Docteur de l'Eglise
Commentaire du Traité du ciel et du monde dAristote
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Livres 1, 2 et 3, Copyright et traduction par Barbara Ferré, 2008, 2009
Prologue traduit
par Guy Delaporte, 2004
Edition numérique https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique
2008
Les uvres complètes de
saint Thomas d'Aquin
Prologue [Situation de ce livre dans les sciences]
Leçon 1 [La science de la nature porte
surtout sur les corps et les grandeurs]
Leçon 2 [Létude de lunivers matériel]
traduction par Barbara Ferré, 2008
Leçon 3 [Les cinq éléments qui composent le
monde]
Leçon 4 [Les éléments du monde : étude
par le mouvement des corps]
Leçon
5 [La nature de la quintessence]
Leçon 6 [La quintessence nest pas soumise à
la génération et à la corruption]
Leçon 7 [La quintessence nest pas sujet à
laugmentation et à la diminution]
Leçon 8 [Lunivers infralunaire est composé
de quatre éléments seulement]
Leçon 9 [Lunivers est-il infini en
taille ?]
Leçon 10 [Lunivers nest pas infini en
taille, preuve par le temps]
Leçon 11 [Lunivers nest pas infini en
taille, preuve par la surface]
Leçon 12 [Lunivers nest pas infini en
taille, preuve par les corps se mouvant en ligne droite]
Leçon 13 [Lunivers nest pas infini en
taille, autre preuve]
Leçon 14 [Lunivers nest pas infini en
taille, preuves par laction et la passion]
Leçon 15 [Lunivers nest pas infini en
taille, preuves logiques]
Leçon 16 [Y a-t-il un nombre infini
dunivers ?]
Leçon 17 [Lunicité du monde, preuve par le
mouvement vers un lieu]
Leçon 18 [Le mouvement vise toujours un lieu
déterminé]
Leçon 19 [Autre preuve : il ne peut y
avoir dautre monde]
Leçon 20 [Le monde est composé de toute sa
matière]
Leçon 21 [Il ny a rien en dehors du ciel,
ni lieu, ni vide, ni temps]
Leçon 22 [Lunivers est-il éternel ?
opinion de Platon]
Leçon 23 [Xénocrate et lhypothèse dun
monde créé quoique incorruptible]
Leçon 24 [Préalable à lopinion
dAristote : Définition de lengendré et du corruptible]
Leçon 25 [Préalable à lopinion
dAristote : Définition du possible et de limpossible]
Leçon 26 [Lopinion dAristote : toute
chose éternelle est non engendrée et incorruptible]
Leçon 27 [Comparaison de léternel et du
corruptible]
Leçon 28 [ce qui peut être engendré et ce
qui peut être corrompu simpliquent mutuellement]
Leçon 29 [Rejet de lopinion contraire à la
précédante]
Leçon 1 [Léternité du ciel]
Leçon 2 [Opinions des philosophes sur les
parties du ciel]
Leçon 3 [Opinion dAristote sur les parties
du ciel]
Leçon 4 [Les multiples sphères célestes]
Leçon 6 [le ciel est sphérique arguments-]
Leçon 7 [Le mouvement du ciel]
Leçon 8 [Luniformité du mouvement du ciel]
Leçon 10 [La nature des étoiles]
Leçon 11 [le mouvement des étoiles]
Leçon 12 [Le mouvement des étoiles est un
cercle arguments-]
Leçon 14 [Le son des étoiles]
Leçon 15 [Lordre et la place des étoiles]
Leçon 16 [La forme des étoiles]
Leçon 17 [Difficultés sur les étoiles]
Leçon 19 [Solutions aux difficultés sur les
étoiles suite-]
Leçon 20 [Lemplacement de la terre]
Leçon 21 [Le mouvement de la terre]
Leçon 22 [Limmobilité de la terre]
Leçon 23 [La cause de limmobilité de la terre]
Leçon 24 [Autres raisons sur limmobilité de
la terre]
Leçon 26 [Lopinion dAristote sur la terre]
Leçon 27 [Lopinion dAristote sur la forme
de la terre]
Leçon 28 [Autre preuve de la rontondité de
la terre]
Livre 3
[Les autres corps simples, cest-à-dire le lourd et le léger]
Leçon 1 [les corps ayant un mouvement droit]
Leçon 2 [Opinions des anciens philosophes]
Leçon 3 [Lopinion de Platon est-elle
vraie ?]
Leçon 4 [Réfutation de Platon par Aristote]
Leçon 5 [Le mouvement naturel des corps
naturels]
Leçon 6 [Réfutation de lopinion de Platon
sur les mouvements naturels]
Leçon 7 [Les corps qui se déplacent
naturellement en ligne droite ont pesanteur et légèreté]
Leçon 8 [Comment se produisent génération et
mouvement ?]
Pierre
dAuvergne : suite du commentaire du livre du Ciel et du monde
Livre 4
(commenté par Pierre dAuvergne)
Prooemium |
Prologue
[Situation de ce livre dans les sciences]
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[70814] In De caelo, pr. 1 Sicut philosophus dicit in I Physic., tunc opinamur
cognoscere unumquodque, cum causas cognoscimus primas, et principia prima, et
usque ad elementa. Ex quo manifeste philosophus ostendit in scientiis
esse processum ordinatum, prout proceditur a primis causis et principiis
usque ad proximas causas, quae sunt elementa constituentia essentiam rei. Et
hoc est rationabile: nam processus scientiarum est opus rationis, cuius
proprium est ordinare; unde in omni opere rationis ordo aliquis invenitur,
secundum quem proceditur ab uno in aliud. Et hoc patet tam in ratione
practica, cuius consideratio est circa ea quae nos facimus, quam in ratione
speculativa, cuius consideratio est circa ea quae sunt aliunde facta. |
Selon le philosophe au début de sa Physique, Ğ nous pensons connaître quelque chose lorsque nous connaissons ses causes et ses principes premiers, et jusqu'à ses éléments. ğ Il veut nous montrer par là qu'il y a un ordre de procéder dans les sciences consistant à partir des premières causes et des premiers principes pour aller jusqu'aux causes les plus immédiates : les éléments constituant l'essence de la réalité en question. Et cela est rationnel : lavancement des sciences est effectivement une uvre de la raison où l'on trouve, comme dans chacune de ses réalisations, une progression ordonnée d'un point à un autre. On le constate aussi bien pour la raison pratique, dont la considération porte sur ce que nous faisons, que pour la raison spéculative, qui étudie ce qui a été fait ailleurs. |
[70815] In De caelo, pr. 2 Invenitur autem processus de priori ad posterius in
consideratione practicae rationis secundum quadruplicem ordinem: primo quidem
secundum ordinem apprehensionis, prout artifex primo apprehendit
formam domus absolute, et postea inducit eam in materiam; secundo secundum
ordinem intentionis, secundum quod artifex intendit totam domum
perficere, et propter hoc facit quidquid operatur circa partes domus; tertio
secundum ordinem compositionis, prout scilicet prius dolat lapides, et
postea compingit eos in unum parietem; quarto secundum ordinem sustentationis
artificii, prout artifex primo iacit fundamentum, super quod ceterae
partes domus sustentantur. Similiter etiam invenitur quadruplex ordo in
consideratione rationis speculativae. Primus quidem secundum quod proceditur
a communibus ad minus communia. Et hic ordo respondet proportionaliter primo
ordini, quem diximus apprehensionis: universalia enim considerantur
secundum formam absolutam, particularia vero secundum applicationem formae ad
materiam; sicut philosophus in I de caelo dicit quod qui dicit caelum,
dicit formam, qui autem dicit hoc caelum, dicit formam in materia. Secundus ordo est secundum quod proceditur a toto ad
partes. Et hic ordo proportionaliter
respondet ordini quem diximus intentionis, prout scilicet totum est
prius in consideratione quam partes, non qualescumque, sed partes quae sunt
secundum materiam et quae sunt individui; sicut semicirculus, in cuius
definitione ponitur circulus (est enim semicirculus media pars circuli), et
acutus angulus, in cuius definitione ponitur rectus (est enim acutus angulus
minor recto). Accidit autem circulo et recto angulo sic dividi: unde
huiusmodi non sunt partes speciei. Huiusmodi enim partes sunt priores in
consideratione quam totum, et ponuntur in definitione totius, sicut carnes et
ossa in definitione hominis, ut dicitur in VII Metaphys. Tertius autem ordo
est secundum quod proceditur a simplicibus ad composita, inquantum composita
cognoscuntur per simplicia, sicut per sua principia. Et hic ordo comparatur
tertio ordini, quem diximus compositionis. Quartus autem ordo est
secundum quod principales partes necesse est prius considerare, sicut cor et
hepar quam arterias et sanguinem. Et hic proportionatur practico ordini,
secundum quod fundamentum prius iacitur. |
Le développement du raisonnement pratique suit un quadruple ordre. Un de saisie tout d'abord : ainsi, lartisan conçoit la forme de la maison pour elle-même avant de la matérialiser. Un d'intention ensuite, car ce même artisan qui veut porter la maison à son achèvement, s'occupe de chaque étape qui concourt à sa réalisation. Un de composition en outre, car il commence par tailler les pierres puis les assemble en un mur. Un de soutènement enfin, car il creuse d'abord les fondations sur lesquelles tout le reste reposera. Analogiquement, on retrouve ces quatre mêmes démarches avec la raison spéculative. Elle passe d'abord du commun au moins commun, ce qui correspond, toutes proportions gardées, à notre premier ordre dit de saisie. Le concept universel renvoie à la forme comme telle tandis que le concept particulier renvoie à la forme matérialisée. Aristote écrit par exemple au premier livre du Traité du Ciel : qui dit Ğ galaxie ğ dit la forme seule, mais qui dit Ğ cette galaxie ğ dit une forme matérialisée. Deuxièmement, elle passe du tout aux parties, ce qui correspondrait à l'ordre d'intention : on considère en effet le tout avant ses parties matérielles, c'est à dire celles qui l'individualisent ; dans la définition du demi-cercle par exemple, est déjà posée celle du cercle ( le demi-cercle est Ğ la moitié d'un cercle ğ ), et la définition de l'angle aigu suppose celle de l'angle droit (l'angle aigu est un angle inférieur à 90°) ‑ lorsque le cercle ou l'angle droit sont divisés, il ne s'agit pas de parties spécifiques, car la considération de ces dernières précède celle du tout et intervient dans sa définition -. Troisièmement elle passe du simple au complexe puisque ce dernier est connu par les éléments simples qui en sont les principes. On peut comparer cela à l'ordre dit de composition. Quatrièmement, elle doit considérer en premier les parties principales, comme par exemple le cur ou le foie, avant les artères ou le sang, analogiquement à l'ordre pratique qui commence par poser les fondements. |
[70816] In De caelo, pr. 3 Et hic quadruplex ordo consideratur etiam in processu
scientiae naturalis. Nam primo determinantur communia naturae in libro
physicorum, in quo agitur de mobili inquantum est mobile. Unde restat in
aliis libris scientiae naturalis huiusmodi communia applicare ad propria
subiecta. Subiectum autem motus est magnitudo et corpus: quia nihil movetur
nisi quantum. In corporibus autem est attendere tres alios ordines: uno
quidem modo secundum quod totum universum corporeum est prius in
consideratione quam partes eius; alio modo secundum quod simplicia corpora
prius considerantur quam mixta; tertio secundum quod inter simplicia corpora
prius necesse est de priori considerare, scilicet de caelesti corpore, per
quod omnia alia firmantur. Et haec tria in hoc libro aguntur, qui apud
Graecos intitulatur de caelo. Traduntur enim in
hoc libro quaedam pertinentia ad totum universum, sicut patet in primo libro;
quaedam pertinentia ad corpus caeleste, sicut patet in secundo; quaedam
pertinentia ad alia simplicia corpora, sicut patet in tertio et quarto. Et ideo rationabiliter hic liber ordinatur primus post
librum physicorum. Et propter hoc statim in principio huius libri agitur de
corpore, cui necesse est applicari omnia quae tradita sunt de motu in libro
physicorum. |
Aussi retrouve-t-on ces quatre ordres dans le
développement des sciences de la nature. Les concepts communs de la nature
sont mis au point dès |
[70817] In De caelo, pr. 4 Quia igitur diversa in hoc libro traduntur, dubium fuit
apud antiquos expositores Aristotelis de subiecto huius libri. Alexander enim
opinatus est quod subiectum de quo principaliter in hoc libro agitur, sit
ipsum universum. Unde, cum caelum tripliciter dicatur, quandoque ipsa ultima
sphaera, quandoque totum corpus quod circulariter movetur, quandoque autem ipsum
universum, asserit hunc librum intitulari de caelo, quasi de universo vel de
mundo: in cuius assertionem assumit quod philosophus in hoc libro determinat
quaedam ad totum universum pertinentia, puta quod sit finitum, quod sit unum
tantum, et alia huiusmodi. E contrario autem aliis videtur quod subiectum de
quo principaliter in hoc libro intenditur, est corpus caeleste quod
circulariter movetur; et propter hoc intitulatur de caelo. De aliis autem
corporibus determinatur in hoc libro vel ex consequenti, inquantum
continentur a caelo et eius influentiam recipiunt, sicut Iamblichus dixit;
vel per accidens, inquantum aliorum corporum notitia assumitur ad
manifestandum ea quae dicuntur de caelo, ut dixit Syrianus. Sed hoc non
videtur probabile: quia postquam philosophus in secundo libro determinavit de
caelo, in tertio et quarto subiungit considerationem de aliis simplicibus
corporibus, quasi principaliter de eis intendens. Non enim consuevit
philosophus principalem partem alicuius scientiae assignare his quae per
accidens assumuntur. Et ideo aliis visum est, sicut Simplicius dixit, quod
intentio philosophi in hoc libro est determinare de simplicibus corporibus,
inquantum conveniunt in communi intentione simplicis corporis: et quia inter
simplicia corpora principalius est caelum, a quo alia dependent, ideo
denominatur totus liber a caelo. Et, sicut dicit, non obstat quod in hoc
libro determinantur quaedam quae pertinent ad totum universum: quia huiusmodi
conditiones conveniunt universo inquantum conveniunt caelesti corpori,
scilicet esse finitum et sempiternum, et alia huiusmodi. Si autem intentio
principalis philosophi esset determinare de universo, sive de mundo,
oporteret quod Aristoteles considerationem suam extenderet ad omnes partes
mundi, etiam usque ad plantas et animalia, sicut Plato in Timaeo. Sed eadem ratione possumus arguere contra
Simplicium: quia si in hoc libro principaliter intenderet de corporibus
simplicibus, oporteret quod omnia quae pertinent ad corpora simplicia in hoc
libro traderentur; nunc autem in hoc libro traduntur solum ea quae pertinent
ad levitatem et gravitatem ipsorum, alia vero traduntur in libro de
generatione. |
Ce livre aborde beaucoup de problèmes, et les anciens commentateurs d'Aristote se sont interrogés sur son sujet. De l'avis d'Alexandre, c'est principalement l'univers lui-même. Le mot Ğ ciel ğ désigne en effet tantôt la sphère ultime, tantôt tout corps animé de mouvement circulaire, tantôt l'univers entier ; aussi ce commentateur affirme-t-il que le titre Ğ Du Ciel ğ équivaut à Ğ De l'Univers ğ ou bien à Ğ Du Monde ğ, montrant par-là qu'Aristote arrive à des conclusions qui concernent l'univers dans son ensemble, comme sa finitude, son unicité, etc. D'autres, au contraire, ont vu comme sujet principal le corps céleste animé de mouvement circulaire. Doù son titre Ğ Du Ciel ğ. Les autres corps physiques y sont abordés soit parce quils sont contenus dans le ciel et reçoivent son influence, comme le pense Jamblique, soit parce quon a accidentellement besoin de connaître d'autres corps pour éclairer son propos sur le ciel, selon les dires de Syrianus. Mais il parait peu probable qu'après que le philosophe a traité du ciel au second livre, il ait joint aux deux suivants des considérations sur les corps simples, exactement comme s'il en faisait son sujet premier. Il n'est pas en effet dans les habitudes d'Aristote de regarder comme partie principale d'une science des données accidentelles. Il a semblé à d'autres, et à Simplicius, que l'intention de ce livre était de traiter des corps de structure simple dans ce qu'ils ont de commun. Cet ouvrage prendrait son titre du ciel parce que celui-ci est le plus important d'entre eux et leur fondement. En disant cela, on justifie que le texte aborde la question de l'univers : certaines propriétés sont en effet communes aux corps célestes et à l'univers (la finitude, léternité, ...), mais si l'intention essentielle d'Aristote avait été de parler de l'univers ou du monde, il aurait étendu sa considération à tous les aspects de celui-ci, y compris aux plantes et aux animaux comme Platon dans son Ğ Timée ğ. Pourtant le même argument se retourne contre Simplicius : s'il s'agissait premièrement de l'étude des corps de structure simple, il aurait fallu parler de tout ce qui leur appartient, et non pas seulement, comme c'est le cas, de leur gravitation, en abandonnant le reste au traité de la Ğ Génération ğ. |
[70818] In De caelo, pr. 5 Et ideo rationabilior videtur sententia
Alexandri, quod subiectum huius libri sit ipsum universum, quod dicitur caelum
vel mundus; et quod de simplicibus corporibus determinatur in hoc
libro, secundum quod sunt partes universi. Constituitur autem universum
corporeum ex suis partibus secundum ordinem situs: et ideo de illis solum
partibus universi determinatur in hoc libro, quae primo et per se habent
situm in universo, scilicet de corporibus simplicibus. Unde et de quatuor
elementis non determinatur in hoc libro secundum quod sunt calida vel
frigida, vel aliquid huiusmodi; sed solum secundum gravitatem et levitatem,
ex quibus determinatur eis situs in universo. Aliis autem partibus universi,
puta lapidibus, plantis et animalibus, non determinatur situs secundum se,
sed secundum simplicia corpora: et ideo de his non erat in hoc libro agendum.
Et hoc consonat ei quod consuevit apud Latinos dici, quod in hoc libro agitur
de corpore mobili ad situm, sive secundum locum: qui quidem motus communis
est omnibus partibus universi. |
C'est pourquoi semble plus rationnelle la pensée d'Alexandre, pour qui le sujet de l'ouvrage est l'univers, sous les noms de ciel ou de monde. Les corps simples y sont considérés comme des composants du cosmos. L'univers matériel est constitué par un ordre spatial entre eux. Aussi le texte n'aborde-t-il que les composants dont la caractéristique essentielle est d'avoir Ğ place ğ dans l'univers : les corps de structure simple. Pour cette raison également, il n'étudie pas la température des quatre éléments ou toute propriété autre que la gravitation qui détermine cette place. On n'assigne un endroit dans l'univers aux autres composants comme les roches, les plantes ou les animaux, que par rapport à un corps de structure simple. Aussi ce livre n'en parle-t-il pas. La même pensée fait dire aux commentateurs latins que l'ouvrage traite des corps en mouvement local car ce mouvement est commun à tous les composants de l'univers. |
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Liber 1 |
Livre
1 [Le monde matériel]
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Lectio 1 |
Leçon 1 [La science de la nature porte surtout sur les corps et les grandeurs] |
[70819] In De caelo, lib. |
Dans ce premier livre, Aristote entreprend
dappliquer aux corps ce quil a globalement dit du mouvement dans |
[70820] In De caelo, lib. |
Il commence par la conclusion : la science de la nature porte surtout sur les corps et les grandeurs comme la ligne et la surface [268a1]. Mais le naturaliste, à la différence du géomètre, considère les corps en tant que mobiles et les surfaces et les lignes en tant que frontières des corps mobiles. Alors que la géométrie voit en elles des quantités mesurables. Et comme il revient à la science de considérer les sujets, mais aussi les passions (I poster), il ajoute que la science naturelle traite surtout des passions et des mouvements [268a1]. Par passion, on peut entendre altération, ainsi que les mouvements qui en découlent et altèrent quelque chose dans la substance. Il ajoute alors Ğ ... et les mouvements ğ afin de procéder du spécifique au commun. Ou bien, par mouvement, il désigne spécialement le mouvement local, qui est le plus parfait dans le genre du mouvement. Ou encore, par passion, il signifie propriétés et par mouvement les opérations des êtres naturels, qui ne peuvent sexécuter sans mouvement. |
Vel per passiones intelligit proprietates,
per motus autem operationes rerum naturalium, quae non sunt sine motu.
Et quia in qualibet scientia oportet considerare principia, subiungit quod
naturalis scientia est circa quaecumque principia praedictae substantiae;
scilicet corporeae mobilis. Per quod datur intelligi quod ad naturalem
pertinet praecipue considerare de corpore inquantum est in genere
substantiae, sic enim est subiectum motus: ad geometram autem inquantum est
in genere quantitatis, sic enim mensuratur. Et quia minor est manifesta,
scilicet quod scientia naturalis sit de rebus naturalibus, subiungit maiorem,
dicens quod ideo scientia naturalis existit circa praedicta, quia eorum quae
sunt secundum naturam, quaedam sunt corpora et magnitudines, sicut lapides et
alia inanimata; quaedam habent corpus et magnitudinem, sicut plantae et
animalia, quorum principalior pars est anima (unde magis sunt id quod sunt
secundum animam quam secundum corpus); quaedam vero sunt principia habentium
corpus et magnitudinem, sicut anima, et universaliter forma, et materia. Et
ex hoc apparet quare dixit quod scientia de natura fere plurima
existit circa corpora et magnitudines: quaedam enim pars eius est circa
habentia corpus et magnitudines; est etiam circa principia horum; est etiam
circa quaedam quae non sunt in natura, quae aliqui attribuerunt corporibus et
magnitudinibus, scilicet circa vacuum et infinitum. |
Une science, quelle quelle soit, doit considérer les principes. Aussi ajoute-t-il que la science de la nature porte sur lensemble des principes des substances naturelles que sont les corps mobiles. Ceci explique quil appartienne à la science de la nature de considérer principalement les corps comme relevant du genre substance et sujet du mouvement, et à la géométrie comme relevant du genre quantité et sujet de mesures. La mineure la science de la nature porte sur les réalités naturelles est manifeste, car relèvent de la nature, dune part les corps et les grandeurs, comme la pierre et les autres êtres inanimés, dautre part les êtres ayant corps et grandeur, comme les plantes et les animaux, mais dont la partie principale est lâme (ils doivent plus ce quils sont à leur âme quà leur corps), dautre part encore les principes de ce qui a corps et grandeur, comme lâme ou toute forme en général, et la matière. Aristote dit que la science de la nature porte surtout sur les corps et les grandeurs, car pour une partie elle traite des corps et des grandeurs, pour une autre de leurs principes et pour une troisième seulement de réalités qui nexistent pas dans la nature, mais à qui certains ont attribué corps et grandeur, comme le vide et linfini. |
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Lectio 2 |
Leçon 2 [Létude de lunivers matériel] traduction par Barbara Ferré, 2008 |
[70821] In De
caelo, lib. |
[70821] Sur le De caelo, I, 2, 1. Après que le Philosophe a montré en introduction ce quil faut déterminer à propos des corps et des grandeurs dans la science naturelle, il commence à exposer ici sa principale proposition. Et puisque, comme on la dit ci-dessus, dans ce livre Aristote vise à traiter principalement de lunivers matériel et de ses principales parties, qui sont les corps simples, parmi lesquels le corps céleste est le plus important, ce livre se divise donc en trois parties : dans la première il traite de lunivers matériel ; dans la seconde il traite du corps céleste, et cela dans le second livre, ici : Ğ ce qui donc na ni été fait ğ, etc. ; dans la troisième partie, il traite des autres corps simples, cest-à-dire du lourd et du léger, dans le troisième livre, ici : Ğ du premier ciel donc ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : premièrement il montre la perfection de lunivers ; deuxièmement il détermine certaines de ses dispositions ou de ses propriétés, ici : Ğ mais puisquil est manifeste à leur sujet ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : premièrement il montre la perfection de lunivers ; deuxièmement il montre de quelles parties cette perfection est composée, ici : Ğ de la nature de la totalité ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : premièrement il montre la perfection de lunivers quil a selon la conception commune de son genre, en tant que corps ; deuxièmement il prouve la perfection qui lui est propre, ici : Ğ du reste parmi les corps incomplets ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait trois choses : premièrement il expose la définition du corps, dont il se sert pour démontrer la proposition ; deuxièmement il prouve la proposition, ici : Ğ cest pourquoi puisque tout et la totalité ğ, etc. ; troisièmement il montre ce qui peut être évident daprès les prémisses, ici : Ğ donc tout ce qui ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il accomplit deux choses : premièrement il définit le continu, qui est le genre du corps ; deuxièmement il expose la définition du corps, ici : Ğ or le corps ğ, etc. |
[70822] In De
caelo, lib. |
[70822] Sur le De caelo, I,
2, 2. [268a5] En ce qui concerne le premier
point, il faut considérer que le continu
se trouve défini de deux manières par le philosophe. Dune part selon une
définition formelle, dans la mesure où il est dit dans les Catégories que le continu est ce dont les parties sont reliées à une
limite commune : en effet, lunité du continu est pour ainsi dire sa
forme. Dautre part selon une définition matérielle, qui est tirée des
parties qui possèdent lorganisation de la matière, comme il est dit dans le
livre II de |
[70823] In De
caelo, lib. |
[70823] Sur le De caelo, I, 2, 3. [268a5] Ensuite lorsquil dit : Ğ or le corps ğ, etc., il définit le corps. Et premièrement il propose une définition en disant que le corps est le continu qui est divisible de toutes les façons, cest-à-dire en toute partie, ou selon toute dimension. Et deuxièmement ici : Ğ de la grandeur ğ, etc., il prouve la définition proposée par le raisonnement suivant. [268a10] Le corps se divise selon trois dimensions : or ce qui se divise selon trois dimensions se divise selon toutes ; donc le corps est divisible selon toutes les dimensions. Premièrement donc il expose la mineure, comme par division. En effet, lune des grandeurs est celle qui se divise en une seule partie, et on lappelle ligne ; une autre est celle qui se divise en deux parties et quon appelle plan, cest-à-dire surface ; et lautre est celle qui se divise selon trois dimensions ; et comme cette grandeur nest pas la ligne ni la surface, il sensuit que cest le corps. Il place ici la majeure : Ğ et outre celles-là ğ, etc. Et il létablit : il dit quoutre ces grandeurs ou dimensions il nest pas dautre grandeur ou dimension, étant donné que trois choses équivalent à toutes, puisquelles équivalent à un certain total ; et ce qui est trois fois semble être de toutes les façons, ou bien en tout, cest-à-dire de toute sorte. |
[70824] In De
caelo, lib. |
[70824] Sur le De caelo, I, 2, 4. Deuxièmement ici : Ğ de même que, en effet ğ, etc., il prouve ce quil avait dit de trois manières. Premièrement selon le raisonnement des Pythagoriciens, qui ont dit que ce qui est dit total et tout est déterminé par le nombre trois. En effet le début, le milieu et lachèvement, cest à-dire la fin, ont le nombre qui convient au total et au tout : car dans les choses divisibles la première partie ne suffit pas à lensemble du tout, qui est constitué par lextrémité, à laquelle on parvient en partant du début et en passant par le milieu. Or ces choses, à savoir le début, le milieu et la fin, ont comme nombre trois : et ainsi il est évident que le nombre trois convient au tout et au total. |
[70825] In De
caelo, lib. |
[70825] Sur le De caelo, I, 2, 5. [268a15] Deuxièmement ici : Ğ étant donné que par la nature ğ, etc., il prouve la même chose par ce qui est observé dans le culte divin. En effet nous nous servons de ce nombre, cest-à-dire trois, dans les sanctifications des dieux (à savoir ceux que les Gentils honoraient), cest-à-dire dans les sacrifices et les louanges en leur honneur, et si nous avons reçu de la nature ses lois et ses règles : cest-à-dire que, de même que la nature accomplit tout selon le nombre trois, de même ceux qui ont institué le culte divin, voulant attribuer à leur dieu tout ce qui est parfait, lui ont attribué aussi le nombre trois. |
[70826] In De
caelo, lib. |
[70826] Sur le De caelo, I, 2, 6. Troisièmement ici : Ğ or nous attribuons ğ, etc., il prouve la même chose par lusage commun de la parole. Et il dit que nous attribuons aussi les mots aux choses selon la manière déjà dite, cest-à-dire où la perfection correspond au nombre trois. Si en effet des choses sont au nombre de deux, nous disons quelles sont toutes deux et nous disons que deux hommes sont tous les deux ; or nous ne disons pas deux tous, mais nous utilisons ce mot en premier lieu à partir de trois. Et nous suivons tous communément cette manière de parler, étant donné que la nature nous fait penser vers cela. Car ce qui est propre à chacun dans la manière de parler semble provenir de conceptions propres à chacun, mais ce qui sobserve communément chez tous semble provenir dun penchant naturel. |
[70827] In De
caelo, lib. |
[70827] Sur le De caelo, I, 2, 7. Or il faut remarquer quon ne voit nulle part ailleurs Aristote se servir de raisonnements pythagoriciens pour démontrer une proposition et quon ne le voit pas ailleurs tirer une conclusion sur les choses au moyen des propriétés des nombres ; et peut-être fait-il cela ici en raison dune affinité des nombres avec les grandeurs dont il est question ici. Cependant il semble que cette démonstration ne soit pas efficace : car il ne semble pas sensuivre que les dimensions sont trois du fait que trois est le nombre du total et du tout : autrement il sensuivrait par cette raison quil ny aurait que trois éléments ou trois doigts dune main. Mais il faut savoir que, comme le dit Simplicius dans son commentaire, Aristote ne procède pas ici par une démonstration, mais selon la probabilité : et cette méthode est suffisante après les démonstrations déjà produites ou présupposées à partir de lautre science. Or il est évident que déterminer les dimensions des corps en tant que de cette manière relève en soi de la mathématique : le naturaliste emprunte à la mathématique ce quil considère au sujet des dimensions. Et cest pourquoi prouver par une démonstration quil existe seulement trois dimensions relève de la mathématique : de même que Ptolémée prouve par cela quil est impossible de relier en même temps plus de trois lignes perpendiculaires sur le même point ; or toute dimension se mesure selon une ligne perpendiculaire. Donc Aristote, rattachant la démonstration de celui-là à la mathématique, utilise son témoignage et ses indications, comme il a lhabitude de le faire après les démonstrations produites par lui. |
[70828] In De
caelo, lib. |
[70828] Sur le De caelo, I, 2, 8. [268a20] Ensuite, lorsquil dit : Ğ cest pourquoi puisque tout, etc. ğ, à partir de ce qui a été montré il procède à la démonstration de la principale proposition. Et il dit que ces trois mots, tout, entier et parfait, ne diffèrent pas les uns des autres selon lespèce, cest-à-dire selon la raison formelle, puisque toutes comportent une certaine totalité : mais sils diffèrent en quelque chose, ils diffèrent en matière et en sujet, dans la mesure où on les dit à propos de choses diverses. En effet nous utilisons ce qui est appelé tout pour des choses divisées, comme nous disons tout homme : nous lutilisons aussi pour les choses continues qui sont proches de la division, comme nous disons toute eau et tout air. Or nous disons entier à la fois pour ces choses et pour les choses continues : nous disons en effet le peuple entier et la ligne entière. Or nous appelons parfait à la fois ces choses et les formes : nous disons en effet une blancheur parfaite et une vertu parfaite. Donc puisque tout et parfait sont la même chose, la conséquence est que le corps est parfait entre les grandeurs : puisque seul le corps est déterminé par trois dimensions, il a aussi totalement la relation avec le tout, comme on la montré ci-dessus. En effet, comme il est divisible de trois manières, il sensuit quil est divisible de toute manière, cest-à-dire selon toute dimension. [265a25] Mais parmi les autres grandeurs lune est divisible selon deux dimensions, à savoir la surface ; lautre lest selon une seule, à savoir la ligne. En effet, comme elles ont obtenu un nombre, cest-à-dire de même que les grandeurs ont un nombre de dimensions, de même elles ont la division et la continuité ; tout comme une grandeur est continue selon une seule manière, à savoir la ligne ; une autre est continue selon deux manières, à savoir la surface ; or un corps est continu selon toute manière. De là il est clair que le corps est une grandeur parfaite, ayant pour ainsi dire tout mode de continuité. |
[70829] In De
caelo, lib. |
[70829] Sur le De caelo, I,
2, 9. [268ab1] Ensuite, lorsquil dit :
Ğ tout ce qui donc ğ, il montre ce qui est évident ou non daprès les
prémisses : et il expose trois idées. La première dentre elles est
évidente par elle-même, à savoir que toute grandeur divisible est
continue : en effet si elle nétait pas continue, elle naurait pas la
configuration dune grandeur, mais plutôt dun nombre. La seconde idée est la
réciproque de cette dernière, à savoir que tout être continu est divisible,
comme il a été présenté dans la définition. Et cela est assurément évident
daprès ce qui a été prouvé dans le livre VI de |
[70830] In De
caelo, lib. |
[70830] Sur le De caelo, I, 2, 10. [268b5] Ensuite, quand il dit : Ğ partiels ğ, etc., il montre la perfection propre à lunivers, à la différence des corps particuliers. Et il établit premièrement de quelle manière les corps particuliers sont parfaits. Et il dit que chacun des corps particuliers, selon lorganisation commune du corps, est tel, cest-à-dire parfait, en tant quil a toutes les dimensions. Mais cependant il est limité par un corps très proche, dans la mesure où il le touche. Et ainsi chacun de ces corps est multiple, cest-à-dire parfait, en tant quil a toutes les dimensions, et imparfait, dans la mesure où il a un autre corps en dehors de lui où il se termine. Ou bien il est multiple selon son contact avec différents corps ; ou bien il est multiple, puisquils sont plusieurs dune seule espèce en raison de leur imperfection, ce qui narrive pas à lunivers. |
[70831] In De
caelo, lib. |
[70831] Sur le De caelo, livre I, 2, 11. [268b5] Deuxièmement ici : Ğ le tout ğ, etc., il montre de quelle manière lunivers est parfait. Et il dit quil est nécessaire que le tout, cest-à-dire lunivers, dont les parties sont les corps particuliers, soit parfait de toutes les manières ; et de même le nom même de lunivers signifie Ğ parfait ğ en tout point, cest-à-dire de toutes les manières, et non selon une manière ou une autre, puisquil a toutes les dimensions et quil comprend en lui tous les corps. |
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Lectio
3 |
Leçon 3 [Les cinq éléments qui composent le monde] |
[70832] In De
caelo, lib. |
[70832] Sur le De caelo,
livre I, 3, 1. Après que le philosophe a montré que lunivers est parfait à
la fois sous le rapport de sa corporéité et sous celui de son universalité,
il montre ici de quelles parties sa perfection est composée. Il dit
premièrement sur quoi porte son intention ; il montre deuxièmement la
proposition, ici : Ğ tous les corps physiques en effet ğ, etc.
En ce qui concerne le premier point, il faut considérer que, comme il est dit
au livre III de |
[70833] In De
caelo, lib. |
[70833] Sur le De caelo, livre I, 3, 2. Ensuite, quand il dit : Ğ toutes les choses physiques ğ, etc., il montre la proposition, cest-à-dire de quelles parties principales lespèce parfaite de lunivers est composée. Et il montre premièrement que, outre les quatre éléments, il est nécessaire quil y ait un autre corps simple ; il montre deuxièmement quau-delà des cinq corps simples, il ny a pas dautre corps, ici : Ğ il est évident daprès ce qui a été dit ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : il montre premièrement quil y a un cinquième corps en dehors des quatre éléments ; deuxièmement il montre la différence de ce corps avec les quatre éléments, ici : Ğ puisque ceux-ci sont supposés ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : premièrement, il avance certains points qui sont nécessaires pour montrer la proposition ; deuxièmement, il argumente pour cette proposition, ici : Ğ donc si le mouvement est simple ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il avance au préalable certains points qui ont trait au mouvement ; deuxièmement il établit certains points qui ont trait aux corps mobiles, ici : Ğ puisque parmi les corps ceux-ci ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : premièrement il avance la continuité du mouvement local vers les corps naturels ; deuxièmement il établit la distinction des mouvements locaux, ici : Ğ or tout ğ, etc. |
[70834] In De
caelo, lib. |
[70834] Sur le De caelo, I,
3 ; 3. [268b15] Il dit donc premièrement
que nous disons que tous les corps physiques,
cest-à-dire naturels, sont mobiles selon le lieu selon eux-mêmes, cest-à-dire selon leur nature, et également les
autres grandeurs naturelles, par exemple les surfaces et les lignes, dans la
mesure où elles sont les limites des corps naturels, tout comme les corps se
meuvent par eux-mêmes, mais que les autres grandeurs le font par accident,
par le déplacement des corps. Et pour prouver cela, il introduit la
définition de la nature, qui est le principe du mouvement pour les êtres
dans lesquelles elle est, comme il est dit dans le livre II de la Physique.
À partir de là, il argumente ainsi. Les corps naturels sont ceux qui ont une
nature ; mais la nature est le
principe du mouvement pour les êtres dans lesquels elle est ;
donc les corps naturels ont un principe du mouvement en eux-mêmes. Mais tout
ce qui est déplacé par tout mouvement lest dans un lieu, et non le
contraire, comme cela apparaît dans le livre VIII de |
[70835] In De
caelo, lib. |
[70835] Sur le De caelo, I, 3, 4. Mais ceci semble être
faux : le ciel en effet est un corps naturel, et cependant son mouvement
ne semble pas être du fait de la nature, mais plutôt de quelque intelligence,
comme cela apparaît daprès ce qui est déterminé dans le livre VIII de |
[70836] In De
caelo, lib. |
[70836] Sur le De Caelo, I, 3, 5. Ensuite lorsquil dit : Ğ or tout mouvement ğ, etc., il établit une distinction entre les mouvements locaux. Et premièrement il fait communément une distinction entre les mouvements locaux aussi bien composés que simples ; deuxièmement il fait une distinction entre les mouvements simples, ici : Ğ donc le mouvement circulaire ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses. Premièrement il expose ce quil cherche à démontrer, cest-à-dire que tout mouvement local (qui est appelé translation) est soit circulaire, soit droit, soit un mélange des deux, comme le mouvement oblique des choses qui sont déplacées par ici et par là. Deuxièmement ici : Ğ en effet les simples ğ, etc., il prouve ce quil avait dit par le fait que les mouvements simples sont seulement deux, cest-à-dire droits et circulaires. Et il en tire la raison du fait quil y a seulement deux grandeurs simples, cest-à-dire droite et circulaire : or le mouvement local est différencié selon les lieux, comme lautre mouvement, quel quil soit, aussi selon ses limites. |
[70837] In De caelo, lib. |
[70837] Sur le De Caelo, I, 3, 6. Mais il semble que le raisonnement dAristote ne soit pas convenable, puisque, comme il est dit dans le livre I des Posteriora, il nest pas donné de faire une démonstration en passant à un autre genre. Ce nest donc pas de façon convenable quil tire quelque conclusion de la division des grandeurs, qui concerne la mathématique à propos des mouvements, qui concerne la physique. Mais il faut dire que la science qui provient de laddition à une autre utilise les principes de cette dernière pour démontrer, comme la géométrie utilise les principes de larithmétique : la grandeur en effet ajoute la position au nombre, de là le point est dit être une unité ayant une position. De même le corps naturel ajoute la matière sensible à la grandeur mathématique. Et pour cette raison il nest pas inconvenant pour la physique dutiliser des principes mathématiques dans ses démonstrations : en effet ce nest absolument pas un autre genre, mais elle est contenue par la mathématique en quelque sorte. Il semble également faux de dire que seules deux grandeurs sont simples, cest-à-dire la droite et la circulaire. La spirale en effet semble être une ligne simple, parce que chacune de ses parties est uniforme ; et cependant la spirale nest ni droite, ni circulaire. Mais il faut dire que la spirale, si on considérait son origine, nest pas une ligne simple, mais un mélange de lignes droite et circulaire. Car la spirale est causée par deux mouvements imaginaires, dont lun est celui dune ligne tournant autour dune colonne et lautre est celui dun point déplacé sur une ligne. Si en effet les deux mouvements sachèvent en même temps et régulièrement, une ligne spirale est formée par le mouvement dun point sur une ligne déplacée. De même il semble que le mouvement circulaire ne soit pas simple. En effet, les parties dune sphère déplacée circulairement ne se déplace pas uniformément, mais la partie qui est autour des pôles ou autour du centre se déplace plus lentement, parce quelle parcourt un plus petit cercle dans le même temps ; et ainsi le mouvement dune sphère semble composé de mouvements lents et rapides. Mais il faut dire que le continu na pas de parties en acte, mais seulement en puissance ; or ce qui nest pas en acte nest pas déplacé en acte ; de là les parties dune sphère, comme elles sont un corps continu, ne sont pas déplacées en acte. Il ne sensuite pas que dans le mouvement sphérique ou circulaire il y a une diversité en acte, mais seulement en puissance ; cette dernière ne soppose pas à la simplicité dont nous parlons maintenant ; en effet toute grandeur a une pluralité de puissances. |
[70838] In De caelo, lib. |
[70838] Sur le De caelo, I, 3, 7. [268b20] Ensuite, lorsquil dit : Ğ donc le mouvement circulaire ğ etc., il distingue les mouvements simples. Et premièrement il en établit un, cest-à-dire le circulaire ; deuxièmement il établit deux mouvements rectilignes, ici : Ğ or le droit ğ, etc. ; troisièmement il conclut avec le nombre ternaire des mouvements simples, ici : Ğ cest pourquoi il est nécessaire ğ, etc. Il dit donc premièrement que la circulation, cest-à-dire le mouvement circulaire, se dit de ce qui est autour du milieu. Et il faut comprendre autour du centre du monde : en effet la roue, qui est déplacée autour de son centre, ne lest pas circulairement à proprement parler ; mais son mouvement est composé délévation et dabaissement. Mais il semble suivant ce principe que tous les corps célestes ne se déplacent pas circulairement : car, selon Ptolémée, le mouvement des planètes est formé de déplacements excentriques et dépicycles ; or ces mouvements ne sont pas autour du milieu du monde, qui est le centre de la terre, mais autour de certains autres centres. Or il faut dire quAristote nétait pas de cette opinion, mais quil considérait que tous les mouvements des corps célestes sont autour du centre de la terre, comme le pensaient les astronomes de son temps. Par la suite, Hipparque et Ptolémée découvrirent les mouvements des excentriques et des épicycles, pour sauver ce qui apparaît aux sens dans les corps célestes. De là cela na pas été démontré, mais cest une hypothèse. Pourtant si cela est vrai, tous les corps célestes se déplacent néanmoins autour du centre du monde selon le mouvement diurne, qui est le mouvement de la sphère suprême qui fait rouler tout le ciel. |
[70839] In De caelo, lib. |
[70839] Sur le De caelo, I, 3, 8. Ensuite, lorsquil dit : Ğ le droit ğ etc., il sépare le mouvement droit en deux, cest-à-dire en celui qui est vers le haut et en celui qui est vers le bas : et il décrit lun et lautre grâce à leur position par rapport au milieu du monde, comme il avait décrit le mouvement circulaire, afin que la description soit uniforme. Et il dit que le mouvement vers le haut est celui qui part du milieu du monde ; et le mouvement vers le bas est celui qui va vers le milieu du monde. Le premier dentre eux est le mouvement des corps légers, le second est celui des corps lourds. |
[70840] In De caelo, lib. |
[70840] Sur le De caelo, I, 3, 9. Ensuite, lorsquil dit : Ğ cest pourquoi il est nécessaire ğ, etc., il conclut par le nombre des mouvements simples. Et premièrement il introduit la conclusion recherchée : et il dit quil est nécessaire quun déplacement simple, cest-à-dire un mouvement local, parte du milieu, et cest le mouvement vers le haut des corps légers ; quun autre se dirige vers le milieu, et cest le mouvement vers le bas des corps lourds ; quun autre se fasse autour du milieu, et le mouvement de ce genre est le mouvement circulaire des corps célestes. |
[70841] In De caelo, lib. |
[70841] Sur le De caelo, I, 3, 10. [268b25] Deuxièmement ici : Ğ et il semble sensuivre ğ, etc., il montre que cette conclusion saccorde avec les propos tenus ci-dessus. Et il dit que ce qui a été dit sur le nombre des mouvements simples semble en conséquence être en accord avec ce qui a été dit ci-dessus sur la perfection des corps : en effet, de même que la perfection du corps consiste en trois dimensions, de même les mouvements simples du corps se divisent aussi en trois. Or il dit que cest selon la logique, cest-à-dire selon une certaine probabilité : en effet, les trois mouvements ne sajustent pas à proprement parler aux trois dimensions. |
[70842] In De caelo, lib. |
[70842] Sur le De caelo, I, 3, 11. Ensuite, lorsquil dit : Ğ puisque parmi les corps ğ, etc., il établit certains
points à partir des corps mobiles. À propos de cela, il faut savoir que,
selon les considérations du livre III de |
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Lectio
4 |
Leçon 4 [Les éléments du monde : étude par le mouvement des
corps]
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[70843]
In De caelo, lib. |
[70843] Sur le De caelo, I, 4, 1. Après
que le Philosophe a avancé certains points nécessaires pour démontrer sa
proposition, il commence ici à argumenter en vue de cette proposition ;
et cela avec cinq raisonnements. Le premier dentre eux est le suivant. Le
mouvement circulaire est un mouvement simple : or le mouvement simple
est en premier lieu et en lui-même celui dun corps simple (parce que, même
sil arrivait quun mouvement simple soit celui dun corps composé, il serait
selon le corps simple qui prédomine en lui, comme dans la pierre prédomine la
terre, selon la nature de laquelle elle est déplacée vers le bas) : [269a5] il est donc nécessaire que ce soit un corps
simple qui soit mu naturellement selon un mouvement circulaire. Quelquun
pourrait faire une objection à ce raisonnement en disant que, bien quun
mouvement simple soit celui dun corps simple, il nest cependant pas
obligatoire que ce corps simple qui est mu circulairement soit autre quun
corps simple qui est mu par un mouvement simple droit. Et pour cette raison
il rejette cela, supposant que rien nempêche que différents corps soient mus
par un mouvement dune façon qui nest pas naturelle, et quainsi assurément
un corps soit mu avec violence par le mouvement dun autre ; mais il est
impossible quun corps soit mu selon la nature par le mouvement naturel dun
autre corps. En effet il est nécessaire quil y ait un seul mouvement simple
naturel pour un seul corps simple et des mouvements différents pour des corps
différents. De là , si le mouvement circulaire est simple, et autre que les
mouvements rectilignes, il est nécessaire quil soit naturel à un corps
simple, quil soit autre que les corps simples qui sont mus par un mouvement
droit. |
[70844] In De
caelo, lib. |
[70844] Sur le De caelo, I, 4, 2. Mais il semble être
faux de dire quun mouvement simple soit seulement celui dun corps
simple : en effet le mouvement vers le bas est naturel à leau et à la
terre, et le mouvement vers le haut est naturel au feu et à lair. Mais il
faut dire que le mouvement local est attribué aux éléments, non selon le
chaud et le froid, lhumide et le sec, selon lesquels sont distingués les
quatre éléments, comme il apparaît dans le livre II du De |
[70845] In De
caelo, lib. |
[70845] Sur de De caelo, I, 4, 3. Également, il
semble quil ne soit pas nécessaire que, si un mouvement simple est celui
dun corps simple, à cause de cela chaque mouvement simple soit celui de
chaque corps simple, de même quil nest pas non plus nécessaire quil y ait
autant de corps composés que de mouvements composés, qui se diversifient à
linfini. Mais il faut dire que, de même que le mouvement simple local ne
correspond pas à un corps simple quant au chaud et au froid, à lhumide et au
sec, de même le mouvement composé ne correspond pas non plus au corps mixte
selon le degré de mélange des qualités susdites, mais selon leur composition
de lourdeur et de légèreté ; selon leur diversité lobliquité du corps
mixte se distingue du mouvement simple dun corps lourd ou léger. Les deux
distinctions ne tendent pas à linfini selon lespèce, mais seulement selon
le nombre. |
[70846] In De
caelo, lib. |
[70846] Sur le De caelo, I, 4, 4. De même il semble que selon ce principe il y ait de nombreux corps simples, puisque, de même que les mouvements vers le haut et vers le bas semblent être des mouvements simples, de même pour le mouvement qui est vers la droite ou vers la gauche et pour celui qui est vers lavant et vers larrière. Et on doit dire que, comme les corps simples et les premières parties de lunivers sont essentiels, il faut que les mouvements simples, qui sont naturels aux corps simples, considérés selon la condition de lunivers. Et comme il est sphérique, comme cela sera prouvé plus bas, il faut que son mouvement soit considéré en comparaison avec le milieu, qui est immobile, étant donné que tout mouvement est fondé sur quelque chose dimmobile, comme cela est dit dans le livre sur la cause du mouvement des êtres animés. Et cest pourquoi il faut quil y ait seulement trois mouvements simples, selon les différentes manières dont ils se font par rapport au milieu, à savoir celui qui part du milieu, celui qui va au milieu et celui qui tourne autour du milieu. Le mouvement vers la droite et vers la gauche, le mouvement vers lavant et vers larrière concernent les êtres vivants et non lunivers tout entier, si ce nest quils sont établis sur le ciel, comme on dira dans le second livre : et selon cela le mouvement circulaire du ciel se fait vers la droite, la gauche, lavant et larrière. |
[70847] In De
caelo, lib. |
[70847] Sur le De caelo, I, 4, 5. Il semble également que le mouvement droit et le mouvement circulaire ne procèdent pas de la même manière. En effet le mouvement droit est celui dun corps qui na pas encore le complément de son espèce, comme on le dira dans le quatrième livre, et qui existe en dehors de son lieu propre. Or le mouvement circulaire est celui dun corps qui a le complément de son espèce et qui existe en son lieu propre. De là il ne semble pas que selon le même raisonnement les mouvements simples corporels soient ceux de corps simples, mais que les autres mouvements soient ceux de corps dans la mesure où ils sont en devenir et que le mouvement circulaire est celui de corps dans la mesure où ils sont dans ce qui est devenu. Mais il faut dire que, puisque ce mouvement est en rapport avec le mouvement mobile en tant quacte de celui-ci, il convient quà un corps qui est préservé de la génération et de la corruption et qui ne peut pas être chassé de son propre lieu par la violence soit dû un mouvement circulaire, qui est celui dun corps qui existe en son lieu : aux autres corps qui peuvent être engendrés et corrompus est dû un mouvement en dehors de son propre lieu, qui est dépourvu de ce qui complète son espèce. Ce nest cependant pas au point que le corps qui est déplacé naturellement par un mouvement droit nait pas le premier complément de son espèce, qui est la forme ; en effet un tel mouvement la suit, mais puisquil na pas le dernier complément, qui se trouve dans la conséquence de la fin qui est le lieu convenable et conservateur. |
[70848] In De
caelo, lib. |
[70848] Sur le De caelo, I, 4, 6. [269a15] Il pose ici une seconde raison : Ğ encore si quelquun au-delà de la nature ğ, etc., où il
présuppose deux principes. Lun dentre eux est le fait que le mouvement qui
est en dehors de la nature,
cest-à-dire violent, est contraire au mouvement naturel ; de même que
la terre est déplacée vers le bas selon la nature, elle est déplacée vers le
haut contre la nature. Le second principe est quune chose est contraire à
une seule autre, comme cela est prouvé dans le livre X de |
[70849] In De
caelo, lib. |
[70849] Sur le De caelo, I, 4, 7. Mais ensuite, ce quil dit ici, à savoir que le feu est déplacé circulairement selon la nature semble contraire à ce qui est dit dans le livre I des Météorologiques, où Aristote lui-même établit que lhypeccauma, cest-à-dire le feu, et la partie supérieure de lair, sont portés circulairement par le mouvement du firmament, comme cela apparaît dans le mouvement des comètes. Mais il faut dire que cette circulation du feu ou de lair ne leur est pas naturelle, parce quelle nest pas causée par un principe intrinsèque, et quelle ne lest pas encore par la violence ou bien contre la nature ; mais elle est dune certaine manière au-dessus de la nature, parce quun tel mouvement se trouve en eux sous linfluence dun corps supérieur, dont le feu et lair suivent le mouvement selon la circulation complète, puisque ces corps sont plus proches du ciel ; leau, selon une circulation incomplète, à savoir selon le flux et le reflux de la mer ; la terre, en tant que la plus éloignée du ciel, ne participe en rien dune telle modification, si ce nest selon laltération seule des parties du ciel. Ce qui ne se trouve pas dans les corps inférieurs sous linfluence des supérieurs ne leur est pas violent, ni contre la nature, puisquils sont naturellement capables dêtre déplacés par un corps supérieur. |
[70850] In De caelo, lib. |
[70850] Sur le De
caelo, I, 4, 8. De même ce qui est dit ici semble être faux, à savoir quune
chose est contraire à une seule autre (269a10) :
en effet à un vice sont contraires à la fois la vertu et le vice opposé,
comme la générosité et la prodigalité le sont à lavarice. Il faut dire
quune chose est seulement contraire à la même chose selon la même
chose ; cependant rien nempêche que plusieurs choses soient contraires
à une autre selon différentes choses, de même que si le doux et le blanc sont
proches de la même chose, le noir et lamer lui seront contraires. Ainsi donc
la vertu de la générosité est opposée à lavarice, comme ce qui est ordonné
lest à ce qui est désordonné ; la prodigalité, tout comme la
surabondance, lest au manque. On ne peut pas dire que les deux mouvements,
cest-à-dire celui qui va vers le haut et celui qui va vers le bas, sont
opposés au mouvement circulaire selon le raisonnement commun du droit. Car le
droit et le circulaire ne sont pas opposés : ils concernent en effet la
figure, à qui rien n'est opposé. |
[70851] In De caelo, lib. |
[70851] Sur le De caelo, I, 4, 9. [269a20-25] Il établit le troisième raisonnement
ici : Ğ mais à la fois la première ğ,
etc. À son propos, il montre premièrement que le mouvement circulaire est le
premier des mouvements locaux. En effet il y a une comparaison du mouvement
circulaire au mouvement droit, qui est vers le haut ou vers le bas, comme une
comparaison du cercle à la ligne droite. Il est prouvé que le cercle, cest-à-dire la ligne
circulaire, est la première ligne droite, parce que le parfait est
naturellement premier par rapport au non parfait ; le cercle, ou bien
ligne circulaire, est parfait, parce que tout ce qui est placé sur lui est le
commencement, la fin et le milieu ; de là il ne reçoit pas daddition de
quelque élément extérieur. Mais aucune ligne droite nest parfaite. Et cela
est aussi évident quant à la ligne infinie, qui est imparfaite parce quelle
na pas de fin, doù le nom donné à quelque chose de parfait en grec ;
et cela est aussi évident pour la ligne finie, parce quil arrive quune
ligne finie saccroisse,
cest-à-dire reçoive une plus grande quantité, et ainsi il existe quelque
chose en dehors delle. Et ainsi la ligne circulaire est naturellement
première par rapport à la ligne droite. Donc le mouvement circulaire est
aussi naturellement premier par rapport du mouvement droit. Mais le premier
mouvement est naturellement celui dun premier corps. Le mouvement droit est
naturellement celui de corps simples, comme le feu qui se meut vers le haut
et la terre qui se meut vers le bas et au milieu ; et sil arrive que le
mouvement droit soit celui de corps mixtes, cela sera selon la nature du
corps simple qui domine dans ce mélange. Donc comme le corps simple est
naturellement premier par rapport au corps mélangé, il sensuit que le
mouvement circulaire est plus propre et naturel à un corps simple, qui est
premier par rapport aux corps élémentaires qui sont chez nous. Et il est
ainsi évident à partir de là quoutre les substances corporelles qui sont ici
chez nous, est née pour exister une substance corporelle qui est plus digne
et première par rapport à tous les corps qui sont chez nous. |
[70852] In De caelo, lib. |
[70852] Sur le De caelo, I, 4, 10. Il semble être
faux de dire quaucune ligne droite nest parfaite. En effet si ce qui a
commencement, milieu et fin est parfait, comme on la dit ci-dessus, il
semble quune ligne droite finie, qui a début, milieu et fin, soit parfaite.
Mais il faut dire que ce qui est quelque chose de partiellement parfait doit
avoir un début, un milieu et une fin en soi-même ; mais pour la raison de
ce qui est simplement parfait, on a besoin du fait quil ny ait pas quelque
chose en dehors de cela même. Et ce mode de perfection saccorde avec le
corps premier et le corps dernier, qui contient tous les corps ; et
selon ce mode la ligne droite est dite imparfaite, la ligne circulaire
parfaite. De même il semble quune ligne droite soit aussi parfaite selon ce
mode, puisque le diamètre du ciel ne peut pas recevoir daddition. Mais il
faut dire que cela lui arrive dans la mesure où il est dans une telle matière
et quil na pas cela du fait quil est une ligne droite : car selon
cela rien nempêcherait quune addition lui doit faite. Mais le cercle, grâce
à la propriété même du cercle, nest pas susceptible de recevoir une
addition. |
[70853] In De caelo, lib. |
[70853] Sur le De caelo, I, 4, 11. Il semble que selon ce principe on ne puisse pas conclure que le mouvement circulaire est parfait : car il reçoit une addition, comme il est continu et éternel, daprès Aristote. À cela il faut dire quun mouvement circulaire a le complément de son espèce, comme il est revenu au point doù il est parti. De là ne se fait pas une addition au même mouvement circulaire, mais ce qui suit, elle concerne un autre mouvement circulaire. De même, si est dit parfait seulement ce à quoi on ne peut rien ajouter, il sensuit que ni un homme, ni une autre chose qui soit finie parmi les corps nest parfait, étant donné quon ne peut rien leur ajouter. Et il faut dire que les corps de ce genre sont appelés parfaits selon lespèce dans la mesure où on ne peut pas leur ajouter quelque chose qui concerne le domaine de leurs espèces : à une ligne droite on ajoute ce qui concerne son espèce et pour autant on la dit imparfaite en tant que ligne. En outre il semble que le cercle ne soit pas parfait. En effet est parfait dans les grandeurs ce qui a trois dimensions : or cela ne saccorde pas avec la ligne circulaire. Et il faut dire que la ligne circulaire nest pas simplement une grandeur parfaite, puisquelle na pas quelque chose qui concerne le domaine de la grandeur ; cependant il existe quelque perfection dans la ligne, parce quon ne peut pas lui ajouter quelque chose de façon en matière de ligne. |
[70854] In De caelo,
lib. |
[70854] Sur le De caelo, I, 4, 12. Il semble aussi
être faux de dire que le parfait se trouve avant limparfait. En effet le
simple se trouve avant le composé, bien que le composé se trouve par rapport
aux choses simples comme le parfait par rapport aux choses imparfaites. À
cela il faut dire que le parfait se trouve par rapport à limparfait comme
lacte par rapport à la puissance : la puissance se trouve certes
simplement avant pour différentes choses ; dans lun et le même, qui se
meut de la puissance à lacte, la puissance se trouve avant lacte dans le
temps, mais lacte se trouve avant selon la nature, puisque assurément cest
ce que recherche la nature en premier lieu et principalement. Or le
philosophe nentend pas ici que le parfait se trouve avant limparfait dans
lun et le même, mais dans la diversité, ni même quil se trouve avant dans
le temps, mais avant dans la nature, comme il la dit expressément. |
[70855] In De caelo, lib. |
[70855] Sur le De caelo, I,
4, 13. De même, il semble que le philosophe nargumente pas de façon
convenable. Il se sert en effet de la perfection de la ligne circulaire pour
prouver la perfection du mouvement circulaire ; de cette perfection il
se sert pour prouver la perfection du corps circulaire ; et sa
démonstration semble ainsi circulaire, parce que la ligne circulaire ne
semble pas différente de celle du corps lui-même qui se meut circulairement.
Et il faut dire quil est prouvé que le mouvement circulaire est parfait à
partir de la perfection de la ligne absolument circulaire ; à partir de
la perfection du mouvement circulaire au sens commun on prouve que ce corps
qui se meut circulairement est parfait ; et ainsi on ne tire pas la même
chose de la même chose, mais on tire le propre du commun. |
[70856] In De caelo, lib. |
[70856] Sur le De caelo, I,
4, 14. [269a30-35] Il établit ici une
quatrième raison : Ğ et de toute part si quelquun ğ,
etc. : cette raison procède de deux propositions supposées. La première
dentre elles est que tout mouvement simple est soit selon la nature, soit en
dehors de la nature. La seconde est que le mouvement qui est en dehors de la
nature pour un corps est selon la nature pour un autre corps, comme cest
évident pour le mouvement vers le haut, qui est selon la nature du feu et en
dehors de la nature de la terre et pour le mouvement qui est vers le bas, qui
est naturel à la terre et en dehors de la nature pour le feu. Il est clair
que le mouvement circulaire se trouve dans un corps qui est déplacé
circulairement à notre vue. Et si un tel mouvement lui est naturel, nous
tiendrons la proposition, cest-à-dire quen dehors des quatre éléments il
existe un autre corps qui se meut circulairement. Si un mouvement circulaire
est en dehors de la nature pour un corps qui est porté circulairement, il
sensuit à partir de la supposition déjà avancée que cest celui dun autre
corps selon la nature : par conséquent il sera différent des quatre
éléments dans la nature. |
[70857] In De caelo, lib. |
[70857] Sur le De caelo, I,
4, 15. Aristote semble ici être en contradiction avec lui-même : car il
a prouvé ci-dessus que le mouvement circulaire nest pas en dehors de la
nature pour un corps qui est porté circulairement, or ici il suppose le
contraire. Certains disent donc que le philosophe entendait ci-dessus par en dehors de la nature ce qui est
contre la nature : en effet, il faut ainsi que le mouvement contre la
nature dun corps soit aussi contraire à son mouvement naturel, comme il
procédait ci-dessus. Il entend ici par en
dehors de la nature plus communément ce qui nest pas selon la nature.
Ainsi cette expression comprend en elle aussi bien ce qui est contre la
nature que ce qui est au-delà de la nature : et de cette manière il
suppose ici quun corps peut être déplacé circulairement en dehors de la
nature, comme on a dit ci-dessus que le feu est déplacé circulairement dans
sa sphère en dehors de la nature, emporté par le mouvement du ciel. Mais cela
semble être contraire aux intentions dAristote. En effet, de la même manière
il semble entendre en dehors de la
nature par lun et lautre sens, puisquil utilise des exemples aussi
bien ici que ci-dessus à propos du mouvement qui est vers le haut et vers le
bas, qui est contre la nature pour un corps et selon la nature pour lautre.
Et cest pourquoi il faut dire, et cest mieux, quAristote a prouvé dans la
première raison quun corps est déplacé circulairement selon la nature. Et
puisque quelquun pourrait dire quun corps qui semble être déplacé
circulairement lest par ce mouvement contre la nature, on argumente
doublement contre cette idée : dune manière en montrant que ce
mouvement nest pas contre la nature, comme cela est évident dans la deuxième
raison et aussi dans la troisième ; dune autre manière en montrant que
même sil était déplacé contre la nature, il sensuivrait encore quil y a un
autre corps qui est déplacé circulairement selon la nature. Ainsi donc ce
quil a nié ci-dessus en parlant selon la vérité de son opinion personnelle,
il le nie ici en utilisant pour ainsi dire la supposition de ses adversaires.
|
[70858] In De caelo, lib. |
[70858] Sur le De caelo, I, 4, 16. De même, il ne
semble pas sensuivre que, si un mouvement est selon la nature pour un corps,
il soit naturel pour un autre corps. En effet le feu, ou nimporte quel autre
corps, peut se mouvoir de multiples manières ; et cependant ce nest
pour cette raison que tous les mouvements de ce genre doivent être naturels à
quelques corps. Il faut prendre garde à ce que le philosophe parle ici du
mouvement simple, auquel la nature du corps simple incline comme à quelque
chose dunique : les mouvements variés de diverses façons semblent
davantage disposés selon un art qui peut être le principe de différentes
choses. Il faut même considérer que, bien que le mouvement qui est en dehors
de la nature pour un corps soit selon la nature pour un autre corps, tout
corps, pour qui un mouvement est selon la nature, ne doit pourtant avoir un
mouvement en dehors de la nature, puisque tout corps qui est susceptible
dune autre impression a quelque chose qui lui est propre et naturel ;
tout corps ne peut pas recevoir dimpression extérieure, de telle sorte quil
puisse ainsi avoir un mouvement naturel. |
[70859] In De caelo, lib. |
[70859] Sur le De caelo, I, 4,17. [269b1-15] Il
établit ici la cinquième raison : Ğ mais
encore ğ, etc., qui est la suivante. Il a été conclu de la raison déjà
avancée que si un corps qui est déplacé circulairement à notre vue lest en
dehors de la nature, il faut quun tel mouvement soit selon la nature pour un
autre corps. Si quelquun concède cela, cest-à-dire quun mouvement
circulaire est selon la nature pour un corps, il est évident quil y aura un
corps simple et premier qui est déplacé circulairement, en raison de la
simplicité et de la priorité du mouvement circulaire, comme cela est clair
daprès les raisons déjà avancées, comme le feu est déplacé vers le haut et
la terre vers le bas. Si on ne concède pas le résultat du raisonnement
précédent, mais si on dit que tout ce qui est déplacé circulairement selon la périphérie, cest-à-dire
selon la circonférence, lest en dehors de la nature, et que ce mouvement
nest selon la nature pour aucun corps, cela semble étonnant, mais absolument
pas irrationnel. En effet il a été montré dans le livre VIII de |
[70860] In De caelo, lib. |
[70860] Sur
le De caelo, I, 4, 18. Il conclut
enfin en épiloguant que si quelquun fait un syllogisme à partir de toutes
les prémisses daprès la méthode déjà mentionnée, il croira, cest-à-dire il approuvera avec fermeté, quun corps, en
dehors des corps qui sont ici autour de nous (cest-à-dire les quatre
éléments et leurs composés), est séparé deux et a dans la nature une nature
dautant plus connue quil est plus éloigné selon la distance du lieu de ce
qui est ici : en effet les corps contenant dans lunivers se comportent
vis-à-vis des corps contenus comme la forme vis-à-vis de la matière et lacte
vis-à-vis de la puissance, comme il est dit dans le livre IV de la Physique. |
|
|
Lectio
5 |
Leçon 5 [La nature de la quintessence] |
[70861]
In De caelo, lib. |
[70861] Sur
le De caelo, I, 5, 1. Après que le
philosophe a montré quil existe un corps différent de ceux qui sont ici,
cest-à-dire des quatre éléments et de leurs composés, il montre ici la
différence de ce corps avec les corps qui sont ici. Et premièrement en
comparaison avec le mouvement local, en second lieu selon les autres
mouvements, ici : Ğ également rationnel ğ, etc. Sur le premier
point il fait trois choses : premièrement il expose ce quil se
proposait ; deuxièmement il démontre sa proposition, ici :
Ğ il faut supposer ğ, etc. ; troisièmement il exclut un certain
obstacle, ici : Ğ puisquils sont portés au même endroit ğ. Il
dit donc premièrement que, puisque certains des propos qui ont été tenus sont
supposés (cest-à-dire quune chose est contraire une seule autre et quil y
a seulement deux grandeurs simples, à savoir la droite et la circulaire, et
dautres choses de ce genre), certains points ont été démontrés à partir de
certaines prémisses (par exemple quil y a trois mouvements simples et que le
mouvement circulaire est naturel à un corps qui est dans la nature différent
des corps qui sont ici), il peut être évident à partir de ce qui a été déjà
dit que tout ce corps qui est déplacé circulairement na pas de pesanteur ni
de légèreté, qui sont les principes de certains mouvements locaux. |
[70862] In De
caelo, lib. |
[70862] Sur
le De caelo, I, 5, 2. Ensuite
lorsquil dit : Ğ il faut supposer ğ, etc., il démontre la
proposition. Et puisque le principe de la démonstration est ce qui est quelque chose, comme il est
dit dans le livre des Analytiques
postérieurs, il suppose premièrement les définitions du lourd et du
léger ; deuxièmement il en tire des arguments pour la proposition,
ici : Ğ il est nécessaire ğ, etc. À propos du premier point,
il fait deux choses : il décrit en premier lieu ce qui est lourd et ce
qui est léger ; il décrit en second lieu ce qui est le plus lourd et ce
qui est le plus léger, ici : Ğ le plus lourd ğ, etc. [269b20] Il dit donc premièrement que pour démontrer
la proposition il faut supposer ce que nous disons lourd et ce que nous disons léger.
Cest pourquoi il dit supposer,
puisquil ne recherche pas parfaitement ici leurs définitions ; mais il
sen sert comme de suppositions, autant quil suffit pour la nécessité de la
présente démonstration. Ils seront examinés avec plus dattention dans le
quatrième livre, où sera exposée leur substance,
cest-à-dire leur nature. Il définit donc le lourd comme ce qui se meut naturellement vers le milieu et le léger comme ce qui se meut naturellement à partir du
milieu. |
[70863] In De
caelo, lib. |
[70863] Sur le De caelo, I, 5, 3. Il utilise une
telle manière de définir afin de se garder de lopposition de Platon, qui
disait que dans le monde selon lui il nest ni mouvement vers le haut ni
mouvement vers le bas, en raison de la sphéricité du monde : car un
corps rond est uniforme de toutes parts. Il disait que le mouvement vers le
haut et le mouvement vers le bas dans le monde le sont seulement pour nous,
qui appelons vers le haut ce qui est au-dessus de notre tête et vers le bas
ce qui est sous nos pieds : or si nous étions situés dans un lieu opposé
nous appellerions le mouvement vers le haut et le mouvement vers le bas à
linverse. Ainsi donc Platon nentend pas ce qui est vers le haut et vers le
bas selon la nature de la chose, mais par rapport à nous. Aristote se sert de
ces noms selon la façon commune de parler, dans la mesure où il dit dans le
livre II des Topiques quil faut
utiliser ces noms comme plusieurs : de là il appelle vers le haut et
vers le bas dans le monde ce que les hommes appellent communément vers le
haut et vers le bas. Cependant la distinction na pas été faite seulement par
rapport à nous, mais aussi selon la nature. En effet, de même que chez nous
on distingue la droite et la gauche selon létat différent du mouvement animé
qui est selon le lieu, de même le mouvement vers le haut et le mouvement vers
le bas sont déterminés dans le monde selon létat du mouvement des corps
simples, qui sont les principales parties du monde. Et cest pourquoi il dit
lui-même que le haut est le lieu où sont portés les corps légers et le bas
est le lieu où sont portés les corps lourds. Et cela raisonnablement :
car de même que chez nous la partie la plus noble est celle qui va vers le
haut, de même dans le monde les corps légers sont les plus nobles, les plus
formels pour ainsi dire. Ici pourtant, afin de procéder sans tromperie pour
démontrer sa proposition, il définit le lourd et le léger selon leur état par
rapport au centre. |
[70864] In De
caelo, lib. |
[70864] Sur le De caelo, I, 5, 4. Ensuite, lorsquil
dit : Ğ le plus lourd ğ, etc., il définit le plus lourd et le plus
léger. Et il dit que le plus lourd est celui qui est dessous tous ceux qui sont portés vers le bas ;
[269b25] le plus léger est celui qui se trouve au-dessus de tous ceux
qui sont portés vers le haut. Et il faut comprendre la différence entre
ceux qui sont portés vers le haut et ceux qui sont portés vers le bas :
car le ciel nest pas le plus léger, bien quil se trouve au-dessus de tout,
parce quil nest pas porté vers le haut. Et il faut remarquer quil utilise
déjà ici ce qui est vers le haut et vers le bas, comme sil acceptait que le
haut et le bas soient lendroit où se termine le mouvement qui part du milieu
ou qui va au milieu. |
[70865] In De
caelo, lib. |
[70865] Sur le De caelo, I, 5, 5. Ensuite, lorsquil
dit : Ğ il est nécessaire, etc., il démontre la proposition daprès
les prémisses, en disant quil est nécessaire que tout corps porté vers le
bas ou vers le haut ait absolument de la pesanteur, en tant que corps le plus
lourd, comme la terre, qui se trouve au-dessous de tout, ou quil ait
absolument de la légèreté, comme le feu, qui se trouve au-dessus de tout, ou
bien quil ait les deux, non certes en considération de la même chose, mais
en considération de différentes choses. En effet, les éléments du milieu,
cest-à-dire lair et leau sont alternativement lourds et légers, de même
que lair est léger en comparaison de leau, puisquil est porté au-dessus
delle, et pour la même raison leau, en comparaison de la terre ; or
lair est lourd en comparaison du feu, puisquil se trouve au-dessous de lui,
et également leau en comparaison de lair. [269b30]
Le corps qui est déplacé circulairement ne peut pas avoir de pesanteur ou de
légèreté. Car il ne peut être déplacé vers le milieu ou à parti du milieu
selon la nature ni contre la nature. Et parce quil ne peut pas être déplacé
selon la nature de cette manière, il est manifeste que le mouvement droit,
qui va vers le milieu ou qui part du milieu est naturel aux quatre
éléments : on a dit ci-dessus quun mouvement naturel appartient à un
seul des corps simples : il sensuivrait donc quun corps porté
circulairement est de la même nature quun des corps qui est déplacé selon un
mouvement droit ; le contraire a été démontré ci-dessus. On ne peut
également dire quun mouvement droit en dehors de la nature convienne à un
corps qui est porté circulairement. Puisque si lun des mouvements contraires
se trouve dans un corps en dehors de la nature, un autre mouvement sera pour
lui selon la nature, comme cest évident daprès ce qui a été dit ci-dessus.
Donc si un mouvement vers le bas est le fait dun cinquième corps en dehors
de la nature, le mouvement vers le haut sera pour lui selon la nature, et
inversement. Les deux idées sont fausses, comme cest évident daprès le
raisonnement précédent. Il sensuit donc que le cinquième corps, qui est
porté circulairement, nest pas déplacé à partir du milieu ou vers le milieu,
ni selon la nature, ni en dehors de la nature. Tout corps ayant pesanteur ou
légèreté est déplacé suivant lun de ces mouvements selon la nature, et
suivant lautre en dehors de la nature. Donc le cinquième corps na ni
pesanteur, ni légèreté. |
[70866] In De
caelo, lib. |
[70866] Sur le De caelo, I, 5, 6. Ensuite, quand il
dit : Ğ puisque sur la même chose ğ, il rejette un certain obstacle.
En effet certains disaient que les parties des éléments sont corruptibles, et
ainsi que, sélevant en dehors de leur lieu propre, elles sont naturellement
déplacées selon un mouvement droit : les éléments eux-mêmes sont
incorruptibles dans leur totalité et ne peuvent jamais être en dehors de leur
lieu propre. De là ils sont déplacés circulairement dans leurs lieux. Et
ainsi un corps qui est déplacé circulairement dans son lieu dans sa totalité
ne doit pas manquer de pesanteur et de légèreté. [270a1-5]
Donc, pour rejeter cela, le philosophe propose que la partie et le tout
soient naturellement portés au même endroit, comme la terre tout entière et
une de ses mottes. Et cest évident au repos : puisque nimporte quelle
chose est naturellement déplacée vers lendroit où elle est naturellement au
repos, toute la terre et une de ses parties sont naturellement au repos au
même endroit. De là il est clair que toute la terre aurait une inclinaison
naturelle à se mouvoir vers le milieu, si elle était en dehors de son lieu. |
[70867] In De
caelo, lib. |
[70867] Sur le De caelo, I, 5, 7. Ainsi donc deux
choses sont la conséquence de ces prémisses. La première dentre elles est
que le cinquième corps tout entier na aucune légèreté, ni pesanteur,
puisque, comme cest évident daprès le raisonnement précédent, il serait
naturellement déplacé vers le milieu ou à partir du milieu. Deuxièmement il
sensuit à partir de la supposition présentée maintenant que, si une partie
était enlevée à un corps céleste, elle ne se déplacerait ni vers le haut, ni
vers le bas, puisque, comme le même raisonnement sapplique au tout et aux
parties, il ne convient ni à la totalité du cinquième corps, ni à lune de
ses parties dêtre déplacé soit selon la nature, soit en dehors de la nature
suivant un mouvement autre que circulaire. |
|
|
Lectio
6 |
Leçon 6 [La quintessence nest pas soumise à la génération et à la
corruption]
|
[70868]
In De caelo, lib. |
[70868] Sur le De caelo, I, 6, 1. Après que le philosophe a montré la différence entre le cinquième corps et les autres corps qui sont ici, sous le rapport de la légèreté et de la pesanteur, selon quoi les corps ont une inclination vers le mouvement local, il montre ici la différence entre le cinquième corps et les corps qui sont ici selon les autres mouvements, montrant assurément que ce corps nest pas soumis aux autres mouvements auxquels ces corps sont soumis. Et premièrement il montre cela par un raisonnement, deuxièmement par des signes, ici : Ğ la raison semble aussi ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses. Il propose en premier lieu ce quil avait lintention de faire, et il dit que, comme on a dit à propos du cinquième corps quil est dépourvu de pesanteur et de légèreté, il est également raisonnable de penser à son sujet quil nest pas soumis à la génération et à la corruption, ni à laugmentation et à laltération. En second lieu ici : Ğ devenir à côté ğ, etc., il prouve cette proposition, et il montre premièrement que le corps céleste ne peut être engendré, ni corrompu, deuxièmement quil ne peut être augmenté, ici : Ğ mais en vérité peut être aussi augmenté ğ, etc., troisièmement quil ne peut être altéré, ici : Ğ sil ne peut être accru ğ, etc. |
[70869] In De
caelo, lib. |
[70869] Sur le De caelo, I, 6, 2. [270a10-15] En ce qui concerne le premier point, il
établit le raisonnement suivant. Tout ce qui peut être engendré le devient à
partir dun contraire et dun sujet, soit la matière : en effet dun
contraire naît une chose comme du non permanent, et dun sujet, comme du
permanent, comme cest clair dans le livre I de |
[70870] In De
caelo, lib. |
[70870] Sur le De caelo, I, 6, 3. Mais concernant ce quAristote dit ici, une
double considération se présente : lune au sujet de sa position, où il
établit que le corps du ciel ne peut être engendré ni corrompu : lautre
au sujet de son raisonnement. Il faut savoir au sujet du premier point que
certains ont établi que le corps du ciel pouvait être engendré et corrompu
selon sa nature, comme le grammairien Jean qui est appelé Philopon. Et pour
prouver sa thèse, il sappuie en premier lieu sur lautorité de Platon, qui a
établi que le ciel est engendré, tout comme le monde entier. Deuxièmement il
présente le raisonnement suivant. Toute la puissance dun corps fini est
finie, comme il est prouvé dans le livre VIII de |
[70871] In De caelo,
lib. |
[70871] Sur le De caelo, I, 6, 4. Mais elles nont pas de nécessité. En effet parce que Platon a établi le ciel comme engendré, il nen tirait pas lidée quil est soumis à la génération, ce quAristote cherche à nier ici, mais quil est nécessaire quil ait une existence par quelque cause supérieure, étant donné quil a multitude et extension dans ses parties ; par cela il est montré que son existence est causée par une chose première, qui doit causer toute multitude. |
[70872] In De caelo, lib. |
[70872] Sur le De caelo, I, 6, 5. Averroès a résolu
le problème posé par le fait quAristote a nié que la capacité du corps
céleste soit finie, en disant que dans un corps céleste la capacité ou
puissance de se mouvoir selon un lieu nest pas la capacité ou puissance
dêtre, ni finie, ni infinie. Mais en cela il parle manifestement contre
Aristote, qui établit ci-dessous dans le même livre pour les corps éternels
la capacité à ce quils existent toujours. Il a été trompé par le fait quil
a estimé que la capacité dêtre concernait seulement la puissance passive,
qui est la puissance de la matière, alors quelle concerne plutôt la
puissance de la forme, puisque toute chose est par sa forme. De là chaque chose
a autant et aussi longtemps dêtre que la puissance de sa forme est. Et ainsi
la puissance dêtre toujours sapplique non seulement aux corps célestes,
mais aussi aux substances séparées. Il faut donc dire que ce qui réclame une
capacité infinie doit être infini. Or linfini, selon le philosophe dans le
livre I de |
[70873] In De caelo, lib. |
[70873] Sur le De caelo, I, 6, 6. Averroès a
également résolu la troisième objection dAristote par réfutation. En effet
il nie quun corps céleste ait de la matière ; mais il dit quun corps
céleste est un étant sujet par lacte, auquel il compare son âme, comme la
forme à la matière. Et sil entend quun corps céleste na pas de matière
selon que la matière est dite dans lordre pour le mouvement ou le
changement, il dit vrai : ainsi en effet Aristote dans les livres VIII
et XII de |
[70874] In De
caelo, lib. |
[70874] Sur le De caelo, I, 6, 7. Il est donc
manifeste à partir de cela que le corps du ciel nest pas sujet à la
génération et à la corruption selon sa nature, en tant que premier dans le
genre des choses mobiles, et en tant que le plus proche des choses immobiles.
Et de là vient le fait quil a le plus petit des mouvements. En effet il est
seulement déplacé suivant un mouvement local, qui ne varie en rien à
lintérieur de la chose. Et parmi les mouvements locaux il a un mouvement
circulaire, qui a aussi la plus petite variation, puisque dans son mouvement
sphérique il ne change pas son lieu en sujet, mais seulement en raison, comme
il est prouvé dans le livre VI de |
[70875] In De
caelo, lib. |
[70875] Sur le De caelo, I, 6, 8. À cela Simplicius, le commentateur dAristote, a fait une triple objection à propos de ce passage. Premièrement puisque Dieu a créé le ciel selon son être, et non en ajoutant quelque autre chose, de là, comme son être est éternel et invariable, le ciel a toujours procédé de lui. De même, si la bonté de Dieu était la cause des choses, la bonté de Dieu serait oisive et inoccupée avant que le monde ne soit, sil commençait à partir dun premier moment déterminé. Également, à tout ce qui a commencé dêtre à un instant déterminé alors quil nétait pas auparavant cela arrive daprès lordre dun mouvement supérieur, à partir duquel il arrive que cela commence à cet instant et non avant, comme un homme commence à être maintenant et non avant, selon lordre de la révolution dun corps céleste. Or il nest pas possible de donner une révolution supérieure ou un mouvement au-delà du corps céleste. On ne peut donc pas dire que le corps du ciel a commencé maintenant ainsi quil nétait pas auparavant. |
[70876] In De caelo, lib. |
[70876] Sur le De caelo, I, 6, 9. Mais ces propos
nont pas de nécessité. En effet ce qui est dit en premier, à savoir que Dieu
agit par son être et non par quelque chose dajouté, est vrai, mais son être
nest pas distinct de son intelligence, comme chez nous, ni aussi de son
vouloir : de là il crée selon son intelligence et son vouloir. Dans ce
qui est créé par quelque agent en tant quil est intelligent et volontaire,
il faut que ce qui est créé soit comme il a été compris par celui qui le
crée, et non comme ce dernier est lui-même créateur selon son être. De là,
comme il ne faut pas que ce qui est créé par Dieu créateur selon son être
soit dans dautres conditions tel quil peut être divin, mais tel quil est
déterminé par son intelligence ; de même il nest pas nécessaire que ce
qui est créé par Dieu soit aussi durable que Dieu, mais aussi durable quil a
été déterminé par son intelligence. Et cela peut aussi être dit à propos de la
dimension du ciel. En effet le fait que le ciel ait une dimension aussi
grande et non plus grande provient de la détermination de lintelligence
divine qui détermine pour elle une telle dimension et qui lui attache une
nature proportionnée à cette dimension, de même quelle le dégage aussi des
contraires, afin quil soit non engendré et incorruptible, comme il est dit à
la lettre. Car le fait quil dise que
la nature a bien fait implique une action de lintelligence agissant pour
quelque fin : en effet ce nest pas une autre nature supérieure qui le
dégage des contraires, si ce nest une nature divine. Également, le fait
quil dise que la bonté divine fut inoccupée et oisive avant la création du
monde na pas de sens. Car on appelle oisif ce qui natteint pas le but pour
lequel il existe ; or la bonté de Dieu nest pas en pour les créatures.
À partir de là, les créatures seraient oisives si elles natteignaient pas la
bonté divine ; et la bonté divine ne serait pas oisive, même si elle
navait jamais créé aucune créature. Également ce quil objecte en troisième
lieu, cest le lieu dun agent particulier, parce quil présuppose le temps
et quil fait quelque chose dans un intervalle de temps : et ainsi il
faut que ce qui est fait soit proportionné par un agent, à la fois pour un
autre intervalle de temps et pour tout le temps, ou même pour la cause de
tout le temps. Mais nous traitons maintenant dun agent universel, qui crée
le temps même tout entier en même temps que ce qui est dans le temps. Et pour
cette raison ce nest pas ici le lieu de demander pourquoi à ce moment-ci et
non avant, comme si une autre partie de temps précédente était présupposée,
ou une autre cause plus universelle causant le temps tout entier. Mais cest
le lieu ici de demander pour quelle raison un agent universel, cest-à-dire
Dieu, a voulu que le temps ne soit pas toujours, tout comme ce qui est dans
le temps. Et cela dépend de la limite de son intelligence, de même quun
artisan reçoit aussi dans une maison la quantité dune partie de la maison en
proportion de lautre partie ou de toute la maison, mais quil limite la
quantité de toute sa maison selon son intelligence et sa volonté. |
[70877] In De
caelo, lib. |
[70877] Sur le De caelo, I, 6, 10. Il reste une autre
considération sur la démonstration dAristote, contre laquelle Jean le
grammairien a fait une objection : puisque si rien nest engendré ni
nest corrompu si ce nest parce quil a un contraire, alors quil ny a rien
de contraire à la substance, ce qui est évident chez les animaux et les
plantes (également il ny a rien de contraire aux figures et aux relations),
rien de ceux-là ne sera engendré ou corrompu. Simplicius répond à cela quil
faut le comprendre au sujet du contraire communément dit, dans la mesure où
il inclut aussi lopposition de la privation et de lespèce : en effet,
Aristote parle ainsi du contraire dans le livre I de |
[70878] In De
caelo, lib. |
[70878] Sur le De caelo, I, 6, 11. De même il semble,
daprès le fait quil dise que lopposition des mouvements correspond à
lopposition des corps, que le feu soit plus contraire à la terre quà leau,
avec laquelle il saccorde en une seule qualité, à savoir la sécheresse. Et
il faut dire que le philosophe dans ce livre traite des corps simples selon
leur position : ainsi en effet ils constituent lunivers en tant que
parties. Et daprès ce principe, le feu est plus contraire à la terre quà
leau, bien que le feu soit plus contraire à leau selon ses qualités actives
et passives, ce qui concerne les considérations du livre de la génération. |
[70879] In De
caelo, lib. |
[70879] Sur le De caelo, I, 6, 12. Il semble aussi que le fait que rien ne soit contraire au corps céleste ne soit pas nécessairement la conséquence de ce que rien nest contraire au mouvement circulaire, selon lequel il est déplacé, puisque le feu aussi dans sa propre sphère, et la partie supérieure de lair sont déplacés circulairement, comme il est dit dans le livre I des Météorologiques ; pourtant il existe un contraire à lair et au feu. Mais il faut dire que le feu et lair ne sont pas déplacés circulairement comme de leur propre mouvement, mais quils sont entraînés par un mouvement du ciel ; or les corps célestes sont déplacés circulairement de leur propre mouvement, si bien quils nont pas la même organisation. |
[70880] In De
caelo, lib. |
[70880] Sur le De caelo, I, 6, 13. De même, il semble que lopposition des mouvements ne soit pas attestée par lopposition des corps mobiles. En effet, la même substance en grand nombre, qui nest pas contraire à elle-même, est capable davoir des contraires, comme il est dit dans les Catégories ; et ainsi elle est déplacée dans des mouvements contraires, qui vont vers les contraires, à savoir dans le blanchissement et le noircissement et dans de semblables mouvements. En outre lair est déplacé vers le haut, à la place de leau, et vers le bas, à la place du feu : donc une même chose est déplacée suivant des mouvements contraires, et ainsi lopposition des mouvements nest pas la conséquence lopposition des corps mobiles. Nous voyons maintenant aussi que la même âme est déplacée par le mouvement de la vertu et du vice, qui sont des mouvements contraires. Sur ce point il faut considérer que le philosophe se sert de cette proposition : si les mouvements ne sont pas contraires, les corps mobiles ne le sont pas non plus. Il nétablit pas inversement que si les mobiles ne sont pas contraires, les mouvements ne sont pas contraires (puisque quelquun pourrait dire que les mouvements de tous les corps qui ont une opposition sont contraires, mais que tous les mouvements des corps contraires ne sont pas contraires) : cest contre cela que procèdent les objections déjà mentionnées. Cependant, selon la vérité des faits, lopposition des mouvements naturels suit la propriété des principes actifs ou formels, que suit le mouvement, et non lopposition des principes passifs ou matériels, puisque la même matière est susceptible davoir des contraires. Et cest pourquoi rien nempêche que les altérations qui sont produites daprès les principes externes ne concernent le même sujet, bien quelles soient contraires. Sil y a une altération provenant dun principe externe, comme la guérison quand elle a lieu naturellement, il faut que lopposition de telles altérations suive lopposition des corps mobiles. Et le même raisonnement concerne les mouvements locaux, au sujet desquels il tourne maintenant son attention : en effet, les mouvements de ce genre suivent des principes formels internes. À propos de lobjection faite sur lair, il faut dire que la contradiction qui est incluse dans toutes les choses opposées a dans son organisation ce qui est selon la même chose et par rapport à la même chose. Le mouvement naturel de lair nest pas vers le haut et vers le bas par rapport à la même chose, mais vers le haut par rapport à leau et à la terre et vers le bas par rapport au feu. De là les mouvements de ce genre ne sont pas contraires : en effet ils ne vont pas vers des lieux contraires, mais vers le même lieu, qui en vérité sélève au-dessus de leau et qui se place sous le feu. Ce qui est dit du mouvement de lâme selon la vertu et le vice ne concerne pas la proposition, puisque les mouvements de ce genre ne sont pas naturels, mais volontaires. |
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Lectio
7 |
Leçon 7 [La quintessence nest pas sujet à laugmentation et à la
diminution]
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[70881] In De
caelo, lib. |
[70881] Sur le De caelo, I, 7, 1. [270a20] Après que le philosophe a montré que le
cinquième corps nest pas soumis à la génération et à la corruption, il
montre ici quil nest pas sujet à laugmentation et à la diminution. Et il
se sert dun tel raisonnement. Tout corps qui peut saccroître est relatif à
une chose qui est sujette à la génération et à la corruption. Pour révéler
cela il expose que tout corps qui peut saccroître est augmenté par lajout
dune chose de même nature qui advient ; et cette chose est devenue
semblable, alors quelle était auparavant différente, grâce à sa
décomposition en la matière de lautre corps, matière qui, après avoir quitté
sa forme antérieure, prend la forme du corps augmenté, comme le pain,
décomposé en matière, reçoit la forme de la chair et ainsi accomplit une
augmentation par addition à une chair préexistante. De là partout où il y a
eu augmentation, il faut quil y ait génération et corruption en quelque
chose. Or il nest pas possible de donner à un corps céleste une chose à
partir de laquelle il a été engendré, comme on la démontré. Donc il ne peut
être augmenté, ni diminué. |
[70882] In De
caelo, lib. |
[70882] Sur le De caelo, I, 7, 2. Ensuite, lorsquil
dit : Ğ mais sil y a ğ, etc., il montre quil nest pas sujet
à laltération. Quelquun pourrait penser que la voie pour écarter
laltération dun corps céleste serait brève si lon repoussait le
contraire : de même que la génération est tirée des contraires, de même
laltération. Mais il faut remarquer quAristote a écarté lopposition du
cinquième corps en écartant de lui lopposition de mouvement :
laltération semble être produite non seulement selon lopposition à laquelle
correspondent les mouvements locaux contraires, cest-à-dire lopposition du
lourd et du léger et de ce qui les rejoint, mais aussi selon les autres
oppositions qui ne concernent pas cela, par exemple selon le blanc et le
noir : et cest pourquoi il utilise une autre voie, qui est tirée dune
partie de laugmentation. Et il dit quil appartient au même raisonnement
destimer quun corps céleste ne peut être altéré et quil ne peut être
augmenté ou corrompu, puisque laltération est un mouvement selon la qualité,
comme il est dit dans le livre V de la Physique.
[270a25] Or laltération, comme il est
démontré dans le livre VII de |
[70883] In De
caelo, lib. |
[70883] Sur le De caelo, I, 7, 3. On peut faire une
double objection à ce raisonnement dAristote. Premièrement à la conclusion.
Car il semble être faux de dire quun corps céleste nest pas altéré :
il apparaît manifestement que la lune est illuminée par le soleil et
obscurcie par lombre de la terre. Il faut dire que cette altération est
double. Lune est passive : selon elle une chose est ajoutée, de même
quune autre chose est aussi amoindrie, tout comme, alors quune chose est
altérée en passant du chaud au froid, elle perd de la chaleur et reçoit du
froid : et le philosophe cherche ici à écarter du corps céleste une
telle altération, qui se produit selon des affections. Or il y a une autre
altération complète, qui est produite dans le cas où une chose est achevée
par une autre chose sans abandonner une autre chose, laquelle altération est
établie par le philosophe dans le livre II De lâme également dans la puissance sensitive : et rien
nempêche quune telle altération se trouve dans les corps célestes, dont certains
reçoivent leurs puissances dautres corps selon des conjonctions et des
aspects divers, sans que lun dentre eux ne perde sa propre puissance. |
[70884] In De
caelo, lib. |
[70884] Sur le De caelo, I, 7, 4. La deuxième
objection porte sur lavancée du raisonnement mené ici : il ne semble en
effet ne pas être vrai de dire que tout ce qui est altéré subit une
augmentation et une diminution. Car laugmentation et la diminution se
produisent par addition de quelque chose qui est converti en la substance de
ce qui est augmenté, comme il est dit dans le livre De la génération dans le livre II De lâme ; et cela a été aussi dit ci-dessus. Ce mouvement
daugmentation ne se trouve que chez les êtres vivants et les plantes ;
car ce qui se raréfie et se condense nest pas augmenté par quelque ajout,
comme il est prouvé dans le livre IV de |
[70885] In De
caelo, lib. |
[70885] Sur le De caelo, I, 7, 5. Ensuite, quand il
dit : Ğ il semble ğ, il montre la proposition par des signes.
Et il dit que le raisonnement et ce qui apparaît semblent probablement se
témoigner mutuellement dans la matière ces choses. Et il établit trois
signes. [270b5] Le premier dentre eux est
tiré de lopinion commune des hommes, qui établissent de nombreux dieux ou un
seul Dieu, à qui dautres substances séparées sont consacrées, selon
eux ; et tous ceux qui pensent ainsi attribuent un lieu supérieur,
cest-à-dire céleste, au Dieu, quils soient barbares ou grecs, tous ceux qui
pensent quil y a des choses divines. Ils attribuent ainsi un ciel aux substances
divines, adaptant pour ainsi dire un lieu immortel aux choses immortelles et
divines, de même que lhabitation de Dieu se trouve être dans le ciel selon
une correspondance établie par la similitude, puisque assurément ce corps
parmi tous les autres corps accède davantage à la similitude des substances
spirituelles et divines. Il est en effet impossible que lhabitation du ciel
soit attribuée autrement à Dieu, comme sil avait besoin dun lieu corporel,
qui permette de lappréhender. Donc, si les choses divines doivent être
établies, surtout parce quelles doivent être établies avec certitude, il en
résulte que ce qui a été dit sur la première substance corporelle,
cest-à-dire sur le corps céleste, qui assurément est non engendré et non
susceptible dêtre affecté, a été bien dit. Bien que les hommes pensent que
les temples sont le lieu de Dieu, ils ne le pensent pourtant pas à partir de
Dieu lui-même, mais à partir de ceux qui vénèrent Dieu, qui doivent vénérer
Dieu dans un lieu. De là les temples corruptibles sont proportionnés aux
hommes corruptibles, or le ciel est proportionné à labsence de corruption
divine. |
[70886] In De
caelo, lib. |
[70886] Sur le De caelo, I, 7, 6. [270b10] Il établit ici le second signe :
Ğ ceci arrive et par les sens ğ, qui est certainement reçu par lexpérience
dune longue époque. Et il dit que ce qui est prouvé par le raisonnement et
par lopinion commune, arrive,
cest-à-dire suit comme conséquence, suffisamment, et non simplement, mais
comme on peut dire en comparaison avec la foi
humaine, cest-à-dire autant que les hommes peuvent témoigner de ce
quils ont vu dans un laps de temps bref, et non loin deux. En effet selon
les souvenirs que les astrologues se sont transmis, en observant les
dispositions et les mouvements des corps célestes, rien ne semble avoir
changé dans tout le temps passé, ni dans tout le ciel, ni dans une de ses
propres parties. Cela ne pourrait être si le ciel pouvait être engendré et
corrompu : tout ce qui, en effet, est engendré et corrompu parvient peu
à peu et successivement à un état parfait, et doù il sécarte peu à
peu : cela ne pourrait se cacher dans le ciel pendant une si longue
époque, si cétait naturellement soumis à la génération et à la corruption.
Cela nest cependant pas nécessaire, mais probable. En effet plus une chose
est durable, plus long est le temps requis pour que sa transformation soit
découverte, de même que la transformation dun homme nest pas découverte en
deux ou trois ans, pendant lesquels est découverte la transformation dun
chien ou de quelque autre animal ayant une vie plus brève. On pourrait donc
dire que, bien que le ciel puisse naturellement être corrompu, il est
cependant si durable que tout le temps dont on puisse avoir la mémoire ne
suffit pas à découverte sa transformation. |
[70887] In De
caelo, lib. |
[70887] Sur le De caelo, I, 7, 7. [270b20] Il établit ici le troisième signe :
Ğ or il semble ğ, etc. Celui-là est tiré dun nom utilisé par les
anciens, qui dure jusquau temps présent, par lequel il nous est donné à
comprendre quils pensaient eux-mêmes de cette manière que le ciel ne peut
être corrompu, comme nous le pensons. Et afin que quelquun nobjecte pas à
cela que quelques uns avant son temps ont établi que le ciel peut être engendré
et corrompu, il ajoute que les opinions vraies ont été renouvelées suivant
les différentes époques non pas une fois ou deux fois, mais un nombre infini
de foi, si lon suppose que le temps est infini. En effet les études de la
vérité sont détruites par différentes mutations qui se produisent dans les
temps postérieurs ; mais puisque les esprits des hommes inclinent
naturellement vers la vérité, les obstacles cessant, les études sont
renouvelées et les hommes parviennent enfin aux opinions vraies qui avaient
existé auparavant : il nest pas nécessaire de renouveler les opinions
fausses. [270b20] Et cest pourquoi les
anciens, pensant que le corps premier, cest-à-dire celui du ciel, serait
dune autre nature que celle des quatre éléments, ont nommé éther le lieu le
plus élevé du monde, établissant assurément son nom à partir du fait quil
court toujours pendant un temps éternel : thein, en effet, est synonyme de courir en grec. Mais Anaxagore a
mal interprété ce nom, lattribuant au feu, comme si le corps céleste était
igné : aethein en effet
signifie brûler, qui est le propre du feu. Mais il est évident daprès ce qui
a été dit ci-dessus que le corps céleste nest pas igné. |
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Lectio
8 |
Leçon 8 [Lunivers infralunaire est composé de quatre éléments seulement]
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[70888]
In De caelo, lib. |
[70888] Sur le De caelo, I, 8, 1. Après que le
philosophe a montré quil est nécessaire quil y ait un corps en dehors des
quatre éléments, il montre ici quen dehors de ces corps lintégralité de
lunivers ne réclame pas un autre corps. Et il montre en premier lieu cette
proposition ; en second lieu il prouve une certaine chose quil avait
supposée, ici : Ğ ce qui nest pas le propre du mouvement
circulaire ğ, etc. Il dit donc premièrement que, daprès les propos
tenus, qui ont permis de prouver quil y a un cinquième corps en dehors des
corps lourds et légers, on peut aussi montrer quil est impossible quil y
ait un plus grand nombre de corps simples, puisque, comme on la dit
ci-dessus, il est nécessaire quà nimporte quel corps simple appartienne un
mouvement simple. [270b25] Mais il ny a pas
dautre mouvement simple en dehors de ceux qui ont été déjà mentionnés, dont
lun est circulaire et lautre est droit, lui qui se divise en deux
parties : car lun des mouvements droits part du milieu, mouvement qui
est dit vers le haut, lautre va vers le milieu, mouvement qui est dit vers
le bas. Parmi ces mouvements, celui qui va vers le milieu est celui dun
corps lourd, cest-à-dire celui de la terre et de leau ; celui qui part
du milieu est celui dun corps léger, cest-à-dire celui du feu et de
lair ; celui qui est circulaire est celui dun corps premier et
supérieur. Il en résulte quen dehors des corps simples précités il ny a pas
dautre corps simple : et ainsi la totalité de lunivers est constituée
de ces cinq corps. |
[70889] In De
caelo, lib. |
[70889] Sur le De caelo, I, 8, 2. Ensuite quand il
dit : Ğ ce qui nest pas le propre dun mouvement
circulaire ğ, il prouve une certaine chose quil avait supposée, à
savoir que le mouvement circulaire na pas de mouvement contraire. Et il
avait supposé cela dans la démonstration où il prouvait que le corps du ciel
nétait pas soumis à la génération et à la corruption ; mais il ne la
pas aussitôt prouvé à cet endroit, mais il en a différé largumentation
jusquà maintenant, puisque cela lui permet de montrer aussi quil ny a pas
un plus grand nombre de corps simples. Si en effet un mouvement circulaire
avait un mouvement contraire, on pourrait dire que, de même quest double le
corps qui est déplacé par un mouvement droit, en raison du caractère opposé
de ce mouvement, de même est double le corps qui est déplacé par un mouvement
circulaire. Cela ne pourrait pas arriver, sil était reconnu quun corps
circulaire na pas de mouvement contraire. Sur ce point il expose donc
premièrement ce quil sétait proposé de faire. Et il dit que pour de
multiples raisons on peut croire que le mouvement circulaire na pas de
mouvement local contraire. |
[70890] In De
caelo, lib. |
[70890] Sur le De caelo, I, 8, 3. Deuxièmement
ici : Ğ le premier ğ, etc., il montre la proposition. Sur ce
point, on doit considérer que, si lopposition se trouve dans le mouvement
circulaire, il faut que ce soit selon un autre des trois modes : lun
dentre eux est tel que le mouvement droit est opposé au mouvement
circulaire, un autre est tel quune opposition réside dans les parties mêmes
du mouvement circulaire, un troisième est tel quun autre mouvement circulaire
est opposé à un mouvement circulaire. Donc il montre en premier lieu que le
mouvement droit nest pas opposé au mouvement circulaire ; deuxièmement
il montre quil ny a pas dopposition dans les parties du mouvement
circulaire, ici : Ğ ensuite si quelquun pense ğ, etc. ;
troisièmement il montre quil ny a pas dopposition dans le mouvement
circulaire tout entier, cest-à-dire dun mouvement circulaire à un autre,
ici : Ğ mais ni ce qui par là ğ, etc. |
[70891] In De
caelo, lib. |
[70891] Sur le De caelo, I, 8, 4. Il dit donc
premièrement que le mouvement droit semble principalement être opposé au
mouvement circulaire. En effet une ligne droite na aucune fraction ;
une figure dotée dangles a une fraction, non dans sa totalité, mais dans ses
angles ; mais une figure circulaire semble avoir une fraction dans sa
totalité, même si la totalité est un angle. Et selon cela le droit et le
circulaire semble être contraires, pour ainsi dire très éloignés. Et puisque
lon pourrait dire que le droit nest pas opposé au circulaire, mais que le
convexe ou gibbeux est opposé au
concave, pour rejeter cette objection, [270b35]
il ajoute que le concave et le gibbeux,
cest-à-dire le convexe, semblent avoir une opposition non seulement lun
envers lautre, [271a1] mais aussi envers le
droit. Ils semblent avoir une opposition lun envers lautre en tant que choses combinées et placées
lune à côté de lautre, cest-à-dire selon leur relation : car le
concave est appelé ainsi en considération de ce qui se trouve à lintérieur,
et le gibbeux en considération de ce qui se trouve à lextérieur. Et ainsi de
toutes les manières le droit sopposerait au circulaire, quil lobtienne
sous le rapport du concave ou sous le rapport du convexe. Et puisque
lopposition des mouvements semble être selon lopposition des choses où se
trouve le mouvement, il semble être logique que, si un mouvement est
contraire au mouvement circulaire, le mouvement droit lui est surtout
contraire, mouvement qui suit une ligne droite. [271a5]
Mais les mouvements droits sont opposés les uns aux autres, en raison
des lieux opposés (car le mouvement qui est vers le haut est opposé à celui
qui est vers le bas, puisque le mouvement vers le haut et le mouvement vers
le bas introduisent de la différence et de lopposition au sein du
lieu) : et ainsi à un mouvement droit sopposera un autre mouvement
droit, ainsi quun mouvement circulaire. Or cest impossible, puisque une
chose est contraire à une seule autre. Donc il est impossible quun mouvement
soit contraire au mouvement circulaire. |
[70892] In De
caelo, lib. |
[70892] Sur le De caelo, I, 8, 5. On peut objecter à
ce qui est dit le fait que le droit est surtout opposé au circulaire. Il est
dit dans les Catégories que rien
nest opposé à une figure : le droit et le circulaire sont les
différences des figures. On peut dire que le philosophe parle ici dune
hypothèse, et cela sans simplicité. Si en effet une chose était contraire au
circulaire, le droit sopposerait surtout à lui-même, suivant la raison dite
ci-dessus. On peut aussi dire que dans nimporte quel genre on trouve
lopposition des différences, comme il apparaît dans le livre X de |
[70893] In De
caelo, lib. |
[70893] Sur le De caelo, I, 8, 6. Ensuite, quand il dit : Ğ si quelquun pense ğ, etc., il montre quil ny a pas dopposition dans les parties du mouvement circulaire. Et premièrement il rejette lopposition des parties de ce mouvement ; deuxièmement il montre que lopposition des parties ne suffirait pas à lopposition de la totalité, ici : Ğ si ces contraires aussi ğ, etc. Sur le premier point il fait trois choses : premièrement il montre quil nest pas dopposition dans les parties du mouvement circulaire qui sont reçues selon différents portions du cercle, qui sont tracées entre deux points ; deuxièmement il montre quil nest pas dopposition dans les parties du mouvement circulaire qui sont reçues selon le même demi-cercle, ici : Ğ également et ce qui dans un demi-cercle ğ, etc. ; troisièmement il montre quil nest pas dopposition dans les parties du mouvement circulaire qui sont reçues selon deux demi-cercles, ici : Ğ également et de toute façon ğ, etc. [271a10] Il dit donc premièrement que lon pourrait penser que le mode dopposition dans le mouvement qui suit une ligne circulaire et dans le mouvement qui suit une ligne droite est le même. En effet si une ligne droite est tracée entre deux points qui sont A et B, il est évident que le mouvement local qui se ferait sur la ligne droite AB de A vers B sera opposé au mouvement local qui se fera inversement de B vers A. Mais le mode nest pas semblable si une ligne circulaire est dessinée entre deux points qui sont A et B, puisque entre deux points il ne peut y avoir quune ligne droite, [271a15] mais quentre deux points peut être dessiné un nombre infini de lignes courbes, qui sont différentes portions de cercles. Il sensuivrait donc que, si un mouvement qui est de B vers A selon une ligne circulaire était contraire à un mouvement qui est de A vers B par une ligne circulaire, une infinité de mouvements serait contraire à un seul. Il faut remarquer que, au lieu de ce quil aurait dû dire, à savoir quune ligne droite est unique entre deux points, il dit que les lignes droites sont limitées, puisque, si nous acceptons deux points en différents endroits, il y aura un nombre limité de lignes droites entre eux ; mais entre deux points, quels quils soient, pourront être tracés un nombre infini de lignes courbes. |
[70894] In De
caelo, lib. |
[70894] Sur
le De caelo, I, 8, 7. Jean le
grammairien a fait une objection à ce raisonnement, puisquil ne semble pas
sensuivre quun nombre infini de mouvements soient contraires à un seul
mouvement, mais un nombre infini à un nombre infini, puisque suivant chaque
portion de cercle qui est tracé entre deux points il y aura deux mouvements
contraires lun à lautre. De même il semble que ce qui est tiré de
lopposition des mouvements droits ne soit également pas convenable. Car il
est manifeste que, de même quentre deux points peuvent être tracées une
infinité de lignes courbes, de même du centre du monde à sa circonférence
peuvent être tracées une infinité de lignes droites. Mais il faut dire sur le
premier point que, sil y a une opposition des mouvements qui se font par des
lignes courbes selon lopposition de leurs extrémités, comme il arrive aux
mouvements droits, il sensuit de cette supposition que nimporte quel
mouvement qui se fait de B vers A par nimporte quelle ligne courbe est
contraire au mouvement qui est de A vers B ; et ainsi il sensuivra que
non seulement une infinité de mouvements sont contraires à un seul, mais quà
nimporte lequel des mouvements infinis qui commencent à une partie
sopposent une infinité de mouvements qui commencent à la partie opposée. Sur
le deuxième point il faut dire que linfinité des lignes droites qui partent
du centre vers la circonférence sont toutes égales et cest pourquoi elles
marquent la même distance entre des extrémités opposées ; et cest
pourquoi dans toutes se trouve le même rapport dopposition, qui introduit la
plus grande distance. Mais linfinité de lignes courbes qui sont tracées sur
les mêmes points sont toutes inégales : de là il ny a pas en elles le
même rapport dopposition, puisque la distance reçue selon la quantité de la
ligne courbe nest pas unique et identique. |
[70895] In De
caelo, lib. |
[70895] Sur le De caelo, I, 8, 8. [271a10] Ensuite, quand il dit :
Ğ également aussi ce qui dans un demi-cercle ğ, etc., il montre
quil ny a pas dopposition dans un mouvement circulaire selon un seul et
même demi-cercle. En effet quelquun pourrait dire quà un mouvement qui est
sur une ligne courbe de A vers B ne sopposerait pas nimporte quel mouvement
qui va de B vers A par nimporte quelle ligne courbe, mais par une seule et
même, cest-à-dire par un seul demi-cercle. Soit un demi-cercle GD et quil
soit tel que le mouvement qui suit le demi-cercle de G à D soit opposé au
mouvement qui suit le même cercle de D à G. Mais contre cela Aristote fait
avancer son raisonnement en disant que la distance qui est entre G et D sur
le demi-cercle est considérée comme la même que la distance qui est reçue sur
le diamètre, non parce que le demi-cercle est égal au diamètre, mais puisque
nous mesurons toute distance par une ligne droite. La raison en est que toute
mesure doit être certaine, déterminée et la plus petite : entre deux
points la mesure dune ligne droite est certaine et déterminée, puisquil ne
peut y en avoir quune ; et cest la plus petite de toutes les lignes
qui sont entre deux points. Une infinité de lignes courbes peuvent être
tracées entre deux points, lignes qui sont toutes plus grandes quune ligne
droite dessinée entre les mêmes points. De là la distance qui est entre deux
points est mesurée par une ligne droite et non par la ligne courbe dun
demi-cercle ou de nimporte quelle autre portion de cercle, dun cercle plus
grand ou plus petit. Donc comme, concernant le rapport de lopposition, il y
a le fait quil a la plus grande distance, comme il est dit dans le livre X
de |
[70896] In De
caelo, lib. |
[70896] Sur le De caelo, I, 8, 9. Jean le grammairien
a objecté à cela que les géomètres et les astrologues acceptent non seulement
la quantité dune ligne courbe par une ligne droite, mais aussi
linverse : car ils prouvent la quantité de la corde par larc et la
quantité de larc par la corde. Mais en cela il ne comprend pas Aristote. En
effet Aristote ne prétend pas quune ligne courbe est mesurée par une droite,
mais que la distance qui est entre deux points quels quils soient est
mesurée par une ligne droite, suivant le raisonnement déjà tenu. Jean le
grammairien objecte aussi que la plus grande distance est dans le ciel,
distance qui est entre deux points opposés, par exemple entre le début du
Bélier et le début de |
[70897] In De
caelo, lib. |
[70897] Sur le De caelo, I, 8, 10. [271a15]
Ensuite, quand il dit : Ğ également et de
toute façon ğ, il montre quil ny a pas dopposition dans le mouvement
circulaire suivant deux demi-cercles. Et il dit que le raisonnement est
semblable, si en dessinant un cercle tout entier on établit un mouvement qui
est dans un demi-cercle contraire à celui qui est dans un autre demi-cercle.
Soit en effet un cercle dont le diamètre est EZ, divisé en deux
demi-cercles : sur lun dentre eux est tracé le demi-cercle I, dans
lautre le demi-cercle T. Quelquun pourrait donc dire que le mouvement qui
va de E vers Z par le demi-cercle I est opposé au mouvement qui va de Z à E
par le demi-cercle T. Mais cela est réfuté par la même raison que
précédemment : puisque assurément la distance qui est entre E et Z nest
pas mesurée par un demi-cercle, mais par un diamètre. Et il y a encore une
autre raison : puisquil y a un seul mouvement continu qui, commençant à
E, vient à Z par le demi-cercle I, et qui revient de nouveau de Z à E par le
demi-cercle T ; deux mouvements contraires ne peuvent pas se continuer
lun lautre, comme il apparaît dans le livre VIII de la Physique. |
[70898] In De
caelo, lib. |
[70898] Sur le De caelo, I, 8, 11. Ensuite quand il dit : Ğ or si ces ğ, etc., il montre que même si ces parties
des mouvements circulaires étaient contraires, il ne sensuivrait pourtant
pas que cette opposition se trouverait dans les mouvements circulaires dans
leur totalité : car lopposition du tout nest pas la conséquence de
lopposition des parties. Et ainsi il est évident que ce que le philosophe
montre maintenant sur lopposition des parties du mouvement circulaire, il
la abondamment exposé afin dexclure totalement lopposition du mouvement
circulaire. |
[70899] In De
caelo, lib. |
[70899] Sur le De caelo, I, 8, 12. Ensuite quand il dit : Ğ mais en vérité ğ, etc., il montre quà un mouvement circulaire tout entier nest pas contraire un autre mouvement circulaire entier, et cela pour deux raisons. La première dentre elles est tirée de la considération du mouvement circulaire lui-même en commun. Soit donc un cercle, sur lequel sont placés A, B et G en trois points. Sur ce cercle sont compris deux mouvements circulaires, dont lun commence à A, va vers G par B et revient ainsi à A et dont lautre mouvement, à linverse, commençant à A, va dabord vers G et, passant ainsi par B, revient vers A. Il dit donc que ces deux mouvements ne sont pas contraires. En effet lun et lautre de ces mouvements commencent au même point, cest-à-dire à A, et se terminent au même point, cest-à-dire à A lui-même ; et ainsi il est évident que ces deux mouvements ne commencent pas à un point contraire et ne se terminent pas à un point contraire ; est contraire le mouvement local qui va dun contraire à un contraire. Il est donc patent que les mouvements circulaires déjà mentionnés ne sont pas contraires. |
[70900] In De
caelo, lib. |
[70900] Sur
le De caelo, I, 8, 13. Jean le
grammairien a objecté à cela premièrement que le rapport de lopposition
semble être différent pour différentes choses. En effet il détermine que
lopposition dans les mouvements droits est déplacée du contraire vers le
contraire : de là il ne faut pas que, si une telle opposition ne se
trouve pas dans les mouvements circulaires, pour cette raison aucune
opposition ne puisse être en eux. Également, de même que le fonctionnement du
mouvement contraire concernant les mouvements droits est daller du contraire
vers le contraire, de même le fonctionnement du mouvement est daller dun
point à un autre. Par le fait que le mouvement circulaire va du même au même,
il est non seulement exclu quil naille pas du contraire vers le contraire,
mais aussi quil naille pas de dun point à lautre. Donc il est non
seulement exclu des mouvements circulaires quils ne soient pas contraires,
mais aussi quils ne soient pas au fond des mouvements. Il faut dire sur le
premier point qualler du contraire vers le contraire nest pas le
fonctionnement propre de lopposition dans les mouvements locaux qui suivent
une ligne droite ; mais le fonctionnement de lopposition est commun à
tous les mouvements, comme il apparaît dans le livre V de |
[70901] In De
caelo, lib. |
[70901] Sur
le De caelo, I, 8, 14. [271a20] Il établit ici la seconde raison :
Ğ or sil y avait ğ, etc. Et cette raison est tirée de
lapplication du mouvement circulaire aux corps naturels. Et cette raison est
la suivante. Si un mouvement circulaire était contraire à un autre, il
faudrait que lun dentre eux soit en vain ; mais rien nest en vain
dans la nature ; donc il ny a pas deux mouvements circulaires opposés.
Il prouve cette condition ainsi. Sil y avait deux mouvements circulaires
contraires, il faudrait que les corps qui sont déplacés par ces deux
mouvements passent par les mêmes points indiqués sur le cercle : et
cela, puisque lopposition du mouvement local exige lopposition des lieux,
qui atteint lun et lautre des mobiles. Donc sil y avait des mouvements
circulaires contraires, il faudrait que des lieux soient désignés comme
contraires sur le cercle. Sur une ligne droite sont tracés seulement deux
lieux contraires, qui sont assurément les plus distants : dautres lieux
marqués sur la ligne droite, qui sont inférieurs aux deux lieux extrêmes,
comme ils ne sont pas les plus distants, ne sont pas opposés les uns aux
autres. Mais sur le cercle cest le propre de nimporte quel point de
recevoir la plus grande distance vers un autre point du cercle, puisquil
arrive à nimporte quel point marqué sur le cercle de conduire un diamètre,
qui est la plus grande des lignes droites qui se produisent dans un
cercle ; or on a dit que toute distance est mesurée selon une ligne
droite. Donc puisque ce qui est déplacé par des mouvements contraires atteint
nécessairement des lieux contraires, il est nécessaire que, si des mouvements
circulaires sont contraires, lun et lautre corps mus circulairement
commencent à se mouvoir à nimporte quel point du cercle, parviennent en tous
les lieux du cercle, qui sont tous contraires. Et il nest pas inconvenant si
sur un cercle des lieux contraires soient tracés selon toute partie, puisque
les oppositions du lieu sont reçues non seulement selon le mouvement vers le
bas et selon le mouvement vers le bas, mais aussi vers lavant et vers larrière,
vers la droite et vers la gauche ; on a dit que les oppositions du
mouvement local sont reçues selon les oppositions des lieux ; et ainsi,
si les mouvements circulaires sont contraires, il est nécessaire que les
oppositions soient reçues sur le cercle selon ce qui a été déjà mentionné. Il
sensuit que lun des mouvements ou des corps serait vain, puisque, si les
grandeurs déplacées étaient égales, cest-à-dire dune égale puissance, ni
lune ni lautre dentre elles ne seraient déplacées, puisque lune empêcherait
totalement lautre, comme il faudrait que lune et lautre passent par les
mêmes lieux. Si un mouvement dominait en raison de la prééminence de sa
puissance sur lautre des corps mobiles ou se mouvant, il sensuivrait que
lautre mouvement ne pourrait être, puisquil serait totalement empêché par
un mouvement plus fort. Cest pourquoi, sil y avait deux corps qui étaient
naturellement déplacés par des mouvements circulaires contraires, lautre de
ces mêmes corps, qui ne pourrait être déplacé par un mouvement qui serait
empêché par un mouvement plus fort, serait vain : car nous disons quest
vain tout ce qui ne peut avoir son usage, comme nous disons quest vaine une
chaussure que personne ne peut mettre. Et sera également vain un corps, qui
ne pourra pas être déplacé par un mouvement propre : et sera aussi vain
le mouvement par lequel rien ne peut être déplacé. [271a30]
Ainsi donc il est évident que, si deux mouvements circulaires sont
contraires, il est nécessaire que quelque chose soit vain dans la nature.
Mais il prouve ainsi que cest impossible. Tout ce qui est dans la nature
vient soit de Dieu, comme les premières choses naturelles, soit de la nature,
comme dune cause seconde, par exemple les effets inférieurs. Mais Dieu ne
fait rien en vain, puisque, comme cest un agent par lintellect, il agit
pour une fin. Également aussi la nature ne fait rien en vain, puisquelle
agit comme déplacée par Dieu en tant que premier moteur, de même que la
flèche nest pas déplacée en vain, dans la mesure où elle est envoyée par
quelquun qui la lance dans un but précis. Il reste donc que rien nest en
vain dans la nature. Il faut considérer quAristote établit ici que Dieu est
le créateur des corps célestes et non seulement une cause en vue dune fin,
comme certains lont dit. |
[70902] In De
caelo, lib. |
[70902] Sur
le De caelo, I, 8, 15. Jean le
grammairien objecte à ce raisonnement que quelquun pourrait conclure par un
raisonnement semblable que dans les mouvements droits il ny a pas
dopposition, puisque les corps mobiles sentravent les uns les autres. Mais
il faut dire quun raisonnement différent sapplique aux mouvements droits et
circulaires, pour deux raisons. Premièrement puisque deux corps sont déplacés
par des mouvements droits contraires sans quils sentravent lun lautre,
parce que lopposition nest pas constatée dans les mouvements droits si ce
nest selon les extrémités des lignes droites, par exemple selon le centre du
monde et sa circonférence : du centre à la circonférence peuvent être
tracées une infinité de lignes, et ce qui est déplacé par une seule dentre
elles vers le haut nempêche pas ce qui est déplacé par une autre ligne vers
le bas. Mais dans un mouvement circulaire le même fonctionnement de lopposition
se trouve dans toutes les parties du cercle : et cest pourquoi il
faudra que les deux mouvements passent par les mêmes lieux du cercle ;
et ainsi il faut nécessairement que les mouvements circulaires contraires
sentravent les uns les autres. Deuxièmement le raisonnement est différent
pour les uns et les autres, puisque le corps qui est naturellement déplacé
par un mouvement droit, comme il est naturellement apte à être corrompu, est
de même naturellement apte à être entravé : de là sil est entravé, ce
nest pas en vain, tout comme ce nest pas en vain quil soit corrompu. Mais
un corps déplacé circulairement est naturellement incorruptible ; de là
il nest pas né pour être entravé : de là, si quelque chose dans la
nature lui était une entrave, ce serait en vain. |
[70903] In De
caelo, lib. |
[70903] Sur le De caelo, I, 8, 16. De même on peut
faire une objection sur le mouvement des planètes, qui sont déplacées par
leurs propres mouvements de loccident vers lorient ; il semble être à
lopposé du mouvement du firmament, qui est déplacé par le mouvement du jour
de lorient vers loccident. Mais il faut dire que de tels mouvements ont
certes quelque diversité les uns par rapport aux autres, diversité qui
représente de quelque manière les différentes natures des corps
mobiles ; il ny a cependant pas dopposition, pour trois raisons.
Premièrement puisquune diversité de ce genre nest pas selon des extrémités
opposées, mais selon des voies contraires pour parvenir au même terme :
par exemple puisque le firmament est déplacé dun point de lorient vers un
point de loccident par lhémisphère supérieur et quil revient vers un point
de lorient par lhémisphère inférieur, une planète est déplacée dun point
de loccident vers lorient par un autre hémisphère. Le fait dêtre déplacé
par des voies différentes vers le même but ne fait pas lopposition des
actions ou des mouvements, mais concerne les différents ordres des mouvements
et des corps mobiles, puisque ce qui touche au terme par une voie plus noble
est plus noble, comme le meilleur médecin est celui qui amène à la guérison
par une voie plus efficace. Et il sensuit que le premier mouvement du
firmament est plus noble que le second mouvement, qui est celui des planètes,
tout comme lorbite supérieure est la plus noble. De là les orbites des
planètes sont aussi déplacées par le mouvement de la première orbite sans
quelles ne soient entravées par leurs propres mouvements. La seconde raison
est que, bien que lun et lautre mouvement soient sur le même centre, les
deux mouvements sont cependant sur différents pôles : ils ne sont donc
pas contraires. La troisième raison est quils ne sont pas sur le même
cercle, mais que les mouvements des planètes sont sur des cercles inférieurs.
Il faut que lopposition soit considérée à propos de la même distance, comme
cest évident dans les mouvements droits, dont lopposition se produit sur la
distance du centre et de la circonférence. |
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Lectio
9 |
Leçon 9 [Lunivers est-il infini en taille ?]
|
[70904] In De caelo, lib. |
[70904] Sur le De caelo, I, 9, 1. [271b1] Après que le philosophe a montré la
perfection de lunivers et dans quelles parties sa perfection est intégrée,
il commence ici à faire des recherches sur son étendue infinie, puisque,
comme il est dit dans le livre III de |
[70905] In De caelo, lib. |
[70905] Sur le De caelo, I, 9, 2. Il dit donc
premièrement que, puisquil est manifeste au sujet de ce qui a déjà été dit
quil nest pas de mouvement contraire au mouvement circulaire, et au sujet
des autres propos tenus, il faut maintenant sappliquer à ce qui reste. Et
premièrement il faut rechercher sil y a un corps infini en acte selon la
grandeur, comme un très grand nombre de philosophes antiques lont pensé
(assurément tous ceux qui ont établi un seul principe matériel, par exemple
le feu, lair, leau ou un de leurs intermédiaires) ; ou plutôt il est
impossible quil y ait un corps infini en acte, comme il a été prouvé dans le
livre III de |
[70906] In De caelo, lib. |
[70906] Sur le De caelo, I, 9, 3. Ensuite quand il
dit : Ğ ainsi en effet ou de cette façon ğ, il expose le
raisonnement de son intention, à partir de la divergence qui arrive en raison
de la position déjà dite. Et premièrement il propose cette divergence qui en
est la conséquence. [271b5] Et il dit quil
est très différent en comparaison de la contemplation de la vérité dans la philosophie
naturelle de savoir si les choses sont de cette manière-ci ou de cette
manière-là, cest-à-dire sil y a un corps infini selon la grandeur ou
non : mais il introduit plutôt une différence sur le tout, à savoir sur tout lunivers, et
sur toute considération naturelle. En effet ce qui a été dit a à peu près été
dans le passé et sera dans le futur le principe de toutes les contradictions
entre ceux qui ont énoncé quelque chose sur la nature toute entière des
choses. Car ceux qui ont posé un seul principe infini ont établi que dautres
choses arrivaient pour ainsi en se séparant de ce principe ; et ainsi,
en raison du caractère infini de ce principe ils ont dit que la génération
des choses ne cessait pas, comme si quelquun disait que des pains peuvent
être faits à linfini à partir dune masse infinie. Ceux qui ont posé des
principes finis ont dit que les choses se produisaient à linfini par réunion
et séparation réciproques des éléments. |
[70907] In De caelo, lib. |
[70907] Sur le De caelo, I, 9, 4. [271b10] Ensuite quand il dit : Ğ si
vraiment celui qui un peu ğ, etc., il expose une cause pour laquelle une
si grande diversité sensuit : puisque assurément celui qui sécarte un
peu de la vérité sur le principe, savançant par la suite, devient dix mille
fois plus éloigné de la vérité. Et cela parce que tout ce qui suit
immédiatement dépend de son principe. Et cela apparaît surtout quand on se
trompe de route, puisque celui qui séloigne un peu du droit chemin, avançant
bientôt après, se trouve très loin. Et il établit comme exemple de ce qui a
été dit ceux qui ont posé la plus petite grandeur, comme Démocrite a posé des
corps indivisibles : introduisant ainsi la plus petit chose dans la
quantité, il a détruit les plus grandes propositions des mathématiques, par
exemple quil arrive quune ligne donnée soit coupée en deux moitiés. Et la
cause en est que le principe, bien quil soit de la plus petite grandeur, est
cependant dune grande puissance, comme dune petite semence est produit un
grand arbre ; et de là vient que ce qui est petit dans son principe se
multiplie à la fin, puisquil atteint tout ce à quoi la puissance de son
principe sest étendue, que ce soit vrai ou faux. Or linfini tient lieu de
principe (car tous ceux qui ont parlé de linfini ont établi que linfini
était le principe, comme il est dit dans le livre III de |
[70908] In De caelo, lib. |
[70908] Sur le De caelo, I, 9, 5. Ensuite, quand il dit : Ğ cest pourquoi il est nécessaire ğ, etc., il montre dans quel ordre il faut agir. Et il dit quil est nécessaire que tout corps soit ou bien au nombre des corps simples ou bien au nombre des corps composés ; de là il faut quun corps infini soit aussi ou bien simple ou bien composé. De nouveau il est manifeste que, si les corps simples sont finis en multitude et en grandeur, il est nécessaire quun corps composé soit fini à la fois en multitude et en grandeur : en effet un corps composé a une quantité aussi grande que la quantité de corps simples dont il est composé. Il a été montré ci-dessus que les corps simples sont finis en multitude, puisquil ny a pas de corps en dehors de ceux qui ont été déjà mentionnés. Il reste donc à voir si un corps simple est infini en grandeur, ou si cela est impossible. Et nous le montrerons en argumentant en premier lieu sur le premier des corps, qui est déplacé circulairement ; et ainsi nous tournerons notre attention vers les autres corps, qui sont déplacés par un mouvement droit. |
[70909] In De caelo, lib. |
[70909] Sur le De caelo, I, 9, 6. Ensuite quand il dit : Ğ le fait donc que ğ, etc., il montre quil ny a pas de
corps infini : et premièrement par des raisons propres à chaque
corps ; deuxièmement par trois raisons communes à tous, ici :
Ğ le fait donc quil ny ait pas de corps infini ğ, etc. Sur le
premier point il fait deux choses : premièrement il montre la
proposition sur le corps qui est déplacé circulairement ; deuxièmement
sur les corps qui sont déplacés par un mouvement droit, ici :
Ğ mais encore ni ce qui vers le milieu ğ, etc. Sur le premier point
il fait deux choses. Premièrement il expose ce quil a lintention de
faire : et il dit quil est manifeste daprès ce qui sera dit quil est
nécessaire que tout corps qui est porté circulairement soit fini (car cest
le premier des corps). |
[70910] In De caelo, lib. |
[70910] Sur le De caelo, I, 9, 7. [271b25]
Ensuite quand il dit : Ğ si en effet
infini ğ, etc., il prouve la proposition par six raisons : en voici
la première. Si un corps est infini, il ne peut pas être déplacé circulairement ;
mais un corps premier est déplacé circulairement ; donc il nest pas
infini. Premièrement donc il prouve la condition ici : puisque, si un
corps qui est déplacé circulairement est infini, il est nécessaire que des
lignes droites qui partent de son centre soient infinies : car elles
sont étendues aussi longtemps que dure la quantité du corps. La distance qui
est entre des lignes infinies est infinie. Quelquun pourrait dire que, même
sil y a des lignes infinies qui partent du centre, la distance entre elles
est cependant finie : puisque toute distance est mesurée par une ligne
droite, une ligne finie peut être tirée sous les deux lignes déjà dites, par
exemple au voisinage du centre. Mais il est manifeste quen dehors de cette
ligne une autre ligne droite plus grande pourra être tracée entre les deux
lignes dont nous parlions en premier lieu. Et cest pourquoi il dit quil ne
parle pas de la distance que mesurent de telles lignes ; mais il dit
quest infinie la distance qui est mesurée par une ligne en dehors de
laquelle il nest pas possible de prendre une autre ligne plus grande, qui
touche lune et lautre des premières lignes. Et il prouve quune telle
distance est infinie pour deux raisons. Premièrement puisquune telle
distance tout entière est finie entre des lignes finies qui partent du
centre : car il faut que les extrémités des lignes qui partent du centre
et de la ligne finie qui mesure la distance extrême entre elles soient les
mêmes. [272a1] Deuxièmement il prouve la même
chose par le fait que, nimporte quelle distance ayant été donnée entre deux
lignes mesurées partant du centre, il est possible den recevoir une autre
plus grande, de même que, nimporte quel nombre ayant été donné, de même il
est possible den obtenir un plus grand : de là comme il y a un infini
pour les nombres, il y a aussi un infini pour une telle distance. À partir de
là il argumente ainsi. Il nest pas possible de dépasser linfini, comme
cest prouvé dans le livre VI de |
[70911] In De caelo, lib. |
[70911] Sur le De caelo, I, 9, 8. Deuxièmement
ici : Ğ nous voyons le ciel ğ, etc., il prouve la réfutation
de la conséquence par deux raisons : premièrement puisque nous voyons
par notre sens que le ciel se déplace circulairement ; deuxièmement
puisquil a été prouvé ci-dessus par un raisonnement que le mouvement
circulaire est celui dun corps. Il sensuit quil est impossible que soit
infini un corps qui se déplace circulairement. |
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Lectio 10 |
Leçon 10 [Lunivers nest pas infini en taille, preuve par le
temps]
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[70912]
In De caelo, lib. |
[70912] Sur le De caelo, I, 10, 1. Cette première
raison ayant été avancée, raison qui cherchait à montrer quun corps qui est porté
circulairement nest pas infini à partir du fait que la distance qui est
entre deux lignes partant du centre sera infinie et infranchissable, il
établit ici une seconde raison à partir du fait que les lignes tracées et
représentées sur un corps infini, ou même à sa place, ne peuvent pas se
couper les unes les autres. Et il avance dans ce raisonnement un principe, à
savoir que, si un temps fini est soustrait à un temps fini, il est nécessaire
que ce qui reste soit fini, puisquune partie du fini ne peut être infinie,
sinon tout serait inférieur à sa partie. Et si ce reste de temps est fini, il
sensuit quil a ce principe : car nous disons quest fini le temps qui
a un début et une fin. Or il a été démontré dans le livre VI de |
[70913] In De
caelo, lib. |
[70913] Sur le De caelo, I, 10, 2. Par conséquent,
ces principes pour ainsi dire ayant été avancés, il procède à la
démonstration de la proposition. Donc que lon suppose que du centre dun
corps infini qui est A soit tracée une ligne, à savoir AGE, qui soit infinie,
dun côté, cest-à-dire en partant du côté E ; et que lon comprenne que
cette ligne se déplace circulairement selon le mouvement du corps tout entier
et que selon le point G elle décrit un cercle par son mouvement. Représentons-nous
aussi dans un espace imaginaire où un corps infini se déplace circulairement
une ligne qui se tienne immobile, qui ne passe pas par le centre, mais qui
soit infinie de part et dautre et que ce soit la ligne BB. Donc si, comme on
la dit, une ligne qui est AGE décrit dans sa marche un cercle AG, cest-à-dire dont le rayon soit AG, il arrivera que la
ligne AGE, en tournant suivant le cercle déjà dit, coupe toute la ligne BB
dans un temps fini. Car il est manifeste que le rayon du cercle ne peut se
dérouler sur le circuit à moins quil ne coupe ou divise successivement toute
ligne immobile représentée sur le cercle en dehors du centre. Et il montre
quest fini le temps pendant lequel une ligne qui est tirée du centre coupe
une ligne infinie qui est tracée en dehors du centre, par le fait que le
temps tout entier pendant lequel le ciel se déplace est fini, comme cela
apparaît au sens ; [272a15] il sensuit
que la partie de ce temps qui est enlevé au temps tout entier est fini, temps
pendant lequel une ligne AGE divise une ligne BB. Ou plutôt il sensuit
quest fini le temps pendant lequel cette ligne qui divise est portée jusquà
la ligne qui est divisée : et il faut que cela soit enlevé du temps fini
tout entier, afin quun début de temps restant soit accepté, selon le
principe établi ci-dessus. Il sensuit donc quil y a un début de temps, où
une ligne AGE commence à diviser une ligne BB. Or cest impossible, puisque,
comme elle divise une partie avant une autre, sil était possible de donner
un début de temps où elle commence à diviser, il serait possible de donner un
début sur une ligne infinie, ce qui est contraire au principe de linfini.
Ainsi donc il est évident quil ne peut arriver quun corps infini se déplace
circulairement. De là si le monde était infini, il sensuivrait quil ne se
meut pas circulairement. Or nous voyons le firmament se mouvoir
circulairement : il nest donc pas infini. |
[70914] In De
caelo, lib. |
[70914] Sur le De caelo, I, 10, 3. Il établit la troisième raison ici : Ğ encore et parmi ceux-ci ğ, etc. : et cette raison
est tirée du caractère infini de tout corps que lon présente comme se
déplaçant circulairement. Il dit donc que daprès ce qui suit aussi il est
manifeste quil est impossible quun corps infini se meuve circulairement. [272a25] Il annonce davance que sil y a deux
lignes finies, dont lune est A et lautre B, telles que A soit portée à côté
de B immobile, il sensuit nécessairement que la ligne déplacée qui est A est
en même temps séparée de la ligne statique qui est B et quau contraire la
ligne statique qui est B est en même temps séparée de la ligne déplacée qui
est A. La raison en est que lune dentre elles reçoit de lautre une partie
aussi grande que lautre reçoit inversement delle-même. Mais cependant si
toutes les deux se déplacent lune contre lautre, les lignes seront séparées
plus rapidement lune de lautre ; or si lune se déplaçait à côté de
lautre immobile, les lignes seront séparées plus lentement lune de lautre,
pourvu que la rapidité des deux lignes déplacées lune contre lautre et de
lune déplacée à côté de lautre soit égale. Et il a avancé cela parce que le
temps pendant lequel une ligne en a parcouru une autre et le temps pendant
lequel lautre ligne la parcourue sont les mêmes. [272a30]
Et après quil a montré cela par des lignes finies, il lapplique aux
lignes infinies, dont il traite. Et il dit quil est manifeste quil est
impossible quune ligne infinie soit parcourue en un temps fini par une ligne
finie ; doù il résulte quune ligne finie parcourt une ligne infinie en
un temps infini ; ce qui certes a été montré auparavant dans ce qui concerne le mouvement,
cest-à-dire dans le livre VI de |
[70915] In De
caelo, lib. |
[70915] Sur
le De caelo, I, 10, 4. [272b10] Ainsi donc après avoir montré quil ny a
pas de différence entre une ligne infinie se déplaçant à côté dune ligne
immobile et une ligne finie se déplaçant au-dessus dune ligne infinie, il
sen sert comme argument pour prouver que, si le temps pendant lequel une
ligne finie a parcouru une ligne infinie est infini, la conséquence en est
que le temps pendant lequel une ligne infinie se déplace par une ligne finie
est infini. Ainsi donc il apparaît quil est impossible quun corps infini
tout entier se déplace par un espace tout entier infini, où nous nous
représentons son mouvement, pendant un temps assurément fini, puisque, si
linfini se déplaçait aussi par un très petit espace fini, il sensuivrait
que le temps serait infini : car il a été prouvé que linfini est
déplacé par le fini dans un temps infini, tout comme le fini par linfini. Or
nous voyons que le ciel tourne autour de tout son espace pendant un temps
limité. De là il est manifeste quil parcourt une ligne finie pendant un
temps fini, par exemple qui contient tout le cercle intérieur tracé autour de
son centre, cest-à-dire la ligne AB, ce qui ne pourrait pas arriver sil
était infini. Il est donc impossible quun corps qui est porté circulairement
soit infini. |
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Lectio
11 |
Leçon 11 [Lunivers nest pas infini en taille, preuve par la
surface]
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[70916] In De
caelo, lib. |
[70916] Sur le De caelo, I, 11, 1. Après avoir avancé
trois raisons pour prouver quun corps qui se déplace circulairement ne
pourrait pas être infini, il en établit ici une quatrième, qui est la
suivante. Il est impossible quune ligne qui a une limite soit infinie, à
moins que par hasard elle nait une limite dun côté et quelle ne soit
infinie de lautre côté. Et il en est aussi de même pour la surface : si
elle avait une limite dun côté, il narriverait pas quelle soit infinie de
ce côté. Mais quand elle est limitée de tout côté, elle ne peut en aucune
manière être infinie, [272b20] comme il
apparaît quil ne peut arriver quun tétragone,
cest-à-dire un carré, soit infini, ni un cercle, qui est une figure plane,
ni une sphère, qui est une figure solide ; ce sont en effet des noms de
figures, or une figure est ce qui est enfermé par une extrémité ou des
extrémités. Et ainsi il apparaît quaucune surface sous forme de figure nest
infinie. Donc si ne sont infinis ni la sphère, ni le carré, ni le cercle, il
est manifeste que le mouvement circulaire ne peut être infini. En effet, de
même que, sil ny a pas de cercle, il ne peut y avoir de mouvement
circulaire, de même, sil ny a pas de cercle infini, il ne peut y avoir de
mouvement circulaire infini. Mais si un corps infini se déplaçait
circulairement, il serait nécessaire que le mouvement circulaire soit
infini : donc il nest pas possible quun corps infini se meuve
circulairement. [272b25] |
[70917] In De
caelo, lib. |
[70917] Sur le De caelo, I, 11, 2. Il établit une
cinquième raison ici : Ğ encore si G ğ, etc., qui est la
suivante. Supposons quun corps infini mu circulairement ait un centre
G ; que soit conduite par ce centre une ligne infinie des deux côtés,
qui soit la ligne AB ; que soit conduite une autre ligne en dehors du
centre, perpendiculaire à la ligne BA, en un point E, et que cette ligne soit
aussi infinie des deux côtés ; et que ces deux lignes soient immobiles,
pour ainsi dire représentées dans lespace où le corps infini se meut
circulairement. Soit aussi une troisième ligne partant du centre, qui soit la
ligne DG, infinie du côté D (car du côté G il faut quelle soit finie) :
que cette ligne se déplace selon le mouvement du corps, parce que tracée sur lui.
Donc puisque la ligne E est infinie, elle
ne sera jamais dégagée, cest dire séparée, de celle-là :
puisquelle ne peut pas la parcourir, comme elle est infinie, mais quelle
sera toujours comme GE, autrement dit elle atteindra ou
coupera toujours la ligne E, comme elle la coupait au début à partir duquel
elle avait commencé à se mouvoir, par exemple quand la ligne GD était posée
sur la ligne BA et coupait la ligne E perpendiculairement au point E. En
effet séloignant de ce lieu, elle coupera la ligne E en un point Z et ainsi
la coupera toujours en tel et tel point : elle ne pourra pourtant jamais
se séparer totalement delle. Or il est impossible quun mouvement circulaire
soit complet, à moins que la ligne GD ne renvoie la ligne E, puisquil faudra
que, avant que le mouvement circulaire ne soit complet, la ligne GD parcoure
la partie du cercle qui est opposée à la ligne E. Ainsi donc il apparaît
quune ligne infinie ne peut en aucune manière parcourir un cercle, de telle
sorte quun mouvement circulaire tout entier soit complet. Et ainsi il
sensuit quun corps infini ne pourrait pas se mouvoir circulairement. |
[70918] In De
caelo, lib. |
[70918] Sur le De caelo, I, 11, 3. Il établit une sixième raison ici : Ğ en outre si ğ, etc. Et il organise cette raison de deux
façons : premièrement en effectuant une réduction à limpossible de
cette manière. Que le ciel soit infini, comme tu létablis. Il est évident
pour notre sens quil se meut tout autour dans un temps fini : nous
voyons en effet que sa révolution sachève en vingt-quatre heures. Il
sensuivra donc que linfini sest écoulé en un temps fini : et cela
parce quil est nécessaire de se représenter un espace égal au ciel, où le
ciel se meut. Or nous imaginons cet espace comme au repos : ainsi donc
il faudra quil y ait un ciel qui demeure infini, cest-à-dire lespace dans
lequel le ciel se meut, et quil y ait un corps de ciel qui se déplace dans
cet espace, égal à lespace mentionné, puisquil faut que le corps soit égal
à lespace dans lequel il se trouve. Donc si un ciel infini sest déplacé
circulairement dans un temps fini, la conséquence en est que linfini sest
écoulé dans un temps fini. [273a1] Or il est
impossible que linfini sécoule dans un temps fini, comme il est prouvé dans
le livre VI de |
[70919] In De
caelo, lib. |
[70919] Sur le De caelo, I, 11, 4. Deuxièmement
ici : Ğ il y aussi et inversement ğ, il organise son
raisonnement à linverse, de telle sorte que la preuve est démontrée. Et il
dit que nous pouvons inversement dire que, à partir du fait que le temps
pendant lequel le ciel sest tourné, comme cela apparaît au sens, la
conséquence en est que la grandeur qui est parcourue est finie. Il est
manifeste que lespace parcouru est égal au corps même qui le parcourt. Il sensuit
donc que le corps qui se meut circulairement est fini. [273a5] Ainsi donc en épiloguant il conclut quil
est manifeste quun corps qui se meut circulairement nest pas illimité, cest-à-dire dépourvu de
limite, pour ainsi dire informe ; et par conséquent il nest pas infini,
mais il a une fin. |
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Lectio
12 |
Leçon 12 [Lunivers nest pas infini en taille, preuve par les
corps se mouvant en ligne droite]
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[70920]
In De caelo, lib. |
[70920] Sur le De caelo, I, 12, 1. Après que le
philosophe a montré quun corps déplacé circulairement nest pas infini, il
montre ici la même chose à propos dun corps qui se meut par un mouvement
droit, soit en partant du milieu, soit en se dirigeant vers le milieu. Et
premièrement il propose ce quil sétait proposé, en disant que, de même
quun corps qui est porté circulairement ne peut être infini, de même un
corps qui est porté par un mouvement droit, soit en partant du milieu, soit
en allant vers le milieu, ne peut être infini. Deuxièmement ici :
Ğ les déplacements contraires ğ, etc., il démontre la proposition,
et premièrement à partir des lieux qui sont propres aux corps de ce genre,
deuxièmement à partir de la pesanteur et de la légèreté, par lesquelles les
corps de ce genre se meuvent dans leurs lieux propres, ici : Ğ en
outre si la pesanteur ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il
fait deux choses : il montre premièrement la proposition quant aux corps
extrêmes, dont lun est simplement lourd, à savoir |
[70921] In De
caelo, lib. |
[70921] Sur le De caelo, I, 12, 2. Il expose donc
premièrement que les mouvements de ce genre qui sont vers le haut et vers le
bas, ou bien à partir du milieu et vers le milieu, sont des mouvements
contraires : or sont contraires des mouvements locaux qui vont vers des
lieux contraires, comme il a été dit ci-dessus et quil est montré dans le
livre V de |
[70922] In De
caelo, lib. |
[70922] Sur le De caelo, I, 12, 3. Ensuite quand il
dit : Ğ en outre si vers le haut ğ, etc., il montre la même
chose quant aux corps du milieu. Et premièrement il propose une certaine
condition, à savoir que, si les mouvements ascendants et descendants sont
limités, il est nécessaire quun lieu intermédiaire soit limité. Et il prouve
cela par une double raison. La première dentre est : si, les premières
choses qui existent étant limitées, le milieu nétait pas limité, il
sensuivrait que le mouvement qui va dune extrémités à une autre est infini,
parce que le milieu se montre infini. Or, il a été montré auparavant que cela
serait impossible, dans ce qui a été dit sur le mouvement circulaire, où il a
été montré que le mouvement qui passe par linfini ne peut être complet.
Ainsi donc il apparaît que le lieu du milieu est limité. Et ainsi, comme ce
qui a un lieu est de commune mesure avec ce lieu, il est logique quun corps
qui existe en acte dans ce lieu ou qui puisse exister ici soit fini. |
[70923] In De
caelo, lib. |
[70923] Sur le De caelo, I, 12, 4. Il établit ici la
seconde raison : Ğ mais encore ğ, etc. : la voici. Un
corps qui est entraîné vers le haut ou vers le bas [273a20]
peut parvenir à ce quil existe dans un tel lieu. Ce qui apparaît par le fait
quun tel corps est né pour se mouvoir
à partir du milieu ou vers le milieu, cest-à-dire quil a une inclinaison
naturelle vers ce lieu-ci ou vers ce lieu-là ; or, une inclinaison
naturelle ne peut être en vain, parce que Dieu et la nature ne font rien en
vain, comme on la considéré ci-dessus. Ainsi donc tout ce qui se meut
naturellement vers le haut ou vers le bas peut limiter ses mouvements vers ce
qui est vers le haut ou vers le bas. Mais cela ne pourrait être si le lieu
central était infini. Le lieu du milieu est donc fini, tout comme le corps
étant fini en lui. À partir des prémisses il conclut donc en épiloguant quil
est manifeste quil narrive pas quun corps soit infini. |
[70924] In De
caelo, lib. |
[70924] Sur le De caelo, I, 12, 5. Ensuite quand il
dit : Ğ encore si la pesanteur ğ, etc., il montre quil ne
peut y avoir un corps lourd ou léger infini, après en avoir tiré la raison de
la pesanteur ou de la légèreté : la voici. Sil y a un corps lourd ou
léger infini, il est nécessaire que la pesanteur ou la légèreté soient
infinies : mais cela est impossible : donc le premier point aussi.
Sur cela il fait donc deux choses : premièrement il prouve la
condition ; deuxièmement il prouve la réfutation de la conséquence,
ici : Ğ mais en outre puisque linfinie ğ, etc. Sur le premier
point il fait deux choses. Premièrement il propose ce quil avait lintention
de faire, en disant : si la
pesanteur nest pas infinie, aucun de ces corps, cest-à-dire des corps
lourds, ne sera infini : et
cela parce quil est nécessaire que la
pesanteur dun corps infini soit infinie. [273a25]
Et la même raison concerne le corps léger : puisque, si la pesanteur
dun corps lourd est infini, il est nécessaire que la légèreté aussi soit
infinie, si on suppose quun corps léger qui est entraîné vers le haut est
infini. |
[70925] In De
caelo, lib. |
[70925] Sur le De caelo, I, 12, 6. Deuxièmement
ici : Ğ manifestement ğ, etc., il prouve ce quil avait
supposé : et il établit premièrement la démonstration ; il exclut
deuxièmement certaines obstacles, ici : Ğ or il ne diffère en rien
que des pesanteurs ğ, etc. Il établit donc premièrement un raisonnement
qui conduit à limpossible, le voici. Si ce qui a été dit ci-dessus nest pas
vrai, supposons que la pesanteur dun corps infini soit finie : et soit
un corps infini AB, soit G sa pesanteur finie. Quau corps infini déjà
mentionné soit enlevée [273a30] une partie
finie qui est la grandeur BD, qui est nécessairement beaucoup plus petite que
le corps infini tout entier. Or, la pesanteur dun corps plus petit est plus
petite : ainsi donc la pesanteur du corps BD est plus petite que la
pesanteur G, qui est la pesanteur du corps infini tout entier ; et soit
E cette pesanteur plus petite. Que cette pesanteur plus petite, à savoir E,
mesure la pesanteur finie plus grande qui est G, toutes les fois, cest-à-dire selon nimporte quel point, par
exemple selon trois, de telle sorte que lon dise que E est le tiers de tout
G. [273b1] Que soit reçue par le corps infini
une partie qui est ajoutée au corps fini BD, selon la proportion dont G
dépasse E, et que ce corps dépassant soit BZ, ainsi que, de même que la
pesanteur plus petite qui est E se trouve par rapport à la plus grande qui
est G, de même le corps BD se trouve par rapport à BZ. Et il prouve que cela
pourrait se faire par le fait quà un corps infini peut être retranché tout
ce quil faudrait ; parce que, comme il est dit dans le livre III de |
[70926] In De
caelo, lib. |
[70926] Sur le De caelo, I, 12, 7. Ensuite, quand il
dit : Ğ il ne diffère en rien ğ, etc., il exclut deux
obstacles contre la raison déjà mentionnée : premièrement le premier,
deuxièmement le deuxième, ici : Ğ et en tout cas la
grandeur ğ, etc. Le premier obstacle est quil avait supposé dans le
raisonnement précédent que la pesanteur plus petite qui est E mesure selon un
nombre la pesanteur plus grande qui est G, ce que lon pourrait nier :
car tout ce qui est plus grand nest pas mesuré par ce qui est plus petit,
puisquune ligne de trois palmes ne mesure pas une ligne de huit palmes. Or,
le philosophe rejette cet obstacle doublement. [273b10]
Premièrement parce que cest la même chose pour la proposition si les deux
pesanteurs déjà mentionnées, à avoir la plus grande et la plus petite, sont
commensurables, cest-à-dire que la plus petite mesure la plus grande, ou
sont incommensurables, à savoir que la plus petite ne mesure pas la plus
grande : car la même raison suit des deux côtés. Car il est nécessaire
que la plus petite chose prise plusieurs fois soit mesure la plus grande
chose soit la dépasse, comme un binaire pris trois fois fait un sénaire (car
trois fois deux font six), or il ne mesure pas un quinaire, mais le dépasse.
Ainsi donc si la pesanteur E ne mesurait pas la pesanteur G, la situation
serait telle que cette pesanteur prise trois fois mesurerait une certaine pesanteur
plus grande, qui dépasserait la pesanteur G. Et il sensuivrait un
inconvénient, comme auparavant. Puisque si nous tirons du corps infini trois
grandeurs selon la quantité BD, la pesanteur de la grandeur composée de ces
trois grandeurs sera le triple de la pesanteur E, qui, on la établi, est la
pesanteur du corps BD. Or la pesanteur qui est le triple de E est plus
grande, selon ce qui a déjà été dit, que la pesanteur G, qui est la pesanteur
du corps infini. Cest pourquoi sensuit la même impossibilité quauparavant
est impossible, à savoir que la pesanteur du corps fini est plus grande que
la pesanteur du corps infini. [273b15] |
[70927] In De caelo, lib. |
[70927] Sur le De caelo, I, 12, 8. Deuxièmement
ici : Ğ de plus il arrive aussi ğ, etc., il exclut le même
obstacle dune autre manière. Et il dit que nous pouvons poser comme
préalable dans la démonstration déjà mentionnée que deux pesanteurs sont
commensurables, cest-à-dire que E est commensurable avec G. En effet
ci-dessus on a pris en premier lieu la partie de la grandeur, cest-à-dire
BD, dont nous avons dit que la pesanteur était E : et cest pourquoi on
avait pu dire que E ne mesurait pas G. Or il ny a pas de différence pour
cette proposition si nous commençons par la pesanteur, en en obtenant une
partie, comme nous la voulons, ou bien par la grandeur ainsi prise ; par
exemple si, en commençant par la pesanteur, on en prend une certaine partie,
cest-à-dire E, qui mesure le tout, à savoir G ; et si par conséquent
nous acceptons une partie du corps infini, cest-à-dire BD, dont la pesanteur
est E ; et si ensuite nous procédons comme ci-dessus, cest-à-dire que,
comme la pesanteur E est par rapport à la pesanteur G, de même la grandeur BD
est par rapport à une autre grandeur plus importante qui est BZ. Et cela
parce quà partir du fait que la grandeur du corps tout entier est infinie il
arrive quon retranche tout ce quon a voulu. [273b20]
Donc, après avoir pris les parties de la pesanteur et de la grandeur, il
sensuivra que et les grandeurs et les pesanteurs seront commensurables entre
elles, cest-à-dire que la pesanteur la plus petite mesurera la plus grande
et également que la grandeur la plus petite mesurera la grandeur la plus
grande. |
[70928] In De
caelo, lib. |
[70928] Sur le De caelo, I, 12, 9. Ensuite, quand il
dit : Ğ et en tout cas la grandeur ğ etc., il rejette le
deuxième obstacle. Car il avait supposé que les grandeurs étaient
proportionnelles aux pesanteurs. Cela est nécessaire dans un corps formé de
parties semblables, car, comme il est en tout point dans sa totalité dune
pesanteur semblable, il est nécessaire que sa pesanteur la plus grande soit
dans sa partie la plus grande : mais dans un corps formé de parties
dissemblables ce nest pas nécessaire, puisquil est possible que la
pesanteur de la plus petite partie dépasse la pesanteur de la partie la plus
grande, comme la plus petite partie de la terre est plus lourde que la plus
grande partie de leau. Il rejette donc cet obstacle, en disant quil ny
aucune différence pour la démonstration avancée si une grandeur infinie, dont
nous parlons, soit homéomère,
cest-à-dire de parties semblables quant à la gravité, ou non homéomère, cest-à-dire de parties
dissemblables, puisque nous pouvons prendre dun corps infini tout ce que
nous avons voulu, soit en appliquant, soit en soustrayant ; tout comme
nous acceptons que des parties aient une pesanteur égale à la partie prise en
premier, cest-à-dire BD, que ces parties prises ensuite soient plus grandes
en grandeur ou plus petites. Si en effet nous avons accepté en premier lieu
que BD soit de trois coudées, en ayant la pesanteur E, et si nous acceptons
de nombreuses autres parties, par exemple de dix coudées, qui aient une
pesanteur égale, ce sera la même chose que si on prenait une autre partie
égale qui ait une pesanteur égale. Ainsi donc le même inconvénient sensuit.
Donc après avoir avancé cette démonstration et avoir rejeté les obstacles, il
conclut daprès ce qui a été dit que la pesanteur dun corps infini ne peut
être finie. Il reste donc à voir si elle est infinie. Donc sil est
impossible que la pesanteur soit infinie, comme il le prouvera aussitôt, il
sensuit logiquement quil est impossible quun corps soit infini. |
[70929] In De
caelo, lib. |
[70929] Sur le De caelo, I, 12, 10. Ensuite quand il
dit : Ğ mais en outre puisque infinie ğ, etc., il montre ce
quil avait supposé, cest-à-dire quune pesanteur ne peut être
infinie : et en cela il réfute la conséquence de la condition avancée.
Sur ce point il fait deux choses. Il propose premièrement ce quil avait
lintention de faire : et il dit quil faut encore montrer daprès ce
qui suit immédiatement quil est impossible que la pesanteur soit infinie. |
[70930] In De
caelo, lib. |
[70930] Sur le De caelo, I, 12, 11. Deuxièmement
ici : Ğ si en effet une si grande ğ, etc., il prouve sa
proposition. Et premièrement il avance certaines suppositions ;
deuxièmement il argumente daprès elles pour sa proposition, ici :
Ğ il est donc nécessaire daprès cela ğ, etc. ; troisièmement
il exclut une certain objection, ici : Ğ et sil nétait
pas ğ, etc. Il établit premièrement trois suppositions. [273b30] La première dentre elles est que, si une pesanteur
si grande, cest-à-dire dune
mesure déterminée, parcourt une distance si
grande, cest-à-dire une grandeur despace déterminée, pendant ce temps, à savoir pendant un
temps déterminé, il est nécessaire que la pesanteur aussi grande et encore plus, cest-à-dire une pesanteur plus
grande qui a une pesanteur aussi grande que la plus petite et encore
davantage parcourt une aussi grande distance dans un temps moindre, puisque
plus la puissance motrice est forte, plus son mouvement est rapide, et ainsi parcourt
un espace égal dans un moindre temps, comme il a été prouvé dans le livre VI
de |
[70931] In De
caelo, lib. |
[70931] Sur le De caelo, I, 12, 12. Ensuite, quand il
dit : Ğ il est donc nécessaire à partir de cela ğ, etc., il
argumente à partir des prémisses. [274a5] En
effet si la pesanteur était infinie, il sensuivrait deux contradictions, à
savoir quune chose se déplacerait selon elle et quelle ne se déplacerait
pas. Le fait quelle se déplacerait est la conséquence logique de la première
supposition, puisque, si une aussi grande pesanteur se déplace dans un si
long temps, une pesanteur plus grande se déplacera plus rapidement,
cest-à-dire dans un moindre temps. Donc puisquune pesanteur infinie est
plus grande quune pesanteur finie, si une pesanteur finie se déplace selon
un temps déterminé par un espace déterminé, comme la troisième supposition le
disait, il sensuit logiquement quune pesanteur infinie se déplace autant et encore plus, cest-à-dire
par un espace plus grand dans un temps égal ou par un espace égal dans un
temps moindre, ce qui consiste à se déplacer plus rapidement. Mais le fait
que quelque chose ne se déplace pas selon une pesanteur infinie sensuit
logiquement à partir de la seconde supposition. Car il faut que quelque chose
se déplace proportionnellement selon
les supériorités de la pesanteur au contraire, cest-à-dire quune
pesanteur plus grande se déplace dans un temps moindre. Aucune proportion ne
peut être celle de la pesanteur infinie par rapport à la pesanteur
finie : or il y a quelque proportion du temps moindre par rapport au
temps plus long, pourvu quil soit fini. Ainsi donc il ne sera pas possible
de donner un temps où la pesanteur infinie se déplace ; mais il sera
toujours possible daccepter que quelque chose se déplace dans un temps
moindre que serait le temps où la pesanteur infinie se déplace ; or il
nest pas possible de donner le plus petit temps où la pesanteur infinie se
déplace, tout comme on pourrait dire que quelque chose ne peut pas se
déplacer dans un temps moindre. Pour cette raison il nest pas possible
daccepter le plus petit temps, puisque, comme tout temps est divisible, de
même que nimporte quelle chose continue, il est possible daccepter pendant
nimporte quel temps un temps plus bref, cest-à-dire une partie du temps
divisé. Ainsi donc la pesanteur ne peut être infinie. [274a10] |
[70932] In De
caelo, lib. |
[70932] Sur le De caelo, I, 12, 13. Ensuite, quand il
dit : Ğ et sil y avait ğ, etc., il rejette un certain
obstacle. On pourrait en effet dire que le plus petit temps, cest-à-dire
indivisible, est celui où une pesanteur infinie se déplace, de même que
certains ont aussi établi que certaines grandeurs étaient petites et
indivisibles. Mais il rejette cet obstacle : et il montre premièrement
quun inconvénient suivrait si on établissait le temps le plus petit et si
pendant celui-là une pesanteur infinie se déplaçait ; deuxièmement il
montre que le même inconvénient suivrait si pendant nimporte quel temps,
même celui qui nest pas le plus petit, une pesanteur infinie se déplaçait,
ici : Ğ mais encore il est nécessaire ğ, etc. Il dit donc
premièrement que, même sil y avait le temps le plus petit, cela ne serait
daucune utilité à qui établirait une pesanteur infinie, afin déviter
linconvénient. En effet, bien que nous posions le plus petit temps, nous
nexcluons cependant pas quil y ait quelque proportion entre ce très bref
temps et un temps plus grand, parce que ce temps très bref sera une partie du
temps plus grand, de même que lunité est une partie du nombre, et cest
pourquoi il y a une proportion entre elle et tout nombre. Or cet indivisible
na pas de proportion avec le divisible, qui nen est pas une partie, de même
quun point nest pas une partie de ligne, et pour cette raison il ny a pas
de proportion entre le point et la ligne. Que lon accepte donc une autre
pesanteur, finie au contraire, beaucoup plus grande que la gravité finie qui
se déplaçait dans un temps plus long que la gravité infinie, dans une
proportion où le temps le plus petit de la pesanteur infinie se trouve en
rapport avec le temps plus long dune autre pesanteur finie. Par exemple,
soit une pesanteur infinie E, le temps le plus petit où B se meut, une
pesanteur infinie G, qui se meut dans un temps plus long que B, cest-à-dire
dans un temps D : que lon accepte donc une autre pesanteur beaucoup
plus grande que G, dans une proportion où D dépasse B et que cette pesanteur
soit F. Ainsi donc, comme la diminution du temps est selon laddition de la
pesanteur, il sensuivra que la pesanteur F, qui est finie, se déplace dans
le même temps que la pesanteur infinie, ce qui est impossible. Il faut donc
considérer que, de même quil ny a pas de proportion entre le point et la
ligne, de même aussi il ny a pas de proportion entre linstant et le temps,
puisque linstant nest pas une partie du temps. Ainsi donc on supprimerait
cette raison seulement, si quelquun établissait que la pesanteur infinie se
déplace en un instant : mais il est impossible, comme il a été prouvé
dans le livre VI de |
[70933] In De
caelo, lib. |
[70933] Sur le De caelo, I, 12, 14. Ensuite quand il
dit : Ğ mais encore il est nécessaire ğ, etc., il montre que
le même inconvénient suit logiquement quel que soit le temps où nous
établissons quune pesanteur infinie se déplace, même dans un temps qui nest
pas le plus petit. Et cest ce quil dit : si dans un temps fini
quelconque, même dans un temps qui nest pas très bref, une pesanteur infinie
se déplace, [274a15] il est encore nécessaire
que pendant ce temps même une pesanteur finie se déplace dans un espace fini,
puisquil sera possible daccepter un excès de pesanteur selon une diminution
de temps, comme on la déjà dit. Ainsi donc il apparaît quil est impossible
que la pesanteur soit infinie : et cest le même raisonnement pour la
légèreté. |
|
|
Lectio
13 |
Leçon 13 [Lunivers nest pas infini en taille, autre preuve]
|
[70934]
In De caelo, lib. |
[70934] Sur le De caelo, I, 13, 1. [274a20] Après que le philosophe a montré pour
chacun corps naturel quaucun dentre eux nest infini, il montre ici par une
raison commune quaucun corps naturel nest fini : car la preuve qui se
fait par un moyen commun cause un savoir plus parfait. Donc sur ce point il
fait deux choses : il dit premièrement sur quoi se porte son
intention ; deuxièmement il montre la proposition, ici :
Ğ cest pourquoi il est nécessaire que tout corps ğ, etc. |
[70935] In De
caelo, lib. |
[70935] Sur le De caelo, I, 13, 2. Sur le premier
point il fait trois choses. Premièrement il montre dans sa péroraison pour
ainsi dire ce qui a été dit auparavant, disant que pour ceux qui examinent
selon la manière déjà dite il est manifeste quil ny a pas de corps infini, par ce qui est selon la partie,
cest-à-dire selon les raisons propres de chaque partie de lunivers,
cest-à-dire du corps qui se meut circulairement, et qui se meut vers le haut
ou vers le bas. |
[70936] In De
caelo, lib. |
[70936] Sur le De caelo, I, 13, 3. Deuxièmement
ici : Ğ et pour qui tourne son attention universellement ğ,
etc., il montre ce quil reste à dire immédiatement. Et il dit que la même
chose peut être manifeste si on tourne son attention universellement, cest-à-dire par un moyen commun. Et cela non
seulement selon les raisons communes qui sont établies dans le livre de |
[70937] In De
caelo, lib. |
[70937] Sur le De caelo, I, 13, 4. Troisièmement ici : Ğ après ceci il faut tourner son attention ğ, etc., il montre ce quil faut déterminer immédiatement après cela. Et il dit que, après avoir montré ce qui a été dit, notre intention sera de rechercher, une fois supposé que le corps tout entier de lunivers nest pas infini, [274a25] si cependant son corps tout entier est dune si grande étendue quil puisse y avoir plusieurs ciels, cest-à-dire plusieurs mondes. Car on peut peut-être douter de ceci, à savoir sil est possible que, comme ce monde a été constitué autour de nous, de même il y ait dautres mondes plus nombreux quun seul, sans quils soient infinis. Mais avant de traiter de cela, nous parlerons universellement de linfini, en montrant assurément par des raisons communes quil ny a pas de corps infini. |
[70938] In De
caelo, lib. |
[70938] Sur le De caelo, I, 13, 5. Ensuite, quand il
dit : Ğ cest pourquoi il est nécessaire ğ, etc., il démontre
la proposition : et premièrement par des raisons naturelles
démonstratives ; deuxièmement par des raisons logiques, ici :
Ğ par de raisonnables ğ, etc. Je dis les raisons démonstratives et
naturelles, qui sont tirées des principes propres de la science naturelle,
sur le mouvement de laquelle lattention se porte, ainsi que sur laction et
la passivité, qui consistent dans le mouvement, comme il est dit dans le
livre III de |
[70939] In De
caelo, lib. |
[70939] Sur le De caelo, I, 13, 6. Il avance donc
trois divisions en premier lieu. La première dentre elles est quil est
nécessaire que tout corps soit fini ou infini. Et sil est fini, nous avons
la proposition ; mais sil est infini, il reste une deuxième division, à
savoir quil est soit tout entier non
homéomère, cest-à-dire formé de parties dissemblables, comme le corps
dun être vivant, qui est composé de chair, dos et de nerfs, soit tout
entier homéomère, cest-à-dire
formé de parties semblables, comme leau, dont chaque partie est faite deau.
Or sil est tout entier formé de parties dissemblables, il reste une
troisième division, à savoir si les espèces des parties dun tel corps sont
finies en nombre ou infinies. Donc sil est prouvé quelles ne sont pas
infinies, ni quelles ne sont pas finies de nouveau, et quaucun corps formé
de parties semblables nest de nouveau infini, il sera prouvé quaucun corps
nest universellement infini. |
[70940] In De
caelo, lib. |
[70940] Sur le De caelo, I, 13, 7. Ensuite quand il
dit : Ğ ce qui donc ğ, etc., il sattache à chacun des propos
tenus. Et sur ce point il fait trois choses : il montre premièrement
quil nest pas possible pour un corps formé de parties dissemblables que les
espèces soient infinies ; il montre deuxièmement quil nest pas
possible quun corps formé de parties dissemblables soit infini, et que les
espèces des parties soient finies, ici : Ğ mais cependant si du
moins ğ, etc. ; il montre troisièmement quil nest pas possible quil
y ait un corps infini formé de parties semblables, ici : Ğ mais
encore ni la totalité ğ, etc. Il dit donc premièrement quil est
manifeste quil nest pas possible quun corps infini soit constitué dune
infinité despèces de parties, si on permet que restent dans leur vérité les premières hypothèses, cest-à-dire
les suppositions faites auparavant, à savoir quil y a seulement trois
espèces de mouvements simples. [274b1] Si en
effet les premiers mouvements, cest-à-dire les mouvements simples, sont
finis, il est nécessaire que les espèces des corps simples soient
finies ; et cela parce que le mouvement dun même corps simple est
simple, comme on la considéré ci-dessus. Il a été dit ci-dessus que les
mouvements simples sont finis : car ils sont trois, à savoir le
mouvement qui va vers le milieu, le mouvement qui part du milieu et le
mouvement qui tourne autour du milieu. Pour cette raison il faut que, si les
mouvements simples sont finis, les corps simples soient finis, puisquil est
nécessaire que tout corps naturel ait son propre mouvement : or si les
espèces des corps étaient infinies, alors que les mouvements sont finis, il
faudrait quil y ait des espèces de corps qui naient pas de mouvements, ce
qui est impossible. Ainsi donc à partir du fait que les mouvements simples
sont finis, il est suffisamment prouvé que les espèces des corps simples sont
finies. Or tous les corps mélangés sont composés de corps simples. De là sil
y avait un corps tout entier formé de parties dissemblables, qui serait
composé dune infinité despèces de corps mélangés, il faudrait cependant que
les espèces des premiers composants soient finies, bien que cela aussi ne
semble pas possible, à savoir que les mélanges des éléments finis se
diversifient à linfini. Et cependant un corps mélangé ne peut être dit formé
de parties toutes semblables, puisque, même si ses parties quantitatives sont
dune espèce semblable, comme nimporte quelle partie dune pierre est une
pierre, ses parties essentielles sont cependant différentes selon
lespèce : car la substance dun corps mélangé est composée de corps
simples. [274b5] |
[70941] In De
caelo, lib. |
[70941] Sur le De caelo, I, 13, 8. Ensuite quand il
dit : Ğ mais cependant si ğ, etc., il montre quil nest pas
possible quil y ait un corps infini formé de parties dissemblables, ni que
les espèces des parties soient finies. Et il introduit quatre raisons pour
cela. La première dentre elles est que, si un corps formé de parties
dissemblables, étant infini, était composé de parties dune espèce finie, il
faudrait que nimporte laquelle de ses parties soit infinie selon la
grandeur ; par exemple, si un corps mélangé était infini, ses éléments
étant finis, il faudrait que lair soit infini, ainsi que leau et le feu.
Mais cest impossible, puisque, comme nimporte lequel dentre eux est lourd
ou léger, il sensuivrait selon les prémisses que sa pesanteur ou sa légèreté
est infinies ; or il a été montré quaucune pesanteur ou légèreté ne
peut être infinie. Donc il nest pas possible quun corps infini formé de
parties dissemblables soit composé despèces finies de parties. Quelquun
peut objecter quil ne sensuit pas, cette raison étant posée, que chacune
des parties est infinie : car il serait possible que le tout soit
infini, une partie étant infinie selon la grandeur, et les autres étant
finies. Mais cela a été désapprouvé dans le livre III de |
[70942] In De
caelo, lib. |
[70942] Sur le De caelo, I, 13, 9. Il établit la
seconde raison ici : Ğ il est en outre nécessaire ğ, etc. Car
si les parties du tout infini sont infinies selon la grandeur, il faut aussi
que leurs lieux soient infinis selon la grandeur, puisquil faut que les
lieux soient égaux à ce qui est placé. Mais un mouvement se mesure selon la
grandeur du lieu quil parcourt, comme il est prouvé dans le livre VI de la Physique. [274b10]
Il sensuit donc que les mouvements de toutes ces parties sont infinis. Mais
cest impossible, si ce que nous avons supposé ci-dessus est vrai, à savoir
quil narrive pas que quelque chose se déplace vers le bas à linfini, ni
même vers le haut, puisque le mouvement vers le bas est déterminé, comme il y
a un milieu et que, pour la même raison, le mouvement vers le haut est limité
(si en effet lun des contraires est limité, lautre lest aussi). Et il
montre ici cela aussi par le fait que cest commun à tous les mouvements. Car
nous voyons dans la transformation qui est selon la substance quil est
impossible que devienne ce qui ne
peut pas être devenu, de même quun
âne ne peut devenir doué de raison, puisquil est impossible quil soit
ainsi. Et cest la même chose pour un mouvement tel, cest-à-dire pour un mouvement qui est selon la qualité,
pour un mouvement aussi grand,
cest-à-dire un mouvement qui est selon la quantité, pour un mouvement ici, cest-à-dire un mouvement qui est
selon le lieu. [274b15] En effet sil est
impossible que quelque chose de noir soit devenu blanc, comme un corbeau, il
est impossible quil devienne blanc ; et sil est impossible que quelque
chose mesure une coudée, comme une fourmi, il est impossible quil évolue
vers cela ; et sil est impossible que quelque chose soit en Égypte, par
exemple le Danube, il est impossible quil se déplace là-bas. Et la raison en
est que la nature ne fait rien en vain : ce sera en vain sil se déplaçait
là où il lui est impossible de parvenir. Ainsi donc il est impossible que
quelque chose se déplace localement là où il ne lui est pas possible de
parvenir. Or il nest pas possible de parcourir un lieu infini. Donc si les
lieux étaient infinis, il ny aurait aucun mouvement. Comme cest impossible,
il ne peut être que les parties dun corps infini formé de parties
dissemblables soient infinies en grandeur. |
[70943] In De
caelo, lib. |
[70943] Sur le De caelo, I, 13, 10. Il établit ici la
troisième raison : Ğ de plus si divisées aussi ğ, etc. Car on
pourrait dire quil ny a pas un infini continu, mais quil y a certaines
parties divisées, cest-à-dire
disjointes et non continues, infinies, de même que Démocrite a établi une
infinité de corps indivisibles et de même quAnaxagore a établi une infinité
de parties entièrement semblables. Mais il dit lui-même que rien de moins
inconvenant ne suit cette position, puisque, sil y avait une infinité de
parties de feu non continues, rien nempêcherait que toutes ces parties
sunissent et quainsi un seul feu infini se forme de toutes. [274b20] |
[70944] In De
caelo, lib. |
[70944] Sur le De caelo, I, 13, 11. Il établit la
quatrième raison ici : Ğ mais le corps est ğ, etc. En effet
comme on dit quelque chose infini, il faut que linfini soit accepté selon sa
propre raison : par exemple, si nous disons quune ligne est infinie,
nous comprenons quelle est infinie selon sa longueur ; mais si nous
disons quune surface est infinie, nous comprenons quelle est infinie selon
la longueur et la largeur. Or un corps sétend en toute partie, puisquil a
toutes les dimensions, comme il a été dit ci-dessus : et ainsi, si un
corps était dit infini, il faudrait quil soit infini en toute partie ;
et ainsi il ny aurait rien en dehors de lui en aucune partie. Il nest donc
pas possible quil y ait dans un corps infini plusieurs choses différentes
dont chacune serait infinie, puisquil nest pas possible quil y ait
plusieurs choses infinies, selon ce que lon a déjà dit. |
[70945] In De
caelo, lib. |
[70945] Sur le De caelo, I, 13, 12. Ensuite quand il
dit : Ğ mais de plus ni la totalité ğ, etc. il montre quun
corps infini ne peut être formé de parties semblables, et cela pour deux
raisons. La première dentre elles est que nimporte quel corps naturel doit
avoir un mouvement local ; or il ny a pas dautre mouvement en dehors
de ceux qui ont été mentionnés ci-dessus, dont lun tourne autour du milieu,
lautre part du milieu et le troisième va vers le milieu ; il sensuit
donc quil a lun de ces mouvements. Mais cest impossible, puisque, sil se
déplaçait vers le haut ou vers le bas, il serait lourd ou léger [274b25] ; et ainsi il arriverait que la
pesanteur et la légèreté seraient infinies, ce qui est impossible selon les
prémisses. Il nest également pas possible quil se déplace circulairement,
puisquil est impossible que linfini soit porté circulairement : car il
ny a pas de différence entre dire cela et dire que le ciel est infini, ce
qui est impossible, comme on la montré ci-dessus. Il narrive donc pas quun
corps infini tout entier soit homéomère. |
[70946] In De
caelo, lib. |
[70946] Sur le De caelo, I, 13, 13. Il établit ici la
troisième raison : Ğ mais de plus absolument pas ğ, etc., qui
est impliquée par la raison commune du mouvement local. Car sil y avait un
corps infini formé de parties semblables, il sensuivrait quil ne pourrait
se mouvoir en aucune manière. Puisque, sil se déplace, ce sera soit selon la
nature, soit selon la violence. Or sil a un mouvement violent, il sensuit
quil a aussi un mouvement naturel, puisque le mouvement violent est
contraire au mouvement naturel, comme on la considéré ci-dessus. Or sil a
un mouvement naturel, il sensuit quil a aussi un lieu qui lui est
équivalent, où il est naturellement porté, puisquun mouvement naturel est
propre à ce qui est porté dans son propre lieu. Or cest impossible,
puisquil sensuivrait quil y a deux lieux corporels infinis, ce qui est
également impossible, comme le fait quil y ait deux corps infinis, puisque,
comme un corps infini est de tous côtés infini, il en est de même pour un
lieu infini. Il nest donc pas possible quun corps infini se déplace. Donc
si tout corps naturel est déplacé, il sensuit quaucun corps naturel nest
infini. Il faut cependant considérer que cette raison fonctionne seulement
avec le mouvement droit : en effet ce qui se meut circulairement ne
change pas tout son lieu en sujet, mais seulement en raison, comme il est
prouvé dans le livre VI de |
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Lectio
14 |
Leçon 14 [Lunivers nest pas infini en taille, preuves par
laction et la passion]
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[70947] In De
caelo, lib. |
[70947] Sur le De caelo, I, 14, 1. Après que le
philosophe a montré quun corps sensible nest pas infini, la raison étant
tirée du mouvement local, il montre ici la même chose par une raison tirée de
laction et de la passivité, qui suivent tout mouvement. Et sur ce point il
fait deux choses : il montre premièrement la proposition ; il
rejette deuxièmement un certain obstacle, ici : Ğ mais cependant et
tout ce qui ğ, etc. |
[70948] In De
caelo, lib. |
[70948] Sur le De caelo, I, 14, 2. Sur le premier
point il établit la raison suivante. Aucun corps infini na de puissance
active, passive ou les deux à la fois ; mais tout corps sensible a une
puissance active, passive ou les deux à la fois ; donc aucun corps
sensible nest infini. Sur ce point il fait donc deux choses : il prouve
premièrement la majeure ; il établit deuxièmement la mineure et la
conclusion, ici : Ğ donc si tout corps ğ, etc. Sur le premier
point il fait deux choses : il propose premièrement ce quil a
lintention de faire, et il dit quil est manifeste daprès ce qui est dit
quil est non seulement impossible que linfini se déplace localement, mais
quil est universellement impossible que linfini pâtisse quelque chose, ou
même fasse quelque chose à un corps infini. Deuxièmement ici :
Ğ car soit infini ğ, etc., il prouve la proposition. Et il montre
premièrement que linfini ne pâtit pas du fini ; deuxièmement il montre
que le fini ne pâtit pas de linfini, ici : Ğ mais encore ni
linfini ğ, etc. ; troisièmement il montre que linfini ne pâtit
pas de linfini, ici : Ğ ni linfini en tous cas ğ, etc. |
[70949] In De
caelo, lib. |
[70949] Sur le De caelo, I, 14, 3. Il dit donc premièrement ceci : si un corps infini pâtit dun corps fini, soient [275a1] un corps infini où il y a A, et un corps fini où il y a B : et puisque tout mouvement se fait dans le temps, soit un temps G où B sest déplacé ou bien où A a été déplacé. Donc si nous établissions que A qui est un corps infini a été altéré par B qui est un corps fini, par exemple chauffé ou porté, cest-à-dire déplacé selon le lieu, ou quil a subi quelque chose, par exemple, quil a été refroidi, humidifié ou déplacé de nimporte quelle manière, dans le temps G, nous accepterions une partie de B qui se meut, cest-à-dire D (et il ny aurait pas de différence pour la proposition si D était un autre corps plus petit que B). Il est manifeste quun corps plus petit déplace un corps moins mobile dans un temps égal (cela ayant été cependant supposé, à savoir que dans un plus petit corps il y a une plus petite puissance ; il faut le dire sil y a un corps formé de parties semblables ; or une puissance plus petite dans un temps égal déplace un corps moins mobile). [275a5] Soit donc un corps E, qui est altéré ou déplacé de nimporte quelle manière par D dans un temps G, tout comme nous comprenons que le corps E est une partie de tout linfini qui est A. Mais puisque D aussi bien que B sont finis, il y a aussi une proportion de nimporte lequel des deux corps finis lun avec lautre ; selon la proportion que D a avec B, quil y ait une proportion du corps E avec nimporte quel corps fini plus grand, par exemple avec F. Donc cette position faite, il établit certaines suppositions. La première dentre elles est que le corps qui altère égal en grandeur et en puissance altérera un corps égal dans un temps égal. La seconde est quun corps plus petit qui altère altérera un corps plus petit dans un temps égal ; tout comme un corps déplacé plus petit quun autre corps déplacé sera aussi grand que nimporte quel corps plus grand analogue à un plus petit, cest-à-dire aussi grand que la proportion de lexcès dun corps plus grand se déplaçant avec un plus petit. [275a10] Donc il conclut à partir des prémisses quun corps infini ne peut être déplacé par aucun corps fini dans nimporte quel temps, puisquun corps plus petit quun corps infini sera déplacé dans un temps égal par ce corps plus petit que le corps infini qui le déplace ; assurément E, qui est plus petit que A, sera déplacé par D, qui est plus petit que B, selon les prémisses. Ce qui est analogue à E, cest-à-dire qui est dans la même proportion avec E que B avec D, est quelque chose de fini : on ne peut en effet dire que linfini même qui est A est avec E comme B est avec D, puisque linfini na aucune proportion avec le fini. Après avoir supposé que quelque chose de fini est avec E comme B avec D, il sera possible de dire dune autre manière que, de même que D est avec E, de même B est avec ce corps fini. Mais D déplace E dans un temps G : donc B déplace un corps fini dans un temps G. Mais dans ce temps il a été établi quil déplace linfini tout entier qui est A : donc dans le même temps le fini déplacera le fini et linfini. |
[70950] In De
caelo, lib. |
[70950] Sur le De caelo, I, 14, 4. Ensuite, quand il
dit : Ğ mais ni linfini ğ, etc., il prouve quun corps infini
ne déplace pas un corps fini dans un temps quelconque : et premièrement
il montre quil ne le déplace pas dans un temps fini ; deuxièmement
quil ne le déplace pas dans un temps infini, ici : Ğ mais encore
dans un infini ğ, etc. Il dit donc premièrement quun corps infini ne
déplacera pas non plus un corps fini dans aucun temps, cest-à-dire limité. [275a15] En effet si on supposait le contraire, soit
un corps infini où il y a A, soit un corps fini B ou BZ qui est déplacé par
lui, soit un temps G où il est déplacé. Soit D une partie finie du corps infini
qui est A : et puisquun plus petit corps déplace un plus petit corps
dans un temps égal, il sensuit logiquement que le corps fini qui est D
déplace dans un temps G un corps plus petit que celui qui est B ; et
soit Z ce corps plus petit, qui en est une partie. Donc puisque BZ tout
entier a une proportion avec Z, que lon accepte que, de même que BZ tout
entier se trouve par rapport à Z, de même E se trouve par rapport à D, qui
sont tous deux une partie de linfini. Donc, dune autre manière, la proportion
qui est entre D et Z est la même que la proportion qui est entre E et BZ.
Mais D déplace Z dans un temps G : donc E déplacera BZ dans un temps G.
Mais dans ce temps, BZ était déplacé par un corps infini qui est A : il
sensuit donc que linfini et le fini changent ou déplacent de nimporte
quelle manière dans le même temps un seul et même corps mobile. [275a20] Mais cest impossible : car on
supposait ci-dessus quun corps plus grand déplaçant déplace un corps mobile
égal dans un temps moindre, puisquil se déplace plus rapidement. Ainsi donc
il est impossible quun corps fini soit déplacé par un corps infini dans un
temps G ; et il sensuit également que nimporte quel autre temps fini
est pris. Donc il nest pas possible de donner aucun temps fini pendant
lequel linfini déplace le fini. |
[70951] In De
caelo, lib. |
[70951] Sur le De caelo, I, 14, 5. Ensuite quand il
dit : Ğ mais dans linfini ğ, etc., il montre que cela ne peut
être non plus dans un temps infini. En effet il narrive pas que dans un
temps fini quelque chose déplace ou soit déplacée : puisque un temps
infini na pas de fin, toute action ou toute passion a une fin : car
rien nagit ni ne pâtit si ce nest pour parvenir à une fin. Il reste donc
que linfini ne déplace pas le fini pendant un temps infini. |
[70952] In De
caelo, lib. |
[70952] Sur le De caelo, I, 14, 6. Ensuite quand il
dit : Ğ et linfini de toute façon ğ, etc., il prouve que
linfini ne déplace pas linfini. Et il dit quil narrive pas que linfini
subisse [275a25] quelque chose à cause de
linfini selon nimporte quelle espèce de mouvement. Sinon, soient un corps
infini agissant où se trouve A, et un corps infini subissant où se trouve B,
un temps DG pendant lequel B a été victime de A ; soit E une partie de
linfini mobile qui est B. Donc puisque B tout entier a été victime de A
pendant tout le temps qui est DG, il est manifeste que E, qui en est une
partie, nest pas déplacé pendant tout ce temps : car il faut supposer
quun corps mobile plus petit est déplacé dans un moindre temps par le même
corps déplaçant ; car plus un corps mobile est vaincu par un corps
déplaçant, plus vite il est déplacé par lui. Donc que E, qui est plus petit
que B, soit déplacé par A dans un temps D, qui est une partie de tout le
temps GD. [275a30] D est en proportion avec
GD, comme lun et lautre sont finis : acceptons que E ait la même
proportion avec une partie plus grande du corps mobile infini même que D a
avec GD. Ainsi donc ce corps fini plus grand que E est nécessairement déplacé
par A dans un temps GD : [275b1] il faut
en effet supposer quun corps mobile plus grand et un corps mobile plus petit
sont déplacés par le même corps déplaçant dans un temps plus grand et plus
petit, tout comme la division des mobiles se fait selon la proportion des
temps. Donc puisque la proportion de ce corps fini avec E est comme la
proportion de tout le temps GD avec D, il faut dune autre manière dire que
la proportion de tout le temps GD avec ce corps mobile fini plus grand est
comme la proportion du temps D avec le mobile E. Mais E est déplacé par A
dans un temps D : donc ce corps fini plus grand sera déplacé par A dans
un temps GD : et ainsi dans le même temps seront déplacés un corps fini
et un corps infini, ce qui est impossible. Et le même inconvénient sensuit,
quel que soit le temps fini accepté. Ainsi donc il est impossible que
linfini soit déplacé par linfini dans un temps fini. Il reste donc que,
sil est déplacé, il lest dans un temps infini. Mais cest impossible, comme
on la montré ci-dessus, puisquun temps infini na pas de fin, et que tout
ce qui est déplacé à la fin de son mouvement, puisque, même si le mouvement
du ciel tout entier na pas de fin, un mouvement circulaire a une fin. Ainsi
donc il est manifeste que linfini na de puissance ni active ni passive. [275b5] |
[70953] In De
caelo, lib. |
[70953] Sur le De caelo, I, 14, 7. Ensuite quand il
dit : Ğ si donc ğ, etc., après avoir posé la mineure, il met
en avant la conclusion, disant que tout corps sensible a une puissance
active, passive ou les deux. Ici il est question dun corps sensible à la différence du corps mathématique, ainsi que tout corps
naturel est appelé corps sensible, qui, en tant que corps de ce genre, est né
pour déplacer et être déplacé. Ainsi donc il conclut quil est impossible
quun corps sensible soit infini. |
[70954] In De
caelo, lib. |
[70954] Sur le De caelo, I, 14, 8. Ensuite quand il
dit : Ğ mais cependant tout ce qui aussi ğ, etc., il écarte un
certain obstacle : puisque quelquun pourrait dire quil y a un corps en
dehors du ciel intelligible qui est
infini. Et il dit que tous les corps qui sont dans un lieu sont sensibles.
Car ce ne sont pas des corps mathématiques, puisquà de tels corps nest pas
dû un lieu, si ce nest par métaphore, comme il est dit dans le livre I de |
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Lectio
15 |
Leçon 15 [Lunivers nest pas infini en taille, preuves logiques]
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[70955] In De
caelo, lib. |
[70955] Sur le De caelo, I, 15, 1. Après que le
philosophe a montré universellement quil ny a pas de corps infini par des
raisonnements physiques, cest-à-dire qui sont tirés des propriétés de la
science naturelle, il montre ici la même chose par des raisonnements
logiques, cest-à-dire qui sont tirés de quelques principes plus communs, ou
de principes plus probables et non nécessaires. Et cest ce quil dit :
il est possible, cest-à-dire il arrive, de se préparer à démontrer la proposition par des moyens fondés sur le raisonnement,
cest-à-dire par la voie logique, ainsi, cest-à-dire selon les raisons
suivantes. À partir de là il y a un autre texte plus clair, qui est le
suivant : il est possible
dargumenter plus logiquement aussi de la façon suivante. Il montre
premièrement la proposition sur le corps infini continu ; deuxièmement
sur le corps infini non continu, ici : Ğ or si le non
continu ğ, etc. |
[70956] In De
caelo, lib. |
[70956] Sur le De caelo, I, 15, 2. Sur le premier
point, il fait deux choses. Il montre premièrement quun corps infini, étant
de parties semblables, ne peut être déplacé circulairement. Il le prouve par
le fait que linfini na pas de milieu, ni extrémités : or le mouvement
circulaire tourne autour du milieu, comme on la considéré ci-dessus :
donc, etc. [275b15] |
[70957] In De
caelo, lib. |
[70957] Sur le De caelo, I, 15, 3. Il montre
deuxièmement par trois raisons quil nest pas possible quun tel corps
infini soit déplacé par un mouvement droit. La première dentre elles est la
suivante. Tout corps qui est déplacé par un mouvement droit peut être déplacé
naturellement et par violence. Celui est déplacé par violence a un lieu où se
déplacer violemment ; et tous ceux qui sont déplacés naturellement ont
un lieu où se déplacer naturellement. Or tout lieu est égal à ce qui est placé
en lui. Ainsi donc il sensuivra quil y a deux lieux aussi grands que le
corps infini : dans lun, il se déplace violemment et dans lautre, il
se déplace naturellement. Or il est impossible quil y ait deux lieux
infinis, de même aussi quil y ait deux corps infinis, comme on la considéré
ci-dessus. Il reste donc quaucun corps naturel nest infini. Les deux
raisons sont dites logiques,
puisquelles procèdent de ce qui arrive à un corps infini en tant quil est
infini, quil soit mathématique ou naturel, cest-à-dire quil nait pas de
milieu et quil nait pas une chose égale en dehors de lui. Il a établi
ci-dessus quelques points semblables, mais non en tant que points principaux,
mais en tant que points posés pour faire apparaître les autres. |
[70958] In De
caelo, lib. |
[70958] Sur le De caelo, I, 15, 4. Il établit ici la
seconde raison : Ğ en outre soit que la nature ait ğ, etc.,
qui est la suivante. Que lon dise quun corps infini est déplacé par un
mouvement droit naturellement, ou par violence, il faut dire par les deux
moyens quil y a une puissance qui déplace ce corps infini : en effet il
a été montré dans les livres VII et VIII de |
[70959] In De
caelo, lib. |
[70959] Sur le De caelo, I, 15, 5. Il établit ici une
troisième raison : Ğ de plus déplaçant ğ, etc. Et cette raison
est certes introduite pour exclure lobjection lancée à la raison déjà
présentée. En effet, quelquun pourrait dire quun corps infini nest pas
déplacé naturellement par un autre corps, mais par lui-même, comme on dit que
les êtres vivants se déplacent eux-mêmes : et ainsi il ne sensuivra pas
quil y ait deux corps infinis, ce que concluait la raison déjà mentionnée.
Et pour cette raison il avance quil est nécessaire de dire que, sil y a un
corps infini, le corps qui le déplace est quelque chose dautre, puisque,
sil se déplaçait lui-même, il serait animé (car cest le propre des êtres
animés de se déplacer eux-mêmes). Donc sil y avait un corps infini qui se
déplaçait lui-même, il sensuivrait quil serait un être animé infini. Mais
cela ne semble pas être possible, puisque tout être animé a une forme
déterminée et une proportion déterminée des parties au tout, ce qui ne
saccorde pas avec linfini. Ainsi donc on ne peut dire que linfini se meut
lui-même. Or si on disait que quelque chose dautre le déplace, il
sensuivrait quil y aurait deux infinis, cest-à-dire celui qui déplace et
celui qui est déplacé. Et il sensuit quils sont différents selon lespèce
et la puissance, puisque celui qui déplace est comparé au corps mobile comme
lacte à la puissance. Or cest impossible, de même quon la dit auparavant.
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[70960] In De
caelo, lib. |
[70960] Sur le De caelo, I, 15, 6. Ensuite quand il
dit : Ğ si le non continu ğ, etc., il montre quil ny a pas
dinfini non continu, mais séparé par interposition du vide, comme lont
établi Démocrite et Leucippe. Et il le montre par trois raisons. Sur la
première dentre elles, il dit que, si linfini nétait pas un seul tout
continu, [275b30] mais, comme le disent
Démocrite et Leucippe, sil était séparé par un vide intermédiaire (car ils
établissaient que les corps indivisibles ne peuvent être unis les uns aux
autres sans quun vide sinterpose) ; selon leur opinion il sensuit
quil est nécessaire quils aient tous un seul mouvement. En effet, ils
disaient que ces corps invisibles infinis sont limités, cest-à-dire distincts les uns des autres, seulement par
leur configuration, dans la mesure où lune est pyramidale, une autre
sphérique, une autre cubique, et ainsi de suite ; et ils disent pourtant
que la nature de tous ceux-ci est unique, comme si lon disait que chacun
dentre eux, [276a1] séparé par lui-même, est
de la nature de lor. Or sils sont dune seule nature, il est nécessaire que
leur mouvement soit unique et identique, bien quils soient les plus petites
parties des corps, puisque le mouvement du tout et de la partie est le même,
tout comme celui de toute la terre et dune seule motte (cest-à-dire petite partie) et celui de tout le feu et
dune étincelle. Donc si tous sont de même nature et ont le même mouvement,
soit tous sont déplacés vers le bas comme sils avaient une pesanteur, et
ainsi [276a5] aucun corps ne sera simplement
léger, comme tous les corps sont dits être composés par eux ; soit tous
se déplacent vers le haut, comme sils avaient de la légèreté, et ainsi il
ny aura aucun corps lourd, ce qui est impossible. |
[70961] In De
caelo, lib. |
[70961] Sur le De caelo, I, 15, 7. Il établit ici la
seconde raison : Ğ en outre si la pesanteur ğ, etc. : la
voici. Tout corps lourd est déplacé vers le milieu, tout corps léger est
déplacé vers lextrémité. Donc si un des corps indivisibles déjà mentionnés
ou nimporte lequel dentre eux avait de la pesanteur ou de la légèreté, il
sensuivrait que tout lespace contenu par les corps indivisibles et par les
vides intermédiaires aurait une extrémité ou un milieu. Mais cest
impossible, étant donné que cet espace est infini. Il reste donc que cette
position est impossible. |
[70962] In De
caelo, lib. |
[70962] Sur le De caelo, I, 15, 8. Et puisque cette
raison vise à détruire linfini, de quelque manière que linfini soit établi,
quil soit continu ou non continu, pour cette raison il établit cette même
raison de façon plus universelle, quand il soumet : Ğ et
totalement ğ, etc. Et il dit que nous pouvons dire universellement que
là où il ny a pas de milieu ni dextrémité il ny a pas de mouvement vers le
haut, cest-à-dire vers lextrémité, ni de mouvement vers le bas,
cest-à-dire vers le milieu. Une fois quon les a soustraits, il ny aura pas
de lieu où les corps [276a10] soient portés
par un mouvement droit : car ils sont portés vers le haut ou vers le
bas. Une fois le lieu supprimé, il ny aura aucun mouvement, puisque tout ce
qui est déplacé lest nécessairement soit selon la nature, soit contre la
nature, ce qui est déterminé par des lieux propres ou étrangers (car sont
appelés mouvements naturels ceux par lesquels les corps sont déplacés vers
les lieux qui leur sont propres, sont appelés mouvements violents ceux par
lesquels ils sont déplacés vers des lieux qui leur sont étrangers). Or il est
impossible que le mouvement soit enlevé des corps : il est donc
impossible détablir linfini. |
[70963] In De
caelo, lib. |
[70963] Sur le De caelo, I, 15, 9. Il établit la
troisième raison ici : Ğ de plus si là où ğ, etc. Et il dit
que le lieu vers lequel quelque chose est déplacé contre la nature, ou dans
lequel il est au repos contre la nature a nécessairement quelque chose
dautre selon la nature, vers lequel il est naturellement déplacé et où il
est naturellement au repos. Et cela devient crédible par induction : car
la terre est déplacée vers le haut contre la nature, mais le feu lest selon
la nature ; et inversement le feu est déplacé vers le bas contre la
nature, mais la terre lest selon la nature. Nous voyons que certains corps
sont déplacés vers le bas et certains autres vers le haut. Or si ceux qui sont
déplacés vers le haut le sont contre la nature, il faudra dire quil y en a
quelques autres qui sont déplacés vers le bas selon la nature, et également
si on établissait que ce qui est déplacé vers le bas lest contre la nature,
il serait nécessaire détablir dautres choses qui sont déplacées vers le bas
selon la nature. [276a15] De là tous nont pas
de la pesanteur et tous nont pas de la légèreté, selon la position déjà
mentionnée : mais ceux qui sont naturellement déplacés vers le bas ont
de la pesanteur ; ceux qui sont naturellement déplacés vers le haut nen
ont pas. Enfin il conclut en épiloguant quil est manifeste daprès ce qui a
déjà été dit quil ny a absolument pas de corps infini, cest-à-dire infini
continu ou infini séparé par interposition de vide. Ces dernières raisons
sont dites logiques puisquelles procèdent de certaines choses probables pas
encore complètement prouvées. |
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Lectio
16 |
Leçon 16 [Y a-t-il un nombre infini dunivers ?]
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[70964] In De
caelo, lib. |
[70964] Sur le De caelo, I, 16, 1. Après que le
philosophe a montré que lunivers nest pas infini en grandeur, il montre ici
quil ny a pas plusieurs mondes en nombre, à plus forte raison quils ne
sont pas infinis. Et premièrement il dit sur quoi porte son intention ;
deuxièmement il expose la proposition, ici : Ğ car tout demeure en
effet ğ, etc. Il dit donc premièrement que, puisquil a été montré que
le corps de tout lunivers nest pas infini, il reste à dire quil nest pas
possible quil y ait plusieurs ciels,
cest-à-dire plusieurs mondes : car nous avons déjà dit ci-dessus ce
quil fallait entendre sur ce point. Or il faut considérer que le philosophe
a fait mention ci-dessus du fait quen dehors du ciel il ny a pas de corps
ni fini ni infini ; il sensuit quil ny a pas dautre monde en dehors
de celui-là : car il y aurait un corps en dehors du ciel. Et cest pourquoi,
sil était suffisamment prouvé ci-dessus quen dehors du ciel il ny a pas de
corps ni fini ni infini, il ne resterait rien à prouver. Mais si on pense [276a20] que dans les passages précédents on na
montré pas universellement à propos des corps quil est impossible que
nimporte lequel dentre eux soit en dehors du monde, mais seulement que le
raisonnement ci-dessus soit introduit à propos des corps qui sont établis
être infinis, selon cela il reste encore à voir sil est possible quil y ait
plusieurs ciels, ou plusieurs mondes. |
[70965] In De
caelo, lib. |
[70965] Sur le De caelo, I, 16, 2. Ensuite quand il
dit : Ğ car tout demeure en effet ğ, etc., il prouve la
proposition : et il montre premièrement quil y a seulement un
monde ; deuxièmement il cherche à découvrir sil est possible quil y
ait plusieurs mondes, ici : Ğ ce que non seulement un seul ğ,
etc. Sur le premier point il fait deux choses : premièrement il montre
quil y a seulement un monde, ayant tiré la raison des corps inférieurs, dont
le monde est constitué, comme tous létablissaient ; deuxièmement il
montre la même chose communément à partir des deux types de corps, aussi bien
inférieurs que célestes, ici : Ğ de plus par elles ğ, etc. Sur
le premier point il fait deux choses : premièrement il introduit des
raisons pour montrer la proposition ; deuxièmement il prouve un certain
point quil avait supposé, ici : Ğ ce qui est quelque chose ğ,
etc. Sur le premier point il établit trois raisons : la seconde commence
ici : Ğ il est de plus nécessaire ğ, etc. ; la troisième
ici : Ğ mais encore ğ, etc. |
[70966] In De
caelo, lib. |
[70966] Sur le De caelo, I, 16, 3. Sur le premier
point il fait deux choses. Premièrement il avance trois suppositions. La
première dentre elles est que tous les corps sont au repos et sont déplacés
aussi bien selon la nature que selon la violence aussi. Cela est vrai pour
les corps inférieurs, qui, comme ils peuvent être engendrés et corrompus, de
même que leur espèce peut être transformée par la puissance dun agent plus
fort, peuvent ainsi être aussi écartés de leur lieu par un mouvement violent
ou calme : mais pour les corps célestes rien ne peut être violent et en
dehors de la nature, comme ils sont incorruptibles. La seconde supposition
est que, quel que soit le lieu où certains corps demeurent selon la nature et
non par la violence, ils sont portés dans ce lieu par la nature, et que, quel
que soit le lieu où inversement certains corps sont portés par la nature, ils
sont naturellement au repos dans ce lieu. [276a25]
Et il faut dire la même chose sur la violence, puisque dans le lieu où des
corps sont au repos par violence, ils sont portés dans ce lieu par violence,
et quinversement, sils sont portés par la violence dans un lieu, ils sont
au repos par la violence dans ce lieu. Et la raison de cette supposition est
que, comme le repos dans un lieu est la fin du mouvement local, il faut que
le mouvement soit proportionnel au repos, comme la fin est proportionnée à ce
qui va vers la fin. La troisième supposition est que si un corps a un
changement de lieu par la violence, ce changement lui est contraire selon la
nature, comme cela apparaît daprès qui a été dit ci-dessus. |
[70967] In De
caelo, lib. |
[70967] Sur le De caelo, I, 16, 4. Deuxièmement
ici : Ğ cest pourquoi vers le milieu ğ, etc., il argumente à
partir des suppositions déjà mentionnées pour prouver la proposition.
Premièrement à partir du mouvement. En effet sil y a deux mondes, il faut
quil y ait une terre dans lun et lautre. Donc la terre qui est dans
lautre monde sera portée vers le milieu de ce monde soit par la nature, soit
par la violence. Si cest par la violence, il faudra dire, selon la troisième
proposition, que le changement contraire de lieu, qui part de ce monde-ci
pour le milieu de ce monde-là, sera selon la nature pour elle. Et cela paraît
être faux, puisque la terre ne se déplace jamais selon la nature à partir du
milieu de ce monde-ci : donc le premier point est également faux, à
savoir quil y a plusieurs mondes. |
[70968] In De
caelo, lib. |
[70968] Sur le De caelo, I, 16, 5. Deuxièmement
ici : Ğ et si demeure ğ, etc., il argumente dans le même but à
partir du repos. Car de même quil est manifeste que la nature de la terre ne
souffre pas dêtre déplacée selon la nature à partir du milieu de ce monde,
de même la nature de la terre a de quoi être naturellement au repos au milieu
de ce monde. Donc si la terre, entraînée de là jusquici demeure à cet
endroit non par violence, mais par nature, il sensuit daprès la seconde
supposition quelle sera portée à partir de ce milieu jusquici selon la
nature. [276a30] Et cela parce que le
mouvement est unique ou que le changement de lieu de la terre est unique
selon la nature : à partir de là il nest pas possible que les deux
mouvements soient naturels à la terre, cest-à-dire de ce milieu-là à
celui-ci, et de ce milieu-ci à celui-là. |
[70969] In De
caelo, lib. |
[70969] Sur le De caelo, I, 16, 6. Ensuite quand il
dit : Ğ de plus il est encore nécessaire ğ, etc., il établit
une seconde raison, qui exclut un certain défaut que lon pourrait trouver à
la première raison : car on pourrait répondre à la première raison que
la terre qui est dans ce monde-là est dune autre nature que la terre qui est
dans ce monde-ci. Premièrement donc Aristote exclut cela ; deuxièmement
il sen sert comme argument pour prouver la proposition, ici :
Ğ elles sont donc nées pour être portées ğ, etc. ;
troisièmement il rejette une certaine objection, ici : Ğ rendre
digne ğ, etc. Il montre que la terre qui est dans lautre monde est de
la même nature que la terre qui est dans ce monde-ci, en tirant premièrement
la raison du monde, en tirant deuxièmement la raison du mouvement, ici :
Ğ ce qui est nécessaire ğ, etc. |
[70970] In De
caelo, lib. |
[70970] Sur le De caelo, I, 16, 7. Il dit donc
premièrement que, si plusieurs mondes établis sont dune nature semblable,
ils sont nécessairement formés des mêmes corps : et en allant encore
plus loin il est nécessaire que chacun des ces corps ait la même puissance
que le corps qui est dans ce monde : et il faut ainsi que le feu et la
terre soient de la même [276b1] puissance dans
nimporte lequel de ces mondes et le même raisonnement sapplique aux corps
intermédiaires, qui sont lair et leau. Puisque si les corps qui sont ici
dans un autre monde sont appelés de façon équivoque comme les corps qui sont
chez nous dans ce monde-ci et non selon la même idée, cest-à-dire selon la même espèce, il sensuivra que le
monde sera appelé de façon équivoque, même en demeurant tout entier lui-même
formé des parties de ce genre : car il est nécessaire quétant formé de
parties différentes en espèce il soit aussi constitué tout entier
différemment en espèce. Or ceux qui établissent plusieurs mondes ne semblent
pas avoir voulu cela ; mais ils utilisent de façon univoque le nom du
monde. Il sensuit selon leur intention que les corps qui sont dans
différents mondes ont la même puissance. Et il est ainsi manifeste que même
dans dautres mondes, comme dans celui-ci aussi, un des corps mêmes dont le
monde est constitué, est né pour être tiré [276b5]
du milieu, quand il correspond au feu, mais un autre est né pour être porté
au milieu, quand il correspond à la terre ; sil est vrai que tout feu
est de la même espèce que tout feu, quel que soit le monde où se trouve le
feu, de même aussi les différentes parties du feu existant dans ce monde-ci
sont dune seule espèce. Et cest le même raisonnement pour les autres corps.
|
[70971] In De
caelo, lib. |
[70971] Sur le De caelo, I, 16, 8. Ensuite quand il
dit : Ğ ce qui est nécessaire ğ, etc., il montre la même chose
en tirant sa raison du mouvement. Et il dit quil est manifeste quil est
nécessaire que les choses en soient ainsi quon la dit en ce qui concerne
luniformité des corps qui sont dans les différents mondes ; et cela à
partir des suppositions qui sont faites sur les mouvements. Il appelle suppositions les idées dont il se sert
pour démontrer une proposition, pour la raison quelles sont ici supposées
comme des principes, bien que certaines dentre elles aient été prouvées
ci-dessus. Il y a une supposition selon laquelle les mouvements sont finis, cest-à-dire déterminés selon
leurs espèces : car les espèces des mouvements simples ne sont pas
infinies, mais seulement trois, comme on la prouvé ci-dessus. La seconde
supposition dit que nimporte lequel des éléments tire son nom [276b10] de la nature de son mouvement ; de
même que la terre est dite lourde en raison de son habitude du mouvement vers
le bas, le feu est dit léger en raison de son aptitude au mouvement vers le
haut. Donc puisque les espèces des mouvements sont déterminées, il est
nécessaire que les mêmes mouvements soient selon leur espèce dans nimporte
quel monde. Et puisque chacun des éléments est appelé daprès un mouvement,
il est nécessaire en allant plus loin que les éléments soient les mêmes selon
lespèce partout, cest-à-dire dans
nimporte quel monde. |
[70972] In De
caelo, lib. |
[70972] Sur le De caelo, I, 16, 9. Ensuite quand il
dit : Ğ elles sont donc nées ğ, etc., il argumente à partir
des prémisses pour sa proposition. En effet si les corps qui sont dans
nimporte quel monde sont de la même espèce nous voyons que toutes les
parties de la terre qui sont dans ce monde sont portées vers le milieu de ce
monde-ci et que toutes les parties du feu sont portées vers son extrémité, il
sensuivra que toutes les parties de la terre qui sont dans nimporte quel
autre monde sont aussi portées vers le milieu de ce monde-ci et que toutes
les parties du feu qui sont dans nimporte quel autre monde sont portées à
lextrémité de ce monde-ci. Mais cest impossible. Car si cela arrivait, [276b15] il serait nécessaire que la terre qui est
dans lautre monde soit portée vers le haut dans son propre monde et que le
feu dans ce monde-là soit porté vers le milieu. Et pour une raison semblable
la terre qui est dans ce monde-ci serait portée selon la nature du milieu de
ce monde-ci au milieu de ce monde-là. Et il est nécessaire de la suivre à
cause de la disposition des mondes, qui ont une situation telle que le milieu
dun monde est distant du milieu de lautre monde ; et ainsi la terre ne
peut être déplacée vers le milieu de lautre monde, à moins de séloigner du
milieu de son monde, déplacée vers lextrémité, ce qui revient à se déplacer
vers le haut. Également, puisque les extrémités des différents mondes ont un
emplacement différent, il est nécessaire que, si le feu devait être porté
vers les extrémités de lautre monde, il sécarte de lextrémité de son
propre monde, ce qui revient à se déplacer vers le bas dans son propre monde.
Or ces choses ne sont pas compatibles : puisque soit il faut établir que
la nature des corps simples nest pas la même dans plusieurs mondes, [276b20] ce qui a été rejeté ci-dessus, soit si nous
disons quils ont la même nature et que nous voulons éviter les incompatibilités
déjà mentionnées qui sont la conséquence de la différence des milieux et des
extrémités, il est nécessaire détablir un seul milieu, vers lequel tous les
corps lourds sont entraînés, où quils soient, et une seule extrémité, vers
laquelle sont entraînés tous les corps légers, où quils soient. Cela établi,
il est impossible quil y ait plusieurs mondes, puisque lunité du cercle ou
de la sphère est la conséquence de lunité du milieu et de lextrémité. |
[70973] In De
caelo, lib. |
[70973] Sur le De caelo, I, 16, 10. Ensuite quand il
dit : Ğ or justifier ğ, etc., il rejette une certaine
objection, selon laquelle on pourrait dire que les corps qui sont dans
lautre monde ne se déplacent pas vers le milieu et lextrémité de ce
monde-ci, en raison de la distance. Mais en excluant cela lui-même, il dit
quil est digne de trouver déraisonnable quil y ait une autre nature de
corps simples, pour la raison quils sont plus ou moins distants de leurs
propres lieux, et aussi quils se déplacent vers leurs lieux propres de près
et non de loin. Car le fait quun corps soit distant de telle ou telle
longueur de son lieu ne semble pas entraîner de différence pour sa nature,
puisque la différence des mathématiques ne rend pas la nature différente. En
effet le fait que plus un corps sapproche de son lieu, plus il se déplace
rapidement est selon la nature, tout comme lespèce, le mouvement et le corps
mobile sont les mêmes. Car la différence de rapidité concerne la quantité,
non lespèce, de même que la différence de longueur. [276b25]
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Lectio
17 |
Leçon 17 [Lunicité du monde, preuve par le mouvement vers un lieu]
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[70974] In De caelo, lib. |
[70974] Sur le De caelo, I, 17, 1. Après avoir avancé deux raisons pour montrer lunicité du monde, Aristote établit ici une troisième raison dans le même but ; celle-ci ajoute quelque chose dautre, qui semblait manquer à la première. Car on pourrait dire quil nappartient pas aux corps de se déplacer naturellement vers des lieux déterminés : ou bien, sils se déplacent vers des lieux déterminés, ceux qui sont dune seule espèce et différents selon le nombre se déplacent vers différents lieux selon le nombre, lieux qui saccordent à lespèce, et non vers le même lieu selon le nombre, comme la première raison le supposait. Donc pour soutenir cela, le philosophe induit cette troisième raison. En ce qui la concerne, il fait trois choses : premièrement il établit la raison ; deuxièmement il rejette une objection ici : Ğ mais si à lespèce la même chose ğ, etc. ; troisièmement il met en avant sa principale conclusion, ici : Ğ cest pourquoi il est nécessaire ğ, etc. |
[70975] In De caelo, lib. |
[70975] Sur le De caelo, I, 17, 2. Il dit donc
premièrement quil est nécessaire quil y ait un mouvement des corps déjà
mentionnés. Il est manifeste quils se déplacent : cela apparaît en tout
cas à la fois par les sens et par la raison, puisque sont naturels les corps
de ce genre, à qui il est possible de se déplacer. Le doute peut donc
demeurer, pour savoir sil faut dire que les corps naturels sont déplacés
avec violence selon tous les mouvements par lesquels ils se déplacent, même
sils sont contraires ; par exemple lorsque le feu est entraîné à la
fois vers le haut et vers le bas par la violence. Mais cest impossible,
puisque ce qui nest absolument pas né
pour être déplacé, cest-à-dire ce qui na aucun mouvement selon sa
nature, ne peut pas être déplacé par la violence. En effet nous disons que
subit de la violence ce qui est écarté de sa propre inclinaison par la force
dun agent plus puissant : donc si une inclinaison naturelle ne se
trouvait pas dans les corps, la violence naurait pas lieu en elles, de même
que si un animal nétait pas né pour voir, on ne lui attribuerait pas la
cécité. Il faut donc dire que ces corps qui sont des parties du monde ont un
mouvement selon la nature. Par conséquent ceux qui ont une seule nature ont
un seul mouvement. On appelle mouvement ce qui va vers une limite, comme cela
apparaît dans le livre V de |
[70976] In De
caelo, lib. |
[70976] Sur le De caelo, I, 17, 3. Ensuite, quand il dit : Ğ mais si vers la même espèce ğ, il rejette une objection. Car on pourrait dire que tous les corps qui ont le même mouvement naturel sont déplacés vers les lieux qui sont de la même espèce [277a1], mais quils sont plus nombreux, puisque chacun pris en particulier aussi, cest-à-dire chaque partie dun corps naturel, par exemple de la terre ou de leau, est en plus nombre, mais ne diffère pas en espèce. Lunité de natures des mobiles qui sont dune seule espèce ne semble pas avoir besoin de parties plus nombreuses du fait que le mouvement est unique selon lespèce ; il semble suffire à cela que les lieux vers lesquels elle est déterminée soient semblables en espèce. |
[70977] In De
caelo, lib. |
[70977] Sur le De caelo, I, 17, 4. Mais il dit lui-même pour rejeter cela quun tel accident, cest-à-dire un mouvement vers les mêmes lieux selon lespèce ne semble pas saccorder à telle partie oui et à telle partie non (de telle sorte que certaines parties semblables en espèce sont déplacées vers le même lieu en nombre, mais que certaines le sont vers le même lieu selon lespèce) ; mais il faut également quil saccorde à toutes (de telle sorte que toutes les parties semblables en espèce sont déplacées vers un lieu unique en nombre, ou bien que toutes les parties de ce genre sont déplacées vers un seul lieu semblable en espèce, mais différentes en nombre), puisque toutes les parties de ce genre sont semblables quant au fait quelles ne diffèrent point en espèce les unes des autres, mais que chacune diffère dune autre selon le nombre. [277a5] Or il dit cela parce que les parties dun corps, par exemple de la terre, qui sont dans ce monde-ci sont semblables les unes aux autres et aux parties de la terre qui sont dans lautre monde, doù il résulte que la terre est de la même espèce ici et là. Donc si à partir dici, cest-à-dire de ce monde-ci, on prenait une partie, par exemple de la terre, il ny aurait pas de différence si on la comparait à lune des parties qui sont dans un autre monde, ou si on la comparait à celles qui sont dans ce monde-ci, mais la comparaison serait semblable avec les unes ou les autres, puisque ne diffèrent pas en espèce les unes des autres les parties de terre qui sont dans ce monde-ci, et celles qui sont dans lautre monde. Et le même raisonnement sapplique aux autres corps. Or nous voyons que toutes les parties de la terre qui sont dans ce monde-ci sont déplacées vers un lieu unique en nombre ; et il en est de même pour les autres corps. Donc toutes les parties de la terre, quel que soit le monde où elles se trouvent, sont naturellement déplacées vers le milieu de ce monde-ci. |
[70978] In De caelo, lib. |
[70978] Sur le De caelo, I, 17, 5. Par conséquent linclinaison naturelle même de tous les corps lourds vers un milieu unique en nombre et de tous les corps légers vers une extrémité unique en nombre manifeste lunicité du monde. Car on ne peut dire que les corps sont disposés dans plusieurs mondes selon des milieux et des extrémités différents, de même quil y a chez plusieurs hommes des milieux et extrémités qui diffèrent en nombre, mais qui sont de la même espèce. Puisque la nature des membres dun homme ou de nimporte quel être vivant nest pas déterminée selon lordre vers un lieu, mais plutôt selon lordre vers un acte ; or une telle situation des parties dun être vivant est en accord avec ce qui convient à lactivité des membres. Mais la nature des corps lourds et légers est déterminée pour des lieux certains, tout comme tout ce qui a la même nature a une inclinaison naturelle unique en nombre vers un lieu unique en nombre. |
[70979] In De
caelo, lib. |
[70979] Sur le De caelo, I, 17, 6. Ensuite quand il
dit : Ğ cest pourquoi il est nécessaire ğ, etc., il tire la
principale conclusion. En effet lorsque la conclusion selon la forme due est
tirée des prémisses, il est nécessaire soit de concéder la conclusion, [277a10] soit de nier les prémisses. Il conclut donc
quil est nécessaire décarter,
cest-à-dire de nier, ces suppositions,
cest-à-dire les principes grâce auxquels il conclut la proposition, ou bien
quil est nécessaire de concéder la conclusion, à savoir quil y a un seul
milieu vers lequel sont entraînés tous les corps lourds, et une seule
extrémité, vers laquelle sont entraînés tous les corps légers. Si cela est,
il est nécessaire par conséquent quil y ait un seul ciel, cest-à-dire un seul monde, et non plusieurs ; et cela
par les arguments, cest-à-dire les
preuves, et par les nécessités,
cest-à-dire les raisons nécessaires, susdites. |
[70980] In De
caelo, lib. |
[70980] Sur le De caelo, I, 17, 7. Ensuite quand il
dit : Ğ le fait quil y a quelque chose ğ, etc., il montre ce
quil avait supposé, à savoir que les corps naturels ont des lieux
déterminés, vers lesquels ils sont naturellement entraînés. Et il montre
premièrement la proposition ; deuxièmement il détruit lopinion
contraire, ici : Ğ mais ni par un autre ğ, etc. Sur le premier
point il fait deux choses : il montre premièrement la proposition par
une raison naturelle ; deuxièmement par une preuve ici :
Ğ mais largument ğ, etc. Sur le premier point il fait trois
choses. Premièrement il propose ce quil avait lintention de faire : et
il dit quil est manifeste autant daprès dautres raisons que daprès les
prémisses (ou bien daprès les autres mouvements) quil y a un autre lieu
déterminé où la terre est naturellement entraînée. Et il faut le dire
également de leau et de nimporte quel autre corps. |
[70981] In De
caelo, lib. |
[70981] Sur le De caelo, I,
17, 8. Deuxièmement ici : Ğ car totalement ce qui est
déplacé ğ, etc., il établit un raisonnement, en disant quil est totalement, cest-à-dire
universellement, vrai que tout ce qui se déplace est transformé dune chose
déterminée en une autre chose déterminée : [277a15]
car il est dit dans le livre I de |
[70982] In De
caelo, lib. |
[70982] Sur le De caelo, I,
17, 9. Troisièmement ici : Ğ puisque et celui qui dans le mouvement
circulaire ğ, il rejette une objection, selon laquelle on pourrait tirer
une réfutation sur le mouvement circulaire, qui ne semble pas aller de
lopposé vers lopposé, mais plutôt du même vers le même. Mais il dit
lui-même que même le mouvement circulaire a dune certaine manière un
contraire dans sa limite. Or il dit dune
certaine manière, pour deux raisons. Premièrement parce quon ne trouve
pas dopposition dans un mouvement circulaire selon des points tracés dans un
cercle, dans la mesure où ce sont des points du cercle, mais seulement dans
la mesure où ce sont les extrémités du diamètre, selon lequel on mesure la
plus grande distance dans un cercle, comme on la dit ci-dessus : de là
il suppose : ceux qui sont
opposés selon le diamètre,
cest-à-dire les extrémités. Deuxièmement puisque, de même quun corps
sphérique tout entier change de lieu non pas en sujet, mais seulement en
raison, ses parties changent de lieu aussi en sujet ; ainsi, si on
acceptait un mouvement circulaire tout entier, on ne trouverait pas
dopposition dans les limites si ce nest selon la raison, dans la mesure où
le même, à partir duquel et vers lequel il y a un mouvement circulaire, est
tenu pour le début et pour la fin ; mais en acceptant les parties du
mouvement circulaire, on accepte ici une opposition selon une ligne droite,
comme on la dit ci-dessus ; et cest pourquoi il suppose quil ny a
pas quelque chose dopposé à un mouvement circulaire tout entier. [277a25] Ainsi donc il apparaît que même pour ce qui
est entraîné circulairement le changement se fait de quelque façon vers des
lieux opposés et finis. Et il conclut ainsi universellement ce quil avait
lintention de faire, à savoir quil est nécessaire quil y ait une fin au
mouvement circulaire ; un corps naturel nest pas entraîné vers linfini, cest-à-dire vers
quelque chose dindéterminé, comme Démocrite a établi le mouvement des
atomes. |
[70983] In De
caelo, lib. |
[70983] Sur le De caelo, I, 17, 10. Ensuite quand il dit : Ğ or largument ğ, etc., il prouve la même chose par une preuve : il appelle cette démonstration argument, parce quune telle démonstration est pour ainsi dire conjecturale. Et il dit que largument qui prouve quun corps naturel nest pas entraîné vers linfini, mais vers quelque chose de certain est que plus la terre sapproche du milieu, plus elle est entraînée rapidement (ce qui a pu être découvert à partir de la plus grande impulsion, dans la mesure où quelque chose est poussé plus fortement près de la limite de son mouvement par un corps lourd tombant) : et la même raison concerne le feu, selon laquelle son mouvement est dautant plus rapide quil sapproche davantage du lieu [277a30] vers le haut. Donc si la terre et le feu sont entraînés vers linfini, leur rapidité pourrait être accrue à linfini. Et il en conclut que le poids ou la légèreté dun corps naturel pourraient être augmentés à linfini. En effet de même que la rapidité dun corps lourd est dautant plus importante quun corps lourd descend davantage, parce quun corps lourd est rapide à cause de sa pesanteur, ainsi laccroissement de la rapidité pourra aussi être infinie, si laccroissement de la pesanteur ou de la légèreté est infini. Or, il a été montré ci-dessus que la pesanteur ou la légèreté ne peuvent être infinies et que rien ne peut être déplacé vers ce quil ne peut pas atteindre. Ainsi donc laccroissement de la pesanteur ne peut être à linfini ; et par conséquent laccroissement de la rapidité non plus. De là le mouvement des corps naturels ne peut être non plus à linfini [277b1]. |
[70984] In De
caelo, lib. |
[70984] Sur le De caelo, I, 17, 11. Il faut savoir quHipparque a attribué la cause de cet accident, à savoir que la terre est déplacée dautant plus rapidement quelle descend davantage, au fait quon la déplace avec violence ; à partir de là plus le mouvement est prolongé, moins il reste de puissance à ce qui déplace, et ainsi le mouvement devient plus lent ; de là le mouvement violent est augmenté au début, mais il est relâché à la fin, à tel point que finalement un corps lourd ne peut être entraîné davantage vers le haut, mais quil commence à être déplacé vers le bas, en raison de la petitesse de ce qui restait de puissance au moteur violent ; cette puissance diminue dautant plus que le mouvement opposé devient rapide. Mais cette raison est seulement particulière aux corps qui sont naturellement déplacés après un mouvement violent ; elle na pas lieu chez ceux qui sont déplacés naturellement là où ils sont engendrés en dehors de leur propre lieu. Dautres en ont attribué la cause à la quantité du milieu par lequel se fait le mouvement, par exemple, dair, qui reste dautant plus petit quil savance dans un mouvement naturel ; et cest pourquoi il peut moins empêcher un mouvement naturel. [277b5] Mais cette raison aussi ne saccorderait pas moins aux mouvements violents quaux naturels ; cependant il leur arrive quelque chose dopposé, comme on le dira ci-dessous. Et cest pourquoi il faut dire avec Aristote que la cause de cet accident est que plus un corps lourd descend, plus sa pesanteur est renforcée, en raison de la proximité de son lieu propre. Et pour cette raison il produit comme preuve que si la rapidité saccroissait à linfini, sa pesanteur saccroîtrait aussi à linfini. Et la raison est la même pour la légèreté. |
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Lectio
18 |
Leçon 18 [Le mouvement vise toujours un lieu déterminé]
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[70985]
In De caelo, lib. |
[70985] Sur le De caelo, I, 18, 1. Après que le
philosophe a montré que les corps naturels sont naturellement déplacés vers
des lieux déterminés, il rejette ici lopinion opposée. Et il propose
premièrement ce quil avait lintention de faire ; deuxièmement il
prouve la proposition, ici : Ğ plus lentement en effet ğ, etc.
Puisque, en excluant lerreur, la vérité est confirmée, le philosophe
introduit ici lexclusion de lerreur en tant que démonstration de la vérité,
disant que ce qui a été dit est encore montré également par le fait que les
corps naturels ne sont pas entraînés vers le haut et vers le bas et quils ne
sont pas déplacés comme par un autre corps extérieur. Par cela il faut
comprendre quil écarte un moteur extérieur, qui déplacerait les corps de ce
genre par lui-même après quils ont obtenu une forme spécifique. Car les
corps légers sont déplacés vers le haut, et les corps lourds vers le bas par
ce qui les produit, dans la mesure où il leur donne une forme que suit un tel
mouvement, mais en les détournant de ce qui écarte, par accident et non par
lui-même. Or certains ont établi que, après que les corps de ce genre ont
obtenu une espèce, ils ont besoin dêtre déplacés deux-mêmes par quelque
chose dextérieur, ce que le philosophe écarte ici. Et il ne faut pas non
plus dire que les corps de ce genre sont déplacés par violence, de même que
certains ont dit quils sont déplacés par une certaine poussée violente, dans la mesure où un corps est bousculé par un
autre plus fort. Car ils établissaient que tous les corps avaient
naturellement un seul mouvement : mais pendant que certains dentre eux
sont heurtés par dautres, il arrive que certains dentre eux soient déplacés
vers le haut, et certains autres vers le bas. |
[70986] In De
caelo, lib. |
[70986] Sur le De caelo, I, 18, 2. Ensuite quand il
dit : Ğ plus lentement en effet ğ, etc., il prouve la
proposition avec trois raisons. La première dentre elles est principalement
introduite pour démontrer que les corps de ce genre, dans leurs propres
mouvements naturels, ne sont pas déplacés par des moteurs extérieurs. En
effet il est manifeste que plus le mouvement est lent, moins ce qui déplace
lemporte sur le corps mobile. La même puissance de ce qui déplace lemporte
moins sur le corps mobile le plus grand que sur le plus petit. Donc si des
corps de ce genre étaient déplacés par un corps déplaçant extérieur, un plus
grand feu serait déplacé plus lentement vers le haut et une plus grande terre
vers le bas. Maintenant le contraire arrive, à savoir quun plus grand feu et
une plus grande terre sont entraînés plus rapidement vers leurs propres
lieux. Pour cette raison il est donné de comprendre que les corps de ce genre
ont intérieurement les principes de leur mouvement ; leurs puissances à
se mouvoir sont dautant plus grandes que les corps étaient plus
grands ; et cest pourquoi ils sont entraînés plus rapidement. Ainsi
donc il apparaît que les corps de ce genre sont déplacés de leurs mouvements
naturels non par une puissance extérieure, mais par une puissance
intrinsèque, quils ont reçue de celui qui les crée. |
[70987] In De
caelo, lib. |
[70987] Sur le De caelo, I, 18, 3. Il établit ici la
deuxième raison : Ğ ni plus rapidement ğ, etc. ; ce qui
est principalement introduit ici dans ce but, cest que le mouvement de ces
corps ne se fait pas par violence. Nous voyons en effet que tous ceux qui
sont déplacé par violence sont entraînés dautant plus lentement quils sont
plus éloignés du moteur qui leur a fait violence ; de même quil
apparaît dans les corps qui sont projetés que leur mouvement est plus relâché
à la fin et quenfin il fait totalement défaut. Donc si des corps lourds et
légers étaient déplacés par violence, comme sils se poussaient mutuellement,
il sensuivrait que leur mouvement vers leurs lieux propres ne serait pas
plus rapide à la fin, mais plus lent ; or cest le contraire qui
apparaît au sens. |
[70988] In De
caelo, lib. |
[70988] Sur le De caelo, I, 18, 4. Il établit ici une
troisième raison : Ğ et de là par la violence ğ, etc. ;
laquelle peut concerner les deux choses. En effet nous voyons quaucun corps
nest entraîné par violence là doù il est écarté par violence. À partir de
cela en effet un corps est écarté par violence dun lieu, puisquil est né
pour y être : de là il est entraîné naturellement là-bas, et non par
violence. Donc si on établissait que des mouvements de corps lourds et
légers, par lesquels ils sont écartés de certains lieux, sont violents, on ne
pourrait dire que les mouvements contraires, par lesquels ils sont entraînés
vers ces lieux, sont violents. Et ainsi il nest pas vrai que tous les
mouvements de ces corps sont causés par un autre corps et par violence. Il
conclut de ces propos en épiloguant quil arrive davoir foi en ce qui a été
dit grâce à lexamen de ces questions. [277b10]
|
[70989] In De caelo, lib. |
[70989] Sur le De caelo, I, 18, 5. Ensuite quand il
dit : Ğ mais par celles-ci ğ, etc., il montre lunicité du
monde par les corps supérieurs, qui sont entraînés circulairement : et
premièrement spécialement par les corps supérieurs ; deuxièmement
communément par les corps supérieurs et inférieurs, ici :
Ğ ouvertement surtout ğ. Il dit donc premièrement que lon peut
encore démontrer quil y a seulement un monde, par des raisons tirées de la philosophie première, cest-à-dire
par ce qui a été déterminé dans la métaphysique, et par ce qui a été montré
dans le livre VIII de |
[70990] In De
caelo, lib. |
[70990] Sur le De caelo, I, 18, 6. Quelquun pourrait
dire que cette raison nest pas conclue par la nécessité. Premièrement, en
effet, ce qui déplace meut le ciel comme il la désiré, comme il est dit dans
le livre XII de |
[70991] In De
caelo, lib. |
[70991] Sur le De caelo, I, 18, 7. Ensuite quand il
dit : Ğ ouvertement en tout cas ğ, etc., il prouve la
proposition en tirant la raison communément des corps supérieurs et
inférieurs. Et il dit quen tournant ainsi son attention sur ce point, comme
on le dira, il est nécessaire quil y ait un seul ciel, cest-à-dire un seul monde. Pour prouver cela, il établit
que, de même quil y a trois éléments corporels, à savoir le ciel, la terre
et le milieu, de même il y a aussi trois lieux qui leur correspondent :
le premier lieu qui est autour du milieu, celui du corps subsistant, cest-à-dire du corps le plus lourd placé sous tous
les autres, à savoir celui de la terre ; le second qui est le plus
éloigné en hauteur, celui du corps qui est déplacé circulairement ; le
troisième lieu qui se trouve entre eux, celui du corps du milieu. À propos de
ces trois mots il faut premièrement considérer que le ciel aussi est compté
parmi les éléments, bien quil soit un élément à partir duquel une chose est
composée, comme il est dit dans le livre V de |
[70992] In De
caelo, lib. |
[70992] Sur le De caelo, I, 18, 8. À partir de ce qui
a été proposé il procède à une démonstration de la proposition tirée du corps
léger, comme il avait procédé ci-dessus à partir du corps lourd. Il est en
effet nécessaire quun corps léger qui est porté au-dessus, se trouve dans ce
lieu central, puisque, comme tout corps est dans un lieu, si un corps léger
nétait pas dans ce lieu central, il serait en dehors ; cela est
impossible, puisque, en dehors de ce lieu central, dun côté on trouve le
corps céleste, qui est sans pesanteur et sans légèreté, dun autre côté on
trouve le corps terrestre, qui a de la pesanteur. Or, on ne peut dire quil y
a un lieu plus bas quun lieu qui est celui dun corps qui a de la pesanteur,
puisque le lieu qui est vers le milieu lui est propre. À partir de là il
apparaît quil est impossible quil y ait un autre monde puisquil faudrait
quil y ait ici un corps léger ; et ainsi, si ce monde-là était
au-dessus de ce monde-ci, le corps léger serait au-dessus du lieu du
ciel ; or sil était au-dessous de ce monde-ci, le corps léger serait
au-dessous du lieu du corps lourd, ce qui est impossible. |
[70993] In De
caelo, lib. |
[70993] Sur le De caelo, I, 18, 9. Mais quelquun
pourrait objecter à ce raisonnement quun corps léger se trouve en dehors de
ce lieu central, non pas selon la nature, mais contre la nature. Mais pour
rejeter cela, il suppose quil nest pas possible, même contre la nature,
quun corps léger soit en dehors de ce lieu central, puisque tout lieu qui
est celui dun corps contre la nature est celui dun corps selon la
nature : en effet Dieu ou la nature na pas créé un lieu en vain où un
corps ne soit pas né pour se trouver. Or on ne trouve pas dans la nature un
autre corps en dehors de ces trois, à qui les trois lieux déjà mentionnés
sont attribués, comme cela apparaît daprès ce qui a été dit. À partir de là
un corps léger ne peut être en dehors de ce lieu central, ni selon la nature,
ni contre la nature : et ainsi il est impossible quil y ait de nombreux
mondes. Puisquil avait parlé de lélément du milieu comme dun certain
corps, il ajoute que par la suite, cest-à-dire dans le troisième et le
quatrième livre, on dira quelles sont les différences de ce milieu. En effet
il est divisé en feu, air et eau, qui est aussi légère en comparaison de
leau. Enfin en guise dépilogue, il conclut quest évident daprès ce qui a
été dit sur les éléments corporels, lesquels et combien ils sont, et quel est
lemplacement de nimporte lequel dentre eux, et universellement [277b25] combien il y a de lieux corporels. |
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Lectio
19 |
Leçon 19 [Autre preuve : il ne peut y avoir dautre monde]
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[70994] In De
caelo, lib. |
[70994] Sur le De caelo, I, 19, 1. Après que le
philosophe a montré quil y a un seul monde, il montre ici quil est impossible
quil y en ait dautre. Et il a été nécessaire de le montrer, puisque rien
nempêche dêtre faux ce à quoi il arrive pourtant dêtre vrai. Sur ce point
il fait trois choses : premièrement il établit lobjection selon
laquelle il semble être montré quil est possible quil y ait plusieurs
mondes ; deuxièmement il la réfute, ici : Ğ il faut considérer
derechef ğ, etc. ; troisièmement il prouve ce quil avait supposé
dans la réfutation, ici : Ğ il reste donc à montrer ceci
même ğ, etc. Sur le premier point il fait deux choses :
premièrement il dit sur quoi porte son intention, et dans quel ordre il faut
procéder ; deuxièmement il commence à exposer sa proposition, ici :
Ğ car il semblera en tout cas ğ, etc. |
[70995] In De
caelo, lib. |
[70995] Sur le De caelo, I, 19, 2. Il dit donc
premièrement quaprès les propos tenus il reste à montrer non seulement quil
y a un seul monde, mais aussi quil est impossible quil y en ait plusieurs,
et ensuite que le monde est éternel, tout comme il est incorruptible, étant
donné quil ne cesse jamais dêtre, et inengendré, étant donné que ne commençant
jamais à être, selon son opinion. Et il ajoute que la première considération
semble de quelque manière dépendre de la seconde. En effet, sil y avait un
monde qui puisse être engendré et corrompu par composition et dissolution,
selon lamitié et le conflit, comme Empédocle la établi, il serait possible
quil y ait de nombreux mondes, et aussi que, lun ayant été corrompu, un
autre soit engendré par la suite, de même quEmpédocle lui-même la établi.
Et puisque la vérité est connue, quand ont été dissipés les doutes qui
semblent être contre la vérité, il faut premièrement établir les hésitations
sur ce même point, daprès lesquelles il semble que plusieurs mondes existent
ou peuvent exister ; car la réfutation de cette idée est la confirmation
de la vérité. [277b30] |
[70996] In De
caelo, lib. |
[70996] Sur le De caelo, I, 19, 3. Ensuite quand il
dit : Ğ il semblera en effet en tous cas ğ, etc., il établit
la raison qui fait que lon peut douter, en estimant quil est possible quil
y ait plusieurs mondes. De là il avance quà ceux qui ont cette intention,
cest-à-dire selon la raison qui suit, il semblera quil est impossible que
cela même, à savoir le monde, soit unique et seul : il faut sous-entendre
daprès la nécessité. En effet la
raison suivante ne prouve pas quil soit nécessaire quil y ait plusieurs
mondes, ce qui équivaut à ce quil soit impossible quil y ait un seul monde,
mais il prouve quil est possible quil y ait plusieurs mondes, ce qui équivaut
à au fait quil est possible quun seul monde ne soit pas nécessaire. Pour
montrer cela, il introduit un raisonnement qui contient deux
syllogismes : il établit premièrement le premier dentre eux ;
deuxièmement le second dentre eux, ici : Ğ ils ont une certaine
forme ğ, etc. Le premier syllogisme est le suivant. Dans toutes les
choses sensibles qui sont produites par lart ou par la nature, la
considération de la forme considérée en elle-même est une chose, la
considération de la forme dans la mesure où elle est dans la matière en est
une autre ; mais le ciel est une chose sensible qui a une forme dans la
matière ; donc la considération absolue de la forme elle-même est une
chose, dans la mesure où elle est considérée universellement, et la considération
de la forme elle-même dans la matière en est une autre, dans la mesure où
elle est considérée en particulier. Il établit donc premièrement la
majeure ; deuxièmement la mineure, ici : Ğ puisque donc le
ciel est ğ, etc. ; il tire troisièmement la conclusion, ici :
Ğ si une chose isolée ğ, etc. |
[70997] In De
caelo, lib. |
[70997] Sur le De caelo, I, 19, 4. Il dit donc
premièrement que dans tout ce qui existe et qui a été engendré, cest-à-dire produit, soit par la nature, soit par
lart, une chose est, selon notre considération, la forme même considérée en
elle-même, et quune autre chose est la forme même mélangée à la matière, cest-à-dire selon ce qui est compris dans
la mesure où elle est unie à la matière. Et il montre cela par lexemple des
mathématiques, dans lesquelles cest plus manifeste parce que la matière
sensible nest pas utilisée dans leur raisonnement. Car une chose est
lespèce même de la sphère selon notre considération, et une autre chose est
la forme de la sphère dans la matière sensible, dans la mesure où elle est
désignée quand on dit [278a1] une sphère dor
ou dairain ; et également une chose est la forme même du cercle et une
autre chose est cercle qui est dit dairain ou de bois. Et il le montre parce
que, quand nous disons ce que quelque
chose pouvait être, cest-à-dire la raison définitive de la sphère ou du
cercle, nous nétablissons pas dans sa raison quils soient dairain ou
dair, de même que, par le fait que nous les disons dairain ou dair, il ne
sagit pas de leur substance, que désigne évidemment la définition. Mais cela
semble être plus douteux dans les choses naturelles, dont les formes ne
peuvent être comprises sans la matière sensible, de même que Ğ camard ğ
ne peut être compris sans le nez. [278a5] Mais
cependant les formes naturelles, bien quelles ne puissent être comprises
sans la matière sensible communément, peuvent être comprises sans la matière
sensible indiquée, qui est le principe de lindividuation et de la
singularité ; de même que le pied ne peut être compris sans la chair et
les os, il peut cependant être compris sans ces chairs-ci et ces os-ci. Et
cest pourquoi il suppose que, si nous ne pouvons pas comprendre ni saisir
dans notre considération quelque chose dautre que le singulier, cest-à-dire dautre que la matière, qui est
incluse dans la raison du singulier, évidemment dans la mesure où elle est
indiquée (puisque rien nempêche quil arrive un jour que la forme ne puisse
être comprise sans la matière sensible, comme si nous comprenions un cercle
sans matière sensible), néanmoins dans les choses naturelles, dans lesquelles
il arrive que la forme ne soit pas comprise sans matière, cest une chose que
la raison de la chose acceptée communément et une autre que celle de la chose
acceptée singulièrement, comme celle de lhomme et de cet homme-ci ; par
exemple si nous disions quêtre
pour un cercle et être pour ce
cercle sont deux choses différentes, cest-à-dire que la raison définitive
est différente pour les deux. Et celle-ci, cest-à-dire la raison de la chose
communément, est lespèce, à savoir
la raison même de lespèce ; mais celle-ci, cest-à-dire la raison de la
chose en particulier, désigne la raison de lespèce dans la matière déterminée
et est au nombre des choses singulières. [278a10] |
[70998] In De
caelo, lib. |
[70998] Sur le De caelo, I, 19, 5. Ensuite quand il
dit : Ğ puisque donc le ciel est ğ, etc., il établit la
mineure du syllogisme introduit. Et il dit que, comme le ciel, cest-à-dire le monde, est quelque chose de sensible, il
est nécessaire quil soit au nombre des êtres singuliers, et cela parce que
toute chose sensible a son être dans la matière. Ce dont la forme nest pas
dans la matière nest pas sensible, mais seulement intelligible : car
les qualités sensibles sont les dispositions de la matière. |
[70999] In De
caelo, lib. |
[70999] Sur le De caelo, I, 19, 6. Ensuite quand il
dit : Ğ si une chose singulière ğ, etc., il établit la
conclusion. Et il dit que si le ciel,
cest-à-dire le monde, est au nombre des choses singulières, comme on la
montré, être sera une chose pour ce
ciel désigné individuellement, et autre chose pour le ciel pris simplement,
cest-à-dire universellement ; cest-à-dire que la configuration sera
différente pour les deux. Et ainsi il sensuit que ce ciel désigné singulièrement sera une chose et que le ciel pris
universellement en sera une autre, selon la considération, de même que ce
ciel pris universellement est comme lespèce et la forme selon la
considération et que le ciel pris singulièrement est comme la forme unie à la
matière. [278a15] Ainsi il ne faut pas
comprendre que la matière ne tombe en aucune manière dans la raison de la
chose naturelle prise universellement, mais que la matière désignée ne tombe
pas ici. |
[71000] In De
caelo, lib. |
[71000] Sur le De caelo, I, 19, 7. Ensuite quand il
dit : Ğ ils ont une certaine forme ğ, etc., il établit le
second syllogisme, qui est le suivant : quelle que soit la chose dont la
forme est dans la matière, il y a ou il arrive quil y ait plusieurs individus
dune seule espèce ; mais Ğ ce
ciel ğ désigne la forme dans la matière, comme on la dit ;
donc il y a ou il peut y avoir plusieurs ciels. Sur ce point il établit
premièrement la majeure ; deuxièmement il la démontre, ici :
Ğ car soit quil y ait des espèces ğ, etc. ; troisièmement il
met en avant la conclusion, ici : Ğ cest pourquoi ou bien ils
sont ğ, etc. Il suppose la mineure à partir du syllogisme déjà présenté.
Il dit donc premièrement que toutes les choses qui ont une certaine forme et espèce, cest-à-dire qui ne sont
pas elles-mêmes formes et espèces, mais qui ont formes et espèces, sont
plusieurs choses singulières dune seule espèce, ou bien quil leur arrive de
devenir plusieurs : celles qui sont elles-mêmes formes et espèces
subsistantes, comme les substances séparées, ne peuvent être plusieurs choses
dune seule espèce. |
[71001] In De
caelo, lib. |
[71001] Sur le De caelo, I, 19, 8. Ensuite quand il
dit : Ğ soit que, en effet, il y ait des espèces ğ, il montre
la proposition déjà mentionnée aussi bien selon lopinion platonicienne que
selon sa propre opinion. Et il dit que soit il y ait des espèces,
cest-à-dire des idées séparées, comme les platoniciens disent, il est
nécessaire quil arrive quil y ait plusieurs individus dune seule espèce
(puisque lespèce séparée est établie comme exemple dune chose
sensible ; or il est possible que de nombreux exemples conviennent à un
seul modèle) ; soit aucune dentre elles, cest-à-dire aucune espèce,
nexiste séparément ; néanmoins plusieurs individus peuvent appartenir à
une seule espèce. Car nous voyons que cela se produit ainsi pour tout ce dont
la substance, cest-à-dire
lessence que désigne la définition, est dans la matière désignée, parce
quil y a plusieurs, voire une infinité dindividus dune seule espèce. Et
cela parce que, comme la matière désignée ne concerne pas la configuration de
lespèce, la raison de lespèce peut indifféremment être conservée dans cette
matière désignée-ci et dans celle-là : et ainsi il peut y avoir
plusieurs individus dune seule espèce. [278a20]
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[71002] In De
caelo, lib. |
[71002] Sur le De caelo, I, 19, 9. Ensuite quand il
dit : Ğ cest pourquoi soit il y a ğ, etc., il met en avant la
conclusion proposée, à savoir que soit il y a plusieurs ciels, soit il arrive
que plusieurs ciels soient créés. Enfin il épilogue en disant que lon peut
conjecturer daprès les prémisses quil y a ou quil peut y avoir plusieurs
mondes. |
[71003] In De
caelo, lib. |
[71003] Sur le De caelo, I, 19, 10. Mais il semble y
avoir ici une opposition entre Aristote et Platon. Car Platon dans le Timée prouve lunicité du monde à
partir de lunicité du modèle : ici Aristote conclut de lunicité de
lespèce séparée quil est possible quil y ait plusieurs mondes. Et on peut
répondre de deux manières. Dune manière en partant du modèle lui-même.
Celui-ci, sil est ainsi unique du fait que lunicité est son essence, il est
nécessaire que la copie imite aussi le modèle dans son unicité. Et tel est le
premier modèle séparé : de là il est nécessaire que le monde aussi, qui
est la première copie, soit unique : et la démonstration de Platon
procède selon cela. Or si lunicité nétait pas lessence du modèle, mais
était contre son essence, la copie pourrait être assimilée au modèle dans ce
qui concerne son espèce, par exemple dans le fonctionnement de lhomme ou du
cheval, mais non pas quant à lunicité elle-même : et le raisonnement
dAristote procède ici de cette manière. Dune autre manière on peut résoudre
cette difficulté à partir de la copie, qui est dautant plus parfaite quelle
est rendue plus semblable au modèle. Donc dautres copies peuvent être
rendues semblables à un seul modèle selon lunicité de lespèce, et non selon
lunité numérale : mais le ciel, qui est une copie parfaite, est rendu
semblable à son modèle selon lunicité numérale. |
[71004] In De
caelo, lib. |
[71004] Sur le De caelo, I, 19, 11. Ensuite quand il
dit : Ğ il faut considérer de nouveau ğ, etc., il résout
lobjection déjà mentionnée. Et premièrement il établit la solution ;
deuxièmement il la montre ici : Ğ ainsi par hasard ğ, etc. Il
dit donc premièrement quil faut de nouveau, pour dissiper le doute déjà
mentionné, considérer ce qui est bien dit et ce qui ne lest pas : car
si toutes les prémisses sont vraies, il est nécessaire que la conclusion soit
vraie. Il dit donc quest bien dit le fait que la définition de la forme est
autre, cest-à-dire celle qui est sans matière et celle qui est avec de la
matière, [278a25] et que ce point soit concédé
comme vrai : et que soit ainsi concédée la conclusion du premier
syllogisme, qui est la mineure du second. Mais il ne sensuit pas
nécessairement pour cette raison quil y a de nombreux mondes ou bien quil
puisse y avoir plusieurs, sil est vrai que ce monde en est composé de toute
sa matière, de même que cela est vrai, comme on le prouvera ci-dessous :
en effet, la proposition majeure du second syllogisme, à savoir que ce qui a
une forme dans la matière peut être multiple en nombre dune seule espèce,
na pas de vérité si ce nest pour ce qui nest pas composé de toute sa
matière. |
[71005] In De
caelo, lib. |
[71005] Sur le De caelo, I, 19, 12. Ensuite quand il
dit : Ğ ainsi par hasard ğ, etc., il montre ce quil avait dit
par un exemple. Et il établit premièrement des exemples : deuxièmement
il les adapte à la proposition ici : Ğ le ciel est certes
unique ğ, etc. Il dit donc premièrement que ce qui est dit deviendra
plus manifeste par ce qui sera dit. En effet, le Ğ camus ğ est une
convexité du nez ou de la chair ; et ainsi la chair est [278a30] la matière du Ğ camus ğ. Donc si
une seule chair, cest-à-dire celle dun seul nez, était créée à partir de
toutes les chairs, et si en elle on trouvait un caractère camus, rien dautre
ne serait camus, ni ne pourrait lêtre. Et le même raisonnement sapplique à
lhomme : comme les chairs et les os sont la matière de lhomme, si à
partir de toutes les chairs et tous les os on créait un seul homme, et quils
ne puissent en aucune manière être désagrégés, [278a35]
il ne pourrait y avoir un autre homme que lhomme unique (sils pouvaient
être désagrégés, il serait possible, cet homme ayant été décomposé, quil y
ait un autre homme, de même que, après avoir démonté un coffre, on fait un
autre coffre à partir des mêmes planches de bois). [278b1]
Et il en est également ainsi pour les autres choses. Et il en attribue la
raison au fait que rien de ce dont la forme est dans la matière ne peut être
créé, si sa propre matière nest pas présente, de même quune demeure ne peut
être construite sil ny a pas de pierre ni de bois. Et ainsi, sil ny a pas
dautres chairs et dautres os en dehors de ceux dont est composé un seul
homme, un autre homme ne peut être créé en dehors de celui-là. |
[71006] In De
caelo, lib. |
[71006] Sur le De caelo, I, 19, 13. Ensuite quand il
dit : Ğ or le ciel fait certes partie des êtres singuliers ğ,
etc., il fait une adaptation à la proposition. Et il dit quil est vrai que
le ciel fait partie des êtres singuliers et des êtres qui sont constitués de
matière : il nest cependant pas constitué dune partie de sa matière, [278b5] mais de sa matière toute entière. Et cest
pourquoi, bien quil y ait une autre organisation du ciel et de ce ciel-ci,
il ny a pourtant pas, et il ne peut y avoir un autre ciel, pour la raison
que toute la matière du ciel est comprise sous ce ciel. |
[71007] In De
caelo, lib. |
[71007] Sur le De caelo, I, 19, 14. Il faut savoir
que certains prouvent dautres manières quil est possible quil y ait
plusieurs ciels. De la manière suivante. Le monde a été créé par Dieu ;
mais la puissance de Dieu, comme elle est infinie, nest pas limitée à ce
seul monde ; donc il nest pas raisonnable de dire quil na pas pu
créer aussi dautres mondes. Et à cela il faut dire que, si Dieu faisait
dautres mondes, il les ferait soit semblables à ce monde-ci, soit
dissemblables. Sils étaient tout à fait semblables, ce serait en vain, ce
qui ne conviendrait pas à sa sagesse. Sils étaient dissemblables, aucun
dentre eux ne comprendrait en lui toute la nature du corps sensible :
et ainsi aucun dentre eux ne serait parfait, mais un monde parfait serait
constitué de tous. On peut proposer une autre argumentation ainsi. Plus
quelque chose est noble, plus son espèce est puissante ; or un monde est
plus noble quand nimporte quelle chose naturelle sy trouve ; donc
comme lespèce de la chose naturelle qui sy trouve, par exemple celle du
cheval ou du buf, peut former plusieurs individus complets, lespèce du
monde tout entier peut bien davantage former plusieurs individus. Mais à cela
il faut dire que la marque dune plus grande puissance est de créer une seule
chose parfaite plutôt que de créer plusieurs choses imparfaites. Chaque
individu parmi les êtres naturels qui sont ici est imparfait, parce quaucun
dentre eux ne comprend en lui tout ce qui appartient à son espèce. Mais le
monde est parfait de cette manière ; de là son espèce se montre plus
puissante de ce fait même. La troisième objection est la suivante. Il est
mieux de multiplier les êtres les meilleurs plutôt que ceux qui sont moins bons ;
mais le monde est le meilleur être ; donc il vaut mieux quil y ait
plusieurs mondes plutôt que plusieurs animaux ou plusieurs plantes. Et à cela
il faut dire que le fait même que le monde soit unique concerne sa bonté,
puisquune seule chose a la raison du bien : nous voyons en effet que
des êtres perdent de leur propre bonté en se divisant. |
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Lectio
20 |
Leçon 20 [Le monde est composé de toute sa matière]
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[71008]
In De caelo, lib. |
[71008] Sur le De caelo, I,
20, 1. Après avoir posé la solution présentée, le philosophe prouve ici ce
quil avait supposé, à savoir que le monde est composé de toute sa matière.
Et il dit premièrement sur quoi porte son intention, et dans quel ordre il
faut procéder, en disant quil reste à montrer en complément de la solution
déjà mentionnée cela même, à savoir que le monde est composé de tout le corps
naturel et sensible, qui est sa matière. Mais avant de montrer cela, il faut
premièrement dire ce que signifie ce nom ciel,
et de combien de manières il est nommé, afin que ce qui est demandé puisse
davantage être montré. [278b10] |
[71009] In De
caelo, lib. |
[71009] Sur le De caelo, I,
20, 2. Deuxièmement ici : Ğ donc dune seule manière ğ, etc.,
il recherche la proposition : et il montre premièrement de combien de
manières le ciel est nommé ;
deuxièmement il montre la principale proposition ici : Ğ de trois
manières ğ, etc. En ce qui concerne le premier point il donne trois
significations au mot ciel. En effet selon lune dentre elles le ciel est
dit certaine substance qui est celle de
toute la circonférence ultime, cest-à-dire qui est extrême dans tout
lunivers et qui se meut circulairement. Et puisquil avait expliqué la
signification du nom par substance,
dont la définition dépasse la considération naturelle, étant donné quelle
concerne la considération de la métaphysique, il emploie une autre
définition, avec cependant la même signification, en disant que le ciel est
un corps naturel qui est dans la
circonférence ultime du tout : et cette définition est plus propre à
la science naturelle. Or il prouve cette signification par lhabitude de
parler, puisquil faut utiliser des noms comme le font un grand nombre de
gens, comme il est dit dans le livre II des Topiques. Car les hommes ont lhabitude dappeler ciel ce qui est
lextrémité du monde entier et qui est tout à fait en haut, mais non selon le
sens que prend en haut en science
naturelle, cest-à-dire dans la mesure où cest le terme des mouvements des
corps légers (ainsi, en effet, rien nest plus en haut que le lieu vers
lequel le feu est entraîné) ; mais ici en haut est pris dans une manière commune de parler, dans la
mesure où ce qui est plus éloigné du milieu est appelé en haut. On a aussi lhabitude dappeler en haut ce qui est le lieu de toutes les choses divines (de telle
sorte quici ne sont pas dits divins les corps célestes qui ne sont pas tous
dans la sphère suprême, mais selon le fait que sont dites divines les
substances immatérielles et incorporelles) : car il a été dit ci-dessus
que tous les hommes attribuent à Dieu un lieu qui est en haut. Dans une seconde
acception est nommé ciel non seulement la sphère suprême, mais tout corps qui est en continuité avec la
circonférence ultime de tout lunivers, cest-à-dire toutes les sphères
des corps célestes, dans lesquelles se trouvent |
[71010] In De
caelo, lib. |
[71010] Sur le De caelo, I,
20, 3. Ensuite quand il dit : Ğ de trois manières ğ, etc., il
démontre la proposition. Et il montre premièrement quil nexiste pas de
corps sensible en dehors du ciel pris dans la troisième acception,
cest-à-dire en dehors de ce monde ; il montre deuxièmement quil
nexiste en dehors de lui aucune chose parmi celles qui suivent les corps
naturels, ici : Ğ en même temps il est manifeste ğ, etc. En ce
qui concerne le premier point il fait trois choses : premièrement il
propose ce quil a lintention de faire ; deuxièmement il prouve la
proposition, ici : Ğ si en effet il y a ğ, etc. ;
troisièmement il conclut la thèse principale ici : Ğ il est donc
manifeste daprès les propos tenus ğ, etc. Il dit donc premièrement que,
comme Ğ ciel ğ a trois sens, nous tournons maintenant notre
attention sur le ciel pris dans la troisième acception, selon laquelle le
ciel est dit tout ce qui est contenu
par la circonférence extrême : et il est nécessaire que ce ciel soit
composé de la totalité du corps sensible et naturel (qui est sa
matière : et ainsi il est composé de toute sa matière), pour la raison
quen dehors de ce ciel il nexiste aucun corps et quil ne peut en exister. [278b25] |
[71011] In De
caelo, lib. |
[71011] Sur le De caelo, I,
20, 4. Ensuite quand il dit : Ğ si en effet il y a ğ, etc., il
prouve la proposition. Et il démontre premièrement quil ny a aucun corps en
dehors du ciel, daprès le fait quici il ne peut y en avoir aucun,
ici : Ğ mais aussi il na pu être créé ğ, etc. Sur le premier
point il fait deux choses : il avance premièrement une certaine
division, par laquelle il montre la proposition ; deuxièmement il exclut
chaque membre de cette division, ici : Ğ donc parmi les simples ğ,
etc. Il dit donc premièrement que, sil y a un corps physique, cest-à-dire naturel, en dehors de la périphérie, cest-à-dire de la
circonférence, extrême, il est nécessaire que ce corps soit au nombre des
corps simples ou bien au nombre des corps composés. De même il est nécessaire
quil soit ici selon la nature ou contre la nature. |
[71012] In De
caelo, lib. |
[71012] Sur le De caelo, I,
20, 5. Ensuite quand il dit : Ğ donc parmi les simples ğ,
etc., il exclut chaque membre de la division déjà dite. Et il montre
premièrement quen dehors de la sphère extrême il ny a pas de corps simple
selon la nature. Car un des corps simples est déplacé circulairement ;
un autre est celui qui est déplacé à partir du milieu ; un autre est
celui qui est déplacé vers le milieu, et au milieu il reste tous les autres,
comme on la considéré ci-dessus. Or il ne peut exister aucun de ceux-là en dehors
de la circonférence extrême. Il a été montré ci-dessus dans le livre VI de |
[71013] In De caelo,
lib. |
[71013] Sur le De caelo, I,
20, 6. Deuxièmement ici : Ğ or contre la nature ğ, etc., il
montre quaucun corps simple ne se trouve en dehors du ciel contre la nature.
Car sil se trouvait ici contre la nature, ce lieu-là serait naturel à un
corps : en effet un lieu qui appartient à un corps contre la nature appartiendrait
nécessairement à un autre corps selon la nature, puisque, si un corps qui
serait propre à un lieu lui manquait, ce lieu-là existerait en vain. Mais il
nest pas possible que ce lieu soit naturel à un corps : car il nest
naturel ni à un corps déplacé circulairement, ni à un corps léger ou
lourd ; on a montré ci-dessus quil nexiste aucun autre corps en dehors
[278b35] de ceux-là. Ainsi donc il est évident
quaucun corps simple ne se trouve en dehors [279a1]
du ciel, ni selon la nature, si contre la nature. |
[71014] In De
caelo, lib. |
[71014] Sur le De caelo, I,
20, 7. Troisièmement ici : Ğ si non parmi les corps simples ğ,
etc., il prouve quil ny a pas de corps mixte, puisque, sil ny a pas ici
des corps simple, il sensuit quil ny a pas non plus de corps mixte :
car partout où il y a un corps mixte, il est nécessaire quil y ait des corps
simples, parce que des corps simples sont dans un corps mixte ; et un
corps mixte obtient un lieu naturel selon le corps simple qui domine en lui. |
[71015] In De
caelo, lib. |
[71015] Sur le De caelo, I,
20, 8. Ensuite quand il dit : Ğ et il na pas été créé ğ,
etc., il montre quil narrive pas non plus quil y ait un corps en dehors du
ciel. De là il dit quil nest pas possible quun corps soit créé en dehors
du ciel, puisquil y serait selon la nature ou en dehors de la nature, et
encore quil serait soit simple, soit mixte ; et pour nimporte lequel
dentre eux, la raison qui est ci-dessus sera la même, puisquil ny a pas de
différence selon les raisons avancées entre le fait quun corps se trouve en
dehors du ciel et quil puisse y être créé, [279a5]
puisque les raisons avancées concluent les deux choses et que dans léternité
il ny a pas de différence entre être et pouvoir, comme il est dit dans le
livre III de la Physique. |
[71016] In De
caelo, lib. |
[71016] Sur le De caelo, I,
20, 9. Ensuite quand il dit : Ğ il est donc manifeste daprès ce
qui a été dit ğ, etc., il apporte la conclusion recherchée
principalement. Et il dit quil est manifeste daprès ce qui a été dit quen
dehors du ciel il ny a pas de masse corporelle et quil narrive pas quune
telle chose soit créée ici, puisque le monde entier est formé de toute la
matière qui lui est propre, or la matière du monde est un corps naturel
sensible. Et il ne faut pas comprendre quil veut prouver quaucun corps
sensible ne se trouve en dehors du ciel, parce quil est formé de toute sa
matière, mais plutôt le contraire. Or il se sert de cette manière de parler
parce que ces deux idées sont la réciproque lune de lautre. Il conclut donc
quil ny a plusieurs ciels ni dans le temps présent, [279a10] ni dans le passé, et quils ne pourront jamais être
créés dans le futur : mais ce ciel est unique et parfait, en tant que
composé de toutes ses parties ou bien de toute sa matière. |
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Lectio
21 |
Leçon 21 [Il ny a rien en dehors du ciel, ni lieu, ni vide, ni
temps]
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[71017]
In De caelo, lib. |
[71017] Sur le De caelo, I, 21, 1. Après que le philosophe a montré quen dehors
du ciel il ny a pas de corps sensible et quil ne peut y en avoir, il montre
ici quen dehors du ciel il ny a rien de ce qui accompagne les corps
sensibles. Et il montre premièrement la proposition ; deuxièmement il
montre quelles sont les choses qui se trouvent naturellement en dehors du
ciel, ici : Ğ pour la raison que ni dans un lieu ğ, etc. En ce
qui concerne le premier point, il fait trois choses : il propose ce
quil a lintention de faire ; deuxièmement il prouve la proposition,
ici : Ğ car dans tout lieu ğ, etc. ; troisièmement il
tire la conclusion recherchée, ici : Ğ il est donc
manifeste ğ, etc. Il dit donc premièrement quen même temps quil a été
prouvé quen dehors du ciel il nest pas de corps sensible, il est manifeste
quen dehors du ciel il ny a ni lieu, ni vide, ni temps : en effet ces
trois choses sont déterminées dans le livre IV de |
[71018] In De
caelo, lib. |
[71018] Sur le De caelo, I,
21, 2. Ensuite quand il dit : Ğ dans tout lieu en effet ğ,
etc., il prouve la proposition. Premièrement quant au lieu. En effet dans
tout lieu il est possible quun corps existe, autrement ce lieu serait en
vain ; mais en dehors du ciel il nest pas possible quun corps existe,
comme on la prouvé ; donc en dehors du ciel il ny a pas de lieu.
Deuxièmement ici : Ğ or le vide ğ, etc., il prouve quen
dehors du ciel il ny a pas de vide. Car ceux qui établissent le vide le
définissent comme un lieu où il nexiste pas de corps, mais où il est
possible quil y en ait ; mais en dehors du ciel il nest pas possible
quil y ait un corps, comme on la montré ; donc en dehors du ciel il
ny a pas de vide. |
[71019] In De
caelo, lib. |
[71019] Sur le De caelo, I,
21, 3. Or il faut savoir que les stoïciens ont établi un vide infini, dans
une partie duquel se trouve le monde : et ainsi il en résulte selon eux
quen dehors de la circonférence extrême il y a du vide. Et ils voulaient le
prouver par la vision suivante. Car si quelquun se trouvait sur la
circonférence extrême du ciel, il pourrait tendre la main en dehors ou non.
Sil ne le pouvait pas, il serait donc empêché par quelque chose qui se
trouverait à lextérieur ; et la même question reviendra à propos de
cette chose extérieure, pour savoir si quelquun qui se trouve à son
extrémité pourrait tendre la main au-delà ; et soit on fera ainsi à
linfini, soit on tombera sur un corps extrême, au-delà duquel un homme sy
trouvant pourrait tendre la main. Cela étant concédé, il sensuit quen
dehors de ceci il peut y avoir un corps et quil y en a pas ; et ainsi
en dehors se trouve le vide. À cela Alexandre répond en disant que cette
position est impossible : en effet, comme le corps du ciel est
impassible, il ne peut pas recevoir quelque chose du dehors. De là si à
partir de cette position impossible il sensuit quelque inconvénient, il ne
faut pas sen soucier. Mais cette réponse ne semble pas être suffisante,
puisque limpossibilité de cette position ne provient pas de ce qui est en
dehors du ciel, mais du ciel lui-même ; maintenant il est question de ce
qui est en dehors du ciel. De là la raison est la même si tout lunivers est
la terre, à lextrémité de laquelle il pourrait y avoir un homme. Et cest
pourquoi il faut dire autrement, de même quil dit lui-même aussi quun homme
établi sur la circonférence extrême ne pourrait pas étendre sa main en
dehors, non à cause dun obstacle extérieur, mais parce quil appartient à la
nature de tous les corps naturels dêtre contenus sous de la circonférence
extrême du ciel ; autrement le ciel ne serait pas lunivers. De là sil
y avait un corps qui ne dépendait pas du corps du ciel comme de ce qui le
contient, rien nempêcherait quil soit en dehors du ciel, comme les
substances spirituelles, comme on le dira plus bas. |
[71020] In De
caelo, lib. |
[71020] Sur le De caelo, I,
21, 4. Alexandre prouve quil ny a pas de vide en dehors du ciel en disant
que ce vide sera soit fini, soit infini : sil est fini, il faut quil
se termine quelque part, et la même question reviendra, pour savoir si
quelquun peut tendre la main en dehors ; or sil est infini, il sera
capable daccueillir un corps infini ; donc soit cette puissance du vide
sera en vain, soit il faudra établir un corps infini qui puisse être
accueilli dans le vide infini. De même, sil y a du vide en dehors du monde,
le monde se tiendra de façon semblable par rapport à nimporte quelle partie
du vide, puisquil ny a aucune différence dans le vide : et ainsi cette
partie du vide dans laquelle se trouve le monde nest pas son lieu propre.
Donc il ny a aucune raison pour quil reste dans cette partie du vide. Or si
le monde est entraîné, il ne le sera pas plus vers une partie que vers une
autre, puisquil ny a pas de différence dans le vide : il sera donc
porté vers toute partie ; et ainsi le monde sera mis en pièces. |
[71021] In De
caelo, lib. |
[71021] Sur le De caelo, I,
21, 5. Troisièmement ici : Ğ or le temps est ğ, etc., il
prouve quen dehors du ciel il ny a pas de temps. Car le temps est [279b15] le nombre du mouvement, comme il apparaît
dans le livre IV de |
[71022] In De
caelo, lib. |
[71022] Sur le De caelo, I,
21, 6. Ensuite quand il dit : Ğ il est donc manifeste ğ, il
met en avant la conclusion recherchée, en concluant quil est manifeste
daprès les propos tenus quen dehors du monde entier il ny a ni lieu, ni
vide, ni temps. |
[71023] In De
caelo, lib. |
[71023] Sur le De caelo, I,
21, 7. Ensuite quand il dit : Ğ pour la raison que certes ni dans
un lieu ğ, etc., il montre quelles sont les choses qui sont en dehors du
monde. Et sur ce point il fait deux choses : premièrement il conclut
leur qualité daprès les prémisses ; deuxièmement il montre la même
chose à partir de ce qui est communément dit, ici : Ğ en effet de
même que dans le cycle des études ğ, etc. En ce qui concerne le premier
point il fait deux choses : premièrement il écarte deux la condition de
ce qui se trouve ici ; deuxièmement il montre la condition qui leur est
propre, ici : Ğ mais les choses inaltérables ğ, etc. Il dit
donc premièrement que, puisquil ny a pas de lieu en dehors du ciel, il
sensuit que ce qui est né pour se trouver ici ne se trouve pas dans un lieu.
Et Alexandre dit du moins quil est possible de comprendre ceci à propos du
ciel lui-même, à savoir quil nest pas dans un lieu selon le tout, mais
selon les parties, comme il est prouvé dans le livre IV de |
[71024] In De
caelo, lib. |
[71024] Sur le De caelo, I,
21, 8. Ensuite quand il dit : Ğ mais les choses
inaltérables ğ, etc., il montre quels sont les étants de ce genre. Et il
montre premièrement leur condition ; deuxièmement il expose le nom dont
il sétait servi, ici : Ğ en effet ce nom ğ, etc. ; troisièmement
il montre leur influence sur les autres êtres, ici : Ğ de là et les
autres choses ğ, etc. Il dit donc premièrement que les étants qui sont
en dehors du ciel sont inaltérables et totalement impassibles, et quils ont
une très bonne vie, étant donné que leur vie nest pas mélangée à la matière,
comme la vie des choses corporelles. Ils ont aussi une vie qui se suffit tout
à fait à elle-même, dans la mesure où ils ne manquent de rien soit pour la
conservation de leur vie, soit pour lexécution des uvres de cette vie. Ils
ont également une vie non temporelle, mais de toute éternité. Parmi ce qui
est mentionné ici, certaines choses peuvent être attribuées aux corps
célestes, par exemple le fait quils sont impassibles et inaltérables ;
mais deux choses ne peuvent leur convenir, même sils sont animés. En effet
ils nont pas la meilleure des vies, comme leur vie provient de lunion de
lâme et du corps céleste ; et ils nont pas non plus une vie qui se
suffit tout à fait à elle-même, comme ils poursuivent le bien par leur
mouvement, comme on le dira dans le second livre. |
[71025] In De
caelo, lib. |
[71025] Sur le De caelo, I,
21, 9. Ensuite quand il dit : Ğ car ce nom ğ, etc., il expose
le nom éternité, dont il sétait
servi. Et il dit que les anciens ont prononcé ce mot par inspiration divine, cest-à-dire conformément aux choses
divines. Car ce nom a une double acception. Dune part selon ce qui est
léternité ou bien la durée de vie de quelque chose : en effet chez les
Grecs ce même mot signifie lune et lautre chose. Il dit donc que léternité ou la durée de quelque chose
est appelé fin, cest-à-dire mesure
délimitant, qui contient le temps de la vie de nimporte quelle chose, et que
rien du temps de la vie qui est celle de quelque chose selon la nature [279a25] ne se trouve en dehors de cette fin ou
mesure, comme si nous disions quun intervalle de cent ans est la durée ou
léternité dun homme. Dautre part, Ğ éternité ğ désigne
simplement ce qui comprend et contient toute durée. Et cest ce quil
dit : selon le même raisonnement léternité désigne la fin de tout le ciel, cest-à-dire lintervalle contenant toute
la durée du ciel, qui est lintervalle de tout le temps. Et daprès cela on
appelle éternité la perfection qui contient tout le temps et tout linfini de
la durée : et cest ainsi que léternité même ne sétend pas selon la
succession du passé et du futur, tout comme lintervalle du temps nest pas
aussi grand, puisquune telle succession suit le mouvement, or les êtres qui,
selon lui, ont une vie pour léternité sont totalement immobiles ; mais
léternité existant tout entière en même temps comprend tout le temps et tout
linfini. Et elle est dénommée en grec daprès lexpression Ğ toujours être ğ. Et une telle fin, qui sappelle éternité,
est immortelle, puisque cette vie nest pas limitée par la mort, et divine,
puisquelle dépasse toute la matière, la quantité et le mouvement. |
[71026] In De
caelo, lib. |
[71026] Sur le De caelo, I,
21, 10. Ensuite, quand il dit : Ğ de là aux autres aussi ğ,
etc., il montre linfluence de ces êtres sur les autres. Il est manifeste
quune dérivation vers les choses qui sont moins parfaites est produite à
partir de ce qui est le plus parfait, de même que le chaud est dérivé du feu
vers dautres choses qui sont moins chaudes, comme il est dit dans le livre
II de |
[71027] In De
caelo, lib. |
[71027] Sur le De caelo, I,
21, 11. Ensuite quand il dit : Ğ en effet de même que dans le cycle
des études ğ, il montre ce quil avait dit sur la condition des étants
déjà mentionnés qui sont en dehors du ciel. Et premièrement il propose ce
quil a lintention de faire ; deuxièmement il introduit les raisons,
ici : Ğ car ni autre chose ğ, etc. En ce qui concerne le
premier point il faut considérer que chez les philosophes il y avait deux
genres de dogmes. Car les uns étaient ceux qui étaient appliqués à la
multitude depuis le début selon lordre de la doctrine, et qui étaient
appelés cycle des études ; les autres étaient plus subtils et étaient
proposés à des auditeurs plus avancés, dogmes qui étaient appelés
syntagmatiques, cest-à-dire ordonnés, ou acroamatiques, cest-à-dire oraux.
Les dogmes des philosophes sont appelés recherches. Il dit donc que dans les
recherches encyclopédiques de ce genre sur les êtres divins les philosophes
montraient très souvent par leurs raisonnements quil est nécessaire que tout
être divin soit immuable, en tant
que non sujet au mouvement, premier,
en tant que non sujet au temps, et suprême,
en tant que non contenu par un lieu : ils appelaient divine toute substance séparée. Et
cest attesté par ce qui a été dit des étants de ce genre. |
[71028] In De
caelo, lib. |
[71028] Sur le De caelo, I,
21, 12. Ensuite quand il dit : Ğ car ni un autre être ğ, etc.,
il établit des raisons pour montrer ce quil avait dit, à savoir quun être
premier et suprême est immuable. Et il montre premièrement la
proposition ; il avance deuxièmement une certaine conclusion daprès ce
qui a été dit, ici : Ğ et cest pourquoi par un incessant ğ,
etc. En ce qui concerne le premier point il établit deux raisons : la
première dentre elles est la suivante. Ce qui déplace et ce qui agit est
toujours meilleur que ce qui est déplacé et que ce qui subit ; mais il
nexiste pas dêtre meilleur que lêtre divin premier et suprême qui pourrait
le déplacer, puisque ce serait un être encore plus divin ; donc lêtre
premier divin nest pas déplacé, puisque tout ce qui est déplacé lest nécessairement
par un autre être, comme il est prouvé dans les livres VII et VIII de la Physique. [279a35]
|
[71029] In De
caelo, lib. |
[71029] Sur le De caelo, I,
21, 13. Il établit la seconde raison ici : Ğ et il na rien de
défectueux ğ, etc. : la voici. Tout ce qui est déplacé lest soit
vers ce qui évite quelque chose de mauvais, soit vers ce qui acquiert quelque
chose de bon ; mais lêtre premier na pas rien de mauvais quelle
puisse éviter, et ne manque de rien quelle puisse acquérir, puisquelle est
tout à fait parfaite ; donc lêtre premier nest pas déplacé. [279b1] Le raisonnement peut aussi être formé ainsi.
Tout ce qui est déplacé lest soit vers une chose meilleure, soit vers une
chose pire ; mais ni lun ni lautre ne peuvent convenir à Dieu, selon
ce qui est dit ici ; donc Dieu nest déplacé en aucune manière. Et il
faut être attentif à ce que cette seconde raison puisse être mise en avant
pour ce qui nest pas déplacé par lui-même. |
[71030] In De
caelo, lib. |
[71030] Sur le De caelo, I,
21, 14. Ensuite quand il dit : Ğ et cest pourquoi par ce qui est
incessant ğ, il met en avant la conclusion tirée de ce qui a été dit. Et
il dit quil sensuit raisonnablement,
cest-à-dire probablement, que ce premier être déplaçant le premier être
mobile le déplace selon un mouvement incessant. Car tous les êtres déplacés
qui sont au repos le sont quand ils parviennent dans le lieu qui leur est
propre, comme il apparaît pour les corps lourds et légers ; mais cela ne
peut être dit pour le premier être mobile qui est déplacé circulairement,
puisque le lieu où commence son mouvement et celui où il se termine sont
identiques ; donc le premier être mobile est déplacé par le premier
moteur dans un mouvement incessant. Et il faut remarquer que cette raison ne
conclut pas par la nécessité. Car on peut dire que le mouvement du ciel ne
cesse pas, non en raison de la nature du lieu, mais en raison de la volonté
de ce qui le déplace. Et cest pourquoi il ne lintroduit pas en tant que
nécessaire, mais en tant que probable. |
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Lectio
22 |
Leçon 22 [Lunivers est-il éternel ? opinion de Platon]
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[71031] In De
caelo, lib. |
[71031] Sur le De caelo, I, 22, 1. Après que le philosophe a montré que le corps du monde tout entier nest pas infini, et quil nest pas multiple en nombre, il cherche à découvrir sil est infini selon la durée de léternité. Et il établit premièrement les opinions des autres ; il détermine deuxièmement la proposition selon sa propre opinion, ici : Ğ lêtre premier doit être divisé ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait trois choses : premièrement il dit sur quoi porte son intention ; deuxièmement il établit les opinions, ici : Ğ ce qui a été engendré donc ğ, etc. ; troisièmement il les rejette, ici : Ğ être fait ğ, etc. |
[71032] In De
caelo, lib. |
[71032] Sur le De caelo, I, 22, 2. En ce qui concerne le premier point il fait deux choses : il dit premièrement sur quoi porte son intention, et dans quel ordre il faut procéder. Et il dit quaprès avoir déterminé ce qui a été dit au préalable il faut dire ensuite si le monde est [279b5] inengendré ou engendré, cest-à-dire sil a commencé à être par génération à partir dun commencement de temps, ou non ; et sil est incorruptible ou corruptible, cest-à-dire sil cesse dêtre par corruption après un certain temps, ou non. Cependant avant que nous ne traitions de cela selon notre opinion, nous devons dire en passant, cest-à-dire brièvement, les conjectures des autres, cest-à-dire les opinions des autres philosophes sur ce point ; il les appelle conjectures, puisquelles sont suscitées par des raisons légères pour dire cela. Car il est difficile dintroduire des raisons efficaces pour cela : à partir de là Aristote lui-même dit aussi dans le livre I des Topiques quil y a certains problèmes dont nous navons pas les raisons, comme pour savoir si le monde est éternel ou non. |
[71033] In De
caelo, lib. |
[71033] Sur le De caelo, I,
22, 3. Deuxièmement ici : Ğ car des contraires ğ, etc., il
attribue trois raisons par lesquelles il approfondit ici et ailleurs les
opinions des autres. La première dentre elles est que les démonstrations, cest-à-dire les
preuves, des contraires,
cest-à-dire des opinions contraires, sont
des hésitations sur les contraires, à savoir sur les opinions,
cest-à-dire que ce sont des objections aux opinions contraires : il
lexplique à celui qui veut connaître une vérité, pour quil sache les
hésitations qui sont contre cette vérité, puisque lexplication de ceux qui
doutent est la découverte de la vérité, comme il est dit dans le livre III de
|
[71034] In De
caelo, lib. |
[71034] Sur le De caelo, I, 22, 4. Il établit la seconde raison ici : Ğ en même temps ğ, etc. Et il dit quen même temps que la raison déjà mentionnée il existe une autre raison, puisque ce qui doit être dit est davantage rendu crédible chez ceux qui entendent premièrement les justifications, cest-à-dire les rectifications, des discours de ceux qui doutent, cest-à-dire des solutions des raisons qui font émerger le doute, puisque tant que lhomme doute, avant que son hésitation ne soit levée, son esprit est semblable à un être attaché, qui ne peut avancer. |
[71035] In De
caelo, lib. |
[71035] Sur le De caelo, I,
22, 5. Il établit la troisième raison ici : Ğ condamner en effet
gratuitement ğ, etc. Et il dit que quand nous aurons établi les opinions
des autres, que nous aurons présenté leurs raisons, que nous les aurons
réfutées et que nous aurons établi les raisons qui vont dans le sens
contraire, il ne nous appartiendra moins de sembler condamner les propos des
autres gratuitement, cest-à-dire
sans raison due, de même que ceux qui rejettent les propos des autres par pure
haine, ce qui ne convient pas à des philosophes, qui déclarent ouvertement
être à la recherche de la vérité. [279b10] Car
il faut que ceux qui veulent porter un jugement suffisant sur la vérité ne se
montrent pas les ennemis de ceux dont il faut juger les propos, mais des
arbitres et des enquêteurs pour lune et lautre partie. |
[71036] In De
caelo, lib. |
[71036] Sur le De caelo, I, 22, 6. Ensuite quand il dit : Ğ donc engendré ğ, etc., il établit les opinions des autres. Et il établit premièrement ce dont tous conviennent : et il dit que tous ceux qui ont été avant lui ont dit que le monde est engendré, cest-à-dire quil a commencé à être par génération à partir dun début situé dans le temps. |
[71037] In De
caelo, lib. |
[71037] Sur le De caelo, I, 22, 7. Deuxièmement ici : Ğ mais engendré ğ, etc., il établit en quoi ils sont en désaccord. Et il traite trois opinions. En effet, certains disaient que, bien quil commence à être à partir dun certain moment, il durera cependant éternellement, de même lont dit en premier certains poètes, comme Orphée et Hésiode, qui ont été appelés théologiens, puisquils ont rapporté des choses divines par la poésie et la fiction ; Platon les a suivis sur cette position, lui qui a établi un monde engendré, mais indestructible. La seconde opinion était celle de certains autres, qui ont établi que le monde était corruptible de la même manière que nimporte quel autre des corps engendrés, qui sont constitués de beaucoup de choses, et que le monde ne sera jamais réparé après sa corruption, de même que Socrate nest jamais ressuscité par la nature après sa corruption. Et cette position fut celle de Démocrite, qui a établi que le monde est engendré par hasard en raison dune rencontre datomes toujours mobiles et quainsi il doit aussi être désagrégé un jour à cause de leur séparation. La troisième opinion est celle de ceux qui disent que le monde est engendré un jour à son tour [279b15] et quil est corrompu un autre jour, et cette alternance a toujours duré et durera toujours. Et cest ce quEmpédocle dAgrigente a dit : car il a établi que, lamitié assemblant les éléments et le conflit les séparant, le monde était engendré et corrompu. Cest ce quHéraclite dEphèse a aussi établi, lui qui a posé quun jour le monde tout entier était consumé par le feu, et que, après quun certain temps aurait passé, le monde tout entier était de nouveau engendré par le feu, quil établissait comme le principe de toute chose. |
[71038] In De
caelo, lib. |
[71038] Sur le De caelo, I,
22, 8. Certains disent que ces poètes et ces philosophes, et principalement
Platon, nont pas entendu cela selon ce qui est signifié par la surface des
mots, mais quils voulaient cacher leur sagesse sous certaines fables et
expressions énigmatiques ; et que lhabitude dAristote fut de ne pas
faire dobjection sur plusieurs points à leur intelligence, qui était saine,
mais à leurs mots, de peur que quelquun ne tombe dans lerreur à partir
dune telle façon de parler, comme le dit Simplicius dans son commentaire.
Alexandre pourtant voulait que Platon et les autres philosophes de
lantiquité aient compris que leurs mots ont un sens plus matériel ; et
ainsi Aristote a entrepris dargumenter non seulement contre leurs mots, mais
contre leur intelligence. Nimporte lequel dentre eux ne doit pas être
longuement traité par nous, puisque loccupation de la philosophie nest pas
de savoir ce que les hommes ont pensé, mais quelle est la vérité. |
[71039] In De
caelo, lib. |
[71039] Sur le De caelo, I,
22, 9. Ensuite quand il dit : Ğ quil a été certes fait ğ,
etc., il condamne les positions déjà mentionnées : et premièrement la
première, deuxièmement la troisième, ici : Ğ inversement ğ,
etc. ; troisièmement la deuxième, ici : Ğ totalement
fait ğ, etc. (car la deuxième opinion a moins de raison). En ce qui
concerne le premier point, il fait deux choses : il condamne
premièrement la position ; deuxièmement il exclut une certaine justification,
ici : Ğ or laide ğ, etc. En ce qui concerne le premier point
il établit deux raisons. Sur la première dentre elles il dit quil est
impossible que le monde ait été créé ou engendré à partir dun commencement,
ni quil dure par la suite pour léternité. En effet quand nous voulons poser
quelque chose au préalable raisonnablement,
cest-à-dire probablement sans démonstration, il faut établir que ce que nous
voyons est vrai pour tout ou pour beaucoup : car cela se rapporte au
raisonnement du probable. [279b20] Mais dans
la proposition il arrive le contraire, puisque nous voyons que tout ce qui
est engendré est corrompu. Donc il ne faut pas établir que le monde est
engendré et quil est incorruptible. |
[71040] In De
caelo, lib. |
[71040] Sur le De caelo, I,
22, 10. Il établit une seconde raison ici : Ğ en outre ğ, etc.
Et il présente premièrement un certain principe : et il dit que, sil y
a une chose qui na pas en elle de puissance qui soit le principe de ce qui
peut être ainsi et autrement, mais quil est impossible quil se soit trouvé
autrement auparavant au cours de tous les siècles, il est impossible quune
telle chose soit transformée. Et il le prouve par réduction à limpossible.
Puisque si une telle chose est transformée, il y aura, quand elle sera
transformée, une cause qui la fait se transformer, à savoir la puissance de
transformer : et si elle avait existé auparavant, il aurait été possible
que cette chose soit autrement, elle dont il était pourtant établi quil
était impossible quelle soit autrement. Or si elle navait pas la puissance
dêtre autrement, et quelle la par la suite, cela même revient à
transformer cette chose : et ainsi aussi avant quelle ait la puissance
de transformer, elle était capable dêtre transformée en ce qui recevait la
puissance de transformer. À partir de là il argumente ainsi pour la
proposition. [279b25] Car si le monde est
constitué de certains éléments, qui étaient dans un autre état avant que le
monde ne soit créé ; si ces choses étaient telles que ce dont le monde
est constitué était toujours comme il était auparavant et sil était
impossible quil soit autrement, le monde ne serait pas créé à partir
delles. Donc si le monde est créé à partir delles, il est nécessaire que ce
à partir de quoi le monde est créé soit capable dêtre autrement, et que ce
ne soit pas toujours de la même manière. De là il sensuit que même les
choses consistantes, cest-à-dire
après quelles ont été assemblées pour constituer le monde, peuvent de
nouveau être désagrégées ; quavant dêtre désagrégées, elles ont été
dabord placées ensemble ; [279b30] et
que ces choses à leur tour étaient ainsi à linfini ou bien capables dêtre
ainsi. Et si cest vrai, il sensuit que le monde nest pas incorruptible et
quil ne sera jamais incorruptible, si les choses à partir desquelles le
monde est composé ont été autrement, ni même sil était possible quelles
soient autrement, puisquil sensuit à partir des deux idées quil est
possible même maintenant quelles soient autrement. |
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Lectio
23 |
Leçon 23 [Xénocrate et lhypothèse dun monde créé quoique
incorruptible]
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[71041] In De caelo, lib. |
[71041] Sur le De caelo, I,
23, 1. Après avoir avancé des raisons contre lopinion de Platon, le
philosophe exclut ici une certaine justification de lopinion déjà
mentionnée, que Xénocrate et dautres platoniciens soutenaient. Et en ce qui
concerne le premier point il fait deux choses : il expose premièrement
la justification ; il lexclut deuxièmement ici : Ğ cest,
comme nous le disons ğ, etc. Il dit donc premièrement que cette aide, cest-à-dire cette justification,
nest pas vraie, justification que certains des platoniciens, disant que le
monde est incorruptible, mais pourtant créé ou engendré, entreprennent de la
rapporter à eux-mêmes, afin de ne pas sembler lavoir établie de façon
déraisonnable. Car ils disent avoir parlé de la création du monde par
ressemblance avec ceux qui décrivent les figures géométriques, qui décrivent
premièrement certaines parties des figures, par exemple dun triangle, et
ensuite dautres, non pas comme si les parties de ce genre avaient été
antérieures à la figure constituée par les parties de ce genre, mais de telle
sorte quils montrent plus explicitement ce qui est réclamé pour cette
figure. [279b35] Et ils disent également que
Platon a affirmé que le monde avait été créé à partir des éléments, non pas
comme sil avait été engendré à un moment déterminé, [280a1]
mais à cause de lenseignement, afin dinstruire plus facilement quelques uns
sur la nature du monde, tandis que leur sont dabord montrées les parties du
monde, ainsi que ce que les parties de ce genre comportent en elles-mêmes, et
ensuite la composition quelles tirent de la cause du monde, qui est Dieu. Et
ainsi ils aperçoivent, cest-à-dire
considèrent, que le monde est engendré, selon le mode de construction dont se
servent les géomètres dans celle des figures. |
[71042] In De caelo, lib. |
[71042] Sur le De caelo, I,
23, 3. Ensuite quand il dit : Ğ or cest, de même que nous
disons ğ, etc., il condamne ce qui a été dit. Et il dit que ce
queux-mêmes disent sur la création du monde et ce que les géomètres disent
de la description des figures nest pas la même chose, comme cela sera
démontré par ce qui nous allons maintenant dire. Puisque dans les
constructions géométriques, la même chose arrive si toutes les parties dune
figure sont acceptées en même temps quelles constituent une figure et si
elles ne sont pas acceptées en même temps, puisque, quand elles ne sont pas
acceptées en même temps, rien dautre nest dit sur elles si ce nest que ce
sont des lignes ou des angles ; et cela est aussi maintenu chez elles
quand elles sont toutes considérées en même temps dans la figure constituée
par elles. [280a5] Mais dans les
démonstrations de ceux qui établissent la création du monde, la même chose
nest pas acceptée quand elles sont ensemble et quand elles ne sont pas
ensemble ; mais il est impossible que la même chose soit acceptée des
deux côtés, de même quil est impossible que des choses opposées existent en
même temps ; les choses, en effet, qui sont acceptées auparavant,
cest-à-dire avant la formation du monde, et par la suite, cest-à-dire une
fois que le monde a été désormais formé, sont sous-contraires, cest-à-dire quelles contiennent une
contradiction reliée et latente. Car ils disent quelles sont créées en ordre
à partir déléments en désordre, alors que Dieu ramène le désordre des
éléments à lordre, comme Platon le dit dans le Timée : or les géomètres ne disent pas quun triangle est
composé de lignes divisées, mais simplement à partir de lignes. Et ce serait
la même chose sils disaient seulement que le monde est produit à partir
déléments ; mais ils disent que le monde est ordonné à partir déléments
en désordre. Or il nest pas possible que quelque chose soit en même temps en
ordre et en désordre : mais il est nécessaire que soit donnée une
création par laquelle lun dentre eux est séparé dun autre, de telle sorte
quil est désordonné avant la création, et ordonné après la création ;
et par conséquent il est nécessaire que soit donné un temps séparant les
deux. Mais dans les [280a10] constructions des
figures une séparation par le temps nest pas requise : car il ne faut
pas quune ligne et un triangle soient séparés par le temps, en tant
quordonné et désordonné. |
[71043] In De caelo, lib. |
[71043] Sur le De caelo, I,
23, 3. Certains veulent en outre excuser Platon, comme sil navait pas
établi que le désordre est antérieur au temps dans les éléments du monde et
que ces derniers ont commencé à être ordonné par la suite, à un moment ;
mais puisque le désordre est toujours lié aux éléments du monde quant à une
chose, ils peuvent être ordonnés quant à une chose ; de même
quAristote, lui aussi, établit que la privation est toujours reliée à la
matière, bien quelle soit toujours réglée selon une chose. On peut aussi
comprendre que Platon comprend avoir donné quels éléments se tiennent
deux-mêmes, sils nont pas été ordonnés par Dieu, et non quils étaient
désordonnés avant le temps. Mais quel que soit ce que Platon a compris,
Aristote, comme on la dit, faisait objection à ce que les mots de Platon
expriment. Il conclut donc à partir des prémisses quil est impossible que le
monde ait été fait par création et quil dure cependant éternellement. |
[71044] In De caelo, lib. |
[71044] Sur le De caelo, I,
23, 4. Ensuite quand il dit : Ğ tour à tour ğ, etc., il
sattache à exposer lopinion dEmpédocle, quil avait établie en troisième
lieu. Et il dit que ceux qui disent que le monde est composé et désagrégé
tour à tour ne font rien dautre que daffirmer que le monde est éternel
selon la substance, mais quil se transforme selon la forme, ou selon
lorganisation, comme, si on établissait que quelquun, voyant quelquun
devenu homme après avoir été enfant, [280a15]
voyait tour à tour le même devenu enfant après avoir été homme, il penserait
quil a été créé un jour et corrompu un autre jour. Et il prouve que la
substance même du monde est établie éternelle selon cette opinion dEmpédocle
par le fait quaprès la séparation des éléments par le conflit, quand les
éléments se rassembleront de nouveau, ne seront pas créés nimporte quel
ordre du monde et nimporte quelle constitution, mais la même qui est
maintenant. Et cest manifeste aussi
autrement, cest-à-dire par la raison, puisque les éléments étaient alors
assemblés par la même cause, cest-à-dire par lamitié, grâce à laquelle ils
avaient aussi été assemblés auparavant, et quainsi la même constitution du
monde sensuivra ; mais cest également manifeste selon ceux qui
tiennent cette position, et qui affirment lopposition du conflit et de
lamitié, quils établissent comme la cause de la disposition opposée des
éléments, de telle sorte quils sont un jour unis et un jour séparés. Il en
conclut que, si le corps tout entier du monde, [280a20]
existant continûment, cest-à-dire de façon unie, est disposé et arrangé un
jour dune manière et un jour dune autre manière, comme la consistance même ou substance de tous
les corps est appelée monde ou ciel, il sensuit que ce nest pas le monde
qui est engendré et corrompu, mais seulement ses dispositions. |
[71045] In De
caelo, lib. |
[70045] Sur le De caelo, I,
23, 5. Ensuite quand il dit : Ğ totalement créé ğ, etc., il
sattache à exposer lopinion de Démocrite, quil avait établie ci-dessus en
second lieu. Et il dit premièrement quelle est cette opinion ;
deuxièmement il montre ce qui sera par la suite évident sur ce point,
ici : Ğ mais cependant ğ, etc. Il dit donc premièrement que,
si quelquun établit que le monde a été créé, quil est totalement corrompu
sans retour en arrière, et quil nest jamais de nouveau créé, cest
impossible, si on établit un seul monde. Et cela pour la raison que, sil y a
un seul monde qui a été créé un jour, comme il na pas été créé du néant,
avant quil ne soit créé existait [280a25] une
substance qui était avant lui. Ou bien nous établirons donc que la substance
qui était antérieure au monde pouvait être soumise à la génération, ou non.
Et si elle ne pouvait pas être soumise à la génération, le monde ne pouvait
pas être créé à partir delle : et cest ce quil dit, laquelle nétant pas créée, ou bien
non engendrée, cest-à-dire laquelle nétant pas soumise à la génération, nous disons quil est impossible quelle
soit transformée, cest-à-dire quil nest pas possible quelle soit
transformée en ce que le monde deviendrait à partir delle. Mais si elle
avait dans sa nature ce qui pourrait être transformé en ce que le monde deviendrait
à partir delle, elle pourrait être transformée même après la corruption du
monde, de telle sorte que le monde serait de nouveau créé à partir delle.
Mais si on établissait une infinité de mondes, et que ce monde-ci était créé
à partir de certains atomes organisés dune manière, un autre monde serait
aussi créé à partir des mêmes atomes ou dautres atomes organisés dune autre
manière, et cela à linfini ; on pourrait davantage soutenir ce qui a
été dit, à savoir que le monde une fois corrompu nest jamais engendré à
nouveau, puisque, à partir du fait quil est possible quil y ait dautres
mondes, un autre monde pourrait être constitué à partir de ces atomes. Mais
sil ne pouvait y avoir quun monde, il sensuivrait un inconvénient, puisque
la matière dans laquelle le monde est dissout, serait encore en puissance
pour que le monde soit créé à partir delle ; de là sil ne peut y avoir
un autre monde, il faut que le même soit lui-même créé de nouveau. |
[71046] In De caelo, lib. |
[71046] Sur le De caelo, I,
23, 6. Ensuite quand il dit : Ğ mais cependant ğ, etc., il
montre ce qui reste à dire : il dit quil sera plus loin manifeste si
cest possible ou impossible. Et si le mot ce se rapportait à ce qui a été immédiatement dit de lopinion de
ceux qui établissent des mondes infinis, il ne faut pas comprendre que Ğ plus loin ğ désigne ici ce
qui suit immédiatement, où il nest fait aucune mention à cela ; mais
lexpression Ğ plus loin ğ désigne ce qui sera dit de lopinion de
Démocrite dans le livre III de ce traité et dans le livre I de la génération.
Or si le mot ce se rapportait à
tout ce qui précède, où il a été question de lopinion de ceux qui
établissent que le monde a été engendré, Ğ plus loin ğ désigne ce
qui suit immédiatement. Et à cela saccorde ce qui est supposé immédiatement.
Car il y en a certains qui pensent quest contingent le fait quun être qui
na jamais été engendré soit corrompu un jour et quun être qui a été
engendré de nouveau subsistera, incorruptible ; de même que dans le Timée Platon dit non seulement que le
ciel a été créé de nouveau, mais aussi quil dure pendant le reste de
léternité ; et il établit ainsi les deux propos tenus, à savoir que la
matière non organisée, qui na jamais commencé à être non organisée, cessera
un jour dêtre, et que le monde commence, et ne finit jamais. Et contre ces
gens qui établissent ainsi que le monde est engendré, ci-dessus, au début de
ce livre il a procédé par des raisons naturelles seulement quant au ciel,
quil a prouvé être non engendré et incorruptible, étant donné quil na pas
de contraire ; mais maintenant cela sera manifesté par une considération
universelle sur tous les étants. |
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Lectio
24 |
Leçon 24 [Préalable à lopinion dAristote : Définition de
lengendré et du corruptible]
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[71047]
In De caelo, lib. |
[71047] Sur le De caelo, I,
24, 1. Après que le philosophe sest attaché à exposer les opinions des
autres concernant la question proposée sur le monde, sil est engendré et
corruptible, il poursuit ici la question déjà mentionnée selon son opinion.
Et il avance premièrement certains points qui sont nécessaires à la recherche
attentive de la proposition ; il sattache deuxièmement à exposer la
question proposée, ici : Ğ une fois ces choses déterminées ğ,
etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : il
distingue premièrement la multiplicité des noms, dont il se sert dans la
question, à savoir engendré et non engendré, corruptible et incorruptible ;
il distingue deuxièmement la multiplicité des noms qui conviennent à la
définition de ce qui a été déjà dit, cest-à-dire possible et impossible,
ici : Ğ cest pourquoi sil en est ainsi ğ, etc. En ce qui
concerne le premier point, il fait deux choses : il dit premièrement sur
quoi porte son attention ; il sattache deuxièmement à présenter la
proposition, ici : Ğ or on appelle non engendré ğ, etc. En ce
qui concerne le premier point il fait deux choses. Il dit premièrement sur
quoi porte son attention ; [280b1] et il
dit que, concernant la recherche de la question déjà mentionnée, il faut
premièrement distinguer de quelle manière des choses sont appelées pouvant être engendrée et ne pouvant pas être engendrées, et de
nouveau corruptibles et incorruptibles. |
[71048] In De
caelo, lib. |
[71048] Sur le De caelo, I,
24, 2. Ensuite quand il dit : Ğ dites de multiples façons ğ,
etc., il confie la méthode qui lui permettra datteindre son but. Et il dit
que, quand des choses portent de multiples noms, il arrive un jour que cette
multiplicité ne présente aucune différence quant au raisonnement qui est
proposé, à savoir quand dans ce raisonnement est pris un nom seul avec un
seul sens : alors en effet la multiplicité fait une différence dans le
raisonnement, quand un nom est pris dans différentes significations. Mais
cependant, bien quaucune différence ne soit faite quant au raisonnement, la
pensée de lauditeur est confuse, si on utilise un nom qui admet de multiples
distinctions, comme sil nen présentait aucune, puisque, quand on utilise
indistinctement un nom multiple [280b5], il
nest pas évident de savoir sous quelle signification de nature arrive la
conclusion. |
[71049] In De
caelo, lib. |
[71049] Sur le De caelo, I,
24, 3. Ensuite quand il dit : Ğ on appelle non engendré ğ,
etc., il distingue les noms déjà mentionnés : premièrement non engendré et engendré ; deuxièmement corruptible
et incorruptible, ici :
Ğ et corruptible ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il
fait deux choses : il distingue premièrement lexpression non engendré ; deuxièmement le
mot engendré, ici : Ğ de
la même manière ğ, etc. Or il établit premièrement que lexpression non engendré est utilisée de trois
manières. La première dentre elles est dans la mesure où est dit non
engendré quelque chose qui est certes maintenant, mais qui nétait pas
auparavant, de telle façon que ceci arrive sans génération ni corruption de
ce qui commence à être, tout comme pour quelques uns le toucher et le
mouvement par exemple ; car ils disent quil narrive pas que ce qui est
touché et déplacé soit engendré. Et cest prouvé dans le livre V de |
[71050] In De
caelo, lib. |
[71050] Sur le De caelo, I,
24, 4. Devant lévidence produite par ces significations, il faut considérer
que la génération comporte quelque chose de commun, qui est de commencer à
être ; et quelle comporte aussi une manière déterminée dêtre, à savoir
par transformation. Donc la négation qui est contenue dans lexpression non engendré peut nier dune seule
manière les deux choses, à savoir le commencement et la manière de
commencer ; ou bien elle peut seulement nier la manière de commencer. Et
les deux choses arrivent de deux façons ; dune façon selon lacte, de
lautre selon la puissance. Donc si la négation déjà mentionnée ne nie pas le
commencement, mais seulement la manière de commencer, telle est la première
façon, selon laquelle on appelle non engendrée une chose qui peut commencer à
être, mais non par génération. Or si la négation ne nie pas la puissance,
mais seulement lacte, comme par exemple puisquelle peut commencer à être,
quelle peut être engendrée, et que, cependant, elle na pas encore commencé
à être ou quelle a été engendrée, telle est la seconde façon. Si elle nie
non seulement la manière de commencer, comme dans la première façon, et non
seulement laction dengendrer, comme dans la seconde façon, mais en même
temps la manière de commencer et le commencement, à la fois quant à lacte et
quant à la puissance, telle est la troisième façon, qui est la plus parfaite,
selon laquelle on appelle une chose non engendrée au sens propre et simple,
bien que ce mode se distingue aussi selon quil est possible dappeler
quelque chose soit simplement, soit selon une mesure très partielle. |
[71051] In De
caelo, lib. |
[71051] Sur le De caelo, I,
24, 5. Ensuite quand il dit : Ğ de la même manière ğ, etc., il
distingue la signification du mot engendré.
Et il dit que de la même manière [280b15] engendré est utilisé de trois
manières. La première dentre elles est si une chose na pas été auparavant
et commence à être par la suite, soit par génération, comme lhomme, soit
sans génération, comme le toucher, pourvu que ce qui est appelé engendré ne
soit pas un jour et soit de nouveau ensuite. Selon la seconde manière, on dit
une chose engendrée, sil est possible quelle commence à être, soit que cette possibilité soit déterminée
par la vérité, comme on dirait quest possible ce qui peut être, soit quelle soit déterminée par la
facilité, comme on dirait quest possible dêtre créé ce qui peut lêtre
facilement. Selon la troisième manière, on dit engendré une chose, dont la
génération peut être, de telle sorte quelle procède par cela du non être à
lêtre : et cela indifféremment, soit quelle ait déjà commencé à être,
et cela par génération, cest-à-dire par mode de conception, soit quelle
nait pas encore commencé à être, [280b20]
mais quelle soit susceptible de commencer à être par mode de génération. La
raison de ces significations apparaît aussi selon les prémisses. Car, comme
on dit engendré selon la première
signification, le commencement actuel est soutenu, mais non la manière
déterminée de commencer, que signifie la génération. Selon la seconde
acception, est soutenue la possibilité dun commencement sans manière
déterminée de commencer : et cette signification peut être distinguée en
deux selon la distinction de la puissance. Selon la troisième acception, est soutenu
non seulement le commencement, mais la manière déterminée de commencer :
et cette signification peut être distinguée en deux, puisque est soutenu un
mode déterminé de commencer selon lacte, comme pour une chose qui a déjà été
engendrée, ou bien selon la puissance, comme pour une chose qui est née apte
à être engendrée. |
[71052] In De
caelo, lib. |
[71052] Sur le De caelo, I, 24, 6. Et si quelquun considérait correctement les significations quil a établies à propos dengendré, elles diffèrent doublement de celles quil a établies à propos de non engendré : dans une signification selon la distinction, dans une autre selon lordre. Selon la distinction, puisque dans la distinction des significations de non engendré, la négation du mode déterminé de commencement était comprise par une signification selon la puissance, et dans une autre signification selon lacte : car dans la première signification on disait non engendré ce qui ne pouvait commencer par génération ; or, dans la seconde ce qui pouvait commencer par génération, mais qui navait pas encore été engendré. Mais quant à la négation du commencement communément, il comprenait sous la même signification la négation de la puissance et de lacte : on disait en effet daprès la troisième signification engendré ce qui na pas commencé à être et qui ne peut pas commencer à être. Mais concernant les significations dengendré, au contraire, à partir du commencement il distingue communément les significations selon la puissance et selon lacte : car la première signification est ce qui commence à être en acte de nimporte quelle manière ; la seconde signification est ce qui peut commencer de nimporte quelle manière, bien que cela nait pas encore commencé à être. Mais à partir du mode déterminé de commencement, il comprend sous une seule signification la puissance et lacte : car il appelle, dans la troisième signification, engendré ce qui a été engendré ou qui peut être engendré. Et ainsi il apparaît que ces trois significations ne sont pas directement opposées aux trois premières, puisque ce qui était distingué là demeure indistinct ici, et inversement. Or ces significations diffèrent selon lordre. Car dans les significations de non engendré ce qui concerne le mode déterminé de commencement précédait ce qui concerne le commencement communément : mais suivant les significations dengendré, ce qui est à partir du commencement au sens commun est placé avant. Et Aristote la fait avec un subtil raisonnement. En effet, il a voulu premièrement établir les significations imparfaites, et enfin les significations parfaites : la négation et laffirmation sont différentes concernant le sens propre et le commun. Car la négation qui nie le propre est imparfaite ; mais la négation qui nie le sens commun est parfaite, étant donné que, une fois le sens commun nié, le sens propre lest : et cest pourquoi il a établi la dernière signification de non engendré comme parfaite, là où est nié le commencement au sens commun. Et puisque la négation particulière du mode de commencement est imparfaite, cela explique quil ait établi à partir de là des significations partielles distinctes selon la puissance et lacte. Mais laffirmation du sens propre est parfaite, puisque, une fois le sens propre établi, est établi le sens commun ; or laffirmation commune est imparfaite : et cest pourquoi il a établi la dernière signification dengendré comme parfaite, cest-à-dire commencer à être par génération ; et il commence par cette signification, en tant que parfaite, et la puissance et lacte. Or il a avancé les significations concernant le commencement au sens commun comme imparfaites : car on ne dit pas parfaitement quune chose est engendrée daprès le seul fait quelle commence à être. Et cest pourquoi à partir de là aussi il a distingué ces significations, en tant que partielles, selon la puissance et lacte. |
[71053] In De
caelo, lib. |
[71053] Sur le De caelo, I,
24, 7. Ensuite quand il dit : Ğ et corruptible ğ, etc., il
distingue les significations de Ğ corruptible ğ et
dĞ incorruptible ğ : et premièrement de
Ğ corruptible ğ ; deuxièmement dĞ incorruptible ğ,
ici : Ğ et sur lincorruptible ğ, etc. Il dit donc
premièrement que Ğ corruptible ğ
et Ğ incorruptible ğ sont
également entendus de multiples façons : et il établit trois
significations pour Ğ corruptible ğ.
Et là il faut considérer que, comme la génération implique un commencement de
façon déterminée, de même la corruption implique une fin dune façon
déterminée, cest-à-dire celle dune transformation. Donc le premier mode de
corruption établit une fin au sens commun, sans distinction de puissance et
dacte. Et le raisonnement concernant lordre est le même que celui qui a été
tenu ci-dessus sur lengendré :
en effet, de même quon ne dit pas quune chose est parfaitement engendrée à
partir du fait quelle commence à être, de même on ne dit pas quune chose
est parfaitement corrompue à partir du fait quelle cesse dêtre, ni quelle
est parfaitement corruptible à partir du fait quelle peut cesser dêtre.
Donc cest la première signification, selon laquelle nous disons quest
corruptible une chose qui, comme il y a une chose avant, par la suite, soit
elle nest pas, soit elle est susceptible de ne pas être, que cela arrive par
corruption et transformation, de même que lhomme est corruptible, ou quelle
cesse dêtre non par corruption et transformation, comme le toucher et le
mouvement. Selon la deuxième signification, nous disons quest corruptible
une chose qui est susceptible de ne
pas être, cest-à-dire qui peut
cesser dêtre un jour, par mode spécial de corruption. Selon la troisième
signification, on dit quest corruptible une chose qui [280b25] est facilement corrompue et qui peut être
dite euphtarton, cest-à-dire
facile à corrompre. |
[71054] In De
caelo, lib. |
[71054] Sur le De caelo, I,
24, 8. Or il faut considérer que, bien que les significations de Ğ corruptible ğ saccordent avec
celles dĞ engendré ğ
quant à lordre, puisque, de même que le commencement général est avancé ici,
de même la fin générale est avancée ici ; cependant il existe une
différence quant à la distinction. En effet les significations étaient distingués
là selon lacte et la puissance ; or ici sont distingués les modes selon
la puissance absolue, et parfaite, ce qui est la dernière signification, en
tant que la plus parfaite ; en effet est très parfaitement corruptible
ce qui peut être facilement corrompu. Et la raison en est que lengendré peut être compris selon
lacte, or Ğ corruptible ğ
est dit selon la puissance : de là Ğ engendré ğ peut être
entendu selon lacte et la puissance, mais le corruptible ne peut être
compris si ce nest selon la puissance. Et cest pourquoi il a établi lengendré selon lacte et le corruptible selon la puissance,
puisque, de même que la génération concerne le non être devenu être, et la
corruption lêtre devenu non être, ce qui peut
être engendré nest pas encore un étant, mais seulement ce qui a déjà été
engendré : inversement ce qui
est corruptible est un étant, mais
non ce qui a déjà été corrompu. Or
le philosophe cherche à traiter cette question au sujet des étants, et non au
sujet des non étants : et cest pourquoi il utilise les mots engendré et corruptible. |
[71055] In De
caelo, lib. |
[71055] Sur le De caelo, I,
24, 9. Ensuite quand il dit : Ğ et sur lincorruptible ğ,
etc., il distingue les significations dincorruptible.
Et il dit que concernant lincorruptible il existe aussi le même raisonnement
sur la distinction. Il établit en effet trois significations. La première
dentre elles est selon la négation déterminée du mode de fin, daprès le
fait quon appelle incorruptible ce qui peut cesser dêtre ainsi que ce qui
est un étant un jour et qui nest pas un étant un autre jour, mais cela sans
corruption, comme le toucher et le mouvement, qui sont dabord et qui ne sont
pas par la suite, mais cela se fait sans quils soient corrompus, puisquils
nont pas de corruption, ni de génération. De là ce sens correspond au
premier sens de non engendré. Selon
le second sens on appelle incorruptible selon la négation de la fin au sens
commun ; et ainsi il dit que ce qui est maintenant un étant et à qui il
est impossible de ne pas être ensuite, ou bien qui nest pas destiné à être
un jour, est appelé incorruptible. Et ce sens de non corruption ne saccorde
pas avec une chose qui pourrait cesser dêtre par corruption : en effet
toi qui peux cesser dêtre par corruption, tu es maintenant présent ; et
[280b30] également le toucher, qui peut cesser
dêtre, mais non par corruption, est maintenant ; mais pourtant les deux
sont dits corruptibles de quelque manière, cest-à-dire selon le premier sens
de Ğ corruptible ğ, puisquil y aura un jour où il ne sera pas vrai
de dire que tu es et où il ne sera pas vrai de dire que cela est touché. Et
cest pourquoi est surtout dit à proprement parler incorruptible ce qui est
un étant, mais à qui il est impossible dêtre corrompu de telle manière que,
comme cest tantôt un étant, il nest, pas un être ou quil est susceptible
de ne pas être, et que, bien quil ne soit pas encore corrompu, il est
cependant susceptible en dernier lieu de ne pas être ; car ce qui nest
pas de cette manière est appelé incorruptible à proprement parler. Selon un
troisième sens, [281a1] est appelé
incorruptible ce qui nest pas facilement corrompu. Et cela correspond aussi
au troisième sens de Ğ corruptible ğ, de même que le second
correspond au second, et le premier au premier. |
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|
Lectio
25 |
Leçon 25 [Préalable à lopinion dAristote : Définition du
possible et de limpossible]
|
[71056] In De
caelo, lib. |
[71056] Sur le De caelo, I,
25, 1. Après que le philosophe a montré de combien de sens on dit engendré et
non engendré, corruptible et incorruptible, il expose ici la signification de
ce qui est dit possible et impossible. Et il dit premièrement sur
quoi porte son intention ; deuxièmement il présente la proposition,
ici : Ğ cest pourquoi si quelque chose peut ğ, etc.
Concernant le premier point il fait deux choses. Il dit premièrement sur quoi
porte son intention ; et il dit que, comme ce qui a été dit sur la
signification de lengendré et du non engendré, du corruptible et de
lincorruptible est ainsi, il faut considérer la façon dont on dit une chose possible et impossible. |
[71057] In De
caelo, lib. |
[71057] Sur le De caelo, I,
25, 2. Deuxièmement ici : Ğ de façon tout à fait propre en
effet ğ, etc., il assigne la raison de son intention, puisque le possible et limpossible sont inclus dans le raisonnement de ce qui a déjà été
dit. Parce que, comme on la dit ci-dessus, on dit au sens le plus propre
quest incorruptible une chose qui non seulement ne peut être corrompue, mais
aussi qui ne peut être un jour de nimporte quelle manière et ne pas être par
la suite. Et également on dit [281a5] non
engendré au sens propre ce qui est
impossible, à savoir ce qui ne peut être et ne pas être, et qui ne peut
être créé de nimporte quelle manière de telle sorte quil nest pas avant et
quil est après, comme le fait que la diagonale dun carré soit
proportionnelle, cest-à-dire commensurable avec le côté du carré, est non
engendré, puisquil ne peut en aucune manière commencer à être. |
[71058] In De
caelo, lib. |
[71058] Sur le De caelo, I,
25, 3. Ensuite, quand il dit : Ğ cest pourquoi si quelque chose
peut ğ, etc., il montre de quelle manière une chose est dite possible et
impossible. Et il faut noter que, comme le philosophe dit dans le livre V de |
[71059] In De
caelo, lib. |
[71059] Sur le De caelo, I, 25, 4. Pour prouver le premier point il dit que, sil arrive quune chose puisse faire quelque chose de grand, par exemple quun homme se promène sur cent stades, ou puisse soulever un poids lourd, nous déterminons toujours ou nous dénommons sa puissance au regard de la plus grande chose dont il soit capable, de même que nous disons que la puissance de cet homme est de pouvoir soulever un poids de cent talents ou de pouvoir aller sur une distance de cent stades, [281a10] bien quil puisse faire toutes les parties contenues au-dessous de cette quantité, puisquil peut accomplir ce qui les surpasse. Et il nest cependant pas dénommé daprès ces parties, par exemple si sa puissance est déterminée par le fait quil peut porter cinquante talents ou aller sur cinquante stades, mais daprès ce qui est le plus grand : de même que la puissance de chacun est nommée en considération de la fin, cest-à-dire de ce quil peut faire en dernier et de plus grand, et par la capacité de son excellence, tout comme, aussi, la grandeur de nimporte quelle chose est déterminée par ce qui est le plus grand, ainsi que, en connaissant la quantité de trois coudées, nous ne disons pas quelle est de deux coudées. Et également nous imputons la raison de lhomme au raisonnable et non au sensible, puisque, toujours, ce qui est le dernier et le plus grand est complet et donne lespèce de la chose. Ainsi donc il apparaît que celui qui peut faire ce qui est supérieur peut aussi nécessairement faire ce qui est inférieur ; par exemple si lon peut porter cent talents, on pourra aussi en porter deux, et si on peut aller sur cent stades, on peut aller sur deux ; mais cependant la vertu dune chose nest attribuée quà la supériorité, cest-à-dire que la vertu dune chose est considérée daprès ce qui surpasse tout ce quelle peut faire. Et cest ce qui est dit dans lautre traduction, la vertu est la dernière chose de la puissance, puisque la vertu dune chose est déterminée daprès la dernière chose quelle peut faire. Et cela a aussi une application dans les vertus de lâme : car on appelle humaine la vertu, par laquelle lhomme peut faire ce qui est au plus haut degré dans les actes humains, cest-à-dire dans lacte qui est suivant la raison. |
[71060] In De
caelo, lib. |
[71060] Sur le De caelo, I,
25, 5. Ensuite quand il dit : Ğ et en tout cas si quelque
chose ğ, etc., il montre de quelle manière une chose est impossible à quelquun. [281a15] Et il dit que, si une chose est seulement
impossible à quelquun, si quelquun accepte ce qui est au plus haut degré,
il est manifeste quil lui sera impossible de porter ou de faire davantage,
comme celui qui ne peut pas aller sur mille stades ne peut manifestement pas
aller sur mille un. De là il apparaît que, de même que ce qui est possible à
quelquun est déterminé par le plus haut degré dont il est capable, où sa
vertu est considérée, de même ce qui est impossible à quelquun est déterminé
par le minimum de ce dont il nest pas capable, en quoi consiste sa faiblesse.
Par exemple si le maximum dont quelquun est capable est daller sur vingt
stades, le minimum de ce dont il nest pas capable est vingt et un ; et
cest par cela quil faut déterminer sa faiblesse, non daprès le fait quil
ne peut pas aller sur cent ou sur mille. |
[71061] In De
caelo, lib. |
[71061] Sur le De caelo, I,
25, 6. Ensuite quand il dit : Ğ rien ne nous troublerait ğ,
etc., il exclut une objection. Et premièrement il lécarte ;
deuxièmement il la résout, ici : Ğ mais rien ne diffère ğ,
etc. Il dit donc premièrement que, le fait que ce qui est dit possible à
proprement parler doit être déterminé selon la limite de la supériorité ne
doit en rien nous troubler. En effet on peut [281a20]
objecter que ce qui a été dit nest pas nécessaire à tout : en
effet, cela semble contenir une objection concernant la vue et les autres
sens. En effet celui qui voit une grande quantité, par exemple dun stade, ne
peut pas voir pour cette raison les grandeurs dune plus petite quantité, qui
sont contenues en deçà de cette quantité : mais le contraire arrive plus
souvent, puisque celui qui peut voir un point,
cest-à-dire la plus petite chose perceptible par le sens, ou celui qui peut
aussi entendre un faible son, peut également percevoir de plus grandes
choses. |
[71062] In De
caelo, lib. |
[71062] Sur le De caelo, I,
25, 7. Ensuite quand il dit : Ğ mais rien ne diffère ğ, etc.,
il résout lobjection déjà mentionnée. Et il dit que ce qui a été dit ne
diffère en rien du raisonnement qui avait permis de déterminer ce qui est
déterminé possible selon le plus haut degré, puisque le plus haut degré de ce
genre, selon lequel la vertu dune chose est déterminée, peut être déterminé
soit selon la vertu, [281a25] soit selon la
chose. Selon la chose, quand la supériorité se trouve dans la chose
elle-même, comme on la dit à propos des cent stades ou des cent
talents : et cest selon ce plus haut degré que doit être déterminée la
vertu active, étant donné que ce qui peut agir sur une chose plus grande peut
aussi agir sur une chose plus petite. Le plus haut degré est considéré selon
la vertu, quand une chose qui nest pas supérieure en quantité requiert le
plus haut degré de la vertu : et cela semble surtout arriver au sujet
des puissances passives ; car plus une chose est susceptible de subir,
plus elle peut être déplacée par une chose plus petite. Et puisque les sens
sont des puissances passives, pour cette raison il arrive dans les choses
sensibles que celui qui peut sentir le moins peut sentir le plus. Or il
montre de cette manière ce qui a été dit : puisque cest la vue qui
perçoit le plus petit corps qui dépasse en puissance et ainsi sa supériorité
est considérée ici en puissance et en lobjet ; mais la rapidité qui est
dans le cas dune plus grande distance est à un plus haut degré (car est plus
rapide ce qui est déplacé dans le même temps sur une plus grande distance),
et une telle supériorité est non seulement en puissance, mais aussi en lobjet.
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Lectio 26
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Leçon 26 [Lopinion dAristote : toute chose éternelle est non engendrée et incorruptible] |
[71063] In De
caelo, lib. |
[71063] Sur le De caelo, I, 26, 1. Après que le philosophe a exposé la signification des noms qui sont proposés dans la question, il commence ici à argumenter pour la question proposée, à savoir si une chose peut être engendrée et incorruptible, ou bien non engendrée et corruptible. Et il montre premièrement que cest impossible par des raisons communes ; deuxièmement par une raison propre à la science naturelle, ici : Ğ et naturellement ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : il montre premièrement ce qui est la conséquence des prémisses à propos de la proposition ; deuxièmement il commence à argumenter pour démontrer la proposition, ici : Ğ que le commencement soit à partir de là ğ, etc. |
[71064] In De
caelo, lib. |
[71064] Sur le De caelo, I, 26, 2. Il dit donc premièrement que, les prémisses ayant été déterminées au sujet de la signification des noms, il faut maintenant dire ce qui suit dans cette considération. Car on a dit ci-dessus que le possible est dit selon quelque chose de déterminé, par exemple que quelquun est dit capable de courir cent stades. Or il y a parmi les choses certaines qui peuvent être et ne pas être. Il est donc nécessaire daprès les prémisses que le temps le plus long soit déterminé aussi au regard de lêtre lui-même, [281a30] tout comme il ne peut être dun temps plus étendu, et au regard de non être lui-même, et cest ainsi quil nest pas possible quil ne soit pas dun temps plus long. Et afin que ce ne soit pas compris seulement sur lêtre substantiel, il ajoute que, lorsque nous disons possible ou impossible quune chose soit, ou bien ait la possibilité de ne pas être, cela peut être entendu selon nimporte quelle prédication, cest-à-dire selon nimporte quel prédicat : par exemple quun homme soit ou ne soit pas, ce qui concerne le genre de la substance, ou quil soit ou ne soit pas blanc, ce qui concerne le genre de la qualité, ou quil soit ou ne soit pas de deux coudées, ce qui concerne le genre de la quantité, ou de même pour nimporte quelle autre chose très semblable. Et il prouve par réduction à limpossible quil faut comprendre selon un temps déterminé, quand on dit quune chose peut être ou ne pas être. Puisque, comme il le dit lui-même, sil ny a pas un temps dune durée déterminée, où il puisse être ou ne pas être, mais sil était toujours considéré comme plus long que le temps proposé (par exemple sil peut être de cinquante ans, et plus, et encore plus), et sil ne pouvait pas en venir à un temps plus court ; comme la même chose peut être et ne pas être, comme on la dit, [281b1] il sensuit que la même chose peut être dans un temps infini, et ne pas être dans un temps infini, puisque la même raison concerne ce qui peut ne pas être et ce qui peut être. Et ce nest pourtant pas ainsi que ce temps au regard duquel une chose peut ne pas être, et dont on conclut quil est infini, est le même que le temps infini au regard duquel on dit quune chose peut être, puisque ainsi il pourrait être et ne pas être au même moment, ce qui est impossible, comme on le dira ci-dessous, mais il est impossible quun temps infini soit pour ce qui peut ne pas être et quun autre temps infini soit pour ce qui peut être. Cest impossible : car il ne peut y avoir deux temps infinis puisquil y aurait ainsi deux temps en même temps. Cette impossibilité est la conséquence de ce que lon dit que le fait dêtre possible ou de ne pas être possible nest pas considéré par rapport à un temps déterminé : donc il faut premièrement quil soit évident quêtre possible et également ne pas être possible se disent par rapport à un temps déterminé : cela est aussi en harmonie avec ce qui a déjà été dit sur la signification de Ğ possible ğ. |
[71065] In De
caelo, lib. |
[71065] Sur le De caelo, I, 26, 3. Ensuite quand il dit : Ğ commençons à partir de là ğ, etc., il commence à argumenter en vue de la proposition. Et concernant cela il fait deux choses : il argumente premièrement pour la proposition par des raisons communes ; deuxièmement par une raison propre à la science naturelle, ici : Ğ et naturellement ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : il montre premièrement la vérité, à savoir que lincorruptible et le non engendré se suivent et également le corruptible et lengendré ; deuxièmement il condamne la position contraire, ici : Ğ cest pourquoi ne rien dire ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : il montre premièrement la proposition, en montrant comment est léternité par rapport au non engendré et à lincorruptible, ainsi quà lengendré et au corruptible ; deuxièmement comment ils sont réciproquement, ici : Ğ ouvertement et à partir de la détermination ğ, etc. Concernant le premier point il fait trois choses : il montre premièrement que toute chose éternelle est incorruptible et non engendrée ; il montre deuxièmement quaucune chose éternelle nest engendrée ou corruptible, ni linverse, ici : Ğ puisque la négation ğ, etc. ; il conclut troisièmement que toute chose non engendrée et incorruptible est éternelle, ici : Ğ donc si une chose non engendrée aussi ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : il avance premièrement certains éléments nécessaires ; il argumente deuxièmement pour la proposition, ici : Ğ cest pourquoi si quelque chose ğ, etc. |
[71066] In De
caelo, lib. |
[71066] Sur le De caelo, I,
26, 4. Donc il dit premièrement quil faut en tirer le principe pour montrer
la proposition, à savoir que limpossible
et le faux nont pas la même
signification. Concernant cela il pose quatre prémisses. La première dentre
elles est quaussi bien limpossible que le possible, aussi bien que le vrai
que le faux, sont utilisés sous un double sens. Selon un sens [281b5] à
partir dune supposition, à savoir quil est nécessaire quil y ait du
vrai ou du faux, du possible ou de limpossible, certaines prémisses ayant
été supposées, comme il est nécessaire quun triangle ait trois angles égaux
à deux angles droits selon la vérité, mais que pourtant cest impossible, une
fois que lon a supposé certaines prémisses, par exemple si nous supposions
quun triangle est un carré, ce qui a pour conséquence quun triangle a
quatre angles droits. Il sensuivra également aussi que la diagonale dun
carré sera commensurable avec un côté, si certaines suppositions sont vraies,
par exemple si nous établissions que le carré de la diagonale est le
quadruple du carré du côté : ainsi, en effet, il sensuivra que la
proportion de la diagonale au côté est comme la proportion du nombre, qui est
un rapport commensurable. Selon un autre sens des choses sont dites simplement, cest-à-dire absolument et
en elles-mêmes, possibles et impossibles, vraies et fausses. Il établit une
deuxième prémisse ici : Ğ non pas la même chose ğ, etc. Et il
dit que le fait quune chose soit fausse simplement,
cest-à-dire absolument, et quelle soit impossible ne sont pas la même
chose. En effet, si je disais que tu es debout, toi qui nes pas debout mais
assis, [281b10] ce sera faux, mais non
impossible ; et également ce sera faux et non impossible si on disait
que le cithariste chante, alors quil ne chante pas ; mais le fait que
quelquun soit debout et assis en même temps, ou bien quune diagonale soit
commensurable avec un côté nest pas seulement faux, mais aussi impossible.
Il établit une troisième idée ici : Ğ cest pourquoi non ğ,
etc., qui est conclue à partir des prémisses. En effet comme le faux et
limpossible ne sont pas la même chose, il sensuit que supposer le faux et
limpossible nest pas la même chose : car limpossible nest pas la
conséquence du faux, [281b15] mais limpossible
est impliqué par limpossible. Il établit une quatrième idée ici :
Ğ donc ceci ğ, etc. Et puisquil a été dit quêtre en même temps
debout et assis est impossible, il conclut que, bien quune chose soit
simultanément capable de faire les contraires (par exemple dêtre assis et
debout), par un tel raisonnement, puisquune puissance est un jour réduite en
acte, et une autre un autre jour, rien na pourtant la puissance davoir en
même temps les contraires (par exemple dêtre assis et debout), mais il faut
quils aient lieu à différents moments. [281b20]
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[71067] In De
caelo, lib. |
[71067] Sur le De caelo, I, 26, 5. Ensuite quand il dit : Ğ cest pourquoi si une chose ğ, etc., il montre la proposition, à savoir que toute chose éternelle est incorruptible et non engendrée. Et il montre premièrement que toute chose éternelle est incorruptible, deuxièmement que toute chose éternelle est non engendrée, ici : Ğ également non engendré aussi ğ, etc. Il dit donc premièrement, concluant à partir des prémisses, où il est dit que le possible est déterminé par rapport à un temps, que si une chose a la capacité de faire plusieurs choses dans un temps infini, on ne peut dire quelle puisse faire lune dentre elles au regard dun seul temps et une autre au regard dun autre temps ; mais tout ce quil peut faire, il le peut au regard de ce temps, puisquil ny a pas dautre temps en dehors du temps infini. Donc si nous établissions quune chose qui existe pendant un temps infini est corruptible, il sensuit quest corruptible ce qui a la capacité de ne pas être un jour ; et il faut le comprendre au regard du même temps infini où cela existe, ou bien au regard dune de ses parties. Donc puisque cela existe pendant un temps infini, et quil est cependant établi que cela na pas la capacité dêtre, étant donné que cest corruptible, serait existant ce qui peut ne pas être, cest-à-dire quon établirait que cela nest pas à partir de ce que lon dit que cela peut ne pas être. Et puisque cela pouvait ne pas être au regard dun temps infini ou dune partie de ce temps, il sensuit que cela serait et ne serait pas en même temps selon lacte, puisquon établissait que cela était dans un temps infini et quon établit ensuite que cela nest pas par rapport au même temps. Il est donc manifeste que cette erreur arrive suite à une erreur établie, à savoir suite à ce que lon établissait que cette chose qui existe dans un temps infini nest pas un jour. Mais si cette erreur nétait pas impossible, la conséquence ne serait pas impossible ; or il est impossible que la même chose soit et ne soit pas en même temps ; donc il était impossible que cela ne soit pas. Donc cela ne pouvait pas ne pas être ; et ainsi ce nétait pas corruptible. [281b25] Ainsi donc il apparaît que tout ce qui est toujours un étant ne peut être corruptible ; et ainsi cest simplement incorruptible. |
[71068] In De caelo, lib. |
[71068] Sur le De caelo, I,
26, 6. Mais il semble que ce développement dAristote nait pas de nécessité.
En effet, quoique rien noblige que deux contraires soient en même temps en
acte, cependant rien nempêche que la puissance dune chose sexerce sur deux
contraires en même temps avec une disjonction, également et de la même
manière, de même que ma puissance sexerce sur le fait que demain au lever du
soleil soit je serais assis soit je serais debout, - non cependant de telle
sorte que les deux choses soient simultanées,- mais je peux également soit
être debout sans être assis, soit être assis sans être debout. Ainsi donc
quelquun pourrait faire une objection au raisonnement dAristote. En effet
nous établirions une chose qui soit toujours un étant, de telle façon que cet
être éternel soit contingent et non nécessaire. Elle pourrait donc ne pas
être au regard de nimporte quelle partie dun temps infini, où on établit
quelle est toujours ; et pour cette raison il ne sensuivrait pas
quune chose soit et ne soit pas en même temps un étant. Car le raisonnement
semble le même dans un temps infini tout entier et dans un temps fini tout
entier. En effet, même si nous établissions que quelquun est toujours à la
maison pendant toute la journée, cependant il nest pas impossible quil ne
soit pas à la maison à nimporte quelle partie de la journée, puisquil est à
la maison non pas par nécessité, mais de façon contingente. Mais il faut dire
que le raisonnement nest pas le même des deux côtés. Car ce qui est
toujours, cest-à-dire par un temps infini, a le pouvoir dêtre dans un temps
infini ; or la puissance dexister nest pas vers les deux choses par
rapport au temps où quelquun peut être ; en effet toutes les choses
désirent être, et chacune est autant quelle le peut. Et cela apparaît
principalement chez celles qui sont issues de la nature, puisque la nature
est déterminée à une seule chose. Et ainsi tout ce qui est toujours nest pas
toujours de façon contingente, mais du fait de la nécessité. |
[71069] In De
caelo, lib. |
[71069] Sur le De caelo, I,
26, 7. Ensuite quand il dit : Ğ également aussi le non
engendré ğ, etc., il montre la même chose à partir de lengendré et du
non engendré : et il dit quégalement ce qui est toujours, cest-à-dire
pendant un temps infini, est nécessairement non engendré. Puisque, si cela
était engendré, il serait possible que cela ne soit pas à un certain moment,
comme on la dit au sujet du corruptible : car de même que le
corruptible est ce qui, alors quil a été auparavant, nest pas maintenant,
ou bien à qui il arrive de ne pas être un jour dans le futur, de même est
engendré ce qui est maintenant, mais qui nétait pas auparavant. Or il nest
pas possible de donner un temps [281b30] où ce
qui est toujours a la possibilité de ne pas être, ni dans un temps fini, ni
dans un temps infini, puisque ce qui peut être dans un temps infini, tout
comme ce qui est toujours, peut être à nimporte quel moment fini, ce qui est
inclus par le temps infini ; et ainsi il sensuivra selon la déduction
déjà faite quune chose soit et ne soit pas, ce qui est impossible. Donc il
narrive pas quune seule et même chose puisse toujours être et toujours ne
pas être, puisque ce serait toujours être et toujours ne pas être dans un
temps infini. Également la négation de la proposition Ğ toujours
être ğ nest pas possible, par exemple si nous disions que ce qui est
toujours peut ne pas toujours être : car ce serait pouvoir ne pas être
dans un temps infini au moins. Ainsi donc il apparaît quil est impossible
quune chose soit toujours et quelle soit corruptible, [281a1] ou même quelle soit engendrée. Car sil y
avait deux termes dans une relation telle quil ne puisse y avoir de
postérieur sans antérieur, de même quil ne peut y avoir dhomme sans
animal ; si cela, cest-à-dire le premier, est impossible, il sensuit
quil est aussi impossible que le postérieur soit, de même que sil est
impossible quune pierre soit un être vivant, il est impossible quune pierre
soit un homme. Or ce qui peut parfois ne pas être suit le corruptible et
lengendré en tant quélément commun, comme cela apparaît daprès ce qui a
été dit. Donc si ce qui est toujours il nest pas susceptible de ne pas être
un jour, il sensuit aussi quil est impossible que ce qui est toujours soit
engendré ; et il est également impossible que ce soit corruptible. Et ainsi
il apparaît que tout ce qui est éternel est non engendré et incorruptible. |
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Lectio
27 |
Leçon 27 [Comparaison de léternel et du corruptible]
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[71070] In De
caelo, lib. |
[71070] Sur le De caelo, I,
27, 1. Après que le philosophe a montré que toute chose éternelle est non
engendrée et incorruptible, il compare ici léternel au corruptible et à
lengendré, montrant quils ne peuvent être en même temps. Et premièrement il
avance certaines pensées dont son raisonnement procède ; deuxièmement il
argumente à partir deux en vue de la proposition, ici : Ğ cest
pourquoi ce qui nexiste pas toujours ğ, etc. En ce qui concerne le
premier point il propose trois choses. Premièrement il déclare lopposition
des propositions Ğ toujours
être ğ et Ğ non toujours
être ğ : et bien quil ajoute ceci, Ğ qui peut ğ, il ne rapporte cependant pas lopposition qui
est attendue selon le possible et le non possible, mais selon le fait de
toujours être et de ne pas toujours être. Il dit donc premièrement que la
négation [282a5] de cette affirmative
Ğ qui peut toujours être ğ,
opposée à elle de façon contradictoire est qui peut non toujours être : non pas certes à partir du
possible lui-même, au regard de ce dont laffirmative est Ğ qui peut non toujours être ğ,
mais quant à ce qui est non toujours
être. Mais ce qui peut non toujours
être soppose de façon contraire selon le même mode à ce qui peut
toujours être. Or la négative de ceci est qui
peut non toujours non être. Et la raison en est que cet adverbe
Ğ toujours ğ désigne la totalité du temps, de même que le mot
Ğ tout ğ désigne la totalité des suppositions. De là de même quà
cet énoncé Ğ tout homme est ğ, lénoncé contradictoire est
Ğ non tout homme est ğ, équivalent dĞ un homme nest
pas ğ ; or le contraire de Ğ tout homme est ğ se dit
Ğ tout homme nest pas ğ, équivalent dĞ aucun homme
nest ğ ; la proposition contradictoire est Ğ non tout homme
nest pas ğ, équivalent d Ğ un homme est ğ : ainsi à
Ğ toujours être ğ,
soppose de façon contradictoire Ğ non toujours être ğ, ce qui est
léquivalent de Ğ non être un jour ğ, mais à Ğ toujours
être ğ soppose Ğ toujours non être ğ, ce qui est léquivalent
de Ğ ne jamais être ğ ; à cela soppose de façon
contradictoire Ğ non toujours non être ğ, ce qui est léquivalent
dêtre parfois. |
[71071] In De
caelo, lib. |
[71071] Sur le De caelo, I,
27, 2. Deuxièmement quand il dit : Ğ il est nécessaire que les
négations ğ, etc., il conclut suivant la méthode dopposition déjà
mentionnée quil faut quappartiennent au même sujet les négation des deux propositions, cest-à-dire
Ğ toujours être ğ et Ğ toujours non être ğ ; et ces
négations sont non toujours être et non toujours non être. Et ces négations se trouvent selon la même
méthode dans le même sujet, de telle sorte que le moyen terme entre
Ğ toujours étant ğ et Ğ toujours non étant ğ est ce qui
peut être un jour et ne pas être un jour, comme si nous disions quentre
Ğ tout homme est ğ et Ğ aucun homme nest ğ, le moyen
terme est Ğ un homme est ğ et Ğ un homme nest pas ğ. |
[71072] In De
caelo, lib. |
[71072] Sur le De caelo, I,
27, 3. Troisièmement ici : Ğ en effet [282a10]
la négation des deux propositions ğ, etc., il prouve que cette
conclusion suit les prémisses. Et premièrement par un raisonnement approprié,
qui est tiré du raisonnement des termes établis dans la question,
disant : en effet la négation des
deux propositions, cest-à-dire aussi bien de Ğ toujours être ğ
que de Ğ toujours ne pas être ğ, existerait un jour, cest-à-dire quil établit quune chose sera
un jour, si elle nest pas toujours,
cest-à-dire si une chose nétait pas établie toujours par une
négation : par exemple, la négation Ğ non toujours étant ğ
nétablit pas léternité ni concernant lêtre, ni concernant le non être, et
cest pourquoi il établit Ğ être un jour ğ et Ğ non être un
jour ğ ; et il en est de même pour la négation Ğ non toujours
non être ğ. Il conclut donc que ce qui nest pas toujours un non étant
sera un jour et ne sera pas un jour, puisque ainsi est nié Ğ toujours
non être ğ, ce qui ne revient pas à Ğ toujours être ğ. Et
également la négation qui est non
toujours être possible, puisquelle écarte léternité concernant lêtre
tout comme elle nétablit pas léternité concernant le non être, établit ce
qui est un jour ; et puisquelle nétablit pas Ğ être
toujours ğ, rien nempêche que cela ne soit pas. Ainsi donc il sera
également possible dêtre un jour et de ne pas être un jour. Et cest le
moyen entre les deux contraires qui sont Ğ toujours être ğ et
Ğ toujours non être ğ. |
[71073] In De
caelo, lib. |
[71073] Sur le De caelo, I,
27, 4. Deuxièmement ici : Ğ or le raisonnement ğ, etc., il
prouve la même chose par un raisonnement commun, qui sapplique à nimporte
lequel des termes. Soient en effet deux termes a et [282a15]
b, dans une situation où ils ne puissent se trouver dans aucune même chose puisquils
sont contraires, comme Ğ toujours étant ğ et Ğ toujours non
étant ğ. Que lon accepte un autre terme, cest-à-dire g, qui soit par
rapport à a tel que soit a, soit g se trouve dans tout sujet : car ils
sont comme laffirmation et la négation, tout comme Ğ toujours
étant ğ et Ğ non toujours étant ğ. Soit un autre terme,
cest-à-dire d, qui soit dans le même rapport avec d que Ğ toujours non
étant ğ et Ğ non toujours non étant ğ. Il est donc nécessaire
que dans tout ce qui nest ni a, ni b, cest-à-dire qui nest ni
Ğ toujours étant ğ, ni Ğ toujours non étant ğ, se
trouvent à la fois g et d, qui sont les négations des deux propositions,
puisque à ce dont sont écartés Ğ toujours être ğ et Ğ toujours
non être ğ il est nécessaire que soit attribué Ğ non toujours
être ğ, cest-à-dire non être un jour, et Ğ non toujours non
être ğ, cest-à-dire être un jour. Et ainsi le sujet dont les deux
affirmations sont écartées, et à qui les deux négations sont attribuées est
ce qui est le moyen terme entre a et b, puisque ce qui nie les deux
extrémités est le moyen terme entre deux contraires, de même que ce qui nest
ni blanc, ni noir est le moyen terme entre le blanc et le noir. Donc il est
nécessaire que les deux négations, à savoir g et d, se trouvent dans ce moyen
terme. [282a20] Puisque, comme on la dit, il
faut que dans nimporte quelle chose se trouve g ou a ; de là il faut
que lun dentre eux se trouve dans ce qui est e ; donc puisquil est
impossible qua soit dans ce qui est e, il sensuit que g se trouve dans e.
Et selon le même raisonnement il est prouvé que d se trouve dans e. Ainsi
donc à la fois g et d sont affirmés à propos de e, dont sont écartés à la
fois a et b, puisquest un étant un jour, un non étant un autre jour ce qui
nest ni toujours un étant, ni toujours un non étant. Et cest ce quil
cherchait à prouver. |
[71074] In De
caelo, lib. |
[71074] Sur le De caelo, I,
27, 5. Ensuite quand il dit : Ğ cest pourquoi ni ce qui est
toujours ğ, etc., il argumente en vue de la proposition à partir des
prémisses. En effet, sil y a une chose qui toujours existe, elle nest ni
engendrée, ni corruptible : également aussi si elle est toujours sans
existence, elle nest ni engendrée, ni corruptible. Or il est manifeste
quinversement aussi, si une chose est engendrée ou corruptible, elle nest
pas éternelle, ni quant à lêtre, ni quant au non être. En effet si le
contraire était donné, cest-à-dire quune chose est en même temps éternelle,
engendrée, et corruptible, il sensuivrait quelle est en même temps capable
de toujours être et de ne pas toujours être ; puisque léternel peut
toujours être, il ne peut pas être toujours être engendré et corrompu. Or il
a auparavant été démontré que cest impossible, puisque lon a dit que
Ğ toujours être ğ et Ğ non toujours être ğ sopposent de
façon contradictoire. De là il reste quil est impossible quune chose soit
en même temps éternelle et corruptible ou engendrée. [282a25]
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[71075] In De
caelo, lib. |
[71075] Sur le De caelo, I,
27, 6. Ensuite quand il dit : Ğ donc si à la fois non
engendré ğ, etc., il montre que tout ce qui est non engendré et
incorruptible est éternel. Et il le conclut premièrement à partir des
prémisses, disant quil est nécessaire que tout ce qui nest pas engendré
soit éternel, et également que tout ce qui est incorruptible soit éternel,
pourvu quil soit un étant ; et cest ainsi que nous acceptons
Ğ non engendré ğ et Ğ incorruptible ğ dans leur sens
propre ; dans la mesure où Ğ non engendré ğ se dit de ce qui
est maintenant et de ce dont il nétait pas auparavant vrai de dire quil
nétait pas, et selon quest dit incorruptible ce qui est maintenant et dont
il ne sera pas vrai par la suite de dire quil nest pas, comme cela apparaît
à partir de ce qui a été dit ci-dessus sur la distinction de ces noms. |
[71076] In De
caelo, lib. |
[71076] Sur le De caelo, I,
27, 7. Deuxièmement ici : Ğ or si vraiment ğ, etc., il prouve
la même chose à partir de ce qui sera montré ci-dessus, disant que, si le non engendré et lincorruptible se suivent mutuellement de telle manière que toute
chose non engendrée est incorruptible et inversement, il est nécessaire que
léternel suive lun et lautre, si bien que toute chose non engendrée [282b1] et toute chose incorruptible sont
éternelles. Or à partir de toutes les prémisses le raisonnement suivant peut
être conclu : aucune chose éternelle nest engendrée, ni
corruptible ; toute chose non engendrée et toute chose incorruptible
sont éternelles ; donc aucune chose non engendrée nest corruptible, et
aucune chose incorruptible nest engendrée. |
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Lectio
28 |
Leçon 28 [ce qui peut être engendré et ce qui peut être corrompu
simpliquent mutuellement]
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[71077] In De
caelo, lib. |
[71077] Sur le De caelo, I,
28, 1. Ci-dessus le philosophe a démontré la proposition à partir de
léternité, or maintenant il la montre à partir de lengendré et du non
engendré, du corruptible et de lincorruptible. Et il prouve premièrement la
proposition par une supposition ; deuxièmement par la nécessité,
ici : Ğ or ce quil est nécessaire de suivre ğ, etc.
Concernant le premier point, il fait deux choses ; premièrement en
supposant que le non engendré et lincorruptible sont intervertis, il prouve
que lengendré et le corruptible le sont ; deuxièmement il démontre doù
il faut supposer linterversion du non engendré et de lincorruptible,
ici : Ğ or sils ne se suivent pas ğ, etc. |
[71078] In De
caelo, lib. |
[71078] Sur le De caelo, I,
28, 2. Il dit donc premièrement que ce que nous recherchons peut être rendu
manifeste à partir de la détermination
des notions elles-mêmes, cest-à-dire à partir de la distinction et de la
relation de ces termes entre eux. Et premièrement il montre que lengendré
implique le corruptible, et cest ainsi que si une chose est corruptible,
elle est par nécessité engendrée. Car il faut que ce qui est corruptible soit
engendré ou non engendré, puisquil faut dire lune ou lautre de ces choses
à propos de nimporte quel être existant : donc si une chose qui na pas
été engendrée est corruptible, il sensuit quelle est non engendrée. Or nous
supposons que le non engendré et lincorruptible sont intervertis : et
ainsi si une chose est non engendrée, elle sera incorruptible. Donc si une
chose corruptible nest pas engendrée, il sensuit quune chose corruptible
est incorruptible. |
[71079] In De
caelo, lib. |
[71079] Sur le De caelo, I,
28, 3. Deuxièmement ici : Ğ et si lengendré ğ, etc., il prouve
de la même manière quil est nécessaire que, si une chose est engendrée, elle
soit corruptible. Car il faut que ce qui est engendré soit corruptible ou
incorruptible ; mais il est supposé que si une chose est incorruptible
elle est non engendrée, en raison de la capacité des termes à être
intervertis ; donc il sensuit quune chose qui est non engendrée est
engendrée, ce qui est impossible. Et ainsi il est prouvé que toute chose
corruptible est engendrée, et inversement, cependant une fois supposé que le
non engendré et lincorruptible sont transposés. |
[71080] In De
caelo, lib. |
[71080] Sur le De caelo, I,
28, 4. Ensuite quand il dit : Ğ or si ne se suivent pas ğ,
etc., il démontre à partir doù il faut le supposer. Et il dit que si
lincorruptible et le non engendré ne se suivent pas mutuellement, ce qui
peut être éternel ne sera pas nécessairement la conséquence de ce qui est non
engendré et de lincorruptible, ce qui pourtant a été démontré ci-dessus. |
[71081] In De
caelo, lib. |
[71081] Sur le De caelo, I,
28, 5. Ensuite quand il dit : Ğ quil est nécessaire de
suivre ğ, etc., il prouve la proposition par la nécessité. Et il montre
premièrement que lengendré et le corruptible sont intervertis ; il
montre deuxièmement plus loin à partir de là en allant plus loin que le non
engendré et lincorruptible sont aussi intervertis, ici : Ğ cest
pourquoi soit là où est e ğ, etc. Concernant le premier point il fait
trois choses. Premièrement il propose ce quil a lintention de
montrer ; et il dit quà partir de ce qui sera dit, il sera manifeste
quil est nécessaire que les éléments mentionnés précédemment simpliquent
mutuellement, puisquil sera premièrement manifeste que lengendré et le
corruptible simpliquent mutuellement. |
[71082] In De
caelo, lib. |
[71082] Sur le De caelo, I,
28, 6. Deuxièmement ici : Ğ or ouvertement ğ, etc., il
introduit un raisonnement pour le démontrer. Et il dit que, de même que la
capacité dintervertir lincorruptible et le non engendré se manifeste dans
les propos tenus auparavant, et cest ainsi quil apparaît que lengendré et
le corruptible peuvent être intervertis est manifesté [282b10] dans les propos précédents. Puisque entre le toujours
étant et le toujours non étant le moyen terme est, comme on la dit
ci-dessus, ce que ni lun ni lautre ne
simpliquent, cest-à-dire ce qui nest pas toujours un étant, ni
toujours un non étant : or une telle chose est engendrée et corruptible,
puisque les deux ont la possibilité dêtre et de ne pas être pendant un temps
déterminé, et cest ainsi que pendant un temps fini les deux sont et de
nouveau ne sont pas pendant un autre temps : donc sil y a une chose qui
soit engendrée ou qui soit corruptible, [282b15] il
est nécessaire que le moyen terme de cette manière soit entre le toujours
étant et le toujours non étant ; et ainsi les deux sont attribués à la
même chose et semblent ainsi simpliquer mutuellement. |
[71083] In De
caelo, lib. |
[71083] Sur le De caelo, I,
28, 7. Troisièmement ici : Ğ soit en effet a ğ, etc., il
montre la raison déjà mentionnée dans les termes, disant : soit a,
toujours étant, et soit b, qui toujours non étant, or soit g, qui est
engendré, soit d, qui est corruptible. Il est donc nécessaire que g, qui est
engendré, soit le moyen terme entre a et b, cest-à-dire entre le toujours
étant et le toujours non étant, puisque ceux-ci, cest-à-dire pour a et b,
nont de temps vers ni lune ni lautre limite, cest-à-dire ni avant ni
après, où a, le toujours étant, ne soit pas, ou bien b, le toujours non
étant, soit ; mais à l engendré même il est nécessaire quil y ait un
temps où il ne soit pas, vers les deux limites ou bien vers lune des deux,
et également un temps où il soit [282b20], et
cela soit en acte, soit en puissance ; cependant comme pour ceux qui
sont a et b suivant aucune des deux
manières il nexiste un temps pour le contraire, cest-à-dire ni en acte,
ni en puissance. Il en résulte donc que lengendré qui est g est pendant un
temps déterminé, et nest pas pendant un temps déterminé ; et le même
raisonnement sapplique à d. Il sensuit donc que les deux sont à la fois
engendré et corruptible, et cest ainsi que les deux sont engendrés et que
les deux sont corruptibles. Ainsi donc il apparaît que lengendré et le
corruptible simpliquent mutuellement. |
[71084] In De
caelo, lib. |
[71084] Sur le De caelo, I,
28, 8. Mais il semble que ce raisonnement ne soit pas efficace : car il
nest pas nécessaire que tout ce qui est le moyen terme entre deux contraires
soit une seule et même chose. En effet entre le blanc et le noir, certes, le
milieu est ce qui nest ni blanc, ni noir, et cependant cela se dit de
diverses choses qui ne simpliquent pas mutuellement, puisque et le roux, et
le jaune, et nimporte quelle couleur intermédiaire ne sont ni blanc, ni
noir, et pourtant ces couleurs ne simpliquent pas mutuellement. Et ainsi on
pourrait dire que le moyen terme entre ce qui toujours est et ce qui toujours
nest pas est ni ce qui toujours est, ni ce qui toujours nest pas, mais dun
côté cela convient au corruptible, et dun autre à lengendré : car
lengendré a le non être avant dêtre, or le corruptible a le non être après
avoir été. Mais cette objection est exclue par ce quil dit, à savoir que les
deux sont et ne sont pas pendant un
temps déterminé ; et ainsi il faut que les deux aient lêtre après
le non être et avant le non être. Et cela sera plus évident dans les propos
qui suivent. |
[71085] In De
caelo, lib. |
[71085] Sur le De caelo, I,
28, 9. Ensuite quand il dit : Ğ soit là où il y a e ğ, etc.,
il montre à partir de là que le non engendré et lincorruptible sont
intervertis, disant : soit e, non engendré, z, engendré, [282b25] i incorruptible, t corruptible. Donc
puisquil a été démontré que lengendré et le corruptible simpliquent
mutuellement, il est clair que z et t se suivent mutuellement, donc quand il
aura été établi que z et t simpliquent, cest-à-dire lengendré et le corruptible,
et que e et z, cest-à-dire lengendré et le non engendré, ne se trouvent pas
dans la même chose, mais quil faut que lun dentre eux se trouve dans
nimporte quelle chose ; et le même raisonnement sapplique à t et i,
cest-à-dire au corruptible et à lincorruptible, cest-à-dire quils ne sont
pas dans la même chose, mais lun est dans toute chose : donc quand ces
faits sont ainsi établis, il est nécessaire que i et e, cest-à-dire le non
engendré et lincorruptible, simpliquent mutuellement. Et il le prouve par
réduction à limpossible. En effet sil nest pas nécessaire que e, qui est
non engendré, soit impliqué par i, qui est incorruptible, il sensuit que z,
qui est engendré, peut se trouver en même temps que i, qui est incorruptible,
puisquil a déjà été dit que soit e, cest-à-dire le non engendré, soit z,
cest-à-dire lengendré, sont rapportés à nimporte quelle chose. Ci-dessus
il a été dit que si z, cest-à-dire lengendré, est dans une chose, t,
cest-à-dire le corruptible, y est aussi. Ainsi donc il sensuivra que t,
cest-à-dire le corruptible, se trouve dans ce qui est i, cest-à-dire
lincorruptible. Et cela est contraire à ce qui a été établi : car il
avait été établi que t et i ne se trouvaient jamais dans la même chose :
car rien nest à la fois corruptible et incorruptible. Et le même
raisonnement dit que i, cest-à-dire lincorruptible, est impliqué par e,
cest-à-dire le non engendré, puisque le non engendré, qui est e, entretient
le même rapport avec lengendré, qui est z, que lincorruptible, qui est i,
avec le corruptible, qui est t. [283a1] Ainsi
donc il apparaît daprès les propos déjà tenus que toute chose corruptible
est engendrée et inversement, et que toute chose incorruptible est non
engendré et inversement. |
|
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Lectio
29 |
Leçon 29 [Rejet de lopinion contraire à la précédante]
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[71086] In De caelo, lib. |
[71086] Sur le De caelo, I, 29, 1. Après que le philosophe a montré que ce qui peut être engendré et ce qui peut être corrompu simpliquent mutuellement, et également le non engendré et lincorruptible, il condamne ici lopinion contraire, par le fait que suivant cette opinion, il est nécessaire que certains des points de départ supposés soient anéantis. Et il montre premièrement comment par cette position est anéanti ce qui a été supposé, à savoir que toute puissance est rapportée à un temps déterminé ; il montre deuxièmement que par cette position est anéanti ce qui a été supposé, à savoir que la même chose nest pas susceptible dêtre et de ne pas être en même temps, ici : Ğ de plus ce qui davantage ğ, etc. |
[71087] In De caelo, lib. |
[71087] Sur le De caelo, I, 29, 2. Il dit donc premièrement que, comme on a montré par raison démonstrative à partir de certains principes présupposés que toute chose engendrée est corruptible, et que toute chose non engendrée est incorruptible, et quinversement, il sensuit que celui qui dit que rien nempêche quune chose qui a été créée ou engendrée soit incorruptible [283a5], et quune chose qui nest pas engendrée puisse être corrompue et cest ainsi que la génération a lieu seulement une fois pour lun, cest-à-dire lengendré, et que la corruption a lieu seulement une fois pour lautre, sans les vicissitudes de la génération et de la corruption ; pour cela il est nécessaire de détruire lun des principes supposés. En effet si la conclusion est impliquée dans un syllogisme par les prémisses, cette conclusion nécessairement impliquée par les principes ne peut être abolie, à moins que lune des prémisses ne le soit. Or il semble dire cela contre Platon, qui a établi que le monde est engendré, mais incorruptible, et qui en conséquence a établi que le principe désordonné doù le monde a été engendré est non engendré, mais corruptible, bien que certains disent que Platon na pas voulu entendre ce que ses mots disent, mots contre lesquels Aristote discute. Mais en ce qui concerne la présentation de ce livre, il ne rapporte pas si Platon a pensé ainsi ou autrement, pourvu quil apparaisse comment cette position est condamnée par les raisonnements dAristote. |
[71088] In De caelo, lib. |
[71088] Sur le De caelo, I,
29, 3. Or il résume un des principes donnés, quil supposait pour argumenter
afin de démontrer la proposition : et il dit que tout ce qui en a la
capacité peut faire ou subir, ou bien être ou ne pas être ce dont elles ont
la capacité, soit pendant un temps infini, soit pendant un temps dune durée
déterminée, qui soit simplement fini. Et puisque ci-dessus il navait pas
mentionné que la capacité nétait dite que par rapport à un temps déterminé,
il ajoute que pour cette raison ce qui en a la capacité peut faire quelque
chose ou être pendant un temps infini, puisque aussi le temps infini même est
dune certaine manière déterminé, cest-à-dire pour la raison, que lon ne
peut trouver de la diversité en lui : puisque est infini ce au regard duquel [283a10] il
nest pas de temps plus long, cest-à-dire ce par rapport auquel une plus
grande durée ne peut être acceptée. Et rien nempêche quAristote, dans le
livre III de |
[71089] In De caelo, lib. |
[71089] Sur le De caelo, I, 29, 4. Ensuite quand il dit : Ğ en outre quest-ce qui de plus ğ, etc., il montre que la position déjà mentionnée anéantit un autre principe supposé, à savoir quil est impossible que la même chose soit et ne soit pas. Et sur ce point il fait deux choses : il montre premièrement la proposition à partir de la puissance de ce qui est établi être engendré ou corrompu ; deuxièmement à partir de la cause elle-même, ici : Ğ or cest à la fois voir ainsi ğ, etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : il montre premièrement que pour ceux qui établissent quune chose non engendrée nest pas corrompue ou quune chose engendrée est incorruptible, il sensuit quune chose peut en même temps être et ne pas être ; il montre deuxièmement que le même inconvénient sensuit pour ceux qui établissent quest corruptible une chose qui nest pas corrompue, ici : Ğ or il est manifeste à la fois autrement ğ, etc. Concernant le premier point, il établit trois raisons. Sur la première dentre elles il dit : si nous établissions quune chose non engendrée a toujours été auparavant, et quelle est corrompue dans un signe de temps, cest-à-dire en un instant, aucune raison ne peut expliquer pourquoi elle peut être corrompue à cet instant plutôt que dans lun des instants infinis précédents. Et également si est engendrée une chose qui auparavant nétait pas pendant un temps infini, et si par la suite elle est créée à un instant, aucune raison ne peut expliquer pour quelle raison elle peut être ou bien être créée plus à cet instant-ci quà un des instants précédents infinis. Or une raison pourrait être avancée si on établissait que le temps précédent est fini, puisque lon pourrait dire quelle a la capacité dêtre ou de ne pas être pendant un temps aussi long et non pendant un temps plus long : mais la raison déjà mentionnée ne fonctionne pas du fait quon établit quelle a été ou quelle na pas été pendant un temps infini. Et cest pourquoi il est nécessaire détablir que le non engendré pourrait ne pas être pendant nimporte lequel des instants du temps précédent, et également que lengendré pourrait être pendant nimporte lequel des instants du temps précédent. En effet sil ny a rien de plus, cest-à-dire sil ny a aucune raison plus importante pour laquelle elle puisse commencer à être ou à ne pas être à cet instant plutôt quà un de ceux qui le précèdent, comme des signes infinis, cest-à-dire des instants infinis, lont précédé, il est manifeste que pendant ce temps infini il y aura une chose qui puisse être engendrée, et cest ainsi quà nimporte quel instant de ce temps infini elle a pu être engendrée. Et il faut également dire quà nimporte quel instant de ce temps était corruptible ce qui est établi non engendré et par la suite corrompu. Ainsi donc il apparaît que ce qui est établi avoir préexisté pendant un temps infini a pu aussi ne pas être pendant tout ce temps infini. [283a15] Il sensuivrait donc quune chose aura en même temps, cest-à-dire au regard du même temps, la capacité dêtre et de ne pas être et cest ainsi quà partir de ce qui est non engendré et corruptible serait accepté le fait dêtre avant celui de ne pas être ; à partir de lengendré et de lincorruptible serait accepté le fait dêtre après celui de ne pas être. Or rien nempêche détablir ce qui est possible. Donc si nous établissons que ce qui est non engendré pour le temps où il était et pouvait ne pas être, na pas été alors, il sensuivra que des contraires sont en même temps, à savoir que cela est et nest pas en même temps. Ainsi donc la position déjà mentionnée écarte ce qui a été supposé, cest-à-dire quil est impossible que la même chose soit et ne soit pas en même temps. |
[71090] In De caelo, lib. |
[71090] Sur le De caelo, I, 29, 5. Mais il semble que cette raison ne soit pas concluante. Car rien nempêche que soit simplement possible une chose qui pourtant est impossible une fois quune autre est établie : de même que, si nous établissions que Socrate est assis pour un temps, il est simplement possible quil ne soit pas assis pour ce temps-là, cependant ce nest pas possible en même temps. Ainsi on peut aussi dire que ce qui a été pendant un temps infini pouvait ne pas être pour ce temps-là : cependant cela même qui peut ne pas être nest pas possible en même temps que ce qui a été établi, à savoir que cela peut être établi en même que cela même qui peut être. Mais il faut dire que rien nempêche que ce qui nest pas possible en même temps que ce qui est de façon contingente soit simplement possible : mais ce qui nest pas possible en même temps que ce qui est nécessairement simplement est simplement impossible. Or il est nécessaire que ce qui est naturellement pendant un temps infini soit, puisquil est nécessaire que chaque chose soit aussi grande que la nature le peut ; en effet une chose ne manque pas dêtre si ce nest lorsquelle ne peut plus être, pour la raison que toutes les choses désirent être. Donc si on établit quune chose est possible, il est nécessaire à partir de cela même que lon établisse quelle est possible en même temps que ce qui est nécessairement. Et cest pourquoi si nous établissons que ce qui a toujours été na pas eu la possibilité dêtre pendant ce temps-là, il sensuit que cela peut à la fois être et ne pas être. |
[71091] In De caelo, lib. |
[71091] Sur le De caelo, I, 29, 6. Il établit le second raisonnement ici : Ğ de plus cela aussi ğ, etc. Et il dit que lon établit selon les prémisses que ce qui a toujours été ou na pas toujours été a eu la puissance du contraire de ce qui était en lui, non pas selon un signe ou un instant, mais simplement à tout signe, cest-à-dire à tout instant : et ainsi il sensuit quune chose a la puissance dêtre et de ne pas être pendant un temps infini, [283a20] ce qui est impossible, comme on la montré ci-dessus. |
[71092] In De caelo, lib. |
[71092] Sur le De caelo, I, 29, 7. Il établit une troisième raison ici : Ğ de plus si auparavant ğ, etc., qui est la suivante. Dans ce qui commence à être après ne pas avoir été, ou à ne pas être après avoir été, la capacité ou puissance est antérieure à lacte : et ainsi si un étant qui a toujours été est non engendré, il sensuit quil a toujours aussi la capacité ou la puissance de ne pas être ; car il ny a aucune raison pour laquelle cette puissance de ne pas être lui arrive après un temps infini. Également aussi sil y a une chose engendrée qui na pas été avant pendant un temps infini, il sensuit que pendant tout ce temps il a été possible quelle soit créée ; et cest ainsi que, pendant quelle nétait pas, elle avait la puissance dêtre et de ne pas être cela, et quelle serait plus tard selon un temps infini, doù il est établi quelle a un être incorruptible. Ainsi donc à partir du fait que dans linfini avant quelle ne soit, elle avait la puissance dêtre dans le futur pendant un temps infini, il ny avait aucune raison pour laquelle elle ait pu être à un tel instant et non auparavant, si bien quelle na pas la puissance dêtre pendant un temps déterminé. Il reste donc quelle a pu être même pendant un temps avant davoir été : et ainsi elle pouvait être pendant le temps où elle nétait pas et de cette façon il sensuit, selon les prémisses, quelle a pu en même temps être et ne pas être. Et le même raisonnement concerne ce dont on établit quil a toujours été et quil est un jour corrompu. |
[71093] In De caelo, lib. |
[71093] Sur le De caelo, I, 29, 8. Ensuite quand il dit : Ğ il est manifeste aussi autrement ğ, etc., il conclut selon le même raisonnement quil est [283a25] impossible que soit corruptible une chose qui nest pas un jour corrompue. En effet on pourrait objecter aux raisons déjà présentées que toute chose engendrée est corruptible selon sa nature, mais quil a pu arriver que celle qui est corruptible ne soit jamais corrompue, en raison dune cause qui la préserve dans son être, comme Platon a établi que le monde est engendré et corruptible selon lui-même, mais quil restera toujours à cause de la volonté de Dieu (bien que certains disent que Platon na pas voulu dire que le monde est corruptible comme ce qui a en soi la cause nécessaire de sa corruption, mais quil a voulu désigner par cela que son être dépend dun autre, puisque la nécessité dêtre ne provient pas de lui-même, mais de Dieu. Mais quel quait été le sens voulu par Platon, il ne se rapporte pas à la proposition, puisque Aristote a fait des objections contre ses propos). De là il dit quil est manifeste quil est impossible que ce qui est corruptible ne soit pas un jour corrompu. Puisque, si ce nest pas un jour corrompu, cela peut ne pas être corrompu, et ainsi ce sera incorruptible : et pourtant on établit corruptible ce qui existe pendant un temps éternel : toujours donc, cest-à-dire pendant un temps infini, ce sera en même temps corruptible et incorruptible en acte. Mais ce qui est corrompu nest pas toujours, or, ce qui est incorruptible est toujours : donc une chose aura en même temps la possibilité et de toujours être et de ne pas toujours être, ce qui est impossible, comme il apparaît daprès ce qui a été dit ci-dessus ; puisque ce qui peut toujours être est toujours par nécessité, à partir de là cela ne peut pas ne pas toujours être. Ainsi donc il apparaît que toute chose corruptible sera un jour corrompue. Et également si une chose peut être engendrée selon sa nature, il est nécessaire quelle soit créée. Et il ne faut pas ainsi comprendre que tout ce qui peut être engendré le sera un jour ; car peuvent être créées beaucoup de choses, qui ne le seront jamais : mais il nest pas possible quune chose existant déjà puisse être engendrée selon sa nature, et que pourtant elle nait pas été engendrée, mais existe déjà de toute éternité. Car ce qui peut être engendré na pas la puissance naturelle dêtre toujours, mais de pouvoir être après avoir été créée une fois. Et cest pourquoi il ne dit pas que, si une chose peut être engendrée, elle le sera, mais quelle la été. |
[71094] In De caelo, lib. |
[71094] Sur le De caelo, I, 29, 9. Ensuite quand il dit : Ğ or il est possible de voir ainsi ğ, etc. il montre la même chose à partir de la cause de ce quon établit non engendré ou incorruptible. Et il établit premièrement le raisonnement ; il exclut deuxièmement une certaine objection, ici : Ğ mais encore il nest pas vrai ğ, etc. Il dit donc premièrement quaussi, comme on le dira, il arrive de voir quil est impossible [283a30] que ce qui a été créé un jour soit incorruptible, ou bien que ce qui est non engendré et qui existait toujours avant soit corrompu. Car ce qui est incorruptible ou non engendré ne peut pas être par hasard, puisque ce qui est par hasard ou du fait de la fortune nest pas ou nest pas créé ni en tant que toujours [282b1], ni fréquemment ; or ce qui est pendant un temps infini, soit simplement infini soit infini à partir dun moment, cest-à-dire avant ou après, est soit toujours, comme ce qui est pendant un temps infini simplement, soit fréquemment, comme ce qui est pendant un temps infini à partir dun moment. Il est donc nécessaire que de telles choses qui sont soit engendrées, soit corrompues après un temps infini, tiennent de la nature tantôt quelles soient et tantôt quelles ne soient pas. Mais la puissance de celles qui naturellement tantôt sont, tantôt ne sont pas est la même pour les contraires, cest-à-dire pour le fait dêtre et de ne pas être : puisquelles tirent de la matière le fait que tantôt elles soient et tantôt ne soient pas, dans la mesure où elle est soumise à la privation ou à la forme. Ainsi donc la conséquence est la même que précédemment, à savoir que les contraires peuvent se trouver en même temps dans la même chose. En effet, la matière qui peut ne pas être demeure dans ce qui est engendré : et ainsi, comme elle est incorruptible, elle sera capable dêtre et capable de ne pas être en même temps : et le même raisonnement se fait à partir du non engendré. |
[71095] In De caelo, lib. |
[71095] Sur le De caelo, I, 29, 10. Ensuite quand il dit : Ğ mais encore il nest pas vrai ğ, etc., il rejette une certaine objection. En effet, quelquun pourrait dire que la chose incorruptible qui est engendrée a la puissance de ne pas être, non certes dans le futur, mais au regard du passé : et également cette chose qui est non engendrée mais corruptible a la puissance dêtre au regard du passé. Mais il rejette cela lui-même, disant quil nest pas vrai de dire maintenant que lannée davant est bientôt, ou lune des choses qui ont été dans le temps passé et quil nest pas non plus possible de dire que ce qui est maintenant a été lan passé ; car ainsi quelques choses sont distinctes selon le temps, si bien que lordre du temps ne peut être bouleversé de telle sorte que ce qui est passé revienne dans le présent, et ce qui est présent est attribué au temps précédent. À partir de là il apparaît quil est impossible que ce qui na pas été un jour ait une existence plus tard pour léternité, comme on la déjà conclu daprès le raisonnement déjà mentionné. Puisque suivant lorganisation de la matière à partir de laquelle cette chose a été engendrée, même après avoir été, elle a la capacité de ne pas être : mais on ne peut dire quelle ait la puissance de ne pas être alors, [283b10] puisque son étant existe déjà en acte, et quil y aurait ainsi des contraires en même temps, comme on le concluait dans les raisonnements déjà tenus ; mais il sensuit quelle a la puissance de ne pas être au regard de lannée davant ou du temps passé. Il apparaît ainsi que cest impossible. Puisque lon peut établir que ce dont une chose a la puissance ou la capacité est en acte ; donc sil est possible quune chose soit ou ne soit pas au regard du temps passé, on pourrait établir que lannée davant na pas été, cest-à-dire que ce qui a été pendant lannée davant na pas été alors : mais cest impossible, comme on la déjà admis ; et cela parce quaucune puissance ne regarde ce qui a été créé dans le passé, mais ce qui est dans le présent ou ce qui sera. Et parce que lon a dit concernant lengendré quil est établi incorruptible, le raisonnement est aussi le même si une chose est établie existant auparavant pendant léternité, et par la suite nexistant pas en raison de la corruption. Il sensuivra en effet que, après quelle a été corrompue, grâce à lorganisation de la matière, [283b15] elle a la puissance de ce qui ne peut être établi en acte, cest-à-dire dêtre dans le temps précédent. Et si on établit que cest possible, il sera vrai de dire que lannée précédente se passe maintenant, et quest maintenant tout ce qui a été dans le temps passé, doù il ny a pas de puissance si ce nest au regard du présent, comme on la dit. Donc la force de ce raisonnement consiste en ce que, comme il ny a pas de puissance si ce nest au regard du présent ou du futur, si on dit quune chose a de la puissance au regard du passé, il sensuit que le présent est transformé et devient le présent ou le futur. |
[71096] In De caelo, lib. |
[71096] Sur le De caelo, I, 29, 11. Ensuite quand il dit : Ğ et naturellement ğ, etc., il démontre la proposition principale par une raison propre à la science naturelle. Et il dit que grâce aussi à une raison naturelle, et non par une raison universelle, cest-à-dire logique ou métaphysique, comme dans les propos précédents, on peut considérer quest impossible que soit par la suite corrompu ce qui a toujours été, ou que ce qui na pas été avant soit éternel par la suite. Et il le prouve par le fait que toutes les choses qui peuvent être corrompues et engendrées sont altérables ; or la génération et la corruption sont le terme de laltération ; or laltération se fait de contraire en contraire. Et il apparaît ainsi que par les contraires à partir desquels des choses sont créées alors quelles nétaient pas auparavant, elles sont aussi corrompues par la suite, et sont ramenées au même état par la corruption ; de même que si une chose, de chaude, est devenue froide, elle peut de nouveau être réchauffée par le chaud. Et il apparaît ainsi que ce qui a été engendré peut de nouveau être corrompu ; et ce qui est corrompu a été un jour engendré. |
[71097] In De caelo, lib. |
[71097] Sur le De caelo, I, 29, 2. Or il faut considérer que les raisons dAristote déjà mentionnées sont avancées contre la position établissant que le monde a été créé par génération et quil est aussi incorruptible soit de lui-même, soit par la volonté de Dieu. Nous, suivant la foi catholique, nous établissons quil a commencé à être, non certes par génération comme par nature, mais sécoulant dun principe premier, dont la puissance navait pas été liée au fait de lui donner à être pendant un temps infini, mais selon ce quil a voulu, après quil navait pas été, de telle sorte que lexcellence de son pouvoir se manifeste sur tout létant ; que létant tout entier dépend seulement de lui-même, et que son pouvoir nest pas lié ou déterminé à la production dun tel étant. Or les choses qui ont été ainsi produites par lui dans le but quelles soient éternelles ont la puissance et le pouvoir de toujours être, et en aucune manière de ne pas être un jour. En effet, quand elles nétaient pas, elles navaient pas une telle puissance : or quand elles sont désormais, elles nont pas de puissance au regard du non être qui était auparavant, mais au regard de lêtre qui est maintenant ou qui sera, puisque cette puissance ne regarde pas le passé, mais le présent ou le futur, comme le philosophe le dit. Ainsi donc il apparaît que les raisons déjà mentionnées nattaquent nullement la doctrine de la foi catholique. Et cest sur ces mots que se termine lexposé du livre premier. |
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Liber 2 |
Livre 2 [Le corps céleste] |
Lectio
1 |
Leçon 1 [Léternité du ciel]
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[71098]
In De caelo, lib. |
[71098] Sur le De caelo, II, 1, 1. Après que le
Philosophe a traité du monde entier dans le premier livre, où il a montré
quil y a des corps qui se déplacent circulairement, et dautres qui se
déplacent selon un mouvement droit, il commence ici à traiter des corps qui
se déplacent circulairement. Et il traite premièrement des corps se déplaçant
circulairement eux-mêmes ; il traite deuxièmement du centre autour
duquel ils se déplacent circulairement, ici : Ğ or il reste à dire
de la terre ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux
choses : il traite premièrement du ciel, qui est un corps au mouvement
circulaire, deuxièmement des étoiles qui sont dans le ciel, ici :
Ğ à propos des astres appelés ğ, etc. Concernant le premier point
il fait deux choses : il traite premièrement de ce qui concerne la
substance du ciel ; deuxièmement de ce qui concerne son mouvement,
ici : Ğ or puisquil est doublement ğ, etc. Concernant le
premier point, il fait trois choses : il traite premièrement de la durée
du ciel ; deuxièmement de la diversité de ses parties, ici :
Ğ puisque certains sont ğ, etc. ; il traite troisièmement de
sa forme, ici : Ğ la forme sphérique ğ, etc. Concernant le
premier point il fait deux choses : il tire premièrement la conclusion
rendue évidente par les passages précédents ; il argumente deuxièmement
à partir de cette conclusion en vue de la proposition, ici :
Ğ parce quil est bon, etc. |
[71099] In De
caelo, lib. |
[71099] Sur le De caelo,
II, 1, 2. [283b26] Il dit donc premièrement
que, daprès les prémisses, nous pouvons accepter de croire que le ciel tout
entier na pas été créé, ni nest susceptible dêtre lui-même corrompu, comme
le disent certains. Or il dit que le ciel tout entier est non engendré et
incorruptible, du fait que la plus grande part des corps du monde constitue
la substance du corps céleste, qui est non engendré et incorruptible comme on
la prouvé dans le premier livre. Ou bien il dit cela pour marquer une
différence avec certaines parties du monde, qui peuvent être engendrées et
corrompues selon leurs parties, mais non selon le tout, comme on le voit pour
les éléments, ou bien parce que les corps de ce genre qui peuvent être
engendrés ou corrompus, comme les animaux, les plantes et les pierres, ne
sont pas des parties du monde à proprement parler (autrement le monde ne
serait jamais parfait, comme il naurait pas tous les corps de ce genre en
même temps) : mais certains effets des parties du monde sont de ce
genre ; et cest pourquoi, bien que les êtres de ce genre soient soumis
à la génération et à la corruption non seulement selon la partie, mais selon
le tout, le monde entier est cependant dépourvu de génération et de
corruption. Et il faut noter quil dit que Ğ tout le ciel na pas été
créé ğ, mais quil ne dit pas
quil na pas été corrompu, mais Ğ quil nest pas susceptible dêtre
corrompu ğ, à cause de ceux qui disaient que le monde est corruptible
par nature et quil nest pourtant jamais corrompu par la volonté de
Dieu ; et cest pourquoi il dit clairement : Ğ comme certains
le disent ğ. Mais on a prouvé ci-dessus quil est seulement unique et
éternel (il le dit afin que lon ne croie pas que léternel nest pas unique
en nombre, mais en espèce) ; et cest ainsi quil na pas de début, ni
de fin Ğ de toute son éternité ğ, cest-à-dire de toute sa durée infinie.
Et de peur que lon croie que le monde matériel est dit éternel comme Dieu,
dont lêtre et la vie sont tout entiers en même temps, cest-à-dire sans que
se succèdent lavant et laprès, il ajoute Ğ quil a un temps
infini ğ, puisque sa durée sétend dans la succession du temps.
Cependant le monde entier na pas la même durée quune unique chose qui peut
être engendrée et corrompue, et dont la durée est comprise par le temps, mais
qui ne contient pas le temps : mais le temps est contenu par le monde entier,
dune part parce que le temps ne sétend pas au-delà de la durée du monde,
dautre part parce que le temps est causé par le mouvement du premier corps
du monde, comme il est considéré dans le livre IV de |
[71100] In De
caelo, lib. |
[71100] Sur le De caelo, II, 1, 3. Ensuite quand il dit : Ğ parce quil est bon ğ, etc., à partir de la conclusion déjà tirée, qui traitait de léternité du monde entier, il conclut la proposition, à savoir léternité du corps céleste. Et concernant cela il fait trois choses : il tire premièrement la conclusion en général ; il la montre deuxièmement spécialement, ici : Ğ or, le ciel ğ, etc. ; il rejette troisièmement les opinions contraires grâce à la vérité démontrée, ici : Ğ parce que, du moins, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : il tire premièrement la conclusion recherchée ; il établit deuxièmement son propre raisonnement, ici : Ğ en effet la fin ğ, etc. Il dit donc premièrement que, puisque, daprès les prémisses, nous tendons à croire à léternité du monde, il sensuit que lhomme se montre aisément propre à être persuadé par les propos des Anciens, non cependant par nimporte quel Ancien tombé dans lerreur, mais surtout par nos Pères, qui nous ont instruits dans le culte divin, pour que nous croyions que leurs discours sont vrais, concernant la foi en quelque chose dimmortel et de divin, non seulement parmi les substances immobiles, profondément séparées de la matière, mais aussi chez les corps doués de mouvement, mais dun mouvement [284a5] tel que celui du corps divin et immortel lui-même na pas de limite où se terminer, mais que en étant plutôt la limite de tous les autres mouvements. Cest pourquoi il attribue cela aux discours anciens des Pères, puisque tous ceux qui chez les Gentils ont institué le culte divin avaient lintention de lattribuer au ciel en tant que corps divin, immortel et qui se déplace toujours : de ce fait en grec ils ont appelé Dieu Theos à partir de thein, qui signifie Ğ toujours courir ğ. |
[71101] In De
caelo, lib. |
[71101] Sur le De caelo, II, 1, 4. Ensuite quand il dit : Ğ en effet la fin ğ, etc., il établit la raison de la conclusion déjà mentionnée sur ce quil avait dit, à savoir que le mouvement du ciel est la limite des autres mouvements. En effet, tout contenant a le principe de limite, dans la mesure où le contenu est limité par son contenant. Or il est manifeste que ce qui est imparfait est né pour être contenu par ce qui est parfait. Comme on la montré dans le premier livre, le mouvement circulaire est parfait, mais les mouvements rectilignes sont imparfaits, puisquils ne reviennent pas à leur début, comme le mouvement circulaire, mais quils ont une fin très éloignée et opposée à leur début ; de ce fait, de même quils commencent à se déplacer au début, ils commencent à sarrêter de la même façon quils sont à la fin. À partir de là il faut que le mouvement circulaire contienne les autres mouvements, comme ce qui est parfait contient ce qui ne lest pas. Et pour cette raison le mouvement circulaire est la fin des autres mouvements, et cest ainsi que le mouvement circulaire lui-même na ni début, ni fin où commencer et cesser de se déplacer, mais quil se déplace sans cesse pendant [284a10] un temps infini. Or tout ce qui commence ou cesse de se déplacer subit cela par un mouvement précédent, qui est la cause du mouvement lui-même : en effet, si ce qui déplace et ce qui est déplacé étaient dans la même disposition, le mouvement ne commencerait pas plus après quavant, concernant les êtres déplacés par nature ; de ce fait, si un mouvement commence de nouveau, il faut que préexiste un mouvement qui soit la cause de ce nouveau mouvement. Or si le monde est éternel, il faut que ce mouvement soit toujours. À partir de là, il faudrait établir un mouvement éternel qui contienne dautres mouvements non éternels et qui soit leur fin ; et cest ainsi que pour ces corps mobiles-ci il est la cause de leur commencement et que pour ceux-là qui cessent de se déplacer il reçoit leur repos. Or il ne dit pas quil cause leur repos, mais quil le Ğ reçoit ğ, puisque lintention de la cause universelle est dimprimer sa ressemblance aux effets, qui pourtant ne peuvent légaler, mais qui peuvent recevoir sa ressemblance selon leur mode, de même quil apparaît que ces êtres inférieurs ne reçoivent pas uniformément de Dieu léternité de lêtre divin, de telle sorte quils demeurent toujours les mêmes en nombre, mais quils restent de la même espèce par génération et corruption des individus ; de ce fait, Dieu lui-même donne un être aux choses et reçoit leur corruption, lutilisant en quelque sorte pour engendrer dautres choses. Et, de la même façon, les mouvements inférieurs reçoivent la ressemblance de léternité du mouvement céleste non pas de façon uniforme, mais selon lalternance du repos et du mouvement. Par conséquent, ce qui participe du mouvement chez eux est causé par le mouvement céleste ; ce quil participe chez eux du défaut de mouvement, cest-à-dire du repos, est causé par le défaut des corps inférieurs eux-mêmes, pour lesquels il nest pas naturel de se déplacer toujours ; mais on dit que le mouvement du ciel engendre le repos de ces corps, comme si ce dernier était ordonné vers une fin. Et ainsi Platon avance aussi dans le Timée que Dieu a fondé le monde, en disant aux divinités célestes : Ğ développez-les en leur donnant des aliments, et recevez-les de nouveau sils ont connu des pertes ğ. |
[71102] In De
caelo, lib. |
[71102] Sur le De caelo, II, 1, 5. Ensuite, quand il dit : Ğ or le ciel ğ, etc., il démontre spécialement ce quil avait dit ; premièrement sur léternité du ciel ; deuxièmement sur la qualité de son mouvement, ici : Ğ de plus sans labeur ğ, etc. Il montre de deux façons que le ciel est éternel. Premièrement selon les propos des Anciens. Et il dit que les Anciens attribuaient aux dieux eux-mêmes le ciel et le lieu qui est en haut, parce que le ciel est immortel, afin quil puisse être un lieu convenable aux immortels, comme on la dit ci-dessus dans le premier livre. Or il appelle Ğ lieu en haut ğ le ciel lui-même suivant lopinion commune de ceux qui parlent ainsi, et puisque le lieu où sont portés les corps légers, qui est appelé lieu en haut au sens propre, est le plus proche du corps céleste. |
[71103] In De
caelo, lib. |
[71103] Sur le De caelo,
II, 1, 6. Deuxièmement ici : Ğ or maintenant il est attesté ğ,
etc., il montre la même chose grâce au raisonnement établi ci-dessus, où il
démontrait que le ciel ne peut être engendré ni corrompu, étant donné quil
est dépourvu de contraire. Ici même il a été montré que le ciel nest pas
affecté par un accident qui crée une difficulté causée par corruption, comme
on la montré ici-même. Cependant les corps célestes sont affectés par un
accident causé par la perfection, comme |
[71104] In De
caelo, lib. |
[71104] Sur le De caelo, II, 1, 7. Ensuite quand il dit : Ğ en outre sans effort ğ, etc., il montre la qualité du mouvement du ciel, et le fait quil est déplacé sans effort. Et il le prouve en disant quil nest pas possible détablir quil est retenu par une nécessité violente, qui lempêche de se déplacer autrement, cest-à-dire selon sa nature. En effet tout ce qui est déplacé avec effort lest contre le mouvement naturel de son corps (parce que le mouvement ascendant est pénible pour un animal) : or pour les choses qui se déplacent contre leur nature, si leur mouvement doit être continué, il faut que ce soit par quelque corps violent capable de les déplacer et qui leur impose la nécessité de sa force ; car la nécessité naturelle ne sexerce que sur les corps qui suivent la nature. Or ce phénomène ne peut être attribué au corps céleste, qui est le plus noble des corps : de ce fait il reste que le mouvement du ciel est sans effort. |
[71105] In De
caelo, lib. |
[71105] Sur le De caelo, II, 1, 8. Ensuite quand il dit : Ğ certes parce que ğ, etc., il rejette les opinions contraires. Et premièrement il exclut les erreurs ; deuxièmement il conclut la vérité recherchée, ici : Ğ cest pourquoi de même que ğ, etc. Concernant le premier point, il exclut trois opinions. La première dentre elles concerne un mythe. Et il dit que, puisque le mouvement du ciel nest pas forcé, ni contre nature, il ne faut pas conjecturer à plus forte raison avec légèreté que léternité du ciel et de son mouvement se fait selon le mythe antique dHomère et dautres poètes, qui disaient que [284a20] le ciel, pour être maintenu à sa place, a besoin dun géant, quils appelaient Atlas, se tenant sur deux colonnes et soutenant le ciel de ses épaules. En effet, ceux qui ont inventé ce discours mythique semblent avoir eu la même opinion des corps célestes, que certains savants postérieurs, à savoir quil y a des corps lourds et terrestres qui ont ainsi besoin dêtre maintenus en haut contre leur nature par une puissance animée, ou par celle dun être vivant, par exemple Dieu ou nimporte quelle substance séparée. Et sils disent que cest nécessaire au ciel parce quil a de la pesanteur, il faut totalement désapprouver ce mythe : mais sils entendent que le ciel a naturellement une telle situation et un tel mouvement, et que cependant sa nature lui vient dun autre principe qui le cause et le conserve, alors la légende contient quelque chose de divin. |
[71106] In De
caelo, lib. |
[71106] Sur le De caelo, II, 1, 9. Deuxièmement, ici : Ğ ni en raison dun tourbillon ğ, etc., il rejette lopinion dEmpédocle, qui établissait [284a25] que le ciel est conservé dans une telle situation afin de ne pas tomber à cause de la rapidité de son mouvement, qui dépasse son propre penchant naturel à tomber, comme cela arrive à leau, qui ne sécoule pas si le vase qui la contient tourne plus vite que le mouvement descendant de leau. Et cela, on dit que ce sont aussi Démocrite et Anaxagore qui lont établi. Mais il serait peut-être possible que cela arrive dans un moment bref : mais il est hautement improbable que le ciel conserve sa place grâce à un mouvement aussi rapide, pendant un temps aussi long, cest-à-dire perpétuel et infini. En effet, comme ce qui est violent sécarte de ce qui est selon la nature, il ne semble pas possible que le temps de ce qui est violent soit plus long que celui de ce qui est selon la nature, puisque ce qui est selon la nature est pour ainsi dire toujours ou en quelque sorte fréquemment. Ceux-là aussi sont convaincus derreur, comme les premiers également, puisquils semblent avoir pensé que les corps célestes sont lourds, mais quils ne tombent pas en bas en raison de la rapidité de leur mouvement. |
[71107] In De
caelo, lib. |
[71107] Sur le De caelo, II, 1, 10. Troisièmement ici : Ğ mais en outre ni par une âme ğ, etc., il rejette la troisième opinion, celle de Platon, qui a établi dans le Timée quau milieu du monde son âme, qui lentoure de tous côtés à lextrémité du ciel, commence une vie incessante et prudente pour toujours. Et premièrement à partir du corps lui-même. De ce fait, il dit quil nest pas raisonnable daffirmer que le ciel et son mouvement demeurent pour léternité sous la contrainte dune âme rationnelle, puisquaucune contrainte ne peut être éternelle : en effet, comme la violence est contre-nature, il sensuivrait que ce qui est selon la nature nest jamais. |
[71108] In De
caelo, lib. |
[71108] Sur le De caelo, II, 1, 11. Deuxièmement, ici : Ğ ni en effet ğ, etc., il montre la même chose à partir de lâme, disant que la vie de lâme qui déplace ainsi un corps ne peut être sans tristesse et heureuse. En effet comme le mouvement du corps se fait par violence [284a30] et que lâme déplace circulairement le corps qui est naturellement apte à lêtre autrement, et comme elle le déplace continûment, il est nécessaire quune telle âme ne manque jamais à sa tâche, et quelle soit écartée de toute Ğ force prudente ğ. Et on peut comprendre par Ğ force prudente ğ un acte de lintellect spéculatif, qui requiert prudence et force, comme sil disait : si en aucune manière lâme du ciel ne manque au travail subi par le ciel en se déplaçant contre sa nature, elle se verra toujours privée de force de la contemplation, quempêchent un travail continu et la tristesse qui sensuit. Ou bien par Ğ force prudente ğ il entend une tentative de lâme, pour effectuer les déplacements avec prudence : en effet lemploi de la force pour un travail continu et sans relâche ne semble pas caractéristique dun être prudent. En effet si on entreprend une activité pénible pour un court moment, ce sera supportable ; or le ciel se déplace suivant un mouvement continu et éternel. De ce fait, si lâme du ciel le déplaçait contre sa nature et avec peine, il sensuivrait quelle aurait une condition pire que lâme des animaux mortels, qui se reposent du mouvement de leur corps du moins pendant leur sommeil : mais il est nécessaire que le Ğ destin ğ, cest-à-dire la disposition dun être supérieur, contienne lâme du ciel elle-même [284a35] Ğ éternelle et inusable ğ, cest-à-dire sans sarrêter de déplacer, à limage dun homme qui sappelait Ixion, dont le mythe raconte que, comme il était invité par Jupiter à ses noces avec Junon, il la désira, que Jupiter la remplaça par un nuage, dont naquit Centaure, et que par conséquent Jupiter lattacha à un trochus, où il était déplacé continûment. Aristote semble dire cela contre les propos de Platon, qui a affirmé que du milieu du monde à lextrémité du ciel une âme lentourant de tous côtés commence une vie incessante et prudente pour toujours : selon cela, en effet, lâme du ciel lui semble liée comme Ixion au trochus. Et il semble que la vie dune telle âme nest pas prudente, mais déraisonnable, puisquelle commence un travail perpétuel. Or ici Aristote ne critique pas Platon pour avoir établi un ciel animé, puisquil établit lui-même cela aussi plus bas, mais pour sembler établir quelle déplace le ciel pour léternité contre sa nature. Mais peut-être Platon na-t-il pas compris que ce mouvement est contraire à la nature du ciel ; mais peut-être a-t-il voulu dire que la nature qui fait quun tel mouvement lui convienne lui vient dautre chose. |
[71109] In De
caelo, lib. |
[71109] Sur le De caelo, II, 1, 12. [284b1] Ensuite quand il dit : Ğ cest pourquoi de même que ğ, etc., il conclut des prémisses que, sil arrive quil en soit ainsi pour le premier mouvement local, qui est le mouvement du ciel, comme nous lavons dit, à savoir quil est sans effort, non seulement il est mieux de le penser de léternité du ciel lui-même, mais cela convient davantage à lopinion que nous avons des dieux (il lappelle dailleurs Ğ divination ğ, comme si on la tenait dune révélation divine) : en effet nous appellerons seulement de cette manière les propos en tout point concordants ; car le fait que le ciel soit déplacé par Dieu et que son mouvement se fasse avec effort ne semblent pas saccorder. [284b5] Mais il en a assez été dit sur de tels propos pour linstant. |
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Lectio 2 |
Leçon 2 [Opinions des philosophes sur les parties du ciel]
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[71110] In De caelo,
lib. |
[71110] Sur le De caelo, II, 2, 1. Après que le philosophe a traité de léternité du ciel, il traite ici de la diversité de ses parties. Et il traite premièrement de la diversité des parties du ciel qui sont considérées selon leurs différentes positions dans le même ciel ; deuxièmement des différentes parties qui sont considérées selon lordre des corps célestes les uns par rapport aux autres, ici : Ğ or puisque le mouvement nest pas contraire ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : il traite premièrement des différentes positions des parties du ciel selon lopinion des autres ; deuxièmement selon sa propre opinion, ici : Ğ pour nous puisquil a été traité ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : premièrement il propose ce quil a lintention de faire ; deuxièmement il montre la proposition, ici : Ğ il a donc été traité ğ, etc. Il dit donc premièrement que, puisque, selon certains, une partie du ciel est à droite et quune autre est à gauche, cest-à-dire les Pythagoriciens, qui ont établi une droite et une gauche en toute chose, il semble être nécessaire dexaminer si les choses sont comme ils le disent ou sil faut attribuer au ciel des caractéristiques différentes de ce quils disent eux-mêmes : cependant sil faut adapter ces principes, cest-à-dire la droite et la gauche, au corps du monde entier, parce quils sont dans un corps céleste, qui contient le monde entier. Pour cette raison, cette question semble devoir être considérée, étant donné que, dès le début, sil y a une droite et une gauche dans le ciel, on doit estimer en priorité et avant tout quil y a des principes antérieurs, cest-à-dire le haut et le bas, lavant et larrière. |
[71111] In De
caelo, lib. |
[71111] Sur le De caelo, II, 2, 2. Ensuite quand il dit : Ğ il faut donc déterminer ğ, etc., il montre la proposition. Et il expose premièrement la condition de ces principes dans la mesure où ils se trouvent dans les autres choses ; il montre deuxièmement quils ne se trouvent pas dans tous les corps, ici : Ğ parce que et non pas dans tout corps ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : il montre premièrement que tous les principes ne se trouvent pas dans tous les corps ; il expose deuxièmement dans quel ordre ils sont les uns par rapport aux autres, ici : Ğ or cest en haut ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : il montre premièrement que les principes de ce genre ne se trouvent pas tous dans toute chose, mais certains dans certaines et non tous ; il montre deuxièmement quil ne convient absolument pas de dire que [284b10] certains principes sont attribués au ciel et non tous, ici : Ğ or sil faut adapter au ciel ğ, etc. Il dit donc premièrement que des principes de ce genre, qui sont appelés différences de position, il a été question dans le livre sur la marche des animaux, parce quils sont propres à leur nature, cest-à-dire à celle dêtres animés. [284b15] En effet chez les animaux des principes de ce genre semblent clairement exister avec des parties déterminées ; et cest ainsi que chez quelques animaux, à savoir parfaits, qui non seulement sentent, mais aussi se déplacent par un mouvement local, se trouvent toutes les parties de ce genre, à savoir la droite et la gauche, le devant et larrière, le haut et le bas ; or chez certains animaux, à savoir imparfaits et immobiles, se trouvent certains dentre eux, cest-à-dire le haut et le bas, lavant et larrière ; or chez les plantes on ne trouve que le haut et le bas. |
[71112] In De
caelo, lib. |
[71112] Sur le De caelo, II, 2, 3. Ensuite quand il dit : Ğ or sil faut adapter au ciel ğ, etc., il montre que si on établit lun de ces principes pour le ciel, il est nécessaire de le faire pour tous les principes de ce genre chez lui. Et il dit que, sil faut attribuer au ciel lun dentre eux, cest-à-dire la gauche et la droite, il est rationnel [284b20] quexiste ici premièrement ce qui se trouve chez les animaux parfaits : ou bien il est rationnel que ce qui est premier chez les animaux existe en lui, puisque, une fois que le principe postérieur a été établi, le principe antérieur lest. Or comme il y a trois oppositions ou Ğ dimensions ğ, chacune de ces trois, à savoir le haut, lavant et la droite, est en quelque sorte le principe de leur opposition ou dimension. Il expose par conséquent ce que sont ces trois principes, selon lui : le premier dentre eux est lopposition ou la dimension qui est entre le haut et le bas, mais dans laquelle le haut est le principe ; un autre est lopposition entre lavant et son opposé, qui est appelé larrière, où ce qui est avant est le principe ; et lautre est entre la droite et la gauche, où la droite est le principe. Et puisquest parfait ce qui est constitué de toutes les parties ou principes, il est rationnel que toutes les oppositions ou dimensions de ce genre se trouvent dans Ğ les corps parfaits ğ, cest-à-dire chez les animaux parfaits. De ce fait, comme le ciel est parfait au plus haut point, il est rationnel que, sil est capable davoir ces parties-là, il les ait toutes, et non seulement certaines. |
[71113] In De
caelo, lib. |
[71113] Sur le De caelo, II, 2, 4. Ensuite quand il dit : Ğ or le haut est ğ, etc., il montre de deux façons lordre des principes présentés. Premièrement à partir des dimensions elles-mêmes. En effet le haut est le principe de la longueur [284b25] : car chez lhomme, qui est lanimal le plus parfait, on appelle longueur pour ainsi dire sa plus grande dimension, de la tête, qui est en haut, à ses pieds, qui sont en bas. Or la droite est le principe de la largeur : en effet, la largeur dun homme est considérée selon la distance qui se trouve entre la droite et la gauche. Or le principe de profondeur est antérieur : car la profondeur ou la grosseur dun homme est considérée selon la distance qui est entre lavant et larrière. Chez les autres animaux cest en proportion. Or la longueur précède la largeur, et la largeur précède la profondeur, comme la ligne la surface et la surface le corps. Donc le haut précède ce qui est à droite, et la droite précède ce qui est avant. |
[71114] In De
caelo, lib. |
[71114] Sur le De caelo, II, 2, 5. Deuxièmement ici : Ğ en outre autrement ğ, etc., il prouve la même idée à partir des mouvements. Et cela parce que ce qui a été dit constitue des principes à partir desquels les mouvements commencent en premier lieu chez les animaux qui ont des parties ou des principes de ce genre. En effet le mouvement de croissance commence par le haut. Et cela apparaît clairement chez les hommes : car la tête, qui est le haut de lhomme est aussi le haut du monde, à considérer sa position ; à la tête commence le mouvement de croissance, puisquà lorifice du visage, qui se trouve sur la tête, est apporté laliment qui est la matière de la croissance. Or le haut des plantes est la racine, qui est en rapport avec la tête des animaux quand ils salimentent ; mais ce qui est le haut dune plante est en opposition avec le sommet du monde. Chez les autres animaux il est seulement au milieu. Le mouvement qui est selon le lieu commence à droite : car les animaux déplacent naturellement leur partie droite avant la gauche, de même quen marchant ils avancent dabord le pied droit. Mais pour ce qui est du mouvement daltération de leurs sens, est principe ce qui est antérieur : en effet on appelle antérieure [284b30] la partie de lanimal où se trouvent ses sens. Donc puisque le mouvement de croissance précède le mouvement sensitif, qui précède à son tour le mouvement local chez les animaux, il sensuit que le haut précède lantérieur et que lantérieur précède la droite. |
[71115] In De
caelo, lib. |
[71115] Sur le De caelo,
II, 2, 6. Ensuite quand il dit : Ğ parce que et non dans tout
corps ğ, etc., il montre que les principes de ce genre ne sont pas dans
tous les corps. Et il conclut premièrement à partir des prémisses que les
principes de ce genre ne se trouvent pas au sens propre et en soi dans les
corps inanimés ; il montre deuxièmement de quelle manière ils sont,
daprès ce qui est dit ici, dans ce passage : Ğ mais chez
eux ğ, etc. Il dit donc premièrement que, puisque les principes de
certains mouvements ont déjà été exposés, il sensuit que le haut et le bas,
la droite et la gauche, lantérieur et le postérieur ne doivent pas être recherchés
dans tous les corps, mais seulement dans les corps animés, tous ceux qui
portent en eux le principe du mouvement ; mais nous ne voyons dans aucun
corps inanimé de principe où commence le mouvement. Ce phénomène peut être
compris de deux façons. La première est que dans les corps animés il y a un
principe actif de mouvement, qui est lâme : or dans les corps inanimés
il ny a pas de principe actif de mouvement moteur, mais ces corps sont
déplacés par un corps extérieur moteur, qui crée et écarte les obstacles.
Plus à lintérieur deux ils contiennent un principe passif de mouvement, qui
leur permet de se déplacer naturellement, par exemple la pesanteur ou la
légèreté, comme il apparaît dans le livre VIII de |
[71116]
In De caelo, lib. |
[71116] Sur le De caelo,
II, 2, 7. Ensuite quand il dit : Ğ mais chez eux ğ, etc., il
montre comment les positions déjà exposées sont parfois avancées concernant
les corps inanimés. Et il dit que pour les corps de ce genre nous parlons de
haut et de bas, de droite et de gauche, et également davant et darrière,
seulement en comparaison avec nous. Et cela de trois manières :
premièrement dans la mesure où nous appelons droite ce qui est opposé à nous
selon notre droite, comme les devins, par exemple les augures, disent à
droite un oiseau qui est à notre droite, à gauche un oiseau qui est à notre
gauche ; deuxièmement à limage de nos parties, [285a5]
comme dans une statue nous disons à droite ce qui correspond à la droite dun
homme, et à gauche ce qui correspond à la gauche ; troisièmement en
position contraire, en disant à gauche ce qui est opposé à notre droite, et à
droite ce qui est opposé à notre gauche, comme il apparaît pour une image qui
se reflète dans un miroir. Et le même raisonnement sapplique aux autres
positions. Mais chez les êtres inanimés eux-mêmes considérés en soi, on ne
trouve aucune différence pour de telles parties. Et il est évident que, si on
les retourne vers nous, ils seront à lopposé de leur position
antérieure : car ce qui était à droite sera dit à gauche et
inversement ; et cest la même chose pour les autres positions. Or pour
les êtres animées, de quelque manière quils soient tournés, les parties de
ce genre sont toujours de la même manière. [285a10] |
[71117] In De
caelo, lib. |
[71117] Sur le De caelo, II, 2, 8. Ensuite quand il dit : Ğ parce que les Pythagoriciens aussi ğ, etc., il montre que les Pythagoriciens ont eu tort dattribuer au ciel des différences de ce genre : et cela pour trois raisons, qui peuvent être tirées des passages précédents ; et cest pourquoi il les introduit ici en guise de conclusion. La première dit que, comme il y a six positions, il semble étonnant dattribuer deux dentre elles seulement au ciel, cest-à-dire la droite et la gauche, et de laisser les quatre autres, alors quil est rationnel que toute chose saccorde avec le ciel, comme on la dit ci-dessus. |
[71118] In De
caelo, lib. |
[71118] Sur le De caelo, II, 2, 9. Il établit la
seconde raison ici : Ğ rien de moins ğ, etc. : puisque,
si on devait omettre certains points pour ne pas les attribuer au ciel, il
aurait fallu omettre ceux qui sont moins importants. Or il montre par quatre
raisonnements que les quatre quil a omises ne sont pas moins importantes que
les deux quil a établies. Il établit le premier dentre eux ici :
Ğ car rien de moindre ğ, etc. En effet nous ne voyons pas chez tous
les animaux que la partie qui est en haut a la moindre différence avec celle
qui est en bas, et celle qui est à lavant avec celle qui est à larrière, la
droite [285a15] avec la gauche, bien au
contraire. Car la partie droite et la gauche diffèrent seulement en force et
se ressemblent dans leur apparence (car la main droite est plus forte que la
gauche, bien quelle ait le même aspect ; et, de la même façon, lépaule
droite est plus forte que la gauche pour le mouvement, bien que la gauche
soit plus forte pour porter une charge ; et également le pied droit est
plus fort pour le mouvement, mais le pied gauche lest pour lappui) ;
or il est manifeste que la partie antérieure et postérieure de lanimal,
ainsi que sa partie supérieure et inférieure, diffèrent non seulement en
force, mais aussi en apparence : or celles qui diffèrent le plus
semblent être à une plus grande distance. |
[71119] In De
caelo, lib. |
[71119] Sur le De caelo,
II, 2, 10. Il établit un deuxième raisonnement ici : Ğ à la fois le
haut et le bas ğ, etc. Le voici. Le haut et le bas se trouvent chez tous
les corps animés, aussi bien chez les animaux que chez les plantes ;
mais la droite et la gauche nexiste pas chez les plantes, mais seulement
chez les animaux parfaits ; et ainsi le haut et le bas sont antérieurs,
dans la mesure où est dit antérieur ce qui ne modifie pas la conséquence de
lêtre. |
[71120] In De
caelo, lib. |
[71120] Sur le De caelo,
II, 2, 11. Il établit le troisième raisonnement ici : Ğ en
outre ğ, etc. Le voici. La longueur est antérieure à la largeur, et cela
sur la voie de la génération, puisque selon les géomètres une ligne que lon
déplace forme une surface : or le haut [285a20]
est le principe de la longueur, la droite est le principe de la largeur,
comme on la montré ci-dessus. Donc, comme le principe dune chose antérieure
est antérieur, il sensuit que le haut lest à la droite, dans la mesure où
une chose est antérieure en génération (parce que lon peut dire une chose
antérieure de nombreuses manières, comme il apparaît dans les Catégories et dans le livre V de |
[71121] In De
caelo, lib. |
[71121] Sur le De caelo,
II, 2, 12. Il établit le quatrième raisonnement, ici : Ğ en outre,
si le haut ğ, etc. Et il dit que le haut est lendroit doù part le
mouvement, ce qui peut être compris à propos du mouvement de
croissance ; or la droite est lendroit doù part le mouvement
local ; lavant est ce vers quoi avance un animal, opposé en quelque
sorte à ses sens ; et ainsi il apparaît que le haut [285a25] a un rôle principal à légard des autres
espèces de position, comme le mouvement de croissance est plus essentiel et
plus intrinsèque à lanimal que le mouvement local. Or tout ce qui, selon
lui, dans ce passage, se rapporte au mouvement local peut être mieux
présenté, si lon dit que le haut, chez lanimal qui se déplace selon le
lieu, est le principe doù naît le mouvement, puisque dans sa tête, qui est
en haut, le sens qui pousse les animaux au mouvement est vigoureux, comme il
est dit dans le livre III De
lâme ; or la droite est lendroit où commence le mouvement local,
puisque la partie droite se déplace en premier, comme on la dit ; mais lavant
est lendroit vers lequel lanimal se déplace. Le principe moteur est le plus
important dans le mouvement de lanimal ; et daprès cela il apparaît
que le haut a un rôle de principe entre les autres espèces de position. Ainsi
donc, de ces quatre raisonnements le philosophe tire une conclusion qui lui
permet de condamner les propos des Pythagoriciens, en disant quil est juste
de les blâmer, puisquils abandonnaient les principes les plus fondamentaux,
en ne les attribuant pas au ciel. |
[71122] In De
caelo, lib. |
[71122] Sur le De caelo,
II, 2, 13. Il établit la troisième raison, ici : Ğ et puisque
ces ğ,etc., disant quils doivent aussi être blâmés pour établir
également que la droite et la gauche existaient pour toutes choses, alors
quelles ne se trouvent que chez les animaux parfaits, comme on la dit
ci-dessus. Cependant il faut savoir que les Pythagoriciens avaient
lintention de tout ramener au bien et au mal, comme à deux principes. Et
puisquils croyaient que tout nombre était compris sous une dizaine, ils ont
établi dix idées à partir du bien et dix contraires à partir du mal, comme il
apparaît dans le livre I de |
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Lectio
3 |
Leçon 3 [Opinion dAristote sur les parties du ciel]
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[71123] In De
caelo, lib. |
[71123] Sur le De caelo, II, 3, 1. Après que le philosophe a traité des parties locales du ciel selon lopinion des autres, il traite ici de celles-ci selon sa propre opinion. Et concernant cela il fait trois choses : premièrement il montre quil faut quil y ait des différences de ce genre dans le ciel ; deuxièmement il montre selon quelle dimension du ciel sont considérés le haut et le bas chez lui, ici : Ğ je dis que la longueur ğ, etc. ; troisièmement il montre quelle partie du ciel est en haut et laquelle se trouve en bas, ici : Ğ or parmi les pôles, celui qui est au-dessus de nous ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : premièrement il montre la proposition ; deuxièmement il rejette certaines objections, ici : Ğ car il ne faut pas douter ğ, etc. |
[71124] In De
caelo, lib. |
[71124] Sur le De caelo, II, 3, 2. Concernant le
premier point il établit le raisonnement suivant. Il a été déterminé
auparavant que chez les corps dotés du principe du mouvement, à savoir les
corps animés, qui ont en eux le principe moteur, il existe Ğ de telles
fonctions ğ, cest-à-dire des différences de position, selon les
fonctions déterminées des parties, et cela non seulement par rapport à nous,
comme chez les corps inanimés, qui nont pas en eux le principe actif du mouvement,
mais seulement le principe passif, comme le dit dans le livre VIII de |
[71125] In De caelo, lib. |
[71125] Sur le De caelo, II, 3, 3. Et peu importe pour ce mode de déplacement de savoir si le corps est déplacé par une substance spirituelle conjointe appelée son âme ou seulement par une substance spirituelle séparée, à moins que le fait détablir quil est déplacé par une substance spirituelle conjointe confère au ciel une dignité plus grande ; Platon et Aristote, portant leur attention sur ce point, ont établi un ciel animé. Bien que lon puisse dire au contraire que, comme un corps qui a une substance spirituelle conjointe est plus noble, de même la substance spirituelle qui est absolument séparée du corps lest également : de ce fait, Platon aussi a établi bon que lâme rationnelle soit un jour séparée du corps. Et daprès cela, comme le moteur est plus noble que le corps déplacé, et que le mouvement dépend plus de lui, il semble être plus nécessaire de dire que la substance qui déplace le ciel est séparée de son corps, que de dire que le corps du ciel est animé, pour que son mouvement soit plus noble ; autrement il semblerait, selon les propos de Platon, que lâme du ciel ait une condition pire que lâme humaine. Mais à cela on peut répondre quil est plus noble pour lâme humaine dêtre en dehors du corps quà lintérieur du corps, à savoir du point de vue de ce qui déplace un corps avec peine contre sa nature ; mais en ce qui concerne lêtre naturel de lâme elle-même, il est mieux pour elle dêtre dans un corps, puisquil sensuit quil est parfait pour lespèce. De ce fait sil y a une substance spirituelle dont la fonction est limitée au mouvement du ciel, qui déplace sans peine, comme on la dit ci-dessus, il est plus noble pour elle dêtre dans un tel corps que den être séparée, puisque plus parfaite est laction que lon fait par un moyen joint que par un moyen séparé. Mais la substance séparée dont la fonction nest pas limitée à cet effet est en tout point plus noble. Du fait que le ciel est animé, [285a30] il conclut selon les propos déjà tenus quil possède le haut et le bas, la droite et la gauche. |
[71126] In De
caelo, lib. |
[71126] Sur le De caelo, II, 3, 4. Mais il semble que
cela ne convienne pas. Car il a dit ci-dessus que le haut et le bas sont
propres à un corps animé selon la croissance, lavant et larrière selon le
sens, la droite et la gauche selon le mouvement local ; or personne, en
établissant un ciel animé, nétablit en lui de mouvement de croissance, ni
même de mouvement de sens ; donc on ne devrait pas établir pour le ciel
de haut ou de bas, ni davant ou darrière. Mais il faut dire que, chez les
animaux parfaits capables de mouvement local, on attend les différences déjà
dites non seulement selon la croissance et selon le sens, mais aussi selon le
mouvement local. De ce fait, il a dit lui-même ci-dessus dans un raisonnement
que le haut est lendroit doù part le mouvement, la droite est ce qui le
cause et lavant est lendroit où il va. Mais chez les corps dépourvus de
mouvement local et totalement dénués de droite et de gauche, on trouve le
haut et le bas, lavant et larrière, selon les autres mouvements. Et ainsi
il faut que tout cela soit attribué au ciel selon le mouvement local
seulement, en tant que corps le plus parfait. |
[71127] In De
caelo, lib. |
[71127] Sur le De caelo,
II, 3, 5. Ensuite quand il dit : Ğ car il ne faut pas
douter ğ, etc., il rejette deux objections : et il commence par les
exposer. La première dentre elles est la suivante. Le ciel a en effet une
configuration sphérique, et ainsi toutes [285b1]
ses parties sont semblables ; les différentes positions déjà mentionnées
requièrent des parties dissemblables, soit dans leur fonction seulement,
comme la droite et la gauche, soit aussi dans leur configuration, comme le
haut et le bas, lavant et larrière, comme on la dit ; il ne semble
donc pas que lon puisse attribuer au ciel différentes positions. La seconde
objection est que chez les animaux, à qui on attribue des espèces de position
de ce genre, une partie se déplace avant lautre ; mais cela ne peut
sappliquer au ciel, dont les parties se déplacent tout le temps, comme le
dit le livre VIII de |
[71128] In De
caelo, lib. |
[71128] Sur le De caelo, II, 3, 6. Deuxièmement ici : Ğ mais comprendre ğ, etc., il a résolu les objections déjà faites. Et il commence par la première, disant quil ne faut pas douter pour cette raison, mais quil faut le comprendre de la façon suivante pour le ciel : comme on y distinguait la différence entre droite et gauche même dans les formes de ses parties et quon lentourait ensuite dune sphère, non certes à lextérieur comme un vêtement, mais comme un corps uni couvrant naturellement lextérieur ; et cest ainsi quil a une fonction de ce genre qui distingue la droite et la gauche, mais quil semble ne pas lavoir en raison de la ressemblance de sa forme [285b5] apparaissant à lextérieur. Et de la même façon, les fonctions de lâme du ciel sont différentes dans ses diverses parties, quoique dune forme semblable, si bien que lon attribue des positions au ciel. |
[71129] In De
caelo, lib. |
[71129] Sur le De caelo, II, 3, 7. Il résout la seconde objection ici : Ğ de la même manière ğ, etc. Et il dit que de la même manière il ne faut pas douter pour cette raison que les animaux, chez lesquels se trouvent des différences de ce genre, possèdent le principe du mouvement. En effet, bien que le ciel ne commence jamais à se déplacer, cependant, puisque son mouvement est réglé, il est nécessaire quil reçoive dans son mouvement un principe où commence son mouvement, sil commence à se déplacer, et doù il commencerait aussi à se déplacer de nouveau, sil lui arrivait dêtre immobile. |
[71130] In De
caelo, lib. |
[71130] Sur le De caelo, II, 3, 8. Ensuite quand il dit : Ğ or jappelle longueur ğ, etc., il montre suivant quelle dimension céleste sont considérés le haut et le bas. Et il expose premièrement ce quil se propose de faire : et il dit que la longueur du ciel est la distance qui se trouve entre ses pôles, cest-à-dire de lArctique à lAntarctique, de telle façon quun des pôles est en haut et lautre [285b10] en bas. |
[71131] In De
caelo, lib. |
[71131] Sur le De caelo, II, 3, 9. Deuxièmement
ici : Ğ la différence en effet ğ, etc., il prouve la
proposition de deux façons. Premièrement par un raisonnement. Car il est
clair que dans nimporte quel corps la longueur est considérée comme sa plus
grande dimension. Or la plus grande dimension dun corps sphérique est son
diamètre. Or le diamètre du ciel est considéré seulement comme celui qui est
entre les deux pôles, qui sont deux points immobiles de la sphère et qui sont
toujours dans le même rapport ; quels que soient les autres points
considérés dans la sphère, ils sont mobiles ; de ce fait, les diamètres
aussi, quels que soient les deux autres points entre lesquels ils sont
tracés, sont indéterminés. Et pour cette raison, on considère surtout la
longueur du ciel daprès la ligne qui est entre les deux pôles, puisque cest
seulement dans ces points du ciel que nous voyons une différence précise
dhémisphères, parce que les Pôles de ce genre ne se déplacent pas. |
[71132] In De
caelo, lib. |
[71132] Sur le De caelo, II, 3, 10. Deuxièmement ici : Ğ en même temps ğ, etc., il prouve la même chose par une façon de parler commune. Car nous avons lhabitude de dire que les côtés du monde ne sont pas les Pôles eux-mêmes, que nous appelons haut et bas, mais ce qui est Ğ à côté des pôles ğ, cest-à-dire de chacun de leurs côtés, à savoir que lorient est un côté du monde et loccident en est un autre, de même que la distance entre les pôles est la longueur même du ciel : car nous appelons latéral ce qui est à côté du haut et du bas, de part et dautre, comme chez lhomme. Or il faut considérer que les astronomes qui examinent non pas les dimensions du ciel, mais plutôt celles de notre terre habitée considèrent la longueur suivant la différence entre lorient et loccident, mais la largeur selon la distance entre le midi et le septentrion, puisque la dimension de notre terre habitée est plus de deux fois plus grande de lorient à loccident que du pôle vers léquateur, puisque toute cette région nest pas habitée. |
[71133] In De
caelo, lib. |
[71133] Sur le De caelo, II, 3, 11. Ensuite quand il dit : Ğ parmi les pôles celui qui au-dessus de nous ğ, il montre quel pôle est en haut et quel pôle est en bas. Et il le montre premièrement du point de vue du mouvement premier ; deuxièmement du point de vue du mouvement des planètes, ici : Ğ les secondes ğ, etc. Concernant le premier point, il fait trois choses : il expose premièrement ce quil se propose de faire ; il prouve deuxièmement ce quil avait dit, ici : Ğ en effet, la droite ğ, etc. ; il avance troisièmement la conclusion tirée de ses propos, ici : Ğ et ceux qui habitent ici ğ, etc. Il dit donc premièrement quentre les pôles [285b15] celui qui apparaît toujours au-dessus de nous est la partie du ciel qui est en bas, à savoir le pôle Arctique, et que celui qui nous est toujours caché, appelé Antarctique parce quil lui est opposé, est la partie du ciel qui est en haut. |
[71134] In De
caelo, lib. |
[71134] Sur le De caelo, II, 3, 12. Ensuite quand il dit : Ğ car la droite ğ, etc., il prouve ce quil avait dit. Car il est clair que chez nimporte quel animal nous appelons droite lendroit où se trouve lorigine de son mouvement local (et pour cette raison la partie droite de lanimal est plus chaude, de telle sorte quelle est plus apte au mouvement) ; or lorigine du mouvement circulaire du ciel est la partie où se lèvent les astres, laquelle est appelée orient ; à partir de là lorient est appelée la droite du ciel, et par conséquent le couchant sera sa gauche. Donc si le mouvement du ciel commence à droite [285b20] et quil se déplace circulairement vers la droite, comme du même vers le même, il est nécessaire que le pôle caché, cest-à-dire lAntarctique, soit en haut du ciel : car si cétait le pôle Arctique, toujours visible pour nous, qui était en haut, il sensuivrait que le mouvement du ciel irait de la gauche vers la gauche, ce que nous ne disons pas. Et cela apparaît ainsi. Imaginons en effet un homme dont la tête soit au pôle Arctique et les pieds au pôle Antarctique : sa main droite sera en occident et sa main gauche en orient, cependant si son visage est tourné vers lhémisphère supérieur, qui est apparent pour nous. Donc comme le mouvement du ciel va de lorient vers loccident, il sensuivra quil va de la gauche vers la droite. Mais si nous établissons au contraire que la tête de lhomme est au pôle Antarctique et que ses pieds sont au pôle Arctique, son visage demeurant dans la même disposition, sa main droite sera en orient et sa main gauche en occident : et ainsi le mouvement commencera à droite, selon ce qui convient. Et ainsi il est clair que le haut du ciel est le pôle caché. |
[71135] In De
caelo, lib. |
[71135] Sur le De caelo, II, 3, 13. Mais on objecte premièrement à cela le fait quAristote oublie de déterminer ce qui est lavant et larrière du ciel. Mais il faut dire quil loublie parce que cest clair grâce à ce qui est déterminé. Car le mouvement de lanimal, qui commence à droite, va vers lavant, et non vers larrière : de ce fait, comme le ciel se déplace de lorient vers lhémisphère supérieur, ce qui apparaît par lélévation des étoiles qui se lèvent, la conséquence en est que lavant du ciel est lhémisphère supérieur et que larrière du ciel est lhémisphère inférieur. |
[71136] In De
caelo, lib. |
[71136] Sur le De caelo, II, 3, 14. On objecte
deuxièmement que, comme chez les animaux la droite est toujours la même
partie et la gauche aussi, cela ne semble pas être observé dans le
ciel : car la même partie du ciel, qui est dabord en orient, est
ensuite en occident ; et ainsi, si la droite est lorient et la gauche
loccident, la même partie du ciel sera tantôt à droite, tantôt à gauche.
Mais cela est résolu par ce que le philosophe a dit dans le livre VIII de |
[71137] In De
caelo, lib. |
[71137] Sur le De caelo, II, 3, 15. On objecte troisièmement que lorient et loccident ne semblent pas être une partie déterminée du ciel, mais être différentes selon lhorizon de chaque région. Ainsi donc si la droite et la gauche sont attribuées au levant et au couchant, elles ne seront pas déterminées dans le ciel selon elles-mêmes, comme dans les corps animés, mais par rapport à nous, comme dans les corps inanimés. Mais il faut dire que, en raison de limmobilité des pôles, le haut et le bas sont fixés dans le ciel, selon lui : or la droite et la gauche se trouvent de côté par rapport au haut et au bas. Aristote considère donc ici le levant et le couchant non par rapport à ce que nous voyons, mais par rapport aux pôles immobiles du monde. |
[71138] In De
caelo, lib. |
[71138] Sur le De caelo,
II, 3, 16. Ensuite quand il dit : Ğ et ceux qui habitent
ici ğ, etc., il conclut selon les propos précédents que |
[71139] In De
caelo, lib. |
[71139] Sur le De caelo, II, 3, 17. Ensuite quand il dit : Ğ mais les secondes ğ, etc., il montre comment ces positions se différencient selon les mouvements des planètes. Et il dit que, concernant le second mouvement circulaire, qui est celui des planètes, nous sommes au contraire en haut et à droite et que ceux-là [285b30] sont en bas et à gauche, puisque le principe de ce mouvement est contraire (car elles commencent à se mouvoir à loccident) ; et cela parce que ces deux mouvements sont Ğ contraires ğ, cest-à-dire différents (car le fait dêtre contraire à proprement parler ne concerne pas les mouvements circulaires, comme on la montré dans le premier livre). Et pour cette raison il arrive que nous soyons au début et queux soient à la fin du mouvement des planètes. Et cest pourquoi ceux-là semblent être plus puissants du point de vue de la permanence, qui est dans le premier mouvement, et nous du point de vue de la différence de génération et de corruption, qui dépend du second mouvement, comme on le dira ci-dessous. Enfin il conclut en disant quil a été assez question des parties du ciel, [286a1] qui sont déterminées selon ses dimensions et selon le lieu, et non seulement selon ses parties matérielles, comme on la dit. |
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Lectio 4 |
Leçon 4 [Les multiples sphères célestes]
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[71140] In De
caelo, lib. |
[71140] Sur le De caelo, II, 4, 1. Après que le philosophe a traité des différentes parties spatiales du ciel, il traite ici des différentes parties du point de vue de lordre des sphères, montrant naturellement la cause selon laquelle dans le ciel il ny a pas une seule sphère qui se déplace circulairement, mais plusieurs. Et concernant cela il fait trois choses : il pose premièrement un problème ; il montre deuxièmement quil est difficile de le résoudre, ici : Ğ et certes pour ceux qui examinent de loin ğ, etc. ; il commence troisièmement à le faire, ici : Ğ chacun de ceux dont luvre est ğ, etc. |
[71141] In De
caelo, lib. |
[71141] Sur le De caelo,
II, 4, 2. Concernant le premier point, il faut considérer que, si des
mouvements circulaires étaient susceptibles dêtre contraires, il ne serait
pas difficile de voir pourquoi dans le ciel il ny a pas seulement un
mouvement circulaire, mais plusieurs. [286a5]
En effet, comme les contraires diffèrent en espèce, du fait que lopposition
est une différence selon la forme, comme il est dit dans le livre X de |
[71142] In De caelo, lib. |
[71142] Sur le De caelo, II, 4, 3. Ensuite quand il dit : Ğ et certes pour ceux qui examinent de loin ğ, etc., il montre quil est difficile de résoudre cette question. Car il dit quelle doit être considérée par des hommes qui tentent de létudier Ğ de loin ğ, cest-à-dire à propos des corps célestes qui existent loin de nous, alors que, sur ces corps qui sont éloignés de nous, nous ne pouvons pas avoir de jugement certain. Or les corps célestes ne sont pas éloignés de nous Ğ dautant ğ, cest-à-dire selon les dimensions de la distance locale, mais beaucoup plus parce que peu de leurs accidents nous sont visibles, alors quil nous est naturel den venir à connaître la nature dune chose à partir des Ğ accidents ğ, cest-à-dire des choses sensibles. Or il dit que cet éloignement est beaucoup plus important que la distance locale, puisque, si nous la considérons, on trouve une proportion entre la distance qui nous sépare dun corps céleste et celle qui nous sépare dun des corps inférieurs, par exemple dune pierre ou dun morceau de bois, et les deux distances appartiennent à un seul genre ; mais les accidents des corps célestes appartiennent à un autre domaine, et ils sont totalement sans rapport avec les accidents des corps inférieurs. Et pourtant, bien que ce soit difficile, disons pourquoi il y a une telle diversité de mouvements dans le ciel. Et la cause de cette diversité doit être considérée à partir de ce qui va être dit maintenant. |
[71143] In De caelo, lib. |
[71143] Sur le De caelo, II, 4, 4. Ensuite quand il dit : Ğ il y a chacun parmi ceux dont il est besoin ğ, etc., il attribue une cause à ce qui a été déjà dit. Et premièrement il lattribue par mode de composition, en procédant de la première à la dernière question ; deuxièmement par mode de résolution, en procédant de la dernière question à la première, ici : Ğ maintenant seulement il est manifeste ğ, etc. Concernant le premier point, il expose le raisonnement suivant. Si le ciel est un corps divin, il est nécessaire que son mouvement soit éternel et circulaire ; si son mouvement est éternel et circulaire, il est nécessaire que la terre soit ; si la terre est, il est nécessaire que le feu soit ; si le feu et la terre sont, il est aussi nécessaire que des corps intermédiaires soient ; or sil y a des corps de ce genre, il est nécessaire que la génération soit ; or si la génération est, il est nécessaire quil y ait plusieurs mouvements dans le ciel. Donc, si le ciel est un corps éternel et divin, il est nécessaire quil y ait plusieurs mouvements dans le ciel, et par conséquent plusieurs corps mobiles. |
[71144] In De
caelo, lib. |
[71144] Sur le De caelo,
II, 4, 5. Il montre donc chaque question dans lordre : et premièrement
la première. Sur celle-ci il faut considérer que les Platoniciens
établissaient un seul Dieu suprême, qui est lessence même du bien et de
lunité, sous lequel il plaçait lordre des intellects supérieurs séparés,
qui sont habituellement appelés chez nous intelligences ; et au-dessous
de cet ordre ils plaçaient celui des âmes, au-dessous duquel ils
établissaient celui des corps. Ils disaient donc quentre les intellects
séparés, les intellects supérieurs et premiers sappellent divins, en raison
de leur ressemblance et de leur proximité avec Dieu ; mais que les
autres ne sont pas divins, en raison de leur distance avec Dieu, de même que
les âmes suprêmes sont aussi intelligentes, mais que les âmes infimes ne sont
pas intelligentes, mais irrationnelles. Ils disaient que les corps suprêmes
et plus nobles sont animés, mais que les autres ne le sont pas. Ils disaient
en revanche que les âmes suprêmes, parce quelles dépendent des intelligences
divines, sont des âmes divines ; et encore que les corps suprêmes, parce
quils sont unis aux âmes divines, sont divins. Aristote parle donc ici aussi
de cette manière, en disant que chaque chose qui a sa propre action existe
pour cette action : car nimporte quelle chose cherche à atteindre sa
perfection comme sa fin, or laction est la perfection ultime dune chose (ou
du moins luvre même, pour ceux chez qui on trouve quelque activité pour
leur action, comme le dit le livre I de lÉthique) ;
car le livre II du traité De lÂme
a dit que la forme est lacte premier, laction est lacte second, en qualité
de perfection et de fin de celui qui opère. Et cest vrai aussi bien pour les
êtres corporels que pour les spirituels, par exemple pour les dispositions de
lâme, et aussi bien chez les êtres naturels que chez les artificiels. Il dit
cependant Ğ qui ont une activité ğ pour ceux qui sont
contre-nature, comme les monstres, qui nont pas dactivité de ce genre, mais
qui subissent un défaut de leur fonction active, comme chez ceux qui naissent
boiteux ou aveugles ; car la claudication nest pas la fin visée par la
nature, pour laquelle elle fait naître un animal boiteux, mais cela se
produit contre lintention de la nature en raison dun défaut des principes
naturels. Il ajoute que Ğ laction de Dieu est limmortalité ğ. Or
il appelle ici Dieu non seulement la cause première de toutes les choses,
mais, à la façon des Platoniciens et dautres Gentils, tout ce qui est appelé
divin, de la façon dont on a déjà parlé. Mais il semble que limmortalité ne
soit pas une action, mais plutôt une différence ou un état qui ne subit rien,
comme la mortalité est une différence ou une passion. Il faut donc dire que
limmortalité indique une vie sans fin : or vivre désigne non seulement
lêtre même du vivant, mais aussi lopération de la vie, de même que
comprendre est vivre, ainsi que sentir et autres choses de ce genre, comme le
montrent le livre II de lÂme et le livre IX de lÉthique. Et pour exprimer cela, il
ajoute : Ğ or celle-ci, cest-à-dire limmortalité, est la vie
éternelle ğ : dans ce but aussi il ne dit pas que laction de Dieu
est le fait de ne pouvoir être corrompu, ce qui introduit seulement
léternité de lêtre lui-même, mais il dit Ğ immortalité ğ en
incluant léternité de laction. [286a10] De
ce fait, il conclut que, si Dieu est considéré comme lun des corps mobiles
selon la manière dont on a déjà parlé, son mouvement est éternel ; de
même que, si Dieu est considéré comme une substance immobile, son action est
éternelle sans mouvement ; sinon, en vain serait une telle chose
éternelle dépourvue daction éternelle, pour laquelle chaque chose est. Donc
puisque le ciel est tel quil était appelé Dieu par les Anciens, non parce
quil est lui-même le Dieu suprême, mais parce que son corps est une chose
divine, étant donné quil est non engendré et incorruptible, comme on la
démontré ci-dessus ; de là vient quil a un corps circulaire, qui puisse
toujours se déplacer circulairement. En effet, il a été montré dans le livre
VIII de |
[71145] In De
caelo, lib. |
[71145] Sur le De caelo, II, 4, 6. Ensuite quand il dit : Ğ pourquoi donc ğ, etc., il montre la seconde condition, à savoir que, si le ciel se déplace dans un mouvement éternel et circulaire, il est nécessaire que la terre soit. Il dit donc : Ğ sil en est ainsi que le ciel est un corps divin déplacé éternellement et circulairement, pourquoi donc le corps du ciel tout entier, cest-à-dire du monde entier, nest-il pas tel que nimporte quelle partie du monde est de la nature du corps céleste ? ğ Et à cela il répond quil est nécessaire quil y ait une chose qui demeure au repos au milieu du corps qui est emporté circulairement : car il est manifeste que tout mouvement circulaire tourne autour dun milieu immobile. Et il faut que ce soit un corps : car ce que jappelle le milieu nest pas une chose qui subsiste, mais un accident qui arrive à une chose corporelle, si cest le milieu dun corps. Or il nest pas possible quune telle chose soit la partie Ğ de cela ğ, cest-à-dire celle dun corps céleste, quil avait appelé ci-dessus corps divin, bien quelle doive être une partie du monde entier. Et il le prouve de deux façons. [286a15] Premièrement puisquaucune partie du corps céleste ne peut universellement être partout immobile, alors quun mouvement éternel convient à un corps céleste, comme on la montré : or le milieu autour duquel se fait le mouvement circulaire doit être immobile. Deuxièmement puisquil nest pas possible spécialement que [cette partie] soit au repos au milieu. Puisque si elle était au repos au milieu selon la nature, elle se déplacerait naturellement vers le milieu (car chaque corps se déplace naturellement vers le lieu où il sarrête, comme on la considéré dans le premier livre) : or, aucune partie du corps du ciel ne se déplace naturellement vers le milieu, puisque son mouvement naturel est de se déplacer circulairement, et comme on la vu dans le premier livre, un corps simple ne peut avoir deux mouvements naturels. Par conséquent, il reste que le repos de cette partie du corps céleste au milieu serait contre-nature. Et il sensuit que le mouvement du ciel ne pourrait être éternel, puisquil ne peut se faire à moins quun être ne soit immobile au milieu, que, si limmobilité de ce qui est au milieu était contraint, il sensuivrait quil ne pourrait être éternel, et que par conséquent son mouvement ne le serait pas. En effet, rien de ce qui est contre-nature nest éternel, puisque ce qui est contre-nature est postérieur à ce qui est selon la nature : cest évident du fait que, dans la génération de nimporte quelle chose, ce qui est contre-nature est Ğ une sorte dexcès ğ, cest-à-dire une corruption et un défaut [286a20] de ce qui est selon la nature (de même que nous voyons que les monstres sont une sorte de corruption et de défaut dune chose naturelle) ; or la corruption et le défaut sont naturellement postérieurs, comme la privation par rapport aux dispositions naturelles. Or il nest pas possible que ce qui est naturellement antérieur ne soit jamais et que ce qui est naturellement postérieur soit toujours. Par conséquent il est clair quil nest pas possible que ce qui est violent soit éternel. Or ce qui est immobile au milieu lest éternellement, comme le ciel aussi se déplace éternellement. Il reste donc quil faut quil y ait une chose qui soit naturellement immobile au milieu, si le mouvement du ciel est circulaire et éternel. Or ce qui est naturellement immobile au milieu est la terre, comme on le montrera ci-dessous. Donc, si le ciel se déplace circulairement et éternellement, il est nécessaire que la terre soit, ce qui était la proposition. |
[71146] In De
caelo, lib. |
[71146] Sur le De caelo,
II, 4, 7. Ensuite quand il dit : Ğ mais si la terre ğ, etc.,
il montre la troisième condition, à savoir que si la terre est, le feu est.
Et il expose premièrement ce quil se propose de faire, disant que, sil est
nécessaire que la terre soit, il est en outre nécessaire que le feu soit
aussi. Deuxièmement ici : Ğ car parmi les contraires ğ, etc.,
il le prouve par deux raisonnements. Le premier dentre eux est le suivant.
Si un des contraires est dans la nature, il est aussi nécessaire que lautre
le soit. Et il le prouve ainsi : puisque si un des contraires est, il
est nécessaire quune nature lui soit subordonnée, comme cest évident
daprès le livre I de |
[71147] In De
caelo, lib. |
[71147] Sur le De caelo,
II, 4, 8. Il établit le second raisonnement ici : Ğ et par la
privation ğ, etc. Le concernant, il faut considérer que les contraires
sont toujours selon le meilleur et le pire, comme le dit le livre I de |
[71148] In De
caelo, lib. |
[71148] Sur le De caelo,
II, 4, 9. Ensuite quand il dit : Ğ mais si du moins ğ, etc.,
il établit la quatrième condition, à savoir que, si le feu et la terre sont,
les éléments intermédiaires sont, puisque chacun des éléments soppose dune
certaine manière [286a30] à chacun des trois
autres, de même que la terre est opposée au feu selon lopposition du lourd
et du léger, et celle du chaud et du froid, à lair selon lopposition du
chaud et du froid, de lhumide et du sec. Et il dit que cela devra être
démontré plus loin, principalement dans le livre II de |
[71149] In De
caelo, lib. |
[71149] Sur le De caelo,
II, 4, 10. Ensuite quand il dit : Ğ ceux-ci existant ğ, etc.,
il prouve la cinquième condition, à savoir que, si des corps de ce genre
sont, il est nécessaire que la génération et la corruption soient aussi. Il
le prouve par un double raisonnement. Le premier dentre eux est que les
contraires agissent et subissent mutuellement, et se corrompent mutuellement,
comme le livre sur |
[71150] In De
caelo, lib. |
[71150] Sur le De caelo,
II, 4, 11. Il établit le second raisonnement ici : Ğ en
outre ğ, etc. : le voici. Il nest pas rationnel que soit éternel
un corps [286a35] dont le mouvement ne peut
être éternel, puisque le mouvement est laction dun corps mobile, et que
toute chose est en vue de son action, comme on la dit. [286b1] Mais les corps dont on a parlé, cest-à-dire
les éléments, ont des mouvements rectilignes, qui ne peuvent être éternels,
comme le prouve le livre VIII de |
[71151] In De
caelo, lib. |
[71151] Sur le De caelo,
II, 4, 12. Ensuite quand il dit : Ğ or si ğ, etc., il prouve
la sixième condition, à savoir que, si la génération est, il est nécessaire
que un autre mouvement circulaire soit en dehors du premier, quil soit
unique ou multiple. Puisque, comme le premier mouvement circulaire, qui est celui
de la sphère suprême qui fait tourner le ciel tout entier de lorient vers
loccident, est uniforme, il ne causerait pas de disposition différente pour
les corps inférieurs ; et ainsi les éléments des corps et les autres
corps sont semblables les uns aux autres [286b5] ;
de ce fait, il ny aurait ni génération ni corruption. Et cela sera prouvé
davantage dans ce qui suit, à savoir dans le livre II de |
[71152] In De caelo, lib. |
[71152] Sur le De caelo, II, 4, 13. Or Alexandre demande si les éléments contraires se corrompent les uns les autres sils demeurent au moment où le mouvement du ciel cesse. Et il dit quil en est ainsi, en raison de leur opposition : non parce que la génération et la corruption seraient organisés selon une certaine réciprocité, de même que tantôt le froid serait engendré par le chaud, tantôt linverse ; mais parce quil arriverait que, comme Héraclite la établi, un jour tout devienne feu ; car lordre du changement réciproque est aussi causé par la puissance du ciel. Mais mieux vaut dire que, si le mouvement du ciel cessait, tout mouvement des corps inférieurs cesserait, comme Simplicius la dit, puisque les fonctions des corps inférieurs sont pour ainsi dire matérielles et instrumentales par rapport aux fonctions célestes, de telle façon quelles ne déplacent que si elles sont déplacées. |
[71153] In De caelo, lib. |
[71153] Sur le De caelo, II, 4, 14. Ensuite quand il
dit : Ğ or maintenant il est seulement manifeste ğ, etc., il
rassemble le même raisonnement dans un ordre analytique. Et il dit quil est
maintenant clair pour quelle raison il faut que plusieurs corps soient
déplacés circulairement : puisquil est nécessaire que la génération
soit ; or il est nécessaire que la génération soit, si le feu et les
autres corps sont ; il est nécessaire que le feu et les autres corps de
ce genre soient, si la terre est ; il est nécessaire quelle soit,
puisquil est nécessaire quune chose éternellement au repos soit au milieu,
sil y a une chose déplacée circulairement. |
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Lectio
5 |
Leçon 5 [La forme du ciel]
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[71154] In De
caelo, lib. |
[71154] Sur le De caelo, II, 5, 1. [286b10] Après que le philosophe a traité de léternité du ciel et de la diversité de ses parties, il traite ici de sa configuration. Et il montre premièrement que le ciel a une forme sphérique ; il montre deuxièmement que cette forme existe parfaitement en soi, ici : Ğ donc quil soit sphérique ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : il montre premièrement que le ciel a une forme sphérique, en tirant les raisons du ciel lui-même ; en tirant la seconde raison des corps inférieurs, ici : Ğ on tirera en tout cas ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses. Premièrement il expose ce qu'il se propose de faire : et il dit quil est nécessaire que le ciel ait une forme sphérique, d'une part parce que cette forme est tout à fait "appropriée", cest-à-dire convenable, au corps céleste, d'autre part parce quelle est la première des figures, à la fois "naturellement", comme ce qui est parfait est antérieur à ce qui ne l'est pas, et en "substance", cest-à-dire selon la raison, de même que lun est antérieur au multiple. Deuxièmement ici : Ğ disons universellement ğ, etc., il prouve la proposition. Et il montre premièrement que le ciel a une forme sphérique, à partir du fait que cette forme est la première de toutes ; deuxièmement à partir du fait quelle est celle qui convient le mieux au ciel, ici : Ğ en outre puisquil semble ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : il montre premièrement que la partie supérieure du ciel est dune forme sphérique ; il montre deuxièmement que les autres corps célestes inférieurs le sont aussi, dans ce passage : Ğ et donc continûment ceux-là ğ, etc. |
[71155] In De
caelo, lib. |
[71155] Sur le De caelo, II, 5, 2. Concernant le premier point il établit le raisonnement suivant. La première forme est due au premier corps ; mais parmi les formes corporelles la forme sphérique est la première ; donc le ciel, qui est le premier corps, est dune forme sphérique. Il prouve premièrement la mineure de ce raisonnement ; deuxièmement, après avoir établi la majeure, il en tire la conclusion, ici : Ğ or puisque la première ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses : il prouve premièrement que la forme sphérique est la première des formes corporelles, par des raisonnements ; deuxièmement par les opinions des autres, ici : Ğ en outre en divisant ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux choses. Il expose premièrement ce quil se propose de faire : et il dit quil faut dire universellement quelle est la première des figures, aussi bien "planes", cest-à-dire superficielles, que "solides", cest-à-dire corporelles. Or on appelle superficielle une figure qui forme une surface ; corporelle une figure qui forme un corps. |
[71156] In De
caelo, lib. |
[71156] Sur le De caelo, II, 5, 3. Deuxièmement ici : Ğ cest pourquoi toute ğ, etc., il prouve la proposition : et premièrement relativement aux figures superficielles ; deuxièmement relativement aux corporelles, ici : Ğ également la sphère aussi ğ, etc. Concernant le premier point, il établit deux raisonnements : le premier dentre eux est le suivant. Toute figure "plane", cest-à-dire superficielle, est soit rectiligne, comme le triangle et le carré, soit circulaire, comme le cercle même. Or toute figure rectiligne [286b15] est contenue par plusieurs lignes et non par une seule (car une seule ligne droite nest prolongée que dun côté, et la manière dêtre dune figure fait quelle est limitée de tous côtés) : mais la figure plane est circonscrite par une seule ligne, qui se prolonge de tout côté. Or dans chaque genre lun est antérieur au multiple, et le simple au composé. De ce fait, il résulte que parmi les figures superficielles la figure circulaire est la première. |
[71157] In De
caelo, lib. |
[71157] Sur le De caelo,
II, 5, 4. Il établit un deuxième raisonnement ici : Ğ en outre
si ğ, etc. On appelle parfaite la chose en dehors de laquelle on ne peut
rien trouver qui puisse lui convenir de même que l'on dit parfait l'homme à
qui rien de ce qui concerne lêtre humain ne manque : [286b20] et cette question a déjà été traité, aussi
bien dans le livre III de |
[71158] In De
caelo, lib. |
[71158] Sur le De caelo,
II, 5, 5. Ensuite quand il dit : Ğ également la sphère
aussi ğ, etc., il montre quelle est la première des figures corporelles.
Et il dit que la sphère est également la première des figures
"solides", cest-à-dire corporelles, puisque seule la figure
sphérique est contenue par une seule [286b25]
surface, qui entoure de tous côtés le corps sphérique ; or les figures
corporelles rectilignes sont contenues par plusieurs surfaces, comme le corps
cubique par six surfaces, et la pyramide par quatre triangles : la
sphère occupe le même rang parmi les "solides", c'est-à-dire les
figures corporelles, que le cercle parmi les superficielles. |
[71159] In De
caelo, lib. |
[71159] Sur le De caelo,
II, 5, 6. Ensuite quand il dit : Ğ en outre ceux qui
divisent ğ, etc., il démontre la proposition par les opinions d'autres
savants. Et il expose deux opinions. La première est l'opinion de ceux qui
ramènent les corps à des surfaces et qui engendrent les corps à partir des
surfaces. Puisque la figure sphérique est la seule, parmi les solides, quils
ne ramènent pas à plusieurs surfaces, étant donné quelle est contenue par
une seule surface [286b30] : or ils
ramènent les autres figures à plusieurs surfaces, comme la pyramide à quatre
surfaces triangulaires. Or une telle division des corps en surfaces ne se fait
pas de la même manière qu'un corps divisé en parties corporelles ; cest
ainsi, en effet, que la sphère est divisée elle aussi en ses parties :
mais c'est une division, pour ainsi dire, en ce qui diffère en espèce de ce
qui est divisé. Ainsi donc, il conclut quil est clair que la sphère est la
première des figures solides. |
[71160] In De
caelo, lib. |
[71160] Sur le De caelo,
II, 5, 7. Il expose la seconde opinion ici : Ğ or selon le nombre
aussi ğ, etc. Et il dit que certains ont attribué un ordre aux figures
selon lespèce des nombres, en adaptant les figures aux nombres. Et selon
cela il dit que le plus [286b35] rationnel est
de faire correspondre le cercle à lunité, parce que cest la première et la
plus simple des figures, et le triangle [287a1]
au nombre deux, parce que les angles du triangle équivalent à deux angles
droits. Or si on attribuait lunité au triangle, il sensuivrait que le
cercle, qui est naturellement antérieur au triangle, serait en dehors du
genre de la figure, si le triangle était la première des figures. |
[71161] In De
caelo, lib. |
[71161] Sur le De caelo, II, 5, 8. Ensuite quand il dit : Ğ or puisque la première ğ, etc., après avoir prouvé la mineure, il fait un syllogisme pour la proposition. Et il dit que, puisque la première figure est due au premier corps, comme le premier corps est celui qui est dans la circonférence extrême du monde entier, il sensuit quun tel corps, [287a5] qui est transporté circulairement, est lui aussi sphérique en soi. |
[71162] In De
caelo, lib. |
[71162] Sur le De caelo, II, 5, 9. Ensuite quand il
dit : Ğ et contigu à celui-là ğ, etc., il montre que même les
corps célestes inférieurs sont sphériques. Et il dit que, du fait que le
corps premier est sphérique, il sensuit que le corps suivant "qui lui
est contigu", cest-à-dire uni immédiatement à lui, est sphérique :
car ce corps sphérique qui est contigu, cest-à-dire uni immédiatement au
sphérique doit être aussi sphérique. Et c'est vrai si le corps premier est sphérique
non seulement selon sa convexité, mais aussi selon sa concavité : en
effet, comme la nature du premier corps est la même dans la concavité et la
convexité, il faut quil ait la même figure des deux côtés. Et le
raisonnement est le même pour les autres corps qui sont au milieu de ceux qui
sont contenus par ceux-là, à savoir quil faut quils soient sphériques. Car
les corps qui sont contenus par le corps sphérique et qui lui sont contigus
selon leur convexité sont nécessairement sphériques selon leur
convexité ; et par conséquent selon leur concavité, sils sont de la
même nature. Donc, comme les sphères des planètes inférieures sont contiguës
à la sphère supérieure, il sensuit que toute "translation",
cest-à-dire tout corps qui est transporté circulairement, a une figure
sphérique [287a10] : puisque tous les
corps des sphères célestes se touchent les uns les autres, et sont
"contigus", cest-à-dire unis immédiatement les uns aux autres. Et
il ny a pas de corps intermédiaire qui remplace les espaces vides des
sphères, comme certains lont établi : car il en résulterait que ces
corps sont oisifs, comme ils nont pas de mouvement circulaire. |
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Lectio 6 |
Leçon 6 [le ciel est sphérique arguments-]
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[71163] In De
caelo, lib. |
[71163] Sur le De caelo, II, 6, 1. Après que le philosophe a montré que le ciel a une forme sphérique, du fait que cette forme est la première de toutes, il montre ici la même chose du fait que cest celle qui convient le mieux au ciel. Et premièrement parce quelle est appropriée au ciel, étant donné quil contient universellement tous les corps ; deuxièmement parce que son mouvement est la mesure universelle de tous les mouvements, ici : Ğ en outre, si du moins ğ, etc. |
[71164] In De
caelo, lib. |
[71164] Sur le De caelo, II, 6, 2. Concernant le
premier point, il avance deux suppositions découvertes dans le passage
précédent. La première dentre elles est que le ciel se déplace
circulairement : en effet, cela est perçu par notre vue, et supposé par
les démonstrations du premier livre. La seconde supposition est tirée de ce
qui a été montré dans le premier livre, dans le chapitre sur lunicité du
monde, à savoir que, au-delà de la dernière circonférence de la sphère
suprême, il ny a ni vide, ni lieu. Et de ces suppositions il conclut
nécessairement que le corps du ciel est sphérique. En effet, sil nétait pas
sphérique, il faudrait soit quil ait une figure totalement rectiligne, soit
quil ait, du point de vue dune partie, une forme circulaire, qui natteigne
cependant pas la perfection de la sphère. Or si le corps du ciel était
vraiment rectiligne, par exemple cubique ou pyramidal, [287a15] il en résulterait quen dehors du ciel se
trouve un lieu, un corps et un vide. Il prouve cette conséquence à partir du
fait quun corps rectiligne, sil était en rotation, ne resterait pas dans le
même lieu, de toutes ses parties : bien au contraire, il sen suivrait
que là où se trouvait dabord une de ses parties, maintenant il ny a rien et
que, de nouveau, là où maintenant ne se trouve aucune de ses parties, il y
aura une de ses parties ; et cela en raison dune permutation des
angles. Car la figure rectiligne de nimporte quel corps doit avoir des
angles corporels dépassant toutes les autres parties, puisquune ligne tracée
du milieu dun tel corps est plus grande que la ligne tracée vers un point
dessiné sur sa surface plane ; et ainsi, quand, avec la rotation du
corps, la ligne limitée à langle sera parvenue à lendroit où était la ligne
tracée vers un autre point qui est entre les angles, elle recevra plus de
lieu, et ainsi il y aura un corps là il ny en avait pas auparavant ; et
la ligne qui suit immédiatement et qui parvient à langle ne pourra pas
occuper tout le lieu qui était occupé par langle, et cest pourquoi là où
maintenant il ny a pas de corps il y en avait un avant. Ainsi donc en dehors
du lieu où se trouve maintenant le ciel peut se trouver un corps,
cest-à-dire une partie du même ciel ; et par conséquent il y a ici un
lieu, qui est le réceptacle du corps ; et en conséquence il y a ici du
vide, qui nest quun lieu non rempli par le corps dont il est capable. |
[71165] In De
caelo, lib. |
[71165] Sur le De caelo,
II, 6, 3. Mais puisquil y a aussi certaines figures dépourvues dangles qui
ne sont pourtant pas sphériques, il montre la même chose par conséquent pour
les figures de ce genre. Et il dit que le même inconvénient sensuit si on
attribue au ciel une autre figure [287a20],
dont toutes les lignes tirées du milieu ne sont pas égales, ce qui est le
propre dune sphère. Et il dit que ces figures sont au nombre de deux, à
savoir la figure lenticulaire et lovale. En effet, dans la figure ovale, la
ligne qui représente la longueur, est plus grande que celle qui représente la
profondeur : car la figure ovale est pour ainsi dire formée de deux
pyramides rondes unies à leur base. Une figure lenticulaire est en quelque
sorte faite à la manière dune roue, dont la largeur est plus grande que la
grosseur. Pour toutes les figures de ce genre, en effet, il arrive dune
certaine manière quen dehors du dernier mouvement de la sphère suprême il y
ait un lieu et un vide, parce que le tout ne conserve pas toujours le même
emplacement dans toutes ses parties. Et cela se produit, si les pôles
au-dessus desquels tourne un corps dune figure ovale sont considérés à
partir de son plus petit diamètre : alors, en effet, il faut que les
plus grands diamètres soient en rotation, et, ainsi, un seul sommet déplacé
de lovoïde occupera un lieu où auparavant ne se trouvait aucune partie de
cet ovoïde. Or si la longueur de lovoïde était considérée dans son mouvement
comme un axe immobile, la révolution se ferait toujours selon les parties
circulaires, de telle sorte quune partie succéderait à une autre. Et, de la
même manière, il faut aussi limaginer pour la figure lenticulaire : et
ainsi il en est de même pour la colonne et pour nimporte quelle autre figure
de ce genre. De ce fait, il est clair que seule la forme sphérique est celle
qui, quelle que soit la partie dont part son mouvement, noccupe pas de
nouveau un lieu au moyen dune de ses parties, mais dont toujours une partie
succède à une autre. Cest la raison pour laquelle une telle figure est celle
qui convient le mieux au ciel. |
[71166] In De
caelo, lib. |
[71166] Sur le De caelo,
II, 6, 4. Ensuite quand il dit : Ğ en outre si ğ, il prouve la
même idée par un autre raisonnement, qui est tiré de la mesure des mouvements.
Et il établit premièrement cette supposition, à savoir que le mouvement du
ciel est la mesure de tous les mouvements, comme le dit le livre IV de |
[71167] In De
caelo, lib. |
[71167] Sur le De caelo, II, 6, 5. Ensuite quand il
dit : Ğ on prendra en tout cas ğ, il montre que le ciel a une
forme sphérique, en utilisant un raisonnement portant sur les corps
inférieurs. Et il expose premièrement ce raisonnement ; il prouve
deuxièmement ce quil avait supposé, ici : Ğ mais aussi parce que
la surface de leau ğ, etc. Il dit donc premièrement que lon peut
utiliser, pour montrer que le ciel est sphérique, les corps inférieurs, qui
entourent ensemble le milieu du monde. Leau, en effet, est autour de la
terre, bien quelle ne la recouvre pas de tout côté (en raison de la
nécessité de la génération et de la conservation de la vie, surtout des
animaux et des plantes), lair entoure leau et le feu entoure lair ;
et selon ce raisonnement les corps supérieurs entourent les inférieurs
jusquau ciel suprême. Car les corps de ce genre ne sont pas continus, de
façon à former un seul corps - puisquainsi aucun dentre eux ne serait
sphérique - mais un tout (car la partie dun corps continu nest pas formée
en acte) ; pourtant ces corps se touchent les uns les autres sans que
sinterpose un autre corps ou même le vide, comme Démocrite la établi ;
et cest ce quil a appelé continu ci-dessus. [287b1]
Or la surface dun de ces corps inférieurs est sphérique : ce qui
Ğ est continu ğ, cest-à-dire qui est joint sans interposition,
avec le corps sphérique qui le contient, ou bien aussi ce qui est déplacé
autour du corps sphérique contenu, est nécessairement sphérique. De ce fait,
on peut prouver en partant de linférieur pour remonter vers le ciel suprême
que le ciel est sphérique. |
[71168]
In De caelo, lib. |
[71168] Sur le De caelo,
II, 6, 6. Mais il semble que cette démonstration nait pas de nécessité. En
effet, si on concède que leau a une forme sphérique, il est manifeste grâce
à cela que lair a une forme sphérique relativement à sa concavité ; or
il ne faut pas, à ce quil paraît, que ce soit à propos de la convexité. À
cela Alexandre répond donc que cette démonstration prouve que les corps du
monde sont sphériques relativement à leur concavité, de même que dans le
raisonnement précédent qui avançait en partant du ciel suprême il était
prouvé que ces corps sont sphériques relativement à leur convexité : et
selon cela aucune de ces deux démonstrations ne tient sans lautre, mais une
seule démonstration est effectuée à partir des deux. Et il semble que ce soit
contre lintention dAristote, qui introduit ces démonstrations en les
divisant, comme si elles se suffisaient à elles-mêmes. Et cest pourquoi il
faut dire, comme Simplicius, que par cette démonstration on a suffisamment
prouvé que les corps du monde sont sphériques, non seulement du point de vue
de la concavité, mais aussi de la convexité. En effet, il apparaît que la
surface concave de lair est sphérique grâce au fait que la surface convexe
de leau est sphérique. Il est clair que la surface convexe de lair est
sphérique de la même manière que pour leau, à savoir que toutes ses parties
se rejoignent également au même point. Et ainsi il est évident que la surface
concave du feu est elle aussi sphérique. Or il est peut-être clair que la
surface convexe du feu est sphérique dune part puisquelle est continue avec
la sphère de |
[71169] In De
caelo, lib. |
[71169] Sur le De caelo, II, 6, 7. Ensuite quand il
dit : Ğ mais aussi que la surface de leau ğ, etc., il prouve
ce quil avait supposé, à savoir que la surface convexe [287b5] de leau est sphérique : car il le
montrera plus bas en ce qui concerne la terre. Pour le démontrer, il avance
deux suppositions. La première dentre elles est que, puisque leau est
naturellement lourde, elle afflue toujours naturellement vers ce qui est plus
concave, ou plus en bas. Lautre supposition est que ce qui est plus concave
et plus en bas, est plus près du centre du monde. Donc, après avoir supposé
cela, soit A le centre du monde, soient B et G deux points tracés sur la surface
de leau, à égale distance du centre, soient AB et AG deux lignes tracées.
Ensuite que les points B et G soient joints par une ligne BG ; cette
ligne est droite, si la surface supérieure de leau est plane. Quun point D
soit donc tracé sur la ligne BG, qui est la base du triangle, et quune ligne
AD soit tracée à partir du centre. Il est nécessaire que cette ligne soit
plus courte que chacune des deux lignes qui partent du centre : car si
elle était égale, alors les trois lignes seraient toutes égales en partant du
même point, et ainsi la ligne BDG, passant par leurs extrémités, serait
circulaire, comme il apparaît dans le livre III dEuclide ; cela est
contre à ce qui a été établi, à savoir que la ligne BG est droite. Donc,
après avoir supposé que la ligne AD est plus courte, il sensuivra que le
point D est moins éloigné du centre ; et ainsi ce lieu [287b10] sera plus profond, ou plus bas. Il sensuit
que, selon la supposition dont a parlé, leau qui est sur le point G et sur
le point B coulera en cercle jusquau point D, jusquà ce que ce lieu au
milieu soit au même niveau que les deux autres extrémités ; et soit AE
la ligne totalement au même niveau que les deux extrémités après lécoulement
de leau. Il faut que leau soit sur toutes les lignes égales qui partent du
centre : en effet leau est au repos seulement quand toutes les lignes
sont égales. Mais la ligne qui touche trois lignes égales partant du centre
est circulaire, comme il est prouvé dans le livre III dEuclide. Il en
résulte donc que la surface de leau, sur laquelle est tracée la ligne BEG,
est sphérique ; et cest quil voulait démontrer. |
[71170] In De
caelo, lib. |
[71170] Sur le De caelo, II, 6, 8. Ensuite quand il dit : Ğ donc quest sphérique ğ, etc., il conclut des prémisses quil est manifeste que [287b15] le monde est sphérique, dune part en raison du corps premier qui contient le monde entier, dautre part aussi en raison des autres corps contenus par lui. Or il y a chez nous des corps sphériques, qui nont pourtant pas une forme parfaitement sphérique, de même que le corps même de la terre, dit-on, est sphérique, alors quelle a cependant les grandes élévations des montagnes et les concavités des vallées. Aussi sur les corps artificiels qui sont sphériques chez nous se trouvent des gonflements et des creux, sans que cela empêche de dire que les objets de ce genre sont de forme sphérique, puisque les ajouts ou les suppressions de ce genre napparaissent pas, pour ainsi dire, à notre vue. Donc, de peur que lon croie que cela arrive aussi au corps céleste, il ajoute quil a été Ğ fait au tour avec précision ğ, cest-à-dire sans le moindre gonflement ni concavité, comme les corps qui sont faits au tour avec soin ; si bien que rien, aucun Ğ ceirovkmhton ğ, cest-à-dire objet fabriqué à la main, ne se compare au corps céleste quant à ce qui a été dit, ni même aucun autre corps naturel qui apparaît à nos yeux : puisque les constituants des corps de ce genre ne peuvent recevoir cette Ğ régularité ğ, cest-à-dire uniformité, par action de lart ou de la nature du corps inférieur, ni cette précision relative à la perfection de la forme sphérique, que le corps céleste a, lui qui est naturellement dune forme sphérique. Et il le prouve par la proportion des parties du monde entre elles. [287b20] Car il est manifeste que les éléments qui contiennent sont toujours distants des corps contenus suivant la même proportion dont leau dépasse la terre, et même encore plus. Or leau, qui contient la terre, na pas sur sa surface les renflements et les concavités de ce genre que la terre a, mais elle est plus régulière que la surface de la terre. Il faut pareillement que la surface de lair soit plus régulière que celle de leau. Il en résulte que la surface du corps céleste suprême est au plus haut point régulière, de telle façon quen lui il ny a absolument rien de plus petit, dajouté ou de soustrait. |
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Lectio
7 |
Leçon 7 [Le mouvement du ciel]
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[71171] In De
caelo, lib. |
[71171] Sur le De caelo,
II, 7, 1. Après que le philosophe a traité des parties du ciel et de sa
forme, il traite ici de son mouvement. Et il traite premièrement du mode de
son mouvement ; il traite deuxièmement de luniformité du mouvement
céleste, ici : Ğ de son mouvement ğ, etc. Concernant le
premier point il fait trois choses : il pose premièrement la
question ; il montre deuxièmement la difficulté quelle présente,
ici : Ğ donc peut-être ğ, etc. ; il propose troisièmement
la solution, ici : Ğ maintenant ce qui semble ğ, etc.
Concernant le premier point, il fait trois choses. Il avance premièrement
certains propos qui font naître le doute. Le premier dentre eux est quune
chose est susceptible de se déplacer sur un cercle de deux façons. En effet,
soit A un point marqué sur un cercle, et à partir duquel un diamètre est
tracé, soient B un point marqué sur le demi-cercle supérieur, et G un point
marqué sur le demi-cercle inférieur. Une chose peut donc se déplacer de deux
façons sur ce cercle : dune manière de A vers B, dune autre de A vers
G. Il propose aussi que ces deux mouvements ne soient pas contraires :
en effet, le premier livre a montré que deux mouvements circulaires ne sont
pas contraires. Car si ces mouvements étaient contraires, il faudrait quils
saccordent avec les natures des corps mobiles contraires, de telle façon que
lun dentre eux soit attribué à un seul corps mobile et lautre à son
contraire, puisque, comme on la dit ci-dessus, si lun des contraires est
dans la nature, il est nécessaire que lautre le soit. [287b25] |
[71172] In De
caelo, lib. |
[71172] Sur le De caelo,
II, 7, 2. Deuxièmement ici : Ğ mais si rien ğ, etc., il
soulève le problème. Car il est manifeste daprès les propos déjà tenus
quaux êtres éternels rien narrive de façon contingente ou fortuitement,
puisque ce qui est par hasard nest pas toujours, ni fréquemment non plus. Or
on a dit ci-dessus que le ciel est éternel, et aussi que son mouvement est
circulaire. De ce fait, on se demande raisonnablement pour quelle cause le
ciel se déplace vers telle partie et non telle autre, par exemple de lorient
vers lhémisphère supérieur et non vers linférieur. |
[71173] In De
caelo, lib. |
[71173] Sur le De caelo, II, 7, 3. Troisièmement ici : Ğ il est nécessaire en effet ğ, etc., il montre de quelle manière on doit présenter une cause de ce genre. En effet, dans le passage précédent il présente de deux façons la cause des accidents célestes. En effet, il montre premièrement quil faut quil y ait différents mouvements dans le ciel, pour quil y ait un principe de génération et de corruption. Il montre deuxièmement quil faut que la forme du ciel soit ronde, à partir du principe antérieur supposé, à savoir que la première forme est due au premier corps ; et ainsi la primauté du corps est le principe de la première forme. Et cest pourquoi il dit que, sil doit présenter la raison pour laquelle le ciel se déplace ainsi et non autrement, il est nécessaire de présenter une raison de ce genre, soit dans la mesure où un tel mode de déplacement est le principe de quelque effet, soit dans la mesure où il dépend dun principe antérieur. Or on peut le comprendre autrement. En effet, il avait dit que les êtres éternels ne peuvent être par hasard et quils nont pourtant pas tous une cause, mais quune chose éternelle est ce qui na pas de cause, mais qui est la cause première des autres. Donc, puisque de léternité du ciel et de son mouvement il avait conclu la question, qui le poussait à se demander pour quelle raison le mouvement du ciel va vers tel côté et non tel autre, de peur que cette question semble irrationnelle ou inutile, il ajoute quil est nécessaire que cela même qui fait que le ciel se déplace ainsi est le principe premier de tout (ce qui est impossible, puisque tout mouvement a une cause qui le déplace), ou bien il faut dire quil a un autre principe. Et ainsi sest-on rationnellement demandé pour quelle raison il se déplace vers ce côté-ci et non vers lautre. |
[71174] In De
caelo, lib. |
[71174] Sur le De caelo, II, 7, 4. Ensuite, quand il
dit : Ğ peut-être donc ğ, etc., il montre la difficulté que
représente cette question. Et il dit vouloir sexprimer avec précision sur
des sujets difficiles et secrets, en leur attribuant une cause, et faire des
recherches sur tous [287b30], sans rien
omettre, ce qui semblera peut-être le signe dune grande bêtise qui empêche
de distinguer les sujets faciles des difficiles, ou bien Ğ dun grand
empressement ğ, cest-à-dire dune grande présomption, qui empêche
lhomme de connaître la mesure de sa capacité à rechercher la vérité. Et,
bien que certains doivent être blâmés sur ce point, il nest pourtant pas
juste de faire des reproches à tous de la même manière, mais il faut prendre
en considération deux choses. Premièrement la cause qui pousse un homme à
parler de telles choses : cest-à-dire sil fait cela par amour de la
vérité, ou pour exhiber son savoir. Il faut deuxièmement considérer quelle
est son attitude par rapport à ce quil avance : sil en a une faible
certitude, selon la manière commune des hommes, ou sil en a une connaissance
plus ferme, cest-à-dire supérieure à la manière commune des hommes. Donc,
quand on peut parvenir à connaître les causes nécessaires avec plus de
certitude que la manière commune des hommes, [288a1]
il faut alors remercier ceux qui découvrent de telles nécessités, plutôt que
les en blâmer. |
[71175] In De
caelo, lib. |
[71175] Sur le De caelo,
II, 7, 5. Ensuite quand il dit : Ğ or maintenant quil
semble ğ, etc., il trouve une réponse à la question déjà posée. Et il
dit, si on doit remercier ceux qui découvrent des nécessités plus certaines,
il suffit maintenant de dire ce qui nous semble juste dans cette question,
bien que cela ne soit pas à ce point certain. Il dit donc que parmi ce qui
est susceptible de se produire la nature produit toujours le meilleur, parce
que déplacé et disposé par le principe premier, qui est lessence même de la
bonté. Or nous voyons que plus un mouvement local est digne, plus il savance
vers une partie plus digne ; car le mouvement reçoit son espèce de son
terme, de même que parmi les mouvements locaux droits le mouvement local qui
va vers un lieu supérieur est plus honorable et possède un corps plus noble
que le mouvement local qui va vers un lieu inférieur, étant donné que le lieu
qui est en haut est plus digne [288a5] que
celui qui est en bas. Et cest manifeste chez lhomme : car sa tête, qui
est en haut, est plus noble que ses pieds, qui sont en bas. Et, de la même
façon, la partie antérieure est plus digne que la postérieure, de même aussi
que la droite est plus digne que la gauche, comme on la dit ci-dessus, et
comme on le voit chez les animaux. Donc le problème posé que nous avons
soulevé à linstant atteste que dans le ciel il y a Ğ un antérieur et un
postérieur ğ, cest-à-dire un avant et un arrière, dont il na fait
nullement mention ci-dessus. Cette cause, en effet, à savoir la distinction
de lantérieur et du postérieur dans le ciel, résout le problème posé. Car si
le mouvement du ciel est le meilleur possible, [288a10]
comme on la dit, ce sera la cause de ce problème, puisque la meilleure des
choses est que le ciel se déplace avec un mouvement Ğ simple ğ,
cest-à-dire toujours en direction du même côté, et Ğ incessant ğ,
cest-à-dire sans phase dimmobilité, qui interviendrait nécessairement, sil
se déplaçait tantôt vers un côté, tantôt vers un autre ; et enfin la
meilleure des choses est quil se déplace vers le côté le plus honorable, or
la partie antérieure est la plus noble. Et cest pourquoi le ciel se déplace
de lorient vers son Ğ avant ğ, cest-à-dire vers lhémisphère
supérieur, et non vers linférieur, qui est Ğ larrière ğ du ciel. |
[71176] In De
caelo, lib. |
[71176] Sur le De caelo, II, 7, 6. Mais il semble quil présente ce raisonnement dune façon qui ne convient pas. En effet, ci-dessus il a présenté que ces côtés se distinguent dans le ciel selon le principe du mouvement, à savoir que le mouvement du ciel semble commencer dun côté et non dun autre ; ici il présente la raison pour laquelle le ciel se déplace ainsi et non autrement, à partir de la distinction des côtés du ciel ; et ainsi sa progression semble être circulaire. À cela il faut dire que la distinction des côtés du ciel est la cause pour laquelle le mouvement du ciel commence de ce côté-ci, non de lautre, et non inversement : mais le fait que le mouvement commence de ce côté-ci du ciel et non de lautre est le signe que les côtés du ciel sont distincts. Or la cause de la différence de ces parties est la puissance de lâme qui déplace le ciel ou de nimporte quelle substance intellectuelle, attribuée de différentes façons aux différents côtés du ciel. Rien nempêche, quand on se demande si une chose est, de la prouver par un signe ; pourtant, quand on sinterroge sur la cause pour laquelle une chose est, il faudra ramener le signe à la cause, de même que, si nous prouvions que le cur est mu par le mouvement de pulsation dune veine, et, si on se demandait quelle est la cause du mouvement de cette veine qui palpite, on dirait que cest pour mouvoir le cur. Et, de la même façon, Aristote a prouvé que les côtés se distinguent ainsi dans le ciel, parce que le mouvement commence à un côté déterminé, comme par signe ; et cependant il ramène le commencement du mouvement à la différence entre les côtés du ciel, comme à une cause. Or on distingue la partie antérieure et la partie postérieure dans le ciel, non pas naturellement, à savoir selon un côté déterminé du corps céleste, puisque le seul et même côté du corps céleste qui est maintenant dans lhémisphère supérieur sera ensuite dans lhémisphère inférieur, mais selon sa situation, comme on la dit ci-dessus aussi de la différence entre la droite et la gauche. |
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Lectio 8 |
Leçon 8 [Luniformité du mouvement du ciel]
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[71177]
In De caelo, lib. |
[71177] Sur le De caelo, II, 8, 1. Après que le philosophe a présenté la cause pour laquelle le ciel se déplace vers un côté et non vers lautre, il traite ici de luniformité du mouvement du ciel. Et il expose premièrement ce quil se propose de faire ; il prouve deuxièmement la proposition, ici : Ğ en effet, sil se déplace irrégulièrement ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses. Il propose premièrement ce quil se propose de faire : et il dit que, après les propos déjà tenus, Ğ il faut ğ en conséquence Ğ passer outre ğ, cest-à-dire parler brièvement, sur le mouvement du ciel, en montrant quil est Ğ régulier ğ, cest-à-dire quil a une vitesse toujours uniforme, et jamais irrégulière, au point de se déplacer tantôt plus vite, tantôt plus lentement. Et cela rationnellement : car ce mouvement est la règle et la mesure de tous les autres mouvements ; de ce fait, aucune irrégularité ou inégalité ne doit apparaître en lui. |
[71178] In De
caelo, lib. |
[71178] Sur le De caelo, II, 8, 2. Deuxièmement
ici : Ğ or je dis cela ğ, etc., il expose ce quil avait dit. [288a15] Et il dit quil cherche ici à parler du
Ğ premier ciel ğ, cest-à-dire de la sphère suprême, de la
Ğ première translation ğ, cest-à-dire du mouvement diurne qui fait
tourner la totalité du ciel, par le mouvement du premier mobile, de lorient
vers loccident. Pour cette raison il parle spécialement de ce mouvement,
puisque, en lui, il ny a dirrégularité ni selon la vérité, ni selon
lapparence. Mais Ğ pour ce qui est en dessous ğ, cest-à-dire pour
le mouvement des planètes, plusieurs mouvements saccordent déjà pour
déplacer un seul corps, soit suivant différentes sphères tournant en avant et
en arrière, comme le disaient les astronomes du temps dAristote, comme le
montre le livre XII de |
[71179] In De
caelo, lib. |
[71179] Sur le De caelo, II, 8, 3. Ensuite quand il dit : Ğ en effet, sil se déplace irrégulièrement ğ, etc., il prouve la proposition par quatre raisonnements. Le premier dentre eux est tiré de la forme même du mouvement circulaire, et procède ainsi. Si le premier ciel se déplaçait irrégulièrement, il faudrait manifestement quil y ait en lui une Ğ tension ğ, cest-à-dire une augmentation de la vitesse, une force, cest-à-dire une vitesse maximale, et une Ğ rémission ğ, cest-à-dire une diminution de la vitesse. En effet, tout mouvement irrégulier a ces trois caractéristiques, non quelles se trouvent dans nimporte quel mouvement irrégulier ou régulier, mais parce que dans nimporte quel mouvement se trouvent deux dentre elles, cest-à-dire la force et la tension, de même que dans le mouvement naturel des corps lourds et légers on trouve une tension et une force, puisquun tel mouvement saccroît toujours en vitesse jusquà sa fin, où il est le plus rapide ; or le mouvement de ces corps, qui est contre-nature, comporte force et rémission, puisquil est le plus rapide au début, et que sa vitesse diminue toujours, jusquà ce quenfin tout mouvement sépuise. Et ainsi le terme Ğ tout ğ est considéré collectivement pour ainsi dire, pour que lon comprenne que dans tous les mouvements irréguliers se trouvent ces trois choses, et non dans chacun dentre eux. |
[71180] In De
caelo, lib. |
[71180] Sur le De caelo, II, 8, 4. Ensuite il montre dans quelle partie du mouvement irrégulier se trouve la plus grande vitesse. Et il dit que la Ğ force ğ du mouvement, cest-à-dire sa vitesse maximale, [288a20] se trouve soit à lendroit Ğ doù il part ğ, cest-à-dire à la limite doù il part, soit à lendroit Ğ où il est porté ğ, cest-à-dire à la limite vers laquelle il va, soit au milieu, de même que pour les corps qui se déplacent naturellement par un mouvement droit la vitesse maximale se trouve à la limite où ils sont transportés, puisque le mouvement naturel augmente en sa fin, comme on la considéré dans le premier livre ; pour les êtres qui se déplacent contre-nature la vitesse maximale se trouve Ğ là doù ğ, cest-à-dire à la limite doù il part, puisque le mouvement violent accélère au début et se calme à la fin, comme on la dit dans le premier livre ; mais pour les projectiles la vitesse du mouvement atteint son maximum au milieu. |
[71181] In De
caelo, lib. |
[71181] Sur le De caelo,
II, 8, 5. On se demande ce que le philosophe appelle ici
Ğ projectiles ğ. En effet, tout ce qui est projeté se déplace soit
selon un mouvement naturel, comme lorsquune pierre est lancée en bas et
ainsi il semble que le mouvement accélère à la fin , soit violemment, comme
une pierre qui est lancée en haut, et ainsi son mouvement doit être le plus
intense au début , mais non au milieu. Or Simplicius dit que le philosophe
appelle ici Ğ projectiles ğ les corps des animaux qui sont déplacés
par leur âme non pas directement vers le haut, ni directement vers le bas,
mais en quelque sorte sur le côté, à la manière dune flèche et dautres
projectiles ; pour cette raison Aristote les appelle ici aussi
Ğ projectiles ğ. Or il est manifeste que dans les mouvements des
animaux la vitesse maximale nest atteinte ni au début, quand, dune certaine
manière, peu à peu, les animaux préparent leurs membres au mouvement, ni même
à la fin, quand leurs membres sont déjà fatigués, mais au milieu, quand ils
sont dans lélan même du mouvement. Mais cette explication semble être
obtenue par la force. De ce fait, Alexandre dit que le milieu ici doit être
entendu selon le lieu et non selon le temps. Car le mouvement dune flèche et
dautres objets projetés ainsi ne va ni vers le haut, ni vers le bas, mais
entre les deux ; et cest dans ce lieu intermédiaire que la vitesse maximale
de ces mouvements est atteinte. Or nous pouvons dire que, même en considérant
le milieu selon le temps pour eux, de tels projectiles se déplacent plus
rapidement au milieu. Car le mouvement de tels projectiles est causé par
limpulsion du milieu qui les entraîne, lui qui reçoit plus facilement le
choc du corps moteur que le corps lourd qui est lui-même projeté, comme le
montre le livre VIII de |
[71182]
In De caelo, lib. |
[71182] Sur le De caelo,
II, 8, 6. Ainsi donc il est manifeste que la vitesse de nimporte quel
mouvement irrégulier est à son maximum soit au début, soit au milieu, soit à
la fin. Mais il nest possible dappliquer ces trois caractéristiques au
mouvement circulaire dun corps céleste, ni du point de vue du temps, comme
il est éternel, [288a25] selon son opinion, ni
même du point de vue de la Ğ longueur ğ, cest-à-dire de la forme
du lieu, qui suit une ligne circulaire, qui est Ğ conduite ğ, en
revenant pour ainsi dire circulairement sur elle-même, et Ğ sans
brisure ğ, non divisée en acte, de telle sorte que son début et sa fin
peuvent être tracés ici en acte. Et ainsi dans la rotation du ciel on ne
trouve pas de Ğ force ğ, cest-à-dire de vitesse maximale, dans une
de ses parties, et par conséquent on ne trouve pas dirrégularité non plus,
laquelle est causée par laccélération et le ralentissement. |
[71183] In De
caelo, lib. |
[71183] Sur le De caelo,
II, 8, 7. Il présente le second raisonnement ici : Ğ en outre
puisque tout ğ, etc. ; il est mené à la fois à partir du moteur et
du mobile. En effet, il a été montré dans les livres VII et VIII de |
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Lectio
9 |
Leçon 9 [suite et preuves]
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[71184] In De
caelo, lib. |
[71184] Sur le De caelo, II, 9, 1. Il expose ici le troisième raisonnement, qui est tiré seulement du mobile. Et il dit que si le mouvement du ciel saccomplit irrégulièrement, les choses seront telles que tout le changement du ciel se fera de telle façon quil sera tantôt plus rapide, tantôt plus lent, ou bien que ce seront ses parties ; et Ğ tout le changement ğ désigne le mouvement de toute la sphère suprême, et Ğ les parties ğ du changement renvoient au mouvement des parties du ciel. Le fait que les parties de la sphère suprême ne se déplacent pas irrégulièrement, de telle façon quune partie du ciel se meut tantôt plus vite, tantôt plus lentement, montre par supposition que la sphère des étoiles fixes est la sphère suprême ; car on navait pas encore découvert à son époque que les étoiles fixes ont leur propre mouvement en dehors du mouvement diurne ; et pour cette raison il attribue le premier mouvement, à savoir le mouvement diurne, à la sphère des étoiles fixes, qui lui est propre pour ainsi dire, alors que les astronomes des temps postérieurs disent que la sphère des étoiles fixes a un certain mouvement qui lui est propre, au-dessus duquel ils placent une autre sphère, à laquelle ils attribuent le premier mouvement. Donc, après avoir supposé que la sphère des étoiles fixes est la sphère suprême, il prouve que ses parties ne se déplacent pas irrégulièrement. [288b10] Puisque si chacune de ses parties se déplaçaient tantôt plus vite, tantôt plus lentement, les étoiles fixes se trouveraient déjà depuis un long moment à une autre distance les unes des autres quauparavant, lune se déplaçant plus vite et lautre plus lentement. Mais cest le contraire qui apparaît, puisquelles se trouvent conserver la même configuration et être à la même distance à cette époque que lont découvert aussi les plus anciens observateurs. Donc il ny a pas dirrégularité dans le mouvement du premier ciel quant à ses parties. |
[71185] In De
caelo, lib. |
[71185] Sur le De caelo, II, 9, 2. Mais le changement du premier ciel ne se fait pas entièrement en passant de la vitesse au ralentissement. Car il est manifeste que le ralentissement du mouvement de nimporte quel mobile est causé par une impuissance, comme on voit que, de même que lon voit les corps des animaux sont fatigués, leur mouvement ralentit. Or toute impuissance et tout défaut est contre-nature, [288b15] comme il apparaît chez les animaux, pour lesquels la vieillesse, laffaiblissement et autres phénomènes de ce genre sont contre-nature. Et il faut comprendre cela quant à la nature particulière de chaque individu, laquelle est conservatrice, autant que faire se peut : de ce fait, il est contraire à son intention de manquer à la conservation. Or ce nest pas contraire à la nature universelle, qui cause non seulement la génération, mais aussi la corruption, et par conséquent les autres défauts qui tendent à la corruption, chez ces êtres inférieurs : or on appelle nature universelle la vertu active dans la cause universelle, par exemple dans un corps céleste. Cest pourquoi des défauts peuvent arriver aux animaux contre leur nature particulière, puisque toute la substance de lanimal est constituée de tels corps qui sont éloignés de leurs propres lieux : car le corps dun animal est composé de quatre éléments, dont aucun noccupe son propre lieu. Et puisque ce qui est contre-nature ne peut être éternel, comme le montre ce qui a été dit ci-dessus, il est nécessaire que la corruption et le défaut arrivent un jour aux animaux. Mais rien ne peut arriver contre-nature aux corps premiers, cest-à-dire célestes, puisquils sont simples, et non mélangés à différentes choses, [288b20], quils existent dans leur propre lieu et quils nont pas de contraire, comme le montre ce qui a été dit dans le premier livre. Et ainsi il ne peut y avoir dimpuissance en eux. Et cest pourquoi il ne peut y avoir en eux ni Ğ ralentissement ğ, cest-à-dire diminution de la vitesse, ni Ğ accélération ğ, par conséquent, cest-à-dire augmentation de la vitesse, puisque tous deux se suivent lun lautre ; en effet, de même que, lorsque le mouvement est lancé, il passe du ralentissement à laccélération, de même, quand il ralentit, il passe de laccélération au ralentissement. |
[71186] In De
caelo, lib. |
[71186] Sur le De caelo, II, 9, 3. Il présente le quatrième raisonnement ici : Ğ en outre il est aussi irrationnel ğ, etc., lequel est tiré du moteur et procède par division. Car si dans le mouvement du ciel il y a accélération et ralentissement, cela ne peut être que de trois manières : premièrement en accélérant toujours ou bien en ralentissant toujours ; deuxièmement tantôt en accélérant, tantôt en ralentissant, et cela de deux façons : dune part avec une accélération et un ralentissement entièrement simultanés, - après avoir supposé que le ciel se déplace pendant un temps infini, selon son opinion, il en résulte que son mouvement accélère dabord dans un temps infini et ralentit ensuite, ou inversement - ; dautre part tantôt en ralentissant, tantôt en accélérant, tour à tour. Mais chacune de ces représentations est impossible. Donc il est impossible quil y ait ralentissement et accélération dans le mouvement du ciel. Il montre donc premièrement quil est impossible quil accélère dabord pendant un temps infini et quil ralentisse ensuite pendant un temps infini, ou inversement ; il montre deuxièmement quil est impossible quil accélère toujours ou quil ralentisse toujours, ici : Ğ mais en outre ni ğ, etc. ; il montre troisièmement quil est impossible quil accélère et quil ralentisse tour à tour, ici : Ğ cest pourquoi il reste ğ, etc. |
[71187] In De
caelo, lib. |
[71187] Sur le De caelo,
II, 9, 4. Il dit donc premièrement quil est irrationnel que le moteur du
ciel soit puissant pendant un temps infini pour déplacer rapidement, et quil
soit de nouveau impuissant pendant un autre temps infini pour déplacer
lentement (car le ralentissement du mouvement est causé par limpuissance, et
laccélération par la puissance). Et il montre par deux moyens que cela même
est irrationnel. Premièrement puisque rien ne semble exister contre-nature
pendant un temps infini : car ce qui est selon la nature est toujours ou
en grande partie. Or limpuissance [288b25] est
contre-nature, comme on la considéré : donc il est impossible quune
chose soit impuissante pendant un temps infini. Deuxièmement puisque le temps
de ce qui est selon la nature et le temps de ce qui est contre-nature ne sont
pas égaux, étant donné que ce qui est contre-nature dure un bref instant, et
que ce qui est selon la nature dure un temps plus long ou bien toujours. Mais
la puissance dune chose est selon la nature, et son impuissance est
contre-nature. Donc il est impossible quune chose soit puissante et
impuissante pendant un temps égal, à savoir infini ; et par conséquent
il est impossible quun mouvement accélère pendant un temps infini et
ralentisse de nouveau pendant un temps infini. Mais si le mouvement du ciel
ralentit de la manière qui a été dite, il est nécessaire quil ralentisse
pendant un temps infini. Certains, cependant, qui ne comprennent pas
lintention dAristote, entendent cela pour ainsi dire simplement et
absolument, du fait quil ny a pas de raison pour laquelle il ralentisse
davantage à un moment quà un autre. Mais cela est contraire à lintention du
philosophe. |
[71188] In De
caelo, lib. |
[71188] Sur le De caelo,
II, 9, 5. Ensuite quand il dit : Ğ mais ni ğ, etc., il montre
quil est impossible que le mouvement du ciel accélère toujours ou bien
ralentisse toujours ; et cela pour deux raisons. La première dentre
elles est que laccélération et le ralentissement de nimporte quel mouvement
irrégulier cessent à la limite du mouvement même, de même que le mouvement
naturel accélère jusquà une limite et que, pareillement, le mouvement
violent ralentit jusquà une limite. Donc, si laccélération ou le
ralentissement du mouvement du ciel nest jamais limité, mais continue à
linfini, il sensuit que ce mouvement est infini et indéterminé. Et il est
évident que cest faux : car le livre VI de |
[71189] In De
caelo, lib. |
[71189] Sur le De caelo,
II, 9, 6. Il établit une seconde raison ici : Ğ en outre, si
on ğ, etc. Il dit quil est manifeste que cest impossible aussi, si on
concède quil a une durée minimale telle que le ciel nest pas susceptible de
se déplacer dans un temps plus court. En effet, nimporte quel mouvement ou
action a une durée déterminée, quil ne dépasse pas : car bien que le
temps soit divisible à linfini, il nest pourtant pas possible de jouer de
la cithare ou de se promener pendant nimporte quelle durée ; mais
nimporte quel acte a une durée minimale déterminée, quil ne dépasse pas en
vitesse, pour être accompli en un temps plus bref. De ce fait, il nest pas
possible non plus que le ciel se déplace pendant nimporte quelle durée, mais
il a une durée minimale déterminée. Il est donc clair que la rapidité de son
mouvement naccélère pas toujours, puisque, ainsi, sa rapidité franchirait
nimporte quelle durée minimale. Or si le mouvement du ciel ne peut pas
toujours accélérer, [289a1] il ne peut pas non
plus toujours ralentir pour une raison semblable, puisque la même raison
porte sur une chose et une autre : en effet, de même quune action a une
durée minimale, de même elle a aussi une durée maximale, pendant laquelle
elle est accomplie. |
[71190] In De
caelo, lib. |
[71190] Sur le De caelo,
II, 9, 7. Or on pourrait faire une objection au raisonnement précédent, en
disant que la rapidité du mouvement céleste saccroît toujours et que
pourtant elle ne dépasse jamais un temps minimal donné, si vraiment ce que
lon ajoute à la vitesse nest pas égal ou plus grand, mais toujours plus
petit, de même que le livre III de |
[71191] In De
caelo, lib. |
[71191] Sur le De caelo, II, 9, 8. Ensuite quand il dit : Ğ cest pourquoi il reste ğ, etc., il montre quil est impossible [289a5] que le mouvement saccélère et ralentisse tour à tour ; et cela pour deux raisons. Premièrement puisque cela semble profondément irrationnel et pareil à de la fiction : en effet on ne peut attribuer aucune raison à cette alternance. Deuxièmement puisquune telle diversité ne serait pas cachée dans le mouvement du ciel ; en effet, on se rend mieux compte des contraires juxtaposés ; et pourtant nous ne percevons rien de tel. Il résulte quil ny a aucune irrégularité dans le mouvement du ciel. Enfin, puisquil termine ici ses considérations sur la totalité du ciel, il conclut en disant quil y a seulement un ciel, quil est inengendré et éternel et quil se déplace [289a10] régulièrement. |
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Lectio 10 |
Leçon 10 [La nature des étoiles]
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[71192] In De
caelo, lib. |
[71192] Sur le De caelo, II, 10, 1. Après que le philosophe a traité du ciel, il traite ici des étoiles. Et il détermine premièrement la vérité ; il écarte deuxièmement certains doutes et les résout, ici : Ğ par deux hésitations ğ, etc. Concernant le premier point, il fait quatre choses : premièrement il traite de la nature des étoiles ; deuxièmement de leur mouvement, ici : Ğ puisquelles semblent ğ, etc. ; troisièmement de leur ordre, ici : Ğ à propos de leur ordre ğ, etc. ; quatrièmement de leur configuration, ici : Ğ la configuration de chacune ğ, etc. Concernant le premier point, il fait trois choses : premièrement il dit sur quoi porte son intention ; deuxièmement il montre la vérité, ici : Ğ le plus rationnel ğ, etc. ; troisièmement il exclut une objection, ici : Ğ or la chaleur par elles ğ, etc. Il dit donc premièrement que, après avoir traité du ciel tout entier, il est logique de dire, à propos de ce quon appelle les astres, Ğ de quels éléments ils sont constitués ğ, cest-à-dire quelle est leur nature, quelle configuration ils ont, et quels sont leurs mouvements. |
[71193] In De
caelo, lib. |
[71193] Sur le De caelo, II, 10, 2. Ensuite quand il dit : Ğ le plus rationnel ğ, etc., il montre de quelle nature sont les corps des étoiles. Et il expose premièrement ce quil recherche, disant quil est tout à fait rationnel détablir que chaque étoile est de la nature du corps sphérique [289a15] où elle se déplace, considéré en soi, parce que les lieux suivent les natures des corps ; de ce fait, il est rationnel que les étoiles appartiennent à la nature de la sphère où elles sont situées. Cest aussi la conséquence nécessaire de ce que nous avons dit ci-dessus. Car on a dit que le ciel a une nature différente des quatre éléments, étant donné quil a un mouvement naturel différent du mouvement des éléments, à savoir un mouvement circulaire ; donc comme les étoiles se déplacent circulairement à la manière des sphères célestes, il est logique que leur nature soit la même que les sphères célestes et quelle soit différente des quatre éléments. |
[71194] In De
caelo, lib. |
[71194] Sur le De caelo,
II, 10, 3. Mais sur ce point le problème semble être double. Le premier est
que les corps des étoiles semblent avoir une différence avec les corps des
sphères célestes, du fait quelles sont brillantes et quelles semblent plus
compactes ; et ainsi il semble quil y ait une opposition avec les corps
célestes. Or lopposition est cause de corruption. Donc il semble que les
corps célestes soient corruptibles selon leur nature, ce qui est contraire à
ce qui a été déterminé dans le premier livre. Et à cela il faut dire que
toute différence, à proprement parler, ne contient pas de principe
dopposition ; mais on recherche deux choses pour montrer que des corps
différents sont opposés. La première dentre elles est quils sont destinés à
être de quelque manière dans le même sujet, quil soit très proche ou
éloigné ; car la chaleur est contraire au froid, qui cependant nest pas
destiné à se trouver dans le feu, mais dans la matière du feu, qui est son
premier sujet. La deuxième porte sur le fait que des corps différents qui
sont opposés ne peuvent être en même temps, mais se repoussent mutuellement.
De ce fait, le blanc et le noir, dans la mesure où ils sont dans la matière,
sont des contraires qui se repoussent mutuellement ; cependant, quand
ils sont dans lintellect, ils ne contiennent pas dopposition, mais existent
en même temps ; bien au contraire, lun est connu grâce à lautre. Les
formes ou les qualités différentes qui semblent être chez les corps célestes
ne sont en aucune manière destinées à se trouver dans le même sujet, ni dans
le plus proche, ni dans le premier : en effet, le corps dune étoile
nest pas destiné à être ramené à la disposition de toutes les autres parties
de la sphère céleste, mais linverse nest pas vrai. De la même façon, il
faut aussi dire que les formes ou les qualités opposées qui se trouvent chez
les corps inférieurs se trouvent de quelque manière chez les corps célestes,
non certes de façon univoque, mais comme dans les causes universelles, par
une certaine ressemblance, de la manière dont les formes qui se trouvent
particulièrement dans la matière sensible se trouvent universellement dans
lintellect. Et cest pourquoi, de même quelles ne sont pas dans lintellect
sous le rapport de lopposition, de même elles ne le sont pas dans les corps
célestes. De ce fait, Platon lui aussi a dit que dans les corps célestes se
trouvent les excellences ou les grandeurs des éléments, en quelque sorte
leurs principes actifs primordiaux : car les corps célestes sont
comparés aux éléments, comme les principes actifs aux principes passifs. Et
cest pourquoi cela arrive au contraire aux corps célestes et élémentaires.
Car les corps élémentaires, plus ils sont assemblés en profondeur, plus ils
sont matériels et passifs, et moins ils ont de lumière, comme on le voit dans
la terre, qui domine aussi dans les corps mixtes : mais dans les corps
célestes, plus les éléments sassemblent en profondeur, plus la luminosité et
la vertu active se multiplient, comme on le voit dans les corps mêmes des
étoiles. Ainsi donc il est évident quune telle différence qui se manifeste
dans les corps célestes ne semble pas avoir de rapport dopposition. Il ne
sensuit pas quils soient susceptibles dêtre corrompus. Or cela
sensuivrait sil y avait ici une vraie opposition, comme Aristote la montré
dans le premier livre. |
[71195] In De
caelo, lib. |
[71195] Sur le De caelo,
II, 10, 4. Le second doute porte sur le fait que, puisque, dans le corps
céleste, une différence apparaît entre les étoiles et les autres parties des
sphères, il semble que ce ne soient pas des corps simples. Mais il faut dire
quelles sont appelées corps simples dans la mesure où elles ne sont pas
composées de natures opposées. Cependant en elles la différence porte sur la
nature de leur espèce, bien quelles saccordent dans la nature de leur
genre, tout comme elles saccordent dans le rapport commun du mouvement,
puisque toutes se déplacent circulairement. |
[71196] In De
caelo, lib. |
[71196] Sur le De caelo,
II, 10, 5. Deuxièmement ici : Ğ car de même que de feu ğ,
etc., il montre que cette idée est en accord, de quelque manière, avec les
propos des autres : disant que, de même que ceux qui déclarent que les
étoiles sont de feu, ils le disent parce quils pensent que le corps céleste
est un feu, comme sil était rationnel pour eux que chaque astre soit
constitué à partir de la nature des sphères dans lesquelles ils se
trouvent ; ainsi nous disons nous aussi que les étoiles sont dune
nature différente des quatre éléments, parce que nous avons prouvé ci-dessus
que les cieux sont tels. |
[71197] In De
caelo, lib. |
[71197] Sur le De caelo,
II, 10, 6. Ensuite quand il dit : Ğ or la chaleur par elles ğ,
etc., il rejette une objection : certains pensaient que les étoiles
étaient de la nature du feu, en argumentant ainsi. Le fait dêtre chaud et
lumineux semble être propre au feu ; mais les étoiles produisent de la
chaleur et de la lumière ; donc il semble quelles soient de la nature
du feu. Et concernant cela il fait trois choses : premièrement il
repousse cette objection par un exemple ; deuxièmement il montre la
différence entre cet exemple et la proposition, ici : Ğ celles-ci mêmes ğ,
etc. ; troisièmement il répond à une question tacite, ici :
Ğ et par celle-ci surtout ğ, etc. Il dit donc premièrement que la
chaleur [289a20] et la lumière sont engendrées
par les étoiles qui brisent ou frottent lair en se déplaçant, non parce quelles
sont de feu. Car nous voyons que le mouvement est fait pour brûler le bois,
les pierres et le fer : il est donc beaucoup plus rationnel que le corps
qui est plus proche du feu que les corps dont on a parlé puisse être brûlé
par le mouvement, puisque ceux qui sont plus proches de lui se métamorphosent
plus facilement. Or lair est plus proche du feu que les corps dont on a
parlé : lair peut donc être davantage brûlé à cause du mouvement que
les corps mentionnés. Et il établit un exemple concernant des flèches, qui,
lorsquune de leurs parties est en plomb, se réchauffent en raison dun
mouvement si violent que le plomb [289a25] se
liquéfie parfois. Et puisque les flèches elles-mêmes brûlent à cause du
mouvement, il est nécessaire que lair qui est autour des flèches brûle
beaucoup plus. Et il ne faut pas comprendre que lincandescence des flèches
est la cause de celle de lair, comme Simplicius la compris ; mais il
faut plutôt comprendre que lincandescence de lair due au mouvement est la
cause de celle des flèches, comme la exposé Alexandre. Car Aristote veut
prouver par un argument a minori
que si les flèches sont échauffées, il est nécessaire que lair qui se trouve
autour soit échauffé, lui qui est plus près du feu, comme on la dit
ci-dessus : ce nest pas un argument a
causa, comme Simplicius la compris. |
[71198] In De
caelo, lib. |
[71198] Sur le De caelo,
II, 10, 7. Ensuite quand il dit : Ğ ces flèches elles-mêmes ğ,
etc., il montre la différence entre lexemple introduit et la proposition. Et
il dit que les flèches elles-mêmes séchauffent parce quelles sont portées
dans lair, qui est brûlé sous leffet du mouvement en raison du
Ğ coup ğ, cest-à-dire en raison de la percussion et de la division
dont il souffre à cause de la flèche ; les flèches séchauffent donc au
contact de lair réchauffé. Mais cela narrive pas aux étoiles, puisque
chacune dentre elles nest pas transportée par lair, mais portée dans sa
propre sphère séparée de lair. Et cest pourquoi les étoiles elles-mêmes ne
brûlent ni ne séchauffent, dune part parce quelles sont loin de lair, qui
brûle du fait du mouvement, dautre part aussi parce quelles ne sont pas
sensibles à une impression étrangère. Mais lair [289a30]
qui se trouve sous la sphère du corps circulaire senflamme nécessairement à
cause du mouvement de cette sphère céleste, puisque sont déplacés par le
mouvement même de la sphère céleste non seulement le feu, mais aussi lair
(jusquà lair qui est contenu sous les montagnes), comme le montre le
mouvement des comètes, comme le dit le livre I des Météorologiques. |
[71199] In De
caelo, lib. |
[71199] Sur le De caelo,
II, 10, 8. Ensuite quand il dit : Ğ et principalement là ğ,
etc., il répond à une objection tacite. En effet, si lair inférieur est
brûlé par le mouvement de la sphère céleste, puisque cette dernière se
déplace continûment, il semble être logique que la chaleur de lair doive
toujours être égale, à savoir en été et en hiver, la nuit et le jour ;
or nous constatons le contraire. Mais il répond lui-même à cette objection
que lair est principalement brûlé par le mouvement de la sphère à laquelle
le Soleil est fixé ; et cest pourquoi la chaleur est engendrée par la
proximité du Soleil avec nous. Et cela de deux manières : dune part en
sélevant vers notre hémisphère supérieur par son lever ; dautre part
en parvenant au-dessus de nos têtes ; en effet, de même que la chaleur
est plus grande le jour que la nuit, de même elle est aussi plus forte à midi
que le matin. Enfin il conclut que lon a seulement dit des étoiles quelles
ne sont pas elles-mêmes de la nature du feu, et quelles ne sont pas
transportées dans un corps de feu, mais sous une sphère de feu dans les
sphères célestes. [289a35] |
[71200] In De
caelo, lib. |
[71200] Sur le De caelo,
II, 10, 9. Or une première question se pose : comme Aristote expose que
la chaleur et la lumière sont engendrées par le mouvement des étoiles, il
semble le montrer de façon insuffisante, comme il ne fait pas de
démonstration sur la lumière, mais seulement sur la chaleur. Et à cela
Alexandre répond quil réserve ce qui concerne la lumière au traité de lÂme, où il dit, dans le second
livre, que la lumière nest pas propre au feu, mais que cest quelque chose
quil a en commun avec le corps suprême. Mais comme Aristote dit ici que les
deux sont engendrées par le frottement de lair, mieux vaut dire quAristote
le prouve ici en montrant que les corps inférieurs brûlent à cause du
mouvement des étoiles ; or dans le feu se trouvent chaleur et lumière. |
[71201] In De caelo,
lib. |
[71201] Sur le De caelo,
II, 10, 10. Mais on peut encore se demander selon quelle nature le mouvement
est susceptible davoir la capacité de brûler ou de séchauffer. À cela
Averroès répond dans son commentaire quil est propre au chaud dêtre
mobile ; et cest pourquoi lorsquune chose se déplace en acte, elle se réchauffe
aussi en acte. Mais cela ne semble pas vrai. Premièrement puisque le
mouvement nest pas propre au chaud, mais à nimporte quel corps
naturel : car les corps qui se déplacent par un mouvement droit se
reposent dans leurs lieux propres, or ils se déplacent en étant en dehors de
leurs lieux ; or les corps célestes se déplacent circulairement dans
leurs lieux, eux qui ne sont ni chauds, ni froids. Deuxièmement ce qui est
après nest pas la cause de ce qui est avant : donc si le mouvement est
propre au chaud, la chaleur sera la cause du mouvement, plutôt que linverse.
Et cest pourquoi il faut dire que, comme le prouve le livre VIII de |
[71202] In De
caelo, lib. |
[71202] Sur le De caelo,
II, 10, 11. En allant plus loin, on se demande, vu que le Soleil ne touche
pas immédiatement ni lair, ni le feu, comment le mouvement du Soleil
transmet la chaleur à lair et au feu : en effet, les corps célestes
intermédiaires, à savoir les sphères de Vénus, de Mercure et de |
[71203] In De
caelo, lib. |
[71203] Sur le De caelo,
II, 10, 12. Si on y prête attention, tout ce qui a été dit est vrai de
quelque manière. En effet Aristote dit quĞ à la fois la chaleur et la
lumière sont engendrées par les étoiles, qui ont déplacé lair par
frottement ğ. Et il ne semble pas quil faille comprendre cela comme si
la chaleur et la lumière étaient engendrées par le frottement de lair causé
par le mouvement des corps célestes : en effet, il ne sagit pas ici de
la lumière du feu engendré par le mouvement, comme on le disait dabord, mais
de celle qui est causée par les étoiles elles-mêmes, dans la mesure où elles
sont des étants lumineux en acte. La cause de la chaleur engendrée chez les
corps inférieurs par les corps célestes est donc double : lune est le
mouvement, lautre est la lumière. Pour quelle raison la cause du mouvement
est celle du réchauffement, on la dit ci-dessus. Or il ne faut pas
comprendre que le frottement ou la friction mutuels du corps céleste et de
lair est la cause de la chaleur, mais que seul le mouvement de lair est
causé par le mouvement supérieur du corps céleste. Lair supérieur se
déplace, tout comme le feu, en suivant le mouvement diurne du ciel tout
entier, selon la puissance du Soleil et de la totalité des étoiles, comme le
dit Averroès. La seconde cause du réchauffement des corps inférieurs par les
astres, et principalement par le Soleil, est la lumière. Et cette dernière
possède la vertu de réchauffer dans la mesure où cest une qualité active du
premier corps qui altère, à savoir le ciel ; de ce fait, elle cause
directement la première qualité des corps inférieurs, qui est la chaleur. Et
puisque cette qualité, à savoir la lumière, est plus abondante dans le
Soleil, de là vient quelle est au plus haut point capable de réchauffer. Le
reste des corps célestes, dans la mesure où ils participent de la lumière,
qui est la vertu universelle active des corps célestes, a la vertu de
réchauffer, à tel point que même la lumière de |
[71204] In De
caelo, lib. |
[71204] Sur le De caelo, II, 10, 13. Or Alexandre
soulève ici la question : si les corps célestes frottent lair de leur
propre mouvement, il semble logique quils soient tangibles : et ainsi
il semble logique quils soient chauds et froids ; en effet ce sont les
premières qualités tangibles, comme le dit le livre II de |
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|
Lectio
11 |
Leçon 11 [le mouvement des étoiles]
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[71205] In De
caelo, lib. |
[71205] Sur le De caelo, II, 11, 1. Après que le philosophe a montré quelle est la nature des étoiles, il traite ici de leur mouvement. Et il montre premièrement comment les étoiles se déplacent ; il montre deuxièmement si un son est produit par leur mouvement, ici : Ğ il est manifeste daprès cela ğ, etc. Concernant le premier point, il montre que les étoiles ne se déplacent pas par elles-mêmes, mais quelles sont entraînées par le mouvement des cercles, pour trois raisons. La première dentre elles est tirée de la comparaison des étoiles avec les cercles. Dans ce raisonnement il fait une supposition à partir de ce qui apparaît selon les sens : car nous voyons à la fois les étoiles et le ciel tout entier se déplacer. Or il est nécessaire que cela arrive de trois manières : premièrement quand les deux sont immobiles, à savoir les étoiles et le cercle ; deuxièmement quand les deux se déplacent ; troisièmement quand lun est au repos et lautre se déplace. Après avoir établi cette distinction, il sattache à exposer les trois membres de proposition déjà mentionnés. |
[71206] In De
caelo, lib. |
[71206] Sur le De caelo, II, 11, 2. [289b10] Et il sattache dabord au premier, quand
il dit : Ğ donc les deux ğ, etc. Sur ce point il dit quil est
impossible de dire que les deux sont immobiles, à savoir les étoiles et le
cercle, si on suppose que la terre aussi est immobile : en effet on ne
pourrait pas sauver le mouvement apparent des étoiles, si à la fois
celles-ci, qui semblent se déplacer, et les hommes qui les voient étaient
immobiles. Car lapparition du mouvement est causée soit par le déplacement
de ce qui est visible, soit par celui de celui qui voit. Et cest pourquoi
certains, en établissant que les étoiles et le ciel tout entier sont
immobiles, ont établi que la terre dans laquelle nous habitons se déplace
doccident en orient autour des pôles de léquinoxe une fois par jour ;
et ainsi, à cause de notre mouvement, il nous semble que les étoiles se
déplacent dans le sens contraire ; on dit quHéraclite le Pontique et
Aristarque ont établi cela. [289b5] Or
Aristote suppose à présent que la terre est immobile, ce quil prouvera par
la suite. Il en résulte que, après avoir écarté le premier membre, où il
établissait que le ciel et les étoiles sont au repos, il vérifie le second
des deux autres, à savoir si les deux se déplacent, soit létoile et le cercle,
ou bien si lun se déplace et lautre est immobile. |
[71207] In De
caelo, lib. |
[71207] Sur le De caelo,
II, 11, 3. Ensuite quand il dit : Ğ donc si les deux se
déplacent ğ, etc., il ruine lautre membre, à savoir quaussi bien
létoile que le cercle se déplace. Et il dit que si les deux se déplacent, il
semble résulter une absurdité, à savoir que la rapidité de létoile et du
cercle qui la porte est la même. En effet, si les deux se déplacent, il faut
que la vélocité de chaque étoile soit égale à celle du cercle qui la
transporte : car les étoiles apparaissent en même temps que les cercles,
quand elles reviennent de nouveau là où elles avaient commencé à se déplacer.
Et cela apparaît clairement, si on parle des étoiles fixes, qui se trouvent
sur la troisième sphère. En effet, toutes les étoiles de ce genre semblent se
mouvoir en un seul mouvement en même temps que toute la sphère ; et
cest ainsi que létoile qui est sur le cercle de léquateur, qui est le plus
grand cercle et qui divise la sphère en son milieu, parcourt la totalité de
son grand cercle, pendant le même temps que met une autre étoile qui est sur
un cercle plus petit près de lautre pôle à parcourir son petit cercle. Et
ainsi, comme est plus rapide ce qui se déplace pendant une durée égale sur un
plus grand espace, comme le montre le livre VI de |
[71208] In De
caelo, lib. |
[71208] Sur le De caelo, II, 11, 4. [289b10] Ainsi donc après avoir montré quil arrive daprès la position déjà dite que les vitesses des astres et des cercles soient les mêmes, il montre que cest absurde, comme il lavait supposé, quand il dit : Ğ or ce nest pas ğ, etc. Et il avance quil nest pas logique que la proportion entre la vitesse des astres et la grandeur [289b15] des cercles soient la même, à savoir que plus lastre est rapide, plus il se déplace dans un grand cercle. Il montre deuxièmement quil nest pas inconvenant de le dire des cercles eux-mêmes. Bien plus il semble nécessaire que leurs vitesses soient en Ğ analogique ğ, cest-à-dire en proportion avec leurs grandeurs, puisque nous voyons ainsi chez tous les corps naturels que plus un corps est grand, plus il se déplace rapidement de son propre mouvement. Et ainsi, sil nest pas logique que la vitesse des étoiles soit proportionnelle à la grandeur des cercles, il est logique que la vitesse des cercles soit proportionnelle à leur propre grandeur ; par conséquent il est illogique que les vitesses des astres et des cercles soient égales. Il montre ainsi quil nest pas logique que le mouvement de nimporte quelle étoile soit proportionnel en vitesse à la grandeur de son cercle. Puisque cela arriverait ou bien par nécessité naturelle, ou bien par hasard. Or sil arrivait par nécessité naturelle que soit plus rapide une étoile qui se déplace sur un cercle plus grand, il sensuivrait que, si les étoiles étaient transposées sur dautres cercles, de telle sorte que létoile qui était avant sur un cercle plus grand soit ensuite placée sur un plus petit, létoile qui était dabord plus lente serait [289b20] plus rapide, et inversement. Et ainsi il semblera que les étoiles nauront pas de mouvement propre, mais quelles sont déplacées par des cercles ; de ce fait, létoile ne conserve pas une rapidité propre dans son mouvement, mais sa vélocité suit la grandeur seule du cercle. Or sil est dit quil arrive par hasard que létoile qui est sur un cercle plus grand se déplace plus vite, il le rejette de deux façons. Premièrement parce que si cela était dû au hasard, il ne serait pas logique de découvrir pour tous les cercles et étoiles que la dimension du cercle et la rapidité du mouvement de létoile saccroissent en même temps. Car il ne semblerait pas inconvenant que cela arrive dans un ou deux cas ; [289b25] mais que cela arrive dans tous les cas et par hasard semble être quelque chose dartificiel ; en effet ce qui est dû au hasard nest pas identique pour tout ou pour un grand nombre de choses, mais seulement pour un petit nombre. Il montre deuxièmement quil nest pas possible que ce soit par hasard, parce que le hasard narrive pas à ce qui est causé par la nature, mais ce qui arrive par hasard est contraire à lordre de la nature. De ce fait, ce qui est dû au hasard ou à la fortune ne se produit pas de la même manière pour tous les corps. Donc comme rien nest contre-nature dans les mouvements des corps célestes, comme on la dit ci-dessus, il nest pas possible que ce qui a été dit arrive par hasard. Et ainsi il est évident quil nest pas vrai que le cercle et létoile se déplacent en même temps et à vitesse égale. Une autre raison peut être aussi avancée pour rejeter cela : puisque, comme Alexandre le dit, il sensuivrait que lautre mouvement serait superflu, ce qui narrive pas à ce qui est naturel. |
[71209] In De
caelo, lib. |
[71209] Sur le De caelo, II, 11, 5. Ensuite quand il dit : Ğ mais en outre ğ, etc., il sinterroge sur le troisième membre. Et il montre premièrement quil nest pas possible que létoile se déplace et que le cercle soit immobile. Et il dit que si lon affirme que les cercles demeurent au même endroit et que les étoiles se déplacent, les mêmes illogismes sensuivent que précédemment. Car il arriverait que létoile qui est Ğ à lextérieur ğ se déplace plus vite. Et si nous rapportons cela aux étoiles fixes, on appellera extérieure létoile qui est en dehors des pôles, plus proche de léquateur ; or si nous le rapportons aux planètes, on appellera extérieure létoile qui est sur le cercle qui la contient (car le contenu est au-dessous du contenant) ; car des deux manières le cercle qui est à lextérieur est plus grand. [289b30] Et ainsi il résultera que les vitesses des étoiles sont proportionnelles à la grandeur des cercles, ce qui a été rejeté auparavant. |
[71210] In De
caelo, lib. |
[71210] Sur le De caelo, II, 11, 6. Deuxièmement
quand il dit : Ğ puisque donc ğ, etc., il vérifie le dernier
membre de la division, disant que, puisquil nest pas logique que les deux,
cest-à-dire aussi bien létoile que le cercle, se déplacent, et quil nest
pas non plus logique que seule létoile se déplace, il reste que les
Ğ cercles ğ, cest-à-dire les sphères, se déplacent, mais que les
astres sont deux-mêmes immobiles, comme sils ne se déplaçaient pas en soi,
mais quils se meuvent en suivant le mouvement des sphères auxquelles ils
sont fixés ou en nétant pas dune autre nature, comme un clou de fer enfoncé
dans une roue en bois, mais de la même nature, même si létoile est la plus
noble partie de la sphère, où se rassemblent la lumière et la puissance
active. Et il est logique de le dire, puisque rien dabsurde ne sensuit une
fois que cela a été établi. Car premièrement il nest pas illogique que la
vitesse dun plus grand cercle soit plus grande [289b35]
parmi des cercles pourtant placés ensemble autour du même centre. Et si
Ğ centre ğ est entendu ici au sens propre, il faut le rapporter aux
différents cercles des planètes, qui, selon la thèse dAristote, sont tous
autour du même centre, qui est la terre : car les astronomes de son
temps ne les établissaient ni excentriques, ni épicycles. Or on ne peut pas
rapporter cela aux différents cercles que décrivent les étoiles fixes dans
leur mouvement : car tous ces cercles nont pas le même centre. Mais si
nous voulons lappliquer aux étoiles fixes, il faut que le pôle soit désigné
ici par le nom de centre, parce que le pôle se trouve dune certaine manière
sur la surface sphérique dans la même relation par rapport au cercle que le
centre par rapport au cercle sur une surface plane. Or comme, sur la même
sphère, différents cercles sont tracés autour des mêmes pôles, plus un cercle
est petit et dun mouvement lent, plus il est proche du pôle, de même que
parmi des cercles placés les uns sous les autres plus un cercle est petit et
lent, plus il est proche du centre. De ce fait, le centre et le pôle sont
indivisibles et totalement immobiles. Cest pourquoi il a dit que cest
logique, puisque même chez les autres corps, qui se déplacent suivant un
mouvement droit, plus un corps est grand, plus il se déplace rapidement de
son propre mouvement naturel, de même quune plus grande partie de la terre
se déplace plus rapidement vers le bas (cest le contraire dans un mouvement
violent, où plus un corps est grand, plus il se déplace lentement). De ce
fait même chez les corps qui se déplacent circulairement, comme leur
mouvement est naturel, [290a1] il est logique
que plus un cercle est grand, plus il se déplace rapidement. Et il est
évident que le mouvement dun cercle plus grand est plus rapide du fait que,
si deux lignes droites sont tracées à partir du centre en passant par tous
les cercles jusquau dernier, la partie qui est coupée par ces deux droites
sera plus grande dans un cercle plus grand, et plus petite dans un cercle
plus petit. Et le raisonnement est le même si deux lignes circulaires sont
tracées à partir du pôle en passant par tous les cercles jusquau plus grand
dentre eux. Donc, comme lune des lignes circulaires déjà mentionnées
parvient tout entière là où il y en avait une autre, il est manifeste que
dans un plus grand cercle [290a5] elle
parcourra une plus grande section pendant la même durée ; et cest ce
quon appelle se déplacer plus rapidement, comme le dit le livre VI de |
[71211] In De
caelo, lib. |
[71211] Sur le De caelo, II, 11, 7. Deuxièmement linconvénient que le ciel Ğ soit déchiré ğ, cest-à-dire divisé, narrivera pas ; ce sera le cas si les étoiles se déplacent et que les cercles sont au repos, et principalement parce quon la montré que le ciel tout entier est continu, de telle façon que la sphère inférieure touche la sphère supérieure dans sa totalité. Donc si les cercles étaient immobiles et que les étoiles se déplaçaient, si du moins les étoiles sétaient déployées dans les corps des sphères, il sensuivrait quelles diviseraient ou détruiraient la substance même des sphères par leur mouvement. Or si elles se déplaçaient sur la surface de la sphère supérieure, il faudrait que la sphère inférieure soit divisée par le mouvement de létoile ou bien quil y ait un espace intermédiaire entre les deux sphères, selon la quantité de létoile : et il faudrait que cet espace soit vide ou bien rempli par un autre corps passif, qui serait détruit à la manière de lair ou de leau par le mouvement du corps qui le traverserait ; or rien de ces deux hypothèses nest possible. Mais tous ces inconvénients sont évités, si nous établissons que les étoiles ne se déplacent pas delles-mêmes, mais seulement grâce au mouvement des cercles. Or lexposé qui a été dit convient aussi bien aux étoiles fixes quaux planètes. Mais on peut faire une autre présentation dans la mesure où il se réfère seulement aux étoiles fixes. En effet puisquil avait prouvé que le mouvement dun cercle plus grand est plus rapide, par la quantité de parties divisées par deux lignes partant du centre ou du pôle, il le prouve par un autre raisonnement : puisque, à moins quun cercle plus grand se déplace plus rapidement dans la sphère des étoiles fixes, il sensuivrait que la sphère des étoiles ne serait pas entièrement continue, mais quelle serait divisée en parties ; comme létoile qui se trouve sur un cercle plus petit, si elle avait un mouvement aussi rapide, il faudrait quelle parcoure son cercle pendant un temps plus bref ; car ce qui traverse un espace plus petit pendant un temps plus bref est dune constitution aussi rapide. |
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Lectio 12 |
Leçon 12 [Le mouvement des étoiles est un cercle arguments-]
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[71212] In De caelo, lib. |
[71212] Sur le De caelo, II, 12, 1. Après avoir avancé un premier raisonnement pour démontrer que les astres se déplacent par le mouvement des cercles, raisonnement qui est tiré dune comparaison des étoiles avec les cercles ou orbes, il établit ici un deuxième raisonnement, qui est tiré de la forme des étoiles : le voici. Les étoiles ont une forme sphérique ; de ce fait si elles se déplaçaient, il faudrait quelles le fassent par un mouvement propre au corps sphérique, mouvement qui est double, à savoir la révolution et la rotation ; or les étoiles ne se déplacent suivant aucun de ces deux mouvements ; donc elles ne se meuvent pas delles-mêmes, mais ce que montre leur mouvement est quelles se déplacent selon le mouvement des cercles. |
[71213] In De caelo, lib. |
[71213] Sur le De caelo, II, 12, 2. Il avance donc premièrement que les étoiles ont une forme sphérique ; et il le prouve de deux façons. Dune part puisque tous les autres disent que les étoiles sont sphériques ; et ainsi cela doit être considéré comme probable. Dautre part daprès un raisonnement qui est tiré déléments prédéterminés. Car on a dit que les étoiles sont faites de la nature des corps célestes : de ce fait, il faut avouer quelles ont la même forme que le ciel. Or il a été montré ci-dessus que le ciel a une forme sphérique : en conséquence, il faut que les étoiles soient de forme sphérique. |
[71214] In De caelo, lib. |
[71214] Sur le De caelo, II, 12, 3. Ensuite il montre
la différence des mouvements circulaires qui sont propres au corps sphérique.
Et il dit quil y a deux mouvements de corps sphérique qui lui conviennent
Ğ en soi ğ, cest-à-dire sous le rapport de sa propre forme, [290a10] cest-à-dire la révolution et la rotation.
Or ces deux mouvements diffèrent selon leur axe et leurs pôles, au-dessus
desquels le corps sphérique se déplace, à ce que lon comprend ; et cela
en comparaison avec nous. En effet, si on comprend que le corps de létoile
se déplace au-dessus des deux pôles, dont lun est sur la surface qui est de
notre côté, et lautre sur la surface opposée, de telle façon que nous
comprenons que laxe est la ligne qui traverse la profondeur de létoile,
ainsi létoile se meut-elle par un mouvement de rotation, conservant la même
surface de notre côté, de la manière dont se déplace une meule de moulin. Or
si lon comprend que le corps de létoile se déplace au-dessus des deux
pôles, dont lun et lautre sont pris dans nimporte quelle partie qui les
relie au corps de la sphère, ainsi il ne conservera pas toujours la même
surface de notre côté dans son mouvement ; et il y aura un mouvement de
révolution. Donc puisque ces deux mouvements sont propres au corps sphérique,
il faut que, si les étoiles se déplacent par elles-mêmes, elles se meuvent
par lautre de ces mouvements. |
[71215] In De
caelo, lib. |
[71215] Sur le De caelo,
II, 12, 4. Ensuite il montre que le mouvement que lon voit en elles nest
causé par aucun de ces deux mouvements. Et il montre premièrement que le
mouvement que lon voit chez les étoiles nest pas un mouvement de
rotation : et il le prouve par deux raisonnements. Premièrement parce
que, si le corps des étoiles se déplaçait par un mouvement de rotation, il faudrait
que, bien que les parties de létoile changent de lieu en sujet, létoile
tout entière reste cependant au même endroit en sujet, lieu qui change
seulement en raison, comme le montre ce qui est prouvé dans le livre VI de |
[71216] In De
caelo, lib. |
[71216] Sur le De caelo,
II, 12, 5. Or on doit considérer à propos de ce qui est dit ici que le
philosophe dit ici que notre vue tremble quand elle est tendue très longtemps
en regardant les étoiles fixes, non parce que la vue est produite en
projetant vers lextérieur, ce quil condamne dans son livre sur la
perception et le perçu, mais parce que dans une chose de ce genre le
raisonnement est le même, que la vue soit produite en projetant vers
lextérieur ou bien en recevant à lintérieur. Car la vue se prépare à voir
une chose au loin, non seulement si elle doit envoyer un rayon visuel
jusquau corps distant, mais aussi si elle doit recevoir une espèce provenant
du corps distant, puisque limpression produite par un corps distant est plus
faible, et cest pourquoi il est plus difficile de la sentir. Il se sert
dune expression quand il dit que la vue est produite par projection vers
lextérieur, puisque les mathématiciens font ainsi dans leurs démonstrations
et que plusieurs parlent ainsi ; or il faut utiliser les noms comme
plusieurs le font, comme il le dit lui-même dans le livre II des Topiques. |
[71217] In De
caelo, lib. |
[71217] Sur le De caelo,
II, 12, 6. Il faut également considérer quil appelle certaines étoiles fixes
ou permanentes, non parce quelles ne se déplacent absolument pas selon le
mouvement de leur sphère, comme les planètes, qui sont appelées errantes,
mais parce quelles conservent toujours la même distance et configuration
entre elles, ce qui nest pas le cas des planètes. De même il faut comprendre
quil dit que les planètes ne scintillent pas, comme Simplicius, de même que
chez plusieurs auteurs : car Mercure scintille, si bien quil est appelé
Stilbon en grec du fait quil scintille. Le Soleil aussi scintille et semble
effectuer une rotation. Mais la scintillation est vue parce que la vue ne
peut pas appréhender parfaitement la chose vue : cela concerne les
étoiles fixes en raison de leur distance, mais le Soleil à cause de la
supériorité de sa clarté. Or la rotation apparaît du fait que la chose vue
est capable de modifier la vue étant donné que, une fois que le souffle
visible a fait une rotation, le Soleil aussi semble le faire. Et de là vient
que le Soleil semble surtout tourner autour au lever et au coucher, quand
notre vue peut davantage se fixer sur lui, puisque la puissance de sa clarté
nest pas aussi forte, en raison des vapeurs terrestres : or comme il
sest levé, à cause de la supériorité de sa clarté, lil ne peut se fixer
sur lui, ce qui suffit à donner lapparence de la rotation, mais il le voit
scintiller. Or Alexandre dit que pour cette raison le Soleil semble tourner à
son lever et à son coucher, puisque lon perçoit son double mouvement, à
savoir le diurne et son mouvement propre, en comparaison de limmobilité de
la terre. Mais il nest pas vraisemblable que le mouvement du Soleil,
principalement du fait quil se déplace de son propre mouvement, puisse être
perçu dans une aussi brève durée, alors quil est à peine senti même pendant
de nombreux jours. Aristote dit aussi à la lettre que cette rotation apparaît
non en raison du Soleil lui-même, mais à cause de léloignement de notre vue. |
[71218] In De
caelo, lib. |
[71218] Sur le De caelo,
II, 12, 7. Et il faut savoir que Platon a établi que les étoiles, parce
quelles sont déplacées par le mouvement des cercles, le sont par un
mouvement de rotation. Simplicius sefforce de montrer que cest vrai de
multiples façons. Premièrement parce que, comme les étoiles sont des corps
naturels, il faut quelles aient un mouvement naturel ; et puisquelles
sont de la nature du ciel, il faut quelles se déplacent delles-mêmes
suivant un mouvement circulaire, qui est la rotation. Deuxièmement puisque
les étoiles, selon plusieurs savants, sont des corps animés, et ainsi il faut
quelles se déplacent par elles-mêmes : et bien quelles fassent de
quelque manière partie des cercles, elles tirent cependant delles-mêmes leur
propre intégrité et rotation. Troisièmement puisque, comme la forme sphérique
est la plus apte au mouvement circulaire, de même quelle est la moins apte
aux autres mouvements, il semble que les étoiles se déplacent circulairement
delles-mêmes par un mouvement de rotation. Et selon cela Platon a établi que
les étoiles fixes suivent deux mouvements, à savoir le mouvement de rotation
venant delles-mêmes, le mouvement du cercle (puisquelles semblent se
déplacer dorient en occident). Or les étoiles errantes se déplacent selon
lui de trois mouvements, à savoir du mouvement de rotation, du mouvement de
leur propre cercle, et du mouvement du cercle suprême, qui est le mouvement
diurne. Simplicius dit aussi quAristote ne cherche pas à condamner cette
position. Car il ne montre pas que les étoiles effectuent nullement une
rotation, mais que ce mouvement qui apparaît sensiblement dans les étoiles
nest pas une rotation, puisque ce qui fait une rotation demeure au même
endroit dans sa totalité, mais que les étoiles, selon le mouvement quon les
voit faire, ne demeurent pas au même endroit. Et puisque lon voit plus
clairement le Soleil faire une rotation au lever et au coucher, pour cette
raison il montre que ce qui apparaît en lui du mouvement de ce genre nest
pas dû à lui-même, mais à ce que subit notre vue. Mais puisquAristote se
proposait de ne pas leur retirer ce qui apparaît à notre sens, étant donné
quune telle rotation napparaît pas sensiblement chez les étoiles, pour
cette raison il na pas affirmé que ce mouvement se trouve dans les étoiles,
bien quil ne lait pas condamné directement. En même temps aussi, puisque
les mouvements des corps célestes causent ceux des corps inférieurs, dans la
mesure où ils sapprochent ou séloignent de nous ; or si les étoiles de
ce genre font une rotation des étoiles, on ne découvre aucun effet sur ces
corps inférieurs, et les étoiles ne sapprochent ni ne séloignent de nous
suivant ce mouvement. Et cest pourquoi Aristote ne sest pas soucié
dattribuer ce mouvement aux étoiles. |
[71219] In De
caelo, lib. |
[71219] Sur le De caelo,
II, 12, 8. Ensuite [290a25] il montre que les
étoiles ne sont pas déplacées par un mouvement de révolution. Car ce qui
roule tourne nécessairement, de telle sorte que ce nest pas la même surface
qui apparaît. Mais nous voyons que dans lun des astres, à savoir dans |
[71220] In De
caelo, lib. |
[71220] Sur le De caelo, II, 12, 9. Or il faut
considérer que la différence qui apparaît à la surface de |
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Lectio
13 |
Leçon 13 [Arguments, suite]
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[71221] In De caelo, lib. |
[71221] Sur le De caelo, II, 13, 1. Après avoir avancé deux raisonnements pour montrer que les corps des étoiles ne se déplacent pas deux-mêmes, mais quils sont portés par le mouvement de cercles ou de sphères, il établit ici dans le même but un troisième raisonnement, qui est tiré de la forme des étoiles. Et il dit que si les étoiles se déplaçaient dans un mouvement de progression, comme si elles parcouraient leurs cercles, [290a30] il semblerait illogique que la nature ne leur ait pas donné dorganes convenant au mouvement local. Car la nature ne crée pas ses effets au hasard : et il observe cela principalement dans les effets les plus nobles. Et cest pourquoi il nest pas logique que la nature se soit souciée des animaux terrestres, leur attribuant des organes convenant au mouvement de progression, et quelle ait si méprisé les corps précieux, à savoir les étoiles, quelle ne leur a pas donné dorganes aptes au mouvement de progression. Mais cest presque avec empressement que la nature semble avoir fait en sorte que les étoiles ne se déplacent pas delles-mêmes, puisquelle leur a refusé tous les organes qui leur permettraient de se déplacer delles-mêmes dans un mouvement de progression : et aussi, qui plus est, puisque les étoiles sont au plus haut point éloignées de la forme des animaux [290a35] qui ont des organes aptes au mouvement de progression. Car plus les animaux de ce genre sont parfaits, plus grande est la diversité de leurs parties ; or, les étoiles ont une très grande uniformité de tous côtés, étant donné quelles ont une forme sphérique. |
[71222] In De
caelo, lib. |
[71222] Sur le De caelo, II, 13, 2. Et cest pourquoi
il semble avoir été logiquement fait en sorte que [290b1]
le ciel aussi soit tout entier sphérique, tout comme chaque étoile. Car la
forme sphérique semble être le plus utile au mouvement circulaire, où un
corps sphérique se déplace Ğ de lui-même ğ, cest-à-dire sans
changer de lieu dans sa totalité, si ce nest suivant la raison, mais
seulement par ses parties, comme le prouve le livre VI de |
[71223] In De
caelo, lib. |
[71223] Sur le De caelo,
II, 13, 3. Une question peut se poser ici, comme les corps des sphères ne
sont par perçus par la vue, étant donné quils sont diaphanes, et que lon
peut dire que les étoiles se déplacent quasiment dans lair, cest pourquoi
Aristote a omis de rechercher cela. Mais il faut dire quil apparaît pour de
multiples raisons, daprès ce quAristote enseigne, quil y a dans le ciel
non seulement les corps distincts des étoiles, mais aussi ceux des sphères.
Premièrement du fait même quil montre que les étoiles ne se déplacent pas
delles-mêmes suivant le mouvement quon les voit faire. Deuxièmement daprès
le raisonnement quil avait annoncé au préalable, à savoir quil ny a pas de
raison pour quune étoile qui parcourt un cercle plus grand se déplace plus
vite : pourtant il y a une raison à cela une fois le mouvement des
cercles supposé, puisquun cercle plus grand se déplace logiquement de son
propre mouvement. Troisièmement puisquAristote a prouvé au début de ce livre
quil y a un corps qui se déplace circulairement : or le mouvement de
létoile, si elle se déplaçait sans cercle, serait de progression, et non circulaire,
puisquelle ne déplacerait pas au même endroit. Quatrièmement il apparaît que
lespace dans lequel les étoiles se déplacent ne peut être vide, puisquil
est impossible quil y ait du vide dans la nature, comme il est prouvé dans
le livre IV de |
[71224] In De
caelo, lib. |
[71224] Sur le De caelo, II, 13, 4. Or il faut considérer que, comme Aristote dit quil nest pas logique que la nature se soit souciée des animaux et quelle ait négligé des corps aussi précieux, il nappelle pas les étoiles des animaux. Puisque, comme Alexandre le dit, il a défini lanimal comme sensitif ; or chez les corps célestes, sils sont animés, il ny a pas de vertu dâme sensitive, comme il ny en a pas non plus de nutritive ; de ce fait ils ne sont pas qualifiés danimaux si ce nest de façon équivoque, du fait quils ont une âme intellective. Mais Simplicius sefforce de rejeter cela dans son commentaire : puisque tout ce qui est honorable doit être attribué aux corps célestes plutôt quaux terrestres ; donc comme la perception concerne la dignité du corps, il semble que les corps célestes perçoivent beaucoup plus que les terrestres. En outre, comme les corps célestes se touchent les uns les autres, il ne convient pas, à ce quil semble, quils ne se perçoivent pas non plus. Donc il concède que dans les corps célestes il y a trois sens, à savoir la vue, louïe et le toucher : il leur refuse deux autres sens plus matériels, à savoir lodorat et le goût. |
[71225] In De
caelo, lib. |
[71225] Sur le De caelo,
II, 13, 5. Il faut donc voir lequel de ces sens est accepté par Aristote. Ce
dernier semble percevoir que dans les corps célestes la seule partie de lâme
est intellective. Car il dit dans le livre XII de |
[71226] In De
caelo, lib. |
[71226] Sur le De caelo, II, 13, 6. De ce fait les
propos dAristote déjà cités sont ainsi exposés à la fois par Themistius et
par Averroès dans leurs commentaires, pour que lexpression Ğ mais non
ce qui ne peut être engendré ğ soit comprise de la façon suivante :
mais ce qui est incorruptible, à savoir le corps céleste, Ğ na pas de
sens. Pourquoi en effet nen aura-t-il pas ? ğ. Cest comme sil
disait : voici la raison pour laquelle il nen a pas : Ğ car
ce serait mieux pour lâme ou pour le corps ğ, cest-à-dire que si un
corps céleste avait un sens, cela serait soit pour le bien de lâme, soit
pour le bien du corps. Ğ Maintenant ce nest ni lun ni lautre :
car cela, à savoir lâme du corps céleste, ne comprend pas plus par le
sens ğ (car elle na pas dintelligence qui reçoive des sens, comme lâme
intellective humaine ; mais une telle âme comprend à la manière dune
substance séparée, à laquelle elle est immédiatement unie dans lordre des
choses) ; Ğ or ceci ğ, cest-à-dire le corps, Ğ ne sera
rien de plus à cause de cela ğ, cest-à-dire quil ne sera pas conservé
dans son être par les sens, comme il arrive aux corps des animaux terrestres,
qui sont préservés par leurs sens de ce qui les corrompt, comme ce quil
avait avancé le rend évident. Et cette théorie semble convenir davantage à la
puissance efficace de la raison. En effet, concernant le fait quune chose
nest pas en vain, il faut rechercher pourquoi une chose est plutôt que
pourquoi une chose nest pas. De ce fait, concernant le fait que le ciel na
pas de sens, il suffit de montrer que rien de mieux ne provient des sens, ce
qui est établi dans la seconde théorie. Et pour cette raison il ne faut pas
montrer quil est mieux pour lui de ne pas avoir de sens, ce qui est
recherché dans la seconde présentation, puisque cela même est une raison
suffisante pour ne pas avoir de sens, si rien de mieux ne lui arrive par ses
sens. Mais la conclusion quil avance ne semble pas être adaptée à cette
phrase, mais davantage à la précédente : car il conclut en
conséquence : Ğ donc aucun corps, non stable, naura dâme sil est
dépourvu de sens ğ. Bien que lon ne puisse pas dire que cette
conclusion ne se rapporte pas à ce qui précède immédiatement, mais à ce quil
avait dit ci-dessus sur les corps susceptibles dêtre engendrés. Pourtant,
puisque cette phrase semble être démembrée à un certain point, il semble que
lon doive plutôt dire que ce quil dit, Ğ mais non ce qui ne peut pas
être engendré ğ, doit être uni aux précédentes, de telle sorte quil a
pensé que, de même quun corps susceptible dêtre engendré na pas dâme
intellective sil est privé de sens, de même un corps qui nest pas
susceptible dêtre engendré nen a pas non plus. Mais Ğ corps non
susceptible dêtre engendré ğ ne désigne pas ici le ciel, ce qui est
évident quand on voit que le ciel demeure au même endroit dans sa totalité,
or il parle lui-même dun corps non stable. De ce fait il semble ici parler
de certains corps animés, que Platon appelait Démons, disant quils sont des êtres animés dotés dun corps
aérien et dune vie éternelle, comme le platonicien Apulée le dit dans son
livre sur Le Dieu de Socrate. Or,
ils établissaient que les corps de ce genre se déplaçaient par un mouvement
de progression et quils nétaient pas immobiles dans le même lieu. |
[71227] In De
caelo, lib. |
[71227] Sur le De caelo, II, 13, 7. Mais même si lon place lordre des corps célestes parmi les corps naturels, il sera évident quil ne lui convient pas davoir une puissance sensitive. Premièrement puisque les corps de ce genre ne sont pas passifs, mais actifs ; de ce fait il ne convient pas à leurs âmes, sils sont animés, davoir des puissances sensitives, qui sont passives. Deuxièmement puisque les corps de ce genre sont uniformes, en tant que sphériques. Or il faut quun corps doté dune âme sensitive ait différents organes, puisque, comme un sens est une force qui apprend à connaître des choses particulières, il faut quun corps sensitif ait différentes capacités sensitives, sil ressent parfaitement, lesquelles lui permettent de connaître différents genres de choses sensibles ; or à ces différents sens sont adaptés différents organes. De ce fait luniformité du corps sphérique répugne à la disposition de lâme sensitive. Troisièmement puisque les corps célestes sont en quelque sorte les causes universelles des effets inférieurs ; et ainsi les effets sensibles sont dans les corps célestes non pas pour une raison particulière, mais pour une raison universelle, comme dans les causes universelles. Les raisons des choses sensibles se trouvent donc beaucoup plus dans les âmes des corps célestes, sils sont animés, non pour une raison particulière, qui concerne les sens, mais pour une raison universelle, qui concerne lintellect. |
[71228]
In De caelo, lib. |
[71228] Sur le De caelo, II, 13, 8. Les corps
célestes, sils sont animés, ont donc un intellect dépourvu de sens. Mais
comme lintellect des substances séparées apprend à connaître non seulement
les choses universelles, mais aussi les particulières (car elles obtiennent
grâce à une seule puissance apprenant à connaître ce que nous obtenons grâce
à plusieurs), il en est de même aussi des âmes célestes, parce quelles
connaissent grâce à leur intellect non seulement les choses universelles,
mais aussi les particulières. Ainsi, en effet, pour tout, parce que les
perfections qui sont attribuées à un être inférieur pour de multiples raisons
le sont à un être supérieur pour une seule, de même que limagination est une
vertu qui apprend à connaître toutes les choses sensibles que, pourtant, le
sens perçoit par différentes vertus. Et on rejette ainsi lobjection
dAvicenne, qui montre dans sa métaphysique que lâme du corps céleste doit
avoir une force imaginative, qui lui permette dappréhender les situations
particulières qui sont renouvelées dans le ciel grâce à son mouvement, tout
comme notre intellect pratique ne déplace pas en appréhendant universellement
sans appréhender particulièrement, comme le dit le livre III de lÂme. En effet, suivant ce qui a été
déjà dit, la substance qui déplace le ciel, quelle soit substance séparée ou
quelle soit âme, peut appréhender les situations particulières par son
intellect sans avoir de sens, comme on la dit. |
[71229]
In De caelo, lib. |
[71229] Sur le De caelo, II, 13, 9. Or lobjection de Simplicius, à savoir que sentir concerne la noblesse du corps inférieur, si bien que cela convient plus naturellement à un corps céleste, se résout de deux façons. Premièrement puisque, comme lâme nexiste pas pour le corps, mais inversement, il ne faut pas considérer principalement pour les puissances de lâme ce qui concerne la noblesse du corps, mais ce qui concerne la raison de lâme. Deuxièmement puisque ce quont les corps inférieurs, cest-à-dire la connaissance des choses sensibles de façon inférieure, cest-à-dire par les sens, les corps célestes lont de façon supérieure, à savoir par lâme intellective qui est unie à eux. |
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Lectio 14 |
Leçon 14 [Le son des étoiles]
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[71230] In De
caelo, lib. |
[71230] Sur le De caelo, II, 14, 1. Après que le philosophe a traité du mouvement des étoiles, il traite ici de leur son, qui est un effet du mouvement local, comme le dit le livre II de lÂme. Et sur ce point il fait deux choses : il rejette premièrement lopinion des autres ; il détermine deuxièmement la vérité, ici : Ğ mais logiquement nous nentendons pas ğ, etc. Concernant le premier point il fait trois choses : il expose premièrement ce quil se propose de faire ; il avance deuxièmement le raisonnement de ceux qui pensent autrement, ici : Ğ il semble à certains ğ, etc. ; il montre troisièmement comment ils sefforcent de répondre à une question, ici : Ğ puisquil est illogique ğ, etc. Il dit donc premièrement quil est évident à partir de ce qui a été dit (à savoir que les étoiles ne se déplacent pas) que, si lon dit que ce mouvement produit une Ğ harmonie ğ, cest-à-dire un son harmonieux, comme si les sons des étoiles étaient en consonance les uns avec les autres, on parle Ğ légèrement ğ, cest-à-dire sans raison suffisante, et Ğ de façon superflue ğ : et il le dit comme si un son de ce genre navait aucune utilité, mais plutôt une très grande nuisance, comme on le montrera. [290b15] Et aussi la vérité nest pas ainsi, dans la mesure où elle apparaît daprès les démonstrations déjà faites. |
[71231] In De
caelo, lib. |
[71231] Sur le De caelo, II, 14, 2. Ensuite quand il
dit : Ğ or il semble à certains auteurs ğ, etc., il introduit
le raisonnement des Pythagoriciens, dont lopinion avait été présentée. Et il
montre premièrement comment ils prouvaient que les corps célestes émettent un
son puissant en se déplaçant. Car il y a trois raisons pour lesquelles les
corps qui se déplacent chez nous semblent produire un son puissant : à
savoir en raison de la dimension des corps qui se déplacent, en raison de la
rapidité de leur mouvement, et en raison de leur multitude. Or les corps qui
chez nous produisent un son une fois déplacés nont pas une aussi grande
masse, ni un mouvement aussi rapide que le Soleil, |
[71232] In De
caelo, lib. |
[71232] Sur le De caelo, II, 14, 3. Deuxièmement quand il dit : Ğ en supposant ğ, etc., il montre comment ils prouvaient que leur son est harmonieux. En effet, il est clair, daprès ce qui est enseigné en musique, que la vitesse dun mouvement produit un son aigu et que la lenteur dun mouvement, un son grave ; la proportion déterminée selon des nombres précis daigu et de grave est la cause de lharmonie des sons, et cest ainsi que la proportion de deux à trois fait le diapason, la proportion de trois à deux, qui est appelée sesquialtère, fait la quinte, et ainsi de suite. Or il a été montré dans les passages précédents que plus une étoile se déplace sur un grand cercle, plus elle le fait rapidement. Le cercle sur lequel une étoile est déplacée est dautant plus grand quelle est plus distante du pôle sur la sphère des étoiles fixes, et, pour les planètes, quelles sont plus distantes du centre. Et cest pourquoi ils considéraient que les différentes vitesses dans les mouvements des étoiles, et par conséquent celle de laigu et du grave dans leurs sons, étaient causées par la proportion entre les distances des étoiles, ou bien par rapport à celle du centre ou des pôles. Or ils découvraient que léloignement ou les distances suivent des proportions numériques, qui produisent des consonances musicales ; et cest pourquoi ils disaient que le son des astres qui se déplacent en cercle est harmonieux, son quils appellent Ğ voix ğ, parce quils établissaient que les corps célestes sont animés. |
[71233] In De
caelo, lib. |
[71233] Sur le De caelo,
II, 14, 4. Ensuite, quand il dit : Ğ puisquillogique ğ, etc.,
il montre comment ils sopposaient à un problème. Donc il présente
premièrement ce problème. En effet, comme nous sommes dotés de louïe qui
nous permet de percevoir les sons, il ne semble pas logique que nous
nentendions pas une voix aussi forte, si elle provient du mouvement des
astres. [290b25] Deuxièmement ici :
Ğ la cause de cela ğ, etc., il montre comment ils sopposaient à ce
doute. En effet, ils disaient que la raison pour laquelle nous nentendons
pas cette voix, cest que ce son nous accompagne dès notre naissance, et
cest pourquoi il ne peut se manifester à nous par son contraire, qui est le
silence : car ces deux choses, à savoir la voix et le silence, se
distinguent et se différencient lune par rapport à lautre. De ce fait il
arrive aux hommes, en ce qui concerne le son des corps célestes, la même
chose quaux ouvriers battant le bronze, eux qui, par habitude, ne sentent
pas de différence entre le son et le silence, parce que leurs oreilles sont
remplies de sons de ce genre. [290b30] |
[71234] In De
caelo, lib. |
[71234] Sur le De caelo,
II, 14, 5. Troisièmement ici : Ğ ces théories, comme ğ, etc.,
il rejette la réponse présentée, disant que, comme nous lavons dit aussi
auparavant, ces théories sont dites Ğ attirantes ğ par eux,
cest-à-dire selon une raison probable qui attire les oreilles des hommes, et
Ğ musicales ğ,
cest-à-dire selon des explications concernant la musique, mais non selon la
vérité ; car il est impossible quil en soit ainsi. Puisque si les corps
célestes produisaient des sons aussi forts, non seulement il ne serait pas
convenable que lon nentende aucun dentre eux, difficulté quils sefforcent
de résoudre eux-mêmes, mais aussi que les corps inférieurs ne subissent rien
à cause de ces sons, même sils ne les perçoivent pas. Car nous voyons que
des sons excessifs détruisent non seulement louïe des êtres animés, mais [290b35] certains corps inanimés, comme le son du
tonnerre brise les pierres, et aussi [291a1]
dautres corps plus solides, tels que le fer, les bâtiments, et autres corps
de ce genre. Or cela arrive non pas de telle sorte que les corps inanimés
sont altérés par le son dans la mesure où leur ouïe comporte quelque
sensibilité, mais dans la mesure où lair est percuté violemment et se déplace en même temps que le son,
comme le philosophe le dit dans le livre II de lÂme. Donc comme les corps célestes qui se déplacent ont une
aussi grande dimension et que leur son, sil se produit, doit dépasser le son
excessif du tonnerre et nimporte quel autre son, en proportion avec la
dimension des corps célestes, il est bien plus nécessaire que le son des
corps célestes parvienne jusquà nous et que la force de sa violence soit
intolérable, force quil applique aux corps inférieurs. Il est aussi évident,
dune autre manière, que leur solution nest pas suffisante, puisque
lhabitude dentendre des sons puissants fait disparaître non seulement ces sons
discrets, mais aussi les autres, tout comme les ouvriers battant le bronze ne
peuvent percevoir dautres sons très faibles. De ce fait, si par habitude
nous ne pouvions entendre les sons des corps célestes, selon le même
raisonnement nous ne pourrions pas entendre les autres sons non plus. |
[71235] In De
caelo, lib. |
[71235] Sur le De caelo, II, 14, 6. Or il semble que,
comme Simplicius le dit dans son commentaire, la position de Pythagore ne
puisse être soutenue contre ce que dit Aristote ici. Premièrement puisque
lon peut dire que les sons des corps célestes ne sont pas capables de
corrompre, mais plutôt de préserver et de vivifier, de même que le mouvement
du ciel aussi est une forme de vie pour tous ceux qui existent par nature,
comme le dit le livre VIII de |
[71236] In De caelo, lib. |
[71236] Sur le De caelo,
II, 14, 7. Mais ces théories ne semblent pas contenir de vérité. Premièrement
puisque nous voyons que, bien que les corps célestes soient la cause de la
vie, et surtout le Soleil, cependant son éclat corrompt notre vue, parce
quil dépasse sa proportion, et, suivant le même raisonnement, le son qui
proviendrait du mouvement de ces corps corromprait notre ouïe en raison de
son excès. Deuxièmement parce que, de même que lintellect est capable de
percevoir tous les êtres intelligibles, de même les sens sont capables de
percevoir tous les sensibles, cest-à-dire que la vue peut percevoir tous les
êtres visibles et louïe, tous les êtres audibles : de ce fait le livre
III de lÂme dit que lâme
contient, dune certaine manière, toutes les choses selon les sens et selon
lintellect. Par conséquent, sil y avait une ouïe qui ne soit pas capable de
percevoir nimporte quel son, il faudrait que le mot Ğ son ğ soit
utilisé de façon équivoque, ou bien aussi le mot Ğ ouïe ğ. Or il
peut arriver quun être vivant aime une espèce dêtre sensible grâce à un
sens, qui ne permettra pas à un autre animal daimer la même chose, de même
quun homme aime les odeurs des roses et des lys grâce à son odorat,
contrairement aux autres êtres animés, puisque les odeurs de ce genre
conviennent aux hommes pour eux-mêmes, mais que les odeurs ne conviennent pas
aux autres êtres animés et ne leur plaisent pas, si ce nest pour leur
alimentation, tout comme les couleurs. Il peut aussi arriver quun être animé
ne connaisse pas la différence dun corps sensible grâce à son sens, en
raison de la faiblesse de leur sens et de la petite taille de ce corps
sensible, de même que lhomme, qui a un odorat faible, ne peut découvrir la
différence entre des odeurs, par exemple danimaux qui passent, odeurs que
les chiens connaissent ; pourtant si ces odeurs sont fortes, les hommes
les discernent aussi. De la même façon certains animaux aussi plongent leur
regard dans la clarté du Soleil grâce à leur vue, clarté que les yeux des
hiboux ne peuvent supporter en raison de sa force, mais quils évitent parce
que capable de corrompre leur vue. De ce fait il serait impossible que des
sons aussi violents proviennent du mouvement des corps célestes, sans être
perçus par les hommes ou sans quils corrompent leur ouïe, à moins que lon
dise que ces sons sont nommés de façon équivoque. |
[71237] In De
caelo, lib. |
[71237] Sur le De caelo,
II, 14, 8. Cela semble en accord avec la position de Simplicius, qui semble
convaincre Alexandre derreur, disant que les couleurs, même si elles
existent pour les corps célestes en tant quaccidents et phénomènes arrivant
de lextérieur, se trouvent en eux. Contre cela il dit lui-même quil
considère comme tout à fait inconvenant de parler daccidents et de
phénomènes qui arrivent pour des corps célestes, alors quils ont une vertu
substantielle et spécifique : car il lui semblait que, puisque les corps
célestes sont la cause des formes substantielles chez les corps inférieurs,
il ne peut y avoir aucun accident chez eux. Et selon cela, comme les sens ne
sont capables de connaître que des accidents, il sensuivra que nous ne
pourrons sentir aucun de ces corps. De ce fait, il dit lui-même que nous ne
voyons ni les astres eux-mêmes, ni leurs grandeurs ou leurs formes, ni leur
beauté supérieure, mais que nous ne voyons pas non plus leur mouvement, qui
est la source du son ; mais nous en voyons léclat pour ainsi dire, tout
comme la lumière du Soleil autour de la terre ne semble pas le Soleil
lui-même. Mais cela est très expressément faux. Premièrement puisquAristote
dit dans le livre II de lÂme que
Ğ ce nest pas en tant queau, ni en tant quair quils sont diaphanes,
mais parce que dans lune et lautre se trouve la même nature, laquelle est
aussi présente dans un corps éternel et placé dans une région
supérieure ğ. Et, selon le même raisonnement, la lumière, qui est lacte
du diaphane, est de la même nature dans les corps inférieurs et dans le corps
céleste. Donc si les accidents des corps inférieurs de ce genre sont
perceptibles par les sens, suivant un raisonnement semblable, les accidents
des corps célestes le sont aussi. En outre, la forme et la grandeur sont
mathématiques, et leurs rapports sont indifférents pour tout ce qui existe.
Donc de même que la forme et la grandeur des corps inférieurs sont des
accidents sensibles, il en est ainsi pour les corps aussi. Et de la même
façon, sil en était ainsi, toute certitude disparaîtrait de la science
astronomique, qui procède à partir des apparences grâce aux sens en ce qui
concerne les corps célestes. Comment serait-il possible aussi que le
mouvement des corps célestes soit leur substance, alors que cest une chose
très imparfaite ? Il sensuivrait aussi que la même chose serait forme,
lumière et mouvement dans le Soleil, alors quà chose unique il nest que
substance unique. De ce fait il est évident que ce quil dit est absolument
impossible. Or rien nempêche que les corps célestes aient une puissance
spécifique, et que certains accidents se trouvent pourtant chez eux :
car certains accidents se trouvent dans les corps inférieurs, bien quils
possèdent la capacité dengendrer un corps semblable à eux en espèce. |
[71238] In De
caelo, lib. |
[71238] Sur le De caelo,
II, 14, 9. Ensuite, quand il dit : Ğ mais il est logique que nous
nentendions pas ğ, etc., il recherche la vérité. Et il expose
premièrement ce quil se propose de faire ; il montre deuxièmement la
proposition, ici : Ğ certaines choses ğ, etc. Il dit donc
premièrement quil est logique que nous nentendions pas le son des corps
célestes et que [291a5] les corps inférieurs
ne semblent subir aucun dommage violent à cause deux, parce quils ne
produisent aucun son. Or en même temps et par le même moyen la cause de
Ğ ceci ğ sera montré, à savoir que nous nentendons pas les sons
des corps célestes, et que nous ne subissons pas leur violence ; et nous
recevrons le témoignage de la Ğ vérité ğ des premiers
Ğ propos ğ, à savoir que les étoiles ne se déplacent pas
delles-mêmes. Car ce qui était douteux concernant les propos des
Pythagoriciens, qui disaient que se produisait une Ğ symphonie ğ,
cest-à-dire une consonance musicale, à cause du mouvement des corps
célestes, sera pour nous la preuve que les étoiles ne se déplacent pas
delles-mêmes. |
[71239] In De
caelo, lib. |
[71239] Sur le De caelo,
II, 14, 10. Ensuite quand il dit : Ğ tout ce qui ğ, etc., il
montre la proposition : et premièrement en tirant la raison de la cause
effective du son ; deuxièmement de sa cause finale, ici :
Ğ comme le futur ğ, etc. Il dit donc premièrement que tous les
corps [291a10] qui se déplacent deux-mêmes
localement dans ces lieux inférieurs produisent un son, dans la mesure où ils
produisent un Ğ choc ğ, cest-à-dire une percussion de lair. Mais
tous les corps qui ne se déplacent pas deux-mêmes, mais qui sont fixés, ou
bien qui existent de quelque manière dans un corps qui est emporté
localement, ne peuvent pas émettre de son, de même que des hommes assis dans
un navire ne produisent pas de sons quand le navire est déplacé, et que les
parties dun navire qui lui sont fixées fortement némettent aucun son non
plus lors du mouvement du navire, si ce nest peut-être en raison de la
faiblesse des jointures et lorsque le bateau est fortement secoué. Et nous ne
voyons pas non plus que le bateau émette un son sil est emporté sur un
fleuve en crue, si bien que le mouvement du navire nest pas produit par
lui-même, mais seulement par celui de leau : or si le mouvement du
navire est plus rapide que celui de leau, quand il divise leau il émettra
alors un son. Et pourtant selon les mêmes raisons qui permettaient aux
Pythagoriciens daffirmer que les corps célestes émettent un son, on pourrait
dire que cela ne convient pas si un mât,
cest-à-dire larbre dun navire, et sa poupe, [291a15]
alors quils ont une si grande dimension, ne produisent pas de son, tout
comme le navire lui-même, lorsquil se déplace dans un fleuve en mouvement.
Il faut pourtant comprendre quest ici exclu le son qui est produit par la
séparation de leau, mais non le son, sil y en a un, produit par la
séparation de lair, dans la partie du navire qui sélève au-dessus de
leau ; cela se voit surtout lorsque lair résiste grâce à limpulsion
du vent. Mais une chose qui se déplace localement delle-même, non pas dans
un corps qui est emporté, de façon à ne produire aucun coup, il est
impossible quelle résonne. Il faut donc dire que, si les corps des étoiles
se déplacent deux-mêmes, soit dans une grande quantité dair, compris comme
lair répandu par le monde entier, soit aussi dans une grande quantité de
feu, [291a20] comme tous le disent en
attribuant le lieu le plus élevé au feu parmi les corps, il est nécessaire
que les étoiles produisent par leur mouvement un son qui dépasse toute la
grandeur du son naturel. Or si cela se produisait, il sensuivrait que ce son
parviendrait jusquici et que non seulement il serait entendu de nous, mais
quil corromprait aussi les corps qui sont ici. Mais puisque nous ne le
voyons pas, il sensuit quaucune étoile ne se déplace delle-même, ni par un
mouvement violent, ni par un mouvement issu de lâme. Les étoiles ne
pourraient en effet se déplacer delles-mêmes, à moins quelles ne causent la
division soit des sphères célestes mêmes, soit des corps intermédiaires. Or
les sphères elles-mêmes se déplacent delles-mêmes, et ne semblent pas
diviser de corps : de ce fait aussi aucun son ne provient de leur
mouvement. Il est aussi évident que, par ce que le philosophe dit ici, il
rejette la représentation de certains savants qui estiment que les étoiles ne
se déplacent pas dans les sphères, mais dans certains corps intermédiaires,
par exemple lair ou le feu, ou quelque autre de ce genre. |
[71240] In De
caelo, lib. |
[71240] Sur le De caelo, II, 14, 11. Ensuite quand il dit : Ğ comme le futur ğ, etc., il montre la même chose grâce à la cause finale. Pour cette raison, en effet, la nature na pas donné aux étoiles de mouvement en soi, et par conséquent pas de sons non plus, et si elle avait prévu que, [291a25] si le mouvement des étoiles nétait pas tel quelles ne se déplacent pas en soi, mais seulement grâce au mouvement des sphères, il sensuivrait linconvénient que rien chez les corps inférieurs ne soit Ğ de la même manière ğ, en quelque sorte conservé dans son être pendant un certain temps. Or il est donné de comprendre ici que, comme Alexandre le note, Aristote pense que Dieu exerce sa providence sur les corps qui sont ici-bas : car on ne peut attribuer la providence à la nature dans la mesure où se trouve une certaine puissance dans les corps, mais seulement en comparaison de lintellect qui organise la nature. Enfin il termine en concluant quil a été dit que les étoiles sont de forme sphérique et quelles ne se déplacent pas delles-mêmes. |
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Lectio
15 |
Leçon 15 [Lordre et la place des étoiles]
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[71241] In De
caelo, lib. |
[71241] Sur le De caelo, II, 15, 1. Après que le philosophe a traité de la nature et du mouvement des étoiles, il traite ici de leur ordre et de leur emplacement, et surtout par rapport aux planètes ; car, à propos des étoiles fixes, il est évident quelles sont toutes situées dans la sphère suprême. Et concernant cela il fait deux choses : il montre premièrement ce que sur ce point il doit subordonner de la physique aux mathématiques ; il montre deuxièmement ce qui sur ce point concerne à proprement parler la considération de la physique, ici : Ğ or il arrive ğ, etc. Il dit donc premièrement que, concernant lordre des étoiles, cest-à-dire la façon dont elles sont disposées, [291a30] à savoir que les unes sont Ğ devant ğ et les autres sont Ğ derrière ğ, cest-à-dire supérieures et inférieures, et la façon dont elles sont les unes par rapport aux autres selon léloignement, cest-à-dire combien les unes sont distantes des autres, il faut réfléchir daprès ce que lon dit en astronomie, où on traite suffisamment de cela. Cela, en effet, ne peut être connu par les principes de la philosophie naturelle, mais par ceux des mathématiques, cest-à-dire par les proportions des grandeurs. Or on dit quAnaximandre fut le premier à découvrir le rapport des grandeurs des étoiles et leurs distances les unes par rapport aux autres et par rapport à la terre ; on dit que les Pythagoriciens furent les premiers à découvrir lordre des positions des planètes, bien que ces questions aient été examinées avec plus de soin et de perfection par Hipparque et Ptolémée. |
[71242] In De
caelo, lib. |
[71242] Sur le De caelo,
II, 15, 2. Ensuite quand il dit : Ğ or il arrive ğ, etc., il
montre ce qui ressortit sur ce point à la considération de la philosophie
naturelle, à savoir la vitesse et la lenteur de leurs mouvements. Il dit donc
quil arrive logiquement que les mouvements de nimporte quelles étoiles,
selon la proportion de leur distance à la sphère première et à la terre,
soient plus rapides et plus lents. Car [291a35]
nous supposons que, comme elle apparaît aux sens, la révolution suprême du
ciel est Ğ simple ğ, cest-à-dire non composée de plusieurs
mouvements, puisquaucune irrégularité napparaît en elle et [291b1] quelle est la plus rapide, parce que
pendant un temps très bref, à savoir en une journée, elle suit le plus grand
cercle, qui contient tout. Or les révolutions des planètes sont et plus
lentes et plus nombreuses, non seulement parce que les mouvements des
différentes planètes sont différents, mais aussi parce que le mouvement de
chaque planète est constitué de différents mouvements. Car chacune des
planètes, selon son propre mouvement sur son cercle, est emportée dans un
mouvement contraire au premier ciel, en prenant Ğ opposition ğ au
sens large (car il ny a pas dopposition à proprement parler dans les
mouvements circulaires, comme on la vu dans le premier livre) : en
effet, comme le mouvement du premier ciel va orient en occident, ceux des
planètes vont sur leurs propres cercles doccident en orient. De ce fait il
est logique que la planète qui est la plus proche de la révolution simple et
première, contraire à celle qui lemporte sur son cercle, parcoure son propre
cercle dans le temps le plus long, comme Saturne parcourt le sien en trente
ans. [291b25] Or la planète la plus distante
de la sphère suprême, cest-à-dire |
[71243] In De
caelo, lib. |
[71243] Sur le De caelo,
II, 15, 3. Il semble, daprès ce quAristote dit ici, quil y ait quelque
chose de violent dans les corps célestes, si le mouvement des planètes les
plus proches de la sphère suprême est effectué plus lentement du fait quelle
a plus dinfluence sur le mouvement même de la sphère première, en raison de
sa proximité. Or sil y a ici quelque chose de violent, il sensuit que ces
mouvements ne sont pas dune durée éternelle, en étant ainsi, comme Aristote
le veut : car rien de violent ne peut être éternel, comme on la vu
ci-dessus. Alexandre répond donc à cela que linfluence de la sphère suprême
cause chez la planète la plus proche une lenteur nécessaire, mais non une
violence. En effet, ces mouvements célestes suivent lintellect et la volonté ;
or dans les mouvements volontaires ce qui suit la volonté nest pas violent,
même sil a lieu selon une nécessité certaine. Il y a la volonté du corps
déplaçant la dernière planète, qui sexerce sur son mobile en harmonie avec
le mouvement du mobile supérieur, à qui il désire ressembler ; il ne
sensuit pas que la lenteur du mouvement de la première planète soit
violente. |
[71244] In De
caelo, lib. |
[71244] Sur le De caelo, II, 15, 4. Mais cela ne résout pas totalement la question, de telle sorte que les principes supposés par Aristote sont sauvés, lui qui établit quun corps plus grand se déplace plus vite de son propre mouvement naturel ; de ce fait, si le mouvement selon lequel une planète se déplace sur son propre cercle est propre et naturel, il est logique que la sphère de la planète supérieure, comme elle est plus grande, se déplace plus vite de son propre mouvement. De la même manière aussi, lharmonie de lordre ne semble pas être sauvée, si le corps qui est plus éloigné de la terre immobile, mais plus proche du mouvement très rapide du premier corps mobile se déplace plus lentement de son propre mouvement. |
[71245] In De
caelo, lib. |
[71245] Sur le De caelo,
II, 15, 5. De ce fait, dautres disent aussi que dans le ciel il ny a quun
mouvement, à savoir celui par lequel le ciel tout entier fait sa révolution
en suivant le mouvement du premier corps mobile dorient en occident ;
et relativement à ce mouvement, le corps supérieur a un mouvement plus
rapide, non seulement quant à la grandeur du cercle, mais aussi quant à la brièveté
du temps, de telle façon que la sphère supérieure parcourt un plus grand
cercle dans un temps plus bref ; et de là vient quune étoile inférieure
manque de revenir au même point selon le temps, non pas parce quelle se
déplace dans un mouvement contraire au mouvement premier. Et cela permet de
sauver le fait que, étant donné quune planète supérieure manque un peu
datteindre le premier mouvement, mais quune planète inférieure, davantage,
une planète supérieure soit plus rapide et une inférieure, plus lente. |
[71246] In De
caelo, lib. |
[71246] Sur le De caelo,
II, 15, 6. Et cela du moins, comme Ptolémée le dit, si les mouvements des
planètes sont susceptibles de se faire sur des cercles également distants de
léquateur, et sur les mêmes pôles. Et cest le contraire qui apparaît, étant
donné que les planètes sinclinent tantôt vers le septentrion, tantôt vers le
midi. De ce fait il semble que le fait que les planètes soient délaissées par
le premier mouvement est dû au fait quelles suivent lautre mouvement des
planètes, qui les fait se mouvoir doccident en orient, plutôt que seulement
à un abandon par le premier mouvement, selon laquelle une planète supérieure
semble se déplacer plus lentement. |
[71247] In De
caelo, lib. |
[71247] Sur le De caelo,
II, 15, 7. Alexandre attribue à cela une autre cause en dehors de celle
quAristote présente ici à partir de linfluence du premier mouvement. Car il
dit quune planète supérieure parcourt son cercle dans un temps plus long,
non en raison de la lenteur de son mouvement, mais à cause de la grandeur du
cercle : en effet, ce qui se déplace dans un temps plus long peut être
plus rapide ou aussi rapide, si lexcès de la grandeur quil parcourt est
plus grand que lexcès du temps, ou égal à lui. En effet comme Saturne
parcourt son cercle en trente ans, et que |
[71248]
In De caelo, lib. |
[71248] Sur le De caelo,
II, 15, 8. De ce fait, il semble que lon doive parler autrement, à savoir
quil est possible de considérer une double nature dans lunivers : la
nature de la permanence éternelle, qui se trouve surtout dans les substances
séparées, et la nature susceptible dêtre engendrée ou corrompue, qui se
trouve chez les corps inférieurs. Or les corps célestes, comme ils sont au milieu,
participent de quelque manière des deux natures, selon deux mouvements. Car
le premier mouvement, qui est diurne, est la cause de la durée éternelle des
choses ; et le second mouvement, qui est sur le cercle oblique
doccident en orient, est la cause de la génération et de la corruption, et
des autres changements, comme le dit le philosophe dans le livre II de |
[71249] In De
caelo, lib. |
[71249] Sur le De caelo, II, 15, 9. Et pourtant il ne faut pas que la vitesse soit en proportion des distances, puisque les mouvements célestes sont non seulement naturels, mais volontaires, et en vue de la fin désirée. Et cest pourquoi, dans la mesure où ces mouvements sont naturels, on découvre communément en eux que les planètes supérieures sont dun mouvement plus lent ; or, dans la mesure où leurs mouvements sont volontaires, leur vitesse varie en particulier non en proportion de la distance, mais du corps qui est meilleur. De ce fait puisque les mouvements de Vénus et de Mercure sont liés, pour ainsi dire, à celui du Soleil, étant donné quils laident à produire son effet, ils se déplacent avec lui quasi uniformément. |
[71250] In De
caelo, lib. |
[71250] Sur le De caelo,
II, 15, 10. Ainsi dont ce quAristote dit, à savoir que la dernière sphère a
plus dinfluence sur la dernière planète et moins sur une planète éloignée,
il ne faut pas le comprendre selon une certaine contrainte, mais selon une
impression naturelle, dans la mesure où ce qui est plus près delle participe
davantage à la nature du corps supérieur que ce qui est éloigné delle. Ainsi
les principes dAristote sont donc sauvés. En effet, bien quune planète
possède les deux mouvements naturels, à savoir le mouvement diurne et celui
qui suit son propre cercle, cependant le mouvement diurne lui est naturel
dans ce que sa nature a de plus digne ; et cest pourquoi le principe
dAristote selon lequel un corps plus grand se déplace plus rapidement est
sauvé seulement grâce ce mouvement seulement ; de même que chez lhomme,
qui a une nature sensitive et intellective, nous disons que plus un homme est
digne, plus il possède un mouvement dune nature plus digne, à savoir intellective,
et moins il possède un mouvement dune nature plus indigne, à savoir
sensitive. |
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Lectio 16 |
Leçon 16 [La forme des étoiles]
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[71251] In De
caelo, lib. |
[71251] Sur le De caelo,
II, 16, 1. Après que le philosophe a traité de la nature, du mouvement et de
la position des étoiles, il traite ici de leur forme. Et concernant ce point
il fait deux choses : il montre que les étoiles sont de forme sphérique,
premièrement par raisonnement, deuxièmement par ce qui apparaît de façon
sensible, ici : Ğ en outre de la même façon ğ, etc. |
[71252] In De
caelo, lib. |
[71252] Sur le De caelo,
II, 16, 2. Il dit donc premièrement que lon peut logiquement penser que la
forme de chaque étoile est sphérique, non seulement parce quelles sont de la
nature du ciel, comme on la prouvé ci-dessus, mais aussi parce que lon a
montré ci-dessus que les étoiles ne sont pas destinées se déplacer par
elles-mêmes, mais pour être déplacées par le mouvement des cercles ou des
sphères. Or la nature ne fait rien de façon irrationnelle ou vaine, puisque
chaque acte de la nature est organisé par un intellect qui opère dans un
but ; de ce fait il est manifeste quaux étoiles Ğ immobiles ğ
[291b15], cest-à-dire qui ne se déplacent pas
delles-mêmes, elle a donné une forme telle quelle nest absolument pas apte
au mouvement de progression. Telle est, comme il la dit ci-dessus, la forme
sphérique, parce quelle na aucun organe qui serve au mouvement de
progression, bien quune telle figure soit absolument apte au mouvement
circulaire, où un corps ne change pas de lieu dans sa totalité. De ce fait il
est manifeste que les étoiles dans la masse de leur grandeur sont de forme
sphérique. |
[71253] In De
caelo, lib. |
[71253] Sur le De caelo, II, 16, 3. Or, cette
démonstration ne semble pas convenir. Car ci-dessus Aristote a prouvé que les
étoiles ne se déplacent pas delles-mêmes, du fait quelles sont de forme
sphérique ; de ce fait comme il prouve ici au contraire quelles sont de
forme sphérique parce quelles sont delles-mêmes immobiles, il semble que
cette démonstration soit circulaire. Alexandre répond à cela quaucun
inconvénient nen résulte, puisquAristote a prouvé que les étoiles ne se
déplacent pas delles-mêmes, non seulement parce quelles sont de forme
sphérique, mais aussi par quelques autres moyens. De la même façon il montre
aussi que les étoiles sont de forme sphérique par certains autres moyens, et
non seulement parce quelles sont delles-mêmes immobiles. |
[71254]
In De caelo, lib. |
[71254] Sur le De caelo,
II, 16, 4. Simplicius objecte à cela que le raisonnement circulaire de la
démonstration nest pas empêché par le fait que les deux conclusions sont
montrées par plusieurs moyens. Mais il faut dire que, bien que le
raisonnement circulaire de la démonstration ne soit pas supprimé par cela,
pourtant linconvénient qui fait quil ne montre rien par la démonstration
circulaire est supprimé. Puisque lon ne peut pas montrer une chose si ce
nest par une chose plus connue, la même chose ne peut être à la fois plus
connue et moins connue ; mais tandis que les deux conclusions sont
montrées par dautres moyens, lune peut être tirée alors quelle manifeste
lautre, pour démontrer le caractère convertible des conclusions. |
[71255]
In De caelo, lib. |
[71255] Sur le De caelo,
II, 16, 5. Ensuite quand il dit : Ğ en outre de la même
manière ğ, etc., il établit un autre raisonnement dans le même but,
lequel est tiré de ce qui apparaît de façon sensible. Et il suppose que tous
les astres sont semblables à un seul. Il est montré, à propos dun seul
dentre eux, à savoir |
[71256] In De
caelo, lib. |
[71256] Sur le De caelo,
II, 16, 6. Il faut donc considérer quAristote ne fait pas ici mention de la
forme que |
[71257] In De
caelo, lib. |
[71257] Sur le De caelo,
II, 16, 7. Or cela ne se produirait pas si |
[71258] In De
caelo, lib. |
[71258] Sur le De caelo,
II, 16, 8. Deuxièmement il démontre la même chose par des observations
astronomiques, qui montrent que les éclipses de Soleil sont lunulaires,
cest-à-dire arquées : car le Soleil commence à être obscurci en arc par
linterposition de |
[71259] In De caelo, lib. |
[71259] Sur le De caelo,
II, 16, 9. Or Averroès dit dans son commentaire quelles sont de même nature
en espèce, de telle façon que toutes les étoiles sont comme des individus
dune même espèce. Cela est manifestement faux. Premièrement parce que, si
elles étaient de même nature, elles auraient les mêmes actes en espèce, et
les mêmes effets, comme il on le voit dans toutes les choses naturelles de la
même espèce. Deuxièmement parce que, comme les mouvements des corps célestes
sont naturels, il sensuivrait que tous les corps célestes auraient des
mouvements uniformes : cest évidemment faux à propos des planètes si on
les compare dune part les unes aux autres, dautre part aux étoiles fixes.
Troisièmement parce que cela soppose à la perfection des corps célestes. Car
Aristote a prouvé dans le livre I que lunivers est parfait, parce quil est
un (car lun est dune seule espèce) : en effet, il apparaît à partir de
là quil est composé de toute la matière de son espèce. Donc le fait quil
soit un seulement dans son espèce concerne aussi la perfection des corps
célestes. Car nous voyons quil y a beaucoup dindividus dune seule espèce
chez les corps inférieurs, en raison de quelque impuissance ou bien parce
quun seul individu ne peut durer toujours ; de ce fait il faut que
lespèce soit préservée par la succession des individus de la même espèce.
Alors aussi parce quun seul individu ne suffit pas à lactivité parfaite de
lespèce, comme on le voit très bien chez les hommes, qui sentraident dans
leur activité. La perfection de lunivers est aussi concernée par la
multiplication des espèces, comme elle est formelle, plus que par la
multiplication des individus, qui est matérielle. Il est aussi clair que la
raison quil avance est ridicule. Car il dit que, sil y avait différents
corps célestes dune espèce différente, mais dun seul genre, il sensuivrait
que les corps célestes seraient matériels. En effet, ce sera beaucoup plus
logique, si nous établissions, comme il le veut lui-même, que différents
corps célestes sont comme différents individus dune seule espèce, puisque la
multiplication des individus dune seule espèce se fait par division de la matière,
bien quil ne faille pas exclure totalement la matière des corps célestes. Il
ne sensuit pas non plus que, si les corps célestes ont de la matière, ils
soient susceptibles dêtre engendrés et corrompus, comme on la vu dans le
premier livre. Ainsi donc il faut dire que les corps célestes sont dune
seule nature selon le genre, mais de différentes natures selon lespèce. La
forme sphérique accompagne logiquement la nature du genre chez eux, tout
comme le mouvement circulaire. |
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Lectio
17 |
Leçon 17 [Difficultés sur les étoiles]
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[71260] In De
caelo, lib. |
[71260] Sur le De caelo,
II, 17, 1. Après que le philosophe a traité des étoiles, montrant leur
nature, leur mouvement, leur ordre et leur forme, il résout ici certains
problèmes sur ce qui a été dit. Et concernant cela il fait deux choses :
il pose premièrement les questions ; il les résout deuxièmement,
ici : Ğ mais nous comme au sujet des corps ğ, etc. Concernant
le premier point, il fait trois choses : premièrement, il sexcuse de la
présomption quil y a à approfondir ces questions difficiles ; deuxièmement,
il les soulève, ici : Ğ en outre ğ, etc. ; troisièmement
il montre la difficulté des questions, ici : Ğ sur ce point ğ,
etc. Il dit donc premièrement que, comme il y a, concernant les étoiles, deux
problèmes que nimporte qui peut logiquement soulever [291b25], nous devons tenter de dire à propos de ces problèmes ce
que nous croyons ; et cest ainsi que nous trouvons digne de devoir
imputer la promptitude de lhomme qui examine ces questions davantage à la
Ğ retenue ğ, cest-à-dire à lhonnêteté ou la modestie quà
lĞ audace ğ, cest-à-dire à la présomption, même si celui
qui considère les problèmes de ce genre se contente aussi Ğ de petites
suffisances ğ, cest-à-dire de raisons qui ne sont pas assez suffisantes
pour faire des découvertes sur les sujets qui nous posent les plus grandes
questions ; et cela en raison du désir que lon a de philosopher, afin
que ses principes Ğ tiennent debout ğ, cest-à-dire demeurent
solides. |
[71261] In De
caelo, lib. |
[71261] Sur le De caelo,
II, 17, 2. Ensuite quand il dit : Ğ en outre ğ, etc., (ou si
on lit une autre lettre, Ğ il y a ğ, etc.), il soulève deux
problèmes : le second dentre eux commence ici : Ğ et cest
pourquoi cela ğ, etc. Concernant le premier point il fait deux
choses : il soulève premièrement la question ; il prouve
deuxièmement ce quil avait supposé, ici : Ğ ouvertement sur
certains points ğ, etc. Concernant le premier point, il faut auparavant
considérer trois points pour comprendre ce problème. Le premier dentre eux
est quAristote semble attribuer aux planètes un autre ordre que les
astronomes de notre temps. En effet, les premiers astronomes ont établi que
la dernière planète est Saturne, après laquelle ils plaçaient Jupiter, en
troisième lieu Mars, en quatrième le Soleil, en cinquième Vénus, en sixième
Mercure, en septième |
[71262] In De caelo, lib. |
[71262] Sur le De caelo,
II, 17, 3. Donc suivant cette position, Aristote formule ici la question. Et
il dit que, comme il y a beaucoup dincertitudes concernant les étoiles, on
peut se demander avec étonnement pourquoi [291b30] les
astres qui sont les plus éloignés du mouvement de la sphère première ne se
déplacent pas toujours de plusieurs mouvements, mais pourquoi se déplacent
suivant les mouvements les plus nombreux ceux qui sont au milieu, à savoir
les cinq planètes qui, selon la position dEudoxe, se déplacent de quatre
mouvements. Car il semble en tout cas rationnel que, comme la première sphère
se déplace dun seul mouvement, lastre qui est le plus proche delle se
déplace dun très petit nombre de mouvements, par exemple de deux ;
lastre Ğ considéré ğ, cest-à-dire celui qui est le suivant, se
déplace de trois, ou progresse suivant nimporte quel ordre de ce genre. Mais
en vérité [291b35] cest le contraire qui
arrive, selon la position dEudoxe, pour qui le Soleil et |
[71263] In De
caelo, lib. |
[71263] Sur le De caelo, II, 17, 4. Or il faut savoir
enfin que, puisque, selon les suppositions dEudoxe, toutes les apparences ne
pouvaient pas être sauvées concernant les étoiles, un autre astronome du nom
de Callippus, à la demande pressante dAristote, corrigea les suppositions
dEudoxe, attribuant à Mars, Vénus et Mercure, une sphère chacun et un
mouvement chacun, mais au Soleil et à |
[71264] In De
caelo, lib. |
[71264] Sur le De caelo,
II, 17, 5. Mais cette position ne pouvait pas sauver non plus toutes les
apparences concernant les étoiles, principalement à propos de la proximité et
de léloignement des étoiles avec nous ; on le découvre grâce au fait
que les planètes, avec la même disposition de lair, semblent tantôt plus
grandes, tantôt plus petites. De la même façon il semblait ne pas non plus
convenir quune si grande multitude de sphère saccorde pour déplacer les
planètes ; et il semblait surtout superflu quune sphère qui fait tourner
chaque planète dorient en occident suivant le mouvement diurne soit
attribuée à chacune dentre elles, alors que la dernière sphère peut en être
la cause, étant donné que ce mouvement fait tourner le ciel tout entier. Et
cest pourquoi Hipparque et Ptolémée établirent une seule sphère pour chaque
planète, pourvue non du même centre que la dernière sphère, mais dun autre
centre que la terre ; et cest ainsi que, quand la planète est dans une
partie de la sphère plus distante de nous, le corps de cette planète semble
plus petit et dun mouvement plus lent ; et quand elle est dans une
partie opposée, elle semble plus grande et dun mouvement plus rapide. Outre
cela, ils établirent de petits cercles, appelés Ğ épicycles ğ, et
qui se déplacent au-dessus des sphères de ce genre, de telle façon que les
corps des planètes se déplacent sur des épicycles de ce genre, non pas comme
sils étaient fixés sur de tels cercles, mais comme sils les faisaient
revenir dans leur mouvement de progression. Ainsi donc, outre le mouvement
diurne, quils attribuent au ciel tout entier du fait du mouvement de la
première sphère, ils attribuent trois mouvements aux quatre planètes, à
savoir Saturne, Jupiter, Mars et Vénus, : lun deux fait parcourir
lépicycle au corps de létoile ; le second fait parcourir la sphère au
centre de lépicycle ; le troisième pousse la sphère elle-même à se
déplacer doccident en orient, dans une avancée de quelques cent ans, selon
le mouvement des étoiles fixes, qui est appelé mouvement Ğ daux ğ ou Ğ dapogée ğ,
cest-à-dire qui accomplit la plus grande distance sur un cercle excentrique.
À ces trois mouvements ils en ajoutent un quatrième pour Mercure, dont le
centre de la sphère, selon eux, se déplace sur un petit cercle autour du
centre du monde. Ils attribuent aussi ces quatre mouvements à |
[71265] In De
caelo, lib. |
[71265] Sur le De caelo, II, 17, 6. Ensuite quand il
dit : Ğ ouvertement cela à propos de certaines choses ğ, etc.,
il prouve un certain fait quil avait supposé, à savoir que lordre des
planètes est tel quil lavait dit. Et il le prouve premièrement quant à une
chose, par ce quil avait vu lui-même ; et il dit que lordre de
certaines planètes est manifeste aussi par la vue. Car il dit avoir vu |
[71266] In De
caelo, lib. |
[71266] Sur le De caelo,
II, 17, 7. [292a10] Ensuite, quand il
dit : Ğ et cest pourquoi cela ğ, etc., il soulève une seconde
interrogation. Et il dit que cest à juste titre que lon peut se demander
pourquoi sur la première sphère, qui se déplace selon le premier mouvement,
se trouve un si grand nombre dastres que leur ordre tout entier semble
relever de larithmétique,
cest-à-dire de linnombrable (car leur nombre ne peut être compris de
nous) ; or chez les autres orbes inférieurs se trouve isolément une
seule étoile, si bien que deux ou plusieurs étoiles errantes ne semblent pas
avoir été fixées à une sphère mobile. Il faut prendre ici en considération
quau temps dAristote le mouvement des étoiles fixes navait pas encore été
découvert ; cest Ptolémée qui a établi quelles se déplacent doccident
en orient sur les pôles du zodiaque, dans une progression de cent ans, si
bien que leur révolution tout entière saccomplit en trente-six mille ans. Et
cest pourquoi les Anciens établissaient que la sphère des étoiles fixes
était le premier corps mobile, et quelle avait seulement un mouvement, le
mouvement diurne. Mais une fois le mouvement des étoiles fixes supposé, il faut
quelle se déplace de deux mouvements, à savoir de son propre mouvement, qui
est celui des étoiles fixes, et du mouvement diurne, qui est celui de la
sphère suprême, qui est sans étoile. |
[71267] In De
caelo, lib. |
[71267] Sur le De caelo, II, 17, 8. Ensuite quand il dit : Ğ à leur sujet ğ, etc., il montre la difficulté des ces questions. Et il dit quil est bien [292b15] de faire des recherches sur ces problèmes ; il ajoute : Ğ et pour celle qui apporte plus de compréhension ğ. Alexandre dit que ce texte est défaillant et quil faut sous-entendre quil faut assumer ce qui dépasse notre intelligence sur ce point plutôt que de rechercher davantage par nous-mêmes. Or ce nest pas une habitude chez Aristote, bien quil soit concis, dutiliser des expressions défaillantes, comme Simplicius le dit. Et cest pourquoi il fait lui-même lexposé suivant : il est bon de faire des recherches sur ces problèmes, mais cela ne concerne pas nimporte qui, mais seulement ceux qui comprennent plus. Or Averroès explique dans son commentaire quil faut comprendre quil est bon de réfléchir à ces questions et en soi, et aussi quil est utile pour cela que lhomme comprenne de plus en plus ; car celui qui sexerce à comprendre des choses difficiles peut comprendre plus de choses différentes, comme le dit le livre III de lÂme. Or ce quil faut rechercher présente une difficulté, puisque nous pouvons connaître avec certitude peu de leurs causes, et que leurs accidents sont plus éloignés de notre capacité à connaître que les corps eux-mêmes aussi le sont de nous physiquement. Et pourtant, si nous contemplons la vérité de ces questions à la lumière de ce qui a été dit, il apparaîtra que ce qui semblait difficile à rechercher nest pas illogique. |
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Lectio 18 |
Leçon 18 [Solutions]
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[71268] In De
caelo, lib. |
[71268] Sur le De caelo,
II, 18, 1. Après avoir présenté ces deux difficultés, il passe ici à leurs
solutions ; et il résout premièrement la première question, deuxièmement
la deuxième, ici : Ğ sur cette difficulté ğ, etc. Concernant
le premier point, il fait deux choses : il montre premièrement ce quil
faut supposer pour résoudre facilement la question posée en premier ; il
établit deuxièmement la solution, ici : Ğ or il semble ğ, etc.
Il dit donc premièrement que la première question semble difficile, parce que
nous faisons des recherches sur les corps célestes, comme sils étaient
seulement des corps ayant un ordre, [292a20] sans
quils soient animés ; et ainsi nous pensons quil doit y avoir en eux
un ordre de mouvements, qui suit lordre des nombres, et la situation de
leurs corps. Mais pour ce qui est de résoudre la difficulté déjà présentée,
il faut avoir sur eux lopinion quils participent non seulement à nimporte
quelle vie, mais aussi à nimporte quelle action, ce qui est le propre des
corps ayant une âme rationnelle, qui agissent dans un but, en tant que
propriétaires de leur acte, et qui nagissent pas du fait dun élan de la
nature seulement, comme toutes les choses irrationnelles. Une fois cela
supposé, rien ne semble contre la raison, si une multitude de mouvements ne
procède pas de la situation des corps, puisque lon doit davantage considérer
la diversité des mouvements et leur multitude selon leur rapport au bien
final, qui est le principe de tous les êtres susceptibles dagir, comme le
montrent le livre VII de lÉthique
et le livre II de |
[71269] In De
caelo, lib. |
[71269] Sur le De caelo,
II, 18, 2. Ensuite, quand il dit : Ğ il semble ğ, etc., il
établit la solution. Et il établit premièrement les principes de la
solution ; il les applique deuxièmement à la proposition, ici :
Ğ donc cela a ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux
choses : il établit premièrement les principes qui permettent
dexpliquer pourquoi les planètes supérieures se déplacent de plusieurs
mouvements, mais le premier corps mobile dun seul mouvement ; il
établit deuxièmement les principes qui permettent dexpliquer pourquoi les
planète supérieures se déplacent de plusieurs mouvements, et les inférieures
dun plus petit nombre de mouvements, selon la supposition dEudoxe,
ici : Ğ de son côté pour lautre ğ, etc. Concernant le premier
point il fait deux choses : il établit premièrement le principe ;
il le montre deuxièmement par un exemple, ici : Ğ de même que dans
un corps ğ, etc. Il dit donc premièrement que dans ce qui peut parvenir
à un bien parfait se trouvent trois degrés. Le degré suprême appartient à ce
qui est le mieux et qui na pas besoin dune action pour acquérir un bien
parfait ; mais cela naît de lui sans action. Le second est le degré de
ce qui se rapproche le plus de ce qui est le mieux pour la qualité de la
disposition à savoir ce qui obtient le bien parfait par une action unique et
minime. Le troisième est le degré de ce qui est plus éloigné de ce qui est le
mieux, mais qui obtient le bien parfait par plusieurs actes. Ensuite, quand
il dit : Ğ de même que dans un corps ğ, etc., il le montre par
un exemple. Et il dit que, parmi les corps, [292a25]
celui qui na pas besoin dexercice pour être dans une bonne condition
physique (appelé eujexiva) semble être le mieux disposé ; dans le second
degré se trouve un corps qui parvient à un bon état physique par une brève
promenade ; dans le troisième degré se trouve un corps qui, pour obtenir
cet état, a besoin de nombreux exercices, par exemple de la course, de la
lutte et du pugilat. |
[71270] In De
caelo, lib. |
[71270] Sur le De caelo, II, 18, 3. Ensuite, quand il dit : Ğ de nouveau pour un autre ğ, etc., il établit les principes qui permettent de résoudre la seconde partie de la question, à savoir pourquoi les planètes inférieures se déplacent par un plus petit nombre de mouvements que les supérieures. Et premièrement, il établit les principes, deuxièmement, il utilise un exemple, ici : Ğ parce quil faut penser ğ, etc. Concernant le premier point il fait trois choses : premièrement il établit quil y a un degré inférieur aux trois déjà mentionnés. Et il dit quil se trouve dans ce quatrième degré quelque chose qui, quelle que soit la peine quon y mette, ne peut parvenir à atteindre un bien parfait, mais qui peut obtenir un autre bien moindre que le bien parfait, par exemple si un corps pouvait obtenir sans aucun exercice une parfaite condition physique, mais sil obtenait par des exercices un état un peu meilleur que celui quil avait avant. Deuxièmement, ici : Ğ diriger est ğ, etc., il montre que dans ce degré aussi se trouve une certaine diversité, disant quil est difficile de Ğ diriger ğ, cest-à-dire de réussir, soit beaucoup de choses, soit beaucoup de fois ; car il est plus difficile de réussir en beaucoup doccasions quen peu doccasions. Or on peut envisager la multitude soit selon la diversité des choses, soit selon la diversité des actions réglées vers quelque unité ; quand il dit : Ğ beaucoup de choses ğ, cela concerne le premier point, quand il dit Ğ beaucoup de fois ğ, cela concerne le second point, surtout si les actions nont pas eu lieu en même temps. Donc il apparaît quil est dun plus grand mérite de pouvoir parvenir à un bien beaucoup de fois que de ne pas pouvoir y parvenir lors de ces nombreuses occasions, et ainsi de ne pas obtenir ce bien. Troisièmement, quand il dit : Ğ par exemple une myriade de fois ğ, etc., il donne un exemple de ce quil vient de dire. Et premièrement quant au fait davoir dit Ğ beaucoup de choses ğ, disant quil est difficile de lancer Ğ une myriade dastragales ğ, cest-à-dire dix mille astragales, qui sont une sorte de projectiles, provenant de lîle appelée Chios, où se trouvent de grands astragales (un autre texte a Ğ Coos ğ, qui est une autre île grecque, où se trouvent également de grands astragales) ; [292a30] or il est facile de lancer un ou deux dentre eux. Deuxièmement, ici : Ğ et encore ğ, etc., il donne un exemple quant au fait davoir dit Ğ beaucoup de fois ğ. Et il dit que, quand il faut accomplir telle chose dans ce but-ci, telle autre dans ce but-là, et telle autre dans un autre but encore (de telle façon quil faut parvenir à une seule fin par de nombreuses actions ordonnées les unes par rapport aux autres), il est facile de parvenir à cette fin, quand on peut réussir par une action ou deux, par exemple si quelquun achète un cheval pour faire de léquitation et parvient à un lieu en faisant de léquitation. Mais quand il faut parvenir à une fin par un plus grand nombre dactions, alors cest plus difficile, par exemple si lon na pas dargent pour acheter le cheval, mais si on doit lacquérir en accomplissant quelque artifice, alors que, pour sexercer à cela, on a besoin de rechercher encore des ressources pour un artifice. Il est donc clair quune vertu plus grande est requise, à partir à la fois de lintellect qui ordonne et de la puissance qui exécute, pour parvenir à une fin par un plus grand nombre dactions, que par une seule ou par un plus petit nombre. |
[71271] In De
caelo, lib. |
[71271] Sur le De caelo, II, 18, 4. Ensuite quand il
dit : Ğ parce quil faut penser ğ, etc., il donne des exemples
du principe déjà présenté. [292b1] Et il dit
que, en raison des propos tenus, il faut concevoir que laction des étoiles,
par rapport au grand ou au petit nombre de leurs mouvements, est semblable à
celle des animaux et des plantes. Car nous voyons que, parmi ces êtres
inférieurs, lhomme, possédant une âme dune vertu parfaite, a de multiples
activités, puisquil peut obtenir de nombreux biens ; et pour cette
raison, il peut accomplir de nombreuses choses, non seulement dans labsolu,
mais aussi dans lordre lune après lautre, par exemple lorsquil imagine
une série dactions ordonnées vers une fin. Et pourtant, pour cette raison,
lhomme nest pas le meilleur être de lunivers, [292b5]
puisque celui qui est le meilleur être de lunivers, à savoir Dieu, na
besoin daucune action pour obtenir le bien qui lui est propre. Car il na
pas de fin en dehors de lui, quil doive obtenir par une action, mais il est
lui-même sa propre fin et celle de tous les autres êtres ; or, laction
qui est en vue dune fin est toujours composée de deux parties, comme il faut
considérer ici à la fois la fin pour laquelle on agit, et ce qui est en vue
de la fin, ce qui est fait pour celle-ci, à savoir la fin. Mais les actions
des autres êtres vivants que lhomme sont moins nombreuses que celles de ce
dernier, dune part parce quelles nont pas dactions venant de leur partie
intellective, dautre part parce quelles ont un mode opératoire fixé à
lavance par la nature dans leurs actions extérieures, de même que lhirondelle
fait toujours son nid de la même façon. Mais les plantes ont sans doute une
seule activité, à savoir lactivité nutritive, et qui est
Ğ petite ğ, cest-à-dire imparfaite au regard de lactivité
sensitive et intellective. Et la raison de cette différence est que la fin à
laquelle on parvient, est soit un bien parfait, par exemple la fin à laquelle
lhomme parvient, à savoir le bonheur, quil recherche par de nombreuses
activités, soit quil y a de nombreuses choses qui sont exigées à lavance [292b10] en vue dun bien parfait, que les plantes
et les animaux obtiennent par une activité ou un petit nombre. Par exemple le
bonheur demande à lavance la conservation de vie, ensuite la connaissance
des sensibles, et enfin la compréhension de la vérité universelle, en quoi
consiste le bonheur final ; et cest seulement lhomme qui obtient cela,
la plante obtenant la conservation de sa vie par laction de sa partie
nutritive, les animaux dépourvus de raison obtenant en plus de cela la
connaissance de chaque chose. |
[71272] In De
caelo, lib. |
[71272] Sur le De caelo,
II, 18, 5. Ainsi donc il apparaît daprès tout ce qui a été présenté quil y
a cinq ordres dans les choses. Car létant suprême est celui qui a un bien
parfait sans action ; le second est celui qui a un bien parfait grâce à
un seul mouvement ou à un petit nombre ; le troisième est celui qui
acquiert un bien parfait par de nombreuses activités, comme lhomme. Le
quatrième degré est celui qui ne peut pas acquérir de bien parfait en aucune
manière, mais qui en obtient un avant-goût grâce à un petit nombre de
mouvements ou à un seul, comme les animaux et les plantes. Il en résulte
quon trouve au dernier rang ce qui ne peut rien acquérir de cela et qui,
pour cette raison, na pas de quoi participer à un mouvement. Ainsi donc il
est possible quune chose soit totalement dépourvue de mouvement de deux
façons, dune part parce quelle est la plus parfaite, dautre part parce
quelle est la plus imparfaite. De la même manière, il est aussi possible
quune chose ait un mouvement ou un petit nombre de mouvements, de deux
façons, dune part parce quelle est proche de lêtre le plus parfait,
dautre part parce quelle est proche de lêtre le plus imparfait. Et il
arrive quune chose ait beaucoup dactions ou de mouvements parce quelle a
une position intermédiaire. |
[71273] In De
caelo, lib. |
[71273] Sur le De caelo, II, 18, 6. Ensuite, quand il
dit : Ğ donc il a ceci ğ, etc., il adapte les principes déjà
présentés à la proposition. Et il dit que dans lordre des choses, ce qui est
suprême possède le bien suprême et y participe sans aucun mouvement, ce qui
arrive aux substances séparées, qui sont tout à fait immobiles. Il dit :
Ğ possède ğ, en raison de la cause suprême, qui est Dieu le très
haut, qui est lessence même de la bonté ; il dit :
Ğ participe ğ, en raison des substances séparées inférieures, qui
tirent leur être et leur bien dautre chose ; car
Ğ participer ğ nest rien dautre que recevoir en partie quelque
chose dun autre être. Tel est donc lordre premier et suprême des étants. Il
distingue un second ordre, disant que cest une chose qui touche de près
lêtre le meilleur en peu de mouvements, comme la sphère suprême, qui,
dit-on, sapproche de cet être dans la mesure où elle atteint ce qui est la
cause universelle des êtres corporels et la cause de leur permanence. Ensuite
il établit un troisième degré, disant que cest une chose qui sapproche du
bien suprême au moyen de nombreux mouvements, comme les planètes supérieures,
qui sont aussi les causes universelles des effets dans le monde, celles de la
permanence et de la fixité des choses. Puis il établit un quatrième degré,
disant que cest une chose qui ne peut pas participer à ce bien parfait, mais
qui se contente de sen approcher de quelque manière que ce soit. |
[71274] In De
caelo, lib. |
[71274] Sur le De caelo, 2,
18, 7. Et il ajoute un exemple à leur présentation, disant que, si nous
posons la santé comme le but de la vie, nous découvrons, concernant cela, que
ce quil y a de mieux, cest dêtre toujours en bonne santé. Le second degré
est de devenir en bonne santé seulement par Ğ diminution ğ,
cest-à-dire par suppression du poids superflu. Le troisième degré est
datteindre la santé par diminution, mais en ayant besoin de courir pour
maigrir et en cherchant à faire quelque chose dautre [292b15] pour courir afin dêtre apte à la course ; et il y
a ainsi un plus grand nombre de mouvements qui permettent datteindre le but
de la santé. Le quatrième degré est de ne pas parvenir à être en bonne santé,
mais à ce qui précède la santé, par exemple seulement à courir, ou bien, plus
tard, à maigrir ; ni lune ni lautre chose ne sont une fin, mais elles
ont une fin, à savoir la santé, comme on la dit. Et il leur attribue une
raison, disant que le mieux pour tous est dobtenir une fin de nimporte
quelle manière, à savoir soit sans mouvement, soit par un petit nombre de
mouvements, soit par un grand nombre. Or si une chose nest pas susceptible
datteindre une fin, elle sera toujours dautant meilleure quelle sapproche
du bien suprême ; par exemple, ce qui atteint lamaigrissement, qui est
la chose qui sapproche le plus de la santé, est mieux que ce qui parvient à
courir. À partir de là, il est clair aussi que dans nimporte lequel de ces
ordres il peut y avoir de nombreux degrés. |
[71275] In De
caelo, lib. |
[71275] Sur le De caelo, II, 18, 8. Et puisque |
[71276]
In De caelo, lib. |
[71276] Sur le De caelo,
II, 18, 9. Parmi ce qui a été dit, il a exprimé trois choses, à savoir le
principe qui possède le bien suprême et qui y participe : car il a
rapporté que cest Ğ le plus divin des principes ğ. De la même
façon, il a aussi attribué au premier ciel le second ordre, qui atteint le
bien parfait par peu de mouvements. Le cinquième ordre, qui est dépourvu de
tout mouvement en raison de son imperfection, il la aussi attribué à |
[71277] In De
caelo, lib. |
[71277] Sur le De caelo, II, 18, 10. Et cest
pourquoi Averroès dit dans son commentaire que le quatrième ordre,
cest-à-dire celui des corps qui natteignent pas le bien parfait, mais qui
sen approchent par un petit nombre de mouvements, est attribué aux trois
éléments, à savoir leau, lair et le feu ; ces derniers se déplacent
sans doute dun double mouvement, à savoir de leur propre mouvement suivant
la nature de la pesanteur ou de la légèreté, et du mouvement quils
poursuivent à cause des corps célestes, de même que le feu et la partie
supérieure de lair se déplacent circulairement en suivant le mouvement du
ciel, et que la mer avance et reflue en suivant le mouvement de |
[71278]
In De caelo, lib. |
[71278] Sur le De caelo,
II, 18, 11. Mais selon cette explication, la difficulté quAristote a
soulevée demeure sans solution. Et cest pourquoi, en suivant lintention
dAristote, il faut dire que le quatrième degré est attribué au Soleil et à |
[71279] In De
caelo, lib. |
[71279] Sur le De caelo, II, 18, 12. Cependant
Simplicius dit dans son commentaire quil ne pense pas que lordre de
noblesse chez les corps célestes suive lordre de leurs lieux, mais que
chacun dentre eux, quil soit plus ou moins noble, est situé là où cest le
mieux de le situer ; et cest pourquoi, selon Aristote, les luminaires
du monde, à savoir |
[71280]
In De caelo, lib. |
[71280] Sur le De caelo,
II, 18, 13. Or, selon les hypothèses des astronomes modernes, le nombre des
corps célestes semble avoir été établi assez convenablement, bien quil ne
suive pas le raisonnement quAristote présente ici. Car, comme on la dit
ci-dessus, et comme Aristote le dit dans le livre XII de |
[71281] In De
caelo, lib. |
[71281] Sur le De caelo, II, 18, 14. Il faut aussi
savoir que, puisquAristote établit ici que |
|
|
Lectio
19 |
Leçon 19 [Solutions aux difficultés sur les étoiles suite-]
|
[71282]
In De caelo, lib. |
[71282] Sur le De caelo,
II, 19, 1. Après avoir présenté la solution de la première question, il
résout ici la seconde, où il se demandait pourquoi, comme dans la sphère du
premier mouvement se trouvent dinnombrables étoiles, il ny en a quune dans
nimporte laquelle des autres sphères inférieures. |
[71283]
In De caelo, lib. |
[71283] Sur le De caelo,
II, 19, 2. Il donne trois solutions à ce problème. La première dentre elles
est tirée de la supériorité de la première sphère sur les autres. Et il dit
que, concernant la question où lon se demande pourquoi suivant le mouvement
de la première sphère, qui est unique, il se trouve plutôt un multitude
dastres et pourquoi dans les autres sphères inférieures des planètes à
chaque étoile sont impartis séparément des mouvements particuliers (à savoir
que les uns sont les mouvements de Saturne, les autres ceux de Jupiter et ainsi
de suite, alors que toutes les étoiles fixes sont pourtant disposées selon un
seul mouvement), il faut affirmer que lon peut juger cela logique,
premièrement pour cette unique raison : parce quil faut comprendre que [292b30] la première sphère a une grande supériorité
sur les autres, dune part concernant la vie, puisquelle a une vie plus
noble, étant donné quelle a une âme plus noble, concernant ce qui constitue
le principe de chaque être, puisque la causalité universelle correspond
davantage à la première sphère quà lune des autres. Cette supériorité peut
être considérée sous trois aspects : premièrement puisquelle est placée
immédiatement après le premier moteur, deuxièmement puisquelle contient et
fait tourner toutes les autres sphères, troisièmement puisquelle a un
mouvement très simple et très rapide. Il est évident que ce qui est le plus
noble, et qui est le plus actif sur les corps célestes est létoile, ce que
montre sa luminosité. Et cest pourquoi il convient que la première sphère ait
une multitude détoiles en abondance, en comparaison des autres sphères. |
[71284]
In De caelo, lib. |
[71284] Sur le De caelo,
II, 19, 3. Or si nous supposons que la sphère des étoiles fixes nest pas la
sphère suprême, mais quil y a une autre sphère qui lui est supérieure, où ne
se trouve aucune étoile, cela ne change rien à la proposition, puisque le
mouvement de la sphère nexiste que pour le mouvement de létoile, comme le
dit le livre XII de |
[71285]
In De caelo, lib. |
[71285] Sur le De caelo,
II, 19, 4. Il établit ici une seconde raison : Ğ en tout cas il
sera ğ, etc. ; cette dernière est tirée de la proportion entre la
multitude des étoiles et celle des mouvements. Et il dit que lon peut se
demander si cela arrive selon la raison. Car comme la première translation
est unique, de nombreux corps célestes (qui sont appelés Ğ corps
divins ğ en raison de leur éternité) se déplacent grâce à elle ; or
de nombreuses translations inférieures déplacent [293a1]
un seul corps, puisque nimporte laquelle des étoiles Ğ errantes ğ,
cest-à-dire des planètes, se déplace de plusieurs mouvements, comme on la
dit ci-dessus. Ainsi donc la nature crée une certaine égalité de proportion
entre les étoiles fixes et les planètes, et les dispose en ordre ; et
cest ainsi quil attribue Ğ de nombreux corps ğ, cest-à-dire de
nombreuses étoiles à un seul premier mouvement ; inversement, en ce qui
concerne les planètes, il attribue de nombreux mouvements Ğ à un seul
corps ğ, cest-à-dire à une seule étoile. Et il les répartit logiquement
ainsi. Car les planètes sont pour ainsi dire les instruments de la sphère
suprême, qui agit principalement sur les corps, dans la mesure où ils sont
transportés dune certaine manière par les planètes qui sinterposent et où
les multiples vertus des étoiles fixes sont attachées à ces corps inférieurs.
Or, un instrument agit dans la mesure où il est déplacé, mais un agent
principal agit selon sa forme et sa vertu propre ; et cest pourquoi il
convient que la sphère suprême ait une multitude détoiles, dans lesquelles
diverses vertus actives prennent racine, et que les planètes abondent en une
multitude de mouvements. Ce raisonnement est aussi préservé par la position
des astronomes modernes. Car, même si la sphère des étoiles fixes avait deux
mouvements, elle participerait cependant très peu au second dentre eux, qui
est le plus lent chez elle. |
[71286] In De
caelo, lib. |
[71286] Sur le De caelo,
II, 19, 5. Il établit une troisième raison ici : Ğ et en outre pour
cette raison ğ, etc. ; elle est tirée de la multitude des sphères
qui déplacent [293a5] chacune des planètes, selon
la position des astronomes anciens. Et il dit que, pour cette raison, dans
nimporte lequel des mouvements planétaires apparents se trouve un seul corps
stellaire qui se déplace, puisque nombreux sont les corps sphériques qui
déplacent une étoile ; et cest ainsi que celles qui sont
Ğ premières ğ, cest-à-dire supérieures, sont déplacées par la
sphère qui est à la fin et qui contient en elle létoile elle-même,
puisquune étoile est déplacée en étant fixée dans la dernière sphère parmi
les nombreuses sphères organisées pour le mouvement dune seule (ou plutôt on
peut comprendre que la dernière sphère est dune certaine manière reliée aux
sphères supérieures et quelle se déplace selon leur mouvement). Or il est
clair que chacune des ces sphères est un corps. Ainsi donc luvre commune de
toutes les sphères qui déplacent une planète appartient à
Ğ celle-ci ğ, cest-à-dire à la sphère suprême dans cette ordre,
laquelle fait tourner toutes celles qui lui sont inférieures, puisque le
mouvement de la sphère la plus basse, où se trouve la planète, est un
mouvement propre et naturel à la planète elle-même ; or, les mouvements
des sphères supérieures [293a10] sont pour
ainsi dire ajoutés pour régler lirrégularité qui est vue dans le mouvement
de la planète, à avoir la rapidité et la lenteur, la rétrogradation, la
marche directe et la station. Et ainsi il apparaît que, comme la sphère
supérieure déplace toutes les sphères inférieures organisées pour le
mouvement de la même planète, si avec cela elle avait à déplacer plusieurs
étoiles, ce serait difficile pour elle, puisque nimporte quel corps a une
puissance limitée en comparaison dun autre corps ; car on a démontré
dans le livre VIII de |
[71287] In De
caelo, lib. |
[71287] Sur le De caelo,
II, 19, 6. Il ne faut pas comprendre que cette difficulté se produirait parce
que dans les étoiles il y a de la pesanteur ou quelque chose qui résiste au
mouvement, mais parce quil faut que le corps qui déplace soit supérieure au
mobile ; or, la sphère supérieure ne pourrait dépasser les autres en
puissance, si chez les êtres inférieurs il y avait une multitude détoiles en
même temps quune multitude de sphères, alors que la puissance des corps
célestes se trouve en abondance dans les corps des étoiles. Il faut faire
très attention au fait quil donne aux corps déplacés la proportion limitée
de la sphère qui déplace, du fait que cette dernière est un corps. Donc il
est clair que le moteur séparé, qui est substance incorporelle et
immatérielle, ne dépasse pas, suivant la théorie dAristote, le corps quil
déplace de façon limitée mais infiniment, étant donné quil est en dehors de
tout corps doté dune grandeur, et dune façon non déterminée par la matière.
De ce fait, il est clair que ce quAverroès dit dans son commentaire est faux,
à savoir que laddition du premier moteur à la puissance du corps déplacé
nest infinie que pendant un temps infini. De même que, si la puissance du
moteur séparé est infinie, il ne se déplace pas avec une vitesse infinie, à
savoir en un instant, et que, si la puissance dun corps est finie, ce corps
peut durer pendant un temps infini, cest manifeste dans le livre VIII de |
[71288] In De
caelo, lib. |
[71288] Sur le De caelo,
II, 19, 7. En guise de conclusion il dit en avoir assez dit sur les étoiles,
qui sont déplacées par un mouvement circulaire, la substance de leur nature,
et leur configuration, ainsi que sur leur mouvement et leur ordre. |
|
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Lectio 20 |
Leçon 20 [Lemplacement de la terre]
|
[71289] In De
caelo, lib. |
[71289] Sur le De caelo,
II, 20, 1. Après que le philosophe a traité du corps céleste, qui se déplace
circulairement, il traite ici de |
[71290] In De
caelo, lib. |
[71290] Sur le De caelo,
II, 20, 2. Ensuite quand il dit : Ğ sur sa position ğ, etc.,
il expose la proposition. Et il sattache premièrement à présenter les trois
notions déjà mentionnées selon lopinion des autres, deuxièmement selon la
vérité, ici : Ğ nous, nous dirions ğ, etc. Concernant le
premier point il fait deux choses : il présente premièrement les
opinions fausses de certains sur |
[71291] In De
caelo, lib. |
[71291] Sur le De caelo,
II, 20, 3. Il dit donc premièrement que sur la situation de |
[71292] In De
caelo, lib. |
[71292] Sur le De caelo,
II, 20, 4. Ensuite, quand il dit : Ğ ce n'est pas aux
apparences ğ, etc., il présente leurs raisonnements. Et sur ce point il
fait deux choses : il expose premièrement la qualité de leur
raisonnement ; il présente deuxièmement les raisonnements eux-mêmes,
ici : Ğ le plus honorable, en effet ğ, etc. Concernant le
premier point, il fait deux choses : il établit premièrement de quels
raisonnements les Pythagoriciens se servaient. [293a25]
Et il dit que les Pythagoriciens ne cherchaient pas de cette manière des
raisonnements et des causes pour les appliquer aux apparences, mais que,
inversement, ils sefforçaient de les réduire avec une certaine force et de
les faire coïncider avec certains raisonnements et opinions intelligibles,
quils avaient eux-mêmes élaborés à lavance. Cela convient certes à ce qui
est fait par l'homme, dont le principe est lintellect humain ; mais
pour ce qui a été fait par lart divin, il faut au contraire, à propos des
actions vues, en considérer les raisons, de même quun artisan fait
ressembler la maison quil construit à ses raisonnements préconçus, mais que
tout autre personne qui verrait la maison déjà faite examinerait les raisons
de louvrage à partir de louvrage vu lui-même. Deuxièmement ici :
Ğ par de nombreux savants en tout cas ğ, etc., il montre quil est
possible que beaucoup dautres savants soient influencés par les mêmes
raisonnements que les Pythagoriciens. Et il dit que beaucoup dautres
savants, outre les Pythagoriciens, ont pu penser qu'ils ne devaient pas
attribuer la région centrale à |
[71293] In De
caelo, lib. |
[71293] Sur le De caelo, II, 20, 5. Ensuite, quand il
dit : Ğ par le plus honorable ğ, etc., il établit deux
raisonnements. Le premier dentre eux est quils pensaient que la
Ğ région ğ - cest-à-dire
le lieu - la plus honorable, correspond au corps le plus honorable, parce que
les lieux sont proportionnés aux corps selon leur nature. Or, il est
manifeste que le feu est plus honorable que la terre, dune part en raison de
sa clarté, dautre part en raison de sa puissance active, dautre part aussi
à cause de sa subtilité. Il est aussi manifeste que les limites sont plus
nobles que ce qui est entre les limites, de même que la limite par rapport au
limité et le contenant par rapport au contenu. Or, ils pensaient que ce qui
est Ğ extrême ğ, cest-à-dire suprême, dans le monde, et le milieu
du monde sont comme des limites ; et cest pourquoi ils établissaient
quils étaient les lieux les plus nobles. Et, pour cette raison,
réfléchissant à cela, ils ne plaçaient pas |
[71294] In De
caelo, lib. |
[71294] Sur le De caelo,
II, 20, 6. Il établit ici la seconde raison, ici : Ğ en outre les
Pythagoriciens ğ, etc. [293b1] Et il dit
que les Pythagoriciens plaçaient le feu au milieu du monde, parce que, comme
cest lélément principal, il doit être particulièrement protégé, de même que
nous surveillons avec grande attention nos biens précieux ; or, le lieu
central semble avoir une aussi grande aptitude à protéger, comme sil était
fortifié et raffermi par tout ce qui, du dehors, entoure le milieu. Et de là
vient que les Pythagoriciens, parlant de façon métaphorique, appelaient cette
région qui contient le feu Ğ prison ğ ou Ğ garde de
Jupiter ğ. Et cela, si nous comprenons que le feu est gardé. Or, si nous
comprenons que le feu est le garde, il faut inversement comprendre que le feu
Ğ qui occupe cette région ğ, cest-à-dire qui occupe le lieu
central, est appelé prison de Jupiter, comme sil avait la puissance de
garder. |
[71295] In De
caelo, lib. |
[71295] Sur le De caelo,
II, 20, 7. Ensuite, quand il dit : Ğ comme si le milieu ğ,
etc., il réfute le raisonnement déjà présenté. Et il dit que les
Pythagoriciens se servaient, dans le raisonnement ci-dessus, du nom de
Ğ milieu ğ, comme s'il désignait Ğ simplement ğ,
cest-à-dire de façon univoque, le milieu dune grandeur et [293b5] ce qui constitue le milieu dune chose selon
la nature, à savoir ce qui permet de protéger la nature dune chose, de même
que nous voyons chez les animaux que le milieu qui protège la nature de
lanimal, cest-à-dire le cur, nest pas la même chose que ce qui constitue
le milieu relativement à la grandeur du corps, qui est plutôt l'ombilic. Et il
faut en juger ainsi aussi pour le Ğ ciel ğ tout entier,
cest-à-dire pour tout lunivers. Et cest pourquoi ils ne doivent pas se
demander, à propos de lunivers tout entier, sil a besoin dune garde, de
telle façon quil faut attribuer la prison ou la garde de lunivers au [293b10] centre, qui est le milieu de la
grandeur ; mais il faut sinterroger sur ce qui est le milieu de la
nature dans lunivers, chez lanimal, tel quil est selon la nature, et se
demander quel lieu lui convient naturellement. Et il manifeste ces deux
idées, en montrant premièrement quel est le milieu de lunivers qui soit
proportionné au cur de lanimal. Et il dit ce qui est le principe des autres
corps et le plus honorable dentre eux : et cest la sphère des étoiles
fixes. Or, le lieu central ne lui correspond pas, mais plutôt le lieu de
lextrémité contenant, puisque ce qui est le milieu de la grandeur parmi les
lieux de lunivers est davantage assimilé à la fin quau principe. Et cela
parce que le milieu est contenu et déterminé par tout le reste ; or, ce
qui est la Ğ fin ğ, cest-à-dire lextrémité parmi les corps
suivant lordre des lieux, a la condition de ce qui détermine et contient. Il
est manifeste que le contenant est plus honorable que le contenu, et que la
fin lest plus que le fini, puisque le contenu et le fini concernent celle de
[293b15] la matière et que lêtre contenant et
limitant concerne la forme, qui est la substance de tout ce qui constitue les
choses. Et ainsi les corps contenant sont-ils plus formels, et les corps
contenus plus matériels. Et cest pourquoi, dans tout lunivers, de même que |
|
|
Lectio
21 |
Leçon 21 [Le mouvement de la terre]
|
[71296] In De
caelo, lib. |
[71296] Sur le De caelo,
II, 21, 1. Après que le philosophe a présenté les opinions sur lemplacement
de |
[71297] In De
caelo, lib. |
[71297] Sur le De caelo, II, 21, 2. Il dit donc
premièrement que, de même que les philosophes parlent de différentes façons
du lieu de |
[71298] In De
caelo, lib. |
[71298] Sur le De caelo,
II, 21, 3. Ensuite quand il dit : Ğ parce que de Lune ğ, etc.,
il expose la démonstration de ce qui a été dit en dernier lieu, selon eux.
Car il est manifeste que, de même quune éclipse de Soleil arrive à cause de
linterposition de |
[71299] In De
caelo, lib. |
[71299] Sur le De caelo,
II, 21, 4. Ensuite, quand il dit : Ğ puisque, en effet, |
[71300] In De
caelo, lib. |
[71300] Sur le De caelo, II, 21, 5. Ensuite, quand il
dit : Ğ certains et placée ğ, etc., il établit la seconde
opinion. Et il dit que, bien que certains disent que |
[71301] In De
caelo, lib. |
[71301] Sur le De caelo,
II, 21, 6. Ensuite quand il dit : Ğ également à propos de sa
forme ğ, etc., il établit les opinions sur la forme de |
[71302] In De
caelo, lib. |
[71302] Sur le De caelo,
II, 21, 7. Deuxièmement ici : Ğ ils utilisent comme preuve ğ,
etc., il établit les deux raisons de cette seconde opinion. La première
dentre elles est quils utilisent comme preuve lobservation que le Soleil
levant et couchant est coupé par |
[71303] In De caelo, lib. |
[71303] Sur le De caelo,
II, 21, 8. Il établit la seconde raison, ici : Ğ mais en
outre ğ, etc., disant quils ajoutent en outre une raison dans le même
but, en déclarant quil est nécessaire [294a10]
que |
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Lectio 22 |
Leçon 22 [Limmobilité de la terre]
|
[71304] In De
caelo, lib. |
[71304] Sur le De caelo, II, 22, 1. Après que le
philosophe a rejeté les opinions de ceux qui avaient des idées fausses sur |
[71305] In De
caelo, lib. |
[71305] Sur le De caelo,
II, 22, 2. Il dit donc premièrement quil semble nécessaire quune question
se pose à tous concernant |
[71306] In De
caelo, lib. |
[71306] Sur le De caelo, II, 22, 3. Ensuite quand il dit:
Ğ les solutions sur cela ğ, etc., il expose que les solutions
avancées par les philosophes sont insuffisantes. Et il dit que on pourrait
s'étonner non seulement de ce qu'il en soit ainsi pour |
[71307] In De
caelo, lib. |
[71307] Sur le De caelo, II, 22, 4. Ensuite, quand il
dit : Ğ car ceux-ci pour cette raison ğ, etc., il établit cinq
solutions à la question déjà posée. La deuxième commence ici :
Ğ ceux-ci dans l'eau ğ, etc., la troisième ici : Ğ Or,
Anaximène ğ, etc. ; la quatrième ici : Ğ puisqu'elle
demeure ğ, etc. ; la cinquième ici : Ğ certains
sont ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses. Il
propose premièrement la première solution. Et il dit que certains, pour cette
raison, c'est-à-dire afin d'éviter la difficulté déjà mentionnée, disent que
le dessous de |
[71308] In De
caelo, lib. |
[71308] Sur le De caelo, II, 22, 5. Deuxièmement, ici :
Ğ pour cela Empédocle ğ, etc., il établit comment Empédocle s'est
moqué de cette solution. Et il dit que, puisque les hommes dont on a parlé ne
disaient pas cela comme quelque chose de vraisemblable, mais pour éviter la
question, Empédocle Ğ est resté interdit ğ, c'est-à-dire s'est fortement
étonné de leur erreur, parlant ainsi [294a30]
dans les vers qu'il a composés sur la philosophie : Ğ si, dit-il,
les profondeurs de |
[71309] In De
caelo, lib. |
[71309] Sur le De caelo, II, 22, 6. Ensuite quand il
dit : Ğ ceux-ci dans l'eau ğ, etc., il s'attache à présenter
la deuxième solution. Et il l'expose en premier lieu ; en second lieu,
il la rejette ici : Ğ comme si la même n'est pas ğ,
etc. ; en troisième lieu il expose la faiblesse d'une solution de ce
genre, ici : Ğ mais semblent ğ, etc. Il dit donc premièrement
que, de même que les savants déjà mentionnés ont établi que |
[71310] In De
caelo, lib. |
[71310] Sur le De caelo,
II, 22, 7. Ensuite quand il dit : Ğ comme si la même ğ, etc.,
il rejette ce qui a été dit, pour trois raisons. Et il dit que la solution
déjà mentionnée a été présentée comme si le raisonnement n'était pas le même
pour |
[71311] In De
caelo, lib. |
[71311] Sur le De caelo,
II, 22, 8. Il établit la deuxième raison ici : Ğ en outre de même
que ğ, etc. Et il dit que, de même que l'air est plus léger que l'eau,
de même l'eau est aussi plus légère que la terre, ou moins lourde. Or, il est
dans la constitution dun corps plus léger de se trouver au-dessus dun corps
plus lourd selon la nature. Il n'est donc pas possible que l'eau, qui est
plus légère, soit placée plus au-dessous que |
[71312] In De
caelo, lib. |
[71312] Sur le De caelo,
II, 22, 9. Il établit la troisième raison ici : Ğ en outre
si ğ, etc. ; et cette raison est la suivante. Comme on l'a
considéré dans le premier livre, le mouvement naturel est le même, et le
repos est le même pour toute |
[71313] In De
caelo, lib. |
[71313] Sur
le De caelo, II, 22, 10. Ensuite quand il dit : Ğ mais ils
semblent ğ, etc., il présente la cause de la faiblesse des solutions
exposées. Et il dit quils ont été susceptibles de proposer des solutions
aussi défaillantes, parce qu'ils semblent réfléchir aux difficultés jusqu'à
une certaine limite, et non jusque là où il est possible de s'interroger. Or,
il faut que celui qui veut résoudre correctement un problème poursuive la
solution jusque là où il n'y a pas plus de question, ce que ceux-là ne font
pas. Alors quil se compte parmi les autres, il attribue la raison de cette
attitude à la volonté d'éviter la vantardise, disant quil semble habituel à
tous ceux d'entre nous qui résolvent des problèmes de faire des recherches
Ğ non pas en vue de la chose, mais pour le contradicteur ğ,
c'est-à-dire non pas jusquau point où la nature de la chose le demande, mais
jusquau point où notre adversaire ne nous oppose plus de contradiction ;
car nimporte qui même veille pour lui-même à ce que, lorsqu'il s'interroge
sur quelque chose, il aille [294b10] de lui-même jusquau point où il n'a pas lui-même
sous les yeux de quoi se contredire. Mais cela ne suffit pas, puisque,
lorsque lon veut trouver la vraie solution, il ne faut pas se contenter des
objections qu'il a sous les yeux, mais les rechercher avec soin. Et pour
cette raison, comme il le suppose lui-même, il faut que celui qui veut bien
rechercher la vérité ait à l'esprit ce qu'il poursuit pour lui-même et pour
les autres, en faisant des demandes non pas sophistiques, mais réelles et
rationnelles, Ğ propres ğ, c'est-à-dire qui conviennent, au genre
sur lequel portent ses recherches. Et cela arrive du fait que l'homme considère
toutes les différences des choses, dont la ressemblance permet de résoudre la
question, de même que Thalès résout la question présente grâce à la
ressemblance entre le bois et la terre ; or, il aurait fallu considérer
la différence entre les deux ; car le bois, étant donné qu'il a beaucoup
d'air, flotte sur l'eau, ce qui ne s'accorde pas avec |
|
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Lectio
23 |
Leçon 23 [La cause de limmobilité de la terre]
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[71314] In De
caelo, lib. |
[71314] Sur le De caelo,
II, 23, 1. Après avoir avancé ces deux solutions, dont la première attribuait
la cause du repos de |
[71315] In De
caelo, lib. |
[71315] Sur
le De caelo, II, 23, 2. Ensuite, quand il dit :
Ğ premièrement certes ğ, etc., il rejette la solution que l'on
vient de présenter pour trois raisons. La première d'entre elles est que
cette solution suppose que |
[71316] In De
caelo, lib. |
[71316] Sur le De caelo, II, 23, 3.
Il présente une seconde raison, ici : Ğ bien que le séjour ğ, etc.
Et il dit que, bien qu'ils attribuent à la largeur de |
[71317] In De
caelo, lib. |
[71317] Sur le De caelo, II, 23, 4.
Il présente la troisième raison ici : Ğ totalement ğ, etc. Et
il dit que contre ceux qui parlent ainsi du mouvement et du repos des corps
naturels, s'élève la question Ğ non sur la partie ğ, c'est-à-dire
non sur un corps particulier, par exemple |
|
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Lectio 24 |
Leçon 24 [Autres raisons sur limmobilité de la terre]
|
[71318] In De
caelo, lib. |
[71318] Sur le De caelo, II, 24, 1.
Après avoir avancé trois raisons au repos de |
[71319] In De
caelo, lib. |
[71319] Sur le De caelo,
II, 24, 2. Ensuite quand il dit : Ğ bien que ni par un
tourbillon ğ, etc., il rejette le raisonnement que l'on vient de
présenter. Et premièrement relativement au repos de |
[71320]
In De caelo, lib. |
[71320] Sur le De caelo, II, 24, 3.
Ensuite quand il dit : Ğ en outre à Empédocle ğ, etc., il
rejette en particulier la solution d'Empédocle. Or, il faut considérer qu'Empédocle
établissait quatre éléments matériels et deux éléments moteurs, c'est-à-dire
la haine et l'amitié, qui, par agrégation et désagrégation d'éléments, sont
la cause de la génération et de la corruption du monde, et de tout ce qui est
dans le monde. Il dit donc que l'on peut soulever cette question [295a30] contre Empédocle : quand les
éléments étaient séparés les uns des autres en raison de la haine, il fallait
que |
[71321] In De
caelo, lib. |
[71321] Sur le De caelo, II, 24, 4.
Ensuite quand il dit : Ğ un inconvénient ğ, etc., il rejette
la raison qu'ils avançaient communément sur le mouvement de |
[71322] In De
caelo, lib. |
[71322] Sur le De caelo, II, 24, 5.
Il établit la seconde raison ici : Ğ en outre le feu aussi ğ,
etc. Et il dit qu'il faut examiner pour quelle cause le feu est emporté vers
le haut. Car il ne faut pas dire que c'est en raison de la rotation du
ciel ; l'exemple avancé par eux ne s'étend pas à cela. Or, si le feu est
emporté vers un lieu grâce à son aptitude naturelle, il est manifeste qu'il
est possible de penser la même chose de |
[71323] In De
caelo, lib. |
[71323] Sur le De caelo,
II, 24, 6. Il établit la troisième raison ici : Ğ mais en outre ni
par la rotation ğ, etc. Et il dit que, si l'on considère leurs propos et
leurs exemples, il ne semble pas qu'il faille dire que le lourd se distingue
du léger parmi les corps en raison de la rotation du ciel elle-même, mais
que, une fois cette distinction entre les lourds et les légers supposée [295b5], certains corps viennent au milieu, à
savoir les graves, et que d'autres, à savoir les légers, tentent de se
déplacer vers le haut, en raison du mouvement, dans la mesure où ils sont
repoussés du lieu central par les corps lourds transportés à cet endroit. Et
ainsi c'est seulement par accident que la rotation du ciel cause le mouvement
du feu vers le haut. On peut voir par cet exemple avancé par eux que la
rotation ne distingue pas le lourd et le léger, mais présuppose leur
distinction : car dans la rotation de l'air et des liquides ce qui était
d'abord lourd est entraîné vers le milieu. Ainsi donc avant que la rotation
du ciel ait lieu, il y avait le lourd et le léger. Ces derniers se
distinguaient selon un critère, à savoir selon leur aptitude à se déplacer
d'une certaine manière et vers un certain lieu ; car un corps est appelé
lourd ou léger en raison de son inclinaison vers un mouvement local. Et ainsi
la rotation n'est pas la cause pour laquelle les corps légers se déplacent
vers le haut, ou les lourds vers le bas. Or, ceux-ci pouvaient distinguer le
lourd et le léger, ainsi que leurs lieux, qui sont le haut et le bas,
puisqu'ils n'établissaient pas que l'univers est infini : car il n'est
pas impossible de faire de différence entre le haut et le bas, si chez eux le
lourd et le léger sont différenciés, comme on l'a dit. Et puisque quelques
uns établissaient que l'univers est infini, à savoir Anaximène et Xénophane,
pour cette raison il dit clairement qu'Ğ un très grand nombre ğ,
mais non pas tous, sont Ğ usés ğ, c'est-à-dire habitués et exercés
aux causes du mouvement et du repos des corps lourds et légers. |
|
|
Lectio
25 |
Leçon 25 [Suite]
|
[71324] In De
caelo, lib. |
[71324] Sur le De caelo,
II, 25, 1. Après avoir présenté la quatrième solution, qui tirait la raison
du repos de |
[71325] In De
caelo, lib. |
[71325] Sur le De caelo,
II, 25, 2. Ensuite, quand il dit : Ğ or on dit ğ, etc., il
rejette la raison déjà mentionnée. Et premièrement parce que cette raison
n'est pas nécessaire ; deuxièmement parce qu'elle suppose une erreur,
ici : Ğ mais en outre ni la vérité qui est dite ğ, etc. Il dit
donc premièrement que ce qui est dit semble l'être pour persuader, mais non
pour dire la vérité. Et il le prouve par quatre raisons. La première d'entre
elles est que, selon la raison déjà présentée, il serait nécessaire que tout
ce qui est placé au milieu soit immobile (et ainsi il s'ensuivrait que même
le feu, s'il était placé au milieu, serait immobile, ce qui est évidemment
faux), puisque ce qui est avancé comme cause du repos, à savoir le fait
d'être au milieu, n'est pas considéré comme propre à |
[71326] In De
caelo, lib. |
[71326] Sur le De caelo,
II, 25, 3. Il établit la seconde raison ici : Ğ mais aussi il n'est
pas nécessaire ğ, etc. Et il dit qu'il n'est pas nécessaire de dire que |
[71327] In De
caelo, lib. |
[71327] Sur
le De caelo, II, 25, 4. Il présente la troisième raison ici :
Ğ or, cela ne convient pas ğ, etc. ; cette raison montre aussi
l'insuffisance de ce raisonnement. Et il dit qu'il ne convient pas de
rechercher pour quelle raison |
[71328] In De
caelo, lib. |
[71328] Sur le De caelo, II, 25, 5. Il établit la quatrième raison ici : Ğ or il est étonnant ğ, etc. ; cette raison montre aussi l'insuffisance du raisonnement déjà présenté. [296a1] Et il dit qu'il était étonnant qu'ils recherchent la raison du repos des corps sans rechercher celle des mouvements mêmes, à savoir pour quelle cause un corps se déplace vers le haut et un autre vers le bas, si rien ne les en empêche ; car la nature est le principe du mouvement et du repos pour le corps où elle est, comme le dit le livre II de la Physique. |
[71329] In De
caelo, lib. |
[71329] Sur le De caelo,
II, 25, 6. Ensuite quand il dit : Ğ mais en outre ce qui est dit
n'est pas vrai ğ, etc., il rejette le raisonnement déjà mentionné du
fait qu'il le suppose faux. Et il dit que ce qui est dit dans le raisonnement
déjà mentionné n'est pas vrai en soi et universellement : car il est
vrai par accident [296a5] que
Ğ tout ğ, c'est-à-dire son corps tout entier, demeure
nécessairement au milieu, ce qui n'a nul rapport avec le fait qu'il se
déplace ici plutôt que là. Mais s'il était enclin à se déplacer d'un côté,
pour cette raison, à savoir qu'il est au milieu, il ne serait pas
nécessairement immobile, mais se déplacerait, non cependant en totalité, mais
divisé en parties, comme le montre le feu. En effet, si ce qu'ils disent est
vrai, il est nécessaire que, si le feu était placé au milieu du monde, il y
soit immobile, comme |
[71330]
In De caelo, lib. |
[71330] Sur le De caelo,
II, 25, 7. Et ainsi prend fin l'objection qui permettrait de résister aux
propos tenus ci-dessus, en disant qu'il est impossible que chaque partie du
feu soit transportée vers chaque partie du ciel, parce que le lieu extrême
dépasse le lieu central en dimension. Mais cette idée est écartée parce que
le feu s'étendrait dans un lieu plus grand en se raréfiant. Et il en conclut
que, si le lieu central n'était pas naturel à |
|
|
Lectio 26 |
Leçon 26 [Lopinion dAristote sur la terre]
|
[71331]
In De caelo, lib. |
[71331] Sur le De caelo,
II, 26, 1. Après que le philosophe s'est attaché à présenter les opinions des
autres savants sur |
[71332] In De
caelo, lib. |
[71332] Sur le De caelo,
II, 26, 2. Troisièmement ici : Ğ qu'il est impossible ğ, etc.,
il montre qu'il est impossible que |
[71333] In De
caelo, lib. |
[71333] Sur
le De caelo, II, 26, 3. Il établit la
deuxième raison ici : Ğ en outre tous ğ, etc., qui est la
suivante. Tous les corps qui se déplacent [296a35]
circulairement semblent être Ğ hésitants ğ, c'est-à-dire qu'ils
n'ont pas toujours un emplacement uniforme, parce que n'importe lequel
d'entre eux [296b1] se déplace de
plusieurs mouvements et non d'un seul, à l'exception de la première sphère,
qui se déplace d'un seul mouvement ; et c'est, selon lui, la sphère des
étoiles fixes. Donc si |
[71334] In De
caelo, lib. |
[71334] Sur le De caelo,
II, 26, 4. Il établit la troisième raison ici : Ğ en outre la
translation ğ, etc., laquelle procède du mouvement des parties de |
[71335] In De
caelo, lib. |
[71335] Sur le De caelo,
II, 26, 5. Ensuite, quand il dit : Ğ car cela de toute
façon ğ, etc., il soulève une question portant sur ce point. Et il
commence par la poser : et il dit que si l'on établissait que |
[71336]
In De caelo, lib. |
[71366] Sur le De caelo,
II, 26, 6. Troisièmement ici : Ğ or puisqu'est emporté ğ,
etc., il prouve ce qu'il avait supposé, à savoir que les corps lourds et les
parties de |
[71337] In De
caelo, lib. |
[71337] Sur le De caelo,
II, 26, 7. Ensuite quand il dit : Ğ il est donc manifeste ğ,
etc., il conclut la proposition. Et il avance deux conclusions. La première
d'entre elles est que |
[71338] In De
caelo, lib. |
[71338] Sur le De caelo,
II, 26, 8. Il établit la quatrième raison ici : Ğ et puisque
projetés par une force ğ, etc. Car nous voyons que, si une pierre posée
sur une table est lancée vers le haut en ligne droite, elle tombe aussi de
nouveau suivant la même ligne droite selon laquelle elle a été déplacée vers
le haut ; que, si la table ne bouge pas, la pierre tombe au même endroit
où elle se trouvait avant ; mais que, si la table est déplacée, la
pierre tombe à un autre endroit, d'autant plus éloigné que la pierre a été
projetée plus haut, puisque, suivant ce principe, le temps entre le début du
jet et le terme de la chute sera plus long. Or nous voyons que les corps
lourds projetés vers le haut Ğ selon une règle ğ, c'est-à-dire en
ligne droite, reviennent de nouveau au même endroit de |
[71339] In De
caelo, lib. |
[71339] Sur le De caelo, II, 26, 9.
Ensuite quand il dit : Ğ en outre ouvertement ğ, etc., il
présente la cause du repos de |
[71340] In De
caelo, lib. |
[71340] Sur le De caelo, II, 26, 10.
Ensuite, quand il dit : Ğ ils témoignent grâce à ceci ğ, etc.,
il confirme ce qui a été dit sur lemplacement et le repos de |
[71341] In De
caelo, lib. |
[71341] Sur le De caelo,
II, 26, 11. Or, le fait que |
|
|
Lectio
27 |
Leçon 27 [Lopinion dAristote sur la forme de la terre]
|
[71342] In De caelo, lib. |
[71342] Sur le De caelo, II, 27, 1.
Après que le philosophe a déterminé la vérité concernant le lieu et le
mouvement ou bien le repos de |
[71343] In De caelo,
lib. |
[71343] Sur le De caelo, II, 27, 2.
Il dit donc premièrement qu'il est nécessaire que |
[71344] In De caelo, lib. |
[71344] Sur le De caelo,
II, 27, 3. Ensuite quand il dit : Ğ or il faut comprendre ğ,
etc., il montre le raisonnement précédent, en le comparant à celui que
d'autres ont proposé sur la forme de |
[71345] In De caelo, lib. |
[71345] Sur le De caelo, II, 27, 4.
Ensuite, quand il dit : Ğ donc soit que de la même façon ğ, il
rejette trois objections contre le raisonnement précédent. La première
d'entre elles est que quelqu'un pourrait dire que ce raisonnement nentraîne
pas obligatoirement que |
[71346] In De caelo, lib. |
[71346] Sur le De caelo, II, 27, 5. Mais
il dit lui-même que le même phénomène se produit pour la forme de |
[71347] In De caelo, lib. |
[71347] Sur le De caelo,
II, 27, 6. Il rejette une seconde objection ici : Ğ car ce qui à
toute force ğ, etc. Et il présente premièrement cette objection même
parce que, comme il le dit lui-même, elle a la même solution que ce qui a été
dit. Voici cette difficulté. Etablissons que |
[71348] In De caelo, lib. |
[71348] Sur le De caelo,
II, 27, 7. Il présente deuxièmement la solution ici : Ğ or
voir ğ, etc. Et il dit que ce n'est pas difficile à voir, si l'on veut
réfléchir un peu et examiner comment nous pouvons juger digne qu'une grandeur
dotée d'un poids soit entraînée vers le milieu du monde. Car il est clair qu'elle
se dirige vers le milieu du monde non seulement [297b25]
jusqu'à ce que sa partie extérieure touche le centre du monde, mais,
si rien d'autre ne l'en empêche, il faut que, comme la plus grande partie
l'emporte sur la plus petite, elle soit entraînée jusqu'à ce que son corps,
après avoir quitté son milieu touche celui du monde, vers lequel tous les
corps lourds inclinent. Par exemple, si, dans le monde, il n'y avait pas
d'autre corps lourd qu'une pierre lancée en haut, il faudrait qu'elle
descende jusqu'à ce que son milieu atteigne le milieu du monde, parce que la
plus grande de ses parties chasse du milieu la plus petite, jusqu'à ce que
l'on trouve une pesanteur égale de tous côtés, comme on l'a dit ci-dessus. Il
conclut donc qu'il revient au même de dire ce qui la été sur n'importe
quelle partie de |
[71349] In De caelo, lib. |
[71349] Sur le De caelo,
II, 27, 8. Il rejette une troisième objection ici : Ğ donc qu'elle
ait été créée ğ, etc. En effet, quelqu'un pourrait dire que le
raisonnement précédent avance après que la génération de |
|
|
Lectio 28 |
Leçon 28 [Autre preuve de la rontondité de la terre]
|
[71350] In De caelo,
lib. |
[71350] Sur le De caelo,
II, 28, 1. Après avoir présenté le raisonnement servant à prouver que |
[71351] In De caelo, lib. |
[71351] Sur le De caelo,
II, 28, 2. Ensuite, quand il dit : Ğ en outre grâce aux
apparences ğ, etc., il prouve que |
[71352] In De caelo, lib. |
[71352] Sur le De caelo,
II, 28, 3. Il établit la deuxième preuve ici : Ğ en outre par
l'apparence des astres ğ, etc. ; il la tire de l'apparence des
étoiles. Et il dit que grâce aux différentes apparences des étoiles il
apparaît non seulement que |
[71353] In De caelo, lib. |
[71353] Sur
le De caelo, II, 28, 4. Il avance la troisième raison ici :
Ğ des mathématiciens ğ, etc., laquelle est tirée de la mesure de |
|
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Liber 3 |
Livre
3 [Les autres corps simples, cest-à-dire le lourd et le léger]
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Lectio 1 |
Leçon 1 [les corps ayant un mouvement droit]
|
[71354] In De
caelo, lib. |
[71354] Sur le De caelo,
III, 1, 1. Après que le philosophe a traité des corps qui se déplacent dun
mouvement circulaire, il poursuit ici pour traiter de ceux qui se déplacent
dun mouvement droit. Et premièrement il fait une introduction dans laquelle
il explique son intention ; deuxièmement il sattache à exposer la
proposition, ici : Ğ auparavant donc en philosophant ğ, etc.
Concernant le premier point, il fait deux choses : premièrement, il
continue les propos précédents, faisant une démonstration sur ce qui a été
déjà dit ci-dessus ; deuxièmement il fait une démonstration sur ce quil
reste à dire, ici : Ğ or puisque, parmi ceux que la nature ğ,
etc. |
[71355] In De
caelo, lib. |
[71355] Sur le De caelo, III, 1, 2. Il dit donc
premièrement quil a Ğ survolé ğ dans les
passages précédents, cest-à-dire quil a traité brièvement, Ğ le
premier ciel et les parties ğ, à savoir ses parties à lui. Or par
Ğ premier ciel ğ nous pouvons entendre tout lunivers, qui est
premier en perfection, et nous pouvons comprendre par ses parties les corps
qui se déplacent dun mouvement circulaire et dun mouvement droit, si bien
quil semble ainsi englober aussi ce dont il a traité dans le premier livre. [298a25] Mais ce quil ajoute, Ğ puis les
astres qui y sont transportés ğ, semble résister à cette
interprétation : or ce nest pas au sens propre que les astres sont dits
être transportés dans tout lunivers, mais dans le ciel, qui est transporté
circulairement. Et cest pourquoi il semble mieux de devoir comprendre ce
quil dit du premier ciel à propos dun corps transporté circulairement. Mais
puisquil ne dit pas simplement Ğ le ciel ğ, mais Ğ le premier
ciel ğ, cela peut faire référence à la première sphère, qui est celle
des étoiles fixes ; or il dit Ğ et les parties ğ, ce qui se
rapporte à la droite, à la gauche et aux autres différentes positions qui
sont dans le ciel, comme il la montré. Mais sil en était ainsi, serait
insuffisant le rappel de ce qui a été dit dans tout le premier livre, et
aussi de tout ce qui a été dit dans le deuxième, où il a été également
question des sphères des planètes. Et ainsi il semble mieux de devoir dire
que par le premier ciel il entend ici tout le corps qui est transporté
circulairement ; ce qui est certain, cest quil dit
Ğ premier ğ en comparaison avec les corps inférieurs, par rapport
auxquels il est premier à la fois dans lordre du lieu, dans léternité de la
durée et dans la puissance de la causalité. Quil ajoute Ğ et les
parties ğ doit être rapporté aux différentes sphères, qui sont parties
du corps céleste tout entier. On a aussi parlé des étoiles qui se déplacent
dans tout le ciel, concernant à la fois les étoiles fixes et les planètes. On
a dit de quoi elles sont constituées : car on a montré quelles sont de
la nature dun corps céleste. On a aussi dit lesquelles existent conformément
à la nature, puisquelles sont animées et sphériques. On a également dit
quelles ne sont pas soumises à la génération et à la corruption. Et si
vraiment il a traité dans le premier livre de tout lunivers, comme nous
lavons dit ci-dessus en accord avec lopinion dAlexandre, cette
récapitulation sétend seulement au deuxième livre. Mais sil sest proposé
dans le premier livre aussi de traiter principalement du ciel, comme le dit
Simplicius, la récapitulation sétend ainsi également au premier livre. |
[71356] In De
caelo, lib. |
[71356] Sur le De caelo, III, 1, 3. Ensuite, quand il
dit : Ğ puisque parmi les choses que la
nature ğ, etc., il démontre ce quil reste à dire. Et premièrement il
montre en quoi consistent toutes les observations de la philosophie
naturelle ; deuxièmement il en conclut ce quil reste à dire après les
propos précédents, ici : Ğ sur le premier, du moins ğ, etc.
Concernant le premier point, il utilise le raisonnement suivant. Toutes les
substances naturelles sont des corps ; mais toutes les observations
naturelles portent sur les substances naturelles et leurs accidents ;
donc toutes les observations de la science naturelle concernent les corps. |
[71357] In De
caelo, lib. |
[71357] Sur le De caelo, III, 1, 4. Premièrement donc
il avance la mineure, disant que parmi les choses que lon dit
suivre la nature, certaines sont des substances naturelles, certaines sont
les actions et les affections des substances naturelles. Et pour montrer
cela, il expose premièrement ce que sont les substances naturelles. Parmi
elles, il énumère premièrement les corps simples. Et parmi eux, il donne
premièrement comme exemple le feu, la terre et les autres qui sont les
éléments des corps en même temps queux, comme lair et leau ; et les
corps mixtes quils composent, comme les pierres et les métaux, appartiennent à leur nature. Ensuite il
donne lexemple
dun autre
corps simple en dehors des éléments, qui est la totalité du ciel et ses parties. Enfin il
présente les corps mixtes animés, comme les animaux, les plantes et leurs
parties. Puis il montre quelles sont les actions de ces substances. Et il dit
que ce sont premièrement les mouvements locaux de chacun de ces corps et
aussi des autres corps dont ils sont la cause, soit matérielle, comme les
éléments, soit effective, comme le ciel (et pourtant le mouvement conforme à la puissance des corps
simples est en accord avec les corps quils causent). Ensuite il dit que les
actions et les affections des substances mentionnées sont [298b1] leurs altérations et leurs transformations
réciproques, qui sont dues à la génération et à la corruption. Deuxièmement
il en déduit la conclusion. Et il dit quil est clair, daprès les prémisses,
lessentiel de la recherche (cest-à-dire de la narration) naturelle porte
sur les corps. Or quand il dit Ğ lessentiel ğ,
il entend Ğ la totalité ğ ; mais il se sert de cette
expression par tempérament philosophique. Ou bien il dit
Ğ lessentiel ğ, parce que dans la science naturelle il est aussi
question du premier moteur et de lâme intellective. |
[71358] In De caelo, lib. |
[71358] Sur le De caelo, III, 1, 5. Troisièmement il
pose la majeure, à savoir que toutes les substances naturelles soit sont des
corps, soit sont engendrées en même temps que des corps et des grandeurs,
comme ce sont des formes naturelles qui sont appelées substances. Et il dit
que cest clair pour deux raisons. Premièrement parce que lon a déterminé [298b5] peu auparavant les choses qui sont conformes à la nature, qui toutes
sont des corps ou bien sont avec eux, de même que lon a déterminé dans le livre II
de |
[71359] In De
caelo, lib. |
[71359] Sur le De caelo, III, 1, 6. Ensuite, quand il
dit : Ğ sur le premier ğ, etc., il montre
ce quil reste à dire après ce qui a été dit. Et premièrement en ce qui
concerne les substances, disant que lon a parlé du premier corps parmi les
éléments, cest-à-dire du ciel (quil appelle élément, selon Alexandre
puisque cest une partie du monde, mais selon Simplicius puisque cest un
corps simple) ; de lui on a dit de quelle manière il est conforme à la
nature, puisquil est animé et sphérique et quil est aussi incorruptible et
inengendré. De ce fait il reste à parler des deux autres corps. Car il a été
montré dans le premier livre quil y a trois corps, à savoir lun qui tourne
autour du milieu, dont on a déjà parlé, lautre qui quitte le milieu, et le
troisième qui se dirige vers le milieu ; et il reste à parler de ces
deux derniers corps (car il a été question ci-dessus non de ce qui concerne
la nature de |
[71360] In De
caelo, lib. |
[71360] Sur le De caelo, III, 1, 7. Deuxièmement
ici : Ğ or en en même temps il
arrivera ğ, etc., il montre ce quil reste à dire à propos des actions
et des affections. Et il dit quen même temps que ces deux questions il reste
à examiner la question de la génération et de la corruption, puisque soit la
génération [298b10] nest rien, mais est écartée
de la nature de tout lunivers, soit on la trouve seulement pour les éléments
qui se déplacent dun mouvement droit et pour les corps quils composent. Or
cette réflexion navait pas lieu dêtre, tant quil était encore question des
choses incorruptibles. Or il faut leffectuer, puisquelle a une très grande
importance pour examiner les natures des corps. |
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Lectio 2 |
Leçon 2 [Opinions des anciens philosophes]
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[71361]
In De caelo, lib. |
[71361] Sur le De caelo, III, 2, 1. Après avoir fait
cette introduction, dans laquelle il montre ce quil reste à considérer sur
la science naturelle, il commence ici à exposer ce qui a été dit. Et
premièrement en examinant les opinions des philosophes sur les idées
précédentes ; deuxièmement en déterminant la vérité, dans le quatrième
livre, ici : Ğ sur le lourd et le léger ğ, etc. Concernant le premier
point, il fait deux choses : premièrement il sinterroge sur la
génération et le mouvement des corps naturels pour savoir si elle
existe ; deuxièmement pour quels corps et pour quelle raison elle
existe, ici : Ğ or le fait que tous ne sont pas soumis à la
génération ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux
choses : premièrement il se demande, en sattachant aux opinions des
philosophes anciens, sil y a une génération ; deuxièmement il recherche
si le mouvement local est naturel aux corps naturels, ici : Ğ quil
existe nécessairement un mouvement ğ, etc. Concernant le premier point
il fait deux choses : premièrement il énumère les opinions des Anciens
sur la génération ; deuxièmement il examine la question de leur vérité,
ici : Ğ donc sur les autres il y a un discours ğ, etc.
Concernant le premier point, il fait trois choses : premièrement il
présente les différentes opinions des philosophes sur la génération ;
deuxièmement il expose les idées de ceux qui nient la génération, ici :
Ğ car ceux-ci ğ, etc. ; troisièmement il énonce les opinions
de ceux qui attribuent la génération aux corps, ici : Ğ certains à
lautre ğ, etc. Il dit donc premièrement que ceux qui ont philosophé
avant nous sur la vérité, à savoir spéculative (ce quil dit pour les distinguer
de ceux qui ont philosophé sur la morale et la politique) ont des opinions
différentes à la fois les unes avec les autres, et avec ce que lon dit
maintenant sur la génération. |
[71362] In De
caelo, lib. |
[71362] Sur le De caelo,
III, 2, 2. Ensuite, quand il dit : Ğ car ceux-ci ğ, etc., il
expose les opinions de ceux qui suppriment la génération. Et il dit que
certains des anciens philosophes [298b15]
refusaient totalement la génération et la corruption aux choses : car
ils disent quaucun des étants nest créé ou corrompu, mais quune chose nous
semble seulement être engendrée ou corrompue. Et telle était lopinion des
disciples de Melissus et de Parménide. Et il les loue pour telle raison et
les blâme pour telle autre. Ce qui est certain, cest quil les loue pour
avoir été eux-mêmes les premiers à comprendre quil faut quil y ait des
natures inengendrées, incorruptibles et immobiles. Et ils établissaient cela
en étant poussés par la raison quil ne peut y avoir de connaissance ou de
science certaine sur ce qui est soumis à la génération et à la
corruption ; donc sil y a une connaissance ou une science certaine, il
faut quil y ait des natures inengendrées et incorruptibles. En effet, même
sil y a quelque science sur ce qui est exposé à la génération et à la
corruption, cest seulement dans la mesure où on y trouve quelque chose
dinengendré et dincorruptible à limage de ces natures, qui sont en
elles-mêmes inengendrées et incorruptibles : car on les connaît par
leurs formes, or la forme est ce qui est divin dans les choses, dans la
mesure où le premier acte y participe. Néanmoins Aristote les blâme du fait
que, parce quils pensaient quil ny avait rien en dehors du sensible et que
pourtant ils comprenaient quil devait y avoir certaines substances
inengendrées et incorruptibles, [298b20] ils
aient reporté ce qui concerne lorganisation des substances surnaturelles sur
le sensible, disant que ces choses sensibles sont véritablement inengendrées
et incorruptibles, mais quelles sont engendrées et corrompues à ce que lon
croit. Or il est évident que, sil y a certains étants inengendrés,
incorruptibles et absolument immobiles, leur examen ne concerne pas la
philosophie naturelle, qui soccupe dans sa totalité des étants mobiles, mais
plutôt lautre philosophie antérieure, qui est la métaphysique. Et cest
pourquoi Parménide et Melissus, bien quils aient bien parlé de certains
points, établissant quil devait y avoir quelque chose dinengendré et
dimmobile, nétaient pourtant pas dans le vrai quand ils ne parlaient pas
naturellement des choses naturelles, attribuant ce qui appartient aux
substances immobiles aux substances naturelles, qui sont des substances
sensibles. |
[71363] In De
caelo, lib. |
[71363] Sur le De caelo, III, 2, 3. Or Simplicius dit dans son commentaire quAristote blâme Parménide et Melissus, à son habitude, pour ce quils laissent apparaître plus à la surface dans leurs propos, de peur que certains, les comprenant superficiellement, soient abusés : la vérité est que lintention de ces philosophes était de considérer que létant lui-même, à savoir ce qui est par son essence, est inengendré, incorruptible et absolument immobile. Or ils disaient que la génération et la corruption sont dans les choses à ce que lon croit et non en vérité, parce quils pensaient que les choses sensibles, où se trouvent la génération et la corruption, ne sont pas vraiment des étants, mais seulement à ce que lon croit. |
[71364] In De
caelo, lib. |
[71364] Sur le De caelo,
III, 2, 4. Ensuite, quand il dit : Ğ mais certains autres ğ,
etc., il présente lopinion de ceux qui attribuent la génération aux
corps : et il expose trois opinions. Il dit aussi que certains autres
hommes avaient un avis contraire au précédent, comme [298b25]
sils avaient cherché avec ardeur à les contredire. Car certains disent
quaucune chose nest inengendrée, mais que toutes sont engendrées ;
pourtant, parmi celles qui sont engendrées, les demeurent incorruptibles,
mais les autres sont corrompues. Et ce sont surtout les disciples dHésiode
qui le disaient, lui qui fut lun des poètes théologiens qui ont tenu des
propos divins cachés sous les apparences de certaines fables. De ce fait on
dit quHésiode a établi que le chaos, à partir duquel tout est engendré,
lest aussi. Or toute chose engendrée lest par une chose qui engendre :
de ce fait ils donnaient à comprendre quil y avait une cause première
au-dessus de toutes ces choses, à savoir lintellect et la divinité, doù
tout procédait. Et ils appelaient un processus de ce genre génération à
partir du premier principe. |
[71365] In De
caelo, lib. |
[71365] Sur le De caelo,
III, 2, 5. Il présente la deuxième opinion ici : Ğ ensuite
dautres ğ, etc. Et il dit que, après les poètes mentionnés, parmi les
autres qui ont traité originairement de la nature certains [298b30] ont dit que toutes les autres choses sont
engendrées et sont dans un flux continu, de telle façon que rien nest fixe
ni permanent chez elles, à lexception dune chose, à savoir un principe
matériel, qui se trouve dans toutes les choses qui sont créées et corrompues.
Et bien dautres philosophes ont avancé cette même idée, comme Thalès, qui a
établi que ce principe est leau, Anaximène pour qui cest lair,
Anaximandre, pour qui cest un intermédiaire entre les deux, à savoir la
vapeur, Héraclite dEphèse, pour qui cest le feu (Aristote fait
particulièrement mention de ce dernier, puisquil affirmait lui-même plutôt
que tout est dans un flux continu). |
[71366] In De
caelo, lib. |
[71366] Sur le De caelo, III, 2, 6. Il présente la
troisième opinion ici : Ğ certains sont ğ, etc. Et il dit
quil y en a certains qui ont établi que tout corps peut être engendré,
puisquils considèrent que tous les corps sont composés de surfaces et se
décomposent de nouveau [299a1] en surfaces. Et
telle était lopinion de Platon. |
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Lectio
3 |
Leçon 3 [Lopinion de Platon est-elle vraie ?]
|
[71367] In De
caelo, lib. |
[71367] Sur le De caelo,
III, 3, 1, 1. Après avoir exposé les opinions sur la génération des choses,
il examine ici si elles sont vraies. Et laissant de côté les autres opinions,
quil examine dans dautres passages, il examine particulièrement la
dernière, celle de Platon, dune part parce quelle était plus célèbre,
dautre part aussi parce quelle était la première dans lordre de son
examen. Car les autres opinions établissaient ou supprimaient la génération
des corps spéciaux ; mais cette opinion semblait expliquer la génération
du corps, dans la mesure où cest un corps, en posant quil est engendré par
des surfaces. Concernant cela il fait deux choses : premièrement il
réfute cette opinion ; deuxièmement il démontre que les mêmes raisons
peuvent réfuter lopinion des Pythagoriciens, qui établissent que les corps
sont engendrés par les nombres, ici : Ğ or la même chose
arrive ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses :
premièrement il réfute lopinion susdite par des raisonnements
mathématiques ; deuxièmement par des raisonnements naturels, ici :
Ğ tout ce qui sur les choses naturelles ğ, etc. |
[71368] In De
caelo, lib. |
[71368] Sur le De caelo, III,
3, 2. Concernant le premier point, il avance deux raisons. À propos de la
première dentre elles, il dit quil faut tenir un autre discours sur les
autres opinions précédentes : cest le cas en partie dans le livre I de |
[71369] In De
caelo, lib. |
[71369] Sur le De caelo,
III, 3, 3. Il établit la deuxième raison ici : Ğ ensuite
manifestement ğ, etc. Et il dit quil relève du même raisonnement de
dire que Ğ les solides ğ, cest-à-dire les corps, sont composés de
surfaces, que les surfaces sont composées de lignes, et les lignes de points,
puisque, de même quun point est la limite et la division dune ligne, de
même la ligne constitue celles de la surface et la surface, celles du corps.
Or sil en est ainsi que Platon la établi, cest-à-dire que les corps sont
composés de surfaces, il sensuivra que les surfaces sont composées de
lignes, et les lignes de points ; et ainsi il ne sera pas nécessaire que
la partie dune ligne soit une ligne. Et il dit que cela [299a10] a déjà été considéré Ğ dans les propos
sur le mouvement ğ, cest-à-dire dans le livre VI de |
[71370] In De
caelo, lib. |
[71370] Sur le De caelo, III, 3, 4. Ensuite, quand il dit : Ğ tout ce qui sur les naturels ğ, etc., il rejette la thèse déjà mentionnée au moyen de raisons naturelles. Et premièrement il donne la raison pour laquelle il est nécessaire davancer des raisons de ce genre, non seulement mathématiques, mais aussi naturelles ; deuxièmement il développe la proposition, ici : Ğ or il y a beaucoup de choses ğ, etc. Il dit donc premièrement que, puisque lon a dit que le fait que quelques uns ont établi que ce sont des lignes indivisibles qui composent les surfaces et par conséquent les corps entraîne des conséquences impossibles du point de vue mathématique, il faut que nous considérions maintenant aussi, brièvement, les conséquences impossibles qui suivent cette opinion, concernant les corps naturels. Et cest nécessaire : puisque toute sorte de conséquences impossibles se produit à propos des corps mathématiques, il est nécessaire quelles concernent les corps naturels. Et cela parce que les corps mathématiques sont appelés ainsi après abstraction à partir des corps naturels ; or, ces derniers existent après addition aux corps mathématiques (car ils ajoutent aux corps mathématiques leur nature sensible et leur mouvement, auxquels les corps mathématiques sont soustraits) ; et ainsi il est évident que les idées qui sont issues du raisonnement mathématique sont conservées en physique, et non linverse. Et cest pourquoi tous les inconvénients qui sopposent aux mathématiques sopposent aussi à la physique, mais ce nest pas le contraire. |
[71371]
In De caelo, lib. |
[71371] Sur le De caelo,
III, 3, 5. Ensuite quand il dit : Ğ il y en a beaucoup ğ,
etc., il montre quelles conséquences impossibles concernant les corps
naturels suivent la thèse précédente. [299a15]
Et premièrement il démontre une raison générale ; deuxièmement il
lexplique par ses parties, ici : Ğ cest pourquoi si parmi les
conséquences impossibles ğ, etc. Il dit donc premièrement quil y a bien
des caractéristiques qui ne peuvent appartenir aux choses indivisibles et
qui, pourtant, appartiennent nécessairement aux corps naturels. Or nous
pouvons entendre ici par Ğ indivisibles ğ les corps mathématiques,
du fait quils sont appelés ainsi par abstraction ; et de cette manière
ce quil dit ici est avancé pour montrer ce qui vient dêtre dit, à savoir
que les corps naturels sont ajoutés aux mathématiques, puisquil est
nécessaire que se trouvent dans les corps naturels de nombreuses
caractéristiques qui ne peuvent appartenir aux corps mathématiques, comme
toutes les affections, qui sont divisibles. Mais il vaut mieux considérer les
indivisibles comme les surfaces par rapport aux corps, les lignes par rapport
aux surfaces et les points par rapport aux lignes, qui sont aussi
indivisibles simplement. Il dit donc quil est nécessaire quappartiennent
aux corps naturels beaucoup de caractéristiques qui ne peuvent se trouver
dans les choses indivisibles : Ğ par exemple si quelque chose est
indivisible ğ, comme le point, la ligne ou la surface ; ou bien
Ğ par exemple si quelque chose est divisible ğ, puisque ce qui est
divisible se trouve nécessairement dans un corps naturel, mais non dans des
choses indivisibles. En effet, le divisible ne peut absolument pas se trouver
dans une chose indivisible, [299a20] puisque
ce qui se trouve dans une chose est compris dune manière ou dune autre par
elle ; or, le divisible ne peut être compris par lindivisible en
quantité. Or, toutes les affections sont divisées de deux façons : soit
Ğ selon lespèce ğ, Ğ soit selon laccident ğ. Il ne faut
pas le comprendre comme si nimporte quelle affection était divisée de lune
et lautre manière, mais comme si elle était divisée de lune ou lautre
manière. Il explique les deux modes de division. Et il dit quune affection
se divise Ğ selon lespèce ğ comme le blanc et le noir sont
lespèce dune couleur. Cela du moins peut être compris de deux manières.
Dune part la caractéristique commune, qui est la couleur, est divisée en
blanc et noir comme par ses espèces ; mais cela ne concerne pas la
proposition, puisque rien nempêche daffirmer à propos dun indivisible une
caractéristique qui est commune à beaucoup de choses. De ce fait il faut
comprendre que laffection du divisible selon lespèce signifie la couleur
intermédiaire qui est composée des deux espèces de couleur, qui sont le blanc
et le noir ; or, il ne semble pas possible quune telle affection se
trouve dans un corps absolument simple, puisque, comme les affections propres
sont causées par un sujet, il est nécessaire que les principes dune
affection composée soient divers, ce qui soppose à la simplicité du sujet.
Par conséquent il traite du corps divisible Ğ selon laccident ğ.
Et il dit que laffection est entendue selon laccident du divisible, si le
sujet auquel elle arrive est divisible, tout comme la blancheur est divisée
par la division du sujet. Donc toutes les affections qui sont simples selon
lespèce se trouvent être divisibles de cette manière : selon le sujet,
dans la mesure où elles se trouvent dans un corps naturel. Et cest pourquoi
concernant de telles affections, qui sont divisibles de cette manière ou de
lautre, il faut considérer quune conséquence impossible [299a25] suit quand on dit indivisibles les lignes
ou les surfaces dont sont composés les corps naturels et qui sont incapables
de recevoir les affections des corps naturels. |
[71372] In De
caelo, lib. |
[71372] Sur le De caelo,
III, 3, 6. Ensuite quand il dit : Ğ cest pourquoi si parmi les
conséquences impossibles, etc., il établit les raisons spéciales qui permettent
de rejeter la thèse précédente. Concernant la première dentre elles, il fait
deux choses : premièrement il expose la raison ; deuxièmement il
prouve ce quil avait supposé, ici : Ğ mais que le point ğ,
etc. Il dit donc premièrement quil est impossible que, si chacune des deux
parties qui composent une chose na aucun poids, ce qui est composé des deux
en ait. Mais les corps sensibles ont un poids ; soit tous, comme
laffirmait Démocrite, soit certains à savoir la terre et leau, comme les Platoniciens
le disaient eux-mêmes. Donc un corps sensible ne peut être composé de choses
qui nont pas de poids. Mais un point na aucun poids ; donc un corps
doté dun poids ne peut être composé de points. Or une ligne en est composée
selon la thèse déjà exposée ; donc la ligne non plus ne peut avoir de
poids. Et par conséquent la surface, [299a30]
qui est composée de lignes, nen aura pas non plus ; et enfin le corps
non plus, lui qui est composé de surfaces, ce qui est contraire aux propos
ci-dessus. Or il faut considérer que cette raison sattache aux parties de la
quantité, qui ont la même nature et organisation, soit les unes par rapport
aux autres, soit par rapport à la totalité ; or elle ne sattache pas
aux parties essentielles, dont lorganisation est différente à la fois les
unes par rapport aux autres et rapport au tout. De ce fait, il ne sensuit
pas que, si ni la matière, ni la forme ne sont lourdes, leur composé ne le
soit pas, puisque la matière est lourde en puissance, mais une chose devient
lourde en acte par la forme. |
[71373] In De
caelo, lib. |
[71373] Sur le De caelo,
III, 3, 7. Ensuite quand il dit : Ğ mais que le point ğ, etc.,
il prouve ce quil avait supposé dans la raison précédente. Et il prouve
premièrement que le point nest pas lourd, deuxièmement quune chose lourde
ne peut être composée déléments qui ne le sont pas, ici : Ğ mais
en outre ni à partir de ceux qui nont pas ğ, etc. Premièrement il le
prouve par trois raisons. La première dentre elles est la suivante. Chaque
corps lourd peut être plus lourd quun autre, chaque corps léger est
susceptible dêtre plus léger [299b1] quun
autre ; mais pourtant il nest pas nécessaire que tout corps qui est
plus lourd ou plus léger soit lourd ou léger. Or il semble quil dise ici une
erreur ; car le comparatif suppose le positif, en effet, tout ce qui est
plus blanc est blanc. Certains disent donc que le comparatif, sil est
entendu au sens propre, suppose le positif et lexprime ; mais parfois
la comparaison est abusive, par exemple quand une chose est comparée à son
contraire, comme si on disait que le cygne est plus blanc que le corbeau, ou
bien si une chose est comparée parce quelle participe moins du contraire,
par exemple si on disait quun Éthiopien est plus blanc quun corbeau,
puisquil est moins noir, et aussi quand on dit quun moindre mal doit être
choisi de préférence à un mal, alors quun mal ne doit pourtant pas être
choisi et quun Éthiopien nest pas blanc. Et de cette manière le philosophe
dit ici que tout objet plus lourd nest pas lourd et que tout objet plus
léger nest pas léger : de ce fait pour désigner cette comparaison
abusive, il ajoute Ğ par hasard ğ. Mais puisquAristote na pas
lhabitude dargumenter en utilisant des expressions abusives, il faut donc
dire quil y a certaines choses qui sont dites seulement absolument, comme le
blanc et le doux ; et dans de telles locutions le comparatif suppose le
positif et lexprime. Or il y en dautres qui sont dites tantôt absolument,
tantôt relativement, comme le lourd et le léger ; car, comme le dira le
quatrième livre, le feu est dit léger dans labsolu, et la terre lourde dans
labsolu, mais lair est dit lourd par rapport au feu et léger par rapport à
leau et à la terre. Ainsi leau est légère par rapport à la terre, mais
lourde par rapport au feu et à lair. Or il est manifeste que ce qui est
lourd absolument est aussi lourd en comparaison avec dautres choses ;
et ce qui est léger absolument est aussi léger en comparaison avec dautres
choses ; et de cette manière tout objet lourd est plus lourd et tout
objet léger est plus léger. Il ne sensuit pourtant pas que tout objet plus
léger soit léger ou bien que tout objet plus lourd soit lourd, puisquil ne
sensuit pas que, sil est léger par rapport à dautres, il soit léger dans
labsolu ; et la même raison sapplique au lourd. Et il est clair
daprès lexemple quil donne que cest la raison de ce quil dit. Car
Ğ grand ğ, dans son acception commune, se dit de quelque chose,
comme le montrent les Catégories ;
mais, appliqué à une chose, est dit Ğ grand ğ dans labsolu ce qui
atteint la quantité due à cette chose, de même quest dit Ğ grand ğ
dans labsolu un homme qui parvient à la dimension parfaite pour un homme. Et
ainsi il est évident que Ğ grand ğ se dit dans labsolu et par
rapport à quelque chose. Et de là vient que tout objet grand dans labsolu
est dit grand par rapport à un objet, ce qui revient à être plus grand ;
or tout objet plus grand nest pas grand dans labsolu ; car il y a bien
des choses qui sont considérées comme petites dans labsolu, alors quelles
sont plus grandes que dautres. Donc si tout objet [299b5]
lourd est plus lourd quun autre, il est nécessaire que tout objet lourd soit
plus important quun autre en poids. Et ainsi il sensuit quil est
divisible ; car tout objet plus lourd se divise en son égal et plus.
Mais le point est indivisible, comme on le suppose daprès sa définition.
Donc le point nest pas lourd. |
[71374] In De
caelo, lib. |
[71374] Sur le De caelo,
III, 3, 8. Il présente la deuxième raison ici : Ğ en outre si le
lourd ğ, etc. ; la voici. Le lourd et le léger sont la conséquence
du rare et du dense : car nous voyons que les éléments diffèrent en
poids et en légèreté selon leur rareté et leur densité. Mais le dense diffère
du rare en ce que Ğ dans un volume égal ğ, cest-à-dire de mêmes
dimensions, il contient plus de choses, puisquil a plus de matière, comme le
montre le livre IV de |
[71375] In De
caelo, lib. |
[71375] Sur le De caelo,
III, 3, 9. Il expose une troisième raison ici : Ğ or si tout objet
lourd ğ, etc. ; la voici. Tout objet lourd est soit mou, soit
dur ; la raison en est que le poids est la conséquence de deux éléments,
la terre et leau, dont lun, à savoir leau, cède à qui le touche, et cest
pourquoi il est le principe de la mollesse ; mais lautre, à savoir la
terre, ne cède pas, et cest pourquoi cest le principe de la dureté. Or il
est manifeste que tout objet mou est divisible, puisquil cède la place sous
lui-même à ce qui le touche ; ce phénomène nest possible que si cet
objet a plusieurs parties, dont lune ressurgit dune certaine manière à la
place dune autre. Et suivant le même raisonnement il faut que le dur soit
divisible ; car on ne peut dire quil ne cède pas, à moins quil ait un
endroit où céder. Donc comme le point est indivisible, il ne sera pas dur, ni
mou ; et ainsi il ne sera pas lourd. |
[71376] In De
caelo, lib. |
[71376] Sur le De caelo,
III, 3, 10. Ensuite quand il dit : Ğ mais encore non pas à partir
de ceux qui ont ğ, etc., il montre quaucun objet lourd ne peut être
composé de deux ou de plusieurs parties dont aucune nest lourde. Mais il
faut le comprendre à propos de la composition par des parties
quantitatives : car un objet lourd est composé de parties essentielles,
par exemple de matière et de forme, dont ni lune, ni lautre ne sont
lourdes. Pour le démontrer, il avance deux raisons. La première dentre elles
est celle qui est tirée de lopinion de certains [299b15]
qui disaient quun objet lourd est composé de parties qui ne le sont
pas, quand elles sont multipliées ; or quand elles sont moins
nombreuses, un objet lourd nest pas constitué par elles. Il faut donc quils
déterminent de combien de parties existantes est constitué le poids ;
sinon ce qui est dit sans raison certaine semble être mensonger. |
[71377] In De
caelo, lib. |
[71377] Sur le De caelo, III, 3, 11. Il présente la seconde raison ici : Ğ et si tout poids ğ, etc. ; la voici. Tout poids
supérieur à un autre poids dépasse ce poids inférieur dun certain poids,
puisque, en ajoutant des quantités semblables, on crée un objet plus grand.
Et il sensuit, selon la thèse précédente, que nimporte quel indivisible a
un poids. Établissons, en effet, un corps constitué de quatre points, doté
dun poids ; soit un autre corps constitué de plus de points, par
exemple de cinq. [299b20] Et ainsi il sera
plus lourd ; et cest ainsi quil faudra ce que ce en quoi il le dépasse
soit lourd. Et bien que tout objet plus lourd ne soit pas lourd, comme on la
dit ci-dessus, pourtant tout ce qui est plus lourd quun objet lourd devra
être lourd, de même que tout ce qui est plus blanc que blanc doit être blanc.
Et cest pourquoi, comme ce qui est plus grand dun point aura un corps plus
lourd que ce qui lui est égal si on lui enlève un point, il sensuivra quun
point est lourd, ce qui est impossible, comme les passages précédents le
montrent. Donc il reste quil est impossible quun objet lourd ne soit pas
formé de parties lourdes. |
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Lectio 4 |
Leçon 4 [Réfutation de Platon par Aristote]
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[71378] In De
caelo, lib. |
[71378] Sur le De caelo,
III, 4, 1. Après avoir présenté la première raison servant à réfuter
lopinion de Platon, qui considère que les corps sont engendrés par des
surfaces, Aristote expose ici la seconde raison. Pour lappréhender, il faut
savoir que Platon, puisquil ne faisait pas de distinction entre lun qui est
le principe du nombre et lun qui se transforme en létant, qui désigne la
substance de la chose, établissait par conséquent que lun qui est le
principe du nombre était la substance de la chose ; et en conséquence il
considérait que toutes les choses étaient des nombres. De ce fait, il disait
que les dimensions de la quantité continue aussi étaient des nombres dotés
dune position ; et ainsi, selon lui, le point est une unité comportant
une position, et ainsi de suite. Et puisquil attribuait la dualité à la
matière, mais lunité à la forme, il estimait que les formes de tous les
corps devaient être appréhendées daprès les concepts de figures permettant
de délimiter les corps. Or les dernières limites des dimensions sont les
points, qui sont des unités dotées de positions, comme on la dit. Et cest
pourquoi il attribuait les différentes figures corporelles aux divers corps,
comme la figure pyramidale au feu, la figure à huit bases à lair, la figure
à vingt bases à leau, la figure cubique à la terre, et la figure à douze
bases à léther, cest-à-dire au ciel. Or il est manifeste que les figures
corporelles sont constituées de surfaces, dans la mesure où elles sont
reliées les unes aux autres par le contact de leurs lignes ; et elles forment
ainsi un angle corporel. Et cest pourquoi répartissant la composition
formelle des corps, Platon disait quils sont composés de surfaces jointes
par leurs lignes. |
[71379] In De
caelo, lib. |
[71379] Sur le De caelo,
III, 4, 2. À cela Aristote objectait quil ne convient pas détablir que les
surfaces sont composées ou reliées pour créer un corps, seulement selon le
contact des lignes. Et il le montre par lexemple dune ligne. [299b25] Car une ligne peut être reliée à une autre
de deux manières : dune part selon la longueur, ce qui se fait par le
contact des points, à savoir dans la mesure où la longueur dune ligne est
reliée à celle dune autre en un point, quelle forme un angle avec elle, ou
non ; dautre part selon la largeur, ce qui se fait par apposition dune
ligne entière à une autre ligne entière dans le sens de la largeur. Et de la
même façon il faut quune surface soit reliée à une autre surface de deux
façons : à savoir selon la profondeur, par exemple si toute une surface
est placée sous une autre, et selon le contact des lignes, quelle constitue
un angle corporel ou non. Et pour exposer ce quil avait dit, il ajoute
quune ligne peut être reliée à une ligne si elle est placée sous elle et pas
seulement si elle est placée à côté delle selon le contact des lignes. |
[71380] In De
caelo, lib. |
[71380] Sur le De caelo,
III, 4, 3. Donc puisquil existe deux manières de relier des surfaces et que
cest grâce à lautre manière, à savoir selon le contact des lignes, que les
surfaces composées créent tous les éléments, il sensuivra que, si on les
compose Ğ selon la largeur ğ, cest-à-dire en plaçant une surface
sous une autre, ce qui est composé de surfaces ainsi composées, [299b30] on obtiendra un corps qui nest ni un
élément, ni formé déléments. Or, il est évident que ce nest pas un élément,
puisque tous les éléments sont constitués suivant lautre manière de relier
des surfaces. Et il est clair quil nest pas formé déléments, puisque ce
mode de composition des surfaces, qui se fait selon la superposition, semble
constituer la profondeur même du corps, qui est sa substance ; or un
autre mode de composition des surfaces constitue le corps selon la figure,
qui est la forme qui survient à la substance corporelle. De ce fait, la
composition de ce que lon suppose sera la première ; et ce qui est
constitué par un tel mode de composition semble être apparié à ce qui est
constitué par lautre mode, comme la matière à la forme. Or cest de surfaces
quun corps est destiné à être composé, selon lopinion de Platon. Il
sensuit donc que ce qui précède tous les éléments, comme la matière des
éléments qui engendre toutes leurs figures ou formes, est un corps. Et Platon
le considérait comme un inconvénient : en effet, il disait que la
matière première nest pas un corps, comme certains physiciens anciens lont
établi. |
[71381] In De
caelo, lib. |
[71381] Sur le De caelo,
III, 4, 4. Ensuite, quand il dit : Ğ en outre si ğ, etc., il
présente une troisième raison, qui est la suivante. Comme certains corps sont
plus lourds que dautres, alors quils sont constitués de surfaces, ce phénomène
peut survenir de deux façons. Dune part ainsi : un corps est constitué
plus lourd du fait quil est composé de surfaces plus nombreuses, comme le
dit [300a1] le Timée. Et il sensuivra que les surfaces sont lourdes, étant
donné que cest un objet lourd qui cause un excès de poids, comme on la dit
ci-dessus. Et il sensuivra, en allant plus loin, que les lignes et les
points ont un poids : car ils sont en proportion, comme on la dit
auparavant, puisque la ligne a le même rapport avec la surface que le point
avec la ligne et la surface avec le corps. Or on a condamné ci-dessus le fait
que les points aient un poids. Lautre façon est la suivante : les corps
lourds ne diffèrent pas des légers de cette manière, cest-à-dire par la
multitude de leurs surfaces, mais en ce que la terre est composée de surfaces
lourdes et le feu de surfaces légères. Et ainsi il sensuivra que [300a5] certaines des surfaces seront légères et
dautres lourdes, et de même pour les lignes et les points, puisque la
surface de la terre sera plus lourde que celle du feu. Et ainsi on verra
revenir le même inconvénient quavant. |
[71382] In De
caelo, lib. |
[71382] Sur le De caelo, III, 4, 5. Ensuite quand il dit : Ğ il arrive au total ğ, etc., il établit la quatrième raison, disant quil arrive, selon la thèse de Platon, quil ny ait aucune grandeur ou bien que toute grandeur puisse être Ğ supprimée ğ, cest-à-dire cesser dêtre, puisquil y a le même rapport entre le point et la ligne, la ligne [300a10] et la surface, et la surface et le corps ; et ainsi, si un corps est composé de surfaces, il pourra se résoudre en surfaces ; et, suivant le même raisonnement, toutes les grandeurs se résoudront en leurs Ğ premiers éléments ğ, cest-à-dire en points. Et ainsi il sensuivra quil ny a aucun corps, mais seulement des points. Et ce nest pas la même chose si on voulait prouver quaucun corps nest susceptible dêtre mélangé, puisquils peuvent tous se résoudre en éléments qui les composent, puisque les corps de ce genre sont subordonnés aux corps célestes, qui opèrent le mélange chez eux ; or les points ne sont pas subordonnés à des principes supérieurs qui leur inspirent la nécessité de composer. |
[71383] In De
caelo, lib. |
[71383] Sur le De caelo,
III, 4, 6. Ensuite, quand il dit : Ğ en outre ğ, etc., il
expose la cinquième raison, disant que, si le temps est composé dinstants de
la même manière quun corps lest de surfaces ou la ligne de points (ce qui
correspond totalement au même raisonnement, comme le prouve le livre VI de |
[71384] In De
caelo, lib. |
[71384] Sur le De caelo, III, 4, 7. Ensuite quand il
dit : Ğ la même chose arrive ğ, etc., il rapproche la thèse
précédente de celle des Pythagoriciens. [300a15]
Et il dit que ceux qui établissent que le ciel est constitué de nombres
rencontrent les mêmes inconvénients. En effet, certains des Pythagoriciens
qui considéraient que la nature tout entière est constituée de nombres,
suivant le raisonnement présenté ci-dessus, étaient suivis par Platon. Or le
philosophe rejette cette idée ici, puisque les corps naturels ont pesanteur
et légèreté ; or les unités reliées les unes aux autres ne peuvent pas former
de corps qui soit continu, mais un corps séparé ; et elles nont pas non
plus de pesanteur, puisquelles sont dépourvues de situation et par
conséquent de lieu. Enfin, en guise de conclusion, il dit que la génération
ne concerne pas tous les corps ni aucun. En effet notre vue nous montre
quelle ne concerne pas aucun corps. Ce qui prouve quelle ne concerne pas
tous les corps, cest quil est impossible quils soient tous engendrés, ce
qui se produirait, si lun dentre eux était engendré par des surfaces. |
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Lectio
5 |
Leçon 5 [Le mouvement naturel des corps naturels]
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[71385] In De
caelo, lib. |
[71385] Sur le De caelo,
III, 5, 1. Après avoir réfuté la thèse des savants qui établissent que tous
les corps sont engendrés par des surfaces, le philosophe commence ici à se
demander si les corps naturels ont des mouvements naturels. Et sur ce point
il fait deux choses : premièrement il montre que les corps naturels ont
des mouvements naturels ; deuxièmement il démontre comment il est
possible les mouvements violents des corps soient accomplis de différentes
manières par des mouvements naturels, ici : Ğ puisque la
nature ğ, etc. Sur le premier point il fait deux choses : premièrement
il montre que les corps naturels ont des mouvements naturels ;
deuxièmement il démontre quils ont pesanteur et légèreté, qui les poussent à
accomplir leurs mouvements naturels, ici : Ğ que certains ğ,
etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : premièrement il
prouve que les corps naturels ont des mouvements naturels ; deuxièmement
il réfute les opinions de certains philosophes, qui se trompent sur ce point,
ici : Ğ parce que pour Leucippe aussi ğ, etc. Concernant le
premier point il fait deux choses. Premièrement il expose ce quil a
lintention de faire ; et il dit que, puisque lon a dit ci-dessus que
les activités et les affections des corps sont leur génération et leurs
mouvements et que lon a réfléchi à la génération des corps, il reste à
parler de leurs mouvements. [300a20] Et il dit
quil est évident, daprès ce que lon dira, quil est nécessaire quun
mouvement naturel concerne les corps simples. Quant aux corps mixtes, ils
suivent le mouvement du corps simple qui prédomine en eux. Donc le mouvement
naturel concerne tous les corps naturels. |
[71386] In De
caelo, lib. |
[71386] Sur le De caelo,
III, 5, 2. Deuxièmement ici : Ğ en effet, puisque déplacés ğ,
etc., il prouve la proposition par deux raisons. La première dentre elles
est tirée du mouvement. Car par lobservation nous voyons les corps simples
se déplacer ; donc sils nont pas de mouvement propre qui leur soit
naturel, il est nécessaire quils se déplacent sous leffet de la violence.
Or se déplacer sous leffet de la violence et se déplacer contre-nature est
la même chose : car ce qui est conforme à la nature nest pas violent,
puisque est violent ce sur quoi le celui qui subit la violence na aucun
pouvoir, comme le dit le livre III de lÉthique.
Or du fait quil y a un mouvement contre-nature, il suit logiquement quil y
a un mouvement conforme à la nature, [300a25]
au regard duquel le mouvement violent est dit contre-nature ; car la
maladie ne serait pas un état contre-nature, si la santé nétait pas un état
conforme à la nature ; car toute privation présuppose le fait davoir.
Et bien que la présence dun mouvement contre-nature entraîne celle dun
mouvement conforme à la nature, cependant, quoique les mouvements
contre-nature soient nombreux, le mouvement conforme à la nature est unique
(cest-à-dire quil concerne un seul corps), puisque la nature dune chose est
déterminée vers un seul but, dont elle est susceptible de dévier de bien des
manières, de même que la santé est unique, mais que les maladies sont
nombreuses. Et cela parce que chaque chose conforme à la nature lest
Ğ simplement ğ, cest-à-dire dune seule manière, étant donné que
la nature dune chose est unique ; mais chaque corps a non seulement de
nombreux mouvements, mais aussi de multiples états contre-nature. Mais ce qui
a été dit au début du livre, à savoir que le mouvement contre-nature soppose
au mouvement conforme à la nature et quune chose à un seul contraire, semble
être en contradiction avec cette idée. On peut répondre à cela que le
philosophe parle ici des mouvements simples ; car un corps ne peut se
déplacer de plus dun mouvement simple contre-nature ; cependant il peut
se déplacer de plus dun mouvement composé contre-nature. Ou bien on peut
dire que, même si une chose na quun contraire, le contraire qui correspond
à une privation peut prendre de nombreux aspects, de même que la santé est
simple, mais la maladie multiple. Et, de la même façon, le mouvement conforme
à la nature prend une seule forme, mais le mouvement contre-nature, bien des
formes. |
[71387] In De
caelo, lib. |
[71387] Sur le De caelo, III,
5, 3. Il présente la deuxième raison ici : Ğ en outre ğ,
etc. ; il la tire du repos. Et il fait deux hypothèses. La première est
quil est nécessaire que tout ce qui est au repos le soit sous leffet de la
violence ou conformément à la nature. La seconde est quun objet reste au
repos sous leffet de la violence là où il est déplacé sous leffet de la
violence et quil reste au repos conformément à la nature là où il est
déplacé naturellement. À partir de là, il propose largumentation suivante. [300a30] Nous voyons par lobservation un corps
immobile au milieu, par exemple la terre ou une pierre ; donc, daprès
les prémisses, il est au repos soit sous leffet de la violence, soit par en
conformité avec la nature. Et si cest naturellement, il sensuit selon les
prémisses que le mouvement dun tel corps vers ce lieu est aussi naturel.
Mais si cest sous leffet de la violence, il faut quil y ait une chose
source de violence qui lempêche de se déplacer. Donc ce qui lempêche de se
déplacer est soit en mouvement, soit au repos. Si cest au repos, de même
quune colonne immobile empêche une pierre posée sur elle de bouger, cette
même question reviendra sur ce qui len empêche : est-ce au repos
naturellement ou sous leffet de la violence ? Et si cest naturellement,
on en conclura que cela se déplace aussi naturellement ; mais si cest
sous leffet de la violence, il y aura de nouveau besoin dun autre objet qui
lempêche de bouger. Et ainsi il est nécessaire soit de recourir à un premier
être [300b1] immobile conformément à la
nature, et qui, par conséquent, se déplacera aussi naturellement, soit de
régresser à linfini chez les corps, ce qui est impossible, comme on la
montré dans le premier livre. Mais si on dit quun être immobile au milieu
sous leffet de la violence ne peut se déplacer à cause dun autre être en
mouvement (de même quEmpédocle a dit que |
[71388] In De
caelo, lib. |
[71388] Sur le De caelo, III, 5, 4. Ensuite, quand il dit : Ğ cest la raison pour laquelle pour Leucippe aussi ğ, etc., il réfute les théories de certains philosophes sur les propos précédents. Et en premier lieu celle de Démocrite ; en second lieu celle de Platon, ici : Ğ que cette même chose arrive ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses. Premièrement il conclut daprès les prémisses que les propos de Démocrite sont insuffisants. Car il établissait que les corps indivisibles, quil disait être des principes, se déplaçaient toujours dans un espace infini [300b10] et vide. Or on a montré que les corps simples ont un mouvement naturel ; donc ils devaient déterminer de quelle espèce sont les mouvements des corps de ce genre, et quel est leur mouvement naturel. Mais comme ils ne lont pas déterminé, leur théorie est insuffisante. |
[71389] In De
caelo, lib. |
[71389] Sur le De caelo, III, 5, 5. Deuxièmement
ici : Ğ car si un objet par un autre ğ, etc., il fournit une
excuse, puisquils disaient eux-mêmes que lun de ces corps indivisibles,
quils considéraient comme des éléments, est déplacé par un autre sous
leffet de la violence. Mais il rejette cette idée pour deux raisons. Premièrement
parce que, si on établit un mouvement violent, il est nécessaire détablir un
mouvement conforme à la nature, auquel soppose ce mouvement violent, comme
on la dit ci-dessus. Deuxièmement parce quil faut que le premier moteur
nagisse pas sous leffet de la violence, mais conformément à la nature. Car
ce qui déplace sous leffet de la violence possède le principe de son
mouvement en dehors de lui, et ainsi ne déplace que sil est déplacé. Donc [300b15] si lon nétablit pas un premier moteur
conforme à la nature, mais sil déplace toujours sous leffet de la violence
un corps déplacé auparavant par un autre, on régressera à linfini concernant
les moteurs, comme le prouve le livre VIII de |
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Lectio 6 |
Leçon 6 [Réfutation de lopinion de Platon sur les mouvements
naturels]
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[71390] In De
caelo, lib. |
[71390] Sur le De caelo,
III, 6, 1. Après que le philosophe a réfuté la théorie de Démocrite et de
Leucippe sur les mouvements des corps naturels, il rejette ici celle de
Platon sur le même sujet. Et premièrement au moyen de raisonnements ;
deuxièmement au moyen des propos dautres philosophes, qui semblent avoir eu
de meilleures réflexions sur ce point, ici : Ğ or cela même
semble ğ, etc. |
[71391] In De
caelo, lib. |
[71391] Sur le De caelo, III, 6, 2. Concernant le premier
point, il établit quatre raisons. Sur la première dentre elles il dit que le
même inconvénient que rencontrent Démocrite et Leucippe apparaît nécessairement, si lon établit quavant que le
monde ait été créé, les éléments qui le constituent se déplaçaient
dans un mouvement désordonné, comme Platon lécrit dans le Timée, en racontant quavant la création du monde par Dieu une matière
désordonnée flottait. Il montre que cette théorie
entraîne la même conséquence, ajoutant quil est
nécessaire de dire que le mouvement désordonné qui déplaçait les éléments serait
soit violent, soit conforme à la nature. Et sil est violent, on revient à la première thèse ;
de ce fait on aboutit au même inconvénient. Mais sil est conforme à la nature, cest contraire à ce qui a été établi. En effet, on a
exposé que le monde nexistait
pas encore ; mais si les éléments [300b20]
se déplaçaient conformément à la nature, il serait nécessaire de dire que le
monde existait à ce moment-là, si on voulait considérer la question attentivement.
Car puisque tout mouvement, selon Platon aussi, reviendrait au premier moteur comme à sa
cause, si les élements se déplaçaient dune manière quelconque, il serait
nécessaire de dire que le premier moteur se déplace lui-même conformément à
la nature. Or le premier moteur est compris ici non pas comme simplement
premier, comme le prouvent le livre VIII de |
[71392] In De
caelo, lib. |
[71392] Sur le De caelo, III, 6, 3. Il établit la seconde raison ici : Ğ en outre ğ, etc. Cette raison tend vers le même but que la première, concernant le fait que le monde existait avant davoir été créé ; mais la première raison le concluait à partir des corps simples, tandis que celle-ci le conclut à partir des corps mixtes (car lorganisation des uns et des autres concerne aussi la consistance du monde). Il dit donc : si les éléments, avant la création du monde, se déplaçaient en désordre, on pourrait se demander si ces éléments-là pouvaient se combiner en des mélanges tels que ceux qui constituent les corps composés en conformité avec la nature, à savoir la chair, les os et autres de ce genre. En effet, si on disait que ce nétait pas possible, il sensuivrait que les éléments ne se déplaçaient pas du tout en désordre, cest-à-dire sans pouvoir se mouvoir indifféremment de nimporte quel mouvement. [300b30] Car Empédocle, établissant que les éléments se déplaçaient par amitié, disaient que les corps de ce genre étaient constitués suivant le mouvement dont lamitié les déplaçait ; et cest ainsi que seuls les mouvements des éléments engendraient sous linfluence de lamitié la chair de lun, les os dun autre, la tête dun troisième, les mains dun quatrième ; de ce fait il disait que de nombreuses têtes ont été produites sans cou en raison dune telle conjonction déléments par amitié. Donc si on disait quil nétait pas possible quelles soient produites, les éléments ne se déplaceraient absolument pas en désordre. Mais sil était possible quelles soient produites, lorganisation du monde serait déjà faite, non seulement concernant les corps simples, mais aussi les corps mixtes. Or il faut remarquer que la génération des têtes sans cou, selon Empédocle, est causée par lamitié, qui constitue des corps mixtes à partir déléments, et cela non au moyen de la toute fin de son mouvement, pendant laquelle elle crée un seule être à partir de toutes, mais au moyen du processus au cours duquel elle ramène peu à peu plusieurs êtres à un seul. |
[71393] In De
caelo, lib. |
[71393] Sur le De caelo, III, 6, 5. Il donne la troisième raison ici : Ğ pour ceux qui imaginent une infinité ğ, etc. Or cette raison nest pas avancée de façon exclusive contre Platon, mais en lui associant la théorie de Démocrite et de Leucippe, qui établissaient quune infinité de corps indivisibles se déplaçaient dans un espace infini. Il dit donc que ceux qui considèrent quune infinité de corps se déplacent dans un espace infini, sils adoptaient la thèse de Platon selon laquelle des éléments se déplaçaient avant le monde en désordre, rencontreraient un inconvénient. En effet, toute cette infinité de corps serait déplacée soit par un seul moteur (à savoir selon lespèce, par exemple par la pesanteur ou la légèreté), soit par une infinité. Et si cétait par un seul moteur, il serait nécessaire que tous ces corps soient entraînés par une seule espèce de mouvement local, par exemple par un mouvement ascendant ou par un mouvement descendant ; et cest ainsi quils ne se déplaceraient pas en désordre ; car on remarque déjà que les mouvements sont ordonnés du fait que tous les corps sont entraînés au même endroit. Or si les mouvements despèce différente avaient une infinité de principes [301a1], il sensuivrait que les espèces de mouvement aussi seraient infinies, ce qui est impossible, selon les prémisses, dans lesquelles on a montré quelles ne sont pas en nombre infini et indéterminé. Il faut dire la même chose sur les principes finis des mouvements et sur les mouvements finis, puisque, si les espèces de mouvement causées par des principes finis étaient finies, on découvrirait déjà un ordre chez elles. En effet, labsence dordre dans les mouvements provient du fait que tous les corps ne sont pas emportés au même endroit, ce qui revient à ce quil y ait plus dun mouvement, étant donné que maintenant aussi, quand, après la création du monde, le mouvement des corps a été mis en ordre, tous les corps ne sont pas emportés au même endroit, mais seulement ceux qui sont dun seul genre, comme tous les corps lourds en bas. Il ajoute donc pour cette raison quil est nécessaire détablir une infinité de mouvements, si des corps se déplaçaient en désordre avant que le monde soit créé. |
[71394] In De
caelo, lib. |
[71394] Sur le De caelo,
III, 6, 5. Il établit une quatrième raison ici : Ğ en outre en
désordre ğ, etc., qui lui permet de démontrer que la thèse précédente se
contredit elle-même. Car être en désordre nest rien dautre [301a5] quêtre contre-nature. En effet dans les
êtres sensibles il apparaît que lordre est propre à leur nature, à savoir
que chacun dentre eux incline vers quelque chose de certain par sa propre
nature ; or cette inclinaison est lordre découvert dans les êtres
sensibles ; alors en effet on dit que chacun agit ou se déplace en
désordre, quand cela ne se produit pas selon linclinaison de leur propre
nature. À partir de là il apparaît encore quil nest ni convenable, ni
possible quun être sensible ait un mouvement désordonné Ğ infini ğ,
cest-à-dire qui dure un temps infini, puisque, comme on la dit, est
désordonné un mouvement qui est contre-nature ; or il apparaît que ce
qui se trouve chez la plupart des êtres appartenant à un seul genre et la
plupart du temps concerne lorganisation de la nature de chaque être. En
effet ce qui convient à un petit nombre dhommes, par exemple le fait dêtre
ambidextre, nest pas dit naturel à lhomme, ni non plus ce qui convient à
quelques-uns pendant un court laps de temps, par exemple le fait davoir de
la fièvre, mais ce qui se trouve chez la plupart et plus souvent. Ainsi donc
il arrive aux Platoniciens eux-mêmes détablir des contraires en même temps,
à savoir que le [301a10] désordre des
mouvements est conforme à la nature, dans la mesure où il a existé pendant un
temps infini avant le monde, et où lordre des mouvements et la constitution
du monde par un mouvement désormais ordonné sont contre-nature, puisquelle a
duré pendant un temps plus bref, bien que rien de ce qui est conforme à la
nature ne soit Ğ comme il arrive ğ, cest-à-dire sans ordre
déterminé. Or il faut remarquer que les raisons dAristote sattaquent
directement à la thèse de Platon, si on comprend daprès ses propos que le
désordre du mouvement des éléments était antérieur à la création du monde.
Mais les disciples de Platon disent quil na pas voulu dire cela, mais que
lordre du mouvement des sensibles part tout entier dun premier principe, de
telle sorte que les autres corps, considérés en soi, sont désordonnés contre
linfluence de ce premier principe. Et si lon suit cette idée, Aristote ne
fait pas ici dobjection à la théorie de Platon, mais aux propos des
Platoniciens, afin que personne ne soit induit en erreur par eux. |
[71395] In De
caelo, lib. |
[71395] Sur le De caelo, III, 6, 6. Ensuite quand il
dit : Ğ cela même semble ğ, etc., il réfute la thèse
précédente en sappuyant sur les paroles dautres philosophes, qui semblent
avoir mieux compris ce quil en était. À ce propos, il faut considérer
quaussi bien Démocrite et Leucippe que Platon semblaient avoir eu deux
théories sur les corps qui existent avant le monde, premièrement puisquils
considéraient quils se déplaçaient, deuxièmement puisquils considéraient
quils étaient séparés. Donc concernant la première thèse, il dit
quAnaxagore semble avoir bien saisi ces considérations mêmes sur la
constitution du monde. En effet, il a établi quil a commencé grâce à des
corps qui ne se déplaçaient pas avant. Cela est certes plus logique que de
dire que le monde est créé à partir de corps qui se déplaçaient avant. Car il
y a un acte de mouvement dans la puissance dexister, et ainsi un
intermédiaire entre la première puissance et le premier acte ; or pour
ce qui est créé le principe est tiré de ce qui est absolument en
puissance ; et cest pourquoi il est plus logique de constituer le
principe du monde à partir de ce qui ne se déplace pas du tout quà partir
dêtres en mouvement. Concernant la seconde théorie, il dit que dautres
philosophes aussi, posant le principe du monde, Ğ par une sorte de
mélange ğ (cest-à-dire que tout était dans une sorte de mélange unique
avant que le monde soit créé) ont tenté de définir la façon dont les êtres se
déplaçaient et se séparaient de nouveau les uns des autres, lors de la
constitution du monde elle-même, comme Anaximandre et aussi Empédocle lont
établi. Car [301a15] il nest pas logique de
concevoir la génération du monde à partir dêtres auparavant distants et en
mouvement. De même que le mouvement est un acte, de même la séparation ou
distance des êtres passe aussi par leurs propres formes, dans la mesure où
ils sont en acte (en effet dans la mesure où ce sont des êtres en puissance,
ils ne sont pas distingués) ; et puisque la génération à proprement
parler se fait du fait quelle est en puissance, pour cette raison il nest
pas logique que le monde soit engendré à partir dêtres séparés et en
mouvement. Et de là vient quEmpédocle, dans la première génération du monde,
a omis lamitié, qui a pour fonction de rassembler les êtres désagrégés. En
effet il ne pouvait pas représenter la constitution Ğ du ciel ğ,
cest-à-dire du monde, de façon à ce quil soit constitué dêtres auparavant
séparés, en rassemblant ces êtres auparavant disjoints, sous leffet de
lamitié : car il sensuivrait ainsi que le monde serait constitué
déléments auparavant disjoints, ce qui est contraire à ce qui a été dit. De
ce fait, puisque dans la constitution du monde il utilisait seulement le
conflit, qui a pour fonction de séparer les éléments joints, la conséquence
en est que le monde, selon lui, provenait [301a20]
dun ensemble unique et assemblé à partir de nombreux êtres. Enfin, il dit en
guise dépilogue quil est manifeste daprès ce qui vient dêtre dit que
chaque corps a un mouvement naturel, qui ne le fait pas se déplacer sous
leffet de la violence ou contre-nature. |
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Lectio
7 |
Leçon 7 [Les corps qui se déplacent naturellement en ligne droite ont pesanteur et légèreté] |
[71396] In De caelo, lib. |
[71396] Sur le De caelo,
III, 7, 1. Après que le philosophe a montré que les corps naturels ont des
mouvements naturels et réfuté les théories des philosophes qui se sont
trompés sur ce point, il montre ici que les corps qui se déplacent
naturellement en ligne droite ont pesanteur et légèreté : en effet, les
principes du mouvement naturel chez les corps mentionnés sont considérés
selon la pesanteur et la légèreté. Premièrement il expose donc quelle est son
intention, disant quil est manifeste daprès ce qui suit que certains corps,
à savoir ceux qui se déplacent naturellement dun mouvement rectiligne, ont
nécessairement pesanteur et légèreté, qui les entraînent vers leurs propres
lieux. Or il dit Ğ certains ğ pour les distinguer de ceux qui se
déplacent circulairement. |
[71397] In De caelo, lib. |
[71397] Sur le De caelo,
III, 7, 2. Deuxièmement ici : Ğ en effet se déplacer ğ, etc.,
il propose une démonstration de la proposition, disant : nous disons ici
communément que les corps naturels se déplacent nécessairement : en
effet ils sont appelés naturels parce quils ont en eux-mêmes le principe du
mouvement, comme le montre le livre II de |
[71398] In De caelo, lib. |
[71398] Sur le De caelo,
III, 7, 3. Troisièmement ici : Ğ en effet soit ce qui dans
lequel ğ, etc., il prouve ce quil avait supposé, à savoir que, si les
corps déjà mentionnés nont pas de pesanteur ni de légèreté, ils ne se
déplacent pas. Et premièrement il montre quils ne se déplacent pas
naturellement ; deuxièmement il montre quils ne se déplacent pas sous
leffet de la violence, ici : Ğ en outre sil y a un corps ğ,
etc. Il dit donc premièrement ceci : si un corps inférieur na pas de
pesanteur ou de légèreté, soient deux corps, dont lun est A, dépourvu de
pesanteur, et lautre B, pourvu de pesanteur. QuA se déplace, lui est qui
nest pas un corps lourd, pendant un temps déterminé, par exemple pendant la
durée dune heure, sur la distance GD, dun mouvement centripète. Supposons
que le corps B, pourvu de pesanteur, fasse la même espèce de mouvement
pendant la même durée, de, sur une distance plus grande, qui est GE :
car il est nécessaire que le corps pourvu de pesanteur accomplisse la même
espèce de mouvement pendant une durée égale sur un espace plus grand que le
corps dépourvu de pesanteur, de même quun corps plus lourd est emporté vers
le bas plus vite quun corps moins lourd. Que le corps B, pourvu de
pesanteur, soit divisé selon la proportion entre GE [301a30]
et GD, de telle sorte que le corps B tout entier soit par rapport à sa
partie, par exemple C, comme GE tout entier par rapport à GD ; en effet,
rien nempêche que le corps B soit divisé de cette manière, comme tout corps
fini peut être divisé selon une proportion donnée. Procédons donc ainsi. B
est dans le même rapport avec sa partie que GE par rapport à GD ; donc
réciproquement la partie divisée est dans le même rapport avec GD que B tout
entier avec GE. Donc si B tout entier est déplacé pendant un temps déterminé
sur GE tout entier, il est nécessaire que la partie de B lui-même le soit
pendant la même durée sur la distance GD. Or dans le même temps le corps A,
sans pesanteur, était déplacé sur la même distance. Donc il sensuivra que le
corps pesant et le corps sans pesanteur, seront déplacés sur la même distance
pendant une durée égale. Et le raisonnement est le même si on établit que
lautre corps a de la légèreté. [301b1] Ainsi
donc il est manifeste quun inconvénient sensuit, si on considère quun
corps inférieur na ni pesanteur ni légèreté. |
[71399] In De caelo, lib. |
[71399] Sur le De caelo, III, 7, 4. Ensuite quand il dit : Ğ en outre sil y a un corps ğ, etc., il montre que, si un corps inférieur est dépourvu de pesanteur ou de légèreté, il ne peut pas se déplacer sous leffet de la violence. Et il dit ceci : du fait quil a été montré par le raisonnement précédent quun corps dépourvu de pesanteur ou de légèreté ne peut pas se déplacer naturellement en ligne droite, il est nécessaire que, sil se déplace, ce soit sous leffet de la violence : en effet, chaque mouvement des corps de ce genre est soit naturel, soit violent. Mais il ne pourrait pas non plus se déplacer sous leffet de la violence : puisque, sil le fait, il est nécessaire que ce mouvement soit Ğ infini ğ, cest-à-dire dune vitesse infinie, ce qui est impossible. Et il prouve ce qui en serait la conséquence, après avoir posé ce principe : si une certaine Ğ force ğ, cest-à-dire violence, est le moteur dun corps plus petit et [301b5] plus léger, il se déplacera Ğ plus ğ, cest-à-dire plus vite, vers le haut, sous leffet de la même Ğ force ğ, cest-à-dire de la même violence : car un corps plus grand et plus lourd résisterait davantage à la violence. Ainsi donc soit un corps A sans pesanteur qui se déplace vers le haut sous leffet de la violence sur une distance GE ; soit un autre corps B, pesant, qui se déplace du fait de la même force pendant la même durée sur une distance GD, plus petite en tout cas que GE. De même quun corps plus lourd est moins déplacé par la même force, de même un corps lourd lest moins quun corps sans poids. Divisons donc le corps B, pourvu de poids, selon la proportion qui est celle de la distance GE par rapport à GD. Il sensuivra donc, comme avant aussi, que ce qui ôté par division du corps B pesant [301b10] se déplacera sur la distance GE dans le même temps où le corps A, dépourvu de pesanteur, la été sur la même distance, puisque le corps B tout entier se déplaçait dans le même temps sur la distance GD, qui est plus petite. En effet il faut que la vitesse de la distance la plus petite soit avec la plus grande dans un rapport égal à celui du corps le plus grand avec le plus petit ; et cest ainsi que, dans la même durée, un corps plus grand se déplace dans la même durée sur une distance moins grande et un corps plus petit sur une distance plus petite, puisque le corps plus petit est déplacé plus vite par la même force. Il sensuivra donc quun corps sans poids et un corps pesant seront entraînés sur une distance égale dans le même temps, ce qui est impossible. Or quel que soit le corps lourd proposé, quelle que soit la vitesse à laquelle il se déplace, [301b15] un corps sans poids se déplacera encore dans le même temps sur une distance supérieure. Ainsi donc il sensuivra quun corps non lourd se déplacera sous leffet de la violence avec une vitesse infinie, ce qui est impossible. Et cest le même raisonnement pour un corps qui nest pas léger. Ainsi donc il dit en guise de conclusion quil est manifeste que tout corps qui est Ğ déterminé ğ, à savoir quil se déplace en ligne droite, a pesanteur ou légèreté. Or il appelle Ğ déterminé ğ un corps qui se meut en ligne droite, soit parce quil parle ici de lui de façon déterminée, soit parce que les corps de ce genre se déplacent en ligne droite dans la mesure où ils sont mis à part et divisés, mais non tous en soi. |
[71400] In De caelo, lib. |
[71400] Sur le De caelo,
III, 7, 5. Ensuite quand il dit : Ğ or puisque la nature ğ,
etc., étant donné quil avait fait mention du mouvement naturel et violent,
il montre ici de quelle manière les deux mouvements saccomplissent. Et sur
ce point il fait deux choses : il montre premièrement la différence
entre le mouvement naturel et le mouvement violent ; il montre
deuxièmement comment les deux mouvements se trouvent dans lair, ici :
Ğ pour tous deux ğ, etc. Sur le premier point, il fait deux
choses : il montre premièrement la différence entre le mouvement naturel
et le mouvement violent ; il montre deuxièmement comment des contraintes
se mêlent aussi au mouvement naturel, ici : Ğ lui certes ğ,
etc. Or les mouvements naturel et violent diffèrent selon leurs
principes ; et cest pourquoi il définit en premier lieu les principes des
deux mouvements. Et il dit que la nature est le principe moteur qui existe
dans le corps qui est déplacé, comme le montre le livre II de |
[71401] In De caelo, lib. |
[71401] Sur le De caelo,
III, 7, 6. Ensuite quand il dit : Ğ dans les deux cas ğ, etc.,
il montre comment lair sert les deux mouvements. Et premièrement comment il
sert le mouvement violent ; deuxièmement comment il sert le mouvement
naturel, ici : Ğ et celui qui conformément à la nature ğ, etc.
Il dit donc premièrement que la force du moteur violent utilise lair en tant
quinstrument Ğ dans les deux cas ğ, cest-à-dire pour le mouvement
ascendant et le mouvement descendant. Or lair est destiné à être léger et
lourd : en effet, comme on la dit ci-dessus, et comme on le dira plus
longuement dans le quatrième livre, le feu est simplement léger, la terre est
simplement lourde, mais lair et leau ont un statut intermédiaire : car
lair est lourd par rapport au feu mais léger par rapport à leau et à la
terre ; leau est légère par rapport à la terre, mais lourde par rapport
au feu et à lair. Ainsi donc lair, dans la mesure où il est léger, produira
le mouvement violent qui est ascendant (pourtant, selon quil se déplace, la
puissance du moteur violent sera aussi le principe dune telle
impulsion) ; [301b25] or il produit le
mouvement descendant dans la mesure où il est lourd. Car la puissance dun
moteur violent transmet, à la manière dun choc, un mouvement Ğ aux
deux ğ, cest-à-dire soit à lair déplacé vers le haut et à lair
déplacé vers le bas, soit aussi à lair et au corps lourd, par exemple à une
pierre. Or il ne faut pas comprendre que la force du moteur violent applique
à la pierre qui se déplace sous leffet de la violence une force qui la fait
se mouvoir, de même que la force du principe qui engendre donne au corps
engendré une forme que recherche le mouvement naturel : en effet, le
mouvement violent serait ainsi issu dun principe intrinsèque, ce qui est
contraire au fonctionnement du mouvement violent. Il sensuivrait aussi que
la pierre, du fait même quelle se déplace localement sous leffet de la
violence, serait altérée, ce qui est contraire aux caractéristiques du
mouvement violent. Il sensuivrait ainsi que la pierre, du fait même quelle
se déplace localement sous leffet de la violence, serait altérée, ce qui est
contraire à ce que nous voyons. Donc le moteur violent donne à la pierre son
mouvement seulement, ce qui se produit tant quil la touche. Mais puisque
lair est davantage susceptible dune telle impulsion, dune part parce quil
est plus subtil, dautre part parce quil est dune certaine manière plus
léger, il se déplace plus vite que la pierre à cause de limpulsion du moteur
violent ; et ainsi, lorsque le moteur violent cesse, lair déplacé par
lui repousse la pierre plus loin et aussi lair qui lentoure, lequel pousse
à son tour la pierre plus loin, et cela se produit tant que dure limpulsion
du premier moteur violent, comme le dit le livre VIII de |
[71402] In De caelo, lib. |
[71402] Sur le De caelo, III, 7, 7. Ensuite quand il
dit : Ğ et celui qui conformément à la nature ğ, etc., il
montre comment lair sert le mouvement naturel. Et il dit que lair favorise
de la même façon [301b30] le mouvement naturel
de chacun des corps et le mouvement violent, à savoir dans la mesure où il
aide aussi le mouvement ascendant par sa légèreté et le mouvement descendant
par sa pesanteur. |
[71403] In De caelo, lib. |
[71403] Sur le De caelo,
III, 7, 8. Or on peut se demander si lair sert le mouvement naturel des
corps lourds et des corps légers par nécessité ou seulement en raison de son
état favorable. Averroès détermine quil sert aussi le mouvement naturel par
nécessité ; et cela pour deux raisons. Premièrement parce que, comme il
le dit lui-même dans son commentaire à ce passage, le moteur des lourds et
des légers engendre, puisque, quand il donne forme, il donne du même coup un
mouvement naturel, tout comme la totalité des accidents naturels qui suivent
la forme aussi ; et ainsi ce qui engendre cause le mouvement naturel par
lintermédiaire de la forme. Or, le mouvement naturel doit immédiatement
suivre sous laction de son moteur. De ce fait, comme le mouvement naturel ne
suit pas immédiatement sous laction de ce qui lengendre, mais sous celle de
sa forme, il semble que sa forme soit son propre moteur dans le mouvement
naturel. Il semble donc que les corps lourds et légers se déplacent eux-mêmes
dune certaine façon. Mais non en soi, puisque ce qui déplace se divise
lui-même en déplaçant et déplacé, comme le prouve le livre VIII de |
[71404] In De caelo, lib. |
[71404] Sur le De caelo, III, 7, 9. Les deux idées
ont pour racine la même erreur. Car il estime que la forme des corps lourds
et légers est le principe actif de leur mouvement à la manière dun moteur,
si bien quil faut quil y ait une résistance à linclinaison de la forme, et
que le mouvement ne provient pas immédiatement dun être engendrant qui donne
forme à ces corps. Mais cela est absolument faux. En effet, la forme des
corps lourds et légers nest pas le principe de leur mouvement en tant
quagent du mouvement, mais en tant que lieu où le moteur déplace, de même
que la couleur est le principe de la vision là où on voit quelque chose. De
ce fait, Aristote dit dans le livre VIII de |
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Lectio 8 |
Leçon 8 [Comment se produisent génération et mouvement ?]
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[71405] In De caelo, lib. |
[71405] Sur le De caelo,
III, 8, 1. Après que le Philosophe a recherché, à propos de la génération et
du mouvement, sils se trouvaient dans les corps naturels ou non, après avoir
supposé, daprès les prémisses, que la génération et le mouvement se trouvent
dans les corps, il commence ici à se demander comment cela se produit. Et sur
ce point il fait deux choses : premièrement il revient sur une idée à
réfuter, ce quil avait fait ci-dessus, mais de façon imparfaite ;
deuxièmement il sattache à exposer la proposition, ici : Ğ or il
reste à dire ğ, etc. Concernant le premier point, il fait trois
choses : premièrement il expose ce quil a prouvé ci-dessus ;
deuxièmement il achève la démonstration, ici : Ğ car il est
impossible ğ, etc. ; troisièmement il rejette une certaine
objection, ici : Ğ en effet un autre ğ, etc. |
[71406] In De caelo, lib. |
[71406] Sur le De caelo,
III, 8, 2. Il dit donc premièrement quil est manifeste, daprès ce qui a été
dit, que toutes choses ne sont pas soumises à la génération, comme
létablissaient ceux qui disaient les corps composés de surfaces, et que rien
nest sujet à la génération, comme le considéraient Parménide et Mélissus.
Ensuite, quand il dit : Ğ car il est impossible ğ, etc., il
finit de réfuter la thèse de ceux qui posent que tout est soumis à la
génération. En effet, il lavait déjà réfutée ci-dessus, en montrant que les
corps ne sont pas composés de surfaces ; or on pourrait dire que tous
les corps sont soumis à la génération de nombreuses autres manières ; et
cest pourquoi le philosophe propose cette démonstration universelle. Et il
dit que lon peut confirmer que tout nest pas sujet à la génération, parce
quil est impossible que tout corps soit soumis à la génération, [302a1] à moins détablir un vide séparé des corps
(assurément il le dit parce que certains philosophes, comme Démocrite et
Leucippe, établissaient quun vide était introduit dans les corps). Or, on
appelle vide séparé un lieu qui nest pas rempli par un corps, mais qui est
susceptible dêtre rempli, comme le dit le livre IV de |
[71407] In De caelo, lib. |
[71407] Sur le De caelo,
III, 8, 3. Ensuite quand il dit : Ğ un autre en effet ğ, etc.,
il rejette une objection. Car on pourrait dire que nous voyons chacun des
corps être engendré, alors quaucun vide nexiste. Mais il répond lui-même à
cela que, lorsquun corps particulier naît, il est engendré par un autre
corps, par exemple le feu par lair, quainsi avant la génération du feu
lair se trouvait à sa place, et que de la sorte il ny a pas de vide. Mais
si tout corps est engendré, il nest pas possible détablir un autre corps
qui ait occupé sa place auparavant, puisquil ny a pas de corps en dehors de
tout corps ; et ainsi il faudra quun corps soit créé par un non corps. [302a5] Or il est impossible quun corps naisse en
labsence totale dune grandeur corporelle préexistante. Car un corps en acte
pourrait tout à fait naître du fait quil y a un corps en puissance. Et du
moins sil y a ainsi un corps en puissance qui est un autre corps en acte,
aucun inconvénient ne suit : car nous établissons de cette manière que
le feu naît de la matière qui est du feu en puissance, mais de lair en acte.
Mais sil y avait un corps en puissance qui nétait pas un autre corps en acte,
comme devraient létablir ceux qui considèrent que tout corps est engendré,
il sensuivrait quavant la génération de tout corps il y avait un vide
séparé. |
[71408] In De caelo, lib. |
[71408] Sur le De caelo,
III, 8, 4. Or il faut remarquer quAristote ne cherche pas ici à prouver
quil ny a pas de génération pour tout corps, si bien que la totalité des
corps est engendrée en même temps ; et il ne cherche pas à prouver quun
corps particulier nest pas engendré par un non-corps. Car lobjection
suivante, faite par Simplicius dans son commentaire, irait contre la
démonstration dAristote, à savoir quil ne serait pas nécessaire quil y ait
du vide, soit par raréfaction et condensation, soit parce que, une fois tel
corps engendré, tel autre est corrompu. De ce fait, la démonstration quil
avance lui-même ne serait non plus suffisante, à savoir quil nest pas de
génération pour les corps communs, mais pour les corps particuliers (car il
nest pas de génération pour lhomme simplement, mais pour cet homme-ci),
puisque la totalité du corps est pour ainsi dire un unique corps complet
existant dans une espèce, comme on la dit dans le premier livre ; or,
rien nempêche que lindividu qui est unique seulement dans une espèce unique
soit engendré et corrompu, comme on le dit du phénix. De ce fait, ce
raisonnement nexclurait pas non plus la génération de tout corps que le
Philosophe cherche à écarter. Et la démonstration du Philosophe nest pas non
plus contraire à la doctrine de notre foi, par laquelle nous pensons que la
totalité des corps commence de nouveau, puisque nous considérons que le lieu
que le Philosophe suppose ici ne préexiste pas et que nous nétablissons pas
la génération des corps à partir du fait quelle est en puissance, mais du
fait quelle a lieu par création. |
[71409] In De caelo,
lib. |
[71409] Sur le De caelo,
III, 8, 5. Ensuite quand il dit : Ğ il reste à dire ğ, etc.,
il montre comment sont la génération et le mouvement des corps. Et sur ce
point il fait deux choses : premièrement il dit sur quoi porte son
intention et dans quel ordre il faut ici procéder ; deuxièmement il
expose jusquau bout la proposition, ici : Ğ disons donc quun
élément ğ, etc. Il dit donc premièrement que, comme ce ne sont tous les
corps qui sont susceptibles dêtre engendrés, ni aucun, comme on la dit
ci-dessus, [302a10] il reste à montrer quels
corps sont soumis à la génération et Ğ en vertu de quoi ğ,
cest-à-dire quelle est la cause de la génération. Cette réflexion commence
dans ce livre, mais sachève dans le livre sur la génération. Mais puisque
toute connaissance se fait au moyen dune première, doù découlent les
définitions et les démonstrations, il est manifeste que les éléments des
choses, quelles quelles soient, en sont les premiers constituants (bien que
quelques principes extérieurs puissent être antérieurs, par exemple lagent
et la fin) ; pour connaître la génération des corps, il faut dabord
connaître quels sont les éléments des corps susceptibles dêtre engendrés et
corrompus, pour quelle raison ce sont des éléments et enfin combien il y en
a, et de quelle sorte sont les corps. Pour montrer cela, [302a15] il faut admettre comme supposition et
principe quelle est la nature dun élément, ce qui apparaît grâce à sa
définition. |
[71410] In De caelo, lib. |
[71410] Sur le De caelo, III, 8, 6. Ensuite quand il dit : Ğ disons donc quun élément ğ, etc., il expose jusquau bout la proposition dans lordre déjà dit. En effet il montre premièrement quelle est la nature dun élément, ce que la définition éclaire, deuxièmement quels sont les éléments des corps et de quelle nature ils sont, ici : Ğ cest pourquoi si ce qui est dit ğ, etc. ; troisièmement il recherche comment se fait la génération des corps, ici : or puisque ni infini ğ, etc. Concernant le premier point, il fait deux choses : il établit premièrement les parties de la définition de lélément ; il prouve deuxièmement cette définition de lélément, ici : Ğ car tel ğ, etc. À propos du premier point, il présente les trois parties de la définition de lélément. La première dentre elles est que lélément des autres corps est ce en quoi les autres corps se divisent ou se décomposent. Car nimporte quelle cause ne peut être appelée élément, mais seulement celle qui entre dans la composition dune chose. De ce fait les éléments universels sont la matière et la forme, comme le montre le livre I de la Physique. Cependant ce ne sont pas des corps ; or le philosophe recherche ici les éléments qui sont des corps. La seconde partie est que lélément se trouve dans le corps dont il est lélément, en puissance ou en acte. En outre on peut sinterroger sur la manière dont les éléments se trouvent dans les corps élémentaires, à savoir sils sont en acte ou en puissance. En effet si la génération et la corruption des corps se fait par agrégation et désagrégation, comme Empédocle et Anaxagore lont établi, il sensuit que les éléments sont en acte à létat de mélange. Or, si la génération et la corruption des corps se font par altération, il est nécessaire de dire que les éléments sont en puissance à létat de mélange. La troisième partie est que lélément ne se divise pas en autres choses, cest-à-dire en parties différentes en espèce. Car il faut que tout corps soit divisible ; pourtant certains corps se divisent en parties différentes en espèce, comme la main en chair et en os, dont elle est formée en une certaine composition, ou bien comme la chair se décompose en air, feu, eau et terre, par une certaine altération ; or le feu, lair, leau et la terre ne se décomposent ni de cette manière, ni de lautre, en parties qui diffèrent en espèce. Or cela correspond à la caractérisation de lélément, de même aussi que les éléments du langage sont appelés lettres, qui ne se divisent pas en parties différentes en espèce. Ensuite quand il dit : Ğ en effet tel ğ, etc., il prouve la définition précédente à partir de lusage commun de la langue : car il faut utiliser les noms comme le plus grand nombre de personnes le fait, comme le dit le livre II des Topiques. Et cest le cas quand il dit que tous veulent dire quil y a un élément tel quon la décrit même dans tous les genres, par exemple dans le vocabulaire et les démonstrations de la physique, dont les principes sont appelés Ğ éléments ğ, qui ne se décomposent pas en dautres principes. |
[71411] In De caelo, lib. |
[71411] Sur le De caelo,
III, 8, 7. Ensuite quand il dit : Ğ cest pourquoi si ce qui est
dit ğ, etc., il montre ce que sont les éléments et combien ils sont. Et
sur ce point il fait trois choses : premièrement il montre quil est
nécessaire que les corps aient des éléments ; deuxièmement il se demande
sils sont finis ou infinis, ici : Ğ si finis ou infinis ğ,
etc. ; troisièmement il se demande sil y en a seulement un, ici :
Ğ or puisquil est nécessaire quils soient finis ğ, etc.
Concernant le premier point il fait deux choses : premièrement il
conclut à partir de la définition précédente de lélément quil est
nécessaire détablir que les corps ont des éléments ; deuxièmement il
montre comment Anaxagore et Empédocle les considéraient de différentes
manières, ici : Ğ Or Anaxagore ğ, etc. Il dit donc
premièrement que, si [302a20] la définition
précédente est celle de lélément, il est nécessaire de dire ce que sont les
éléments des corps : car il se trouve des corps auxquels les conditions
précédentes conviennent. Car dans la chair, le bois, et dans nimporte quel
corps semblable, à savoir mélangé, le feu et la terre sont en puissance,
puisque cest par altération que les corps précédents sont composés de feu, de
terre et dautres corps de ce genre. Et cest évident daprès la
désagrégation qui fait que les corps mélangés se décomposent en corps
simples, comme on le voit dans la décomposition du corps animal, qui se
corrompt en poussière, en certaines humeurs et vapeurs ; et il en est
ainsi des autres corps mélangés. Ici il se sert du terme
Ğ désagrégation ğ au sens large, alors que la désagrégation au sens
propre décompose un corps en ce qui se trouve en acte en lui. Il montre que
les corps de ce genre, en lesquels les autres se décomposent, ne se
décomposent pas eux-mêmes en dautres parties, ce qui correspond aussi à la
définition de lélément, ajoutant que ni la chair, ni le bois ne se trouvent
dans le feu, que ce soit en puissance ou en acte. Il en tire une preuve du
fait que, [302a25] si la chair et le feu se
trouvaient dans le feu, le feu se décomposerait en eux, ce que lon ne voit
en aucune manière. Car la chair ou le bois sont engendrés par le feu non par
décomposition, mais par adjonction dautres corps simples, en même temps que
des corps altérés se mélangent. Or, puisque des savants ont établi un seul
élément, comme Thalès de Milet leau, il ajoute que le raisonnement est le
même si on établit un seul élément ou plusieurs, à savoir que dautres corps ne
se trouveront pas dans un élément unique. Car bien que lon trouve dautres
corps en dehors de cet élément, par exemple la chair, los ou quelque autre
de ce genre, il ne faut cependant pas dire que lun dentre eux se trouve en
puissance ou en acte dans le corps qui est considéré comme un élément. Et
comme les choses sont telles que certains sont des éléments des corps, il
faut considérer quel est le mode de génération qui fait que soit les autres
corps sont engendrés à partir déléments, à savoir par mélange, soit les
éléments sont engendrés à partir dautres corps, par décomposition. Et il le
déterminera en vérité dans le livre sur la génération. |
[71412] In De caelo, lib. |
[71412] Sur le De caelo, III, 8, 8. Ensuite quand il
dit : Ğ Or Anaxagore ğ, etc., il montre la différence entre
Anaxagore et Empédocle concernant les éléments des corps. Et il établit
premièrement les opinions des deux savants ; il montre deuxièmement
laquelle des deux doit être préférée, ici : Ğ or puisque tout ğ,
etc. Il dit donc premièrement quAnaxagore et Empédocle ont tenu des propos
contraires sur les éléments des corps. Car Empédocle a établi que le feu, la
terre et les autres corps intermédiaires, qui sont des éléments tout comme
eux, sont [302a30] les corps élémentaires des
corps qui composent tous les autres. Mais Anaxagore dit le contraire :
les autres corps Ğ homéomères ğ, cest-à-dire composés de parties
semblables, par exemple la chair, los et [302b1] autres
corps de ce genre, sont les éléments des corps ; or il disait que lair,
le feu, la terre et leau sont un mélange des corps précédents, à savoir de
la chair et de los, et de toutes les autres semences des corps naturels. Car
Anaxagore établissait que les parties infinies et indivisibles des corps
semblables étaient les semences de tout ce que lon voit dans la
nature ; et cest ainsi que tous les corps naturels sensibles sont
engendrés par leur extraction dun autre corps mélangé. Donc puisque tous les
autres corps semblent être engendrés par le feu, leau et autres principes de
ce genre, il a pensé quaussi bien le feu que la terre et les autres
substances intermédiaires étaient constitués à partir de toutes les parties
indivisibles semblables agrégées en même temps. Et selon cette idée, il
considérait que les parties semblables étaient les éléments de ces quatre
corps ; et pourtant il disait daprès cela que tout était créé grâce à
des semences inexistantes. Et puisquil ne faisait pas mention du feu, afin
que rien de douteux ne naisse de cela, il ajoute quil appelait lui-même le
feu Ğ éther ğ. |
[71413] In De caelo, lib. |
[71413] Sur le De caelo, III, 8, 9. Ensuite quand il
dit : Ğ or puisque tout ğ, il montre que lopinion dEmpédocle
doit être préférée. [302b5] En effet, comme le
montre ce qui a été dit dans le premier livre, tout corps naturel a un
mouvement qui lui est propre ; et comme certains mouvements sont
simples, certains autres mélangés, il est évident que les corps mélangés ont
des mouvements mélangés, mais que les corps simples ont des mouvements
simples. Et à partir de là il est clair que certains corps sont simples,
comme certains mouvements sont simples. Et puisque les mouvements simples,
qui sont centrifuges et centripètes, sont plus appropriés aux éléments
établis par Empédocle, il est manifeste que son opinion doit être préférée.
Cependant on pourrait dire que cest une seconde raison en vue de la
conclusion principale, quil avance en guise de péroraison, disant quil est
clair quil y a des éléments, et en vertu de quoi ils existent. |
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Petri
de Alvernia Continuatio S. Thomae in De caelo et mundo |
Pierre
dAuvergne : suite du commentaire du livre du Ciel et du monde
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Caput 8
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Leçon 8 (suite) |
[89312] Petrus
de Alvernia, In De caelo continuatio, lib. 3 cap. 8 Deinde cum dicit utrum autem inquirit quot sunt
secundum numerum, et qualia sunt secundum naturam. Et quoniam alii aliter
opinabantur, narrat in isto tertio opiniones aliorum, et reprobat pauca
determinando secundum intentionem suam: quot autem sint secundum veritatem,
et qualia, magis determinate ostendet in libro de generatione. Primo ergo
inquirit de numero ipsorum. Secundo cum dicit, quoniam autem neque infinita,
ostendit qualia sunt, quoniam generabilia, et quomodo. Circa primum primo
praemittit intentionem suam, et ordinem considerandi. Secundo cum dicit,
nullus enim sic, prosequitur. In prima parte dicit, quod ostenso quod sunt
elementa, consequens est considerare de numero quot sunt, utrum finita vel
infinita; et si finita, quot secundum numerum: et primo considerandum erit,
quod non sint infinita, sicut crediderunt quidam, puta Anaxagoras, Democritus
et Leucippus. Inter quae primo considerandum erit, quod non sunt infinita,
sicut dixerunt ponentes elementa esse homiomera, quemadmodum Anaxagoras, et
sequentes ipsum. Deinde cum dicit nullus enim prosequitur: et primo opiniones
ponentium elementa infinita. Secundo cum dicit, quoniam autem necesse, ponit
opiniones ponentium elementum unum esse tantum. Adhuc in prima parte facit
quod dictum est; secundo cum dicit, adhuc si unicuique, ponit rationem
propriam ostendentem elementa finita esse. Circa primum primo improbat
opinionem Anaxagorae, ponentis elementa homiomera esse. Secundo cum dicit:
sed adhuc neque vel alteri, improbat opinionem Democriti et Leucippi
ponentium corpora indivisibilia. Circa primum ponit rationes tres: secundam
cum dicit: adhuc autem sic sumentes; tertiam cum dicit, adhuc si corpus. In
prima parte dicit quod nullus supponentium sicut dignitatem corpora homiomera
elementa esse, recte accipit naturam elementi. Ad sensum enim apparet multa
corpora composita homiomera esse, et divisibilia esse in homiomera: sicut
carnem et os et lignum et lapidem et hujusmodi: quae omnia composita esse
probantur per segregationem aliorum ab ipsis, puta ignis, et terrae et intermediorum.
Quoniam igitur nullum positorum ex corporibus est elementum, manifestum est
quod homiomera corpora non sunt elementa: sed corpus ad quod alia resolvuntur
inexistens actu vel virtute, indivisibile in alia corpora priora altera
specie, sicut dictum est prius. Deinde cum dicit adhuc autem ponit secundam
rationem, dicens, quod adhuc bene sumentes elementum ponendo ipsum
homiomerum, non necesse habent ipsa facere infinita: omnes enim causae
propriae earum et passionum possunt reddi sumendo ea finita, siquis velit
sumere. Idem etiam fiet, si sumantur duo aut tria, aut quatuor, quemadmodum
Empedocles conatur reddere causas omnium, ponendo quatuor, quamvis non
possit. Quoniam etiam nec ponentes homiomera possunt omnia generare ex ipsis:
facies enim ex faciebus non possunt generare, nec aliud figuratorum nullum,
quorum pars non est ejusdem rationis toti. Manifestum est autem quod melius
est facere finita principia quam infinita, et finita pauca et minima, si
aequaliter possunt reddi causae omnium apparentium fiendorum: sicut in
disciplinis faciunt finita et quam paucissima supponentes. Infinitum enim
incognoscibile est, finitum autem cognoscibile, et tanto magis quanto unitati
magis appropinquat. Omnes enim accipiunt finita aut secundum speciem, puta
quando punctum et lineam et planum definiunt, quorum unumquodque finitum est
secundum speciem; aut secundum quantitatem quia finita numero accipiunt. Vel
potest exponi finitum secundum speciem de infinito secundum formam; et
finitum secundum quantitatem, de finito secundum numerum aut extensionem: his
enim duobus modis dicitur aliquid finitum vel infinitum, ut potest apparere
ex quinto metaphysicae, ubi distinguitur finis. Deinde cum dicit adhuc si
ponit tertiam rationem, dicens, quod si corpus determinatur et distinguitur
ab alio corpore per proprias differentias, corporum autem differentiae primae
infinitae sunt, quia differentiae ipsorum sunt qualitates sensibiles primae,
quas esse finitas probabitur in libro de generatione. Quare manifestum est
quod corpora prima necesse est esse finita: ergo et elementa corporea: non
sunt igitur infinita, sicut Anaxagoras posuit. Et est intelligendum, quod
Anaxagoras videtur posuisse duplex esse rerum. Unum quidem intellectuale, et
unicum in intellectu primo, in quo res omnes unum erant propter
intellectualem unionem. Aliud autem reale et sensibile extra ipsum
intellectum, secundum quod procedunt in esse ab intellectu conditivo, et sic
diversitatem habent ad seinvicem: et si sic intellexit, non multum a veritate
deviavit. Deinde cum dicit sed adhuc reprobat opinionem Leucippi et Democriti
de infinitate elementorum; quam primo ponit: secundo cum dicit, primum quidem
igitur, improbat. Primo igitur dicit, quod adhuc elementa prima corporum non
sunt infinita, sicut alteri quidam dicunt, scilicet Leucippus et Democritus
Abderites, idest excludentes multa accidentia rationabilia. Dicunt enim
primas magnitudines, quas dicunt prima elementa corporum, esse infinitas
secundum multitudinem, indivisibiles autem secundum magnitudinem. Et ideo ex
uno vere non fieri multa, quia vere unum omnino non dividitur: nec ex multis
fieri vere unum, quia sunt intransmutabilia, sed alia fieri ex ipsis tantum
secundum aggregationem quandam et circumplexionem secundum figuram et ordinem
et positionem. Isti autem aliquo modo omnia entia faciunt numeros, aut
unitates quasdam ex quibus est numerus. Omnia enim entia vel sunt
magnitudines indivisibiles, quae sunt elementa, quae proportionantur
unitatibus propter indivisibilitatem, aut congregata ex eis salvatis quae proportionantur
numeris per aggregationem salvatorum. Quamvis enim hoc expresse non dicant,
realiter tamen dicunt. Et iterum, quoniam corpora prima determinantur
figuris, et figurae autem in infinitum procedunt, sicut et numeri, corpora
prima et simplicia infinita dixerunt: quae autem et qualis sit natura
elementorum non determinaverunt, nisi solum in igne, cui attribuerunt figuram
pyramidalem; aerem autem et aquam et alia dixerunt generari ex primis
magnitudinibus recipientibus, ut contingit figura ipsorum, et differre ab
invicem magnitudine et parvitate, ac si natura magnitudinis et parvitatis sit
pansperma, idest totum seminarium elementorum omnium et generatorum ex
eis. Deinde cum dicit primum quidem improbat praedictam opinionem. Et primo
ex hoc quod falsum posuit; secundo cum dicit: simul autem et contraria; ex
hoc quod ponentes ea contraria sibi ponunt. Circa primum ponit rationes tres
quae positae sunt prius. Ponens igitur primam, dicit, quod primum peccatum,
quod accidit ponentibus sic, est quod non principia finita sumunt, cum causae
et principia apparentium aequaliter reddantur positis finitis sicut
infinitis, sicut expositum fuit prius. Secundam rationem ponit dicens, quod
adhuc si differentiae elementorum non sunt infinitae, manifestum est, quod nec
elementa infinita erunt: numerus enim ipsorum secundum speciem est secundum
numerum differentiarum; differentiae autem elementorum non sunt infinitae,
quia sunt qualitates sensibiles primae vel per se principia ipsarum; ergo
elementa infinita non erunt. Tertiam ponit dicens, quod ponentes
indivisibilia corpora necessario habent ponere quaedam contraria
suppositionibus scientiarum mathematicarum, et multa principiorum suorum
apparentium ad sensum negare: puta hoc ipsum quod dicunt, omne continuum
divisibile esse in infinitum, et indivisibile divisibili non esse continuum,
nec consequenter ens: de quibus dictum est prius in his quae de tempore et
motu, et in libro physicorum quinto et sexto. Deinde cum dicit simul autem
improbat eam eo quod ista ponentes necessario habent sibi contradicere: et
circa hoc ponit rationes duas: secundam cum dicit: adhuc neque secundum horum
et cetera. Primo dicit, quod simul cum praedictis ponentes hanc opinionem
necesse habent sibiipsis contradicere. Ponunt enim corpora mundi indivisibilia
esse elementa, et aerem, terram et aquam, differre solum magnitudine et
parvitate, quia terra est ex majoribus indivisibilibus, aqua ex minoribus, et
aer adhuc ex minoribus: hoc etiam ponunt, quod terra et aqua et aer ex
invicem generantur. Si enim elementa sunt indivisibilia, ex quibus
componuntur, non different magnitudine et parvitate: si enim magnitudine et
parvitate differrent, scilicet quod aer ex minoribus generaretur quam aqua,
et aqua quam terra, non esset possibile quod fierent ex invicem semper. Si
enim aer generetur ex aqua, hoc erit per segregationem minorum atomorum: cum
autem non sint infinitae in aqua finita existente, manifestum est, quod per
continuam generationem segregabuntur omnino et remanebunt majora corpora
indivisibilia solum, quare ex aqua non ulterius generabitur aer; similiter
nec aqua ex terra, nec terra ex illis: sed ipsi dicunt, aquam et aerem semper
ex invicem generari: ergo non differunt solum magnitudine et parvitate, cujus
contrarium ponunt. Deinde cum dicit adhuc neque ponit secundam dicens, quod
adhuc secundum opinionem quamdam istorum, quam habent de corporibus primis,
sequitur ipsa non esse infinita multitudine: cujus contrarium ponunt: dicunt
enim quod corpora determinantur et differunt ab invicem figuris: figurae
autem omnes componuntur ex pyramidibus, et resolvuntur in eas: sicut enim
figurae superficiales et rectilineae resolvuntur in triangulum, ita figurae
solidae rectilineae in pyramides. Sphaera autem componitur ex octo partibus
pyramidalibus: quod apparet si imaginetur sphaera dividi secundum tres
circulos magnos intersecantes se ad angulos rectos. Dividitur enim in octo
pyramides, quarum coni recti anguli erunt in centro sphaerae: quare trianguli
erunt prima elementa figurarum: sunt autem finiti, quare necesse est
principia seu elementa figurarum finita esse. Cum igitur numerus elementorum
sit secundum numerum differentiarum primarum, necesse est esse tot corpora
simplicia quot sunt prima elementa figurarum, sive sint unum, sive duo, sive
tria, vel alio quocumque numero. Deinde cum dicit adhuc autem ponit rationem
propriam et naturalem ostendentem elementa finita esse, quam posuit circa
principium primi libri, dicens, uniuscujusque elementorum est aliquis motus
proprius, et motus corporis simplicis est simplex et compositus: ergo
secundum multitudinem motuum simplicium erit multitudo simplicium corporum;
motus autem simplices infiniti non sunt, quia latitudines simplices non sunt
plures duabus, scilicet recta et circularis, nec etiam loca in quibus sunt infinita
sunt: corpora igitur simplicia non sunt infinita; erunt igitur finita. |
A
partir dici, saint Thomas dAquin nest plus le commentateur. |
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Caput 9 |
Leçon 9
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[89313] Petrus
de Alvernia, In De caelo continuatio, lib. 3 cap. 9 Postquam Aristoteles ostendit elementa non esse
infinita, ostendit ea non esse unum tantum, reprobando opiniones ponentium
contrarium. Circa quod primo praemittit intentionem suam, dicens, quoniam
elementa necesse est finita esse, ut apparet ex dictis: finita autem sunt,
sive unum sive plura: propter quod restat considerandum, utrum sint plura vel
unum. Deinde cum dicit quidam enim prosequitur: et primo ponit opiniones
ponentium unum tantum; secundo cum dicit, quicumque quidem igitur, improbat
eas. In prima parte dicit, quod quidam antiquorum posuerunt unum solum
elementum corporum: sed istud alii dixerunt aquam, sicut Thales Milesius et
Hippon, quia spermata animalium et alimenta ipsorum et plantarum videbant
esse humida: alii autem aerem, sicut Anaximenes et Diogenes, quia videbant
ipsum facile alterabilem ad quodcumque. Alii autem aliquid medium inter ista,
subtilius aqua et grossius aere, quod posuerunt esse infinitum et continere
omnes caelos et omnia corpora universaliter, sicut Anaximander. Alii autem
ignem, sicut Hyppasus Metapontinus et Heraclitus Ephesius, quia videbant
ipsum maxime inter alia activum. Deinde cum dicit quicumque quidem reprobat
opiniones praedictas: et primo divisim: secundo autem cum dicit, commune
autem; communiter per unam communem rationem. Circa primum improbat opinionem ponentium aerem vel
aquam vel aliquod medium primum elementum; secundo cum dicit, quicumque
quidem ignem, opinionem ponentium ignem. Circa primum ponit rationes duas;
secundam cum dicit: adhuc autem spissitudine. In prima parte dicit, quod
quicumque elementum primum et unum dicunt esse aerem, vel aquam, vel aliquod
medium subtilius aqua et grossius aere, dicentes alia generari ex hoc uno per
ingrossationem vel rarefactionem, grossiora quidem per inspissationem,
subtiliora autem per rarefactionem, decipiunt ipsi seipsos; de necessitate
enim ponunt aliquid esse prius elemento primo. Est enim quaedam generatio aliorum ex elementis, quam
dicunt compositionem. Alia autem elementorum ex compositis, quam dicunt
resolutionem, quae fit per rarefactionem: rarefactio autem est ad id quod est
subtilius et prius natura; quare manifestum est quod corpus quod est
subtiliorum partium est prius secundum naturam his quae grossiorum. Ignem
autem dicunt esse subtilissimum omnium corporum: quare ignis erit primum
natura omnium. Sic igitur aqua vel aer vel aliquod medium elementum primum
erit prius elemento primo: quod est impossibile. Non differt autem, si ignis
non sit primum nec subtilius secundum ipsos; si enim ipse non sit, erit aliud
quodcumque sit, vel ex quo aliquod medium ponunt, ex quo dicunt alia quaedam
generari per rarefactionem. Deinde cum dicit adhuc autem ponit secundam
rationem primo. Secundo cum dicit, quod accidit plura dicentibus, extendit
eam contra ponentes elementa determinari magnitudine et parvitate. Primo
igitur dicit, quod elementa generari ex uno per rarefactionem et
condensationem, idem est quod generari ea per subtilationem et
ingrossationem: subtile enim secundum se est rarum aliquod; grossum autem
omnes dicunt esse spissum; subtilitas autem et grossities sunt idem quod
magnitudo et parvitas; subtile enim dicimus, quod est parvarum partium; quod
enim multum extensum est per rarefactionem subtile est; tale autem est quod
componitur ex corporibus parvis. Grossum autem est quod est magnarum partium.
Si igitur dicentes alia generari ex uno elemento per rarefactionem et
condensationem, determinant substantiam aliorum magnitudine et parvitate. Sic
autem determinata substantia eorum, omnia alia ad aliquid dicentur, et non
simpliciter. Et non erit aliquis ignis vel aer vel aqua simpliciter: sed ad
hoc ignis, ad aliud autem aer vel aqua: magnum enim et parvum ad aliquid
dicuntur, sicut dicitur in praedicamentis. Hoc autem est impossibile; ergo et
primum. Deinde cum dicit quod accidit extendit rationem istam ad ponentes
elementa plura determinari magnitudine et parvitate; dicens, quod idem
inconveniens accidit ponentibus elementa determinari et differre invicem
magnitudine et parvitate. Si enim elementa determinantur magnitudine et
parvitate, magnitudines ipsorum in aliqua ratione erunt, ita ut quae est
proportio magnitudinis ignis ad magnitudinem aeris, eadem sit magnitudinis
aeris ad eam quae aquae, et hujus ad eam quae terrae. Si igitur propter
hujusmodi rationem magnitudinum et excessuum solum determinantur ignis et aer
et aqua et terra, erit aer ad unum, puta ad ignem, et ignis ad aquam, et
ignis et aer ad aquam, et aqua ad aerem, aer ad terram: quia illa eadem
ratione magnitudinis et excessus, quo ignis excedit aerem determinatum,
excedit aer aquam, et aqua terram: quia si ignis respectu aquae excedit
aerem, per illa eadem erit ignis ad aquam, et sic in aliis. Et iterum, quia
magnitudo ignis continet magnitudinem aeris et aquae et terrae, per quas
determinatur, erit ignis et aer et aqua et terra, similiter in aliis. Et iterum quia terra tota eamdem rationem habet ad
aliquam partem sui secundum magnitudinem quam habet ignis ad aerem, secundum
illam et eamdem ad aliam quam aer ad aquam et eamdem ad aliam, quam aqua ad
terram; sequitur, quod terra ad aliquam partem sui ignis et ad aliam aer, et
ad aliam aqua, et similiter in aliis; sunt enim magnitudines minores in
majoribus: quod est impossibile; sic igitur videtur exposuisse Alexander
rationem istam. Simplicius autem dicit hanc expositionem extortam esse. Non
enim oportet, si magnum et parvum ad aliquid dicantur, quod ea, quibus
insunt, ad aliquid dicantur. Quamvis enim amicus sit ad aliquid, tamen homo,
cui inest amicum esse, non est ad aliquid: similiter quamvis dualitas tantum
excedat unitatem quantum exceditur a ternario, non tamen dualitas est unitas
ad ternarium; et similiter non oportet quod quamvis aer tantum excedat aquam
quantum exceditur ab igne, quod et aer sit ignis ad aquam, vel aqua aer ad
ignem. Sed si magnitudo et parvitas, quae ad aliquid dicuntur, essent
accidentia corporibus primis sicut amicum esse accidit homini; vel dualitati
accidit excedit a ternario in determinata ratione: bene argueret Simplicius
contra Alexandrum quod sicut non oportet, quod, si amicus ad aliquid dicitur,
quod homo, cui inest, ad aliquid dicatur. Et sicut non oportet quod, si quantum dualitas excedit
unitatem, tantum excedatur a ternario, quod propter hoc si unitas ad
ternarium: ita non oportet quod si quantum aer exceditur ab igne in
magnitudine, tantum excedat aquam, si ignis ad aquam. Si vero essent formae
et naturae substantiales ipsorum, quibus determinantur, sicut isti ponebant,
de necessitate sequeretur dictum Alexandri: sicut, si homo determinaretur per
amicum esse, diceretur ad aliquid, sicut et amicus. Et si dualitas
determinaretur per excedi in tantum a ternario quantum excedit unitatem,
esset unitas ad ternarium. Et ideo quia elementa ponunt isti determinari per
magnitudinem et parvitatem secundum se ad aliquid dictas, sequitur elementa
ad aliquid dici, sicut posuit Alexander. Deinde cum dicit quicumque autem
reprobat opinionem illorum, qui posuerunt ignem esse illud unum elementum; et
primo exponit opinionem illorum: et diversitatem circa ipsam tangit; secundo
cum dicit: utriusque autem eadem improbat eam. In prima parte ostendit quod
omnes ponentes ignem esse elementum primum, solum quaedam praedictorum
inconvenientium diffugiunt; non enim necesse habent ponere aliquid simplicius
elemento. Sed de necessitate quaedam alia incurrunt: quod apparebit positis
opinionibus. Quidam enim attribuunt ei figuram pyramidalem: et istorum,
quidam dicunt simplicius, hoc est minus secundum rationem, arguentes sic:
figura pyramidalis est acutissima figurarum et simplicissima; inter corpora
autem ignis acutissimum est et simplicissimum: quare ignis est pyramidalis
figurae: arguentes ex affirmativis in secunda figura. Et, si arguatur, quod
eodem modo arguendi utitur philosophus in secundo hujus ad probandum caelum
esse circularis figurae: quare si ibi valet, et hic, et si ibi non valet, nec
hic: dicendum ad hoc quod non est simile: quia corpus caeleste secundum se
figuratum est, et ideo cum sit primum, sibi debetur prima figura secundum se.
Et ideo ibi convertuntur termini majoris propositionis; si enim corpori primo
debetur prima figura, e converso verum erit dicere quod figuratum prima
figura est corpus primum caeleste. In talibus autem gratia materiae tenet
syllogismus ex affirmativis in secunda figura, quia per conversionem majoris
fit in prima. Hic autem elementis primis corporum sensibilium non debetur
figura secundum se, sicut consequens formam eorum; omnia enim unam figuram
sequuntur, scilicet continentis; et ideo non oportet quod aliquod primum
inter ea habeat aliquam primam figuram. Et ideo hic non convertuntur termini
majoris propositionis, propter quod non valet ratio. Alii etiam rationabilius
arguunt supponentes tria: primum scilicet quod corpora primo componuntur ex
subtilissimo et simplicissimo; secundum, quod figurae solidae omnes
componuntur ex pyramidibus; pyramis enim est prima omnium figurarum solidarum
rectilinearum; tertium quod posterius ponunt, quod prima figura debetur primo
corpori. Ex quibus syllogizant sic, quod primum et subtilissimum corporum est
ignis, quod etiam supponunt ut manifestum: subtilissimum autem corporum et
primum figuratur prima figura: ergo igni debetur prima figura: ignis igitur
est pyramidalis figurae. Alii autem de figura ignis nihil dicunt, sed
ponentes ipsum elementum primum ponunt ipsum esse ex subtilissimis partibus,
et deinde per commassationem quamdam alia fieri, quemadmodum ex inflata,
idest extensa substantia fiunt per commassationem parva decisione,
idest parva secundum quantitatem, sicut ex auri folio extenso per
commassationem fit aurum spissius. Sic ex igne subtili existente coeunte et
inspissato fiunt grossiora corpora non per commistionem. Deinde cum dicit
utriusque autem improbat praedictam opinionem. Hujusmodi autem ponentium
ignem elementum primum, quidam posuerunt ipsum indivisibile secundum
quantitatem; alii autem divisibile. Primo igitur probat, quod indivisibile
existens non potest esse elementum primum. Secundo cum dicit, si autem
divisibile, quod etiam nec si sit divisibile. Circa primum adducit rationes
duas. Secundam ponit cum dicit: adhuc non contingit. In prima parte dicit,
quod utrisque ponentibus ignem elementum primum, scilicet figurantibus et non
figurantibus, eadem accidunt fere inconvenientia. Si enim ponunt ipsum
indivisibile, incurrunt inconvenientia tacta prius contra Democritum et
Leucippum, scilicet quod quantum et continuum in infinitum divisibile non
est; et quod indivisibile divisibili continuabitur: quorum contraria
supponuntur in disciplinis mathematicis. Deinde cum dicit adhuc non ponit
secundam rationem, dicens, quod adhuc volentibus considerare naturaliter, non
contingit ignem indivisibilem existentem esse elementum primum, nec elementa
corporea esse indivisibilia: elementa enim partes corporum sunt corpora, et
omne corpus omni corpori secundum magnitudinem est comparabile, cum nullum sit
infinitum; ergo omnia homiomera ad invicem comparabilia erunt secundum
quantitates: puta aqua ad totum aerem, et totum elementum terrae ad totum
elementum aquae, et similiter aer totus respectu ignis. Manifestum est autem
quod ignis totus majoris quantitatis est quam aer, et aer quam aqua, et aqua
quam terra, et e contrario aer minoris quam ignis, et aqua quam aer, et terra
quam aqua. Si igitur in eo quod est majus alio secundum quantitatem est
magnitudo aequalis minori: omne enim quod majus est aliquo dividitur in id
quod excedit, et in aliud quo exceditur, elementum autem aquae majus est
elemento terrae, ut dictum est: quare elementum aquae divisibile erit.
Similiter autem ignis, et universaliter omne, quod subtilius est alio: non
potest igitur aliquid esse primum elementum corporum et indivisibile. Deinde
cum dicit si autem patet quod nec ignis potest esse elementum primum, posito
quod sit divisibilis. Et dividitur in partes duas: quia primo ostendit, quod
si ignis sit divisibilis, et sit determinatus figura, non potest esse
elementum primum. Secundo cum dicit, magnitudine autem, quod nec etiam si non
determinetur figura. Quantum ad primum adducit rationes duas; dicens primo
quod, si ignis sit elementum primum et divisibile, et determinatum figura
pyramidali, sequetur quod pars ignis non erit ignis, quia pars pyramidis
universaliter non est pyramis: nunc autem hoc est inconveniens, partem enim
ignis ignem esse dicimus: ergo et primum est inconveniens. Secundam rationem
ponit dicens, quod adhuc, si ignis indivisibilis existens et pyramide
determinatus sit elementum, sequetur quod non omne corpus erit elementum aut
ex elementis: pars enim ignis corpus quoddam est, et non est elementum quod
est ignis, quia non habet figuram pyramidis: nec etiam composita ex elementis:
elementum enim simplicius est eo quod componitur ex elemento: nihil autem
simplicius est secundum eos parte ignis: pars igitur ignis nec elementum
erit, nec ex elementis: hoc autem inconveniens est, ergo et primum. Deinde
cum dicit magnitudine autem ostendit quod, si ignis est divisibilis, et, non
determinetur figura, non est elementum primum: et ad hoc adducit rationes
duas: dicens primo, quod dicentibus ignem determinari magnitudine, sed non
figura, etiam cum hoc esset elementum primum, accidit quod aliquid sit prius
elemento primo, et hoc in infinitum ire. Si enim omne corpus divisibile est,
ignis magnitudinem habens divisibilis erit in infinitum: quare ante quamlibet
partem ignis erit ponere in infinitum partem priorem ignis, elemento primo erit
aliquid prius etiam in infinitum: hoc autem impossibile est: ergo et primum.
Secundam rationem ponit dicens: adhuc autem. His, qui dicunt ignem esse
elementum primum et determinari magnitudine, non figura, idem accidit de
necessitate dicere, cum magnitudo ad aliquid dicatur secundum quod hujusmodi,
quod ignis ad aliquid dicatur, sicut et alia corpora; et quod aliquid sit
ignis ad hoc, aer autem ad aliud, similiter et aer et aqua et terra: hoc
autem inconveniens est: ergo et primum. Deinde cum dicit commune autem ponit
rationem communem contra omnes ponentes elementum unum, dicens, quod commune
peccatum contra omnes ponentes elementum unum, est quod omnes necesse habent
ponere unum solum motum naturalem, et omnium corporum unum et eumdem: omnia
enim illo motu moventur naturaliter, quo movetur elementum, ex quo
consistentiam habent. Si igitur cujuslibet corporis naturalis est aliquis
motus naturalis, et omnia corpora sunt aliquod corpus unum primum, ex quo
consistunt, secundum ipsos sequitur, quod omnium erit motus unus, et illo uno
movebitur aliquid tanto velocius alio, quanto ex pluribus partibus compositum
erit; sicut ignis quanto quidem major est, tanto velocius fertur sursum
secundum motum naturalem ejus: quare, si omnia essent ignis, moverentur
sursum, quaedam velocius, quaedam tardius: nunc autem videmus multa deorsum
ferri velociter. Manifestum est igitur quod non omnium est unum elementum
primum. Adhuc quoniam determinatum est prius quod plures sunt motus naturales
et simplices, ut ad sensum apparet, scilicet a medio et ad medium, et motus
simplices sunt simplicium corporum: manifestum est quod sunt plura corpora
simplicia. |
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Caput
10 |
Leçon 10
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[89314] Petrus
de Alvernia, In De caelo continuatio, lib. 3 cap. 10 Postquam philosophus ostendit quod elementa non
sunt infinita, nec etiam unum tantum, intendit hic determinare qualia sunt,
quoniam non sempiterna, sed generabilia, et quomodo. Et circa hoc primo
praemittit intentionem suam. Secundo cum dicit sempiterna quidem,
prosequitur. In prima parte dicit, quod quoniam ex his quae dicta sunt,
manifestum est quod elementa non possibile est esse infinita, nec unum
tantum, sed necesse est esse plura et finita; considerandum restat primo,
utrum sint sempiterna, aut generabilia. Hoc enim declarato, manifestum erit
qualia sunt, quoniam calida, frigida, humida, et sicca: per hoc enim moventur
ad generationem: et etiam quot sunt secundum numerum conjugationum
possibilium qualitatem dictarum. Deinde cum dicit sempiterna quidem
prosequitur: et primo ostendit quod non sunt sempiterna, sed generabilia. Secundo cum dicit quoniam autem generabilia,
inquirit quomodo sunt generabilia. Circa
primum primo praemittit quamdam divisionem ex qua apparet intentum. Secundo
cum dicit si quidem igitur infinita prosequitur membra. Primo modo igitur
dicit quod elementa prima corporea impossibile est esse sempiterna. Ad sensum
enim videmus ignem et aquam et unumquodque de numero simplicium corporum
inter quae sunt elementa prima, resolvi et corrumpi. Necessarium igitur est
hujusmodi resolutionem aut infinitam esse et nunquam terminari, aut stare et
terminari quandoque. Deinde cum dicit siquidem igitur prosequitur: et primo
primum membrum, ostendens quod dissolutio ipsorum non est infinita primo.
Secundo cum dicit si autem stabit secundo. Tertio cum dicit itaque necesse
concludit ipsa non esse aeterna simpliciter. In prima parte dicit quod si
resolutio quae apparet in simplicibus corporibus est infinita, cum tempus
resolutionis coextendatur ipsi, tempus resolutionis erit infinitum: et si tempus
resolutionis infinitum est, manifestum est quod et tempus compositionis: si
tempus corruptionis est aequale tempori generationis, sicut dicitur secundo
de generatione. Tempus autem compositionis est majus, quia laboriosior est
compositio. Quare cum extra dissolutionem sit compositio, et prior; sequitur
quod extra infinitum tempus dissolutionis erit aliud tempus infinitum, quod
est compositionis, et adhuc prius illo compositio prior est dissolutione:
quare extra infinitum erit aliud infinitum. Hoc autem est impossibile, cum
unum totum comprehendat: ergo et primum est impossibile. Et est
intelligendum, quod non est impossibile duo infinita esse, quorum utrumque
sit infinitum in altera extremitate, finitum autem in altera. Sic enim se
habent tempus praeteritum et futurum copulata ad instans nunc, quorum
praeteritum est infinitum ad ante, et finitum ad posterius, puta ad nunc
futurum, aut e converso, secundum Aristotelem: duo autem infinita esse
secundum utramque extremitatem est impossibile. Et sic procedit ratio
Aristotelis. Deinde cum dicit si autem prosequitur secundum membrum; dicens,
quod si solutio apparens in corporibus primis non est infinita, sed cum stat
necesse est stare eam; aut erit aliquod corpus indivisibile omnino et
incorruptibile, aut aliquod divisibile et incorruptibile, quod tamen nunquam
dividetur aut corrumpetur, sicut Empedocles ponit, qui posuit elementa
divisibilia, non tamen corrumpi, quia nec habere materiam. Non autem potest
stare ad aliquod corpus indivisibile, quia non potest esse aliquid tale:
sicut probant rationes adductae prius contra Democritum et Platonem. Nec
etiam potest stare ad divisibile quod nunquam dissolvatur aut corrumpatur. In
omnibus enim quae sunt unius naturae, videmus quod minus facilius corrumpitur
a majori, quia minoris virtutis est et magis passibile. Si igitur quod multum
est, corruptibile est, ut ita corrumpatur in aliquo tempore: magis rationale
est minus divisibile et corruptibile corrumpi in minori: et quamvis non
corrumpatur a contrario secundum formam, tamen ab excellenti corrumpetur: his
enim duobus modis videmus ignem et alia corpora corrumpi. Quandoque quidem a
contrario majoris virtutis existente extrinseco: alio modo marcescendo in
seipsis, propter defectum materiae vel alimenti. Et hoc modo minus
corrumpitur a majori ut minor flamma a magna: et tanto velocius quanto minus
fuerit. Majus enim minus et alimentum ejus in pauco tempore consumit. Deinde
cum dicit itaque necesse concludit ipsa non esse aeterna, sed generabilia:
dicens sic; igitur lex qua dissolvuntur, et non stat dissolutio ad aliquod
divisibile vel indivisibile aeternum existens, relinquitur ipsa esse
generabilia et corruptibilia. Deinde cum dicit quoniam autem inquiritur
quomodo generabilia sunt. Et circa hoc primo ostendit quod sunt generabilia
ex invicem. Secundo cum dicit: item igitur considerandum, inquirit quomodo ex
invicem. Circa primum primo ponit quamdam divisionem. Quoniam corpora
simplicia sunt generabilia, necesse est ea generari, aut ex non corpore
omnino, aut ex corpore. Si ex corpore; cum ex se non possint: essent enim
prius se ipsis: de necessitate generabuntur, vel ex alio corpore diverso ab
ipsis, vel ex se invicem. Deinde cum dicit ex non corpore prosequitur membra:
et primo excludit alterum membrum primae divisionis: secundo cum dicit sed
adhuc neque ex corpore; alterum secundae; tertio cum dicit quoniam autem
concludit alterum membrum secundae sicut verum. In prima parte dicit quod
sermo, simplicia corpora generari ex non corpore, de necessitate facit vacuum
separatum; cujus probatio est, quoniam omne quod fit, de necessitate est in
aliquo loco; omnes enim motus in loco sunt, sicut dicitur in quinto
physicorum. Necesse est igitur, quod locus in quo est illud corpus quod
generatur, nunc sit prius sine corpore, aut contineat aliquod corpus. Si
autem contineat aliquod corpus, sequitur, quod duo corpora erunt simul,
scilicet quod generatur, et quod praeexistebat quod est impossibile. Non enim
potest dici quod corpus praeexistens cedat; si enim cederet, in illo eodem in
quo istud generatur oporteret ipsum cedere: hoc autem generatur in instanti;
ergo in instanti cederet: quod est impossibile, quia cessio non fit nisi per
motum localem, qui non est in instanti. Si autem sit sine corpore, cum
posterius recipiat corpus, necesse est esse vacuum separatum: vacuum enim
dicimus quod est privatum corpore sensibili, et natum est recipere illud. Hoc
autem est impossibile, sicut dicitur in quarto physicorum: ergo et primum. Et
est intelligendum quod litera illa quae dicit omne enim quod fit aut sine
corpore erit, in quo fit generatio, aut habebit corpus: obscura est
propter defectum alicujus, sicut videtur Alexandro. Suppletur autem sic: omne
enim quod fit, in aliquo fit, aut sine corpore erit in quo generatio est, aut
habebit corpus: et tunc est plana secundum expositionem dictam. Deinde cum
dicit sed adhuc excludit secundum membrum secundae divisionis: dicens, quod
adhuc si corpora simplicia generentur ex alio corpore; cum illud sit prius,
erit aliquid prius elementis: quod quidem inconveniens est in quo posset
stare. Sed deducit ad aliud manifestius, dicens, quod hujusmodi corpus ex quo
generantur elementa aut habebit gravitatem aut levitatem, aut non; si habeat
gravitatem aut levitatem, erit ergo aliquod elementorum primorum; non ergo aliud,
quod est contra hypothesim. Si autem non habeat gravitatem aut levitatem,
immobile erit, sicut probatum est prius, et quia abstractum a motu erit,
sicut mathematicum: tale autem existens non erit in loco naturali. Si enim quiesceret in aliquo loco, moveretur ad
ipsum. Si quidem per violentiam, moveretur per violentiam ad ipsum. Si autem
per naturam quiesceret, moveretur ad ipsum per naturam. Si autem dicatur proterviendo, quod in aliquo loco
determinato est, tunc aliquod elementorum determinatorum erit; non ergo
aliud. Si autem dicatur quod omnino in loco non est, nihil fieret ex ipso;
quia quod generatur et illud ex quo generatur, necesse est simul esse: quia
causa in actu et effectus in actu sunt simul. Sic igitur non generantur
elementa ex aliquo corpore priori. Deinde cum dicit quoniam autem concludit
alterum; dicens, quod, si corpora simplicia non generantur ex non corpore,
nec etiam ex alio corpore priori, sicut probatum est, nec aliquod ex seipso
generari potest, ut ex se manifestum est; relinquitur quod generantur ex se
invicem mutuo. |
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Caput
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Leçon 11
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[89315] Petrus
de Alvernia, In De caelo continuatio, lib. 3 cap. 11 Postquam philosophus declaravit, quod elementa
generantur ex seinvicem; hic inquirit quomodo, et quis modus sit generationis
ipsorum ex invicem. Et primo praemittit intentionem suam. Secundo cum dicit
qui quidem igitur, prosequitur. In prima igitur parte dicit, quod quia
corpora simplicia ex invicem generantur, iterum restat considerandum, quis
sit modus generationis ipsorum ex invicem; et, quia diversimode sunt opinati
diversi, inquirendum est, utrum ex invicem generentur per segregationem
partium inexistentium, sicut Anaxagoras et Empedocles et Democritus dixerunt,
aut per resolutionem in figuras primas, sicut Plato et quidam alii dixerunt:
aut si est aliquis alius modus transmutationis in invicem eorum. Deinde cum
dicit qui quidem prosequitur. Et primo ostendit quod non generantur ex
invicem per segregationem, sicut primi dixerunt. Secundo cum dicit
relinquitur quod non per transfigurationem, improbat alteram opinionem. Quis
autem sit verus modus generationis eorum ex invicem, apparebit ex libro de
generatione. Circa primum adducit rationes quatuor. Secundam ponit cum dicit
deinde. Tertiam, ibi, adhuc autem mistorum. Quartam, ibi, necesse autem.
Circa primum est intelligendum, quod Empedocles posuit quatuor corpora prima,
ignem, aerem, aquam et terram, intransmutabilia secundum substantiam;
divisibilia tamen secundum quantitatem, et divisa in partes parvas per
congregationem hujusmodi partium, secundum plus et minus, constituere illud
quod dicimus ignem, aerem, aquam et terram. Nihil enim vincere posuit talia,
et ex illis per segregationem posuit generari ea quae diximus mista.
Democritus autem posuit corpora prima indivisibilia, et ex ipsis per
congregationem quamdam in primo generari quod dicimus ignem, aerem, aquam et
terram, ex istis per segregationem fieri ea quae dicimus mista. Anaxagoras
vero principia prima entium posuit partes homogeneas infinitas existentes in
unoquoque, et deinde per segregationem alia generari. Istae autem opiniones hoc habent commune, quod
dicunt corpora generari per segregationem existentium. Et contra hoc
Aristoteles sic dicit, quod illi qui circa Empedoclem, Anaxagoram et
Democritum fuerunt, decipiunt seipsos: dicentes enim corpora ex seinvicem
generari per segregationem, non ponunt generationem fieri secundum veritatem,
sed secundum apparentiam tantum: generatio enim secundum veritatem est per
acquisitionem esse simpliciter in actu, existente in potentia per
transmutationem. Ipsi autem hoc non ponunt, ponentes generationem fieri per
segregationem inexistentium prius, ac si aliquid existens in vase per
segregationem ex illo generaretur et non per transmutationem ex ente in
potentia. Haec autem generatio non est secundum veritatem, sed secundum
apparentiam. Est enim deductio inexistentis de occulto in manifestum;
generatio autem secundum veritatem est acquisitio esse simpliciter per
transmutationem: male ergo posuerunt. Deinde cum dicit deinde et sic ponit
secundam rationem, dicens, quod post haec, dato quod generatio sit per
segregationem, nihilominus accidunt quaedam inconvenientia: quod declarat
primo accipiendo sicut manifestum ex se, eadem magnitudo vel idem corpus per
congregationem vel commassationem per se non fit gravius; sicut vestimentum
compressum non est gravius seipso expanso. Sed dicentibus aquam generari ex
aere per segregationem accidit contrarium. Videmus enim omnem aquam
segregatam ex ipso, graviorem esse quam esset totus aer, ex quo generatur;
ergo generationem aquae fieri per solam segregationem inexistentium est
impossibile. Si vero dicatur non
esse inconveniens, quod generatur ex alio, esse gravius illo; aer enim ex
igne generatus gravior est, similiter aqua ex aere et terra quam aqua: et
iterum quandoque videmus quod generatum ex alio per commassationem velocius
movetur deorsum: sicut aqua segregata ex vase lato velocius movetur secundum
se accepta quam cum ipso vase: dicendum, quod est aliud generari ex alio per
alterationem, et aliud per segregationem. Quod enim per alterationem
generatur, praeexistit in potentia tantum, et ideo postquam generatum est in
actu est gravius vel levius simpliciter, ut contingit. Quod autem per segregationem generatur solum, prius
existebat in actu in eo ex quo generabatur. Inexistens autem et separatum non est majoris virtutis
secundum quod hujusmodi: quare nec gravius nec levius: sic autem dicebant
antiqui fieri generationem: et sic procedit Aristoteles contra eos. Objectio
autem prima procedebat primo modo; nec oportet, quod si ex aliquo
segregaretur aqua, quae movetur deorsum velocius quam id ex quo segregatur,
quod sit gravior propter solam segregationem; contingit enim quandoque quod
corpus, ex quo segregatur aqua, propter latitudinem figurae vel aliquid aliud
supernatat; et quod segregatur, quia in minori quantitate segregatur velocius
movetur non habens eamdem latitudinem; latitudo enim figurae aliquando
supernatare facit, ut consequenter dicetur in quarto; et inde secunda
objectio non procedit. Deinde cum dicit adhuc autem ponit tertiam rationem;
accipiens primo sicut manifestum quod corpus admistum alii per congregationem
et inexistens in actu, cum separatur, non obtinet majorem locum. Quorum enim
est eadem forma et eadem virtus, omnino eorum est idem locus. Nunc autem
videmus quod cum ex aqua fiat aer, quod majorem occupat locum: quia quod est
subtilius ampliori indiget loco quam id quod est grossius. Iterum manifestum
est hoc in alteratione quorumdam corporum. Musto enim rarefacto per caliditatem
et spumefacto, quandoque rumpitur vas continens: sic enim subtiliatum quaerit
majorem locum et non invenit. Similiter se habet in humidis vaporantibus et
intumescentibus. Si autem simpliciter non est vacuum, sicut Empedocles et
Anaxagoras posuerunt: et corpora quae fluunt ex aliis non extenduntur sicut
ipsi ponunt: manifestum quod impossibile est humida vaporantia intumescere et
rumpere vasa. Si autem est vacuum sicut posuit Democritus, et extenduntur
corpora facta ex aliis, sequitur quod corpus inexistens alii actu per
segregationem fiet amplius: quod est contra suppositionem acceptam, et
praeter rationem: ergo corpora non generantur ex invicem per solam
segregationem. Deinde cum dicit
necesse autem ponit quartam rationem; dicens, quod si corpora generantur ex
invicem per segregationem, necesse erit tandem deficere generationem eorum ex
invicem. Quod probat per rationem quam contra Anaxagoram posuit in primo
physicorum ubi inquirebat principia prima transmutationis corporum, accipiens
principium quod et ibi accepit, quod in magnitudine finita non sunt quanta
infinita aequalia secundum magnitudinem. Infinita enim quanta aequalia magnitudinem infinitam
constituunt, quae non potest esse in magnitudine finita. Quare infinita
aequalia in finita magnitudine non erunt, quamvis in infinitum una magnitudo
sit divisibilis in partes inaequales et ejusdem proportionis. Si igitur ex
terra generetur aqua, necessario segregabuntur aliquae partes finitae ex ea.
Et iterum ex residua terra si adhuc insint aliquae partes, aqua generabitur,
per segregationem aliquarum partium. Si igitur hoc procedat in infinitum,
sequetur quod in terra existente finita erunt partes aquae infinitae secundum
multitudinem. Hoc autem est impossibile: ergo aquam generari ex terra per
segregationem solam est impossibile. Sic igitur est manifestum quod elementa
ex seinvicem non generantur per solam segregationem. Deinde cum dicit
relinquitur autem improbat secundam opinionem quae posuit elementa generari
ex invicem secundum trasmutationem quamdam. Et primo praemittit diversitatem
ipsius opinionis. Secundo cum dicit si quidem transfiguratione, prosequitur
improbando. Primo dicit, quod ostenso quod elementa ex invicem non generantur
per solam segregationem, relinquitur inquirendum, utrum generentur per transmutationem
eorum adinvicem. Per transmutationem autem adinvicem potest intelligi ad
praesens duobus modis: uno modo per transfigurationem; sicut si ex eadem cera
nunc generetur sphaera et circulus, nunc pyramis. Alio modo per resolutionem corporis corrumpendi ad
superficies primas, et generatione alterius ex illis, sicut quidam dicunt, ut
Plato. Si enim sit alius modus generationis eorum ex invicem per
transmutationem, apparebit in libro de generatione. Deinde cum dicit siquidem
igitur improbat opiniones istas. Et primo primam. Secundo cum dicit si autem
superficierum secundam. In prima dicit secundam: si corpora prima generentur
ex invicem per transfigurationem, sequitur necessario quod erit ponere
corpora indivisibilia. Si enim
sint divisibilia, et determinentur per figuras, sicut ponunt quidam, sequetur
quod pars ignis non erit ignis, neque pars terrae terra, quia pars pyramidis
non est pyramis. Et sicut pars
figurae se habet ad figuram, ita pars corporis ad corpus. Hoc autem est
impossibile: ergo et primum. Et est advertendum, quod haec ratio procedit
contra apparentiam verborum Platonis, non forte contra intentionem ejus: cum
enim diceret quod elementa ex invicem generantur per transmutationem materiae
eorum ex uno in aliud, adducit exemplum de auro quod transmutatur de una
figura in aliam, non quod intelligeret quod transmutatio elementorum
adinvicem esset sicut transmutatio auri a figura in figuram, quod gratia
exempli adduxit. Exempla autem
ponimus non ut ita sit, sed ut sentiat qui dicit. Sed ne aliquis crederet,
quod Plato intenderet sicut sonant verba, arguit Aristoteles contra verba
magis quam contra intentionem. Deinde cum dicit si autem reprobat secundam
opinionem, quam posuit ex invicem corpora generari per resolutionem ad
figuras. Et primo facit hoc; secundo cum dicit totaliter autem tentare
ostendit quod corpora non determinantur figuris. Circa primum primo improbat
opinionem quantum ad ea quae dixit de terra: secundo cum dicit sed adhuc
quantum ad ea quae posuit de aliis tribus. Circa primum ponit rationes duas:
secundam cum dicit: accidit autem ipsis. Circa primum est intelligendum, quod
Plato inquirens in Timaeo principia generationis corporum dixit quod
principium eorum quae generantur ut subjectum, est materia; ut ratio autem,
formae species: propagines autem horum, scilicet materiae et formae, primo
sunt terra et aqua, aer et ignis. Generationem autem ex materia sic posuit
supponens, quod corpora resolvuntur ad superficies et determinantur per eas,
non distinguens inter corpus simpliciter, et corpus de genere quantitatis de
quo veritatem habet. Omnes autem superficies rectangulae quibus ponit
determinari elementa, et quae ex eis sunt, resolvuntur in triangulos. Inter
triangulos autem primi sunt qui habent unum angulum rectum: quia angulus rectus
est prior quam acutus vel obtusus. Triangulorum autem habentium rectum
angulum, unus est scalenon, qui habet majus latus duplum ad minus. Alius
autem est qui dicitur isocheles, qui angulum rectum habet, et est quarta pars
quadrati: et tales quatuor conjuncti constituunt tetragonum: et sex conjuncta
secundum angulos, habentia autem angulos octo, constituunt cubum: qui est
elementum terrae. Ex scalenon autem componitur pyramis quod est elementum
ignis et octaedron, quod est elementum aeris, et icosaedron, quod est
elementum aquae: pyramis enim ex quatuor isopleuris componitur, octaedron
autem ex octo: icosaedron vero ex viginti. Et ideo tria elementa, scilicet
aerem, ignem et aquam posuit ex una figura prima, scilicet ex scaleno, terram
autem solam ex quadam alia, scilicet isochele, quarum altera ad alteram non
reducitur; et ideo transmutatione, quae est per resolutionem ad figuras, non
dixit ex terra alia generari, nec e contrario, quia non communicant in
figuris primis. Sed est intelligendum, quod Plato, secundum quod apparet ex
dictis, posuit omnium elementorum unam materiam primam, sicut Aristoteles: et
per resolutionem ad istam omnia ex invicem fieri; materias autem propinquas,
puta superficies, aliam posuit terrae, et aliam aliorum trium: sicut Aristoteles,
aliam materiam propinquam dicit esse phlegmatis, et aliam cholerae, et sic
per resolutionem ad istam non dixit terram ex aliis generari, nec e converso.
Primam autem transmutationem ex invicem omittit Aristoteles, et arguit contra
secundam, ne aliquis intelligat Platonem tantum intellexisse de ista. Dicit
igitur, quod si elementa generentur ex invicem per resolutionem ad figuras
primas, primum inconveniens quod sequitur est, quod non omnia invicem
generabuntur, puta terra ex aliis, nec e converso: quod secundum hypotheses
eorum necesse habent dicere. Et dicunt ponentes
terram resolvi in isocheles, et alia tria in gradatos, quae ad se invicem non
reducuntur, nec ad aliam figuram priorem. Hoc autem irrationabile est, quod scilicet unum solum,
puta terra, non transmutetur in alia, et contra sensum: videmus enim omnia
invicem transmutari. Ex quo accidit eis aliud inconveniens: quod loquentes de
apparentibus et sensibilibus non dicunt convenientia ostensa illis: cujus
causa est, quia non bene sumuntur principia prima, sed accipientes quasdam
opiniones determinatas et praeter rationem, puta quod numeri sunt substantia
entium et corpora determinantur superficiebus, vel aliquid hujusmodi,
reducunt omnia in ista sicut in causas. Nunc autem oportet principia sensibilium
esse sensibilia, et sempiternorum sempiterna, et corruptibilium
corruptibilia: dico autem propinqua, quia remota oportet esse insensibilia et
incorruptibilia. Et universaliter oportet principia propinqua esse homogenea
principiatis recte supponentibus. Hi vero propter amorem hujusmodi
principiorum corruptorum, tamquam nutriti in eis, assimilantur his qui in
disputationibus positiones falsas servant. Isti enim omnia consequentia
positionibus illis sustinent, sicut principiis positis, ac si vera essent,
inconveniens aliqua dividere ex aliquibus posterioribus accidentibus, et
maxime ex fine ad quem oportet respicere sicut ad principium primum: est enim
prima causarum. Sicut autem finis scientiae factivae est operatio vel
operatum, et textrinae vestimentum, ex quo alia judicantur: ita finis
scientiae naturalis est veritas et certitudo in apparentibus secundum sensum:
sicut finis speculativae simpliciter est veritas simpliciter. Et ideo oportet
in naturalibus judicare ex his quae apparent ad sensum. Quare cum praedicta
sint contra sensum, scilicet non omnia ex invicem generari, sed quaedam sic,
et quaedam non: manifestum est quod irrationabilia erunt. Deinde cum dicit
accidit autem ponit secundam rationem; dicens, quod si ex terra alia non
generantur, sequitur quod terra maxime erit elementum, et magis
incorruptibilis. Si enim resolvatur ad superficies aliquas primas, ex quibus
non fiant alia corpora, manifestum est quod incorruptibilis erit, saltem in
alia corpora. Quod autem incorruptibile est, magis habet naturam elementi
primi: quare terra maxime elementum erit et incorruptibilis. Hoc autem est
inconveniens: ergo et primum. Et est intelligendum quod, cum terra sit unum
principium proximum secundum Platonem, et aliud remotum: et primum, sicut
materia prima; et secundum, sicut superficies, in quam contingit eam resolvi,
et ex quibus generari: si loquamur de resolutione ejus simpliciter in
materiam primam, sic ex ipsa generantur alia, et e converso, ut ad sensum
apparet. Et hanc resolutionem omittit Aristoteles, in istis duabus
rationibus. Si autem loquamur de resolutione quae est in figuras primas: quia
prima figura, in quam terra resolvitur, et prima, in quam resolvuntur alia
tria, sunt diversae, nec reducuntur ad invicem, nec ad aliquam primam: sic
posuit Plato ex terra non fieri alia, nec e converso, sicut phlegma non fit
ex cholera, nisi per reductionem ad materiam priorem. Aristoteles autem in
istis duabus rationibus arguit ac si solum ultimam posuisset, ne aliqui
intelligant non solum ipsum exclusisse. Deinde cum dicit sed adhuc improbat
opinionem praedictam quantum ad ea quae dixit de aliis tribus, igne et aere
et aqua. Et dividitur in partes tres: secundum quod tres rationes adducit.
Secundam, cum dicit adhuc autem necesse. Tertiam cum dicit adhuc autem
necesse non omne. In prima parte dicit, quod adhuc ponentibus ignem, aerem,
et aquam generari ex invicem per resolutionem ad triangulos, irrationalis est
praetermissio triangulorum quorumdam, quae accidit in eis in transmutatione
hujusmodi elementorum ad invicem, quia hujusmodi corpora non componuntur ex
aequalibus secundum numerum. Si enim aqua est ex viginti trigonis, aer autem
ex octo, ut ipsi ponunt, si ex aliqua aqua tanta per dissolutionem generetur
aer aequalis, ipsa resoluta in viginti triangulos generabuntur duae partes
aeris aequales: quarum quaelibet erit ex octo triangulis, et remanebunt
quatuor trianguli superflui. Similiter si ex aere aqua fiat, resolutis tribus
partibus aeris in vigintiquatuor triangulos, generabitur una pars aquae ex
viginti, et quatuor erunt superflui. Non potest dici quod simul generetur ex
aere aqua et ignis, vel ex aqua ignis et aer, ita quod ex quatuor qui
videntur residui generetur ignis de necessitate. Non enim semper ex aere
generatur ignis; sed aliquando aqua vel terra pura; puta cum corrumpitur a
frigido ingrossante. Plato autem dicit, secundum Simplicium, aquam et ignem
non simul generari ex aere; sed ex una parte aeris corrupta generari duas
partes ignis, ex aqua autem unam partem ignis et duas aeris: et hoc veritatem
potest habere quandoque, quando aer vel aqua dissolvuntur per virtutem
calidi, sed nunquam cum corrumpitur a frigido. Deinde cum dicit adhuc autem
ponit secundam rationem, quae communis est ad omnes ponentes corpora generari
ex superficiebus; dicens, quod adhuc dicentibus corpora generari per
resolutionem in figuras, et universaliter corpora componi ex superficiebus,
accidit corpus simpliciter generari ex non corpore omnino; cum enim
superficies, ex quibus dicunt ipsa generari, et in quae resolvi, non sint
corpora: generabuntur simpliciter ex non corpore: quare erit ponere vacuum
separatum, sicut tactum est prius; hoc ergo est inconveniens. Ergo et primum.
Deinde cum dicit adhuc autem ponit tertiam, quae etiam communis est istis,
qui dicunt corpora determinari per figuras. Dicens, quod adhuc, si corpora
determinantur per figuras, et generantur ex invicem per resolutionem, necesse
habent ponere non omne corpus divisibile, oppugnando disciplinas
mathematicas, negando principia earum: etenim hujusmodi scientiae vel
disciplinae supponunt corpus separatum per intellectum a sensibilibus
divisibile. Isti autem non omne sensibile ponunt esse divisibile, quia volunt
salvare hypothesim propositam, scilicet corpora determinare per figuras:
necesse est autem ponentes simplicia corpora figurari et determinari
substantias eorum per figuras, facere corpora indivisibilia. Pyramide enim
aut sphaera divisis, aliqualiter non erunt partes, quae relinquuntur post
divisionem, sphaera aut pyramis; quia, si partes ignis, aut caeli, quae
determinantur per istas, similiter se habent ad ignem et caelum, sicut partes
pyramidis aut sphaerae ad sphaeram et pyramidem, sequitur quod pars ignis aut
caeli non erit ignis aut caelum, et erit aliquod corpus, puta pars ignis,
quae non erit elementum, neque ex elementis: quae sunt inconvenientia; aut
erit ponere aliquod corpus non divisibile. Hoc autem est inconveniens; ergo
et primum. Ad hanc autem rationem obviat Proclus Platonicus dicens quod sic
arguentes, dicentes ignem esse pyramidem, substantialiter non accipiunt
hypothesim Platonis. Plato enim non posuit ignem substantialiter esse
pyramidem, sed pyramidem esse elementum ipsius: componitur enim ex
pyramidibus insensibilibus, et quamdiu ignis est, in pyramides dividitur,
sicut in partes; una autem pyramis ignis non est, sed elementum ignis: et, si
dividatur pars ejus, neque elementum, neque ex elementis erit actu, sed
potentia tantum. |
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Leçon 12
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[89316] Petrus
de Alvernia, In De caelo continuatio, lib. 3 cap. 12 Postquam philosophus ostendit elementa non
generari ex invicem secundum modum antiquorum, quorum quidam posuerunt
corpora determinari per figuras, redit ad improbandum hoc primo. Secundo cum
dicit quod quidem igitur, recapitulat. Primum autem improbat primo per
rationes sumptas ex natura loci et generationis corporum; secundo cum dicit
sed adhuc neque et passiones et virtutes, per rationes sumptas ex virtutibus
et passionibus ipsorum. Circa primum ponit rationes tres. Secundam cum dicit:
deinde videtur. Tertiam cum dicit: adhuc autem qualiter. In prima parte est
intelligendum, quod quidam antiquorum ponentes corpora quinque prima, caelum,
ignem, aerem, aquam et terram, posuerunt ea determinari per quinque figuras
primas solidas, caelum sphaera, ignem pyramide, aerem octoaedron, aquam
icosaedron, terram cubo, et ipsa sic figurata componere mundum, et ipsa
componi ex hujusmodi figuris inexistentibus, sicut caelum ex sphaeris, ignem
ex pyramidibus, et sic de aliis, ita quod hujusmodi figurae essent elementa
primorum corporum. Dicit igitur, quod irrationabile et inconveniens est
tentare corpora simplicia figurare et componi ex figuraris. Primo quidem,
quia si figurantur praedictis figuris, et componuntur ex eis, accidet poni
vacuum, quod impossibile est, nec etiam ipsi ponunt. Consequentiam autem
probat; quoniam si praedicta corpora figurantur praedictis figuris, et
componuntur ex eis, accidet totum spatium non repleri, vel in compositione
uniuscujusque ipsorum ex figuris propriis, vel totius mundi ex ipsis. Inter
figuras enim superficiales sunt tres tantum, quae applicatae secundum angulos
earum, replent locum superficialiter, scilicet trigonus, tetragonus et
exagonus. In corporibus autem sunt duae tantum, scilicet pyramis et cubus, ut
declarabitur. De necessitate autem sunt plures figurae, quia elementa plura,
puta sphaera icosaedron et octoaedron. Si igitur ignis componatur ex
pyramidibus, et terra ex cubis, sicut ponunt, interius in ipsis nihil
relinquitur vacuum, istae enim figurae locum replent. Si autem aer componatur
ex octoaedro, et aqua ex icosaedron, erit aliquid interius vacuum in ipsis;
ista enim totum locum non replent applicata. Si autem elementa his figuris
figurantur et componunt mundum sic figurata, sequitur quod erit in mundo
ponere vacuum separatum, quod erat probandum; hoc autem est inconveniens;
ergo et primum. Ad hanc autem rationem Proclus dicit, quod elementa sic
figurata secus invicem posita, quantum est de se, non replentia totum locum,
compelluntur subtiliora subintrare in loca grossiorum: pulsa autem et ingredientia
implent quod deficit. Sed manifestum est, quod hoc est irrationabile. Loca
enim naturalia corporum simplicium distincta sunt naturaliter; et locus
naturalis unius est praeter naturam alterius. Quare si unum elementorum
ingrediatur locum alterius, et comprimat ipsum, hoc erit ei praeter naturam.
Nullum autem praeter naturam sempiternum est: quare continget aliquando non
repleri totum. Et iterum si corpora subtiliora compelluntur subintrare locum
aliorum contra naturam eorum, oportebit esse aliquod impellens per
violentiam; nunc autem nullum tale videmus. Non enim videtur quod caelum
moveat elementum per naturam, sed naturaliter alterando, vel motu locali, quo
quaedam eorum circumferuntur: ergo et cetera. Ad evidentiam autem rationis
praedictae oportet primo videre quid est, figuram replere locum: primo in
superficialibus, deinde autem in solidis; post quae figurae superficiales
replent ipsum, et quas impossibile est replere; ultimo quae figurae
corporales possunt hoc facere, et quae non possunt. Ad primum igitur
dicendum, quod locum repleri superficialiter a figura, est totum spatium quod
est circa punctum unum, occupare, ita quod non permittatur aliquid vacuum
circa ipsum non repletum aliqua figura, vel parte ipsius; locum autem replere
corporaliter est totum spatium quod est circa punctum unum occupare
corporaliter. Et quia corpus habet tres dimensiones, longitudinem scilicet,
latitudinem, et profundum, manifestum est, quod replere locum corporaliter
est totum spatium, quod est circa punctum unum, occupare secundum
longitudinem, latitudinem et profunditatem. Ex quo manifestum est, quod
corpora quae applicata circa punctum unum occupant totum spatium secundum
longum circa ipsum et latum, non autem secundum profundum, aut e contrario,
aut universaliter non secundum unam dimensionem; non replent locum
corporaliter; et sic apparet primum. Ad evidentiam secundi est intelligendum,
quod totum spatium, quod est circa punctum unum, est quatuor anguli recti vel
aequale eis: quod apparet ex tertiodecimo primi Euclidis, qui proponit, quod
si linea recta super recta stans angulos faciat, aut faciet duos rectos, aut
aequales duobus rectis. Si enim protrahatur linea stans super rectam in
continuum secundum rectam, similiter ex alia parte faciet duos angulos
aequales duobus rectis: eadem enim ratio est quare totum spatium circa unum
punctum est quatuor recti, vel valet quatuor rectos; quotcumque enim lineae
protrahantur circa ipsum, nihil addunt, nec etiam minuunt ad quatuor. Item
omnis figura poligonia angulos tot rectis aequales habet, quantus est numerus
angulorum suorum duplicatus subtractis quatuor, sicut apparet ex corollario
quodam edito extrinsecus secundo primi geometriae a quibusdam. Si igitur
replere locum superficialiter est totum spatium circa punctum unum occupare,
totum autem spatium circa punctum unum, valet quatuor rectos, sicut dictum
est: manifestum est, quod figurae quarum anguli applicati valent quatuor
rectos, replent locum superficialiter: talis autem est tetragonus: quatuor
enim anguli tetragoni applicati circa punctum unum replent locum
superficialiter. Iterum sex anguli trianguli aequilateri valent duos rectos;
ergo unus valet duas tertias recti unius. Sex igitur valent duodecim tertias
rectorum. Duodecim autem tertiae rectorum valent quatuor rectos. Si igitur
sex trigoni aequilateri applicentur ad punctum unum, replebunt totum spatium
quod est circa ipsum: quare replebunt locum superficialiter. Eadem autem est
ratio de triangulis rectangulis quatuor applicatis secundum angulos rectos,
ut ex dictis manifestum est quantum ad repletionem loci. Anguli omnes exagoni
valent octo rectos per secundam propositionem acceptam prius: quare quilibet
ipsorum valet unum rectum, et tertiam unius recti; quare tres congregati
valent tres rectos et tres tertias unius recti, quae faciunt unum rectum,
quare tres anguli aequilateri simpliciter valent quatuor rectos; tres igitur
exagoni applicati secundum angulos replent locum superficialiter. Nulla autem
alia figura superficialis potest ipsum replere, quia anguli ipsarum
quotcumque sumantur simul, aut plus erunt quam quatuor recti, sicut apparet
de pentagono aequilatero, cujus anguli simul sumpti valent sex rectos, quare
unus secundum se valet unum rectum et quintam unius recti. Si igitur
accipiantur pauciores quam quatuor, puta tres, valebunt tres rectos et tres
unius recti, quae sunt minus quatuor rectis. Si autem accipiantur quatuor,
valebunt quatuor rectos et quatuor quintas, quae sunt plus quatuor rectis:
multo autem magis si accipiantur plures quatuor: quare, si in quocumque
numero accipiantur anguli pentagoni, non valebunt praecise quatuor rectos.
Eadem enim ratio est de aliis figuris, puta septigona, octigona et
sequentibus. Apparet igitur quod in figuris superficialibus sunt tres tantum
replentes locum superficialiter, scilicet trigonus, tetragonus, exagonus. De
solidis autem est intelligendum, quod replere locum corporaliter est replere
totum spatium circa punctum unum; scilicet longum, latum et profundum; totum
autem spatium circa punctum unum corporaliter est aequale octo angulis
cubicis rectis. Omnis autem figura solida, cujus anguli aliquot valent octo
angulos cubicos, replet locum corporaliter. Talis autem est cubus: et ideo
cubus est de replentibus locum corporaliter; unde si accipiantur octo cubi,
et applicentur ad punctum unum, replebunt totum locum circa ipsum
corporaliter. Pyramis autem quaedam est, quae habet unum angulum solidum
rectum; alia autem quae habet aequilateri valent omnes quatuor aequales, et
unusquisque minor est recto. De pyramide igitur, quae habet unum angulum
solidum rectum, manifestum est quod replet locum, sicut et cubus. Si enim
applicentur octo pyramides rectangulae secundum angulum rectum circa punctum
unum, replebunt totum spatium circa ipsam; sunt enim aequales octo hujusmodi
anguli octo angulis cubicis: et hoc modo verum est dicere quod pyramis non
est aliud quam cubus. Et similiter quam rationem habet triangulus rectangulus
in superficiebus, eamdem hujusmodi pyramis. Hoc autem quod dictum est de
pyramide de repletione loci, manifestum potest esse ad sensum. Si enim
aliquis conjunxerit octo rectangulos ad punctum unum, apparebit quod
replebunt spatium circa ipsum. De pyramide autem aequiangula dicit Averrois
quod replet locum. Si enim accipiantur duodecim tales habentes angulos aequales,
et applicentur ad punctum unum, replebunt totum spatium circa ipsum. Quod
ponit propter duo; ponit enim quod angulus pyramidis solidus est ex duobus
rectis, qui consistunt ex tribus superficialibus, qui valent duos rectos: et
angulus cubici ex tribus: propter quod tres anguli pyramidis erunt aequales
duobus angulis cubicis, cum sint aequales sex angulis superficialibus rectis;
et per consequens sex anguli pyramidis erunt aequales quatuor cubicis, et
duodecim octo. Adhuc, quae est proportio anguli trianguli ad quatuor in
planis, eadem est anguli pyramidis ad aliquot angulos rectos cubicos. Si
igitur aliquot anguli trianguli valent quatuor angulos in planis, et propter
hoc implent locum, videbitur quod aliquot anguli pyramidis replent locum
superficialiter, siquidem aliquot valeant quatuor angulos cubicos. Sed istud
videtur contradicere sensui et etiam rationi. Sensui quidem; quoniam si
accipiantur duodecim pyramides aequilaterae, et applicentur secundum duodecim
angulos circa punctum unum, ad sensum apparebit eas non replere locum
corporaliter, et hoc ad sensum expertus sum. Rationi vero; quoniam figurae
nullae, quae non occupant totum spatium circa punctum secundum longum, latum,
et profundum, replent locum corporaliter: hoc enim dicebatur prius esse replere
locum corporaliter: unde, si aliqua replent spatium secundum longum et latum,
non autem secundum profundum, non replent locum corporaliter: superficialiter
autem e contrario, sed, si duodecim pyramides aequilaterae applicentur circa
punctum unum qualitercumque, non occupant totum spatium circa ipsum secundum
longum, latum et profundum: quoniam contingunt se in extremitate angulorum
suorum tantum, et non secundum lineam rectam a puncto dato octogonaliter: per
quam quidem lineam signatur aliqua dimensio: quare non replent totum spatium
secundum unam dimensionem: non igitur replent locum corporaliter. Et quod
Averrois dicit, quod angulus pyramidalis solidus est aequalis duobus rectis
superficialibus, non est intelligibile. Oportet enim magnitudines aequales
esse ejusdem rationis: unde linea non est aequalis superficiei, nec aliquod
istorum corporum: angulus vero pyramidalis et angulus superficialis ejusdem
rationis non sunt, quia iste corporalis est, ille vero superficialis, quare
non sunt aequales adinvicem, nec ista componuntur ex illis, siquidem corpus
ex superficialibus non componatur. Praeterea si angulus pyramidalis esset duo
recti superficiales, tunc componeretur ex eis: quare et pyramis ex
superficialibus triangulis: eadem enim est ratio: hoc autem est falsum, et
contra Aristotelis intentionem, qui vult corpora non componi ex
superficialibus: et contra ipsum Commentatorem ergo et primum. Quod autem
dicit Averrois, quod sicut angulus trigoni aequilateri se habet ad angulum
rectum in planis, ita angulus pyramidis ad angulum cubi, dicendum, quod non
est verum in replendo locum, aut forte non simpliciter verum. Cujus ratio
apparet ex dictis. Et iterum, si verum esset, eadem ratione posset concludi,
quod sicut aliqui anguli exagoni replent locum superficialiter, quia valent
quatuor rectos superficiales, ita aliquot anguli octoaedron replent locum
corporaliter: quod nec Aristoteles vult, nec etiam ipse Commentator. Aliae
autem figurae corporales, puta octaedron, duodecaedron, et icosaedron, non
replent locum corporaliter: cujus rationem aliquam Commentator Averrois
videtur ponere, quae utrum valeat, diligenti inquisitori relinquam.
Consequenter cum dicit deinde videntur ponit secundam rationem, dicens, quod
post hoc omnia corpora simplicia videntur figurata secundum figuram corporis
continentis. Inter ipsa autem aer et aqua magis manifesti, quia sunt humida,
quod humidum male terminabile est termino proprio, non alieno: consimiliter
autem est de terra et igne secundum rem: propter quod manifestum est quod
corpus elementi impossibile est habere figuram propriam. Si enim dicas quod
imo habet figuram propriam salvatam in loco, manifestum est, quod non
assequitur figuram continentis. Si vero propter hoc dicatur quod existentia
in loco transformantur a figuris propriis, sequitur quod non remanebunt
substantialiter, hoc quidem aer, hoc autem aqua, si verum est quod
substantialiter sunt per figuras. Sed hoc est irrationabile: propter quod
manifestum est, quod non sunt ipsorum figurae determinatae. Sed naturalis
dispositio ipsorum videtur figurare nobis quod rationabile est per
infigurationem in actu. Sicut enim in aliis subjectum est quod habet rationem
materiae, et est sine specie et forma, quia receptivum debet esse denudatum a
natura recepti, et etiam ut species imprimendas in ipso non male exprimat,
sicut scriptum est in Timaeo; sic elementa oportet putare, sicut materiam in
potentia ad formas substantiales mistorum et figuras eorum, ita quod nullam
ipsarum habeant in actu, sed omnes in potentia; et propter hoc possunt
transmutari in mista separatis differentiis, quae sunt secundum passiones;
hoc est formis substantialibus, quam per se sequuntur passiones. Proclus
autem dicit ad hanc rationem: quod elementa secundum totalitates suas accepta
non sunt figurata per se, quia nec possunt retinere nec abjicere, sicut
probat ratio: sed partes ipsorum, ex quibus sunt, ut pyramides, vel sphaerae,
vel hujusmodi, sed figurantur figura corporis caelestis, sicut multa alia
habent, ut motum circularem et hujusmodi ex propinquitate ad ipsum. Sed
manifestum est, quod illud non valet: quoniam in his quae sunt ejusdem
naturae secundum speciem, eadem est per se dispositio partis et totius:
hujusmodi autem corpora, nos dicimus esse ejusdem naturae in toto et in
parte, homiomera enim sunt: quare, si partes ipsorum sunt figuratae per se,
et tota elementa; et si non tota, nec partes. Deinde cum dicit adhuc autem
ponit tertiam rationem; dicens, quod adhuc, si elementa determinantur
figuris, non continget per ipsorum congregationem fieri carnem, aut
quodcumque aliud corpus continuum et homiomerum: non enim possunt generari ex
ipsis elementis; quia hujusmodi corpora, scilicet caro et os et similia,
continuitatem habent in partibus suis, et ideo non generantur per
aggregationem illorum, quae non possunt facere aliquod continuum: elementa
autem si sint figurata diversis figuris, et remaneant salvata, non possunt
facere aliquod continuum: ergo non generantur ex elementis, nec etiam ex
superficiebus: elementa enim, puta aer, et aqua, et hujusmodi, generantur ex
ipsis, et non composita: nullo igitur modo generabuntur. Si igitur aliquis
voluerit loqui secundum veritatem et suscipere sermones eorum de elemento,
videbit quod auferunt imaginationem compositorum ab entibus. Sed Proclus
dicit ad hoc, quod generatio et carnis et ossis fit ex partibus elementorum
diversis, scilicet ignis, aeris, aquae et terrae: quarum quaedam sunt
subtiliores aliis, et hujusmodi subtiliores replent locum subintrantes: quod
non valet: quoniam, si partes elementorum subtiliores subintrantes alias
replent vacuitates interceptas, sequetur quod non retinent figuras proprias,
quare nec naturam: quod est contra Platonem, et contra ipsum, qui posuit
partes elementorum determinari figuris. Deinde cum dicit sed adhuc ostendit
quod non est necesse elementa esse figurata propter principia et causas quae
posuerunt. Et primo praemittit intentionem suam; secundo cum dicit, primo
quidem igitur, prosequitur. In prima parte dicit, quod figurae, quibus
ostendit determinari corpora prima, non conveniunt virtutibus et passionibus
et motibus, ad quae inspicientes dixerunt ea figurari sic. Et intendit per
virtutes, principia motus localis, sicut gravitatem aut levitatem; per
passiones autem qualitates sensibiles, puta calidum et frigidum quibus
patiuntur et agunt: per motus autem, operationes consequentes: vel per
passiones, formas et qualitates intelligit secundum se: per virtutes autem,
ipsas easdem, ut sunt principia motus et operationis: et motus idem quod
prius. Vel per virtutes, intendit qualitates et formas et secundum quod sunt
principia: per motus, motus locales, per passiones, alterationem. Et, quia
ignis bene mobilis est, et calefacit et incendit, alii dederunt sibi figuram
sphaericam, sicut Democritus; alii autem naturam pyramidis, sicut Plato. Hae
autem figurae sunt maxime mobiles: sphaera quidem, quia tangit planum in
puncto; et pyramis, quia propter acutiem anguli minimum locum occupat, nec
possunt firmiter quiescere: et maxime calefaciunt et incendunt: quia sphaera
tota est angulus: quia tota est circumflexa. Pyramis autem habet angulum
acutissimum. Angulus autem virtutem calefaciendi et incendendi habet. Deinde
cum dicit primum quidem prosequitur: et primo ostendit quod non est necesse
elementa determinari figura propter motum localem; secundo cum dicit, adhuc
autem, quod nec propter passiones, hoc est alterationes; tertio cum dicit,
adhuc autem quoniam calidum, quod nec propter virtutem. Circa primum, primo
ostendit quod non est necesse elementa sic figurari propter motum. Secundo
cum dicit, deinde si est terra, quod nec propter quietem. Et procedunt plures
istarum rationem de igne, sed eadem ratio est de aliis. Dicit igitur primo,
quod dicentes ignem determinari pyramide vel sphaera propter motum,
peccaverunt primo: quamvis enim hujusmodi figurae bene sint dispositae ad
motum, et bene mobiles, non tamen sunt bene mobiles motu ignis: ignis enim
movetur motu naturali secundum rectum sursum: hujusmodi autem figurae bene
mobiles sunt motu volutationis, vel circumgyrationis: quare hujusmodi figurae
non sunt attribuendae ipsi igni propter motum proprium. Consequenter cum
dicit deinde si arguit idem de quiete; dicens, quod si terra est cubicae
figurae, quia figura ista aptior est ad quietem propter dilationem: terra
autem non quiescit ubique, sed in loco suo naturali, ex alieno autem si non
prohibeatur movetur in ipsum; similiter ignis et alia elementa quiescunt in
suis locis naturalibus, et ex alienis moventur ad ipsa; manifestum est quod
ignis et alia elementa in locis alienis erunt sphaericae vel pyramidalis
figurae, in proprio autem cubicae: hoc autem est inconveniens: ergo et
primum. Ad quod respondet Proclus, quod quamvis ignis et alia elementa
secundum se tota quiescant in locis suis naturalibus, tamen partes ipsorum,
ex quibus componuntur secundum quantitatem, moventur et fluctuant: sicut in
toto igne quiescente pyramides, ex quibus componitur moventur. Sed hoc
irrationabile est, quoniam omnium corporum, quorum est una natura, est unus
locus naturalis: locus enim per se sequitur naturam. Sed partes elementorum
quantitativae, et ipsa elementa secundum totalitates suas, unius naturae
sunt: ergo ipsorum est unus locus naturalis. Si ergo omnia corpora
naturaliter quiescunt in suis locis, sequitur quod elementa secundum se tota
et secundum partes quiescunt in suis locis naturalibus, nisi per violentiam
depellantur, quod nec est prohibitum in toto, sicut nec in partibus, quantum
est ex natura sua. Deinde cum dicit adhuc autem ostendit, quod non est
necessarium ea determinari figuris propter alterationes seu operationes: et
ad hoc adducit rationes quatuor. Secundam cum dicit, similiter autem.
Tertiam: adhuc si quo ardet. Quartam: adhuc autem risibile. In prima parte
dicit: si ignis calefacit propter angulos et angulus calefactivus est,
sequitur quod omnia elementa calefacient: omnia enim determinantur figuris
angularibus: puta pyramide, cubo, octoaedron, duodecaedron et icosaedron.
Democritus etiam dicit quod sphaera, quia tota est angulus, calefacit: quare
omnia calefacient dicta secundum magis et minus. Hoc autem manifeste falsum
est: ergo et primum. Sed nec videtur valere quod dicit Proclus inquiens, quod
ignis non calefacit propter angulum, sed propter acuitatem ipsius, quia
faciliter penetrat, et celeriter movetur. Quia si ignis propter angulum
acutum, secundum quod acutus est, calefacit, et acutus est minor recto:
sequitur quod corpus, cui attribuitur figura habens angulos obtusos majores
recto, frigefaceret naturaliter: hoc autem est aer, cui attribuimus
octoaedron, cujus unusquisque angulus major est recto et obtusus. Hoc autem
est inconveniens: ergo et dictum Procli. Deinde cum dicit simul autem ponit
secundam rationem, dicens: si ignis propter angulos calefacit, sequitur
mathematica corpora calefacere: quia mathematica corpora angulos habent et
sunt in ipsis sphaerae et pyramides indivisibiles, hoc est non divisae in
partes similes toti: quamvis etiam sint indivisibiles secundum magnitudinem
secundum opinionem Democriti: hoc autem falsum est: ergo et primum. Si autem
corpora naturalia calefaciunt, mathematica vero non, assignanda esset ratio
istius differentiae, et non esset dicendum ut dicunt simpliciter. Proclus
autem rationem hanc assignat differentiae, dicens, quod corpora naturalia
propter angulum primo non calefaciunt, sed propter acumen et subtilitatem et
materialitatem, mathematica autem non, propter oppositas dispositiones. Sed
manifestum est, quod acumen et subtilitas anguli aequaliter est in corpore
naturali et in corpore mathematico: quare, si propter acumen et subtilitatem
per se calefacerent naturalia, manifestum est quod et mathematica. Cum igitur
mathematica propter hoc non calefaciant, manifestum est quod nec naturalia:
quare manifestum est quod nec naturalia calefacient, quia materialia: non
igitur propter formas suas, quia propter ipsas non sunt materialia. Quare
dictum suum praeter rationem videtur. Deinde cum dicit adhuc si ponit tertiam
rationem, dicens: omne quod ardet et incenditur, secundum quod hujusmodi,
ignis fit: si igitur ignis est determinatus sphaera vel pyramide, et per divisionem
ignis ignitur et ardet, necesse est quod ardet et incenditur per divisionem
fieri sphaeram vel pyramidem. Hoc autem inconveniens est. Incendere enim et
dividere figuram convenit rationabiliter ubi contingit ipsi figurae dividi:
sic quidem in figuras similes, nunc autem in dissimiles: de necessitate vero
ipsam dividi in similes, ut sphaeram per divisionem facere sphaeras, et
pyramidem pyramides, omnino est irrationabile: et simile ac si aliquis
acciperet sicut dignitatem gladium per divisionem sui facere gladios, et
serram serras: ergo et primum est inconveniens. Dicit autem Proclus quod non
est simile de igne et gladio: ignis enim dividendo igniens transmutat adustum
in substantiam suam; gladius autem dividendo non transmutat substantiam
divisi secundum quod hujusmodi, sed dividit quantitatem: gladius enim
secundum substantiam suam non habet hanc figuram, puta acutam, sicut ignis.
Sed hoc non videtur secundum rationem dictum. Quamvis enim gladius secundum
quod est quoddam ens naturale non determinatur per figuram angularem, tamen
secundum quod gladius est, determinatur per eam, sicut ignis secundum
Platonem: quare, si ignis agens per hujusmodi figuram facit ignem, videtur,
quod secundum quod gladius est agat. Deinde cum dicit adhuc autem ponit
quartam rationem; dicens, quod ridiculum videtur assignare figuram igni
propter dividere et segregare. Cum enim ignis congreget et segreget,
essentialius est ei congregare quam segregare: segregat quidem heterogenea,
quae non sunt ejusdem tribus, id est ejusdem naturae. Si enim fiat
aliqua massa ex auro argento et aere, et ponatur ad ignem, virtute ignis
liquefacientis congregabuntur partes auri ad se invicem, et sic de aliis:
continuare enim et unire inest ei per se: segregare autem per accidens,
quoniam ignis agens per formam suam transmutat illud in quod agit in naturam
suam ex potentia ente conterminans et uniens illud, quasi congregando
omophilon, idest ea quae sunt unius amoris vel naturae, et separans alienum:
ergo rationabile erat, aut dare figuram igni convenientem ad ambo, puta
congregare et disgregare, aut magis ad congregare, quod essentialius inest
ei: hoc autem non fecerunt, ergo male. Proclus autem dicit contrarium
hujusmodi, scilicet quod igni essentialius inest dividere et segregare quam
conterminare et unire. Sed hoc non videtur: quoniam quandocumque alicui enti
per formam attribuuntur duo, puta generatio et corruptio, essentialius
attribuitur ei generatio quam corruptio, quia generatio est de ratione entis
ad quod est, corruptio autem de ratione non entis: forma autem et simpliciter
aut magis principium est entis quam non entis: sicut enim forma est qua
aliquid est ens, ita forma est qua aliquid agit aliquid ens: sed
conterminatio et unitio sunt generatio, segregatio vero et divisio quaedam
corruptio: quare, si utrumque attribuatur igni per formam, essentialius
attribuetur sibi conterminatio vel unitio. Deinde cum dicit adhuc autem
ostendit quod non est necesse elementa terminari figura propter virtutem:
puta ignem esse pyramidem aut sphaeram propter necessitatem calefaciendi. Et
primo ponit rationem ad hoc. Secundo cum dicit quidam autem de virtute
ipsius, reprobat quoddam dictum Platonis contra rationem praedictam. In prima
parte dicit, quod adhuc si calidum et frigidum adinvicem sunt contraria, ut manifestum
est: et calidum sit determinatum aliqua figura, puta sphaera, vel pyramide:
impossibile erit frigido attribuere aliquam figuram: oportet enim sibi
attribui figuram contrariam figurae calidi: nunc autem non est aliqua talis,
quoniam figurae nihil est contrarium: ergo non possunt ei attribuere aliquam
figuram. Et propter hoc omnes dereliquerunt ei attribuere ipsam: et tamen
conveniens erat, aut omnibus attribuere figuram, aut nulli. Deinde cum dicit
quidam autem removet quoddam dictum Platonis ad rationem praedictam: dixit
enim Plato, quod frigidum propter grossitiem partium comprimere habet:
propter quod attribuitur sibi figura cujus est comprimere: puta quae obtusi
anguli. Hoc removens dicit, quod quidam volentes dicere de virtute frigidi,
contraria dicunt sibi ipsis. Dicunt enim quod frigidum, quia constringit, et
non potest faciliter transire per poros, habens figuram aptam ad hoc quod est
magnarum partium secundum quod hujusmodi: quare palam, quod calidum
contrarium ejus, pertransibit per poros faciliter, acutam habens figuram:
quia contrariorum sunt contrarii effectus, tale autem secundum quod hujusmodi
subtilium partium est: quare manifestum est quod calidum et frigidum
determinabuntur et different adinvicem magnitudine, et non per figuram: cujus
contrarium dicunt. Item, si dicatur quod pyramides inaequales sunt; quaedam
quidem magnae, quaedam vero parvae, sicut Plato videtur sentire: magnae
quidem non erunt ignis determinativae, sed contrarii: neque causa ejus quod
est comburere, sed contrarii, puta ejus quod est infrigidare: parvae autem
erunt determinativae ignis, et causa combustionis: quare frigidum et ignis
determinabuntur magnitudinibus quibusdam et non figuris: cujus contrarium
dicunt ut prius. Deinde cum dicit quod quidem recolligit dicta, dando
intentionem suam respectu dicendorum: dicens, quod quidem igitur elementa non
determinantur neque differunt figuris, manifestum est ex dictis: sed quoniam
propriae eorum differentiae sunt virtutes et passiones et operationes, quae
secundum illas: uniuscujusque enim entis secundum ejus naturam sunt passiones
et virtutes et operationes, quibus determinatur: erit sermo de hujusmodi
virtutibus, passionibus, et operibus: ut cum consideraverimus de istis,
appareat nobis natura et differentia et numerus ipsorum. Quid autem
intelligit per hujusmodi nomina, virtutes, passiones et operationes,
expositum est prius. |
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Liber 4 |
Livre 4 (commenté par Pierre dAuvergne) |
Caput 1
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Leçon 1 |
[89317] Petrus
de Alvernia, In De caelo continuatio, lib. 4 cap. 1 Cum intentio philosophi esset in libro
praecedenti et isto considerare de corporibus simplicibus mobilibus motu
recto, secundum quod hujusmodi, in quibus solum est generatio et corruptio:
postquam determinavit quod sunt aliqua talia corpora, et quod non infinita,
neque unum, sed plura, et finita, adhuc autem, quod sunt generabilia, et ex
seinvicem non per segregationem, nec transfigurationem, nec resolutionem ad
figuras sicut antiqui posuerunt, redit nunc ad considerandum de his secundum
quod mobilia sunt motu recto, in libro de generatione determinaturus quae et
quot sunt determinate, et qualiter ex invicem generentur. Mobilia autem sunt
motu per gravitatem et levitatem, quae sunt passiones et virtutes ipsorum per
se: et ideo intendit nunc considerationem facere de gravi et levi, et
differentiis et accidentibus ipsorum, secundum quod hujusmodi. Et primo circa
hoc praemittit intentionem suam et ordinem considerandi. Secundo cum dicit
dicitur autem hoc, prosequitur. Circa primum primo praemittit intentionem
suam: secundo cum dicit videntes igitur, ordinem considerandi. In prima parte
facit quod dictum est. Secundo cum dicit est enim quae de ipso, rationem
assignat. Circa primum dicit, quoniam intendimus considerare de corporibus
simplicibus mobilibus motu recto secundum quod hujusmodi: quia mobilia sunt
hujusmodi motu gravitate et levitate, considerandum est de gravi et levi,
scilicet quid sit utriusque ipsorum quantum ad rationem quae signatur per
nomen: et quae natura ipsorum quam signat definitio indicans quid est esse
secundum veritatem, et propter quam causam elementa habent hujusmodi
virtutes: et intendit causam finalem, quae est ipsorum operatio vel motus:
cujuscumque enim est aliquod opus, ipsum est gratia operis, sicut dicebatur
in secundo hujus. Deinde cum dicit est enim assignat rationem intenti;
dicens, quod bene considerandum est de gravi et levi hic, quoniam
consideratio de ipsis pertinet proprie ad considerationem de motu:
definiuntur enim per posse moveri naturaliter aliquo motu secundum quod
diximus. Dico autem impossibile moveri aliqualiter, quoniam propriis
operationibus ipsorum non sunt propria nomina imposita; sicut operatio calidi
calefactio nominatur, et frigidi infrigidatio; nisi forte aliquis operationem
eorum communem dicat esse inclinationem ad motum rectum et determinate, opus
gravis inclinationem ad motum gravis deorsum, levis autem ad motum rectum
sursum. Consideratio autem de principiis pertinet ad considerationem de
principiato secundum quod hujusmodi; consideratio vero de motu naturalis est
propter hoc, quia negocium de motu physicum est. Physicus enim considerat
naturam motus per se; grave autem et leve habent in se principia motus
naturalis; ideo omnes naturales utuntur ipsis in reddendo causas apparentium;
pauca tamen determinant de ipsis. Rationabiliter igitur in naturalibus
considerandum est de his, sicut propositum est. Deinde cum dicit videntes
igitur dat ordinem considerandi; dicens, quod considerantes de ipsis, primo
considerabimus dicta ab aliis, disquirentes ratiocinando de omnibus quae
necessarium est distinguere ad hanc considerationem; consequenter autem
determinabimus de eis secundum quod rationabiliter videbitur nobis. Deinde
cum dicit dicitur autem prosequitur. Et circa hoc primo praemittit quid
dicimus grave et leve: quod oportet praesupponere in omni ratiocinatione;
secundo cum dicit eorum itaque, determinat de ipsis. Circa primum primo
distinguit grave et leve; secundo cum dicit magis autem, praemittit quasdam
suppositiones. Tertio cum dicit simpliciter quidem, concludit definitiones
ipsorum. In prima parte dicit, quod grave et leve dicuntur dupliciter; uno
enim modo dicitur grave simpliciter, nihil habens levitatis: et leve
simpliciter, quod nihil habet gravitatis: alio autem modo in respectu ad
alterum, secundum quod habentium gravitatem hoc dicimus levius alio, sicut
lignum aere: hoc autem gravius e contrario, sicut aes ligno. De gravi igitur
et levi simpliciter nihil determinatum est ab antiquis, sed tantum de his
quae dicuntur in respectu ad alterum; et de his non determinaverunt quid sit
grave et leve, et a quibus comparative dicuntur, sed quid gravius et levius
in habentibus gravitatem; consequenter supponentes omnia corpora simplicia
gravitatem habere, tamen secundum magis et minus. Deinde cum dicit magis
autem proponit quasdam suppositiones; quia enim grave et leve definiuntur per
moveri sursum et deorsum; proponit quid appellat ista primo; secundo cum
dicit inconveniens autem, removet errorem quorumdam. In prima parte, quod
distinctio gravis et levis simpliciter et in respectu magis erit manifesta
supponendo ea quae dicentur: quae sunt manifesta ad sensum primo quidem, quia
eorum quae moventur, quaedam moventur semper a medio, alia autem semper ad
medium; hoc enim sensus docet; secundo, quod ea quae feruntur a medio, dicimus
sursum ferri: illa autem quae ad medium, deorsum; et haec sunt nobis visa, et
a pluribus confessa. Deinde cum dicit inconveniens autem removet errorem
circa hoc. Quidam enim dixerunt quod nihil est sursum vel deorsum
simpliciter, per quod removet quaedam dicta. Primo igitur proponit errorem
istum. Secundo cum dicit nos autem totius, removet ipsum. Dicit ergo primo,
quod contra rationem est credere quod non sit in caelo, idest mundo,
aliquid simpliciter sursum, aliquid autem deorsum; sicut aliqui accipiunt ut
dignitatem quamdam; primo quidem Anaximander et Democritus qui universum
infinitum ponebant. In infinito autem nihil est sursum aut deorsum; in ipso
enim nihil est ultimum; sursum autem et deorsum determinantur per ultima.
Post hoc autem et Plato in Timaeo, qui dixit, cum universum sit sphaericum,
locum quemdam deorsum, hunc autem sursum dicere, non sapientis est. Ratio
autem ejus fuit, quoniam in eo quod simile est per totum, non est assignare
sursum et deorsum: quia sursum et deorsum sunt contraria, et contraria non
sunt similia. Universum autem ad omnem partem simile est, cujus signum
dicebat, quoniam quilibet ambulans per circuitum terrae potest sibi fieri
antipos, similiter se habens ad totum universum nunc et prius; quare non est
aliquid sursum et deorsum. Non est enim ratio propter quam magis illud quod
est sub pedibus nostris totum usque ad caelum sit deorsum, et quod supra
caput usque ad ipsum, sursum. Dicitur autem antipos ab anti, quod est contra,
et pes, quasi pedes habens contra pedes. Deinde cum dicit nos autem removet
errorem istum dicens, quod nos supponimus e contrario extremum caeli ad nos
sursum esse, quia secundum positionem istud sursum est et secundum naturam et
causalitatem primam. Ab illo enim est principium esse et motus his quae sunt
post; sursum autem est prius natura respectu deorsum, sicut et dextrum
respectu sinistri. Deorsum autem dicimus extremum a nobis, quod ultimum est
secundum positionem et natura postremum. Quia igitur manifestum est quod est
in natura aliquid extremum caeli ad nos, et aliquid medium ipsius omne
enim sphaericum medium habet; manifestum est quod erit aliquid sursum et
deorsum in mundo, sicut quidam dixerunt, quamvis non sufficienter; quoniam
non putaverunt esse caelum sphaericum undique, sed solum unum hemisphaerium,
quod supra capita nostra est, quod continue nobis apparet; tamquam
existimarent tale hemisphaerium circulare, et medium, in quo sumus, similiter
se habere, dicentes caelum sursum esse, medium autem deorsum. Manifestum est
autem, quod non intelligunt perfecte quid est extremum, nec quid est medium;
nihil enim prohibet aliquid esse sursum, aliquid deorsum secundum naturam; et
hoc quidem accipit Aristoteles ex consuetudine multorum, quam voluit alienare
Plato aut neglexit. Ratio autem, quae movit Platonem, non concludit; verum
enim est, quod in his, quae sunt similia, secundum quod hujusmodi, non est
assignare sursum et deorsum; sed quod assumit partes universi similitudinem
habere, veritatem non habet. Quod enim extremum caeli ad nos, et medium mundi
sint contraria, ostendit contrarietas motuum naturalium factorum ad ipsa, et
diversitas corporum naturaliter locatorum in eis. Ipse autem imaginabatur, et
male, quod deorsum diceretur quicquid est sub pedibus nostris usque ad
concavum caeli: sursum autem, quidquid supra capita nostra est; nos autem non
sic dicimus, sed dicimus sursum ultimum caeli undique deorsum. Deinde cum
dicit simpliciter quidem infert ex dictis definitionem gravis et levis
simpliciter, et in respectu, dicens, quod sic igitur, cum illud quod fertur a
medio sursum feratur, leve autem a deorsum videamus sursum ferri, si non
prohibeatur; leve simpliciter dicimus, quod sursum fertur et ad extremum
secundum naturam, grave autem simpliciter quod fertur ad medium et deorsum;
leve autem et levius, quod de duobus habentibus levitatem differentem
secundum plus et minus et eamdem quantitatem, velocius fertur sursum natura.
Grave autem ad alterum seu gravius, quod de duobus habentibus gravitatem
consimiliter differentem secundum plus et minus et eamdem molem, natura
velocius fertur deorsum. Deinde cum dicit eorum itaque prosequitur de gravi
et levi. Primo tangens opiniones aliorum et disquirens de eis; secundo cum
dicit nos autem dicamus, secundum opinionem suam sicut praedixerat. Circa
primum primo tangit communem defectum antiquorum de gravi et levi; secundo
cum dicit dicunt enim gravius, ponens eorum opiniones inquirit de eis. In
prima parte dicit, quod antiqui omnes, qui primi venerunt ad considerandum de
gravi et levi, fere nihil dixerunt de gravi et levi simpliciter, sed de
gravibus et levibus sic, id est in respectu solum, quandoque ita se
habent, quod pluribus habentibus gravitatem alterum est gravius vel levius
altero: supposuerunt enim omnia elementa gravitatem aliquam habere: et determinantes
transeundo de gravibus et levibus sic, crediderunt se determinasse de gravi
et levi simpliciter. Sed sermo vel ratiocinatio de istis non congruit illis
omnino. Et hoc magis manifestum erit ponentibus opiniones ipsorum. Deinde cum
dicit dicunt enim. Inquirit de opinionibus magis determinate. Et primo de
opinione Platonis. Secundo cum dicit his autem non sufficiens, de opinione
Democriti, et Leucippi. Tertio cum dicit similiter autem, de opinione
quorumdam, qui determinaverunt elementa magnitudine et parvitate. Circa primum primo ponit opinionem Platonis in
Timaeo; secundo cum dicit sic autem determinatis, increpat eam. In prima parte dicit quod quidam antiquorum
determinaverunt gravius et levius, sicut scriptum est a Platone in Timaeo:
tribus enim existentibus elementis, aqua scilicet, aere et igne, ex invicem
generatis et determinatis per figuras: aqua quidem icocedron, idest
figura viginti basium: aerem octocedron, quae est figura octo basium: ignem
vero pyramide, quae solvitur in figuras superficiales primas, puta in
triangulos, quos dicimus scalenon: dixerunt quod corpus, quod constat ex
pluribus eisdem triangulis, gravius est, quod autem ex paucioribus, levius;
determinantes ea multitudine et paucitate triangulorum: quemadmodum nos
dicimus, quod plumbum, quod constat ex pluribus superficiebus, gravius est,
quam quod ex paucioribus constat: et similiter aes aere: et consimiliter se
habent in omnibus quae sunt unius speciei. In superabundantia enim partium
aequalium, puta triangulorum, unum est gravius alio: similiter autem et in
his quae sunt alterius speciei: plumbum enim est gravius ligno, quia ex
pluribus trigonis componitur: omnia enim corpora hujusmodi aliqua eadem
communia habent ex quibus sunt, habent enim aliquam unam materiam alteram et
priorem ipsis. Sic igitur gravius et levius determinaverunt multitudine et
paucitate triangulorum. Deinde cum dicit sic autem increpat eas duas
rationes: quarum secundam ponit cum dicit adhuc autem quoniam pauciora. Circa
primum dicit, quod cum sit determinatum de ipsis, puta gravibus et levibus in
respectu, non est determinatum de gravi et levi simpliciter, quae sunt priora
secundum rationem illius: videmus enim quod ignis major et minor existens
levis est simpliciter, et sursum movetur non prohibitus: similiter et terra,
et ea quae sunt terrea omnino, gravia sunt simpliciter, et deorsum moventur,
et ad medium, nisi fuerit prohibens: quare manifestum est quod ignis non est
natus moveri sursum propter paucitatem triangulorum, ex quibus dicunt ipsum
componi. Si enim corpus aliquod sit gravius et levius multitudine et
paucitate superficierum, tunc illud quod est majus, cum ex pluribus
componatur, gravius erit, et minus feretur sursum, deorsum autem velocius:
mistus autem cum ex paucioribus sit, levius erit et velocius feretur sursum.
Nunc autem contrarium apparet nobis ad sensum: quanto enim ignis et ignea
corpora majora fuerint, tanto leviora sunt, et feruntur sursum velocius; et
quanto ignis minor fuerit, tanto citius fertur deorsum, et quanto major
tardius: terra autem et terrea corpora e contrario: quanto enim majora
fuerint, tanto velocius deorsum moventur, et quanto minora, tanto facilius
pelluntur sursum: ergo terra et ignis et alia hujusmodi non sunt gravia et
levia propter multitudinem et paucitatem superficierum solum. Deinde cum
dicit adhuc autem ponit secundam, dicens, quod adhuc, quoniam secundum
opinionem istorum corpus quod componitur ex paucioribus superficiebus
homogeneis, levius est, quod autem ex pluribus, gravius: et aqua et aer et
ignis sunt ex eisdem triangulis primis homogeneis, in quos resolvuntur
secundum plus et minus (et ideo aliquod ipsorum est levius, aliquod autem
gravius ut dicunt,) sequitur quod erit aliqua multitudo aeris, quae erit
gravior aliqua aqua: aliqua enim magnitudo aeris ex pluribus triangulis
primis componitur, quam aqua in minori quantitate: nunc autem contrarium
apparet nobis ad sensum: semper enim aer major velocius sursum fertur, et
universaliter quaelibet pars aeris ex loco aquae movetur sursum, et aqua et
quaelibet pars aquae ex loco aeris deorsum: ergo manifestum est, quod gravius
et levius non determinatur multitudine et paucitate triangulorum: sic quidem
igitur quidam determinaverunt de gravi et levi. Deinde cum dicit his autem transit ad opinionem
Leucippi et Democriti: quam primo ponit comparando ad eam quam Plato ponit;
secundo, cum dicit necessarium autem apponere improbat eam. Circa primum,
primo ponit opinionem ipsorum de gravitate comparando ad eam quae Platonis;
secundo cum dicit compositorum autem, ponit opinionem eorum de levitate. Circa primum dicit, quod quibusdam aliis non
videtur sufficiens esse sic determinasse de gravi et levi, puta Democrito et
Leucippo, qui antiquiores existentes et prius venientes ad considerandum de
eis, magis noviter, idest certius et circumspectius dixerunt de ipsis
quam praecedentes. Ponentes enim prima principia corporea quaedam
indivisibilia et solida, hujusmodi solida venientia in compositione aliorum
induxerunt esse causam gravitatis et levitatis in eis. Et quod certius dixerunt
quam praecedentes, apparet ex hoc. Videmus enim quaedam corpora minoris
quantitatis existentia, graviora esse quibusdam majoris molis, sicut plumbum
ligno et terram quam aqua. Et ideo manifestum est quod non est sufficiens
dicere quod aeque gravia sunt, quae ex aequalibus primis componuntur secundum
quantitatem: tunc enim aequalia secundum quantitatem essent aeque gravia.
Dicentibus autem superficies indivisibiles primas esse principia ex quibus
componuntur habentia gravitatem secundum quod hujusmodi, contingit hoc
inconveniens dicere, quod est contra sensum. Illi autem qui dicunt quod
corpora indivisibilia solida sunt causa ipsius, magis possunt evitare
praedictum inconveniens et magis assignare causam, propter quam quod est
minus in quantitate contingit esse gravius aliquando. Isti enim ponunt causam corpora indivisibilia
gravitatem habentia: illi autem superficies nullam penitus habentes
gravitatem. Et magis possunt
reddere causam quare minora secundum quantitatem aliquando graviora sunt,
sicut apparebit, et ponetur causa quam assignaverunt de levitate. Deinde cum
dicit compositorum autem ponit opinionem de causa levitatis; dicens, quoniam
nos videmus in corporibus compositis, quod majora universaliter non sunt
graviora, nec aequalia secundum quantitatem: sed videmus multo minora
secundum quantitatem graviora, quemadmodum aes quam lana, et plumbum quam
lignum: ideo praeter causam praedictam reddiderunt et dixerunt esse aliam
causam levitatis, puta vacuum interceptum. Cum enim ponerent duo principia
corporum compositorum, plenum scilicet et vacuum, plenum dixerunt esse causam
gravitatis, vacuum autem levitatis. Et propter hoc continget quandoque quod
majora secundum quantitatem leviora sunt: plus enim habent vacuum
interceptum: propter hoc enim leviora sunt. Et etiam, quia majora multotiens
sunt ex aequalibus solidis, vel etiam minoribus, et universaliter causam
levitatis majoris dicunt esse vacuum inexistens. Sic igitur isti
annunciaverunt de hoc, quod est gravius et levius. Deinde cum dicit necesse
autem improbat praedictam opinionem: et primo ostendit quod insufficiens est
et indiget appositione; secundo cum dicit quibusdam quidem igitur, reprobat
eam, quia falsa. In prima parte dicit, quod non est sufficiens dicere solidum
in corporibus plus esse causam gravitatis majoris, et vacuum plus majoris
levitatis: sed necesse est apponere determinate dicendo, quod non solum plus
de solido habere est causa gravioris, sed habere plus de solido, et minus de
vacuo. Et etiam levius non est simpliciter quod plus habet de vacuo, sed cum
hoc, quod minus habet de solido. Si enim excedatur a tali analogia, ita
scilicet quod non habet minus de solido, sed etiam plus habet de vacuo, non
erit tale levius. Manifestum est enim quod dicunt ignem esse leviorem, quia
plus habet de vacuo intercepto. Si igitur non apponatur plus, scilicet minus
habere de solido, sequitur quod multum aurum, cum plus habeat de vacuo
intercepto, levius erit igni modico, si non dicamus quod ignis modicus plus
habeat de solido, quod non videtur. Hoc autem inconveniens est: ergo
apponendum est quod dictum est, et causa levioris est non solum plus habere
de vacuo, sed minus de solido. Deinde cum dicit quidam quidem reprobat eam,
quia falsa est. Et primo resumit quaedam dicta contra Platonem cum
accusatione et distinctione ipsorum. Secundo cum dicit necessarium autem et
de ignis levitate, ponit reprobationem. Circa primum dicit, quod quidam eorum
qui non posuerunt vacuum, sicut Empedocles et Anaxagoras, nihil omnino
determinaverunt de gravi et levi. Quidam autem non ponentes vacuum, sicut
Plato, et sequentes ipsum, determinaverunt de eis; non quidem propter quid
quaedam sunt simpliciter gravia, quaedam sunt simpliciter levia; et propter
quid quaedam simpliciter feruntur deorsum, et quaedam simpliciter sursum; nec
iterum recordati sunt, propter quam causam quaedam majora secundum
quantitatem sint leviora quibusdam minoribus; nec etiam manifestum est ex
dictis eorum, quomodo salvarentur apparentia ad sensum. Deinde cum dicit
necessarium autem ponit reprobationem. Et primo ostendit quod eadem
inconvenientia accidunt istis quae et Platoni. Secundo cum dicit inconveniens
autem et si propter vacuum, declarat quaedam propria consequi ipsis. Circa
primum primo tangit inconvenientia quae accidunt istis, si ponant solidum solum
esse causam gravis et levis. Secundo cum dicit si autem dicant, quae
accidunt, si apponatur vacuum. Tertio cum dicit sed adhuc ea quae accidunt,
si apponatur secundum analogiam aliquam. In prima parte dicit, quod
dicentibus causam levitatis ignis esse multum vacuum interceptum, accidunt
eaedem difficultates fere, quae et Platoni; si enim causa levitatis ignis sit
multum vacuum, oportebat ipsum minus habere de solido et plus de vacuo quam
alia corpora, sicut tactum fuit; et contingit esse quamdam magnitudinem
ignis, ex qua plenum excedit solida contenta. Non enim potest dici quod
solidum solum sit causa levitatis, aut etiam gravitatis, sed tamen, quia
contingit esse quamdam magnitudinem ignis, in qua plenum excedit solida
contenta in parva quantitate terrae; quare, si solum solidum sit causa
gravitatis et motus deorsum, magnus ignis gravior esset et velocius movebitur
deorsum quam modica terra. Hoc autem est inconveniens; ergo et primum. Deinde
cum dicit si autem tangit inconvenientia quae accidunt si apponatur vacuum
cum solido; dicens, quod si dicant, quod non solum plenum est causa levis et
gravis, sed etiam vacuum, quaerendum est ab ipsis, propter quid
determinabitur simpliciter grave et leve; utrum per solidum plus, aut per
minus vacuum, grave scilicet et leve, aut per oppositum. Siquidem igitur leve
determinaretur per minus habere de solido, continget esse multitudinem
quamdam terrae adeo paucam, quod in ipsa erit minus de solido, quam in magna
quantitate ignis. Similiter, si determinetur per vacuum, continget esse
aliquam quantitatem terrae magnitudine magnam, in qua est plus de vacuo quam
in parva quantitate ignis. Quare sequeretur quod parva terra esset levior
magno igne; siquidem leve determinetur per minus habere de solido: et quod
magna terra sit levior magno igne, si determinetur leve per plus de vacuo.
Cum igitur ignis major et minor sit levis simpliciter, et terra gravis; erit
aliquid grave simpliciter, et quod fertur deorsum semper; et erit aliud leve
simpliciter, et quod semper movetur sursum; simpliciter enim levius est
omnibus habentibus gravitatem et motum deorsum. Quod autem est levius aliquo,
non est semper simpliciter leve; quia levius dicitur aliquid altero in
habentibus gravitatem, sicut in terra; ergo impossibile est leve definiri per
minus habere de solido, aut plus de vacuo. Eodem modo potest probari, quod
grave non determinetur per plus de solido, aut minus de vacuo habere. Deinde
cum dicit sed adhuc tangit difficultatem, quae accidit, si dicatur plenum et
vacuum secundum aliquam proportionem esse causam praedictarum passionum;
dicens, quod adhuc dicere quod plenum et vacuum inexistentia secundum aliquam
proportionem sunt causa praedictarum passionum, gravitatis quidem plus habere
de solido et minus de vacuo, levitatis plus de vacuo, et minus de solido; non
sufficit ad removendam dictam difficultatem inducentem dubitationem. Si enim
ista secundum rationem dicta sunt causa praedictarum passionum, sequitur
impossibile similiter sicut prius; quod apparet accipiendo quod in majori
igne et minori vacuum eamdem proportionem habet; in effectibus enim unius
rationis oportet manere principia ejusdem rationis et secundum rationem unam;
nunc autem videmus quod major ignis velocius movetur sursum quam minor, et
similiter majus aurum velocius deorsum quam minus; similiter apparet de
plumbo et de unoquoque aliorum habentium gravitatem aut levitatem: nunc autem
non esset necesse accidere, si plenum et vacuum secundum determinatam
rationem essent causa gravitatis et levitatis; in majore enim et minori igne
sunt secundum determinatam rationem; quare aequaliter levia etiam moverentur
sursum aequaliter. Similiter in majori et minori auro: quare aequalia essent
in gravitate et moverentur sursum aequaliter. Hoc autem falsum est, et contra
sensum: ergo et primum. Deinde cum dicit inconveniens autem tangit
inconvenientia accidentia proprie Democrito, quae non accidunt Platoni;
concludens ex dicto ejus unum inconveniens, ex quo deducit ad quinque alia.
Dicit igitur primo, quod praeter rationem etiam inconveniens est, si corpora
moveantur localiter sursum propter vacuum interceptum, et ipsum vacuum
secundum se illud non moveatur; quia propter quod unumquodque tale et illud
magis; quare oportet, ut videtur, quod si feratur sursum propter vacuum,
ipsum similiter vacuum secundum se sursum natum est ferri, et plenum deorsum:
et propter hoc sunt causa motus sursum et deorsum: in aliis non oportet
multum intendere circa composita, quare quaedam sunt gravia, quaedam autem
levia. Illud enim causa est motus in ipsis sursum et deorsum, et gravitatis
et levitatis; sed magis oportebat intendere propter quid hoc, idest vacuum
leve sit, hoc autem, scilicet solidum, grave; ista enim non sunt manifesta ex
se. Et hoc est primum inconveniens, quod sequitur ex primo. Secundum autem
est; si vacuum et plenum actu existentia sint causa passionum hujusmodi, quae
causa est quod non separantur ab ipsis, sed manent, non videtur posse
assignari. Ex quo enim non est aliqua alia forma continens ea, respectu cujus
sint in potentia, sed manent in actu, nihil prohibet eas separari ad regiones
proprias. Sic autem non est secundum Aristotelem de indivisibilibus in misto;
non enim insunt actu, sed in potentia respectu formae misti continentis ea et
prohibentis ea separari. Tertium autem inconveniens tangit dicens, quod etiam
irrationabile est vacuo assignare locum, in quo moveatur. Si enim assignetur
ei locus, sicut necesse habent ex dictis suis quarto physicorum, cum vacuum
sit locus quidam sine corpore, sequitur loci esse locum; quod est
inconveniens. Quartum tangit dicens, quod adhuc, si vacuum moveatur secundum
locum, oportebit esse locum aliquem, in quem transmutetur et a quo, et ipsa
esse contraria, quod est impossibile; cum vacuum infinitum sit, et totum
comprehendat. Quintum tangit dicens, quod adhuc quaerendum est, quae sit
causa motus simpliciter: oportet enim aliquam dare; sicut nos dicimus
naturam, quae sit causa motus per hoc, quod movetur, sicut ipsi ponunt. Hoc
autem non potest esse vacuum solum, quia ipsum solum non mutetur, sed etiam
planum: et aliam aliquam non ponunt: ergo inconveniens ponunt. Deinde cum
dicit similiter autem reprobat tertiam opinionem, quae per alia quaedam dedit
causam gravis et levis, puta magnitudinem et parvitatem, et materiam unam aut
contrarias. Et primo proponit. Secundo cum dicit una quidem enim, prosequitur
improbando. Dicit igitur, quod eodem modo accidunt difficultates, siquis
aliter determinet graviora et leviora altera alteris quam dictum sit; puta
magnitudine et parvitate, absolute, vel alio quocumque principio, puta
raritate et densitate, dum tamen eamdem materiam aut plures contrarias dicant
esse omnium gravium et levium: unam quidem sicut ponentes aerem aut aquam,
aut aliquid inter haec: plures autem sicut ponentes terram et ignem, aut
rarum et densum. Deinde cum dicit una quidem prosequitur improbando. Et primo
tangit inconvenientia accidentia ponentibus causam gravis et levis materiam
unam vel plures. Secundo cum dicit magnitudine autem, ea quae accidunt
ponentibus magnitudinem et parvitatem. In prima parte dicit quod, si
principium materiale unum existens fuerit causa gravis et levis, puta aer vel
aqua vel intermedium, sicut etiam dicunt causam assignantes ex trigonis, ut
Platoni videtur, non erit simpliciter grave vel leve. Si enim una natura est,
et ipsa sit gravis, tolletur leve simpliciter. Si autem levis, grave
simpliciter: unum enim non est causa nisi unius primo. Si autem plura
principia materialia contraria sint, vacuum et plenum aut rarum et densum,
quae sunt gravis et levis, non erit assignare causam, propter quam corpora
intermedia, simpliciter gravium et levium, quaedam sint leviora quaedam
graviora adinvicem; quia nec possunt assignare causam simpliciter gravis et
levis. Non enim dant causam propter quam vacuum aut rarum sint levia
simpliciter, contraria autem gravia: nec possunt uti ratione: iterum non erit
assignare causam, propter quam eorum quae sunt simpliciter gravia, unum est
gravius altero; puta major pars terrae, quam minor. Minus enim grave oportet
habere aliquid de causa levitatis. Nec propter quam causam eorum quae sunt
simpliciter levia, unum est levius alio simpliciter. Deinde cum dicit
magnitudine autem improbat opiniones determinantium grave et leve magnitudine
et parvitate. Et primo ipsas proponit; secundo cum dicit unam autem, prosequitur.
In prima parte dicit, quod dicere grave et leve determinari magnitudine et
parvitate, puta grossa vel subtili partialitate, unam materiam supponendo,
fictio magis videtur quam aliquid praedictorum. Quod enim secundum
unamquamque opinionem contingit facere quatuor differentias elementorum,
scilicet grave simpliciter, et leve simpliciter, et grave in respectu, et
leve in respectu, certius et circumspectius habet ad eas, idest in
eis, quae ante dubitationes: possunt enim aliqualiter assignare quatuor
differentias elementorum. Deinde cum dicit unam autem prosequitur improbando.
Exponit rationes duas secundam cum dicit: et multa parva. In prima parte
dicit, quod dicentibus unam magnitudinem esse causam gravis et levis
differentium invicem, necesse est accidere eadem inconvenientia facientibus
materiam unam, quae facta sunt prius, scilicet nihil esse leve simpliciter,
nec motum sursum, aut nihil grave simpliciter, et latum deorsum. Omnia enim
habebunt inclinationem ad motum unum: siquidem habent principium unum, et
sunt natura una secundum eos: et, si omnia habent inclinationem ad motum
deorsum, nihil feretur sursum natura: sed omnia quae videntur ferri sursum,
movebuntur tardando et desinendo, sicut projecta, quaedam autem sicut extrusa
a gravioribus. Similiter, si omnia habent inclinationem ad motum sursum
natura, nihil feretur deorsum nisi deficiens aut extrusum, et simpliciter per
violentiam: hoc autem inconveniens est; ergo quod primum. De deinde cum dicit
et multa ponit secundam rationem, dicens, quod adhuc multa pauca, hoc est
paucarum partium, paucis magnis, idest grossarum partium, graviora
erunt. Ex quo enim ex eadem natura sunt multa parvarum partium, cum his quae
magnarum, eamdem inclinationem habebunt ad motum multa pauca, sicut pauca
magna. Si autem hoc est verum, sequitur quod multus aer et multus ignis
graviora sunt terra in parva quantitate. Hoc autem est falsum et contra
sensum: ergo et primum. Quae igitur dicta sunt ab aliis de gravi et levi,
haec sunt. |
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Caput 2
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Leçon 2
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[89318] Petrus
de Alvernia, In De caelo continuatio, lib. 4 cap. 2 Postquam philosophus prosecutus est opiniones
aliorum de gravi et levi disquirendo de eis, intendit nunc determinare de eis
secundum intentionem suam. Et circa hoc primo praemittit intentionem suam, et
ordinem considerandi. Secundo cum dicit deferri quidem igitur, prosequitur.
In prima parte dicit, quoniam nos intendimus considerare de gravi et levi
secundum intentionem propriam: cum leve et grave determinentur per motum
sursum et deorsum: primo quidem determinabimus de quodam de quo quidam maxime
dubitant, propter quid scilicet quaedam corporum moventur sursum semper,
quaedam autem deorsum secundum naturam, alia autem et sursum et deorsum non
simpliciter, sed in respectu, sicut aqua et aer: deinde autem considerabimus
et de gravi simpliciter et in respectu, ut sunt secundum naturas suas, et de
accidentibus et passionibus circa hoc contingentibus, scilicet propter quam
causam unumquodque eorum accidat. Cum enim determinatum fuerit propter quam
causam quaedam moventur sursum, et quaedam deorsum, apparebit via et causa ad
cognoscendum causas istorum motuum. Et quia manifestum est quod grave et leve
sunt causae ipsorum, manifestum erit, quod cum determinatum fuerit de causa
istorum motuum, apparebit aliqualiter natura gravitatis et levitatis. Deinde
cum dicit deferri quidem prosequitur: et primo inquirit propter quam causam
quaedam corporum moveantur sursum, et quaedam deorsum simpliciter, vel in
respectu. Secundo cum dicit differentias autem et accidentia, ex dictis
inquirit de natura gravis et levis, et accidentibus circa ipsa. Circa primum
primo facit quod dictum est; secundo cum dicit cum quidem igitur fiat ex aqua
aer, declarat secundum quem modum moventur sursum vel deorsum. Circa primum
primo manifestat causam, propter quam moventur praedictis motibus; secundo
cum dicit quaerere autem propter quid, comparat hujusmodi motus ad alios
motus. Intendit autem manifestare principaliter causam finalem, propter quam
moventur hujusmodi corpora, quia finis est prima causarum, et ex ipsa
apparent aliae causae aliqualiter. Et dividitur in duas partes, secundum quod
duas principales rationes adducit: quarum secundam ponit cum dicit: quoniam
autem locus. Circa primum primo ponit rationem; secundo cum dicit et sic
magis utique, corrigit ex dictis opinionem quorumdam. Circa primum, primo
ostendit, quod illud quod movetur secundum locum, non movetur a contingenti
in contingens, sed ab existenti in potentia secundum quod hujusmodi, in
existens actu secundum se, et a motore determinato; secundo cum dicit si
igitur ad sursum, ex hoc arguit intentum. In prima parte dicit, quod de motu
hujusmodi corporum in sua loca naturalia consimiliter existimandum est, sicut
circa alias generationes et transmutationes universaliter: oportet enim
omnium assignare causam proportionalem, quia omnes motus et transmutationes
unum sunt secundum proportionem: et eorum quae unum sunt, secundum quod unum,
oportet quaerere causam unam. Tribus enim motibus existentibus scilicet eo
qui secundum augmentum, quem dicimus secundum magnitudinem, et eo qui
secundum qualitatem, quem dixit Aristoteles, secundum speciem, idest
secundum formam, sub quo comprehendit generationem, quia terminus ejus est
forma, et illo qui secundum locum: in omnibus videmus transmutationem fieri
ex contrariis vel ex mediis in parte contraria, sicut ex albo in nigrum, vel
a parvo in magnum vel a sursum in deorsum, et non a quocumque contingenti in
quodcumque contingens, puta ab albo in grammaticum, vel a sursum in leve.
Cujus ratio est: quia omne quod transmutatur, exit ab illo a quo
transmutatur. Moveri enim est aliter se habere nunc quam prius. Exiens autem
ab illo, a quo transmutatur, oportet ire in aliud, quia non potest ire in
privationem omnis speciei, quae per se non invenitur, nec etiam in aliud,
quod potest existere cum illo cum quo transmutatur, quoniam non tunc de
necessitate transmutatum esset ex illo: quare necessario transmutabitur in
formam non potentem existere cum eo. Tale autem est contrarium vel medium:
ergo omne quod transmutatur, transmutatur ex contrario, vel medio, ad
contrarium, vel ad medium; non ex contingenti in contingens, sed sicut id,
quod movetur aliquid motu alterationis, ut alterabile, secundum quod
hujusmodi, diversum est ab augmentabili secundum quod augmentabile; ita
terminus ad quem est alteratio per se, puta quale: aliud est a termino
augmentationis, puta a quanto, et alterativum, scilicet factivum
alterationis, et augmentativum, secundum quod hujusmodi, aliud sunt. Cum enim
potentia dicatur ad actum sicut ad finem, diversitas ejus potentiae ostendit
diversitatem actus et finis. Et, quia finis est per se effectus agentis,
diversitas finis per se ostendit diversitatem illius. Consimiliter
existimandum est de motu secundum locum, quoniam non est a quocumque contingenti
in quodcumque contingens, sed a contrario vel medio, in quo est propria
potentia medium vel contrarium per se, et non a quocumque movente, sed a
determinato: non enim quodcumque natum est moveri a quocumque, sed a
determinato respectu cujus secundum quod hujusmodi est possibile. Deinde cum
dicit si igitur probat propositum suum dicens, quoniam, si omne quod movetur
secundum locum ex determinato existente in potentia, et ad determinatum
actum, et a determinato motore movetur: manifestum est, quod si aliquid
movetur sursum aut deorsum, per se movebitur ex determinato ad determinatum
actum et a determinato motore. Mobile autem secundum hunc modum est grave vel
leve secundum quod in potentia sunt sursum vel deorsum; motivum autem illud,
quod facit per se esse sursum vel deorsum: quare est terminus perfectio
aliqua gravis vel levis. Propter quod manifestum est, quod ferri sursum vel
deorsum, sicut in locum proprium, est moveri ad suam perfectionem.
Quandocumque enim aliquid est in potentia ad aliquid, perfectio ejus est sibi
in illo esse: sicut potentia grammatici vel musici perfectio est grammaticum
vel musicum esse. Sic igitur apparet quod grave et leve moventur ad loca sua,
sicut in finem. Opposuit autem Themistius hic contra Aristotelem, dicens, quod
non videtur esse causa motus gravis et levis, quod assignatum est, quia
scilicet grave et leve sic nata sunt moveri ad loca sua, sicut ad
perfectiones suas. Si enim quaeratur propter quid sanabile sanatur, et
respondeatur, quia aptum natum est moveri ad sanitatem, sicut ad
perfectionem, non videtur proprie et determinate reddi causa. Respondet
Commentator Averrois quod id quod dicit Themistius, veritatem habet in
corporibus compositis, in quibus motus est a pluribus motoribus: puta sic
sanatio a pluribus causis sanitatis: sed in simplicibus est solutio
sufficiens, quia in illis non est nisi unus motor tantum, et unus finis, qui
possunt reddi per aptitudinem per se mobilis. Et ideo, cum quaeritur quare
grave movetur deorsum, convenienter respondetur, quia sic natum est moveri.
Sed manifestum est quod dictum Commentatoris de motu compositorum non
consonat dictis Aristotelis nec etiam rationi. Dictis quidem Aristotelis,
quia ipse vult hoc esse verum in omnibus motibus; immo ex motu alterationis
et augmentationis, concludit hoc in motu locali, et ex hoc in motu gravium et
levium. Rationi autem non consonat, quoniam causa per se et effectus ad se
invicem dicuntur: in relativis autem alterum refertur ad alterum, et
determinatum ad determinatum, sicut dicitur in tertio metaphysicae. Quare, si
in compositis effectus ad quem motus per se, est aliquid unum et
determinatum, oportet causam proximam in unoquoque genere causae esse unam et
determinatam. Unde, si sanitas est aliquod unum et determinatum, causa
sanitatis in unoquoque genere erit una et determinata, sicut in simplicibus:
et, ideo si in simplicibus valet solutio Aristotelis, valebit in compositis.
Propter quod dicendum est, quod in omnibus motibus veritatem habet et
sufficienter dividitur causa, cum dicitur: propter quid aliquod movetur? Quia
natum est sic moveri. Si aliquis enim consideret, mobile ad motum dicitur, et
passivum ad activum, sicut dicitur in quinto metaphysicae. Et ideo unum ad unum, et determinatum ad
determinatum. Et iterum mobile determinatur per activum, sicut potentia
passiva per activam. Ex quo
manifestum est, quod mobile secundum quod mobile, manifestat motivum secundum
quod motivum; tum quia ad ipsum dicitur determinate, tum quia per ipsum
determinatur, sicut dictum est. Iterum motivum se habet ad finem motus, sicut
agens ad finem: agens enim et finis sunt sibi invicem causae, sicut dicitur
in quinto metaphysicae; et ideo unum ostendit alterum sicut effectus causam,
et e contrario. Quare manifestum est, quod mobile ostendit motum, et motivum terminum
motus: etiam mobile secundum quod hujusmodi, terminum motus ostendit, quia
dicitur ad ipsum sicut potentia ad actum proprium. Propter quod manifestum
est, quod ex natura mobilis, secundum quod nata est moveri, potest apparere
et finis motus, et etiam motivum, et per consequens causae universaliter
motus. Et secundum hoc procedit causa, Aristoteles vult quod grave et leve
moveantur ad loca sua quia sic nata sunt. Ex natura enim apta nata, secundum
quam possunt moveri, apparet finis actionis motus ipsorum. Deinde cum dicit et sic magis corrigit quoddam
dictum antiquorum dicentium, simile moveri ad locum proprium, sic moveri ad
suum simile secundum quod hujusmodi. Et dicit quod, cum moveri ad suam
perfectionem: et id quod est in potentia, secundum quod hujusmodi, sit simile
ei quod est actu illud, et id quod est in fieri ei quod est in actu tale:
manifestum est quod sic magis verificabitur illud quod dixerunt antiqui, quod
simile fertur ad suum simile, scilicet illud quod est in potentia ad illud
quod est in actu, quae similia sunt imperfecte; et non si intelligatur simile
moveri ad suum simile perfecte; quod enim movetur ad aliquid, imperfectum est
et in potentia respectu illius secundum quod hujusmodi: quia motus est actus
entis in potentia, et unum similium perfecte non est imperfectum respectu
alterius, nec in potentia. Et ideo unum similium perfecte non movetur ad
alterum secundum quod hujusmodi. Et adhuc, si aliquis transponat terram a
loco ubi nunc est, ad concavum orbis lunae, unaquaeque partium ejus omnino
non ad ipsam sursum, sed ubi nunc moveretur, puta ad medium mundi; nunc enim
moventur partes terrae deorsum. Sed quia universaliter mobilibus similibus in
natura et differentibus secundum materiam ab uno motivo, necesse est uno motu
moveri ad unum locum. Itaque quia
unaquaeque pars terrae et tota terra similes sunt in natura, differentes
secundum materiam tantum, et ab eodem motivo moveretur ubi una particula nata
natura est ferri, et totum secundum naturam. Quapropter manifestum est, quod
simile perfecte non movetur ad suum simile. Deinde cum dicit quoniam autem
ponit secundam rationem, dicens, quoniam locus est ultimus terminus corporis
continentis, terminus autem habet rationem actus et perfectionis quodammodo:
et locus medius, et locus extremus est continens quodammodo omnia quae
moventur sursum et deorsum: manifestum est quod locus medius et locus
extremus quodammodo rationem speciei et perfectionis habent. Ergo moveri sursum et deorsum per se moveri ad
speciem et perfectionem, et ideo ferri ad locum proprium est moveri ad sibi
simile in natura. Corpora enim quae consequuntur se secundum ordinem
naturalem, similia sunt invicem, sicut aqua aeri, et aer igni; aqua enim in
hoc quod locatur in ultimo aeris, similitudinem habet cum illo. Similiter, quia
aer locatur in concavo ignis, habet similitudinem cum illo, et e converso in
mediis. Ignis enim secundum ultimum similitudinem habet cum aere, et aer cum
aqua, et aqua cum terra: semper enim in ultimo corporis continentis est
virtus generativa et conservativa contenti naturaliter, et ita assimilantur
sibi invicem secundum naturam. In extremis autem non est hoc verum dicere:
quia concavum ignis non assimilatur aquae vel terrae, nec concavum aeris
terrae secundum hunc modum, quia in concavo ignis non est virtus generativa
et conservativa terrae vel aquae primo: sed se habent, ea quae distant per
aliquod corpus intermedium, sicut materia ad formam adinvicem. Semper enim
superius se habet ad inferius, sicut species ad materiam, et inferius ad
superius, sicut materia ad formam. Sic igitur corpora simplicia moventur ad
loca sua naturalia, sicut ad perfectiones et fines ipsorum. Dubitabit autem aliquis, utrum moveri ad
speciem et perfectionem suam, sicut philosophus videtur dicere. Videtur enim
rationabiliter quod non: quia perfectio et actus rei est aliquid intrinsecum
informans; ejusdem enim est actus, cujus est potentia ad actum illum, per
philosophum libro de somno et vigilia. Locus autem est aliquid extrinsecum,
puta ultimus terminus corporis continentis: ergo locus non est species vel
perfectio rei. Praeterea, illud ad
quod aliquid per se movetur, posterius est eo quod movetur per se secundum
naturam. Illud autem quod movetur in motu locali est ens perfectum, sicut
philosophus consequenter dicit, quod latio est absolutorum, idest
perfectorum. Sed ens perfectum perfectione propria perfectum est; quare
perfectio eorum quae feruntur, prior est secundum naturam eo in quod feruntur
per se. Si igitur aliquid non est
prius et posterius seipso, manifestum est, quod id in quod feruntur hujusmodi
corpora, non est species et perfectio eorum, nec moveri ad locum est moveri
ad speciem, cujus contrarium philosophus dicit. Ad hoc est intelligendum,
quod perfectio dicitur de forma, quae est actus primus et etiam de fine qui est
actus secundus, sicut apparet ex secundo de anima: ubi dicit quod endelechia,
idest actus, dicitur hic quidem sicut scientia, hic quidem sicut considerare.
Finis autem dupliciter dicitur: uno modo perfectio rei informans ipsam rem,
quae posterior est ipsa secundum generationem: sicut finem hominis dicimus
aliquam operationem ejus perfectissimam intellectualem. Alio modo dicitur
finis aliquid praeexistens in habitudine ad quod existit finis primo modo
dictus; sicut perfectissimum objectum hominis secundum intellectum dicitur
finis ipsius. Et ideo perfectio secundo dicitur et de operatione intrinseca,
et de objecto primo et per se illius operationis aliquo modo. Secundum hunc
quidem igitur triplicem modum possumus considerare perfectionem corporum
simplicium mobilium motu recto secundum quod hujusmodi: perfectio enim prima
ipsorum est forma, puta gravitas aut levitas: perfectio autem secundo modo,
quae est finis primo modo dictus, est operatio ipsorum prima, scilicet sursum
aut deorsum: gravi enim aut levi esse est sursum aut deorsum esse, secundum
philosophum in octavo physicorum. Perfectio autem tertio modo, quae est finis
ultimo modo dictus, est locus eorum naturalis. Si igitur loquamur de
perfectione hoc modo dicta, ferri ad locum naturalem est ferri ad perfectionem
formaliter; locus enim qui continet, et habet vim generativam et
conservativam; quodammodo rationem perfectionis habet, ut dictum est; et sic
moveri ad locum est moveri ad simile secundum naturam: et secundum hunc modum
procedit ratio secunda philosophi. Si autem loquamur de perfectione secundo
modo dicta, quae est operatio, sic ferri ad locum, non est ferri ad
perfectionem formaliter et simpliciter, sed ad aliquid a quo sumitur ratio
perfectionis secundum hunc modum dictae; perfectio enim hujusmodi corporum
secundum hunc modum est deorsum vel sursum esse: quorum ratio sumitur ex
ipsis sursum et deorsum. Et de perfectione hoc modo dicta procedit prima
ratio philosophi, ut videtur. Si autem loquamur de
perfectione primo modo dicta, sic moveri ad locum non est formaliter moveri
ad perfectionem, sicut probant rationes adductae prius ad hoc, quae de hac
perfectione bene concludunt. Tum moveri ad locum aliqualiter est moveri ad
perfectionem hanc secundum commutationem quamdam, saltem cum moventur a generante;
simul enim cum a generante moventur ad locum, moventur ad formam, sicut dicit
Commentator. Deinde cum dicit quaerere autem comparat motus locales
simplicium corporum ad omnes alios motus simpliciter quantum ad hujusmodi
causam. Et primo secundum convenientiam. Secundo cum dicit nisi quia haec
quidem, secundum differentiam. In prima parte dicit, quod quaerere propter
quid ignis sursum fertur, terra autem deorsum, nihil differt quaerere,
propter quid sanabile si moveatur secundum quod sanabile, transmutatur in
sanitatem; sanabile enim si mutetur secundum quod sanabile est, mutatur in
sanitatem et non in albedinem sicut in perfectionem suam secundum quod
hujusmodi; sanabile enim dicimus, quod secundum hujusmodi est in potentia ad
sanitatem. Et similiter se habet de omnibus aliis alterabilibus. Eodem modo,
si augmentabile transmutetur secundum quod augmentabile, non transmutatur in
sanitatem, sed in magnitudinem perfectam, sicut in perfectionem suam.
Similiter autem se habet de unoquoque alio mobili, quorum alterum
transmutatur in qualitatem, alterum autem in quantitatem per se; ergo
similiter et in his quae mobilia sunt secundum locum. Quae quidem levia si
moventur secundum quod levia sursum moventur sicut ad suam perfectionem: quae
autem gravia deorsum sicut ad suam. Deinde
cum dicit nisi quia comparat secundum differentiam, dicens, quod eadem ratio
est de motu simplicium corporum, et de aliis motibus; nisi quia haec, puta
gravia et levia, secundum quod hujusmodi, videntur in seipsis habere
principium motus. Quando enim sunt actu gravia et levia detenta extra loca
sua naturalia, moventur a removente prohibens, et totum principium movens per
se non videtur aliud quam forma gravis et levis. Quando autem sunt in
potentia ad locum, sicut ad formam, moventur a generante dante formam; quod
quantum largitur de forma, tantum largitur de ubi. Et sic adhuc proximum
movens est forma gravis et levis. Illa autem quae moventur aliis motibus,
puta secundum qualitatem et quantitatem, moventur ab extrinseco, puta ab alterantibus
et augmentantibus. Quamvis enim quidam in se videantur habere principium
motus, sicut qui sanatur ex se sine medicina, et qui augmentatur a nutritiva,
tamen in talibus proximum movens aliud est a proximo moto, membrum sanans,
puta cor, aliud est a membro sanato, et membrum augmentatum ab aliquo
augmentante. Et sic permutantur
sumentia ab extrinseco principium motus; hoc quidem in sanitatem, hoc quidem
in quantum. Cujus ratio est,
quoniam idem est quod sanabile est, et quod est susceptivum infirmitatis. Similiter idem est quod natum est moveri ad majorem
quantitatem, et ad minorem. Sed, si sanabile moveatur secundum quod sanabile,
venit in actum sanitatis; si autem secundum quod in potentia ad infirmitatem,
venit in infirmitatem. Forma autem intrinseca, cum una sit, non potest esse
principium istorum duorum motorum, quia unum per se non movet nisi ad unum;
et ideo oportet quod ab extrinseco moveatur, nunc quidem ad sanitatem, nunc
quidem ad infirmitatem. Gravia autem et levia in seipsis videntur habere magis
principium sui motus; quia materia, idest id quo possunt moveri motu
isto primo, propinquissima est substantiae eorum, per quam determinantur.
Formam enim gravis et |
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Caput 3
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Leçon 3
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[89319] Petrus de Alvernia, In De caelo
continuatio, lib. 4 cap. 3 Postquam
philosophus ostendit propter quid corpora simplicia moventur ad loca sua, et
quid est ferri in locum naturalem, prosequitur nunc de differentiis primorum
corporum, et de accidentibus et passionibus ipsorum, secundum quod gravia et
levia sunt. Et circa hoc primo praemittens intentionem suam dicit, quod post
ea quae dicta sunt, considerandum est de differentiis quibus moventur corpora
primo motu recto, et de accidentibus et passionibus per se, quae insunt eis
secundum quod hujusmodi. Deinde cum dicit primum quidem prosequitur: et primo
ponit definitiones gravis et levis, simpliciter et in respectu; secundo cum dicit
quoniam autem, prosequitur de differentiis gravium et levium et accidentibus.
Praemittit autem definitiones illorum, quia ipsa sunt principium innotescendi
omnia alia. Primo autem praemittit definitiones gravis et levis simpliciter.
Secundo cum dicit aliter autem grave et leve, ponit definitiones gravis et
levis secundum quid. In prima parte ipse dicit, quod primum quidem
determinatum sit de definitione dicente quod erat esse grave et leve, sicut
concedunt omnes vel plures accipiendo eas ex communi opinione hominum: grave
simpliciter esse, quod substat omnibus corporibus quae moventur deorsum motu
recto: leve autem simpliciter, quod supereminet omnibus quae feruntur sursum
secundum rectitudinem. Exponit autem quod dixit, simpliciter grave et leve,
dicens: quod grave et leve dico in genus respiciens, idest in materiam
ipsorum, secundum quod simpliciter sunt talia nihil habentia de contrariis:
ex quibus non insunt ambo, scilicet gravitas et levitas; sicut ignis videtur
esse quaecumque magnitudo sursum lata, qui si non prohibeatur per aliquod
detinens ipsum, movetur sursum simpliciter; similiter autem et terra, cujus
quilibet pars non prohibita movetur deorsum. Et secundum eumdem modum major pars terrae movetur
deorsum velocius secundum proportionem magnitudinis ad magnitudinem, sicut
major pars ignis sursum secundum eamdem. Et est intelligendum, quod cum grave
et leve definiantur per moveri ad loca, et per esse in eis, sicut hic definit
Aristoteles: verius definiuntur per esse in locis suis, quam per moveri ad
ea: quia essentialius comparantur ad esse in eis, quam per moveri ad ea:
gravi enim et levi esse est sursum vel deorsum esse, sicut Aristoteles dicit:
moveri autem ad loca sua quodammodo accidit eis, quia gravia et levia in actu
non moventur, nisi secundum quod sunt in potentia ad locum sursum vel
deorsum: quod accidit eis per prohibens. Et iterum gravia et levia
comparantur ad esse sursum vel deorsum sicut ad fines per se; istis enim
habitis non amplius movent: moventur autem per ista, ita ut motus quaeratur
sicut via in finem. Si enim essentialius comparatur unumquodque ad finem
proprium, quam ad viam ad ipsum: essentialius comparabuntur gravia et levia
ad esse sursum vel deorsum quam ad moveri; hujusmodi autem operationes vel
motus, per quas definiuntur, accipiuntur loco differentiarum et complentium
essentiam ipsorum quae non sunt nobis manifestae nisi ex ipsis. Deinde cum dicit aliter autem ponit
definitiones gravis et levis secundum quid, dicens quod alio modo dicitur
grave et leve, quibus utrumque inexistit, scilicet et supereminere, et
substare aliquibus, si superferuntur quibusdam, et substant etiam sicut
videmus de aere et aqua; nullum enim ipsorum est simpliciter grave non habens
aliquem actum levitatis, nec simpliciter leve non habens aliquid gravitatis.
Utrumque enim istorum videmus levius esse terra, quia ipsa et quaecumque
ipsorum partes supereminent ipsi. Adhuc et graviora igne, quia quantacumque
particula ipsorum magna vel parva substat igni naturaliter. Si autem
comparemus ipsa adinvicem, aer simpliciter levis est respectu aquae, quia
quaelibet pars ejus supereminet ipsi natura; et aqua simpliciter gravis
respectu ipsius aeris; quia ipsa et quaelibet pars ejus substant ipsi
secundum naturam. Est autem advertendum, quod gravitas et levitas elementorum
mediorum non consistunt in solo respectu ad aliud, quia, cum elementa media
determinentur per eas, dicerentur ad aliquid secundum se, quod nullus
concedit. Iterum, corpora media moventur ad loca sua naturalia propter
gravitatem et levitatem eorum: illud autem, cujus natura in solo respectu
consistit secundum quod hujusmodi, non potest esse principium motus, sicut
nec terminus, ut dicitur in quinto physicorum. Item nec sunt aliqua qualitas
una composita ex gravitate et levitate simpliciter; tunc enim oportet quod
ipsa essent corpora composita ex duobus extremis, et non essent de numero
elementorum primorum, quod non dicimus. Sed est intelligendum, quod sicut
ignis est aliqua qualitas simplex, per quam movetur ad locum suum simplicem,
similiter autem et terrae, ita et aeris et aquae, quae sunt media. Ita quod
sicut aer habet unam formam simplicem substantialem, et unum locum simplicem
per se consequentem formam, per quam quiescit in loco suo simplici et
naturali, et movetur ad ipsum extra existens ubicumque non prohibitus;
similiter autem et terra; ita quod per illam qualitatem simplicem aer
existens sursum in loco ignis movetur deorsum ad locum suum; similiter
existens deorsum in loco terrae vel aquae movetur sursum ad eumdem locum:
similiter aqua per unam qualitatem simplicem movetur ex loco ignis vel aeris
ad locum proprium, similiter autem ex loco terrae sursum ascendente. Sicut diceremus ignem, si esset aliqua pars ejus in
convexo orbis lunae ad superius, et permitteret natura illius corporis motum alterius
corporis per ipsum, per eamdem qualitatem simplicem moveretur ad concavum
ejus, quod est locus ipsius naturalis, per quem ascendit ad eumdem ad
deorsum. Et quia sic per unam qualitatem elementa media moventur quandoque
sursum quandoque deorsum, propter unum tamen principaliter, scilicet propter
esse in loco proprio; dicuntur qualitates eorum qualitates mediae. Deinde cum dicit quoniam autem de differentiis
prosequitur. Et primo in corporibus compositis. Secundo cum dicit quod autem
est simpliciter leve, in simplicibus. Circa primum primo ostendit quod causa
gravitatis et levitatis in compositis sunt simplicia; secundo cum dicit
accidit utique, ad evidentiam dicti assignat causam cujusdam accidentis in
compositis per naturam simplicium. In prima dicit, quoniam corporum quaedam
sunt simplicia, quaedam autem composita ex illis: compositorum autem quaedam
habent gravitatem, quaedam autem levitatem: manifestum est quod causa
gravitatis et levitatis in istis sunt simplicia componentia. Primum enim in
unoquoque genere est causa omnium aliorum; et ideo, secundum quod diversimode
participant illa simplicia, secundum hoc plus vel minus habent de gravitate
vel levitate. Et ideo de gravitate et levitate in istis non multum oportet
pertractare, quia palam quod causa in istis est differentia illorum. Et
propter hoc de illis dicendum est propter quid gravia et levia sunt: alia
enim sequuntur ipsa. Et hoc dicebamus prius debere facere illos, qui ponebant
plenum et vacuum causam ipsorum: scilicet non multum laborare in inquirendo
de gravi et levi in aliis, sed magis propter quid vacuum quidem leve est,
plenum autem grave, quae posuerunt prima. Deinde cum dicit accidit utique ad evidentiam dicti
reddit causam cujusdam accidentis in compositis per dicta. Et primo ponit accidens illud. Secundo cum
dicit causa autem, assignat causam ipsius. Primo igitur dicit quod, quia
gravitas et levitas causantur ex simplicibus, contingit quaedam ipsorum non
videri aequaliter gravia esse in quocumque loco propter diversitatem
simplicium ex quibus sunt; sicut nos videmus quod lignum habens pondus
talenti unius, gravius est in aere, et velocius descendit plumbo mineo,
idest ponderis unius oboli; mina enim est obolus; inde mineus est habens
pondus vel valorem oboli. In aqua autem e contrario, quod scilicet lignum est
levius, et plumbum est gravius. Deinde cum dicit causa autem assignat causam
hujus, dicens, quod causa praedicti accidentis est, quoniam omnia corpora
simplicia gravitatem habent, et necessarium est quod habeant, praeter ipsum ignem,
sicut declarat motus: aqua autem ubique gravis est praeterquam in terra, in
loco scilicet ignis et aeris, et suo proprio: aer autem in omnibus
praeterquam in terra et aqua, scilicet in loco ignis et suo: omnia enim
corpora in loco suo naturali gravitatem aliquam habent, praeter quam ignis,
qui simpliciter levis est, et ipse aer, de quo magna dubitatio est, et magis
videbitur consequenter, ubi Aristoteles specialiter nititur hoc ostendere. Ad
praesens tamen potest intelligi de aere propinquo aquae et terrae, qui
propter frigiditatem ipsorum ingrossatus, gravitatem quamdam contrahit
praeter naturam suam. Signum autem adducit Aristoteles ad declarationem
hujus, quia, si accipiatur uter de corio subtili et infletur aere; majoris
ponderis erit inflatus, quam non inflatus, et velocius movebitur inferius. De
quo quidem dicit Simplicius, quod ipse cum diligentia qua potuit expertus
invenit idem pondus inflati et non inflati. Quemdam etiam ante ipsum
scripsisse dixit, et se invenisse non inflatum aliquantulum majoris ponderis
esse quam inflatum: quod consonat Themistio libro suo de ponderibus, qui ex
hoc probat aerem in loco suo nullam habere gravitatem, quod est contra
intentionem Aristotelis. Sed, ne tanti viri inexpertes videantur, et sibi
contradicere, est intelligendum, quod aer secundum naturam suam propriam
calidus est et humidus, ratione quorum nullam videtur habere gravitatem, ut
videbitur post; quia tamen bene divisibilis est, facile alterabilis est ad
quodcumque, puta e caliditate subtiliante praeter naturam ejus, a frigiditate
ingrossante similiter praeter naturam suam: et ideo propinquus existens igni
superius multum alteratus est ad qualitates ignis; propinquus autem terrae et
aquae frigiditate illorum multum ad qualitates illorum; et ex hoc contrahit quamdam
gravitatem aliquando secundum differentiam terrae vel aquae, cui propinquus
est. Et secundum hoc aer in terra inclusus in inferioribus gravior est, et
similiter propinquus aquae, elevatus autem levior, et magis divisibilis;
tamen in aliquo prope terram propter dispositionem substantialem contingit
aerem esse dispositum secundum naturam suam secundum plus et minus secundum
diversitatem loci. Et secundum hoc potuit contingere quod in isto experimento
diversi diversa invenerunt: aliqui enim replentes aere grosso invenerunt
inflatum gravius; aliqui autem implentes subtiliori et magis secundum naturam
suam disposito invenerunt ipsum levius, aliqui autem aequalis ponderis
propter mediam dispositionem. Non est autem judicandum de dispositione aeris
secundum se simpliciter propter dispositionem ejus, quae circa terram, vel
aquam videtur, sed tantum quantum ad partem illam. Et secundum hoc
Aristoteles ex eo quod invenit, potuit concludere aerem propinquum terrae et
aquae gravitatem habere. Et secundum hoc veritatem habet quod omnia praeter
ignem gravitatem habent in locis suis, etiam aer quantum ad partem inferiorem
ejus. Dicit ergo, hoc supposito, quod si sit aliquod corpus compositum, quod
plus habeat in compositione sua de virtute aeris quam terrae et aquae, sicut
lignum aliquod, in aqua levius erit, et ascendet velocius eo quod minus habet
de aqua et terra, plus autem de aere, quia aer in loco terrae et aquae levius
est, et ascendit; in aere autem gravius erit, quia in loco aeris aer existens
in comparatione ejus gravitatem habet, aut quia aer simpliciter habet in loco
suo aliquam gravitatem, sicut exponit Commentator, aut quia aer non
simpliciter, sed in parte propinqua terrae vel aquae gravis est quasi
ingrossatus ab ipsis. Et talis videtur esse aer, quia venit in compositionem
corporum mistorum. Et quia gravitatem habet lignum in loco aeris, movetur ex
ipso deorsum velocius quam plumbum minoris ponderis: propter hoc enim non
superfertur aeri, aquae autem superfertur: aer enim in compositione ipsius
existens non tantum ingrossatus est quod faciat ipsum grave esse in loco
terrae vel aquae. Deinde cum dicit quod autem prosequitur de differentiis
gravis vel levis simplicibus, per quas moventur sursum vel deorsum
simpliciter, vel in respectu. Et circa hoc primo facit quod dictum est.
Secundo cum dicit figurae autem non causa, ostendit quod figurae non sunt
causa motus deorsum vel sursum ipsorum simpliciter, sed coadjuvantes. Circa
primum primo ostendit quod est aliquid simpliciter grave et leve, et aliqua
gravia et levia secundum quid; secundo cum dicit inquirimus autem, ostendit
quam habitudinem seu rationem habent ad invicem. Tertio cum dicit quoniam
autem est unum solum, concludit numerum ipsorum, et materiarum suarum. Circa
primum primo ostendit quod est aliquid simpliciter grave et leve. Secundo cum
dicit est autem aliquid intermedium, probat quod est aliquid grave et leve
secundum quid. Primum probat per rationes duas; quarum secundam ponit cum
dicit propter quod et rationabiliter, quasi inferens ex quibusdam dictis.
Adhuc circa primum ponit rationem. Secundo probat quoddam suppositum cum
dicit sed adhuc. In prima parte primo praemittit conclusionem suam resumendo
definitiones gravis et levis. Secundo cum dicit videmus enim subjungit
rationem. In prima parte dicit, quod ex his quae dicentur manifestum erit,
quod aliquid est simpliciter leve et aliquid simpliciter grave. Et exponit
quid vocat utrumque, resumendo definitiones ipsorum: dicens, quod leve
simpliciter dico, quod movetur sursum semper non prohibitum, et quod
simpliciter leve est nihil habens gravitatis omnino in aliquo loco; grave
autem simpliciter dico per oppositum quod, si non prohibeatur, semper natum
est moveri deorsum simpliciter, et nihil omnino levitatis habet. Talia enim
oportet ea esse secundum veritatem, et non qualia dicunt quidam, scilicet
omnia habere gravitatem, secundum tamen plus et minus, sicut dictum est
prius. Verum est autem quod grave inest quibusdam aliis aliquam levitatem
habentibus; puta mediis elementis: quod etiam semper fertur ad medium vel
simpliciter, vel in respectu; simpliciter quidem grave ad medium simpliciter,
secundum quid autem grave, ad medium secundum quid vel in respectu. Deinde
cum dicit videmus enim subjungit rationem; dicens, quod bene dictum est, quod
est aliquid simpliciter grave, et aliquid simpliciter leve; quoniam videmus
ad sensum, sicut dictum est prius, quod terra et omnia corpora terrea
substant omnibus corporibus, et feruntur simpliciter ad medium: medium etiam
determinatum est, ut jam ostendetur. Si igitur est aliquod corpus aliud quod
supereminet et superfertur omnibus, sicut videmus ignem supereminere et
superferri omnibus; etiam ipsi aeri: positus enim in aere sursum fertur ipso
quiescente: manifestum est, quod hoc movebitur ad extremum locum simpliciter;
ergo manifestum est quod nullam habet omnino gravitatem; si enim haberet
aliquam, tunc substaret alicui; hoc enim dicimus grave, quod simpliciter vel
alicui substat. Et, si hoc esset verum, esset aliquod aliud corpus, quod
moveretur ad extremum, quod omnibus superemineret: nunc autem non videmus
aliquod tale. Ignis igitur simpliciter levis est nullam habens gravitatem
omnino; similiter terra nullam habet levitatem; terra enim omnibus aliis
substat: et quod omnibus substat movetur simpliciter ad medium: at quod
movetur simpliciter ad medium, grave est simpliciter: terra igitur
simpliciter gravis est, nihil habens omnino levitatis. Deinde cum dicit sed
adhuc probat quoddam suppositum in praecedenti ratione: supposuit enim quod
medium determinatum est. Primo igitur hoc probat. Secundo cum dicit quoniam
autem omne substans, infert corollarium. Ad primum adducit rationes duas;
quarum secundam ponit cum dicit: deinde ad similes. In prima parte dicit,
quod ex multis poterit esse manifestum, quia est medium aliquod, ad quod
moventur gravia simpliciter, et a quo feruntur levia sursum. Primum, quia non
contingit aliquid eorum quae moventur in infinitum ferri non reiterando motum
supra idem. Sicut enim nullum impossibile simpliciter est in natura impossibile
enim simpliciter est quod ex se prohibitum est esse, sic etiam nullum
impossibile simpliciter fit; quod enim fit, potest esse, impossibile autem
non potest esse. Motus autem localis factio quaedam seu generatio est termini
ad quem existens unde et quo id est, existens in termino a quo in
terminum ad quem. Quare moveri motu locali in infinitum est impossibile, nisi
per reiterationem. Quod dico propter motum caeli, quem contingit in infinitum
esse per reiterationem, secundum intentionem philosophi. Deinde cum dicit deinde
ad similes ponit secundam rationem, dicens, quod deinde ad sensum videmus,
quod ignis motus a deorsum in sursum movetur ad angulos similes sphaerales;
motus enim sursum in concavo sphaerae facit similes angulos. Similiter autem
unaquaeque pars terrae, et omne habens gravitatem fertur deorsum ad similes
angulos sphaerales, cum moveatur secundum rectum, et terram ponamus
circularem. Si igitur ponamus duas partes terrae, quarum altera moveatur ex
puncto Zenith, altera autem ex puncto horizontis secundum lineas rectas
deorsum, quaelibet constituet duos angulos sphaerales rectos in superficie
terrae. Manifestum est autem quod hujusmodi lineae magis distant a seinvicem,
quanto remotiores sunt a terra. Si etiam protrahatur una linea recta
intersecans illas, constituet duos angulos intrinsecos a parte superiori,
majores duobus rectis, et duos interiores a parte inferiori minores duobus
rectis, ut ex se manifestum est; quare necesse est lineas illas concurrere,
ut apparet ex primo geometriae; quare necesse est partes terrae motas
secundum lineas illas naturaliter ferri ad unum punctum medium. Et eadem
ratio est quodcumque et ex quacumque parte superficiei ponatur moveri.
Manifestum est igitur, quod est aliquod medium et determinatum, ad quod
feruntur gravia, quod est medium mundi, quod est idem subjecto cum medio
terrae. Utrum autem ferantur ad ipsum quia medium mundi, vel quia medium
terrae, alia ratio est, quae non pertinet ad propositum; de qua dictum est in
secundo hujus capite de quiete terrae, quod moventur ad ipsum, quia medium
mundi, quoniam in hoc et corpora gravia moventur ab extremo caeli ad nos.
Ergo terra et gravia ad medium ejus, quod est medium mundi, secundum quod
hujusmodi, moventur. Et adhuc medius locus est generativus gravis et
conservativus, quia medium mundi, non quia medium terrae. Deinde cum dicit
quoniam autem probat secundum; dicens, quia omne grave et substans
simpliciter fertur in medium determinatum existens, necesse est ignem et omne
quod superfertur omnibus simpliciter ferri ad extremum regionis, quod est
ultimum caeli ad nos, ad quod moventur omnia levia simpliciter non prohibita;
quia sicut contrarium in contrario, et propositum in proposito; medium autem
mundi et extremum caeli contraria sunt: substans autem omnibus, et
supereminens omnibus motis motu recto similiter contraria sunt; si igitur
substans omnibus fertur ad medium determinatum existens, manifestum est, quod
supereminens feretur ad extremum similiter determinatum existens. Deinde cum
dicit propter quod innuit secundam rationem, quae sequitur ex dictis; dicens,
quod propter hoc, quia est aliquod medium et aliquod extremum determinata
adinvicem plurimum distantia localiter, rationabiliter sunt duo corpora
extrema grave et leve; locis enim naturalibus existentibus, necesse est esse
corpora mobilia ad illam; quia locus naturalis non est sine corpore. Cum
igitur sint duo loca, extremum scilicet et medium in mundo; necesse est esse
corpora mobilia ad illa: hujusmodi autem sunt grave et leve simpliciter.
Deinde cum dicit est autem probat quod est aliquid grave et leve in respectu,
dicens, quod quia est aliquod extremum et medium in mundo, quae sunt
contraria, et contrariorum simpliciter est aliquod medium, quod ad utrumque
extremorum comparatum rationem utriusque habet; manifestum est, quod erit
locus aliquis intermedius, videlicet in mundo intermedium et extremum
simpliciter, quod comparatum ad extremum medium erit, comparatum vero ad
medium erit extremum. Et ita, sicut est extremum et medium in mundo, ita
necesse est esse aliquem locum intermedium ipsorum. Et, quia locus naturalis
non est sine corpore nato moveri ad ipsum, aut inexistente cui
proportionatur: manifestum est, quod necesse est inter grave et leve
simpliciter esse aliquid, quod sit grave et leve ad aliud et ad aliud comparatum:
ad leve quidem grave, ad grave autem leve. Sic igitur apparet ex dictis, quod
est aliquid simpliciter grave, aliquid simpliciter leve, et aliquid
simpliciter medium inter ipsa, sicut aer et aqua. Deinde cum dicit inquimus
autem declarat quam rationem et habitudinem habent adinvicem. Et circa hoc
primo ostendit, quod continens inter ipsa habet rationem formae respectu
contenti. Secundo cum dicit quare et in ipsa materia, declarat eamdem
habitudinem habere materiam secundum quod subjicitur uni istorum, ad seipsam,
ut est materia alterius. Tertio cum dicit, habens quidem igitur, concludit ex
dictis quamdam differentiam ipsorum. Circa primam partem dicit, quod nos
dicimus, et consonum est rationi, quod continens, secundum quod continens
est, rationem habet speciei et formae: quod autem continetur, secundum quod
hujusmodi, rationem materiae; speciem enim et formam dicimus, quae continet
et terminat; materiam autem quae continetur et determinatur per formam. Et
haec quidem differentia invenitur in omnibus generibus: scilicet quod aliquid
habet rationem speciei magis, aliquid autem rationem materiae: scilicet in
qualitate in qua album et calidum speciei proportionantur, nigrum autem et
frigidum materiae: et in quantitate multum et magnum speciei. Et universaliter
in oppositis digniora et perfectiora proportionantur formae, viliora autem
materiae et privationi. Et ideo in oppositis secundum locum, unum accipitur
ut species, puta sursum, quia dignius; aliud autem ut materia, sicut deorsum,
quia vilius et imperfectius est secundum naturam. Et, quia corpora naturalia
eamdem rationem habent adinvicem, quam et loca eorum naturalia, necesse est
similiter se habere in corporibus primis: scilicet quod illud quod sursum
continetur, naturaliter habeat rationem determinati per formam; quod autem
deorsum, rationem materiae et imperfecti, vel simpliciter, vel in respectu.
Deinde cum dicit quare et in declarat eamdem differentiam esse in materia
secundum quod subjicitur ipsis. Et est intelligendum, quod primo secundum
ordinem naturae est ponere materiam primam in elementis, quae secundum se una
est omnium ipsorum, et de se in potentia solum: deinde autem formas
substantiales distinguentes et determinantes ipsam circa qualitates primas
per se et immediate consequentes formas elementorum: hujusmodi sunt calidum
et frigidum, humidum et siccum, sicut apparet ex secundo de generatione,
quarum elementa sunt substantia prima secundum se: deinde est ponere formas,
per quas immediate inclinantur ad sua loca naturalia, quae sunt gravitas vel
levitas simpliciter vel in respectu, quorum subjectum et causa sunt ipsa
elementa in actu per qualitates primas, scilicet per caliditatem et
frigiditatem et hujusmodi. Et quia subjectum rationem entis in potentia
habet, quod competit materiae primae; ideo Aristoteles, ipsa elementa vel
secundum se accepta, vel ut determinata sunt qualitatibus primis, quae sunt
caliditas et frigiditas, et hujusmodi, vocat materiam gravitatis et levitatis
simpliciter, vel in respectu quandoque in sequentibus: puta ut secundum hoc
dicat duplicem materiam esse ipsorum: unam primam, quae una est omnium: aliam
autem proximam, quae alia est in alio et alio. Dicit igitur Aristoteles, quod
quia elementa continentia respectu contentorum habent rationem speciei,
contenta autem rationem materiae: cum materia prima aliquo alio modo rationem
habeat ordinis elementorum in formis substantialibus ad quas primo est in
potentia: necesse est ipsam habere hanc habitudinem, vel secundum quod
subjicitur uni ad seipsam, vel secundum quod subjicitur aliis, quam habent
gravia et levia ad seinvicem: inquantum enim ipsa est in potentia ad
elementum grave simpliciter, puta ad terram, quod habet rationem materiae,
est quodammodo materia materiae: inquantum autem est in potentia ad illud
quod sursum est, puta ad ignem, est materia simpliciter ejus quod rationem
speciei habet et levis. Similiter proportionabiliter se habet secundum quod
est in potentia ad formas elementorum mediorum, puta aquae et aeris: et
hujusmodi materia prima secundum se accepta est quidem eadem secundum
subjectum et naturam per privationem omnis formae distinguentis eam: secundum
rationem autem alia et alia est: ratio enim et esse ejus accipitur ex formis,
ad quas est in potentia, quas manifestum est esse multas, et diversas secundum
rationem. Et ideo ipsa eadem secundum subjectum existens alia est secundum
rationem et esse: quemadmodum subjectum sanitatis et infirmitatis unum quidem
est secundum subjectum, differens autem secundum esse et rationem: et propter
hoc infirmabile secundum quod infirmabile et sanabile secundum hoc quod est
sanabile, quamvis sint idem subjecto, differunt tamen secundum esse et
rationem, quia ratio eorum sumitur ex sanitate et infirmitate, quae differunt
secundum rationem. Deinde cum dicit habens quidem assignat diversitatem
quamdam corporum primorum, dicens, quod cum materia prima subjiciatur corpori
continenti secundum rationem unam et esse, et corpori contento secundum
aliam, manifestum est, quod corpus habens materiam idonee se habentem ad
levitatem, puta ut determinata est ad caliditatem, est leve simpliciter, et
sursum fertur quamdiu habet materiam talem: quod autem habet materiam
contrarie se habentem, puta bene dispositam per frigiditatem ad gravitatem,
est grave simpliciter, et semper movetur deorsum: quod autem habet materias
alteras quidem ab istis, puta determinatas non caliditate et frigiditate
excellentibus et maximis, sed remissis magis, quae quidem adinvicem sic se
habent sicut materia gravis et levis simpliciter, sunt gravia et levia in
respectu, non simpliciter; feruntur sursum et deorsum non simpliciter, sed in
respectu, sicut habentia materias latas, idest natas ferri sursum et
deorsum. Et propter hoc aer et aqua habentia materias tales habent utrumque,
scilicet gravitatem et levitatem, et aqua subsidet omnibus praeterquam
terrae, et aer per motum suum superfertur omnibus praeterquam igni, qui
simpliciter superfertur omnibus. Deinde cum dicit quoniam autem concludit ex
dictis numerum elementorum et numerum materierum. Et primo facit hoc. Secundo
cum dicit, quod autem necessarium, probat aequalem esse numerum
differentiarum, secundum quas movetur sursum vel deorsum primo, vel
simpliciter vel in respectu. Circa primum primo
facit quod dictum est. Secundo cum dicit in ea quidem, redit ad declarandum
quod elementa intermedia habent gravitatem et levitatem in regionibus
propriis. Circa primum concludit
numerum elementorum, et ex hoc numerum materierum, dicens: quoniam, sicut
dictum est prius, unum solum est elementum, quod omnibus aliis superfertur, puta
ignis, et unum aliud, quod solum omnibus substat, puta terra; necesse est
esse alia duo intermedia, quae superferuntur quibusdam vel alicui, et
substant aliquibus vel alicui: quorum unum substat quidem igni, superfertur
autem duobus aliis, sicut aer: aliud autem superfertur uni tantum, puta
terrae, substat autem aeri et igni, sicut aqua. Ad evidentiam autem istius
consequentiae si sint duo extrema, in corporibus primis, necesse est esse
alia duo media, est intelligendum, quod oportet hic supponere quaedam
declaranda in secundo de generatione: puta quod quodlibet elementum habet
duas qualitates primas tangibiles, ut ignis caliditatem et siccitatem, aer
caliditatem et humiditatem, et sic de aliis. Iterum, quod elementa
consequenter se habentia conveniunt in una qualitate, et differunt in alia:
distantia autem per elementum intermedium opponuntur secundum utramque. Terra
autem et ignis conveniunt in una, puta in siccitate, differunt autem in alia,
puta caliditate et frigiditate. Iterum oportet supponere quoddam aliud, quod
supponebatur in primo hujus, et manifestum est ex se: quod si unum contrarium
est in natura et reliquum. Et ex istis apparet ratio consequentiae
ratiocinando sicut ratiocinabatur philosophus in secundo, ubi probavit quod
sunt multi motus in superioribus. Sic, si sunt duo extrema elementa,
manifestum est quod sunt ignis et terra: et si ignis et terra sunt, necesse
est duo alia intermedia esse. Nam si unum contrariorum est in natura, necesse
est et alterum inesse, sicut manifestum est: ignis autem est in natura, quia
est calidus et siccus; ergo necesse est esse contrarium corpus ei secundum
utramque qualitatem: hoc autem est frigidum et humidum, quod dicimus aquam.
Iterum terra est quae est frigida et sicca: ergo necessarium est esse aliquid
quod sit calidum et humidum: hoc autem dicimus aerem: ergo, si sunt duo
extrema solum, necesse est esse alia duo media: si autem sunt elementa prima
quatuor, manifestum est quod necesse est materias esse tot quot sunt ista
quatuor. Vocat autem materias hic ipsam primam materiam ut determinata est
formis elementorum et primis qualitatibus tangibilibus: ista enim sunt in
potentia, secundum quod hujusmodi, ad gravitatem et levitatem, et sic materia
ipsorum aliquo modo, ut dicebatur prius. Sic autem necesse est materias esse
quatuor, ut materia prima communis omnium sit secundum se. Quod potest
declarari etiam per alia multa: quia omnia elementa ex seinvicem generantur:
quae autem ex seinvicem generantur materiam unam habent, et e contrario,
sicut dicitur primo de generatione: et ideo quatuor elementa prima habent
unam et eamdem materiam secundum subjectum, sed differentem secundum rationem
et esse. Et adjungit ad declarationem primi, quod duorum contrariorum nihil
prohibet esse unum aut plura media: omnia enim contraria primo et
principaliter dicta medium habent, sicut probatur decimo metaphysicorum:
quaedam quidem unum, quaedam autem plura: quamvis quaedam contraria
simpliciter dicta sint immediata. Est autem intelligendum, quod Plato
supponens duo elementa extrema, puta terram et ignem, et declaravit duo esse
media ex hoc, quod si accipiantur duo solida, non possunt uniri per unum
medium medio loco proportionabile: sed de necessitate sunt duo. Quod patet in
numeris: si enim accipiantur primi duo solidi numeri, puta octo qui
componuntur ex ductu binarii in seipsum bis, et viginti septem qui
componuntur ex ductu ternarii in seipsum bis, inter istos duos non invenitur
unus medio loco proportionabilis, sed duo de necessitate: quorum minor
constituitur ex ductu radicis majoris, scilicet trium in linearem minoris,
scilicet quatuor, quae faciunt duodecim. Alterum autem ex ductu radicis
minoris, puta duorum, in superficialem majoris, puta novem, quae faciunt
octodecim: et tunc proportio viginti septem ad octodecim est sicut istius ad
duodecim, et illius ad octo: ubique enim est sesquialtera. Et quia
accipiebatur, et rationabiliter, quod elementa oportet esse continue
proportionabilia, ut quae est proportio primi ad secundum eadem istius ad
tertium, et sic ulterius: ideo concludit quod inter duo extrema corpora
oportet esse duo media. Deinde cum dicit in
ea quidem probat quod elementa in regionibus propriis sunt graviora. Et primo proponit. Secundo cum dicit, propter
quod, manifestat per signum. Primo igitur dicit, quod unumquodque elementorum
gravitatem habentium et levitatem simul, habent gravitatem in regione
propria, levitatem autem non habent nisi in illis quibus superferuntur: sicut
aqua in terra, et aer in terra, et aqua omnino; terra autem in loco omnium
gravitatem habet, quia simpliciter gravis est. Deinde cum dicit propter quod
manifestat quod dictum est per signum primo. Secundo cum dicit, quemadmodum
autem, ex quodam dicto infert corollarium. In prima parte dicit, quod signum
hujusmodi quod inter media elementa in locis propriis secundum aliquid
gravitatem habent, est quod subtractis elementis substantibus eis, moventur
deorsum ad ea quae consequuntur: sicut aer remota aqua fertur ad regionem
aquae, et aqua submota terra in regionem terrae. Si autem ignis supereminens
aeri moveatur, aer non movetur in regionem ejus nisi per violentiam:
quemadmodum contingit quod aqua trahatur in locum sursum, quando aliquod
corpus planae superficiei applicatur superficiei aquae, ita quod fiat
superficies una, contingit quod quando tunc aliquis trahit velocius corpus
illud sursum quam aqua nata sit moveri deorsum, tunc aqua violentiam passa
sequitur motum illius corporis sursum: si vero aliquis tardius traheret
corpus illud quam aqua nata sit deorsum moveri, non sequeretur aqua motum ejus.
Similiter etiam aqua non movetur in regione aeris nisi per violentiam, ut
dictum est: terra vero per talem violentiam non movetur sursum in locum aquae
vel aeris: quia non habet cum ipsis superficiem unam, eo quod ipsa propter
siccitatem continuitatem non habet in partibus suis: nec etiam humiditatem,
per quam bene fiat contigua superficiei aquae. Et propter hoc accidit quod,
si accipiatur vas concavum, cujus orificium sit strictius quam fundus, et
ponatur in ipso candela accensa, vel ipsum igniatur circa fundum, deinde
orificium ejus immergatur aqua subvertendo ipsum, aqua distrahitur a loco suo
naturali superius. Si autem idem vas applicetur terrae secundum eumdem modum,
non movebitur terra sursum. Causa autem primi potest esse, quia caliditate
candelae, vel etiam vasis accensi, aer inexistens rarefit et ignitur, ignitus
autem et motus ad fundum vasis contrahitur in minorem locum propter duo:
primo quidem, quia cum sit rarus et bene passibilis, et per consequens
frigiditate aquae quae substat, vel accidentali vel essentiali infrigidatus
ingrossatur, et ingrossatus contrahitur in minorem locum. Secundo, quia
partes aeris ignitae moventur sursum continue, sicut igniuntur, quaerentes
majorem locum; venientes autem ad fundum vasis repercutiuntur; repercussae autem
involvunt se et ingrossantur, sicut vapor elevatus ab aqua bulliente in vase
repercussus ab operculo ingrossatur, et fit aqua. Signum autem hujusmodi
ingrossationis aeris potest esse, quod si frangatur vas dispositum, sicut
dictum est prius, invenietur aqua in fundo; sicut dicit Averrois se invenisse
quandoque. Compresso autem aere in minorem locum, simul tempore movetur aqua
sursum sequens superficiem aeris: quia cum aqua similitudinem habet
naturalem, nec intercidat vacuum secundum tantam quantitatem secundum quantam
aer comprimitur. Si autem ab exteriori calefiat fundus vasis, descendit aqua
inferius ad situm naturalem: quia propter caliditatem aer ingrossatus in
fundo rarefit et redit ad priorem dispositionem. Causa autem quare terra non
similiter movetur sursum vase similiter disposito ad ipsam, est quod
continuitatem non habet in partibus suis, non bene contiguatur superficiei
aeris, nec bene potest prohibere ingressum aeris exterioris propter
porositatem partium. Si autem contingeret quod terra, cui copulatur vas, bene
continua in suis partibus esset, nec permitteret ingressum aeris exterioris,
necessarium esset vel ignem non agere in aerem rarefaciendo, puta quia
extingueretur, aut vas disrumpi, aut ponere vacuum, aut terram sursum moveri;
et rationabile esset accidere illud, quia minus haberet de inclinatione ad
contrarium. Deinde cum dicit quemadmodum autem infert corollarium ex dictis;
dicens, quod sicut terra non movetur sursum, sequendo superficiem corporis
superlati, ita nec ignis moveatur deorsum a moto aere, nisi per violentiam.
Sicut enim terra non habet aliquam levitatem, qua de loco suo possit sursum
moveri, ita nec ignis aliquam gravitatem, per quam feratur deorsum; duo autem
media moventur deorsum remotis substantibus corporibus scilicet aer et aqua,
quoniam hoc, idest terra, simpliciter gravis est, et omnibus substat,
et ideo sursum non movetur; hoc, autem, idest elementum intermedium;
est grave in respectu in regione sua secundum aliquid, aut saltem in loco
illorum quibus supponitur propter similitudinem materiae ad simpliciter
grave; non quidem simpliciter primae, sed ejus quae proxima est, scilicet
materiae primae, ut determinata est frigiditate, quae est per se dispositio
subjecti vel causa gravitatis. Et ideo aer, secundum quod frigidus est
secundum aliquid, et aqua, gravitatem quamdam habet secundum quid sicut terra
simpliciter; et ideo distractis inferioribus moventur deorsum. Dubitabit
autem aliquis et rationabiliter, utrum aer in regione propria gravitatem
habet per quam feratur deorsum. Et, quod sic, videtur Aristoteles probare
prius experimento. Si enim accipiatur uter de corio subtili, et infletur aere
in loco aeris existens, velocius descendet inferius, quam non inflatus; hoc
autem non esset, nisi aer gravitatem haberet in loco suo per quam
descenderet. Nunc probavit illud idem ex alio signo; quoniam aer et aqua
submotis corporibus substantibus eis, moventur deorsum a regionibus suis.
Ignis autem si removeretur aer, non feretur secundum se deorsum nisi per
violentiam, ut dicit; hoc autem non esset, nisi aer et aqua gravitatem
haberent in locis suis per quam moventur deorsum. Praeterea prius dixit in tertio quod aer et aqua
sunt necessaria in motu projectorum; quia habent naturam gravis et |
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