque stellae sit aequalis velocitati circuli in quo fertur: apparent enim stellae simul cum circulis redeuntes iterum in idem a quo incoeperant moveri. Et hoc quidem manifeste apparet, si loquatur de stellis fixis, quae sunt in sphaera octava. Nam omnes huiusmodi stellae simul cum tota sphaera videntur uno motu moveri; ita quod stella quae est in circulo aequinoctiali, qui est circulus maximus dividens sphaeram per medium, in eodem tempore circuit totum circulum suum magnum, in quo tempore alia stella quae est in minori circulo versus alterum polorum, circuit circulum suum parvum. Et sic, cum illud sit velocius quod in aequali tempore movetur per maius spatium, ut patet in VI Physic., sequitur quod stella, quanto est in maiori circulo, tanto sit velocioris motus. Et similiter quanto circulus erit maior, tanto motus eius erit velocior. Potest etiam hoc intelligi, ut Alexander dicit, adaptando ad circulos planetarum. Nam secundum quod moventur motu diurno, simul revolvuntur cum suprema sphaera, nisi inquantum per motus proprios planetae in suis circulis per aliquod spatium retrocedunt. Et quia circulus superioris planetae est maior, sequetur quod superior planeta sit velocior, quantum ad motum diurnum: quia in eodem tempore per maiorem circulum revolvitur. Sic igitur tam in stellis fixis quam in planetis, aliqualiter accidit quod simul stella pertransivit totum circulum, et quod circulus est motus proprio motu, pertranseundo propriam peripheriam, idest circumferentiam. Quod quidem intelligitur inquantum aliquod punctum signatum in circulo redit ad pristinum statum.

[71207] Sur le De caelo, II, 11, 3. Ensuite quand il dit : Ğ donc si les deux se déplacent ğ, etc., il ruine l’autre membre, à savoir qu’aussi bien l’étoile que le cercle se déplace. Et il dit que si les deux se déplacent, il semble résulter une absurdité, à savoir que la rapidité de l’étoile et du cercle qui la porte est la même. En effet, si les deux se déplacent, il faut que la vélocité de chaque étoile soit égale à celle du cercle qui la transporte : car les étoiles apparaissent en même temps que les cercles, quand elles reviennent de nouveau là où elles avaient commencé à se déplacer. Et cela apparaît clairement, si on parle des étoiles fixes, qui se trouvent sur la troisième sphère. En effet, toutes les étoiles de ce genre semblent se mouvoir en un seul mouvement en même temps que toute la sphère ; et c’est ainsi que l’étoile qui est sur le cercle de l’équateur, qui est le plus grand cercle et qui divise la sphère en son milieu, parcourt la totalité de son grand cercle, pendant le même temps que met une autre étoile qui est sur un cercle plus petit près de l’autre pôle à parcourir son petit cercle. Et ainsi, comme est plus rapide ce qui se déplace pendant une durée égale sur un plus grand espace, comme le montre le livre VI de la Physique, il s’ensuit que plus l’étoile sera sur un grand cercle, plus son mouvement sera rapide. Et, de la même façon, plus le cercle sera grand, plus son mouvement sera rapide. On peut aussi comprendre cela, comme Alexandre le dit, en l’adaptant aux cercles des planètes. Car dans la mesure où elles suivent le mouvement diurne, elles tournent en même temps que la sphère suprême, sauf quand elles rétrogradent sur une certaine distance en suivant leurs cercles de leurs propres mouvements. Et puisque le cercle de la planète supérieure est plus grand, il s’ensuit qu’elle est plus rapide, concernant le mouvement diurne, étant donné qu’elle tourne dans la même durée en suivant un plus grand cercle. Ainsi donc aussi bien pour les étoiles fixes que pour les planètes il arrive de quelque manière qu’ une étoile traverse tout le cercle en même temps que ce dernier est déplacé de son propre mouvement, en traversant sa propre Ğ périphérie ğ, c’est-à-dire circonférence. Et on comprend cela quand un point tracé sur un cercle revient à sa position initiale.

[71208] In De caelo, lib. 2 l. 11 n. 4 Sic igitur ostenso quod accidat ex dicta positione easdem esse velocitates astrorum et circulorum, ostendit hoc esse irrationabile, ut supposuerat, cum dicit: non est autem et cetera. Et primo quidem proponit quod non est rationabile quod sit eadem proportio velocitatis astrorum et magnitudinis circulorum, ut scilicet tanto aliquod astrum sit velocius, quanto movetur in maiori circulo. Secundo autem ostendit non esse inconveniens hoc dicere circa ipsos circulos. Immo magis videtur necessarium esse quod eorum velocitates analogice, idest proportionaliter, se habeant ad eorum magnitudines: quia ita videmus in omnibus corporibus naturalibus, quod quanto aliquid fuerit maius, tanto velocius movetur motu proprio. Et sic, si non est rationabile quod velocitas stellarum proportionetur magnitudini circulorum; est autem rationabile quod velocitas circulorum proportionetur magnitudini propriae; consequens est irrationabile esse aequales esse velocitates astrorum et circulorum. Quod autem non sit rationabile quod motus cuiuslibet stellae proportionetur in velocitate magnitudini sui circuli, sic ostendit. Quia aut hoc contingeret ex necessitate naturali, aut a casu. Si autem contingat ex naturali necessitate quod stella sit velocior quae movetur in maiori circulo, sequetur quod si transponantur stellae in alios circulos, ut scilicet stella quae prius erat in maiori circulo, postea ponatur in minori, sequetur quod stella quae prius erat tardior, sit velocior; et e converso. Et ita videbitur quod stellae non habebunt proprium motum, sed movebuntur a circulis; ex quo stella non conservat velocitatem aliquam propriam in suo motu, sed velocitas eius consequitur solam magnitudinem circuli. Si autem dicatur quod hoc contingit a casu, quod stella quae est in maiori circulo velocius moveatur, hoc improbat dupliciter. Primo quidem quia si hoc esset a casu, non esset rationabile in omnibus circulis et stellis hoc inveniri, simul esse maiorem circuli magnitudinem et maiorem velocitatem motus stellae. Quod enim hoc contingeret in uno vel in duobus, non videretur esse inconveniens; sed quod hoc contingat in omnibus et a casu, videtur esse quoddam fictitium; ea enim quae sunt a casu, non eodem modo se habent in omnibus aut in pluribus, sed in paucioribus. Secundo ostendit quod hoc non possit esse a casu, per hoc quod casus non contingit in his quae sunt a natura, sed ea quae casualiter fiunt, sunt praeter naturae ordinem: unde ea quae a casu vel fortuna fiunt, non similiter se habent in omnibus, sicut ea quae sunt a natura. Cum igitur in motibus caelestium corporum nihil sit praeter naturam, ut supra habitum est, non potest esse quod hoc quod dictum est, a casu accidat. Et ita patet non esse verum quod simul circulus et stella moveantur, et aequali velocitate. Potest etiam ad hoc improbandum alia ratio induci: quia, ut Alexander dicit, sequeretur quod alter motuum esset superfluus; quod non contingit in his quae sunt a natura.

[71208] Sur le De caelo, II, 11, 4. [289b10] Ainsi donc après avoir montré qu’il arrive d’après la position déjà dite que les vitesses des astres et des cercles soient les mêmes, il montre que c’est absurde, comme il l’avait supposé, quand il dit : Ğ or ce n’est pas ğ, etc. Et il avance qu’il n’est pas logique que la proportion entre la vitesse des astres et la grandeur [289b15] des cercles soient la même, à savoir que plus l’astre est rapide, plus il se déplace dans un grand cercle. Il montre deuxièmement qu’il n’est pas inconvenant de le dire des cercles eux-mêmes. Bien plus il semble nécessaire que leurs vitesses soient en Ğ analogique ğ, c’est-à-dire en proportion avec leurs grandeurs, puisque nous voyons ainsi chez tous les corps naturels que plus un corps est grand, plus il se déplace rapidement de son propre mouvement. Et ainsi, s’il n’est pas logique que la vitesse des étoiles soit proportionnelle à la grandeur des cercles, il est logique que la vitesse des cercles soit proportionnelle à leur propre grandeur ; par conséquent il est illogique que les vitesses des astres et des cercles soient égales. Il montre ainsi qu’il n’est pas logique que le mouvement de n’importe quelle étoile soit proportionnel en vitesse à la grandeur de son cercle. Puisque cela arriverait ou bien par nécessité naturelle, ou bien par hasard. Or s’il arrivait par nécessité naturelle que soit plus rapide une étoile qui se déplace sur un cercle plus grand, il s’ensuivrait que, si les étoiles étaient transposées sur d’autres cercles, de telle sorte que l’étoile qui était avant sur un cercle plus grand soit ensuite placée sur un plus petit, l’étoile qui était d’abord plus lente serait [289b20] plus rapide, et inversement. Et ainsi il semblera que les étoiles n’auront pas de mouvement propre, mais qu’elles sont déplacées par des cercles ; de ce fait, l’étoile ne conserve pas une rapidité propre dans son mouvement, mais sa vélocité suit la grandeur seule du cercle. Or s’il est dit qu’il arrive par hasard que l’étoile qui est sur un cercle plus grand se déplace plus vite, il le rejette de deux façons. Premièrement parce que si cela était dû au hasard, il ne serait pas logique de découvrir pour tous les cercles et étoiles que la dimension du cercle et la rapidité du mouvement de l’étoile s’accroissent en même temps. Car il ne semblerait pas inconvenant que cela arrive dans un ou deux cas ; [289b25] mais que cela arrive dans tous les cas et par hasard semble être quelque chose d’artificiel ; en effet ce qui est dû au hasard n’est pas identique pour tout ou pour un grand nombre de choses, mais seulement pour un petit nombre. Il montre deuxièmement qu’il n’est pas possible que ce soit par hasard, parce que le hasard n’arrive pas à ce qui est causé par la nature, mais ce qui arrive par hasard est contraire à l’ordre de la nature. De ce fait, ce qui est dû au hasard ou à la fortune ne se produit pas de la même manière pour tous les corps. Donc comme rien n’est contre-nature dans les mouvements des corps célestes, comme on l’a dit ci-dessus, il n’est pas possible que ce qui a été dit arrive par hasard. Et ainsi il est évident qu’il n’est pas vrai que le cercle et l’étoile se déplacent en même temps et à vitesse égale. Une autre raison peut être aussi avancée pour rejeter cela : puisque, comme Alexandre le dit, il s’ensuivrait que l’autre mouvement serait superflu, ce qui n’arrive pas à ce qui est naturel.

[71209] In De caelo, lib. 2 l. 11 n. 5 Deinde cum dicit: sed adhuc iterum etc., inquirit de tertio membro. Et primo ostendit quod non est possibile quod stella moveatur et circulus quiescat. Et dicit quod si dicatur circulos manere in eodem situ et stellas moveri, sequentur eadem irrationabilia quae et prius. Accidet enim quod stella velocius moveatur quae est extra. Et si hoc referamus ad stellas fixas, dicetur illa stella esse extra, quae est extra polos, propinquior aequinoctiali; si autem referamus ad planetas, dicetur esse extra stella illa quae est in circulo continenti (contentum enim est infra continens); utroque enim modo circulus qui est extra, est maior. Et ita sequetur quod velocitates stellarum sint proportionales magnitudini circulorum; quod prius improbatum est.

[71209] Sur le De caelo, II, 11, 5. Ensuite quand il dit : Ğ mais en outre ğ, etc., il s’interroge sur le troisième membre. Et il montre premièrement qu’il n’est pas possible que l’étoile se déplace et que le cercle soit immobile. Et il dit que si l’on affirme que les cercles demeurent au même endroit et que les étoiles se déplacent, les mêmes illogismes s’ensuivent que précédemment. Car il arriverait que l’étoile qui est Ğ à l’extérieur ğ se déplace plus vite. Et si nous rapportons cela aux étoiles fixes, on appellera extérieure l’étoile qui est en dehors des pôles, plus proche de l’équateur ; or si nous le rapportons aux planètes, on appellera extérieure l’étoile qui est sur le cercle qui la contient (car le contenu est au-dessous du contenant) ; car des deux manières le cercle qui est à l’extérieur est plus grand. [289b30] Et ainsi il résultera que les vitesses des étoiles sont proportionnelles à la grandeur des cercles, ce qui a été rejeté auparavant.

[71210] In De caelo, lib. 2 l. 11 n. 6 Secundo cum dicit: quoniam quidem igitur etc., verificat ultimum membrum divisionis: dicens quod, quia neque rationabile est quod utrumque, scilicet tam stella quam circulus, moveatur; neque etiam rationabile est quod solum stella moveatur; relinquitur quod circuli, idest sphaerae, moveantur, sed astra secundum se quidem quiescant, quasi non per se motae, sed moventur ad motum sphaerarum quibus sunt infixae; non sicut alterius naturae existentes, sicut clavus ferreus infigitur rotae ligneae, sed sicut eiusdem naturae existentes; ac si stella sit nobilior pars sphaerae, in qua congregatur lumen et virtus activa. Et hoc quidem rationabile est dicere, quia hoc posito nihil irrationabile sequitur. Primo enim non est irrationabile quod sit maior velocitas maioris circuli: inter circulos tamen collocatos circa idem centrum. Et si quidem centrum hic proprie accipiatur, oportet hoc referri ad diversos circulos planetarum, qui secundum intentionem Aristotelis, omnes sunt circa idem centrum, quod est terra: non enim astrologi sui temporis ponebant excentricos neque epicyclos. Non autem poterit hoc referri ad diversos circulos quos describunt stellae fixae in suo motu: non enim omnium illorum circulorum est idem centrum. Sed si ad stellas fixas referre velimus, oportet quod hic nomine centri polus significetur; eo quod sicut se habet centrum ad circulum in superficie plana, ita se habet aliqualiter polus ad circulum in superficie sphaerica. Cum autem in eadem sphaera designantur diversi circuli circa eosdem polos, tanto aliquis circulus est minor et tardioris motus, quanto est polo propinquior; sicut et inter circulos sub invicem positos, tanto aliquis circulus est minor et tardior, quanto est propinquior centro. Unde centrum et polus sunt indivisibilia et penitus immobilia. Ideo autem hoc dixit esse rationabile, quia etiam in aliis corporibus, quae moventur motu recto, quanto aliquod corpus est maius, tanto velocius movetur proprio motu naturali, sicut maior pars terrae velocius movetur deorsum (e contrario autem se habet in motu violento, in quo corpus quanto est maius, tanto tardius movetur). Unde et in corporibus quae moventur motu circulari, cum motus eorum sit naturalis, rationabile est quod quanto circulus fuerit maior, tanto velocius moveatur. Et quod motus maioris circuli sit velocior, patet ex hoc quod, si a centro ducantur duae lineae rectae per omnes circulos usque ad supremum, portio illa quae abscinditur ab his duabus lineis, erit maior in circulo maiori, et minor in minori. Et eadem ratio est si ducantur duae lineae circulares a polo per omnes circulos usque ad maximum eorum. Cum ergo una dictarum linearum circularium tota simul perveniat ad locum in quo erat alia, manifestum est quod in maiori circulo pertransibit maiorem portionem in eodem tempore: et hoc est velocius moveri, sicut dicitur in VI Physic., scilicet pertransire maius spatium in aequali tempore. Sic ergo rationabile erit quod maior circulus pertransibit maius spatium in aequali tempore; et ita motus erit velocior.

[71210] Sur le De caelo, II, 11, 6. Deuxièmement quand il dit : Ğ puisque donc ğ, etc., il vérifie le dernier membre de la division, disant que, puisqu’il n’est pas logique que les deux, c’est-à-dire aussi bien l’étoile que le cercle, se déplacent, et qu’il n’est pas non plus logique que seule l’étoile se déplace, il reste que les Ğ cercles ğ, c’est-à-dire les sphères, se déplacent, mais que les astres sont d’eux-mêmes immobiles, comme s’ils ne se déplaçaient pas en soi, mais qu’ils se meuvent en suivant le mouvement des sphères auxquelles ils sont fixés ou en n’étant pas d’une autre nature, comme un clou de fer enfoncé dans une roue en bois, mais de la même nature, même si l’étoile est la plus noble partie de la sphère, où se rassemblent la lumière et la puissance active. Et il est logique de le dire, puisque rien d’absurde ne s’ensuit une fois que cela a été établi. Car premièrement il n’est pas illogique que la vitesse d’un plus grand cercle soit plus grande [289b35] parmi des cercles pourtant placés ensemble autour du même centre. Et si Ğ centre ğ est entendu ici au sens propre, il faut le rapporter aux différents cercles des planètes, qui, selon la thèse d’Aristote, sont tous autour du même centre, qui est la terre : car les astronomes de son temps ne les établissaient ni excentriques, ni épicycles. Or on ne peut pas rapporter cela aux différents cercles que décrivent les étoiles fixes dans leur mouvement : car tous ces cercles n’ont pas le même centre. Mais si nous voulons l’appliquer aux étoiles fixes, il faut que le pôle soit désigné ici par le nom de centre, parce que le pôle se trouve d’une certaine manière sur la surface sphérique dans la même relation par rapport au cercle que le centre par rapport au cercle sur une surface plane. Or comme, sur la même sphère, différents cercles sont tracés autour des mêmes pôles, plus un cercle est petit et d’un mouvement lent, plus il est proche du pôle, de même que parmi des cercles placés les uns sous les autres plus un cercle est petit et lent, plus il est proche du centre. De ce fait, le centre et le pôle sont indivisibles et totalement immobiles. C’est pourquoi il a dit que c’est logique, puisque même chez les autres corps, qui se déplacent suivant un mouvement droit, plus un corps est grand, plus il se déplace rapidement de son propre mouvement naturel, de même qu’une plus grande partie de la terre se déplace plus rapidement vers le bas (c’est le contraire dans un mouvement violent, où plus un corps est grand, plus il se déplace lentement). De ce fait même chez les corps qui se déplacent circulairement, comme leur mouvement est naturel, [290a1] il est logique que plus un cercle est grand, plus il se déplace rapidement. Et il est évident que le mouvement d’un cercle plus grand est plus rapide du fait que, si deux lignes droites sont tracées à partir du centre en passant par tous les cercles jusqu’au dernier, la partie qui est coupée par ces deux droites sera plus grande dans un cercle plus grand, et plus petite dans un cercle plus petit. Et le raisonnement est le même si deux lignes circulaires sont tracées à partir du pôle en passant par tous les cercles jusqu’au plus grand d’entre eux. Donc, comme l’une des lignes circulaires déjà mentionnées parvient tout entière là où il y en avait une autre, il est manifeste que dans un plus grand cercle [290a5] elle parcourra une plus grande section pendant la même durée ; et c’est ce qu’on appelle se déplacer plus rapidement, comme le dit le livre VI de la Physique, à savoir parcourir un plus grand espace pendant une durée égale. Ainsi donc il sera logique qu’un cercle plus grand parcoure un espace plus grand pendant une durée égale ; et ainsi son mouvement sera plus rapide.

[71211] In De caelo, lib. 2 l. 11 n. 7 Secundo autem non accidet hoc inconveniens, quod caelum divellatur, idest scindatur; quod oportebit dicere si stellae moventur et orbes quiescunt; et praecipue quia ostensum est quod totum caelum est continuum, ita quod inferior sphaera tangit superiorem secundum totum. Si igitur orbes quiescerent et stellae moverentur, si quidem stellae essent profundatae in corporibus sphaerarum, sequeretur quod suo motu divellerent sive dirumperent ipsam sphaerarum substantiam. Si autem moverentur in superficie sphaerae superioris, oporteret quod vel inferior sphaera scinderetur a motu stellae, vel quod esset aliquod spatium medium inter duas sphaeras, secundum quantitatem stellae: et hoc spatium oporteret vel esse vacuum, vel esse plenum aliquo corpore passibili, quod dirumperetur ad modum aeris vel aquae, per motum corporis transeuntis; utrumque autem horum est impossibile. Sed haec omnia inconvenientia evitantur, si ponamus stellas non moveri per se, sed solum per motum orbium. Haec autem expositio quae dicta est, convenit tam quantum ad stellas fixas, quam etiam quantum ad planetas. Potest autem aliter exponi, secundum quod refertur solum ad stellas fixas. Quia enim probaverat quod motus maioris circuli est velocior, per quantitatem portionum intersectarum a duabus lineis procedentibus a centro vel a polo, probat hoc iterum alia ratione: quia nisi maior circulus in sphaera stellarum fixarum velocius moveretur, sequeretur quod sphaera stellarum non esset tota continua, sed divelleretur per partes; cum stella quae est in minori circulo, si haberet motum aeque velocem, oporteret quod in minori tempore suum circulum perageret; hoc enim est de ratione aeque velocis, quod in minori tempore minus spatium pertranseat.

[71211] Sur le De caelo, II, 11, 7. Deuxièmement l’inconvénient que le ciel Ğ soit déchiré ğ, c’est-à-dire divisé, n’arrivera pas ; ce sera le cas si les étoiles se déplacent et que les cercles sont au repos, et principalement parce qu’on l’a montré que le ciel tout entier est continu, de telle façon que la sphère inférieure touche la sphère supérieure dans sa totalité. Donc si les cercles étaient immobiles et que les étoiles se déplaçaient, si du moins les étoiles s’étaient déployées dans les corps des sphères, il s’ensuivrait qu’elles diviseraient ou détruiraient la substance même des sphères par leur mouvement. Or si elles se déplaçaient sur la surface de la sphère supérieure, il faudrait que la sphère inférieure soit divisée par le mouvement de l’étoile ou bien qu’il y ait un espace intermédiaire entre les deux sphères, selon la quantité de l’étoile : et il faudrait que cet espace soit vide ou bien rempli par un autre corps passif, qui serait détruit à la manière de l’air ou de l’eau par le mouvement du corps qui le traverserait ; or rien de ces deux hypothèses n’est possible. Mais tous ces inconvénients sont évités, si nous établissons que les étoiles ne se déplacent pas d’elles-mêmes, mais seulement grâce au mouvement des cercles. Or l’exposé qui a été dit convient aussi bien aux étoiles fixes qu’aux planètes. Mais on peut faire une autre présentation dans la mesure où il se réfère seulement aux étoiles fixes. En effet puisqu’il avait prouvé que le mouvement d’un cercle plus grand est plus rapide, par la quantité de parties divisées par deux lignes partant du centre ou du pôle, il le prouve par un autre raisonnement : puisque, à moins qu’un cercle plus grand se déplace plus rapidement dans la sphère des étoiles fixes, il s’ensuivrait que la sphère des étoiles ne serait pas entièrement continue, mais qu’elle serait divisée en parties ; comme l’étoile qui se trouve sur un cercle plus petit, si elle avait un mouvement aussi rapide, il faudrait qu’elle parcoure son cercle pendant un temps plus bref ; car ce qui traverse un espace plus petit pendant un temps plus bref est d’une constitution aussi rapide.

 

 

Lectio 12

Leçon 12 – [Le mouvement des étoiles est un cercle –arguments-]

[71212] In De caelo, lib. 2 l. 12 n. 1 Praemissa prima ratione ad ostendendum quod astra moventur per motum circulorum, quae sumebatur ex comparatione stellarum ad circulos seu orbes, hic ponit rationem secundam, quae sumitur ex figura stellarum: quae talis est. Stellae sunt sphaericae figurae; unde si moverentur, oporteret eas moveri motu qui est proprius corpori sphaerico, qui est duplex, scilicet volutatio et circumgyratio; neutro autem horum motuum stellae moventur; ergo non moventur secundum seipsas, sed hoc quod apparet de motu earum, est quia moventur secundum motum circulorum.

[71212] Sur le De caelo, II, 12, 1. Après avoir avancé un premier raisonnement pour démontrer que les astres se déplacent par le mouvement des cercles, raisonnement qui est tiré d’une comparaison des étoiles avec les cercles ou orbes, il établit ici un deuxième raisonnement, qui est tiré de la forme des étoiles : le voici. Les étoiles ont une forme sphérique ; de ce fait si elles se déplaçaient, il faudrait qu’elles le fassent par un mouvement propre au corps sphérique, mouvement qui est double, à savoir la révolution et la rotation ; or les étoiles ne se déplacent suivant aucun de ces deux mouvements ; donc elles ne se meuvent pas d’elles-mêmes, mais ce que montre leur mouvement est qu’elles se déplacent selon le mouvement des cercles. 

[71213] In De caelo, lib. 2 l. 12 n. 2 Primo ergo proponit stellas esse sphaericae figurae: quod quidem manifestat dupliciter. Uno modo quia omnes alii ita dicunt, scilicet stellas esse sphaericas; et ita hoc est tanquam probabile accipiendum. Alio modo secundum rationem quae sumitur ex praedeterminatis. Dictum est enim quod stellae sunt factae ex natura caelestium corporum: unde oportet confiteri quod habeant eandem figuram quam habet caelum. Ostensum est autem supra caelum esse sphaericae figurae: unde oportet stellas sphaericae figurae esse.

[71213] Sur le De caelo, II, 12, 2. Il avance donc premièrement que les étoiles ont une forme sphérique ; et il le prouve de deux façons. D’une part puisque tous les autres disent que les étoiles sont sphériques ; et ainsi cela doit être considéré comme probable. D’autre part d’après un raisonnement qui est tiré d’éléments prédéterminés. Car on a dit que les étoiles sont faites de la nature des corps célestes : de ce fait, il faut avouer qu’elles ont la même forme que le ciel. Or il a été montré ci-dessus que le ciel a une forme sphérique : en conséquence, il faut que les étoiles soient de forme sphérique.

[71214] In De caelo, lib. 2 l. 12 n. 3 Deinde ostendit differentiam motuum circularium, qui sunt proprii sphaerici corporis. Et dicit quod duo sunt motus sphaerici corporis qui conveniunt ei per se, idest secundum rationem propriae figurae, scilicet volutatio et circumgyratio. Differunt autem hi duo motus secundum diversitatem axis et polorum, super quos intelligitur corpus sphaericum moveri; et hoc per comparationem ad nos. Si enim intelligatur corpus stellae moveri super duos polos, quorum unus sit in superficie quae est versus nos, et alius in superficie opposita, ita quod intelligamus axem esse lineam transeuntem per profunditatem stellae; sic stella movetur motu circumgyrationis, conservans eandem superficiem versus nos, ad modum quo movetur mola molendini. Si vero intelligatur corpus stellae moveri super duos polos, quorum uterque accipitur in quacumque parte qua coniungitur corpori sphaerae, sic in suo motu non semper servabit eandem superficiem versus nos; et erit motus volutationis. Quia igitur isti duo motus sunt proprii corporis sphaerici, oportet, si stellae moventur per seipsas, quod altero horum motuum moveantur.

[71214] Sur le De caelo, II, 12, 3. Ensuite il montre la différence des mouvements circulaires qui sont propres au corps sphérique. Et il dit qu’il y a deux mouvements de corps sphérique qui lui conviennent Ğ en soi ğ, c’est-à-dire sous le rapport de sa propre forme, [290a10] c’est-à-dire la révolution et la rotation. Or ces deux mouvements diffèrent selon leur axe et leurs pôles, au-dessus desquels le corps sphérique se déplace, à ce que l’on comprend ; et cela en comparaison avec nous. En effet, si on comprend que le corps de l’étoile se déplace au-dessus des deux pôles, dont l’un est sur la surface qui est de notre côté, et l’autre sur la surface opposée, de telle façon que nous comprenons que l’axe est la ligne qui traverse la profondeur de l’étoile, ainsi l’étoile se meut-elle par un mouvement de rotation, conservant la même surface de notre côté, de la manière dont se déplace une meule de moulin. Or si l’on comprend que le corps de l’étoile se déplace au-dessus des deux pôles, dont l’un et l’autre sont pris dans n’importe quelle partie qui les relie au corps de la sphère, ainsi il ne conservera pas toujours la même surface de notre côté dans son mouvement ; et il y aura un mouvement de révolution. Donc puisque ces deux mouvements sont propres au corps sphérique, il faut que, si les étoiles se déplacent par elles-mêmes, elles se meuvent par l’autre de ces mouvements.

[71215] In De caelo, lib. 2 l. 12 n. 4 Deinde ostendit quod neutro horum motuum causetur motus qui in eis videtur. Et primo ostendit quod motus qui in stellis videtur, non sit motus circumgyrationis: et hoc quidem probat dupliciter. Primo quidem quia, si corpus stellarum moveretur motu circumgyrationis, oporteret quod, licet partes stellae mutarent locum subiecto, tamen tota stella maneret in eodem loco secundum subiectum, diversificato solum secundum rationem, sicut patet ex his quae probantur in VI Physic.: talis enim est dispositio motus sphaerici, eo quod est circa centrum et polos, quae non moventur. Sed hoc non possumus dicere in stellis, quia contrarium huius apparet sensu: videmus enim quandoque stellas in oriente, quandoque in occidente. Similiter etiam hoc ab omnibus dicitur, quod stellae non semper manent in eodem loco, sed de uno loco transferuntur in alium. Non ergo motus qui apparet in eis, est motus circumgyrationis. Alio modo ostendit idem quia, si motus circumgyrationis conveniret stellis, rationabile esset quod omnes tali motu moverentur; eo quod omnes sunt unius naturae, scilicet de natura caelestis corporis, ut supra ostensum est. Sed talis motus non apparet in omnibus stellis, sed solum in sole; nec etiam in quacumque parte caeli sit, sed solum quando oritur et quando occidit. Et hoc ipsum non accidit propter ipsum solem, quia circumgyretur, sed propter elongationem visus nostri a sole: visus enim noster, quia longe distat a sole, nutat, idest tremit, propter infirmitatem suam, inquantum supervincitur a superexcellenti claritate solis. Et ista etiam forte est causa quod stellae fixae videntur scintillare, propter maximam distantiam earum a nobis, eo quod sunt in sphaera octava. Planetae autem non videntur scintillare, propter hoc quod sunt propinquiores nobis; et ideo visus noster potens est in suo vigore pertingere ad ipsos. Sed respiciens ad stellas manentes, idest fixas, visus noster tremit, quasi porrectus valde in longinquum, propter elongationem illarum stellarum a nobis. Tremor autem qui accidit in visu nostro, facit videri quod astrum moveatur, vel secundum scintillationem, sicut stella fixa, vel etiam secundum circumgyrationem, sicut sol; eo quod nihil differt quantum ad hoc quod aliquid videatur moveri, utrum moveatur visus vel res quae videtur; sicut patet de illis qui navigant circa littora, quod, quia ipsi sunt in motu, videtur eis quod montes et terra moveantur.

[71215] Sur le De caelo, II, 12, 4. Ensuite il montre que le mouvement que l’on voit en elles n’est causé par aucun de ces deux mouvements. Et il montre premièrement que le mouvement que l’on voit chez les étoiles n’est pas un mouvement de rotation : et il le prouve par deux raisonnements. Premièrement parce que, si le corps des étoiles se déplaçait par un mouvement de rotation, il faudrait que, bien que les parties de l’étoile changent de lieu en sujet, l’étoile tout entière reste cependant au même endroit en sujet, lieu qui change seulement en raison, comme le montre ce qui est prouvé dans le livre VI de la Physique : car telle est la disposition du mouvement sphérique, parce qu’il se fait autour du centre et des pôles, qui ne se déplacent pas. Mais nous ne pouvons le dire des étoiles, puisque le contraire apparaît à notre sens : car nous voyons les étoiles tantôt à l’orient, tantôt à l’occident. De la même façon, tous disent aussi que les étoiles ne restent pas toujours au même endroit, mais qu’elles sont transportées d’un endroit à un autre. Donc le mouvement qui apparaît en elles n’est pas un mouvement de rotation. Il montre d’une autre manière la même chose puisque, si le mouvement de rotation convenait aux étoiles, il serait logique que toutes soient déplacées par un tel mouvement, étant donné qu’elles sont toutes d’une seule nature, c’est-à-dire de la nature du corps céleste, comme on l’a montré ci-dessus. Mais un tel mouvement n’apparaît pas chez toutes les étoiles, mais seulement chez le Soleil [290a15], et non pas dans n’importe quelle partie du ciel, mais seulement quand il se lève et quand il se couche. Et cela même n’arrive pas à cause du Soleil même, sous prétexte qu’il effectuerait une rotation, mais en raison de l’éloignement entre notre vue et le Soleil : car notre vue, puisqu’elle est très distante du Soleil, Ğ vacille ğ, c’est-à-dire tremble, en raison de sa faiblesse, dans la mesure où elle est vaincue par la clarté supérieure du Soleil. Et c’est peut-être aussi la raison pour laquelle les étoiles fixes semblent scintiller, à cause de la très grande distance entre elles et nous, étant donné qu’elles se trouvent sur la huitième sphère. Or [290a20] les planètes ne semblent pas scintiller, parce qu’elles sont plus proches de nous ; et c’est pourquoi notre vue est capable de les atteindre en gardant son énergie. Mais en regardant les étoiles Ğ permanentes ğ, c’est-à-dire fixes, notre vue tremble, comme si elle était dirigée très longtemps, en raison de l’éloignement entre les étoiles et nous. Or le tremblement qui affecte notre vue fait que l’on voit l’astre se déplacer, soit à cause du scintillement, comme l’étoile fixe, soit aussi à cause de la rotation, comme le Soleil, parce que cela ne fait pas de différence quand une chose semble se déplacer, si c’est la vue qui se déplace ou la chose, tout comme il est évident pour ceux qui naviguent le long des rivages que, puisqu’ils sont eux-mêmes en mouvement, il leur semble que les montagnes et la terre se déplacent.

[71216] In De caelo, lib. 2 l. 12 n. 5 Est autem circa ea quae hic dicuntur considerandum, quod philosophus dicit hic quod visus noster tremit porrectus longe valde, respiciens ad stellas fixas, non quia visus fiat extra mittendo, quod improbat in libro de sensu et sensato; sed quia in huiusmodi eadem ratio est, sive visus fiat extra mittendo sive intus suscipiendo. Conatur enim visus ad videndum rem a remotis, non solum si oporteat eum radium visualem emittere usque ad corpus distans; sed etiam si oporteat eum suscipere speciem a corpore distante provenientem; quia corporis distantis debilior est impressio, et ideo difficilius est eam sentire. Utitur autem modo loquendi ac si visus fiat extra mittendo, quia mathematici ita utuntur in suis demonstrationibus, et plures homines ita loquuntur; nominibus autem utendum est ut plures, sicut ipse dicit in II Topic.

[71216] Sur le De caelo, II, 12, 5. Or on doit considérer à propos de ce qui est dit ici que le philosophe dit ici que notre vue tremble quand elle est tendue très longtemps en regardant les étoiles fixes, non parce que la vue est produite en projetant vers l’extérieur, ce qu’il condamne dans son livre sur la perception et le perçu, mais parce que dans une chose de ce genre le raisonnement est le même, que la vue soit produite en projetant vers l’extérieur ou bien en recevant à l’intérieur. Car la vue se prépare à voir une chose au loin, non seulement si elle doit envoyer un rayon visuel jusqu’au corps distant, mais aussi si elle doit recevoir une espèce provenant du corps distant, puisque l’impression produite par un corps distant est plus faible, et c’est pourquoi il est plus difficile de la sentir. Il se sert d’une expression quand il dit que la vue est produite par projection vers l’extérieur, puisque les mathématiciens font ainsi dans leurs démonstrations et que plusieurs parlent ainsi ; or il faut utiliser les noms comme plusieurs le font, comme il le dit lui-même dans le livre II des Topiques.

[71217] In De caelo, lib. 2 l. 12 n. 6 Item considerandum est quod stellas quasdam vocat fixas vel manentes, non quia omnino non moveantur secundum motum suae sphaerae, sicut et planetae, qui dicuntur erratici; sed quia semper a se invicem conservant eandem distantiam et configurationem, quod de planetis non accidit. Item quod dicit planetas non scintillare, sicut Simplicius dicit, intelligendum est ut in pluribus: nam Mercurius scintillat, unde et in Graeco nominatur Stilbon, a scintillando. Sol etiam et scintillat et circumgyrari videtur. Sed scintillatio quidem videtur ex eo quod visus non potest perfecte apprehendere rem visam: quod quidem in stellis fixis accidit propter earum distantiam, in sole autem propter excellentiam claritatis. Circumgyratio autem videtur ex eo quod res visa potens est ad immutandum visum intantum quod, circumvoluto spiritu visibili, videatur ipse sol circumvolvi. Et inde est quod maxime videtur sol circumgyrari in ortu et occasu, quando visus noster magis potest defigi in ipsum, quia non tanta virtus est claritatis eius, propter vapores terrenos: cum autem elevatus fuerit, propter excellentiam claritatis, non potest oculus intantum defigi in ipsum quod sufficiat ad apparentiam circumvolutionis, sed eum videt scintillantem. Alexander autem dicit quod ideo sol in ortu et occasu videtur circumgyrari, quia sentitur duplex motus eius, scilicet diurnus et motus proprius, ex comparatione ad quietem terrae. Sed hoc non est credibile, quod motus solis, praecipue quo movetur motu proprio, possit in tam brevi spatio percipi, cum vix etiam in multis diebus sentiatur. Aristoteles etiam dicit in littera quod ista circumgyratio apparet non propter ipsum solem, sed propter elongationem visus nostri.

[71217] Sur le De caelo, II, 12, 6. Il faut également considérer qu’il appelle certaines étoiles fixes ou permanentes, non parce qu’elles ne se déplacent absolument pas selon le mouvement de leur sphère, comme les planètes, qui sont appelées errantes, mais parce qu’elles conservent toujours la même distance et configuration entre elles, ce qui n’est pas le cas des planètes. De même il faut comprendre qu’il dit que les planètes ne scintillent pas, comme Simplicius, de même que chez plusieurs auteurs : car Mercure scintille, si bien qu’il est appelé Stilbon en grec du fait qu’il scintille. Le Soleil aussi scintille et semble effectuer une rotation. Mais la scintillation est vue parce que la vue ne peut pas appréhender parfaitement la chose vue : cela concerne les étoiles fixes en raison de leur distance, mais le Soleil à cause de la supériorité de sa clarté. Or la rotation apparaît du fait que la chose vue est capable de modifier la vue étant donné que, une fois que le souffle visible a fait une rotation, le Soleil aussi semble le faire. Et de là vient que le Soleil semble surtout tourner autour au lever et au coucher, quand notre vue peut davantage se fixer sur lui, puisque la puissance de sa clarté n’est pas aussi forte, en raison des vapeurs terrestres : or comme il s’est levé, à cause de la supériorité de sa clarté, l’œil ne peut se fixer sur lui, ce qui suffit à donner l’apparence de la rotation, mais il le voit scintiller. Or Alexandre dit que pour cette raison le Soleil semble tourner à son lever et à son coucher, puisque l’on perçoit son double mouvement, à savoir le diurne et son mouvement propre, en comparaison de l’immobilité de la terre. Mais il n’est pas vraisemblable que le mouvement du Soleil, principalement du fait qu’il se déplace de son propre mouvement, puisse être perçu dans une aussi brève durée, alors qu’il est à peine senti même pendant de nombreux jours. Aristote dit aussi à la lettre que cette rotation apparaît non en raison du Soleil lui-même, mais à cause de l’éloignement de notre vue.

[71218] In De caelo, lib. 2 l. 12 n. 7 Et est sciendum quod Plato posuit stellas, praeter hoc quod moventur motu orbium, moveri motu circumgyrationis. Quod quidem Simplicius nititur ostendere esse verum multipliciter. Primo quia, cum stellae sint corpora naturalia, oportet quod habeant aliquem motum naturalem; et quia sunt de natura caeli, oportet quod secundum seipsas moveantur motu circulari, qui est circumgyratio. Secundo quia stellae, secundum plures, sunt corpora animata, et ita oportet quod per se moveantur: et quamvis sint quodammodo partes orbium, habent tamen secundum seipsas propriam integritatem et circumgyrationem. Tertio quia, cum figura sphaerica sit aptissima ad motum circularem, sicut est ineptissima ad alios motus, videtur quod stellae moveantur circulariter motu circumgyrationis secundum seipsas. Et secundum hoc Plato posuit quod stellae fixae moventur duobus motibus, scilicet motu circumgyrationis secundum seipsas, et motu orbis (quia videntur moveri ab oriente in occidentem). Stellae autem erraticae moventur secundum ipsum tribus motibus, scilicet motu circumgyrationis, et motu proprii orbis, et motu supremi orbis, qui est motus diurnus. Dicit etiam Simplicius quod Aristoteles hanc positionem non intendit nunc improbare. Non enim ostendit quod stellae nullo modo circumgyrentur, sed quod iste motus qui sensibiliter apparet in stellis, non est circumgyratio; quia circumgyrata manent in eodem loco secundum totum, stellae autem, secundum motum qui in eis videtur, non manent in eodem loco. Et quia circumgyratio videtur in sole apertius in ortu et occasu, propter hoc ostendit quod id quod in eo videtur de huiusmodi motu, non est propter seipsum, sed propter passionem visus nostri. Sed quia propositum Aristotelis fuit non recedere ab eis quae ad sensum apparent, quia talis circumgyratio non sensibiliter apparet in stellis, ideo non asseruit hunc motum in stellis esse, licet non directe improbaverit. Simul etiam quia motus caelestium corporum causant motus inferiorum corporum, inquantum appropinquant vel elongantur a nobis; secundum autem huiusmodi stellarum circumgyrationem, nullus effectus deprehenditur in istis inferioribus, nec secundum hunc motum stellae appropinquant vel elongantur a nobis. Et ideo Aristoteles non curavit hunc motum attribuere stellis.

[71218] Sur le De caelo, II, 12, 7. Et il faut savoir que Platon a établi que les étoiles, parce qu’elles sont déplacées par le mouvement des cercles, le sont par un mouvement de rotation. Simplicius s’efforce de montrer que c’est vrai de multiples façons. Premièrement parce que, comme les étoiles sont des corps naturels, il faut qu’elles aient un mouvement naturel ; et puisqu’elles sont de la nature du ciel, il faut qu’elles se déplacent d’elles-mêmes suivant un mouvement circulaire, qui est la rotation. Deuxièmement puisque les étoiles, selon plusieurs savants, sont des corps animés, et ainsi il faut qu’elles se déplacent par elles-mêmes : et bien qu’elles fassent de quelque manière partie des cercles, elles tirent cependant d’elles-mêmes leur propre intégrité et rotation. Troisièmement puisque, comme la forme sphérique est la plus apte au mouvement circulaire, de même qu’elle est la moins apte aux autres mouvements, il semble que les étoiles se déplacent circulairement d’elles-mêmes par un mouvement de rotation. Et selon cela Platon a établi que les étoiles fixes suivent deux mouvements, à savoir le mouvement de rotation venant d’elles-mêmes, le mouvement du cercle (puisqu’elles semblent se déplacer d’orient en occident). Or les étoiles errantes se déplacent selon lui de trois mouvements, à savoir du mouvement de rotation, du mouvement de leur propre cercle, et du mouvement du cercle suprême, qui est le mouvement diurne. Simplicius dit aussi qu’Aristote ne cherche pas à condamner cette position. Car il ne montre pas que les étoiles effectuent nullement une rotation, mais que ce mouvement qui apparaît sensiblement dans les étoiles n’est pas une rotation, puisque ce qui fait une rotation demeure au même endroit dans sa totalité, mais que les étoiles, selon le mouvement qu’on les voit faire, ne demeurent pas au même endroit. Et puisque l’on voit plus clairement le Soleil faire une rotation au lever et au coucher, pour cette raison il montre que ce qui apparaît en lui du mouvement de ce genre n’est pas dû à lui-même, mais à ce que subit notre vue. Mais puisqu’Aristote se proposait de ne pas leur retirer ce qui apparaît à notre sens, étant donné qu’une telle rotation n’apparaît pas sensiblement chez les étoiles, pour cette raison il n’a pas affirmé que ce mouvement se trouve dans les étoiles, bien qu’il ne l’ait pas condamné directement. En même temps aussi, puisque les mouvements des corps célestes causent ceux des corps inférieurs, dans la mesure où ils s’approchent ou s’éloignent de nous ; or si les étoiles de ce genre font une rotation des étoiles, on ne découvre aucun effet sur ces corps inférieurs, et les étoiles ne s’approchent ni ne s’éloignent de nous suivant ce mouvement. Et c’est pourquoi Aristote ne s’est pas soucié d’attribuer ce mouvement aux étoiles.

[71219] In De caelo, lib. 2 l. 12 n. 8 Deinde ostendit quod stellae non moventur motu volutationis. Illud enim quod revolvitur, necesse est quod volvatur, ita scilicet quod non semper eadem superficies eius appareat. Sed videmus quod in aliquo astrorum, scilicet in luna, semper eadem superficies nobis apparet, scilicet illa superficies quae vocatur facies, eo quod apparet in ea quaedam distinctio, sicut in facie hominis quaedam distinctio secundum quandam lineationem videtur. Et sic patet quod luna non movetur motu volutationis. Et eadem ratione nec stellae aliae: quoniam, cum sit eadem natura omnium stellarum, eadem ratio videtur esse de una et de aliis. Et ita concludit quod, quia stellae, si per se moverentur, rationabile esset eas moveri propriis motibus, qui sunt regyratio et volutatio; his autem motibus non moventur, ut ostensum est; consequens est quod stellae per seipsas non moveantur.

[71219] Sur le De caelo, II, 12, 8. Ensuite [290a25] il montre que les étoiles ne sont pas déplacées par un mouvement de révolution. Car ce qui roule tourne nécessairement, de telle sorte que ce n’est pas la même surface qui apparaît. Mais nous voyons que dans l’un des astres, à savoir dans la Lune, la même surface nous apparaît, c’est-à-dire la surface qui est appelée face, vu qu’une différence apparaît en elle, comme on voit une différence sur la face d’un homme selon une ligne. Et ainsi il apparaît que la Lune ne se déplace pas dans un mouvement de révolution. Et selon le même raisonnement, les autres étoiles non plus, puisque, comme toutes les étoiles ont la même nature, le même raisonnement semble s’appliquer à l’une et aux autres. Et ainsi il conclut que, puisque, si les étoiles se déplaçaient d’elles-mêmes, il serait logique qu’elles se déplacent de leurs propres mouvements, qui sont la rotation et le roulement, mais qu’elles ne se déplacent pas par ces mouvements, comme on l’a montré, il s’ensuit que les étoiles ne se déplacent pas d’elles-mêmes.

[71220] In De caelo, lib. 2 l. 12 n. 9 Considerandum est autem quod causa illius diversitatis quae in superficie lunae apparet, a diversis diversimode assignatur. Quidam enim dicunt quod causa illius diversitatis est aliquod corpus interpositum inter nos et lunam, quod prohibet nos ne videamus totaliter claritatem lunae; unde ex illa parte qua inter visum nostrum et lunam interponuntur huiusmodi corpora, videtur esse quaedam obscuritas, ex eo quod claritatem lunae in illa parte non videmus. Sed hoc non potest esse: quia illud corpus interpositum inter nos et lunam, non eodem modo interponeretur inter lunam et visum hominis in quacumque parte mundi; et ita non videretur similis dispositio in luna ex omni parte mundi; sicut non videtur similis dispositio eclipsis solaris ex omnibus partibus mundi, ex interpositione lunae inter solem et visum nostrum. Quod circa praedictam diversitatem lunae non accidit: nam similiter videtur ex omnibus partibus terrae, sive Orientalibus sive Occidentalibus, sive Australibus sive borealibus. Alii vero dicunt quod huiusmodi obscuritas apparens in luna, est quaedam similitudo alicuius corporis, puta terrae aut maris aut montium, quae resultat in luna ad modum quo resultat forma in speculo. Et hoc etiam tollitur per eandem rationem. Quia si huiusmodi formae in speculo viderentur ex quadam reflexione visualium radiorum, vel etiam formarum visualium, non ex omni parte terrae similis diversitas appareret in luna, sicut nec forma in speculo apparet secundum eandem dispositionem undique aspicienti: quia reflexio fit ad loca determinata, secundum proportionem corporum ad quae fit reflexio. Et praeterea secundum hoc ratio Aristotelis non valeret: quia posset dici quod semper talis diversitas apparet nobis in luna, non quia semper eadem eius superficies sit ad nos conversa, sed quia quaelibet eius superficies ex praedictis causis recipit in se huiusmodi apparentiam, quando ad nos convertitur. Et ideo alii dicunt, et melius, quod talis diversitas videtur in luna propter dispositionem suae substantiae, non autem propter interpositionem alicuius corporis, vel quamcumque reflexionem. Et horum est duplex opinio. Quidam enim dixerunt quod formae effectuum sunt quodammodo in suis causis, ita tamen quod quanto aliqua causa est superior, tanto diversae formae effectuum sunt in ea magis uniformiter; quanto vero est inferior, tanto formae effectuum sunt in ea magis distincte. Corpora autem caelestia sunt causa inferiorum corporum; inter corpora caelestia infimum est luna; et ideo in luna, secundum inferiorem eius superficiem, continetur quasi exemplaris diversitas corporum generabilium. Et ista fuit sententia Iamblichi. Alii vero dicunt quod, licet corpora caelestia sint alterius naturae a quatuor elementis, praeexistunt tamen in corporibus caelestibus, sicut in causis, proprietates elementorum; non tamen eodem modo sicut in elementis, sed quodam excellentiori modo. Inter elementa autem supremum est ignis, qui plurimum habet de luce; infimum autem terra, quae minimum habet de luce. Et ideo luna, quae est infima inter corpora caelestia, proportionatur terrae, et assimilatur quodammodo naturae ipsius; et ideo non totaliter est illustrabilis a sole. Unde ex illa parte qua non perfecte illustratur ab eo, videtur in ea esse quaedam obscuritas. Quae quidem obscuritas semper apparet secundum eandem dispositionem in luna: quod non esset si luna revolveretur, quia paulatim immutaretur aspectus talis obscuritatis.

[71220] Sur le De caelo, II, 12, 9. Or il faut considérer que la différence qui apparaît à la surface de la Lune est imputée par différents auteurs à différentes causes. En effet certains disent que la cause de cette différence est un corps interposé entre nous et la Lune, qui nous empêche de voir totalement la clarté de la Lune ; de ce fait dans la partie où les corps de ce genre semblent s’interposer entre notre vue et la Lune il semble y avoir une certaine obscurité, du fait que nous ne voyons pas la clarté de la Lune dans cette partie. Mais ce n’est pas possible, puisque le corps interposé entre nous et la Lune ne s’interposerait pas de la même manière entre la Lune et la vue de l’homme dans chaque partie du monde ; et ainsi on ne verrait pas la Lune disposée de façon semblable dans toute partie du monde, de même que de toutes les parties du monde on ne voit pas les éclipses solaires disposées de la même façon, à cause de l’interposition de la Lune entre le Soleil et notre vue. Et cela ne concerne pas les différences de la Lune : car on la voit de la même manière de toutes les parties de la terre, que ce soit de l’orient ou de l’occident, des terres australes ou boréales. Or d’autres disent que l’obscurité de ce genre qui apparaît sur la Lune est le reflet d’un corps, par exemple de la terre, de la mer ou des montagnes, qui se projette sur la Lune de la manière dont une forme se reflète sur un miroir. Et cela aussi est écarté par le même raisonnement. Puisque si des formes de ce genre se voyaient dans un miroir grâce à quelque réflexion de rayons visuels ou même de formes visuelles, une telle différence ne se verrait pas de toute partie de la terre, de même qu’une forme n’apparaît pas non plus sur un miroir selon la même disposition à qui regarde en se plaçant de tous côtés, étant donné que la réflexion se fait à des lieux déterminés, suivant la proportion des corps sur lesquels elle se fait. Et en outre pour cela le raisonnement d’Aristote n’aurait pas de valeur, puisque l’on pourrait dire qu’une telle différence nous apparaît sur la Lune, non parce que la même surface est tournée vers nous, mais parce que n’importe laquelle de ses surfaces reçoit en elle une apparence de ce genre pour les causes déjà mentionnées, quand elle se tourne vers nous. Et c’est pourquoi d’autres disent, ce qui est mieux, que l’on voit une telle différence sur la Lune en raison de la disposition de sa substance, mais non à cause de l’interposition d’un corps, ou de n’importe quelle réflexion. Et leur opinion est double. En effet, certains ont dit que les formes des effets résident d’une certaine manière dans leurs cause, si bien que plus une cause est supérieure, plus les formes des effets sont uniformes chez ; mais plus elle est inférieure, plus les formes de ses effets sont distincts chez elle. Or les corps célestes sont cause des corps inférieurs ; parmi ces corps la Lune est la plus basse ; et c’est pourquoi elle contient, dans sa surface inférieure, en quelque sorte une diversité exemplaire de corps susceptibles d’être engendrés. Et c’était l’avis de Jamblique. D’autres disent que, bien que les corps célestes soient d’une autre nature que les quatre éléments, les propriétés des éléments préexistent cependant chez eux, comme dans leurs causes, non pourtant de la même manière que dans les éléments, mais d’une manière supérieure. Or parmi les éléments le feu est le plus élevé, lui qui a le plus de lumière ; la terre est la plus basse, elle qui a le moins de lumière. Et c’est pourquoi la Lune, qui est le plus inférieur des corps célestes, est proportionnée à la terre, et assimilée d’une certaine manière à sa nature ; et c’est pourquoi elle n’est pas totalement éclairée par le Soleil. Par conséquent, du fait qu’elle n’est pas parfaitement illuminée par lui, on semble voir  de l’obscurité chez elle. Et cette obscurité apparaît toujours selon la même disposition sur la Lune, ce qui ne serait pas le cas si elle roulait, puisque l’aspect d’une telle obscurité changerait peu à peu.

 

 

Lectio 13

Leçon 13 – [Arguments, suite]

[71221] In De caelo, lib. 2 l. 13 n. 1 Praemissis duabus rationibus ad ostendendum quod corpora stellarum non moventur secundum seipsa, sed feruntur per motum circulorum sive sphaerarum, hic ponit ad idem tertiam rationem, quae sumitur ex figura stellarum. Et dicit quod si stellae moverentur motu progressivo, quasi circulos suos perambulantes, irrationabile videretur quod natura non dedisset eis instrumenta convenientia ad motum localem. Natura enim non facit suos effectus qualitercumque contingit: et hoc praecipue observat in nobilioribus effectibus. Et ideo non est rationabile quod natura curaverit de animalibus terrestribus, attribuens eis instrumenta convenientia motui progressivo, et quod despexerit sic pretiosa corpora, scilicet stellas, ut non dederit eis instrumenta apta ad motum progressivum. Sed videtur quasi studiose factum a natura quod non moveantur stellae per seipsas, ex hoc quod abstulit eis omnia instrumenta, quibus possent progressivo motu moveri secundum seipsas: et etiam, quod plus est, quia stellae maxime distant a figura animalium habentium instrumenta ad motum progressivum apta. Nam huiusmodi animalia, quanto sunt perfectiora, tanto habent maiorem diversitatem in partibus: stellae autem habent maximam uniformitatem undique, eo quod sunt sphaericae figurae.

[71221] Sur le De caelo, II, 13, 1. Après avoir avancé deux raisonnements pour montrer que les corps des étoiles ne se déplacent pas d’eux-mêmes, mais qu’ils sont portés par le mouvement de cercles ou de sphères, il établit ici dans le même but un troisième raisonnement, qui est tiré de la forme des étoiles. Et il dit que si les étoiles se déplaçaient dans un mouvement de progression, comme si elles parcouraient leurs cercles, [290a30] il semblerait illogique que la nature ne leur ait pas donné d’organes convenant au mouvement local. Car la nature ne crée pas ses effets au hasard : et il observe cela principalement dans les effets les plus nobles. Et c’est pourquoi il n’est pas logique que la nature se soit souciée des animaux terrestres, leur attribuant des organes convenant au mouvement de progression, et qu’elle ait si méprisé les corps précieux, à savoir les étoiles, qu’elle ne leur a pas donné d’organes aptes au mouvement de progression. Mais c’est presque avec empressement que la nature semble avoir fait en sorte que les étoiles ne se déplacent pas d’elles-mêmes, puisqu’elle leur a refusé tous les organes qui leur permettraient de se déplacer d’elles-mêmes dans un mouvement de progression : et aussi, qui plus est, puisque les étoiles sont au plus haut point éloignées de la forme des animaux [290a35] qui ont des organes aptes au mouvement de progression. Car plus les animaux de ce genre sont parfaits, plus grande est la diversité de leurs parties ; or, les étoiles ont une très grande uniformité de tous côtés, étant donné qu’elles ont une forme sphérique.

[71222] In De caelo, lib. 2 l. 13 n. 2 Et ideo rationabiliter videtur esse factum quod et totum caelum sit sphaericum, et unaquaeque stella. Nam sphaerica figura videtur esse maxime utilis ad motum circularem, quo sphaericum corpus movetur in seipso, idest non mutans locum secundum totum nisi secundum rationem, sed solum secundum partes, ut probatur in VI Physic. Per hoc enim quod corpus circulariter motum est sphaericum, velocissime movetur: tum quia linea circularis est minima inter omnes figuras continentes aequale spatium; tum etiam quia corpora rectilinea non habent uniformem motum ex omni parte, quia magis figuntur ex illa parte qua habent superficiem planam, quam ex parte angulorum. Unde cum sphaerica figura ex nulla parte habeat planitiem, sed ex omni parte stet in uno puncto, idest in angulo, constat corpus sphaericum velocissime moveri motu circulari. Similiter etiam maxime retinebit proprium locum: quia scilicet nulla pars eius incipiet esse nisi ubi alia fuit; quod in corporibus rectilineis non contingit, propter praeeminentias angulorum. Sed figura sphaerica est maxime inepta ad motum quo proceditur in anterius. In nullo enim similatur corporibus animalium, quae moventur per seipsa. In corpore enim sphaerico nihil est depressum vel supereminens, sicut invenitur in corpore rectilineo: sed figura sphaerica plurimum distat a figura corporum animalium, quae moventur motu progressivo secundum quandam elevationem et depressionem; unde et membra animalium in suis iuncturis sunt flexibilia, ut sint apta ad motum progressivum. Quia ergo oportebat quod totum caelum, idest ipsa sphaera, moveretur motu circulari; et quod stellae non moverentur motu progressivo; rationabiliter factum fuit quod utrumque esset sphaericum, scilicet et sphaera et stella. Quia per hoc quod caelum est sphaericum, est aptum ad motum circularem: per hoc autem quod stellae sunt sphaericae, sunt ineptae ad motum progressivum. Unde non moventur in circulis, sed manent, delatae per motum circulorum.

[71222] Sur le De caelo, II, 13, 2. Et c’est pourquoi il semble avoir été logiquement fait en sorte que [290b1] le ciel aussi soit tout entier sphérique, tout comme chaque étoile. Car la forme sphérique semble être le plus utile au mouvement circulaire, où un corps sphérique se déplace Ğ de lui-même ğ, c’est-à-dire sans changer de lieu dans sa totalité, si ce n’est suivant la raison, mais seulement par ses parties, comme le prouve le livre VI de la Physique. En effet, du fait qu’un corps se déplaçant circulairement est sphérique, il se déplace très rapidement, d’une part parce que la ligne circulaire est la plus petite de toutes les figures contenant un espace égal, d’autre part aussi parce que les corps rectilignes n’ont pas un mouvement uniforme de tout côté, étant donné qu’ils sont plus fixés à la partie où ils ont une surface plane qu’à celle des angles. De ce fait comme une figure sphérique n’a nulle part de surface plane, mais qu’elle se tient de toute part en un seul point, c’est-à-dire en un angle, c’est un fait reconnu que c’est le corps sphérique qui se déplace le plus vite circulairement. De la même manière, il gardera aussi surtout son propre lieu, puisque chacune de ses parties commencera à être seulement là où une autre a été, ce qui n’arrive pas aux corps rectilignes, en raison de la prééminence de leurs angles. Mais une figure sphérique est totalement [290b5] inapte au mouvement de progression vers l’avant. En effet elle n’est en rien semblable aux corps des animaux, qui se déplacent d’eux-mêmes. Car dans un corps sphérique il n’y a ni creux, ni relief, comme on en trouve dans un corps rectiligne ; mais la forme sphérique est la plus éloignée de celle des corps des animaux, qui se déplacent dans un mouvement de progression, s’élevant et en s’abaissant ; par conséquent les membres des animaux aussi sont flexibles dans leurs jointures, si bien qu’ils sont aptes au mouvement de progression. Donc, puisqu’il fallait que tout le Ğ ciel ğ, c’est-à-dire la sphère elle-même, se déplace circulairement, et que les étoiles ne se déplacent pas dans un mouvement de progression, [290b10] il a été fait rationnellement en sorte que les deux soient sphériques, à savoir et la sphère et l’étoile. Puisque, du fait que le ciel est sphérique, il est apte au mouvement circulaire et que, par le fait que les étoiles sont sphériques, elles sont inaptes au mouvement de progression, si bien qu’elles ne se déplacent pas sur des cercles, mais qu’elles demeurent immobiles, emportées par le mouvement des cercles.

[71223] In De caelo, lib. 2 l. 13 n. 3 Potest autem hic esse dubitatio, cum corpora sphaerarum non percipiantur visu, eo quod sunt diaphana, et possit dici quod stellae moveantur quasi in aere, quare hoc Aristoteles praetermisit inquirere. Sed dicendum est quod multipliciter apparet ex his quae Aristoteles docet, esse in caelo non solum corpora stellarum distincta, sed etiam sphaerarum. Primo quidem ex hoc ipso quod ostendit stellas non per se moveri hoc motu qui in eis apparet. Secundo ex ratione quam supra praemisit, quia nulla esset ratio quare stella quae peragit maiorem circulum, velocius moveretur: quod tamen habet rationem supposito motu circulorum, quia maior circulus rationabiliter proprio motu velocius movetur. Tertio quia Aristoteles in principio huius libri probavit esse aliquod corpus quod circulariter movetur: motus autem stellae, si per se moveretur absque orbe, esset processivus et non circularis, quia non moveretur in eodem loco. Quarto apparet quia illud spatium in quo stellae moventur, non potest esse vacuum, eo quod impossibile est esse vacuum in natura, ut in IV Physic. probatum est. Si vero sit plenum aliquo alio corpore, quod non pertineat ad naturam stellarum, puta igne vel aere, hoc manifeste est inconveniens duplici ratione: primo quidem quia non esset conveniens ut idem esset locus corporum generabilium et corruptibilium, scilicet ignis et aeris, et corporum incorruptibilium, scilicet stellarum, cum diversa corpora habeant diversa loca, naturis eorum proportionata; secundo quia non est rationabile quod corpora inferiora sint continua, et corpora caelestia sint ad invicem discontinuata. Relinquitur ergo quod totum illud spatium in quo stellae videntur moveri, est plenum caelesti corpore, quod pertinet ad ipsam substantiam sphaerarum. Quinto etiam apparet ex hoc quod sol et luna moventur super circulos se invicem intersecantes: quod apparet ex hoc quod luna quandoque est Australior, quandoque borealior, respectu circuli in quo sol movetur. Manifestum est autem quod intersectiones duorum circulorum, qui dicuntur nodi, sive caput et cauda, non semper sunt in iisdem punctis: alioquin semper in eisdem punctis fierent eclipses solis et lunae, quae non possunt contingere nisi luna in coniunctione vel oppositione existente circa aliquem nodorum praedictorum. Si autem haec diversitas accideret solummodo per motum lunae, sequeretur quod luna non moveretur circulariter, sed secundum elicam figuram: quod est contra naturam caelestium corporum. Sic ergo patet quod ipse circulus lunae habet suum motum. Et eadem ratione circulus solis et aliarum stellarum.

[71223] Sur le De caelo, II, 13, 3. Une question peut se poser ici, comme les corps des sphères ne sont par perçus par la vue, étant donné qu’ils sont diaphanes, et que l’on peut dire que les étoiles se déplacent quasiment dans l’air, c’est pourquoi Aristote a omis de rechercher cela. Mais il faut dire qu’il apparaît pour de multiples raisons, d’après ce qu’Aristote enseigne, qu’il y a dans le ciel non seulement les corps distincts des étoiles, mais aussi ceux des sphères. Premièrement du fait même qu’il montre que les étoiles ne se déplacent pas d’elles-mêmes suivant le mouvement qu’on les voit faire. Deuxièmement d’après le raisonnement qu’il avait annoncé au préalable, à savoir qu’il n’y a pas de raison pour qu’une étoile qui parcourt un cercle plus grand se déplace plus vite : pourtant il y a une raison à cela une fois le mouvement des cercles supposé, puisqu’un cercle plus grand se déplace logiquement de son propre mouvement. Troisièmement puisqu’Aristote a prouvé au début de ce livre qu’il y a un corps qui se déplace circulairement : or le mouvement de l’étoile, si elle se déplaçait sans cercle, serait de progression, et non circulaire, puisqu’elle ne déplacerait pas au même endroit. Quatrièmement il apparaît que l’espace dans lequel les étoiles se déplacent ne peut être vide, puisqu’il est impossible qu’il y ait du vide dans la nature, comme il est prouvé dans le livre IV de la Physique. Or s’il est plein d’un autre corps qui n’appartient pas à la nature des étoiles, par exemple de feu ou d’air, cela ne convient manifestement pas pour deux raisons ; premièrement parce qu’il ne conviendrait pas que des corps qui puissent être engendrés et corrompus, à savoir le feu et l’air, et celui de corps incorruptibles comme les étoiles, soient au même endroit, comme différents corps ont différents lieux, en proportion de leurs natures ; deuxièmement puisqu’il n’est pas logique que des corps inférieurs soient continus et que des corps célestes soient discontinus entre eux. Il reste donc que tout l’espace dans lequel les étoiles semblent se déplacer est rempli d’un corps céleste qui appartient à la substance même des sphères. Cinquièmement il apparaît aussi de ce fait que le Soleil et la Lune se déplacent sur des cercles qui se coupent l’un l’autre : on le voit puisque la Lune est un jour plus au sud, un jour plus au nord, par rapport au cercle sur lequel le Soleil se meut. Or il est manifeste que les intersections des deux cercles, qui s’appellent des nœuds, c’est-à-dire la tête et la queue, ne sont pas toujours aux mêmes points : sinon, les éclipses de Soleil et de Lune se feraient toujours aux mêmes points, elles qui ne peut se produire si la Lune n’est en conjonction ou en opposition à l’un des nœuds déjà mentionnés. Or si cette différence se produisait seulement grâce à un mouvement de la Lune, il s’ensuivrait que la Lune ne se déplacerait pas circulairement, mais selon une figure en hélice, ce qui est contraire à la nature des corps célestes. Ainsi donc il est clair que le cercle de la Lune lui-même a son mouvement, ainsi que, selon le même raisonnement, le cercle du Soleil et des autres étoiles.

[71224] In De caelo, lib. 2 l. 13 n. 4 Est autem considerandum quod, cum Aristoteles dicit non esse rationabile quod natura curaverit de animalibus, et quod corpora sic pretiosa reliquerit, stellas non vocat animalia. Quia, ut Alexander dicit, sensitivum constituit animal; in caelestibus autem corporibus, si sunt animata, non est virtus animae sensitiva, sicut etiam neque nutritiva; unde non dicuntur animalia nisi aequivoce, ex eo scilicet quod habent animam intellectivam. Sed hoc Simplicius in commento suo nititur improbare: quia omne quod est honorabile, magis est attribuendum caelestibus corporibus quam terrenis; cum ergo sentire pertineat ad dignitatem corporis, videtur quod multo magis caelestia corpora sentiant quam terrena. Praeterea, cum corpora caelestia se invicem tangant, inconveniens videtur quod etiam se invicem non sentiant. Concedit igitur quod in corporibus caelestibus sunt tres sensus, scilicet visus, auditus et tactus: excludit autem ab eis duos alios sensus materialiores, scilicet olfactum et gustum.

[71224] Sur le De caelo, II, 13, 4. Or il faut considérer que, comme Aristote dit qu’il n’est pas logique que la nature se soit souciée des animaux et qu’elle ait négligé des corps aussi précieux, il n’appelle pas les étoiles des animaux. Puisque, comme Alexandre le dit, il a défini l’animal comme sensitif ; or chez les corps célestes, s’ils sont animés, il n’y a pas de vertu d’âme sensitive, comme il n’y en a pas non plus de nutritive ; de ce fait ils ne sont pas qualifiés d’animaux si ce n’est de façon équivoque, du fait qu’ils ont une âme intellective. Mais Simplicius s’efforce de rejeter cela dans son commentaire : puisque tout ce qui est honorable doit être attribué aux corps célestes plutôt qu’aux terrestres ; donc comme la perception concerne la dignité du corps, il semble que les corps célestes perçoivent beaucoup plus que les terrestres. En outre, comme les corps célestes se touchent les uns les autres, il ne convient pas, à ce qu’il semble, qu’ils ne se perçoivent pas non plus. Donc il concède que dans les corps célestes il y a trois sens, à savoir la vue, l’ouïe et le toucher : il leur refuse deux autres sens plus matériels, à savoir l’odorat et le goût.

[71225] In De caelo, lib. 2 l. 13 n. 5 Est igitur videndum quid horum sit secundum sententiam Aristotelis. Qui videtur sentire quod in corporibus caelestibus non sit alia de partibus animae nisi intellectiva. Dicit enim in XII Metaphys. quod primum movens movet caelum sicut desideratum, non quidem desiderio sensus, sed desiderio intellectus. Et in II de anima dicit: quibus inest ratiocinatio corruptibilium, his et reliqua omnia; quasi hoc non sit verum in corporibus incorruptibilibus, quibus opinatur intellectum vel rationem inesse absque aliis potentiis animae. Sed dubium videtur facere quod dicitur in III de anima. Non potest, inquit, corpus habere quidem animam et intellectum discretivum, sensum autem non habere, non mansivum existens, idest nisi maneat semper in eodem loco, sicut plantae et animalia immobilia, generabile autem, idest si sit generabile et corruptibile, sicut patet in hominibus et in aliis huiusmodi animalibus. Subdit autem: at vero neque ingenerabile; per quod videtur significare quod neque etiam si corpus aliquod sit ingenerabile et incorruptibile, sicut sunt caelestia corpora, quod scilicet habeant intellectum sine sensu. Et ad hoc probandum subdit: quare enim non habeant, scilicet sensum, cum habeant intellectum? Aut enim animae melius aut corpori: quasi dicat: aut hoc quod non habet sensum, est propter bonum animae, aut propter bonum corporis. Et subdit: nunc autem neutrum est: hoc quidem enim, scilicet anima, non magis intelliget sine sensu; hoc autem, scilicet corpus, nihil magis erit, idest non erit durabilius, propter illud, scilicet propter hoc quod non habet sensum. Unde concludit: nullum ergo habet animam corpus, non manens, sine sensu. Ex quo videtur sentire quod, si corpora caelestia sint animata anima rationali et intellectiva, quod habeant etiam sensum. Sed huic sententiae obviat quod statim subdit: at vero si sensum habet, necesse est aut corpus esse aut simplex aut mixtum. Impossibile est autem simplex: tactum enim non haberet, est autem necesse hunc habere. Cum ergo corpora caelestia sint simplicia, impossibile est quod habeant sensum.

[71225] Sur le De caelo, II, 13, 5. Il faut donc voir lequel de ces sens est accepté par Aristote. Ce dernier semble percevoir que dans les corps célestes la seule partie de l’âme est intellective. Car il dit dans le livre XII de la Métaphysique que le premier moteur déplace le ciel, comme il le désire, poussé non par un désir du sens, mais par un désir de l’intellect. Et dans le livre II de l’Âme il dit : Ğ là où se trouve la raison des corps corruptibles, tout le reste se trouve aussi ğ, comme si cela n’était pas vrai pour les corps incorruptibles, dans lesquels, selon lui, l’intellect ou la raison se trouve sans les autres puissances de l’âme. Mais il semble douteux qu’ils fassent ce qu’il dit dans le livre III de l’Âme. Ğ Un corps ne peut avoir, dit-il, une âme et un intellect distincts sans avoir de sens, et sans être stable ğ, c’est-à-dire sans demeurer toujours au même endroit, comme les plantes et les animaux immobiles, Ğ mais c’est vrai pour celui qui peut être engendré ğ, c’est-à-dire s’il peut être engendré et corrompu, comme on le voit chez les hommes et autres êtres vivants de ce genre. Or il ajoute : Ğ mais non ce qui ne peut être engendré ğ ; par cela il semble vouloir dire que ce n’est pas vrai non plus, si un corps ne peut être engendré ni corrompu, comme le sont les corps célestes, étant donné qu’ils ont un intellect privé de sens. Et pour le prouver, il ajoute : Ğ c’est pourquoi ils n’en ont pas ğ, à savoir de sens, alors qu’ils ont un intellect ? Ğ Ou bien c’est mieux pour l’âme ou pour le corps ğ : c’est comme s’il disait : ou bien ne pas avoir de sens, c’est pour le bien de l’âme ou pour le bien du corps. Et il ajoute : Ğ maintenant ce n’est ni l’un ni l’autre : ceci, en effet, c’est-à-dire l’âme, ne comprendra pas plus en étant dépourvu de sens ; or cela ˗ à savoir le corps ˗ ne sera rien de plus ˗ c’est-à-dire ne sera pas plus durable ˗ Ğ à cause de cela ğ ˗ à savoir du fait qu’il n’a pas de sens. Il en conclut : Ğ donc aucun corps, non stable, n’a d’âme sans avoir de sens ğ. Il semble en tirer l’idée que, si des corps célestes sont animés d’une âme rationnelle et intellective, ils ont aussi un sens. Mais il objecte à cette opinion ce qu’il ajoute aussitôt : Ğ mais s’il a un sens, il est nécessaire que ce corps soit simple ou composé. Or il est impossible qu’il soit simple : car il n’aurait pas de toucher, or il est nécessaire qu’il en ait ğ. Donc comme les corps célestes sont simples, il est impossible qu’ils aient de sens.

[71226] In De caelo, lib. 2 l. 13 n. 6 Unde praedicta verba Aristotelis sic exponuntur et per Themistium et Averroem in suis commentis, ut hoc quod dicit, at vero neque ingenerabile, sic intelligatur: at vero neque incorruptibile, scilicet corpus caeleste, habet sensum. Quare enim non habebit? Quasi diceret: ista est causa quare non habet, aut enim animae melius aut corpori, idest, si haberet sensum corpus caeleste, aut hoc esset propter bonum animae aut propter bonum corporis. Nunc autem neutrum est: hoc quidem enim, scilicet anima caelestis corporis, non magis intelligit per sensum (non enim habet intellectum a sensibus accipientem, sicut anima intellectiva humana; sed intelligit talis anima per modum substantiae separatae, cui immediate continuatur in ordine rerum); hoc autem, scilicet corpus, nihil magis erit propter illud, idest non conservabitur in esse per sensum, sicut accidit in corporibus terrestrium animalium, quae praeservantur a corrumpentibus per sensum, sicut patet ex his quae praemiserat. Et haec quidem expositio videtur esse convenientior quantum ad efficaciam rationis. Ad hoc enim quod aliquid non sit frustra, magis oportet quaerere propter quid aliquid sit, quam propter quid aliquid non sit. Unde ad hoc quod caelum non habeat sensum, sufficit ostendere quod ex sensu nihil ei melius proveniat, quod ponitur secundum expositionem secundam. Nec oportet propter hoc ostendere quod melius sit ei non habere sensum, quod inquiritur secundum primam expositionem: quia hoc ipsum est sufficiens ratio non habendi sensum, si per sensum nihil ei melius adveniat. Sed conclusio quam infert, non videtur huic sententiae adaptari, sed magis priori: concludit enim consequenter: nullum ergo habet animam corpus, non manens, sine sensu. Quamvis possit dici quod haec conclusio non referatur ad immediate praecedentia, sed ad id quod supra dixerat de corporibus generabilibus. Quia tamen haec sententia videtur aliquatenus esse extorta, videtur potius dicendum quod hoc quod dicit, at vero neque ingenerabile, est continuandum cum praecedentibus; ut sit sensus quod sicut corpus generabile non habet animam intellectivam sine sensu, ita nec corpus ingenerabile. Sed corpus ingenerabile non accipitur hic caelum: quod patet ex hoc quod caelum est mansivum in eodem loco secundum totum, ipse autem loquitur de corpore non mansivo. Unde videtur hic loqui de quibusdam corporibus animatis, quae Platonici Daemones nominabant, dicentes eos esse animalia corpore aerea, tempore aeterna, sicut Apuleius Platonicus dicit in libro de Deo Socratis. Ponebant autem huiusmodi corpora moveri motu progressivo, et non mansiva in eodem loco.

[71226] Sur le De caelo, II, 13, 6. De ce fait les propos d’Aristote déjà cités sont ainsi exposés à la fois par Themistius et par Averroès dans leurs commentaires, pour que l’expression Ğ mais non ce qui ne peut être engendré ğ soit comprise de la façon suivante : mais ce qui est incorruptible, à savoir le corps céleste, Ğ n’a pas de sens. Pourquoi en effet n’en aura-t-il pas ? ğ. C’est comme s’il disait : voici la raison pour laquelle il n’en a pas : Ğ car ce serait mieux pour l’âme ou pour le corps ğ, c’est-à-dire que si un corps céleste avait un sens, cela serait soit pour le bien de l’âme, soit pour le bien du corps. Ğ Maintenant ce n’est ni l’un ni l’autre : car cela, à savoir l’âme du corps céleste, ne comprend pas plus par le sens ğ (car elle n’a pas d’intelligence qui reçoive des sens, comme l’âme intellective humaine ; mais une telle âme comprend à la manière d’une substance séparée, à laquelle elle est immédiatement unie dans l’ordre des choses) ; Ğ or ceci ğ, c’est-à-dire le corps, Ğ ne sera rien de plus à cause de cela ğ, c’est-à-dire qu’il ne sera pas conservé dans son être par les sens, comme il arrive aux corps des animaux terrestres, qui sont préservés par leurs sens de ce qui les corrompt, comme ce qu’il avait avancé le rend évident. Et cette théorie semble convenir davantage à la puissance efficace de la raison. En effet, concernant le fait qu’une chose n’est pas en vain, il faut rechercher pourquoi une chose est plutôt que pourquoi une chose n’est pas. De ce fait, concernant le fait que le ciel n’a pas de sens, il suffit de montrer que rien de mieux ne provient des sens, ce qui est établi dans la seconde théorie. Et pour cette raison il ne faut pas montrer qu’il est mieux pour lui de ne pas avoir de sens, ce qui est recherché dans la seconde présentation, puisque cela même est une raison suffisante pour ne pas avoir de sens, si rien de mieux ne lui arrive par ses sens. Mais la conclusion qu’il avance ne semble pas être adaptée à cette phrase, mais davantage à la précédente : car il conclut en conséquence : Ğ donc aucun corps, non stable, n’aura d’âme s’il est dépourvu de sens ğ. Bien que l’on ne puisse pas dire que cette conclusion ne se rapporte pas à ce qui précède immédiatement, mais à ce qu’il avait dit ci-dessus sur les corps susceptibles d’être engendrés. Pourtant, puisque cette phrase semble être démembrée à un certain point, il semble que l’on doive plutôt dire que ce qu’il dit, Ğ mais non ce qui ne peut pas être engendré ğ, doit être uni aux précédentes, de telle sorte qu’il a pensé que, de même qu’un corps susceptible d’être engendré n’a pas d’âme intellective s’il est privé de sens, de même un corps qui n’est pas susceptible d’être engendré n’en a pas non plus. Mais Ğ corps non susceptible d’être engendré ğ ne désigne pas ici le ciel, ce qui est évident quand on voit que le ciel demeure au même endroit dans sa totalité, or il parle lui-même d’un corps non stable. De ce fait il semble ici parler de certains corps animés, que Platon appelait Démons, disant qu’ils sont des êtres animés dotés d’un corps aérien et d’une vie éternelle, comme le platonicien Apulée le dit dans son livre sur Le Dieu de Socrate. Or, ils établissaient que les corps de ce genre se déplaçaient par un mouvement de progression et qu’ils n’étaient pas immobiles dans le même lieu.

[71227] In De caelo, lib. 2 l. 13 n. 7 Sed et si quis consideret ordinem corporum caelestium inter corpora naturalia, manifestum erit quod non convenit ei habere potentiam sensitivam. Primo quidem quia huiusmodi corpora non sunt passiva, sed activa: unde nec animabus eorum, si sint animata, convenit habere aliquas potentias sensitivas, quae sunt passivae. Secundo quia huiusmodi corpora sunt uniformia, utpote sphaerica existentia. Oportet autem corpus habens animam sensitivam, habere diversitatem organorum: quia, cum sensus sit vis cognoscitiva particularium, oportet quod corpus sensitivum habeat diversas potentias sensitivas, si perfecte sentiat, quibus cognoscat diversa sensibilium genera; diversis autem sensibus adaptantur diversa organa. Unde uniformitas sphaerici corporis repugnat dispositioni animae sensitivae. Tertio quia corpora caelestia sunt quasi universales causae inferiorum effectuum; et ita effectus sensibiles sunt in corporibus caelestibus non secundum particularem, sed secundum universalem rationem, sicut in causis universalibus. Multo igitur magis rationes rerum sensibilium sunt in animabus caelestium corporum, si sint animata, non secundum rationem particularem, quae pertinet ad sensum, sed secundum rationem universalem, quae pertinet ad intellectum.

[71227] Sur le De caelo, II, 13, 7. Mais même si l’on place l’ordre des corps célestes parmi les corps naturels, il sera évident qu’il ne lui convient pas d’avoir une puissance sensitive. Premièrement puisque les corps de ce genre ne sont pas passifs, mais actifs ; de ce fait il ne convient pas à leurs âmes, s’ils sont animés, d’avoir des puissances sensitives, qui sont passives. Deuxièmement puisque les corps de ce genre sont uniformes, en tant que sphériques. Or il faut qu’un corps doté d’une âme sensitive ait différents organes, puisque, comme un sens est une force qui apprend à connaître des choses particulières, il faut qu’un corps sensitif ait différentes capacités sensitives, s’il ressent parfaitement, lesquelles lui permettent de connaître différents genres de choses sensibles ; or à ces différents sens sont adaptés différents organes. De ce fait l’uniformité du corps sphérique répugne à la disposition de l’âme sensitive. Troisièmement puisque les corps célestes sont en quelque sorte les causes universelles des effets inférieurs ; et ainsi les effets sensibles sont dans les corps célestes non pas pour une raison particulière, mais pour une raison universelle, comme dans les causes universelles. Les raisons des choses sensibles se trouvent donc beaucoup plus dans les âmes des corps célestes, s’ils sont animés, non pour une raison particulière, qui concerne les sens, mais pour une raison universelle, qui concerne l’intellect.

[71228] In De caelo, lib. 2 l. 13 n. 8 Corpora igitur caelestia, si sunt animata, habent intellectum sine sensu. Sed sicut intellectus substantiarum separatarum cognoscit non solum universalia, sed etiam particularia (habent enim per unam virtutem cognoscitivam quod nos habemus per plures), ita etiam est de animabus caelestibus, quod suo intellectu cognoscunt non solum universalia, sed etiam particularia. Ita enim est in omnibus, quod perfectiones quae attribuuntur inferiori per multa, superiori attribuuntur per unum; sicut imaginatio una est virtus omnium sensibilium cognoscitiva, quae tamen sensus percipit per diversas virtutes. Et ex hoc excluditur obiectio Avicennae, qui in sua metaphysica ostendit quod oportet animam caelestis corporis habere vim imaginativam, per quam apprehendat particulares situs qui renovantur in caelo secundum motum eius; sicut intellectus noster practicus non movet secundum universalem apprehensionem sine particulari, ut dicitur in III de anima. Secundum enim praedicta, substantia quae movet caelum, sive sit substantia separata sive sit anima, potest apprehendere particulares situs per intellectum sine sensu, ut dictum est.

[71228] Sur le De caelo, II, 13, 8. Les corps célestes, s’ils sont animés, ont donc un intellect dépourvu de sens. Mais comme l’intellect des substances séparées apprend à connaître non seulement les choses universelles, mais aussi les particulières (car elles obtiennent grâce à une seule puissance apprenant à connaître ce que nous obtenons grâce à plusieurs), il en est de même aussi des âmes célestes, parce qu’elles connaissent grâce à leur intellect non seulement les choses universelles, mais aussi les particulières. Ainsi, en effet, pour tout, parce que les perfections qui sont attribuées à un être inférieur pour de multiples raisons le sont à un être supérieur pour une seule, de même que l’imagination est une vertu qui apprend à connaître toutes les choses sensibles que, pourtant, le sens perçoit par différentes vertus. Et on rejette ainsi l’objection d’Avicenne, qui montre dans sa métaphysique que l’âme du corps céleste doit avoir une force imaginative, qui lui permette d’appréhender les situations particulières qui sont renouvelées dans le ciel grâce à son mouvement, tout comme notre intellect pratique ne déplace pas en appréhendant universellement sans appréhender particulièrement, comme le dit le livre III de l’Âme. En effet, suivant ce qui a été déjà dit, la substance qui déplace le ciel, qu’elle soit substance séparée ou qu’elle soit âme, peut appréhender les situations particulières par son intellect sans avoir de sens, comme on l’a dit.

[71229] In De caelo, lib. 2 l. 13 n. 9 Quod autem Simplicius obiicit, quod sentire pertinet ad nobilitatem inferioris corporis, unde magis natum est convenire corpori caelesti, dupliciter solvitur. Primo quidem quia, cum anima non sit propter corpus sed e converso, non est considerandum principaliter in potentiis animae id quod pertinet ad nobilitatem corporis, sed id quod pertinet ad rationem animae. Secundo quia id quod habent corpora inferiora, idest cognoscere sensibilia inferiori modo, scilicet per sensum, habent corpora caelestia superiori modo, scilicet per animam intellectivam eis unitam.

[71229] Sur le De caelo, II, 13, 9. Or l’objection de Simplicius, à savoir que sentir concerne la noblesse du corps inférieur, si bien que cela convient plus naturellement à un corps céleste, se résout de deux façons. Premièrement puisque, comme l’âme n’existe pas pour le corps, mais inversement, il ne faut pas considérer principalement pour les puissances de l’âme ce qui concerne la noblesse du corps, mais ce qui concerne la raison de l’âme. Deuxièmement puisque ce qu’ont les corps inférieurs, c’est-à-dire la connaissance des choses sensibles de façon inférieure, c’est-à-dire par les sens, les corps célestes l’ont de façon supérieure, à savoir par l’âme intellective qui est unie à eux.

 

 

Lectio 14

Leçon 14 – [Le son des étoiles]

[71230] In De caelo, lib. 2 l. 14 n. 1 Postquam philosophus determinavit de motu stellarum, hic determinat de sono earum, qui est effectus motus localis, ut dicitur in II de anima. Et circa hoc duo facit: primo excludit opinionem aliorum; secundo determinat veritatem, ibi: sed rationabiliter neque audimus et cetera. Circa primum tria facit: primo ponit quod intendit; secundo inducit rationem aliter sentientium, ibi: videtur autem quibusdam etc.; tertio ostendit quomodo dubitationi satisfacere nituntur, ibi: quoniam autem irrationabile et cetera. Dicit ergo primo manifestum esse ex his quae dicta sunt (quod scilicet stellae non moventur), quod si quis dicat quod ex motu earum accidit quaedam harmonia, idest sonus harmonicus, tanquam soni stellarum sibi invicem consonent, leviter loquitur, idest sine ratione sufficienti, et superflue: et hoc dicit quasi nulla utilitate ex huiusmodi sono sequente, sed magis maximo nocumento, ut patebit. Et etiam non ita se habet veritas, secundum quod ex praemissis demonstrationibus apparet.

[71230] Sur le De caelo, II, 14, 1. Après que le philosophe a traité du mouvement des étoiles, il traite ici de leur son, qui est un effet du mouvement local, comme le dit le livre II de l’Âme. Et sur ce point il fait deux choses : il rejette premièrement l’opinion des autres ; il détermine deuxièmement la vérité, ici : Ğ mais logiquement nous n’entendons pas ğ, etc. Concernant le premier point il fait trois choses : il expose premièrement ce qu’il se propose de faire ; il avance deuxièmement le raisonnement de ceux qui pensent autrement, ici : Ğ il semble à certains ğ, etc. ; il montre troisièmement comment ils s’efforcent de répondre à une question, ici : Ğ puisqu’il est illogique ğ, etc. Il dit donc premièrement qu’il est évident à partir de ce qui a été dit (à savoir que les étoiles ne se déplacent pas) que, si l’on dit que ce mouvement produit une Ğ harmonie ğ, c’est-à-dire un son harmonieux, comme si les sons des étoiles étaient en consonance les uns avec les autres, on parle Ğ légèrement ğ, c’est-à-dire sans raison suffisante, et Ğ de façon superflue ğ : et il le dit comme si un son de ce genre n’avait aucune utilité, mais plutôt une très grande nuisance, comme on le montrera. [290b15] Et aussi la vérité n’est pas ainsi, dans la mesure où elle apparaît d’après les démonstrations déjà faites.

[71231] In De caelo, lib. 2 l. 14 n. 2 Deinde cum dicit: videtur autem quibusdam etc., inducit rationem Pythagoricorum, quorum erat praedicta sententia. Et primo ostendit quomodo probabant quod corpora caelestia suo motu faciunt magnum sonum. Tria enim sunt propter quae corpora quae apud nos moventur, magnum sonum facere videntur: scilicet propter magnitudinem corporum quae moventur, et propter velocitatem motus ipsorum, et propter multitudinem ipsorum. Corpora autem quae apud nos mota faciunt sonum, neque habent tantam magnitudinis molem, neque tam velocem motum, sicut sol et luna et aliae stellae: quod patet partim ex his quae sensu apparent, nam sol et luna quolibet die totum mundum circumeunt; partim ex his quae in astrologia manifestantur de magnitudinibus eorum et velocitate motus. Adhuc autem ad hoc facit multitudo stellarum. Multo igitur magis videtur quod sol et luna et aliae stellae suis motibus faciant maximos sonos.

[71231] Sur le De caelo, II, 14, 2. Ensuite quand il dit : Ğ or il semble à certains auteurs ğ, etc., il introduit le raisonnement des Pythagoriciens, dont l’opinion avait été présentée. Et il montre premièrement comment ils prouvaient que les corps célestes émettent un son puissant en se déplaçant. Car il y a trois raisons pour lesquelles les corps qui se déplacent chez nous semblent produire un son puissant : à savoir en raison de la dimension des corps qui se déplacent, en raison de la rapidité de leur mouvement, et en raison de leur multitude. Or les corps qui chez nous produisent un son une fois déplacés n’ont pas une aussi grande masse, ni un mouvement aussi rapide que le Soleil, la Lune et les autres étoiles, ce qui est évident en partie d’après ce qui apparaît à notre vue, car le Soleil et la Lune parcourent le monde entier chaque jour, en partie d’après ce qui est montré en astronomie de leurs grandeurs et de la rapidité de leur mouvement. [290b20] Or la multitude des étoiles ont encore une action dans ce but. Il semble donc bien plus vrai que le Soleil, la Lune et les autres étoiles produisent des sons très puissants en se déplaçant.

[71232] In De caelo, lib. 2 l. 14 n. 3 Secundo cum dicit: supponentes autem etc., ostendit quomodo probabant quod sonus eorum esset harmonicus. Manifestum est enim ex his quae in musica traduntur, quod velocitas motus facit sonum acutum, tarditas autem motus facit sonum gravem; determinata autem proportio secundum certos numeros acuti et gravis, est causa harmoniae in sonis; sicut proportio duorum ad unum facit diapason, proportio trium ad duo, quae dicitur sesquialtera, facit diapente, et sic de aliis. Ostensum est autem in praemissis quod quanto stella movetur in maiori circulo, tanto velocius movetur. Tanto autem est maior circulus in quo movetur stella, quanto in sphaera stellarum fixarum magis distat a polo; in planetis autem quanto magis distant a centro. Et ideo secundum proportionem elongationum stellarum ab invicem, sive etiam a centro vel a polis, comprehendebant fieri diversitatem velocitatum in motibus stellarum, et per consequens acuitatis et gravitatis in sonis earum. Inveniebant autem elongationem sive distantias esse secundum proportiones numerales, quae faciunt musicales consonantias; et ideo dicebant quod sonus astrorum quae moventur in circuitu, est harmonicus; quem vocabant vocem, propter hoc quod ponebant corpora caelestia esse animata.

[71232] Sur le De caelo, II, 14, 3. Deuxièmement quand il dit : Ğ en supposant ğ, etc., il montre comment ils prouvaient que leur son est harmonieux. En effet, il est clair, d’après ce qui est enseigné en musique, que la vitesse d’un mouvement produit un son aigu et que la lenteur d’un mouvement, un son grave ; la proportion déterminée selon des nombres précis d’aigu et de grave est la cause de l’harmonie des sons, et c’est ainsi que la proportion de deux à trois fait le diapason, la proportion de trois à deux, qui est appelée sesquialtère, fait la quinte, et ainsi de suite. Or il a été montré dans les passages précédents que plus une étoile se déplace sur un grand cercle, plus elle le fait rapidement. Le cercle sur lequel une étoile est déplacée est d’autant plus grand qu’elle est plus distante du pôle sur la sphère des étoiles fixes, et, pour les planètes, qu’elles sont plus distantes du centre. Et c’est pourquoi ils considéraient que les différentes vitesses dans les mouvements des étoiles, et par conséquent celle de l’aigu et du grave dans leurs sons, étaient causées par la proportion entre les distances des étoiles, ou bien par rapport à celle du centre ou des pôles. Or ils découvraient que l’éloignement ou les distances suivent des proportions numériques, qui produisent des consonances musicales ; et c’est pourquoi ils disaient que le son des astres qui se déplacent en cercle est harmonieux, son qu’ils appellent Ğ voix ğ, parce qu’ils établissaient que les corps célestes sont animés.

[71233] In De caelo, lib. 2 l. 14 n. 4 Deinde cum dicit: quoniam autem irrationabile etc., ostendit quomodo obviabant cuidam dubitationi. Primo ergo ponit dubitationem. Cum enim nos habeamus auditum quo nos sonum percipimus, videtur non esse rationabile quod non audiremus tam magnam vocem, si ex motu astrorum proveniret. Secundo ibi: causam huius etc., ostendit quomodo huic dubitationi obviabant. Dicebant enim hanc esse causam quare hanc vocem non audimus, quia statim cum nascimur, coexistit nobis iste sonus; et ideo non potest nobis manifestari per suum oppositum, quod est silentium; haec enim duo, scilicet vox et silentium, per se invicem diiudicantur et discernuntur. Unde accidit hominibus de sono caelestium corporum, sicut accidit malleatoribus aeris, qui propter consuetudinem quasi non sentiunt differentiam soni et silentii, eo quod aures eorum sunt impletae huiusmodi sono.

[71233] Sur le De caelo, II, 14, 4. Ensuite, quand il dit : Ğ puisqu’illogique ğ, etc., il montre comment ils s’opposaient à un problème. Donc il présente premièrement ce problème. En effet, comme nous sommes dotés de l’ouïe qui nous permet de percevoir les sons, il ne semble pas logique que nous n’entendions pas une voix aussi forte, si elle provient du mouvement des astres. [290b25] Deuxièmement ici : Ğ la cause de cela ğ, etc., il montre comment ils s’opposaient à ce doute. En effet, ils disaient que la raison pour laquelle nous n’entendons pas cette voix, c’est que ce son nous accompagne dès notre naissance, et c’est pourquoi il ne peut se manifester à nous par son contraire, qui est le silence : car ces deux choses, à savoir la voix et le silence, se distinguent et se différencient l’une par rapport à l’autre. De ce fait il arrive aux hommes, en ce qui concerne le son des corps célestes, la même chose qu’aux ouvriers battant le bronze, eux qui, par habitude, ne sentent pas de différence entre le son et le silence, parce que leurs oreilles sont remplies de sons de ce genre. [290b30]

[71234] In De caelo, lib. 2 l. 14 n. 5 Tertio ibi: haec autem quemadmodum etc., improbat dictam responsionem; dicens quod sicut etiam prius diximus, haec dicuntur ab eis allicienter, idest secundum quandam probabilem rationem quae allicit aures hominum, et musice, idest secundum musicas rationes, sed non secundum veritatem; impossibile enim est quod hoc modo se habeant. Quia si corpora caelestia facerent tam magnos sonos, non solum est inconveniens quod nihil eorum audiatur, quod ipsi solvere nituntur; sed etiam inconveniens est quod corpora inferiora nihil patiantur ab illis sonis, etiam si eos non sentiant. Videmus enim quod soni excellentes destruunt non solum auditum animalium, sed etiam quaedam corpora inanimata; sicut sonus tonitrui frangit lapides, et etiam alia corpora duriora, sicut ferrum et aedificia et alia huiusmodi. Quod quidem contingit non ita quod corpora inanimata patiantur a sono inquantum est quoddam sensibile per auditum, sed inquantum simul cum sono fit vehemens percussio aeris et motus ipsius, sicut philosophus dicit in II de anima. Cum igitur corpora caelestia quae moventur, sint tam maximae quantitatis; et sonus eorum, si fit, oportet quod transcendat secundum excessum sonum tonitrui et quemlibet alium sonum, secundum proportionem magnitudinis corporum caelestium; multo magis necessarium est quod sonus caelestium corporum usque huc pertingeret, et quod esset intolerabilis fortitudo violentiae illius, quam inferret in inferioribus corporibus. Patet etiam alio modo quod eorum solutio non est sufficiens: quia consuetudo audiendi magnos sonos, non solum aufert discretionem illorum sonorum, sed etiam aliorum; sicut malleatores aeris non possunt percipere alios sonos minimos. Unde si propter consuetudinem non possumus audire sonos caelestium corporum, pari ratione nec alios sonos audire possemus.

[71234] Sur le De caelo, II, 14, 5. Troisièmement ici : Ğ ces théories, comme ğ, etc., il rejette la réponse présentée, disant que, comme nous l’avons dit aussi auparavant, ces théories sont dites Ğ attirantes ğ par eux, c’est-à-dire selon une raison probable qui attire les oreilles des hommes, et Ğ musicales ğ, c’est-à-dire selon des explications concernant la musique, mais non selon la vérité ; car il est impossible qu’il en soit ainsi. Puisque si les corps célestes produisaient des sons aussi forts, non seulement il ne serait pas convenable que l’on n’entende aucun d’entre eux, difficulté qu’ils s’efforcent de résoudre eux-mêmes, mais aussi que les corps inférieurs ne subissent rien à cause de ces sons, même s’ils ne les perçoivent pas. Car nous voyons que des sons excessifs détruisent non seulement l’ouïe des êtres animés, mais [290b35] certains corps inanimés, comme le son du tonnerre brise les pierres, et aussi [291a1] d’autres corps plus solides, tels que le fer, les bâtiments, et autres corps de ce genre. Or cela arrive non pas de telle sorte que les corps inanimés sont altérés par le son dans la mesure où leur ouïe comporte quelque sensibilité, mais dans la mesure où l’air est percuté violemment  et se déplace en même temps que le son, comme le philosophe le dit dans le livre II de l’Âme. Donc comme les corps célestes qui se déplacent ont une aussi grande dimension et que leur son, s’il se produit, doit dépasser le son excessif du tonnerre et n’importe quel autre son, en proportion avec la dimension des corps célestes, il est bien plus nécessaire que le son des corps célestes parvienne jusqu’à nous et que la force de sa violence soit intolérable, force qu’il applique aux corps inférieurs. Il est aussi évident, d’une autre manière, que leur solution n’est pas suffisante, puisque l’habitude d’entendre des sons puissants fait disparaître non seulement ces sons discrets, mais aussi les autres, tout comme les ouvriers battant le bronze ne peuvent percevoir d’autres sons très faibles. De ce fait, si par habitude nous ne pouvions entendre les sons des corps célestes, selon le même raisonnement nous ne pourrions pas entendre les autres sons non plus.

[71235] In De caelo, lib. 2 l. 14 n. 6 Videtur autem, ut Simplicius dicit in commento, sustineri posse Pythagorae positio contra ea quae hic Aristoteles dicit. Primo quidem quia potest dici quod soni caelestium corporum non sunt corruptivi, sed magis conservativi et vivificativi; sicut et motus caeli est ut vita quaedam omnibus natura existentibus, ut dicitur in VIII Physic. Similiter etiam quod nos non audimus sonos caelestium corporum, hoc non contingit propter consuetudinem, sicut hic dicitur; quia Pythagorici dicunt Pythagoram talem harmoniam quandoque audivisse, qui tamen consuetus fuit eam audire, sicut et alii. Sed hoc dicunt accidere quia non omnia sensibilia sunt proportionata omnibus sensibus, ut ab eis percipi possint; sicut multos odores percipiunt canes, quos homines percipere non possunt. Et similiter potest dici quod soni illi non sunt perceptibiles humano auditui, nisi aliquis habeat sensum elevatum et depuratum, sicut habuit Pythagoras. Quamvis dici possit quod Pythagoras audivit huiusmodi sonum non per sensum auditus, sed cognoscendo proportiones ex quibus illa harmonia constituitur.

[71235] Sur le De caelo, II, 14, 6. Or il semble que, comme Simplicius le dit dans son commentaire, la position de Pythagore ne puisse être soutenue contre ce que dit Aristote ici. Premièrement puisque l’on peut dire que les sons des corps célestes ne sont pas capables de corrompre, mais plutôt de préserver et de vivifier, de même que le mouvement du ciel aussi est une forme de vie pour tous ceux qui existent par nature, comme le dit le livre VIII de la Physique. De la même manière aussi ce n’est pas par habitude que nous n’entendons pas les sons des corps célestes, comme il le dit ici, puisque les Pythagoriciens disent que Pythagore a entendu un jour une telle harmonie, lui qui pourtant avait pris l’habitude de l’entendre, comme d’autres également. Mais ils disent que cela se produit puisque toutes les choses sensibles ne sont pas proportionnées à tous les sens pour être perçues par eux, de même que les chiens perçoivent de nombreuses odeurs que les hommes ne peuvent pas percevoir. Et, de la même façon, on peut dire que ces sons ne sont pas perceptibles à l’ouïe humaine, à moins que l’on ait un sens élevé et purifié, comme celui de Pythagore, bien que l’on puisse dire qu’il a entendu un son de ce genre non par le sens de l’ouïe, mais en découvrant les proportions qui constituent cette harmonie.

[71236] In De caelo, lib. 2 l. 14 n. 7 Sed haec non videntur veritatem habere. Primo quidem quia videmus quod, licet corpora caelestia sint causa vitae, et praecipue sol, tamen fulgor eius corrumpit visum nostrum, propter hoc quod eius proportionem excedit: et eadem ratione sonus qui ex motu illorum corporum proveniret, propter sui excessum nostrum auditum corrumperet. Secundo quia, sicut intellectus est perceptivus omnium intelligibilium, ita sensus est perceptivus omnium sensibilium, visus scilicet omnium visibilium, et auditus omnium audibilium: unde dicitur in III de anima quod anima quodammodo est omnia secundum sensum et secundum intellectum. Unde si esset aliquis auditus qui non esset perceptivus cuiuslibet soni, aut oporteret illum sonum aequivoce dici, aut etiam talem auditum. Potest quidem contingere quod aliquod animal delectetur in aliqua specie sensibilis secundum aliquem sensum, secundum quem non delectatur in ipso aliud animal; sicut homo delectatur secundum olfactum in odoribus rosarum et liliorum, non autem alia animalia; quia huiusmodi odores sunt convenientes hominibus secundum seipsos, aliis autem animalibus non conveniunt odores, nec delectant ea, nisi causa alimenti, sicut nec colores. Potest etiam contingere quod aliquod animal non cognoscat secundum aliquem sensum differentiam alicuius sensibilis, propter sensus debilitatem et sensibilis parvitatem; sicut homo, qui est debilis olfactus, non potest cognoscere differentiam aliquorum odorum, puta animalium transeuntium, quos cognoscunt canes: si tamen odores fuerint vehementes, etiam homines eos discernunt. Similiter etiam quaedam animalia secundum visum solis claritatem inspiciunt; quam oculi noctuarum ferre non possunt propter excellentiam eius, sed vitant eam sicut visus corruptivum. Unde impossibile esset ex motibus caelestium corporum provenire sonos tam vehementes, nisi perciperentur ab hominibus, vel corrumperent eorum auditum: nisi forte dicatur quod soni illi aequivoce dicerentur.

[71236] Sur le De caelo, II, 14, 7. Mais ces théories ne semblent pas contenir de vérité. Premièrement puisque nous voyons que, bien que les corps célestes soient la cause de la vie, et surtout le Soleil, cependant son éclat corrompt notre vue, parce qu’il dépasse sa proportion, et, suivant le même raisonnement, le son qui proviendrait du mouvement de ces corps corromprait notre ouïe en raison de son excès. Deuxièmement parce que, de même que l’intellect est capable de percevoir tous les êtres intelligibles, de même les sens sont capables de percevoir tous les sensibles, c’est-à-dire que la vue peut percevoir tous les êtres visibles et l’ouïe, tous les êtres audibles : de ce fait le livre III de l’Âme dit que l’âme contient, d’une certaine manière, toutes les choses selon les sens et selon l’intellect. Par conséquent, s’il y avait une ouïe qui ne soit pas capable de percevoir n’importe quel son, il faudrait que le mot Ğ son ğ soit utilisé de façon équivoque, ou bien aussi le mot Ğ ouïe ğ. Or il peut arriver qu’un être vivant aime une espèce d’être sensible grâce à un sens, qui ne permettra pas à un autre animal d’aimer la même chose, de même qu’un homme aime les odeurs des roses et des lys grâce à son odorat, contrairement aux autres êtres animés, puisque les odeurs de ce genre conviennent aux hommes pour eux-mêmes, mais que les odeurs ne conviennent pas aux autres êtres animés et ne leur plaisent pas, si ce n’est pour leur alimentation, tout comme les couleurs. Il peut aussi arriver qu’un être animé ne connaisse pas la différence d’un corps sensible grâce à son sens, en raison de la faiblesse de leur sens et de la petite taille de ce corps sensible, de même que l’homme, qui a un odorat faible, ne peut découvrir la différence entre des odeurs, par exemple d’animaux qui passent, odeurs que les chiens connaissent ; pourtant si ces odeurs sont fortes, les hommes les discernent aussi. De la même façon certains animaux aussi plongent leur regard dans la clarté du Soleil grâce à leur vue, clarté que les yeux des hiboux ne peuvent supporter en raison de sa force, mais qu’ils évitent parce que capable de corrompre leur vue. De ce fait il serait impossible que des sons aussi violents proviennent du mouvement des corps célestes, sans être perçus par les hommes ou sans qu’ils corrompent leur ouïe, à moins que l’on dise que ces sons sont nommés de façon équivoque.

[71237] In De caelo, lib. 2 l. 14 n. 8 Quod videtur consonare positioni Simplicii, qui videtur arguere Alexandrum, dicentem quod colores, et si qua existunt caelestibus corporibus, tanquam accidentia et extrinsecus advenientia eis insunt. Contra quod ipse dicit quod accidentia et extrinsecus assequentia in corporibus caelestibus dicere, inconvenientissimum existimat, cum habeant substantialem et specificam virtutem: videbatur enim ei quod, quia corpora caelestia sunt causa formarum substantialium in his inferioribus, nullum accidens in eis esse possit. Et secundum hoc, cum sensus non sit cognoscitivus nisi accidentium, sequetur quod nihil illorum corporum sentire possimus. Unde ipse dicit quod neque astra ipsa videmus, neque magnitudines ipsorum aut figuras, neque excellentes pulchritudines, sed neque motum, propter quem fit sonus; sed velut illustrationem quandam ipsorum videmus, talem velut etiam solis circa terram lumen, non ipse sol videtur. Sed hoc est expressissime falsum. Primo quidem quia Aristoteles dicit in II de anima quod non secundum quod aqua, neque secundum quod aer, diaphanum est; sed quoniam est natura eadem in his utrisque, et in perpetuo et superiori corpore. Et eadem ratione lumen, quod est actus diaphani, est eiusdem naturae in inferioribus corporibus et in caelesti corpore. Si ergo in huiusmodi inferioribus corporibus sunt accidentia sensu perceptibilia, pari ratione in corporibus caelestibus sunt accidentia perceptibilia sensu. Adhuc, figura et magnitudo sunt mathematica, quorum rationes sunt indifferentes in quocumque existant. Sicut igitur figura et magnitudo inferiorum corporum sunt accidentia sensibilia, ita etiam et in caelestibus corporibus. Item, si hoc esset, periret omnis certitudo astrologicae scientiae, quae procedit ex apparentibus secundum sensum circa corpora caelestia. Quomodo etiam esset possibile quod motus caelestium corporum esset eorum substantia, cum sit quid imperfectissimum? Sequeretur etiam quod idem esset in sole figura, lumen et motus, cum unius rei non sit nisi una substantia. Unde patet omnino impossibile esse quod dicit. Nihil autem prohibet corpora caelestia specificam virtutem habere, et tamen quaedam accidentia in eis esse: nam in inferioribus corporibus sunt quaedam accidentalia, licet in eis sit virtus ad generandum sibi simile in specie.

[71237] Sur le De caelo, II, 14, 8. Cela semble en accord avec la position de Simplicius, qui semble convaincre Alexandre d’erreur, disant que les couleurs, même si elles existent pour les corps célestes en tant qu’accidents et phénomènes arrivant de l’extérieur, se trouvent en eux. Contre cela il dit lui-même qu’il considère comme tout à fait inconvenant de parler d’accidents et de phénomènes qui arrivent pour des corps célestes, alors qu’ils ont une vertu substantielle et spécifique : car il lui semblait que, puisque les corps célestes sont la cause des formes substantielles chez les corps inférieurs, il ne peut y avoir aucun accident chez eux. Et selon cela, comme les sens ne sont capables de connaître que des accidents, il s’ensuivra que nous ne pourrons sentir aucun de ces corps. De ce fait, il dit lui-même que nous ne voyons ni les astres eux-mêmes, ni leurs grandeurs ou leurs formes, ni leur beauté supérieure, mais que nous ne voyons pas non plus leur mouvement, qui est la source du son ; mais nous en voyons l’éclat pour ainsi dire, tout comme la lumière du Soleil autour de la terre ne semble pas le Soleil lui-même. Mais cela est très expressément faux. Premièrement puisqu’Aristote dit dans le livre II de l’Âme que Ğ ce n’est pas en tant qu’eau, ni en tant qu’air qu’ils sont diaphanes, mais parce que dans l’une et l’autre se trouve la même nature, laquelle est aussi présente dans un corps éternel et placé dans une région supérieure ğ. Et, selon le même raisonnement, la lumière, qui est l’acte du diaphane, est de la même nature dans les corps inférieurs et dans le corps céleste. Donc si les accidents des corps inférieurs de ce genre sont perceptibles par les sens, suivant un raisonnement semblable, les accidents des corps célestes le sont aussi. En outre, la forme et la grandeur sont mathématiques, et leurs rapports sont indifférents pour tout ce qui existe. Donc de même que la forme et la grandeur des corps inférieurs sont des accidents sensibles, il en est ainsi pour les corps aussi. Et de la même façon, s’il en était ainsi, toute certitude disparaîtrait de la science astronomique, qui procède à partir des apparences grâce aux sens en ce qui concerne les corps célestes. Comment serait-il possible aussi que le mouvement des corps célestes soit leur substance, alors que c’est une chose très imparfaite ? Il s’ensuivrait aussi que la même chose serait forme, lumière et mouvement dans le Soleil, alors qu’à chose unique il n’est que substance unique. De ce fait il est évident que ce qu’il dit est absolument impossible. Or rien n’empêche que les corps célestes aient une puissance spécifique, et que certains accidents se trouvent pourtant chez eux : car certains accidents se trouvent dans les corps inférieurs, bien qu’ils possèdent la capacité d’engendrer un corps semblable à eux en espèce.

[71238] In De caelo, lib. 2 l. 14 n. 9 Deinde cum dicit: sed rationabiliter neque audimus etc., determinat veritatem. Et primo proponit quod intendit; secundo manifestat propositum, ibi: quaecumque quidem et cetera. Dicit ergo primo quod rationabile est quod non audimus sonum caelestium corporum, et quod inferiora corpora nullam violentam passionem ab eis pati videntur, propter hoc quod nullum sonum faciunt. Simul autem et per idem manifestabitur causa horum, scilicet quod non audimus sonos caelestium corporum, neque ab eis violentiam patimur; et testimonium accipiemus de veritate primorum sermonum, scilicet quod stellae non moventur per seipsas. Illud enim quod erat dubium circa sermones Pythagoricorum, dicentium fieri symphoniam, idest consonantiam musicalem, ex motu caelestium corporum, erit nobis argumentum quod stellae non per se moventur.

[71238] Sur le De caelo, II, 14, 9. Ensuite, quand il dit : Ğ mais il est logique que nous n’entendions pas ğ, etc., il recherche la vérité. Et il expose premièrement ce qu’il se propose de faire ; il montre deuxièmement la proposition, ici : Ğ certaines choses ğ, etc. Il dit donc premièrement qu’il est logique que nous n’entendions pas le son des corps célestes et que [291a5] les corps inférieurs ne semblent subir aucun dommage violent à cause d’eux, parce qu’ils ne produisent aucun son. Or en même temps et par le même moyen la cause de Ğ ceci ğ sera montré, à savoir que nous n’entendons pas les sons des corps célestes, et que nous ne subissons pas leur violence ; et nous recevrons le témoignage de la Ğ vérité ğ des premiers Ğ propos ğ, à savoir que les étoiles ne se déplacent pas d’elles-mêmes. Car ce qui était douteux concernant les propos des Pythagoriciens, qui disaient que se produisait une Ğ symphonie ğ, c’est-à-dire une consonance musicale, à cause du mouvement des corps célestes, sera pour nous la preuve que les étoiles ne se déplacent pas d’elles-mêmes.

[71239] In De caelo, lib. 2 l. 14 n. 10 Deinde cum dicit: quaecumque quidem etc., manifestat propositum: et primo ratione sumpta ex causa effectiva soni; secundo ex causa finali, ibi: velut futurum et cetera. Dicit ergo primo quod quaecumque corpora in his inferioribus secundum seipsa localiter moventur, faciunt sonum, inquantum faciunt plagam, idest aeris percussuram. Sed quaecumque corpora non moventur secundum seipsa, sed sunt infixa, aut qualitercumque existunt in corpore quod localiter fertur, talia non est possibile sonare; sicut homines qui sedent in navi, non sonant navi mota; neque etiam partes navis quae sunt navi fortiter infixae, sonant ad motum navis, nisi forte propter debilitatem coniunctionis, et cum navis conquassatur. Neque etiam videmus quod navis sonum faciat si feratur in fluvio currenti, ita tamen quod motus navis non sit per seipsam, sed solum per motum aquae: si vero sit velocior motus navis quam motus aquae, tunc inquantum dividit aquam, sonabit. Et tamen secundum easdem rationes quibus Pythagorici asserebant caelestia corpora sonum facere, poterit aliquis dicere inconveniens esse si malus, idest arbor navis, et puppis eius, cum habeat tantam magnitudinem, non faciant sonum; vel etiam ipsa navis, cum movetur in fluvio moto. Intelligendum tamen est quod hic excluditur sonus qui contingit ex divisione aquae, non autem sonus, si quis sit, ex divisione aeris, quantum ad partem navis quae aquae supereminet; quod praecipue apparet quando aer contra-resistit per impulsum venti. Sed illud quod movetur localiter per seipsum, non in aliquo corpore quod fertur, ita quod non faciat aliquam percussuram, impossibile est sonare. Dicendum est ergo quod, si corpora stellarum per se moverentur, sive in aeris multitudine, sive intelligamus aerem per totum mundum diffusum, sive etiam in multitudine ignis, sicut omnes dicunt assignantes supremum locum inter corpora igni, necesse est quod faciant stellae suo motu sonum super omnem magnitudinem naturalis soni. Quod quidem si fieret, sequeretur quod sonus ille usque huc pertingeret, et non solum audiretur a nobis, sed etiam corrumperet corpora quae sunt hic. Sed quia hoc non videmus contingere, consequens est quod nulla stellarum moveatur per seipsam, neque motu violento, neque motu qui sit ab anima. Non enim possent moveri stellae per seipsas, nisi facerent divisionem vel ipsarum sphaerarum caelestium vel aliquorum corporum intermediorum. Ipsae autem sphaerae moventur per seipsas, nec tamen aliquod corpus dividunt: unde etiam ex eorum motu nullus provenit sonus. Patet etiam quod per hoc quod philosophus hic dicit, excludit imaginationem quorundam existimantium quod stellae non moventur in sphaeris, sed in quibusdam corporibus mediis, puta aere vel igne, aut aliquo huiusmodi.

[71239] Sur le De caelo, II, 14, 10. Ensuite quand il dit : Ğ tout ce qui ğ, etc., il montre la proposition : et premièrement en tirant la raison de la cause effective du son ; deuxièmement de sa cause finale, ici : Ğ comme le futur ğ, etc. Il dit donc premièrement que tous les corps [291a10] qui se déplacent d’eux-mêmes localement dans ces lieux inférieurs produisent un son, dans la mesure où ils produisent un Ğ choc ğ, c’est-à-dire une percussion de l’air. Mais tous les corps qui ne se déplacent pas d’eux-mêmes, mais qui sont fixés, ou bien qui existent de quelque manière dans un corps qui est emporté localement, ne peuvent pas émettre de son, de même que des hommes assis dans un navire ne produisent pas de sons quand le navire est déplacé, et que les parties d’un navire qui lui sont fixées fortement n’émettent aucun son non plus lors du mouvement du navire, si ce n’est peut-être en raison de la faiblesse des jointures et lorsque le bateau est fortement secoué. Et nous ne voyons pas non plus que le bateau émette un son s’il est emporté sur un fleuve en crue, si bien que le mouvement du navire n’est pas produit par lui-même, mais seulement par celui de l’eau : or si le mouvement du navire est plus rapide que celui de l’eau, quand il divise l’eau il émettra alors un son. Et pourtant selon les mêmes raisons qui permettaient aux Pythagoriciens d’affirmer que les corps célestes émettent un son, on pourrait dire que cela ne convient pas si un mât, c’est-à-dire l’arbre d’un navire, et sa poupe, [291a15] alors qu’ils ont une si grande dimension, ne produisent pas de son, tout comme le navire lui-même, lorsqu’il se déplace dans un fleuve en mouvement. Il faut pourtant comprendre qu’est ici exclu le son qui est produit par la séparation de l’eau, mais non le son, s’il y en a un, produit par la séparation de l’air, dans la partie du navire qui s’élève au-dessus de l’eau ; cela se voit surtout lorsque l’air résiste grâce à l’impulsion du vent. Mais une chose qui se déplace localement d’elle-même, non pas dans un corps qui est emporté, de façon à ne produire aucun coup, il est impossible qu’elle résonne. Il faut donc dire que, si les corps des étoiles se déplacent d’eux-mêmes, soit dans une grande quantité d’air, compris comme l’air répandu par le monde entier, soit aussi dans une grande quantité de feu, [291a20] comme tous le disent en attribuant le lieu le plus élevé au feu parmi les corps, il est nécessaire que les étoiles produisent par leur mouvement un son qui dépasse toute la grandeur du son naturel. Or si cela se produisait, il s’ensuivrait que ce son parviendrait jusqu’ici et que non seulement il serait entendu de nous, mais qu’il corromprait aussi les corps qui sont ici. Mais puisque nous ne le voyons pas, il s’ensuit qu’aucune étoile ne se déplace d’elle-même, ni par un mouvement violent, ni par un mouvement issu de l’âme. Les étoiles ne pourraient en effet se déplacer d’elles-mêmes, à moins qu’elles ne causent la division soit des sphères célestes mêmes, soit des corps intermédiaires. Or les sphères elles-mêmes se déplacent d’elles-mêmes, et ne semblent pas diviser de corps : de ce fait aussi aucun son ne provient de leur mouvement. Il est aussi évident que, par ce que le philosophe dit ici, il rejette la représentation de certains savants qui estiment que les étoiles ne se déplacent pas dans les sphères, mais dans certains corps intermédiaires, par exemple l’air ou le feu, ou quelque autre de ce genre.

[71240] In De caelo, lib. 2 l. 14 n. 11 Deinde cum dicit: velut futurum etc., ostendit idem ex causa finali. Ideo enim natura non dedit stellis motum per se, et per consequens nec sonos, ac si providisset quod, nisi ita se haberet motus stellarum quod non moverentur per se, sed solum per motum sphaerarum, sequeretur hoc inconveniens, quod nihil in his inferioribus esset similiter se habens, quasi per aliquod tempus in suo esse conservatum. Datur autem per hoc intelligi, sicut Alexander notat, quod Aristoteles hic sentit quod Deus habet providentiam de his quae sunt hic inferius: non enim potest naturae attribui providentia secundum quod est quaedam virtus in corporibus, sed solum per comparationem ad intellectum instituentem naturam. Ultimo autem epilogando concludit dictum esse quod stellae sunt sphaericae figurae, et quod non moventur per seipsas.

[71240] Sur le De caelo, II, 14, 11. Ensuite quand il dit : Ğ comme le futur ğ, etc., il montre la même chose grâce à la cause finale. Pour cette raison, en effet, la nature n’a pas donné aux étoiles de mouvement en soi, et par conséquent pas de sons non plus, et si elle avait prévu que, [291a25] si le mouvement des étoiles n’était pas tel qu’elles ne se déplacent pas en soi, mais seulement grâce au mouvement des sphères, il s’ensuivrait l’inconvénient que rien chez les corps inférieurs ne soit Ğ de la même manière ğ, en quelque sorte conservé dans son être pendant un certain temps. Or il est donné de comprendre ici que, comme Alexandre le note, Aristote pense que Dieu exerce sa providence sur les corps qui sont ici-bas : car on ne peut attribuer la providence à la nature dans la mesure où se trouve une certaine puissance dans les corps, mais seulement en comparaison de l’intellect qui organise la nature. Enfin il termine en concluant qu’il a été dit que les étoiles sont de forme sphérique et qu’elles ne se déplacent pas d’elles-mêmes.

 

 

Lectio 15

Leçon 15 – [L’ordre et la place des étoiles]

[71241] In De caelo, lib. 2 l. 15 n. 1 Postquam philosophus determinavit de natura et motu stellarum, hic determinat de ordine et situ earum, et maxime quantum ad planetas: nam de stellis fixis manifestum est quod omnes sunt in suprema sphaera situatae. Et circa hoc duo facit: primo ostendit quid circa hoc naturalis a mathematico supponere debeat; secundo ostendit quid circa hoc proprie ad considerationem naturalis pertineat, ibi: accidit autem et cetera. Dicit ergo primo quod de ordine stellarum, quomodo scilicet singulae sint dispositae, ita quod quaedam sint priores et quaedam posteriores, idest superiores et inferiores; et quomodo se habeant ad invicem secundum elongationes, idest quantum una distet ab alia; considerandum est ex his quae dicuntur in astrologia, ubi de his sufficienter determinatur. Haec enim non possunt cognosci per principia naturalis philosophiae, sed per principia mathematicae, idest per proportiones magnitudinum. Dicitur autem Anaximander primo invenisse rationem de magnitudinibus stellarum, et distantiis earum ab invicem et a terra; ordinem autem positionis planetarum dicuntur primi Pythagorici deprehendisse; quamvis cum maiori diligentia et perfectius sint haec considerata per Hipparchum et Ptolomaeum.

[71241] Sur le De caelo, II, 15, 1. Après que le philosophe a traité de la nature et du mouvement des étoiles, il traite ici de leur ordre et de leur emplacement, et surtout par rapport aux planètes ; car, à propos des étoiles fixes, il est évident qu’elles sont toutes situées dans la sphère suprême. Et concernant cela il fait deux choses : il montre premièrement ce que sur ce point il doit subordonner de la physique aux mathématiques ; il montre deuxièmement ce qui sur ce point concerne à proprement parler la considération de la physique, ici : Ğ or il arrive ğ, etc. Il dit donc premièrement que, concernant l’ordre des étoiles, c’est-à-dire la façon dont elles sont disposées, [291a30] à savoir que les unes sont Ğ devant ğ et les autres sont Ğ derrière ğ, c’est-à-dire supérieures et inférieures, et la façon dont elles sont les unes par rapport aux autres selon l’éloignement, c’est-à-dire combien les unes sont distantes des autres, il faut réfléchir d’après ce que l’on dit en astronomie, où on traite suffisamment de cela. Cela, en effet, ne peut être connu par les principes de la philosophie naturelle, mais par ceux des mathématiques, c’est-à-dire par les proportions des grandeurs. Or on dit qu’Anaximandre fut le premier à découvrir le rapport des grandeurs des étoiles et leurs distances les unes par rapport aux autres et par rapport à la terre ; on dit que les Pythagoriciens furent les premiers à découvrir l’ordre des positions des planètes, bien que ces questions aient été examinées avec plus de soin et de perfection par Hipparque et Ptolémée.

[71242] In De caelo, lib. 2 l. 15 n. 2 Deinde cum dicit: accidit autem etc., ostendit quid circa hoc pertineat ad considerationem naturalis, scilicet velocitas et tarditas in motibus eorum. Dicit ergo quod rationabiliter accidit quod motus quarumlibet stellarum, secundum proportionem elongationis earum a prima sphaera et a terra, sunt velociores et tardiores. Supponimus enim, tanquam sensu apparens, quod suprema caeli circulatio sit simplex, idest non composita ex pluribus motibus, quia in ea nulla irregularitas apparet: et est velocissima, utpote quae in brevissimo tempore, scilicet spatio unius diei, circuit maximum circulum continentem totum. Circulationes autem planetarum sunt et tardiores et plures; non solum quia diversorum planetarum diversi sunt motus, sed etiam quia motus uniuscuiusque planetae ex diversis motibus constituitur. Unusquisque enim planetarum, secundum proprium motum in suo circulo, fertur in contrarium motus primi caeli, large accipiendo contrarietatem (non enim in motibus circularibus proprie est contrarietas, sicut in primo habitum est): cum enim motus primi caeli sit ab oriente in occidentem, motus planetarum in propriis circulis sunt ab occidente in orientem. Unde rationabile est quod planeta qui est propinquissimus simplici et primae circulationi, contra quam fertur in suo circulo, in plurimo tempore pertranseat proprium circulum; sicut Saturnus in triginta annis suum circulum peragit. Planeta autem maxime distans a suprema sphaera, scilicet luna, in minimo tempore peragit circulum suum, scilicet in spatio unius mensis, vel etiam in minori. Inter alios autem planetas, propinquior supremae sphaerae semper in maiori tempore circulum suum pertransit, sicut Iupiter in duodecim annis, Mars in duobus, Venus, Mercurius et sol fere in anno. Et sic illud quod magis distat a suprema sphaera, in minori tempore pertransit suum circulum: quia prima sphaera maxime praevalet planetae sibi propinquissimo, et ex hoc motus contrarius fit tardior; planetae autem maxime distanti minime praevalet, propter eius distantiam, et ideo motus contrarius in eo est velocior, scilicet in luna. Intermedii autem planetae se habent secundum rationem distantiae, sicut mathematici ostendunt; ita scilicet quod superiores planetae tardius moventur in suis propriis motibus. Sed quantum ad motum quo moventur motu primi mobilis; quanto sunt superiores, tanto velociores sunt, ut supra habitum est.

[71242] Sur le De caelo, II, 15, 2. Ensuite quand il dit : Ğ or il arrive ğ, etc., il montre ce qui ressortit sur ce point à la considération de la philosophie naturelle, à savoir la vitesse et la lenteur de leurs mouvements. Il dit donc qu’il arrive logiquement que les mouvements de n’importe quelles étoiles, selon la proportion de leur distance à la sphère première et à la terre, soient plus rapides et plus lents. Car [291a35] nous supposons que, comme elle apparaît aux sens, la révolution suprême du ciel est Ğ simple ğ, c’est-à-dire non composée de plusieurs mouvements, puisqu’aucune irrégularité n’apparaît en elle et [291b1] qu’elle est la plus rapide, parce que pendant un temps très bref, à savoir en une journée, elle suit le plus grand cercle, qui contient tout. Or les révolutions des planètes sont et plus lentes et plus nombreuses, non seulement parce que les mouvements des différentes planètes sont différents, mais aussi parce que le mouvement de chaque planète est constitué de différents mouvements. Car chacune des planètes, selon son propre mouvement sur son cercle, est emportée dans un mouvement contraire au premier ciel, en prenant Ğ opposition ğ au sens large (car il n’y a pas d’opposition à proprement parler dans les mouvements circulaires, comme on l’a vu dans le premier livre) : en effet, comme le mouvement du premier ciel va orient en occident, ceux des planètes vont sur leurs propres cercles d’occident en orient. De ce fait il est logique que la planète qui est la plus proche de la révolution simple et première, contraire à celle qui l’emporte sur son cercle, parcoure son propre cercle dans le temps le plus long, comme Saturne parcourt le sien en trente ans. [291b25] Or la planète la plus distante de la sphère suprême, c’est-à-dire la Lune, parcourt son cercle dans le temps le plus court, à savoir pendant une durée d’un mois, ou même dans un temps plus court. Parmi les autres planètes, la plus proche de la sphère suprême parcourt son cercle toujours dans le temps le plus long, comme Jupiter en douze années, Mars en deux, Vénus, Mercure et le Soleil en presque un an. Et ainsi le corps qui est plus éloigné de la sphère suprême parcourt son cercle dans le temps le plus court, puisque la première sphère a le plus d’influence sur la planète la plus proche d’elle, et que de ce fait un mouvement contraire se fait plus lentement ; or elle a le moins d’influence sur la planète qui est la plus distante, en raison de sa distance, et c’est pourquoi le mouvement contraire est plus rapide chez celle-ci, à savoir chez la Lune. Les planètes intermédiaires sont conformes au rapport de distance, comme les mathématiciens [291b10] le montrent, à savoir que les planètes supérieures se déplacent plus lentement de leurs propres mouvements. Mais quant au mouvement où c’est le premier corps mobile qui les déplace, plus elles sont supérieures, plus elles sont rapides, comme on l’a vu ci-dessus.

[71243] In De caelo, lib. 2 l. 15 n. 3 Videtur autem ex hoc quod Aristoteles hic dicit, quod in corporibus caelestibus sit aliquid violentum, si motus planetarum propinquiorum supremae sphaerae efficitur tardior ex hoc quod praevalet magis super ipsum motus primae sphaerae, propter propinquitatem. Si autem est ibi aliquid violentum, sequitur quod motus illi non sint sempiternae durationis sic se habentes, ut Aristoteles vult: nihil enim violentum potest esse sempiternum, ut supra habitum est. Respondet igitur ad hoc Alexander quod praevalentia supremae sphaerae facit quidem in propinquiori planeta necessitatem tarditatis, non tamen violentiam. Motus enim illi caelestes sunt secundum intellectum et voluntatem; in motibus autem voluntariis non est violentum quod est secundum voluntatem, etiam si sit cum necessitate quadam. Est autem voluntas moventis supremum planetam, ad hoc quod moveat suum mobile secundum convenientiam ad motum superioris mobilis, cui desiderat similari: unde non sequitur tarditatem illam motus primi planetae esse violentam.

[71243] Sur le De caelo, II, 15, 3. Il semble, d’après ce qu’Aristote dit ici, qu’il y ait quelque chose de violent dans les corps célestes, si le mouvement des planètes les plus proches de la sphère suprême est effectué plus lentement du fait qu’elle a plus d’influence sur le mouvement même de la sphère première, en raison de sa proximité. Or s’il y a ici quelque chose de violent, il s’ensuit que ces mouvements ne sont pas d’une durée éternelle, en étant ainsi, comme Aristote le veut : car rien de violent ne peut être éternel, comme on l’a vu ci-dessus. Alexandre répond donc à cela que l’influence de la sphère suprême cause chez la planète la plus proche une lenteur nécessaire, mais non une violence. En effet, ces mouvements célestes suivent l’intellect et la volonté ; or dans les mouvements volontaires ce qui suit la volonté n’est pas violent, même s’il a lieu selon une nécessité certaine. Il y a la volonté du corps déplaçant la dernière planète, qui s’exerce sur son mobile en harmonie avec le mouvement du mobile supérieur, à qui il désire ressembler ; il ne s’ensuit pas que la lenteur du mouvement de la première planète soit violente.

[71244] In De caelo, lib. 2 l. 15 n. 4 Sed hoc non solvit totaliter dubitationem, ita ut salventur principia ab Aristotele supposita, qui ponit quod corpus maius velocius movetur proprio motu et naturali: unde si ille motus quo planeta movetur in proprio circulo, est proprius et naturalis, consequens est quod sphaera superioris planetae, cum sit maior, velocius moveatur proprio motu. Similiter etiam non videtur ordinis convenientia salvari, si corpus quod est remotius a terra immobili, propinquius autem velocissimo motui primi mobilis, tardius in suo proprio motu moveatur.

 

[71244] Sur le De caelo, II, 15, 4. Mais cela ne résout pas totalement la question, de telle sorte que les principes supposés par Aristote sont sauvés, lui qui établit qu’un corps plus grand se déplace plus vite de son propre mouvement naturel ; de ce fait, si le mouvement selon lequel une planète se déplace sur son propre cercle est propre et naturel, il est logique que la sphère de la planète supérieure, comme elle est plus grande, se déplace plus vite de son propre mouvement. De la même manière aussi, l’harmonie de l’ordre ne semble pas être sauvée, si le corps qui est plus éloigné de la terre immobile, mais plus proche du mouvement très rapide du premier corps mobile se déplace plus lentement de son propre mouvement.

[71245] In De caelo, lib. 2 l. 15 n. 5 Unde et alii dixerunt quod in caelo non est nisi unus motus, scilicet quo totum caelum revolvitur per motum primi mobilis ab oriente in occidentem; et quantum ad hunc motum, superius corpus est velocioris motus, non solum quantum ad magnitudinem circuli, sed etiam quantum ad temporis brevitatem, ita scilicet quod superior sphaera in minori tempore percurrat maiorem circulum; et inde est quod inferior stella deficit a regrediendo ad idem punctum secundum tempus, non quod in contrarium primi motus moveatur. Et secundum hoc salvatur quod, ex hoc ipso quod superior planeta parum deficit ab attingendo primum motum, inferior autem plus, superior planeta est velocior, et inferior tardior.

[71245] Sur le De caelo, II, 15, 5. De ce fait, d’autres disent aussi que dans le ciel il n’y a qu’un mouvement, à savoir celui par lequel le ciel tout entier fait sa révolution en suivant le mouvement du premier corps mobile d’orient en occident ; et relativement à ce mouvement, le corps supérieur a un mouvement plus rapide, non seulement quant à la grandeur du cercle, mais aussi quant à la brièveté du temps, de telle façon que la sphère supérieure parcourt un plus grand cercle dans un temps plus bref ; et de là vient qu’une étoile inférieure manque de revenir au même point selon le temps, non pas parce qu’elle se déplace dans un mouvement contraire au mouvement premier. Et cela permet de sauver le fait que, étant donné qu’une planète supérieure manque un peu d’atteindre le premier mouvement, mais qu’une planète inférieure, davantage, une planète supérieure soit plus rapide et une inférieure, plus lente.

[71246] In De caelo, lib. 2 l. 15 n. 6 Et hoc quidem, sicut Ptolomaeus dicit, si motus planetarum contingat fieri super circulos aeque distantes ab aequinoctiali, et super eosdem polos. Cuius contrarium apparet, planetis declinantibus quandoque ad Septentrionem, quandoque ad meridiem. Unde magis videtur quod hoc quod planetae derelinquuntur a primo motu, sit secundum alium motum planetarum, quo moventur ab occidente in orientem, quam secundum solam deficientiam a primo motu, secundum quam videtur superior planeta tardius moveri.

[71246] Sur le De caelo, II, 15, 6. Et cela du moins, comme Ptolémée le dit, si les mouvements des planètes sont susceptibles de se faire sur des cercles également distants de l’équateur, et sur les mêmes pôles. Et c’est le contraire qui apparaît, étant donné que les planètes s’inclinent tantôt vers le septentrion, tantôt vers le midi. De ce fait il semble que le fait que les planètes soient délaissées par le premier mouvement est dû au fait qu’elles suivent l’autre mouvement des planètes, qui les fait se mouvoir d’occident en orient, plutôt que seulement à un abandon par le premier mouvement, selon laquelle une planète supérieure semble se déplacer plus lentement.

[71247] In De caelo, lib. 2 l. 15 n. 7 Huius autem causam assignat Alexander aliam, praeter eam quam hic assignat Aristoteles ex praevalentia primi motus. Dicit enim quod ideo planeta superior in maiori tempore peragit circulum suum, non propter tarditatem motus, sed propter magnitudinem circuli: potest enim id quod in maiori tempore movetur, esse velocius vel aeque velox, si maior sit excessus magnitudinis quam pertransit, vel aequalis, quam excessus temporis. Sed istud non apparet in planetis. Cum enim Saturnus peragat circulum suum in triginta annis, luna vero quasi in mense, oporteret quod proportio magnitudinis sphaerae Saturni ad sphaeram lunae esset secundum proportionem praedictorum temporum, vel etiam maior: quod nec hic videtur, nec in aliis planetis.

[71247] Sur le De caelo, II, 15, 7. Alexandre attribue à cela une autre cause en dehors de celle qu’Aristote présente ici à partir de l’influence du premier mouvement. Car il dit qu’une planète supérieure parcourt son cercle dans un temps plus long, non en raison de la lenteur de son mouvement, mais à cause de la grandeur du cercle : en effet, ce qui se déplace dans un temps plus long peut être plus rapide ou aussi rapide, si l’excès de la grandeur qu’il parcourt est plus grand que l’excès du temps, ou égal à lui. En effet comme Saturne parcourt son cercle en trente ans, et que la Lune le fait en un mois environ, il faudrait que la proportion de la grandeur de la sphère de Saturne avec celle de la Lune suive la proportion des durées mentionnées, ou même qu’elle soit plus grande qu’elle, ce que l’on ne voit pas ici, ni chez les autres planètes.

 

[71248] In De caelo, lib. 2 l. 15 n. 8 Unde aliter dicendum videtur, quod in universo est duplicem naturam considerare: scilicet naturam sempiternae permanentiae, quae est maxime in substantiis separatis; et naturam generabilem et corruptibilem, quae est in inferioribus corporibus. Corpora autem caelestia, cum sint media, utraque aliqualiter participant, secundum duos motus. Nam primus motus, qui est diurnus, est causa sempiternae durationis in rebus: secundus autem motus, qui est in circulo obliquo ab occidente in orientem, est causa generationis et corruptionis et aliarum transmutationum, ut patet per philosophum in II de Generat. Primum igitur mobile, tanquam nobilissimum et propinquissimum in ordine naturae substantiis separatis, habet solum primum motum, qui pertinet ad naturam uniformitatis. Alia vero corpora caelestia, inquantum magis recedunt a substantiis immobilibus, appropinquando substantiis generabilibus et corruptibilibus, aliquid participant de alio motu, qui pertinet ad naturam difformitatis; et tanto minus quanto corpus est superius et nobilius. Sic igitur superior planeta, scilicet Saturnus, minimum habet de secundo motu, propter nobilitatem suae naturae: unde hic motus in eo est tardior. Luna autem, propter propinquitatem suae naturae ad corpora generabilia et corruptibilia, plurimum participat de secundo motu, qui est in ea velocissimus. Medii autem planetae medio modo se habent: nam Iupiter, qui est immediate sub Saturno, peragit circulum suum proprio motu circa duodecim annos; Mars vero circa duos; sol, Venus et Mercurius fere uniformiter, scilicet per annum.

[71248] Sur le De caelo, II, 15, 8. De ce fait, il semble que l’on doive parler autrement, à savoir qu’il est possible de considérer une double nature dans l’univers : la nature de la permanence éternelle, qui se trouve surtout dans les substances séparées, et la nature susceptible d’être engendrée ou corrompue, qui se trouve chez les corps inférieurs. Or les corps célestes, comme ils sont au milieu, participent de quelque manière des deux natures, selon deux mouvements. Car le premier mouvement, qui est diurne, est la cause de la durée éternelle des choses ; et le second mouvement, qui est sur le cercle oblique d’occident en orient, est la cause de la génération et de la corruption, et des autres changements, comme le dit le philosophe dans le livre II de la Génération. Donc le premier corps mobile, en tant que le plus noble et le plus proche, dans l’ordre de la nature, des substances séparées, a seulement un premier mouvement, qui concerne la nature de l’uniformité. Les autres corps célestes, dans la mesure où ils s’écartent davantage des substances immobiles, en s’approchant des substances susceptibles d’être engendrées et corrompues, participent en quelque chose de l’autre mouvement, qui concerne la difformité de la nature ; et cela d’autant moins que le corps est supérieur et plus noble. Ainsi donc la planète supérieure, à savoir Saturne, possède le moins de chose du second mouvement, en raison de la noblesse de sa nature ; de ce fait, ce mouvement en lui est plus lent. Or la Lune, à cause de la proximité de sa nature avec les corps susceptibles d’être engendrés et corrompus, participe le plus du second mouvement, qui est le plus rapide chez elle. Les planètes intermédiaires ont un statut intermédiaire : car Jupiter, qui est immédiatement sous Saturne, parcourt son cercle de son propre mouvement en douze ans environ, Mars en deux ans environ, Vénus et Mercure à peu près uniformément, à savoir en une année.

[71249] In De caelo, lib. 2 l. 15 n. 9 Nec tamen oportet quod sit proportio velocitatis secundum proportionem distantiarum. Quia motus caelestes non solum sunt naturales, sed voluntarii, et propter finem desideratum. Et ideo, inquantum motus illi sunt naturales, hoc communiter in eis invenitur, quod superiores planetae sunt tardioris motus: inquantum vero motus eorum sunt voluntarii, variatur proportio velocitatis eorum in speciali, non secundum proportionem distantiae, sed secundum id quod melius est. Unde quia motus Veneris et Mercurii quasi colligantur motui solis, utpote ei deservientes ad productionem sui effectus, quasi uniformiter cum ipso moventur.

[71249] Sur le De caelo, II, 15, 9. Et pourtant il ne faut pas que la vitesse soit en proportion des distances, puisque les mouvements célestes sont non seulement naturels, mais volontaires, et en vue de la fin désirée. Et c’est pourquoi, dans la mesure où ces mouvements sont naturels, on découvre communément en eux que les planètes supérieures sont d’un mouvement plus lent ; or, dans la mesure où leurs mouvements sont volontaires, leur vitesse varie en particulier non en proportion de la distance, mais du corps qui est meilleur. De ce fait puisque les mouvements de Vénus et de Mercure sont liés, pour ainsi dire, à celui du Soleil, étant donné qu’ils l’aident à produire son effet, ils se déplacent avec lui quasi uniformément.

[71250] In De caelo, lib. 2 l. 15 n. 10 Sic igitur quod Aristoteles dicit, quod suprema sphaera plus praevalet in supremum planetam et minus in remotum, non est intelligendum secundum aliquam coactionem, sed secundum naturalem impressionem; inquantum scilicet naturam superioris magis participat quod est ei propinquius, quam quod est ei remotius. Sic igitur salvantur principia Aristotelis. Nam licet planetae sit uterque motus naturalis, scilicet et diurnus et qui est in proprio circulo, tamen motus diurnus est ei naturalis secundum id quod est dignius in sua natura; et ideo solum secundum istum motum salvatur principium Aristotelis, quod corpus maius velocius movetur; sicut etiam in homine, in quo est natura sensitiva et intellectiva, dicimus quod quanto homo est dignior, tanto magis habet de motu dignioris naturae, scilicet intellectivae, minus autem de motu indignioris, scilicet sensitivae.

[71250] Sur le De caelo, II, 15, 10. Ainsi dont ce qu’Aristote dit, à savoir que la dernière sphère a plus d’influence sur la dernière planète et moins sur une planète éloignée, il ne faut pas le comprendre selon une certaine contrainte, mais selon une impression naturelle, dans la mesure où ce qui est plus près d’elle participe davantage à la nature du corps supérieur que ce qui est éloigné d’elle. Ainsi les principes d’Aristote sont donc sauvés. En effet, bien qu’une planète possède les deux mouvements naturels, à savoir le mouvement diurne et celui qui suit son propre cercle, cependant le mouvement diurne lui est naturel dans ce que sa nature a de plus digne ; et c’est pourquoi le principe d’Aristote selon lequel un corps plus grand se déplace plus rapidement est sauvé seulement grâce ce mouvement seulement ; de même que chez l’homme, qui a une nature sensitive et intellective, nous disons que plus un homme est digne, plus il possède un mouvement d’une nature plus digne, à savoir intellective, et moins il possède un mouvement d’une nature plus indigne, à savoir sensitive.

 

 

Lectio 16

Leçon 16 – [La forme des étoiles]

[71251] In De caelo, lib. 2 l. 16 n. 1 Postquam philosophus determinavit de natura, motu et positione stellarum, hic determinat de figura earum. Et circa hoc duo facit: primo ostendit stellas esse figurae sphaericae, per rationem; secundo per ea quae sensibiliter apparent, ibi: adhuc autem similiter quidem et cetera.

[71251] Sur le De caelo, II, 16, 1. Après que le philosophe a traité de la nature, du mouvement et de la position des étoiles, il traite ici de leur forme. Et concernant ce point il fait deux choses : il montre que les étoiles sont de forme sphérique, premièrement par raisonnement, deuxièmement par ce qui apparaît de façon sensible, ici : Ğ en outre de la même façon ğ, etc.

[71252] In De caelo, lib. 2 l. 16 n. 2 Dicit ergo primo quod aliquis potest rationabiliter existimare figuram uniuscuiusque stellae esse sphaericam; non solum propter hoc quod sunt de natura caeli, ut supra probavit; sed etiam quia supra ostensum est quod stellae non sunt natae moveri per seipsas, sed moventur motibus circulorum sive sphaerarum. Natura autem nihil facit irrationabiliter neque frustra, quia tota naturae operatio est ordinata ab aliquo intellectu propter finem operante: unde manifestum est quod stellis immobilibus, idest quae per se non moventur, dedit talem figuram quae minime est apta ad motum progressivum. Talis autem, ut supra dixit, est figura sphaerica, propter hoc quod nullum habet organum deserviens ad motum progressivum: licet talis figura sit maxime apta ad motum circularem, quo aliquid secundum totum non mutat locum. Unde manifestum est quod stellae secundum molem suae magnitudinis sunt sphaericae figurae.

[71252] Sur le De caelo, II, 16, 2. Il dit donc premièrement que l’on peut logiquement penser que la forme de chaque étoile est sphérique, non seulement parce qu’elles sont de la nature du ciel, comme on l’a prouvé ci-dessus, mais aussi parce que l’on a montré ci-dessus que les étoiles ne sont pas destinées se déplacer par elles-mêmes, mais pour être déplacées par le mouvement des cercles ou des sphères. Or la nature ne fait rien de façon irrationnelle ou vaine, puisque chaque acte de la nature est organisé par un intellect qui opère dans un but ; de ce fait il est manifeste qu’aux étoiles Ğ immobiles ğ [291b15], c’est-à-dire qui ne se déplacent pas d’elles-mêmes, elle a donné une forme telle qu’elle n’est absolument pas apte au mouvement de progression. Telle est, comme il l’a dit ci-dessus, la forme sphérique, parce qu’elle n’a aucun organe qui serve au mouvement de progression, bien qu’une telle figure soit absolument apte au mouvement circulaire, où un corps ne change pas de lieu dans sa totalité. De ce fait il est manifeste que les étoiles dans la masse de leur grandeur sont de forme sphérique.

[71253] In De caelo, lib. 2 l. 16 n. 3 Videtur autem haec probatio non esse conveniens. Nam supra Aristoteles probavit stellas non moveri per seipsas, ex eo quod sunt sphaericae figurae: unde cum hic probet e contra quod sint sphaericae figurae, per hoc quod sunt immobiles secundum seipsas, videtur quod sit probatio circularis. Respondet autem ad hoc Alexander quod ex hoc nullum sequitur inconveniens: quia Aristoteles probavit stellas non moveri per seipsas, non solum per hoc quod sunt sphaericae figurae, sed etiam per quaedam alia media. Similiter etiam ostendit stellas esse sphaericae figurae per quaedam alia media, et non solum per hoc quod sunt secundum se immobiles.

[71253] Sur le De caelo, II, 16, 3. Or, cette démonstration ne semble pas convenir. Car ci-dessus Aristote a prouvé que les étoiles ne se déplacent pas d’elles-mêmes, du fait qu’elles sont de forme sphérique ; de ce fait comme il prouve ici au contraire qu’elles sont de forme sphérique parce qu’elles sont d’elles-mêmes immobiles, il semble que cette démonstration soit circulaire. Alexandre répond à cela qu’aucun inconvénient n’en résulte, puisqu’Aristote a prouvé que les étoiles ne se déplacent pas d’elles-mêmes, non seulement parce qu’elles sont de forme sphérique, mais aussi par quelques autres moyens. De la même façon il montre aussi que les étoiles sont de forme sphérique par certains autres moyens, et non seulement parce qu’elles sont d’elles-mêmes immobiles.

[71254] In De caelo, lib. 2 l. 16 n. 4 Obiicit autem contra hoc Simplicius, quod non impeditur ratio circularis demonstrationis per hoc quod utraque conclusio pluribus mediis ostenditur. Sed dicendum est quod, licet per hoc non tollatur ratio circularis demonstrationis, tollitur tamen inconveniens quod ex circulari demonstratione contingit, ut scilicet nihil manifestet. Quia non potest aliquid manifestari nisi per notius, non potest autem idem esse notius et minus notum: sed dum utraque conclusio per alia media manifestatur, una potest sumi ut manifestativa alterius, ad ostendendum convertibilitatem conclusionum.

[71254] Sur le De caelo, II, 16, 4. Simplicius objecte à cela que le raisonnement circulaire de la démonstration n’est pas empêché par le fait que les deux conclusions sont montrées par plusieurs moyens. Mais il faut dire que, bien que le raisonnement circulaire de la démonstration ne soit pas supprimé par cela, pourtant l’inconvénient qui fait qu’il ne montre rien par la démonstration circulaire est supprimé. Puisque l’on ne peut pas montrer une chose si ce n’est par une chose plus connue, la même chose ne peut être à la fois plus connue et moins connue ; mais tandis que les deux conclusions sont montrées par d’autres moyens, l’une peut être tirée alors qu’elle manifeste l’autre, pour démontrer le caractère convertible des conclusions.

[71255] In De caelo, lib. 2 l. 16 n. 5 Deinde cum dicit: adhuc autem similiter quidem etc., ponit aliam rationem ad idem, quae sumitur ex his quae sensibiliter apparent. Et supponit quod omnia astra similiter se habent sicut unum. Ostenditur autem de uno eorum, scilicet de luna, per ea quae sensibiliter videntur, quod sit sphaericae figurae. Et hoc quidem ostendit dupliciter: primo quidem per ea quae communiter ab omnibus considerantur, idest ex figuris quas luna mutat ex augmento et decremento. Dicit enim quod nisi luna esset sphaericae figurae, non fieret in suo augmento et decremento, secundum plurimum quidem lunularis vel novaculae habens figuram, aut etiam amphicurtos, aut etiam dichotomos. Dicitur autem luna dichotoma, secundum quosdam, quando est plena, quia tunc mensem dividit in duo media: dichotomos enim dicitur a divisione in duo. Sed hoc repugnat ei quod infra dicetur, quod lunam vidimus dichotomam existentem, subintrantem autem Martem, et occultantem secundum nigrum ipsius, exeuntem autem secundum clarum et lucidum; ex quo patet quod dichotoma dicitur luna quando superficies eius quae est versus nos in duas partes dividitur, ita quod media pars eius est obscura, media clara. Et sic etiam accipitur hoc nomen in libro syntheseos Ptolomaei, translato de Graeco.

[71255] Sur le De caelo, II, 16, 5. Ensuite quand il dit : Ğ en outre de la même manière ğ, etc., il établit un autre raisonnement dans le même but, lequel est tiré de ce qui apparaît de façon sensible. Et il suppose que tous les astres sont semblables à un seul. Il est montré, à propos d’un seul d’entre eux, à savoir la Lune, qu’elle est de forme sphérique par ce que le sens voit. Et il le montre d’une double manière : premièrement par ce qui est observé communément par tous, c’est-à-dire par les formes que la Lune prend en croissant et [291b20] en décroissant. Il dit en effet que, si la Lune n’était pas de forme sphérique, elle ne changerait pas lors de sa croissance et de sa décroissance en prenant la forme d’un croissant ou d’un couteau, la plupart du temps, ou même une forme Ğ biconvexe ğ ou Ğ coupée en deux ğ. La Lune est dite Ğ coupée en deux ğ, selon certains auteurs, quand elle est pleine, puisqu’elle divise alors le mois en deux moitiés, car Ğ coupé en deux ğ se dit d’une division en deux. Mais cela est incompatible avec ce qui sera dit ci-dessous : Ğ nous avons vu que la Lune est coupée en deux, mais que Mars pénètre sous elle, qu’elle le cache de son obscurité et qu’il sort de sa clarté et de sa luminosité ğ ; il est donc évident que la Lune est dite Ğ coupée en deux ğ quand la surface qui est vers nous est divisée en deux parties, de telle façon qu’une de ses moitiés est obscure et que l’autre est claire. Et ainsi ce mot est aussi utilisé dans le livre de la Synthèse de Ptolémée, traduit du grec.

[71256] In De caelo, lib. 2 l. 16 n. 6 Est ergo considerandum quod Aristoteles non facit hic mentionem de figura lunae quam habet in principio aut termino augmenti seu decrementi, sed solum de ea quam habet dum crescit aut deminuitur. Semper enim, cum luna sit sphaericae figurae, unum eius hemisphaerium illuminatur a sole, et aliud remanet obumbratum. Quando ergo luna est in coniunctione ad solem, totum superius hemisphaerium, quod directe a sole respicitur, illuminatur a sole, ita quod inferius hemisphaerium remanet occultatum; et tunc videtur nobis luna obumbrata et obscurata. Paulatim autem luna recedente a sole, superius hemisphaerium ab una parte sua, qua magis distat a sole, desinit illustrari, et secundum eandem quantitatem incipit illustrari hemisphaerium inferius; et tunc videtur luna figurae lunularis, idest arcuosa. Et hoc procedit quousque distet a sole secundum quadraturam circuli, idest secundum quartam partem circuli; et tunc videtur superficies eius quae est versus nos, ex media parte obscura et ex media parte clara, quod est eam esse dichotomam. Postmodum autem, accedens ad solis oppositionem, incipit maior pars inferioris hemisphaerii eius illustrari a sole; et tunc dicitur amphicurtos, quousque sit in oppositione ad solem; tunc enim totum hemisphaerium eius inferius illustratur a sole, et dicitur plena. Postmodum vero paulatim incipit deficere, et fit amphicurtos, quousque distet secundum quartam partem circuli; et tunc dicitur dichotoma, quasi ex media parte clara; cuius claritas postmodum, dum citra dimidium deminuitur, fit lunularis, usque ad coniunctionem. Sic igitur patet quod in augmento multoties, sive secundum plurimum, luna est arcualis seu lunularis, aut amphicurtos; sed semel in augmento est dichotoma et semel in decremento, quando scilicet distat a sole secundum quartam partem circuli.

[71256] Sur le De caelo, II, 16, 6. Il faut donc considérer qu’Aristote ne fait pas ici mention de la forme que la Lune a au début ou à la fin de sa croissance ou de sa décroissance, mais seulement de celle qu’elle a pendant qu’elle croît ou diminue. En effet, comme la Lune est de forme sphérique, un de ses hémisphères est toujours illuminé par le Soleil et l’autre reste couvert d’ombre. Donc quand la Lune est en conjonction avec le Soleil, la totalité de son hémisphère supérieur, qui est regardée directement par le Soleil, est illuminée par lui, de façon à ce que l’hémisphère inférieur demeure caché ; et alors nous voyons la Lune couverte d’ombre et obscurcie. Lorsque la Lune s’éloigne peu à peu du Soleil, l’hémisphère supérieur cesse d’être éclairé à partir d’une de ses parties qui est plus distante du Soleil, et l’hémisphère inférieur commence à l’être dans les mêmes dimensions ; et alors la Lune semble d’une figure Ğ en forme de croissant ğ, c’est-à-dire recourbée en arc. Et cela continue jusqu’à ce qu’elle soit distante du Soleil selon la quadrature du cercle, c’est-à-dire selon un quart de cercle ; et alors la surface qui est vers nous semble à moitié obscure et à moitié éclairée, ce qui revient à ce qu’elle soit Ğ coupée en deux ğ. Par la suite, s’approchant de l’opposition du Soleil, la plus grande partie de son hémisphère inférieur commence à être illuminée par le Soleil ; et alors on dit qu’elle est biconvexe, jusqu’à ce qu’elle soit dans l’opposition du Soleil ; car tout son hémisphère inférieur est alors illuminé par le Soleil, et elle est dite pleine. Ensuite, elle commence peu à peu à disparaître, et devient biconvexe, jusqu’à ce qu’elle soit distante d’un quart de cercle ; et elle est dite alors coupée en deux, pour ainsi dire à moitié claire ; par la suite, sa clarté, pendant qu’elle diminue de moins de la moitié, devient lunulaire jusqu’à la conjonction. Ainsi donc il est évident que pendant sa croissance, de nombreuses fois, soit la plupart du temps, la Lune est soit arquée, ou lunulaire, soit biconvexe ; mais elle est coupée en deux une seule fois dans sa croissance et une seule fois dans son décours, à savoir quand elle est distante du Soleil d’un quart de cercle.

[71257] In De caelo, lib. 2 l. 16 n. 7 Hoc autem non contingeret si luna non esset sphaericae figurae. Manifestum est enim quod, si superficies eius quae est versus nos esset tota plana, simul inciperet illustrari a sole, et etiam obscurari, non successive per continuum augmentum et decrementum. Ex quo manifestum est quod habet sphaericam tumorositatem, per quam contingit quod paulatim augetur eius claritas vel obscuritas: quod non contingeret cuiuscumque esset alterius figurae quam sphaericae.

[71257] Sur le De caelo, II, 16, 7. Or cela ne se produirait pas si la Lune n’était pas de forme sphérique. Car il est manifeste que, si la surface qui est tournée vers nous était totalement plane, elle commencerait à être illuminée et aussi obscurcie par le Soleil en même temps, non successivement dans une croissance et une décroissance continue. De ce fait il est évident qu’elle a un bombement sphérique, qui permet que sa clarté ou son obscurité augmente peu à peu, ce qui n’arriverait pas si elle était de toute autre forme que sphérique.

[71258] In De caelo, lib. 2 l. 16 n. 8 Secundo ostendit idem per astrologicas observationes, ex quibus manifestatur quod eclipses solis sunt lunulares, idest arcuales: incipit enim sol obscurari secundum arcualem figuram, per interpositionem lunae inter nos et solem. Quod non contingeret nisi luna esset sphaericae figurae: corpora enim sphaerica se invicem secant secundum arcuales sectiones, ut a mathematicis probatur. Sic igitur, si unum astrum est tale, scilicet luna, consequens est quod omnia etiam alia astra sint sphaericae figurae. Quod quidem fundatur super hoc quod omnes stellae sunt eiusdem naturae.

[71258] Sur le De caelo, II, 16, 8. Deuxièmement il démontre la même chose par des observations astronomiques, qui montrent que les éclipses de Soleil sont lunulaires, c’est-à-dire arquées : car le Soleil commence à être obscurci en arc par l’interposition de la Lune entre nous et lui. Cela n’arriverait pas si la Lune n’était pas de forme sphérique : en effet, les corps sphériques se coupent les uns les autres suivant des sections en forme d’arc, comme les mathématiciens le prouvent. Ainsi donc, si un astre, c’est-à-dire la Lune, est tel, il s’ensuit que tous les autres astres sont aussi de forme sphérique. Cela est fondé sur le fait que toutes les étoiles sont de même nature.

[71259] In De caelo, lib. 2 l. 16 n. 9 Dicit autem Averroes in suo commento quod sunt eiusdem naturae in specie, ita quod omnes stellae sunt sicut individua eiusdem speciei. Quod quidem manifeste est falsum. Primo quidem quia, si essent eiusdem speciei, haberent easdem specie operationes, et eosdem effectus, sicut patet in omnibus rebus naturalibus eiusdem speciei. Secundo quia, cum motus caelestium corporum sint naturales, sequeretur quod omnia corpora caelestia haberent uniformes motus: quod patet esse falsum tum de planetis per comparationem ad invicem, tum per comparationem ad stellas fixas. Tertio quia hoc repugnat perfectioni caelestium corporum. Probavit enim in primo Aristoteles quod universum est perfectum, eo quod est unum (unum enim est in una specie): ex hoc enim apparet quod constat ex tota materia suae speciei. Unde et hoc ad perfectionem caelestium corporum pertinet, quod sit unum solum in una specie. Videmus enim in inferioribus corporibus multa individua esse unius speciei, propter aliquam impotentiam, vel quia unum individuum non potest semper durare; unde oportet quod species conservetur per successionem individuorum in eadem specie. Tum etiam quia unum individuum non sufficit ad perfectam operationem speciei; sicut maxime patet in hominibus, quorum unus iuvatur ab alio in sua operatione. Pertinet etiam magis ad perfectionem universi multiplicatio specierum, cum sit formalis, quam multiplicatio individuorum, quae est materialis. Patet etiam rationem quam inducit esse ridiculosam. Dicit enim quod si essent diversa corpora caelestia diversae species unius generis, sequeretur quod corpora caelestia essent materialia. Hoc enim multo magis sequitur, si ponamus, sicut ipse vult, diversa corpora caelestia esse sicut diversa individua unius speciei; quia multiplicatio individuorum in una specie fit per divisionem materiae. Quamvis non oporteat a corporibus caelestibus totaliter materiam excludere. Non sequitur etiam, si corpora caelestia habeant materiam, quod sint generabilia et corruptibilia, ut in primo habitum est. Sic igitur dicendum est quod corpora caelestia sunt unius naturae secundum genus, diversarum autem naturarum secundum speciem. Figura autem sphaerica sequitur in eis naturam generis, sicut et motus circularis.

[71259] Sur le De caelo, II, 16, 9. Or Averroès dit dans son commentaire qu’elles sont de même nature en espèce, de telle façon que toutes les étoiles sont comme des individus d’une même espèce. Cela est manifestement faux. Premièrement parce que, si elles étaient de même nature, elles auraient les mêmes actes en espèce, et les mêmes effets, comme il on le voit dans toutes les choses naturelles de la même espèce. Deuxièmement parce que, comme les mouvements des corps célestes sont naturels, il s’ensuivrait que tous les corps célestes auraient des mouvements uniformes : c’est évidemment faux à propos des planètes si on les compare d’une part les unes aux autres, d’autre part aux étoiles fixes. Troisièmement parce que cela s’oppose à la perfection des corps célestes. Car Aristote a prouvé dans le livre I que l’univers est parfait, parce qu’il est un (car l’un est d’une seule espèce) : en effet, il apparaît à partir de là qu’il est composé de toute la matière de son espèce. Donc le fait qu’il soit un seulement dans son espèce concerne aussi la perfection des corps célestes. Car nous voyons qu’il y a beaucoup d’individus d’une seule espèce chez les corps inférieurs, en raison de quelque impuissance ou bien parce qu’un seul individu ne peut durer toujours ; de ce fait il faut que l’espèce soit préservée par la succession des individus de la même espèce. Alors aussi parce qu’un seul individu ne suffit pas à l’activité parfaite de l’espèce, comme on le voit très bien chez les hommes, qui s’entraident dans leur activité. La perfection de l’univers est aussi concernée par la multiplication des espèces, comme elle est formelle, plus que par la multiplication des individus, qui est matérielle. Il est aussi clair que la raison qu’il avance est ridicule. Car il dit que, s’il y avait différents corps célestes d’une espèce différente, mais d’un seul genre, il s’ensuivrait que les corps célestes seraient matériels. En effet, ce sera beaucoup plus logique, si nous établissions, comme il le veut lui-même, que différents corps célestes sont comme différents individus d’une seule espèce, puisque la multiplication des individus d’une seule espèce se fait par division de la matière, bien qu’il ne faille pas exclure totalement la matière des corps célestes. Il ne s’ensuit pas non plus que, si les corps célestes ont de la matière, ils soient susceptibles d’être engendrés et corrompus, comme on l’a vu dans le premier livre. Ainsi donc il faut dire que les corps célestes sont d’une seule nature selon le genre, mais de différentes natures selon l’espèce. La forme sphérique accompagne logiquement la nature du genre chez eux, tout comme le mouvement circulaire.

 

 

Lectio 17

Leçon 17 – [Difficultés sur les étoiles]

[71260] In De caelo, lib. 2 l. 17 n. 1 Postquam determinavit philosophus de stellis, ostendens earum naturam, motum, ordinem et figuram, hic solvit quasdam dubitationes circa praedicta. Et circa hoc duo facit: primo ponit quaestiones; secundo solvit eas, ibi: sed nos ut de corporibus et cetera. Circa primum tria facit: primo excusat se a praesumptione pertractandi has difficiles quaestiones; secundo movet eas, ibi: adhuc autem etc.; tertio ostendit quaestionum difficultatem, ibi: de his quidem et cetera. Dicit ergo primo quod, cum circa stellas sint duae dubitationes de quibus rationabiliter quilibet potest dubitare, tentare debemus dicere circa istas dubitationes id quod nobis videtur; ita scilicet quod nos reputemus dignum esse quod promptitudo hominis considerantis huiusmodi quaestiones, magis debeat imputari verecundiae, idest honestati vel modestiae, quam audaciae, idest praesumptioni; si tamen ille qui huiusmodi dubitationes considerat, diligat etiam parvas sufficientias, idest parum sufficientes rationes, ad inveniendum de illis rebus, de quibus habemus maximas dubitationes; et hoc propter desiderium quod quis habet ad philosophiam, ut scilicet eius principia stent, idest firma permaneant.

[71260] Sur le De caelo, II, 17, 1. Après que le philosophe a traité des étoiles, montrant leur nature, leur mouvement, leur ordre et leur forme, il résout ici certains problèmes sur ce qui a été dit. Et concernant cela il fait deux choses : il pose premièrement les questions ; il les résout deuxièmement, ici : Ğ mais nous comme au sujet des corps ğ, etc. Concernant le premier point, il fait trois choses : premièrement, il s’excuse de la présomption qu’il y a à approfondir ces questions difficiles ; deuxièmement, il les soulève, ici : Ğ en outre ğ, etc. ; troisièmement il montre la difficulté des questions, ici : Ğ sur ce point ğ, etc. Il dit donc premièrement que, comme il y a, concernant les étoiles, deux problèmes que n’importe qui peut logiquement soulever [291b25], nous devons tenter de dire à propos de ces problèmes ce que nous croyons ; et c’est ainsi que nous trouvons digne de devoir imputer la promptitude de l’homme qui examine ces questions davantage à la Ğ retenue ğ, c’est-à-dire à l’honnêteté ou la modestie qu’à l’Ğ  audace ğ, c’est-à-dire à la présomption, même si celui qui considère les problèmes de ce genre se contente aussi Ğ de petites suffisances ğ, c’est-à-dire de raisons qui ne sont pas assez suffisantes pour faire des découvertes sur les sujets qui nous posent les plus grandes questions ; et cela en raison du désir que l’on a de philosopher, afin que ses principes Ğ tiennent debout ğ, c’est-à-dire demeurent solides.

[71261] In De caelo, lib. 2 l. 17 n. 2 Deinde cum dicit: adhuc autem etc. (vel secundum aliam litteram, est autem etc.), movet dubitationes duas: quarum secunda incipit ibi: et hoc itaque et cetera. Circa primum duo facit: primo movet quaestionem; secundo probat quod supposuerat, ibi: palam autem hoc de quibusdam et cetera. Circa primum, tria praeconsideranda sunt ad intellectum huius dubitationis. Quorum primum est quod Aristoteles alium ordinem videtur assignare planetarum, quam astrologi nostri temporis. Primi enim astrologi posuerunt supremum planetam esse Saturnum, post quem posuerunt Iovem, tertio loco Martem, quarto solem, quinto Venerem, sexto Mercurium, septimo lunam. Astrologi autem qui fuerunt tempore Platonis et Aristotelis, mutaverunt hunc ordinem quantum ad solem, ponentes eum immediate supra lunam, sub Venere et Mercurio; quam positionem hic Aristoteles sequitur. Sed Ptolomaeus postea hunc ordinem planetarum correxit, ostendens verius esse quod antiqui dixerunt; quod etiam moderni astrologi sequuntur. Secundo considerandum est quod circa motus planetarum quaedam anomaliae, idest irregularitates, apparent; prout scilicet planetae quandoque velociores, quandoque tardiores, quandoque stationarii, quandoque retrogradi videntur. Quod quidem non videtur esse conveniens caelestibus motibus, ut ex supra dictis patet. Et ideo Plato primus hanc dubitationem Eudoxo, sui temporis astrologo, proposuit; qui huiusmodi irregularitates conatus est ad rectum ordinem reducere, assignando diversos motus planetis; quod etiam posteriores astrologi diversimode facere conati sunt. Illorum tamen suppositiones quas adinvenerunt, non est necessarium esse veras: licet enim, talibus suppositionibus factis, apparentia salvarentur, non tamen oportet dicere has suppositiones esse veras; quia forte secundum aliquem alium modum, nondum ab hominibus comprehensum, apparentia circa stellas salvantur. Aristoteles tamen utitur huiusmodi suppositionibus quantum ad qualitatem motuum, tanquam veris. Tertio considerandum est quod circa solem et lunam non apparent tot irregularitatum genera, sicut circa alios planetas: nam in sole et luna nunquam apparet statio vel retrogradatio, sicut in aliis planetis, sed solum velocitas et tarditas. Et ideo Eudoxus, qui primo conatus est has irregularitates dirigere, ad instantiam Platonis, pauciores motus assignavit soli et lunae, quos dicebat esse infimos planetas, quam superioribus planetis. Quorum unicuique assignabat quatuor motus, secundum quatuor sphaeras volventes corpus stellae infixum in infima earum: ita scilicet quod prima sphaera movet corpus stellae ab oriente in occidentem, secundum motum diurnum; secunda movet corpus stellae e converso ab occidente in orientem in zodiaco, qui dicitur motus longitudinis; tertia autem sphaera movet corpus stellae motu latitudinis, secundum quod contingit quod stella quandoque est Australior, quandoque borealior in zodiaco. Ponebat autem polos huius tertiae sphaerae esse in zodiaco; unde sequebatur quod circulus maior, aeque distans ab utroque polo, transiret per polos zodiaci; ex quo sequi videbatur quod planetae, secundum motum latitudinis, quandoque pervenirent usque ad polos zodiaci; quod tamen nunquam apparet. Unde ponebat quartam sphaeram, quae moveret stellam in oppositum huius motus, ita quod nunquam pervenit ad polos zodiaci. Soli autem et lunae non attribuit motum huius quartae sphaerae; sed apparentia eorum conatus est salvare, solum ponendo tres sphaeras, proportionales primis tribus sphaeris aliorum planetarum; ita tamen quod luna habet maiorem motum latitudinis quam sol, sicut expositum est in XII Metaphys.

[71261] Sur le De caelo, II, 17, 2. Ensuite quand il dit : Ğ en outre ğ, etc., (ou si on lit une autre lettre, Ğ il y a ğ, etc.), il soulève deux problèmes : le second d’entre eux commence ici : Ğ et c’est pourquoi cela ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : il soulève premièrement la question ; il prouve deuxièmement ce qu’il avait supposé, ici : Ğ ouvertement sur certains points ğ, etc. Concernant le premier point, il faut auparavant considérer trois points pour comprendre ce problème. Le premier d’entre eux est qu’Aristote semble attribuer aux planètes un autre ordre que les astronomes de notre temps. En effet, les premiers astronomes ont établi que la dernière planète est Saturne, après laquelle ils plaçaient Jupiter, en troisième lieu Mars, en quatrième le Soleil, en cinquième Vénus, en sixième Mercure, en septième la Lune. Or, les astronomes du temps de Platon et d’Aristote ont modifié cet ordre en ce qui concerne le Soleil, le plaçant immédiatement au-dessus de la Lune, sous Vénus et Mercure ; et c’est cette disposition que suit Aristote ici. Mais Ptolémée, par la suite, a corrigé cet ordre des planètes, montrant que ce que les Anciens disaient était plus vrai, et c’est ce que les astronomes modernes suivent aussi. Deuxièmement il faut considérer que concernant les mouvements des planètes certaines Ğ anomalies ğ, c’est-à-dire irrégularités, apparaissent, dans la mesure où des planètes semblent tantôt plus rapides, tantôt plus lentes, tantôt stationnaires, tantôt rétrogrades. Cela ne semble pas convenir aux mouvements célestes, comme le montre ce qui a été dit. Et c’est pourquoi Platon a été le premier à proposer le problème à Eudoxe, un astronome de son temps, qui a entrepris de ramener ces irrégularités à un ordre juste, en attribuant différents mouvements aux planètes, ce que les astronomes suivants ont eux aussi entrepris de faire de différentes manières. Cependant les hypothèses qu’ils ont trouvées ne sont pas nécessairement vraies ; en effet, bien que les apparences soient sauvées, une fois que de telles suppositions sont faites, il ne faut pourtant pas dire qu’elles sont vraies, puisque par hasard les apparences, en ce qui concerne les étoiles, sont sauvées d’une autre manière, qui n’est pas encore comprise par les hommes. Cependant Aristote utilise des suppositions de ce genre, concernant la qualité des mouvements, considérées comme vraies. Troisièmement il faut considérer que les genres de tant d’irrégularités n’apparaissent pas à propos du Soleil et de la Lune, comme à propos des autres planètes ; en effet chez le Soleil et la Lune on ne voit jamais de station ou de rétrogradation, comme chez les autres planètes, mais seulement de la vitesse et de la lenteur. Et c’est pourquoi Eudoxe, qui a été le premier à entreprendre de mettre de l’ordre dans ces irrégularités, à la demande insistante de Platon, a attribué un plus petit nombre de mouvements au Soleil et à la Lune, qu’il disait être les dernières planètes, qu’aux planètes supérieures. Il attribuait à chacune d’entre elles quatre mouvements, suivant quatre sphères qui font rouler le corps de l’étoile, fixé à leur partie inférieure ; et c’est ainsi que la première sphère déplace le corps de l’étoile d’orient en occident, suivant le mouvement diurne ; la seconde sphère déplace le corps de l’étoile, inversement, d’occident en orient sur le zodiaque, mouvement appelé mouvement de longueur ; la troisième déplace le corps de l’étoile par le mouvement de largeur, qui fait que l’étoile est un jour plus australe, un jour plus boréale sur le zodiaque. Il établissait que les pôles de cette troisième sphère sont sur le zodiaque ; il s’ensuivait que le cercle plus grand, également distant des deux pôles, passe par les pôles du zodiaque ; il semblait s’ensuivre que les planètes, selon le mouvement de largeur, parviennent un jour jusqu’aux pôles du zodiaque, ce qui n’apparaît pourtant jamais. De ce fait, il établissait une quatrième sphère, qui déplaçait l’étoile à l’opposé de son mouvement, si bien qu’elle ne parvient jamais jusqu’aux pôles du zodiaque. Au Soleil et à la Lune il n’attribuait pas le mouvement de cette quatrième sphère ; mais il a entrepris de sauver leur apparence, en établissant seulement trois sphères, proportionnelles aux trois premières sphères des autres planètes ; et c’est ainsi que le mouvement de largeur de la Lune est plus grand mouvement que le Soleil, comme l’a exposé le livre XII de la Métaphysique.

[71262] In De caelo, lib. 2 l. 17 n. 3 Secundum hanc ergo positionem, Aristoteles hic quaestionem format. Et dicit quod, cum multa sint talia dubitabilia circa stellas, non minime videtur mirabile, propter quam causam non semper astra quae plus distant a motu primae sphaerae moventur pluribus motibus, sed intermedia moventur plurimis, scilicet quinque planetae, qui, secundum positionem Eudoxi, moventur quatuor motibus. Rationabile enim utique esse videtur quod, cum prima sphaera moveatur uno solo motu, quod astrum ei propinquissimum moveatur paucissimis motibus, puta duobus; habitum autem, idest consequenter se habens, moveatur tribus, vel quocumque tali ordine progrediatur. Sed nunc accidit contrarium, secundum positionem Eudoxi, secundum quem sol et luna moventur paucioribus motibus, idest solis tribus, quam quaedam stellarum errantium, quas ponebat habere quatuor motus; quamvis quinque planetae longius distent a medio mundi, idest terrae, et propinquiores sint primo corpori, idest supremae sphaerae, ipsis, idest sol et luna, secundum opinionem quae habebatur tempore Aristotelis et Platonis.

[71262] Sur le De caelo, II, 17, 3. Donc suivant cette position, Aristote formule ici la question. Et il dit que, comme il y a beaucoup d’incertitudes concernant les étoiles, on peut se demander avec étonnement pourquoi [291b30] les astres qui sont les plus éloignés du mouvement de la sphère première ne se déplacent pas toujours de plusieurs mouvements, mais pourquoi se déplacent suivant les mouvements les plus nombreux ceux qui sont au milieu, à savoir les cinq planètes qui, selon la position d’Eudoxe, se déplacent de quatre mouvements. Car il semble en tout cas rationnel que, comme la première sphère se déplace d’un seul mouvement, l’astre qui est le plus proche d’elle se déplace d’un très petit nombre de mouvements, par exemple de deux ; l’astre Ğ considéré ğ, c’est-à-dire celui qui est le suivant, se déplace de trois, ou progresse suivant n’importe quel ordre de ce genre. Mais en vérité [291b35] c’est le contraire qui arrive, selon la position d’Eudoxe, pour qui le Soleil et la Lune se déplacent de mouvements moins nombreux [292a1], c’est-à-dire trois pour le Soleil, que certaines des planètes errantes, qui, selon lui, ont quatre mouvements, bien que ces cinq planètes soient plus distantes du milieu du monde, c’est-à-dire de la terre, et qu’elles soient plus proches Ğ du premier corps ğ, c’est-à-dire de la dernière sphère, que Ğ celles-là ğ, c’est-à-dire le Soleil et la Lune, selon l’opinion qui était adoptée du temps d’Aristote et de Platon.

[71263] In De caelo, lib. 2 l. 17 n. 4 Est autem ulterius sciendum quod, quia secundum suppositiones Eudoxi non poterant omnia apparentia circa stellas salvari, quidam alius astrologus, Callippus nomine, ad instantiam Aristotelis, correxit Eudoxi suppositiones; addens quidem Marti et Veneri et Mercurio, unicuique unam sphaeram et unum motum; soli autem et lunae, unicuique duos. Et sic Saturno et Iovi assignavit quatuor motus, unicuique autem inferiorum planetarum quinque: et sic non haberet locum dubitatio quam hic movet Aristoteles, quia superiores planetae, secundum hunc modum, paucioribus motibus moventur quam inferiores. Ponebat etiam unicuique planetarum quasdam alias sphaeras revolventes, ut expositum est in XII Metaphys.

[71263] Sur le De caelo, II, 17, 4. Or il faut savoir enfin que, puisque, selon les suppositions d’Eudoxe, toutes les apparences ne pouvaient pas être sauvées concernant les étoiles, un autre astronome du nom de Callippus, à la demande pressante d’Aristote, corrigea les suppositions d’Eudoxe, attribuant à Mars, Vénus et Mercure, une sphère chacun et un mouvement chacun, mais au Soleil et à la Lune deux chacun. Et ainsi il donna à Saturne et Jupiter quatre mouvements, et à chacune des planètes inférieures cinq ; et ainsi le problème qu’Aristote soulève ici n’aurait pas lieu d’être, puisque les planètes supérieures, suivant cette méthode, se déplacent d’un plus petit nombre de mouvements moins grand que les inférieures. Il établissait aussi pour chacune des planètes certaines autres sphères qui effectuaient une révolution, comme l’expose le livre XII de la Métaphysique. 

[71264] In De caelo, lib. 2 l. 17 n. 5 Sed nec secundum hanc positionem poterant omnia apparentia circa stellas salvari, praecipue quantum ad propinquitatem et remotionem stellarum a nobis; quae deprehenditur ex hoc quod planetae, eadem dispositione aeris existente, quandoque maiores, quandoque minores videntur. Similiter etiam inconveniens videbatur quod tanta multitudo sphaerarum ad movendum planetas concurreret; et praecipue videbatur superfluum quod cuilibet planetae attribueretur una sphaera quae ipsum revolveret ab oriente in occidentem motu diurno, cum hoc causari possit suprema sphaera, totum caelum hoc motu revolvente. Et ideo Hipparchus et Ptolomaeus posuerunt unicuique planetae unam solam sphaeram; quam tamen posuerunt non esse supremae sphaerae concentricam, sed habere aliud centrum praeter terram; ita quod, cum planeta est in parte sphaerae magis distante a nobis, corpus planetae minus videtur et tardioris motus; cum autem est in opposita parte, videtur maius et velocioris motus. Praeter hoc autem posuerunt quosdam parvos circulos, quos epicyclos dicunt, qui moventur super huiusmodi sphaeris; ita quod corpora planetarum in huiusmodi epicyclis moventur, non tanquam infixa in huiusmodi circulis, sed quasi motu progressivo eos regyrant. Sic igitur praeter motum diurnum, quem toti caelo attribuunt ex motu primae sphaerae, quatuor planetis, scilicet Saturno, Iovi, Marti et Veneri, attribuunt tres motus: quorum unus est secundum quem corpus stellae circuit epicyclum; secundus est secundum quem centrum epicycli circuit sphaeram; tertius autem est secundum quem ipsa sphaera movetur ab occidente in orientem, quibuslibet centum annis gradu uno, secundum motum stellarum fixarum, qui quidem dicitur motus augis vel apogaei, idest maximae distantiae in circulo excentrico. Super hos autem tres motus addunt quartum motum Mercurio, quo dicunt centrum sphaerae ipsius moveri in quodam circulo parvo circa centrum mundi. Quos etiam quatuor motus attribuunt lunae, superaddentes ei quintum. Cum enim circulus sphaerae lunaris, super quem intelligitur moveri centrum epicycli eius, declinet a zodiaco ad meridiem et Septentrionem, necesse est quod huiusmodi circulus secet zodiacum in duobus punctis, qui dicuntur nodi, sive caput et cauda; in quibus tantum locis luna existente, possunt contingere eclipses lunares et solares; quae non semper contingunt in eadem parte circuli. Et ideo ex hoc ponunt quintum motum in luna, secundum quem praedicti nodi moventur; qui dicitur motus capitis et caudae. Corpus autem solis non dicunt moveri in aliquo epicyclo, sed in suo excentrico. Unde non attribuunt soli nisi duos motus: unum scilicet quo corpus solis movetur in excentrico; et alius est motus augis, quem attribuunt sphaerae solis, sicut attribuunt sphaeris aliorum planetarum. Et sic patet quod vere secundum hanc positionem procedit dubitatio quam hic Aristoteles movet. Nam secundum hanc positionem Mercurius et luna, qui sunt infimi planetarum, habent plurimos motus; sol autem, quem ponunt medium, habet paucissimos; alii vero planetae medio modo se habent.

[71264] Sur le De caelo, II, 17, 5. Mais cette position ne pouvait pas sauver non plus toutes les apparences concernant les étoiles, principalement à propos de la proximité et de l’éloignement des étoiles avec nous ; on le découvre grâce au fait que les planètes, avec la même disposition de l’air, semblent tantôt plus grandes, tantôt plus petites. De la même façon il semblait ne pas non plus convenir qu’une si grande multitude de sphère s’accorde pour déplacer les planètes ; et il semblait surtout superflu qu’une sphère qui fait tourner chaque planète d’orient en occident suivant le mouvement diurne soit attribuée à chacune d’entre elles, alors que la dernière sphère peut en être la cause, étant donné que ce mouvement fait tourner le ciel tout entier. Et c’est pourquoi Hipparque et Ptolémée établirent une seule sphère pour chaque planète, pourvue non du même centre que la dernière sphère, mais d’un autre centre que la terre ; et c’est ainsi que, quand la planète est dans une partie de la sphère plus distante de nous, le corps de cette planète semble plus petit et d’un mouvement plus lent ; et quand elle est dans une partie opposée, elle semble plus grande et d’un mouvement plus rapide. Outre cela, ils établirent de petits cercles, appelés Ğ épicycles ğ, et qui se déplacent au-dessus des sphères de ce genre, de telle façon que les corps des planètes se déplacent sur des épicycles de ce genre, non pas comme s’ils étaient fixés sur de tels cercles, mais comme s’ils les faisaient revenir dans leur mouvement de progression. Ainsi donc, outre le mouvement diurne, qu’ils attribuent au ciel tout entier du fait du mouvement de la première sphère, ils attribuent trois mouvements aux quatre planètes, à savoir Saturne, Jupiter, Mars et Vénus, : l’un d’eux fait parcourir l’épicycle au corps de l’étoile ; le second fait parcourir la sphère au centre de l’épicycle ; le troisième pousse la sphère elle-même à se déplacer d’occident en orient, dans une avancée de quelques cent ans, selon le mouvement des étoiles fixes, qui est appelé mouvement Ğ d’aux ğ ou Ğ d’apogée ğ, c’est-à-dire qui accomplit la plus grande distance sur un cercle excentrique. À ces trois mouvements ils en ajoutent un quatrième pour Mercure, dont le centre de la sphère, selon eux, se déplace sur un petit cercle autour du centre du monde. Ils attribuent aussi ces quatre mouvements à la Lune, en lui en ajoutant un cinquième. En effet, comme le cercle de la sphère lunaire, sur lequel le centre de son épicycle se déplace, à ce que l’on sait, décline du zodiaque vers le midi et le septentrion, il est nécessaire qu’un cercle de ce genre coupe le zodiaque en deux points, qui sont appelés Ğ nœuds ğ, soit Ğ tête ğ et Ğ queue ğ ; comme la Lune est seulement à ces endroits, des éclipses de Lune et de Soleil peuvent se produire, alors qu’elles n’arrivent pas toujours dans la même partie du cercle. Et c’est pourquoi ils établissent à cause de cela un cinquième mouvement pour la Lune, lequel fait se déplacer les nœuds déjà mentionnés et est appelé Ğ mouvement de tête et de queue ğ. Or ils ne disent pas que le corps du Soleil se déplace sur un épicycle, mais sur son excentrique. De ce fait, ils n’attribuent au Soleil que deux mouvements, à savoir l’un où le corps du Soleil se déplace sur l’excentrique, et l’autre qui est le mouvement d’apogée, qu’ils attribuent à la sphère du Soleil, comme ils l’attribuent aux sphères des autres planètes. Et ainsi il est évident que le problème qu’Aristote soulève ici naît vraiment de cette position. Car suivant cette position Mercure et la Lune, qui sont les planètes les plus basses, ont le plus grand nombre de mouvements ; or le Soleil, qu’ils placent au milieu, en a le plus petit nombre ; et les autres planètes ont un nombre intermédiaire.

[71265] In De caelo, lib. 2 l. 17 n. 6 Deinde cum dicit: palam autem hoc de quibusdam etc., probat quoddam quod supposuerat, scilicet ordinem planetarum esse qualem dixerat. Et primo quidem probat hoc quantum ad aliquid, per id quod ipse viderat: et dicit quod ordo quorundam planetarum manifestus est etiam visu. Dicit enim se vidisse quod luna, dichotoma existens, idest ex media parte illuminata, subintravit stellam Martis (nam ipsa est velocioris motus quam Mars); et luna secundum nigrum suum, idest secundum illam partem in qua erat obscura, occultavit Martem; et quod Mars exivit de sub luna pertranseunte ipsum, secundum partem lunae claram et lucidam. Secundo, cum dicit: similiter autem etc., manifestat ordinem planetarum quantum ad alia, per ea quae alii viderunt. Et dicit quod similiter de ordine planetarum aliorum dicunt se vidisse illi, qui a multis temporibus retro talia observaverunt per multos annos, scilicet Aegyptii et Babylonii, quorum studium maxime fuit circa astrologiam; ex quorum dictis habemus multas credulitates de unaquaque stellarum, scilicet observationes eorum.

[71265] Sur le De caelo, II, 17, 6. Ensuite quand il dit : Ğ ouvertement cela à propos de certaines choses ğ, etc., il prouve un certain fait qu’il avait supposé, à savoir que l’ordre des planètes est tel qu’il l’avait dit. Et il le prouve premièrement quant à une chose, par ce qu’il avait vu lui-même ; et il dit que l’ordre de certaines planètes est manifeste aussi par la vue. Car il dit avoir vu la Lune, Ğ séparée en deux ğ, c’est-à-dire à moitié illuminée, passer sous [292a5] l’étoile Mars (car elle a elle-même un mouvement plus rapide que Mars), cacher Mars Ğ sous sa partie noire ğ, c’est-à-dire la partie où elle était obscure, et Mars sortir de sous la Lune, en la traversant, du côté de sa partie claire et lumineuse. Deuxièmement, quand il dit : Ğ d’une façon semblable ğ, etc., il montre l’ordre des planètes quant aux autres choses, par ce que d’autres ont vu. Et il dit que ceux qui ont observé, depuis des temps anciens, de tels phénomènes, pendant de nombreuses années, à savoir les Égyptiens et les Babyloniens, dont le goût pour l’astronomie fut très grand, disent avoir fait le même constat sur l’ordre des autres planètes ; c’est de leurs propos que nous tenons de nombreuses croyances sur chacune des étoiles, à savoir leurs observations.

[71266] In De caelo, lib. 2 l. 17 n. 7 Deinde cum dicit: et hoc itaque etc., movet secundam dubitationem. Et dicit quod merito potest aliquis dubitare quare in prima sphaera, quae movetur primo motu, est tanta multitudo astrorum, ut omnis ordo eorum videatur arithmeticorum esse, idest innumerabilium (non enim potest numerus eorum comprehendi a nobis); in aliis autem inferioribus orbibus invenitur singulariter una sola stella, ita quod non videntur duae vel plures de stellis erraticis infixae esse uni sphaerae mobili. Est autem hic considerandum quod tempore Aristotelis nondum erat deprehensus motus stellarum fixarum; quas Ptolomaeus ponit moveri ab occidente in orientem super polos zodiaci, quibuslibet centum annis gradu uno, ita quod tota revolutio earum compleatur in triginta sex millibus annorum. Et ideo antiqui ponebant sphaeram stellarum fixarum esse primum mobile, et eius esse tantum unum motum, qui est motus diurnus. Sed supposito motu stellarum fixarum, oportet ipsam moveri duobus motibus: scilicet motu proprio, qui est motus stellarum fixarum; et motu diurno, qui est motus supremae sphaerae, quae est sine stellis.

[71266] Sur le De caelo, II, 17, 7. [292a10] Ensuite, quand il dit : Ğ et c’est pourquoi cela ğ, etc., il soulève une seconde interrogation. Et il dit que c’est à juste titre que l’on peut se demander pourquoi sur la première sphère, qui se déplace selon le premier mouvement, se trouve un si grand nombre d’astres que leur ordre tout entier semble relever de l’arithmétique, c’est-à-dire de l’innombrable (car leur nombre ne peut être compris de nous) ; or chez les autres orbes inférieurs se trouve isolément une seule étoile, si bien que deux ou plusieurs étoiles errantes ne semblent pas avoir été fixées à une sphère mobile. Il faut prendre ici en considération qu’au temps d’Aristote le mouvement des étoiles fixes n’avait pas encore été découvert ; c’est Ptolémée qui a établi qu’elles se déplacent d’occident en orient sur les pôles du zodiaque, dans une progression de cent ans, si bien que leur révolution tout entière s’accomplit en trente-six mille ans. Et c’est pourquoi les Anciens établissaient que la sphère des étoiles fixes était le premier corps mobile, et qu’elle avait seulement un mouvement, le mouvement diurne. Mais une fois le mouvement des étoiles fixes supposé, il faut qu’elle se déplace de deux mouvements, à savoir de son propre mouvement, qui est celui des étoiles fixes, et du mouvement diurne, qui est celui de la sphère suprême, qui est sans étoile.

[71267] In De caelo, lib. 2 l. 17 n. 8 Deinde cum dicit: de his quidem etc., ostendit difficultatem harum quaestionum. Et dicit bonum esse inquirere de his dubitationibus: subdit autem: et ad eam quae ad plus intelligentiam. Quam quidem litteram Alexander dicit esse defectivam; et est subintelligendum quod ea quae circa hoc excedunt nostram intelligentiam, oportet magis suscipere, quam amplius quaerere per nos ipsos. Non autem est consuetudo Aristotelis, quamvis sit breviloquus, defectivis locutionibus uti, ut Simplicius dicit. Et ideo ipse sic exponit: quod de his bene se habet quaerere, sed hoc non ad quoslibet pertinet, sed solum ad eos qui plus intelligunt. Averroes autem in suo commento exponit secundum hoc, ut intelligamus quod inquirere de his quaestionibus et in se bonum est, et etiam ad hoc est utile quod homo magis ac magis intelligat: qui enim se exercitat circa intellectum difficilium, magis potest intelligere alia, ut dicitur in III de anima. Ista autem quae inquirenda sunt, difficultatem habent: quia modicum de causis eorum percipere possumus, et accidentia eorum magis sunt remota a cognitione nostra, quam etiam ipsa corpora elongentur a nobis secundum corporalem situm. Et tamen, si ex his quae dicentur contemplemur harum dubitationum veritatem, apparebit non esse irrationabile id quod inquirendo dubitabile videbatur.

[71267] Sur le De caelo, II, 17, 8. Ensuite quand il dit : Ğ à leur sujet ğ, etc., il montre la difficulté des ces questions. Et il dit qu’il est bien [292b15] de faire des recherches sur ces problèmes ; il ajoute : Ğ et pour celle qui apporte plus de compréhension ğ. Alexandre dit que ce texte est défaillant et qu’il faut sous-entendre qu’il faut assumer ce qui dépasse notre intelligence sur ce point plutôt que de rechercher davantage par nous-mêmes. Or ce n’est pas une habitude chez Aristote, bien qu’il soit concis, d’utiliser des expressions défaillantes, comme Simplicius le dit. Et c’est pourquoi il fait lui-même l’exposé suivant : il est bon de faire des recherches sur ces problèmes, mais cela ne concerne pas n’importe qui, mais seulement ceux qui comprennent plus. Or Averroès explique dans son commentaire qu’il faut comprendre qu’il est bon de réfléchir à ces questions et en soi, et aussi qu’il est utile pour cela que l’homme comprenne de plus en plus ; car celui qui s’exerce à comprendre des choses difficiles peut comprendre plus de choses différentes, comme le dit le livre III de l’Âme. Or ce qu’il faut rechercher présente une difficulté, puisque nous pouvons connaître avec certitude peu de leurs causes, et que leurs accidents sont plus éloignés de notre capacité à connaître que les corps eux-mêmes aussi le sont de nous physiquement. Et pourtant, si nous contemplons la vérité de ces questions à la lumière de ce qui a été dit, il apparaîtra que ce qui semblait difficile à rechercher n’est pas illogique.

 

 

Lectio 18

Leçon 18 – [Solutions]

[71268] In De caelo, lib. 2 l. 18 n. 1 Praemissis duabus dubitationibus, hic ad earum solutiones accedit: et primo solvit primam quaestionem; secundo secundam, ibi: de dubitatione autem et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit quid oporteat supponere, ad hoc ut de facili solvatur quaestio primo mota; secundo ponit solutionem, ibi: videtur autem et cetera. Dicit ergo primo quod ideo prima quaestio difficilis videtur, quia nos inquirimus de corporibus caelestibus ac si essent sola corpora habentia quendam ordinem, absque hoc quod sint animata; et sic videtur nobis quod debeat in eis esse ordo motuum secundum ordinem numerorum, et secundum situm corporum. Sed ad hoc quod praedicta dubitatio solvatur, oportet opinionem habere de eis quod participent non solum vitam quamcumque, sed etiam actionem; quod est proprium habentium animam rationalem, quae agunt propter finem, tanquam habentia dominium sui actus, et non agunt ex solo naturae impetu, sicut omnia irrationalia. Hoc autem supposito, nihil videtur praeter rationem accidere, si multitudo motuum non procedat secundum corporum situm: quia magis est accipienda diversitas motuum et multitudo eorum secundum habitudinem ad bonum finale, quod est principium in omnibus agibilibus, ut patet per philosophum in VII Ethic. et II Physic. Et est attendendum quod, quantum ad hoc, non refert utrum ponamus corpora caelestia moveri a substantiis intellectualibus coniunctis per modum animae, vel etiam separatis. Non autem esset via solvendi, si moverentur per solum naturae impetum, sicut corpora gravia et levia.

[71268] Sur le De caelo, II, 18, 1. Après avoir présenté ces deux difficultés, il passe ici à leurs solutions ; et il résout premièrement la première question, deuxièmement la deuxième, ici : Ğ sur cette difficulté ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : il montre premièrement ce qu’il faut supposer pour résoudre facilement la question posée en premier ; il établit deuxièmement la solution, ici : Ğ or il semble ğ, etc. Il dit donc premièrement que la première question semble difficile, parce que nous faisons des recherches sur les corps célestes, comme s’ils étaient seulement des corps ayant un ordre, [292a20] sans qu’ils soient animés ; et ainsi nous pensons qu’il doit y avoir en eux un ordre de mouvements, qui suit l’ordre des nombres, et la situation de leurs corps. Mais pour ce qui est de résoudre la difficulté déjà présentée, il faut avoir sur eux l’opinion qu’ils participent non seulement à n’importe quelle vie, mais aussi à n’importe quelle action, ce qui est le propre des corps ayant une âme rationnelle, qui agissent dans un but, en tant que propriétaires de leur acte, et qui n’agissent pas du fait d’un élan de la nature seulement, comme toutes les choses irrationnelles. Une fois cela supposé, rien ne semble contre la raison, si une multitude de mouvements ne procède pas de la situation des corps, puisque l’on doit davantage considérer la diversité des mouvements et leur multitude selon leur rapport au bien final, qui est le principe de tous les êtres susceptibles d’agir, comme le montrent le livre VII de l’Éthique et le livre II de la Physique. Et il faut remarquer que, concernant cela, peu importe si nous établissons que les corps célestes sont déplacés par des substances intellectuelles reliées à la manière de l’âme ou bien séparées. Il n’y aurait pas de moyen de résoudre cela, s’ils étaient seulement déplacés par une impulsion de la nature, comme les corps lourds et légers.

[71269] In De caelo, lib. 2 l. 18 n. 2 Deinde cum dicit: videtur autem etc., ponit solutionem. Et primo ponit solutionis principia; secundo applicat ad propositum, ibi: hoc quidem igitur habet et cetera. Circa primum duo facit: primo ponit principia, ex quibus assignatur ratio quare superiores planetae moventur pluribus motibus, primum autem mobile uno solo motu; secundo ponit principia, ex quibus assignatur ratio quare superiores planetae moventur pluribus motibus, inferiores autem paucioribus, secundum suppositionem Eudoxi, ibi: iterum autem alteri et cetera. Circa primum duo facit: primo ponit principium; secundo manifestat per exemplum, ibi: quemadmodum in corpore et cetera. Dicit ergo primo quod in his quae possunt pervenire ad aliquod bonum perfectum, triplex gradus invenitur. Quorum supremus est eius quod optime se habet, et non indiget aliqua actione ad acquirendum bonum perfectum; sed hoc existit ei sine aliqua actione. Secundus gradus eius est quod est propinquissimum in bonitate dispositionis optimo, quod scilicet acquirit perfectum bonum per unam et modicam actionem. Tertius gradus est eorum quae magis distant ab optimo, quae tamen acquirunt perfectum bonum per plures operationes. Deinde cum dicit: quemadmodum in corpore etc., manifestat per exemplum. Et dicit quod in corporibus videtur illud corpus optime esse dispositum, quod non indiget aliqua exercitatione ad bonam sui habitudinem (quae dicitur euechia); in secundo autem gradu est corpus quod per modicam deambulationem consequitur bonam habitudinem; in tertio autem gradu est corpus quod ad bonam habitudinem consequendam indiget multis exercitiis, puta cursu, lucta et pugna.

[71269] Sur le De caelo, II, 18, 2. Ensuite, quand il dit : Ğ il semble ğ, etc., il établit la solution. Et il établit premièrement les principes de la solution ; il les applique deuxièmement à la proposition, ici : Ğ donc cela a ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : il établit premièrement les principes qui permettent d’expliquer pourquoi les planètes supérieures se déplacent de plusieurs mouvements, mais le premier corps mobile d’un seul mouvement ; il établit deuxièmement les principes qui permettent d’expliquer pourquoi les planète supérieures se déplacent de plusieurs mouvements, et les inférieures d’un plus petit nombre de mouvements, selon la supposition d’Eudoxe, ici : Ğ de son côté pour l’autre ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : il établit premièrement le principe ; il le montre deuxièmement par un exemple, ici : Ğ de même que dans un corps ğ, etc. Il dit donc premièrement que dans ce qui peut parvenir à un bien parfait se trouvent trois degrés. Le degré suprême appartient à ce qui est le mieux et qui n’a pas besoin d’une action pour acquérir un bien parfait ; mais cela naît de lui sans action. Le second est le degré de ce qui se rapproche le plus de ce qui est le mieux pour la qualité de la disposition à savoir ce qui obtient le bien parfait par une action unique et minime. Le troisième est le degré de ce qui est plus éloigné de ce qui est le mieux, mais qui obtient le bien parfait par plusieurs actes. Ensuite, quand il dit : Ğ de même que dans un corps ğ, etc., il le montre par un exemple. Et il dit que, parmi les corps, [292a25] celui qui n’a pas besoin d’exercice pour être dans une bonne condition physique (appelé eujexiva) semble être le mieux disposé ; dans le second degré se trouve un corps qui parvient à un bon état physique par une brève promenade ; dans le troisième degré se trouve un corps qui, pour obtenir cet état, a besoin de nombreux exercices, par exemple de la course, de la lutte et du pugilat.

[71270] In De caelo, lib. 2 l. 18 n. 3 Deinde cum dicit: iterum autem alteri etc., ponit principia per quae solvitur secunda pars quaestionis, quare scilicet inferiores planetae paucioribus motibus moventur quam superiores. Et primo ponit principia; secundo adhibet exemplum, ibi: propter quod oportet putare et cetera. Circa primum tria facit: primo ponit esse quendam gradum inferiorem tribus praedictis. Et dicit quod invenitur in quarto gradu aliquid quod, quibuscumque laboribus, non potest pertingere ad hoc quod adipiscatur bonum perfectum, sed potest consequi quoddam aliud bonum minus perfecto bono; puta si aliquod corpus per nullum exercitium posset consequi perfecte bonam habitudinem, sed per aliqua exercitia consequeretur aliquantulum meliorem dispositionem quam prius habebat. Secundo, ibi: est autem dirigere etc., ostendit in hoc etiam gradu esse quandam diversitatem; dicens quod difficile est dirigere, idest rectificare, aut multa aut multoties: difficilius enim est rectum se habere in multis quam in paucis. Multitudo autem accipi potest vel secundum diversitatem rerum, vel secundum diversitatem actionum ordinatarum ad aliquid unum; ad quorum primum pertinet quod dicit multa, ad secundum pertinet quod dicit multoties, maxime si actiones non simul fuerint. Ex quo apparet quod maioris virtutis est quod per multa potest in aliquod bonum pertingere, quam quod in illa multa non potest, et ita non consequitur illud bonum. Tertio, cum dicit: puta myrios etc., ponit exemplum de eo quod nunc dictum est. Et primo quantum ad hoc quod dixit multa; dicens quod difficile est proiicere myrios astragalos, idest decem millia astragalorum, quae sunt quaedam genera missilium, ex insula quae dicitur Chios, ubi sunt magni astragali (alia littera habet Coos, quae est alia insula Graeciae, in qua similiter sunt magni astragali); facile est autem quod aliquis iaciat unum ex his vel duo. Secundo, ibi: et iterum etc., exemplificat quantum ad id quod dixit, multoties. Et dicit quod quando oportet operari aliquid huius gratia, et hoc alterius gratia, et illud adhuc alterius gratia (ita scilicet quod ad unum finem oporteat perveniri per multas actiones ad invicem ordinatas), facile est hunc finem adipisci, quando per unam actionem vel duas potest aliquis consequi finem; puta si aliquis emit equum ad hoc quod aequitet, et aequitando perveniat ad locum aliquem. Sed quando oportet ad finem pervenire per plures actiones, tunc hoc est difficilius; puta si non habeat pecuniam in promptu unde emat equum, sed oportet eam acquirere per operationem alicuius artificii, ad quae exercenda iterum indigeat quaerere instrumenta alicuius artificii. Manifestum est igitur quod maior virtus requiritur, et ex parte intellectus ordinantis et ex parte potentiae exequentis, per plures actiones pervenire in finem, quam per unam vel pauciores.

 

[71270] Sur le De caelo, II, 18, 3. Ensuite, quand il dit : Ğ de nouveau pour un autre ğ, etc., il établit les principes qui permettent de résoudre la seconde partie de la question, à savoir pourquoi les planètes inférieures se déplacent par un plus petit nombre de mouvements que les supérieures. Et premièrement, il établit les principes, deuxièmement, il utilise un exemple, ici : Ğ parce qu’il faut penser ğ, etc. Concernant le premier point il fait trois choses : premièrement il établit qu’il y a un degré inférieur aux trois déjà mentionnés. Et il dit qu’il se trouve dans ce quatrième degré quelque chose qui, quelle que soit la peine qu’on y mette, ne peut parvenir à atteindre un bien parfait, mais qui peut obtenir un autre bien moindre que le bien parfait, par exemple si un corps pouvait obtenir sans aucun exercice une parfaite condition physique, mais s’il obtenait par des exercices un état un peu meilleur que celui qu’il avait avant. Deuxièmement, ici : Ğ diriger est ğ, etc., il montre que dans ce degré aussi se trouve une certaine diversité, disant qu’il est difficile de Ğ diriger ğ, c’est-à-dire de réussir, soit beaucoup de choses, soit beaucoup de fois ; car il est plus difficile de réussir en beaucoup d’occasions qu’en peu d’occasions. Or on peut envisager la multitude soit selon la diversité des choses, soit selon la diversité des actions réglées vers quelque unité ; quand il dit : Ğ beaucoup de choses ğ, cela concerne le premier point, quand il dit Ğ beaucoup de fois ğ, cela concerne le second point, surtout si les actions n’ont pas eu lieu en même temps. Donc il apparaît qu’il est d’un plus grand mérite de pouvoir parvenir à un bien beaucoup de fois que de ne pas pouvoir y parvenir lors de ces nombreuses occasions, et ainsi de ne pas obtenir ce bien. Troisièmement, quand il dit : Ğ par exemple une myriade de fois ğ, etc., il donne un exemple de ce qu’il vient de dire. Et premièrement quant au fait d’avoir dit Ğ beaucoup de choses ğ, disant qu’il est difficile de lancer Ğ une myriade d’astragales ğ, c’est-à-dire dix mille astragales, qui sont une sorte de projectiles, provenant de l’île appelée Chios, où se trouvent de grands astragales (un autre texte a Ğ Coos ğ, qui est une autre île grecque, où se trouvent également de grands astragales) ; [292a30] or il est facile de lancer un ou deux d’entre eux. Deuxièmement, ici : Ğ et encore ğ, etc., il donne un exemple quant au fait d’avoir dit Ğ beaucoup de fois ğ. Et il dit que, quand il faut accomplir telle chose dans ce but-ci, telle autre dans ce but-là, et telle autre dans un autre but encore (de telle façon qu’il faut parvenir à une seule fin par de nombreuses actions ordonnées les unes par rapport aux autres), il est facile de parvenir à cette fin, quand on peut réussir par une action ou deux, par exemple si quelqu’un achète un cheval pour faire de l’équitation et parvient à un lieu en faisant de l’équitation. Mais quand il faut parvenir à une fin par un plus grand nombre d’actions, alors c’est plus difficile, par exemple si l’on n’a pas d’argent pour acheter le cheval, mais si on doit l’acquérir en accomplissant quelque artifice, alors que, pour s’exercer à cela, on a besoin de rechercher encore des ressources pour un artifice. Il est donc clair qu’une vertu plus grande est requise, à partir à la fois de l’intellect qui ordonne et de la puissance qui exécute, pour parvenir à une fin par un plus grand nombre d’actions, que par une seule ou par un plus petit nombre.

[71271] In De caelo, lib. 2 l. 18 n. 4 Deinde cum dicit: propter quod oportet putare etc., ponit exempla praemissi principii. Et dicit quod propter praemissa oportet existimare quod actio stellarum, secundum multitudinem vel paucitatem motus earum, sit similis actioni animalium et plantarum. Videmus enim quod in istis inferioribus homo, habens perfectam animae virtutem, habet multiplices operationes, quia potest multa bona adipisci: et propter hoc multa potest operari, non solum absolute, sed etiam secundum ordinem unius ad aliud, ut puta cum excogitat magnam seriem actionum ordinatarum in unum finem. Nec tamen propter hoc homo est optimum in universo: quia id quod est optimum in universo, scilicet Deus, nulla indiget actione quoad adipiscendum proprium bonum. Non enim habet aliquem finem extra se, quem oporteat adipisci per aliquam actionem, sed ipse est finis sui ipsius et omnium aliorum: actio autem quae est propter finem, semper in duobus consistit, cum oporteat ibi considerari et finem cuius gratia aliquid agitur, et id quod est ad finem, quod agitur gratia huius, scilicet finis. Sed animalium praeter hominem sunt pauciores actiones quam hominis: tum quia non habent actiones intellectivae partis; tum quia in actionibus exterioribus habent determinatum modum praefixum sibi a natura, sicut hirundo semper eodem modo facit nidum. Sed plantae habent forte unam operationem tantum, scilicet nutritivam, et hanc parvam, idest imperfectam, respectu operationis sensitivae et intellectivae. Et huius diversitatis ratio est, quia finis ad quem pervenitur, vel est unum aliquod bonum perfectum, puta ad quem pervenit homo, scilicet beatitudo, quam homo consequitur per multas operationes; aut sunt multa quae praeexiguntur ad perfectum bonum, ad quorum aliquod pertingunt plantae et animalia per unam vel paucas operationes. Puta ad beatitudinem praeexigitur primo conservatio vitae, deinde cognitio sensibilium, et ultimo apprehensio universalis veritatis, in qua consistit finalis beatitudo: et hanc solus homo consequitur, conservationem autem vitae consequitur planta per actum nutritivae partis, animalia autem irrationabilia super hoc consequuntur cognitionem singularium.

[71271] Sur le De caelo, II, 18, 4. Ensuite quand il dit : Ğ parce qu’il faut penser ğ, etc., il donne des exemples du principe déjà présenté. [292b1] Et il dit que, en raison des propos tenus, il faut concevoir que l’action des étoiles, par rapport au grand ou au petit nombre de leurs mouvements, est semblable à celle des animaux et des plantes. Car nous voyons que, parmi ces êtres inférieurs, l’homme, possédant une âme d’une vertu parfaite, a de multiples activités, puisqu’il peut obtenir de nombreux biens ; et pour cette raison, il peut accomplir de nombreuses choses, non seulement dans l’absolu, mais aussi dans l’ordre l’une après l’autre, par exemple lorsqu’il imagine une série d’actions ordonnées vers une fin. Et pourtant, pour cette raison, l’homme n’est pas le meilleur être de l’univers, [292b5] puisque celui qui est le meilleur être de l’univers, à savoir Dieu, n’a besoin d’aucune action pour obtenir le bien qui lui est propre. Car il n’a pas de fin en dehors de lui, qu’il doive obtenir par une action, mais il est lui-même sa propre fin et celle de tous les autres êtres ; or, l’action qui est en vue d’une fin est toujours composée de deux parties, comme il faut considérer ici à la fois la fin pour laquelle on agit, et ce qui est en vue de la fin, ce qui est fait pour celle-ci, à savoir la fin. Mais les actions des autres êtres vivants que l’homme sont moins nombreuses que celles de ce dernier, d’une part parce qu’elles n’ont pas d’actions venant de leur partie intellective, d’autre part parce qu’elles ont un mode opératoire fixé à l’avance par la nature dans leurs actions extérieures, de même que l’hirondelle fait toujours son nid de la même façon. Mais les plantes ont sans doute une seule activité, à savoir l’activité nutritive, et qui est Ğ petite ğ, c’est-à-dire imparfaite au regard de l’activité sensitive et intellective. Et la raison de cette différence est que la fin à laquelle on parvient, est soit un bien parfait, par exemple la fin à laquelle l’homme parvient, à savoir le bonheur, qu’il recherche par de nombreuses activités, soit qu’il y a de nombreuses choses qui sont exigées à l’avance [292b10] en vue d’un bien parfait, que les plantes et les animaux obtiennent par une activité ou un petit nombre. Par exemple le bonheur demande à l’avance la conservation de vie, ensuite la connaissance des sensibles, et enfin la compréhension de la vérité universelle, en quoi consiste le bonheur final ; et c’est seulement l’homme qui obtient cela, la plante obtenant la conservation de sa vie par l’action de sa partie nutritive, les animaux dépourvus de raison obtenant en plus de cela la connaissance de chaque chose. 

[71272] In De caelo, lib. 2 l. 18 n. 5 Sic igitur patet ex omnibus praemissis quinque esse ordines rerum. Nam supremum in entibus est quod habet perfectum bonum sine actione; secundum autem est quod habet perfectum bonum per unum vel paucos motus; tertium autem est quod acquirit perfectum bonum per multas operationes, sicut homo. Quartus autem gradus est qui non potest acquirere perfectum bonum ullo modo, sed acquirit aliquid praevium per paucos motus vel per unum tantum, sicut animalia et plantae. Relinquitur autem infimum esse quod nihil horum potest acquirere, et propter hoc non habet participare aliquem motum. Sic igitur quod aliquid omnino careat motu, potest dupliciter contingere: uno modo quia est perfectissimum, alio modo quia est imperfectissimum. Similiter etiam quod aliquid habeat unum vel paucos motus, potest dupliciter contingere: uno modo quia est propinquum perfectissimo, alio modo quia est propinquum imperfectissimo. Quod autem aliquid habeat multas actiones vel motus, contingit ex eo quod medio modo se habet.

[71272] Sur le De caelo, II, 18, 5. Ainsi donc il apparaît d’après tout ce qui a été présenté qu’il y a cinq ordres dans les choses. Car l’étant suprême est celui qui a un bien parfait sans action ; le second est celui qui a un bien parfait grâce à un seul mouvement ou à un petit nombre ; le troisième est celui qui acquiert un bien parfait par de nombreuses activités, comme l’homme. Le quatrième degré est celui qui ne peut pas acquérir de bien parfait en aucune manière, mais qui en obtient un avant-goût grâce à un petit nombre de mouvements ou à un seul, comme les animaux et les plantes. Il en résulte qu’on trouve au dernier rang ce qui ne peut rien acquérir de cela et qui, pour cette raison, n’a pas de quoi participer à un mouvement. Ainsi donc il est possible qu’une chose soit totalement dépourvue de mouvement de deux façons, d’une part parce qu’elle est la plus parfaite, d’autre part parce qu’elle est la plus imparfaite. De la même manière, il est aussi possible qu’une chose ait un mouvement ou un petit nombre de mouvements, de deux façons, d’une part parce qu’elle est proche de l’être le plus parfait, d’autre part parce qu’elle est proche de l’être le plus imparfait. Et il arrive qu’une chose ait beaucoup d’actions ou de mouvements parce qu’elle a une position intermédiaire.

[71273] In De caelo, lib. 2 l. 18 n. 6 Deinde cum dicit: hoc quidem igitur habet etc., adaptat praedicta principia ad propositum. Et dicit quod in ordine rerum hoc quod supremum est, habet et participat optimo absque omni motu: quod quidem contingit substantiis separatis, quae sunt omnino immobiles. Dicit autem habet, propter supremam causarum, quae est Deus altissimus, qui est ipsa essentia bonitatis: dicit autem participat, propter inferiores substantias separatas, quae esse et bonum habent ex alio: nam participare nihil aliud est quam ab alio partialiter accipere. Hic est igitur primus et supremus ordo entium. Secundum ordinem distinguit, dicens quod est aliquid quod de propinquo attingit illud optimum per paucos motus; sicut suprema sphaera, quae intantum dicitur appropinquare ad illud optimum, inquantum pertingit ad hoc quod sit causa universalis corporalium, et causa permanentiae ipsorum. Deinde ponit tertium gradum, dicens quod aliquid appropinquat ad bonum optimum per multos motus; sicut superiores planetae, qui etiam sunt causae universales effectuum in mundo, et permanentiae et fixionis rerum. Deinde ponit quartum gradum, dicens quod aliquid est quod non potest participare illud perfectum bonum, sed sufficit qualitercumque appropinquet.

[71273] Sur le De caelo, II, 18, 6. Ensuite, quand il dit : Ğ donc il a ceci ğ, etc., il adapte les principes déjà présentés à la proposition. Et il dit que dans l’ordre des choses, ce qui est suprême possède le bien suprême et y participe sans aucun mouvement, ce qui arrive aux substances séparées, qui sont tout à fait immobiles. Il dit : Ğ possède ğ, en raison de la cause suprême, qui est Dieu le très haut, qui est l’essence même de la bonté ; il dit : Ğ participe ğ, en raison des substances séparées inférieures, qui tirent leur être et leur bien d’autre chose ; car Ğ participer ğ n’est rien d’autre que recevoir en partie quelque chose d’un autre être. Tel est donc l’ordre premier et suprême des étants. Il distingue un second ordre, disant que c’est une chose qui touche de près l’être le meilleur en peu de mouvements, comme la sphère suprême, qui, dit-on, s’approche de cet être dans la mesure où elle atteint ce qui est la cause universelle des êtres corporels et la cause de leur permanence. Ensuite il établit un troisième degré, disant que c’est une chose qui s’approche du bien suprême au moyen de nombreux mouvements, comme les planètes supérieures, qui sont aussi les causes universelles des effets dans le monde, celles de la permanence et de la fixité des choses. Puis il établit un quatrième degré, disant que c’est une chose qui ne peut pas participer à ce bien parfait, mais qui se contente de s’en approcher de quelque manière que ce soit. 

[71274] In De caelo, lib. 2 l. 18 n. 7 Et ad horum manifestationem subiungit exemplum, dicens quod, si ponamus sanitatem vitae finem, invenimus quantum ad hoc aliquid esse optimum, quod scilicet semper est sanum. In secundo autem gradu est quod fit sanum per solam extenuationem, idest subtractionem superfluorum. In tertio autem gradu est quod sanitatem quidem adipiscitur per extenuationem, sed ad hoc quod extenuetur indiget cursu, et ad hoc quod currat requiritur quod aliquid aliud agat, ut sit aptum ad cursum; et sic habet plures motus quibus pervenit ad finem sanitatis. Quartus autem gradus est quod non potest pervenire ad hoc quod sanetur, sed pervenit ad aliquid eorum quae sunt praevia sanitati, puta ad hoc solum quod currat, vel etiam ulterius quod extenuetur; quorum neutrum est finis, sed eorum est aliquis finis, scilicet sanitas, ut dictum est. Et horum rationem assignat, dicens quod maxime optimum est omnibus finem sortiri qualitercumque, scilicet sive sine motu, sive per paucos, sive per multos motus. Si vero non contingat adipisci finem, semper tanto aliquid erit melius, quanto magis appropinquat ad optimum; puta quod pertingit ad extenuationem, quae est propinquissima sanitati, est melius quam quod pertingit ad cursum. Ex quo etiam patet quod in unoquoque horum ordinum possunt esse multi gradus.

[71274] Sur le De caelo, 2, 18, 7. Et il ajoute un exemple à leur présentation, disant que, si nous posons la santé comme le but de la vie, nous découvrons, concernant cela, que ce qu’il y a de mieux, c’est d’être toujours en bonne santé. Le second degré est de devenir en bonne santé seulement par Ğ diminution ğ, c’est-à-dire par suppression du poids superflu. Le troisième degré est d’atteindre la santé par diminution, mais en ayant besoin de courir pour maigrir et en cherchant à faire quelque chose d’autre [292b15] pour courir afin d’être apte à la course ; et il y a ainsi un plus grand nombre de mouvements qui permettent d’atteindre le but de la santé. Le quatrième degré est de ne pas parvenir à être en bonne santé, mais à ce qui précède la santé, par exemple seulement à courir, ou bien, plus tard, à maigrir ; ni l’une ni l’autre chose ne sont une fin, mais elles ont une fin, à savoir la santé, comme on l’a dit. Et il leur attribue une raison, disant que le mieux pour tous est d’obtenir une fin de n’importe quelle manière, à savoir soit sans mouvement, soit par un petit nombre de mouvements, soit par un grand nombre. Or si une chose n’est pas susceptible d’atteindre une fin, elle sera toujours d’autant meilleure qu’elle s’approche du bien suprême ; par exemple, ce qui atteint l’amaigrissement, qui est la chose qui s’approche le plus de la santé, est mieux que ce qui parvient à courir. À partir de là, il est clair aussi que dans n’importe lequel de ces ordres il peut y avoir de nombreux degrés.

[71275] In De caelo, lib. 2 l. 18 n. 8 Et quia terra maxime distat ordine naturae a summo ordine rerum, ideo totaliter non movetur, quasi non valens appropinquare ad optimum per hunc modum quod sit causa aliorum. Illa vero quae sunt propinqua terrae, quae sunt in quarto ordine, paucis motibus moventur: quia non attingunt ad alterum extremum, ut scilicet sint universales causae permanentiae rerum; sed intantum moventur, inquantum possunt sortiri aliquid de similitudine primi et divinissimi principii, in hoc scilicet quod et ipsa sint aliorum principia. Sed primum caelum statim sortitur hanc similitudinem per unum motum: quod pertinet ad secundum gradum. Illa vero quae sunt intermedia inter primum caelum et extrema corpora, quae sunt in tertio ordine, attingunt similitudinem primi principii in causando, per plures motus.

[71275] Sur le De caelo, II, 18, 8. Et puisque la Terre est la plus distante, suivant l’ordre de la nature, de l’ordre suprême des choses, [292b20] pour cette raison, elle ne se déplace pas du tout, comme si elle n’était pas capable de s’approcher du bien suprême de cette manière parce que c’est la cause des autres choses. Or, les corps qui sont proches de la terre et qui se trouvent dans le quatrième ordre se déplacent grâce à peu de mouvements, puisqu’ils n’atteignent pas l’autre extrémité, de telle sorte qu’ils sont les causes universelles de la permanence des choses ; mais ils se déplacent dans la mesure où ils peuvent obtenir un peu de la ressemblance du principe premier le plus divin, en ceci qu’ils sont eux-mêmes les principes des autres corps. Mais le premier ciel obtient aussitôt cette ressemblance par un seul mouvement, ce qui concerne le second degré. Les corps qui sont intermédiaires entre le premier ciel et les derniers corps, lesquels se trouvent dans le troisième ordre, parviennent à ressembler au principe premier dans l’acte de causer, grâce à [292b25] des mouvements plus nombreux. 

[71276] In De caelo, lib. 2 l. 18 n. 9 In his autem quae dicta sunt, tria expressit: scilicet principium, quod habet et participat optimo: hoc enim exposuit esse divinissimum principium. Similiter etiam secundum ordinem, qui per paucos motus attingit perfectum bonum, attribuit primo caelo. Quintum etiam ordinem, qui propter imperfectionem omni caret motu, attribuit terrae. Remanet autem dubitatio de aliis duobus ordinibus, quibus sint attribuendi. Nam si tertium ordinem attribuamus superioribus planetis, eo quod per plures motus consequuntur perfectum bonum et durabile, videbitur attribuere quartum ordinem soli et lunae, ut dicamus quod non attingunt ad perfectum bonum: quod videtur inconveniens, praesertim cum sol videatur esse nobilissimus planetarum, et tam ipse quam luna videantur habere maximam efficaciam in inferioribus corporibus.

[71276] Sur le De caelo, II, 18, 9. Parmi ce qui a été dit, il a exprimé trois choses, à savoir le principe qui possède le bien suprême et qui y participe : car il a rapporté que c’est Ğ le plus divin des principes ğ. De la même façon, il a aussi attribué au premier ciel le second ordre, qui atteint le bien parfait par peu de mouvements. Le cinquième ordre, qui est dépourvu de tout mouvement en raison de son imperfection, il l’a aussi attribué à la Terre. Il reste une question sur les deux autres ordres : à quoi ils doivent être attribués. Car si nous attribuons le troisième ordre aux planètes supérieures, parce qu’elles poursuivent le bien parfait et durable par un plus grand nombre de mouvements, il semblera bon d’attribuer le quatrième ordre au Soleil et à la Lune, si bien que nous disons qu’ils n’atteignent pas le bien parfait ; or cela ne semble pas convenir, surtout que le Soleil semble être la plus noble des planètes, et que lui aussi bien que la Lune semblent avoir la plus grande efficacité parmi les corps inférieurs.

[71277] In De caelo, lib. 2 l. 18 n. 10 Et ideo Averroes dicit in commento suo quod quartus ordo, eorum scilicet quae non attingunt perfectum bonum sed appropinquant ad ipsum per paucos motus, attribuitur tribus elementis, scilicet aquae, aeri et igni; quae quidem moventur duplici motu, scilicet motu proprio secundum naturam gravitatis vel levitatis, et motu quem consequuntur ex caelestibus corporibus; sicut ignis et superior pars aeris moventur circulariter secundum motum caeli, et mare fluit et refluit secundum motum lunae. Tertium autem ordinem attribuit omnibus planetis, qui consequuntur perfectum bonum, idest causalitatem universalem super haec inferiora, per plures motus.

[71277] Sur le De caelo, II, 18, 10. Et c’est pourquoi Averroès dit dans son commentaire que le quatrième ordre, c’est-à-dire celui des corps qui n’atteignent pas le bien parfait, mais qui s’en approchent par un petit nombre de mouvements, est attribué aux trois éléments, à savoir l’eau, l’air et le feu ; ces derniers se déplacent sans doute d’un double mouvement, à savoir de leur propre mouvement suivant la nature de la pesanteur ou de la légèreté, et du mouvement qu’ils poursuivent à cause des corps célestes, de même que le feu et la partie supérieure de l’air se déplacent circulairement en suivant le mouvement du ciel, et que la mer avance et reflue en suivant le mouvement de la Lune. Il attribue le troisième ordre à toutes les planètes, qui poursuivent le bien parfait, c’est-à-dire la causalité universelle s’exerçant sur ces corps inférieurs-ci, grâce à un plus grand nombre de mouvements. 

[71278] In De caelo, lib. 2 l. 18 n. 11 Sed secundum hunc intellectum, dubitatio quam movit Aristoteles remanet insoluta. Et ideo secundum intentionem Aristotelis dicere oportet quod quartus gradus attribuatur soli et lunae, qui secundum ipsum sunt infimi planetarum. Et secundum principia Aristotelis, eorum ordo in dignitate est secundum ordinem situs eorum; eo quod superior sphaera continet inferiorem, continens autem est nobilius et formalius contento, sicut dicitur in IV Physic., et sicut postea dicetur in capitulo de terra. Secundum hoc ergo intelligendum est quod optimum in rebus est permanentia. Quae quidem in substantiis separatis est absque omni motu; et quidquid permanentiae est in inferioribus rebus, illinc derivatur. Et inde est etiam quod supremum caelum, quod est propinquissimum substantiis separatis, suo motu diurno est causa sempiternitatis et permanentiae rerum: et ideo maxime attingit ad similitudinem primi principii. Superiores autem planetae sunt magis causa permanentiae et durationis quam inferiores: unde Saturno attribuuntur res fixae. Et inde est etiam quod, secundum Ptolomaeum in quadripartito, quod ea quae sunt Saturni attribuuntur ad universalia loca temporum; ea autem quae sunt Iovis, ad loca annualium temporum; ea vero quae sunt solis et Martis et Veneris et Mercurii, ad loca mensium; transitus vero lunae ad loca diurna. Coniunctiones etiam superiorum planetarum coaptantur effectibus magis universalibus et permanentibus, secundum astrologos. Sol autem et luna, qui sunt inferiores planetae secundum Aristotelem, habent maxime efficaciam ad causandum transmutationes in istis inferioribus corporibus: quod quidem non est optimum, sed aliquid ordinatum ad optimum et praevium ei; nam corpora inferiora per transmutationem generationis et corruptionis consequuntur perpetuitatem in specie, quam in individuo habere non possunt.

[71278] Sur le De caelo, II, 18, 11. Mais selon cette explication, la difficulté qu’Aristote a soulevée demeure sans solution. Et c’est pourquoi, en suivant l’intention d’Aristote, il faut dire que le quatrième degré est attribué au Soleil et à la Lune, qui pour lui sont les planètes les plus basses. Et, selon les principes d’Aristote, leur ordre de dignité suit l’ordre de leur place, parce que la sphère supérieure contient l’inférieure, et que le contenant est plus noble et plus formel que le contenu, comme le dit le livre IV de la Physique, et comme on le dira plus loin dans le chapitre sur la Terre. Suivant cela, il faut donc comprendre que la meilleure des choses est la permanence. Celle-ci est dépourvue de tout mouvement chez les substances séparées ; et tout ce qui possède de la permanence chez les êtres inférieurs dérive de là. Et de là vient aussi que le ciel suprême, qui est le plus près des substances séparées, est la cause de l’éternité et de la permanence des choses grâce à son mouvement diurne ; et c’est pourquoi il parvient à ressembler au plus haut point au premier principe. Or, les planètes supérieures sont davantage cause de permanence et de durée que les inférieures ; de ce fait les choses fixes sont attribuées à Saturne. Et de là vient aussi que, selon Ptolémée dans son Tétrabible, ce qui appartient à Saturne est attribué à des durées universelles, que ce qui appartient à Jupiter l’est à des durées annuelles, que ce qui appartient à Mars, Vénus et Mercure l’est à des durées mensuelles, et que le passage de la Lune l’est à des durées diurnes. Les conjonctions des planètes supérieures sont aussi associées aux effets plus universels et permanents, selon les astronomes. Or, le Soleil et la Lune, qui sont des planètes inférieures, selon Aristote, ont surtout de l’efficacité pour causer des transformations chez ces corps inférieurs, ce qui n’est pas le bien suprême, mais une chose orientée vers le bien suprême et qui va vers lui ; car, grâce à la transformation de la génération et de la corruption, les corps inférieurs obtiennent la perpétuation en espèce, qu’ils ne peuvent obtenir individuellement.

[71279] In De caelo, lib. 2 l. 18 n. 12 Simplicius tamen dicit in commento quod non existimat ordinem nobilitatis esse in corporibus caelestibus secundum ordinem situs; sed quod unumquodque corporum caelestium, sive nobilius sive minus nobile, ibi ponitur ubi optimum est ipsum poni; et ideo luminaria mundi, scilicet sol et luna, secundum Aristotelem propinquissime situantur inferioribus corporibus, quae indigent illuminari ab eis. Illud tamen quod prius dictum est, magis verum esse videtur, secundum convenientiam principiorum naturalium.

[71279] Sur le De caelo, II, 18, 12. Cependant Simplicius dit dans son commentaire qu’il ne pense pas que l’ordre de noblesse chez les corps célestes suive l’ordre de leurs lieux, mais que chacun d’entre eux, qu’il soit plus ou moins noble, est situé là où c’est le mieux de le situer ; et c’est pourquoi, selon Aristote, les luminaires du monde, à savoir la Lune et le Soleil, sont situés très près des corps inférieurs, qui ont besoin d’être illuminés par eux. Pourtant, ce qui a été dit auparavant semble être plus vrai, en accord avec les principes naturels.  

[71280] In De caelo, lib. 2 l. 18 n. 13 Secundum vero suppositiones modernorum astrologorum, satis convenienter videtur dispositus numerus caelestium corporum, licet non secundum rationem quam Aristoteles hic assignat. Nam sicut supra dictum est, et sicut Aristoteles dicit in XII Metaphys., oportet in caelestibus motibus aliquid esse quod est causa perpetuitatis et durationis rerum, et oportet aliquid esse quod pertinet ad causam transmutationis; et in unoquoque ordine oportet esse aliquod summum. Sicut igitur in ordine causalitatis permanentiae rerum, post primum motum qui revolvit totum, praeeminentiam obtinet octava sphaera; ita etiam in ordine causalitatis transmutationis rerum, summum locum obtinet sphaera solis, quae quodammodo proportionaliter respondet in hoc ordine sphaerae stellarum fixarum; ita scilicet quod, sicut sphaera stellarum fixarum praeeminet in stellarum multitudine, quod congruit universalitati causalitatis eius, propter diversas effectuum species, ita etiam sphaera solis superabundat in magnitudine solaris corporis et luminositatis eius, propter efficaciam transmutandi inferiora corpora. Unde sicut sphaerae stellarum fixarum attribuuntur duo motus, scilicet motus proprius et motus superioris sphaerae; ita etiam soli attribuitur duplex motus, scilicet unus proprius, quo movetur in suo circulo, et alius quo movetur sphaera eius secundum motum sphaerae stellarum fixarum. Utrique autem sphaerae quasi deserviunt tres inferiores sphaerae. Ita scilicet quod sphaerae stellarum fixarum intelligantur deservire, ad causandum permanentiam in rebus et ad universales effectus, Saturnus, Iupiter et Mars: propter quod uniformes habent motus secundum numerum; nam sicut dictum est, unicuique eorum attribuuntur tres motus. Soli autem intelliguntur deservire tres inferiores planetae, ad causandum transmutationem in rebus: et ideo gradatim diversificantur in numero motuum; ita scilicet quod soli attribuantur duo motus, Veneri attribuantur tres, Mercurio quatuor, lunae quinque.

[71280] Sur le De caelo, II, 18, 13. Or, selon les hypothèses des astronomes modernes, le nombre des corps célestes semble avoir été établi assez convenablement, bien qu’il ne suive pas le raisonnement qu’Aristote présente ici. Car, comme on l’a dit ci-dessus, et comme Aristote le dit dans le livre XII de la Métaphysique, il faut que dans les mouvements célestes il y ait une chose qui soit la cause de la perpétuation et de la durée des choses et une chose qui concerne la cause de la transformation ; et dans chaque ordre il faut qu’il y ait un lieu suprême. Donc, de même que, dans l’ordre de la causalité de la permanence des choses, après un premier mouvement qui fait tourner le tout, une huitième sphère obtient la prééminence, de même aussi dans l’ordre de la causalité de la transformation des choses, la sphère du Soleil obtient le lieu suprême, laquelle correspond dans cet ordre d’une certaine manière proportionnellement à la sphère des étoiles fixes ; et c’est ainsi que, de même que la sphère des étoiles fixes l’emporte sur la multitude des étoiles, ce qui s’accorde avec sa causalité universelle, pour diverses espèces d’effets, de même aussi la sphère du Soleil l’emporte sur la grandeur du corps solaire et de sa luminosité, en vue de l’efficacité à transformer les corps inférieurs. De ce fait, de même que deux mouvements sont attribués à la sphère des étoiles fixes, à savoir le mouvement qui lui est propre et le mouvement de la sphère supérieure, de même aussi on attribue un double mouvement au Soleil, à savoir son mouvement propre, par lequel il se déplace sur son cercle, et un autre mouvement, par lequel sa sphère se déplace en suivant le mouvement de la sphère des étoiles fixes. Or, trois sphères inférieures sont au service des deux sphères pour ainsi dire. Et c’est ainsi que l’on remarque que Saturne, Jupiter et Mars sont au service de la sphère des étoiles fixes, pour causer la permanence des choses et pour les effets universels, parce qu’ils ont des mouvements uniformes selon le nombre ; car, comme on l’a dit, trois mouvements sont attribués à chacun d’entre eux. Or, on constate que les trois planètes inférieures sont au service du Soleil, pour causer la transformation des choses ; et c’est pourquoi le nombre de leurs mouvements se diversifie graduellement ; et c’est ainsi que deux mouvements sont attribués au Soleil, trois à Vénus, quatre à Mercure et cinq à la Lune.

[71281] In De caelo, lib. 2 l. 18 n. 14 Est etiam sciendum quod, quia Aristoteles hic terram ponit non participare aliquem motum, Alexander convenienter dicit eam esse inanimatam. Sed Simplicius in suo commento declarat, dicens terram esse animatam (sequitur enim in hoc errorem gentilium, qui cultum divinitatis terrae attribuebant). Quod Aristoteles reprobat in III de anima, ostendens quod nullum corpus simplex est animatum. Quod etiam evidenti signo apparet: quia quae in animalibus sunt magis terrea, sicut ossa, insensibilia sunt. Si autem corpus caeleste, simplex existens, est animatum, non impedit hanc rationem: quia corpus caeleste non subiacet contrarietati, sicut simplicia elementorum corpora. Nititur autem probare corpus terrae esse animatum, quia in aeternum durat, et ex eo quod aliquae partes terrae sunt animatae: non attendens quod ad corpora animata, terra et alia elementa habent habitudinem materiae, corpus autem caeleste habitudinem agentis. Agens autem nobilius est facto, sed factum nobilius est materia: unde etsi caelum habet nobiliorem formam quam corpora animata, elementa tamen habent formam minus nobilem. Similiter etiam nititur ostendere quod non repugnat animationi terrae quod non movetur. Uno quidem modo quia etiam plantae sunt animatae, quae tamen non moventur secundum locum. Sed in hoc fallitur: quia quamvis non moveantur motu locali, moventur tamen motu augmenti et decrementi. Alio modo quia, cum etiam ea quae intelligunt dicat Aristoteles vivere, nihil prohibet terram esse animatam et viventem, licet non moveatur secundum locum: potest tamen esse quod intelligat. Sed hoc etiam est contra Aristotelem, qui dicit in II de anima quod in corporibus corruptibilium non est aliquid habens intellectum sine sensu; terram autem insensibilem esse, manifestum est ex eo quod quotidie scinditur et atteritur. Adhuc autem, cum eadem sit natura totius et partis, sicut et idem motus, si terra tota haberet animam intellectivam, oporteret quod quaelibet pars eius divisa esset animata et intelligens; et quod ulterius omnia corpora mixta, in quibus terra superabundat, essent talia; quod est derisibile. Addit etiam quod licet terra stet, habet tamen aliquam operationem, quae est ipsum stare; ut sicut caelestis corporis est operatio movere, ita terrae operatio est stare vel quiescere. Sed in hoc fallitur: quia stare vel quiescere non est operatio, sed privatio operationis vel motus. Unde cum cuiuslibet viventis corporis oporteat esse aliquam operationem vitae, quae appareat in ipso corpore, et non solum in anima (alioquin frustra corpori uniretur), manifestum est quod terra, in cuius corpore nulla vitae operatio apparet, non potest esse animata.

[71281] Sur le De caelo, II, 18, 14. Il faut aussi savoir que, puisqu’Aristote établit ici que la Terre ne participe à aucun mouvement, Alexandre dit de façon convenable qu’elle est inanimée. Mais Simplicius déclare dans son commentaire que la terre est animée (car il suit en cela l’erreur des Gentils, qui attribuaient un culte divin à la Terre). Aristote condamne cette idée dans le livre III de l’Âme, montrant qu’aucun corps simples n’est animé. Cela se voit aussi à un signe évident : puisque ce qui est fait en majeure partie de terre chez les êtres animés, comme les os, est insensible. Or si un corps céleste, étant simple, est animé, cela n’empêche pas ce raisonnement, puisqu’un corps céleste n’est soumis à aucune opposition, comme les corps simples des éléments. Or il entreprend de prouver que le corps de la Terre est animé, puisqu’il dure éternellement et du fait que des parties de la Terre sont animées, sans remarquer que, chez les corps animés, la Terre et les autres éléments ont l’état de matière, et que le corps céleste celui d’agent. L’agent est plus noble que ce qui est fait, mais ce qui est fait est plus noble que la matière : de ce fait, même si le ciel a une forme plus noble que les corps animés, les éléments ont pourtant une forme moins noble. De la même façon, il s’efforce de montrer aussi que l’absence de mouvement de la Terre ne s’oppose pas à ce qu’elle soit animée. D’une part parce que les plantes, qui ne se déplacent pourtant pas selon le lieu, sont aussi animées. Mais il a tort en cela, puisque, bien qu’elles ne se déplacent pas par un mouvement local, elles le font cependant par un mouvement de croissance et de décroissance. D’autre part parce que, comme Aristote dit aussi que ce qui comprend est vivant, rien n’empêche que la Terre soit animée et vivante, bien qu’elle ne se déplace pas selon le lieu ; il se peut pourtant qu’elle comprenne. Mais cela est aussi contraire à l’opinion d’Aristote, qui dit dans le livre II de l’Âme que chez les corps des êtres corruptibles il n’y a rien qui ait un intellect sans avoir de sens ; or il est évident que la Terre est insensible du fait qu’elle est fendue et piétinée tous les jours. En outre, comme la nature du tout et de la partie est identique, de même pour le mouvement, si la Terre tout entière avait une âme intellective, il faudrait que n’importe laquelle de ses parties divisées soit animée et intelligente et qu’enfin tous les corps mélangés, dans lesquels la terre est la plus abondante, le soient aussi, ce qui est ridicule. Il ajoute aussi que, bien que la Terre soit immobile, elle a pourtant une activité, qui est d’être immobile, de telle sorte que, de même que l’activité du corps céleste est de se déplacer, de même celle de la Terre est d’être immobile ou au repos. Mais il se trompe sur ce point, puisqu’être immobile ou au repos n’est pas une activité, mais une privation d’activité ou de mouvement. De ce fait, comme il faut que n’importe quel corps vivant ait une activité vitale, qui apparaisse dans son corps même, et non seulement dans son âme (sinon elle serait unie en vain au corps), il est évident que la Terre, dont le corps ne montre aucune activité vitale, ne peut être animée.

 

 

Lectio 19

Leçon 19 – [Solutions aux difficultés sur les étoiles –suite-]

[71282] In De caelo, lib. 2 l. 19 n. 1 Praemissa solutione primae dubitationis, hic solvit dubitationem secundam, qua scilicet quaerebatur quare, cum in sphaera primi motus sint innumerabiles stellae, in qualibet aliarum inferiorum non est nisi una.

[71282] Sur le De caelo, II, 19, 1. Après avoir présenté la solution de la première question, il résout ici la seconde, où il se demandait pourquoi, comme dans la sphère du premier mouvement se trouvent d’innombrables étoiles, il n’y en a qu’une dans n’importe laquelle des autres sphères inférieures.

[71283] In De caelo, lib. 2 l. 19 n. 2 Ponit autem ad hoc tres solutiones. Quarum prima est sumpta ex excellentia primae sphaerae ad alias. Et dicit quod, circa dubitationem qua dubitatur quare secundum motum primae sphaerae, qui est unus, invenitur magis multitudo astrorum, in aliis autem sphaeris inferioribus planetarum unaquaeque stella seorsum accipit proprios motus (ut scilicet alii sint motus Saturni, alii Iovis, et sic de aliis, cum tamen omnes stellae fixae sint locatae secundum unum motum), dicendum est quod aliquis potest existimare hoc rationabile esse, primo quidem propter hoc unum, quia oportet intelligere quod prima sphaera habeat magnam excellentiam in comparatione ad alias sphaeras: tum quantum ad vitam, quia scilicet habet nobiliorem vitam, utpote habens nobiliorem animam; tum quantum ad hoc quod est esse principium uniuscuiusque, quia scilicet universalis causalitas magis competit primae sphaerae quam alicui aliarum. Quae quidem excellentia considerari potest ex tribus: primo quidem quia immediatius ordinatur ad primum motorem; secundo quia continet et revolvit omnes alias sphaeras; tertio autem quia habet motum simplicissimum et velocissimum. Manifestum est autem quod id quod est nobilissimum et magis activum in corporibus caelestibus, est stella; quod ostendit luminositas ipsius. Et ideo conveniens est quod prima sphaera abundet in multitudine stellarum, per comparationem ad alias sphaeras.

[71283] Sur le De caelo, II, 19, 2. Il donne trois solutions à ce problème. La première d’entre elles est tirée de la supériorité de la première sphère sur les autres. Et il dit que, concernant la question où l’on se demande pourquoi suivant le mouvement de la première sphère, qui est unique, il se trouve plutôt un multitude d’astres et pourquoi dans les autres sphères inférieures des planètes à chaque étoile sont impartis séparément des mouvements particuliers (à savoir que les uns sont les mouvements de Saturne, les autres ceux de Jupiter et ainsi de suite, alors que toutes les étoiles fixes sont pourtant disposées selon un seul mouvement), il faut affirmer que l’on peut juger cela logique, premièrement pour cette unique raison : parce qu’il faut comprendre que [292b30] la première sphère a une grande supériorité sur les autres, d’une part concernant la vie, puisqu’elle a une vie plus noble, étant donné qu’elle a une âme plus noble, concernant ce qui constitue le principe de chaque être, puisque la causalité universelle correspond davantage à la première sphère qu’à l’une des autres. Cette supériorité peut être considérée sous trois aspects : premièrement puisqu’elle est placée immédiatement après le premier moteur, deuxièmement puisqu’elle contient et fait tourner toutes les autres sphères, troisièmement puisqu’elle a un mouvement très simple et très rapide. Il est évident que ce qui est le plus noble, et qui est le plus actif sur les corps célestes est l’étoile, ce que montre sa luminosité. Et c’est pourquoi il convient que la première sphère ait une multitude d’étoiles en abondance, en comparaison des autres sphères.

[71284] In De caelo, lib. 2 l. 19 n. 3 Si vero supponamus quod sphaera stellarum fixarum non sit suprema sphaera, sed sit alia sphaera ea superior, in qua nulla est stella, nihil differt ad propositum. Quia motus sphaerae non est nisi propter motum stellae, ut dicitur in XII Metaphys.: unde ille motus supremae sphaerae, quae caret stellis, ordinatur ad motum stellarum fixarum; sicut, secundum antiquos astrologos, unusquisque planeta habet multas sphaeras carentes stella, ordinatas ad motum stellae infixae in ultima earum. Et secundum hoc, quantum ad ordinem motus, illa sphaera prima cadit in eundem ordinem cum sphaera stellarum fixarum. Propter quod etiam Aristoteles signanter dicit esse multas stellas secundum primam lationem, non autem secundum primam sphaeram: quia lationes determinantur secundum stellas, propter quas deferendas moventur sphaerae, non autem secundum sphaeras. Hoc autem solum infert quod motus stellarum fixarum non erit omnino simplex, ut Aristoteles supponit, sed compositus ex duobus motibus.

[71284] Sur le De caelo, II, 19, 3. Or si nous supposons que la sphère des étoiles fixes n’est pas la sphère suprême, mais qu’il y a une autre sphère qui lui est supérieure, où ne se trouve aucune étoile, cela ne change rien à la proposition, puisque le mouvement de la sphère n’existe que pour le mouvement de l’étoile, comme le dit le livre XII de la Métaphysique. De ce fait, le mouvement de la sphère suprême, qui est dépourvu d’étoiles, est organisé pour le mouvement des étoiles fixes, de même que, selon les astronomes antiques, chaque planète a de nombreuses sphères dépourvues d’étoiles, organisées pour le mouvement de l’étoile fixée sur la dernière d’entre elles. Et selon cela, en ce qui concerne l’ordre du mouvement, cette première sphère se couche dans le même ordre que la sphère des étoiles fixes. Pour cette raison Aristote dit aussi clairement qu’il y a de nombreuses étoiles qui suivent la première Ğ translation ğ, mais non la première Ğ sphère ğ, puisque les translations sont déterminées par les étoiles - car c’est pour les transporter que les sphères se déplacent - et non par les sphères. Cela entraîne seulement que le mouvement des étoiles fixes ne sera pas du tout simple, comme Aristote le suppose, mais composé de deux mouvements.

[71285] In De caelo, lib. 2 l. 19 n. 4 Secundam rationem ponit ibi: erit autem utique etc.; quae quidem sumitur secundum proportionem multitudinis stellarum ad multitudinem motuum. Et dicit hoc quod in dubitatione ponitur, secundum rationem accidere. Nam prima latio cum sit una, secundum eam moventur multa caelestium corporum (quae vocat corpora divina, propter sui perpetuitatem): inferiores autem lationes, multae earum movent unum corpus solum; quia quaelibet stellarum errantium, idest planetarum, movetur pluribus motibus, ut supra dictum est. Sic igitur natura facit quandam proportionis aequalitatem inter stellas fixas et planetas, et ordinate eas disponit: ita scilicet quod uni primo motui attribuit multa corpora, idest multas stellas; e converso autem circa planetas, uni corpori, idest uni stellae, attribuit multos motus. Et rationabiliter ita distribuit. Nam planetae sunt quasi instrumenta quaedam supremae sphaerae, quasi principaliter agentis in corporibus, inquantum planetis mediantibus quodammodo deferuntur et coaptantur multiplices virtutes stellarum fixarum ad haec inferiora. Instrumentum autem agit inquantum est motum, principale autem agens agit secundum formam et virtutem propriam: et ideo conveniens est quod suprema sphaera abundet in multitudine stellarum, in quibus radicantur diversae virtutes activae, planetae autem abundant in multitudine motuum. Salvatur autem haec ratio etiam secundum positionem modernorum astrologorum. Nam etsi sphaera stellarum fixarum habeat duos motus, minimum tamen de secundo eorum participat, qui tardissimus est in ea.

[71285] Sur le De caelo, II, 19, 4. Il établit ici une seconde raison : Ğ en tout cas il sera ğ, etc. ; cette dernière est tirée de la proportion entre la multitude des étoiles et celle des mouvements. Et il dit que l’on peut se demander si cela arrive selon la raison. Car comme la première translation est unique, de nombreux corps célestes (qui sont appelés Ğ corps divins ğ en raison de leur éternité) se déplacent grâce à elle ; or de nombreuses translations inférieures déplacent [293a1] un seul corps, puisque n’importe laquelle des étoiles Ğ errantes ğ, c’est-à-dire des planètes, se déplace de plusieurs mouvements, comme on l’a dit ci-dessus. Ainsi donc la nature crée une certaine égalité de proportion entre les étoiles fixes et les planètes, et les dispose en ordre ; et c’est ainsi qu’il attribue Ğ de nombreux corps ğ, c’est-à-dire de nombreuses étoiles à un seul premier mouvement ; inversement, en ce qui concerne les planètes, il attribue de nombreux mouvements Ğ à un seul corps ğ, c’est-à-dire à une seule étoile. Et il les répartit logiquement ainsi. Car les planètes sont pour ainsi dire les instruments de la sphère suprême, qui agit principalement sur les corps, dans la mesure où ils sont transportés d’une certaine manière par les planètes qui s’interposent et où les multiples vertus des étoiles fixes sont attachées à ces corps inférieurs. Or, un instrument agit dans la mesure où il est déplacé, mais un agent principal agit selon sa forme et sa vertu propre ; et c’est pourquoi il convient que la sphère suprême ait une multitude d’étoiles, dans lesquelles diverses vertus actives prennent racine, et que les planètes abondent en une multitude de mouvements. Ce raisonnement est aussi préservé par la position des astronomes modernes. Car, même si la sphère des étoiles fixes avait deux mouvements, elle participerait cependant très peu au second d’entre eux, qui est le plus lent chez elle.

[71286] In De caelo, lib. 2 l. 19 n. 5 Tertiam rationem ponit ibi: et adhuc propter hoc etc.; quae quidem sumitur ex multitudine sphaerarum moventium unumquemque planetarum, secundum positiones antiquorum astrologorum. Et dicit quod ideo in quolibet apparenti motu planetarum invenitur unum tantum corpus stellae quae movetur, quia multa corpora sphaerica sunt quae movent stellam; ita scilicet quod illae quae primae, idest superiores, sunt motivae illius sphaerae quae est in fine, et quae habet in se ipsam stellam; quia stella movetur infixa in ultima sphaera multarum sphaerarum ordinatarum ad motum unius sphaerae (vel potest intelligi quod ultima sphaera est quodammodo alligata superioribus sphaeris, et secundum earum motum movetur). Manifestum est autem quod unaquaeque harum sphaerarum est corpus quoddam. Sic igitur commune opus omnium sphaerarum revolventium planetam est illius, idest sphaerae supremae in illo ordine, quae revolvit omnes inferiores: quia motus infimae sphaerae, in qua est planeta, est proprius motus et naturalis ipsius planetae; motus autem superiorum sphaerarum quasi apponuntur ad dirigendum irregularitatem quae videtur in motu planetae, scilicet secundum velocitatem et tarditatem, retrogradationem, directionem et stationem. Et sic patet quod, cum sphaera superior moveat omnes inferiores ordinatas ad motum eiusdem planetae, si cum hoc haberet movere plures stellas, esset ei laboriosum: quia cuiuslibet corporis est virtus finita per comparationem ad aliud corpus; ostensum est enim in VIII Physic. quod in magnitudine finita non est virtus infinita.

[71286] Sur le De caelo, II, 19, 5. Il établit une troisième raison ici : Ğ et en outre pour cette raison ğ, etc. ; elle est tirée de la multitude des sphères qui déplacent [293a5] chacune des planètes, selon la position des astronomes anciens. Et il dit que, pour cette raison, dans n’importe lequel des mouvements planétaires apparents se trouve un seul corps stellaire qui se déplace, puisque nombreux sont les corps sphériques qui déplacent une étoile ; et c’est ainsi que celles qui sont Ğ premières ğ, c’est-à-dire supérieures, sont déplacées par la sphère qui est à la fin et qui contient en elle l’étoile elle-même, puisqu’une étoile est déplacée en étant fixée dans la dernière sphère parmi les nombreuses sphères organisées pour le mouvement d’une seule (ou plutôt on peut comprendre que la dernière sphère est d’une certaine manière reliée aux sphères supérieures et qu’elle se déplace selon leur mouvement). Or il est clair que chacune des ces sphères est un corps. Ainsi donc l’œuvre commune de toutes les sphères qui déplacent une planète appartient à Ğ celle-ci ğ, c’est-à-dire à la sphère suprême dans cette ordre, laquelle fait tourner toutes celles qui lui sont inférieures, puisque le mouvement de la sphère la plus basse, où se trouve la planète, est un mouvement propre et naturel à la planète elle-même ; or, les mouvements des sphères supérieures [293a10] sont pour ainsi dire ajoutés pour régler l’irrégularité qui est vue dans le mouvement de la planète, à avoir la rapidité et la lenteur, la rétrogradation, la marche directe et la station. Et ainsi il apparaît que, comme la sphère supérieure déplace toutes les sphères inférieures organisées pour le mouvement de la même planète, si avec cela elle avait à déplacer plusieurs étoiles, ce serait difficile pour elle, puisque n’importe quel corps a une puissance limitée en comparaison d’un autre corps ; car on a démontré dans le livre VIII de la Physique que dans une grandeur limitée on ne trouve pas de puissance illimitée.

[71287] In De caelo, lib. 2 l. 19 n. 6 Non autem est intelligendum quod ista difficultas accideret ex eo quod in stellis sit ponderositas aut aliquid resistens motui, sed quia oportet esse excessum moventis ad mobile: non autem posset esse excessus superioris sphaerae secundum virtutem, si in inferioribus simul cum multitudine sphaerarum esset multitudo stellarum, cum in corporibus stellarum abundet virtus caelestium corporum. Est autem diligenter attendendum quod finitam proportionem ponit sphaerae moventis ad corpora mota, ex eo quod sphaera movens est corpus. Ex quo patet quod motor separatus, qui est substantia incorporea et immaterialis, non habet, secundum intentionem Aristotelis, finitum excessum supra corpus quod ab eo movetur, sed infinitum, utpote extra totum corpus magnitudinis existens, et per materiam non determinatum. Ex quo patet falsum esse quod Averroes dicit in suo commento, quod additio primi motoris supra potentiam moti non est infinita nisi in tempore infinito. Qualiter autem, si potentia motoris separati est infinita, non moveat velocitate infinita, scilicet in instanti; et qualiter, si potentia corporis est finita, corpus possit durare tempore infinito, manifestum est in VIII Physic. Sciendum vero est quod tertia ratio non habet locum secundum modernos astrologos, qui non ponunt planetis multas sphaeras, quarum una movet omnes, sicut ponebant antiqui astrologi: qui tamen ponebant multas stellas fixas non moveri nisi ab una sphaera.

[71287] Sur le De caelo, II, 19, 6. Il ne faut pas comprendre que cette difficulté se produirait parce que dans les étoiles il y a de la pesanteur ou quelque chose qui résiste au mouvement, mais parce qu’il faut que le corps qui déplace soit supérieure au mobile ; or, la sphère supérieure ne pourrait dépasser les autres en puissance, si chez les êtres inférieurs il y avait une multitude d’étoiles en même temps qu’une multitude de sphères, alors que la puissance des corps célestes se trouve en abondance dans les corps des étoiles. Il faut faire très attention au fait qu’il donne aux corps déplacés la proportion limitée de la sphère qui déplace, du fait que cette dernière est un corps. Donc il est clair que le moteur séparé, qui est substance incorporelle et immatérielle, ne dépasse pas, suivant la théorie d’Aristote, le corps qu’il déplace de façon limitée mais infiniment, étant donné qu’il est en dehors de tout corps doté d’une grandeur, et d’une façon non déterminée par la matière. De ce fait, il est clair que ce qu’Averroès dit dans son commentaire est faux, à savoir que l’addition du premier moteur à la puissance du corps déplacé n’est infinie que pendant un temps infini. De même que, si la puissance du moteur séparé est infinie, il ne se déplace pas avec une vitesse infinie, à savoir en un instant, et que, si la puissance d’un corps est finie, ce corps peut durer pendant un temps infini, c’est manifeste dans le livre VIII de la Physique. Or, il faut savoir que la troisième raison n’a pas lieu d’être selon les astronomes modernes, qui ne donnent pas aux planètes de nombreuses sphères, dont l’une déplace toutes les autres, comme les astronomes anciens l’établissaient, eux qui, pourtant, considéraient que les nombreuses étoiles fixes n’étaient déplacées que par une seule sphère.

[71288] In De caelo, lib. 2 l. 19 n. 7 Ultimo autem epilogando dicit quod dictum est de stellis, quae moventur motu circulari, qualia sint secundum substantiam suae naturae et secundum figuram: dictum est etiam de motu et ordine ipsarum.

[71288] Sur le De caelo, II, 19, 7. En guise de conclusion il dit en avoir assez dit sur les étoiles, qui sont déplacées par un mouvement circulaire, la substance de leur nature, et leur configuration, ainsi que sur leur mouvement et leur ordre.

 

 

Lectio 20

Leçon 20 – [L’emplacement de la terre]

[71289] In De caelo, lib. 2 l. 20 n. 1 Postquam philosophus determinavit de corpore caelesti, quod movetur circulariter, hic determinat de terra, circa quam caelum movetur. Non autem intendit hic determinare de terra secundum quod est unum quatuor elementorum; sed secundum quod est centrum caelestis motus, sicut de ea tractant astrologi. Primo ergo dicit de quo est intentio; secundo prosequitur propositum, ibi: de positione quidem et cetera. Dicit ergo primo quod, cum dictum sit de caelo, relinquitur dicere de terra. De qua tria dicit se determinaturum: primo de situ eius, ubi scilicet sit posita; secundo de quiete eius, utrum scilicet sit de numero eorum quae quiescunt, vel quae moventur; tertio de figura eius, utrum scilicet sit sphaericae figurae, vel cuiuscumque alterius.

[71289] Sur le De caelo, II, 20, 1. Après que le philosophe a traité du corps céleste, qui se déplace circulairement, il traite ici de la Terre, autour de laquelle le ciel se déplace. Il n’a pas l’intention de traiter ici de la terre en tant que l’un des quatre éléments, mais en tant que centre du mouvement céleste, comme les astronomes l’étudient. Il dit donc premièrement sur quoi porte son intention ; il s’attache deuxièmement à exposer la proposition, ici : Ğ sur la position ğ, etc. Il dit donc premièrement que, comme il a été question du ciel, [293a15] il reste à parler de la Terre. Il dit qu’il traitera trois questions portant sur elle : premièrement sa situation, c’est-à-dire où elle est placée ; deuxièmement son immobilité, à savoir si elle est au nombre des corps qui sont immobiles ou qui se déplacent ; troisièmement sa forme, à savoir si elle est d’une forme sphérique ou de n’importe quelle autre forme.

[71290] In De caelo, lib. 2 l. 20 n. 2 Deinde cum dicit: de positione quidem etc., exequitur propositum. Et primo prosequitur praedicta tria secundum opinionem aliorum; secundo secundum veritatem, ibi: nos autem dicamus et cetera. Circa primum duo facit: primo ponit falsas opiniones quorundam circa terram; secundo assignat falsas rationes aliorum circa veram positionem de quiete terrae, ibi: haesitare (vel dubitare) quidem igitur et cetera. Circa primum tria facit: primo ponit opiniones aliorum circa situm terrae; secundo circa quietem et motum, ibi: similiter autem et de mansione etc.; tertio quantum ad figuram, ibi: similiter autem et de figura et cetera. Circa primum tria facit: primo ponit opiniones aliorum circa situm terrae; secundo ponit rationes eorum, ibi: non ad apparentia etc.; tertio solvit, ibi: tanquam medium et cetera.

[71290] Sur le De caelo, II, 20, 2. Ensuite quand il dit : Ğ sur sa position ğ, etc., il expose la proposition. Et il s’attache premièrement à présenter les trois notions déjà mentionnées selon l’opinion des autres, deuxièmement selon la vérité, ici : Ğ nous, nous dirions ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : il présente premièrement les opinions fausses de certains sur la Terre ; il expose deuxièmement les raisonnements faux des autres sur la vraie théorie de l’immobilité de la Terre, ici : Ğ donc hésiter (ou douter) ğ, etc. Concernant le premier point, il fait trois choses : il présente premièrement les opinions des autres sur la situation de la Terre, deuxièmement sur son immobilité et son mouvement, ici : Ğ de la même façon sur son séjour ğ, etc., troisièmement en ce qui concerne sa forme, ici : Ğ de la même manière sur sa forme ğ, etc. Sur le premier point il fait trois choses : il présente premièrement les opinions des autres sur la situation de la Terre ; il expose deuxièmement leurs raisonnements, ici : Ğ non pas aux apparences ğ, etc. ; il donne troisièmement la solution, ici : Ğ comme au milieu ğ, etc.

[71291] In De caelo, lib. 2 l. 20 n. 3 Dicit ergo primo quod de situ terrae non omnes philosophi habent eandem opinionem. Quicumque enim posuerunt totum universum esse infinitum, non potuerunt assignare terrae determinatum situm, eo quod in infinito non est accipere medium et extrema. Sed plures eorum qui posuerunt totum mundum esse finitum, dixerunt terram esse positam in medio mundi, sicut Anaximander, Anaxagoras, Democritus, Empedocles et Plato. Sed quidam philosophi qui dicuntur Pythagorici, in partibus Italiae commorantes, e contra dixerunt quod ignis positus est in medio mundi: terra autem, ad modum unius stellarum, movetur circulariter circa medium mundi, et suo motu facit noctem et diem, secundum diversam habitudinem sui ad solem. Ponebant etiam et aliam terram, similiter circulariter motam circa medium mundi, quam vocabant antichthona, eo quod est contraposita huic terrae; quae tamen a nobis videri non potest, propter hoc quod sequitur in suo motu terram istam, in qua nos habitamus, ita quod semper totum corpus terrae interponitur inter visus nostros et alteram terram. Et licet haec Pythagorici dicerent secundum apparens suorum sermonum, intelligebant tamen, metaphorice loquentes, ignem esse in medio, quia calor naturalis ex sole et aliis stellis procreatus, usque ad medium mundi pertingit, omnia quodammodo contemperans et conservans. Terram autem dicebant esse stellam, quia est causa diei et noctis per suam habitudinem ad solem. Terram autem aliam vocabant lunam: vel quia obsistit solari lumini, sicut et terra, ut in eclipsibus patet; vel quia est terminus caelestium corporum versus nos, sicut et terra est terminus elementorum.

[71291] Sur le De caelo, II, 20, 3. Il dit donc premièrement que sur la situation de la Terre tous les philosophes n’ont pas la même opinion. Tous ceux qui, en effet, ont établi que tout l’univers est infini n’ont pas pu attribuer à la Terre une situation déterminée, étant donné que dans l’infini il n’est pas possible de concevoir un milieu et des extrémités. Mais plus nombreux, parmi ceux qui ont établi que le monde tout entier est fini, sont ceux qui ont dit que la Terre est placée au milieu du monde, comme Anaximandre, Anaxagore, Démocrite, Empédocle et Platon. [293a20] Mais certains philosophes, qui sont appelés Pythagoriciens, habitant dans une région d’Italie, ont dit au contraire que le feu est situé au milieu du monde, que la Terre, à la manière d’une étoile, se déplace circulairement autour du milieu du monde et qu’elle crée la nuit et le jour, selon qu’elle se tient différemment par rapport au Soleil. Ils établissaient aussi une autre Terre, se déplaçant circulairement autour du milieu du monde, et qu’ils appelaient antichtôn, étant donné qu’elle est diamétralement opposée à cette Terre-ci ; cependant elle ne peut pas être vue par nous, parce qu’elle suit dans son mouvement la Terre où nous habitons, de telle sorte que le corps de la Terre tout entier s’interpose toujours entre notre vue et l’autre Terre. Et bien que les propos des Pythagoriciens soient clairs en cela, ils comprenaient pourtant de façon métaphorique que le feu est au milieu, puisque la chaleur naturelle produite par le Soleil et les autres étoiles atteint le milieu du monde, tempérant et conservant toute chose d’une certaine manière. Or, ils disaient que la Terre est une étoile, puisqu’elle est la cause du jour et de la nuit grâce à sa position par rapport au Soleil. Ils appelaient la Lune une autre Terre, soit parce qu’elle fait obstacle à la lumière du Soleil, tout comme la Terre, ainsi qu'on le voit dans les éclipses, soit parce qu’elle est le dernier des corps célestes par rapport à nous, comme la terre est le dernier des éléments.

[71292] In De caelo, lib. 2 l. 20 n. 4 Deinde cum dicit: non ad apparentia etc., ponit rationes eorum. Et circa hoc duo facit: primo ponit qualitatem rationis eorum; secundo ponit ipsas rationes, ibi: honorabilissimo enim et cetera. Circa primum duo facit: primo ponit qualibus rationibus Pythagorici utebantur. Et dicit quod Pythagorici non quaerebant hoc modo rationes et causas, ut applicarent eas ad ea quae sensu apparent; sed e converso ea quae sensu apparent, conabantur reducere, et per quandam violentiam attrahere ad quasdam rationes et opiniones intelligibiles, quas ipsi praecogitabant. Quod quidem conveniens est in his quae ab homine fiunt, quorum principium est intellectus humanus: in his autem quae arte divina sunt facta, oportet e converso ex ipsis operibus quae videntur, considerare operum rationes: sicut artifex ex rationibus praeconceptis assimilat domum quam facit, sed quicumque alius videret domum iam factam, ex ipso opere viso consideraret operis rationes. Secundo ibi: multis autem utique etc., ostendit quod eisdem rationibus Pythagoricorum, multos alios possibile est moveri. Et dicit quod multis aliis praeter Pythagoricos videri poterit quod non oporteat mediam regionem assignare terrae; dum considerant id quod oportet credere, non ex his quae apparent, sed magis ex intelligibilibus rationibus. Quod quidem non dicit quasi aliqui praeter Pythagoricos hoc posuerunt ante Aristotelem; sed quia possibile erat alios ex his rationibus moveri. Unde dicitur post Aristotelem huius opinionis Archedemus fuisse.

[71292] Sur le De caelo, II, 20, 4. Ensuite, quand il dit : Ğ ce n'est pas aux apparences ğ, etc., il présente leurs raisonnements. Et sur ce point il fait deux choses : il expose premièrement la qualité de leur raisonnement ; il présente deuxièmement les raisonnements eux-mêmes, ici : Ğ le plus honorable, en effet ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : il établit premièrement de quels raisonnements les Pythagoriciens se servaient. [293a25] Et il dit que les Pythagoriciens ne cherchaient pas de cette manière des raisonnements et des causes pour les appliquer aux apparences, mais que, inversement, ils s’efforçaient de les réduire avec une certaine force et de les faire coïncider avec certains raisonnements et opinions intelligibles, qu’ils avaient eux-mêmes élaborés à l’avance. Cela convient certes à ce qui est fait par l'homme, dont le principe est l’intellect humain ; mais pour ce qui a été fait par l’art divin, il faut au contraire, à propos des actions vues, en considérer les raisons, de même qu’un artisan fait ressembler la maison qu’il construit à ses raisonnements préconçus, mais que tout autre personne qui verrait la maison déjà faite examinerait les raisons de l’ouvrage à partir de l’ouvrage vu lui-même. Deuxièmement ici : Ğ par de nombreux savants en tout cas ğ, etc., il montre qu’il est possible que beaucoup d’autres savants soient influencés par les mêmes raisonnements que les Pythagoriciens. Et il dit que beaucoup d’autres savants, outre les Pythagoriciens, ont pu penser qu'ils ne devaient pas attribuer la région centrale à la Terre, alors qu’ils considéraient ce qu’il faut croire, non à partir des apparences, mais [293a30] plutôt à partir des raisonnements intelligibles. Il ne le dit certes pas comme si quelques savants en dehors des Pythagoriciens avaient établi cela avant Aristote, mais parce qu’il était possible que d’autres fussent influencés par ces raisonnements. De ce fait on dit qu’après Aristote Archedemos fut de cet avis.

[71293] In De caelo, lib. 2 l. 20 n. 5 Deinde cum dicit: honorabilissimo enim etc., ponit duas rationes. Quarum prima est quod putabant honorabilissimo corpori honorabilissimam competere regionem, idest locum; eo quod loca proportionantur corporibus secundum eorum naturam. Manifestum est autem quod ignis est honorabilior quam terra; tum propter claritatem, tum propter virtutem activam, tum etiam propter subtilitatem ipsius. Manifestum est etiam quod termini sunt nobiliores his quae sunt intermedia inter terminos, sicut terminus terminato, et continens contento. Illud autem quod est extremum, idest supremum, in mundo, et medium mundi, ponebant esse quasi terminos; quae propter hoc ponebant esse nobilissima loca. Et ideo, ista cogitantes, non ponebant terram in medio sphaerae mundialis, sed magis ignem, qui tenet secundum locum nobilitatis post caelestia corpora, quae sunt in extremo.

[71293] Sur le De caelo, II, 20, 5. Ensuite, quand il dit : Ğ par le plus honorable ğ, etc., il établit deux raisonnements. Le premier d’entre eux est qu’ils pensaient que la Ğ région ğ - c’est-à-dire le lieu - la plus honorable, correspond au corps le plus honorable, parce que les lieux sont proportionnés aux corps selon leur nature. Or, il est manifeste que le feu est plus honorable que la terre, d’une part en raison de sa clarté, d’autre part en raison de sa puissance active, d’autre part aussi à cause de sa subtilité. Il est aussi manifeste que les limites sont plus nobles que ce qui est entre les limites, de même que la limite par rapport au limité et le contenant par rapport au contenu. Or, ils pensaient que ce qui est Ğ extrême ğ, c’est-à-dire suprême, dans le monde, et le milieu du monde sont comme des limites ; et c’est pourquoi ils établissaient qu’ils étaient les lieux les plus nobles. Et, pour cette raison, réfléchissant à cela, ils ne plaçaient pas la Terre au milieu de la sphère du monde, mais plutôt le feu, qui tenait le second rang de la noblesse après les corps célestes, qui sont à l’extrémité.

[71294] In De caelo, lib. 2 l. 20 n. 6 Secundam rationem ponit ibi: adhuc autem Pythagorici et cetera. Et dicit quod Pythagorici ponebant ignem in medio mundi, propter hoc quod, cum sit principalissimum inter elementa, maxime debet conservari, sicut res pretiosas diligentius custodimus: medius autem locus videtur habere talem conservandi dispositionem, quasi vallatus et firmatus ex omnibus quae exterius circumstant medium. Et inde est quod Pythagorici, metaphorice loquentes, nominabant hanc regionem quae habet ignem, esse carcerem vel custodiam Iovis. Et hoc si intelligamus ignem esse custoditum. Si autem intelligamus ignem esse custodientem, oportet e converso intelligere quod ignis qui habet hanc regionem, idest qui tenet medium locum, dicatur carcer Iovis, quasi habens virtutem custodiendi.

[71294] Sur le De caelo, II, 20, 6. Il établit ici la seconde raison, ici : Ğ en outre les Pythagoriciens ğ, etc. [293b1] Et il dit que les Pythagoriciens plaçaient le feu au milieu du monde, parce que, comme c’est l’élément principal, il doit être particulièrement protégé, de même que nous surveillons avec grande attention nos biens précieux ; or, le lieu central semble avoir une aussi grande aptitude à protéger, comme s’il était fortifié et raffermi par tout ce qui, du dehors, entoure le milieu. Et de là vient que les Pythagoriciens, parlant de façon métaphorique, appelaient cette région qui contient le feu Ğ prison ğ ou Ğ garde de Jupiter ğ. Et cela, si nous comprenons que le feu est gardé. Or, si nous comprenons que le feu est le garde, il faut inversement comprendre que le feu Ğ qui occupe cette région ğ, c’est-à-dire qui occupe le lieu central, est appelé prison de Jupiter, comme s’il avait la puissance de garder.

[71295] In De caelo, lib. 2 l. 20 n. 7 Deinde cum dicit: tanquam medium etc., solvit praedictam rationem. Et dicit quod Pythagorici in praedicta ratione utebantur nomine medii, ac si simpliciter, idest univoce, diceretur medium magnitudinis, et id quod est medium rei secundum naturam, per quod scilicet natura rei conservatur: sicut videmus in animalibus quod non est idem medium a quo natura animalis conservatur, quod est cor, et quod est medium quantum ad corporis magnitudinem, quod est magis umbilicus. Et ita est etiam aestimandum in toto caelo, idest in toto universo. Et propter hoc non oportet eos dubitare circa totum universum, quasi indigeat custodia, ita quod oporteat carcerem sive custodiam universi attribuere centro, quod est medium magnitudinis: sed oportet quaerere de eo quod est medium naturae in universo, sicut in animali, quale sit secundum naturam, et quis locus ei naturaliter competat. Et haec duo manifestat: primo quidem ostendens quale sit medium universi quod proportionatur cordi animalis. Et dicit quod est principium aliorum corporum, et maxime honorabile inter alia corpora: et haec est sphaera stellarum fixarum. Non autem competit ei locus medius, sed magis locus extremi continentis: quia id quod est medium magnitudinis inter loca universi, magis assimilatur ultimo quam principio. Et hoc ideo, quia medium est contentum et determinatum omnibus aliis; id autem quod est finis, idest extremum inter corpora secundum ordinem locorum, habet rationem determinantis et continentis. Manifestum est autem quod continens est honorabilius contento, et finis quam finitum: quia contentum et finitum pertinent ad rationem materiae, esse autem continens et finiens, ad rationem formae, quae est substantia totius consistentiae rerum. Et ita corpora continentia sunt magis formalia, corpora autem contenta sunt magis materialia. Et ideo in toto universo, sicut terra, quae ab omnibus continetur, in medio localiter existens, est maxime materialis et ignobilissima corporum; ita etiam suprema sphaera est maxime formalis et nobilissima, et inter elementa ignis est maxime continens et maxime formalis. Ultimo autem epilogando concludit quod de loco terrae quidam habent talem opinionem sicut dictum est.

[71295] Sur le De caelo, II, 20, 7. Ensuite, quand il dit : Ğ comme si le milieu ğ, etc., il réfute le raisonnement déjà présenté. Et il dit que les Pythagoriciens se servaient, dans le raisonnement ci-dessus, du nom de Ğ milieu ğ, comme s'il désignait Ğ simplement ğ, c’est-à-dire de façon univoque, le milieu d’une grandeur et [293b5] ce qui constitue le milieu d’une chose selon la nature, à savoir ce qui permet de protéger la nature d’une chose, de même que nous voyons chez les animaux que le milieu qui protège la nature de l’animal, c’est-à-dire le cœur, n’est pas la même chose que ce qui constitue le milieu relativement à la grandeur du corps, qui est plutôt l'ombilic. Et il faut en juger ainsi aussi pour le Ğ ciel ğ tout entier, c’est-à-dire pour tout l’univers. Et c’est pourquoi ils ne doivent pas se demander, à propos de l’univers tout entier, s’il a besoin d’une garde, de telle façon qu’il faut attribuer la prison ou la garde de l’univers au [293b10] centre, qui est le milieu de la grandeur ; mais il faut s’interroger sur ce qui est le milieu de la nature dans l’univers, chez l’animal, tel qu’il est selon la nature, et se demander quel lieu lui convient naturellement. Et il manifeste ces deux idées, en montrant premièrement quel est le milieu de l’univers qui soit proportionné au cœur de l’animal. Et il dit ce qui est le principe des autres corps et le plus honorable d’entre eux : et c’est la sphère des étoiles fixes. Or, le lieu central ne lui correspond pas, mais plutôt le lieu de l’extrémité contenant, puisque ce qui est le milieu de la grandeur parmi les lieux de l’univers est davantage assimilé à la fin qu’au principe. Et cela parce que le milieu est contenu et déterminé par tout le reste ; or, ce qui est la Ğ fin ğ, c’est-à-dire l’extrémité parmi les corps suivant l’ordre des lieux, a la condition de ce qui détermine et contient. Il est manifeste que le contenant est plus honorable que le contenu, et que la fin l’est plus que le fini, puisque le contenu et le fini concernent celle de [293b15] la matière et que l’être contenant et limitant concerne la forme, qui est la substance de tout ce qui constitue les choses. Et ainsi les corps contenant sont-ils plus formels, et les corps contenus plus matériels. Et c’est pourquoi, dans tout l’univers, de même que la Terre, qui est contenue par tout, se tenant localement au milieu, est le plus matériel et le moins noble des corps, de même aussi la sphère suprême est la plus formelle et la plus noble, et, parmi les éléments, le feu est le plus contenant et le plus formel. Enfin, en guise de conclusion, il dit que telle est l’opinion de certains sur le lieu où se trouve la Terre, comme on l’a dit.

 

 

Lectio 21

Leçon 21 – [Le mouvement de la terre]

[71296] In De caelo, lib. 2 l. 21 n. 1 Postquam philosophus posuit opiniones de situ terrae, hic ponit opiniones de motu et quiete ipsius. Et ponit duas opiniones: quarum secundam ponit ibi: quidam autem et positam et cetera. Circa primum tria facit: primo ponit positiones; secundo inducit quandam probationem ipsorum, ibi: propter quod et lunae etc.; tertio ostendit quomodo obviabant rationibus in contrarium inductis, ibi: quoniam enim non est terra et cetera.

[71296] Sur le De caelo, II, 21, 1. Après que le philosophe a présenté les opinions sur l’emplacement de la Terre, il expose ici celles qui concernent son mouvement et son repos. Et il en présente deux : il établit la seconde d’entre elles ici : Ğ certains aussi ğ, etc. Concernant ce premier point, il fait trois choses : il établit premièrement les théories ; il présente deuxièmement leur argumentation, ici : Ğ parce que la Lune aussi ğ, etc. ; il montre troisièmement comment ils s’opposaient aux raisons présentées pour démontrer le contraire, ici : Ğ puisque, en effet, ce n’est pas la Terre ğ, etc.

[71297] In De caelo, lib. 2 l. 21 n. 2 Dicit ergo primo quod, sicut de loco terrae diversimode loquuntur philosophi, ita etiam de motu et quiete ipsius. Sed quicumque dicunt ipsam non esse positam in medio mundi, sicut Pythagorici, attribuunt ei motum circularem, quo movetur circa medium. Nec dicunt hanc solam terram moveri in qua nos habitamus, sed etiam quandam aliam, quam vocant antichthona, idest contrapositam huic terrae, sicut supra dictum est. Et hoc ponebant propter perfectionem denarii numeri; ut cum sint octo corpora caelestia circulariter mota, scilicet sphaera stellarum fixarum et septem planetae, impleatur denarius numerus, positis duabus terris circulariter motis. Quidam autem Pythagoricorum sunt, qui non solum ponunt quod sint duae terrae circulariter motae, sed quod sint plura alia corpora terrea circa medium mota. Quae quidem sunt nobis immanifesta propter hoc, quod haec terra in qua habitamus, superponitur aliis, ita scilicet quod aliae sequantur motum ipsius: et ideo interpositio huius terrae inter visus nostros et illas, occultat eas a nobis.

[71297] Sur le De caelo, II, 21, 2. Il dit donc premièrement que, de même que les philosophes parlent de différentes façons du lieu de la Terre, ils parlent aussi différemment de son mouvement et de son repos. Mais tous ceux qui disent qu’elle n’est pas située au milieu du monde, comme les Pythagoriciens, lui attribuent un mouvement circulaire, qui lui permet de se déplacer autour du milieu. Et ils disent que non seulement cette Terre-ci dans laquelle nous habitons [293b20] se déplace, mais aussi une autre, qu’ils appellent Ğ antichtôn ğ, c’est-à-dire placée à l’opposé de cette Terre, comme on l’a dit ci-dessus. Et ils établissaient cela en raison de la perfection du nombre dix, de telle sorte que, comme il y a huit corps célestes déplacés circulairement, à savoir la sphère des étoiles fixes et les sept planètes, le nombre dix est complété par les deux Terres déplacées circulairement. Or, certains des Pythagoriciens établissent non seulement qu’il y a deux terres qui se déplacent circulairement, mais qu’il y a plusieurs autres corps terrestres qui se déplacent autour du milieu. Ils ne sont pas visibles par nous, parce que la Terre où nous habitons est placée au-dessus des autres, de façon à ce que les autres suivent son mouvement ; et c’est pourquoi l’interposition de cette Terre-ci entre notre vue et elles nous les cache.

[71298] In De caelo, lib. 2 l. 21 n. 3 Deinde cum dicit: propter quod et lunae etc., inducit eius quod ultimo dictum est probationem, secundum eos. Manifestum est enim quod, sicut eclipsis solis contingit propter interpositionem lunae inter nos et solem, ita eclipsis lunae contingit propter interpositionem terrae inter solem et lunam. Pluries autem eclipsatur luna quam sol. Quod quidem dicebant accidere propter hoc, quod una sola luna est quae eclipsat solem, interposita inter nos et ipsum; lunam autem non solum eclipsat ista terra in qua nos habitamus, sed plures aliae. Sed haec ratio eorum nulla est: quia nunquam invenitur luna eclipsari, nisi per interpositionem huius terrae inter lunam et solem, quando scilicet luna subintrat umbram huius terrae. Accidit autem pluries eclipsari lunam quam solem, quia eclipsis solis impeditur plerumque propter diversitatem aspectus.

[71298] Sur le De caelo, II, 21, 3. Ensuite quand il dit : Ğ parce que de Lune ğ, etc., il expose la démonstration de ce qui a été dit en dernier lieu, selon eux. Car il est manifeste que, de même qu’une éclipse de Soleil arrive à cause de l’interposition de la Lune entre nous et le Soleil, de même une éclipse de Lune se produit en raison de l’interposition de la Terre entre le Soleil et la Lune. Or, la Lune est éclipsée plus souvent que le Soleil. Du moins, ils disent que cela arrive parce qu’il ya une seule Lune qui éclipse le Soleil, interposée entre lui et nous ; or c’est non seulement la Terre dans laquelle nous habitons qui éclipse la Lune, mais aussi plusieurs autres. [293b25] Mais ce raisonnement ne tient pas, puisque la Lune ne se trouve jamais éclipsée si ce n’est par l’interposition de cette Terre-ci entre la Lune et le Soleil, quand la Lune entre sous l’ombre de cette Terre. Il arrive que la Lune soit éclipsée plus fréquemment que le Soleil, parce que la différence des points de vue empêche le plus souvent de voir l’éclipse de Soleil.

[71299] In De caelo, lib. 2 l. 21 n. 4 Deinde cum dicit: quoniam enim non est terra etc., ostendit quomodo obviabant rationibus contra se inductis. Quarum tamen praecipua est quod, nisi terra esset in medio mundi, horizon, qui est superficies transiens per visum nostrum, non secaret semper sphaeram totam et maximos circulos eius in duo media, ita scilicet quod semper apparerent nobis sex signa super terram, et sex signa sub terra. Sed ad hoc ipsi respondebant quod tota terra non est centrum: quia centrum est indivisibile et punctuale, terra autem est corpus magnitudinem habens. Unde circulus noster, qui est in superficie terrae, distat per totum hemisphaerium terrae a centro: et tamen hoc non impedit quin omnia accidant nobis apparere, sicut si oculus noster esset in centro. Et hoc est propter parvitatem terrae, quae quasi nullius est quantitatis in comparatione ad totum caelum. Et similiter existimabant quod, si terra in qua nos habitamus non sit in medio, quod omnia apparentia accidant sicut si terra esset in medio mundi: quia etiam nunc non manifestatur distantia a medio quantum ad apparentiam, quamvis visus noster distet a medio mundi per totam medietatem terrae. Sed hoc intelligi posset si terra per modicum spatium distaret a medio: non autem si distaret per multum spatium. Sunt autem quaedam alia apparentia, quae non salvarentur si terra non esset in medio; puta quae accidunt circa eclipsim lunae, per directam oppositionem lunae ad solem. Nisi enim terra semper esset in medio, non semper sequeretur eclipsis lunae, quando est in oppositione existens in capite vel in cauda: et tamen in eclipsi lunae nihil operatur aspectus noster.

 

[71299] Sur le De caelo, II, 21, 4. Ensuite, quand il dit : Ğ puisque, en effet, la Terre n’est pas ğ, etc., il montre comment ils attaquaient les raisonnements lancés contre eux. Cependant, le principal est que, si la Terre n’était pas au milieu du monde, l’horizon, qui est la surface passant par notre vue, ne couperait pas toujours la sphère toute entière et les plus grands de ses cercles en deux milieux, de façon à ce qu’apparaissent toujours à nos yeux six signes au-dessus de la Terre, et six signes sous la Terre. Mais à cela ils répondaient eux-mêmes que la Terre toute entière n’est pas le centre, puisque le centre est indivisible et ponctuel, et que la Terre est un corps possédant une grandeur. De ce fait, notre cercle, qui est sur la surface de la Terre, est distant du centre de tout l’hémisphère de la Terre ; et cependant cela n’empêche pas qu’il arrive que tout nous soit susceptible d’être visible pour nous, comme si notre œil était dans le centre. Et c’est en raison de la petite taille de la Terre, qui est pour ainsi d’une quantité nulle en comparaison du ciel tout entier. Et, de la même façon, ils pensaient que, si la Terre dans laquelle nous habitons n’est pas au milieu, tout ce qui apparaît arrive comme si la Terre était au milieu du monde, puisque maintenant aussi la distance qui nous sépare du milieu n’est apparemment pas visible, bien que notre vue soit distante du milieu du monde de toute la position centrale de la Terre tout entière. Mais on pourrait le comprendre si la Terre était distante du centre d’une courte distance, mais non si elle était distante d’une longue distance. Or, il y a certains autres phénomènes apparents, qui ne seraient pas préservés, si la Terre n’était pas au milieu, par exemple ce qui arrive lors d’une éclipse de Lune, la Lune étant en opposition droite avec le Soleil. En effet, si la Terre n’était pas toujours au milieu, une éclipse de Lune ne suivrait pas, quand elle est en opposition en se trouvant à la tête ou à la queue ; et pourtant lors d’une éclipse de Lune notre vue ne fait rien.

[71300] In De caelo, lib. 2 l. 21 n. 5 Deinde cum dicit: quidam autem et positam etc., ponit secundam opinionem. Et dicit quod, licet quidam dicant terram in centro positam, dicunt tamen ipsam moveri et revolvi circa polum semper statutum, idest circa axem mundi (nam polus quandoque dicitur caelum, quandoque autem dicitur axis, quandoque vero dicitur extrema pars axis, sicut dicitur polus Arcticus et Antarcticus). Et hoc dicit scriptum esse in Timaeo. Est autem notandum quod illud quod hic dicitur revolvi vel converti, sumpsit Aristoteles ex eo quod Plato in Timaeo, secundum linguam Graecam dixit, illomenam circa eum qui per omne ordinatum polum. Hoc autem quod dicitur illomenum, si in Graeco scribatur per iota, significat alligationem; si vero scribatur per diphthongum, significat prohibitionem. Videtur autem a Platone sumptum istud vocabulum secundum quod significat alligationem, ut patet per ea quae ipse dicit de terra in libro Phaedonis, ubi asserit eam in medio quiescentem et quasi ligatam: et sic videtur contra intentionem Platonis, Aristoteles verba eius assumpsisse. Dicit igitur Alexander, Aristotelem excusans, quod hoc quod dicitur illomenum, significat proprie prohibitionem vel violentiam: sed quia ista significatio non competit secundum ea quae ibi intendit Plato, Aristoteles intellexit quod illomenum translative acciperetur a Platone, prout consuevit translatum significare conversionem, quae designat motum. Nec pertinet aliquid ad rationem praesentem, si Plato alibi aliter dixit ab his quae dixerat in Phaedone, motus ex aliqua alia ratione: nam Aristoteles hic proponit id quod in Timaeo scribitur, sive hoc sit inductum tanquam Platoni placens, sive tanquam Timaei opinio, quam Plato non approbat: unde non dicit quemadmodum Plato dicit, sed quemadmodum in Timaeo scriptum est. Sed contra hoc multipliciter obiicit Simplicius. Primo quidem quia Timaeus ibi probat terram in medio esse locatam et firmatam. Secundo quia illomenam ibi scribitur per unum iota, prout significat alligationem. Tertio quia conversio non semper significat motum: dicuntur enim circulares figurae conversae, idest ad omnem partem versae, etiam si sint quiescentes. Quarto quia, cum dictio multa significet, non oportuit significationem eius trahere ad manifestum sensum contra intentionem Platonis. Sed contra hoc iterum obiicit Simplicius: quia non est probabile quod Aristoteles ignoraret aut significationem vocabuli, aut intentionem Platonis. Et ideo potest dici quod, quia possibile erat aliquos false intelligere verba Platonis, Aristoteles removet falsum intellectum qui ex his verbis haberi posset, sicut frequenter consuevit facere circa verba Platonis. Vel potest dici quod hoc quod dicitur et moveri, est ab aliquo alio appositum. In Graeco autem dicitur illesthai, pro quo hic est translatum revolvi: potest autem significare quod in Graeco positum est, et alligationem et motum: ita quod intelligamus quod, postquam Aristoteles posuit opinionem Pythagoricorum de motu terrae circa medium, hic ponit opinionem Platonis de quiete terrae in medio. Possumus autem et brevius dicere quod quidam Heraclitus Ponticus posuit terram in medio moveri, et caelum quiescere; cuius opinionem hic Aristoteles ponit. Quod autem addit, quemadmodum in Timaeo scriptum est, referendum est non ad id quod dictum est, revolvi et moveri, sed ad id quod sequitur, quod sit super statutum polum.

[71300] Sur le De caelo, II, 21, 5. Ensuite, quand il dit : Ğ certains et placée ğ, etc., il établit la seconde opinion. Et il dit que, bien que certains disent que la Terre est placée au centre, ils affirment pourtant qu’elle se déplace et tourne Ğ autour du pôle toujours fixé ğ, c’est-à-dire autour de l’axe du monde (car le pôle est appelé tantôt ciel, tantôt axe, tantôt extrémité de l’axe, comme il est dit Arctique et Antarctique). Et il dit que c’est écrit dans le Timée. Or, il faut noter qu’Aristote tire ce qui est dit ici Ğ rouler ğ ou Ğ tourner ğ, de ce que Platon, dans le Timée, a dit en langue grecque qu’Ğ elle est illomena autour de ce qui est par tout pôle réglé ğ. Or, ce qui est appelé Ğ illomenus ğ, si c’est écrit en grec avec un iota, signifie Ğ action de lier ğ ; mais si c’est écrit avec une diphtongue, cela veut dire Ğ interdiction ğ. Ce terme semble avoir été tiré de Platon parce qu’il désigne l’acte de lier, comme il apparaît dans ce qu’il dit lui-même de la Terre dans le Phédon, où il affirme qu’elle est au repos au milieu et en quelque sorte liée ; et ainsi Aristote semble avoir pris les mots de Platon dans un sens contraire à son intention. Alexandre dit donc, en excusant Aristote, que ce qui s’appelle Ğ illomenus ğ signifie à proprement parler Ğ interdiction ğ ou Ğ violence ğ, mais que, parce que cette signification ne s’accorde pas à quoi Platon songeait ici, Aristote a compris qu’Ğ illomenus ğ est utilisé par métalepse par Platon, dans la mesure où avec métalepse il a habituellement pour sens Ğ révolution ğ, qui désigne un mouvement. Et cela ne concerne en rien le raisonnement présent, si Platon tient ailleurs des propos différents de ceux du Phédon, poussé par quelque autre raison ; car Aristote expose ici ce qui est écrit dans le Timée, que ce soit présenté comme si cela plaisait à Platon ou comme une opinion du Timée que Platon n’approuve pas ; de ce fait il ne dit pas comment Platon l’affirme, mais Ğ comme c’est écrit dans le Timée ğ. Mais Simplicius y fait au contraire de multiples objections. Premièrement parce que Timée prouve ici que la Terre est placée au milieu et se tient bien solidement. Deuxièmement parce qu’Ğ illomenam ğ est écrit ici avec un iota, dans la mesure il signifie Ğ action de lier ğ. Troisièmement parce que Ğ révolution ğ ne désigne pas toujours un mouvement : car des figures circulaires sont dites Ğ de révolution ğ, c’est-à-dire tournées de tout côté, même si elles sont immobiles. Quatrièmement parce que, comme cette expression a de nombreuses significations, il ne fallait pas tirer sa signification vers un sens clair qui soit contraire à l’intention de Platon. Mais Simplicius a objecté à cela en retour qu’il n’est pas probable qu’Aristote ait ignoré soit la signification du terme, soit l’intention de Platon. Et c’est pourquoi on peut dire que, puisqu’il était possible que quelques savants aient mal compris les mots de Platon, Aristote écarte la mauvaise interprétation qui pourrait être faite à partir de ces mots, comme il a souvent l’habitude de faire à propos des mots de Platon. Ou bien on peut dire que ce qui est appelé Ğ se déplacer aussi ğ renvoie à quelque chose d’autre. Or, en grec on dit Ğ illesthai ğ pour désigner ce qui est traduit ici par Ğ faire une révolution ğ ; l’expression en grec peut signifier à la fois Ğ action de lier ğ et Ğ mouvement ğ, de telle sorte que nous comprenons que, après qu’Aristote a présenté l’opinion des Pythagoriciens sur le mouvement de la Terre autour du milieu, il établit ici celle de Platon sur l’immobilité de la Terre au milieu. Nous pouvons aussi dire plus brièvement qu’Héraclite du Pont a exposé que la Terre se déplaçait au milieu et que le ciel était immobile : c’est son opinion qu’Aristote présente ici. Ce qu’il ajoute, Ğ de même qu’il est écrit dans le Timée ğ, doit être rapporté non à ce qui a été dit, Ğ faire une révolution et se déplacer ğ, mais à ce qui suit, Ğ ce qui se trouve au-dessus du pôle fixe ğ.

[71301] In De caelo, lib. 2 l. 21 n. 6 Deinde cum dicit: similiter autem et de figura etc., ponit opiniones de figura terrae. Et primo ponit opiniones, dicens quod similiter dubitatur de figura terrae, sicut de motu et situ: quibusdam enim videtur quod terra sit sphaerica; quibusdam autem videtur quod sit lata, habens figuram tympani.

[71301] Sur le De caelo, II, 21, 6. Ensuite quand il dit : Ğ également à propos de sa forme ğ, etc., il établit les opinions sur la forme de la Terre. Et il expose premièrement les opinions, disant que l’on s’interroge sur la forme de la Terre de la même façon que sur son mouvement et sa place ; car il semble à certains que la Terre est sphérique, mais à certains autres qu’elle est large, ayant la forme [294a1] d’un tambour.

[71302] In De caelo, lib. 2 l. 21 n. 7 Secundo ibi: faciunt autem argumentum etc., ponit rationes duas huius secundae opinionis. Quarum prima est quod faciunt argumentum accipientes hoc signum, quod sol occidens et oriens secatur a terra secundum rectam lineam, et non circularem, quando scilicet pars solis est apparens super terram, pars autem occultatur: si autem terra esset sphaerica, videtur quod oporteret quod secatio illa esset circularis, quia duo corpora sphaerica se intersecant intersectione circulari. Hoc autem argumentum excludit ibi: non attendentes et cetera. Et dicit quod illi qui ponunt hoc argumentum, non attendunt distantiam solis a terra, et magnitudinem rotunditatis, scilicet utriusque. Videmus enim quod etiam parvi circuli, a longe apparentes, videntur secundum modum lineae rectae: unde multo magis portiones magnorum circulorum a longe rectae videntur, quia sunt minus curvae. Sed hoc praecipue intelligendum est quando circulus est in eadem superficie cum visu: nam secatio solis et lunae quae non est in eadem superficie cum visu nostro, non videtur recta, sed circularis, ut supra dictum est, cum ageretur de figura stellarum.

[71302] Sur le De caelo, II, 21, 7. Deuxièmement ici : Ğ ils utilisent comme preuve ğ, etc., il établit les deux raisons de cette seconde opinion. La première d’entre elles est qu’ils utilisent comme preuve l’observation que le Soleil levant et couchant est coupé par la Terre en ligne droite et non circulaire, à savoir quand une partie du Soleil est apparente au-dessus de la Terre, et qu’une partie est cachée ; or, si la Terre est sphérique, il semble que cette section doive être circulaire, puisque deux corps sphériques se coupent en une intersection circulaire. Il rejette cette preuve  ici : Ğ sans tenir compte ğ, etc. Et il dit que ceux qui l’établissent ne tiennent pas compte de la [294a5] distance entre le Soleil et la Terre, ni de la dimension de la circonférence, à savoir des deux corps. En effet, nous voyons que même de petits cercles, vus de loin, apparaissent comme une ligne droite ; de ce fait les parties de grands cercles semblent de loin d’autant plus droites qu’elles sont moins incurvées. Mais il faut comprendre cela surtout quand le cercle est sur la même surface que la vue ; car la section du Soleil et de la Lune qui n’est pas sur la même surface que notre vue ne semble pas droite, mais circulaire, comme on l’a dit ci-dessus, quand il était question de la forme des étoiles.

[71303] In De caelo, lib. 2 l. 21 n. 8 Secundam rationem ponit ibi: sed adhuc etc.; dicens quod adhuc addunt rationem ad idem, dicentes quod necesse est terram, ad hoc quod quiescat, habere figuram latam. Nam figura sphaerica facile mobilis est, quia in modico tangit superficiem: sed figura lata secundum se totam tangit superficiem, et ideo est apta ad quietem. Et ne credatur quod haec causa quietis terrae communiter ab omnibus assignetur, subiungit quod de motu et quiete terrae multi modi dicuntur, ut patebit ex his quae infra dicentur.

[71303] Sur le De caelo, II, 21, 8. Il établit la seconde raison, ici : Ğ mais en outre ğ, etc., disant qu’ils ajoutent en outre une raison dans le même but, en déclarant qu’il est nécessaire [294a10] que la Terre, étant donné qu’elle est immobile, ait une forme large. Car la forme sphérique est facilement mobile, puisqu’elle touche à peine la surface ; mais une forme large touche d’elle-même toute la surface et est ainsi apte à l’immobilité. Et de peur que l’on croie que cette cause du repos de la Terre est communément avancée par tous, il ajoute que de nombreux points de vue sont affirmés sur le mouvement et le repos de la Terre, comme il apparaîtra d’après ce qui sera dit ci-dessous.

 

 

Lectio 22

Leçon 22 – [L’immobilité de la terre]

[71304] In De caelo, lib. 2 l. 22 n. 1 Postquam philosophus exclusit opiniones eorum qui falsas opiniones circa terram habebant, hic prosequitur opiniones eorum qui, veram opinionem circa terram habentes, scilicet quod ipsa quiesceret, inconvenientes rationes quietis terrae assignabant. Et primo movet dubitationem; secundo proponit solutionum insufficientiam, quas alii assignabant, ibi: solutiones autem de hoc etc.; tertio prosequitur singulas solutiones, ibi: hi quidem enim propter hoc et cetera.

[71304] Sur le De caelo, II, 22, 1. Après que le philosophe a rejeté les opinions de ceux qui avaient des idées fausses sur la Terre, il s’attache à exposer les théories de ceux qui, possédant la véritable opinion sur la Terre, à savoir qu’elle est immobile, attribuaient au repos de la Terre des raisons qui ne conviennent pas. Et premièrement il pose la question ; deuxièmement il présente l’insuffisance des solutions que les autres proposaient, ici : Ğ les solutions sur cela ğ, etc. ; troisièmement, il s’attache à exposer chaque solution ici : Ğ car ceux-ci dans ce butğ, etc.

[71305] In De caelo, lib. 2 l. 22 n. 2 Dicit ergo primo quod necessarium videtur quod omnibus superveniat quaedam dubitatio circa terram. Quia si quis de hoc non miretur, videtur irrationabilem mentem habere, quasi qui non possit difficultatem percipere: quomodo scilicet, si aliquando elevetur per violentiam aliqua parva terrae particula, et postea dimittatur, fertur deorsum et non vult manere, idest non habet aptitudinem naturalem ut quiescat; et quanto maior fuerit terrae particula, tanto velocius feretur inferius; videtur autem quod, si tota terra posset ab aliquo elevari a suo loco in sursum, et postea dimittatur, non ferretur inferius. Et hoc quidem videtur per hoc quod nunc accidit circa totam terram. Cum enim habeat intensam gravitatem, non movetur inferius, sed quiescit in suo loco: unde videtur quod, in quocumque situ mundi poneretur, quod ibi quiesceret, eadem ratione qua nunc in hoc loco quiescit. Et hoc quantum ad illos qui existimant omnem locum indifferenter se habere ad quodlibet corporum. Et quia posset aliquis dicere quod partes terrae elevatae, cum dimittuntur, feruntur deorsum usque ad hunc locum in quo modo est terra, non autem amplius; ideo, ad dubitationem augendam, adiungit quod, si aliquis sursum ferat aliquas particulas terrae, et contingat quod antequam illae particulae terrae cadentes revertantur ad terram, aliquis removeat terram a suo loco; partes terrae sursum elevatae feruntur deorsum, idest magis infra quam sit locus unde fuerant assumptae, ex quo iam non est aliquid impediens. Et hoc potest aliquis coniicere de toto ex parte: si enim aliquis lapidem sursum proiiciat, et antequam cadat, foveam faciat in terra, descendet lapis ille quousque resistentiam inveniat. Et ita videtur quod, cum tota terra nullam resistentiam habeat ab aliquo impediente descensum ipsius, mirum esse quod non descendit. Concludit ergo quod hoc ipsum quod est stupere, idest vehementer admirari, circa hoc, omnibus philosophis factum est philosophema, idest philosophiae consideratio, vel philosophandi occasio; sicut in principio Metaphys. dicitur quod ex admirari incoeperunt homines philosophari.

[71305] Sur le De caelo, II, 22, 2. Il dit donc premièrement qu’il semble nécessaire qu’une question se pose à tous concernant la Terre, puisque, si quelqu’un ne s’en étonne pas, il paraît doté d’un esprit sans logique, comme un homme qui ne pourrait pas percevoir la difficulté suivante : comment, si on soulève un jour une petite parcelle de terre avec violence et qu’on la lâche ensuite, il se fait qu’elle soit entraînée vers le bas Ğ et ne veuille pas rester ğ, c’est-à-dire qu’elle n’ait pas l’aptitude naturelle d’être immobile ; [294a15] et plus cette parcelle de terre est importante, plus vite elle est entraînée vers le bas ; or il semble que, si toute la Terre pouvait être soulevée vers le haut par quelqu’un de l’endroit où il est et qu’elle était relâchée par la suite, elle ne serait pas entraînée vers le bas. Et on le voit certes par ce qui arrive maintenant à toute la Terre. En effet, comme elle a une forte pesanteur, elle ne se déplace pas vers le bas, mais reste au repos à sa place ; de ce fait il semble que, quel que soit l’endroit du monde où on la placerait, elle y resterait au repos, suivant la même raison qui fait qu’elle est maintenant immobile à sa place. Et cela concerne ceux qui estimaient que tout lieu est indifférent pour chaque corps. Et puisque l’on pourrait dire que les parties de la terre soulevée, lorsqu’elles sont relâchées, sont entraînées vers le bas jusqu’au lieu où il y a seulement de la terre, mais pas plus ; de ce fait, pour développer la question, il ajoute que, si quelqu'un lance vers le haut des parcelles de terre, et qu'il arrive que, avant que ces parcelles ne retournent à la Terre en tombant, il écarte la Terre de sa place, les parties de la Terre élevées vers le haut sont entraînées Ğ vers le bas ğ, c'est-à-dire plus bas que le lieu où elles avaient été prises, où il n'y a plus d'obstacle. Et on peut le conjecturer sur le tout en s'appuyant sur la partie ; car si quelqu'un jetait une pierre vers le haut et creusait un trou dans la terre avant qu’elle tombe, cette pierre descendrait jusqu'à ce qu'elle rencontre une résistance. Et ainsi il semble que, comme la Terre entière ne rencontrerait pas la résistance d'un obstacle qui empêcherait sa descente, il serait étonnant qu'elle ne descende pas. Il conclut donc que cela même qui consiste à être Ğ frappé de stupeur ğ, c'est-à-dire s'étonner avec force, à cause de ce fait, est devenu un Ğ philosophème ğ, c’est-à-dire une considération philosophique ou une occasion de philosopher, pour tous les philosophes, de même que, au début de la Métaphysique, il est dit que les hommes ont commencé à philosopher en s'étonnant. [294a20]

[71306] In De caelo, lib. 2 l. 22 n. 3 Deinde cum dicit: solutiones autem de hoc etc., proponit insufficientiam solutionum a philosophis circa hoc assignatarum. Et dicit quod non solum aliquis admiratur de hoc quod sic accidit circa terram; sed etiam aliquis potest admirari quod philosophi, volentes solvere praedictam dubitationem, non viderunt quod solutiones de hac dubitatione assignatae ab eis, sunt magis inconvenientes quam sit ipsa dubitatio. Improbabiliora enim dixerunt eo ex quo dubitatio consurgit: unde ipsae solutiones magis augent dubitationem.

[71306] Sur le De caelo, II, 22, 3. Ensuite quand il dit: Ğ les solutions sur cela ğ, etc., il expose que les solutions avancées par les philosophes sont insuffisantes. Et il dit que on pourrait s'étonner non seulement de ce qu'il en soit ainsi pour la Terre, mais aussi de ce que les philosophes, désireux de résoudre la question déjà posée, n'aient pas vu que les solutions de cette question avancées par eux rencontrent plus d’inconvénients que la question elle-même. Car ils ont tenu des propos plus improbables que ce qui fait surgir la question ; de ce fait, les solutions elles-mêmes accroissent davantage la difficulté.

[71307] In De caelo, lib. 2 l. 22 n. 4 Deinde cum dicit: hi quidem enim propter hoc etc., ponit quinque solutiones praedictae dubitationis. Secunda incipit ibi: hi autem in aqua etc.; tertia ibi: Anaximenes autem etc.; quarta ibi: quoniam autem manet etc.; quinta ibi: sunt autem quidam et cetera. Circa primum duo facit. Primo proponit solutionem primam. Et dicit quod quidam propter hoc, ut scilicet evitarent difficultatem praedictam, dicunt quod deorsum terrae est infinitum. Quod quidem potest intelligi dupliciter. Uno modo sic, quod aer qui est infra terram, sit infinitus; quasi terra ob hoc non moveatur inferius, quia nihil movetur ad infinitum. Alio modo, et verius, intelligitur quod ipsa terra versus partem inferiorem sit infinita; et ita in infinitum superior pars eius retinetur ab inferiori, ut non descendat; quod promptius est ad intelligendum. Huius autem opinionis dicitur fuisse Xenophanes Colophonius. Quod quidem dixerunt, non quidem quia secundum se verisimile videatur, sed ut non cogerentur laborare ad inquirendam causam quietis terrae.

[71307] Sur le De caelo, II, 22, 4. Ensuite, quand il dit : Ğ car ceux-ci pour cette raison ğ, etc., il établit cinq solutions à la question déjà posée. La deuxième commence ici : Ğ ceux-ci dans l'eau ğ, etc., la troisième ici : Ğ Or, Anaximène ğ, etc. ; la quatrième ici : Ğ puisqu'elle demeure ğ, etc. ; la cinquième ici : Ğ certains sont ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses. Il propose premièrement la première solution. Et il dit que certains, pour cette raison, c'est-à-dire afin d'éviter la difficulté déjà mentionnée, disent que le dessous de la Terre est infini. Cela peut être compris de deux façons. D'une part ainsi, à savoir que l'air qui est sous la Terre est infini, comme si la Terre ne se déplaçait pas vers le bas, puisque rien ne se déplace à l'infini. D'autre part, et c'est plus vrai, on comprend que la Terre elle-même est infinie du côté de sa partie inférieure ; et ainsi sa partie supérieure est maintenue par l'inférieure à l'infini, de telle sorte qu'elle ne descend pas, ce qui est plus aisé à comprendre. On dit que Xénophane de Colophon était de cet avis. Or, ils ont dit cela non pas parce que cela leur semblait plus vraisemblable en soi, mais pour ne pas être obligés de travailler à rechercher la cause de l'immobilité de la Terre.  

[71308] In De caelo, lib. 2 l. 22 n. 5 Secundo ibi: propter quod et Empedocles etc., ponit quomodo Empedocles hanc solutionem derisit. Et dicit quod, quia praedicti homines hoc non dicebant quasi aliquid verisimile, sed ut quaestionem vitarent, Empedocles obstupuit, idest vehementer admiratus est de eorum errore, sic dicens in suis versibus, quos de philosophia composuit: siquidem, inquit, infinitae sunt terrae profunditates (quasi diceret: terra est in infinitum profunda), et aether, idest aer vel ignis, est etiam immensus in altum. Et dixit quod haec vane, idest sine ratione, effusa sunt, idest divulgata, cum sint dicta per linguam multorum (quasi diceret: ex ore multorum hominum), intelligentium modicum totius, idest modicum intelligentium de natura universi. Per quod dedit intelligere quod ex defectu intellectus provenit quod hoc aliqui dixerunt solo ore, cum interius consideratum non sit verisimile. Fuit autem contentus Aristoteles de hac Empedoclis reprehensione, tum propter improbabilitatem eius quod dicitur, tum etiam quia supra in primo ostensum est quod non potest esse gravitas infinita.

[71308] Sur le De caelo, II, 22, 5. Deuxièmement, ici : Ğ pour cela Empédocle ğ, etc., il établit comment Empédocle s'est moqué de cette solution. Et il dit que, puisque les hommes dont on a parlé ne disaient pas cela comme quelque chose de vraisemblable, mais pour éviter la question, Empédocle Ğ est resté interdit ğ, c'est-à-dire s'est fortement étonné de leur erreur, parlant ainsi [294a30] dans les vers qu'il a composés sur la philosophie : Ğ si, dit-il, les profondeurs de la Terre sont infinies (comme s'il disait : la Terre est profonde à l'infini), et si l'éther, c'est-à-dire l'air ou le feu, est aussi immense en profondeur. Et il a dit que cela a été Ğ diffusé ğ, c'est-à-dire divulgué, Ğ en vain ğ, c'est-à-dire sans raison, Ğ comme il a été dit par la langue de beaucoup (c'est comme s'il disait : Ğ de la bouche de beaucoup d'hommes) qui comprenaient peu sur la totalité ğ, c'est-à-dire qui comprenaient peu sur la nature de l'univers. Par cela il a donné à comprendre que c'est à cause d'un manque de compréhension que quelques uns l’ont dit de leur bouche seule, alors que, si on le considère plus profondément, ce n'est pas vraisemblable. Or, Aristote s'est contenté de ce reproche d'Empédocle, d'une part en raison du caractère improbable de ce qui est dit, d'autre part parce qu'il a été montré ci-dessus dans le premier livre qu’il ne peut y avoir de pesanteur infinie.

[71309] In De caelo, lib. 2 l. 22 n. 6 Deinde cum dicit: hi autem in aqua etc., prosequitur secundam solutionem. Et primo proponit eam; secundo improbat, ibi: tanquam non eadem etc.; tertio assignat rationem defectus huiusmodi solutionum, ibi: sed videntur et cetera. Dicit ergo primo quod, sicut praedicti posuerunt terram sustentari a terra in infinitum, ita quidam dixerunt terram poni super aquam. Quae quidem est antiquissima opinio, quam, ut dicunt, Thales Milesius posuit, qui fuit unus de septem qui dicti sunt sapientes, et primus se intromisit de philosophia naturali, et posuit aquam esse principium omnium rerum, ut dicitur in I Metaphys. Unde et posuit terram esse locatam super aquam, ut quiescat ibi per modum supernatationis, sicut accidit de ligno et de similibus; quorum nihil naturaliter manet in aere, sed in aqua manent huiusmodi propter supernatationem. Et simile dicebant accidere de terra.

[71309] Sur le De caelo, II, 22, 6. Ensuite quand il dit : Ğ ceux-ci dans l'eau ğ, etc., il s'attache à présenter la deuxième solution. Et il l'expose en premier lieu ; en second lieu, il la rejette ici : Ğ comme si la même n'est pas ğ, etc. ; en troisième lieu il expose la faiblesse d'une solution de ce genre, ici : Ğ mais semblent ğ, etc. Il dit donc premièrement que, de même que les savants déjà mentionnés ont établi que la Terre est soutenue par de la terre à l'infini, de même certains autres ont dit qu’elle est posée sur de l'eau. Et c’est l’opinion la plus ancienne, établie, à ce que l'on dit, par Thalès [294a30] de Milet, qui fut l'un des sept hommes appelés sages, qui fut le premier à s’occuper de philosophie naturelle, et qui établit que l'eau est le principe de toutes choses, comme le dit le livre I de la Métaphysique. De ce fait, il établit aussi que la Terre est placée sur de l'eau, de telle sorte qu'elle est ici au repos en flottant, comme il arrive au bois et aux corps semblables ; parmi eux aucun ne demeure naturellement dans l'air, mais ils restent en flottant de cette manière. Et ils disaient qu'il en était ainsi pour la Terre.

[71310] In De caelo, lib. 2 l. 22 n. 7 Deinde cum dicit: tanquam non eadem etc., improbat quod dictum est, tribus rationibus. Et dicit quod sic assignata est praedicta solutio, tanquam non sit eadem ratio de terra, et aqua quam ponunt sustentare terram. Videmus enim quod sicut terra, si elevetur, non manet nisi sustentetur ab aliquo, ita nec aqua elevata nata est manere, sed oportet quod sit in aliquo sustentante, ad hoc quod quiescat. Et ideo si terra sustentaretur ab aqua, remaneret eadem difficultas, a quo sustentaretur aqua.

[71310] Sur le De caelo, II, 22, 7. Ensuite quand il dit : Ğ comme si la même ğ, etc., il rejette ce qui a été dit, pour trois raisons. Et il dit que la solution déjà mentionnée a été présentée comme si le raisonnement n'était pas le même pour la Terre et pour l'eau, qui, selon eux, soutient la Terre. Car nous voyons que, de même que la Terre, si elle est soulevée, ne reste pas à moins d'être soutenue par quelque chose, de même l'eau soulevée n'est pas destinée à demeurer, mais qu'il faut qu'elle soit sur quelque chose qui la soutienne, pour qu'elle soit au repos. Et c'est pourquoi si la Terre était soutenue par l'eau, la même difficulté resterait pour savoir [294b1] par quoi l'eau est soutenue.

[71311] In De caelo, lib. 2 l. 22 n. 8 Secundam rationem ponit ibi: adhuc autem quemadmodum et cetera. Et dicit quod sicut aer est levior quam aqua, ita et aqua est levior quam terra, vel minus gravis. Est autem de ratione levioris, quod superemineat graviori secundum naturam. Non est ergo possibile quod aqua, quae est levior, ponatur magis deorsum quam terra, quae est gravior, secundum naturam; nisi forte quis dicat quod partes mundi non sunt ordinatae secundum naturam, quod est inconveniens.

[71311] Sur le De caelo, II, 22, 8. Il établit la deuxième raison ici : Ğ en outre de même que ğ, etc. Et il dit que, de même que l'air est plus léger que l'eau, de même l'eau est aussi plus légère que la terre, ou moins lourde. Or, il est dans la constitution d’un corps plus léger de se trouver au-dessus d’un corps plus lourd selon la nature. Il n'est donc pas possible que l'eau, qui est plus légère, soit placée plus au-dessous que la Terre, qui est plus lourde, selon la nature, à moins que, par hasard, on dise que les parties du monde ne sont pas ordonnées selon la nature, ce qui ne convient pas.

[71312] In De caelo, lib. 2 l. 22 n. 9 Tertiam rationem ponit ibi: adhuc autem si quidem etc.; quae ratio talis est. Sicut in primo habitum est, idem est motus naturalis, et etiam quies est eadem, totius terrae et partis eius. Si ergo tota terra nata est manere in aqua, supernatando ipsi, manifeste sequitur quod quaelibet particularum eius possit manere in aqua per supernatationem. Sed hoc non videmus accidere: quinimmo quaelibet pars terrae posita in aqua fertur ad fundum ipsius; et tanto velocius, quanto fuerit maior. Ergo multo velocius tota terra fertur inferius, si sit superposita aquae.

[71312] Sur le De caelo, II, 22, 9. Il établit la troisième raison ici : Ğ en outre si ğ, etc. ; et cette raison est la suivante. Comme on l'a considéré dans le premier livre, le mouvement naturel est le même, et le repos est le même pour toute la Terre et pour une de ses parties. Donc si toute la Terre est destinée à demeurer dans l'eau, en flottant sur elle, il s'ensuit manifestement que n'importe laquelle de ses parcelles peut demeurer sur l'eau en flottant. Mais nous voyons [294b5] que cela n'arrive pas ; bien au contraire n'importe quelle partie de la Terre posée sur l'eau est entraînée vers le fond, et d'autant plus vite qu'elle est plus importante. Donc la Terre tout entière est entraînée beaucoup plus vite vers le bas, si elle est posée sur de l'eau.

[71313] In De caelo, lib. 2 l. 22 n. 10 Deinde cum dicit: sed videntur etc., assignat causam defectus dictarum solutionum. Et dicit hoc accidisse, quod tam defectivas solutiones assignaverunt, quia videntur quaerere circa dubitationes usque ad aliquem terminum, et non quousque possibile sit dubitari. Oportet autem eum qui vult recte solvere, ut perducat solutionem usque ad id ubi non sit amplius dubitatio; quod isti non faciunt. Cuius rationem assignat, connumerans se aliis, causa vitandae iactantiae; dicens quod omnibus nobis dubitationes solventibus hoc videtur esse consuetum, ut inquisitio fiat non ad rem, sed ad contraria dicentem, idest non quousque natura rei requirit, sed quousque adversarius non habeat ulterius contradictionem: quia etiam hoc quilibet observat ad seipsum, ut cum ipse dubitat de aliquo, quaerat in seipso quousque ipse non habeat in promptu unde sibi contradicat. Sed illud non sufficit: quia cum aliquis vult veram solutionem invenire, oportet quod non sit contentus obiectionibus quas habet in promptu, sed diligenter inquirat eas. Et propter hoc, sicut ipse subdit, oportet eum qui vult bene inquirere veritatem, esse promptum ad hoc quod instet et sibi ipsi et aliis; non per instantias sophisticas, sed per instantias reales et rationabiles, proprias, idest convenientes, generi de quo inquiritur. Et hoc quidem contingit ex hoc quod homo considerat omnes differentias rerum, ex quarum similitudine quaestio solvitur. Sicut Thales solvit quaestionem praesentem ex similitudine ligni ad terram: fuisset autem ei consideranda differentia utriusque: nam lignum, quia multum habet de aere, supernatat aquae; quod terrae non congruit.

[71313] Sur le De caelo, II, 22, 10. Ensuite quand il dit : Ğ mais ils semblent ğ, etc., il présente la cause de la faiblesse des solutions exposées. Et il dit qu’ils ont été susceptibles de proposer des solutions aussi défaillantes, parce qu'ils semblent réfléchir aux difficultés jusqu'à une certaine limite, et non jusque là où il est possible de s'interroger. Or, il faut que celui qui veut résoudre correctement un problème poursuive la solution jusque là où il n'y a pas plus de question, ce que ceux-là ne font pas. Alors qu’il se compte parmi les autres, il attribue la raison de cette attitude à la volonté d'éviter la vantardise, disant qu’il semble habituel à tous ceux d'entre nous qui résolvent des problèmes de faire des recherches Ğ non pas en vue de la chose, mais pour le contradicteur ğ, c'est-à-dire non pas jusqu’au point où la nature de la chose le demande, mais jusqu’au point où notre adversaire ne nous oppose plus de contradiction ; car n’importe qui même veille pour lui-même à ce que, lorsqu'il s'interroge sur quelque chose, il aille [294b10] de lui-même jusqu’au point où il n'a pas lui-même sous les yeux de quoi se contredire. Mais cela ne suffit pas, puisque, lorsque l’on veut trouver la vraie solution, il ne faut pas se contenter des objections qu'il a sous les yeux, mais les rechercher avec soin. Et pour cette raison, comme il le suppose lui-même, il faut que celui qui veut bien rechercher la vérité ait à l'esprit ce qu'il poursuit pour lui-même et pour les autres, en faisant des demandes non pas sophistiques, mais réelles et rationnelles, Ğ propres ğ, c'est-à-dire qui conviennent, au genre sur lequel portent ses recherches. Et cela arrive du fait que l'homme considère toutes les différences des choses, dont la ressemblance permet de résoudre la question, de même que Thalès résout la question présente grâce à la ressemblance entre le bois et la terre ; or, il aurait fallu considérer la différence entre les deux ; car le bois, étant donné qu'il a beaucoup d'air, flotte sur l'eau, ce qui ne s'accorde pas avec la Terre.

 

 

Lectio 23

Leçon 23 – [La cause de l’immobilité de la terre]

[71314] In De caelo, lib. 2 l. 23 n. 1 Praemissis duabus solutionibus, quarum prima assignabat causam quietis terrae ex infinitate eius quod in terra subsidet, secunda vero ex aqua subsidente terrae, hic ponit tertiam solutionem, quae assignatur a parte aeris subsidentis terrae. Et primo ponit solutionem; secundo improbat eam, ibi: primum quidem et cetera. Dicit ergo primo quod Anaximenes et Anaxagoras et Democritus posuerunt causam quietis terrae esse latitudinem eius; ex qua contingit quod terra non dividit inferiorem aerem, sed superequitat ipsum. Quod quidem videntur facere corpora artificialiter facta cum aliqua latitudine ad obviandum aeri sive vento: huiusmodi enim corpora lata non de facili videntur moveri a ventis, propter hoc quod resistunt eis secundum totam ipsorum latitudinem. Et hoc ipsum videtur facere terra, propter sui latitudinem, per comparationem ad aerem sub ea existentem; quia videlicet non dividit ipsum, sed resistendo comprimit eum. Et cum aer non habeat locum quo transferatur ne sit sub terra, propter terrae latitudinem, sufficiens est quiescere terram propter multitudinem aeris deorsum existentis et compressi; sicut patet de aqua in clepsydris. Si enim sit aliquod vas habens in sui summitate parvum foramen obturatum, et in lateribus aliud non obturatum, et subito submergatur in aquam, aer interior conclusus, quia non habet quo diffugiat, prohibebit aquam intrare. Et similiter aer subsidens terrae, compressus ab ea et non potens diffugere, non permittit eam descendere. Inducunt autem multa argumenta, idest sensibilia signa, ad ostendendum quod aer conclusus et quiescens, idest qui non potest ex aliqua parte effugere, sustinet magnam gravitatem: et hoc maxime fit evidens ex utribus inflatis, qui possunt magnum pondus sustinere.

[71314] Sur le De caelo, II, 23, 1. Après avoir avancé ces deux solutions, dont la première attribuait la cause du repos de la Terre à l’infini de ce qui se trouve sous la Terre, et la seconde à l'eau qui se trouve sous la Terre, il établit ici la troisième solution, qui est attribuée à une partie de l'air qui se trouve sous la Terre. Et il expose premièrement cette solution ; deuxièmement, il la rejette, ici : Ğ premièrement certes ğ, etc. Il dit donc premièrement qu'Anaximène, Anaxagore, et Démocrite ont établi que la cause du repos de la Terre est sa largeur [295b15] ; à cause d'elle il arrive que la Terre ne divise pas l'air inférieur, mais qu'elle le chevauche. C'est ce que semblent faire les corps créés artificiellement avec une certaine largeur pour s'opposer à l'air ou au vent ; car les corps larges de ce genre ne semblent pas être déplacés facilement par les vents, parce qu'ils leur résistent de toute la largeur de leur corps. Et c'est cela même que la Terre semble faire, en raison de sa largeur, en comparaison de l'air se trouvant sous elle, puisqu'elle ne le sépare pas, mais le comprime en lui résistant. Et comme l'air n'a pas d'endroit où se transporter pour ne pas être sous la Terre, en raison de sa largeur, [295b20] il suffit pour qu'elle soit au repos en raison de la grande quantité d'air qui est en bas et comprimé, comme le montre l'eau dans les clepsydres. En effet, s’il y a un vase qui a dans son sommet une petite ouverture bouchée, et une autre non bouchée sur ses côtés, et qu'on l'immerge soudain dans l'eau, l'air enfermé à l'intérieur, puisqu'il n'a pas d'endroit où s'enfuir, empêchera l'eau d'entrer. Et également l'air qui se trouve sous la Terre, comprimé par elle et ne pouvant pas s'échapper, ne lui permet pas de descendre. Or, ils avancent de nombreux Ğ arguments ğ, c'est-à-dire des preuves sensibles, pour montrer que l'air enfermé et immobile, c'est-à-dire qui n’a nulle part où s'échapper, soutient un grand poids ; et cela devient surtout évident avec des outres gonflées, qui peuvent soutenir un grand poids.

[71315] In De caelo, lib. 2 l. 23 n. 2 Deinde cum dicit: primum quidem etc., improbat praedictam solutionem tribus rationibus. Quarum prima est quia supponit haec solutio terram esse latae figurae; quod est falsum, ut infra patebit. Unde si figura terrae non est lata, sed sphaerica, sequetur quod non quiescet propter latitudinem, sicut isti dicebant.

[71315] Sur le De caelo, II, 23, 2. Ensuite, quand il dit : Ğ premièrement certes ğ, etc., il rejette la solution que l'on vient de présenter pour trois raisons. La première d'entre elles est que cette solution suppose que la Terre a une forme large, ce qui est faux, comme on le montrera plus bas. De ce fait, si la forme de la Terre n'est pas large, mais sphérique, il s'ensuit que ce n’est pas en raison de sa largeur qu'elle est immobile, comme ceux-ci le disaient. [294b25]

[71316] In De caelo, lib. 2 l. 23 n. 3 Secundam rationem ponit ibi: quamvis mansionis et cetera. Et dicit quod, licet ipsi assignarent latitudinem terrae causam quietis eius, tamen secundum ea ex quibus procedunt, non videtur causa mansionis terrae latitudo, sed magis magnitudo ipsius. Dicunt enim quod aer, non habens quo transeat, propter hoc quod coarctatur a terra, manet propter sui multitudinem; et propter hoc sustinet terram. Quod autem multus aer coarctetur a terra, contingit propter hoc quod aer comprehenditur a multa magnitudine terrae. Unde videtur quod eadem ratio esset, si terra ponatur esse sphaericae figurae, et tantae magnitudinis quod possit tantundem de aere coarctare: quia sic etiam manebit et aer et terra, secundum rationem quam assignant.

[71316] Sur le De caelo, II, 23, 3. Il présente une seconde raison, ici : Ğ bien que le séjour ğ, etc. Et il dit que, bien qu'ils attribuent à la largeur de la Terre la cause de son repos, pourtant d'après ce qui leur permet de poursuivre, il ne semble pas que la cause de l'immobilité de la Terre soit sa largeur, mais plutôt sa grandeur. Car ils disent que l'air, qui n'a pas d'endroit où se déplacer, parce qu'il est pressé par la Terre, demeure parce qu’il est en grande quantité ; et c'est pourquoi il soutient la Terre. Il arrive qu'une grande quantité d'air soit comprimée par la Terre parce que l'air est arrêté par la grande dimension de la Terre. De ce fait il semble que le raisonnement soit le même si on établit que la Terre est d'une forme sphérique et d'une dimension si grande qu'elle peut condenser une aussi grande quantité d'air, [294b30] puisqu'à la fois l'air et la Terre resteront aussi ainsi, selon le raisonnement qu'ils avancent.

[71317] In De caelo, lib. 2 l. 23 n. 4 Tertiam rationem ponit ibi: totaliter autem et cetera. Et dicit quod contra eos qui sic loquuntur de motu et quiete corporum naturalium, consurgit dubitatio non de parte, idest non de aliquo particulari corpore, puta terra vel aqua, sed de toto universo et de omni corpore naturali. Hoc enim videtur a principio in talibus dubitationibus determinandum, utrum corpora habeant aliquem motum naturalem vel nullum; et utrum, si non habent motum naturalem, possint habere motum violentum. Et quia de his determinatum est prius, scilicet in primo libro, oportet ut nunc utamur tanquam existentibus, idest veris, omnibus his quae supra habuimus probata, secundum virtutem quae tunc aderat nostro ingenio. Supra enim ostensum est quod, si nullus est motus naturalis corporum, neque etiam erit aliquis motus violentus eorum: quia violentum est quasi excisio quaedam eius quod est secundum naturam, ut supra habitum est. Si autem non est aliquis motus corporum neque per naturam neque per violentiam, sequitur quod totaliter nihil moveatur: et quod hoc necessarium sit accidere, supra determinatum est. Et ad hoc etiam addendum est, secundum prius determinata, quod pari ratione non contingit aliquid quiescere: sicut enim est aliquis motus naturalis et violentus, ita est etiam aliqua quies naturalis et violenta. Et si est aliquis motus naturalis, non erit solum motus violentus, neque sola quies violenta: quia in loco ad quem aliquid movetur naturaliter, etiam quiescit naturaliter. His ergo praemissis quasi principiis, argumentatur ad propositum, concludens ex praemissis quod, si quies terrae in medio non est naturalis sed violenta, sequitur quod motus eius ad medium non sit naturalis, sed propter violentiam circumgyrationis caeli. Omnes enim qui terram dicunt per violentiam quiescere in medio, assignant hanc causam motus terrae ad medium, idest circumgyrationem caeli; considerantes ex his quae accidunt in liquidis et etiam in aere, in quibus propter gyrationem ea quae sunt maiora et graviora congregantur ad medium, quasi violentius repulsa ex violentia gyrationis. Unde omnes qui ponunt mundum per generationem incoepisse, dicunt quod terra venit ad medium propter praedictam causam, idest propter violentiam circumgyrationis caeli. Et sic auferunt terrae quietem naturalem et motum naturalem. Quod est inconveniens: quia sequitur, secundum praedicta, quod totaliter corpora naturalia nec moveantur nec quiescant.

[71317] Sur le De caelo, II, 23, 4. Il présente la troisième raison ici : Ğ totalement ğ, etc. Et il dit que contre ceux qui parlent ainsi du mouvement et du repos des corps naturels, s'élève la question Ğ non sur la partie ğ, c'est-à-dire non sur un corps particulier, par exemple la Terre ou l'eau, mais sur tout l'univers et sur tout corps naturel. Car il semble que l'on doive déterminer dès le début sur de telles questions si les corps ont un mouvement naturel ou non, et si, s'ils n'ont pas de mouvement naturel, ils peuvent avoir un mouvement violent. Et puisque [295a1] l'on a déterminé cela auparavant, c'est-à-dire dans le premier livre, il faut que nous utilisions maintenant en tant qu'Ğ existant ğ, c'est-à-dire en tant que vrai, tout ce que nous avons prouvé ci-dessus, selon la capacité qui était alors présente à notre esprit. Car on a montré que [295a5], si les corps n’ont aucun mouvement naturel, ils n'y auront pas non plus de mouvement violent, puisque la violence est en quelque sorte la destruction de ce qui est selon la nature, comme on l'a considéré ci-dessus. Or, si les corps n’ont pas de mouvement, ni par nature, ni par violence, il s'ensuit que rien ne se déplace totalement ; et on a déterminé ci-dessus qu'il est nécessaire que cela arrive. Et à cela il faut aussi ajouter que, selon ce qui a été déterminé auparavant, pour une raison semblable il n'arrive pas qu'une chose soit au repos : en effet, de même qu'il y a un mouvement naturel et un mouvement violent, de même il y a aussi un repos naturel et un repos violent. Et s'il y a un mouvement naturel, il n'y aura pas seulement un mouvement violent, ni un repos violent seul, puisque dans le lieu vers lequel une chose se déplace naturellement, elle est aussi naturellement au repos. Donc après avoir avancé ces idées comme des principes, il avance des arguments pour la proposition, concluant d'après les prémisses que, si le repos de la Terre au milieu n'est pas naturel mais violent, il s'ensuit que son mouvement vers le milieu n'est pas naturel, mais dû à la violence de la révolution du ciel. En effet, tous ceux qui disent que la Terre est au repos au milieu par violence présentent [295a10] comme cause du mouvement de la Terre vers le milieu la révolution du ciel, prenant en considération ce qui arrive aux liquides et aussi à l'air, dans lesquels, en raison de la révolution, ce qui est plus grand et plus lourd se rassemble au milieu, repoussé en quelque sorte plus violemment par la violence du tourbillon. De ce fait, tous ceux qui établissent que le monde a commencé par génération disent que la Terre vient au milieu pour la raison déjà mentionnée, c'est-à-dire la violence de la révolution du ciel. Et ainsi ils ôtent à la Terre repos et mouvement naturels. Et cela ne convient pas, puisqu'il s'ensuit, selon les propos tenus, que les corps naturels ne se déplacent pas, ni ne sont au repos dans leur totalité.

 

 

Lectio 24

Leçon 24 – [Autres raisons sur l’immobilité de la terre]

[71318] In De caelo, lib. 2 l. 24 n. 1 Praemissis tribus rationibus de quiete terrae, quae sumebantur ex parte inferiorum corporum, scilicet ipsius terrae, aquae et aeris, hic ponit alias rationes, quae sumuntur ex parte caelestis corporis. Et primo ponit quartam rationem quietis terrae, quam ponebat Empedocles; secundo improbat eam, ibi: quamvis neque gyratione et cetera. Dicit ergo primo quod, cum omnes philosophi qui ponunt mundum generatum esse, assignant causam motus terrae ad medium, violentiam circumgyrationis caeli, quaerunt etiam causam huius quod terra quiescit in medio. Et quidam dicunt quod causa huius est latitudo et magnitudo terrae, sicut supra dictum est; quidam autem, sicut Empedocles, dicunt quod motus caeli circa terram, propter sui velocitatem, prohibet terram moveri. Et ponunt exemplum de aqua contenta in cyathis, idest in quibusdam vasis aereis. Si enim vas illud in circuitu velocius moveatur, et sit aliquod foramen in aliqua parte aerei vasis, multoties vase circulariter moto, aqua descendet ad inferiora vasis aerei, ubi est foramen, et tamen non cadet inferius extra vas, secundum quod habet aptitudinem naturalem, propter eandem causam; quia scilicet prohibetur ex velocitate motus ipsius vasis, ita quod aqua ante rapiatur a motu vasis quam possit cadere. Et simili ratione dicunt quod terra impeditur a velocitate motus caeli ne deorsum cadere possit.

[71318] Sur le De caelo, II, 24, 1. Après avoir avancé trois raisons au repos de la Terre, qui étaient tirés des corps inférieurs, c'est-à-dire de la Terre elle-même, de l'eau et de l'air, il présente ici d'autres raisons, tirées du corps céleste. Et il expose premièrement une quatrième raison au repos de la Terre, raison qu'avançait Empédocle ; deuxièmement, il la rejette, ici : Ğ bien que ni par un tourbillon ğ, etc. [295a15] Il dit donc premièrement que, comme tous les philosophes qui établissent que le monde a été engendré attribuent comme cause du mouvement de la Terre vers le milieu la violence de la révolution du ciel, ils recherchent aussi la raison pour laquelle la Terre est immobile au milieu. Et certains disent que la cause en est la largeur et la grandeur de la Terre, comme on l'a dit ci-dessus ; or certains autres, comme Empédocle, disent que le mouvement du ciel autour de la Terre l'empêche de se déplacer, en raison de sa rapidité. Et ils donnent comme exemple l'eau contenue dans des Ğ cyathes ğ, c'est-à-dire dans certains vases en bronze. En effet, si ce vase se déplaçait en cercle plus vite et qu'il y avait une ouverte dans une partie de ce vase en bronze, une fois qu'il aurait été déplacé circulairement de nombreuses fois , l'eau descendrait au fond, là où il y a une ouverture, et pourtant [295a20] elle ne tomberait pas plus bas en dehors du vase, selon son aptitude naturelle à cela, pour la même raison, à savoir que la vitesse du mouvement du vase même l'en empêche, de telle façon que l'eau est entraînée par son mouvement avant de pouvoir tomber. Et pour la même raison ils disent que la rapidité du mouvement du ciel empêche la Terre de pouvoir tomber en bas.

[71319] In De caelo, lib. 2 l. 24 n. 2 Deinde cum dicit: quamvis neque gyratione etc., improbat praedictam rationem. Et primo quantum ad quietem terrae; secundo quantum ad motum, ibi: inconveniens autem et cetera. Circa primum duo facit: primo improbat causam quietis terrae communiter, tam quantum ad illos qui causam quietis terrae ponunt latitudinem vel magnitudinem terrae, quam etiam quantum ad Empedoclem; secundo specialiter improbat hanc positionem quantum ad Empedoclem, qui posuit causam quietis terrae velocitatem motus caeli; et hoc ibi: adhuc autem ad Empedoclem et cetera. Dicit ergo primo quod, ex quo praedicti philosophi causam quietis terrae ponunt motum caeli vel latitudinem terrae, quae coarctat inferiorem aerem ut non possit diffugere, necessarium videtur quod, si gyratio caeli non prohiberet motum terrae, neque etiam prohiberet ipsum latitudo terrae, coarctans aerem, sed aer libere veniret et recederet, quod terra alicubi ferretur: quia tunc, remotis causis quietis, oporteret eam moveri. Non autem videtur secundum eorum positionem, quod ferretur ad medium secundum suam naturam: si enim, sicut ipsi ponunt, terra fertur ad medium per violentiam, necesse est quod per violentiam quiescat in medio; quod etiam ipsi ponunt. Sed tamen necesse est quod terra habeat aliquem motum naturalem, cessante omni violentia: oportet enim corporibus naturalem motum assignare, sicut supra dictum est. Restat igitur quaerendum versus quam partem naturaliter moveretur, violentia cessante; scilicet utrum sursum vel deorsum, vel versus aliquam aliam differentiam, puta ad dextrum vel sinistrum: quia omnino oportet quod habeat aliquem motum naturalem. Nec est dare quod ad aliquam aliam partem naturaliter moveatur nisi deorsum et ad medium, ut patet ex motu partium terrae, quae ad nullam aliam partem naturaliter moventur. Sic igitur male assignant causam quietis terrae in medio ex aliqua violentia. Si vero dicant quod terra, secundum motum suum naturalem, non magis habet quod moveatur deorsum quam sursum, videtur sequi quod, sicut aer qui est supra terram, non prohibet eam moveri sursum, ita etiam nec aer qui est sub terra, prohibebit eam moveri deorsum, vel propter comprehensionem eius a latitudine terrae, vel propter revolutionem eius ex motu caeli: quia in eisdem rebus, quantum ad eosdem effectus, necesse est ponere easdem causas.

[71319] Sur le De caelo, II, 24, 2. Ensuite quand il dit : Ğ bien que ni par un tourbillon ğ, etc., il rejette le raisonnement que l'on vient de présenter. Et premièrement relativement au repos de la Terre ; deuxièmement en ce qui concerne son mouvement, ici : Ğ or l'inconvénient ğ, etc. Sur le premier point, il fait deux choses : premièrement il rejette la cause du repos de la Terre de façon commune, aussi bien concernant ceux qui établissent que la cause du repos de la Terre est sa largeur ou sa grandeur que concernant Empédocle ; deuxièmement il rejette en particulier la position d'Empédocle qui a établi que la cause du repos de la Terre est la vitesse du mouvement du ciel, et cela ici : Ğ en outre à Empédocle ğ, etc. Il dit donc premièrement que, du fait que les philosophes déjà mentionnés établissent que la cause de l'immobilité de la Terre est le mouvement du ciel ou la largeur de la Terre, qui comprime l'air placé sous elle si bien qu'il ne peut s'échapper, il semble nécessaire que, si la rotation du ciel et la largeur de la Terre comprimant l'air n'empêchaient pas le mouvement de la Terre, mais si l'air allait et venait librement, la Terre serait transportée ailleurs, puisqu'alors, une fois les causes du repos écartées, il faudrait qu'elle se déplace. Or, selon leur position, il ne semble pas qu'elle soit transportée au milieu en suivant sa nature : en effet, si, comme ils l'établissent eux-mêmes, la Terre est transportée au milieu avec  violence, il est nécessaire qu'elle soit immobile au milieu avec violence, ce qu'ils présentent eux aussi. Mais pourtant il est nécessaire que la Terre ait un [295a25] mouvement naturel, quand toute violence cesse ; car il faut attribuer un mouvement naturel aux corps, comme on l'a dit ci-dessus. Il reste donc à rechercher vers quelle partie elle se déplacerait naturellement, toute violence cessant, c'est-à-dire vers le haut ou vers le bas, ou bien dans une direction différente, par exemple vers la droite ou la gauche, puisqu'il faut absolument qu'elle ait un mouvement naturel. Et il n'est pas possible de dire qu'elle se déplace naturellement vers une autre partie que le bas et le milieu, comme le montre le mouvement des parties de la Terre, qui ne se déplacent naturellement vers aucune autre partie. Ainsi donc c'est à tort qu'ils attribuent la cause du repos de la Terre au milieu à quelque violence. Or, s'ils disent que la Terre, suivant son mouvement naturel, n'a pas plus de mouvement vers le bas que vers le haut, il semble s'ensuivre que, de même que l'air qui est au-dessus de la Terre ne l'empêche pas de se déplacer vers le haut, de même aussi l'air qui est sous la Terre ne l'empêchera pas non plus de se déplacer vers le bas, soit parce qu'il est arrêté par la largeur de la Terre, soit en raison de sa rotation causée par le mouvement du ciel, étant donné que dans les mêmes choses, relativement aux mêmes effets, il est nécessaire d'établir les mêmes causes.

[71320] In De caelo, lib. 2 l. 24 n. 3 Deinde cum dicit: adhuc autem ad Empedoclem etc., improbat specialiter solutionem Empedoclis. Considerandum est autem quod Empedocles ponebat quatuor elementa materialia et duo moventia, scilicet litem et amicitiam; quae per congregationem et segregationem elementorum, sunt causa generationis et corruptionis mundi, et omnium quae in mundo sunt. Dicit ergo quod aliquis potest quaestionem movere contra Empedoclem: quando elementa erant ab invicem separata propter litem, oportebat terram quiescere (non enim coniungebat se aliis elementis, dominio litis durante): est ergo quaerendum quae fuit tunc causa quod terra quiesceret. Nec potest assignari pro causa gyratio caeli; quia caelum nondum erat generatum. Videtur ergo quod nullo modo oporteat dicere gyrationem caeli causam quietis terrae. Sed de hac ratione videtur esse dubium. Videtur enim lis esse causa generationis mundi, distinguendo elementa ab invicem; amicitia autem esse causa corruptionis eiusdem, congregando elementa in unum chaos. Unde nunc videtur esse litis dominium, propter hoc quod elementa sunt ab invicem distincta. Et ideo Alexander exposuit haec verba sic: quando elementa distabant seorsum, non quidem ab invicem, sed a lite; idest quando lis ab elementis aberat, tempore scilicet quo amicitia dominabatur. Sed quia haec expositio videtur esse extorta, ideo exponenda est, sicut Simplicius dicit: quando elementa distabant seorsum, scilicet ab invicem, et hoc a lite, idest propter litem. Est enim considerandum quod Empedocles ponebat mundum generari non ex sola lite, sed etiam cum admixtione amicitiae. Et sicut ipse per verba Empedoclis probat, ex dominio amicitiae provenit circumgyratio caeli, quia motus caeli quasi omnia convolvit in unum. Et ideo convenienter Aristoteles quaerit, antequam gyratio caeli per amicitiam causaretur, secundum Empedoclem, quae erat causa quietis terrae.

[71320] Sur le De caelo, II, 24, 3. Ensuite quand il dit : Ğ en outre à Empédocle ğ, etc., il rejette en particulier la solution d'Empédocle. Or, il faut considérer qu'Empédocle établissait quatre éléments matériels et deux éléments moteurs, c'est-à-dire la haine et l'amitié, qui, par agrégation et désagrégation d'éléments, sont la cause de la génération et de la corruption du monde, et de tout ce qui est dans le monde. Il dit donc que l'on peut soulever cette question [295a30] contre Empédocle : quand les éléments étaient séparés les uns des autres en raison de la haine, il fallait que la Terre soit immobile (car elle ne s'unissait pas aux autres éléments, tant que durait la domination de la haine) : il faut donc rechercher quelle fut alors la cause du repos de la Terre. Et la rotation du ciel ne peut être avancée comme cause, puisque le ciel n'était pas encore engendré. Il semble donc qu'il ne faut en aucune manière dire que la rotation du ciel est la cause du repos de la Terre. Mais ce raisonnement semble soulever un doute. Car la haine semble être la cause de la génération du monde, en séparant les éléments les uns des autres, et l'amitié la cause de sa corruption, en rassemblant les éléments dans un seul chaos. De ce fait, il semble y avoir maintenant une domination de la haine, parce que les éléments sont distincts les uns des autres. Et c'est pourquoi Alexandre a expliqué ces mots ainsi : quand les éléments étaient distants et séparés, non certes les uns des autres, mais de la haine, c'est-à-dire quand la haine était absente des éléments, à savoir au temps où l'amitié dominait. Mais puisque cette explication semble être forcée, pour cette raison il faut la présenter, comme Simplicius le dit : quand les éléments étaient distants et séparés, à savoir les uns des autres, et cela de la haine, c'est-à-dire à cause de la haine. Car il faut considérer qu'Empédocle établissait que le monde est engendré non par la haine seule, mais aussi avec le concours de l'amitié. Et de même qu'il le prouve lui-même par les mots d'Empédocle, la rotation du ciel provient de la domination de l'amitié, puisque le mouvement du ciel fait en quelque sorte tout tourner en même temps. Et c'est pourquoi Aristote demande à juste titre quelle était la cause de l'immobilité de la Terre, selon Empédocle, avant que la rotation du ciel soit causée par l'amitié.

[71321] In De caelo, lib. 2 l. 24 n. 4 Deinde cum dicit: inconveniens autem etc., improbat rationem quam assignant communiter de motu terrae, tribus rationibus. Circa quarum primam dicit quod inconveniens est non considerare quare, si prius, quando generabatur mundus, partes terrae ferebantur ad medium propter gyrationem caeli, nunc non est talem causam assignare quare, sicut videmus, omnia gravia ferantur ad medium. Gyratio enim caeli simul circumgyrat ignem et superiorem partem aeris, non autem hanc inferiorem aeris partem: et ita illa gyratio non attingit usque ad nos. Videmus enim quod gravia feruntur ad medium et in hoc aere propinquo. Non ergo gyratio caeli debet poni causa motus gravium ad medium: quia remota causa, removetur effectus.

[71321] Sur le De caelo, II, 24, 4. Ensuite quand il dit : Ğ un inconvénient ğ, etc., il rejette la raison qu'ils avançaient communément sur le mouvement de la Terre, pour trois raisons. Concernant la première d'entre elles, il dit qu'il ne convient pas de considérer pourquoi, si auparavant, quand le monde était engendré, les parties de la Terre étaient entraînées vers le milieu en raison de la rotation du ciel, il n'est maintenant pas possible d'avancer une telle cause pour expliquer pourquoi, comme nous le voyons, tous les [295a35] graves sont entraînés vers le milieu. Car la rotation du ciel fait tourner en même temps le feu et la partie supérieure de l'air, mais non cette partie inférieure de l'air ; et ainsi cette rotation ne parvient pas [295b1] jusqu'à nous. Car nous voyons que les graves sont transportés vers le milieu et dans cette partie de l'air proche. Donc on ne doit pas considérer la rotation du ciel comme la cause du mouvement des graves vers le milieu, puisque, une fois la cause écartée, l'effet l'est aussi.

[71322] In De caelo, lib. 2 l. 24 n. 5 Secundam rationem ponit ibi: adhuc autem et ignis et cetera. Et dicit quod considerare oportet propter quam causam ignis feratur sursum. Non enim potest dici quod hoc sit propter gyrationem caeli: non enim ad hoc se extendit exemplum ab eis inductum. Si vero ignis feratur ad aliquem locum propter suam aptitudinem naturalem, manifestum est quod est idem existimare de terra, quae habet contrarietatem ad ignem, ut supra dictum est: contrariorum enim sunt contrarii motus, et si unum contrariorum est naturale, et aliud naturale esse oportet, ut supra dictum est.

[71322] Sur le De caelo, II, 24, 5. Il établit la seconde raison ici : Ğ en outre le feu aussi ğ, etc. Et il dit qu'il faut examiner pour quelle cause le feu est emporté vers le haut. Car il ne faut pas dire que c'est en raison de la rotation du ciel ; l'exemple avancé par eux ne s'étend pas à cela. Or, si le feu est emporté vers un lieu grâce à son aptitude naturelle, il est manifeste qu'il est possible de penser la même chose de la Terre, qui est contraire au feu, comme on l'a dit ci-dessus ; car les mouvements des contraires sont contraires, et si l'un des contraires est naturel, l'autre doit l'être aussi, comme on l'a dit ci-dessus.

[71323] In De caelo, lib. 2 l. 24 n. 6 Tertiam rationem ponit ibi: sed adhuc neque gyratione et cetera. Et dicit quod si quis eorum verba et exempla consideret, non videtur dicendum quod grave distinguatur a levi in corporibus propter ipsam gyrationem caeli; sed praesupposita distinctione gravium et levium, quaedam veniunt ad medium, scilicet gravia, quaedam autem, scilicet levia, conantur sursum ferri, propter motum, inquantum repelluntur a loco medio a corporibus gravibus in ipsum latis. Et sic solum per accidens gyratio caeli causat motum ignis sursum. Quod autem gyratio non distinguat grave et leve, sed eorum distinctionem praesupponat, potest videri ex exemplo quod inducunt: in gyratione enim aeris et liquidorum, ea quae prius erant gravia, feruntur ad medium. Sic igitur antequam esset gyratio caeli, erat grave et leve. Quae secundum aliquid distinguebantur, scilicet secundum aptitudinem ad hoc quod aliquo modo et ad aliquem locum moveantur: nam grave dicitur aliquid vel leve, propter inclinationem ad aliquem motum localem. Et ita gyratio non est causa quare levia moventur sursum, vel gravia deorsum. Poterant autem hi distinguere grave et leve, et loca eorum, quae sunt sursum et deorsum, quia non ponebant universum esse infinitum: non enim impossibile est distinguere sursum vel deorsum, si apud istos distinguitur grave et leve, sicut dictum est. Et quia aliqui ponebant universum infinitum, scilicet Anaximenes et Xenophanes, ideo signanter dicit quod plurimi, non autem omnes, sunt detriti, idest consueti et exercitati, circa istas causas motus et quietis gravium et levium.

[71323] Sur le De caelo, II, 24, 6. Il établit la troisième raison ici : Ğ mais en outre ni par la rotation ğ, etc. Et il dit que, si l'on considère leurs propos et leurs exemples, il ne semble pas qu'il faille dire que le lourd se distingue du léger parmi les corps en raison de la rotation du ciel elle-même, mais que, une fois cette distinction entre les lourds et les légers supposée [295b5], certains corps viennent au milieu, à savoir les graves, et que d'autres, à savoir les légers, tentent de se déplacer vers le haut, en raison du mouvement, dans la mesure où ils sont repoussés du lieu central par les corps lourds transportés à cet endroit. Et ainsi c'est seulement par accident que la rotation du ciel cause le mouvement du feu vers le haut. On peut voir par cet exemple avancé par eux que la rotation ne distingue pas le lourd et le léger, mais présuppose leur distinction : car dans la rotation de l'air et des liquides ce qui était d'abord lourd est entraîné vers le milieu. Ainsi donc avant que la rotation du ciel ait lieu, il y avait le lourd et le léger. Ces derniers se distinguaient selon un critère, à savoir selon leur aptitude à se déplacer d'une certaine manière et vers un certain lieu ; car un corps est appelé lourd ou léger en raison de son inclinaison vers un mouvement local. Et ainsi la rotation n'est pas la cause pour laquelle les corps légers se déplacent vers le haut, ou les lourds vers le bas. Or, ceux-ci pouvaient distinguer le lourd et le léger, ainsi que leurs lieux, qui sont le haut et le bas, puisqu'ils n'établissaient pas que l'univers est infini : car il n'est pas impossible de faire de différence entre le haut et le bas, si chez eux le lourd et le léger sont différenciés, comme on l'a dit. Et puisque quelques uns établissaient que l'univers est infini, à savoir Anaximène et Xénophane, pour cette raison il dit clairement qu'Ğ un très grand nombre ğ, mais non pas tous, sont Ğ usés ğ, c'est-à-dire habitués et exercés aux causes du mouvement et du repos des corps lourds et légers.

 

 

Lectio 25

Leçon 25 – [Suite]

[71324] In De caelo, lib. 2 l. 25 n. 1 Praemissa quarta solutione, secundum quam sumebatur ratio quietis terrae ex violentia gyrationis caeli, hic ponit quintam solutionem, secundum quam assignatur ratio quietis terrae ex simili habitudine caeli ad terram ex omni parte. Et primo assignat hanc rationem; secundo improbat eam, ibi: hoc autem dicitur et cetera. Dicit ergo primo quod quidam dixerunt terram quiescere in medio propter similitudinem, idest similem eius habitudinem ad omnem partem caeli. Et hoc inter antiquos dixit Anaximander. Per quod dat intelligere quod etiam aliquibus sui temporis hoc videbatur. Dicitur enim Plato hoc posuisse: sed tamen Aristoteles hoc ei non imponit, quia supra ei imposuerat quod moveretur in medio circa axem mundi. Ideo autem dicebant terram propter similitudinem manere, quia nulla est ratio quare id quod est in medio collocatum, magis moveatur sursum vel deorsum, aut versus alias plagas caeli, cum similiter se habeat undique ad extrema; impossibile est autem quod simul moveatur ad contrarias partes; ergo relinquitur quod ex necessitate quiescat in medio.

[71324] Sur le De caelo, II, 25, 1. Après avoir présenté la quatrième solution, qui tirait la raison du repos de la Terre de la violence de la rotation du ciel, il établit ici la cinquième raison, qui l'attribue à la similitude entre la Terre et le ciel de toutes parts. Et premièrement il présente ce raisonnement ; deuxièmement il le rejette, ici : Ğ cela est dit ğ, etc. [295b10] Il dit donc premièrement que certains ont affirmé que la Terre est immobile au milieu en raison de sa Ğ similitude ğ, c'est-à-dire de son état semblable à toute partie du ciel. Et c'est ce qu'a dit Anaximandre parmi les Anciens. Cela permet de comprendre que cette idée semblait juste à certains savants de leur temps aussi. Car on dit que Platon l'a établie ; mais pourtant Aristote ne la lui a pas attribuée, puisqu'il lui avait attribué ci-dessus l'idée qu'elle se déplaçait au milieu autour de l'axe du monde. Ils disaient que la Terre demeurait en raison de sa similitude, puisqu'il n'y a aucune raison pour laquelle ce qui est placé au milieu se déplace plus vers le haut ou vers le bas, ou bien vers d'autres régions du ciel, comme elle est semblable de toute part aux extrémités ; or, il est [295b10] impossible qu'elle se déplace en même temps vers des parties opposées ; il en résulte qu'elle est nécessairement immobile au milieu.

 

 

[71325] In De caelo, lib. 2 l. 25 n. 2 Deinde cum dicit: hoc autem dicitur etc., improbat praedictam rationem. Et primo ex hoc quod ratio non est necessaria; secundo ex hoc quod supponit falsum, ibi: sed adhuc neque verum quod dicitur et cetera. Dicit ergo primo quod id quod dictum est, videtur persuasibiliter dici, non tamen vere. Et hoc probat quatuor rationibus. Quarum prima est quia, secundum praedictam rationem, necessarium esset quiescere omne quod ponitur in medio (et sic sequeretur quod etiam ignis, si poneretur in medio, quiesceret; quod patet esse falsum): quia id quod assignatur pro causa quietis, scilicet esse in medio, non accipitur ut proprium terrae; cum tamen effectus, scilicet quiescere in medio, sit proprium terrae.

[71325] Sur le De caelo, II, 25, 2. Ensuite, quand il dit : Ğ or on dit ğ, etc., il rejette la raison déjà mentionnée. Et premièrement parce que cette raison n'est pas nécessaire ; deuxièmement parce qu'elle suppose une erreur, ici : Ğ mais en outre ni la vérité qui est dite ğ, etc. Il dit donc premièrement que ce qui est dit semble l'être pour persuader, mais non pour dire la vérité. Et il le prouve par quatre raisons. La première d'entre elles est que, selon la raison déjà présentée, il serait nécessaire que tout ce qui est placé au milieu soit immobile (et ainsi il s'ensuivrait que même le feu, s'il était placé au milieu, serait immobile, ce qui est évidemment faux), puisque ce qui est avancé comme cause du repos, à savoir le fait d'être au milieu, n'est pas considéré comme propre à la Terre, alors que pourtant l'effet, à savoir être immobile au milieu, lui est propre.

[71326] In De caelo, lib. 2 l. 25 n. 3 Secundam rationem ponit ibi: sed et non necessarium et cetera. Et dicit quod non est necessarium dicere quod terra quiescat in medio propter similitudinem, cum inveniatur alia convenientior causa. Terra enim non solum videtur quiescere in medio, sed etiam ferri ad medium, etsi non secundum se totam, tamen secundum suas partes. Eadem enim est ratio de motu totius et partis: quocumque enim fertur pars eius, fertur de necessitate et totum, si extra suum locum esset. Ubi autem fertur secundum naturam, ibi et quiescit secundum suam naturam. Sic ergo patet quod terra quiescit in medio propter suam naturam, et non propter hoc quod similiter se habeat ad extrema: quia hoc potest esse commune omnibus, ut ponantur in medio; sed naturaliter ferri ad medium est proprium terrae.

[71326] Sur le De caelo, II, 25, 3. Il établit la seconde raison ici : Ğ mais aussi il n'est pas nécessaire ğ, etc. Et il dit qu'il n'est pas nécessaire de dire que la Terre est immobile au milieu en raison de la similitude, alors que l'on trouve une cause plus convenable. Car [295b20] la Terre semble non seulement être immobile au milieu, mais aussi se déplacer vers le milieu, bien que non pas tout entière, mais en partie. En effet, le raisonnement est le même pour le mouvement du tout et de la partie ; car quel que soit l'endroit où une partie se déplace, le tout se déplace nécessairement aussi, s'il est en dehors de son lieu. Or, là où elle est emportée suivant sa nature, elle y est aussi immobile suivant sa nature. Ainsi donc il apparaît que la Terre est immobile au milieu suivant sa nature, et non parce qu'elle est placée de façon semblable par rapport aux extrémités, puisque tous les corps peuvent être placés au milieu ; [295b25] mais il est propre à la Terre d'y être naturellement transportée.

[71327] In De caelo, lib. 2 l. 25 n. 4 Tertiam rationem ponit ibi: inconveniens autem etc.; quae ostendit etiam insufficientiam huius rationis. Et dicit quod inconveniens est quaerere propter quid terra quiescat in medio, et non quaerere quare ignis quiescat in extremo. Si enim ignis quiescit ibi, quia locus extremus naturaliter convenit ei, eadem ratione dicendum est quod terra habeat quendam locum naturalem in quo quiescat. Si enim hic locus qui est medius, non sit locus in quo naturaliter quiescit, sed manet in medio propter necessitatem similitudinis, restat eis quaerere quare ignis maneat in extremis. Et ponit exempla de quiete terrae in medio, secundum quasdam rationes sophistarum, qui probare videbantur quod si trichos, idest capillus, fortiter extendatur, quod non frangetur; quia similiter undique extenditur, et non est ratio quare magis frangatur in uno loco quam in alio. Sed haec ratio sophistica est: primo quidem quia difficile est ut similiter sit undique extensus; secundo quia, hoc etiam posito, frangetur in medio, quia ibi concurrit violentia quae ex utraque parte infertur. Aliud exemplum ponit de eo qui aequaliter esurit et sitit, et habet cibum et potum in aequali distantia: concludunt enim sophistae quod talis quiesceret, et ad neutrum moveretur. Sed hoc non sequitur: primo quidem quia sitis magis agit quam fames; secundo quia, si aequaliter distarent duo cibi vel duo potus aequaliter desiderabiles, curreret ad alterum quodcumque contingeret.

[71327] Sur le De caelo, II, 25, 4. Il présente la troisième raison ici : Ğ or, cela ne convient pas ğ, etc. ; cette raison montre aussi l'insuffisance de ce raisonnement. Et il dit qu'il ne convient pas de rechercher pour quelle raison la Terre est au repos au milieu sans rechercher pourquoi le feu est immobile aux extrémités. En effet si le feu est immobile ici, puisque le lieu extrême lui convient naturellement, il faut dire pour la même raison que la Terre a un lieu naturel où être immobile. En effet si le lieu qui est au milieu n'est pas celui où elle est naturellement au repos, [295b30] mais qu'elle demeure au milieu en raison de la nécessité de la similitude, il leur reste à chercher pourquoi le feu demeure aux extrémités. Et il donne comme exemple au repos de la Terre au milieu certains raisonnements des sophistes, qui semblaient prouver que si un Ğ trichos ğ, c'est-à-dire un cheveu, est tiré fortement, il ne se casse pas, puisqu'il est tiré de la même manière de toute part, et il n'a pas de raison de se casser à un endroit plutôt qu'à un autre. Mais ce raisonnement est un sophisme : premièrement puisqu'il est difficile de le tirer de toute part de la même manière ; deuxièmement parce que, même si cela était établi, il se casserait au milieu, puisque la violence qui est produite des deux côtés se rencontre à cet endroit. Il prend un autre exemple, celui d'un homme qui a aussi faim que soif et qui a à manger et à boire à une égale distance : les sophistes en concluent qu'un tel homme resterait immobile et qu'il n'irait ni d'un côté ni de l'autre. Mais ce n'est pas logique, premièrement parce que la soif est plus forte que la faim ; deuxièmement parce que, si deux aliments ou deux boissons également désirables étaient à égale distance, il courrait à l'une quelle qu'elle soit.

[71328] In De caelo, lib. 2 l. 25 n. 5 Quartam rationem ponit ibi: mirabile autem etc.; quae etiam ostendit insufficientiam praedictae rationis. Et dicit quod mirabile fuit quod quaerebant rationem quietis corporum, et non quaerebant rationem motuum ipsorum; propter quam scilicet causam unum corporum movetur sursum, aliud vero deorsum, si non sit aliquid impediens; natura enim est principium motus et quietis in eo in quo est, ut dicitur in II Physic.

[71328] Sur le De caelo, II, 25, 5. Il établit la quatrième raison ici : Ğ or il est étonnant ğ, etc. ; cette raison montre aussi l'insuffisance du raisonnement déjà présenté. [296a1] Et il dit qu'il était étonnant qu'ils recherchent la raison du repos des corps sans rechercher celle des mouvements mêmes, à savoir pour quelle cause un corps se déplace vers le haut et un autre vers le bas, si rien ne les en empêche ; car la nature est le principe du mouvement et du repos pour le corps où elle est, comme le dit le livre II de la Physique.

[71329] In De caelo, lib. 2 l. 25 n. 6 Deinde cum dicit: sed adhuc neque verum quod dicitur etc., improbat praedictam rationem ex eo quod supponit falsum. Et dicit quod id quod dicitur in praedicta ratione, non est verum per se et universaliter: est enim hoc verum per accidens, quod omne, idest totum; necesse est manere in medio, ad quod nihil magis pertinet quod moveatur huc quam illuc. Sed si habeat inclinationem ut moveatur ad aliquam partem, propter hanc rationem, quia scilicet est in medio, non ex necessitate quiescet, sed movebitur; non tamen secundum totum, sed divisum in partes, sicut patet de igne. Si enim verum est quod dicunt, necesse est quod, si poneretur ignis in medio mundi, quod quiesceret ibi, sicut terra quiescit, eo quod similiter se haberet ad quodlibet punctum in caelo signatum: et tamen ignis in medio positus moveretur a medio usque ad extremum, si nihil prohiberet, sicut et nunc videtur moveri. Sed tamen non totum movetur ad unum punctum: et hoc solum removebatur in praedicta ratione, ut scilicet totum moveretur ad unam partem. Sed movebitur unaquaeque pars ignis ad partem caeli sibi proportionatam, puta quarta pars ignis ad quartam partem continentis, scilicet caeli: corpus enim non est aliquod punctum indivisibile. Sicut autem partes terrae, si essent dispersae circa extremum caeli, condensarentur, ad hoc quod venirent in minorem locum, scilicet in medium, sic oporteret e converso: quia si ignis moveretur a medio usque ad extremum, oporteret quod per rarefactionem ex parvo loco moveretur ad locum maiorem.

[71329] Sur le De caelo, II, 25, 6. Ensuite quand il dit : Ğ mais en outre ce qui est dit n'est pas vrai ğ, etc., il rejette le raisonnement déjà mentionné du fait qu'il le suppose faux. Et il dit que ce qui est dit dans le raisonnement déjà mentionné n'est pas vrai en soi et universellement : car il est vrai par accident [296a5] que Ğ tout ğ, c'est-à-dire son corps tout entier, demeure nécessairement au milieu, ce qui n'a nul rapport avec le fait qu'il se déplace ici plutôt que là. Mais s'il était enclin à se déplacer d'un côté, pour cette raison, à savoir qu'il est au milieu, il ne serait pas nécessairement immobile, mais se déplacerait, non cependant en totalité, mais divisé en parties, comme le montre le feu. En effet, si ce qu'ils disent est vrai, il est nécessaire que, si le feu était placé au milieu du monde, il y soit immobile, comme la Terre, [296a10] étant donné qu'il serait situé de façon identique par rapport à n'importe quel point indiqué dans le ciel ; et pourtant le feu placé au milieu se déplacerait du milieu jusqu'à l'extrémité, si rien ne l'en empêchait, comme on le voit aujourd'hui aussi se déplacer. Mais pourtant il ne se déplace pas tout entier vers un seul point ; et ce point seul était écarté dans le raisonnement précédent, à savoir que la totalité se déplace d'un seul côté. Mais chaque partie du feu se déplacera vers une partie du ciel en proportion [296a15] avec elle, par exemple le quart du feu vers le quart du Ğ contenant ğ, c'est-à-dire du ciel ; car un corps n'est pas un point indivisible. Or de même que les parties de la Terre, si elles étaient dispersées vers l'extrémité du ciel, se condenseraient, pour venir dans un lieu plus petit, à savoir le milieu, il faudrait que ce soit l'inverse, puisque si le feu se déplaçait du milieu à l'extrémité, il faudrait qu'il se déplace d'un lieu restreint vers un lieu plus grand en se raréfiant.

[71330] In De caelo, lib. 2 l. 25 n. 7 Et sic cessat obiectio, qua posset aliquis resistere supradictis, dicens impossibile esse quod singulae partes ignis ferrentur ad singulas partes caeli, propter hoc quod locus extremus excedit locum medium in quantitate. Sed hoc removetur, quia ignis per rarefactionem extenderetur in maiorem locum. Et ex hoc concludit quod, si locus medius non esset naturalis terrae, quod propter rationem similitudinis hoc modo moveretur a medio versus extremum, quod singulae partes eius moverentur ad singulas partes extremi, sicut de igne dictum est. Ultimo autem epilogat, dicens fere haec esse omnia quae antiqui suspicati sunt circa figuram terrae et locum ipsius, et motum eius vel quietem.

[71330] Sur le De caelo, II, 25, 7. Et ainsi prend fin l'objection qui permettrait de résister aux propos tenus ci-dessus, en disant qu'il est impossible que chaque partie du feu soit transportée vers chaque partie du ciel, parce que le lieu extrême dépasse le lieu central en dimension. Mais cette idée est écartée parce que le feu s'étendrait dans un lieu plus grand en se raréfiant. Et il en conclut que, si le lieu central n'était pas naturel à la Terre, en vertu du raisonnement de la similitude, [296a20] elle se déplacerait de cette manière du milieu vers l'extrémité, et que chacune de ses parties se déplacerait vers chaque partie de l'extrémité, comme on l'a dit du feu. Enfin il conclut, en disant que c'est presque tout ce que les Anciens ont conjecturé sur la forme de la Terre et son emplacement, ainsi que sur son mouvement ou sur son repos.

 

 

Lectio 26

Leçon 26 – [L’opinion d’Aristote sur la terre]

[71331] In De caelo, lib. 2 l. 26 n. 1 Postquam philosophus prosecutus est aliorum opiniones de terra, hic determinat de ea secundum veritatem. Et primo determinat de loco et quiete terrae; secundo de figura ipsius, ibi: figuram autem habere sphaericam et cetera. Circa primum duo facit: primo determinat veritatem per rationes naturales; secundo per signa astrologica, ibi: testificantur autem his et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit quod impossibile est terram moveri; secundo ex praemissis assignat veram rationem quietis terrae, ibi: adhuc autem palam et cetera. Circa primum tria facit. Primo dicit de quo est intentio, scilicet quod primo dicendum est utrum terra habeat motum vel quiescat. Ex motu enim debemus accedere ad alia quae sunt circa terram consideranda; et ideo hoc primo ponit, ut assumat hoc tanquam principium ad sequentia. Secundo, ibi: quemadmodum enim diximus etc., assignat necessitatem praedictae inquisitionis. Sicut enim supra dictum est, quidam, scilicet Pythagorici, posuerunt eam moveri circa medium mundi, ac si esset una stellarum; alii vero, sicut in Timaeo scribitur, ponentes terram esse in medio, dicunt eam revolvi circa medium Poli, idest circa axem dividentem caelum per medium.

[71331] Sur le De caelo, II, 26, 1. Après que le philosophe s'est attaché à présenter les opinions des autres savants sur la Terre, il traite ici de cette dernière selon la vérité. Et il traite premièrement de son emplacement et de son repos, deuxièmement de sa forme, ici : Ğ or avoir une forme sphérique ğ, etc. Sur le premier point, il fait deux choses : il détermine premièrement la vérité par des raisons naturelles, deuxièmement par des preuves astronomiques, ici : Ğ or ils témoignent par cela ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : il montre premièrement qu'il est impossible que la Terre se déplace ; il présente deuxièmement la vraie raison de l'immobilité de la Terre, d'après les prémisses, ici : Ğ en outre ouvertement, etc. ğ Concernant le premier point, il fait trois choses. Il dit premièrement ce sur quoi porte son intention, à savoir qu'il faut dire en premier lieu si la Terre a un mouvement ou est immobile. Car à partir du mouvement nous devons accéder aux autres choses qui doivent être considérées sur la Terre ; et c'est pourquoi il établit premièrement qu'il le prend comme le principe de ce qui suit. Deuxièmement, ici : Ğ car de même que nous avons dit ğ, etc., il expose la nécessité de la recherche précédente. [295a25] Car tout comme on l'a dit ci-dessus, certains, à savoir les Pythagoriciens, ont établi qu'elle se déplaçait autour du milieu du monde, comme si elle était une étoile ; mais d'autres, comme il est écrit dans le Timée, considérant que la Terre est au milieu, disent qu'elle tourne autour du Ğ milieu du Pôle ğ, c'est-à-dire autour de l'axe divisant le ciel par le milieu.

[71332] In De caelo, lib. 2 l. 26 n. 2 Tertio, ibi: quod autem est impossibile etc., ostendit quod impossibile est terram sic moveri, quatuor rationibus. In quarum prima accipit hoc pro principio, quod si terra movetur circulariter, sive existens in medio mundi sive extra medium mundi, necesse est quod talis motus sit ei violentus. Manifestum est enim quod motus circularis non est proprius et naturalis motus terrae: quia si esset ei hic motus naturalis, oporteret quod quaelibet particula eius haberet hunc motum, quia idem est motus naturalis totius et partis, ut supra dictum est; hoc autem videmus esse falsum, nam omnes partes terrae moventur motu recto versus medium mundi. Si vero motus terrae circularis sit violentus et praeter naturam, non potest esse sempiternus: quia, sicut in praecedenti habitum est, nullum violentum est sempiternum. Sed si terra movetur circulariter, necesse est quod talis motus sit sempiternus, supposito quod mundus sit aeternus, secundum eius opinionem: quia secundum hoc oportet quod ordo mundi sit sempiternus, motus autem vel quies partium principalium mundi pertinet ad ordinem ipsius. Sic ergo sequitur quod terra non movetur circulariter.

[71332] Sur le De caelo, II, 26, 2. Troisièmement ici : Ğ qu'il est impossible ğ, etc., il montre qu'il est impossible que la Terre se déplace ainsi, pour quatre raisons. Dans la première d'entre elles il accepte pour principe que, si la Terre se déplace circulairement, en étant soit au milieu du monde, soit en dehors, il est nécessaire qu'un tel mouvement soit violent pour elle. [296a30] Car il est manifeste que le mouvement circulaire n'est pas le mouvement propre et naturel de la Terre, puisque, si ce mouvement était naturel pour elle, il faudrait que n'importe laquelle de ses parcelles ait ce mouvement, étant donné que le mouvement naturel du tout et de la partie est le même, comme on l'a dit ci-dessus ; or nous voyons que c'est faux, car toutes les parties de la Terre se déplacent de façon rectiligne vers le milieu du monde. Or si le mouvement circulaire de la Terre est violent et contre-nature, il ne peut être éternel, puisque, comme on l'a considéré dans le livre précédent, aucun mouvement violent n'est éternel. Mais si la Terre se déplace circulairement, il est nécessaire qu'un tel mouvement soit éternel, après que l'on a supposé que le monde est éternel, selon son opinion : puisque, suivant cela, il faut que l'ordre du monde soit éternel, et que le mouvement ou le repos des parties principales du monde concerne son ordre. Ainsi donc il s'ensuit que la Terre ne se déplace pas circulairement.

[71333] In De caelo, lib. 2 l. 26 n. 3 Secundam rationem ponit ibi: adhuc omnia etc.; quae talis est. Omnia corpora quae circulariter moventur, videntur esse haesitantia, idest non semper uniformem situm habentia, ex eo quod quodlibet eorum movetur pluribus motibus et non uno solo, excepta prima sphaera, quae movetur uno motu: et haec, secundum ipsum, est sphaera stellarum fixarum. Si ergo terra habet motum circularem, sive in medio existens sive extra medium, oportet quod moveatur pluribus motibus, scilicet motu primae sphaerae circa polos aequinoctialis, et aliquo alio motu proprio circa polos zodiaci. Quod non potest esse: quia si hoc esset, contingeret fieri mutationes et versiones stellarum fixarum per respectum ad terram, quae propter proprium motum suum deficeret, et non rediret ad idem punctum simul cum stella fixa, vel ipsa tota terra vel aliqua pars eius signata, sicut accidit de planetis; et ita sequeretur quod stellae fixae non semper viderentur oriri et occidere secundum eandem partem terrae. Quod non accidit, sed semper oriuntur et occidunt secundum eadem loca designata. Non ergo terra circulariter movetur.

[71333] Sur le De caelo, II, 26, 3. Il établit la deuxième raison ici : Ğ en outre tous ğ, etc., qui est la suivante. Tous les corps qui se déplacent [296a35] circulairement semblent être Ğ hésitants ğ, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas toujours un emplacement uniforme, parce que n'importe lequel d'entre eux [296b1] se déplace de plusieurs mouvements et non d'un seul, à l'exception de la première sphère, qui se déplace d'un seul mouvement ; et c'est, selon lui, la sphère des étoiles fixes. Donc si la Terre a un mouvement circulaire, soit en étant au milieu, soit en dehors, il faut qu'elle se déplace de plusieurs mouvements, à savoir du mouvement de la première sphère autour des pôles de l’équateur, et d'un autre mouvement qui lui est propre autour des pôles du zodiaque. Et c’est impossible, puisque si cela était, les étoiles fixes seraient susceptibles de changer et de tourner par rapport à la Terre, qui se détacherait de son propre mouvement et que la Terre elle-même toute entière, ou bien une de ses parties précise ne reviendrait pas au même point en même temps que l'étoile fixe, comme il arrive aux planètes ; et ainsi il s'ensuivrait que les étoiles fixes ne sembleraient pas toujours se lever et se coucher au même endroit de la Terre. Et cela n'arrive pas, mais elles se lèvent et se couchent toujours aux mêmes lieux désignés. Donc la Terre ne se déplace pas circulairement.

[71334] In De caelo, lib. 2 l. 26 n. 4 Tertiam rationem ponit ibi: adhuc autem latio etc., quae quidem procedit ex motu partium terrae et totius. Unde circa hoc tria facit: primo proponit qualis sit motus naturalis terrae et partium eius; secundo circa hoc movet quandam dubitationem, ibi: hoc enim utique etc.; tertio concludit quod intendit. Dicit ergo primo quod motus partium terrae, secundum suam naturam, est ad medium mundi totius; et similiter, si tota terra esset extra medium mundi, moveretur ad medium mundi secundum suam naturam, quia idem est motus naturalis totius et partis.

[71334] Sur le De caelo, II, 26, 4. Il établit la troisième raison ici : Ğ en outre la translation ğ, etc., laquelle procède du mouvement des parties de la Terre et du tout. À partir de là, il fait trois choses : premièrement il expose quel est le mouvement naturel de la Terre et de ses parties ; deuxièmement il soulève une question sur ce point, ici : Ğ car cela de toute façon ğ, etc. ; troisièmement il conclut sur ce qu'il visait. Il dit donc premièrement que le mouvement des parties de la Terre, en suivant sa nature, est d'aller vers le milieu du monde entier ; et, de la même façon, si toute la Terre était en dehors du milieu du monde, elle se déplacerait vers ce milieu en suivant sa nature, puisque le mouvement naturel du tout et de la partie est le même.

[71335] In De caelo, lib. 2 l. 26 n. 5 Deinde cum dicit: hoc enim utique etc., movet circa hoc quandam dubitationem. Et primo proponit ipsam: et dicit quod si ponatur quod terra sit in medio mundi vel centro, hoc modo quod idem sit centrum totius mundi et ipsius terrae, potest dubitari ad quod horum moveantur secundum naturam corpora gravia, et specialiter partes terrae; utrum videlicet ad medium ea ratione qua est medium mundi, vel ea ratione qua est medium terrae. Secundo ibi: necesse itaque etc., solvit dubitationem, dicens necessarium esse quod corpora gravia moveantur ad medium, ea ratione qua est medium totius mundi. Motus enim gravium contrariatur motui levium; sed corpora levia, et specialiter ignis, moventur ad extremum caelestis corporis; ergo corpora gravia, et specialiter terra, moventur ad medium mundi. Sed quia accidit quod idem sit medium terrae et medium mundi, consequens est quod partes terrae moveantur ad medium terrae, non per se sed per accidens, prout scilicet idem est subiecto medium terrae et medium mundi; sicut si cognosco Coriscum, per accidens cognosco venientem, quia Coriscus est veniens.

[71335] Sur le De caelo, II, 26, 5. Ensuite, quand il dit : Ğ car cela de toute façon ğ, etc., il soulève une question portant sur ce point. Et il commence par la poser : et il dit que si l'on établissait que la Terre est au milieu du monde ou au centre, de telle manière que le centre du monde tout entier et celui de la Terre elle-même [296b10] sont identiques, on peut se demander vers lequel d'entre eux les corps lourds se déplacent en suivant leur nature, et en particulier les parties de la Terre, si évidemment c'est vers le milieu dans le sens où c'est le milieu du monde, ou dans le sens où c'est le milieu de la Terre. Deuxièmement ici : Ğ c'est pourquoi nécessairement ğ, etc., il résout la difficulté, en disant qu'il est nécessaire que les corps lourds se déplacent vers le milieu, dans le sens où il s'agit du milieu du monde entier. Car le mouvement des corps lourds est opposé au mouvement des corps légers ; mais les corps légers, et spécialement le feu, se déplacent vers l'extrémité [296b15] du corps céleste ; par conséquent les corps lourds, et spécialement la Terre, se déplacent vers le milieu du monde. Mais puisqu'il arrive que le milieu de la Terre et celui du monde sont les mêmes, il s'ensuit que les parties de la Terre se déplacent vers son milieu, non en soi, mais par accident, dans la mesure où le milieu de la Terre et celui du monde sont en sujet les mêmes, tout comme, si je connais Coriscus, je connais par accident quelqu'un qui vient, puisque Coriscus est quelqu'un qui vient.

[71336] In De caelo, lib. 2 l. 26 n. 6 Tertio ibi: quoniam autem fertur etc., probat quod supposuerat, scilicet quod corpora gravia et partes terrae moventur ad medium. Et dicit huius signum esse, quod corpora gravia feruntur naturaliter versus terram non iuxta invicem, idest non secundum aeque distantes lineas, quae nunquam concurrunt, sed ad similes angulos, idest ad rectos angulos respectu superficiei vel lineae contingentis superficiem terrae; et hoc ex quacumque parte corpus grave movetur usque ad terram. Et huius signum est quod, si columna in quacumque parte terrae non statuatur secundum rectos angulos, sed inclinationem habens, cadet versus illam partem ex qua facit angulum acutum. Est autem probatum in III Euclidis quod, si aliqua linea contingat circulum, et protrahatur alia linea recta perpendiculariter super lineam contingentem in loco contactus, necesse est lineam illam, si protrahatur, transire centrum circuli. Et sic patet quod omnia corpora gravia moventur versus centrum terrae; ita quod, si non esset aliquid impediens, ex diversis partibus mota concurrerent in centro terrae; propter hoc quod quodlibet eorum moveretur secundum lineam rectam perpendiculariter cadentem super lineam contingentem, et in loco contactus. Et sic oportet quod omnia corpora gravia ferantur ad unum medium totius mundi et terrae.

[71366] Sur le De caelo, II, 26, 6. Troisièmement ici : Ğ or puisqu'est emporté ğ, etc., il prouve ce qu'il avait supposé, à savoir que les corps lourds et les parties de la Terre se déplacent vers le milieu. Et il dit que la preuve en est que les corps lourds sont emportés naturellement vers la Terre [296b20] Ğ non pas les uns à côté des autres ğ, c'est-à-dire non pas selon des lignes également distantes qui ne se rencontrent jamais, mais Ğ à angles semblables ğ, c'est-à-dire en faisant des angles droits avec la surface ou la ligne qui touche la surface de la Terre ; et grâce à ce principe un corps lourd se déplace de n'importe quel endroit jusqu'à la Terre. Et la preuve en est que, si une colonne n'était pas dressée à angles droits sur n'importe quelle partie de la Terre, mais en étant inclinée, elle tomberait du côté où elle forme un angle aigu. Or il est prouvé dans le livre III d'Euclide que, si une ligne droite est tangente à un cercle et qu'une autre ligne droite est tracée perpendiculairement à la ligne qui le touche à l'endroit de l'intersection, il est nécessaire que cette ligne, si elle est prolongée, traverse le centre du cercle. Et ainsi il est évident que tous les corps lourds se déplacent vers le centre de la Terre ; et c'est ainsi que, s'il n'y avait pas d’obstacle, les corps qui partent de différents endroits se rassembleraient au centre de la Terre, parce que n'importe lequel d'entre eux se déplacerait en suivant une ligne droite qui tombe sur la tangente, et à l'endroit de l'intersection. Et ainsi il faut que tous les corps lourds se dirigent vers l’unique milieu du monde entier et de la Terre.

[71337] In De caelo, lib. 2 l. 26 n. 7 Deinde cum dicit: manifestum igitur etc., concludit propositum. Et infert duas conclusiones. Quarum prima est quod terra sit in medio mundi. Quod quidem concluditur sic ex praemissis. Omnia corpora gravia moventur per se ad medium mundi; omnia etiam moventur ad medium terrae, ut probatum est; ergo medium terrae est medium mundi. Et ita terra est in medio mundi. Secunda conclusio est quod terra sit immobilis. Quod quidem concluditur ex praemissis sic. Nihil movetur in loco ad quem naturaliter movetur, quia ibi naturaliter quiescit; sed terra naturaliter movetur ad medium mundi; ergo non movetur in medio. Non est autem nisi in medio mundi, ut probatum est; ergo terra nullo modo movetur.

[71337] Sur le De caelo, II, 26, 7. Ensuite quand il dit : Ğ il est donc manifeste ğ, etc., il conclut la proposition. Et il avance deux conclusions. La première d'entre elles est que la Terre est au milieu du monde. Il le conclut à partir des prémisses, de la façon suivante. Tous les corps lourds se déplacent d'eux-mêmes vers le milieu du monde ; tous se déplacent aussi vers le milieu de la Terre, comme on l'a prouvé ; donc le milieu de la Terre est le milieu du monde. Et ainsi la Terre est au milieu du monde. La seconde conclusion est la Terre est immobile. Il le conclut à partir des prémisses, de la façon suivante. Rien ne se déplace dans le lieu vers lequel il se déplace naturellement, puisqu'il y est naturellement au repos ; mais la Terre se déplace naturellement vers le milieu du monde ; donc elle ne se déplace pas dans le milieu. Or elle ne se trouve qu'au milieu du monde, comme on l'a prouvé ; donc la Terre ne se déplace en aucune manière.

[71338] In De caelo, lib. 2 l. 26 n. 8 Quartam rationem ponit ibi: et quia vi proiecta et cetera. Videmus enim quod, si lapis superpositus alicui tabulae, proiiciatur sursum in directum, et iterum cadat secundum eandem rectitudinem, secundum quam sursum motus est; si tabula non moveatur, cadet lapis in eundem locum ubi prius erat; si autem tabula moveatur, cadet lapis in alium locum, tanto magis distantem, quanto magis lapis fuerit in altum proiectus; quia secundum hoc erit maius tempus inter principium proiectionis et terminum casus. Videmus autem quod gravia proiecta sursum secundum regulam, idest secundum rectam lineam, iterum revertuntur in eundem locum terrae unde fuerunt proiecta. Et ne aliquis dicat quod accidit propter tarditatem motus terrae, quod imperceptibilis est distantia utriusque loci; subiungit quod hoc idem accidit, si infinities, una vice post aliam, aliquis proiiciat lapidem sursum; ita scilicet quod magnitudo temporis faciat distantiam locorum esse perceptibilem. Et ita patet quod terra non movetur. Deinde epilogando concludit manifestum esse ex praemissis quod terra neque movetur, neque habet situm extra medium mundi.

[71338] Sur le De caelo, II, 26, 8. Il établit la quatrième raison ici : Ğ et puisque projetés par une force ğ, etc. Car nous voyons que, si une pierre posée sur une table est lancée vers le haut en ligne droite, elle tombe aussi de nouveau suivant la même ligne droite selon laquelle elle a été déplacée vers le haut ; que, si la table ne bouge pas, la pierre tombe au même endroit où elle se trouvait avant ; mais que, si la table est déplacée, la pierre tombe à un autre endroit, d'autant plus éloigné que la pierre a été projetée plus haut, puisque, suivant ce principe, le temps entre le début du jet et le terme de la chute sera plus long. Or nous voyons que les corps lourds projetés vers le haut Ğ selon une règle ğ, c'est-à-dire en ligne droite, reviennent de nouveau au même endroit de la Terre d'où ils furent projetés. Et de peur que l'on dise qu'en raison de la lenteur du mouvement de la Terre la distance entre les deux lieux n’est pas susceptible d’être perçue, il ajoute que cette même chose arrive si [296b25] quelqu'un lance une pierre vers le haut un nombre de fois infini, l'une après l'autre ; et c'est ainsi que la longueur du temps fait en sorte que la distance entre les lieux soit perceptible. Et ainsi il est évident que la Terre ne se déplace pas. Ensuite, en guise d'épilogue, il conclut qu'il est évident, d'après les prémisses, que la Terre ne se déplace pas et ne se situe pas en dehors du milieu du monde.

[71339] In De caelo, lib. 2 l. 26 n. 9 Deinde cum dicit: adhuc autem palam etc., assignat causam quietis terrae. Et dicit quod ex praemissis manifestum est quae sit causa quietis eius. Sicut enim dictum est, terra naturaliter nata est ferri ex omni parte ad medium, sicut sensibiliter apparet (et similiter ad sensum apparet quod ignis naturaliter movetur a medio mundi ad extremum). Unde sequitur quod nulla particula terrae, vel parva vel magna, potest moveri a medio, nisi per violentiam: sicut enim in primo habitum est, unius corporis est unus motus naturalis, et simplex motus simplicis corporis, non autem possunt esse uni corpori simplici duo motus contrarii naturales; motus autem a medio contrarius est motui ad medium. Et sic, si ita est quod quaecumque pars terrae non possit ferri a medio nisi per violentiam, manifestum est quod multo impossibilius est quod tota terra moveatur a medio. Posset autem aliquis obviare, dicens quod tota terra non movetur ad medium. Sed ipse hoc excludit, dicens quod illuc nata est ferri tota terra, quo nata est ferri pars terrae: et ita, si pars terrae movetur ad medium naturaliter, et tota terra illuc movebitur naturaliter. Et ita impossibile est quod moveatur a medio: unde necessarium est quod quiescat in medio.

[71339] Sur le De caelo, II, 26, 9. Ensuite quand il dit : Ğ en outre ouvertement ğ, etc., il présente la cause du repos de la Terre. Et il dit que la cause de son repos est évidente au regard de ce qui précède. En effet, comme on l'a dit, la Terre est naturellement destinée à être emportée de tout côté vers le milieu, comme notre vue nous le montre (et de la même façon ce sens perçoit que le feu quitte naturellement le milieu du monde pour son extrémité). Il s'ensuit [296b30] qu'aucune parcelle de la Terre, soit petite, soit grande, ne peut être déplacée du milieu, si ce n'est par violence : en effet, comme on l'a considéré dans le premier livre, un corps a un seul mouvement naturel, et un corps simple a un mouvement simple, mais un corps simple ne peut avoir deux mouvements contraires naturels ; or le mouvement qui part du milieu est contraire à celui qui se dirige vers le milieu. Et ainsi, si les choses sont telles que n'importe quelle partie de la Terre ne peut quitter le milieu si ce n'est par violence, il est évident qu'il est encore plus impossible que toute la Terre quitte le milieu. Or on pourrait objecter que la Terre tout entière ne se dirige pas vers le milieu. Mais il exclut cette idée lui-même, en disant que la Terre est destinée à être entièrement transportée là où [296b35] une de ses parties est destinée à l’être ; et ainsi, si une partie de la Terre se dirige naturellement vers le milieu, la Terre tout entière s’y déplacera naturellement. Et ainsi [297a1] il est impossible qu'elle quitte le milieu ; de ce fait il est nécessaire qu'elle soit immobile au milieu.

[71340] In De caelo, lib. 2 l. 26 n. 10 Deinde cum dicit: testificantur autem his etc., confirmat quae dicta sunt de situ et quiete terrae, per dicta astrologorum. Et dicit quod his quae dicta sunt, scilicet quod terra sit in medio et quod quiescat, attestantur ea quae dicta sunt a mathematicis circa astrologiam: ea enim quae sensibiliter apparent circa translationem configurationum, quae determinantur secundum astrorum situm et ordinem, hoc modo salvari possunt, si terra sit in medio quiescens, et non aliter. Ut enim Ptolomaeus dicit, si terra non esset in medio, oporteret eam altero trium modorum esse dispositam. Quorum unus est quod axis mundi extra terram esset, et tamen terra distaret aequaliter ab utroque polorum. Secundus modus est quod terra esset in axe, et magis appropinquaret ad unum polorum quam ad alium. Tertius modus est quod neque esset terra in axe, neque aequaliter distaret ab utroque polorum. Si autem terra esset sita primo modo, ut scilicet terra esset extra axem aequaliter distans ab utroque polo; si quidem esset supra axem vel infra, oporteret quod horizon habitantium in sphaera recta divideret aequinoctialem et omnes circulos aequidistantes in partes inaequales, et ita nunquam in sphaera recta fieret aequinoctium. In sphaera vero obliqua vel nunquam fieret aequinoctium, vel non fieret in medio duorum solstitiorum: quia horizon nunquam posset dividere maximum circulorum aequidistantium in duo media, sed forte aliquem aliorum. Si vero terra declinaret ab axe ad partem Orientalem vel Occidentalem, sequeretur primo quidem quod stellae non viderentur aequales in ortu et occasu, propter inaequalem distantiam. Iterum secundo sequeretur quod non esset aequale spatium temporis ab ortu solis usque ad maximam exaltationem eius, quando maxime appropinquat capitibus nostris, spatio temporis quod est usque ad occasum. Si vero terra esset disposita secundo modo, scilicet quod terra esset in axe, sed appropinquaret magis ad unum polorum quam ad alium, sequerentur duo inconvenientia. Primo quidem quia in sola recta sphaera horizon divideret caelum in duo media: in sphaera vero obliqua semper esset minor pars caeli ex parte Poli apparentis, maior autem ex parte Poli occultati. Et ita sequeretur quod horizon obliquae sphaerae non divideret zodiacum in duo media: cuius contrarium apparet ex hoc quod semper sex signa videmus super terram. Secundo quia, si terra non esset directe posita sub aequinoctiali, sequeretur quod umbrae corporum erectorum in aequinoctiis Orientales, non fierent in directo Occidentalibus: cuius contrarium ubique apparet. Et ex hoc patet quod neque tertius modus esse potest, ut scilicet terra neque sit in axe, neque distet aequaliter ab utroque polorum: quia ad hanc positionem sequuntur omnia praedicta inconvenientia. Qualitercumque etiam terra non esset in medio mundi, confunderetur omnis ordo qui consideratur circa augmentum et deminutionem dierum et noctium. Similiter etiam perturbarentur regulae eclipsium: non enim semper eclipses lunae fierent in directa oppositione solis et lunae, si terra non esset in medio.

[71340] Sur le De caelo, II, 26, 10. Ensuite, quand il dit : Ğ ils témoignent grâce à ceci ğ, etc., il confirme ce qui a été dit sur l’emplacement et le repos de la Terre par les propos des astronomes. Et il dit que ce qui est dit par les mathématiciens sur l'astronomie confirme ce qui a été dit, à savoir que la Terre est milieu et au repos : en effet ce qui apparaît à notre sens concernant la translation [297a5] des configurations qui sont déterminées par l’emplacement et l'ordre des astres peut être préservé de cette manière, si la Terre est immobile au milieu, et non autrement. Car, comme le dit Ptolémée, si la Terre n'était pas au milieu, il faudrait qu'elle soit disposée suivant l’une des trois représentations. La première d'entre elles est que l'axe du monde serait en dehors de la Terre, et que la Terre serait pourtant à égale distance des deux pôles. La deuxième représentation est que la Terre serait sur l'axe, et qu'elle s'approcherait plus d'un pôle que de l'autre. La troisième est que la Terre ne serait pas sur l'axe, et qu'elle ne serait pas à égale distante des deux pôles. Or si la Terre était située selon la première représentation, à savoir qu'elle serait en dehors de l'axe, à égale distance des deux pôles, si elle était vraiment au-dessus ou au-dessus de l'axe, il faudrait que l'horizon des habitants de la sphère droite divise l'équateur et tous les cercles équidistants en parties inégales, et ainsi il n'y aurait jamais d'équinoxe dans cette sphère droite. Or dans la sphère oblique, soit il ne se ferait jamais d'équinoxe, soit il ne se ferait pas au milieu des deux solstices, puisque l'horizon ne pourrait jamais diviser le plus grand des cercles équidistants en deux moitiés, mais peut-être l'un des autres. Si la Terre déclinait à partir de l'axe vers la partie orientale ou occidentale, il s'ensuivrait premièrement que les étoiles ne seraient pas visibles de façon identique au lever et au coucher, en raison de leur distance inégale. Deuxièmement il s'ensuivrait encore que la durée du lever du Soleil jusqu'à son élévation maximale quand il s'approche le plus de nos têtes ne serait pas égale à celle qui s’étend  jusqu'à son coucher. Or si la Terre était disposée suivant la deuxième représentation, à savoir qu'elle serait sur l'axe, mais s'approcherait plus d'un pôle que de l'autre, il s'ensuivrait deux inconvénients. Le premier est que c'est dans la sphère droite seulement que l'horizon diviserait le ciel en deux moitiés ; or dans une sphère oblique la partie du ciel autour du ciel apparent serait toujours plus petite, et la partie autour du pôle caché serait toujours plus grande. Et ainsi il s'ensuivrait que l'horizon de la sphère oblique ne diviserait pas le zodiaque en deux moitiés ; et c’est le contraire qui apparaît du fait que nous voyons toujours six signes au-dessus de la Terre. La deuxième est que, si la Terre n'était pas directement posée sous l'équateur, il s'ensuivrait que les ombres orientales des corps dressés à l’orient lors des équinoxes ne seraient pas droites pour les Occidentaux : et c’est le contraire qui apparaît partout. Et il est donc évident que la troisième représentation n’est pas non plus possible, à savoir que la Terre n'est ni sur l'axe, ni à égale distance des deux pôles, puisque tous les inconvénients précédents seront la conséquence de cette position. Si la Terre n’était pas au milieu, de quelque manière que ce soit, cela troublerait totalement l'ordre qui est considéré à propos de l'augmentation et de la diminution des jours et des nuits. De la même façon, les règles des éclipses seraient aussi perturbées ; car les éclipses de Lune n’auraient pas toujours lieu avec une opposition directe du Soleil et de la Lune, si la Terre n'était pas au milieu.

[71341] In De caelo, lib. 2 l. 26 n. 11 Quod autem terra non moveatur transiens de loco ad locum, contingit ex hoc quod terra semper est in medio. Et iterum sequeretur, quocumque motu moveretur, quod propter velocitatem sui motus occultarentur a nobis omnes alii motus, vel nubium vel animalium: non enim videtur moveri quod tardius movetur iuxta corpus velocius motum. Sic igitur epilogando concludit philosophus quod de loco et motu et quiete terrae, quomodo se habeant, tanta dicta sint.

[71341] Sur le De caelo, II, 26, 11. Or, le fait que la Terre ne se déplace pas en passant de lieu en lieu se produit parce que la Terre est toujours au milieu. Et il s'ensuivrait aussi que, quel que soit le mouvement dont elle se déplace, tous les autres mouvements, soit des nuages, soit des animaux nous seraient cachés en raison de la vélocité de son mouvement ; car ce qui se déplace plus lentement à côté d'un corps qui va plus vite ne semble pas se mouvoir. Ainsi donc le philosophe dit en guise de conclusion qu'il en a déjà été assez question du lieu, du mouvement et de l’immobilité de la Terre, tels qu’ils sont.

 

 

Lectio 27

Leçon 27 – [L’opinion d’Aristote sur la forme de la terre]

[71342] In De caelo, lib. 2 l. 27 n. 1 Postquam philosophus determinavit veritatem circa locum et motum vel quietem terrae, hic determinat veritatem circa figuram ipsius. Et primo probat terram esse sphaericam, rationibus naturalibus, quae accipiuntur ex parte motus; secundo rationibus mathematicis et astrologicis, quae accipiuntur ex his quae apparent secundum sensum, ibi: adhuc autem et per apparentia et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit propositum, ratione sumpta ex ipsa specie naturalis motus terrae; secundo ex figura motus ipsius, ibi: et quia omnia et cetera. Circa primum tria facit: primo ponit rationem; secundo comparat eam rationi quam antiqui assignabant, ibi: oportet autem intelligere etc.; tertio excludit quasdam obviationes ad rationem praedictam, ibi: sive igitur similiter et cetera.

[71342] Sur le De caelo, II, 27, 1. Après que le philosophe a déterminé la vérité concernant le lieu et le mouvement ou bien le repos de la Terre, il traite ici de la vérité sur sa configuration. Et premièrement il prouve que la Terre est sphérique pour des raisons naturelles, qui sont tirées du mouvement ; deuxièmement pour des raisons mathématiques et astronomiques, qui sont tirées de ce qui apparaît à la vue, ici : Ğ en outre par les apparences ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : il montre premièrement la proposition, en tirant sa raison de l'espèce même du mouvement naturel de la Terre, deuxièmement de la forme du mouvement lui-même, ici : Ğ et puisque tout ğ, etc. Concernant le premier point, il fait trois choses : premièrement il énonce le raisonnement ; deuxièmement il le compare à celui que les Anciens tenaient, ici : Ğ or, il faut comprendre ğ, etc. ; troisièmement il rejette certaines objections au raisonnement précédent, ici : Ğ donc soit que de la même façon ğ, etc.

[71343] In De caelo, lib. 2 l. 27 n. 2 Dicit ergo primo quod necesse est terram habere sphaericam figuram, hac ratione; quia quaelibet partium eius habet gravitatem ad medium, idest, sua gravitate naturaliter movetur ad medium, ut ex supra dictis patet. Est etiam hic considerandum circa motum partium terrae, quod maior pars depellit minorem, quousque ipsa maior pars perveniat ad medium. Cuius ratio est, quia maior pars terrae habet maiorem gravitatem, et per consequens maiorem virtutem ut moveatur ad medium; semper autem minor virtus vincitur a maiori. Et ideo non est possibile quod, partibus terrae motis versus medium, aliqua pars terrae intumescat vel fluctuet, ita scilicet quod elevetur in situ una pars terrae super aliam, sicut accidit in mari fluctuante, quasi terra sit alicubi non compressa et alicubi compressa: sed oportet quod, cum omnes partes terrae tendant versus medium, superiores partes terrae comprimant inferiores, et una quasi consentiat alteri cedendo ei, quousque perveniatur ad medium. Et sic oportet quod, partibus terrae quasi undique aequaliter compressis versus medium, terra habeat sphaericam figuram.

[71343] Sur le De caelo, II, 27, 2. Il dit donc premièrement qu'il est nécessaire que la Terre ait une forme sphérique, pour cette raison : puisque n'importe laquelle de ses parties Ğ garde son poids jusqu'au milieu ğ, c'est-à-dire que, grâce à son poids, elle se déplace vers le milieu, comme le montre ce qui a été dit ci-dessus. Il faut aussi considérer ici à propos du mouvement des parties de la Terre [297a10] que la plus grande partie pousse la plus petite, jusqu'à parvenir elle-même au milieu. La raison en est que la plus grande partie de la Terre a un plus grand poids et, par conséquent, une plus grande force pour se diriger vers le milieu ; or une plus petite force est vaincue par une plus grande. Et c'est pourquoi il n'est pas possible que, après que les parties de la Terre se sont déplacées vers le milieu, une partie croisse ou fluctue, et c'est ainsi que s'élève à cet endroit une partie de la Terre sur une autre, comme lorsque la mer est agitée, comme si la Terre n'était pas compressée ici et compressée là ; mais il faut que, étant donné que toutes les parties de la Terre tendent vers le milieu, les parties supérieures de la Terre compriment les parties inférieures, et que l'une s'entende en quelque sorte avec une autre, en lui cédant la place, jusqu'à ce qu'elle parvienne au milieu. Et ainsi il faut que, après que les parties de la Terre ont été également comprimées en quelque sorte de toutes parts vers le milieu, la Terre ait une forme sphérique.

[71344] In De caelo, lib. 2 l. 27 n. 3 Deinde cum dicit: oportet autem intelligere etc., manifestat praedictam rationem, comparando ipsam ad rationem de figura terrae ab aliis assignatam. Et dicit quod oportet praedictam rationem intelligere ac si positum esset quod terra esset generata de novo, concurrentibus undique partibus terrae versus medium, sicut antiqui naturales posuerunt. In hoc tamen differentia est, quod illi ponunt motum partium terrae versus medium causari ex violentia gyrationis caeli, sicut supra dictum est: melius autem et verius est, ut ponamus motum partium terrae accidere naturaliter, propter hoc quod partes terrae habent gravitatem inclinantem eas versus medium. Si ergo ponamus quod terra prius erat in potentia, sicut antiqui posuerunt, consequens erit quod partes eius, dispersae et disgregatae prius, quando fuerunt in actu graves, ferentur simili modo ex omni parte ad medium; et ex hoc constituetur terra sphaericae figurae.

[71344] Sur le De caelo, II, 27, 3. Ensuite quand il dit : Ğ or il faut comprendre ğ, etc., il montre le raisonnement précédent, en le comparant à celui que d'autres ont proposé sur la forme de la Terre. Et il dit qu'il faut comprendre ce raisonnement comme s'il avait été établi que la Terre avait été engendrée récemment, après que des parties de la Terre venant de partout se sont rassemblées vers le milieu, comme d'anciens naturalistes l'ont considéré. Il y a pourtant une différence : ceux-là établissent que le mouvement des parties de la Terre vers le milieu est causé par la violence de la rotation du ciel, comme on l'a dit ci-dessus ; [297a15] or il est préférable et plus vrai d'établir que le mouvement des parties de la Terre arrive naturellement, parce qu'elles ont un poids qui les incline vers le milieu. Donc si nous considérons que la Terre était d'abord en puissance, comme les Anciens l'ont avancé, la conséquence sera que ses parties, d'abord dispersées et désagrégées, quand elles étaient lourdes en acte, se dirigeront de la même façon de toute part vers le milieu ; et, de ce fait, la Terre sera constituée avec une forme sphérique.

[71345] In De caelo, lib. 2 l. 27 n. 4 Deinde cum dicit: sive igitur similiter etc., excludit tres obviationes contra praemissam rationem. Quarum prima est, quod potest aliquis dicere quod praedicta ratio non cogit figuram terrae esse sphaericam, nisi supposito quod in ipsa generatione terrae, undique partes terrae similiter et aequaliter concurrant ad medium. Sed potuit contingere quod in illa disgregatione partium terrae, plures partes terrae inventae fuerint ad unam partem superioris loci quam ad aliam; et sic plures partes terrae aggregatae sunt ad unam partem eius quam ad aliam; quod est contra rationem sphaericae figurae.

[71345] Sur le De caelo, II, 27, 4. Ensuite, quand il dit : Ğ donc soit que de la même façon ğ, il rejette trois objections contre le raisonnement précédent. La première d'entre elles est que quelqu'un pourrait dire que ce raisonnement n’entraîne pas obligatoirement que la Terre soit sphérique, à moins que l'on suppose qu'à la naissance même de la Terre toutes ses parties se rassemblent, en venant de toute part, [297a20] d’une manière identique et égale. Mais il a pu arriver que, lors de cette désagrégation des parties de la Terre, on ait trouvé un plus grand nombre de parties dans telle partie du lieu supérieur que dans telle autre ; et ainsi les parties de la Terre sont plus nombreuses à être agrégées dans telle de ses parties que dans telle autre, ce qui est contraire aux modalités de la forme sphérique.

[71346] In De caelo, lib. 2 l. 27 n. 5 Sed ipse dicit quod idem contingit circa figuram terrae, sive partes terrae quae prius erant disgregatae, similiter conveniant ab extremis terrae versus medium, sive aliter se habeant. Est autem manifestum quod, si partes terrae similiter et aequaliter undique ab extremis ferantur ad medium, necesse est quod moles terrae undique fiet aequalis: quia cum aequalis quantitas partium apponatur medio undique, necesse est quod extremum terrae undique distet aequaliter a medio. Et in hoc salvatur ratio sphaerae: quia sphaera nihil aliud est quam corpus a cuius medio omnes lineae ductae ad extrema, sunt aequales. Nec differt quantum ad hanc rationem, si aliquis dicat quod partes terrae non similiter et aequaliter conveniunt ad medium: quia semper illud quod est plus, cum sit gravius, propellit id quod est minus grave, usque ad hoc, idest usque ad medium. Quod quidem potest intelligi dupliciter. Uno modo sic ut intelligatur quod id quod est minus grave, propellatur a graviori quousque minus grave pertingat ad medium. Sed hoc non convenit secundum intentionem Aristotelis: quia praedicta positione facta, adhuc remanebit maior quantitas versus unam partem terrae, ad quam plures partes concurrunt. Alio modo potest intelligi usque ad hoc, idest quousque ipsum corpus gravius attingat medium. Et hoc convenientius dicitur: quia unumquodque corpus grave naturaliter tendit ad hoc ut ipsum sit in suo loco, non autem ad hoc quod aliquid aliud in suo loco statuatur. Et inde est quod corpus gravius, ad hoc quod ipsum magis appropinquet medio, repellit per violentiam corpus minus grave a medio; sicut patet de lapide proiecto in aquam, qui repellit aquam a contactu terrae. Et secundum hoc procedit ratio Aristotelis: nam si versus unam partem terrae sit maior quantitas, ad hoc quod ipsa magis appropinquet medio, depellit minorem partem per violentiam a medio, quousque aequale pondus ex omni parte terrae inveniatur.

[71346] Sur le De caelo, II, 27, 5. Mais il dit lui-même que le même phénomène se produit pour la forme de la Terre, soit que les parties de la Terre qui étaient auparavant désagrégées se rassemblent au milieu de la même manière en partant des ses extrémités, soit qu'il en soit autrement. Or il est clair que, si les parties de la Terre sont entraînées de la même façon et également, de toutes parts, des extrémités vers le milieu, il est nécessaire que la masse de la Terre soit égale de tous les côtés, puisque, comme une quantité égale de parties est placée au milieu de toutes parts, il est nécessaire que l'extrémité de la Terre soit de tous côtés à égale distante du milieu. [297a20] Et cela permet de sauver la configuration de la sphère, puisque la sphère n'est rien d'autre qu'un corps dans lequel toutes les lignes tracées des extrémités vers le milieu sont égales. Et il revient au même pour ce raisonnement de dire que les parties de la Terre ne se rassemblent pas d’une manière identique et égale au milieu, puisque ce qui est en plus grande quantité, comme c’est plus lourd, pousse ce qui est moins lourd, [297a30] Ğ jusqu'à cela ğ, c'est-à-dire jusqu'au milieu. Et cela peut être compris de deux façons. D'une part si on comprend que ce qui est moins lourd est poussé par ce qui est plus lourd jusqu'à ce que le corps moins lourd parvienne au milieu. Mais cela ne convient pas à l'intention d'Aristote, puisque, une fois que la position précédente a été établie, il restera encore une plus grande quantité dans telle partie de la Terre, où un plus grand nombre de parties se rassemblent. D'autre part on peut comprendre Ğ jusqu'à cela ğ par Ğ jusqu'à ce que le corps plus lourd lui-même atteigne le milieu ğ. Et ce sens convient mieux, puisque n'importe quel corps lourd tend naturellement à être lui-même à sa place, mais non à laisser sa place à autre chose. Et de là vient qu'un corps plus lourd, pour s'approcher lui-même davantage du milieu, chasse du milieu avec violence un corps moins lourd, comme on le voit pour une pierre jetée dans l'eau, qui la repousse du contact de la terre. Et le raisonnement d'Aristote procède ainsi : car s'il y a une plus grande quantité vers telle partie de la Terre, pour s'approcher elle-même davantage du milieu, elle en chasse la partie plus petite avec violence, jusqu'à ce que l'on trouve un poids égal de tous les côtés de la Terre.

[71347] In De caelo, lib. 2 l. 27 n. 6 Secundam obviationem excludit ibi: quod enim utique et cetera. Et primo ponit ipsam obviationem; eo quod, sicut ipse dicit, eandem habet solutionem cum his quae dicta sunt. Est autem dubitatio talis. Ponamus quod terra existat in medio, et quod sit sphaericae figurae, et quod versus unum hemisphaerium terrae superapponatur multo maior quantitas quam ex alia parte (quod quidem dicit ad excludendum obiectionem quae posset fieri de montibus, qui videntur supereminere aliis partibus terrae: nam quantitas montium nihil est in comparatione ad totam quantitatem terrae, sicut si pilus apponeretur ex una parte sphaerae cupreae). Dato autem quod tantum de corpore gravi superadderetur versus unam partem, quod haberet notabilem quantitatem respectu totius terrae, sequeretur quod non esset idem medium mundi totius et terrae. Unde sequeretur quod vel non quiesceret in medio; vel si quiesceret, etiam non in medio existens, etiam nunc quando est in medio, sit nata moveri. Haec igitur est dubitatio.

[71347] Sur le De caelo, II, 27, 6. Il rejette une seconde objection ici : Ğ car ce qui à toute force ğ, etc. Et il présente premièrement cette objection même parce que, comme il le dit lui-même, elle a la même solution que ce qui a été dit. Voici cette difficulté. Etablissons que la Terre existe au milieu, qu'elle soit d'une forme sphérique, et que l’on ajoute à l'un de ses hémisphères une quantité Ğ beaucoup plus grande ğ qu'à l'autre côté (ce qui est certain, c'est qu'il dit cela pour rejeter l'objection que l'on pourrait faire à propos des montagnes, qui semblent dominer les autres parties de la Terre : car la quantité des montagnes n'est rien en comparaison de la quantité totale de la Terre, comme si l'on posait un cheveu sur un côté d'une sphère en cuivre). Or, si l'on disait que l’on ajoute à un côté un corps lourd en quantité telle qu'il a une importance remarquable par rapport à toute la Terre, il s'ensuivrait que le milieu du monde entier et de la Terre ne serait pas le même. Il en résulterait qu’elle ne serait pas immobile [297b1] au milieu, ou bien, si elle l'était, elle serait destinée à se déplacer, même sans être au milieu, même en étant au milieu. Telle est donc la difficulté.

[71348] In De caelo, lib. 2 l. 27 n. 7 Secundo ponit solutionem, ibi: videre autem et cetera. Et dicit quod illud non est difficile videre, si aliquis velit modicum considerare, et distinguere qualiter dignum ducimus quod aliqua magnitudo gravitatem habens feratur ad medium mundi. Manifestum est enim quod feretur ad medium mundi, non solum usque ad hoc quod infima extremitas tangat centrum mundi; sed, nisi aliud impediat, oportet quod, praevalente maiori parte super minorem, usque ad hoc feratur quod corpus motum medio sui tangat medium mundi, ad quod habent inclinationem omnia corpora gravia. Puta si non esset in mundo aliud corpus grave nisi unus lapis qui demitteretur ab alto, oporteret ipsum tandiu descendere, quousque medium lapidis tangeret medium mundi; propter hoc quod maior pars eius repellit minorem a medio, quousque undique inveniatur aequalis gravitas, sicut supra dictum est. Concludit ergo quod nihil differt hoc quod dictum est dicere in quacumque parte terrae, aut in tota terra. Non enim hoc contingit propter magnitudinem aut parvitatem, quod dictum est de motu gravis ad medium: sed verificatur de omni eo quod habet inclinationem ad medium, ratione suae gravitatis. Unde sive tota terra ab aliqua parte caeli feratur ad medium, sive partes eius, necesse est usque ad hoc fieri motum, donec ex omni parte terra similiter appropinquet ad medium, per hoc quod minores partes adaequantur maioribus per impulsionem minorum a maioribus, ut dictum est.

[71348] Sur le De caelo, II, 27, 7. Il présente deuxièmement la solution ici : Ğ or voir ğ, etc. Et il dit que ce n'est pas difficile à voir, si l'on veut réfléchir un peu et examiner comment nous pouvons juger digne qu'une grandeur dotée d'un poids soit entraînée vers le milieu du monde. Car il est clair qu'elle se dirige vers le milieu du monde non seulement [297b25] jusqu'à ce que sa partie extérieure touche le centre du monde, mais, si rien d'autre ne l'en empêche, il faut que, comme la plus grande partie l'emporte sur la plus petite, elle soit entraînée jusqu'à ce que son corps, après avoir quitté son milieu touche celui du monde, vers lequel tous les corps lourds inclinent. Par exemple, si, dans le monde, il n'y avait pas d'autre corps lourd qu'une pierre lancée en haut, il faudrait qu'elle descende jusqu'à ce que son milieu atteigne le milieu du monde, parce que la plus grande de ses parties chasse du milieu la plus petite, jusqu'à ce que l'on trouve une pesanteur égale de tous côtés, comme on l'a dit ci-dessus. Il conclut donc qu'il revient au même de dire ce qui l’a été sur n'importe quelle partie de la Terre ou sur la Terre tout entière. En effet, ce qui a été dit sur le mouvement du corps lourd vers le milieu n’est pas lié à la grandeur ou à la petitesse ; [297b10] mais on le vérifie chez tout ce qui est attiré vers le milieu, en raison de sa pesanteur. De ce fait, que ce soit la Terre tout entière qui est entraînée par une partie du ciel vers le milieu ou ses parties, il est nécessaire qu'elle se déplace jusqu'à ce que, de toutes parts, la Terre s'approche de la même façon du milieu, parce que les parties plus petites deviennent égales aux plus grandes en raison de la poussée des plus petites parties par les grandes, comme on l'a dit.

[71349] In De caelo, lib. 2 l. 27 n. 8 Tertiam obiectionem excludit ibi: sive igitur facta est et cetera. Posset enim aliquis dicere quod praedicta ratio procedit supposita generatione terrae. Sed ipse hoc excludit, dicens quod sive terra sit generata, necesse est quod hoc modo sit facta in medio existens, sicut supra dictum est (ita scilicet quod medio sui tangat medium mundi), et ita figura eius erit sphaerica: sive etiam non sit generata, oportet quod hoc modo se habeat sicut si esset generata; quia terminus generationis est natura rei; unde illud quod non est generatum, oportet tale esse quale fieret si generaretur. Et secundum hoc concludit figuram terrae esse sphaericam.

[71349] Sur le De caelo, II, 27, 8. Il rejette une troisième objection ici : Ğ donc qu'elle ait été créée ğ, etc. En effet, quelqu'un pourrait dire que le raisonnement précédent avance après que la génération de la Terre a été supposée. Mais il rejette lui-même cette idée en disant que, si la Terre a été engendrée, il est nécessaire qu'elle ait été créée de cette manière, [297b15] en étant au milieu, comme on l'a dit ci-dessus (et c'est ainsi qu'elle touche le milieu du monde de son milieu), qu'ainsi sa figure sera sphérique, et que si elle n'a pas été engendrée, il faut qu'elle soit exactement comme si elle l’avait été, parce que la limite de la génération d’une chose est sa nature ; de ce fait ce qui n'a pas été engendré doit être tel qu'il eût été s'il l’avait été. Et il en conclut que la forme de la Terre est sphérique.

 

 

Lectio 28

Leçon 28 – [Autre preuve de la rontondité de la terre]

[71350] In De caelo, lib. 2 l. 28 n. 1 Praemissa ratione ad probandum rotunditatem terrae, quae sumebatur ex specie motus partium eius, hic inducit aliam rationem ad idem, quae sumitur ex figura motus partium terrae. Et dicit quod omnia corpora gravia, ex quacumque parte caeli moveantur, feruntur ad terram ad similes angulos, idest secundum rectos angulos, quos facit linea recta per quam est motus corporis gravis, cum linea contingente terram (quod manifestatur per hoc quod gravia non stant firmiter super terram nisi secundum lineam perpendicularem): non autem feruntur corpora gravia ad terram iuxta invicem, idest secundum lineas aequidistantes. Quod quidem ordinatur ad hoc quod terra apta nata sit esse sphaerica: quia similem inclinationem habent gravia ad locum terrae, ex quacumque parte caeli demittantur; et ita similiter et aequaliter nata est fieri appositio ad terram ex omni parte, quod constituit eam sphaericae figurae. Si vero terra naturaliter esset lata in superficie sua, sicut quidam dicebant, fieret motus corporum gravium a caelo ad terram non undecumque secundum similes angulos. Oportet igitur quod vel terra sit sphaerica, vel quod naturaliter sit sphaerica. Hoc autem ideo apposuit, propter tumorositates montium et concavitates vallium, quae videntur rotunditatem terrae impedire. Sed huiusmodi sunt ex aliqua causa accidentali, et non ex eo quod per se convenit terrae: nec hoc habet aliquam quantitatem notabilem in comparatione ad totam terram, ut supra dictum est. Oportet autem unumquodque dicere esse tale quale est secundum suam naturam, et non quale est per aliquam causam violentam vel praeternaturalem: et ideo, licet per accidens terra non sit omnino sphaerica ex aliquo accidente, quia tamen naturam habet ad hoc quod sit sphaerica, simpliciter dicendum est eam sphaericam esse.

[71350] Sur le De caelo, II, 28, 1. Après avoir présenté le raisonnement servant à prouver que la Terre est ronde, raisonnement qui est tiré de l'espèce du mouvement de ses parties, il expose ici une autre raison dans le même but, tirée de la forme du mouvement des parties de la Terre. Et il dit que tous les corps lourds, quelle que soit la partie du ciel d'où ils viennent, se dirigent vers la Terre Ğ en faisant des angles égaux ğ, c'est-à-dire à angles droits, que forme une ligne droite, suivie par le mouvement du corps lourd, avec une ligne tangente à la Terre (ce que montre le fait que les corps lourds ne se tiennent pas fermement sur la Terre si ce n'est suivant une ligne perpendiculaire) ; or, les corps lourds ne se dirigent pas vers la Terre Ğ les uns à côté des autres ğ, c'est-à-dire suivant des lignes équidistantes. Ce qui fait que la Terre est [297b20] destinée à être sphérique, c'est que les corps lourds ont la même inclinaison vers l'endroit occupé par la Terre, quelle que soit la partie du ciel d'où ils tombent ; et ainsi les graves sont destinés à s’ajouter à la Terre de façon semblable et égale en venant de tous les côtés, ce qui lui donne une forme sphérique. Or, si la Terre était naturellement large en surface, comme certains le disaient, le mouvement des corps lourds du ciel vers la Terre ne se ferait pas de n'importe où à angles semblables. Il faut donc que la Terre soit sphérique, ou bien qu'elle Ğ le soit naturellement ğ. Or, il a ajouté cela à cause des excroissances des montagnes et des concavités des vallées, qui semblent empêcher la Terre d'être ronde. Mais elles sont ainsi en raison d'une cause accidentelle, et non parce que cela convient en soi à la Terre ; et cela ne constitue pas une quantité notable en comparaison de la Terre entière, comme on l'a dit ci-dessus. Or, il faut dire que toute chose est telle qu'elle est en suivant sa nature, non telle qu'elle est du fait d’une cause violente ou contre-nature ; et c'est pourquoi, bien que, par accident, la Terre ne soit absolument pas sphérique en raison d'un accident, pourtant, puisqu'elle a une nature qui la porte à être sphérique, il faut simplement dire qu'elle est sphérique.

[71351] In De caelo, lib. 2 l. 28 n. 2 Deinde cum dicit: adhuc autem et per apparentia etc., probat terram esse sphaericam, rationibus astrologicis, per ea quae apparent secundum sensum. Et inducit tres probationes. Quarum prima sumitur ex eclipsi lunae. Et dicit quod adhuc manifestum est per ea quae apparent secundum sensum, quod terra sit sphaerica. Nisi enim terra esset sphaerica, eclipsis lunae non semper haberet circulares decisiones: videmus enim quod semper quando luna eclipsatur, obscurum ipsius et lucidum distinguuntur per lineam circularem. Accidit autem eclipsis lunae per hoc quod ipsa subintrat umbram terrae: unde apparet umbram terrae esse rotundam. Ex quo apparet terram, quae facit talem umbram, esse sphaericam: solum enim corpus sphaericum natum est semper facere sphaericam umbram. Si enim corpus lucidum, scilicet sol, sit maius terra, oportet quod faciat terra umbram pyramidalem, cuius conus sit in alto, et basis in ipsa terra; si vero sol esset minor terra, faceret quidem umbram similiter secundum figuram rotundae pyramidis, tamen e converso conus illius pyramidis esset in terra, basis autem eius in alto; si vero sol esset aequalis terrae, faceret umbram cylindricam, idest columnarem: quidquid autem horum esset, sequeretur, propter hoc quod terra est sphaerica, quod umbra eius secundum lineam circularem abscinderet lunam. Posset autem aliquis dicere quod ista circularis abscissio lunae non est propter rotunditatem terrae, sed propter rotunditatem lunae. Sed ad hoc excludendum, subdit quod in augmento et decremento lunae, quod accidit per singulos menses, sectio lunae accipit omnes differentias figurarum: nam quandoque dividitur secundum lineam rectam, sicut quando dividitur per medium, puta cum est septima vel vigesima prima; quandoque autem fit amphicurtos, idest habens circularem sectionem vel arcualem, scilicet a septima luna usque ad vigesimam primam; quandoque autem est concava, puta cum est prima, et a prima usque ad septimam, et a vigesima prima usque ad defectum; quod contingit propter diversam habitudinem eius ad solem, ut supra dictum est. Sed in eclipsibus semper linea dividens ipsam est gibbosa, idest circularis. Quia igitur luna eclipsatur propter terrae interpositionem, rotunditas terrae, cum sit sphaerica, est causa talis figurae circa divisionem lunae.

[71351] Sur le De caelo, II, 28, 2. Ensuite, quand il dit : Ğ en outre grâce aux apparences ğ, etc., il prouve que la Terre est sphérique, pour des raisons astronomiques, grâce à ce qui apparaît à la vue. Et il avance trois preuves. La première d'entre elles est tirée de l'éclipse de Lune. Et il dit qu'il est en outre clair, par ce qui apparaît à la vue, que la Terre est sphérique. Car si la Terre n'était pas sphérique, les éclipses de Lune [297b25] n'auraient pas toujours des sections circulaires ; nous voyons en effet que, lorsque la Lune est éclipsée, sa partie obscure et sa partie lumineuse sont séparées par une ligne circulaire. Or une éclipse de Lune se produit parce qu'elle passe elle-même sous l'ombre de la Terre ; de ce fait il apparaît que l'ombre de la Terre est ronde. À partir de là, il apparaît que la Terre, qui créée une telle ombre, est sphérique ; car seul un corps sphérique est destiné à toujours créer une ombre sphérique. En effet, si un corps lumineux, à savoir le Soleil, est plus grand que la Terre, il faut que cette dernière fasse une ombre pyramidale, dont le cône est en haut et la base sur la Terre elle-même ; or si le Soleil était plus petit que la Terre, il ferait certes une ombre, de la même façon, présentant la forme d'une pyramide ronde, pourtant, inversement, le cône de cette pyramide serait sur la Terre, et sa base en haut ; mais si le Soleil était d'une taille égale à la Terre, il ferait une ombre cylindrique, c'est-à-dire une colonne ; or, que ce soit cette solution-ci ou celle-là, il s'ensuivrait, du fait que la Terre est sphérique, que son ombre scinderait la Lune par une ligne circulaire. Quelqu'un pourrait dire que cette coupure circulaire de la Lune n'est pas causée par la forme ronde de la Terre, mais par celle de la Lune. Mais, pour rejeter cela, il ajoute que, lors des phases de croissance ou de décroissance de la Lune, qui arrivent chaque mois, la section de la Lune reçoit toutes les formes différentes de figures : en effet, toutes les fois qu'elle est divisée par une ligne droite, comme lorsqu'elle est divisée par le milieu, par exemple quand c’est la septième ou la vingt-et-unième Lune ; toutes les fois qu'elle devient Ğ biconvexe ğ, c'est-à-dire qu'elle a une section circulaire ou arquée, c'est-à-dire de la septième à la vingt-et-unième Lune ; chaque fois qu'elle est concave, par exemple quand c’est la première, de la première à la septième, et de la vingt-et-unième jusqu'à sa disparition, ce qui se produit en raison de la différence de ses positions par rapport au Soleil, comme on l'a dit ci-dessus. Mais lors des éclipses la ligne qui la divise est toujours Ğ gibbeuse ğ, c'est-à-dire circulaire. Donc, puisque la Lune est éclipsée en raison de l’interposition de la Terre, la forme ronde [297b30] de la Terre, comme elle est sphérique, est la cause d'une telle configuration concernant la division de la Lune.

[71352] In De caelo, lib. 2 l. 28 n. 3 Secundam probationem ponit ibi: adhuc autem per astrorum etc.; quae sumitur ex apparentia stellarum. Et dicit quod ex diversitate apparentiae stellarum apparet quod terra non solum est rotunda, sed etiam parva in comparatione ad corpora caelestia. Si enim modicum moveamur versus meridiem vel Septentrionem, manifeste diversificatur nobis horizon. Quod apparet quantum ad duo. Primo quidem quantum ad polum horizontis, qui est punctum caeli existens supra summitatem capitis nostri; quod quidem punctum manifeste diversificatur secundum modicam distantiam, ut apparet ex stellis fixis; quia in modica distantia diversae stellae apparent super summitatem capitis. Secundo apparet diversitas horizontis ex diversa abscissione caeli per horizontem. Et hoc manifestat quia moventibus se versus Septentrionem vel meridiem, non videntur eaedem stellae. In his enim qui habitant in sphaera obliqua, polus Septentrionalis elevatur supra horizontem ipsorum, et omnes stellae quae non distant a polo ultra elevationem Poli supra orizontem, sunt perpetuae apparitionis; et in aequali spatio circa alium polum stellae existentes, sunt perpetuae occultationis. Quia igitur, propter diversitatem horizontis, in terris Septentrionalibus polus Septentrionalis magis elevatur, et polus oppositus magis deprimitur, contingit quod quaedam stellae quae sunt propinquae polo Antarctico, non sunt perpetuae occultationis, sed videntur quandoque in terris magis meridionalibus, puta in Aegypto et circa Cyprum, quae nunquam videntur in terris magis Septentrionalibus: et e converso quaedam stellae sunt perpetuae apparitionis in regionibus magis Septentrionalibus, quae tamen in regionibus magis meridionalibus magis occultantur per occasum. Et ex hoc apparet quod terra est figurae rotundae, praecipue secundum aspectum ad duos polos: si enim esset superficiei planae, omnes habitantes in tota terrae superficie ad meridiem et Septentrionem, haberent eundem horizontem, et eaedem stellae eis apparerent et occultarentur, nullo impedimento facto ex tumorositate. Et simili ratione probatur quod terra sit rotunda versus ortum et occasum: alioquin non prius oriretur astrum quodcumque his qui sunt in oriente, quam his qui sunt in occidente. Si enim terra esset figurae concavae, sidus oriens prius appareret his qui sunt in occidente: si vero terra haberet planam superficiem, simul appareret omnibus. Manifestum est autem quod sidus oriens prius apparet his qui sunt in oriente, per eclipsim lunae; quae si appareat in regione magis Orientali circa mediam noctem, in regione magis Occidentali apparebit ante mediam noctem, secundum quantitatem distantiae; ex quo patet quod sol prius oritur et occidit in regione magis Orientali. Per hoc autem, ut Aristoteles dicit, apparet quod non sit magna quantitas rotunditatis terrae. Si enim esset magnae quantitatis, non in tam parva distantia fieret ita cito diversitas circa apparentiam stellarum. Et ideo non videntur valde incredibilia opinari, qui volunt coaptare, secundum similitudinem et propinquitatem, locum in extremo occidentis situm, qui dicitur esse circa Heracleas columnas (quas scilicet Hercules statuit in signum suae victoriae), loco qui est circa mare Indicum in extremo orientis, et dicunt esse unum mare, Oceanum, quod continuat utraque loca. Et similitudinem utrorumque locorum coniiciunt ex elephantibus, qui circa utrumque locum oriuntur, non autem in mediis regionibus. Quod quidem est signum convenientiae horum locorum, non autem propinquitatis.

[71352] Sur le De caelo, II, 28, 3. Il établit la deuxième preuve ici : Ğ en outre par l'apparence des astres ğ, etc. ; il la tire de l'apparence des étoiles. Et il dit que grâce aux différentes apparences des étoiles il apparaît non seulement que la Terre est ronde, mais aussi qu'elle est petite en comparaison des corps célestes. En effet, si nous nous déplaçons un peu vers le sud ou vers le nord, l'horizon se modifie clairement pour nous. C'est évident pour deux phénomènes. Premièrement pour le pôle de l'horizon, qui est un point du ciel se trouvant au-dessus de nos têtes ; ce qui est certain, c'est que ce point change de toute évidence à une courte distance, comme on le voit pour les étoiles fixes, [298a1] puisque les étoiles apparaissent différentes au-dessus de nos têtes à courte distance. Deuxièmement l'horizon apparaît différent à cause des différences de section du ciel par l'horizon. Et c'est évident puisque, quand on se déplace vers le nord ou le sud, on ne voit pas les mêmes étoiles. En effet, pour ceux qui habitent sur une sphère oblique, le pôle nord s'élève au-dessus de leur horizon, et toutes les étoiles qui ne sont pas éloignées du pôle au-dessus de l'élévation de ce dernier sur l'horizon apparaissent perpétuellement ; et les étoiles qui se trouvent dans un espace de dimension égale autour de l'autre pôle sont perpétuellement cachées. Donc, puisque, dans les régions septentrionales, le pôle nord s'élève davantage en raison de la diversité de l'horizon et que le pôle opposé s'abaisse davantage, il arrive que certaines étoiles, qui sont proches du pôle antarctique, ne soient pas toujours cachées, mais qu'elles soient parfois visibles dans des contrées plus au sud, par exemple en Egypte et autour de Chypre, alors qu'elles ne le sont jamais dans des terres plus nordiques ; [298a5] et, inversement, certaines étoiles apparaissent perpétuellement dans des régions plus au nord, alors qu'elles sont davantage cachées par leur coucher dans des contrées plus méridionales. Et il apparaît, à partir de là, que la Terre est d'une forme ronde, principalement par rapport aux deux pôles ; en effet, si elle avait une surface plane, tous les habitants de toute la surface de la Terre, au sud et au nord, auraient le même horizon, et verraient les mêmes étoiles, sans qu'aucune proéminence ne fasse obstacle. Et, suivant un raisonnement semblable, il est prouvé que la Terre est ronde vers l'est et l'ouest : sinon, tel ou tel astre ne se lèverait pas plus tôt pour ceux qui sont à l'est que pour ceux qui sont à l'ouest. En effet, si la Terre était d'une forme concave, le lever d'une étoile apparaîtrait avant pour ceux qui sont à l'ouest ; or si la Terre avait une forme plane, cette étoile apparaîtrait en même temps à tous. Mais il est manifeste que le lever d'une étoile apparaît d'abord à ceux qui sont à l'est, grâce aux éclipses de Lune ; si elles apparaissaient dans une région plus orientale au milieu de la nuit, elles apparaîtraient avant le milieu de la nuit dans une région plus occidentale, selon les distances ; de ce fait, il est clair que le Soleil se lève et se couche plus tôt dans les régions plus orientales. Grâce à cela, comme Aristote le dit, il apparaît que les dimensions du globe terrestre ne sont pas grandes. Car, s'il était de grandes dimensions, l'apparence des étoiles ne changerait pas aussi vite à de si courtes distances. Et c'est pourquoi ceux qui veulent relier, en raison de leur ressemblance et de leur proximité, [298a10] le lieu situé aux confins de l'occident, qui, dit-on, est proche des colonnes d'Hercule (à savoir celles qu'Hercule a établies en signe de victoire) au lieu qui est au bord de la mer Indienne, à l'extrémité de l'orient, et qui disent qu'il n'y a qu'une mer, l'Océan, qui joint les deux lieux, ne semblent pas avoir des opinions totalement incroyables. Et ils conjecturent que les dieux lieux se ressemblent, en s’appuyant sur la présence d’éléphants dans les deux régions, mais non dans celles du milieu. Ce qui est certain, c'est que c'est la preuve que ces lieux ont [298a15] les mêmes caractéristiques, mais non qu'ils sont proches.

[71353] In De caelo, lib. 2 l. 28 n. 4 Tertiam probationem inducit ibi: et mathematicorum etc.; quae quidem sumitur ex mensura terrae. Et dicit quod quicumque mathematicorum attentaverunt ratiocinari de magnitudine rotunditatis terrae, dicunt quod rotunditas terrae attingit usque ad quadraginta myriades stadiorum, idest quadragesies decem millia, quod est quadringentesies millia stadiorum. Est autem stadium octava pars milliaris; octava autem pars praedicti numeri est quinquaginta millia; et secundum hoc rotunditas terrae erit quinquaginta millia milliariorum. Secundum autem diligentiorem considerationem modernorum astrologorum, est rotunditas terrae multo minor, idest viginti millia milliaria et quadringenta, ut Alfraganus dicit; vel decem et octo myriades stadiorum, idest centum octoginta millia stadiorum, ut Simplicius dicit; quod quasi in idem redit, nam viginti millia est octava pars centum sexaginta millium. Hoc autem astrologi perpendere potuerunt, considerantes quantum spatium in terra facit diversitatem unius gradus in caelo: et invenerunt quod quingenta stadia, secundum Simplicium; vel quinquaginta sex milliaria et duas tertias milliarii, secundum Alfraganum. Unde multiplicantes hunc numerum per trecenta sexaginta, qui est numerus graduum caeli, apprehenderunt rotunditatem terrae esse praedictae quantitatis. Et sic ex his possumus argumentari quantitatem terrae non solum esse sphaericam, sed etiam non magnam in comparatione ad magnitudines aliorum astrorum: nam solem probant astrologi esse centies septuagesies maiorem terra; cum tamen, propter distantiam, videatur nobis pedalis. Dicit autem aliorum astrorum, propter opinionem Pythagorae, qui posuit terram esse unam de stellis. Et in hoc terminatur sententia secundi libri.

[71353] Sur le De caelo, II, 28, 4. Il avance la troisième raison ici : Ğ des mathématiciens ğ, etc., laquelle est tirée de la mesure de la Terre. Et il dit que tous les mathématiciens qui ont tenté de calculer la longueur de la circonférence de la Terre disent qu'elle atteint Ğ quarante myriades de stades ğ, c'est-à-dire quarante fois dix mille, qui font quatre cents mille stades. Or un stade est un huitième de mille : le huitième du nombre ci-dessus fait cinquante mille ; et d’après cela, la circonférence de la Terre sera de cinquante mille milles. Or, selon les considérations plus précises des astronomes modernes, elle est beaucoup plus petite, c'est-à-dire de vingt mille quarante milles, comme Alfraganus le dit, ou bien de dix-huit myriades de stades, c'est-à-dire de cent quatre-vingts mille stades, comme Simplicius le dit, ce qui revient quasiment au même, car vingt mille est le huitième de cent soixante milles. Les astronomes ont pu évaluer cela, en considérant quel espace fait sur Terre la différence d'un degré dans le ciel ; et ils ont découvert cinq cents stades, selon Simplicius, ou cinquante six milles et deux tiers, selon Alfraganus. De ce fait, en multipliant ce nombre par trois cents soixante, qui est le nombre des degrés dans le ciel, ils ont découvert que la circonférence de la Terre est de la longueur mentionnée. Et ainsi, grâce à eux, nous pouvons prouver que la longueur de la Terre est non seulement sphérique, mais aussi qu'elle n'est [298a20] pas grande en comparaison des dimensions des autres astres ; car les astronomes prouvent que le Soleil est cent soixante-dix fois plus grand que la Terre, alors qu'il nous semble de la longueur d'un pied, en raison de la distance. Il dit Ğ des autres astres ğ à cause de l'opinion de Pythagore, qui considérait que la Terre est l'une des étoiles. Et c'est sur ces considérations que se termine le commentaire du deuxième livre.

 

 

Liber 3

Livre 3 – [Les autres corps simples, c’est-à-dire le lourd et le léger]

Lectio 1

Leçon 1 – [les corps ayant un mouvement droit]

[71354] In De caelo, lib. 3 l. 1 n. 1 Postquam philosophus determinavit de corporibus quae moventur motu circulari, hic procedit ad determinandum de corporibus quae moventur motu recto. Et primo praemittit prooemium, in quo explicat suam intentionem; secundo prosequitur propositum, ibi: prius quidem igitur philosophantes et cetera. Circa primum duo facit: primo continuat se ad praecedentia, ostendens de quibus iam supra dictum sit; secundo ostendit de quibus restat dicendum, ibi: quoniam autem eorum quae natura et cetera.

[71354] Sur le De caelo, III, 1, 1. Après que le philosophe a traité des corps qui se déplacent d’un mouvement circulaire, il poursuit ici pour traiter de ceux qui se déplacent d’un mouvement droit. Et premièrement il fait une introduction dans laquelle il explique son intention ; deuxièmement il s’attache à exposer la proposition, ici : Ğ auparavant donc en philosophant ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : premièrement, il continue les propos précédents, faisant une démonstration sur ce qui a été déjà dit ci-dessus ; deuxièmement il fait une démonstration sur ce qu’il reste à dire, ici : Ğ or puisque, parmi ceux que la nature ğ, etc.

[71355] In De caelo, lib. 3 l. 1 n. 2 Dicit ergo primo se in praecedentibus pertransivisse, idest breviter tractasse, de primo caelo et partibus, scilicet eius. Possumus autem per primum caelum intelligere totum universum, quod est primum perfectione, et partes eius accipere corpora quae moventur motu circulari et motu recto; ut sic videatur hic tangere etiam ea quae in primo libro determinata sunt. Sed huic expositioni videtur obsistere quod subditur, adhuc autem de astris latis in ipso: non autem proprie dicuntur ferri astra in toto universo, sed in caelo, quod circulariter fertur. Et ideo videtur melius quod dicit de primo caelo, esse intelligendum de corpore quod circulariter fertur. Sed quia non dicit simpliciter de caelo, sed de primo caelo, potest hoc referri ad primam sphaeram, quae est stellarum fixarum: quod autem dicit et partibus, refertur ad dextrum et sinistrum et alias positionis differentias, quas in caelo esse ostendit. Sed secundum hoc non esset sufficiens commemoratio, nec eorum quae dicta sunt in toto primo libro, nec etiam omnium eorum quae dicta sunt in secundo, in quo habitum est etiam de sphaeris planetarum. Et ideo melius videtur dicendum quod per primum caelum intelligitur hic totum corpus quod circulariter fertur; quod quidem dicitur primum in comparatione ad corpora inferiora, respectu quorum est primum et ordine situs, et perpetuitate durationis, et virtute causalitatis. Quod autem subdit et partibus, referendum est ad diversas sphaeras, quae sunt partes totius caelestis corporis. Dictum est etiam de stellis quae moventur in toto caelo, et quantum ad stellas fixas et quantum ad planetas. De quibus dictum est ex quibus constant: ostensum est enim quod sunt de natura caelestis corporis. Dictum est etiam qualia sint secundum naturam: quia sunt animata et sphaerica. Dictum est etiam quod non sunt subiecta generationi et corruptioni. Et si quidem in primo libro determinavit de toto universo, sicut supra diximus secundum opinionem Alexandri, sic recapitulatio se extendit solum ad secundum librum. Si vero etiam in primo libro intendit determinare de caelo principaliter, ut Simplicius dicit, sic recapitulatio se extendit etiam ad primum librum.

[71355] Sur le De caelo, III, 1, 2. Il dit donc premièrement qu’il a Ğ survolé ğ dans les passages précédents, c’est-à-dire qu’il a traité brièvement, Ğ le premier ciel et les parties ğ, à savoir ses parties à lui. Or par Ğ premier ciel ğ nous pouvons entendre tout l’univers, qui est premier en perfection, et nous pouvons comprendre par ses parties les corps qui se déplacent d’un mouvement circulaire et d’un mouvement droit, si bien qu’il semble ainsi englober aussi ce dont il a traité dans le premier livre. [298a25] Mais ce qu’il ajoute, Ğ puis les astres qui y sont transportés ğ, semble résister à cette interprétation : or ce n’est pas au sens propre que les astres sont dits être transportés dans tout l’univers, mais dans le ciel, qui est transporté circulairement. Et c’est pourquoi il semble mieux de devoir comprendre ce qu’il dit du premier ciel à propos d’un corps transporté circulairement. Mais puisqu’il ne dit pas simplement Ğ le ciel ğ, mais Ğ le premier ciel ğ, cela peut faire référence à la première sphère, qui est celle des étoiles fixes ; or il dit Ğ et les parties ğ, ce qui se rapporte à la droite, à la gauche et aux autres différentes positions qui sont dans le ciel, comme il l’a montré. Mais s’il en était ainsi, serait insuffisant le rappel de ce qui a été dit dans tout le premier livre, et aussi de tout ce qui a été dit dans le deuxième, où il a été également question des sphères des planètes. Et ainsi il semble mieux de devoir dire que par le premier ciel il entend ici tout le corps qui est transporté circulairement ; ce qui est certain, c’est qu’il dit Ğ premier ğ en comparaison avec les corps inférieurs, par rapport auxquels il est premier à la fois dans l’ordre du lieu, dans l’éternité de la durée et dans la puissance de la causalité. Qu’il ajoute Ğ et les parties ğ doit être rapporté aux différentes sphères, qui sont parties du corps céleste tout entier. On a aussi parlé des étoiles qui se déplacent dans tout le ciel, concernant à la fois les étoiles fixes et les planètes. On a dit de quoi elles sont constituées : car on a montré qu’elles sont de la nature d’un corps céleste. On a aussi dit lesquelles existent conformément à la nature, puisqu’elles sont animées et sphériques. On a également dit qu’elles ne sont pas soumises à la génération et à la corruption. Et si vraiment il a traité dans le premier livre de tout l’univers, comme nous l’avons dit ci-dessus en accord avec l’opinion d’Alexandre, cette récapitulation s’étend seulement au deuxième livre. Mais s’il s’est proposé dans le premier livre aussi de traiter principalement du ciel, comme le dit Simplicius, la récapitulation s’étend ainsi également au premier livre.

[71356] In De caelo, lib. 3 l. 1 n. 3 Deinde cum dicit: quoniam autem eorum quae natura etc., ostendit de quibus restat dicendum. Et primo manifestat in quo consistat tota consideratio naturalis philosophiae; secundo ex hoc concludit quid post praemissa restat dicendum, ibi: de primo quidem et cetera. Circa primum utitur tali ratione. Omnes substantiae naturales sunt corpora; sed tota consideratio naturalis est de substantiis naturalibus et earum accidentibus; ergo tota consideratio scientiae naturalis est circa corpora.

[71356] Sur le De caelo, III, 1, 3. Ensuite, quand il dit : Ğ puisque parmi les choses que la nature ğ, etc., il démontre ce qu’il reste à dire. Et premièrement il montre en quoi consistent toutes les observations de la philosophie naturelle ; deuxièmement il en conclut ce qu’il reste à dire après les propos précédents, ici : Ğ sur le premier, du moins ğ, etc. Concernant le premier point, il utilise le raisonnement suivant. Toutes les substances naturelles sont des corps ; mais toutes les observations naturelles portent sur les substances naturelles et leurs accidents ; donc toutes les observations de la science naturelle concernent les corps.

[71357] In De caelo, lib. 3 l. 1 n. 4 Primo igitur praemittit minorem, dicens quod eorum quae dicuntur esse secundum naturam, quaedam sunt substantiae naturales, quaedam autem sunt operationes et passiones substantiarum naturalium. Et ad hoc manifestandum, primo exponit quae sunt substantiae naturales. Inter quas primo enumerat corpora simplicia. Et inter ea primo exemplificat de igne et terra, et de aliis quae sunt simul elementa corporum cum eis, sicut sunt aer et aqua: et ad horum naturam pertinent corpora mixta quae ex eis componuntur, sicut lapides et metalla. Deinde exemplificat de alio corpore simplici praeter elementa, quod est totum caelum et partes eius. Ultimo autem ponit corpora mixta animata, sicut animalia et plantas et partes eorum. Deinde manifestat quae sint operationes harum substantiarum. Et dicit quod primo quidem sunt motus locales uniuscuiusque horum corporum, et etiam aliorum quorum ista corpora sunt causa, vel materialis, sicut elementa, vel effectiva, sicut caelum (et tamen causatis corporibus congruit motus secundum virtutem corporum simplicium, ex quibus causantur). Deinde opera et passiones praedictarum substantiarum dicit esse alterationes et transmutationes earum in invicem, quae sunt secundum generationem et corruptionem. Secundo infert conclusionem. Et dicit ex praemissis manifestum esse quod plurimum historiae (idest narrationis) naturalis est circa corpora. Per hoc autem quod dicit plurimam, intelligit omnem; sed utitur hoc modo loquendi propter philosophicum temperamentum. Vel dicit plurimam, propter hoc quod in scientia naturali aliquid etiam traditur de primo motore et de anima intellectiva.

[71357] Sur le De caelo, III, 1, 4. Premièrement donc il avance la mineure, disant que parmi les choses que l’on dit suivre la nature, certaines sont des substances naturelles, certaines sont les actions et les affections des substances naturelles. Et pour montrer cela, il expose premièrement ce que sont les substances naturelles. Parmi elles, il énumère premièrement les corps simples. Et parmi eux, il donne premièrement comme exemple le feu, la terre et les autres qui sont les éléments des corps en même temps qu’eux, comme l’air et l’eau ; et les corps mixtes qu’ils composent, comme les pierres et les métaux, appartiennent à leur nature. Ensuite il donne exemple d’un autre corps simple en dehors des éléments, qui est la totalité du ciel et ses parties. Enfin il présente les corps mixtes animés, comme les animaux, les plantes et leurs parties. Puis il montre quelles sont les actions de ces substances. Et il dit que ce sont premièrement les mouvements locaux de chacun de ces corps et aussi des autres corps dont ils sont la cause, soit matérielle, comme les éléments, soit effective, comme le ciel (et pourtant le mouvement conforme à la puissance des corps simples est en accord avec les corps qu’ils causent). Ensuite il dit que les actions et les affections des substances mentionnées sont [298b1] leurs altérations et leurs transformations réciproques, qui sont dues à la génération et à la corruption. Deuxièmement il en déduit la conclusion. Et il dit qu’il est clair, d’après les prémisses, l’essentiel de la recherche (c’est-à-dire de la narration) naturelle porte sur les corps. Or quand il dit Ğ l’essentiel ğ, il entend Ğ la totalité ğ ; mais il se sert de cette expression par tempérament philosophique. Ou bien il dit Ğ l’essentiel ğ, parce que dans la science naturelle il est aussi question du premier moteur et de l’âme intellective.

[71358] In De caelo, lib. 3 l. 1 n. 5 Tertio ponit maiorem, scilicet quod omnes substantiae naturales aut sunt corpora, aut generantur cum corporibus et magnitudinibus, sicut sunt formae naturales quae dicuntur substantiae. Et hoc quidem dicit esse manifestum dupliciter. Primo per hoc quod determinatum est quae sunt secundum naturam, paulo ante, quae omnia vel sunt corpora vel cum corporibus; ut determinatum est in II Physic. quod secundum naturam sunt ea quae habent in seipsis principium motus et quietis, huiusmodi autem sunt sola corpora, quia nihil movetur nisi corpus. Secundo dicit hoc esse manifestum per inductionem, considerando per singula ea quae in scientia naturali traduntur: invenimus enim omnia esse corpora, vel cum corporibus. Et est advertendum quod haec eadem supra in primo libro praemisit.

[71358] Sur le De caelo, III, 1, 5. Troisièmement il pose la majeure, à savoir que toutes les substances naturelles soit sont des corps, soit sont engendrées en même temps que des corps et des grandeurs, comme ce sont des formes naturelles qui sont appelées substances. Et il dit que c’est clair pour deux raisons. Premièrement parce que l’on a déterminé [298b5] peu auparavant les choses qui sont conformes à la nature, qui toutes sont des corps ou bien sont avec eux, de même que l’on a déterminé dans le livre II de la Physique que sont conformes à la nature les choses qui ont en elles-mêmes le principe du mouvement et du repos, mais seuls les corps appartiennent à ce genre, puisque seul un corps se déplace. Deuxièmement il dit que c’est clair par induction, si on considère une par une les choses qui sont rapportées en science naturelle : car nous découvrons que toutes sont des corps ou sont avec eux. Et il faut remarquer qu’il a avancé ces mêmes idées ci-dessus dans le premier livre.

[71359] In De caelo, lib. 3 l. 1 n. 6 Deinde cum dicit: de primo quidem etc., ostendit quid post dicta restet dicendum. Et primo quantum ad substantias; dicens dictum esse de primo corpore inter elementa, idest de caelo (quod vocat elementum, secundum Alexandrum quia est pars mundi, secundum autem Simplicium quia est corpus simplex); de quo dictum est quale sit secundum naturam, quia est animatum et sphaericum, et quia etiam est incorruptibile et ingenitum. Unde reliquum est dicere de aliis duobus corporibus. Ostensum est enim in primo libro esse tria corpora, unum scilicet quod movetur circa medium, de quo iam dictum est; aliud quod movetur a medio; et tertium quod movetur ad medium; de quibus duobus restat dicendum (nam de terra supra dictum est non quantum ad suam naturam, sed quantum ad habitudinem quam habet ad caelum).

[71359] Sur le De caelo, III, 1, 6. Ensuite, quand il dit : Ğ sur le premier ğ, etc., il montre ce qu’il reste à dire après ce qui a été dit. Et premièrement en ce qui concerne les substances, disant que l’on a parlé du premier corps parmi les éléments, c’est-à-dire du ciel (qu’il appelle élément, selon Alexandre puisque c’est une partie du monde, mais selon Simplicius puisque c’est un corps simple) ; de lui on a dit de quelle manière il est conforme à la nature, puisqu’il est animé et sphérique et qu’il est aussi incorruptible et inengendré. De ce fait il reste à parler des deux autres corps. Car il a été montré dans le premier livre qu’il y a trois corps, à savoir l’un qui tourne autour du milieu, dont on a déjà parlé, l’autre qui quitte le milieu, et le troisième qui se dirige vers le milieu ; et il reste à parler de ces deux derniers corps (car il a été question ci-dessus non de ce qui concerne la nature de la Terre, mais de sa relation avec le ciel).

[71360] In De caelo, lib. 3 l. 1 n. 7 Secundo ibi: simul autem accidet etc., ostendit quid restet dicendum quantum ad opera et passiones. Et dicit quod simul cum his duobus, restat inquirendum de generatione et corruptione: quia vel generatio nihil est, sed est remota a natura totius universi; aut solum invenitur in his elementis quae moventur motu recto, et in corporibus quae ex eis componuntur. Haec autem consideratio locum non habebat, dum adhuc de rebus incorruptibilibus ageretur. Oportet autem hanc considerationem praemittere, quia multum valet ad considerandum naturas corporum.

[71360] Sur le De caelo, III, 1, 7. Deuxièmement ici : Ğ or en en même temps il arrivera ğ, etc., il montre ce qu’il reste à dire à propos des actions et des affections. Et il dit qu’en même temps que ces deux questions il reste à examiner la question de la génération et de la corruption, puisque soit la génération [298b10] n’est rien, mais est écartée de la nature de tout l’univers, soit on la trouve seulement pour les éléments qui se déplacent d’un mouvement droit et pour les corps qu’ils composent. Or cette réflexion n’avait pas lieu d’être, tant qu’il était encore question des choses incorruptibles. Or il faut l’effectuer, puisqu’elle a une très grande importance pour examiner les natures des corps.

 

 

Lectio 2

Leçon 2 – [Opinions des anciens philosophes]

[71361] In De caelo, lib. 3 l. 2 n. 1 Praemisso prooemio, in quo ostendit quid restet considerandum circa scientiam naturalem, hic incipit prosequi ea quae dicta sunt. Et primo inquirendo de opinionibus philosophorum circa praedicta; secundo determinando veritatem, in quarto libro, ibi: de gravi autem et levi et cetera. Circa primum duo facit: primo inquirit de generatione et motu corporum naturalium, an sit; secundo quorum et propter quid sit, ibi: quod autem neque omnium est generatio et cetera. Circa primum duo facit: primo inquirit, secundum opiniones antiquorum philosophorum, an sit generatio; secundo inquirit an motus localis sit naturalis corporibus naturalibus, ibi: quod autem necessarium existere motum et cetera. Circa primum duo facit: primo enumerat opiniones antiquorum circa generationem; secundo inquirit de veritate earum, ibi: de aliis quidem igitur alter sit sermo et cetera. Circa primum tria facit: primo ponit diversitatem philosophorum circa generationem; secundo ponit opiniones negantium generationem, ibi: hi quidem enim ipsorum etc.; tertio ponit opiniones attribuentium generationem corporibus, ibi: alteri autem quidam et cetera. Dicit ergo primo quod illi qui prius philosophati sunt de veritate, scilicet speculativa (quod dicit ad differentiam eorum qui philosophati sunt circa moralia et circa politica), diversificati sunt in suis opinionibus et contra se invicem, et contra ea quae nunc dicuntur de generatione.

[71361] Sur le De caelo, III, 2, 1. Après avoir fait cette introduction, dans laquelle il montre ce qu’il reste à considérer sur la science naturelle, il commence ici à exposer ce qui a été dit. Et premièrement en examinant les opinions des philosophes sur les idées précédentes ; deuxièmement en déterminant la vérité, dans le quatrième livre, ici : Ğ sur le lourd et le léger ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : premièrement il s’interroge sur la génération et le mouvement des corps naturels pour savoir si elle existe ; deuxièmement pour quels corps et pour quelle raison elle existe, ici : Ğ or le fait que tous ne sont pas soumis à la génération ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : premièrement il se demande, en s’attachant aux opinions des philosophes anciens, s’il y a une génération ; deuxièmement il recherche si le mouvement local est naturel aux corps naturels, ici : Ğ qu’il existe nécessairement un mouvement ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : premièrement il énumère les opinions des Anciens sur la génération ; deuxièmement il examine la question de leur vérité, ici : Ğ donc sur les autres il y a un discours ğ, etc. Concernant le premier point, il fait trois choses : premièrement il présente les différentes opinions des philosophes sur la génération ; deuxièmement il expose les idées de ceux qui nient la génération, ici : Ğ car ceux-ci ğ, etc. ; troisièmement il énonce les opinions de ceux qui attribuent la génération aux corps, ici : Ğ certains à l’autre ğ, etc. Il dit donc premièrement que ceux qui ont philosophé avant nous sur la vérité, à savoir spéculative (ce qu’il dit pour les distinguer de ceux qui ont philosophé sur la morale et la politique) ont des opinions différentes à la fois les unes avec les autres, et avec ce que l’on dit maintenant sur la génération.

[71362] In De caelo, lib. 3 l. 2 n. 2 Deinde cum dicit: hi quidem enim ipsorum etc., ponit opiniones auferentium generationem. Et dicit quod quidam antiquorum philosophorum totaliter auferebant generationem et corruptionem a rebus: dicunt enim quod nihil entium fit aut corrumpitur, sed solum videtur nobis aliquid generari aut corrumpi. Et ista fuit opinio sequentium Melissum et Parmenidem. Quos quantum ad aliquid laudat, et quantum ad aliquid reprehendit. Laudat quidem quantum ad hoc, quod ipsi primi intellexerunt quod oportet esse aliquas naturas ingenitas et incorruptibiles et immobiles. Quod quidem hac ratione moti ponebant, quia de his quae subiiciuntur generationi et corruptioni, non potest esse certa cognitio aut scientia: si ergo est aliqua cognitio certa aut scientia, oportet esse aliquas naturas ingenitas et incorruptibiles. Etsi enim de his quae cadunt sub generatione et corruptione sit aliqua scientia, hoc non est nisi inquantum in eis est aliquid ingenitum et incorruptibile, secundum participationem illarum naturarum, quae secundum se sunt ingenitae et incorruptibiles: cognoscuntur enim secundum suas formas, forma autem est quoddam divinum in rebus, inquantum est quaedam participatio primi actus. Reprehendit autem eos Aristoteles in hoc quod, quia nihil opinabantur esse praeter sensibilia, et tamen intelligebant quod oporteret esse quasdam substantias ingenitas et incorruptibiles, transtulerunt ea quae pertinent ad rationem supernaturalium substantiarum, ad haec sensibilia; dicentes haec sensibilia esse ingenita et incorruptibilia secundum veritatem, generari autem et corrumpi secundum opinionem. Manifestum est autem quod, si sunt quaedam entia ingenita et incorruptibilia et omnino immobilia, eorum consideratio non pertinet ad naturalem philosophiam, quae tota versatur circa mobilia; sed magis pertinet ad aliam priorem philosophiam, quae est metaphysica. Et ideo Parmenides et Melissus, licet quantum ad aliquid bene dicerent, ponentes quod oporteret esse aliquid ingenitum et immobile; non tamen quantum ad hoc bene dicebant, quod de rebus naturalibus non naturaliter loquebantur, attribuentes ea quae sunt substantiarum immobilium, substantiis naturalibus, quae sunt substantiae sensibiles.

[71362] Sur le De caelo, III, 2, 2. Ensuite, quand il dit : Ğ car ceux-ci ğ, etc., il expose les opinions de ceux qui suppriment la génération. Et il dit que certains des anciens philosophes [298b15] refusaient totalement la génération et la corruption aux choses : car ils disent qu’aucun des étants n’est créé ou corrompu, mais qu’une chose nous semble seulement être engendrée ou corrompue. Et telle était l’opinion des disciples de Melissus et de Parménide. Et il les loue pour telle raison et les blâme pour telle autre. Ce qui est certain, c’est qu’il les loue pour avoir été eux-mêmes les premiers à comprendre qu’il faut qu’il y ait des natures inengendrées, incorruptibles et immobiles. Et ils établissaient cela en étant poussés par la raison qu’il ne peut y avoir de connaissance ou de science certaine sur ce qui est soumis à la génération et à la corruption ; donc s’il y a une connaissance ou une science certaine, il faut qu’il y ait des natures inengendrées et incorruptibles. En effet, même s’il y a quelque science sur ce qui est exposé à la génération et à la corruption, c’est seulement dans la mesure où on y trouve quelque chose d’inengendré et d’incorruptible à l’image de ces natures, qui sont en elles-mêmes inengendrées et incorruptibles : car on les connaît par leurs formes, or la forme est ce qui est divin dans les choses, dans la mesure où le premier acte y participe. Néanmoins Aristote les blâme du fait que, parce qu’ils pensaient qu’il n’y avait rien en dehors du sensible et que pourtant ils comprenaient qu’il devait y avoir certaines substances inengendrées et incorruptibles, [298b20] ils aient reporté ce qui concerne l’organisation des substances surnaturelles sur le sensible, disant que ces choses sensibles sont véritablement inengendrées et incorruptibles, mais qu’elles sont engendrées et corrompues à ce que l’on croit. Or il est évident que, s’il y a certains étants inengendrés, incorruptibles et absolument immobiles, leur examen ne concerne pas la philosophie naturelle, qui s’occupe dans sa totalité des étants mobiles, mais plutôt l’autre philosophie antérieure, qui est la métaphysique. Et c’est pourquoi Parménide et Melissus, bien qu’ils aient bien parlé de certains points, établissant qu’il devait y avoir quelque chose d’inengendré et d’immobile, n’étaient pourtant pas dans le vrai quand ils ne parlaient pas naturellement des choses naturelles, attribuant ce qui appartient aux substances immobiles aux substances naturelles, qui sont des substances sensibles.

[71363] In De caelo, lib. 3 l. 2 n. 3 Dicit autem Simplicius in suo commento quod Aristoteles more suo reprehendit Parmenidem et Melissum, secundum ea quae exterius ex eorum verbis apparebant, ne aliqui, superficialiter intelligentes, deciperentur: secundum autem rei veritatem, intentio horum philosophorum erat quod ipsum ens, quod scilicet est per essentiam suam, est ingenitum et incorruptibile et omnino immobile. Quod autem dicebant generationem et corruptionem in rebus esse secundum opinionem, et non secundum veritatem, hoc ideo dicebant, quia opinabantur quod sensibilia, in quibus invenitur generatio et corruptio, non sunt vere entia, sed solum secundum opinionem.

[71363] Sur le De caelo, III, 2, 3. Or Simplicius dit dans son commentaire qu’Aristote blâme Parménide et Melissus, à son habitude, pour ce qu’ils laissent apparaître plus à la surface dans leurs propos, de peur que certains, les comprenant superficiellement, soient abusés : la vérité est que l’intention de ces philosophes était de considérer que l’étant lui-même, à savoir ce qui est par son essence, est inengendré, incorruptible et absolument immobile. Or ils disaient que la génération et la corruption sont dans les choses à ce que l’on croit et non en vérité, parce qu’ils pensaient que les choses sensibles, où se trouvent la génération et la corruption, ne sont pas vraiment des étants, mais seulement à ce que l’on croit. 

[71364] In De caelo, lib. 3 l. 2 n. 4 Deinde cum dicit: alteri autem quidam etc., ponit opinionem attribuentium generationem corporibus: et ponit tres opiniones. Et dicit quod quidam alii habebant contrariam opinionem praedictis, ac si studiose intenderent eis contradicere. Quidam enim dicunt quod nulla res est ingenita, sed omnia generantur: eorum tamen quae generantur, quaedam permanent incorruptibilia, quaedam autem corrumpuntur. Et hoc maxime dixerunt sectatores Hesiodi, qui fuit unus de theologis poetis, qui divina sub tegumentis quarundam fabularum tradiderunt. Unde Hesiodus dicitur posuisse etiam chaos, ex quo omnia generantur, esse generatum. Omne autem generatum ab aliquo generante generatur: unde dabant intelligere super omnia ista esse quandam causam primam, scilicet intellectum et divinitatem, a qua omnia processerunt. Et huiusmodi processum a primo principio generationem vocabant.

 

[71364] Sur le De caelo, III, 2, 4. Ensuite, quand il dit : Ğ mais certains autres ğ, etc., il présente l’opinion de ceux qui attribuent la génération aux corps : et il expose trois opinions. Il dit aussi que certains autres hommes avaient un avis contraire au précédent, comme [298b25] s’ils avaient cherché avec ardeur à les contredire. Car certains disent qu’aucune chose n’est inengendrée, mais que toutes sont engendrées ; pourtant, parmi celles qui sont engendrées, les demeurent incorruptibles, mais les autres sont corrompues. Et ce sont surtout les disciples d’Hésiode qui le disaient, lui qui fut l’un des poètes théologiens qui ont tenu des propos divins cachés sous les apparences de certaines fables. De ce fait on dit qu’Hésiode a établi que le chaos, à partir duquel tout est engendré, l’est aussi. Or toute chose engendrée l’est par une chose qui engendre : de ce fait ils donnaient à comprendre qu’il y avait une cause première au-dessus de toutes ces choses, à savoir l’intellect et la divinité, d’où tout procédait. Et ils appelaient un processus de ce genre génération à partir du premier principe.

[71365] In De caelo, lib. 3 l. 2 n. 5 Secundam opinionem ponit ibi: deinde et aliorum et cetera. Et dicit quod post praedictos poetas, inter alios, qui primitus de natura tractaverunt, quidam dixerunt quod omnia alia generantur et sunt in continuo fluxu, ita quod nihil in eis est fixum et permanens, praeter unum, materiale scilicet principium, quod subsistit omnibus quae fiunt et corrumpuntur. Et hoc idem dixerunt multi alii philosophi: sicut Thales, qui posuit hoc principium esse aquam; Anaximenes autem aerem; Anaximander autem medium inter utrumque, scilicet vaporem; Heraclitus autem Ephesius ignem (de quo specialiter mentionem facit, quia ipse magis asserebat omnia esse in continuo fluxu).

[71365] Sur le De caelo, III, 2, 5. Il présente la deuxième opinion ici : Ğ ensuite d’autres ğ, etc. Et il dit que, après les poètes mentionnés, parmi les autres qui ont traité originairement de la nature certains [298b30] ont dit que toutes les autres choses sont engendrées et sont dans un flux continu, de telle façon que rien n’est fixe ni permanent chez elles, à l’exception d’une chose, à savoir un principe matériel, qui se trouve dans toutes les choses qui sont créées et corrompues. Et bien d’autres philosophes ont avancé cette même idée, comme Thalès, qui a établi que ce principe est l’eau, Anaximène pour qui c’est l’air, Anaximandre, pour qui c’est un intermédiaire entre les deux, à savoir la vapeur, Héraclite d’Ephèse, pour qui c’est le feu (Aristote fait particulièrement mention de ce dernier, puisqu’il affirmait lui-même plutôt que tout est dans un flux continu).

[71366] In De caelo, lib. 3 l. 2 n. 6 Tertiam opinionem ponit ibi: sunt autem quidam et cetera. Et dicit quod quidam sunt, qui posuerunt omne corpus esse generabile; quia ponunt quod omnia corpora componuntur ex superficiebus, et iterum resolvuntur in superficies. Et haec fuit opinio Platonis.

[71366] Sur le De caelo, III, 2, 6. Il présente la troisième opinion ici : Ğ certains sont ğ, etc. Et il dit qu’il y en a certains qui ont établi que tout corps peut être engendré, puisqu’ils considèrent que tous les corps sont composés de surfaces et se décomposent de nouveau [299a1] en surfaces. Et telle était l’opinion de Platon.

 

 

Lectio 3

Leçon 3 – [L’opinion de Platon est-elle vraie ?]

[71367] In De caelo, lib. 3 l. 3 n. 1 Praemissis opinionibus de generatione rerum, hic inquirit de veritate praedictarum opinionum. Et praetermissis aliis opinionibus, de quibus in aliis locis inquirit, specialiter inquisitionem facit de ultima opinione, quae est Platonis; tum quia erat famosior, tum etiam quia ordine inquisitionis erat prior. Nam aliae opiniones ponebant vel auferebant specialium corporum generationem; haec autem opinio videbatur tradere generationem corporis, inquantum est corpus, ponendo corpus ex superficiebus generari. Circa hoc autem duo facit: primo improbat hanc opinionem; secundo ostendit eisdem rationibus improbari posse opinionem Pythagoricorum, ponentium corpora generari ex numeris, ibi: idem autem accidit et cetera. Circa primum duo facit: primo improbat praedictam opinionem rationibus mathematicis; secundo rationibus naturalibus, ibi: quaecumque autem de naturalibus et cetera.

[71367] Sur le De caelo, III, 3, 1, 1. Après avoir exposé les opinions sur la génération des choses, il examine ici si elles sont vraies. Et laissant de côté les autres opinions, qu’il examine dans d’autres passages, il examine particulièrement la dernière, celle de Platon, d’une part parce qu’elle était plus célèbre, d’autre part aussi parce qu’elle était la première dans l’ordre de son examen. Car les autres opinions établissaient ou supprimaient la génération des corps spéciaux ; mais cette opinion semblait expliquer la génération du corps, dans la mesure où c’est un corps, en posant qu’il est engendré par des surfaces. Concernant cela il fait deux choses : premièrement il réfute cette opinion ; deuxièmement il démontre que les mêmes raisons peuvent réfuter l’opinion des Pythagoriciens, qui établissent que les corps sont engendrés par les nombres, ici : Ğ or la même chose arrive ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : premièrement il réfute l’opinion susdite par des raisonnements mathématiques ; deuxièmement par des raisonnements naturels, ici : Ğ tout ce qui sur les choses naturelles ğ, etc.

[71368] In De caelo, lib. 3 l. 3 n. 2 Circa primum ponit duas rationes. Circa quarum primam dicit quod de aliis praedictarum opinionum debet fieri alius sermo: partim quidem in I physicorum, partim autem in libro de generatione, partim autem inferius in hoc eodem libro. Sed quantum ad illos qui ponunt omnia corpora ex superficiebus constitui, in promptu est videre quod accidit eis dicere multa contraria disciplinis, idest scientiis mathematicis. Quae supponunt punctum esse indivisibile; et ita ex punctis non fit linea, quae est divisibilis: supponunt etiam lineam esse longitudinem sine latitudine; et ita ex lineis non fit superficies, quae habet longitudinem cum latitudine, sine profunditate: et ita ex superficiebus non fit corpus, quod cum longitudine et latitudine habet etiam profunditatem. Non est autem rectum quod aliquis removeat huiusmodi suppositiones mathematicorum, nisi aliquis afferat probabiliores rationes quam sint istae suppositiones. Et ideo videtur praedicta opinio Platonis esse improbanda, quae absque ratione cogente huiusmodi suppositiones removit.

[71368] Sur le De caelo, III, 3, 2. Concernant le premier point, il avance deux raisons. À propos de la première d’entre elles, il dit qu’il faut tenir un autre discours sur les autres opinions précédentes : c’est le cas en partie dans le livre I de la Physique, en partie dans le livre sur la Génération, en partie plus bas dans le même livre. Mais en ce qui concerne ceux qui établissent que tous les corps sont constitués de surfaces, il est visible qu’il leur arrive de tenir bien des propos contraires aux Ğ disciplines ğ, c’est-à-dire aux sciences mathématiques. [299a5] Celles-ci supposent que le point est indivisible ; et ainsi une ligne, qui est divisible, n’est pas formée de points ; ils supposent aussi que la ligne est une longueur sans largeur ; et ainsi une surface, qui a une longueur et une largeur, mais pas de profondeur, n’est pas formée de lignes ; et ainsi un corps, qui a une longueur, une largeur et également une profondeur, n’est pas formée de surfaces. Or il n’est pas correct d’écarter de telles hypothèses mathématiques, à moins de produire des raisons plus probables que ces hypothèses. Et c’est pourquoi l’opinion précédente de Platon semble condamnable, puisqu’elle a écarté des hypothèses de ce genre sans raisonnement qui contraignent à cela.

[71369] In De caelo, lib. 3 l. 3 n. 3 Secundam rationem ponit ibi: deinde palam et cetera. Et dicit eiusdem rationis esse quod solida, idest corpora, componantur ex superficiebus, et quod superficies componantur ex lineis, et linea ex punctis: quia sicut punctus est terminus et divisio lineae, ita linea superficiei, et superficies corporis. Si autem sic se habet sicut Plato posuit, quod corpora componantur ex superficiebus, sequetur quod superficies componantur ex lineis, et lineae ex punctis: et ita non erit necesse quod pars lineae sit linea. Et de hoc dicit esse prius consideratum in sermonibus de motu, idest in VI Physic., ubi probatum est quod lineae non sunt indivisibiles, neque ex indivisibilibus compositae. Invenitur autem quidam alius libellus, in quo probatur quod non sunt lineae indivisibiles: quem quidam dicunt esse Theophrasti.

[71369] Sur le De caelo, III, 3, 3. Il établit la deuxième raison ici : Ğ ensuite manifestement ğ, etc. Et il dit qu’il relève du même raisonnement de dire que Ğ les solides ğ, c’est-à-dire les corps, sont composés de surfaces, que les surfaces sont composées de lignes, et les lignes de points, puisque, de même qu’un point est la limite et la division d’une ligne, de même la ligne constitue celles de la surface et la surface, celles du corps. Or s’il en est ainsi que Platon l’a établi, c’est-à-dire que les corps sont composés de surfaces, il s’ensuivra que les surfaces sont composées de lignes, et les lignes de points ; et ainsi il ne sera pas nécessaire que la partie d’une ligne soit une ligne. Et il dit que cela [299a10] a déjà été considéré Ğ dans les propos sur le mouvement ğ, c’est-à-dire dans le livre VI de la Physique, où il a été prouvé que les lignes ne sont pas indivisibles et qu’elles ne sont pas faites de composants indivisibles. Or il se trouve un autre court traité, dans lequel il est prouvé que les lignes ne sont pas indivisibles : certains disent qu’il est de Théophraste.

[71370] In De caelo, lib. 3 l. 3 n. 4 Deinde cum dicit: quaecumque autem de naturalibus etc., improbat praedictam positionem per rationes naturales. Et primo assignat rationem quare necesse sit huiusmodi rationes inducere, non solum mathematicas, sed etiam naturales; secundo exequitur propositum, ibi: multa autem sunt et cetera. Dicit ergo primo quod, quia dictum est quod impossibile sequatur secundum mathematicam considerationem, ad id quod aliqui ponunt esse lineas indivisibiles, ex quibus componuntur superficies, et per consequens corpora; oportet quod etiam nunc consideremus breviter impossibilia quae sequuntur ad hanc opinionem, circa naturalia corpora. Et hoc necessarium est: quia quaecumque impossibilia accidunt circa mathematica corpora, necesse est quod consequantur ad corpora naturalia. Et hoc ideo, quia mathematica dicuntur per abstractionem a naturalibus; naturalia autem se habent per appositionem ad mathematica (superaddunt enim mathematicis naturam sensibilem et motum, a quibus mathematica abstrahunt); et sic patet quod ea quae sunt de ratione mathematicorum, salvantur in naturalibus, et non e converso. Et ideo quaecumque inconvenientia sunt contra mathematica, sunt etiam contra naturalia sed non convertitur.

[71370] Sur le De caelo, III, 3, 4. Ensuite, quand il dit : Ğ tout ce qui sur les naturels ğ, etc., il rejette la thèse déjà mentionnée au moyen de raisons naturelles. Et premièrement il donne la raison pour laquelle il est nécessaire d’avancer des raisons de ce genre, non seulement mathématiques, mais aussi naturelles ; deuxièmement il développe la proposition, ici : Ğ or il y a beaucoup de choses ğ, etc. Il dit donc premièrement que, puisque l’on a dit que le fait que quelques uns ont établi que ce sont des lignes indivisibles qui composent les surfaces et par conséquent les corps entraîne des conséquences impossibles du point de vue mathématique, il faut que nous considérions maintenant aussi, brièvement, les conséquences impossibles qui suivent cette opinion, concernant les corps naturels. Et c’est nécessaire : puisque toute sorte de conséquences impossibles se produit à propos des corps mathématiques, il est nécessaire qu’elles concernent les corps naturels. Et cela parce que les corps mathématiques sont appelés ainsi après abstraction à partir des corps naturels ; or, ces derniers existent après addition aux corps mathématiques (car ils ajoutent aux corps mathématiques leur nature sensible et leur mouvement, auxquels les corps mathématiques sont soustraits) ; et ainsi il est évident que les idées qui sont issues du raisonnement mathématique sont conservées en physique, et non l’inverse. Et c’est pourquoi tous les inconvénients qui s’opposent aux mathématiques s’opposent aussi à la physique, mais ce n’est pas le contraire.

[71371] In De caelo, lib. 3 l. 3 n. 5 Deinde cum dicit: multa autem sunt etc., ostendit quae impossibilia ex praedicta positione sequantur circa corpora naturalia. Et primo ponit quandam rationem generalem; secundo explicat eam per partes, ibi: si itaque impossibilium et cetera. Dicit ergo primo quod multa sunt quae non possunt inesse indivisibilibus, quae tamen necesse est inesse naturalibus corporibus. Possumus autem indivisibilia hic accipere mathematica, eo quod per abstractionem dicuntur: et sic hoc quod hic dicitur, inducetur ad manifestandum quod immediate dictum est, scilicet quod naturalia se habent per additionem ad mathematica; quia multa necesse est inesse naturalibus, quae non possunt inesse mathematicis, sicut omnes passiones quae sunt divisibiles. Sed melius est ut indivisibilia accipiamus sicut superficies respectu corporum, et lineas respectu superficierum, et puncta respectu linearum; quae etiam sunt indivisibilia simpliciter. Dicit ergo quod multa necesse est inesse corporibus naturalibus, quae non possunt inesse rebus indivisibilibus; puta si aliquid est indivisibile, ut punctum vel linea vel superficies. Vel: puta si quid est divisibile; quia id quod est divisibile, ex necessitate inest corpori naturali, non autem rebus indivisibilibus. Divisibile enim non potest inesse rei indivisibili omnino: quia id quod inest alicui, quodammodo comprehenditur ab ipso; divisibile autem non potest comprehendi ab indivisibili secundum quantitatem. Omnes autem passiones dupliciter dividuntur: vel secundum speciem, vel secundum accidens. Quod non est sic intelligendum, quasi quaelibet passio utroque modo dividatur: sed quia quaelibet passio vel uno vel altero modo dividitur. Exponit autem utrumque modum divisionis. Et dicit quod secundum speciem dividitur passio, sicut species coloris sunt album et nigrum. Quod quidem potest intelligi dupliciter. Uno modo quod hoc commune quod est color, dividatur per album et nigrum sicut per suas species: sed hoc non facit ad propositum, quia nihil prohibet de aliquo indivisibili praedicari aliquid quod est commune ad multa. Unde oportet intelligere quod passio divisibilis secundum speciem intelligatur sicut color medius, qui componitur ex duabus speciebus coloris, quae sunt album et nigrum: talem autem passionem non videtur possibile inesse rei omnino simplici, quia, cum passiones propriae causentur a subiecto, necesse est quod passionis compositae sint diversa principia; quod repugnat simplicitati subiecti. Exponit autem consequenter de divisibili secundum accidens. Et dicit quod passio dicitur secundum accidens divisibilis, si subiectum cui accidit sit divisibile; sicut dividitur albedo per divisionem subiecti. Unde omnes passiones quae sunt simplices secundum speciem, inveniuntur divisibiles hoc modo, scilicet secundum subiectum, inquantum scilicet insunt corpori naturali. Et ideo circa tales passiones, quae uno vel altero modo sunt divisibiles, est considerandum quod impossibile sequatur dicentibus lineas indivisibiles vel superficies, ex quibus componantur corpora naturalia, ex talibus quae non sunt susceptiva passionum corporum naturalium.

[71371] Sur le De caelo, III, 3, 5. Ensuite quand il dit : Ğ il y en a beaucoup ğ, etc., il montre quelles conséquences impossibles concernant les corps naturels suivent la thèse précédente. [299a15] Et premièrement il démontre une raison générale ; deuxièmement il l’explique par ses parties, ici : Ğ c’est pourquoi si parmi les conséquences impossibles ğ, etc. Il dit donc premièrement qu’il y a bien des caractéristiques qui ne peuvent appartenir aux choses indivisibles et qui, pourtant, appartiennent nécessairement aux corps naturels. Or nous pouvons entendre ici par Ğ indivisibles ğ les corps mathématiques, du fait qu’ils sont appelés ainsi par abstraction ; et de cette manière ce qu’il dit ici est avancé pour montrer ce qui vient d’être dit, à savoir que les corps naturels sont ajoutés aux mathématiques, puisqu’il est nécessaire que se trouvent dans les corps naturels de nombreuses caractéristiques qui ne peuvent appartenir aux corps mathématiques, comme toutes les affections, qui sont divisibles. Mais il vaut mieux considérer les indivisibles comme les surfaces par rapport aux corps, les lignes par rapport aux surfaces et les points par rapport aux lignes, qui sont aussi indivisibles simplement. Il dit donc qu’il est nécessaire qu’appartiennent aux corps naturels beaucoup de caractéristiques qui ne peuvent se trouver dans les choses indivisibles : Ğ par exemple si quelque chose est indivisible ğ, comme le point, la ligne ou la surface ; ou bien Ğ par exemple si quelque chose est divisible ğ, puisque ce qui est divisible se trouve nécessairement dans un corps naturel, mais non dans des choses indivisibles. En effet, le divisible ne peut absolument pas se trouver dans une chose indivisible, [299a20] puisque ce qui se trouve dans une chose est compris d’une manière ou d’une autre par elle ; or, le divisible ne peut être compris par l’indivisible en quantité. Or, toutes les affections sont divisées de deux façons : soit Ğ selon l’espèce ğ, Ğ soit selon l’accident ğ. Il ne faut pas le comprendre comme si n’importe quelle affection était divisée de l’une et l’autre manière, mais comme si elle était divisée de l’une ou l’autre manière. Il explique les deux modes de division. Et il dit qu’une affection se divise Ğ selon l’espèce ğ comme le blanc et le noir sont l’espèce d’une couleur. Cela du moins peut être compris de deux manières. D’une part la caractéristique commune, qui est la couleur, est divisée en blanc et noir comme par ses espèces ; mais cela ne concerne pas la proposition, puisque rien n’empêche d’affirmer à propos d’un indivisible une caractéristique qui est commune à beaucoup de choses. De ce fait il faut comprendre que l’affection du divisible selon l’espèce signifie la couleur intermédiaire qui est composée des deux espèces de couleur, qui sont le blanc et le noir ; or, il ne semble pas possible qu’une telle affection se trouve dans un corps absolument simple, puisque, comme les affections propres sont causées par un sujet, il est nécessaire que les principes d’une affection composée soient divers, ce qui s’oppose à la simplicité du sujet. Par conséquent il traite du corps divisible Ğ selon l’accident ğ. Et il dit que l’affection est entendue selon l’accident du divisible, si le sujet auquel elle arrive est divisible, tout comme la blancheur est divisée par la division du sujet. Donc toutes les affections qui sont simples selon l’espèce se trouvent être divisibles de cette manière : selon le sujet, dans la mesure où elles se trouvent dans un corps naturel. Et c’est pourquoi concernant de telles affections, qui sont divisibles de cette manière ou de l’autre, il faut considérer qu’une conséquence impossible [299a25] suit quand on dit indivisibles les lignes ou les surfaces dont sont composés les corps naturels et qui sont incapables de recevoir les affections des corps naturels.

[71372] In De caelo, lib. 3 l. 3 n. 6 Deinde cum dicit: si itaque impossibilium etc., ponit speciales rationes ad improbandum positionem praedictam. Circa quarum primam duo facit: primo proponit rationem; secundo probat ea quae supposuerat, ibi: sed et quod punctum et cetera. Dicit ergo primo impossibile esse, si utrumque eorum ex quibus aliquid componitur, nullam habeat gravitatem, quod compositum ex ambobus habeat gravitatem. Sed corpora sensibilia habent gravitatem; aut omnia, sicut dicebat Democritus, aut quaedam, scilicet terra et aqua, sicut ipsimet Platonici dicebant. Ergo corpus sensibile non potest componi ex rebus non habentibus gravitatem. Sed punctum nullam habet gravitatem: ergo ex punctis non potest componi aliquid habens gravitatem. Componitur autem ex eis secundum praedictam positionem linea: ergo etiam linea non potest habere gravitatem. Et per consequens neque superficies, quae componitur ex lineis: et ulterius neque corpus, quod componitur ex superficiebus: quod est contra praedicta. Est autem considerandum quod ista ratio tenet in partibus quantitativis, quae sunt eiusdem naturae et rationis et ad invicem et cum toto: non autem tenet in partibus essentialibus, quarum est alia ratio et ab invicem et a toto. Unde non sequitur, si materia non est gravis nec forma, quod compositum non sit grave: quia materia est gravis in potentia, per formam autem fit aliquid grave actu.

[71372] Sur le De caelo, III, 3, 6. Ensuite quand il dit : Ğ c’est pourquoi si parmi les conséquences impossibles, etc., il établit les raisons spéciales qui permettent de rejeter la thèse précédente. Concernant la première d’entre elles, il fait deux choses : premièrement il expose la raison ; deuxièmement il prouve ce qu’il avait supposé, ici : Ğ mais que le point ğ, etc. Il dit donc premièrement qu’il est impossible que, si chacune des deux parties qui composent une chose n’a aucun poids, ce qui est composé des deux en ait. Mais les corps sensibles ont un poids ; soit tous, comme l’affirmait Démocrite, soit certains à savoir la terre et l’eau, comme les Platoniciens le disaient eux-mêmes. Donc un corps sensible ne peut être composé de choses qui n’ont pas de poids. Mais un point n’a aucun poids ; donc un corps doté d’un poids ne peut être composé de points. Or une ligne en est composée selon la thèse déjà exposée ; donc la ligne non plus ne peut avoir de poids. Et par conséquent la surface, [299a30] qui est composée de lignes, n’en aura pas non plus ; et enfin le corps non plus, lui qui est composé de surfaces, ce qui est contraire aux propos ci-dessus. Or il faut considérer que cette raison s’attache aux parties de la quantité, qui ont la même nature et organisation, soit les unes par rapport aux autres, soit par rapport à la totalité ; or elle ne s’attache pas aux parties essentielles, dont l’organisation est différente à la fois les unes par rapport aux autres et rapport au tout. De ce fait, il ne s’ensuit pas que, si ni la matière, ni la forme ne sont lourdes, leur composé ne le soit pas, puisque la matière est lourde en puissance, mais une chose devient lourde en acte par la forme.

[71373] In De caelo, lib. 3 l. 3 n. 7 Deinde cum dicit: sed et quod punctum etc., probat quae supposuerat in ratione praemissa. Et primo probat quod punctum non sit grave; secundo quod ex non gravibus non potest componi aliquid grave, ibi: sed adhuc neque ex non habentibus et cetera. Primum autem probat tribus rationibus. Quarum prima talis est. Omne grave potest esse aliquo alio gravius, et omne leve contingit esse aliquo levius: sed tamen non est necesse omne quod est gravius aut levius, esse grave aut leve. Videtur autem quod hic dicitur esse falsum: nam comparativum praesupponit positivum; omne enim albius est album. Dicunt ergo quidam quod comparativum, si proprie accipiatur, praesupponit positivum, et infert ipsum: sed quandoque comparatio est abusiva, puta cum aliquid comparative dicitur respectu oppositi, sicut si dicatur cygnus albior corvo; vel etiam si aliquid dicatur comparative propter hoc quod minus participat de opposito, puta si dicatur aliquis Aethiops esse albior corvo, quia est minus niger; et sicut dicitur aliquod minus malum esse eligibilius magis malo, cum tamen malum non sit eligibile, nec Aethiops sit albus. Et per hunc modum hic philosophus dicit quod non omne gravius est grave, nec omne levius est leve: unde ad designandam abusivam comparationem, addidit forte. Sed quia non est consuetudo Aristotelis ut ex abusivis locutionibus argumentetur, ideo dicendum est quod quaedam sunt quae dicuntur tantum absolute, sicut album vel dulce; et in talibus comparativum praesupponit positivum, et infert ipsum. Quaedam autem sunt quae quandoque dicuntur absolute, quandoque autem relative, sicut grave et leve: nam, ut in quarto dicetur, ignis dicitur absolute levis, terra autem absolute gravis; aer autem ad ignem quidem gravis, ad aquam autem et terram levis. Sic et aqua ad terram quidem est levis, ad ignem autem et ad aerem gravis. Manifestum est autem quod id quod est absolute grave, est etiam grave per comparationem ad alia; et id quod est absolute leve, est etiam leve per comparationem ad alia; et per hunc modum omne grave est gravius, et omne leve est levius. Non tamen sequitur quod omne levius est leve, aut omne gravius sit grave: quia non sequitur, si est leve ad alia, quod sit leve absolute; et eadem ratio est de gravi. Et quod haec sit ratio dicti, patet ex exemplo quod ponit. Magnum enim, communiter acceptum, dicitur ad aliquid, ut patet in praedicamentis: sed applicatum alicui rei, dicitur absolute magnum quod pertingit ad quantitatem debitam illi rei; sicut homo dicitur magnus absolute, qui attingit ad perfectam hominis quantitatem. Et ita patet quod magnum dicitur absolute, et ad aliquid. Et inde est quod omne magnum absolute dicitur magnum ad aliquid, quod est esse maius: non autem omne maius est magnum absolute; multa enim sunt quae absolute considerata sunt parva, quae tamen aliis sunt maiora. Si igitur omne grave est gravius quodam alio, necesse est quod omne grave sit maius alio quodam in gravitate. Et ita sequitur quod sit divisibile: nam omne maius dividitur in aequale et plus. Sed punctum est indivisibile, ut supponitur ex eius definitione. Ergo punctum non est grave.

[71373] Sur le De caelo, III, 3, 7. Ensuite quand il dit : Ğ mais que le point ğ, etc., il prouve ce qu’il avait supposé dans la raison précédente. Et il prouve premièrement que le point n’est pas lourd, deuxièmement qu’une chose lourde ne peut être composée d’éléments qui ne le sont pas, ici : Ğ mais en outre ni à partir de ceux qui n’ont pas ğ, etc. Premièrement il le prouve par trois raisons. La première d’entre elles est la suivante. Chaque corps lourd peut être plus lourd qu’un autre, chaque corps léger est susceptible d’être plus léger [299b1] qu’un autre ; mais pourtant il n’est pas nécessaire que tout corps qui est plus lourd ou plus léger soit lourd ou léger. Or il semble qu’il dise ici une erreur ; car le comparatif suppose le positif, en effet, tout ce qui est plus blanc est blanc. Certains disent donc que le comparatif, s’il est entendu au sens propre, suppose le positif et l’exprime ; mais parfois la comparaison est abusive, par exemple quand une chose est comparée à son contraire, comme si on disait que le cygne est plus blanc que le corbeau, ou bien si une chose est comparée parce qu’elle participe moins du contraire, par exemple si on disait qu’un Éthiopien est plus blanc qu’un corbeau, puisqu’il est moins noir, et aussi quand on dit qu’un moindre mal doit être choisi de préférence à un mal, alors qu’un mal ne doit pourtant pas être choisi et qu’un Éthiopien n’est pas blanc. Et de cette manière le philosophe dit ici que tout objet plus lourd n’est pas lourd et que tout objet plus léger n’est pas léger : de ce fait pour désigner cette comparaison abusive, il ajoute Ğ par hasard ğ. Mais puisqu’Aristote n’a pas l’habitude d’argumenter en utilisant des expressions abusives, il faut donc dire qu’il y a certaines choses qui sont dites seulement absolument, comme le blanc et le doux ; et dans de telles locutions le comparatif suppose le positif et l’exprime. Or il y en d’autres qui sont dites tantôt absolument, tantôt relativement, comme le lourd et le léger ; car, comme le dira le quatrième livre, le feu est dit léger dans l’absolu, et la terre lourde dans l’absolu, mais l’air est dit lourd par rapport au feu et léger par rapport à l’eau et à la terre. Ainsi l’eau est légère par rapport à la terre, mais lourde par rapport au feu et à l’air. Or il est manifeste que ce qui est lourd absolument est aussi lourd en comparaison avec d’autres choses ; et ce qui est léger absolument est aussi léger en comparaison avec d’autres choses ; et de cette manière tout objet lourd est plus lourd et tout objet léger est plus léger. Il ne s’ensuit pourtant pas que tout objet plus léger soit léger ou bien que tout objet plus lourd soit lourd, puisqu’il ne s’ensuit pas que, s’il est léger par rapport à d’autres, il soit léger dans l’absolu ; et la même raison s’applique au lourd. Et il est clair d’après l’exemple qu’il donne que c’est la raison de ce qu’il dit. Car Ğ grand ğ, dans son acception commune, se dit de quelque chose, comme le montrent les Catégories ; mais, appliqué à une chose, est dit Ğ grand ğ dans l’absolu ce qui atteint la quantité due à cette chose, de même qu’est dit Ğ grand ğ dans l’absolu un homme qui parvient à la dimension parfaite pour un homme. Et ainsi il est évident que Ğ grand ğ se dit dans l’absolu et par rapport à quelque chose. Et de là vient que tout objet grand dans l’absolu est dit grand par rapport à un objet, ce qui revient à être plus grand ; or tout objet plus grand n’est pas grand dans l’absolu ; car il y a bien des choses qui sont considérées comme petites dans l’absolu, alors qu’elles sont plus grandes que d’autres. Donc si tout objet [299b5] lourd est plus lourd qu’un autre, il est nécessaire que tout objet lourd soit plus important qu’un autre en poids. Et ainsi il s’ensuit qu’il est divisible ; car tout objet plus lourd se divise en son égal et plus. Mais le point est indivisible, comme on le suppose d’après sa définition. Donc le point n’est pas lourd.

[71374] In De caelo, lib. 3 l. 3 n. 8 Secundam rationem ponit ibi: adhuc si grave etc.; quae talis est. Grave et leve consequuntur ad rarum et spissum: videmus enim quod secundum differentiam raritatis et densitatis, elementa differunt in gravitate et levitate. Sed spissum in hoc differt a raro, quod in aequali mole, idest sub eisdem dimensionibus, plura continet, quia plus habet de materia, ut in IV Physic. habetur. Cum autem corpora quaedam sint gravia, quaedam levia, si punctum ponitur grave, pari ratione ponitur leve; et si ponitur spissum, pari ratione ponitur rarum. Sed illud quod ponitur spissum, oportet esse divisibile, inquantum plura continet sub minori mole: similiter id quod est rarum, oportet quod sit divisibile, inquantum aequale continet sub maiori mole. Punctum autem est indivisibile: ergo neque est spissum neque rarum; et per consequens neque grave neque leve.

[71374] Sur le De caelo, III, 3, 8. Il présente la deuxième raison ici : Ğ en outre si le lourd ğ, etc. ; la voici. Le lourd et le léger sont la conséquence du rare et du dense : car nous voyons que les éléments diffèrent en poids et en légèreté selon leur rareté et leur densité. Mais le dense diffère du rare en ce que Ğ dans un volume égal ğ, c’est-à-dire de mêmes dimensions, il contient plus de choses, puisqu’il a plus de matière, comme le montre le livre IV de la Physique. Or comme certains corps sont lourds et d’autres légers, si un point est considéré comme lourd, il est considéré comme léger selon un raisonnement identique ; et s’il est considéré comme dense, il est considéré comme rare selon le même raisonnement. [299b10] Mais ce qui est considéré comme dense doit être divisible, dans la mesure où il contient une plus grande quantité dans un moindre volume ; de la même façon ce qui est rare doit être divisible, dans la mesure où cela contient une quantité égale dans un plus grand volume. Or le point est indivisible ; donc il n’est ni dense, ni rare, et par conséquent ni lourd, ni léger.

[71375] In De caelo, lib. 3 l. 3 n. 9 Tertiam rationem ponit ibi: si autem omne grave etc.; quae talis est. Omne grave aut est molle aut durum: cuius ratio est, quia gravitas consequitur duo elementa, scilicet terram et aquam, quorum unum, scilicet aqua, cedit tangenti, et ideo est principium mollitiei; alterum autem, scilicet terra, non cedit, et ideo est principium duritiei. Manifestum est autem quod omne molle est divisibile: quia cedit tangenti infra seipsum; quod non posset esse nisi haberet plures partes, quarum una quodammodo resurgeret in locum alterius. Et eadem ratione oportet durum esse divisibile: non enim posset dici non cedens, nisi haberet quo cederet. Cum igitur punctum sit indivisibile, non erit durum neque molle: et ita non erit grave.

[71375] Sur le De caelo, III, 3, 9. Il expose une troisième raison ici : Ğ or si tout objet lourd ğ, etc. ; la voici. Tout objet lourd est soit mou, soit dur ; la raison en est que le poids est la conséquence de deux éléments, la terre et l’eau, dont l’un, à savoir l’eau, cède à qui le touche, et c’est pourquoi il est le principe de la mollesse ; mais l’autre, à savoir la terre, ne cède pas, et c’est pourquoi c’est le principe de la dureté. Or il est manifeste que tout objet mou est divisible, puisqu’il cède la place sous lui-même à ce qui le touche ; ce phénomène n’est possible que si cet objet a plusieurs parties, dont l’une ressurgit d’une certaine manière à la place d’une autre. Et suivant le même raisonnement il faut que le dur soit divisible ; car on ne peut dire qu’il ne cède pas, à moins qu’il ait un endroit où céder. Donc comme le point est indivisible, il ne sera pas dur, ni mou ; et ainsi il ne sera pas lourd.

[71376] In De caelo, lib. 3 l. 3 n. 10 Deinde cum dicit: sed adhuc neque ex non habentibus etc., ostendit quod nullum grave potest componi ex duobus vel pluribus, quorum nullum est grave. Sed hoc est intelligendum de compositione qua aliquid componitur ex partibus quantitativis: nam ex partibus essentialibus componitur aliquid grave, puta ex materia et forma, quorum neutrum est grave. Ad hoc autem ostendendum inducit duas rationes. Quarum prima est quae procedit secundum quorundam opinionem, qui dicebant quod ex aliquibus non gravibus, quando multiplicabantur, componebatur aliquid grave: quando autem erant in minori numero, non constituebatur ex eis aliquid grave. Oportet igitur quod determinent quot existentibus constituatur gravitas: alioquin quod dicitur sine certa ratione, videtur esse fictitium.

[71376] Sur le De caelo, III, 3, 10. Ensuite quand il dit : Ğ mais encore non pas à partir de ceux qui ont ğ, etc., il montre qu’aucun objet lourd ne peut être composé de deux ou de plusieurs parties dont aucune n’est lourde. Mais il faut le comprendre à propos de la composition par des parties quantitatives : car un objet lourd est composé de parties essentielles, par exemple de matière et de forme, dont ni l’une, ni l’autre ne sont lourdes. Pour le démontrer, il avance deux raisons. La première d’entre elles est celle qui est tirée de l’opinion de certains [299b15] qui disaient qu’un objet lourd est composé de parties qui ne le sont pas, quand elles sont multipliées ; or quand elles sont moins nombreuses, un objet lourd n’est pas constitué par elles. Il faut donc qu’ils déterminent de combien de parties existantes est constitué le poids ; sinon ce qui est dit sans raison certaine semble être mensonger.

[71377] In De caelo, lib. 3 l. 3 n. 11 Secundam rationem ponit ibi: et si omnis gravitas etc.; quae talis est. Omnis gravitas maior alia gravitate, excedit minorem gravitatem per aliquam gravitatem: quia per additionem similium fit aliquid maius. Et ex hoc sequitur, secundum positionem praedictam, quod quodlibet indivisibile habeat gravitatem. Ponamus enim quod sit aliquod corpus ex quatuor punctis constitutum, gravitatem habens: sit aliud corpus constitutum ex pluribus punctis, puta ex quinque. Et sic erit gravius; ita scilicet quod oportebit id in quo excedit, esse grave. Et quamvis non omne gravius sit grave, ut supra dictum est, tamen omne quod est gravius gravi, oportet esse grave, sicut omne quod est albius albo, oportet esse album. Et ideo, cum illud quod est maius in uno puncto, sit gravius corpore quod est sibi aequale si auferatur ab eo unum punctum, sequetur quod unum punctum sit grave; quod est impossibile, ut ex praemissis patet. Ergo relinquitur impossibile esse quod ex non gravibus fiat aliquod grave.

[71377] Sur le De caelo, III, 3, 11. Il présente la seconde raison ici : Ğ et si tout poids ğ, etc. ; la voici. Tout poids supérieur à un autre poids dépasse ce poids inférieur d’un certain poids, puisque, en ajoutant des quantités semblables, on crée un objet plus grand. Et il s’ensuit, selon la thèse précédente, que n’importe quel indivisible a un poids. Établissons, en effet, un corps constitué de quatre points, doté d’un poids ; soit un autre corps constitué de plus de points, par exemple de cinq. [299b20] Et ainsi il sera plus lourd ; et c’est ainsi qu’il faudra ce que ce en quoi il le dépasse soit lourd. Et bien que tout objet plus lourd ne soit pas lourd, comme on l’a dit ci-dessus, pourtant tout ce qui est plus lourd qu’un objet lourd devra être lourd, de même que tout ce qui est plus blanc que blanc doit être blanc. Et c’est pourquoi, comme ce qui est plus grand d’un point aura un corps plus lourd que ce qui lui est égal si on lui enlève un point, il s’ensuivra qu’un point est lourd, ce qui est impossible, comme les passages précédents le montrent. Donc il reste qu’il est impossible qu’un objet lourd ne soit pas formé de parties lourdes.

 

 

Lectio 4

Leçon 4 – [Réfutation de Platon par Aristote]

[71378] In De caelo, lib. 3 l. 4 n. 1 Praemissa prima ratione quam Aristoteles posuit ad improbandum opinionem Platonis, ponentis corpora ex superficiebus generari, hic ponit secundam rationem. Ad cuius evidentiam sciendum est quod Plato, quia non distinguebat inter unum quod est principium numeri, et unum quod convertitur cum ente, quod significat substantiam rei, ponebat per consequens quod unum quod est principium numeri, esset substantia rei: et per consequens omnes res ponebat esse numeros. Unde et dimensiones quantitatis continuae dicebat esse quosdam numeros positionem habentes: et sic secundum ipsum punctus est unitas positionem habens, et sic de aliis. Et quia dualitatem attribuebat materiae, unitatem autem formae, aestimabat quod formae omnium corporum essent accipiendae secundum rationem figurarum, secundum quas corpora terminantur. Ultimi autem termini dimensionum sunt puncta, quae sunt unitates positae, ut dictum est. Et ideo diversas figuras corporeas diversis corporibus attribuebat: sicut figuram pyramidalem igni, figuram autem octo basium aeri, figuram autem viginti basium aquae, figuram autem cubicam terrae, figuram autem duodecim basium aetheri, idest caelo. Manifestum est autem figuras corporeas ex superficiebus constitui, inquantum ad invicem coniunguntur secundum tactum linearem: sic enim faciunt angulum corporalem. Et ideo, formalem compositionem corporum distribuens, Plato dicebat quod corpora componuntur ex superficiebus secundum lineam coniunctis.

[71378] Sur le De caelo, III, 4, 1. Après avoir présenté la première raison servant à réfuter l’opinion de Platon, qui considère que les corps sont engendrés par des surfaces, Aristote expose ici la seconde raison. Pour l’appréhender, il faut savoir que Platon, puisqu’il ne faisait pas de distinction entre l’un qui est le principe du nombre et l’un qui se transforme en l’étant, qui désigne la substance de la chose, établissait par conséquent que l’un qui est le principe du nombre était la substance de la chose ; et en conséquence il considérait que toutes les choses étaient des nombres. De ce fait, il disait que les dimensions de la quantité continue aussi étaient des nombres dotés d’une position ; et ainsi, selon lui, le point est une unité comportant une position, et ainsi de suite. Et puisqu’il attribuait la dualité à la matière, mais l’unité à la forme, il estimait que les formes de tous les corps devaient être appréhendées d’après les concepts de figures permettant de délimiter les corps. Or les dernières limites des dimensions sont les points, qui sont des unités dotées de positions, comme on l’a dit. Et c’est pourquoi il attribuait les différentes figures corporelles aux divers corps, comme la figure pyramidale au feu, la figure à huit bases à l’air, la figure à vingt bases à l’eau, la figure cubique à la terre, et la figure à douze bases à l’éther, c’est-à-dire au ciel. Or il est manifeste que les figures corporelles sont constituées de surfaces, dans la mesure où elles sont reliées les unes aux autres par le contact de leurs lignes ; et elles forment ainsi un angle corporel. Et c’est pourquoi répartissant la composition formelle des corps, Platon disait qu’ils sont composés de surfaces jointes par leurs lignes.

[71379] In De caelo, lib. 3 l. 4 n. 2 Contra hoc igitur obiicit Aristoteles, dicens inconveniens esse si ponatur superficies componi sive coniungi ad instituendum corpus, solum secundum linearem contactum. Et hoc manifestat per exemplum lineae. Linea enim duobus modis potest alteri lineae coniungi: uno modo secundum longitudinem, quod est secundum punctualem contactum, inquantum scilicet longitudini unius lineae coniungitur in puncto longitudo alterius lineae, sive faciat angulum cum ea sive non; alio modo secundum latitudinem, quod est secundum appositionem totius lineae ad totam lineam in via latitudinis. Et similiter oportet quod superficies componatur superficiei dupliciter: scilicet secundum profunditatem, puta si tota una superficies supponatur alteri superficiei; et secundum linearem contactum, sive constituat angulum corporalem sive non. Et ad exponendum quod dixerat, subdit quod linea potest componi lineae secundum hoc quod supponatur alteri, et non solum secundum hoc quod apponatur ei secundum contactum linearem.

[71379] Sur le De caelo, III, 4, 2. À cela Aristote objectait qu’il ne convient pas d’établir que les surfaces sont composées ou reliées pour créer un corps, seulement selon le contact des lignes. Et il le montre par l’exemple d’une ligne. [299b25] Car une ligne peut être reliée à une autre de deux manières : d’une part selon la longueur, ce qui se fait par le contact des points, à savoir dans la mesure où la longueur d’une ligne est reliée à celle d’une autre en un point, qu’elle forme un angle avec elle, ou non ; d’autre part selon la largeur, ce qui se fait par apposition d’une ligne entière à une autre ligne entière dans le sens de la largeur. Et de la même façon il faut qu’une surface soit reliée à une autre surface de deux façons : à savoir selon la profondeur, par exemple si toute une surface est placée sous une autre, et selon le contact des lignes, qu’elle constitue un angle corporel ou non. Et pour exposer ce qu’il avait dit, il ajoute qu’une ligne peut être reliée à une ligne si elle est placée sous elle et pas seulement si elle est placée à côté d’elle selon le contact des lignes.

[71380] In De caelo, lib. 3 l. 4 n. 3 Quia igitur duplex est modus quo superficies coniungi possunt; et secundum alterum modum, scilicet secundum contactum linearem, compositae faciunt omnia elementa; sequetur quod, si componantur secundum latitudinem, idest supponendo superficiem superficiei, id quod componetur ex superficiebus sic compositis, erit corpus quod nec est elementum nec ex elementis. Quod autem non sit elementum patet, quia omnia elementa constituuntur secundum alium modum coniunctionis superficierum. Quod autem non sit ex elementis patet, quia ista compositio superficierum, quae est secundum superpositionem, videtur constituere ipsam profunditatem corporis, quae est eius substantia; alia vero compositio superficierum constituit corpus secundum figuram, quae est forma adveniens substantiae corporali. Unde compositio suppositionis erit prior: et id quod est constitutum ex tali modo compositionis, videtur comparari ad id quod est constitutum secundum alium modum compositionis, sicut materia ad formam. Ex superficiebus autem, secundum opinionem Platonis, natum est componi corpus. Sequitur igitur quod id quod praecedit omnia elementa, sicut elementorum materia suscipiens omnes figuras seu formas eorum, sit corpus. Et hoc reputabat Plato inconveniens: non enim primam materiam dicebat esse corpus, sicut quidam antiqui naturales posuerunt.

[71380] Sur le De caelo, III, 4, 3. Donc puisqu’il existe deux manières de relier des surfaces et que c’est grâce à l’autre manière, à savoir selon le contact des lignes, que les surfaces composées créent tous les éléments, il s’ensuivra que, si on les compose Ğ selon la largeur ğ, c’est-à-dire en plaçant une surface sous une autre, ce qui est composé de surfaces ainsi composées, [299b30] on obtiendra un corps qui n’est ni un élément, ni formé d’éléments. Or, il est évident que ce n’est pas un élément, puisque tous les éléments sont constitués suivant l’autre manière de relier des surfaces. Et il est clair qu’il n’est pas formé d’éléments, puisque ce mode de composition des surfaces, qui se fait selon la superposition, semble constituer la profondeur même du corps, qui est sa substance ; or un autre mode de composition des surfaces constitue le corps selon la figure, qui est la forme qui survient à la substance corporelle. De ce fait, la composition de ce que l’on suppose sera la première ; et ce qui est constitué par un tel mode de composition semble être apparié à ce qui est constitué par l’autre mode, comme la matière à la forme. Or c’est de surfaces qu’un corps est destiné à être composé, selon l’opinion de Platon. Il s’ensuit donc que ce qui précède tous les éléments, comme la matière des éléments qui engendre toutes leurs figures ou formes, est un corps. Et Platon le considérait comme un inconvénient : en effet, il disait que la matière première n’est pas un corps, comme certains physiciens anciens l’ont établi.

[71381] In De caelo, lib. 3 l. 4 n. 4 Deinde cum dicit: adhuc si quidem etc., ponit tertiam rationem; quae talis est. Cum ex superficiebus constituantur corpora, quorum quaedam sunt aliis graviora, hoc potest contingere dupliciter. Uno modo sic, quod corpus constituatur gravius ex hoc quod ex pluribus superficiebus componitur, sicut dicitur in Timaeo. Et ex hoc sequetur quod superficies sint graves: quia excessus in gravitate non fit nisi secundum aliquid grave, ut supra dictum est. Et ex hoc sequetur ulterius quod lineae et puncta habeant gravitatem: haec enim proportionaliter se habent, sicut prius dictum est; quia scilicet sicut superficies se habet ad corpus, ita linea ad superficiem, et punctum ad lineam. Puncta autem habere gravitatem, supra improbatum est. Alius autem modus est, quod corpora gravia a levioribus non differant per hunc modum, idest per multitudinem superficierum; sed per hoc quod terra componitur ex gravibus, et ignis ex levibus. Et ita sequetur quod superficierum quaedam erunt leves, et quaedam graves, et similiter linearum et punctorum: quia superficies terrae erit gravior quam superficies ignis. Et ita redibit idem inconveniens ut prius.

[71381] Sur le De caelo, III, 4, 4. Ensuite, quand il dit : Ğ en outre si ğ, etc., il présente une troisième raison, qui est la suivante. Comme certains corps sont plus lourds que d’autres, alors qu’ils sont constitués de surfaces, ce phénomène peut survenir de deux façons. D’une part ainsi : un corps est constitué plus lourd du fait qu’il est composé de surfaces plus nombreuses, comme le dit [300a1] le Timée. Et il s’ensuivra que les surfaces sont lourdes, étant donné que c’est un objet lourd qui cause un excès de poids, comme on l’a dit ci-dessus. Et il s’ensuivra, en allant plus loin, que les lignes et les points ont un poids : car ils sont en proportion, comme on l’a dit auparavant, puisque la ligne a le même rapport avec la surface que le point avec la ligne et la surface avec le corps. Or on a condamné ci-dessus le fait que les points aient un poids. L’autre façon est la suivante : les corps lourds ne diffèrent pas des légers de cette manière, c’est-à-dire par la multitude de leurs surfaces, mais en ce que la terre est composée de surfaces lourdes et le feu de surfaces légères. Et ainsi il s’ensuivra que [300a5] certaines des surfaces seront légères et d’autres lourdes, et de même pour les lignes et les points, puisque la surface de la terre sera plus lourde que celle du feu. Et ainsi on verra revenir le même inconvénient qu’avant.

[71382] In De caelo, lib. 3 l. 4 n. 5 Deinde cum dicit: totaliter autem accidit etc., ponit quartam rationem; dicens quod accidit secundum positionem Platonis, quod nulla sit magnitudo, vel quod omnis magnitudo possit auferri, idest esse desinere. Quia similiter se habet punctum ad lineam, et linea ad superficiem, et superficies ad corpus: et ita, si corpus componatur ex superficiebus, poterit in superficiem resolvi; et eadem ratione omnes magnitudines resolventur in prima, idest in puncta. Et sic sequeretur quod nullum sit corpus, sed solum puncta. Nec est simile si quis velit argumentari quod potest contingere nulla corpora mixta esse, quia possunt resolvi in elementa ex quibus componuntur: quia huiusmodi corpora supponuntur caelestibus corporibus, quae operantur in eis mixtionem; puncta autem non supponuntur aliquibus superioribus principiis, quae eis inferant necessitatem compositionis.

[71382] Sur le De caelo, III, 4, 5. Ensuite quand il dit : Ğ il arrive au total ğ, etc., il établit la quatrième raison, disant qu’il arrive, selon la thèse de Platon, qu’il n’y ait aucune grandeur ou bien que toute grandeur puisse être Ğ supprimée ğ, c’est-à-dire cesser d’être, puisqu’il y a le même rapport entre le point et la ligne, la ligne [300a10] et la surface, et la surface et le corps ; et ainsi, si un corps est composé de surfaces, il pourra se résoudre en surfaces ; et, suivant le même raisonnement, toutes les grandeurs se résoudront en leurs Ğ premiers éléments ğ, c’est-à-dire en points. Et ainsi il s’ensuivra qu’il n’y a aucun corps, mais seulement des points. Et ce n’est pas la même chose si on voulait prouver qu’aucun corps n’est susceptible d’être mélangé, puisqu’ils peuvent tous se résoudre en éléments qui les composent, puisque les corps de ce genre sont subordonnés aux corps célestes, qui opèrent le mélange chez eux ; or les points ne sont pas subordonnés à des principes supérieurs qui leur inspirent la nécessité de composer.

[71383] In De caelo, lib. 3 l. 4 n. 6 Deinde cum dicit: adhuc autem etc., ponit quintam rationem; dicens quod, si tempus hoc modo se habeat quod componatur ex instantibus, sicut corpus ex superficiebus vel linea ex punctis (quod totum est unius rationis, ut probatur in VI Physic.), sequitur quod etiam tempus continget totaliter tolli per resolutionem in sua indivisibilia: quia ipsum nunc est indivisibile temporis, sicut punctum est indivisibile lineae.

[71383] Sur le De caelo, III, 4, 6. Ensuite, quand il dit : Ğ en outre ğ, etc., il expose la cinquième raison, disant que, si le temps est composé d’instants de la même manière qu’un corps l’est de surfaces ou la ligne de points (ce qui correspond totalement au même raisonnement, comme le prouve le livre VI de la Physique), il s’ensuit que le temps aussi sera susceptible d’être entièrement supprimé en se résolvant en ses indivisibles, puisque la notion de Ğ maintenant ğ elle-même est un indivisible du temps, de même que le point est l’indivisible de la ligne.

[71384] In De caelo, lib. 3 l. 4 n. 7 Deinde cum dicit: idem autem accidit etc., assimilat praedictam positionem positioni Pythagoricorum. Et dicit quod eadem inconvenientia accidunt illis qui ponunt caelum constitui ex numeris. Quidam enim Pythagoricorum posuerunt totam naturam ex numeris esse constitutam, ratione supra dicta, quos Plato secutus est. Hoc autem improbat philosophus hic: quia corpora naturalia habent gravitatem et levitatem; unitates autem ad invicem coniunctae, non possunt facere corpus quod sit continuum, sed aliquid discretum; nec etiam habent gravitatem, quia abstrahunt a situ, et per consequens a loco. Ultimo autem epilogando concludit quod neque omnium est generatio, neque nullius. Quod enim non sit nullius, sensu apparet. Quod autem non sit omnium, patet per hoc quod impossibile est omnis corporis esse generationem; quod quidem esset, si corpus ex superficiebus generaretur.

[71384] Sur le De caelo, III, 4, 7. Ensuite quand il dit : Ğ la même chose arrive ğ, etc., il rapproche la thèse précédente de celle des Pythagoriciens. [300a15] Et il dit que ceux qui établissent que le ciel est constitué de nombres rencontrent les mêmes inconvénients. En effet, certains des Pythagoriciens qui considéraient que la nature tout entière est constituée de nombres, suivant le raisonnement présenté ci-dessus, étaient suivis par Platon. Or le philosophe rejette cette idée ici, puisque les corps naturels ont pesanteur et légèreté ; or les unités reliées les unes aux autres ne peuvent pas former de corps qui soit continu, mais un corps séparé ; et elles n’ont pas non plus de pesanteur, puisqu’elles sont dépourvues de situation et par conséquent de lieu. Enfin, en guise de conclusion, il dit que la génération ne concerne pas tous les corps ni aucun. En effet notre vue nous montre qu’elle ne concerne pas aucun corps. Ce qui prouve qu’elle ne concerne pas tous les corps, c’est qu’il est impossible qu’ils soient tous engendrés, ce qui se produirait, si l’un d’entre eux était engendré par des surfaces.

 

 

Lectio 5

Leçon 5 – [Le mouvement naturel des corps naturels]

[71385] In De caelo, lib. 3 l. 5 n. 1 Postquam philosophus improbavit positionem ponentium omnia corpora generari ex superficiebus, hic incipit inquirere utrum corpora naturalia habeant motus naturales. Et circa hoc duo facit: primo ostendit quod corpora naturalia habent motus naturales; secundo ostendit quomodo motus violenti corporum perficiantur diversimode a motibus naturalibus, ibi: quoniam autem natura et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit quod corpora naturalia habent motus naturales; secundo ostendit quod habent gravitatem et levitatem, quibus inclinantur ad suos motus naturales, ibi: quod autem quaedam habere et cetera. Circa primum duo facit: primo probat quod corpora naturalia habent motus naturales; secundo improbat quorundam philosophorum opiniones, circa hoc errantium, ibi: propter quod et Leucippo et cetera. Circa primum duo facit. Primo proponit quod intendit: et dicit quod, quia supra dictum est quod operationes et passiones corporum sunt generationes et motus eorum, et de generatione corporum inquisitum est, restat dicendum de motibus eorum. Et dicit quod manifestum est ex his quae dicentur, quod necesse est omnibus corporibus simplicibus inesse aliquem motum naturalem. Corpora vero mixta sequuntur motum corporis simplicis praedominantis in eis. Ergo omnibus corporibus naturalibus inest aliquis motus naturalis.

[71385] Sur le De caelo, III, 5, 1. Après avoir réfuté la thèse des savants qui établissent que tous les corps sont engendrés par des surfaces, le philosophe commence ici à se demander si les corps naturels ont des mouvements naturels. Et sur ce point il fait deux choses : premièrement il montre que les corps naturels ont des mouvements naturels ; deuxièmement il démontre comment il est possible les mouvements violents des corps soient accomplis de différentes manières par des mouvements naturels, ici : Ğ puisque la nature ğ, etc. Sur le premier point il fait deux choses : premièrement il montre que les corps naturels ont des mouvements naturels ; deuxièmement il démontre qu’ils ont pesanteur et légèreté, qui les poussent à accomplir leurs mouvements naturels, ici : Ğ que certains ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : premièrement il prouve que les corps naturels ont des mouvements naturels ; deuxièmement il réfute les opinions de certains philosophes, qui se trompent sur ce point, ici : Ğ parce que pour Leucippe aussi ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses. Premièrement il expose ce qu’il a l’intention de faire ; et il dit que, puisque l’on a dit ci-dessus que les activités et les affections des corps sont leur génération et leurs mouvements et que l’on a réfléchi à la génération des corps, il reste à parler de leurs mouvements. [300a20] Et il dit qu’il est évident, d’après ce que l’on dira, qu’il est nécessaire qu’un mouvement naturel concerne les corps simples. Quant aux corps mixtes, ils suivent le mouvement du corps simple qui prédomine en eux. Donc le mouvement naturel concerne tous les corps naturels.

[71386] In De caelo, lib. 3 l. 5 n. 2 Secundo ibi: quoniam enim mota etc., probat propositum duabus rationibus. Quarum prima sumitur ex parte motus. Videmus enim ad sensum corpora simplicia moveri: si ergo non habent proprium motum sibi naturalem, necesse est quod moveantur per violentiam. Idem autem est moveri per violentiam, et moveri praeter naturam: quod enim est secundum naturam, non est violentum, quia violentum est in quo nil confert vim patiens, ut dicitur in III Ethic. Ex eo autem quod est aliquis motus praeter naturam, sequitur quod sit aliquis motus secundum naturam, respectu cuius dicitur motus violentus praeter naturam: non enim aegritudo esset dispositio praeter naturam, nisi esset sanitas dispositio secundum naturam; omnis enim privatio praesupponit habitum. Et licet sequatur ex hoc quod est motus praeter naturam, quod sit motus aliquis secundum naturam; tamen, quamvis sint multi motus praeter naturam, motus tamen secundum naturam est unus (unius scilicet corporis): quia natura unius rei est determinata ad unum, a qua contingit multipliciter deviare; sicut est sanitas una, aegritudines vero multae. Et hoc ideo, quia unumquodque secundum suam naturam est simpliciter, idest uno modo, eo quod natura unius rei est una: sed unumquodque habet non solum multos motus, sed etiam multas dispositiones, praeter naturam. Sed contra hoc videtur esse quod in principio libri dictum est, quod motui secundum naturam contrariatur motus praeter naturam, et quod unum uni est contrarium. Ad quod dici potest quod philosophus ibi loquitur de motibus simplicibus: unum enim corpus non potest moveri pluribus motibus simplicibus praeter naturam; potest tamen moveri pluribus motibus compositis praeter naturam. Vel potest dici quod etsi unum uni sit contrarium, tamen contrarium quod est ut privatio, potest se habere multipliciter; sicut sanitas simpliciter est, aegritudo autem multipliciter. Et similiter motus secundum naturam est uno modo, motus autem praeter naturam multis modis.

[71386] Sur le De caelo, III, 5, 2. Deuxièmement ici : Ğ en effet, puisque déplacés ğ, etc., il prouve la proposition par deux raisons. La première d’entre elles est tirée du mouvement. Car par l’observation nous voyons les corps simples se déplacer ; donc s’ils n’ont pas de mouvement propre qui leur soit naturel, il est nécessaire qu’ils se déplacent sous l’effet de la violence. Or se déplacer sous l’effet de la violence et se déplacer contre-nature est la même chose : car ce qui est conforme à la nature n’est pas violent, puisque est violent ce sur quoi le celui qui subit la violence n’a aucun pouvoir, comme le dit le livre III de l’Éthique. Or du fait qu’il y a un mouvement contre-nature, il suit logiquement qu’il y a un mouvement conforme à la nature, [300a25] au regard duquel le mouvement violent est dit contre-nature ; car la maladie ne serait pas un état contre-nature, si la santé n’était pas un état conforme à la nature ; car toute privation présuppose le fait d’avoir. Et bien que la présence d’un mouvement contre-nature entraîne celle d’un mouvement conforme à la nature, cependant, quoique les mouvements contre-nature soient nombreux, le mouvement conforme à la nature est unique (c’est-à-dire qu’il concerne un seul corps), puisque la nature d’une chose est déterminée vers un seul but, dont elle est susceptible de dévier de bien des manières, de même que la santé est unique, mais que les maladies sont nombreuses. Et cela parce que chaque chose conforme à la nature l’est Ğ simplement ğ, c’est-à-dire d’une seule manière, étant donné que la nature d’une chose est unique ; mais chaque corps a non seulement de nombreux mouvements, mais aussi de multiples états contre-nature. Mais ce qui a été dit au début du livre, à savoir que le mouvement contre-nature s’oppose au mouvement conforme à la nature et qu’une chose à un seul contraire, semble être en contradiction avec cette idée. On peut répondre à cela que le philosophe parle ici des mouvements simples ; car un corps ne peut se déplacer de plus d’un mouvement simple contre-nature ; cependant il peut se déplacer de plus d’un mouvement composé contre-nature. Ou bien on peut dire que, même si une chose n’a qu’un contraire, le contraire qui correspond à une privation peut prendre de nombreux aspects, de même que la santé est simple, mais la maladie multiple. Et, de la même façon, le mouvement conforme à la nature prend une seule forme, mais le mouvement contre-nature, bien des formes.

[71387] In De caelo, lib. 3 l. 5 n. 3 Secundam rationem ponit ibi: adhuc autem etc.: et sumitur ex parte quietis. Et praesupponit duo. Quorum primum est, quod necesse est omne quod quiescit, quiescere aut violenter aut secundum naturam. Secundum est, quod ibi quiescit aliquid per violentiam, quo movetur per violentiam; et ibi quiescit aliquid secundum naturam, quo movetur secundum naturam. Ex his autem argumentatur sic. Videmus ad sensum aliquod corpus quiescere in medio, puta terram aut lapidem: ergo, secundum praemissa, aut quiescit per violentiam, aut secundum naturam. Et si quidem secundum naturam, sequitur secundum praemissa quod etiam motus talis corporis ad hunc locum sit naturalis. Si autem quiescit per violentiam, oportet quod sit aliquid inferens ei violentiam, quod prohibeat ipsum moveri. Illud ergo quod prohibet ipsum moveri, aut movetur aut quiescit. Si quiescit, sicut columna quiescens prohibet lapidem superpositum moveri, redibit eadem quaestio de hoc prohibente, utrum quiescat naturaliter vel violenter. Et si naturaliter, concludetur quod etiam naturaliter movetur: si autem violenter, iterum indigebit alio prohibente. Et sic necesse est vel quod deveniatur ad aliquod primum quiescens secundum naturam, quod etiam ex consequenti naturaliter movebitur; aut quod in infinitum procedatur in corporibus, quod est impossibile, ut in primo ostensum est. Si vero dicatur quod quiescens violenter in medio prohibetur moveri ab aliquo quod movetur (sicut Empedocles dixit quod terra quiescit per violentiam prohibita a gyratione caeli), remota tali prohibitione, consequens est quod corpus prohibitum prius moveri, feretur ad aliquem locum determinatum: quia impossibile est quod feratur in infinitum, quia impossibile est infinitum pertransire, nihil autem est in fieri, quod est impossibile factum esse. Si ergo ad aliquem locum determinatum movetur, quando illuc devenerit, stabit et quiescet non violenter, sed naturaliter: et ita, secundum praemissa, si quiescit naturaliter in hoc loco, sequitur quod naturaliter ad hunc locum moveatur. Et sic erit aliquis motus naturalis.

[71387] Sur le De caelo, III, 5, 3. Il présente la deuxième raison ici : Ğ en outre ğ, etc. ; il la tire du repos. Et il fait deux hypothèses. La première est qu’il est nécessaire que tout ce qui est au repos le soit sous l’effet de la violence ou conformément à la nature. La seconde est qu’un objet reste au repos sous l’effet de la violence là où il est déplacé sous l’effet de la violence et qu’il reste au repos conformément à la nature là où il est déplacé naturellement. À partir de là, il propose l’argumentation suivante. [300a30] Nous voyons par l’observation un corps immobile au milieu, par exemple la terre ou une pierre ; donc, d’après les prémisses, il est au repos soit sous l’effet de la violence, soit par en conformité avec la nature. Et si c’est naturellement, il s’ensuit selon les prémisses que le mouvement d’un tel corps vers ce lieu est aussi naturel. Mais si c’est sous l’effet de la violence, il faut qu’il y ait une chose source de violence qui l’empêche de se déplacer. Donc ce qui l’empêche de se déplacer est soit en mouvement, soit au repos. Si c’est au repos, de même qu’une colonne immobile empêche une pierre posée sur elle de bouger, cette même question reviendra sur ce qui l’en empêche : est-ce au repos naturellement ou sous l’effet de la violence ? Et si c’est naturellement, on en conclura que cela se déplace aussi naturellement ; mais si c’est sous l’effet de la violence, il y aura de nouveau besoin d’un autre objet qui l’empêche de bouger. Et ainsi il est nécessaire soit de recourir à un premier être [300b1] immobile conformément à la nature, et qui, par conséquent, se déplacera aussi naturellement, soit de régresser à l’infini chez les corps, ce qui est impossible, comme on l’a montré dans le premier livre. Mais si on dit qu’un être immobile au milieu sous l’effet de la violence ne peut se déplacer à cause d’un autre être en mouvement (de même qu’Empédocle a dit que la Terre est au repos, contrainte à l’immobilité par le tourbillon du ciel), une fois un tel obstacle écarté, il suit logiquement qu’un corps auparavant empêché de se déplacer sera entraîné vers un lieu déterminé, puisqu’il est impossible qu’il le soit à l’infini, [300b5] étant donné qu’il est impossible qu’il traverse l’infini, et que rien de ce qui n’a pas pu devenir n’est en devenir. Donc si ce corps se déplace vers un lieu déterminé, quand il y sera arrivé, il s’arrêtera et demeurera immobile sans violence, mais naturellement ; et ainsi, d’après les prémisses, s’il est naturellement au repos à cet endroit, il s’ensuit qu’il s’y dirigera naturellement. Et voilà comment il y aura un mouvement naturel.

[71388] In De caelo, lib. 3 l. 5 n. 4 Deinde cum dicit: propter quod et Leucippo etc., improbat quorundam philosophorum opiniones circa praedicta. Et primo opinionem Democriti; secundo opinionem Platonis, ibi: idem autem hoc accidere et cetera. Circa primum duo facit. Primo ex praemissis concludit insufficientiam dictorum Democriti. Ponebat enim corpora indivisibilia, quae dicebat esse principia, semper moveri in spatio infinito et vacuo. Ostensum est autem quod corporum simplicium est aliquis naturalis motus: ergo debebant determinare qua specie motus huiusmodi corpora moventur, et quis est motus naturalis eorum. Cum autem hoc non determinaverint, insufficienter posuerunt.

[71388] Sur le De caelo, III, 5, 4. Ensuite, quand il dit : Ğ c’est la raison pour laquelle pour Leucippe aussi ğ, etc., il réfute les théories de certains philosophes sur les propos précédents. Et en premier lieu celle de Démocrite ; en second lieu celle de Platon, ici : Ğ que cette même chose arrive ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses. Premièrement il conclut d’après les prémisses que les propos de Démocrite sont insuffisants. Car il établissait que les corps indivisibles, qu’il disait être des principes, se déplaçaient toujours dans un espace infini [300b10] et vide. Or on a montré que les corps simples ont un mouvement naturel ; donc ils devaient déterminer de quelle espèce sont les mouvements des corps de ce genre, et quel est leur mouvement naturel. Mais comme ils ne l’ont pas déterminé, leur théorie est insuffisante.

[71389] In De caelo, lib. 3 l. 5 n. 5 Secundo ibi: si enim aliud ab alio etc., ponit quandam excusationem: quia ipsi dicebant quod unum istorum corporum indivisibilium, quae ponebant elementa, moveatur ab alio per violentiam. Sed hoc excludit dupliciter. Primo quidem quia, si ponitur motus violentus, necesse est quod ponatur motus secundum naturam, praeter quem est motus violentus, ut supra dictum est. Secundo quia oportet quod saltem primum movens non moveat per violentiam, sed secundum naturam. Quod enim movet per violentiam, habet principium suae motionis extra, et ita non movet nisi motum. Si ergo non ponatur aliquod primum movens secundum naturam, sed semper moveat per violentiam prius motum ab aliquo alio, procedetur in infinitum in moventibus; quod est impossibile, ut probatum est in VIII Physic. Et ita non excusantur quin oportuerit eos assignare motum naturalem.

[71389] Sur le De caelo, III, 5, 5. Deuxièmement ici : Ğ car si un objet par un autre ğ, etc., il fournit une excuse, puisqu’ils disaient eux-mêmes que l’un de ces corps indivisibles, qu’ils considéraient comme des éléments, est déplacé par un autre sous l’effet de la violence. Mais il rejette cette idée pour deux raisons. Premièrement parce que, si on établit un mouvement violent, il est nécessaire d’établir un mouvement conforme à la nature, auquel s’oppose ce mouvement violent, comme on l’a dit ci-dessus. Deuxièmement parce qu’il faut que le premier moteur n’agisse pas sous l’effet de la violence, mais conformément à la nature. Car ce qui déplace sous l’effet de la violence possède le principe de son mouvement en dehors de lui, et ainsi ne déplace que s’il est déplacé. Donc [300b15] si l’on n’établit pas un premier moteur conforme à la nature, mais s’il déplace toujours sous l’effet de la violence un corps déplacé auparavant par un autre, on régressera à l’infini concernant les moteurs, comme le prouve le livre VIII de la Physique. Et ainsi cette théorie ne les excuse pas d’avoir dû avancer un mouvement naturel.

 

 

Lectio 6

Leçon 6 – [Réfutation de l’opinion de Platon sur les mouvements naturels]

[71390] In De caelo, lib. 3 l. 6 n. 1 Postquam philosophus improbavit opinionem Democriti et Leucippi circa motus corporum naturalium, hic improbat opinionem Platonis circa idem. Et primo per rationes; secundo per dicta aliorum philosophorum, qui circa hoc melius sensisse videntur, ibi: videtur autem hoc ipsum et cetera.

[71390] Sur le De caelo, III, 6, 1. Après que le philosophe a réfuté la théorie de Démocrite et de Leucippe sur les mouvements des corps naturels, il rejette ici celle de Platon sur le même sujet. Et premièrement au moyen de raisonnements ; deuxièmement au moyen des propos d’autres philosophes, qui semblent avoir eu de meilleures réflexions sur ce point, ici : Ğ or cela même semble ğ, etc.

[71391] In De caelo, lib. 3 l. 6 n. 2 Circa primum ponit quatuor rationes. Circa quarum primam dicit quod idem inconveniens quod accidit Democrito et Leucippo, necesse est accidere si quis ponat quod antequam mundus esset factus, elementa ex quibus mundus constituitur, movebantur motu inordinato, sicut in Timaeo scribitur a Platone, narrante quod antequam mundus a Deo fieret, materia inordinate fluctuabat. Quod autem idem accidat ex hac positione, ostendit subdens quod necesse est dicere, quod motus inordinatus quo movebantur elementa, aut esset violentus aut secundum naturam. Et si quidem esset violentus, reditur in primam positionem: unde accidit idem inconveniens. Si autem esset secundum naturam, hoc est contrarium posito. Ponitur enim quod mundus nondum erat: si vero elementa movebantur secundum naturam, necesse est dicere quod tunc mundus erat, si quis attente velit considerare. Nam cum omnis motus, etiam secundum Platonem, reducatur sicut in causam in primum movens, si elementa quocunque modo movebantur, necesse est dicere quod primum movens movebat seipsum secundum naturam. Primum autem movens hic intelligitur non simpliciter primum, quia hoc est omnino immobile, ut probatur in VIII Physic. et in XII Metaphys., sed primum movens in genere naturalium moventium, quod movet seipsum, tanquam compositum ex motore et moto, ut probatum est in VIII Physic. Alia tamen littera habet: primum movens necesse movere ipsum motum (scilicet primum) secundum naturam; et tunc intelligitur de primo motore movente simpliciter, quod est omnino immobile, quod movet primum mobile. Quocumque autem modo accipiatur primum movens, necesse est quod moveat secundum naturam: non enim est possibile ut id quod est praeter naturam, sit prius eo quod est secundum naturam, ut ex praemissis patet. Si autem primum movens naturaliter movet, necesse est quod corpora mota, quae sequuntur motionem primi moventis, non moveantur per violentiam, neque quiescant per violentiam in propriis locis, sed servent eundem ordinem quem nunc tenent; ita scilicet quod corpora gravia cedant ad medium et ibi quiescant, corpora autem levia ferantur a medio et sursum maneant. Haec autem est dispositio mundi existentis: sequitur ergo quod mundus esset antequam fieret. Non ergo est consonum ponere quod elementa, priusquam mundus fieret, moverentur secundum naturam, sed secundum violentiam. Et sic sequitur idem inconveniens quod Democrito et Leucippo.

[71391] Sur le De caelo, III, 6, 2. Concernant le premier point, il établit quatre raisons. Sur la première d’entre elles il dit que le même inconvénient que rencontrent Démocrite et Leucippe apparaît nécessairement, si l’on établit qu’avant que le monde ait été créé, les éléments qui le constituent se déplaçaient dans un mouvement désordonné, comme Platon l’écrit dans le Timée, en racontant qu’avant la création du monde par Dieu une matière désordonnée flottait. Il montre que cette théorie entraîne la même conséquence, ajoutant qu’il est nécessaire de dire que le mouvement désordonné qui déplaçait les éléments serait soit violent, soit conforme à la nature. Et s’il est violent, on revient à la première thèse ; de ce fait on aboutit au même inconvénient. Mais s’il est conforme à la nature, c’est contraire à ce qui a été établi. En effet, on a exposé que le monde n’existait pas encore ; mais si les éléments [300b20] se déplaçaient conformément à la nature, il serait nécessaire de dire que le monde existait à ce moment-là, si on voulait considérer la question attentivement. Car puisque tout mouvement, selon Platon aussi, reviendrait au premier moteur comme à sa cause, si les élements se déplaçaient d’une manière quelconque, il serait nécessaire de dire que le premier moteur se déplace lui-même conformément à la nature. Or le premier moteur est compris ici non pas comme simplement premier, comme le prouvent le livre VIII de la Physique et le livre XII de la Métaphysique, mais comme le premier moteur dans le genre des moteurs naturels, qui se déplace lui-même, étant donné qu’il est composé d’un moteur et d’un corps mû, comme le prouve le livre VIII de la Physique. Cependant, une autre version propose : Ğ le premier moteur déplace nécessairement le corps même qui est déplacé (à savoir le premier) d’un mouvement naturel ğ ; et alors on comprend que le premier moteur qui déplaçant simplement, lequel est absolument immobile, déplace le premier corps mobile. Quelle que soit la manière dont on comprenne ce premier moteur, il est nécessaire qu’il déplace en conformité avec la nature : car il n’est pas possible que ce qui est contre-nature soit antérieur à ce qui est conforme à la nature, comme les prémisses le montrent. Or si le premier moteur déplace naturellement, il est nécessaire que les corps déplacés qui suivent son mouvement ne soient pas déplacés sous l’effet de la violence et ne soient pas immobiles sous l’effet de la violence dans leurs propres lieux, mais qu’ils respectent le même ordre qu’ils occupent maintenant ; et c’est ainsi que les corps lourds se dirigent vers centre et y sont immobiles, mais que les corps légers quittent [300b25] le milieu et demeurent en haut. Telle est la disposition du monde existant ; il s’ensuit donc que le monde existait avant d’avoir été créé. Par conséquent ce qu’il convient d’établir, ce n’est pas que, avant la création du monde, les éléments se déplacent conformément à la nature, mais qu’ils le font sous l’effet de la violence. Et ainsi le même inconvénient s’ensuit que pour Démocrite et Leucippe.

[71392] In De caelo, lib. 3 l. 6 n. 3 Secundam rationem ponit ibi: adhuc autem et cetera. Quae quidem quantum ad aliquid in idem tendit quod prima, scilicet quod mundus esset antequam fieret: sed prima hoc concludebat ex parte corporum simplicium, haec autem ratio concludit ex parte corporum mixtorum (utrorumque enim dispositio attenditur etiam in consistentia mundi). Dicit ergo: si elementa, antequam mundus fieret, movebantur inordinate, potest aliquis quaerere utrum elementa quae inordinate movebantur, possent misceri talibus mixtionibus, ut ex eis constituerentur corpora quae secundum naturam consistunt, scilicet carnes et ossa et alia huiusmodi. Si quis enim dicat hoc non fuisse possibile, sequitur quod elementa non omnino inordinate movebantur, cum scilicet non possent indifferenter quibuslibet motibus moveri. Nam Empedocles, ponens elementa moveri ab amicitia, dixit quod huiusmodi corpora per motum quo amicitia ea movebat, constituebantur; ita scilicet quod ex solis motibus elementorum per amicitiam, alicui generabatur caro, alicui os, alicui caput, alicui manus; unde dixit quod ex tali coniunctione elementorum per amicitiam, sunt producta multa capita sine cervice. Si ergo dicatur non fuisse possibile haec produci, elementa non omnino inordinate movebantur. Si vero possibile erat haec produci, iam erat completa mundi dispositio, non solum quantum ad corpora simplicia, sed etiam quantum ad mixta. Est autem attendendum quod germinatio capitum sine cervice, secundum Empedoclem, causatur ex amicitia, non secundum ultimum terminum suae motionis, in quo ex omnibus facit unum; sed secundum processum quo paulatim plura in unum redigit, ex elementis corpora mixta constituens.

[71392] Sur le De caelo, III, 6, 3. Il établit la seconde raison ici : Ğ en outre ğ, etc. Cette raison tend vers le même but que la première, concernant le fait que le monde existait avant d’avoir été créé ; mais la première raison le concluait à partir des corps simples, tandis que celle-ci le conclut à partir des corps mixtes (car l’organisation des uns et des autres concerne aussi la consistance du monde). Il dit donc : si les éléments, avant la création du monde, se déplaçaient en désordre, on pourrait se demander si ces éléments-là pouvaient se combiner en des mélanges tels que ceux qui constituent les corps composés en conformité avec la nature, à savoir la chair, les os et autres de ce genre. En effet, si on disait que ce n’était pas possible, il s’ensuivrait que les éléments ne se déplaçaient pas du tout en désordre, c’est-à-dire sans pouvoir se mouvoir indifféremment de n’importe quel mouvement. [300b30] Car Empédocle, établissant que les éléments se déplaçaient par amitié, disaient que les corps de ce genre étaient constitués suivant le mouvement dont l’amitié les déplaçait ; et c’est ainsi que seuls les mouvements des éléments engendraient sous l’influence de l’amitié la chair de l’un, les os d’un autre, la tête d’un troisième, les mains d’un quatrième ; de ce fait il disait que de nombreuses têtes ont été produites sans cou en raison d’une telle conjonction d’éléments par amitié. Donc si on disait qu’il n’était pas possible qu’elles soient produites, les éléments ne se déplaceraient absolument pas en désordre. Mais s’il était possible qu’elles soient produites, l’organisation du monde serait déjà faite, non seulement concernant les corps simples, mais aussi les corps mixtes. Or il faut remarquer que la génération des têtes sans cou, selon Empédocle, est causée par l’amitié, qui constitue des corps mixtes à partir d’éléments, et cela non au moyen de la toute fin de son mouvement, pendant laquelle elle crée un seule être à partir de toutes, mais au moyen du processus au cours duquel elle ramène peu à peu plusieurs êtres à un seul.

[71393] In De caelo, lib. 3 l. 6 n. 4 Tertiam rationem ponit ibi: his autem qui infinita et cetera. Inducitur autem haec ratio non absolute contra Platonem, sed coassumendo opinionem Democriti et Leucippi, qui ponebant infinita corpora indivisibilia moveri in spatio infinito. Dicit ergo quod illis qui ponunt infinita corpora moveri in spatio infinito, si hanc positionem Platonis susciperent, quod ante mundum elementa moverentur motu inordinato, sequeretur inconveniens. Aut enim omnia illa infinita moverentur ab uno movente (scilicet secundum speciem, puta a gravitate vel levitate), aut ab infinitis. Et si quidem ab uno, necesse esset ea ferri una specie motus localis, puta motu qui est sursum vel motu qui est deorsum: et ita non moverentur inordinate; iam enim in hoc attenditur aliqua ordinatio motus, quod omnia feruntur in idem. Si vero essent infinita principia motus specie differentia, sequeretur quod etiam essent infinitae species motus: quod est impossibile, secundum praemissa, in quibus ostensum est non esse infinitas et indeterminatas species motus. Idem autem dicendum est de finitis principiis motuum et finitis motibus: quia si essent finitae species motus, causatae a finitis principiis, iam attenderetur in eis aliquis ordo. Non enim inordinatio motuum provenit ex hoc quod non omnia corpora feruntur in idem, quod est esse plures species motus: quia etiam nunc, quando, mundo iam facto, est ordinatus motus corporum, non omnia corpora feruntur in idem, sed solum ea quae sunt unius generis, sicut omnia gravia deorsum. Addit ergo per hanc rationem quod necesse est ponere motus infinitos, si antequam mundus fieret, corpora movebantur inordinate.

[71393] Sur le De caelo, III, 6, 5. Il donne la troisième raison ici : Ğ pour ceux qui imaginent une infinité ğ, etc. Or cette raison n’est pas avancée de façon exclusive contre Platon, mais en lui associant la théorie de Démocrite et de Leucippe, qui établissaient qu’une infinité de corps indivisibles se déplaçaient dans un espace infini. Il dit donc que ceux qui considèrent qu’une infinité de corps se déplacent dans un espace infini, s’ils adoptaient la thèse de Platon selon laquelle des éléments se déplaçaient avant le monde en désordre, rencontreraient un inconvénient. En effet, toute cette infinité de corps serait déplacée soit par un seul moteur (à savoir selon l’espèce, par exemple par la pesanteur ou la légèreté), soit par une infinité. Et si c’était par un seul moteur, il serait nécessaire que tous ces corps soient entraînés par une seule espèce de mouvement local, par exemple par un mouvement ascendant ou par un mouvement descendant ; et c’est ainsi qu’ils ne se déplaceraient pas en désordre ; car on remarque déjà que les mouvements sont ordonnés du fait que tous les corps sont entraînés au même endroit. Or si les mouvements d’espèce différente avaient une infinité de principes [301a1], il s’ensuivrait que les espèces de mouvement aussi seraient infinies, ce qui est impossible, selon les prémisses, dans lesquelles on a montré qu’elles ne sont pas en nombre infini et indéterminé. Il faut dire la même chose sur les principes finis des mouvements et sur les mouvements finis, puisque, si les espèces de mouvement causées par des principes finis étaient finies, on découvrirait déjà un ordre chez elles. En effet, l’absence d’ordre dans les mouvements provient du fait que tous les corps ne sont pas emportés au même endroit, ce qui revient à ce qu’il y ait plus d’un mouvement, étant donné que maintenant aussi, quand, après la création du monde, le mouvement des corps a été mis en ordre, tous les corps ne sont pas emportés au même endroit, mais seulement ceux qui sont d’un seul genre, comme tous les corps lourds en bas. Il ajoute donc pour cette raison qu’il est nécessaire d’établir une infinité de mouvements, si des corps se déplaçaient en désordre avant que le monde soit créé.

[71394] In De caelo, lib. 3 l. 6 n. 5 Quartam rationem ponit ibi: adhuc autem inordinate etc.; per quam ostenditur quod praedicta positio sibi ipsi contradicit. Nihil enim aliud est esse aliquid inordinate, quam esse praeter naturam. In rebus enim sensibilibus apparet quod ordo est propria natura eorum: quia scilicet per propriam naturam unumquodque eorum inclinatur ad aliquid certum; haec autem inclinatio est ordo qui attenditur in sensibilibus rebus; tunc enim unumquodque dicitur inordinate agere aut moveri, quando hoc accidit non secundum inclinationem naturae propriae. Ex quo adhuc apparet hoc esse inconveniens et impossibile, quod res sensibilis habeat motum inordinatum infinitum, idest infinito tempore durantem: quia sicut dictum est, motus inordinatus est, qui est contra naturam; apparet autem hoc ad rationem naturae cuiuscumque rei pertinere, quod inveniatur in pluribus quae sunt unius generis, et plurimo tempore. Non enim dicitur esse naturale homini quod aliquibus paucis convenit, puta esse ambidextrum; neque etiam quod convenit aliquibus secundum aliquod modicum tempus, puta esse febricitantem; sed quod in pluribus et frequentius invenitur. Sic igitur accidit ipsis Platonicis ponere simul contraria: scilicet quod inordinatio motus sit secundum naturam, eo quod fuit tempore infinito ante mundum; et quod ordinatio motus, et mundus constitutus motu iam ordinato, sit praeter naturam, eo quod pauciori tempore fuit; quamvis nihil eorum quae sunt secundum naturam, sit ut contingit, idest absque certo ordine. Est autem attendendum quod rationes Aristotelis directe contra positionem Platonis procedunt, si ex verbis eius intelligatur quod prius tempore erat inordinatio motus elementorum, quam fieret mundus. Sectatores autem Platonis dicunt eum hoc non intellexisse; sed quod omnis ordinatio motus sensibilium est a primo principio, ita quod alia, in se considerata, praeter influentiam primi principii, sunt inordinata. Et secundum hoc Aristoteles non obiicit hic contra sensum Platonis, sed contra Platonicorum verba, ne ab eis aliquis in errorem inducatur.

[71394] Sur le De caelo, III, 6, 5. Il établit une quatrième raison ici : Ğ en outre en désordre ğ, etc., qui lui permet de démontrer que la thèse précédente se contredit elle-même. Car être en désordre n’est rien d’autre [301a5] qu’être contre-nature. En effet dans les êtres sensibles il apparaît que l’ordre est propre à leur nature, à savoir que chacun d’entre eux incline vers quelque chose de certain par sa propre nature ; or cette inclinaison est l’ordre découvert dans les êtres sensibles ; alors en effet on dit que chacun agit ou se déplace en désordre, quand cela ne se produit pas selon l’inclinaison de leur propre nature. À partir de là il apparaît encore qu’il n’est ni convenable, ni possible qu’un être sensible ait un mouvement désordonné Ğ infini ğ, c’est-à-dire qui dure un temps infini, puisque, comme on l’a dit, est désordonné un mouvement qui est contre-nature ; or il apparaît que ce qui se trouve chez la plupart des êtres appartenant à un seul genre et la plupart du temps concerne l’organisation de la nature de chaque être. En effet ce qui convient à un petit nombre d’hommes, par exemple le fait d’être ambidextre, n’est pas dit naturel à l’homme, ni non plus ce qui convient à quelques-uns pendant un court laps de temps, par exemple le fait d’avoir de la fièvre, mais ce qui se trouve chez la plupart et plus souvent. Ainsi donc il arrive aux Platoniciens eux-mêmes d’établir des contraires en même temps, à savoir que le [301a10] désordre des mouvements est conforme à la nature, dans la mesure où il a existé pendant un temps infini avant le monde, et où l’ordre des mouvements et la constitution du monde par un mouvement désormais ordonné sont contre-nature, puisqu’elle a duré pendant un temps plus bref, bien que rien de ce qui est conforme à la nature ne soit Ğ comme il arrive ğ, c’est-à-dire sans ordre déterminé. Or il faut remarquer que les raisons d’Aristote s’attaquent directement à la thèse de Platon, si on comprend d’après ses propos que le désordre du mouvement des éléments était antérieur à la création du monde. Mais les disciples de Platon disent qu’il n’a pas voulu dire cela, mais que l’ordre du mouvement des sensibles part tout entier d’un premier principe, de telle sorte que les autres corps, considérés en soi, sont désordonnés contre l’influence de ce premier principe. Et si l’on suit cette idée, Aristote ne fait pas ici d’objection à la théorie de Platon, mais aux propos des Platoniciens, afin que personne ne soit induit en erreur par eux.

[71395] In De caelo, lib. 3 l. 6 n. 6 Deinde cum dicit: videtur autem hoc ipsum etc., improbat praedictam positionem ex dictis aliorum philosophorum, qui super hoc melius sensisse videntur. Circa quod considerandum est quod tam Democritus et Leucippus, quam etiam Plato, duo videbantur posuisse circa corpora existentia ante mundum: primo quidem quia ponebant ea moveri; secundo quia ponebant ea segregata. Quantum ergo ad primum, dicit quod hoc ipsum quod consideratur circa constitutionem mundi, videtur Anaxagoras bene sumere. Posuit enim quod mundus incoeperit ex corporibus non prius motis. Quod quidem rationabilius est quam dicere mundum fieri ex corporibus prius motis. Nam motus actus quidam est in potentia existentis, et ita medium est inter primam potentiam et primum actum; in his autem quae fiunt, principium sumitur ab his quae sunt omnino in potentia; et ideo rationabilius est principium mundi constituere ex his quae omnino non moventur, quam ex rebus motis. Quantum autem ad secundum, dicit quod etiam alii philosophi ponentes principium mundi, congregantes aliqualiter (idest dicentes quod antequam mundus fieret, erant omnia aliqualiter congregata in unum) tentaverunt assignare modum, quomodo res iterum moverentur et ad invicem segregarentur, in ipsa mundi constitutione; sicut posuit Anaximander, et etiam Empedocles. Non est enim rationabile quod aliquis faciat generationem mundi ex rebus prius distantibus et motis. Sicut enim motus est actus quidam, ita etiam discretio seu distantia rerum est per proprias formas, secundum quod res sunt in actu (secundum enim quod sunt in potentia res, non discernuntur); et quia generatio proprie fit ex eo quod est in potentia, ideo non est rationabile generare mundum ex rebus discretis et motis. Et inde est quod Empedocles in prima generatione mundi praetermisit amicitiam, ad quam pertinet congregare disgregata. Non enim poterat Empedocles tradere constitutionem caeli, idest mundi, ita quod constitueret ipsum ex rebus prius segregatis, faciendo congregationem prius disgregatorum, per amicitiam: sic enim sequeretur quod mundus esset constitutus ex elementis prius disgregatis, quod est contra praedicta. Unde, quia in constitutione mundi utebatur solum lite, ad quam pertinet disgregare coniuncta, consequens est quod mundus, secundum ipsum, fieret ex aliquo uno et congregato ex multis. Ultimo autem epilogando concludit manifestum esse ex praedictis quod est quidam naturalis motus uniuscuiusque corporis, quo non movetur per violentiam, neque praeter naturam.

[71395] Sur le De caelo, III, 6, 6. Ensuite quand il dit : Ğ cela même semble ğ, etc., il réfute la thèse précédente en s’appuyant sur les paroles d’autres philosophes, qui semblent avoir mieux compris ce qu’il en était. À ce propos, il faut considérer qu’aussi bien Démocrite et Leucippe que Platon semblaient avoir eu deux théories sur les corps qui existent avant le monde, premièrement puisqu’ils considéraient qu’ils se déplaçaient, deuxièmement puisqu’ils considéraient qu’ils étaient séparés. Donc concernant la première thèse, il dit qu’Anaxagore semble avoir bien saisi ces considérations mêmes sur la constitution du monde. En effet, il a établi qu’il a commencé grâce à des corps qui ne se déplaçaient pas avant. Cela est certes plus logique que de dire que le monde est créé à partir de corps qui se déplaçaient avant. Car il y a un acte de mouvement dans la puissance d’exister, et ainsi un intermédiaire entre la première puissance et le premier acte ; or pour ce qui est créé le principe est tiré de ce qui est absolument en puissance ; et c’est pourquoi il est plus logique de constituer le principe du monde à partir de ce qui ne se déplace pas du tout qu’à partir d’êtres en mouvement. Concernant la seconde théorie, il dit que d’autres philosophes aussi, posant le principe du monde, Ğ par une sorte de mélange ğ (c’est-à-dire que tout était dans une sorte de mélange unique avant que le monde soit créé) ont tenté de définir la façon dont les êtres se déplaçaient et se séparaient de nouveau les uns des autres, lors de la constitution du monde elle-même, comme Anaximandre et aussi Empédocle l’ont établi. Car [301a15] il n’est pas logique de concevoir la génération du monde à partir d’êtres auparavant distants et en mouvement. De même que le mouvement est un acte, de même la séparation ou distance des êtres passe aussi par leurs propres formes, dans la mesure où ils sont en acte (en effet dans la mesure où ce sont des êtres en puissance, ils ne sont pas distingués) ; et puisque la génération à proprement parler se fait du fait qu’elle est en puissance, pour cette raison il n’est pas logique que le monde soit engendré à partir d’êtres séparés et en mouvement. Et de là vient qu’Empédocle, dans la première génération du monde, a omis l’amitié, qui a pour fonction de rassembler les êtres désagrégés. En effet il ne pouvait pas représenter la constitution Ğ du ciel ğ, c’est-à-dire du monde, de façon à ce qu’il soit constitué d’êtres auparavant séparés, en rassemblant ces êtres auparavant disjoints, sous l’effet de l’amitié : car il s’ensuivrait ainsi que le monde serait constitué d’éléments auparavant disjoints, ce qui est contraire à ce qui a été dit. De ce fait, puisque dans la constitution du monde il utilisait seulement le conflit, qui a pour fonction de séparer les éléments joints, la conséquence en est que le monde, selon lui, provenait [301a20] d’un ensemble unique et assemblé à partir de nombreux êtres. Enfin, il dit en guise d’épilogue qu’il est manifeste d’après ce qui vient d’être dit que chaque corps a un mouvement naturel, qui ne le fait pas se déplacer sous l’effet de la violence ou contre-nature.

 

 

Lectio 7

Leçon 7 – [Les corps qui se déplacent naturellement en ligne droite ont pesanteur et légèreté]

[71396] In De caelo, lib. 3 l. 7 n. 1 Postquam philosophus ostendit quod corpora naturalia habent motus naturales, et improbavit positiones philosophorum qui circa hoc erraverunt, hic ostendit quod corpora quae moventur naturaliter motu recto, habent gravitatem et levitatem: principia enim motus naturalis in dictis corporibus attenduntur secundum gravitatem et levitatem. Primo ergo proponit quod intendit; dicens manifestum esse ex his quae sequuntur, quod quaedam corpora, quae scilicet moventur naturaliter motu recto, necesse est habere gravitatem et levitatem, quibus inclinantur ad propria loca. Dicit autem quaedam, ad differentiam eorum quae circulariter moventur.

[71396] Sur le De caelo, III, 7, 1. Après que le philosophe a montré que les corps naturels ont des mouvements naturels et réfuté les théories des philosophes qui se sont trompés sur ce point, il montre ici que les corps qui se déplacent naturellement en ligne droite ont pesanteur et légèreté : en effet, les principes du mouvement naturel chez les corps mentionnés sont considérés selon la pesanteur et la légèreté. Premièrement il expose donc quelle est son intention, disant qu’il est manifeste d’après ce qui suit que certains corps, à savoir ceux qui se déplacent naturellement d’un mouvement rectiligne, ont nécessairement pesanteur et légèreté, qui les entraînent vers leurs propres lieux. Or il dit Ğ certains ğ pour les distinguer de ceux qui se déplacent circulairement.

[71397] In De caelo, lib. 3 l. 7 n. 2 Secundo ibi: moveri quidem enim etc., inducit probationem ad propositum, dicens: hic dicimus communiter quod necesse est corpora naturalia moveri: ex hoc enim dicuntur naturalia, quod habent in seipsis principium motus, ut ex II Physic. apparet. Sed si illud quod movetur non habet naturalem inclinationem, qua tendit in aliquem locum determinatum, impossibile est quod moveatur vel ad medium, quod fit per inclinationem gravitatis, vel a medio, quod fit per inclinationem levitatis. Ergo necesse est corpora quae moventur motu recto, habere gravitatem et levitatem.

[71397] Sur le De caelo, III, 7, 2. Deuxièmement ici : Ğ en effet se déplacer ğ, etc., il propose une démonstration de la proposition, disant : nous disons ici communément que les corps naturels se déplacent nécessairement : en effet ils sont appelés naturels parce qu’ils ont en eux-mêmes le principe du mouvement, comme le montre le livre II de la Physique. Mais si celui qui se déplace n’a pas d’inclinaison naturelle qui l’entraîne vers un lieu déterminé, [301a25] il lui est impossible de se diriger vers le milieu, ce qui est causé par l’inclinaison de la pesanteur, ou qu’il parte du milieu, ce à quoi la légèreté incline. Donc il est nécessaire que les corps qui se déplacent en ligne droite aient pesanteur ou légèreté.

[71398] In De caelo, lib. 3 l. 7 n. 3 Tertio ibi: sit enim quod quidem in quo etc., probat quod supposuerat; scilicet quod, si praedicta corpora non habeant gravitatem et levitatem, quod non moverentur. Et primo ostendit quod non moverentur naturaliter; secundo ostendit quod non moverentur per violentiam, ibi: adhuc autem si erit aliquod corpus et cetera. Dicit ergo primo quod, si aliquod inferiorum corporum non habet gravitatem vel levitatem, sint duo corpora, quorum unum sit a, non habens gravitatem, aliud autem sit b, habens gravitatem. Moveatur autem a, quod est corpus non grave, aliquo determinatio tempore, puta per spatium unius horae, per magnitudinem quae est gd, motu scilicet qui est ad medium. Corpus autem quod est b, gravitatem habens, feretur in eodem tempore, eadem specie motus, per maiorem magnitudinem, quae sit ge: necesse est enim quod corpus habens gravitatem, feratur aequali tempore per maius spatium quam corpus non habens gravitatem; sicut et corpus gravius velocius fertur deorsum quam corpus minus grave. Dividatur autem corpus b, habens gravitatem, secundum proportionem quae est ge ad gd, ut scilicet se habeat totum b ad partem eius, puta quae sit c, sicut se habet totum ge ad gd: nihil enim prohibet talem divisionem fieri corporis b, cum omne corpus finitum possit dividi secundum quamcumque proportionem datam. Procedatur ergo sic. Sicut se habet ge ad gd, ita se habet b ad partem eius; ergo permutatim, sicut se habet totum b ad totum ge, ita se habet pars divisa ad gd. Si ergo totum b fertur tempore determinato per totum ge, necesse est quod pars ipsius b in eodem tempore feratur per magnitudinem gd. In eodem autem tempore corpus a, non habens gravitatem, ferebatur super eandem magnitudinem. Ergo sequetur quod corpus habens gravitatem, et corpus non habens gravitatem, in aequali tempore ferantur super eandem magnitudinem. Et eadem ratio est, si alterum corpus ponatur habere levitatem. Sic ergo manifestum est quod sequitur inconveniens, si aliquod inferiorum corporum ponatur non habere gravitatem neque levitatem.

[71398] Sur le De caelo, III, 7, 3. Troisièmement ici : Ğ en effet soit ce qui dans lequel ğ, etc., il prouve ce qu’il avait supposé, à savoir que, si les corps déjà mentionnés n’ont pas de pesanteur ni de légèreté, ils ne se déplacent pas. Et premièrement il montre qu’ils ne se déplacent pas naturellement ; deuxièmement il montre qu’ils ne se déplacent pas sous l’effet de la violence, ici : Ğ en outre s’il y a un corps ğ, etc. Il dit donc premièrement ceci : si un corps inférieur n’a pas de pesanteur ou de légèreté, soient deux corps, dont l’un est A, dépourvu de pesanteur, et l’autre B, pourvu de pesanteur. Qu’A se déplace, lui est qui n’est pas un corps lourd, pendant un temps déterminé, par exemple pendant la durée d’une heure, sur la distance GD, d’un mouvement centripète. Supposons que le corps B, pourvu de pesanteur, fasse la même espèce de mouvement pendant la même durée, de, sur une distance plus grande, qui est GE : car il est nécessaire que le corps pourvu de pesanteur accomplisse la même espèce de mouvement pendant une durée égale sur un espace plus grand que le corps dépourvu de pesanteur, de même qu’un corps plus lourd est emporté vers le bas plus vite qu’un corps moins lourd. Que le corps B, pourvu de pesanteur, soit divisé selon la proportion entre GE [301a30] et GD, de telle sorte que le corps B tout entier soit par rapport à sa partie, par exemple C, comme GE tout entier par rapport à GD ; en effet, rien n’empêche que le corps B soit divisé de cette manière, comme tout corps fini peut être divisé selon une proportion donnée. Procédons donc ainsi. B est dans le même rapport avec sa partie que GE par rapport à GD ; donc réciproquement la partie divisée est dans le même rapport avec GD que B tout entier avec GE. Donc si B tout entier est déplacé pendant un temps déterminé sur GE tout entier, il est nécessaire que la partie de B lui-même le soit pendant la même durée sur la distance GD. Or dans le même temps le corps A, sans pesanteur, était déplacé sur la même distance. Donc il s’ensuivra que le corps pesant et le corps sans pesanteur, seront déplacés sur la même distance pendant une durée égale. Et le raisonnement est le même si on établit que l’autre corps a de la légèreté. [301b1] Ainsi donc il est manifeste qu’un inconvénient s’ensuit, si on considère qu’un corps inférieur n’a ni pesanteur ni légèreté.

[71399] In De caelo, lib. 3 l. 7 n. 4 Deinde cum dicit: adhuc autem si erit aliquod corpus etc., ostendit quod, si sit aliquod inferiorum corporum non habens gravitatem vel levitatem, quod non possit per violentiam moveri. Et dicit: ex quo ostensum est per rationem praedictam quod corpus carens gravitate vel levitate non potest moveri naturaliter motu recto, necesse est, si movetur, quod moveatur per violentiam: nam omnis motus huiusmodi corporum aut est naturalis aut violentus. Sed nec per violentiam moveri poterit: quia si moveatur per violentiam, necesse est quod sit motus infinitus, idest infinitae velocitatis; quod est impossibile. Et quod hoc sequatur, probat, praemisso hoc principio, quod si aliqua virtus, idest violentia, sit movens aliquod corpus, minus et levius ab eadem virtute, idest ab eadem violentia, plus, idest velocius, movebitur in motu, scilicet sursum: nam corpus maius et gravius magis violentiae resistet. Sit igitur a corpus non habens gravitatem, quod violenter moveatur sursum per magnitudinem quae est ge; aliud autem corpus sit b, gravitatem habens, quod ab eadem virtute in aequali tempore moveatur per magnitudinem quae est gd, minorem utique quam ge. Sicut gravius minus movetur ab eadem virtute, ita grave minus quam non grave. Dividatur ergo corpus b, habens gravitatem, secundum proportionem quae est magnitudinis ge ad gd. Sequetur ergo, sicut et prius, quod id quod aufertur per divisionem a corpore b gravitatem habente, feratur per magnitudinem ge in aequali tempore, in quo ferebatur per ipsam corpus a non habens gravitatem: quia totum corpus b in eodem tempore ferebatur per magnitudinem gd, quae est minor. Oportet enim esse proportionem velocitatis minoris magnitudinis ad maiorem, sicut se habet maius corpus ad minus; ita scilicet quod in eodem tempore maius corpus moveatur per minorem magnitudinem, et minus per maiorem; quia minus corpus ab eadem virtute velocius movetur. Sequetur igitur quod per aequale spatium feratur corpus non grave, et corpus habens gravitatem, in eodem tempore; quod est impossibile. Quodcumque autem corpus grave proponatur, quantumcumque velociter moveatur, adhuc corpus non grave movebitur in eodem tempore per maius spatium. Sic igitur sequetur quod corpus non grave moveatur infinita velocitate per violentiam; quod est impossibile. Et eadem ratio est de corpore non levi. Sic ergo epilogando concludit manifestum esse quod omne corpus quod determinatum est, scilicet quod movetur motu recto, habet gravitatem vel levitatem. Dicitur autem corpus quod movetur motu recto determinatum, vel quia hic determinate de ipso loquitur; vel quia huiusmodi corpora moventur motu recto prout sunt segregata et divisa, non autem secundum se tota.

[71399] Sur le De caelo, III, 7, 4. Ensuite quand il dit : Ğ en outre s’il y a un corps ğ, etc., il montre que, si un corps inférieur est dépourvu de pesanteur ou de légèreté, il ne peut pas se déplacer sous l’effet de la violence. Et il dit ceci : du fait qu’il a été montré par le raisonnement précédent qu’un corps dépourvu de pesanteur ou de légèreté ne peut pas se déplacer naturellement en ligne droite, il est nécessaire que, s’il se déplace, ce soit sous l’effet de la violence : en effet, chaque mouvement des corps de ce genre est soit naturel, soit violent. Mais il ne pourrait pas non plus se déplacer sous l’effet de la violence : puisque, s’il le fait, il est nécessaire que ce mouvement soit Ğ infini ğ, c’est-à-dire d’une vitesse infinie, ce qui est impossible. Et il prouve ce qui en serait la conséquence, après avoir posé ce principe : si une certaine Ğ force ğ, c’est-à-dire violence, est le moteur d’un corps plus petit et [301b5] plus léger, il se déplacera Ğ plus ğ, c’est-à-dire plus vite, vers le haut, sous l’effet de la même Ğ force ğ, c’est-à-dire de la même violence : car un corps plus grand et plus lourd résisterait davantage à la violence. Ainsi donc soit un corps A sans pesanteur qui se déplace vers le haut sous l’effet de la violence sur une distance GE ; soit un autre corps B, pesant, qui se déplace du fait de la même force pendant la même durée sur une distance GD, plus petite en tout cas que GE. De même qu’un corps plus lourd est moins déplacé par la même force, de même un corps lourd l’est moins qu’un corps sans poids. Divisons donc le corps B, pourvu de poids, selon la proportion qui est celle de la distance GE par rapport à GD. Il s’ensuivra donc, comme avant aussi, que ce qui ôté par division du corps B pesant [301b10] se déplacera sur la distance GE dans le même temps où le corps A, dépourvu de pesanteur, l’a été sur la même distance, puisque le corps B tout entier se déplaçait dans le même temps sur la distance GD, qui est plus petite. En effet il faut que la vitesse de la distance la plus petite soit avec la plus grande dans un rapport égal à celui du corps le plus grand avec le plus petit ; et c’est ainsi que, dans la même durée, un corps plus grand se déplace dans la même durée sur une distance moins grande et un corps plus petit sur une distance plus petite, puisque le corps plus petit est déplacé plus vite par la même force. Il s’ensuivra donc qu’un corps sans poids et un corps pesant seront entraînés sur une distance égale dans le même temps, ce qui est impossible. Or quel que soit le corps lourd proposé, quelle que soit la vitesse à laquelle il se déplace, [301b15] un corps sans poids se déplacera encore dans le même temps sur une distance supérieure. Ainsi donc il s’ensuivra qu’un corps non lourd se déplacera sous l’effet de la violence avec une vitesse infinie, ce qui est impossible. Et c’est le même raisonnement pour un corps qui n’est pas léger. Ainsi donc il dit en guise de conclusion qu’il est manifeste que tout corps qui est Ğ déterminé ğ, à savoir qu’il se déplace en ligne droite, a pesanteur ou légèreté. Or il appelle Ğ déterminé ğ un corps qui se meut en ligne droite, soit parce qu’il parle ici de lui de façon déterminée, soit parce que les corps de ce genre se déplacent en ligne droite dans la mesure où ils sont mis à part et divisés, mais non tous en soi.

[71400] In De caelo, lib. 3 l. 7 n. 5 Deinde cum dicit: quoniam autem natura etc., quia fecerat mentionem de motu naturali et violento, hic ostendit qualiter uterque motus perficiatur. Et circa hoc duo facit: primo ostendit differentiam motus naturalis et violenti; secundo ostendit quomodo uterque motus invenitur in aere, ibi: ad ambo autem et cetera. Circa primum duo facit: primo ostendit differentiam motus naturalis et violenti; secundo ostendit quomodo violenta admiscentur etiam motui naturali, ibi: eum quidem et cetera. Differunt autem motus naturalis et violentus secundum sua principia; et ideo primo definit principia utriusque motus. Et dicit quod natura est principium motus existens in eo quod movetur, ut manifestum est in II Physic.: virtus autem, idest potentia movens per violentiam, est principium motus existens in alio, secundum quod est aliud. Quod quidem dicit quia potest per accidens principium motus violenti esse in eodem, non tamen secundum quod est idem, sed secundum quod est aliud; sicut etiam medicus sanat seipsum non sicut medicum, sed sicut infirmum. Et ex hoc patet quod quidam motus est secundum naturam, quidam autem motus est violentus. Est enim motus secundum naturam, cuius principium est in ipso quod movetur: non solum autem principium activum, sed etiam passivum, quod quidem est potentia per quam aliquid est naturaliter susceptivum motionis alterius. Et ideo, cum corpora inferiora moventur a corporibus superioribus, non est motus violentus, sed naturalis: quia in corporibus inferioribus est naturalis aptitudo ut sequantur motiones superiorum corporum. Motus autem violentus est quando nullum principium motus est ab intrinseco, sed solum ab extrinseco; sicut cum homo proiicit corpus grave sursum, in quo nulla est naturalis aptitudo ad talem motum. Ostendit autem consequenter quomodo violentia admisceatur motui naturali. Eum enim motum qui est alicui corpori naturalis, sicut lapidi est motus naturalis deorsum, potentia violenter movens facit quandoque velociorem: et sic talis motus quodammodo est commixtus, dum speciem habet a natura, additionem autem velocitatis a motore violento. Sed motum violentum totaliter perficit ipsa violentia, quia dat ei et speciem motus et mensuram velocitatis: quocumque enim modo esset ibi aliquid a natura, non esset praeter naturam.

[71400] Sur le De caelo, III, 7, 5. Ensuite quand il dit : Ğ or puisque la nature ğ, etc., étant donné qu’il avait fait mention du mouvement naturel et violent, il montre ici de quelle manière les deux mouvements s’accomplissent. Et sur ce point il fait deux choses : il montre premièrement la différence entre le mouvement naturel et le mouvement violent ; il montre deuxièmement comment les deux mouvements se trouvent dans l’air, ici : Ğ pour tous deux ğ, etc. Sur le premier point, il fait deux choses : il montre premièrement la différence entre le mouvement naturel et le mouvement violent ; il montre deuxièmement comment des contraintes se mêlent aussi au mouvement naturel, ici : Ğ lui certes ğ, etc. Or les mouvements naturel et violent diffèrent selon leurs principes ; et c’est pourquoi il définit en premier lieu les principes des deux mouvements. Et il dit que la nature est le principe moteur qui existe dans le corps qui est déplacé, comme le montre le livre II de la Physique ; or la Ğ force ğ, c’est-à-dire la puissance qui déplace sous l’effet de la violence, est le principe du mouvement résidant dans un corps dans la mesure où il est autre. Il le dit du moins parce que le principe du mouvement violent peut se trouver par accident dans le même corps, non dans la mesure où il est le même, mais dans la mesure où il est autre, de même qu’un médecin se soigne aussi lui-même non en tant que médecin, mais en tant que malade. Et à partir de là il est clair que tel mouvement est conforme à la nature, mais que tel autre est violent. En effet il y a un mouvement conforme à la nature, dont le principe est dans le corps même qui se déplace : un principe non seulement actif, mais aussi passif, qui est la puissance qui pousse une chose à adopter naturellement une autre impulsion. Et c’est pourquoi, comme les corps inférieurs sont déplacés par les corps supérieurs, il n’y a pas de mouvement violent, mais un mouvement naturel, puisque chez les corps inférieurs il n’y a pas d’aptitude naturelle à suivre les impulsions des corps supérieurs. Or il y a mouvement violent quand on ne trouve aucun principe de mouvement à l’intérieur, mais seulement à l’extérieur, de même qu’un homme lance vers le haut un corps lourd dans lequel ne se trouve aucune aptitude naturelle à un tel mouvement. Il montre par conséquent comment la violence se mêle au mouvement naturel. [301b20] Car une puissance qui déplace sous l’effet de la violence rend parfois plus rapide le mouvement qui est naturel à un corps, comme le mouvement descendant est naturel à une pierre ; et ainsi un tel mouvement est d’une certaine manière composite, tandis qu’il tient son espèce de la nature et son surcroît de vitesse d’un moteur violent. Mais c’est la violence elle-même qui accomplit totalement un mouvement violent, puisqu’elle lui donne à la fois son espèce et la mesure de sa vitesse : en effet, quelle que soit la manière dont la nature lui donne ici quelque chose, il ne serait pas contre-nature.

[71401] In De caelo, lib. 3 l. 7 n. 6 Deinde cum dicit: ad ambo autem etc., ostendit quomodo aer deservit utrique motui. Et primo quomodo deservit motui violento; secundo quomodo deservit motui naturali, ibi: et eum autem qui secundum naturam et cetera. Dicit ergo primo quod virtus motoris violenti utitur aere tanquam quodam instrumento ad ambo, idest ad motum sursum et ad motum deorsum. Aer autem natus est esse levis et gravis: sicut enim supra dictum est, et infra in quarto plenius dicetur, ignis est simpliciter levis, terra autem simpliciter gravis, aer autem et aqua medio modo se habent inter utrumque: nam aer ad ignem quidem est gravis, ad aquam autem et terram est levis; aqua autem ad terram quidem est levis, ad ignem autem et aerem est gravis. Sic igitur aer, secundum quod est levis, perficiet motum violentum qui est sursum (ita tamen prout movetur, et fuerit principium talis motionis potentia violenti motoris): motum autem qui est deorsum perficit secundum quod est gravis. Virtus enim violenti motoris, per modum cuiusdam impressionis, tradit motum utrique, idest vel aeri sursum moto et deorsum moto, vel etiam aeri et corpori gravi, puta lapidi. Non est autem intelligendum quod virtus violenti motoris imprimat lapidi qui per violentiam movetur, aliquam virtutem per quam moveatur, sicut virtus generantis imprimit genito formam, quam consequitur motus naturalis: nam sic motus violentus esset a principio intrinseco, quod est contra rationem motus violenti. Sequeretur etiam quod lapis, ex hoc ipso quod movetur localiter per violentiam, alteraretur: quod est contra sensum. Imprimit ergo motor violentus lapidi solum motum: quod quidem fit dum tangit ipsum. Sed quia aer est susceptibilior talis impressionis, tum quia est subtilior, tum quia est quodammodo levis, velocius movetur per impressionem violenti motoris, quam lapis: et sic, desistente violento motore, aer ab eo motus ulterius propellit lapidem, et etiam aerem coniunctum; qui etiam movet lapidem ulterius, et hoc fit quousque durat impressio primi motoris violenti, ut dicitur in VIII Physic. Et inde est quod, quamvis motor violentus non sequatur ipsum mobile quod per violentiam fertur, puta lapidem, ut praesentialiter ipsum moveat, tamen movet per impressionem aeris: si enim non esset tale corpus quale est aer, non esset motus violentus. Ex quo patet quod aer est instrumentum motus violenti necessarium, et non solum propter bene esse.

[71401] Sur le De caelo, III, 7, 6. Ensuite quand il dit : Ğ dans les deux cas ğ, etc., il montre comment l’air sert les deux mouvements. Et premièrement comment il sert le mouvement violent ; deuxièmement comment il sert le mouvement naturel, ici : Ğ et celui qui conformément à la nature ğ, etc. Il dit donc premièrement que la force du moteur violent utilise l’air en tant qu’instrument Ğ dans les deux cas ğ, c’est-à-dire pour le mouvement ascendant et le mouvement descendant. Or l’air est destiné à être léger et lourd : en effet, comme on l’a dit ci-dessus, et comme on le dira plus longuement dans le quatrième livre, le feu est simplement léger, la terre est simplement lourde, mais l’air et l’eau ont un statut intermédiaire : car l’air est lourd par rapport au feu mais léger par rapport à l’eau et à la terre ; l’eau est légère par rapport à la terre, mais lourde par rapport au feu et à l’air. Ainsi donc l’air, dans la mesure où il est léger, produira le mouvement violent qui est ascendant (pourtant, selon qu’il se déplace, la puissance du moteur violent sera aussi le principe d’une telle impulsion) ; [301b25] or il produit le mouvement descendant dans la mesure où il est lourd. Car la puissance d’un moteur violent transmet, à la manière d’un choc, un mouvement Ğ aux deux ğ, c’est-à-dire soit à l’air déplacé vers le haut et à l’air déplacé vers le bas, soit aussi à l’air et au corps lourd, par exemple à une pierre. Or il ne faut pas comprendre que la force du moteur violent applique à la pierre qui se déplace sous l’effet de la violence une force qui la fait se mouvoir, de même que la force du principe qui engendre donne au corps engendré une forme que recherche le mouvement naturel : en effet, le mouvement violent serait ainsi issu d’un principe intrinsèque, ce qui est contraire au fonctionnement du mouvement violent. Il s’ensuivrait aussi que la pierre, du fait même qu’elle se déplace localement sous l’effet de la violence, serait altérée, ce qui est contraire aux caractéristiques du mouvement violent. Il s’ensuivrait ainsi que la pierre, du fait même qu’elle se déplace localement sous l’effet de la violence, serait altérée, ce qui est contraire à ce que nous voyons. Donc le moteur violent donne à la pierre son mouvement seulement, ce qui se produit tant qu’il la touche. Mais puisque l’air est davantage susceptible d’une telle impulsion, d’une part parce qu’il est plus subtil, d’autre part parce qu’il est d’une certaine manière plus léger, il se déplace plus vite que la pierre à cause de l’impulsion du moteur violent ; et ainsi, lorsque le moteur violent cesse, l’air déplacé par lui repousse la pierre plus loin et aussi l’air qui l’entoure, lequel pousse à son tour la pierre plus loin, et cela se produit tant que dure l’impulsion du premier moteur violent, comme le dit le livre VIII de la Physique. Et de là vient que, bien que le moteur violent ne suive pas le mobile lui-même entraîné sous l’effet de la violence, par exemple une pierre, de façon à le déplacer en présence, il le déplace cependant grâce à l’impulsion de l’air ; en effet, s’il n’y avait pas un corps comme l’air, il n’y aurait pas de mouvement violent. De ce fait, il est clair que l’air est l’instrument du mouvement violent par nécessité, et non seulement en raison de son état favorable.

[71402] In De caelo, lib. 3 l. 7 n. 7 Deinde cum dicit: et eum autem qui secundum naturam etc., ostendit quomodo aer deserviat motui naturali. Et dicit quod aer eodem modo promovet motum naturalem uniuscuiusque corporum, sicut et motum violentum: inquantum scilicet per suam levitatem coadiuvat ad motum qui est sursum, per suam autem gravitatem ad motum qui est deorsum.

[71402] Sur le De caelo, III, 7, 7. Ensuite quand il dit : Ğ et celui qui conformément à la nature ğ, etc., il montre comment l’air sert le mouvement naturel. Et il dit que l’air favorise de la même façon [301b30] le mouvement naturel de chacun des corps et le mouvement violent, à savoir dans la mesure où il aide aussi le mouvement ascendant par sa légèreté et le mouvement descendant par sa pesanteur.

[71403] In De caelo, lib. 3 l. 7 n. 8 Potest autem esse dubium utrum aer deserviat motui naturali corporum gravium et levium ex necessitate, vel solum propter bene esse. Determinat autem Averroes quod etiam motui naturali deserviat ex necessitate: et hoc duplici ratione. Primo quidem quia, sicut ipse dicit in commento suo in hoc loco, motor gravium et levium est generans, qui, dum dat formam, ex consequenti dat motum naturalem, sicut et omnia accidentia naturalia quae consequuntur formam: et sic generans causat motum naturalem mediante forma. Motus autem naturalis debet immediate sequi a suo motore. Unde, cum motus naturalis non immediate sequatur a generante, sed a forma, videtur quod forma sit proprius motor in motu naturali. Unde videtur quod corpora gravia et levia quodammodo moveant seipsa. Non autem per se: quia movens seipsum dividitur in movens et motum, ut probatur in VIII Physic.; quod non invenitur in corporibus gravibus et levibus, quae non dividuntur nisi in formam et materiam, cuius non est moveri, ut probatur in V Physic. Unde relinquitur quod corpus grave vel leve moveat seipsum per accidens, sicut nauta qui movet navem, ad cuius motum ipse movetur: et similiter corpus grave et leve per suam formam movet aerem, ad cuius motum ipsum corpus grave et leve movetur. Et sic concludit quod aer sit de necessitate motus naturalis. Secundo quia, ut ipse dicit in commento IV Physic., oportet esse aliquam resistentiam inter movens et mobile. Nulla autem est resistentia materiae corporis gravis vel levis ad eius formam, quae est principium motus. Et ideo necesse est quod sit aliqua resistentia ex parte medii, quod est aer vel aqua: et sic aer est de necessitate motus naturalis.

[71403] Sur le De caelo, III, 7, 8. Or on peut se demander si l’air sert le mouvement naturel des corps lourds et des corps légers par nécessité ou seulement en raison de son état favorable. Averroès détermine qu’il sert aussi le mouvement naturel par nécessité ; et cela pour deux raisons. Premièrement parce que, comme il le dit lui-même dans son commentaire à ce passage, le moteur des lourds et des légers engendre, puisque, quand il donne forme, il donne du même coup un mouvement naturel, tout comme la totalité des accidents naturels qui suivent la forme aussi ; et ainsi ce qui engendre cause le mouvement naturel par l’intermédiaire de la forme. Or, le mouvement naturel doit immédiatement suivre sous l’action de son moteur. De ce fait, comme le mouvement naturel ne suit pas immédiatement sous l’action de ce qui l’engendre, mais sous celle de sa forme, il semble que sa forme soit son propre moteur dans le mouvement naturel. Il semble donc que les corps lourds et légers se déplacent eux-mêmes d’une certaine façon. Mais non en soi, puisque ce qui déplace se divise lui-même en déplaçant et déplacé, comme le prouve le livre VIII de la Physique, ce qui ne concerne pas les corps lourds et légers, qui ne se divisent qu’en forme et matière, qui n’ont pas pour propriété de se déplacer, comme le prouve le livre V de la Physique. Il en résulte qu’un corps lourd ou léger se déplace lui-même par accident, comme le marin qui déplace le navire, et qui se déplace lui-même par ce mouvement ; et de la même façon, des corps lourds et légers déplacent l’air par leur forme, en suivant le mouvement selon lequel ils se déplacent eux-mêmes. Et ainsi il conclut que l’air participe de la nécessité du mouvement naturel. Deuxièmement parce que, comme il le dit lui-même dans son commentaire au livre IV de la Physique, il faut qu’il y ait une certaine résistance entre le moteur et le mobile. Or il n’y a aucune résistance entre la matière du corps lourd ou léger et sa forme, qui est le principe de son mouvement. Et ainsi il est nécessaire qu’une résistance provienne de la partie intermédiaire, qui est l’air ou l’eau ; et ainsi l’air participe de la nécessité du mouvement naturel.

[71404] In De caelo, lib. 3 l. 7 n. 9 Utrumque autem ex eadem radice erroris procedit. Existimavit enim quod forma corporis gravis et levis sit principium activum motus per modum moventis, ut sic oporteat esse aliquam resistentiam ad inclinationem formae; et quod motus non procedat immediate a generante qui dat formam. Sed hoc est omnino falsum. Nam forma gravis et levis non est principium motus sicut agens motum, sed sicut quo movens movet; sicut color est principium visionis, quo aliquid videtur. Unde et Aristoteles dicit in VIII Physic., post ea quae dixerat de motu gravium et levium: quod quidem igitur nihil horum movet seipsum manifestum est: sed motus habent principium, non movendi neque faciendi, sed patiendi. Sic igitur motus gravium et levium non procedit a generante mediante alio principio movente; neque etiam oportet aliam resistentiam quaerere in hoc motu, quam illam quae est inter generans et genitum. Et sic relinquitur quod aer non requiratur ad motum naturalem ex necessitate, sicut in motu violento. Quia id quod naturaliter movetur, habet sibi inditam virtutem, quae est principium motus: unde non oportet quod ab alio impellente moveatur, sicut id quod per violentiam movetur, quia nullam virtutem inditam habet, ad quam sequatur talis motus. Et hanc etiam differentiam designant verba Aristotelis: nam de motu violento loquens, dicit quod nisi esset aliquod tale corpus, non esset qui vi motus; de motu autem naturali dicit quod aer promovet eum qui secundum naturam uniuscuiusque motum. Ultimo autem epilogando concludit manifestum esse ex praedictis quod omne corpus aut est leve aut grave, et qualiter se habeant motus qui sunt praeter naturam.

[71404] Sur le De caelo, III, 7, 9. Les deux idées ont pour racine la même erreur. Car il estime que la forme des corps lourds et légers est le principe actif de leur mouvement à la manière d’un moteur, si bien qu’il faut qu’il y ait une résistance à l’inclinaison de la forme, et que le mouvement ne provient pas immédiatement d’un être engendrant qui donne forme à ces corps. Mais cela est absolument faux. En effet, la forme des corps lourds et légers n’est pas le principe de leur mouvement en tant qu’agent du mouvement, mais en tant que lieu où le moteur déplace, de même que la couleur est le principe de la vision là où on voit quelque chose. De ce fait, Aristote dit dans le livre VIII de la Physique, après les propos qu’il avait tenus sur le mouvement des corps lourds et légers : Ğ il est donc manifeste qu’aucun d’entre eux ne se déplace lui-même ; mais les mouvements ont le principe non de déplacer ou d’agir, mais de subir. ğ Ainsi donc le mouvement des corps lourds et légers ne provient pas d’un autre principe moteur intermédiaire engendrant ; et il ne faut pas non plus rechercher dans ce mouvement une autre résistance que celle qui est entre l’engendrant et l’engendré. Et il en résulte que l’air n’est pas nécessairement requis pour le mouvement naturel, tout comme dans le mouvement violent, puisque le corps qui se déplace naturellement possède sa force en lui, laquelle est le principe de son mouvement ; de ce fait il ne faut pas qu’il soit déplacé par l’impulsion d’un autre être, comme le corps qui se déplace sous l’effet de la violence, puisqu’il n’a aucune force en lui qu’un tel mouvement suive. Et les termes utilisés par Aristote désignent aussi cette différence : car parlant du mouvement violent, il dit que Ğ s’il n’y avait pas un tel corps, il n’y aurait pas de mouvement par force ğ ; sur le mouvement naturel il dit que l’air Ğ propulse le mouvement qui est conforme à la nature de chacun ğ. Enfin, en guise de conclusion, il dit qu’il est manifeste d’après les propos tenus que tout corps est soit léger, soit lourd, et comment sont les mouvements qui sont contre-nature.

 

 

Lectio 8

Leçon 8 – [Comment se produisent génération et mouvement ?]

[71405] In De caelo, lib. 3 l. 8 n. 1 Postquam philosophus inquisivit de generatione et motu, utrum insit corporibus naturalibus vel non; supposito ex praemissis quod sit in corporibus generatio et motus, hic incipit inquirere quomodo hoc sit. Et circa hoc duo facit: primo resumit quoddam improbandum, quod supra improbaverat, sed imperfecte; secundo prosequitur propositum, ibi: reliquum autem dicere et cetera. Circa primum tria facit: primo proponit id quod supra probatum est; secundo perficit probationem, ibi: impossibile enim etc.; tertio excludit quandam obviationem, ibi: aliud quidem enim et cetera.

[71405] Sur le De caelo, III, 8, 1. Après que le Philosophe a recherché, à propos de la génération et du mouvement, s’ils se trouvaient dans les corps naturels ou non, après avoir supposé, d’après les prémisses, que la génération et le mouvement se trouvent dans les corps, il commence ici à se demander comment cela se produit. Et sur ce point il fait deux choses : premièrement il revient sur une idée à réfuter, ce qu’il avait fait ci-dessus, mais de façon imparfaite ; deuxièmement il s’attache à exposer la proposition, ici : Ğ or il reste à dire ğ, etc. Concernant le premier point, il fait trois choses : premièrement il expose ce qu’il a prouvé ci-dessus ; deuxièmement il achève la démonstration, ici : Ğ car il est impossible ğ, etc. ; troisièmement il rejette une certaine objection, ici : Ğ en effet un autre ğ, etc.

[71406] In De caelo, lib. 3 l. 8 n. 2 Dicit ergo primo manifestum esse ex supra dictis quod neque generatio est omnium, sicut ponebant illi qui dicebant corpora componi ex superficiebus; neque etiam generatio est nullius, sicut posuerant Parmenides et Melissus. Deinde cum dicit: impossibile enim etc., perficit improbationem ponentium quod omnium est generatio. Hoc enim supra improbavit ostendendo quod corpora non componuntur ex superficiebus: posset autem aliquis dicere omnium corporum esse generationem multis aliis modis; et ideo philosophus inducit hanc probationem universaliorem. Et dicit quod ex hoc potest confirmari quod non est omnium generatio, quia impossibile est quod sit generatio omnis corporis, nisi ponatur aliquod vacuum separatum a corporibus (quod quidem dicit, quia quidam philosophi ponebant vacuum corporibus inditum, sicut Democritus et Leucippus). Vacuum autem separatum dicitur locus qui non est repletus aliquo corpore, possibilis repleri, ut habetur in IV Physic. Ideo autem sequitur vacuum esse separatum, si omne corpus generatur, quia in loco in quo est corpus quod modo generatur, si locus ille fuisset prius isto corpore, necessarium erat quod esset ibi vacuum, cum nullum corpus esset ibi. Nullum autem corpus esset ibi prius, si omne corpus generatur. Unde ex hoc quod ponitur omne corpus generari, sequitur vacuum separatum esse.

[71406] Sur le De caelo, III, 8, 2. Il dit donc premièrement qu’il est manifeste, d’après ce qui a été dit, que toutes choses ne sont pas soumises à la génération, comme l’établissaient ceux qui disaient les corps composés de surfaces, et que rien n’est sujet à la génération, comme le considéraient Parménide et Mélissus. Ensuite, quand il dit : Ğ car il est impossible ğ, etc., il finit de réfuter la thèse de ceux qui posent que tout est soumis à la génération. En effet, il l’avait déjà réfutée ci-dessus, en montrant que les corps ne sont pas composés de surfaces ; or on pourrait dire que tous les corps sont soumis à la génération de nombreuses autres manières ; et c’est pourquoi le philosophe propose cette démonstration universelle. Et il dit que l’on peut confirmer que tout n’est pas sujet à la génération, parce qu’il est impossible que tout corps soit soumis à la génération, [302a1] à moins d’établir un vide séparé des corps (assurément il le dit parce que certains philosophes, comme Démocrite et Leucippe, établissaient qu’un vide était introduit dans les corps). Or, on appelle vide séparé un lieu qui n’est pas rempli par un corps, mais qui est susceptible d’être rempli, comme le dit le livre IV de la Physique. C’est pourquoi il s’ensuit qu’il y a un vide séparé, si tout corps est engendré, puisque, dans le lieu où un corps va bientôt être engendré, si ce lieu avait été auparavant occupé par ce corps, il était nécessaire qu’il y eût du vide, comme il n’y avait aucun corps à cet endroit. Or il n’y avait aucun corps ici auparavant, si n’importe quel corps était en train d’être engendré. Il en résulte qu’il y a un vide séparé du fait que l’on considère que n’importe quel corps est engendré.

[71407] In De caelo, lib. 3 l. 8 n. 3 Deinde cum dicit: aliud quidem enim etc., excludit quandam obviationem. Posset enim aliquis dicere quod videmus unumquodque corporum generari, nullo vacuo existente. Sed ad hoc ipse respondet quod, cum fit quoddam corpus particulare, generatur ex alio corpore, puta ignis ex aere; et ita ante generationem ignis, aer erat in eodem loco; et sic non est vacuum. Sed si omne corpus generetur, non potest poni aliud corpus quod prius repleverit locum, quia praeter omne corpus non est aliud corpus: et ita oportebit quod corpus fieret ex non corpore. Impossibile est autem quod corpus fiat totaliter ex nulla praeexistente magnitudine corporali. Maxime enim fieret corpus actu, ex eo quod est potentia corpus. Et si quidem ita sit potentia hoc corpus, quod sit actu aliud corpus, non sequitur inconveniens: sic enim ponimus fieri ignem ex materia quae est potentia ignis, actu autem aer. Sed si esset ita potentia corpus, quod non esset actu aliquod aliud corpus, sicut oporteret ponere eos qui ponunt omne corpus generari, sequeretur quod ante generationem omnis corporis esset vacuum separatum.

[71407] Sur le De caelo, III, 8, 3. Ensuite quand il dit : Ğ un autre en effet ğ, etc., il rejette une objection. Car on pourrait dire que nous voyons chacun des corps être engendré, alors qu’aucun vide n’existe. Mais il répond lui-même à cela que, lorsqu’un corps particulier naît, il est engendré par un autre corps, par exemple le feu par l’air, qu’ainsi avant la génération du feu l’air se trouvait à sa place, et que de la sorte il n’y a pas de vide. Mais si tout corps est engendré, il n’est pas possible d’établir un autre corps qui ait occupé sa place auparavant, puisqu’il n’y a pas de corps en dehors de tout corps ; et ainsi il faudra qu’un corps soit créé par un non corps. [302a5] Or il est impossible qu’un corps naisse en l’absence totale d’une grandeur corporelle préexistante. Car un corps en acte pourrait tout à fait naître du fait qu’il y a un corps en puissance. Et du moins s’il y a ainsi un corps en puissance qui est un autre corps en acte, aucun inconvénient ne suit : car nous établissons de cette manière que le feu naît de la matière qui est du feu en puissance, mais de l’air en acte. Mais s’il y avait un corps en puissance qui n’était pas un autre corps en acte, comme devraient l’établir ceux qui considèrent que tout corps est engendré, il s’ensuivrait qu’avant la génération de tout corps il y avait un vide séparé.

[71408] In De caelo, lib. 3 l. 8 n. 4 Est autem attendendum quod Aristoteles intendit hic probare non esse generationem omnis corporis, ita scilicet quod tota universitas corporum simul generetur: non autem intendit probare quod aliquod particulare corpus non generetur ex non corpore. Sic enim contra probationem Aristotelis haberet locum obviatio quam ponit Simplicius in commento suo, scilicet quod non esset necesse esse vacuum, vel propter rarefactionem et condensationem, vel propter hoc quod, hoc corpore generato, aliud corrumpitur. Unde etiam non esset haec sufficiens probatio quam ipse aestimat, scilicet quod communium non est generatio, sed particularium (non enim est generatio hominis simpliciter, sed huius hominis): quia tota universitas corporis est sicut unum corpus completum in una specie existens, sicut in primo habitum est; nihil autem prohibet individuum quod est unum tantum in una specie, generari et corrumpi, sicut de Phoenice dicunt. Unde et per hoc non excluderetur generatio omnis corporis, quam philosophus removere intendit. Nec etiam probatio philosophi est contra sententiam fidei nostrae, qua ponimus totam universitatem corporum de novo incoepisse: quia non ponimus praeexistere locum, quod hic philosophus supponit; neque ponimus generationem corporum ex eo quod est in potentia, sed per creationem.

[71408] Sur le De caelo, III, 8, 4. Or il faut remarquer qu’Aristote ne cherche pas ici à prouver qu’il n’y a pas de génération pour tout corps, si bien que la totalité des corps est engendrée en même temps ; et il ne cherche pas à prouver qu’un corps particulier n’est pas engendré par un non-corps. Car l’objection suivante, faite par Simplicius dans son commentaire, irait contre la démonstration d’Aristote, à savoir qu’il ne serait pas nécessaire qu’il y ait du vide, soit par raréfaction et condensation, soit parce que, une fois tel corps engendré, tel autre est corrompu. De ce fait, la démonstration qu’il avance lui-même ne serait non plus suffisante, à savoir qu’il n’est pas de génération pour les corps communs, mais pour les corps particuliers (car il n’est pas de génération pour l’homme simplement, mais pour cet homme-ci), puisque la totalité du corps est pour ainsi dire un unique corps complet existant dans une espèce, comme on l’a dit dans le premier livre ; or, rien n’empêche que l’individu qui est unique seulement dans une espèce unique soit engendré et corrompu, comme on le dit du phénix. De ce fait, ce raisonnement n’exclurait pas non plus la génération de tout corps que le Philosophe cherche à écarter. Et la démonstration du Philosophe n’est pas non plus contraire à la doctrine de notre foi, par laquelle nous pensons que la totalité des corps commence de nouveau, puisque nous considérons que le lieu que le Philosophe suppose ici ne préexiste pas et que nous n’établissons pas la génération des corps à partir du fait qu’elle est en puissance, mais du fait qu’elle a lieu par création.

[71409] In De caelo, lib. 3 l. 8 n. 5 Deinde cum dicit: reliquum autem dicere etc., ostendit quomodo sit generatio et motus corporum. Et circa hoc duo facit: primo dicit de quo est intentio, et quo ordine id sit agendum; secundo exequitur propositum, ibi: sit itaque elementum et cetera. Dicit ergo primo quod, cum non sint omnia corpora generabilia, neque nulla, ut supra dictum est, reliquum est manifestare quorum corporum est generatio, et propter quid est, idest quae est causa generationis. Quae quidem consideratio inchoatur in hoc libro, sed perficitur in libro de generatione. Sed quia omnis cognitio est per aliqua prima, ex quibus definitiones et demonstrationes procedunt; manifestum est autem quod elementa quarumlibet rerum sunt prima inter ea quae insunt rebus (licet aliqua extrinseca principia possent esse priora, puta agens et finis); oportet quod ad cognoscendum generationem corporum, prius cognoscatur quae sunt elementa corporum generabilium et corruptibilium, et qua ratione sunt elementa, et ulterius quot sunt elementa, et qualia corpora. Ad hoc autem manifestandum, oportet accipere quasi suppositionem et principium, quae sit natura elementi; quod manifestatur per eius definitionem.

[71409] Sur le De caelo, III, 8, 5. Ensuite quand il dit : Ğ il reste à dire ğ, etc., il montre comment sont la génération et le mouvement des corps. Et sur ce point il fait deux choses : premièrement il dit sur quoi porte son intention et dans quel ordre il faut ici procéder ; deuxièmement il expose jusqu’au bout la proposition, ici : Ğ disons donc qu’un élément ğ, etc. Il dit donc premièrement que, comme ce ne sont tous les corps qui sont susceptibles d’être engendrés, ni aucun, comme on l’a dit ci-dessus, [302a10] il reste à montrer quels corps sont soumis à la génération et Ğ en vertu de quoi ğ, c’est-à-dire quelle est la cause de la génération. Cette réflexion commence dans ce livre, mais s’achève dans le livre sur la génération. Mais puisque toute connaissance se fait au moyen d’une première, d’où découlent les définitions et les démonstrations, il est manifeste que les éléments des choses, quelles qu’elles soient, en sont les premiers constituants (bien que quelques principes extérieurs puissent être antérieurs, par exemple l’agent et la fin) ; pour connaître la génération des corps, il faut d’abord connaître quels sont les éléments des corps susceptibles d’être engendrés et corrompus, pour quelle raison ce sont des éléments et enfin combien il y en a, et de quelle sorte sont les corps. Pour montrer cela, [302a15] il faut admettre comme supposition et principe quelle est la nature d’un élément, ce qui apparaît grâce à sa définition.

[71410] In De caelo, lib. 3 l. 8 n. 6 Deinde cum dicit: sit itaque elementum etc., exequitur propositum ordine praedicto. Primo enim ostendit quae sit elementi natura, quam significat definitio; secundo quae et qualia sint corporum elementa, ibi: si itaque quod dictum est etc.; tertio inquirit quomodo sit corporum generatio, ibi: quoniam autem neque infinita et cetera. Circa primum duo facit: primo ponit partes definitionis elementi; secundo probat hanc elementi definitionem, ibi: tale enim et cetera. Circa primum, ponit tres partes definitionis elementi. Quarum prima est, quod elementum aliorum corporum est, in quod alia corpora dividuntur seu resolvuntur. Non enim quaelibet causa potest dici elementum, sed solum illa quae intrat rei compositionem. Unde universalia elementa sunt materia et forma, ut patet in I Physic. Quae tamen non sunt corpora: hic autem intendit philosophus de elementis quae sunt corpora. Secunda particula est, quod elementum existit in eo cuius est elementum, potentia aut actu. Adhuc autem sub dubitatione existit quomodo sunt elementa in elementatis, utrum scilicet in actu vel in potentia. Si enim generatio et corruptio corporum fit per congregationem et segregationem, sicut Empedocles et Anaxagoras posuerunt, consequens est quod elementa sint actu in mixto. Si autem generatio et corruptio corporum est per alterationem, necesse est dicere quod elementa sint potentia in mixto. Tertia particula est, quod elementum non dividitur in alia, scilicet diversa secundum speciem. Oportet enim omne corpus divisibile esse: quaedam tamen corpora dividuntur in diversa secundum speciem, sicut manus in carnem et ossa, ex quibus quadam compositione compaginatur, vel sicut caro resolvitur in aerem, ignem, aquam et terram, per quandam alterationem; ignis autem et aer, aqua et terra neutro modo resolvuntur in diversa secundum speciem. Quod quidem complet rationem elementi; sicut etiam elementa locutionis dicuntur litterae, quae non dividuntur in diversa secundum speciem. Deinde cum dicit: tale enim etc., probat praedictam definitionem ex communi usu loquentium: nominibus enim utendum est ut plures, ut dicitur in II Topic. Et hoc est quod dicit, quod omnes volunt dicere esse elementum aliquid tale quale descriptum est, etiam in omnibus generibus, puta in corporalibus locutionibus et demonstrationibus, in quibus principia dicuntur elementa, quae non resolvuntur in alia principia.

[71410] Sur le De caelo, III, 8, 6. Ensuite quand il dit : Ğ disons donc qu’un élément ğ, etc., il expose jusqu’au bout la proposition dans l’ordre déjà dit. En effet il montre premièrement quelle est la nature d’un élément, ce que la définition éclaire, deuxièmement quels sont les éléments des corps et de quelle nature ils sont, ici : Ğ c’est pourquoi si ce qui est dit ğ, etc. ; troisièmement il recherche comment se fait la génération des corps, ici : or puisque ni infini ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : il établit premièrement les parties de la définition de l’élément ; il prouve deuxièmement cette définition de l’élément, ici : Ğ car tel ğ, etc. À propos du premier point, il présente les trois parties de la définition de l’élément. La première d’entre elles est que l’élément des autres corps est ce en quoi les autres corps se divisent ou se décomposent. Car n’importe quelle cause ne peut être appelée élément, mais seulement celle qui entre dans la composition d’une chose. De ce fait les éléments universels sont la matière et la forme, comme le montre le livre I de la Physique. Cependant ce ne sont pas des corps ; or le philosophe recherche ici les éléments qui sont des corps. La seconde partie est que l’élément se trouve dans le corps dont il est l’élément, en puissance ou en acte. En outre on peut s’interroger sur la manière dont les éléments se trouvent dans les corps élémentaires, à savoir s’ils sont en acte ou en puissance. En effet si la génération et la corruption des corps se fait par agrégation et désagrégation, comme Empédocle et Anaxagore l’ont établi, il s’ensuit que les éléments sont en acte à l’état de mélange. Or, si la génération et la corruption des corps se font par altération, il est nécessaire de dire que les éléments sont en puissance à l’état de mélange. La troisième partie est que l’élément ne se divise pas en autres choses, c’est-à-dire en parties différentes en espèce. Car il faut que tout corps soit divisible ; pourtant certains corps se divisent en parties différentes en espèce, comme la main en chair et en os, dont elle est formée en une certaine composition, ou bien comme la chair se décompose en air, feu, eau et terre, par une certaine altération ; or le feu, l’air, l’eau et la terre ne se décomposent ni de cette manière, ni de l’autre, en parties qui diffèrent en espèce. Or cela correspond à la caractérisation de l’élément, de même aussi que les éléments du langage sont appelés lettres, qui ne se divisent pas en parties différentes en espèce. Ensuite quand il dit : Ğ en effet tel ğ, etc., il prouve la définition précédente à partir de l’usage commun de la langue : car il faut utiliser les noms comme le plus grand nombre de personnes le fait, comme le dit le livre II des Topiques. Et c’est le cas quand il dit que tous veulent dire qu’il y a un élément tel qu’on l’a décrit même dans tous les genres, par exemple dans le vocabulaire et les démonstrations de la physique, dont les principes sont appelés Ğ éléments ğ, qui ne se décomposent pas en d’autres principes. 

[71411] In De caelo, lib. 3 l. 8 n. 7 Deinde cum dicit: si itaque quod dictum est etc., ostendit quae et quot sint elementa. Et circa hoc tria facit: primo ostendit quod necesse est quaedam esse elementa corporum; secundo inquirit utrum sint finita vel infinita, ibi: utrum autem finita vel infinita etc.; tertio inquirit utrum sit unum tantum, ibi: quoniam autem necesse finita et cetera. Circa primum duo facit: primo concludit ex praemissa definitione elementi, quod necesse est ponere quaedam elementa corporum; secundo ostendit quomodo haec diversimode ponebant Anaxagoras et Empedocles, ibi: Anaxagoras autem et cetera. Dicit ergo primo quod, si praedicta est definitio elementi, necesse est dicere quod sint quaedam elementa corporum: inveniuntur enim quaedam corpora, quibus praedictae conditiones conveniunt. In carne enim et ligno, et in quolibet talium corporum, scilicet mixtorum, ignis et terra sunt in potentia; quia scilicet per quandam alterationem ex igne et terra et aliis huiusmodi praedicta corpora componuntur. Et hoc manifestum est ex ipsa segregatione, qua corpora mixta in huiusmodi simplicia resolvuntur; sicut patet in resolutione corporis animalis, quod in pulverem et quandam humorositatem et quosdam vapores resolvitur; et ita etiam est de aliis corporibus mixtis. Utitur autem hic large segregatione, quae proprie fit in ea quae insunt actu. Quod autem huiusmodi corpora in quae alia resolvuntur, ipsa non resolvantur in alia, quod etiam pertinet ad definitionem elementi, ostendit, subdens quod in igne neque caro neque lignum inest, sive secundum potentiam sive secundum actum. Cuius signum assumit ex hoc quod, si caro et lignum essent in igne, ignis resolveretur in ista: quod nullo modo apparet. Generatur enim ex igne caro aut lignum, non per resolutionem, sed per adiunctionem aliorum corporum simplicium, simul ad mixtionem coalteratorum. Quia vero aliqui posuerunt unum tantum elementum, sicut Thales Milesius aquam, subiungit quod similis ratio est si ponatur unum tantum elementum aut plura, quod in elemento uno non inerunt alia corpora. Licet enim inveniantur alia corpora praeter illud elementum, puta caro aut os aut aliquod aliud huiusmodi, non tamen est dicendum quod aliquod horum insit potentia vel actu in corpore quod ponitur elementum. Et cum ita sit quod quaedam sint elementa corporum, considerandum est quis modus generationis est, quo vel alia corpora generantur ex elementis, scilicet per mixtionem, vel elementa ex aliis corporibus per resolutionem. Et hoc secundum veritatem determinabit in libro de generatione.

[71411] Sur le De caelo, III, 8, 7. Ensuite quand il dit : Ğ c’est pourquoi si ce qui est dit ğ, etc., il montre ce que sont les éléments et combien ils sont. Et sur ce point il fait trois choses : premièrement il montre qu’il est nécessaire que les corps aient des éléments ; deuxièmement il se demande s’ils sont finis ou infinis, ici : Ğ si finis ou infinis ğ, etc. ; troisièmement il se demande s’il y en a seulement un, ici : Ğ or puisqu’il est nécessaire qu’ils soient finis ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : premièrement il conclut à partir de la définition précédente de l’élément qu’il est nécessaire d’établir que les corps ont des éléments ; deuxièmement il montre comment Anaxagore et Empédocle les considéraient de différentes manières, ici : Ğ Or Anaxagore ğ, etc. Il dit donc premièrement que, si [302a20] la définition précédente est celle de l’élément, il est nécessaire de dire ce que sont les éléments des corps : car il se trouve des corps auxquels les conditions précédentes conviennent. Car dans la chair, le bois, et dans n’importe quel corps semblable, à savoir mélangé, le feu et la terre sont en puissance, puisque c’est par altération que les corps précédents sont composés de feu, de terre et d’autres corps de ce genre. Et c’est évident d’après la désagrégation qui fait que les corps mélangés se décomposent en corps simples, comme on le voit dans la décomposition du corps animal, qui se corrompt en poussière, en certaines humeurs et vapeurs ; et il en est ainsi des autres corps mélangés. Ici il se sert du terme Ğ désagrégation ğ au sens large, alors que la désagrégation au sens propre décompose un corps en ce qui se trouve en acte en lui. Il montre que les corps de ce genre, en lesquels les autres se décomposent, ne se décomposent pas eux-mêmes en d’autres parties, ce qui correspond aussi à la définition de l’élément, ajoutant que ni la chair, ni le bois ne se trouvent dans le feu, que ce soit en puissance ou en acte. Il en tire une preuve du fait que, [302a25] si la chair et le feu se trouvaient dans le feu, le feu se décomposerait en eux, ce que l’on ne voit en aucune manière. Car la chair ou le bois sont engendrés par le feu non par décomposition, mais par adjonction d’autres corps simples, en même temps que des corps altérés se mélangent. Or, puisque des savants ont établi un seul élément, comme Thalès de Milet l’eau, il ajoute que le raisonnement est le même si on établit un seul élément ou plusieurs, à savoir que d’autres corps ne se trouveront pas dans un élément unique. Car bien que l’on trouve d’autres corps en dehors de cet élément, par exemple la chair, l’os ou quelque autre de ce genre, il ne faut cependant pas dire que l’un d’entre eux se trouve en puissance ou en acte dans le corps qui est considéré comme un élément. Et comme les choses sont telles que certains sont des éléments des corps, il faut considérer quel est le mode de génération qui fait que soit les autres corps sont engendrés à partir d’éléments, à savoir par mélange, soit les éléments sont engendrés à partir d’autres corps, par décomposition. Et il le déterminera en vérité dans le livre sur la génération.

[71412] In De caelo, lib. 3 l. 8 n. 8 Deinde cum dicit: Anaxagoras autem etc., ostendit diversitatem Anaxagorae et Empedoclis circa corporalia elementa. Et primo ponit opinionem utriusque; secundo ostendit quae earum sit praeferenda, ibi: quoniam autem est omnis et cetera. Dicit ergo primo quod de elementis corporalibus contrarie locuti sunt Anaxagoras et Empedocles. Empedocles enim posuit quod ignis et terra et alia media, quae sunt simul elementa cum istis, sunt corpora elementaria corporum, ex quibus omnia alia corpora componuntur. Sed Anaxagoras dicit contrarium, scilicet quod alia corpora homoeomera, idest similium partium, puta caro et os et alia huiusmodi, sunt elementa corporum: aerem vero et ignem et terram et aquam dicebat esse commixta ex praemissis, scilicet carne et osse, et ex omnibus aliis seminibus corporum naturalium. Ponebat enim Anaxagoras quod partes corporum similium infinitae et indivisibiles erant semina omnium quae apparent in natura; ita scilicet quod per extractionem eorum ab aliquo mixto, generantur omnia corpora naturalia sensibilia. Quia igitur ex igne et terra et aliis huiusmodi videntur omnia alia corpora generari, aestimavit quod tam ignis quam terra et alia intermedia essent constituta ex omnibus indivisibilibus partibus similibus simul congregatis. Et secundum hoc partes consimiles ponebat esse elementa horum quatuor corporum; ex quibus tamen dicebat omnia fieri propter semina inexistentia. Et quia de igne mentionem non faciebat, ne ex hoc aliquod dubium oriretur, subdit quod ipse appellabat ignem aetherem.

[71412] Sur le De caelo, III, 8, 8. Ensuite quand il dit : Ğ Or Anaxagore ğ, etc., il montre la différence entre Anaxagore et Empédocle concernant les éléments des corps. Et il établit premièrement les opinions des deux savants ; il montre deuxièmement laquelle des deux doit être préférée, ici : Ğ or puisque tout ğ, etc. Il dit donc premièrement qu’Anaxagore et Empédocle ont tenu des propos contraires sur les éléments des corps. Car Empédocle a établi que le feu, la terre et les autres corps intermédiaires, qui sont des éléments tout comme eux, sont [302a30] les corps élémentaires des corps qui composent tous les autres. Mais Anaxagore dit le contraire : les autres corps Ğ homéomères ğ, c’est-à-dire composés de parties semblables, par exemple la chair, l’os et [302b1] autres corps de ce genre, sont les éléments des corps ; or il disait que l’air, le feu, la terre et l’eau sont un mélange des corps précédents, à savoir de la chair et de l’os, et de toutes les autres semences des corps naturels. Car Anaxagore établissait que les parties infinies et indivisibles des corps semblables étaient les semences de tout ce que l’on voit dans la nature ; et c’est ainsi que tous les corps naturels sensibles sont engendrés par leur extraction d’un autre corps mélangé. Donc puisque tous les autres corps semblent être engendrés par le feu, l’eau et autres principes de ce genre, il a pensé qu’aussi bien le feu que la terre et les autres substances intermédiaires étaient constitués à partir de toutes les parties indivisibles semblables agrégées en même temps. Et selon cette idée, il considérait que les parties semblables étaient les éléments de ces quatre corps ; et pourtant il disait d’après cela que tout était créé grâce à des semences inexistantes. Et puisqu’il ne faisait pas mention du feu, afin que rien de douteux ne naisse de cela, il ajoute qu’il appelait lui-même le feu Ğ éther ğ.

[71413] In De caelo, lib. 3 l. 8 n. 9 Deinde cum dicit: quoniam autem est omnis etc., ostendit quod opinio Empedoclis est praeferenda. Sicut enim patet ex his quae in primo habita sunt, omnis corporis naturalis est aliquis proprius motus; et cum sint quidam motus simplices, quidam mixti, manifestum quod mixti motus sunt mixtorum corporum, simplices autem sunt simplicium corporum. Et ex hoc manifestum est quod sunt quaedam corpora simplicia, cum sint quidam motus simplices. Et quia motus simplices, qui sunt a medio et ad medium, magis appropriantur elementis quae ponit Empedocles, manifestum est eius opinionem esse praeferendam. Quamvis posset dici hanc esse secundam rationem ad principalem conclusionem, quam epilogando infert, dicens manifestum esse quod sint elementa, et propter quid sint.

[71413] Sur le De caelo, III, 8, 9. Ensuite quand il dit : Ğ or puisque tout ğ, il montre que l’opinion d’Empédocle doit être préférée. [302b5] En effet, comme le montre ce qui a été dit dans le premier livre, tout corps naturel a un mouvement qui lui est propre ; et comme certains mouvements sont simples, certains autres mélangés, il est évident que les corps mélangés ont des mouvements mélangés, mais que les corps simples ont des mouvements simples. Et à partir de là il est clair que certains corps sont simples, comme certains mouvements sont simples. Et puisque les mouvements simples, qui sont centrifuges et centripètes, sont plus appropriés aux éléments établis par Empédocle, il est manifeste que son opinion doit être préférée. Cependant on pourrait dire que c’est une seconde raison en vue de la conclusion principale, qu’il avance en guise de péroraison, disant qu’il est clair qu’il y a des éléments, et en vertu de quoi ils existent.

 

 

Petri de Alvernia Continuatio S. Thomae in De caelo et mundo

Pierre d’Auvergne : suite du commentaire du livre du Ciel et du monde

 

 

Caput 8

Leçon 8 (suite)

[89312] Petrus de Alvernia, In De caelo continuatio, lib. 3 cap. 8 Deinde cum dicit utrum autem inquirit quot sunt secundum numerum, et qualia sunt secundum naturam. Et quoniam alii aliter opinabantur, narrat in isto tertio opiniones aliorum, et reprobat pauca determinando secundum intentionem suam: quot autem sint secundum veritatem, et qualia, magis determinate ostendet in libro de generatione. Primo ergo inquirit de numero ipsorum. Secundo cum dicit, quoniam autem neque infinita, ostendit qualia sunt, quoniam generabilia, et quomodo. Circa primum primo praemittit intentionem suam, et ordinem considerandi. Secundo cum dicit, nullus enim sic, prosequitur. In prima parte dicit, quod ostenso quod sunt elementa, consequens est considerare de numero quot sunt, utrum finita vel infinita; et si finita, quot secundum numerum: et primo considerandum erit, quod non sint infinita, sicut crediderunt quidam, puta Anaxagoras, Democritus et Leucippus. Inter quae primo considerandum erit, quod non sunt infinita, sicut dixerunt ponentes elementa esse homiomera, quemadmodum Anaxagoras, et sequentes ipsum. Deinde cum dicit nullus enim prosequitur: et primo opiniones ponentium elementa infinita. Secundo cum dicit, quoniam autem necesse, ponit opiniones ponentium elementum unum esse tantum. Adhuc in prima parte facit quod dictum est; secundo cum dicit, adhuc si unicuique, ponit rationem propriam ostendentem elementa finita esse. Circa primum primo improbat opinionem Anaxagorae, ponentis elementa homiomera esse. Secundo cum dicit: sed adhuc neque vel alteri, improbat opinionem Democriti et Leucippi ponentium corpora indivisibilia. Circa primum ponit rationes tres: secundam cum dicit: adhuc autem sic sumentes; tertiam cum dicit, adhuc si corpus. In prima parte dicit quod nullus supponentium sicut dignitatem corpora homiomera elementa esse, recte accipit naturam elementi. Ad sensum enim apparet multa corpora composita homiomera esse, et divisibilia esse in homiomera: sicut carnem et os et lignum et lapidem et hujusmodi: quae omnia composita esse probantur per segregationem aliorum ab ipsis, puta ignis, et terrae et intermediorum. Quoniam igitur nullum positorum ex corporibus est elementum, manifestum est quod homiomera corpora non sunt elementa: sed corpus ad quod alia resolvuntur inexistens actu vel virtute, indivisibile in alia corpora priora altera specie, sicut dictum est prius. Deinde cum dicit adhuc autem ponit secundam rationem, dicens, quod adhuc bene sumentes elementum ponendo ipsum homiomerum, non necesse habent ipsa facere infinita: omnes enim causae propriae earum et passionum possunt reddi sumendo ea finita, siquis velit sumere. Idem etiam fiet, si sumantur duo aut tria, aut quatuor, quemadmodum Empedocles conatur reddere causas omnium, ponendo quatuor, quamvis non possit. Quoniam etiam nec ponentes homiomera possunt omnia generare ex ipsis: facies enim ex faciebus non possunt generare, nec aliud figuratorum nullum, quorum pars non est ejusdem rationis toti. Manifestum est autem quod melius est facere finita principia quam infinita, et finita pauca et minima, si aequaliter possunt reddi causae omnium apparentium fiendorum: sicut in disciplinis faciunt finita et quam paucissima supponentes. Infinitum enim incognoscibile est, finitum autem cognoscibile, et tanto magis quanto unitati magis appropinquat. Omnes enim accipiunt finita aut secundum speciem, puta quando punctum et lineam et planum definiunt, quorum unumquodque finitum est secundum speciem; aut secundum quantitatem quia finita numero accipiunt. Vel potest exponi finitum secundum speciem de infinito secundum formam; et finitum secundum quantitatem, de finito secundum numerum aut extensionem: his enim duobus modis dicitur aliquid finitum vel infinitum, ut potest apparere ex quinto metaphysicae, ubi distinguitur finis. Deinde cum dicit adhuc si ponit tertiam rationem, dicens, quod si corpus determinatur et distinguitur ab alio corpore per proprias differentias, corporum autem differentiae primae infinitae sunt, quia differentiae ipsorum sunt qualitates sensibiles primae, quas esse finitas probabitur in libro de generatione. Quare manifestum est quod corpora prima necesse est esse finita: ergo et elementa corporea: non sunt igitur infinita, sicut Anaxagoras posuit. Et est intelligendum, quod Anaxagoras videtur posuisse duplex esse rerum. Unum quidem intellectuale, et unicum in intellectu primo, in quo res omnes unum erant propter intellectualem unionem. Aliud autem reale et sensibile extra ipsum intellectum, secundum quod procedunt in esse ab intellectu conditivo, et sic diversitatem habent ad seinvicem: et si sic intellexit, non multum a veritate deviavit. Deinde cum dicit sed adhuc reprobat opinionem Leucippi et Democriti de infinitate elementorum; quam primo ponit: secundo cum dicit, primum quidem igitur, improbat. Primo igitur dicit, quod adhuc elementa prima corporum non sunt infinita, sicut alteri quidam dicunt, scilicet Leucippus et Democritus Abderites, idest excludentes multa accidentia rationabilia. Dicunt enim primas magnitudines, quas dicunt prima elementa corporum, esse infinitas secundum multitudinem, indivisibiles autem secundum magnitudinem. Et ideo ex uno vere non fieri multa, quia vere unum omnino non dividitur: nec ex multis fieri vere unum, quia sunt intransmutabilia, sed alia fieri ex ipsis tantum secundum aggregationem quandam et circumplexionem secundum figuram et ordinem et positionem. Isti autem aliquo modo omnia entia faciunt numeros, aut unitates quasdam ex quibus est numerus. Omnia enim entia vel sunt magnitudines indivisibiles, quae sunt elementa, quae proportionantur unitatibus propter indivisibilitatem, aut congregata ex eis salvatis quae proportionantur numeris per aggregationem salvatorum. Quamvis enim hoc expresse non dicant, realiter tamen dicunt. Et iterum, quoniam corpora prima determinantur figuris, et figurae autem in infinitum procedunt, sicut et numeri, corpora prima et simplicia infinita dixerunt: quae autem et qualis sit natura elementorum non determinaverunt, nisi solum in igne, cui attribuerunt figuram pyramidalem; aerem autem et aquam et alia dixerunt generari ex primis magnitudinibus recipientibus, ut contingit figura ipsorum, et differre ab invicem magnitudine et parvitate, ac si natura magnitudinis et parvitatis sit pansperma, idest totum seminarium elementorum omnium et generatorum ex eis. Deinde cum dicit primum quidem improbat praedictam opinionem. Et primo ex hoc quod falsum posuit; secundo cum dicit: simul autem et contraria; ex hoc quod ponentes ea contraria sibi ponunt. Circa primum ponit rationes tres quae positae sunt prius. Ponens igitur primam, dicit, quod primum peccatum, quod accidit ponentibus sic, est quod non principia finita sumunt, cum causae et principia apparentium aequaliter reddantur positis finitis sicut infinitis, sicut expositum fuit prius. Secundam rationem ponit dicens, quod adhuc si differentiae elementorum non sunt infinitae, manifestum est, quod nec elementa infinita erunt: numerus enim ipsorum secundum speciem est secundum numerum differentiarum; differentiae autem elementorum non sunt infinitae, quia sunt qualitates sensibiles primae vel per se principia ipsarum; ergo elementa infinita non erunt. Tertiam ponit dicens, quod ponentes indivisibilia corpora necessario habent ponere quaedam contraria suppositionibus scientiarum mathematicarum, et multa principiorum suorum apparentium ad sensum negare: puta hoc ipsum quod dicunt, omne continuum divisibile esse in infinitum, et indivisibile divisibili non esse continuum, nec consequenter ens: de quibus dictum est prius in his quae de tempore et motu, et in libro physicorum quinto et sexto. Deinde cum dicit simul autem improbat eam eo quod ista ponentes necessario habent sibi contradicere: et circa hoc ponit rationes duas: secundam cum dicit: adhuc neque secundum horum et cetera. Primo dicit, quod simul cum praedictis ponentes hanc opinionem necesse habent sibiipsis contradicere. Ponunt enim corpora mundi indivisibilia esse elementa, et aerem, terram et aquam, differre solum magnitudine et parvitate, quia terra est ex majoribus indivisibilibus, aqua ex minoribus, et aer adhuc ex minoribus: hoc etiam ponunt, quod terra et aqua et aer ex invicem generantur. Si enim elementa sunt indivisibilia, ex quibus componuntur, non different magnitudine et parvitate: si enim magnitudine et parvitate differrent, scilicet quod aer ex minoribus generaretur quam aqua, et aqua quam terra, non esset possibile quod fierent ex invicem semper. Si enim aer generetur ex aqua, hoc erit per segregationem minorum atomorum: cum autem non sint infinitae in aqua finita existente, manifestum est, quod per continuam generationem segregabuntur omnino et remanebunt majora corpora indivisibilia solum, quare ex aqua non ulterius generabitur aer; similiter nec aqua ex terra, nec terra ex illis: sed ipsi dicunt, aquam et aerem semper ex invicem generari: ergo non differunt solum magnitudine et parvitate, cujus contrarium ponunt. Deinde cum dicit adhuc neque ponit secundam dicens, quod adhuc secundum opinionem quamdam istorum, quam habent de corporibus primis, sequitur ipsa non esse infinita multitudine: cujus contrarium ponunt: dicunt enim quod corpora determinantur et differunt ab invicem figuris: figurae autem omnes componuntur ex pyramidibus, et resolvuntur in eas: sicut enim figurae superficiales et rectilineae resolvuntur in triangulum, ita figurae solidae rectilineae in pyramides. Sphaera autem componitur ex octo partibus pyramidalibus: quod apparet si imaginetur sphaera dividi secundum tres circulos magnos intersecantes se ad angulos rectos. Dividitur enim in octo pyramides, quarum coni recti anguli erunt in centro sphaerae: quare trianguli erunt prima elementa figurarum: sunt autem finiti, quare necesse est principia seu elementa figurarum finita esse. Cum igitur numerus elementorum sit secundum numerum differentiarum primarum, necesse est esse tot corpora simplicia quot sunt prima elementa figurarum, sive sint unum, sive duo, sive tria, vel alio quocumque numero. Deinde cum dicit adhuc autem ponit rationem propriam et naturalem ostendentem elementa finita esse, quam posuit circa principium primi libri, dicens, uniuscujusque elementorum est aliquis motus proprius, et motus corporis simplicis est simplex et compositus: ergo secundum multitudinem motuum simplicium erit multitudo simplicium corporum; motus autem simplices infiniti non sunt, quia latitudines simplices non sunt plures duabus, scilicet recta et circularis, nec etiam loca in quibus sunt infinita sunt: corpora igitur simplicia non sunt infinita; erunt igitur finita.

A partir d’ici, saint Thomas d’Aquin n’est plus le commentateur.

 

 

Caput 9

Leçon 9

[89313] Petrus de Alvernia, In De caelo continuatio, lib. 3 cap. 9 Postquam Aristoteles ostendit elementa non esse infinita, ostendit ea non esse unum tantum, reprobando opiniones ponentium contrarium. Circa quod primo praemittit intentionem suam, dicens, quoniam elementa necesse est finita esse, ut apparet ex dictis: finita autem sunt, sive unum sive plura: propter quod restat considerandum, utrum sint plura vel unum. Deinde cum dicit quidam enim prosequitur: et primo ponit opiniones ponentium unum tantum; secundo cum dicit, quicumque quidem igitur, improbat eas. In prima parte dicit, quod quidam antiquorum posuerunt unum solum elementum corporum: sed istud alii dixerunt aquam, sicut Thales Milesius et Hippon, quia spermata animalium et alimenta ipsorum et plantarum videbant esse humida: alii autem aerem, sicut Anaximenes et Diogenes, quia videbant ipsum facile alterabilem ad quodcumque. Alii autem aliquid medium inter ista, subtilius aqua et grossius aere, quod posuerunt esse infinitum et continere omnes caelos et omnia corpora universaliter, sicut Anaximander. Alii autem ignem, sicut Hyppasus Metapontinus et Heraclitus Ephesius, quia videbant ipsum maxime inter alia activum. Deinde cum dicit quicumque quidem reprobat opiniones praedictas: et primo divisim: secundo autem cum dicit, commune autem; communiter per unam communem rationem. Circa primum improbat opinionem ponentium aerem vel aquam vel aliquod medium primum elementum; secundo cum dicit, quicumque quidem ignem, opinionem ponentium ignem. Circa primum ponit rationes duas; secundam cum dicit: adhuc autem spissitudine. In prima parte dicit, quod quicumque elementum primum et unum dicunt esse aerem, vel aquam, vel aliquod medium subtilius aqua et grossius aere, dicentes alia generari ex hoc uno per ingrossationem vel rarefactionem, grossiora quidem per inspissationem, subtiliora autem per rarefactionem, decipiunt ipsi seipsos; de necessitate enim ponunt aliquid esse prius elemento primo. Est enim quaedam generatio aliorum ex elementis, quam dicunt compositionem. Alia autem elementorum ex compositis, quam dicunt resolutionem, quae fit per rarefactionem: rarefactio autem est ad id quod est subtilius et prius natura; quare manifestum est quod corpus quod est subtiliorum partium est prius secundum naturam his quae grossiorum. Ignem autem dicunt esse subtilissimum omnium corporum: quare ignis erit primum natura omnium. Sic igitur aqua vel aer vel aliquod medium elementum primum erit prius elemento primo: quod est impossibile. Non differt autem, si ignis non sit primum nec subtilius secundum ipsos; si enim ipse non sit, erit aliud quodcumque sit, vel ex quo aliquod medium ponunt, ex quo dicunt alia quaedam generari per rarefactionem. Deinde cum dicit adhuc autem ponit secundam rationem primo. Secundo cum dicit, quod accidit plura dicentibus, extendit eam contra ponentes elementa determinari magnitudine et parvitate. Primo igitur dicit, quod elementa generari ex uno per rarefactionem et condensationem, idem est quod generari ea per subtilationem et ingrossationem: subtile enim secundum se est rarum aliquod; grossum autem omnes dicunt esse spissum; subtilitas autem et grossities sunt idem quod magnitudo et parvitas; subtile enim dicimus, quod est parvarum partium; quod enim multum extensum est per rarefactionem subtile est; tale autem est quod componitur ex corporibus parvis. Grossum autem est quod est magnarum partium. Si igitur dicentes alia generari ex uno elemento per rarefactionem et condensationem, determinant substantiam aliorum magnitudine et parvitate. Sic autem determinata substantia eorum, omnia alia ad aliquid dicentur, et non simpliciter. Et non erit aliquis ignis vel aer vel aqua simpliciter: sed ad hoc ignis, ad aliud autem aer vel aqua: magnum enim et parvum ad aliquid dicuntur, sicut dicitur in praedicamentis. Hoc autem est impossibile; ergo et primum. Deinde cum dicit quod accidit extendit rationem istam ad ponentes elementa plura determinari magnitudine et parvitate; dicens, quod idem inconveniens accidit ponentibus elementa determinari et differre invicem magnitudine et parvitate. Si enim elementa determinantur magnitudine et parvitate, magnitudines ipsorum in aliqua ratione erunt, ita ut quae est proportio magnitudinis ignis ad magnitudinem aeris, eadem sit magnitudinis aeris ad eam quae aquae, et hujus ad eam quae terrae. Si igitur propter hujusmodi rationem magnitudinum et excessuum solum determinantur ignis et aer et aqua et terra, erit aer ad unum, puta ad ignem, et ignis ad aquam, et ignis et aer ad aquam, et aqua ad aerem, aer ad terram: quia illa eadem ratione magnitudinis et excessus, quo ignis excedit aerem determinatum, excedit aer aquam, et aqua terram: quia si ignis respectu aquae excedit aerem, per illa eadem erit ignis ad aquam, et sic in aliis. Et iterum, quia magnitudo ignis continet magnitudinem aeris et aquae et terrae, per quas determinatur, erit ignis et aer et aqua et terra, similiter in aliis. Et iterum quia terra tota eamdem rationem habet ad aliquam partem sui secundum magnitudinem quam habet ignis ad aerem, secundum illam et eamdem ad aliam quam aer ad aquam et eamdem ad aliam, quam aqua ad terram; sequitur, quod terra ad aliquam partem sui ignis et ad aliam aer, et ad aliam aqua, et similiter in aliis; sunt enim magnitudines minores in majoribus: quod est impossibile; sic igitur videtur exposuisse Alexander rationem istam. Simplicius autem dicit hanc expositionem extortam esse. Non enim oportet, si magnum et parvum ad aliquid dicantur, quod ea, quibus insunt, ad aliquid dicantur. Quamvis enim amicus sit ad aliquid, tamen homo, cui inest amicum esse, non est ad aliquid: similiter quamvis dualitas tantum excedat unitatem quantum exceditur a ternario, non tamen dualitas est unitas ad ternarium; et similiter non oportet quod quamvis aer tantum excedat aquam quantum exceditur ab igne, quod et aer sit ignis ad aquam, vel aqua aer ad ignem. Sed si magnitudo et parvitas, quae ad aliquid dicuntur, essent accidentia corporibus primis sicut amicum esse accidit homini; vel dualitati accidit excedit a ternario in determinata ratione: bene argueret Simplicius contra Alexandrum quod sicut non oportet, quod, si amicus ad aliquid dicitur, quod homo, cui inest, ad aliquid dicatur. Et sicut non oportet quod, si quantum dualitas excedit unitatem, tantum excedatur a ternario, quod propter hoc si unitas ad ternarium: ita non oportet quod si quantum aer exceditur ab igne in magnitudine, tantum excedat aquam, si ignis ad aquam. Si vero essent formae et naturae substantiales ipsorum, quibus determinantur, sicut isti ponebant, de necessitate sequeretur dictum Alexandri: sicut, si homo determinaretur per amicum esse, diceretur ad aliquid, sicut et amicus. Et si dualitas determinaretur per excedi in tantum a ternario quantum excedit unitatem, esset unitas ad ternarium. Et ideo quia elementa ponunt isti determinari per magnitudinem et parvitatem secundum se ad aliquid dictas, sequitur elementa ad aliquid dici, sicut posuit Alexander. Deinde cum dicit quicumque autem reprobat opinionem illorum, qui posuerunt ignem esse illud unum elementum; et primo exponit opinionem illorum: et diversitatem circa ipsam tangit; secundo cum dicit: utriusque autem eadem improbat eam. In prima parte ostendit quod omnes ponentes ignem esse elementum primum, solum quaedam praedictorum inconvenientium diffugiunt; non enim necesse habent ponere aliquid simplicius elemento. Sed de necessitate quaedam alia incurrunt: quod apparebit positis opinionibus. Quidam enim attribuunt ei figuram pyramidalem: et istorum, quidam dicunt simplicius, hoc est minus secundum rationem, arguentes sic: figura pyramidalis est acutissima figurarum et simplicissima; inter corpora autem ignis acutissimum est et simplicissimum: quare ignis est pyramidalis figurae: arguentes ex affirmativis in secunda figura. Et, si arguatur, quod eodem modo arguendi utitur philosophus in secundo hujus ad probandum caelum esse circularis figurae: quare si ibi valet, et hic, et si ibi non valet, nec hic: dicendum ad hoc quod non est simile: quia corpus caeleste secundum se figuratum est, et ideo cum sit primum, sibi debetur prima figura secundum se. Et ideo ibi convertuntur termini majoris propositionis; si enim corpori primo debetur prima figura, e converso verum erit dicere quod figuratum prima figura est corpus primum caeleste. In talibus autem gratia materiae tenet syllogismus ex affirmativis in secunda figura, quia per conversionem majoris fit in prima. Hic autem elementis primis corporum sensibilium non debetur figura secundum se, sicut consequens formam eorum; omnia enim unam figuram sequuntur, scilicet continentis; et ideo non oportet quod aliquod primum inter ea habeat aliquam primam figuram. Et ideo hic non convertuntur termini majoris propositionis, propter quod non valet ratio. Alii etiam rationabilius arguunt supponentes tria: primum scilicet quod corpora primo componuntur ex subtilissimo et simplicissimo; secundum, quod figurae solidae omnes componuntur ex pyramidibus; pyramis enim est prima omnium figurarum solidarum rectilinearum; tertium quod posterius ponunt, quod prima figura debetur primo corpori. Ex quibus syllogizant sic, quod primum et subtilissimum corporum est ignis, quod etiam supponunt ut manifestum: subtilissimum autem corporum et primum figuratur prima figura: ergo igni debetur prima figura: ignis igitur est pyramidalis figurae. Alii autem de figura ignis nihil dicunt, sed ponentes ipsum elementum primum ponunt ipsum esse ex subtilissimis partibus, et deinde per commassationem quamdam alia fieri, quemadmodum ex inflata, idest extensa substantia fiunt per commassationem parva decisione, idest parva secundum quantitatem, sicut ex auri folio extenso per commassationem fit aurum spissius. Sic ex igne subtili existente coeunte et inspissato fiunt grossiora corpora non per commistionem. Deinde cum dicit utriusque autem improbat praedictam opinionem. Hujusmodi autem ponentium ignem elementum primum, quidam posuerunt ipsum indivisibile secundum quantitatem; alii autem divisibile. Primo igitur probat, quod indivisibile existens non potest esse elementum primum. Secundo cum dicit, si autem divisibile, quod etiam nec si sit divisibile. Circa primum adducit rationes duas. Secundam ponit cum dicit: adhuc non contingit. In prima parte dicit, quod utrisque ponentibus ignem elementum primum, scilicet figurantibus et non figurantibus, eadem accidunt fere inconvenientia. Si enim ponunt ipsum indivisibile, incurrunt inconvenientia tacta prius contra Democritum et Leucippum, scilicet quod quantum et continuum in infinitum divisibile non est; et quod indivisibile divisibili continuabitur: quorum contraria supponuntur in disciplinis mathematicis. Deinde cum dicit adhuc non ponit secundam rationem, dicens, quod adhuc volentibus considerare naturaliter, non contingit ignem indivisibilem existentem esse elementum primum, nec elementa corporea esse indivisibilia: elementa enim partes corporum sunt corpora, et omne corpus omni corpori secundum magnitudinem est comparabile, cum nullum sit infinitum; ergo omnia homiomera ad invicem comparabilia erunt secundum quantitates: puta aqua ad totum aerem, et totum elementum terrae ad totum elementum aquae, et similiter aer totus respectu ignis. Manifestum est autem quod ignis totus majoris quantitatis est quam aer, et aer quam aqua, et aqua quam terra, et e contrario aer minoris quam ignis, et aqua quam aer, et terra quam aqua. Si igitur in eo quod est majus alio secundum quantitatem est magnitudo aequalis minori: omne enim quod majus est aliquo dividitur in id quod excedit, et in aliud quo exceditur, elementum autem aquae majus est elemento terrae, ut dictum est: quare elementum aquae divisibile erit. Similiter autem ignis, et universaliter omne, quod subtilius est alio: non potest igitur aliquid esse primum elementum corporum et indivisibile. Deinde cum dicit si autem patet quod nec ignis potest esse elementum primum, posito quod sit divisibilis. Et dividitur in partes duas: quia primo ostendit, quod si ignis sit divisibilis, et sit determinatus figura, non potest esse elementum primum. Secundo cum dicit, magnitudine autem, quod nec etiam si non determinetur figura. Quantum ad primum adducit rationes duas; dicens primo quod, si ignis sit elementum primum et divisibile, et determinatum figura pyramidali, sequetur quod pars ignis non erit ignis, quia pars pyramidis universaliter non est pyramis: nunc autem hoc est inconveniens, partem enim ignis ignem esse dicimus: ergo et primum est inconveniens. Secundam rationem ponit dicens, quod adhuc, si ignis indivisibilis existens et pyramide determinatus sit elementum, sequetur quod non omne corpus erit elementum aut ex elementis: pars enim ignis corpus quoddam est, et non est elementum quod est ignis, quia non habet figuram pyramidis: nec etiam composita ex elementis: elementum enim simplicius est eo quod componitur ex elemento: nihil autem simplicius est secundum eos parte ignis: pars igitur ignis nec elementum erit, nec ex elementis: hoc autem inconveniens est, ergo et primum. Deinde cum dicit magnitudine autem ostendit quod, si ignis est divisibilis, et, non determinetur figura, non est elementum primum: et ad hoc adducit rationes duas: dicens primo, quod dicentibus ignem determinari magnitudine, sed non figura, etiam cum hoc esset elementum primum, accidit quod aliquid sit prius elemento primo, et hoc in infinitum ire. Si enim omne corpus divisibile est, ignis magnitudinem habens divisibilis erit in infinitum: quare ante quamlibet partem ignis erit ponere in infinitum partem priorem ignis, elemento primo erit aliquid prius etiam in infinitum: hoc autem impossibile est: ergo et primum. Secundam rationem ponit dicens: adhuc autem. His, qui dicunt ignem esse elementum primum et determinari magnitudine, non figura, idem accidit de necessitate dicere, cum magnitudo ad aliquid dicatur secundum quod hujusmodi, quod ignis ad aliquid dicatur, sicut et alia corpora; et quod aliquid sit ignis ad hoc, aer autem ad aliud, similiter et aer et aqua et terra: hoc autem inconveniens est: ergo et primum. Deinde cum dicit commune autem ponit rationem communem contra omnes ponentes elementum unum, dicens, quod commune peccatum contra omnes ponentes elementum unum, est quod omnes necesse habent ponere unum solum motum naturalem, et omnium corporum unum et eumdem: omnia enim illo motu moventur naturaliter, quo movetur elementum, ex quo consistentiam habent. Si igitur cujuslibet corporis naturalis est aliquis motus naturalis, et omnia corpora sunt aliquod corpus unum primum, ex quo consistunt, secundum ipsos sequitur, quod omnium erit motus unus, et illo uno movebitur aliquid tanto velocius alio, quanto ex pluribus partibus compositum erit; sicut ignis quanto quidem major est, tanto velocius fertur sursum secundum motum naturalem ejus: quare, si omnia essent ignis, moverentur sursum, quaedam velocius, quaedam tardius: nunc autem videmus multa deorsum ferri velociter. Manifestum est igitur quod non omnium est unum elementum primum. Adhuc quoniam determinatum est prius quod plures sunt motus naturales et simplices, ut ad sensum apparet, scilicet a medio et ad medium, et motus simplices sunt simplicium corporum: manifestum est quod sunt plura corpora simplicia.

 

 

 

Caput 10

Leçon 10

[89314] Petrus de Alvernia, In De caelo continuatio, lib. 3 cap. 10 Postquam philosophus ostendit quod elementa non sunt infinita, nec etiam unum tantum, intendit hic determinare qualia sunt, quoniam non sempiterna, sed generabilia, et quomodo. Et circa hoc primo praemittit intentionem suam. Secundo cum dicit sempiterna quidem, prosequitur. In prima parte dicit, quod quoniam ex his quae dicta sunt, manifestum est quod elementa non possibile est esse infinita, nec unum tantum, sed necesse est esse plura et finita; considerandum restat primo, utrum sint sempiterna, aut generabilia. Hoc enim declarato, manifestum erit qualia sunt, quoniam calida, frigida, humida, et sicca: per hoc enim moventur ad generationem: et etiam quot sunt secundum numerum conjugationum possibilium qualitatem dictarum. Deinde cum dicit sempiterna quidem prosequitur: et primo ostendit quod non sunt sempiterna, sed generabilia. Secundo cum dicit quoniam autem generabilia, inquirit quomodo sunt generabilia. Circa primum primo praemittit quamdam divisionem ex qua apparet intentum. Secundo cum dicit si quidem igitur infinita prosequitur membra. Primo modo igitur dicit quod elementa prima corporea impossibile est esse sempiterna. Ad sensum enim videmus ignem et aquam et unumquodque de numero simplicium corporum inter quae sunt elementa prima, resolvi et corrumpi. Necessarium igitur est hujusmodi resolutionem aut infinitam esse et nunquam terminari, aut stare et terminari quandoque. Deinde cum dicit siquidem igitur prosequitur: et primo primum membrum, ostendens quod dissolutio ipsorum non est infinita primo. Secundo cum dicit si autem stabit secundo. Tertio cum dicit itaque necesse concludit ipsa non esse aeterna simpliciter. In prima parte dicit quod si resolutio quae apparet in simplicibus corporibus est infinita, cum tempus resolutionis coextendatur ipsi, tempus resolutionis erit infinitum: et si tempus resolutionis infinitum est, manifestum est quod et tempus compositionis: si tempus corruptionis est aequale tempori generationis, sicut dicitur secundo de generatione. Tempus autem compositionis est majus, quia laboriosior est compositio. Quare cum extra dissolutionem sit compositio, et prior; sequitur quod extra infinitum tempus dissolutionis erit aliud tempus infinitum, quod est compositionis, et adhuc prius illo compositio prior est dissolutione: quare extra infinitum erit aliud infinitum. Hoc autem est impossibile, cum unum totum comprehendat: ergo et primum est impossibile. Et est intelligendum, quod non est impossibile duo infinita esse, quorum utrumque sit infinitum in altera extremitate, finitum autem in altera. Sic enim se habent tempus praeteritum et futurum copulata ad instans nunc, quorum praeteritum est infinitum ad ante, et finitum ad posterius, puta ad nunc futurum, aut e converso, secundum Aristotelem: duo autem infinita esse secundum utramque extremitatem est impossibile. Et sic procedit ratio Aristotelis. Deinde cum dicit si autem prosequitur secundum membrum; dicens, quod si solutio apparens in corporibus primis non est infinita, sed cum stat necesse est stare eam; aut erit aliquod corpus indivisibile omnino et incorruptibile, aut aliquod divisibile et incorruptibile, quod tamen nunquam dividetur aut corrumpetur, sicut Empedocles ponit, qui posuit elementa divisibilia, non tamen corrumpi, quia nec habere materiam. Non autem potest stare ad aliquod corpus indivisibile, quia non potest esse aliquid tale: sicut probant rationes adductae prius contra Democritum et Platonem. Nec etiam potest stare ad divisibile quod nunquam dissolvatur aut corrumpatur. In omnibus enim quae sunt unius naturae, videmus quod minus facilius corrumpitur a majori, quia minoris virtutis est et magis passibile. Si igitur quod multum est, corruptibile est, ut ita corrumpatur in aliquo tempore: magis rationale est minus divisibile et corruptibile corrumpi in minori: et quamvis non corrumpatur a contrario secundum formam, tamen ab excellenti corrumpetur: his enim duobus modis videmus ignem et alia corpora corrumpi. Quandoque quidem a contrario majoris virtutis existente extrinseco: alio modo marcescendo in seipsis, propter defectum materiae vel alimenti. Et hoc modo minus corrumpitur a majori ut minor flamma a magna: et tanto velocius quanto minus fuerit. Majus enim minus et alimentum ejus in pauco tempore consumit. Deinde cum dicit itaque necesse concludit ipsa non esse aeterna, sed generabilia: dicens sic; igitur lex qua dissolvuntur, et non stat dissolutio ad aliquod divisibile vel indivisibile aeternum existens, relinquitur ipsa esse generabilia et corruptibilia. Deinde cum dicit quoniam autem inquiritur quomodo generabilia sunt. Et circa hoc primo ostendit quod sunt generabilia ex invicem. Secundo cum dicit: item igitur considerandum, inquirit quomodo ex invicem. Circa primum primo ponit quamdam divisionem. Quoniam corpora simplicia sunt generabilia, necesse est ea generari, aut ex non corpore omnino, aut ex corpore. Si ex corpore; cum ex se non possint: essent enim prius se ipsis: de necessitate generabuntur, vel ex alio corpore diverso ab ipsis, vel ex se invicem. Deinde cum dicit ex non corpore prosequitur membra: et primo excludit alterum membrum primae divisionis: secundo cum dicit sed adhuc neque ex corpore; alterum secundae; tertio cum dicit quoniam autem concludit alterum membrum secundae sicut verum. In prima parte dicit quod sermo, simplicia corpora generari ex non corpore, de necessitate facit vacuum separatum; cujus probatio est, quoniam omne quod fit, de necessitate est in aliquo loco; omnes enim motus in loco sunt, sicut dicitur in quinto physicorum. Necesse est igitur, quod locus in quo est illud corpus quod generatur, nunc sit prius sine corpore, aut contineat aliquod corpus. Si autem contineat aliquod corpus, sequitur, quod duo corpora erunt simul, scilicet quod generatur, et quod praeexistebat quod est impossibile. Non enim potest dici quod corpus praeexistens cedat; si enim cederet, in illo eodem in quo istud generatur oporteret ipsum cedere: hoc autem generatur in instanti; ergo in instanti cederet: quod est impossibile, quia cessio non fit nisi per motum localem, qui non est in instanti. Si autem sit sine corpore, cum posterius recipiat corpus, necesse est esse vacuum separatum: vacuum enim dicimus quod est privatum corpore sensibili, et natum est recipere illud. Hoc autem est impossibile, sicut dicitur in quarto physicorum: ergo et primum. Et est intelligendum quod litera illa quae dicit omne enim quod fit aut sine corpore erit, in quo fit generatio, aut habebit corpus: obscura est propter defectum alicujus, sicut videtur Alexandro. Suppletur autem sic: omne enim quod fit, in aliquo fit, aut sine corpore erit in quo generatio est, aut habebit corpus: et tunc est plana secundum expositionem dictam. Deinde cum dicit sed adhuc excludit secundum membrum secundae divisionis: dicens, quod adhuc si corpora simplicia generentur ex alio corpore; cum illud sit prius, erit aliquid prius elementis: quod quidem inconveniens est in quo posset stare. Sed deducit ad aliud manifestius, dicens, quod hujusmodi corpus ex quo generantur elementa aut habebit gravitatem aut levitatem, aut non; si habeat gravitatem aut levitatem, erit ergo aliquod elementorum primorum; non ergo aliud, quod est contra hypothesim. Si autem non habeat gravitatem aut levitatem, immobile erit, sicut probatum est prius, et quia abstractum a motu erit, sicut mathematicum: tale autem existens non erit in loco naturali. Si enim quiesceret in aliquo loco, moveretur ad ipsum. Si quidem per violentiam, moveretur per violentiam ad ipsum. Si autem per naturam quiesceret, moveretur ad ipsum per naturam. Si autem dicatur proterviendo, quod in aliquo loco determinato est, tunc aliquod elementorum determinatorum erit; non ergo aliud. Si autem dicatur quod omnino in loco non est, nihil fieret ex ipso; quia quod generatur et illud ex quo generatur, necesse est simul esse: quia causa in actu et effectus in actu sunt simul. Sic igitur non generantur elementa ex aliquo corpore priori. Deinde cum dicit quoniam autem concludit alterum; dicens, quod, si corpora simplicia non generantur ex non corpore, nec etiam ex alio corpore priori, sicut probatum est, nec aliquod ex seipso generari potest, ut ex se manifestum est; relinquitur quod generantur ex se invicem mutuo.

 

 

 

Caput 11

Leçon 11

[89315] Petrus de Alvernia, In De caelo continuatio, lib. 3 cap. 11 Postquam philosophus declaravit, quod elementa generantur ex seinvicem; hic inquirit quomodo, et quis modus sit generationis ipsorum ex invicem. Et primo praemittit intentionem suam. Secundo cum dicit qui quidem igitur, prosequitur. In prima igitur parte dicit, quod quia corpora simplicia ex invicem generantur, iterum restat considerandum, quis sit modus generationis ipsorum ex invicem; et, quia diversimode sunt opinati diversi, inquirendum est, utrum ex invicem generentur per segregationem partium inexistentium, sicut Anaxagoras et Empedocles et Democritus dixerunt, aut per resolutionem in figuras primas, sicut Plato et quidam alii dixerunt: aut si est aliquis alius modus transmutationis in invicem eorum. Deinde cum dicit qui quidem prosequitur. Et primo ostendit quod non generantur ex invicem per segregationem, sicut primi dixerunt. Secundo cum dicit relinquitur quod non per transfigurationem, improbat alteram opinionem. Quis autem sit verus modus generationis eorum ex invicem, apparebit ex libro de generatione. Circa primum adducit rationes quatuor. Secundam ponit cum dicit deinde. Tertiam, ibi, adhuc autem mistorum. Quartam, ibi, necesse autem. Circa primum est intelligendum, quod Empedocles posuit quatuor corpora prima, ignem, aerem, aquam et terram, intransmutabilia secundum substantiam; divisibilia tamen secundum quantitatem, et divisa in partes parvas per congregationem hujusmodi partium, secundum plus et minus, constituere illud quod dicimus ignem, aerem, aquam et terram. Nihil enim vincere posuit talia, et ex illis per segregationem posuit generari ea quae diximus mista. Democritus autem posuit corpora prima indivisibilia, et ex ipsis per congregationem quamdam in primo generari quod dicimus ignem, aerem, aquam et terram, ex istis per segregationem fieri ea quae dicimus mista. Anaxagoras vero principia prima entium posuit partes homogeneas infinitas existentes in unoquoque, et deinde per segregationem alia generari. Istae autem opiniones hoc habent commune, quod dicunt corpora generari per segregationem existentium. Et contra hoc Aristoteles sic dicit, quod illi qui circa Empedoclem, Anaxagoram et Democritum fuerunt, decipiunt seipsos: dicentes enim corpora ex seinvicem generari per segregationem, non ponunt generationem fieri secundum veritatem, sed secundum apparentiam tantum: generatio enim secundum veritatem est per acquisitionem esse simpliciter in actu, existente in potentia per transmutationem. Ipsi autem hoc non ponunt, ponentes generationem fieri per segregationem inexistentium prius, ac si aliquid existens in vase per segregationem ex illo generaretur et non per transmutationem ex ente in potentia. Haec autem generatio non est secundum veritatem, sed secundum apparentiam. Est enim deductio inexistentis de occulto in manifestum; generatio autem secundum veritatem est acquisitio esse simpliciter per transmutationem: male ergo posuerunt. Deinde cum dicit deinde et sic ponit secundam rationem, dicens, quod post haec, dato quod generatio sit per segregationem, nihilominus accidunt quaedam inconvenientia: quod declarat primo accipiendo sicut manifestum ex se, eadem magnitudo vel idem corpus per congregationem vel commassationem per se non fit gravius; sicut vestimentum compressum non est gravius seipso expanso. Sed dicentibus aquam generari ex aere per segregationem accidit contrarium. Videmus enim omnem aquam segregatam ex ipso, graviorem esse quam esset totus aer, ex quo generatur; ergo generationem aquae fieri per solam segregationem inexistentium est impossibile. Si vero dicatur non esse inconveniens, quod generatur ex alio, esse gravius illo; aer enim ex igne generatus gravior est, similiter aqua ex aere et terra quam aqua: et iterum quandoque videmus quod generatum ex alio per commassationem velocius movetur deorsum: sicut aqua segregata ex vase lato velocius movetur secundum se accepta quam cum ipso vase: dicendum, quod est aliud generari ex alio per alterationem, et aliud per segregationem. Quod enim per alterationem generatur, praeexistit in potentia tantum, et ideo postquam generatum est in actu est gravius vel levius simpliciter, ut contingit. Quod autem per segregationem generatur solum, prius existebat in actu in eo ex quo generabatur. Inexistens autem et separatum non est majoris virtutis secundum quod hujusmodi: quare nec gravius nec levius: sic autem dicebant antiqui fieri generationem: et sic procedit Aristoteles contra eos. Objectio autem prima procedebat primo modo; nec oportet, quod si ex aliquo segregaretur aqua, quae movetur deorsum velocius quam id ex quo segregatur, quod sit gravior propter solam segregationem; contingit enim quandoque quod corpus, ex quo segregatur aqua, propter latitudinem figurae vel aliquid aliud supernatat; et quod segregatur, quia in minori quantitate segregatur velocius movetur non habens eamdem latitudinem; latitudo enim figurae aliquando supernatare facit, ut consequenter dicetur in quarto; et inde secunda objectio non procedit. Deinde cum dicit adhuc autem ponit tertiam rationem; accipiens primo sicut manifestum quod corpus admistum alii per congregationem et inexistens in actu, cum separatur, non obtinet majorem locum. Quorum enim est eadem forma et eadem virtus, omnino eorum est idem locus. Nunc autem videmus quod cum ex aqua fiat aer, quod majorem occupat locum: quia quod est subtilius ampliori indiget loco quam id quod est grossius. Iterum manifestum est hoc in alteratione quorumdam corporum. Musto enim rarefacto per caliditatem et spumefacto, quandoque rumpitur vas continens: sic enim subtiliatum quaerit majorem locum et non invenit. Similiter se habet in humidis vaporantibus et intumescentibus. Si autem simpliciter non est vacuum, sicut Empedocles et Anaxagoras posuerunt: et corpora quae fluunt ex aliis non extenduntur sicut ipsi ponunt: manifestum quod impossibile est humida vaporantia intumescere et rumpere vasa. Si autem est vacuum sicut posuit Democritus, et extenduntur corpora facta ex aliis, sequitur quod corpus inexistens alii actu per segregationem fiet amplius: quod est contra suppositionem acceptam, et praeter rationem: ergo corpora non generantur ex invicem per solam segregationem. Deinde cum dicit necesse autem ponit quartam rationem; dicens, quod si corpora generantur ex invicem per segregationem, necesse erit tandem deficere generationem eorum ex invicem. Quod probat per rationem quam contra Anaxagoram posuit in primo physicorum ubi inquirebat principia prima transmutationis corporum, accipiens principium quod et ibi accepit, quod in magnitudine finita non sunt quanta infinita aequalia secundum magnitudinem. Infinita enim quanta aequalia magnitudinem infinitam constituunt, quae non potest esse in magnitudine finita. Quare infinita aequalia in finita magnitudine non erunt, quamvis in infinitum una magnitudo sit divisibilis in partes inaequales et ejusdem proportionis. Si igitur ex terra generetur aqua, necessario segregabuntur aliquae partes finitae ex ea. Et iterum ex residua terra si adhuc insint aliquae partes, aqua generabitur, per segregationem aliquarum partium. Si igitur hoc procedat in infinitum, sequetur quod in terra existente finita erunt partes aquae infinitae secundum multitudinem. Hoc autem est impossibile: ergo aquam generari ex terra per segregationem solam est impossibile. Sic igitur est manifestum quod elementa ex seinvicem non generantur per solam segregationem. Deinde cum dicit relinquitur autem improbat secundam opinionem quae posuit elementa generari ex invicem secundum trasmutationem quamdam. Et primo praemittit diversitatem ipsius opinionis. Secundo cum dicit si quidem transfiguratione, prosequitur improbando. Primo dicit, quod ostenso quod elementa ex invicem non generantur per solam segregationem, relinquitur inquirendum, utrum generentur per transmutationem eorum adinvicem. Per transmutationem autem adinvicem potest intelligi ad praesens duobus modis: uno modo per transfigurationem; sicut si ex eadem cera nunc generetur sphaera et circulus, nunc pyramis. Alio modo per resolutionem corporis corrumpendi ad superficies primas, et generatione alterius ex illis, sicut quidam dicunt, ut Plato. Si enim sit alius modus generationis eorum ex invicem per transmutationem, apparebit in libro de generatione. Deinde cum dicit siquidem igitur improbat opiniones istas. Et primo primam. Secundo cum dicit si autem superficierum secundam. In prima dicit secundam: si corpora prima generentur ex invicem per transfigurationem, sequitur necessario quod erit ponere corpora indivisibilia. Si enim sint divisibilia, et determinentur per figuras, sicut ponunt quidam, sequetur quod pars ignis non erit ignis, neque pars terrae terra, quia pars pyramidis non est pyramis. Et sicut pars figurae se habet ad figuram, ita pars corporis ad corpus. Hoc autem est impossibile: ergo et primum. Et est advertendum, quod haec ratio procedit contra apparentiam verborum Platonis, non forte contra intentionem ejus: cum enim diceret quod elementa ex invicem generantur per transmutationem materiae eorum ex uno in aliud, adducit exemplum de auro quod transmutatur de una figura in aliam, non quod intelligeret quod transmutatio elementorum adinvicem esset sicut transmutatio auri a figura in figuram, quod gratia exempli adduxit. Exempla autem ponimus non ut ita sit, sed ut sentiat qui dicit. Sed ne aliquis crederet, quod Plato intenderet sicut sonant verba, arguit Aristoteles contra verba magis quam contra intentionem. Deinde cum dicit si autem reprobat secundam opinionem, quam posuit ex invicem corpora generari per resolutionem ad figuras. Et primo facit hoc; secundo cum dicit totaliter autem tentare ostendit quod corpora non determinantur figuris. Circa primum primo improbat opinionem quantum ad ea quae dixit de terra: secundo cum dicit sed adhuc quantum ad ea quae posuit de aliis tribus. Circa primum ponit rationes duas: secundam cum dicit: accidit autem ipsis. Circa primum est intelligendum, quod Plato inquirens in Timaeo principia generationis corporum dixit quod principium eorum quae generantur ut subjectum, est materia; ut ratio autem, formae species: propagines autem horum, scilicet materiae et formae, primo sunt terra et aqua, aer et ignis. Generationem autem ex materia sic posuit supponens, quod corpora resolvuntur ad superficies et determinantur per eas, non distinguens inter corpus simpliciter, et corpus de genere quantitatis de quo veritatem habet. Omnes autem superficies rectangulae quibus ponit determinari elementa, et quae ex eis sunt, resolvuntur in triangulos. Inter triangulos autem primi sunt qui habent unum angulum rectum: quia angulus rectus est prior quam acutus vel obtusus. Triangulorum autem habentium rectum angulum, unus est scalenon, qui habet majus latus duplum ad minus. Alius autem est qui dicitur isocheles, qui angulum rectum habet, et est quarta pars quadrati: et tales quatuor conjuncti constituunt tetragonum: et sex conjuncta secundum angulos, habentia autem angulos octo, constituunt cubum: qui est elementum terrae. Ex scalenon autem componitur pyramis quod est elementum ignis et octaedron, quod est elementum aeris, et icosaedron, quod est elementum aquae: pyramis enim ex quatuor isopleuris componitur, octaedron autem ex octo: icosaedron vero ex viginti. Et ideo tria elementa, scilicet aerem, ignem et aquam posuit ex una figura prima, scilicet ex scaleno, terram autem solam ex quadam alia, scilicet isochele, quarum altera ad alteram non reducitur; et ideo transmutatione, quae est per resolutionem ad figuras, non dixit ex terra alia generari, nec e contrario, quia non communicant in figuris primis. Sed est intelligendum, quod Plato, secundum quod apparet ex dictis, posuit omnium elementorum unam materiam primam, sicut Aristoteles: et per resolutionem ad istam omnia ex invicem fieri; materias autem propinquas, puta superficies, aliam posuit terrae, et aliam aliorum trium: sicut Aristoteles, aliam materiam propinquam dicit esse phlegmatis, et aliam cholerae, et sic per resolutionem ad istam non dixit terram ex aliis generari, nec e converso. Primam autem transmutationem ex invicem omittit Aristoteles, et arguit contra secundam, ne aliquis intelligat Platonem tantum intellexisse de ista. Dicit igitur, quod si elementa generentur ex invicem per resolutionem ad figuras primas, primum inconveniens quod sequitur est, quod non omnia invicem generabuntur, puta terra ex aliis, nec e converso: quod secundum hypotheses eorum necesse habent dicere. Et dicunt ponentes terram resolvi in isocheles, et alia tria in gradatos, quae ad se invicem non reducuntur, nec ad aliam figuram priorem. Hoc autem irrationabile est, quod scilicet unum solum, puta terra, non transmutetur in alia, et contra sensum: videmus enim omnia invicem transmutari. Ex quo accidit eis aliud inconveniens: quod loquentes de apparentibus et sensibilibus non dicunt convenientia ostensa illis: cujus causa est, quia non bene sumuntur principia prima, sed accipientes quasdam opiniones determinatas et praeter rationem, puta quod numeri sunt substantia entium et corpora determinantur superficiebus, vel aliquid hujusmodi, reducunt omnia in ista sicut in causas. Nunc autem oportet principia sensibilium esse sensibilia, et sempiternorum sempiterna, et corruptibilium corruptibilia: dico autem propinqua, quia remota oportet esse insensibilia et incorruptibilia. Et universaliter oportet principia propinqua esse homogenea principiatis recte supponentibus. Hi vero propter amorem hujusmodi principiorum corruptorum, tamquam nutriti in eis, assimilantur his qui in disputationibus positiones falsas servant. Isti enim omnia consequentia positionibus illis sustinent, sicut principiis positis, ac si vera essent, inconveniens aliqua dividere ex aliquibus posterioribus accidentibus, et maxime ex fine ad quem oportet respicere sicut ad principium primum: est enim prima causarum. Sicut autem finis scientiae factivae est operatio vel operatum, et textrinae vestimentum, ex quo alia judicantur: ita finis scientiae naturalis est veritas et certitudo in apparentibus secundum sensum: sicut finis speculativae simpliciter est veritas simpliciter. Et ideo oportet in naturalibus judicare ex his quae apparent ad sensum. Quare cum praedicta sint contra sensum, scilicet non omnia ex invicem generari, sed quaedam sic, et quaedam non: manifestum est quod irrationabilia erunt. Deinde cum dicit accidit autem ponit secundam rationem; dicens, quod si ex terra alia non generantur, sequitur quod terra maxime erit elementum, et magis incorruptibilis. Si enim resolvatur ad superficies aliquas primas, ex quibus non fiant alia corpora, manifestum est quod incorruptibilis erit, saltem in alia corpora. Quod autem incorruptibile est, magis habet naturam elementi primi: quare terra maxime elementum erit et incorruptibilis. Hoc autem est inconveniens: ergo et primum. Et est intelligendum quod, cum terra sit unum principium proximum secundum Platonem, et aliud remotum: et primum, sicut materia prima; et secundum, sicut superficies, in quam contingit eam resolvi, et ex quibus generari: si loquamur de resolutione ejus simpliciter in materiam primam, sic ex ipsa generantur alia, et e converso, ut ad sensum apparet. Et hanc resolutionem omittit Aristoteles, in istis duabus rationibus. Si autem loquamur de resolutione quae est in figuras primas: quia prima figura, in quam terra resolvitur, et prima, in quam resolvuntur alia tria, sunt diversae, nec reducuntur ad invicem, nec ad aliquam primam: sic posuit Plato ex terra non fieri alia, nec e converso, sicut phlegma non fit ex cholera, nisi per reductionem ad materiam priorem. Aristoteles autem in istis duabus rationibus arguit ac si solum ultimam posuisset, ne aliqui intelligant non solum ipsum exclusisse. Deinde cum dicit sed adhuc improbat opinionem praedictam quantum ad ea quae dixit de aliis tribus, igne et aere et aqua. Et dividitur in partes tres: secundum quod tres rationes adducit. Secundam, cum dicit adhuc autem necesse. Tertiam cum dicit adhuc autem necesse non omne. In prima parte dicit, quod adhuc ponentibus ignem, aerem, et aquam generari ex invicem per resolutionem ad triangulos, irrationalis est praetermissio triangulorum quorumdam, quae accidit in eis in transmutatione hujusmodi elementorum ad invicem, quia hujusmodi corpora non componuntur ex aequalibus secundum numerum. Si enim aqua est ex viginti trigonis, aer autem ex octo, ut ipsi ponunt, si ex aliqua aqua tanta per dissolutionem generetur aer aequalis, ipsa resoluta in viginti triangulos generabuntur duae partes aeris aequales: quarum quaelibet erit ex octo triangulis, et remanebunt quatuor trianguli superflui. Similiter si ex aere aqua fiat, resolutis tribus partibus aeris in vigintiquatuor triangulos, generabitur una pars aquae ex viginti, et quatuor erunt superflui. Non potest dici quod simul generetur ex aere aqua et ignis, vel ex aqua ignis et aer, ita quod ex quatuor qui videntur residui generetur ignis de necessitate. Non enim semper ex aere generatur ignis; sed aliquando aqua vel terra pura; puta cum corrumpitur a frigido ingrossante. Plato autem dicit, secundum Simplicium, aquam et ignem non simul generari ex aere; sed ex una parte aeris corrupta generari duas partes ignis, ex aqua autem unam partem ignis et duas aeris: et hoc veritatem potest habere quandoque, quando aer vel aqua dissolvuntur per virtutem calidi, sed nunquam cum corrumpitur a frigido. Deinde cum dicit adhuc autem ponit secundam rationem, quae communis est ad omnes ponentes corpora generari ex superficiebus; dicens, quod adhuc dicentibus corpora generari per resolutionem in figuras, et universaliter corpora componi ex superficiebus, accidit corpus simpliciter generari ex non corpore omnino; cum enim superficies, ex quibus dicunt ipsa generari, et in quae resolvi, non sint corpora: generabuntur simpliciter ex non corpore: quare erit ponere vacuum separatum, sicut tactum est prius; hoc ergo est inconveniens. Ergo et primum. Deinde cum dicit adhuc autem ponit tertiam, quae etiam communis est istis, qui dicunt corpora determinari per figuras. Dicens, quod adhuc, si corpora determinantur per figuras, et generantur ex invicem per resolutionem, necesse habent ponere non omne corpus divisibile, oppugnando disciplinas mathematicas, negando principia earum: etenim hujusmodi scientiae vel disciplinae supponunt corpus separatum per intellectum a sensibilibus divisibile. Isti autem non omne sensibile ponunt esse divisibile, quia volunt salvare hypothesim propositam, scilicet corpora determinare per figuras: necesse est autem ponentes simplicia corpora figurari et determinari substantias eorum per figuras, facere corpora indivisibilia. Pyramide enim aut sphaera divisis, aliqualiter non erunt partes, quae relinquuntur post divisionem, sphaera aut pyramis; quia, si partes ignis, aut caeli, quae determinantur per istas, similiter se habent ad ignem et caelum, sicut partes pyramidis aut sphaerae ad sphaeram et pyramidem, sequitur quod pars ignis aut caeli non erit ignis aut caelum, et erit aliquod corpus, puta pars ignis, quae non erit elementum, neque ex elementis: quae sunt inconvenientia; aut erit ponere aliquod corpus non divisibile. Hoc autem est inconveniens; ergo et primum. Ad hanc autem rationem obviat Proclus Platonicus dicens quod sic arguentes, dicentes ignem esse pyramidem, substantialiter non accipiunt hypothesim Platonis. Plato enim non posuit ignem substantialiter esse pyramidem, sed pyramidem esse elementum ipsius: componitur enim ex pyramidibus insensibilibus, et quamdiu ignis est, in pyramides dividitur, sicut in partes; una autem pyramis ignis non est, sed elementum ignis: et, si dividatur pars ejus, neque elementum, neque ex elementis erit actu, sed potentia tantum.

 

 

 

Caput 12

Leçon 12

[89316] Petrus de Alvernia, In De caelo continuatio, lib. 3 cap. 12 Postquam philosophus ostendit elementa non generari ex invicem secundum modum antiquorum, quorum quidam posuerunt corpora determinari per figuras, redit ad improbandum hoc primo. Secundo cum dicit quod quidem igitur, recapitulat. Primum autem improbat primo per rationes sumptas ex natura loci et generationis corporum; secundo cum dicit sed adhuc neque et passiones et virtutes, per rationes sumptas ex virtutibus et passionibus ipsorum. Circa primum ponit rationes tres. Secundam cum dicit: deinde videtur. Tertiam cum dicit: adhuc autem qualiter. In prima parte est intelligendum, quod quidam antiquorum ponentes corpora quinque prima, caelum, ignem, aerem, aquam et terram, posuerunt ea determinari per quinque figuras primas solidas, caelum sphaera, ignem pyramide, aerem octoaedron, aquam icosaedron, terram cubo, et ipsa sic figurata componere mundum, et ipsa componi ex hujusmodi figuris inexistentibus, sicut caelum ex sphaeris, ignem ex pyramidibus, et sic de aliis, ita quod hujusmodi figurae essent elementa primorum corporum. Dicit igitur, quod irrationabile et inconveniens est tentare corpora simplicia figurare et componi ex figuraris. Primo quidem, quia si figurantur praedictis figuris, et componuntur ex eis, accidet poni vacuum, quod impossibile est, nec etiam ipsi ponunt. Consequentiam autem probat; quoniam si praedicta corpora figurantur praedictis figuris, et componuntur ex eis, accidet totum spatium non repleri, vel in compositione uniuscujusque ipsorum ex figuris propriis, vel totius mundi ex ipsis. Inter figuras enim superficiales sunt tres tantum, quae applicatae secundum angulos earum, replent locum superficialiter, scilicet trigonus, tetragonus et exagonus. In corporibus autem sunt duae tantum, scilicet pyramis et cubus, ut declarabitur. De necessitate autem sunt plures figurae, quia elementa plura, puta sphaera icosaedron et octoaedron. Si igitur ignis componatur ex pyramidibus, et terra ex cubis, sicut ponunt, interius in ipsis nihil relinquitur vacuum, istae enim figurae locum replent. Si autem aer componatur ex octoaedro, et aqua ex icosaedron, erit aliquid interius vacuum in ipsis; ista enim totum locum non replent applicata. Si autem elementa his figuris figurantur et componunt mundum sic figurata, sequitur quod erit in mundo ponere vacuum separatum, quod erat probandum; hoc autem est inconveniens; ergo et primum. Ad hanc autem rationem Proclus dicit, quod elementa sic figurata secus invicem posita, quantum est de se, non replentia totum locum, compelluntur subtiliora subintrare in loca grossiorum: pulsa autem et ingredientia implent quod deficit. Sed manifestum est, quod hoc est irrationabile. Loca enim naturalia corporum simplicium distincta sunt naturaliter; et locus naturalis unius est praeter naturam alterius. Quare si unum elementorum ingrediatur locum alterius, et comprimat ipsum, hoc erit ei praeter naturam. Nullum autem praeter naturam sempiternum est: quare continget aliquando non repleri totum. Et iterum si corpora subtiliora compelluntur subintrare locum aliorum contra naturam eorum, oportebit esse aliquod impellens per violentiam; nunc autem nullum tale videmus. Non enim videtur quod caelum moveat elementum per naturam, sed naturaliter alterando, vel motu locali, quo quaedam eorum circumferuntur: ergo et cetera. Ad evidentiam autem rationis praedictae oportet primo videre quid est, figuram replere locum: primo in superficialibus, deinde autem in solidis; post quae figurae superficiales replent ipsum, et quas impossibile est replere; ultimo quae figurae corporales possunt hoc facere, et quae non possunt. Ad primum igitur dicendum, quod locum repleri superficialiter a figura, est totum spatium quod est circa punctum unum, occupare, ita quod non permittatur aliquid vacuum circa ipsum non repletum aliqua figura, vel parte ipsius; locum autem replere corporaliter est totum spatium quod est circa punctum unum occupare corporaliter. Et quia corpus habet tres dimensiones, longitudinem scilicet, latitudinem, et profundum, manifestum est, quod replere locum corporaliter est totum spatium, quod est circa punctum unum, occupare secundum longitudinem, latitudinem et profunditatem. Ex quo manifestum est, quod corpora quae applicata circa punctum unum occupant totum spatium secundum longum circa ipsum et latum, non autem secundum profundum, aut e contrario, aut universaliter non secundum unam dimensionem; non replent locum corporaliter; et sic apparet primum. Ad evidentiam secundi est intelligendum, quod totum spatium, quod est circa punctum unum, est quatuor anguli recti vel aequale eis: quod apparet ex tertiodecimo primi Euclidis, qui proponit, quod si linea recta super recta stans angulos faciat, aut faciet duos rectos, aut aequales duobus rectis. Si enim protrahatur linea stans super rectam in continuum secundum rectam, similiter ex alia parte faciet duos angulos aequales duobus rectis: eadem enim ratio est quare totum spatium circa unum punctum est quatuor recti, vel valet quatuor rectos; quotcumque enim lineae protrahantur circa ipsum, nihil addunt, nec etiam minuunt ad quatuor. Item omnis figura poligonia angulos tot rectis aequales habet, quantus est numerus angulorum suorum duplicatus subtractis quatuor, sicut apparet ex corollario quodam edito extrinsecus secundo primi geometriae a quibusdam. Si igitur replere locum superficialiter est totum spatium circa punctum unum occupare, totum autem spatium circa punctum unum, valet quatuor rectos, sicut dictum est: manifestum est, quod figurae quarum anguli applicati valent quatuor rectos, replent locum superficialiter: talis autem est tetragonus: quatuor enim anguli tetragoni applicati circa punctum unum replent locum superficialiter. Iterum sex anguli trianguli aequilateri valent duos rectos; ergo unus valet duas tertias recti unius. Sex igitur valent duodecim tertias rectorum. Duodecim autem tertiae rectorum valent quatuor rectos. Si igitur sex trigoni aequilateri applicentur ad punctum unum, replebunt totum spatium quod est circa ipsum: quare replebunt locum superficialiter. Eadem autem est ratio de triangulis rectangulis quatuor applicatis secundum angulos rectos, ut ex dictis manifestum est quantum ad repletionem loci. Anguli omnes exagoni valent octo rectos per secundam propositionem acceptam prius: quare quilibet ipsorum valet unum rectum, et tertiam unius recti; quare tres congregati valent tres rectos et tres tertias unius recti, quae faciunt unum rectum, quare tres anguli aequilateri simpliciter valent quatuor rectos; tres igitur exagoni applicati secundum angulos replent locum superficialiter. Nulla autem alia figura superficialis potest ipsum replere, quia anguli ipsarum quotcumque sumantur simul, aut plus erunt quam quatuor recti, sicut apparet de pentagono aequilatero, cujus anguli simul sumpti valent sex rectos, quare unus secundum se valet unum rectum et quintam unius recti. Si igitur accipiantur pauciores quam quatuor, puta tres, valebunt tres rectos et tres unius recti, quae sunt minus quatuor rectis. Si autem accipiantur quatuor, valebunt quatuor rectos et quatuor quintas, quae sunt plus quatuor rectis: multo autem magis si accipiantur plures quatuor: quare, si in quocumque numero accipiantur anguli pentagoni, non valebunt praecise quatuor rectos. Eadem enim ratio est de aliis figuris, puta septigona, octigona et sequentibus. Apparet igitur quod in figuris superficialibus sunt tres tantum replentes locum superficialiter, scilicet trigonus, tetragonus, exagonus. De solidis autem est intelligendum, quod replere locum corporaliter est replere totum spatium circa punctum unum; scilicet longum, latum et profundum; totum autem spatium circa punctum unum corporaliter est aequale octo angulis cubicis rectis. Omnis autem figura solida, cujus anguli aliquot valent octo angulos cubicos, replet locum corporaliter. Talis autem est cubus: et ideo cubus est de replentibus locum corporaliter; unde si accipiantur octo cubi, et applicentur ad punctum unum, replebunt totum locum circa ipsum corporaliter. Pyramis autem quaedam est, quae habet unum angulum solidum rectum; alia autem quae habet aequilateri valent omnes quatuor aequales, et unusquisque minor est recto. De pyramide igitur, quae habet unum angulum solidum rectum, manifestum est quod replet locum, sicut et cubus. Si enim applicentur octo pyramides rectangulae secundum angulum rectum circa punctum unum, replebunt totum spatium circa ipsam; sunt enim aequales octo hujusmodi anguli octo angulis cubicis: et hoc modo verum est dicere quod pyramis non est aliud quam cubus. Et similiter quam rationem habet triangulus rectangulus in superficiebus, eamdem hujusmodi pyramis. Hoc autem quod dictum est de pyramide de repletione loci, manifestum potest esse ad sensum. Si enim aliquis conjunxerit octo rectangulos ad punctum unum, apparebit quod replebunt spatium circa ipsum. De pyramide autem aequiangula dicit Averrois quod replet locum. Si enim accipiantur duodecim tales habentes angulos aequales, et applicentur ad punctum unum, replebunt totum spatium circa ipsum. Quod ponit propter duo; ponit enim quod angulus pyramidis solidus est ex duobus rectis, qui consistunt ex tribus superficialibus, qui valent duos rectos: et angulus cubici ex tribus: propter quod tres anguli pyramidis erunt aequales duobus angulis cubicis, cum sint aequales sex angulis superficialibus rectis; et per consequens sex anguli pyramidis erunt aequales quatuor cubicis, et duodecim octo. Adhuc, quae est proportio anguli trianguli ad quatuor in planis, eadem est anguli pyramidis ad aliquot angulos rectos cubicos. Si igitur aliquot anguli trianguli valent quatuor angulos in planis, et propter hoc implent locum, videbitur quod aliquot anguli pyramidis replent locum superficialiter, siquidem aliquot valeant quatuor angulos cubicos. Sed istud videtur contradicere sensui et etiam rationi. Sensui quidem; quoniam si accipiantur duodecim pyramides aequilaterae, et applicentur secundum duodecim angulos circa punctum unum, ad sensum apparebit eas non replere locum corporaliter, et hoc ad sensum expertus sum. Rationi vero; quoniam figurae nullae, quae non occupant totum spatium circa punctum secundum longum, latum, et profundum, replent locum corporaliter: hoc enim dicebatur prius esse replere locum corporaliter: unde, si aliqua replent spatium secundum longum et latum, non autem secundum profundum, non replent locum corporaliter: superficialiter autem e contrario, sed, si duodecim pyramides aequilaterae applicentur circa punctum unum qualitercumque, non occupant totum spatium circa ipsum secundum longum, latum et profundum: quoniam contingunt se in extremitate angulorum suorum tantum, et non secundum lineam rectam a puncto dato octogonaliter: per quam quidem lineam signatur aliqua dimensio: quare non replent totum spatium secundum unam dimensionem: non igitur replent locum corporaliter. Et quod Averrois dicit, quod angulus pyramidalis solidus est aequalis duobus rectis superficialibus, non est intelligibile. Oportet enim magnitudines aequales esse ejusdem rationis: unde linea non est aequalis superficiei, nec aliquod istorum corporum: angulus vero pyramidalis et angulus superficialis ejusdem rationis non sunt, quia iste corporalis est, ille vero superficialis, quare non sunt aequales adinvicem, nec ista componuntur ex illis, siquidem corpus ex superficialibus non componatur. Praeterea si angulus pyramidalis esset duo recti superficiales, tunc componeretur ex eis: quare et pyramis ex superficialibus triangulis: eadem enim est ratio: hoc autem est falsum, et contra Aristotelis intentionem, qui vult corpora non componi ex superficialibus: et contra ipsum Commentatorem ergo et primum. Quod autem dicit Averrois, quod sicut angulus trigoni aequilateri se habet ad angulum rectum in planis, ita angulus pyramidis ad angulum cubi, dicendum, quod non est verum in replendo locum, aut forte non simpliciter verum. Cujus ratio apparet ex dictis. Et iterum, si verum esset, eadem ratione posset concludi, quod sicut aliqui anguli exagoni replent locum superficialiter, quia valent quatuor rectos superficiales, ita aliquot anguli octoaedron replent locum corporaliter: quod nec Aristoteles vult, nec etiam ipse Commentator. Aliae autem figurae corporales, puta octaedron, duodecaedron, et icosaedron, non replent locum corporaliter: cujus rationem aliquam Commentator Averrois videtur ponere, quae utrum valeat, diligenti inquisitori relinquam. Consequenter cum dicit deinde videntur ponit secundam rationem, dicens, quod post hoc omnia corpora simplicia videntur figurata secundum figuram corporis continentis. Inter ipsa autem aer et aqua magis manifesti, quia sunt humida, quod humidum male terminabile est termino proprio, non alieno: consimiliter autem est de terra et igne secundum rem: propter quod manifestum est quod corpus elementi impossibile est habere figuram propriam. Si enim dicas quod imo habet figuram propriam salvatam in loco, manifestum est, quod non assequitur figuram continentis. Si vero propter hoc dicatur quod existentia in loco transformantur a figuris propriis, sequitur quod non remanebunt substantialiter, hoc quidem aer, hoc autem aqua, si verum est quod substantialiter sunt per figuras. Sed hoc est irrationabile: propter quod manifestum est, quod non sunt ipsorum figurae determinatae. Sed naturalis dispositio ipsorum videtur figurare nobis quod rationabile est per infigurationem in actu. Sicut enim in aliis subjectum est quod habet rationem materiae, et est sine specie et forma, quia receptivum debet esse denudatum a natura recepti, et etiam ut species imprimendas in ipso non male exprimat, sicut scriptum est in Timaeo; sic elementa oportet putare, sicut materiam in potentia ad formas substantiales mistorum et figuras eorum, ita quod nullam ipsarum habeant in actu, sed omnes in potentia; et propter hoc possunt transmutari in mista separatis differentiis, quae sunt secundum passiones; hoc est formis substantialibus, quam per se sequuntur passiones. Proclus autem dicit ad hanc rationem: quod elementa secundum totalitates suas accepta non sunt figurata per se, quia nec possunt retinere nec abjicere, sicut probat ratio: sed partes ipsorum, ex quibus sunt, ut pyramides, vel sphaerae, vel hujusmodi, sed figurantur figura corporis caelestis, sicut multa alia habent, ut motum circularem et hujusmodi ex propinquitate ad ipsum. Sed manifestum est, quod illud non valet: quoniam in his quae sunt ejusdem naturae secundum speciem, eadem est per se dispositio partis et totius: hujusmodi autem corpora, nos dicimus esse ejusdem naturae in toto et in parte, homiomera enim sunt: quare, si partes ipsorum sunt figuratae per se, et tota elementa; et si non tota, nec partes. Deinde cum dicit adhuc autem ponit tertiam rationem; dicens, quod adhuc, si elementa determinantur figuris, non continget per ipsorum congregationem fieri carnem, aut quodcumque aliud corpus continuum et homiomerum: non enim possunt generari ex ipsis elementis; quia hujusmodi corpora, scilicet caro et os et similia, continuitatem habent in partibus suis, et ideo non generantur per aggregationem illorum, quae non possunt facere aliquod continuum: elementa autem si sint figurata diversis figuris, et remaneant salvata, non possunt facere aliquod continuum: ergo non generantur ex elementis, nec etiam ex superficiebus: elementa enim, puta aer, et aqua, et hujusmodi, generantur ex ipsis, et non composita: nullo igitur modo generabuntur. Si igitur aliquis voluerit loqui secundum veritatem et suscipere sermones eorum de elemento, videbit quod auferunt imaginationem compositorum ab entibus. Sed Proclus dicit ad hoc, quod generatio et carnis et ossis fit ex partibus elementorum diversis, scilicet ignis, aeris, aquae et terrae: quarum quaedam sunt subtiliores aliis, et hujusmodi subtiliores replent locum subintrantes: quod non valet: quoniam, si partes elementorum subtiliores subintrantes alias replent vacuitates interceptas, sequetur quod non retinent figuras proprias, quare nec naturam: quod est contra Platonem, et contra ipsum, qui posuit partes elementorum determinari figuris. Deinde cum dicit sed adhuc ostendit quod non est necesse elementa esse figurata propter principia et causas quae posuerunt. Et primo praemittit intentionem suam; secundo cum dicit, primo quidem igitur, prosequitur. In prima parte dicit, quod figurae, quibus ostendit determinari corpora prima, non conveniunt virtutibus et passionibus et motibus, ad quae inspicientes dixerunt ea figurari sic. Et intendit per virtutes, principia motus localis, sicut gravitatem aut levitatem; per passiones autem qualitates sensibiles, puta calidum et frigidum quibus patiuntur et agunt: per motus autem, operationes consequentes: vel per passiones, formas et qualitates intelligit secundum se: per virtutes autem, ipsas easdem, ut sunt principia motus et operationis: et motus idem quod prius. Vel per virtutes, intendit qualitates et formas et secundum quod sunt principia: per motus, motus locales, per passiones, alterationem. Et, quia ignis bene mobilis est, et calefacit et incendit, alii dederunt sibi figuram sphaericam, sicut Democritus; alii autem naturam pyramidis, sicut Plato. Hae autem figurae sunt maxime mobiles: sphaera quidem, quia tangit planum in puncto; et pyramis, quia propter acutiem anguli minimum locum occupat, nec possunt firmiter quiescere: et maxime calefaciunt et incendunt: quia sphaera tota est angulus: quia tota est circumflexa. Pyramis autem habet angulum acutissimum. Angulus autem virtutem calefaciendi et incendendi habet. Deinde cum dicit primum quidem prosequitur: et primo ostendit quod non est necesse elementa determinari figura propter motum localem; secundo cum dicit, adhuc autem, quod nec propter passiones, hoc est alterationes; tertio cum dicit, adhuc autem quoniam calidum, quod nec propter virtutem. Circa primum, primo ostendit quod non est necesse elementa sic figurari propter motum. Secundo cum dicit, deinde si est terra, quod nec propter quietem. Et procedunt plures istarum rationem de igne, sed eadem ratio est de aliis. Dicit igitur primo, quod dicentes ignem determinari pyramide vel sphaera propter motum, peccaverunt primo: quamvis enim hujusmodi figurae bene sint dispositae ad motum, et bene mobiles, non tamen sunt bene mobiles motu ignis: ignis enim movetur motu naturali secundum rectum sursum: hujusmodi autem figurae bene mobiles sunt motu volutationis, vel circumgyrationis: quare hujusmodi figurae non sunt attribuendae ipsi igni propter motum proprium. Consequenter cum dicit deinde si arguit idem de quiete; dicens, quod si terra est cubicae figurae, quia figura ista aptior est ad quietem propter dilationem: terra autem non quiescit ubique, sed in loco suo naturali, ex alieno autem si non prohibeatur movetur in ipsum; similiter ignis et alia elementa quiescunt in suis locis naturalibus, et ex alienis moventur ad ipsa; manifestum est quod ignis et alia elementa in locis alienis erunt sphaericae vel pyramidalis figurae, in proprio autem cubicae: hoc autem est inconveniens: ergo et primum. Ad quod respondet Proclus, quod quamvis ignis et alia elementa secundum se tota quiescant in locis suis naturalibus, tamen partes ipsorum, ex quibus componuntur secundum quantitatem, moventur et fluctuant: sicut in toto igne quiescente pyramides, ex quibus componitur moventur. Sed hoc irrationabile est, quoniam omnium corporum, quorum est una natura, est unus locus naturalis: locus enim per se sequitur naturam. Sed partes elementorum quantitativae, et ipsa elementa secundum totalitates suas, unius naturae sunt: ergo ipsorum est unus locus naturalis. Si ergo omnia corpora naturaliter quiescunt in suis locis, sequitur quod elementa secundum se tota et secundum partes quiescunt in suis locis naturalibus, nisi per violentiam depellantur, quod nec est prohibitum in toto, sicut nec in partibus, quantum est ex natura sua. Deinde cum dicit adhuc autem ostendit, quod non est necessarium ea determinari figuris propter alterationes seu operationes: et ad hoc adducit rationes quatuor. Secundam cum dicit, similiter autem. Tertiam: adhuc si quo ardet. Quartam: adhuc autem risibile. In prima parte dicit: si ignis calefacit propter angulos et angulus calefactivus est, sequitur quod omnia elementa calefacient: omnia enim determinantur figuris angularibus: puta pyramide, cubo, octoaedron, duodecaedron et icosaedron. Democritus etiam dicit quod sphaera, quia tota est angulus, calefacit: quare omnia calefacient dicta secundum magis et minus. Hoc autem manifeste falsum est: ergo et primum. Sed nec videtur valere quod dicit Proclus inquiens, quod ignis non calefacit propter angulum, sed propter acuitatem ipsius, quia faciliter penetrat, et celeriter movetur. Quia si ignis propter angulum acutum, secundum quod acutus est, calefacit, et acutus est minor recto: sequitur quod corpus, cui attribuitur figura habens angulos obtusos majores recto, frigefaceret naturaliter: hoc autem est aer, cui attribuimus octoaedron, cujus unusquisque angulus major est recto et obtusus. Hoc autem est inconveniens: ergo et dictum Procli. Deinde cum dicit simul autem ponit secundam rationem, dicens: si ignis propter angulos calefacit, sequitur mathematica corpora calefacere: quia mathematica corpora angulos habent et sunt in ipsis sphaerae et pyramides indivisibiles, hoc est non divisae in partes similes toti: quamvis etiam sint indivisibiles secundum magnitudinem secundum opinionem Democriti: hoc autem falsum est: ergo et primum. Si autem corpora naturalia calefaciunt, mathematica vero non, assignanda esset ratio istius differentiae, et non esset dicendum ut dicunt simpliciter. Proclus autem rationem hanc assignat differentiae, dicens, quod corpora naturalia propter angulum primo non calefaciunt, sed propter acumen et subtilitatem et materialitatem, mathematica autem non, propter oppositas dispositiones. Sed manifestum est, quod acumen et subtilitas anguli aequaliter est in corpore naturali et in corpore mathematico: quare, si propter acumen et subtilitatem per se calefacerent naturalia, manifestum est quod et mathematica. Cum igitur mathematica propter hoc non calefaciant, manifestum est quod nec naturalia: quare manifestum est quod nec naturalia calefacient, quia materialia: non igitur propter formas suas, quia propter ipsas non sunt materialia. Quare dictum suum praeter rationem videtur. Deinde cum dicit adhuc si ponit tertiam rationem, dicens: omne quod ardet et incenditur, secundum quod hujusmodi, ignis fit: si igitur ignis est determinatus sphaera vel pyramide, et per divisionem ignis ignitur et ardet, necesse est quod ardet et incenditur per divisionem fieri sphaeram vel pyramidem. Hoc autem inconveniens est. Incendere enim et dividere figuram convenit rationabiliter ubi contingit ipsi figurae dividi: sic quidem in figuras similes, nunc autem in dissimiles: de necessitate vero ipsam dividi in similes, ut sphaeram per divisionem facere sphaeras, et pyramidem pyramides, omnino est irrationabile: et simile ac si aliquis acciperet sicut dignitatem gladium per divisionem sui facere gladios, et serram serras: ergo et primum est inconveniens. Dicit autem Proclus quod non est simile de igne et gladio: ignis enim dividendo igniens transmutat adustum in substantiam suam; gladius autem dividendo non transmutat substantiam divisi secundum quod hujusmodi, sed dividit quantitatem: gladius enim secundum substantiam suam non habet hanc figuram, puta acutam, sicut ignis. Sed hoc non videtur secundum rationem dictum. Quamvis enim gladius secundum quod est quoddam ens naturale non determinatur per figuram angularem, tamen secundum quod gladius est, determinatur per eam, sicut ignis secundum Platonem: quare, si ignis agens per hujusmodi figuram facit ignem, videtur, quod secundum quod gladius est agat. Deinde cum dicit adhuc autem ponit quartam rationem; dicens, quod ridiculum videtur assignare figuram igni propter dividere et segregare. Cum enim ignis congreget et segreget, essentialius est ei congregare quam segregare: segregat quidem heterogenea, quae non sunt ejusdem tribus, id est ejusdem naturae. Si enim fiat aliqua massa ex auro argento et aere, et ponatur ad ignem, virtute ignis liquefacientis congregabuntur partes auri ad se invicem, et sic de aliis: continuare enim et unire inest ei per se: segregare autem per accidens, quoniam ignis agens per formam suam transmutat illud in quod agit in naturam suam ex potentia ente conterminans et uniens illud, quasi congregando omophilon, idest ea quae sunt unius amoris vel naturae, et separans alienum: ergo rationabile erat, aut dare figuram igni convenientem ad ambo, puta congregare et disgregare, aut magis ad congregare, quod essentialius inest ei: hoc autem non fecerunt, ergo male. Proclus autem dicit contrarium hujusmodi, scilicet quod igni essentialius inest dividere et segregare quam conterminare et unire. Sed hoc non videtur: quoniam quandocumque alicui enti per formam attribuuntur duo, puta generatio et corruptio, essentialius attribuitur ei generatio quam corruptio, quia generatio est de ratione entis ad quod est, corruptio autem de ratione non entis: forma autem et simpliciter aut magis principium est entis quam non entis: sicut enim forma est qua aliquid est ens, ita forma est qua aliquid agit aliquid ens: sed conterminatio et unitio sunt generatio, segregatio vero et divisio quaedam corruptio: quare, si utrumque attribuatur igni per formam, essentialius attribuetur sibi conterminatio vel unitio. Deinde cum dicit adhuc autem ostendit quod non est necesse elementa terminari figura propter virtutem: puta ignem esse pyramidem aut sphaeram propter necessitatem calefaciendi. Et primo ponit rationem ad hoc. Secundo cum dicit quidam autem de virtute ipsius, reprobat quoddam dictum Platonis contra rationem praedictam. In prima parte dicit, quod adhuc si calidum et frigidum adinvicem sunt contraria, ut manifestum est: et calidum sit determinatum aliqua figura, puta sphaera, vel pyramide: impossibile erit frigido attribuere aliquam figuram: oportet enim sibi attribui figuram contrariam figurae calidi: nunc autem non est aliqua talis, quoniam figurae nihil est contrarium: ergo non possunt ei attribuere aliquam figuram. Et propter hoc omnes dereliquerunt ei attribuere ipsam: et tamen conveniens erat, aut omnibus attribuere figuram, aut nulli. Deinde cum dicit quidam autem removet quoddam dictum Platonis ad rationem praedictam: dixit enim Plato, quod frigidum propter grossitiem partium comprimere habet: propter quod attribuitur sibi figura cujus est comprimere: puta quae obtusi anguli. Hoc removens dicit, quod quidam volentes dicere de virtute frigidi, contraria dicunt sibi ipsis. Dicunt enim quod frigidum, quia constringit, et non potest faciliter transire per poros, habens figuram aptam ad hoc quod est magnarum partium secundum quod hujusmodi: quare palam, quod calidum contrarium ejus, pertransibit per poros faciliter, acutam habens figuram: quia contrariorum sunt contrarii effectus, tale autem secundum quod hujusmodi subtilium partium est: quare manifestum est quod calidum et frigidum determinabuntur et different adinvicem magnitudine, et non per figuram: cujus contrarium dicunt. Item, si dicatur quod pyramides inaequales sunt; quaedam quidem magnae, quaedam vero parvae, sicut Plato videtur sentire: magnae quidem non erunt ignis determinativae, sed contrarii: neque causa ejus quod est comburere, sed contrarii, puta ejus quod est infrigidare: parvae autem erunt determinativae ignis, et causa combustionis: quare frigidum et ignis determinabuntur magnitudinibus quibusdam et non figuris: cujus contrarium dicunt ut prius. Deinde cum dicit quod quidem recolligit dicta, dando intentionem suam respectu dicendorum: dicens, quod quidem igitur elementa non determinantur neque differunt figuris, manifestum est ex dictis: sed quoniam propriae eorum differentiae sunt virtutes et passiones et operationes, quae secundum illas: uniuscujusque enim entis secundum ejus naturam sunt passiones et virtutes et operationes, quibus determinatur: erit sermo de hujusmodi virtutibus, passionibus, et operibus: ut cum consideraverimus de istis, appareat nobis natura et differentia et numerus ipsorum. Quid autem intelligit per hujusmodi nomina, virtutes, passiones et operationes, expositum est prius.

 

 

 

Liber 4

Livre 4 (commenté par Pierre d’Auvergne)

Caput 1

Leçon 1

[89317] Petrus de Alvernia, In De caelo continuatio, lib. 4 cap. 1 Cum intentio philosophi esset in libro praecedenti et isto considerare de corporibus simplicibus mobilibus motu recto, secundum quod hujusmodi, in quibus solum est generatio et corruptio: postquam determinavit quod sunt aliqua talia corpora, et quod non infinita, neque unum, sed plura, et finita, adhuc autem, quod sunt generabilia, et ex seinvicem non per segregationem, nec transfigurationem, nec resolutionem ad figuras sicut antiqui posuerunt, redit nunc ad considerandum de his secundum quod mobilia sunt motu recto, in libro de generatione determinaturus quae et quot sunt determinate, et qualiter ex invicem generentur. Mobilia autem sunt motu per gravitatem et levitatem, quae sunt passiones et virtutes ipsorum per se: et ideo intendit nunc considerationem facere de gravi et levi, et differentiis et accidentibus ipsorum, secundum quod hujusmodi. Et primo circa hoc praemittit intentionem suam et ordinem considerandi. Secundo cum dicit dicitur autem hoc, prosequitur. Circa primum primo praemittit intentionem suam: secundo cum dicit videntes igitur, ordinem considerandi. In prima parte facit quod dictum est. Secundo cum dicit est enim quae de ipso, rationem assignat. Circa primum dicit, quoniam intendimus considerare de corporibus simplicibus mobilibus motu recto secundum quod hujusmodi: quia mobilia sunt hujusmodi motu gravitate et levitate, considerandum est de gravi et levi, scilicet quid sit utriusque ipsorum quantum ad rationem quae signatur per nomen: et quae natura ipsorum quam signat definitio indicans quid est esse secundum veritatem, et propter quam causam elementa habent hujusmodi virtutes: et intendit causam finalem, quae est ipsorum operatio vel motus: cujuscumque enim est aliquod opus, ipsum est gratia operis, sicut dicebatur in secundo hujus. Deinde cum dicit est enim assignat rationem intenti; dicens, quod bene considerandum est de gravi et levi hic, quoniam consideratio de ipsis pertinet proprie ad considerationem de motu: definiuntur enim per posse moveri naturaliter aliquo motu secundum quod diximus. Dico autem impossibile moveri aliqualiter, quoniam propriis operationibus ipsorum non sunt propria nomina imposita; sicut operatio calidi calefactio nominatur, et frigidi infrigidatio; nisi forte aliquis operationem eorum communem dicat esse inclinationem ad motum rectum et determinate, opus gravis inclinationem ad motum gravis deorsum, levis autem ad motum rectum sursum. Consideratio autem de principiis pertinet ad considerationem de principiato secundum quod hujusmodi; consideratio vero de motu naturalis est propter hoc, quia negocium de motu physicum est. Physicus enim considerat naturam motus per se; grave autem et leve habent in se principia motus naturalis; ideo omnes naturales utuntur ipsis in reddendo causas apparentium; pauca tamen determinant de ipsis. Rationabiliter igitur in naturalibus considerandum est de his, sicut propositum est. Deinde cum dicit videntes igitur dat ordinem considerandi; dicens, quod considerantes de ipsis, primo considerabimus dicta ab aliis, disquirentes ratiocinando de omnibus quae necessarium est distinguere ad hanc considerationem; consequenter autem determinabimus de eis secundum quod rationabiliter videbitur nobis. Deinde cum dicit dicitur autem prosequitur. Et circa hoc primo praemittit quid dicimus grave et leve: quod oportet praesupponere in omni ratiocinatione; secundo cum dicit eorum itaque, determinat de ipsis. Circa primum primo distinguit grave et leve; secundo cum dicit magis autem, praemittit quasdam suppositiones. Tertio cum dicit simpliciter quidem, concludit definitiones ipsorum. In prima parte dicit, quod grave et leve dicuntur dupliciter; uno enim modo dicitur grave simpliciter, nihil habens levitatis: et leve simpliciter, quod nihil habet gravitatis: alio autem modo in respectu ad alterum, secundum quod habentium gravitatem hoc dicimus levius alio, sicut lignum aere: hoc autem gravius e contrario, sicut aes ligno. De gravi igitur et levi simpliciter nihil determinatum est ab antiquis, sed tantum de his quae dicuntur in respectu ad alterum; et de his non determinaverunt quid sit grave et leve, et a quibus comparative dicuntur, sed quid gravius et levius in habentibus gravitatem; consequenter supponentes omnia corpora simplicia gravitatem habere, tamen secundum magis et minus. Deinde cum dicit magis autem proponit quasdam suppositiones; quia enim grave et leve definiuntur per moveri sursum et deorsum; proponit quid appellat ista primo; secundo cum dicit inconveniens autem, removet errorem quorumdam. In prima parte, quod distinctio gravis et levis simpliciter et in respectu magis erit manifesta supponendo ea quae dicentur: quae sunt manifesta ad sensum primo quidem, quia eorum quae moventur, quaedam moventur semper a medio, alia autem semper ad medium; hoc enim sensus docet; secundo, quod ea quae feruntur a medio, dicimus sursum ferri: illa autem quae ad medium, deorsum; et haec sunt nobis visa, et a pluribus confessa. Deinde cum dicit inconveniens autem removet errorem circa hoc. Quidam enim dixerunt quod nihil est sursum vel deorsum simpliciter, per quod removet quaedam dicta. Primo igitur proponit errorem istum. Secundo cum dicit nos autem totius, removet ipsum. Dicit ergo primo, quod contra rationem est credere quod non sit in caelo, idest mundo, aliquid simpliciter sursum, aliquid autem deorsum; sicut aliqui accipiunt ut dignitatem quamdam; primo quidem Anaximander et Democritus qui universum infinitum ponebant. In infinito autem nihil est sursum aut deorsum; in ipso enim nihil est ultimum; sursum autem et deorsum determinantur per ultima. Post hoc autem et Plato in Timaeo, qui dixit, cum universum sit sphaericum, locum quemdam deorsum, hunc autem sursum dicere, non sapientis est. Ratio autem ejus fuit, quoniam in eo quod simile est per totum, non est assignare sursum et deorsum: quia sursum et deorsum sunt contraria, et contraria non sunt similia. Universum autem ad omnem partem simile est, cujus signum dicebat, quoniam quilibet ambulans per circuitum terrae potest sibi fieri antipos, similiter se habens ad totum universum nunc et prius; quare non est aliquid sursum et deorsum. Non est enim ratio propter quam magis illud quod est sub pedibus nostris totum usque ad caelum sit deorsum, et quod supra caput usque ad ipsum, sursum. Dicitur autem antipos ab anti, quod est contra, et pes, quasi pedes habens contra pedes. Deinde cum dicit nos autem removet errorem istum dicens, quod nos supponimus e contrario extremum caeli ad nos sursum esse, quia secundum positionem istud sursum est et secundum naturam et causalitatem primam. Ab illo enim est principium esse et motus his quae sunt post; sursum autem est prius natura respectu deorsum, sicut et dextrum respectu sinistri. Deorsum autem dicimus extremum a nobis, quod ultimum est secundum positionem et natura postremum. Quia igitur manifestum est quod est in natura aliquid extremum caeli ad nos, et aliquid medium ipsius omne enim sphaericum medium habet; manifestum est quod erit aliquid sursum et deorsum in mundo, sicut quidam dixerunt, quamvis non sufficienter; quoniam non putaverunt esse caelum sphaericum undique, sed solum unum hemisphaerium, quod supra capita nostra est, quod continue nobis apparet; tamquam existimarent tale hemisphaerium circulare, et medium, in quo sumus, similiter se habere, dicentes caelum sursum esse, medium autem deorsum. Manifestum est autem, quod non intelligunt perfecte quid est extremum, nec quid est medium; nihil enim prohibet aliquid esse sursum, aliquid deorsum secundum naturam; et hoc quidem accipit Aristoteles ex consuetudine multorum, quam voluit alienare Plato aut neglexit. Ratio autem, quae movit Platonem, non concludit; verum enim est, quod in his, quae sunt similia, secundum quod hujusmodi, non est assignare sursum et deorsum; sed quod assumit partes universi similitudinem habere, veritatem non habet. Quod enim extremum caeli ad nos, et medium mundi sint contraria, ostendit contrarietas motuum naturalium factorum ad ipsa, et diversitas corporum naturaliter locatorum in eis. Ipse autem imaginabatur, et male, quod deorsum diceretur quicquid est sub pedibus nostris usque ad concavum caeli: sursum autem, quidquid supra capita nostra est; nos autem non sic dicimus, sed dicimus sursum ultimum caeli undique deorsum. Deinde cum dicit simpliciter quidem infert ex dictis definitionem gravis et levis simpliciter, et in respectu, dicens, quod sic igitur, cum illud quod fertur a medio sursum feratur, leve autem a deorsum videamus sursum ferri, si non prohibeatur; leve simpliciter dicimus, quod sursum fertur et ad extremum secundum naturam, grave autem simpliciter quod fertur ad medium et deorsum; leve autem et levius, quod de duobus habentibus levitatem differentem secundum plus et minus et eamdem quantitatem, velocius fertur sursum natura. Grave autem ad alterum seu gravius, quod de duobus habentibus gravitatem consimiliter differentem secundum plus et minus et eamdem molem, natura velocius fertur deorsum. Deinde cum dicit eorum itaque prosequitur de gravi et levi. Primo tangens opiniones aliorum et disquirens de eis; secundo cum dicit nos autem dicamus, secundum opinionem suam sicut praedixerat. Circa primum primo tangit communem defectum antiquorum de gravi et levi; secundo cum dicit dicunt enim gravius, ponens eorum opiniones inquirit de eis. In prima parte dicit, quod antiqui omnes, qui primi venerunt ad considerandum de gravi et levi, fere nihil dixerunt de gravi et levi simpliciter, sed de gravibus et levibus sic, id est in respectu solum, quandoque ita se habent, quod pluribus habentibus gravitatem alterum est gravius vel levius altero: supposuerunt enim omnia elementa gravitatem aliquam habere: et determinantes transeundo de gravibus et levibus sic, crediderunt se determinasse de gravi et levi simpliciter. Sed sermo vel ratiocinatio de istis non congruit illis omnino. Et hoc magis manifestum erit ponentibus opiniones ipsorum. Deinde cum dicit dicunt enim. Inquirit de opinionibus magis determinate. Et primo de opinione Platonis. Secundo cum dicit his autem non sufficiens, de opinione Democriti, et Leucippi. Tertio cum dicit similiter autem, de opinione quorumdam, qui determinaverunt elementa magnitudine et parvitate. Circa primum primo ponit opinionem Platonis in Timaeo; secundo cum dicit sic autem determinatis, increpat eam. In prima parte dicit quod quidam antiquorum determinaverunt gravius et levius, sicut scriptum est a Platone in Timaeo: tribus enim existentibus elementis, aqua scilicet, aere et igne, ex invicem generatis et determinatis per figuras: aqua quidem icocedron, idest figura viginti basium: aerem octocedron, quae est figura octo basium: ignem vero pyramide, quae solvitur in figuras superficiales primas, puta in triangulos, quos dicimus scalenon: dixerunt quod corpus, quod constat ex pluribus eisdem triangulis, gravius est, quod autem ex paucioribus, levius; determinantes ea multitudine et paucitate triangulorum: quemadmodum nos dicimus, quod plumbum, quod constat ex pluribus superficiebus, gravius est, quam quod ex paucioribus constat: et similiter aes aere: et consimiliter se habent in omnibus quae sunt unius speciei. In superabundantia enim partium aequalium, puta triangulorum, unum est gravius alio: similiter autem et in his quae sunt alterius speciei: plumbum enim est gravius ligno, quia ex pluribus trigonis componitur: omnia enim corpora hujusmodi aliqua eadem communia habent ex quibus sunt, habent enim aliquam unam materiam alteram et priorem ipsis. Sic igitur gravius et levius determinaverunt multitudine et paucitate triangulorum. Deinde cum dicit sic autem increpat eas duas rationes: quarum secundam ponit cum dicit adhuc autem quoniam pauciora. Circa primum dicit, quod cum sit determinatum de ipsis, puta gravibus et levibus in respectu, non est determinatum de gravi et levi simpliciter, quae sunt priora secundum rationem illius: videmus enim quod ignis major et minor existens levis est simpliciter, et sursum movetur non prohibitus: similiter et terra, et ea quae sunt terrea omnino, gravia sunt simpliciter, et deorsum moventur, et ad medium, nisi fuerit prohibens: quare manifestum est quod ignis non est natus moveri sursum propter paucitatem triangulorum, ex quibus dicunt ipsum componi. Si enim corpus aliquod sit gravius et levius multitudine et paucitate superficierum, tunc illud quod est majus, cum ex pluribus componatur, gravius erit, et minus feretur sursum, deorsum autem velocius: mistus autem cum ex paucioribus sit, levius erit et velocius feretur sursum. Nunc autem contrarium apparet nobis ad sensum: quanto enim ignis et ignea corpora majora fuerint, tanto leviora sunt, et feruntur sursum velocius; et quanto ignis minor fuerit, tanto citius fertur deorsum, et quanto major tardius: terra autem et terrea corpora e contrario: quanto enim majora fuerint, tanto velocius deorsum moventur, et quanto minora, tanto facilius pelluntur sursum: ergo terra et ignis et alia hujusmodi non sunt gravia et levia propter multitudinem et paucitatem superficierum solum. Deinde cum dicit adhuc autem ponit secundam, dicens, quod adhuc, quoniam secundum opinionem istorum corpus quod componitur ex paucioribus superficiebus homogeneis, levius est, quod autem ex pluribus, gravius: et aqua et aer et ignis sunt ex eisdem triangulis primis homogeneis, in quos resolvuntur secundum plus et minus (et ideo aliquod ipsorum est levius, aliquod autem gravius ut dicunt,) sequitur quod erit aliqua multitudo aeris, quae erit gravior aliqua aqua: aliqua enim magnitudo aeris ex pluribus triangulis primis componitur, quam aqua in minori quantitate: nunc autem contrarium apparet nobis ad sensum: semper enim aer major velocius sursum fertur, et universaliter quaelibet pars aeris ex loco aquae movetur sursum, et aqua et quaelibet pars aquae ex loco aeris deorsum: ergo manifestum est, quod gravius et levius non determinatur multitudine et paucitate triangulorum: sic quidem igitur quidam determinaverunt de gravi et levi. Deinde cum dicit his autem transit ad opinionem Leucippi et Democriti: quam primo ponit comparando ad eam quam Plato ponit; secundo, cum dicit necessarium autem apponere improbat eam. Circa primum, primo ponit opinionem ipsorum de gravitate comparando ad eam quae Platonis; secundo cum dicit compositorum autem, ponit opinionem eorum de levitate. Circa primum dicit, quod quibusdam aliis non videtur sufficiens esse sic determinasse de gravi et levi, puta Democrito et Leucippo, qui antiquiores existentes et prius venientes ad considerandum de eis, magis noviter, idest certius et circumspectius dixerunt de ipsis quam praecedentes. Ponentes enim prima principia corporea quaedam indivisibilia et solida, hujusmodi solida venientia in compositione aliorum induxerunt esse causam gravitatis et levitatis in eis. Et quod certius dixerunt quam praecedentes, apparet ex hoc. Videmus enim quaedam corpora minoris quantitatis existentia, graviora esse quibusdam majoris molis, sicut plumbum ligno et terram quam aqua. Et ideo manifestum est quod non est sufficiens dicere quod aeque gravia sunt, quae ex aequalibus primis componuntur secundum quantitatem: tunc enim aequalia secundum quantitatem essent aeque gravia. Dicentibus autem superficies indivisibiles primas esse principia ex quibus componuntur habentia gravitatem secundum quod hujusmodi, contingit hoc inconveniens dicere, quod est contra sensum. Illi autem qui dicunt quod corpora indivisibilia solida sunt causa ipsius, magis possunt evitare praedictum inconveniens et magis assignare causam, propter quam quod est minus in quantitate contingit esse gravius aliquando. Isti enim ponunt causam corpora indivisibilia gravitatem habentia: illi autem superficies nullam penitus habentes gravitatem. Et magis possunt reddere causam quare minora secundum quantitatem aliquando graviora sunt, sicut apparebit, et ponetur causa quam assignaverunt de levitate. Deinde cum dicit compositorum autem ponit opinionem de causa levitatis; dicens, quoniam nos videmus in corporibus compositis, quod majora universaliter non sunt graviora, nec aequalia secundum quantitatem: sed videmus multo minora secundum quantitatem graviora, quemadmodum aes quam lana, et plumbum quam lignum: ideo praeter causam praedictam reddiderunt et dixerunt esse aliam causam levitatis, puta vacuum interceptum. Cum enim ponerent duo principia corporum compositorum, plenum scilicet et vacuum, plenum dixerunt esse causam gravitatis, vacuum autem levitatis. Et propter hoc continget quandoque quod majora secundum quantitatem leviora sunt: plus enim habent vacuum interceptum: propter hoc enim leviora sunt. Et etiam, quia majora multotiens sunt ex aequalibus solidis, vel etiam minoribus, et universaliter causam levitatis majoris dicunt esse vacuum inexistens. Sic igitur isti annunciaverunt de hoc, quod est gravius et levius. Deinde cum dicit necesse autem improbat praedictam opinionem: et primo ostendit quod insufficiens est et indiget appositione; secundo cum dicit quibusdam quidem igitur, reprobat eam, quia falsa. In prima parte dicit, quod non est sufficiens dicere solidum in corporibus plus esse causam gravitatis majoris, et vacuum plus majoris levitatis: sed necesse est apponere determinate dicendo, quod non solum plus de solido habere est causa gravioris, sed habere plus de solido, et minus de vacuo. Et etiam levius non est simpliciter quod plus habet de vacuo, sed cum hoc, quod minus habet de solido. Si enim excedatur a tali analogia, ita scilicet quod non habet minus de solido, sed etiam plus habet de vacuo, non erit tale levius. Manifestum est enim quod dicunt ignem esse leviorem, quia plus habet de vacuo intercepto. Si igitur non apponatur plus, scilicet minus habere de solido, sequitur quod multum aurum, cum plus habeat de vacuo intercepto, levius erit igni modico, si non dicamus quod ignis modicus plus habeat de solido, quod non videtur. Hoc autem inconveniens est: ergo apponendum est quod dictum est, et causa levioris est non solum plus habere de vacuo, sed minus de solido. Deinde cum dicit quidam quidem reprobat eam, quia falsa est. Et primo resumit quaedam dicta contra Platonem cum accusatione et distinctione ipsorum. Secundo cum dicit necessarium autem et de ignis levitate, ponit reprobationem. Circa primum dicit, quod quidam eorum qui non posuerunt vacuum, sicut Empedocles et Anaxagoras, nihil omnino determinaverunt de gravi et levi. Quidam autem non ponentes vacuum, sicut Plato, et sequentes ipsum, determinaverunt de eis; non quidem propter quid quaedam sunt simpliciter gravia, quaedam sunt simpliciter levia; et propter quid quaedam simpliciter feruntur deorsum, et quaedam simpliciter sursum; nec iterum recordati sunt, propter quam causam quaedam majora secundum quantitatem sint leviora quibusdam minoribus; nec etiam manifestum est ex dictis eorum, quomodo salvarentur apparentia ad sensum. Deinde cum dicit necessarium autem ponit reprobationem. Et primo ostendit quod eadem inconvenientia accidunt istis quae et Platoni. Secundo cum dicit inconveniens autem et si propter vacuum, declarat quaedam propria consequi ipsis. Circa primum primo tangit inconvenientia quae accidunt istis, si ponant solidum solum esse causam gravis et levis. Secundo cum dicit si autem dicant, quae accidunt, si apponatur vacuum. Tertio cum dicit sed adhuc ea quae accidunt, si apponatur secundum analogiam aliquam. In prima parte dicit, quod dicentibus causam levitatis ignis esse multum vacuum interceptum, accidunt eaedem difficultates fere, quae et Platoni; si enim causa levitatis ignis sit multum vacuum, oportebat ipsum minus habere de solido et plus de vacuo quam alia corpora, sicut tactum fuit; et contingit esse quamdam magnitudinem ignis, ex qua plenum excedit solida contenta. Non enim potest dici quod solidum solum sit causa levitatis, aut etiam gravitatis, sed tamen, quia contingit esse quamdam magnitudinem ignis, in qua plenum excedit solida contenta in parva quantitate terrae; quare, si solum solidum sit causa gravitatis et motus deorsum, magnus ignis gravior esset et velocius movebitur deorsum quam modica terra. Hoc autem est inconveniens; ergo et primum. Deinde cum dicit si autem tangit inconvenientia quae accidunt si apponatur vacuum cum solido; dicens, quod si dicant, quod non solum plenum est causa levis et gravis, sed etiam vacuum, quaerendum est ab ipsis, propter quid determinabitur simpliciter grave et leve; utrum per solidum plus, aut per minus vacuum, grave scilicet et leve, aut per oppositum. Siquidem igitur leve determinaretur per minus habere de solido, continget esse multitudinem quamdam terrae adeo paucam, quod in ipsa erit minus de solido, quam in magna quantitate ignis. Similiter, si determinetur per vacuum, continget esse aliquam quantitatem terrae magnitudine magnam, in qua est plus de vacuo quam in parva quantitate ignis. Quare sequeretur quod parva terra esset levior magno igne; siquidem leve determinetur per minus habere de solido: et quod magna terra sit levior magno igne, si determinetur leve per plus de vacuo. Cum igitur ignis major et minor sit levis simpliciter, et terra gravis; erit aliquid grave simpliciter, et quod fertur deorsum semper; et erit aliud leve simpliciter, et quod semper movetur sursum; simpliciter enim levius est omnibus habentibus gravitatem et motum deorsum. Quod autem est levius aliquo, non est semper simpliciter leve; quia levius dicitur aliquid altero in habentibus gravitatem, sicut in terra; ergo impossibile est leve definiri per minus habere de solido, aut plus de vacuo. Eodem modo potest probari, quod grave non determinetur per plus de solido, aut minus de vacuo habere. Deinde cum dicit sed adhuc tangit difficultatem, quae accidit, si dicatur plenum et vacuum secundum aliquam proportionem esse causam praedictarum passionum; dicens, quod adhuc dicere quod plenum et vacuum inexistentia secundum aliquam proportionem sunt causa praedictarum passionum, gravitatis quidem plus habere de solido et minus de vacuo, levitatis plus de vacuo, et minus de solido; non sufficit ad removendam dictam difficultatem inducentem dubitationem. Si enim ista secundum rationem dicta sunt causa praedictarum passionum, sequitur impossibile similiter sicut prius; quod apparet accipiendo quod in majori igne et minori vacuum eamdem proportionem habet; in effectibus enim unius rationis oportet manere principia ejusdem rationis et secundum rationem unam; nunc autem videmus quod major ignis velocius movetur sursum quam minor, et similiter majus aurum velocius deorsum quam minus; similiter apparet de plumbo et de unoquoque aliorum habentium gravitatem aut levitatem: nunc autem non esset necesse accidere, si plenum et vacuum secundum determinatam rationem essent causa gravitatis et levitatis; in majore enim et minori igne sunt secundum determinatam rationem; quare aequaliter levia etiam moverentur sursum aequaliter. Similiter in majori et minori auro: quare aequalia essent in gravitate et moverentur sursum aequaliter. Hoc autem falsum est, et contra sensum: ergo et primum. Deinde cum dicit inconveniens autem tangit inconvenientia accidentia proprie Democrito, quae non accidunt Platoni; concludens ex dicto ejus unum inconveniens, ex quo deducit ad quinque alia. Dicit igitur primo, quod praeter rationem etiam inconveniens est, si corpora moveantur localiter sursum propter vacuum interceptum, et ipsum vacuum secundum se illud non moveatur; quia propter quod unumquodque tale et illud magis; quare oportet, ut videtur, quod si feratur sursum propter vacuum, ipsum similiter vacuum secundum se sursum natum est ferri, et plenum deorsum: et propter hoc sunt causa motus sursum et deorsum: in aliis non oportet multum intendere circa composita, quare quaedam sunt gravia, quaedam autem levia. Illud enim causa est motus in ipsis sursum et deorsum, et gravitatis et levitatis; sed magis oportebat intendere propter quid hoc, idest vacuum leve sit, hoc autem, scilicet solidum, grave; ista enim non sunt manifesta ex se. Et hoc est primum inconveniens, quod sequitur ex primo. Secundum autem est; si vacuum et plenum actu existentia sint causa passionum hujusmodi, quae causa est quod non separantur ab ipsis, sed manent, non videtur posse assignari. Ex quo enim non est aliqua alia forma continens ea, respectu cujus sint in potentia, sed manent in actu, nihil prohibet eas separari ad regiones proprias. Sic autem non est secundum Aristotelem de indivisibilibus in misto; non enim insunt actu, sed in potentia respectu formae misti continentis ea et prohibentis ea separari. Tertium autem inconveniens tangit dicens, quod etiam irrationabile est vacuo assignare locum, in quo moveatur. Si enim assignetur ei locus, sicut necesse habent ex dictis suis quarto physicorum, cum vacuum sit locus quidam sine corpore, sequitur loci esse locum; quod est inconveniens. Quartum tangit dicens, quod adhuc, si vacuum moveatur secundum locum, oportebit esse locum aliquem, in quem transmutetur et a quo, et ipsa esse contraria, quod est impossibile; cum vacuum infinitum sit, et totum comprehendat. Quintum tangit dicens, quod adhuc quaerendum est, quae sit causa motus simpliciter: oportet enim aliquam dare; sicut nos dicimus naturam, quae sit causa motus per hoc, quod movetur, sicut ipsi ponunt. Hoc autem non potest esse vacuum solum, quia ipsum solum non mutetur, sed etiam planum: et aliam aliquam non ponunt: ergo inconveniens ponunt. Deinde cum dicit similiter autem reprobat tertiam opinionem, quae per alia quaedam dedit causam gravis et levis, puta magnitudinem et parvitatem, et materiam unam aut contrarias. Et primo proponit. Secundo cum dicit una quidem enim, prosequitur improbando. Dicit igitur, quod eodem modo accidunt difficultates, siquis aliter determinet graviora et leviora altera alteris quam dictum sit; puta magnitudine et parvitate, absolute, vel alio quocumque principio, puta raritate et densitate, dum tamen eamdem materiam aut plures contrarias dicant esse omnium gravium et levium: unam quidem sicut ponentes aerem aut aquam, aut aliquid inter haec: plures autem sicut ponentes terram et ignem, aut rarum et densum. Deinde cum dicit una quidem prosequitur improbando. Et primo tangit inconvenientia accidentia ponentibus causam gravis et levis materiam unam vel plures. Secundo cum dicit magnitudine autem, ea quae accidunt ponentibus magnitudinem et parvitatem. In prima parte dicit quod, si principium materiale unum existens fuerit causa gravis et levis, puta aer vel aqua vel intermedium, sicut etiam dicunt causam assignantes ex trigonis, ut Platoni videtur, non erit simpliciter grave vel leve. Si enim una natura est, et ipsa sit gravis, tolletur leve simpliciter. Si autem levis, grave simpliciter: unum enim non est causa nisi unius primo. Si autem plura principia materialia contraria sint, vacuum et plenum aut rarum et densum, quae sunt gravis et levis, non erit assignare causam, propter quam corpora intermedia, simpliciter gravium et levium, quaedam sint leviora quaedam graviora adinvicem; quia nec possunt assignare causam simpliciter gravis et levis. Non enim dant causam propter quam vacuum aut rarum sint levia simpliciter, contraria autem gravia: nec possunt uti ratione: iterum non erit assignare causam, propter quam eorum quae sunt simpliciter gravia, unum est gravius altero; puta major pars terrae, quam minor. Minus enim grave oportet habere aliquid de causa levitatis. Nec propter quam causam eorum quae sunt simpliciter levia, unum est levius alio simpliciter. Deinde cum dicit magnitudine autem improbat opiniones determinantium grave et leve magnitudine et parvitate. Et primo ipsas proponit; secundo cum dicit unam autem, prosequitur. In prima parte dicit, quod dicere grave et leve determinari magnitudine et parvitate, puta grossa vel subtili partialitate, unam materiam supponendo, fictio magis videtur quam aliquid praedictorum. Quod enim secundum unamquamque opinionem contingit facere quatuor differentias elementorum, scilicet grave simpliciter, et leve simpliciter, et grave in respectu, et leve in respectu, certius et circumspectius habet ad eas, idest in eis, quae ante dubitationes: possunt enim aliqualiter assignare quatuor differentias elementorum. Deinde cum dicit unam autem prosequitur improbando. Exponit rationes duas secundam cum dicit: et multa parva. In prima parte dicit, quod dicentibus unam magnitudinem esse causam gravis et levis differentium invicem, necesse est accidere eadem inconvenientia facientibus materiam unam, quae facta sunt prius, scilicet nihil esse leve simpliciter, nec motum sursum, aut nihil grave simpliciter, et latum deorsum. Omnia enim habebunt inclinationem ad motum unum: siquidem habent principium unum, et sunt natura una secundum eos: et, si omnia habent inclinationem ad motum deorsum, nihil feretur sursum natura: sed omnia quae videntur ferri sursum, movebuntur tardando et desinendo, sicut projecta, quaedam autem sicut extrusa a gravioribus. Similiter, si omnia habent inclinationem ad motum sursum natura, nihil feretur deorsum nisi deficiens aut extrusum, et simpliciter per violentiam: hoc autem inconveniens est; ergo quod primum. De deinde cum dicit et multa ponit secundam rationem, dicens, quod adhuc multa pauca, hoc est paucarum partium, paucis magnis, idest grossarum partium, graviora erunt. Ex quo enim ex eadem natura sunt multa parvarum partium, cum his quae magnarum, eamdem inclinationem habebunt ad motum multa pauca, sicut pauca magna. Si autem hoc est verum, sequitur quod multus aer et multus ignis graviora sunt terra in parva quantitate. Hoc autem est falsum et contra sensum: ergo et primum. Quae igitur dicta sunt ab aliis de gravi et levi, haec sunt.

 

 

 

Caput 2

Leçon 2

[89318] Petrus de Alvernia, In De caelo continuatio, lib. 4 cap. 2 Postquam philosophus prosecutus est opiniones aliorum de gravi et levi disquirendo de eis, intendit nunc determinare de eis secundum intentionem suam. Et circa hoc primo praemittit intentionem suam, et ordinem considerandi. Secundo cum dicit deferri quidem igitur, prosequitur. In prima parte dicit, quoniam nos intendimus considerare de gravi et levi secundum intentionem propriam: cum leve et grave determinentur per motum sursum et deorsum: primo quidem determinabimus de quodam de quo quidam maxime dubitant, propter quid scilicet quaedam corporum moventur sursum semper, quaedam autem deorsum secundum naturam, alia autem et sursum et deorsum non simpliciter, sed in respectu, sicut aqua et aer: deinde autem considerabimus et de gravi simpliciter et in respectu, ut sunt secundum naturas suas, et de accidentibus et passionibus circa hoc contingentibus, scilicet propter quam causam unumquodque eorum accidat. Cum enim determinatum fuerit propter quam causam quaedam moventur sursum, et quaedam deorsum, apparebit via et causa ad cognoscendum causas istorum motuum. Et quia manifestum est quod grave et leve sunt causae ipsorum, manifestum erit, quod cum determinatum fuerit de causa istorum motuum, apparebit aliqualiter natura gravitatis et levitatis. Deinde cum dicit deferri quidem prosequitur: et primo inquirit propter quam causam quaedam corporum moveantur sursum, et quaedam deorsum simpliciter, vel in respectu. Secundo cum dicit differentias autem et accidentia, ex dictis inquirit de natura gravis et levis, et accidentibus circa ipsa. Circa primum primo facit quod dictum est; secundo cum dicit cum quidem igitur fiat ex aqua aer, declarat secundum quem modum moventur sursum vel deorsum. Circa primum primo manifestat causam, propter quam moventur praedictis motibus; secundo cum dicit quaerere autem propter quid, comparat hujusmodi motus ad alios motus. Intendit autem manifestare principaliter causam finalem, propter quam moventur hujusmodi corpora, quia finis est prima causarum, et ex ipsa apparent aliae causae aliqualiter. Et dividitur in duas partes, secundum quod duas principales rationes adducit: quarum secundam ponit cum dicit: quoniam autem locus. Circa primum primo ponit rationem; secundo cum dicit et sic magis utique, corrigit ex dictis opinionem quorumdam. Circa primum, primo ostendit, quod illud quod movetur secundum locum, non movetur a contingenti in contingens, sed ab existenti in potentia secundum quod hujusmodi, in existens actu secundum se, et a motore determinato; secundo cum dicit si igitur ad sursum, ex hoc arguit intentum. In prima parte dicit, quod de motu hujusmodi corporum in sua loca naturalia consimiliter existimandum est, sicut circa alias generationes et transmutationes universaliter: oportet enim omnium assignare causam proportionalem, quia omnes motus et transmutationes unum sunt secundum proportionem: et eorum quae unum sunt, secundum quod unum, oportet quaerere causam unam. Tribus enim motibus existentibus scilicet eo qui secundum augmentum, quem dicimus secundum magnitudinem, et eo qui secundum qualitatem, quem dixit Aristoteles, secundum speciem, idest secundum formam, sub quo comprehendit generationem, quia terminus ejus est forma, et illo qui secundum locum: in omnibus videmus transmutationem fieri ex contrariis vel ex mediis in parte contraria, sicut ex albo in nigrum, vel a parvo in magnum vel a sursum in deorsum, et non a quocumque contingenti in quodcumque contingens, puta ab albo in grammaticum, vel a sursum in leve. Cujus ratio est: quia omne quod transmutatur, exit ab illo a quo transmutatur. Moveri enim est aliter se habere nunc quam prius. Exiens autem ab illo, a quo transmutatur, oportet ire in aliud, quia non potest ire in privationem omnis speciei, quae per se non invenitur, nec etiam in aliud, quod potest existere cum illo cum quo transmutatur, quoniam non tunc de necessitate transmutatum esset ex illo: quare necessario transmutabitur in formam non potentem existere cum eo. Tale autem est contrarium vel medium: ergo omne quod transmutatur, transmutatur ex contrario, vel medio, ad contrarium, vel ad medium; non ex contingenti in contingens, sed sicut id, quod movetur aliquid motu alterationis, ut alterabile, secundum quod hujusmodi, diversum est ab augmentabili secundum quod augmentabile; ita terminus ad quem est alteratio per se, puta quale: aliud est a termino augmentationis, puta a quanto, et alterativum, scilicet factivum alterationis, et augmentativum, secundum quod hujusmodi, aliud sunt. Cum enim potentia dicatur ad actum sicut ad finem, diversitas ejus potentiae ostendit diversitatem actus et finis. Et, quia finis est per se effectus agentis, diversitas finis per se ostendit diversitatem illius. Consimiliter existimandum est de motu secundum locum, quoniam non est a quocumque contingenti in quodcumque contingens, sed a contrario vel medio, in quo est propria potentia medium vel contrarium per se, et non a quocumque movente, sed a determinato: non enim quodcumque natum est moveri a quocumque, sed a determinato respectu cujus secundum quod hujusmodi est possibile. Deinde cum dicit si igitur probat propositum suum dicens, quoniam, si omne quod movetur secundum locum ex determinato existente in potentia, et ad determinatum actum, et a determinato motore movetur: manifestum est, quod si aliquid movetur sursum aut deorsum, per se movebitur ex determinato ad determinatum actum et a determinato motore. Mobile autem secundum hunc modum est grave vel leve secundum quod in potentia sunt sursum vel deorsum; motivum autem illud, quod facit per se esse sursum vel deorsum: quare est terminus perfectio aliqua gravis vel levis. Propter quod manifestum est, quod ferri sursum vel deorsum, sicut in locum proprium, est moveri ad suam perfectionem. Quandocumque enim aliquid est in potentia ad aliquid, perfectio ejus est sibi in illo esse: sicut potentia grammatici vel musici perfectio est grammaticum vel musicum esse. Sic igitur apparet quod grave et leve moventur ad loca sua, sicut in finem. Opposuit autem Themistius hic contra Aristotelem, dicens, quod non videtur esse causa motus gravis et levis, quod assignatum est, quia scilicet grave et leve sic nata sunt moveri ad loca sua, sicut ad perfectiones suas. Si enim quaeratur propter quid sanabile sanatur, et respondeatur, quia aptum natum est moveri ad sanitatem, sicut ad perfectionem, non videtur proprie et determinate reddi causa. Respondet Commentator Averrois quod id quod dicit Themistius, veritatem habet in corporibus compositis, in quibus motus est a pluribus motoribus: puta sic sanatio a pluribus causis sanitatis: sed in simplicibus est solutio sufficiens, quia in illis non est nisi unus motor tantum, et unus finis, qui possunt reddi per aptitudinem per se mobilis. Et ideo, cum quaeritur quare grave movetur deorsum, convenienter respondetur, quia sic natum est moveri. Sed manifestum est quod dictum Commentatoris de motu compositorum non consonat dictis Aristotelis nec etiam rationi. Dictis quidem Aristotelis, quia ipse vult hoc esse verum in omnibus motibus; immo ex motu alterationis et augmentationis, concludit hoc in motu locali, et ex hoc in motu gravium et levium. Rationi autem non consonat, quoniam causa per se et effectus ad se invicem dicuntur: in relativis autem alterum refertur ad alterum, et determinatum ad determinatum, sicut dicitur in tertio metaphysicae. Quare, si in compositis effectus ad quem motus per se, est aliquid unum et determinatum, oportet causam proximam in unoquoque genere causae esse unam et determinatam. Unde, si sanitas est aliquod unum et determinatum, causa sanitatis in unoquoque genere erit una et determinata, sicut in simplicibus: et, ideo si in simplicibus valet solutio Aristotelis, valebit in compositis. Propter quod dicendum est, quod in omnibus motibus veritatem habet et sufficienter dividitur causa, cum dicitur: propter quid aliquod movetur? Quia natum est sic moveri. Si aliquis enim consideret, mobile ad motum dicitur, et passivum ad activum, sicut dicitur in quinto metaphysicae. Et ideo unum ad unum, et determinatum ad determinatum. Et iterum mobile determinatur per activum, sicut potentia passiva per activam. Ex quo manifestum est, quod mobile secundum quod mobile, manifestat motivum secundum quod motivum; tum quia ad ipsum dicitur determinate, tum quia per ipsum determinatur, sicut dictum est. Iterum motivum se habet ad finem motus, sicut agens ad finem: agens enim et finis sunt sibi invicem causae, sicut dicitur in quinto metaphysicae; et ideo unum ostendit alterum sicut effectus causam, et e contrario. Quare manifestum est, quod mobile ostendit motum, et motivum terminum motus: etiam mobile secundum quod hujusmodi, terminum motus ostendit, quia dicitur ad ipsum sicut potentia ad actum proprium. Propter quod manifestum est, quod ex natura mobilis, secundum quod nata est moveri, potest apparere et finis motus, et etiam motivum, et per consequens causae universaliter motus. Et secundum hoc procedit causa, Aristoteles vult quod grave et leve moveantur ad loca sua quia sic nata sunt. Ex natura enim apta nata, secundum quam possunt moveri, apparet finis actionis motus ipsorum. Deinde cum dicit et sic magis corrigit quoddam dictum antiquorum dicentium, simile moveri ad locum proprium, sic moveri ad suum simile secundum quod hujusmodi. Et dicit quod, cum moveri ad suam perfectionem: et id quod est in potentia, secundum quod hujusmodi, sit simile ei quod est actu illud, et id quod est in fieri ei quod est in actu tale: manifestum est quod sic magis verificabitur illud quod dixerunt antiqui, quod simile fertur ad suum simile, scilicet illud quod est in potentia ad illud quod est in actu, quae similia sunt imperfecte; et non si intelligatur simile moveri ad suum simile perfecte; quod enim movetur ad aliquid, imperfectum est et in potentia respectu illius secundum quod hujusmodi: quia motus est actus entis in potentia, et unum similium perfecte non est imperfectum respectu alterius, nec in potentia. Et ideo unum similium perfecte non movetur ad alterum secundum quod hujusmodi. Et adhuc, si aliquis transponat terram a loco ubi nunc est, ad concavum orbis lunae, unaquaeque partium ejus omnino non ad ipsam sursum, sed ubi nunc moveretur, puta ad medium mundi; nunc enim moventur partes terrae deorsum. Sed quia universaliter mobilibus similibus in natura et differentibus secundum materiam ab uno motivo, necesse est uno motu moveri ad unum locum. Itaque quia unaquaeque pars terrae et tota terra similes sunt in natura, differentes secundum materiam tantum, et ab eodem motivo moveretur ubi una particula nata natura est ferri, et totum secundum naturam. Quapropter manifestum est, quod simile perfecte non movetur ad suum simile. Deinde cum dicit quoniam autem ponit secundam rationem, dicens, quoniam locus est ultimus terminus corporis continentis, terminus autem habet rationem actus et perfectionis quodammodo: et locus medius, et locus extremus est continens quodammodo omnia quae moventur sursum et deorsum: manifestum est quod locus medius et locus extremus quodammodo rationem speciei et perfectionis habent. Ergo moveri sursum et deorsum per se moveri ad speciem et perfectionem, et ideo ferri ad locum proprium est moveri ad sibi simile in natura. Corpora enim quae consequuntur se secundum ordinem naturalem, similia sunt invicem, sicut aqua aeri, et aer igni; aqua enim in hoc quod locatur in ultimo aeris, similitudinem habet cum illo. Similiter, quia aer locatur in concavo ignis, habet similitudinem cum illo, et e converso in mediis. Ignis enim secundum ultimum similitudinem habet cum aere, et aer cum aqua, et aqua cum terra: semper enim in ultimo corporis continentis est virtus generativa et conservativa contenti naturaliter, et ita assimilantur sibi invicem secundum naturam. In extremis autem non est hoc verum dicere: quia concavum ignis non assimilatur aquae vel terrae, nec concavum aeris terrae secundum hunc modum, quia in concavo ignis non est virtus generativa et conservativa terrae vel aquae primo: sed se habent, ea quae distant per aliquod corpus intermedium, sicut materia ad formam adinvicem. Semper enim superius se habet ad inferius, sicut species ad materiam, et inferius ad superius, sicut materia ad formam. Sic igitur corpora simplicia moventur ad loca sua naturalia, sicut ad perfectiones et fines ipsorum. Dubitabit autem aliquis, utrum moveri ad speciem et perfectionem suam, sicut philosophus videtur dicere. Videtur enim rationabiliter quod non: quia perfectio et actus rei est aliquid intrinsecum informans; ejusdem enim est actus, cujus est potentia ad actum illum, per philosophum libro de somno et vigilia. Locus autem est aliquid extrinsecum, puta ultimus terminus corporis continentis: ergo locus non est species vel perfectio rei. Praeterea, illud ad quod aliquid per se movetur, posterius est eo quod movetur per se secundum naturam. Illud autem quod movetur in motu locali est ens perfectum, sicut philosophus consequenter dicit, quod latio est absolutorum, idest perfectorum. Sed ens perfectum perfectione propria perfectum est; quare perfectio eorum quae feruntur, prior est secundum naturam eo in quod feruntur per se. Si igitur aliquid non est prius et posterius seipso, manifestum est, quod id in quod feruntur hujusmodi corpora, non est species et perfectio eorum, nec moveri ad locum est moveri ad speciem, cujus contrarium philosophus dicit. Ad hoc est intelligendum, quod perfectio dicitur de forma, quae est actus primus et etiam de fine qui est actus secundus, sicut apparet ex secundo de anima: ubi dicit quod endelechia, idest actus, dicitur hic quidem sicut scientia, hic quidem sicut considerare. Finis autem dupliciter dicitur: uno modo perfectio rei informans ipsam rem, quae posterior est ipsa secundum generationem: sicut finem hominis dicimus aliquam operationem ejus perfectissimam intellectualem. Alio modo dicitur finis aliquid praeexistens in habitudine ad quod existit finis primo modo dictus; sicut perfectissimum objectum hominis secundum intellectum dicitur finis ipsius. Et ideo perfectio secundo dicitur et de operatione intrinseca, et de objecto primo et per se illius operationis aliquo modo. Secundum hunc quidem igitur triplicem modum possumus considerare perfectionem corporum simplicium mobilium motu recto secundum quod hujusmodi: perfectio enim prima ipsorum est forma, puta gravitas aut levitas: perfectio autem secundo modo, quae est finis primo modo dictus, est operatio ipsorum prima, scilicet sursum aut deorsum: gravi enim aut levi esse est sursum aut deorsum esse, secundum philosophum in octavo physicorum. Perfectio autem tertio modo, quae est finis ultimo modo dictus, est locus eorum naturalis. Si igitur loquamur de perfectione hoc modo dicta, ferri ad locum naturalem est ferri ad perfectionem formaliter; locus enim qui continet, et habet vim generativam et conservativam; quodammodo rationem perfectionis habet, ut dictum est; et sic moveri ad locum est moveri ad simile secundum naturam: et secundum hunc modum procedit ratio secunda philosophi. Si autem loquamur de perfectione secundo modo dicta, quae est operatio, sic ferri ad locum, non est ferri ad perfectionem formaliter et simpliciter, sed ad aliquid a quo sumitur ratio perfectionis secundum hunc modum dictae; perfectio enim hujusmodi corporum secundum hunc modum est deorsum vel sursum esse: quorum ratio sumitur ex ipsis sursum et deorsum. Et de perfectione hoc modo dicta procedit prima ratio philosophi, ut videtur. Si autem loquamur de perfectione primo modo dicta, sic moveri ad locum non est formaliter moveri ad perfectionem, sicut probant rationes adductae prius ad hoc, quae de hac perfectione bene concludunt. Tum moveri ad locum aliqualiter est moveri ad perfectionem hanc secundum commutationem quamdam, saltem cum moventur a generante; simul enim cum a generante moventur ad locum, moventur ad formam, sicut dicit Commentator. Deinde cum dicit quaerere autem comparat motus locales simplicium corporum ad omnes alios motus simpliciter quantum ad hujusmodi causam. Et primo secundum convenientiam. Secundo cum dicit nisi quia haec quidem, secundum differentiam. In prima parte dicit, quod quaerere propter quid ignis sursum fertur, terra autem deorsum, nihil differt quaerere, propter quid sanabile si moveatur secundum quod sanabile, transmutatur in sanitatem; sanabile enim si mutetur secundum quod sanabile est, mutatur in sanitatem et non in albedinem sicut in perfectionem suam secundum quod hujusmodi; sanabile enim dicimus, quod secundum hujusmodi est in potentia ad sanitatem. Et similiter se habet de omnibus aliis alterabilibus. Eodem modo, si augmentabile transmutetur secundum quod augmentabile, non transmutatur in sanitatem, sed in magnitudinem perfectam, sicut in perfectionem suam. Similiter autem se habet de unoquoque alio mobili, quorum alterum transmutatur in qualitatem, alterum autem in quantitatem per se; ergo similiter et in his quae mobilia sunt secundum locum. Quae quidem levia si moventur secundum quod levia sursum moventur sicut ad suam perfectionem: quae autem gravia deorsum sicut ad suam. Deinde cum dicit nisi quia comparat secundum differentiam, dicens, quod eadem ratio est de motu simplicium corporum, et de aliis motibus; nisi quia haec, puta gravia et levia, secundum quod hujusmodi, videntur in seipsis habere principium motus. Quando enim sunt actu gravia et levia detenta extra loca sua naturalia, moventur a removente prohibens, et totum principium movens per se non videtur aliud quam forma gravis et levis. Quando autem sunt in potentia ad locum, sicut ad formam, moventur a generante dante formam; quod quantum largitur de forma, tantum largitur de ubi. Et sic adhuc proximum movens est forma gravis et levis. Illa autem quae moventur aliis motibus, puta secundum qualitatem et quantitatem, moventur ab extrinseco, puta ab alterantibus et augmentantibus. Quamvis enim quidam in se videantur habere principium motus, sicut qui sanatur ex se sine medicina, et qui augmentatur a nutritiva, tamen in talibus proximum movens aliud est a proximo moto, membrum sanans, puta cor, aliud est a membro sanato, et membrum augmentatum ab aliquo augmentante. Et sic permutantur sumentia ab extrinseco principium motus; hoc quidem in sanitatem, hoc quidem in quantum. Cujus ratio est, quoniam idem est quod sanabile est, et quod est susceptivum infirmitatis. Similiter idem est quod natum est moveri ad majorem quantitatem, et ad minorem. Sed, si sanabile moveatur secundum quod sanabile, venit in actum sanitatis; si autem secundum quod in potentia ad infirmitatem, venit in infirmitatem. Forma autem intrinseca, cum una sit, non potest esse principium istorum duorum motorum, quia unum per se non movet nisi ad unum; et ideo oportet quod ab extrinseco moveatur, nunc quidem ad sanitatem, nunc quidem ad infirmitatem. Gravia autem et levia in seipsis videntur habere magis principium sui motus; quia materia, idest id quo possunt moveri motu isto primo, propinquissima est substantiae eorum, per quam determinantur. Formam enim gravis et levis, per quam inclinantur ad hujusmodi motus, immediate sequuntur formae substantiales; et ideo sicut unius est forma, una ita unius inclinatio ad unum. Et propter hoc, unum corpus simplex secundum se non est in potentia nisi ad unum motum tantum, vel sursum vel deorsum, quod ideo potest ab extrinseco moveri. Vel potest exponi, quod materia eorum, idest id quo possunt moveri primo hujusmodi motibus, propinquissima est substantiae, quia per formam substantialem unumquodque perfectum est et determinatum ad speciem. Similiter motus localis istorum motus perfectus est: cujus signum est, quia est absolutorum, quia est integrorum et perfectorum. Est enim generatione ultimus; et quod est ultimum secundum generationem, perfectius est secundum substantiam: quare motus ille prior erit secundum substantiam et perfectior. Et sic, quia perfectus est et perfectior, propinquius substantiae est, per quam aliquid perfectum est. Sic autem non est in aliis motibus: magis enim sunt imperfectorum, et illud quod transmutatur secundum ipsos est magis secundum aliquid intrinsecum transmutatum quam in motu locali: propter quod motus localis immediate potest sequi substantiam perfectam. Deinde cum dicit cujus quidem declarat modum, secundum quem fiet hujusmodi motus primo. Secundo cum dicit movet autem, tangit principium motuum. In prima parte dicit, quod, cum ex aqua generatur aer aut universaliter leve ex gravi, per alterationem movetur sursum, et simul tempore fit leve fit etiam sursum: et cum factum est simpliciter leve, non amplius movetur sursum, sed est ibi: ita quod quantum acquirit de forma levis, tantum acquirit de loco sursum; et sicut se habet ad ipsam, et ita et ad locum sursum. Si enim in potentia est ad levitatem simpliciter, et ad locum sursum. Et si in fieri est leve, est in moveri sursum. Et si in actu est leve simpliciter, et simpliciter est sursum. Et ideo manifestum est, quod in potentia existens de se ad sursum in actu, per motum vadit illuc: similiter in potentia existens secundum quod hujusmodi ad quantum vel quale, per motum vadit ubi est endelechia, idest actus, quanti et qualis. Unumquodque enim mobile per se a movente proprio movetur ad perfectionem propriam, ad quam est in potentia. Eadem enim causa est quod terra et ignis jam habentia formam gravis vel levis in actu detenta extra loca sua naturalia per violentiam moveantur ad ipsa: remoto enim prohibente ab aliquo non dante ei impetum aliquem ad motum, per seipsa moventur ad loca sua; sicut habens habitum scientiae, non considerans autem, remoto prohibente per se considerat. Nutrimentum etiam in motu augmenti, et sanabile in motu alterationis impeditum a motu naturali, soluto impedimento confestim moventur ubi nata sunt moveri, hoc quidem ad membrum augendum, hoc quidem ad sanitatem. Deinde cum dicit movet autem tangit principium motuum; dicens, quod grave et leve moventur, cum sunt in potentia essentiali, ad locum et formam, ab eo quod fecit ipsa a principio, idest a generante: cum autem sunt in potentia accidentali, cum scilicet habent formam in actu, et sunt in potentia ad locum per detinens ipsa extra, moventur, aut a removente prohibens, aut ab illo a quo repulsa resiliunt: sicut pila a pariete in motu projectionis, sicut dictum est in primis sermonibus, scilicet octavo physicorum, in quibus dictum est, quod nihil istorum seipsum movet, sed indiget ab extrinseco motore aliquo. Sic igitur apparet propter quam causam unumquodque simplicium corporum movetur in locum suum naturalem, et quid est moveri in ipsum. Dubitabit autem aliquis utrum gravia et levia ab intrinseco moveantur principio, sicut philosophus videtur dicere prius, aut ab extrinseco, sicut modo dicit. Si enim dicatur quod ab intrinseco principio moventur, puta a se: cum ipsa sint quae secundum se moventur isto motu: sequitur quod idem erit movens et motum, cum non sit in eis distinguere partem moventem et motam. Materia enim non potest habere rationem moti, cum sit ens in potentia tantum: nec forma rationem moventis, quia non est ens actu, sed est actus in alio: nec etiam una pars quantitativa rationem moventis habet respectu alterius, cum sit unius rationis omnino. Idem autem esse movens et motum respectu ejusdem est impossibile, ut declaratum est octavo physicorum; ergo non possunt ex seipsis moveri. Adhuc, si ex ipsis moverentur, distinguerentur in duo, quorum unum esset per se movens, alterum autem per se motum: hoc autem est impossibile, ut apparet ex dictis. Ad quod est intelligendum, quod omne quod movetur, secundum quod movetur, est in potentia, quia motus est actus entis potentia. Aliquid autem existit in potentia dupliciter: uno modo in essentiali ad formam et ad operationem formae: sicut grave est in potentia leve et ad locum sursum: alio modo in potentia accidentali, puta cum habens formam in actu, in potentia est ad operationem: sicut cum grave in actu, in potentia est ad locum deorsum. Grave igitur et leve in potentia primo modo dicta a generante et dante formam moventur; generans enim formam, simul generat omnia accidentia formam consequentia per se, sicut generans hominem generat susceptibile disciplinae, et generans ignem generat calidum in summo. Esse autem sursum et deorsum sunt per se consequentia grave et leve. Gravi enim et levi esse est deorsum vel sursum esse, sicut dicitur octavo physicorum. Et ideo generans grave et leve simul cum generatur alterando dat motum sursum vel deorsum, ita quod primo et per se unum generans est forma generati. Et, quia ad formam consequitur esse sursum vel deorsum: et propter hoc, cum aliquid est in potentia ad formam gravis simpliciter, est in potentia simpliciter ad locum deorsum per se: cum autem est in fieri grave est in moveri deorsum: cum autem simpliciter grave et in actu, est simpliciter deorsum, sicut se habet in aliis per se accidentibus formarum. Et sicut illud quod movetur ad formam contrariam in toto motu usque ad ultimum instans aliquo modo est sub forma abiicienda; ita quod movetur motu gravis et levis, in toto motu est sub forma contraria. Grave autem et leve in potentia accidentali, puta cum habet formam gravis et levis actu, et tamen sunt extra loca sua naturalia per detinens, per se quidem sunt deorsum vel sursum, per accidens tamen in potentia: et illud quod removet detinens extra loca sua, quia removet illud quod erat in potentia ad ea, movet ipsa: statim enim soluto prohibente, quae in potentia erant, moventur. Et in hoc sistunt quidam. Sed hoc non videtur sufficiens; quia removens prohibens est movens per accidens: movens autem per accidens non movet nisi inquantum simul est cum aliquo movente per se, quia omne per accidens ad per se reducitur: ergo praeter removens prohibens, oportet dare aliquod movens per se, cum moventur habentia formas in actu. Adhuc etiam motum in actu et movens proximum in actu sunt simul in actu, quia causa et effectus in actu sunt simul et non sunt, sicut dicitur quinto metaphysicae. Sed remoto prohibente est motus gravium et levium in actu: ergo oportet simul esse proximum movens in actu: hoc autem non est removens prohibens, jam enim quievit et remotum est: ergo praeter removens prohibens, oportet dare aliud movens in actu. Et ideo videtur dicere Commentator super tertio hujus, quod remoto prohibente gravia et levia moventur a medio, ita quod medium motum movet per reinclinationem partium ipsarum. Sed hoc est impossibile, quia medium non movet, nisi quia movetur, ita quod moveri suum praecedit movere ipsius: moveri autem suum causatur per movere gravis et levis, non enim ab alio videtur moveri medium: grave autem et leve non movent medium nisi quia moventur: si ergo remoto prohibente, grave et leve moventur a medio, sequitur quod prius movebuntur quam moveantur: hoc autem impossibile: ergo et primum. Si vero dicatur quod removens prohibens in removendo ipsum movet ipsum medium impellendo, et tunc medium motum movet grave vel leve, hoc non sufficit: primo, quia removens prohibens secundum intentionem philosophi tantum movet ea secundum accidens: si autem moveret medium impellendo ipsum, et medium motum moveret grave et leve, sequeretur, quod esset movens per se, quamvis non immediate: hoc autem videtur esse inconveniens, et contra intentionem philosophi: ergo et primum. Praeterea contingit prohibens removeri nullum faciendo impulsum, vel per tactum subtilem, vel saltem per corruptionem: ergo non est verum dicere quod gravia soluto prohibente moveantur a medio moto. Propter quod dixerunt alii quod moventur soluto prohibente ab ipso generante. Sed quia statim videtur esse hoc contra ipsos, quod motum in actu et removens proximum in actu oportet esse simul in actu: dicunt quod moventur ab ipso non immediate, sed mediante aliqua virtute quam in generatione eis contulit, ita quod grave et leve moventur a generante soluto prohibente, mediante aliqua virtute inexistente eis a generante prius. Sed hoc contra rationem videtur: primo quidem quia omne motum in actu oportet habere movens in actu, sicut causa et effectus sunt simul in actu. Movens autem in actu est existens in actu, quia nihil agit nisi secundum quod existit in actu: unde et formam inhaerentem, puta caliditatem, non dicimus agere, quamvis sit principium agendi, quia non est existens in actu: ergo gravia et levia soluto prohibente cum moventur in actu oportet habere movens in actu existens et simul: hoc autem non est generans, quia non de necessitate coexistit ei, nec etiam virtus inexistens eis ab ipso, quia non existens in actu, sed inhaerens; ergo non potest dici quod moveantur a generante mediante hujusmodi virtute. Praeterea hujusmodi virtus collata eis a generante, aut est illud quod gravitas et levitas secundum rationem, aut aliud. Si dicatur quod est idem quod gravitas et levitas sunt principia per se activa hujusmodi motus, quod ipsi non videntur concedere. Si autem dicatur quod sit aliud: hoc non videtur propter duo: primum quidem quia generans grave et leve, secundum hoc quod generat grave et leve, dicit philosophus movere gravia et levia cum sunt in potentia essentiali; et eamdem causam dixit esse cum sunt in potentia accidentali. Sed generans grave et leve secundum quod hujusmodi non generat nisi grave et leve per se: ergo illud per quod movet grave et leve per se non est aliud quam gravitas et levitas. Secundo, quia superfluum est facere per plura quod potest fieri per pauciora in his quae sunt secundum naturam, et in his quae sunt secundum artem, si eodem modo possunt salvari. Sed ponendo quod illud per quod generans grave et leve movet ipsa, sit gravitas et levitas eadem, eodem modo salvari possunt sicut si ponatur aliud, et eaedem difficultates accidunt ponendo id, sicut ponendo ista: ergo superfluum est ponere quod illud per quod moventur ea sit aliud a gravitate et levitate. Et propter hoc videtur esse dicendum aliter, quod cum generans moveat grave et leve non primo, sed inquantum dat formam, cui competit per se esse sursum vel deorsum, manifestum est quod immediatum principium activum motus ipsorum est gravitas et levitas: ita quod generans est illud quod movet ea, illud autem quo immediate movet est gravitas et levitas. Ipsum autem grave et leve non sunt quae movent, quia non sunt existentia in actu, sed in potentia cum sic moventur, ut dictum est. Cum autem jam habet formam gravis vel levis in actu, sunt extra loca sua, remoto prohibente, illud oporteret existimare principium activum motus immediate quod et prius, si effectus univoci sit una causa proxima et univoca. Et ideo gravitas et levitas in actu sunt principium hujus motus nunc sicut et prius, quae movens movet ea: movens autem proximum non est ipsum generans, de necessitate, quia contingit ipsum aut non esse simpliciter, aut non esse praesens cum sic movetur: movens autem proximum et motum in actu oportet esse simul. Cum oporteat esse aliquod movens ea in actu existens, non videtur esse aliud quam ipsum grave vel leve: et ideo grave et leve sunt moventia per formam gravitatis. Moventur autem non secundum quod gravia et levia in actu, quia omne quod movetur secundum quod hujusmodi est in potentia ad illud quod movetur: motus enim est actus entis in potentia secundum quod hujusmodi: sed grave et leve secundum quod hujusmodi non sunt in potentia sursum et deorsum, sed sunt essentialiter sursum et deorsum: hoc enim est eis esse, sicut dicitur octavo physicorum: ergo non moventur primo secundum quod gravia et levia in actu sunt et per se, sunt autem in potentia ad loca sua per detinens ea vel prohibens, quod accidit eis secundum quod hujusmodi. Si igitur quod movetur ad aliquid movetur secundum quod in potentia est ad illud, manifestum est quod gravia et levia per accidens moventur remoto prohibente. Sic igitur apparet quod principium motus activum gravium et levium in actu, soluto prohibente, quod est movens per se, est ipsum grave et leve existens in actu; principium autem quo agunt hujusmodi motum sunt gravitas et levitas, quae in ipsis sunt a generante prius. Ita quod grave et leve moventur secundum quod gravia sunt et levia per formam gravitatis et levitatis: moventur autem, non inquantum habent istas formas primo, sed inquantum sunt in potentia ad loca sua primo, quod contingit eis per accidens, et ideo per se movent se, per accidens autem moventur. Non movent autem similiter se habentia nisi soluto prohibente prius a quo est principium motus, et nisi per formas quas habent a generante movente prius. Et ideo dicit philosophus in octavo physicorum, quod nullum istorum habet principium movendi vel faciendi, sed patiendi tantum. Quamvis autem sit inconveniens et impossibile idem a seipso moveri primo et per se, tamen idem moveri a se per accidens non est inconveniens. Sic autem dictum est gravia et levia a seipsis moveri; et ideo non concludit ratio prima contra dicta. Quod autem accipitur in secunda quod omne motum a se dividitur in duo, quorum unum est per se movens, alterum autem per se motum, verum est de eo quod movetur a se per se, quod habet in se utrumque principium motus per se, sicut sunt animata. De eo autem quod movetur a se per accidens, quod habet principium activum per se, et passivum per accidens, non habet veritatem: sic autem positum est gravia et levia per se moveri.

 

 

 

Caput 3

Leçon 3

[89319] Petrus de Alvernia, In De caelo continuatio, lib. 4 cap. 3 Postquam philosophus ostendit propter quid corpora simplicia moventur ad loca sua, et quid est ferri in locum naturalem, prosequitur nunc de differentiis primorum corporum, et de accidentibus et passionibus ipsorum, secundum quod gravia et levia sunt. Et circa hoc primo praemittens intentionem suam dicit, quod post ea quae dicta sunt, considerandum est de differentiis quibus moventur corpora primo motu recto, et de accidentibus et passionibus per se, quae insunt eis secundum quod hujusmodi. Deinde cum dicit primum quidem prosequitur: et primo ponit definitiones gravis et levis, simpliciter et in respectu; secundo cum dicit quoniam autem, prosequitur de differentiis gravium et levium et accidentibus. Praemittit autem definitiones illorum, quia ipsa sunt principium innotescendi omnia alia. Primo autem praemittit definitiones gravis et levis simpliciter. Secundo cum dicit aliter autem grave et leve, ponit definitiones gravis et levis secundum quid. In prima parte ipse dicit, quod primum quidem determinatum sit de definitione dicente quod erat esse grave et leve, sicut concedunt omnes vel plures accipiendo eas ex communi opinione hominum: grave simpliciter esse, quod substat omnibus corporibus quae moventur deorsum motu recto: leve autem simpliciter, quod supereminet omnibus quae feruntur sursum secundum rectitudinem. Exponit autem quod dixit, simpliciter grave et leve, dicens: quod grave et leve dico in genus respiciens, idest in materiam ipsorum, secundum quod simpliciter sunt talia nihil habentia de contrariis: ex quibus non insunt ambo, scilicet gravitas et levitas; sicut ignis videtur esse quaecumque magnitudo sursum lata, qui si non prohibeatur per aliquod detinens ipsum, movetur sursum simpliciter; similiter autem et terra, cujus quilibet pars non prohibita movetur deorsum. Et secundum eumdem modum major pars terrae movetur deorsum velocius secundum proportionem magnitudinis ad magnitudinem, sicut major pars ignis sursum secundum eamdem. Et est intelligendum, quod cum grave et leve definiantur per moveri ad loca, et per esse in eis, sicut hic definit Aristoteles: verius definiuntur per esse in locis suis, quam per moveri ad ea: quia essentialius comparantur ad esse in eis, quam per moveri ad ea: gravi enim et levi esse est sursum vel deorsum esse, sicut Aristoteles dicit: moveri autem ad loca sua quodammodo accidit eis, quia gravia et levia in actu non moventur, nisi secundum quod sunt in potentia ad locum sursum vel deorsum: quod accidit eis per prohibens. Et iterum gravia et levia comparantur ad esse sursum vel deorsum sicut ad fines per se; istis enim habitis non amplius movent: moventur autem per ista, ita ut motus quaeratur sicut via in finem. Si enim essentialius comparatur unumquodque ad finem proprium, quam ad viam ad ipsum: essentialius comparabuntur gravia et levia ad esse sursum vel deorsum quam ad moveri; hujusmodi autem operationes vel motus, per quas definiuntur, accipiuntur loco differentiarum et complentium essentiam ipsorum quae non sunt nobis manifestae nisi ex ipsis. Deinde cum dicit aliter autem ponit definitiones gravis et levis secundum quid, dicens quod alio modo dicitur grave et leve, quibus utrumque inexistit, scilicet et supereminere, et substare aliquibus, si superferuntur quibusdam, et substant etiam sicut videmus de aere et aqua; nullum enim ipsorum est simpliciter grave non habens aliquem actum levitatis, nec simpliciter leve non habens aliquid gravitatis. Utrumque enim istorum videmus levius esse terra, quia ipsa et quaecumque ipsorum partes supereminent ipsi. Adhuc et graviora igne, quia quantacumque particula ipsorum magna vel parva substat igni naturaliter. Si autem comparemus ipsa adinvicem, aer simpliciter levis est respectu aquae, quia quaelibet pars ejus supereminet ipsi natura; et aqua simpliciter gravis respectu ipsius aeris; quia ipsa et quaelibet pars ejus substant ipsi secundum naturam. Est autem advertendum, quod gravitas et levitas elementorum mediorum non consistunt in solo respectu ad aliud, quia, cum elementa media determinentur per eas, dicerentur ad aliquid secundum se, quod nullus concedit. Iterum, corpora media moventur ad loca sua naturalia propter gravitatem et levitatem eorum: illud autem, cujus natura in solo respectu consistit secundum quod hujusmodi, non potest esse principium motus, sicut nec terminus, ut dicitur in quinto physicorum. Item nec sunt aliqua qualitas una composita ex gravitate et levitate simpliciter; tunc enim oportet quod ipsa essent corpora composita ex duobus extremis, et non essent de numero elementorum primorum, quod non dicimus. Sed est intelligendum, quod sicut ignis est aliqua qualitas simplex, per quam movetur ad locum suum simplicem, similiter autem et terrae, ita et aeris et aquae, quae sunt media. Ita quod sicut aer habet unam formam simplicem substantialem, et unum locum simplicem per se consequentem formam, per quam quiescit in loco suo simplici et naturali, et movetur ad ipsum extra existens ubicumque non prohibitus; similiter autem et terra; ita quod per illam qualitatem simplicem aer existens sursum in loco ignis movetur deorsum ad locum suum; similiter existens deorsum in loco terrae vel aquae movetur sursum ad eumdem locum: similiter aqua per unam qualitatem simplicem movetur ex loco ignis vel aeris ad locum proprium, similiter autem ex loco terrae sursum ascendente. Sicut diceremus ignem, si esset aliqua pars ejus in convexo orbis lunae ad superius, et permitteret natura illius corporis motum alterius corporis per ipsum, per eamdem qualitatem simplicem moveretur ad concavum ejus, quod est locus ipsius naturalis, per quem ascendit ad eumdem ad deorsum. Et quia sic per unam qualitatem elementa media moventur quandoque sursum quandoque deorsum, propter unum tamen principaliter, scilicet propter esse in loco proprio; dicuntur qualitates eorum qualitates mediae. Deinde cum dicit quoniam autem de differentiis prosequitur. Et primo in corporibus compositis. Secundo cum dicit quod autem est simpliciter leve, in simplicibus. Circa primum primo ostendit quod causa gravitatis et levitatis in compositis sunt simplicia; secundo cum dicit accidit utique, ad evidentiam dicti assignat causam cujusdam accidentis in compositis per naturam simplicium. In prima dicit, quoniam corporum quaedam sunt simplicia, quaedam autem composita ex illis: compositorum autem quaedam habent gravitatem, quaedam autem levitatem: manifestum est quod causa gravitatis et levitatis in istis sunt simplicia componentia. Primum enim in unoquoque genere est causa omnium aliorum; et ideo, secundum quod diversimode participant illa simplicia, secundum hoc plus vel minus habent de gravitate vel levitate. Et ideo de gravitate et levitate in istis non multum oportet pertractare, quia palam quod causa in istis est differentia illorum. Et propter hoc de illis dicendum est propter quid gravia et levia sunt: alia enim sequuntur ipsa. Et hoc dicebamus prius debere facere illos, qui ponebant plenum et vacuum causam ipsorum: scilicet non multum laborare in inquirendo de gravi et levi in aliis, sed magis propter quid vacuum quidem leve est, plenum autem grave, quae posuerunt prima. Deinde cum dicit accidit utique ad evidentiam dicti reddit causam cujusdam accidentis in compositis per dicta. Et primo ponit accidens illud. Secundo cum dicit causa autem, assignat causam ipsius. Primo igitur dicit quod, quia gravitas et levitas causantur ex simplicibus, contingit quaedam ipsorum non videri aequaliter gravia esse in quocumque loco propter diversitatem simplicium ex quibus sunt; sicut nos videmus quod lignum habens pondus talenti unius, gravius est in aere, et velocius descendit plumbo mineo, idest ponderis unius oboli; mina enim est obolus; inde mineus est habens pondus vel valorem oboli. In aqua autem e contrario, quod scilicet lignum est levius, et plumbum est gravius. Deinde cum dicit causa autem assignat causam hujus, dicens, quod causa praedicti accidentis est, quoniam omnia corpora simplicia gravitatem habent, et necessarium est quod habeant, praeter ipsum ignem, sicut declarat motus: aqua autem ubique gravis est praeterquam in terra, in loco scilicet ignis et aeris, et suo proprio: aer autem in omnibus praeterquam in terra et aqua, scilicet in loco ignis et suo: omnia enim corpora in loco suo naturali gravitatem aliquam habent, praeter quam ignis, qui simpliciter levis est, et ipse aer, de quo magna dubitatio est, et magis videbitur consequenter, ubi Aristoteles specialiter nititur hoc ostendere. Ad praesens tamen potest intelligi de aere propinquo aquae et terrae, qui propter frigiditatem ipsorum ingrossatus, gravitatem quamdam contrahit praeter naturam suam. Signum autem adducit Aristoteles ad declarationem hujus, quia, si accipiatur uter de corio subtili et infletur aere; majoris ponderis erit inflatus, quam non inflatus, et velocius movebitur inferius. De quo quidem dicit Simplicius, quod ipse cum diligentia qua potuit expertus invenit idem pondus inflati et non inflati. Quemdam etiam ante ipsum scripsisse dixit, et se invenisse non inflatum aliquantulum majoris ponderis esse quam inflatum: quod consonat Themistio libro suo de ponderibus, qui ex hoc probat aerem in loco suo nullam habere gravitatem, quod est contra intentionem Aristotelis. Sed, ne tanti viri inexpertes videantur, et sibi contradicere, est intelligendum, quod aer secundum naturam suam propriam calidus est et humidus, ratione quorum nullam videtur habere gravitatem, ut videbitur post; quia tamen bene divisibilis est, facile alterabilis est ad quodcumque, puta e caliditate subtiliante praeter naturam ejus, a frigiditate ingrossante similiter praeter naturam suam: et ideo propinquus existens igni superius multum alteratus est ad qualitates ignis; propinquus autem terrae et aquae frigiditate illorum multum ad qualitates illorum; et ex hoc contrahit quamdam gravitatem aliquando secundum differentiam terrae vel aquae, cui propinquus est. Et secundum hoc aer in terra inclusus in inferioribus gravior est, et similiter propinquus aquae, elevatus autem levior, et magis divisibilis; tamen in aliquo prope terram propter dispositionem substantialem contingit aerem esse dispositum secundum naturam suam secundum plus et minus secundum diversitatem loci. Et secundum hoc potuit contingere quod in isto experimento diversi diversa invenerunt: aliqui enim replentes aere grosso invenerunt inflatum gravius; aliqui autem implentes subtiliori et magis secundum naturam suam disposito invenerunt ipsum levius, aliqui autem aequalis ponderis propter mediam dispositionem. Non est autem judicandum de dispositione aeris secundum se simpliciter propter dispositionem ejus, quae circa terram, vel aquam videtur, sed tantum quantum ad partem illam. Et secundum hoc Aristoteles ex eo quod invenit, potuit concludere aerem propinquum terrae et aquae gravitatem habere. Et secundum hoc veritatem habet quod omnia praeter ignem gravitatem habent in locis suis, etiam aer quantum ad partem inferiorem ejus. Dicit ergo, hoc supposito, quod si sit aliquod corpus compositum, quod plus habeat in compositione sua de virtute aeris quam terrae et aquae, sicut lignum aliquod, in aqua levius erit, et ascendet velocius eo quod minus habet de aqua et terra, plus autem de aere, quia aer in loco terrae et aquae levius est, et ascendit; in aere autem gravius erit, quia in loco aeris aer existens in comparatione ejus gravitatem habet, aut quia aer simpliciter habet in loco suo aliquam gravitatem, sicut exponit Commentator, aut quia aer non simpliciter, sed in parte propinqua terrae vel aquae gravis est quasi ingrossatus ab ipsis. Et talis videtur esse aer, quia venit in compositionem corporum mistorum. Et quia gravitatem habet lignum in loco aeris, movetur ex ipso deorsum velocius quam plumbum minoris ponderis: propter hoc enim non superfertur aeri, aquae autem superfertur: aer enim in compositione ipsius existens non tantum ingrossatus est quod faciat ipsum grave esse in loco terrae vel aquae. Deinde cum dicit quod autem prosequitur de differentiis gravis vel levis simplicibus, per quas moventur sursum vel deorsum simpliciter, vel in respectu. Et circa hoc primo facit quod dictum est. Secundo cum dicit figurae autem non causa, ostendit quod figurae non sunt causa motus deorsum vel sursum ipsorum simpliciter, sed coadjuvantes. Circa primum primo ostendit quod est aliquid simpliciter grave et leve, et aliqua gravia et levia secundum quid; secundo cum dicit inquirimus autem, ostendit quam habitudinem seu rationem habent ad invicem. Tertio cum dicit quoniam autem est unum solum, concludit numerum ipsorum, et materiarum suarum. Circa primum primo ostendit quod est aliquid simpliciter grave et leve. Secundo cum dicit est autem aliquid intermedium, probat quod est aliquid grave et leve secundum quid. Primum probat per rationes duas; quarum secundam ponit cum dicit propter quod et rationabiliter, quasi inferens ex quibusdam dictis. Adhuc circa primum ponit rationem. Secundo probat quoddam suppositum cum dicit sed adhuc. In prima parte primo praemittit conclusionem suam resumendo definitiones gravis et levis. Secundo cum dicit videmus enim subjungit rationem. In prima parte dicit, quod ex his quae dicentur manifestum erit, quod aliquid est simpliciter leve et aliquid simpliciter grave. Et exponit quid vocat utrumque, resumendo definitiones ipsorum: dicens, quod leve simpliciter dico, quod movetur sursum semper non prohibitum, et quod simpliciter leve est nihil habens gravitatis omnino in aliquo loco; grave autem simpliciter dico per oppositum quod, si non prohibeatur, semper natum est moveri deorsum simpliciter, et nihil omnino levitatis habet. Talia enim oportet ea esse secundum veritatem, et non qualia dicunt quidam, scilicet omnia habere gravitatem, secundum tamen plus et minus, sicut dictum est prius. Verum est autem quod grave inest quibusdam aliis aliquam levitatem habentibus; puta mediis elementis: quod etiam semper fertur ad medium vel simpliciter, vel in respectu; simpliciter quidem grave ad medium simpliciter, secundum quid autem grave, ad medium secundum quid vel in respectu. Deinde cum dicit videmus enim subjungit rationem; dicens, quod bene dictum est, quod est aliquid simpliciter grave, et aliquid simpliciter leve; quoniam videmus ad sensum, sicut dictum est prius, quod terra et omnia corpora terrea substant omnibus corporibus, et feruntur simpliciter ad medium: medium etiam determinatum est, ut jam ostendetur. Si igitur est aliquod corpus aliud quod supereminet et superfertur omnibus, sicut videmus ignem supereminere et superferri omnibus; etiam ipsi aeri: positus enim in aere sursum fertur ipso quiescente: manifestum est, quod hoc movebitur ad extremum locum simpliciter; ergo manifestum est quod nullam habet omnino gravitatem; si enim haberet aliquam, tunc substaret alicui; hoc enim dicimus grave, quod simpliciter vel alicui substat. Et, si hoc esset verum, esset aliquod aliud corpus, quod moveretur ad extremum, quod omnibus superemineret: nunc autem non videmus aliquod tale. Ignis igitur simpliciter levis est nullam habens gravitatem omnino; similiter terra nullam habet levitatem; terra enim omnibus aliis substat: et quod omnibus substat movetur simpliciter ad medium: at quod movetur simpliciter ad medium, grave est simpliciter: terra igitur simpliciter gravis est, nihil habens omnino levitatis. Deinde cum dicit sed adhuc probat quoddam suppositum in praecedenti ratione: supposuit enim quod medium determinatum est. Primo igitur hoc probat. Secundo cum dicit quoniam autem omne substans, infert corollarium. Ad primum adducit rationes duas; quarum secundam ponit cum dicit: deinde ad similes. In prima parte dicit, quod ex multis poterit esse manifestum, quia est medium aliquod, ad quod moventur gravia simpliciter, et a quo feruntur levia sursum. Primum, quia non contingit aliquid eorum quae moventur in infinitum ferri non reiterando motum supra idem. Sicut enim nullum impossibile simpliciter est in natura impossibile enim simpliciter est quod ex se prohibitum est esse, sic etiam nullum impossibile simpliciter fit; quod enim fit, potest esse, impossibile autem non potest esse. Motus autem localis factio quaedam seu generatio est termini ad quem existens unde et quo id est, existens in termino a quo in terminum ad quem. Quare moveri motu locali in infinitum est impossibile, nisi per reiterationem. Quod dico propter motum caeli, quem contingit in infinitum esse per reiterationem, secundum intentionem philosophi. Deinde cum dicit deinde ad similes ponit secundam rationem, dicens, quod deinde ad sensum videmus, quod ignis motus a deorsum in sursum movetur ad angulos similes sphaerales; motus enim sursum in concavo sphaerae facit similes angulos. Similiter autem unaquaeque pars terrae, et omne habens gravitatem fertur deorsum ad similes angulos sphaerales, cum moveatur secundum rectum, et terram ponamus circularem. Si igitur ponamus duas partes terrae, quarum altera moveatur ex puncto Zenith, altera autem ex puncto horizontis secundum lineas rectas deorsum, quaelibet constituet duos angulos sphaerales rectos in superficie terrae. Manifestum est autem quod hujusmodi lineae magis distant a seinvicem, quanto remotiores sunt a terra. Si etiam protrahatur una linea recta intersecans illas, constituet duos angulos intrinsecos a parte superiori, majores duobus rectis, et duos interiores a parte inferiori minores duobus rectis, ut ex se manifestum est; quare necesse est lineas illas concurrere, ut apparet ex primo geometriae; quare necesse est partes terrae motas secundum lineas illas naturaliter ferri ad unum punctum medium. Et eadem ratio est quodcumque et ex quacumque parte superficiei ponatur moveri. Manifestum est igitur, quod est aliquod medium et determinatum, ad quod feruntur gravia, quod est medium mundi, quod est idem subjecto cum medio terrae. Utrum autem ferantur ad ipsum quia medium mundi, vel quia medium terrae, alia ratio est, quae non pertinet ad propositum; de qua dictum est in secundo hujus capite de quiete terrae, quod moventur ad ipsum, quia medium mundi, quoniam in hoc et corpora gravia moventur ab extremo caeli ad nos. Ergo terra et gravia ad medium ejus, quod est medium mundi, secundum quod hujusmodi, moventur. Et adhuc medius locus est generativus gravis et conservativus, quia medium mundi, non quia medium terrae. Deinde cum dicit quoniam autem probat secundum; dicens, quia omne grave et substans simpliciter fertur in medium determinatum existens, necesse est ignem et omne quod superfertur omnibus simpliciter ferri ad extremum regionis, quod est ultimum caeli ad nos, ad quod moventur omnia levia simpliciter non prohibita; quia sicut contrarium in contrario, et propositum in proposito; medium autem mundi et extremum caeli contraria sunt: substans autem omnibus, et supereminens omnibus motis motu recto similiter contraria sunt; si igitur substans omnibus fertur ad medium determinatum existens, manifestum est, quod supereminens feretur ad extremum similiter determinatum existens. Deinde cum dicit propter quod innuit secundam rationem, quae sequitur ex dictis; dicens, quod propter hoc, quia est aliquod medium et aliquod extremum determinata adinvicem plurimum distantia localiter, rationabiliter sunt duo corpora extrema grave et leve; locis enim naturalibus existentibus, necesse est esse corpora mobilia ad illam; quia locus naturalis non est sine corpore. Cum igitur sint duo loca, extremum scilicet et medium in mundo; necesse est esse corpora mobilia ad illa: hujusmodi autem sunt grave et leve simpliciter. Deinde cum dicit est autem probat quod est aliquid grave et leve in respectu, dicens, quod quia est aliquod extremum et medium in mundo, quae sunt contraria, et contrariorum simpliciter est aliquod medium, quod ad utrumque extremorum comparatum rationem utriusque habet; manifestum est, quod erit locus aliquis intermedius, videlicet in mundo intermedium et extremum simpliciter, quod comparatum ad extremum medium erit, comparatum vero ad medium erit extremum. Et ita, sicut est extremum et medium in mundo, ita necesse est esse aliquem locum intermedium ipsorum. Et, quia locus naturalis non est sine corpore nato moveri ad ipsum, aut inexistente cui proportionatur: manifestum est, quod necesse est inter grave et leve simpliciter esse aliquid, quod sit grave et leve ad aliud et ad aliud comparatum: ad leve quidem grave, ad grave autem leve. Sic igitur apparet ex dictis, quod est aliquid simpliciter grave, aliquid simpliciter leve, et aliquid simpliciter medium inter ipsa, sicut aer et aqua. Deinde cum dicit inquimus autem declarat quam rationem et habitudinem habent adinvicem. Et circa hoc primo ostendit, quod continens inter ipsa habet rationem formae respectu contenti. Secundo cum dicit quare et in ipsa materia, declarat eamdem habitudinem habere materiam secundum quod subjicitur uni istorum, ad seipsam, ut est materia alterius. Tertio cum dicit, habens quidem igitur, concludit ex dictis quamdam differentiam ipsorum. Circa primam partem dicit, quod nos dicimus, et consonum est rationi, quod continens, secundum quod continens est, rationem habet speciei et formae: quod autem continetur, secundum quod hujusmodi, rationem materiae; speciem enim et formam dicimus, quae continet et terminat; materiam autem quae continetur et determinatur per formam. Et haec quidem differentia invenitur in omnibus generibus: scilicet quod aliquid habet rationem speciei magis, aliquid autem rationem materiae: scilicet in qualitate in qua album et calidum speciei proportionantur, nigrum autem et frigidum materiae: et in quantitate multum et magnum speciei. Et universaliter in oppositis digniora et perfectiora proportionantur formae, viliora autem materiae et privationi. Et ideo in oppositis secundum locum, unum accipitur ut species, puta sursum, quia dignius; aliud autem ut materia, sicut deorsum, quia vilius et imperfectius est secundum naturam. Et, quia corpora naturalia eamdem rationem habent adinvicem, quam et loca eorum naturalia, necesse est similiter se habere in corporibus primis: scilicet quod illud quod sursum continetur, naturaliter habeat rationem determinati per formam; quod autem deorsum, rationem materiae et imperfecti, vel simpliciter, vel in respectu. Deinde cum dicit quare et in declarat eamdem differentiam esse in materia secundum quod subjicitur ipsis. Et est intelligendum, quod primo secundum ordinem naturae est ponere materiam primam in elementis, quae secundum se una est omnium ipsorum, et de se in potentia solum: deinde autem formas substantiales distinguentes et determinantes ipsam circa qualitates primas per se et immediate consequentes formas elementorum: hujusmodi sunt calidum et frigidum, humidum et siccum, sicut apparet ex secundo de generatione, quarum elementa sunt substantia prima secundum se: deinde est ponere formas, per quas immediate inclinantur ad sua loca naturalia, quae sunt gravitas vel levitas simpliciter vel in respectu, quorum subjectum et causa sunt ipsa elementa in actu per qualitates primas, scilicet per caliditatem et frigiditatem et hujusmodi. Et quia subjectum rationem entis in potentia habet, quod competit materiae primae; ideo Aristoteles, ipsa elementa vel secundum se accepta, vel ut determinata sunt qualitatibus primis, quae sunt caliditas et frigiditas, et hujusmodi, vocat materiam gravitatis et levitatis simpliciter, vel in respectu quandoque in sequentibus: puta ut secundum hoc dicat duplicem materiam esse ipsorum: unam primam, quae una est omnium: aliam autem proximam, quae alia est in alio et alio. Dicit igitur Aristoteles, quod quia elementa continentia respectu contentorum habent rationem speciei, contenta autem rationem materiae: cum materia prima aliquo alio modo rationem habeat ordinis elementorum in formis substantialibus ad quas primo est in potentia: necesse est ipsam habere hanc habitudinem, vel secundum quod subjicitur uni ad seipsam, vel secundum quod subjicitur aliis, quam habent gravia et levia ad seinvicem: inquantum enim ipsa est in potentia ad elementum grave simpliciter, puta ad terram, quod habet rationem materiae, est quodammodo materia materiae: inquantum autem est in potentia ad illud quod sursum est, puta ad ignem, est materia simpliciter ejus quod rationem speciei habet et levis. Similiter proportionabiliter se habet secundum quod est in potentia ad formas elementorum mediorum, puta aquae et aeris: et hujusmodi materia prima secundum se accepta est quidem eadem secundum subjectum et naturam per privationem omnis formae distinguentis eam: secundum rationem autem alia et alia est: ratio enim et esse ejus accipitur ex formis, ad quas est in potentia, quas manifestum est esse multas, et diversas secundum rationem. Et ideo ipsa eadem secundum subjectum existens alia est secundum rationem et esse: quemadmodum subjectum sanitatis et infirmitatis unum quidem est secundum subjectum, differens autem secundum esse et rationem: et propter hoc infirmabile secundum quod infirmabile et sanabile secundum hoc quod est sanabile, quamvis sint idem subjecto, differunt tamen secundum esse et rationem, quia ratio eorum sumitur ex sanitate et infirmitate, quae differunt secundum rationem. Deinde cum dicit habens quidem assignat diversitatem quamdam corporum primorum, dicens, quod cum materia prima subjiciatur corpori continenti secundum rationem unam et esse, et corpori contento secundum aliam, manifestum est, quod corpus habens materiam idonee se habentem ad levitatem, puta ut determinata est ad caliditatem, est leve simpliciter, et sursum fertur quamdiu habet materiam talem: quod autem habet materiam contrarie se habentem, puta bene dispositam per frigiditatem ad gravitatem, est grave simpliciter, et semper movetur deorsum: quod autem habet materias alteras quidem ab istis, puta determinatas non caliditate et frigiditate excellentibus et maximis, sed remissis magis, quae quidem adinvicem sic se habent sicut materia gravis et levis simpliciter, sunt gravia et levia in respectu, non simpliciter; feruntur sursum et deorsum non simpliciter, sed in respectu, sicut habentia materias latas, idest natas ferri sursum et deorsum. Et propter hoc aer et aqua habentia materias tales habent utrumque, scilicet gravitatem et levitatem, et aqua subsidet omnibus praeterquam terrae, et aer per motum suum superfertur omnibus praeterquam igni, qui simpliciter superfertur omnibus. Deinde cum dicit quoniam autem concludit ex dictis numerum elementorum et numerum materierum. Et primo facit hoc. Secundo cum dicit, quod autem necessarium, probat aequalem esse numerum differentiarum, secundum quas movetur sursum vel deorsum primo, vel simpliciter vel in respectu. Circa primum primo facit quod dictum est. Secundo cum dicit in ea quidem, redit ad declarandum quod elementa intermedia habent gravitatem et levitatem in regionibus propriis. Circa primum concludit numerum elementorum, et ex hoc numerum materierum, dicens: quoniam, sicut dictum est prius, unum solum est elementum, quod omnibus aliis superfertur, puta ignis, et unum aliud, quod solum omnibus substat, puta terra; necesse est esse alia duo intermedia, quae superferuntur quibusdam vel alicui, et substant aliquibus vel alicui: quorum unum substat quidem igni, superfertur autem duobus aliis, sicut aer: aliud autem superfertur uni tantum, puta terrae, substat autem aeri et igni, sicut aqua. Ad evidentiam autem istius consequentiae si sint duo extrema, in corporibus primis, necesse est esse alia duo media, est intelligendum, quod oportet hic supponere quaedam declaranda in secundo de generatione: puta quod quodlibet elementum habet duas qualitates primas tangibiles, ut ignis caliditatem et siccitatem, aer caliditatem et humiditatem, et sic de aliis. Iterum, quod elementa consequenter se habentia conveniunt in una qualitate, et differunt in alia: distantia autem per elementum intermedium opponuntur secundum utramque. Terra autem et ignis conveniunt in una, puta in siccitate, differunt autem in alia, puta caliditate et frigiditate. Iterum oportet supponere quoddam aliud, quod supponebatur in primo hujus, et manifestum est ex se: quod si unum contrarium est in natura et reliquum. Et ex istis apparet ratio consequentiae ratiocinando sicut ratiocinabatur philosophus in secundo, ubi probavit quod sunt multi motus in superioribus. Sic, si sunt duo extrema elementa, manifestum est quod sunt ignis et terra: et si ignis et terra sunt, necesse est duo alia intermedia esse. Nam si unum contrariorum est in natura, necesse est et alterum inesse, sicut manifestum est: ignis autem est in natura, quia est calidus et siccus; ergo necesse est esse contrarium corpus ei secundum utramque qualitatem: hoc autem est frigidum et humidum, quod dicimus aquam. Iterum terra est quae est frigida et sicca: ergo necessarium est esse aliquid quod sit calidum et humidum: hoc autem dicimus aerem: ergo, si sunt duo extrema solum, necesse est esse alia duo media: si autem sunt elementa prima quatuor, manifestum est quod necesse est materias esse tot quot sunt ista quatuor. Vocat autem materias hic ipsam primam materiam ut determinata est formis elementorum et primis qualitatibus tangibilibus: ista enim sunt in potentia, secundum quod hujusmodi, ad gravitatem et levitatem, et sic materia ipsorum aliquo modo, ut dicebatur prius. Sic autem necesse est materias esse quatuor, ut materia prima communis omnium sit secundum se. Quod potest declarari etiam per alia multa: quia omnia elementa ex seinvicem generantur: quae autem ex seinvicem generantur materiam unam habent, et e contrario, sicut dicitur primo de generatione: et ideo quatuor elementa prima habent unam et eamdem materiam secundum subjectum, sed differentem secundum rationem et esse. Et adjungit ad declarationem primi, quod duorum contrariorum nihil prohibet esse unum aut plura media: omnia enim contraria primo et principaliter dicta medium habent, sicut probatur decimo metaphysicorum: quaedam quidem unum, quaedam autem plura: quamvis quaedam contraria simpliciter dicta sint immediata. Est autem intelligendum, quod Plato supponens duo elementa extrema, puta terram et ignem, et declaravit duo esse media ex hoc, quod si accipiantur duo solida, non possunt uniri per unum medium medio loco proportionabile: sed de necessitate sunt duo. Quod patet in numeris: si enim accipiantur primi duo solidi numeri, puta octo qui componuntur ex ductu binarii in seipsum bis, et viginti septem qui componuntur ex ductu ternarii in seipsum bis, inter istos duos non invenitur unus medio loco proportionabilis, sed duo de necessitate: quorum minor constituitur ex ductu radicis majoris, scilicet trium in linearem minoris, scilicet quatuor, quae faciunt duodecim. Alterum autem ex ductu radicis minoris, puta duorum, in superficialem majoris, puta novem, quae faciunt octodecim: et tunc proportio viginti septem ad octodecim est sicut istius ad duodecim, et illius ad octo: ubique enim est sesquialtera. Et quia accipiebatur, et rationabiliter, quod elementa oportet esse continue proportionabilia, ut quae est proportio primi ad secundum eadem istius ad tertium, et sic ulterius: ideo concludit quod inter duo extrema corpora oportet esse duo media. Deinde cum dicit in ea quidem probat quod elementa in regionibus propriis sunt graviora. Et primo proponit. Secundo cum dicit, propter quod, manifestat per signum. Primo igitur dicit, quod unumquodque elementorum gravitatem habentium et levitatem simul, habent gravitatem in regione propria, levitatem autem non habent nisi in illis quibus superferuntur: sicut aqua in terra, et aer in terra, et aqua omnino; terra autem in loco omnium gravitatem habet, quia simpliciter gravis est. Deinde cum dicit propter quod manifestat quod dictum est per signum primo. Secundo cum dicit, quemadmodum autem, ex quodam dicto infert corollarium. In prima parte dicit, quod signum hujusmodi quod inter media elementa in locis propriis secundum aliquid gravitatem habent, est quod subtractis elementis substantibus eis, moventur deorsum ad ea quae consequuntur: sicut aer remota aqua fertur ad regionem aquae, et aqua submota terra in regionem terrae. Si autem ignis supereminens aeri moveatur, aer non movetur in regionem ejus nisi per violentiam: quemadmodum contingit quod aqua trahatur in locum sursum, quando aliquod corpus planae superficiei applicatur superficiei aquae, ita quod fiat superficies una, contingit quod quando tunc aliquis trahit velocius corpus illud sursum quam aqua nata sit moveri deorsum, tunc aqua violentiam passa sequitur motum illius corporis sursum: si vero aliquis tardius traheret corpus illud quam aqua nata sit deorsum moveri, non sequeretur aqua motum ejus. Similiter etiam aqua non movetur in regione aeris nisi per violentiam, ut dictum est: terra vero per talem violentiam non movetur sursum in locum aquae vel aeris: quia non habet cum ipsis superficiem unam, eo quod ipsa propter siccitatem continuitatem non habet in partibus suis: nec etiam humiditatem, per quam bene fiat contigua superficiei aquae. Et propter hoc accidit quod, si accipiatur vas concavum, cujus orificium sit strictius quam fundus, et ponatur in ipso candela accensa, vel ipsum igniatur circa fundum, deinde orificium ejus immergatur aqua subvertendo ipsum, aqua distrahitur a loco suo naturali superius. Si autem idem vas applicetur terrae secundum eumdem modum, non movebitur terra sursum. Causa autem primi potest esse, quia caliditate candelae, vel etiam vasis accensi, aer inexistens rarefit et ignitur, ignitus autem et motus ad fundum vasis contrahitur in minorem locum propter duo: primo quidem, quia cum sit rarus et bene passibilis, et per consequens frigiditate aquae quae substat, vel accidentali vel essentiali infrigidatus ingrossatur, et ingrossatus contrahitur in minorem locum. Secundo, quia partes aeris ignitae moventur sursum continue, sicut igniuntur, quaerentes majorem locum; venientes autem ad fundum vasis repercutiuntur; repercussae autem involvunt se et ingrossantur, sicut vapor elevatus ab aqua bulliente in vase repercussus ab operculo ingrossatur, et fit aqua. Signum autem hujusmodi ingrossationis aeris potest esse, quod si frangatur vas dispositum, sicut dictum est prius, invenietur aqua in fundo; sicut dicit Averrois se invenisse quandoque. Compresso autem aere in minorem locum, simul tempore movetur aqua sursum sequens superficiem aeris: quia cum aqua similitudinem habet naturalem, nec intercidat vacuum secundum tantam quantitatem secundum quantam aer comprimitur. Si autem ab exteriori calefiat fundus vasis, descendit aqua inferius ad situm naturalem: quia propter caliditatem aer ingrossatus in fundo rarefit et redit ad priorem dispositionem. Causa autem quare terra non similiter movetur sursum vase similiter disposito ad ipsam, est quod continuitatem non habet in partibus suis, non bene contiguatur superficiei aeris, nec bene potest prohibere ingressum aeris exterioris propter porositatem partium. Si autem contingeret quod terra, cui copulatur vas, bene continua in suis partibus esset, nec permitteret ingressum aeris exterioris, necessarium esset vel ignem non agere in aerem rarefaciendo, puta quia extingueretur, aut vas disrumpi, aut ponere vacuum, aut terram sursum moveri; et rationabile esset accidere illud, quia minus haberet de inclinatione ad contrarium. Deinde cum dicit quemadmodum autem infert corollarium ex dictis; dicens, quod sicut terra non movetur sursum, sequendo superficiem corporis superlati, ita nec ignis moveatur deorsum a moto aere, nisi per violentiam. Sicut enim terra non habet aliquam levitatem, qua de loco suo possit sursum moveri, ita nec ignis aliquam gravitatem, per quam feratur deorsum; duo autem media moventur deorsum remotis substantibus corporibus scilicet aer et aqua, quoniam hoc, idest terra, simpliciter gravis est, et omnibus substat, et ideo sursum non movetur; hoc, autem, idest elementum intermedium; est grave in respectu in regione sua secundum aliquid, aut saltem in loco illorum quibus supponitur propter similitudinem materiae ad simpliciter grave; non quidem simpliciter primae, sed ejus quae proxima est, scilicet materiae primae, ut determinata est frigiditate, quae est per se dispositio subjecti vel causa gravitatis. Et ideo aer, secundum quod frigidus est secundum aliquid, et aqua, gravitatem quamdam habet secundum quid sicut terra simpliciter; et ideo distractis inferioribus moventur deorsum. Dubitabit autem aliquis et rationabiliter, utrum aer in regione propria gravitatem habet per quam feratur deorsum. Et, quod sic, videtur Aristoteles probare prius experimento. Si enim accipiatur uter de corio subtili, et infletur aere in loco aeris existens, velocius descendet inferius, quam non inflatus; hoc autem non esset, nisi aer gravitatem haberet in loco suo per quam descenderet. Nunc probavit illud idem ex alio signo; quoniam aer et aqua submotis corporibus substantibus eis, moventur deorsum a regionibus suis. Ignis autem si removeretur aer, non feretur secundum se deorsum nisi per violentiam, ut dicit; hoc autem non esset, nisi aer et aqua gravitatem haberent in locis suis per quam moventur deorsum. Praeterea prius dixit in tertio quod aer et aqua sunt necessaria in motu projectorum; quia habent naturam gravis et levis, per quam possunt deorsum et sursum faciliter moveri; cum ergo motus projectorum fiat in ipso aere ad deorsum, oportet ipsum habere, gravitatem, per quam deorsum feratur. In oppositum autem est Ptolomaeus, libro de ponderibus; ubi conatur ostendere, quod in sui regione aer nec aqua gravitatem habent. Et quod quidam aqua non habeat, ostendit ex eo, quod immergentes se in aqua, quamvis ad magnam profunditatem submergantur, non sentiunt gravitatem ipsius; videtur autem quod deberent sentire si gravis esset; non habet igitur gravitatem, ut videtur, in loco suo. De aere autem hoc probat, asserens contra Aristotelem quod uter repletus aere levior est seipso non repleto: quod non esset, si aer gravitatem haberet in loco suo. In contrarium similiter est Themistius expositor Aristotelis, sicut dicit Averrois: si enim haberet levitatem in loco suo, moveretur ex ipso naturaliter. Sed est intelligendum adhuc quod de aere possumus loqui duobus modis; uno modo secundum se et secundum naturalem dispositionem ipsius: alio autem modo secundum accidens, et secundum dispositionem praeternaturalem ejus, secundum quod hujusmodi. Si consideremus aerem secundum se et secundum naturalem dispositionem ejus, non habet aliquam gravitatem, per quam ex loco suo moveatur deorsum; quoniam aer secundum naturalem dispositionem ejus habet qualitatem unam simplicem, quae est principium sui motus naturalis; quod ostendit simplicitas formae substantialis ipsius, quae est per se causa illius, et etiam unitas loci et simplicitas, ad quam per ipsa movetur per se. Per istam autem qualitatem simplicem quiescit in loco suo naturali cum est in eo, et movetur ad ipsum ubicumque fuerit, sive deorsum in loco terrae vel aquae, sive sursum in loco ignis. Si autem per ipsam movetur ad locum suum et quiescit in eo, ergo per ipsam non movebitur ex ipso; impossibile enim est quod aliquod corpus simplex moveatur per unam formam simplicem ad aliquem locum et ex illo iterum moveatur; cum per istam quiescat in loco suo, per ipsam non movetur ex illo. Si igitur non habeat nisi unam formam simplicem, per quam movetur naturaliter, manifestum est quod aer secundum naturalem suam dispositionem consistens non habet per quid moveatur a regione sua: et sic locutus fuit Themistius, ut apparet ex virtute rationis suae, quae jam tacta est. Sic etiam verum dixit Ptolomaeus quod aer in loco suo gravitatem non habet. Et si aere existente in dispositione tali impleatur uter, levior erit seipso non impleto; et sic rationabile est ipsum expertum fuisse, sicut dicebatur prius. Si autem loquamur de aere secundum accidens et dispositionem ejus praeternaturalem, sic nihil prohibet ipsum in regione sua aliquam habere gravitatem; contingit enim aerem propinquum terrae vel aquae frigiditate ipsorum ingrossari et infrigidari praeter naturam ejus, sicut aqua calefit ab igne. Et, quia frigiditas est causa gravedinis, contingit ipsum fieri gravem praeter naturam suam, et per consequens ipsum moveri deorsum ad locum aquae. Sic igitur aer per accidens, secundum quod hujusmodi, gravis est in aliqua parte regionis suae, et per accidens movetur deorsum; ipse autem sic ingrossatus et gravis factus, secundum quod hujusmodi, habet principium per quod moveatur deorsum: sicut etiam nihil prohibet aerem in parte superiori subtiliatum caliditate ignis praeter naturalem dispositionem ejus moveri secundum aliquid ad regionem ignis, et ignem in inferiori parte ejus ingrossari humiditate aeris, vel aliqua alia causa moveri deorsum ad regionem aeris secundum aliquid. Et secundum hunc modum loquitur hic Aristoteles de aere, quando dicit, ipsum habere gravitatem in regione sua, et moveri deorsum distractis inferioribus; et secundum hoc potest esse verum, quod, si uter repleatur aere sic disposito, gravior sit seipso non repleto. Quod autem dicitur, quod motus projectionis non posset fieri in aere nisi gravitatem haberet in loco suo, dicendum est, quod non est de necessitate motus projectorum medium esse grave vel leve; sed ista sunt coadjuvantia ipsum secundum quod hujusmodi, secundum quod expositum fuit prius, ubi Aristoteles de hoc fecit mentionem. Eodem modo est intelligendum de aqua, quod qualitatem unam habet secundum se, secundum quam quiescit in loco suo simplici, et movetur ad ipsum ubicumque fuerit, aut in loco aeris sursum vel deorsum: et per istam impossibile est quod moveatur loco suo naturali ad locum terrae, secundum quod Averrois dixit super primum hujus, quod aqua non potest moveri naturaliter ad locum terrae, si moveretur terra. Et ideo, si habeat tantum unam qualitatem, quae est in ea principium motus, non habet virtutem, per quam moveatur ad locum terrae, secundum naturalem dispositionem ejus accepta, vel ad locum aeris sursum secundum accidens; tamen nihil prohibet partem ejus propinquam terrae ingrossari et gravem fieri propter frigiditatem terrae, et secundum aliquid moveri ad locum terrae. Similiter partem ejus superiorem caliditate aeris subtiliari et levificari, et secundum aliquid moveri ad regionem aeris, sicut apparet in vapore, si quidem vapor substantialiter sit aqua. Sic igitur aqua, secundum naturalem dispositionem ejus accepta, qualitatem habet aliquam, per quam movetur ad locum suum, et quiescit in eo naturaliter, quam dicimus gravitatem quamdam, per quam tamen non movetur ex loco suo ad locum terrae secundum quod hujusmodi. Et secundum hoc verum dixit quoquomodo Ptolomaeus quod aqua non habet gravitatem in loco suo, per quam in ipso vel ex ipso moveatur: nihil tamen prohibet eam habere qualitatem naturalem, per quam moveatur ad ipsum, et ab ipso quiescat, et praeternaturalem, per quam ex ipso moveatur, sicut Aristoteles loquitur hic. Deinde cum dicit quod autem probat quod differentiae, quibus elementa moventur ad loca sua naturalia, sunt aequales ipsis elementis, et differentes adinvicem, sicut formae elementorum. Et primo praemittit conclusionem suam; dicens, quod manifestum est ex dicendis, quod differentiae elementorum, quibus determinantur in ordine ad motum, sunt aequales numero formis essentialibus ipsorum. Deinde cum dicit si quidem probat eam: et videtur innuere rationem istam. Si esset una differentia, per quam determinantur omnia, sequerentur impossibilia: si etiam essent duae, sequerentur etiam impossibilia; similiter si essent tres; ergo esse unam, vel duas, vel tres differentias, est impossibile; ergo relinquitur quod necesse est esse quatuor, unam ignis, aliam aeris, et sic in aliis. Circa rationem istam procedit sic. Quoniam primo probat quod posita una vel duabus, sequentur impossibilia. Secundo cum dicit, necesse quidem igitur quemadmodum, ponit conclusionem. Circa primum primo ponit duo inconvenientia, quae sequuntur posita una tantum. Secundo cum dicit, si autem duo, ea, quae sequuntur positis duabus. Circa primum primo ponit duo inconvenientia in genere, cum dicit: et intermediorum. In prima parte dicit, quod, si est una materia, idest una differentia materialis, per quam inclinantur ad motum omnia elementa, differens in illis secundum plus et minus, sicut ponunt dicentes vacuum, aut plenum, aut magnitudinem, aut triangulos, sicut dictum est prius; sequitur aut quod omnia movebuntur sursum, aut omnia deorsum; ita quod alter motus non erit alio solo existente. Et, si omnia moventur deorsum, quamvis quaedam velocius aliis, aut quia sunt ex majoribus magnitudinibus ejusdem, sicut quidam posuerunt: aut ex pluribus triangulis, sicut alii: aut quia plus de pleno, sicut Democritus: sequetur quod nihil erit leve simpliciter, quod simpliciter sursum natum est moveri. Si autem illa una differentia sit vacuum, aut aliquid aliud tale; quod moveatur sursum semper, quamvis magis et minus; non erit simpliciter grave: quia semper natum est moveri deorsum: nunc autem videmus, et ostensum est prius, quod quoddam semper fertur deorsum ubicumque fuerit, et quoddam semper sursum undecumque: ergo manifestum est, quod non est tantum una differentia omnium. Deinde cum dicit et intermediorum ponit secundum inconveniens, dicens: si sit una differentia omnium, sequetur quod aliquae partes intermediorum corporum erunt graviores terra. Manifestum est enim quod in multa aqua vel magno aere erit plus de illa una differentia, puta de triangulis, aut solidis, aut etiam de corporibus parvis, quam in parva quantitate terrae. Sequetur igitur, quod magna pars aeris vel aquae velocius movebitur quam parva pars terrae; nunc autem non videmus aliquam particulam aeris velocius deorsum latam, quam aliquam partem terrae; ergo non erit una differentia omnium. Similiter autem potest argui et de levi, si aliquis dicat quod vacuum vel aliquid hujusmodi superabundans sit causa levitatis; contingit enim invenire aerem magnum, vel aquam magnam, in qua plus erit de vacuo vel de materia illa, quam in parvo igne: quare magnus aer vel aqua velocius movebitur sursum, quam parvus ignis: quod est impossibile; ergo impossibile est omnium esse differentiam unam. Deinde cum dicit si autem tangit inconvenientia, quae sequuntur ponentibus duo elementa prima, vel duas differentias omnium elementorum, sicut dixerunt ponentes vacuum et plenum, vel rarum et densum; dicentes vacuum vel rarum causam levis, plenum vero et densum causam vacui: dicens, quod si aliquis ponit duas differentias esse proxima elementa omnium corporum, puta, si aliquis dicat esse vacuum et plenum, vacuum quidem dicens esse causam levis simpliciter et ignis, plenum autem causam gravis simpliciter et terrae: aer autem plus habet de natura vacui vel ignis et minus de natura solidi et terrae, aqua autem e contrario: tunc quaerendum est, quomodo elementa intermedia faciunt ea quae apparent nobis in aere et aqua. Ut apparet enim nobis, aer et quaelibet particula ejus supernatat aquae, aqua autem et quaelibet particula ejus subsidet ipsi aeri: quod non poterit contingere, si sint duae differentiae omnium elementorum proximae: continget enim esse aliquam partem aquae tantam, quae habebit plus de igne et vacuo, quam modicus aer: quare velocius movebitur sursum hujusmodi aqua, quam modicus aer, et supernatabit ei. Iterum continget esse aliquam quantitatem aeris tantam, in qua erit plus de terra et pleno, quam in modico aere: quare velocius feretur magnus aer deorsum, quam modica aqua: hoc autem nunquam videmus contingere, imo magis oppositum: ergo manifestum est quod non erunt duo elementa proxima omnium. Deinde cum dicit necesse igitur inducit conclusionem principalem; dicens, quod cum non sit una differentia, quae sit proximum elementum omnium, nec etiam duae, et eadem ratio est de tribus; necesse est esse aequales differentias simplicium corporum, ita ut unumquodque ipsorum subsistat per propriam differentiam: ita quod sicut ignis subsistit per propriam differentiam, puta per vacuum, et sursum movetur propter ipsum, et alia non, et sicut terra subsistit per propriam, puta per plenum, et deorsum fertur propter ipsum, ita quod aerem necesse est subsistere per propriam differentiam et moveri sursum et superius aqua, propter propriam: et aquam propter propriam determinari et ferri deorsum et sub aere propter ipsam. Quoniam, si esset una differentia amborum intermediorum proxima, aut etiam duae, ita quod etiam ambae duae inexisterent utrique intermediorum, sequerentur praedicta inconvenientia: esset enim ponere aliquam magnam multitudinem utriusque, in qua plus esset de alterutra differentia quam de altera: ita quod esset aliqua magnitudo aquae, in qua plus esset de differentia levis, quam in modico aere: quare velocius descenderet deorsum tanta aqua, quam modicus aer. Iterum contingeret esse aliquam quantitatem aeris, in qua esset plus de differentia gravis quam in modica aqua: quare velocius descenderet quam aqua illa: hoc autem nunquam videmus contingere, sicut dictum est, ergo nec contingit esse unam aut plures differentias omnium. Deinde cum dicit figurae autem ostendit quod figurae ipsorum elementorum non sunt causae per se motus ad loca sua, sed concausae tantum, vel coadjuvantes. Fuerunt enim aliqui, qui posuerunt hoc. Et circa hoc primo praemittit conclusionem suam: secundo cum dicit, dubitatur enim, manifestat eam. In prima parte dicit, quod figurae ipsorum elementorum non sunt causae principaliter propter quas ferantur sursum vel deorsum: sicut quidam posuerunt ignem, quia pyramidalis figurae est, aut sphaericae, sursum moveri: sed magis sunt causa ejus, quod est velocius aut tardius moveri: nec est difficile videre causas propter quas haec contingant. Deinde cum dicit dubitatur enim manifestat eam ex dissolutione quorumdam dubitationum: quas primo praemittit. Secundo cum dicit, de his autem omnibus, dissolvit eas. In prima parte dicit quod dubitabit aliquis propter quam causam ferrea et plumbea, quamvis sint graviora secundum naturam, cum sint latae figurae, supernatant aquae; cum autem sunt rotunda aut longa, quamvis minora sint, feruntur deorsum, sicut acus. Secundo propter quid partes quorumdam corporum gravitatem habentium, et terrea existentia, natant in aerem, sicut auri folia. Deinde cum dicit de his autem dissolvit dubitationes. Et primo tangit solutionem Democriti ad ipsas, et instantiam contra ipsum. Secundo cum dicit, quoniam autem sunt hic, ponit solutionem veram: ex qua apparet, quod figurae non sunt causae per se motus corporum, sed coadjuvantes magis. Dicit igitur primo, quod non est rectum credere causam istorum esse, quam Democritus assignavit. Ille enim dixit, quod exhalationes seu vapores calidi elevati ex aqua sursum obviantia corpori gravi habenti latitudinem, contrapellunt ipsum esse sursum: et ideo faciunt ipsum sistere: corpora autem gravia strictae figurae statim decidunt, quia exhalationes paucae obviant eis contrapellentes propter similitudinem ipsorum. Obviabat autem ipsemet sibi quod, si haec erat causa, quare corpora latae figurae superferuntur in aqua, oportebat magis ista contingere in aere, quoniam plura calida sunt in aere quam in aqua, quae magis expellere possunt. Sed ipse ponens instantiam hanc, debiliter removet eam: dicit enim quod exhalationes calidae elevatae in aere diffunduntur, et disperguntur. Ipsis autem dispersis, seyn non facit impetum in unum, ut sursum possit tenere et repellere suprapositum corpus, quamvis sit latae figurae. Appellat autem seyn motum corporum, quae feruntur sursum. Facit etiam ad hoc mobilitas aeris, in qua aere densiori et grossiori existente inspissantur exhalationes elevatae, et ideo motus ipsorum fortiorem impetum facit in corpus supra positum. Deinde cum dicit quoniam autem ponit solutionem veram dubitationum praedictarum, ex qua apparet proposita conclusio. Quod primo facit: secundo cum dicit, de gravi igitur, recapitulat. Circa primum primo praemittit quaedam, ex quibus dissolvuntur dubitationes; secundo cum dicit, habentia quidem, explicat solutionem. In prima igitur parte volens assignare causas, propter quas figurae faciunt ad facilitatem motus, et non sint causa principalis ipsius, et dissolvere dubitationes, praemittit duo: primo, quod corporum continuorum quaedam sunt bene divisibilia, sicut aer; quaedam minus talia: sicut terra vel aqua. Secundo, quod corporum, quaedam sunt bene divisiva, quaedam autem male divisiva; sunt autem de facili quae sunt humida et bene terminabilia termino alieno: et illa magis quae magis talia, sicut aer divisibilior est quam aqua, quia humidior et magis terminabilis quam ipsa: et in eodem etiam genere minus est magis divisibile, quia magis passibilius quam majus: bene autem divisiva sunt quae sunt acutae vel angularis figurae, et ita oportet putare, esse causas dubitatorum magis. Deinde cum dicit habentia quidem explicat solutionem; dicens, quod habentia latitudinem figurae, propter latitudinem multum comprehendunt de corpore supposito eis, et quia non possunt dividere eum de facili, quia non sunt bene divisa, supernatant eis: e contrario autem habentia figuram strictam, vel etiam acutam, parum comprehendunt de corpore supposito eis, et ideo de facili dividunt ipsum, tum quia ipsa bene divisiva sunt, tum quia paucum bene divisibile est, propter quod movetur deorsum per ipsum: et hoc magis contingit in aere quam in aqua, quia facilius divisibilis est, sicut dictum est. Sed est intelligendum, quod corpora gravitatem habentia, habent quamdam virtutem, secundum quam nata sunt deorsum moveri determinatam: et similiter corpora continua habent quamdam virtutem ad non dividi. Istas igitur virtutes in motu comparare oportet, quae ipsarum excedat. Si enim virtus corporis gravis ad motum deorsum fortior sit quam virtus continui ad dividi, dividet ipsum et transibit deorsum velocius: si autem fuerit debilioris virtutis, non dividet, sed superferetur ei. Ex quo apparet, quod figura corporum non est causa essentialis motus ipsorum, sed tantum majoris velocitatis aut tarditatis ipsius. Deinde cum dicit de gravi recapitulat determinata in hoc quarto; dicens quod sic quidem determinatum sit a nobis de gravi et levi simpliciter, et in respectu: et de accidentibus circa ipsa, quae primo reperiuntur in corporibus primis, quorum conditor primus est Deus benedictus in saecula saeculorum. Amen.