Commentaire de saint Thomas d'Aquin
Docteur
de l'Eglise
Du
traité de la métaphysique d'Aristote
Traduction en cours.
Abbé Dandenault 1950, Guy Delaporte 2004,
Georges Comeau 2011.
Uniquement Livres I à
VI
Livres V, traduit par Georges Comeau , 2015
Liivres VII à XII en projet, par
Georges Comeau
Édition numérique, https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique 2015
PROLOGUE
(Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
PROLOGUE
(Traduction Guy Delaporte, 2004)
Leçon
1, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
1, [La dignité de la Sagesse des causes] (Traduction Abbé Dandenault v. 1960).
Leçon
1, (Traduction Guy Delaporte 2004).
Leçon
2, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
2, [Les causes que regarde la sagesse] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960).
Leçon
2, (Traduction Guy Delaporte, 2004).
Leçon
3 texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
3, [Le caractère de la sagesse] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
Leçon 3,
(Traduction Guy Delaporte 2004).
Leçon
4, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
(A
partir d’ici : Traduction Georges Comeau, 2010)
Leçon
5, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
5 [Opinions des anciens sur la cause efficiente] (Traduction Georges Comeau,
2010)
Leçon
6, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
6 [Opinions d’Anaxagore et d’Empédocle] (Traduction Georges Comeau, 2010)
Leçon
7, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
8, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
8 [Opinion de Pythagore sur les principes] (Traduction Georges Comeau, 2010)
Leçon
9 [Opinions diverses sur les principes de l’univers entier] (Traduction Georges
Comeau, 2010)
Leçon
10 [Opinion de Platon et cause formelle] (Traduction Georges Comeau, 2010)
Leçon
11, (Traduction abbé Dandenault, v. 1960)
Leçon
12 (Traduction Georges Comeau, 2010)
Leçon
13 (Traduction Georges Comeau, 2010)
Leçon
14 (Traduction Georges Comeau, 2010)
Leçon
15 (Traduction Georges Comeau, 2011)
Leçon
16 (Traduction Georges Comeau, 2011)
Leçon
17 (Traduction Georges Comeau, 2011)
LIVRE
2 : [LA VERITE] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
Leçon
1, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
2, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
2, [La métaphysique est la science de la vérité] (Traduction Abbé Dandenault,
v. 1960)
Leçon
3, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
3, [Il y a toujours une première cause] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
Leçon
4, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
4, [Il n’y a pas une infinité de causes] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
Leçon
5, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
5, [Les différentes manières de chercher la vérité] (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960)
LIVRE
3 (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960, et Georges Comeau, 2011)
Leçon
1, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
1, (Traduction Marie-Hélène Deloffre, essai)
Leçon
2, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
2, (Traduction Marie-Hélène Deloffre, essai)
Leçon
3, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
3, (Traduction Marie-Hélène Deloffre, essai)
Leçon
4, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
5, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
6, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
7 Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
8, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
9, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
10, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
11, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
12, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
13, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
14, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
15, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
1, Texte d’Aristote [La métaphysique, science de l'être en tant qu’être]
Leçon
2, Commentaire de saint Thomas [Science de l’être et de l’un] (Traduction Abbé
Dandenault)
Leçon
4, Commentaire de saint Thomas [La philosophie première étudie tous les
contraires]
(Traduction
Abbé Dandenault et du Père Gardeil op, v. 1960)
Leçon
5, Commentaire de saint Thomas [Les premiers príncipes de la démonstration]
Leçon
6, Commentaire de saint Thomas [Le principe de contradiction]
(Traduction
Abbé Dandenault et Père Gardeil op, v. 1960)
Leçon
9, Commentaire de saint Thomas [Trois autres preuves] (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960)
LIVRE
5 : [Les mots et leur sens]
Leçon
1, Commentaire de saint Thomas [La notion de principe] (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960)
Leçon
2, Commentaire de saint Thomas [Les quatre causes] (Traduction Abbé Dandenault,
v. 1960)
Leçon
4, Commentaire de saint Thomas [L’élément] (Traduction Abbé Dandenault, v.
1960)
Leçon
5, Commentaire de saint Thomas [La nature] (Traduction Abbé Dandenault, v.
1960)
Leçon
6, Commentaire de saint Thomas [Le nécessaire] (Traduction Abbé Dandenault, v.
1960)
Leçon
7, Commentaire de saint Thomas [L’un] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
Leçon
8, Commentaire de saint Thomas [L’un (suite)] (Traduction Abbé Dandenault, v.
1960)
Leçon
10, Commentaire de saint Thomas [Substance] (Traduction Abbé Dandenault, v.
1960)
Leçon
11, Commentaire de saint Thomas [L’identique] (Traduction Abbé Dandenault, v.
1960)
Leçon
12, Commentaire de saint Thomas [Le divers] (Traduction Abbé Dandenault, v.
1960)
Leçon
14, Commentaire de saint Thomas [Puissance, impuissance] (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960)
Leçon
15, Commentaire de saint Thomas [Quantité] (Traduction Abbé Dandenault, v.
1960)
Leçon
16, Commentaire de saint Thomas [Qualité] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
Leçon
17, Commentaire de saint Thomas [Le relatif] (Traduction Abbé Dandenault, v.
1960)
Leçon
18, Commentaire de saint Thomas [Le parfait] (Traduction Abbé Dandenault, v.
1960)
Leçon
19, Commentaire de saint Thomas [La limite, “en quoi”] (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960)
Leçon
22, Commentaire de saint Thomas [Genre, accident] (Traduction Abbé Dandenault,
v. 1960)
Leçon
2, Commentaire de saint Thomas [Qu’est-ce que l’être?] (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960)
Leçon
3, Commentaire de saint Thomas [L’accident] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
Leçon
4, Commentaire de saint Thomas [Le vrai et le faux] (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960)
Leçon
4, (Traduction par Marie-Hélène Deloffre, 2004)
Leçon
1, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
1, Commentaire de saint Thomas (Traduction Georges Comeau, 2013)
Leçon
2 Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
2, Commentaire de saint Thomas (Traduction Georges Comeau, 2013)
Leçon
3, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
3, commentaire de saint Thomas (Traduction Georges Comeau, 2014)
Leçon
4, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
4, commentaire de saint Thomas (Traduction Georges Comeau, 2014)
Leçon
5, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
5, commentaire de saint Thomas (Traduction Georges Comeau, 2015)
Leçon
6, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
6, commentaire de saint Thomas (Traduction Georges Comeau, 2015)
Leçon
7, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
8, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
9, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
10, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
11, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
12, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
13, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
14, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
15, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
16, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
Leçon
17, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
NOTE DU TRADUCTEUR
J’ai toujours cru qu’un commentaire ne peut pas se séparer du texte
commenté. Si j’avais eu à traduire un commentaire de saint Thomas sur les
Saintes Écritures, je n’aurais pas coordonné le commentaire avec le texte de la
Bible de Jérusalem ou d’une autre Bible courante en français, mais avec une
traduction française de la Vulgate, telle que celle de l’abbé Glaire, faite au
XIXe siècle.
Dans le cas des commentaires sur Aristote, l’application de cette idée
pose des problèmes particuliers, et c’est quelque chose que personne n’a fait à
ma connaissance, en français du moins. Le texte que saint Thomas a commenté
n’est pas la traduction de Tricot, de Barthélémy Saint-Hilaire ou de qui que ce
soit; c’est la traduction latine de
Guillaume de Moerbeke, faite vers 1260. Comme on le sait, cette traduction est
excessivement littérale et souvent non grammaticale.
J’ai donc entrepris de traduire en français le texte de Moerbeke pour
que la traduction du commentaire de saint Thomas puisse s’y appuyer. Je tente
d’en donner une traduction littérale dans la mesure du possible, mais il faut
nécessairement garder un juste milieu entre une traduction totalement littérale
qui serait totalement illisible et une traduction qui donne une bonne idée du
texte que saint Thomas a eu à commenter, tout en étant au moins grammaticale et
compréhensible dans une certaine mesure.
Cette façon de procéder m’aurait été tout à fait impossible sans l’aide
constante des traductions anglaises et françaises d’Aristote, nécessaires pour
déchiffrer à peu près le sens de la traduction de Moerbeke. Ce travail considérable en vaut-il la peine? Je laisse à
d’autres le soin d’en juger. Mais il m’a permis, tout au moins, d’apprécier
l’œuvre de saint Thomas sous un jour différent :
comment a-t-il pu comprendre quoi que ce soit à un texte aussi obscur et en
donner une explication aussi limpide? Car j’ai pu observer constamment le
contraste entre la difficulté de donner une traduction fidèle du texte de
Moerbeke et, dans bien des passages, la facilité avec laquelle j’ai pu traduire
saint Thomas presque au fil de la plume.
Je crois que s’il existait un traducteur automatique du grec antique au
latin médiéval, la traduction d’Aristote qu’il donnerait serait très semblable
au texte de Moerbeke, avec ses innombrables quidem,
igitur, vero, etc, qui correspondent aux particules dénuées de sens du grec
d’Aristote.
Tout cela me rappelle une anecdote racontée au sujet de saint Thomas.
Quelqu’un lui a demandé un jour pour quelle grâce, après la grâce sanctifiante,
il avait la plus grande reconnaissance envers Dieu. Réponse de saint Thomas : « Chaque page que j’ai lue, je l’ai
comprise. » Je pense qu’une grâce très particulière a dû être accordée à
saint Thomas pour comprendre la traduction de Moerbeke.
Prooemium |
PROLOGUE (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960)
|
PROLOGUE (Traduction Guy
Delaporte, 2004)
|
|
[81566] Sententia
Metaphysicae, pr. Sicut docet philosophus in politicis suis, quando aliqua
plura ordinantur ad unum, oportet unum eorum esse regulans, sive regens, et
alia regulata, sive recta. Quod quidem patet in unione animae et corporis;
nam anima naturaliter imperat, et corpus obedit. Similiter etiam inter animae
vires: irascibilis enim et concupiscibilis naturali ordine per rationem
reguntur. |
Comme l’enseigne le Philosophe
dans ses Politiques, lorsque
plusieurs réalités sont ordonnées à quelque chose d’un, il faut que l’une
d’elles ait un rôle de direction ou de commandement, et que les autres soient
réglées ou gouvernées. Ce que l’on voit manifestement dans l’union du corps
et de l’âme : l’âme naturellement commande et le corps obéit. Il en est
de même entre les puissances de l’âme: l’ordre naturel veut que la raison
commande à l’irascible et au concupiscible. |
[81566]
Conformément à la
doctrine politique d’Aristote, lorsque plusieurs objets sont ordonnés à une
certaine unité, l’un d’entre eux doit être le guide qui régit les autres.
L’union du corps et de l’âme en est un exemple patent : l’âme commande et le
corps obéit. De même, au sein des puissances de l’âme, l’irascible et le
concupiscible sont naturellement gouvernés et ordonnés par la raison. |
|
Omnes autem scientiae et artes ordinantur in unum,
scilicet ad hominis perfectionem, quae est eius beatitudo. Unde necesse est,
quod una earum sit aliarum omnium rectrix, quae nomen sapientiae recte
vindicat. Nam sapientis est alios ordinare. |
Or, toutes les sciences et tous
les arts sont ordonnés à une fin unique, la perfection de l’homme, qui est
son bonheur. Il est donc nécessaire que l’une de ces sciences ait un rôle de
direction et de commandement à l’égard des autres. Cette science revendique à
bon droit le nom de sagesse. En effet, il appartient au sage d’ordonner les
autres savants. |
Or tous les arts et
toutes les sciences tendent vers un seul but : la perfection humaine, qui
n’est autre que le bonheur. C’est pourquoi l’un d’entre eux doit
nécessairement diriger les autres. Celui-ci revendique alors à juste titre le
nom de sagesse car le propre du sage est de les ordonner. |
|
Quae autem sit haec scientia, et circa qualia,
considerari potest, si diligenter respiciatur quomodo est aliquis idoneus ad regendum.
Sicut enim, ut in libro praedicto philosophus dicit, homines intellectu
vigentes, naturaliter aliorum rectores et domini sunt: homines vero qui sunt
robusti corpore, intellectu vero deficientes, sunt naturaliter servi: ita
scientia debet esse naturaliter aliarum regulatrix, quae maxime
intellectualis est. Haec autem est, quae circa maxime intelligibilia
versatur. |
Quelle est cette science, quelles
réalités elle étudie, on peut le savoir si l’on examine avec attention
comment quelqu’un est apte au commandement. En effet, conformément à ce que
dit le Philosophe dans le livre précité, les hommes d’une vigoureuse
intelligence sont naturellement chefs et maîtres des autres, alors que ceux
qui sont robustes de corps mais faibles d’intelligence, sont naturellement
serviteurs (esclaves). Ainsi, c’est la science la plus intellectuelle qui
doit présider aux autres et les diriger. Et cette science est celle qui porte
sur ce qui est le plus intelligible. |
Pour étudier cette
science, et délimiter son domaine, il faut d’abord observer attentivement la
façon dont il convient de diriger. Aristote a écrit dans l’ouvrage cité que
les hommes à l’intelligence vigoureuse dominent et dirigent naturellement les
autres, tandis que ceux qui ont la robustesse physique, mais des facultés
intellectuelles limitées, doivent naturellement être gouvernés. De la même
façon, sera naturellement directrice la science la plus intellectuelle,
c’est-à-dire celle qui se tourne vers les réalités les plus intelligibles. |
|
Maxime autem intelligibilia tripliciter accipere
possumus. Primo quidem ex ordine intelligendi. Nam ex quibus intellectus
certitudinem accipit, videntur esse intelligibilia magis. Unde, cum certitudo
scientiae per intellectum acquiratur ex causis, causarum cognitio maxime
intellectualis esse videtur. Unde et illa scientia, quae primas causas
considerat, videtur esse maxime aliarum regulatrix. |
On peut établir ce que sont ces
réalités les plus intelligibles, à partir d’un triple point de vue. En premier,
d’après l’ordre de la compréhension intellectuelle. En effet, ce qui est
source de certitude pour l’intelligence semble être plus intelligible. C’est
pourquoi, puisque la certitude de la science est acquise par l’intelligence à
partir des causes, il semble que la connaissance des causes est la
connaissance la plus intellectuelle. Et donc, la science qui considère les
causes premières semble être celle qui ordonne et dirige le plus les autres
sciences. |
Or on peut donner
trois façons d’être plus intelligible : 1) En regardant la
démarche de la connaissance. La source de la certitude intellectuelle parait
en effet être ce qu’il y a de plus intelligible. Comme l’intelligence
acquiert une certitude scientifique à partir des causes, la connaissance de
ces dernières a donc le plus haut degré d’intellectualité. Aussi la science
des causes premières est-elle le plus vraisemblablement celle qui dirige les
autres. |
|
Secundo ex comparatione intellectus ad sensum. Nam,
cum sensus sit cognitio particularium, intellectus per hoc ab ipso differre
videtur, quod universalia comprehendit. Unde et illa scientia maxime est
intellectualis, quae circa principia maxime universalia versatur. Quae quidem
sunt ens, et ea quae consequuntur ens, ut unum et multa, potentia et actus.
Huiusmodi autem non debent omnino indeterminata remanere, cum sine his
completa cognitio de his, quae sunt propria alicui generi vel speciei, haberi
non possit. Nec iterum in una aliqua particulari scientia tractari debent:
quia cum his unumquodque genus entium ad sui cognitionem indigeat, pari
ratione in qualibet particulari scientia tractarentur. Unde restat quod in
una communi scientia huiusmodi tractentur; quae cum maxime intellectualis
sit, est aliarum regulatrix. |
Le second point de vue se prend de
la comparaison entre l’intelligence et le sens. En effet, le sens
s’identifiant à la connaissance des choses particulières, il semble que
l’intelligence en diffère par le fait qu’elle connaît les universels. D’où il
s’ensuit que la science la plus intellectuelle est celle qui porte sur les
principes qui sont les plus universels. Ces principes sont l’être et ce qui
est consécutif à l’être, comme l’un et le multiple, la puissance et l’acte.
Or, ces principes universels ne doivent pas être laissés tout à fait
indéterminés puisque, sans eux, une connaissance complète de ce qui est
propre à un genre ou à une espèce ne peut avoir lieu. On ne doit pas non plus
en faire l’étude dans une science particulière. Chaque genre d’être ayant
besoin de la connaissance de ces choses communes pour se connaître lui-même,
chaque science particulière aurait également raison d’en traiter. Il reste
donc que ces choses communes sont étudiées dans une seule science commune,
laquelle, étant la plus intellectuelle, préside aux autres sciences. |
2) En comparant
l’intelligence aux sens. L’intelligence diffère des sens en ce que ceux-ci
donnent une connaissance du singulier, tandis que celle-là embrasse les
universels. La science la plus intellectuelle est donc celle qui se tourne
vers les principes les plus universels, lesquels sont l’être et ce qui s’y
attache, comme l’un et le multiple, la puissance et l’acte, etc. Les choses
de ce genre ne doivent pas rester à jamais indéterminées, car on ne peut
avoir sans elles une connaissance complète de ce qui est propre aux
différents genres d’êtres et à leurs espèces. Elles ne doivent pas non plus
faire l’objet d’une science supplémentaire, car elles sont nécessaires pour
connaître chaque genre de réalité, de sorte que chaque science devrait les
étudier au même titre. Reste par conséquent la solution d’en traiter dans une
science commune, qui sera la plus intellectuelle et dirigera les autres. |
|
Tertio ex ipsa cognitione intellectus. Nam cum unaquaeque
res ex hoc ipso vim intellectivam habeat, quod est a
materia immunis, oportet illa esse maxime intelligibilia, quae sunt maxime a
materia separata. Intelligibile enim et intellectum oportet proportionata
esse, et unius generis, cum intellectus et intelligibile in actu sint unum.
Ea vero sunt maxime a materia separata, quae non tantum a signata materia
abstrahunt, sicut formae naturales in universali acceptae, de quibus
tractat scientia naturalis, sed omnino a materia
sensibili. Et non solum secundum rationem, sicut mathematica, sed etiam
secundum esse, sicut Deus et intelligentiae. Unde scientia, quae de istis
rebus considerat, maxime videtur esse intellectualis, et aliarum princeps
sive domina. |
Le troisième point de vue se tire
de la connaissance elle-même de l’intelligence. Puisque chaque chose a une
capacité d’intelligibilité de ce qu’elle est dépouillée ou exempte de
matière, il faut que les choses les plus intelligibles soient celles qui sont
les plus séparées de la matière. En effet, l’intelligible et l’intellect
doivent être proportionnés, l’intellect et l’intelligible en acte étant un.
Or, les choses qui sont les plus séparées de la matière, sont non seulement
celles qui font abstraction de la matière signifiée « comme les formes
naturelles conçues dans leur universalité, dont traite la science
naturelle », mais celles qui font complètement abstraction de la matière
sensible. Et non seulement les formes qui sont abstraites quant à leur notion
ou définition, comme les êtres mathématiques, mais aussi quant à leur
existence comme Dieu et les intelligences. Voilà pourquoi la science qui
traite de ces êtres semble être au plus haut point à intellectuelle, et reine
ou maîtresse des autres sciences. |
3) En s’arrêtant sur
la connaissance même de l’intelligence. Comme la capacité de toute chose à
être connue est fonction de son détachement de la matière, est le plus
intelligible ce qui en est le plus libre. L’intelligible et l’intelligence
sont adaptés l’un à l’autre, et de même genre, car ils deviennent un seul
acte. Sont par ailleurs les plus détachées de la matière les réalités qui non
seulement sont abstraites de leur conditionnement individuel, comme les
formes naturelles considérées dans leur universalité, et dont traite la
philosophie de la nature, mais même sont abstraites de tout aspect sensible
de la matière. Et cette séparation n’est pas seulement le fait de la raison,
comme pour les mathématiques, mais aussi de l’être, comme pour Dieu et les
esprits. Aussi la connaissance de ces réalités est-elle la plus
intellectuelle et la reine des sciences. |
|
Haec autem triplex consideratio, non diversis, sed
uni scientiae attribui debet. Nam praedictae substantiae separatae sunt universales
et primae causae essendi. Eiusdem autem scientiae est considerare causas
proprias alicuius generis et genus ipsum: sicut naturalis considerat
principia corporis naturalis. Unde oportet quod ad eamdem scientiam pertineat
considerare substantias separatas, et ens commune, quod est genus, cuius sunt
praedictae substantiae communes et universales causae. |
Ces trois études, dont nous venons
de parler, ne relèvent pas de sciences diverses, mais d’une seule. En effet,
les substances séparées ci-haut mentionnées sont les causes universelles et
premières de l’être. Or, il appartient à une même science de considérer les
causes propres d’un genre et le genre lui-même : ainsi, le philosophe de
la nature considère les principes du corps naturel. Il faut donc qu’il
appartienne à la même science de considérer les substances séparées et l’être
universel, qui est le genre, dont les substances susdites sont les causes
communes et universelles. |
On ne peut accorder à
des sciences différentes chacune de ces trois caractéristiques, mais toutes
vont à la même, car ce sont ces substances séparées dont on a parlé, qui sont
les universels et les causes premières de l’existence. Il revient à une même
science d’étudier un genre de réalités donné et les causes propres de ce
genre. La philosophie de la nature, par exemple, étudie les principes des
corps physiques. C’est donc une même science qui doit aborder l’être en
général et les substances séparées, le premier étant le genre dont les
secondes sont les causes universelles. |
|
Ex quo apparet, quod quamvis ista scientia praedicta
tria consideret, non tamen considerat quodlibet eorum ut subiectum, sed ipsum
solum ens commune. Hoc enim est subiectum in scientia, cuius causas et
passiones quaerimus, non autem ipsae causae alicuius generis quaesiti. |
De là il appert que, bien que
cette science considère les trois choses susdites, ce n’est pas n’importe
quelle d’entre elles qu’elle considère comme sujet, mais uniquement l’être
commun lui-même. En effet, ce qui est le sujet d’une science, c’est ce dont
nous recherchons les causes et les propriétés, et non pas les causes
elles-mêmes du genre étudié : la connaissance des causes d’un certain
genre est la fin à laquelle atteint la considération de la science de ce
genre. Mais bien que le sujet de cette science soit l’être en général, l’être
commun, on dit cependant qu’elle porte tout entière sur ce qui est séparé de
la matière et selon l’existence et selon la notion. La raison en est que l’on
dit séparé de la matière, et quant à l’existence et quant à la notion, non
seulement ce qui ne peut jamais exister dans la matière, comme Dieu et les
substances séparées, mais même ce qui peut exister sans matière, comme l’être
commun. Ce qui ne pourrait avoir lieu si ces choses, comme l’être commun,
dépendaient de la matière dans leur existence. |
Si cette science
étudie les trois points que l’on a soulevés, la notion générale d’être en est
cependant le seul sujet, à l’exclusion de tout autre. Le sujet d’une science est
en effet ce dont on cherche les causes et les attributs, et non ces causes
elles-mêmes. La connaissance des causes d’un genre de réalités est plutôt la
perfection à laquelle une science peut parvenir. Quoique le sujet de notre
science soit le fait d’être en général, il vaut tout à fait pour ce qui est
indépendant de la matière et pour exister et pour être compris, car sont
ainsi non seulement les êtres qui ne peuvent en aucun cas exister de façon
matérielle, comme Dieu ou les esprits, mais aussi ceux qui peuvent parfois se
passer de la matière, comme le fait d’être par exemple, ce qui ne saurait
arriver si leur existence était liée à la matière. |
|
Secundum igitur tria praedicta, ex quibus perfectio huius
scientiae attenditur, sortitur tria nomina. Dicitur enim scientia divina sive
theologia, inquantum praedictas substantias considerat. Metaphysica,
inquantum considerat ens et ea quae consequuntur ipsum. Haec enim
transphysica inveniuntur in via resolutionis, sicut magis communia post minus
communia. Dicitur autem prima philosophia, inquantum primas rerum causas
considerat. |
Donc, conformément à ces trois
choses qu’elle étudie, par rapport auxquelles doit se prendre sa perfection,
cette science a reçu trois noms. En effet, on l’appelle science divine ou
théologie, en tant qu’elle considère les substances ci-haut mentionnées. On
l’appelle métaphysique, en tant qu’elle considère l’être et ce qui lui est
consécutif. En effet, ces choses trans-physiques sont trouvées par voie de
résolution, comme les choses plus communes sont trouvées après les choses
communes. On l’appelle aussi philosophie première, en tant qu’elle considère
les causes premières des choses. |
On donne trois noms à
cette science, correspondant à ses trois traits de perfection : On l’appelle
science de Dieu ou théologie parce qu’elle étudie les substances dont on a
parlé ; elle est dite aussi métaphysique, car étudiant l’être et ce qu’il
inclut, sa façon de résoudre va au-delà de la physique, comme on s’élève du
moins universel au plus universel ; elle est dite enfin philosophie première
en raison de sa considération sur les causes premières. |
|
Sic igitur patet quid sit subiectum huius scientiae,
et qualiter se habeat ad alias scientias, et quo nomine nominetur |
On voit donc ainsi clairement quel
est le sujet de cette science, quelles sont ses relations aux autres
sciences, et quel nom on lui donne. |
Voilà donc quels sont le
sujet de cette science, ses rapports avec les autres disciplines, et le nom
qu’on doit lui donner. |
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LIVRE 1 : [La Sagesse]
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Liber 1 |
ON TRAITE DE LA NATURE
ET DE LA PERFECTION DE CETTE SCIENCE DIVINE QU’ON APPELLE SAGESSE. ON
RAPPORTE ET ON REFUTE LES OPINIONS DES PREMIERS PHILOSOPHES SUR LES CAUSES ET
LES PRINCIPES DES CHOSES. |
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Leçon 1, texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Tous les hommes ont un désir naturel de
savoir, comme le témoigne l’ardeur avec laquelle on recherche les
connaissances qui s’acquièrent par les sens. On les recherche, en effet, pour
elles-mêmes et indépendamment de leur utilité, surtout celles que nous devons
à la vue ; car ce n’est pas seulement dans un but pratique, c’est sans
vouloir en faire aucun usage, que nous préférons en quelque manière cette
sensation à toutes les autres ; cela vient de ce qu’elle nous fait
connaître plus d’objets, et nous découvre plus de différences. La nature a
donné aux animaux la faculté de sentir : mais chez les uns, la sensation
ne produit pas la mémoire, chez les autres, elle la produit ; et c’est
pour cela que ces derniers sont plus intelligents et plus capables
d’apprendre que ceux qui n’ont pas la faculté de se ressouvenir.
L’intelligence toute seule, sans la faculté d’apprendre, est le partage de
ceux qui ne peuvent entendre les sons, comme les abeilles et les autres
animaux de cette espèce ; la capacité d’apprendre est propre à tous ceux
qui réunissent à la mémoire le sens de l’ouïe. Il y a des espèces qui sont
réduites à l’imagination et à la mémoire, et qui sont peu capables
d’expérience : mais la race humaine s’élève jusqu’à l’art et jusqu’au
raisonnement. C’est la mémoire qui dans l’homme produit l’expérience ;
car plusieurs ressouvenirs d’une même chose constituent une expérience ;
aussi l’expérience paraît-elle presque semblable à la science et à
l’art ; et c’est de l’expérience que l’art et la science viennent aux
hommes ; car, comme le dit Polus, et avec raison, c’est l’expérience qui
fait l’art, et l’inexpérience le hasard. L’art commence, lorsque, de
plusieurs données empruntées à l’expérience, se forme une seule notion
générale, qui s’applique à tous les cas analogues. Savoir que Callias étant
attaqué de telle maladie, tel remède lui a réussi, ainsi qu’à Socrate ;
et de même à plusieurs autres pris individuellement, c’est de
l’expérience ; mais savoir d’une manière générale que tous les individus
compris dans une même classe et atteints de telle maladie, de la pituite, par
exemple, ou de la bile ou de la fièvre, ont été guéris par le même remède,
c’est de l’art. Pour la pratique, l’expérience ne diffère pas de l’art, et
même les hommes d’expérience atteignent mieux leur but que ceux qui n’ont que
la théorie sans l’expérience ; la raison en est que l’expérience est la
connaissance du particulier, l’art celle du général, et que tout acte, tout
fait tombe sur le particulier ; car ce n’est pas l’homme en général que
guérit le médecin, mais l’homme particulier, mais Callias ou Socrate, ou tout
autre individu semblable, qui se trouve être un homme ; si donc
quelqu’un possède la théorie sans l’expérience, et connaît le général sans
connaître le particulier dont il se compose, celui-là se trompera souvent sur
le remède à employer ; car ce qu’il s’agit de guérir, c’est l’individu.
Cependant on croit que le savoir appartient plus à l’art qu’à l’expérience,
et on tient pour plus sages les hommes d’art que les hommes
d’expérience ; car la sagesse est toujours en raison du savoir. Et il en
est ainsi parce que les premiers connaissent la cause, tandis que les seconds
ne la connaissent pas ; les hommes d’expérience en effet, savent bien
qu’une chose est, mais le pourquoi, ils l’ignorent ; les autres, au
contraire, savent le pourquoi et la cause. Aussi on regarde en toute
circonstance les architectes comme supérieurs en considération, en savoir et
en sagesse aux simples manoeuvres, parce qu’ils savent la raison de ce qui se
fait, tandis qu’il en est de ces derniers comme de ces espèces inanimées qui
agissent sans savoir ce quelles font, par exemple, le feu qui brûle sans
savoir qu’il brûle. Les êtres insensibles suivent l’impulsion de
leur nature ; les manoeuvres suivent l’habitude ; aussi n’est-ce
pas par rapport à la pratique qu’on préfère les architectes aux manœuvres,
mais par rapport à la théorie, et parce qu’ils ont la connaissance des
causes. Enfin, ce qui distingue le savant, c’est qu’il peut enseigner ;
et c’est pourquoi on pense qu’il y a plus de savoir dans l’art que dans
l’expérience ; car l’homme d’art peut enseigner, l’homme d’expérience ne
le peut pas. En outre, on n’attribue la sagesse à aucune des connaissances
qui viennent par les sens, quoiqu’ils soient le vrai moyen de connaître les
choses particulières ; mais ils ne nous disent le pourquoi de
rien ; par exemple, ils ne nous apprennent pas pourquoi le feu est
chaud, mais seulement qu’il est chaud. D’après cela, il était naturel que le
premier qui trouva, au-dessus des connaissances sensibles, communes à tous,
un art quelconque, celui-là fut admiré des hommes, non seulement à cause de
l’utilité de ses découvertes, mais aussi comme un sage supérieur au reste des
hommes. Les arts s’étant multipliés, et les uns se rapportant aux nécessités,
les autres aux agréments de la vie, les inventeurs de ceux-ci ont toujours
été estimés plus sages que les inventeurs de ceux-là, parce que leurs
découvertes ne se rapportaient pas à des besoins. Ces deux sortes d’arts une
fois trouvés, on en découvrit d’autres qui n’avaient plus pour objet ni le
plaisir ni la nécessité, et ce fut d’abord dans les pays où les hommes avaient
du loisir. Ainsi, c’est en Égypte que les mathématiques se sont
formées ; là, en effet, beaucoup de loisir était laissé à la caste des
prêtres. Du reste, nous avons dit dans la Morale en quoi diffèrent l’art et
la science et les autres degrés de connaissance ; ce que nous voulons
établir ici, c’est que tout le monde entend par la sagesse à proprement
parler la connaissance des premières causes et des principes ; de telle
sorte que, comme nous l’avons déjà dit, sous le rapport de la sagesse, l’expérience
est supérieure à la sensation, l’art à l’expérience, l’architecte au manœuvre
et la théorie à la pratique. Il est clair d’après cela que la sagesse par
excellence, la philosophie est la science de certains principes et de
certaines causes. |
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Lectio 1 |
Leçon 1, [La dignité de la
Sagesse des causes] (Traduction Abbé Dandenault v. 1960).
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Leçon 1, (Traduction Guy
Delaporte 2004).
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A partir de quelques
présupposés - la dignité de cette science, manifestée par l’attrait qu’elle exerce
sur tout homme, et la hiérarchie de la connaissance humaine - présupposés qui
donnent les conditions de la génération de cette science, il conclut qu’elle
porte sur les causes. |
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[81567] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 1 Huic autem scientiae Aristoteles prooemium
praemittit, in quo duo tradit. Primo quidem ostendit circa quid haec scientia
versetur. Secundo qualis sit ista scientia, ibi, quia vero non activa. Circa
primum duo facit. Primo ostendit, quod huius scientiae, quae sapientia
dicitur, est considerare causas. Secundo quales vel quas causas considerat,
ibi, quoniam autem scientiam hanc. Circa primum praemittit quaedam ex quibus
ad propositum arguit. Secundo ex praedictis rationem sumit, ibi, cuius autem
gratia nunc. Circa primum duo facit. Primo ostendit in communi scientiae
dignitatem. Secundo, ostendit cognitionis ordinem, ibi, animalia quidem
igitur et cetera. Scientiae autem
dignitatem ostendit per hoc quod naturaliter desideratur ab omnibus tamquam
finis. Unde circa hoc duo facit. Primo proponit intentum. Secundo probat,
ibi, signum autem. Proponit igitur primo, quod omnibus hominibus naturaliter
desiderium inest ad sciendum. |
Aristote place en tête de cette
science une introduction, dans laquelle il traite de deux questions. Il fait
voir, en premier, ce sur quoi porte cette science. En second, il manifeste
ses caractères, lorsqu’il écrit : Qu’elle
ne soit pas, d’autre part, une science poétique, etc. (leçon III). Il
explique la première question en deux points. En premier, il montre qu’il
appartient à cette science, qu’on appelle sagesse, de considérer les causes.
En second, il détermine les causes ou les sortes de causes qu’elle étudie, au
paragraphe : Et puisque cette
science est l’objet de notre recherche, etc. (leçon II). Il élabore le
premier point en établissant certains présupposés nécessaires à la
démonstration de ce qu’il propose. En second, il tire, de ces présupposés, la
raison explicative de son avancé, quand il écrit : Mais le but de notre présente discussion, etc. Il divise ces
présupposés en deux parties. Dans la première, il manifeste en général la
dignité de la science. Dans la seconde, il montre l’ordre de la connaissance,
où il écrit : Par nature, les
animaux, etc. Il montre la dignité de la science par le fait qu’elle est
naturellement désirée par tous comme une fin. C’est pourquoi il divise cette
considération en deux points. En premier, il propose ce qu’il veut
manifester. En second, il le prouve où il dit : Ce qui le montre, etc. Il pose donc, en premier lieu, que le
désir de savoir existe naturellement dans tous les hommes. |
[81567]
Aristote fait précéder
son étude scientifique d’un prologue en deux parties. Il précise premièrement
l’orientation de cette science vers la causalité (d’où son nom de sagesse),
et la distinction entre les différentes causes, puis deuxièmement, le type de
scientificité qui en découle. Mais il éclaircit au préalable ce qu’est en
général la valeur de la science, et l’ordre des connaissances. |
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[81568] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 1 n. 2 Cuius
ratio potest esse triplex: primo quidem, quia unaquaeque res naturaliter
appetit perfectionem sui. Unde
et materia dicitur appetere formam, sicut imperfectum appetit suam
perfectionem. Cum igitur intellectus, a quo homo est id quod est, in se
consideratus sit in potentia omnia, nec in actum eorum reducatur nisi per
scientiam, quia nihil est eorum quae sunt, ante intelligere, ut dicitur in
tertio de anima: sic naturaliter unusquisque desiderat scientiam sicut
materia formam. |
Trois raisons peuvent expliquer ce
désir naturel de connaître. La première est que toute chose désire
naturellement sa perfection. Ainsi dit-on que la matière désire la forme, comme
l’imparfait désire sa perfection. Donc, puisque l’intelligence, par laquelle
l’homme est ce qu’il est, considérée en elle-même, est toutes choses en
puissance et ne peut être réduite en acte que par la science, n’étant rien
des réalités avant d’intelliger, comme il est dit au livre III de l’Ame, il s’ensuit que chacun
désire naturellement la science, comme la matière désire la forme. |
[81568]
La valeur de la
science tient à ce qu’elle est une finalité naturellement souhaitée de tous.
La raison de la présence en tout homme de ce désir de savoir est triple : 1) Chaque chose veut
naturellement sa perfection. On dit par exemple que la matière désire la
forme comme l’inachevé son terme. Or l’intelligence, qui fait la nature de
l’homme, est par elle-même en puissance à tout, et n’est actualisée par le
réel qu’avec la science, car on ne connaît rien de ce qui existe avant
d’avoir fait acte d’intelligence. «L’homme désire savoir comme la matière
désire la forme.» |
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[81569] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 1 n. 3 Secundo, quia quaelibet res naturalem inclinationem
habet ad suam propriam operationem: sicut calidum ad calefaciendum, et grave
ut deorsum moveatur. Propria autem operatio hominis inquantum homo, est
intelligere. Per hoc enim ab omnibus aliis differt. Unde naturaliter
desiderium hominis inclinatur ad intelligendum, et per consequens ad
sciendum. |
Voici la seconde raison: chaque
chose a une inclination naturelle à son opération propre, comme le chaud, par
exemple, à réchauffer, et le lourd à descendre. Or, l’opération propre de
l’homme en tant qu’il est homme est d’intelliger. C’est par cela en effet
qu’il diffère des autres êtres. Donc, le désir de l’homme l’incline
naturellement à intelliger et, par conséquent, à savoir. |
[81569]
2) Tout être a un
penchant naturel pour les opérations qui lui sont propres. La chaleur tend à
réchauffer, et le poids à faire tomber. Or l’opération propre à l’homme en
tant que tel, c’est de faire acte d’intelligence, en quoi il diffère de tout
le reste. C’est donc à cette opération, et par suite au savoir scientifique,
qu’est disposé le désir naturel de l’homme. |
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[81570] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 1 n. 4 Tertio,
quia unicuique rei desiderabile est, ut suo principio coniungatur; in hoc
enim uniuscuiusque perfectio consistit. Unde et motus circularis est
perfectissimus, ut probatur octavo physicorum, quia finem coniungit
principio. Substantiis autem separatis, quae sunt principia intellectus
humani, et ad quae intellectus humanus se habet ut imperfectum ad perfectum,
non coniungitur homo nisi per intellectum: unde et in hoc ultima hominis
felicitas consistit. Et ideo naturaliter homo desiderat scientiam. Nec obstat
si aliqui homines scientiae huic studium non impendant; cum frequenter qui
finem aliquem desiderant, a prosecutione finis ex aliqua causa retrahantur,
vel propter difficultatem perveniendi, vel propter alias occupationes. Sic
etiam licet omnes homines scientiam desiderent, non tamen omnes scientiae
studium impendunt, quia ab aliis detinentur, vel a voluptatibus, vel a
necessitatibus vitae praesentis, vel etiam propter pigritiam vitant laborem
addiscendi. Hoc autem proponit Aristoteles ut ostendat, quod quaerere
scientiam non propter aliud utilem, qualis est haec scientia, non est vanum,
cum naturale desiderium vanum esse non possit. |
La troisième raison est la
suivante : il est désirable pour tout être d’être uni à son principe,
car c’est dans cette union que consiste la perfection de chacun. Voilà
pourquoi le mouvement circulaire est le plus parfait, comme il est prouvé au
livre VIII des Physiques, puisque la fin du mouvement est unie à son principe
(puisque le terme du mouvement est uni à son point de départ ...). Or, aux
substances séparées qui sont principes de l’intelligence humaine et qui sont,
avec elle, dans la relation du parfait à l’imparfait, l’homme n’est uni que
par l’intelligence. Voilà pourquoi c’est dans cette union que consiste le
bonheur ultime de l’homme et ainsi, les hommes désirent-ils naturellement la
science. Et le fait que quelques-uns d’entre eux ne s’appliquent pas à la
poursuivre n’est pas une objection. Certaines causes détournent fréquemment
les hommes de poursuivre la fin qu’ils désirent: la difficulté d’y parvenir
ou les occupations étrangères à cette fin. C’est donc tous les hommes qui
désirent la science sans que tous ne s’y appliquent parce que retenus, soit
par les plaisirs, soit par les nécessités de la vie présente, soit par la
paresse qui les fait éviter le labeur de l’étude. Voilà les raisons que
propose Aristote pour montrer que la recherche de la science sans aucun autre
motif d’utilité que cette recherche même, ce qui caractérise cette science,
n’est pas vaine, puisque le désir naturel ne peut être vain. |
[81570]
3) Toute chose désire
rejoindre son origine, car en cela consiste sa perfection. Aussi la physique
prouve-t-elle que la rotation, en réunissant le terme à l’origine, est le
plus parfait des mouvements. Les substances séparées sont à l’origine de
l’intelligence humaine, qui est vis-à-vis d’elles comme l’imparfait face à la
perfection. Or l’homme ne les rejoint que par son intelligence, et là réside
sa félicité complète. Voilà pourquoi il désire la science. Cela n’empêche pas
les hommes de se détourner de son étude, car souvent, la difficulté ou
diverses préoccupations sont des motifs qui distraient de la poursuite de ce
qu’on désire. Aussi, bien que tout le monde veuille savoir, on ne s’adonne
pas tous à l’étude des sciences, parce qu’on est accaparé par les plaisirs et
les nécessités de la vie, ou bien que la paresse nous éloigne de l’effort
d’apprendre. Aristote se propose donc de montrer que l’étude d’une science
comme celle-ci, sans autre dessein, n’est pas absurde, car un désir de la
nature ne peut être vain. |
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[81571] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 5 Deinde ostendit quod proposuerat, per signum: quia
cum sensus ad duo nobis deserviant; scilicet ad cognitionem rerum, et ad
utilitatem vitae; diliguntur a nobis propter seipsos, inquantum cognoscitivi
sunt, et etiam propter hoc, quod utilitatem ad vitam conferunt. Et hoc patet
ex hoc, quod ille sensus maxime ab omnibus diligitur, qui magis cognoscitivus
est, qui est visus, quem diligimus non solum ad agendum aliquid, sed etiam si
nihil agere deberemus. Cuius causa est, quia iste sensus, scilicet visus,
inter omnes magis facit nos cognoscere, et plures differentias rerum nobis
demonstrat. |
Aristote manifeste ensuite ce
qu’il avait proposé par un signe. Les sens servant à deux buts : à la
connaissance des choses et à l’utilité de la vie, nous les aimons pour
eux-mêmes, en tant qu’ils sont cognoscitifs, instruments du connaître, et
aussi en tant qu’ils sont utiles à la vie. Ceci est évident du fait que le
sens le plus cher à tous est celui qui connaît plus que les autres, le sens de
la vue, que nous aimons non seulement pour accomplir certaines besognes, mais
même si nous étions voués à l’inaction. La cause de cette préférence réside
dans le fait que le sens de la vue nous fait connaître plus que les autres et
nous manifeste plus d’aspects distinctifs des êtres. |
[81571]
Il illustre son propos
d’un exemple. Les sens nous rendent service en deux occasions : pour
connaître la réalité et pour répondre aux nécessités de la vie. Nous les
aimons pour eux-mêmes parce qu’ils permettent de connaître autant que parce
qu’ils nous aident à vivre. Ceci est particulièrement net de la vue qui offre
une perception plus étendue que les autres sens, et que nous préférons non
seulement dans l’action, mais même lorsque nous n’avons rien à faire, car c’est
le sens qui permet la connaissance la plus grande et le meilleur discernement
des différences. |
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[81572] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 6 In quo manifestum est quod duas praeeminentias visus
in cognoscendo ad alios sensus ponit. Unam quidem quia perfectius cognoscit.
Quod quidem visui accidit, eo quod spiritualior est inter omnes sensus.
Quanto enim aliqua vis cognoscitiva est immaterialior, tanto est perfectior
in cognoscendo. Quod autem visus sit immaterialior, patet si consideretur eius
immutatio, qua ab obiecto immutatur. Nam, cum omnia alia sensibilia immutent
organum et medium sensus secundum aliquam materialem immutationem, sicut
tactus obiectum calefaciendo et infrigidando, obiectum vero gustus,
afficiendo sapore aliquo organum gustus mediante saliva, obiectum autem
auditus per motum corporalem, obiectum autem odoratus per fumalem
evaporationem, solum obiectum visus non immutat nec organum nec medium nisi
spirituali immutatione. Non enim pupilla nec aer coloratur, sed solum speciem
coloris recipiunt secundum esse spirituale. Quia igitur sensus in actu
consistit in actuali immutatione sensus ab obiecto, manifestum est illum
sensum spiritualiorem esse in sua operatione, qui immaterialius et
spiritualius immutatur. Et ideo visus certius et perfectius iudicat de
sensibilibus inter alios sensus. |
Par cela, il est manifeste
qu’Aristote pose une double supériorité du sens de la vue sur les autres.
Cette supériorité lui vient tout d’abord de ce qu’il connaît plus
parfaitement que les autres sens. Et cette qualité elle-même du sens de la
vue lui vient de ce qu’il est le plus spirituel des sens. En effet, une
puissance cognitive est d’autant plus parfaite dans l’ordre de la
connaissance qu’elle est plus immatérielle. La plus grande immatérialité du
sens de la vue se révèle à l’observation de l’immutation causée par l’objet.
Alors que tous les autres objets transforment l’organe et le milieu du sens
selon une certaine altération matérielle, comme fait, par exemple, l’objet du
toucher en réchauffant et refroidissant, l’objet du goût en affectant, par
l’intermédiaire de la salive, son organe d’une certaine saveur, l’objet de
l’ouïe par le mouvement corporel, l’objet de l’odorat par l’évaporation
fumeuse, seul l’objet de la vue n’informe le sens de la vue et son milieu que
par une immutation immatérielle. Ni la pupille ni l’air ne sont colorés. Ils
reçoivent l’espèce couleur uniquement dans son existence spirituelle. Donc,
parce que le sens en acte consiste dans son actuelle immutation par son
objet, il est évident que le sens le plus spirituel dans son opération est
celui qui est informé par son objet de façon plus immatérielle et plus
spirituelle. C’est pourquoi, la vue est le sens qui juge des objets sensibles
avec plus de perfection et de certitude que les autres. |
[81572]
Il est donc clair que
la vue jouit dans l’ordre des connaissances sensibles d’une double
prééminence. En premier lieu, sa perception est plus parfaite, car elle est
la plus spirituelle des sensations. Plus, en effet, une puissance de
connaissance est immatérielle, plus elle est parfaite. Or l’immatérialité de
la vision apparaît par le type d’excitation engendré par son objet. Tous les
autres sensibles stimulent l’organe à travers une réaction matérielle :
l’objet du toucher par une variation de température, celui du goût par la
salive qui transmet aux papilles une sensation de saveur, celui de l’ouïe par
une vibration corporelle, celui de l’odorat par l’émanation d’effluves. Seul
l’objet de la vue ne provoque aucune réaction, et n’a d’autre effet qu’une
excitation spirituelle. Ni la pupille ni l’air ne se colorent, car ce n’est
que l’essence de la couleur qui est perçue dans son être immatériel. L’acte
de sensation consiste dans l’excitation effective du sens par son objet, et
par conséquent, le sens dont l’opération est la plus spirituelle est
évidemment celui dont l’excitation est la moins matérielle. C’est pourquoi la
vue offre un jugement plus parfait et plus certain que les autres sens. |
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[81573] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 1 n. 7 Aliam
autem praeeminentiam ponit, quia nobis plura demonstrat. Quod quidem accidit
ex ratione sui obiecti. Tactus enim et gustus, et similiter odoratus et
auditus sunt cognoscitivi illorum accidentium, in quibus distinguuntur inferiora
corpora a superioribus. Visus autem est cognoscitivus illorum accidentium, in
quibus communicant inferiora corpora cum superioribus. Nam visibile actu est
aliquid per lucem, in qua communicant inferiora corpora cum superioribus, ut
dicitur secundo de anima; et ideo corpora caelestia solo visu sunt
sensibilia. |
Aristote pose la seconde
supériorité de la vue sur les autres sens, du fait qu’elle nous manifeste
plus de choses. Et cela tient à la nature de son objet. Le toucher et le goût
en effet et, semblablement, l’odorat et l’ouïe connaissent les accidents qui
distinguent les corps inférieurs des corps supérieurs. La vue, elle, connaît
les accidents qui font communiquer les premiers avec les derniers. Car le
visible en acte est réalisé par la lumière qui établit la communication entre
les corps inférieurs et les corps supérieurs, comme il est dit au IIe livre de l’Ame. C’est ainsi que les
corps célestes sont sensibles uniquement par le sens de la vue. |
[81573]
Deuxièmement, grâce à
son objet, elle amplifie le champ de nos découvertes. Le toucher et le goût,
comme l’odorat et l’ouïe ont à connaître les accidents qui distinguent les
réalités sublunaires de leurs supérieures, tandis que la vue appréhende les
accidents qui les unissent. La vision se sert de la lumière, qui est le lien
entre les réalités terrestres et les autres. Ceci explique que les corps
célestes ne soient sensibles qu’à la vue. |
|
[81574] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 8 Est autem alia ratio, quia visus plures differentias
rerum demonstrat; quia sensibilia corpora praecipue per visum et tactum
cognoscere videmur, et adhuc magis per visum. Cuius ratio ex hoc sumi potest:
quod alii tres sensus sunt cognoscitivi eorum quae a corpore sensibili
quodammodo effluunt, et non in ipso consistunt: sicut sonus est a corpore
sensibili, ut ab eo fluens et non in eo manens: et similiter fumalis
evaporatio cum qua et ex qua odor diffunditur. Visus autem et tactus
percipiunt illa accidentia quae rebus ipsis immanent, sicut color et calidum
et frigidum. Unde iudicium tactus
et visus extenditur ad res ipsas, iudicium autem auditus et odoratus ad ea
quae a rebus ipsis procedunt, non ad res ipsas. Et inde est quod figura et magnitudo et huiusmodi,
quibus ipsa res sensibilis disponitur, magis percipitur visu et tactu, quam
aliis sensibus. Et adhuc amplius magis visu quam tactu, tum propter hoc quod
visus habet maiorem efficaciam ad cognoscendum, ut dictum est, tum propter
hoc, quod quantitas et ea quae ad ipsam sequuntur, quae videntur esse
sensibilia communia, proximius se habent ad obiectum visus quam ad obiectum
tactus. Quod ex hoc patet, quod obiectum visus omne corpus habens aliquam
quantitatem aliquo modo consequitur, non autem obiectum tactus. |
Il y a une autre raison qui
explique pourquoi la vue nous fait voir plus d’aspects différents des choses.
Il semble, en effet, que nous connaissions les corps sensibles surtout par la
vue et par le toucher et davantage par la première que par le second. La
raison peut être prise du fait que les trois autres sens connaissent ce qui,
d’une certaine façon, s’échappe du corps sensible et non ce qui le constitue
en lui-même. Le son, par exemple, provient du corps sensible comme quelque
chose qui s’en échappe et non comme quelque chose d’immanent. Ainsi en est-il
de l’évaporation fumeuse avec laquelle et de laquelle l’odeur se diffuse.
Tandis que la vue et le toucher perçoivent les accidents qui demeurent dans
les choses elles-mêmes, comme la couleur, et le chaud et le froid. Voilà
pourquoi le jugement du toucher et de la vue s’étend aux choses elles-mêmes,
tandis que celui de l’ouïe et de l’odorat se limite à ce qui procède des
choses, non aux choses elles-mêmes. De là vient que la figure et la grandeur
et les accidents de cette sorte sont mieux perçues par la vue et le toucher
que par les autres sens. Et cela encore davantage par la vue que par le
toucher: parce que la vue a une plus grande efficacité à connaître, comme il
a été dit plus haut, et parce que la quantité et ce qui en est consécutif,
qui semble être les sensibles communs, sont plus proches de l’objet de la vue
que de celui du toucher. Ce qui est évident du fait que l’objet de la vue est
consécutif de quelque manière à tout corps ayant une certaine quantité. Ce
qui ne peut être dit de l’objet du toucher. |
[81574]
Mais il y a une autre
raison à ce que la vue nous révèle plus de choses : les réalités sensibles
nous sont d’abord connues par la vue et le toucher, surtout d’ailleurs par la
vue. Les trois autres sens ne perçoivent que ce qui émane en quelque sorte de
la réalité, et non cette réalité elle-même. Le son par exemple, est comme une
émission de l’objet, et non cet objet, et de même, la vapeur est le siège et
le véhicule de la diffusion des odeurs. Tandis que la vue et le toucher
perçoivent les accidents qui sont attachés aux choses elles-mêmes, comme la
couleur ou la température. Par conséquent, les jugements issus du toucher ou
de la vue rejoignent la réalité en elle-même, alors que ceux de l’ouïe ou de
l’odorat portent sur ce qui en procède. Ainsi, la configuration, la taille et
tout ce qui donne aux choses leur aspect, sont d’abord perceptibles au
toucher et surtout à la vue, plus apte à les connaître, dès lors que la
quantité et ses propriétés sont des sensibles communs, et se rapprochent plus
de l’objet de la vue que du toucher. |
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[81575] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 1 n. 9 Deinde
cum dicit animalia quidem prosequitur de ordine cognitionis. Et primo quantum
ad bruta animalia. Secundo quantum ad homines, ibi, alia quidem igitur et
cetera. Circa vero bruta animalia tangit primo quidem id in quo omnia
animalia communicant. Secundo id in quo animalia differunt, et seinvicem
excedunt, ibi, ex sensibus. Communicant autem omnia animalia in hoc quod
naturaliter sensus habent. Nam ex hoc animal est animal, quod habet animam
sensitivam, quae natura est animalis, sicut forma unicuique propria est
natura eius. Quamvis autem omnia animalia sensum habeant naturaliter, non
tamen omnia habent omnes sensus, sed solum perfecta. Omnia vero habent sensum
tactus. Ipse enim est quodammodo fundamentum omnium aliorum sensuum. Non
autem habent omnia sensum visus, quia sensus visus est omnibus aliis
perfectior in cognoscendo, sed tactus magis necessarius. Est enim
cognoscitivus eorum, ex quibus animal constat, scilicet calidi, frigidi,
humidi et sicci. Unde sicut visus inter omnes est perfectior in cognoscendo,
ita tactus est magis necessarius, utpote primus existens in via generationis.
Ea enim quae sunt
perfectiora, secundum hanc viam, sunt posteriora respectu illius individui,
quod de imperfecto ad perfectionem movetur. |
Puis, quand Aristote écrit : La nature a donné aux animaux, etc.,
il commence à établir l’ordre de la connaissance. Et, en premier, chez les animaux.
En second lieu, chez les hommes, où il dit : Il y a des espèces qui sont réduites, etc., En ce qui concerne
les animaux, il s’attaque, en premier, à ce qu’il y a de commun à tous les
animaux; en second, il esquisse ce qui les distingue et établit une
supériorité hiérarchique chez eux, quand il dit : mais chez les uns, la sensation, etc. Les animaux ont ceci de
commun qu’ils possèdent naturellement le sens. En effet, l’animal est animal
du fait qu’il possède l’âme sensitive, dont la nature est d’être animale,
comme la forme propre à chacun est sa nature. Mais bien que tous les animaux
possèdent naturellement le sens, certains d’entre eux ne les possèdent pas
tous. Seuls les parfaits les possèdent tous. Cependant, tous ont le sens du
toucher. En effet, ce dernier est d’une certaine façon le fondement de tous
les autres sens. Tous ne possèdent pas le sens de la vue, parce qu’il est le
plus parfait dans l’ordre de la connaissance, mais le sens du toucher est
plus nécessaire que les autres. Ce dernier, en effet, connaît ce par quoi
l’animal se maintient : le chaud, le froid, l’humide et le sec. Donc,
comme le sens de la vue est plus parfait que les autres dans l’ordre du
connaître, ainsi le toucher est plus nécessaire, en tant que premier dans
l’ordre de la génération. Ce qui est plus parfait dans cet ordre est
postérieur par rapport à un individu de cette sorte, qui évolue de
l’imparfait au parfait. |
[81575]
Aristote enchaîne sur
l’ordre des connaissances, tout d’abord chez les animaux dans ce qu’ils ont de
commun et de différent, puis chez l’homme. Tous les animaux ont
par nature le sens en partage. Si l’animal est ce qu’il est, c’est par l’âme
sensitive, qui fait la nature animale, comme la forme propre d’un être est sa
nature. Mais si tous les animaux sont naturellement doués de perception,
seuls cependant les plus évolués disposent de tous les sens. Tous n’ont pas
la vue, dont la connaissance est la plus parfaite, mais tous ont le toucher
qui est au fondement de toutes les autres sensations, et le plus nécessaire
des sens. Il porte en effet sur ce qui constitue l’animalité, à savoir la
température et l’humidité. Si la vue est le sens le plus achevé dans l’ordre
de la connaissance, le toucher a la nécessité première de l’origine d’un
processus de génération. Selon ce processus en effet, la perfection ne vient
qu’au terme du développement de l’individu. |
|
[81576] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 10 Deinde cum dicit ex sensibus ponit diversitatem cognitionis,
quae est in brutis: et tangit etiam tres gradus cognitionis in huiusmodi
animalibus. Quaedam enim sunt, quae licet sensum habeant, non tamen habent
memoriam, quae ex sensu fit. Memoria enim sequitur phantasiam, quae est motus
factus a sensu secundum actum, ut habetur in secundo de anima. In quibusdam
vero animalibus ex sensu non fit phantasia, et sic in eis non potest esse
memoria: et huiusmodi sunt animalia imperfecta, quae sunt immobilia secundum
locum, ut conchilia. Cum
enim animalibus cognitio sensitiva sit provisiva ad vitae necessitatem et ad
propriam operationem, animalia illa memoriam habere debent, quae moventur ad
distans motu progressivo: nisi enim apud ea remaneret per memoriam intentio
praeconcepta, ex qua ad motum inducuntur, motum continuare non possent
quousque finem intentum consequerentur. Animalibus vero immobilibus sufficit
ad proprias operationes, praesentis sensibilis acceptio, cum ad distans non
moveantur; et ideo sola imaginatione confusa habent aliquem motum indeterminatum,
ut dicitur tertio de anima. |
Quand Aristote écrit : mais chez les uns, la sensation, etc.,
il pose la diversité de la connaissance chez la brute et indique trois degrés
de connaissance chez elle. Il y a des animaux qui, tout en possédant le sens,
n’ont pas la mémoire qui provient du sens. La mémoire, en effet, suit
l’imagination qui est un mouvement produit par le sens en acte, comme il est
dit au IIe livre de l’Ame.
Chez certains animaux, le sens n’engendre pas l’imagination et, ainsi, il ne
peut exister de mémoire chez eux. Les animaux ainsi dépourvus sont les
animaux imparfaits qui sont immobiles selon le lieu, comme les huîtres
(certaines espèces de moules et de coquillages). Puisque, en effet, pour
l’animal, la connaissance sensitive pourvoit à la nécessité de la vie et à
l’opération propre, les animaux qui se meuvent à distance par un mouvement
progressif doivent posséder la mémoire. Car, à moins qu’ils ne conservent
dans leur mémoire l’intention préconçue qui les pousse à se mouvoir, ils ne
pourraient continuer leur mouvement jusqu’à ce qu’ils atteignent le but
poursuivi. Tandis que chez les animaux immobiles, la réception d’une espèce
sensible actuellement présente suffit à leur opération propre, puisqu’ils ne
se meuvent pas à distance. Voilà pourquoi, c’est uniquement par une
imagination confuse qu’ils possèdent un mouvement indéterminé, comme il est
dit au troisième livre de l’Ame. |
[81576]
Aristote distingue
ensuite trois degrés de connaissance parmi les animaux. Certains, capables de
perception, n’ont pas la mémoire qui en découle. Celle-ci vient d’un
mouvement d’imagination engendré par l’acte de sensation, mais chez ces
espèces, la sensation ne crée pas d’imagination, ni par conséquent de
mémoire. Ce sont des animaux primitifs, qui ne peuvent se déplacer, comme
l’huître. Parce que la connaissance sensible pourvoit aux nécessités de la
vie et à son entretien, les animaux qui ont à parcourir des distances doivent
avoir de la mémoire : s’ils ne gardaient le souvenir du projet qui les motive,
ils ne pourraient poursuivre le mouvement les menant à leurs fins, tandis que
la perception sensible immédiate suffit aux œuvres des animaux immobiles.
C’est pourquoi leur imagination grossière ne leur offre qu’un mouvement
incohérent. |
|
[81577] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 1 n. 11 Ex
hoc autem, quod quaedam animalia memoriam habent, et quaedam non habent,
sequitur quod quaedam sunt prudentia et quaedam non. Cum enim prudentia ex
praeteritorum memoria de futuris provideat (unde secundum Tullium in secundo
rhetoricae, partes eius ponuntur memoria, intelligentia, et providentia), in
illis animalibus prudentia esse non potest, qui memoria carent. Illa vero
animalia, quae memoriam habent, aliquid prudentiae habere possunt. Dicitur
autem prudentia aliter in brutis animalibus, et aliter hominibus inesse. In
hominibus quidem est prudentia secundum quod ex ratione deliberant quid eos
oporteat agere; unde dicitur sexto Ethicorum, quod prudentia est recta ratio
agibilium. Iudicium autem de rebus agendis non ex rationis deliberatione, sed
ex quodam naturae instinctu, prudentia in aliis animalibus dicitur. Unde
prudentia in aliis animalibus est naturalis aestimatio de convenientibus
prosequendis, et fugiendis nocivis, sicut agnus sequitur matrem et fugit
lupum. |
Du fait que certains animaux
possèdent la mémoire et certains autres non, il s’ensuit que les premiers, à
l’encontre des autres, jouissent de la prudence. Puisqu’il appartient à la
prudence de prévoir les actions futures à partir de la mémoire des choses
passées, (de là vient que Cicéron, dans le second livre de Rhétorique, pose la mémoire, l’intelligence et la
prévoyance comme parties de la prudence), il s’ensuit qu’elle ne peut exister
chez les animaux qui n’ont pas la mémoire. Tandis que ceux qui possèdent
cette faculté peuvent acquérir une certaine prudence, assez différente
cependant de la prudence de l’homme. La prudence comporte la délibération
rationnelle sur ce qu’il faut faire. C’est ainsi qu’on dit, au livre VI de l'Ethique, que la prudence est la
raison droite qui dirige l'agir. Cependant, on appelle prudence chez
l'animal, le jugement qu'il porte sur l'action à accomplir, issu non pas de
la délibération de la raison, mais d'un instinct naturel. Voilà pourquoi, la
prudence de l'animal est le jugement ou l'appréciation naturelle de ce qu'il
faut poursuivre comme convenable et éviter comme nuisible. Ainsi en est-il de
l'agneau qui suit sa mère et fuit le loup. |
[81577]
Ceux qui ont de la
mémoire sont prudents, et pas ceux qui en sont dénués. La prudence prévoit le
futur en se souvenant du passé (Cicéron donne dans sa Rhétorique deux
fonctions à la mémoire : l’intelligence et la prévoyance.) ; on ne peut donc
l'attendre d’espèces incapables de retenir, alors qu'on découvre quelque
chose d'approchant chez les autres. Ajoutons cependant qu'elle diffère de la
prudence humaine : celle-ci est une délibération rationnelle sur ce qu'il
convient de faire, «une bonne raison d'agir», alors que la prudence animale
est un jugement pratique posé par instinct naturel, et non après réflexion de
la raison. C'est alors une estimation naturelle sur ce qu'il convient de
poursuivre ou d'éviter, à l'exemple de l'agneau qui suit sa mère, et fuit le
loup. |
|
[81578] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 12 Inter ea vero, quae memoriam habent, quaedam habent
auditum et quaedam non. Quaecumque autem auditum non habent, ut apes, vel si
quod aliud huiusmodi animal est, licet prudentiam habere possint, non tamen
sunt disciplinabilia, ut scilicet per alterius instructionem possint
assuescere ad aliquid faciendum vel vitandum: huiusmodi enim instructio
praecipue recipitur per auditum: unde dicitur in libro de sensu et sensato,
quod auditus est sensus disciplinae. Quod autem dicitur apes auditum non
habere, non repugnat ei, quod videntur ex quibusdam sonis exterreri. Nam
sicut sonus vehemens occidit animal, et scindit lignum, ut in tonitruo patet,
non propter sonum, sed propter commotionem aeris vehementem in quo est sonus:
ita animalia, quae auditu carent, iudicium de sonis non habendo possunt per
sonos aereos exterreri. Illa vero animalia, quae memoriam et auditum habent,
et disciplinabilia et prudentia esse possunt. |
Parmi les animaux qui jouissent de
la mémoire, certains ont l'ouïe, d'autres non. Tout animal dépourvu de
l'ouïe, l'abeille par exemple, ou quelque autre animal que ce soit, malgré
son aptitude à la prudence, n'est pas disciplinable, en ce sens qu'on
pourrait par enseignement l’habituer à certains gestes ou attitudes. C'est
que le dressage est reçu principalement par le sens de l'ouïe. Voilà pourquoi
il est dit dans le livre Des sens et
des sensations que l'ouïe est le sens de la discipline. Accepter que
l'abeille n'a pas l'ouïe ne répugne pas au fait qu'elle semble effrayée par
certains sons (certains bruits). Comme le son véhément tue l'animal et fend
le bois, ainsi qu’il apparaît dans le tonnerre, non à cause du son, mais à
cause du déplacement violent de l'air où se trouve le son, ainsi les animaux
dépourvus de l'ouïe peuvent être effrayés par les sons aériens sans pouvoir
cependant juger des sons. Les animaux, eux, qui possèdent la mémoire et
l'ouïe, peuvent être à la fois et disciplinables et prudents. |
[81578]
Parmi les animaux
doués de mémoire, certains peuvent entendre et d'autres non. Ces derniers
comme l'abeille ou d'autres s'il en existe, quoique prudents, ne peuvent être
dressés. On ne peut les habituer à agir ou à se contenir sur ordre, car ce
genre d'instruction se transmet surtout par l’ouïe, sens de I’«éducation».
Ceci dit, rien n'empêche qu'une abeille soit effrayée par le bruit. Un bruit
violent peut en effet tuer un animal, ou, comme le tonnerre, fendre un arbre,
non pas à cause du son, mais des puissantes vibrations de l’atmosphère qui le
véhicule. Aussi l'animal dépourvu d’ouïe peut, sans entendre, avoir cependant
peur des bruits ambiants. Mais les animaux doués d'oreille et de mémoire sont
capables de prudence et d’obéissance. |
|
[81579] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 1 n. 13 Patet
igitur tres esse gradus cognitionis in animalibus. Primus est eorum, quae nec
auditum nec memoriam habent: unde nec disciplinabilia sunt, nec prudentia.
Secundus est eorum quae habent memoriam, sed non auditum; unde sunt
prudentia, et non disciplinabilia. Tertius est eorum, quae utrumque habent,
et sunt prudentia et disciplinabilia. Quartus autem modus esse non potest, ut
scilicet sit aliquod animal, quod habeat auditum, et non habeat memoriam.
Sensus enim, qui per exterius medium suum sensibile apprehendunt, inter quos
est auditus, non sunt nisi in animalibus quae moventur motu progressivo,
quibus memoria deesse non potest, ut dictum est. |
Il appert donc qu'il y a trois
degrés de connaissance chez les animaux. Le premier degré appartient à ceux
qui ne possèdent ni le sens de l'ouïe ni celui de la mémoire : ils ne
sont donc ni disciplinables ni prudents. Le second degré existe chez ceux qui
possèdent la mémoire sans l'ouïe. Il s'ensuit qu'ils sont prudents sans être
disciplinables. Et le troisième degré se trouve chez ceux qui, possédant ces
deux sens, sont à la fois aptes à la prudence et à la discipline. Un
quatrième degré, celui de l'animal qui posséderait l’ouïe sans la mémoire, ne
peut exister. Les sens, en effet, qui appréhendent leur sensible par un milieu
externe, parmi lesquels se trouve précisément l'ouïe, n'existent que chez les
animaux qui se meuvent d'un mouvement progressif. Et la mémoire ne peut être
absente chez ces animaux, comme on l'a dit auparavant. |
[81579]
On peut donc
facilement distinguer trois niveaux de connaissance chez les animaux : Il y a
tout d'abord ceux qui n'ont ni l’ouïe ni la mémoire, et qui ne sont ni
dociles ni prudents ; viennent ensuite les animaux doués de mémoire mais non
d'oreille, qui sont prudents, mais indressables ; et enfin ceux qui ont les
deux, et sont prudents et dociles. Il ne peut y avoir de quatrième
possibilité consistant à avoir l’ouïe sans la mémoire, car un sens comme
l’ouïe, qui appréhende son objet à l'aide d'un moyen extérieur, est propre à
un animal capable de se déplacer, et donc de se souvenir. |
|
[81580] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 14 Deinde cum dicit alia quidem ostendit gradus
cognitionis humanae. Et circa hoc duo facit. Primo namque ostendit in quo cognitio humana excedit
praedictorum cognitionem. Secundo ostendit quomodo humana cognitio per
diversos gradus distribuatur, ibi, fit autem ex memoria. Dicit ergo in prima
parte, quod vita animalium regitur imaginatione et memoria: imaginatione
quidem, quantum ad animalia imperfecta; memoria vero quantum ad animalia
perfecta. Licet enim et haec
imaginationem habeant, tamen unumquodque regi dicitur ab eo quod est
principalius in ipso. Vivere autem hic non accipitur secundum quod est esse
viventis, sicut accipitur in secundo de anima: cum dicitur, vivere
viventibus est esse. Nam huiusmodi vivere animalis non est ex memoria et
imaginatione, sed praecedit utrumque. Accipitur autem vivere pro actione vitae, sicut et
conversationem hominum vitam dicere solemus. In hoc vero, quod cognitionem
animalium determinat per comparationem ad regimen vitae, datur intelligi quod
cognitio inest ipsis animalibus non propter ipsum cognoscere, sed propter
necessitatem actionis. |
Ensuite, quand Aristote écrit: Il y a des espèces qui sont réduites, etc.,
il montre les degrés de la connaissance humaine. Ce qu'il fait en deux
parties. En premier, il manifeste en quoi la connaissance humaine surpasse la
connaissance des animaux énumérés plus haut. En second lieu, il montre
comment la connaissance humaine se partage en divers degrés, quand il
écrit : C’est la mémoire qui dans
l’homme, etc. Il dit donc, dans la première partie, que la vie des
animaux est gouvernée, régie par l'imagination et la mémoire : par
l'imagination, chez les animaux inférieurs, par la mémoire, chez les animaux
supérieurs. En effet, bien que ces derniers possèdent l'imagination, on les
dit gouvernés par ce qu'il y a de principal, de plus élevé en eux. Vivre,
ici, n'est pas pris dans le sens de l'exister du vivant, comme c'est le sens
du mot vivre dans le IIe livre de l’Ame,
lorsqu’il est dit que le vivre c’est l’exister pour les vivants. Entendu en
un tel sens, le vivre de l'animal ne provient pas de l'imagination et de la
mémoire, mais les précède. On prend le mot vivre, ici, pour l'action de la
vie, comme on dit couramment que le commerce intime des hommes est leur vie.
Du fait qu'Aristote détermine la connaissance des animaux en fonction de leur
régime de vie, on doit comprendre que la connaissance existe chez eux non pas
pour le connaître lui-même, mais à cause de la nécessité de l'action. |
[81580]
Abordant maintenant la
connaissance humaine, Aristote met en évidence sa supériorité sur la
précédente, et montre comment elle se développe en plusieurs étapes. La vie animale est régie
par l'imagination chez les espèces assez simples, et par la mémoire chez les
plus évoluées. Bien que les deux soient douées d'imagination, leur mode de
conduite est différencié par le niveau de perfection de cette faculté. En
outre, il ne faut pas entendre ici «vivre» au sens d'avoir la vie, comme au
traité de l'Ame, où on le dit de ce qui est vivant, car cette conception ne
découle pas de celle d'imagination ou de mémoire, mais lui est antérieure. Au
contraire, le concept est ici synonyme d'opération vitale, telle que
l'utilise le langage courant. Mais définir la connaissance animale en
fonction de la conduite de la vie permet de comprendre que ce type de
connaissance n'a pas pour finalité de connaître purement et simplement, mais
est nécessaire pour agir. |
|
[81581] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 1 n. 15 Supra
memoriam autem in hominibus, ut infra dicetur, proximum est experimentum,
quod quaedam animalia non participant nisi parum. Experimentum enim est ex
collatione plurium singularium in memoria receptorum. Huiusmodi autem
collatio est homini propria, et pertinet ad vim cogitativam, quae ratio
particularis dicitur: quae est collativa intentionum individualium, sicut
ratio universalis intentionum universalium. Et, quia ex multis sensibus et memoria
animalia ad aliquid consuescunt prosequendum vel vitandum, inde est quod
aliquid experimenti, licet parum, participare videntur. Homines autem supra
experimentum, quod pertinet ad rationem particularem, habent rationem
universalem, per quam vivunt, sicut per id quod est principale in eis. |
Immédiatement au-dessus de la
mémoire se trouve, dans l'homme, l'expérience, que certains animaux ne
participent que de peu. L'expérience, en effet, provient de la
« collation », (une espèce de collection comparée, un
rapprochement, une comparaison) de l’addition comparative de plusieurs
singuliers reçus dans la mémoire. Cet assemblage est propre à l’homme et
appartient à la cogitative, qu’on appelle la raison particulière. Celle-ci
réunit et compare les espèces intentionnelles individuelles, comme la raison
universelle enchaîne les espèces universelles. Et, parce que plusieurs sens
aidés de la mémoire permettent à l'animal de s'habituer à poursuivre ou à
éviter quelque chose, il semble que l’animal participe, bien que peu, de
l’expérience. Au dessus de l’expérience, qui appartient à la raison
particulière, les hommes, eux, possèdent la raison universelle, qui préside à
leur vie, comme étant ce qu'il y a de principal en eux. |
[81581]
Juste au-dessus de la
mémoire, il y a chez l'homme l'expérience, dont on trouve des bribes chez
certains animaux. C'est la réunion d'une multiplicité de connaissances
ponctuelles conservées dans la mémoire. Cette mise en commun propre à l'homme
est l'œuvre d'une faculté de réflexion nommée «logique concrète». Elle
rassemble les idées concrètes comme la faculté de raisonnement universel
réunit des idées abstraites. C'est pourquoi les animaux qui apprennent ce
qu'il leur faut chercher et éviter, à partir d'une kyrielle de sensations et
de souvenirs, acquièrent une sorte de début d'expérience. Mais au delà de
l'expérience, l’homme a la faculté de raisonnement universel. C'est sa
principale référence pour conduire sa vie. |
|
[81582] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 16 Sicut autem se habet experimentum ad rationem
particularem, et consuetudo ad memoriam in animalibus, ita se habet ars ad
rationem universalem. Ideo sicut perfectum vitae regimen est animalibus per
memoriam adiuncta assuefactione ex disciplina, vel quomodolibet aliter, ita
perfectum hominis regimen est per rationem arte perfectam. Quidam tamen ratione sine arte reguntur; sed hoc est
regimen imperfectum. |
Cependant l'art est à la raison
universelle comme l’expérience à la raison particulière, et l'habitude ou la
coutume à la mémoire chez les animaux. C'est pourquoi, comme le régime de vie
parfait existe chez l'animal, grâce à sa mémoire perfectionnée par l'habitude
qui lui vient de la discipline ou de quelque autre façon, ainsi le régime
parfait de l'homme relève de la raison perfectionnée par l'art. Certains
hommes sont gouvernés par la raison sans l'art, mais cela est un régime
imparfait. |
[81582]
Il y a donc un même
rapport entre d'un côté l'expérience et la logique du concret, ou l'habitude
et la mémoire chez l'animal, et de l'autre le savoir-faire et la faculté de
raisonnement universel chez l'homme. Aussi, comme la régulation parfaite de
la vie animale se fait en ajoutant à la mémoire une accoutumance disciplinée,
elle se fera chez l'homme en enrichissant la raison par l'art. Et si certains
dirigent leur vie avec raison, mais sans méthode, cette conduite est
imparfaite. |
|
[81583] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 17 Deinde cum dicit fit autem ostendit diversos gradus
humanae cognitionis. Et circa hoc duo facit. Primo comparat experimentum ad
artem quidem. Secundo comparat artem speculativam ad activam, ibi, primum
igitur conveniens et cetera. Circa primum duo facit. Primo ostendit
generationem artis et experimenti. Secundo praeeminentiam unius ad alterum,
ibi, ad agere quidem igitur et cetera. Circa primum duo facit. Primo proponit
utriusque praedictorum generationem. Secundo manifestat per exemplum, ibi,
acceptionem quidem enim et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit
generationem experimenti. Secundo artis generationem ibi, hominibus autem et
cetera. Dicit ergo primo, quod ex memoria in hominibus experimentum causatur.
Modus autem causandi est iste; quia ex multis memoriis unius rei accipit homo
experimentum de aliquo, quo experimento potens est ad facile et recte
operandum. Et ideo quia potentiam recte et faciliter operandi praebet
experimentum, videtur fere esse simile arti et scientiae. Est enim similitudo
eo quod utrobique ex multis una acceptio alicuius rei sumitur. Dissimilitudo autem, quia per artem accipiuntur
universalia, per experimentum singularia, ut postea dicetur. |
Ensuite, quand Aristote
écrit : C’est la mémoire qui dans
l’homme, etc., il montre les différents degrés de la connaissance
humaine. Ce qu'il fait en deux parties. En premier, il compare l'expérience à
l'art. En second lieu, il compare l'art spéculatif à l'art pratique, où il
dit : Cependant on croit que, etc., Il divise sa première partie en deux points. Dans le premier, il fait
voir la génération de l'art et de l'expérience; dans le second, la
prééminence de l'un sur l'autre, où il écrit : Pour la pratique, l’expérience, etc., Il divise son premier point
en deux parties. En premier, il décrit la génération de l'un et l'autre. En
second, il la manifeste par un exemple, quand il dit : Savoir que Callias étant, etc. Il
subdivise sa première partie en deux. Dans la première, il traite de la
génération de l'expérience. Dans la seconde, il traite de la génération de
l’art, où il dit : et c’est de
l’expérience, etc., Il dit donc, en premier, que l'expérience dans
l'homme est causée par la mémoire. Le mode de la causalité est le
suivant : l'expérience d'une chose naît de la multiplicité des souvenirs
accumulés sur la chose en question. Cette expérience rend l'homme capable
d'agir avec facilité et rectitude. Et précisément parce que l'expérience
donne la capacité d’agir avec facilité et rectitude, elle s'assimile presque
à l'art et à la science. La similitude vient du fait que, dans chaque cas, un
seul jugement ou une seule acception d'une chose se fait à partir de
plusieurs actes sur la chose en question. La dissemblance provient de ce que,
par l'art, on accumule les universels, et par l'expérience les singuliers,
comme on le dira plus loin. |
[81583]
Pour faire ressortir
les différents degrés de la connaissance humaine, Aristote confronte
l'origine de l'expérience et celle de l'art, ainsi que leur suprématie
alternative. Tout d'abord, la mémoire engendre chez l'homme l'expérience :
grâce à une multitude de souvenirs sur un sujet précis, on acquiert
l'expérience qui permet d'agir facilement comme il convient. Offrant une
telle puissance, l’expérience parait proche de l'art et de la science. Et de
fait, elle synthétise comme eux de multiples données en une seule. Pourtant
l'art donne une connaissance universelle, alors que, nous le verrons,
l’expérience demeure particulière. |
|
[81584] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 1 n. 18 Deinde
cum dicit hominibus autem ponit generationem artis: et dicit, quod ex experientia
in hominibus fit scientia et ars: et probat per auctoritatem Poli, qui dicit,
quod experientia facit artem, sed inexperientia casum. Quando enim aliquis
inexpertus recte operatur, a casu est. Modus autem, quo ars fit ex
experimento, est idem cum modo praedicto, quo experimentum fit ex memoria.
Nam sicut ex multis memoriis fit una experimentalis scientia, ita ex multis
experimentis apprehensis fit universalis acceptio de omnibus similibus. Unde
plus habet hoc ars quam experimentum: quia experimentum tantum circa
singularia versatur, ars autem circa universalia. |
De là, où il dit : et c’est de l’expérience, etc.,
Aristote pose la génération de l'art, en disant que la science et l'art
naissent dans l'homme de l'expérience. Ce qu'il prouve par l'autorité de
Polus qui dit que l'expérience fait l'art, l'inexpérience, le hasard. Quand
l'homme inexpérimenté agit adroitement, cela tient du hasard. Le mode de
génération de l'art à partir de l'expérience est le même que celui de la
génération de l'expérience à partir de la mémoire. Car, comme de la
multiplicité des actes de mémoire naît une seule science expérimentale, ainsi
la multiplicité des expériences bien reçues engendre une seule saisie
(concept) universelle de tous les cas semblables. Ainsi, l'art possède en
cela plus que l’expérience, celle-ci portant uniquement sur les singuliers et
l'art sur l'universel. |
[81584]
L'expérience, à son
tour, engendre chez l’homme l’art et la science. Comme le dit Polos,
l’expérience fait l'art, et l'inexpérience la chance, car le succès du novice
est fortuit. Cette expérience, de la même façon qu'elle naît de multiples
souvenirs, donne par sa variété une conception universelle sur un ensemble de
réalités comparables. Par conséquent l'art ajoute l'universalité à la singularité
de l'expérience. |
|
[81585] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 19 Quod consequenter per exempla exponit, cum dicit,
acceptionem quidem etc.: quia cum homo accepit in sua cognitione quod haec
medicina contulit Socrati et Platoni tali infirmitate laborantibus, et multis
aliis singularibus, quidquid sit illud, hoc ad experientiam pertinet: sed,
cum aliquis accipit, quod hoc omnibus conferat in tali specie aegritudinis
determinata, et secundum talem complexionem, sicut quod contulit febricitantibus
et phlegmaticis et cholericis, id iam ad artem pertinet. |
Il démontre par suite cet argument
par un exemple, où il dit : Savoir
que Callias étant, etc. Quand un homme conçoit que tel remède déterminé convient
à Socrate et Platon affectés de telle maladie, et à plusieurs autres
individus singuliers, quels qu'ils soient, il fait appel à l'expérience. Mais
que quelqu'un conçoive que ce remède convient à tous ceux qui souffrent de
telle espèce déterminée de maladie, et conformément à tel tempérament, par
exemple aux fiévreux, aux flegmatiques, aux bilieux, cela relève de l'art. |
[81585]
Un exemple le montre :
Savoir que tel remède soulage l'infirmité dont souffrent Socrate, Platon et
toutes sortes d'individus, relève de l'expérience, mais comprendre que ce
remède guérit systématiquement telle sorte de maladie dans un organisme de
type fiévreux, asthénique ou bilieux tient de l'art. |
|
[81586] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 1 n. 20 Deinde
cum dicit ad agere comparat artem ad experimentum per modum praeeminentiae.
Et secundum hoc duo facit. Primo comparat quantum ad actionem. Secundo
quantum ad cognitionem, ibi, sed tamen scire et cetera. Dicit ergo, quod
quantum ad actum pertinet, experientia nihil videtur differre ab arte. Cum
enim ad actionem venitur, tollitur differentia, quae inter experimentum et
artem erat per universale et singulare: quia sicut experimentum circa
singularia operatur, ita et ars; unde praedicta differentia erat in
cognoscendo tantum. Sed quamvis in modo operandi ars et experimentum non
differant, quia utraque circa singularia operatur, differunt tamen in
efficacia operandi. Nam
experti magis proficiunt in operando illis qui habent rationem universalem
artis sine experimento. |
Ensuite, quand Aristote
écrit : Pour la pratique,
l’expérience, etc., il compare l'art et l'expérience au point de vue de
la supériorité. Ce qu'il fait en deux points. En premier, par rapport à
l'action. En second, quant à la connaissance, là où il dit : Cependant on croit que le savoir, etc.
Il dit donc que, sous le rapport de l'action, l'expérience ne semble pas
différer de l'art. Lorsque l’art et l'expérience passent à l'action, la
différence qui existait entre eux, l'un portant sur l'universel, l'autre sur
le singulier, disparaît : car l'art aussi bien que l'expérience porte
sur les singuliers; ce qui veut dire que la différence entre les deux était
uniquement dans le mode de connaissance. Mais bien que dans le mode
d'opération l'art et l'expérience ne se distinguent guère, parce que l'un et
l'autre travaillent sur les singuliers, ils différent cependant dans
l'efficacité de l'opération. Car ceux qui possèdent l'expérience sont
beaucoup plus efficaces dans l'opération que ceux qui possèdent la
connaissance de la notion universelle fournie par l'art, mais qui n'ont pas
d'expérience. |
[81586]
Puis l'auteur délimite
la prépondérance réciproque de l'art et de l’expérience. L'action supprime la
différence d'universalité entre eux. L'un et l'autre portant alors sur le
singulier, ils ne semblent plus s'opposer. Une telle divergence n'existe donc
que dans l'ordre cognitif. Mais, s'ils se ressemblent dans la façon de
traiter la réalité concrète, leur efficacité n'est pas la même. L'expert
réussit beaucoup mieux que celui qui n'a qu'un savoir théorique dénué de
pratique. |
|
[81587] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 21 Cujus causa est, quia actiones sunt circa
singularia, et singularium sunt omnes generationes. Universalia enim non
generantur nec moventur nisi per accidens, inquantum hoc singularibus
competit. Homo enim generatur hoc homine generato. Unde medicus non sanat
hominem nisi per accidens; sed per se sanat Platonem aut Socratem, aut
aliquem hominem singulariter dictum, cui convenit esse hominem, vel accidit
inquantum est curatus. Quamvis enim esse hominem per se conveniat Socrati,
tamen curato et medicato per accidens convenit: haec est enim per se,
Socrates est homo: quia si Socrates definiretur, poneretur homo in eius
definitione, ut in quarto dicetur. Sed haec est per accidens, curatus vel
sanatus est homo. |
La cause en est que les actions
concernent les singuliers, et toute génération est génération de singuliers.
Les universels ne sont engendrés et mus que par accident, en tant que génération
et mouvement conviennent aux singuliers. En effet, l'homme est engendré quand
tel homme est engendré. Voilà pourquoi le médecin ne guérit l'homme universel
que par accident, mais il guérit « per
se », de soi, Platon ou Socrate, ou un homme pris individuellement,
à qui il convient d'être homme, ou à qui il est accidentel d'être homme en
tant qu'il est guéri. Car, bien que le fait d’être homme convienne de soi à
Socrate, cette qualité ne lui convient cependant que par accident en tant
qu'il est soigné et guéri. En effet, cette proposition est une proposition
« de soi » : Socrate est homme; si Socrate était défini, il
faudrait poser l'homme dans sa définition, comme il sera dit au livre IV.
Mais ceci est une proposition accidentelle : celui qui est guéri ou en
santé est homme. |
[81587]
L’action, comme la
génération, est individuelle. On n'engendre ou ne change un universel
qu'indirectement, à travers les singuliers. L’«humanité» ne naît qu'au travers
de la génération d'un homme. Aussi est-ce indirectement que le médecin soigne
l'homme, quand il guérit en fait Socrate, Platon ou quelqu'un d'autre, qui se
trouve être un homme, mais n'est ausculté que parce qu’il est souffrant. Etre
homme est propre à Socrate ou à Platon, mais ne convient qu'indirectement au
patient malade. Socrate en soi est homme, car c'est ce qu'on dirait si on
devait le définir, mais être souffrant, en soi, n'est qu'indirectement être
homme. |
|
[81588] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 1 n. 22 Unde
cum ars sit universalium, experientia singularium, si aliquis habet rationem
artis sine experientia, erit quidem perfectus in hoc quod universale
cognoscat; sed quia ignorat singulare cum experimento careat, multotiens in
curando peccabit: quia curatio magis pertinet ad singulare quam ad
universale, cum ad hoc pertineat per se, ad illud per accidens. |
Ainsi, de ce que l'art s'occupe
des universels, et l'expérience des singuliers, si quelqu'un possède la
raison de l'art sans l’expérience, il sera parfait dans sa connaissance de
l'universel, mais son ignorance du singulier, causée par son défaut
d'expérience, le fera pécher fréquemment dans son travail de guérison, parce
que la guérison concerne davantage le singulier que l'universel, appartenant
de soi au singulier et par accident à l'universel. |
[81588]
Le domaine de l'art
est l'universel, et celui de l'expérience le singulier. Celui qui ne possède
que le premier possède une réelle perfection dans l'ordre de la connaissance
générale, mais il ignore les cas concrets du fait de son inexpérience. Son
diagnostic sera souvent mauvais, car soigner relève d'abord de l'expérience,
et indirectement de l'art. |
|
[81589] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 23 Deinde cum dicit sed tamen comparat experimentum ad
artem quantum ad cognitionem. Et circa hoc duo facit. Primo ponit
praeeminentiam artis ad experimentum. Secundo probat, ibi, hoc autem est quia
hi quidem et cetera. Proponit autem praeeminentiam artis et scientiae quantum
ad tria. Scilicet quantum ad scire, quod quidem magis arbitramur esse per
artem quam per experimentum. Item quantum ad obviare, quod in disputationibus
accidit. |
Puis, lorsqu'il dit : Cependant on croit que le savoir,
etc., Aristote compare l'expérience à l'art sous le rapport, de la
connaissance. Ce qu'il fait en deux points. En premier, il pose la
supériorité de l'art sur l'expérience. En second, il le prouve quand il
dit : Et il en est ainsi, etc.
Il établit la prééminence de l'art sur l'expérience sous trois aspects. Quant
au savoir, que nous estimons être davantage l'œuvre de l'art que de
l'expérience. Puis, quant à la résistance ou la contradiction qui arrive dans
les discussions. L’homme d'art peut, dans ces discussions, combattre les
opinions contraires à son art, ce que ne peut pas faire l'homme d’expérience.
Enfin, quant au fait que les hommes d'art se rapprochent davantage du but de
la sagesse que les hommes d'expérience. Le texte dit « En tant
qu’il appartient davantage (à l'homme d'art) de connaître la sagesse qui
recherche tout », c'est-à-dire en tant que l'homme d'art rencontre et
connaît la sagesse, alors qu'il recherche la connaissance de l'universel. En
effet, on juge l'homme d'art plus sage que l’homme expérimenté, parce qu'il
considère les principes universels. Une autre interprétation du texte :
« En tant que le savoir est plus conforme à la connaissance sapientiale
qui poursuit la connaissance de toutes choses », c'est-à-dire des
principes universels. Un autre texte dit : « La sagesse accompagne
toutes choses, mais sous l'angle du savoir », ce qui voudrait
dire : « La sagesse accompagnant toutes choses, c’est-à-dire
accompagnant le savoir et l'action », elle se tient davantage du côté du
savoir que du côté de l'action. Et ainsi, on appellerait avec plus d'à propos
sages ceux qui connaissent plus que ceux qui sont plus livrés à l’action. Un
autre texte comporte ce dernier sens avec plus de clarté. Voici ce qu'il
dit : « En recherchant un, plus haut savoir, tous poursuivent la
sagesse ». |
[81589]
Mais du point de vue
de la connaissance, Aristote affirme la prééminence de l’art, et il le
prouve. Cette prééminence de l'art et de la science est triple : ‑
quant au savoir, que l'on attribue à l'art plutôt qu'à l'expérience,‑
quant à la réfutation, car celui qui maîtrise un savoir-faire est plus à même
de résoudre les controverses sur son art, que celui qui n'a que l'expérience.‑
quant à la quête de la sagesse, enfin, plus accessible à l'art «... puisqu'il
lui arrive le plus souvent d'avoir une connaissance des choses conforme à la
sagesse», c'est à dire universelle. Un homme de l’art est donc jugé plus sage
qu'un homme d'expérience, parce qu’il considère l'universel. ‑ Autre
traduction possible de la citation : «...puisque c'est plutôt du côté du
savoir que tout a trait à la sagesse.» Comme si l'on disait que : «la sagesse
qui suit tout,...», c'est à dire contenue dans chaque chose, «... est plutôt
du côté du savoir», que de l'action. Autrement dit encore, on appelle sage
celui qui sait, plutôt que celui qui agit. Une dernière formulation
éclaircira ce que l'on veut dire : «... car dans la mesure où cela accroît le
savoir, tout rapproche de la sagesse.» - |
|
[81590] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 24 Consequenter cum dicit hoc autem probat praedictam
praeeminentiam tripliciter. Prima probatio talis est. Illi, qui sciunt causam
et propter quid, scientiores sunt et sapientiores illis qui ignorant causam,
sed solum sciunt quia. Experti autem sciunt quia, sed nesciunt propter quid.
Artifices vero sciunt causam, et propter quid, et non solum quia: ergo
sapientiores et scientiores sunt artifices expertis. |
Conséquemment, quand il dit: Et il en est ainsi, etc., il prouve la
supériorité susdite de trois façons. La première preuve est celle-ci. Ceux
qui connaissent la cause et le propter
quid sont plus savants et plus sages (le pourquoi) que ceux qui ignorent
la cause et ne savent que le quia
(le fait). Or les hommes d'expérience connaissent le quia, mais ne connaissent pas le propter quid. Les hommes d’art, eux, savent la cause et le propter quid, et non seulement le quia; donc, ils sont plus sages et
plus savants que les hommes d’expérience. |
[81590]
La première preuve
donnée par l'auteur s’énonce ainsi : ceux qui connaissent la cause et le
pourquoi des choses sont plus sages et plus savants que ceux qui n'observent
que les faits. Ces derniers ont l'expérience mais ignorent les raisons,
tandis que ceux qui ont un art ajoutent à la connaissance du fait, celle des
causes. Ils sont donc plus sages. |
|
[81591] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 1 n. 25 Primo
primam probat cum dicit, unde et architectores et cetera. Probatio talis est.
Illi qui sciunt causam et propter quid comparantur ad scientes tantum quia,
sicut architectonicae artes ad artes artificum manu operantium. Sed
architectonicae artes sunt nobiliores: ergo et illi qui sciunt causas et
propter quid, sunt scientiores et sapientiores scientibus tantum quia. |
Il manifeste d'abord cette
première preuve, lorsqu’il dit : Aussi
on regarde en toute circonstance, etc. Voici la démonstration : Ceux
qui savent la cause et le propter quid
se comparent à ceux qui ne savent que le quia
comme les arts architectoniques se comparent aux arts des manœuvres. Mais les
arts architectoniques sont plus nobles, plus dignes, donc, ceux qui
connaissent les causes et le propter
quid sont plus savants et plus sages que ceux qui ne connaissent que le
fait. |
Cette démonstration
s'appuie sur le parallélisme entre d'une part ceux qui connaissent les causes
et ceux qui ne connaissent que les faits, et d'autre part, les arts maîtres
d’œuvre et ceux d'exécution manuelle. Les premiers sont plus nobles que les
seconds, et de la même façon, la connaissance des causes est plus savante et
plus sage que celle des faits. |
|
[81592] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n.
26 Huius probationis
prima ex hoc apparet, quia architectores sciunt causas factorum. Ad cuius
intellectum sciendum est, quod architector dicitur quasi principalis artifex:
ab archos quod est princeps, et techne quod est ars. Dicitur autem ars
principalior illa, quae principaliorem operationem habet. Operationes autem
artificum hoc modo distinguuntur: quia quaedam sunt ad disponendum materiam
artificii, sicut carpentarii secando ligna et complanando disponunt materiam
ad formam navis. Alia est operatio ad inductionem formae; sicut cum aliquis
ex lignis dispositis et praeparatis navem compaginat. Alia est operatio in
usum rei iam constitutae; et ista est principalissima. Prima autem est
infima, quia prima ordinatur ad secundam, et secunda ad tertiam. Unde navisfactor
est architector respectu eius qui praeparat ligna. Gubernator autem, qui
utitur navi iam facta, est architector respectu navis factoris. |
La manifestation de cet argument
apparaît tout d'abord du fait que les architectes connaissent les causes de
leurs œuvres. Pour le comprendre, il faut savoir qu’on appelle architecte
l'artisan quasi principal de l'œuvre; car ce mot vient de archos qui signifie chef, et de technè qui signifie art. L'art
principal est celui qui a l'opération principale. Les opérations des hommes
d'art se distinguent de la façon suivante : certaines opérations servent
à disposer la matière de l'œuvre comme celle du charpentier, qui, en coupant
et en aplanissant le bois, dispose la matière à la forme du navire. Une
seconde opération est celle qui sert à produire la forme, comme celui qui,
utilisant les bois disposés et préparés, assemble les parties du navire. Une
troisième opération, différente elle aussi des deux premières, consiste dans
l’usage du navire déjà constitué; et c’est cette opération qui est la
principale. La première est très inférieure, parce qu'elle est ordonnée à la
seconde, et la seconde est elle-même ordonnée à la troisième. Ainsi, le
constructeur du navire est architecte en comparaison de celui qui prépare le bois;
le capitaine, qui conduit le navire déjà fabriqué, est architecte par rapport
au constructeur. |
[81592]
L'architecte, en
effet, connaît la cause de ce qui a été fait. Ce nom désigne d'ailleurs
étymologiquement l'artisan principal : «Archos» = principal, et «Technè» =
art. On reconnaît pour principal l'art qui pose les opérations essentielles.
Parmi toutes les interventions, certaines préparent les matériaux : c'est
ainsi que le menuisier scie et polit les planches qui serviront à construire
un navire ; d'autres réalisent cette mise en forme : ce sont celles qui
construisent le navire à partir des planches ; d'autres enfin utilisent ce
qui a été fait, et ce sont elles les plus importantes. Les premières sont les
plus subalternes, car elles sont ordonnées aux secondes, et celles-ci aux
troisièmes. Le constructeur est donc l’«architecte» du menuisier, et le
capitaine celui du constructeur. |
|
[81593] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 1 n. 27 Et,
quia materia est propter formam, et talis debet esse materia quae formae
competat, ideo navisfactor scit causam, quare ligna debeant esse sic
disposita; quod nesciunt illi qui praeparant ligna. Similiter, cum tota navis
sit propter usum ipsius, ille qui navi utitur, scit quare talis forma debeat
esse; ad hoc enim debet talis esse, ut tali usui conveniens sit. Et sic
patet, quod ex forma artificii sumitur causa operationum, quae sunt circa
dispositionem materiae. Et ex usu sumitur causa operationum, quae sunt circa
formam artificiati. |
Et parce que la matière est en vue
de la forme, et qu'elle doit être adaptée aux exigences de la forme, le
constructeur du navire connaît la cause, le pourquoi de la disposition du
bois ou du matériau, ce que ne savent pas ceux qui préparent le bois. Semblablement,
puisque tout le navire est destiné à son usage, celui qui s'en sert sait
pourquoi telle forme doit exister, parce que la forme doit être telle que le
requiert son usage. Il est ainsi évident que la cause des opérations qui
portent sur la disposition de la matière se tire de la forme, et que c’est
l'usage qui fournit la cause des opérations qui portent sur la forme de
l'œuvre. |
[81593]
Comme la matière est
pour la forme, et doit être préparée pour lui convenir, le constructeur naval
connaît la raison pour laquelle le bois doit être ainsi travaillé, alors que
celui qui fait ce travail l'ignore. De même tout le navire est fonction de
son utilisation, et celui qui aura à s'en servir sait pourquoi le bateau doit
avoir telle forme, car celle-ci se détermine par rapport à une destination.
C'est donc dans la forme du produit que l'on trouve l'explication des
opérations préparatoires, et dans son usage la raison de cette forme. |
|
[81594] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 28 Et sic manifestum est, quod architectores factorum
causas sciunt. Illos vero, scilicet manu artifices, iudicamus vel
denominamus, sicut quaedam inanimatorum. Et hoc non ideo quia faciunt
operationes artificiales, sed quia quae faciunt, incognita faciunt. Sciunt
enim quia, sed causas non cognoscunt; sicut etiam ignis exurit absque aliqua
cognitione. Est igitur quantum ad hoc similitudo inter inanimata et manu
artifices, quod sicut absque causae cognitione inanimata operantur ut
ordinata ab aliquo superiori intellectu in proprium finem, ita et manu
artifices. Sed in hoc est differentia: quia inanimata faciunt unumquodque
suorum operum per naturam, sed manu artifices per consuetudinem: quae licet
vim naturae habeat inquantum ad unum inclinat determinate, tamen a natura
differt in hoc, quod est circa ea quae sunt ad utrumlibet secundum humanam
cognitionem. Naturalia enim non consuescimus, sicut dicitur in secundo
Ethicorum. Nec etiam cognitione carentium est consuescere. Haec autem quae
dicta sunt, sic sunt consideranda tamquam ex eis appareat, quod aliqui non
sunt sapientiores secundum quod est practicos, id est operatores esse,
quod convenit expertis; sed secundum quod aliqui habent rationem de agendis,
et cognoscunt causas agendorum, ex quibus rationes sumuntur: quod convenit
architectoribus. |
Aussi est-il manifeste que les
architectes des choses ouvragées savent les causes, alors que nous jugeons et
dénommons les manœuvres un peu comme des choses inanimées. Et cela, non pas
parce qu'ils exécutent ces opérations artificielles, mais parce que les
œuvres qu'ils font leur sont inconnues. Ils savent, en effet, le fait de ces
œuvres, mais ils ignorent leurs causes; comme le feu brûle sans savoir ce
qu’il fait. Il y a sous ce rapport une similitude entre les choses inanimées et les manœuvres : comme les choses
inanimées opèrent sans connaitre la cause, mais uniquement en tant que
dirigées à leur fin par une intelligence supérieure, ainsi en est-il des
manœuvres. Cependant, la différence entre les deux consiste en ceci que les
êtres inanimés font chacune de leurs œuvres par tendance naturelle, alors que
les ouvriers les font par un habitus. Et l'habitus, tout en possédant une
vertu naturelle du fait qu’il incline à une chose bien déterminée, diffère cependant
de la nature, en tant qu’il vise à ce qui prête au choix selon la
connaissance humaine. Les êtres naturels n'acquièrent pas d'habitus, comme il
est exposé au livre II de l’Éthique,
ni les êtres dépourvus de connaissance. On doit considérer ce que nous venons
de dire dans sa perspective qui est de manifester que quelqu'un n'est pas
plus sage parce qu'il est pratique, c'est-à-dire livré à l'action comme les
hommes d'expérience, mais parce qu'il possède la raison de son action et
connaît les causes de ce qu'il doit faire, d'où ces raisons sont tirées; ce
qui appartient aux architectes. |
[81594]
Dès lors, il est clair
que l’«architecte» connaît la cause de ce qui est fait. Quant à la
main-d’œuvre, on peut la comparer à des êtres sans âme, non pas parce qu’ils
produisent des objets artificiels, mais parce qu’ils le font sans savoir
pourquoi. Ils connaissent ce qui est fait, mais en ignorent les causes, comme
le feu, qui jaillit sans s'en rendre compte. Il y a un parallélisme entre le
travailleur manuel et l'être inanimé : tous deux réalisent sans le savoir une
fin précise à laquelle ils sont ordonnés par une intelligence supérieure.
L'être inanimé le fait cependant par nature, alors que le travailleur agit
par habitude. Quoique ce dernier ait en effet une puissance naturelle qui le
pousse dans une direction unique, son art diffère de la nature, car il a
trait à des réalités arbitraires au regard de la connaissance. La nature ne
s'acquiert pas par habitude, et l'habitude ne peut se passer de la
connaissance. On doit donc comprendre ce qui a été dit dans le sens suivant :
on n'appelle pas sages ceux dont on a parlé parce qu’ils sont des praticiens,
ce qui conviendrait à des gens expérimentés, mais parce qu’ils ont des
raisons d'agir, et connaissent les motifs de leurs actes, ce qui relève de la
raison, et convient aux «architectes». |
|
[81595] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 29 Deinde cum dicit et omnino ponit secundam rationem:
quae talis est. Signum scientis est posse docere: quod ideo est, quia unumquodque
tunc est perfectum in actu suo, quando potest facere alterum sibi simile, ut
dicitur quarto Meteororum. Sicut igitur signum caliditatis est quod possit
aliquid calefacere, ita signum scientis est, quod possit docere, quod est
scientiam in alio causare. Artifices autem docere possunt, quia cum causas
cognoscant, ex eis possunt demonstrare: demonstratio autem est syllogismus
faciens scire, ut dicitur primo posteriorum. Experti autem non possunt
docere, quia non possunt ad scientiam perducere cum causam ignorent. Et si ea
quae experimento cognoscunt aliis tradant, non recipientur per modum
scientiae, sed per modum opinionis vel credulitatis. Unde patet quod
artifices sunt magis sapientes et scientes expertis. |
Ensuite, quand il dit : Enfin, ce qui distingue, etc., il pose
la seconde raison; la voici. La marque distinctive du savant est de pouvoir
enseigner. Il en est ainsi parce que chacun est parfait dans son acte quand
il peut rendre un autre semblable à soi. Comme il est dit au livre IV des Météorologiques. Ainsi donc, comme le
signe manifeste de la chaleur est de pouvoir réchauffer quelque chose, la
marque du savant est de pouvoir enseigner; ce qui n'est pas autre chose que
causer la science dans un autre. Les hommes d'art peuvent enseigner parce que,
connaissant les causes,
ils peuvent en tirer des démonstrations : la démonstration est un
syllogisme qui fait savoir, comme il est dit au livre I des Seconds Analytiques. Les hommes
d'expérience, eux, ne peuvent enseigner,
parce qu'ils ne peuvent conduire à la science, vu qu'ils ignorent
la cause. Et si les hommes d'expérience communiquent aux autres l'acquis de
leur expérience, cet acquis n'est pas reçu de façon scientifique,
mais à la manière de l'opinion ou de la crédulité. De là, il
appert que les hommes d'art sont plus sages et savants que les hommes
d'expérience. |
[81595]
Le second argument
s'analyse ainsi : la preuve du savoir, c'est la capacité d'enseigner.
L’accomplissement de l'être se constate en effet à la capacité de rendre
autrui semblable à soi. Comme la brûlure est l'indice de la chaleur, le signe
de la science est l'aptitude à enseigner, c'est à dire à engendrer la science
chez autrui. Or celui qui a un savoir-faire peut enseigner, puisqu'il connaît
les causes nécessaires à la démonstration («syllogisme qui produit la
science» selon la logique) ; tandis que l'expert ne peut le faire, car
ignorant le pourquoi, il ne peut atteindre la science. L'expérience ne se
transmet pas de façon scientifique, mais comme une opinion ou une croyance. Aussi
l'homme de l'art est-il à l'évidence plus savant et plus sage que l'homme
d'expérience. |
|
[81596] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 30 Deinde cum dicit amplius autem ponit tertiam rationem;
quae talis est. Cognitiones singularium magis sunt propriae sensibus quam
alicui alteri cognitioni, cum omnis cognitio singularium a sensu oriatur. Sed
tamen, nec unum, idest nullum sensum dicimus sapientiam, scilicet
propter hoc quod licet aliquis sensus cognoscat quia, tamen, non propter quid
cognoscit. Tactus enim iudicat quod ignis calidus est, non tamen apprehendit
propter quid: ergo experti qui habent singularium cognitionem causam
ignorantes, sapientes dici non possunt. |
Ensuite,
quand il dit : En outre,
on n’attribue, etc., il donne la troisième raison qui est la suivante. La
connaissance des singuliers est plus propre à la connaissance sensible qu'à
toute autre connaissance, puisque la connaissance des singuliers vient du
sens. Cependant, nous n'attribuons la sagesse à aucun (aucun sens), parce que, même si un
sens connaît le quia, il ne connaît
pas le propter quid. Le toucher, en
effet, juge que le feu est chaud, mais il en ignore le
pourquoi : donc, les experts qui connaissent les singuliers
sans en savoir les causes ne peuvent être appelés sages. |
[81596]
Voici enfin la
troisième raison : la connaissance des singuliers est plus propre au sens
qu'à toute autre faculté cognitive, car celle-ci a toujours un sens pour point
de départ. A aucun d'eux, cependant, nous n'attribuons la sagesse, car bien
qu'un sens puisse observer des faits, il n'en connaît pas le pourquoi. Le
toucher apprécie la température du feu, mais n'en saisit pas l'explication.
De même, l’homme d'expérience, dont la connaissance est factuelle, et non
causale, ne peut être dit sage. |
|
[81597] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 1 n. 31 Deinde
cum dicit primum quidem comparat artem activam speculativae. Et circa hoc duo
facit. Primo ostendit, quod ars speculativa magis est sapientia quam activa.
Secundo respondet cuidam obiectioni, ibi, in moralibus. Ostendit autem quod
primo dictum est, tali ratione. In quibuscumque scientiis vel artibus
invenitur id propter quod homines scientes prae aliis hominibus in
admiratione vel honore habentur, illae scientiae sunt magis honorabiles, et
magis dignae nomine sapientiae. Quilibet autem inventor artis habetur in
admiratione, propter hoc quod habet sensum et iudicium et discretionem causae
ultra aliorum hominum sensum, et non propter utilitatem illorum quae invenit:
sed magis admiramur, sicut sapientem et ab aliis distinguentem.
Sapientem quidem,
quantum ad subtilem inquisitionem causarum rei inventae: distinguentem vero,
quantum ad investigationem differentiarum unius rei ad aliam. Vel aliter, ab aliis distinguentem, ut
passive legatur, quasi in hoc ab aliis distinguatur. Unde alia litera habet, differentem.
Ergo scientiae aliquae sunt magis admirabiles et magis dignae nomine
sapientiae propter eminentiorem sensum, et non propter utilitatem. |
Ensuite,
quand il dit : D’après cela, il
était naturel, etc., il compare l'art actif (pratique) à l'art
spéculatif. Ce qu’il fait en
deux points. Il montre, en premier, que l'art spéculatif est plus proche
de la sagesse que l'art pratique. En second, il répond à une
objection quand il écrit : Du
reste, nous avons dit, etc. Il démontre la première proposition par la
raison que voici. Dans certaines sciences et certains arts, on trouve ce qui
apporte admiration et honneur aux savants plutôt qu’aux autres hommes; et ces
sciences sont plus dignes d'honneur et plus dignes du nom de sagesse.
L'inventeur d'un art excite l’admiration parce qu’il possède l'intuition, le sensus, et le jugement et le
discernement de la cause plus que les autres hommes, et non pas à cause de
l'utilité de son invention; nous l'admirons, vraiment, comme un sage et comme un homme qui sait distinguer les choses
entre elles : comme sage, au point de vue de l'inquisition subtile des
causes de la chose inventée; comme penseur apte à distinguer, au point de vue
de sa recherche, qui lui fait trouver comment une chose se distingue d'une
autre. Une autre interprétation du texte : « qui se distingue des
autres », texte mis au passif, dirait que le penseur devrait être supérieur au reste des hommes. Un
autre texte emploie le mot « différent » (le penseur étant
différent des autres). Donc, certaines sciences sont plus admirables et plus
dignes du nom de sagesse à cause de l'intuition géniale qu'elles supposent,
et non à cause de leur utilité. |
[81597]
Après quoi, l’auteur
compare le savoir-faire pratique au savoir spéculatif. Montrant d'abord que
le second est plus proche de la sagesse que le premier, il répond ensuite à
certaines objections. La science ou l'art qui suscite l'admiration des hommes
a de la noblesse, et mérite le nom de sagesse. Le fondateur d'un art est
admiré pour son sens, son jugement et son discernement des causes, qui sont
supérieurs a ceux du commun des mortels, plus que pour l'utilité de ses
découvertes. Nous l'admirons «... pour sa sagesse ...», et pour la subtile
quête des causes de sa découverte, et pour «... son originalité ...» à isoler
une réalité des autres. Ou bien – autre interprétation possible du texte
d'Aristote – «... Qui le distingue en quelque sorte des autres hommes ...»
(un autre manuscrit donne : «pour sa différence»). Par conséquent, certaines
sciences sont plus admirables et plus dignes du nom de sagesse non pour leur
utilité, mais pour l'élévation de leur jugement. |
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[81598] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 32 Cum igitur plures artes sint repertae quantum ad
utilitatem, quarum quaedam sunt ad vitae necessitatem, sicut mechanicae; quaedam
vero ad introductionem in aliis scientiis, sicut scientiae logicales: illi
artifices dicendi sunt sapientiores, quorum scientiae non sunt ad utilitatem
inventae, sed propter ipsum scire, cuiusmodi sunt scientiae speculativae. |
L’utilité a fait inventer
plusieurs arts parmi lesquels certains sont voués à la nécessité de la vie,
comme les arts mécaniques; d'autres, comme les arts logiques, servent
d'introduction aux autres sciences. Cependant, on a appelé sages les hommes
d’art dont les sciences n'ont pas été inventées pour l'utilité, mais en vue
du connaître; les sciences spéculatives appartiennent à cette catégorie. |
[81598]
Certains arts sont
notables pour les services qu'ils rendent, soit dans les nécessités de la
vie, comme les différentes technologies, soit pour introduire à la science,
comme la logique, mais d'autres sont surtout renommés pour leur sagesse, car
leur savoir n'est pas destiné à servir mais seulement à connaître : telles
sont les sciences spéculatives. |
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[81599] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 1 n. 33 Et
quod speculativae scientiae non sint inventae ad utilitatem, patet per hoc
signum: quia, iam partis, id est acquisitis vel repertis omnibus
huiusmodi, quae possunt esse ad introductionem in scientiis, vel ad
necessitatem vitae, vel ad voluptatem, sicut artes quae sunt ordinatae ad
hominum delectationem: speculativae non sunt propter huiusmodi repertae, sed
propter seipsas. Et quod non sint ad
utilitatem inventae, patet ex loco quo inventae sunt. In locis enim illis primo
repertae sunt, ubi primo homines studuerunt circa talia. Alia litera habet, et
primum his locis ubi vacabant, id est ab aliis occupationibus quiescentes
studio vacabant quasi necessariis abundantes. Unde et circa Aegyptum primo
inventae sunt artes mathematicae, quae sunt maxime speculativae, a
sacerdotibus, qui sunt concessi studio vacare, et de publico expensas
habebant, sicut etiam legitur in Genesi. |
Et
que les sciences spéculatives n'aient pas été inventées pour fin d’utilité, ceci est évident par le
signe que voici. C'est une fois acquises et inventées toutes les sciences qui
peuvent introduire aux autres sciences ou à la nécessité de la vie ou aux
plaisirs, comme les arts qui sont ordonnés à la délectation des hommes, qu'on
a élaboré les sciences spéculatives : non pas en vue de quelque utilité de la
sorte, mais pour elles-mêmes. Et ce qui manifeste qu’elles n'ont pas été
inventées pour fin d'utilité, c'est le lieu de leur invention, car ces
sciences furent d'abord inventées dans les pays où les hommes se sont livrés
tout d'abord à leur étude. Un autre texte dit : ce fut d’abord dans les pays où on avait du loisir, c’est-à-dire
où, possédant abondamment le nécessaire à la vie, on pouvait se reposer des
autres occupations d'utilité pour vaquer à l'étude. Voilà pourquoi c'est en
Egypte que furent tout d'abord inventés les arts mathématiques, qui sont tout
à fait spéculatifs; par les prêtres, à qui l'on accordait de s'occuper de
l'étude et qui vivaient des deniers public, comme il est dit dans la. Genèse.
|
[81599]
Preuve de leur
désintéressement : alors que les autres arts ont été découverts pour
introduire à la science, servir dans les tâches quotidiennes ou faciliter la
vie, bref pour accroître le confort des hommes, ce n'est pas le cas des
sciences spéculatives qui n'ont d'autre but qu'elles-mêmes. On le voit dans
la géographie de leur apparition : elle eut lieu là où pour la première fois
on eut cette intention‑ une autre leçon précise : «là où pour la
première fois les hommes furent oisifs», c'est à dire suffisamment libérés
des contraintes pour s'adonner à l'étude, en repos et dans l'abondance de
biens. C'est pourquoi les mathématiques, sciences spéculatives s'il en est,
virent le jour en Egypte, au sein de la caste des prêtres qui pouvait se consacrer
à l'étude, et qui eut une audience étendue, puisqu'on en parle même dans la
Genèse. |
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[81600] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 34 Sed quia usus nomine artis fuerat et sapientiae et scientiae
quasi indifferenter, ne aliquis putet haec omnia esse nomina synonyma idem
penitus significantia hanc opinionem removet, et remittit ad librum Moralium,
idest ad sextum Ethicorum, ubi dictum est, in quo differant scientia et ars
et sapientia et prudentia et intellectus. Et ut breviter dicatur, sapientia
et scientia et intellectus sunt circa partem animae speculativam, quam ibi
scientificum animae appellat. Differunt autem, quia intellectus est habitus
principiorum primorum demonstrationis. Scientia vero est conclusionis ex
causis inferioribus. Sapientia vero considerat causas primas. Unde ibidem
dicitur caput scientiarum. Prudentia vero et ars est circa animae partem
practicam, quae est ratiocinativa de contingentibus operabilibus a nobis. Et
differunt: nam prudentia dirigit in actionibus quae non transeunt ad
exteriorem materiam, sed sunt perfectiones agentis: unde dicitur ibi quod
prudentia est recta ratio agibilium. Ars vero dirigit in factionibus, quae in
materiam exteriorem transeunt, sicut aedificare et secare: unde dicitur quod
ars est recta ratio factibilium. |
S'étant
servi des mots art et sagesse et science sans pratiquement les distinguer, Aristote, de peur
d'induire ses lecteurs à l'erreur de croire que tous ces mots sont synonymes,
signifiant à peu près la même chose, rejette cette opinion et réfère au livre
des choses morales, c'est-à-dire au livre VI de l’Éthique, où il explique en quoi diffèrent et l'art et la
sagesse et la prudence et l'intelligence. La sagesse et la science et l’intelligence
appartiennent à la partie spéculative de l'intelligence, qu'il appelle à cet
endroit la partie scientifique de l’âme. Elles diffèrent, cependant, parce
que l'intelligence est l'habitus des premiers principes de la démonstration,
la science, l'habitus de la conclusion tirée des principes inférieurs; la
sagesse, l’habitus qui porte sur les causes premières. Voilà pourquoi, à cet
endroit, il appelle cette dernière reine des sciences. La prudence et l'art
s'occupent de la partie pratique de l'âme, qui raisonne sur les contingents
que nous opérons. Ils diffèrent cependant : la prudence dirige dans les
actions qui ne passent pas dans une matière extérieure, mais qui sont
perfections de l'agent. Voilà pourquoi on la définit, dans l’Éthique, comme la droite raison dans
l'agir. L’art, lui, dirige dans les fabrications, qui passent dans la matière
extérieure, comme édifier et couper; voilà pourquoi on dit que l'art est la
raison droite des choses à faire. |
[81600]
Ayant fait usage du
mot art pour désigner indifféremment la sagesse et la science, Aristote
repousse l'idée qu'il s'agisse de deux synonymes, et renvoie à l'Ethique où
il distingue la science, la sagesse, l’art, la prudence et l'intelligence.
Disons rapidement que la sagesse, la science et l'intelligence sont la partie
spéculative de l'âme, appelée ici part scientifique : l’intelligence
appréhende les premiers principes de démonstration, la science tire les
conclusions de causes immédiates, et la sagesse voit les causes les plus
élevées (raison pour laquelle on l'appelle la tête des autres sciences). La
prudence et l'art en sont la dimension pratique, qui raisonne sur nos actes
contingents : la prudence dirige les actions qui ne s'extériorisent pas dans
la matière, mais visent à parfaire celui qui agit, d'où son nom de droite
règle d'action ; tandis que l'art règle le travail d'une matière extérieure,
comme bâtir ou tailler, et se définit : façon correcte de faire. |
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[81601] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 1 n. 35 Deinde cum dicit cuius autem ostendit ex praehabitis
principale propositum; quod scilicet sapientia sit circa causas. Unde dicit
quod hoc est cuius gratia nunc sermonem facimus, idest ratiocinationem
praedictam: quia scientia illa quae denominatur sapientia, videtur esse circa
primas causas, et circa prima principia. Quod quidem patet ex praehabitis.
Unusquisque enim tanto sapientior est, quanto magis accedit ad causae
cognitionem: quod ex praehabitis patet; quia expertus est sapientior eo qui
solum habet sensum sine experimento. Et artifex est sapientior experto
quocumque. Et inter artifices architector est sapientior manu artifice. Et
inter artes etiam et scientias, speculativae sunt magis scientiae quam
activae. Et haec omnia ex praedictis patent. Unde relinquitur quod illa
scientia, quae simpliciter est sapientia, est circa causas. Et est similis
modus arguendi, sicut si diceremus: illud quod est magis calidum, est magis
igneum: unde quod simpliciter est ignis, est calidum simpliciter. |
Ensuite,
quand Aristote dit : ce que nous
voulons établir ici, etc., il manifeste, à partir des présupposés, son
propos principal : la sagesse porte sur les causes. Il dit que toutes
les réflexions précédentes étaient en vue de démontrer que cette science,
qu'on appelle sagesse, semble s'occuper des causes premières et des premiers
principes. Ce qui est évident d'après ce que nous avons dit. Chacun, en
effet, est d'autant plus sage qu'il s’approche de la connaissance de la
cause. Et cette dernière pensée est évidente d'après ce qui précède :
l’homme d'expérience est plus sage que celui qui possède le sens sans
expérience ; l'homme d’art est plus sage que n’importe quel homme
expérimenté ; parmi les hommes d'art, l'architecte est plus sage
que l'artisan manuel. Et parmi les arts aussi et les sciences, les sciences
spéculatives sont plus hautes que les actives. Et tout cela est clair à
partir de ce qui a été dit plus haut. D'où il résulte que cette science,
qui est simplement la sagesse, porte sur les causes. Et cette façon d'argumenter
est comme si nous disions : « ce qui est plus chaud est plus igné, donc
ce qui est simplement feu, est simplement chaud ». |
[81601]
Tout ce qui précède
permet à Aristote d'aborder maintenant son propos principal : la sagesse porte
sur les causes. A ce qu'il semble au vu de ce qui a été dit, cette science
dénommée sagesse porte bien sur les causes premières et sur les premiers
principes. On apparaît, en effet, d'autant plus sage qu'on progresse dans la
connaissance des causes : l’expert est plus sage que l'intuitif, l’artiste
plus que l'expert, les arts directeurs plus que les arts manuels, et parmi
les arts et les sciences, les sciences spéculatives plus que les sciences
pratiques. Il reste donc que la sagesse pure et simple porte sur les causes,
en raisonnant un peu comme si l'on disait : plus un objet est chaud, plus il
ressemble au feu, donc le feu comme tel n'est rien d'autre que la chaleur
absolue. |
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Leçon 2, texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Puisque
telle est la science que nous cherchons, il nous faut examiner de quelles
causes et de quels principes s’occupe cette science qui est la philosophie.
C’est ce que nous pourrons éclaircir par les diverses manières dont on
conçoit généralement le philosophe. On entend d’abord par ce mot l’homme qui
sait tout, autant que cela est possible, sans savoir les détails. En second
lieu, on appelle philosophe celui qui peut connaître les choses difficiles et
peu accessibles à la connaissance humaine ; or les connaissances
sensibles étant communes à tous et par conséquent faciles, n’ont rien de
philosophique. Ensuite on croit que plus un homme est exact et capable
d’enseigner les causes, plus il est philosophe en toute science. En outre, la
science qu’on étudie pour elle-même et dans le seul but de savoir, paraît
plutôt la philosophie que celle qu’on apprend en vue de ses résultats. Enfin,
de deux sciences, celle qui domine l’autre, est plutôt la philosophie que
celle qui lui est subordonnée ; car le philosophe rie doit pas recevoir
des lois, mais en donner ; et il ne doit pas obéir à un autre, mais
c’est au moins sage à lui obéir. Telle est
la nature et le nombre des idées que nous nous formons de la philosophie et
du philosophe. De tous ces caractères de la philosophie, celui qui consiste à
savoir toutes choses, appartient surtout à l’homme qui possède le mieux la
connaissance du général ; car celui-là sait ce qui en est de tous les
sujets particuliers. Et puis les connaissances les plus générales sont
peut-être les plus difficiles à acquérir ; car elles sont les plus
éloignées des sensations. Ensuite, les sciences les plus exactes sont celles
qui s’occupent le plus des principes. En effet, celles dont l’objet est plus
simple sont plus exactes que celles dont l’objet est plus composé.
L’arithmétique, par exemple, est plus exacte que la géométrie. D’ailleurs, la
science la plus apte à enseigner est celle qui étudie les causes, car
enseigner, c’est dire les causes de chaque chose. De plus, savoir uniquement pour savoir,
appartient surtout à la science de ce qu’il y a de plus scientifique. En
effet, celui qui veut apprendre dans le seul but d’apprendre, choisira sur
toute autre la science par excellence, c’est-à-dire la science de ce qu’il y
a de plus scientifique ; et ce qu’il y a de plus scientifique, ce sont
les principes et les causes ; car c’est à l’aide des principes et par
eux que nous connaissons les autres choses, et non pas les principes par les
sujets particuliers. Enfin, la science souveraine, faite pour dominer toutes
les autres, est celle qui connaît pourquoi il faut faire chaque chose ;
or, ce pourquoi est le bien dans chaque chose, et, en général, c’est le bien
absolu dans toute la nature. De tout
ce que nous venons de dire, il résulte que le mot Philosophie dont
nous avons recherché les diverses significations, se rapporte à une seule et
même science. Une telle science s’élève aux principes et aux causes ;
or, le bien, la raison des choses, est au nombre des causes. |
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Lectio 2 |
Leçon 2, [Les causes que
regarde la sagesse] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960).
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Leçon 2, (Traduction Guy
Delaporte, 2004).
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[81602] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 1 Postquam philosophus ostendit quod sapientia sit
quaedam scientia circa causas existens, hic vult ostendere circa quales
causas et circa qualia principia sit. Ostendit autem quod est circa causas
maxime universales et primas; et argumentatur a definitione sapientiae. Unde
circa hoc tria facit. Primo colligit definitionem sapientiae ex his quae
homines de homine sapiente et sapientia opinantur. Secundo ostendit quod
omnia ista conveniunt universali scientiae, quae considerat causas primas et
universales, ibi, istorum autem et cetera. Tertio concludit propositum, ibi,
ex omnibus ergo et cetera. Circa primum ponit sex opiniones hominum communes
quae de sapientia habentur. Primam, ibi, primum itaque et cetera. Quae talis
est: quod communiter omnes accipimus sapientem maxime scire omnia, sicut eum
decet, non quod habeat notitiam de omnibus singularibus. Hoc enim est
impossibile, cum singularia sint infinita, et infinita intellectu comprehendi
non possint. |
Après
avoir manifesté que la sagesse était une science portant sur les causes,
Aristote veut ici montrer quelles sont les causes et quels sont les principes
sur lesquels elle porte. Il montre qu’elle étudie les causes les plus universelles
et premières. Son argumentation repose sur la définition de la sagesse. C'est
pourquoi, il divise cette étude en trois points. Il ramasse en premier la
définition de la sagesse, à partir des opinions courantes de l’humanité sur
le sage et la sagesse. En second, il établit que toutes ces opinions
conviennent à la science universelle qui considère les causes premières et
universelles, quand il dit : De
tous ces caractères, etc. En troisième, il conclut ce qu'il voulait
manifester où il dit : De tout ce
que nous venons de dire, etc. Donc, dans son premier point, il rapporte
six conceptions communes de la sagesse. La première est donnée là où il
dit : On entend d’abord par ce
mot, etc. La première opinion est la suivante : tous, nous concevons
le sage comme celui qui connaît toutes choses, en autant qu’il est possible, sans qu’on puisse
exiger la connaissance de tous les singuliers. La connaissance des singuliers
est impossible, puisqu'ils sont infinis, et une infinité de choses ne peut
être saisie par l'intelligence. |
[81602]
Ayant vu que la
métaphysique porte sur des causes réelles, il reste à savoir de quel type de
causes et de principes il s'agit. Pour démontrer à
partir de la définition de la sagesse, qu'elle a pour objet les causes les
plus universelles et les plus fondamentales, Aristote passe en revue les
opinions courantes à son sujet, il en infère qu'elles conviennent toutes à la
science universelle des causes premières et fondamentales, et il en tire la
conclusion. |
|
[81603] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 2 n. 2 Deinde
cum dicit postea difficilia secundam ponit: et est ista, quod illum sapientem
ponimus esse, qui est potens ex virtute sui intellectus cognoscere
difficilia, et illa quae non sunt levia communiter hominibus ad sciendum;
quia commune est omnibus sentire, idest sensibilia cognoscere. Unde
hoc est facile, et non est sophon, idest aliquid sapientis et ad
sapientem pertinens: et sic patet, quod id quod proprie ad sapientem
pertinet, non leviter ab omnibus cognoscitur. |
Ensuite,
quand il dit : En second lieu, on
appelle, etc., il donne la seconde opinion qui attribue au sage la
capacité de connaître, par la vertu de son intelligence, les choses
difficiles et ce qui habituellement n'est pas facile à connaitre pour les
hommes. Les connaissances sensibles, ou la
sensation, qui fait connaître les singuliers, sont communes à tous. Ce qui est donc facile, mais n'est pas philosophique, c'est-à-dire n’est pas
un élément de la sagesse et n'appartient pas au sage. Il est ainsi évident
que ce qu'il y a de propre au sage n'est pas facilement connu par tous. |
[81603] Nous tenons généralement pour sages ceux dont le
savoir est universel (ce qu'il ne faut pas comprendre en un sens quantitatif,
car connaître l'infinité numérique de tout ce qui existe est impossible à
l'intelligence humaine). Nous pensons aussi d'un sage que ses capacités
intellectuelles lui permettent d'aborder des questions difficiles et ardues
pour le commun des mortels. Tous nous partageons la connaissance de ce qui
tombe sous le sens, mais cela ne relève pas de la «Sophia», car les arcanes
de la sagesse ne sont pas aisément accessibles à tous. |
|
[81604] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 3 Deinde cum dicit adhuc certiorem tertiam ponit: et est,
quod nos dicimus illum sapientem esse qui de his quae scit, habet
certitudinem magis quam alii communiter habeant. |
Ensuite,
quand il dit : Ensuite on croit
que, etc., il pose la troisième opinion qui attribue à la connaissance du
sage une plus grande certitude que celle possédée communément par les autres.
|
[81604] Est également reconnu pour sage celui qui est bien
plus certain de son savoir que n'importe qui d'autre. |
|
[81605] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 2 n. 4 Deinde
cum dicit et magis quartam ponit: et est talis. Illum dicimus magis sapientem
in omni scientia, qui potest assignare causas cuiuslibet quaesiti, et per hoc
docere. |
Ensuite,
quand il dit : et capable d’enseigner
les causes, etc., il donne la quatrième opinion, qui se formule ainsi.
Nous disons que le plus sage dans toute science est celui qui peut assigner
les causes de ce qu’il recherche, et qui peut ainsi enseigner. |
[81605] Le sage se distingue en outre par la capacité de
désigner en tous domaines du savoir les causes des phénomènes, et par
conséquent par la faculté d'enseigner. |
|
[81606] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 5 Deinde cum dicit sed et hanc quintam ponit: et est,
quod illa de numero scientiarum est sapientia, quae per se est magis
eligibilis et voluntaria, idest volita gratia scientiae, et propter ipsum
scire, quam illa scientia, quae est causa quorumque aliorum contingentium
quae possunt ex scientia generari; cuiusmodi est necessitas vitae, delectatio
et huiusmodi alia. |
Ensuite,
quand il dit : En outre, la
science, etc., il pose la cinquième opinion. Parmi les sciences la
sagesse est celle qui est de soi plus éligible et plus volontaire,
c'est-à-dire désirée en raison même de la science et en vue du savoir
lui-même. Elle est plus désirable pour elle-même que la science qui produit
n'importe quelle autre chose contingente scientifiquement productible, comme
ce qui a trait aux nécessités de la vie, à la délectation, et aux diverses
choses semblables. |
[81606] La sagesse est par ailleurs, de toutes les sciences,
la plus désirable et la plus recherchée, pour le seul fait du savoir, tandis
que d'autres ont pour objet et pour but quelque réalité contingente, telle
que satisfaire aux nécessités de la vie, parvenir à la jouissance, etc. |
|
[81607] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 2 n. 6 Deinde
cum dicit et hanc sextam ponit: et est talis, quod istam sapientiam, de qua
facta est mentio, oportet esse vel dicimus esse magis antiquiorem,
idest digniorem, famulante scientia. Quod quidem ex praehabitis
intelligi potest. Nam in artibus mechanicis famulantes sunt illae, quae
exequuntur manu operando praecepta superiorum artificum, quos supra
architectores et sapientes nominavit. |
Puis
quand il écrit : Enfin, de deux
sciences, etc., il pose la sixième opinion que voici. Cette sagesse dont
il est fait mention, doit être, ou du moins, on dit qu’elle doit être plus
ancienne, c'est-à-dire plus digne que la science servante ou esclave. Ce que
nous pouvons comprendre par ce qui précède. Car dans les arts mécaniques, les
arts serviteurs sont ceux qui sont exercés par les manœuvres qui
accomplissent les ordres des artisans supérieurs, que nous avons appelés plus
haut architectes et sages. |
[81607] Cette sagesse enfin doit dominer les connaissances
fonctionnelles. C'est compréhensible après ce qui a été dit, car les métiers
serviles sont ceux que l'homme exécute manuellement, sous les ordres d'un
maître-d’œuvre que nous avons déjà appelé architecte et sage. |
|
[81608] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 2 n. 7 Et quod magis conveniat ratio sapientiae scientiis
imperantibus quam famulantibus, probat per duo. Primo, quia scientiae
famulantes ordinantur a superioribus scientiis. Artes enim famulantes ordinantur in finem superioris
artis, sicut ars equestris ad finem militaris. Sed sapientem secundum omnem
opinionem non decet ordinari ab alio, sed ipsum potius alios ordinare. Item
inferiores architectores persuadentur a superioribus, inquantum credunt
superioribus artificibus circa operanda vel fienda. Credit enim navisfactor
gubernatori docenti qualis debet esse forma navis. Sapienti autem non
convenit ut ab alio persuadeatur, sed quod ipse aliis persuadeat suam
scientiam. |
Et
que la raison de sagesse convienne davantage aux sciences qui commandent
plutôt qu’à celles qui exécutent, ils le prouve par deux raisons. En premier
parce que les sciences servantes sont ordonnées par les sciences supérieures.
Les arts exécutifs sont ordonnés à fa fin de l'art supérieur, comme l'art
équestre à la fin de l'art militaire. Mais, d'après l'opinion de tous, il ne
convient pas que le sage soit ordonné par un autre, mais il lui appartient
plutôt d'ordonner les autres. Ainsi, les architectes inférieurs sont
persuadés par les architectes supérieurs, en tant qu'ils croient ces derniers
quand ils commandent les actions à opérer ou les œuvres à faire. Le
constructeur du navire croit le capitaine du navire qui lui enseigne ce que
doit être la forme du navire. Il ne convient pas au sage d'être persuadé par
un autre, mais il est de mise que ce soit lui-même qui convainque l'autre de
sa science. |
[81608] Deux preuves montrent que la sagesse se tient du
côté du maître plutôt que du serviteur : les technologies sont coordonnées
entre elles par des sciences supérieures, car elles sont destinées aux fins
de ces dernières, comme l'équitation à des fins militaires. Or de l'avis
unanime, il ne convient pas de soumettre la sagesse à une autre science, mais
c'est bien elle qui doit les ordonner toutes. En outre, l’artisan sous-traitant
reçoit ses ordres du commanditaire, dans la mesure où il se fie à la plus
grande compétence de ce dernier sur ce que l’on doit ou ce que l’on peut
faire. L'architecte naval fait confiance aux instructions du capitaine pour
la forme que doit avoir le navire. Or le sage n'a pas à être instruit, mais
c'est auprès de lui que chacun prend conseil pour sa propre science. |
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[81609] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 2 n. 8 Istae
igitur sunt tales opiniones, quas homines accipiunt de sapientia et sapiente.
Ex quibus omnibus potest quaedam sapientiae descriptio formari: ut ille
sapiens dicatur, qui scit omnia etiam difficilia per certitudinem et causam,
ipsum scire propter se quaerens, alios ordinans et persuadens. Et sic patet
quasi maior syllogismi. Nam omnem sapientem oportet talem esse; et e
converso, quicumque est talis, sapiens est. |
Telles
sont les opinions que les hommes entretiennent sur la sagesse et le sage.
D'où on peut former une certaine description de la sagesse : on pourrait
appeler sage celui qui connaît toutes choses mêmes difficiles par leur cause
et avec certitude, recherchant cette connaissance pour elle-même, ordonnant
et persuadant les autres. Et ainsi apparaît ce qui serait la majeure du
syllogisme, car tout sage doit être ainsi : et, par conversion, tout
homme qui est tel est sage. |
[81609] Telles sont
les opinions admises sur le sage et la sagesse. On peut en tirer la
description suivante : le sage est celui qui connaît tout, y compris sur les sujets
les plus difficiles ; il connaît les causes et le degré de certitude que l'on
peut attendre de chaque sujet ; sa recherche n'a d'autre but que la science ;
et c'est lui qui instruit et ordonne les autres domaines du savoir. Ceci peut
servir de premier principe de raisonnement, car la sagesse doit être telle,
et quiconque est ainsi sera dit sage. |
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[81610] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 9 Deinde cum dicit istorum autem ostendit quod omnia
praedicta conveniunt ei qui cognoscit primas causas et universales; et eo
ordine prosequitur quo supra posuit. Unde primo posuit quod habenti scientiam
universalem maxime insit omnia scire; quod erat primum. Quod sic patet.
Quicumque enim scit universalia, aliquo modo scit ea quae sunt subiecta universalibus,
quia scit ea in illa: sed his quae sunt maxime universalia sunt omnia
subiecta, ergo ille qui scit maxime universalia, scit quodammodo omnia. |
Puis,
quand Aristote écrit : De tous ces
caractères, etc., il manifeste que ces opinions se rapportent à celui qui
connaît les causes premières et universelles. Il suit le même ordre que plus
haut. C'est pourquoi il établit, en premier, que celui qui possède la science
de l'universel possède suprêmement la connaissance de toutes choses, ce qui
était la première opinion. Voici sa manifestation. Quiconque connaît
l'universel, connaît d'une certaine
façon les sujets de
l'universel, parce qu’il les connaît dans l'universel ; mais
ainsi, toutes choses sont soumises au plus universel. Donc, celui qui connaît
les plus universels connaît en quelque sorte toutes choses. |
[81610] Tout ce qui a
été dit peut s'attribuer à la connaissance des causes premières et
universelles. La science universelle est par excellence la connaissance de tout.
Connaître en effet, un universel, c'est connaître en lui tout ce qu'il
contient. Mais tout est contenu dans l'universalité la plus élevée, et celui
qui connaît cette dernière connaît en quelque sorte tout le reste. |
|
[81611] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 2 n. 10 Deinde
cum dicit sed fere autem ostendit eidem inesse secundum, tali ratione. Illa
quae sunt maxime a sensibilibus remota, difficilia sunt hominibus ad
cognoscendum; nam sensitiva cognitio est omnibus communis, cum ex ea omnis
humana cognitio initium sumat. Sed illa quae sunt maxime universalia, sunt
sensibilibus remotissima, eo quod sensus singularium sunt: ergo universalia
sunt difficillima hominibus ad cognoscendum. Et sic patet quod illa scientia
est difficillima, quae est maxime de universalibus. |
Ensuite,
quand Aristote dit : Et puis les
connaissances, etc., il montre que la seconde opinion appartient au sage,
par la raison que voici. Ce qui est le plus éloigné des sens est difficile à
connaître pour les hommes; en effet, la connaissance sensitive est commune à
tous, puisqu’elle est le point de départ de toute connaissance humaine. Mais
le plus universel est en même temps le plus éloigné des choses sensibles, du
fait que les sens portent sur les singuliers. C’est pourquoi les universels
sont les plus difficiles à connaître pour les hommes. C'est ainsi que la
science qui s’occupe des plus universels est la plus difficile. |
[81611] En outre, ce
qui est le plus loin des sens est difficilement accessible à l'homme. Tout le
monde partage la connaissance sensible, car c'est le point de départ du
savoir humain. Mais plus la science s'universalise, plus elle s'éloigne de la
sensation qui porte sur le singulier. L'universel est donc difficile à
l'homme, et la science la plus universelle lui est la plus ardue. |
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[81612] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 11 Sed contra hoc videtur esse quod habetur primo
physicorum. Ibi enim dicitur quod magis universalia sunt nobis primo nota.
Illa autem quae sunt primo nota, sunt magis facilia. Sed dicendum, quod magis
universalia secundum simplicem apprehensionem sunt primo nota, nam primo in
intellectu cadit ens, ut Avicenna dicit, et prius in intellectu cadit animal
quam homo. Sicut enim in esse naturae quod de potentia in actum procedit
prius est animal quam homo, ita in generatione scientiae prius in intellectu
concipitur animal quam homo. Sed quantum ad investigationem naturalium
proprietatum et causarum, prius sunt nota minus communia; eo quod per causas
particulares, quae sunt unius generis vel speciei, pervenimus in causas
universales. Ea autem quae sunt universalia in causando, sunt posterius nota
quo ad nos, licet sint prius nota secundum naturam, quamvis universalia per
praedicationem sint aliquo modo prius quo ad nos nota quam minus universalia,
licet non prius nota quam singularia; nam cognitio sensus qui est
cognoscitivus singularium, in nobis praecedit cognitionem intellectivam quae
est universalium. Facienda est etiam vis in hoc quod maxime universalia non dicit
simpliciter esse difficillima, sed fere. Illa enim quae sunt a materia
penitus separata secundum esse, sicut substantiae immateriales, sunt magis
difficilia nobis ad cognoscendum, quam etiam universalia: et ideo ista
scientia, quae sapientia dicitur, quamvis sit prima in dignitate, est tamen
ultima in addiscendo. |
Mais
un texte du livre I des Physiques
semble s’opposer à ce que l'on vient de dire. Au début des Physiques, on dit précisément que ce
qui est plus universel est connu en premier lieu par nous. Or, les premiers connus sont plus
faciles à connaître. Il faut répondre que ce qui est plus universel selon la
simple appréhension est le premier connu, car ce qui est saisi tout d'abord
par l'intelligence est l'être, comme le dit Avicenne, et l'intelligence
connaît l’animal avant l’homme. Comme d'ailleurs dans l'être de la nature,
qui procède de puissance à acte, l'animal existe avant l'homme, ainsi dans la
génération de la science, on conçoit l’animal avant de concevoir l’homme.
Mais dans l’investigation des propriétés naturelles et des causes, on connaît
tout d’abord ce qui est moins commun, du fait que par les causes
particulières, qui sont d'un seul genre ou d’une seule espèce, nous parvenons
à la science des causes universelles. L’universel de cause est, quant à nous,
postérieur dans la connaissance, bien qu’il soit plus connu selon soi et bien
que l'universel par simple appréhension soit d'une certaine façon plus connu
par rapport à nous que le moins universel, sans pour cela admettre que
l'universel connu par simple appréhension soit connu avant que les singuliers
[par le sens] : la connaissance du sens qui concerne les singuliers,
précède en nous la connaissance intellectuelle qui porte sur l’universel. La
force de l'argument d'Aristote s'établit donc sur la restriction qu'il
pose : il ne dit pas absolument, mais seulement peut-être, que le plus universel est le plus difficile. Les choses qui sont en effet
séparées de la matière dans l'existence, comme les substances immatérielles,
sont encore plus difficiles à connaître pour nous que les universels : c'est
pourquoi cette science, qu'on appelle sagesse, bien que première en dignité,
doit être apprise la dernière. |
[81612] Cela semble
pourtant contredire la physique. Il y est dit en effet, qu'on connaît d'abord
le plus universel et que nos premières connaissances sont les plus faciles.
Mais il faut préciser que la connaissance commence par une appréhension très
universelle. L’être est par exemple ce qui vient en premier à l'intelligence,
comme le dit Avicenne. L’intelligence saisit la notion d'animalité avant
celle d'humanité car, de même que dans le mouvement naturel de la puissance à
l'acte, l’animal précède l'homme, de même dans sa démarche scientifique,
l’intelligence conçoit la nature animale avant celle de l'homme. Mais au regard de la
recherche des causes et des propriétés de la nature, on découvre d'abord les
faits les moins généraux, puisque c'est à partir des causes particulières, relevant
d'un genre unique, que nous parvenons aux causes universelles. Dans la ligne
de la causalité, nous ne connaissons l'universel qu'au terme d'une démarche
intellectuelle, bien que cette connaissance soit fondamentale, tandis que
dans le domaine de l'abstraction conceptuelle, les connaissances plus
universelles sont antérieures à celles qui le sont moins, et postérieures à
celles des phénomènes singuliers. La sensation porte sur le singulier, et
précède l'intelligence des universels. Il parait alors nécessaire d'expliquer
pourquoi Aristote n'a pas dit que la connaissance des causes universelles
était ce qu'il y a de plus difficile, mais qu'elle était «plutôt» difficile :
car les réalités dégagées de toute matérialité comme les substances
immatérielles, sont plus difficiles encore à comprendre. C'est pour cette
raison que la sagesse, si elle est première dans la hiérarchie des sciences,
est la dernière à laquelle nous pouvons parvenir. |
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[81613] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 12 Deinde cum dicit scientiarum vero ostendit tertium
eidem inesse, tali ratione. Quanto aliquae scientiae sunt priores
naturaliter, tanto sunt certiores: quod ex hoc patet, quia illae scientiae,
quae dicuntur ex additione ad alias, sunt minus certae scientiis quae pauciora
in sua consideratione comprehendunt ut arithmetica certior est geometria, nam
ea quae sunt in geometria, sunt ex additione ad ea quae sunt in arithmetica.
Quod patet si consideremus quid utraque scientia considerat ut primum
principium scilicet unitatem et punctum. Punctus enim addit supra unitatem
situm: nam ens indivisibile rationem unitatis constituit: et haec secundum
quod habet rationem mensurae, fit principium numeri. Punctus autem supra hoc
addit situm. Sed scientiae particulares sunt posteriores secundum naturam
universalibus scientiis, quia subiecta earum addunt ad subiecta scientiarum
universalium: sicut patet, quod ens mobile de quo est naturalis philosophia,
addit supra ens simpliciter, de quo est metaphysica, et supra ens quantum de
quo est mathematica: ergo scientia illa quae est de ente, et maxime
universalibus, est certissima. Nec illud est contrarium, quia dicitur esse ex
paucioribus, cum supra dictum sit, quod sciat omnia. Nam universale quidem
comprehendit pauciora in actu, sed plura in potentia. Et tanto aliqua
scientia est certior, quanto ad sui subiecti considerationem pauciora actu
consideranda requiruntur. Unde
scientiae operativae sunt incertissimae, quia oportet quod considerent multas
singularium operabilium circumstantias. |
Ensuite,
quand il dit : Ensuite, les sciences
les plus exactes, etc., il montre que la troisième opinion se rapporte au
sage, par la raison que voici. Une science est d’autant plus certaine qu’elle
est plus antérieure par nature : cela appert du fait que les sciences
dont le sujet comporte une addition au sujet d’une autre science, sont moins
certaines que celles dont le sujet comprend moins d'éléments, comme
l'arithmétique est plus certaine que la géométrie. Le sujet de la géométrie,
en effet, ajoute quelque chose au sujet de l'arithmétique, car ce que
considère le géomètre constitue une addition à ce que considère
l'arithmétique. L’évidence se fait si nous considérons ce que chacune de ces
sciences considère comme premiers principes : l'unité et le point. Le
point ajoute à l'unité la position : car l'être indivisible constitue la
raison d’unité : et cette unité, en tant qu'elle a raison de mesure,
devient le principe du nombre. Le point ajoute à cela la position. Mais les
sciences particulières sont postérieures selon la nature aux sciences
universelles, parce que leur sujet ajoute quelque chose au sujet des sciences
universelles comme il est évident que l’être mobile qui est le sujet de la
philosophie naturelle, ajoute à l'être pris absolument, qui est le sujet de
la métaphysique, et à l'être quantifié, qui est le sujet des mathématiques.
Donc la science qui porte sur l’être et qui s’occupe de ce qu’il y a de plus
universel est la plus certaine. Et le fait que le sujet de cette
science comporte moins d’éléments ne s'oppose pas à ce qu'il fut dit plus
haut, à savoir qu'elle connaît toutes choses. L'universel, en effet, ne
comprend que peu de choses en acte, mais une quantité de choses en puissance.
Et une science est d'autant plus certaine que la considération de son sujet
requiert moins d'éléments en acte à considérer. Voilà pourquoi les sciences
opératives sont très incertaines, parce qu'il faut qu'elles analysent la
multitude des circonstances des singuliers opérables. |
[81613] Plus une
science s'élève dans cette hiérarchie, plus elle est certaine. Une science
qui se sert d'une autre est moins rigoureuse que cette autre. Ainsi,
l’arithmétique est plus certaine que la géométrie dont la matière intègre les
nombres. C'est clair si l'on regarde le principe premier que chacune retient
: l’unité et le point. Le point ajoute à l'unité sa spatialisation. L'être
indivisible a raison d'unité, et, du point de vue de la mesure, l’unité est
principe de numération. Le point lui ajoute une situation dans l'espace. Les
sciences particulières sont au-dessous des sciences universelles. L’être
mobile par exemple, matière de la philosophie de la nature, ajoute à l'être
pur et simple de la métaphysique, et même à l'être quantitatif des
mathématiques. Par conséquent, la science portant sur l'être est la plus
universelle et la plus certaine. Et il n'y a pas contradiction dans le fait
de dire à la fois qu'elle est plus circonscrite et qu'elle permet de tout
connaître, car l'universel est peu diversifié en acte, et contient beaucoup en
puissance. Plus une science est certaine, moins les objets de son étude sont
nombreux. Les sciences pratiques, dont l’investigation porte sur de multiples
actes concrets et variés, sont donc les moins rigoureuses. |
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[81614] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 2 n. 13 Deinde
cum dicit est et doctrinalis ostendit quartum eidem inesse, tali ratione.
Illa scientia est magis doctrix vel doctrinalis, quae magis considerat
causas: illi enim soli docent, qui causas de singulis dicunt; quia scire per
causam est, et docere est scientiam in aliquo causare. Sed illa scientia quae
universalia considerat, causas primas omnium causarum considerat: unde patet
quod ipsa est maxime doctrix. |
Ensuite,
quand il dit : D’ailleurs, la
science, etc., il montre que la quatrième opinion appartient à la même
science par la raison suivante, Cette science est plus propre à
l’enseignement, autrement dit est plus doctrinale qui considère davantage les
causes : ceux-là seuls enseignent qui donnent les causes de chaque chose :
car la science est la connaissance des causes, et enseigner n’est pas autre
chose que communiquer la science. Mais la science qui considère les
universels considère les causes premières de toutes les causes : il est
donc manifeste qu'elle est la plus doctrinale. |
[81614] Cette science
est aussi la plus instructive, car plus qu'une autre, elle considère la
causalité. Instruire consiste uniquement en ceci : donner la cause de quelque
chose, car c'est avec la cause que l'on connaît, et enseigner, c'est faire
connaître. Or la science qui porte sur l'universel étudie les causes
premières de toute causalité. C'est donc évidemment elle qui est la plus
riche d'enseignements. |
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[81615] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 14 Deinde cum dicit et noscere ostendit quintum eidem
inesse, tali ratione. Illarum scientiarum maxime est scire et cognoscere
earum causa, idest propter seipsas et non propter alias, quae sunt de maxime
scibilibus: sed illae scientiae quae sunt de primis causis, sunt de maxime
scibilibus: igitur illae scientiae maxime sui gratia desiderantur. Primam sic
probat. Qui desiderat scire propter scire, magis desiderat scientiam: sed
maxima scientia est de maxime scibilibus: ergo illae scientiae sunt magis
desideratae propter seipsas quae sunt de magis scibilibus. Secundam probat
sic. Illa, ex quibus et propter quae alia cognoscuntur, sunt magis scibilia
his quae per ea cognoscuntur: sed per causas et principia alia cognoscuntur
et non e converso, et cetera. |
Ensuite,
quand il dit : De plus, savoir, etc.,
il montre que la cinquième opinion s’attribue à la même science, par la
considération suivante. C’est aux sciences qui étudient ce qu’il y a de plus
connaissable qu’il appartient le plus de savoir et de connaître à cause
d’elles-mêmes, non en vue d’autres sciences. Or, les sciences qui ont
en vue les causes premières portent sur les choses les plus connaissables.
C’est dire que ces sciences sont tout à fait leur propre fin. Il prouve la
première proposition comme suit : Celui qui désire le savoir pour le savoir,
désire davantage la science. Or, la science la plus haute porte sur le plus
connaissable. Donc, les sciences qui portent sur ce qui est plus connaissable
sont plus désirées pour elles-mêmes. Il prouve la seconde proposition de la
façon suivante. Les choses, à partir desquelles ou pour lesquelles les autres
sont connues, sont plus connaissables que celles qui sont connues par
elles : mais les autres choses sont connues par les causes et les
principes, et non inversement, etc. |
[81615] Plus une
science permet de connaître, et plus elle se justifie par elle-même, plutôt
qu'en vue d'autre chose. Or celle qui traite des causes premières offre le
savoir le plus élevé. C'est donc d'abord pour elle qu'on s'y adonne. Car
celui qui n'a d'autre but que de savoir, recherche essentiellement la
science, et la science la plus haute traite du savoir le plus élevé. Par
conséquent, la science la plus désirée pour elle-même est celle qui offre les
connaissances les plus riches. En outre, les connaissances grâce auxquelles
nous avons l’intelligence du reste, et qui sont les plus fécondes, sont
celles des causes et des principes, et non l'inverse. La science maîtresse,
dont les autres sont les servantes, considère la fin qui fait agir chacun. Un
vaisseau, fait pour naviguer, est dirigé par son capitaine. C'est donc lui le
commanditaire, et le fabriquant son commandité. Or plus qu'une autre, la
science dont nous parlons considère la finalité de tout. C'est le bien propre
de chacun qui le fait agir. Or il y a une fin qui est un bien pour chaque
genre de réalités, et la fin de toutes choses, dans tout l'univers, est ce
qu'il y a de meilleurs pour toute la nature. Son étude relève donc de cette
première science, qui gouverne toutes les autres. |
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[81616] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 2 n. 15 Deinde
cum dicit maxime vero ostendit sextum inesse eidem: et est ratio talis. Illa scientia se habet ad alias ut principalis, sive
ut architectonica ad servilem sive ad famulantem, quae considerat causam finalem,
cuius causa agenda sunt singula; sicut apparet in his, quae supra diximus. Nam gubernator, ad quem pertinet usus navis, qui est
finis navis, est quasi architector respectu navisfactoris, qui ei famulatur.
Sed praedicta scientia maxime considerat causam finalem rerum omnium. Quod ex
hoc patet, quia hoc cuius causa agendo sunt singula, est bonum
uniuscuiusque, idest particulare bonum. Finis autem bonum est in
unoquoque genere. Id vero, quod est finis omnium, idest ipsi universo, est
hoc quod est optimum in tota natura: et hoc pertinet ad considerationem
praedictae scientiae: ergo praedicta est principalis, sive architectonica
omnium aliarum. |
Ensuite, quand dit : Enfin, la science souveraine, etc., il manifeste que la sixième
opinion s'attribue à la même science. En voici la raison. La science qui est
principale par rapport aux autres, et architectonique en relation aux
sciences serviles ou servantes, est celle qui considère la cause finale,
cette cause un vue de laquelle on doit poser chacune des actions, comme il
apparaît dans ce que nous avons noté auparavant. Car le capitaine, à qui
appartient l'usage du navire, qui est la fin du navire, est quasi architecte
par rapport au fabricant, qui est son serviteur. Mais c’est la science dont
il est question qui considère au plus haut point la cause finale de toutes
choses. Ce qui est évident du fait que la cause de l’accomplissement des
actions singulières est le bien dans
chaque chose, c'est-à-dire le bien particulier à chaque singulier. La
fin, en effet, est le bien dans chaque genre de choses. Et ce qui est la fin
de toutes choses, de l’univers lui-même, est ce qu’il y a de meilleur dans
toute la nature. Et ce qu’il y a de plus parfait dans la nature appartient à
la considération de cette science : donc cette science est principale ou
architectonique par rapport à toutes les autres. |
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[81617]
Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 2 n. 16 Deinde cum dicit ex omnibus concludit ex praedictis
conclusionem intentam; dicens, quod ex omnibus praedictis apparet, quod in
eamdem scientiam cadit nomen sapientiae, quod quaerimus; scilicet in illam
scientiam, quae est theorica, idest speculativa primorum principiorum et
causarum. Hoc autem manifestum est quantum ad sex primas conditiones, quae
manifeste pertinent consideranti universales causas. Sed, quia sexta conditio
tangebat finis considerationem, quae apud antiquos non manifeste ponebatur
esse causa, ut infra dicetur; ideo specialiter ostendit, quod haec conditio
est eiusdem scientiae, quae scilicet est considerativa primarum causarum;
quia videlicet ipse finis, qui est bonum, et cuius causa fiunt alia, est una
de numero causarum. Unde scientia, quae considerat primas et universales
causas, oportet etiam quod consideret universalem finem omnium, quod est
optimum in tota natura. |
Ensuite, quand Aristote dit: De tout ce que nous venons de dire, etc., il aboutit à la
conclusion désirée en disant qu'à partir de toutes ces réflexions il est
évident que la définition de la sagesse, que nous recherchons, appartient à
la même science, à savoir à cette science qui est théorique, qui scrute les
premiers principes et les premières causes. Ce qui est manifeste d'après
l'exposé des six premières conditions qui caractérisent celui qui étudie les
causes universelles. Mais parce que la sixième condition ouvre à la
considération de la fin, qui n'était pas clairement posée comme cause par les
anciens, comme il sera dit plus loin, il montre d'une façon spéciale que
cette condition appartient proprement à la science qui considère les causes
premières. La fin qui est le bien, et en vue de laquelle tout le reste se
fait, est une des causes. La science qui considère les causes premières et
universelles doit donc aussi considérer la fin universelle de toutes choses,
qui est ce qu’il y a de meilleur dans toute la nature. |
[81617] Le nom de
sagesse revient donc à une seule science, objet de notre recherche. C'est une
science théorique, spéculant sur les premiers principes et les premières causes.
C'est évident des cinq premières caractéristiques, qui toutes ont trait aux
causes universelles. Mais comme la sixième aborde le problème de la fin, que
les anciens philosophes ne posèrent pas clairement comme cause, Aristote
mentionne spécialement cette autre propriété de la science des causes
premières. La fin est un bien pour lequel on agit, et fait donc partie des
causes. Par conséquent, la science des causes premières et universelles doit
aussi considérer la fin universelle de toute chose, qui est le meilleur de la
nature. |
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Leçon 3 texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Et
qu’elle n’a pas un but pratique, c’est ce qui est évident par l’exemple des premiers
qui se sont occupés de philosophie. Ce fut, en effet, l’étonnement d’abord
comme aujourd’hui, qui fit naître parmi les hommes les recherches
philosophiques. Entre les phénomènes qui les frappaient, leur curiosité se
porta d’abord sur ce qui était le plus à leur portée ; puis, s’avançant
ainsi peu à peu, ils en vinrent à se demander compte de plus grands
phénomènes, comme des divers états de la lune, du soleil, des astres, et
enfin de l’origine de l’univers. Or, douter et s’étonner, c’est reconnaître
son ignorance. Voilà pourquoi on peut dire en quelque manière que l’ami de la
philosophie est aussi celui des mythes ; car la matière du mythe, c’est
l’étonnant, le merveilleux. Si donc on a philosophé pour échapper à
l’ignorance, il est clair qu’on a poursuivi la science pour savoir et sans
aucun but d’utilité. Le fait eu fait foi : car tout ce qui regarde les
besoins, le bien-être et la commodité de la vie était déjà trouvé, lorsqu’on
entreprit un tel ordre de recherches. Il est donc évident que nous ne
cherchons la philosophie dans aucun intérêt étranger ; et comme nous
appelons homme libre celui qui s’appartient à lui-même et qui n’appartient
pas à un autre, de même la philosophie est de toutes les sciences la seule
libre ; car seule elle est à elle-même son propre but. Aussi, ne
serait-ce pas sans quelque raison qu’on regarderait comme plus qu’humaine la
possession de cette science ; car la nature de l’homme est esclave à
beaucoup d’égards ; la divinité seule, pour parler comme Simonide, aurait
ce privilège, et il ne convient pas à l’homme de ne pas se borner à la
science qui est à son usage. Si donc les poètes disent vrai, et si la nature
divine doit être envieuse, c’est surtout au sujet de cette prétention, et
tous les téméraires qui la partagent, eu portent la peine. Mais la divinité
ne peut connaître l’envie ; les poètes, comme dit le proverbe, sont
souvent menteurs, et il n’y a pas de science à laquelle il faille attacher
plus de prix. Car la plus divine est celle qu’on doit priser le plus ;
or, celle-ci porte seule ce caractère à un double titre. En effet, une
science qui appartiendrait à Dieu, et qui s’occuperait de choses divines,
serait sans contredit une science divine : et seule, celle dont nous
parlons satisfait à ces deux conditions. D’une part, Dieu est reconnu de tout
le monde comme le principe même des causes ; et de l’autre, la science
des causes lui appartient exclusivement ou dans un degré supérieur. Ainsi
toutes les sciences sont plus nécessaires que la philosophie, mais nulle n’est
plus excellente. Et rien ne diffère plus que la possession de cette science
et son début. On commence, ainsi que nous l’avons dit, par s’étonner que les
choses soient de telle façon ; et comme on s’émerveille en présence des
automates, quand on n’en connaît pas les ressorts, de même nous nous étonnons
des révolutions du soleil et de l’incommensurabilité du diamètre ; car
il semble étonnant à tout le monde qu’une quantité ne puisse être mesurée par
une quantité si petite qu’elle soit. C’est, comme dit le proverbe, par le
contraire et par le meilleur qu’il faut finir, comme il arrive dans le cas
que nous venons de citer, lorsqu’enfin on est parvenu à s’en rendre
compte : car rien n’étonnerait plus un géomètre que si le diamètre
devenait commensurable. Nous venons de déterminer la nature de la science
que nous cherchons, le but de cette science et de tout notre travail. |
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Lectio 3 |
Leçon 3, [Le caractère de
la sagesse] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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Leçon 3,
(Traduction Guy Delaporte 2004).
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[81618] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 1 Ostenso circa quae versatur consideratio huius
scientiae, ostendit qualis sit scientia ista. Et circa hoc duo facit. Primo
ostendit dignitatem huius scientiae. Secundo ostendit ad quem terminum ista
scientia pervenire conetur, ibi, oportet vero aliqualiter et cetera. Circa
primum facit quatuor. Primo ostendit quod non est scientia activa, sed
speculativa. Secundo, quod ipsa est libera maxime, ibi, sed ut dicimus et
cetera. Tertio, quod non est humana, ibi, propter quod et iuste. Quarto, quod
est honorabilissima, ibi, nec ea aliam. Primum ostendit dupliciter. Primo per rationem. Secundo per signum, ibi,
testatur autem hoc et cetera. |
Après avoir montré sur quoi porte
cette science, Aristote en manifeste le caractère. Ce qu'il fait en deux
points. En premier, il fait voir sa dignité. En second, il indique le terme
de sa recherche, où il dit : Et
rien ne diffère plus, etc. Il divise son premier point en quatre parties.
En premier, il montre qu'elle n'est pas une science pratique, mais
spéculative. En second, il montre qu'elle est la plus libérale, la plus libre
des sciences, où il dit : et comme
nous appelons, etc. En troisième, il montre qu'elle n'est pas une science
humaine, où il dit : Aussi, ne
serait-ce pas, etc. En quatrième, il montre qu'elle est la plus
honorable, où il écrit : et il n’y
a pas de science, etc. Il démontre sa première partie de deux façons. En
premier, par une preuve de raison. En second, par un signe, quand il dit : Le fait en fait foi, etc. |
[81618] Après avoir
circonscrit l'objet de cette science, Aristote en manifeste la qualité, en
illustrant sa dignité et en présentant le résultat qu'elle s'efforce
d'atteindre. |
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[81619] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 3 n. 2 Primo
ergo ponit talem rationem. Nulla scientia in qua quaeritur ipsum scire
propter seipsum, est scientia activa, sed speculativa: sed illa scientia,
quae sapientia est, vel philosophia dicitur, est propter ipsum scire: ergo
est speculativa et non activa. Minorem hoc modo manifestat. Quicumque quaerit
fugere ignorantiam sicut finem, tendit ad ipsum scire propter seipsum: sed
illi, qui philosophantur, quaerunt fugere ignorantiam sicut finem: ergo
tendunt in ipsum scire propter seipsum. |
En premier donc, il donne la
raison suivante. Toute science où l'on recherche le savoir pour lui-même est
spéculative et non pas active. Or la science, qui est la sagesse, ou qu'on
appelle philosophie, est en vue du savoir lui-même; donc, elle est
spéculative et non pas active. Il éclaire la mineure de la façon suivante.
Quiconque a comme fin de fuir l'ignorance tend au savoir pour le savoir
lui-même; or, ceux qui font de la philosophie ont pour fin de fuir
l'ignorance: donc, ils tendent au savoir lui-même pour lui-même. |
[81619] Sa valeur lui
vient de ce qu'elle est une science spéculative, et non pas une science
pratique, de ce qu'elle est la plus autonome des sciences, de ce qu'elle
dépasse les capacités naturelles de l'homme, et de ce qu'elle est la plus
vénérable des sciences. Toute science qui cherche uniquement à savoir, n'est
pas dite pratique, mais spéculative, et d'abord celle qu'on nomme sagesse ou
encore philosophie, car elle ne vise que la seule connaissance. Quiconque
veut en effet, comme le philosophe, remédier à son ignorance, n'a d'autre but
à ses recherches que le savoir. |
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[81620] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 3 Quod autem ignorantiam fugere quaerant, patet ex
hoc, quia illi, qui primo philosophati sunt, et qui nunc philosophantur,
incipiunt philosophari propter admirationem alicuius causae: aliter tamen a
principio, et modo: quia a principio admirabantur dubitabilia pauciora, quae
magis erant in promptu, ut eorum causae cognoscerentur: sed postea ex
cognitione manifestorum ad inquisitionem occultorum paulatim procedentes
incoeperunt dubitare de maioribus et occultioribus, sicut de passionibus
lunae, videlicet de eclypsi eius, et mutatione figurae eius, quae variari
videtur, secundum quod diversimode se habet ad solem. Et similiter
dubitaverunt de his quae sunt circa solem, ut de eclypsi eius, et motu
ipsius, et magnitudine eius. Et de his quae sunt circa astra, sicut de
quantitate ipsorum, et ordine, et aliis huiusmodi, et de totius universi
generatione. Quod quidam dicebant esse generatum casu, quidam intellectu,
quidam amore. |
Qu'ils recherchent à fuir
l'ignorance, cela est évident du fait que les pionniers de la philosophie
aussi bien que ceux qui s'y livrent actuellement, se donnent à la recherche
philosophique par admiration ou étonnement devant certaines causes.
Cependant, l’admiration a varié avec le temps. Au début, l'étonnement porta
sur un petit nombre de difficultés, les premières qui se présentaient à l'esprit,
dans le but de connaître leurs causes; mais ensuite, allant lentement des
solutions connues vers l'exploration des choses inconnues, les penseurs
commencèrent à se poser des problèmes plus importants et plus difficiles à
pénétrer, tels que les divers états de
la lune : son éclipse et son changement de figure qui varient
d'après sa position par rapport au soleil. Et pareillement, ils se posèrent
des questions sur ce qu'ils observaient du soleil : son éclipse, son
mouvement, sa grandeur; des questions aussi sur les astres: leur nombre,
l'ordre qu’ils ont entre eux, et ainsi de suite. Ils se questionnèrent aussi
sur l'origine de l'univers. Certains attribuaient la genèse de l'univers au
hasard, d'autres à l'intelligence, d'autres à l'amour. |
[81620] Or les premiers
qui commencèrent à philosopher, s'étonnèrent d'abord de certains phénomènes.
Différemment certes de maintenant, car leurs observations avaient trait à des
problèmes peu compliqués, dont ils eurent rapidement l'explication. Mais
s'appuyant sur ces certitudes simples pour scruter l'inconnu, ils en
arrivèrent à s'interroger sur des sujets plus nombreux et plus difficiles,
comme les mouvements de la lune, ses phases et ses éclipses. Ils
s'interrogèrent aussi sur les rotations du soleil, ses éclipses ou sa taille
; sur le nombre et la position des astres ; sur l'origine de l'univers, due
au hasard pour certains, à l'intelligence pour d'autres, ou à l'amour pour
d'autres encore. |
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[81621] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 3 n. 4 Constat
autem, quod dubitatio et admiratio ex ignorantia provenit. Cum enim aliquos
manifestos effectus videamus, quorum causa nos latet, eorum tunc causam
admiramur. Et ex quo admiratio fuit causa inducens ad philosophiam, patet
quod philosophus est aliqualiter philomythes, idest amator fabulae,
quod proprium est poetarum. Unde primi, qui per modum quemdam fabularem de
principiis rerum tractaverunt, dicti sunt poetae theologizantes, sicut fuit
Perseus, et quidam alii, qui fuerunt septem sapientes. Causa autem, quare
philosophus comparatur poetae, est ista, quia uterque circa miranda versatur.
Nam fabulae, circa quas versantur poetae, ex quibusdam mirabilibus
constituuntur. Ipsi etiam philosophi ex admiratione moti sunt ad
philosophandum. Et quia admiratio ex ignorantia provenit, patet quod ad hoc
moti sunt ad philosophandum ut ignorantiam effugarent. Et sic deinde patet,
quod scientiam, persecuti sunt, idest studiose quaesierunt, solum ad
cognoscendum, et non causa alicuius usus idest utilitatis. |
Or, il est certain que le doute et
l'admiration naissent de l'ignorance. En effet, lorsque nous voyons certains
effets manifestes dont nous ignorons la cause, nous sommes étonnés :
quelle en est la cause? Ce qui permet de dire que l'admiration est à
l'origine de la recherche philosophique, c’est que, d'une certaine façon, le
philosophe aime les mythes; il est, en quelque sorte, un amateur de fables,
ce qui est le propre des poètes. De là vient qu'on appelle les premiers
penseurs, qui ont traité des principes des choses sous le mode de quelque
récit fabuleux, des poètes-théologiens, comme le furent Persée, et quelques
autres qui forment le groupe des sept sages. La raison pour laquelle on
compare le philosophe au poète est que tous deux sont concernés par le
merveilleux et l'étonnant. Car les fables que construisent les poètes sont
constituées d'éléments merveilleux. Les philosophes eux-mêmes ont été aussi
poussés à faire de la philosophie à cause de l’admiration. Et, parce que
l'admiration vient de l'ignorance, il est évident qu’ils se livrèrent à
l'étude philosophique pour fuir l'ignorance. Ainsi, on voit qu’ils ont poursuivi la science, c'est-à-dire
qu'ils se sont donnés à une étude sérieuse, uniquement pour connaître, et non
pour un but d’utilité, afin de s’en
servir. |
[81621] Reste que
l'interrogation et l'observation viennent de l'ignorance. Lorsque n'apparaît
pas la cause d'effets tout à fait visibles, nous nous en inquiétons, et cet
étonnement qui conduit à la sagesse, fait du philosophe une sorte de «
philomythe », amateur des paraboles propres aux poètes. Les premiers auteurs
des mythes explicatifs de l'origine des choses furent nommés poètes
théologiens, comme Persée, et quelques autres connus sous le nom de «sept
sages». On compare le philosophe au poète parce que tous les deux sont
attirés par ce qui suscite leur admiration attentive. Comme l’allégorie de
l'artiste naît de sa contemplation, l’aiguillon philosophique se nourrit du
regard du savant. On cherche à l'évidence dans la philosophie un antidote à
cette ignorance qui pousse à l'observation, et l'ardente quête scientifique
n'a donc pour but que le savoir, et non quelque intention utilitaire. |
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[81622] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 5 Notandum est autem, quod cum prius nomine sapientiae
uteretur, nunc ad nomen philosophiae se transfert. Nam pro eodem accipiuntur.
Cum enim antiqui studio sapientiae insistentes sophistae, idest sapientes
vocarentur, Pythagoras interrogatus quid se esse profiteretur, noluit se
sapientem nominare, sicut sui antecessores, quia hoc praesumptuosum videbatur
esse; sed vocavit se philosophum, idest amatorem sapientiae. Et exinde nomen
sapientis immutatum est in nomen philosophi, et nomen sapientiae in nomen
philosophiae. Quod etiam nomen ad propositum aliquid facit. Nam ille videtur
sapientiae amator, qui sapientiam non propter aliud, sed propter seipsam
quaerit. Qui enim aliquid propter alterum quaerit, magis hoc amat propter
quod quaerit, quam quod quaerit. |
Il faut cependant remarquer que le
mot « sagesse » dont on se servait auparavant est maintenant
remplacé par celui de « philosophie », car les deux mots désignent
la même chose. En effet, comme on appelait les premiers penseurs s'appliquant
à l'étude de la sagesse « sophistes », c'est-à-dire sages, on demanda
à Pythagoras quel titre il se donnait. Mais lui, ne voulant pas s'appeler
sage, comme ses prédécesseurs, titre qui semblait ambitieux, s'appela
philosophe, c'est-à-dire un ami de la sagesse. De là, le mot
« sage » s'est transformé en celui de « philosophe » et
le nom de sagesse en celui de philosophie. Ce dernier mot apporte sa
contribution à l’idée que nous voulons exposer. En effet, celui-là semble un
amant de la sagesse qui ne la recherche pas en vue d'autre chose, mais pour
elle-même. Celui qui recherche quelque chose en vue d'autre chose préfère
cette autre chose qui est fin de sa recherche à ce qu'il recherche. |
[81622] On s'est
d'abord servi du mot sagesse pour désigner ce qu'aujourd'hui on nomme
philosophie. Les anciens qui recherchaient la sagesse par l'étude,
s'appelaient eux-mêmes «sophistes», c'est à dire sages, et Pythagore,
s'interrogeant sur le titre qu'il se donnerait, ne voulut pas paraître
présomptueux en suivant ses prédécesseurs. Il se nomma donc «philosophe»,
c'est à dire ami de la sagesse. Et depuis ce temps, sage et philosophe, comme
sagesse et philosophie, sont synonymes. Concernant notre propos, on voit
qu'aimer la sagesse, c'est la rechercher pour elle-même et non pour autre
chose, car on poursuit un but en vue d'un autre plutôt par amour du dernier
que du premier. |
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[81623] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 3 n. 6 Deinde
cum dicit testatur autem probat idem per signum; dicens, quod hoc quod dictum
est, scilicet quod sapientia vel philosophia non sit propter aliquam utilitatem
quaesita, sed propter ipsam scientiam, testatur accidens, idest
eventus, qui circa inquisitores philosophiae provenit. Nam cum eis cuncta
fere existerent, quae sunt ad necessitatem vitae, et quae sunt ad
pigritiam, idest ad voluptatem, quae in quadam vitae quiete consistit, et
quae sunt etiam ad eruditionem necessaria, sicut scientiae logicales, quae
non propter se quaeruntur, sed ut introductoriae ad alias artes, tunc primo
incoepit quaeri talis prudentia, idest sapientia. Ex quo patet, quod non quaeritur
propter aliquam necessitatem aliam a se, sed propter seipsam: nullus enim
quaerit hoc quod habetur. Unde, quia omnibus aliis habitis ipsa quaesita est,
patet quod non propter aliquid aliud ipsa quaesita est, sed propter seipsam. |
Ensuite, quand il dit : Le fait en fait foi, etc., il prouve
la même idée par un signe. Il dit que l'affirmation susdite, qui veut que la
sagesse ou la philosophie ne soit pas recherchée pour une autre fin que la
science elle-même, est attestée par le
fait, c'est-à-dire l’historique, qui concerne les chercheurs de la
philosophie. En effet, c'est au moment où ces penseurs possédaient
pratiquement tout ce qui est nécessaire à la vie et à l'oisiveté, c'est-à-dire au plaisir, qui consiste dans un certain
repos de la vie, et à l'érudition, comme les sciences logiques qui ne sont
pas recherchées pour elles-mêmes mais comme introduction aux autres arts,
qu'ils commencèrent à rechercher une telle prudence, c'est-à-dire la sagesse.
Par là on voit que cette sagesse n'est pas recherchée pour une nécessité
autre que sa propre nécessité, mais pour elle-même : personne ne se met
à la recherche de ce qu'il possède. C'est pourquoi, si on s'est mis à sa
recherche après avoir possédé les autres arts, il est évident qu'on ne l'a
pas recherchée pour autre chose que pour elle-même. |
[81623] L’enchaînement
des événements dans la quête de la philosophie est lui aussi significatif :
Une fois que furent pratiquement assurés non seulement les moyens nécessaires
à la vie, mais aussi les biens permettant l'oisiveté et le repos, ainsi que
l'érudition indispensable, notamment en logique, dont le but n'est pas d'être
connue, mais d'introduire aux autres disciplines, ce n'est qu'alors que
l'homme commença à s'interroger sur ce genre d'éthique qu'est la sagesse. Il
ne le fit donc pas en vue d'autre chose, car on ne cherche pas ce que I'on a,
et comme l'homme possédait tout le reste quand il commença de philosopher, il
le fit bien sans autre but. |
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[81624] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 7 Deinde cum dicit sed ut dicimus hic probat secundum,
scilicet quod ipsa sit libera; et utitur tali ratione. Ille homo proprie
dicitur liber, qui non est alterius causa, sed est causa suiipsius. Servi
enim dominorum sunt, et propter dominos operantur, et eis acquirunt quicquid
acquirunt. Liberi autem homines sunt suiipsorum, utpote sibi acquirentes et
operantes. Sola autem haec scientia est propter seipsam: ergo ipsa sola est
libera inter scientias. |
Puis, quand Aristote dit : et comme nous appelons, etc., il
manifeste que cette science est libérale. Il se sert de la raison suivante.
On appelle proprement libre l'homme qui n'existe pas en vue d’un autre, mais
est sa propre fin. Les esclaves, en effet, appartiennent aux maîtres, œuvrent
pour eux, et ramassent pour leurs maîtres tout ce qu'ils acquièrent, alors
que les hommes libres s'appartiennent à eux-mêmes, acquérant et travaillant
pour eux-mêmes. Or, seule cette science est sa propre fin. Donc, elle est seule
à être vraiment libérale parmi les sciences. |
[81624] Cette science
est autonome. Est dit libre l'homme qui dépend de lui-même et non d'autrui.
Le serviteur appartient à son maître, travaille pour lui, et tient de lui
tout ce qu'il possède, alors que l'homme libre doit à lui-même son état, ses
actes et ses biens. De même notre science, la seule parmi toutes à se suffire
à elle-même, est la seule à être libre. Cela veut d'abord dire en général
qu'étant spéculative, elle relève du seul genre de sciences que l'on
recherche pour elles-mêmes. Ne sont dit arts libéraux que ceux qui sont
ordonnés au savoir. |
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[81625] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 3 n. 8 Et
notandum, quod hoc potest dupliciter intelligi. Uno modo quod hoc quod dicitur haec sola
demonstret in genere omnem scientiam speculativam. Et tunc verum est quod solum hoc genus scientiarum
propter seipsum quaeritur. Unde et illae solae artes liberales dicuntur, quae
ad sciendum ordinantur: illae vero quae ordinantur ad aliquam utilitatem per
actionem habendam, dicuntur mechanicae sive serviles. Alio modo, ut
demonstret specialiter istam philosophiam, sive sapientiam, quae est circa
altissimas causas; quia inter causas altissimas etiam est finalis causa, ut
supra dictum est. Unde oportet, quod haec scientia consideret ultimum et
universalem finem omnium. Et sic omnes aliae scientiae in eam ordinantur
sicut in finem; unde sola ista maxime propter se est. |
Et il faut remarquer que le texte
peut être compris de deux façons. D'une première façon, en tant que
l'expression « seule cette science » désignerait en général toute
science spéculative : seul, ce genre de science. En ce cas-là, il est
vrai que seul ce genre de science est recherché pour lui-même. C’est
pourquoi, on appelle arts libéraux uniquement ceux qui sont ordonnés au
savoir; ceux qui sont ordonnés à quelque utilité par l'entremise d'une
action, on les appelle arts mécaniques ou serviles. D'une seconde façon,
l’expression désigne très spécialement la philosophie, ou la sagesse, qui
porte sur les causes les plus hautes, car, parmi les causes les plus élevées,
il y a la cause finale, comme on l'a noté auparavant. C'est pourquoi, il faut
que cette science considère la fin ultime et universelle de toutes choses. Et
ainsi, toutes les autres sciences lui sont ordonnées comme à une fin. De là
vient que seule cette science est tout à fait sa propre fin. |
[81625] Les autres
visent à quelque service pratique et sont nommés métiers ou techniques. Mais
surtout de façon spécifique, la philosophie ou sagesse porte sur les causes
les plus élevées, au nombre desquelles se compte la cause finale. Cette
science doit donc considérer la fin ultime et universelle de tout. Par
conséquent, toutes les autres sciences lui sont ordonnées et elle seule est
entièrement à elle-même sa propre fin. |
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[81626] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 9 Deinde cum dicit propter quod hic probat tertium
scilicet quod non sit humana. Et circa hoc duo facit. Primo ostendit propositum.
Secundo excludit quorumdam errorem, ibi, quare secundum Simonidem et cetera.
Ostendit autem propositum suum tali ratione. Scientia, quae est maxime
libera, non potest esse ut possessio naturae illius, quae multipliciter est
ministra vel ancilla: humana autem natura in multis, idest quantum ad
multa est ministra: ergo praedicta scientia non est humana possessio. Dicitur
autem humana natura ministra, inquantum multipliciter necessitatibus
subditur. Ex quo provenit, quod quandoque praetermittit id quod est secundum
se quaerendum, propter ea quae sunt necessaria vitae; sicut dicitur in tertio
topicorum, quod philosophari melius est quam ditari, licet ditari quandoque
sit magis eligendum, puta indigenti necessariis. Ex quo patet, quod illa
sapientia tantum propter seipsam quaeritur, quae non competit homini ut
possessio. Illud enim habetur ab homine ut possessio, quod ad nutum habere
potest, et quo libere potest uti. Ea autem scientia, quae propter se tantum
quaeritur, homo non potest libere uti, cum frequenter ab ea impediatur
propter vitae necessitatem. Nec etiam ad nutum subest homini, cum ad eam
perfecte homo pervenire non possit. Illud tamen modicum quod ex ea habetur, praeponderat
omnibus quae per alias scientias cognoscuntur. |
Ensuite, quand Aristote dit; Aussi, ne serait-ce pas, etc., il
manifeste le troisième caractère de cette science, à savoir qu’elle n’est pas
humaine. Ce qu’il fait en deux points. En premier, il propose son intention.
En second, il exclut une certaine erreur, où il dit : la divinité seule, etc. Voici comment
il manifeste son propos. La science tout à fait libérale ne peut être
pleinement la possession d'une nature qui est servante ou serve de multiples
façons : la nature humaine est vraiment esclave à beaucoup d’égards. Donc, la science susdite n’est pas de
possession humaine. On dit que la nature humaine est servante, parce qu'elle
est soumise à différentes nécessités de plusieurs manières. Voilà pourquoi on
doit souvent délaisser la poursuite de ce qui devrait être recherché pour
soi, pour vaquer aux nécessités de la vie. Comme il est dit au livre III des Topiques, il vaut mieux philosopher
que s'enrichir, bien qu’il soit parfois préférable de ramasser des richesses,
par exemple pour celui qui est dans le besoin. D'où il appert que la sagesse
qui est désirée uniquement pour elle-même n'est pas de possession humaine.
Car l'homme ne possède vraiment que ce qu'il a selon son bon plaisir et ce
dont il peut se servir librement. Or, l'homme ne peut précisément pas se
servir librement d'une sagesse qui est recherchée pour elle-même, puisqu’il
en est fréquemment empêché par les besoins de la vie. Et l'homme ne peut la
soumettre selon son bon plaisir, puisqu'il ne peut l'atteindre parfaitement.
Cependant, le peu qu'il en possède est déjà préférable à tout ce qu'il
connaît par les autres sciences. |
[81626] Elle dépasse
les capacités de l'homme car son indépendance en interdit la possession à une
nature asservie à beaucoup de contraintes. Or la condition humaine est
soumise à tant de nécessités qu'il lui arrive de laisser de côté une démarche
en soi essentielle pour vaquer aux obligations de la vie. Aristote dit
ailleurs que philosopher vaut mieux que s'enrichir mais que parfois
l'indigence fait d'abord un devoir de gagner de l'argent. Preuve de plus que
la sagesse n'est voulue que pour elle-même : l’homme ne la possède pas. On
est propriétaire des biens que l'on peut produire à volonté, ou dont on
dispose librement. Or l'homme n'a pas le libre usage de cette science
auto-finalisée, puisqu'il en est fréquemment distrait par les charges
quotidiennes. Il n'en a pas non plus la parfaite maîtrise, puisqu'il ne peut
en faire le tour. Pourtant le peu qu'il acquiert l'emporte sur tout ce qu'il
peut savoir par une autre science. |
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[81627] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 10 Deinde cum dicit quare secundum hic excludit errorem
cuiusdam Simonidis poetae, qui dicebat, quod soli Deo competit hunc honorem
habere, quod velit illam scientiam, quae est propter seipsam quaerenda, et
non propter aliud. Sed non est dignum viro, quod non quaerat illam scientiam
quae est secundum suam conditionem, quae scilicet ordinatur ad necessaria
vitae, quibus homo indiget. |
Ensuite, quand il dit : la divinité seule, etc., il rejette l'erreur
d'un certain Simonide, poète, qui disait qu'à Dieu seul appartient l'honneur
ou le privilège de vouloir une science recherchée pour elle-même et non pour
autre chose, et qu'il ne convient pas à l'homme de vouloir posséder une
science qui n'est pas conforme à sa condition humaine, toute tournée vers le
nécessaire à la vie, dont elle a besoin. |
[81627] Le poète
Simonide prétend qu'à Dieu seul revient l'honneur de vouloir une science
désirée pour elle-même, et que l'homme en est indigne car elle est au-delà de
sa condition qui est de se soumettre aux nécessités vitales qui le pressent. |
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[81628] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 3 n. 11 Iste
autem error Simonidis proveniebat ex aliquorum poetarum errore, qui dicebant,
quod res divina invidet, et ex invidia ea quae ad honorem suum pertinent non
vult Deus ab omnibus acceptari. Et si in aliis Deus hominibus invidet, multo
magis est iustum in hoc, scilicet in scientia propter se quaesita, quae est
honorabilissima inter omnia. Et secundum eorum opinionem, sequitur, quod
omnes imperfecti sunt infortunati. Fortunatos enim esse homines dicebant ex
providentia deorum, qui eis bona sua communicabant. Unde ex invidia deorum
sua bona communicare nolentium, sequitur, quod homines extra perfectionem
huius scientiae remanentes sint infortunati. |
Et l'origine de cette erreur de
Simonide était une autre erreur de certains poètes qui disaient que la
divinité était jalouse, et que la jalousie poussait le dieu à ne pas vouloir
laisser partager par tous ce qui appartenait à son honneur propre. Et si la
jalousie des dieux s'exerce, dans d'autres cas, à l'endroit des hommes, c'est
à bien meilleur droit qu’elle se déploie dans ce cas-ci, à savoir par rapport
à une science recherchée pour elle-même, science qui est la plus honorable
entre toutes. Et, d'après leur opinion, il s'ensuit que tous les hommes qui
n'ont pas accès à cette science sont des infortunés : la bonne fortune
était, disaient-ils, le sort que réservait à certains hommes, auxquels elle
communiquait ses biens, la providence des dieux. Donc, par la jalousie des
dieux s'opposant à partager leurs biens propres, il s'ensuit que les hommes
qui sont exclus de la perfection de cette science sont des infortunés. |
Cette erreur vient des
dires de quelques poètes. Selon eux, la divinité est envieuse de son honneur,
et ne veut pas le mettre à la portée des hommes. Elle l'est d'autant plus
précisément à propos de cette science auto-finalisée, qui est la plus noble
de toutes. A les entendre, les êtres imparfaits sont tous rejetés, et les
élus sont ceux à qui la providence communique ses bienfaits. C'est donc par
envie que les dieux refusent d'accorder leur bonté, et que les hommes exclus
de la sagesse sont des réprouvés. |
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[81629] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 3 n. 12 Sed
radix huius opinionis est falsissima; quia non est conveniens, quod aliqua
res divina invideat. Quod ex hoc patet, quia invidia est tristitia de
prosperitate alicuius. Quod quidem accidere non potest, nisi quia bonum
alterius aestimatur ab invido ut proprii boni diminutio. Deo autem non
convenit esse tristem, cum non sit alicui malo subiectus. Nec etiam per bonum
alterius eius bonum diminui potest; quia ex eius bonitate, sicut ex
indeficienti fonte, omnia bona effluunt. Unde etiam Plato dixit, quod a Deo est omnis
relegata invidia. Sed poetae non solum in hoc, sed in multis aliis
mentiuntur, sicut dicitur in proverbio vulgari. |
Mais la racine de cette opinion
est très fausse, car il est absurde que la divinité soit jalouse. Ce qui est
évident par le fait que l'envie est la tristesse provoquée par la prospérité
d'un autre. Ce qui ne peut arriver qu'à la condition que l'envieux estime que
le bien de l'autre soit une diminution de son bien propre. Mais il ne
convient pas que Dieu soit triste, puisqu'il n'est soumis à aucun mal. Le
bien d’un autre ne peut non plus être une diminution de son propre bien car,
de sa bonté comme d'une source intarissable, découlent tous les biens. C'est
pourquoi, Platon lui-même dit qu'il faut soustraire toute envie de Dieu. Mais
les poètes n'ont pas seulement menti sur cette question, mais sur quantité
d'autres, comme le veut le proverbe populaire. |
[81629] La racine de
cette opinion est des plus fausses, car la divinité ne peut être envieuse de
quoi que ce soit. Ce sentiment est en effet une sorte d'amertume envers la
prospérité d'autrui, qui mine celui qui considère le bien des autres comme
une dégradation de son bien propre. Or Dieu ne peut être triste, puisqu'il
n'est sujet d'aucun mal, et aucun autre bien ne peut empiéter sur le sien,
car sa bonté est la source intarissable d'où jaillit tout bien. Même Platon a
dit que Dieu est exempt de toute envie. Les poètes mentent ici, mais, comme
dit le proverbe, en beaucoup d'autres endroits encore. |
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[81630] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 13 Deinde cum dicit nec ea aliam ostendit quartum,
scilicet quod haec scientia sit honorabilissima, tali ratione. Illa scientia
est maxime honorabilis, quae est maxime divina, sicut etiam Deus honorabilior
est rebus omnibus: sed ista scientia est maxime divina: ergo est
honorabilissima. Minor sic probatur. Aliqua scientia dicitur esse divina
dupliciter; et haec sola scientia utroque modo divina dicitur. Uno modo
scientia divina dicitur quam Deus habet. Alio modo, quia est de rebus divinis.
Quod autem haec sola habeat utrumque, est manifestum; quia, cum haec scientia
sit de primis causis et principiis, oportet quod sit de Deo; quia Deus hoc
modo intelligitur ab omnibus, ut de numero causarum existens, et ut quoddam
principium rerum. Item talem scientiam, quae est de Deo et de primis causis,
aut solus Deus habet, aut si non solus, ipse tamen maxime habet. Solus quidem
habet secundum perfectam comprehensionem. Maxime vero habet, inquantum suo
modo etiam ab hominibus habetur, licet ab eis non ut possessio habeatur, sed
sicut aliquid ab eo mutuatum. |
Ensuite, quand il dit : et il n’y a pas de science, etc.
Aristote manifeste le quatrième caractère de cette science, la qualité d'être
la plus honorable, par la raison suivante. La science la plus honorable est
la science la plus divine, de la même façon que Dieu est plus digne d’honneur
que toutes choses : mais la science dont nous parlons est la plus
divine. Donc, elle est la plus honorable. Voici la preuve de la mineure. On
dit qu'une science est divine de deux manières : et seule cette science
l'est des deux manières. Une science est divine ou parce que Dieu la possède
ou parce qu'elle traite des choses divines. Que seule cette science soit
divine selon les deux sens énumérés, cela est manifeste : tout d'abord,
parce que son objet n'étant autre que les causes premières et les principes
premiers, elle doit traiter de Dieu, reconnu universellement comme une des
causes et comme un certain principe des choses; de plus, une science qui
traite de Dieu et des causes premières est possédée uniquement par Dieu, ou,
du moins, éminemment par Lui. Par Dieu seul, en tant qu'Il est seul à en
avoir une parfaite compréhension; éminemment par Dieu, en tant que l'homme,
selon son mode humain, en acquiert quelque chose, bien que pour lui, il ne
s'agisse pas d'une véritable possession, mais d'une espèce d'emprunt ou de
participation à la connaissance divine. |
[81630] La sagesse est
la plus vénérable des sciences, car elle est la plus divine, et Dieu est la
plus vénérable des réalités. Elle seule est divine, et à un double titre :
c'est la science de Dieu,‑ elle porte sur les choses divines. Comme
elle traite des causes et des principes premiers, il faut que ce soit de
Dieu, car on le conçoit au moins comme une des causes existantes, et une
sorte de principe. En outre, cette science sur Dieu et les premières causes,
Dieu seul, ou du moins surtout lui, la possède. Seul il en a une parfaite
compréhension, et lui surtout la détient, car à sa manière, cette science est
accessible à l'homme non à titre de propriété, mais d'emprunt. |
|
[81631] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 14 Ex his autem ulterius concludit, quod omnes aliae
scientiae sunt necessariae magis quam ista ad aliquam vitae utilitatem: minus
enim sunt propter se quaesitae. Sed nulla aliarum dignior ista potest esse. |
D'où il conclut que les autres
sciences sont plus nécessaires que cette sagesse à certains besoins de la
vie, mais qu'elles sont moins recherchées pour elles-mêmes. Et ainsi, aucune
science ne peut être plus digne qu'elle. |
[81631] En conclusion,
toutes les autres sciences desservent mieux que celle-là les nécessités de la
vie, mais elles sont moins recherchées pour elles-mêmes, et aucune ne peut
être plus digne. |
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[81632] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 3 n. 15 Deinde
cum dicit oportet vero hic ponit terminum, in quem proficit ista scientia; et
dicit quod ordo eius consistit vel terminatur ad contrarium eius quod erat in
illis qui prius istam scientiam quaerebant. Sicut etiam in generationibus
naturalibus et motibus accidit. Nam unusquisque motus terminatur ad
contrarium eius a quo motus incipit. Unde, cum inquisitio sit motus quidam ad
scientiam, oportet quod terminetur ad contrarium eius a quo incipit. Initiata
est autem (ut praedictum est) inquisitio huius scientiae ab admiratione de
omnibus: quia primi admirabantur pauciora, posteriores vero occultiora. Quae
quidem admiratio erat, si res ita se haberet sicut automata mirabilia,
idest quae videntur mirabiliter a casu accidere. Automata enim dicuntur quasi
per se accidentia. Admirantur enim homines praecipue quando aliqua a casu
eveniunt hoc modo, ac si essent praevisa vel ex aliqua causa determinata.
Casualia enim non a causa sunt determinata, et admiratio est propter
ignorantiam causae. Et ideo cum homines nondum poterant speculari causas
rerum, admirabantur omnia quasi quaedam casualia. Sicut admirantur circa
conversiones solis, quae sunt duae; scilicet duos tropicos, hyemalem et
aestivalem. Nam in tropico aestivali incipit sol converti versus meridiem,
cum prius versus Septemtrionem tenderet. In tropico autem hyemali e converso.
Et etiam circa hoc quod diameter non est commensurabilis lateri quadrati. Cum
enim non mensurari videatur esse solius indivisibilis, sicut sola unitas est
quae non mensuratur a numero, sed ipsa omnes numeros mensurat, mirum videtur
si aliquid quod non est indivisibile non mensuratur; ac per hoc id quod non
est minimum non mensuratur. Constat autem, quod diametrum quadrati et latus
eius non sunt indivisibilia, sive minima. Unde mirum videtur si non sunt
commensurabilia. |
Ensuite, quand il dit : Et rien ne diffère plus, etc.,
Aristote montre le terme vers lequel progresse cette science. Il nous dit que
son ordre de progression tend à un état d'esprit opposé à celui qui existait
chez les premiers philosophes, comme il arrive d'ailleurs dans les
générations naturelles et les mouvements. Tout mouvement parvient à un terme
contraire au terme initial. Donc, puisque l'inquisition est un mouvement vers
la science, il faut qu'elle se termine à ce qui est contraire à son point de
départ. Le point de départ de cette inquisition, comme on l’a dit, est le
pouvoir d'étonnement sur toutes choses. Les premiers philosophes s'étonnaient
de peu de choses et de choses faciles, mais ceux qui suivirent ont soulevé
des questions plus importantes, plus profondes, plus difficiles. L'origine de
leur étonnement s'explique par le fait que pour eux les choses se
comportaient à la façon de merveilleux automates, c'est-à-dire à la façon des
événements qui semblent, de façon merveilleuse, arriver par hasard. Les
automates sont comme des personnages qui se meuvent d’eux-mêmes [sans que le
regard en aperçoive la cause]. Ce qui étonne les hommes, c'est ce qui, tout
en arrivant par hasard, semble prévu ou effectué par une cause déterminée. En
effet, le casuel n'est pas déterminé par une cause, et l'admiration provient
de l'ignorance de la cause. Voilà pourquoi les hommes, ne pouvant encore spéculer
sur les causes des choses, s'étonnaient de tout, comme si toutes choses
provenaient du hasard. Comme ils admiraient, par exemple, les oscillations du
soleil qui sont au nombre de deux : le solstice d'hiver et le solstice
d'été. Car dans le solstice d'été, le soleil commence à osciller vers le sud,
alors qu'auparavant il tendait vers le nord. C’est le contraire qui arrive au
solstice d'hiver. Le même étonnement se produit du fait que la diagonale est
incommensurable par rapport au côté d'un carré. Puisqu'il semble que le fait
de ne pouvoir être mesuré n'appartienne qu'à l’indivisible, comme l'unité qui
est seule à ne pas être mesurée par le nombre, alors qu'elle est la mesure de
tous les nombres, il est étonnant que quelque chose qui n'est pas indivisible
ne puisse être mesuré et, qu'ainsi, ce qui n'est pas très petit ne soit pas
mesurable. Or il appert que la diagonale d'un carré et son côté ne sont pas
indivisibles ni excessivement petits. D'où l'étonnement sur leur
incommensurabilité. |
[81632] Le développement
de cette science s'achève à l'opposé de ce qui motivait ses premiers
chercheurs, analogiquement à ce qui arrive au mouvement et à la génération
naturelle. Le mouvement trouve son terme dans le contraire de son point de
départ. Or la recherche est aussi un acheminement vers la science. Au début,
l’admiration à tout propos permit le défrichement de cette discipline. Les
premiers savants s'étonnèrent de peu de choses, mais leurs successeurs
abordèrent des questions plus obscures. Ils furent surpris de voir les choses
comme des mécanismes extraordinaires, arrivés là par une fortune
inexplicable. Ces automatismes leurs paraissaient être des hasards
nécessaires. Ils s'intéressèrent surtout aux phénomènes aléatoires
apparemment prévisibles, et résultant donc de déterminisme. Or le hasard ne
vient pas d'une cause déterminée, d'où leur étonnement devant leur
incompréhension. Ces hommes ne discernant pas encore les causes, observèrent
tout comme le fruit du hasard. Ainsi s'interrogèrent-ils sur les deux révolutions
du soleil : le solstice d'été et le solstice d'hiver, car au premier, le
soleil quitte son orientation vers le nord pour tendre vers le sud, et
inversement au second. De même, ils s'inquiétèrent de l'incommensurabilité de
la diagonale avec le côté du carré, car seul l’indivisible n'est pas
mesurable, seule l'unité n'est pas mesurée par un nombre, mais les mesure
tous. Il est donc surprenant qu'une grandeur divisible ne soit pas mesurable,
or la diagonale et le côté du carré ne sont ni des indivisibles ni des
unités, d'où le problème de leur incommensurabilité. |
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[81633] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 16 Cum ergo philosophiae inquisitio ab admiratione
incipiat, oportet ad contrarium finire vel proficere; et ad id proficere quod
est dignius, ut proverbium vulgare concordat, quo dicitur, quod semper
proficere est in melius. Quid enim sit illud contrarium et dignius, patet in
praedictis mirabilibus; quia quando iam homines discunt causas praedictorum,
non mirantur. Ut geometer non admiratur si diameter sit incommensurabilis
lateri. Scit enim causam huius; quia scilicet proportio quadrati diametri ad
quadratum lateris non est sicut proportio numeri quadrati ad numerum
quadratum, sed sicut proportio duorum ad unum. Unde relinquitur, quod proportio lateris ad
diametrum non sit sicut proportio numeri ad numerum. Et ex hoc patet quod commensurari non possunt. Illae
enim solae lineae sunt commensurabiles, quarum proportio ad invicem est sicut
proportio numeri ad numerum. Erit ergo finis huius scientiae in quem
proficere debemus, ut causas cognoscentes, non admiremur de earum effectibus. |
Donc, puisque l'inquisition
philosophique débute avec étonnement, il faut qu'elle tende ou aboutisse à un
état d'esprit opposé. Et elle doit progresser vers ce qu'il y a de meilleur,
ainsi que le dit un proverbe qui veut que la progression se fasse toujours
vers le mieux. Quel est l’état d'esprit contraire et quel est ce meilleur,
nous le savons dans les cas d'étonnement qui précèdent : parce que, dès
que les hommes apprennent les causes de ces événements merveilleux, ils
cessent de s’étonner. Le géomètre ne se surprend pas si la diagonale n’est
pas commensurable au côté. Car il en sait la cause : le rapport du carré
de la diagonale au carré du côté n’est pas comme le rapport d'un nombre carré
à un autre nombre carré, mais comme le rapport de 2 à 1. Ainsi il reste que
le rapport du côté à la diagonale n'est pas comme le rapport d'un nombre à un
autre nombre. Et de là on voit qu’ils ne sont pas commensurables. Car les seules
lignes qui sont commensurables sont celles qui sont proportionnées entre
elles comme un nombre à un autre nombre. La fin donc de cette science vers
laquelle nous devons tendre est que la connaissance des causes fasse
disparaître l'étonnement devant leurs effets. |
[81633] La recherche
philosophique commence par s'étonner, elle doit s'achever et s'épanouir dans
son contraire. On s'accomplit en se perfectionnant, et comme dit le proverbe,
le progrès est d'ordre qualitatif. Cet opposé et cette amélioration
transparaissent au travers des sujets d'étonnement évoqués : quand l'homme
discerne les causes, il ne s'interroge plus. Le géomètre n'est pas perturbé
par l'incommensurabilité de la diagonale avec le côté du carré car il sait
pourquoi : la diagonale ne se rapporte pas au côté comme un nombre carré à un
autre, mais comme le carré à sa racine ; il ne s'agit pas d'une proportion
entre deux nombres, et ils ne peuvent donc être mesurés ensemble. Seules sont
commensurables les droites dont le rapport est numérique. La fin de notre
science, dans laquelle nous devons combler tous nos vœux, est la connaissance
des causes, qui dissipera notre étonnement devant leurs effets. |
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[81634] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 3 n. 17 Patet igitur ex praedictis quae sit natura huius
scientiae, quia est speculativa, libera, non humana, sed divina: et quae est
eius intentio, qua oportet habere quaestionem et totam methodum et totam hanc
artem. Intendit enim circa primas et universales rerum causas, de quibus
etiam inquirit et determinat. Et propter harum cognitionem ad praedictum
terminum pervenit, ut scilicet non admiretur cognitis causis. |
On voit donc, d'après ce que nous
avons dit, quelle est la nature de cette science : elle est spéculative,
libérale, non humaine mais divine. On voit quel est son but, sa finalité, qui
détermine sa difficulté, sa méthode et sa technique. En effet, elle veut
connaître les causes premières et universelles des choses, causes qui
constituent l’objet de ses recherches et de ses conclusions. Et grâce à la
connaissance de ces causes, elle parvient au terme décrit plus haut, à savoir
la disparition de l’admiration, une fois les causes connues. |
[81634] Voilà la
nature de cette science. Voilà pourquoi elle est spéculative, libre et
divine. Voilà son intention qui régit ses interrogations, toute sa méthode et
tout ce qu'elle est. Elle s'intéresse aux causes premières et universelles,
qu'elle cherche et établit : et forte de cette connaissance, elle parvient au
but fixé : l’apaisement de l'inquiétude par la connaissance des causes. |
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Leçon 4, texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Il est
évident qu’il faut acquérir la science des causes premières, puisque nous ne pensons
savoir une chose que quand nous croyons en connaître la première cause. Or,
on distingue quatre sortes de causes, la première est l’essence et la forme
propre de chaque chose ; car il faut pousser la recherche des causes
aussi loin qu’il est possible, et c’est la raison dernière d’une chose qui en
est le principe et la cause. La seconde cause est la matière et le
sujet ; la troisième le principe du mouvement ; la quatrième,
enfin, celle qui répond à la précédente, la raison et le bien des
choses ; car la fin de tout phénomène et de tout mouvement, c’est le
bien. Ces points de vue ont été suffisamment expliqués dans les livres de
physique ; reprenons cependant les opinions des philosophes qui nous ont
précédés dans l’étude des êtres et de la vérité. Il est évident qu’eux aussi
reconnaissent certaines causes et certains principes : cette revue peut
donc nous être utile pour la recherche qui nous occupe. Car il arrivera ou
que nous rencontrerons un ordre de causes que nous avions omis, ou que nous
prendrons plus de confiance dans la classification que nous venons d’exposer. La
plupart des premiers philosophes ont cherché dans la matière les principes de
toutes choses. Car ce dont toute chose est, d’où provient toute génération et
où aboutit toute destruction, l’essence restant la même et ne faisant que
changer d’accidents, voilà ce qu’ils appellent l’élément et le principe des
êtres ; et pour cette raison, ils pensent que rien ne naît et que rien
ne périt, puisque cette nature première subsiste toujours. Nous ne disons pas
d’une manière absolue que Socrate naît, lorsqu’il devient beau ou musicien,
ni qu’il périt lorsqu’il perd ces manières d’être, attendu que le même
Socrate, sujet de ces changements, n’en demeure pas moins ; il en est de
même pour toutes les autres choses ; car il doit y avoir une certaine
nature, unique ou multiple, d’où viennent toutes choses, celle-là subsistant
la même. Quant au nombre et à l’espèce de ces déments, on ne s’accorde pas. Thalès, le fondateur de cette manière de
philosopher, prend l’eau pour principe, et voilà pourquoi il a prétendu que
la terre reposait sur l’eau, amené probablement à cette opinion parce qu’il
avait observé que l’humide est l’aliment de tous les êtres, et que la chaleur
elle-même vient de l’humide et en vit ; or, ce dont viennent les choses
est leur principe. C’est de là qu’il tira sa doctrine, et aussi de ce que les
germes de toutes choses sont de leur nature humides, et que l’eau est le
principe des choses humides. Plusieurs pensent que dès la plus haute antiquité,
bien avant notre époque, les premiers théologiens ont eu la même opinion sur
la nature : car ils avaient fait l’Océan et Téthys auteurs de tous les
phénomènes de ce monde, et ils montrent les Dieux jurant par l’eau que les
poètes appellent le Styx. [984a] En
effet, ce qu’il y a de plus ancien est ce qu’il y a de plus saint ; et
ce qu’il y a de plus saint, c’est le serment. Y a-t-il réellement un système
physique dans cette vieille et antique opinion ? C’est ce dont on
pourrait douter. Mais pour Thalès on dit que telle fut sa doctrine. Quant à Hippon, sa pensée n’est pas assez
profonde pour qu’on puisse le placer parmi ces philosophes. Anaximène et
Diogène prétendaient que l’air est antérieur à l’eau, et qu’il est le
principe des corps simples ; ce principe est le feu, selon Hippase de Métaponte et Héraclite
d’Éphèse. Empédocle reconnut quatre éléments, ajoutant la terre à ceux que
nous avons nommés ; selon lui, ces éléments subsistent toujours et ne deviennent
pas, mais le seul changement qu’ils subissent est celui de l’augmentation ou
de la diminution, lorsqu’ils s’agrègent ou se séparent. Anaxagore de
Clazomènes, qui naquit avant ce dernier, mais qui écrivit après lui, suppose
qu’il y a une infinité de principes : il prétend que toutes les choses
formées de parties semblables comme le feu et l’eau, ne naissent et ne
périssent qu’en ce sens que leurs parties se réunissent ou se séparent, mais
que du reste rien ne naît ni ne périt, et que tout subsiste éternellement. De
tout cela on pourrait conclure que jusqu’alors on n’avait considéré les
choses que sous le point de vue de la matière. |
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Lectio 4 |
Leçon 4 [Les premiers
philosophes de la sagesse] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960, et Georges
Comeau, 2010)
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[81635] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 1 Posito prooemio, in quo ostendit intentionem huius
scientiae et dignitatem et terminum, incipit prosequi scientiam praefatam: et
dividitur in duas partes. Primo ostendit quid priores philosophi de causis
rerum tradiderunt. Secundo veritatem huius scientiae incipit prosequi in
secundo libro, ibi, de veritate quidem theoria et cetera. Prima autem pars
dividitur in duas. Primo ponit opiniones philosophorum de causis rerum.
Secundo improbat eas quantum ad hoc quod male dixerunt ibi, ergo quicumque et
cetera. Circa primum duo facit. Primo resumit enumerationem causarum, quam in
secundo physicorum diffusius fuerat prosecutus. Secundo prosequitur opinionem
philosophorum, ibi, accipiemus tamen et cetera. |
Après son introduction dans
laquelle Aristote a montré le but, la dignité et le terme de cette science,
il commence ici la recherche elle-même de la science susdite. Il divise cette
recherche en deux parties. En premier, il s'attache à relever ce que les
premiers philosophes ont écrit sur les causes. En second, au livre II, il
traite de la vérité qui concerne spécialement cette science-ci, où il
dit : La science qui a pour objet
la vérité, etc. La première partie se subdivise elle-même en deux. En
premier, il expose les opinions des philosophes sur les causes des choses. En
second, il combat et rejette ce qu’il peut y avoir de faux dans leurs
théories, quand il écrit : Tous
ceux qui ont prétendu, etc. (leçon XII). Il divise la première partie en
deux. En premier, il résume l'énumération des causes qu'il a traitée plus
longuement au livre II des Physiques,
En second, il expose l'opinion des philosophes, où il dit : reprenons cependant les opinions, etc. |
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[81636] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 4 n. 2 Dicit
ergo, quod quia hoc manifestum est, scilicet quod sapientia est causarum
speculatrix, debemus incipere a causis rerum scientiam sumendo. Quod etiam ex
ratione scientiae congruum videtur; quia tunc unumquodque scire dicimus
aliquem, quando putamus non ignorare causam. Causae autem quadrupliciter
dicuntur: quarum una est ipsa causa formalis, quae est ipsa substantia rei,
per quam scitur quid est unaquaeque res. Constat enim, ut dictum est secundo
physicorum, quod non dicimus aliquid esse alicuius naturae priusquam
acceperit formam. Et quod forma sit causa, patet; quia quaestionem qua
dicitur quare est aliquid, reducimus tamquam ad rationem ultimam ad causam
formalem, incipiendo a formis proximis et procedendo usque ad ultimam. Patet
autem, quod quare quaerit de causa et principio. Unde patet quod forma est
causa. Alia vero causa est materialis. Tertia vero causa est efficiens, quae
est unde principium motus. Quarta causa est finalis, quae opponitur causae efficienti
secundum oppositionem principii et finis. Nam motus incipit a causa
efficiente, et terminatur ad causam finalem. Et hoc est etiam cuius causa fit
aliquid, et quae est bonum uniuscuiusque naturae. |
Il dit donc que, étant manifeste
que la sagesse étudie les causes, nous devons entreprendre notre étude
scientifique, en commençant par les causes des choses. La notion même de
science montre 1’opportunité de cette investigation : nous disons que
quelqu'un connaît une chose quand nous croyons qu'il n’en ignore pas la
cause. Or, les causes se disent en quatre sens. En un sens, la Cause est la
cause formelle elle-même, qui est la substance même de la chose, par laquelle
nous savons ce qu'est chaque chose. En effet, il est certain, comme on l'a
dit au livre II des Physiques, que
nous ne disons pas qu’une chose possède une certaine nature avant d’avoir
reçu sa forme. Et que la forme soit cause, cela est évident : c'est bien
à la cause formelle, comme raison d'être ultime, que nous ramenons la
question qui demande pourquoi une chose existe, et cela se fait en commençant
par les formes prochaines et en allant jusqu’à la forme ultime. Or, il est
évident que le « pourquoi » s'informe de la
cause et du principe. Donc, il appert que la forme est cause. Une autre cause
est la cause matérielle. La troisième est la cause efficiente, qui est le
principe d'où vient le mouvement. La quatrième cause est la cause finale, qui
s'oppose à la cause efficiente comme le principe s'oppose à la fin. En effet,
le mouvement commence par la cause efficiente et se termine à la cause
finale. Et cette dernière est aussi ce pourquoi quelque chose se fait, et qui
n'est autre que le bien de chaque nature. |
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[81637] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 3 Sic igitur causam finalem per tria notificat;
scilicet quia est terminus motus, et per hoc opponitur principio motus, quod
est causa efficiens: et quia est primum in intentione, ratione cuius dicitur
cuius causa: et quia est per se appetibile, ratione cuius dicitur bonum. Nam
bonum est quod omnia appetunt. Unde exponens quo modo causa finalis
efficienti opponatur, dicit quod est finis generationis et motus, quorum
principium est causa efficiens. Per quae duo videtur duplicem finem
insinuare. Nam finis generationis est forma ipsa, quae est pars rei. Finis
autem motus est aliquid quaesitum extra rem quae movetur. De his dicit
sufficienter se tractasse in libro physicorum, ne ab eo ad praesens diffusior
expositio causarum quaereretur. |
Ainsi donc, il clarifie la cause
finale à l’aide de trois éléments : parce qu'elle est le terme du
mouvement et, par là, s’oppose au principe du mouvement, qui est la cause
efficiente; parce qu’elle est première dans l’intention, ce qui lui vaut
d'être appelée : ce pour quoi (ce en vue de quoi); et parce qu’elle est
désirable de soi, ce qui lui mérite le nom de bien. En effet, le bien est ce
que toutes choses désirent. C’est pourquoi, exposant de quelle manière la
cause finale s’oppose à la cause efficiente, il dit qu’elle est la fin de la
génération et du mouvement, dont le principe est la cause efficiente. En
parlant de génération et de mouvement, il semble insinuer une double fin. En
effet, la fin de la génération ost la forme elle-même, qui est une partie de
la chose, tandis que la fin du mouvement est quelque chose de recherché en
dehors de la chose qui est mue. Il dit qu'il a suffisamment approfondi toutes
ces questions dans le livre des
Physiques pour ne pas avoir à donner de plus longs développements sur les
causes en ce moment. |
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[81638] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 4 n. 4 Deinde
cum dicit accipiemus tamen hic ponit opinionem philosophorum de causis. |
Ensuite, quand il dit : reprenons cependant les opinions, etc.,
il expose les opinions des philosophes sur les causes[1]. |
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(A partir d’ici :
Traduction Georges Comeau, 2010)
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Et circa hoc duo facit. Primo assignat rationem, quare
hoc faciendum sit. Secundo incipit prosequi suam intentionem, ibi, primum
igitur et cetera. Dicit ergo, quod quamvis de causis tractatum sit in
physicis, tamen nunc accipiendum est opiniones philosophorum, qui prius
venerunt ad perscrutandum naturam entium, qui prius philosophati sunt de
veritate quam Aristoteles; quia et ipsi causas et principium ponunt. Nobis
igitur, qui eis supervenimus, considerare eorum opiniones, erit aliquid prius,
idest aliquod praeambulum, methodo, idest in arte, quae nunc a nobis
quaeritur. Unde et litera Boetii habet, accedentibus igitur ad opus
scientiae prae opere viae quae nunc est aliquid erit: alia litera habet, supervenientibus
igitur quae nunc est aliquid erit vitae opus via, et legenda est sic, nobis
igitur supervenientibus ei, quae nunc est via, idest in praesenti methodo
et arte, consideranda erit horum opinio, quasi aliquod vitae opus,
idest necessarium sicut opera quae sunt ad vitae conservationem, ut
intelligatur quasi quadam metaphora uti in loquendo, per vitae opus,
quodlibet necessarium accipiens. Utilitas autem est illa, quia aut ex
praedictis eorum inveniemus aliud genus a causis praenumeratis, aut magis
credemus his, quae modo diximus de causis, quod, scilicet sint quatuor. |
Cet exposé se divise en
deux. En premier, il donne la raison pour laquelle il faut procéder ainsi. En
deuxième, il commence à entreprendre cette démarche, où il dit : La plupart des premiers, etc. Il dit
donc que, bien qu’il ait traité des causes au livre des Physiques, il faut maintenant examiner les opinions des
philosophes qui se sont engagés auparavant dans l’étude de la nature des
êtres et qui ont philosophé sur la vérité avant Aristote, car eux aussi
affirment l’existence de causes et de principes. Mais pour nous, qui venons
ensuite, l’étude de leurs opinions sera le préalable, c'est-à-dire un
préambule, à une méthode, pratiquée avec art, que nous recherchons
maintenant. C’est pourquoi le texte de Boèce dit[2] : pour
ceux qui accèdent à l’œuvre de la science, ces opinions seront une
introduction au cheminement qu’il faut maintenant faire; selon une autre
version, pour ceux qui entreprennent
l’étude actuelle, il y aura un chemin vers cette œuvre de vie, et il faut
la lire ainsi : pour nous donc qui
l’entreprenons, le chemin actuel, c'est-à-dire, dans la méthode et l’art
qui nous occupent, l’examen des opinions de ces philosophes, est comme une œuvre de vie, c'est-à-dire
une œuvre nécessaire comme celles qui servent à conserver la vie, de sorte
que par œuvre de vie, on comprenne de façon métaphorique tout ce qui est
nécessaire. Or, cette utilité consiste en ce que, ou bien ces propos nous
feront trouver un autre genre que celui des causes énumérées, ou bien nous
croirons plus fermement ce que nous venons de dire au sujet des causes, à
savoir qu’il y en a quatre. |
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[81639] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 5 Deinde cum dicit primum igitur hic incipit
antiquorum philosophorum opiniones prosequi; et circa hoc duo facit. Primo
recitat aliorum opiniones. Secundo reprobat, ibi, ergo quicumque. Circa
primum duo facit. Primo recitat singulorum opinionem de causis. Secundo
colligit in summa quae dicta sunt, ibi, breviter igitur et cetera. Prima pars
dividitur in duas. Prima ponit opiniones praetermittentium causam formalem.
Secundo ponit opinionem Platonis, qui primo causam formalem posuit, ibi, post
dictas vero philosophias et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit
opinionem illorum, qui posuerunt principia aliquas res manifestas. Secundo
illorum, qui adinvenerunt extrinseca principia, ibi, Leucippus et cetera.
Circa primum duo facit. Primo tangit opiniones antiquorum de causa materiali.
Secundo de causa efficiente, ibi, procedentibus autem sic. Circa primum duo
facit. Primo ponit quid senserunt de causa materiali. Et primo ponit opiniones ponentium causam materialem
in generali. Secundo prosequitur eorum opiniones in speciali, ibi, Thales et
cetera. Circa primum duo
facit. Primo ponit quid senserunt de causa materiali. Secundo quid senserunt
de rerum generatione, quod ex primo sequebatur, ibi, et propter hoc nec
generari et cetera. |
Ensuite,
lorsqu’il dit : La plupart des
premiers philosophes, il commence à traiter des opinions des anciens
philosophes; ce qu’il fait en deux parties. En premier, il relate les
opinions des autres. En deuxième, il les réfute, où il dit : Tous ceux qui ont prétendu, etc.
(leçon XII). Il traite la première partie en deux sections. En premier, il
relate chacune des opinions sur les causes. En deuxième, il fait une synthèse
de ce qui a été dit, où il dit : Nous
venons de voir, etc. (leçon XI). La première section se divise en deux.
En premier, il énonce les opinions qui omettent la cause formelle. En
deuxième, il présente l’opinion de Platon, qui a été le premier à affirmer
l’existence d’une cause formelle, où il dit : Après ces différentes philosophies, etc. (leçon X). Quant au
premier point, il fait deux choses. En premier, il énonce l’opinion de ceux
qui ont supposé comme principes certaines réalités évidentes; en deuxième
l’opinion de ceux qui ont trouvé des principes extrinsèques, où il dit :
Leucippe et son ami Démocrite, etc.
(leçon VII). Il traite la première section en deux parties. En premier, il
aborde les opinions des anciens au sujet de la cause matérielle; en deuxième,
leurs opinions sur la cause efficiente, où il dit : C’est brièvement et sommairement, etc. (leçon V). Il traite la
première partie en deux points. En premier, il énonce ce qu’ils ont perçu au
sujet de la cause matérielle, et tout d’abord les opinions de ceux qui
supposent une cause matérielle en général. En deuxième, il discute leurs
opinions en détail, où il dit : Thalès,
le fondateur, etc. Il traite le premier point en deux parties. En
premier, il énonce ce qu’ils ont pensé de la cause matérielle; en deuxième,
ce qu’ils ont pensé de la génération des choses, opinion qui découlait de la
première, où il dit : Ils croient
pouvoir en tirer, etc. |
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[81640] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 4 n. 6 Dicit
ergo primo, quod plurimi eorum qui primo philosophati sunt de rerum naturis,
posuerunt principia omnium esse sola illa, quae reducuntur ad speciem causae
materialis. Et ad hoc dicendum accipiebant quatuor conditiones materiae, quae
ad rationem principii pertinere videntur. Nam id ex quo res est, principium
rei esse videtur: huiusmodi autem est materia; nam ex materia dicimus
materiatum esse, ut ex ferro cultellum. Item illud ex quo fit aliquid, cum
sit et principium generationis rei, videtur esse causa rei, quia res per
generationem procedit in esse. Ex materia autem primo res fit, quia materia
rerum factioni praeexistit. Et ex ipsa etiam non per accidens aliquid fit.
Nam ex contrario vel privatione aliquid per accidens dicitur fieri, sicut
dicimus quod ex nigro sit album. Tertio illud videtur esse rerum principium, in quod
finaliter omnia per corruptionem resolvuntur. |
Il dit
donc en premier que la plupart de ceux qui ont fait les premières études
philosophiques sur les choses naturelles ont affirmé que les seuls principes de
toutes choses sont ceux qui se ramènent à l’espèce de la cause matérielle. Et
dans cette veine, ils admettaient quatre conditions de la matière qui
semblent avoir valeur de principe. En effet, ce dont la chose est faite
semble en être le principe; or, c’est le cas de la matière, car nous disons
que l’objet matériel vient de la matière, comme le couteau vient du fer. De
plus, ce dont un objet est fait, puisqu’il est également principe de la
génération de l’objet, semble en être la cause, puisque l’objet vient à
l’être par génération. Mais l’objet vient en premier lieu de la matière, car
la matière préexiste à la production des choses. En effet, ce n’est pas par
accident qu’une chose est faite à partir de la matière, car on dit qu’une
chose est faite par accident à partir d’un contraire ou d’une privation comme
on dit que le blanc vient du noir. Une troisième réalité qui semble être
principe des choses est ce en quoi tout se dissout finalement par corruption;
en effet, de même que les principes sont premiers dans la génération, ils
sont derniers dans la dissolution. Et cela aussi concerne manifestement la
matière. Quatrièmement, puisque les principes doivent demeurer, ce qui
demeure pendant la génération et la corruption semble être un principe. Or,
la matière, qu’ils disaient être la substance de la chose, demeure dans toute
transformation, mais ses phénomènes changent, comme la forme et tout ce qui
se surajoute à la substance de la matière. Et à partir de tout cela, ils
concluaient que la matière est l’élément et le principe de tout ce qui
existe. |
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[81641] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 7 Deinde cum dicit et propter hic ponit secundarium
quod ponebant quasi ex praecedentibus sequens, scilicet nihil simpliciter
generari vel corrumpi in entibus. Nam quando fit aliqua mutatio circa
passiones substantia manente, non dicimus aliquid esse generatum vel
corruptum simpliciter, sed solum secundum quid: sicut cum Socrates fit bonus
aut musicus, non dicitur fieri simpliciter, sed fieri hoc. Et similiter
quando deponit huiusmodi habitum, non dicitur corrumpi simpliciter sed
secundum quid. Materia autem quae est rerum substantia secundum eos, semper
manet. Omnis autem mutatio fit circa aliqua quae adveniunt ei, ut passiones.
Et ex hoc concludebant quod nihil generatur vel corrumpitur simpliciter, sed
solum secundum quid. |
Ensuite,
lorsqu’il dit : et pour cette
raison, ils pensent, etc., il énonce l’affirmation secondaire qu’ils disaient découler de ce qui précède,
à savoir que rien n’est engendré ou corrompu de façon absolue dans les êtres.
En effet, quand des phénomènes changes alors que la substance demeure, nous
ne disons pas qu’une chose est engendrée ou corrompue de façon absolue, mais
seulement de façon relative; ainsi, quand Socrate devient bon ou musicien,
nous ne disons pas qu’il vient à l’être, mais qu’il devient telle chose.
Pareillement, quand il cesse d’avoir ces attributs, on ne dit pas qu’il se
corrompt absolument, mais sous un certain aspect. Mais la matière, qui est la
substance des choses selon eux, demeure toujours. Mais tout changement touche
des choses qui s’ajoutent à la matière, comme les phénomènes. Ils concluaient
donc que rien n’est engendré ou corrompu de façon absolue, mais seulement de
façon relative. |
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[81642] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 4 n. 8 Quamvis
autem sic convenirent in ponendo causam materialem, tamen differebant in eius
positione quantum ad duo: scilicet quantum ad pluralitatem: quia quidam
ponebant unam, quidam plures: et quantum ad speciem, quia quidam ponebant
ignem, quidam aquam et cetera. Similiter ponentium plura, quidam haec, quidam
illa principia materialia rebus attribuebant. |
Mais
bien qu’ils aient ainsi été d’accord pour affirmer l’existence d’une cause
matérielle, leurs positions différaient pourtant sur deux points. L’un était
la pluralité, car certains disaient qu’il y en a une et les autres plusieurs;
l’autre était l’espèce, car certains disaient que cette cause est le feu,
d’autres l’eau, et ainsi de suite. Parmi ceux qui supposaient plusieurs
causes attribuaient pareillement aux êtres divers principes matériels. |
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[81643] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 9 Deinde cum dicit Thales quidem. Hic incipit recitare
opiniones singulorum, de causa materiali. Et primo ponit opinionem ponentium
unam causam materialem. Secundo ponentium plures, ibi, Empedocles vero. Circa
primum tria facit. Quia primo ponit opinionem ponentium aquam esse principium
omnium. Secundo ponentium aerem, ibi, Anaximenes et cetera. Tertio ponentium
ignem, ibi, Hyppasus et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit opinionem
Thaletis, qui dicebat aquam esse rerum principium. Secundo ponit opinionis
probationem, ibi, forsan enim et cetera. Dicit ergo, quod Thales princeps talis
philosophiae, idest speculativae, dixit aquam esse primum rerum
principium. Dicitur autem Thales speculativae philosophiae princeps fuisse,
quia inter septem sapientes, qui post theologos poetae fuerunt, ipse solus ad
considerandum rerum causas se transtulit, aliis sapientibus circa moralia
occupatis. Nomina septem sapientum sunt ista. Primus Thales Milesius tempore
Romuli, et apud Hebraeos tempore Achaz regis Israel. Secundus fuit Pittacus
Mitylenaeus, apud Hebraeos regnante Sedechia, et apud Romanos Tarquinio
prisco. Alii quinque fuerunt Solon Atheniensis, Chilon Lacedaemonius,
Periander Corinthius, Cleobulus Lydius, Bias Priennensis, qui fuerunt omnes
tempore Babylonicae captivitatis. Quia igitur inter hos solus Thales rerum
naturas scrutatus est, suasque disputationes literis mandans emicuit, ideo
hic princeps huius scientiae dicitur. |
Puis
lorsqu’il dit : Thalès, le
fondateur, etc., il commence à relater les opinions de chacun sur la
cause matérielle. Et en premier, il expose l’opinion de ceux qui supposent une
seule cause matérielle; en deuxième, l’opinion de ceux qui en affirment
plusieurs, où il dit : Empédocle
reconnut quatre éléments, etc. Il traite la première partie en trois
points. En effet, il mentionne en premier l’opinion de ceux qui affirment que
l’eau est le principe de toutes choses; en deuxième, l’opinion de ceux qui
disent que c’est l’air, où il dit : Anaximène
et Diogène, etc.; en troisième, l’opinion de ceux qui disent que c’est le
feu, où il dit : ce principe est
le feu, etc. Le premier point se divise en deux. En premier, il donne
l’opinion de Thalès, qui disait que l’eau est le principe des choses; en
deuxième, en deuxième, il explique la preuve donnée à cette opinion, où il
dit : amené probablement à cette
opinion, etc. Il dit donc que Thalès a été le fondateur de cette manière de philosopher, parce que parmi les
sept sages, qui sont venus après les poètes théologiens, lui seul s’est
occupé à étudier les causes des choses, tandis que les autres sages se sont
occupés de morale. Voici les noms des sept sages. En premier, Thalès de
Milet, à l’époque de Romulus et, chez les Hébreux, au temps d’Achaz roi
d’Israêl. En deuxième, Pittacos de Mitylène, pendant le règne de Sédécias
chez les Hébreux et de Tarquin l’Ancien chez les Romains. Les cinq autres ont
été Solon d’Athènes, Chilon de Sparte, Périandre de Corinthe, Cléobule de
Lindos et Bias de Priène, qui ont tous vécu au temps de la captivité de
Babylone. Donc, Thalès ayant été le seul parmi eux à scruter les choses de la
nature, a consigné par écrit ses débats à ce sujet, et c’est pourquoi il est
appelé le fondateur de cette science. |
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[81644] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 4 n. 10 Nec
debet inconveniens videri, si opiniones hic tangit eorum, qui solum de
scientia naturali tractaverunt; quia secundum antiquos qui nullam substantiam
cognoverunt nisi corpoream et mobilem, oportebat quod prima philosophia esset
scientia naturalis, ut in quarto dicetur. Ex hac autem positione ulterius procedebat ad hoc,
quod terra esset super aquam fundata, sicut principiatum supra suum
principium. |
Il ne
doit pas non plus sembler hors de propos qu’il mentionne ici les opinions de
ceux qui ont traité seulement de la science naturelle, car pour les anciens qui
ne connaissaient aucune autre substance que la substance corporelle et
mobile, la philosophie première devait nécessairement être la science
naturelle, comme on le dira au livre IV. Or, de ce présupposé, Thalès
déduisait que la terre est fondée sur l’eau, comme la conséquence est fondée
sur son principe. |
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[81645] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 11 Deinde cum dicit forsan enim hic ponit rationes
quibus Thales potuit induci ad praedictam positionem. Et primo ostendit quomodo
ad hoc inducebatur ratione. Secundo quomodo inducebatur primorum auctoritate,
ibi, sunt et aliqui antiquiores et cetera. Inducebatur autem duplici ratione.
Una quae sumitur ex consideratione causae ipsius rei. Alia quae sumitur ex
consideratione generationis rerum, ibi, et quia cunctorum et cetera. Haec
ergo media sunt ordinata. Nam ex primo sequitur secundum. Quod enim est aliis
principium essendi, est etiam primum principium ex quo res generantur. Tertium sequitur ex secundo. |
Ensuite,
lorsqu’il dit : amené probablement
à cette opinion, etc., il donne les raisons qui ont pu amener Thalès à
une telle conviction. Et en premier, il montre comment il y a été amené
rationnellement; en second, comment il y a été amené par l’autorité des
anciens, où il dit : Plusieurs
pensent que dès, etc. Il s’appuyait donc sur deux raisons : l’une
venait de l’examen de la cause des choses; l’autre venait de l’examen de leur
génération, et est mentionnée où il dit : et aussi de ce que les germes, etc. Les moyens termes du
raisonnement s’enchaînent, car le deuxième fait suite au premier. En effet,
ce qui est le principe de l’existence des autres est aussi le premier
principe de génération des êtres. Le troisième s’ensuit du deuxième, car tout
se dissout par corruption en redevenant ce dont il a été engendré. Le quatrième
découle du deuxième et du troisième, car ce qui précède la génération des
choses et demeure après leur corruption doit être quelque chose de perpétuel. |
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[81646] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 12 Primo modo utebatur tribus signis ad ostendendum
aquam esse principium essendi rebus: quorum primum est, quia nutrimentum
viventium oportet esse humidum. Ex eodem autem viventia nutriuntur et sunt;
et sic humor videtur esse principium essendi. Secundum signum est, quia esse
cuiuslibet rei corporeae, et maxime viventis, per proprium et naturalem
calorem conservatur: calor autem ex humore fieri videtur, cum ipse humor sit
quasi caloris materia: unde ex hoc videtur quod humor sit rebus principium
essendi. Tertium signum est, quia vita animalis in humido consistit. Unde
propter desiccationem naturalis humidi, animal moritur, et per eius
conservationem, animal sustentatur. Vivere autem viventibus est esse. Unde ex
hoc etiam patet quod humor sit rebus principium essendi. Et haec etiam tria
signa seinvicem consequuntur. Ideo enim animal humido nutritur, quia calor
naturalis humido sustentatur; et ex his duobus sequitur, quod vivere animalis
sit semper per humidum. Id autem ex quo aliquid fit, idest ex quo aliquid
esse consequitur, est principium omnibus quae ex illo esse habent. Et propter
hoc accepit hanc opinionem quod humor esset omnibus principium. |
Pour le
premier point, il invoquait trois signes pour montrer que l’eau est le
principe d’existence des choses. Le premier est que la nourriture des vivants
est nécessairement humide. Or, les vivants tirent de la même chose et leur
existence et leur nourriture; alors, l’humidité semble être le principe de
l’existence. Le deuxième signe est que, puisque toute chose corporelle,
surtout si elle est vivante, se conserve par sa chaleur propre naturelle, et
puisque la chaleur semble se faire à partir de l’humidité, du fait que
l’humidité est comme la matière de la chaleur, il semble donc s’ensuivre que
l’humidité est le principe d’existence des choses. Le troisième signe est que
la vie de l’animal consiste dans l’humidité; c’est pourquoi l’assèchement de
l’humidité naturelle cause la mort de l’animal, et sa conservation préserve
la vie de l’animal; or, la vie est l’être des vivants. Cela aussi montre donc
avec évidence que l’humidité est le principe d’existence des choses. Et ces
trois signes également s’enchaînent l’un à l’autre. En effet, l’animal se
nourrit d’aliments humides parce que la chaleur naturelle est maintenue par
l’humidité; et il s’ensuit de ces deux faits que si l’animal vit, c’est
toujours grâce à l’humidité. Mais ce
dont viennent les choses, c'est-à-dire ce dont leur être découle, est le
principe de toutes les choses qui en tire leur être. Pour cette raison, il a
formé l’opinion que l’humidité est le principe de toutes choses. |
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[81647] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 4 n. 13 Similiter
etiam accepit signum ex rerum generatione, quia generationes viventium, quae
sunt nobilissima in entibus, fiunt ex seminibus. Semina autem sive spermata omnium
viventium habent humidam naturam. Unde ex hoc etiam apparet, quod humor est
generationis rerum principium. Si autem omnibus praedictis coniungatur quod
aqua est humiditatis principium, sequitur quod aqua sit primum rerum
principium. |
Il a
trouvé un autre signe du même fait dans la génération des choses, car la
génération des vivants, qui sont les plus nobles des êtres, viennent à
l’existance à partir de semences. Or, la semence ou le sperme de tous les
vivants a une nature humide. Il ressort donc également de ce fait que
l’humidité est le principe de la génération des choses. Mais si on ajoute à
tout ce qui précède le fait que l’eau est le principe de l’humidité, il
s’ensuit que l’eau est le premier principe des choses. |
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[81648] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 4 n. 14 Deinde cum dicit sunt autem hic ostendit quomodo
Thales inducebatur ad praedictam positionem per auctoritates antiquorum. Et dicit quod aliqui fuerunt antiquiores Thalete et
multum ante generationem hominum qui erant tempore Aristotelis, qui fuerunt
primo theologizantes, qui visi sunt hanc opinionem de natura habuisse,
scilicet quod aqua est principium omnium. |
Ensuite,
lorsqu’il dit : Plusieurs pensent
que, etc., il montre comment invoquait en faveur de cette idée l’autorité
des anciens. Et il dit qu’il y a eu des penseurs plus anciens que Thalès,
bien avant la génération des contemporains d’Aristote, à savoir les premiers
théologiens, qui semblent avoir eu la même opinion sur la nature,
c'est-à-dire que l’eau est le principe de toutes choses. |
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[81649] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 4 n. 15 Ad
cuius evidentiam sciendum est, quod apud Graecos primi famosi in scientia
fuerunt quidam poetae theologi, sic dicti, quia de divinis carmina faciebant.
Fuerunt autem tres, Orpheus, Museus et Linus, quorum Orpheus famosior fuit.
Fuerunt autem tempore, quo iudices erant in populo Iudaeorum. Unde patet,
quod diu fuerunt ante Thaletem, et multo magis ante Aristotelem qui fuit
tempore Alexandri. Isti autem poetae quibusdam aenigmatibus fabularum aliquid
de rerum natura tractaverunt. Dixerunt enim quod Oceanus, ubi est maxima
aquarum aggregatio, et Thetis, quae dicitur dea aquarum, sunt parentes
generationis: ex hoc sub fabulari similitudine dantes intelligere aquam esse
generationis principium. |
Pour
que cela soit évident, il faut savoir que chez les Grecs, les premiers hommes
réputés pour les sciences ont été des poètes théologiens, ainsi appelés parce
qu’ils composaient des cantiques sur les choses divines. Il y en eut trois, Orphée,
Musée et Linus, dont le plus célèbre fut Orphée. Ils vivaient à l’époque qui
fut celle des Juges dans le peuple juif. Il est donc évident qu’ils ont vécu
longtemps avant Thalès, et encore bien plus longtemps avant Aristote, qui
vivait à l’époque d’Alexandre. Or, ces poètes ont donné des explications sur
les choses naturelles au moyen d’énigmes incluses dans des fables. Ils ont
dit en effet que l’Océan, où on trouve le plus grand rassemblement des eaux,
et Thétis, appelée la déesse des eaux, sont les auteurs de la génération; ils
donnaient ainsi à entendre, par les images d’une fable, que l’eau est le
principe de la génération. |
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[81650] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 16 Hanc sententiam alia fabulosa narratione velaverunt,
dicentes, quod sacramentum vel iuramentum deorum erat per aquam quamdam, quam
poetae dicunt Stygem, et dicunt eam esse paludem infernalem. Ex hoc autem
quod deos dicebant iurare per aquam, dederunt intelligere, quod aqua erat
nobilior ipsis deis, quia sacramentum vel iuramentum fit id quod est
honorabilius. Hos autem quod est prius, est honorabilius. Perfectum enim
praecedit imperfectum natura et tempore simpliciter, licet in uno aliquo
imperfectio perfectionem praecedat tempore. Unde per hoc patet quod aquam
existimabant priorem esse ipsis diis, quos intelligebant esse corpora
caelestia. Et quia isti antiquissimi aquam dixerunt esse rerum principium, si
aliqua opinio fuit prior ista de naturalibus, non est nobis manifesta. Sic
igitur patet quid Thales de prima causa rerum dicitur existimasse. |
Ils ont
voilé cette doctrine par un autre récit fabuleux, en disant que les dieux
prêtaient serment ou juraient par un cours d’eau que les poètes appelaient
Styx et disaient être un marais infernal. En disant que les dieux juraient
par l’eau, ils ont donné à entendre que l’eau était plus noble que les dieux
mêmes, car un vœu ou un serment se fait par ce qui est plus honorable. Mais
ce qui est premier est plus honorable; en effet, le parfait précède
l’imparfait de façon absolue par nature et dans le temps, même si dans un
être donné l’imparfait peut précéder le parfait dans le temps. Il est donc
évident qu’ils estimaient que l’eau est antérieure aux dieux mêmes, qu’ils
croyaient être des corps célestes. Et parce que ces penseurs très anciens ont
dit que l’eau est le principe des choses, s’il y a eu des opinions encore
plus anciennes sur les choses naturelles, elles nous sont inconnues. Ainsi
donc est évidente l’opinion attribuée à Thalès au sujet de la cause première
des choses. |
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[81651] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 4
n. 17 Quidam autem
philosophus, qui vocatur Hyppon, non fuit dignatus aliquid superaddere his
propter suae scientiae vel intelligentiae imperfec-tionem. Unde in libro de
anima ponitur inter grossiores, ubi dicitur quod posuit aquam esse animam et
principium rerum, sumens argumentum ex rerum seminibus, ut hic dictum est de
Thalete. Unde patet quod nihil addit supra Thaletis sententiam. Vel potest
intelligi quod quia imperfecte dixit, non reddidit se dignum, ut eius
sententia hic contineretur cum aliis. |
Un
autre philosophe, du nom d’Hippon, n’a pas cru bon d’ajouter quelque chose à
ces idées en raison de l’imperfection de sa science ou de son intelligence.
C’est pourquoi il est rangé parmi
les plus superficiels dans le livre De
l’âme, où il est dit qu’il a affirmé que l’eau était l’âme et le principe
des choses, invoquant comme preuve les semences des choses, comme on l’a dit
ici de Thalès. Il est donc évident qu’il n’ajoute rien à la doctrine de Thalès.
On peut aussi comprendre le texte au sens où, du fait de l’imperfection de
ses propos, il ne s’est pas rendu digne de voir sa doctrine incluse ici avec
celle des autres. |
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[81652] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 4 n. 18 Deinde
cum dicit Anaximenes autem hic ponuntur opiniones ponentium aerem esse
principium, qui fuerunt Diogenes et Anaximenes ponentes aerem priorem aqua
esse naturaliter, et principium omnium simplicium corporum, scilicet quatuor
elementorum, et per consequens omnium aliorum. Fuit autem Anaximenes tertius
a Thalete. Fuit autem discipulus Anaximandri, qui fuit discipulus Thaletis.
Diogenes vero discipulus Anaximenis fuisse dicitur. Haec tamen differentia
fuit inter opinionem Diogenis et Anaximenis: quia Anaximenes aerem
simpliciter posuit principium rerum, Diogenes autem dixit quod aer rerum
principium esse non posset, nisi quia compos erat divinae rationis. Ex quo
provenit opinio quae tangitur primo de anima. Ratio autem quare aerem ponebat
rerum principium, potuit sumi ex respiratione, per quam vita animalium
reservatur; et quia ex immutatione aeris videntur variari generationes et
corruptiones rerum. |
Ensuite,
lorsqu’il dit : Anaximène et
Diogène, etc., il énonce les opinions de ceux qui affirmaient que le
principe était l’air, à savoir Diogène et Anaximène, qui affirmaient que
l’air existe naturellement avant l’eau et est le principe de tous les corps
simples, c'est-à-dire les quatre éléments, et par conséquent de tous les
autres. Anaximène est venu en troisième après Thalès, car il était le
disciple d’Anaximandre, qui était le disciple de Thalès. Quant à Diogène, on
dit qu’il a été disciple d’Anaximène. La différence suivante existait
cependant entre l’opinion de Diogène et celle d’Anaximène : ce dernier
affirmait simplement que l’air était le principe des choses, mais Diogène
disait que l’air ne peut être le principe des choses que parce qu’il possède
un esprit divin. De là vient l’opinion mentionnée en premier au sujet de
l’âme. Or, ses arguments pour affirmer que l’air est le principe des choses
ont pu être tirés de la respiration, par laquelle les animaux conservent la
vie, et du fait que la génération et la corruption des choses semblent varier
à cause de l’influence de l’air. |
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[81653] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 19 Deinde cum dicit Hyppasus autem hic ponit quod duo
philosophi Hyppasus et Heraclitus posuerunt ignem esse primum principium ut
materiam. Et potuerunt moveri ex eius subtilitate, sicut infra dicetur. |
Ensuite,
lorsqu’il dit : ce principe est le
feu, etc., il nomme deux philosophes, Hippase et Héraclite, qui ont
affirmé que le feu est le premier principe en tant que matière. Ils ont
peut-être été amenés à cette opinion par la subtilité du feu, comme on le
dira plus loin. |
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[81654] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 4 n. 20 Deinde
cum dicit Empedocles vero hic ponit opiniones ponentium plura principia
materialia. Et primo Empedoclis, qui posuit plura finita. Secundo Anaxagorae,
qui posuit plura infinita, ibi, Anaxagoras vero et cetera. Ponit ergo primo,
opinionem Empedoclis quantum ad hoc quod tria praedicta elementa, scilicet
aquam, aerem et ignem dicit esse rerum principia, addens eis quartum,
scilicet terram. |
Ensuite,
lorsqu’il dit : Empédocle
reconnut, etc., il relate les opinions de ceux qui ont affirmé
l’existence de plusieurs principes matériels : en premier, celle
d’Empédocle, qui déclarait qu’ils sont en nombre fini; en deuxième, celle
d’Anaxagore, qui affirmait que leur nombre est infini, où il dit : Anaxagore de Clazomènes, etc. Il
énonce donc en premier l’opinion d’Empédocle quant au fait qu’il disait que
les trois éléments déjà mentionnés, l’eau, la terre et le feu, sont des
principes des choses, et en ajoutait un quatrième, à savoir la terre. |
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[81655] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 21 Secundo quantum ad hoc, quod ista etiam elementa
dixit semper manere et non generari nec corrumpi, sicut illi qui posuerunt
unam causam materialem; sed per congregationem horum et divisionem secundum
multitudinem et paucitatem dixit ex eis alia generari et corrumpi, inquantum
ista quatuor per concretionem in unum et disgregationem ex uno dividuntur. |
Il
expose en deuxième cette opinion quant au fait que, comme ceux qui
supposaient une seule cause matérielle, Empédocle a dit que ces éléments
demeurent toujours et ne sont pas engendrés ni corrompus; mais il a dit que
c’est par suite de leur rassemblement et de leur séparation en grand ou en
petit nombre que sont engendrés et corrompus les autres objets, en autant que
ces quatre éléments s’agglutinent en un seul objet ou se divisent par
désagrégation d’un objet. |
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[81656] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 4 n. 22 Deinde
cum dicit Anaxagoras vero hic ponit opinionem Anaxagorae, qui fuit alter
discipulus Anaximenis, qui fuit condiscipulus Diogenis: patria quidem
Clazomenius, prior aetate quam Empedocles, sed factis sive operibus
posterior, vel quia posterius philosophari incoepit, vel quia in numero
principiorum minus bene dixit quam Empedocles. Dixit enim principia
materialia esse infinita, cum sit dignius finita principia et pauciora
accipere, quod fecit Empedocles, ut dicitur in primo physicorum. Non enim
solum dixit principia rerum esse ignem et aquam et alia elementa, sicut
Empedocles; sed omnia quae sunt consimilium partium, ut caro, os, medulla et
similia, quorum infinitas minimas partes principia rerum posuit, ponens in
unoquoque infinitas partes singulorum inesse propter id quod in inferioribus
unum ex alio generari posse invenit, cum generationem rerum non diceret esse
nisi per separationem a mixto, ut planius explicavit primo physicorum. |
Puis
lorsqu’il dit : Anaxagore de
Clazomènes, etc., il énonce l’opinion d’Anaxagore, qui a été un autre
disciple d’Anaximène et a été condisciple de Diogène. Il était natif de
Clazomènes et plus âgé qu’Empédocle, mais ses actes ou ses œuvres sont venus
après, soit parce qu’il a commencé plus tard à s’adonner à la philosophie,
soit parce qu’au sujet du nombre de principes il a moins bien parlé
qu’Empédocle. Il a dit en effet que le nombre de principes matériels était
infini, alors qu’il est plus valable de supposer des principes finis et en
petit nombre, ce qu’a fait Empédocle, comme il est dit au livre I des Physiques. En effet, Anaxagore n’a pas
seulement dit, comme Empédocle, que les principes des choses sont le feu,
l’eau et les autres éléments, mais il a ajouté que tous les êtres formés de
parties semblables entre elles, comme la chair, les os, la moëlle et ainsi de
suite, dont il a affirmé que les infimes parcelles en nombre infini sont les
principes des choses. Il disait que toute chose contient une infinité de
parties de chaque élément, puisqu’on constate que dans les êtres inférieurs,
une chose peut être engendrée à partir d’une autre; il disait en effet que la
génération des choses ne peut se faire que par séparation d’un mélange, comme
il a été expliqué plus clairement au livre I des Physiques. |
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[81657] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 4 n. 23 Secundo etiam Anaxagoras convenit cum Empedocle in hoc,
scilicet quod generatio et corruptio rerum non est nisi per concretionem et
discretionem partium praedictarum infinitarum, et quod aliter nec generari
nec corrumpi contingit aliquid. Sed huiusmodi rerum principia infinita, ex
quibus rerum substantiae efficiuntur, permanere dixit sempiterna. |
En
deuxième lieu, Anaxagore est également d’accord avec Empédocle pour dire que
la génération et la corruption des choses ne se fait que par agglomération et
désagrégation de ces parties infiniment nombreuses, et qu’autrement rien ne
pourrait être engendré ni corrompu. Mais il disait que ces principes
infiniment nombreux, dont les substances des choses sont produites, demeurent
éternellement. |
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[81658] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 4 n. 24 Concludit
ergo Aristoteles quod ex praedictis philosophorum opinionibus aliquis
cognoscet solam causam, quae continetur sub specie causae materialis. |
Aristote
conclut donc que les opinions philosophiques décrites ci-dessus permettent de
connaître seulement les causes considérées du point de vue de la cause
matérielle. |
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Leçon 5, texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Quand on en fut là, la chose elle-même
força d’avancer encore, et imposa de nouvelles recherches. Si tout ce qui naît
doit périr et vient d’un principe unique ou multiple, pourquoi en est-il
ainsi et quelle en est la cause ? Car ce n’est pas le sujet qui peut se
changer lui-même ; l’airain, par exemple, et le bois ne se changent pas
eux-mêmes, et ne se font pas l’un statue, l’autre lit, mais il y a quelque
autre cause à ce changement. Or, chercher cette cause, c’est chercher un
antre principe, le principe du mouvement, comme nous disions. Ceux des
anciens qui dans l’origine touchèrent ce sujet, et qui avaient pour système
l’unité de substance, ne se tourmentèrent pas de cette difficulté ; mais
quelques-uns de ces partisans de l’unité, inférieurs en quelque sorte à cette
question, disent que l’unité et tout ce qui est, réel n’admet pas de
mouvement, ni pour la génération et la corruption, ni même pour tout autre
changement. [984b] Aussi, de
tous ceux qui partent de l’unité du tout, pas un ne s’est occupé de ce point
de vue, si ce n’est peut-être Parménide, et encore ne le fait-il qu’autant
qu’à côté de son système de l’unité, il admet en quelque sorte deux
principes. Mais ceux qui admettent la pluralité des principes, le chaud et le
froid, par exemple, ou le feu et la terre, étaient plus à même d’arriver à
cet ordre des recherches ; car ils attribuaient au feu la puissance
motrice, à l’eau, à la terre et aux autres éléments de cette sorte, la
qualité contraire. Après ces philosophes et de pareils principes, comme ces
principes étaient insuffisants pour produire les choses, la vérité elle-même,
comme nous l’avons déjà dit, força de recourir à un autre principe. En effet,
il n’est guère vraisemblable que ni le feu, ni la terre, ni aucun autre
élément de ce genre, soit la cause de l’ordre et de la beauté qui règnent
dans le monde, éternellement chez certains êtres, passagèrement chez
d’autres ; ni que ces philosophes aient eu une pareille pensée :
d’un autre côté, rapporter un tel résultat au hasard ou à la fortune n’eût
pas été raisonnable. Aussi quand un homme vint dire qu’il y avait dans la
nature, comme dans les animaux, une intelligence qui est la cause de
l’arrangement et de l’ordre de l’univers, cet homme parut seul avoir conservé
sa raison au milieu des folies de ses devanciers. Or, nous savons avec
certitude qu’Anaxagore entra le premier dans ce point de vue ; avant lui
Hermotime de Clazomènes paraît l’avoir soupçonné. Ces nouveaux philosophes
érigèrent en même temps cette cause de l’ordre en principe des êtres,
principe doué de la vertu d’imprimer le mouvement. On pourrait dire qu’avant eux, Hésiode
avait entrevu cette vérité, Hésiode ou quiconque a mis dans les êtres comme
principe l’amour ou le désir, par exemple Parménide. Celui-ci dit, en effet,
dans sa théorie de la formation de l’univers : Il fit l’amour le premier de tous les dieux. Hésiode dit de son côté : Avant toutes choses était le chaos ; ensuite, La terre au vaste sein... Puis l’amour, le plus beau de tous les
immortels. Comme s’ils avaient reconnu la nécessité
d’une cause dans les êtres capable de donner le mouvement et le lien aux
choses. Quant à la question de savoir à qui appartient la priorité, qu’il
nous soit permis de la décider plus tard. |
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Lectio 5 |
Leçon 5 [Opinions des
anciens sur la cause efficiente] (Traduction Georges Comeau, 2010)
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[81659] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 5 n. 1 Postquam posuit opinionem de causa materiali, hic
ponit opinionem de causa efficiente: quae est unde principium motus. Et
dividitur in duas. Primo ponit opiniones eorum, qui simpliciter assignaverunt
causam motus et generationis. Secundo prosequitur opinionem illorum, qui
posuerunt causam efficientem, quae est etiam principium boni et mali in
rebus, ibi, post hos et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit rationem
cogentem ad ponendum causam moventem. Secundo ostendit qualiter ad positionem diversi
diversimode se habuerunt, ibi, igitur omnino qui talem et cetera. Dicit ergo:
quidam philosophi sic processerunt in causa materiali ponenda; sed et ipsa
rei evidens natura dedit eis viam ad veritatis cognitionem vel inventionem, et
coegit eos quaerere dubitationem quamdam quae inducit in causam efficientem,
quae talis est. Nulla res vel subiectum transmutat seipsum, sicut lignum non
transmutat seipsum ut ex eo lectus fiat: nec aes est sibi causa transmutandi,
ut ex eo fiat statua: sed oportet aliquid aliud esse quod est eis mutationis
causa, quod est artifex. Sed ponentes causam materialem unam vel plures,
dicebant ex ea sicut ex subiecto fieri generationem et corruptionem rerum:
ergo oportet quod sit aliqua alia causa mutationis; et hoc est quaerere aliud
genus principii et causae, quod nominatur, unde principium motus et cetera. |
Après
avoir présenté l’opinion sur la cause matérielle, il relate ici l’opinion sur
la cause efficiente, qui est le principe d’où provient le mouvement. Et cette
étude se divise en deux. En premier, il donne les opinions de ceux qui ont
simplement énoncé la cause du mouvement et de la génération. En deuxième, il
traite de l’opinion de ceux qui ont affirmé l’existence de la cause
efficiente, qui est également le principe du bien et du mal dans les choses,
où il dit : Après ces philosophes,
etc. Il traite le premier point en deux parties. En premier, il donne une
raison impérative d’affirmer l’existence d’une cause motrice. En deuxième, il
montre comment divers penseurs ont eu diverses attitudes à ce sujet, où il
dit : Ceux des anciens qui, etc.
Il dit donc que certains philosophes ont procédé ainsi en affirmant
l’existence d’une cause matérielle, et la nature évidente de la réalité leur
a elle-même donné un moyen de connaître et de trouver la vérité et les a
forcés de se poser une question qui les a dirigés vers la cause efficiente.
La voici : aucune chose ni aucun sujet ne se transforme lui-même; ainsi,
le bois ne se transforme pas lui-même pour devenir un lit, et l’airain n’est
pas la cause de sa propre transformation en statue, mais il doit y avoir
autre chose qui est la cause de leur changement, à savoir l’artisan. Mais
ceux qui affirmaient l’existence d’une ou de plusieurs causes matérielles
disaient que la génération et la corruption des êtres provient de cette cause
comme d’un sujet; il faut donc que la cause du changement soit autre, et cela
revient à chercher un autre genre de principe et de cause, qu’on appelle le
principe de provenance du mouvement, etc. |
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[81660] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 5 n. 2 Deinde cum dicit igitur omnino hic ostendit quod ad
praedictam rationem tripliciter philosophi se habuerunt. Illi enim, qui istam
viam a principio tetigerunt, et dixerunt unam causam materialem, non multum
se gravabant in solutione huius quaestionis: erant enim contenti ratione
materiae, causam motus penitus negligentes. |
Ensuite,
lorsqu’il dit : Ceux des anciens, etc.,
il montre que les philosophes ont eu trois attitudes différentes face à cet
argument. En effet, ceux qui ont entrepris cette étude au début et ont
affirmé l’existence d’une seule cause matérielle ne se sont pas beaucoup
préoccupés de résoudre cette question; ils étaient en effet satisfaits de
l’aspect matériel et négligeaient totalement la cause du mouvement. |
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[81661] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 5 n. 3 Alii vero dicentes omnia unum esse, quasi per
praedictam rationem devicti, non valentes pervenire ad assignandam causam motus,
negaverunt totaliter motum. Unde dixerunt, quod totum universum est unum ens
immobile. In quo differebant a primis naturalibus, qui dicebant unam causam
esse omnium rerum substantiam, quae tamen movetur per rarefactionem et
condensationem, ut sic ex uno plura quodammodo fierent: licet non dicerent
quod mutaretur secundum generationem et corruptionem simpliciter: hoc enim
quod nihil simpliciter generaretur vel corrumperetur fuit antiqua opinio ab
omnibus confessa, ut ex supradictis patet. Sed istis posterioribus proprium
fuit differentiae quod totum est unum immobile, sicut omni motu carens. Hi
fuerunt Parmenides et Melissus, ut infra dicetur. Ergo patet quod illis, qui
dicunt totum unum immobile, non contigerit intelligere eos talem causam
scilicet causam motus, quia ex quo motum subtrahunt, frustra quaerunt causam
motus nisi tantum Parmenides: quia iste etsi poneret unum secundum rationem,
ponebat tamen plura secundum sensum, ut infra dicetur. Unde inquantum plura
ponebat, conveniebat ei ponere plures causas, quarum una esset movens, et
alia mota: quia sicut pluralitatem secundum sensum ponebat, ei oportebat quod
poneret motum secundum sensum. Nam ex uno subiecto non potest intelligi
pluralitas constituta, nisi per aliquem modum motus. |
Mais
d’autres, qui affirmaient l’unité de toutes choses, se butant en quelque
sorte à la raison ci-dessus et étant incapables d’en arriver à déterminer la
cause du mouvement, ont nié totalement le mouvement; c’est pourquoi ils ont
dit que l’univers entier est un seul être immobile. Ils différaient en cela
des premiers physiciens[3], qui disaient qu’une seule cause
est la substance de tous les êtres, et que cette cause a pourtant un
mouvement de raréfaction et de condensation de sorte qu’à partir d’un seul
objet, plusieurs viennent à exister de quelque façon; ils n’ont pourtant pas
dit que les objets changeaient par génération et corruption tout simplement.
En effet, les anciens ont unanimement professé l’opinion que rien n’est
engendré ou corrompu de façon absolue, comme il est évident d’après ce qui
précède. Mais la différence de l’opinion propre de leurs successeurs a été
que le tout est un et immobile, sans aucun mouvement. Ceux-ci furent
Parménide et Mélisse, comme on le dira plus loin. Il est donc évident que
ceux qui ont affirmé l’existence d’un tout unique et immobile n’ont pas pu
comprendre ce point de vue, c'est-à-dire
une telle cause du mouvement, car après avoir nié le mouvement, c’est en vain
qu’ils en cherchent la cause. Seul Parménide fait exception, car même s’il a
affirmé l’unité du tout en raison, il a dit que les choses étaient multiples
selon les sens, comme on le dira plus loin. En conséquence, comme il
affirmait le multiple, il convenait qu’il suppose plusieurs causes, dont une
était motrice et les autres mues, car de même qu’il admettait la pluralité
selon les sens, il se devait d’admettre le mouvement selon les sens. En
effet, à partir d’un sujet unique, on ne peut pas comprendre que la pluralité
vienne à exister, sinon par un mouvement quelconque. |
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[81662] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 5 n. 4 Tertii fuerunt qui plures facientes rerum
substantias, consenserunt praedictae rationi ponentes causam motus. Ponebant
enim calidum vel frigidum causas, vel ignem et terram: quorum igne utebantur
ut habente mobilem, idest motivam naturam; aqua vero et terra et aere
contrario, vel ut habentibus naturam passivam: et sic ignis erat ut causa
efficiens, alia vero ut causa materialis. |
Les troisièmes
ont été ceux qui, affirmant qu’il y avait plusieurs substances des choses,
ont souscrit au raisonnement précédent en déterminant la cause du mouvement.
Ils affirmaient en effet que les causes étaient le chaud ou le froid, ou le
feu et la terre, en attribuant au feu la mobilité, c'est-à-dire la puissance motrice, et le contraire,
c'est-à-dire la nature passive, à l’eau, à la terre et à l’air. Ainsi, le feu
était comme une cause efficiente, et les autres, en quelque sorte, des causes
matérielles. |
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[81663] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 5 n. 5 Deinde cum dicit post hos hic ponit opiniones
ponentium causam efficientem non solum ut principium motus, sed etiam ut
principium boni vel mali in rebus. Et circa hoc duo facit. Primo narrat eorum
opiniones. Secundo ostendit in quo in ponendo causas defecerunt, ibi, isti
quidem. Circa primum duo facit. Primo ponit opinionis rationes, ex quibus
movebantur ad ponendum aliam causam a praedictis. Secundo ostendit quomodo
diversimode causam posuerunt, ibi, dicens et aliquis et cetera. Dicit ergo
primo, quod post praedictos philosophos qui solum unam causam materialem
posuerunt, vel plures corporales, quarum una erat activa, alia ut passiva: et
post alia prima principia ab eis posita, iterum fuerunt ab ipsa veritate
coacti, ut aiebamus, idest sicut supra dictum est, ut quaererent
principium, habitum idest consequenter se habens ad praedicta,
scilicet causam boni, quae quidem est causa finalis, licet ab eis non
poneretur nisi per accidens, ut infra patebit. Ponebatur enim ab eis solum
causa boni per modum causae efficientis. Et ad hoc cogebantur, quia praemissa
principia non sufficiebant ad generandum naturam entium, in qua quidem
inveniuntur aliqua bene se habere. Quod demonstrat conservatio corporum in propriis
locis, extra quae corrumpuntur. Et ulterius utilitates, quae proveniunt ex partibus
animalium, quae hoc modo dispositae inveniuntur secundum quod congruit ad
bonum esse animalis. |
Ensuite,
lorsqu’il dit : Après ces
philosophes, etc., il présente les opinions de ceux qui décrivent la
cause efficiente non seulement comme le principe du mouvement, mais aussi
comme le principe du bien ou du mal dans les choses. Ce qu’il fait en deux
parties. En premier, il relate leurs opinions; en deuxième, il montre en quoi
leur exposé des causes est insuffisant, où il dit : Jusqu’ici nous avons vu, etc. Il traite la première partie en
deux points : en premier, il présente les arguments qui amenaient les
tenants de cette opinion à supposer une autre cause que les précédentes; en
deuxième, il montre leurs diverses manières de décrire la cause, où il
dit : Aussi quand un homme vint
dire, etc. Il dit donc en premier que, après les philosophes déjà
mentionnés qui affirmaient l’existence d’une seule cause matérielle, ou de plusieurs
causes corporelles dont l’une était active et l’autre passive, et après les
autres premiers principes qu’ils ont supposés, la vérité elle-même les a
ensuite obligés, comme nous l’avons
déjà dit, à rechercher un autre principe,
qui viendrait à la suite des précédents, c'est-à-dire la cause du bien, qui
est la cause finale, même s’ils n’en ont affirmé l’existence que par
accident, comme on le verra plus loin. La cause du bien qu’ils supposaient,
en effet, avait seulement fonction de cause efficiente. Et ils ont été
contraints de penser ainsi parce que les principes précédents ne suffisaient
pas pour engendrer la nature des êtres, dans laquelle on trouve des aspects
qui ont raison de bien. La preuve en est que les corps se conservent en leurs
lieux propres, hors desquels ils se corrompent. Une autre preuve est celle
des fonctions utiles exercées par les parties des animaux, qu’on voit
disposées d’une façon qui convient au bien-être des animaux. |
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[81664] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 5 n. 6 Huiusmodi autem bonae dispositionis vel habitudinis,
quam quaedam res iam habent, quaedam vero adipiscuntur per aliquam factionem,
non sufficienter ponitur causa vel ignis, vel terra, vel aliquod talium
corporum: quia ista corpora determinate agunt ad unum secundum necessitatem
propriarum formarum, sicut ignis calefacit et tendit sursum, aqua vero
infrigidat et tendit deorsum. Praedictae autem utilitates, et bonae
dispositiones rerum exigunt habere causam non determinatam ad unum tantum,
cum in diversis animalibus diversimode inveniantur partes dispositae, et in
unoquoque secundum congruentiam ipsorum naturae. |
Mais il
n’est pas suffisant d’affirmer que le feu, la terre ou un autre corps du
genre soit la cause de la bonne disposition ou de la bonne condition que
certaines choses ont déjà et que d’autres acquièrent par fabrication, car ces
corps n’agissent que dans un sens déterminé par la nécessité de leurs formes
propres, comme le feu réchauffe et tend vers le haut alors que l’eau
refroidit et tend vers le bas. Ces fonctions utiles et ces bonnes
dispositions des choses exigent l’existence d’une cause qui n’est pas
déterminée en un seul sens, puisque chez divers animaux, les parties se
trouvent disposées de diverses façons, selon ce qui convient à la nature de
chacun. |
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[81665] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 5 n. 7 Unde non est conveniens, quod ignis vel terra vel
aliquod huiusmodi sit causa praedictae bonae habitudinis rerum: nec fuit conveniens,
quod ipsi hoc aestimaverint: nec iterum bene se habet dicere, quod sint
automata idest per se evenientia et casualia, et quod a fortuna tantum
immutetur eorum causalitas: licet aliqui eorum hoc dixerint, ut Empedocles et
quicumque posuerunt causam materialem tantum: sicut patet secundo physicorum.
Quod tamen patet etiam esse falsum, per hoc quod huiusmodi bonae
dispositiones inveniuntur vel semper, vel in maiori parte. Ea autem quae sunt
a casu vel a fortuna, non sunt sicut semper, sed nec sicut frequenter, sed ut
raro. Et propter hoc necessarium fuit alterum invenire principium bonae
dispositionis rerum, praeter quatuor elementa. Alia litera habet, nec ipsi
automato et fortunae; et est idem sensus quod prius. |
C’est pourquoi
il n’est pas admissible que le feu, la terre ou autre chose du genre soit la
cause de cette bonne disposition des choses, et il n’est pas non plus
admissible que ces philosophes aient pensé ainsi. Également, il ne convient
pas de dire que ces faits soient automatiques, c'est-à-dire se produisent
d’eux-mêmes et par hasard, et que la fortune seule en est la cause; pourtant,
certains d’entre eux l’ont dit, comme Empédocle et tout autre penseur qui a
admis uniquement la cause matérielle, comme on le voit au livre II des Physiques. Il est pourtant évident que
cela aussi est faux, du fait que ces bonnes dispositions existent toujours ou
la plupart du temps. Mais les choses qui viennent du hasard ou de la fortune
n’arrivent pas toujours, ni même fréquemment, mais rarement. Pour cette
raison, il a fallu trouver un autre principe de la bonne disposition des
choses, en plus des quatre éléments. Un autre texte dit : « ni au hasard et à la fortune », et
il a le même sens que ci-dessus. |
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[81666] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 5 n. 8 Deinde cum dicit dicens et hic ponit in speciali
opiniones de praedicto principio. Et primo ponit opiniones ponentium unam
causam. Secundo ponentium duas, ibi, quoniam vero contraria bonis et cetera.
Circa primum duo facit. Primo ponit opiniones ponentium causam primam
efficientem intellectum. Secundo ponentium amorem, ibi, suspicatus est autem
et cetera. Dicit ergo quod post praedictam rationem apparuit aliquis dicens
intellectum esse in tota natura, sicut est in animalibus, et ipsum esse
causam mundi et ordinis totius, idest universi, in quo ordine consistit bonum
totius, et uniuscuiusque. Et hic purificavit priores philosophos, ad puram
veritatem eos reducens qui inconvenientia dixerunt, huiusmodi causam non
tangentes. Hanc autem sententiam manifeste tangit Anaxagoras, licet causam
huiusmodi sententiam proferendi dederit ei primo quidam alius philosophus,
scilicet Hermotimus Clazomenius. Unde patet quod illi qui sunt opinati sic,
simul posuerunt idem rebus esse principium, quod bene haberent se, et quod
esset unde principium motus est. |
Puis
lorsqu’il dit : Aussi quand un
homme, etc., il présente en particulier les opinions sur le principe
précédent. Et en premier, il présente les opinions de ceux qui supposent une
seule cause; en second, les opinions de ceux qui en supposent deux, où il
dit : Ensuite, comme à côté du
bien, etc. Il traite le premier point en deux parties. En premier, il
énonce les opinions de ceux qui affirment que la première cause efficiente
est l’intelligence; en second, les opinions de ceux qui disent que c’est
l’amour, où il dit : On pourrait
dire qu’avant eux, etc. Il dit donc qu’après les réflexions qui
précèdent, quelqu'un est apparu, qui a dit que l’intelligence se trouve dans
toute la nature, ainsi que dans les animaux, et qu’elle est la cause du monde
et de l’ordre du tout, c'est-à-dire de l’univers, ordre dans lequel réside le
bien du tout et de chaque chose. Cet homme a épuré les philosophes
antérieurs, amenant à la pure vérité ceux qui ont dit des absurdités en
omettant cette cause. Or, il est certain qu’Anaxagore a professé cette
doctrine, même si l’enseignement de la doctrine sur une telle cause lui a été
donné par un autre philosophe, Hermotime de Clazomènes. Il est donc évident
que ceux qui ont pensé ainsi ont affirmé que la même chose était à la fois
principe du bon ordre des choses et principe d’origine du mouvement. |
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[81667] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 5 n. 9 Deinde cum dicit suspicatus est ponit opinionem ponentium
amorem esse principium primum; quem tamen non ita expresse vel plane,
posuerunt. Et ideo dicit, quod suspicio fuit apud aliquos, quod Hesiodus
quaesivisset huiusmodi principium bonae habitudinis rerum, vel quicumque
alius posuit amorem vel desiderium in rebus. Cum enim Parmenides universi
generationem monstrare tentaret, dixit, quod amor deorum providit omnibus, ut
mundus constitueretur. Nec est contra sensum eius, qui posuit unum ens
immobile, quod hic dicit; quia hic ponebat plura secundum sensum, licet unum
secundum rationem, ut supra dictum est, et infra dicetur. Deos autem corpora
caelestia appellabat, vel forte aliquas substantias separatas. |
Ensuite,
lorsqu’il dit : On pourrait dire
qu’avant eux, etc., il présente l’opinion de ceux qui affirment que le
principe premier est l’amour, bien qu’ils ne l’aient pas affirmé de façon
aussi claire ou explicite. C’est pourquoi il dit que certains ont soupçonné
qu’Hésiode, ou tout autre qui a affirmé que l’amour ou le désir existent dans
les choses, a attribué à ce principe la bonne disposition des choses. En
effet, quand Parménide a tenté de démontrer que l’univers a été engendré, il
a dit que l’amour des dieux a pourvu à toutes choses pour que le monde soit
constitué. Et ce n’est pas contraire à sa pensée voulant que l’être soit
unique et immoblie, ce qu’il dit ici, car il affirmait à cet endroit que les
choses sont multiples selon les sens mais une en raison, comme on l’a dit
plus haut et comme on le redira plus loin. Cependant, il appelait dieux les corps
célestes, ou peut-être certaines substances séparées. |
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[81668] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 5 n. 10 Sed Hesiodus dixit quod primo omnium fuit chaos, et
deinde facta est terra latior, ut esset receptaculum aliorum: posuerunt enim
receptaculum et locum principium esse, ut dicitur quarto physicorum. Et
posuit rerum principium amorem, qui condocet omnia immortalia. Et hoc ideo,
quia communicatio bonitatis ex amore provenire videtur. Nam beneficium est
signum et effectus amoris. Unde, cum ex rebus immortalibus huiusmodi
corruptibilia esse habeant, et omnem bonam dispositionem, oportet hoc amori
immortalium attribuere. Immortalia autem posuit vel ipsa corpora caelestia,
vel ipsa principia materialia. Sic autem posuit chaos et amorem, quasi necessarium
sit in rerum existentiis esse non solum materiam motuum, sed et ipsam causam
agentem, quae res moveat et congreget; quod videtur ad amorem pertinere. Nam
et in nobis amor ad actiones movet, et quia est omnium affectionum
principium. Nam et timor et tristitia et spes, non nisi ex amore procedunt.
Quod autem amor congreget, ex hoc patet; quia ipse amor est unio quaedam
amantis et amati, dum amans amatum quasi se reputat. Iste autem Hesiodus ante
philosophorum tempora fuit in numero poetarum. |
Mais Hésiode
a dit qu’au début de tout il y avait le chaos, et qu’ensuite la terre a été
faite plus large afin d’être le contenant de toutes choses : en effet,
les anciens ont affirmé que le contenant et le lieu sont principes de l’être,
comme il est dit au livre IV des Physiques.
Et il a affirmé que le principe des choses est l’amour, qui est l’éducateur
de tous les immortels. La raison en est que la communication de la bonté
semble provenir de l’amour; en effet, les bienfaits sont le signe et l’effet
de l’amour. Alors, puisque de tels êtres corruptibles tirent des réalités
immortelles leur existence et toute bonne disposition, il faut attribuer ce
fait à l’amour des immortels. Mais il a affirmé que les êtres immortels
étaient soit les corps célestes, soit les principes matériels. Ainsi donc, il
a pris comme principes le chaos et l’amour par suite de la nécessité d’avoir,
dans les choses existantes, non seulement la matière des mouvements, mais
aussi la cause agente, qui meut et rassemble les choses, ce qui semble être
le fait de l’amour. Chez nous aussi, en effet, l’amour pousse à l’action, et
ce, parce qu’elle est le principe de toutes les affections; de fait, la
crainte, la tristesse et l’espérence n’ont d’autre source que l’amour. Or, le
fait que l’amour rassemble est évident, car il est lui-même une sorte d’union
entre l’amant et l’aimé, l’aimant considérant l’aimé un peu comme lui-même. À
propos d’Hésiode, il a vécu avant les philosophes et a été au nombre des
poètes. |
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[81669] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 5 n. 11 Quis autem horum sit prior, idest potior in
scientia, utrum ille qui dixit amorem esse primum principium, vel qui dixit
intellectum, posterius poterit iudicari, scilicet ubi agetur de Deo.
Et hoc iudicium distributionem vocat: quia per hoc unicuique suus gradus
attribuitur dignitatis. Alia translatio planius habet: hos quidem igitur
quomodo congruat transire, et quis de hoc sit prior, posterius poterit
iudicari. |
Quant à
savoir lequel, de celui qui dit que l’amour est le premier principe ou de
celui qui dit que c’est l’intelligence, a la priorité, c'est-à-dire l’emporte par la science, on pourra en
juger plus tard, quand on traitera
de Dieu. Et il appelle ce jugement une « répartition », car ainsi, à
chacun est attribué son degré de dignité. Une autre traduction le dit plus
clairement : « comment ces êtres sont capables de mettre en
mouvement, et lequel d’entre eux est premier, on pourra en juger plus
tard ». |
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Leçon 6, texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Ensuite, comme à côté du bien dans la nature, on voyait aussi son contraire, non seulement de l’ordre et de la beauté, mais aussi du désordre et de la laideur, comme le mal paraissait même l’emporter sur le bien et le laid sur le beau, un autre philosophe introduisit l’amitié et la discorde, causes opposées de ces effets opposés. Car si l’on veut suivre de près Empédocle, et s’attacher au fond de sa pensée plutôt qu’à la manière presqu’enfantine dont il l’exprime, on trouvera que l’amitié est la cause du bien, et la discorde celle du mal ; de sorte que peut-être n’aurait-on pas tort de dire qu’Empédocle a parlé en quelque manière et a parlé le premier du bien et du mal comme principes, puisque le principe de tous les biens est le bien lui-même, et le mal le principe de tout ce qui est mauvais. Jusqu’ici nous avons vu ces philosophes reconnaître deux des genres de causes déterminés par nous dans la Physique : la matière et le principe du mouvement. Mais ils l’ont fait confusément et indistinctement, comme agissent dans les combats les soldats mal exercés. Ceux-ci frappent souvent de bons coups dans la mêlée, mais ils le font sans science. De même nos philosophes paraissent avoir parlé sans bien savoir ce qu’ils disaient, car l’usage qu’on les voit faire de leurs principes est nul ou peu s’en faut. Anaxagore se sert de l’intelligence comme d’une machine pour faire le monde, et quand il désespère de trouver la cause réelle d’un phénomène, il met en scène l’intelligence. Mais dans tout autre cas, il aime mieux donner aux faits une autre cause. Empédocle se sert davantage, mais d’une manière insuffisante encore, de ses principes, et dans leur emploi il ne s’accorde pas avec lui-même. Souvent chez lui, l’amitié sépare, la discorde réunit : en effet, lorsque dans l’univers les éléments sont séparés par la discorde, toutes les particules de feu n’en sont pas moins unies en un tout, ainsi que celles de chacun des autres éléments ; et lorsque, au contraire, c’est l’amitié qui unit tous les éléments, il faut bien pour cela que les particules de chaque élément se divisent. Empédocle fut donc le premier des anciens qui employa en le divisant le principe du mouvement, et ne supposa plus une cause unique, mais deux causes différentes et opposées. Quant à la matière, il est le premier qui ait parlé des quatre éléments ; toutefois, il ne s’en sert pas comme s’ils étaient quatre, mais comme s’ils n’étaient que deux, à savoir, le feu tout seul, et en opposition au feu, la terre, l’air et l’eau, ne faisant qu’une seule et même nature. C’est là du moins ce que ses vers donnent à entendre. Voilà, selon nous, la nature et le nombre des principes d’Empédocle. |
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Lectio 6 |
Leçon 6 [Opinions
d’Anaxagore et d’Empédocle] (Traduction Georges Comeau, 2010)
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[81670] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 6 n. 1 Hic ponit opinionem ponentium contrarietatem in
huiusmodi, et rationem eos moventem, quae talis erat. In rerum natura videbantur aliqua esse contraria
bonis, quia in natura non solum invenitur ordinatum et bonum, sed aliquando
inordinatum et turpe: non potest autem dici quod mala non habeant causam, sed
accidant a casu: quia mala sunt plura melioribus, et prava sunt plura bonis
simpliciter: quae autem sunt a casu sine causa determinata non sunt ut in
pluribus, sed ut in paucioribus. Unde, cum contrariorum sint contrariae
causae, oportet non solum causam rerum ponere amorem, ex quo proveniunt
ordinationes et bona: sed et odium, ex quo proveniunt inordinationes et
turpia vel mala: ut sic singula mala et bona proprias causas habeant. |
Il
décrit maintenant l’opinion de ceux qui ont affirmé l’existence d’une opposition
dans les êtres et la raison qui y poussait ces philosophes. Voici cette
raison : ils voyaient dans la nature des choses des aspects contraires
au bien, car dans la nature on ne voit pas que tout est ordonné au bien, mais
que certaines choses sont désordonnées et honteuses. Mais on ne peut pas dire
que les choses mauvaises sont sans cause et arrivent par hasard, car les
choses mauvaises sont plus nombreuses que les meilleures, et les choses
honteuses sont plus nombreuses que les choses absolument bonnes; mais ce qui
arrive par hasard et sans cause déterminée n’arrive pas la plupart du temps,
mais dans un petit nombre de cas. Alors, puisque les contraires ont des
causes contraires, il ne faut pas seulement admettre l’amour comme cause des
choses, d’où proviennent l’ordre et le bien, mais aussi la haine, d’où
proviennent le désordre et les choses honteuses ou mauvaises, de sorte que le
mal et le bien ont leurs causes propres respectives. |
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[81671] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 6 n. 2 Et quod ista fuerit ratio movens Empedoclem patet,
si quis assequatur sententiam eius, et accipiat sententiam, quam dicere
voluit, et non ad verba, quae imperfecte et quasi balbutiendo dixit. Dixit
enim quod amoris est congregare, odii disgregare: sed quia ex congregatione
est rerum generatio, ex qua rebus est esse et bonum: per segregationem vero
est corruptio, quae est via ad non esse et malum, iam patet quod voluit
amorem esse causam aggregatorum, idest bonorum, et odium esse causam malorum.
Et ita si quis dicat, quod Empedocles fuit primus, qui dixit bonum et malum
esse principia, forsitan bene dixit. |
Et il
est évident que c’est la raison qui a poussé Empédocle à cette opinion, si on
suit sa doctrine et si on s’attache à ce qu’il a voulu dire et non à la lettre
de ses propos, qui étaient exprimés imparfaitement, comme un balbutiement. Il
a dit en effet que l’amour rassemble et que la haine désagrège; mais comme le
rassemblement est la génération des choses, qui leur donne l’être et le bien,
et comme la désagrégation est leur corruption, qui about au non-être et au
mal, il est évident qu’il a voulu dire que l’amour est la cause des êtres
rassemblés, c'est-à-dire des biens, et que la haine est la cause des maux. Et
ainsi, si on disait qu’Empédocle a été le premier à dire que le bien et le
mal sont des principes, on aurait peut-être raison… |
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[81672] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 6 n. 3 Si tamen secundum Empedoclem fuit hoc quod bonum est
causa omnium bonorum, et malum omnium malorum. Quod enim aliquorum malorum
posuit causam malam, scilicet corruptionis, et aliquorum bonorum bonum,
scilicet generationis, manifestum est: sed quia non sequebatur quod omnia
bona essent per amicitiam, nec omnia mala per odium, cum distinctio partium
mundi adinvicem esset per odium, et confusio per amicitiam, ideo non
usquequaque posuit bonum causam bonorum, et malum causam malorum. |
… si du
moins c’est d’Empédocle que vient l’idée que le bien est la cause de tous les
biens et le mal la cause de tous les maux. En effet, il est manifeste qu’il a
attribué une cause mauvaise à certains maux, à savoir la corruption, et une
cause bonne à certains biens, à savoir la génération; mais, comme il ne
s’ensuivait pas que tous les biens viennent de l’amitié ni tous les maux de
la haine (puisque la distinction des parties du monde entre elles venait de
la haine et leur confusion venait de l’amitié), il n’a donc pas affirmé sans
exception que le bien est la cause des biens et le mal la cause des maux. |
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[81673] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 6 n. 4 Deinde cum dicit isti quidem hic ostendit, quod in
ponendo praedictas causas deficiebant. Et primo loquitur generaliter de eis.
Secundo specialiter, ibi, Anaxagoras autem et cetera. Dicit ergo primo, quod
praedicti philosophi, scilicet Anaxagoras et Empedocles, usque ad hoc
pervenerunt, quod posuerunt duas causas illarum quatuor, quae sunt
determinatae in physicis, scilicet materiam et causam motus; sed obscure et
non manifeste tradiderunt, quia non exprimebant quod illa, quae causas esse
ponebant, ad ista causarum genera reducerentur. Sed in hoc quod de causis
posuerunt duas, convenienter assimilabantur bellatoribus non eruditis, qui ab
adversariis circumducti faciunt aliquando bonos ictus, sed non per artem, sed
a casu. Quod ex hoc patet, quia etsi aliquando accidit eis, non tamen semper
aut frequenter. Similiter etiam praedicti philosophi non sunt usi dicere quod
dicunt, nec usi sunt scientibus, idest sicut scientes. Unde alia translatio
habet, sed nec illi scientiam, nec hi assimilati sunt scientibus dicere
quod dicunt. Quod ex hoc patet, quia cum praedictas causas posuissent,
fere non sunt eis usi, quia in paucis utebantur. Unde videtur quod non ex
arte, sed quadam inducti necessitate eas casualiter induxerunt. |
Ensuite,
lorsqu’il dit : Jusqu’ici nous
avons vu, etc., il montre que leur exposé des causes mentionnées est
insuffisant. Et en premier, il parle d’eux de façon générale; en deuxième, il
le fait en particulier, où il dit : Anaxagore
se sert, etc. Il dit donc en premier que ces philosophes, c'est-à-dire
Anaxagore et Empédocle, en sont arrivés à affirmer deux causes, soit la
matière et la cause du mouvement, parmi les quatre qui sont établis dans le
livre des Physiques, mais ils en
ont traité de façon obscure et peu évidente, car ils n’ont pas expliqué que
les réalités qu’ils disaient être des causes se ramènent à ces genres de
causes. Mais parce qu’ils n’ont énoncé que deux des causes, on peut à bon
droit les comparer à des guerriers malhabiles qui, entourés d’ennemis,
frappent parfois de bons coups, mais par hasard et non par adresse; et cela
est évident parce que, même s’ils y arrivent parfois, ils ne le font pas
toujours ni même souvent. Pareillement, ces philosophes n’utilisent pas ce
qu’ils disent, et ils ne disent pas ces choses sciemment, c'est-à-dire comme
des gens qui savent. C’est pourquoi une autre traduction dit :
« mais ils n’ont pas de science, et ils n’ont pas l’air de savoir quand
ils disent ce qu’ils disent ». Cela est évident parce que, après avoir
affirmé l’existence de telles causes, ils n’en ont fait presque aucun usage,
ne s’appuyant sur elles que dans peu de cas. On voit donc que ce n’est pas de
façon réfléchie, mais poussés par quelque nécessité qu’ils ont supposé par
hasard l’existence de ces causes. |
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[81674] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 6 n. 5 Deinde cum dicit Anaxagoras autem hic ostendit in
quo specialiter eorum uterque defecerit. Et primo de Anaxagora. Secundo de Empedocle,
ibi, et Empedocles. Dicit ergo primo, quod Anaxagoras utitur intellectu ad
mundi generationem; in quo videtur artificialiter loqui, non dubitans de
causis generationis mundi, ex necessitate attrahit, idest producit ipsum
intellectum, non valens reducere mundi generationem in aliquam aliam causam
distinguentem res, nisi in aliquod in se distinctum et immixtum, cuiusmodi
est intellectus. Sed in omnibus aliis assignat causas magis ex omnibus aliis,
quam ex intellectu, sicut in specialibus rerum naturis. |
Puis
lorsqu’il dit : Anaxagore se sert,
etc., il montre en particulier comment chacun des deux a été en défaut.
Il le montre en premier pour Anaxagore; en second pour Empédocle, où il
dit : Empédocle se sert davantage,
etc. Il dit donc en premier qu’Anaxagore prend l’intelligence comme ce qui engendre le
monde, mais il semble parler ainsi de façon artificielle : sans
s’interroger sur les causes de la génération du monde, il va chercher,
c'est-à-dire met en scène l’intelligence,
étant incapable d’attribuer la génération du monde à une autre cause qui
distingue les choses; il l’attribue seulement à une réalité qui est
essentiellement distincte et sans mélange, à savoir l’intelligence. Mais pour
tout le reste, il attribue toute autre cause plutôt que l’intelligence, par
exemple dans les choses particulières de la nature. |
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[81675] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 6 n. 6 Deinde cum dicit et Empedocles hic ostendit in quo
deficiat Empedocles. Et circa hoc duo facit. Primo ostendit in quo deficit. Secundo
quid proprium prae aliis dixit, ibi, Empedocles igitur. Dicit ergo primo,
quod Empedocles in determinando de particularibus rerum naturis, plus
utitur causis a se positis, scilicet quatuor elementis, et odio et amore,
quam Anaxagoras, quia singulorum generationem et corruptionem in praedictas
causas reducit, non autem Anaxagoras in intellectum. Sed in duobus deficit.
Primo, quia non sufficienter huiusmodi causas tradit. Utitur enim eis quasi
dignitatibus per se notis, quae non sunt per se nota, ut dicitur primo
physicorum: dum scilicet supponebat quasi per se notum, quod lis determinato
tempore dominabatur in elementis, et alio tempore determinato amor. |
Ensuite,
lorsqu’il dit : Empédocle se sert
davantage, etc., il montre en quoi Empédocle est en défaut. Il le fait en
deux parties : en premier, il montre en quoi il est en défaut; en
deuxième, il montre en quoi ses opinions propres diffèrent de celles des
autres, où il dit : Empédocle fut
donc le premier, etc. Il dit donc en premier qu’Empédocle, en traitant
des natures particulières des choses, se
sert davantage qu’Anaxagore des
principes qu’il a affirmés, à savoir les quatre éléments ainsi que
l’amour et la haine, parce qu’il attribue à ces causes la génération et la
corruption des singuliers, alors qu’Anaxagore ne les attribue pas à
l’intelligence. Mais il est en défaut de deux façons. En premier, parce qu’il
ne traite pas suffisamment de ces causes. Il les prend en effet comme des
pouvoirs évidents en soi, alors qu’ils ne sont pas évidents en soi, comme il
est dit au livre I des Physiques :
c’est ainsi qu’il supposait comme évident par soit que la haine était
dominante dans les éléments pendant un temps déterminé, et l’amour pendant un
autre temps déterminé. |
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[81676] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 6 n. 7 Secundo, quia in his quae quaerit, non invenitur
illud quod est ab eo confessum, idest suppositum quasi principium, scilicet
quod amor congreget et odium disgreget; quia in multis locis oportet quod e
contrario amor secernat, idest dividat, et odium concernat,
idest congreget; quia quando ipsum universum in partes suas per odium, distrahitur,
idest deiicitur, quod est in generatione mundi, tunc omnes partes ignis in
unum conveniunt, et similiter singulae partes aliorum elementorum, concernunt,
idest adinvicem coniunguntur. Sic igitur odium, non solum partes ignis
dividit a partibus aeris, sed etiam partes ignis coniungit adinvicem. E
contrario autem, cum elementa in unum conveniunt per amorem, quod accidit in
destructione universi, tunc necesse est ut partes ignis adinvicem separentur,
et similiter singulorum partes adinvicem secernantur. Non enim posset ignis
commisceri aeri nisi partes ignis adinvicem separarentur, et similiter partes
aeris nisi invicem se elementa praedicta penetrarent, ut sic amor sicut
coniungit extranea, ita dividat similia, secundum quod sequitur ex eius
positione. |
Deuxièmement,
il est en défaut parce que, dans sa recherche, on ne trouve pas ce sur quoi
il s’accorde, c'est-à-dire ce qu’il
suppose comme principe : le fait que l’amour rassemble et que la haine
désagrège. À beaucoup d’endroits de ses écrits, en effet, il s’ensuit
nécessairement qu’au contraire l’amour sépare,
c'est-à-dire divise, et que la haine réunit,
c'est-à-dire rassemble, car lorsque l’univers entier est séparé en ses partie, c'est-à-dire
désuni par la haine, alors toutes les parties du feu se réunissent en un
tout, et de même toutes les parties des autres éléments se rassemblent,
c'est-à-dire se joignent les unes aux autres. Ainsi donc, non seulement la
haine sépare les portions de feu des portions d’air, mais aussi, elle joint
ensemble les parties de feu. Par contre, lorsque les éléments se rassemblent
par l’amour, ce qui se produit dans la destruction de l’univers, il est
nécessaire que les parties du feu se séparent l’une de l’autre, et
pareillement les parties de chacun des éléments. En effet, le feu ne pourrait
pas se mélanger à l’air sans que les parties du feu se séparent l’une de
l’autre; de même, les parties de l’air ne se sépareraient pas sans que les
éléments mentionnés pénètrent l’un dans l’autre. Ainsi, de même que l’amour
joint des choses dissemblables, de même il divise les choses semblables,
d’après ce qui s’ensuit de sa doctrine. |
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[81677] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 6 n. 8 Deinde cum dicit Empedocles quidem hic ostendit
quomodo Empedocles prae aliis philosophis proprium posuit. Et dicit quod duo
prae aliis posuit. Unum est quod causam unde motus divisit in duas contrarias
partes. Aliud est quod causam materialem dixit esse quatuor elementa: non
quod utatur quatuor elementis ut quatuor, sed ut duobus, quia ignem comparat
aliis tribus dicens, quod ignis habet naturam activam, et alia passivam. Et
hoc potest aliquis sumere ex elementis rerum ab ipso traditis, vel elementis
principiis suae doctrinae quae posuit. Alia litera habet ex versibus, quia
dicitur metrice suam philosophiam scripsisse. Et huic concordat alia
translatio quae dicit, ex rationibus. Hic igitur, ut dictum est
et sic tot primus posuit principia, quia quatuor, et ea quae dicta sunt. |
Ensuite,
lorsqu’il dit : Empédocle fut donc
le premier, etc., il montre comment Empédocle a énoncé sa propre
doctrine, avant les autres philosophes. Et il dit qu’il a affirmé deux choses
avant les autres. L’une est qu’il a divisé la cause d’origine du mouvement en
deux parties contraires; l’autre est qu’il a dit que la cause matérielle
consiste en quatre éléments. Cependant, il ne traite pas les quatre éléments
comme quatre, mais comme deux, car il compare le feu aux trois autres en
disant que la nature du feu est active et que la nature des autres est
passive. Et on peut déduire cela des éléments des choses qu’il a enseignés,
ou des principes « élémentaires » de la doctrine qu’il a affirmée.
Une autre version parle de ses vers, car
on dit qu’il a rédigé sa philosophie en vers. Et cela concorde avec une autre
tradiction qui dit : « d’après ses raisons ». Donc, selon nous, c’est ainsi qu’il a été le
premier à affirmer ce nombre de principes, c'est-à-dire quatre, ceux que nous
avons mentionnés. |
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Leçon 7, texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Leucippe et son ami Démocrite disent que les éléments primitifs sont le plein et le vide, qu’ils appellent l’être et le non être ; le plein ou le solide, c’est l’être ; le vide ou le rare, c’est le non-être ; c’est pourquoi ils disent que l’être n’existe pas plus que le non-être, parce que le corps n’existe pas plus que le vide : telles sont, sous le point de vue de la matière, les causes des êtres. De même que ceux qui posent comme principe une substance unique, expliquent tout le reste par les modifications de cette substance – en donnant pour principe à ces modifications le rare et le dense – ainsi ces philosophes placent dans les différences les causes de toutes choses. Ces différences sont au nombre de trois : la forme, l’ordre et la position. Ils disent, en effet, que les différences de l’être viennent de la configuration, de l’arrangement et de la tournure, Or, la configuration c’est la forme, l’arrangement l’ordre, et la tournure la position. Ainsi, A diffère de N par la forme, AN de NA par l’ordre, et Z de N par la position. Quant au mouvement, à ses lois et à sa cause, ils ont traité cette question avec beaucoup de négligence, comme les autres philosophes. Par conséquent, nos devanciers n’ont pas été plus loin sur ces deux genres de causes. Parmi eux et avant eux, ceux qu’on nomme Pythagoriciens, s’étant
occupés des mathématiques, furent les premiers à les mettre en avant ;
et nourris dans cette étude, ils pensèrent que les principes de cette science
étaient les principes de tous les êtres. Comme, par nature, les nombres sont
les premiers des êtres, et ils leur paraissaient avoir plus d’analogie avec
les choses et les phénomènes – comme le feu, l’air ou l’eau, – que la
modification des nombres semblait être la justice, une autre rame et
intelligence, un autre propos, et à peu près ainsi de toutes les autres
choses –; comme ils voyaient de plus dans les nombres les modifications et
les rapports de l’harmonie ; par ces motifs joints à ces deux premiers
que la nature entière a été formée à la ressemblance des nombres, et que les
nombres sont les premiers de tous les êtres, ils posèrent les éléments des
nombres comme les éléments de tous les êtres, et le ciel tout entier comme
une harmonie et un nombre. Tout ce qu’ils pouvaient montrer dans les nombres
et dans la musique qui s’accordât avec les phénomènes du ciel, ses parties et
toute son ordonnance, ils le recueillirent, et ils en composèrent un
système ; et si quelque chose manquait, ils y suppléaient pour que le
système fût bien d’accord et complet. Par exemple, comme la décade paraît
être quelque chose de parfait et qui embrasse tous les nombres possibles, ils
prétendent qu’il y a dix corps en mouvement dans le ciel, et comme il n’y en
a que neuf de visibles, ils en supposent un dixième qu’ils appellent
antichtone. Mais tout ceci a été déterminé ailleurs avec plus de soin. |
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Lectio 7 |
Leçon 7 [Autres
opinions : Leucippe, Démocrite, les Pythagoriciens] (Traduction Georges
Comeau, 2010)
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[81678] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 1 Hic incipit ponere positiones eorum, qui posuerunt
de principiis positiones extraneas non manifestas. Et primo illorum qui
posuerunt plura principia rerum. Secundo illorum, qui posuerunt tantum unum
ens, ibi, sunt autem aliqui et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit
opinionem Leucippi et Democriti, qui posuerunt principia rerum corporea.
Secundo ponit opinionem Pythagoricorum, qui posuerunt principia rerum
incorporea, ibi, in his autem et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit
opinionem Democriti et Leucippi de causa materiali rerum. Secundo de causa
diversitatis, quomodo scilicet ex materia plures res diversificantur, in quo
etiam apparet causa generationis et corruptionis rerum: in quo etiam cum
antiquis philosophis conveniebant, ibi, et quemadmodum in unum et cetera.
Dicit ergo, quod duo philosophi, qui amici dicuntur, quia in omnibus se
sequebantur, scilicet Democritus et Leucippus, posuerunt rerum principia
plenum et inane, sive vacuum; quorum plenum est ens, et vacuum sive inane non
ens. |
Il
commence ici à présenter les doctrines de ceux qui ont affirmé au sujet des
principes l’existence de facteurs externes non évidents : en premier,
les doctrines de ceux qui ont affirmé l’existence de plusieurs principes des
choses; en deuxième, les doctrines de ceux qui ont affirmé un seul être, où
il dit : Il en est d’autres, etc.
(leçon 9). Il traite la première section en deux parties. En premier, il
énonce l’opinion de Leucippe et de Démocrite, qui ont attribué aux choses des
principes corporels; en deuxième, l’opinion des Pythagoriciens, qui ont
affirmé des principes incorporels, où il dit : Parmi eux et avant eux, etc. Il traite la première partie en deux
points. En premier, il présente l’opinion de Démocrite et de Leucippe sur la
cause matérielle des choses. En deuxième, il explique la cause de la
diversité, c'est-à-dire c'est-à-dire comment plusieurs choses se différencient
à partir de la matière, ce qui manifeste également la cause de la génération
et de la corruption des choses, où il dit : De même que ceux qui posent, etc. Sur ce point, ils s’accordaient
également avec les anciens philosophes. Il dit donc que deux philosophes, qui
sont décrits comme des amis parce que toutes leurs doctrines étaient les
mêmes, à savoir Démocrite et Leucippe, ont affirmé que les principes des
choses sont le plein et le rare, c'est-à-dire le vide, le plein étant l’être
et le raréfié ou le vide étant le non-être. |
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[81679] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 2 Ad huius autem opinionis evidentiam recolendum est
hoc quod philosophus dicit in primo de generatione, ubi diffusius eam tradit.
Cum enim quidam philosophi posuissent omnia esse unum ens continuum,
immobile: quia nec motus sine vacuo esse potest, ut videtur, nec etiam rerum
distinctio, ut dicebant, cum continuitatis privationem, ex qua oportet
intelligere corporum diversitatem, nisi per vacuum non possent comprehendere,
vacuum autem nullo modo esse ponerent, supervenit Democritus, qui eorum
rationi consentiens, diversitatem autem et motum a rebus auferre non valens,
vacuum esse posuit, et omnia corpora ex quibusdam indivisibilibus corporibus
esse composita: propter hoc, quia non videbatur sibi quod ratio posset
assignari quare ens universum magis in una parte esset divisum quam in alia;
ne poneret totum esse continuum, praeelegit ponere ubique totum et totaliter
esse divisum; quod esse non posset si remaneret aliquod divisibile indivisum.
Huiusmodi autem indivisibilia corpora invicem coniungi non possunt, nec esse
ut ponebat, nisi vacuo mediante: quia nisi vacuum inter duo eorum
interveniret, oporteret ex eis duobus unum esse continuum quod ratione
praedicta non ponebat. Sic igitur uniuscuiusque corporis magnitudinem
constitutam dicebat ex illis indivisibilibus corporibus implentibus
indivisibilia spatia, et ex quibusdam spatii vacuis ipsis indivisibilibus
corporibus interiacentibus, quae quidem poros esse dicebat. |
Pour
bien comprendre cette opinion, nous devons nous souvenir de ce que dit le
Philosophe au livre I de la Génération,
où il en traite plus longuement. En effet, que certains philosophes ont
affirmé que l’univers était un seul être continu et immobile, car,
disaient-ils, il semble que le mouvement ne peut pas exister s’il n’y a pas
de vide; et ils ne pouvaient pas non plus comprendre autrement qu’à partir du
vide la distinction des choses et la rupture de continuité qui est nécessaire
pour expliquer la diversité des corps; mais ils affirmaient que le vide ne
peut exister en aucune façon. Alors vint Démocrite, qui, étant d’accord avec
leurs raisons et ne pouvant pas nier l’existence du mouvement dans les
choses, a dit que le vide existait et que tous les corps étaient composés de
corps indivisibles; et parce qu’il ne lui semblait pas possible d’expliquer
pourquoi l’univers serait fragmenté davantage à un endroit qu’à un autre,
pour éviter de dire que l’univers est continu, il a préféré affirmer qu’il
est totalement divisé partout, ce qui ne serait pas possible s’il restait
quelque chose qui est divisible mais non divisé. Mais ces corps indivisibles
ne peuvent pas être joints ni être comme il l’affirmait, à moins d’être
séparés par un vide, car s’il n’y avait pas un vide entre deux d’entre eux,
il faudrait qu’ils forment un seul corps continu, ce qu’il évitait de dire
pour la raison ci-dessus. Ainsi donc, il disait que les dimensions de tout
corps sont constituées par ces corps indivisibles qui remplissent des espaces
indivisibles et par des espaces vides, qu’il appelait des pores, situés entre
ces corps indivisibles. |
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[81680] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 3 Ex quo patet quod cum vacuum sit non ens, et plenum
sit ens, non magis ponebat rei constitutionem ens quam non ens: quia nec
corpora magis quam vacuum, nec vacuum magis quam corpora; sed ex duobus simul
dicebat, ut dictum est corpus constitui. Unde praedicta duo ponebat rerum
causas sicut materiam. |
Il est
donc évident que, puisque le vide est du non-être et que le plein est de
l’être, il affirmait qu’une chose n’est pas davantage constituée d’être que
de non-être, car les corps n’existent pas plus que le vide, ni le vide plus
que les corps, mais qu’un corps est composé des deux en même temps, comme on
l’a dit. Il affirmait donc que les deux étaient causes des choses en tant que
matière. |
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[81681] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 4 Deinde cum dicit et quemadmodum hic ostendit in quo conveniebant
praedicti philosophi cum antiquis philosophis, qui ponebant unam tantum
materiam. Ostendit autem quod conveniebant cum eis in duobus. Primo quidem,
quia sicut sunt ponentes unam materiam, et ex illa materia una generabant
aliam secundum diversas materiae passiones, quae sunt rarum et densum, quae
accipiebant ut principia omnium aliarum passionum; ita et isti, scilicet
Democritus et Leucippus, dicebant, quod causae differentes erant aliorum,
scilicet corporum constitutorum ex indivisibilibus, videlicet quod per
aliquas differentias illorum indivisibilium corporum et pororum diversa entia
constituebantur. |
Ensuite,
lorsqu’il dit : De même que ceux, etc.,
il montre en quoi ces derniers philosophes étaient d’accord avec les anciens
philosophes, qui affirmaient l’existence d’une seule matière. Et il montre
qu’ils étaient en accord sur deux points. En premier parce que, de même que
les anciens supposaient une seule matière, de laquelle une autre était
engendrée selon les diverses affections de la matière, qui sont le raréfié et
le dense, qu’ils pensaient être les principes de toutes les affections, ainsi ces philosophes, Démocrite et
Leucippe, disaient que des causes différentes expliquaient « les
autres », à savoir les corps constitués des éléments indivisibles,
c'est-à-dire que les êtres différents étaient constitués par certaines
différences entre ces corps indivisibles et entre les pores. |
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[81682] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 5 Eas autem differentias dicebant esse, unam secundum figuram,
quae attenditur ex hoc quod aliquid est angulatum, circulare et rectum: aliam
secundum ordinem quae est secundum prius et posterius: aliam secundum
positionem, quae est secundum ante et retro, dextrum et sinistrum, sursum et
deorsum. Et sic dicebant quod unum ens differt ab alio vel rhysmo
idest figura, vel diathyge idest ordine, vel trope idest
positione. |
Ils
disaient que ces différences provenaient d’abord de la forme, que l’on
reconnaît du fait que les choses sont anguleuse, circlaires ou droites;
ensuite de l’ordre, qui consiste dans l’avant ou l’après, et enfin de la
position, pour laquelle on considère l’avant et l’arrière, la droite et la
gauche, le haut et le bas. Ainsi donc, ils disaient qu’un être diffère d’un
autre par la configuration, c'est-à-dire
la forme, par l’arrangement, c'est-à-dire
l’ordre, et par la tournure, c'est-à-dire
par la position. |
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[81683] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 6 Et hoc probat per exemplum in literis Graecis, in
quibus una litera differt ab alia figura: sicut et in nostris differt una ab
altera: a enim differt ab n, figura; an vero et na, differunt secundum
ordinem, nam una ante aliam ordinatur. Una etiam differt ab altera positione,
ut z ab n, sicut et apud nos videmus quod semivocales post liquidas poni non
possunt ante quas ponuntur mutae in eadem syllaba. Sicut ergo propter
triplicem diversitatem in literis ex eisdem literis diversimode se habentibus
fit tragoedia et comoedia, ita ex eisdem corporibus indivisibilibus
diversimode habentibus fiunt diversae species rerum. |
Et à
titre de preuve, il donne l’exemple de lettres grecques, qui diffèrent l’une
de l’autre par la forme; dans notre alphabet aussi, l’une diffère de
l’autre : en effet, A diffère de N par la forme, et AN diffère de NA par
l’ordre du fait qu’une lettre vient avant l’autre. Une lettre peut aussi
différer de l’autre par la position, comme Z et N : nous voyons aussi
dans notre langue qu’une semi-voyelle ne peut pas venir après une liquide qui
est précédée d’une muette dans la même syllabe[4]. Donc, de même que, par suite de
ces trois différences entre les lettres, les mêmes lettres disposées
différemment peuvent produire une tragédie ou une comédie, ainsi les mêmes
corps indivisibles arrangés différemment produisent les diverses espèces de
choses. |
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[81684] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 7 Aliud vero in quo conveniebant isti philosophi cum
antiquis est, quod sicut antiqui neglexerunt ponere causam ex qua motus inest
rebus, ita et isti, licet illa indivisibilia corpora dicerent esse per se
mobilia. Sic ergo patet quod per praedictos philosophos nihil dictum est nisi
de duabus causis, scilicet de causa materiali ab omnibus, et de causa movente
a quibusdam. |
Une
autre chose sur laquelle les philosophes à l’étude étaient d’accord avec les
anciens est que, de même que ces derniers ont négligé d’affirmer une cause
pour laquelle le mouvement existe dans les ch oses, ils ont fait de même,
bien qu’ils aient dit que ces corps indivisibles sont essentiellement
mobiles. Ainsi donc, il est évident que les philosophes en question n’ont
parlé que de deux causes, car tous ont parlé de la cause matérielle, et
certains ont parlé de la cause motrice. |
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[81685] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 8 Deinde cum dicit in his autem hic ponit opiniones
Pythagoricorum ponentium numeros esse substantias rerum. Et circa hoc duo
facit. Primo ponit opiniones de rerum substantia. Secundo de rerum
principiis, ibi, sed cuius gratia advenimus. Circa primum ponit duo, ex
quibus inducebantur ad ponendum numeros esse rerum substantias. Secundum
ponit ibi, amplius autem harmoniarum et cetera. Dicit ergo quod Pythagorici
philosophi fuerunt, in his, idest, contemporanei aliquibus dictorum
philosophorum, et ante hos, quia fuerunt quidam quibusdam priores.
Sciendum est autem duo fuisse philosophorum genera. Nam quidam vocabantur
Ionici, qui morabantur in illa terra, quae nunc Graecia dicitur: et isti
sumpserunt principium a Thalete, ut supra dictum est. Alii philosophi fuerunt
Italici, in illa parte Italiae quae quondam magna Graecia dicebatur, quae
nunc Apulia et Calabria dicitur: quorum philosophorum princeps fuit
Pythagoras natione Samius, sic dictus a quadam Calabriae civitate. Et haec
duo philosophorum genera simul concurrerunt. Et propter hoc dicit quod
fuerunt, in his et ante hos. |
Puis
lorsqu’il dit : Parmi eux et avant
eux, etc., il expose les opinions des Pythagoriciens, qui affirmaient que
les nombres sont les substances des choses. Cet exposé comprend deux parties.
En premier, il relate les opinions sur les substances des choses; en
deuxième, les opinions sur les principes des choses, où il dit : Si nous y revenons, etc. (leçon 8).
Pour la première partie, il présente deux raisons qui les amenaient à
affirmer que les nombres sont les substances des choses; il donne la deuxième
raison où il dit : comme ils
voyaient de plus, etc. Il dit donc que les Pythagoriciens ont été des
philosophes parmi eux, c'est-à-dire
contemporains de certains philosophes déjà mentionnés, et avant eux, parce que certains étaient
antérieurs à certains d’entre eux. En effet, certains étaient appelés
Ioniens, parce qu’ils vivaient dans le pays maintenant appelé Grèce, et leurs
débuts remontent à Thalès, comme on l’a dit plus haut. D’autres philosophes
ont été les Italiens, qui vivaient dans la partie de l’Italie qu’on appelait
parfois Grande-Grèce et qui comprend l’Apulie et la Calabre actuelle; le chef
de ces philosophes a été Pythagore, appelé Samien du nom d’une cité de
Calabre [Samos]. Et ces deux genres de philosophes ont vécu en même temps;
c’est pourquoi il dit qu’ils ont été parmi
eux et avant eux. |
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[81686] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 9 Isti autem Italici philosophi, qui et Pythagorici
dicuntur, primi produxerunt quaedam mathematica, ut ea rerum sensibilium
substantias et principia esse dicerent. Dicit ergo, primi, quia
Platonici eos sunt secuti. Ex hoc autem moti sunt ut mathematica introducerent,
quia erant nutriti in eorum studio. Et ideo principia mathematicorum
credebant esse principia omnium entium. Consuetum est enim apud homines, quod
per ea quae noverunt, de rebus iudicare velint. Et quia inter mathematica
numeri sunt priores, ideo conati sunt speculari similitudines rerum
naturalium, et quantum ad esse et quantum ad fieri, magis in numeris quam in
sensibilibus elementis, quae sunt terra et aqua et huiusmodi. Sicut enim
praedicti philosophi passiones rerum sensibilium adaptant passionibus rerum
naturalium, per quamdam similitudinem ad proprietates ignis et aquae et
huiusmodi corporum: ita mathematici adaptabant proprietates rerum naturalium
ad numerorum passiones, quando dicebant quod aliqua passio numerorum est
causa iustitiae, et aliqua causa animae et intellectus, et aliqua causa
temporis, et sic de aliis. Et sic passiones numerorum intelliguntur esse
rationes et principia quaedam omnium apparentium in rebus sensibilibus, et
quantum ad res voluntarias, quod designatur per iustitiam, et quantum ad
formas substantiales rerum naturalium, quod designatur per intellectum et
animam: et quantum ad accidentia, quod designatur per tempus. |
Or, ces
philosophes italiens, également appelés Pythagoriciens, ont été les premiers
à avancer certains concepts mathématiques de manière à dire qu’ils étaient
les substances et les principes des choses sensibles. Il dit donc les premiers parce que les
Platoniciens les ont suivis. S’ils ont été poussés à introduire les
mathématiques, c’est qu’ils étaient nourris dans leur étude, et ils croyaient
donc que les principes des mathématiques étaient les principes de toutes
choses. En effet, les hommes ont l’habitude de vouloir juger des choses
d’après ce qu’ils connaissent. Alors, puisque les nombres sont la première
réalité en mathématiques, ils se sont efforcés de découvrir des ressemblances
avec les choses de la nature, tant quant à l’être que quant au devenir,
davantage dans les nombres que dans les éléments sensibles que sont la terre,
l’eau et ainsi de suite. En effet, de même que les philosophes discutés plus
haut rattachaient les affections des choses sensibles aux affections des
choses naturelles, du fait d’une certaine ressemblance aux propriétés du feu,
de l’eau et des corps du genre, de même les mathématiciens rattachaient les
propriétés des choses naturelles aux propriétés des nombres, quand ils
disaient qu’une certaine propriété des nombres est cause de la justice,
qu’une autre est cause de l’âme et de l’intelligence, qu’une autre est cause
du temps, et ainsi de suite. Et ainsi, ils ont pensé que les propriétés des
nombres sont des raisons et des principes de tout ce qui est apparent dans
les choses sensibles : les réalités volontaires, qui sont nommées ici
justice, les formes substantielles des êtres naturelles, appelées ici âme et
intelligence, et les accidents, signifiés par le temps. |
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[81687] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 10 Deinde cum dicit amplius autem hic ponit secundum motivum.
Considerabant enim passiones harmoniarum, consonantiarum musicalium et earum
rationes, scilicet proportiones, ex natura numerorum. Unde cum soni
consonantes sint quaedam sensibilia, eadem ratione sunt conati et cetera alia
sensibilia secundum rationem et secundum totam naturam assimilare numeris,
ita quod numeri sunt primi in tota natura. |
Ensuite,
lorsqu’il dit : comme ils voyaient
de plus, etc., il présente la seconde raison. Ces philosophes étudiaient
en effet les propriétés des harmonies, des notes de musique qui s’accordent
et de leurs rapports, c'est-à-dire
de leurs proportions, d’après la nature des nombres. Alors, puisque les notes
qui s’accordent sont des êtres sensibles, ils se sont efforcés pour la même
raison d’assimiler les autres êtres sensibles aux nombres par leurs notions
et par toute leur nature, de sorte que les nombres soient la réalité première
de toute la nature. |
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[81688] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 11 Et propter hoc etiam aestimaverunt quod principia
numerorum essent principia omnium entium existentium, et totum caelum nihil
aliud esse dicebant nisi quamdam naturam et harmoniam numerorum, idest
proportionem quamdam numeralem, similem proportioni, quae consideratur in
harmoniis. Unde quaecumque habebant confessa, idest manifesta, quae
poterant adaptare numeris et harmoniis adaptabant, et quantum ad caeli
passiones, sicut sunt motus et eclypses et huiusmodi et quantum ad partes,
sicut sunt diversi orbes: et quantum ad totum caeli ornatum, sicut sunt
diversae stellae et diversae figurae in constellationibus. |
Et pour
cette raison, ils ont également estimé que les principes des nombres étaient
les principes de toutes les réalités existantes, et ils disaient que le ciel
tout entier n’est rien d’autre qu’une nature et une harmonie de nombres,
c'est-à-dire une certaine proportion numérique, qui ressemble à la proportion
qu’on trouve dans les harmonies. C’est pourquoi, tout ce qu’ils pouvaient montrer, c'est-à-dire rendre évident,
en l’accordant aux nombres et aux harmonies, ils l’accordaient, tant pour les
phénomènes du ciel, comme les mouvements, les éclipses et ainsi de suite, que
pour ses parties, telles que les diverses sphères, et pour tous les ornements
du ciel, comme les diverses étoiles et les diverses configurations des
constellations. |
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[81689] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 7 n. 12 Et si aliquid deficiebat in rebus manifestis quod
non videretur numeris adaptari, advocabant, idest ipsi de novo
ponebant continuatum esse eis omne negotium, idest ad hoc quod totum
negotium eorum quod erat adaptare sensibilia ad numeros, continuaretur, dum
omnia sensibilia numeris adaptarent, sicut patet in uno exemplo. In numeris
enim denarius videtur esse perfectus, eo quod est primus limes, et comprehendit
in se omnium numerorum naturam: quia omnes alii numeri non sunt nisi quaedam
repetitio denarii. Propter
quod Plato usque ad decem faciebat numerum, ut dicitur quarto physicorum.
Unde et Pythagoras, sphaeras, quae moventur in caelo, dixit decem, quamvis novem
solum harum sint apparentes: quia deprehenduntur septem motibus planetarum,
octava ex motu stellarum fixarum, nona vero ex motu diurno, qui est motus
primus. Sed et Pythagoras addit decimam quae esset antictona idest in
contrarium mota in inferioribus sphaeris, et per consequens in contrarium
sonans. Dicebat enim ex motu caelestium corporum fieri quamdam harmoniam:
unde sicut harmonia fit ex proportione sonorum contrariorum, scilicet gravis
et acuti, ita ponebat quod in caelo erat unus motus in oppositam partem aliis
motibus, ut fieret harmonia. Et secundum hanc positionem motus diurnus
pertinebat ad decimam sphaeram, quae est ab oriente in occidentem, aliis
sphaeris revolutis e contrario ab occidente in orientem. Nona vero secundum
eum esse poterat, quae primo revolvebat omnes sphaeras inferiores in
contrarium primi motus. De his autem quae ad opinionem istam Pythagorae
pertinent, determinatum est diffusius et certius in ultimis libris huius
scientiae. |
Et si
les réalités manifestes manquaient de quelque chose qui ne semblait pas
s’ajuster aux nombres, ils y
suppléaient, c'est-à-dire qu’ils y ajoutaient quelque chose de plus pour
que tout leur système soit continu, c'est-à-dire pour que tout leur travail d’adaptation
des réalités sensibles au nombres se poursuive par l’adaptation de toutes les
réalités sensibles aux nombres, comme on le voit dans un exemple. Dans les
nombres, en effet, la dizaine semble être parfaite du fait qu’elle est la
première limite et englobe la nature de tous les nombres, car tous les autres
nombres ne sont en quelque sorte qu’une répétition de cette dizaine. C’est
pourquoi Platon poussait les nombres jusqu’à 10, comme il est dit au livre IV
des Physiques. Pour cette raison
aussi, Pythagore a dit qu’il y a 10 sphères en mouvement dans le ciel, même
si seulement neuf d’entre elles sont visibles, car sept sont perçues grâce au
mouvement des planètes, la huitième grâce au mouvement des étoiles fixes, et
la neuvième grâce au mouvement solaire, qui est le premier mouvement. Mais
Pythagore en ajoute une dixième, qu’il appelle antichtone, c'est-à-dire ayant un mouvement contraire à celui des
sphères inférieures, et par conséquent une sonorité contraire. Il disait en
effet que le mouvement des corps célestes produit une certaine harmonie; il
s’ensuit que, de même que l’harmonie vient de la proportion entre des sons
contraires, c'est-à-dire graves et aigus, de même il affirmait qu’il y avait
dans le ciel un mouvement en sens opposé des autres mouvements, de manière à
produire une harmonie. Et d’après cette conception, le mouvement solaire se
rattache à la dixième sphère, allant de l’est à l’ouest, alors que les autres
sphères vont en sens contraire, de l’ouest à l’est. Et selon lui, la neuvième
pouvait être la première qui entraînait toutes les sphères intérieures dans
le sens contraire du premier mouvement. Mais ce qui concerne cette opinion de
Pythagore a été traité de façon plus approfondie et plus certaine dans les
derniers livres du présent ouvrage. |
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Leçon 8, texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Si nous y revenons, c’est pour constater à leur égard comme pour les autres écoles, quels principes ils posent, et comment ces principes tombent sous notre classification. Or, ils paraissent penser que le nombre est principe des êtres sous le point de vue de la matière, en y comprenant les attributs et les manières d’être ; que les éléments du nombre sont le pair et l’impair ; que l’impair est fini, le pair infini ; que l’unité tient de ces deux éléments, car elle est à la fois pair et impair, et que le nombre vient de l’unité ; enfin que les nombres sont tout le ciel. D’autres pythagoriciens disent qu’il y a dix principes, dont voici la liste : Fini et infini, Impair et pair, Unité et pluralité, Droit et gauche, Mâle et femelle, Repos et mouvement, Droit et courbe, Lumière et ténèbres, Bien et mal, Carré et toute figure à côtés inégaux. Alcméon de Crotone paraît avoir professé une doctrine
semblable : il la reçut des Pythagoriciens ou ceux-ci la reçurent de
lui ; car l’époque où il florissait correspond à la vieillesse de
Pythagore ; et son système se rapproche de celui de ces philosophes. Il
dit que la plupart des choses humaines sont doubles, désignant par là leurs
oppositions, mais, à la différence de ceux-ci, sans les déterminer, et
prenant au hasard le blanc et le noir, le doux et l’amer, le bon et le
mauvais, le petit et le grand. Il s’exprima ainsi d’une manière indéterminée
sur tout le reste, tandis que les Pythagoriciens montrèrent quelles sont ces
oppositions et combien il y en a. On peut donc tirer de ces deux systèmes que
les contraires sont les principes des choses et de l’un deux quel est le
nombre et la nature de ces principes. Maintenant comment est-il possible de
les ramener à ceux que nous avons posés, c’est ce qu’eux-mêmes n’articulent
pas clairement ; mais ils semblent les considérer sous le point de vue
de la matière ; car ils disent que ces principes constituent le fonds
dont se composent et sont formés les êtres. Nous en avons dit assez pour
faire comprendre la pensée de ceux des anciens qui admettent la pluralité
dans les éléments de la nature. |
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Lectio 8 |
Leçon 8 [Opinion de
Pythagore sur les principes] (Traduction Georges Comeau, 2010)
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[81690] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 8 n. 1 Hic ponit opinionem Pythagoricorum de principiis. Et
circa hoc duo facit. Primo ostendit quid circa rerum principia aestimabant.
Secundo ad quod genus causae principia ab eis posita reducuntur, ibi, ab his
igitur ambobus et cetera. Ponit autem circa primum tres opiniones. Secunda
incipit ibi, eorumdem autem alii et cetera. Tertia ibi, quemadmodum videtur.
Dicit ergo primo, quod huius gratia venit ad opiniones Pythagoricorum
recitandas, ut ostenderet per eorum opiniones, quae sunt rerum principia, et
quomodo rerum principia ab eis posita incidunt in causas suprapositas.
Videntur enim Pythagorici ponere numerum esse principium entium sicut
numerum, et passiones numeri esse sicut passiones entium, et sicut habitus;
ut per passiones intelligamus accidentia cito transeuntia, per habitus
accidentia permanentia. Sicut ponebant quod passio alicuius numeri secundum
quam dicitur aliquis numerus par, erat iustitia propter aequalitatem
divisionis, quia talis numerus aequaliter per media dividitur usque ad
unitatem, sicut octonarius in duos quaternarios, quaternarius vero in duos
binarios, et binarius in duas unitates. Et simili modo alia accidentia rerum
assimilabant accidentibus numerorum. |
Il
présente ici l’opinion des Pythagoriciens sur les principes. Il traite ce
sujet en deux parties. Il montre en premier ce qu’ils pensaient au sujet des
principes; en deuxième, à quel genre de cause se ramènent les principes
qu’ils affirmaient, où il dit : On
peut donc tirer, etc. Quant à la première partie, il donne trois
opinions. La deuxième commence où il dit : D’autres pythagoriciens disent, etc, et la troisième où il
dit : Alcméon de Crotone, etc.
Il dit donc en premier que la raison pour laquelle il en vient à relater les
opinions des Pythagoriciens est de montrer, à partir de leurs opinions, quels
sont les principes des choses et comment ceux qu’ils ont affirmés se ramènent
aux causes mentionnées plus haut. En effet, les Pythagoriciens semblent
affirmer que le nombre est principe des êtres en tant que nombre et que les
affections du nombre le sont en tant qu’affections des êtres et en tant que
dispositions, si nous entendons par passions des accidents passagers et par
dispositions des accidents permanents. Ainsi, ils affirmaient que l’affection
par laquelle un nombre est appelé pair est la justice en raison de l’égalité
de la répartition, parce qu’un tel nombre se divise en deux jusqu’à l’unité,
comme le nombre 8 se divise en deux groupes de 4, le nombre 4 en deux groupes
de 2 et le nombre 2 en deux unités[5]. De la même façon, ils trouvaient
une ressemblance entre les autres accidents des choses et ceux des nombres. |
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[81691] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 8 n. 2 Principia vero numerorum dicebant esse par et impar,
quae sunt primae numerorum differentiae. Paremque numerum dicebant esse
principium infinitatis, imparem vero principium finitatis, sicut exponitur in
tertio physicorum: quia infinitum in rebus praecipue videtur sequi divisionem
continui. Par autem est numerus aptus divisioni. Impar enim sub se numerum
parem concludit addita unitate, quae indivisionem causat. Probat etiam hoc,
quia numeri impares per ordinem sibi additi semper retinent figuram quadrati,
pares autem figuram variant. Ternarius enim unitati quae est principium
numerorum additus facit quaternarium, qui primus est quadratus. Nam bis duo
quatuor sunt. Rursus quaternario quinarius additus, qui est impar, secundum
novenarium constituit, qui est etiam quadratus: et sic de aliis. Si vero
binarius qui est primus par, unitati addatur, triangularem numerum
constituit, scilicet ternarium. Cui si addatur quaternarius, qui est secundus
par, constituit heptangulum numerum, qui est septenarius. Et sic deinceps
numeri pares sibiinvicem additi, figuram non eamdem servant. Et hac ratione
infinitum attribuebant pari, finitum vero impari. Et quia finitum est ex
parte formae, cui competit vis activa, ideo pares numeros dicebant esse
feminas, impares vero masculos. |
Or, ils
disaient que les principes des nombres sont le pair et l’impair, qui sont les
premières différences spécifiques des nombres. Ils disaient aussi que le pair
est le principe de l’infinité et que l’impair est le principe de la finitude,
comme il est expliqué au livre III des Physiques,
car l’infini dans les choses semble découler surtout de la division du
continu. Or, un nombre pair est divisible. En effet, un nombre impair
contient un nombre pair auquel on ajoute une unité, qui le rend indivisible[6]. Il prouve également cet énoncé
du fait que les nombres impairs, additionnés en ordre l’un après l’autre,
gardent toujours la figure du carré[7], alors que les nombres pairs
donnent une forme variable. En effet, si on ajoute 3 à l’unité, qui est le
principe des nombres, cela fait 4, qui est le premier carré, car 4 est égal à
2 fois 2. Ensuite, si à 4 on ajoute 5, qui est un nombre impair, cela fait 9,
qui est également un nombre carré, et ainsi de suite. Mais si 2, qui est le
premier nombre pair, est ajouté à l’unité, cela donne un nombre triangulaire,
soit 3. Ensuite, si on ajoute le deuxième nombre pair, qui est 4, cela donne le
nombre « heptangulaire » 7. Et ainsi, quand on ajoute les nombres
pairs les uns aux autres, une forme identique n’est pas maintenue. Pour cette
raison, ils attribuaient au pair l’infini, et à l’impair le fini. Et parce
que le fini est du côté de la forme, qui possède la puissance active, ils
disaient que les nombres pairs sont féminins, et les nombres impairs
masculins[8]. |
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[81692] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 8 n. 3 Ex his vero duobus, scilicet pari et impari, finito et
infinito, non solum numerum constituebant, sed etiam ipsum unum, idest
unitatem. Unitas enim et par est virtute et impar. Omnes enim differentiae
numeri unitati conveniunt in virtute, quia quaecumque differentiae numeri in
unitate resolvuntur. Unde in ordine imparium primum invenitur unitas. Et
similiter in ordine parium et quadratorum et perfectorum numerorum, et sic de
aliis numeri differentiis: quia unitas licet non sit actu aliquis numerus,
est tamen omnis numerus virtute. Et sicut unum dicebat componi ex pari et
impari, ita numerum ex unitatibus: caelum vero et omnia sensibilia ex
numeris. Et hic erat ordo principiorum quem ponebant. |
À
partir de ces deux attributs, c'est-à-dire le pair et l’impair, le fini et
l’infini, ils ne constituaient pas seulement les nombres, mais aussi l’un
lui-même, c'est-à-dire l’unité. Celle-ci, en effet, a à la fois la vertu du
pair et celle de l’impair. En effet, toutes les différences spécifiques des
nombres conviennent à la vertu de l’unité, car elles sont toutes absorbées
dans l’unité. C’est pourquoi l’unité vient en premier dans l’ordre des
nombres impairs. Pareillement, elle vient en premier dans l’ordre des nombres
pairs, des carrés et des nombres parfaits, et il en va de même pour les
autres différences spécifiques des nombres; en effet, bien que l’unité ne
soit aucun nombre en acte, elle est virtuellement tous les nombres. Et de
même qu’il disait que l’un est composé du pair et de l’impair, de même l’un
est composé d’unités, et le ciel ainsi que tous les objets sensibles sont
composés de nombres. Tel était l’ordre des principes qu’ils affirmaient. |
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[81693] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 8 n. 4 Deinde cum dicit eorumdem autem hic ponit aliam
opinionem Pythagoricorum de principiis; dicens, quod de numero eorumdem
Pythagoricorum fuerunt aliqui, qui non posuerunt unam tantum contrarietatem
in principiis, sicut praedicti; sed posuerunt decem principia secundum
coelementationem dicta, idest accipiendo unumquodque illorum cum suo
coelemento, idest cum suo contrario. Et huius positionis ratio fuit, quia non
solum accipiebant prima principia, sed etiam proxima principia singulis rerum
generibus attributa. Ponebant ergo primo finitum et infinitum, sicut et illi
qui praedicti sunt; et consequenter par et impar, quibus finitum et infinitum
attribuitur. Et quia par et impar sunt prima rerum principia, et primo ex eis
causantur numeri, ponebant tertio differentiam numerorum, scilicet unum et
plura, quae duo ex pari et impari causabantur. Et quia ex numero constituebantur
magnitudines, secundum quod in numeris positionem accipiebant (nam secundum
eos punctus nihil aliud erat quam unitas positionem habens, et linea dualitas
positionem habens), ideo consequenter ponebant principia positionum dextrum
et sinistrum. Dextrum enim invenitur perfectum, sinistrum autem imperfectum.
Et ideo dextrum erat ex parte imparis, sinistrum ex parte paris. Quia vero
naturalia super magnitudines mathematicas addunt virtutem activam et
passivam, ideo ulterius ponebant principia masculum et feminam. Masculum enim
ad virtutem activam pertinet, femineum ad passivam: quorum masculum pertinet
ad imparem, femineum vero ad parem numerum, ut dictum est. |
Ensuite,
lorsqu’il dit : D’autres
pythagoriciens disent, etc., il présente une autre opinion des Pythagoriciens
au sujet des principes, en disant que, parmi les mêmes Pythagoriciens,
certains n’ont pas affirmé qu’il y a une seule opposition de précédents, mais qu’il y a dix principes
« désignés par association d’éléments », c'est-à-dire en prenant chacun
d’eux avec son coélément, qui est son contraire. Et la raison de cette
conception est qu’ils n’admettaient pas seulement les premiers principes,
mais aussi des principes prochains attribués à chacun des genres de choses.
Ils mettaient donc en premier le fini et l’infini, comme les penseurs
mentionnés plus haut, et ensuite le pair et l’impair, auxquels sont attribués
le fini et l’infini. Et puisque le pair et l’impair sont les premiers
principes des choses et qu’ils causent en premier lieu les nombres, ils
plaçaient en troisième la différence entre les nombres, à savoir l’un et le
multiple, qui sont tous deux causés par le pair et l’impair. Et parce que les
nombres constituent des grandeurs, du fait qu’ils supposaient que les nombres
peuvent occuper des positions (car selon eux, le point n’était rien d’autre
que l’unité ayant une position, et la ligne une dualité ayant une position),
ils supposaient donc ensuite, comme principes des positions, la droite et la
gauche. En effet, la droite est considérée parfaite et la gauche imparfaite;
c’est pourquoi la droite était du côté de l’impair et la gauche du côté du
pair. Mais comme les choses naturelles, en plus d’avoir une grandeur
mathématique, ont une vertu active et passive, ils ajoutaient aussi les principes
du masculin et du féminin; en effet, le masculin relève de la vertu active et
le féminin de la vertu passive; des deux, le masculin relève de l’impair et
le féminin du pair, comme on l’a dit. |
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[81694] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 8 n. 5 Ex virtute autem activa et passiva sequitur in rebus
motus et quies: quorum motus quia deformitatem habet et alteritatem, in
ordine infiniti et paris ponitur, quies vero in ordine finiti et imparis.
Differentiae autem motuum primae sunt circulare et rectum. Et ideo
consequenter rectum ad parem numerum pertinet; unde et lineam rectam
dualitatem esse dicebant. Curvum vero sive circulare ratione uniformitatis
pertinet ad imparem, qui indivisionem ex forma unitatis retinet. |
Mais la
vertu active et la vertu passive produisent dans les choses le mouvement et
le repos; or, le mouvement, comportant la difformité et l’altérité, est rangé
sous l’infini et le pair, alors que le repos est rangé sous le fini et
l’impair. Mais les premières différences spécifiques des mouvements sont le
circulaire et le rectiligne. Il s’ensuit que le rectiligne se rattache au
nombre pair; c’est pourquoi ils disaient que la ligne droite est une dualité.
Mais le courbe ou le circulaire, du fait de son uniformité, se rattache à
l’impair, qui demeure indivisible à cause de la forme de l’unité. |
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[81695] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 8 n. 6 Nec solum ponebant principia rerum quantum ad
actiones naturales et motus, sed etiam quantum ad actiones animales. Et quantum
quidem ad cognitionem ponebant lucem et tenebras: quantum vero ad appetitum,
bonum et malum. Nam lux est cognitionis principium, tenebra vero ignorantiae
ascribitur. Bonum etiam est in quod appetitus tendit, malum vero a quo
recedit. |
Mais
ils n’affirmaient pas non plus l’existence de principes seulement quant aux
actes et aux mouvements naturels des choses, mais aussi quant aux actes des
animaux. Pour ce qui est de la connaissance, ils prenaient comme principes la
lumière et les ténèbres; pour ce qui est de l’appétit, ils prenaient le bien
et le mal. En effet, la lumière est le principe de la connaissance, et les
ténèbres sont attribuées à l’ignorance; de plus, le bien est ce vers quoi
tend l’appétit, et le mal ce dont il s’éloigne. |
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[81696] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 8 n. 7 Diversitas autem perfectionis et imperfectionis non
solum in naturalibus et voluntariis virtutibus et motibus invenitur, sed
etiam in magnitudine et figuris. Quae quidem figurae intelliguntur ut
supervenientes substantiis magnitudinum, sicut virtutes motus et actiones
substantiis rerum naturalium. Et ideo quantum ad hoc ponebant principium quadrangulare,
idest quadratum, et altera parte longius. Dicitur autem quadratum figura
constans ex quatuor lateribus aequalibus, cuius quatuor anguli sunt recti; et
provenit talis figura ex ductu alicuius lineae in seipsam. Unde cum ex ipsa unitate causetur, ad numerum
imparem pertinet. Figura vero altera
parte longior dicitur, cuius omnes anguli sunt recti, et latera vicissim sibi
opposita sunt aequalia, non tamen omnia latera sunt aequalia omnibus. Unde
patet quod sicut quadratum consurgit ex ductu unius lineae in seipsam, ita
figura altera parte longior, ex ductu duarum linearum in unam. Et sic
pertinet ad numerum parem, qui primus est dualitas. |
Mais ce
n’est pas seulement dans les vertus et les mouvements naturels volontaires
qu’on trouve une différence entre perfection et imperfection, mais aussi dans
les grandeurs et les figures. Ces figures sont comprises comme étant surajoutées
aux grandeurs des substances, comme les vertus des mouvements et des actions
s’ajoutent aux substances des choses naturelles. C’est pourquoi, à ce sujet,
ils supposaient comme principes le carré
et la figure plus longue dans un sens. Mais on appelle carré une figure
formée de quatre côtés égaux et dont les quatre angles sont droits; et une
telle figure est engendrée par une ligne tracée vers elle-même. Alors, ayant
été causé par l’unité, le carré se ramène au nombre impair. Mais on appelle
la figure plus longue dans un sens[9] celle dont tous les angles sont
droits et dont les côtés opposés entre eux sont égaux, mais dont tous les
côtés ne sont pas égaux entre eux. Il est donc évident que, de même que le
carré est engendré par une ligne tracée vers elle-même, de même la figure
plus longue dans un sens provient de deux lignes tracées vers une seule, et
elle relève donc des nombres pairs, dont le premier est 2. |
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[81697] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 8 n. 8 Deinde cum dicit quemadmodum hic ponit tertiam
opinionem Pythagoricorum, dicens, quod Alcmaeon Crotoniates, sic dictus a
civitate unde oriundus fuit, videtur suscipere quantum ad aliquid idem quod
praedicti Pythagorici dixerunt, scilicet quod plura contraria sint principia.
Aut enim accepit a Pythagoricis, aut illi ab isto. Et quod utrumque esse
potuerit, patet per hoc quod fuit contemporaneus Pythagoricorum: ita tamen
quod incoepit philosophari Pythagora sene existente. Sed qualitercumque
fuerit, multum similiter enunciavit Pythagoricis. Dixit enim multa quae sunt
humanorum idest multa rerum sensibilium esse in quadam dualitate
constituta, intelligens per dualitatem opposita contrarie. Sed tamen in hoc
differt a praedictis, quia Pythagorici dicebant determinatas contrarietates
esse rerum principia. Sed ille proiecit quasi inordinate ponens quascumque
contrarietates, quae a fortuna ad mentem suam deveniebant, esse rerum
principia: sicut album nigrum, dulce amarum, et sic de aliis. |
Puis
lorsqu’il dit : Alcméon de
Crotone, etc., il donne la troisième opinion des Pythagoriciens : il
dit qu’Alcméon de Crotone, appelé ainsi du nom de sa ville d’origine, semble
avoir repris sous certains aspects la même doctrine que les Pythagoriciens
précédents, à savoir qu’il existe plusieurs principes contraires; ou bien il
a reçu cette doctrine des Pythagoriciens, ou bien ils l’ont reçue de lui. Et
on voit que l’un et l’autre sont possibles, parce qu’il était contemporain
des Pythagoriciens; cependant, il a commencé à s’adonner à la philosophie
lorsque Pythagore était âgé. Mais quel que soit le cas, beaucoup de ses
propos étaient semblables à ceux des Pythagoriciens. Il a dit en effet que
beaucoup de choses humaines,
c'est-à-dire beaucoup de choses sensibles, comportent une certaine dualité,
entendant par là des contraires qui s’opposent. Mais il diffère pourtant des
précédents en ce que les Pythagoriciens disaient que des oppositions
déterminées sont les principes des choses, alors que lui les a prises de
façon quasi désordonnée, affirmant que n’importe quelles oppositions qui lui
sont venues à l’esprit par hasard étaient les principes des choses, comme le
blanc et le noir, le doux et l’amer, et ainsi de suite. |
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[81698] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 8 n. 9 Deinde cum dicit ab his igitur hic colligit ex
praedictis quid Pythagorici de principiis senserunt, et quomodo principia ab
eis posita ad aliquod genus causae reducantur. Dicit ergo quod ex ambobus
praedictis, scilicet Alcmaeone et Pythagoricis una communis opinio accipi
potest, scilicet quod principia entium sunt contraria; quod non est ab aliis
dictum. Quod intelligendum est circa causam materialem. Nam circa causam
efficientem posuit Empedocles contrarietatem. Antiqui vero naturales,
contraria posuerunt principia, ut rarum et densum; contrarietatem tamen ex
parte formae assignantes. Empedocles vero etsi principia materialia posuerit
quatuor elementa, non tamen posuit ea principia prima materialia ratione
contrarietatis, sed propter eorum naturas et substantiam: isti vero
contrarietatem ex parte materiae posuerunt. |
Puis
lorsqu’il dit : On peut donc
tirer, etc., il résume à partir de ce qui précède les sentiments des
Pythagoriciens au sujet des principes et la manière dont les principes qu’ils
affirmaient se ramènent à un certain genre de causes. Il dit donc qu’on peut
donc admettre que les deux précédents, à savoir Alcméon et les
Pythagoriciens, avaient une opinion commune, qui n’a pas été enseignée par
d’autres : que les contraires sont
les principes des choses. Cet énoncé doit être appliqué à la cause
matérielle, car dans le cas de la cause efficiente, Empédocle a affirmé qu’il
y avait opposition. Cependant, les anciens philosophes de la nature ont
affirmé des principes contraires, comme le raréfié et le dense, en mettant
pourtant l’opposition du côté de la forme. Quant à Empédocle, bien qu’il ait
supposé quatre éléments comme principes matériels, n’a pas affirmé qu’ils
étaient les premiers principes matériels en raison de leur opposition, mais
en raison de leur nature et de leur substance; mais ceux que nous étudions
maintenant ont mis l’opposition du côté de la matière. |
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[81699] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 8 n. 10 Quae etiam sint ista contraria quae isti posuerunt,
patet ex dictis. Sed quomodo praedicta principia contraria ab eis posita
possunt conduci idest reduci ad praedictas species causarum, non est
manifeste articulatum, idest distincte expressum ab eis. Tamen videtur
quod huiusmodi principia ordinentur secundum speciem causae materialis.
Dicunt enim quod substantia rerum constituitur et plasmatur ab istis
principiis, sicut ex his quae insunt: quod est ratio causae materialis.
Materia enim est ex qua fit aliquid cum insit. Quod quidem dicitur ad
differentiam privationis, ex qua etiam dicitur aliquid fieri, non tamen
inest, sicut dicitur musicum fieri ex non musico. |
On voit
donc, à partir de ce qui précède, quels sont les contraires qu’ils ont
affirmés. Mais comment ces principes contraires qu’ils ont affirmés peuvent
se ramener aux espèces de causes
mentionnées, cela n’est pas articulé de
façon évidente, c'est-à-dire exprimé distinctement par eux. Il semble
pourtant que ces principes se rangent sous l’espèce de la cause matérielle.
Ils disent en effet que la substance des choses est constituée et modelée par
ces principes en tant que principes qui lui sont intérieurs, ce qui est la
notion de cause matérielle. En effet, la matière est ce dont une chose est
faite à l’intérieur. Il dit cela par opposition à la privation, de laquelle
on dit également qu’une chose est faite, mais qui n’est pas à l’intérieur;
c’est ainsi qu’on dit que le musicien est fait du non-musicien. |
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Leçon 9, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Il en est d’autres qui ont considéré le tout
comme étant un être unique, mais ils diffèrent et par le mérite de
l’explication et par la manière de concevoir la nature de cette unité. Il
n’est nullement de notre sujet, dans cette recherche des principes, de nous
occuper d’eux ; car ils ne font pas comme quelques-uns des physiciens
qui, ayant posé une substance unique, engendrent l’être de cette unité
considérée sous le point de vue de la matière ; ils procèdent
autrement : les physiciens, en effet, ajoutent le mouvement pour
engendrer l’univers ; ceux-ci prétendent que l’univers est
immobile ; mais nous n’en dirons que ce qui se rapporte à notre sujet.
L’unité de Parménide paraît avoir été une unité rationnelle, celle de Mélisse
une unité matérielle, et c’est pourquoi l’un la donne comme finie, l’autre
comme infinie. Xénophane qui le premier parla d’unité (car Parménide passe
pour son disciple), ne s’est pas expliqué d’une manière précise et paraît
étranger au point de vue de l’un et l’autre de ses deux successeurs ;
mais ayant considéré l’ensemble du inonde, il dit que l’unité est Dieu.
Encore une fois, il faut négliger ces philosophes dans la recherche qui nous
occupe – et deux, surtout, dont les idées sont un peu trop grossières,
Xénophane et Mélisse. Parménide paraît avoir eu des vues plus profondes.
Persuadé que, hors de l’être, le non-être n’est rien, il pense que l’être est
nécessairement un, et qu’il n’y a rien autre chose que lui. C’est un point
sur lequel nous nous sommes expliqués plus clairement dans la Physique. Mais
forcé de se mettre d’accord avec les faits, et, en admettant l’unité par la
raison, d’admettre aussi la pluralité par les sens, Parménide en revint à
poser deux principes et deux causes, le chaud et le froid, par exemple le feu
et la terre : il rapporte l’un de ces deux principes, le chaud à l’être,
et l’autre au non-être. Voici le
résultat de ce que nous avons dit, et de tous les systèmes que nous avons
parcourus jusqu’ici : chez les premiers de ces philosophes, un principe
corporel ; car l’eau, le feu et les autres choses de cette nature sont
des corps, principe unique selon les uns, multiple selon les autres, mais
toujours considéré sous le point de vue de la matière ; chez
quelques-uns, d’abord ce principe, et à côté de ce principe, celui du
mouvement, unique dans certains systèmes, double dans d’autres. Ainsi,
jusqu’à l’école italique exclusivement, les anciens philosophes ont parlé de
toutes ces choses d’une manière vague, et n’ont mis en usage, ainsi que nous
l’avons dit, que deux sortes de principes, dont l’un, celui du mouvement, est
regardé tantôt comme unique et tantôt comme double. Quant aux Pythagoriciens,
comme les précédents, ils ont posé deux principes ; mais ils ont en
outre introduit cette doctrine qui leur est propre, savoir : que le
fini, l’infini et l’unité, ne sont pas des qualités distinctes des sujets où
ils se trouvent, comme le feu, la terre et tout autre principe semblable sont
distincts de leurs qualités, mais qu’ils constituent l’essence même des
choses auxquelles on les attribue ; de sorte que le nombre est l’essence
de toutes choses. Ils se sont expliqués sur ces points de la manière que nous
venons de dire ; de plus, ils ont commencé à s’occuper de l’essence des
choses et ont proposé une définition. Cependant, leur essai fut un peu trop
grossier. Ils la définissaient superficiellement. Pour eux, le premier objet
auquel semblait convenir la définition donnée, ils le considéraient comme
l’essence de la chose définie – comme si l’on pensait, par exemple, que le double
est la même chose que le nombre deux, parce que c’est dans le nombre deux que
se rencontre en premier lieu le caractère du double ; mais deux ou
double ne sont pas la même chose, autrement l’unité sera multiple, comme il
arrive dans le système Pythagoricien. Voilà ce qu’on peut tirer des premiers
philosophes et de leurs successeurs. |
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Lectio 9 |
Leçon 9 [Opinions diverses
sur les principes de l’univers entier] (Traduction Georges Comeau, 2010)
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[81700] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 9 n. 1 Hic ponit opiniones philosophorum de toto universo,
sicut de uno ente; et circa hoc duo facit. Primo ponit eorum opiniones in
communi. Secundo ostendit quomodo consideratio huius opinionis ad praesentem
tractatum pertineat, et quomodo non, ibi, igitur ad praesentem et cetera.
Dicit ergo quod aliqui alii philosophi a praedictis fuerunt, qui
enuntiaverunt, de omni, idest de universo quasi de una natura, idest quasi
totum universum esset unum ens vel una natura. Quod tamen non eodem modo
omnes posuerunt, sicut infra patebit. Ipso tamen modo, quo diversificati
sunt, nec bene dixerunt, nec naturaliter. Nullus enim eorum naturaliter
locutus est, quia motum rebus subtrahunt. Nullus etiam bene locutus est, quia
positionem impossibilem posuerunt, et per rationes sophisticas: sicut patet
primo physicorum. |
Il
présente ici les opinions des philosophes sur l’univers entier en tant qu’être
unique, ce qu’il fait en deux parties. En premier, il présente leurs opinions
en général. En deuxième, il montre comment l’étude de cette opinion
appartient au présent traité et comment elle ne lui appartient pas, où il
dit : Il n’est nullement, etc.
Il dit donc que des philosophes, autres que les précédents, qui ont traité du
tout, c'est-à-dire de l’univers,
comme d’une seule nature, c'est-à-dire comme si l’univers entier était un
seul être ou une seule nature. Ils n’ont pourtant pas tous affirmé cela de la
même manière, comme on le verra plus loin. Et dans leurs manières de parler
divergentes, ils n’ont pas parlé correctement et n’ont pas parlé comme
philosophes de la nature. En effet, aucun d’eux n’a parlé comme philosophes
de la nature parce que tous ont nié le mouvement dans les choses. De plus,
aucun n’a parlé correctement parce qu’ils ont affirmé une position impossible
et l’ont étayée par des sophismes, comme on le voit au livre I des Physiques. |
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[81701] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 2 Deinde cum dicit igitur ad hic ostendit quomodo
consideratio huius positionis ad praesentem tractatum pertinet, et quomodo
non. Et primo ostendit quod non pertinet, si consideretur eorum positio.
Secundo ostendit quod pertinet, si consideretur positionis ratio, vel
positionis modus, ibi, sed quidem secundum causam et cetera. Dicit ergo, quod
quia isti philosophi posuerunt tantum unum ens, et unum non potest suiipsius
esse causa, patet, quod ipsi non potuerunt invenire causas. Nam positio, idest
pluralitas, causarum diversitatem in rebus exigit. Unde, quantum ad
praesentem perscrutationem quae est de causis, non congruit ut sermo de eis
habeatur. Secus autem est de antiquis naturalibus, qui tantum ens posuerunt
esse unum, de quibus debet hic sermo haberi. Illi enim ex illo uno generant
multa, sicut ex materia, et sic ponunt causam et causatum. Sed isti de quibus
nunc agitur, alio modo dicunt. Non enim dicunt quod sint omnia unum secundum
materiam, ita quod ex uno omnia generentur; sed dicunt quod simpliciter sunt
unum. |
Ensuite,
lorsqu’il dit : Il n’est
nullement, etc., il montre comment l’étude de cette opinion appartient au
présent traité et comment elle ne lui appartient pas. Et en premier, il
montre qu’elle ne lui appartient pas, si on s’en tient à leur opinion; il
montre qu’elle lui appartient, si on considère la raison, ou le mode, de leur
opinion, où il dit : mais nous
n’en dirons, etc. Il dit donc que, puisque ces philosophes ont affirmé
l’existence d’un être unique et que l’un ne peut pas être la cause de
lui-même, il est évident qu’ils n’ont pas pu trouver des causes. Car
l’affirmation, c'est-à-dire la pluralité, des causes nécessite une diversité
dans les choses. Il s’ensuit que, pour ce qui est de l’étude actuelle, qui
porte sur les causes, il n’est pas pertinent de parler d’eux. Il en va
autrement des anciens physiciens, qui ont seulement affirmé l’existence d’un
seul être, et dont il faut traiter ici. Ces derniers, en effet, engendrent le
multiple à partir de l’un considéré comme matière, et c’est ainsi qu’ils
affirment la cause et l’effet. Mais les autres, dont nous traitons
maintenant, parlent autrement. En effet, ils ne disent pas que toutes choses
sont une par la matière de telle sorte que tout est engendré par l’un, mais
ils disent que toutes choses sont absolument un. |
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[81702] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 3 Et ratio huius diversitatis est, quod antiqui
naturales apponebant motum illis, qui ponebant unum principium et unum ens, dicentes
ipsum esse mobile. Et ideo per aliquem modum motus, sicut per rarefactionem
et condensationem poterant ex illo uno diversa generari. Et per hunc modum
dicebant generari totum universum secundum diversitatem, quae in partibus
eius invenitur. Et tamen quia non ponebant variationem secundum substantiam,
nisi secundum accidentia, ut supra dictum est, ideo relinquebatur quod totum
universum esset unum secundum substantiam, diversificatum tamen secundum
accidentia. Sed isti dicebant illud quod ponebant esse unum penitus immobile.
Et ideo ex illo uno non poterat aliqua diversitas rerum causari. Et propter hoc nec secundum substantiam nec secundum
accidentia pluralitatem in rebus ponere poterant. |
Et la
raison de cette différence est que les anciens physiciens ajoutaient le
mouvement à la conception de ceux qui affirmaient un principe unique et un
être unique, en disant qie celui-ci est mobile. C’est pourquoi ils pouvaient,
par quelque genre de mouvement tel que la raréfaction et la condensation,
engendrer diverses choses à partir de cet un. Et de cette manière, ils
disaient que l’univers entier est engendré dans la diversité qu’on trouve
entre ses parties. Et pourtant, puisqu’ils ne supposaient pas de changement
touchant la substance, mais seulement les accidents, comme on l’a déjà dit,
il restait donc que l’univer entier était un en substance, quoique diversifié
selon les accidents. Mais ceux qui nous occupent maintenant disaient que ce
qu’ils affirmaient être un était absolument immobile. C’est pourquoi la
diversité des êtres ne pouvait pas être causée par cet un. Pour cette raison,
ils ne pouvaient affirmer la pluralité des choses ni pour la substance, ni
pour les accidents. |
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[81703] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 4 Deinde cum dicit sed quidem hic ostendit quomodo
eorum opinio pertineat ad praesentem perscrutationem. Et primo generaliter de
omnibus. Secundo specialiter de Parmenide, ibi, igitur hi. Dicit ergo primo,
quod licet diversitatem rebus auferrent, et per consequens causalitatem, tamen
eorum opinio est propria praesenti inquisitioni, secundum tantum quantum
dicetur: quantum scilicet ad modum ponendi, et quantum ad rationem
positionis. |
Ensuite,
lorsqu’il dit : mais nous n’en
dirons, etc., il montre comment leur opinion appartient à la présente
étude. Et en premier, il le montre en général pour tous; en deuxième, il le
montre en particulier pour Parménide, où il dit : Encore une fois, il faut, etc. Il dit donc en premier que, même
s’ils niaient la pluralité des choses, et par conséquent la causalité, leur
opinion demeure pertinente pour la présente recherche, seulement dans la
mesure que nous expliquerons, c'est-à-dire quant au mode d’affirmation et
quant à la raison à l’appui de cette position. |
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[81704] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 5 Parmenides enim qui fuit unus ex eis, videtur
tangere unitatem secundum rationem, idest ex parte formae.
Argumentatur enim sic. Quicquid est praeter ens, est non ens: et quicquid est
non ens, est nihil: ergo quicquid est praeter ens est nihil. Sed ens est
unum. Ergo quicquid est praeter unum, est nihil. In quo patet quod
considerabat ipsam rationem essendi quae videtur esse una, quia non potest
intelligi quod ad rationem entis aliquid superveniat per quod diversificetur:
quia illud quod supervenit enti, oportet esse extraneum ab ente. Quod autem
est huiusmodi, est nihil. Unde non videtur quod possit diversificare ens.
Sicut etiam videmus quod differentiae advenientes generi diversificant ipsum,
quae tamen sunt praeter substantiam eius. Non enim participant differentiae
genus, ut dicitur quarto topicorum. Aliter genus esset de substantia
differentiae, et in definitionibus esset nugatio, si posito genere, adderetur
differentia, si de eius substantia esset genus, sicut esset nugatio si
species adderetur. In nullo etiam differentia a specie differret. Ea vero
quae sunt praeter substantiam entis, oportet esse non ens, et ita non possunt
diversificare ens. |
En
effet, Parménide, qui fut l’un d’eux, semble semble parler d’une unité rationnelle, c'est-à-dire du côté de
la forme, car son argumentation est la suivante. Tout ce qui est hors de
l’être est du non-être, et tout ce qui est du non-être n’est rien; donc, tout
ce qui est hors de l’être n’est rien. Mais l’être est un; donc tout ce qui
est hors de l’un n’est rien. Il est évident par là qu’il considérait la
notion même d’existence, qui lui semblait être une, car il ne pouvait pas
comprendre qu’il s’ajoute à la notion d’être quelque chose qui la diversifie,
car ce qui se surajoute à l’être, pensait-il, lui est nécessairement
extérieur. Or, ce qui est extérieur à l’être n’est rien; il ne semble donc
pas que l’être puisse se diversifier. Nous voyons pareillement que les
différences spécifiques qui se surajoutent au genre le diversifient, et
pourtant elles sont extérieures à la substance du genre; en effet, elles ne
participent pas du genre, comme il est dit au livre IV des Topiques. Autrement, le genre
appartiendrait à la substance de la différence spécifique, et si tel était le
cas, il y aurait redondance[10] dans les définitions si, une fois
qu’on affirme le genre, on y ajoutait la différence spécifique, comme il y
aurait redondance si l’espèce était ajoutée au genre. De plus, la différence
spécifique ne diffère en rien de l’espèce. Mais les choses qui sont
extérieures à la substance de l’être sont nécessairement du non-être, et
ainsi, elles ne peuvent pas diversifier l’être. |
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[81705] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 9 n. 6 Sed in hoc decipiebantur, quia utebantur ente quasi
una ratione et una natura sicut est natura alicuius generis; hoc enim est
impossibile. Ens enim non est genus, sed multipliciter dicitur de diversis.
Et ideo in primo physicorum dicitur quod haec est falsa, ens est unum: non
enim habet unam naturam sicut unum genus vel una species. |
Mais
ils se trompaient parce qu’ils prenaient l’être comme une seule notion et une
seule nature, comme on fait pour la nature d’un genre; en effet, cela est
impossible, car l’être n’est pas un genre, mais il se dit de choses diverses
de multiples manières. C’est pourquoi il est dit, au livre I des Physiques, qu’il est faux de dire que
l’être est un; en effet, il n’a pas une nature unique comme un genre ou une
espèce unique. |
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[81706] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 7 Sed Melissus considerabat ens ex parte materiae.
Argumentabatur enim unitatem entis, ex eo quod ens non generatur ex aliquo
priori, quod proprie pertinet ad materiam quae est ingenita. Arguebat enim
sic: quod est generatum, habet principium; ens non est generatum, ergo non
habet principium. Quod autem caret principio, et fine caret; ergo est
infinitum. Et si est infinitum, est immobile: quia infinitum non habet extra
se quo moveatur. Quod autem ens non generetur, probat sic. Quia si generatur,
aut generatur ex ente, aut ex non ente; atqui nec ex non ente, quia non ens
est nihil, et ex nihilo nihil fit. Nec ex ente; quia sic aliquid esset
antequam fieret; ergo nullo modo generatur. In qua quidem ratione patet quod
tetigit ens ex parte materiae; quia non generari ex aliquo prius existente
materiae est. Et quia finitum pertinet ad formam, infinitum vero ad materiam,
Melissus qui considerabat ens ex parte materiae, dixit esse unum ens
infinitum. Parmenides vero, qui considerabat ens ex parte formae, dixit ens
esse finitum. Sic igitur inquantum consideratur ens ratione materiae et
formae, tractare de his pertinet ad praesentem considerationem, quia materia
et forma in numero causarum ponuntur. |
Mais
Mélisse considérait l’être du côté de la matière. En effet, son argument en
faveur de l’unité de l’être était que l’être n’est pas engendré de quelque
chose qui le précède, et cela appartient en propre à la matière, qui n’est
pas engendrée. Son argumentation était la suivante : ce qui est engendré
a un début; l’être n’est pas engendré; donc il n’a pas de début. Mais ce qui
n’a pas de début et n’a pas de fin est infini. Et s’il est infini, il est
immobile, car l’infini n’a rien d’extérieur à lui qui pourrait le mouvoir. Il
prouve ainsi que l’être n’est pas engendré : s’il est engendré, il l’est
ou bien à partir de l’être, ou bien à partir du non-être. Mais il n’est
engendré ni à partir du non-être, car le non-être n’est rien, et rien ne se
fait à partir de rien, ni à partir de l’être, car ainsi une chose existerait
avant de venir à l’être; donc l’être n’est engendré en aucune façon. Dans ce
raisonnement, il est évident qu’il a pris l’être du côté de la matière, car
il appartient à la matière de ne pas être engendrée de quelque chose qui la
précède. Et parce que le fini appartient à la forme et l’infini à la matière,
Mélisse, qui considérait l’être du côté de la matière, a dit qu’il existe un
seul être infini, alors que Parménide, qui considérait l’être du côté de la
forme, a dit que l’être est fini. Ainsi donc, en tant que l’on considère
l’être sous l’aspect de la matière et de la forme, leur étude appartient au
présent traité, car la matière et la forme sont rangées parmi les causes. |
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[81707] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 8 Xenophanes vero qui fuit primus inter dicentes omnia
esse unum, unde etiam Parmenides fuit eius discipulus, non explanavit qua
ratione diceret omnia esse unum, nec sumendo rationem aliquam ex parte materiae,
nec ex parte formae. Et sic de neutra natura scilicet neque de materia neque
de forma visus est tangere hos id est pertingere et adaequare eos
irrationalitate dicendi; sed respiciens ad totum caelum dixit esse ipsum unum
Deum. Antiqui enim dicebant ipsum mundum esse Deum. Unde videns omnes partes
mundi in hoc esse similes, quia corporeae sunt, iudicavit de eis quasi omnia
essent unum. Et sicut praedicti
posuerunt unitatem entium per considerationem eorum quae pertinent ad formam
vel ad materiam, ita iste respiciens ad ipsum compositum. |
Quant à
Xénophane, qui a été le premier à dire que tout est un (car Parménide, lui
aussi, a été son disciple), il n’a pas expliqué pourquoi il disait que tout
est un; il n’a apporté aucun argument, ni du côté de la matière ni du côté de
la forme. On voit ainsi qu’il a été étranger
aux deux natures, soit la matière et la forme; autrement dit, il n’en a
pas traité et n’y a pas adapté son propos, parlant ainsi déraisonnablement,
mais, considérant l’ensemble du ciel, il a dit que celui-ci était un seul
Dieu. Les Anciens disaient en effet que le monde était Dieu. Voyant donc que
toutes les parties du monde se ressemblaient dans le fait d’être corporelles,
il a estimé qu’elles constituaient toutes un être unique. Alors, de même que
les philosophes précédents ont affirmé l’unité des êtres en considérant ce
qui relève soit de la forme, soit de la matière, Xénophane l’a affirmée en
considérant le composé. |
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[81708] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 9 Deinde cum dicit igitur ii his specialiter intendit
dicere quomodo opinio Parmenidis ad perscrutationem praesentem pertineat;
concludens ex praedictis, quod quia diversitatem ab entibus auferebant, et
per consequens causalitatem, quantum ad praesentem quaestionem pertinet,
omnes praetermittendi sunt. Sed duo eorum, scilicet Xenophanes et Melissus,
sunt penitus praetermittendi, quia aliquantulum fuerunt, agrestiores,
idest minus subtiliter procedentes. Sed Parmenides visus est dicere suam
opinionem, magis videns, idest quasi plus intelligens. Utitur enim
tali ratione. Quicquid est praeter ens, est non ens: quicquid est non ens, dignatur
esse nihil idest dignum reputat esse nihil. Unde ex necessitate putat
sequi quod ens sit unum, et quicquid est aliud ab ente, sit nihil. De qua
quidem ratione manifestius dictum est primo physicorum. |
Puis
lorsqu’il dit : Encore une fois,
il faut, etc., il se propose de dire en particulier comment l’opinion de
Parménide intéresse la présente étude. Il conclut de ce qui précède que, parce
qu’ils supprimaient la diversité des êtres, et par conséquent la causalité,
tous doivent être mis de côté pour ce qui concerne la présente question. Mais
deux d’entre eux, soit Xénophane et Mélisse, doivent être tout à fait
écartés, car ils étaient quelque peu plus grossiers,
c'est-à-dire raisonnaient de façon moins subtile. Parménide, cependant,
semble avoir exprimé son opinion de façon plus
profonde, c'est-à-dire avec plus d’intelligence. En effet, son
raisonnement est le suivant. Tout ce qui est hors de l’être est non-être;
mais il est persuadé que tout ce
qui est non-être n’est rien, c'est-à-dire
qu’il ne le considère pas digne d’être quelque chose. Selon lui, il s’ensuit
donc nécessairement que l’être est un et que tout ce qui est autre que l’être
n’est rien. Mais on a traité plus clairement de ce raisonnement au livre I
des Physiques. |
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[81709] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 10 Licet autem Parmenides ista ratione cogatur ad
ponendum omnia esse unum; tamen quia sensui apparebat multitudinem esse in
rebus, coactus sequi ea quae apparent, voluit in sua positione utrique
satisfacere, et apparentiae sensus et rationi. Unde dixit quod omnia sunt unum secundum rationem,
sed sunt plura secundum sensum. Et inquantum ponebat pluralitatem secundum sensum,
potuit in rebus ponere causam et causatum. Unde posuit duas causas, scilicet
calidum et frigidum: quorum unum attribuebat igni, aliud terrae. Et unum
videbatur pertinere ad causam efficientem, scilicet calidum et ignis; aliud
ad causam materialem, scilicet frigidum et terra. Et ne eius positio suae
rationi videretur esse opposita, qua concludebat quod quicquid est praeter
unum, est nihil: dicebat quod unum praedictorum, scilicet calidum, erat ens:
alterum vero quod est praeter illud unum ens, scilicet frigidum, dicebat esse
non ens secundum rationem et rei veritatem, sed esse ens solum secundum
apparentiam sensus. |
Mais
bien que ce raisonnement oblige Parménide à affirmé que le grand tout soit
un, puisque les sens manifestent une multiplicité dans les choses, il a été forcé d’admettre ce que
l’on voit et a voulu, dans son système, satisfaire aux deux, les apparences
des sens et la raison. C’est pourquoi il a dit que toutes choses sont un en
raison, mais plusieurs selon les sens. Et du fait qu’il affirmait la
pluralité selon les sens, il a pu affirmer l’existence de causes et d’effets
dans les choses. Il a donc affirmé deux causes, la chaleur et le froid,
attribuant l’une au feu et l’autre à la terre. Et l’une, soit la chaleur et
le feu, semblait agir comme cause efficiente, tandis que l’autre, le froid et
la terre, jouait le rôle de cause matérielle. Et pour que cette affirmation
ne semble pas opposée à l’argumentation où il avait conclu que tout ce qui
est hors de l’être n’est rien, il disait que l’une de ces causes, à savoir la
chaleur, était l’être, alors que l’autre, le froid, qui est hors de cet être
unique, est du non-être en raison et selon la vérité des choses, mais est de
l’être seulement selon les apparences des sens. |
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[81710] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 11 In hoc autem aliquo modo ad veritatem appropinquat. Nam principium materiale non est ens in actu cui
attribuebat terram; similiter etiam alterum contrariorum est ut privatio, ut
dicitur primo physicorum. Privatio
autem ad rationem non entis pertinet. Unde et frigidum quodammodo est
privatio calidi, et sic est non ens. |
Ainsi,
il s’approche pourtant de la vérité d’une certaine façon. En effet, le
principe matériel n’est pas un être en acte, et il attribuait cette condition
à la terre; pareillement, l’un des contraires est une sorte de privation,
comme il est dit au livre I des Physiques.
Or, la privation appartient à la notion de non-être. Par conséquent, le froid
est d’une certaine manière une privation de chaleur et est ainsi du non-être. |
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[81711] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 12 Deinde cum dicit igitur ex hic recolligit ea, quae
dicta sunt de opinionibus antiquorum; et circa hoc duo facit. Primo
recolligit ea quae dicta sunt de opinionibus antiquorum naturalium. Secundo
quae dicta sunt de opinionibus Pythagoricorum qui mathematicam introduxerunt,
ibi, Pythagorici et cetera. Concludit ergo primo ex dictis, quod ex his
praedictis, qui idem considerabant, scilicet esse causam materialem rerum substantiam,
et qui iam incipiebant per rationem sapere causas rerum inquirendo ipsas,
accepimus eas quae dictae sunt. A primis namque philosophis acceptum est quod
principium omnium rerum est corporeum. Quod patet per hoc, quod aqua et
huiusmodi quae principia rerum ponebant, quaedam corpora sunt. In hoc autem
differebant, quod quidam ponebant illud principium corporeum esse unum
tantum, sicut Thales, Diogenes, et similes. Quidam vero ponebant esse plura,
sicut Anaxagoras, Democritus et Empedocles. Utrique tamen, tam isti qui
ponebant unum, quam illi qui ponebant plura esse, huiusmodi corporea
principia ponebat in specie causae materialis. Quidam vero eorum non solum
causam materialem posuerunt, sed cum ea addiderunt causam unde principium
motus: quidam eam unam ponentes, sicut Anaxagoras intellectum, et Parmenides
amorem: quidam vero duas, sicut Empedocles amorem et odium. |
Puis
lorsqu’il dit : Voici le résultat,
etc., il résume ce qui a été dit des opinions des Anciens, et il le fait
en deux parties : il résume en premier ce qui a été dit des opinions des
anciens physiciens, et en deuxième ce qui a été dit des opinions des
Pythagoriciens, qui ont introduit les mathématiques, où il dit : Quant aux Pythagoriciens, etc. En
premier, il conclut donc de ce qui précède que nous avons vu ce qui a été dit
par ces philosophes, qui avaient une pensée commune, à savoir l’existence
d’une cause matérielle qui est la substance des choses, et qui commençaient
déjà à percevoir les causes des choses en les recherchant. En effet, nous
avons trouvé chez les premiers philosophes que le principes de toutes choses
est corporel; cela est évident du fait que l’eau et les choses du genre,
qu’ils affirmaient être principes des choses, sont des éléments corporels.
Ils différaient cependant en ce que certains affirmaient que ce principe
corporel est unique, comme Thalès, Diogène et leurs semblables, alors que
d’autres disaient qu’il y en a plusieurs, comme Anaxagore, Démocrite et
Empédocle. Mais les uns et les autres, qu’ils aient supposé un principe ou
plusieurs, rangeaient ces principes corporels dans la catégorie de la cause
matérielle. Cependant, certains d’entre eux n’ont pas admis seulement une
cause matérielle, mais y ont ajouté une autre cause, un principe d’origine du
mouvement, unique pour certains, comme l’intelligence pour Anaxagore et
l’amour pour Parménide, et double pour d’autres, comme l’amour et la haine
pour Empédocle. |
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[81712] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 13 Unde patet quod praedicti philosophi qui fuerunt
usque ad Italicos, scilicet Pythagoram, et absque illis idest
separatam opinionem habentes de rebus non communicando opinionibus
Pythagoricorum, obscurius dixerunt de principiis, quia non assignabant ad quod
genus causae huiusmodi principia reducerentur: et tamen utebantur duabus
causis, scilicet principio motus et materia; et alteram istarum, scilicet
ipsam unde principium motus, quidam fecerunt unam, ut dictum est, quidam
duas. |
Il est
donc évident que les philosophes, en allant jusqu’aux Italiques, c'est-à-dire
à Pythagore, « à part de ceux-ci », c'est-à-dire ayant des choses
une opinion distincte et n’ayant aucune part aux opinions des Pythagoriciens,
ont parlé des principes de façon plus obscure, car ils ne précisaient pas à
quel genre de causes se réduisaient ces principes, et pourtant ils faisaient
appel à deux causes, soit le principe du mouvement et la matière, et l’une
des deux, soit le principe d’origine du mouvement, était déclarée unique par certains
et double par d’autres, comme on l’a dit. |
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[81713] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 14 Deinde cum dicit Pythagorici vero hic recolligit
quae dicta sunt a Pythagoricis, et quantum ad id quod erat commune cum praedictis,
et quantum ad id quod erat eis proprium. Commune tamen fuit aliquibus
praedictorum et Pythagoricorum, quod ponerent duo principia aliqualiter eodem
modo cum praedictis. Sicut enim Empedocles ponebat duo principia contraria,
quorum unum erat principium bonorum, et aliud principium malorum, ita et
Pythagorici: ut patet ex coordinatione principiorum contrariorum supposita a
Pythagoricis. |
Ensuite,
lorsqu’il dit : Quant aux
Pythagoriciens, il résume ce qu’ont dit les Pythagoriciens, tant pour ce
qu’ils avaient en commun avec les philosophes précédents que pour ce qu’ils
avaient en propre. Certains de ces derniers avaient en commun avec les
Pythagoriciens le fait d’affirmer deux principes, d’une manière qui était
pareille à la leur sous un aspect. En effet, Empédocle affirmait deux
principes contraires, dont l’un était le principe du bien et l’autre le
principe du mal, et les Pythagoriciens ont fait de même, comme on le voit
dans la coordination de principes contraires qu’ils supposaient. |
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[81714] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 15 In hoc tamen non eodem modo, quia Empedocles illa
principia contraria ponebat in specie causae materialis, ut supra dictum est.
Pythagorici autem addiderunt quod erat eis proprium supra opinionem aliorum;
primo quidem quia dicebant quod hoc quod dico unum finitum et infinitum non
erant accidentia aliquibus aliis naturis, sicut igni aut terrae, aut alicui
huiusmodi. Sed hoc quod dico unum finitum et infinitum, erant substantiae
eorumdem, de quibus praedicabantur. Et ex hoc concludebant quod numerus, qui
ex unitatibus constituitur, sit substantia rerum omnium. Alii vero naturales,
licet ponerent unum et finitum, seu infinitum, tamen attribuebant ista alicui
alteri naturae, sicut accidentia attribuuntur subiecto, ut igni, vel aquae,
vel alicui huiusmodi. |
Mais
ils ne le faisaient pas de la même façon, car Empédocle plaçait ces principes
contraires dans l’espèce de la cause matérielle, comme on l’a dit. Quant aux
Pythagoriciens, ils ont ajouté leurs opinions propres à celles des autres, et
en premier parce qu’ils disaient que « l’un, le fini et l’infini »
ne sont pas les accidents d’autres natures comme le feu, la terre et ainsi de
suite; selon eux, « l’un, le fini et l’infini » étaient la substance
de ces éléments, qui en étaient les attributs. Ils concluaient de là que le
nombre, qui est constitué d’unités, est la substance de toutes choses. Mais
les autres physiciens, même s’ils affirmaient l’existence de l’un et celle du
fini ou de l’infini, attribuaient ceux-ci à une autre nature comme les
accidents sont attribués au sujet, par exemple au feu, à l’eau et ainsi de
suite. |
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[81715] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 16 Secundo addiderunt super alios philosophos, quia
inceperunt dicere et definire de ipso quid est, scilicet substantia et
rerum quidditate. Sed tamen valde simpliciter de hoc tractaverunt,
superficialiter definientes. Non enim attendebant in assignandis
definitionibus nisi unum tantum. Dicebant enim quod si aliquis terminus
dictus inesset alicui primo, quod erat substantia illius rei; sicut si
aliquis aestimet quod proportio dupla sit substantia dualitatis: quia talis
proportio primo in numero binario invenitur. Et quia ens primo inveniebatur
in uno quam in multis, nam multa ex uno constituuntur, ideo dicebant quod ens
est ipsa substantia unius. Sed haec eorum determinatio non erat conveniens:
quia licet dualitas sit dupla, non tamen idem est esse dualitatis et dupli,
ita quod sint idem secundum rationem, sicut definitio et definitum. Si autem
etiam esset verum quod illi dicebant, sequeretur quod multa essent unum.
Contingit enim aliqua multa primo inesse alicui uni, sicut dualitati primo
inest paritas et proportio dupla. Et sic sequitur quod par et duplum sint
idem: similiter quod cuicumque inest duplum sit idem dualitati, ex quo duplum
est dualitatis substantia. Quod quidem etiam et Pythagoricis contingebat. Nam
multa et diversa assignabant quasi unum essent, sicut proprietates numerales
dicebant idem esse cum proprietatibus naturalium rerum. |
Une
deuxième chose qu’ils ont ajoutée aux autres philosophes a été de commencer à
discuter et à définir l’essence des
choses, c'est-à-dire la substance des choses et ce qu’elles sont. Mais
pourtant, ils en ont traité de façon fort simpliste, avec des définitions
superficielles. En effet, quand ils formulaient des définitions, ils ne
considéraient qu’un seul point. Ils disaient en effet que, si un terme donné
se trouvait en premier dans un objet, il était la substance de cet objet;
c’est comme si on pensait que la proportion du double est la substance du
nombre 2, parce que cette proportion se trouve en premier dans le nombre 2.
Et puisque l’être se trouve dans l’un avant de se trouver dans le multiple
(car le multiple est constitué d’unités), ils disaient que l’être est la
substance même de l’un. Mais cette conclusion qu’ils tiraient ne convenait
pas; en effet, bien que le nombre 2 soit double, le double n’est pas la même
chose que 2 de telle sorte qu’ils soient un en raison, comme la définition et
l’objet défini sont un. Si cependant ce qu’ils disaient était vrai, il
s’ensuivrait que le multiple est un; il arrive en effet qu’une réalité
multiple se trouve en premier dans quelque chose d’un, comme la parité et la
qualité de double se trouvent en premier dans le nombre 2. Et ainsi, il
s’ensuit que le pair et le double sont la même chose, et également que tout
ce qui est double est la même chose que le nombre 2, du fait que le double
est la substance du nombre 2. Pour les Pythagoriciens, c’est également ce qui
arrivait. En effet, ils considéraient des choses multiples et diverses comme
si elles étaient un, de même qu’ils disaient que les propriétés des nombres
sont la même chose que les propriétés des êtres naturels. |
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[81716] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 9 n. 17 Sic igitur concludit quod tot est accipere a
prioribus philosophis, qui posuerunt tantum unum principium materiale, et ab
aliis posterioribus qui posuerunt plura principia. |
Ainsi
donc, il conclut que voilà ce qu’on peut retenir des anciens philosophes, qui
ont affirmé l’existence d’un seul principe matériel, et d’autres venus plus
tard, qui ont affirmé plusieurs principes. |
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Leçon 10, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Après ces différentes philosophies,
parut la philosophie de Platon, qui suivit en beaucoup de points ses
devanciers, mais qui eut aussi ses points de doctrine particuliers, et alla
plus loin que l’école italique. Dès sa jeunesse, Platon se familiarisa dans
le commerce de Cratyle avec les opinions d’Héraclite, que toutes les choses
sensibles sont dans un perpétuel écoulement, et qu’il n’y a pas de science de
ces choses ; et dans la suite, il garda ces opinions. D’une autre part,
Socrate s’étant occupé de morale, et non plus d’un système de physique, et
ayant d’ailleurs cherché dans la morale ce qu’il y a d’universel, et porté le
premier son attention sur les définitions, Platon qui le suivit et le
continua fut amené à penser que les définitions devaient porter sur un ordre
d’êtres à part et nullement sur les objets sensibles ; car comment une
définition commune s’appliquerait-elle aux choses sensibles, livrées à un
perpétuel changement ? Or, ces autres êtres, il les appela Idées, et dit
que les choses sensibles existent en dehors des idées et sont nommées d’après
elles ; car il pensait que toutes les choses d’une même classe tiennent
leur nom commun des idées, en vertu de leur participation avec elles. Du
reste, le mot Participation est le seul changement qu’il
apporta ; les Pythagoriciens, en effet, disent que les êtres sont à
l’imitation des nombres, Platon en participation avec les idées. Comment se
fait maintenant cette participation ou cette imitation des idées ? C’est
ce que celui-ci et ceux-là ont également négligé de rechercher. De plus,
outre les choses sensibles et les idées, il reconnaît des êtres
intermédiaires qui sont les choses mathématiques, différentes des choses
sensibles en ce qu’elles sont éternelles et immuables, et des idées en ce
qu’elles admettent un grand nombre de semblables, tandis que toute idée en
elle-même a son existence à part. Voyant dans les idées les raisons des
choses, il pensa que leurs éléments étaient les éléments de tous les êtres.
Les principes dans ce système sont donc, sous le point de vue de la matière,
le grand et le petit, et sous celui de l’essence, l’unité ; et en tant
que formées de ces principes et participant de l’unité, les idées sont les
nombres. Ainsi, en avançant que l’unité est l’essence des êtres et que rien autre
chose que cette essence n’a le titre d’unité, Platon se rapprocha des
pythagoriciens. Comme eux, il dit que les nombres sont les causes des choses
et de leur essence ; mais faire une dualité de cet infini qu’ils
regardaient comme un, et composer l’infini du grand et da petit, voilà ce qui
lui est propre – avec cette supposition que les nombres existent en dehors
des choses sensibles, tandis que les pythagoriciens disent que les nombres
sont les choses mêmes, et ne donnent pas aux choses mathématiques un rang
intermédiaire. Cette existence que Platon attribue à l’unité et au nombre en
dehors des choses, à la différence des pythagoriciens, ainsi que
l’introduction des idées, est due à ses recherches logiques (car les premiers
philosophes étaient étrangers à la dialectique) ; et il fut conduit à
faire une dyade de cette autre nature différente de l’unité, parce que les
nombres, à l’exception des nombres primordiaux, s’engendrent aisément de
cette dyade, comme d’une sorte de matière. Cependant, les choses se passent
autrement, et cela est contraire à la raison. Dans ce système, on fait avec
la matière un grand nombre d’êtres, et l’idée n’engendre qu’une seule
fois ; mais au vrai, d’une seule matière on ne fait qu’une seule table,
tandis que celui qui apporte l’idée, tout en étant un lui-même, en fait un
grand nombre. Il en est de même du mâle à l’égard de la femelle ; la
femelle est fécondée par un seul accouplement, tandis que le mâle en féconde
plusieurs : or, cela est l’image de ce qui a lieu pour les principes
dont nous parlons. C’est ainsi que Platon s’est prononcé sur ce qui fait
l’objet de nos recherches : il est clair, d’après ce que nous avons dit,
qu’il ne met en usage que deux principes, celui de l’essence et celui de la
matière ; car les idées sont pour les choses les causes de leur essence,
comme l’unité l’est pour les idées : Et quelle est la matière ou le
sujet auquel s’appliquent les idées dans les choses sensibles et l’unité dans
les idées ? C’est cette dyade, composée du grand et du petit : de
plus il attribua à l’un de ces deux éléments la cause du bien, à l’autre la
cause du mal, de la même manière que l’ont fait dans leurs recherches
quelques-uns des philosophes précédents, comme Empédocle et Anaxagore. |
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Lectio 10 |
Leçon 10 [Opinion de Platon
et cause formelle] (Traduction Georges Comeau, 2010)
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[81717] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 1 Positis opinionibus antiquorum de causa materiali et
efficiente, hic tertio ponit opinionem Platonis, qui primo manifeste induxit
causam formalem. Et dividitur in partes duas. Primo enim ponit opinionem
Platonis. Secundo colligit ex omnibus praedictis quid de quatuor generibus
causarum ab aliis philosophis sit positum, ibi, breviter et recapitulariter
et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit opinionem Platonis de rerum
substantiis. Secundo de rerum principiis, ibi, quoniam autem species et
cetera. Circa primum duo
facit. Primo ponit opinionem Platonis quantum ad hoc quod posuit ideas.
Secundo quantum ad hoc quod posuit substantias medias, scilicet mathematica
separata, ibi, amplius autem praeter sensibilia. Dicit ergo primo, quod post
omnes praedictos philosophos supervenit negocium Platonis, qui immediate
Aristotelem praecessit. Nam Aristoteles eius discipulus fuisse perhibetur.
Plato siquidem in multis secutus est praedictos philosophos naturales,
scilicet Empedoclem, Anaxagoram et alios huiusmodi, sed alia quaedam habuit
propria praeter illos praedictos philosophos, propter philosophiam Italicorum
Pythagoricorum. |
Après avoir exposé
les opinions des Anciens sur les causes matérielle et efficiente, il expose
ici, en troisième, l’opinion de Platon, qui a été le premier à introduire de
façon claire la cause formelle. Et cet exposé se divise en deux. En effet, il
énonce en premier l’opinion de Platon. En deuxième, il recueille de tout ce
qui a été dit ce qui a été affirmé des quatre genres de causes par les autres
philosophes, où il dit : Nous
venons de voir, etc. (leçon 11). Il traite la première section en deux
parties : en premier, il présente l’opinion de Platon sur les substances
des choses; en deuxième, son opinion sur les principes des choses, où il
dit : Voyant dans les idées, etc.
Il traite la première partie en deux points. En premier, il énonce l’opinion
de Platon quant à sa doctrine des idées; en deuxième, quant à sa doctrine des
substances intermédiaires, c'est-à-dire aux êtres mathématiques séparés, où
il dit : De plus, outre les choses, etc. Il dit donc en premier que, après
tous les philosophes précédents, sont venus les travaux de Platon, qui fut le
prédécesseur immédiat d’Aristote, car il est admis qu’Aristote a été son
disciple. Il se trouve que Platon a suivi sue bien des points les philosophes
de la nature déjà mentionnés, soit Empédocle, Anaxagore et les autres du
genre, mais il a eu aussi ses propres doctrines en plus de celles des
philosophes susmentionnés, à cause de la philosophie des Pythagoriciens de
l’Italie. En effet, comme il faisait des efforts pour rechercher la vérité,
il a visité les philosophes de toute la terre pour connaître leurs doctrines.
C’est pourquoi il est allé à Tarente, en Italie, et a été instruit des
opinions de Pythagore par un disciple de celui-ci, Archytas de Tarente. |
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[81718] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 2 Cum enim naturales philosophos, qui in Graecia
fuerunt, sequi videret, et intra eos aliqui posteriores ponerent omnia
sensibilia semper esse in fluxu, et quod scientia de eis esse non potest,
quod posuerunt Heraclitus et Cratylus, huiusmodi positionibus tamquam novis
Plato consuetus, et cum eis conveniens in hac positione ipse posterius ita
esse suscepit, unde dixit particularium scibilium scientiam esse
relinquendam. Socrates etiam, qui fuit magister Platonis, et discipulus
Archelai, qui fuit auditor Anaxagorae, propter hanc opinionem, quae suo
tempore surrexerat, quod non potest esse de sensibilibus scientia, noluit
aliquid de rerum naturis perscrutari, sed solum circa moralia negociatus est.
Et ipse prius incepit in moralibus quaerere quid esset universale, et
insistere ad definiendum. |
En effet, comme il a
semblé suivre les philosophes de la nature qui vivaient en Grèce, et comme
certains des plus tardifs parmi eux ont affirmé que tous les êtres sensibles
fluctuent sans cesse et qu’on ne peut pas avoir de science à leur sujet (c’est
ce qu’Héraclite et Cratyle ont affirmé), Platon, ayant été informé de ces
doctrines nouvelles, a été d’accord avec elles, et il a lui-même adopté cette
doctrine plus tard; c’est pourquoi il a dit qu’il faut renoncer à la science
des objets de connaissance particuliers. Quant à Socrate, qui a été le maître
de Platon, le disciple d’Archélaos et l’auditeur d’Anaxagore[11], à cause de l’opinion qui est apparue en son temps
et selon laquelle on ne peut pas avoir de science des objets sensibles, il n’a
voulu faire aucune étude de la nature des choses, mais il s’est uniquement
intéressé à la morale. Et il a d’abord commencé par rechercher en morale ce
qui est universel et par s’efforcer de définir les termes. |
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[81719] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 10 n. 3 Unde et Plato tamquam eius auditor, recipiens
Socratem, idest sequens suscepit hoc ad inquirendum in rebus naturalibus,
quasi in eis hoc posset evenire, ut universale in eis acciperetur de quo
definitio traderetur, ita quod definitio non daretur de aliquo sensibilium,
quia cum sensibilia sint semper transmutantium, idest transmutata, non
potest alicuius eorum communis ratio assignari. Nam omnis ratio oportet quod
et omni et semper conveniat, et ita aliquam immutabilitatem requirit. Et ideo
huiusmodi entia universalia, quae sunt a rebus sensibilibus separata, de
quibus definitiones assignantur, nominavit ideas et species existentium
sensibilium: ideas quidem, idest formas, inquantum ad earum
similitudinem sensibilia constituebantur: species vero inquantum per earum
participationem esse substantiale habebant. Vel ideas inquantum erant
principium essendi, species vero inquantum erant principium cognoscendi. Unde
et sensibilia omnia habent esse propter praedictas et secundum eas. Propter
eas quidem inquantum ideae sunt sensibilibus causae essendi. Secundum eas
vero inquantum sunt eorum exemplaria. |
C’est pourquoi
Platon, en tant qu’auditeur de Socrate, qui
le suivit, c'est-à-dire reçut sa doctrine et la continua pour rechercher
s’il est possible de trouver, dans les choses de la nature, une sorte d’être
universel dont on puisse donner une définition, de telle sorte que la
définition ne porte pas sur l’un des objets sensibles, car puisque les
sensibles sont en perpétuel changement,
on ne peut pas attribuer une notion générale à l’un d’entre eux. En
effet, toute notion doit convenir en tout temps et à tout objet, et elle
exige donc une certaine immuabilité. C’est pourquoi il a donné le nom d’idées
et d’espèces des sensibles existants à ces êtres universels, séparés des
choses sensibles, auxquels des définitions sont attribuées : des idées, c'est-à-dire des formes, du
fait que les sensibles sont façonnés à leur ressemblance, et des espèces,
parce que c’est en y participant que les choses possèdent leur être
substantiel. Ou encore, ces êtres sont des idées en tant qu’ils sont
principes d’existence, et des espèces en tant qu’ils sont principes de
connaissance. C’est pourquoi tous les sensibles possèdent l’être à cause des
idées et en conformité avec elles : à cause d’elles, du fait que les
idées sont causes de l’existence des sensibles; en conformité avec elles, du
fait que les idées sont leurs modèles. |
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[81720] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 4 Et quod hoc sit verum, patet ex eo, quod singulis
speciebus attribuuntur multa individua univocorum, idest multa
individua univocae speciei praedicationem suscipientia et hoc secundum
participationem; nam species, vel idea est ipsa natura speciei, qua est existens
homo per essentiam. Individuum autem est homo per participationem, inquantum
natura speciei in hac materia designata participatur. Quod enim totaliter est
aliquid, non participat illud, sed est per essentiam idem illi. Quod vero non
totaliter est aliquid habens aliquid aliud adiunctum, proprie participare
dicitur. Sicut si calor esset calor per se existens, non diceretur
participare calorem, quia nihil esset in eo nisi calor. Ignis vero quia est
aliquid aliud quam calor, dicitur participare calorem. |
Et il est évident
que cela est vrai du fait qu’on attribue à chaque espèce toutes les choses d’une même classe, c'est-à-dire de nombreux
individus d’une espèce univoque qui reçoivent une attribution, et ce par
participation; car l’espèce, ou l’idée, est la nature même de l’espèce, qui
fait exister l’homme par essence[12]. Quant à l’individu, il est l’homme par
participation, en tant qu’une participation à la nature de l’espèce existe
dans une matière donnée. En effet, ce qui est totalement une chose ne participe
pas à une autre mais est identique à cette chose par essence. Par contre, on
dit au sens propre qu’une chose participe lorsqu’elle n’est pas totalement
cette chose, mais qu’une autre réalité y est ajoutée; par exemple, si la
chaleur était la chaleur existant en soi, on ne dirait pas qu’elle participe
de la chaleur, parce qu’il n’y aurait en elle rien d’autre que la chaleur; on
dit par contre que le feu, parce qu’il est autre chose que la chaleur,
participe de la chaleur. |
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[81721] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 10 n. 5 Similiter autem cum idea hominis separata nihil
aliud habeat nisi ipsam naturam speciei, est essentialiter homo. Et propterea
ab eo vocabatur per se homo. Socrates vero vel Plato, quia habet praeter
naturam speciei principium individuans quod est materia signata, ideo dicitur
secundum Platonem participare speciem. |
Pareillement,
puisque l’idée séparée de l’homme n’inclut rien d’autre que la nature même de
l’espèce, elle est essentiellement homme; pour cette raison, Platon l’appelait
l’homme en soi. Mais Socrate ou Platon, parce qu’ils ont en plus de la nature
de l’espèce un principe d’individualité qui est une matière donnée, sont dits
participer de l’espèce, selon Platon. |
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[81722] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 10 n. 6 Hoc autem nomen participationis Plato accepit a
Pythagora. Sed tamen transmutavit ipsum. Pythagorici enim dicebant numeros
esse causas rerum sicut Platonici ideas, et dicebant quod huiusmodi
existentia sensibilia erant quasi quaedam imitationes numerorum. Inquantum enim numeri qui de se positionem non
habent, accipiebant positionem, corpora causabant. Sed quia Plato ideas
posuit immutabiles ad hoc quod de eis possent esse scientiae et definitiones,
non conveniebat et in ideis uti nomine imitationis. Sed loco eius usus est
nomine participationis. Sed tamen est sciendum, quod Pythagorici, licet
ponerent participationem, aut imitationem, non tamen perscrutati sunt
qualiter species communis participetur ab individuis sensibilibus, sive ab
eis imitetur, quod Platonici tradiderunt. |
Or, Platon a reçu de
Pythagore le mot « participation », mais il en a modifié le sens.
Les Pythagoriciens disaient en effet que les nombres sont les causes des
choses, comme Platon l’a dit des idées, et ils disaient que les êtres
sensibles étaient des genres d’imitations des nombres. Les nombres, en effet,
qui n’ont pas de positions en tant que tels, assumaient des positions et
causaient ainsi les corps. Mais Platon, ayant affirmé l’existence d’idées immuables
de sorte qu’elles puissent être des objets de science et de définition, ne
les a pas suivis en parlant d’imitation dans le cas des idées; il a plutôt
employé le mot « participation ». Il faut cependant savoir que les
Pythagoriciens, même s’ils ont affirmé qu’il y avait participation ou
imitation, n’ont pas étudié comment les individus sensibles participent de
l’espèce commune ou en sont l’imitation, alors que cela a été enseigné par
les Platoniciens. |
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[81723] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 10 n. 7 Deinde cum dicit amplius autem hic ponit opinionem
Platonis de mathematicis substantiis: et dicit quod Plato posuit alias
substantias praeter species et praeter sensibilia, idest mathematica; et
dixit quod huiusmodi entia erant media trium substantiarum, ita quod erant
supra sensibilia et infra species, et ab utrisque differebant. A sensibilibus
quidem, quia sensibilia sunt corruptibilia et mobilia, mathematica vero
sempiterna et immobilia. Et
hoc accipiebant ex ipsa ratione scientiae mathematicae, nam mathematica
scientia a motu abstrahit. Differunt vero mathematica a speciebus, quia in
mathematicis inveniuntur differentia secundum numerum, similia secundum
speciem: alias non salvarentur demonstrationes mathematicae scientiae. Nisi enim essent duo trianguli eiusdem speciei, frustra
demonstraret geometra aliquos triangulos esse similes; et similiter in aliis
figuris. Hoc autem in speciebus non accidit. Nam cum in specie separata nihil aliud sit nisi
natura speciei, non potest esse singularis species nisi una. Licet enim alia
sit species hominis, alia asini, tamen species hominis non est nisi una, nec
species asini, et similiter de aliis. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : De plus, outre les choses
sensibles, il présente l’opinion de Platon sur les substances
mathématiques, en disant que Platon a affirmé l’existence d’autres substances
en plus des espèces et en plus des choses sensibles : ce sont les êtres
mathématiques. Et il a dit que ces êtres étaient le milieu entre les trois
substances, se trouvant au-dessus des choses sensibles et au dessous des
espèces, et différant des unes et des autres. Ils diffèrent des sensibles
parce que ceux-ci sont corruptibles et mobiles alors que les êtres
mathématiques sont perpétuelles et immobiles. Et ils tiraient cette
conclusion de la notion même de la science mathématique, car celle-ci fait
abstraction du mouvement. Les êtres mathématiques diffèrent également des
espèces, car on constate que les êtres mathématiques sont différents en
nombre mais semblables en espèce; si cela n’était pas vrai, les
démonstrations des mathématiques ne tiendraient pas. En effet, si deux
triangles n’étaient pas de la même espèce, le géomètre démontrerait en vain
que des triangles sont semblables, et il en va de même pour les autres
figures. Mais il n’en va pas de même pour les espèces. En effet, puisque
l’espèce séparée ne contient rien d’autre que la nature de l’espèce, une
espèce particulière ne peut être qu’unique : bien que l’espèce de l’homme
est autre que l’espèce de l’âne, l’espèce de l’homme est seulement une, et
pareillement l’espèce de l’âne, et ainsi de suite. |
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[81724] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 8 Patet autem diligenter intuenti rationes Platonis,
quod ex hoc in sua positione erravit, quia credidit, quod modus rei
intellectae in suo esse sit sicut modus intelligendi rem ipsam. Et ideo quia
invenit intellectum nostrum dupliciter abstracta intelligere, uno modo sicut
universalia intelligimus abstracta a singularibus, alio modo sicut
mathematica abstracta a sensibilibus, utrique abstractioni intellectus posuit
respondere abstractionem in essentiis rerum: unde posuit et mathematica esse
separata et species. Hoc autem non est necessarium. Nam intellectus etsi
intelligat res per hoc, quod similis est eis quantum ad speciem
intelligibilem, per quam fit in actu; non tamen oportet quod modo illo sit
species illa in intellectu quo in re intellecta: nam omne quod est in aliquo,
est per modum eius in quo est. Et ideo ex natura intellectus, quae est alia a
natura rei intellectae, necessarium est quod alius sit modus intelligendi quo
intellectus intelligit, et alius sit modus essendi quo res existit. Licet
enim id in re esse oporteat quod intellectus intelligit, non tamen eodem modo.
Unde quamvis intellectus intelligat mathematica non cointelligendo
sensibilia, et universalia praeter particularia, non tamen oportet quod
mathematica sint praeter sensibilia, et universalia praeter particularia. Nam
videmus quod etiam visus percipit colorem sine sapore, cum tamen in
sensibilibus sapor et color simul inveniantur. |
Mais quand on
considère attentivement les doctrines de Platon, il est évident qu’il a fait
erreur parce qu’il a cru que le mode d’existence de la chose comprise est le
même mode par lequel on la comprend. En conséquence, ayant constaté que notre
intelligence comprend les choses abstraites de deux façons, d’abord en tant
qu’universels abstraits à partir des singuliers, ensuite comme êtres
mathématiques abstraits des choses sensibles, il a affirmé qu’à chaque mode
d’abstraction correspond une abstraction dans l’essence des choses; c’est
pourquoi il a affirmé que les êtres mathématiques sont des substances
séparées et des espèces. Mais ce n’est pas une conclusion nécessaire. En effet,
même si l’intelligence comprend les choses du fait qu’elle leur est semblable
par une espèce intelligible qui la conduit à l’acte, il ne s’ensuit pas
forcément que cette espèce soit dans l’intelligence sous le même mode que
dans la chose comprise, car tout ce qui est dans une chose s’y trouve selon
le mode de la chose. C’est pourquoi, étant donné la nature de l’intelligence,
qui diffère de la nature de la chose comprise, il y a nécessairement une
différence entre le mode par lequel l’intelligence comprend et le mode par
lequel la chose comprise existe. En effet, même s’il est nécessaire que ce
que l’intelligence comprend se trouve dans la chose, il ne s’y trouve pas de
la même façon. C’est pourquoi, même si l’intelligence comprend les choses
mathématiques sans comprendre en même temps les sensibles, et comprend les
universels hors des particuliers, il ne s’ensuit pas forcément que les êtres
mathématiques existent hors des sensibles et que les universels existent hors
des particuliers. Même dans le cas de la vue, nous constatons en effet
qu’elle perçoit la couleur sans la saveur, qui se trouvent pourtant en même
temps dans les senibles. |
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[81725] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 9 Deinde cum dicit quoniam autem hic ponit opinionem Platonis
de rerum principiis: et circa hoc duo facit. Primo ponit quae principia rebus
Plato assignavit. Secundo ad quod genus causae reducuntur, ibi, palam autem
ex dictis et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit cuiusmodi principia
Plato assignaverit. Secundo ostendit quomodo Plato cum Pythagoricis
communicet, et in quo differat ab eis, ibi, unum tamen substantiam. Dicit
ergo primo, quod quia secundum Platonem species separatae sunt causae omnibus
aliis entibus, ideo elementa specierum putaverunt esse elementa omnium
entium. Et ideo assignabant rebus pro materia magnum et parvum, et quasi substantiam
rerum, idest formam dicebant esse unum. Et hoc ideo, quia ista ponebant
esse principia specierum. Dicebant enim quod sicut species sunt sensibilibus
formae, ita unum est forma specierum. Et ideo sicut sensibilia constituuntur
ex principiis universalibus per participationem specierum, ita species, quas
dicebat esse numeros, constituuntur secundum eum, ex illis, scilicet
magno et parvo. Unitas enim diversas numerorum species constituit per
additionem et subtractionem, in quibus consistit ratio magni et parvi. Unde
cum unum opinaretur esse substantiam entis, quia non distinguebat inter unum
quod est principium numeri, et unum quod convertitur cum ente, videbatur sibi
quod hoc modo multiplicarentur diversae species separatae ex una quae est
communis substantia, sicut ex unitate diversae species numerorum
multiplicantur. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Voyant dans les idées, etc.,
il expose l’opinion de Platon sur les principes des choses; et il le fait en
deux parties : il montre en premier quels principes Platon a attribués
aux choses; en deuxième, à quel genre de cause ces principes se ramènent, où
il dit : il est clair, d’après ce
que, etc. Il traite la première partie en deux points. En premier, il
présente les principes de cette sorte que Platon a supposés. En deuxième, il
montre en quoi Platon concorde avec les Pythagoriciens et en quoi il en
diffère, où il dit : Ainsi, en
avançant que, etc. Il dit donc en premier que selon Platon, puisque les
espèces séparées sont causes de tous les autres êtres, il a pensé[13] en conséquence que les éléments de ces espèces
étaient les éléments de tous les êtres. C’est pourquoi il a attribué aux
choses le grand et le petit comme matière, et l’un comme substance,
c'est-à-dire comme forme, et ce, parce qu’il affirmait que tels étaient les
principes des espèces. Il disait en effet que, de même que les espèces sont
les formes des sensibles, de même l’un est la forme des espèces. C’est pourquoi,
de même que les sensibles sont constitués des principes universels par
participation aux espèces, de même les espèces, qu’il disait être les
nombres, sont constituées selon lui par ces
principes, c'est-à-dire le grand et le petit. En effet, l’unité constitue
diverses espèces de nombres par l’addition et la soustraction, en lesquelles
consiste la notion de grand et de petit. C’est pourquoi, comme il pensait que
l’un était la substance de l’être existant, car il ne distinguait pas entre
l’un qui est principe du nombre et l’un qui est convertible avec l’être, il
lui semblait que les diverses espèces séparées se multipliaient à partir de
l’une d’elles qui est la substance commune, de la même façon que les diverses
espèces de nombres se multiplient à partir de l’unité. |
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[81726] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 10 Deinde cum dicit unum tamen hic comparat opinionem
Platonis Pythagorae. Et primo ostendit in quo conveniebant. Secundo in quo
differebant, ibi, pro infinito. Conveniebant autem in duabus positionibus.
Quarum prima est quod unum sit substantia rerum. Dicebant enim Platonici,
sicut etiam Pythagorici, quod hoc quod dico unum non probatur de aliquo alio
ente, sicut accidens de subiecto, sed hoc signat substantiam rei. Et hoc ideo, quia, ut dictum est, non distinguebant
inter unum quod convertitur cum ente, et unum quod est principium numeri. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Ainsi, en avançant que, etc.,
il compare l’opinion de Platon à celle de Pythagore. Et premièrement, il montre
en quoi il s’accordaient; deuxièmement, en quoi ils différaient, où il
dit : mais faire une dualité, etc.
Or, ils étaient d’accord sur deux affirmations. La première est que l’un est
la substance des choses. Les Platoniciens disaient en effet, tout comme
Pythagore, que l’un ne s’affirme d’aucun autre être comme l’accident
s’attribue au sujet, mais qu’il désigne la substance de la chose. Ils
pensaient ainsi parce que, comme on l’a dit, ils ne distinguaient pas entre
l’un qui est convertible avec l’être et l’un qui est principe du nombre. |
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[81727] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 11 Secunda positio sequitur ex prima. Dicebant enim
Platonici (similiter ut Pythagorici) numeros esse causas substantiae omnibus entibus.
Et hoc ideo quia numerus nihil aliud est quam unitates collectae. Unde si
unitas est substantia, oportet quod etiam numerus. |
La deuxième
affirmation s’ensuit de la première. Les Platoniciens (tout comme les
Pythagoriciens) disaient en effet que les nombres étaient les substances de
tous les êtres, pour la raison que le nombre n’est rien d’autre qu’une
collection d’unités. Alors, si l’unité est substance, le nombre l’est
forcément aussi. |
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[81728] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 12 Deinde cum dicit pro infinito hic ostendit in quo
differebant. Et circa hoc duo facit. Primo enim ponit differentiam inter eos.
Secundo differentiae causam, ibi, unum igitur et numeros et cetera. Est autem
ista differentia in duobus. Primo quantum ad hoc Pythagorici ponebant (ut
dictum est) duo principia, ex quibus constituebantur, scilicet finitum et
infinitum: quorum unum, scilicet infinitum, se habet ex parte materiae. Plato vero loco huius unius quod Pythagoras posuit,
scilicet infiniti, fecit dualitatem, ponens ex parte materiae magnum et
parvum. Et sic infinitum quod Pythagoras posuit unum principium, Plato posuit
consistere ex magno et parvo. Et hoc est proprium opinionis suae in comparatione
ad Pythagoram. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : mais faire une dualité, etc.,
il montre en quoi ils différaient. À ce sujet, il fait deux choses : en
premier, il montre la différence entre eux; en deuxième, il montre la cause
de cette différence, où il dit : Cette
existence que Platon, etc. Or, cette différence porte sur deux points. Le
premier est que les Pythagoriciens affirmaient, comme on l’a dit, deux
principes constitutifs des choses, soit le fini et l’infini, dont l’un,
l’infini, se trouve du côté de la matière. Mais Platon, au lieu de cet unique
principe affirmé par Pythagore qu’est l’infini, a supposé une dualité en
donnant comme principes, du côté de la matière, le grand et le petit. Et
ainsi, Platon a affirmé que l’infini, que Pythagore donnait comme principe
unique, consistait dans le grand et le petit. Et cela est propre à son
opinion, à la différence de Pythagore. |
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[81729] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 13 Secunda differentia est, quia Plato posuit numeros
praeter sensibilia, et hoc dupliciter. Ipsas enim species, numeros esse
dicebat, sicut supra habitum est. Et iterum inter species et sensibilia
posuit mathematica (ut supra dictum est) quae secundum suam substantiam
numeros esse dicebat. Sed Pythagorici dicunt ipsas res sensibiles esse
numeros, et non ponunt mathematica media inter species et sensibilia, nec
iterum ponunt species separatas. |
La deuxième
différence est que Platon a affirmé que les nombres existaient hors des
sensibles, et ce, de deux façons. Il disait en effet que les espèces sont des
nombres, comme on l’a déjà vu. Et aussi, entre les espèces et les sensibles,
il a affirmé qu’il y a les êtres mathématiques (comme on l’a dit plus haut),
qu’il disait être des nombres par leur substance. Mais les Pythagoriciens
disent que les choses sensibles elles-mêmes sont des nombres, et ils
n’admettent pas d’êtres mathématiques intermédiaires entre les espèces et les
choses sensibles, et ils n’affirment pas non plus l’existence d’espèces
séparées. |
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[81730] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 14 Deinde cum dicit unum igitur hic ostendit causam
differentiae. Et primo secundae. Secundo causas differentiae primae, ibi,
dualitatem autem fere et cetera. Dicit ergo quod ponere unum et numeros
praeter res sensibiles, et non in ipsis sensibilibus, sicut Pythagorici
fecerunt, et iterum introducere species separatas, evenit Platonicis propter
scrutationem, quae est in rationibus, idest propter hoc quod
perscrutati sunt de definitionibus rerum, quas credebant non posse attribui
rebus sensibilibus, ut dictum est. Et hac necessitate fuerunt coacti ponere
quasdam res quibus definitiones attribuuntur. Sed Pythagorici qui fuerunt
priores Platone, non participaverunt dialecticam, ad quam pertinet
considerare definitiones et universalia huiusmodi, quarum consideratio
induxit ad introductionem idearum. |
Puis lorsqu’il
dit : Cette existence que Platon, etc.,
il montre la cause de cette différence, en commençant par la cause de la
deuxième différence. En deuxième, il montre les causes de la première
différence, où il dit : et il fut
conduit, etc. Il dit donc que les Platoniciens en sont venus à affirmer
l’existence de l’un et des nombres hors des choses sensibles, et non dans ces
choses comme les Pythagoriciens, et de supposer en plus des espèces séparées,
par suite de leurs études logiques, c'est-à-dire
portant sur les définitions des choses, définitions qu’ils croyaient ne pas
pouvoir être attribuées aux choses sensibles, comme on l’a dit. Et cela les a
nécessairement forcés à affirmer l’existence d’êtres auxquels les définitions
sont attribuées. Mais les Pythagoriciens, qui sont venus avant Platon, n’ont
pas pratiqué la dialectique, à laquelle il appartient d’étudier les
définitions et les universaux[14] du genre, dont l’étude a abouti à l’introduction
des idées. |
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[81731] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 15 Deinde cum dicit dualitatem autem hic ostendit
causam alterius differentiae, quae scilicet ex parte materiae est. Et primo
ponit causam huiusmodi differentiae. Secundo ostendit Platonem non
rationabiliter motum esse, ibi, attamen e contrario. Dicit ergo quod ideo
Platonici fecerunt dualitatem esse numerum, qui est alia natura a speciebus,
quia omnes numeri naturaliter generantur ex dualitate praeter numeros primos.
Dicuntur autem numeri primi, quos nullus numerat, sicut ternarius, quinarius,
septenarius, undenarius, et sic de aliis. Hi enim a sola unitate
constituuntur immediate. Numeri vero, quos aliquis alius numerus numerat, non
dicuntur primi, sed compositi, sicut quaternarius, quem numerat dualitas; et
universaliter omnis numerus par a dualitate numeratur. Unde numeri pares
materiae attribuuntur, cum eis attribuatur infinitum, quod est materia, ut
supra dictum est. Hac ratione posuit dualitatem, ex qua sicut aliquo
echimagio, idest ex aliquo exemplari omnes alii numeri pares generantur. |
Puis lorsqu’il
dit : et il fut conduit, etc.,
il montre la cause de l’autre différence, celle qui est du côté de la
matière. Et en premier, il énonce la cause de cette différence; en deuxième,
il montre que Platon n’a pas été inspiré raisonnablement, où il dit : Cependant, les choses, etc. Il dit
donc que si les Platoniciens ont considéré le 2 comme un nombre d’une autre
nature que les espèces, car tous les nombres, sauf les nombres premiers, sont
engendrés naturellement par le nombre 2. Les nombres qu’on appelle premiers
sont ceux qui ne se chiffrent par aucun nombre, comme 3, 5, 7, 11 et ainsi de
suite. En effet, seule l’unité permet de les constituer de façon immédiate.
Quant aux nombres qui peuvent être chiffrés à partir d’un nombre, ils ne sont
pas appelés premiers, mais composés, comme 4, qui se chiffre à partir de 2;
de façon universelle, tout nombre pair peut se chiffrer par 2. C’est pourquoi
ils attribuent les nombres pairs à la matière, puisqu’on leur attribue l’infini,
qui est la matière, comme on l’a dit plus haut. La raison pour laquelle il a
pris le nombre 2 est que tous les
autres nombres pairs sont engendrés à partir de lui comme d’une
« eximage[15] », c'est-à-dire
d’un modèle. |
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[81732] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 10 n. 16 Deinde cum dicit attamen e contrario hic ostendit
Platonem irrationabiliter posuisse. Et circa hoc duo facit. Primo enim ex
ratione naturali ostendit hoc. Secundo etiam ponit rationem naturalem, quae
Platonem movebat ad suam opinionem, ibi, videtur autem ex una materia. Dicit
ergo quod quamvis Plato poneret dualitatem ex parte materiae, tamen e
converso contingit, sicut attestantur opiniones omnium aliorum philosophorum
naturalium, qui posuerunt contrarietatem ex parte formae, et unitatem ex
parte materiae, sicut patet primo physicorum. Ponebant enim rerum materiam
aerem, vel aquam, aliquid huiusmodi, ex quo diversitatem rerum constituebant
per rarum et densum, quae ponebant quasi principia formalia. Non enim est
rationabile ponere sicut Plato posuit. Et hoc ideo quia ex materia viderunt
philosophi multa fieri per successionem formarum in ipsa. Illa enim materia,
quae modo substat uni formae, post modum substare poterit pluribus, uno
corrupto et alio generato. Sed una species sive una forma solum semel
generat, idest constituit aliquid generatum. Cum enim aliquid generatur
accipit formam quidem, quae forma eadem numero non potest alteri generato
advenire, sed esse desinit generato corrupto. In quo manifeste apparet quod
una materia ad multas formas se habet, et non e converso una forma ad multas
materias se habet. Et sic videtur rationabilius ponere ex parte materiae
unitatem, sed dualitatem sive contrarietatem ex parte formae, sicut posuerunt
naturales, quam e converso, sicut posuit Plato. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Cependant, les choses,
etc., il montre que l’affirmation de Platon est déraisonnable. Il le fait en
deux parties : en premier, il le montre par une raison physique; en
deuxième, il présente une raison physique que Platon invoquait en faveur de
son opinion, où il dit : mais au
vrai, d’une seule matière, etc. Il dit donc que, alors que Platon mettait
la dualité du côté de la matière, c’est pourtant l’inverse qui est vrai,
comme l’attestent les opinions de tous les autres philosophes de la nature,
qui ont mis la divergence du côté de la forme et l’unité du côté de la
matière, comme il est montré au livre I des Physiques. Ils supposaient en effet comme matière des choses
l’air, l’eau ou autre chose du genre; à partir de là, ils expliquaient la
diversité des choses par le raréfié et le dense, qu’ils prenaient comme
principes formels. En effet, ce que Platon a supposé n’est pas raisonnable,
et ce, parce que les philosophes ont vu que beaucoup de choses peuvent se
faire avec la matière en raison des formes qui se succèdent en elle. En
effet, la matière, qui soutient une seule forme en un moment, peut ensuite en
soutenir plusieurs quand un est corrompue et une autre est engendrée. Mais
une espèce ou une forme n’engendre,
c'est-à-dire constitue une chose engendrée, qu’une seule fois. En effet, quand une chose est engendrée, elle
reçoit une forme, laquelle ne peut pas être numériquement la même que celle
d’une autre chose engendrée, mais cesse d’exister lorsque la chose engendrée
se corrompt. On voit donc avec évidence qu’une matière est capable de
plusieurs formes mais qu’inversement, une forme n’est pas capable de
plusieurs matières. Et ainsi, il semble plus raisonnable de mettre l’unité du
côté de la matière, mais la dualité ou l’opposition du côté de la forme,
comme l’ont fait les physiciens, que l’inverse, comme l’a fait Platon. |
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[81733] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 17 Deinde cum dicit videtur autem hic ponit rationem e converso
ex his sensibilibus acceptam secundum opinionem Platonis. Videbat enim Plato quod unumquodque recipitur in
aliquo secundum mensuram recipientis. Unde diversae receptiones videntur provenire ex
diversis mensuris recipientium. Una autem materia est una mensura recipiendi.
Vidit etiam quod agens, qui inducit speciem, facit multas res speciem
habentes, cum sit unus, et hoc propter diversitatem quae est in materiis. Et
huius exemplum apparet in masculo et femina. Nam masculus se habet ad feminam
sicut agens et imprimens speciem ad materiam. Femina autem impraegnatur ab
una actione viri. Sed masculus unus potest impraegnare multas feminas. Et
inde est quod posuit unitatem ex parte speciei, et dualitatem ex parte
materiae. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : mais au vrai, d’une seule
matière, etc., il donne la raison en sens contraire, tirée des sensibles
selon l’opinion de Platon. Celui-ci voyait en effet que toute chose est reçue
dans une autre selon la mesure de celle qui reçoit. Les diverses manières de
recevoir semblaient donc provenir des mesures diverses des choses qui
reçoivent. Mais une matière est une mesure de réception. Il a vu également
que l’agent, qui produit l’espèce, fait beaucoup de choses ayant une seule
espèce, puisqu’il est un, et cela, à cause de la diversité qu’on trouve dans
les matières. On en voit un exemple dans le mâle et la femelle. En effet, le
mâle se comporte envers la femelle comme un agent qui applique l’espèce à une
matière; quant à la femelle, elle est fécondée par une seule action du mâle.
Mais un seul mâle peut féconder plusieurs femelles. C’est pour cela qu’il a
mis l’unité du côté de l’espèce et la dualité du côté de la matière. |
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[81734] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 18 Est autem attendendum quod haec diversitas inter
Platonem et naturales accidit propter diversam de rebus considerationem.
Naturales enim considerant tantum quae sunt sensibilia, prout sunt subiecta
transmutationi, in qua unum subiectum successive accipit contraria. Et ideo
posuerunt unitatem ex parte materiae, et contrarietatem ex parte formae. Sed
Plato ex consideratione universalium deveniebat ad ponendum principia
sensibilium rerum. Unde, cum diversitatis multorum singularium sub uno
universali causa sit divisio materiae, posuit diversitatem ex parte materiae,
et unitatem ex parte formae. Et tales sunt mutationes illorum principiorum,
quae posuit Plato, idest participationes, vel ut ita dicam influentias in
causata: sic enim nomen immutationis Pythagoras accipit. Vel immutationes
dicit inquantum Plato mutavit opinionem de principiis, quam primi naturales
habuerunt, ut ex praedictis patet. Et sic patet ex praedictis, quod Plato de
causis quaesitis a nobis ita definivit. |
Il faut remarquer que
cette divergence entre Platon et les physiciens vient de ce qu’ils étudient
les choses sous un aspect différent. En effet, les physiciens considèrent
seulement ce qui est sensible, en tant qu’il est sujet à des transformations
dans lesquelles un sujet reçoit successivement des contraires. C’est pourquoi
ils ont mis l’unité du côté de la matière et l’opposition du côté de la
forme. Platon, lui, est parti de l’étude des universels pour en arriver à
établir les principes des choses sensibles; et alors, puisque la division de
la matière provient de la diversité des nombreux singuliers rangés sous une
seule cause universelle, il a mis la diversité du côté de la matière et
l’unité du côté de la forme. « Et tels sont les changements des principes » que Platon a
supposés, c'est-à-dire des participations, ou pour ainsi dire des influences
dans les choses causées; c’est ainsi que Pythagore les appelle des
modifications. Ou encore, il parle de modifications au sens où Platon a
changé l’opinion que les premiers physiciens avaient sur les principes, comme
on l’a vu par ce qui précède. Ainsi, il est évident d’après ce qui précède
que Platon a ainsi défini les causes qui font l’objet de notre recherche. |
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[81735] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 19 Deinde cum dicit palam autem hic ostendit ad quod
genus causae principia a Platone posita reducantur. Dicit ergo, ex dictis
palam esse quod Plato usus est solum duobus generibus causarum. Causa enim ipsa,
idest causa, quae est causa ei, quod quid est, idest quidditatis rei,
scilicet causa formalis, per quam rei quidditas constituitur: et etiam usus
est ipsa materia. Quod ex hoc patet, quia species quas posuit sunt aliis,
idest sensibilibus causae eius quod quid est, idest causae formales:
ipsis vero speciebus causa formalis est hoc quod dico unum, et illa videtur
substantia de qua sunt species: sicut ens unum ponit causam formalem
specierum: ita magnum et parvum ponit earum causam quasi materialem, ut supra
dictum est. Et hae quidem causae, scilicet formalis et materialis, non solum
sunt respectu specierum, sed etiam respectu sensibilium, quia unum dicitur in
speciebus: idest id quod hoc modo se habet ad sensibilia, sicut unum ad
speciem, est ipsa species, quia ea dualitas quae respondet sensibilibus pro
materia est magnum et parvum. |
Puis lorsqu’il
dit : il est clair, d’après, etc.
il montre à quel genre de cause se ramènent les principes affirmés par
Platon. Il dit donc qu’il est clair,
d’après ce que nous avons dit, que Platon ne met en usage que deux genres de causes : la cause de l’essence, ou cause de ce qu’est la chose, c'est-à-dire sa
quiddité, et c’est la cause formelle par laquelle la quiddité de la chose est
constituée; et Platon fait aussi appel à la matière. Cela est évident du fait
que les espèces qu’il a supposées sont causes du ce-que-c’est, c'est-à-dire causes formelles, des choses (sensibles); par ailleurs, la
cause formelle des espèces est ce qu’on appelle l’unité, cause qui semble
être la substance d’où viennent les espèces. De même qu’il affirme que l’être
unique est la cause formelle des espèces, de même il prend le grand et le
petit comme leur cause matérielle, comme on l’a dit plus haut. Et ces causes,
formelle et matérielle, ne s’exercent pas seulement sur les espèces, mais
aussi sur les sensibles, car il dit que l’un est cause des espèces; autrement dit, ce qui a avec les sensibles le même
rapport que l’un avec l’espèce, c’est l’espèce elle-même, car la dualité qui
s’applique aux sensibles sous l’aspect de la matière, c’est le grand et le
petit. |
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[81736] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 10 n. 20 Ulterius Plato assignavit causam eius quod est bonum
et malum in rebus, et singulis elementis ab eo positis. Nam causam boni
ascribebat speciei, causam vero mali materiae. Sed tamen causam boni et mali
conati sunt investigare quidam primorum philosophorum, scilicet Anaxagoras et
Empedocles, qui ad hoc specialiter aliquas causas in rebus constituerunt, ut
ab eis possent assignare principia boni et mali. In hoc autem quod boni
causas et mali tetigerunt, aliquo modo accedebant ad ponendum causam finalem,
licet non per se, sed per accidens eam ponerent, ut infra dicetur. |
De plus, Platon a
déterminé la cause de ce qui est bon et mauvais dans les choses et dans chacun
des éléments qu’il a supposés. En effet, il a attribué la cause du bien à
l’espèce et la cause du mal à la matière. Mais pourtant, certains des
premiers philosophes, à savoir Anaxagore et Empédocle, se sont efforcés de
rechercher la cause du bien et du mal, et pour ce faire, ils ont spécialement
affirmé l’existence dans les choses de certaines causes pour pouvoir leur
attribuer les principes du bien et du mal. Alors, par le fait qu’ils ont
abordé les causes du bien et du mal, ils ont réussi d’une certaine façon à
affirmer l’existence de la cause finale, bien qu’ils ne l’aient pas affirmée
comme telle mais par accident, comme on le dira plus loin. |
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Leçon 11, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Nous venons de voir, brièvement et
sommairement, il est vrai, quels sont ceux qui se sont occupés des principes
et de la vérité, et comment ils l’ont fait : cette revue rapide n’a pas
laissé de nous faire reconnaître, que de tous les philosophes qui ont traité
de principe et de cause, pas un n’est sorti de la classification que nous
avons établie dans la Physique, et que tous plus ou moins nettement l’ont
entrevue. Les uns considèrent le principe sous le point de vue de la matière,
soit qu’ils lui attribuent l’unité ou la pluralité, soit qu’ils le supposent
corporel ou incorporel ; tels sont le grand et le petit de Platon,
l’infini de l’école italique ; le feu, la terre, l’eau et l’air
d’Empédocle ; l’infinité des homéoméries d’Anaxagore. Tous ont
évidemment touché cet ordre de causes, et de même ceux qui ont choisi l’air,
le feu ou l’eau, ou un élément plus dense que le feu et plus délié que
l’air ; car telle est la nature que quelques-uns ont donnée à l’élément
premier. Ceux-là donc n’ont atteint que le principe de la matière, quelques
autres le principe du mouvement, comme ceux par exemple qui font un principe
de l’amitié ou de la discorde, de l’intelligence ou de l’amour. Quant à la
forme et à l’essence, nul n’en a traité clairement, mais ceux qui l’ont fait
le mieux sont les partisans des idées. En effet, ils ne regardent pas les
idées et les principes des idées, comme la matière des choses sensibles, ni
comme le principe d’où leur vient le mouvement (car ce seraient plutôt, selon
eux, des causes d’immobilité et de repos) ; mais c’est l’essence que les
idées fournissent à chaque chose, comme l’unité la fournit aux idées. Quant à
la fin en vue de laquelle se font les actes, les changements et les
mouvements, ils mentionnent bien en quelque manière ce principe, mais ils ne
le font pas dans cet esprit, ni dans le vrai sens de la chose ; car ceux
qui mettent en avant l’intelligence et l’amitié, posent bien ces principes,
comme quelque chose de bon, mais non comme un but en vue duquel tout être est
ou devient ; ce sont plutôt des causes d’où leur vient le mouvement. Il
en est de même de ceux qui prétendent que l’unité ou l’être est cette même
nature ; ils disent qu’elle est la cause de l’essence, mais ils ne
disent pas qu’elle est la fin pour laquelle les choses sont et deviennent. De
sorte qu’il leur arrive en quelque façon de parler à la fois et de ne pas
parler du principe du bien ; car ils n’en parlent pas d’une manière
spéciale, mais seulement par accident. Ainsi, que le nombre et la nature des
causes ait été déterminé par nous avec exactitude, c’est ce que semblent
témoigner tous ces philosophes dans l’impossibilité où ils sont d’indiquer
aucun autre principe. Outre cela, il est clair qu’il faut, dans la recherche
des principes, ou les considérer tous comme nous l’avons fait, ou adopter les
vues de quelques-uns de ces philosophes. Exposons d’abord les difficultés que
soulèvent les doctrines de nos devanciers et la question de la nature même
des principes. |
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Lectio 11 |
Leçon 11, (Traduction abbé
Dandenault, v. 1960)
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[81737] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 11 n. 1 Hic recolligit omnia quae ab antiquis de causis sunt
dicta: et circa hoc tria facit. Primo ostendit, quod priores philosophi
nullam causam de quatuor generibus causarum ab eis suprapositis addere
potuerunt. Secundo ostendit qualiter praedictas causas tetigerunt, ibi, sed
omnes obscure et cetera. Tertio concludit conclusionem principaliter
intentam, ibi, quod quidem igitur recte et cetera. Dicit ergo, quod breviter
et sub quodam capitulo sive compendio pertranseundo dictum est, quid
philosophi, et quomodo locuti sunt de principiis rerum et de veritate,
quantum ad ipsam rerum substantiam. Sed ex eorum dictis tantum haberi potest,
quod nullus eorum, qui de causis et principiis rerum dixerunt, potuit dicere
aliquas causas praeter illas, quae distinctae sunt secundo physicorum. |
Aristote résume ici toutes les
opinions des premiers philosophes sur les causes. Ce qu'il divise en trois points.
En premier, il montre que les philosophes qui l’ont précédé n’ont pu ajouter
aucune cause aux quatre genres de causes déjà proposées par eux. En second,
il expose de quelle façon ils ont abordé les causes en question, où il dit : et que tous plus ou moins nettement,
etc. En troisième lieu, il donne sa conclusion qu'il voulait principalement
apporter, lorsqu'il dit : ainsi,
que le nombre et la nature, etc. Il dit donc que c’est brièvement et
sommairement, dans une synthèse rapide, que nous avons fait l'histoire des
philosophes et de leur manière de traiter des principes des choses et de la
vérité, en ce qui a trait à la substance même des choses. Mais la seule
conclusion lui découle de leurs propos, c'est qu’aucun de ceux qui ont traité
des causes et des principes des choses n’a pu ajouter des causes à celles
déjà dégagées au livre II des Physiques. |
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[81738]
Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 11 n. 2 Deinde cum dicit sed omnes hic ponit qualiter illas
causas posuerunt. Et primo in generali. Secundo in speciali, ibi, illi namque
et cetera. Dicit ergo primo, quod non solum nihil addiderunt, sed quo modo
appropinquaverunt, et hoc non manifeste, sed obscure. Non enim assignaverunt
secundum quod genus causae principia ab eis posita rerum causae essent; sed
solum posuerunt illa, quae ad aliquod genus causae adaptari possunt. |
Ensuite, quand il dit : et que tous plus ou moins nettement,
etc., il expose de quelle façon ils ont traité des causes. En premier, en
général. En second, pour chacune des causes en particulier, où il dit : Les uns considèrent le principe, etc.
Il dit donc, en premier, que non seulement ils n'ont rien ajouté aux causes
déjà mentionnées, mais ils s’en sont seulement approchés, et ils en ont
traité de façon non évidente, mais obscure. En effet, ils n’ont pas manifesté
selon quel genre de cause les principes posés étaient causes des choses; ils
ont seulement posé les principes qui peuvent être attachés à un genre de
cause quelconque. |
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[81739] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 11 n. 3 Deinde cum dicit illi namque hic ostendit in
speciali quomodo singulas causas tetigerunt. Et primo quomodo tetigerunt
causam materialem. Secundo
quomodo causam efficientem, ibi, alii vero. Tertio quomodo causam formalem,
ibi. Quod quid erat esse
vero et cetera. Quarto quomodo causam finalem, ibi, cuius vero causa et
cetera. Dicit ergo primo, quod illi, scilicet priores philosophi, omnes in
hoc conveniunt, quod dant rebus aliquod principium quasi materiam. Differunt tamen
in duobus. Primo, quia quidam posuerunt unam materiam, sicut Thales et
Diogenes et similes: quidam plures, sicut Empedocles. Secundo, quia quidam
posuerunt rerum materiam esse aliquod corpus, sicut praedicti philosophi.
Quidam incorporeum, sicut Plato qui posuit dualitatem. Posuit enim Plato
magnum et parvum, quae non dicunt aliquod corpus. Italici vero, idest
Pythagorici posuerunt infinitum, quod iterum non est corpus. Empedocles vero
quatuor elementa quae sunt corpora. Similiter Anaxagoras posuit infinitatem
similium partium idest infinitas partes consimiles principia esse. Et hi
omnes tetigerunt talem causam, scilicet materialem. Et etiam illi qui
dixerunt aerem aut aquam aut ignem esse principium, vel aliquod medium inter
haec elementa, scilicet igne spissius, aere subtilius; omnes enim tales
praedicti tale corpus posuerunt esse primum elementum. Et sic patet quod
dicit, quod philosophi quantum ad haec, quae praedicta sunt, posuerunt solam
causam materialem. |
Ensuite, quand il dit : Les uns considèrent le principe, etc.,
il démontre en particulier leur façon d’aborder chacune des causes. Et, en
premier, il montre comment ils ont touché à la cause matérielle; en deuxième,
comment ils ont traité de la cause efficiente, où il dit : quelques autres le principe, etc. En
troisième, comment ils ont touché à la cause formelle, où il écrit : Quant à la forme et à l’essence, etc.;
en quatrième, comment ils ont parlé de la cause finale, où il dit : Quant à la fin en vue de, etc. Il dit
donc, en premier, que tous les anciens philosophes sont d'accord pour
attribuer aux choses un certain principe du côté de la matière. Leurs
opinions diffèrent cependant sur deux points. En premier, parce que certains
ne posent qu"une seule matière, comme Thalès, Diogène et les autres de
même tendance, alors que d'autres, comme Empédocle, parlent de plusieurs
matières. En second, parce que certains ont affirmé que la matière des choses
était un certain corps, comme les philosophes précités, alors que d'autres
ont posé un principe incorporel, comme Platon, qui établit la dualité. Car
Platon posait le grand et le petit, qui ne désignent aucun corps. L'école
italique, c'est-à-dire les Pythagoriciens, pose l’infini, qui n'est pas non
plus un corps. Empédocle, de son côté, donne quatre éléments, qui sont
corporels. Pareillement, Anaxagore établit comme principe l’infinité des homéoméries, c'est-à-dire
des particules semblables. Tous ces philosophes ont touché à cet ordre de causes, soit la cause
matérielle. Également, ceux qui prennent comme principe l'air, l'eau ou le
feu, ou quelque intermédiaire entre ces éléments, qui soit plus dense que le
feu et plus subtil que l’air, tous les philosophes du genre ont dit que tel
corps est le premier élément. L'affirmation d’Aristote est ainsi évidente :
les philosophes, au sujet de ce qui précède, n'ont donné place qu'à la cause
matérielle. |
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[81740] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 11 n. 4 Deinde cum dicit alii quidem hic ponit opiniones de
causa efficiente, dicens, quod alii praedictorum philosophorum posuerunt cum
causa materiali causam unde principium motus: sicut quicumque posuerunt
causam rerum amorem, odium, et intellectum; aut qui faciunt aliqua principia
agentia praeter haec, sicut Parmenides qui posuit ignem quasi causam agentem. |
Puis quand il dit : quelques autres le principe, etc., il
donne les opinions sur la cause efficiente, en notant que certains des
philosophes cités ajoutent à la cause matérielle la cause de l’origine du
mouvement : ceux qui font de l'amour, de la haine et de l'intelligence
la cause des êtres, ou qui, à part ces causes, posent certains principes
efficients. Ainsi en est-il de Parménide, qui fait du feu une cause agente. |
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[81741] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 11 n. 5 Deinde cum dicit quod quid hic ponit opiniones de
causa formali; et dicit quod causa, per quam scitur quid est rei substantia,
idest causam formalem, nullus manifeste rebus attribuit, et si aliquid
tangerent antiqui philosophi quod pertineret ad causam formalem, sicut
Empedocles qui posuit os et carnem habere aliquam rationem per quam sunt
huiusmodi; non tamen hoc quod pertinet ad causam formalem ponebant per modum
causae. |
Ensuite quand il écrit : Quant à la forme et à l’essence, etc.,
il rapporte les opinions sur la cause formelle. Il dit qu'aucun philosophe
n'a attribué clairement aux choses la cause qui fait connaître la substance
d'une chose, qui est la cause formelle, et que si les anciens philosophes ont
dit quelque chose de la cause formelle, comme Empédocle, qui a attribué aux
os et à la chair une certaine raison qui les fait être tels, ils n'ont pas
parlé de ce qui concerne la cause formelle sous son aspect de cause. |
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[81742] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 11 n. 6 Sed inter alios maxime appropinquaverunt ad ponendum
causam formalem qui posuerunt species, et eas rationes qui ad species
pertinent, sicut unitatem et numerum et alia huiusmodi. Species enim et ea
quae sunt modo praedicto in speciebus, ut unitas et numerus, non suscipiuntur
vel ponuntur ab eis ut materia rerum sensibilium, cum potius ex parte rerum
sensibilium materiam ponant. Nec ponunt eas ut causas unde motus proveniat
rebus, immo magis sunt rebus causa immobilitatis. Quicquid enim necessarium
in sensibilibus invenitur, hoc ex speciebus causari dicebant, et ipsas,
scilicet species, dicebant esse absque motu. Ad hoc enim ab eis ponebantur,
ut dictum est, quod immobiles existentes uniformiter se haberent, ita quod de
eis possent dari definitiones et fieri demonstrationes. Sed secundum eorum
opinionem species rebus singulis praestant quidditatem per modum causae
formalis, et unitas hoc ipsum praestat speciebus. |
Parmi les autres philosophes, ceux
qui vinrent le plus près de poser la cause formelle furent ceux qui
établirent les espèces et les notions qui se rattachent à l'idée d’espèce,
comme unité, le nombre, etc. Car l'espèce et ce qu'elle comporte de la façon
décrite, comme l'unité et le nombre, ne sont pas entrevus ni posés par eux
comme matières des choses sensibles : ils situent plutôt la matière du
côté des choses sensibles. Ils ne leur attribuent pas non plus le rôle de
cause d’où provient le mouvement dans les choses; pour eux, elles sont plutôt
causes d'immobilité. Tout ce qu'il y a de nécessité dans les choses sensibles,
ils en attribuaient la cuase aux espèces : et l'espèce elle-même,
disaient-ils, ne possède aucun mouvement. La raison pour laquelle ils
posaient ces espèces, comme on l’a dit, était que leur immobilité dans
l'existence permettrait une stabilité formelle, de sorte qu'on pourrait les
définir et construire, sur elles, des démonstrations. Mais selon leurs
opinions, les espèces communiquent, par mode de causalité formelle, la
quiddité aux choses singulières, et l'unité confère la quiddité aux espèces. |
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[81743]
Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 11 n. 7 Deinde cum dicit cuius vero hic ponit opiniones
quorumdam de causa finali, dicens quod philosophi quodammodo finem cuius
causa motus et transmutationes et actiones fiunt, dicunt esse causam, et
quodammodo non dicunt, nec dicunt eodem modo, quo vera causa est. Illi enim
qui dicunt causam esse intellectum vel amorem, ponunt eas causas quasi bonum.
Dicebant enim huiusmodi esse causas ut res bene se habeant. Boni enim causa
esse non potest nisi bonum. Unde sequitur quod ponerent intellectum et amorem
esse causam, sicut bonum est causa. Bonum autem potest intelligi dupliciter.
Uno modo sicut causa finalis, inquantum aliquid fit gratia alicuius boni.
Alio modo per modum causae efficientis, sicut dicimus quod bonus homo facit
bonum. Isti ergo philosophi non dixerunt praedictas causas esse bonas, quasi
horum causa aliquod entium sit aut fiat, quod pertinet ad rationem causae
finalis; sed quia a praedictis, scilicet intellectu et amore, procedebat
motus quidam ad esse et fieri rerum, quod pertinet ad rationem causae
efficientis. |
Puis, quand il dit : Quant à la fin en vue de, etc., il
donne l'opinion de quelques-uns sur la cause finale : les philosophes
disent, d'une certaine façon, que la fin pour laquelle se font les
mouvements, les transformations, et les actions est une cause, et, d'une
certaine façon, ils ne disent pas, ou ne disent pas de la même manière,
qu’elle est une véritable cause. - Car ceux qui appellent cause
l'intelligence ou l’amour établissent ces causes comme un bien. Car ils
disaient que ces causes existaient pour que les choses soient bonnes. En
effet, la cause du bien ne peut être que le bien. Et c'est pour cela qu’ils
auraient dit que l'intelligence et l’amour étaient causes comme le bien est cause.
On peut comprendre le bien de deux façons : d'abord comme cause finale,
du fait qu'une chose est faite en vue d'un bien, ou comme cause efficiente,
comme lorsque nous disons que l’homme bon fait le bien. Ces philosophes n'ont
pas dit que les causes données sont bonnes comme si elles étaient la fin de
l'existence ou du devenir des êtres, ce qui relève de la notion de cause
finale, mais parce que, de l'intelligence ou de l'amour, surgissait une
poussée vers l'être et le devenir des choses, ce qui se rattache à l'idée de
cause efficiente. |
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[81744] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 11 n. 8 Similiter autem Pythagorici et Platonici qui
dixerunt rerum substantiam esse ipsum unum et ens, uni etiam et enti attribuebant
bonitatem. Et sic dicebant talem naturam, scilicet bonum, esse rebus
sensibilibus causam substantiae, vel per modum causae formalis, sicut Plato
posuit, vel per modum materiae sicut Pythagorici. Non tamen dicebant quod
esse rerum aut fieri esset huius causa, scilicet unius et entis, quod
pertinet ad rationem causae finalis. Et sic sicut naturales posuerunt bonum
esse causam, non per modum causae formalis, sed per modum causae efficientis:
ita Platonici posuerunt bonum esse causam per modum causae formalis et non
per modum causae finalis: Pythagorici vero per modum causae materialis. |
Pareillement, les Pythagoriciens
et les Platoniciens, qui firent de l'un et de l'être la substance des choses,
attribuaient aussi la bonté à l'un et à l'être. Ils disaient qu'une telle
nature, c’est-à-dire le bien, était la cause de la substance dans les choses
sensibles, soit comme cause formelle chez Platon, soit comme cause matérielle
pour les Pythagoriciens. Ils ne disaient pourtant pas que l’être et le
devenir des choses avaient comme fin l'un et l'être, ce qui se rattache à
l’idée de cause finale. Ainsi, comme les physiciens ont fait du bien une
cause, non à la manière d’une cause formelle mais d’une cause efficiente, les
Platoniciens en ont fait une cause, à la manière d’une cause formelle et non
d’une cause finale. Et les Pythagoriciens, eux, en ont fait une cause d’ordre
matériel. |
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[81745]
Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 11 n. 9 Unde patet quod accidebat eis quodammodo dicere
bonum esse causam, et quodammodo non dicere. Non enim simpliciter dicebant
bonum esse causam, sed per accidens. Bonum enim secundum propriam rationem
est causa per modum causae finalis. Quod ex hoc patet, quod bonum est, quod
omnia appetunt. Id autem, in quod tendit appetitus, est finis: bonum igitur
secundum propriam rationem est causa per modum finis. Illi igitur ponunt
bonum simpliciter esse causam, qui ponunt ipsum esse causam finalem. Qui
autem attribuunt bono alium modum causalitatis, ponunt ipsum esse causam, et
hoc per accidens, quia non ex ratione boni, sed ratione eius cui accidit esse
bonum, ut ex hoc quod est esse activum vel perfectivum. Unde patet quod isti
philosophi causam finalem non ponebant nisi per accidens, quia scilicet
ponebant pro causa, id cui convenit esse finem, scilicet bonum; non tamen
posuerunt ipsum esse causam per modum finalis causae, ut dictum est. |
De là, on voit qu'il leur arrivait
de dire d’une façon, et de ne pas dire d’une autre façon, que le bien était
cause et qu'il ne l'était pas. En effet, ils ne parlaient pas du bien en tant
que cause de façon absolue, mais par accident. En effet, le bien pris dans
son sens propre est cause selon le type de la cause finale. C'est là un fait
évident : car le bien est ce que toutes choses désirent. Ce vers quoi
tend l’appétit est une fin : le bien selon sa raison propre est donc
cause à la façon d'une fin. Ceux-là font du bien une cause de façon absolue
qui le posent comme cause finale. Ceux qui attribuent au bien un autre mode
de causalité en font une cause, mais une cause par accident : car ce
n'est pas en raison du bien lui-même qu'ils le font cause, mais en raison du
sujet qui se trouve à être bon, du fait qu'il est être actif ou perfectif. On
voit ainsi nettement que ces philosophes n'ont posé qu'accidentellement une
cause finale, puisqu'ils posaient comme cause ce à quoi il convient d'être
une fin, soit le bien, mais ne le posaient toutefois pas comme cause selon le
mode de finalité, comme on l’a déjà dit. |
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[81746]
Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 11 n. 10 Deinde cum dicit quod quidem hic concludit
conclusionem principaliter intentam, scilicet quod determinatio facta
superius de causis quae et quot sint, recta fuit. Huius enim testimonium videntur
praebere praedicti philosophi, nullum genus causae valentes addere supra
praedicta. Et haec utilitas provenit ex praedictarum opinionum recitatione.
Alia autem utilitas est, quia inde palam est, quod principia rerum sunt
quaerenda in ista scientia, ut omnia quae antiqui posuerunt, et quae superius
sunt determinata, aut aliquod horum. Maxime enim haec scientia considerat
causam formalem et finalem et aliquo modo etiam moventem. Nec solum oportet
praedictas opiniones recitasse; sed post haec transeundo dicendum est quomodo
quilibet horum dixerit, et in quo bene, et in quo male; et quomodo ea quae
dicuntur de principiis habent aliquam dubitationem. |
Puis, quand il dit : Ainsi, que le nombre et la nature,
etc., il apporte la conclusion principalement visée, à savoir que l’étude
élaborée plus haut sur la nature et le nombre des causes est juste. Et les
philosophes qu'on a cités semblent en témoigner, puisqu'aucun n’a pu ajouter
de genre de cause aux genres déjà donnés. D'où une première utilité de l'énumération
des opinions déjà citées. Une autre utilité est que, de là, il est évident
que les principes des choses sont à rechercher dans cette science, qu’il
s’agisse de tous les principes que les anciens ont établi et qu'on a
déterminés plus haut, ou de certains d’entre eux. En effet, cette science
considère surtout la cause formelle et la cause finale, et aussi, de quelque
façon, la cause efficiente. Il ne faut pas seulement relater les opinions
données; il faut, après les avoir passées en revue, noter la façon de dire de
chacun de ces philosophes, ce qui a été bien ou mal dit, et en quoi ce qu’ils
ont dit des principes peut être mis en doute. |
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Leçon 12, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Tous ceux qui ont prétendu que l’univers est un,
et qui, dominés par le point de vue de la matière, ont voulu qu’il y ait une
seule et même nature, et une nature corporelle et étendue, ceux-là sans
contredit se trompent de plusieurs manières ; car ainsi, ils posent
seulement les éléments des corps et non ceux des choses incorporelles,
quoiqu’il existe de telles choses. Puis, quoiqu’ils entreprennent de dire les
causes de la génération et de la corruption, et d’expliquer la formation des
choses, ils suppriment le principe du mouvement. Ajoutez qu’ils ne font pas
un principe de l’essence et de la forme ; et aussi, qu’ils donnent sans
difficulté aux corps simples, à l’exception de la terre, un principe
quelconque, sans avoir examiné comment ces corps peuvent naître les uns des
autres ; je parle du feu, de la terre, de l’eau et de l’air, lesquels
naissent, en effet, les uns des autres, soit par réunion, soit par
séparation. Or, cette distinction importe beaucoup pour la question de
l’antériorité et de la postériorité des éléments. D’un côté, le plus
élémentaire de tous semblerait être celui d’où naissent primitivement tous
les autres par voie de réunion ; et ce caractère appartiendrait à celui
des corps dont les parties seraient les plus petites et les plus déliées.
C’est pourquoi tous ceux qui posent comme principe le feu, se prononceraient
de la manière la plus conforme à cette vue. Tel est aussi le caractère que
tous les autres s’accordent à assigner à l’élément des corps. Aussi, aucun
philosophe, d’une époque plus récente, qui admet un seul élément, n’a jugé
convenable de choisir la terre, sans doute à cause de la grandeur de ses
parties, tandis que chacun des trois autres éléments a eu son partisan :
les uns se déclarent pour le feu, les autres pour l’eau, les autres pour
l’air ; et pourtant pourquoi n’admettent-ils pas aussi bien la terre,
comme font la plupart des hommes qui disent que tout est terre ? Hésiode
lui-même dit que la terre est le premier des corps ; tellement ancienne
et populaire se trouve être cette opinion. Dans ce point de vue, ni ceux qui
adoptent à l’exclusion du feu un des éléments déjà nommés, ni ceux qui
prennent un élément plus dense que l’air et plus délié que l’eau, n’auraient
raison ; mais si ce qui est postérieur dans l’ordre de formation est
antérieur dans l’ordre de la nature, et que, dans l’ordre de formation, le
composé soit postérieur, l’eau sera tout au contraire antérieure à l’air et
la terre à l’eau. Nous nous bornerons à cette observation sur ceux qui
admettent un principe unique tel que nous l’avons énoncé. Il y en aurait
autant à dire de ceux qui admettent plusieurs principes pareils, comme
Empédocle qui dit qu’il y a quatre corps, matière des choses ; car sa
doctrine donne lieu d’abord aux mêmes critiques, puis à quelques observations
particulières. Nous voyons, en effet, ces éléments naître les uns des autres,
de sorte que le feu et la terre ne demeurent jamais le même corps : nous
avons traité de ce sujet dans la Physique.
Quant à la cause qui fait mouvoir les choses, et à la question de savoir si
elle est une ou double, on doit penser qu’Empédocle ne s’est prononcé ni
tout-à-fait convenablement, ni d’une manière tout-à-fait déraisonnable. En
somme, quand on admet sou système, on est forcé de rejeter tout changement,
car le froid ne viendra pas du chaud ni le chaud du froid ; car quel
serait le sujet qui éprouverait ces modifications contraires, et quelle
serait la nature unique qui deviendrait feu et eau ? C’est ce qu’il ne
dit pas. Pour Anaxagore, si on pense qu’il reconnaît deux éléments, on le
pense d’après des raisons qu’il n’a pas lui-même clairement articulées, mais
auxquelles il aurait été obligé de se rendre, si on les lui eût présentées.
En effet, s’il est absurde de dire qu’à l’origine tout était mêlé, pour
plusieurs motifs – entre autres parce qu’il faut que les éléments du mélange
aient existé d’abord séparés et il n’est pas dans la nature des choses qu’un
élément, quel qu’il soit, se mêle avec tout autre, quel qu’il soit. De plus,
les qualités et les attributs seraient séparés de leur substance ; car
ce qui peut être mêlé peut être séparé. Cependant, quand on vient à
approfondir et à développer ce qu’il veut dire, on lui trouvera peut-être un
sens peu commun. Car lorsque rien n’était séparé, il est clair qu’on ne pouvait
rien affirmer de vrai de cette substance mixte. Par exemple, comme elle
n’était ni blanche ni noire, ni d’aucune autre couleur, elle était de
nécessité sans couleur ; autrement, elle aurait eu quelqu’une des
couleurs que nous pouvons citer. Elle était de même sans saveur, et pour la
même raison elle ne possédait aucun attribut de ce genre ; car elle ne
pouvait avoir ni qualité ni quantité ni détermination quelconque. Autrement
quelqu’une des formes spéciales s’y serait rencontrée, et cela est impossible
lorsque tout est mêlé. En effet, pour cela, il y aurait déjà séparation, et
Anaxagore dit que tout est mêlé, excepté l’intelligence, qui seule est pure
et sans mélange. Il faut donc qu’il reconnaisse pour principes l’unité
d’abord ; car c’est bien là ce qui est simple et sans mélange, et d’un
autre côté quelque chose, ainsi que nous désignons l’indéfini avant qu’il
soit défini et participe d’aucune forme. Ce n’est s’exprimer ni justement, ni
clairement ; mais au fond il a voulu dire quelque chose qui se rapproche
davantage des doctrines qui ont suivi et de la réalité. Tous ces philosophes
ne sont familiers qu’avec ce qui regarde la génération, la corruption et le
mouvement, car ils s’occupent à peu près et exclusivement de cet ordre de
choses, des principes et des causes qui s’y rapportent. |
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Lectio 12 |
Leçon 12 (Traduction
Georges Comeau, 2010)
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[81747] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 1 Postquam recitavit opiniones philosophorum de principiis,
hic incipit eas improbare. Et dividitur in duas partes. Primo improbat
singulas opiniones. Secundo recolligit ea quae dicta sunt, et continuat se ad
sequentia, ibi, quoniam ergo dictas causas et cetera. Prima dividitur in duas
partes. Primo reprobat opiniones eorum qui naturaliter locuti sunt. Secundo
reprobat opiniones illorum qui non naturaliter sunt locuti, scilicet
Pythagorae et Platonis, eo quod altiora principia posuerunt quam naturales,
ibi, quicumque vero et cetera. Circa primum duo facit. Primo improbat
opiniones eorum qui posuerunt unam causam materialem. Secundo eorum qui
posuerunt plures, ibi, idem quoque et si quis. Circa primum duo facit. Primo
improbat opiniones praedictas in generali. Secundo in speciali, ibi, et ad
hoc et cetera. Improbat autem in generali triplici ratione. Prima ratio talis
est. Quia in rebus non solum sunt corporea, sed etiam quaedam incorporea, ut
patet ex libro de anima. Sed ipsi non posuerunt principia nisi corporea: quod
ex hoc patet, quia ipsi ponebant, unum omne idest universum esse unum
secundum substantiam, et esse unam naturam quasi materiam, et eam esse
corpoream, et habentem mensuram idest dimensionem: corpus autem non
potest esse causa rei incorporeae; ergo patet quod in hoc deliquerunt
insufficienter rerum principia tradentes. Et non solum in hoc, sed in multis,
ut ex sequentibus rationibus apparet. |
Après avoir relaté
les opinions des philosophes sur les principes, le Philosophe commence ici à
les réfuter. Et il le fait en deux parties : en premier, il réfute
chaque opinion; en deuxième, il résume ce qui a été dit et enchaîne avec ce
qui suit, où il dit : Ainsi donc,
il résulte clairement, etc. (fin de la leçon XVII). La première partie se
divise en deux. En premier, il réfute les opinions de ceux qui ont parlé en
tant que physiciens; en deuxième, il réfute les opinions de ceux qui n’ont
pas parlé comme physiciens, c'est-à-dire Pythagore et Platon, du fait qu’ils
ont affirmé des principes plus élevés que les physiciens, où il dit : Mais ceux qui étendent, etc. (leçon
XIII). Il traite le premier point en deux parties. En premier, il réfute les
opinions de ceux qui ont affirmé une seule cause matérielle; en deuxième, il
réfute ceux qui en ont supposé plusieurs, où il dit : Il y en aurait autant à dire, etc. Il
traite la première partie en deux points. En premier, il réfute ces opinions
en général; en deuxième, il les réfute en particulier, où il dit : et aussi, qu’ils donnent, etc. Il les
réfute en général par trois raisons; voici la première. Les choses n’ont pas
seulement des principes corporels, mais aussi des principes immatériels,
comme on l’a vu dans le traité De
l’Âme. Mais ils n’ont supposé que des principes corporels; cela est
évident du fait qu’ils affirmaient que « le tout unique »,
c'est-à-dire l’univers, était un par sa substance, avait une seule nature en
tant que matière, était corporel et avait une étendue, c'est-à-dire une dimension; or, un corps ne peut pas
être la cause d’une chose immatérielle. Il est donc évident qu’ils étaient en
défaut en traitant insuffisamment des principes des choses. Et ils n’avaient
pas seulement cette lacune, mais beaucoup d’autres, comme on le verra dans
les arguments suivants. |
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[81748] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 2 Deinde cum dicit de generatione hic ponit
secundam rationem quae talis est. Quicumque habet necesse determinare de
motu, oportet quod ponat causam motus: sed praedicti philosophi habebant
necesse tractare de motu: quod ex duobus patet: tum quia ipsi conabantur
dicere causas generationis et corruptionis rerum, quae sine motu non sunt:
tum etiam quia de rebus omnibus naturaliter tractare volebant: naturalis
autem consideratio requirit motum, eo quod natura est principium motus et
quietis, ut patet secundo physicorum: ergo debebant tractare de causa, quae
est principium motus. Et ita cum illam auferrent causam, nihil de ea dicendo,
patet etiam quod in hoc deliquerunt. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Puis, quoiqu’ils
entreprennent, etc., il donne la deuxième raison, que voici. Quiconque a
l’obligation de traiter du mouvement doit établir la cause du mouvement; mais
ces philosophes étaient obligés de traiter du mouvement, ce qui est évident
pour deux raisons : d’une part, ils s’efforçaient de formuler les causes
de la génération et de la corruption des choses, qui ne peuvent pas se
produire sans mouvement; d’autre part, ils voulaient traiter de toutes choses
sous le point de vue de la science naturelle; or, l’étude de cette science
nécessite celle du mouvement, puisque la nature est le principe du mouvement
et du repos, comme il est montré au livre II des Physiques. Ils se devaient donc de traiter de la cause qui est le
principe du mouvement. Et ainsi, puisqu’ils ont supprimé cette cause en n’en
disant rien, il est évident qu’ils sont ainsi en défaut. |
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[81749] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 3 Deinde cum dicit amplius autem hic ponit tertiam
rationem. Quaelibet enim res naturalis habet substantiam, idest formam
partis, et quod quid est, idest quidditatem quae est forma totius.
Formam dicit, inquantum est principium subsistendi: et quod quid est,
inquantum est principium cognoscendi, quia per eam scitur quid est res: sed
praedicti philosophi formam non ponebant esse alicuius causam: ergo
insufficienter de rebus tractabant, in hoc etiam delinquentes, quod causam
formalem praetermittebant. |
Puis lorsqu’il
dit : Ajoutez qu’ils ne font pas, etc.
il donne la troisième raison. Toute chose naturelle, en effet, a une
substance, c'est-à-dire la forme d’une partie, et un ce-que-c’est,
c'est-à-dire la quiddité qui est la forme du tout. Il parle de la forme en tant qu’elle est principe de
subsistance, et du ce-que-c’est en
tant qu’il est principe de connaissance, car c’est par elle qu’on sait ce
qu’est la chose; mais les philosophes en question ne disaient pas que la
forme est cause de quelque chose; ils ont donc traité insuffisamment des
choses, étant également en défaut en laissant de côté la cause formelle. |
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[81750] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 4 Deinde cum dicit nullus enim hic reprobat opiniones
eorum in speciali: et hoc dupliciter. Primo quantum ad hoc quod ponebant
elementa praeter ignem esse principia. Secundo quantum ad hoc quod
praetermittebant terram, ibi, si vero est, quod est generatione et cetera.
Primo ergo resumit eorum positionem, qui videlicet ponebant esse elementum
quodlibet simplicium corporum praeter terram. Et rationem opinionis ostendit,
quia ipsi videbant simplicia corpora ex invicem generari, ita quod quaedam
fiunt ex illis per concretionem sive per inspissationem, sicut grossiora ex
subtilioribus. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : et aussi, qu’ils donnent, etc.,
il réfute leurs opinions en particulier, et ce, de deux façons : en
premier, quant qu fait qu’ils considéraient comme principes d’autres éléments
que le feu; en deuxième, quant au fait qu’ils omettaient la terre, où il
dit : mais si ce qui est
postérieur, etc. En premier, il résume donc leur position : ils
affirmaient en effet que le principe est n’importe lequel des corps simples,
excepté la terre. Et il montre la raison de cette opinion : ils voyaient
en effet que les corps simples s’engendrent les uns des autres, de sorte que
certains proviennent des autres par agrégation ou par condensation, comme les
corps plus grossiers viennent des plus subtils. |
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[81751] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 5 Ostendit etiam modum procedendi contra eorum
opiniones ex eorum rationibus. Ponebant enim hac ratione aliquod istorum esse
principium, quia ex eo generabantur alia concretione vel discretione. Qui duo
modi multum differunt quantum ad prioritatem vel posterioritatem eius ex quo
aliquid generatur. Nam secundum unum modum videtur esse prius id ex quo
generatur aliquid per concretionem. Et hanc rationem primo ponit. Secundum vero
alium modum videtur esse prius illud, ex quo generatur aliquid per
rarefactionem; et ex hoc sumit secundam rationem. |
Il montre également
la manière de raisonner contre ces opinions à partir de leurs propres
arguments. Ils affirmaient en effet que l’un de ces éléments est principe
parce que les autres sont engendrés à partir de lui par agrégation ou par
dissociation. Il y a une grande différence entre ces deux modes quant au fait
que ce dont une chose est engendrée est antérieur ou postérieur. Selon un mode,
en effet, ce dont la chose est engendrée par agrégation semble antérieur; et
il donne cet argument en premier. Selon l’autre mode, ce dont la chose est
engendrée par raréfaction semble antérieur, et il tire son deuxième argument
de cette hypothèse. |
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[81752] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 6 Quod enim illud ex quo generatur aliquid per
concretionem sit primum, hoc attestatur opinioni, quae nunc habetur, quod
illud sit elementum maxime omnium, ex quo alia fiunt per concretionem. Quod quidem patet per rationem, et eorum positiones.
Per rationem quidem: quia id ex quo fiunt alia per concretionem est hoc quod
est subtilissimum inter corpora, minutissimas partes habens. Et hoc esse videtur simplicius. Unde si simplex est
prius composito, videtur quod hoc sit primum. Per eorum vero positiones: quia
quicumque posuerunt ignem esse principium, posuerunt ipsum primum esse
principium, quia est subtilissimum corporum. Similiter autem alii visi sunt
hanc rationem sequi, existimantes tale esse elementum corporum, quod est
subtiles partes habens. Quod ex hoc patet, quod nullus posteriorum prosecutus
est poetas theologos, qui dixerunt terram esse elementum. Et manifestum est
quod hoc renuerunt ponere, propter magnitudinem partialitatis idest
propter grossitiem partium. Constat autem quod quodlibet aliorum trium
elementorum accepit aliquem philosophorum, qui iudicavit ipsum esse
principium. Sed quia non dixerunt terram principium esse, ideo non potest
dici quod hoc non dixerunt, quia esset contra communem opinionem. Nam
multitudo hominum hoc existimabat, quod terra esset substantia omnium. Et
Hesiodus etiam, qui fuit unus de theologicis poetis, dixit quod inter alia
corpora primum facta est terra. Et sic patet quod opinio quod terra esset
principium, fuit antiqua, quia ab ipsis poetis theologicis posita, qui
fuerunt ante naturales philosophos: et publica, quia in eam consenserunt
plures. Unde restat quod hac sola ratione posteriores naturales evitaverunt
ponere terram esse principium, propter grossitiem partium. Sed constat quod
terra habet grossiores partes quam aqua, et aqua quam aer, et aer quam ignis,
et si quid est medium inter ea grossius est quam ignis. Unde patet, sequendo
hanc rationem, quod nullus eorum recte dixit, nisi qui posuit ignem esse principium.
Nam ex quo ratione subtilitatis aliquid ponitur principium, necessarium est
illud poni primum principium quod est omnium subtilissimum. |
L’idée que ce dont
les choses sont engendrées par agrégation est premier confirme l’opinion,
actuellement courante, voulant que l’élément le plus fondamental de toutes
choses soit celui qui constitue les autres par agrégation. Cela est évident
d’après la raison et d’après leurs doctrines. D’après la raison, car ce dont
les autres corps sont formés par agrégation est le plus subtil des corps,
celui qui a les parties les plus infimes; on voit que cet élément est le plus
simple. Alors, si le simple est avant le composé, on voit que cet élément est
premier. On le voit aussi d’après leurs doctrines, car tous ceux qui ont
supposé que le feu était un principe ont affirmé qu’il était le premier
principe, parce qu’il est le plus subtil de tous les corps. Pareillement, les
autres semblent avoir souscrit à cette idée, estimant que l’élément des corps
est celui qui a les parties les plus subtiles. Cela est évident du fait
qu’aucun des philosophes venus plus tard n’a suivi les poètes théologiens,
qui disaient que c’est la terre qui est l’élément. Et il est évident qu’ils
ont rejeté cette idée à cause de la
grandeur de ses parties, c'est-à-dire de la grossièreté de ses parcelles.
On constate cependant que chacun des trois autres éléments a été considéré
comme le principe par certains philosophes. Mais s’ils n’ont pas dit que la
terre est le principe, on ne peut pas dire qu’ils en ont été empêchés par
l’opinion courante; en effet, la multitude des gens pensait que la terre est
la substance de toutes choses. Hésiode également, qui fut l’un des poètes
théologiens, a dit que la terre a été faite en premier parmi les corps. On
voit ainsi que l’opinion voulant que la terre soit le principe était
ancienne, car elle a été affirmée par les poètes théologiens, qui ont vécu
avant les philosophes de la nature; et cette opinion était publique, car le
grand nombre y adhérait. Il reste donc que si les physiciens venus plus tard
ont évité de dire que la terre est le principe, la grossièreté de ses parties
en est l’uniqu raison. Mais il est évident que la terre a des parties plus
grossières que l’eau, et l’eau plus que l’air, et l’air plus que le feu, et
s’il existe un intermédiaire entre ces corps, il est plus grossier que le
feu. Il est donc évident, suivant ce raisonnement, qu’aucun d’eux n’avait
raison, à moins d’affirmer que le principe est le feu. En effet, si un corps
est admis comme principe en raison de sa subtilité, il est nécessaire de
prendre comme premier principe le plus subtil de tous. |
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[81753] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 7 Deinde cum dicit si vero hic ponit aliam rationem, per
quam e converso videtur quod terra sit maxime elementum. Constat enim quod
illud quod est in generatione posterius, est prius secundum naturam; eo quod
natura in finem generationis tendit, sicut in id quod est primum in eius
intentione. Sed quanto aliquid est magis densum et compositum, tanto est
etiam posterius generatione: quia in via generationis ex simplicibus
proceditur ad composita, sicut ex elementis fiunt mixta, et ex mixtis humores
et membra: ergo illud quod est magis compositum et spissum illud est prius
secundum naturam. Et sic sequitur contrarium eius quod prima ratio
concludebat, scilicet quod aqua sit prior aere, et terra prior aqua quasi
primum principium. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : mais si ce qui est
postérieur, etc., il donne l’autre raison, qui semble montrer au
contraire que l’élément primordial est la terre. Il est évident en effet que
ce qui est postérieur dans l’ordre de génération est antérieur par nature, du
fait que la nature tend vers la fin de la génération comme vers ce qui est premier
dans son intention. Mais plus un être est dense et composé, plus il est
postérieur dans l’ordre de génération; en effet, dans le processus de
génération, on va du simple au composé. Ainsi, les éléments font des
mélanges, et les mélanges font des humeurs et des membres; donc, ce qui est
plus composé et plus dense est antérieur par nature. Il s’ensuit donc le
contraire de ce que concluait le premier argument, c'est-à-dire que l’eau est
antérieur à l’air et que la terre, en tant que premier principe, est
antérieure à l’eau. |
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[81754] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 8 Est autem attendendum quod differt quaerere illud
quod est prius in uno et eodem, et illud quod est prius simpliciter. Si enim
quaeratur quid est prius simpliciter, oportet perfectum esse prius
imperfecto, sicut et actum potentia. Nihil
enim reducitur de imperfecto ad perfectum, vel de potentia in actum, nisi per
aliquod perfectum ens actu. Et ideo, si loquamur de primo universi, oportet
ipsum esse perfectissimum. Sed respectu unius particularis, quod procedit de
potentia in actum perfectum, potentia est prius tempore actu, licet posterius
natura. Constat etiam quod primum omnium oportet esse simplicissimum, eo quod
composita dependent a simplici et non e converso. Necessarium ergo erat
antiquis naturalibus quod utrumque attribuerent primo principio totius
universi, scilicet cum summa simplicitate maximam perfectionem. Haec autem
duo non possunt simul attribui alicui principio corporali. Nam in corporibus
generabilibus et corruptibilibus sunt simplicissima imperfecta; ideo
cogebantur quasi rationibus contrariis diversa principia ponere.
Praeeligebant autem rationem simplicitatis, quia non considerabant res nisi
secundum modum, secundum quem aliquid exit de potentia in actum; in cuius
ordine non oportet id quod est principium esse perfectius. Huiusmodi autem
contrarietatis dissolutio haberi non potest, nisi ponendo primum entium
principium incorporeum: quia hoc erit simplicissimum, ut de eo inferius
Aristoteles probabit. |
Il faut cependant
remarquer que ce n’est pas la même chose de chercher ce qui est antérieur
dans une chose en particulier, et de chercher ce qui est antérieur de façon
absolue. Si on cherche en effet ce qui est antérieur de façon absolue, le
parfait est nécessairement antérieur à l’imparfait, comme l’acte est
antérieur à la puissance. Rien en effet n’est amené de l’imparfait au
parfait, ou de la puissance à l’acte, sinon par un être parfait en acte.
C’est pourquoi, si on parle de ce qui est premier dans l’univers, c’est
nécessairement l’être le plus parfait. Mais à l’égard d’un être particulier,
qui procède de la puissance à l’acte parfait, la puissance est antérieure à
l’acte dans le temps, même si elle est postérieure par nature. Il est
également évident que le premier de tous les êtres doit être le plus simple,
puisque les composés dépendent du simple et non l’inverse. Il était donc
nécessaire que les anciens physiciens attribuent l’un et l’autre,
c'est-à-dire la suprême simplicité jointe à la plus grande perfection, au
premier principe de l’univers entier. Mais ces deux caractères ne peuvent pas
être attribués en même temps à un principe corporel; en effet, dans les corps
qui peuvent être engendrés et corrompus, les plus simples sont imparfaits;
ils étaient donc contraints, comme par des raisons contraires, de supposer
divers principes. Mais ils choisissaient de préférence l’aspect de la
simplicité, car ils considéraient les choses seulement sous le mode par
lequel elles passent de la puissance à l’acte, et dans cet ordre, il n’est
pas nécessaire que ce qui est principe soit parfait. Mais cette contradiction
ne peut pas être résolue, à moins que l’on n’affirme que le premier principe
des êtres est immatériel, car ce principe sera alors le plus simple, comme
Aristote le prouvera plus loin. |
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[81755] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 9 Concludit autem in fine quod de positionibus eorum,
qui dixerunt unam causam materialem, ea sufficiant quae ad praesens dicta. |
En dernier, il
conclut que ce qui a été dit jusqu’à maintenant peut suffire au sujet des
doctrines de ceux qui ont affirmé l’existence d’une seule cause matérielle. |
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[81756] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 10 Deinde cum dicit idem quoque hic ponit rationes contra
ponentes plures causas materiales. Et primo contra Empedoclem. Secundo contra
Anaxagoram, ibi, Anaxagoram et cetera. Dicit ergo primo, quod idem accidit
Empedocli qui posuit quatuor corpora esse materiam, quia patiebatur eamdem
difficultatem ex praedicta contrarietate. Nam ex ratione simplicitatis, ignis
videbatur esse maxime principium, alia vero ratione terra, ut dictum est.
Quaedam etiam inconvenientia accidunt Empedocli eadem cum praedictis. Sicut
de hoc quod non posuit causam formalem, et de praedicta contrarietate
simplicitatis et perfectionis in corporalibus, licet contra eum non sit ratio
de ablatione causae moventis. Sed quaedam alia inconvenientia accidunt ei, propria
praeter ea quae accidunt ponentibus unam causam materialem. |
Puis lorsqu’il dit :
Il y en aurait autant à dire, etc.,
il donne ses arguments contre ceux qui admettent plusieurs causes
matérielles : en premier, Empédocle; en deuxième, Anaxagore, où il
dit : Pour Anaxagore, si on pense,
etc. Il dit donc en premier qu’il en va de même pour Empédocle, qui a affirmé
que la matière consistait en quatre corps, parce qu’il se heurtait au même
problème par suite de la contradiction que nous avons vue. En effet, du fait
de sa simplicité, il semblait que le feu était le principe par excellence,
mais la terre l’était sous un autre rapport, comme on l’a dit. Empédocle
tombe dans quelques-unes des mêmes absurdité que les philosophes précédent,
notamment du fait qu’il n’a pas supposé de cause formelle et du fait de
l’opposition mentionnée plus haut entre la simplicité et la perfection dans
les êtres corporels, bien qu’on ne puisse pas lui reprocher d’avoir supprimé
la cause motrice. Mais il tombe dans d’autres absurdités qui lui sont
propres, en plus de celles où tombent ceux qui affirment une seule cause
matérielle. |
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[81757] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 11 Et hoc patet tribus rationibus. Quarum prima talis
est. Quia prima principia non generantur ex invicem, eo quod principia semper
oportet manere, ut dictum est primo physicorum. Sed ad sensum videmus quod
quatuor elementa ex invicem generantur, unde et de eorum generatione in
scientia naturali determinatur. Ergo inconvenienter posuit quatuor elementa
prima rerum principia. |
Et cela est évident
pour trois raisons. Voici la première. Les Les premiers principes ne peuvent
pas être engendrés les uns des autres, car les principes doivent être
immuables, comme on l’a dit au livre I des Physiques. Mais nous voyons par nos sens que les quatre éléments
sont engendrés les uns des autres; c’est pourquoi on traite de leur
génération dans la science de la nature. C’est donc à tort qu’il a pris
quatre éléments comme premiers principes des choses. |
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[81758] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 12 n. 12 Deinde cum dicit et de moventium hic ostendit
secundum inconveniens quod pertinet ad causam moventem. Ponere enim plures
causas moventes et contrarias non omnino dictum est recte, nec omnino
rationabiliter. Si enim causae moventes accipiantur proxime, oportet eas esse
contrarias, cum earum effectus contrarii appareant. Si autem accipiatur prima
causa, tunc oportet esse unum, sicut apparet in duodecimo huius scientiae, et
in octavo physicorum. Cum igitur ipse intendat ponere primas causas moventes,
inconvenienter posuit eas contrarias. |
Puis lorsqu’il
dit : Quant à la cause, etc.,
il montre une deuxième absurdité, qui se rapporte à la cause motrice. En
effet, si on affirme plusieurs causes motrices et contraires, ce n’est pas un
propos tout à fait correct, ni tout à fait raisonnable, car si on prend les
causes motrices les plus prochaines, il faut qu’elles soient contraires,
puisque leurs effets sont visiblement contraires. Mais si on prend la cause
première, alors elle doit être une, comme il est évident au livre XII du
présent traité et au livre VIII des Physiques.
Alors, comme il[16] voulait parler des causes motrices premières, il
était illogique d’affirmer qu’elles étaient contraires. |
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[81759] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 13 Deinde cum dicit et ex toto hic ponit tertiam
rationem quae ducit ad inconveniens, et est talis. In omni alteratione
oportet esse idem subiectum quod patitur contraria. Et hoc ideo, quia ex uno
contrario non fit alterum, ita quod unum contrarium in alterum convertatur,
sicut ex calido non fit frigidum, ita quod ipse calor fiat frigus vel e
converso, licet ex calido fiat frigidum suppositum uno subiecto tantum,
inquantum unum subiectum quod suberat calori, postea subest frigori. Empedocles
vero non posuit unum subiectum contrariis, immo contraria in diversis
subiectis posuit, sicut calidum in igne, et frigidum in aqua. Nec iterum
posuit istis duobus unam naturam subiectam; ergo nullo modo potuit
alterationem ponere. Et hoc est inconveniens quod alteratio totaliter
auferatur. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : En somme, quand on admet,
etc., il donne le troisième argument qui mène à l’absurde, et le voici. Dans
toute altération, il doit y avoir un sujet unique qui subit les contraires.
La raison en est qu’un contraire ne vient pas de l’autre de telle sorte qu’un
contraire se change en l’autre; ainsi, le chaud ne devient pas froid de telle
sorte que la chaleur en tant que telle devienne froidure ou inversement, même
si le chaud devient froid lorsqu’on suppose un sujet unique, en tant qu’un
sujet qui était soumis à la chaleur est ensuite soumis au froid. Mais
Empédocle n’a pas supposé une seule chose sujette unique à des contraires; il
a plutôt mis les contraires dans des sujets divers, comme la chaleur dans le
feu et le froid dans l’eau, et ce, sans donner aux deux une seule nature
comme sujet; il ne pouvait donc admettre en aucune façon l’existence
d’altérations. Et il est inadmissible que les altérations soient totalement
niées. |
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[81760] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 14 Deinde cum dicit Anaxagoram vero hic prosequitur de
opinione Anaxagorae: et circa hoc duo facit. Primo ostendit qualiter opinio
Anaxagorae est suscipienda quasi vera, et quomodo quasi falsa in generali. Secundo
explicat utrumque in speciali, ibi, nam absurdo existente et cetera. Dicit
ergo primo quod si quis vult suscipere opinionem Anaxagorae veram de eo quod
posuit duo principia, scilicet materiam et causam agentem, accipiat eam
secundum rationem quam videtur ipse secutus, quasi quadam necessitate
veritatis coactus, ut sequeretur eos, qui hanc rationem exprimunt. Ipse vero non
articulavit eam, idest non expresse distinxit. Eius ergo opinio est vera
quantum ad hoc quod non expressit, falsa quantum ad hoc quod expressit. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Pour Anaxagore, si on pense,
etc., il discute l’opinion
d’Anaxagore. Il le fait en deux parties. En premier, il montre en général en
quoi l’opinion d’Anaxagore doit être reconnue vraie et comment elle doit être
déclarée fausse. En deuxième, il donne une explication particulière de ces
deux points, où il dit : En effet,
s’il est absurde, etc. Il dit donc en premier que si on veut admettre
comme vraie l’opinion d’Anaxagore
quand il a affirmé deux principes, soit la matière et la cause agente,
il doit l’admettre en raison d’arguments auxquels il semble avoir souscrit,
comme ayant été contraint, par la nécessité de la vérité, à suivre ceux qui
expriment cet argument. Mais lui-même ne l’a pas clairement articulé, c'est-à-dire ne l’a pas distiingué
clairement. Son opinion est donc vraie quant à ce qu’il n’a pas exprimé et
fausse quant à ce qu’il a exprimé. |
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[81761] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 15 Et hoc in speciali patet sic. Quia si totaliter
accipiatur eius opinio secundum quod in superficie apparebat ex eius dictis,
apparebit maior absurditas propter quatuor rationes. Primo, quia hoc ipsum
quod est, omnia in principio mundi fuisse permixta, est absurdum, cum
distinctio partium mundi aestimetur secundum sententiam Aristotelis
sempiterna. Secunda ratio est, quia impermixtum se habet ad permixtum sicut
simplex ad compositum: sed simplicia praeexistunt compositis, et non e
converso: ergo impermixta oportet praeexistere mixtis, cuius contrarium
Anaxagoras dicebat. Tertia ratio est, quia non quodlibet natum est misceri
cuilibet in corporibus; sed illa sola nata sunt adinvicem misceri, quae nata
sunt adinvicem transire per aliquam alterationem, eo quod mixtio est
miscibilium alteratorum unio. Anaxagoras vero ponebat quodlibet esse mixtum
cuilibet. Quarta ratio est, quia eorumdem est permixtio et separatio: non
enim dicuntur misceri nisi illa quae apta nata sunt separata existere: sed
passiones et accidentia sunt permixta substantiis, ut Anaxagoras dicebat: ergo
sequeretur quod passiones et accidentia possent a substantiis separari, quod
est manifeste falsum. Istae igitur absurditates apparent, si consideretur
opinio Anaxagorae superficialiter. |
Et il montre cela en
particulier comme suit. Si on admet entièrement son opinion d’après l’examen
superficiel de ses propos, une absurdité majeure s’ensuit, pour quatre
raisons. Premièrement, parce que l’idée même que tout était mélangé à
l’origine du monde est absurde, puisque selon la doctrine d’Aristote, la
distinction entre les parties du monde était considérée éternelle. La
deuxième raison est que le rapport de l’être sans mélange aux êtres mélangés
est celui du simple au composé; mais c’est le simple qui existe avant le
composé et non l’inverse; donc, les êtres non mélangés doivent exister avant
les mélanges, contrairement à ce que disait Anaxagore. La troisième raison
est que dans les corps, n’importe quoi n’est pas apte à se mélanger à
n’importe quoi, mais les choses qui sont aptes à se mélanger l’une à l’autre
sont seulement celles qui peuvent se transformer l’une dans l’autre par
altération, de sorte que le mélange est l’union des ingrédients altérés. Mais
Anaxagore affirmait que n’importe quoi se mélange à n’importe quoi. La
quatrième raison est que ce sont les mêmes choses qui se mélangent et se
séparent; en effet, on ne dit pas que des choses sont mélangées, à moins
qu’elles ne soient capables d’exister séparément; mais les affections et les
accidents sont intimement mélangés aux substances, disait Anaxagore. Il s’ensuivrait
que les affections et les accidents pourraient être séparées des substances,
ce qui est évidemment faux. Ces absurdités sont donc visibles, si on
considère superficiellement l’opinion d’Anaxagore. |
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[81762] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 12 n. 16 Tamen si quis exequatur articulariter, idest
distincte et manifeste perquirat quod Anaxagoras vult dicere, idest ad
quod eius intellectus tendebat, licet exprimere nesciret, apparebit eius
dictum mirabilius et subtilius praecedentium philosophorum dictis. Et hoc propter duo. Primo, quia magis accessit ad
veram materiae cognitionem. Quod ex hoc patet, quia in illa permixtione rerum
quando nihil erat ab alio discretum, sed omnia erant permixta, de illa
substantia sic permixta, quam ponebat rerum materiam, nihil vere poterat de
ea praedicari, ut patet de coloribus; non enim poterat de ea praedicari
aliquis specialis color, ut diceretur esse alba, vel nigra, vel secundum
aliquem alium colorem colorata; quia secundum hoc oporteret illum colorem non
esse aliis permixtum. Et similiter color
in genere non poterat de ea praedicari, ut diceretur esse colorata; quia de
quocumque praedicatur genus, necesse est aliquam eius speciem praedicari,
sive sit praedicatio univoca sive denominativa. Unde si illa substantia esset colorata, de
necessitate haberet aliquem determinatum colorem, quod est contra praedicta.
Et similis ratio est de humoribus idest saporibus, et de omnibus aliis
huiusmodi. Unde nec ipsa genera prima poterant de ipso praedicari, ut
scilicet esse qualis vel quanta vel aliquid huiusmodi. Si enim genera
praedicarentur, oportet quod aliqua specierum particularium inesset ei; quod
est impossibile, si ponantur omnia esse permixta; quia iam ista species, quae
de illa substantia diceretur, esset ab aliis distincta. Et haec est vera
natura materiae, ut scilicet non habeat actu aliquam formam, sed sit in
potentia ad omnes; quia et ipsum mixtum non habet actu aliquid eorum quae in
eius mixtionem conveniunt, sed potentia tantum. Et propter hanc similitudinem
materiae primae ad mixtum, videtur posuisse mixtionem praedictam, licet
aliqua differentia sit inter potentiam materiae et potentiam mixti. |
Pourtant, si on approfondit, c'est-à-dire si on
développe de façon distincte et manifeste ce qu’Anaxagore veut dire, c'est-à-dire ce que son
intelligence cherchait à atteindre, même s’il ne savait pas comment
l’exprimer, on trouvera que ses propos sont plus étonnants et plus subtils
que ceux des philosophes précédents dont on a parlé, et ce, pour deux
raisons. Premièrement, parce qu’il atteint une connaissance plus vraie de la
matière. Cela est évident parce que, dans ce mélange des êtres lorsqu’aucune
chose ne pouvait être distinguée d’une autre mais que tout était confondu,
mélange qu’il disait être la matière des choses, rien de vrai ne pouvait en
être affirmé, comme on le voit pour les couleurs; on ne pouvait en effet lui
attribuer aucune couleur déterminée en disant que le mélange est blanc, noir ou
d’une autre couleur, car il faudrait ainsi que cette couleur ne soit pas
totalement mélangée aux autres. Pareillement, on ne pouvait même pas lui
attribuer le genre de la couleur en disant qu’il est coloré, car si on
attribue le genre à quoi que ce soit, il faut nécessairement lui en attribuer
l’une des espèces, que l’attribution soit univoque ou dénominative[17]. En conséquence, si cette substance était colorée,
elle aurait nécessairement une couleur déterminée, contrairement à ce que
nous avons dit. Le même raisonnement s’applique aux « humeurs »,
c'est-à-dire aux saveurs, et à
toutes les choses du genre. Il s’ensuit que les premiers genres (qualité,
quantité et ainsi de suite) ne pouvaient pas non plus leur être attribués. En
effet, si les genres étaient attribués, il faudrait que l’une des espèces
particulières soit un attribut du mélange, ce qui est impossible si on
affirme que tout est absolument mélangé, car cette espèce attribuée à la
substance serait déjà distincte des autres. Et telle est la vraie nature de
la matière : elle n’a aucune forme en acte, mais elle est en puissance à
toutes; car ce mélange aussi ne possède en acte aucun des éléments qui sont
venus se mélanger[18], mais il les possède en puissance seulement. Et à cause
de cette ressemblance entre la matière première et le mélange, il semble
avoir admis cette opération de mélange, même s’il existe une différence entre
la puissance de la matière et celle du mélange. En effet, les ingrédients,
même s’ils sont en puissance dans le mélange, n’y sont pas purement en
puissance passive; leur vertu demeure dans le mélange. On peut voir par là
que le mélange possède le mouvement et les opérations de par la vertu de ses
ingrédients; on ne peut pas en dire autant de ce qui est en puissance dans la
matière première. Mais Anaxagore semble abolir cette différence du fait qu’il
n’a pas parlé du mélange spécifique de certaines choses, mais d’un mélange
total de l’univers entier. |
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[81763] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 17 Secundo, subtilius caeteris dixit, quia magis
accessit ad verum cognitionem primi principii agentis. Dixit enim omnia esse
permixta praeter intellectum; et hunc dixit solum esse impermixtum et purum. |
Deuxièmement, il a
parlé de façon plus avisée que les autres, parce qu’il s’est rapproché
davantage de la connaissance du premier principe agent. Il a dit en effet que
tout est absolument mêlé, sauf l’intelligence, et qu’elle seule est pure et
sans mélange. |
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[81764] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 18 Ex quibus patet, quod ipse posuit duo esse
principia, et ipsum intellectum posuit esse unum, secundum quod ipse est
simplex et impermixtus; et alterum principium posuit materiam primam, quam
ponimus sicut indeterminatam, antequam determinetur, et antequam aliquam
speciem participet. Materia
enim, cum sit infinitarum formarum, determinatur per formam, et per eam
consequitur aliquam speciem. |
On voit à partir de
là qu’il a affirmé l’existence de deux principes; il a dit que l’un d’eux est
l’intelligence, en tant qu’elle est simple et sans mélange, et que l’autre
est la matière première, qui, selon nous, est indéterminée avant d’être
déterminée et de participer d’une espèce. En effet, la matière, pouvant
recevoir une infinité de formes, est déterminée par la forme, par laquelle
elle appartient à une espèce. |
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[81765] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 19 Patet igitur quod Anaxagoras secundum illa quae exprimit,
nec dixit recte, nec plene. Tamen videbatur directe dicere aliquid
propinquius opinionibus posteriorum, quae sunt veriores, scilicet opinioni
Platonis et Aristotelis qui recte de materia prima senserunt, quae quidem
opiniones tunc erant magis apparentes. |
Il est donc évident
qu’Anaxagore, de la façon dont il s’est exprimé, n’a pas parlé de façon juste
ni complète. Pourtant, dans ce qu’il a dit directement, il a semblé
s’approcher davantage des opinions de ses successeurs, qui sont plus vraies,
à savoir celles de Platon et d’Aristote, qui ont eu une idée juste de la
matière première; à l’époque, ces opinions étaient plus évidentes. |
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[81766] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 12 n. 20 Ultimo excusat se Aristoteles a perscrutatione
diligentiori harum opinionum, quia sermones dictorum philosophorum sunt
proprii sermonibus naturalibus, ad quos pertinet tractare de generatione et
corruptione. Ipsi enim fere posuerunt principia et causas talis substantiae,
scilicet materialis et corruptibilis. Dicit autem fere, quia de aliis
substantiis non tractabant, quamvis quaedam principia ab eis posita possent
ad alia etiam extendere, ut patet de intellectu maxime. Quia igitur non
posuerunt principia communia omnibus substantiis, quod pertinet ad istam
scientiam, sed principia solum substantiarum corruptibilium, quod pertinet ad
scientiam naturalem; ideo diligens inquisitio de praedictis opinionibus magis
pertinet ad scientiam naturalem quam ad istam. |
En dernier, Aristote
se dispense d’étudier plus à fond leurs opinions, car les propos des
philosophes précédents sont à proprement parler ceux des physiciens, à qui il
appartient de traiter de la génération et de la corruption. Ceux-ci, en
effet, ont parlé à peu près uniquement des principes et des causes de ce genre
de substance, matérielle et corruptible. Il dit à peu près, parce qu’ils ne traitaient pas des autres substances,
bien que certains principes qu’ils affirmaient puissent s’étendre aussi à
d’autres réalités, comme on le voit surtout pour l’intelligence. Alors, comme
ils n’ont pas proposé de principes communs à toutes les substances, ce qui
appartient à la présente science, mais seulement les principes des sciences
corruptibles, ce qui relève de la science de la nature, une étude attentive
de ces opinions appartient davantage à la science de la nature qu’à la
présente science. |
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Lectio 13 |
Leçon 13, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Mais ceux qui étendent leurs recherches à tous les
êtres, et qui admettent d’un côté des êtres sensibles, de l’autre des êtres
qui ne tombent pas sous les sens, ceux-là ont dû naturellement faire l’étude
de l’une et de l’autre de ces deux classes d’êtres ; et c’est pourquoi
il faut s’arrêter davantage sur ces philosophes pour savoir ce qu’ils disent
de bon ou de mauvais qui puisse éclairer nos recherches. Ceux qu’on appelle
pythagoriciens font jouer aux principes et aux éléments un rôle bien plus
étrange que les physiciens ; la raison en est qu’ils ne les ont pas
empruntés aux choses sensibles. Les êtres mathématiques sont sans mouvement,
à l’exception de ceux dont s’occupe l’astronomie ; et cependant les
pythagoriciens ne dissertent et ne font de système que sur la physique. Ils
engendrent le ciel, ils observent ce qui arrive dans toutes ses parties, dans
leurs rapports, dans leurs mouvements, et ils épuisent à cela leurs causes et
leurs principes, comme s’ils convenaient avec les physiciens que l’être est
tout ce qui est sensible, et tout ce qu’embrasse ce qu’or) appelle le ciel.
Or, les causes et les principes qu’ils reconnaissent sont bons pour s’élever,
comme nous l’avons dit, à ce qu’il y a de supérieur dans les êtres, et
conviennent plus à cet objet qu’à l’explication des choses naturelles. Puis, comment
pourra-t-il y avoir du mouvement, si on ne suppose d’autres sujets que le
fini et l’infini, le pair et l’impair ? Ils ne le disent
nullement ; ou comment est-il possible que sans mouvement ni changement,
il y ait génération et corruption, et toutes les révolutions des corps
célestes ? Ensuite, en supposant qu’on leur accorde ou qu’il soit
démontré que de leurs principes on tire l’étendue, comment alors même
rendront-ils compte de la légèreté et de la pesanteur ? Car d’après
leurs principes et leur prétention même, ils ne traitent pas moins des corps
sensibles que des corps mathématiques. Aussi n’ont-ils rien dit de bon sur le
feu, la terre et les autres choses semblables, et cela, parce qu’ils n’ont
rien dit, je pense, qui convienne proprement aux choses sensibles. De plus,
comment faut-il entendre que le nombre et les modifications du nombre sont la
cause des êtres qui existent et qui naissent dans le monde, depuis l’origine
jusqu’à présent, tandis que d’autre part il n’y a aucun autre nombre hors celui
dont le monde est formé ? En effet, lorsque pour eux, l’opinion et le
sens sont dans une certaine partie du ciel, et un peu plus haut ou un peu
plus bas l’injustice et la séparation ou le mélange, attendu, selon eux, que
chacune de ces choses est un nombre, et lorsque déjà dans ce même espace se
trouvent rassemblées une multitude de grandeurs, parce que ces grandeurs sont
attachées chacune à un lieu, alors le nombre qu’il faut regarder comme étant
chacune de ces choses, est-il le même que celui qui est dans le ciel, ou un
autre outre celui-là ? Platon dit que c’est un autre nombre ; et
pourtant lui aussi pense que les choses sensibles et les causes de ces choses
sont des nombres ; mais pour lui les nombres qui sont causes, sont
intelligibles, et les autres sont des nombres sensibles. Laissons maintenant les Pythagoriciens ;
ce que nous en avons dit, suffira. |
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Lectio 13 |
Leçon 13 (Traduction
Georges Comeau, 2010)
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[81767] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 13 n. 1 Hic disputat contra opiniones Pythagorae et
Platonis, qui altera principia posuerunt quam naturalia. Et circa hoc duo facit. Primo ostendit quod
consideratio harum opinionum magis pertinet ad scientiam praesentem, quam
praedictarum. Secundo incipit
contra eas disputare, ibi, ergo qui Pythagorici sunt vocati. Dicit ergo
primo, quod illi qui faciunt theoricam, idest considerationem de
omnibus entibus, et ponunt, quod entium quaedam sunt sensibilia, quaedam
insensibilia, perscrutantur de utroque genere entium. Unde investigare de
opinionibus eorum, qui bene et qui non bene dixerunt, magis pertinet ad
perscrutationem quam proponimus tradere in hac scientia. Nam haec scientia
est de omnibus entibus, non de aliquo particulari genere entis. Et sic illa
quae pertinent ad omnia entis genera, magis sunt hic consideranda quam illa
quae pertinent ad aliquod particulare genus entis et cetera. |
Il argumente
maintenant contre les opinions de Pythagore et de Platon, qui ont affirmé
l’existence d’autres principes que les principes naturels. Il le fait en deux
parties. En premier, il montre que l’étude de ces opinions appartient plus
que les précédentes à la présente science. En deuxième, il commence à
argumenter contre elles, où il dit : Ceux
qu’on appelle pythagoriciens, etc. Il dit donc en premier que ceux qui
font des théories sur tous les êtres, c'est-à-dire qui les étudient, et
affirment que certains sont sensibles et d’autres inaccessibles aux sens,
étendent leurs recherches aux deux genres d’êtres. C’est pourquoi une recherche
sur les opinions de ceux qui ont bien ou mal parlé à ce sujet appartient
davantage à la doctrine que nous nous proposons d’enseigner dans cette
science, car celle-ci porte sur tous les êtres et non sur un genre d’être
particulier. Et ainsi, ce qui concerne tous les genres d’êtres doivent être
étudié ici de préférence à ce qui concerne un genre d’être particulier, etc. |
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[81768] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 13 n. 2 Deinde cum dicit ergo qui hic disputat contra opiniones
praedictorum philosophorum. Et primo contra Pythagoram. Secundo contra
Platonem, ibi, qui vero ideas. Circa primum duo facit. Primo ostendit in quo
Pythagoras conveniebat cum naturalibus, et in quo ab eis differebat. Secundo
disputat contra eius opinionem, ibi, ex quo tamen modo motus et cetera.
Sciendum est ergo, quod Pythagorici in uno conveniebant cum naturalibus, in
alio ab eis differebant. Differebant quidem in positione principiorum; usi
sunt enim principiis rerum extraneo modo a naturalibus. Cuius causa est, quia
principia rerum non acceperunt ex sensibilibus sicut naturales, sed ex
mathematicis, quae sunt sine motu, unde non sunt naturalia. Quod autem
mathematica dicuntur esse sine motu, referendum est ad illas scientias, quae
sunt pure mathematicae, sicut arithmetica et geometria. Astrologia enim
considerat motum, quia astrologia est media scientia inter mathematicam et
naturalem. Principia enim sua astrologia et aliae mediae applicant ad res
naturales, ut patet secundo physicorum. |
Puis lorsqu’il
dit : Ceux qu’on appelle
pythagoriciens, etc., il argumente contre les opinions des philosophes en
question : premièrement contre Pythagore; deuxièmement contre Platon, où
il dit : Quant à ceux qui posent,
etc. (leçon XIV). Il traite le premier point en deux parties. En premier, il
montre en quoi Pythagore s’accordait avec les physiciens et en quoi il était
en désaccord; deuxièmement, il argumente contre son opinion, où il dit :
Puis, comment pourra-t-il, etc. Il
faut donc savoir que les Pythagoriciens étaient d’accord avec les physiciens
sur une chose et en désaccord sur une autre. Ils étaient en désaccord sur les
principes qu’ils affirmaient; leur manière de tirer les principes des choses,
en effet, était étrangère aux physiciens. La raison en est qu’ils ne tiraient
pas les principes des choses à partir du sensible, comme les physiciens, mais
à partir des êtres mathématiques, qui sont sans mouvement; ces principes ne
sont donc pas naturels. Mais quand on dit que les êtres mathématiques sont
sans mouvement, il faut entendre cela des sciences purement mathématiques,
comme l’arithmétique et la géométrie. L’astronomie[19], en effet, étudie le mouvement, car elle est une
science intermédiaire entre les mathématiques et la science de la nature. En
effet, l’astronomie et les autres sciences intermédiaires appliquent leurs
principes aux choses naturelles, comme il est montré au livre II des Physiques. |
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[81769] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 13 n. 3 Conveniebat autem Pythagoras cum naturalibus quantum
ad ea quorum principia quaerebat. Disputabat enim et tractabat de omnibus
naturalibus. Tractabat enim de generatione caeli, et observabat omnia quae
accidunt circa partes caeli, quae dicuntur diversae sphaerae, vel etiam
diversae stellae: et quae accidunt circa passiones vel circa eclipses
luminarium, et quae accidunt circa operationes et circa motus corporum
caelestium, et circa eorum effectus in rebus inferioribus; et singulis
huiusmodi dispensabat causas, adaptando scilicet unicuique propriam causam.
Et videbatur etiam in hoc consentire aliis naturalibus, quod solum sit illud
ens, quod est sensibile, quod comprehenditur a caelo quod videmus. Non enim
ponebat aliquod corpus sensibile infinitum, sicut alii naturales posuerunt.
Nec iterum ponebat plures mundos, sicut posuit Democritus. Ideo autem
videbatur aestimare quod nulla entia essent nisi sensibilia, quia non
assignabat principia et causas nisi talibus substantiis. Nihilominus tamen
causae et principia, quae assignabat, non erant propria et determinata
sensibilibus, sed erant sufficientia ascendere ad superiora entia, idest ad
entia intellectualia. Et erant adhuc magis convenientia quam rationes
naturalium, quae non poterant extendi ultra sensibilia, quia ponebant
principia corporea. Pythagoras vero, quia ponebat principia incorporea,
scilicet numeros, quamvis non poneret principia nisi corporum sensibilium,
ponebat tamen entium intelligibilium, quae non sunt corpora, principia pene,
sicut et Plato posterius fecit. |
Pythagore était donc
en accord avec les physiciens quant aux réalités dont il cherchait les
principes. En effet, il discutait et traitait de toutes les choses
naturelles. Il traitait en effet de la génération du ciel, et il observait
tout ce qui arrive aux parties du ciel, qui sont désignées comme des sphères
diverses, ou même comme diverses étoiles; il traitait aussi de ce qui arrive
pour les phénomènes ou les éclipses des luminaires[20] et de ce qui arrive pour les opérations et les
mouvements des corps célestes et pour leurs effets dans les choses de ce bas
monde; et il attribuait des causes à chacune de ces choses, en précisant leur
cause propre dans chaque cas. Et il semblait s’accorder également avec les
autres physiciens sur l’idée que les seuls êtres sont les êtres sensibles,
qui sont englobés par le ciel que nous voyons. En effet, il n’affirmait pas,
comme le faisaient les autres physiciens, l’existence d’un corps sensible
infini. Il n’affirmait pas non plus l’existence de plusieurs mondes, comme
Démocrite. Il semblait donc penser qu’il n’existe pas d’autres êtres que les
sensibles, parce qu’il attribuait seulement à ces substances des principes et
des causes. Pourtant, les causes et les principes qu’il leur attribuait
n’étaient pas appropriées et spécifiques pour les sensibles, mais elles
étaient suffisantes pour nous élever jusqu’aux êtres supérieurs, c'est-à-dire
les êtres intellectuels, et elles convenaient mieux à cette fin que les
raisonnements des physiciens, qui ne pouvaient pas dépasser le sensible, car
ils ne supposaient que des principes corporels. Par contre, Pythagore, parce
qu’il admettait des principes immatériels, à savoir les nombres, même s’il
attribuait des principes uniquement aux corps sensibles, a presque supposé
des principes pour les êtres intelliglbles qui ne sont pas des corps, comme
Platon l’a fait plus tard. |
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[81770] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 13 n. 4 Deinde cum dicit ex quo tamen hic ponit tres
rationes contra opinionem Pythagorae: quarum prima talis est. Pythagoras non
poterat assignare, quomodo motus adveniat rebus, quia non ponebat principia
nisi finitum et infinitum, par et impar, quae ponebat principia sicut
substantia, sive materialia principia. Sed oportebat eum concedere motum
rebus inesse. Quomodo enim esset possibile sine motu et transmutatione esse
generationem et corruptionem in corporibus, et operationes eorum, quae
geruntur circa caelum, quae per motus quosdam fiunt? Patet quod nullo modo.
Unde cum Pythagoras consideravit de generatione et corruptione, et eis quae
geruntur circa caelum, patet quod insufficienter posuit non assignans aliqua
principia motus. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Puis, comment pourra-t-il,
etc., il donne trois arguments contre l’opinion de Pythagore; voici la
première. Pythagore ne pouvait pas dire comment le mouvement se produisait
dans les choses, parce qu’il n’admettait pas d’autres principes que le fini
et l’infini, le pair et l’impair, qu’il disait être des principes en tant que
substances, ou des principes matériels. Mais il était forcé d’admettre que le
mouvement existe dans les choses. En effet, comment serait-il possible, sans
mouvement ni changement, que la génération et la corruption des corps se
produise, ainsi que les opérations des êtres célestes, qui se font grâce à
certains mouvements? C’est évidemment impossible. Alors, lorsque Pythagore a
réfléchi à la génération et à la corruption, ainsi qu’à ce qui se passe dans
le ciel, il est évident que ses propos étaient insuffisants, car il n’a
attribué aucun principe au mouvement. |
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[81771] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 13 n. 5 Deinde cum dicit amplius autem hic ponit secundam
rationem. Pythagoras enim ponebat ex numeris componi magnitudines. Sed sive hoc
probet, sive concedatur, non poterat ex numeris assignare causam, quare
quaedam sunt gravia, quaedam levia. Quod ex hoc patet, quia rationes
numerorum non magis adaptantur corporibus sensibilibus quam mathematicis quae
sunt non gravia et levia. Unde patet, quod ipsi nihil dixerunt plus de
corporibus sensibilibus, quam de mathematicis. Et sic patet, quod cum corpora
sensibilia, ut ignis et terra et huiusmodi, inquantum talia, addant aliquid
supra mathematica, nihil proprium de istis sensibilibus dixerunt secundum
veram aestimationem. Et sic iterum patet, quod insufficienter posuerunt,
praetermittentes assignare causas eorum, quae sunt propria sensibilibus. |
Puis lorsqu’il
dit : Ensuite, en supposant,
etc., il énonce un deuxième argument. En effet, Pythagore affirmait que les
grandeurs sont composées de nombres. Mais, qu’on prouve cette assertion ou
qu’on l’admette sans preuve, il ne pouvait pas établir à partir des nombres
une cause pour laquelle certains objets sont pesants et d’autres légers. Cela
est évident, car les raisons des nombres ne s’adaptent pas davantage aux
corps sensibles qu’aux êtres mathématiques, qui ne sont pas pesants ou
légers. Il est donc évident que ces philosophes n’ont rien dit de plus des
corps sensibles que des êtres mathématiques. Et ainsi, il est évident que
puisque les corps sensibles, tels que le feu, la terre et ainsi de suite, ont
quelque chose de plus que les êtres mathématiques, ils n’ont rien dit de
conforme à la vérité qui soit propre aux choses sensibles. Ainsi, il est également
évident que leurs propos étaient insuffisants, car ils ont omis d’attribuer
des causes aux réalités qui sont propres aux choses sensibles. |
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[81772] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 13 n. 6 Deinde cum dicit amplius autem hic ostendit tertiam
rationem, quae procedit ex hoc, quod Pythagoras videbatur ponere duo
contraria. Ponebat enim ex una parte, quod numerus et numeri passiones sunt
causa eorum quae sunt in caelo, et omnium generabilium et corruptibilium a
principio mundi: ex alia vero ponebat, quod non erat aliquis alius numerus
praeter istum numerum ex quo constituitur mundi substantia, numerum enim
substantiam rerum posuit. Hoc autem quomodo est accipere, cum idem non sit
causa suiipsius? Nam Pythagoras ex hoc dicit demonstrari, quod unumquodque
horum sensibilium est numerus secundum substantiam suam, quia in hac parte
universi sunt entia contingentia, de quibus est opinio, et quae subsunt
tempori inquantum aliquando sunt et aliquando non sunt. Si autem generabilia
et corruptibilia essent partim supra aut subtus, in ordine universi esset
inordinatio, vel per modum iniustitiae, dum, scilicet, aliqua res sortiretur
nobiliorem locum vel minus nobilem quam sibi debeatur: aut per modum
discretionis, inquantum corpus si poneretur extra locum suum, divideretur a
corporibus similis naturae: vel per modum mixtionis et confusionis, dum
corpus extra suum locum positum oportet permisceri alteri corpori, sicut si
aliqua pars aquae esset in aliquo loco aeris, vel in loco terrae. Et videtur in hoc tangere duplicem convenientiam
corporis naturalis ad suum locum. Unam ex ordine situs, secundum quod
nobiliora corpora sortiuntur altiorem locum, in quo videtur quaedam iustitia.
Aliam autem ex similitudine vel dissimilitudine corporum locatorum adinvicem,
cui contrariatur discretio et permixtio. Quia
igitur res secundum quod determinatum situm habent, in universo convenienter
se habent, quia situs in modico mutaretur sequeretur inconveniens, ut dictum
et manifestum est, quod omnes partes universi sunt ordinatae secundum
determinatam proportionem; omnis enim determinata proportio est secundum
numeros. Unde ostendebat
Pythagoras, quod omnia entia essent numerus. Sed ex alia parte videmus quod
magnitudines constitutae in diversis locis sunt plures et diversae, quia
singula loca universi consequuntur propriae passiones, quibus corpora
diversificantur. Nam aliae sunt passiones corporis existentis sursum et
deorsum. Cum igitur Pythagoras ratione praedicta dicat omnia sensibilia
numerum, et videamus accidere diversitatem in sensibilibus secundum diversa
loca, utrum sit idem et unus numerus tantum, qui est, in caelo, idest
in toto corpore sensibili quod in caelo includatur, de quo oportet accipere
quod est substantia uniuscuiusque sensibilis? Aut praeter hunc numerum qui
est substantia rerum sensibilium, est alius numerus qui est eorum causa?
Plato autem dixit alium numerum, qui est substantia sensibilium, et qui est
causa. Et quia ipse Plato existimavit sicut Pythagoras, numeros esse ipsa
corpora sensibilia et causas eorum, sed numeros intellectuales aestimavit
causas insensibilium, numeros vero sensibiles causas esse et formas
sensibilium. Quid quia Pythagoras non fecit, insufficienter posuit. |
Puis lorsqu’il
dit : De plus, comment faut-il,
etc., il présente le troisième argument, qui provient du fait que Pythagore
semblait faire deux affirmations contraires. D’une part, il affirmait en
effet que le nombre et les affections du nombre sont la cause de ce qui est
dans le ciel, et aussi de tous les êtres susceptibles d’être engendrés et
corrompus depuis l’origine du monde; mais il affirmait d’autre part qu’il
n’existait aucun autre nombre que celui qui constitue la substance du monde,
car il affirmait que le nombre est la substance des choses. Mais comment
comprendre cette idée, alors qu’une chose ne peut pas être sa propre cause?
Car Pythagore dit que cette assertion est démontrée par le fait que chacun de
ces sensibles est un nombre de par sa substance, car notre partie de
l’univers est celle des êtres contingents, objets d’opinion, qui sont soumis
au temps du fait que tantôt ils existent, et tantôt ils n’existent pas. Mais
si les êtres susceptibles de génération et de corruption étaient
partiellement en haut et en bas, cela causerait du désordre dans l’ordre de
l’univers, soit sous forme d’injustice, du fait qu’une chose se retrouverait
dans un lieu plus noble ou moins noble que celui qui lui est dû, soit sous
forme de séparation (car si un corps est placé hors de son lieu, il est mis à
part des autres corps de même nature), soit sous forme de mélange et de
confusion, du fait qu’un corps placé hors de son lieu se mélange forcément à
un autre corps, comme si une partie d’eau se trouvait dans un lieu aérien ou
dans un lieu terrestre. Et ainsi, il semble faire allusion à deux rapports
d’harmonie entre le corps naturel et son lieu : l’un est l’ordre de
position, selon lequel les corps plus nobles sont logés dans un lieu plus
haut, ce qui exprime une certaine justice; l’autre est la ressemblance ou la
dissemblance entre des corps voisins, qui ont pour contraires la dissociation
et le mélange. Alors, puisque les choses sont comme il se doit dans l’univers
en tant qu’elles ont une position déterminée, car si la position était
légèrement modifiée, ce ne serait pas convenable, puisqu’il a été dit et
démontré que toutes les parties de l’univers sont mises en ordre selon une
proportion déterminée; en effet, toute proportion déterminée est établie par
les nombres. Pythagore démontrait par là que tous les êtres sont un nombre.
Mais d’un autre côté, nous voyons que les grandeurs établies en divers lieux
sont multiples et diverses, car chaque lieu de l’univers et sujette à ses
propres affections, par lesquels les corps se diversifient. En effet, les
affections des corps qui sont en haut ou en bas diffèrent. Puisque Pythagore
dit donc, pour la raison qui précède, que tous les sensibles sont un nombre,
et puisque nous constatons une diversité dans les sensibles selon leurs
divers lieux, est-ce donc le même nombre qui est dans le ciel, c'est-à-dire dans la totalité du corps sensible
inclus dans le ciel, nombre qui doit être admis comme étant la substance de
chaque sensible? Ou bien, en plus du nombre qui est la substance des choses
sensibles, existe-t-il un autre nombre qui en est la cause? Mais Platon a dit
que le nombre qui est la substance des choses sensibles diffère de celui qui
en est la cause. Et il a pensé, comme Pythagore, que les nombres étaient les
corps sensibles eux-mêmes ainsi que leurs causes, mais il a estimé que des
nombres intellectuels étaient la cause des êtres inaccessibles aux sens,
alors que les nombres sensibles étaient la cause et la forme des êtres
sensibles. Pythagore n’en ayant pas dit autant, ses propos sont insuffisants. |
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[81773] Sententia Metaphysicae, lib. 1 l. 13
n. 7 Concludit autem in
fine quod ista sufficiant de Pythagoricis opinionibus, nam eas tetigisse
sufficit. |
Pour terminer, il conclut
que cela suffit au sujet des opinions des Pythagoriciens, car il en a traité
suffisamment. |
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Lectio 14 |
Leçon 14, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Quant à ceux qui posent pour principes les idées,
d’abord, en cherchant à saisir les principes des êtres que nous voyons, ils
en ont introduit d’autres en nombre égal à celui des premiers, comme si
quelqu’un voulant compter des objets, et ne pouvant le faire, alors même
qu’ils sont en assez petit nombre, s’avisait de les multiplier pour les
compter. Les idées sont presque en aussi grand nombre que les choses pour
l’explication desquelles on a eu recours aux idées. Chaque chose individuelle
se trouve avoir un homonyme, non seulement les existences individuelles, mais
toutes celles où l’unité est dans la pluralité, et cela pour les choses de ce
monde et pour les choses éternelles. En second lieu, de tous les arguments
dont on se sert pour établir l’existence des idées, aucun ne la
démontre : la conclusion qu’on tire des uns n’est pas rigoureuse, et
d’après les autres, il y aurait des idées là même où les Platoniciens n’en
admettent pas. Ainsi d’après les considérations puisées dans la nature de la
science, il y aura des idées de toutes les choses dont il y a science ;
et d’après l’argument qui se tire de l’unité impliquée dans toute pluralité,
il y aura des idées des négations mêmes ; et par ce motif qu’on pense
aux choses qui ont péri, il y en aura des choses qui ne sont plus : car
nous nous en formons quelque image. En outre, on est conduit, en raisonnant
rigoureusement, à supposer des idées pour le relatif dont on ne prétend
pourtant pas qu’il forme par lui-même un genre à part, ou bien à l’hypothèse
du troisième homme. Enfin, les raisonnements qu’on fait sur les idées
renversent ce que les partisans des idées ont plus à cœur que l’existence
même des idées : car il arrive que ce n’est plus la dyade qui est avant
le nombre, mais le nombre qui est avant la dyade, que le relatif est
antérieur à l’absolu, et toutes les conséquences en contradiction avec leurs
propres principes, auxquelles ont été poussés certains partisans de la
doctrine des idées. De plus, dans l’hypothèse sur laquelle on établit
l’existence des idées, il y aura des idées non seulement pour les substances,
mais aussi pour beaucoup d’autres choses : car ce ne sont pas les
substances seules, mais les autres choses aussi que nous concevons sous la
raison de l’unité, et toutes les sciences ne portent pas seulement sur
l’essence, mais sur d’autres choses encore ; et il y a mille autres
difficultés de ce genre. Mais de toute nécessité, ainsi que d’après les
opinions établies sur les idées, si les idées sont quelque chose dont
participent les êtres, il ne peut y avoir d’idées que des essences : car
ce n’est pas par l’accident qu’il peut y avoir participation des idées ;
c’est par son côté substantiel que chaque chose doit participer d’elles. Par
exemple si une chose participe du double en soi, elle participe de
l’éternité, mais selon l’accident : car ce n’est que par accident que le
double est éternel ; en sorte que les idées seront l’essence, et que
dans le monde sensible et au-dessus elles désigneront l’essence ; ou
sinon, que signifiera-t-il de dire qu’il doit y avoir quelque chose de plus
que les choses particulières, à savoir, l’unité dans la pluralité ? Si
les idées et les choses qui en participent, sont du même genre, il y aura
entre elles quelque chose de commun : car pourquoi y aurait-il dans les
dualités périssables et les dualités multiples, mais éternelles, une dualité
une et identique, plutôt que dans la dualité idéale et dans telle ou telle
dualité déterminée ? Si, au contraire, elles ne sont pas du même genre,
il n’y aura entre elles que le nom de commun, et ce sera comme si on donnait
le nom d’homme à Callias et à un morceau de bois, sans avoir vu entre eux
aucun rapport. |
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Lectio 14 |
Leçon 14 (Traduction
Georges Comeau, 2010)
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[81774] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 1 Hic disputat contra opinionem Platonis: et dividitur
in duas partes. Primo disputat contra eius opinionem, quantum ad hoc quod
ponebat de rerum substantiis. Secundo quantum ad hoc quod de rerum
principiis, ibi, omnino autem sapientia. Prima dividitur in duas partes.
Primo enim disputat contra hoc quod ponebat substantias species. Secundo
quantum ad hoc quod ponebat de mathematicis, ibi, amplius si sunt numeri.
Circa primum duo facit. Primo enim disputat contra ipsam positionem Platonis.
Secundo contra rationem ipsius, ibi, amplius autem secundum quos et cetera.
Dicit ergo primo, quod Platonici ponentes ideas esse quasdam substantias
separatas, in hoc videntur deliquisse, quia cum ipsi quaerentes causas horum
sensibilium entium, praetermissis sensibilibus, adinvenerunt quaedam alia
nova entia aequalia numeris sensibilibus. Et hoc videtur inconveniens: quia
qui quaerit causas aliquarum rerum, debet ipsas certificare, non alias res
addere, ex quarum positione accrescat necessitas inquisitionis: hoc enim
simile est ac si aliquis vellet numerare res aliquas, quas non putet se posse
numerare sicut pauciores, sed vult eas numerare multiplicando eas per
additionem aliquarum rerum. Constat enim quod talis stulte movetur, quia in
paucioribus est via magis plana, quia melius et facilius certificantur pauca
quam multa. Et numerus tanto est certior quanto est minor, sicut propinquior
unitati, quae est mensura certissima. Sicut autem numeratio est quaedam rerum
certificatio quantum ad numerum, ita inquisitio de causis rerum est quaedam
certa mensura ad certificationem naturae rerum. Unde sicut numeratae
pauciores res facilius certificantur quantum ad earum numerum, ita pauciores
res facilius certificantur quantum ad earum naturam. Unde cum Plato ad
notificandum res sensibiles tantum, multiplicaverit rerum genera, adiunxit
difficultates, accipiens quod est difficilius ad manifestationem facilioris,
quod est inconveniens. |
Il argumente
maintenant contre l’opinion de Platon; et il le fait en deux parties. Il
argumente contre son opinion, en premier quant à ce qu’il affirmait des
substances des choses; en deuxième, quant à ce qu’il affirmait des principes
des choses, où il dit : Enfin,
quand il appartient, etc. (leçon XVII). La première partie se divise en
deux : en effet, il argumente en premier contre l’affirmation que les
substances sont des espèces; en deuxième, contre ce qu’il affirmait des êtres
mathématiques, où il dit : Maintenant,
si les idées sont, etc. (leçon XVI). Il traite le premier point en deux
sections : en premier, il argumente en effet contre la position de
Platon comme telle; en deuxième, il s’oppose à ses raisons, où il dit : En second lieu, de tous les arguments,
etc. Il dit donc d’abord que les Platoniciens, en affirmant que les idées
étaient des substances séparées, semblent avoir été en défaut du fait que, en
cherchant les causes de ces êtres sensibles, ils ont trouvé, en faisant
abstraction des sensibles, de nouveaux êtres égaux en nombre aux sensibles.
Et cela semble absurde; car celui qui cherche les causes de certains êtres
doit obtenir une certitude sur ceux-ci, et non y ajouter d’autres êtres, dont
l’addition augmente le fardeau de la recherche; en effet, c’est comme si on
voulait compter des choses, mais, se croyant incapable de les compter du fait
de leur petit nombre, on voulait les compter en les multipliant par l’ajout
d’autres êtres. Il est évident en effet que c’est un moyen stupide, car on
trouve plus facilement sa voie en peu de choses qu’en beaucoup, car la
certitude est plus solide et plus facile en peu de choses qu’en beaucoup. De
même, un nombre est d’autant plus certain qu’il est plus petit, et donc plus
proche de l’unité, qui est la mesure la plus certaine. De même donc que le
dénombrement est l’acquisition d’une certitude sur le nombre des choses, de
même la recherche des causes des êtres est une mesure certaine permettant de
s’assurer de leur nature. C’est pourquoi, quand les choses dénombrées sont
moins nombreuses, de même qu’il est plus facile de s’assurer de leur nombre,
il est également plus facile de s’assurer de leur nature. Alors, lorsque
Platon, pour faire connaître uniquement les choses sensibles, a multiplié les
genres de choses, il a ajouté aux difficultés, en prenant ce qui est plus
difficile pour rendre évident le plus facile, ce qui est absurde. |
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[81775] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 2 Et quod ideae sint aequales numero, aut non
pauciores sensibilibus, de quibus Platonici inquirunt causas (quibus Aristoteles
se connumerat, quia Platonis discipulus fuit) et determinaverunt procedentes
de his sensibilibus ad praedictas species, manifestum est si consideretur,
qua ratione Platonici ideas induxerunt: hac, scilicet, quia videbant in
omnibus univocis unum esse in multis. Unde id unum ponebant esse speciem
separatam. Videmus tamen, quod circa omnes substantias rerum aliarum ab ideis
invenitur unum in multis per modum univocae praedicationis, inquantum
inveniuntur multa unius speciei et hoc non solum in sensibilibus
corruptibilibus, sed etiam in mathematicis, quae sunt sempiterna: quia et in
eis multa sunt unius speciei, ut supra dictum est. Unde relinquitur quod
omnibus speciebus rerum sensibilium respondeat aliqua idea. Quaelibet igitur
earum est quoddam aequivocum cum istis sensibilibus, quia communicat in
nomine cum eis. Sicut enim Socrates dicitur homo, ita et illa. Tamen
differunt ratione. Ratio enim Socratis est cum materia. Ratio vero hominis
idealis est sine materia. Vel secundum aliam literam, unaquaeque species
dicitur esse aliquid univocum, inquantum scilicet est unum in multis, et
convenit cum illis de quibus praedicatur, quantum ad rationem speciei. Ideo
autem dicit aequales, aut non pauciores, quia ideae vel ponuntur solum
specierum, et sic erunt aequales numero istis sensibilibus, si numerentur hic
sensibilia secundum diversas species, et non secundum diversa individua quae
sunt infinita. Vel ponuntur ideae non solum specierum, sed etiam generum; et
sic sunt plures ideae quam species sensibilium, quia ideae tunc erunt species
omnes, et praeter haec omnia et singula genera. Et propter hoc dicit aut non
pauciores quidem, sed plures. Vel aliter, ut dicantur esse aequales,
inquantum ponebat eas esse sensibilium; non pauciores autem sed plures, inquantum
ponebat eas non solum species sensibilium, sed etiam mathematicorum. |
Et il est évident
que le nombre des idées est égal ou supérieur à celui des sensibles, dont les
Platoniciens recherchent les causes (et Aristote se compte parmi eux, car il
fut disciple de Platon), et que ceux-ci ont procédé à partir de ces sensibles
et vers ces espèces, si on considère la raison pour laquelle les Platoniciens
ont introduit les idées, à savoir qu’il voyaient tout concept univoque se
réaliser de façon identique en beaucoup d’objets. Ils affirmaient donc que ce
concept unique est une espèce séparée. Nous voyons pourtant que pour toutes
les substances de réalités autres que les idées, on trouve une identité en
beaucoup de choses par mode d’attribution univoque, en ce sens qu’on trouve
beaucoup de choses d’une seule espèce, et ce, non seulement dans les
sensibles corruptibles, mais aussi dans les êtres mathématiques, qui sont
perpétuels; car eux aussi ont beaucoup de choses dans une même espèce, comme
on l’a dit. Il reste donc que toutes les espèces de choses sensibles ont une
idée correspondante. Or, chacune de ces idées est l’homonyme de ces
sensibles, car elle a le même nom en commun. En effet, de même que Socrate
est appelé homme, l’idée l’est aussi; mais ils diffèrent en raison. En effet,
la notion de Socrate inclut la matière, mais la notion de l’idée de l’homme
est sans matière. Ou encore, selon une autre version du texte, on dit que
chaque espèce est une réalité univoque, en tant qu’elle est la même dans
beaucoup de choses et concorde sous sa raison d’espèce avec les choses
auxquelles on l’attribue. C’est pourquoi il dit que les idées sont égales, ou
pas moins nombreuses, car ou bien les seules idées sont celles des espèces,
et alors leur nombre est égal à celui des sensibles, si ceux-ci sont
dénombrés selon leurs diverses espèces et selon les divers individus, dont le
nombre est indéfini[21]; ou bien on affirme qu’il y a des idées non
seulement des espèces, mais aussi des genres, et alors il y a plus d’idées
que d’espèces de sensibles, car alors on a des idées de toutes les espèces,
et en plus, des idées de chacun des genres. C’est pourquoi il dit « ou
pas moins nombreuses », c'est-à-dire plus nombreuses. Une autre façon de
voir est qu’on les dit en nombre égal, du fait qu’il disait que ce sont les
idées des sensibles, ou qu’elles ne sont pas moins nombreuses mais plus
nombreuses, du fait qu’il disait que ce ne sont pas seulement les espèces des
sensibles, mais aussi celles des êtres mathématiques. |
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[81776] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 3 Deinde cum dicit amplius autem hic disputat contra
Platonem quantum ad rationem suae positionis. Et circa hoc duo facit. Primo
tangit modos in generali, quibus rationes Platonis deficiebant. Secundo
exponit illos in speciali, ibi, quia secundum rationes scientiarum. Dicit
ergo primo, quod secundum nullum illorum modorum videntur species esse,
secundum quos nos Platonici ostendimus species esse. Et hoc ideo quia ex
quibusdam illorum modorum non necessarium est fieri syllogismum, idest
quasdam rationes Platonis, quia scilicet non de necessitate possunt
syllogizare species esse: ex quibusdam vero modis fit syllogismus, sed non ad
propositum Platonis: quia per quasdam suas rationes ostenditur, quod species
separatae sunt quarumdam rerum, quarum esse species Platonici non putaverunt
similiter, sicut et illarum quarum putaverunt, esse species. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : En second lieu, de tous,
etc., il argumente contre Platon quant à la raison de sa position. Et il le
fait en deux points : en premier, il aborde en général les défauts des
raisonnements de Platon; en deuxième, il les explique en particulier, où il
dit : Ainsi d’après les
considérations, etc. Il dit donc en premier qu’il ne semble exister des
espèces selon aucun des modes selon lesquels nous, les Platoniciens, montrons
qu’elles existent. La raison en est que de certains de ces modes, on ne peut
pas tirer de façon nécessaire un syllogisme, c'est-à-dire certains
arguments de Platon, car ils ne peuvent pas démontrer nécessairement par
syllogisme[22] l’existence des espèces; on peut faire des
syllogismes pour certaines manières, mais pas pour ce que Platon veut
démontrer. Certains arguments de Platon permettent en effet de montrer qu’il
existe des espèces séparées de certaines choses qui, selon les Platoniciens,
n’admettaient pas d’espèces comme les choses pour lesquelles ils croyaient à
l’existence d’espèces. |
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[81777] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 4 Deinde cum dicit quia secundum hic prosequitur istos
modos in speciali. Et primo prosequitur secundum, ostendendo quod sequitur
per rationem Platonis species esse aliquorum, quorum species non ponebat.
Secundo prosequitur primum, ostendens quod rationes Platonis non sunt
sufficientes ad ostendendum esse ideas, ibi, omnium autem dubitabit aliquis
et cetera. Circa primum ponit septem rationes: quarum prima talis est. Una
rationum inducentium Platonem ad ponendum ideas sumebatur ex parte scientiae:
quia videlicet scientia cum sit de necessariis, non potest esse de his
sensibilibus, quae sunt corruptibilia, sed oportet quod sit de entibus
separatis incorruptibilibus. Secundum igitur hanc rationem ex scientiis
sumptam, sequitur quod species sint omnium quorumcumque sunt scientiae.
Scientiae autem non solum sunt de hoc quod est esse unum in multis, quod est
per affirmationem, sed etiam de negationibus: quia sicut sunt aliquae
demonstrationes concludentes affirmativam propositionem, ita sunt etiam
demonstrationes concludentes negativam propositionem: ergo oportet etiam
negationum ponere ideas. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Ainsi, d’après les
considérations, etc., il traite de ces défauts en particulier. Et en
premier, il traite du deuxième, en montrant qu’il s’ensuit du raisonnement de
Platon que certaines choses auxquelles il n’attribuait pas d’espèces en ont
en réalité. En deuxième, il traite du premier défaut, en montrant que les
raisons de Platon ne sont pas suffisantes pour montrer l’existence des idées,
où il dit : La plus grande
difficulté, etc. (leçon XV). Quant au premier point, il donne sept
raisons; voici la première. L’une des raisons qui ont amené Platon à affirmer
l’existence des idées tenait à la science : en effet, puisque la science
porte sur ce qui est nécessaire, elle ne peut pas traiter des sensibles, qui
sont corruptibles, mais elle doit nécessairement avoir pour sujet les êtres
séparés incorruptibles. Il s’ensuit donc de cet argument tiré des sciences
qu’il existe des espèces de tout ce qui est objet de science. Mais il y a
science non seulement de ce qui est un en plusieurs, ce qui a lieu par
affirmation, mais aussi des négations, car, de même qu’il existe des
démonstrations dont la conclusion est une proposition affirmative, il en
existe aussi dont la conclusion est une proposition négative; il faut donc
affirmer que les idées des négations existent aussi. |
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[81778] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 5 Deinde cum dicit et secundum hic ponit secundam
rationem. In scientiis enim non solum intelligitur quod quaedam semper se eodem
modo habent, sed etiam quod quaedam corrumpuntur; aliter tolleretur scientia
naturalis, quae circa motum versatur. Si igitur oportet esse ideas omnium
illorum quae in scientiis intelliguntur, oportet esse ideas corruptibilium
inquantum corruptibilia, hoc est inquantum sunt haec sensibilia singularia;
sic enim sunt corruptibilia. Non autem potest dici secundum rationem
Platonis, quod scientiae illae, quibus intelligimus corruptiones rerum,
intelligantur corruptiones horum sensibilium; quia horum sensibilium non est
intellectus, sed imaginatio vel phantasia, quae est motus factus a sensu
secundum actum, secundum quod dicitur in secundo de anima. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : et par ce motif qu’on pense,
etc., il présente le deuxième argument. Dans les sciences, en effet, on ne
comprend pas seulement que certaines choses se présentent toujours de la même
façon, mais aussi que certaines se corrompent; sinon, la science de la
nature, qui porte sur le mouvement, serait abolie. Si donc il doit y avoir
des idées de toutes les choses que l’on comprend dans les sciences, il doit y
avoir des idées des êtres corruptibles en tant que corruptibles, c'est-à-dire
en tant qu’ils sont des choses sensibles bien spécifiques, car tels sont les
êtres corruptibles. Mais selon le raisonnement de Platon, on ne peut pas dire
que les sciences par lesquelles nous comprenons la corruption des choses
comprennent la corruption des sensibles individuels, car ceux-ci ne sont pas
objets de l’intelligence, mais de l’imagination ou du fantasme, qui sont des
mouvements provenant des sens en tant qu’ils sont en acte, comme il est dit
au livre II De l’Âme. |
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[81779] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 6 Deinde cum dicit amplius autem hic ponit tertiam rationem,
quae continet duas conclusiones, quas certissimis rationibus dicit concludi.
Una est, quia si ideae sunt omnium, quorum sunt scientiae, scientiae autem
non solum sunt de absolutis, sed etiam sunt de his quae dicuntur ad aliquid,
sequitur hac ratione faciente quod ideae sunt etiam eorum quae sunt ad
aliquid: quod est contra opinionem Platonis; quia cum ideae separatae sint
secundum se existentes, quod est contra rationem eius quod est ad aliquid,
non ponebat Plato eorum quae sunt ad aliquid, aliquod esse genus idearum,
quia secundum se dicuntur. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : En outre, on est conduit, etc.,
il donne le troisième argument, qui comporte deux conclusions, qu’il dit être
tirées à partir de raisons très certaines. L’une est que s’il y a des idées
de tout ce qui est objet de science, et qu’il y a science non seulement des
absolus, mais aussi des choses qu’on appelle relatives, il s’ensuit, quand on
formule cet argument, qu’il existe également des idées des choses relatives;
cela est contraire à l’opinion de Platon, car puisque les idées séparées
existent en elles-mêmes, ce qui est contraire à la notion du relatif, Platon
n’affirmait pas l’existence d’un genre d’idées pour ce qui est relatif, car
il disait que les idées existent en soi. |
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[81780] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 7 Alia conclusio est quae ex aliis rationibus
certissimis sequitur, quod scilicet sit tertius homo. Quod quidem tripliciter
potest intelligi. Uno modo quod intelligatur, quod homo idealis sit tertius a
duobus hominibus sensibilibus, qui communis hominis praedicationem
suscipiunt. Sed haec non videtur eius esse intentio, licet non tangatur
secundo elenchorum: haec enim est positio contra quam disputat: unde ad hoc
non duceret quasi ad inconveniens. |
Il y a une autre
conclusion qui s’ensuit d’autres raisons très certaines : c’est qu’il y
a un troisième homme[23]. Cette idée peut se comprendre de trois façons. La
première est que l’homme idéal viendrait en troisième après deux hommes
sensibles qui reçoivent l’attribut commun d’homme. Mais cela ne semble pas
être l’intention d’Aristote, même s’il n’en fait pas mention au livre II des Réfutations sophistiques; c’est en
effet l’affirmation contre laquelle il argumente, et il ne nous y amènerait
pas comme à une conclusion absurde. |
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[81781] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 8 Alio modo potest intelligi, ut dicatur tertius homo,
scilicet qui sit communis et homini ideali et homini sensibili. Cum enim homo
sensibilis et homo idealis conveniant in ratione, sicut duo homines
sensibiles, et sicut homo idealis ponitur tertius praeter duos homines
sensibiles, ita alius homo debet poni tertius praeter hominem idealem et
hominem sensibilem. Et hoc etiam non videtur hic esse eius intentio, quia ad
hoc inconveniens statim alia ratione ducet: unde esset superfluum hic ad idem
inconveniens ducere. |
D’une autre façon,
on peut comprendre le troisième homme comme ce qui est commun à l’homme idéal
et à l’homme sensible. En effet, puisque l’homme sensible et l’homme idéal ont
une notion commune, aussi bien que deux hommes sensibles, et de même que
l’homme idéal est mis en troisième en plus de deux hommes sensibles, de même
il faut supposer un autre homme en troisième en plus de l’homme idéal et de
l’homme sensible. Et cela non plus ne semble pas être l’intention d’Aristote
ici, car il nous amène immédiatement à cette absurdité par une autre raison;
il serait donc superflu ici de conduire à cette même absurdité. |
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[81782] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 9 Tertio modo potest intelligi, quia Plato ponebat in
quibusdam generibus tria, quaedam scilicet sensibilia, mathematica et
species, sicut in numeris et lineis et omnibus huiusmodi. Non est autem maior
ratio quare in quibusdam rebus ponantur media quam in aliis; ergo oportebat
etiam in specie hominis ponere hominem medium, qui erit tertius inter hominem
sensibilem et idealem: et hanc etiam rationem in posterioribus libris
Aristoteles ponit. |
La troisième façon
de comprendre cette expression est que Platon mettait trois choses dans
certains genres : des sensibles, des êtres mathématiques et une espèce;
c’était le cas pour les nombres, les lignes et toutes les choses du genre.
Mais il n’y a pas plus de raisons de supposer des intermédiaires dans
certaines choses que dans d’autres; dans l’espèce de l’homme aussi, il
fallait donc supposer un homme intermédiaire, qui soit troisième entre
l’homme sensible et l’homme idéal; et Aristote donnera également cet argument
dans les livres suivants. |
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[81783] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 10 Deinde cum dicit et omnino hic ponit quartam
rationem quae talis est. Quicumque per suam rationem removet aliqua, quae
sunt apud eum magis nota quam ipsa positio, inconvenienter ponit. Sed istae
rationes, quas Plato posuit, de speciebus separatis, auferunt quaedam
principia, quae Platonici dicentes esse species magis volunt esse vera quam
hoc ipsum quod est, ideas esse: ergo Plato inconvenienter posuit. Minorem
autem sic manifestat. Ideae secundum Platonem sunt priores rebus sensibilibus
et mathematicis: sed ipsae ideae sunt numeri secundum eum, et magis numeri
impares quam pares, quia numerum imparem attribuebat formae, parem autem
materiae. Unde et dualitatem dixit esse materiam. Sequitur ergo quod alii numeri
sunt priores dualitate, quam ponebat sicut materiam sensibilium, ponens
magnum et parvum. Cuius contrarium
Platonici maxime asserebant, scilicet dualitatem esse primam in genere
numeri. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Enfin, les raisonnements, etc.,
il énonce la quatrième raison, que voici. Quiconque écarte, par ses
arguments, des principes qui sont plus connus pour lui que ce qu’il avance,
argumente mal à propos. Mais les raisons que Platon a avancées au sujet des
espèces séparées abolissent certains principes que les Platoniciens qui
affirment l’existence des espèces considèrent comme des vérités plus
importantes que l’existence des idées; Platon a donc argumenté mal à propos.
Il démontre la mineure comme suit. Selon Platon, les idées sont antérieures
aux êtres sensibles et mathématiques; mais selon lui, elles sont des nombres,
lesquels sont pairs davantage qu’impairs, car il attribuait le nombre impair
à la forme et le nombre pair à la matière. Il disait donc que la matière est
le nombre 2. Il s’ensuit donc que les autres nombres sont antérieurs au
nombre 2, qu’il prenait comme matière des choses sensibles, en supposant le
grand et le petit. Mais les Platoniciens affirmaient comme principe suprême
le contraire, à savoir que le nombre 2 vient en premier dans le genre des
nombres. |
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[81784] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 11 Item si, sicut per superiorem rationem probatum est,
oportet esse aliquas ideas relationum, quae sint secundum se ad aliquid, et ipsa
idea est prior eo quod participat ideam, sequitur quod hoc ipsum quod est ad
aliquid est prius absoluto quod secundum se dicitur. Nam huiusmodi
substantiae sensibiles, quae participant ideas, absolute dicuntur. Et
similiter de omnibus est quaecumque illi qui sequuntur opinionem de ideis
dicunt opposita principiis per se notis, quae etiam ipsi maxime concedebant. |
De plus, si, comme
il a été prouvé dans un argument précédent, il doit y avoir des idées des
relations, qui sont tournées par nature vers quelque chose, et si l’idée est
antérieure à ce qui y participe, il s’ensuit que ce qui est relatif est
antérieur à l’absolu qu’on dit exister par soi. En effet, ces substances
sensibles, qui participent aux idées, sont affirmées de façon absolue.
Pareillement, tout ce que disent les tenants de l’opinion des idées est
contraire aux principes évidents par soi, qu’eux-mêmes admettaient comme
suprêmes. |
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[81785] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 12 Deinde cum dicit amplius autem hic ponit quintam rationem,
quae talis est. Ideae ponebantur a Platone, ut eis competerent rationes sive
definitiones positae in scientiis, ut etiam de eis scientiae esse possent.
Sed intelligentia una, idest simplex et indivisibilis, qua scitur de
unoquoque quid est, non solum est circa substantias sed etiam de aliis,
scilicet accidentibus. Et similiter scientiae non solum sunt substantiae, et
de substantia, sed etiam inveniuntur scientiae aliorum, scilicet
accidentium: ergo patet quod ad aestimationem, secundum quam vos Platonici
esse dicitis ideas, sequitur quod species non solum essent substantiarum, sed
etiam multorum aliorum, scilicet accidentium. Et hoc idem sequitur non solum
propter definitiones et scientias, sed etiam accidunt multa alia talia,
scilicet plurima, ex quibus oportet ponere ideas accidentium secundum
rationes Platonis. Sicut quia ponebat ideas principia essendi et fieri rerum,
et multorum huiusmodi, quae conveniunt accidentibus. |
Puis lorsqu’il
dit : De plus, dans l’hypothèse,
etc., il donne le cinquième argument, que voici. Platon affirmait l’existence
des idées pour que les notions ou les définitions affirmées dans les sciences
se rapportent à elles, de sorte qu’elles aussi puissent être objets de
science. Mais l’intelligence une,
c'est-à-dire simple et indivisible, par laquelle on connaît la nature de
chaque chose ne saisit pas seulement les substances, mais les autres choses aussi, c'est-à-dire
les accidents. Pareillement, les sciences ne portent pas seulement sur la
substance et ce qui la concerne, mais il existe des sciences d’autres choses, c'est-à-dire des
accidents. Il est donc évident que selon l’opinion des Platoniciens sur la
nature des idées, il s’ensuit qu’il existe des espèces non seulement des
substances, mais aussi de beaucoup d’autres choses, à savoir les accidents.
Et la même conclusion est tirée non seulement des définitions et des
sciences, mais aussi de beaucoup d’autres
difficultés (innombrables) de ce genre,
en raison desquelles il faut supposer des idées des accidents selon les conceptions
de Platon. Par exemple, il affirmait que les idées sont les principes de
l’existence et du devenir des choses, et disait bien des choses du genre, qui
s’appliquent aux accidents. |
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[81786] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 13 Sed ex alia parte secundum quod Plato opinabatur de
ideis, et secundum necessitatem, qua sunt necessariae sensibilibus inquantum
scilicet sunt participabiles a sensibilibus, est necessarium ponere quod
ideae sint solum substantiarum. Quod sic patet. Ea quae sunt secundum
accidens non participantur: sed ideam oportet participari in unoquoque
inquantum non dicitur de subiecto. Quod sic patet. Quia si aliquod sensibile
participat per se duplo, idest duplo separato (sic enim appellabat
Plato omnia separata, scilicet per se entia): oportet quod participet
sempiterno; non quidem per se, quia tunc sequeretur quod dupla sensibilia
essent sempiterna, sed per accidens: inquantum scilicet ipsum per se duplum
quod participatur est sempiternum. Ex quo patet quod participatio non est
eorum quae accidentia sunt, sed solummodo substantiarum. Unde secundum
opinionem Platonis non erat aliquod accidens species separata, sed solum
substantia: et tamen secundum rationem sumptam ex scientiis oportebat quod
esset species etiam accidentium, ut dictum est. |
Mais d’autre part,
selon l’opinion de Platon sur les idées, et aussi par nécessité, du fait que
les idées sont nécessaires aux choses sensibles en autant que celles-ci
peuvent y participer, il faut nécessairement affirmer qu’il existe seulement
des idées des substances. Cela se démontre comme suit. Rien ne peut participer à ce qui est par
accident, mais toute chose doit participer à l’idée en autant que celle-ci
n’est pas attribuée au sujet. Cela se démontre comme suit. Si un sensible
participe du double en soi, c'est-à-dire
du double séparé (c’est ainsi que Platon appelait tous les êtres séparés, ou
les êtres en soi), il faut qu’il participe à quelque chose d’éternel, non en
soi cependant, car il s’ensuivrait alors que les doubles sensibles seraient
éternels, mais par accident, en tant que le double en soi qui est participé
est éternel. Il est donc évident qu’il n’y a pas de participation aux
accidents, mais seulement aux substances. C’est pourquoi, selon l’opinion de
Platon, il n’y avait pas d’espèce séparée de l’accident, mais seulement de la
substance; et pourtant, selon l’argument tiré des sciences, il fallait qu’il
existe aussi des espèces des accidents, comme on l’a dit. |
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[81787] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 14 Deinde cum dicit haec vero hic ponit sextam
rationem, quae talis est. Istae res sensibiles substantiam significant in
rebus quae videntur et similiter illic, ut in rebus intelligibilibus, quae
substantiam significant, quia tam intelligibilia quam sensibilia substantiam
ponebant: ergo necesse est ponere praeter utrasque substantias, scilicet
intelligibiles et sensibiles, aliquid commune eis quod sit unum in multis: ex
hac enim ratione Platonici ideas ponebant, quia inveniebant unum in multis,
quod credebant esse praeter illa multa. |
Puis lorsqu’il
dit : et que dans le monde
sensible, etc., il donne le sixième argument, que voici. Les choses
sensibles signifient la substance dans les choses visibles et pareillement au-dessus, dans les choses
intelligibles qui signifient la substance, car ils affirmaient que tant les
intelligibles que les sensibles sont des substances; il est donc nécessaire
de supposer, en plus de ces deux substances (intelligibles et sensibles),
quelque chose qui leur est commun et qui est un dans le multiple; en effet,
la raison qu’avaient les Platoniciens d’affirmer l’existence des idées était
qu’il trouvaient l’un dans beaucoup de choses et croyaient que cet un
existait en plus du multiple. |
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[81788] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 15 Et quod hoc ponere sit necessarium, scilicet aliquod
unum praeter substantias sensibiles et praeter species, sic ostendit. Aut
enim ideae et sensibilia quae participant ideas sunt unius speciei aut non. Si
sunt unius speciei, omnium autem multorum in specie convenientium oportet
ponere secundum positionem Platonis unam speciem separatam communem,
oportebit igitur aliquid ponere commune sensibilibus et ipsis ideis, quod sit
separatum ab utroque. Non potest autem responderi ad hanc rationem quod ideae
quae sunt incorporales et immateriales non indigent aliis speciebus
superioribus; quia similiter mathematica quae ponuntur a Platone media inter
sensibilia et species, sunt incorporea et immaterialia: et tamen, quia plura
eorum inveniuntur unius speciei, Plato posuit eorum speciem communem
separatam, qua etiam participant non solum mathematica, sed etiam sensibilia.
Si igitur est una et eadem dualitas, quae est species vel idea dualitatis,
quae quidem est etiam in dualitatibus sensibilibus quae sunt corruptibiles,
sicut exemplar est in exemplato et in dualitatibus etiam mathematicis quae
sunt multae unius speciei, sed tamen sunt sempiternae, eadem ratione in eadem
dualitate, scilicet quae est idea et in alia quae est mathematica, vel
sensibilis, erit alia dualitas separata. Non enim potest reddi propter quid
illud sit, et hoc non sit. |
Et il montre comme
suit que cette affirmation est nécessaire, à savoir qu’il existe une unité en
plus des substances sensibles et en plus des espèces. Les idées et les
sensibles qui y participent sont ou bien de la même espèce, ou bien d’espèces
différentes. Si elles sont d’une même espèce, il faut, selon la doctrine de
Platon, que la multitude de choses réunies dans l’espèce aient une espèce
séparée commune. Il faut donc affirmer quelque chose qui soit commun aux
sensibles et aux idées, qui soit séparé de l’un et de l’autre. Et on ne peut
pas répondre à cet argument que les idées, étant incorporelles et
immatérielles, n’ont pas besoin d’autres espèces supérieures, car les êtres
mathématiques, que Platon place comme intermédiaires entre les sensibles et
les espèces, sont pareillement incorporels et immatériels; et pourtant, parce
qu’on trouve plusieurs de ces êtres dans une même espèce, Platon leur a
attribué une espèce séparée commune, à laquelle participent non seulement les
êtres mathématiques mais aussi les sensibles. Si donc il existe une seule et
même dualité qui est l’espèce ou l’idée de la dualité, et si celle-ci se
trouve aussi bien dans les dualités sensibles qui sont corruptibles, comme le
modèle est dans la copie, que dans les dualités mathématiques, qui sont
plusieurs dans une seule espèce et pourtant sont éternelles, pour la même
raison, cette même dualité qui est l’idée et l’autre qui est mathématique ou
sensible admettront une autre dualité séparée. En effet, on ne peut pas
expliquer pourquoi l’autre idée existe et non cette dernière. |
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[81789] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 14 n. 16 Si autem detur alia pars, scilicet sensibilia quae
participant ideas non sunt eiusdem speciei cum ideis: sequitur quod nomen
quod dicitur de ideis et de substantia sensibili dicatur omnino aequivoce.
Illa enim dicuntur aequivoce, quorum solum nomen commune est, ratione speciei
existente diversa. Nec solum sequitur quod sint quocumque modo aequivoca, sed
simpliciter aequivoca, sicut illa quibus imponitur unum nomen sine respectu
ad aliquam communicationem, quae dicuntur aequivoca a casu. Sicut si aliquem
hominem aliquis vocaret Calliam et aliquod lignum. |
Mais si on admet
l’autre choix, à savoir que les sensibles qui participent des idées ne sont
pas de même espèce que celles-ci, il s’ensuit que les noms donné aux idées et
à la substance sensible sont de purs homonymes. On appelle en effet homonymes
les choses qui n’ont en commun que le nom alors que les notions de leurs
espèces sont différentes. Et il ne s’ensuit pas seulement que les choses sont
homonymes dans une certaine mesure, mais qu’elles le sont totalement, comme
des choses auxquelles on donne le même nom sans songer au moindre rapport
entre elles, et qu’on appelle homonymes par hasard, par exemple si on donnait
le nom d’homme à Callias et à un morceau de bois. |
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[81790] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 14 n. 17 Hoc autem ideo addidit Aristoteles quia posset
aliquis dicere quod non omnino aequivoce aliquod nomen praedicatur de idea et
de substantia sensibili, cum de idea praedicetur essentialiter, de substantia
vero sensibili per participationem. Nam idea hominis secundum Platonem
dicitur per se homo, hic autem homo sensibilis dicitur per participationem.
Sed tamen talis aequivocatio non est pura; sed nomen quod per participationem
praedicatur, dicitur per respectum ad illud quod praedicatur per se, quod non
est pura aequivocatio, sed multiplicitas analogiae. Si autem essent omnino aequivoca a casu idea et
substantia sensibilis, sequeretur quod per unum non posset cognosci aliud,
sicut aequivoca non se invicem notificant. |
Aristote a ajouté
cette dernière remarque parce qu’on pourrait dire que le nom attribué à
l’idée et à la substance sensible n’est pas totalement un homonyme, puisqu’il
est attribué à l’idée de façon essentielle et à la substance sensible par
participation. En effet, l’idée de l’homme selon Platon est appelée homme en
soi, et l’homme sensible que voici est appelé ainsi par participation.
Pourtant, une telle homonymie n’est pas totale, mais le nom qui est attribué
par participation est donné par relation à celui qui est attribué en soi, et
cela n’est pas une homonymie totale, mais une multiplicité d’analogie. Par
contre, si l’idée et la substance sensible étaient de purs homonymes par
hasard, il s’ensuirait que l’un ne permettrait pas de connaître l’autre, de
même que les homonymes ne se font pas connaître mutuellement. |
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Lectio 15 |
Leçon 15, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau |
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La plus
grande difficulté, c’est de savoir ce que font les idées aux choses sensibles,
soit à celles qui sont éternelles, soit à celles qui naissent et qui
périssent : car elles ne sont causes pour elles ni d’aucun mouvement, ni
d’aucun changement. D’autre part, elles ne servent en rien à la connaissance
des choses, puisqu’elles n’en sont point l’essence : car alors elles
seraient en elles ; elles ne les font pas être non plus, puisqu’elles ne
résident pas dans les choses qui participent d’elles. A moins qu’on ne dise
peut-être qu’elles sont causes, comme serait, par exemple, la blancheur cause
de l’objet blanc, en se mêlant à lui ; mais il n’y a rien de solide dans
cette opinion qu’Anaxagore le premier, et après lui Eudoxe et quelques
autres, ont mise en avant ; et il est facile de rassembler contre une
pareille hypothèse une foule de difficultés insolubles. Ainsi les choses ne
sauraient venir des idées, dans aucun des cas dans lesquels, on a coutume de
l’entendre. Dire que ce sont des exemplaires et que les autres choses en
participent, c’est prononcer de vains mots et faire des métaphores
poétiques ; car, qu’est-ce qui produit jamais quelque chose en vue des
idées ? De plus, il se peut qu’il existe ou qu’il naisse une chose
semblable à une autre, sans avoir été modelée sur elle ; et, par
exemple, que Socrate existe ou n’existe pas, il pourrait naître un personnage
tel que Socrate. D’un autre côté, il est également vrai que, en admettant un
Socrate éternel, il faudra qu’il y ait plusieurs exemplaires et par
conséquent plusieurs idées de la même chose ; de l’homme, par exemple,
il y aurait l’animal, le bipède, tout aussi bien que l’homme en soi. Il faut
en outre qu’il y ait des idées exemplaires non seulement pour des choses
sensibles, mais encore pour les idées elles-mêmes, comme le genre en tant que
comprenant des espèces ; de sorte que la même chose sera à la fois
exemplaire et copie. De plus, il semble impossible que l’essence soit séparée
de la chose dont elle est l’essence : si cela est, comment les idées qui
sont les essences des choses, en seraient-elles séparées ? Dans le Phédon, il est dit que les causes de
l’être et du devenir sont les Idées. Pourtant, même en admettant l’existence
des Idées, les êtres participants ne sont pas engendrés sans l’intervention
de la cause motrice. Et comme beaucoup d’autres objets sont produits, par
exemple une maison et un anneau, dont nous disons qu’il n’y a pas d’Idées, il
en résulte qu’il est évidemment possible, pour les autres choses aussi,
d’exister et de devenir par des causes analogues à celles des objets dont
nous parlons. |
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Lectio 15 |
Leçon 15 (Traduction
Georges Comeau, 2011)
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[81791] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 1 Hic improbat opinionem Platonis quantum ad hoc quod
non concludebat quod concludere intendebat. Intendebat enim Plato concludere ideas
esse per hoc, quod sunt necesse sensibilibus rebus secundum aliquem modum.
Unde Aristoteles ostendens quod ideae ad nihil possunt sensibilibus utiles
esse, destruit rationes Platonis de positione idearum: et ideo dicit, quod
inter omnia dubitabilia, quae sunt contra Platonem, illud est maximum, quod
species a Platone positae non videntur aliquid conferre rebus sensibilibus,
nec sempiternis, sicut sunt corpora caelestia: nec his, quae fiunt et
corrumpuntur, sicut corpora elementaria. Quod sigillatim de omnibus ostendit propter quae
Plato ponebat ideas, cum dicit nec enim. |
Il réfute maintenant
l’opinion de Platon quant au fait qu’il ne concluait pas ce qu’il avait
l’intention de conclure. En effet, Platon avait l’intention de conclure que
les idées existent parce qu’elles sont nécessaires aux choses sensibles d’une
certaine façon. C’est pourquoi Aristote, en montrant que les idées ne peuvent
avoir aucune utilité pour les choses sensibles, détruit les arguments de
Platon sur la place des idées; et il dit donc que, parmi tous les doutes
qu’on peut soulever contre Platon, le plus grave est que les espèces
affirmées par Platon ne semblent rien apporter aux choses sensibles, qu’ils
soient éternels, comme les corps célestes, ou qu’ils soient engendrés et corrompus,
comme les corps composés d’éléments. Et il le montre pour toutes et chacune
des raisons pour lesquelles Platon affirmait l’existence des idées, lorsqu’il
dit : car elles ne sont causes,
etc. |
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[81792] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 2 Ibi incipit quinque ostendere. Primo quod non prosunt ad motum. Secundo quod non
prosunt ad scientias, ibi, sed nec ad scientiam. Tertio quod non prosunt exemplaria, ibi, dicere vero
exemplaria et cetera. Quarto quod non prosunt sicut substantiae, ibi, amplius
opinabitur. Quinto quod non prosunt sicut causae fiendi, ibi, in Phaedone
vero et cetera. Dicit ergo primo, quod species non possunt conferre
sensibilibus, ita quod sint eis causa motus vel transmutationis alicuius.
Cuius rationem hic non dicit, sed superius tetigit, quia videlicet ideae non
introducebantur propter motum, sed magis propter immobilitatem. Quia enim
Platoni videbatur quod omnia sensibilia semper essent in motu, voluit aliquid
ponere extra sensibilia fixum et immobile, de quo posset esse certa scientia.
Unde species non poterant ab eo poni sicut principia sensibilia motus, sed
potius sicut immobiles, et immobilitatis principia: ut scilicet si aliquid
fixum et eodem modo se habens in rebus sensibilibus invenitur, hoc sit
secundum participantiam idearum, quae per se sunt immobiles. |
Il commence ici à
montrer cinq choses : premièrement, qu’elles ne sont pas utiles aux
mouvement; deuxièmement, qu’elles ne sont pas utiles aux sciences, où il
dit : D’autre part, elles ne
servent, etc.; troisièmement, qu’elles ne servent pas de modèles, où il
dit : Dire que ce sont des
exemplaires, etc.; quatrièmement, qu’elles ne sont pas utiles en tant que
substance, où il dit : De plus, il
semble impossible, etc.; cinquièmement, qu’elles ne sont pas utiles comme
causes du devenir, où il dit : Dans
le Phédon, il est dit, etc. Il dit donc en premier que les espèces ne
peuvent rien apporter aux sensibles de manière à causer en eux un mouvement
ou un changement. Il ne donne pas ici la raison de cet énoncé, mais il en a
parlé plus haut : en effet, les idées ont été introduites non pour le
mouvement, mais plutôt pour l’immobilité. Puisqu’il semblait à Platon que
tous les sensibles sont perpétuellement en mouvement, il a voulu supposer
quelque chose de fixe et d’immobile hors des sensibles, dont il soit possible
d’avoir une science certaine. C’est pourquoi il ne pouvait pas prendre les
espèces comme des principes sensibles du mouvement, mais plutôt comme des
êtres immobiles, principes de l’immobilité, de sorte que, si on trouve dans
les choses sensibles quelque chose de fixe qui existe toujours de la même
façon, cela se produit par participation aux idées, qui sont immobiles en
soi. |
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[81793] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 3 Deinde cum dicit sed nec ad ostendit secundo, quod
species non prosunt sensibilibus ad scientiam, tali ratione. Cognitio
uniuscuiusque perficitur per cognitionem suae substantiae, et non per
cognitionem aliquarum substantiarum extrinsecarum: sed substantiae separatae
quas dicebant species, sunt omnino aliae ab istis substantiis sensibilibus:
ergo earum cognitio non auxiliatur ad scientiam illorum sensibilium. |
Puis lorsqu’il
dit : D’autre part, elles ne
servent, etc., il montre que les espèces ne sont pas utiles à la
connaissance des sensibles, pour la raison suivante. La connaissance de toute
chose est parfaite par la connaissance de sa substance, et non par la
connaissance de substances extrinsèques; mais les substances séparées, qu’ils
appelaient espèces, sont absolument autres que ces substances sensibles; dont
leur connaissance n’aide en rien à la science des choses sensibles. |
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[81794] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 4 Nec potest dici quod illae species sunt substantiae istorum
sensibilium: nam cuiuslibet rei substantia est in eo cuius est substantia. Si
igitur illae species essent substantiae rerum sensibilium, essent in his
sensibilibus: quod est contra Platonem. |
Et on ne peut pas
dire que ces espèces sont les substances des choses sensibles, car la
substance de toute chose est dans la chose dont elle est la substance. Si
donc ces espèces étaient les substances des choses sensibles, elles seraient
dedans, ce qui est contre la doctrine de Platon. |
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[81795] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 5 Nec iterum potest dici quod illae species adsint
istis substantiis sensibilibus, sicut participantibus eas. Hoc enim modo
Plato opinabatur aliquas species horum sensibilium causas esse. Sicut nos
intelligeremus ipsum album per se existens, ac si esset quoddam album
separatum, permisceri albo quod est in subiecto, et albedinem participare, ut
sic etiam dicamus quod homo iste, qui est separatus, permisceatur huic homini
qui componitur ex materia et natura speciei, quam participat. Sed haec ratio
est valde mobilis, idest destructibilis: hanc enim rationem primo
tetigit Anaxagoras qui posuit etiam formas et accidentia permisceri rebus. Et
secundo tetigit Hesiodus et alii quidam. Et ideo dico quod est valde mobilis,
scilicet quia facile est colligere multa impossibilia contra talem opinionem.
Sequitur enim, sicut supra dixit contra Anaxagoram, quod accidentia et formae
possunt esse sine substantiis. Nam ea sola nata sunt misceri quae possunt
separatim existere. |
On ne peut pas dire
non plus que ces espèces sont présentes aux substances sensibles comme à des
êtres qui participent d’elles. C’est ainsi en effet que Platon pensait que
certaines espèces sont causes de ces sensibles. Par exemple, nous
considérerions le blanc existant par soi comme un blanc séparé qui se mélange
au blanc qui est dans le sujet et participe de la blancheur; c’est comme si
nous disions aussi que l’homme séparé s’entremêle à cet homme-ci qui est
composé de matière et de la nature de l’espèce de laquelle il participe. Mais
cette raison n’a vraiment rien de
solide, elle est facilement réfutable. En effet, le premier à avancer
cette raison a été Anaxagore, qui a affirmé aussi que les formes et les
accidents s’entremêlent aux choses. En deuxième, cette idée a été avancée par
Hésiode[24] et quelques autres. C’est pourquoi je dis que cette
raison n’a rien de solide,
c'est-à-dire qu’il est facile de faire ressortir beaucoup d’impossibilités
contre cette raison. Il s’ensuit en effet, comme le Philosophe l’a dit plus
haut contre Anaxagore, que les accidents et les formes peuvent être sans
substances; en effet, des choses sont capables de se mélanger seulement si
elles peuvent exister séparément. |
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[81796] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 6 Sic igitur non potest dici quod species sic
conferant ad scientiam sensibilium ut eorum substantiae, nec quod sint eis
principia existendi per modum participandi. Nec etiam potest dici quod ex
speciebus sicut ex principiis sunt alia, scilicet sensibilia secundum
ullum eorum modum qui consueverunt dici. Unde si eadem sunt principia essendi
et cognoscendi, oportet quod species non conferant ad scientias, cum
principia essendi esse non possint. Ideo autem dicit secundum ullum modum
consuetorum dici, quia Plato invenerat novos modos aliquid ex alio
cognoscendi. |
Ainsi donc, on ne
peut pas dire que les espèces contribuent à la science des sensibles en tant
que leurs substances, ni qu’elles en soient un principe d’existence par mode
de participation. On ne peut pas dire non plus qu’à partir des espèces, en
tant que principes, d’autres choses (les sensibles) existent, par n’importe
quel des modes dont on a l’habitude de parler. Alors, si les principes de
l’être et ceux de la connaissance sont les mêmes, les espèces n’apportent
forcément rien d’utile aux sciences, puisqu’ils ne peuvent pas être principes
de l’existence. La raison pour laquelle il dit « par n’importe quel des
modes dont on a l’habitude de parler » est que Platon avait trouvé de
nouvelles manières de connaître une chose à partir d’une autre. |
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[81797] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 7 Deinde cum dicit dicere vero hic tertio ostendit,
quod species non conferant sensibilibus sicut exemplaria. Et primo proponit intentum.
Secundo probat, ibi, nam quid opus est et cetera. Dicit ergo primo, quod
dicere species esse exemplaria sensibilium et mathematicorum eo quod
huiusmodi causas participent, est dupliciter inconveniens. Uno modo, quia
vanum et nulla utilitas est huiusmodi exemplaria ponere, sicut ostendet. Alio
modo quia est simile metaphoris quas poetae inducunt, quod ad philosophum non
pertinet. Nam philosophus ex propriis docere debet. Ideo autem hoc dicit esse metaphoricum, quia Plato
productionem rerum naturalium assimilavit factioni rerum artificialium, in
quibus artifex ad aliquid exemplar respiciens, operatur aliquid simile suae
arti. |
Puis lorsqu’il
dit : Dire que ce sont, etc.,
il montre en troisième que les espèces n’apportent rien aux sensibles à titre
de modèles[25]. Et en premier, il montre ce qu’il veut prouver; en
deuxième, il le prouve, où il dit : car,
qu’est-ce qui produit, etc. Il dit donc en premier qu’il est absurde pour
deux raisons d’affirmer que les espèces sont les modèles des choses sensibles
et des êtres mathématiques de sorte que ceux-ci participent à de telles
causes. Tout d’abord, parce qu’il est futile et sans aucune utilité de
supposer de tels modèles, comme il va le montrer. L’autre raison est que ces
modèles sont semblables aux métaphores utilisées par les poètes, qui
n’intéressent pas un philosophe, car un philosophe doit enseigner à partir de
ce qui lui est propre. Et s’il dit que ce propos est une métaphore, c’est
parce que Platon a imaginé la production des êtres naturels à la ressemblance
des choses artificielles, pour lesquelles l’artisan regarde un modèle et
produit par son art quelque chose qui y ressemble. |
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[81798] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 8 Deinde cum dicit nam quid est hic probat propositum
tribus rationibus. Hoc enim videtur esse opus exemplaris, idest utilitas,
quod artifex respiciens ad exemplar inducat similitudinem formae in suo
artificio. Videmus autem in operatione naturalium rerum, quod similia ex
similibus generantur, sicut ex homine generatur homo. Aut ergo similitudo
ista provenit in rebus generatis propter respectum alicuius agentis ad
exemplar, aut non. Si non, quid erat opus, idest utilitas quod aliquod
agens sic respiciens ad ideas sicut ad exemplaria? Quasi dicat, nullum. Si
autem similitudo provenit ex respectu ad exemplar separatum, tunc non poterit
dici quod causa huius similitudinis in genito sit forma inferioris
generantis. Fiet enim aliquid simile propter respectum ad hoc exemplar
separatum, et non per respectum ad agens hoc sensibile. Et hoc est quod dicit
et non simile illi, idest agenti sensibili. Ex quo sequitur hoc
inconveniens quod aliquis generetur similis Socrati, sive posito, sive remoto
Socrate. Quod videmus esse falsum; quia nisi Socrates agat in generatione,
nunquam generabitur aliquis similis Socrati. Si igitur hoc est falsum, quod
non similitudo generatorum dependeat a proximis generantibus, vanum et
superfluum est ponere aliqua exemplaria separata. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : car, qu’est-ce qui produit,
etc., il prouve son énoncé par trois raisons. En effet, l’œuvre du modèle,
c'est-à-dire son utilité, est que l’artisan, en le regardant, produit dans
son œuvre une forme qui ressemble au modèle. Mais dans l’opération des choses
naturelles, nous voyons que les semblables sont engendrés par les semblables;
ainsi, un homme engendre un homme. Donc, ou bien cette ressemblance dans les
choses engendrées s’explique par la contemplation du modèle par un agent, ou
bien ce n’est pas le cas. Si ce n’est pas le cas, à quoi servait-il qu’un
agent contemple ainsi les idées comme des modèles? Autrement dit, c’était
inutile. Mais si la ressemblance provient de la contemplation d’un modèle
séparé, alors on ne peut pas dire que la cause de cette ressemblance dans
l’être engendré est la forme du géniteur inférieur; en effet, un objet
semblable serait produit grâce à la contemplation du modèle séparé et non à
la contemplation de l’agent sensible donné. Et c’est ce qu’il dit : sans avoir été modelée sur elle, c'est-à-dire
sur l’agent sensible. Il s’ensuit cette absurdité que quelqu'un de semblable
à Socrate peut être engendré, que Socrate soit présent ou non. Nous voyons
que c’est faux, car si Socrate n’agit pas dans la génération, quelqu'un qui
lui ressemble ne sera jamais engendré. Si donc il est faux que la
ressemblance de l’être engendré ne dépend pas des géniteurs prochains, il est
inutile et superflu d’affirmer l’existence de modèles séparés. |
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[81799] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 9 Sciendum autem quod illa ratio, etsi destruat
exemplaria separata a Platone posita, non tamen removet divinam scientiam
esse rerum omnium exemplarem. Cum enim res naturales naturaliter intendant
similitudines in res generatas inducere, oportet quod ista intentio ad
aliquod principium dirigens reducatur, quod est in finem ordinans
unumquodque. Et hoc non potest esse nisi intellectus cuius sit cognoscere
finem et proportionem rerum in finem. Et sic ista similitudo effectuum ad causas naturales
reducitur, sicut in primum principium, in intellectum aliquem. Non autem
oportet quod in aliquas alias formas separatas: quia ad similitudinem
praedictam sufficit praedicta directio in finem, qua virtutes naturales
diriguntur a primo intellectu. |
Il faut cependant
savoir que cet argument, même s’il détruit la notion de modèles séparés
affirmée par Platon, n’empêche pas que la science divine est le modèle de
toutes choses. En effet, puisque les êtres naturels visent naturellement à
produire leur ressemblance dans les êtres engendrés, il faut que cette
intention se ramène à un principe directeur, qui ordonne toutes choses à une
fin. Et ce principe ne peut être qu’une intelligence capable de connaître la
fin et le rapport des choses à la fin. Et ainsi, cette ressemblance des effets
à leurs causes naturelles se ramène à une certaine intelligence comme à son
premier principe. Mais il n’est pas nécessaire qu’elle s’explique par des
formes séparées, car il suffit, pour créer cette ressemblance, d’avoir la
direction vers la fin qui est donnée aux vertus naturelles par la première
intelligence. |
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[81800] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 10 Deinde cum dicit similiter autem hic ponit secundam
rationem, quae talis est. Sicut Socrates ex eo quod est Socrates addit
aliquid supra hominem, ita etiam homo addit aliquid supra animal: et sicut
Socrates participat hominem, ita homo participat animal. Sed si praeter istum
Socratem sensibilem poneretur alius Socrates sempiternus, quasi exemplaris,
sequeretur quod huius Socratis sensibilis essent plura exemplaria, scilicet
Socrates sempiternus et idea hominis: ergo et eadem ratione species hominis
habet plura exemplaria. Erit enim exemplar eius et animal et bipes et iterum autosanthropos,
idest idea hominis. Hoc autem est inconveniens quod unius exemplati sint
plura exemplaria: ergo inconveniens est ponere huiusmodi sensibilium
exemplaria. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : D’un autre côté, il est, etc.,
il donne le deuxième argument, que voici. De même qu’en Socrate, le fait
d’être Socrate ajoute quelque chose à l’homme, de même le fait d’être homme
ajoute quelque chose à l’animal, et de même que Socrate participe de l’homme,
de même l’homme participe de l’animal. Mais si on ajoutait au Socrate
sensible un autre Socrate éternel à titre de modèle, il s’ensuivrait que le
Socrate sensible aurait plusieurs modèles, soit le Socrate éternel et l’idée
de l’homme; donc, pour la même raison, l’espèce de l’homme a plusieurs
modèles : l’animal est son modèle, le bipède aussi, de même que l’autos anthropos, c'est-à-dire l’idée
de l’homme. Mais il est inadmissible qu’une seule copie ait plusieurs
modèles; il est donc inadmissible de supposer de tels modèles des choses
sensibles. |
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[81801] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 11 Deinde cum dicit amplius autem hic ponit tertiam
rationem, quae talis est. Sicut se habet species ad individuum, ita se habet
genus ad speciem. Si igitur species sunt exemplaria sensibilium individuorum,
ut Plato ponit, ipsarum etiam specierum erunt aliqua exemplaria, scilicet
genus specierum: quod est inconveniens: quia tunc sequeretur quod idem,
scilicet species, erit exemplum alterius, scilicet individui sensibilis, et
imago ab alio exemplata, scilicet a genere; quod videtur esse inconveniens. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Il faut en outre qu’il y
ait, etc., il donne la troisième raison, que voici. Le rapport de
l’espèce à l’individu est le même que celui du genre à l’espèce. Si donc les
espèces sont les modèles des sensibles individuels, comme l’a affirmé Platon,
ces espèces elles-mêmes auront des modèles, à savoir leurs genres; cela est
inadmissible, car il s’ensuivrait qu’une même chose, à savoir l’espèce, est
le modèle d’une autre, soit l’individu sensible, et l’image modelée sur un
autre, soit le genre, et on voit que c’est absurde. |
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[81802] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 12 Deinde cum dicit amplius opinabitur hic quarto
ostendit quod species non conferunt rebus sensibilibus sicut earum
substantiae vel causae formales, quia hic opinabitur, idest hoc est
opinativum (ut impersonaliter ponatur), quod impossibile est separari
substantiam ab eo cuius est substantia. Sed hae separantur ab eo cuius sunt
ideae, idest a sensibilibus: ergo non sunt substantiae sensibilium. |
Puis lorsqu’il
dit : De plus, il semble
impossible, etc., il montre en quatrième lieu que les espèces n’apportent
rien aux choses sensibles en tant que leurs substances ou leurs causes
formelles, car il semble,
c'est-à-dire telle est l’opinion (énoncée de façon impersonnelle), qu’il est
impossible que la substance soit séparée de ce dont elle est la substance.
Mais les espèces sont séparées de ce dont elles sont les idées, c'est-à-dire
les sensibles; donc elles ne sont pas les substances des sensibles. |
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[81803] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 13 Deinde cum dicit in Phaedone hic ostendit quod non
conferunt species sensibilibus ad eorum fieri, quamvis Plato dixerit in
Phaedone, idest in quodam suo libro, quod species sunt causae rebus sensibilibus
essendi et fiendi. Sed hoc improbat duabus rationibus: quarum prima talis
est. Posita causa ponitur effectus: sed existentibus speciebus non propter
hoc fiunt entia particularia sive individua participantia species, nisi sit
aliquid motivum quod moveat ad speciem. Quod ex hoc patet, quia species
semper eodem modo sunt secundum Platonem. Si igitur eis positis essent vel
fierent individua participantia eas, sequeretur quod semper essent huiusmodi
individua, quod patet esse falsum: ergo non potest dici quod species sint
causae fieri et esse rerum; et praecipue cum non poneret species causas esse
motivas, ut supra dictum est. Sic enim a substantiis separatis immobilibus
ponit Aristoteles procedere et fieri et esse inferiorum, inquantum illae
substantiae sunt motivae caelestium corporum, quibus mediantibus causatur
generatio et corruptio in istis inferioribus. |
Puis lorsqu’il
dit : Dans le Phédon, etc., il
montre que les espèces ne contribuent pas à la venue à l’être des sensibles,
même si Platon a dit dans le Phédon,
qui est l’un de ses livres, que les espèces sont les causes de l’être et de
la venue à l’être des sensibles. Mais il réfute cette assertion pour deux
raisons, dont voici la première. Si on affirme la cause, on affirme l’effet;
mais quand les espèces existent, les êtres particuliers ou les individus qui
participent à l’espèce ne viennent pas à l’être pour autant, à moins qu’il
n’existe un moteur qui les amènent à cette espèce. Cela est évident parce
que, selon Platon, les espèces existent toujours de la même façon. Si donc,
une fois supposées les espèces, les individus qui y participent existaient ou
venaient à l’être, il s’ensuivrait que ces individus existeraient toujours,
ce qui est évidemment faux; on ne peut donc pas dire que les espèces sont la
cause du devenir et de l’être des choses, surtout quand on n’affirme pas que
les espèces sont des causes motrices, comme on l’a dit plus haut. Ainsi donc,
Aristote affirme que le devenir et l’être des choses inférieures proviennent
des substances séparées immobiles en tant que celles-ci sont les moteurs des
corps célestes, causant par leur intermédiaire la génération et la corruption
dans les corps inférieurs. |
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[81804] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 15 n. 14 Deinde cum dicit et multa hic ponit secundam
rationem, quae talis est. Sicut se habent artificialia ad causas
artificiales, ita se habent naturalia ad causas naturales. Sed videmus quod
multa alia a naturalibus, ut domus et annulus, fiunt in istis inferioribus,
quorum Platonici species non ponebant: ergo et alias, scilicet
naturalia contingit esse et fieri propter tales causas proximas, quales
contingit esse nunc dictas, scilicet artificiales; ut scilicet sicut res
artificiales fiunt a proximis agentibus, ita et res naturales. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Et comme beaucoup d’autres,
etc., il énonce la deuxième raison, que voici. Le rapport des êtres
artificiels aux causes artificielles est le même que le rapport des êtres
naturels aux causes naturelles. Mais nous voyons qu’ici-bas, beaucoup
d’autres objets non naturels viennent à l’existence, comme une maison ou une
bague, dont les Platoniciens affirmaient qu’il n’y a pas d’espèce; il arrive
donc aussi que les autres choses, c'est-à-dire
les choses naturelles, existent et deviennent par des causes prochaines
semblables à celles qui produisent l’être des choses artificielle; autrement
dit, de même que les choses artificielles viennent à l’être sous l’impulsion
d’agents prochains, de même aussi les choses naturelles. |
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Lectio 16 |
Leçon 16, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Maintenant,
si les idées sont des nombres, comment ces nombres seront-ils causes ? Sera-ce
parce que les êtres sont d’autres nombres, et que tel nombre par exemple est
l’homme, tel autre Socrate, tel autre Callias ? Mais en quoi ceux-là
sont-ils causes de ceux-ci ? Car, que les uns soient éternels, les
autres non, cela n’y fera rien. Si c’est parce que les choses sensibles sont
des rapports de nombres, comme est par exemple une harmonie, il est évident
qu’il y a quelque chose qui est le sujet de ces rapports ; et si ce
quelque chose existe, savoir la matière, il est clair qu’à leur tour les
nombres eux-mêmes seront des rapports de choses différentes. Par exemple, si
Callias est une proportion en nombres de feu, de terre, d’eau et d’air, cela
supposera des sujets particuliers, distincts de la proportion
elle-même ; et l’idée nombre, l’homme en soi, que ce soit un nombre ou
non, n’en sera pas moins une proportion de nombres qui suppose des sujets
particuliers et non pas un pur nombre, et on n’en peut tirer non plus aucun
nombre particulier. Ensuite, de
la réunion de plusieurs nombres, résulte un nombre unique ; comment de
plusieurs idées fera-t-on une seule idée ? Si on prétend que la somme
n’est pas formée de la réunion des idées elles-mêmes, mais des éléments
individuels compris sous les idées, comme est par exemple une myriade, comment
sont les unités qui composent cette somme ? Si elles sont de même
espèce, il s’ensuivra beaucoup de choses absurdes ; si d’espèce diverse,
elles ne seront ni les mêmes, ni différentes ; car en quoi
différeraient-elles, puisqu’elles n’ont pas de qualités ? Toutes ces
choses ne sont ni raisonnables ni conformes au bon sens. Et puis, il est
nécessaire d’introduire un autre genre de nombre qui soit l’objet de
l’arithmétique, et de ce que plusieurs appellent les choses
intermédiaires ; autrement de quels principes viendront ces
choses ? Pourquoi doit-il
y avoir des intermédiaires entre le monde sensible et les Idées ? De
plus, les unités, dans la Dyade indéfinie, viendront chacune d’une dyade
antérieure, ce qui est pourtant impossible. En outre, comment expliquer que
le Nombre idéal, composé d’unités, soit une unité ? Ce n’est pas tout.
Si les unités sont différentes entre elles, on devrait parler comme ceux qui
admettent deux ou quatre éléments, tous entendant par là, non un élément
commun, le Corps en général, par exemple, mais le Feu ou la Terre, que le
Corps soit, ou non, quelque chose de commun. Mais, en réalité, les
platoniciens s’expriment comme si l’Un en soi était, à la façon du Feu ou de
l’Eau, une sorte d’élément homéomère. S’il en est ainsi, les Nombres ne seront
pas des substances, mais il est clair que, si l’Un en soi existe, et qu’il
soit principe, l’Un ne recevra qu’une diversité de dénomination, autrement il
y aurait là une impossibilité. Dans le
but de ramener les choses aux principes de cette théorie, on compose les
longueurs du long et du court, c’est-à-dire d’une certaine espèce de grand et
de petit, la surface du large et de l’étroit, le corps du profond et de son
contraire. Or, comment le plan pourra-t-il contenir la ligne, ou le solide la
ligne et le plan ? Car le large et l’étroit sont une espèce différente
du profond et de son contraire. De même donc que le nombre ne se trouve pas
dans ces choses, parce que ses principes, le plus ou le moins, sont distincts
de ceux que nous venons de nommer, il est clair que de ces diverses espèces,
celles qui sont supérieures, ne pourront se trouver dans les inférieures. Et
il ne faut pas dire que le profond soit une espèce du large ; car alors,
le corps serait une sorte de plan. Et les points, d’où viendront-ils ?
Platon combattait l’existence du point, comme étant une pure conception
géométrique ; d’autre part, il l’appelait le principe de la ligne, il en
a fait souvent des lignes indivisibles. Pourtant, il faut que ces lignes
aient une limite ; de sorte que par la même raison que la ligne existe,
le point existe aussi. |
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Lectio 16 |
Leçon 16 (Traduction
Georges Comeau, 2011)
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[81805] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 1 Hic improbat opinionem Platonis de speciebus inquantum
ponebat eas esse numeros. Et circa hoc duo facit. Primo disputat contra ea
quae posita sunt ab ipso de numeris. Secundo contra ea quae posita sunt ab
ipso de aliis mathematicis, ibi, volentes autem substantias et cetera. Circa
primum ponit sex rationes: quarum prima talis est. Eorum quae sunt idem
secundum substantiam, unum non est causa alterius: sed sensibilia secundum
substantiam sunt numeri secundum Platonicos et Pythagoricos: si igitur
species sunt etiam numeri, non poterunt species esse causae sensibilium. |
Il réfute maintenant
l’opinion de Platon sur les espèces quant au fait qu’il disait qu’elles
étaient des nombres. Et il le fait en deux points : il argumente en
premier contre ce que Platon affirmait au sujet des nombres; en deuxième,
contre ce qu’il disait des autres êtres mathématiques, où il dit : Dans le but de ramener, etc. Pour le
premier point, il donne six arguments, dont voici le premier. Quand des
choses sont pareilles en substance, l’une n’est pas cause de l’autre. Mais
les sensibles, selon leur substance, sont des nombres selon les Platoniciens
et les Pythagoriciens; si donc les espèces aussi sont des nombres, elles ne
peuvent pas être causes des sensibles. |
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[81806] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 2 Si autem dicatur quod alii numeri sunt species, et
alii sunt sensibilia, sicut ad literam Plato ponebat: ut si dicamus quod hic
numerus est homo, et ille alius numerus est Socrates et alius numerus est
Callias, istud adhuc non videtur sufficere: quia secundum hoc sensibilia et
species conveniunt in ratione numeri: et eorum, quae sunt idem secundum
rationem, unum non videtur esse causa alterius: ergo species non erunt causae
horum sensibilium. |
Si donc on dit que les
espèces et les sensibles sont des nombres différents, comme l’affirmait
Platon si on le prend à la lettre, si on dit par exemple que tel nombre est
l’homme, tel autre nombre est Socrate
et tel autre est Callias, cela ne semble pas encore suffisant; car ainsi, les
sensibles et les espèces sont réunis sous la notion de nombre, et quand des
choses sont pareilles en raison, l’une ne semble pas être cause de l’autre;
donc, les espèces ne sont pas les causes de ces sensibles. |
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[81807] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 3 Non iterum potest dici quod sunt causae; quia illi
numeri, si sunt species, sunt sempiterni. Illa enim differentia non sufficit
ad hoc quod quaedam ponantur causae aliorum; quia aliqua differunt per
sempiternum et non sempiternum secundum esse suum absolute consideratum; sed
per causam et causatum differunt secundum habitudinem unius ad alterum: ergo
diversa numero non differunt per causam et causatum per hoc, quod quaedam
sunt sempiterna, et quaedam non sempiterna. |
De plus, on ne peut pas
dire qu’elles sont des causes parce que ces nombres, s’ils sont des espèces,
sont éternels. En effet, cette différence ne suffit pas pour que certains
soient considérés comme causes des autres; car certains diffèrent en étant
éternels ou non, si on considère leur être de façon absolue; mais ils
diffèrent en tant que cause et effet du fait de leurs rapports de l’un à
l’autre. Donc, les choses différentes en nombre ne diffèrent pas comme cause
et effet du fait que certains sont éternels et d’autres ne le sont pas. |
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[81808] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 4 Si autem dicatur quod haec sensibilia sunt quaedam rationes,
idest proportiones numerorum, et per hunc modum numeri sunt causae horum
sensibilium, sicut videmus in symphoniis, idest in musicis
consonantiis, quia numeri dicuntur esse causae consonantiarum, inquantum
proportiones numerales, quae applicantur sonis, consonantias reddunt: palam
est quod oportebat praeter ipsos numeros in sensibilibus ponere aliquod unum
secundum genus, cui applicantur proportiones numerales: ut scilicet eorum,
quae sunt illius generis proportiones, sensibilia constituant; sicut praeter
proportiones numerales in consonantiis inveniuntur soni. Si autem illud, cui
applicatur illa proportio numeralis in sensibilibus est materia, manifestum
est quod oportebat dicere, quod ipsi numeri separati qui sunt species, sint
proportiones alicuius unius, scilicet ad aliquod aliud. Oportet enim dicere
quod hic homo, qui est Callias vel Socrates, est similis homini ideali qui
dicitur autosanthropos idest per se homo. Si igitur Callias non est
numerus tantum, sed magis est ratio quaedam vel proportio in numeris
elementorum, scilicet ignis, terrae, aquae et aeris; et ipse homo idealis
erit quaedam ratio vel proportio in numeris aliquorum; et non erit homo
idealis numerus per suam substantiam. Ex quo sequitur, quod nullus numerus
erit praeter ea, id est praeter res numeratas. Si enim numerus
specierum est maxime separatus, et ille non est separatus a rebus, sed est
quaedam proportio rerum numeratarum, nunc nullus alius numerus erit
separatus: quod est contra Platonicos. |
Mais si on dit que ces
sensibles sont des rapports, c'est-à-dire
des proportions de nombres, et que c’est ainsi que les nombres sont causes de
sensibles donnés, comme nous le voyons dans les symphonies, c'est-à-dire des
pièces musicales harmonieuses, parce qu’on dit que les nombres sont causes
des accords en tant que les proportions numériques appliquées aux sons
produisent des accords, il est évident qu’il fallait supposer dans les
sensibles, en plus de ces nombres, quelque chose de génériquement un à quoi
s’appliquent les proportions numériques, de sorte que les sensibles soient
constitués de ce qui fait l’objet des proportions de ce genre; dans les
accords, par exemple, en plus des proportions numériques, on trouve des sons.
Mais si ce à quoi s’applique cette proportion numérique dans les choses
sensibles est la matière, il est évident qu’il fallait dire que les nombres
séparés, qui sont les espèces, sont des proportions d’une chose quelconque,
c'est-à-dire différente. Il faut dire en effet que tel homme, appelé Callias
ou Socrate, est semblable à l’homme idéal appelé autos anthropos, ou homme en soi. Si donc Callias n’est pas
seulement un nombre, mais plutôt un rapport ou une proportion entre les
nombres des éléments, à savoir le feu, la terre, l’eau et l’air, l’homme
idéal, lui aussi, sera un rapport ou une proportion entre les nombres de
certaines choses; alors, l’homme idéal ne sera pas un nombre de par sa
substance. Il s’ensuit qu’aucun nombre n’existe à part, c'est-à-dire en plus,
des choses nombrées[26]. En effet, si le nombre des espèces est ce qu’il y
a de plus séparé, et si lui-même n’est pas séparé des choses mais est une
proportion des choses nombrées, alors aucun autre nombre n’est séparé, ce qui
est contraire à la doctrine des Platoniciens. |
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[81809] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 5 Sequitur autem, quod homo idealis sit proportio aliquorum
numeratorum, sive ponatur esse numerus, sive non: tam enim secundum ponentes
substantias esse numeros, quam secundum naturales, qui numeros substantias
esse non dicebant, oportet quod in rerum substantiis aliquae proportiones
numerales inveniantur: quod patet praecipue ex opinione Empedoclis, qui
ponebat unamquamque rerum sensibilium constitui per quamdam harmoniam et
proportionem. |
Il s’ensuit par
ailleurs que l’homme idéal, que l’on affirme ou non qu’il est un nombre, est
une proportion de choses nombrées; en effet, tant selon ceux qui affirment
que les substances sont des nombres que selon les physiciens, qui ne disaient
pas que les substances sont des nombres, on trouve forcément des proportions
numériques dans les substances des choses; cela est évident surtout dans
l’opinion d’Empédocle, qui affirmait que toute chose sensible est constituée
par ime harmonie et une proportion quelconque. |
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[81810] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 6 Deinde cum dicit amplius ex hic ponit secundam rationem,
quae talis est. Ex multis numeris fit unus numerus. Si igitur species sunt
numeri, ex multis speciebus fiet una species, quod est impossibile. Nam si ex
multis diversarum specierum aliquid unum in specie constituatur, hoc fit per
mixtionem, in qua non salvantur species eorum quae miscentur, sicut ex
quatuor elementis fit lapis. Et iterum ex huiusmodi diversis secundum speciem
non fit aliquod unum ratione specierum, quia ipsae species non coniunguntur
ad aliquod unum constituendum, nisi secundum rationem individuorum, qui
alterantur, ut possint permisceri: ipsae autem species numerorum binarii et
ternarii simul coniunctae numerum constituunt quinarium, ita quod in quinario
uterque numerus remanet et salvatur. |
Puis lorsqu’il
dit : Ensuite, de la réunion, etc.,
il énonce la deuxième raison, que voici. La réunion de plusieurs nombres
forme un seul nombre. Si donc les espèces sont des nombres, plusieurs espèces
feront une seule espèce, ce qui est impossible. En effet, si plusieurs choses
d’espèces diverses se réunissent pour former un objet d’une seule espèce,
cela se fait par mélange, et alors, les espèces des ingrédients ne sont pas
conservées, comme quand une pierre est constituée des quatre éléments. Et de
plus, ces choses d’espèces diverses ne constituent pas un être unique en
raison de leurs espèces, car ces espèces ne se réunissent pour constituer un
seul être qu’en raison des individus qui sont modifiés pour pouvoir se
mélanger; par contre, les espèces des nombres 2 et 3 réunis donnent le nombre
5 de telle sorte que, dans le nombre 5, les deux autres nombres demeurent et
sont préservés. |
u |
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[81811] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 7 Sed quia ad hanc rationem posset responderi ex parte
Platonis, quod ex multis numeris non fit unus numerus, sed quilibet numerus
immediate constituitur ex unitatibus, ideo consequenter cum dicit sed si
nec excludit etiam hanc responsionem. Si enim dicitur quod aliquis
numerus maior, ut millenarius, non constituatur ex eis, scilicet ex
duobus vel pluribus numeris minoribus, sed constituitur ex unis, idest
ex unitatibus, remanebit quaestio quomodo se habent unitates adinvicem, ex
quibus numeri constituuntur? Aut enim oportet, quod omnes unitates sint
conformes adinvicem, aut quod sint difformes adinvicem. |
Mais parce qu’on
pourrait répondre à cet argument, en faveur de Platon, que plusieurs nombres
ne donnent pas un seul nombre mais que tout nombre est immédiatement formé
d’unités, il rejette également cette réponse, où il dit : Si on prétend que la somme, etc. En
effet, si on dit qu’un grand nombre, tel que 1 000, n’est pas constitué
par eux, c'est-à-dire par deux ou plusieurs nombres plus petits, mais par des éléments individuels, c'est-à-dire
des unités, il reste une question : comment se rapportent entre elles
les unités dont les nombres sont constitués? Il faut en effet, ou bien que
toutes les unités soient de même forme, ou bien qu’elles diffèrent entre
elles par leur forme. |
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[81812] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 8 Sed primo modo sequuntur multa inconvenientia, et
praecipue quantum ad ponentes species esse numeros; quia sequitur quod
diversae species non differant secundum substantiam, sed solum secundum
excessum unius speciei super aliam. Inconveniens etiam videtur, quod unitates
nullo modo differant; et tamen sunt multae, cum diversitas multitudinem
consequatur. |
Mais dans le premier
cas, il s’ensuit beaucoup d’absurdités, et surtout pour ceux qui affirment
que les nombres sont des espèces; car il s’ensuit que des espèces diverses ne
diffèrent pas par leur substance, mais seulement par ce en quoi une espèce en
dépasse une autre. Il semble également absurde que les unités ne diffèrent en
aucune façon et qu’elles soient pourtant nombreuses, puisque la diversité
s’ensuit de la multitude. |
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[81813] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 9 Si vero non sint conformes, hoc potest esse
dupliciter. Uno modo, quia unitates unius numeri sunt differentes ab unitatibus
alterius numeri, sicut unitates binarii ab unitatibus ternarii; et tamen
unitates unius et eiusdem numeri sibi invicem sunt conformes. Alio modo ut
unitates eiusdem numeri non sibi invicem, nec unitatibus alterius numeri
conformes existant. Hanc divisionem significat, cum dicit, nec eaedem sibi
invicem, idest quae ad eumdem numerum pertinent, nec aliae omnes
etc., scilicet quae pertinent ad diversos numeros. Quocumque autem modo
ponatur difformitas inter unitates, videtur inconveniens. Nam omnis difformitas
est per aliquam formam vel passionem; sicut videmus quod corpora difformia
differunt calido et frigido, albo et nigro, et huiusmodi passionibus:
unitates autem huiusmodi passionibus carent, cum sint impassibiles secundum
Platonicos; ergo non poterit inter ea poni talis difformitas vel differentia,
quae causatur ab aliqua passione. Et sic patet quod ea quae Plato ponit de
speciebus et numeris, nec sunt rationabilia, sicut illa quae per
certam rationem probantur, nec sunt intelligentiae confessa, sicut ea
quae sunt per se nota, et solo intellectu certificantur, ut prima
demonstrationis principia. |
Et si elles ne sont pas
de même forme, cela peut arriver de deux façons. D’abord, les unités d’un
nombre seraient différentes des unités de l’autre nombre, comme les unités du
nombre 2 et celles du nombre 3, alors que les unités de chacun de ces nombres
seraient semblables entre elles. De l’autre façon, les unités d’un même
nombre ne seraient ni semblables entre elles, ni semblables aux unités de
l’autre nombre. Il indique cette alternative lorsqu’il dit : ni les mêmes, c'est-à-dire pareilles à
celles qui composent le même nombre, ni
différentes, c'est-à-dire pareilles à celles de nombres différents. Or,
peu importe quelle sorte de discordance on suppose entre les unités, on voit
que c’est absurde. Toute discordance, en effet, résulte d’une forme ou d’une
affection; ainsi, nous voyons que les corps discordants diffèrent par le
chaud et le froid, le blanc et le noir, et des affections du genre; mais les
unités sont privées de telles affections, car elles sont impassibles selon
les Platoniciens; on ne peut donc pas supposer entre elles de telles
discordances ou différences, qui seraient causées par des affections. Ainsi,
il est évident que les affirmations de Platon au sujet des espèces et des
nombres ne sont ni raisonnables,
comme celles qu’on prouve par des arguments certains, ni conformes au bon sens, comme celles qui sont évidentes en soi et
dont la certitude est établie par l’intelligence seule, en tant que premiers
principes de démonstration. |
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[81814] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 10 Deinde cum dicit amplius autem hic ponit tertiam
rationem contra Platonem, quae talis est. Omnia mathematica, quae a Platone sunt
dicta intermedia sensibilium et specierum, sunt ex numeris, aut simpliciter,
sicut ex propriis principiis, aut sicut ex primis. Et hoc ideo dicit, quia
secundum unam viam videtur quod numeri sint immediata principia aliorum
mathematicorum; nam unum dicebant constituere punctum, binarium lineam,
ternarium superficiem, quaternarium corpus. Secundum vero aliam viam videntur
resolvi mathematica in numeros, sicut in prima principia et non in proxima.
Nam corpora dicebant componi ex superficiebus, superficies ex lineis, lineas
ex punctis, puncta autem ex unitatibus, quae constituunt numeros. Utroque
autem modo sequebatur numeros esse principia aliorum mathematicorum. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Et puis, il est nécessaire,
etc., il avance un troisième argument contre Platon, que voici. Tous les
êtres mathématiques, que Platon dit être intermédiaires entre les sensibles
et les espèces, viennent des nombres, soit absolument, comme provenant de
leurs principes propres, soit comme à partir des premiers principes. Et il
dit cela parce que, dans le premier cas, il semble que les nombres soient les
principes immédiats des autres êtres mathématiques, car ils disaient que le 1
constitue le point, le 2 la ligne, le 3 la surface et le 4 le corps. Dans le
deuxième cas, les êtres mathématiques semblent se ramener aux nombres comme
aux premiers principes et non comme à des principes prochains. Ils disaient
en effet que les corps sont composés de surfaces, les surfaces de lignes, les
lignes de points et les points d’unités, et que celles-ci constituent les
nombres. Dans les deux cas, il s’ensuivait que les nombres sont les principes
des autres êtres mathématiques. |
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[81815] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 11 Sicut igitur alia mathematica erant media inter
sensibilia et species, ita necessarium est facere aliquod genus numeri, quod
sit aliud a numeris qui sunt species, et a numeris qui sunt substantia
sensibilium: et quod de huiusmodi numero sit arithmetica, sicut de proprio
subiecto, quae est una mathematicarum, sicut geometria de magnitudinibus
mathematicis. Hoc autem ponere videtur superfluum esse. Nam nulla ratio
poterit assignari quare sunt numeri medii inter praesentia, idest
sensibilia et eas scilicet species, cum tam sensibilia quam species
sint numeri. |
Alors, de même que les
autres êtres mathématiques étaient intermédiaires entre les sensibles et les
espèces, de même il est nécessaire de fabriquer un genre de nombres différent
des nombres qui sont des espèces et différent des nombres qui sont les
substances des sensibles; l’arithmétique porterait sur ce genre de nombres
comme sur son sujet propre, étant l’une des sciences mathématiques[27] comme la géométrie porte sur les grandeurs
mathématiques. Mais il paraît superflu d’affirmer l’existence de ces nombres,
car on ne peut donner aucune raison pour qu’il existe des nombres
intermédiaires entre les choses présentes (les sensibles) et elles (les
espèces), puisque tant les sensibles que les espèces sont des nombres. |
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[81816] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 16 n. 12 Deinde cum dicit amplius autem hic ponit quartam
rationem, quae talis est. Ea quae sunt in sensibilibus et in mathematicis
sunt causata ex speciebus: si igitur aliqua dualitas in sensibilibus et in
mathematicis invenitur, oportet quod utraque unitas huius posterioris
dualitatis sit causata ex priori dualitate, quae est species dualitatis. Et
hoc est impossibile, scilicet quod unitas ex dualitate causetur. Hoc
enim praecipue oportet dicere, si unitates unius numeri sint alterius speciei
ab unitatibus alterius, quia tunc a specie ante illius numeri unitates,
species sortientur. Et sic oportet quod unitates posterioris dualitatis sint
causatae ex priori dualitate. |
Puis lorsqu’il
dit : De plus, les unités, etc.,
il présente le quatrième argument, que voici. Ce qui se trouve dans les
sensibles et dans les êtres mathématiques est causé par les espèces; si donc
on trouve une dualité dans les sensibles et les êtres mathématiques, il faut
que les deux unités de cette dualité postérieure aient été causées par une
dualité antérieure, qui est l’espèce de la dualité. Et cela (que l’unité soit
causée par la dualité) est impossible.
En effet, il faut affirmer ceci surtout si les unités d’un nombre sont d’une
autre espèce que les unités de l’autre, car alors, les espèces sont
attribuées à partir d’une espèce antérieure aux unités de ce nombre. Il faut
ainsi que les unités de la dualité postérieure soient causées par une dualité
antérieure. |
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[81817] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 13 Deinde cum dicit amplius quare hic ponit quintam
rationem, quae talis est. Multa non conveniunt ad unum constituendum, nisi
propter aliquam causam, quae potest accipi vel extrinseca, sicut aliquod
agens quod coniungit, vel intrinseca, sicut aliquod vinculum uniens. Vel si
aliqua uniuntur per seipsa, oportet ut unum sit ut potentia, et aliud ut
actus. Nullum autem horum potest dici in unitatibus quare numerus
idest ex qua causa numerus erit quoddam comprehensum, idest congregatum
ex pluribus unitatibus: quasi dicat: non erit hoc assignare. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : En outre, comment expliquer,
etc., il énonce le cinquième argument, que voici. Plusieurs choses ne se
réunissent pas pour en constituer une seule, sinon sous l’action d’une cause,
qu’on peut supposer soit extrinsèque, comme un agent qui les rassemble, soit
intrinsèque, comme un lien unificateur. Ou bien, si des êtres s’unissent en
soi, il faut qu’ils soient une chose en tant que puissance et une autre en
tant qu’acte. Mais rien de tout cela ne peut expliquer, au sujet des unités,
pourquoi, c'est-à-dire par quelle cause, le nombre est compris, c'est-à-dire rassemblé, à partir de plusieurs unités;
autrement dit, on ne peut pas en donner une raison. |
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[81818] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 14 Deinde cum dicit amplius autem hic ponit sextam
rationem, quae talis est. Si numeri sunt species et substantiae rerum,
oportet, sicut praemissum est, dicere vel quod unitates sint differentes, aut
convenientes. Si autem differentes, sequitur quod unitas, inquantum unitas,
non sit principium. Quod patet per similitudinem sumptam a naturalium
positione. Naturales enim aliqui posuerunt quatuor corpora esse principia.
Quamvis autem commune sit ipsis hoc quod est esse corpus, non tamen ponebant
corpus commune esse principium, sed magis ignem, terram, aquam et aerem, quae
sunt corpora differentia. Unde, si unitates sint differentes, quamvis omnes
conveniant in ratione unitatis, non tamen erit dicendum, quod ipsa unitas
inquantum huiusmodi sit principium; quod est contra positionem Platonicorum.
Nam nunc ab eis dicitur, quod unum sit principium, sicut primo de naturalibus
dicitur quod ignis aut aqua aut aliquod corpus similium partium principium
sit. Sed si hoc est verum quod conclusum est contra positionem Platonicorum,
scilicet quod unum inquantum unum non sit principium et substantia rerum,
sequeretur quod numeri non sunt rerum substantia. Numerus enim non ponitur
esse rerum substantia, nisi inquantum constituitur ex unitatibus, quae
dicuntur esse rerum substantiae. Quod iterum est contra positionem
Platonicorum, quam nunc prosequitur, qua scilicet ponitur, quod numeri sint
species. |
Puis lorsqu’il
dit : Ce n’est pas tout, etc.,
il énonce le sixième argument, que voici. Si les nombres sont les espèces et
les substances des choses, il faut affirmer, comme on l’a dit, que les unités
sont soit différentes, soit semblables. Si elles sont différentes, il
s’ensuit que l’unité, en tant qu’unité, n’est pas un principe. Cela est
manifesté par une comparaison tirée des théories des physiciens. En effet,
certains d’entre eux ont affirmé que les principes étaient quatre corps. Mais
bien que ceux-ci aient en commun le fait d’être un corps, ils n’affirmaient
pourtant pas que le principe est le corps en général; ils disaient plutôt que
c’était le feu, la terre, l’eau et l’air, qui sont des corps différents. Par
conséquent, si les unités sont différentes, même si elles ont en commun la
raison d’unité, on ne doit pas dire que l’unité en tant que telle est un
principe, ce qui est contraire à la théorie des Platoniciens. Ceux-ci disent
en effet que l’un est un principe, comme les physiciens disaient en premier
que le feu, l’eau ou quelque autre corps aux parties semblables est un principe.
Mais s’il est vrai de conclure, contrairement à la théorie des Platoniciens,
que l’un en tant qu’un n’est pas le principe et la substance des choses, il
s’ensuit que les nombres ne sont pas les substances des choses. En effet, si
le nombre est déclaré être la substance des choses, c’est seulement en tant
qu’il est constitué des unités, qui sont déclarées être les substances des
choses. Cela aussi est contre la doctrine des Platoniciens dont nous traitons
maintenant, à savoir que les espèces sont des nombres. |
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[81819] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 15 Si autem dicas quod omnes unitates sunt
indifferentes, sequitur quod omne, idest universum totum sit aliquid
unum et idem, ex quo substantia rei cuiuslibet est ipsum unum, quod est commune
indifferens. Et ulterius sequitur, quod idem illud sit unum principium
omnium: quod est impossibile ratione ipsius rationis, quae de se est
inopinabilis, ut scilicet sint omnia unum secundum rationem substantiae; tum
quia includit contradictionem ex eo quod ponit unam esse substantiam rerum,
et tamen ponit illud unum esse principium. Nam unum et idem non est sui
ipsius principium: nisi forte dicatur quod unum multipliciter dicitur, ut
distincto uno ponantur omnia esse unum genere, et non specie vel numero. |
Mais si on dit que
toutes les unités sont indifférenciées, il s’ensuit que le Tout, c'est-à-dire
l’univers entier, est quelque chose d’un et d’identique, et donc la substance
de toute chose est cet Un commun et indifférencié. Il s’ensuit en outre que
ce même être est principe unique de toutes choses, ce qui est impossible en
raison de son propre argument, qui est en soi impossible à croire, à savoir
que toutes choses sont un sous le rapport de la substance; il comporte en
effet une contradiction, du fait qu’il affirme que la substance des choses
est unique, et il affirme pourtant que cet Un est principe. En effet, une
seule et même chose n’est pas principe d’elle-même, à moins peut-être qu’on
ne dise qu’« un » se prend en plusieurs sens, de sorte qu’en
distinguant l’un on affirme que toutes choses sont un en genre, mais non en
espèce ou en nombre. |
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[81820] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 16 Volentes autem substantias hic disputat contra
positionem Platonis quantum ad hoc quod posuit de magnitudinibus
mathematicis. Et primo ponit eius positionem. Secundo obiicit contra ipsam,
ibi, attamen quomodo habebit et cetera. Dicit ergo primo, quod Platonici
volentes rerum substantias reducere ad prima principia, cum ipsas
magnitudines dicerent esse substantias rerum sensibilium, lineam, superficiem
et corpus, istorum principia assignantes, putabant se rerum principia
invenisse. Assignando autem magnitudinum principia, dicebant longitudines,
idest lineas componi ex producto et brevi, eo quod principia rerum omnium
ponebant esse contraria. Et quia linea est prima inter quantitates continuas,
ei per prius attribuebant magnum et parvum, ut per hoc quod haec duo sunt
principia lineae, sint etiam principia aliarum magnitudinum. Dicit autem ex
aliquo parvo et magno, quia parvum et magnum etiam in speciebus
ponebantur, ut dictum est, sed secundum quod per situm determinatur et
quodammodo particulari ad genus magnitudinum, constituunt primo lineam, et
deinde alias magnitudines. Planum autem, idest superficiem eadem
ratione dicebant componi ex lato et arcto, et corpus ex profundo et humili. |
Lorsqu’il dit : Dans le but de ramener, etc., il
argumente contre la doctrine de Platon quant à ce qu’il a affirmé des
grandeurs mathématiques. Et en premier, il énonce sa théorie; en deuxième, il
s’y oppose, où il dit : Or,
comment le plan pourra-t-il, etc. Il dit donc en premier que les
Platoniciens, voulant ramener les substances des choses aux premiers
principes, puisqu’ils disaient que que les grandeurs sont les substances des
choses sensibles, ont pensé pouvoir trouver les principes des choses en
disant que les principes des grandeurs étaient la ligne, la surface et le
corps. Or, en énonçant les principes des grandeurs, ils disaient que les longueurs, c'est-à-dire les lignes,
étaient composées du long et du court, du fait qu’ils affirmaient que les
principes de toutes choses sont des contraires. Et parce que la ligne est la
première des quantités continues, c’est à elle qu’ils attribuaient en premier
lieu le grand et le petit, de sorte que ceux-ci, du fait qu’ils sont
principes de la ligne, soient également principes des autres grandeurs. Mais
il dit d’une certaine espèce de grand
et de petit parce qu’ils attribuaient le petit et le grand même aux
espèces, comme on l’a dit; mais en autant que ceux-ci sont déterminés dans le
genre des grandeurs par quelque chose de particulier, ils constituent d’abord
la ligne, et ensuite les autres grandeurs. Pour la même raison, ils disaient
que le plan, c'est-à-dire la surface, est composé du large et de l’étroit, et
que le corps est composé de l’épais et du mince. |
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[81821] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 17 Deinde cum dicit attamen quomodo hic obiicit contra praedictam
positionem duabus rationibus: quarum prima talis est. Quorum principia sunt
diversa, ipsa etiam sunt diversa; sed principia dictarum magnitudinum
secundum praedictam positionem sunt diversa. Latum enim et arctum, quae
ponuntur principia superficiei, sunt alterius generis quam profundum et
humile, quae ponuntur principia corporis. Et similiter potest dici de longo
et brevi quod differunt ab utroque; ergo etiam linea et superficies et corpus
erunt adinvicem distincta. Quomodo ergo poterat dici quod superficies haberet
in se lineam, et quod corpus habeat lineam et superficiem? Et ad huius
rationis confirmationem inducit simile de numero. Multum enim et paucum, quae
simili ratione ponuntur principia rerum, sunt alterius generis a longo et
brevi, lato et stricto, profundo et humili. Et ideo numerus non continetur in his
magnitudinibus, sed est separatus per se. Unde et eadem ratione nec superius
inter praedicta erit etiam in inferioribus, sicut linea non in superficie,
nec superficies in corpore. |
Puis lorsqu’il
dit : Or, comment le plan,
etc., il s’oppose à cette théorie pour deux raisons, dont voici la première.
Les choses qui ont des principes différents sont également différentes; mais
les principes de ces grandeurs, selon la théorie décrite ci-dessus, sont
différents. En effet, le large et l’étroit, qui sont donnés comme principes
de la surface, sont d’un autre genre que l’épais et le mince, qui sont donnés
comme principes du corps. On peut dire pareillement que le long et le court
diffèrent des deux couples précédents; donc, la ligne, la surface et le corps
aussi sont distincts l’un de l’autre. Alors, comment peut-on dire que la
surface contient la ligne et que le corps contient la ligne et la surface? Et
pour confirmer cet argument, il apporte une comparaison tirée des nombres. En
effet, le plus et le moins nombreux, qui sont donnés commes principes des
choses pour une raison semblable, sont d’un autre genre que le long et le
court, le large et l’étroit, l’épais et le monce. Par conséquent, le nombre
n’est pas contenu dans ces grandeurs, mais il est séparé en soi. Donc, pour
la même raison, le plus élevé des principes énumérés n’est pas non plus dans
les inférieurs; ainsi, la ligne n’est pas dans la surface, ni la surface dans
le corps. |
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[81822] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 18 Sed quia posset dici, quod quaedam praedictorum
contrariorum sunt genera aliorum, sicut quod longum esset lati genus, et
latum genus profundi; hoc removet tali ratione. Sicut habent se principia
adinvicem, et principiata: si igitur latum est genus profundi, et superficies
erit genus corporis. Et ita corpus erit aliquod planum, idest aliqua species
superficiei: quod patet esse falsum. |
Mais parce qu’on
pourrait dire que certains des contraires mentionnés sont les genres des
autres, par exemple que le long est le genre du large, et le large du
profond, il écarte cette idée par l’argument suivant. Les principes ont le
même rapport entre eux que ce qui découle des principes; si donc le large est
un genre de l’épais, la surface est aussi un genre du corps. Et ainsi, le
corps est quelque chose de plat, c'est-à-dire une espèce de surface, ce qui
est évidemment faux. |
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[81823] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 19 Deinde cum dicit amplius puncta hic ponit secundam
rationem, quae sumitur ex punctis; circa quam Plato videtur dupliciter
deliquisse. Primo quidem, quia cum punctus sit terminus lineae, sicut linea
superficiei, et superficies corporis; sicut posuit aliqua principia, ex
quibus componuntur praedicta, ita debuit aliquid ponere ex quo existerent
puncta; quod videtur praetermisisse. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Et les points, d’où
viendront-ils? etc., il donne la deuxième raison, fondée sur les points;
à ce sujet, Platon semble avoir été en défaut de deux façons. Tout d’abord,
parce que, le point étant la borne de la ligne comme la ligne est la borne de
la surface et la surface celle du corps, de même qu’il a affirmé certains
principes dont les réalités précédentes sont composées, de même il aurait dû
affirmer quelque chose dont découle l’existence des points, ce qu’il semble
avoir omis de faire. |
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[81824] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 16 n. 20 Secundo, quia circa puncta videbatur diversimode
sentire. Quandoque enim contendebat totam doctrinam geometricam de hoc genere
existere, scilicet de punctis, inquantum scilicet puncta ponebat principia et
substantiam omnium magnitudinum. Et hoc non solum implicite, sed etiam
explicite punctum vocabat principium lineae, sic ipsum definiens. Multoties
vero dicebat, quod lineae indivisibiles essent principia linearum, et aliarum
magnitudinum; et hoc genus esse, de quo sit geometria, scilicet lineae
indivisibiles. Et tamen per hoc quod ponit ex lineis indivisibilibus componi
omnes magnitudines, non evadit quin magnitudines componantur ex punctis, et
quin puncta sint principia magnitudinum. Linearum enim indivisibilium
necessarium esse aliquos terminos, qui non possunt esse nisi puncta. Unde ex
qua ratione ponitur linea indivisibilis principium magnitudinum, ex eadem
ratione et punctum principium magnitudinis ponitur. |
Deuxièmement, il est en
défaut parce qu’il semble avoir eu des idées divergentes sur les points. En effet,
il soutenait parfois que toute la théorie géométrique provenait de ce genre
(celui des points), en autant qu’il affirmait que les points sont les
principes et la substance de toutes les grandeurs. Et cela n’était pas
qu’implicite; c’est aussi de façon explicite qu’il disait que le point est le
principe de la ligne, le définissant lui-même ainsi. Mais il a dit à maintes
reprises que les lignes indivisibles sont les principes des lignes et des
autres grandeurs, et que ces lignes indivisibles sont le genre dont traite la
géométrie. Et pourtant, en affirmant que toutes les grandeurs sont composées
de lignes indivisibles, il ne peut éviter de dire que les grandeurs sont
composées de points et que les points sont les principes des grandeurs. Il
est nécessaire, en effet, que les lignes indivisibles aient des bornes, qui
ne peuvent être que des points. Alors, pour la même raison que la ligne
indivisible est donnée comme principe des grandeurs, le point aussi est
affirmé comme principe de la grandeur. |
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Lectio 17 |
Leçon 17, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Enfin, quand il appartient à la philosophie de
rechercher la cause des phénomènes, c’est cela même que l’on néglige : car
on ne dit rien de la cause qui est le principe du changement ; et on
s’imagine expliquer l’essence des choses sensibles, en posant d’autres
essences ; mais comment celles-ci sont-elles les essences de
celles-là ? C’est sur quoi on ne se paie que de mots, car participer,
comme nous l’avons déjà dit, ne signifie rien. Et ce principe que nous
regardons comme la fin des sciences, en vue duquel agit toute intelligence et
tout être ; ce principe que nous avons rangé parmi les principes
premiers, les idées ne l’atteignent nullement. Mais, les Mathématiques sont devenues, pour les
modernes, toute la Philosophie, quoiqu’ils disent qu’on ne devrait les
cultiver qu’en vue du reste. De
plus, cette dyade, dont ils font la matière des choses, on pourrait bien la
regarder comme une matière purement mathématique, comme un attribut et une
différence de ce qui est et de la matière, plutôt que comme la matière
même : c’est comme ce que les physiciens appellent le rare et le dense,
ne désignant par là que les différences premières du sujet ; car tout
cela n’est autre chose qu’une sorte de plus et de moins. Quant à ce qui est
du mouvement, si le grand et le petit renferment le mouvement, il est clair
que les idées seront en mouvement : sinon, d’où est-il venu ? C’en
est assez pour supprimer d’un seul coup toute étude de la nature. Il eût paru
facile à cette doctrine de démontrer que tout est un ; mais elle n’y
parvient pas, car, des raisons qu’on expose, il ne résulte pas que toutes
choses soient l’unité, mais seulement qu’il y a une certaine unité existante,
et il reste à accorder qu’elle soit tout : or cela, on ne le peut, qu’en
accordant l’existence du genre universel, ce qui est impossible pour
certaines choses. Pour les choses qui viennent après les nombres, à savoir,
les longueurs, les surfaces et les solides, on n’en rend pas raison, on
n’explique ni comment elles sont et deviennent, ni si elles ont quelque
vertu. Il est impossible que ce soient des idées ; car ce ne sont pas
des nombres, ni des choses intermédiaires, car ces dernières sont les choses
mathématiques, ni enfin des choses périssables ; mais il est évident
qu’elles constituent une quatrième classe d’êtres. Enfin,
rechercher les éléments des êtres sans les distinguer, lorsque leurs
dénominations les distinguent de tant de manières, c’est se mettre dans
l’impossibilité de les trouver, surtout si on pose la question de cette
manière : Quels sont les éléments des êtres ? Car de quels éléments
viennent l’action ou la passion ou la direction rectiligne, c’est ce qu’on ne
peut certainement pas saisir ; on ne le peut que pour les
substances ; de sorte que rechercher les éléments de tous les êtres ou
s’imaginer qu’on les connaît, est une chimère. Et puis, comment pourra-t-on
apprendre quels sont les éléments de toutes choses ? Évidemment, il est
impossible alors qu’on ne possède aucune connaissance préalable ; car
quand on apprend la géométrie, on a des connaissances préalables, sans qu’on
sache d’avance rien de ce que renferme la géométrie et de ce qu’il s’agit
d’apprendre ; et il en est ainsi de tout le reste ; si donc il y a
une science de toutes choses, comme quelques-uns le prétendent, il n’y a plus
de connaissance préalable. Cependant, toute science, aussi bien celle qui
procède par démonstration que celle qui procède par définitions, ne
s’acquiert qu’à l’aide de connaissances préalables, totales ou
particulières ; car toute définition suppose des données connues
d’avance ; et il en est de même de la science par induction. Mais, d’un autre côté, si la science se trouvait
actuellement innée, il serait étonnant qu’à notre insu nous possédions en
nous la plus haute des sciences. Et puis,
comment connaîtra-t-on les éléments de toutes choses et comment arrivera-t-on
à une certitude démonstrative ? Car cela est sujet à difficulté ;
et on pourrait douter sur ce point comme on doute au sujet de certaines
syllabes : les uns disent, en effet, que la syllabe ZA est composée des trois lettres S, D et A ; les autres prétendent que c’est un autre
son, différent de tous ceux que nous connaissons. Enfin, les choses qui
tombent sous la sensation, comment celui qui est dépourvu de la faculté de
sentir, pourra-t-il les connaître ? Pourtant, il le faudrait si les
idées sont les éléments dont se composent toutes choses, comme des sons composés
viennent tous des sons élémentaires. Ainsi
donc, il résulte clairement de tout ce que nous avons dit jusqu’ici :
les recherches de tous les philosophes se rapportent aux quatre principes
déterminés par nous dans la Physique, et qu’en dehors de ceux-là il n’y en a
pas d’autre. Mais ces recherches ont été faites sans précision ; et si,
en un sens, on a parlé avant nous de tous les principes, on peut dire en un
autre qu’il n’en a pas été parlé : car la philosophie primitive, jeune
et faible encore, semble bégayer sur toutes choses. Par exemple, lorsque
Empédocle dit que ce qui fait l’os c’est la proportion, il désigne par là la
forme et l’essence de la chose ; mais il faut aussi que ce principe
rende raison de la chair et de toutes les autres choses, ou de rien ;
c’est donc par la proportion que la chair et l’os et toutes les autres choses
existeront, et non pas par la matière, laquelle est selon lui feu, terre et
eau. Qu’un autre eût dit cela, Empédocle en serait nécessairement
convenu ; mais il ne s’est pas expliqué clairement. L’insuffisance des recherches de nos devanciers a
été assez montrée. Maintenant, reprenons les difficultés qui peuvent s’élever
sur le sujet, lui-même ; leur solution nous conduira peut-être à celle
des difficultés qui se présenteront ensuite. |
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Lectio 17 |
Leçon 17 (Traduction
Georges Comeau, 2011)
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[81825] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 1 Hic improbat positionem Platonis quantum ad hoc,
quod ponebat de rerum principiis. Et primo quantum ad hoc quod ponebat principia
essendi. Secundo quantum ad hoc quod ponebat principia cognoscendi, ibi,
quomodo autem aliquis et cetera. Circa primum ponit sex rationes; quarum
prima sumitur ex hoc, quod genera causarum praetermittebat. Unde dicit quod omnino
sapientia, scilicet philosophia habet inquirere causas de manifestis,
idest de his, quae sensui apparent. Ex hoc enim homines inceperunt
philosophari, quod causas inquisiverunt, ut in prooemio dictum est. Platonici
autem, quibus se connumerat, rerum principia praetermiserunt, quia nihil
dixerunt de causa efficiente, quae est principium transmutationis. Causam
vero formalem putaverunt se assignare ponentes ideas. Sed, dum ipsi
putaverunt se dicere substantiam eorum, scilicet sensibilium, dixerunt
quasdam esse alias substantias separatas ab istis diversas. Modus autem, quo
assignabant illa separata esse substantias horum sensibilium, est
supervacuus, idest efficaciam non habens nec veritatem. Dicebant enim
quod species sunt substantiae eorum inquantum ab istis participantur. Sed hoc
quod de participatione dicebant, nihil est, sicut ex supradictis patet. Item
species, quas ipsi ponebant, non tangunt causam finalem, quod tamen videmus
in aliquibus scientiis, quae demonstrant per causam finalem, et propter quam
causam omne agens per intellectum et agens per naturam operatur, ut secundo
physicorum ostensum est. Et sicut ponendo species non tangunt causam quae
dicitur finis, ita nec causam quae dicitur principium, scilicet efficientem,
quae fini quasi opponitur. Sed Platonicis praetermittentibus huiusmodi causas
facta sunt naturalia, ac si essent mathematica sine motu, dum principium et
finem motus praetermittebant. Unde et dicebant quod mathematica debent
tractari non solum propter seipsa, sed aliorum gratia, idest naturalium,
inquantum passiones mathematicorum sensibilibus attribuebant. |
Il réfute ici la
théorie de Platon quant à ce qu’il affirmait au sujet des principes des
choses : en premier, quant au fait qu’il affirmait des principes
d’existence; en second, quant au fait qu’il affirmait des principes de
connaissance, où il dit : Et puis,
comment pourra-t-on, etc. Au sujet du premier point, il présente six
arguments, dont le premier vient du fait que Platon n’a pas parlé des genres
de causes. C’est pourquoi il dit qu’il appartient absolument à la sagesse,
c'est-à-dire à la philosophie, de rechercher les causes des phénomènes, c'est-à-dire de ce qui apparaît aux sens. En
effet, les hommes ont commencé à philosopher du fait qu’ils ont recherché les
causes, comme on l’a dit dans l’introduction. Mais les Platoniciens, parmi
lesquels il se compte, ont laissé de côté les principes des choses, car ils
n’ont rien dit de la cause efficiente, qui est le principe du changement.
Quant à la cause formelle, ils ont pensé la trouver en affirmant l’existence
des idées; mais, en pensant définir la substance des sensibles, ils ont dit
qu’il existait des substances séparées, qui différaient des sensibles. Or, la
manière dont ils attribuaient ces êtres séparés comme substances aux
sensibles ne signifie rien,
c'est-à-dire est inefficace et dénuée de vérité. Ils disaient en effet que
les espèces sont les substances des sensibles parce que ceux-ci y
participent. Mais ce qu’ils disaient de la participation est vide, comme il
est évident d’après ce qui précède. De plus, les espèces qu’ils affirmaient
ne touchent pas à la cause finale, dont nous voyons pourtant l’importance
dans les autres sciences, qui démontrent par la cause finale, cause qui
motive tout agent qui opère soit par intelligence, soit par nature, comme on
l’a montré au livre II des Physiques.
Et de même qu’en affirmant l’existence des espèces, ils ne parlent pas de la
cause qu’on appelle la fin, ils omettent également la cause appelée début[28], c'est-à-dire la cause efficiente, qui est comme
l’opposé de la fin. Mais pour les Platoniciens, qui laissent de côté ces
causes, les êtres naturels sont faits somme s’ils étaient des êtres
mathématiques sans mouvement, puisqu’ils omettent le début et la fin du
mouvement. C’est pourquoi ils disaient aussi qu’on ne doit pas traiter des
mathématiques seulement pour leur propre compte, mais aussi en vue d’autre
chose, à savoir les êtres naturels, du fait qu’ils attribuaient aux sensibles
les propriétés des êtres mathématiques. |
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[81826] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 2 Deinde cum dicit amplius autem hic ponit secundam
rationem, quae talis est. Illud, quod ponitur tamquam rei materia, magis est substantia
rei et praedicabile de re, quam illud quod est separatum a re: sed species
est separata a rebus sensibilibus: ergo secundum Platonicorum opinionem magis
aliquid suscipiet substantiam subiectam, ut materiam, esse substantiam
mathematicorum quam speciem separatam. Magis etiam suscipiet eam praedicari
de re sensibili quam speciem praedictam. Platonici enim ponebant magnum et
parvum esse differentiam substantiae et materiei. Haec enim duo principia
ponebant ex parte materiae, sicut naturales ponentes rarum et densum esse
primas differentias subiecti idest materiae, per quas scilicet materia
transmutabatur, dicentes eas quodammodo scilicet magnum et parvum. Quod ex
hoc patet, quia rarum et densum sunt quaedam superabundantia et defectio.
Spissum enim est quod habet multum de materia sub eisdem dimensionibus. Rarum
quod parum. Et tamen Platonici substantiam rerum sensibilium magis dicebant
species quam mathematica, et magis praedicari. |
Puis lorsqu’il
dit : De plus, cette dyade,
etc., il donne le deuxième argument, que voici. Ce qui est supposé comme
étant matière de la chose est davantage la substance de la chose et y est
davantage attribuable que ce qui est séparé de la chose. Mais l’espèce est
séparée des choses sensibles; donc, selon l’opinion des Platoniciens, une
chose admet davantage une substance sous-jacente telle que la matière, plutôt
qu’une espèce séparée, comme substance des êtres mathématiques. Aussi, on
attribue plus facilement la matière à la chose sensible, plutôt que l’espèce.
En effet, les Platoniciens affirmaient que le grand et le petit sont les
différences de la substance et de la matière. Ils mettaient en effet ces deux
principes du côté de la matière, comme les physiciens disaient que le rare et
le dense sont les différences premières du sujet, c'est-à-dire de la matière, et que la matière se
transforme par ces différences, et ils disaient que celles-ci sont une sorte
de grand et de petit. Cela est évident du fait que le rare et le dense sont
une sorte de surabondance et de pénurie, car le concentré est ce qui a
beaucoup de matière dans les mêmes dimensions, et le rare ce qui en a peu. Et
pourtant, les Platoniciens disaient que les espèces, davantage que les êtres
mathématiques, sont la substance des choses et s’attribuent davantage aux
choses. |
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[81827] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 3 Deinde cum dicit et de motu hic ponit tertiam
rationem, quae talis est. Si
ea, quae sunt in sensibilibus, causantur a speciebus separatis, necessarium
est dicere quod sit in speciebus idea motus, aut non. Si est ibi aliqua species et idea motus, etiam
constat quod non potest esse motus sine eo quod movetur, necesse erit quod
species moveantur; quod est contra Platonicorum opinionem, qui ponebant
species immobiles. Si autem non sit idea motus, ea autem quae sunt in
sensibilibus causantur ab ideis, non erit assignare causam, unde motus veniat
ad ista sensibilia. Et sic aufertur tota perscrutatio scientiae naturalis,
quae inquirit de rebus mobilibus. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Quant à ce qui est du
mouvement, etc., il donne le troisième argument, que voici. Si ce qui est
dans les sensibles est causé par les espèces séparées, il est nécessaire de
dire que l’idée du mouvement est au nombre des espèces, ou qu’elle n’y est
pas. S’il existe une idée ou une espèce du mouvement, il est également
évident que le mouvement ne peut pas exister sans ce qui est mû, et il est
donc nécessaire que les espèces soient mues, ce qui est contraire à l’opinion
des Platoniciens, qui affirmaient que les espèces sont immobiles. Mais s’il
n’existe pas d’idée du mouvement, vu que ce qui se trouve dans les sensibles
est causée par les idées, on ne peut par établir la cause pour laquelle le
mouvement survient dans les sensibles. Et ainsi, on supprime toute l’étude de
la science naturelle, dont la recherche porte sur les êtres mobiles. |
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[81828] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 4 Deinde cum dicit et quod hic ponit quartam rationem,
quae talis est. Si unum esset substantia rerum omnium sicut Platonici posuerunt,
oporteret dicere quod omnia sint unum, sicut et naturales, qui ponebant
substantiam omnium esse aquam, et sic de elementis aliis. Sed facile est
monstrare, quod omnia non sunt unum: ergo positio quae ponit substantiam
omnium esse unum, est improbabilis. |
Puis lorsqu’il
dit : Il eût paru facile,
etc., il énonce le quatrième argument, que voici. Si l’un était la substance
de toutes choses, comme l’ont affirmé les Platoniciens, il faudrait dire que
toutes choses sont un, comme l’ont affirmé les physiciens qui disaient que
l’eau, ou l’un des autres éléments, était la substance de toutes choses. Mais
il est facile de démontrer que toutes choses ne sont pas un; donc, la théorie
selon laquelle la substance de toutes choses est unique est invraisemblable. |
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[81829] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 5 Si autem aliquis dicat quod ex positione Platonis
non sequitur quod omnia sint unum simpliciter, sed aliquod unum, sicut
dicimus aliqua esse unum secundum genus, vel secundum speciem; si quis velit
dicere sic omnia esse unum, nec hoc etiam poterit sustineri, nisi hoc quod
dico unum, sit genus, vel universale omnium. Per hunc enim modum possemus
dicere omnia esse unum specialiter, sicut dicimus hominem et asinum esse
animal substantialiter. Hoc autem quibusdam videtur impossibile, scilicet
quod sit unum genus omnium; quia oporteret, quod differentia divisiva huius
generis non esset una, ut in tertio dicetur, ergo nullo modo potest poni quod
substantia rerum omnium sit unum. |
Mais si on disait qu’il
ne s’ensuit pas de la théorie de Platon que toutes choses sont absolument un,
mais qu’elles sont seulement une certaine unité, comme on dit que des choses
sont un par le genre ou par l’espèce, si on voulait dire que toutes choses
sont un de cette façon, cela même ne pourrait pas se soutenir, à moins que
l’« un » ne soit le genre ou l’universel de toutes choses. De cette
façon, on pourrait dire en effet que toutes choses sont un de façon
particulilère, comme on dit que l’homme et l’âne sont l’animal par leur
substance. Mais il semble impossible à certains qu’il existe un seul genre de
toutes choses, car il faudrait alors que la différence qui divise ce genre ne
soit pas unique, comme on le dira au livre III, et donc, on ne peut affirmer
en aucune façon que la substance de toutes choses soit unique. |
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[81830] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 6 Deinde cum dicit nullam namque hic ponit quintam
rationem, quae talis est. Plato ponebat post numeros, longitudines et latitudines
et soliditates esse substantias rerum sensibilium, ex quibus scilicet corpora
componerentur. Hoc autem secundum
Platonis positionem nullam rationem habere videtur, quare debeant poni nec in
praesenti, nec in futuro. Nec etiam videtur habere aliquam potestatem ad hoc
quod sint sensibilium causae. Per praesentia enim hic oportet intelligi
immobilia, quia semper eodem modo se habent. Per futura autem
corruptibilia et generabilia, quae esse habent post non esse. Quod sic patet. Plato enim ponebat tria genera
rerum; scilicet sensibilia, et species, et mathematica quae media sunt. Huiusmodi autem lineae et superficies, ex quibus
componuntur corpora sensibilia, non est possibile esse species, quia species
sunt numeri essentialiter. Huiusmodi autem sunt post numeros. Nec iterum
potest dici quod sunt intermedia inter species et sensibilia. Huiusmodi enim
sunt entia mathematica, et a sensibilibus separata: quod non potest dici de
illis lineis et superficiebus ex quibus corpora sensibilia componuntur. Nec iterum
possunt esse sensibilia. Nam sensibilia sunt corruptibilia; huiusmodi autem
incorruptibilia sunt, ut infra probabitur in tertio. Ergo vel ista nihil
sunt, vel sunt quartum aliquod genus entium, quod Plato praetermisit. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Pour les choses qui
viennent, etc., il présente le cinquième argument, qui est le suivant.
Platon affirmait que, après les nombres, les longueurs, les largeurs et les
solides sont les substances des choses sensibles, dont les corps sont
composés. Mais cela, selon la théorie de Platon, ne semble aucunement donner
une raison pour qu’on doive les supposer dans les choses présentes ou
futures. Ils ne semblent pas non plus avoir la capacité d’être causes des
sensibles. En effet, il faut comprendre ici par choses présentes celles qui sont immobiles et se comportent
toujours de la même façon, et par futures
celles qui peuvent se corrompre et être engendrées, et qui ont l’être
après le non-être. En voici la preuve. Platon supposait en effet trois genres
de choses : les sensibles, les espèces et, entre les deux, les êtres
mathématiques. Mais il est impossible que ces lignes et ces surfaces, dont
les corps sensibles sont composés, soient des espèces, car les espèces sont
essentiellement des nombres, mais ces choses viennent après les nombres. Et
on ne peut pas dire non plus qu’elles sont des intermédiaires entre les
espèces et les sensibles, car ce rôle est joué par les êtres mathématiques,
qui sont séparés des sensibles, propriété qu’on ne peut pas attribuer aux
lignes et aux surfaces, dont les corps sensibles sont composés. Celles-ci ne
peuvent pas non plus être les sensibles, car les sensibles sont corruptibles,
mais les lignes et les surfaces sont incorruptibles, comme on le prouvera
plus loin, au livre III. Donc, ou bien elles ne sont rien, ou bien elles sont
un quatrième genre d’êtres, dont Platon n’a jamais parlé. |
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[81831] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 7 Deinde cum dicit et omnino hic ponit sextam
rationem, quae talis est. Impossibile est invenire principia alicuius
multipliciter dicti, nisi multiplicitas dividatur. Ea enim quae solo nomine
convenientia sunt et differunt ratione, non possunt habere principia
communia, quia sic haberent rationem eamdem, cum rei cuiuscumque ratio ex
suis principiis sumatur. Distincta autem principia his, quibus solum nomen
commune est, assignari impossibile est, nisi his quorum principia sunt
assignanda adinvicem diversis. Cum igitur ens multipliciter dicatur et non
univoce de substantia et aliis generibus, inconvenienter assignat Plato
principia existentium, non dividendo abinvicem entia. |
Puis lorsqu’il
dit : Enfin, rechercher les
éléments, etc., il présente le sixième argument, que voici. Il est
impossible de trouver les principes d’une chose qui se dit de plusieurs
façons, à moins de prendre séparément ces plusieurs façons. En effet, les
choses qui n’ont en commun que le nom et diffèrent en raison ne peuvent pas
avoir des principes communs, car ainsi elles auraient la même notion, puisque
la notion de toute chose est tirée de ses principes. Mais il est impossible
d’attribuer des principes distincts aux choses qui n’ont en commun que le
nom, mais ces choses auxquelles on doit attribuer des principes doivent être
différentes entre elles. Alors, comme l’être se dit de bien des façons, et ne
se dit pas de façon univoque de la substance et des autres genres, Platon a
eu tort d’attribuer des principes aux êtres existants sans distinguer les
êtres entre eux. |
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[81832] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 8 Sed quia aliquis posset aliquibus ratione
differentibus, quibus nomen commune est, principia assignare, singulis
propria principia captando, sine hoc quod nominis communis multiplicitatem
distingueret, hoc etiam Platonici non fecerunt. Unde et aliter, idest
alia ratione inconvenienter rerum principia assignaverunt quaerentes ex
quibus elementis sunt entia, secundum hunc modum, quo quaesierunt, ut
scilicet non omnibus entibus sufficientia principia assignarent. Non enim ex
eorum dictis est accipere ex quibus principiis est agere aut pati, aut curvum
aut rectum, aut alia huiusmodi accidentia. Assignabant enim solum principia
substantiarum, accidentia praetermittentes. |
Mais alors qu’on
pourrait attribuer des principes à des choses différentes en raison mais qui
portent le même nom, en saisissant les principes propres de chacune, sans
distinguer la pluralité de sens de l’appellation commune, les Platoniciens
n’ont pas fait cela non plus. C’est pourquoi, également, c’est-à-dire pour une autre raison, c’est à tort
qu’ils ont attribué des principes aux choses en procédant de cette manière
pour se demander à partir de quels éléments viennent les êtres, de sorte
qu’ils n’ont pas attribué des principes à tous les êtres de façon suffisante.
À partir de leurs dires, en effet, on ne peut pas savoir de quels principes
viennent l’action ou la passion, le courbe ou le droit, ou d’autres accidents
du genre. En effet, ils attribuaient des principes seulement aux substances,
en omettant les accidents. |
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[81833] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 9 Sed si aliquis defendendo Platonem dicere vellet,
quod tunc contingit omnium entium elementa esse acquisita aut inventa, quando
contingit solarum substantiarum principia habita esse vel inventa, hoc
opinari non est verum. Nam licet principia substantiarum etiam quodammodo
sint principia accidentium, tamen accidentia propria principia habent. Nec
sunt omnibus modis omnium generum eadem principia, ut ostendetur infra,
undecimo vel duodecimo huius. |
Mais si on voulait
dire, pour défendre Platon, qu’on se trouve à avoir compris ou découvert les
éléments de tous les êtres lorsqu’on s’est contenté d’avoir ou de trouver les
principes des substances, cette opinion ne serait pas vraie. En effet, bien
que les principes des substances soient aussi de quelque façon les principes
des accidents, les accidents propres ont tout de même des principes. Et les
mêmes choses ne sont pas non plus les principes de tous les genres de toutes
les manières, comme on le montrera plus loin, au livre XI ou au livre XII. |
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[81834] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 10 Deinde cum dicit quomodo autem disputat contra Platonem
quantum ad hoc, quod ponebat ideas esse principia scientiae in nobis. Et
ponit quatuor rationes: quarum prima est. Si ex ipsis ideis scientia in nobis
causatur, non continget addiscere rerum principia. Constat autem quod
addiscimus. Ergo ex ipsis ideis scientia non causatur in nobis. Quod autem
non contingeret aliquid addiscere sic probat. Nullus enim praecognoscit illud
quod addiscere debet; sicut geometra, etsi praecognoscat alia quae sunt
necessaria ad demonstrandum, tamen ea quae debet addiscere non debet
praecognoscere. Et similiter est in aliis scientiis. Sed si ideae sunt causa
scientiae in nobis, oportet quod omnium scientiam habeant, quia ideae sunt
rationes omnium scibilium: ergo non possumus aliquid addiscere, nisi aliquis
dicatur addiscere illud quod prius praecognovit. Unde si ponatur quod aliquis
addiscat, oportet quod non praeexistat cognoscens illa quae addiscit, sed
quaedam alia cum quibus fiat disciplinatus, idest addiscens praecognita omnia,
idest universalia aut quaedam, idest singularia. Universalia quidem,
sicut in his quae addiscuntur per demonstrationem et definitionem; nam
oportet sicut in demonstrationibus, ita in definitionibus esse praecognita
ea, ex quibus definitiones fiunt, quae sunt universalia; singularia vero
oportet esse praecognita in his quae discuntur per inductionem. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Et puis, comment
pourra-t-on, etc., il argumente contre Platon quant au fait qu’il disait
que les idées sont les principes de la science en nous. Et il énonce quatre
arguments; voici le premier. Si les idées causaient la science en nous, il ne
serait pas possible d’apprendre les principes des choses. Mais il est évident
que nous apprenons; donc, la science n’est pas causée en nous par les idées.
Quant au fait qu’il ne serait pas possible d’apprendre quelque chose, il le
prouve comme suit. En effet, nul ne connaît d’avance ce qu’il doit apprendre;
ainsi, même si le géomètre connaît d’avance des choses nécessaires à la
démonstration, il ne doit pas connaître au préalable ce qu’il doit apprendre.
Et il en va de même dans les autres sciences. Mais si les idées sont causes
de la science en nous, il faut qu’elles contiennent la science de toutes
choses, car les idées sont les notions de tout ce qui peut être connu; nous
ne pouvons donc rien apprendre, à moins qu’on ne dise que quelqu'un apprend
ce qu’il connaissait déjà. C’est pourquoi, si on dit que quelqu'un apprend,
il faut qu’il n’ait pas d’avance la connaissance de ce qu’il apprend, mais
qu’il connaisse d’autres choses à partir desquelles il est instruit, ou
apprend : à l’aide de choses connues totales,
c'est-à-dire universelles, ou
particulières, c'est-à-dire singulières. On apprend à l’aide des
universels, quand on le fait par démonstration et par définition; il faut en
effet, dans les démonstrations comme dans les définitions, que les éléments
qui constituent les définitions soient connus d’avance, et ce sont des
universels; quant aux singuliers, ils doivent être connus d’avance dans ce
qu’on apprend par induction. |
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[81835] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 11 Deinde cum dicit sed si est hic ponit secundam
rationem, quae talis est. Si ideae sunt causa scientiae, oportet nostram
scientiam esse nobis connaturalem. Sensibilia enim per haec naturam propriam
adipiscuntur, quia ideas participant secundum Platonicos. Sed potissima
disciplina sive cognitio est illa quae est nobis connaturalis, nec eius
possumus oblivisci, sicut patet in cognitione primorum principiorum
demonstrationis, quae nullus ignorat: ergo nullo modo possumus omnium
scientiam ab ideis in nobis causatam oblivisci. Quod est contra Platonicos,
qui dicebant quod anima ex unione ad corpus obliviscitur scientiae, quam
naturaliter in omnibus habet: et postea per disciplinam addiscit homo illud
quod est prius notum, quasi addiscere nihil sit nisi reminisci. |
Puis lorsqu’il
dit : Mais d’un autre côté, etc.,
il donne le deuxième argument, que voici. Si les idées sont causes de la
science, il faut que notre science nous soit connaturelle. C’est par elles en
effet que les sensibles obtiennent leur nature propre, parce qu’ils
participent des idées selon les Platoniciens. Mais la discipline ou
connaissance la plus forte est celle qui nous est connaturelle, et nous ne
pouvons pas l’oublier, comme cela est évident pour les premiers principes de
démonstration, que nul n’ignore; par conséquent, nous ne pouvons en aucune
façon oublier la science de toutes choses causée en nous par les idées. Cela
est contraire aux dires des Platoniciens, qui affirmaient que l’âme, par suite
de l’union au corps, oublie la science qu’elle a naturellement de toutes
choses, et qu’ensuite, par l’étude, l’homme apprend ce qui était connu
auparavant, comme si apprendre n’était rien d’autre que se souvenir. |
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[81836] Sententia Metaphysicae,
lib. 1 l. 17 n. 12 Deinde cum dicit amplius autem hic ponit tertiam
rationem, quae talis est. Ad rerum cognitionem requiritur, quod homo non
solum cognoscat formas rerum, sed etiam principia materialia, ex quibus
componitur. Quod ex hoc patet, quia de his interdum contingit esse
dubitationem, sicut de hac syllaba sma, quidam dubitant utrum sit composita
ex tribus literis scilicet s, m, a, aut sit una litera praeter omnes
praedictas habens proprium sonum. Sed ex ideis non possunt cognosci nisi principia
formalia, quia ideae sunt formae rerum: ergo non sunt sufficientes causae
cognitionis rerum principiis materialibus remanentibus ignotis. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Et puis, comment
connaîtra-t-on, etc., il énonce le troisième argument, qui est le
suivant. La connaissance des choses exige qu’on en connaisse non seulement
les formes, mais aussi les principes matériels dont elles sont composées.
Cela est évident parce que des doutes surgissent parfois à leur sujet, comme
dans le cas de la syllabe « sma » : certains se demandent si
elle est composée des trois lettres S, M et A ou si elle constitue une
lettre, différente de toutes les précédentes, qui a un son bien particulier.
Mais les idées ne permettre de connaître que les principes formels, car les idées
sont les formes des choses; elles ne sont donc pas des causes suffisantes de
la connaissance des principes matériels des choses, qui demeurent inconnus. |
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[81837] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 13 Deinde cum dicit amplius autem hic ponit quartam
rationem, quae talis est. Ad cognitionem rerum oportet de sensibilibus
notitiam habere, quia sensibilia sunt manifesta elementa materialia omnium
rerum, ex quibus componuntur, sicut voces compositae, ut syllabae et
dictiones componuntur ex propriis elementis. Si igitur per ideas scientia in nobis causatur,
oportet quod per ideas causetur in nobis cognitio sensibilium. Cognitio autem
in nobis causata ex ideis sine sensu est accepta, quia per sensum non habemus
habitudinem ad ideas. In cognoscendo ergo sequitur quod aliquis non habens
sensum possit cognoscere sensibilia, quod patet esse falsum. Nam caecus natus non potest habere scientiam de
coloribus. |
Puis lorsqu’il
dit : Enfin, les choses qui
tombent, etc., il formule le quatrième argument, que voici. Pour
connaître les choses, il faut avoir la notion des sensibles, car ceux-ci sont
les éléments matériels manifestes dont sont composées toutes choses, comme
les syllabes et les phrases sont composés de leurs éléments propres. Si donc
la science était causée en nous par les idées, il faudrait également que la
connaissance des sensibles soit causée par elles. Mais la science causée en
nous par les idées est reçue sans les sens, car les sens ne nous disposent
pas aux idées. Dans l’ordre de la connaissance, il s’ensuivrait donc que
celui qui est privé des sens pourrait connaître les sensibles, ce qui est
évidemment faux. En effet, l’aveugle né ne peut pas avoir la science des
couleurs. |
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[81838] Sententia
Metaphysicae, lib. 1 l. 17 n. 14 Deinde cum dicit quoniam ergo hic colligit ea, quae
ab antiquis de principiis dicta sunt; dicens quod ex prius dictis est
manifestum, quod antiqui philosophi conati sunt quaerere causas a nobis in
libro physicorum determinatas, et quod per dicta eorum non habemus aliquam
causam extra causas ibi declaratas. Has autem causas obscure dixerunt, et
quodammodo omnes ab eis sunt tactae, quodammodo vero nullam earum tetigerunt.
Sicut enim pueri de novo loqui incipientes imperfecte et balbutiendo
loquuntur, ita philosophia priorum philosophorum nova existens, visa est
balbutiendo et imperfecte de omnibus loqui circa principia. Quod in hoc patet
quod Empedocles primo dixit quod ossa habent quamdam rationem idest
commixtionem proportionis, quae quidem ratio est quod quid est et substantia
rei. Sed similiter necessarium est de carne et de singulis aliorum, aut de
nullo. Omnia enim ista ex elementis commixta sunt. Et propter hoc patet quod
caro et os et omnia huiusmodi non sunt id quod sunt, propter materiam quae ab
eo ponitur quatuor elementa, sed propter hoc principium, scilicet formale.
Hoc autem Empedocles quasi ex necessitate veritatis coactus posuit aliquo
alio expressius ista dicente, sed ipse manifeste non expressit. Et sicut
expresse non manifestaverunt naturam formae, ita nec materiae, ut supra de
Anaxagora dictum est. Et similiter nec alicuius alterius principii. De
talibus ergo quae ab aliis imperfecte dicta sunt, dictum est prius. Iterum
autem in tertio libro recapitulabimus de istis quaecumque circa hoc potest
aliquis dubitare ad unam partem vel ad aliam. Ex talibus enim dubitationibus
forsitan investigabimus aliquid utile ad dubitationes, quas posterius per
totam scientiam prosequi et determinare oportet. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Ainsi donc, il résulte,
etc., il résume ce qui a été dit des principes par les anciens, en disant
qu’il est évident, d’après ce qui précède, que les anciens philosophes se
sont efforcés de rechercher les causes qu’il a établies dans le livre des Physiques et que, dans ce qu’ils ont dit,
nous ne trouvons pas d’autres causes que celles qui sont énoncées dans ce
livre. Mais ils ont présenté ces causes de façon obscure, et d’une certaine
façon ils ont abordé toutes les choses, et d’une autre façon ils n’en ont
abordé aucune. En effet, de même que les enfants qui commencent à parler le
font de façon imparfaite et en babillant, de même la philosophie toute
nouvelle des premiers philosophes semble avoir traité de tout ce qui concerne
les principes en balbutiant et de façon imparfaite. Cela est évident dans les
propos d’Empédocle, qui a dit en premier que les os ont un certain rapport,
c'est-à-dire un mélange proportionné, et que ce rapport constitue son être et
sa substance. Mais alors, il faut en dire autant de la chair et de n’importe
quoi d’autre, ou d’aucune de ces choses. Il est donc évident que la chair,
les os et toutes les choses du genre ne sont pas ce qu’ils sont à cause de la
matière, qui consiste selon lui dans les quatre éléments, mais à cause de ce
principe, qui est formel. Cela, Empédocle l’a admis, y étant nécessairement
poussé par la vérité, parce que quelqu'un l’autre l’a dit plus expressément,
mais lui-même ne l’a pas exprimé de façon évidente. Et tout comme ils n’ont
pas exposé explicitement la nature de la forme, ils ne l’ont pas fait non
plus pour la matière, comme on l’a dit plus haut au sujet d’Anaxagore, ni
pour aucun autre principe. Nous avons donc parlé des choses du genre qui ont
été expliquées imparfaitement par les autres. Nous y reviendrons au livre III
pour récapituler tous les doutes qu’on pourrait avoir à ce sujet dans un sens
ou dans l’autre. À partir de ces doutes, nous ferons peut-être des recherches
utiles à leur sujet, car il faudra plus tard étudier à fond ces doutes
pendant tout le traité de cette science et décider à leur sujet. |
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Liber 2 |
LIVRE 2 : [LA VERITE]
(Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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LA SITUATION DE L'HOMME PAR
RAPPORT A LA CONSIDERATION DE LA VERITE. LA CONNAISSANCE DE LA VERITE APPARTIENT
SURTOUT A LA PHILOSOPHIE PREMIERE. IL N’Y A PAS DE PROCESSUS A L'INFINI DANS
LES CAUSES. LA METHODE DANS LA CONSIDERATION DE LA VERITE |
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Leçon
1, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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La science qui a pour objet la vérité,
est difficile sous un point de vue et facile sous un autre. Ce qui le prouve,
c’est qu’il est impossible d’atteindre complètement la vérité, et que tous la
manque complètement. Pourtant, chaque philosophe explique quelque secret de
la nature. Ce que chacun en particulier ajoute à la connaissance de la vérité
n’est rien sans doute ou n’est que peu de chose ; mais la réunion de
toutes les idées présente d’importants résultats. De sorte qu’il en est ici,
ce nous semble, comme de ce que nous disons dans le proverbe : Qui ne
mettrait pas la flèche dans une porte ? Considérée ainsi, cette
science est chose facile. Mais l’impossibilité d’une possession complète de
la vérité dans son ensemble et dans ses parties, montre tout ce qu’il y a de
difficile dans la recherche dont il s’agit. Cette difficulté est double.
Toutefois, elle a peut-être sa cause non pas dans les choses, mais dans
nous-mêmes. En effet, de même que les yeux des chauves-souris sont offusqués
par la lumière du jour, de même l’intelligence de notre âme est offusquée par
les choses qui portent en elles la plus éclatante évidence. Il est donc juste d’avoir de la
reconnaissance non seulement pour ceux dont on partage les opinions, mais
pour ceux-là même qui ont traité les questions d’une manière un peu
superficielle ; car eux aussi ont contribué pour leur part. Ce sont eux
qui ont préparé par leurs travaux l’état actuel de la science. Si Timothée
n’avait point existé, nous n’aurions pas toutes ces belles mélodies ;
mais s’il n’y avait point eu de Phrynes, il n’eût point existé de Timothée.
Il en est de même de ceux qui ont exposé leurs idées sur la vérité. Nous
avons adopté quelques-unes des opinions de plusieurs philosophes ; les
autres philosophes ont été causes de l’existence de ceux-là. |
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Lectio 1 |
Leçon 1, [L’aisance et la
difficulté de la contenplation de la vérité] (Traduction Abbé Dandenault, v.
1960]
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ARISTOTE MONTRE QUE LA
CONTEMPLATION DE LA VERITE EST ET FACILE ET DIFFICILE. IL AFFIRME QUE LA
DIFFICULTE VIENT PARFOIS DES CHOSES, PARFOIS DE L’INTELLIGENCE. IL EXPOSE
COMMENT LES HOMMES S'ENTRAIDENT DANS LA CONSIDERATION DE LA VERITE. |
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[81839] Sententia Metaphysicae,
lib. 2 l. 1 n. 1 Postquam philosophus reprobavit opiniones antiquorum
philosophorum de primis principiis rerum, circa quae versatur principaliter
philosophi primi intentio, hic accedit ad determinandum veritatem. Aliter
autem se habet consideratio philosophiae primae circa veritatem, et aliarum
particularium scientiarum. Nam unaquaeque particularis scientia considerat
quamdam particularem veritatem circa determinatum genus entium, ut geometria
circa rerum magnitudines, arithmetica circa numeros. Sed philosophia prima considerat universalem
veritatem entium. Et ideo ad hunc philosophum pertinet considerare, quomodo
se habeat homo ad veritatem cognoscendam. |
Après avoir réfuté les opinions
des anciens philosophes sur les principes premiers des choses, qui sont
l'objet principal de l'investigation de la philosophie première, le
Philosophe commence à établir la vérité. Cependant, la philosophie première
considère la Vérité d'une autre façon que les sciences particulières. Chaque
science particulière, en effet, envisage une certaine vérité particulière
contenue dans un genre déterminé des êtres, comme la géométrie qui porte sur
les grandeurs des choses et l'arithmétique, sur les nombres. Mais la
philosophie première étudie la vérité universelle des êtres. Voilà pourquoi
il appartient au « premier philosophe » d'étudier le problème de la
situation de l'homme par rapport à la connaissance de la vérité. |
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[81840]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 2 Dividitur ergo ista pars in partes duas. In prima
parte determinat ea quae pertinent ad considerationem universalis veritatis.
In secunda incipit inquirere veritatem de primis principiis et omnibus aliis,
ad quae extenditur huius philosophiae consideratio; et hoc in tertio libro,
qui incipit, necesse est nobis acquisitam scientiam et cetera. Prima autem
pars dividitur in partes tres. In prima dicit qualiter se habet homo ad
considerationem veritatis. In secunda ostendit ad quam scientiam
principaliter pertineat cognitio veritatis, ibi, vocari vero philosophiam
veritatis et cetera. In tertia parte ostendit modum considerandae veritatis,
ibi, contingunt autem auditiones et cetera. Circa primum tria facit. Primo
ostendit facilitatem existentem in cognitione veritatis. Secundo ostendit
causam difficultatis, ibi, forsan autem et difficultate et cetera. Tertio
ostendit quomodo homines se invicem iuvant ad cognoscendum veritatem, ibi,
non solum autem his dicere et cetera. Circa primum duo facit. Primo proponit
intentum, dicens, quod theoria, idest consideratio vel speculatio de
veritate quodammodo est facilis, et quodammodo difficilis. |
Cette partie se divise donc en
deux. Dans la première, il détermine ce qui appartient à la considération de
la vérité universelle. Dans la seconde, il se met à la recherche de la vérité
au sujet des premiers principes et de tous les autres objets auxquels s’étend
l’étude de cette philosophie, et ce, au livre III, qui commence par ces
mots : Il est nécessaire, dans l’intérêt
de la science, etc. La première partie se subdivise elle-même en trois
parties. Dans la première, il situe la position de l’homme par rapport à la
connaissance de la vérité. Dans la seconde, il désigne la science à laquelle
il appartient principalement de connaître la vérité, où il dit : Enfin c’est à juste titre qu’on nomme,
etc. (leçon II). Dans la troisième, il manifeste la manière dont il faut
étudier la vérité, où il dit : Les
auditeurs sont soumis, etc. (leçon V). Il subdivise sa première partie en
trois. En premier, il montre la facilité qu'il y a à connaitre la vérité. En
second, il relève la cause de la difficulté où il écrit : Cette difficulté est double, etc. En
troisième, il montre comment les hommes s'entraident à connaître la vérité, où
il dit : Il est donc juste
d’avoir, etc. Il divise la première partie en deux. En premier, il
propose ce qu’il veut montrer, en disant que la théorie, c'est-à-dire la
considération de la vérité ou la spéculation, est d'une certaine façon,
facile, d'une autre, difficile. |
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[81841] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 3 Secundo ibi signum autem manifestat propositum. Et
primo quantum ad facilitatem. Secundo quantum ad difficultatem, ibi, habere
autem totum et partem et cetera. Facilitatem autem in considerando veritatem
ostendit tripliciter. Primo quidem hoc signo, quod licet nullus homo
veritatis perfectam cognitionem adipisci possit, tamen nullus homo est ita
expers veritatis, quin aliquid de veritate cognoscat. Quod ex hoc apparet,
quod unusquisque potest enuntiare de veritate et natura rerum, quod est
signum considerationis interioris. |
En second, quand il écrit : Ce qui le prouve, etc., il manifeste
son énoncé. Et, en premier, par rapport à la facilité. En second, par rapport
à la difficulté, où il dit : Mais
l’impossibilité d’une possession complète, etc. Il montre la facilité à
connaitre la vérité de trois manières. En premier, par le signe
suivant : aucun homme ne peut parvenir à une connaissance parfaite de la
vérité, mais aucun n'en est exclu au point de ne pas en connaître quelque
chose. Et cela est manifeste du fait que chacun peut énoncer quelque chose
sur la vérité et la nature des choses, ce qui est le signe d'une rencontre
intérieure avec la vérité. |
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[81842] Sententia Metaphysicae,
lib. 2 l. 1 n. 4 Secundum signum ponit ibi et secundum dicens quod
licet id quod unus homo potest immittere vel apponere ad cognitionem
veritatis suo studio et ingenio, sit aliquid parvum per comparationem ad
totam considerationem veritatis, tamen illud, quod aggregatur ex omnibus coarticulatis,
idest exquisitis et collectis, fit aliquid magnum, ut potest apparere in
singulis artibus, quae per diversorum studia et ingenia ad mirabile
incrementum pervenerunt. |
Il donne un second signe, où il dit :
Pourtant, chaque philosophe, etc.
Il dit que, bien que la contribution apportée par le talent naturel et le
travail de chacun à la connaissance de la vérité soit minime en comparaison
de la connaissance totale de la vérité, l'assemblage ou la somme des vérités
partielles trouvées et coordonnées, articulées, constitue une œuvre
grandiose, comme il apparaît dans chaque art qui, grâce aux diverses
trouvailles et études, est parvenu à un développement admirable. |
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[81843]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 5 Tertio manifestat idem per quoddam exemplum vulgaris
proverbii, ibi quare si concludens ex praemissis, quod ex quo unusquisque
potest cognoscere de veritate, licet parum, ita se habere videtur in
cognitione veritatis, sicut proverbialiter dicitur: in foribus, idest
in ianuis domorum, quis delinquet? Interiora enim domus difficile est
scire, et circa ea facile est hominem decipi: sed sicut circa ipsum introitum
domus qui omnibus patet et primo occurrit, nullus decipitur, ita etiam est in
consideratione veritatis: nam ea, per quae intratur in cognitionem aliorum,
nota sunt omnibus, et nullus circa ea decipitur: huiusmodi autem sunt prima
principia naturaliter nota, ut non esse simul affirmare et negare, et quod
omne totum est maius sua parte, et similia. Circa conclusiones vero, ad quas
per huiusmodi, quasi per ianuam, intratur, contingit multoties errare. Sic
igitur cognitio veritatis est facilis inquantum scilicet ad minus istud
modicum, quod est principium, per se notum, per quod intratur ad veritatem,
est omnibus per se notum. |
Il manifeste en troisième lieu son
idée en apportant l'exemple d'un proverbe populaire, où il dit : De sorte qu'il en est, etc. Des
prémisses posées plus haut, il conclut que, du fait que chacun peut connaître
la vérité, même s'il s’agit d’une parcelle, il semble que l'homme en face de
la vérité ressemble à ce que dit un proverbe : « Qui manquerait une
porte? » Il est difficile de connaître l'intérieur de la maison, et
l'homme peut facilement se laisser tromper à son égard; mais l'entrée de la
maison, qui s'offre immédiatement au
regard et est à la vue de tous, ne trompe personne. Ainsi en est-il de la
connaissance de la vérité : les premières vérités qui permettent l'accès
aux autres, sont connues de tous, et personne ne se trompe sur elles. Ces
vérités ne sont autres que les premiers principes connus naturellement :
par exemple, l'affirmation et la négation n’existent pas simultanément, ou,
le tout est plus grand que sa partie, et les autres principes semblables.
Mais sur les conclusions que l'on atteint à travers le seuil de ces premiers
principes, il arrive que l'on erre fréquemment. Ainsi la connaissance de la
vérité est facile, du moins en tant que le minimum qui est le principe
évident de soi, grâce auquel on s'introduit dans la connaissance de la
vérité, est évident de soi pour tous. |
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[81844] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 6 Deinde cum dicit habere autem manifestat
difficultatem; dicens, quod hoc ostendit difficultatem quae est in consideratione
veritatis, quia non possumus habere circa veritatem totum et partem. Ad cuius
evidentiam considerandum est, quod hoc dixit omnibus esse notum, per quod in
alia introitur. Est autem duplex via procedendi ad cognitionem veritatis. Una quidem per modum resolutionis, secundum quam
procedimus a compositis ad simplicia, et a toto ad partem, sicut dicitur in
primo physicorum, quod confusa sunt prius nobis nota. Et in hac via
perficitur cognitio veritatis, quando pervenitur ad singulas partes distincte
cognoscendas. Alia est via compositionis, per quam procedimus a simplicibus
ad composita, qua perficitur cognitio veritatis cum pervenitur ad totum. Sic
igitur hoc ipsum, quod homo non potest in rebus perfecte totum et partem
cognoscere, ostendit difficultatem considerandae veritatis secundum utramque
viam. |
Puis quand il dit : Mais l’impossibilité, etc., il
manifeste la difficulté en disant que ce qui montre la difficulté, à
connaître la vérité c’est l'impossibilité de connaître à la fois le tout et
la partie de la vérité. Pour voir clair dans cette affirmation, il faut
penser qu’il a appelé évidentes pour tous les vérités qui donnent accès aux
autres. Or il y a deux voies ou deux processus différents à suivre dans la
connaissance de la vérité. L'un de ces processus est celui qui se fait par
mode de résolution, selon lequel on procède des choses composées aux simples
et du tout à la partie, selon l’affirmation du livre I des Physiques, où l'on dit que les choses
confuses nous sont antérieurement connues. Et selon cette voie, la
connaissance de la vérité se parfait lorsque nous parvenons à la connaissance
distincte de chaque partie. L’autre voie est celle de la composition, selon
laquelle nous procédons des choses simples aux composées, et atteignons une connaissance
parfaite de la vérité par la connaissance du tout. Ainsi, le fait même que
l'homme ne peut connaître parfaitement dans les choses le tout et la partie,
montre bien la difficulté de connaître la vérité dans les deux processus. |
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[81845] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 7 Deinde cum dicit forsan autem ostendit causam
praemissae difficultatis. Ubi similiter considerandum est, quod in omnibus,
quae consistunt in quadam habitudine unius ad alterum, potest impedimentum
dupliciter vel ex uno vel ex alio accidere: sicut si lignum non comburatur,
hoc contingit vel quia ignis est debilis, vel quia lignum non est bene
combustibile; et similiter oculus impeditur a visione alicuius visibilis, aut
quia est debilis aut quia visibile est tenebrosum. Sic igitur potest
contingere quod veritas sit difficilis ad cognoscendum, vel propter defectum
qui est in ipsis rebus, vel propter defectum qui est in intellectu nostro. |
Puis, quand il dit : Cette difficulté est double, etc., il
montre ln cause de cette difficulté. Analogiquement, il faut remarquer que
dans toutes les opérations qui consistent dans un rapport entre deux choses,
l'obstacle peut provenir des deux termes de la relation. Si, par exemple, le
feu ne brûle pas, cela peut provenir de la faiblesse même du feu ou du bois
qui n'est pas assez combustible. Semblablement, l'œil ne voit pas un objet
visible, ou bien à cause de sa propre débilité ou à cause de l'obscurité qui
enveloppe l'objet. Ainsi, il arrive que la vérité soit difficile à saisir, à
cause d'un défaut, soit dans les choses elles-mêmes, soit dans notre
intelligence. |
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[81846]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 8 Et quod quantum ad aliquas res difficultas contingat
in cognoscendo veritatem ipsarum rerum ex parte earum, patet. Cum enim
unumquodque sit cognoscibile inquantum est ens actu, ut infra in nono huius
dicetur, illa quae habent esse deficiens et imperfectum, sunt secundum seipsa
parum cognoscibilia, ut materia, motus et tempus propter esse eorum
imperfectionem, ut Boetius dicit in libro de duabus naturis. |
Qu’il y ait de la difficulté à
connaître la vérité de certaines réalités à cause de ces réalités
elles-mêmes, cela est évident. Puisque les êtres sont connaissables en autant
qu'ils sont en acte, comme nous le dirons au livre IX, ceux dont l'être est
déficient et imparfait sont en eux-mêmes peu connaissables, comme c’est le
cas de la matière, du mouvement et du temps à cause de l'imperfection de leur
être, ainsi que le souligne Boèce dans son livre Les deux natures. |
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[81847] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 9 Fuerunt autem aliqui philosophi, qui posuerunt
difficultatem cognitionis veritatis totaliter provenire ex parte rerum,
ponentes nihil esse fixum et stabile in rebus, sed omnia esse in continuo
fluxu ut infra in quarto huius dicetur. Sed hoc excludit philosophus, dicens,
quod quamvis difficultas cognoscendae veritatis forsan possit secundum aliqua
diversa esse dupliciter, videlicet ex parte nostra, et ex parte rerum; non
tamen principalis causa difficultatis est ex parte rerum, sed ex parte
nostra. |
Il y eut un certain nombre de
philosophes qui ont affirmé que toute la difficulté de la connaissance de la vérité
provenait des choses elles-mêmes. Ils disaient en effet qu'il n’y avait rien
de fixe ni de stable dans la réalité, mais que tout était continuellement en
mouvement, comme nous le verrons au livre IV. Aristote rejette cette opinion
quand il écrit que, bien que la difficulté de connaître la vérité sur des
objets divers puisse provenir d'une double source, et de notre côté, et du
côté des choses, la principale vient non pas de la réalité, mais de notre
côté. |
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[81848] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 10 Et hoc sic probat. Quia, si difficultas esset
principaliter ex parte rerum, sequeretur, quod illa magis cognosceremus, quae
sunt magis cognoscibilia secundum suam naturam: sunt autem maxime
cognoscibilia secundum naturam suam, quae sunt maxime in actu, scilicet entia
immaterialia et immobilia, quae tamen sunt maxime nobis ignota. Unde
manifestum est, quod difficultas accidit in cognitione veritatis, maxime
propter defectum intellectus nostri. Ex quo contingit, quod intellectus
animae nostrae hoc modo se habet ad entia immaterialia, quae inter omnia sunt
maxime manifesta secundum suam naturam, sicut se habent oculi nycticoracum ad
lucem diei, quam videre non possunt, quamvis videant obscura. Et hoc est
propter debilitatem visus eorum. |
Et voici comment il prouve son
affirmation. Si la principale difficulté venait des choses, il s'ensuivrait
que nous connaîtrions mieux les êtres qui sont de leur nature plus
connaissables. Or les êtres les plus connaissables selon leur nature sont
ceux qui sont le plus en acte, à savoir les êtres immatériels et immobiles.
Et pourtant ce sont les êtres que nous ignorons le plus. Il est donc
manifeste que la difficulté de connaître la vérité a sa source principale
dans la faiblesse de notre intelligence. Voilà pourquoi on peut dire que
l’intellect de notre âme est aux êtres immatériels, qui sont, par nature, les
plus évidents de tous les êtres, comme les yeux du corbeau de nuit[29] le sont à l'égard de la lumière du jour qu’ils ne peuvent voir, bien
qu'ils percent l'obscurité, ce qui provient de la débilité de leur sens
visuel. |
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[81849]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 11 Sed videtur haec similitudo non esse conveniens.
Sensus enim quia est potentia organi corporalis, corrumpitur ex vehementia sensibilis.
Intellectus autem, cum non sit potentia alicuius organi corporei, non
corrumpitur ex excellenti intelligibili. Unde post apprehensionem alicuius
magni intelligibilis, non minus intelligimus minus intelligibilia, sed magis,
ut dicitur in tertio de anima. |
Mais il semble que cette
comparaison n'est pas juste. Le sens, en effet, parce que puissance d'un
organe corporel, est rendu impuissant par l'action trop brutale de l'objet
sensible. L'intelligence cependant, qui n’est la faculté d’aucun organe charnel,
n’est pas détériorée par l'excellence de son intelligible. Ainsi après
l'appréhension d'un être très intelligible, non seulement nous ne saisissons
pas moins un objet moins intelligible, mais mieux, comme il est expliqué au
livre III De l’Âme. |
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[81850] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 12 Dicendum est ergo, quod sensus impeditur a
cognitione alicuius sensibilis dupliciter. Uno modo per corruptionem organi
ab excellenti sensibili; et hoc locum non habet in intellectu. Alio modo ex
defectu proportionis ipsius virtutis sensitivae ad obiectum. Potentiae enim
animae non sunt eiusdem virtutis in omnibus animalibus; sed sicuti homini hoc
in sua specie convenit, quod habeat pessimum olfactum, ita nycticoraci, quod
habeat debilem visum, quia non habet proportionem ad claritatem diei
cognoscendam. |
Il faut donc dire que l’obstacle
qui empêche le sens de connaître un objet sensible est double. Un premier
peut être la corruption de l'organe par un sensible trop parfait, ce qui n'a
pas lieu pour l'intelligence. Un second peut provenir du manque de proportion
de la puissance sensitive elle-même à l'égard de son objet. Les puissances de
l’âme ne sont pas d'égale force chez tous les animaux; mais comme il convient
à l'homme, à cause de son espèce, de posséder le moins bon des odorats, ainsi
il arrive au corbeau de nuit de posséder une vue débile, parce qu'elle n'est
pas proportionnée à connaître la clarté du jour. |
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[81851]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 13 Sic igitur, cum anima humana sit ultima in ordine
substantiarum intellectivarum, minime participat de virtute intellectiva; et
sicut ipsa quidem secundum naturam est actus corporis, eius autem
intellectiva potentia non est actus organi corporalis, ita habet naturalem
aptitudinem ad cognoscendum corporalium et sensibilium veritatem, quae sunt
minus cognoscibilia secundum suam naturam propter eorum materialitatem, sed
tamen cognosci possunt per abstractionem sensibilium a phantasmatibus. Et
quia hic modus cognoscendi veritatem convenit naturae humanae animae secundum
quod est forma talis corporis; quae autem sunt naturalia semper manent;
impossibile est, quod anima humana huiusmodi corpori unita cognoscat de
veritate rerum, nisi quantum potest elevari per ea quae abstrahendo a
phantasmatibus intelligit. Per haec autem nullo modo potest elevari ad
cognoscendum quidditates immaterialium substantiarum, quae sunt
improportionatae istis substantiis sensibilibus. Unde impossibile est quod
anima humana huiusmodi corpori unita, apprehendat substantias separatas
cognoscendo de eis quod quid est. |
Ainsi donc, comme l'âme humaine
est la dernière dans la hiérarchie des substances intelligentes, c'est elle
qui participe le moins de la vertu intellective : et comme elle est par
nature l’acte d'un corps, bien que sa puissance intellective ne soit pas
l'acte d'un organe corporel, ainsi a-t‑elle une aptitude naturelle à
connaître la vérité des êtres corporels et sensibles, qui sont par nature
moins connaissables à cause de leur matérialité, mais peuvent quand même être
connus par l’abstraction des sensibles à partir des phantasmes. Et parce que
ce mode de connaître la vérité convient à la nature de l’âme humaine en tant
qu’elle est forme d'un tel corps, et que ce qui est naturel est permanent, il
est impossible que l'âme humaine, unie de cette manière au corps, connaisse
quelque chose de la vérité des êtres sans s’y élever, autant qu’elle le peut,
par ce qu’elle comprend en abstrayant des phantasmes. Or, par ce qu'elle
abstrait des phantasmes, elle ne peut en aucune manière être élevée à
connaître les quiddités des substances immatérielles, qui sont hors de
proportion avec ces substances sensibles. Il est donc impossible que l'âme
humaine, unie de cette manière au corps, saisisse les substances séparées en
connaissant d'elles ce qu’elles sont, leur essence. |
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[81852] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 14 Ex quo apparet falsum esse quod Averroes hic dicit
in commento, quod philosophus non demonstrat hic, res abstractas intelligere
esse impossibile nobis, sicut impossibile est vespertilioni inspicere solem.
Et ratio sua, quam inducit, est valde derisibilis. Subiungit enim, quoniam si
ita esset, natura otiose egisset, quia fecit illud quod in se est naturaliter
intelligibile, non esse intellectum ab aliquo; sicut si fecisset solem non
comprehensum ab aliquo visu. Deficit enim haec ratio. Primo quidem in hoc,
quod cognitio intellectus nostri non est finis substantiarum separatarum, sed
magis e converso. Unde non sequitur, quod, si non cognoscantur substantiae
separatae a nobis, quod propter hoc sint frustra. Frustra enim est, quod non
consequitur finem ad quem est. Secundo, quia etsi substantiae separatae non
intelliguntur a nobis secundum suas quidditates, intelliguntur tamen ab aliis
intellectibus; sicut solem etsi non videat oculus nycticoracis, videt tamen
eum oculus aquilae. |
De là, on peut voir la fausseté de
ce que dit ici Averroès dans son Commentaire.
Il dit que le Philosophe ne démontre pas qu'il nous est impossible de
connaître les choses abstraites, comme il est impossible à la chauve-souris
de regarder le soleil. Et la raison qu'il apporte est tout à fait ridicule.
En effet, il ajoute que s’il en était ainsi, la nature aurait agi en vain, en
faisant que personne ne connaisse ce qui est naturellement intelligible en
soi, comme si la nature avait fait que personne ne voie le soleil. La raison
qu'il apporte n'est pas valable. En premier, parce que la connaissance de
notre intelligence n'est pas la fin des substances séparées; c'est plutôt
l'inverse qui est vrai. Donc, il ne s'ensuit pas que ces substances soient
vaines, si nous ne les connaissons pas. Ce qui est vain, c'est ce qui
n'atteint pas la fin pour laquelle il est fait. En second, parce que, même si
nous ne connaissons pas les substances séparées selon leur essence, d’autres
intelligences les connaissent, comme l'œil de l’aigle voit le soleil
qu'ignore l'œil du corbeau de nuit. |
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[81853]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 1 n. 15 Deinde cum dicit non solum ostendit quomodo se
homines adinvicem iuvant ad considerandum veritatem. Adiuvatur enim unus ab
altero ad considerationem veritatis dupliciter. Uno modo directe. Alio modo
indirecte. Directe quidem iuvatur ab his qui veritatem invenerunt: quia,
sicut dictum est, dum unusquisque praecedentium aliquid de veritate invenit,
simul in unum collectum, posteriores introducit ad magnam veritatis
cognitionem. Indirecte vero, inquantum priores errantes circa veritatem,
posterioribus exercitii occasionem dederunt, ut diligenti discussione habita,
veritas limpidius appareret. |
Puis quand il dit : Il est donc juste, etc., il montre
comment les hommes s'entraident dans la connaissance de la vérité. Cette
entraide peut se faire de deux manières : directement et indirectement.
Directement, si quelqu’un est aidé par ceux qui ont déjà trouvé la vérité
car, ainsi qu’on l'a dit plus haut, l'assemblage ou la somme des parcelles de
vérité trouvées par les chercheurs précédents introduit leurs successeurs à
une connaissance considérable de la vérité. Indirectement, lorsque les
erreurs des premiers poussent ceux qui leur succèdent au labeur d'une
discussion serrée dans le but de faire ressortir avec plus d'éclat la vérité. |
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[81854] Sententia Metaphysicae,
lib. 2 l. 1 n. 16 Est autem iustum ut his, quibus adiuti sumus in
tanto bono, scilicet cognitione veritatis, gratias agamus. Et ideo dicit,
quod iustum est gratiam habere, non solum his, quos quis existimat
veritatem invenisse, quorum opinionibus aliquis communicat sequendo eas; sed
etiam illis, qui superficialiter locuti sunt ad veritatem investigandam,
licet eorum opiniones non sequamur; quia isti etiam aliquid conferunt nobis.
Praestiterunt enim nobis quoddam exercitium circa inquisitionem veritatis. Et
ponit exemplum de inventoribus musicae. Si enim non fuisset Timotheus
qui multa de arte musicae invenit, non haberemus ad praesens multa, quae
scimus circa melodias. Et si non praecessisset quidam philosophus nomine Phrynis,
Timotheus non fuisset ita instructus in musicalibus. Et similiter est
dicendum de philosophis qui enuntiaverunt universaliter veritatem rerum. A
quibusdam enim praedecessorum nostrorum accepimus aliquas opiniones de
veritate rerum, in quibus credimus eos bene dixisse, alias opiniones
praetermittentes. Et iterum illi, a quibus nos accepimus, invenerunt aliquos
praedecessores, a quibus acceperunt, quique fuerunt eis causa instructionis. |
Il est vraiment juste de remercier
ceux qui nous ont aidés dans l’acquisition du si grand bien qu'est la
connaissance de la vérité. C'est pourquoi le Philosophe dit qu'il est juste d’avoir de la reconnaissance
non seulement envers ceux qui, d'après nous, ont trouvé la vérité et dont
nous acceptons avec profit les opinions, mais même à ceux qui ont exprimé des
vues trop superficielles sur la vérité et dont nous rejetons les théories,
car nous sommes redevables même à ces derniers : ils nous ont fourni
l'occasion de nous exercer à la recherche de la vérité. Et il pose l'exemple
de ceux qui ont développé l'art de la musique. Sans Timothée, qui a trouvé
quantité de choses sur l'art musical, il nous manquerait bien des
connaissances sur les mélodies. Mais s’il n’avait pas été précédé par un
philosophe du nom de Phrynis, Timothée n'aurait pas été aussi versé dans
l'art musical. Ainsi en est-il des philosophes qui ont exposé leurs vues sur
la vérité de toutes choses. De plusieurs de nos prédécesseurs, nous avons
reçu certaines opinions sur la réalité, que nous avons considérées comme
vraies, en laissant tomber les autres. Et ceux envers qui nous sommes
redevables ont aussi eu leurs prédécesseurs dont ils ont reçu la doctrine, et
qui furent causes de leur propre instruction. |
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Leçon
2, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Enfin c’est à juste titre qu’on nomme la
philosophie, la science théorétique de la vérité. En effet, la fin de la
spéculation, c’est la vérité ; celle de la pratique, c’est
l’œuvre ; et les praticiens, quand ils considèrent le comment des
choses, n’examinent pas la cause pour elle-même, mais en vue d’un but
particulier, d’un intérêt présent. Or, nous ne savons pas le vrai si nous ne
savons la cause. De plus, une chose est vraie par excellence, quand c’est à
elle que les autres choses empruntent ce qu’elles ont en elles de
vérité ; et, de même que le feu est le chaud par excellence, parce qu’il
est la cause de la chaleur des autres êtres ; de même la chose qui est
la cause de la vérité dans les êtres qui dérivent de cette chose est aussi la
vérité par excellence. C’est pourquoi les principes des êtres éternels sont
nécessairement l’éternelle vérité. Car, ce n’est pas dans telle circonstance
seulement qu’ils sont vrais ; et il n’y a rien qui soit la cause de leur
vérité ; ce sont eux au contraire qui sont causes de la vérité des
autres choses. En sorte que tel est le rang de chaque chose dans l’ordre de
l’être, tel est son rang dans l’ordre de la vérité. Il est évident qu’il
y a un premier principe, et qu’il n’existe ni une série infinie de causes, ni
une infinité d’espèces de causes. Ainsi, sous le point de vue de la matière,
il est impossible qu’il y ait production à l’infini ; que la chair, par
exemple, vienne de la terre, la terre de l’air, l’air du feu, sans que cela
s’arrête. De même pour le principe du mouvement : on ne dira pas que
l’homme a été mis en mouvement par l’air, l’air par le soleil, le soleil par
la discorde, et ainsi à l’infini. De même encore, on ne peut, pour la cause
finale, aller à l’infini et dire que la marche est en vue de la santé, la
santé en vue du bonheur, le bonheur en vue d’autre chose, et que toute chose
est toujours ainsi en vue d’une autre. De même enfin pour la cause
essentielle. |
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Lectio 2 |
Leçon 2, [La métaphysique
est la science de la vérité] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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Aristote démontre
que la métaphysique est, au plus haut point et de façon unique, la science de
la vérité. Il propose aussi de démontrer qu'en aucun genre de causes il n'y
a, de quelque façon que ce soit, de processus à l'infini. |
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[81855] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 1 Postquam philosophus ostendit qualiter se habet homo
ad considerationem veritatis, hic ostendit quod cognitio veritatis maxime ad
philosophiam primam pertineat. Et circa hoc duo facit. Primo ostendit, quod
ad philosophiam primam maxime pertineat cognitio veritatis. Secundo excludit
quamdam falsam opinionem, per quam sua probatio tolleretur, ibi, at vero quod
sit principium. Circa primum duo facit. Primo ostendit, quod ad philosophiam
primam pertineat cognitio veritatis. Secundo quod maxime ad ipsam pertineat,
ibi, nescimus autem verum sine causa et cetera. Haec autem duo ostendit ex
duobus, quae supra probata sunt in prooemio libri: scilicet quod sapientia
sit non practica, sed speculativa: et quod sit cognoscitiva causarum
primarum. |
Après avoir situé l'homme face à
la connaissance de la vérité, le Philosophe manifeste ici que la connaissance
de la vérité appartient au plus haut point à la philosophie première. Ce
qu'il fait en deux points. En premier, il montre que la connaissance de la
vérité appartient éminemment à la philosophie première. En second, il exclut
une fausse opinion qui pourrait culbuter sa preuve, où il dit : Il est évident qu’il y a un premier
principe, etc. Il divise son premier point en deux parties. Dans la
première, il montre que la connaissance de la vérité appartient à la
philosophie première. Dans la seconde, il montre que cette connaissance
relève surtout d’elle, où il dit : Or,
nous ne savons pas le vrai, etc. Cette double affirmation repose sur deux
idées qui ont été prouvées dans l'introduction, à savoir que la sagesse n'est
pas une science pratique, mais spéculative, et qu'elle est la science des
causes premières. |
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[81856]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 2 Ex primo autem horum sic argumentatur ad primam
conclusionem. Theorica, idest speculativa, differt a practica secundum finem:
nam finis speculativae est veritas: hoc enim est quod intendit, scilicet
veritatis cognitionem. Sed finis practicae est opus, quia etsi practici,
hoc est operativi, intendant cognoscere veritatem, quomodo se habeat in
aliquibus rebus, non tamen quaerunt eam tamquam ultimum finem. Non enim
considerant causam veritatis secundum se et propter se, sed ordinando ad
finem operationis, sive applicando ad aliquod determinatum particulare, et ad
aliquod determinatum tempus. Si ergo huic coniunxerimus, quod sapientia sive
philosophia prima non est practica, sed speculativa, sequetur quod recte
debeat dici scientia veritatis. |
A partir du fait qu'elle est une
science spéculative, voilà comment il prouve sa première conclusion. La
science théorique ou spéculative diffère de la science pratique par sa
fin : la fin de la science spéculative est la vérité; ce qu'elle vise
est la connaissance de la vérité. Mais la fin de la science pratique est
l'œuvre, car même si le praticien,
ou l’homme qui agit, désire connaître la vérité et la manière dont elle
existe dans certaines choses, il ne la recherche pas comme fin ultime. Il
n'étudie pas, en effet, la cause de la vérité en elle-même et pour elle-même,
mais en l'ordonnant à la fin de l'opération ou en l'appliquant à quelque
objet particulier et en fonction d'un moment déterminé. Si nous avions ajouté
à ces réflexions le fait que la sagesse ou la philosophie première n’est pas
pratique, mais spéculative, il s'ensuivrait qu’il serait juste de l'appeler
la science de la vérité. |
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[81857] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 3 Sed quia multae sunt scientiae speculativae, quae
veritatem considerant, utpote geometria et arithmetica, fuit necessarium
consequenter ostendere, quod philosophia prima maxime consideret veritatem,
propter id quod supra ostensum est, scilicet quod est considerativa primarum
causarum. Et ideo argumentatur sic. Scientia de vero non habetur nisi per
causam: ex quo apparet, quod eorum verorum, de quibus est scientia aliqua,
sunt aliquae causae, quae etiam veritatem habent. Non enim potest sciri verum per falsum, sed per
aliud verum. Unde et
demonstratio, quae facit scientiam, ex veris est, ut dicitur in primo
posteriorum. |
Mais parce qu’il y a plusieurs
sciences spéculatives qui ont pour objet la vérité, comme la géométrie et
l’arithmétique, il était nécessaire de montrer ensuite que c'est la
philosophie première qui porte le plus sur la vérité, à cause même de ce
qu’on a noté plus haut, à savoir qu'elle porte sur les causes premières. En
voici donc la démonstration. La science du vrai ne peut exister que par la
cause; d’où il ressort que ces choses vraies, capables d'être connues
scientifiquement, ont des causes qui possèdent également leur vérité. En
effet, on ne peut avoir la science du vrai par le faux, mais par un autre
vrai. C’est pourquoi la démonstration, qui donne la science, doit partir de
propositions vraies, comme il est dit au livre I des Seconds Analytiques. |
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[81858]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 4 Deinde adiungit quamdam universalem propositionem,
quae talis est. Unumquodque inter alia maxime dicitur, ex quo causatur in
aliis aliquid univoce praedicatum de eis; sicut ignis est causa caloris in
elementatis. Unde, cum calor univoce dicatur et de igne et de elementatis
corporibus, sequitur quod ignis sit calidissimus. |
À cette première considération, il
ajoute la proposition universelle que voici. Quand plusieurs êtres possèdent quelque
chose d'univoque en commun, le superlatif dans la possession s'attribue à
celui qui cause chez les autres cet élément commun. Ainsi le feu est cause de
la chaleur dans les composés d’éléments. Or, comme la chaleur se dit
univoquement et du feu et des corps composés, il s'ensuit que le feu est plus
chaud de tous les corps. |
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[81859] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 5 Facit autem mentionem de univocatione, quia
quandoque contingit quod effectus non pervenit ad similitudinem causae secundum
eamdem rationem speciei, propter excellentiam ipsius causae. Sicut sol est
causa caloris in istis inferioribus: non tamen inferiora corpora possunt
recipere impressionem solis aut aliorum caelestium corporum secundum eamdem
rationem speciei, cum non communicent in materia. Et propter hoc non dicimus
solem esse calidissimum sicut ignem, sed dicimus solem esse aliquid amplius
quam calidissimum. |
Aristote parle expressément
d'attribution univoque parce qu'il arrive quelque fois que l'effet ne
s'assimile pas à la cause selon la même raison spécifique, à cause de la
noblesse même de la cause. Ainsi, le soleil est la cause de la chaleur dans
les corps inférieurs; cependant ces corps inférieurs ne peuvent recevoir
l'impression du soleil ou des autres corps célestes selon la même raison
d’espèce, puisqu’ils n’ont pas en commun la même matière. Voilà pourquoi nous
ne disons pas que le soleil est le plus chaud comme le feu, mais qu'il est
quelque chose qui dépasse le plus chaud. |
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[81860]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 6 Nomen autem veritatis non est proprium alicui
speciei, sed se habet communiter ad omnia entia. Unde, quia illud quod est
causa veritatis, est causa communicans cum effectu in nomine et ratione
communi, sequitur quod illud, quod est posterioribus causa ut sint vera, sit
verissimum. |
Cependant, le nom de vérité n'est
pas propre à quelque espèce, mais s’applique communément à tous les êtres.
Donc, parce que l'être qui est cause de la vérité est une cause qui partage
avec son effet tant le nom que la raison commune, il s'ensuit que l’être qui
est cause de la vérité chez ceux qui en dérivent, est le plus vrai. |
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[81861] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 7 Ex quo ulterius concludit quod principia eorum, quae
sunt semper, scilicet corporum caelestium, necesse est esse verissima. Et hoc
duplici ratione. Primo quidem, quia non sunt quandoque vera et quandoque
non, et per hoc transcendunt in veritate generabilia et corruptibilia,
quae quandoque sunt et quandoque non sunt. Secundo, quia nihil est eis causa,
sed ipsa sunt causa essendi aliis. Et per hoc transcendunt in veritate et
entitate corpora caelestia: quae etsi sint incorruptibilia, tamen habent
causam non solum quantum ad suum moveri, ut quidam opinati sunt, sed etiam
quantum ad suum esse, ut hic philosophus expresse dicit. |
De là, Aristote conclut en outre
que les principes des êtres qui existent perpétuellement, à savoir les
principes des corps célestes, doivent être les plus vrais : et cela pour deux
raisons. Tout d'abord, parce que ces êtres ne sont pas « quelquefois
vrais et quelquefois pas vrais »; et par là ils transcendent en vérité
les êtres engendrables et corruptibles, qui tantôt existent et tantôt
n’existent pas. Ensuite, parce que ces principes n'ont pas de cause alors
qu'ils causent l'existence des autres êtres. Ainsi transcendent-ils et dans
la vérité et dans l'être les corps célestes : ceux-ci, bien
qu'incorruptibles, ont une cause non seulement de leur mouvement, comme
plusieurs ont pensé, mais même de leur être, comme le dit ici expressément le
Philosophe. |
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[81862]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 8 Et hoc est necessarium: quia necesse est ut omnia
composita et participantia, reducantur in ea, quae sunt per essentiam, sicut in
causas. Omnia autem corporalia sunt entia in actu, inquantum participant
aliquas formas. Unde necesse est substantiam separatam, quae est forma per
suam essentiam, corporalis substantiae principium esse. |
Et cela est nécessaire, parce
qu'il est nécessaire que tous les êtres composés et qui sont par
participation se ramènent à ceux qui sont par essence, comme à leurs causes.
Or, tous les êtres corporels sont des êtres en acte en autant qu'ils
participent à certaines formes. D'où il est nécessaire que la substance
séparée, qui est forme par essence, soit principe de la substance corporelle. |
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[81863] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 9 Si ergo huic deductioni adiungamus, quod philosophia
prima considerat primas causas, sequitur ut prius habitum est, quod ipsa
considerat ea, quae sunt maxime vera. Unde ipsa est maxime scientia
veritatis. |
Si, à toute cette déduction, nous
ajoutons que la philosophie première étudie les causes premières, il
s’ensuit, comme on l'a déjà vu, qu’elle étudie les êtres qui sont les plus
vrais. Elle est donc au titre suprême la science de la vérité. |
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[81864]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 10 Ex his autem infert quoddam corollarium. Cum enim ita
sit, quod ea, quae sunt aliis causa essendi, sint maxime vera, sequitur quod
unumquodque sicut se habet ad hoc quod sit, ita etiam se habet ad hoc quod
habeat veritatem. Ea enim, quorum esse non semper eodem modo se habet, nec
veritas eorum semper manet. Et ea quorum esse habet causam, etiam veritatis
causam habent. Et hoc ideo, quia
esse rei est causa verae existimationis quam mens habet de re. Verum enim et
falsum non est in rebus, sed in mente, ut dicetur in sexto huius. |
De toutes ces considérations,
Aristote tire un corolaire. Puisqu’il est établi que les êtres qui sont
causes de l'existence des autres sont les plus vrais, il s'ensuit que chacun
a le même rapport avec son existence qu’avec la vérité. Ceux dont l’être ne se
comporte pas toujours de la même manière ne peuvent garder une vérité
immuable. Et ceux qui ont une cause de leur être, ont aussi une cause de leur
vérité. Et cela, parce que l'être d’une chose est cause du jugement vrai que
l'esprit se forme d'elle. Le vrai et le faux ne sont pas dans les choses,
mais dans l'intelligence, comme il sera dit au livre VI. |
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[81865] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 11 Deinde cum dicit at vero removet quoddam, per quod
praecedens probatio posset infringi: quae procedebat ex suppositione huius,
quod philosophia prima considerat causas primas. Hoc autem tolleretur si
causae in infinitum procederent. Tunc enim non essent aliquae primae causae.
Unde hoc hic removere intendit: et circa hoc duo facit. Primo proponit intentum.
Secundo probat propositum, ibi, mediorum enim extra quae est aliquid et
cetera. Dicit ergo primo: palam potest esse ex his, quae dicentur, quod sit
aliquod principium esse et veritatis rerum; et quod causae existentium non
sunt infinitae, nec procedendo in directum secundum unam aliquam speciem
causae, puta in specie causarum efficientium; nec etiam sunt infinitae
secundum speciem, ita quod sint infinitae species causarum. |
Ensuite, quand il dit : Il est évident qu’il y a, etc., Aristote
réfute ce qui pourrait mettre en cause le raisonnement précédent qui
s'appuyait sur l'hypothèse que la philosophie première étudie les causes
premières. Il faudrait en effet rejeter cette hypothèse, si on pouvait
remonter à l'infini dans les causes, car alors, il n'y aurait plus de causes
premières. Voilà pourquoi il désire ici réfuter cette objection. Ce qu’il
fait en deux points. En premier, il manifeste son intention. En second, il
prouve son avancé, où il dit : Toute
chose intermédiaire est précédée, etc. (leçon III). Il dit donc, en
premier, qu’il peut être évident, d'après ce qui va suivre, qu'il y a un
principe de l'être et de la vérité des choses; et que les causes des êtres ne
sont pas infinies, ni en ligne directe en procédant selon une seule espèce de
cause, comme par exemple dans la ligne des causes efficientes, ni en espèces,
comme s'il pouvait exister une infinité d'espèces de causes. |
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[81866] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 2 n. 12 Exponit autem quod dixerat causas infinitas esse in
directum. Primo quidem in genere causae materialis. Non enim possibile est
procedere in infinitum in hoc, quod aliquid fiat ex aliquo, sicut ex materia,
puta ut caro fiat ex terra, terra vero ex aere, aer ex igne, et hoc non stet
in aliquo primo, sed procedat in infinitum. Secundo exemplificat in genere
causae efficientis; dicens, quod nec possibile est ut causa, quae dicitur
unde principium motus, in infinitum procedat: puta cum dicimus hominem moveri
ad deponendum vestes ab aere calefacto, aerem vero calefieri a sole, solem
vero moveri ab aliquo alio, et hoc in infinitum. Tertio exemplificat in
genere causarum finalium; et dicit, quod similiter non potest procedere in
infinitum illud quod est cuius causa, scilicet causa finalis; ut si
dicamus quod iter sive ambulatio est propter sanitatem, sanitas autem propter
felicitatem, felicitas autem propter aliquid, et sic in infinitum. Ultimo
facit mentionem de causa formali: et dicit quod similiter non potest procedi
in infinitum in hoc quod est quod quid erat esse, idest in causa
formali quam significat definitio. Sed exempla praetermittit, quia sunt
manifesta, et probatum est in primo posteriorum, quod non proceditur in
infinitum in praedicatis, puta quod animal praedicetur de homine in eo quod
quid est, et vivum de animali, et sic in infinitum. |
Il expose donc ce qu’il avait
écrit sur l'infinité des causes en ligne directe. Et tout d'abord dans le
genre de la cause matérielle. Il est impossible de procéder à l'infini en ce
que quelque chose se ferait à partir d'autre chose comme d'une matière, par
exemple en ce que la chair serait faite de la terre, la terre de l'air, l'air
du feu, et cela à l'infini, sans qu'il fût possible de s’arrêter à une
matière première. Ensuite il illustre la même idée dans le genre de la cause
efficiente, en disant qu’il n'est pas possible que la cause, que l'on désigne
comme le principe du mouvement, remonte à l'infini, comme lorsque nous disons
que l'homme est poussé à enlever son vêtement par l'air chaud, que l'air est
chauffé par le soleil, que le soleil est mû par autre chose, et ainsi de
suite à l'infini. En troisième lieu, il manifeste la même idée dans le genre
de cause finale. Il dit que, de la même façon, il n'est pas possible d’aller
à l’infini dans l’ordre de « ce en vue de quoi » ou de la cause
finale; comme si nous disions que la marche est en vue de la santé, que la
santé est en vue du bonheur, que le bonheur est en vue d'autre chose, et
ainsi à l'infini. En dernier, il mentionne la cause formelle. Il dit que semblablement
il n’est pas possible de procéder à l’infini dans le
« ce-que-c’est »[30], c’est-à-dire dans la cause formelle que signifie la définition. Ici
il omet les exemples, parce qu'ils sont manifestes et parce qu'il fut prouvé
au livre I des Seconds Analytiques
qu'on ne pouvait procéder à l'infini dans les prédicats, à savoir qu'animal
serait attribué essentiellement de l'homme, le vivant à l'animal, et ainsi à
l’infini. |
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Leçon
3, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Toute chose intermédiaire est précédée
et suivie d’autre chose, et ce qui précède est nécessairement cause de ce qui
suit. Si l’on nous demandait laquelle d’une série de trois choses est la cause,
nous dirions que c’est la première. Car ce n’est point la dernière : ce
qui est à la fin n’est cause de rien. Ce n’est point non plus
l’intermédiaire : elle n’est cause que d’une seule chose. Peu importe
ensuite que ce qui est intermédiaire soit un ou plusieurs, infini ou fini.
Car toutes les parties de cette infinité de causes, et, en général, toutes
les parties de l’infini, si vous partez du fait actuel pour remonter de cause
en cause, ne sont également que des intermédiaires. De sorte que si rien n’est
premier, il n’y a absolument pas de cause. Mais s’il faut, en remontant,
arriver à un principe, on ne peut pas non plus, en descendant, aller à
l’infini, et dire, par exemple, que le feu produit l’eau, l’eau la terre, et
que la chaîne de la production des êtres se continue ainsi sans cesse et sans
fin. En effet, ceci succède à cela, signifie deux choses ; ou bien une
succession simple : Après les jeux Isthmiques, les jeux Olympiens ;
ou bien un rapport d’un autre genre : L’homme, par l’effet d’un changement,
vient de l’enfant, l’air de l’eau. Et voici dans quel sens nous entendons que
l’homme vient de l’enfant ; c’est dans le sens où nous disons que ce qui
est devenu a été produit par ce qui devenait, ou bien que ce qui est parfait
a été produit par l’être qui se perfectionnait ; car, de même que entre
l’être et le non-être il y a toujours le devenir, de même aussi entre ce qui
n’était pas et ce qui est, il y a ce qui devient. Ainsi, celui qui étudie
devient savant, et c’est ce qu’on entend en disant que d’apprenant qu’on
était on devient instruit. Quant à cet autre exemple : L’air vient de
l’eau ; là, il y a l’un des deux éléments qui périt dans la production
de l’autre. Aussi, dans le premier cas n’y a-t-il point de retour de ce qui
est produit à ce qui a produit : d’homme on ne devient pas enfant ;
car ce qui est produit ne l’est pas par la production même, mais vient après
la production. De même pour la succession simple : le jour vient de
l’aurore, uniquement parce qu’il lui succède ; mais par cela même
l’aurore ne vient pas du jour. Dans l’autre espèce de production, au
contraire, il y a retour de l’un des éléments à l’autre. Mais dans les deux
cas il est impossible d’aller à l’infini. Dans le premier, il faut que les
intermédiaires aient une fin ; dans le dernier il y a retour perpétuel
d’un élément à l’autre, car la destruction de l’un est la production de
l’autre. Et puis, il est impossible que l’élément premier, s’il est éternel,
périsse comme il le faudrait alors. Car, puisque, en remontant de cause en
cause, la chaîne de la production n’est pas infinie, il faut nécessairement
que l’élément premier qui, en périssant, a produit quelque chose, ne soit pas
éternel. Or, cela est impossible. |
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Lectio 3 |
Leçon 3, [Il y a toujours
une première cause] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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Aristote prouve que
dans les causes efficientes et les causes matérielles il y a une première cause,
en montrant comment le devenir s'effectue à partir de la matière première. |
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[81867] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 1 Postquam philosophus praemisit quod causae entium
non sunt infinitae, hic probat propositum. Et primo, quod non sint infinitae
in directum. Secundo, quod non sint infinitae secundum speciem, ibi, sed si
infinitae essent et cetera. Circa primum quatuor facit. Primo ostendit
propositum in causis efficientibus vel moventibus. Secundo in causis
materialibus, ibi, at vero nec in deorsum. Tertio in causis finalibus, ibi, amplius autem quod
est cuius causa et cetera. Quarto in causis formalibus, ibi, sed nec quod
quid erat esse et cetera. Circa primum sic procedit. Primo proponit quamdam
propositionem: scilicet, quod in omnibus his, quae sunt media inter duo
extrema, quorum unum est ultimum, et aliud primum, necesse est quod illud
quod est primum, sit causa posteriorum, scilicet medii et ultimi. |
Après avoir avancé la proposition
que les causes des êtres ne peuvent pas être infinies, le Philosophe en donne
ici la preuve. En premier, il prouve qu'elles ne sont pas infinies en ligne
directe. En second, qu’il n'y en a pas une infinité d’espèces, où il
dit : Et quand bien même on
dirait, etc. Il divise son premier point en quatre parties. Dans la
première, il démontre sa proposition pour les causes efficientes ou motrices.
Dans la seconde, il la démontre pour les causes matérielles, où il
écrit : Mais s’il faut, en
remontant, etc. Dans la troisième partie, il la démontre pour les causes
finales, où il dit : Ce n’est pas
tout : la cause finale, etc. Dans la quatrième, il le démontre pour
les causes formelles, où il dit : On
ne peut pas non plus ramener indéfiniment, etc." Voici comment il
procède dans la première partie. Il avance d'abord une proposition, à savoir
que dans toute série où il y a des intermédiaires entre deux extrêmes dont
l'un est dernier et l'autre premier, il est nécessaire que ce qui est premier
soit la cause de tout ce qui le suit, c’est-à-dire de l'intermédiaire et le
dernier. |
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[81868]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 2 Et hanc propositionem manifestat per divisionem:
quia, si oporteat nos dicere quid sit causa inter aliqua tria, quae sunt primum,
medium et ultimum, ex necessitate dicemus causam esse id quod est primum. Non
enim possumus dicere id quod est ultimum, esse causam omnium, quia nullius
est causa; alioquin non est ultimum, cum effectus sit posterior causa. Sed
nec possumus dicere quod medium sit causa omnium; quia nec est causa nisi
unius tantum, scilicet ultimi. |
Et Aristote manifeste sa
proposition au moyen d'une division : car s'il nous fallait déterminer
laquelle est la cause entre trois choses qui sont respectivement première,
intermédiaire et dernière, nous dirions nécessairement que la cause est ce
qui est premier. Nous ne pouvons évidemment pas poser le terme ultime comme
cause de tout, parce qu’il n'est cause de rien : autrement il ne serait
pas le terme ultime, l'effet étant toujours postérieur à sa cause. Mais nous
ne pouvons pas davantage faire du terme intermédiaire la cause de tout, parce
qu'il n'est cause que d'une chose, à savoir du terme ultime. |
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[81869] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 3 Et ne aliquis intelligat, quod medium nunquam habeat
post se nisi unum, quod est ultimum, quod tunc solum contingit, quando inter
duo extrema est unum medium tantum, ideo ad hoc excludendum concludit quod
nihil ad propositum differt, utrum sit unum tantum medium, vel plura: quia
omnia plura media accipiuntur loco unius, inquantum conveniunt in ratione
medii. Et similiter non differt utrum sint media finita vel infinita; quia
dummodo habeant rationem medii, non possunt esse prima causa movens. Et quia
ante omnem secundam causam moventem requiritur prima causa movens, requiritur
quod ante omnem causam mediam sit causa prima, quae nullo modo sit media,
quasi habens aliam causam ante se. Sed, si praedicto modo ponantur causae moventes
procedere in infinitum, sequitur, quod omnes causae sunt mediae. Et sic universaliter oportet dicere, quod cuiuslibet
infiniti, sive in ordine causae, sive in ordine magnitudinis, omnes partes
sint mediae: si enim esset aliqua pars quae non esset media, oporteret, quod
vel esset prima vel ultima: et utrumque repugnat rationi infiniti, quod
excludit omnem terminum et principium et finem. |
De crainte qu'on ne suppose que le
terme intermédiaire n'est jamais suivi que d'une seule chose, à savoir du
terme ultime (ce qui arrive seulement quand entre deux extrêmes il n’y a
qu’un seul terme intermédiaire), pour exclure donc cette interprétation, il
conclut en disant que cela ne change rien à son argument, qu'il y ait un seul
terme intermédiaire ou qu'il y en ait plusieurs : car tous les termes
intermédiaires ensemble sont considérés comme un seul, en tant qu'ils ont la
raison commune de terme intermédiaire. De même, peu importe que les
intermédiaires soient en nombre fini ou infini; car dès qu'ils ont raison
d'intermédiaire, aucun d'eux ne peut être la première cause motrice. Et
puisque avant toute cause motrice seconde il faut une première, il faut donc
avant toute cause intermédiaire, une cause première qui ne soit d'aucune
façon intermédiaire et dépendante d'une cause précédente. Mais si, de la
façon susdite, on pose une série infinie de causes motrices, il s'ensuit que
toutes les causes sont intermédiaires. Et ainsi il faut tenir de façon
universelle que dans un infini, soit dans l'ordre des causes, soit dans la
quantité, toutes les parties sont intermédiaires : s'il s'en trouvait
une qui ne fût pas intermédiaire, il faudrait en faire ou la première partie
ou la dernière; or l'une et l'autre sont incompatibles avec la notion
d'infini, qui exclut tout terme, soit au commencement soit à la fin. |
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[81870]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 4 Est autem et ad aliud attendendum: quod, si alicuius
finiti sint plures partes mediae, non omnes partes simili ratione sunt mediae.
Nam quaedam magis appropinquant primo, quaedam magis appropinquant ultimo.
Sed in infinito quod non habet primum et ultimum, nulla pars potest magis
appropinquare vel minus principio aut ultimo. Et ideo usque ad quamcumque
partem, quam modo signaveris, omnes partes similiter sunt mediae. Sic igitur,
si causae moventes procedant in infinitum, nulla erit causa prima: sed causa
prima erat causa omnium: ergo sequeretur, quod totaliter omnes causae
tollerentur: sublata enim causa tolluntur ea quorum est causa. |
Il faut encore porter attention au
fait que si, dans un ensemble fini, il y a plusieurs parties qui ont raison
de termes intermédiaires, toutes ne sont pas intermédiaires au même titre. En
effet, certaines s'approchent davantage du principe, d'autres du terme
ultime. Mais dans un infini, qui n’a ni principe ni fin, aucune partie ne
peut être plus proche ou moins proche du commencement ou de la fin. Pour
cette raison, à quelque partie que l'on parvienne, et que l'on puisse à peine
signaler, toutes sont également intermédiaires. Ainsi donc, si l'on remonte à
l'infini dans les causes motrices, aucune d'elles ne sera cause
première : mais comme c'était la cause première qui les causait toutes,
il s'ensuivrait donc que toutes les causes seraient tout à fait supprimées.
En enlevant la cause, on enlève tout ce dont elle est la cause. |
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[81871] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 5 Deinde cum dicit at vero ostendit, quod non est
possibile procedere in infinitum in causis materialibus. Et primo proponit
quod intendit. Secundo probat propositum, ibi, dupliciter enim fit hoc ex hoc
et cetera. Circa primum considerandum est, quod patiens subiicitur agenti:
unde procedere in agentibus est sursum ire, procedere autem in patientibus
est in deorsum ire. Sicut autem agere attribuitur causae moventi, ita pati
attribuitur materiae. Unde processus causarum moventium est in sursum,
processus autem causarum materialium est in deorsum. Quia ergo ostenderat,
quod non est in infinitum procedere in causis moventibus quasi in sursum
procedendo, subiungit, quod nec possibile est ire in infinitum in deorsum,
secundum scilicet processum causarum materialium, supposito, quod sursum ex
parte causarum moventium inveniatur aliquod principium. |
Ensuite, quand il dit : Mais s’il faut, en remontant, etc.,
Aristote montre qu'il n’est pas possible de descendre à l’infini dans les
causes matérielles. Et en premier, il propose ce qu’il veut démontrer. Il
apporte en second sa preuve, où il dit : En effet, ceci succède à cela, etc. Sur le premier point, il faut
considérer que le patient est soumis à l'agent : d’où, pour parcourir la
série des agents, il faut aller vers le haut; mais c'est vers le bas qu'il
faut aller pour parcourir la série des patients. Comme l'agir est attribué à
la cause motrice, ainsi le subir est attribué à la matière. Voilà pourquoi
l’enchaînement des causes motrices se fait en remontant, alors que celui des
causes matérielles est en descendant. Donc, comme il avait montré qu'on ne
peut remonter à l'infini dans la série des causes motrices, en allant
toujours plus haut, il ajoute qu’il n'est pas davantage possible de descendre
à l'infini dans l’enchaînement des causes matérielles, en supposant qu'en
haut, du côté des causes motrices, il se trouve un certain principe. |
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[81872]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 6 Et exemplificat de processu naturalium, qui est in
deorsum: ut si dicamus quod ex igne fit aqua, et ex aqua terra, et sic in
infinitum. Et utitur hoc exemplo secundum opinionem antiquorum naturalium,
qui posuerunt unum aliquod elementorum esse principium aliorum quodam ordine. |
Et il donne l'exemple de
l'évolution des corps naturels, qui se fait vers le bas, comme si nous
disions que du feu provient l’eau, et de l'eau, la terre, et ainsi à
l'infini. Dans cet exemple, Aristote suit l'opinion des anciens philosophes
de la nature, qui ont posé un des éléments au principe des autres, selon un
certain ordre. |
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[81873] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 7 Potest autem et aliter exponi, ut intelligamus, quod
in causis moventibus manifesti sunt ad sensum ultimi effectus, qui non
movent: et ideo non quaeritur, si procedatur in infinitum in inferius
secundum illud genus, sed si procedatur in superius. Sed in genere causarum
materialium e converso supponitur unum primum, quod sit fundamentum et basis
aliorum; et dubitatur utrum in infinitum procedatur in deorsum secundum
processum eorum quae generantur ex materia. Et hoc sonat exemplum propositum:
non enim dicit ut ignis ex aqua, et hoc ex alio, sed e converso, ex igne aqua
et ex hoc aliud: unde supponitur prima materia, et quaeritur, an sit
processus in infinitum in his quae generantur ex materia. |
Ce passage peut être interprété
autrement en sorte que nous comprenions que, dans les causes motrices, sont
manifestes aux sens les derniers effets qui ne meuvent plus : aussi ne
cherche-t-on pas si on peut descendre à l’infini dans ce genre de causes,
mais plutôt si on peut remonter à l'infini. Mais dans le genre des causes
matérielles, on suppose, au contraire, un principe qui soit le fondement et
la base des autres, et on se demande si on peut procéder à l'infini vers le
bas, selon l’enchaînement des êtres qui sont engendrés à partir de la
matière. C’est ce que semble indiquer l’exemple proposé : en effet, il
ne dit pas, par exemple, que le feu provient de l'eau, et celle-ci de quelque
chose d'autre, mais il dit au contraire, que du feu provient l'eau, et de
l'eau, autre chose donc, on présuppose la matière première, et on se
demande s'il y a un processus à l'infini dans la série des choses engendrées
à partir de la matière. |
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[81874] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 8 Deinde cum dicit dupliciter autem probat propositum:
et circa hoc quatuor facit. Primo distinguit duos modos, quibus fit aliquid
ex aliquo. Secundo ostendit duplicem differentiam inter illos duos modos,
ibi, ergo sic ex puero. Tertio ostendit quod secundum neutrum eorum contingit
procedere in infinitum, ibi, utroque autem modo impossibile est et cetera.
Quarto ostendit secundum quem illorum modorum ex primo materiali principio
alia fiant, ibi, simul autem impossibile et cetera. Dicit ergo primo, quod
duobus modis fit aliquid ex aliquo proprie et per se. Et utitur isto modo
loquendi, ut excludat illum modum, quo dicitur improprie aliquid fieri ex
aliquo ex hoc solo, quod fit post illud: ut si dicamus, quod quaedam festa
Graecorum, quae dicebantur Olympia, fiunt ex quibusdam aliis festis, quae
dicebantur Isthmia, puta si nos diceremus quod festum Epiphaniae fit ex festo
natalis. Hoc autem non proprie dicitur, quia fieri est quoddam mutari: in
mutatione autem non solum requiritur ordo duorum terminorum, sed etiam
subiectum idem utriusque: quod quidem non contingit in praedicto exemplo: sed
hoc dicimus, secundum quod imaginamur tempus esse ut subiectum diversorum
festorum. |
Ensuite, quand il dit : En effet, ceci succède à cela, signifie, etc.,
il prouve son avancé. Ce qu'il fait en quatre points. En premier, il
distingue deux façons pour une chose de provenir d'une autre. En second, il
montre une double différence entre ces deux façons de procéder, où il dit : Et voici dans quel sens nous entendons,
etc. En troisième, il montre que ni l'une ni l'autre de ces deux façons ne
peuvent conduire à l'infini, où il écrit : Mais dans les deux cas il est impossible, etc. En quatrième, il
montre selon laquelle de ces façons les autres choses proviennent d'un
premier principe matériel, où il dit : Et puis, il est impossible, etc. Il dit donc, en premier, qu'une chose
provient d’une autre proprement et par soi de deux façons. Et il emploie
cette façon de parler pour exclure le cas où l'on dit improprement qu'une
chose provient d’une autre du seul fait qu’elle arrive à l'existence après
cette autre: comme si nous disions que certaines fêtes grecques, appelées
Olympiades, proviennent d’autres fêtes appelés Jeux isthmiques, comme par
exemple, si nous disions que la fête de l'Epiphanie provient de la fête de
Noël. Cela n'est pas parler proprement, parce que le devenir est une certaine
mutation; or, dans la mutation, il faut non seulement deux termes ordonnés,
mais aussi un sujet commun aux deux : ce qui n'arrive pas dans l'exemple
susdit. Mais nous parlons ainsi en imaginant le temps comme un sujet commun à
des diverses fêtes. |
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[81875] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 9 Sed oportet proprie dicere aliquid fieri ex aliquo,
quando aliquod subiectum mutatur de hoc in illud. Et hoc dupliciter. Uno modo
sicut dicimus, quod ex puero fit vir, inquantum scilicet puer mutatur de
statu puerili in statum virilem: alio modo sicut dicimus, quod ex aqua fit
aer per aliquam transmutationem. |
Mais on doit dire proprement
qu’une chose provient d'une autre, quand un sujet est changé de ceci en cela.
Et cela arrive de deux façons : en premier comme lorsque nous disons
qu’un homme provient d'un enfant, parce qu’il change de l’état infantile à
l'état d'adulte; en second, comme lorsque nous disons que l'air provient de
l'eau par une transmutation. |
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[81876]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 10 Deinde cum dicit ergo sic ostendit duas differentias
inter praedictos modos. Quarum prima est, quia dicimus ex puero fieri virum,
sicut ex eo quod est in fieri, fit illud quod iam est factum; aut ex eo quod
est in perfici, fit illud quod iam est perfectum. Illud enim quod est in
fieri et in perfici, est medium inter ens et non ens, sicut generatio est
medium inter esse et non esse. Et ideo, quia per medium venitur ad extremum,
dicimus, quod ex eo quod generatur fit illud quod generatum est, et ex eo
quod perficitur, fit illud quod perfectum est. Et sic dicimus, quod ex puero
fit vir, vel quod ex addiscente fit sciens, quia addiscens se habet ut in
fieri ad scientem. In
alio autem modo, quo dicimus ex aere fieri aquam, unum extremorum non se
habet ut via vel medium ad alterum, sicut fieri ad factum esse; sed magis ut
terminus a quo recedit, ut ad alium terminum perveniatur. Et ideo ex uno corrupto fit alterum. |
Ensuite, lorsqu'il dit : Et voici dans quel sens, etc.,
Aristote dégage deux différences entre les modes susdits. La première :
nous disons que de l’enfant provient l'homme fait, comme ce qui est accompli
provient de ce qui est en devenir, ou comme de ce qui se perfectionne
provient ce qui a atteint sa perfection. Ce qui, en effet, est en devenir et
en perfectionnement est au milieu entre l’être et le non-être, comme la
génération est milieu entre l'existence et l’inexistence. Aussi, puisque
c'est par le milieu qu'on parvient au terme ultime, nous disons que, de ce
qui est en voie de génération provient ce qui est engendré, et de ce qui est
en cours de perfectionnement provient ce qui a atteint sa perfection. C'est
dans ce sens que nous disons que de l'enfant provient l'homme, ou que de
l'étudiant provient le savant, parce que l’étudiant par rapport au savant est
en voie de le devenir. Dans l’autre cas, au contraire, où nous disons que de
l'air provient l'eau, le premier des extrêmes ne se compare pas à l’autre
comme la voie ou le moyen qui y conduit, comme le devenir se compare à
l’achèvement, mais plutôt comme le terme dont on s'éloigne pour parvenir à
l'autre terme. Aussi est-ce de la corruption de l'un que provient l'autre. |
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[81877] Sententia Metaphysicae,
lib. 2 l. 3 n. 11 Deinde cum dicit propter quod concludit ex praemissa
differentia, aliam differentiam. Quia enim in primo modo unum se habet ad
alterum ut fieri ad factum esse, et medium ad terminum, patet, quod habent
ordinem naturaliter adinvicem. Et ideo non reflectuntur adinvicem, ut
indifferenter unum fiat ex altero. Unde non dicimus quod ex viro fiat puer
sicut dicimus e converso. Cuius ratio est, quia illa duo ex quorum uno
secundum istum modum dicitur alterum fieri, non se habent adinvicem sicut duo
termini mutationis alicuius; sed sicut ea, quorum unum est post alterum. Et
hoc est quod dicit, quod illud quod fit, idest terminus generationis,
scilicet esse, non fit ex generatione, quasi ipsa generatio mutetur in esse;
sed est post generationem, quia naturali ordine consequitur ad generationem,
sicut terminus est post viam, et ultimum post medium. Unde, si consideramus
ista duo, scilicet generationem et esse, non differunt ab illo modo quem
exclusimus, in quo consideratur ordo tantum; sicut cum dicimus, quod dies fit
ex aurora, quia est post auroram. Et propter istum naturalem ordinem, non
dicimus e converso, quod aurora fit ex die, idest post diem. Et ex
eadem ratione non potest esse, quod puer fiat ex viro. Sed secundum alterum
modum, quo aliquid fit ex altero, invenitur reflexio. Sicut enim aqua
generatur ex aere corrupto, ita aer generatur ex aqua corrupta. Et hoc ideo,
quia ista duo non se habent adinvicem secundum naturalem ordinem, scilicet ut
medium ad terminum; sed sicut duo extrema quorum utrumque potest esse et
primum et ultimum. |
Ensuite, quand il dit : Aussi, dans le premier cas, etc., il
déduit de la première différence une seconde. Puisque de la première façon:
l’un se compare à l'autre comme ce qui devient à ce qui est terminé, et comme
le milieu à la fin, il est évident qu'ils ont un ordre naturel entre eux. Ils
n’ont donc pas un rapport de réciprocité, en sorte que, indifféremment, l'un
provienne de l'autre. D'où on ne dit pas que l'homme fait devient enfant,
comme on dit le contraire. La raison en est que ces deux choses dont l'une
est dite devenir l'autre de cette façon, ne se comportent pas entre elles
comme les deux termes d'une mutation, mais plutôt comme deux choses dont
l'une est postérieure à l'autre. Et c’est ce que dit Aristote : ce qui
est en devenir, c'est-à-dire le terme de la génération, l'être, n'est pas
fait de la génération, comme si la génération se changeait en être; mais
l'être vient après la génération, parce que selon l'ordre naturel il suit la
génération, comme le terme est au bout du chemin, et la fin après le milieu.
Alors, si nous considérons ces deux choses que sont la génération et l'être,
elles ne diffèrent pas de la façon que nous avons exclue plus haut, dans
laquelle on ne considérait que l’ordre, comme lorsque nous disons que le jour
provient de l'aurore parce qu'il lui succède. A cause de cet ordre naturel,
on ne dit pas à l'inverse, que l'aurore provient du jour, c’est-à-dire vient
après le jour. Pour la même raison, il ne peut arriver que l’homme fait
devienne enfant. Mais selon l'autre façon pour une chose de provenir d'une
autre, il y a un mouvement inverse. De même en effet que l'eau est engendrée
à partir de l'air corrompu, ainsi l'air est engendré à partir de l'eau
corrompue. Et cela parce que ces deux choses ne sont pas reliées par un ordre
naturel, comme le milieu est relié à la fin, mais comme deux extrêmes, dont
l'un et l'autre peuvent être et premier et dernier. |
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[81878]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 12 Deinde cum dicit utroque autem ostendit quod non sit
procedere in infinitum secundum utrumque istorum modorum. Et primo secundum
primum, prout dicimus ex puero fieri virum. Illud enim ex quo dicimus aliquid
fieri, sicut ex puero virum, se habet ut medium inter duo extrema, scilicet
inter esse et non esse: sed positis extremis impossibile est esse infinita
media: quia extremum infinitati repugnat: ergo secundum istum modum non
convenit procedere in infinitum. |
Ensuite, quand il dit : Mais dans les deux cas, etc., Aristote
montre qu’on ne peut remonter à l'infini en aucune de ces deux façons, Et
d'abord selon la première, où l’on dit que l'homme provient de l'enfant. En
effet, ce dont une chose provient comme l'homme de l'enfant, tient lieu
d’intermédiaire entre deux extrêmes, à savoir l'être et le non-être. Mais les
extrêmes étant posés, il est impossible d’interposer des intermédiaires en
nombre infini, parce qu'il est incompatible avec l'infini d'avoir une
extrémité. Il ne convient donc pas de remonter à l'infini dans ce mode de
devenir. |
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[81879] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 13 Similiter etiam nec secundum alium; quia in alio
modo invenitur reflexio extremorum adinvicem, propter hoc quod alterius
corruptio est alterius generatio, ut dictum est. Ubicumque autem est reflexio, reditur ad primum, ita
scilicet quod id quod fuit primo principium, postea sit terminus. Quod in
infinitis non potest contingere, in quibus non est principium et finis. Ergo
nullo modo ex aliquo potest aliquid fieri in infinitum. |
Et pas davantage selon l'autre
mode de devenir, parce que dans cet autre mode, il y a convertibilité des
extrêmes pour cette raison que la corruption de l'un est la génération de
l'autre, comme on l’a déjà dit. Partout où il y a convertibilité, on retourne
au point de départ, de sorte que ce qui était d'abord principe soit ensuite
terme ultime; ce qui ne peut se présenter dans les êtres infinis, dans
lesquels il n’y a ni principe ni fin. D'aucune façon donc, le devenir d'une
chose à partir d'une autre ne peut être porté à l'infini. |
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[81880]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 14 Deinde cum dicit simul autem ostendit quod
praedictorum modorum ex prima materia aliquid fiat. Ubi considerandum est, quod
Aristoteles utitur hic duabus communibus suppositionibus, in quibus omnes
antiqui naturales conveniebant: quarum una est, quod sit aliquod primum
principium materiale, ita scilicet quod in generationibus rerum non
procedatur in infinitum ex parte superiori, scilicet eius ex quo generatur.
Secunda suppositio est, quod prima materia est sempiterna. Ex hac igitur
secunda suppositione statim concludit, quod ex prima materia non fit aliquid
secundo modo, scilicet sicut ex aere corrupto fit aqua, quia scilicet illud
quod est sempiternum, non potest corrumpi. |
Ensuite, quand il dit : Et puis, il est impossible, etc.,
Aristote montre que ???selon les modes de devenir susdits, toute chose
provient de la matière première. Il faut ici remarquer qu’Aristote se sert de
deux hypothèses communément admises chez les anciens philosophes de la
nature : la première prétend qu’il y aurait un premier principe
matériel, en sorte que dans la génération des choses on ne peut remonter à
l'infini, du côté de ce à partir de quoi la génération se fait. La seconde
hypothèse est que la matière première est éternelle. De cette seconde
hypothèse, il conclut aussitôt que, à partir de la matière première, rien ne
peut être fait, selon la deuxième façon de devenir, c'est-à-dire comme l'air
corrompu devient de l'eau, parce que, précisément, ce qui est éternel ne peut
se corrompre. |
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[81881] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 3 n. 15 Sed quia posset aliquis dicere, quod primum
principium materiale non ponitur a philosophis sempiternum, propter hoc quod
unum numero manens sit sempiternum, sed quia est sempiternum per
successionem, sicut si ponatur humanum genus sempiternum: hoc excludit ex
prima suppositione, dicens, quod, quia generatio non est infinita in sursum,
sed devenitur ad aliquod primum principium materiale, necesse est quod, si
aliquid sit primum materiale principium, ex quo fiunt alia per eius
corruptionem, quod non sit illud sempiternum de quo philosophi dicunt. Non
enim posset esse illud primum materiale principium sempiternum, si eo
corrupto alia generarentur, et iterum ipsum ex alio corrupto generaretur.
Unde manifestum est, quod ex primo materiali principio fit aliquid, sicut ex
imperfecto et in potentia existente, quod est medium inter purum non ens et
ens actu; non autem sicut aqua ex aere fit corrupto. |
Mais, pourrait-on dire, les
philosophes ne posent pas l'éternité du premier principe matériel pour cette
raison qu’il demeure numériquement un et le même pour toujours, mais parce
qu’il est éternel par succession, comme si on disait le genre humain éternel,
Aristote exclut cette interprétation par le fait qu'il accepte la première
hypothèse. Il dit en effet que, puisqu'on ne peut remonter à l'infini dans la
génération, mais que l'on parvient à un premier principe matériel, il est
nécessaire que, si par hypothèse c'est la corruption d'un tel premier
principe matériel qui permet le devenir des autres choses, ce ne soit pas là
le principe sempiternel dont parlent les philosophes. En effet, ce premier
principe matériel ne pourrait être éternel, si par sa corruption, les autres
choses étaient engendrées, et si de nouveau il était engendré à partir de la
corruption d'autre chose. D'où il est manifeste que toute chose provient du
premier principe matériel comme de ce qui est imparfait et en puissance à
exister, qui est intermédiaire entre le pur non-être et l'être en acte,
et non comme l’eau provient de l’air
corrompu. |
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Leçon
4, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Ce n’est pas tout : la cause finale
est une fin. Par cause finale on entend ce qui ne se fait pas en vue d’autre
chose, mais au contraire ce en vue de quoi autre chose se fait. De sorte que
s’il y a ainsi quelque chose qui soit le dernier terme, il n’y aura pas de
production infinie : s’il n’y a rien de tel, il n’y a point de cause
finale. Ceux qui admettent ainsi la production à l’infini, ne voient pas
qu’ils suppriment par là même le bien. Or, y a-t-il quelqu’un qui voudrait entreprendre une chose, s’il ne
devait pas arriver à l’achever ? Ce serait l’acte d’un insensé.
L’homme raisonnable agit toujours en vue de quelque chose ; et c’est-là
une fin, car le but qu’on se propose est une fin. On ne peut pas non plus
ramener indéfiniment l’essence à une autre essence. Il faut s’arrêter.
Toujours l’essence qui précède est plus essence que celle qui suit ;
mais si ce qui précède ne l’est pas encore, à plus forte raison ce qui suit. Bien plus, ce genre de système rend
toute connaissance impossible. On ne peut savoir, il est impossible de rien
connaître, avant d’arriver à ce qui est simple et indivisible. Or, comment
penser à cette infinité d’êtres dont on nous parle ? Il n’en est pas ici
comme de la ligne, qui ne s’arrête pas dans ses divisions : la pensée a
besoin de points d’arrêt. Aussi, si vous parcourez cette ligne qui se divise
à l’infini, vous n’en pouvez compter toutes les divisions. Ajoutons que nous
ne concevons la matière que dans un objet en mouvement. Or, aucun de ces
objets n’est marqué du caractère de l’infini. Si ces objets sont réellement
infinis, le caractère propre de l’infini n’est pas l’infini. Et quand bien même on dirait seulement
qu’il y a un nombre infini d’espèces de causes, la connaissance serait encore
impossible. Car nous croyons savoir quand nous connaissons les causes ;
et il n’est point possible que dans un temps fini, nous puissions parcourir
une série infinie. |
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Lectio 4 |
Leçon 4, [Il n’y a pas une
infinité de causes] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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Aristote montre
qu'il y a un certain état d'arrêt et un terme, aussi bien dans les causes
finales que formelles. Il montre aussi qu’il n’y a pas une infinité d'espèces
de cause. |
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[81882] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 1 Postquam probavit philosophus, quod in causis
moventibus et materialibus non proceditur in infinitum, hic ostendit idem in
causa finali, quae nominatur cuius causa fit aliquid. Et ostendit
propositum quatuor rationibus: quarum prima talis est. Id, quod est cuius
causa, habet rationem finis. Sed finis est id quod non est propter alia, sed
alia sunt propter ipsum. Aut ergo est aliquid tale, aut nihil: et si quidem
fuerit aliquid tale, ut scilicet omnia sint propter ipsum, et ipsum non sit
propter alia, ipsum erit ultimum in hoc genere; et ita non procedetur in
infinitum: si autem nihil inveniatur tale, non erit finis. Et ita tolletur
hoc genus causae, quod dicitur cuius causa. |
Après avoir démontré qu'on ne peut
remonter à l'infini dans les causes motrices et dans les causes matérielles,
le Philosophe prouve la même chose pour la cause finale, appelée cause en vue de quoi autre chose se fait. Et
il prouve son avancé au moyen de quatre raisons. Voici la première. Ce en vue de quoi on agit a raison de
fin. Or la fin est ce qui n'est pas en vue d'autre chose, mais c'est en vue
de la fin que sont les autres choses. Ou une pareille chose existe, ou elle
n'existe pas : si, d'une part, il existe une telle chose, en vue de
laquelle tout est ordonné sans qu'elle-même soit ordonnée à autre chose,
cette chose sera le terme ultime dans ce genre de cause; et ainsi on ne
remontera pas à l'infini; si, d'autre part, on ne trouvait rien de tel, il
n'y aura pas de fin. Et ainsi on supprimera ce genre de cause, appelée cause en vue de quoi on agit. |
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[81883]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 2 Secundam rationem ponit ibi, sed qui, quae derivatur
ex praemissa ratione. Ex prima enim ratione conclusum est quod qui ponunt infinitatem
in causis finalibus, removeant causam finalem. Remota autem causa finali,
removetur natura et ratio boni: eadem enim ratio boni et finis est; nam bonum
est quod omnia appetunt, ut dicitur in primo Ethicorum. Et ideo illi qui
ponunt infinitum in causis finalibus, auferunt totaliter naturam boni, licet
ipsi hoc non percipiant. |
Il donne la deuxième raison, où il
dit : Ceux qui admettent ainsi,
etc.; elle dérive de la première. De la première, on avait conclu que ceux
qui posent une infinité de causes finales suppriment tout simplement ce genre
de cause. Or, enlever la finalité, c'est enlever au bien sa nature et son
essence : car bien et fin ont même notion. Le bien est, en effet, ce que
toutes choses désirent, comme on le dit au livre I de l’Éthique. Ainsi donc, ceux qui posent une infinité de causes
finales suppriment totalement la nature du bien, même s’ils ne s'en rendent
pas compte. |
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[81884] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 3 Tertiam rationem ponit ibi, et nullus, quae talis
est. Si sit infinitum in causis finalibus, nullus poterit pervenire ad
ultimum terminum, quia infinitorum non est ultimus terminus: sed nullus
conatur ad aliquid faciendum nisi per hoc, quod se existimat venturum ad
aliquid, sicut ad ultimum terminum: ergo ponentes infinitum in causis
finalibus excludunt omnem conatum ad operandum, etiam naturalium rerum:
nullius enim rei motus naturalis est nisi ad id ad quod nata est pervenire. |
Il donne la troisième raison, où
il écrit : Or, y a-t-il quelqu'un qui
voudrait, etc.; la voici. Si on va à l'infini dans les causes finales,
nul ne pourra parvenir au terme ultime de son action parce que l'infini n'a
pas de terme ultime. Mais nul ne cherche à faire quelque chose, sinon parce
qu'il croit pouvoir parvenir à ce qui sera le terme ultime de son action.
Donc les tenants de l'infinité dans les causes finales excluent toute
tentative de se mettre à l'œuvre, même dans les choses naturelles. Aucune
chose n'a en effet de mouvement naturel, si ce n’est en vue de ce qu'elle
doit atteindre de par sa nature. |
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[81885]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 4 Quartam rationem ponit ibi neque utique quae talis
est. Qui ponit infinitum in causis finalibus, excludit terminum, et per
consequens excludit finem cuius causa fit aliquid. Sed omne agens per
intellectum agit causa alicuius finis: ergo sequetur quod inter causas
operativas non sit intellectus, et ita tolletur intellectus practicus. Quae
cum sint inconvenientia, oportet removere primum, id scilicet ex quo
sequuntur, scilicet infinitum a causis finalibus. |
Il donne la quatrième raison, où
il écrit : L’homme raisonnable
agit, etc. Poser l'infini dans les causes finales, c'est exclure tout
terme ultime, et par conséquent la fin en vue de laquelle on fait une chose.
Mais tout ce qui agit par intelligence agit à cause d'une certaine fin. D'où
il suivra que l'intelligence ne comptera plus parmi les causes productives,
et ainsi on supprimera l'intellect pratique. Comme ces conclusions sont
absurdes, il nous faut supprimer le principe qui nous y amène, et dont elles
procèdent, à savoir: l'infinité dans les causes finales. |
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[81886] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 5 Deinde cum dicit sed nec ostendit quod non sit infinitum
in causis formalibus: et circa hoc duo facit. Primo proponit quod intendit.
Secundo probat propositum, ibi: semper enim et cetera. Circa primum
considerandum est quod unumquodque constituitur in specie per propriam
formam. Unde definitio speciei maxime significat formam rei. Oportet ergo
accipere processum in formis secundum processum in definitionibus. In
definitionibus enim una pars est prior altera, sicut genus est prius
differentia, et differentiarum una est prior altera. Idem ergo est quod in
infinitum procedatur in formis et quod in infinitum procedatur in partibus
definitionis. Et ideo volens ostendere quod non sit procedere in infinitum in
causis formalibus, proponit non esse infinitum in partibus definitionis. Et
ideo dicit quod non convenit hoc quod est quod quid erat esse, in infinitum
reduci ad aliam definitionem, ut sic semper multiplicetur ratio. Puta qui definit hominem in definitione eius ponit
animal. Unde definitio hominis reducitur ad definitionem animalis, quae ulterius
reducitur ad definitionem alicuius alterius, et sic multiplicatur ratio
definitiva. Sed hoc non convenit
in infinitum procedere. |
Ensuite, quand il dit : On ne peut pas non plus, etc.,
Aristote montre qu'on ne peut non plus remonter à l'infini dans les causes
formelles. En premier, il expose ce qu'il entend démontrer. En second, il
donne sa preuve, où il dit : Toujours
l’essence qui précède, etc. Sur le premier point il nous faut considérer
que chaque chose est constituée dans son espèce par sa forme propre. La
définition de l'espèce signifie donc principalement la forme d'une chose.
L’ordre selon lequel on remontera dans la série des formes devra donc suivre
l'ordre des définitions. Or, dans les définitions, une partie est antérieure
à l'autre comme le genre est antérieur à la différence, et comme une
différence est antérieure aux autres. Il revient donc au même de remonter à
l'infini dans les formes et dans les parties de la définition. Alors, voulant
démontrer qu'on ne peut remonter à l'infini dans les causes formelles,
Aristote établit que la définition ne peut compter une infinité de parties.
Voilà pourquoi il affirme qu'il ne convient pas que la quiddité d’une chose
puisse se rramener une infinité de fois A une autre définition, pour ainsi
toujours en multiplier l'essence intelligible. Par exemple, la définition de
l’homme comporte l'animalité. D'où la définition de l’homme se réduit à celle
de l'animal, laquelle se réduit ensuite à la définition d'autre chose, et
ainsi se multiplie le concept qui définit l’essence. Mais il ne convient pas
de remonter ainsi à l'infini. |
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[81887]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 6 Non autem hoc dicimus quasi in uno et eodem
individuo multiplicentur formae secundum numerum generum et differentiarum, ut
scilicet in homine sit alia forma a qua est homo, et alia a qua est animal,
et sic aliis; sed quia necesse est ut in rerum natura tot gradus formarum
inveniantur, quod inveniuntur genera ordinata et differentiae. Est enim in
rebus invenire aliquam formam, quae est forma, et non est forma corporis; et
aliquam quae est forma corporis, sed non est forma animati corporis; et sic
de aliis. |
Nous ne voulons pas dire par là
que, dans un seul et même individu, les formes se multiplieraient selon le
nombre de genres et d’espèces auxquels il se rattache comme, dans l’homme par
exemple, une forme le ferait homme, une autre le ferait animal, et ainsi de
suite; mais nous voulons dire qu’il est nécessaire que dans la nature des
choses, on trouve autant de degrés de formes qu'il y a de genres hiérarchisés
et de différences. On trouvera donc dans les êtres une forme qui est forme
sans être la forme d’un corps, une autre qui est forme d'un corps, mais non
d'un corps animé, et ainsi de suite. |
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[81888] Sententia Metaphysicae,
lib. 2 l. 4 n. 7 Deinde cum dicit semper enim probat propositum
quatuor rationibus. Quarum prima talis est. In multitudine formarum vel
rationum semper illa quae est prius est magis. Quod non est
intelligendum quasi sit completior; quia formae specificae sunt completae.
Sed dicitur esse magis, quia est in plus quam illa quae est posterior, quae
non est ubicumque est prior. Non enim ubicumque est ratio animalis, est ratio
hominis. Ex quo argumentatur, quod si primum non est, nec habitum
idest consequens est. Sed si in infinitum procedatur in rationibus et formis,
non erit prima ratio vel forma definitiva; ergo excludentur omnes
consequentes. |
Ensuite, quand il dit : Toujours l’essence qui précède, etc.,
Aristote prouve cet avancé au moyen de quatre raisons. Voici la
première : dans la multitude des formes ou des notions, celle qui est
antérieure est toujours davantage.
Ce qui ne signifie pas qu'elle soit plus complète, puisque seule la forme
spécifique est complète. Mais on dit qu’elle est davantage parce qu'elle s'étend plus que celle qui la suit, cette
dernière ne se trouvant pas partout où l'on trouve la première. Ce n'est pas
partout où l'on trouve la raison d'animal, que l'on trouve la raison d'homme.
D’où il fait valoir que si la première forme n'existe pas, n'existe pas non
plus celle qui y est comprise, c'est dire celle
qui suit dans la définition. Mais si on remonte à l'infini dans les
notions et dans les formes, il n’y aura pas de première notion ou forme
servant à définir, et, par conséquent, seront exclues toutes celles qui la
suivent. |
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[81889] Sententia Metaphysicae,
lib. 2 l. 4 n. 8 Secundam
rationem ponit ibi amplius scire quae talis est. Impossibile est aliquid
sciri prius quam perveniatur ad individua. Non autem accipitur hic individuum
singulare, quia scientia non est de singularibus. Sed individuum potest dici
uno modo ipsa ratio speciei specialissimae, quae non dividitur ulterius per
essentiales differentias. Et secundum hoc intelligitur quod non habetur
perfecta scientia de re, quousque perveniatur ad speciem specialissimam; quia
ille qui scit aliquid in genere, nondum habet perfectam scientiam de re. Et
secundum hanc expositionem oportet dicere, quod sicut prima ratio
concludebat, quod in causis formalibus non proceditur in infinitum in sursum,
ita haec ratio concludit, quod non proceditur in infinitum in deorsum. Sic
enim non esset devenire ad speciem specialissimam. Ergo ista positio destruit
perfectam scientiam. |
Voici la seconde raison, donnée
quand il dit : Bien plus, ce
genre, etc.. Il est impossible de savoir vraiment avant d'avoir rejoint
l'individu. On ne veut pas dire ici l'individu singulier, parce que la
science ne peut pas porter sur les singuliers. Mais individu peut aussi
vouloir dire, selon un de ses sens, la notion de l'espèce ultime, qui ne peut
être subdivisée par des différences essentielles. Dans ce sens, on comprend
qu'on n'a pas de science parfaite d'une chose avant d’être parvenu à
déterminer son espèce la plus particulière; car celui qui ne connaît que le
genre d'une chose, n'a pas encore la science parfaite de cette chose. Cette
explication nous force à dire que, de même que le premier argument nous
faisait conclure que l'on ne peut remonter à l’infini dans les causes
formelles, de même cet argument-ci nous fait conclure qu'on ne peut non plus
descendre à l'infini, car alors, on ne parviendrait jamais à l'espèce
dernière. Cette position détruit donc la science parfaite. |
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[81890] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 9 Sed quia formalis divisio non solum est secundum
quod genus dividitur per differentias, per cuius divisionis privationem
species specialissima potest dici individuum, sed etiam est secundum quod
definitum dividitur in partes definitionis, ut patet in primo physicorum;
ideo individuum potest hic dici, cuius definitio non resolvitur in aliqua
definientia. Et secundum hoc, supremum genus est individuum. Et secundum hoc
erit sensus, quod non potest haberi scientia de re per aliquam definitionem,
nisi deveniatur ad suprema genera, quibus ignoratis impossibile est aliquod
posteriorum sciri. Et secundum hoc concludit ratio, quod in causis formalibus
non procedatur in infinitum in sursum, sicut et prius. |
La division formelle n'existe pas
seulement du fait que le genre est divisé par les différences, – et l’absence
de ces différences fait que l'on peut appeler « individu » l'espèce
la plus particulière –, mais elle existe aussi du fait que la chose
définie est divisée selon les parties de sa définition, comme on le voit au
livre I des Physiques. Pour cette
raison, on peut, dans ce cas, appeler individu, ce dont la définition ne se
décompose pas en nouveaux éléments à définir. Et dans ce sens, le genre
suprême est un individu. Selon cette interprétation, le sens de l’argument
sera qu’on ne peut avoir la science d'une chose au moyen d'une définition, à
moins de parvenir aux genres suprêmes, car leur ignorance entraînerait
l'impossibilité de savoir ce qui vient après eux. Ainsi interprété,
l’argument nous fait conclure que l'on ne peut remonter à l'infini dans les
causes formelles, comme dans les autres arguments. |
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[81891]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 10 Vel ad idem concludendum potest aliter exponi individuum,
ut scilicet propositio immediata dicatur individuum. Si enim procedatur in
infinitum in definitionibus in sursum, nulla erit propositio immediata. Et
sic universaliter tolletur scientia, quae est de conclusionibus deductis ex
principiis immediatis. |
Ou encore, pour arriver à la même
conclusion, on peut expliquer autrement le mot « individu »,
l’appliquant à la proposition immédiatement évidente. Si, en effet, om
remonte à l’infini dans les définitions, il n’y aura pas de proposition
immédiatement évidente. Et ainsi, on supprimera universellement la science,
qui porte sur les conclusions déduites de principes immédiatement évidents. |
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[81892] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 11 Deinde cum dicit et cognoscere tertiam rationem
ponit quae procedit non solum ad scientiam excludendam, sed ad excludendum
simpliciter omnem cognitionem humanam. Et circa hanc rationem duo facit. Primo ponit
rationem. Secundo excludit obiectionem quamdam, ibi, non enim simile et
cetera. Ratio autem talis est. Unumquodque cognoscitur per intellectum suae
formae: sed si in formis procedatur in infinitum, non poterunt intelligi;
quia infinitum inquantum huiusmodi, non comprehenditur intellectu: ergo ista
positio universaliter destruit cognitionem. |
Ensuite, quand il dit : On ne peut savoir, etc., il apporte
une troisième raison, qui nous amène à exclure non seulement la science, mais
même à exclure absolument toute connaissance humaine. Son argument comprend
deux parties. D'abord il apporte son argument. Ensuite, il réfute une
objection, où il dit : Il n'en est pas
ici, etc. Voici l’argument. Toute chose est connue par la compréhension
que l'on a de sa forme. Mais si on remonte à l'infini dans les formes, on ne
pourra pas les connaître parce que l'infini, en tant que tel, échappe à la
saisie de l’intelligence; donc, cette position détruit universellement toute
connaissance. |
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[81893]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 12 Deinde cum dicit non enim excludit quamdam obviationem.
Posset enim aliquis dicere, quod illud quod habet infinitas formas, potest
cognosci, sicut et linea, quae in infinitum dividitur. Sed hoc excludit,
dicens, quod non est simile de linea, cuius divisiones non stant, sed in
infinitum procedunt. Impossibile enim est quod aliquid intelligatur nisi in
aliquo stetur; unde linea, inquantum statuitur ut finita in actu propter suos
terminos, sic potest intelligi; secundum vero quod non statur in eius
divisione, non potest sciri. Unde nullus potest numerare divisiones lineae
secundum quod in infinitum procedunt. Sed infinitum in formis est infinitum
in actu, et non in potentia, sicut est infinitum in divisione lineae; et
ideo, si essent infinitae formae, nullo modo esset aliquid scitum vel notum. |
Ensuite, quand il dit : Il n'en est pas ici, etc., Aristote
écarte une objection. Quelqu'un pourrait dire que ce qui a une infinité de
formes peut être connu, comme la ligne qui est divisible à l'infini. Mais il
exclut cette interprétation en disant que le cas de la ligne est différent,
parce que ses divisions n’ont pas de terme, mais peuvent se poursuivre à
l'infini. Il est impossible, en effet, de comprendre une chose, à moins
qu'elle n’ait un point d’arrêt; d'où la ligne, parce qu’elle a un terme fini
en acte par ses extrémités, peut être comprise de cette façon; mais en tant
que sa division se poursuit sans arrêt, elle ne peut être connue. Donc,
personne ne peut dénombrer les divisions d'une ligne, en tant qu’elles se
poursuivent à l’infini. Mais l'infinité dans les formes est une infinité en
acte, et non en puissance comme l’infinité des divisions d'une ligne; et
donc, s'il y avait une infinité de formes, rien ne serait su ou connu. |
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[81894] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 13 Deinde cum dicit sed materiam ponit quartam
rationem, quae talis est. In omni eo quod movetur necesse est intelligere
materiam. Omne enim quod movetur est in potentia: ens autem in potentia est
materia: ipsa autem materia habet rationem infiniti, et ipsi infinito, quod
est materia, convenit ipsum nihil, quia materia secundum se intelligitur
absque omni forma. Et, cum ei quod est infinitum, conveniat hoc quod est
nihil, sequitur per oppositum, quod illud per quod est esse, non sit
infinitum, et quod infinito, idest materiae, non sit esse infinitum.
Sed esse est per formam: ergo non est infinitum in formis. |
Ensuite, quand il dit : Ajoutons que nous ne concevons, etc.,
Aristote apporte une quatrième raison, ainsi formulée. En tout cc qui se
meut, il faut poser une matière. En effet, tout ce qui se meut est en
puissance ; or, l'être en puissance, c'est précisément la matière. Mais
cette matière a raison d'indéfini[31], et cet indéfini qu’est la matière, équivaut au néant, parce que la
matière en soi et par soi est conçue en l’absence de toute forme. Or, comme
ce qui convient à l’indéfini est le néant, il s'ensuit, par opposition, que
ce par quoi une chose existe n’est pas indéfini, et que l'indéfini,
c'est-à-dire la matière, n'ait pas une existence indéfinie. Mais l'existence
est donnée par la forme : donc, il n’y a pas d'infini dans les formes. |
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[81895] Sententia Metaphysicae,
lib. 2 l. 4 n. 14 Est
autem hic advertendum quod hic ponit nihil esse de ratione infiniti, non quod
privatio sit de ratione materiae, sicut Plato posuit non distinguens
privationem a materia; sed quia privatio est de ratione infiniti. Non enim
ens in potentia habet rationem infiniti, nisi secundum quod est sub ratione
privationis, ut patet in tertio physicorum. |
Il faut remarquer ici que le néant
entre dans le concept de ce qui est indéfini, non pas parce que la privation
entre dans la définition de la matière, comme le prétendait Platon, lui qui
ne distinguait pas la privation de la matière; mais parce que la privation
entre dans la définition de l'indéfini. En effet, l'être en puissance n’a
raison d'indéfini que sous l'angle de la privation dans laquelle il se
trouve, comme on le voit au livre III des
Physiques. |
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[81896]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 4 n. 15 Deinde cum dicit sed si infinitae ostendit quod non
sunt infinitae species causarum, tali ratione. Tunc putamus nos scire
unumquodque quando cognoscimus omnes causas eius: sed, si sunt infinitae
causae secundum adiunctionem unius speciei ad aliam, non erit pertransire
istam infinitatem, ita quod possint omnes causae cognosci: ergo etiam per
istum modum excludetur cognitio rerum. |
Ensuite, quand il dit : Et quand bien même on dirait, etc., le
Philosophe montre qu’il n'y a pas une infinité d’espèces de causes, pour la
raison suivante. Nous croyons savoir quelque chose quand nous en connaissons
toutes les causes; mais s’il y en a une infinité par adjonction d'une espèce
à l'autre, il ne sera pas possible de parcourir cette infinité, en sorte que
l'on puisse connaître toutes les causes: donc, de cette façon aussi, la
connaissance des choses sera exclue. |
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Leçon
5, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Les auditeurs sont soumis à l’influence
de l’habitude. Nous aimons qu’on se serve d’un langage conforme à celui qui
nous est familier. Sans cela, les choses ne paraissent plus ce qu’elles nous
paraissaient ; il nous semble, par ce qu’elles ont d’inaccoutumé, que
nous les connaissons moins, et qu’elles nous sont plus étrangères. Ce qui
nous est habituel nous est, en effet, mieux connu. Une chose qui montre bien
quelle est la force de l’habitude, ce sont les lois, où des fables et des
puérilités ont plus de puissance, par l’effet de l’habitude, que n’en aurait
la vérité même. Il est des hommes qui n’admettent
d’autres démonstrations que celles des mathématiques ; d’autres ne
veulent que des exemples ; d’autres ne trouvent pas mauvais qu’on
invoque le témoignage d’un poète. Il en est enfin qui demandent que tout soit
rigoureusement démontré ; tandis que d’autres trouvent cette rigueur
insupportable, ou bien parce qu’ils ne peuvent suivre la chaîne des
démonstrations, ou bien parce qu’ils pensent que c’est se perdre dans des
futilités. Il y a, en effet, quelque chose de cela dans l’affectation de la
rigueur. Aussi quelques-uns la regardent-ils comme indigne d’un homme libre,
non seulement dans la conversation, mais même dans la discussion
philosophique. Il faut donc que nous apprenions avant
tout quelle sorte de démonstration convient à chaque objet particulier ;
car il serait absurde de mêler ensemble et la recherche de la science, et
celle de sa méthode : deux choses dont l’acquisition présente de grandes
difficultés. On ne doit pas exiger en tout la rigueur mathématique, mais
seulement quand il s’agit d’objets immatériels. Aussi la méthode mathématique
n’est-elle pas celle des physiciens ; car la matière est probablement le
fond de toute la nature. Ils ont à examiner d’abord ce que c’est que la
nature. De cette manière, en effet, ils verront clairement quel est l’objet
de la physique, et si l’étude des causes et des principes de la nature est le
partage d’une science unique ou de plusieurs sciences. |
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Lectio 5 |
Leçon 5, [Les différentes
manières de chercher la vérité] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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Il montre quelle est
la valeur de la coutume et de la nature dans la recherche de la vérité, à partir
de différents types d'hommes qui, affectés de caractères individuels
différents et engagés dans des habitudes différentes, ont connu la vérité. De
là, il déduit quelle est la méthode la plus apte à conduire à la vérité. |
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[81897] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 5 n. 1 Postquam philosophus ostendit, quod consideratio
veritatis partim est difficilis et partim facilis, et quod maxime pertinet ad
primum philosophum, hic ostendit, quis sit modus conveniens ad considerandum
veritatem: et circa hoc duo facit. Primo enim ponit diversos modos, quos
homines sequuntur in consideratione veritatis. Secundo ostendit quis sit
modus conveniens, ibi, propter quod oportet erudiri et cetera. Circa primum
duo facit. Primo ostendit efficaciam consuetudinis in consideratione
veritatis. Secundo concludit diversos modos, quibus homines utuntur in
consideratione, propter diversas consuetudines, ibi, alii vero si non
mathematicae et cetera. Circa primum duo facit. Primo ostendit virtutem
consuetudinis in consideratione veritatis. Secundo manifestat per signum,
ibi, quantam vero vim habeat et cetera. Dicit ergo primo, quod auditiones
contingunt in hominibus de his quae sunt secundum consuetudines. Ea enim,
quae sunt consueta, libentius audiuntur et facilius recipiuntur. Dignum enim
videtur nobis, ut ita dicatur de quocumque, sicut consuevimus audire. Et si
qua dicantur nobis praeter ea quae consuevimus audire, non videntur nobis
similia in veritate his quae consuevimus audire. Sed videntur nobis minus
nota et magis extranea a ratione, propter hoc quod sunt inconsueta. Illud
enim quod est consuetum, est nobis magis notum. |
Après avoir montré que la
considération de la vérité est en partie difficile et en partie facile et
qu'elle relève à un degré éminent de la philosophie première, le Philosophe
manifeste ici le mode ou la méthode qu'il convient de respecter dans l'étude
de la vérité. Ce qu'il élabore en deux points. En premier, il fait une revue
des diverses méthodes adoptées par les hommes dans l’étude de la vérité. En second,
il montre quelle est la méthode apte à cette étude, où il dit : Il faut donc que nous apprenions, etc.
Il divise son premier point en deux parties. En premier, il montre quelle est
l'efficacité de la coutume dans l’étude de la vérité. En second, il en
conclut que les diverses méthodes dont se servent les hommes dépendent des
diverses habitudes, où il dit : Il est
des hommes qui n’admettent, etc. Il divise sa première partie en deux. En
premier, il montre la force de l'habitude dans la considération de la vérité.
En second, il la manifeste par un signe, où il dit : Une chose qui montre bien, etc. Il dit
donc, en premier, que les hommes écoutent ce qui est en accord avec leurs
habitudes. Nous écoutons plus volontiers et acceptons plus facilement ce qui
nous est habituel. Ce que nous avons l’habitude d'entendre sur n’importe quel
sujet nous semble digne d’être écouté. Tout ce que nous entendons qui n'est
pas familier à notre oreille ne nous paraît pas aussi vrai que ce que nous
avons l'habitude d'entendre, mais nous semble moins connu et plus étranger à
notre raison, à cause de son caractère inhabituel. En effet, ce à quoi nous
sommes habitués nous est plus connu. |
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[81898]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 5 n. 2 Cuius ratio est, quia consuetudo vertitur in
naturam; unde et habitus ex consuetudine generatur, qui inclinat per modum
naturae. Ex hoc autem quod aliquis habet talem naturam vel talem habitum,
habet proportionem determinatam ad hoc vel illud. Requiritur autem ad
quamlibet cognitionem determinata proportio cognoscentis ad cognoscibile. Et
ideo secundum diversitatem naturarum et habituum accidit diversitas circa
cognitionem. Videmus enim, quod hominibus secundum humanam naturam sunt
innata prima principia; et secundum habitum virtutis apparet unicuique bonum,
quod convenit illi virtuti: sicut et gustui videtur aliquid conveniens,
secundum eius dispositionem. Sic igitur, quia consuetudo causat habitum
consimilem naturae, contingit quod ea quae sunt consueta sint notiora. |
La raison en est que l’habitude
devient notre nature; voilà pourquoi l’habitus, qui incline par mode de
nature, s'engendre par la coutume. Du fait que quelqu’un a telle nature ou
tel habitus, il a une proportion déterminée à tel ou tel objet. Or, à toute
connaissance est requise une proportion déterminée du connaissant au
connaissable. La diversité que l'on remarque dans le connaître fait donc
suite à la diversité des natures et des habitus. Nous voyons, en effet, que
c'est conformément à la nature humaine que les premiers principes sont innés
chez l'homme; et que c'est selon l’habitus de la vertu que paraît bon à
chacun ce qui est conforme à cette vertu, comme le goût trouve agréable ce
qui est conforme à sa disposition. Ainsi, parce que la coutume cause un
habitus assimilé à la nature, il arrive que les choses coutumières sont plus
connues. |
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[81899] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 5 n. 3 Deinde cum dicit quantam vero manifestat quod
dixerat per quoddam signum; ostendens, quod leges ab hominibus positae ostendunt
per experientiam, quantam vim habeat consuetudo: in quibus quidem legibus
propter consuetudinem magis valent fabulariter et pueriliter dicta, ad hoc
quod eis assentiatur, quam cognitio veritatis. Loquitur autem hic philosophus
de legibus ab hominibus adinventis, quae ad conservationem civilem sicut ad
ultimum finem ordinantur; et ideo quicumque invenerunt eas, aliqua quibus
hominum animi retraherentur a malis et provocarentur ad bona secundum
diversitatem gentium et nationum in suis legibus tradiderunt, quamvis multa
eorum essent vana et frivola, quae homines a pueritia audientes magis
approbabant quam veritatis cognitionem. Sed lex divinitus data ordinat hominem ad veram
felicitatem cui omnis falsitas repugnat. Unde in lege Dei nulla falsitas continetur. |
Ensuite, quand il dit : Une chose qui montre bien, etc., il
manifeste ce qu'il avait dit par un certain signe, en montrant que les lois
faites par les hommes illustrent par l’expérience à quel point la coutume est
forte. Dans les lois, en effet, les fables et les enfantillages reçoivent,
grâce à la coutume, un assentiment plus ferme que la connaissance de la
vérité. Le Philosophe parle ici des lois faites par les hommes qui sont
ordonnées à la conservation de la société comme à leur fin ultime. C'est
pourquoi tous les législateurs ont laissé dans leurs lois des de
recommandations ou des raisons qui pouvaient, selon la diversité des peuples
et des nations, éloigner du mal et pousser au bien les âmes de leurs sujets.
Pourtant, une foule de ces raisons étaient vaines et frivoles, mais ceux qui
les avaient entendues depuis leur enfance les approuvaient plus que la
connaissance de la vérité. Cependant, la loi donnée par Dieu ordonne l'homme
à la vraie félicité, à laquelle toute fausseté répugne. C'est pourquoi il n'y
a aucune fausseté dans la loi de Dieu. |
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[81900]
Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 5 n. 4 Deinde cum dicit alii vero hic ostendit quomodo
homines in consideratione veritatis propter consuetudinem diversos modos
acceptant: et dicit, quod quidam non recipiunt quod eis dicitur, nisi dicatur
eis per modum mathematicum. Et hoc quidem convenit propter consuetudinem his,
qui in mathematicis sunt nutriti. Et quia consuetudo est similis naturae,
potest etiam hoc quibusdam contingere propter indispositionem: illis
scilicet, qui sunt fortis imaginationis, non habentes intellectum multum
elevatum. Alii vero sunt, qui nihil volunt recipere nisi proponatur eis
aliquod exemplum sensibile, vel propter consuetudinem, vel propter dominium
sensitivae virtutis in eis et debilitatem intellectus. Quidam vero sunt qui
nihil reputent esse dignum ut aliquid eis inducatur absque testimonio poetae,
vel alicuius auctoris. Et hoc etiam est vel propter consuetudinem, vel
propter defectum iudicii, quia non possunt diiudicare utrum ratio per
certitudinem concludat; et ideo quasi non credentes suo iudicio requirunt
iudicium alicuius noti. Sunt etiam aliqui qui omnia volunt sibi dici per
certitudinem, idest per diligentem inquisitionem rationis. Et hoc contingit
propter bonitatem intellectus iudicantis, et rationes inquirentis; dummodo
non quaeratur certitudo in his, in quibus certitudo esse non potest. Quidam
vero sunt qui tristantur, si quid per certitudinem cum diligenti discussione
inquiratur. Quod quidem potest contingere dupliciter. Uno modo propter
impotentiam complectendi: habent enim debilem rationem, unde non sufficiunt
ad considerandum ordinem complexionis priorum et posteriorum. Alio modo
propter micrologiam, idest parvorum ratiocinationem. Cuius similitudo quaedam
est in certitudinali inquisitione, quae nihil indiscussum relinquit usque ad
minima. Imaginantur autem quidam, quod sicut in symbolis conviviorum non
pertinet ad liberalitatem, quod debeant etiam minima computari in ratiocinio,
ita etiam sit quaedam importunitas et illiberalitas, si homo velit circa
cognitionem veritatis etiam minima discutere. |
Ensuite, où il dit : Il est des hommes qui n’admettent,
etc., il montre comment, par habitude, les hommes adoptent diverses méthodes
dans l'étude de la vérité. Il dit que certains n'admettent ce qu'on leur dit
que si on le leur communique de façon mathématique. Cela provient de
l’habitude chez ceux qui ont été instruits dans les mathématiques. Et parce
que l’habitude est semblable à la nature, cela peut provenir d'une mauvaise
disposition chez certains, à savoir ceux qui sont doués d'une forte
imagination sans avoir une intelligence très élevée. Il y en a d'autres qui
ne veulent rien accepter si l'on ne leur propose pas un exemple sensible,
soit à cause de leur habitude, soit à cause de l’empire de la puissance
sensible et de la faiblesse de leur intelligence. Il y en a d'autres qui
croient que rien n’est digne de leur être proposé à croire sans être appuyé
par le témoignage d'un poète ou de quelque auteur. Et cela dépend aussi de
l’habitude ou d'un manque de jugement, parce qu'ils ne peuvent juger si la
raison conclut avec certitude. C'est pourquoi ils cherchent le jugement d’une
personne illustre, comme s'ils ne croyaient pas à leur propre jugement. Il y
en a d'autres qui veulent que tout leur soit donné avec certitude, c'est dire
par une recherche consciencieuse de la raison. Cela provient de la noblesse
de l'intelligence qui juge, et des arguments apportés par le chercheur,
pourvu que la certitude ne soit pas recherchée là où elle ne peut exister.
D'autres s'attristent si l'on cherche à établir la vérité avec certitude par
une discussion rigoureuse. Cette attitude peut avoir une double cause. La
première est l'incapacité de synthèse : possédant une intelligence plutôt
faible, ces gens sont incapables d'entrevoir l'ordre dans la composition des
idées qui se succèdent. La seconde est la « micrologie » ou le
raisonnement des détails[32]. Cette micrologie ressemble à la recherche scientifique qui ne laisse
pas le moindre détail de côté sans une discussion rigoureuse. Ces gens
s'imaginent que dans les conversations entre convives, il est indigne d'un
homme libre qu'on doive discuter d'un sujet jusque dans les moindres détails,
et qu’il est pareillement quelque peu importun et grossier de vouloir, dans
la connaissance de la vérité, discuter même des parcelles de vérité. |
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[81901] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 5 n. 5 Deinde cum dicit propter quod ostendit quis sit modus
conveniens ad inquirendum veritatem; et circa hoc duo facit. Primo enim
ostendit, quomodo homo possit cognoscere modum convenientem in inquisitione
veritatis. Secundo ostendit, quod ille modus qui est simpliciter melior, non
debet in omnibus quaeri, ibi, acribologia vero et cetera. Dicit ergo primo,
quod quia diversi secundum diversos modos veritatem inquirunt; ideo oportet
quod homo instruatur per quem modum in singulis scientiis sint recipienda ea
quae dicuntur. Et quia non est facile quod homo simul duo capiat, sed dum ad
duo attendit, neutrum capere potest; absurdum est, quod homo simul quaerat
scientiam et modum qui convenit scientiae. Et propter hoc debet prius
addiscere logicam quam alias scientias, quia logica tradit communem modum
procedendi in omnibus aliis scientiis. Modus autem proprius singularum
scientiarum, in scientiis singulis circa principium tradi debet. |
Ensuite quand il dit : Il faut donc que nous apprenions,
etc., Aristote manifeste quelle est la méthode appropriée à la recherche de
la vérité. Ce qu’il fait en deux points. En premier, il montre comment
l'homme peut connaître la méthode utile à la découverte de la vérité. En
second, il montre que la méthode qui est absolument la meilleure ne doit pas
être recherchée dans tous les domaines, où il dit : On ne doit pas exiger, etc. Voici sa première remarque :
parce que des gens de toute sorte recherchent la vérité selon différentes
méthodes, il faut que l'homme soit instruit de la méthode qu’il faut suivre
pour apprendre ce qui est enseigné dans chaque science. Et parce qu'il n'est
pas facile de comprendre deux choses à la fois, le risque d'une attention
partagée étant de n'en savoir aucune, il est absurde que l’homme recherche en
même temps la science et la méthode qui convient à cette science. Voilà
pourquoi il doit tout d'abord apprendre la logique avant les autres sciences,
parce qu'elle nous donne la méthode commune de procéder dans toutes les
autres sciences. La méthode propre à chaque science doit être communiquée
vers le début de l’étude de cette science. |
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[81902] Sententia
Metaphysicae, lib. 2 l. 5 n. 6 Deinde cum dicit acribologia vero ostendit quod ille
modus, qui est simpliciter optimus, non debet in omnibus quaeri; dicens quod acribologia
idest diligens et certa ratio, sicut est in mathematicis, non debet requiri
in omnibus rebus, de quibus sunt scientiae; sed debet solum requiri in his,
quae non habent materiam. Ea enim quae habent materiam, subiecta sunt motui
et variationi: et ideo non potest in eis omnibus omnimoda certitudo haberi.
Quaeritur enim in eis non quid semper sit et ex necessitate; sed quid sit ut
in pluribus. Immaterialia vero secundum seipsa sunt certissima, quia sunt
immobilia. Sed illa quae in sui natura sunt immaterialia, non sunt certa
nobis propter defectum intellectus nostri, ut praedictum est. Huiusmodi autem
sunt substantiae separatae. Sed mathematica sunt abstracta a materia, et
tamen non sunt excedentia intellectum nostrum: et ideo in eis est requirenda
certissima ratio. Et quia tota natura est circa materiam, ideo iste modus
certissimae rationis non pertinet ad naturalem philosophum. Dicit autem forsan propter corpora caelestia,
quia non habent eodem modo materiam sicut inferiora. |
Ensuite, quand il dit : On ne doit pas exiger, etc., il montre
que la méthode qui est absolument la meilleure ne doit pas être recherchée
dans toutes les sciences, en disant que l’« acribologie »,
c'est-à-dire les raisonnements rigoureux et certains qu’on trouve dans les
mathématiques, ne doit pas être exigée dans toutes les matières où il y a
science, mais qu’elle doit être recherchée uniquement dans les êtres qui
n'ont pas de matière. Les êtres matériels sont assujettis au mouvement et à
la variation; c'est pourquoi on ne peut avoir une certitude générale sur eux
tous. Il ne faut pas rechercher dans les êtres matériels ce qui serait
toujours et par nécessité, mais ce qui est dans la plupart des cas. Les êtres
immatériels, considérés en eux-mêmes, sont objets de pleine certitude, parce
qu'ils sont immobiles. Mais ces êtres qui sont de leur nature immatériels ne
sont pas objets de certitude pour nous, à cause de la faiblesse de notre
intelligence, comme on l’a déjà dit. Les êtres de cette sorte sont les
substances séparées. Mais les mathématiques sont abstraites de la matière
sans pourtant excéder la portée de notre intelligence; voilà pourquoi il faut
rechercher en elles un raisonnement très certain. Et parce que toute la
nature concerne la matière, cette méthode de raisonnement très certain n'appartient
pas au philosophe de la nature. Il dit « peut-être » à cause des
corps célestes, qui ne sont pas matériels de la même manière que les corps
inférieurs. |
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[81903] Sententia Metaphysicae, lib. 2 l. 5
n. 7 Et, quia in scientia
naturali non convenit iste certissimus rationis modus, ideo in scientia
naturali ad cognoscendum modum convenientem illi scientiae, primo
perscrutandum est quid sit natura: sic enim manifestum erit de quibus sit
scientia naturalis. Et iterum considerandum est, si unius scientiae,
scilicet naturalis, sit omnes causas et principia considerare, aut sit
diversarum scientiarum. Sic enim poterit scire quis modus demonstrandi
conveniat naturali. Et hunc modum ipse observat in secundo physicorum, ut
patet diligenter intuenti. |
Et parce que, dans la science de
la nature, cette méthode très certaine de la raison ne convient pas, il faut,
dans la science de la nature, pour connaître la méthode qui lui convient,
bien scruter tout d'abord ce qu'est la nature. Ainsi on pourra voir avec
évidence de quoi traite la science naturelle. Et ensuite il faudra considérer
s'il appartient à une science unique,
la science naturelle, ou à des sciences diverses de considérer toutes les
causes et tous les principes. Ainsi on pourra savoir le mode de démontrer qui
convient à la science de la nature. Et il observe lui-même cette méthode au
livre II des Physiques, comme il
est évident à celui qui l'étudie attentivement. |
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Liber 3 |
LIVRE 3 (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960, et Georges Comeau, 2011)
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Leçon 1, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Il est nécessaire, dans l’intérêt de la science
que nous cherchons, de commencer par exposer les difficultés que nous avons à
résoudre dès l’abord. Ces difficultés, ce sont, outre les opinions
contradictoires des divers philosophes sur les mêmes sujets, tous les points
obscurs qu’ils peuvent avoir négligé d’éclaircir: si l’on veut arriver à une
solution vraie, il est utile de se bien poser d’abord ces difficultés. Car la
solution vraie à laquelle on parvient ensuite, n’est autre chose que
l’éclaircissement de ces difficultés : or, il est impossible de délier
un nœud si l’on ne sait pas la manière de s’y prendre. Ceci est évident
surtout pour les difficultés, les doutes de la pensée. Douter, pour elle,
c’est être dans l’état de l’homme enchaîné: pas plus que lui elle ne peut
aller en avant. Il nous faut donc commencer par examiner toutes les
difficultés, et pour ces motifs, et aussi parce que chercher sans se les être
posées d’abord, c’est ressembler à ceux qui marchent sans savoir vers quel
but il faut marcher, c’est s’exposer même à ne point reconnaître si l’on a
découvert ou non ce que l’on cherchait. En effet, on n’a point alors de but
marqué : le but est marqué au contraire pour celui qui a commencé par se
les bien poser. Enfin, on doit nécessairement être mieux à même de juger,
quand on a entendu, comme parties adverses en quelque sorte, toutes les
raisons opposées. |
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Sommaire du
livre : LA METHODE DANS LA RECHERCHE DE LA VERITE. LES PROBLEMES A SE
POSER DANS CETTE SCIENCE: LES GENRES DES CAUSES, LES SUBSTANCES, LES PRINCIPES
DES CHOSES. AUTRE PROBLEME A QUELLE SCIENCE APPARTIENT-IL DE TRAITER DES
CHOSES QUE L'ON VIENT D’ENUMERER ? |
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Lectio 1 |
Leçon 1, commentaire de
saint Thomas [La méthode du doute en métaphysique] (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960)
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Leçon 1, (Traduction
Marie-Hélène Deloffre, essai)
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ARISTOTE MONTRE PAR
QUATRE RAISONS QU’IL CONVIENT, DANS LA RECHERCHE DE LA VERITE UNIVERSELLE, DE
REMETTRE EN QUESTION CHACUNE DES VERITES. |
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[81904] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 1 n. 1 Postquam philosophus in secundo libro ostendit modum
considerandae veritatis, hic procedit ad veritatis considerationem. Et primo
procedit modo disputativo, ostendens ea quae sunt dubitabilia circa rerum veritatem.
Secundo incipit determinare veritatem. Et hoc in quarto libro, qui incipit ibi, est
scientia quaedam quae speculatur. Prima autem pars dividitur in partes duas.
In prima dicit de quo est intentio, in secunda exequitur propositum, ibi, est
autem dubitatio prima quod et cetera. Circa primum duo facit. Primo enim
dicit de quo est intentio. Secundo rationem assignat suae intentionis, ibi,
inest autem investigare volentibus et cetera. Dicit ergo primo, quod ad hanc
scientiam, quam quaerimus de primis principiis, et universali veritate rerum,
necesse est ut primum aggrediamur ea de quibus oportet, dubitare, antequam
veritas determinetur. Sunt autem huiusmodi dubitabilia propter duas rationes.
Vel quia antiqui philosophi aliter susceperunt opinionem de eis quam rei
veritas habeat, vel quia omnino praetermiserunt de his considerare. |
Après avoir montré, au livre II,
la méthode qu'il faut employer dans l'étude de la vérité, le Philosophe
commence ici cette étude. Il l'aborde en premier selon le mode dialectique,
en faisant ressortir les questions douteuses sur la vérité des choses. En
second lieu, il commence à traiter de la vérité, et ce, au livre IV, qui
débute par ces mots : Il est une
science qui considère, etc. La première partie se divise en deux. Dans la
première, il précise l'objet de son intention; dans la seconde, il élabore ce
qu'il propose, où il dit : La première
difficulté est celle, etc. (leçon II) Il traite sa première partie en
deux points. Dans le premier, il dit ce qu’il veut faire; dans le second, il
donne la raison de ce qu’il veut faire, où il dit : si l’on veut arriver à une solution vraie, etc." Il dit
donc, en premier, que cette science que nous recherchons au sujet des
premiers principes et de la vérité universelle, exige que nous nous attaquions
tout d'abord aux points dont il faut douter, avant de déterminer la vérité.
Ces doutes existent pour deux raisons : ou bien parce que les anciens
philosophes ont professé sur ces questions des opinions autres que la vérité
objective, ou bien parce qu'ils ont complètement omis d'y porter attention. |
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Le besoin -
La nécessité de tout questionner Commentaire : [81904]
Ayant indiqué dans le
livre II la méthode pour considérer la vérité, le philosophe entame maintenant
son étude de la vérité. I. Il procède d'abord en utilisant la dispute,
indiquant les points ouverts au questionnement concernant la vérité des
choses. II. Ensuite, il commence à établir ce qui est vrai, dans le livre IV,
qui démarre par: "il y a une certaine science". La première partie est
divisée en deux: 1. Dans la première, il établit ce qu'il a l'intention de
faire. 2. Dans la seconde, il entame le processus ("Le premier
problème"). A l’examen de la
première partie, il fait 2 choses : D’abord il fixe ses
intentions, ensuite il en donne les raisons ("maintenant en ce qui
concerne ceux") Il dit d’abord qu’avec
une vue de cette science dont nous recherchons les premiers principes et en
fonction de ce qui est universellement vrai des choses, nous devons, d’abord
nous attaquer aux sujets a propos desquels il est nécessaire de se poser des
questions avant que la vérité ne soit pas établie. De fait les différents
points établis en fonction de ce genre trouvent leur origine dans deux
raisons ; soit les anciens philosophes avaient dispensé une opinion
différente de la vraie réalité de ces choses, ou ils avaient complètement
négligé d’en tenir compte. |
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[81905]
Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 1 n. 2 Deinde cum dicit inest autem assignat quatuor rationes
suae intentionis: et primo dicit quod volentibus investigare veritatem
contingit prae opere, idest ante opus bene dubitare, idest bene
attingere ad ea quae sunt dubitabilia. Et hoc ideo quia posterior
investigatio veritatis, nihil aliud est quam solutio prius dubitatorum.
Manifestum est autem in solutione corporalium ligaminum, quod ille qui
ignorat vinculum, non potest solvere ipsum. Dubitatio autem de aliqua re hoc
modo se habet ad mentem, sicut vinculum corporale ad corpus, et eumdem
effectum demonstrat. Inquantum enim aliquis dubitat, intantum patitur aliquid
simile his qui sunt stricte ligati. Sicut enim ille qui habet pedes ligatos,
non potest in anteriora procedere secundum viam corporalem, ita ille qui
dubitat, quasi habens mentem ligatam, non potest ad anteriora procedere
secundum viam speculationis. Et ideo sicut ille qui vult solvere vinculum
corporale, oportet quod prius inspiciat vinculum et modum ligationis, ita
ille qui vult solvere dubitationem, oportet quod prius speculetur omnes difficultates
et earum causas. |
Ensuite, quand il dit : si l’on veut arriver, etc., il donne
quatre raisons pour légitimer son intention. Il dit en premier qu'il importe
à ceux qui sont à la recherche de la vérité, avant de se mettre à l’œuvre, de
bien douter, c'est-à-dire de cerner exactement sur les points douteux, pour
la raison que l’investigation ultérieure de la vérité n'est rien d'autre que
la solution des doutes posés antérieurement. Il est manifeste que dans le
déliement des liens corporels, celui qui ignore le nœud, ne peut le dénouer.
Mais le doute sur une question est à l’intelligence comme le lien corporel
est au corps, et manifeste le même effet. Autant quelqu'un doute, en effet,
autant il pâtit quelque chose de semblable à ce que souffrent ceux qui sont
bien ligotés. Comme celui qui a les pieds liés ne peut avancer sur la route,
ainsi celui qui doute, ayant pour ainsi dire l'esprit lié, ne peut avancer
dans la voie de la spéculation. C'est pourquoi, comme celui qui veut délier
le lien corporel doit tout d'abord examiner les liens et la forme du nœud,
ainsi celui qui veut se dégager d’un doute doit d’abord étudier toutes les
difficultés et leurs causes. |
[81905]
Maintenant en ce qui
concerne ceux. Ici, il donne 4
arguments de support à cette thèse. En premier il dit que ceux qui désirent
investiguer la vérité ça en vaut la peine, c'est-à-dire ça vaut l’effort
d’entreprendre de telles difficultés que d’examiner avec attention ces
matière qui sont ouvertes à la question. Ceci est nécessaire parce que l’étude
sous-jacente de la vérité n’est rien d’autre que la solution à des
difficultés préalables. En démêlant maintenant un nœud physique, il est
évident que celui qui n’y est pas habitué ne peut le démêler. Mais la difficulté
d’un sujet est dépendant de l’esprit tout comme un noeud physique l’est du
corps et entraîne le même effet pour autant que l’esprit est titillé par un
sujet il expérimente quelque chose de similaire a ceux qui sont étroitement
liés. Tout comme dont les pieds sont attachés ne sait pas progresser sur une
voie terrestre, celui qui est éparpillé et dont l’esprit est lié ne peut pas
avancer sur la voie de la connaissance spéculative. Pour ce faire, Tout ê
celui qui désire démêler un noeud physique doit d’abord inspecter le noeud et
la façon dont il a été formé, celui qui veut solutionner un problème doit
d’abord en collecter toutes les difficultés et les raisons de celles-ci |
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[81906] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 1 n. 3 Deinde cum dicit et quia quaerentes secundam rationem
ponit; et dicit quod illi qui volunt inquirere veritatem non considerando
prius dubitationem, assimilantur illis qui nesciunt quo vadant. Et hoc ideo,
quia sicut terminus viae est illud quod intenditur ab ambulante, ita exclusio
dubitationis est finis qui intenditur ab inquirente veritatem. Manifestum est
autem quod ille qui nescit quo vadat, non potest directe ire, nisi forte a
casu: ergo nec aliquis potest directe inquirere veritatem, nisi prius videat
dubitationem. |
Ensuite où il dit : et aussi parce que chercher, etc., il
pose la seconde raison : il dit que ceux qui veulent rechercher la
vérité sans auparavant considérer les doutes, ressemblent à ceux qui ne
savent pas où ils vont. Et cela parce que, comme le désir du marcheur est
d'atteindre le terme de la route, ainsi la fin que désire l’homme en quête de
la vérité, est de ne pas laisser place au doute. Il est manifeste que celui
qui ne sait pas où il va ne peut directement s’y rendre, sauf peut-être par
hasard : ainsi donc personne ne peut directement rechercher la vérité,
s'il ne voit tout d'abord l'objet de son doute. |
[81906]
C’est aussi nécessaire
(3) Il donne ici le second
argument. Il dit que ceux qui désirent investiguer la vérité sans d’abord
considérer le problème sont comme ceux qui ne savent pas où ils vont. C’est
vrai que c’est vrai pour cette raison que tout comme le terminus d’un trajet
est le but de celui qui voyage à pied, de même la solution d’un problème est
le but voulu par celui qui cherche la vérité. Mais il est évident que celui
qui ne sait pas où il va ne peut y arriver directement, sauf par chance. Par
ce faite personne ne peut chercher la vérité directement à moins qu’il n’en
voit d’abord le problème. |
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[81907]
Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 1 n. 4 Deinde cum dicit et adhuc tertiam rationem ponit; et
dicit, quod sicut ex hoc quod aliquis nescit quo vadat, sequitur quod quando
pervenit ad locum quem intendebat nescit utrum sit quiescendum vel ulterius
eundum, ita etiam quando aliquis non praecognoscit dubitationem, cuius
solutio est finis inquisitionis, non potest scire quando invenit veritatem
quaesitam, et quando non; quia nescit finem suae inquisitionis, qui est
manifestus ei qui primo dubitationem cognovit. |
Ensuite, quand il dit : c’est s'exposer même, etc., il donne
la troisième raison. Du fait que quelqu’un ne sait pas où il va, il s'ensuit
que lorsqu'il est parvenu au lieu qu'il désirait, il ne sait pas s'il doit
s'y reposer ou continuer sa route. Ainsi en est-il de celui qui n’a pas bien
saisi auparavant le doute, dont la solution est la fin de la recherche :
il ne peut savoir quand il a trouvé la vérité recherchée, et quand il ne l'a
pas trouvée. Car il ignore le terme de son enquête, pourtant manifeste à
celui qui a tout d'abord cerné l'objet de son doute. |
[81907]
A nouveau, on devrait
(4) Il énonce ici le
troisième argument. Il dit que tout comme celui qui ignore où il va ne sait
pas s’il devrait s’arrêter ou continuer lorsqu’il atteint son but fixé, de même
celui qui n’a pas fixé au préalable le problème dont la solution marque la
fin de sa quête, ne peut savoir quand il trouve la vérité qu’il recherche ou
pas, car il connaît pas le but de ses recherches, mais il est évident pour
celui qui connaît le problème au préalable. |
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[81908] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 1 n. 5 Et quia quartam rationem ponit, quae sumitur ex
parte auditoris. Auditorem enim oportet iudicare de auditis. Sicut autem in
iudiciis nullus potest iudicare nisi audiat rationes utriusque partis, ita
necesse est eum, qui debet audire philosophiam, melius se habere in iudicando
si audierit omnes rationes quasi adversariorum dubitantium. |
Ensuite quand il dit : Enfin, on doit nécessairement, etc.,
il donne la quatrième raison, qui se prend du côté de l'auditeur. Il faut que
l’auditeur juge de ce qu’il écoute. Comme dans les procès personne ne peut
juger s'il n'entend pas les raisons des deux parties, ainsi celui qui doit
écouter des cours de philosophie sera nécessairement mieux placé pour juger
de la vérité, s'il a entendu toutes les raisons des adversaires qui
s'interrogent sur le problème. |
[81908]
de plus (5) Il donne le 4ème
argument pris du point de vue d’un juge, car un juge doit poser un jugement sur
les choses qu’il entend. Mais tout comme celui qui sait juger uniquement
selon la loi s’il entend les arguments sur une philosophie est forcément en
meilleure position de le faire s’il veut entendre tous les arguments des
intervenants. |
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[81909]
Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 1 n. 6 Est autem attendendum, quod propter has rationes
consuetudo Aristotelis fuit fere in omnibus libris suis, ut inquisitioni
veritatis vel determinationi praemitteret dubitationes emergentes. Sed in
aliis libris singillatim ad singulas determinationes praemittit dubitationes:
hic vero simul praemittit omnes dubitationes, et postea secundum ordinem
debitum determinat veritatem. Cuius ratio est, quia aliae scientiae
considerant particulariter de veritate: unde et particulariter ad eas
pertinet circa singulas veritates dubitare: sed ista scientia sicut habet
universalem considerationem de veritate, ita etiam ad eam pertinet
universalis dubitatio de veritate; et ideo non particulariter, sed simul
universalem dubitationem prosequitur. |
Il faut remarquer que, à cause de
ces raisons, Aristote a coutume dans presque tous ses livres de poser les
doutes, les problèmes qui ressortent, avant de chercher ou d’établir la
vérité. Mais dans les autres livres, il pose séparément les doutes au
préalable, avant chaque point à établir; mais ici, il pose en même temps tous
les doutes, et c'est seulement après, selon l'ordre qui s’impose, qu'il
détermine la vérité. En voici la raison : les autres sciences
considèrent la vérité d'une façon particulière; d'où il ressort qu’il leur
appartient de douter de chacune de leurs vérités de façon particulière; mais
comme il appartient à la science que nous étudions de considérer
universellement la vérité, ainsi lui appartient-il de poser le doute universel
sur la vérité. C'est pourquoi elle ne pose pas successivement, mais d'un seul
coup, le doute universel. |
[81909]
Il doit être
maintenant acquis que c’était pour ces raisons qu’Aristote était accoutumé du
fait, dans presque tous ces travaux, de mettre en avant les problèmes
émergeants avant de mener son enquête et d’établir ce qui est vrai. Mais
tandis que dans d’autres travaux Aristote pose les problèmes un à a la fois
pour établir la vérité sur chacun d’eux, dans ce travail il pose tous les
problèmes d’abord et ensuite dans le propre ordre établit les choses qui sont
vrais. La raison de ceci est que les autres sciences considèrent la vérité de
façon particulière et pour cela il leur appartient de soulever leur problème
d’un genre particulier sur des vérités individuelles. Mais tout être
appartient a cette science de faire une étude universelle de la vérité, alors
lui incombe-t-il aussi de discuter de tous les problèmes sous-jacents à la
vérité. Pour cela elle ne discute pas de ses problèmes un à la fois mais de
tout en une fois. |
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[81910] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 1 n. 7 Potest etiam et alia esse ratio; quia dubitabilia,
quae tangit, sunt principaliter illa, de quibus philosophi aliter opinati
sunt. Non autem eodem ordine ipse procedit ad inquisitionem veritatis, sicut
et alii philosophi. Ipse enim incipit a sensibilibus et manifestis, et
procedit ad separata, ut patet infra in septimo. Alii vero intelligibilia et
abstracta voluerunt sensibilibus applicare. Unde, quia non erat eodem ordine determinaturus,
quo ordine processerunt alii philosophi, ex quorum opinionibus dubitationes
sequuntur; ideo praeelegit primo ponere dubitationes omnes seorsum, et postea
suo ordine dubitationes determinare. |
Il peut aussi exister une autre
raison de ce procédé. C'est que les questions douteuses, auxquelles il
touche, sont principalement celles sur lesquelles les philosophes ont
professé des opinions différentes de la sienne. Or, dans la recherche de la
vérité, Aristote ne suit pas le même ordre que les autres philosophes. Lui,
il part du sensible et du manifeste pour s'élever vers les réalités séparées,
comme on le verra au livre VII. Les autres ont voulu, à l'inverse, appliquer
l’intelligible et l'abstrait aux choses sensibles. Voilà pourquoi, parce
qu’il n’allait pas suivre le même ordre que les autres philosophes dont les
opinions sont à l'origine des difficultés, il a choisi de poser tout d'abord
tous les doutes à part, et ensuite de répondre à ces doutes selon son ordre
propre. |
[81910]
Il peut aussi y avoir
une autre raison à cette façon de procéder d’Aristote. En fait c’est que les
problèmes auxquels il touche sont principalement ceux au sujet desquels les
philosophes avaient tenu différentes opinions. Cependant il ne produit pas
son enquête sur la vérité de la même façon que le firent les autres
philosophes car il commence avec les choses censées et évidentes pour
poursuivre vers celles qui sont séparées de la manière, ê relevé de façon
évidente dans le livre 4, tandis que les autres philosophes voulaient poser
des principes intelligents et abstraits aux choses censées. De cette façon
parce qu’il n’avait pas l’intention d’établir la vérité dans le même ordre
que celui suivi par les autres philosophes et dont la vue de ces problèmes
émergerait, il a dès lors décidé de donner d’abord tous les problèmes dans
une section à part et ensuite solutionner ces problèmes dans leur propre
Ordre. |
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[81911] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 1 n. 8 Tertiam assignat Averroes dicens hoc esse propter affinitatem
huius scientiae ad logicam, quae tangitur infra in quarto. Et ideo
dialecticam disputationem posuit quasi partes principales huius scientiae. |
Une troisième raison est donnée
par Averroès qui dit que cela s'explique par l'affinité de cette science à la
logique, affinité dont il sera question dans le quatrième livre. C'est
pourquoi, il pose une discussion dialectique comme partie quasi principale de
cette science. |
[81911]
Averroès donne une
autre raison de la façon de procède d’Aristote. Il dit qu’Aristote procède de
cette façon à cause de la relation de cette science à la logique, qui sera
abordée dessous Ob le livre IV et pour cela fait de la discussion dialectique
une partie principale de cette science. |
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Leçon 2, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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La première difficulté est celle que
nous nous sommes déjà proposée dans l’introduction. L’étude des causes
appartient-elle à une seule science, ou à plusieurs, et la science doit-elle
s’occuper seulement des premiers principes des êtres, ou bien doit-elle
embrasser aussi les principes généraux de la démonstration, tels que
celui-ci : Est-il possible, ou non, d’affirmer et de nier en même
temps une seule et même chose ? Et tous les autres principes de ce
genre ? Et si elle ne s’occupe que des principes des êtres, y a-t-il une
seule science ou plusieurs pour tous ces principes ? Et s’il y en a
plusieurs, y a-t-il entre toutes quelque affinité, on bien les unes
doivent-elles être considérées comme des philosophies, les autres non ? Il est nécessaire encore de rechercher
si l’on ne doit reconnaître que des substances sensibles, ou s’il y en a
d’autres en dehors de celles-là. Y a-t-il une seule espèce de substance, ou
bien y en a-t-il plusieurs ? De ce dernier avis sont, par exemple, ceux
qui admettent les idées, et les substances mathématiques intermédiaires entre
les idées et les objets sensibles. Ce sont là, disons-nous, des difficultés
qu’il faut examiner, et encore celle-ci : Notre étude n’embrasse-t-elle
que les essences, ou bien s’étend-elle aussi aux accidents essentiels des
substances ? |
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Lectio 2 |
Leçon 2, Commentaire de
saint Thomas [Questions sur la méthode de cette science] (Traduction abbé
Dandenault, v. 1960)
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Leçon 2, (Traduction
Marie-Hélène Deloffre, essai)
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[81912] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 2 n. 1 Secundum ea quae praedixit philosophus, incipit
praemittere dubitationes determinationi veritatis; et dividit in duas partes.
In prima ponit dubitationes. In secunda causas dubitationum, inducendo
rationes ad singulas dubitationes, ibi, primum ergo de quibus in primis
dicimus et cetera. Dictum
est autem in secundo libro, quod prius oportet quaerere modum scientiae, quam
ipsam scientiam. Et ideo primo ponit
dubitationes pertinentes ad modum considerationis huius scientiae. Secundo
ponit dubitationes pertinentes ad prima principia, de quibus est ista
scientia, ut in primo libro dictum est; et hoc ibi, et utrum principia et
elementa et cetera. Ad modum autem scientiae huius duo pertinent, ut in
secundo dictum est: scilicet consideratio causarum, ex quibus scientia
demonstrat; et iterum res de quibus scientia considerat. Unde circa primum duo facit. Primo movet dubitationem
pertinentem ad considerationem causarum. Secundo movet multas dubitationes pertinentes ad ea
de quibus est scientia, ibi, et utrum substantiae principia et cetera. Dicit
ergo quod prima dubitatio est quam dubitando proposuimus in fine secundi
libri, qui est quasi prooemium ad totam scientiam, scilicet utrum
consideratio causarum quatuor, secundum quatuor genera, pertineat ad unam
scientiam, vel ad multas et diversas. Et hoc est quaerere utrum unius
scientiae, et praecipue huius, sit demonstrare ex omnibus causis, vel magis
diversae scientiae ex diversis demonstrent. |
Tel qu'il l’avait annoncé, le
Philosophe pose les problèmes avant de déterminer la vérité. Ce qu'il fait en
deux parties. Dans la première, il pose les doutes; dans la seconde, il pose
les causes de ces difficultés en présentant les raisons de chacune de ces
difficultés, où il dit : D’abord,
comme nous nous le sommes demandé, etc.
(leçon IV). On a dit au livre II qu'il faut rechercher la méthode
d'une science avant la science elle-même. C'est pourquoi il pose tout d'abord
les difficultés qui relèvent de la méthode de cette science. En second, il
pose les difficultés qui touchent aux premiers principes, dont il est
question dans cette science, comme on l'a dit au livre I. Ce qu’il fait lorsqu'il
dit : Ensuite, à quelle science,
etc. (leçon III). Deux choses appartiennent à la méthode de cette science,
comme on l’a dit au livre II : la considération des causes, à partir
desquelles la science démontre, et les choses dont elle traite. C'est pourquoi
il traite son premier point en deux parties. Il soulève tout d'abord un doute
sur la considération des causes. En second, il remue une foule de difficultés
sur les choses dont traite cette science, où il dit : et la science doit-elle, etc. Il dit donc que le premier doute
est celui même que nous avons proposé à la fin du livre II et qui constitue
une sorte de prologue à toute la science : la considération des quatre
causes, selon les quatre genres, appartient-elle à une science ou à plusieurs
sciences diverses? Et cela revient à rechercher s’il appartient à une seule
science, et surtout à celle-ci, de démontrer à partir de toutes les causes,
ou bien s’il n'est pas préférable que diverses sciences démontrent à partir
de diverses causes. |
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[81913]
Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 2 n. 2 Deinde cum dicit et utrum movet dubitationes de his,
de quibus considerat ista scientia. Et primo inquirit de quibus considerat
ista scientia sicut de substantiis. Secundo de quibus considerat ista
scientia sicut de accidentibus, ibi, et utrum circa substantias et cetera.
Circa primum duo facit. Primo multiplicat, quaestiones ex parte ipsius
scientiae, quae est de substantia. Secundo ex parte substantiarum ipsarum,
ibi, et hoc idem quoque et cetera. Circa primum ponit tres quaestiones.
Supposito enim ex his quae in primo libro dicta sunt, quod ista scientia
consideret principia prima, prima quaestio hic erit utrum ad hanc scientiam
solum pertineat cognoscere prima principia substantiae, aut etiam ad hanc scientiam
pertineat considerare de primis principiis demonstrationis, ex quibus omnes
scientiae demonstrant; ut puta quod haec scientia consideret utrum contingat
unum et idem simul affirmare et negare, vel non: et similiter de aliis
demonstrationis principiis primis et per se notis. |
Ensuite, où il dit : et la science doit-elle, etc., il
soulève des doutes sur les choses que doit étudier cette science. En premier,
il demande quelles choses cette science étudie en tant que substances; en
second, quelles choses elle étudie en tant qu’accidents; où il dit : et encore celle-ci, etc. Il traite le
premier point en deux parties. Il pose en premier plusieurs questions qui
relèvent de la science elle-même qui traite des substances. En second, il
pose les questions concernent les substances elles-mêmes, où il dit : Il est nécessaire encore, etc. Sur la
science elle-même, il pose trois questions. Étant admis, à partir de ce que
nous avons dit au livre I, que cette science considère les principes
premiers, la première question sera celle-ci : appartient-il à cette
science de connaître uniquement les premiers principes des substances, ou
bien lui revient-il de considérer aussi les premiers principes de la
démonstration, à partir desquels toutes les sciences démontrent? Par exemple,
cette science doit-elle étudier s'il est possible ou non d’affirmer et de
nier en même temps une seule et même chose? Et la même question se pose sur
les autres principes premiers de la démonstration, évidents par soi. |
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[81914] Sententia Metaphysicae,
lib. 3 l. 2 n. 3 Secunda quaestio est, si ista scientia est
considerativa substantiae sicut primi entis, utrum sit una scientia
considerans omnes substantias, vel sint plures scientiae de diversis
substantiis. Videtur enim quod de pluribus substantiis debeant esse plures
scientiae. |
Voici la seconde question : à
supposer que cette science étudie la substance comme premier être, y a-t-il
une science unique pour étudier toutes les substances ou y a-t-il plusieurs sciences
qui traitent des diverses substances? Il semblerait en effet qu'il devrait y
avoir plusieurs sciences pour traiter de plusieurs substances. |
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[81915] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 2 n. 4 Tertia quaestio est, si sint plures scientiae de
pluribus substantiis, utrum omnes sint cognatae, idest unius generis,
sicut geometria et arithmetica sunt in genere mathematicae scientiae, vel non
sint unius generis, sed quaedam earum sint in genere sapientiae, quaedam vero
in aliquo alio genere, puta in genere scientiae naturalis, vel mathematicae.
Videtur enim secundum primum aspectum, quod non sint unius generis, cum
substantiae materiales et immateriales non eodem modo cognoscantur. |
La troisième question est
celle-ci : dans l'hypothèse où il existe plusieurs sciences pour étudier
plusieurs substances, ces sciences sont-elles toutes connexes, c'est-à-dire
d’un seul genre, comme la géométrie et l’arithmétique appartiennent au genre
des sciences mathématiques, ou ne sont-elles pas toutes du même genre, de
sorte que certaines sont du genre de la sagesse et d’autres à un autre genre,
comme celui de la science naturelle ou de la science mathématique? Au premier
abord, il semble qu’elles ne sont pas d’un seul genre, puisque les substances
matérielles et immatérielles ne sont pas connues de la même façon. |
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[81916]
Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 2 n. 5 Deinde cum dicit et hoc idem multiplicat quaestiones
ex parte substantiae; et ponit duas quaestiones: quarum prima est, utrum
dicendum sit, quod sint solum substantiae sensibiles, ut antiqui naturales
posuerunt, vel etiam praeter substantias sensibiles sint aliae substantiae
immateriales et intelligibiles, ut posuit Plato. |
Ensuite quand il dit : Il est nécessaire encore, etc., il
pose des questions qui se rapportent aux substances. Il en pose deux; voici
la première. Faut-il dire qu’il n’existe que des substances sensibles, comme
l'ont pensé les premiers philosophes de la nature, ou bien faut-il admettre,
outre ces substances sensibles, l'existence de substances immatérielles et
intelligibles, comme l'a voulu Platon? |
[81916]
Il est aussi
nécessaire Ici il ajoute au
nombre de questions sur la substance et il le fait en soulevant 2 questions.
La première est de savoir si seulement les substances sensibles doivent être
considérées comme existante comme le clament les philosophes de la nature ou
si aux substances sensibles on doit en ajouter d’autres d’ordre immatériel et
intelligible être le proclame Platon. |
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[81917] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 2 n. 6 Secunda quaestio est, si sunt aliquae substantiae
separatae a sensibilibus, utrum sint unicae, idest unius generis
tantum, aut sint plura genera talium substantiarum, sicut quidam attendentes
duplicem abstractionem, scilicet universalis a particulari, et formae
mathematicae a materia sensibili, posuerunt utrumque genus subsistere. Et ita
ponebant substantias separatas quae sunt universalia abstracta subsistentia,
inter quae et substantias sensibiles particulares posuerunt mathematica
subsistentia separata, scilicet numeros, magnitudines et figuras. De istis
igitur quaestionibus sicut nunc moventur, perscrutandum est inferius; primo
quidem disputative, secundo determinando veritatem. |
La seconde question est celle-ci.
S'il existe des substances séparées des substances sensibles, ces substances
sont-elles d’un seul genre, ou bien y en a-t-il plusieurs sortes, comme
certains, qui l’ont pensé après avoir pris conscience de la double
abstraction, celle de l'universel à partir du particulier et de la forme
mathématique à partir de la matière sensible, ont affirmé l’existence de ces
deux genres d'abstraction? Et ainsi ils admettaient les substances séparées, qui
sont les universels abstraits subsistants, et, comme intermédiaires entre
celles-ci et les substances sensibles, les êtres mathématiques séparés
subsistants, qui sont les nombres, les grandeurs et les figures. Il faudra
creuser plus loin ces questions que nous soulevons ici, tout d’abord de façon
dialectique, puis en déterminant la vérité. |
[81917]
Et s’il y a d’autres
substances séparées des choses sensible, la question est de savoir si elles sont
unique autrement dit si elles appartiennent a une seule classe ou si il y a
beaucoup de catégorie de telles substances. Pour certains, conscient du fait
qu’il y a une abstraction à double poles, de l’universel au particulier et du
champ mathématique à la matière sensible, ils considèrent chaque classe comme
croissante en soi. Ils considèrent donc qu’il y ait des substances séparées
subsidiant d’univers séparés et parmi ceux ci sont des substances
particulièrement c’est les notions de mathématique; -nombres ;
-quantités continues et chiffres ; - envisagées comme des substances
séparées. Concernant les questions qui ont maintenant été soulevées il est
alors nécessaire de les investiguer ci-dessous. Il le fait d’abord en
argumentant les 2 côtés de la questions et ensuite en déterminant sa vérité. |
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[81918]
Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 2 n. 7 Deinde cum dicit et utrum circa inquirit utrum
consideratio huius scientiae de accidentibus sit. Et ponit tres quaestiones.
Quarum prima est, utrum speculatio huius scientiae sit solum circa
substantias, propter hoc quod dicitur philosophia substantiae: aut etiam sit
circa ea quae per se substantiis accidunt, eo quo ad eamdem scientiam
pertinere videtur ut consideret subiectum et per se accidentia subiecti. |
Ensuite quand il dit : et encore celle-ci, etc., il recherche
si l’étude de cette science porte sur les accidents. Et il pose trois
questions. Voici la première. La spéculation de cette science se
limite-t-elle aux substances, parce qu'on l'appelle la philosophie de la
substance, ou bien s'étend-elle aussi à ce qui se rapporte de soi aux
substances, puisqu'il semble appartenir à la même science de considérer un
sujet et ses propriétés essentielles[33]? |
[81918]
Il y a aussi : Le
problème(4) Il se pose ici la question
de savoir si les investigations de cette science s’étend aux accidents et il
soulève 3 questions La première est si cette sciences que l’on appelle la
philosophie de la substances, spécule sur la substance seule ou si elle
spécule aussi sur les accidents in fréquents a la substance car cela semble
être la priorité de la même science de considérer un sujet et les accidents
propres à ce sujet. |
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[81919] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 2 n. 8 Secunda quaestio est, utrum haec scientia consideret
de quibusdam quae videntur esse per se accidentia entis, et consequi omnia
entia: scilicet de eodem et diverso, simili et dissimili, et de
contrarietate, et de priori et posteriori, et omnibus aliis huiusmodi, de
quibus dialectici tractant, qui habent considerationem de omnibus. Sed tamen
de huiusmodi perscrutantur, non ex necessariis, sed ex probabilibus. Ex una
enim parte videtur quod cum sint communia, pertineant ad philosophum primum.
Ex alia parte videtur quod ex quo dialectici ista considerant, quorum est ex
probabilibus procedere, quod non pertineat ad considerationem ipsius
philosophi cuius est demonstrare. |
La seconde question demande si
cette science porte aussi sur ce qui semble être des propriétés essentielles de
l'être, et qui semble être consécutif à tous les êtres. Ainsi, doit-elle
traiter du même et du divers, du semblable et du dissemblable, de la
contrariété, de l'antérieur et du postérieur et de toutes les autres
questions de cette sorte, dont traitent les dialecticiens, qui peuvent tout
étudier? Cependant, les dialecticiens examinent toutes les choses de cette
sorte, non pas à partir de prémisses nécessaires, mais probables. D'une part
donc, puisqu’il s’agit de choses communes, il semble que leur étude revienne
au métaphysicien. Et d'autre part, il semble que ces choses communes
n'appartiennent pas au métaphysicien, dont le propre est de démontrer,
puisqu'elles sont étudiées par les dialecticiens, dont le propre est de
procéder à partir de principes probables. |
[81919]
La seconde question
est de savoir si cette science considère certaines choses qui semblent être
des accidents propres d’existence et qui appartiennent a tous les êtres,
notamment la ressemblance et la différence, contrariété, priorité et posterialité
et toutes les autres choses de cet ordre traités par les dialectiques qui
s’occupent de toutes ces choses cependant ils n’examinent pas toutes ces
choses suivant les priorités nécessaires mais suivant les probabilités. Car d’un certain point
de vue il semblerait que ces accidents soient commun a une certaine
préphilosophie, mais d’un autre point de vue il semble qu’ils soient
considérés par les dialectiques dont la préoccupation est d’augmenter à
partir de probalités et l’examen de ceux-ci n’appartient donc pas au
philosophe dont l’objectif est de démontrer. |
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[81920]
Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 2 n. 9 Tertia quaestio est, cum ad ista communia accidentia
entis quaedam per se consequantur, utrum ad philosophum pertineat circa unumquodque
horum solum considerare quid est, aut etiam illa quae consequuntur ad ipsa,
puta utrum unum uni sit contrarium. |
Voici la troisième question.
Puisqu'il y a des choses qui découlent essentiellement de ces accidents
communs de l'être, appartient-il au philosophe de ne considérer que la nature
de chacun de ces accidents, ou bien doit-il étudier aussi ce qui en découle,
en examinant par exemple si une seule chose a un seul contraire? |
[81920]
Et depuis que certains
qualificatifs coulent de source de ces accidents d’existence, la troisième
question est de savoir si la fonction du philosophe est de considérer ces
accidents communs au regard de leur spécificité ou aussi de leur prospérité
par exemple, s’il existe bien un opposé pour chacun d’eux. |
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Leçon 3, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Sont-ce les genres qui sont les
principes et les éléments ; sont-ce les parties intrinsèques de chaque
être ? Et si ce sont les genres, sont-ce les plus rapprochés des
individus, ou bien les genres les plus élevés ? Est-ce l’animal, par
exemple, ou bien l’homme, qui est principe ; et le genre l’est-il plutôt
que l’individu ? Une autre question non moins digne d’être étudiée et
approfondie est celle-ci : y a-t-il ou non, en dehors de la substance,
quelque chose qui soit cause en soi ? Ce quelque chose en est-il ou non
indépendant ; est-il un ou multiple ? Est-il ou non en dehors de
l’ensemble (et par l’ensemble j’entends ici la substance avec ses
attributs ? En dehors de quelques individus et non des autres ; et
quels sont alors les êtres en dehors desquels il existe ? Ensuite, les principes soit formels soit
substantiels, sont-ils numériquement distincts ou réductibles à des genres ?
Les principes des êtres périssables et ceux des êtres impérissables sont-ils
les mêmes ou différents ; sont-ils tous impérissables, ou bien les
principes des êtres périssables sont-ils périssables ? De plus, et c’est
là la difficulté la plus grande, la plus embarrassante, l’unité et l’être
constituent-ils ou non la substance des êtres, comme le prétendaient les
Pythagoriciens et Platon ; ou bien y a-t-il quelque chose qui leur serve
de sujet, de substance, comme l’Amitié d’Empédocle, le feu, l’eau, l’air de
tel ou tel autre philosophe ? Les principes sont-ils relatifs au
général, ou bien aux choses particulières ? Sont-ils en puissance ou en
acte ? Sont-ils en mouvement ou autrement ? Ce sont là de graves
difficultés. Ensuite, les nombres, les longueurs, les figures, les points,
sont-ils ou non des substances ; et, s’ils sont des substances, sont-ils
indépendants des objets sensibles, ou existent-ils dans ces objets ? Sur
tous ces points, non seulement il est difficile d’arriver à la vérité par une
bonne solution, mais il n’est pas même bien facile de se poser nettement les
difficultés. |
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Lectio 3 |
Leçon 3, Commentaire de
saint Thomas [Questions sur les objets de de cette science] (Traduction abbé
Dandenault, v. 1960)
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Leçon 3, (Traduction
Marie-Hélène Deloffre, essai)
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[81921] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 1 Postquam philosophus movit quaestiones pertinentes ad
modum considerandi huius scientiae, hic movet quaestiones pertinentes ad res
de quibus ista scientia considerat. Et quia ista scientia considerat de
principiis primis, ut in primo dictum est, ideo movet hic quaestiones de
principiis rerum. Prima autem rerum principia ponebantur et species et
mathematica. Unde primo movet quaestiones pertinentes ad species. Secundo
quaestiones pertinentes ad mathematica, ibi, adhuc autem utrum numeri, aut
longitudines et cetera. Circa primum duo facit. Primo quaerit quae sunt
principia. Secundo qualia sunt, ibi, amplius autem utrum principia numero aut
specie determinata et cetera. Quia vero principia ponebantur universalia
separata, primo quaeritur utrum universalia sint principia. Secundo utrum res
separatae sint principia, ibi, maxime vero quaerendum est et cetera. Circa
primum ponit duas quaestiones; quarum prima est, utrum genera sint principia
et elementa rerum, aut ea in quae sicut in ultima dividitur quodcumque
singulare existens. Et ratio huius dubitationis est, quia elementum est ex
quo primo componitur res, et in quod ultimo dividitur. Invenimus autem
duplicem modum compositionis et divisionis: unum scilicet secundum rationem,
prout species resolvuntur in genera. Et secundum hoc videntur genera esse
principia et elementa, ut Plato posuit. Alio modo secundum naturam sicut
corpora naturalia componuntur ex igne et aere et aqua et terra, et in haec
resolvuntur. Et propter hoc naturales posuerunt esse prima principia
elementa. |
Après avoir posé les questions qui
touchent à la méthode de cette science, le Philosophe soulève maintenant les
questions qui portent sur les choses dont elle traite. Et parce que cette
science considère les premiers principes, comme on l'a dit au livre I, il
pose les questions sur les principes des choses. Les premiers principes que
l’on posait étaient et les espèces et les êtres mathématiques. Il s'interroge
donc d'abord sur les espèces, et en second sur les êtres mathématiques, où il
dit : Ensuite, les nombres, les
longueurs, etc. Sa recherche sur les espèces se divise en deux. Il
recherche d'abord quels sont les principes; en second, il s’interroge sur
leur nature, où il dit : Ensuite,
les principes, etc. Parce qu'on posait comme principes les universels
séparés, il se demande tout d'abord si les universels sont principes. En
second, il cherche à savoir si les êtres séparés sont principes, où il
dit : Une autre question, etc.
Il pose deux questions à propos des universels, dont voici la première. Les genres
sont-ils principes et éléments des choses, ou bien les principes sont-ils ce
en quoi se divise ultimement tout singulier qui existe? La raison de ce doute
est que l’élément est à la fois le premier composant d’une chose et le terme
ultime de sa division. Or, nous trouvons un double mode de composition et de
division. Le premier mode est de l’ordre de la raison et n’est autre que la
résolution des espèces dans leurs genres. A ce point de vue, il semble que
les genres sont les principes et les éléments des choses, comme le pensait
Platon. L’autre mode est celui de la nature, selon lequel les corps naturels
se composent de feu, d'air, d'eau et de terre et se résolvent en ces
éléments. Voilà pourquoi les philosophes de la nature ont fait des éléments
les premiers principes. |
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[81922] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 2 Secunda quaestio est, supposito quod genera sint
principia rerum, utrum principia sint universalia dicta de individuis,
scilicet species specialissimae, quas genera appellat secundum Platonicorum
consuetudinem, quia continent sub se plura individua, sicut genera plures
species; aut magis sint principia prima generalissima, ut puta quid sit magis
principium, utrum animal vel homo, qui est principium quoddam secundum
Platonicos, et magis vere existens quam singulare. Oritur autem haec
dubitatio propter duas divisiones rationis. Quarum una est secundum quam
genera dividimus in species. Alia vero est secundum quam species resolvimus
in genera. Semper enim videtur illud quod est ultimus terminus divisionis
esse primum principium et elementum in componendo. |
La seconde question est celle-ci.
A supposer que les genres soient principes des choses, les principes sont-ils
les universels qui sont dits des individus, les espèces les plus spécialisées,
qu'il appelle genres d'après la coutume des Platoniciens, parce qu’ils
contiennent plusieurs individus comme les genres contiennent plusieurs
espèces? ou bien les principes sont-ils plutôt les universels premiers les
plus généraux? Par exemple, lequel est davantage principe, l'animal ou
l'homme? Celui-ci est principe d'après les Platoniciens, et possède une
existence plus réelle que celle des singuliers. Ce qui soulève ce doute,
c'est la double division de la raison : l'une selon laquelle nous divisons
le genre en espèces; l'autre selon laquelle nous regroupons les espèces dans
leurs genres. Il semble que toujours ce qui est le terme ultime de la
division est premier principe et élément dans la composition. |
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[81923]
Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 3 Deinde cum dicit maxime vero quaerit de principiis
ex parte separationis: et movet quatuor quaestiones, quarum prima est, cum
primi naturales posuerint solum causam materialem, utrum aliquid aliud
praeter materiam sit causa secundum se, aut non. |
Ensuite où il dit : Une autre question, etc., il
s'interroge sur les principes, du côté de la séparation de la matière. Il
soulève quatre questions, dont voici la première. Puisque les premiers
physiciens n'ont posé que la cause matérielle, y a-t-il ou non quelque chose, en dehors de la
matière, qui serait véritablement cause par soi? |
[81923]
Il enquête ici pour
savoir si des entités séparées sont les principes des choses et pose pour
cela 4 questions des lors que les 1es philosophes de la nature établissent
seulement une cause matérielle, la première question est de savoir si a cote
de la matière il y a autre chose qui est une cause au sens propre ou pas. |
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[81924] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 4 Secunda quaestio est, supposito quod aliquid praeter
materiam sit causa, utrum illud sit separabile a materia, sicut posuit Plato,
aut sicut posuit Pythagoras. |
La seconde question est celle-ci.
A supposer qu’il y ait, en plus de la matière, une véritable cause, cette
cause est-elle séparable de la matière selon la conception de Platon ou
conformément à la pensée de Pythagore? |
[81924]
et certifier qu’il y a
d’autres causes outre la matière, la deuxième question est de savoir si elles
peuvent être séparées de la matière comme établi par Platon et Pythagore. |
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[81925]
Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 5 Tertia quaestio est, si est aliquid separabile a
materia, utrum sit unum tantum, sicut posuit Anaxagoras, aut plura numero sicut
posuit Plato et ipse Aristoteles. |
Voici la troisième question. S'il
existe quelque chose de séparable de la matière, ce quelque chose est-il un,
comme l'a pensé Anaxagore, ou est-il plusieurs en nombre, comme l'ont
enseigné Platon et Aristote lui-même? |
[81925]
et s’il y a quelque
chose séparable de la matière, la question est de savoir si c’est une chose
simple comme le proclamait Anaxagore ou beaucoup comme Platon et Aristote lui
même le proclamait. |
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[81926] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 6 Quarta quaestio est, utrum aliquid sit praeter
synolon, id est simul totum, aut nihil; aut in quibusdam sit aliquid, et
in quibusdam non: et qualia sint in quibus sunt et qualia in quibus non.
Exponit autem quid sit synolon vel simul totum, scilicet quando praedicatur
aliquid de materia. Ad cuius intellectum considerandum est quod Plato posuit
hominem et equum et ea quae sic praedicantur, esse quasdam formas separatas.
Per hoc autem homo praedicatur de Socrate vel Platone, quod materia
sensibilis participat formam separatam. Socrates ergo vel Plato dicitur
synolon vel simul totum, quia constituitur per hoc quod materia participat
formam separatam. Et est quasi quoddam praedicatum de materia. Quaerit ergo
philosophus hic utrum quod quid est individui, sit aliquid aliud praeter
ipsum individuum, vel non: aut etiam in quibusdam est aliud et in quibusdam
non aliud. Quam quidem quaestionem philosophus determinabit in septimo. |
Voici la quatrième question. Y
a-t-il quelque chose ou non en dehors du synolon,
c'est-à-dire du tout simultané? Y a-t-il quelque chose de séparé pour
certains êtres et non pour d'autres? Quels sont les êtres qui n'ont rien de
séparé et ceux qui ont quelque chose de séparé? Il expose ce qu’est le synolon ou le tout simultané :
c'est lorsque quelque chose est attribué à la matière. Pour comprendre cela,
il faut considérer que Platon a affirmé que l’homme et le cheval et tous les
attributs de ce genre étaient des formes séparées. Si l’homme est attribué à
Socrate et à Platon, c'est parce que la matière sensible participe de la
forme séparée. Ainsi, Socrate ou Platon est appelé synolon ou tout simultané, parce qu'il est constitué par le fait
que la matière participe de la forme séparée. Et cette forme séparée est
comme un prédicat[34] de la matière. Voilà pourquoi le Philosophe se demande si, oui ou
non, l'essence de l'individu est quelque chose de séparé de l'individu
lui-même; ou si elle est séparée dans certains individus et pas dans
d’autres. Le Philosophe répondra à cette question au livre VII. |
[81926]
La quatrième question
est de savoir s’il y a quelque chose au delà du "synolon" (?)
c'est-à-dire le tout concret ou rien, ou s’il a quelque chose dans certains
cas et pas dans d’autres, et de quelles choses il s’agit dans chacun des cas.
Et il explique ce qu’est un synolon ou un tout concret: il s’agit de la
matière quand quelque chose en est issu. Maintenant afin de comprendre ceci
nous devons noter que Platon proclamait que l’homme et le cheval sont des
formes séparées. Dès lors que Socrate ou Platon appelaient un synolon, ou
tout concret parce que chacun est constitue d’un résultat de matière
participant a une forme séparée. De la, le philosophe demande ici si la
consistance de la chose individuelle est quelque chose d’autre en plus de la
chose individuelle qu’elle même ou pas, ou encore si c’est quelque chose
d’autre dans le cas de certaines choses et pas dans d’autres, le philosophe
répondra à cette question dans le livre 7 (Voir n° 356). |
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[81927]
Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 7 Deinde cum dicit amplius autem movet quaestiones
circa modum existendi principiorum. Et quia ens dividitur per unum et multa,
per actum et potentiam, primo quaerit quomodo sint principia secundum
unitatem et multitudinem. Secundo quomodo sint secundum actum et potentiam,
ibi, et potestate aut actu. Circa primum movet quatuor quaestiones: quarum
prima est, utrum principia sint determinata secundum numerum, aut secundum
speciem. Puta quia dicimus tria esse principia naturae. Potest autem intelligi,
vel quia sunt determinata secundum numerum, ita scilicet quod sola una numero
forma sit principium naturae, et sola una numero materia et privatio. Et
potest intelligi quod sit determinata secundum speciem, ita, scilicet, quod
sint multa principia materialia quae conveniant in specie materialis
principii, et sic de aliis. Et quia quidam philosophorum assignabant causas
formales, sicut Platonici, quidam autem solas materiales, sicut antiqui
naturales, addit quod ista quaestio habet locum in rationibus, idest
in causis formalibus, et in subiecto, idest in causis materialibus. |
Ensuite, où il dit : Ensuite, les principes, etc., il pose
les questions concernant la manière d'exister des principes. Et parce que
l'être se divise par l'un et le multiple, par l'acte et la puissance, il
recherche tout d'abord comment existent les principes d'après la division de
l'unité et de la multitude. En second, il se demande comment ils existent
d'après la division de l'acte et de la puissance, où il dit : Sont-ils en puissance, etc. Dans sa
première recherche, il pose quatre questions. Voici la première :
doit-on déterminer les principes selon le nombre, ou selon l'espèce ? Voici
un exemple : parce que nous disons qu'il y a trois principes de la
nature, on peut comprendre par là que le nombre des principes est déterminé
de telle sorte que, numériquement, une seule forme, une seule matière et une
seule privation seraient principes de la nature; ou bien, on peut comprendre
que le nombre des principes est déterminé en espèce, de telle sorte qu'il y
ait une multitude de principes matériels réunis dans l'espèce du principe
matériel, et de même pour les autres principes. Et parce que certains
philosophes, comme les Platoniciens, ont posé des causes formelles, et que
certains autres, comme les premiers physiciens, n'ont parlé que des causes
matérielles, il ajoute que cette question surgit dans les
« raisons », c’est-à-dire les causes formelles, et dans le
« sujet », c’est-à-dire les causes matérielles. |
[81927]
Plus loin, nous devons
enquêter Ici il soulève les
questions sur la façon dont existent les principes; et à partir du moment ou
l'être est divisé par un et beaucoup et par l'action et la potentialité, il
se demande d abord si ces principes sont uniques ou multiples et en second
(4) si ils sont réels ou potentiels. A nouveau nous devons enquêter. En fonction du
premier, il pose 4 questions: 1° La première est si
les principes des choses sont limités en nombre ou en sortes; comme on dit
par exemple: qu'il y a trois principes de nature. Maintenant, le constat
qu'ils sont limités en nombre peut signifier que la nature est numériquement
une force simple, une matière simple et une spécificité. Et la constatation
qu'ils sont limités en espèce peut signifier qu'il y a beaucoup de principes
qui ont en commun la nature spécifique des principes matériels et ainsi de
suite pour le reste. Et dès lors que certains philosophe comme les
platoniciens attribuent seulement des causes formelles aux choses tandis que
d'autres comme les anciens philosophes naturels attribuent seulement des
causes matérielles aux choses ; il ajoute que cette question est à la fois
applicable aux structures intelligibles et au sujet sous jacent (causes
matérielles). |
|
[81928] Sententia Metaphysicae,
lib. 3 l. 3 n. 8 Secunda quaestio est, utrum corruptibilium et
incorruptibilium sint eadem principia aut diversa. Et si sint diversa, utrum
omnia sint incorruptibilia, vel corruptibilium principia sint corruptibilia
et incorruptibilium incorruptibilia. |
Voici la seconde question. Les
êtres corruptibles et incorruptibles ont-ils les mêmes principes ou des
principes divers? Et si ce sont des principes différents, sont-ils tous
incorruptibles, ou les principes des choses corruptibles sont-ils corruptibles
et les principes des êtres incorruptibles sont-ils incorruptibles? |
[81928]
La seconde question
est de savoir si les principes des choses corruptibles ou incorruptibles sont
les mêmes ou pas. Et s'ils sont différents, si tous sont incorruptibles ou si
les principes des choses corruptibles sont corruptibles et ceux des choses
incorruptibles sont incorruptibles. |
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[81929]
Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 9 Tertia quaestio est, utrum unum et ens significent
ipsam substantiam rerum et non aliquid aliud additum supra substantiam rerum,
sicut dicebant Pythagorici et Platonici, vel non significent ipsam
substantiam rerum, sed sit aliquid aliud subiectum unitati et entitati,
scilicet ignis aut aer, aut aliquid aliud huiusmodi, ut antiqui naturales
posuerunt. Hanc autem quaestionem dicit esse difficillimam et maxime
dubitabilem, quia ex ista quaestione dependet tota opinio Platonis et
Pythagorae, qui ponebant numeros esse substantiam rerum. |
Voici la troisième question. L'être
et l'un signifient-ils la substance même des choses et non autre chose qui
s’ajoute à la substance des choses, comme le disaient les Pythagoriciens et
les Platoniciens; ou bien ne signifient-ils pas la substance même des choses
et y a-t-il autre chose qui soit le sujet de l’un et de l’être, tel que le
feu ou l’air, ou quelque chose du genre, comme l’ont pensé les anciens
physiciens? Et il dit que cotte question est la plus difficile et la plus
sujette au doute, parce que de cette question dépend toute la théorie de
Platon et de Pythagore, qui posaient que les nombres étaient la substance des
choses. |
[81929]
Ou alors sont-ils
seulement des principes qui agissent d’une certaine autre manière que par le
mouvement comme le revendiquait Platon, a savoir que les choses sensées sont
provoquées par des quantités immatérielles par une certaine participation à
ceux-ci. De plus il ajoute que ces questions ont été posées par ce quelles
représentent la plus grande difficulté, comme l’établit clairement la manière
avec la quelle les philosophes ne sont pas d’accord à leur sujet. Et en
addition à ceux-ci (5) |
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[81930] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 10 Quarta quaestio est, utrum principia rerum sint
sicut quaedam universalia, vel sicut aliqua singularia, idest utrum ea
quae ponuntur esse principia habeant rationem principii secundum rationem
universalem, vel secundum quod unumquodque eorum est aliquid et singulare. |
La quatrième question veut savoir
si les principes des choses sont à la manière des universels ou à la manière
des singuliers ou, plus précisément, elle veut savoir si ce qui est posé
comme principe a raison de principe à titre d’universel, ou bien en tant que
chaque principe est une réalité particularisée et un singulier. |
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[81931]
Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 11 Deinde cum dicit et potestate quaerit utrum
principia sint secundum potentiam vel secundum actum. Et haec quaestio maxime
videtur pertinere ad principia materialia. Potest enim esse dubitatio, utrum
primum materiale principium sit aliquod corpus in actu, ut ignis aut aer, ut
antiqui naturales posuerunt, aut aliquid existens in potentia tantum, ut
Plato posuit. Et quia motus est actus existentis in potentia, et est
quodammodo medium inter potentiam et actum, ideo adiungit aliam quaestionem,
utrum principia sint causae rerum solum secundum motum, sicut naturales
posuerunt sola principia motus, vel materialia, vel efficientia: vel etiam
sint principia aliter quam per motum, sicut Plato posuit per quamdam
participationem huius sensibilia ab immaterialibus causari. Has autem
quaestiones ideo se movisse dicit, quia magnam dubitationem habent, ut patet
ex discordia philosophorum circa eas. |
Ensuite, où il dit : Sont-ils en puissance, il se demande
si les principes se tiennent du côté de la puissance ou du côté de l'acte. Et
cette question semble concerner principalement les principes matériels. Il
peut en effet y avoir doute si le premier principe matériel est un corps en
acte, comme le feu ou l'air, comme l'ont affirmé les premiers physiciens, ou
s’il est quelque chose qui n'existe qu’en puissance, comme l'a affirmé
Platon. Et parce que le mouvement est l'acte de ce qui est en puissance et
est, d'une certaine manière, un intermédiaire entre la puissance et l’acte,
il ajoute une autre question : les principes sont-ils causes des choses
uniquement par le mouvement, comme l'ont cru les physiciens qui n’ont admis
que les principes du mouvement, soit matériels soit efficients, ou bien,
peut-il y avoir des principes qui le sont autrement que par le mouvement,
comme l’a pensé Platon en supposant que les êtres immatériels causaient les
êtres sensibles par participation. Et il dit qu’il est poussé à poser ces
questions parce qu’elles comportent une grande part d’incertitude, comme le manifeste
le désaccord des philosophes. |
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[81932] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 12 Deinde cum dicit adhuc autem movet quaestiones
pertinentes ad mathematica, quae quidem principia rerum ponuntur: et movet
duas quaestiones. Quarum prima est, utrum numeri et longitudines et figurae
et puncta sint quaedam substantiae, ut Pythagorici vel Platonici posuerunt;
vel non, sicut posuerunt naturales. |
Ensuite, où il dit : Ensuite, les nombres, etc., il soulève
des questions qui portent sur les êtres mathématiques, que certains ont posés
comme principes des choses. Il pose deux questions. La première demande si
les nombres, les longueurs, les figures et les points sont des substances,
comme l'ont pensé les Pythagoriciens et les Platoniciens, ou s'ils n’en sont
pas, comme l'ont voulu les physiciens. |
[81932]
il soulève ici des
questions concernant des objets des mathématiques qui sont positionnés comme
les principes des choses. Il soulève 2 questions : 1.
Savoir si les nombres, longueurs, chiffres et points
sont quelconques substances comme établit par les pythagoriciens ou les
platonistes ou s’ils ne sont pas comme prétendent les philosophes de la
nature. |
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[81933]
Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 13 Secunda quaestio est, si sunt substantiae, utrum
sint separatae a sensibilibus, ut posuerunt Platonici, aut in sensibilibus,
ut Pythagorici. |
Voici la seconde question :
si les êtres mathématiques sont des substances, sont-ils séparés des
sensibles, ainsi que l'ont professé les Platoniciens, ou existent-ils dans
les sensibles, comme l'affirment les Pythagoriciens? |
[81933]
Et s’ils sont des
substances 2.
Savoir s’ils sont séparés des choses sensées comme
le prétend Platon ou existent dans les choses sensées comme le prétend
Pythagore. |
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[81934] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 3 n. 14 Moventur autem quaestiones istae tamquam disputandae
infra et determinandae: quia in his non solum difficile est veritatem inquirere,
sed etiam non est facile bene dubitare de eis, inveniendo scilicet probabiles
rationes dubitationis. |
Il remue toutes ces questions pour
les discuter et les résoudre plus loin. Car dans ces questions, il est non
seulement difficile de rechercher la vérité, mais il n'est même pas facile de
cerner et situer correctement le doute en découvrant les raisons probables
qu'on a de douter[35]. |
[81934]
Maintenant ces
questions ont été posées en tant que problèmes qui doivent être débattu et
établi ci-dessous car dans ces matières il n’est pas seulement difficile de
découvrir la vérité mais il n’est même pas facile, de débattre de la manière
de la façon adéquate en trouvant des arguments pour chaque coté de la
question. |
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Leçon 4, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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D’abord, comme nous nous le sommes
demandé en commençant, appartient-il à une seule science ou à plusieurs,
d’examiner toutes les espèces de causes ? Mais comment appartiendrait-il
à une seule science de connaître des principes qui ne sont pas contraires les
uns aux autres ? Et de plus, il y a un grand nombre d’objets où ces
principes ne se trouvent pas tous réunis. Comment, par exemple, serait-il
possible de rechercher la cause du mouvement ou le principe du bien dans ce
qui est immobile ? En effet, tout ce qui est bien en soi et par sa
nature est un but, et par cela même une cause, puisque c’est en vue de ce
bien que se produisent, qu’existent les autres choses. Un but, ce en vue de
quoi, est nécessairement but de quelque action : or, il n’y a point
d’action sans mouvement ; de sorte que dans les choses immobiles on ne
peut admettre ni l’existence de ce principe du mouvement, ni celle du bien en
soi. Aussi ne démontre-t-on rien dans les sciences mathématiques au moyen de
la cause du mouvement. On ne s’y occupe pas davantage du mieux et du
pire ; et même aucun mathématicien ne tient compte de ces principes.
C’est pour ce motif que quelques sophistes, Aristippe par exemple, repoussaient
ignominieusement les sciences mathématiques. Dans tous les arts,
disaient-ils, même dans les arts manuels, dans celui du maçon, du cordonnier,
on s’occupe sans cesse du mieux et du pire ; tandis que les
mathématiques ne font jamais mention du bien ni du mal. Mais s’il y a plusieurs sciences des
causes, si chacune d’elles s’occupe de principes différents, laquelle de
toutes ces sciences sera celle que nous cherchons ; ou, parmi les hommes
qui les posséderont, lequel connaîtra le mieux l’objet de nos recherches ?
Il est possible qu’un seul objet réunisse toutes ces espèces de causes.
Ainsi, dans une maison, le principe du mouvement, c’est l’art et
l’ouvrier ; la cause finale, c’est l’œuvre ; la matière, la terre
et les pierres ; le plan est la forme. Il convient donc, d’après la
définition que nous avons assignée précédemment à la philosophie, de donner
ce nom à chacune des sciences qui s’occupent de ces causes. La science par
excellence, celle qui dominera toutes les autres, à laquelle les autres
sciences devront céder en esclaves, c’est assurément celle qui s’occupe du
but et du bien ; car tout le reste n’existe qu’en vue du bien. Mais la
science des causes premières, celle que nous avons définie la science de ce
qu’il y a de plus scientifique, ce sera la science de l’essence. On peut, en
effet, connaître la même chose de bien des manières; mais ceux qui
connaissent un objet par ce qu’il est, connaissent mieux que ceux qui le
connaissent par ce qu’il n’est pas. Parmi les premiers même nous distinguons
des degrés de connaissance : ceux-là en ont la science la plus parfaite,
qui connaissent, non point sa quantité, ses qualités, ses modifications, ses
actes, mais son essence. Il en est de même aussi de toutes les choses dont il
y a démonstration. Nous croyons en avoir la connaissance lorsque nous savons
ce en quoi elles consistent : Qu’est-ce,
par exemple, que construire un carré équivalent à un rectangle donné ?
C’est trouver la moyenne proportionnelle entre les deux côtés du rectangle.
Et de même pour tous les autres cas. Pour la production, au contraire, pour
l’action, pour toute espèce de changement, nous croyons avoir la science,
lorsque nous connaissons le principe du mouvement, lequel est différent de la
cause finale, et en est précisément l’opposé. Il paraîtrait donc d’après cela
que ce sont des sciences différentes qui doivent examiner chacune de ces
causes. |
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Lectio
4 |
Leçon 4, Commentaire de
saint Thomas [Une seule science étudie-t-elle tous les genres de causes?]
(Traduction Georges Comeau, 2011)
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[81935] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 1 Postquam philosophus movit quaestiones, quae faciunt
dubitationem in ista scientia, hic incipit de eis disputare; et dividitur in
tres partes. In prima disputat de quaestionibus pertinentibus ad considerationem
huius scientiae. In secunda de quaestionibus pertinentibus ad substantias,
ibi, amplius autem utrum sensibiles substantiae et cetera. In tertia parte de
quaestionibus pertinentibus ad principia substantiarum, ibi, et de principiis
utrum oporteat genera et elementa et cetera. Circa primum tria facit. Primo
enim disputat de consideratione huius scientiae quantum ad causas per quas
demonstratur. Secundo quantum ad prima demonstrationis principia, ibi, at
vero de principiis demonstrationis et cetera. Tertio quantum ad ipsas
substantias, ibi, totaliter quae substantiarum utrum una est et cetera. Circa
primum duo facit. Primo enim resumit quaestionem de qua disputare intendit,
concludens ex ipso enumerationis ordine, quod primo disputandum est de istis,
de quibus primum dictum est in enumeratione quaestionum, utrum scilicet ad
unam scientiam vel ad plures pertineat speculari omnia genera causarum; ut
sic ordo disputationis ordini quaestionum motarum respondeat. |
Après avoir soulevé
les questions qui font l’objet de doutes dans cette science, le Philosophe
commence à les discuter; cette étude se divise en trois parties. Dans la
première, il discute les questions qui appartiennent à l’étude de cette
science. Dans la deuxième, il traite des questions qui concernent les
substances, où il dit : De plus,
ne faut-il admettre, etc. (leçon VII). Dans la troisième, il traite des
questions qui concernent les principes des substances, où il dit : Les difficultés relatives aux principes,
etc. (leçon VIII). Il traite la première partie en trois points. En premier,
il discute en effet l’étude de cette science sous l’aspect des causes par
lesquelles elle démontre. En deuxième, il la discute pour ce qui est des
premiers principes de la démonstration, où il dit : Ce n’est pas tout, etc. (leçon V). En troisième, il le fait en ce
qui concerne les substances elles-mêmes, où il dit : Enfin, y a-t-il une seule science,
etc. (leçon VI). Il traite le premier point en deux parties. En effet, il
reprend en premier la première question qu’il a l’intention de discuter, en
concluant à partir de l’ordre de l’énumération donnée qu’il faut discuter en
premier celle qui a été mentionnée en premier dans l’énumération des
questions : appartient-il à une seule science, ou à plusieurs, d’étudier
tous les genres de causes? Ainsi, l’ordre dans lequel les questions sont
discutées correspond à l’ordre dans lequel elles ont été soulevées. |
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[81936]
Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 2 Secundo ibi unius enim ponit rationes ad quaestionem;
et circa hoc tria facit. Primo enim ponit rationem ad ostendendum, quod
considerare omnia genera causarum non pertineat ad unam scientiam. Secundo movet alteram quaestionem: supposito quod ad
diversas scientias pertineat diversa genera causarum considerare, cuius
causae consideratio pertinet ad philosophum primum. Et disputat ad diversas quaestionis partes; et hoc,
ibi, at vero si scientiae causarum sunt plures et cetera. Tertio ex hac
disputatione secunda concludit conclusionem primarum rationum, ibi,
quapropter videtur alterius esse scientiae et cetera. Circa primum ponit duas
rationes; dicens, quod cum unius scientiae sit considerare contraria, quomodo
erit unius scientiae considerare principia, cum non sint contraria? Quae
quidem ratio si secundum superficiem consideretur, nullius videtur esse
momenti. Videtur enim procedere ex destructione antecedentis, ac si sic
argumentaretur: si principia sunt contraria, sunt unius scientiae: ergo, si
non sunt contraria, non sunt unius scientiae. |
Deuxièmement, où il
dit : Mais comment
appartiendrait-il, etc., il présente des arguments sur la question; et il
le fait en trois parties. En premier, il avance un argument visant à montrer
que l’étude de tous les genres de causes n’appartient pas à une seule science.
En deuxième, il soulève une autre question : à supposer que l’étude des
divers genres de causes appartient à des sciences différentes, quelle est la
cause dont l’étude appartient à la philosophie première? Et il argumente en
faveur des divers points de vue, où il dit : Mais s’il y a plusieurs sciences des causes, etc. En troisième, à
partir de cette deuxième discussion, il tire la conclusion des premiers
arguments, où il dit : Il
paraîtrait donc d’après cela, etc. Dans la première partie, il donne deux
arguments. Il pose cette question : puisqu’il appartient à la même
science d’étudier les contraires, comment la même science étudiera-t-elle des
principes alors qu’ils ne sont pas contraires? Mais cet argument, si on le
considère de façon superficielle, semble sans valeur. Il semble procéder en
effet par négation de l’antécédent, comme si l’argumentation était la
suivante : si des principes sont contraires, ils relèvent de la même
science; donc, s’ils ne sont pas contraires, ils ne relèvent pas de la même
science. |
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[81937] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 3 Posset ergo dici, quod philosophus in his
disputationibus non solum probabilibus rationibus utitur, sed etiam interdum sophisticis,
ponens rationes quae ab aliis inducebantur. Sed non videtur esse rationabile,
quod in tanta re tantus philosophus tam frivolam et parum apparentem rationem
induxisset. Unde aliter dicendum est, quod si quis recte consideret naturam
diversorum, quae ad eamdem scientiam pertinent, quaedam pertinent ad unam
scientiam secundum sui diversitatem, quaedam vero secundum quod reducuntur ad
aliquod unum. Multa quidem igitur
alia diversa inveniuntur pertinere ad unam scientiam, secundum quod
reducuntur ad aliquod unum; puta, ut ad unum totum, vel ad unam causam, vel
ad unum subiectum. Sed contraria et quaelibet opposita pertinent ad unam
scientiam secundum se ipsa, eo quod unum est ratio cognoscendi alterum. Et ex
hoc efficitur ista propositio probabilis, quod omnia diversa, quae sunt
contraria, pertineant ad unam scientiam. Unde sequeretur, si principia sunt diversa et non
sunt contraria, quod non pertineant ad unam scientiam. |
On pourrait donc
dire que le Philosophe, dans ses discussions, ne recourt pas seulement à des
arguments probables, mais aussi parfois à des arguments sophistiques, en
présentant des arguments qui ont été formulés par d’autres. Mais il ne semble
pas raisonnable que pour un sujet si important, un si grand philosophe ait eu
recours à un argument si frivole et peu évident. Donc, il faut plutôt dire
que si on examine bien la nature de choses diverses qui relèvent de la même
science, certaines relèvent d’une seule science selon leur diversité, et
d’autres selon qu’elles se ramènent à quelque chose d’unique. On constate en
effet que beaucoup d’autres choses diverses relèvent d’une seule science en
tant qu’elles se ramènent à quelque unité, par exemple à un tout unique, ou à
une seule cause, ou à un seul sujet. Mais les contraires et n’importe quels
opposés relèvent d’une seule science en tant que tels, du fait que l’un est
la raison de connaître l’autre. Et voilà ce qui rend probable la proposition
selon laquelle toutes les choses diverses qui sont contraires relèvent d’une
seule science; il s’ensuivrait donc, si des principes sont divers mais non
contraires, qu’ils ne relèvent pas d’une seule science. |
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[81938] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 4 Deinde cum dicit amplius autem secundam rationem
ponit, quae talis est. Diversorum pertinentium ad unam scientiam, quaecumque
scientia considerat unum considerat et aliud, ut patet in contrariis, quorum
diversitas secundum se pertinet ad unam scientiam non per reductionem ad
aliquid aliud unum: sed non quaecumque scientia considerat unam causam
considerat omnes causas: ergo consideratio omnium causarum non pertinet ad
unam scientiam. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Et de plus, il y a, il
donne le deuxième argument, que voici. Quand des choses diverses relèvent
d’une seule science, toute science qui étudie l’une étudie également l’autre,
comme il est évident pour les contraires, dont la diversité relève
essentiellement de la même science, mais non parce qu’ils se ramènent à une
autre réalité unique; mais toute science qui étudie une cause n’étudie pas
nécessairement toutes les causes; donc, l’étude de toutes les causes ne
relève pas d’une seule science. |
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[81939] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 5 Minorem probat per hoc, quod diversae scientiae sunt
de diversis entibus; et multa entia sunt, quibus non possunt attribui omnes
causae. Quod primo manifestat in causa, quae dicitur, unde principium motus:
non enim videtur, quod possit esse principium motus in rebus immobilibus.
Ponuntur autem quaedam entia immobilia, et praecipue secundum Platonicos
ponentes numeros et substantias paratas. Unde, si qua scientia de his
considerat, non potest considerare de causa quae est unde principium motus. |
Il prouve la mineure
comme suit : diverses sciences portent sur des êtres divers, et il
existe beaucoup d’êtres auxquels on ne peut pas attribuer toutes les causes.
Il manifeste cette vérité d’abord dans la cause appelée principe d’origine du
mouvement; en effet, il semble qu’il ne peut pas y avoir de principe du mouvement
dans les êtres immobiles. L’existence d’êtres immobiles est affirmée en
effet, et surtout par les Platoniciens, qui le font pour les nombres et les
substances séparées[36]. Alors, si une science traite de ces êtres, elle ne
peut pas étudier la cause qui est le principe d’origine du mouvement. |
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[81940] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 6 Secundo manifestat idem de causa finali, quae habet
rationem boni. Boni enim natura non videtur posse inveniri in rebus
immobilibus, si hoc concedatur, quod omne quod est bonum secundum se et
propter suam naturam, est finis. Et hoc modo causa est, inquantum propter
ipsam et causa eius omnia fiunt et sunt. Dicit autem, quod est bonum secundum
se et propter suam naturam, ad excludendum bonum utile, quod non dicitur de
fine, sed magis de eo quod est ad finem. Unde quae sic solum dicuntur bona
inquantum sunt utilia ad aliud, non sunt bona secundum se et propter suam
naturam. Sicut potio amara non est secundum se bona, sed solum secundum quod
ordinatur ad finem sanitatis, quae est secundum se bona: finis autem, et
cuius causa fit aliquid, videtur esse terminus alicuius actus: omnes autem
actiones videntur esse cum motu. Ergo videtur sequi, quod in rebus
immobilibus non possit esse hoc principium, scilicet causa finalis, quae
habet rationem boni. Et quia quae sunt per se existentia absque materia,
necesse est quod sint immobilia, ideo non videtur esse possibile, quod sit
aliquid autoagathon, idest per se bonum, ut Plato ponebat. Omnia enim
immaterialia et non participata vocabat per se existentia, sicut ideam
hominis vocabat hominem per se, quasi non participatum in materia. Unde et
per se bonum dicebat id quod est sua bonitas non participata, scilicet primum
principium omnium. |
En deuxième, il
manifeste la même chose pour la cause finale, qui a raison de bien. Il semble
en effet qu’on ne peut pas trouver la nature du bien dans les êtres
immobiles, si on admet que tout ce qui est bien en soi et de par sa nature
est une fin. Et une cause est de cette sorte en tant que c’est pour elle et
en vue d’elle que toutes choses viennent à l’être et existent. Cependant, il
dit ce qui est bien en soi et par sa
nature pour exclure le bien utile, car ce n’est pas la fin qui est
appelée utile, mais plutôt ce qui est en vue de la fin. Il s’ensuit que les
choses qui sont appelées biens seulement en tant qu’elles sont utiles à autre
chose ne sont pas bonnes en soi et de par leur nature. Ainsi, une potion
amère n’est pas bonne en soi, mais seulement en tant qu’elle est ordonnée à
la fin de la santé, qui est bonne en soi; or, la fin, en vue de laquelle on
fait quelque chose, semble être le terme d’un acte; cependant, toute action
se fait avec mouvement. Il semble donc s’ensuivre que dans les êtres
immobile, on ne peut pas trouver ce principe (la cause finale), qui a raison
de bien. Et parce que les êtres qui existent par soi sans matière sont
nécessairement immobiles, il ne semble pas possible qu’il existe un autoagathon, ou un bien en soi, comme
l’affirmait Platon. En effet, il appelait êtres en soi tous les êtres
immatériels et sans participation[37] : ainsi, il appelait homme en soi l’idée de
l’homme, qui n’est pas participé dans la matière. C’est pourquoi il appelait
aussi « bien en soi » ce qui est sa propre bonté sans
participation, c'est-à-dire le premier principe de toutes choses. |
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[81941] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 7 Et ad hanc rationem confirmandam inducit quoddam
signum. Ex hoc enim quod finis non potest esse in rebus immobilibus, videtur procedere
quod in scientiis mathematicis, quae abstrahunt a materia et motu, nihil
probatur per hanc causam, sicut probatur in scientia naturali, quae est de
rebus mobilibus, aliquid per rationem boni. Sicut cum assignamus causam quare
homo habet manus, quia per eas melius potest exequi conceptiones rationis. In
mathematicis autem nulla demonstratio fit hoc modo, quod hoc modo sit quia
melius est sic esse, aut deterius si ita non esset. Puta si diceretur quod
angulus in semicirculo est rectus, quia melius est quod sic sit quam quod sit
acutus vel obtusus. Et quia posset forte aliquis esse alius modus
demonstrandi per causam finalem, puta si diceretur, si finis erit, necesse
est id quod est ad finem praecedere: ideo subiungit, quod nullus omnino in
mathematicis facit mentionem alicuius talium pertinentium ad bonum vel ad
causam finalem. Propter quod quidam sophistae, ut Aristippus, qui fuit de
secta Epicureorum, omnino neglexit demonstrationes quae sunt per causas
finales, reputans eas viles ex hoc quod in artibus illiberalibus sive
mechanicis, ut in arte tectonica, idest aedificatoria, et coriaria,
omnium rationes assignantur ex hoc quod est aliquid melius vel deterius. In
mathematicis vero, quae sunt nobilissimae et certissimae scientiae, nulla fit
mentio de bonis et malis. |
Et il donne un signe
pour confirmer cet argument. En effet, le fait que les êtres immobiles ne
peuvent pas avoir de fin semble expliquer pourquoi, dans les sciences
mathématiques, qui font abstraction de la matière et du mouvement, rien n’est
prouvé par la cause finale, alors que dans la science naturelle, qui porte
sur les êtres mobiles, certaines choses sont prouvées par la raison du bien.
Ainsi, quand nous déterminons la cause pour laquelle l’homme a des mains,
c’est parce que grâce à elles, il peut mieux réaliser les conceptions de sa
raison. Mais en mathématiques, rien ne se démontre par le fait qu’il est
meilleur que les choses soient ainsi ou qu’il serait pire que les choses
soient autrement. Par exemple, on ne dit pas que l’angle inscrit dans un
demi-cercle est droit parce que c’est meilleur que si cet angle était aigu ou
obtus. Et parce que, peut-être, on pourrait trouver une autre voie de
démonstration à partir de la cause finale, si par exemple on disait que s’il
y a une fin, ce qui est en vue de la fin la précède, il ajoute donc qu’en
mathématiques, personne ne fait jamais mention de choses du genre qui se
rapportent au bien ou à la cause finale. Pour cette raison, certains
sophistes, comme Aristippe, qui appartenait à l’école des Épicuriens, a
absolument laissé de côté les démonstrations fondées sur les causes finales,
les considérant indignes[38] du fait que dans les arts non libéraux comme les
arts mécaniques, par exemple dans les métiers de la construction ou le
travail du cuir, la raison de tout est fondée sur ce qui est meilleur ou
pire. Mais dans les mathématiques, qui sont les plus nobles et les plus
certaines des sciences, il n’est aucunement question de bien ou de mal. |
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[81942] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 8 Deinde cum dicit at vero interponit aliam
quaestionem: et primo proponit eam. Et habet duas partes. Prima enim pars
quaestionis est. Si diversae causae considerentur a pluribus scientiis, ita
quod altera scientia sit alterius causae considerativa, quae illarum debet
dici scientia quae quaeritur? Idest philosophia prima? Utrum scilicet
illa quae considerat causam formalem, aut quae considerat causam finalem, vel
quae considerat aliquam aliarum? Secunda pars quaestionis est, si aliquae res
sint quae habeant plures causas, quis maxime cognoscit rem illam eorum qui
considerant illas causas? |
Puis lorsqu’il
dit : Mais s’il y a plusieurs
sciences, etc., il introduit une question intermédiaire; et d’abord il la
pose. Et elle a deux parties. En effet, la première partie de la question est
la suivante : si les causes diverses sont étudiées par plusieurs
sciences, de sorte qu’une science différente étudie une cause différente,
laquelle d’entre elles doit-on considérer comme la science que nous cherchons, c'est-à-dire la
philosophie première? Est-ce celle qui étudie la cause formelle, celle qui
étudie la cause finale, ou celle qui étudie l’une des autres causes? La
deuxième partie de la question est la suivante : s’il existe des choses
qui ont plusieurs causes, qui, parmi ceux qui étudient ces causes, aura la
meilleure connaissance de ces choses? |
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[81943] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 9 Secundo cum dicit contingit enim manifestat partem
secundam quaestionis per hoc, quod una et eadem res invenitur, quae habet
omnes modos causarum: sicut domus causa unde principium motus, est ars et
aedificator. Id vero cuius causa vel finis causa domus est opus, idest
usus eius, qui est habitatio. Causa vero sicut materia est terra, ex qua
fiunt lateres et lapides. Causa vero sicut species vel forma, est ipsa ratio
domus, quam artifex praeconceptam mente in materia ponit. |
Deuxièmement,
lorsqu’il dit : Il est possible
qu’un seul objet, etc., il répond à la deuxième partie de la question en
disant qu’on trouve une seule et même chose qui a tous les genres de causes;
par exemple, la cause d’origine, ou principe du mouvement de la maison, est
l’art et le constructeur. La cause en vue de quoi, ou cause finale de la
maison, c’est l’œuvre, c'est-à-dire
son utilisation, qui est le fait de l’habiter. La cause matérielle, c’est la
terre, qui sert à fabriquer les côtés, et les pierres. La cause de l’ordre de
l’espèce, ou la forme, c’est la notion même de maison, préconçue dans l’esprit
de l’artisan, que celui-ci réalise dans la matière. |
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[81944] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 10 Tertio ibi igitur ex reassumit quaestionem, scilicet
quam dictarum scientiarum possumus vocare sapientiam, secundum ea quae de sapientia
prius determinavimus in principio libri: utrum scilicet illam, quae
considerat causam formalem, vel quae considerat causam finalem, vel aliquam
aliarum causarum. Et ponit consequenter rationes ad singulas trium causarum:
dicens, quod ratio quaedam videtur de qualibet scientia, idest quae
est per quamcumque causam, quod appelletur nomine sapientiae. Et primo
quantum ad scientiam quae est per causam finalem. Dictum est enim in
principio libri, quod ista scientia, quae sapientia dicitur, est maxime principalis
et ordinativa aliarum, quasi subditarum. Sic igitur inquantum sapientia est
senior, idest prior ordine dignitatis, et principalior quadam auctoritate
ordinandi alias, quia non est iustum quod aliae scientiae contradicant ei,
sed ab ea accipiant sua principia, sicut ei servientes; videtur quod illa
scientia, quae est finis et boni, idest quae procedit per causam
finalem, sit digna nomine sapientiae. Et hoc ideo, quia omnia alia sunt
propter finem, unde finis est quodammodo causa omnium aliarum causarum. Et
sic scientia, quae procedit per causam finalem, est principalior. Cuius
signum est, quod artes illae, ad quas pertinent fines, principantur et
praecipiunt aliis artibus, sicut gubernatoria navifactivae. Unde, si
sapientia est principalis et praeceptiva respectu aliarum, maxime videtur
quod procedat per causam finalem. |
Troisièmement, où il
dit : Il convient donc, etc.,
il reprend la question, à savoir laquelle des sciences mentionnées nous
pouvons appeler sagesse, d’après ce que nous avons déjà établi au sujet de la
sagesse au début du livre[39] : est-ce celle qui étudie la cause formelle,
celle qui étudie la cause finale, ou celle qui étudie l’une des autres
causes? Et il donne ensuite des arguments en faveur de chacune des trois
causes, en disant qu’on voit des raisons pour chacune des sciences, c'est-à-dire de donner le nom de sagesse à
celle qui traite de n’importe quelle cause. Et en premier, il le fait pour la
science qui se sert de la cause finale. On a dit en effet au début du livre
que la science qui est appelée sagesse est la plus haute, qui commande aux
autres comme à des subordonnées. Ainsi donc, en autant que la sagesse est
plus haute, c'est-à-dire première par ordre de dignité et principale par
l’autorité qu’elle a de commander aux autres, car il n’est pas juste que les
autres sciences la contredisent, mais plutôt qu’elles en reçoivent leurs
principes comme ses servantes, il semble que la science qui s’occupe du but et du bien, c'est-à-dire qui se fonde sur la cause
finale, est digne du nom de sagesse. La raison en est que toutes les autres
sont en vue d’une fin, et la fin est donc, d’une certaine façon, la cause de
toutes les autres causes. Et ainsi, la science qui se fonde sur la cause
finale est la science principale. Un indice en est que les arts dont relèvent
les fins sont les supérieurs et les commandants des autres arts, comme le
pilotage par rapport à la construction navale. Alors, si la sagesse est la
science principale qui commande aux autres sciences, il semble qu’elle se
fonde d’abord et avant tout sur la cause finale. |
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[81945] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 11 Deinde cum dicit inquantum vero inducit rationem de
causa formali. Dictum est enim in prooemio libri, quod sapientia est primarum
causarum, et eius quod est maxime scibile, et quod est maxime certum. Et
secundum hoc videtur quod sit substantiae, idest per causam formalem:
quia inter diversos modos sciendi, magis dicimus scire illum qui scit aliquid
esse, quam qui scit aliquid non esse. Unde et in posterioribus philosophus
probat, quod demonstratio affirmativa est potior quam negativa. Inter eos
autem, qui sciunt aliquid affirmare, unum alio magis dicimus scire. Sed inter
omnes maxime dicimus scire illum, qui cognoscit quid est res, non autem qui
scit quanta est, vel qualis, et quid possit facere vel pati. Sic igitur in
cognoscendo ipsam rem absolute perfectissimum est scire quid est res, quod
est scire substantiam rei. Sed etiam in aliis cognoscendis, puta
proprietatibus rei, magis dicimus scire singula, de quibus sunt
demonstrationes, quando etiam de ipsis accidentibus vel proprietatibus scimus
quod quid est; quia quod quid est non solum invenitur in substantiis, sed
etiam in accidentibus. |
Puis lorsqu’il
dit : Mais la science des causes
premières, etc., il présente un argument concernant la cause formelle. En
effet, il a été dit dans le prologue du traité que la sagesse porte sur les
causes premières, sur ce qui est le plus connaissable, sur ce qui est le plus
certain. Et à ce titre, il semble qu’elle est fondée sur la substance,
c'est-à-dire la cause formelle, car parmi les diverses manières de connaître,
on dit que celui qui sait qu’une chose existe connaît mieux que celui qui
sait qu’une chose n’existe pas. C’est pourquoi, dans la suite du présent
traité, le Philosophe prouve qu’une démonstration affirmative est plus
puissante qu’une démonstration négative. Or, parmi ceux qui savent quelque
chose d’affirmatif, nous disons que l’un connaît mieux que l’autre. Mais nous
disons qu’entre tous, celui qui a la meilleure connaissance est celui qui
connaît ce qu’est la chose, et non celui qui en connaît la quantité, la
qualité, et ce qu’elle peut faire ou subir. Ainsi donc, dans la connaissance
de cette chose, ce qui est absolument le plus parfait, c’est de savoir ce
qu’elle est, c'est-à-dire d’en connaître la substance. Mais même dans les
autres objets de connaissance, par exemple les propriétés de la chose, nous
disons que nous connaissons mieux tout objet de démonstration, quand, même pour
les accidents ou les propriétés, nous savons ce qu’ils sont; car le
ce-que-c’est ne se trouve pas seulement dans les substances, mais aussi dans
les accidents. |
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[81946] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 12 Et ponit exemplum de tetragonismo, idest quadratura
superficiei aeque distantium laterum non quadratae, quam quadrare dicimur,
cum invenimus quadratum ei aequale. Cum autem omnis superficies aeque
distantium laterum et rectorum angulorum ex duabus lineis contineatur, quae
rectum continent angulum, ita, quod totalis superficies nihil est aliud quam
ductus unius earum in alia, tunc invenimus quadratum aequale superficiei
praedictae, quando invenimus lineam quae sit media in proportione inter duas
lineas praedictas. Puta, si linea a, ad lineam b se habet sicut linea b ad
lineam c, quadratum lineae b est aequale superficiei, quae continetur in c et
a, ut probatur in sexto Euclidis. |
Et il donne
l’exemple du tétragonisme[40], c'est-à-dire la quadrature d’une surface non
carrée ayant des côtés de dimensions égales : nous disons que nous
faisons la quadrature d’une telle surface quand nous trouvons un carré qui y
est égale. Mais puisque toute surface ayant des côtés de dimensions égales et
des angles droits est contenue par deux lignes formant un angle droit, de
sorte que la surface totale n’est rien d’autre que le fait de tracer l’une
d’elles vers l’autres, nous trouvons un carré égal à la surface en question
lorsque nous trouvons une ligne qui est la moyenne proportionnelle entre les
deux lignes précédentes. Par exemple, si le rapport de la ligne A à la ligne
B est le même que le rapport de la ligne B à la ligne C, le carré de la ligne
B est égal à la surface contenue par les lignes C et A, comme il est prouvé
au livre VI d’Euclide. |
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[81947] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 13 Et apparet manifeste in numeris. Sex enim est medium
in proportione inter novem et quatuor. Novem enim se habet ad sex in
proportione sesquialtera, et similiter sex ad quatuor. Quadratum autem
senarii est trigintasex. Quod etiam perficitur ex ductu quaternarii in
novenarium. Quater enim novem sunt trigintasex. Et simile est in omnibus
aliis. |
Et cela est évident
pour les nombres. En effet, 6 est la moyenne proportionnelle entre 9 et
4 : 9 par rapport à 6 est dans la proportion d’une fois et demie, et
pareillement 6 par rapport à 4. Or, le carré de 6 est 36, nombre également
obtenu quand on trace une ligne de 4 sur une ligne de 9, car 4 fois 9 égale
36. Et il en va de même dans tous les autres cas. |
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[81948] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 14 Deinde ponit rationem de causa movente circa
generationes videmus enim quod circa generationes et actiones, et circa omnem
transmutationem maxime dicimur aliquid scire quando cognoscimus principium
motus, et quod motus nihil est aliud quam actus mobilis a movente, ut dicitur
in tertio physicorum. Praetermittit autem de causa materiali, quia illa
imperfectissime se habet ad hoc quod sit principium cognoscendi: non enim fit
cognitio per id quod est in potentia, sed per id quod est in actu, ut infra
in nono dicetur. |
Ensuite, il donne un
argument sur la cause motrice, qui concerne la génération. Nous voyons en
effet que, relativement aux générations et aux actions ainsi qu’à toute
transformation, on dit que nous avons la meilleure connaissance quand nous
connaissons le principe du mouvement, et que le mouvement n’est rien d’autre
que l’acte du mobile réalisé par le moteur, comme il est dit au livre III des
Physiques. Cependant, il omet la
cause matérielle parce qu’elle a une qualité très imparfaite en tant que
principe de connaissance : en effet, la connaissance n’est pas obtenue
par ce qui est en puissance, mais par ce qui est en acte, comme on le dire
plus loin, au livre IX. |
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[81949] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 15 His igitur positis ad secundam quaestionem
pertinentibus, inducit rationem ex eisdem rationibus supra positis ad primam quaestionem,
scilicet quod alterius scientiae sit considerare omnes istas causas, eo quod
in diversis rebus diversae causae videntur habere principalitatem, sicut in
mobilibus principium motus, in scibilibus quod quid est, finis autem in his
quae ordinantur ad finem. |
Alors, après avoir
établi ces points qui concernent la deuxième question, il avance un argument
qui s’appuie sur les mêmes arguments déjà proposés pour la première question,
à savoir qu’il appartient à des sciences diverses d’étudier toutes ces
causes, du fait que dans des domaines divers, des causes diverses semblent
prédominer : dans les mobiles, le principe du mouvement; dans les
connaissables, le ce-que-c’est; et la fin est principale dans les choses
ordonnées à une fin. |
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[81950] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 16 Hanc autem quaestionem Aristoteles in sequentibus
expresse solvere non invenitur: potest tamen eius solutio ex his quae ipse
inferius in diversis locis determinat, colligi. Determinat enim in quarto,
quod ista scientia considerat ens inquantum est ens; unde et eius est
considerare primas substantias, non autem scientiae naturalis, quia supra
substantiam mobilem sunt aliae substantiae. Omnis autem substantia vel est ens per seipsam, si
sit forma tantum; vel si sit composita ex materia et forma, est ens per suam
formam; unde inquantum haec scientia est considerativa entis, considerat
maxime causam formalem. Primae autem substantiae non cognoscuntur a nobis ut
sciamus de eis quod quid est, ut potest aliqualiter haberi ex his quae in
nono determinantur: et sic in earum cognitione non habet locum causa
formalis. Sed quamvis ipsae sint immobiles secundum seipsas, sunt tamen causa
motus aliorum per modum finis; et ideo ad hanc scientiam, inquantum est
considerativa primarum substantiarum, praecipue pertinet considerare causam
finalem, et etiam aliqualiter causam moventem. Causam autem materialem
secundum seipsam nullo modo, quia materia non convenienter causa est entis,
sed alicuius determinati generis, scilicet substantiae mobilis. Tales autem
causae pertinent ad considerationem particularium scientiarum, nisi forte
considerentur ab hac scientia inquantum continentur sub ente. Sic enim ad
omnia suam considerationem extendit. |
Mais on constate
qu’Aristote ne résoudra pas expressément cette question dans la suite de cet
ouvrage. On peut cependant en obtenir la solution à partir de ce qu’il dira
plus loin à divers endroits. Il établit en effet, au livre IV, que cette
science considère l’être en tant qu’être; c’est donc à elle, et non à la
science de la nature, qu’il appartient d’étudier les substances premières,
car au-dessus de la substance mobile, il existe d’autres substances. Mais
toute substance est un être en soi si elle est une forme seule, ou bien, si
elle est composée de matière et de forme, elle est un être par sa forme; il
s’ensuit que cette science, en tant qu’elle étudie l’être, est la principale
science qui étudie la cause formelle. Mais nous ne connaissons pas les
substances premières afin de savoir leur nature spécifique, comme on peut le
voir de quelque façon d’après ce qui est établi au livre IX; et ainsi, la
cause formelle n’intervient pas dans leur connaissance. Mais bien que ces
substances soient immobiles en elles-mêmes, elles sont causes du mouvement
des autres êtres à titre de fins; et c’est donc à cette science, en tant
qu’elle fait l’étude des substances premières, qu’il appartient
principalement d’étudier la cause finale, et aussi la cause motrice d’une
certaine façon. Quant à la cause matérielle, cette science ne l’étudie en
elle-même en aucune façon, car la matière n’est pas une cause convenable de
l’être, mais seulement d’un genre d’être déterminé, celui de la substance
mobile. De telles causes relèvent plutôt de l’étude de sciences
particulières, à moins peut-être que la métaphysique ne les étudie en tant
qu’elles sont contenues dans l’être; ainsi, en effet, son étude embrasse
tout. |
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[81951] Sententia Metaphysicae,
lib. 3 l. 4 n. 17 His autem visis, rationes inductas facile est
solvere. Primo enim nihil prohibet diversas causas ad hanc scientiam
pertinere unam existentem, licet non sint contraria, quia reducuntur ad unum,
scilicet ad ens commune, sicut dictum est. Similiter nihil prohibet, etsi non
quaelibet scientia consideret omnes causas, quin aliqua scientia possit
considerare omnes vel plures earum inquantum reducuntur ad aliquid unum. Sed
specialiter descendendo, dicendum est, quod nihil prohibet in immobilibus
considerari et principium motus, et finem sive bonum; in immobilibus inquam
quae sunt tamen moventia sicut sunt primae substantiae: in his autem quae
neque moventur nec movent, non est consideratio principii motus, nec finis
sub ratione finis motus, quamvis possit considerari finis sub ratione finis
alicuius operationis sine motu. Sicut si ponantur esse substantiae
intelligentes non moventes, ut Platonici posuerunt, nihilominus tamen
inquantum habent intellectum et voluntatem oportet ponere in eis finem et
bonum, quod est obiectum voluntatis. Mathematica autem non moventur, nec
movent, nec habent voluntatem. Unde in eis non consideratur bonum sub nomine
boni et finis. Consideratur tamen in eis id quod est bonum, scilicet esse et
quod quid est. Unde falsum est,
quod in mathematicis non sit bonum, sicut ipse infra in nono probat. |
Quand on a compris
cela, il est facile de répondre aux arguments proposés. Tout d’abord, rien
n’empêche que des causes diverses, même si elles ne sont pas contraires, relèvent
de cette science qui garde son unité, parce que ces causes se ramènent à une
chose unique, qui est l’être commun, comme on l’a dit. Rien n’empêche non
plus, même si toute science n’étudie pas toutes les causes, qu’il existe une
science qui peut étudier toutes les causes ou plusieurs d’entre elles, en
tant que ces causes se ramènent à quelque chose d’unique. Mais si on descend
aux cas particuliers, il faut dire que rien n’empêche, dans les êtres
immobiles, de considérer aussi le principe du mouvement et la fin ou le bien,
je veux dire les êtres immobiles qui sont pourtant moteurs de même qu’ils
sont des substances premières; mais dans les êtres qui ne sont pas mus ni ne
meuvent, on n’étudie pas le principe du mouvement, ni la fin à titre de terme
du mouvement, bien qu’on puisse y considérer la fin en tant que fin de
quelque opération sans mouvement. Par exemple, si on affirme, comme l’ont
fait les Platoniciens, qu’il existe des substances intelligentes non
motrices, il faut pourtant supposer en elles, en tant qu’elles ont
l’intelligence et la volonté, la fin et le bien, qui sont objets de la
volonté. Mais les êtres mathématiques ne sont pas mus ni ne meuvent, et n’ont
pas de volonté; c’est pourquoi on n’y considère pas le bien sous les
appellations de bien et de fin. On considère toutefois en eux ce qui est
bien, à savoir l’être et le ce-que-c’est; il est donc faux qu’en
mathématiques il n’y a pas de bien, comme Aristote le prouvera au livre IX. |
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[81952]
Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 4 n. 18 Ad quaestionem vero secundam iam patet responsio;
quia ad hanc scientiam pertinet consideratio trium causarum, de quibus
rationes inducit. |
Quant à la deuxième
question, sa réponse est maintenant évidente, car la science première étudie
à bon droit les trois causes au sujet desquelles il a apporté des arguments. |
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Leçon 5, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Ce n’est pas tout. Les principes de la
démonstration appartiennent-ils à une seule science ou à plusieurs ?
C’est encore là une question. J’appelle principe de la démonstration, ces
axiomes généraux sur lesquels tout le monde s’appuie pour démontrer ;
ceux-ci, par exemple : Il faut nécessairement affirmer ou nier une
chose ; Une chose ne peut pas être et n’être pas en même temps; et
toutes les autres propositions de ce genre. Hé bien, la science de ces
principes est-elle la même que celle de l’essence, ou en
diffère-t-elle ? Si elle en diffère, laquelle des deux
reconnaîtrons-nous pour celle que nous cherchons ? Les principes de la démonstration
n’appartiennent pas à une seule science, cela est évident : pourquoi la
géométrie s’arrogerait-elle, plutôt que toute autre science, le droit de
traiter de ces principes ? Si donc toute science quelconque a également
ce privilège, et si pourtant elles ne peuvent pas toutes en jouir, l’étude
des principes ne dépendra pas plus de la science qui connaît les essences,
que de toute autre. Et puis, comment y aurait-il une science des
principes ? Nous connaissons de prime abord ce qu’est chacun
d’eux ; aussi tous les arts les emploient-ils comme choses bien connues.
Tandis que s’il y avait une science démonstrative des principes, il faudrait
admettre l’existence d’un genre commun, objet de cette science ; il
faudrait d’un côté les accidents du genre, de l’autre des axiomes, car il est
impossible de tout démontrer. Toute démonstration doit partir d’un principe,
porter sur un objet, démontrer quelque chose de cet objet. Il s’ensuit que
tout ce qui se démontre pourrait se ramener à un genre unique. Et en effet,
toutes les sciences démonstratives se servent des axiomes. Or, si la science
des axiomes est une autre science que la science de l’essence, laquelle des
deux sera la science souveraine, la science première ? Les axiomes sont
ce qu’il y a de plus général ; ils sont les principes de toutes
choses : si donc ils ne font pas partie de la science du philosophe,
quel autre sera chargé de vérifier leur vérité ou leur fausseté ? |
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Lectio 5 |
Leçon 5, Commentaire de
saint Thomas [De quelle science relève l’étude des premiers principes?]
(Traduction Georges Comeau, 2011)
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Leçon 5
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[81953] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 5 n. 1 Postquam disputavit de prima quaestione quae erat de
consideratione causarum, hic intendit disputare de consideratione
principiorum demonstrationis, ad quam scientiam pertineat; et circa hoc tria
facit. Primo movet quaestionem. Secundo disputat ad unam partem, ibi, unius
igitur esse et cetera. Tertio disputat ad aliam partem, ibi, at vero si alia
et cetera. Dicit ergo primo, quod dubitatio est de principiis
demonstrationis, utrum considerare de his pertineat ad unam scientiam vel ad
plures. Et exponit quae sunt demonstrationis principia. Et dicit, quod sunt communes
conceptiones omnium ex quibus procedunt omnes demonstrationes, inquantum
scilicet singula principia propriarum conclusionum demonstratarum habent
firmitatem virtute principiorum communium. Et exemplificat de primis
principiis maxime sicut quod necesse est de unoquoque aut affirmare aut
negare. Et aliud principium est quod impossibile est idem simul esse et non
esse. Est ergo haec quaestio, utrum haec principia et similia pertineant ad
unam scientiam vel ad plures. Et si ad unam, utrum pertineant ad scientiam
quae est considerans substantiam, vel ad aliam. Et si ad aliam, quam earum
oportet nominare sapientiam vel philosophiam primam quam nunc quaerimus. |
Après avoir discuté
la première question, qui portait sur l’étude des causes, il se propose ici de
discuter de l’étude des principes de la démonstration : à quelle science
appartient-elle? Il traite ce sujet en trois parties. En premier, il pose la
question. En deuxième, il argumente contre une solution, où il dit : Les principes de la démonstration, etc.
En troisième, il argumente contre l’autre réponse, où il dit : Or, si la science des axiomes, etc. Il
dit donc en premier qu’on se demande, au sujet des principes de la
démonstration, si leur étude relève d’une seule science ou de plusieurs. Et
il explique ce que sont les principes de la démonstration : il dit que
ce sont des conceptions communes à tous, d’où procèdent toutes les
démonstrations, en tant que chaque principe des conclusions particulières
démontrées est solide parce qu’il s’appuie sur les principes communs. Et il
donne des exemples de premiers principes, et tout d’abord le fait que tout
énoncé doit être soit affirmé, soit nier. Un autre principe est qu’une chose
ne peut pas en même temps exister et ne pas exister. La question se pose donc
de savoir si ces principes et d’autres semblables relèvent d’une seule
science ou de plusieurs. S’ils relèvent d’une seule, celle-ci est-elle la
science qui étudie la substance, ou une autre science? S’ils relèvent d’une
autre, laquelle des deux faut-il désigner comme étant la sagesse ou la
philosophie première que nous cherchons actuellement? |
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[81954] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 5 n. 2 Deinde cum dicit unius igitur obiicit ad unam partem
quaestionis, scilicet ad ostendendum quod non est unius scientiae considerare
principia omnia, supple demonstrationis, et substantiam. Et ponit duas
rationes: quarum prima talis est. Cum omnes scientiae utantur praedictis
principiis demonstrationis; nulla ratio esse videtur quare magis pertineat ad
unam quam ad aliam: nec etiam videtur rationabile, quod eorum consideratio
pertineat ad omnes scientias, quia sic sequeretur quod idem tractaretur in
diversis scientiis, quod esset superfluum. Videtur igitur relinqui, quod
nulla scientia consideret de principiis istis: ergo per quam rationem non
pertinet ad aliquam aliarum scientiarum tradere cognitionem de huiusmodi
demonstrationis principiis, per eamdem rationem non pertinet ad scientiam
cuius est considerare de substantia. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Les principes de la
démonstration, etc., il réfute l’une des réponses à la question, en vue
de montrer qu’il n’appartient pas à une science unique d’étudier tous les
principes (on sous-entend : de la démonstration) ainsi que la substance.
Et il donne deux arguments, dont voici le premier. Puisque toutes les
sciences utilisent ces principes de la démonstration, on ne voit aucune
raison pour qu’ils relèvent davantage d’une science que d’une autre; il ne
semble pas raisonnable non plus que leur étude appartienne à toutes les
sciences, car il s’ensuivrait que diverses sciences traiteraient de la même
chose, ce qui serait superflu. Il reste donc, semble-t-il, qu’aucune science
n’étudie ces principes; donc, pour la même raison que la transmission de la
connaissance de ces principes de la démonstration n’appartient pas à l’une
des autres sciences, elle n’appartient pas non plus à la science qui étudie
la substance. |
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[81955] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 5 n. 3 Secunda ratio ponitur ibi simul autem, quae talis est.
Modus de quo est cognitio in scientiis est duplex. Unus modus secundum quod
de unoquoque cognoscitur quid est. Alius modus secundum quod cognitio per
demonstrationem acquiritur. Primo autem modo non pertinet ad aliquam
scientiam tradere cognitionem de principiis demonstrationis, quia talis
cognitio principiorum praesupponitur ante omnes scientias. Quod enim
unumquodque horum sit ens ex nunc novimus, idest statim a principio
cognoscimus quid significent haec principia, per quorum cognitionem statim
ipsa principia cognoscuntur. Et, quia talis cognitio principiorum inest nobis
statim a natura, concludit, quod omnes artes et scientiae, quae sunt de
quibusdam aliis cognitionibus, utuntur praedictis principiis tamquam
naturaliter notis. |
Il donne la deuxième
raison où il dit : Et puis,
comment y aurait-il, etc.; la voici. Il existe deux modes d’où vient la
connaissance dans les sciences. L’un est le mode par lequel nous connaissons
ce qu’est toute chose. L’autre mode est celui selon lequel la connaissance
est acquise par démonstration. Selon le premier mode, il n’appartient pas à
une science quelconque de transmettre la connaissance des principes de la
démonstration, car cette connaissance des principes est un présupposé de
toutes les sciences. En effet, l’existence de chacun d’eux nous est connue
dès maintenant; autrement dit, nous savons dès le point de départ ce que
signifient ces principes, qui sont connus d’une connaissance immédiate. Et
parce que cette connaissance des principes est en nous immédiatement par
nature, il conclut que tous les arts et les sciences, qui portent sur
d’autres connaissances, utilisent ces principes en tant que connus
naturellement. |
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[81956] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 5 n. 4 Similiter autem probatur, quod praedictorum
principiorum cognitio non traditur in aliqua scientia per demonstrationem;
quia si esset aliqua demonstratio de eis, oporteret tria tunc principia
considerari; scilicet genus subiectum, passiones, et dignitates. Et ad huius
manifestationem, subdit, quod impossibile est de omnibus esse
demonstrationem: non enim demonstrantur subiecta, sed de subiectis passiones.
De subiectis vero oportet praecognoscere an est et quid est, ut dicitur in
primo posteriorum. Et hoc ideo, quia necesse est demonstrationem esse ex
aliquibus, sicut ex principiis, quae sunt dignitates, et circa aliquod, quod
est subiectum, et aliquorum, quae sunt passiones. Ex hoc autem statim
manifestum est ex uno horum trium, quod dignitates non demonstrantur; quia
oporteret quod haberent aliquas dignitates priores, quod est impossibile.
Unde praetermisso hoc modo procedendi tamquam manifesto, procedit ex parte
subiecti. Cum enim una scientia sit unius generis subiecti, oporteret quod
illa scientia, quae demonstraret dignitates, haberet unum subiectum. Et sic
oporteret, quod omnium scientiarum demonstrativarum esset unum genus
subiectum, quia omnes scientiae demonstrativae utuntur huiusmodi
dignitatibus. |
Il est prouvé de
façon semblable que la connaissance de ces principes n’est transmise dans aucune
science par démonstration, car s’ils étaient démontrables, il faudrait alors
considérer trois principes : le genre sujet, les propriétés et les
sommités[41]. Et pour le faire bien voir, il ajoute qu’il est
impossible de tout démontrer : en effet, on ne démontre pas les sujets,
mais les propriétés des sujets. Pour ce qui est des sujets, il faut connaître
au préalable s’ils existent et ce qu’ils sont, comme il est dit au livre I
des Seconds analytiques. La raison
en est que la démonstration doit nécessairement venir de quelque chose, à
savoir les principes, qui sont des sommités, concerner quelque chose, qui est
le sujet, et arriver à quelque chose, à savoir les propriétés. À partir de
là, il est immédiatement évident que parmi ces trois, les sommités ne sont
pas démontrées, car il faudrait que d’autres sommités les précèdent, ce qui
est impossible. Alors, ayant omis ce mode de procéder en raison de son
évidence, il procède du côté du sujet. En effet, puisqu’une seule science
porte sur un seul genre de sujet, il faudrait que la science qui démontre les
sommités ait un seul sujet. Et ainsi, il faudrait que toutes les sciences
démonstratives aient un seul genre de sujet, car toutes les sciences
démonstratives utilisent de telles sommités. |
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[81957] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 5 n. 5 Deinde cum dicit at vero obiicit ad aliam partem. Si enim dicatur, quod alia scientia sit, quae est de
huiusmodi principiis, et alia, quae est de substantia, remanebit dubitatio
quae ipsarum sit principalior et prior. Ex una enim parte dignitates sunt
maxime universales, et principia omnium, quae traduntur in quibuscumque
scientiis. Et secundum hoc videtur quod scientia, quae est de huiusmodi
principiis, sit principalissima. Ex alia vero parte, cum substantia sit
primum et principale ens; manifestum est, quod prima philosophia est scientia
substantiae. Et si non est eadem scientia substantiae et dignitatum non erit
de facili dicere cuius alterius sit considerare veritatem et falsitatem circa
dignitates, si non est primi philosophi qui considerat substantiam. |
Puis lorsqu’il
dit : Or, si la science des
axiomes, etc., il argumente contre l’autre réponse. Si on disait en effet
que la science qui porte sur ces principes est autre que celle qui porte sur
la substance, un doute resterait : laquelle est principale et
supérieure? D’une part, en effet, les sommités sont absolument universelles;
elles sont les principes de tout ce qui est enseigné dans toute science. Il
semble ainsi que la science qui porte sur ces principes est la plus haute de
toutes. D’autre part, puisque la substance est l’être premier et principal,
il est manifeste que la philosophie première est la science de la substance.
Et si la science de la substance et celle des sommités n’est pas la même, il
ne sera pas facile de dire à quelle autre science il appartient de déterminer
la vérité et la fausseté de ces sommités, si cela n’appartient pas au
métaphysicien qui étudie la substance. |
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[81958] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 5 n. 6 Hanc autem quaestionem determinat philosophus in
quarto huius; et dicit, quod ad philosophum potius pertinet consideratio
dignitatum, inquantum ad ipsum pertinet consideratio entis in communi, ad
quod per se pertinent huiusmodi principia prima, ut maxime apparet in eo quod
est maxime primum principium, scilicet quod impossibile est idem esse et non
esse. Unde omnes scientiae particulares utuntur huiusmodi principiis sicut
utuntur ipso ente, quod tamen principaliter considerat philosophus primus. Et
per hoc solvitur ratio prima. Secunda autem ratio solvitur per hoc, quod
philosophus non considerat huiusmodi principia tamquam faciens ea scire
definiendo vel absolute demonstrando; sed solum elenchice, idest
contradicendo disputative negantibus ea, ut in quarto dicetur. |
Cependant, le
Philosophe résout cette question au livre IV, où il dit qu’il appartient
davantage au philosophe d’étudier les sommités, en tant qu’il lui appartient
d’étudier l’être en général, auquel ces premiers principes appartiennent
essentiellement, comme on le voit surtout dans celui des premiers principes
qui est suprême, à savoir qu’il est impossible qu’une même chose existe et
n’existe pas. C’est pourquoi toutes les sciences particulières utilisent ces
principes comme elles utilisent l’être même, dont toutefois l’étude
appartient au premier chef au métaphysicien. Et ainsi est résolu le premier
argument. Quant au deuxième argument, sa solution est que le philosophe
n’étudie pas ces principes de manière à les faire connaître en les définissant
ou en en faisant la démonstration absolue, mais seulement par réfutation,
c'est-à-dire en contredisant dans les discussions ceux qui les nient, comme
on le dira au livre IV. |
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Leçon 6, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Enfin, y a-t-il une seule science pour
toutes les essences, y en a-t-il plusieurs ? S’il y en a plusieurs, de
quelle essence traite la science qui nous occupe ? Qu’il n’y ait qu’une science
de toutes les essences, c’est ce qui n’est pas probable. Dans ce cas il y
aurait une seule science démonstrative de tous les accidents essentiels des
êtres, puisque toute science démonstrative soumet au contrôle de principes
communs tous les accidents essentiels d’un sujet donné. Il appartient donc à
la même science d’examiner d’après des principes communs seulement les
accidents essentiels d’un même genre. En effet, une science s’occupe de ce
qui est ; une autre science, soit qu’elle se confonde avec la précédente
ou s’en distingue, traite des causes de ce qui est. De sorte que ces deux
sciences, ou cette science unique, dans le cas où elles n’en font qu’une,
s’occuperont elles-mêmes des accidents du genre qui est leur objet. Mais, d’ailleurs, la science
n’embrasse-t-elle que les essences, ou bien porte-t-elle aussi sur leurs
accidents ? Par exemple, si nous considérons comme des
essences, les solides, les lignes, les plans, la science de ces essences
s’occupera-t-elle en même temps des accidents de chaque genre, accidents sur
lesquels portent les démonstrations mathématiques, ou bien sera-ce l’objet
d’une autre science ? S’il n’y a qu’une science unique, la science de
l’essence sera alors une science démonstrative : or, l’essence, à ce qu’il
semble, ne se démontre pas ; et s’il y a deux sciences différentes,
quelle est donc celle qui traitera des accidents de la substance ? C’est
une question dont la solution est des plus difficiles. |
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Lectio 6 |
Leçon 6, Commentaire de
saint Thomas [Toutes les substances sont-elles étudiées par une seule
science?] (Traduction Georges Comeau, 2011)
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Leçon 6
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[81959] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 6 n. 1 Postquam disputavit duas quaestiones pertinentes ad considerationem
huius scientiae, hic disputat tertiam, quae est de consideratione
substantiarum et accidentium. Et dividitur in partes duas, secundum quod
circa hoc duas quaestiones disputat. Secunda incipit ibi, amplius autem utrum
sensibiles substantiae et cetera. Circa primum tria facit. Primo movet
quaestionem, quae est, utrum omnium substantiarum sit una scientia, aut
plures scientiae considerent diversas substantias. |
Après avoir débattu
deux questions qui concernent l’étude de cette science, il débat maintenant
la troisième, qui porte sur l’étude des substances et des accidents. Et ce
point se divise en deux parties, du fait qu’à ce sujet il discute deux
questions. La deuxième partie commence où il dit : De plus, ne faut-il admettre, etc. (leçon VII). Il traite la
première partie en trois points. En premier, il pose la question, qui est de
savoir s’il existe une seule science de toutes les substances, ou si
plusieurs sciences étudient diverses substances. |
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[81960] Sententia Metaphysicae,
lib. 3 l. 6 n. 2 Secundo ibi siquidem ergo obiicit ad primam partem;
scilicet ad ostendendum quod una scientia sit de omnibus substantiis: quia si
non esset una de omnibus substantiis, non posset assignari, ut videtur, cuius
substantiae sit considerativa haec scientia, eo quod substantia, in quantum
substantia, est principaliter ens. Unde non videtur quod magis pertineat ad
considerationem principalis scientiae una substantia quam alia. |
En deuxième, où il
dit : S’il y en a plusieurs,
etc., il argumente contre la première solution, afin de montrer qu’il existe
une seule science de toutes les substances; car s’il n’existait pas une
science unique qui étudie toutes les substances, il semble qu’on ne pourrait
pas déterminer quelle substance étudie la métaphysique, du fait que la
substance en tant que substance est l’être à titre principal. Il ne semble
donc pas qu’une substance soit davantage qu’une autre l’objet d’étude de la
science principale. |
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[81961] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 6 n. 3 Tertio ibi unam vero obiicit in contrarium, dicens
quod non est rationabile ponere unam esse scientiam omnium substantiarum.
Sequeretur enim quod esset una scientia demonstrativa de omnibus per se
accidentibus. Et hoc ideo, quia omnis scientia demonstrativa aliquorum
accidentium, speculatur per se accidentia circa aliquod subiectum: et hoc ex
aliquibus conceptionibus communibus. Quia igitur scientia demonstrativa non
speculatur accidentia nisi circa subiectum aliquod, sequitur quod ad eamdem
scientiam pertineat considerare aliquod genus subiectum, ad quam pertineat
considerare per se accidentia illius generis, et e converso, dummodo
demonstratio fiat ex eisdem principiis. |
En troisième, où il
dit : Qu’il n’y ait qu’une
science, etc., il argumente en sens contraire, en disant qu’il n’est pas
raisonnable d’affirmer qu’il existe une seule science de toutes les
substances; il s’ensuivrait en effet qu’il existe une seule science
démonstrative portant sur toutes les propriétés essentielles. La raison en est
que toute science qui fait la démonstration de certains accidents examine les
accidents propres qui affectent un certain sujet, et ce, à partir de
conceptions générales. Alors, puisqu’une science démonstrative n’examine les
accidents que par rapport à un certain sujet, il s’ensuit qu’il appartient à
la même science d’étudier un genre sujet et d’étudier les propriétés
essentielles de ce genre, et inversement, du moment que la démonstration se
fait à partir des mêmes principes. |
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[81962] Sententia Metaphysicae,
lib. 3 l. 6 n. 4 Sed quandoque contingit quod demonstrare quia ita
est, per aliqua principia, pertinet ad aliquam scientiam, et demonstrare
principia ex quibus demonstrabatur quia ita est, pertinet ad unam scientiam,
quandoque quidem ad eamdem, quandoque vero ad aliam. Ad eamdem quidem, sicut
geometria demonstrat, quod triangulus habet tres angulos aequales duobus
rectis, per hoc quod angulus exterior trianguli est aequalis duobus
interioribus sibi oppositis, quod tantum demonstrare pertinet ad geometriam. Ad aliam vero scientiam, sicut musicus probat quod
tonus non dividitur in duo semitonia aequalia, per hoc quod proportio
sesquioctava cum sit superparticularis, non potest dividi in duo aequalia.
Sed hoc probare non pertinet ad musicum sed ad arithmeticum. Sic ergo patet,
quod quandoque accidit diversitas in scientiis propter diversitatem
principiorum, dum una scientia demonstrat principia alterius scientiae per
quaedam altiora principia. |
Mais il arrive
parfois qu’il appartienne à une science de démontrer un fait à partir de
certains principes, et qu’il appartienne à une science, qui sera parfois la
même, parfois une autre, de démontrer les principes à partir desquels ce même
fait est démontré. Cela appartient à la même science, par exemple, quand la
géométrie démontre qu’un triangle a trois angles égaux à deux droits, par le
fait que l’angle extérieur du triangle est égal aux deux angles intérieurs
qui lui sont opposés, démonstration qui appartient uniquement à la géométrie.
Cela appartient à une autre science, par exemple, quand le musicien prouve
qu’un ton ne se divise pas en deux demi-tons égaux par le fait que la
proportion d’un octave et demi, étant de 1 plus une fraction[42], ne peut pas se diviser en deux parties égales[43] : la preuve de ce dernier fait n’appartient
pas au musicien, mais à l’arithméticien. Ainsi donc, il est évident que la
diversité des sciences se produit parfois à cause de la diversité des
principes, lorsqu’une science démontre les principes d’une autre science à
l’aide de principes plus élevés que cette dernière. |
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[81963] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 6 n. 5 Sed supposita identitate principiorum non potest esse
diversitas in scientiis, dummodo sint eadem accidentia et idem genus subiectum,
quasi una scientia consideret subiectum, et eadem accidentia. Unde sequitur,
quod scientia quae considerat substantiam consideret etiam accidentia; ita
quod si sint plures scientiae considerantes substantias, erunt considerantes
accidentia. Si vero una earum
sola sit quae consideret substantias, una sola erit quae considerabit
accidentia. Hoc autem est impossibile; quia sic sequeretur non esse nisi unam
scientiam, cum nulla scientia sit quae non demonstret accidentia de aliquo
subiecto: non ergo ad unam scientiam pertinet considerare omnes substantias. |
Mais, l’identité des
principes étant admise, il ne peut pas y avoir diversité entre les sciences
du moment qu’il s’agit des mêmes accidents et du même genre sujet, comme si
une science étudiait le sujet et si la même[44] science étudiait les accidents. Il s’ensuit donc
que la science qui étudie la substance étudie aussi les accidents, de sorte
que s’il existe plusieurs sciences qui étudient les substances, ce sont elles
qui étudient les accidents. Alors, s’il y en a une seule qui étudie les
substance, il y en a une seule qui étudie les accidents. Mais cela est
impossible, car il s’ensuivrait qu’il existe une seule science, puisqu’il
n’existe aucune science qui ne démontre pas les accidents concernant quelque
sujet; il n’appartient donc pas à une seule science d’étudier toutes les
substances. |
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[81964] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 6 n. 6 Haec autem quaestio determinatur in quarto huius, ubi
ostenditur quod ad primam scientiam, ad quam pertinet considerare de ente
inquantum est ens, pertinet considerare de substantia inquantum est
substantia: et sic considerat omnes substantias secundum communem rationem
substantiae; et per consequens ad eam pertinet considerare communia
accidentia substantiae. Particularia vero accidentia quarumdam substantiarum
pertinet considerare ad particulares scientias, quae sunt de particularibus
substantiis; sicut ad scientiam naturalem pertinet considerare accidentia
substantiae mobilis. Verumtamen in substantiis est etiam ordo: nam primae
substantiae sunt substantiae immateriales. Unde et earum consideratio
pertinet proprie ad philosophum primum. Sicut
si non essent aliae substantiae priores substantiis mobilibus corporalibus,
scientia naturalis esset philosophia prima, ut dicitur infra in sexto. |
Or, cette question
est traitée au livre IV, où il est démontré qu’il appartient à la science
première, dont relève l’étude de l’être en tant qu’être, d’étudier la substance
en tant que substance; et ainsi, elle étudie toutes les substances selon leur
caractère général de substance, et par conséquent, il lui appartient
d’étudier tous les accidents communs de la substance. Mais l’étude des
accidents particuliers de certaines substances appartient aux sciences
particulières, qui portent sur les substances particulières; c’est ainsi
qu’il appartient à la science de la nature d’étudier les accidents de la
substance mobile. Pourtant, il y a aussi un ordre dans les substances, car
les substances premières sont les substances immatérielles. C’est pourquoi
leur étude appartient en propre au métaphysicien. Ainsi, s’il n’y avait pas
des substances supérieures aux substances corporelles mobiles, la science de
la nature serait la philosophie première, comme il est dit au livre VI. |
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[81965] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 6 n. 7 Deinde cum dicit amplius autem ponit aliam
quaestionem de consideratione substantiae et accidentis. Et circa hoc etiam tria
facit. Primo movet quaestionem, quae est, utrum consideratio huius scientiae
sit solum circa substantiam, aut etiam circa ea quae accidunt substantiis.
Puta si dicamus quod lineae, superficies et solida sint quaedam substantiae,
ut quidam posuerunt, quaeritur utrum eiusdem scientiae sit considerare ista,
et per se accidentia horum, quae demonstrantur in scientiis mathematicis; aut
alterius. |
Puis lorsqu’il
dit : Mais, d’ailleurs, la
science, etc., il pose une autre question, qui porte sur l’étude de la
substance et des accidents. Et cette question aussi, il la traite en trois
points. En premier, il soulève la question, que voici : l’étude de cette
science porte-t‑elle seulement sur la substance, ou aussi sur les
accidents de la substance? Si nous disons par exemple que les lignes, les
surfaces et les solides sont des substances, comme l’ont affirmé certains,
appartient-il à la même science d’étudier les substances et leurs propriétés
essentielles, qui sont démontrés dans les sciences mathématiques, ou à des
sciences différentes? |
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[81966] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 6 n. 8 Secundo ibi nam si obiicit ad unam partem. Si enim
eiusdem scientiae est considerare accidentia et substantias; cum scientia
quae considerat accidentia sit demonstrativa accidentium, sequitur quod
scientia quae considerat substantiam, sit demonstrativa substantiarum: quod
est impossibile: cum definitio declarans substantiam, quae significat quod
quid est, non demonstretur. Sic ergo non erit eiusdem scientiae substantias considerare
et accidentia. |
En deuxième, où il
dit : S’il n’y a qu’une science
unique, etc., il argumente contre une réponse. En effet, s’il appartient
à la même science d’étudier les accidents et les substances, puisque la
science qui étudie les accidents est celle qui les démontre, il s’ensuit que
la science qui étudie la substance est celle qui démontre les substances;
mais cela est impossible, car la définition qui affirme la substance, en
signifiant ce qu’elle est, ne se démontre pas. Ainsi donc, il n’appartient
pas à la même science d’étudier les substances et les accidents. |
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[81967] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 6 n. 9 Tertio ibi si vero obiicit in contrarium: quia si diversae
scientiae considerant substantiam et accidens, non erit assignare quae
scientia speculetur accidentia circa substantiam, quia talis scientia
considerabit utrumque, cum tamen hoc videatur ad omnes scientias pertinere:
quia omnis scientia considerat per se accidentia circa subiectum, ut dictum
est. |
En troisième, où il
dit : et s’il y a deux sciences,
etc., il argumente en sens contraire : en effet, si des sciences
différentes étudient la substance et l’accident, on ne peut pas déterminer
quelle science examine les accidents qui affectent la substance, car une
telle science étudierait les deux, puisque cela semble être le cas de toutes
les sciences; car toute science étudie les propriétés essentielles qui
affectent le sujet, comme on l’a dit. |
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[81968] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 6 n. 10 Hanc autem quaestionem determinat philosophus in quarto
huius; dicens, quod ad eam scientiam, ad quam pertinet considerare de
substantia et ente, pertinet etiam considerare de per se accidentibus substantiae
et entis. Non tamen sequetur quod eodem modo consideret utrumque, scilicet
demonstrando substantiam, sicut demonstrat accidens; sed definiendo
substantiam et demonstrando accidens inesse vel non inesse, ut plenius
habetur in fine noni huius. |
Cependant, le
Philosophe tranche cette question au livre IV, en disant qu’il appartient à
la même science qui étudie la substance et l’être d’étudier aussi les
propriétés essentielles de la substance et de l’être. Il ne s’ensuit pourtant
pas qu’elle étudie les deux de la même façon, en démontrant la substance
comme elle étudie les accidents, mais elle le fait en définissant la
substance et en démontrant que les accidents sont présents ou non dans la
substance, comme on le verra plus en détail à la fin du livre IX. |
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Leçon 7 Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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De plus, ne faut-il admettre que des
substances sensibles, ou bien y en a-t-il d’autres encore ? N’y a-t-il
qu’une espèce de substance, y en a-t-il plusieurs ? De ce dernier avis
sont, par exemple, ceux qui admettent les idées, ainsi que les êtres
intermédiaires objets des sciences mathématiques. Ils disent que les idées
sont par elles-mêmes causes et substances, comme nous l’avons vu, en traitant
cette question dans le premier livre. Cette doctrine est sujette à mille
objections. Mais ce qu’il y a de plus absurde, c’est de dire qu’il existe des
êtres particuliers en dehors de ceux que nous voyons dans l’univers, mais que
ces êtres sont les mêmes que les êtres sensibles, à cette seule différence
près que les uns sont éternels, les autres périssables : en effet, tout
ce qu’ils disent, c’est qu’il y a l’homme en soi, le cheval, la santé en
soi ; imitant en cela ceux qui disent qu’il y a des dieux, mais que ces
dieux ressemblent aux hommes. Les uns ne font pas autre chose que des hommes
éternels ; les idées des autres ne sont de même que des êtres sensibles
éternels. Si, outre les idées et les objets
sensibles, l’on veut admettre les êtres intermédiaires, il s’en suit une
multitude de difficultés. Car, évidemment, il y aura aussi des lignes
intermédiaires entre l’idée de la ligne et la ligne sensible; et de même pour
toute espèce de choses. Prenons pour exemple l’Astronomie. Il y aura un autre
ciel, en dehors de celui qui tombe sous nos sens, un autre soleil, une autre
lune ; et de même pour tout ce qui est dans le ciel. Or, comment croire
à leur existence ? Ce nouveau ciel, on ne peut raisonnablement le faire
immobile ; et, d’un autre côté il est tout-à-fait impossible qu’il soit
en mouvement. Il en est de même pour les objets dont traite l’Optique, et
pour les rapports mathématiques des sons musicaux. Là encore on ne peut admettre, et pour
les mêmes raisons, des êtres en dehors de ceux que nous voyons ; car, si
vous admettez des êtres sensibles intermédiaires, il vous faudra
nécessairement admettre des sensations intermédiaires pour les percevoir,
ainsi que des animaux intermédiaires entre les idées des animaux et les
animaux périssables. On peut se demander sur quels êtres porteraient les
sciences intermédiaires. Car si vous reconnaissez que la Géodésie ne diffère
de la Géométrie, qu’en ce que l’une porte sur des objets sensibles, l’autre
sur des objets que nous ne percevons point par les sens, il vous faut
évidemment faire la même chose pour la Médecine et pour toutes les autres
sciences, et dire qu’il y a une science intermédiaire entre la Médecine
idéale et la Médecine sensible. Et comment admettre une pareille
supposition ? Il faudrait alors dire aussi qu’il y a une santé
intermédiaire entre la santé des êtres sensibles et la santé en soi. Mais il n’est pas même vrai de dire que
la Géodésie est une science de grandeurs sensibles et périssables, car, dans
ce cas, elle périrait, quand périraient ces grandeurs. L’Astronomie
elle-même, la science du ciel qui tombe sous nos sens, n’est pas une science
de grandeurs sensibles. Les lignes sensibles ne sont pas les lignes du
géomètre, car les sens ne nous donnent aucune ligne droite, aucune courbe,
qui satisfasse à la définition. Le cercle ne rencontre pas la tangente en un
seul point, mais par plusieurs, comme le remarquait Protagoras, dans ses
attaques contre les géomètres. Et les mouvements ne sont pas réels ; les
révolutions du ciel ne concordent complètement avec les mouvements et les
révolutions que donnent les calculs astronomiques. Enfin les étoiles ne sont
pas de la même nature que les points. D’autres philosophes admettent aussi
l’existence de ces substances intermédiaires entre les idées et les objets
sensibles ; mais ils ne les séparent point des objets sensibles ;
ils disent qu’elles sont dans ces objets mêmes. Il serait trop long
d’énumérer toutes les impossibilités qu’entraîne une pareille doctrine.
Remarquons cependant que non seulement les êtres intermédiaires, mais que les
idées elles-mêmes seront nécessairement aussi dans les objets
sensibles ; car les mêmes raisons s’appliquent également dans les deux
cas. De plus, on aura ainsi nécessairement deux solides dans un même
lieu ; et ils ne seront pas immobiles, puisqu’ils seront dans des objets
sensibles en mouvement. En un mot, à quoi bon admettre des êtres
intermédiaires, pour les placer dans les objets sensibles ? Les mêmes
absurdités que tout à l’heure se reproduiront sans cesse. Ainsi, il y aura un
ciel en dehors du ciel qui tombe sous nos sens ; seulement il n’en sera
pas séparé, il sera dans le même lieu : ce qui est plus inadmissible
encore que le ciel séparé. Que faut-il décider sur tous ces points,
pour arriver ensuite à la vérité ? Il y a là des difficultés nombreuses. |
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Lectio 7 |
Leçon 7, Commentaire de
saint Thomas [Existe-t‑il des substances séparées du sensible?]
(Traduction Georges Comeau, 2011)
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Leçon 7
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[81969] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 1 Postquam disputavit philosophus quaestiones
pertinentes ad considerationem huius scientiae, hic disputat quaestiones
pertinentes ad ipsas substantias, de quibus principaliter considerat ista
scientia. Et circa hoc tria facit. Primo movet quaestiones. Secundo ostendit
unde accipi possint rationes ad unam partem, ibi, quomodo ergo dicimus et
cetera. Tertio obiicit ad partem contrariam, ibi, multis autem modis
habentibus difficultatem et cetera. Circa primum movet duas quaestiones:
quarum prima est, utrum in universitate rerum solae substantiae sensibiles
inveniantur, sicut aliqui antiqui naturales dixerunt, aut etiam inveniantur
quaedam aliae substantiae, praeter sensibiles, sicut posuerunt Platonici. |
Après avoir discuté
les questions qui concernent l’étude de cette science, il discute maintenant
les questions qui concernent les substances elles-mêmes, qui sont le
principal objet de cette science. Et il le fait en trois parties. En premier,
il soulève les questions. En deuxième, il montre d’où on peut tirer des
arguments en faveur d’une réponse, où il dit : Ils disent que les idées, etc. En troisième, il argumente contre
la réponse contraire, où il dit : Cette
doctrine est sujette, etc. Dans la première partie, il soulève deux
questions, dont voici la première : dans tout l’univers des choses,
trouve-t-on seulement des substances sensibles, comme l’ont dit certains
anciens physiciens, ou trouve-t-on également d’autres substances en plus des
sensibles, comme l’ont affirmé les Platoniciens? |
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[81970] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 2 Secunda quaestio est, supposito quod sint aliquae
substantiae, praeter sensibiles, utrum illae substantiae sint unius generis,
aut magis sint plura genera harum substantiarum. Utramque enim opinionem
recipit. Quidam enim posuerunt praeter substantias sensibiles esse solas
species separatas, idest per se hominem immaterialem, et per se equum: et sic
de aliis speciebus. Alii vero posuerunt quasdam alias intermedias substantias
inter species et sensibilia, scilicet mathematica, de quibus dicebant esse
mathematicas scientias. |
La deuxième question
est la suivante : si on admet qu’il existe des substances autres que
sensibles, sont-elles d’un seul genre, ou plutôt, y en a-t-il plusieurs
genres? En effet, il a connu les deux opinions. Certains ont affirmé en effet
qu’à part les substances sensibles, il existe seulement les espèces séparées,
c'est-à-dire l’homme immatériel, le cheval en soi, et ainsi de suite pour les
autres espèces. Mais d’autres ont supposé d’autres substances intermédiaires
entre les espèces et les sensibles, à savoir les êtres mathématiques, qu’ils
disaient être l’objet des sciences mathématiques. |
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[81971] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 3 Et huius ratio est, quia ponebant duplicem
abstractionem rerum: puta abstractionem intellectus, qui dicitur abstrahere
uno modo universale a particulari, iuxta quam abstractionem ponebant species
separatas per se subsistentes. Alio modo formas quasdam a materia sensibili,
in quarum scilicet definitione non ponitur materia sensibilis, sicut circulus
abstrahitur ab aere. Iuxta quam ponebant mathematica abstracta, quae dicebant
media inter species et sensibilia, quia conveniunt cum utrisque. Cum
speciebus quidem, inquantum sunt separata a materia sensibili; cum
sensibilibus autem, inquantum inveniuntur plura ex eis in una specie, sicut
plures circuli et plures lineae. |
La raison en est
qu’ils affirmaient que l’abstraction à partir des choses se fait de deux façons.
Il y a l’abstraction de l’intelligence, qui est dite abstraire d’une manière
l’universel du particulier, à laquelle ils ajoutaient l’abstraction des
espèces séparées qui subsistent par elles-mêmes. Selon l’autre mode, les
formes sont abstraites de la matière sensible et celle-ci n’est pas incluse
dans leur définition, comme on abstrait le cercle à partir de l’airain. À
cela ils ajoutaient les êtres mathématiques abstraits, qu’ils disaient être
des intermédiaires entre les espèces et les sensibles, parce qu’elles ont
quelque chose en commun avec les deux : avec les espèces, en tant
qu’elles sont séparées de la matière sensible; avec les choses sensibles, en
tant qu’on en trouve plusieurs sous une seule espèce, par exemple plusieurs
cercles et plusieurs lignes. |
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[81972] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 4 Deinde cum dicit quomodo ergo ostendit quomodo ad
unam partem argumentari possit; et dicit quod hoc dictum est in primis
sermonibus, idest in primo libro, quomodo species ponantur causae rerum
sensibilium, et substantiae quaedam per se subsistentes. Unde ex his quae ibi dicta sunt in recitatione
opinionis Platonis, accipi possunt rationes ad partem affirmativam. |
Puis lorsqu’il
dit : Ils disent que les idées,
etc., il montre comment on peut argumenter en faveur d’une réponse : il
dit qu’il a expliqué dans ses premier propos, c'est-à-dire au livre I,
comment on affirme que les espèces sont les causes des choses sensibles et
sont des substances qui subsistent par elles-mêmes. Alors, dans ce qui a été
dit à cet endroit dans l’exposé de l’opinion de Platon, on peut trouver des
arguments en faveur d’une réponse affirmative. |
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[81973] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 5 Deinde cum dicit multis autem obiicit ad partem
negativam. Et primo ad ostendendum quod non sunt species separatae a
sensibilibus. Secundo ad ostendendum quod
non sunt mathematica separata, ibi, amplius autem siquis praeter species et
cetera. Supra autem in primo
libro multas rationes posuit contra ponentes species: et ideo illis
rationibus praetermissis ponit quamdam rationem, quae videtur efficacissima;
et dicit, quod cum positio ponentium species separatas, multas habeat
difficultates, illud quod nunc dicetur non continet minorem absurditatem
aliquo aliorum, scilicet quod aliquis dicat quasdam esse naturas praeter
naturas sensibiles, quae sub caelo continentur. Nam caelum est terminus
corporum sensibilium, ut in primo de caelo et mundo probatur. Ponentes autem species,
non ponebant eas esse infra caelum, nec extra, ut dicitur in tertio
physicorum. Et ideo convenienter dicit, quod ponebant quasdam naturas praeter
eas quae sunt in caelo. Dicebant autem contrarias naturas esse easdem
secundum speciem et rationem, et in istis sensibilibus: quinimmo dicebant
illas naturas esse species horum sensibilium; puta quod homo separatus est
humanitas hominis huius sensibilis, et quod homo sensibilis est homo
participatione illius hominis. Hanc tamen differentiam ponebant inter ea,
quia illae naturae immateriales sunt sempiternae, istae vero sensibiles sunt
corruptibiles. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Cette doctrine est sujette,
etc., il discute la réponse négative. Et il vise à montrer, en premier, qu’il
n'y a pas d’espèces séparées des sensibles; en deuxième, qu’il n'y a pas
d’êtres mathématiques séparés, où il dit : Si, outre les idées, etc. Plus haut en effet, au livre I, il a
formulé de nombreux arguments contre les tenants des espèces; c’est pourquoi,
omettant ici ces arguments, il en présente un qui semble très
concluant : il dit que, bien que la théorie de ceux qui croient aux
espèces séparées se heurte à de nombreuses difficultés, le point suivant
n’est pas moins absurde que tout le reste : on dit en effet qu’il existe,
en plus des natures sensibles, d’autres natures contenues sous le ciel. En
effet, le ciel est la limite des corps sensibles, comme il est prouvé au
livre I Du Ciel et du monde. Mais
les tenants des espèces n’affirmaient pas qu’elles sont sous le ciel, ni à
l’extérieur, comme il est dit au livre III des Physiques. C’est pourquoi il dit avec pertinence qu’ils
affirmaient l’existence de certaines natures en plus de celles qui sont dans
le ciel. Mais ils disaient que les natures contraires sont pareilles dans
l’espèce, en raison et dans nos choses sensibles; bien plus, ils disaient que
ces natures sont les espèces de ces choses sensibles : par exemple, que
l’homme séparé est l’humanité de cet homme sensible, et que l’homme sensible
est homme par participation à cet homme-là. Mais ils supposaient pourtant
entre eux une différence, à savoir que les natures immatérielles sont
éternelles, et que les natures sensibles sont corruptibles. |
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[81974] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 6 Et quod ponerent illas naturas easdem istis patet
per hoc, quod sicut in istis sensibilibus invenitur homo, equus, et sanitas,
ita in illis naturis ponebant hominem per se, idest sine materia
sensibili, et similiter equum et sanitatem; et nihil aliud ponebant in
substantiis separatis, nisi quod erant materialiter in sensibilibus. Quae
quidem positio videtur esse similis positioni ponentium deos esse humanae
speciei, quae fuit positio Epicureorum, ut Tullius dicit in libro de natura
deorum. Sicut enim qui ponebant deos humanae speciei, nihil aliud fecerunt
quam ponere homines sempiternos secundum suam naturam, ita et illi qui
ponebant species nihil aliud faciunt quam ponunt res sensibiles sempiternas,
ut equum, bovem, et similia. |
Et il est évident
que ces natures sont pareilles les unes aux autres, parce que, de même que
parmi les sensibles on trouve l’homme, le cheval et la santé, de même ils
rangeaient parmi ces natures l’homme en
soi, c'est-à-dire sans matière sensible, ainsi que le cheval et la santé;
et ils n’attribuaient aucun autre caractère aux substances séparées, sauf le
fait d’exister matériellement dans les sensibles. Cette théorie paraît
ressembler à celle des gens qui affirment que les dieux sont d’espèce
humaine : telle fut l’opinion des Épicuriens, comme le dit Cicéron dans
le livre De la nature des dieux. En
effet, comme l’affirmation voulant que les dieux appartiennent à l’espèce
humaine revenait à dire qu’il existe des hommes éternels par nature, de même
ceux qui affirmaient l’existence des espèces disaient essentiellement qu’il
existe des sensibles éternels tels que le cheval, le bœuf, etc. |
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[81975] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 7 Est autem valde absurdum, quod id quod secundum suam
naturam est corruptibile, sit eiusdem speciei cum eo, quod per suam naturam
est incorruptibile: quin potius corruptibile et incorruptibile differunt
specie, ut infra dicetur in decimo huius. Potest tamen contingere quod id
quod secundum suam naturam est corruptibile, virtute divina perpetuo
conservetur in esse. |
Mais il est fort
absurde que ce qui est corruptible par sa nature soit de même espèce que ce
qui est incorruptible par sa nature; bien plutôt, le corruptible et
l’incorruptible diffèrent par leur espèce, comme on le dira plus loin, au
livre X. Il peut pourtant arriver que ce qui est corruptible par sa nature
soit conservé perpétuellement dans l’être par la puissance divine. |
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[81976] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 8 Deinde cum dicit amplius autem obiicit contra
ponentes mathematica media inter species et sensibilia. Et primo contra
illos, qui ponebant mathematica media, et a sensibilibus separata. Secundo
contra illos, qui ponebant mathematica, sed in sensibilibus esse, ibi, sunt
autem et aliqui qui dicunt et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit
rationes contra primam opinionem, secundo obiicit pro ea, ibi, at vero nec
sensibilium et cetera. Contra primum obiicit tribus viis: quarum prima est,
quod sicut scientia quaedam mathematica est circa lineam, ita etiam sunt
quaedam mathematicae scientiae circa alia subiecta. Si igitur sunt quaedam
lineae praeter lineas sensibiles, de quibus geometra tractat, pari ratione in
omnibus aliis generibus, de quibus aliae scientiae mathematicae tractant,
erunt quaedam praeter sensibilia. Sed hoc ponere ostendit esse inconveniens
in duabus scientiis mathematicis. |
Puis lorsqu’il
dit : Si, outre les idées,
etc., il argumente contre ceux qui suppose des êtres mathématiques intermédiaires
entre les espèces et les sensibles. Et il argumente, en premier, contre ceux
qui croyaient à des êtres mathématiques intermédiaires et séparés des
sensible; en deuxième, contre ceux qui disaient qu’il existe des êtres
mathématiques, mais qu’ils sont dans les sensibles, où il dit : D’autres philosophes admettent aussi,
etc. Il traite la première partie en deux points. En premier, il donne les
arguments contre la première opinion; en deuxième, il argumente en faveur de
cette opinion, où il dit : L’Astronomie
elle-même, etc. Il argumente contre la première opinion de trois façons,
dont voici la première. De même qu’il existe une science mathématique qui
porte sur la ligne, de même il existe des sciences mathématiques portant sur
d’autres sujets. Si donc il existe des lignes en plus des lignes sensibles
dont traite la géométrie, pour la même raison, dans tous les autres genres
dont traitent d’autres sciences mathématiques, il y aura d’autres objets en
plus des sensibles. Mais il montre qu’une telle affirmation est absurde dans
deux sciences mathématiques. |
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[81977] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 9 Primo quidem in astrologia, quae est una scientiarum
mathematicarum, cuius subiectum est caelum et caelestia corpora. Sequetur ergo
secundum praedicta, quod sit aliud caelum praeter caelum sensibile, et
similiter alius sol et alia luna, et similiter de aliis corporibus
caelestibus. Sed hoc est incredibile: quia illud aliud caelum, aut est
mobile, aut immobile. Si est immobile, hoc videtur esse irrationabile, cum
videamus naturale esse caelo quod semper moveatur. Unde et astrologus aliquid
considerat circa motum caeli. Dicere vero quod caelum sit separatum, et sit
mobile, est impossibile, eo quod nihil separatum a materia potest esse
mobile. |
La première est
l’astronomie, qui est l’une des sciences mathématiques et qui a pour sujets
le ciel et les corps célestes. Il s’ensuivrait donc de ce qui précède qu’il
existe un autre ciel en plus du ciel sensible, et il y aurait pareillement un
autre soleil, une autre lune, et ainsi de suite pour les autres corps
célestes. Mais cela n’est pas croyable, car cet autre ciel est soit mobile,
soit immobile. S’il est immobile, cela semble déraisonnable, puisqu’il est
visiblement naturel pour le ciel d’être toujours en mouvement; c’est pourquoi
l’astronome étudie ce qui concerne le mouvement du ciel. Mais il est
impossible de dire que le ciel est séparé et qu’il est mobile, puisque aucun
être séparé de la matière ne peut être mobile. |
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[81978] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 10 Deinde ostendit idem esse inconveniens in aliis
scientiis mathematicis, scilicet in perspectiva, quae considerat lineam
visualem, et in harmonica idest musica, quae considerat proportiones
sonorum audibilium. Impossibile est autem haec esse intermedia inter species
et sensibilia; quia si ista sensibilia sint intermedia, scilicet soni et
visibilia, sequetur etiam quod sensus sunt intermedii. Et cum sensus non sint
nisi in animali, sequetur quod etiam animalia sint intermedia inter species
et corruptibilia; quod est omnino absurdum. |
Ensuite, il montre
que cette même idée est absurde dans d’autres sciences mathématiques, soit la
perspective, qui étudie la ligne de vision, et l’harmonie, c'est-à-dire la
musique, qui étudie les proportions entre les sons audibles. Il est
impossible en effet que ces objets soient des intermédiaires entre les
espèces et les sensibles; car si ces sensibles (les sons et les êtres
visibles) sont des intermédiaires, il s’ensuit que les sens sont aussi des
intermédiaires. Et puisque les sens existent seulement chez les animaux, il
s’ensuit que les animaux, eux aussi, sont des intermédiaires entre les
espèces et les êtres corruptibles, ce qui est tout à fait absurde. |
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[81979] Sententia Metaphysicae,
lib. 3 l. 7 n. 11 Deinde cum dicit dubitabit autem secunda via talis
est. Si in illis generibus, de quibus sunt scientiae mathematicae, invenitur
triplex gradus rerum; scilicet sensibilia, species, et intermedia; cum de
omnibus speciebus et omnibus sensibilibus videatur esse similis ratio,
videtur sequi quod inter quaelibet sensibilia et suas species sunt aliqua
media: unde remanet dubitatio ad quae rerum genera se extendant scientiae
mathematicae. Si enim scientia mathematica, puta geometria, differt a
geodaesia, quae est scientia de mensuris sensibilibus, in hoc solum quod
geodaesia est de mensuris sensibilibus, geometria vero de intermediis non
sensibilibus, pari ratione praeter omnes scientias, quae sunt de
sensibilibus, erunt secundum praedicta quaedam scientiae mathematicae de
intermediis: puta si scientia medicinalis est de quibusdam sensibilibus, erit
quaedam alia scientia praeter scientiam medicinalem, et praeter unamquamque
similem scientiam, quae erit media inter medicinalem quae est de
sensibilibus, et medicinalem quae est de speciebus. Sed hoc est impossibile;
quia cum medicina sit circa salubria, idest circa sanativa, si
medicina est media, sequitur quod etiam sanativa sint media praeter
sensibilia sanativa et praeter autosanum, idest per se sanum, quod est
species sani separati: quod est manifeste falsum. Relinquitur ergo, quod
istae scientiae mathematicae non sunt circa aliqua quae sunt media inter
sensibilia et species separatas. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : On peut se demander sur quels
êtres, etc., il argumente de la deuxième façon, que voici. Si, dans les
genres sur lesquels portent les sciences mathématiques, on trouve trois
degrés des choses, à savoir les sensibles, les espèces et un degré
intermédiaire, puisque toutes les espèces et tous les sensibles semblent
avoir des notions semblables, il semble s’ensuivre qu’il existe des
intermédiaires entre tous les sensibles et leurs espèces respectives; il
reste donc un doute : sur quels genres de choses portent les sciences
mathématiques? En effet, si une science mathématique, disons la géométrie,
diffère de la géodésie, qui est la science des mesures sensibles, uniquement
par le fait que la géodésie porte sur les mesures sensibles et la géométrie
sur les intermédiaires non sensibles, pour la même raison, en plus de toutes
les sciences qui portent sur les sensibles, il y aura, d’après ce qui
précède, des sciences mathématiques portant sur les êtres intermédiaires; par
exemple, si la science médicale porte sur certains sensibles, il y aura une
autre science, en plus de la science médicale et de toute science semblable,
qui sera intermédiaire entre la médecine qui porte sur les sensibles et la
médecine qui porte sur les espèces. Mais cela est impossible, car, puisque la
médecine porte sur les choses saines, c'est-à-dire les traitements, s’il
existe une médecine intermédiaire, il s’ensuit qu’il existe aussi une science
intermédiaire de guérison qui s’ajoute à la médecine sensible et à la
médecine en soi, et qui est une espèce de la médecine séparée; mais cela est
évidemment faux. Il reste donc que les sciences mathématiques ne portent sur
aucune réalité intermédiaire entre les sensibles et les espèces séparées. |
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[81980] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 12 Deinde cum dicit similiter autem tertiam viam ponit,
per quam destruitur quoddam, quod praedicta positio ponebat; quod scilicet
esset aliqua scientia circa sensibiles magnitudines: et sic si inveniretur
alia scientia circa magnitudines, ex hoc haberetur quod essent magnitudines mediae.
Unde dicit, quod hoc non est verum quod geodaesia sit scientia sensibilium
magnitudinum, quia sensibiles magnitudines sunt corruptibiles. Sequeretur
ergo quod geodaesia esset de magnitudinibus corruptibilibus. Sed scientia
videtur corrumpi corruptis rebus de quibus est. Socrate enim non sedente, iam
non erit vera opinio qua opinabamur eum sedere. Sequeretur ergo quod
geodaesia vel geosophia, ut alii libri habent, corrumpatur corruptis
magnitudinibus sensibilibus; quod est contra rationem scientiae, quae est
necessaria et incorruptibilis. |
Puis lorsqu’il
dit : Mais il n’est pas même vrai,
etc., il présente un troisième moyen, qui réfute un énoncé provenant de la
théorie en question, à savoir qu’il existe une science des grandeurs
sensibles; en effet, s’il existait une autre science portant sur les
grandeurs, il s’ensuivrait qu’il existe des grandeurs intermédiaires. C’est
pourquoi il dit qu’il n’est pas vrai que la géodésie soit une science des
grandeurs sensibles, car celles-ci sont corruptibles, et il s’ensuivrait donc
que la géodésie porte sur des grandeurs corruptibles. Mais la science est
évidemment corrompue quand l’objet sur lequel elle porte est corrompu. En
effet, quand Socrate n’est plus assis, notre opinion voulant qu’il soit assis
n’est plus vraie. Il s’ensuivrait donc que la géodésie, ou la géosophie[45] comme on l’appelle dans d’autres livres, se
corrompt lorsque se corrompent les grandeurs sensibles; or, cela est
contraire à la notion de la science, qui est nécessaire et incorruptible. |
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[81981] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 13 Posset tamen haec ratio ad oppositum induci: ut
dicatur quod per hanc rationem intendit probare, quod nullae scientiae sunt
de sensibilibus. Et ita oportet quod omnes scientiae vel sint de rebus mediis,
vel sint de speciebus. |
Cet argument
pourrait pourtant être invoqué pour prouver le contraire, car on pourrait
dire qu’il entendait prouver par là qu’il n’y a pas de science des sensibles
et qu’ainsi, toute science porte soit sur les réalités intermédiaires, soit
sur les espèces. |
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[81982] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 14 Deinde cum dicit at vero obiicit pro praedicta
positione in hunc modum. De
ratione scientiae est, quod sit verorum. Hoc autem non esset, nisi esset de rebus
prout sunt. Oportet igitur res, de quibus sunt scientiae, tales esse, quales
traduntur in scientiis. Sed sensibiles lineae non sunt tales, quales dicit
geometra. Et hoc probat per hoc, quod geometria probat, quod circulus tangit regulam,
idest rectam lineam solum in puncto, ut patet in tertio Euclidis. Hoc autem
non invenitur verum in circulo et linea sensibilibus. Et hac ratione usus
fuit Protagoras, destruens certitudines scientiarum contra geometras.
Similiter etiam motus et revolutiones caelestes non sunt tales, quales
astrologus tradit. Videtur enim naturae repugnare, quod ponantur motus
corporum caelestium per excentricos, et epicyclos, et alios diversos motus,
quos in caelo describunt astrologi. Similiter etiam nec quantitates corporum
caelestium sunt tales, sicut describunt eas astrologi. Utuntur enim astris ut
punctis, cum tamen sint corpora magnitudinem habentia. Unde videtur quod nec
geometria sit de sensibilibus magnitudinibus, nec astrologia de caelo
sensibili. Relinquitur igitur, quod sint de aliquibus aliis mediis. |
Puis lorsqu’il
dit : Les lignes sensibles ne sont
pas, etc., il argumente en faveur de cette théorie, de la façon suivante.
La notion de science suppose qu’elle porte sur le vrai; mais ce ne serait pas
le cas, si elle ne portait pas sur les choses telles qu’elles sont. Il faut
donc que les objets sur lesquels portent les sciences soient tels qu’ils sont
enseignés dans les sciences. Mais les lignes sensibles ne sont pas comme
celles dont traite le géomètre. Et il prouve cet énoncé par le fait que la
géométrie prouve que le cercle touche la règle, c'est-à-dire la ligne droite,
en un seul point, comme on le voit au livre III d’Euclide. Mais cela ne se
trouve pas être vrai dans le cercle et les lignes sensibles. Et Protagoras a
invoqué cet argument pour nier, à l’encontre des géomètres, les certitudes
des sciences. Pareillement, les mouvements et les révolutions du ciel ne sont
pas telles que l’astronome les enseigne. En effet, il semble contraire à la
nature d’expliquer les mouvements des corps célestes par des mouvements
excentriques, des épicycles[46] et divers autres mouvements du ciel que décrivent
les astronomes. Ceux-ci considèrent en effet les astres comme des points,
alors qu’ils sont des corps ayant une grandeur. Il semble donc que la
géométrie ne porte pas sur des grandeurs sensibles, et que l’astronomie ne
porte pas non plus sur le ciel sensible; il reste donc qu’elles portent sur
d’autres réalités intermédiaires. |
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[81983] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 15 Deinde cum dicit sunt autem obiicit contra aliam
positionem. Et primo ponit intentum. Secundo inducit rationes ad propositum,
ibi, non enim in talibus et cetera. Dicit ergo primo, quod quidam ponunt esse
quasdam naturas medias inter species et sensibilia, et tamen non dicunt ea
esse separata a sensibilibus, sed quod sunt in ipsis sensibilibus. Sicut
patet de opinione illorum, qui posuerunt dimensiones quasdam per se
existentes, quae penetrant omnia corpora sensibilia, quas quidam dicunt esse
locum corporum sensibilium, ut dicitur in quarto physicae, et ibidem
improbatur. Unde hic dicit, quod prosequi omnia impossibilia, quae sequuntur
ad hanc positionem, maioris est negocii. Sed nunc aliqua breviter tangere
sufficit. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : D’autres philosophes
admettent, etc., il argumente contre l’autre théorie. Et en premier, il
dit ce qu’il veut montrer; en deuxième, il apporte des arguments à cette fin,
où il dit : Remarquons cependant,
etc. Il dit donc en premier que certains affirment qu’il y a des natures
intermédiaires entre les espèces et les sensibles, et ne disent pourtant pas
qu’elles sont séparées des sensibles, mais qu’elles existent dans ceux-ci.
C’est évident quant à l’opinion de ceux qui ont supposé des dimensions
existant par elles-mêmes, qui pénètrent tous les corps sensibles :
certains disent qu’elles sont le lieu des corps sensibles, opinion relatée et
réfutée au livre IV des Physiques.
C’est pourquoi il dit ici que la discussion de toutes les impossibilités qui
découlent de cette théorie est un travail plus considérable, mais qu’il
suffit d’en traiter brièvement ici. |
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[81984] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 16 Deinde cum dicit non enim inducit quatuor rationes contra
praedictam positionem: quarum prima talis est. Eiusdem rationis videtur esse
quod praeter sensibilia ponantur species et mathematica media, quia utrumque
ponitur propter abstractionem intellectus: si igitur ponuntur mathematica
esse in sensibilibus, congruum est quod non solum ita se habeant in eis, sed
etiam quod species ipsae sint in sensibilibus, quod est contra opinionem
ponentium species. Ponunt enim eas esse separatas: et non esse alicubi. |
Puis lorsqu’il
dit : Remarquons cependant,
etc., il apporte quatre raisons contre cette théorie, dont voici la première.
C’est pour la même raison, semble-t-il, qu’en plus des sensibles on affirme
l’existence d’espèces et d’êtres mathématiques intermédiaires, car on affirme
les deux en raison de l’abstraction intellectuelle; si donc on affirme que
les êtres mathématiques sont dans les sensibles, il est logique que non
seulement les êtres mathématiques s’y trouvent de cette façon, mais que les
espèces aussi soient dans les sensibles, ce qui est contraire à l’opinion des
tenants de l’existence des espèces; ils affirment en effet que les espèces
sont séparées et ne se trouvent en aucun lieu. |
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[81985] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 17 Secundam rationem ponit ibi, amplius autem quae talis
est. Si mathematica sunt alia a sensibilibus, et tamen sunt in eis, cum
corpus sit quoddam mathematicum, sequitur quod corpus mathematicum simul est
in eodem cum corpore sensibili: ergo duo solida, idest duo corpora erunt in
eodem loco; quod est impossibile, non solum de duobus corporibus
sensibilibus, sed etiam de corpore sensibili et mathematico: quia utrumque
habet dimensiones, ratione quarum duo corpora prohibentur esse in eodem loco. |
Il énonce la
deuxième raison où il dit : De
plus, on aura ainsi, etc. Si les êtres mathématiques sont autres que les
sensibles mais sont pourtant dans ceux-ci, puisqu’un corps est un être
mathématique, il s’ensuit que le corps mathématique se trouve en même temps
au même endroit que le corps sensible; alors, deux solides, c'est-à-dire deux
corps, se trouvent dans le même lieu; cela est impossible, non seulement pour
deux corps sensibles, mais aussi pour un corps sensible et un corps
mathématique, car les deux ont des dimensions, en raison desquelles deux
corps sont empêchés d’être dans le même lieu. |
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[81986] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 18 Tertiam rationem ponit ibi, et non esse moto enim
aliquo movetur id quod in eo est: sed sensibilia moventur: si igitur mathematica
sunt in sensibilibus, sequetur quod mathematica moveantur: quod est contra
rationem mathematicorum, quae non solum abstrahunt a materia, sed etiam a
motu. |
Il donne la
troisième raison où il dit : et
ils ne seront pas immobiles, etc. Quand une chose est mue, ce qui se
trouve en cette chose est mû. Mais les sensibles sont mus; alors, si les
êtres mathématiques sont dans les sensibles, il s’ensuit qu’ils sont mus, ce
qui est contraire à la notion des êtres mathématiques, qui font abstraction
non seulement de la matière, mais aussi du mouvement. |
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[81987] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 19 Quartam rationem ponit ibi totaliter autem quae
talis est. Nihil rationabiliter ponitur nisi propter aliquam causarum; et
praecipue si ex tali positione maius inconveniens sequatur. Sed ista positio
ponitur sine causa. Eadem enim inconvenientia sequentur ponentibus
mathematica esse media et in sensibilibus, quae sequuntur ponentibus ea non
esse in sensibilibus, et adhuc quaedam alia propria et maiora, ut ex
praedictis patet. Haec igitur positio est irrationabilis. Ultimo autem
concludit quod praedictae quaestiones habent multam dubitationem, quomodo se
habeat veritas in istis. |
Il donne la
quatrième raison où il dit : En un
mot, à quoi bon, etc. La voici : aucune affirmation n’est
raisonnable si elle ne s’appuie pas sur une cause, et surtout si une telle
théorie entraîne de pires absurdités. Mais cette théorie n’est pas fondée sur
une cause. En effet, les mêmes absurdités s’ensuivent si on affirme que les
êtres mathématiques sont des intermédiaires et sont dans les sensibles, ou si
on affirme qu’ils ne sont pas dans les sensibles, et cette théorie entraîne
aussi des absurdités encore pires qui lui sont propres, comme il est évident
d’après ce qui précède; cette théorie est donc déraisonnable. En dernier, il conclut que les questions
qui précèdent sont très douteuses quand il s’agit de déterminer la vérité à
leur sujet. |
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[81988] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 7 n. 20 Has autem quaestiones pertractat philosophus infra,
duodecimo, tertiodecimo et quartodecimo huius, ostendens non esse
mathematicas substantias separatas, nec etiam species. Et ratio quae movebat
ponentes mathematica et species sumpta ab abstractione intellectus, solvitur
in principio decimitertii. Nihil enim prohibet aliquid quod est tale, salva
veritate considerari ab intellectu non inquantum tale; sicut homo albus
potest considerari non inquantum albus: et hoc modo intellectus potest
considerare res sensibiles, non inquantum mobiles et materiales, sed
inquantum sunt quaedam substantiae vel magnitudines; et hoc est intellectum
abstrahere a materia et motu. Non autem sic abstrahit secundum intellectum,
quod intelligat magnitudines et species esse sine materia et motu. Sic enim
sequeretur quod vel esset falsitas intellectus abstrahentis, vel quod ea quae
intellectus abstrahit, sint separata secundum rem. |
Or, le Philosophe
traitera en détail ces questions plus loin, aux livres XII, XIII et XIV, en
montrant qu’il n’existe pas de substances mathématiques séparées, ni
d’espèces séparées non plus. Et l’argument invoqué par ceux qui affirmaient
l’existence d’êtres mathématiques et d’espèces, qui était tiré de
l’abstraction de l’intelligence, est réfuté au début du livre XIII. En effet,
rien n’empêche que l’intelligence, tout en restant dans le vrai, considère
une chose ayant un attribut, mais non en tant qu’elle a cet attribut; ainsi,
on peut étudier un homme blanc, sans l’étudier en tant que blanc; et de cette
façon, l’intelligence peut considérer les choses sensibles, non en tant que
mobiles et matérielles, mais en tant qu’elles sont des substances et des
grandeurs; c’est ainsi que l’intelligence fait abstraction de la matière et
du mouvement. Mais l’intelligence ne fait pas abstraction de telle sorte
qu’elle comprendrait que les grandeurs et les espèces sont sans matière et
sans mouvement; en effet, il s’ensuivrait alors ou bien que l’intelligence
qui abstrait tombe dans l’erreur, ou bien que les choses abstraites par
l’intelligence sont séparées dans la réalité. |
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Leçon 8, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Les difficultés relatives aux principes
ne le sont pas moins. Faut-il regarder les genres comme éléments et
principes ; ou bien ce titre n’appartient-il pas plutôt aux parties
constitutives de chaque être ? Par exemple, les éléments, les
principes du mot, paraissent être les lettres qui concourent à la formation
de tous les mots, et non pas le mot en général. De même encore nous appelons
éléments, dans la démonstration des propriétés des figures géométriques, ces
démonstrations qui se trouvent au fond des autres, soit dans toutes, soit
dans la plupart. De même enfin pour les corps : et ceux qui n’admettent
qu’un élément, et ceux qui en admettent plusieurs, regardent comme principe
ce dont le corps est composé, ce dont l’ensemble le constitue. Ainsi, l’eau,
le feu, et les autres éléments, sont pour Empédocle les éléments constitutifs
des êtres, et non point des genres qui comprennent ces êtres. En outre, si
l’on veut étudier la nature d’un objet quelconque, d’un lit par exemple, on
cherche de quelles pièces il est composé, quel est l’arrangement de ces
pièces, et alors on connaît sa nature. D’après ces considérations, les genres
ne seraient pas les principes des êtres. Mais si l’on songe que nous ne
connaissons rien que par les définitions, et que les genres sont les
principes des définitions, il faut bien aussi que les genres soient les
principes des êtres définis. D’ailleurs, s’il est vrai de dire que c’est
acquérir la connaissance des êtres que d’acquérir celle des espèces
auxquelles les êtres se rapportent, les genres seront encore principes des
êtres puisqu’ils sont les principes des espèces. Quelques-uns même de ceux qui
regardent comme éléments des êtres l’unité ou l’être, ou le grand et le
petit, semblent en faire des genres. Toutefois les principes des êtres ne
peuvent pas être en même temps les genres et les éléments constitutifs.
L’essence ne comporte pas deux définitions — or, autre serait la définition
des principes considérés comme genres ; autre, si on les considérait
comme éléments constitutifs. D’ailleurs, si ce sont surtout les
genres qui sont principes, faut-il regarder comme principes les genres les
plus élevés, ou ceux immédiatement supérieurs aux individus ?
C’est là encore un sujet d’embarras. Si les principes sont ce qu’il y a de
plus général, évidemment les genres les plus élevés seront principes, car ils
embrassent tous les êtres. On admettra par conséquent comme principes des
êtres les premiers des genres ; et alors l’être, l’unité, seront
principes et substances ; car ce sont surtout ces genres qui embrassent
tous les êtres. D’un autre côté, tous les êtres ne peuvent pas être rapportés
à un seul genre, soit à l’unité, soit à l’être. Il faut nécessairement que les
différences de chaque genre soient, et que chacune de ces différences
soit une : or, il est impossible que ce qui désigne les espèces
du genre désigne aussi les différences propres, il est impossible que le
genre existe sans ses espèces. Si donc l’unité ou l’être est le genre, il n’y
aura pas de différence qui soit, ni qui soit une. L’unité et
l’être ne sont donc pas des genres, et par conséquent ils ne sont pas des
principes, puisque ce sont les genres qui sont principes. Ajoutez à cela que
les êtres intermédiaires pris avec leurs différences seront des genres
jusqu’à ce qu’on arrive à l’individu. Or, les uns sont, il est vrai, des
genres, mais d’autres n’en sont pas. En outre, les différences sont plutôt
principes que les genres. Mais si les différences sont principes, il y a en
quelque sorte une infinité de principes, surtout si l’on prend pour point de
départ le genre le plus élevé. Remarquons d’ailleurs que, bien que l’unité
nous paraisse surtout avoir le caractère de principe, l’unité étant
indivisible, et ce qui est indivisible l’étant ou bien sous le rapport de la
quantité, ou bien sous celui de l’espèce, et ce qui l’est sous le rapport de l’espèce
ayant l’antériorité ; enfin les genres se divisant en espèces, l’unité
doit être plutôt l’individu : l’homme, en effet, n’est pas le
genre des hommes particuliers. D’ailleurs, il n’est pas possible, dans les
choses où il y a antériorité et postériorité, qu’il y ait, en dehors d’elles,
quelque chose qui soit leur genre. La dyade, par exemple, est le premier des
nombres ; il n’y a donc point, en dehors des diverses espèces de
nombres, un autre nombre qui soit le genre commun ; il n’y a point non
plus dans la géométrie une autre figure en dehors des diverses espèces de
figures. Et s’il n’y a point ici de genre en dehors des espèces, à plus forte
raison n’y en aura-t-il point dans les autres choses. Car c’est surtout pour
les êtres mathématiques qu’il paraît y avoir des genres. Pour les individus
il n’y a ni priorité, ni postériorité, et de plus, partout où il y a mieux et
pire, le mieux a la priorité ; il n’y a donc pas de genres, principes
des individus. D’après ce qui précède, les individus
doivent plutôt être regardés comme les principes des genres. Mais, d’un autre
côté, comment concevoir que les individus soient principes ? Il ne
serait point facile de le démontrer. Il faut qu’alors la cause, le principe,
soit en dehors des choses dont elle est le principe, qu’elle puisse en être
séparée. Mais quelle raison a-t-on de supposer qu’il y a un principe de ce
genre en dehors du particulier, si ce n’est que ce principe est quelque chose
d’universel, et qu’il embrasse tous les êtres ? Or, si l’on se rend à
cette considération, ce qu’il y a de plus général doit être plutôt regardé
comme principe, et alors les principes seraient les genres les plus élevés. |
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Lectio 8 |
Leçon 8, Commentaire de
saint Thomas [Quelle est la différence entre les genres et les éléments?]
(Traduction Georges Comeau, 2011)
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Leçon 8
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[81989] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 1 Postquam philosophus disputavit de quaestionibus
motis de substantiis, hic disputat de quaestionibus motis de principiis. Et dividitur
in partes duas. In prima disputat de quaestionibus, quibus quaerebatur quae
sunt principia. Secundo de quaestionibus quibus quaerebatur qualia sint
principia, et hoc ibi, adhuc autem utrum substantia. Circa primum disputat de
duabus quaestionibus. Primo utrum universalia sint principia. Secundo utrum
sint aliqua principia a materia separata, ibi, est autem habita de his
disputatio et cetera. Circa primum disputat duas quaestiones: quarum prima
est, utrum genera sint principia; secunda, quae genera, utrum scilicet prima
genera, vel alia, ibi, ad hoc autem si maxime principia sunt genera et
cetera. Circa primum duo facit. Primo movet quaestionem. Secundo disputat.
Secunda ibi, ut vocis elementa et cetera. Est ergo quaestio prima de
principiis, utrum oportet recipere vel opinari quod ipsa genera, quae de
pluribus praedicantur, sint elementa et principia rerum, vel magis sint
dicenda principia et elementa ea, ex quibus unumquodque est, sicut ex
partibus. Sed addit duas conditiones: quarum una est cum insint, quod
ponitur ad differentiam contrarii et privationis. Dicitur enim album fieri ex
nigro, vel non albo, quae tamen non insunt albo. Unde non sunt eius elementa.
Alia conditio est qua dicit primis, quod ponitur ad differentiam
secundorum componentium. Sunt enim corpora animalium ex carnibus et nervis
quae insunt animali non tamen dicuntur animalis elementa, quia non sunt haec
prima ex quibus animal componitur, sed magis ignis, aer, aqua et terra, ex
quibus etiam existunt carnes et nervi. |
Après avoir discuté
les questions soulevées au sujet des substances, le Philosophe discute
maintenant les questions soulevées au sujet des principes. Et ce sujet se
divise en deux parties. En premier, il discute les questions visant à
chercher quels sont les principes. En deuxième, il discute les questions
visant à chercher les qualités de ces principes, où il dit : Ce n’est pas tout. La substance, etc.
(leçon X). Quant au premier point, il discute deux questions : en
premier, les universels sont-ils des principes? Ensuite, il se demande s’il
existe des principes séparés de la matière, où il dit : Il y a une difficulté, etc. (leçon
IX). Pour le premier point, il discute deux questions. Il se demande en
premier si les genres sont des principes; en deuxième, quels genres (les
premiers genres ou d’autres) sont des principes, où il dit : D’ailleurs, si ce sont surtout, etc.
Il traite la première question en deux points : en premier, il l’énonce;
en deuxième, il la discute, où il dit : Par exemple, les éléments, etc. La première question sur les
principes est donc de savoir s’il faut admettre ou penser que les genres, qui
sont attribués à plusieurs choses, sont les éléments ou les principes des
choses, ou s’il faut plutôt considérer comme principes et éléments ce qui
constitue une chose comme étant ses parties. Mais il ajoute deux
conditions : la première est que ces parties soient constitutives, à la différence des contraires et de la privation.
On dit en effet que le blanc se fait à partir du noir, ou du non-blanc, qui
ne sont pourtant pas dans le blanc, et n’en sont donc pas des éléments.
L’autre condition est que ces parties soient « premières », par
opposition aux composants seconds. En effet, les corps des animaux sont faits
de chairs et de nerfs, lesquels sont dans les animaux mais n’en sont pourtant
pas désignés comme les éléments, car ils ne sont pas les premiers composants
de l’animal; ceux-ci sont plutôt le feu, l’air, l’eau et la terre, dont sont
également constitués les chairs et les nerfs. |
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[81990] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 2 Deinde cum dicit ut vocis disputat ad hanc
quaestionem: et circa hoc tria facit. Primo ostendit, quod ea, ex quibus
primis aliquid componitur, sint principia et elementa. Secundo obiicit ad
partem contrariam, ibi, inquantum autem cognoscimus unumquodque et cetera.
Tertio excludit quamdam responsionem qua posset dici, quod utraque sunt
principia et elementa, ibi, at vero nec utrobique et cetera. Circa primum
primo ponit tres rationes: quarum prima procedit ex naturalibus, in quibus
manifestat propositum secundum duo exempla: quorum primum est de voce
dearticulata, cuius principium et elementum non dicitur esse commune, quod
est vox, sed magis illa, ex quibus primis componuntur omnes voces, quae
dicuntur literae. Secundum exemplum ponit in diagrammatibus idest in
demonstrativis descriptionibus figurarum geometricarum. Dicuntur enim horum
diagrammatum esse elementa non hoc commune quod est diagramma, sed magis illa
theoremata, quorum demonstrationes insunt demonstrationibus aliorum
theorematum geometralium, aut omnium, aut plurimorum; quia scilicet aliae
demonstrationes procedunt ex suppositione primarum demonstrationum. Unde et
liber Euclidis dicitur liber elementorum, quia scilicet in eo demonstrantur
prima geometriae theoremata, ex quibus aliae demonstrationes procedunt. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Par exemple, les éléments,
etc., il discute cette question; et il le fait en trois parties. En premier,
il montre que les premiers composants d’une chose en sont les principes et
les éléments. En deuxième, il argumente en faveur de la théorie contraire, où
il dit : Mais si l’on songe,
etc. En troisième, il écarte une réponse selon laquelle les deux seraient
principes et éléments, où il dit : Toutefois
les principes des êtres, etc. Pour la première partie, il commence par
donner trois raisons. La première provient des physiciens, et il s’en sert
pour manifester sa proposition par deux exemples : le premier est celui
du mot décomposé, dont on ne dit pas que les principes et les éléments sont
quelque chose de général, c'est-à-dire le mot, mais plutôt les éléments
premiers qui constituent tous les mots, c'est-à-dire les lettres. Il donne
comme deuxième exemple les diagrammes, c'est-à-dire les descriptions
démonstratives des figures géométriques. On ne dit pas en effet que les
éléments de ces diagrammes sont la réalité commune du diagramme, mais plutôt
les théorêmes dont les démonstrations sont les fondements des démonstrations
de tous ou la plupart des autres théorêmes de géométrie, car les autres
démonstrations s’appuient sur le fondement des premières démonstrations.
C’est pourquoi le livre d’Euclide porte le nom d’Éléments, car on y démontre les premiers théorêmes de géométrie,
desquels procèdent toutes les autres démonstrations. |
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[81991] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 3 Secundam rationem ponit ibi amplius autem quae
procedit in rebus naturalibus. Et dicit quod illi, qui ponunt elementa corporum vel
plura vel unum, illa dicunt esse principia et elementa corporum, ex quibus componuntur
et constant tamquam in eis existentibus. Sicut Empedocles dicit, elementa
corporum naturalium esse ignem et aquam, et alia huiusmodi, quae simul cum
his elementa rerum dicit, ex quibus primis cum insint corpora naturalia
constituuntur. Ponebant autem praeter haec duo, alia quatuor principia,
scilicet aerem et terram, litem et amicitiam, ut in primo dictum est. Non
autem dicebat, nec Empedocles nec alii naturales philosophi, quod genera
rerum essent earum principia et elementa. |
Il donne la deuxième
raison où il dit : De même enfin
pour les corps, etc. Elle est tirée des choses de la nature. Et il dit
que ceux qui affirment que les éléments des corps sont plusieurs ou qu’il y a
un élément unique disent que les principes et les éléments des corps sont ce
qui les compose et dont l’existence persiste en eux. C’est ainsi qu’Empédocle
dit que les éléments des corps naturels sont le feu, l’eau et les autres
éléments joints à ceux-ci, qui sont les premiers constituants qu’on trouve à
l’intérieur des corps naturels. Cependant, en plus de ces deux éléments, ils
affirmaient l’existence de quatre autres principes, à savoir l’air et la
terre, la discorde et l’amitié, comme on l’a dit au livre I. Mais ni
Empédocle ni les autres philosophes de la nature n’ont affirmé que les genres
des choses en étaient les principes et les éléments. |
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[81992] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 4 Tertiam rationem ponit ibi adhuc autem quae procedit
in artificialibus: et dicit quod siquis velit speculari naturam, idest
definitionem indicantem essentiam aliorum corporum a corporibus naturalibus,
scilicet artificialium, puta si vult cognoscere lectum, oportet considerare
ex quibus partibus componitur et modum compositionis earum, et sic cognoscet
naturam lecti. Et post hoc concludit quod genera non sunt principia entium. |
Il donne la
troisième raison où il dit : En
outre, si l’on veut, etc. Cette raison concerne les choses artificielles;
et il dit que si quelqu'un veut étudier
la nature, c'est-à-dire la définition qui indique l’essence des corps
autres que naturels, c'est-à-dire les corps artificiels, par exemple s’il
veut connaître le lit, il doit examiner de quelles parties le lit se compose
et la manière de les joindre, et il connaîtra ainsi la nature du lit. Et il
conclut ensuite que les genres ne sont pas des principes des êtres. |
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[81993] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 5 Deinde cum dicit quod si cognoscimus obiicit ad
partem contrariam: et ponit tres rationes, quarum prima talis est. Unumquodque
cognoscitur per suam definitionem. Si igitur idem est principium essendi et
cognoscendi, videtur, quod id quod est principium definitionis sit principium
rei definitae. Sed genera sunt
principia definitionum, quia ex eis primo definitiones constituuntur: ergo
genera sunt principia rerum quae definiuntur. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Mais si l’on songe, etc.,
il argumente en faveur de l’idée contraire, et il donne trois raisons, dont
voici la première. Toute chose est connue par sa définition. Si donc le
principe de l’existence est le même que le principe de la connaissance, il
semble que ce qui est principe de la définition est principe de la chose
définie. Mais les genres sont principes des définitions, car c’est d’eux que
les définitions sont constituées en premier lieu; donc, les genres sont les
principes des choses qui sont définies. |
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[81994] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 6 Secundam rationem ponit ibi et si est quae talis
est. Per hoc accipitur scientia de unaquaque re, quod scitur species eius
secundum quam res est: non enim potest cognosci Socrates nisi per hoc quod
scitur quod est homo. Sed genera sunt principia specierum, quia species
constituuntur ex genere et differentia: ergo genera sunt principia eorum quae
sunt. |
Il donne la deuxième
raison où il dit : D’ailleurs,
s’il est vrai, etc. Cette raison est qu’on acquiert la science de toute
chose du fait qu’on connaît l’espèce sous laquelle elle se range : en
effet, on ne peut pas connaître Socrate sinon par la connaissance du fait
qu’il est homme. Mais les genres sont principes des espèces, car les espèces
sont constituées d’un genre et d’une différence spécifique; les genres sont
donc principes des choses qui existent. |
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[81995] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 7 Tertiam rationem ponit ibi videntur autem et sumitur
ex auctoritate Platonicorum, qui posuerunt unum et ens esse principia, et
magnum et parvum, quibus utuntur ut generibus: ergo genera sunt principia. |
Il donne la
troisième raison où il dit : Quelques-uns
même de ceux, etc. Cette raison provient de l’autorité des Platoniciens,
qui affirmaient que l’un et l’être sont des principes, ainsi que le grand et
le petit, qu’ils prenaient comme des genres; donc, les genres sont des
principes. |
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[81996] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 8 Deinde cum dicit sed non possibile excludit quamdam
responsionem, qua posset dici quod utraque sunt principia; dicens quod non
est possibile dicere utrobique esse principia, ut elementa, id est
partes ex quibus componitur aliquid, et genera. Et hoc probat tali ratione.
Unius rei una est ratio definitiva manifestans eius substantiam, sicut et una
est substantia uniuscuiusque: sed non est eadem ratio definitiva quae datur
per genera et quae datur per partes ex quibus aliquid componitur: ergo non
potest esse utraque definitio indicans substantiam rei. Ex principiis autem
rei potest sumi ratio definitiva significans substantiam eius. Impossibile
est ergo quod principia rerum sint simul genera, et ea ex quibus res componuntur. |
Puis lorsqu’il
dit : Toutefois les principes des
êtres, etc., il écarte une réponse, car on pourrait dire que les deux
sont principes; il dit qu’il n’est pas possible de dire que les deux sont des
principes, à savoir les éléments,
c'est-à-dire les parties dont la chose est composée, et les genres. Il prouve
cet énoncé par la raison suivante. Une seule chose a une seule notion
définitoire qui en manifeste la substance, comme il existe une seule
substance de toute chose; mais ce n’est pas la même notion définitoire qui
est donnée par le genre ou par les parties dont elle se compose; donc, il
n’est pas possible que les deux définitions indiquent la substance de la
chose. Mais on peut tirer des principes d’une chose la notion définitoire qui
en signifie la substance. Il est donc impossible que les principes des choses
soient à la fois les genres et ce dont les choses sont composées. |
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[81997] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 9 Deinde cum dicit adhuc autem disputat secundam
quaestionem. Et primo movet eam. Secundo ad eam rationes inducit ibi, nam
siquidem universalia et cetera. Dicit ergo quod si ponamus quod genera sint
maxime principia, quae oportet existimare magis esse principia? Utrum prima
de numero generum, scilicet communissima, aut etiam infima, quae
proxima praedicantur de individuis, scilicet species specialissimas. Hoc enim
habet dubitationem, sicut ex sequentibus patet. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : D’ailleurs, si ce sont,
etc., il discute la deuxième question. Et en premier, il la soulève; en
deuxième, il propose des arguments à son sujet, où il dit : Si les principes sont, etc. Il dit
donc que si nous affirmons que ce sont surtout les genres qui sont principes,
lesquels faut-il considérer comme les principes au premier titre? Sont-ce les
premiers parmi les genres, c'est-à-dire les plus communs, ou encore les
derniers, qui sont attribués de façon prochaine aux individus, c'est-à-dire
les espèces les plus spécialisées? En effet, cette question est douteuse,
comme il sera évident d’après ce qui suit. |
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[81998] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 10 Deinde cum dicit nam siquidem obiicit ad propositam
quaestionem: et circa hoc tria facit. Primo enim inducit rationes ad ostendendum
quod prima genera non possunt esse principia. Secundo inducit rationes ad
ostendendum, quod species ultimae magis debent dici principia, ibi, at vero
et si magis. Tertio obiicit ad propositum, ibi, iterum autem et cetera. Circa
primum ponit tres rationes: quarum prima talis est. Si genera sunt magis
principia quanto sunt universalia oportet quod illa quae sunt maxime
universalia, quae scilicet dicuntur de omnibus, sint prima inter genera et
maxime principia. Tot ergo erunt rerum principia, quod sunt huiusmodi genera
communissima. Sed communissima omnium sunt unum et ens, quae de omnibus
praedicantur: ergo unum et ens erunt principia et substantiae omnium rerum.
Sed hoc est impossibile; quia non possunt omnium rerum esse genus, unum et
ens: quia, cum ens et unum universalissima sint, si unum et ens essent
principia generum, sequeretur quod principia non essent genera. Sic ergo
positio, qua ponitur communissima generum esse principia, est impossibilis,
quia sequitur ex ea oppositum positi, scilicet quod principia non sunt
genera. |
Puis lorsqu’il
dit : Si les principes sont,
etc., il argumente sur la question proposée, et il le fait en trois parties.
En effet, il apporte en premier des arguments pour montrer que les genres
premiers ne peuvent pas être des principes. En deuxième, il apporte des
arguments pour montrer que les espèces ultimes devraient davantage être
considérées comme des principes, où il dit : Remarquons d’ailleurs que, etc. En troisième, il argumente en
faveur de la proposition, où il dit : Mais, d’un autre côté, etc. Pour le premier point, il donne trois
arguments, dont voici le premier. Si les genres sont d’autant plus des
principes qu’ils sont plus universels, il faut que les plus universels, ceux
qu’on attribue à toutes choses, soient les premiers parmi les genres et
soient les principes suprêmes. Il y aura donc autant de principes des choses
que de tels genres très généraux. Mais les plus généraux de tous sont l’un et
l’être, qui sont attribués à tout; donc, l’un et l’être sont les principes et
les substances de toutes choses. Mais cela est impossible, car l’un et l’être
ne peuvent être les genres de toutes choses : en effet, puisque l’être
et l’un sont très universels, s’ils étaient les principes des genres, il
s’ensuivrait que les principes ne sont pas des genres. Ainsi donc, la théorie
selon laquelle les genres les plus généraux sont des principes est
impossible, car il s’ensuivrait le contraire de l’énoncé de départ, à savoir
que les genres ne sont pas des principes. |
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[81999] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 11 Quod autem ens et unum non possint esse genera,
probat tali ratione. Quia cum differentia addita generi constituat speciem,
de differentia praedicari non poterit nec species sine genere, nec genus sine
speciebus. Quod autem species de differentia praedicari non possit, patet ex
duobus. Primo quidem, quia differentia in plus est quam species, ut
Porphyrius tradit. Secundo, quia cum differentia ponatur in definitione
speciei, non posset species praedicari per se de differentia, nisi
intelligeretur quod differentia esset subiectum speciei, sicut numerus est
subiectum paris, in cuius definitione ponitur. Hoc autem non sic se habet;
sed magis differentia est quaedam forma speciei. Non ergo posset species
praedicari de differentia, nisi forte per accidens. Similiter etiam nec genus
per se sumptum, potest praedicari de differentia praedicatione per se. Non
enim genus ponitur in definitione differentiae, quia differentia non
participat genus, ut dicitur in quarto topicorum. Nec etiam differentia
ponitur in definitione generis: ergo nullo modo per se genus praedicatur de
differentia. Praedicatur tamen de
eo quod habet differentiam, idest de specie, quae habet differentiam
in actu. Et ideo dicit, quod de propriis differentiis generis non praedicatur
species, nec genus sine speciebus, quia scilicet genus praedicatur de
differentiis secundum quod sunt in speciebus. Nulla autem differentia potest accipi de qua non
praedicetur ens et unum, quia quaelibet differentia cuiuslibet generis est
ens et est una, alioquin non posset constituere unam aliquam speciem entis.
Ergo impossibile est quod unum et ens sint genera. |
Et il prouve que
l’être et l’un ne peuvent pas être des genres, par la raison suivante. Puisque
la différence spécifique ajoutée au genre constitue l’espèce, la différence
spécifique ne peut être attribuée ni à une espèce sans genre, ni à un genre
sans espèces. Le fait que l’espèce ne peut être un attribut de la différence
spécifique est évident pour deux raisons : en premier, parce que la
différence spécifique s’applique à plus de choses que l’espèce, comme
l’enseigne Porphyre; en deuxième, parce que, la différence spécifique entrant
dans la définition de l’espèce, l’espèce ne peut être un attribut de la
différence spécifique, sauf au sens où la différence spécifique serait le
sujet de l’espèce, comme le nombre est le sujet du pair, dans la définition
duquel il est inclus. Mais il n’en est pas ainsi; c’est plutôt la différence
spécifique qui est une certaine forme de l’espèce. L’espèce ne peut donc pas
être un attribut de la différence spécifique, sauf peut-être par accident.
Pareillement, le genre pris en soi ne peut pas non plus être un attribut de
la différence spécifique prise en soi. En effet, le genre n’entre pas dans la
définition de la différence spécifique, car celle-ci ne participe pas du
genre, comme il est dit au livre IV des Topiques.
La différence spécifique n’entre pas non plus dans la définition du genre;
donc, le genre pris en soi n’est en aucune façon un attribut de la différence
spécifique. Il est pourtant un attribut de ce qui a une différence
spécifique, c'est-à-dire l’espèce, qui possède cette différence en acte.
C’est pourquoi il dit que l’espèce n’est pas un attribut des différences
propres du genre, et qu’il n’existe pas de genre sans espèces, car le genre
est un attribut des différences spécifiques en tant qu’elles sont dans les
espèces. Mais on ne peut trouver aucune différence spécifique à laquelle
l’être et l’un ne sont pas attribués, car toute différence spécifique de
n’importe quel genre existe et est unique; autrement, elle ne pourrait pas
constituer une seule espèce d’être. Il est donc impossible que l’être et l’un
soient des genres. |
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[82000] Sententia Metaphysicae,
lib. 3 l. 8 n. 12 Deinde cum dicit amplius autem secundam rationem
ponit, quae talis est. Si genera dicuntur principia quia sunt communia et
praedicantur de pluribus, oportebit quod omnia quae pari ratione erunt
principia, quia sunt communia, et praedicata de pluribus, sint genera. Sed
omnia quae sunt media inter prima genera et individua, quae scilicet sunt
coaccepta cum differentiis aliquibus, sunt communia praedicata de pluribus:
ergo sunt principia et sunt genera: quod patet esse falsum. Quaedam enim
eorum sunt genera, sicut species subalternae; quaedam vero non sunt genera,
sicut species specialissimae. Non ergo verum est, quod prima genera sive
communia sint principia prima. |
Puis lorsqu’il
dit : Ajoutez à cela, etc., il
donne le deuxième argument, qui est le suivant. Si les genres sont appelés
principes parce qu’ils sont généraux et attribués à beaucoup de choses, il
faut pour la même raison que tout ce qui est principe parce qu’il est général
et attribué à beaucoup de choses soit un genre. Mais toutes les réalités
intermédiaires entre les genres premiers et les individus, du fait que des
différences spécifiques sont ajoutées à ces genres, sont générales et
attribuées à beaucoup de choses; donc, elles sont des principes et des
genres. Or, il est évident que c’est faux. En effet, certaines de ces
réalités sont des genres, en tant que sous-espèces; d’autres ne sont pas des
genres, étant des espèces ultimes. Il n’est donc pas vrai que les genres
premiers ou généraux soient les premiers principes. |
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[82001] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 13 Praeterea. Si prima genera sunt principia, quia sunt
principia cognitionis specierum, multo magis differentiae sunt principia,
quia differentiae sunt principia formalia specierum. Forma autem et actus est maxime principium
cognoscendi. Sed differentias esse principia rerum est inconveniens, quia
secundum hoc erunt quasi infinita principia. Sunt enim, ut ita dicatur,
infinitae rerum differentiae; non quidem infinitae secundum rerum naturam,
sed quoad nos. Et quod sint infinitae, patet dupliciter. Uno modo siquis
consideret multitudinem ipsam differentiarum secundum se. Alio modo siquis
accipiat primum genus quasi primum principium. Manifestum enim est quod sub
eo continentur innumerabiles differentiae. Non ergo prima genera sunt
principia. |
De plus, si les
genres premiers sont des principes parce qu’ils sont les principes de la
connaissance des espèces, les différences spécifiques sont bien davantage des
principes, car elles sont les principes formels des espèces. Or, ce sont
surtout la forme et l’acte qui sont les principes de la connaissance. Mais il
est absurde que les différences spécifiques soient les principes des choses,
car alors, le nombre de principes serait pratiquement infini. En effet, les
différences entre les choses sont pour ainsi dire infinies, non selon la
nature des choses à vrai dire, mais pour nous. Et qu’elles soient infinies,
on le voit de deux façons : d’abord, si on considère en elle-même la
multitude des différences spécifiques; ensuite, si on prend le premier genre
comme premier principe. Il est évident en effet que des différences
innombrables sont contenues sous ce genre. Donc, les genres premiers ne sont
pas des principes. |
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[82002] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 14 Deinde cum dicit at vero ostendit, quod species
specialissimae sunt magis principia quam genera; et ponit tres rationes,
quarum prima talis est. Unum secundum Platonicos maxime videtur habere speciem,
idest rationem principii. Unum vero habet rationem indivisibilitatis, quia
unum nihil est aliud quam ens indivisum. Dupliciter est autem aliquid
indivisibile: scilicet secundum quantitatem, et secundum speciem. Secundum
quantitatem, quidem, sicut punctus et unitas: et hoc indivisibile opponitur
divisioni quantitatis. Secundum speciem autem, sicut quod non dividitur in
multas species. Sed inter haec duo indivisibilia prius et principalius est
quod est indivisibile secundum speciem, sicut et species rei est prior quam
quantitas eius; ergo illud quod est indivisibile secundum speciem, est magis
principium eo quod est indivisibile secundum quantitatem. Et quidem secundum
quantitatis numeralis divisionem videtur esse magis indivisibile genus, quia
multarum specierum est unum genus: sed secundum divisionem speciei magis est
indivisibilis una species. Et sic ultimum praedicatum de pluribus quod non
est genus plurium specierum, scilicet species specialissima, est magis unum
secundum speciem quam genus. Sicut homo et quaelibet alia species specialissima,
non est genus aliquorum hominum. Est ergo magis principium species quam
genus. |
Puis lorsqu’il
dit : Remarquons d’ailleurs que,
etc., il montre que les espèces ultimes sont davantage des principes que les
genres; et il donne trois raisons, dont voici la première. L’un, selon les
Platoniciens, semble avoir au suprême degré la spécificité, c'est-à-dire le
caractère de principe. Mais l’un a un caractère d’indivisibilité, car il
n’est rien d’autre que l’être non divisé. Mais une chose est indivisible de
deux façons : selon la quantité et selon l’espèce. Selon la quantité,
c’est le cas du point et de l’unité[47], et cet indivisible s’oppose à la division
quantitative. Selon l’espèce, c’est le cas de ce qui ne se divise pas en
plusieurs espèces. Mais de ces deux indivisibles, le premier et le principal
est l’indivisible selon l’espèce, comme l’espèce de la chose est antérieure à
sa quantité; donc, ce qui est indivisible selon l’espèce est davantage un
principe que ce qui est indivisible selon la quantité. Et en fait, pour la
division de la quantité numérique, le genre semble plus indivisible, car il y
a un genre unique pour plusieurs espèces; mais pour la division des espèces,
une seule espèce est plus indivisible. Et ainsi, la réalité dernière
attribuée à plusieurs choses qui n’est pas le genre de plusieurs espèces,
c'est-à-dire l’espèce ultime, est plus une en espèce que le genre. Par
exemple, l’homme et toute autre espèce ultime n’est pas le genre de certains
hommes; l’espèce est donc davantage un principe que le genre. |
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[82003] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 15 Deinde cum dicit amplius in quibus secundam rationem
ponit, quae procedit ex quadam positione Platonis; qui quando aliquid unum de
pluribus praedicatur, non secundum prius et posterius, posuit illud unum
separatum, sicut hominem praeter omnes homines. Quando vero aliquid
praedicatur de pluribus secundum prius et posterius, non ponebat illud
separatum. Et hoc est quod dicit quod in quibus prius et posterius est,
scilicet quando unum eorum de quibus aliquod commune praedicatur est altero
prius, non est possibile in his aliquid esse separatum, praeter haec multa de
quibus praedicatur. Sicut si numeri se habent secundum ordinem, ita quod dualitas
est prima species numerorum, non invenitur idea numeri praeter omnes species
numerorum. Eadem ratione non invenitur figura separata, praeter omnes species
figurarum. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : D’ailleurs, il n’est pas
possible, etc., il donne la deuxième raison, qui est tirée d’une certaine
théorie de Platon; celui-ci, lorsqu’une chose est attribuée à plusieurs qui
n’ont pas d’ordre d’antériorité et de postériorité, a affirmé l’existence
d’une réalité séparée, comme celle de l’homme à part de tous les hommes. Mais
quand une chose est attribuée à plusieurs dans lesquelles on trouve l’avant
et l’après, il n’affirmait pas cette réalité séparée. Et c’est ce qu’il
dit : dans les choses où il y a
antériorité et postériorité, c'est-à-dire quand l’une des choses
auxquelles est attribuée la réalité commune est avant l’autre, il n’est pas
possible qu’il existe quelque chose de séparé en plus de ces nombreuses
choses auxquelles elle est attribuée. Ainsi, si les nombres sont rangés en
ordre de sorte que la dualité est la première espèce des nombre, on ne trouve
pas d’idée du nombre en plus de toutes les espèces de nombres. Pour la même
raison, on ne trouve pas de figure séparée en plus de toutes les espèces de
figures. |
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[82004] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 16 Et huius ratio esse potest, quia ideo aliquod
commune ponitur separatum, ut sit quoddam primum quod omnia alia participent.
Si igitur unum de multis sit primum, quod omnia alia participent, non oportet
ponere aliquod separatum, quod omnia participant. Sed talia videntur omnia
genera; quia omnes species generum inveniuntur differre secundum perfectius
et minus perfectum. Et, per consequens, secundum prius et posterius secundum
naturam. Si igitur eorum quorum unum est prius altero, non est accipere
aliquod commune separatum, si genus praeter species inveniatur, erunt schola
aliorum, idest erit eorum alia doctrina et regula, et non salvabitur in
eis praedicta regula. Sed manifestum est quod inter individua unius speciei, non
est unum primum et aliud posterius secundum naturam, sed solum tempore. Et
ita species secundum scholam Platonis est aliquid separatum. Cum igitur
communia sint principia inquantum sunt separata, sequitur quod sit magis
principium species quam genus. |
La raison de cela
peut être qu’une réalité générale peut être dite séparée en tant qu’elle est
une réalité première de laquelle toutes les autres participent. Si donc il y
en a une parmi plusieurs qui est première et à laquelle toutes les autres
participent, il n’est pas nécessaire de supposer une réalité séparée de
laquelle toutes participent. Mais tel semble être le cas de tous les genres,
car on constate que toutes les espèces des genres diffèrent selon leur
perfection plus ou moins grande, et par conséquent ils diffèrent par nature
selon l’antériorité et la postériorité. Si donc, pour les choses dont l’une
est antérieure à l’autre, on ne peut pas trouver une réalité commune séparée,
étant admis que le genre est en dehors de l’espèce, la doctrine et la règle
sera différente pour les autres réalités, et la règle ci-dessus ne s’y
appliquera pas. Mais il est manifeste que parmi les individus d’une même
espèce, il n’y en a pas un qui soit avant l’autre par nature, mais seulement
par le temps. Et ainsi, l’espèce, selon l’école de Platon, est une réalité
séparée. Alors, puisque les réalités générales sont principes en tant
qu’elles sont séparées, il s’ensuit que l’espèce est un principe davantage
que le genre. |
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[82005] Sententia Metaphysicae,
lib. 3 l. 8 n. 17 Deinde cum dicit amplius autem tertiam rationem
ponit quae sumitur ex meliori et peiori: quia in quibuscumque invenitur unum
alio melius, semper illud quod est melius, est prius secundum naturam. Sed
horum quae sic se habent non potest poni unum genus commune separatum: ergo
eorum quorum unum est melius et aliud peius non potest poni unum genus
separatum. Et sic redit in idem quod prius. Haec enim ratio inducitur quasi
confirmatio praecedentis, ad ostendendum, quod in speciebus cuiuslibet
generis invenitur prius et posterius. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : et de plus, partout,
etc., il apporte une troisième raison, fondée sur le meilleur et le
pire : car dans tous les cas où on trouve une chose meilleure qu’une
autre, ce qui est meilleur est toujours antérieur par nature. Mais aux êtres
qui sont dans ce cas, on ne peut attribuer un genre commun séparé; donc, aux
choses dont l’une est meilleure et l’autre pire, on ne peut attribuer un
genre unique séparé. Et cela nous ramène à la même conclusion qu’avant. En
effet, cet argument est présenté comme confirmation du précédent, pour
montrer que dans les espèces de n’importe quel genre, on trouve l’antérieur
et le postérieur. |
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[82006] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 18 Et ex tribus his rationibus concludit propositum;
scilicet quod species specialissimae quae immediate de individuis
praedicantur, magis videntur esse principia quam genera. Ponitur enim
genitivus generum loco ablativi more Graecorum. Unde litera Boetii planior
est, quae expresse concludit huiusmodi praedicata magis esse principia quam
genera. |
Et de ces trois
arguments, il tire la conclusion visée, à savoir que les espèces ultimes, qui
sont attribuées immédiatement aux individus, semblent être des principes plus
que les genres. En effet, le mot « genres » est mis au génitif
plutôt qu’à l’ablatif, à la manière des Grecs[48]. C’est pourquoi le texte de Boèce est plus clair,
concluant expressément que de tels attributs sont davantage des principes que
les genres. |
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[82007] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 19 Deinde cum dicit iterum autem obiicit in contrarium
tali ratione. Principium et causa
est praeter res quarum est principium et causa, et possibile est ab eis esse
separatum. Et hoc ideo quia nihil est causa sui ipsius. Et loquitur hic de
principiis et causis extrinsecis, quae sunt causae totius rei. Sed aliquid
esse praeter singularia non ponitur, nisi quia est commune et universaliter
de omnibus praedicatum: ergo quanto aliquid est magis universale, tanto magis
est separatum, et magis debet poni principium. Sed genera prima sunt maxime
universalia: ergo genera prima sunt maxime principia. |
Puis lorsqu’il
dit : Mais, d’un autre côté,
etc., il argumente pour l’idée contraire, par la raison suivante. Le principe
et la cause sont en dehors de la chose dont ils sont principe et cause, et il
est possible qu’ils en soient séparés; la raison en est que rien n’est cause
de soi-même. Et il est ici question des principes et des causes extrinsèques,
qui sont causes de la totalité de la chose. Mais on affirme l’existence d’une
chose hors des singuliers seulement parce qu’elle commune et attribuée
universellement à tous; donc, plus une chose est universelle, plus elle est
séparée et plus elle doit être considérée comme principe. Mais les genres
premiers sont les plus universels; donc ils sont principes au plus haut
degré. |
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[82008] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 8 n. 20 Harum autem quaestionum solutio innuitur ex hac ultima
ratione. Secundum hoc enim genera vel species universalia principia
ponebantur, inquantum ponebantur separata. Quod autem non sint separata et
per se subsistentia ostendetur in septimo huius. Unde et Commentator in
octavo ostendet quod principia rerum sunt materia et forma, ad quorum
similitudinem se habent genus et species. Nam genus sumitur a materia,
differentia vero a forma, ut in eodem libro manifestabitur. Unde, cum forma
sit magis principium quam materia, secundum hoc etiam erunt species magis
principia quam genera. Quod vero contra obiicitur ex hoc quod genera sunt
principia cognoscendi speciem et definitiones ipsius, eodem modo solvitur
sicut et de separatione. Quia enim separatim accipitur a ratione genus sine
speciebus, est principium in cognoscendo. Et eodem modo esset principium in
essendo, si haberet esse separatum. |
Or, la solution de
ces questions est insinuée par ce dernier argument. En effet, selon cet
argument, les genres ou les espèces étaient considérés comme principes
universels en tant qu’ils étaient considérés comme séparés. Mais le fait
qu’ils ne sont pas séparés et ne subsistent pas par eux-mêmes sera montré
plus loin, au livre VII. C’est pourquoi le Commentateur[49], au livre VIII, montrera que les principes des
choses sont la matière et la forme, qui ont entre eux un rapport semblable au
rapport du genre à l’espèce. En effet, le genre est pris comme matière et la
différence spécifique comme forme, comme il sera démontré au même livre.
Alors, puisque la forme est davantage principe que la matière, il s’ensuit
également que les espèces sont davantage principes que les genres.
L’objection soulevée du fait que les genres sont principes de la connaissance
de l’espèce et de ses définitions se résout de la même façon que celle qui
concerne leur séparation. En effet, c’est parce que le genre est perçu
séparément par la raison, sans les espèces, qu’il est principe de leur
connaissance. Pareillement, le genre serait principe de leur existence, s’il
avait un être séparé. |
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Leçon 9, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Il y a une difficulté qui se rattache
aux précédentes, difficulté plus embarrassante que toutes les autres, et dont
l’examen nous est indispensable ; c’est celle dont nous allons parler.
S’il n’y a pas quelque chose en dehors du particulier, et s’il y a une
infinité de choses particulières, comment est-il possible d’acquérir la
science de l’infinité des choses ? Connaître un objet, c’est, pour nous,
connaître son unité, son identité et son caractère général. Or, si cela est
nécessaire, et s’il faut qu’en dehors des choses particulières il y ait
quelque chose, il y aura nécessairement, en dehors des choses particulières,
les genres, soit les genres les plus rapprochés des individus, soit les
genres les plus élevés. Mais nous avons trouvé tout à l’heure que cela était
possible. Admettons d’ailleurs qu’il y a véritablement quelque chose en
dehors de l’ensemble de l’attribut et de la substance, admettons qu’il y a
des espèces. Mais l’espèce est-elle quelque chose en dehors de tous les
objets, ou est-elle seulement en dehors de quelques objets sans être en
dehors de quelques autres, ou enfin n’est-elle en dehors d’aucun ? Dirons-nous donc qu’il n’y a rien en dehors
de choses particulières ? Alors il n’y aurait rien d’intelligible, il
n’y aurait plus que des objets sensibles, il n’y aurait science de rien, à
moins qu’on ne nomme science, la connaissance sensible. Il n’y aurait même
rien d’éternel, ni d’immobile ; car tous les objets sensibles sont
sujets à destruction, et sont en mouvement. Or, s’il n’y a rien d’éternel, la
production même est impossible. Car il faut bien que ce qui devient soit
quelque chose, ainsi que ce qui fait devenir ; et que la dernière des
causes productrices soit de tout temps, puisque la chaîne des causes a un
terme, et qu’il est impossible que rien soit produit par le non-être.
D’ailleurs, là où il y a naissance et mouvement, il y aura nécessairement un
terme : aucun mouvement n’est infini, et même tout mouvement a un but.
Et puis il est impossible que ce qui ne peut devenir devienne ; mais ce
qui devient, existe nécessairement avant de devenir. De plus, si la substance existe de tout
temps, à plus forte raison faut-il admettre l’existence de l’essence au
moment où la substance devient. En effet, s’il n’y a ni essence, ni
substance, il n’existe absolument rien. Et, comme cela est impossible, il
faut bien que la forme et l’essence soient quelque chose, en dehors de
l’ensemble de la substance et de la forme. Mais si l’on adopte cette
conclusion, une nouvelle difficulté se présente. Dans quels cas admettra-t-on
cette existence séparée, et dans quels cas ne l’admettra-t-on point ?
Car il est évident qu’on ne l’admettra pas dans tous les cas. En effet, nous
ne pouvons pas dire qu’il y a une maison en dehors des maisons particulières. |
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Lectio 9 |
Leçon 9, Commentaire de
saint Thomas [Existe-t-il des universels séparés des singuliers?] (Traduction
Georges Comeau, 2011)
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Leçon 9
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[82009] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 1 Postquam philosophus disputavit quaestionem de
universalibus, utrum sint principia, hic consequenter movet quaestionem de
separatis, utrum scilicet aliquid sit separatum a sensibilibus, quod sit
eorum principium. Et circa hoc pertractat duas quaestiones: quarum prima est,
an universalia sint separata a singularibus. Secunda est, an sit aliquid
formale separatum ab his quae sunt composita ex materia et forma, ibi,
amplius autem si quam maxime et cetera. Circa primum tria facit. Primo
describit dubitationem. Secundo obiicit ad unam partem, ibi, nam si non est
et cetera. Tertio obiicit ad
partem aliam, ibi, at vero et cetera. Est ergo haec dubitatio de eo quod
tactum est in ultima ratione praecedentis quaestionis, utrum scilicet
universale sit separatum a singularibus, sicut praemissa ratio supponebat. Et hoc est quod dicit, de qua ratio nunc existit,
idest de qua immediate praecedens ratio praecessit. De hac autem dubitatione
ita dicit: primo quod est habita, idest consequenter se habens ad
praemissa: quia sicut iam dictum est, ex hoc dependet consideratio
praecedentis quaestionis. Nam si universalia non sunt separata, non sunt
principia: si autem sunt separata, sunt principia. Secundo dicit de ea, quod
est difficillima omnium dubitationum huius scientiae. Quod ostenditur ex hoc
quod eminentissimi philosophi de ea diversimode senserunt. Nam Platonici
posuerunt universalia esse separata, aliis philosophis contra ponentibus.
Tertio dicit de ea quod est maxime necessaria ad considerandum, quia scilicet
ex ea dependet tota cognitio substantiarum tam sensibilium quam
immaterialium. |
Après avoir débattu
la question de savoir si les universels sont des principes, le Philosophe
soulève ensuite la question des êtres séparés, en se demandant s’il existe
quelque chose qui soit séparé des choses sensibles et qui en soit le
principe. Et à ce sujet, il approfondit deux questions. La première est de
savoir si les universels sont séparés des singuliers. La deuxième, qu’il
traite où il dit : Admettons
d’ailleurs qu’il y a, etc., est de savoir s’il existe quelque chose de
formel qui soit séparé des êtres composés de matière et de forme. Il traite
la première question en trois points. En premier, il décrit le doute. En
deuxième, il argumente en faveur d’une réponse, où il dit : S’il n'y a pas quelque chose, etc. En
troisième, il argumente en faveur de l’autre, où il dit : Or, si cela est nécessaire, etc. Ce
doute porte donc sur ce qui a été abordé dans le dernier argument sur la
question précédente, à savoir si l’universel est séparé des singuliers comme
le supposait cet argument. Et c’est ce qu’il dit : une difficulté dont nous allons parler, à savoir un problème qui
découle de l’argument qui précède immédiatement. Or, il dit ceci au sujet de
ce doute : d’abord, qu’il se
rattache, c'est-à-dire qu’il fait suite à ce qui précède, car, comme on
l’a déjà dit, l’étude de la question précédente en dépend. Car si les
universels ne sont pas séparés, ils ne sont pas principes, mais s’ils sont
séparés, ils sont principes. En deuxième, il dit de ce doute que c’est le
plus difficile de tous les doutes concernant cette science. On le voit bien
du fait que les philosophes les plus éminents ont eu des idées diverses à ce
sujet. En effet, les Platoniciens ont affirmé que les universels étaient
séparés, alors que les autres philosophes ont dit le contraire. En troisième,
il dit de ce doute que c’est celui dont l’examen est le plus nécessaire, car
c’est de lui que dépend toute connaissance des substances, tant sensibles
qu’immatérielles. |
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[82010] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 2 Deinde cum dicit nam si non obiicit ad ostendendum,
quod universalia sint separata a singularibus. Singularia enim sunt infinita:
infinita autem cognosci non possunt. Unde singularia omnia cognosci non
possunt nisi inquantum reducuntur ad aliquid unum, quod est universale. Sic
igitur scientia de rebus singularibus non habetur, nisi inquantum sciuntur
universalia. Sed scientia non est nisi verorum et existentium: ergo
universalia sunt aliqua per se existentia praeter singularia. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : S’il n'y a pas quelque
chose, etc., il argumente en faveur de l’idée que les universels sont
séparés des singuliers. Ceux-ci sont en effet en nombre infini, mais on ne
peut pas connaître l’infini. C’est pourquoi on ne peut pas connaître tous les
singuliers, sauf en tant qu’ils se ramènent à quelque chose d’unique, qui est
l’universel. Ainsi donc, il n'y a pas de science des singuliers, sinon en
tant que les universels sont connus. Mais la science ne porte que sur des
choses qui sont vraies et existantes; donc, les universels sont des choses
qui existent par elles-mêmes à part des singuliers. |
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[82011] Sententia Metaphysicae,
lib. 3 l. 9 n. 3 Deinde cum dicit at vero si obiicit in contrarium
hoc modo. Si necesse est universalia esse aliquid praeter singularia, oportet
quod genera sint praeter singularia, vel prima generum, vel etiam ultima,
quae sunt immediate ante singularia. Sed hoc est impossibile, ut ex
praecedenti dubitatione patet; ergo universalia non sunt a singularibus
separata. Hanc autem dubitationem solvit philosophus in septimo huius, ubi
ostendit multipliciter universalia non esse substantias per se subsistentes.
Nec oportet, sicut multoties dictum est, quod aliquid eumdem modum essendi
habeat in rebus, per quem modum ab intellectu scientis comprehenditur. Nam
intellectus immaterialiter cognoscit materialia: et similiter naturas rerum,
quae singulariter in rebus existunt, intellectus cognoscit universaliter,
idest absque consideratione principiorum et accidentium individualium. |
Puis lorsqu’il
dit : Or, si cela est nécessaire,
etc., il argumente en sens contraire, comme suit : s’il est nécessaire que
les universels soient à part des singuliers, il faut que les genres, soient à
part des singuliers, qu’il s’agisse des genres premiers ou même des genres
ultimes, qui précèdent immédiatement les singuliers. Mais cela est
impossible, comme il est évident par suite du doute précédent; les universels
ne sont donc pas séparés des singuliers. Mais le Philosophe tranche ce doute
au livre VII ci-après, où il montre de maintes façons que les universels ne
sont pas des substances qui subsistent par elles-mêmes. Il n’est pas
nécessaire non plus, comme on l’a dit bien des fois, que le mode d’être d’une
réalité soit le même dans les choses et dans la compréhension de
l’intelligence de celui qui connaît. En effet, l’intelligence connaît de
façon immatérielle les choses matérielles; quant aux natures qui existent
dans les choses singulières, l’intelligence les connaît pareillement de façon
universelle, c'est-à-dire sans examiner les principes et les accidents des
individus. |
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[82012] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 4 Deinde cum dicit amplius autem prosequitur de alia
quaestione: utrum scilicet aliquid sit separatum a compositis ex materia et
forma: et circa hoc duo facit. Primo movet quaestionem. Secundo prosequitur
eam, ibi, si igitur et cetera. Circa primum considerandum est, quod primo
movet quaestionem, utrum universale sit separatum a singularibus. Contingit
autem aliquod singulare esse compositum ex materia et forma: non tamen omne
singulare ex materia et forma est compositum, nec secundum rei veritatem:
quia substantiae separatae sunt quaedam particulares substantiae, quia per se
stantes et per se operantes; nec etiam secundum opinionem Platonicorum, qui
ponebant etiam in mathematicis separatis esse quaedam particularia, ponendo
plura ex eis in una specie. Et quamvis dubitari possit, utrum etiam in his
quae non sunt composita ex materia et forma, sit aliquid separatum sicut
universale a singulari, tamen hoc maxime habet dubitationem in rebus
compositis ex materia et forma. Et ideo dicit, quod maxime est dubitabile,
utrum sit aliquid, praeter simul totum etc. idest praeter rem
compositam ex materia et forma. Et quare dicatur simul totum compositum,
exponit subdens, ut quando praedicatur aliquid de materia. Ponebat
enim Plato quod sensibilis materia participabat universalia separata. Et ex
hoc erat quod universalia praedicantur de singularibus. Et ipsae
participationes universalium formarum in materialibus sensibilibus
constituunt simul totum, quasi universalis forma per modum participationis
cuiusdam sit de materia praedicata. In his autem quaestionem trimembrem
proponit: utrum scilicet praeter omnia huiusmodi sit aliquid separatum, aut
praeter quaedam eorum et non praeter alia, aut praeter nihil eorum. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Admettons d’ailleurs qu’il y
a, etc., il discute l’autre question : y a-t-il quelque chose qui
soit séparé des composés de matière et de forme? Il la traite en deux
points : en premier, il soulève la question; en deuxième, il la discute,
où il dit : Dirons-nous donc,
etc. Au sujet du premier point, il faut remarquer qu’il soulève d’abord la
question de savoir si l’universel est séparé des singuliers. Mais il arrive
que certains singuliers soient composés de matière de forme. Les singuliers
ne sont pourtant pas tous composés de matière de forme, soit selon la
réalité, car les substances séparées sont des substances particulières, car
elles existent et agissent par elles-mêmes, soit selon l’opinion des
Platonitiens, qui affirmaient que même parmi les êtres mathématiques séparés,
certains sont particuliers, car il en mettait plusieurs dans une seule
espèce. Et bien qu’on puisse se demander si, même dans les choses qui ne sont
pas composées de matière et de forme, il existe quelque chose de séparé comme
l’universel est séparé du singulier, il reste que cela est douteux surtout
pour les choses composées de matière et de forme. C’est pourquoi il dit que
la question la plus douteuse est de savoir s’il y a quelque chose, « à
part de la réalité totale, etc. », c'est-à-dire à part de la chose composée
de matière et de forme. Et il explique pourquoi il parle de réalité totale
composée, en ajoutant « comme quand quelque chose est attribué à la
matière ». Platon affirmait en effet que la matière sensible participe
des universels séparés, et que c’est pour cette raison que les universels
sont attribués aux singuliers. Et ces participations aux formes universelles
dans les êtres matériels sensibles contsituent, selon lui, la réalité totale,
comme si la forme universelle, en raison d’une participation, était attribuée
à la matière. Or, à ce sujet, il pose une question à trois choix :
existe-t-il quelque chose de séparé à part de toutes les choses du genre, à
part de certaines d’entre elles et non à part des autres, ou à part d’aucune
d’entre elles? |
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[82013] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 5 Deinde cum dicit si igitur prosequitur praedictam
dubitationem: et circa hoc duo facit. Primo obiicit contra hoc, quod poni
posset nihil separatum esse ab his quae sunt composita ex materia et forma. Secundo
obiicit ad oppositum, ibi, sed si hoc et cetera. Circa primum, obiicit
duplici via. Primo quidem ex hoc, quod ea quae sunt composita ex materia et
forma sunt sensibilia: unde proponit quod ea quae sunt composita ex materia
et forma sunt singularia. Singularia autem non sunt intelligibilia, sed
sensibilia. Si igitur nihil est praeter singularia composita ex materia et
forma nihil erit intelligibile, sed omnia entia erunt sensibilia. Scientia
autem non est nisi intelligibilium: ergo sequitur quod nullius rei sit
scientia: nisi aliquis dicat quod sensus et scientia sunt idem, ut antiqui
naturales posuerunt: sicut dicitur in primo de anima. Utrumque autem horum
est inconveniens: scilicet vel quod non sit scientia, vel quod scientia sit
sensus: ergo et primum est inconveniens, scilicet quod nihil sit praeter
singularia composita ex materia et forma. |
Puis lorsqu’il
dit : Dirions-nous donc qu’il n'y
a rien, etc., il discute le doute en question, ce qu’il fait en deux
parties. En premier, il argumente contre la possibilité d’affirmer qu’il
n’existe rien de séparé des êtres composés de matière et de forme. En
deuxième, il argumente en sens contraire, où il dit : Mais si l’on adopte cette conclusion,
etc. Il argumente contre la première solution de deux façons. La première est
que les êtres composés de matière et de forme sont sensible; il fait donc
valoir que les êtres composés de matière et de forme sont singuliers. Or, les
singuliers ne sont pas intelligibles, mais sensibles. Si donc il n’existe
rien à part des singuliers composés de matière et de forme, rien n’est
intelligible, mais tous les êtres sont sensibles. Mais la science ne porte
que sur les intelligibles; il s’ensuit donc qu’on ne peut avoir aucune
science de rien, à moins qu’on ne dise que la sensation et la science sont la
même chose, comme l’ont affirmé les anciens physiciens ainsi que le raconte
le livre I De l’Âme. Mais ces deux
énoncés sont inadmissibles, à savoir qu’il n’existe pas de science ou que la
science est une sensation; donc, l’antécédent est inadmissible, à savoir
qu’il n’existe rien à part des singuliers composés de matière et de forme. |
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[82014] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 6 Deinde cum dicit amplius autem secundo obiicit ex
hoc quod composita ex materia et forma sunt mobilia. Inducit talem rationem.
Omnia sensibilia composita ex materia et forma corrumpuntur et in motu sunt:
si igitur nihil sit praeter huiusmodi entia, sequetur quod nihil sit
sempiternum nec immobile. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Il n'y aurait même rien,
etc., il donne la deuxième objection, tirée du fait que les composés de
matière et de forme sont mobiles. Voici son argument : tous les
sensibles composés de matière et de forme se corrompent et sont en mouvement;
donc, s’il n’existe rien à part de ces êtres, il s’ensuit que rien n’est
éternel ni immobile. |
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[82015] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 7 Deinde cum dicit at vero ostendit esse inconveniens,
scilicet quod nihil sit sempiternum et immobile: et primo ex parte materiae. Secundo
ex parte formae, ibi, amplius autem cum sit et cetera. Dicit ergo primo, quod
si nihil est sempiternum, non est possibile esse generationem alicuius rei.
Et hoc probat sic. Quia in omni generatione necesse est aliquid quod fit, et
aliquid ex quo fit. Si ergo id ex quo fit aliquid, iterum generatur, oportet
quod ex aliquo generetur. Aut ergo necesse est quod in infinitum procedatur
in materiis, aut quod stet processus in aliquo primo, quod sit aliquod primum
materiale principium non generatum: nisi forte dicatur quod generetur ex non
ente, quod est impossibile. Si autem in infinitum procederetur, numquam
posset compleri generatio, quia infinita non est transire: ergo vel oportet
ponere aliquid ingenitum materiale principium, aut impossibile est esse aliquam
generationem. |
Puis lorsqu’il
dit : Or, s’il n'y a rien
d’éternel, etc., il montre qu’il est inadmissible que rien ne soit
éternel et immobile; il le montre en premier du côté de la matière, en second
du côté de la forme, où il dit : D’ailleurs,
là où il y a, etc. Il dit donc en premier que si rien n’est éternel, la
génération de quoi que ce soit est impossible. Il prouve cet énoncé comme
suit. Dans toute génération, il y a nécessairement quelque chose qui vient à
l’être et quelque chose à partir de quoi il vient à l’être. Si donc ce à
partir de quoi une chose vient à l’être est lui-même engendré, il faut qu’il
soit engendré à partir de quelque chose. Il est donc nécessaire, ou bien
qu’on remonte à l’infini dans la matière, ou bien que le processus s’arrête à
une première chose, qui serait un premier principe matériel non engendré, à
moins peut-être qu’on ne dise que cette chose est engendrée à partir du
non-être, ce qui est impossible, Mais si on remonte à l’infini, une
génération ne pourra jamais être achevée, car on ne peut pas parcourir
l’infini; il faut donc affirmer, ou bien qu’il existe un principe matériel
non engendré, ou bien qu’aucune génération n’est possible. |
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[82016] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 8 Deinde cum dicit amplius autem ostendit idem ex
parte causae formalis: et ponit duas rationes: quarum prima talis est. Omnis
generatio et motus necesse est quod habeat aliquem finem. Et hoc probat, quia
nullus motus est infinitus, sed cuiuslibet motus est aliquis finis. Hoc autem
planum est in illis motibus, qui finiuntur in suis terminis. Sed videtur
habere instantiam in motu circulari, qui potest esse perpetuus et infinitus,
ut probatur in octavo physicorum. Et quamvis supposita sempiternitate motus,
tota continuitas circularis motus sit infinita, secundum quod circulatio
succedit circulationi, tamen quaelibet circulatio secundum speciem suam,
completa et finita est. Quod
autem ei succedat alia circulatio, hoc accidit quantum ad circulationis
speciem. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : D’ailleurs, là où il y a
naissance, etc., il montre la même chose du côté de la cause formelle, et
ce, par deux arguments, dont voici le premier. Toute génération et tout
mouvement ont nécessairement une fin. Et il prouve cet énoncé par le fait
qu’aucun mouvement n’est infini, mais que tout monvement a une fin. Cela est
évident dans le cas des mouvements qui s’arrêtent à leurs termes. Mais il
semble y avoir problème quant au mouvement circulaire, qui peut être
perpétuel et infini, comme il est prouvé au livre VIII des Physiques. Et bien que, si on admet
l’éternité du mouvement, toute la série continue de mouvements circulaires
soit infinie, du fait qu’une révolution succède à une autre, chaque
révolution, selon son espèce, est pourtant complète et finie. Le fait qu’une
autre révolution lui succède se produit selon l’espèce de la révolution[50]. |
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[82017] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 9 Et quod dixerat de motu universaliter, specialiter ostendit
de generatione: non enim potest esse aliqua generatio una infinita, quia non
potest aliquid generari quod impossibile est pervenire ad finem generationis,
cuius finis est factum esse. Et quod factum esse sit terminus generationis,
ex hoc patet: quia quod generatum est, necesse est esse quando primo
factum est, id est quando primo terminatur generatio eius. Oportet igitur
quod cum forma secundum quam aliquid est, sit terminus generationis, quod non
sit procedere in infinitum in formis, sed quod sit aliqua forma ultima, cuius
non sit aliqua generatio. Omnis enim generationis finis est forma, ut dictum
est. Et sic videtur quod sicut materiam, ex qua aliquid generatur, oportet
esse ingenitam, ex eo quod non proceditur in infinitum, ita etiam quod formam
aliquam oportet esse ingenitam, ex hoc quod in infinitum non procedatur in
formis. |
Et ce qu’il a dit du
mouvement universellement, il le montre en particulier pour la
génération : en effet, il ne peut pas y avoir une génération unique
infinie, car une chose ne peut pas être engendrée s’il est impossible de
parvenir à la fin de sa génération, dont la fin est l’être achevé. Et il est
évident que le terme de la génération est l’être achevé, pour la raison que
ce qui est engendré existe nécessairement « au premier moment où il a
été fait », c'est-à-dire dès que sa génération est terminée. Il faut
donc, puisque la forme selon laquelle la chose la chose existe est le terme
de la génération, qu’on ne puisse pas remonter à l’infini dans les formes,
mais qu’il existe une forme ultime qui est exempte de génération. En effet,
la fin de la génération est la forme, comme on l’a dit. Et ainsi, il semble
que, comme la matière dont une chose est engendrée doit être inengendrée,
puisqu’on ne peut pas remonter à l’infini, de même aussi il faut qu’il existe
une forme inengendrée, du fait qu’on ne peut pas remonter à l’infini dans les
formes. |
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[82018] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 10 Deinde cum dicit amplius autem secundam rationem ponit
quae talis est. Si materia aliqua est prima quia est ingenita, multo
rationabilius est quod sit substantia, idest forma ingenita, cum per formam
res habeat esse; materia vero magis sit subiectum generationis et
transmutationis. Si vero neutrum eorum sit ingenitum, nihil omnino erit
ingenitum; cum omne quod est, pertineat ad rationem materiae vel formae, vel
sit compositum ex utroque. Hoc autem est impossibile, ut nihil sit ingenitum,
sicut probatum est. Ergo relinquitur quod necesse est aliquid esse praeter
synolon, idest simul totum, idest praeter singulare compositum ex materia
et forma. Et hoc dico aliquid quod sit forma et species. Materia enim per se
non potest esse separata a singularibus, quia non habet esse nisi per aliud.
De forma vero hoc magis videtur, per quam est esse rerum. |
Puis lorsqu’il
dit : De plus, si la substance,
etc., il donne le deuxième argument, que voici. Si une certaine matière est
première parce qu’elle est inengendrée, il est bien plus raisonnable qu’il
existe une substance, ou une forme, inengendrée, puisque c’est par la forme
que la chose possède l’être, alors que c’est davantage la matière qui est
sujette à génération et à transformation. Mais si aucune des deux n’est
inengendrée, rien du tout n’est inengendré, car tout ce qui existe se ramène
à la notion de matière ou de forme ou est un composé des deux. Mais il est
impossible que rien ne soit inengendré, comme on l’a prouvé. Il reste donc
qu’il existe nécessairement quelque chose en dehors du synolon, c'est-à-dire du tout complet ou du singulier composé de
matière et de forme, je veux dire quelque chose qui soit forme et espèce. En
effet, la matière par elle-même ne peut pas être séparée des singuliers, car
elle ne possède l’être que par autre chose; cela semble plutôt être le cas de
la forme, par laquelle les choses ont l’existence. |
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[82019] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 11 Deinde cum dicit sed si hoc obiicit in contrarium.
Si enim aliquis ponat aliquam formam esse separatam praeter singularia
composita ex materia et forma, erit dubitatio in quibus hoc sit ponendum et
in quibus non. Manifestum enim est quod hoc non est ponendum in omnibus,
praecipue in artificialibus. Non enim est possibile quod sit aliqua domus
praeter hanc domum sensibilem compositam ex materia et forma. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Mais si l’on adopte,
etc., il argumente en sens contraire. En effet, si on affirmait qu’il existe
une forme séparée en plus des singuliers composés de matière et de forme, on
doit se demander dans quels cas il faut supposer qu’elle existe ou non. Il
est évident en effet qu’il ne faut pas en affirmer l’existence dans tous les
cas, et surtout dans le cas des choses artificielles. En effet, il n’est pas
possible qu’il existe une maison autre que les maisons sensibles
particulières composées de matière et de forme. |
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[82020] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 9 n. 12 Hanc autem dubitationem solvit Aristoteles partim
quidem in duodecimo huius: ubi ostendit esse quasdam substantias a sensibilibus
separatas, quae sunt secundum seipsas intelligibiles: partim vero in septimo
huius, ubi ostendit formas et species rerum sensibilium non esse a materia
separatas. Non tamen sequitur, quod de rebus sensibilibus non possit haberi
scientia, vel quod scientia sit sensus. Non enim oportet, quod eumdem modum
essendi habeant res in seipsis, quem habent in consideratione scientis. Quae
enim seipsis materialia sunt, ab intellectu immaterialiter cognoscuntur, ut
etiam supra dictum est. Nec etiam oportet, si forma non est separata a
materia, quod generetur: quia formarum non est generatio, sed compositorum,
ut in septimo huius ostendetur. Patet ergo in quibus oportet ponere separatas
formas, et quibus non. |
Mais Aristote résout
ce doute en partie au livre XII ci-après, où il montre qu’il existe des
substances séparées des sensibles, qui sont intelligibles en soi, et en
partie au livre VII ci-après, où il montre que les formes et les espèces des
choses sensibles ne sont pas séparées de la matière. Il ne s’ensuit pourtant
pas qu’il ne peut pas y avoir de science des choses sensibles, ni que la
sensation soit la science. En effet, les choses n’ont pas forcément le même
mode d’être en elles-mêmes et dans l’esprit du savant : en elles-mêmes,
elles sont matérielles, et elles sont connues de façon immatérielle par
l’intelligence, comme on l’a également dit plus haut. Si la forme n’est pas
séparée de la matière, elle n’est pas forcément engendrée non plus, car ce ne
sont pas les formes qui sont engendrées, mais les composés, comme on le
montrera au livre VII. On voit ainsi avec évidence dans quels cas il faut
supposer ou non l’existence de formes séparées : dans toutes les choses
qui sont sensibles par nature, les formes ne sont pas séparées; mais les
choses qui sont intelligibles par nature sont séparées de la matière. En
effet, les substances séparées ne sont pas les natures de ces êtres
sensibles, mais elles sont d’une nature plus élevée, se situant à un autre
échelon parmi les êtres. |
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Leçon 10, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Ce n’est pas tout. La substance de tous
les êtres est-elle une substance unique ? La substance de tous les
hommes est-elle unique, par exemple ? Mais cela serait absurde ;
car, tous les êtres n’étant pas un être unique, mais un grand nombre d’êtres,
et d’êtres différents, il n’est pas raisonnable qu’ils n’aient qu’une seule
substance. Et d’ailleurs comment la substance de tous ces êtres devient-elle
chacun d’eux ; et comment la réunion de ces deux choses, l’essence et la
substance, constitue-t-elle l’individu ? Voici une nouvelle difficulté relative
aux principes. S’ils n’ont que l’unité générique, rien ne sera un
numériquement, ni l’unité elle-même, ni l’être lui-même. Et alors, comment la
science pourra-t-elle exister, puisqu’il n’y aura pas d’unité qui embrasse
tous les êtres ? Admettrons-nous donc leur unité numérique ? Mais
si chaque principe n’existe que comme unité, et que les principes n’aient
aucun rapport entre eux ; s’ils ne sont pas comme les choses
sensibles : en effet, lorsque telle et telle syllabe sont de même
espèce, leurs principes sont de même espèce, ces principes n’étant pas
réduits à l’unité numérique ; s’il n’en est pas ainsi, si les principes
des êtres sont réduits à l’unité numérique, il n’existera rien autre chose
que les éléments. Un, numériquement, ou individuel, c’est la même chose,
puisque nous appelons individuel ce qui est un par le nombre :
l’universel, au contraire, c’est ce qui est dans tous les individus. Si donc
les éléments du mot avaient pour caractère l’unité numérique, il y aurait
nécessairement un nombre de lettres égal en somme à celui des éléments du
mot, n’y ayant aucune identité ni entre deux, ni entre un plus grand nombre
de ces éléments. |
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Lectio 10 |
Leçon 10, Commentaire de
saint Thomas [Toutes choses ont-elles une seule substance?] (Traduction
Georges Comeau, 2011)
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Leçon 10
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[82021] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 10 n. 1 Postquam philosophus inquisivit quae sunt principia,
et utrum sint aliqua a materia separata, hic inquirit qualia sint principia.
Et primo inquirit de unitate et multitudine ipsorum. Secundo inquirit, utrum
sint in potentia vel in actu, ibi, his autem affine est quaerere et cetera.
Tertio utrum principia sint universalia vel singularia, ibi, et utrum
universalia sint et cetera. Circa primum duo facit. Primo inquirit qualiter
principia se habeant ad unitatem. Secundo qualiter ipsum unum se habeat ad
rationem principii, ibi, omnium autem et cetera. Circa primum tria facit.
Primo inquirit specialiter de principio formali, utrum sit unum omnium
existentium in una specie. Secundo inquirit idem de omnibus generaliter
principiis, ibi, amplius autem et cetera. Tertio inquirit, utrum eadem sint
principia aut diversa corruptibilium et incorruptibilium, ibi, non minor
autem et cetera. Circa primum duo facit. Primo movet dubitationem. Secundo
obiicit ad quaestionem, ibi, sed impossibile est. Est ergo dubitatio, utrum sit
una substantia, idest forma omnium existentium in una specie, puta hominum. |
Après avoir
recherché quels sont les principes et s’être demandé si certains sont séparés
de la matière, il cherche maintenant quels sont ces principes. Et en premier,
il s’interroge sur leur unicité ou leur multiplicité. En deuxième, il se
demande s’ils sont en puissance ou en acte, où il dit : Une recherche difficile se lie, etc.
(leçon XV) En troisième, il se demande si les principes sont universels ou
singuliers, où il dit : Il faut se
demander encore, etc. Il traite la première partie en deux points. Il
recherche, en premier, comment les principes se rapportent à l’unité; en
deuxième, comment l’un se rapporte à la notion de principe, où il dit : Une question difficile entre toutes,
etc. (leçon XII) Il traite le premier point en trois parties. En premier, il
discute spécialement, au sujet du principe formel, s’il est un pour toutes
les choses existantes d’une même espèce. En deuxième, il se pose la même
question sur tous les principes en général, où il dit : Voici une nouvelle difficulté, etc. En
troisième, il se demande si les êtres corruptibles et les êtres
incorruptibles ont les mêmes principes ou des principes différents, où il
dit : Une difficulté qui ne le
cède, etc. (leçon XI). Il divise la première partie en deux. En premier,
il soulève un doute. En deuxième, il argumente à son sujet, où il dit : Mais cela serait absurde, etc. Donc,
le doute consiste à savoir s’il existe une seule substance ou forme de tous
les êtres qui appartiennent à une même espèce, l’homme par exemple. |
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[82022] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 10 n. 2 Deinde cum dicit sed impossibile obiicit ad unam
partem quaestionis: scilicet ad ostendendum quod non sit una forma omnium existentium
in una specie: et hoc duabus rationibus, quarum prima talis est. Ea quae sunt
in una specie, sunt multa et differentia: si igitur omnium in una specie
existentium sit una substantia, sequetur quod ea quorum substantia est una,
sint multa et differentia: quod est irrationabile. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Mais cela serait absurde,
etc., il traite d’une réponse à la question : il vise à montrer qu’il
n’y a pas une forme unique de tous les êtres qui appartiennent à une seule
espèce, et ce, pour deux raisons, dont voici la première. Les choses qui sont
de même espèce sont nombreuses et différentes; si donc les choses qui sont de
même espèce avaient une seule substance, il s’ensuivrait que des choses dont
la substance est une sont nombreuses et différentes, ce qui est
déraisonnable. |
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[82023] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 10 n. 3 Deinde cum dicit simul autem hic ponit secundam
rationem, quae talis est. Illud, quod est in se unum et indivisum, non componitur
cum aliquo diviso ad constitutionem multorum. Sed manifestum est quod materia
dividitur in diversis singularibus. Si igitur substantia formalis esset una
et eadem, non esset assignare quomodo singulum horum singularium sit materia
habens talem substantiam, quae est una et indivisa, ita quod singulariter sit
simul totum habens haec duo, scilicet materia et formam substantialem, quae
est una et indivisa. |
Puis lorsqu’il
dit : Et d’ailleurs comment,
etc., il donne la deuxième raison, que voici. Ce qui est un et indivisé par
soi ne se compose pas avec quelque chose de divisé pour constituer beaucoup
de choses. Mais il est manifeste que la matière se divise en divers
singuliers. Si donc il y avait une seule et unique substance formelle, on ne
pourrait pas expliquer comment chacun de ces singuliers serait une matière
ayant cette substance, une et indivise, de telle sorte qu’en tant que
singulier, elle soit en même temps un tout ayant ces deux choses, la matière
et une forme substantielle qui est une et indivise. |
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[82024] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 10 n. 4 In contrarium autem non obiicit, quia rationes, quae
ad sequentem quaestionem proponuntur ad oppositum praedictarum rationum, sunt
etiam illae quae sunt propositae supra de separatione universalium. Nam si
sit universale separatum, necesse est ponere unam numero substantiam eorum
quae conveniunt in specie, quia universale est substantia singularium. Huius
autem quaestionis veritas determinatur in septimo huius, ubi ostendetur, quod
quid est, idest essentiam cuiuslibet rei non esse aliud quam rem ipsam, nisi
per accidens, ut ibi dicetur. |
Mais il n’argumente
pas en sens contraire, parce que les arguments qui sont apportés au sujet de
la question suivante à l’encontre des arguments qui précèdent sont les mêmes
qui ont été apportés plus haut au sujet du caractère séparé des universels.
En effet, s’il existe un universel séparé, il est nécessaire d’affirmer que
c’est la substance numériquement une des êtres réunis sous cette espèce, car
l’universel est la substance des singuliers. La vérité sur cette question
sera établie au livre VII, où il sera montré que le ce-que-c’est,
c'est-à-dire l’essence de toute chose, n’est rien d’autre que la chose
elle-même, sinon par accident, comme on le dira à cet endroit. |
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[82025] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 10 n. 5 Deinde cum dicit amplius autem movet dubitationem de
unitate principiorum in communi. Utrum scilicet principia rerum sint eadem numero,
vel eadem specie et numero diversa: et circa hoc duo facit. Primo ponit rationes ad ostendendum, quod sint eadem
numero. Secundo ad oppositum, ibi, at vero et cetera. Circa primum, ponit tres rationes et praemittit
dubitationem, dicens, quod idem potest quaeri universaliter de principiis
rerum, quod quaesitum est de substantia, utrum scilicet principia rerum sint
eadem numero. |
Puis lorsqu’il
dit : Voici une nouvelle
difficulté, etc., il soulève un doute sur l’unité des principes en
général : les principes des choses sont-ils numériquement les mêmes, ou
sont-ils de même espèce et numériquement différents? Il traite ce doute en
deux parties. En premier, il donne des arguments pour montrer qu’ils sont
numériquement les mêmes; en deuxième, des arguments en sens contraire, où il
dit : Admettrons-nous donc,
etc. Pour la première option, il donne trois arguments et énonce d’abord le
doute, en disant qu’on peut faire sur les principes des choses la même
recherche universelle qu’on a faite sur la substance, à savoir si les
principes des choses ont une unité numérique. |
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[82026] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 10 n. 6 Et inducit primam rationem, ad ostendendum, quod
sint eadem numero. Non enim invenitur in principiatis nisi quod ex principiis
habent: si igitur in principiis non inveniatur unum numero, sed solum unum
specie, nihil erit in principiatis unum numero, sed solum unum specie. |
Et il apporte le
premier argument afin de montrer qu’ils ont une unité numérique. En effet, on
ne trouve dans les choses qui découlent des principes que ce qu’elles
reçoivent des principes; si donc on ne trouve pas dans les principes l’unité
numérique, mais seulement l’unité de l’espèce, on ne trouvera aucune unité
numérique dans ce qui découle des principes, mais seulement une unité
d’espèce. |
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[82027] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 10 n. 7 Secunda ratio talis est: quia illud quod est ipsum
unum vel ipsum ens, oportet quod sit unum numero. Dicit autem ipsum unum vel ipsum
ens, unitatem aut ens abstractum. Si igitur principium rerum non sit unum
numero, sed solum unum specie, sequetur, quod nihil sit ipsum unum et etiam
ipsum ens, idest quod ens et unum non per se subsistant. |
La deuxième raison
est la suivante : l’unité elle-même ou l’être lui-même doit être
numériquement un. Il appelle l’unité
elle-même ou l’être lui-même l’unité
ou l’être abstraits. Si donc le principe des choses n’était pas numériquement
un, mais seulement un en espèce, il s’ensuivrait que rien n’est l’unité
elle-même ou encore l’être lui-même; autrement dit, l’être et l’un n’existent
pas en eux-mêmes. |
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[82028] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 10 n. 8 Tertia ratio est, quia scientia habetur de rebus per
hoc, quod unum invenitur in multis, sicut homo communis invenitur in omnibus
hominibus; non enim est scientia de singularibus, sed de uno quod invenitur
in eis. Omnis autem scientia vel cognitio principiatorum dependet ex
cognitione principiorum. Si igitur principia non sunt unum numero, sed solum
unum specie, sequitur, quod scientia non sit de rebus. |
La troisième raison
est que l’on tire la science des choses du fait que l’un se trouve dans le
multiple, comme l’homme en général se trouve dans tous les hommes; en effet,
la science ne porte pas sur les singuliers, mais sur l’unité qu’on y trouve.
Mais toute science ou connaissance de ce qui découle des principes dépend de
la connaissance des principes. Si donc les principes ne sont pas un
numériquement mais seulement par leur espèce, il s’ensuit qu’il n'y a pas de
science des choses. |
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[82029] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 10 n. 9 Deinde cum dicit at vero si obiicit in contrarium
tali ratione. Si principia sunt unum numero, ita quod quodlibet principiorum in
se consideratum sit unum, non erit dicere de principiis existentium, quod hoc
modo se habent sicut principia sensibilium. Videmus enim in sensibilibus,
quod diversorum sunt diversa principia secundum numerum, sed eadem secundum
speciem; sicut et eorum quorum sunt principia, sunt diversa secundum numerum,
sed eadem secundum speciem. Sicut videmus quod diversarum syllabarum secundum
numerum, quae conveniunt in specie, sunt principia eaedem literae secundum
speciem, sed non secundum numerum. Si quis autem dicat quod non est ita in
principiis entium, sed omnium entium principia sunt unum numero; sequetur
quod nihil sit in rebus praeter elementa; quia quod est unum numero, est
singulare. Sic enim appellamus singulare quod est unum numero, sicut
universale quod est in multis. Quod autem est singulare, non multiplicatur
nec invenitur nisi singulariter. Si igitur ponatur quod omnium syllabarum
essent principia eaedem literae numero, sequeretur quod illae literae nunquam
possent multiplicari, ut scilicet essent duo aut plura: et sic non posset
seorsum inveniri in syllaba ista ba, vel da. Et eadem ratio est de aliis
literis. Pari igitur ratione si omnium entium sint principia eadem numero,
sequetur quod nihil sit praeter principia: quod videtur inconveniens: quia cum
principium alicuius sit, non erit principium nisi sit aliquid praeter ipsum. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Admettrons-nous donc,
etc., il argumente en sens contraire en apportant la raison suivante. Si les
principes ont une unité numérique, de sorte que tout principe considéré en
lui-même soit un, on ne pourra pas dire des principes des choses existantes
qu’ils agissent comme principes des sensibles. Nous voyons en effet, dans les
sensibles, que des sensibles divers ont des principes numériquement
différents, mais de même espèce, tout comme les choses dont elles sont les
principes sont numériquement différentes mais de même espèce. Nous voyons par
exemple que des syllabes qui sont numériquement différentes mais de même
espèce ont pour principes des lettres qui sont de même espèce, mais
numériquement différentes. Mais si on disait qu’il n’en va pas de même pour
les principes des êtres mais que les principes de tous les êtres sont
numériquement un, il s’ensuivrait qu’il n’y a rien d’autre que les éléments
dans les choses, car ce qui est numériquement un est un singulier. Ainsi, en
effet, nous appelons singulier ce qui est numériquement un comme nous
appelons universel ce qui est dans une multitude. Or, le singulier ne se
multiplie pas et se trouve seulement comme singulier. Si donc on affirmait
que toutes les syllabes ont pour principes des lettres numériquement
identiques, il s’ensuivrait que ces lettres ne pourraient jamais se
multiplier pour devenir deux ou plusieurs; et ainsi, on ne pourrait pas les
trouver séparément dans les syllabes « ba » et « da »[51], et pareillement pour les autres lettres. Pour la
même raison, si tous les êtres avaient des principes qui sont un
numériquement, il s’ensuivrait qu’il n’existe rien en dehors des principes,
ce qui est manifestement absurde, car quand il existe un principe, celui-ci
n’est pas un principe à moins qu’il n’existe quelque chose à part de lui. |
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[82030] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 10 n. 10 Haec autem quaestio solvetur in duodecimo. Ibi enim ostendetur
quod principia quae sunt intrinseca rebus, scilicet materia et forma, vel
privatio, non sunt eadem numero omnium, sed analogia sive proportione.
Principia autem separata, scilicet substantiae intellectuales, quarum suprema
est Deus, sunt unum numero unaquaeque secundum seipsam. Id autem quod est
ipsum unum et ens, Deus est; et ab ipso derivatur unitas secundum numerum in
rebus omnibus. Scientia autem est de his,
non quia sint unum numero in omnibus, sed quia est unum in multis secundum
rationem. Ratio autem quae est ad oppositum verificatur in principiis
essentialibus, non autem in principiis separatis, cuiusmodi sunt agens et
finis. Multa enim possunt
produci ab uno agente vel movente et ordinari in unum finem. |
Or, cette question
est résolue au livre XII. On y montre en effet que les principes intrinsèques
des choses, à savoir la matière et la forme ou la privation, ne sont pas les
mêmes en toutes choses numériquement, mais par analogie ou par proportion.
Mais les principes séparés, c'est-à-dire les substances intellectuelles, dont
la plus haute est Dieu, ont une unité numérique, chacune en elle-même. Or, ce
qui est l’un et l’être même, c’est Dieu, et de lui dérive l’unité numérique
en toutes choses. Mais la science porte sur ces êtres, non parce qu’ils ont
l’unité numérique en toutes choses, mais parce qu’ils sont un en plusieurs en
raison. Et l’argument en sens contraire se trouve à être vrai dans les
principes d’essence, mais non dans les principes séparés, tels que sont
l’agent et la fin. En effet, beaucoup de choses peuvent être produites par un
seul agent et un seul moteur et être ordonnées à une seule fin. |
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Leçon 11, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Une difficulté qui ne le cède à aucune autre
et qu’ont également laissée à l’écart et les philosophes d’aujourd’hui et
leurs devanciers, c’est de savoir si les principes des choses périssables et
ceux des choses impérissables sont les mêmes principes, ou s’ils sont
différents. Si les principes sont, en effet, les mêmes, comment se fait-il
que parmi les êtres les uns soient périssables et les autres impérissables,
et pour quelle raison en est-il ainsi ? Hésiode et tous les Théologiens
n’ont cherché que ce qui pouvait les convaincre eux-mêmes, et n’ont pas songé
à nous. Des principes ils font des dieux, et les dieux ont produit toutes
choses ; puis ils ajoutent que les êtres qui n’ont pas goûté le nectar
et l’ambroisie sont destinés à périr. Ces explications avaient sans doute un
sens pour eux ; quant à nous, nous ne comprenons même pas comment ils
ont pu trouver là des causes. Car, si c’est en vue du plaisir que les êtres
touchent à l’ambroisie et au nectar, le nectar et l’ambroisie ne sont
nullement causes de l’existence ; si au contraire c’est en vue de
l’existence, comment ces êtres seraient-ils éternels, puisqu’ils auraient
besoin de nourriture ? Mais nous n’avons pas besoin de soumettre à un
examen approfondi, des inventions fabuleuses. Adressons-nous donc à ceux qui
raisonnent et se servent de démonstrations, et demandons-leur comment il se
fait que, sortis des mêmes principes, quelques-uns des êtres ont une nature
éternelle, tandis que les autres sont sujets à destruction. Or, comme ils ne
nous apprennent pas quelle est la cause en question, et qu’il y a
contradiction dans cet état de choses, il est clair que ni les principes ni
les causes des êtres ne peuvent être les mêmes causes et les mêmes principes.
Aussi, un philosophe qu’on croirait parfaitement d’accord avec lui-même dans
sa doctrine, Empédocle, est-il tombé dans la même contradiction que les
autres. Il pose, en effet, un principe, la Discorde, comme cause de la
destruction. Et cependant on n’en voit pas moins ce principe engendrer tous
les êtres, hormis l’unité ; car tous les êtres, excepté Dieu, sont
produits par la Discorde. Écoutons Empédocle : Telles furent les causes de ce qui fut, de ce qui est, de ce qui sera
dans l’avenir; Qui firent naître les arbres, et les hommes, et les femmes. Et les bêtes sauvages, et les oiseaux, et les poissons qui vivent dans
les ondes, Et les dieux à la longue existence. Et même c’est-là une opinion qui résulte
de bien d’autres passages. S’il n’y avait pas dans les choses une Discorde,
tout, suivant Empédocle, serait réduit à l’unité. En effet, quand, les choses
sont réunies, alors s’élève enfin la Discorde. Il suit de là que la
Divinité, l’être heureux par excellence, connaît moins que les autres
êtres ; car elle ne connaît pas tous les éléments. Elle n’a pas en elle
la Discorde ; et c’est le semblable qui connaît le semblable : Par la terre, dit Empédocle, nous voyons la terre, l’eau par l’eau ; Par l’air, l’air divin, et par le feu, le feu dévorant ; L’Amitié par l’Amitié, la Discorde par la Discorde fatale. Il est donc manifeste, pour revenir au point
d’où nous sommes partis, que la Discorde, chez ce philosophe, est tout autant
cause d’être que cause de destruction. De même l’Amitié est tout autant cause
de destruction que d’être. En effet, quand elle réunit les êtres, et les
amène à l’unité, elle détruit tout ce qui n’est pas l’unité. Ajoutez
qu’Empédocle n’assigne au changement lui-même aucune cause ; il dit
seulement qu’il en fut ainsi Alors que la puissante Discorde eut grandi, Et qu’elle se fut élancée pour s’emparer de ses honneurs, au jour marqué
par le temps ; Le temps, qui se partage alternativement entre la Discorde et
l’Amitié ; le temps qui a précédé même le majestueux serment ; Comme si le changement était
nécessaire : mais il n’assigne pas de cause à cette nécessité. Toutefois Empédocle a été d’accord avec
lui-même en ce point, qu’il admet, non pas que parmi les êtres les uns sont
périssables, les autres impérissables, mais que tout est périssable, excepté
les éléments. La difficulté que nous nous étions
proposée était celle-ci : Pourquoi, si tous les êtres viennent des mêmes
principes, les uns sont-ils périssables, les autres impérissables ? Or,
ce que nous avons dit précédemment suffit pour montrer que les principes de
tous les êtres ne sauraient être les mêmes. Mais si les principes sont différents,
une difficulté se présente : seront-ils impérissables eux aussi, ou
périssables ? Car, s’ils sont périssables, il est évident qu’ils
viennent nécessairement eux-mêmes de quelque chose, puisque tout ce qui se
détruit retourne à ses éléments. Il s’ensuit donc qu’il y aurait d’autres
principes antérieurs aux principes mêmes. Or cela est impossible, soit que la
chaîne des causes ait une limite, soit qu’elle se prolonge à l’infini.
D’ailleurs, si l’on anéantit les principes, comment y aura-t-il des êtres
périssables ? Et si les principes sont impérissables, pourquoi, parmi
ces principes impérissables, les uns produisent-ils des êtres périssables, et
les autres, des êtres impérissables ? Cela n’est pas conséquent ;
c’est une chose impossible, ou qui du moins demanderait de longues
explications. Enfin, aucun philosophe n’a admis que les êtres eussent des
principes différents ; tous ils disent que les principes de toutes
choses sont les mêmes. Mais c’est qu’ils passent par-dessus la difficulté que
nous nous sommes proposée, et qu’ils la regardent comme un point peu
important. |
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Lectio 11 |
Leçon 11, Commentaire de
saint Thomas [Les êtres corruptibles et les êtres incorruptibles ont-ils les
mêmes principes?] (Traduction Georges Comeau, 2011)
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Leçon 11
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[82031] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 1 Postquam philosophus inquisivit universaliter, utrum
principia sint eadem numero omnia quae sunt unius speciei, vel eadem specie, hic
inquirit utrum eadem numero sint principia corruptibilium et
incorruptibilium: et circa hoc tria facit. Primo proponit quaestionem.
Secundo inducit rationem ad ostendendum quod non sunt eadem principia
corruptibilium et incorruptibilium, ibi, nam si eadem et cetera. Tertio
inducit rationes ad ostendendum quod non sunt diversa, ibi, si vero diversa
et cetera. Dicit ergo primo, quod quaedam dubitatio est, quae non minus
relinquitur modernis philosophis Platonem sequentibus, quam fuit apud
antiquos philosophos, qui etiam dubitaverunt, utrum corruptibilium et
incorruptibilium sint eadem principia vel diversa. |
Après s’être demandé
de façon universelle si tous les principes qui sont d’une seule espèce ou de
la même espèce sont numériquement un, le Philosophe se demande maintenant
s’il y a unité numérique des principes des êtres corruptibles et de ceux des
êtres incorruptibles. Il traite cette question en trois parties. En premier,
il pose la question. En deuxième, il apporte un argument visant à montrer que
les principes des êtres corruptibles et ceux des êtres incorruptibles ne sont
pas les mêmes, où il dit : Si les
principes sont, etc. En troisième, il présente des arguments visant à
montrer qu’ils ne sont pas différents, où il dit : Mais si les principes sont différents, etc. Il dit donc en
premier qu’il existe un doute, qui n’est pas moins négligé par les
philosophes modernes disciples de Platon que par les anciens philosophes, qui
se sont demandé, eux aussi, si les êtres corruptibles et les êtres incorruptibles
ont les mêmes principes ou des principes différents. |
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[82032] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 2 Deinde cum dicit nam si eadem obiicit ad ostendendum
quod non sunt eadem principia corruptibilium et incorruptibilium: et circa
hoc tria facit. Primo ponit rationem. Secundo improbat solutionem positae
rationis, quam poetae theologi adhibebant, ibi, qui quidem et cetera. Tertio
excludit solutionem quam adhibebant quidam philosophi naturales, ibi, a
dicentibus et cetera. Dicit ergo, quod si ponantur corruptibilium et
incorruptibilium esse eadem principia, cum ex eisdem principiis idem sequatur
effectus, videtur quod omnia vel sint corruptibilia, vel omnia sint
incorruptibilia. Relinquitur ergo quaestio quomodo quaedam sunt corruptibilia
et quaedam incorruptibilia, et propter quam causam. |
Puis lorsqu’il
dit : Si les principes sont,
etc., il argumente pour montrer que les principes des êtres corruptibles et
ceux des êtres incorruptibles ne sont pas les mêmes, sujet qu’il traite en
trois points. En premier, il énonce l’argument. En deuxième, il réfute la
solution donnée par les poètes théologiens à l’argument proposé, où il
dit : Hésiode et tous les
Théologiens, etc. En troisième, il écarte une solution offerte par
certains philosophes de la nature, où il dit : Adressons-nous donc à ceux, etc. Il dit donc que si on affirme
que les êtres corruptibles et les êtres incorruptibles ont les mêmes
principes, puisque les mêmes principes ont les mêmes effets, il semble que
tous les êtres devraient être corruptibles ou que tous les êtres devraient
être incorruptibles. Il reste donc la question de savoir comment certains
sont corruptibles et d’autres incorruptibles, et par quelle cause. |
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[82033] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 3 Deinde cum dicit qui quidem excludit solutionem
poetarum theologorum. Et primo ponit eorum solutionem. Secundo obiicit contra
praedictam positionem, ibi, palam quod haec omnia sibi nota dicentes et
cetera. Tertio se excusat a diligentiori improbatione huius positionis, ibi,
sed de fabulose et cetera. Circa primum considerandum est, quod apud Graecos,
aut naturales philosophos, fuerunt quidam sapientiae studentes, qui deis se
intromiserunt occultantes veritatem divinorum sub quodam tegmine fabularum,
sicut Orpheus, Hesiodus et quidam alii: sicut etiam Plato occultavit
veritatem philosophiae sub mathematicis, ut dicit Simplicius in commento
praedicamentorum. Dicit ergo, quod sectatores Hesiodi, et omnes, qui
dicebantur theologi, curaverunt persuadere solis sibi, et nos alios
spreverunt; quia scilicet veritatem, quam intellexerunt, taliter tradiderunt,
quod eis solum possit esse nota. Si enim per fabulas veritas obumbretur, non
potest sciri quid verum sub fabula lateat, nisi ab eo qui fabulam confixerit.
Ii igitur Hesiodistae prima rerum principia deos nominaverunt; et dixerunt,
quod illi de numero deorum, qui non gustaverunt de quodam dulci cibo, qui
vocatur nectar vel manna, facti sunt mortales; illi vero qui gustaverunt,
facti sunt immortales. |
Puis lorsqu’il dit :
Hésiode et tous les Théologiens,
etc., il réfute la solution des poètes théologiens. Et en premier, il expose
leur solution. En deuxième, il argumente contre cette position, où il
dit : Ces explications avaient, etc.
En troisième, il se dispense d’une réfutation plus soigneuse de cette
position, où il dit : Mais nous
n’avons pas besoin, etc. Pour le premier point, il faut remarquer que
parmi les Grecs ou les philosophes de la nature, des gens qui aspiraient à la
sagesse ont eu recours aux dieux pour cacher la vérité en matière divine sous
le voile des fables, notamment Orphée, Hésiode et d’autres; ainsi, Platon
également a caché la vérité de la philosophie sous le couvert des
mathématiques, comme le dit Simplicius dans son commentaire des Catégories. Aristote dit donc que les
partisans d’Hésiode, et tous ceux qui étaient appelés théologiens, ne se sont
occupés que de se convaincre eux-mêmes et nous ont négligés, car ils ont
transmis la vérité qu’ils ont comprise de telle façon qu’elle ne puisse être
connue que par eux. En effet, si la vérité est obscurcie par des fables, on
ne peut savoir quelle vérité est cachée par une fable que de celui qui l’a
imaginée. Donc, les disciples d’Hésiode ont appelé dieux les premiers
principes des choses et ont dit que ceux d’entre eux qui n’ont pas goûté
d’une nourriture douce appelée nectar ou manne sont devenus mortels, et que
ceux qui y ont goûté sont devenus immortels. |
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[82034] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 4 Potuit autem sub hac fabula aliquid veritatis
occulte latere, ut scilicet per nectar et manna intelligatur ipsa suprema
bonitas primi principii. |
Il est possible que quelque
vérité se soit dissimulée sous cette fable, de sorte que le nectar et la
manne aient voulu indiquer la bonté suprême du premier principe. En effet,
toute douceur d’affection et d’amour se rapporte à la bonté. Mais tout bien
dérive du premier bien. Donc, leur compréhension a peut-être été que par la
participation prochaine à la bonté suprême, certains sont devenus
incorruptibles comme ceux qui participent parfaitement à l’être divin. Mais
d’autres, à cause de leur éloignement considérable du premier principe,
lequel est représenté par le fait de ne pas goûter à la manne et au nectar,
ne peuvent pas se perpétuer par identité numérique, mais seulement par
identité d’espèce, comme le dit le Philosophe au livre II de la Génération. Mais si c’est cela ou autre
chose qu’ils voulaient enseigner de façon occulte, on ne peut pas mieux le
savoir d’après ce qui est dit ici. |
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[82035] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 5 Deinde cum dicit palam quod obiicit contra praedictam
positionem: et dicit, quod praedicti Hesiodistae quid significare voluerint
per ista nomina nectar et manna, fuit eis notum, sed non nobis. Et ideo
quomodo afferantur istae causae ad istam quaestionem solvendam, et ad
incorruptionem praestandam rebus, dixerunt supra nostrum intellectum. Si enim
intelligantur ista verba secundum quod sonant, nullius efficaciae esse
videntur. Dii enim, qui gustaverunt nectar et manna, aut gustaverunt propter
delectationem, aut propter necessitatem essendi. His enim de causis aliqui
sumunt cibum. Siquidem sumpserunt ista propter delectationem, non possunt
nectar et manna esse eis causa existendi, ita quod per hoc incorruptibiles
reddantur: quia delectatio est quoddam consequens ad esse. Si autem propter
necessitatem essendi praedicta sumpserunt, non erunt semper iterum cibo
indigentes. Videtur ergo quod corruptibiles existentes prius tamquam cibo
indigentes, per cibum facti sunt incorruptibiles. Quod iterum videtur
inconveniens; quia cibus non nutrit in sua specie, nisi corruptus transeat in
speciem nutriti. Quod autem est corruptibile, non potest alii incorruptionem
praestare. |
Puis lorsqu’il
dit : Ces explications avaient, etc.,
il argumente contre cette théorie, en disant que ce que ces partisans
d’Hésiode voulaient signifier par le nectar et la manne leur était connu,
mais que nous l’ignorons. Alors, ils ont expliqué comment ces causes servent
à résoudre cette question et à préserver les êtres de la corruption d’une
manière qui échappe à notre intelligence. En effet, s’ils comprennent ces
propos à la lettre, ces causes ne semblent avoir aucune efficacité. En effet,
les dieux qui ont goûté au nectar et à la manne l’ont fait soit pour le
plaisir, soit pour la nécessité de leur existence; en effet, c’est pour ces
causes qu’on prend de la nourriture. Si donc ils ont pris ces aliments pour
le plaisir, le nectar et la manne ne pouvait pas être la cause de leur
existence de telle sorte qu’ils deviennent incorruptibles, car le plaisir est
consécutif à l’être. Mais s’ils ont pris ces aliments parce qu’ils étaient
nécessaires à leur existence, ils n’auront pas toujours besoin de reprendre
de la nourriture. Il semble donc que, étant corruptibles auparavant parce
qu’ils avaient besoin de nourriture, ils sont devenus incorruptibles grâce à
cette nourriture. Cela aussi est évidemment absurde, car la nourriture ne
nourrit pas selon son espèce, à moins d’être transformée par corruption dans
l’espèce de l’être qu’elle nourrit. Mais un être corruptible ne peut pas en
préserver un autre de la corruption. |
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[82036] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 6 Deinde cum dicit sed de fabulose excusat se a
diligentiori huius opinionis investigatione: et dicit quod de illis, qui
philosophari voluerunt fabulose, veritatem scilicet sapientiae sub
fabulis occultantes non est dignum cum studio intendere. Quia si quis contra
dicta eorum disputaret secundum quod exterius sonant, ridiculosa sunt. Si
vero aliquis velit de his inquirere secundum veritatem fabulis occultatam,
immanifesta est. Ex quo accipitur quod Aristoteles disputans contra Platonem
et alios huiusmodi, qui tradiderunt suam doctrinam occultantes sub quibusdam
aliis rebus, non disputat secundum veritatem occultam, sed secundum ea quae
exterius proponuntur. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Mais nous n’avons pas
besoin, etc., il se dispense de discuter cette opinion plus à fond :
il dit qu’il ne vaut pas la peine de discuter avec soin les opinions de ceux
qui ont voulu philosopher de façon fabuleuse,
en cachant la vérité de la sagesse sous le voile de fables. En effet, si on
veut argumenter contre leurs propos selon l’apparence de ce qu’ils disent,
ces propos sont ridicules. Mais si on voulait les étudier sous l’aspect de la
vérité cachée sous les fables, cette vérité n’est pas connue. On peut donc
comprendre qu’Aristote, quand il argumente contre Platon et d’autres
philosophes de ce genre, qui ont transmis leur doctrine en la dissimulant
sous d’autres réalités, n’argumente pas sous l’aspect de la vérité cachée, mais
sous l’aspect de ce qu’ils affirment de façon visible. |
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[82037] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 7 Deinde cum dicit a dicentibus disputat contra
responsionem quorumdam philosophorum naturalium. Et circa hoc tria facit.
Primo recitat rationem. Secundo ponit responsionem, ibi, etenim quam
existimabit et cetera. Tertio improbat ipsam, ibi, videbitur autem et cetera.
Dicit ergo primo, quod praetermissis illis, qui sub fabulis veritatem
tradiderunt, oportet a tradentibus veritatem per modum demonstrationis
inquirere de quaestione praedicta: scilicet, si ex eisdem principiis sunt
omnia existentia, quare quaedam existentium naturaliter sunt sempiterna,
quaedam vero corrumpantur. Et quia nec ipsi causam dicunt quare hoc sit, nec
rationabile est sic se habere, ut ex eisdem principiis existentium quaedam
sint corruptibilia, quaedam sempiterna: videtur manifeste sequi quod non sunt
eadem principia nec causae corruptibilium et sempiternorum. |
Puis lorsqu’il
dit : Adressons-nous donc,
etc., il argumente contre la réponse de certains philosophes de la nature. Et
il le fait en trois parties. En premier, il expose son argument. En deuxième,
il donne une réponse, où il dit : Aussi,
un philosophe, etc. En troisième, il la réfute, où il dit : Et cependant on n’en voit pas moins,
etc. Il dit donc en premier que, laissant de côté ceux qui ont enseigné la
vérité sous le voile des fables, il faut approfondir la question précédente à
partir de ceux qui ont enseigné la vérité par la voie démonstrative; et on se
demande donc, si toutes choses existent à partir des mêmes principes,
pourquoi certains êtres sont naturellement éternels alors que d’autres se
corrompent. Et puisqu’ils ne disent pas par quelle cause il en est ainsi, et
qu’il n’est pas raisonnable qu’à partir des mêmes principes d’existence,
certains êtres soient corruptibles et d’autres éternels, il semble s’ensuivre
avec évidence que les principes et les causes des êtres corruptibles et des
êtres éternels ne sont pas les mêmes. |
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[82038] Sententia Metaphysicae,
lib. 3 l. 11 n. 8 Deinde cum dicit etenim quam ponit quamdam
solutionem: et dicit, quod ratio assignata circa praedictam dubitationem,
quae maxime videtur esse conveniens ad quaestionem, est quam assignavit
Empedocles: qui tamen idem passus est cum aliis: quia ratio quam assignavit,
non est conveniens, sicut nec aliorum, ut ostendetur. Posuit enim quaedam
principia communia corruptibilium et incorruptibilium; sed posuit quoddam
principium esse causam specialem corruptionis, scilicet odium elementorum:
ita scilicet quod adiunctio huius causae ad alia principia facit corruptionem
in rebus. |
Puis lorsqu’il
dit : Aussi, un philosophe,
etc., il présente une solution, en disant que l’argument énoncé qui semble le
plus pertinent au sujet du doute ci-dessus est celui qu’a formulé Empédocle;
et pourtant, il est tombé dans le même piège que les autres, car la raison
qu’il a donnée est inacceptable, comme celles des autres, ainsi qu’on va le
montrer. En effet, il a attribué des principes communs aux êtres corruptibles
et aux êtres incorruptibles, mais il a affirmé qu’un certain principe est la
cause spéciale de la corruption, à savoir la haine entre les éléments, de
telle sorte que l’ajout de cette cause aux autres principes provoque la
corruption dans les êtres. |
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[82039] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 9 Deinde cum dicit videbitur autem improbat praedictam
rationem Empedoclis: et hoc tripliciter. Primo quidem ostendendo, quod ratio
ab eo assignata non convenit suae positioni. Secundo ostendendo, quod non est
sufficiens, ibi, similiter quoque ipsius transmutationis et cetera. Tertio
ostendendo quod non est ad propositum, ibi, attamen tantum solum dicit et
cetera. Circa primum tria facit. Primo ostendit suam rationem non convenire
aliis eius positionibus ex parte odii. Secundo ex parte ipsius Dei, ibi,
propter quod et cetera. Tertio ex parte amoris, ibi, similiter autem nec amor
et cetera. Dicit ergo primo, quod inconvenienter Empedocles ponit odium esse
causam corruptionis: quia non minus secundum eius positionem videtur esse
causa generationis in omnibus rebus, nisi in una re tantum. Ponebat enim
omnia alia essentialiter composita ex odio simul cum aliis principiis, nisi
solus Deus, quem ponebat compositum esse ex aliis principiis praeter odium.
Deum autem appellabat caelum, sicut supradictum est in primo, quod Xenophanes
ad totum caelum respiciens, ipsum unum dicit esse Deum. Ponebat autem
Empedocles caelum esse compositum ex quatuor elementis, et ex amicitia: non
autem ex lite sive ex odio, considerans indissolubilitatem caeli. Sed quantum
ad alias res dicebat, quod omnia sunt ex odio quaecumque sunt, erunt vel
fuerunt: sicut arbores pullulantes, et viri, et feminae, et bestiae quae sunt
animalia terrestria: et vultures, quae sunt volantia diu viventia: et pisces
nutriti in aqua, et dii longaevi. Videtur autem hos deos vocare vel stellas,
quas ponebat quandoque corrumpi, licet post longum tempus: vel Daemones quos
ponebant Platonici esse animalia aerea. Vel etiam dii quos ponebant Epicurei
in forma humana, sicut supra dictum est. Ex hoc ergo quod omnia animalia
praeter unum sunt generata ex odio, potest haberi quod odium sit causa
generationis. |
Puis lorsqu’il
dit : Et cependant on n’en voit,
etc., il réfute cette raison d’Empédocle, et ce, de trois façons. En premier,
il montre que la raison qu’il donne ne concorde pas avec sa théorie. En
deuxième, il montre qu’elle n’est pas suffisante, où il dit : Ajoutez qu’Empédocle n’assigne, etc.
En troisième, il montre qu’elle est hors de propos, où il dit : Toutefois Empédocle a été, etc. Il
traite le premier point en trois parties. En premier, il montre que son
argument ne concorde pas avec ses autres théories du côté de la haine. En
deuxième, il le montre du côté de Dieu, où il dit : Il suit de là que la Divinité, etc. En troisième, il le montre du
côté de l’amour, où il dit : De
même l’amitié est, etc. Il dit donc en premier que c’est à tort
qu’Empédocle affirme que la haine est cause de corruption, car selon sa
théorie, elle ne semble pas moins être cause de génération en toutes choses,
excepté une. Il affirmait en effet que toutes les autres étaient
essentiellement composées de la haine jointe aux autres principes, sauf Dieu
seul, qu’il affirmait être composé des autres principes mais non de la haine.
Mais il donnait le nom de Dieu au ciel, comme on a dit au livre I que
Xénophane, regardant l’ensemble du ciel, disait que cette unité était Dieu.
Quant à Empédocle, il affirmait que le ciel est composé des quatre éléments
et de l’amitié, mais pas de la discorde ou de la haine, étant donné
l’indissolubilité du ciel. Mais au sujet des autres êtres, il disait que tout
ce qui existe, a existé ou existera vient de la haine, comme les arbres
verdoyants, les hommes, les femmes et les bêtes, c'est-à-dire les animaux
terrestres, ainsi que les vautours, volatiles qui vivent longtemps, et les
poissons qui se nourrissent dans l’eau et ont une longue vie. Cependant, il
semble appeler ces créatures dieux ou étoiles, affirmant qu’ils finissent par
se corrompre, quoique au bout d’une longue période, ou les appeler démons
(les Platoniciens disaient que les démons sont des animaux aériens). Ou
encore, on les appelait dieux, comme on l’a dit (Épicure leur attribuait une
forme humaine). Donc, puisque tous les animaux excepté un sont engendrés par
la haine, on peut admettre que la haine est une cause de génération. |
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[82040] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 10 Et praeter hoc etiam ex alia ratione. Manifestum est
enim secundum positionem Empedoclis quod, si non esset odium in rebus, omnia
essent unum. Odium enim est causa distinctionis secundum Empedoclem. Unde
inducit verba Empedoclis dicentis, quod quando omnes res in unum conveniunt,
ut puta quando fit chaos, tunc ultimum stabit odium separans et dissolvens.
Unde litera Boetii habet: ea enim convenit, tunc ultimam scit discordiam.
Et sic patet quod, cum esse mundi consistat in distinctione rerum, odium est
causa generationis mundi. |
Et cela se prouve
également par une autre raison. Il est manifeste en effet, selon la théorie
d’Empédocle, que s’il n’y avait pas la haine dans les choses, tout serait une
seule et même chose. La haine, en effet, est cause de la distinction selon
Empédocle. C’est pourquoi il cite les paroles d’Empédocle, qui dit que,
lorsque toutes choses se rassemblent dans l’unité, par exemple quand règne le
chaos, alors, en dernier lieu vient la haine qui sépare et dissout. C’est
pourquoi le texte de Boèce dit : il[52] rassemble les
choses, et alors, en dernier, il connaît la discorde. Et ainsi, il est évident que, puisque l’être du
monde consiste dans la distinction des choses, la haine est la cause de la
génération du monde. |
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[82041] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 11 Deinde cum dicit propter quod ponit secundam
rationem sumptam ex parte Dei: et dicit, quod cum Empedocles poneret odium
non esse de compositione Dei, accidit secundum rationes eius, quod Deus, qui
est felicissimus secundum omnium dicta, et per consequens maxime cognoscens,
sit minus prudens omnibus aliis cognoscentibus. Sequetur enim, secundum
positionem Empedoclis, quod non cognoscat omnia elementa, quia non habet
odium; unde non cognoscit ipsum. Cognoscit autem simile simili secundum
opinionem Empedoclis qui dixit, quod per terram cognoscimus terram, per aquam
cognoscimus aquam et affectum, idest amorem vel concordiam cognoscimus
per affectum, idest amorem vel concordiam: et similiter odium per
odium, quod est triste sive grave vel malum secundum literam Boetii, qui
dicit discordiam autem discordia malum. Sic igitur patet, quod
Aristoteles reputat inconveniens, et contra id quod ponitur Deus
felicissimus, quod ipse ignoret aliquid eorum, quae nos scimus. Sed quia ista
ratio videbatur esse praeter propositum, ideo ad principale propositum
rediens, dicit, quod redeundo ad illud unde prius erat ratio, manifestum est
quod accidit Empedocli quod odium non sit magis causa corruptionis quam
existendi. |
Puis lorsqu’il
dit : Il suit de là, etc., il donne
le deuxième argument, qui est pris du côté de Dieu; et il dit que, puisque
Empédocle affirme que la haine n’entre pas dans la composition de Dieu, il se
trouve, selon ses théories, que Dieu, qui est le plus heureux selon les dires
de tous, et qui a par conséquent la plus grande connaissance, a moins de
prudence que tous les autres êtres connaissants. Il s’ensuivrait en effet,
selon la théorie d’Empédocle, qu’il ne connaît pas tous les éléments, car,
n’ayant pas la haine en lui, il ne la connaît pas. Mais il connaît le
semblable par le semblable, selon l’opinion d’Empédocle, qui a dit que c’est
par la terre que nous connaissons la terre, par l’eau que nous connaissons
l’eau, et nous connaissons « l’affection », c'est-à-dire l’amour et
la concorde, par l’affection; pareillement, nous connaissons « la haine
par la haine », qui est triste, ou sombre et mauvaise selon le texte de
Boèce, qui dit : « par la discorde mauvaise nous connaissons la
discorde ». Ainsi donc, il est évident qu’Aristote considère absurde, et
contraire au fait d’affirmer que Dieu est le plus heureux, qu’il ignore des
choses que nous savons. Mais parce que cet argument semblait être hors de
propos, il revient à son objectif principal en disant que, pour revenir au
point de départ de l’argument précédent, il est manifeste qu’Empédocle a
compris que la haine n’est pas davantage cause de corruption que d’existence. |
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[82042] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 12 Deinde cum dicit similiter autem ponit tertiam
rationem ex parte amoris: et dicit, quod similiter etiam amor non est causa
generationis vel existendi, ut ipse ponebat, si alia eius positio attendatur.
Dicebat enim quod
cum omnia elementa in unum congregabuntur, tunc erit corruptio mundi. Et sic
amor corrumpit omnia: ergo quantum ad totum mundum amor erat causa
corruptionis, odium autem generationis. Quantum autem ad singulares odium
erat causa corruptionis et amor generationis. |
Puis lorsqu’il
dit : De même l’Amitié, etc.,
il présente le troisième argument, pris du côté de l’amour, en disant que
pareillement, l’amour n’est pas cause de génération ou d’existence, comme il
l’affirmait, si on considère une autre de ses assertions. Il disait en effet
que lorsque tous les éléments se rassemblent en un tout, c’est alors qu’a lieu
la corruption du monde. Et ainsi, l’amour corrompt toutes choses; donc, pour
ce qui concerne le monde entier, l’amour est cause de corruption, et la haine
cause de génération. Mais pour ce qui est des choses singulières, la haine
est cause de corruption, et l’amour cause de génération. |
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[82043] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 13 Deinde cum dicit similiter quoque ostendit quod
ratio eius non fuit sufficiens. Dicebat enim quamdam transmutationem esse in rebus
odii et amicitiae, ita scilicet quod amor quandoque omnia uniebat, et
postmodum omnia odium separabat. Sed causam, quare sic transmutabatur, ut
quodam tempore dominaretur odium, et alio tempore amor, nullam aliam dicebat,
nisi quia sic aptum natum est esse. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Ajoutez qu’Empédocle,
etc., il montre que son argument était insuffisant. Il disait en effet qu’il
existe dans les choses une certaine transformation par la haine et l’amitié,
de sorte que tantôt l’amour unit toutes choses, et après, la haine les sépare
toutes. Mais quant à la cause pour laquelle les choses se transforment ainsi,
de sorte que tantôt c’est la haine qui prédomine et tantôt c’est l’amour, il
n’en donne aucune, sauf que c’est la disposition naturelle des choses. |
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[82044] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 14 Et ponit consequenter verba Empedoclis, quae, quia
in Graeco metrice scripta sunt, habent aliquam difficultatem et diversitatem
a communi modo loquendi. Sunt autem haec verba eius, sed itaque magnum
odium in membris nutritum est, et ad honorem intendebat perfecto tempore, qui
mutabilis dissolvit sacramentum. Litera vero Boetii sic habet sed cum
magna discordia in membris alita sit in honores: quia processit completo
anno, qui illis mutatis amplo rediit sacramento. Ad cuius intellectum
notandum est, quod loquitur poetice de toto mundo, ad similitudinem unius
animalis, in cuius membris et partibus primo quidem est magna convenientia,
quam amorem nominabat sive concordiam: sed postea paulatim incipit aliqua
dissonantia esse, quam dicit discordiam. Et similiter in partibus universi a
principio erat magna concordia, sed postea paulatim nutritur odium quousque
odium praecedat ad honorem, idest ad hoc quod dominetur super
elementa. Quod quidem fit perfecto tempore quodam determinato, vel completo
quodam anno, quem ponebat Empedocles: qui, scilicet odium et
discordia, vel annus mutabilis existens dissolvit sacramentum, idest
unionem praeexistentem elementorum, vel annus sive odium rediit amplo
sacramento, quia quadam potentia et secreta virtute rediit ad dominandum in
rebus. |
Et il rapporte
ensuite les paroles d’Empédocle, qui, étant écrits en vers dans le texte
grec, sont quelque peu difficiles et s’écartent de la manière courante de
parler. Ses propos sont les suivants : mais ainsi, la puissante haine est nourrie dans les membres et visait
la place d’honneur lorsque le temps fut accompli et celle-ci, étant
changeante, a dénoué les liens. Quant au texte de Boèce, il dit
ceci : mais lorsque la grande
discorde dans les membres a été élevée à la place d’honneur, car elle a
progressé pendant une année complète, et celle-ci, une fois ces choses
changées, rétablit fortement les liens. Pour comprendre ce texte, il faut
remarquer qu’il parle de façon poétique de l’univers entier sous la
comparaison d’un animal dont les membres et les parties sont d’abord dans une
grande harmonie, qu’il appelait amour ou concorde, mais ensuite, peu à peu,
commence à s’y introduire une certaine désunion, qu’il appelle discorde. Pareillement,
dans les parties de l’univers, il y avait d’abord une grande concorde, mais
ensuite, la haine grandit peu à peu, jusqu’à ce qu’elle atteigne la place d’honneur, c'est-à-dire
parvienne à dominer les éléments. Et cela se produit lorsqu’un temps déterminé
est accompli ou qu’une certaine année est terminée, selon les dires
d’Empédocle; celle-ci, c'est-à-dire
la haine et la discorde, ou l’année, étant changeante, dénoue les liens, c'est-à-dire l’union
préexistante des éléments, ou encore l’année, ou bien la haine, rétablit
fortement les liens, car, par une puissance et une vertu secrète, elle
rétablit sa domination sur les choses. |
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[82045] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 15 Post quae verba Empedoclis Aristoteles faciens vim in
hoc quod dixerat mutabilis, subiungit exponens quasi necessarium ens
transmutari: quasi dicat: sic praedicta dixit Empedocles ac si necessarium
sit esse transmutationem odii et amoris: sed nullam causam ostendit huius
necessitatis. In uno enim animali est manifesta causa transmutationis et odii
et amoris, propter motum caeli, qui causat generationem et corruptionem in
rebus. Sed talis causa non potest assignari totius universi sic transmutati
per amicitiam et litem. Unde patet, quod eius ratio fuit insufficiens. |
Après ces paroles
d’Empédocle, Aristote, se concentrant sur le mot changeante, ajoute pour l’expliquer qu’il est en quelque sorte
nécessaire que l’être change, comme s’il disait : Ainsi, Empédocle a
affirmé ce qui précède comme si cette alternance de la haine et de l’amour
était nécessaire, mais il ne montre aucune cause de cette nécessité. En
effet, dans un animal, la cause de cette alternance de haine et d’amour est
manifeste du fait du mouvement du ciel, qui cause la génération et la
corruption des choses. Mais cette cause ne peut pas être attribuée à
l’univers entier ainsi transformé par l’amitié et la discorde. Il est donc
évident que son argument était insuffisant. |
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[82046] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 16 Deinde cum dicit attamen tantum ostendit quod
praedicta ratio Empedoclis non est ad propositum: et dicit quod hoc solum
videtur dicere confesse, idest manifeste, quod non ponit quaedam
existentium ex principiis esse corruptibilia, et quaedam non corruptibilia,
sed omnia ponit esse corruptibilia praeter sola elementa. Et ita videtur
evadere praedictam dubitationem, qua dubitabatur, quare quaedam sunt
corruptibilia et quaedam non, si sunt ex eisdem principiis? Unde etiam patet,
quod eius ratio non est ad propositum, quia interemit id de quo est
dubitatio. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Toutefois Empédocle,
etc., il montre que cet argument d’Empédocle n’est pas à propos, en disant
que la seule chose qu’il semble dire « expressément », c'est-à-dire
de façon évidente, est qu’il n’affirme pas que certains des êtres qui
proviennent des principes et d’autres incorruptibles, mais affirme que tout
est corruptible, à la seule exception des éléments. Et ainsi, il semble
éluder le doute mentionné plus haut, à savoir pourquoi certains êtres sont
corruptibles et d’autres non, s’ils viennent des mêmes principes. Il est donc
également évident que son argument n’est pas à propos, car il laisse de côté
la question douteuse. |
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[82047] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 17 Sed potest quaeri quomodo hic dicit, quod Empedocles
ponebat omnia esse corruptibilia praeter elementa, cum supra dixerit unum
esse Deum, scilicet ex aliis principiis compositum praeter quam ex odio? Sed
dicendum, quod Empedocles ponebat duplicem corruptionem in rebus, sicut ex
praedictis patet. Unam quidem secundum confusionem totius universi, quam
faciebat amor; et ab hac corruptione nec ipsum Deum faciebat immunem, cum in
eo poneret amorem, qui alia ei commiscebat. Aliam autem corruptionem ponebat singularium rerum,
quarum principium est odium. Et hanc corruptionem excludebat a Deo per hoc,
quod in eo odium non ponebat. Sic igitur Aristoteles epilogando concludit tot
dicta esse ad ostendendum, quod non sunt eadem principia corruptibilium et
incorruptibilium. |
Mais on peut se
demander comment il se fait qu’il dit ici que selon Empédocle, toutes choses
sont incorruptibles à l’exception des éléments, alors qu’il a dit plus haut
que l’Un est Dieu, et qu’il est composé de tous les autres principes que la
haine. Mais il faut dire qu’Empédocle supposait deux sortes de corruption
dans les choses, comme il est évident d’après ce qui précède. La première se
produit par le mélange absolu de l’univers, causé par l’amour, et il ne mettait
même pas Dieu à l’abri de cette corruption, puisqu’il supposait en Dieu
l’amour, qui mélangeait les autres êtres avec lui. L’autre genre de
corruption, selon lui, était celui des choses singulières, dont le principe
était la haine. Et il affirmait que cette corruption n’était pas en Dieu, du
fait qu’il ne supposait pas en lui la haine. Ainsi donc, Aristote conclut en
disant qu’on en a assez dit pour montrer que les principes des êtres
corruptibles et ceux des êtres incorruptibles ne sont pas les mêmes. |
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[82048] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 18 Deinde cum dicit si vero obiicit ad contrariam partem
per duas rationes: quarum prima est: si non sint eadem principia corruptibilium
et incorruptibilium, relinquitur quaestio, utrum principia corruptibilium
sint corruptibilia, an incorruptibilia. Si dicatur quod sint corruptibilia, ostendit hoc
esse falsum duplici ratione. Quarum prima est: omne corruptibile corrumpitur
in ea ex quibus est: si igitur principia corruptibilium sunt corruptibilia,
oportet iterum ponere alia principia ex quibus sint. Et hoc inconveniens est,
nisi ponantur principia procedere in infinitum. Ostensum autem est in secundo
quod secundum nullum genus causae contingit in principiis procedere in
infinitum. Similiter etiam est inconveniens si dicatur, quod fit status in
principiis corruptibilibus; cum corruptio videatur esse per resolutionem in
aliqua priora. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Mais si les principes,
etc., il argumente contre la proposition contraire, au moyen de deux raisons.
La première est que, si les principes des êtres corruptibles et ceux des
êtres incorruptibles ne sont pas les mêmes, il reste à décider si les
principes des êtres corruptibles sont corruptibles ou incorruptibles. Si on
dit qu’ils sont corruptibles, il montre que cela est faux, pour deux raisons.
Voici la première : tout être corruptible se corrompt en redevenant ce
dont il provenait; si donc les principes des êtres corruptibles sont
corruptibles, il faut supposer encore d’autres principes dont ils
proviennent. Et cela est inadmissible à moins qu’on n’affirme que les
principes remontent à l’infini. Mais on a montré au livre II qu’on ne peut
remonter à l’infini dans les principes pour aucun genre de causes. Mais il
est également inadmissible de dire qu’on parvient à un terme dans les
principes incorruptibles, puisque la corruption semble se produire par
dissolution ramenant à des principes antérieurs. |
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[82049] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 19 Secunda ratio est, quia si principia corruptibilium
sint corruptibilia, oportet quod corrumpantur, quia omne corruptibile
corrumpetur. Sed postquam sunt corrupta non possunt esse principia; quia quod
corrumpitur vel corruptum est, non potest causare aliquid. Cum ergo
corruptibilia semper causentur per successionem, non potest dici, quod
principia corruptibilium sint corruptibilia. |
La deuxième raison
est que, si les principes des êtres corruptibles sont corruptibles, ils vont
nécessairement se corrompre, car tout être corruptible finit par se
corrompre. Mais une fois qu’ils sont corrompus, il ne peuvent pas être des
principes, car ce qui se corrompt ou est corrompu ne peut être cause de rien.
Donc, puisque les êtres corruptibles sont toujours causés par succession, on
ne peut pas dire que les principes des êtres corruptibles sont corruptibles. |
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[82050] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 20 Si autem dicatur, quod principia corruptibilium sunt
incorruptibilia, manifestum est quod principia incorruptibilium sunt
incorruptibilia. Relinquitur ergo quaestio, quare ex quibusdam
incorruptibilibus principiis producantur effectus corruptibiles, et ex
quibusdam effectus incorruptibiles. Hoc enim non videtur esse rationabile;
sed aut est impossibile, aut indiget multa manifestatione. |
Mais si on dit que
les principes des êtres corruptibles sont incorruptibles, il est évident que
les principes des êtres incorruptibles sont également incorruptibles. Il
reste donc à résoudre la question de savoir pourquoi certains principes
incorruptibles produisent des effets corruptibles alors que d’autres
produisent des effets incorruptibles. En effet, cela ne semble pas
raisonnable; mais ou bien cela est impossible, ou bien cela exige des
explications considérables. |
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[82051] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 21 Deinde cum dicit amplius autem secundam
rationem ad principale propositum ponit, quae sumitur ex communi opinione
omnium. Nullus enim conatus est hoc dicere, quod sint diversa principia
corruptibilium et incorruptibilium; sed omnes dicunt eadem esse principia
omnium. Et tamen id quod primo obiectum est, scilicet pro prima parte, ac si
esset aliquid modicum omnes leviter transeunt, quod est concedere. Unde
litera Boetii habet, sed primum obiectum deglutiunt, sicut hoc parvum
quoddam opinantes. |
Puis lorsqu’il
dit : Enfin, aucun philosophe,
etc., il donne le deuxième argument visant la proposition principale, qui
porte sur l’opinion générale de tous. En effet, personne ne s’est efforcé de
dire que les principes des êtres corruptibles et ceux des êtres
incorruptibles sont différents, mais tous disent que les principes de toutes
choses sont les mêmes. Et pourtant, tous ont passé par-dessus la première
objection (celle en faveur de la première option), c'est-à-dire l’ont admise,
comme si elle avait peu de poids. C’est pourquoi le texte de Boèce dit :
Mais ils avalent la première objection,
comme des gens qui la considèrent comme peu de chose. |
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[82052] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 11 n. 22 Huius autem dubitationis solutio ponitur in
duodecimo: ubi philosophus ostendit prima quidem principia activa vel motiva
esse eadem omnium sed quodam ordine. Nam prima quidem sunt principia
simpliciter incorruptibilia et immobilia. Sunt autem secunda incorruptibilia
et mobilia, scilicet caelestia corpora, quae per sui motum causant
generationem et corruptionem in rebus. Principia autem intrinseca non sunt
eadem numero corruptibilium et incorruptibilium, sed secundum analogiam. Nec
tamen principia intrinseca corruptibilium, quae sunt materia et forma, sunt
corruptibilia per se, sed solum per accidens. Sic enim corrumpitur materia et
forma corruptibilium, ut habetur in primo physicorum. |
La solution de ce
doute est donnée au livre XII, où le Philosophe montre que les premiers
principes actifs ou moteurs sont les mêmes pour tous, mais dans un certain
ordre. En effet, viennent en premier les principes absolument immobiles et
incorruptibles. En deuxième viennent les principes incorruptibles et mobiles,
c'est-à-dire les corps célestes, qui causent par leur mouvement la génération
et la corruption des êtres. Mais les principes intrinsèques des êtres
corruptibles et ceux des êtres incorruptibles ne sont pas les mêmes numériquement,
mais par analogie. Pourtant, les principes intrinsèques des êtres
corruptibles, qui sont la matière et la forme, ne sont pas pas corruptibles
en soi, mais seulement par accident. C’est ainsi, en effet, que se corrompent
la matière et la forme des êtres corruptibles, comme on le voit au livre I
des Physiques. |
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Leçon 12, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Une question difficile entre toutes à l’examen,
et d’une importance capitale pour la connaissance de la vérité, c’est de
savoir si l’être et l’unité sont substances des êtres ; si ces deux
principes ne sont pas autre chose que l’unité et l’être, chacun de son
côté ; ou bien si nous devons nous demander qu’est-ce que l’être et
l’unité, supposé qu’ils aient pour substance une nature autre qu’eux-mêmes.
Car telles sont, sur ce sujet, les diverses opinions des philosophes :
Platon et les Pythagoriciens prétendent, en effet, que l’être ni l’unité ne
sont pas autre chose qu’eux-mêmes ; que tel est leur caractère. L’unité
en soi et l’être en soi, voilà, selon ces philosophes, ce qui constitue la
substance des êtres. Les Physiciens sont d’un autre avis.
Empédocle, par exemple, comme pour ramener son principe à un terme plus
connu, explique ce que c’est que l’unité ; car on peut conclure de ses
paroles, que l’être c’est l’Amitié ; l’Amitié est donc pour Empédocle la
cause de l’unité de toutes les choses. D’autres prétendent que c’est le feu,
d’autres que c’est l’air qui est cette unité et cet être, d’où sortent tous
les êtres, et qui les a tous produits. Il en est de même de ceux-là encore
qui ont admis la pluralité dans les éléments ; car ils doivent
nécessairement compter autant d’êtres et autant d’unités qu’ils reconnaissent
de principes. Si l’on n’établit pas que l’unité et
l’être soient une substance, il s’ensuit qu’il n’y a plus rien de général,
puisque ces principes sont ce qu’il y a de plus général au monde, et que si
l’unité en soi, si l’être en soi, ne sont pas quelque chose, à plus forte
raison n’y aura-t-il pas d’autre être en dehors de ce qu’on nomme le
particulier. De plus, si l’unité n’était pas une substance, il est évident
que le nombre même ne pourrait exister comme nature d’êtres séparée. En
effet, le nombre se compose de monades, et la monade c’est ce qui est un.
Mais si l’unité en soi, si l’être en soi, sont quelque chose, il faut bien
qu’ils soient la substance, car il n’y a rien, sinon l’unité et l’être, qui
se dise universellement de tous les êtres. Mais si l’être en soi et l’unité en soi
sont quelque chose, il nous sera bien difficile de concevoir comment il
pourrait y avoir autre chose en dehors de l’unité et l’être, c’est-à-dire,
comment il y aura plus d’un être, puisque ce qui est autre chose que l’être
n’est pas. Il s’ensuit donc nécessairement ce que disait Parménide, que tous
les êtres se réduisent à un, et que l’unité c’est l’être. Mais c’est là une
double difficulté ; car, que l’unité ne soit pas une substance, ou
qu’elle en soit une, il est également impossible que le nombre soit une
substance : impossible dans le premier cas, nous avons déjà dit
pourquoi. Dans le second cas, même difficulté que pour l’être. D’où
viendrait, en effet, une autre unité en dehors de l’unité ? car, dans le
cas dont il s’agit, il y aurait nécessairement deux unités. Tous les êtres
sont, ou un seul être, ou une multitude d’êtres, si chaque être est unité. Ce n’est pas tout encore. Si l’unité
était indivisible, il n’y aurait absolument rien, et c’est ce que pense
Zénon. En effet, ce qui ne devient ni plus grand quand on lui ajoute, ni plus
petit quand on lui retranche quelque chose, n’est pas, selon lui, un être,
car la grandeur est évidemment l’essence de l’être. Et si la grandeur est son
essence, l’être est corporel, car le corps est grandeur dans tous les sens.
Or, comment, ajoutée aux êtres, la grandeur rendra-t-elle les uns plus
grands, sans produire cet effet sur les autres ? Par exemple, comment le
plan et la ligne grandiront-ils, et jamais le point ni la monade ?
Toutefois, comme la conclusion de Zénon est un peu dure, et que d’ailleurs il
peut y avoir quelque chose d’indivisible, on répond à l’objection que, dans
le cas de la monade et du point, l’addition n’augmente pas l’étendue, mais le
nombre. Mais alors, comment un seul ou même plusieurs êtres de cette nature
formeront-ils une grandeur ? Autant vaudrait prétendre que la ligne se
compose de points. Que si l’on admet que le nombre est, comme le disent
quelques-uns, produit par l’unité elle-même, et par une autre chose qui n’est
pas unité, il n’en restera pas moins à chercher, pourquoi et comment le
produit est tantôt un nombre et tantôt une grandeur ; puisque le non-un,
c’est l’inégalité, c’est la même nature dans les deux cas. En effet, on ne
voit pas comment l’unité avec l’inégalité, ni un nombre avec elle, peuvent
produire des grandeurs. |
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Lectio 12 |
Leçon 12, Commentaire de
saint Thomas [L’être et l’un sont-ils substances des choses?] (Traduction
Georges Comeau, 2011)
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Leçon 12
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[82053] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 1 Postquam philosophus inquisivit utrum principia sint
eadem vel diversa, hic inquirit quomodo se habeat ipsum unum ad hoc quod sit
principium: et circa hoc tria facit. Primo inquirit, an ipsum unum sit principium.
Secundo inquirit an numeri, qui ex uno oriuntur vel consequuntur, sint
principia rerum, ibi, horum autem habita dubitatio et cetera. Tertio inquirit
utrum species, quae sunt quaedam unitates separatae, sint principia, ibi,
omnino vero dubitabit aliquis et cetera. Et circa primum tria facit. Primo
movet dubitationem. Secundo ponit opiniones ad utramque partem, ibi, hi
namque illo modo. Tertio ponit rationes ad utramque partem, ibi, accidit
autem si quidem et cetera. Dicit ergo primo, quod inter omnes alias
quaestiones motas una est difficilior ad considerandum, propter efficaciam
rationum ad utramque partem, in qua etiam veritatem cognoscere est maxime
necessarium, quia ex hoc dependet iudicium de substantiis rerum. Est ergo
quaestio ista, utrum unum et ens sint substantiae rerum, ita scilicet quod
neutrum eorum oporteat attribuere alicui alteri naturae quae quasi informetur
unitate et entitate, sed potius ipsa unitas et esse rei sit eius substantia:
vel e contrario oportet inquirere quid sit illud, cui convenit esse unum vel
ens, quasi quaedam alia natura subiecta entitati et unitati. |
Après avoir cherché
à savoir si les principes sont les mêmes ou sont différents, le Philosophe se
demande ici comment l’un a la qualité de principe; et il traite ce sujet en
trois parties. En premier, il se demande si l’un est un principe. En
deuxième, il se demande si les nombres, qui tirent leur origine de l’un ou
qui le suivent, sont principes des choses, où il dit : Une difficulté se rattache, etc.
(leçon XIII). En troisième, il se demande si les espèces, qui sont comme des
unités séparées, sont des principes, où il dit : Une question qu’on doit, etc. (leçon XIV). Et il traite la
première partie en trois points. En premier, il soulève un doute. En
deuxième, il présente les opinions de part et d’autre, où il dit : Car telles sont, sur ce sujet, etc. En
troisième, il présente les arguments des deux camps, où il dit : Si l’on n’établit pas que l’unité,
etc. Il dit donc en premier que, parmi toutes les autres questions soulevées,
il y en a une qui est plus difficile à examiner, en raison du grand poids des
arguments de part et d’autre, et pour laquelle il est nécessaire au plus haut
point de connaître la vérité, car le jugement sur les substances des choses
en dépend. Alors, cette question est de savoir si l’un et l’être sont les
substances des choses, non pas de sorte qu’il faudrait attribuer l’un ou
l’autre à une autre nature dont l’unité et l’être seraient en quelque sorte
la forme, mais plutôt de sorte que l’unité et l’être de la chose soient la
substance de la chose, ou s’il faut se demander au contraire ce qu’est la
chose à laquelle appartiennent l’un et l’être, et qui est une autre sorte de
nature servant de sujet aux qualités d’être et d’unité. |
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[82054] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 2 Deinde cum dicit hi namque ponit opiniones ad
utramque partem: et dicit, quod philosophorum quidam opinati sunt naturam
rerum se habere uno modo, quidam alio. Plato enim et Pythagorici non
posuerunt quod unum et ens advenirent alicui naturae, sed unum et ens essent
natura rerum, quasi hoc ipsum quod est esse et unitas sit substantia rerum.
Alii vero philosophi de naturalibus loquentes, attribuerunt unum et ens
aliquibus aliis naturis, sicut Empedocles reducit unum ad aliquid notius,
quod dicebant esse unum et ens. Et hoc videtur esse amor, qui est causa
unitatis in omnibus. Alii vero philosophi naturales attribuerunt quibusdam
causis elementaribus, sive ponerent unum primum, ut ignem vel aerem, sive
etiam ponerent plura principia. Cum enim ponerent principia rerum materialia
esse substantias rerum, oportebat quod in unoquoque eorum constituerent
unitatem et entitatem rerum, ita quod quicquid aliquis poneret esse
principium, ex consequenti opinaretur, quod per illud attribuitur omnibus
esse et unum, sive poneret unum principium sive plura. |
Puis lorsqu’il
dit : Car telles sont, etc.,
il présente les opinions de part et d’autre : il dit que certains
philosophes ont été d’avis que la nature des choses était d’une manière, et
certains qu’elle était d’une autre manière. En effet, les Platoniciens et les
Pythagoriciens ont affirmé non pas que l’un et l’être se réalisent dans une
nature, mais que l’un et l’être sont la nature des choses, de sorte que
l’être et l’un eux-mêmes sont la substance des choses. Mais d’autres
philosophes, qui ont traité des choses de la nature, ont attribué l’un et
l’être à d’autres natures; ainsi, Empédocle ramène l’un à quelque chose de
plus connu, en quoi il disait que consistent l’un et l’être. Et cette chose
semble être l’amour, qui est cause de l’unité en toutes choses. D’autres
philosophes de la nature ont attribué l’un et l’être à certaines causes
élémentaires, soit qu’ils supposent une cause première comme le feu ou l’air,
soit encore qu’ils supposent plusieurs principes. En effet, puisqu’ils
affirmaient que les principes matériels des choses en sont la substance, ils
devaient forcément déclarer chacun d’eux comme étant l’unité et l’être des
choses, de sorte que, quel que soit le principe qu’ils supposaient, ils
croyaient en conséquence que c’est par ce principe qu’on attribue l’être et
l’unité à toutes choses, peu importe s’ils supposaient un seul principe ou
plusieurs. |
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[82055] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 3 Deinde cum dicit accidit autem ponit rationes ad
utramque partem. Et primo ponit rationes pro opinione Platonis et Pythagorae.
Secundo ponit rationes in contrarium pro opinione naturalium, ibi, at vero si
erit et cetera. Circa primum, utitur tali divisione. Necesse est ponere quod
vel ipsum unum et ens separatum sit quaedam substantia, vel non: si dicatur
quod non est aliqua substantia quae sit unum et ens, sequuntur duo
inconvenientia. Quorum primum est, quod dicitur unum et ens quod sint maxime
universalia inter omnia. Si igitur unum et ens non sunt separata quasi ipsum
unum aut ens sit substantia quaedam, sic sequitur quod nullum universale sit
separatum: et ita sequetur quod nihil erit in rebus nisi singularia: quod
videtur esse inconveniens, ut in superioribus quaestionibus habitum est. |
Puis lorsqu’il
dit : Si l’on n’établit pas,
etc., il présente les arguments de part et d’autre. Et en premier, il énonce
les arguments en faveur de l’opinion de Platon et de Pythagore. En deuxième, il
donne les arguments en sens contraire, en faveur de l’opinion des physiciens,
où il dit : Mais si l’être en soi
et l’unité en soi, etc. Quant au premier point, il établit la division
suivante. Il est nécessaire d’affirmer que l’un en soi et l’être séparé ou
bien sont une substance, ou bien n’en sont pas une. Si on dit qu’il n’existe
pas de substance qui soit l’un et l’être, deux conséquences inadmissibles
s’ensuivent. La première est qu’on dit que l’un et l’être sont les réalités
les plus universelles de toutes. Si donc l’un et l’être ne sont pas séparés
de telle sorte que l’un ou l’être en soi serait une substance, il s’ensuit
qu’aucun universel n’est séparé, et alors, il s’ensuivrait qu’il n’existe
rien d’autre dans le monde que les singuliers; mais cela semble inadmissible,
comme on l’a vu au sujet de questions antérieures. |
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[82056] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 4 Aliud inconveniens est, quia numerus non est aliud
quam unitates: ex unitatibus enim componitur numerus. Unitas enim nihil aliud
est quam ipsum unum. Si igitur ipsum unum, non sit separatum quasi substantia
per se existens, sequetur quod numerus non erat quaedam natura separata ab
his quae sunt in materia. Quod potest probari esse inconveniens, secundum ea
quae dicta sunt in superioribus. Sic ergo non potest dici quod unum et ens
non sit aliqua substantia per se existens. |
L’autre idée
inadmissible est que le nombre n’est rien d’autre que des unités; en effet,
il est composé d’unités. En effet, l’unité n’est rien d’autre que l’un
lui-même. Si donc l’un lui-même n’est pas séparé à la manière d’une substance
existant en soi, il s’ensuit que le nombre n’est pas une nature séparée des
choses qui sont dans la matière, et on peut prouver que cela est
inadmissible, d’après ce qui a été dit plus haut. Donc, on ne peut pas dire
que l’un et l’être ne sont pas une substance qui existe par soi. |
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[82057] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 5 Si ergo detur alia pars divisionis, scilicet quod aliquid
sit ipsum unum et ens separatum existens, necesse est quod ipsum sit
substantia omnium eorum, de quibus dicitur unum et ens. Omne enim separatum
existens, quod de pluribus praedicatur, est substantia eorum de quibus
praedicatur. Sed nihil aliud praedicatur ita universaliter de omnibus sicut
unum et ens; ergo unum et ens erit substantia omnium. |
Si donc on admet
l’autre membre de l’alternative, à savoir qu’il existe une chose qui est l’un
et l’être lui-même et existe à l’état séparé, il est nécessaire qu’il soit la
substance de toutes les chose auxquelles on attribue l’unité et l’être. En
effet, tout être existant à l’état séparé qui est attribué à plusieurs est la
substance des choses auxquelles il est attribué. Mais rien d’autre n’est
attribué aussi universellement à toutes choses que l’un et l’être; donc, l’un
et l’être sont la substance de toutes choses. |
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[82058] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 6 Deinde cum dicit at vero obiicit ad partem
contrariam; et ponit duas rationes, quarum secunda incipit ibi, amplius si
indivisibile et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit rationem. Secundo
ostendit quomodo ex ratione inducta quaestio redditur difficilis, ibi,
utrobique vero difficile et cetera. Est ergo prima ratio talis. Si est aliquid,
quod est ipsum ens et ipsum unum, quasi separatum existens, oportebit dicere
quod idipsum sit unum quod ens. Sed quicquid est diversum ab ente non est;
ergo sequetur secundum rationem Parmenidis, quod quicquid est praeter unum
sit non ens. Et ita necesse erit omnia esse unum; quia non poterit poni quod
id quod est diversum ab uno, quod est per se separatum, sit aliquod ens. |
Puis lorsqu’il
dit : Mais si l’être en soi,
etc., il argumente en faveur de l’idée contraire en donnant deux raisons; la deuxième
commence où il dit : Ce n’est pas
tout encore, etc. La première raison se divise en deux. En premier, il
l’expose; en deuxième, il montre comment cette raison rend la question
épineuse, où il dit : Mais c’est
là une double difficulté, etc. La première raison est donc la suivante.
S’il existe quelque chose qui soit l’être en soi et l’un en soi à l’état
séparé, il faut dire nécessairement que l’un est la même chose que l’être.
Mais tout ce qui diffère de l’être est le non-être; il s’ensuivrait donc, selon
l’argument de Parménide, que tout ce qui est hors de l’un est du non-être. Et
ainsi, il serait nécessaire que toutes choses soient un, car on ne pourrait
pas dire que ce qui est différent de l’un, qui est séparé en soi, est un
être. |
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[82059] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 7 Deinde cum dicit utrobique vero ostendit quomodo
ista ratio difficultatem facit in opinione Platonis ponentis numerum esse
substantiam rerum: et dicit quod ex utraque parte sequitur difficultas contra
eum, sive dicatur quod ipsum unum separatum sit substantia quaedam, sive quod
non sit. Quodcumque enim horum ponatur, videtur impossibile esse, quod
numerus sit substantia rerum. Quia si ponatur quod unum non sit substantia,
dictum est prius, quare numerus non potest poni substantia. |
Ensuite, lorsqu’il
dit : Mais c’est là une double, etc.,
il montre comment cet argument jette un doute sur l’opinion de Platon, qui
affirme que le nombre est la substance des choses : il dit que l’une et
l’autre option entraîne des objections contre lui, qu’on dise que l’un séparé
est une substance ou n’en n’est pas une. En effet, quelle que soit la réponse
qu’on choisit, il semble impossible que le nombre soit la substance des
choses. Si d’une part on affirme que l’un n’est pas une substance, on a dit
plus haut pourquoi on ne peut pas dire que le nombre est une substance. |
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[82060] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 8 Si autem ipsum unum fuerit substantia, oportet quod eadem
dubitatio ponatur circa unum et ens. Aut enim praeter ipsum unum, quod est
separatum per se existens, est aliud aliquod unum, aut non. Et si quidem non
sit aliquod aliud unum, non erit iam multitudo, sicut Parmenides dicebat. Si
autem sit aliquod aliud unum oportebit, quod illud aliud unum, cum non sit
hoc ipsum quod est unum, quod sit materialiter ex aliquo quod est praeter
ipsum unum, et per consequens praeter ens. Et sic necesse est ut illud
aliquid, ex quo fit illud secundum unum, non sit ens. Et sic ex ipso uno quod
est praeter ipsum unum, non potest constitui multitudo in entibus: quia omnia
entia aut sunt unum, aut multa, quorum unumquodque est unum. Hoc autem unum
est materialiter ex eo quod non est unum nec ens. |
Si d’autre part l’un
en soi était une substance, il faudrait soulever le même doute au sujet de
l’un qu’au sujet de l’être. En effet, hors de l’un en soi qui existe à l’état
séparé, ou bien il existe un autre un, ou bien il n’en existe pas. Et s’il
n’y a pas d’autre un, il n’y a plus de multiplicité, comme le disait Parménide. Mais s’il existe
un autre un, il faut que cet autre un, n’étant pas la chose même qui est
l’un, existe matériellement à partir de quelque chose qui est hors de l’un en
soi, et par conséquent hors de l'être. Ainsi, il est nécessaire que cette
chose dont est fait ce deuxième un ne soit pas un être. Et ainsi, à partir de
cet un qui est hors de l’un en soi, on ne peut pas constituer une multitude
d’êtres, car tous les êtres sont ou bien un, ou bien plusieurs êtres dont
chacun est un. Mais cet un existe matériellement à partir de quelque chose
qui n’est ni un ni être. |
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[82061] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 9 Deinde cum dicit amplius si ponit secundam rationem;
et circa hoc tria facit. Primo ponit rationem. Secundo solvit eam, ibi, sed
quoniam et cetera. Tertio ostendit adhuc difficultatem remanere, ibi, sed
quomodo ex uno et cetera. Dicit ergo primo, quod si ipsum unum separatum sit
indivisibile, sequitur secundum hoc, aliud, quod supponebat Zeno, quod nihil
sit. Supponebat enim Zeno, quod illud, quod additum non facit maius, et
ablatum non facit minus, non est aliquid existentium. Hoc autem supponit ac
si idem sit ens quod magnitudo. Manifestum est enim quod non est magnitudo,
illud scilicet quod additum non facit maius et subtractum non facit minus.
Sic ergo si omne ens esset magnitudo, sequeretur quod illud, quod non facit
maius et minus additum et subtractum, non sit ens. |
Puis lorsqu’il
dit : Ce n’est pas tout encore,
etc., il présente le deuxième argument, et ce, en trois parties. En premier,
il énonce l’argument. En deuxième, il en donne la solution, où il dit : Toutefois, comme la conclusion, etc.
En troisième, il montre qu’il reste encore une difficulté, où il dit : Mais alors, comment un seul, etc. Il
dit donc en premier que si l’un en soi séparé est indivisible, il s’ensuit
une autre conséquence, qu’avait supposée Zénon : c’est que rien
n’existe. Zénon supposait en effet que ce qui ne produit pas d’augmentation
quand il est ajouté, et ne produit pas de diminution quand il est enlevé,
n’est pas quelque chose d’existant. Mais il fait cette supposition comme si
l’être était la même chose que la grandeur. Il est manifeste en effet que ce
qui ne produit pas d’augmentation quand il est ajouté, et ne produit pas de
diminution quand il est enlevé, n’est pas une grandeur. Ainsi donc, si tout
être avait une grandeur, il s’ensuivrait que ce qui ne produit pas
d’augmentation ou de diminution quand il est ajouté ou enlevé n’est pas un
être. |
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[82062] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 10 Et adhuc perfectius si aliquid velit hoc verificare,
oportebit quod omne ens sit magnitudo corporalis. Corpus enim secundum
quamcumque dimensionem additum et subtractum facit maius et minus. Aliae vero
magnitudines, ut superficies et lineae, secundum aliquam dimensionem additam
facerent maius, secundum autem aliquam non. Linea enim addita lineae secundum
longitudinem facit maius, non autem secundum latitudinem. Superficies autem
addita superficiei facit quidem maius secundum latitudinem et longitudinem,
sed non secundum profunditatem. Punctus autem et unitas nullo modo faciunt
maius vel minus. Sic ergo secundum principium Zenonis sequeretur quod punctus
et unitas sint omnino non entia, corpus autem omnimodo ens, superficies et
linea quodammodo entia et quodammodo non entia. |
Et si on voulait
s’assurer de cette vérité de façon encore plus parfaite, il faudrait dire que
tout être est une grandeur corporelle[53]. En effet, un corps ajouté ou soustrait produit une
augmentation ou une diminution dans toutes les dimensions. Les autres
grandeurs, soit les surfaces et les lignes, quand elles sont ajoutées,
produisent une augmentation dans certaines dimensions mais pas dans d’autres.
En effet, une ligne ajoutée à une ligne ajoute à la longueur, mais pas à la
largeur; une surface ajoutée à une surface ajoute à la largeur et à la
longueur, mais pas à la profondeur. Quant au point et à l’unité, ils ne
produisent en aucune façon une augmentation ou une diminution. Ainsi donc, il
s’ensuivrait du principe de Zénon que le point et l’unité sont absolument des
non-êtres, que le corps est un être de toutes les façons, et que la surface
et la ligne sont de quelque façon des êtres et de quelque façon des
non-êtres. |
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[82063] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 11 Deinde cum dicit sed quoniam solvit propositam
rationem: et dicit, quod quia Zeno proponendo tale principium speculatur onerose,
idest ruditer et grosse, ita quod secundum ipsum non contingit aliquid esse
indivisibile, oportet quod aliqua responsio praedictae rationi detur, et si
non sit ad rem, sit tamen ad hominem. Dicemus autem quod unum etsi additum
alteri non faciat maius, facit tamen plus. Et hoc sufficit ad rationem entis,
quod faciat maius in continuis, et plus in discretis. |
Puis lorsqu’il
dit : Toutefois, comme la
conclusion, etc., il résout l’argument proposé, en disant que puisque
Zénon, en affirmant un tel principe, réfléchit « avec lourdeur », c'est-à-dire
d’une manière fruste et grossière, de sorte que selon lui il n’est pas
possible que quelque chose soit indivisible, on se doit de donner une réponse
à l’argument précédent, et si on ne répond pas sur le fond, on doit au moins
utiliser les arguments ad hominem[54]. Disons donc que même si l’unité, ajoutée à quelque
chose, n’augmente pas la grandeur, elle augmente le nombre. Et il suffit à la
notion d’être d’augmenter les dimensions des continus et le nombre des choses
discrètes. |
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[82064] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 12 Deinde cum dicit sed quomodo ostendit difficultatem,
quae adhuc remanet Platonicis post praedictam solutionem. Et inducit duas
difficultates. Quarum prima est, quia Platonici ponebant, quod illud unum
indivisibile, non solum est causa numeri, qui est pluralitas quaedam, sed
etiam est causa magnitudinis. Si igitur detur, quod unum additum faciat plus,
quod videtur sufficere ad hoc quod unum sit causa numeri, quomodo poterit
esse quod ex tali uno indivisibili, aut ex pluribus talibus, fiat magnitudo,
ut Platonici posuerunt? Simile enim hoc videtur, si aliquis ponat lineam ex
punctis. Nam unitas est indivisibilis sicut et punctus. |
Puis lorsqu’il
dit : Mais alors, comment,
etc., il montre la difficulté à laquelle les Platoniciens se heurtent encore
après la solution précédente. Et il présente deux difficultés. La première
est que les Platoniciens affirmaient que l’un indivisible est non seulement
la cause du nombre, qui est une sorte de pluralité, mais aussi la cause de la
grandeur. Si donc on admet que l’ajout d’une unité augmente le nombre, ce qui
semble suffisant pour que l’un soit cause du nombre, comment est-il possible
que cet un indivisible, ou plusieurs du même genre, constituent une grandeur,
comme l’affirmaient les Platoniciens? En effet, il semble que cela revient à
dire que la ligne est formée de points, car l’unité est indivisible comme le
point. |
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[82065] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 13 Secundam difficultatem ponit ibi at vero et dicit: si
quis existimet ita, quod numerus sit effectus ex uno indivisibili, et ex
aliquo alio quod non sit unum, sed participet unum sicut quaedam materialis
natura, ut quidam dicunt; nihilominus remanet quaerendum propter quid, et per
quem modum illud, quod fit ex illo uno formali et alia natura materiali, quae
dicitur non unum, quandoque est numerus, quandoque autem est magnitudo. Et
praecipue si illud non unum materiale sit inaequalitas, quae significatur per
magnum, et sit eadem natura. Non enim est manifestum quomodo ex hac
inaequalitate quasi materia et uno formali fiant numeri; neque etiam quomodo
ex aliquo numero formali et hac inaequalitate quasi materiali fiant
magnitudines. Ponebant enim Platonici quod ex primo uno et ex prima dualitate
fiebat numerus, ex quo numero et a qua inaequalitate materiali fiebat
magnitudo. |
Il présente la
deuxième difficulté lorsqu’il dit : Que
si l’on admet, etc., en disant que si quelqu'un pense que le nombre est
l’effet de l’un indivisible et d’autre chose qui n’est pas un mais participe
de l’un à la manière d’une nature matérielle, comme certains le disent, il
reste quand même à chercher pourquoi et de quelle manière ce qui vient à
l’être, à partir de cet un formel et d’une autre nature matérielle qu’on dit
être non-une, est parfois un nombre, parfois une grandeur. Et cela, surtout
si ce non-un matériel est une inégalité, signifiée par le grand, et est de
même nature. En effet, il n’est pas évident de savoir comment des nombres se
forment à partir de cette inégalité, qui est une sorte de matière, et de l’un
formel; on voit mal également comment les grandeurs se forment à partir d’un
nombre formel et de cette inégalité qui est une sorte de matière. Les
Platoniciens affirmaient en effet que les nombres se forment à partir de la première
unité et de la première dualité, et que la grandeur se forme à partir de ce
nombre et de cette inégalité matérielle. |
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[82066] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 12 n. 14 Huius autem dubitationis solutio ab Aristotele in
sequentibus traditur. Quod enim sit aliquod separatum, quod sit ipsum unum et
ens, infra in duodecimo probabit, ostendens unitatem primi principii omnino
separati, quod tamen non est substantia omnium eorum quae sunt unum, sicut
Platonici putabant, sed est omnibus unitatis causa et principium. Unum autem,
secundum quod dicitur de aliis rebus, dicitur dupliciter. Uno modo secundum
quod convertitur cum ente: et sic unaquaeque res est una per suam essentiam,
ut infra in quarto probabitur, nec aliquid addit unum supra ens nisi solam
rationem indivisionis. Alio
modo dicitur unum secundum quod significat rationem primae mensurae, vel
simpliciter, vel in aliquo genere. Et hoc quidem si sit simpliciter minimum et
indivisibile, est unum quod est principium et mensura numeri. Si autem non
sit simpliciter minimum et indivisibile, nec simpliciter, sed secundum
positionem erit unum et mensura, ut as in ponderibus, et diesis in melodiis,
et mensura pedalis in lineis: et ex tali uno nihil prohibet componi
magnitudinem: et hoc determinabit in decimo huius. Sed quia Platonici
aestimaverunt idem esse unum quod est principium numeri, et quod convertitur
cum ente; ideo posuerunt unum quod est principium numeri, esse substantiam
cuiuslibet rei, et per consequens numerum, inquantum ex pluribus substantialibus
principiis, rerum compositarum substantia consistit vel constat. Hanc autem
quaestionem diffusius pertractabit in tertiodecimo et quartodecimo. |
Aristote donnera la
solution de ce doute dans la suite. En effet, il prouvera au livre XII
l’existence d’un être séparé qui est l’un et l’être en soi, en montrant
l’unité du premier principe totalement séparé, qui n’est pourtant pas la
substance de toutes les choses qui sont un, comme le supposaient les
Platoniciens, mais qui est cause et principe de l’unité de toutes choses.
Mais l’un, en tant qu’on l’attribue aux autres êtres, se dit de deux façons.
D’une façon, on parle de l’un qui est convertible avec l’être; et ainsi,
toute chose est une par son essence, comme on le prouvera au livre IV, et
l’un pris en ce sens n’ajoute rien à l’être, si ce n’est la notion
d’indivision. De l’autre façon, on parle de l’un en tant qu’il signifie le
barème de la première mesure, soit de façon absolue, soit dans un certain
genre. Et si cet un est absolument le plus petit et est indivisible, il est
l’un qui est principe et mesure du nombre. Mais s’il n’est pas absolument le
plus petit et n’est pas indivisible, il n’est pas un et mesure de façon
absolue, mais par sa position, comme c’est le cas des poids, des dièses dans
les mélodies et de la mesure d’un pied dans les lignes, et rien n’empêche
qu’une grandeur ne soit composée de telles unités; c’est un point dont il
traitera au livre X. Mais les Platoniciens, ayant estimé que l’un qui est
principe du nombre est la même chose que l’un qui est convertible avec
l’être, ont affirmé en conséquence que l’un qui est principe du nombre est la
substance de toute chose, et par conséquent que le nombre, en tant qu’il
provient de plusieurs principes substantiels, forme ou constitue la substance
des êtres composés. Mais il traitera cette question plus à fond aux livres
XIII et XIV. |
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Leçon 13, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Une difficulté se rattache aux
précédentes ; la voici : Les nombres, les corps, les plans et les
points sont-ils ou non des substances ? Si ce ne sont pas des substances, nous
ne connaissons bien ni ce que c’est que l’être, ni quelles sont les
substances des êtres. En effet, ni les modifications, ni les mouvements, ni
les relations, ni les dispositions, ni les proportions ne paraissent avoir
aucun des caractères de la substance. On rapporte toutes ces choses comme
attributs à un sujet, on ne leur donne jamais une existence indépendante.
Quant aux choses qui paraissent le plus porter le caractère de la substance,
telles que l’eau, la terre, le feu, qui constituent les corps composés, le
chaud et le froid dans ces choses, et les propriétés de cette sorte, sont des
modifications, et non des substances. C’est le corps sujet de ces
modifications qui seul persiste, comme être, comme substance véritable. Et
pourtant le corps est moins substance que la surface ; celle-ci l’est
moins que la ligne, et la ligne moins que la monade et le point. C’est par
eux que le corps est déterminé, et il est possible, ce semble, qu’ils
existent indépendamment du corps ; mais sans eux l’existence du corps
est impossible. C’est pourquoi, tandis que le vulgaire, tandis que les
philosophes des premiers temps admettent que l’être et la substance, c’est le
corps, et que les autres choses sont des modifications du corps, de sorte que
les principes des corps sont aussi les principes des êtres, des philosophes
plus récents, et qui se sont montrés plus vraiment philosophes que leurs
devanciers, admettent pour principes les nombres. Ainsi donc que nous l’avons
dit, si les êtres en question ne sont pas des substances, il n’y a absolument
aucune substance, ni aucun être, car les accidents de ces êtres ne méritent
certainement pas d’être nommés des êtres. Mais cependant si, d’un côté, l’on
reconnaît que les longueurs et les points sont plus des substances que les
corps, et si, de l’autre, nous ne voyons parmi quels corps il faudra les
ranger – car on ne peut les placer parmi les objets sensibles, puisqu’il n’y
aurait aucune substance. En effet, ce ne sont là, évidemment, que des
divisions du corps soit en largeur, soit en profondeur, soit en longueur.
Enfin, ou bien toute figure quelconque se trouve également dans le solide, ou
bien il n’y en a aucune. De sorte que si l’on ne peut dire que l’Hermès
existe dans la pierre avec ses contours déterminés, la moitié du cube n’est
pas non plus dans le cube avec sa forme déterminée ; il n’y a même dans
le cube aucune surface réelle. Car si une surface quelconque y existait
réellement, ce qui détermine la moitié du cube y aurait-elle aussi une
existence réelle. Le même raisonnement s’applique encore à la ligne, au point
et à la monade. Par conséquent, si, d’un côté, le corps est la substance par
excellence, si, de l’autre, les surfaces, les lignes et les points le sont
plus que le corps même, et si d’ailleurs, ni les surfaces, ni les lignes, ni
les points, ne sont des substances, nous ne savons bien, ni ce que c’est que
l’être, ni quelle est la substance des êtres. Ajoutez à ce que nous venons de dire,
des conséquences déraisonnables relativement à la production et à la
destruction. Dans ce cas, en effet, la substance qui auparavant n’était pas,
existe maintenant, celle qui était auparavant, cesse d’exister. N’est-ce pas
là, pour la substance, une production et une destruction ? Au contraire,
ni les points, ni les lignes, ni les surfaces ne sont susceptibles, ni de se
produire ni être détruits ; et pourtant tantôt ils existent, et tantôt
n’existent pas. Voyez ce qui se passe dans le cas dé la réunion ou de la
séparation de deux corps : s’ils se rapprochent, il n’y a qu’une
surface ; s’ils se séparent, il y en a deux. Ainsi une surface, des
lignes, des points, n’existent plus, ils ont disparu ; tandis qu’après
la séparation, des grandeurs existent, qui n’existaient pas auparavant ;
mais le point, objet indivisible, n’a pas été divisé en deux parties. Enfin,
si les surfaces sont sujettes à production et à destruction, elles viennent
de quelque chose. Mais il en est des êtres en question à
peu près comme de l’instant actuel dans le temps. II n’est pas possible qu’il
devienne et périsse; toutefois, comme il n’est pas une substance, il paraît
sans cesse différent. Évidemment les points, et les lignes, et les plans,
sont dans un pareil cas; car on peut leur appliquer les mêmes raisonnements.
Ce ne sont là, aussi bien que l’instant actuel, que des limites ou des
divisions. |
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Lectio 13 |
Leçon 13, Commentaire de
saint Thomas [Les nombres et les grandeurs sont-ils substances des choses?]
(Traduction Georges Comeau, 2011)
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Leçon 13
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[82067] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 1 Postquam philosophus inquisivit utrum unum et ens
sint substantia rerum, hic inquirit utrum numerus et magnitudo sint substantia
rerum: et circa hoc tria facit. Primo movet dubitationem. Secundo obiicit pro
una parte, ibi, nam si non sunt et cetera. Tertio obiicit ad contraria, ibi,
at vero si hoc quidem confessum est et cetera. Dicit ergo primo, quod
dubitatio habita, idest consequens ad praemissam, est, utrum numeri et
magnitudines, scilicet corpora et superficies et termini eorum, ut puncta,
sint aliquae substantiae vel a rebus separatae, vel etiam sint substantiae
ipsorum sensibilium, aut non. Dicit autem hanc dubitationem esse consequentem
ad praemissam; quia in praemissa dubitatione quaerebatur utrum unum sit
substantia rerum; unum autem est principium numeri; numerus autem videtur
esse substantia magnitudinis; sicut et punctum, quod est principium
magnitudinis, nihil aliud videtur quam unitas positionem habens, et linea
dualitas positionem habens. Prima autem superficies est ternarius positionem
habens, corpus autem quaternarius positionem habens. |
Après s’être demandé
si l’un et l’être sont la substance des choses, le Philosophe cherche
maintenant à savoir si le nombre et la grandeur sont la substance des choses.
Il traite cette question en trois parties. En premier, il soulève ce doute.
En deuxième, il argumente en faveur d’une réponse, où il dit : Si ce ne sont pas des substances, etc.
En troisième, il présente les arguments contraires, où il dit : Mais cependant si, d’un côté, etc. Il
dit donc en premier qu’un doute « connexe », c'est-à-dire qui fait
suite au précédent, est de savoir si les nombres et les grandeurs,
c'est-à-dire les corps, les surfaces et leurs bornes, telles que les points,
sont ou bien des substances séparées, ou bien les substances mêmes des
sensibles. Il dit cependant que ce doute se rattache au précédent, car dans
le doute précédent, on se demandait si l’un est la substance des choses; or,
l’un est le principe du nombre, et le nombre semble être la substance de la
grandeur; c’est ainsi que le point, qui est le principe de la grandeur, ne
semble être rien d’autre que l’unité ayant une position, et la ligne, le
nombre 2 ayant une position. La surface, quant à elle, est le nombre 3 ayant
une position, et le corps est le nombre 4 ayant une position[55]. |
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[82068] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 2 Deinde cum dicit nam si non obiicit ad ostendendum
quod praedicta sint substantiae rerum: et circa hoc duo facit. Primo obiicit
ad ostendendum quod praedicta sunt substantiae rerum. Secundo ostendit
quomodo philosophi praecedentes secuti fuerunt rationes primas, ibi, propter
quod multi. Circa primum duo facit. Primo enim obiicit ad ostendendum quod
corpus sit substantia rerum. Secundo quod multo magis alia, ibi, at vero
corpus et cetera. Dicit ergo primo, quod si praedicta non sunt substantiae
quaedam, fugiet a nobis quid sit substantialiter ens, et quae sunt
substantiae entium. Manifestum est enim quod passiones et motus, et
relationes, et dispositiones seu ordines, et orationes secundum quod voce
proferuntur, prout ponuntur in genere quantitatis, non videntur alicuius
significare substantiam, quia omnia huiusmodi videntur dici de aliquo
subiecto, et nihil eorum significare hoc aliquid, idest aliquid
absolutum et per se subsistens. Et hoc specialiter manifestum est in
praemissis, qui non dicuntur absolute, sed eorum ratio in quadam relatione
consistit. Inter omnia vero, quae maxime videntur significare substantiam,
sunt ignis et terra et aqua, ex quibus componuntur corpora multa.
Praetermittit autem aerem, quia minus est sensibilis, unde aliqui opinati
sunt aerem nihil esse. In his autem corporibus inveniuntur quaedam
dispositiones, scilicet calor et frigus et aliae huiusmodi passiones vel
passibiles qualitates, quae non sunt substantiae secundum praedicta. Unde
relinquitur quod solum corpus sit substantia. |
Puis lorsqu’il
dit : Si ce ne sont pas, etc.,
il argumente pour montrer que ces principes sont les substances des choses,
ce qu’il fait en deux points. En premier, il argumente pour montrer que ce
sont les substances des choses. En deuxième, il montre comment les
philosophes antérieurs se sont rangés aux premiers arguments, où il
dit : C’est pourquoi, tandis que,
etc. Il traite le premier point en deux parties. En effet, il argumente en
premier pour montrer que le corps est la substance des choses, et en
deuxième, pour montrer que d’autres principes le sont bien davantage, où il
dit : Et pourtant le corps est
moins, etc. Il dit donc en premier que si ces êtres ne sont pas des
substances, ce qu’est l’être substantiellement nous échappe, ainsi que ce que
sont les substances des êtres. Il est manifeste en effet que les affections,
les mouvements, les relations, les dispositions ou les ordres, ainsi que les
discours en tant qu’ils sont prononcés par la voix, selon qu’on les range
dans le genre de la quantité, ne semblent signifier aucune substance, car on
voit que toutes ces choses sont attribuées à un sujet, et aucune de ces
choses ne signifie « cet objet », c'est-à-dire quelque chose
d’absolu qui subsiste par lui-même. Et cela est particulièrement évident dans
les choses énumérées, qu’on ne dit pas de façon absolue; leur notion consiste
plutôt en une relation. Mais parmi tous les êtres, ceux qui semblent le plus
signifier la substance sont le feu, la terre et l’eau, dont beaucoup de corps
sont composés. Ici il omet l’air parce qu’il est moins sensible, et pour
cette raison, certains ont été d’avis que l’air n’est rien. Or, on trouve
dans ces corps certaines dispositions, à savoir la chaleur, le froid et
d’autres affections ou qualités passives, qui ne sont pas des substances
d’après ce qui précède. Il reste donc que seul le corps est substance. |
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[82069] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 3 Deinde cum dicit at vero, procedit ulterius ad alia,
quae etiam videntur magis esse substantia quam corpus: et dicit, quod corpus videtur
minus esse substantia quam superficies, et superficies minus quam linea, et
linea minus quam punctus aut unitas. Et hoc probat per duo media: quorum unum
est; quia id, per quod aliquid definitur, videtur esse substantia eius: nam
definitio significat substantiam. Sed corpus definitur per superficiem, et
superficies per lineam, et linea per punctum, et punctus per unitatem, quia
dicunt quod punctus est unitas positionem habens: ergo superficies est
substantia corporis, et sic de aliis. |
Puis lorsqu’il
dit : Et pourtant le corps,
etc., il va plus loin en nommant d’autres choses qui semblent être davantage
des substances que le corps : il dit que le corps semble moins être
substance que la surface, la surface moins que la ligne, et la ligne moins
que le point ou l’unité. Et il prouve cette idée par deux moyens : l’un
est que ce par quoi on définit une chose semble être sa substance, car la
définition signifie la substance. Mais le corps se définit par la surface, la
surface se définit par la ligne, la ligne par le point, et le point par
l’unité, car on dit que le point est une unité ayant une position; donc la
surface est la substance du corps, et ainsi de suite. |
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[82070] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 4 Secundum medium est, quia cum substantia sit primum
in entibus, illud quod est prius, videtur esse magis substantia: sed
superficies natura prior est corpore, quia superficies potest esse sine
corpore non autem corpus sine superficie: ergo superficies est magis
substantia quam corpus. Et idem potest argui de omnibus aliis per ordinem. |
Le deuxième moyen
est que, puisque la substance est première parmi les êtres, ce qui est
antérieur semble être davantage substance; mais la surface est antérieure par
nature au corps, car la surface peut exister sans le corps, mais non le corps
sans la surface; donc, la surface est davantage substance que le corps. Et on
peut adopter le même argument pour tous les autres êtres[56] l’un après l’autre. |
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[82071] Sententia Metaphysicae,
lib. 3 l. 13 n. 5 Deinde cum dicit propter quod ostendit quomodo
philosophi praecedentes secuti fuerunt praedictas rationes; et dicit, quod
propter praedictas rationes multi antiquorum philosophorum, et maxime illi,
qui fuerunt priores, nihil opinabantur esse ens et substantiam nisi corpus,
omnia vero alia esse quaedam accidentia corporis. Et inde est, quod quando
volebant inquirere principia entium, inquirebant principia corporum, ut supra
in primo circa opiniones antiquorum naturalium habitum est. Alii vero
posteriores philosophi, qui reputabantur sapientiores praedictis philosophis,
quasi altius attingentes ad principia rerum, scilicet Pythagorici et
Platonici, opinati sunt numeros esse rerum substantias, inquantum scilicet
numeri componuntur ex unitatibus. Unum autem videtur esse una substantia
rerum. Sic ergo videtur secundum praemissas rationes et philosophorum
opiniones, quod si praedicta non sunt substantiae rerum, scilicet numeri et
lineae et superficies et corpora, nihil erit ens. Non est enim dignum ut, si
ista non sunt entia, quod accidentia eorum entia vocentur. |
Puis lorsqu’il
dit : C’est pourquoi, tandis que,
etc., il montre comment les philosophes avant lui se sont rangés à ces
arguments : il dit que, à cause des arguments mentionnés, beaucoup
d’anciens philosophes, et surtout ceux qui sont venus en premier, ont pensé
qu’il n’y avait pas d’autre être et d’autre substance que le corps, et que
toutes les autres choses étaient des accidents du corps. Et c’est pourquoi,
lorsqu’ils voulaient rechercher les principes des êtres, ils recherchaient
les principes des corps, comme on l’a vu au livre I au sujet des opinions des
anciens physiciens. Mais les philosophes plus tardifs, qui étaient considérés
plus sages que les précédents parce qu’ils ont atteint une plus haute
connaissance des principes des choses (il s’agit des Pythagoriciens et des
Platoniciens), ont pensé que les nombres étaient les substances des choses,
du fait que les nombres sont composés d’unités, et que l’un semble être substance
unique des choses. Il semble donc, d’après les arguments qui précèdent et les
opinions des philosophes, que si les êtres mentionnés (nombres, lignes,
surfaces et corps) ne sont pas les substances des choses, aucun être
n’existe; en effet, si ces principes ne sont pas des êtres, leurs accidents
ne sont pas dignes d’être appelés des êtres. |
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[82072] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 6 Deinde cum dicit at vero obiicit in contrarium: et ponit
quatuor rationes: quarum prima talis est. Si quis confitetur, quod
longitudines et puncta sint magis substantiae quam corpora, sequetur quod, si
huiusmodi non sint substantiae, et corpora non sint substantiae; et per
consequens nihil erit substantia, quia accidentia corporum non sunt
substantiae, ut supra dictum est. Sed puncta et linea et superficies non sunt
substantiae. Haec enim oportet aliquorum corporum esse terminos; nam punctus
est terminus lineae, linea superficiei, et superficies corporis. Non autem
videtur qualium corporum sint illae superficies, quae sunt substantiae, vel
lineae, vel puncta. Manifestum enim est, quod lineae et superficies
sensibilium corporum non sunt substantiae; variantur enim per modum aliorum
accidentium circa idem subiectum. Sequetur ergo quod nihil erit substantia. |
Puis lorsqu’il
dit : Mais cependant si, etc.,
il argumente en faveur de l’idée contraire; et il donne quatre raisons en ce
sens, dont voici la première. Si on admettait que les longueurs et les points
sont davantage des substances que les corps, il s’ensuivrait que s’ils
n’étaient pas des substances, les corps non plus ne seraient pas des
substances; par conséquent, rien ne serait substance, car les accidents des
corps ne sont pas des substances, comme on l’a dit plus haut. Mais les
points, les lignes et les surfaces ne sont pas des substances. En effet, ils
sont nécessairement les extrémités de certains corps, car le point est
l’extrémité de la ligne, la ligne celle de la surface, et la surface celle du
corps. Mais on ne voit pas à quelle sorte de corps appartiennent ces
surfaces, ces lignes ou ces points qui sont des substances. Il est évident en
effet que les lignes et les surfaces des corps sensibles ne sont pas des
substances; elles varient en effet de la même manière que les autres
accidents qui affectent le même sujet. Il s’ensuivrait donc que rien ne
serait substance. |
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[82073] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 7 Secundam rationem ponit ibi, amplius autem quae
talis est. Omnia praedicta videntur esse quaedam corporis dimensiones: vel
secundum latitudinem, ut superficies: vel secundum profunditatem, ut corpus:
vel secundum longitudinem, ut linea. Sed dimensiones corporis non sunt
substantiae: ergo huiusmodi non sunt substantiae. |
Il donne la deuxième
raison où il dit : En effet, ce ne
sont là, etc; la voici. Toutes les choses énumérées semblent être des
dimensions du corps, soit en largeur, comme la surface, soit en profondeur,
comme le corps, soit en longueur, comme la ligne. Mais les dimensions du
corps ne sont pas des substances; donc, les choses du genre ne sont pas des
substances. |
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[82074] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 8 Tertiam rationem ponit ibi, adhuc autem quae talis est.
In corpore solido simili modo inest, scilicet potentialiter, quaelibet
figura, quae potest protrahi ex illo solido per aliquam dimensionem. Sed
manifestum est quod in quodam magno lapide nondum secto non inest Mercurius
idest figura Mercurii, in actu, sed solum in potentia: ergo similiter in
cubo, idest in corpore habente sex superficies quadratas, non inest
medietas cubi, quae est quaedam alia figura, actu. Sed hoc modo est actu,
quando iam cubus dividitur in duas medietates. Et quia omnis protractio novae
figurae in solido exciso fit secundum aliquam superficiem, quae terminat
figuram, manifestum est quod nec etiam superficies talis erit in corpore in
actu, sed solum in potentia: quia si quaecumque superficies praeter
exteriorem essent in actu in corpore solido, pari ratione esset in actu
superficies, quae terminat medietatem figurae. Quod autem dictum est de
superficie, intelligendum est in linea, puncto, unitate. Haec enim in
continuo non sunt in actu, nisi solum quantum ad illa quae terminant continuum,
quae manifestum est non esse substantiam corporis. Aliae vero superficies vel
lineae non possunt esse corporis substantiae, quia non sunt actu in ipso.
Substantia autem actu est in eo cuius est substantia. Unde concludit quod
inter omnia, maxime videtur esse substantia corpus; superficies autem et
lineae magis videntur esse substantia quam corpus. Haec autem si non sunt
entia in actu, nec sunt aliquae substantiae, videtur effugere cognitionem
nostram, quid sit ens, et quae sit rerum substantia. |
Il donne la
troisième raison où il dit : Enfin,
ou bien toute figure, etc; la voici. Dans un corps solide, c’est de la
même façon, c'est-à-dire en puissance, que se trouve toute figure qui peut en
être extraite par une dimension quelconque. Mais il est évident que dans une
grande pierre pas encore taillée, l’Hermès,
c'est-à-dire la figure de Mercure, n’est pas présent en acte, mais seulement
en puissance; donc, pareillement dans le cube,
c'est-à-dire le corps ayant six faces carrées, on ne trouve pas en acte la
moitié du cube, qui est une autre figure. Mais cette figure est en acte une
fois que le cube a été divisé en deux moitiés. Et puisque toute production
d’une nouvelle figure par le découpage d’un solide se fait d’après une
surface qui est la limite de la figure, il est évident qu’une telle surface
non plus n’est pas présente en acte, mais seulement en puissance dans le
corps, car si n’importe quelle surface, autre que la surface extérieure, était
en acte dans le corps solide, pour la même raison, la surface qui limite la
moitié de la figure y serait aussi en acte. Cependant, ce qui est dit ici de
la surface doit également se comprendre de la ligne, du point et de l’unité.
En effet, dans un continu, ces choses ne sont pas en acte, sinon en autant
qu’elles sont les limites du continu, auquel cas il est évident qu’elles ne
sont pas la substance du corps. Quant aux autres surfaces ou aux autres
lignes, elles ne peuvent pas être les substances du corps, car elles ne s’y
trouvent pas en acte, tandis que la substance est en acte dans ce dont elle
est la substance. C’est pourquoi il conclut que de toutes ces choses, c’est
surtout le corps qui semble être la substance, mais que les surfaces et les
lignes, plus que le corps, semblent être la substance. Mais si elles ne sont
pas des êtres en acte, elles ne sont pas des substances non plus, et il nous
semble impossible de savoir ce qu’est l’être et ce que sont les substances
des choses. |
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[82075] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 9 Quartam rationem ponit ibi nam cum et primo ponit
ipsam. Secundo manifestat eam in quodam simili, ibi, similiter autem se habet
et cetera. Dicit ergo primo, quod cum dictis inconvenientibus etiam
irrationabilia accidunt ex parte generationis et corruptionis, ponentibus
lineas et superficies esse substantias rerum. Omnis enim substantia, quae
prius non fuit et postea est, aut prius fuit et postea non est, videtur hoc
pati cum generatione et corruptione. Et hoc manifeste apparet in omnibus his
quae per motum causantur. Puncta autem et lineae et superficies quandoque
quidem sunt, quandoque vero non sunt, et tamen non generantur nec
corrumpuntur; ergo nec sunt substantiae. |
Il donne la
quatrième raison lorsqu’il dit : Ajoutez
à ce que nous venons, etc.; et en premier, il l’énonce; en deuxième, il
la manifeste dans un cas semblable, où il dit : Mais il en est des êtres, etc. Il dit donc en premier qu’en plus
des absurdités déjà mentionnées, d’autres conséquences déraisonnables s’ensuivent
du côté de la génération et de la corruption, pour ceux qui affirment que les
lignes et les surfaces sont les substances des choses. En effet, toute
substance qui n’existait pas auparavant et a existé ensuite, ou qui existait
auparavant et a cessé d’exister, semble ainsi affectée par suite de
génération et de corruption. Et cela est évident dans tout ce qui est causé
par un mouvement. Mais les points, les lignes et les surfaces tantôt existent
et tantôt n’existent pas, et pourtant ils ne sont ni engendrés ni corrompus;
donc, ils ne sont pas des substances. |
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[82076] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 10 Probat autem utrumque suppositorum. Primo quidem,
quod quandoque sint et quandoque non sint. Contingit enim corpora prius
divisa copulari in unum aut prius copulata dividi. Quando autem corpora
primum divisa copulantur, fit una superficies duorum corporum, quia partes
corporis continui copulantur ad unum communem terminum, qui est superficies
una. Quando vero corpus unum dividitur in duo, efficiuntur duae superficies.
Quia non potest dici quod quando corpora duo componuntur, quod duae
superficies eorum maneant, sed utraeque corrumpuntur, idest desinunt
esse. Similiter quando corpora dividuntur, incipiunt esse de novo duae
superficies prius non existentes. Non enim potest dici quod superficies quae
est indivisibilis secundum profunditatem, dividatur in superficies duas
secundum profunditatem: aut linea, quae est indivisibilis secundum
latitudinem, dividatur secundum latitudinem: aut punctum, quod omnino est
indivisibile, quocumque modo dividatur. Et sic patet quod ex uno non possent
fieri duo in via divisionis: nec ex duobus praedictorum potest fieri unum in
via compositionis. Unde relinquitur quod puncta et linea et superficies
quandoque esse incipiant, et quandoque esse deficiant. |
Il prouve ensuite
les deux présupposés de cet énoncé, et en premier, que tantôt ces choses
existent et tantôt elles n’existent pas. Il arrive en effet que des corps,
d’abord séparés, soient réunis, ou que des corps réunis soient séparés. Quand
des corps séparés sont réunis, les surfaces des deux corps deviennent une,
car les parties du corps continu sont jointes en une limite commune, qui est
une surface unique. Quand un corps unique est divisé en deux, cela produit
deux surfaces. En effet, on ne peut pas dire que lorsque deux corps sont
joints, leurs deux surfaces demeurent, mais l’une et l’autre « sont
corrompues », c'est-à-dire cessent d’exister. Pareillement, quand des
corps sont divisés, deux nouvelles surfaces qui n’existaient pas commencent à
exister. En effet, on ne peut pas dire qu’une surface, qui est indivisible en
épaisseur, se divise en deux surfaces dans le sens de l’épaisseur, ou qu’une
ligne, qui est indivisible en largeur, se divise dans le sens de la largeur,
ou que le point, qui est tout à fait indivisible, se divise de n’importe
quelle façon. Ainsi, il est évident qu’à partir de l’un, on ne peut pas faire
deux par mode de division, et que deux des choses précédentes ne peuvent pas
en constituer une par mode d’assemblage. Il reste donc que tantôt les points,
les lignes et les surfaces commencent à exister, et tantôt ils cessent
d’exister. |
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[82077] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 11 Consequenter probat secundum quod supponebatur,
scilicet quod ista non generantur nec corrumpuntur. Omne enim quod generatur,
ex aliquo generatur: et omne quod corrumpitur, in aliquid corrumpitur sicut
in materiam. Sed non est dare aliquam materiam, ex qua ista generentur et in
qua corrumpantur, propter eorum simplicitatem; ergo non generantur nec
corrumpuntur. |
Ensuite, il prouve
son deuxième présupposé, à savoir que ces êtres ne sont ni engendrés ni
corrompus. En effet, tout ce qui est engendré, l’est à partir de quelque
chose, et tout ce qui se corrompt, le fait en devenant quelque chose qui est
comme sa matière. Mais on ne peut pas dire de quelle matière ils sont
engendrés ni en quelle matière ils se corrompent, en raison de leur
simplicité; ils ne sont donc ni engendrés ni corrompus. |
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[82078] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 12 Deinde cum dicit similiter autem manifestat
praedictam rationem in simili. Ita enim se habet nunc in tempore, sicut
punctus in linea. Nunc autem non videtur generari et corrumpi: quia si
generaretur vel corrumperetur, oporteret quod generatio et corruptio ipsius
mensurarentur aliquo tempore vel instanti. Et sic mensura ipsius nunc, esset
vel aliud nunc in infinitum, vel tempus, quod est impossibile. Et licet nunc
non generetur et corrumpatur, tamen videtur semper esse aliud et aliud nunc:
non quidem quod differant secundum substantiam, sed secundum esse. Quia
substantia ipsius nunc, respondet subiecto mobili. Variatio autem ipsius nunc
secundum esse, respondet variationi motus, ut ostenditur in quarto physicorum.
Similiter ergo videtur se habere de puncto in comparatione ad lineam, et de
linea in comparatione ad superficiem, et de superficie in comparatione ad
corpus; scilicet quod non corrumpantur nec generentur, et tamen aliqua
variatio attendatur circa huiusmodi. Eadem enim ratio est de omnibus his:
omnia enim huiusmodi similiter sunt termini, secundum quod in extremo
considerantur, vel divisiones secundum quod sunt in medio. Unde, sicut
secundum defluxum motus variatur nunc secundum esse, licet maneat idem secundum
substantiam propter identitatem mobilis, ita etiam variatur punctus, nec fit
aliud et aliud propter divisionem lineae, licet non corrumpatur nec generetur
simpliciter. Et eadem ratio est de aliis. |
Puis lorsqu’il
dit : Mais il en est des êtres,
etc., il manifeste l’argument précédent par une analogie. En effet, le
rapport de l’instant présent au temps est comme celui du point à la ligne.
Mais l’instant présent ne semble pas être engendré ni corrompu, car s’il
était engendré ou corrompu, il faudrait que sa génération et sa corruption
soient mesurées par une durée ou un instant. Et ainsi, la mesure de cet
instant serait, ou bien un autre instant et l’on irait à l’infini, ou bien un
temps, ce qui est impossible. Et même si un instant n’est ni engendré ni corrompu,
il semble pourtant toujours y avoir des instants différents, différence qui
n’est pourtant pas selon la substance, mais selon l’existence. En effet, la
substance de cet instant correspond au sujet mobile. Mais la variation de
l’instant selon l’existence correspond à la variation du mouvement, comme il
est montré au livre IV des Physiques.
Donc, le point semble se comparer à la ligne de la même façon que la ligne à
la surface et la surface au corps, en ce qu’ils ne sont ni corrompus ni
engendrés, et pourtant on remarque en eux une certaine variation. La même
raison vaut en effet pour tous ces êtres; en effet, tous les êtres de cette
sorte sont des termes, en tant qu’on les trouve aux extrémités, ou des
séparations, en tant qu’on les trouve au milieu. C’est pourquoi, de même que
selon le cours du mouvement l’instant varie en son existence, bien qu’il
reste le même par sa substance à cause de l’identité du mobile, de même le
point varie, sans devenir différent à cause de la division de la ligne, même
s’il n’est ni engendré ni corrompu de façon absolue. Et le même argument
s’applique aux autres êtres du genre. |
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[82079] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 13 n. 13 Hanc autem quaestionem philosophus pertractat in decimotertio
et decimoquarto. Et veritas quaestionis huius est, quod huiusmodi mathematica
non sunt substantiae rerum, sed sunt accidentia supervenientia substantiis.
Deceptio autem quantum ad magnitudines provenit ex hoc, quod non distinguitur
de corpore secundum quod est in genere substantiae, et secundum quod est in
genere quantitatis. In genere enim substantiae est secundum quod componitur
ex materia et forma, quam consequuntur dimensiones in materia corporali.
Ipsae autem dimensiones pertinent ad genus quantitatis, quae non sunt
substantiae, sed accidentia, quibus subiicitur substantia composita ex
materia et forma. Sicut etiam supra dictum est, quod deceptio ponentium
numeros esse substantias rerum, proveniebat ex hoc quod non distinguebant
inter unum quod est principium numeri, et unum quod convertitur cum ente. |
Le Philosophe
approfondira cette question aux livres XII et XIV. Et la vérité sur cette
question est que ces êtres mathématiques ne sont pas les substances des
choses, mais des accidents surajoutés aux substances. Mais l’erreur au sujet
des grandeurs vient du fait qu’on ne fait pas de distinction dans le corps
entre ce qui est du genre de la substance et ce qui est dans le genre de la
quantité. En effet, le corps appartient au genre de la substance selon qu’il
est composé de matière et de forme, et les dimensions dans la matière
corporelle viennent par voie de conséquence. Mais ces dimensions
appartiennent au genre de la quantité; elles ne sont pas des substances mais
des accidents, qui ont pour sujet la substance composée de matière et de
forme. C’est ainsi qu’on a également dit plus haut que l’erreur de ceux qui
affirmaient que les nombre sont les substances des choses provenait du fait
qu’ils ne distinguaient pas entre l’un qui est principe du nombre et l’un qui
est convertible avec l'être. |
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Leçon 14, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Une question qu’on doit absolument se
poser, c’est de savoir pourquoi il faut, en dehors des êtres sensibles et des
êtres intermédiaires, chercher encore d’autres objets, par exemple, ceux
qu’on appelle idées. Le motif, dit-on, c’est que si les êtres mathématiques
différent par quelque autre endroit des objets de ce monde, ils n’en
diffèrent toutefois nullement par celui-ci, qu’un grand nombre de ces sont
d’espèce semblable. De sorte que leurs principes ne seront pas bornés à
l’unité numérique. Il en sera comme des principes des mots dont nous nous
servons, qui se distinguent, non pas numériquement, mais génériquement ;
à moins toutefois qu’on ne les compte dans telle syllabe, dans tel mot
déterminé, car dans ce cas ils ont aussi l’unité numérique. Les êtres
intermédiaires sont dans ce cas. Là aussi les similitudes d’espèce sont en
nombre infini. De sorte que s’il n’y a pas, en dehors des êtres sensibles et
des êtres mathématiques, d’autres êtres, ceux que quelques philosophes
appellent idées, alors il n’y a pas de substance, une en nombre et en genre;
et alors les principes des êtres ne sont point des principes qui se comptent
numériquement; ils n’ont que l’unité générique. Et si cette conséquence est
nécessaire, il faut bien qu’il y ait des idées. En effet, quoique ceux qui
admettent leur existence n’articulent pas bien leur pensée, voici ce qu’ils
veulent dire, et telle est la conséquence nécessaire de leurs principes.
Chacune des idées est une substance, aucune n’est accident. D’un autre côté,
si l’on établit que les idées existent, et que les principes sont numériques
et non génériques, nous avons dit plus haut quelles impossibilités en
résultent nécessairement. |
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Lectio 14 |
Leçon 14, Commentaire de
saint Thomas [Outre les êtres mathématiques, y a-t-il d’autres principes
séparés?] (Traduction Georges Comeau, 2011)
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Leçon 14
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[82080] Sententia Metaphysicae,
lib. 3 l. 14 n. 1 Postquam philosophus inquisivit utrum mathematica
sint principia rerum sensibilium, hic inquirit utrum supra mathematica sint
aliqua alia principia, puta quae dicuntur species, quae sunt substantiae et
principia horum sensibilium. Et circa hoc tria facit. Primo movet dubitationem.
Secundo inducit rationem ad unam partem, ibi, nam si ideo. Tertio obiicit ad partem contrariam, ibi, at vero si
ponimus et cetera. Dicit ergo primo, quod supposito quod mathematica non sint
principia rerum sensibilium et eorum substantia, ulterius aliquis dubitabit
quae est ratio quare praeter substantias sensibiles et praeter mathematica
quae sunt media inter sensibilia et species, oportet iterum ponere tertium
genus, scilicet ipsas species, idest ideas vel formas separatas. |
Après s’être demandé
si les êtres mathématiques sont les principes des choses sensibles, le
Philosophe se demande maintenant si, outre les êtres mathématiques, il existe
d’autres principes, par exemple ceux qu’on appelle espèces, qui soient des
substances et des principes des êtres sensibles. Et il traite ce sujet en
trois points. En premier, il soulève le doute. En deuxième, il apporte un
argument en faveur d’une réponse, où il dit : Le motif, dit-on, c’est que, etc. En troisième, il argumente en
sens contraire, où il dit : D’un
autre côté, si l’on établit, etc. Il dit donc en premier que, étant admis
que les êtres mathématiques ne sont pas les principes des choses sensibles ni
leur substance, on va se demander ensuite pour quelle raison, en plus des
substances sensibles et en plus des êtres mathématiques qui sont
intermédiaires entre les sensibles et les espèces, il faut affirmer également
l’existence d’un troisième genre, celui des espèces elles-mêmes, c'est-à-dire
des idées ou des formes séparées. |
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[82081] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 14 n. 2 Deinde cum dicit nam si ideo obiicit ad unam partem:
et videtur haec esse ratio quare oportet species ponere praeter sensibilia et
mathematica: quia mathematica a praesentibus idest a sensibilibus,
quae in universo sunt, differunt quidem in aliquo, quia mathematica
abstrahunt a materia sensibili; non tamen differunt in hoc, sed magis
conveniunt, quia sicut in sensibilibus inveniuntur plura numero differentia
eiusdem speciei, utpote plures homines, aut plures equi, ita etiam in
mathematicis inveniuntur plura numero differentia eiusdem speciei, puta
plures trianguli aequilateri, et plures lineae aequales. Et si ita est,
sequitur quod sicut principia sensibilium non sunt determinata secundum
numerum, sed secundum speciem, ita etiam sit in mediis idest in
mathematicis. Manifestum est enim quod in sensibilibus propter hoc quod sunt
plura individua unius speciei sensibilis, principia sensibilium non sunt
determinata numero, sed specie, nisi forte accipiantur principia propria
huius individui, quae sunt etiam in numero determinata et individualia. Et
ponit exemplum in vocibus. Manifestum est enim quod vocis literatae, literae
sunt principia; non tamen sunt aliquo numero determinato individualium
literarum, sed solum secundum speciem sunt determinatae literae secundum
aliquem numerum, quarum aliae sunt vocales, et aliae consonantes: sed haec
determinatio est secundum speciem, non secundum numerum. Non enim unum solum
est a sed multa, et sic de aliis literis. Sed si accipiantur hae literae,
quae sunt principia huius determinatae syllabae vel dictionis aut orationis,
sic sunt determinatae numero. Et eadem ratione, cum sint multa mathematica
numero differentia in una specie, non poterunt esse mathematica principia
mathematicorum determinata numero, sed determinata specie solum: puta si
dicamus quod principia triangulorum sunt tria latera et tres anguli. Sed haec
determinatio est secundum speciem: contingit enim quodlibet eorum in infinitum
multiplicari. Si igitur nihil esset praeter sensibilia et mathematica;
sequeretur quod substantia speciei non esset una secundum numerum, et quod
principia entium non essent determinata in aliquo numero, sed erunt
determinata solum secundum speciem. Si ergo est necessarium quod sint
determinata secundum numerum (alioquin contingeret esse principia rerum
infinita numero), sequitur quod necesse sit species esse praeter mathematica
et sensibilia. |
Puis lorsqu’il
dit : Le motif, dit-on, etc.,
il argumente en faveur d’une réponse. Et la raison pour laquelle il faut
affirmer l’existence d’espèces en plus des êtres sensibles et des êtres
mathématiques est la suivante : les êtres mathématiques diffèrent des objets de ce monde, c'est-à-dire des
sensibles qui se trouvent dans l’univers, par un aspect, car les êtres
mathématiques font abstraction de la matière sensible; ils ne diffèrent
pourtant pas des sensibles, mais plutôt y sont semblables, en ce que de même
qu’on trouve en ceux-ci beaucoup de choses numériquement différentes mais de
même espèce, par exemple beaucoup d’hommes ou de chevaux, de même on trouve
dans les êtres mathématiques beaucoup de choses numériquement différentes
mais de même espèce, beaucoup de triangles équilatéraux et beaucoup de lignes
égales par exemple. Et s’il en est ainsi, il s’ensuit que, de même que les
principes des êtres sensibles ne sont pas déterminés selon leur nombre mais
selon leur espèce, il en va de même dans les êtres intermédiaires, c'est-à-dire les êtres mathématiques. Il
est évident en effet que dans les choses sensibles, du fait qu’il existe
plusieurs individus d’une espèce sensible, les principes des sensibles ne
sont pas déterminés en nombre, mais enespèce, à moins peut-être qu’on ne
considère les principes propres de tel individu, qui sont également
déterminés en nombre et individuels. Et il donne l’exemple des mots. Il est
évident en effet que les mots épelés ont les lettres pour principes; ces
principes ne sont pourtant pas un nombre déterminé de chaque lettre, mais
c’est seulement par leurs espèces que les lettres sont en nombre déterminé,
et certaines sont des voyelles et d’autres sont des consonnes; mais cela se
détermine par leurs espèces et non par leur nombre. En effet, il n’y a pas un
seul A mais beaucoup, et de même pour les autres lettres. Mais si on
considère les lettres qui sont les principes d’une syllabe déterminée, ou
d’un énoncé ou d’un discours, alors elles ont un nombre déterminé. Et pour la
même raison, puisqu’il y a dans une même espèce beaucoup d’êtres
mathématiques numériquement différents, les principes mathématiques des êtres
mathématiques ne peuvent pas être déterminés en nombre, mais seulement en
espèce, par exemple si nous disons que les principes des triangles sont trois
côtés et trois angles. Mais cela constitue une détermination en espèce, car
n’importe quel de ces principes peut se multiplier à l’infini. Si donc il
n’existait rien d’autre que les sensibles et les êtres mathématiques, il
s’ensuivrait que la substance de l’espèce ne serait pas numériquement une et
que les principes des êtres n’auraient aucun nombre déterminé, mais ne
seraient déterminés qu’en espèce. Si donc il est nécessaire que les principes
soient déterminés en nombre (sinon, les principes des choses pourraient être
en nombre infini), il s’ensuit qu’il existe nécessairement des espèces en
plus des êtres mathématiques et sensibles. |
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[82082] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 14 n. 3 Et hoc est quod Platonici volunt dicere, quod sequitur
ex necessitate ad positiones eorum quod sit in singularium substantia species
aliquid unum, cui non conveniat aliquid secundum accidens. Homini enim
individuo convenit aliquid secundum accidens, scilicet album vel nigrum; sed
homini separato, qui est species secundum Platonicos, nihil convenit per
accidens, sed solum quod pertinet ad rationem speciei. Et quamvis hoc dicere
intendant, non tamen bene dearticulant, idest non bene distinguunt. |
Et ce que les
Platoniciens ont voulu dire, c’est qu’il s’ensuit nécessairement de leurs
affirmations qu’il existe dans l’espèce de la substance des singuliers une
réalité unique à laquelle rien ne s’attribue par accident. En effet, des
choses s’attribuent par accident à l’homme individuel, par exemple le blanc et
le noir; mais à l’homme séparé, qui est l’espèce selon les Platoniciens, rien
ne s’attribue par accident, mais les seuls attributs sont ceux qui
appartiennent à la notion de l’espèce. Et bien qu’ils aient voulu dire cela,
ils n’articulent pas bien leur pensée,
c'est-à-dire qu’ils ne font pas de bonnes distinctions. |
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[82083] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 14 n. 4 Deinde cum dicit at vero obiicit in contrarium: et
dicit, quod si ponamus species separatas esse, et quod principia rerum non sunt
solum determinata specie, sed etiam numero, quaedam inconvenientia sequuntur,
quae superius in quadam quaestione sunt tacta. Hanc autem dubitationem
philosophus determinat duodecimo et quartodecimo huius libri. Et veritas
dubitationis est quod sicut mathematica non sunt praeter sensibilia, ita nec
species rerum separatae praeter mathematica et sensibilia. Principia autem
rerum efficientia et moventia sunt quidem determinata numero; sed principia
rerum formalia quorum sunt multa individua unius speciei, non sunt
determinata numero, sed solum specie. |
Puis lorsqu’il
dit : D’un autre côté, si l’on
établit, etc., il argumente en sens contraire, en disant que si nous
affirmons qu’il existe des espèces séparées, et que les principes des choses
ne sont pas déterminés seulement en espèce mais aussi en nombre, il s’ensuit
certaines absurdités qui ont été mentionnées plus haut à propos d’une autre
question. Mais le Philosophe traite de ce doute aux livres XII et XIV. Et la
vraie solution est que de même que les êtres mathématiques n’existent pas à
part des sensibles, les espèces séparées des choses n’existent pas non plus
hors des êtres mathématiques et des êtres sensibles. Mais les principes
efficients et moteurs des choses sont d’un nombre déterminé, mais les principes
formels des choses dont il existent beaucoup d’individus d’une seule espèce
ne sont pas déterminés en nombre, mais seulement en espèce. |
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Leçon 15, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Une recherche difficile se lie aux
questions précédentes : Les éléments sont ils en puissance ou de quelque
autre manière ? S’ils sont de quelque autre manière, comment y aura-t-il
une autre chose antérieure aux principes (car la puissance est antérieure à
telle cause déterminée, et il n’est pas nécessaire que la cause qui est en
puissance passe à l’acte) ? Mais si les éléments ne sont qu’en
puissance, il est possible qu’aucun être n’existe. Pouvoir être, c’est n’être
pas encore ; puisque ce qui devient, c’est ce qui n’était pas, et que
rien ne devient, qui n’a pas la puissance d’être. Telles sont les difficultés qu’il faut
se proposer relativement aux principes. Il faut se demander encore si les
principes sont universels, ou bien s’ils sont des éléments particuliers.
S’ils sont universels, ils ne sont pas des essences, car ce qui est commun à
plusieurs êtres, indique qu’un être est de telle façon, et non qu’il est
proprement tel être. Or, l’essence, c’est ce qu’est proprement un être. Et si
l’universel est un être déterminé, si l’attribut commun aux êtres peut être
posé comme essence, il y aura dans le même être plusieurs animaux, Socrate,
l’homme, l’animal; puisque dans la supposition, chacun des attributs de
Socrate indique l’existence propre et l’unité d’un être. Si les principes
sont universels, voilà ce qui s’ensuit. Mais s’ils ne sont pas universels,
s’ils sont comme de éléments particuliers, ils ne peuvent être l’objet d’une
science puisque toute science porte sur l’universel. Par conséquent, qu’il devra
y avoir d’autres principes antérieurs à eux, et marqués du caractère de
l’universalité, pour qu’il puisse y avoir une science des principes. |
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Lectio 15 |
Leçon 15, Commentaire de
saint Thomas [Les premiers principes sont-ils en acte ou en puissance?]
(Traduction Georges Comeau, 2011)
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Leçon 15
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[82084] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 15 n. 1 Postquam philosophus inquisivit quae sunt principia,
hic inquirit quomodo sunt. Et primo utrum sint in potentia vel in actu.
Secundo utrum sint universalia vel singularia, ibi, et utrum universalia et
cetera. Circa primum tria facit. Primo movet dubitationem. Secundo obiicit ad
unam partem, ibi, nam si aliter et cetera. Tertio obiicit in contrarium, ibi,
si vero potestate et cetera. Quaerit ergo primo, utrum prima principia sint in
potentia, vel aliquo alio modo, idest in actu. Et haec dubitatio inducitur propter antiquos
naturales, qui ponebant sola principia materialia, quae sunt in potentia. Platonici
autem ponentes species quasi principia formalia, ponebant eas esse in actu. |
Après s’être demandé
quels sont les principes, le Philosophe recherche maintenant comment ils existent.
Et en premier, il se demande s’ils sont en puissance ou en acte. En deuxième,
il se demande s’ils sont universels ou singuliers, où il dit : Il faut se demander encore, etc. Il
traite le premier point en trois parties. En premier, il soulève le doute. En
deuxième, il argumente en faveur d’une réponse, où il dit : S’ils sont de quelque autre manière,
etc. En troisième, il argumente en sens contraire, où il dit : Mais si les éléments, etc. Il se
demande donc en premier si les premiers principes sont en puissance ou de quelque autre manière, c'est-à-dire
en acte. Et ce doute est amené à cause des anciens physiciens, qui
supposaient seulement des principes matériels, lesquels sont en puissance.
Mais les Platoniciens, qui affirmaient l’existence d’espèces en tant que
principes formels, affirmaient qu’ils étaient en acte. |
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[82085] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 15 n. 2 Deinde cum dicit nam si aliter probat quod principia
sint in potentia. Si enim essent aliter, scilicet in actu, sequeretur
quod aliquid esset prius principiis; potentia enim actu prius est. Quod patet
ex hoc, quod prius est a quo non convertitur consequentia essendi: sequitur
autem si est, quod possit esse; non autem ex necessitate sequitur, si est
possibile, quod sit actu. Hoc autem est inconveniens quod aliquid sit prius
primo principio; ergo impossibile quod primum principium sit aliter quam in
potentia. |
Puis lorsqu’il
dit : S’ils sont de quelque autre,
etc., il prouve que les principes sont en puissance. En effet, s’ils étaient
d’une autre manière, c'est-à-dire
en acte, il s’ensuivrait que quelque chose est antérieur aux principes, car
la puissance est antérieure à l’acte. Cela est évident du fait qu’une chose
est antérieure si elle est avant une autre, mais non réciproquement; or, si
la chose existe, il s’ensuit qu’elle peut exister, mais si elle est possible,
il ne s’ensuit pas nécessairement qu’elle soit en acte. Mais il est absurde
que quelque chose soit antérieur au premier principe; il est donc impossible
que le premier principe existe autrement qu’en puissance. |
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[82086] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 15 n. 3 Deinde cum dicit si vero obiicit in contrarium; quia
si principia rerum sint in potentia, sequitur quod nihil sit entium in actu; nam
illud quod est possibile esse, nondum est ens. Et hoc probat per hoc quod id
quod fit, non est ens; quod enim est, non fit. Sed nihil fit nisi quod
possibile est esse; ergo omne quod est possibile esse, est non ens. Si igitur
principia sint tantum in potentia, erunt non entia. Si autem principia non
sint, nec effectus sunt: sequitur ergo quod contingit nihil esse in entibus.
Et concludit epilogando quod secundum praedicta necessarium est dubitare de
principiis propter praemissas rationes. |
Puis lorsqu’il
dit : Mais si les éléments,
etc., il argumente en sens contraire : si les principes des choses sont
en puissance, il s’ensuit qu’il n’existe aucun être en acte. En effet, ce qui
a la possibilité d’exister n’est pas encore un être. Et il prouve cela par le
fait que ce qui vient à l’être n’est pas un être; en effet, ce qui est ne
vient pas à l’être. Mais rien ne vient à l’être à moins d’avoir la
possibilité d’être; donc, tout ce qui a la possibilité d’être est non-être.
Si donc les principes sont seulement en puissance, ils sont du non-être. Si
donc les principes n’existent pas, les effets non plus; il s’ensuit donc
qu’il peut arriver que rien n’existe. Et il conclut en disant que d’après ce
qui précède, il faut nécessairement douter des principes en raison des
arguments qui précèdent. |
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[82087] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 15 n. 4 Haec autem quaestio determinabitur in nono huius,
ubi ostendetur quod actus est simpliciter prior potentia, sed potentia est
prior actu tempore in eo quod movetur de potentia ad actum. Et sic oportet
primum principium esse in actu et non in potentia ut ostendit in duodecimo
huius. |
Mais cette question
sera tranchée au livre IX, où il sera montré que l’acte est antérieur à la
puissance de façon absolue, mais que la puissance est temporellement
antérieure à l’acte dans les choses qui ont un mouvement de la puissance à
l’acte. Et ainsi, il faut que le premier principe soit en acte et non en
puissance, comme il est démontré au livre XII. |
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[82088] Sententia Metaphysicae,
lib. 3 l. 15 n. 5 Deinde cum dicit et utrum inquirit utrum principia
sint per modum universalium aut per modum singularium: et circa hoc tria
facit. Primo proponit dubitationem. Secundo obiicit ad unam partem, ibi, nam
si universalia et cetera. Tertio obiicit ad aliam, ibi, si autem non
universalia et cetera. Est ergo dubitatio, utrum principia sint universalia,
vel existant per modum quorumdam singularium. |
Puis lorsqu’il
dit : Il faut se demander encore,
etc., il examine si les principes ont un mode d’être universel ou singulier,
et cet examen compte trois parties. En premier, il présente le doute. En
deuxième, il argumente dans un sens, où il dit : S’ils sont universels, etc. En troisième, il argumente en sens
contraire, où il dit : Mais s’ils
ne sont pas universels, etc. Le doute consiste donc à savoir si les
principes sont universels ou s’ils existent sous forme de certains
singuliers. |
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[82089] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 15 n. 6 Deinde cum dicit nam si probat quod principia non
sunt universalia tali ratione. Nullum communiter praedicatum de multis
significat hoc aliquid, sed significat tale sive quale; non quidem secundum
qualitatem accidentalem, sed secundum qualitatem substantialem; est enim
quaedam substantialis qualitas, ut infra in quinto huius dicetur. Et ratio
huius est quia hoc aliquid dicitur secundum quod in se subsistit; quod autem
in se subsistit, non potest esse in multis ens, quod est de ratione communis.
Quod enim in multis est, in se subsistens non est; nisi et ipsum esset multa,
quod est contra rationem communis. Nam commune est, quod est unum in multis.
Sic igitur patet, quod nullum communium significat hoc aliquid, sed
significat formam in multis existentem. |
Puis lorsqu’il
dit : S’ils sont universels,
etc., il prouve que les principes ne sont pas universels, par l’argument
suivant. Aucun prédicat attribué généralement à beaucoup de choses ne
signifie un objet individuel, mais il signifie telle propriété ou qualité, et
non une qualité accidentelle mais une qualité substantielle; il est en effet
une qualité substantielle, comme on le prouvera au livre V. Et la raison en
est qu’on l’appelle objet individuel en tant qu’il subsiste en lui-même; mais
ce qui subsiste en soi-même ne peut pas exister en beaucoup de choses, ce qui
appartient à la notion de généralité. En effet, ce qui est en beaucoup de
choses ne subsiste pas en lui-même, à moins qu’il ne soit lui-même beaucoup
de choses, ce qui est contraire à la notion de généralité. En effet, le
général est ce qui est un en plusieurs. Ainsi donc, il est évident qu’aucun
des attributs généraux ne signifie une chose individuelle, mais il signifie
une forme qui existe en beaucoup de choses. |
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[82090] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 15 n. 7 Addit autem minorem, scilicet quod substantia
significat hoc aliquid. Et hoc quidem verum est quantum ad primas
substantias, quae maxime et proprie substantiae dicuntur, ut habetur in
praedicamentis: huiusmodi enim substantiae sunt in se subsistentes.
Relinquitur ergo quod principia, si sunt universalia, non sunt substantiae.
Et ita vel substantiarum non erunt aliqua principia, vel oportebit dicere
quod non sint substantiae substantiarum principia. |
Et il ajoute la
mineure, à savoir que la substance signifie une chose individuelle. Et cela
est vrai dans le cas des substances premières, qui sont appelées substances
au suprême degré et à proprement parler, comme on le voit dans les Catégories; en effet, de telles substances subsistent par elles-mêmes. Il
reste donc que les principes, s’ils sont universels, ne sont pas des
substances. Et ainsi, ou bien les substances n’ont pas de principes, ou bien
on est obligé de dire que les principes des substances ne sont pas des
substances. |
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[82091] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 15 n. 8 Sed quia aliquis posset concedere quod aliquid
communiter praedicatum significet hoc aliquid, consequenter diluitur cum
dicit sed si est. Ostendit quod inconveniens ex hoc sequitur. Si enim id quod
communiter praedicatur sit hoc aliquid, sequeretur quod omne id de quo illud
commune praedicatur, sit hoc aliquid quod est commune. Sed planum est, quod
de Socrate praedicatur et homo et animal, quorum utrumque, scilicet homo et
animal, est quoddam commune praedicatum. Unde si omne commune praedicatum sit
hoc aliquid, sequitur quod Socrates sit tria hoc aliquid, quia Socrates est
Socrates, quod est hoc aliquid: ipse etiam est homo, quod est secundum
praedicta hoc aliquid: ipse etiam est animal, quod similiter est hoc aliquid.
Erit ergo tria hoc aliquid. Et ulterius sequitur quod sit tria animalia: nam
animal praedicatur de ipso et de homine et de Socrate. Cum ergo hoc sit
inconveniens, inconveniens est quod aliquid communiter praedicatum sit hoc
aliquid. Haec igitur sunt inconvenientia quae sequuntur, si universalia sunt
principia. |
Mais parce qu’on
pourrait admettre qu’un prédicat attribué en général signifie une chose
individuelle, il réfute ensuite cette idée lorsqu’il dit : Et si l’universel est, etc. Il montre
qu’une absurdité s’ensuit. En effet, si ce qui est attribué de façon générale
est une chose individuelle, il s’ensuit que toutes les choses auxquelles ce
prédicat général est attribué sont cette réalité qui leur est commune. Mais
il est évident qu’on attribue à Socrate l’homme et l’animal et que l’un et
l’autre, l’homme et l’animal, sont des prédicats généraux. Il s’ensuit que si
tout prédicat général est une chose individuelle, Socrate est trois choses
individuelles, car il est Socrate, qui est une chose individuelle, il
également l’homme, qui est une chose individuelle d’après ce qui précède, et
il est aussi l’animal, qui est pareillement une chose individuelle; il est
donc trois choses individuelles. Et il s’ensuit en outre qu’il est trois
animaux, car l’animal est attribué à lui-même, à l’homme et à Socrate. Donc,
puisque cela est absurde, il est absurde qu’un prédicat attribué de façon
générale soit une chose individuelle. Voilà donc les absurdités qui
s’ensuivent si les principes sont universels. |
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[82092] Sententia
Metaphysicae, lib. 3 l. 15 n. 9 Deinde cum dicit si autem obiicit in contrarium. Cum
enim omnes scientiae sint universales, non sunt singularium, sed
universalium. Si igitur aliqua principia non sint universalia, sed
singularia, non erunt scibilia secundum seipsa. Si ergo de eis debet aliqua
scientia haberi, oportebit esse aliqua priora principia, quae sunt
universalia. Sic igitur oportet prima principia esse universalia, ad hoc quod
scientia habeatur de rebus; quia ignoratis principiis necesse est alia
ignorare. |
Puis lorsqu’il
dit : Mais s’ils ne sont pas,
etc., il argumente en sens contraire. En effet, puisque toutes les sciences
sont universelles, elles ne portent pas sur les singuliers, mais sur les
universels. Si donc certains principes ne sont pas universels mais
singuliers, ils ne sont pas connaissables en eux-mêmes. Si donc on doit avoir
quelque science de ceux-ci, il devra exister des principes plus élevés qui
sont universels. Ainsi donc, il faut que les premiers principes soient
universels pour qu’on ait une science des choses, car, si on ignore les
principes, on ignore nécessairement le reste. |
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[82093] Sententia Metaphysicae, lib. 3 l. 15 n. 10 Haec autem quaestio determinatur in septimo huius; ubi
ostenditur quod universalia non sunt substantiae, nec principia rerum. Non
autem propter hoc sequitur, quod si principia et substantiae rerum sint
singularia, quod eorum non possit esse scientia; tum quia res immateriales
etsi sint singulariter subsistentes, sunt tamen etiam intelligibiles; tum
etiam quia de singularibus est scientia secundum universales eorum rationes
per intellectum apprehensas. |
Mais cette question
est tranchée au livre VII, où il est montré que les universels ne sont ni des
substances, ni les principes des choses. Mais il ne s’ensuit pas pour autant
que si les principes et les substances des choses étaient des singuliers, il
serait impossible d’en avoir la science, d’une part parce que les réalités
immatérielles, bien qu’elles subsistent en tant que singuliers, n’en sont pas
moins intelliglbles, et d’autre part parce qu’il existe une science des
singuliers par la voie de leurs notions universelles saisies par
l’intelligence. |
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Liber 4 |
LIVRE 4 [Les choses qui
relèvent de l’étude de la métaphysique] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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L’ÊTRE, L'UN ET LE
MULTIPLE, LE MÊME ET LE DIVERS, LES PREMIERS PRINCIPES DE LA DÉMONSTRATION. |
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Leçon 1, Texte d’Aristote
[La métaphysique, science de l'être en tant qu’être]
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Il est une science qui considère l’Être
en tant qu’Être, et qui considère en même temps toutes les conditions
essentielles que l’Être peut présenter. Cette science-là ne peut se confondre
d’aucune manière avec les autres sciences, qui ont un sujet particulier,
puisque pas une de ces sciences n’étudie d’une manière universelle l’Être en
tant qu’Être ; mais, le découpant dans une de ses parties, elles
limitent leurs recherches aux phénomènes qu’on peut observer dans cette
partie spéciale. C’est ce que font, par exemple, les sciences mathématiques. Mais, quand on ne s’attache, comme nous,
qu’aux principes et aux causes les plus élevées, on voit clairement que ces
principes doivent être ceux d’une certaine nature prise en soi. Si donc les philosophes qui ont étudié
les éléments des choses étudiaient, eux aussi, ces mêmes principes, il en
résulte nécessairement que les éléments vrais de l’Être doivent être non pas
accidentels, mais essentiels ; et voilà pourquoi nous, aussi bien que
nos devanciers, nous essayons de découvrir les éléments de l’Être en tant
qu’Être. Le mot d’Être peut avoir bien des
acceptions ; mais toutes ces acceptions diverses se rapportent à une
certaine unité, et à une réalité naturelle, unique pour toutes ces
acceptions. Ce n’est pas un mot simplement homonyme ; mais il en est du
mot Être comme du mot Sain, qui peut s’appliquer à tout ce qui concerne la
santé, tantôt à ce qui la conserve, tantôt à ce qui la produit, tantôt à ce
qui l’indique, et tantôt à l’être qui peut en jouir. C’est encore le même
rapport que soutient le mot Médical avec tout ce qui concerne la médecine.
Médical peut se dire tout aussi bien, et de ce qui possède la science de la
médecine, et de ce qui est doué de qualités naturelles pour l’acquérir, et du
résultat que la médecine obtient. Nous pourrions citer bien d’autres mots qui
présentent des diversités analogues à celles-là. C’est absolument de cette façon que le
mot d’Être peut recevoir des acceptions multiples, qui toutes cependant se
rapportent à un seul et unique principe. Ainsi, Être se dit tantôt de ce qui
est une substance réelle, tantôt de ce qui n’est qu’un attribut de la
substance, tantôt de ce qui tend à devenir une réalité substantielle, tantôt
des destructions, des négations, des propriétés de la substance, tantôt de ce
qui la fait ou la produit, tantôt de ce qui est en rapport purement verbal
avec elle, ou enfin de ce qui constitue des négations de toutes ces nuances
de l’Être, ou des négations de l’Être lui-même. C’est même en ce dernier sens
que l’on peut dire du Non-être qu’il Est le Non-être. De même donc qu’il appartient à une
seule science de s’occuper de tout ce qui regarde la santé, comme nous venons
de le dire, de même aussi pour toute autre chose ; car ce ne sont pas
seulement les attributs essentiels d’un seul être que doit considérer une
seule et unique science ; ce sont, de plus, toutes les relations de
cette unique nature ; car, à certains égards, ces derniers attributs
s’appliquent bien aussi à ce seul être. Il faut donc en conclure que
considérer les êtres en tant qu’êtres est l’objet d’une seule et même
science. En toutes choses, la science s’occupe
principalement du primitif, c’est-à-dire, de ce dont tout le reste dépend et
tire son appellation. Or, si ce primitif est la substance, le philosophe a le
devoir d’étudier les principes et les causes des substances. Pour un genre d’êtres tout entier, quel
qu’il soit, il n’y a jamais qu’une seule manière de les percevoir et une
seule science ; et par exemple, la grammaire, tout en restant une seule
et même science, étudie tous les mots du langage. Si donc c’est à une science
génériquement une, d’étudier toutes les espèces de l’Être, chacune de ces
espèces seront étudiées par des espèces particulières de cette science. |
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Lectio 1 |
Leçon 1, Commentaire de
saint Thomas [L’être en tant qu’être, objet de la métaphysique] (Traduction
Abbé Dandenault, v. 1960)
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ARISTOTE PROUVE QUE CETTE
SCIENCE PORTE SUR L’ÊTRE EN TANT QU’ÊTRE ET SUR LA SUBSTANCE ET SUR
L'ACCIDENT, COMME SUR SON SUJET ADÉQUAT. |
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[82094] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 1 In praecedenti libro philosophus disputative processit
de illis, quae debent in hac scientia considerari: hic incipit procedere
demonstrative determinando veritatem quaestionum prius motarum et
disputatarum. Fuit autem in praecedenti libro disputatum tam de his quae
pertinent ad modum huius scientiae, scilicet ad quae se extendit huius
scientiae consideratio, quam etiam de his quae sub consideratione huius
scientiae cadunt. Et quia prius oportet cognoscere modum scientiae quam
procedere in scientia ad ea consideranda de quibus est scientia, ut in secundo
libro dictum est: ideo dividitur haec pars in duas. Primo dicit de quibus est
consideratio huius scientiae. Secundo dicit de rebus quae sub consideratione
huius scientiae cadunt, in quinto libro, ibi, principium dicitur aliud quidem
et cetera. Prima in duas. Primo subiectum stabilit huius scientiae. Secundo
procedit ad solvendum quaestiones motas in libro praecedenti de
consideratione huius scientiae, ibi, ens autem multis. Circa primum tria
facit. Primo supponit aliquam esse scientiam cuius subiectum sit ens. Secundo
ostendit quod ista non est aliqua particularium scientiarum, ibi, haec autem
et cetera. Tertio ostendit quod haec est scientia quae prae manibus habetur,
ibi, quoniam autem principia et cetera. Quia vero scientia non solum debet
speculari subiectum, sed etiam subiecto per se accidentia: ideo dicit primo,
quod est quaedam scientia, quae speculatur ens secundum quod ens, sicut
subiectum, et speculatur ea quae insunt enti per se, idest entis per
se accidentia. |
Dans le livre précédent, le Philosophe
a discuté dialectiquement de ce qui doit être étudié dans cette science; ici,
c'est selon le mode démonstratif, qu’il entreprend son étude, en établissant
la vérité sur les questions précédemment soulevées et discutées. Dans le
livre précédent, la discussion a porté aussi bien sur ce qui a trait à la
méthode de cette science, c’est-à-dire sur ce qui est exactement son sujet,
que sur les choses qu'elle englobe dans son étude. Et parce qu’il faut
connaître la méthode d’une science avant de se lancer dans l’étude des choses
qu’elle doit considérer, comme on l'a noté au livre II, il divise la présente
étude en deux parties, En premier, il établit le sujet de cette science; en
second, il étudie les choses qui relèvent de cette étude, au livre V, où il
dit : Principe. Ce mot s’entend, etc. La première partie se divise en
deux. Dans la première, il établit définitivement le sujet de cette science;
dans la seconde, il commence à donner des réponses aux questions soulevées
dans le livre précédent sur sa méthode, où il dit : Le mot d’Être peut avoir, etc. L'étude du sujet de cette science
se divise en trois points. Il suppose tout d’abord qu’il y a une science dont
le sujet serait l'être. En second, il manifeste que cette science n’est pas
une des sciences particulières, où il dit : Cette science-là ne peut, etc. En troisième, il montre que cette
science est bien celle dont nous traitons, où il dit : Mais, quand on ne s’attache, etc. Or,
parce qu'une science doit non seulement étudier son sujet mais aussi les
propriétés essentielles de son sujet, il dit tout d'abord qu'il existe une
science qui considère l'être en tant qu’être à titre de sujet, et qui
considère « ce qui est par soi dans l’être », c’est-à-dire les
propriétés essentielles de l’être. |
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[82095]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 2 Dicit autem secundum quod est ens, quia
scientiae aliae, quae sunt de entibus particularibus, considerant quidem de
ente, cum omnia subiecta scientiarum sint entia, non tamen considerant ens
secundum quod ens, sed secundum quod est huiusmodi ens, scilicet vel numerus,
vel linea, vel ignis, aut aliquid huiusmodi. |
Il dit en tant qu'être, parce que les autres sciences qui ont comme
sujets des êtres particuliers traitent à la vérité de l’être, puisque tous
les sujets des sciences sont des êtres; cependant, elles ne considèrent pas
l'être en tant qu'être, mais en tant qu'il est telle sorte d'être :
nombre, ligne, feu, ou quelque chose de semblable. |
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[82096] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 3 Dicit etiam et quae huic insunt per se et non
simpliciter quae huic insunt, ad significandum quod ad scientiam non pertinet
considerare de his quae per accidens insunt subiecto suo, sed solum de his
quae per se insunt. Geometra enim non considerat de triangulo utrum sit
cupreus vel ligneus, sed solum considerat ipsum absolute secundum quod habet
tres angulos aequales et cetera. Sic igitur huiusmodi scientia, cuius est ens
subiectum, non oportet quod consideret de omnibus quae insunt enti per
accidens, quia sic consideraret accidentia quaesita in omnibus scientiis, cum
omnia accidentia insint alicui enti, non tamen secundum quod est ens. Quae enim sunt per se accidentia inferioris, per
accidens se habent ad superius, sicut per se accidentia hominis non sunt per
se accidentia animalis. Necessitas
autem huius scientiae quae speculatur ens et per se accidentia entis, ex hoc
apparet, quia huiusmodi non debent ignota remanere, cum ex eis aliorum
dependeat cognitio; sicut ex cognitione communium dependet cognitio rerum
propriarum. |
Il ajoute aussi « et ce qui
est par soi dans l'être », et non simplement ce qui est en lui, pour
bien manifester qu'il n'appartient pas à une science de considérer ce qui
existe par accident dans son sujet, mais seulement ce qui s'y trouve par soi.
Le géomètre en effet ne se demande pas, à propos du triangle, s'il est de
cuivre ou de bois, mais il le considère de façon absolue en tant qu'il
possède trois angles égaux, etc. Ainsi donc cette science, dont le sujet est
l’être, ne doit pas étudier tout ce qui appartient accidentellement à l'être,
parce qu'ainsi elle considérerait les accidents étudiés dans toutes les
sciences, puisque tous les accidents existent dans un être, mais ne s’y
trouvent pas en tant qu'il est être. En effet, ce qui est un accident par soi
de l’inférieur se trouve de façon accidentelle dans le supérieur, comme les
propriétés essentielles de l'homme ne sont pas des propriétés essentielles de
l’animal. Aussi bien, la nécessité de cette science qui considère l'être et
ses propriétés essentielles ressort de ce que ces choses ne doivent pas
demeurer inconnues, puisque la connaissance des autres choses en dépend;
comme la connaissance des choses particulières dépend de celle des choses
générales. |
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[82097]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 4 Deinde cum dicit haec autem hic ostendit, quod ista
scientia non sit aliqua particularium scientiarum, tali ratione. Nulla
scientia particularis considerat ens universale inquantum huiusmodi, sed
solum aliquam partem entis divisam ab aliis; circa quam speculatur per se
accidens, sicut scientiae mathematicae aliquod ens speculantur, scilicet ens
quantum. Scientia autem communis considerat universale ens secundum quod ens:
ergo non est eadem alicui scientiarum particularium. |
Ensuite quand il dit : Cette science-là ne peut, etc., il
manifeste que cette science n'est pas une des sciences particulières, par la
raison suivante. Aucune science particulière ne considère l'être universel en
tant que tel, mais seulement une certaine partie de l'être, distinguée des
autres, dont elle étudie les propriétés essentielles. Ainsi les sciences
mathématiques étudient un certain être, à savoir l'être quantifié. De son
côté, la science générale étudie l'être universel en tant qu’être : elle
ne s'identifie donc à aucune science particulière. |
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[82098] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 5 Deinde cum dicit quoniam autem hic ostendit, quod
ista scientia, quae prae manibus habetur, habet ens pro subiecto, tali ratione.
Omne principium est per se principium et causa alicuius naturae: sed nos
quaerimus prima rerum principia et altissimas causas, sicut in primo dictum
est: ergo sunt per se causa alicuius naturae. Sed non nisi entis. Quod ex hoc
patet, quia omnes philosophi elementa quaerentes secundum quod sunt entia,
quaerebant huiusmodi principia, scilicet prima et altissima; ergo in hac
scientia nos quaerimus principia entis inquantum est ens: ergo ens est
subiectum huius scientiae, quia quaelibet scientia est quaerens causas
proprias sui subiecti. |
Ensuite quand il dit : Mais, quand on ne s’attache, etc., il
montre à présent que cette science, sur laquelle nous travaillons, a l'être
comme sujet, par la raison suivante. Tout principe est principe par soi et
cause d'une certaine nature; or nous recherchons les premiers principes des
choses et les causes les plus élevées, comme nous l'avons dit au livre I;
celles-ci sont donc causes par soi d’une certaine nature. Or elles ne peuvent
être causes et principes que de l'être lui-même. Et ceci est évident du fait
que tous les philosophes qui recherchaient les éléments en tant qu'ils sont
des êtres, recherchaient précisément ces principes, c'est-à-dire ces
principes premiers et les plus élevés. Nous recherchons donc dans cette
science les principes de l'être en tant qu'être. L’être est donc le sujet de
cette science, parce que toute science recherche les causes propres de son
sujet. |
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[82099]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 6 Deinde cum dicit ens autem hic procedit ad solvendum
quaestiones in praecedenti libro motas de consideratione huius scientiae: et
dividitur in tres partes. Primo solvit quaestionem, qua quaerebant, utrum
huius scientiae esset consideratio de substantiis et accidentibus simul, et
utrum de omnibus substantiis. Secundo solvit quaestionem qua quaerebatur
utrum huius scientiae esset considerare de omnibus istis, quae sunt unum et
multa, idem et diversum, oppositum, contrarium et huiusmodi, ibi, si igitur
ens et unum et cetera. Tertio solvit quaestionem, qua quaerebatur utrum huius
scientiae esset considerare demonstrationis principia, ibi, dicendum est
autem utrum unius et cetera. Circa primum tria facit. Primo ostendit quod
huius scientiae est considerare tam de substantiis quam de accidentibus.
Secundo quod principaliter de substantiis ibi, ubique vero proprie et cetera.
Tertio quod de omnibus substantiis, ibi, omnis autem generis. Circa primum,
utitur tali ratione. Quaecumque communiter unius recipiunt praedicationem,
licet non univoce, sed analogice de his praedicetur, pertinent ad unius
scientiae considerationem: sed ens hoc modo praedicatur de omnibus entibus:
ergo omnia entia pertinent ad considerationem unius scientiae, quae
considerat ens inquantum est ens, scilicet tam substantias quam accidentia. |
Ensuite où il dit : Le mot être peut avoir, etc., il
commence à répondre aux questions soulevées dans le livre précédent et qui
portaient sur la méthode de cette science. Cela se divise en trois parties.
Il répond d'abord à la question où l'on cherchait à savoir s'il appartenait à
cette science d'étudier à la fois les substances et les accidents, et s'il
lui appartenait d’étudier toutes les substances. En second, il répond à la
question de savoir s’il appartenait à cette science de considérer tout ce qui
suit l'un et le multiple, le même et le divers, l'opposé, lea contraire et
les choses de la sorte, où il dit : L’Être
et l’Un sont identiques, etc. (leçon II). En troisième, il répond à la
question de savoir s'il appartient à cette science de considérer les
principes de la démonstration, où il dit : Maintenant, il nous faut rechercher, etc. (leçon V). ***Il
subdivise la première réponse en trois : premièrement, il montre qu’il
appartient à cette science d’étudier aussi bien les substances que les
accidents; deuxièmement, d'étudier surtout les substances, où il dit:
"Or la science etc. "; troisièmement, d'étudier toutes les
substances, où il dit. "Mais, pour chaque genre, etc. ". Voici la
raison qu'il apporte à la première réponse. Toutes les choses auxquelles on
attribue communément une seule notion, bien qu'on ne leur attribue pas cette
notion de façon univoque mais analogue, appartiennent à la considération
d'une seule science; or, c'est ainsi qu'on attribue l'être à toutes choses;
donc, tous les êtres, aussi bien les substances que les accidents, relèvent
de la considération d'une seule science, celle qui considère l'être en tant
qu’être. |
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[82100] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 7 In hac autem ratione primo ponit minorem. Secundo
maiorem, ibi, quemadmodum ergo salubrium omnium. Tertio conclusionem, ibi, manifestum igitur et
cetera. Dicit ergo primo, quod ens sive quod est, dicitur multipliciter. Sed
sciendum quod aliquid praedicatur de diversis multipliciter: quandoque quidem
secundum rationem omnino eamdem, et tunc dicitur de eis univoce praedicari,
sicut animal de equo et bove. Quandoque vero secundum rationes omnino
diversas; et tunc dicitur de eis aequivoce praedicari, sicut canis de sidere
et animali. Quandoque vero secundum rationes quae partim sunt diversae et
partim non diversae: diversae quidem secundum quod diversas habitudines
important, unae autem secundum quod ad unum aliquid et idem istae diversae
habitudines referuntur; et illud dicitur analogice praedicari, idest
proportionaliter, prout unumquodque secundum suam habitudinem ad illud unum
refertur. |
C'est la mineure de la raison
apportée qu'il pose tout d'abord. En second, il pose la majeure, où il dit:
" Et de même donc ... ". En troisième, il pose la conclusion, où il
dit: " Il est donc évident, etc. " Il dit tout d'abord que l'être,
ou ce qui est, se dit de plusieurs manières. Mais il faut savoir qu’une chose
se prédique de divers sujets de plusieurs façons: quelquefois, selon une notion
tout à fait identique, et alors on dit qu'elle leur est attribuée de façon
univoque, comme animal se dit du cheval et du bœuf; quelquefois, elle se dit
des sujets selon les notions tout à fait diverses; et alors on dit qu'elle
leur est attribuée de façon équivoque, comme par exemple chien se dit de la
constellation et de l'animal; quelquefois, elle se dit selon des notions qui
sont partiellement diverses et partiellement identiques, diverses en tant
qu'elles comportent des relations diverses, identiques en tant que ces
relations diverses se réfèrent à quelque chose d’un et le même; et alors on
dit qu’elle "est prédiquée de façon analogique ", c’est-à-dire
proportionnelle, en tant que chaque sujet se réfère selon sa relation propre
à ce quelque chose d'un. |
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[82101] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 8 Item sciendum quod illud unum ad quod diversae
habitudines referuntur in analogicis, est unum numero, et non solum unum
ratione, sicut est unum illud quod per nomen univocum designatur. Et ideo dicit
quod ens etsi dicatur multipliciter, non tamen dicitur aequivoce, sed per
respectum ad unum; non quidem ad unum quod sit solum ratione unum, sed quod
est unum sicut una quaedam natura. Et hoc patet in exemplis infra positis. |
Pareillement, il faut savoir que
ce quelque chose d’un auquel se rapportent les diverses relations dans les
attributions analogiques est numériquement un et non seulement un par la
notion, comme est un ce qui est désigné par le terme univoque. Voilà pourquoi
il dit que, bien que l'être se dise plusieurs manières, il ne se dit pas
cependant de façon équivoque, mais par rapport à une seule chose, et non
seulement par rapport à une chose qui ne serait une que par la notion, mais
qui est une "comme une certaine nature (une réalité) ". Ceci est
évident dans les exemples qui suivent. |
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[82102] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 9 Ponit enim primo unum exemplum, quando multa
comparantur ad unum sicut ad finem, sicut patet de hoc nomine sanativum vel
salubre. Sanativum enim non dicitur univoce de diaeta, medicina, urina et
animali. Nam ratio sani secundum quod dicitur de diaeta, consistit in
conservando sanitatem. Secundum vero quod dicitur de medicina, in faciendo
sanitatem. Prout vero dicitur de urina, est signum sanitatis. Secundum vero
quod dicitur de animali, ratio eius est, quoniam est receptivum vel
susceptivum sanitatis. Sic igitur omne sanativum vel sanum dicitur ad
sanitatem unam et eamdem. Eadem enim est sanitas quam animal suscipit, urina
significat, medicina facit, et diaeta conservat. |
En premier lieu, il pose un
exemple où une multitude se rapporte à quelque chose d'un comme à sa fin,
ainsi qu'il appert à propos du terme "sanatif" ou sain. Sain en effet
ne se dit pas univoquement de la diète, de la médecine, de l'urine et de
l'animal. Car la notion de sain en tant qu'elle se dit de la diète, consiste
dans la conservation de la santé; en tant qu'elle se dit de la médecine, elle
consiste à donner la santé; en tant qu'elle se dit de l’urine, elle est un
signe de la santé; en tant qu’elle se dit de l'animal, elle est sa forme (sa
notion) parce qu'il reçoit la santé ou en est le sujet. Ainsi donc, tout ce
qui est sanatif ou sain se prend par rapport à une seule et même santé: c’est
la même santé que l'animal reçoit, que l'urine signifie, que la médecine
produit et que la diète conserve. |
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[82103] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 10 Secundo ponit exemplum quando multa comparantur ad
unum sicut ad principium efficiens. Aliquid enim dicitur medicativum, ut qui
habet artem medicinae, sicut medicus peritus. Aliquid vero quia est bene
aptum ad habendum artem medicinae, sicut homines qui sunt dispositi ut de
facili artem medicinae acquirant. Ex quo contingit quod ingenio proprio
quaedam medicinalia operantur. Aliquid vero dicitur medicativum vel
medicinale, quia eo opus est ad medicinam, sicut instrumenta quibus medici
utuntur, medicinalia dici possunt, et etiam medicinae quibus medici utuntur
ad sanandum. Et similiter accipi possunt alia quae multipliciter dicuntur,
sicut et ista. |
Aristote pose un second exemple
relatif au cas où une multitude est rapportée à une seule chose comme à. un
principe efficient. Ainsi, quelque chose est dit médicatif à la manière de ce
qui possède l'art de la médecine, comme le médecin expert; ou bien, est dit
médicatif quelqu'un tout à fait apte à posséder l'art médical, comme les
hommes qui sont disposés à acquérir facilement l’art de la médecine. D'où il
arrive que par leur propre talent ils font certaines œuvres qui relèvent de
l'art médical, est dit médicatif ou médical se qui sert aux opérations
médicales, comme les instruments dont se servent les médecins peuvent être
dits médicaux et même les remèdes dont se servent les médecins pour guérir.
Ainsi, peut-on multiplier les exemples de ce qui se dit, comme dans le cas
précédent, de multiples façons. |
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[82104]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 11 Et sicut est de praedictis, ita etiam et ens multipliciter
dicitur. Sed tamen omne ens
dicitur per respectum ad unum primum. Sed hoc primum non est finis vel efficiens sicut in
praemissis exemplis, sed subiectum. Alia enim dicuntur entia vel esse, quia
per se habent esse sicut substantiae, quae principaliter et prius entia
dicuntur. Alia vero quia sunt passiones sive proprietates substantiae, sicut
per se accidentia uniuscuiusque substantiae. Quaedam autem dicuntur entia,
quia sunt via ad substantiam, sicut generationes et motus. Alia autem entia
dicuntur, quia sunt corruptiones substantiae. Corruptio enim est via ad non
esse, sicut generatio via ad substantiam. Et quia corruptio terminatur ad privationem, sicut
generatio ad formam, convenienter ipsae etiam privationes formarum
substantialium esse dicuntur. Et iterum qualitates vel accidentia quaedam
dicuntur entia, quia sunt activa vel generativa substantiae, vel eorum quae
secundum aliquam habitudinem praedictarum ad substantiam dicuntur, vel
secundum quamcumque aliam. Item negationes eorum quae ad substantiam
habitudinem habent, vel etiam ipsius substantiae esse dicuntur. Unde dicimus quod non ens est non ens. Quod non
diceretur nisi negationi aliquo modo esse competeret. |
Comme il en est des cas que nous
venons de voir, ainsi l'être se dit de multiples manières. Cependant tout
être se dit par rapport à quelque chose de premier. Mais ce quelque chose de
premier n'est pas la fin ou la cause efficiente, comme dans les exemples
précédents, mais le sujet. Certaines choses sont dites des êtres ou être, parce
qu'elles ont l'être par soi, comme les substances, " lesquelles sont
dites être principalement et par mode de priorité". Certaines autres
sont dites des êtres, parce qu’elles sont des "passions" ou des
propriétés de la substance, comme les accidents propres d'une substance.
Certaines autres sont dites des êtres parce qu’elles sont comme des voies qui
conduisent à la substance, comme les générations et les mouvements; d’autres
reçoivent l'attribut d'être parce qu'elles sont des corruptions de la
substance. En effet, la corruption est le chemin du non-être comme la
génération est la voie vers la substance. Et parce que la corruption se
termine à la privation, comme la génération à la forme, il est convenable
d’appeler êtres les privations elles-mêmes des formes substantielles.
Pareillement, certaines qualités ou certains accidents sont dits des êtres,
parce qu'ils sont principes actifs ou générateurs de la substance ou de ce
qui, selon une des modalités dont il a été parlé, ou selon n'importe quelle
autre, se rapporte à la substance. De plus, les négations de ce qui se
rapporte à la substance, ou les négations des substances elles-mêmes sont
dites être. De là vient que nous disons que le non-être est le non-être. Ce
que nous ne pourrions dire si l’être ne convenait de quelque façon à la
négation. |
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[82105] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 12 Sciendum tamen quod praedicti modi essendi ad
quatuor possunt reduci. Nam unum eorum quod est debilissimum, est tantum in
ratione, scilicet negatio et privatio, quam dicimus in ratione esse, quia
ratio de eis negociatur quasi de quibusdam entibus, dum de eis affirmat vel
negat aliquid. Secundum quid autem differant negatio et privatio, infra
dicetur. |
Il faut savoir cependant que les
différents modes d’être dont il vient d'être question peuvent se ramener à
quatre. L'un d'eux en effet qui est " le plus débile" existe
seulement dans la raison, à savoir la négation et la privation, que nous
disons exister dans la raison parce que la raison, en affirmant ou en niant
d'elles quoique chose, s’en sert comme si elles étaient des êtres. Comment
diffèrent la négation et la privation, nous le verrons plus tard. |
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[82106] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 13 Aliud autem huic proximum in debilitate est, secundum
quod generatio et corruptio et motus entia dicuntur. Habent enim aliquid
admixtum de privatione et negatione. Nam motus est actus imperfectus, ut
dicitur tertio physicorum. |
Le mode d’être le plus voisin par
sa débilité de celui dont on vient de parler, est celui selon lequel on dit
que la génération et la corruption et le mouvement sont des êtres. Parce
qu’ils possèdent en eux quelque chose de la privation et de la négation. Le
mouvement en effet est un acte imparfait, comme il est dit au 3ème livre des Physiques. |
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[82107] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 14 Tertium autem dicitur quod nihil habet de non ente
admixtum, habet tamen esse debile, quia non per se, sed in alio, sicut sunt
qualitates, quantitates et substantiae proprietates. |
Le troisième mode d’être est celui
qui n'implique aucun mélange de non-être, mais qui cependant a un être
débile, parce qu’il ne l'a pas par soi, mais dans un autre, comme existent
les qualités, les quantités et les propriétés des substances. |
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[82108] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 15 Quartum autem genus est quod est perfectissimum,
quod scilicet habet esse in natura absque admixtione privationis, et habet
esse firmum et solidum, quasi per se existens, sicut sunt substantiae. Et ad hoc
sicut ad primum et principale omnia alia referuntur. Nam qualitates et
quantitates dicuntur esse, inquantum insunt substantiae; motus et
generationes, inquantum tendunt ad substantiam vel ad aliquid praedictorum;
privationes autem et negationes, inquantum removent aliquid trium
praedictorum. |
La quatrième manière d'être, le
quatrième genre est celui qui est le plus parfait, c'est-à-dire celui qui a
une existence dans la réalité sans aucun mélange de privation, et qui possède
une existence ferme et solide, existant quasi par soi, comme sont les
substances. Et c'est à ce genre d'être comme à celui qui est premier et
principal que se réfèrent tous les autres. Les qualités et les quantités en
effet sont dites être, en tant qu'elles existent dans la substance; les
mouvements et les générations, en tant qu'ils tendent à la substance ou à
l'un des accidents dont on vient de parler; les privations et les négations,
elles, en tant qu'elles écartent l'un des trois modes énumérés. |
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[82109] Sententia Metaphysicae,
lib. 4 l. 1 n. 16 Deinde
cum dicit quemadmodum ergo hic ponit maiorem primae rationis; dicens, quod
est unius scientiae speculari non solum illa quae dicuntur secundum unum,
idest secundum unam rationem omnino, sed etiam eorum quae dicuntur per
respectum ad unam naturam secundum habitudines diversas. Et huius ratio est
propter unitatem eius ad quod ista dicuntur; sicut patet quod de omnibus
sanativis considerat una scientia, scilicet medicinalis, et similiter de
aliis quae eodem modo dicuntur. |
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[82110] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 17 Deinde cum dicit manifestum igitur hic ponit
conclusionem intentam quae per se est manifesta. |
Ensuite quand il dit : " Il
est donc évident ... ", il pose ici la conclusion désirée, qui est de
soi manifeste. |
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[82111] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 18 Ubique vero hic ponit quod haec scientia
principaliter considerat de substantiis, etsi de omnibus entibus consideret, tali
ratione. Omnis scientia quae est de pluribus quae dicuntur ad unum primum,
est proprie et principaliter illius primi, ex quo alia dependent secundum
esse, et propter quod dicuntur secundum nomen; et hoc ubique est verum. Sed
substantia est hoc primum inter omnia entia. Ergo philosophus qui considerat
omnia entia, primo et principaliter debet habere in sua consideratione
principia et causas substantiarum; ergo per consequens eius consideratio
primo et principaliter de substantiis est. |
Puis où il dit: "Or la
science ... ", il affirme que cette science considère principalement les
substances, bien que son .attention se porte sur tous les êtres, par la
raison que voici. Toute science qui traite de plusieurs choses qui sont dites
par rapport à une première porte proprement et principalement sur cette
première chose dont les autres dépendent dans leur être et en raison de
laquelle ils reçoivent leur appellation; et ceci est vrai dans tous les cas.
Mais la substance est précisément cette première chose parmi les êtres. Donc,
le philosophe qui considère tous les êtres, doit en premier lieu et
principalement avoir en considération les principes et les causes des
substances, et par conséquent doit considérer en premier et principalement
les substances. |
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[82112] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 1 n. 19 Deinde cum dicit omnis autem hic ostendit quod primi
philosophi est considerare de omnibus substantiis, tali ratione. Omnium eorum
qui sunt unius generis, est unus sensus et una scientia, sicut visus est de
omnibus coloribus, et grammatica considerat omnes voces. Si igitur omnia
entia sint unius generis aliquo modo, oportet quod omnes species eius
pertineant ad considerationem unius scientiae quae est generalis: et species
entium diversae pertineant ad species illius scientiae diversas. Hoc autem
dicit, quia non oportet quod una scientia consideret de omnibus speciebus
unius generis secundum proprias rationes singularum specierum, sed secundum
quod conveniunt in genere. Secundum autem proprias rationes pertinent ad
scientias speciales, sicut est in proposito. Nam omnes substantiae, inquantum
sunt entia vel substantiae, pertinent ad considerationem huius scientiae:
inquantum autem sunt talis vel talis substantia, ut leo vel bos, pertinent ad
scientias speciales. |
Ensuite où il dit: "Mais,
pour chaque genre ... ", il montre qu’il appartient au philosophe de
considérer toutes les substances, par la raison que voici. Il n’y a qu'un
seul sens et une seule science pour tout ce qui appartient à un seul genre,
comme la vue porte sur toutes les couleurs et la grammaire étudie tous les
mots. Si donc tous les êtres appartiennent de quelque manière à un seul
genre, il faut que toutes les espèces de ce genre relèvent d'une seule
science qui est générale: et que les différentes espèces d'être appartiennent
aux différentes parties de cette science. Il dit ceci, parce qu'il ne faut
pas qu'une seule science considère toutes les espèces d'un genre selon les
raisons propres de chacune des espèces, mais selon que ces espèces conviennent
dans le genre. Selon leurs raisons propres ces espèces appartiennent à des
sciences spéciales, comme on veut le montrer. Toutes les substances, en
effet, en tant qu'elles sont des êtres ou des substances, appartiennent à la
considération de cette science; en tant qu’elles sont telle ou telle
substance, lion par exemple ou bœuf, elles appartiennent à des sciences
spéciales. |
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Leçon 2, Texte d’Aristote
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Maintenant, l’Etre et l'Un sont identiques
et d'une même nature, en ce qu'ils sont corrélatifs l'un de l'autre, comme le
principe et la cause sont corrélatifs, sans qu'ils soient cependant exprimés
dans une unique notion (peu importe, au surplus, que nous considérions l'Etre
et l'Un comme identiques aussi par la notion; notre tâche en serait même
facilitée); et, en effet, il y a identité entre un homme, homme existant, et
homme, et on n’exprime pas quelque chose de différent en employant le
redoublement de mots un homme est, au lieu de dire simplement homme est (il
est évident que l'être de l’homme ne se sépare de son unité, ni dans la
génération, ni dans la corruption, et, pareillement1ussi, l’Un ne se sépare
pas de l'Etre). On voit ainsi clairement que l'addition, dans tous ces cas,
ne modifie nullement l'expression, et que l'Un n'est rien d’autre en dehors
de l'Etre. De plus, la substance de chaque être est une, et cela non par
accident, et de même elle est aussi, essentiellement, quelque chose qui
existe. Conclusion: autant il y a précisément d'espèces de l'Un, autant il y
a d’espèces de l'Etre. L'étude de l'essence de ces différentes espèces sera
l'objet d'une science génériquement une: je veux dire que, par exemple, une
même science étudiera l'Identique et le Semblable, et les autres espèces de
l'Un de cette sorte, ainsi que leurs opposés. Presque tous les contraires se
réduisent d’ailleurs à cette opposition principale : bornons-nous, sur
ce point, à l’étude que nous en avons fuite dans le choix des Contraires. -Et
la Philosophie a exactement autant de parties qu’il y a de substances; il y a
donc nécessairement, au nombre de cos parties, une Philosophie première, et,
après, une Philosophie seconde. L'Etre et l’Un se divisent, en effet,
immédiatement, en certains genres, et cette division entraînera une division
correspondante des sciences: il en est du philosophe comme du mathématicien,
au sens où ce mot est employé, car il y a aussi des parties dans les
Mathématiques, où l'on distingue une science première, une science seconde,
et d'autres sciences dérivées, dans ce domaine. |
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Lectio 2 |
Leçon 2, Commentaire de
saint Thomas [Science de l’être et de l’un] (Traduction Abbé Dandenault)
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IL APPARTIENT A CETTE
SCIENCE D'ETUDIER L'ETRE ET L'UN; C'EST PAR CONFORMITE A LEUR DIVISION QUE SE
PRENNENT AUSSI LES PARTIES DE LA PHILOSOPHIE. |
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[82113] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 1 Hic procedit ad ostendendum quod ad considerationem
unius scientiae pertinent considerare huiusmodi communia, scilicet unum et
multa, idem et diversum: et circa hoc duo facit. Primo ostendit hoc de
singulis per proprias rationes. Secundo de omnibus simul per quasdam rationes
communes, ibi, et philosophi est de omnibus posse speculari. Circa primum duo
facit. Primo ostendit quod de omnibus hic considerare debet philosophus.
Secundo docet modum considerandi, ibi, quare quoniam unum multipliciter et
cetera. Circa primum duo facit. Primo ostendit quod ad hanc scientiam pertineat
considerare de uno et de speciebus unius. Secundo quod ad eamdem scientiam
pertineat considerare de omnibus oppositis, ibi, quoniam autem unius est
opposita considerare. Circa primum duo facit. Primo enim ostendit quod huius
scientiae est considerare de uno. Secundo quod eius sit considerare de
speciebus unius, ibi, quare quotcumque unius. Dicit ergo primo, quod ens et
unum sunt idem et una natura. Hoc ideo dicit, quia quaedam sunt idem numero
quae non sunt una natura, sed diversae, sicut Socrates, et hoc album, et hoc
musicum. Unum autem et ens non diversas naturas, sed unam significant. Hoc
autem contingit dupliciter. Quaedam enim sunt unum quae consequuntur se
adinvicem convertibiliter sicut principium et causa. Quaedam vero non solum
convertuntur ut sint idem subiecto, sed etiam sunt unum secundum rationem,
sicut vestis et indumentum. |
Ici le Philosophe commence à
montrer qu’il appartient à une seule science de considérer les choses
communes, telles que l’un et le multiple, le même et le divers. Ce qu'il fait
en deux points. Il le démontre en premier pour chacune de ces notions, en
faisant appel à ses raisons propres. Il le démontre en second pour toutes les
notions en même temps, en apportant des preuves communes à toutes, où il dit
: " Ajoutons que le philosophe, etc. "(lec. IV) Il divise son
premier point en deux parties. En premier, il montre que le philosophe doit
étudier toutes ces choses. En second, il montre la méthode de cette étude, où
il dit : " En conséquence, étant donné que l’Un etc. " Il traite sa
première partie en deux. En premier, il montra qu'il appartient à cette
science de considérer l'unité et ses espèces; en second, qu’il appartient à
la même science de considérer tous les opposés, où il dit : "L’étude des
opposés relève d'une seule science, etc. " (lec. II) Il subdivise sa
première partie en deux. En première, il montre qu’il appartient à notre
science de traiter de l'un. En second, il montre qu'il lui appartient de
traiter des espèces de l'unité, où il dit : "Conclusion: autant il
y a précisément, etc." Il dit donc en premier que l'être et l'un sont identiques et d'une même nature. Il emploie une double
formule parce qu’il y a des choses qui sont numériquement identiques sans
être d'une même nature, mais de natures différentes, comme Socrate, et cet
homme blanc et ce musicien. L'un et l'être cependant ne signifient pas
diverses natures, mais une seule. Ce qui arrive de deux manières. Certaines
choses sont une qui sont corrélatives l'une de l'autre de façon convertible,
comme le principe et la cause. Certaines autres sont non seulement
convertibles pour être identiques par le sujet, mais sont une par la notion,
comme vêtement et habillement. |
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[82114]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 2 Unum autem et ens significant unam naturam secundum
diversas rationes. Unde sic se habent sicut principium et causa, sed non
sicut tunica et vestis, quae sunt nomina penitus synonyma. Nihil tamen
differt ad propositum, si similiter accipiamus ea dici, sicut illa quae sunt
unum et subiecto et ratione. Sed hoc erit magis prae opere, idest magis
utile ad hoc quod intendit. Intendit enim probare quod unum et ens cadunt sub
eadem consideratione, et quod habent species sibi correspondentes. Quod
manifestius probaretur si unum et ens essent idem re et ratione, quam si sint
idem re et non ratione. |
L’un et l’être cependant
signifient une seule nature mais selon des notions diverses. Ainsi sont-ils
convertibles comme le principe et la cause, sans l’être comme la tunique et
le vêtement, qui sont des noms presque synonymes. Cependant, peu importe au
propos d’Aristote que nous considérions l’être et l’un comme identiques et
par le sujet et par la notion. Ce qui serait d’ailleurs plus utile à son
intention. Il veut prouver en effet que l’un et l’être tombent sous la même
considération, et qu’ils possèdent des espèces correspondantes, ce qui serait
prouvé avec plus de facilité si l’un et l’être étaient identiques et par le
sujet réel et par la notion, plutôt que d’être identiques par la réalité sans
l’être par la notion. |
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[82115] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 3 Quod autem sint idem re, probat duabus rationibus,
quarum primam ponit ibi, idem enim, quae talis est. Quaecumque duo addita uni
nullam diversitatem afferunt, sunt penitus idem: sed unum et ens addita
homini vel cuicumque alii nullam diversitatem afferunt: ergo sunt penitus
idem. Minor patet: idem enim est dictum homo, et unus homo. Et similiter est
idem dictum, ens homo, vel quod est homo: et non demonstratur aliquid alterum
cum secundum dictionem replicamus dicendo, est ens homo, et homo, et unus
homo. Quod quidem probat sic. |
Qu’ils soient identiques dans la
réalité, il le prouve par deux raisons, dont voici la première. Il donne cette
raison où il dit : " Et en effet, il y a identité etc. "
Lorsque deux choses ajoutées à une autre n’apportent aucune différence, elles
sont absolument identiques ; or l’un et l’être ajoutés à l’homme et à
n’importe quelle autre chose n’apportent aucune différence ; ils sont
donc tout à fait identiques. La mineure est évidente : On dit la même
chose par "homme" et un homme. Semblablement, c’est le même dire
que de dire "être homme" ou qu’il est "homme". Et on ne
démontre rien de nouveau lorsque, selon le vocabulaire, nous répétons ;
il y a "être homme", et "homme", et "un homme".
Ce qu’il prouve de la façon suivante. |
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[82116]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 4 Idem enim est generari et corrumpi hominem, et id
quod est homo. Quod ex hoc patet, quia generatio est via ad esse, et
corruptio mutatio ab esse ad non esse. Unde nunquam generatur homo, quin
generetur ens homo: nec unquam corrumpitur homo, quin corrumpatur ens homo.
Quae autem simul generantur et corrumpuntur sunt unum. |
C’est la même chose que la
corruption ou la génération "d'homme" et de ce qu'est un homme. La génération en effet est acheminement vers
l’être, et la corruption changement de l’être au non-être. Voilà pourquoi
jamais l'homme n'est engendré sans que l'être homme soit engendré; et
pareillement, jamais l'homme n'est corrompu sans que soit corrompu l’être
homme. Or ce qui est simultanément engendré et corrompu est identique. |
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[82117] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 5 Et sicut dictum est quod ens et homo non separantur
in generatione et corruptione, similiter apparet de uno. Nam cum generatur
homo, generatur unus homo: et cum corrumpitur, similiter corrumpitur. Unde
manifestum est quod appositio in istis ostendit idem; et per hoc quod additur
vel unum vel ens, non intelligitur addi aliqua natura supra hominem. Ex quo
manifeste apparet, quod unum non est aliud praeter ens: quia quaecumque uni
et eidem sunt eadem, sibiinvicem sunt eadem. |
Et comme on vient de dire que l'être
et l'homme ne sont pas séparés dans la génération et la corruption, de même
apparaît-il pour l'un. Car lorsque l'homme est engendré, est engendré un homme, et lorsqu'il est corrompu,
un homme est pareillement corrompu. Il est donc clair que l'apposition dans
tous ces cas démontre la même chose: par le fait que nous ajoutons ou l'un ou
l'être à l'homme nous ne voyons pas que nous ayons ajouté une certaine nature
à celle d'homme. D'où il apparaît manifestement que l'un n'est rien d'autre
que l'être: les choses identiques à une même troisième sont identiques entre
elles. |
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[82118]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 6 Patet autem ex praedicta ratione, non solum quod
sunt unum re, sed quod differunt ratione. Nam si non differrent ratione,
essent penitus synonyma; et sic nugatio esset cum dicitur, ens homo et unus
homo. Sciendum est enim quod hoc nomen homo, imponitur a quidditate, sive a
natura hominis; et hoc nomen res imponitur a quidditate tantum; hoc vero
nomen ens, imponitur ab actu essendi: et hoc nomen unum, ab ordine vel
indivisione. Est enim unum ens indivisum. Idem autem est quod habet essentiam
et quidditatem per illam essentiam, et quod est in se indivisum. Unde ista
tria, res, ens, unum, significant omnino idem, sed secundum diversas rationes. |
De par la raison apportée, il est
évident que non seulement ils sont réellement un, mais qu'ils différent par
la notion. Si en effet ils ne différaient pas selon la notion, ils seraient
tout à fait synonymes, et ce serait bavardage frivole (radotage) que de dire
être homme et un homme. Il faut savoir en effet que le mot homme est imposé soit par la quiddité
soit par la nature de l’homme; que le mot chose
est imposé par la quiddité seulement; que le mot être est imposé par l'acte d'exister, et que le terme un s'impose par l'ordre ou
l’indivision. L'un en effet est l'être indivisis. C'est la même chose
exactement qui a une essence et une quiddité par cette essence-là et qui est
en soi indivis. Ces trois termes donc: chose, être et un, signifient la même
nature, mais selon des notions différentes. |
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[82119] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 7 Deinde cum dicit amplius autem hic ponit secundam
rationem ad idem; quae talis est. Quaecumque duo praedicantur de substantia alicuius
rei per se et non per accidens, illa sunt idem secundum rem: sed ita se
habent unum et ens, quod praedicantur per se et non secundum accidens de
substantia cuiuslibet rei. Substantia enim cuiuslibet rei est unum per se et
non secundum accidens. Ens ergo et unum significant idem secundum rem. |
Ensuite où il dit: "De plus,
la substance ... ", il propose sa seconde preuve que voici. Lorsque deux
choses sont prédiquées par soi et non par accident de la substance d'une
chose, elles sont réellement identiques; or, l'un et l'être se prédiquent
ainsi, c'est-à-dire par soi et non par accident de la substance de n'importe
quoi. La substance en effet de n'importe quoi est une par soi et non par
accident. Donc l'être et l'un signifient une réalité identique. |
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[82120]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 8 Quod autem ens et unum praedicentur de substantia
cuiuslibet rei per se et non secundum accidens, sic potest probari. Si enim
praedicarentur de substantia cuiuslibet rei per aliquod ens ei additum, de
illo iterum necesse est praedicari ens, quia unumquodque est unum et ens. Aut
ergo iterum de hoc praedicatur per se, aut per aliquid aliud additum. Si per
aliquid aliud, iterum esset quaestio de illo addito, et sic erit procedere
usque ad infinitum. Hoc autem est impossibile: ergo necesse est stare in
primo, scilicet quod substantia rei sit una et ens per seipsam, et non per
aliquid additum. |
Que l'être et l'un se prédiquent
de la substance de n'importe quelle chose par soi et non par accident, voici comment
on peut le prouver. S'ils étaient prédiqués de la substance de n'importe
quelle chose par un être ajouté à cette substance, de cet être ajouté il
faudrait de nouveau prédiquer l’être, parce que tout est un et être. Alors,
ou bien l'être est prédiqué par soi de cet être ajouté, ou bien par quelque
autre être ajouté à ce dernier. Si par quelque autre être, la même question
se pose par rapport à cet être nouveau, et ainsi il faudra procéder à
l'infini. Ce qui est impossible. Il faut donc en rester au premier, c-à-à.
que la substance de la chose soit une et être par elle-même et non par
quelque chose d'ajouté. |
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[82121] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 9 Sciendum est autem quod circa hoc Avicenna aliud
sensit. Dixit enim quod unum et ens non significant substantiam rei, sed
significant aliquid additum. Et de ente quidem hoc dicebat, quia in qualibet
re quae habet esse ab alio, aliud est esse rei, et substantia sive essentia
eius: hoc autem nomen ens, significat ipsum esse. Significat igitur (ut
videtur) aliquid additum essentiae. |
Il faut quand même savoir que,
là-dessus, Avicenne a pensé autrement. Il dit en effet que l'un et l'être ne
signifient pas la substance de la chose, mais signifient quelque chose d'ajouté.
Et il disait cela de l'être parce qu'en toute chose qui a son être par un
autre, l’existence de la chose est autre que sa substance ou son essence. Or
le mot être signifie l'existence elle-même. Il signifie donc (comme il
semble) quelque chose d'ajoute à l'essence. |
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[82122]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 10 De uno autem hoc dicebat, quia aestimabat quod illud
unum quod convertitur cum ente, sit idem quod illud unum quod est principium numeri.
Unum autem quod est principium numeri necesse est significare quamdam naturam
additam substantiae: alioquin cum numerus ex unitatibus constituatur, non
esset numerus species quantitatis, quae est accidens substantiae
superadditum. Dicebat autem quod hoc unum convertitur cum ente, non quia
significat ipsam rei substantiam vel entis, sed quia significat accidens quod
inhaeret omni enti, sicut risibile quod convertitur cum homine. |
Il disait la même chose de l'un
parce qu’il croyait que l'un qui se convertit avec l'être était le même que
l'un qui est principe du nombre. L'un, en effet, qui est principe du nombre
doit nécessairement signifier une certaine nature ajoutée à la substance:
s'il en était autrement, le nombre, constitué d'unités, ne serait pas une
espèce de quantité, qui est un accident surajouté à la substance. Il disait
cependant que cette unité-là se convertit avec l'être, non parce qu’elle
signifie la substance de la chose ou de l'être, mais parce qu'elle signifie
un accident qui inhère à tout être, comme la capacité de rire est convertible
avec l'homme. |
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[82123] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 11 Sed in primo quidem non videtur dixisse recte. Esse
enim rei quamvis sit aliud ab eius essentia, non tamen est intelligendum quod
sit aliquod superadditum ad modum accidentis, sed quasi constituitur per
principia essentiae. Et ideo hoc nomen ens quod imponitur ab ipso esse,
significat idem cum nomine quod imponitur ab ipsa essentia. |
Par rapport à l’être, Avicenne ne
semble pas avoir parlé correctement. L'existence en effet, bien qu'elle soit
autre que l'essence, ne doit pas être comprise comme un ajouté à l'essence à
la manière d'un accident, mais à la manière de ce qui est quasi constitué par
les principes de l'essence. C’est pourquoi le mot être qui est imposé par
l'existence elle-même signifie la même chose que le nom, qui est imposé par
l'essence elle-même. |
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[82124] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 12 De uno autem non videtur esse verum, quod sit idem quod
convertitur cum ente, et quod est principium numeri. Nihil enim quod est in
determinato genere videtur consequi omnia entia. Unde unum quod determinatur
ad speciale genus entis, scilicet ad genus quantitatis discretae, non videtur
posse cum ente universali converti. Si enim unum est proprium et per se
accidens entis, oportet quod ex principiis causetur entis in quantum ens,
sicut quodlibet accidens proprium ex principiis sui subiecti. Ex principiis
autem communibus entis inquantum est ens, non intelligitur causari aliquod
particulariter ens sufficienter. Unde non potest esse quod ens aliquod
determinati generis et speciei sit accidens omnis entis. |
A propos de l’un, il ne semble pas
vrai de dire que celui qui se convertit avec l'être soit le même que celui
qui est principe du nombre. Rien en effet de ce qui appartient à un genre
déterminé ne paraît être consécutif à tout être. C'est pourquoi, l'un qui est
déterminé à un genre spécial d'être, à savoir au genre de la quantité
discrète, ne semble pas pouvoir être converti avec l'être universel. Si, en
effet, l'un est un accident propre et par soi de l'être, il faut qu'il soit
causé par les principes de l'être en tant qu'être, comme n'importe quel
accident propre découle des principes de son sujet. Or l'on ne voit pas que
les principes communs de l’être en tant qu'être puissent causer de façon
suffisante aucun être particulier. Il n'est donc pas possible que l’être d'un
genre et d'une espèce déterminés soit accident de tout être. |
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[82125]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 13 Unum igitur quod est principium numeri, aliud est ab
eo quod cum ente convertitur. Unum enim quod cum ente convertitur, ipsum ens
designat, superaddens indivisionis rationem, quae, cum sit negatio vel
privatio, non ponit aliquam naturam enti additam. Et sic in nullo differt ab ente secundum rem, sed
solum ratione. Nam negatio vel
privatio non est ens naturae, sed rationis, sicut dictum est. Unum vero quod
est principium numeri addit supra substantiam, rationem mensurae, quae est
propria passio quantitatis, et primo invenitur in unitate. Et dicitur per
privationem vel negationem divisionis, quae est secundum quantitatem
continuam. Nam numerus ex divisione continui causatur. Et ideo numerus ad
scientiam mathematicam pertinet, cuius subiectum extra materiam esse non
potest, quamvis sine materia sensibili consideretur. Hoc autem non esset, si
unum quod est principium numeri, secundum esse a materia separaretur in rebus
immaterialibus existens, quasi cum ente conversum. |
Donc, l'un qui est le principe du
nombre est autre que celui qui se convertit avec l'être. L’un, en effet, qui
est convertible avec l’être désigne l'être lui-même en lui surajoutant la
raison d'indivision, laquelle, étant une négation ou une privation, n'ajoute
pas une nature à l'être. Et ainsi il ne diffère aucunement de l'être selon la
réalité, mais seulement par la raison. La négation ou la privation, en effet,
ne sont pas des êtres réels (de la nature) mais de raison, comme on l'a dit
auparavant. Quant à l'un qui est principe du nombre, il ajoute à la substance
la raison de mesure, qui est une propriété de la quantité et que lion trouve
tout d’abord dans l'unité. Et cet un se dit par privation ou négation de la
division appartenant à la quantité continue. Le nombre en effet résulte de la
division du continu. Voilà pourquoi le nombre appartient à la science
mathématique, dont le sujet ne peut exister hors de la matière, bien qu'il
soit considéré sans la matière sensible. Ce qui ne serait pas, si l'un qui
est principe du nombre était séparé de la matière selon l'existence, existant
dans les êtres immatériels, comme étant, pour ainsi dire, converti avec
l'être. |
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[82126] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 14 Quare quotcumque hic concludit quod philosophi est
considerare de partibus unius, sicut de partibus entis. Et primo hoc
ostendit. Secundo etiam ostendit, quod secundum diversas partes entis et
unius, sunt diversae partes philosophiae, ibi, et tot partes. Dicit ergo
primo, quod ex quo unum et ens idem significant, et eiusdem sunt species
eaedem, oportet quod tot sint species entis, quot sunt species unius, et
sibiinvicem respondentes. Sicut enim partes entis sunt substantia, quantitas
et qualitas etc., ita et partes unius sunt idem, aequale et simile. Idem enim
unum in substantia est. Aequale, unum in quantitate. Simile, unum in
qualitate. Et secundum alias partes entis possent sumi aliae partes unius, si
essent nomina posita. Et sicut ad unam scientiam, scilicet ad philosophiam,
pertinet consideratio de omnibus partibus entis, ita et de omnibus partibus
unius, scilicet eodem et simili et huiusmodi. Et ad hoc principium, scilicet unum,
reducuntur omnia contraria fere. |
Où il dit: " Conclusion ...
", il conclut qu'il appartient au philosophe de considérer les parties
de l’un comme les parties de l'être. C'est ce qu’il montre en premier lieu.
En second, il montre aussi que les diverses parties de la philosophie
correspondent aux diverses parties de l’être et de l'un, où il dit: "Et
la philosophie, etc. " Il dit donc en premier que du fait que l'un et
l'être signifient la même chose et que d'une même chose les espèces sont les
mêmes, il faut qu'il y ait autant d'espèces d'être qu'il y a d’espèces d'un
et que ces espèces doivent correspondre entre elles. Or, comme les parties de
l'être sont la substance, la quantité et la qualité, etc., ainsi les parties
de l'un sont l'identique, l’égal et le semblable. L’identique (le même) en
effet, c'est l'un dans la substance; l'égal, l'un dans la quantité; le
semblable, l’un dans la qualité. Et l’on pourrait prendre les autres parties
de l’un selon les autres parties de l'être, s'il existait des mots pouvant
les signifier. Et comme il appartient à une seule science, à savoir la
philosophie, de considérer toutes les parties de l'être, ainsi lui
appartient-il d’étudier toutes les parties de l'un, c’est-à-dire l'identique
et le semblable et ainsi de suite. Et à ce principe, à savoir l’un, se ramène
presque tous les contraires. |
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[82127] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 15 Et hoc addit, quia in quibusdam non est ita
manifestum. Et tamen hoc esse necesse est; quia cum in omnibus contrariis
alterum habeat privationem inclusam, oportet fieri reductionem ad privativa
prima, inter quae praecipue est unum. Et iterum multitudo, quae ex uno
causatur, causa est diversitatis differentiae et contrarietatis, ut infra
dicetur. Et haec dicit esse considerata in ecloga, idest in electione contrariorum,
idest in tractatu, quae est pars electa ad tractandum de contrariis, scilicet
in decimo huius. |
Et il ajoute "presque":
parce que, dans certains cas, ce n’est pas aussi manifeste et pourtant cela
est nécessaire: comme dans tous les contraires ce qui est autre (l'autre) possède
une privation incluse, il faut les réduire à des privatifs premiers, dont
l'un est le principal. Et de plus, la multitude, qui est causée par l'un, est
cause de la diversité de la différence et de la contrariété, comme il sera
dit plus loin. Ce qui sera considéré dans un traité spécial, qui est la
partie choisie pour traiter des contraires, à savoir dans le dixième livre. |
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[82128] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 2 n. 16 Et tot partes hic ostendit partes philosophiae
distingui secundum partes entis et unius; et dicit, quod tot sunt partes
philosophiae, quot sunt partes substantiae, de qua dicitur principaliter ens
et unum et de qua principalis est huius scientiae consideratio et intentio.
Et, quia partes substantiae sunt ordinatae adinvicem, nam substantia
immaterialis est prior substantia sensibili naturaliter; ideo necesse est
inter partes philosophiae esse quamdam primam. Illa tamen, quae est de
substantia sensibili, est prima ordine doctrinae, quia a notioribus nobis
oportet incipere disciplinam: et de hac determinatur in septimo et octavo
huius. Illa vero, quae est de substantia immateriali est prior dignitate et
intentione huius scientiae, de qua traditur in duodecimo huius. Et tamen
quaecumque sunt prima, necesse est quod sint continua aliis partibus, quia
omnes partes habent pro genere unum et ens. Unde in consideratione unius et
entis diversae partes huius scientiae uniuntur, quamvis sint de diversis
partibus substantiae; ut sic sit una scientia inquantum partes praedictae
sunt consequentes hoc, id est unum et ens, sicut communia substantiae.
Et in hoc philosophus est similis mathematico. Nam mathematica habet diversas
partes, et quamdam principaliter sicut arithmeticam, et quamdam secundario
sicut geometriam, et alia consequenter se habent his, sicut perspectiva,
astrologia et musica. |
Où il dit : " Et la
philosophie ... ", il montre que les parties de la philosophie se
distinguent d'après les parties de l'être et de l'un. Il dit qu'il y a autant
de parties de la philosophie qu’il y a de parties de la substance de laquelle
se disent principalement l'être et l'un et sur laquelle portent
principalement l’intention et la considération de cette science. Et parce que
les parties de la substance sont ordonnées entre elles, car la substance immatérielle
est naturellement antérieure à la substance sensible, ainsi est-il nécessaire
qu'entre les parties de la philosophie, il y en ait une de première. La
partie; cependant; qui traite de la substance sensible, est première selon
l'ordre de la doctrine, de l'enseignement, parce qu'on doit recevoir la
discipline à partir de ce qui est plus connu pour nous. Il déterminera ce
dernier point dans le septième et le huitième livre. La partie, elle, qui
traite de la substance immatérielle est première en dignité et première dans
l'intention de cette science. On donnera la doctrine sur cette substance dans
le douzième livre. Cependant, quelles que soient les parties premières, il
faut qu'elles soient en continuité avec les autres parties, parce que toutes
les parties ont comme genre l'un et l'être. Ainsi, c'est dans la
considération de l'un et de l'être que sont unies toutes les parties de cette
science, bien que ces parties traitent des diverses parties de la substance:
pour qu'ainsi soit une cette science, en tant que les parties dont on vient
de parler sont consécutives à l'un et à l'être, comme à ce qui est commun à
la substance. Sur ce point-là, le philosophe ressemble au mathématicien. Les
mathématiques en effet ont diverses parties, dont l’une est principale, comme
l'arithmétique, une autre, secondaire, comme la géométrie, et d'autres
consécutives à celles-là, comme la perspective, l'astrologie et la musique. |
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Lectio 3 |
Leçon 3, Texte d’Aristote
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L'étude des opposés relève d’une
seule science, et la Multiplicité est opposée à l'Un; d'autre part, la
négation et la privation sont l'objet d'une seule et même science, du fait
que, dans un cas comme dans l'autre, c'est réellement traiter d’un terme unique
dont il y a négation ou privation (on distingue, en effet, la négation
proprement dite, qui indique seulement l'absence de la chose, et la privation
dans un genre déterminé; dans ce dernier cas, une différence est surajoutée à
ce qui est impliqué dans la pure négation, car la négation n'est que
l'absence de la chose en question, tandis que, dans la privation, il y a
aussi, subsistant dans son sujet, une nature particulière dont la privation
est affirmée). "Le Multiple est donc opposé à l'Un", il en résulte
que les contraires des notions que nous avons énumérées, tels que l'Autre, le
Dissemblable, l'Inégal, ainsi que tous les autres opposés, dérivés soit de
ces notions, soit du Multiple et de l'Un, rentreront aussi dans le domaine de
la science dont nous avons parlé. Parmi ces opposés, on doit ranger la
contrariété. Car la contrariété est une différence, et la différence, une
altérité. En conséquence, étant donné que l'Un se prend en plusieurs
acceptions, ces différents termes seront pris aussi en plusieurs
acceptions ; mais cependant c'est à une science unique qu’il appartient
de les connaître tous: ce n'est pas, en effet, la pluralité des
significations qui rend un terme sujet de différentes sciences, c'est
seulement le fait qu'il n’est pas nommé par rapport à un principe unique, et
aussi que ses définitions dérivées ne sont pas rapportées à une signification
primordiale. Or, tout se rapportant à un terme premier, par exemple tout ce
qui est un étant dit relativement à l’un premier, nous devons énoncer qu’il
en est ainsi du Même, de l’Autre, et des contraires en général. Par
conséquent, après avoir distingué les différentes significations de chaque
terme, notre explication doit ensuite se référer à ce qui est premier dans le
cas de chaque prédicat en question, et dire comment a lieu cette relation au
terme premier: certaines choses, en effet, recevront leur nom de ce qu’elles
ont en elles cette notion première, d'autres de ce qu'elles la produisent,
d'autres enfin d'après des raisons analogues. Il est donc évident, comme nous
l'avons indiqué dans nos Apories, qu'il appartient à une seule science de
rendre compte de ces notions, aussi bien que de la Substance; c'était là une
des difficultés que nous avions posées. |
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Lectio 3 |
Leçon 3, Commentaire de
saint Thomas [L’un et le multiple, objets de cette science] (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960)
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IL MONTRE QUE L’UN
ET LE MULTIPLE ET TOUTES LES SORTES D'OPPOSES RELEVENT DE LA MEME SCIENCE. IL
MONTRE AUSSI DE QUELLE MANIERE ILS APPARTIENNENT A LA MEME SCIENCE. |
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[82129] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 3 n. 1 Hic ostendit, quod considerare de oppositis pertinet
ad scientiam istam: et circa hoc duo facit. Primo ostendit, quod eius est considerare
de negatione et privatione. Secundo de contrariis, ibi, sed uni et cetera.
Dicit ergo, quod, cum ad unam scientiam pertineat considerare opposita, sicut
ad medicinam considerare sanum et aegrum, et ad grammaticam congruum et
incongruum: uni autem opponitur multitudo: necesse est, quod illius scientiae
sit speculari negationem et privationem, cuius est speculari unum et
multitudinem. Propter quod utriusque est considerare unum; scilicet ex
utroque dependet unius consideratio, de cuius ratione est negatio et
privatio. Nam sicut dictum est, unum est ens non divisum: divisio autem ad
multitudinem pertinet, quae uni opponitur. Unde cuius est considerare unum,
eius est considerare negationem vel privationem. |
Ici, le philosophe montre qu'il
appartient à cette science de considérer les opposés. Il divise cette tâche
en deux parties. Il montre tout d'abord qu'il lui appartient de considérer la
négation et la privation; et deuxièmement, de considérer les contraires, où
il dit : " Le Multiple est donc, etc. " Il dit donc que, puisqu’il
appartient à une seule science de considérer les opposés, comme à ~la
médecine de considérer la santé et la maladie, ou à la grammaire d'examiner
ce qu'il convient et ne convient pas d'écrire, ainsi, la multitude étant opposée
à l’unité, il est nécessaire qu'il ressortisse à la science qui étudie l'un
et le multitude de considérer la négation et la privation. Parce que toutes
deux sont concernées dans l’étude de l'un; la considération de l'unité dépend
d'elles: la négation et la privation font partie de la notion de l'un. En
effet, comme nous l'avons dit, l'un est l'être non divisé; Or la division
appartient à la multitude, qui est opposée à l’unité. Donc, à qui il
appartient de considérer l’un appartient d’étudier la négation ou la
privation. |
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[82130] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 3 n. 2 Negatio autem est duplex: quaedam simplex per quam
absolute dicitur quod hoc non inest illi. Alia est negatio in genere, per quam
aliquid non absolute negatur, sed infra metas alicuius generis; sicut caecum
dicitur non simpliciter, quod non habet visum, sed infra genus animalis quod
natum est habere visum. Et haec adest differentia huic quod dico unum praeter
quod est in negatione, idest per quam distat a negatione: quia negatio
dicit tantum absentiam alicuius, scilicet quod removet, sine hoc quod
determinet subiectum. Unde absoluta negatio potest verificari tam de non
ente, quod est natum habere affirmationem, quam de ente, quod est natum
habere et non habet. Non videns enim potest dici tam Chimaera quam lapis quam
etiam homo. Sed in privatione est quaedam natura vel substantia determinata,
de qua dicitur privatio: non enim omne non videns potest dici caecum, sed
solum quod est natum habere visum. Et sic, cum negatio, quae in ratione unius
includitur, sit negatio in subiecto (alias non ens, unum dici posset): patet,
quod unum differt a negatione simpliciter, et magis trahit se ad naturam
privationis, ut infra decimo huius habetur. |
La négation est double: l'une,
simple, par laquelle nous disons de
façon absolue que ceci n lest pas dans cela; l'autre, qui est dans un
genre d'être particulier, par laquelle on ne nie pas quelque chose de façon
absolue, mais dans les limites d'un certain genre. Ainsi, aveugle ne veut pas
dire absolument ce qui n’a pas la vue, mais se dit relativement au genre
animal qui naturellement doit posséder la vue. Et telle est la différence qui
entraîne l'unité hors de la négation: la négation dit uniquement absence de
quelque chose, à savoir de ce qu'elle écarte, sans impliquer que ce qu'elle
écarte détermine un sujet. Voilà pourquoi la négation absolue peut se
vérifier aussi bien du non-être capable de recevoir une affirmation que de
l’être qui est apte à recevoir une affirmation, mais ne l'a pas. Le fait de
ne pas voir peut se dire aussi bien de la chimère que de la pierre et que de
l’homme. Mais dans le cas de la privation, il y a une certaine nature ou
substance déterminée à laquelle la privation est attribuée: ce n'est pas en
effet tout ce qui ne voit pas qui peut se dire aveugle, mais uniquement ce
qu’est apte à voir. Et ainsi, puisque la négation, qui est impliquée dans la
notion de l’unité, est la négation dans un sujet (autrement le non-être
pourrait être dit un), il appert que l'un diffère de la négation absolue, et
appartient davantage à la nature de la privation, comme il sera manifesté au
dixième livre. |
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[82131]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 3 n. 3 Sciendum est autem quod quamvis unum importet
privationem implicitam, non tamen est dicendum quod importet privationem
multitudinis: quia cum privatio sit posterior naturaliter eo cuius est
privatio, sequeretur quod unum esset posterius naturaliter multitudine. Item
quod multitudo poneretur in definitione unius. Nam privatio definiri non
potest nisi per suum oppositum, ut quid est caecitas? Privatio visus. Unde cum in definitione multitudinis
ponatur unum (nam multitudo est aggregatio unitatum), sequitur quod sit
circulus in definitionibus. Et ideo dicendum quod unum importat privationem
divisionis, non quidem divisionis quae est secundum quantitatem, nam ista
divisio determinatur ad unum particulare genus entis, et non posset cadere in
definitione unius. Sed unum quod cum ente convertitur importat privationem
divisionis formalis quae fit per opposita, cuius prima radix est oppositio
affirmationis et negationis. Nam illa dividuntur adinvicem, quae ita se
habent, quod hoc non est illud. Primo igitur intelligitur ipsum ens, et ex
consequenti non ens, et per consequens divisio, et per consequens unum quod
divisionem privat, et per consequens multitudo, in cuius ratione cadit
divisio, sicut in ratione unius indivisio; quamvis aliqua divisa modo
praedicto rationem multitudinis habere non possint nisi prius cuilibet
divisorum ratio unius attribuatur. |
Il faut savoir cependant que, bien
que l'un comporte implicitement la privation, il ne faut pas dire qu’il
comporte la privation de la multitude : la privation étant naturellement
postérieure à ce dont elle est privation, il s'ensuivrait que l’unité serait
naturellement postérieure à la multitude. Il en découlerait de plus que la
multitude serait posée dans la définition de l'unité. La privation en effet
ne peut être définie que par son opposé comme, par exemple, si l’on demande
ce qu'est la cécité, on répond qu'elle est la privation de la vue. Donc,
puisque dans la définition de la multitude, on pose l'unité (la multitude est
une somme d'unités), il résulterait un cercle vicieux dans les définitions.
C’est pourquoi il faut dire que l'unité comporte la privation de la division,
mais non pas de la division qui est selon la quantité: cette division est
déterminée à un genre particulier d’être et ne peut entrer dans la définition
de l’un. L'un qui se convertit avec l’être comporte la privation de la
division formelle qui se fait par les opposés, et dont la racine première est
l'opposition de l’affirmation et de la négation. Car ceux-là sont divisés
entre ceux qui sont entre eux comme "ceci n'est pas cela". En
premier lieu donc, on intellige l'être lui-même, et par suite la division, et
par suite l'unité qui est la privation de la division, et par conséquent la
multitude dans la raison de laquelle entre la division; comme la raison de
l'unité implique l’indivision. Cependant, certains divisés selon le mode dont
on vient de parler ne peuvent avoir raison de multitude sans que la raison
d'unité ne soit attribuée à chacun d’eux. |
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[82132] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 3 n. 4 Sed uni pluralitas hic ostendit quod philosophi est
considerare contraria. Uni enim multitudo opponitur, ut dictum est. Opposita
autem est unius scientiae considerare. Cum igitur ista scientia consideret
unum et idem, aequale et simile, necesse est quod consideret opposita his,
scilicet multum, alterum sive diversum, dissimile, et inaequale, et
quaecumque alia reducuntur ad illa, sive etiam ad unum et pluralitatem. Et
inter ista una est contrarietas. Nam contrarietas est quaedam differentia,
eorum scilicet quae maxime differunt in eodem genere: differentia vero est
quaedam alteritas sive diversitas, ut decimo huius habetur: igitur
contrarietas pertinet ad considerationem huius scientiae. |
Où il dit : "Le multiple ...
", il montre qu'il appartient au philosophe de considérer les
contraires. Ainsi qu'on l'a dit, la multitude est opposée à l'unité; or, il
appartient à une seule science considérer les opposés; donc, puisque cette
science considère l'unité et l'identité, l’égal et le semblable, il est
nécessaire qu’elle étudie leurs opposés, à savoir le multiple, l'autre ou le
divers, le dissemblable et l’inégal et tout ce qui est réductible à ces
opposés ou encore à l’un et à la pluralité. Et, entre ces opposés, il y a une
seule contrariété. La contrariété, en effet, est une certaine différence,
c'est-à-dire celle qui existe entre les termes les plus éloignés d’un même
genre. Or la différence est une certaine altérité ou diversité, comme on le
dira dans le dixième livre. Donc la contrariété appartient à la considération
de cette science. |
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[82133] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 3 n. 5 Quare quoniam hic tradit modum, quo philosophus de
his debet determinare: et dicit, quod cum omnia praedicta deriventur ab uno,
et unum multipliciter dicatur, etiam omnia ista necesse est multipliciter
dici: scilicet idem et diversum et alia huiusmodi. Sed tamen quamvis
multipliciter dicantur omnia, tamen quae significantur per quodlibet horum
nominum est cognoscere unius scientiae, scilicet philosophiae. Non enim
sequitur, quod si aliquid dicitur multipliciter, quod propter hoc sit
alterius scientiae vel diversae. Diversa enim significata si neque dicuntur secundum
unum, idest secundum unam rationem, scilicet univoce, nec ratione diversa
referuntur ad unum, sicut est in analogicis: tunc sequitur, quod sit
alterius, idest diversae scientiae de his considerare, vel ad minus unius per
accidens. Sicut caeleste sidus, quod est canis, considerat astrologus,
naturalis autem canem marinum et terrestrem. Haec autem omnia referuntur ad
unum principium. Sicut enim quae significantur per hoc nomen unum, licet sint
diversa, reducuntur tamen in unum primum significatum; similiter est dicendum
de his nominibus, idem, diversum, contrarium, et huiusmodi. Et ideo circa
unumquodque istorum philosophus duo debet facere: videlicet primo dividere
quot modis dicitur unumquodque. Et haec divisio consequenter assignatur in unoquoque
praedicato idest in unoquoque istorum nominum de pluribus praedicatorum,
ad quod primum dicatur; sicut quid est primum significatum huius nominis idem
vel diversum et quomodo ad illud omnia alia referantur; aliquid quidem
inquantum habet illud, aliquid autem inquantum facit illud, vel secundum
alios huiusmodi modos. |
Où il dit : " En
conséquence ... ", il donne la méthode selon laquelle le philosophe doit
traiter de ces notions. Il dit que du fait que tous les opposés dont on vient
de parler découlent de l'unité, et que l’un se dit de multip1es manières,
ainsi ces opposés: le même et le divers et les autres, se disent nécessairement
de multiples façons. Mais bien que tous se disent de multiples manières, la
connaissance cependant de ce que signifie chacun de ces termes ne relève que
d’une seule science, la philosophie. Parce qu'une chose se dit de plusieurs
manières, il ne s'ensuit pas qu’elle appartienne à des sciences diverses. Si
les divers objets signifiés ne sont pas dits selon une raison identique
(univoquement) ou selon des raisons diverses mais par référence à quelque
chose d'un (analogiquement), alors il s'ensuit qu'ils peuvent relever d'une
autre science ou de sciences diverses ou, par accident, d'une seule science.
Ainsi l'astrologie considère la constellation céleste qui est le; chien, et
le physicien, le chien marin et terrestre. Mais les notions données plus haut
se référent toutes à un seul principe. Comme, en effet, les sujets signifiés
par le terme un, bien que divers, se réduisent tous à un premier signifié; il
faut en dire autant de tous ces noms, tels que: identique, divers, contraire,
etc. C'est pourquoi, au sujet de chacun de ces termes, le philosophe doit
faire une double opération. En premier lieu, il faut voir à distinguer les
modes (les sens) selon lesquels chacun de ces termes se dit. Et cette
division est conséquemment appliquée à chacun de ces termes prédiqués de
plusieurs sujets pour voir par rapport à quel sujet il se dit en premier. Par exemple, quel est le
premier signifié de ce mot: identique et divers et comment toutes les autres
significations se référent à ce premier signifié: par exemple, à l'un des
sujets en tant qu’il le possède, à un autre en tant qu'il en est la cause
efficiente, et ainsi de suite. |
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[82134] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 3 n. 6 Deinde cum dicit palam ergo inducit conclusionem ex omnibus
praecedentibus; scilicet quod huius scientiae est ratiocinari de his
communibus et de substantia: et hoc fuit unum quaesitum inter quaestiones in
tertio disputatas. |
Ensuite où il dit : " Il est
donc évident ... ", il apporte la conclusion de tout ce qui précède, à
savoir qu’il appartient à cette science de raisonner sur ces choses communes
et sur la substance. Et ceci fut l'une des questions discutées dans le
troisième livre. |
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Leçon 4, Texte d’Aristote
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Ajoutons que le philosophe doit
être capable de spéculer sur toutes choses. Si, en effet, ce n'est pas là
l'office du philosophe, qui est-ce qui examinera si Socrate est identique,
Socrate assis, si une seule chose a un seul contraire, ce qu’est le contraire,
en combien de sens il est pris ? Et de même pour les autres questions de ce
genre. Donc, puisque ces notions sont des propriétés essentielles de l'Un en
tant qu’un, et de l'Etre en tant qu’être, et non en tant que nombres, lignes
ou feu, il est clair que notre science devra les connaître dans leur essence
et clans leurs attributs. Et ceux qui font des attributs l'objet de leur
étude ont le tort, non pas de considérer des objets étrangers à la
Philosophie, mais d’oublier que la substance, dont ils n'ont pas une idée
exacte, est antérieure à ses attributs. De même, en effet, que le nombre en
tant que nombre est affecté de propriétés spéciales, telles que l'impair et
le pair, la commensurabilité et l'égalité, l'excès et le défaut, modes qui
appartiennent aux nombres en eux-mêmes et aux nombres dans leurs rapports
entre eux; de même encore que le solide:, l'immortel et le mû, le non-lourd
et ce qui a du poids ont aussi des attributs particuliers: ainsi L'Etre en
tant qu’être possède aussi certains attributs propres, et c’est relativement
à ces propriétés qu'il appartient au philosophe de rechercher le vrai. En
voici une preuve: les dialecticiens et les sophistes, qui revêtent le masque
du philosophe (car la Sophistique a seulement l'apparence de la Philosophie,
et c’est aussi le cas de la Dialectique) disputent de tout sans exception, et
ce qui est commun à tout, c'est l'Etre; or s'ils disputent de ces matières,
c’est évidemment parce qu'elles rentrent dans le domaine propre de la
Philosophie. Le genre de réalités où se meuvent la Sophiste et la Dialectique
est le même, en effet, que pour la Philosophie, mais celle-ci diffère de la
Dialectique par la nature de la faculté requise, et, de la Sophistique, par
la règle de vie qu'elle propose. La Dialectique se contente d’éprouver le
savoir, là où la Philosophie le produit positivement. Quant à la Sophistique,
elle, n'est qu'une Philosophie apparente et sans réalité. De plus, des deux séries de
contraires, l'une est privation de l'autre, et tous les contraires se ramènent
à l’Etre et au Non-être, à l’Un et au Multiple, par exemple, le repos relève
de l'Un, et le mouvement, de la multiplicité. Que les êtres et la substance
soient constitués à partir de contraires, presque tous les philosophes
s'accordent à le reconnaître; tous, du moins, prennent des contraires pour
principes. Pour les uns, c'est l'Impair et le Pair, pour d'autres, le Chaud
et le Froid, pour d'autres encore, la Limite et l'Illimité, pour d’autres
enfin, l'Amitié et la Haine. Mais tous les autres contraires étant évidemment
aussi réductibles à l'Un et au Multiple (nous avons suffisamment établi cette
réduction), les principes des autres philosophes viennent alors y tomber sans
exception, comme sous des genres. Il résulte donc clairement de ces considérations
aussi, qu'il appartient à une seule science de spéculer sur l'Etre en tant
qu'être. Tous les êtres sont, en effet, ou bien des contraires, ou bien des
composés de contraires et les principes des contraires sont l'Un et le
Multiple. Or ces dernières notions rentrent dans une même science, qu'elles
soient, ou, comme il est probablement plus vrai de le soutenir, qu'elles ne
soient pas dites selon un terme unique. Cependant, même si l'Un se prend en
de multiples acceptions, les autres acceptions se rapporteront cependant
toutes à un terme premier, il en est de même pour les contraires de: l'Un.
C'est ce qui arrive, même si l'Etre ou l'Un n'est pas un universel, et
identique dans tous les individus, ou s'il n’est pas séparé des individus,
ainsi que, probablement, en fait, il ne l'est pas, mais si l'unité signifie
seulement tantôt une simple relation à l'égard d’un terme unique, tantôt une
unité de consécution. Aussi n’est-ce pas au géomètre d'étudier ce qu'est le
contraire, ou le parfait, ou l'Etre, ou l'Un, ou le Même ou l'Autre, mais il
se bornera à en poser l'existence comme principe de raisonnement. -Ainsi
donc, qu'il appartienne à une science unique d'étudier l’être en tant
qu’être, et les attributs de l'Etre en tant qu'être, cela est évident; il est
évident aussi que cette même science théorétique étudiera non seulement les
substances, mais encore leurs attributs, tant ceux dont nous avons parlé que
des concepts tels que l'antérieur et le postérieur, le genre et l'espèce, le
tout et la partie, et les autres notions de cette sorte. |
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Lectio 4 |
Leçon 4, Commentaire de
saint Thomas [La philosophie première étudie tous les contraires]
(Traduction Abbé Dandenault
et du Père Gardeil op, v. 1960)
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IL PROUVE QUE LA PHILOSOPHIE
PREMIERE ETUDIE TOUS LES CONTRAIRES, PUISQU’ELLE CONSIDERE L'ETRE ET L'UN ET
LES CONTRAIRES, DONT L'ETUDE NE RELEVE D’AUCUNE SCIENCE PARTICULIERE. |
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[82135] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 1 Hic ostendit per rationes communes, quod de omnibus
praedictis philosophus debet considerare. Et primo ostendit propositum.
Secundo conclusionem inducit intentam, ibi, quod quidem igitur et cetera.
Circa primum duo facit. Primo ostendit propositum. Secundo ex dictis infert
quoddam corollarium, ibi, et propter hoc et cetera. Ostendit autem primum
tribus rationibus. Secunda ibi, signum autem et cetera. Tertia ibi, amplius
autem et cetera. Prima ratio, talis est. Omnes dubitationes, quae possunt
moveri, sunt in aliqua scientia solvendae: sed de praedictis communibus
moventur quaedam quaestiones, sicut de eodem et de diverso movetur illa
quaestio utrum sit idem Socrates, et Socrates sedens: et de contrariis
movetur ista quaestio, utrum unum sit contrarium uni, et quot modis dicitur:
ergo oportet, quod in aliqua scientia ista solvantur, quae consideret de
eodem et contrario et aliis praedictis. |
Le Philosophe montre maintenant,
par des raisons communes, que le philosophe doit considérer toutes les
notions mentionnées à la leçon précédente. En premier, il démontre son
affirmation. En second, il en tire la conclusion recherchée, où il dit:
"Ainsi donc, qu'il appartienne, etc." Il traite son premier point
en deux parties. En premier, il démontre son affirmation. En second, il tire
de là un certain corollaire, où il dit: " Aussi n'est-ce pas, etc."
Il démontre son affirmation par trois raisons. Il donne la première où il
dit : " Si en effet, ce n'est pas là ... "; il donne la
seconde quand il dit: "En voici une preuve ... "; il donne la
troisième quand il dit : "De plus, des deux séries de contraires,
etc." Voici la première raison. Toutes les difficultés qui peuvent être
soulevées, doivent recevoir une solution dans une science quelconque; mais à
propos des notions ci-haut mentionnées, on soulève certains problèmes. Ainsi,
à propos du même et du divers, on pose la question suivante: Socrate est-il
identique à Socrate assis? A propos des contraires on pose la question
suivante: une seule chose a-t-elle un seul contraire, et en combien de sens
le mot contraire peut-il être pris? Il faut donc que ces questions reçoivent
des réponses dans quelque science qui traite du même et du contraire et des
autres notions énumérées auparavant. |
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[82136]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 2 Et quod hoc pertineat ad philosophum et ad nullum
alium, sic probat. Eius
est considerare primas passiones entis, cuius est considerare ens secundum
quod est ens. Sed praedicta omnia sunt per se accidentia entis et unius secundum
quod huiusmodi. Sicut enim numerus, inquantum huiusmodi, habet proprias
passiones, ut superfluum, aequale, commensuratum et huiusmodi, quorum quaedam
insunt alicui numero absolute, ut par et impar, quaedam uni per comparationem
ad alterum, ut aequale: et etiam substantia habet proprias passiones ut
firmum, idest corpus, et alia huiusmodi. Similiter et ens inquantum ens,
habet quaedam propria, quae sunt communia praedicta. Ergo consideratio eorum
pertinet ad philosophum. Et ideo tradentes philosophiam non peccaverunt de
his tractando tamquam non philosophantes, idest tamquam ista non
pertineant ad considerationem philosophiae; sed quia de his tractantes de
substantia nihil audiunt, quasi substantiae omnino obliviscantur, cum tamen
ipsa sit primum inter illa, de quibus philosophus debet considerare. |
Que la réponse à apporter
appartienne au philosophe et à personne d'autre, voici comment il le prouve.
C'est à celui qui étudie l'être en tant qu'être qu'il appartient de
considérer les premières propriétés de l'être. Or, tous ces attributs ci-haut
mentionnés sont des accidents par soi de l'être et de l’un en tant que tels.
En effet, comme le nombre, en tant que tel, a ses propriétés, tels que
l'excès, l’égal, la commensurabilité, etc., dont quelques-unes appartiennent
à un nombre de façon absolue, comme le pair et l’impair, alors que d’autres
appartiennent à un nombre dans son rapport à un autre nombre, comme l'égal;
ainsi de même, la substance a ses propriétés, comme "le solide",
c’est-à-dire le corps, et les autres choses de cette sorte. De la même façon,
l’être en tant qu‘être a ses propriétés, qui sont ces choses communes dont
nous avons parlé. Donc, leur considération est la fonction du philosophe.
C’est pourquoi, les professeurs de philosophie n’ont pas commis d’erreurs en
traitant de ces choses communes, en ce qu'ils seraient sorti de leur domaine
propre pour traiter de questions étrangères à la philosophie; non, leur
erreur a été de traiter de ces attributs de l’être sans rien comprendre de la
substance, comme s'ils avaient complètement oublié la substance, alors
qu'elle est, parmi tout ce que l'on vient d’énumérer, le premier sujet qui
doit retenir l'attention du philosophe. |
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[82137] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 3 Deinde cum dicit signum autem hic ponit secundam
rationem ad idem ostendendum, quae est per signum, quae talis est. Dialectici
et sophistae induunt figuram eamdem philosopho, quasi similitudinem cum eo
habentes: sed dialectici et sophistae disputant de praedictis: ergo et philosophi
est ea considerare. Ad manifestationem autem primae ostendit quomodo
dialectica et sophistica cum philosophia habeant similitudinem, et in quo
differunt ab ea. |
Ensuite où il dit : "En VOICI
une preuve ... ", il donne la seconde raison pour démontrer la même
chose. Cette preuve qui est par un signe, la voici. Les dialecticiens et les
sophistes prennent le masque du Philosophe, comme s’ils possédaient certaines
ressemblances avec lui. Or les dialecticiens et les sophistes discutent de
toutes ces questions. Il appartient donc aussi au philosophe de les
considérer. Pour manifester sa majeure, il montre en quoi la dialectique et
la sophistique ressemblent à la philosophie et en quoi elles en diffèrent. |
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[82138]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 4 Conveniunt autem in hoc, quod dialectici est
considerare de omnibus. Hoc autem esse non posset, nisi consideraret omnia
secundum quod in aliquo uno conveniunt: quia unius scientiae unum subiectum
est, et unius artis una est materia, circa quam operatur. Cum igitur omnes
res non conveniant nisi in ente, manifestum est quod dialecticae materia est
ens, et ea quae sunt entis, de quibus etiam philosophus considerat. Similiter
etiam sophistica habet quamdam similitudinem philosophiae. Nam sophistica est
visa sive apparens sapientia, non existens. Quod autem habet
apparentiam alicuius rei, oportet quod aliquam similitudinem cum illa habeat.
Et ideo oportet quod eadem consideret philosophus, dialecticus et sophista. |
Elles[57] s'accordent avec elle en ceci que c’est le fait du dialecticien de
tout considérer; or cela ne serait pas possible si le dialecticien ne
considérait toutes choses en tant qu'elles ont quelque point commun, car une
seule science a un seul sujet, et un seul art, une seule matière sur laquelle
il opère; comme donc toutes choses n’ont en commun que l’être, il est
manifeste que la matière de la dialectique est l'être et ce qui s’y rapporte,
choses que le philosophe aussi considère. De même, la sophistique a aussi une
certaine ressemblance avec la philosophie: la sophistique, en effet, est une
sagesse spécieuse, c’est-à-dire apparente, non réelle; or, ce qui a les
apparences d’une autre chose, doit avoir quelque ressemblance avec elle.
Aussi faut·-il que le philosophe, le dialecticien et le sophiste considèrent
les mêmes choses. |
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[82139] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 5 Differunt autem abinvicem. Philosophus quidem a
dialectico secundum potestatem. |
Mais ils différent entre eux. Le
philosophe d'abord du dialecticien par pouvoir, car la considération du philosophe
est d’une plus grande puissance que celle du dialecticien. Le philosophe, en
effet, dans l’étude des données communes qu'on a dites procède
démonstrativement; aussi lui revient-il d’en avoir la science, et les
connaît-il avec certitude, car la connaissance certaine, ou science, est
l’effet de la démonstration. Le dialecticien, au contraire, procède à l'étude
de tout ce qu’on a dit à partir de probabilités; aussi n'atteint-il pas à la
science, mais à une certaine opinion. Et la raison en est que l’être est
double: l'être de raison et l'être de la nature. Or, on appelle à proprement
par le être de raison ces notions
que la raison découvre dans les choses en tant qu'elles sont considérées par
elle; ainsi les notions de genre, d'espèce etc., qui ne se trouvent pas dans
la nature, mais résultent de la considération de la raison, et c'est cet être
de raison qui est proprement le sujet de la logique. Mois ces notions
intelligibles sont coextensives aux êtres de la nature, du fait que ceux-ci
tombent tous sous la considération de la raison, et c’est pourquoi le sujet
de la logique s’étend à tout ce qui mérite le nom d’être de la nature. Aussi Aristote conclut que le sujet de la
logique est coextensif au sujet de la philosophie qui est l’être de la
nature. Le philosophe procède donc des principes de celui-ci à la preuve de
ce qui est à considérer relativement aux accidents communs de l’être ; le
dialecticien, au contraire, procède à la considération de ces accidents à
partir des notions de raison qui sont étrangères à la nature des choses : et
c’est pourquoi l’on dit que la dialectique se présente comme une tentative,
car tenter c’est proprement procéder à partir de principes étrangers. |
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[82140]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 6 A sophista vero differt philosophus prohaeresi,
idest electione vel voluptate, idest desiderio vitae. Ad aliud enim ordinat
vitam suam et actiones philosophus et sophista. Philosophus quidem ad sciendum veritatem; sophista
vero ad hoc quod videatur scire quamvis nesciat. |
Du sophiste, le philosophe diffère
par sa préférence, c’est-à-dire par
son choix ou son plaisir, c’est-à-dire par ce qui est le désir de sa vie. Le
philosophe et le sophiste, en effet, n’ordonnent pas leur vie et leurs
actions au même but: le philosophe, lui, à savoir la vérité; le sophiste, au
contraire, à paraître; à savoir, quoiqu’il ne le sache pas. |
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[82141] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 7 Licet autem dicatur, quod philosophia est scientia, non
autem dialectica et sophistica, non tamen per hoc removetur quin dialectica
et sophistica sint scientiae. Dialectica enim potest considerari secundum
quod est docens, et secundum quod est utens. Secundum quidem quod est docens,
habet considerationem de istis intentionibus, instituens modum, quo per eas
procedi possit ad conclusiones in singulis scientiis probabiliter
ostendendas; et hoc demonstrative facit, et secundum hoc est scientia. Utens
vero est secundum quod modo adinvento utitur ad concludendum aliquid
probabiliter in singulis scientiis; et sic recedit a modo scientiae. Et
similiter dicendum est de sophistica; quia prout est docens tradit per
necessarias et demonstrativas rationes modum arguendi apparenter. Secundum
vero quod est utens, deficit a processu verae argumentationis. |
Mais, bien qu’on dise que la
philosophie soit une science, et non la dialectique et la sophistique, cela
n’exclut pas que la dialectique et la sophistique soient des sciences. La
dialectique, en effet, peut-être considérée dans sa fonction doctrinale et
dans sa fonction exécutive. Dans sa fonction doctrinale, il lui revient de
considérer les notions de raison, en établissant la façon dont on peut
procéder par elles à la mise en lumière de conclusions probables dans chacune
des sciences, et elle le fait de manière démonstrative, et en cela elle est
une science. Elle est exécutive, par contre, en tant qu’elle a la fonction
annexe de conclure quelque chose de façon probable dans chacune des sciences;
et ainsi elle s’écarte du comportement d’une science. Et il faut en dire
autant de la sophistique, car, dans sa fonction doctrinale, elle enseigne à
l’aide de raisonnements nécessaires et démonstratifs la manière d’argumenter
de façon spécieuse, tandis que, dans sa fonction exécutive, elle manque aux
règles d’une vraie argumentation. |
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[82142]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 8 Sed in parte logicae quae dicitur demonstrativa,
solum doctrina pertinet ad logicam, usus vero ad philosophiam et ad alias
particulares scientias quae sunt de rebus naturae. Et hoc ideo, quia usus
demonstrativae consistit in utendo principiis rerum, de quibus fit
demonstratio, quae ad scientias reales pertinet, non utendo intentionibus
logicis. Et sic apparet, quod quaedam partes logicae habent ipsam scientiam
et doctrinam et usum, sicut dialectica tentativa et sophistica; quaedam autem
doctrinam et non usum, sicut demonstrativa. |
Au contraire, dans la parte de la
logique qui est appelée démonstrative,
seule la doctrine revient à la logique, la mise en œuvre, elle, est affaire
de la nature. Et la raison en est que la mise en œuvre démonstrative consiste
à mettre en œuvre les principes des choses sur lesquelles porte notre
démonstration, -et celle-ci revient aux sciences du réel,- non à mettre en œuvre
les notions logiques. Et il appelait ainsi que certaines parties de la
logique comprennent à la fois une part de science et de doctrine, et une part
de mise en œuvre, comme la dialectique en tant que tentative et la
sophistique, d'autres, au contraire, une part de doctrine mais aucune part de
mise, en œuvre, comme la logique de la démonstration. |
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[82143] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 9 Amplius contrariorum hic ponit tertiam rationem, quae
talis est. Quaecumque reducuntur in unum et ens, debent considerari a
philosopho, cuius est considerare unum et ens: sed omnia contraria reducuntur
ad unum et ens: ergo omnia contraria sunt de consideratione philosophi, cuius
est considerare unum et ens. |
(L’Abbé Dandenault
passe ensuite directement à la troisième preuve (voir ci-dessous). |
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[82144] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 10 Quod autem omnia contraria reducantur ad unum et
ens, ostendit quidem primo quantum ad ens hoc modo. Inter duo contraria, quae
a philosophis principia ponuntur, ut in primo habitum est, semper unum quidem
est alteri correlativum, et ei coordinatum est, ut privatio. Quod ex hoc
patet: quia semper alterum contrariorum est imperfectum respectu alterius, et
sic quamdam perfectionis privationem alterius importat. Privatio autem est
quaedam negatio, ut dictum est supra; et sic est non ens. Et sic patet quod
omnia contraria reducuntur in ens et non ens. |
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[82145]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 11 Similiter etiam ostendit quod reducuntur in unum et
multitudinem, per quoddam exemplum. Status enim sive quies reducitur in
unitatem. Illud enim quiescere dicitur, quod uno modo se habet nunc et prius,
ut in sexto physicorum traditur. Motus autem ad multitudinem pertinet; quia
quod movetur, diversimode se habet nunc et prius; quod multitudinem importat. |
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[82146] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 12 Deinde ibi entia vero ostendit alio modo, quod contraria
reducuntur ad ens: quia principia et principiata sunt unius considerationis.
Principia autem entium, inquantum huiusmodi, confitentur philosophi esse
contraria. Omnes enim dicunt entia et substantias entium ex contrariis
componi, ut in primo physicorum dictum est, et primo huius. Et quamvis in hoc
conveniant quod entium principia sint contraria, differunt tamen quantum ad
contraria quae ponunt. Quidam enim ponunt par et impar, sicut Pythagorici. Et
alii calorem et frigus, sicut Parmenides. Quidam finem sive terminum et
infinitum, idest finitum et infinitum, sicut idem Pythagoras. Nam pari et
impari, finitum et infinitum attribuebant, ut in primo habitum est. Alii
concordiam et discordiam, sicut Empedocles. Patet ergo quod contraria
reducuntur in considerationem entis. |
Ensuite où il dit : "
Que les êtres ... ", il montre d'une autre façon que les contraires se
réduisent à l'être; parce que les principes et ce qui en découle (les
principiés) appartiennent à la même étude. Or les philosophes ont professé
que les principes des êtres, en tant que tels, sont contraires. Tous en effet
disent que les êtres et les substances des êtres sont composés des
contraires, comme on l'a dit clans le premier livre des Physiques et dans le premier livre de la métaphysique. Et bien qu'ils convenaient tous en ceci
que les principes des êtres sont contraires, ils différaient quant aux
contraires qu'ils posaient. Certains ont posé le pair et l'impair, comme les
Pythagoriciens; d'autres, le chaud et le froid, comme Parménide; d'autres, le
fini et l'infini, comme le même Pythagore: les pythagoriciens attribuaient le
fini et l'infini au pair et l’impair, comme on l'a vu dans le premier livre.
D'autres posaient la concorde et la discorde comme Empédocle. Il est donc
évident que l’étude des contraires se rattache à l'étude de l'être. |
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[82147]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 13 Deinde ulterius ibi omnia vero dicit, quod sicut
praedicta contraria reducuntur ad ens, ita habent reduci ad unum et
multitudinem. Quod apparet. Nam imparitas aliquid unitatis habet propter
indivisionem: paritas autem ad naturam multitudinis pertinet propter suam
divisionem. Sic autem finis sive terminus ad unitatem pertinet, quae est
terminus omnis resolutionis: infinitum autem pertinet ad multitudinem, quae
in infinitum augetur. Concordia etiam unitatis est manifeste. Discordia vero
multitudinis. Calor autem ad unitatem pertinet, inquantum habet unire
homogenea. Frigus autem ad multitudinem, inquantum habet ea separare. Nec
solum ista contraria reducuntur sic in unum et multitudinem, sed etiam alia.
Sed ista reductio sive introductio ad unum et multitudinem accipiatur
sive sumatur, idest supponatur nunc a nobis, quia longum esset per
singula contraria hoc discutere. |
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[82148] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 14 Deinde ostendit consequenter quod omnia contraria
reducuntur ad unum et ens. Constat enim quod omnia tam principia quam quae
sunt de aliis, idest principiata, inducunt in unum et ens tamquam in
genera; non quod sint vere genera; sed ratione suae communitatis quamdam
similitudinem generum habent. Si igitur contraria omnia sunt principia vel ex
principiis, oportet quod ad unum et ens reducantur. Sic igitur patet, quod dupliciter ostendit contraria
reduci ad ens. Primo per naturam privationis. Secundo per hoc quod contraria
sunt principia. Quod vero reducantur ad unum, ostendit per exemplum et per
quamdam reductionem. Finaliter autem ostendit quod reducantur ad unum et ens
inquantum sunt genera. |
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[82149]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 15 Palam igitur hic ostendit conversim, scilicet quod
ista scientia considerat ens, quia considerat praedicta, tali ratione. Omnia
entia reducuntur ad contraria; quia vel sunt contraria, vel sunt ex
contrariis: contraria vero reducuntur ad unum et multitudinem, quia unum et
multitudo sunt principia contrariorum: unum autem et multitudo sunt unius
scientiae, scilicet philosophiae: ergo et eius est considerare ens secundum
quod est ens. Sciendum est tamen,
quod praedicta omnia in unius scientiae considerationem cadunt, sive dicantur
secundum unum, idest univoce, sive non, sicut fortasse verum est. Sed
tamen quamvis unum dicatur multipliciter, omnia tamen alia, idest omnes
significationes, reducuntur ad unam primam significationem. Et similiter est
etiam de contrariis, quae dicuntur multipliciter, sed omnes significationes
ad unam primam reducuntur. Et propter hoc, si etiam unum et ens non est unum
universale quasi genus existens, sicut supra ponebatur, sive dicamus quod
universale sit unum in omnibus secundum opinionem nostram, sive quod sit
aliquid separatum a rebus secundum opinionem Platonis, sicut fortassis non
est verum: tamen dicuntur secundum prius et posterius: sicut et aliae
significationes referuntur ad unum primum, et aliae se habent consequenter
respectu illius primi. Utitur tamen adverbio dubitandi, quasi nunc supponens
quae inferius probabuntur. |
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[82150] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 16 Sciendum tamen est quod hoc, quod dixit, omnia entia
contraria esse vel ex contrariis, non posuit secundum suam opinionem, sed
accepit quasi opinionem philosophorum antiquorum: entia enim immobilia nec
sunt contraria, nec ex contrariis. Unde nec Plato circa sensibiles
substantias immobiles posuit contrarietatem. Fecit enim unitatem ex parte
formae, contrarietatem ex parte materiae. Antiqui vero philosophi solummodo
substantias sensibiles posuerunt, in quibus necesse est contrarietatem esse
secundum quod mobiles sunt. |
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[82151]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 17 Deinde cum dicit et propter inducit quoddam
corollarium ex praedictis; dicens, quod geometriae non est speculari de praedictis,
quae sunt accidentia entis inquantum est ens, scilicet quid est contrarium,
aut quid est perfectum, et huiusmodi. Sed si consideret, hoc erit ex
conditione, idest ex suppositione, quasi supponens ab aliquo priori
philosopho, a quo sumit quantum est necessarium ad suam materiam. Et hoc quod
dicitur de geometria, similiter est intelligendum in qualibet alia
particulari scientia. |
Ensuite où il dit : "Ainsi
donc ... ", il tire un certain corollaire de la doctrine précédente en
disant qu'il n'appartient pas à la géométrie de spéculer sur ces chose
communes, qui sont des accidents de l’être en tant qu’être, à savoir sur ce
qu'est la contrariété, ce qu'est la perfection, et les choses de cette sorte.
Mais si le géomètre les considère, ce sera par hypothèse, les supposant
manifestées antérieurement par le philosophe à qui il emprunte ces notions en
ajutant qu'il en a besoin pour sa propre matière. Et ce qu’il dit du
géomètre, on peut le comprendre également pour n’importe quelle science
particulière. |
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[82152] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 4 n. 18 Deinde cum dicit quod quidem colligit quae sunt
supra ostensa; dicens, manifestum esse, quod ad unam scientiam pertinet
considerare ens secundum quod est ens, et ea quae per se illi insunt. Et per
hoc patet, quod illa scientia non solum est considerativa substantiarum, sed
etiam accidentium, cum de utrisque ens praedicetur. Et est considerativa
eorum quae dicta sunt, scilicet eiusdem et diversi, similis et dissimilis,
aequalis et inaequalis, negationis et privationis, et contrariorum; quae
supra diximus esse per se entis accidentia. Et non solum est considerativa
istorum, de quibus ostensum est singillatim propriis rationibus, quae cadunt
in consideratione huius scientiae; sed etiam considerat de priori et
posteriori, genere et specie, toto et parte, et aliis huiusmodi, pari
ratione, quia haec etiam sunt accidentia entis inquantum est ens. |
Ensuite où il dit : " Il est
évident ... ", il résume ce qu’il a démontré plus haut en disant qu'il
ost manifeste qu’il appartient à une seule science de considérer l’être en
tant qu’être et ce qui se trouve par soi dans l'être. Et par là il est
évident que cette science ne considère pas uniquement les substances, mais
aussi les accidents, puisque l'être se dit des deux. Et elle étudie aussi le
même et le divers, le semblable et le dissemblable, l'égal et l'inégal, la
négation et la privation, et les contraires : ce que nous avons dit être
des accidents par soi de l'être. Et elle ne considère pos seulement ces attributs,
dont nous avons fait la preuve pour chacun séparément et par des raisons
propres qu'ils appartiennent à notre science, mais aussi, elle considère
l'antérieur et le postérieur, le genre et l'espèce, le tout et la partie, et
toutes les notions de cette sorte. Et cela pour la même raison: ils sont des
accidents de l'être en tant qu’être. |
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Leçon 5, Texte d’Aristote
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ETUDE DES AXIOME ET
DU PRINCIPE DE CONTRADICTION |
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Il nous faut dire maintenant s'il appartient
à une science unique ou à des sciences différentes d'étudier, en même temps
que la substance, les vérités qui, en mathématiques, sont appelées axiomes.
Il est manifeste que leur examen est l'objet d lune seule et même science, et
que cette science est celle du philosophe. En effet, les axiomes embrassent
l'universalité d des êtres et non pastel genre particulier, à l'exclusion des
autres. Et si tous les hommes se servent des axiomes, c’est parce que les
axiomes appartiennent à l'Etre en tant qu'être, et que chaque genre est être;
ils ne s’en servent toutefois que dans la mesure qui convient, c'est-à-dire
dans la mesure où s'étend le genre sur lequel portent leurs démonstrations.
Par conséquent, puisqu'il est évident que les axiomes s’appliquent à tous les
êtres en tant qu'êtres (car l’être est ce qui est commun à toutes choses),
c'est de la connaissance de l’être en tant qu’être que relève également
l'étude de ces vérités. C'est précisément pourquoi aucun de ceux qui
s'enferment dans l'investigation d'une science particulière ne s'est donné
pour tâche de dire quoi que ce soit sur la vérité ou la fausseté de ces
axiomes, ni le géomètre, ni l’arithmétique. Il n'y a eu, pour le tenter, que
certains physiciens, dont l’attitude ne doit d’ailleurs pas surprendre,
puisqu'ils croyaient être les seuls à examiner l'ensemble de la Nature et
l'Etre en général. Mais, du moment qu'il y a quelqu'un qui est encore
au-dessus du physicien (car la Nature est seulement un genre déterminé de
l'Etre), c'est à lui, lui qui étudie l'universel et la substance première,
qu'appartiendra aussi l'examen de ces vérités. La Physique est bien une sorte
de Philosophie, mais elle n’est pas la philosophie première. Quant aux
tentatives de certains philosophes qui, dans leurs discussions sur la vérité,
ont prétendu déterminer à quelles conditions on doit accepter des
propositions comme vraies, elles ne sont dues qu'à leur grossière· ignorance
des Analytiques: il faut, en effet, connaître les Analytiques avant d'aborder
aucune science, et ne pas attendre qu'on vous l'enseigne pour se poser de
pareilles questions. Qu’ainsi il appartienne au
philosophe, c'est-à-dire à celui qui étudie la nature de toute substance,
d'examiner aussi les principes du raisonnement syllogistique, cela est évident.
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Lectio 5 |
Leçon 5, Commentaire de
saint Thomas [Les premiers príncipes de la démonstration]
(Traduction Abbé
Dandenault)
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DANS CETTE LECON,
ARISTOTE RESOUT LE PROBLEME POSE AU TROISIEME LIVRE, CONCERNANT L'ETUDE DES
PREMIERS PRINCIPES DE LA DEMONSTRATION. |
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[82153] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 5 n. 1 Hic solvit aliam quaestionem in tertio motam;
scilicet utrum ad istam scientiam pertineat considerare prima principia
demonstrationis. Et dividitur in duo.
Primo ostendit, quod eius est considerare universaliter de omnibus his
principiis. Secundo specialiter de primo eorum ibi, congruit autem et cetera.
Circa primum tria facit. Primo movet quaestionem, quae est, utrum unius
scientiae sit considerare de substantia et de principiis quae in scientiis
mathematicis vocantur dignitates, aut est alterius et alterius scientiae
considerare. Appropriat autem ista principia magis mathematicis scientiis,
quia certiores demonstrationes habent, et manifestius istis principiis per se
notis utuntur, omnes suas demonstrationes ad haec principia resolventes. |
Ici il résout une autre question
posée dans le troisième livre : appartient-il à cette science de considérer
les premiers principes de la démonstration ? Il divise cette question en
deux parties. Il démontre cette appartenance pour tous les principes en
général: en second, pour le premier de ces principes en particulier, où il
dit : "Mais l’homme qui etc. " (lec. VI). Il traite sa première
partie en trois points. Il pose tout d'abord la question s’il appartient à
une science unique de considérer la substance et les principes qu’on appelle
dans les sciences mathématiques les "dignités", "axiomes"
ou si cette étude relève d'autres sciences. Il approprie davantage ces
principes aux sciences mathématiques parce qu'elles ont des démonstrations
plus certaines et se servent de façon plus manifeste de ces principes connus
par eux-mêmes, résolvant toutes leurs démonstrations dans ces principes. |
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[82154]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 5 n. 2 Palam autem secundo solvit: quae quidem solutio est,
quia una scientia intendit de utrisque praedictis: et haec est philosophia,
quae prae manibus habetur. |
Où il dit: " Il est manifeste
... ", il répond en second à la question. La solution est qu'une seule
science traite des deux questions posées au numéro précédent, et c'est la
philosophie que nous avons entre les mains. |
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[82155] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 5 n. 3 Omnibus enim tertio probat solutionem propositam: et
circa hoc duo facit. Primo probat propositum. Secundo conclusionem
principalem inducit, ibi, quoniam igitur et cetera. Probat autem solutionem
propositam dupliciter. Primo per rationem. Secundo per signum, ibi, unde
nullus et cetera. Ratio talis est. Quaecumque insunt omnibus entibus, et non
solum alicui generi entium separatim ab aliis, haec pertinent ad
considerationem philosophi: sed praedicta principia sunt huiusmodi: ergo
pertinent ad considerationem philosophi. Minorem sic probat. Illa, quibus
utuntur omnes scientiae, sunt entis inquantum huiusmodi: sed prima principia
sunt huiusmodi: ergo pertinent ad ens inquantum est ens. |
Où il dit: "En effet, les
axiomes ... ", il prouve, en troisième, la solution proposée. Ce qu'il
fait en deux temps. Il prouve tout d'abord son propos puis, il en tire la
conclusion principale, où il dit : " Qu'ainsi il appartienne etc.
". Il prouve la solution proposée de deux manières: par une prouve tirée
de la raison de ces principes et par un signe. La preuve du signe commence où
il dit: " C’est précisément pourquoi etc. " Voici la raison. Ce qui
existe dans tout être et non seulement dans un genre d'être séparé des autres
appartient à la considération du philosophe; or les principes cités plus haut
appartiennent précisément à tout être; ils relèvent donc de l'étude du
philosophe. Il prouve la mineure de cette façon. Les notions ou principes
dont se servent toutes les sciences appartiennent à l’être en tant qu'être;
or, les premiers principes sont de cette sorte ; donc, ils appartiennent
à l'être en tant qu'être. |
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[82156]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 5 n. 4 Rationem autem, quare omnes scientiae eis utuntur, sic
assignat; quia unumquodque genus subiectum alicuius scientiae recipit
praedicationem entis. Utuntur autem principiis praedictis scientiae
particulares non secundum suam communitatem, prout se extendunt ad omnia
entia, sed quantum sufficit eis: et hoc secundum continentiam generis, quod
in scientia subiicitur, de quo ipsa scientia demonstrationes affert. Sicut
ipsa philosophia naturalis utitur eis secundum quod se extendunt ad entia
mobilia, et non ulterius. |
La raison pour laquelle toutes les
sciences se servent de ces principes, il l'assigne comme suit : n'importe
quel genre qui est sujet d'une certaine science reçoit la prédication de
l'être. Or les sciences particulières se servent de ces principes non pas
selon leur caractère commun, selon leur communauté ou leur universalité, en
tant qu'ils s’étendent à tout être, mais en autant qu'elles en ont besoin,
c’est-à-dire à l'intérieur du genre d’être soumis à ces sciences, genre
d'être qui est le sujet de leurs démonstrations. Comme la philosophie naturelle
se sert de ces principes communs en autant qu’il se rapportent d’être mobile,
et pas plus. |
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[82157] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 5 n. 5 Deinde cum dicit unde nullus probat quod dixerat,
per signum. Et primo inducit probationem. Secundo excludit quorumdam errorem,
ibi, sed quoniam est adhuc. Dicit ergo primo, quod nullus intendens primo
tradere scientiam alicuius particularis entis, conatus est aliquid dicere de
primis principiis utrum sint vera aut non: nec geometra, aut arithmeticus,
qui tamen istis principiis plurimum utuntur, ut supra dictum est. Unde patet quod consideratio dictorum principiorum
ad hanc scientiam pertinet. |
Ensuite, où il dit : " C’est
précisément... ", il prouve ce qu’il avait dit par un signe. Il
introduit sa preuve, puis exclut une certaine erreur, où il dit : " Il
n’y a en etc. ". Il dit donc, en premier, qu'aucun de ceux qui veulent
communiquer la science d’un être particulier n'est obligé de dire si les
premiers principes sont vrais ou faux: ni le géomètre ni l'arithméticien qui,
pourtant, se servent fréquemment de ces premiers principes, comme on l'a
souligné plus haut. Il appert donc que la considération de ces principes
relève de notre science. |
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[82158]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 5 n. 6 Deinde cum dicit nisi physicorum excludit errorem
quorumdam: et circa hoc duo facit. Primo excludit errorem eorum, qui de
praedictis se intromittebant, cum ad eos non pertineret. Secundo eorum, qui
de eis alio modo volebant tractare quam de eis sit tractandum, ibi, quicumque
autem utuntur et cetera. Dicit ergo primo, quod quamvis nulla scientiarum
particularium de praedictis principiis se intromittere debeat, quidam tamen
naturalium de his se intromiserunt; et hoc non sine ratione. Antiqui enim non
opinabantur aliquam substantiam esse praeter substantiam corpoream mobilem,
de qua physicus tractat. Et ideo creditum est, quod soli determinent de tota
natura, et per consequens de ente; et ita etiam de primis principiis quae
sunt simul consideranda cum ente. Hoc autem falsum est; quia adhuc est
quaedam scientia superior naturali: ipsa enim natura, idest res naturalis
habens in se principium motus, in se ipsa est unum aliquod genus entis
universalis. Non enim omne ens est huiusmodi: cum probatum sit in octavo physicorum,
esse aliquod ens immobile. Hoc autem ens immobile superius est et nobilius
ente mobili, de quo considerat naturalis. Et quia ad illam scientiam pertinet
consideratio entis communis, ad quam pertinet consideratio entis primi, ideo
ad aliam scientiam quam ad naturalem pertinet consideratio entis communis; et
eius etiam erit considerare huiusmodi principia communia. Physica enim est
quaedam pars philosophiae: sed non prima, quae considerat ens commune, et ea
quae sunt entis inquantum huiusmodi. |
Ensuite où il dit: " Il n’y a
eu ... ", il exclut l'erreur d'un certain nombre et cela de deux
manières. Il rejette tout d'abord l'erreur de ceux qui se sont introduits
dans l'étude de ces principes, alors que cette étude n’appartenait pas à leur
domaine. Il rejette ensuite l’erreur de ceux qui ont voulu traiter de ces
principes, mais pas comme il faut, où il dit: "Quant aux tentatives etc.
" Il dit donc en premier que, bien qu'aucune des sciences particulières
ne se devrait mêler de parler de ces principes, un certain nombre de
physiciens en ont parlé. Ils avaient leurs raisons. Les anciens ne croyaient
pas qu'il existait une substance en dehors de la substance corporelle mobile
que la philosophie de la nature étudie. Et alors ils ont cru qu'ils étaient
les seuls à traiter de toute la nature et par conséquent, de l'être, et donc
aussi des premiers principes qui doivent être considérés en même temps que
l’être. Ce qui cependant est faux: il y a une science supérieure à celle de
la nature, Car la nature, c'est-à-dire la chose naturelle qui a en elle-même
le principe de son mouvement, est en elle-même un genre de l’être universel.
Tout être en effet n’est pas naturel, puisqu'il a été prouvé au huitième livre des Physiques qu’il existe un
être immobile. Cet être immobile est supérieur et plus noble que l’être
mobile dont traite le physicien. C’est pourquoi, parce qu’il appartient à la
science qui considère cet être premier de considérer l'être en général, il
appartient à une autre que la science de la nature de considérer l’être en
général. Et à cette science, il appartiendra aussi d’étudier les principes
communs. La philosophie de la na turc est une certaine partie de la
philosophie, mais non la première: celle qui considère l’être commun et ce
qui appartient à l'être en tant que tel. |
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[82159] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 5 n. 7 Deinde cum dicit quicumque vero excludit alium
errorem circa modum tractandi huiusmodi principia. Quidam enim tractabant de
istis principiis volentes ea demonstrare: et quaecumque isti dixerunt de
veritate praedictorum principiorum, quomodo oporteat ea recipere per vim
demonstrationis, vel quomodo oporteat contingere veritatem in omnibus istis
ita se habere, hoc fecerunt propter ignorantiam, vel propter imperitiam analyticorum,
idest illius partis logicae, in qua ars demonstrandi traditur: quia oportet scientes
de his pervenire, idest omnis scientia per demonstrationem acquisita ex
his principiis causatur. Sed non oportet audientes, idest discipulos
instruendos in aliqua scientia, quaerere de his sicut de aliquibus
demonstrandis. Vel secundum aliam literam oportet de his pervenire
scientes, idest oportet, quod qui acquirunt scientiam per demonstrationem
perveniant ad cognoscendum huiusmodi principia communia, et non quod quaerant
ea sibi demonstrari. |
Ensuite où il dit: " Quant
aux tentatives ... ", il rejette l’autre erreur qui porte sur la manière
de traiter de ces principes. Certains ont traité de ces principes en voulant
les démontrer: et tout qu’ils ont dit sur la vérité de ces principes: comment
il fallait les accepter par la force de la démonstration ou comment il
fallait déterminer la vérité de ces principes selon untel mode, ils l’ont dit
par ignorance, ou du moins par ignorance des analytiques, c'est-à-dire de
cette partie de la logique où l'on traite de l'art de démontrer: la raison en
est que toute science acquise par démonstration doit partir de ces principes.
Mais il ne faut pas que les disciples qui doivent être instruits dans une
science s'enquièrent de ces principes comme de quelque chose à démontrer. Une autre traduction du texte
d’Aristote: il faut que ceux qui acquièrent la science par démonstration
parviennent à connaître les principes communs de cette sorte, mais non pas
qu’ils exigent que ces principes leur soient démontrés. |
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[82160] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 5 n. 8 Deinde cum dicit quoniam igitur concludit
conclusionem principaliter intentam: scilicet quod philosophi erit
considerare de omni substantia inquantum huiusmodi, et de primis
syllogismorum principiis. Ad huius autem evidentiam sciendum, quod
propositiones per se notae sunt, quae statim notis terminis cognoscuntur, ut
dicitur primo posteriorum. Hoc autem contingit in illis propositionibus, in
quibus praedicatum ponitur in definitione subiecti, vel praedicatum est idem
subiecto. Sed contingit aliquam propositionem quantum in se est esse per se
notam, non tamen esse per se notam omnibus, qui ignorant definitionem
praedicati et subiecti. Unde Boetius dicit in libro de hebdomadibus, quod
quaedam sunt per se nota sapientibus quae non sunt per se nota omnibus. Illa
autem sunt per se nota omnibus, quorum termini in conceptionem omnium cadunt.
Huiusmodi autem sunt communia, eo quod nostra cognitio a communibus ad
propria pervenit, ut dicitur in primo physicorum. Et ideo istae propositiones
sunt prima demonstrationum principia, quae componuntur ex terminis
communibus, sicut totum et pars, ut, omne totum est maius sua parte; et sicut
aequale et inaequale, ut, quae uni et eidem sunt aequalia, sibi sunt
aequalia. Et eadem ratio est de similibus. Et quia huiusmodi communes termini
pertinent ad considerationem philosophi, ideo haec principia de
consideratione philosophi sunt. Determinat autem ea philosophus non
demonstrando, sed rationes terminorum tradendo, ut quid totum et quid pars et
sic de aliis. Hoc autem cognito, veritas praedictorum principiorum manifesta
relinquitur. |
Ensuite où il dit: "
Qu’ainsi... ", il apporte la conclusion qu’il voulait surtout apporter.
Il appartiendra au philosophe rie considérer toutes les substances en tant
que telles et les premiers principes des syllogismes. Pour avoir l'évidence
de ceci il faut savoir que ces propositions sont connues par elles-mêmes qui
sont connues immédiatement en connaissant les termes, comme on le dit dans le
premier livre des Seconds Analytiques.
Ce qui arrive dans les propositions où le prédicat est posé dans la
définition du sujet, ou lorsque le prédicat est identique au sujet. --Mais il
arrive qu’une proposition est en elle-même connue par soi, sans cependant
être évidente pour tous, ceux qui ignorent la définition du prédicat et du
sujet. Voilà pourquoi Boèce dit, dans son livre
des semaines", que certaines propositions sont évidentes par soi aux
savants qui ne le sont pas pour tous. Celles-là sont évidentes pour tous,
dont les termes appartiennent à la conception de tout le monde, Les termes de
cette sorte sont les termes communs, du fait que notre connaissance procède
des choses communes aux propres, comme il est dit au premier livre des Physiques. C'est pourquoi
ces propositions sont les premiers principes des démonstrations, qui sont
composées des termes communs, comme tout et partie: le tout est plus grand
que sa partie; ou comme égal et inégal: les choses égales à une même
troisième sont égales entre elles. La raison est la même pour toutes les
propositions semblables. Et parce que les termes communs de cette sorte
appartiennent à l’étude du philosophe, les principes composés de ces termes
relèvent aussi de lui. De plus, le philosophe détermine ces principes, non en
les démontrant, mais en apportent les définitions des termes: ce qu’est le
tout et ce qu'est la partie, etc. Ces définitions connues, il n'a plus rien à
faire pour manifester la vérité de ces principes; il les abandonne à leur
propre évidence. |
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Leçon 6, Texte d’Aristote
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Mais l'homme qui a la connaissance
la plus parfaite en quelque genre que ce soit, doit être aussi celui qui est le
plus à même d’énoncer les principes les plus fermes de l’objet en question.
Par conséquent, celui qui connaît les êtres en tant qu‘êtres doit être
capable d'établir les principes les plus fermes de tous les êtres. Or
celui-là, c'est le philosophe; et le principe le plus ferme de tous se
définit comme étant celui au sujet duquel il est impossible de se tromper: il
est, en effet, nécessaire qu’un tel principe soit à la fois le mieux connu de
tous les principes (car l'erreur porte toujours sur ce qu'on ne connaît pas)
,et inconditionné, car un principe dont la possession est nécessaire pour
comprendre tout être quel qu’il soit, ne dépend pas d'un autre principe, et
ce qu'il faut nécessairement connaître pour connaître tout être quel qu'il
soit, il faut aussi le posséder nécessairement déjà avant toute connaissance.
Evidemment, alors, un tel principe est le plus ferme de tous. Mais quel est-il? Nous allons
maintenant l'énoncer. C'est le suivant: Il est impossible que le même
attribut appartienne et n'appartienne pas en même temps, au même sujet et
sous le même rapport, sans préjudice de toutes les autres déterminations qui
peuvent être ajoutées, pour parer aux difficultés logiques. Voilà donc le
plus ferme de tous les principes, car il répond à la définition donnée plus
haut. Il n'est pas possible, en effet, de concevoir jamais que la même chose
est et n’est pas, comme certains croient qu'Héraclite le dit: Car tout ce
qu'on dit, on n’est pas obligé de le penser. Et s’il n'est pas possible qu'en
même temps des contraires appartiennent au même sujet (et il nous faut
ajouter, dans cette prémisse également, les déterminations habituelles), et
si une opinion, qui est la contradiction d'une autre opinion, est son
contraire, il est évidemment impossible, pour le même esprit, de concevoir,
en même temps, que la même chose est et n’est pas, car on aurait des opinions
contraires simultanées, si on se trompait sur ce point. C’est la raison pour
laquelle toute démonstration se ramène à ce principe comme à une ultime
vérité, car il est, par nature, un point de départ, mi0me pour tous les
autres axiomes. Démonstration indirecte du
principe de contradiction. Il y des philosophes qui, comme
nous l'avons dit, prétendent, d'une part, que la même chose peut, à la fois,
être et n'être pas, et, d'autre part, que la pensée peut le concevoir. Ce
langage est aussi celui d'un grand nombre de physiciens. Quant à nous, nous
venons de reconnaître qu'il est impossible, pour une chose, d'être et de
n’être pas en même temps, et c'est en nous appuyant sur cette impossibilité
que nous avons montré que ce principe est le plus ferme de tous. Quelques
philosophes réclament certes une démonstration même pour ce principe, mais
c'est par une grossière ignorance: c’est de l'ignorance, en effet, que de ne
pas distinguer ce qui a besoin de démonstration et ce qui n’en a pas besoin.
Or il est absolument impossible de tout démontrer: on irait à l’infini de
telle sorte que, même ainsi, il n'y aurait pas de démonstration. Et s'il y a
des vérités dont il ne faut pas chercher de démonstration, qu’on nous dise
pour quel principe il le faut moins que pour celui-là? Il est cependant possible
d’établir par réfutation l'impossibilité que la même chose soit et ne soit
pas, pourvu que l’adversaire dise seulement quelque chose. S'il ne dit rien,
il est ridicule de chercher à discuter avec quelqu'un qui ne peut parler de
rien (en tant qu’il ne le peut) : un tel homme, en tant que tel, est dès
lors semblable à un végétal. Mais établir par voie de réfutation, je dis que
c’est là tout autre chose que démontrer: une démonstration proprement dite
aurait toute l’apparence d'une pétition de principe, tandis que si c'est un
autre qui était responsable d'une telle pétition de principe, nous serions en
présence d'une réfutation, et non d'une démonstration. |
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Lectio 6 |
Leçon 6, Commentaire de
saint Thomas [Le principe de contradiction]
(Traduction Abbé Dandenault
et Père Gardeil op, v. 1960)
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ARISTOTE MONTRE QU'IL
FAUT QUE LE PHILOSOPHE DISCUTE DU PREMIER PRINCIPE DE LA DEMONSTRATION. IL
MANIFESTE QUEL EST LE CARACTERE DE CE PRINCIPE. IL EXPOSE AUSSI COMMENT LES
PREMIERS PHILOSOPHES SE SONT TROMPES SUR LE PRINCIPE EN QUESTION. |
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[82161] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 1 Hic ostendit principaliter, quod ad primum
philosophum pertinet considerare de primo demonstrationis principio: et circa
hoc duo facit. Primo ostendit, quod eius est de ipso considerare. Secundo de
ipso tractare incipit, ibi, principium vero et cetera. Circa primum tria
facit. Primo ostendit, quod huius scientiae est considerare de primo
demonstrationis principio. Secundo ostendit quid sit illud, ibi, et
firmissimum et cetera. Tertio excludit quosdam errores circa idem principium,
ibi, sunt autem quidam et cetera. Utitur autem ad primum tali ratione. In
unoquoque genere ille est maxime cognoscitivus, qui certissima cognoscit
principia; quia certitudo cognitionis ex certitudine principiorum dependet.
Sed primus philosophus est maxime cognoscitivus et certissimus in sua
cognitione: haec enim erat una de conditionibus sapientis, ut in prooemio
huius libri patuit, scilicet quod esset certissimus cognitor causarum; ergo
philosophus debet considerare certissima et firmissima principia circa entia,
de quibus ipse considerat sicut de genere sibi proprie subiecto. |
Le Philosophe s’attache maintenant
à démontrer tout particulièrement qu'il appartient 2l.l " premier
philosophe " de considérer le premier principe de la démonstration. Il
traite de cette question en deux points. Il montre, en premier, qu'il lui
appartient de l'étudier; puis, il commence à en traiter, où il dit : "
Le point de départ etc. "(lec. VI). Il divise la question de la
juridiction en trois parties. Il montre d'abord qu’il appartient à notre
science de considérer le premier principe de démonstration; en deuxième, il
montre quel est ce premier principe, où il dit: " ... et le principe le
plus ferme etc. "; en troisième, il rejette certaines erreurs qui
portent sur ce principe, où il dit : "Il y a des philosophes etc. "
Pour démontrer l’appartenance de ce principe à la philosophie première, il se
sert de la raison suivante. Dans tout genre d'être, celui-là est le plus
connaissant qui connaît les principes les plus certains: la certitude de la
connaissance dépend de la certitude des principes. Mais le premier philosophe
est le plus connaissant et le plus certain dans sa connaissance: ceci, en
effet, était l'une des conditions du sage, comme il a été montré dans
l’introduction de ce livre, à savoir qu’il était le connaisseur le plus
certain des causes. Donc, le philosophe doit considérer les principes les
plus certains et les plus fermes sur l'être dont il traite comme du genre qui
est proprement son sujet. |
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[82162]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 2 Deinde cum dicit et firmissimum hic ostendit quid
sit firmissimum sive certissimum principium: et circa hoc duo facit. Primo
dicit quae sunt conditiones certissimi principii. Deinde adaptat eas uni
principio, ibi, quid vero sit et cetera. Ponit ergo primo, tres conditiones
firmissimi principii. Prima est, quod circa hoc non possit aliquis mentiri,
sive errare. Et hoc patet, quia cum homines non decipiuntur nisi circa ea
quae ignorant: ideo circa quod non potest aliquis decipi, oportet esse
notissimum. |
Ensuite où il dit : " et le
principe le plus ferme ... ", il montre quel est le principe le plus
solide et le plus certain. Ce qu'il fait en deux temps. Il donne tout d’abord
les conditions que doit remplir le principe le plus certain; en second, il
applique ces conditions à un principe, où il dit: "Mais quel est-il... ?
" Il énonce donc tout d'abord les trois conditions du principe le plus
ferme. La première est que personne ne peut mentir ni errer sur ce principe.
Et cela est évident: les hommes ne sont induits en erreur que sur ce qu’ils
ignorent; donc, ce sur quoi ils ne peuvent se tromper doit être le plus
connu. |
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[82163] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 3 Secunda conditio est ut sit non conditionale,
idest non propter suppositionem habitum, sicut illa, quae ex quodam condicto
ponuntur. Unde alia translatio habet. Et non subiiciantur, idest non
subiiciantur ea, quae sunt certissima principia. Et hoc ideo, quia illud,
quod necessarium est habere intelligentem quaecumque entium hoc non est
conditionale, idest non est suppositum, sed oportet per se esse notum. Et
hoc ideo, quia ex quo ipsum est necessarium ad intelligendum quodcumque,
oportet quod quilibet qui alia est cognoscens, ipsum cognoscat. |
La seconde condition est qu'il
soit "non conditionnel", inconditionné, c’est-à-dire qu'il ne soit
pas admis à cause d'une supposition ou hypothèse, comme ces principes qui
sont admis à partir d'une certaine convention, d'un certain présupposé. Une
autre traduction dit que les principes les plus certains ne dépendent pas
d'autre chose. Et cela parce que ce principe, dont la possession est
nécessaire pour comprendre tout autre, n'est pas une supposition, mais doit
être évident de soi. Et cela parce que, du fait que ce principe est
nécessaire pour comprendre quoi que ce soit, il faut qu’il soit déjà connu
par quiconque connaît n'importe quelle autre chose. Le grec dit: il faut le
posséder nécessairement déjà avant toute connaissance. |
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[82164]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 4 Tertia conditio est, ut non acquiratur per
demonstrationem, vel alio simili modo; sed adveniat quasi per naturam habenti
ipsum, quasi ut naturaliter cognoscatur, et non per acquisitionem. Ex ipso
enim lumine naturali intellectus agentis prima principia fiunt cognita, nec
acquiruntur per ratiocinationes, sed solum per hoc quod eorum termini
innotescunt. Quod quidem fit per hoc, quod a sensibilibus accipitur memoria
et a memoria experimentorum et ab experimento illorum terminorum cognitio,
quibus cognitis cognoscuntur huiusmodi propositiones communes, quae sunt
artium et scientiarum principia. Manifestum est ergo quod certissimum
principium sive firmissimum, tale debet esse, ut circa id non possit errari,
et quod non sit suppositum et quod adveniat naturaliter. |
La troisième condition est qu'il
ne soit pas acquis par démonstration ou par un processus semblable; il faut
qu’il advienne quasi par nature à celui qui le possède, de telle sorte qu'il
le connaisse quasi naturellement et non par acquisition. C'est en effet par
la lumière naturelle de l’intellect agent que les premiers principes sont
connus; ils ne sont pas acquis par raisonnement, mais du seul fait que leurs
termes sont connus, " manifestés ". Ce qui se fait de la façon
suivante: à partir des sensibles naît la mémoire, de la mémoire l'expérience,
et de l'expérience la connaissance de ces termes qui, connus, font connaître
les propositions communes, lesquelles sont les principes des arts et des
sciences. Il est donc manifeste que le principe le plus certain et le plus
ferme doit être tel qu’on ne puisse se tromper à son égard; qu'il ne soit pas
hypothétique et qu'il survienne naturellement. |
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[82165] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 5 Deinde cum dicit quid vero ostendit cui principio
praedicta determinatio conveniat: et dicit, quod huic principio convenit
tamquam firmissimo, quod est impossibile eidem simul inesse et non inesse
idem: sed addendum est, et secundum idem: et etiam alia sunt determinanda
circa hoc principium, quaecumque determinari contingit ad logicas
difficultates, sine quibus videtur contradictio cum non sit. |
Il montre à quel principe
conviennent ces déterminations. Il dit que c'est à ce principe comme au plus ferme,
à savoir : qu'il est impossible au même d’être et de n'être pas dans le même;
à quoi il faut ajouter: sous la même formalité, sous le même rapport.
D'ailleurs il faut déterminer d'autres choses sur ce principe. Ces
déterminations appartiennent à des difficultés logiques; sans ces
déterminations, on pourrait voir des contradictions là où elles n'existent
pas. |
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[82166] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 6 Quod autem praedicta huic principio conveniant, sic
ostendit. Impossibile enim est quemcumque suscipere, sive opinari,
quod idem sit simul et non sit: quamvis quidam arbitrentur Heraclitum hoc
opinatum fuisse. Verum est autem, quod Heraclitus hoc dixit, non tamen hoc
potuit opinari. Non enim necessarium est, quod quicquid aliquis dicit, haec
mente suscipiat vel opinetur. |
Que les conditions énumérées plus
haut conviennent à ce principe, voilà comment il le démontre. Il est en effet
impossible que quelqu'un admette ou pense que le même soit et ne soit pas en
même temps, bien que certains aient estimé qu’Héraclite l'a cru. Il est vrai
en effet qu’Héraclite l'a dit, mais il n'a pu le penser. Il n'est pas
nécessaire en effet que quelqu’un admette ou pense tout ce qu’il dit. |
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[82167] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 7 Si autem aliquis diceret, quod contingeret aliquem
opinari idem simul esse et non esse, sequitur hoc inconveniens, quod
contingit contraria eidem simul inesse. Et haec determinentur nobis,
idest ostendantur quadam propositione consueta et in logicis determinata.
Ostensum est enim in fine perihermenias, quod opiniones sunt contrariae, non
quae sunt contrariorum, sed quae sunt contradictionis per se loquendo. Hae
enim non sunt contrariae opiniones primo et per se, ut si unus opinetur, quod
Socrates est albus, et alius opinetur quod Socrates est niger. Sed, quod unus
opinetur quod Socrates est albus, et alius opinetur quod Socrates non est
albus. |
S'il[58] arrivait en effet que l'on prétende que quelqu'un a réellement pensé
que le même est et n'est pas en même temps, il en résulterait cette
incompatibilité que des contraires se trouveraient réalisés simultanément
dans le même sujet. Et c’est ce qui ressort manifestement d’une doctrine
reçue en logique. Il a été prouvé en effet à la fin du Perihermeneias, que sont contraires, non les opinions qui portent
sur des contraires, mais celles qui impliquent contradiction: il n’y a pas en
effet d'opinions contraires, au sens premier et absolu, dans le cas où l’un
opinant que Socrate est blanc, un autre vient à prétendre qu’il est noir,
mais si l'un estime que Socrate est blanc alors que l'autre soutient qu’il
n’est pas blanc. |
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[82168] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 8 Si igitur quis opinetur simul duo contradictoria
esse vera, opinando simul idem esse et non esse, habebit simul contrarias
opiniones: et ita contraria simul inerunt eidem, quod est impossibile. Non
igitur contingit aliquem circa haec interius mentiri et quod opinetur simul
idem esse et non esse. Et propter hoc omnes demonstrationes reducunt suas propositiones
in hanc propositionem, sicut in ultimam opinionem omnibus communem: ipsa enim
est naturaliter principium et dignitas omnium dignitatum. |
Si donc quelqu’un vient à
prétendre que deux contradictoires sont simultanément vrais, en déclarant que
le même est et n’est pas en même temps, il aura en même temps des opinions
contraires, et il en résultera que des contraires sont réalisés simultanément
dans le même sujet, ce qui est impossible. Il ne peut donc arriver que sur ce
point l'on mente intérieurement, et que l'on admette que le même est et n'est
pas en même temps. C’est la raison pour laquelle toutes les démonstrations
réduisent leurs propositions à celle-ci, comme à l'ultime affirmation commune
: elle est on effet par nature le principe et "l’axiome de tous les
axiomes". |
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[82169]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 9 Et sic patent aliae duae conditiones; quia inquantum
in hanc reducunt demonstrantes omnia, sicut in ultimum resolvendo, patet quod
non habetur ex suppositione. Inquantum vero est naturaliter principium, sic
patet quod advenit habenti, et non habetur per acquisitionem. |
Par là se voient justifiées les
deux autres conditions. D’une part, puisque ceux qui procèdent à des
démonstrations réduisent tout à ce principe, comme par une résolution à ce
qui est ultime, il est clair qu’il n’est pas tenu de façon hypothétique.
D'autre part, de ce qu'il est principe par nature, il apparaît avec évidence
qu’il survient comme par nature en celui qui le possède et qu’il n’est pas
possédé par mode d’acquisition. |
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[82170] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 10 Ad huius autem evidentiam sciendum est, quod, cum
duplex sit operatio intellectus: una, qua cognoscit quod quid est, quae
vocatur indivisibilium intelligentia: alia, qua componit et dividit: in
utroque est aliquod primum: in prima quidem operatione est aliquod primum,
quod cadit in conceptione intellectus, scilicet hoc quod dico ens; nec
aliquid hac operatione potest mente concipi, nisi intelligatur ens. Et quia
hoc principium, impossibile est esse et non esse simul, dependet ex
intellectu entis, sicut hoc principium, omne totum est maius sua parte, ex
intellectu totius et partis: ideo hoc etiam principium est naturaliter primum
in secunda operatione intellectus, scilicet componentis et dividentis. Nec
aliquis potest secundum hanc operationem intellectus aliquid intelligere,
nisi hoc principio intellecto. Sicut enim totum et partes non intelliguntur
nisi intellecto ente, ita nec hoc principium omne totum est maius sua parte,
nisi intellecto praedicto principio firmissimo. |
Pour l’éclaircissement de tout
ceci, il faut se rendre compte qu’étant donné qu'il y a une double opération de
l'intelligence, l'une par laquelle est saisie l'essence de la chose, que l'on
appelle "l'intelligence des indivisibles" à l'autre par laquelle
cette faculté compose et divise: dans l'une et l'autre il y a un premier.
Selon la première opération, il y a une première chose qui est conçue par
l'intelligence, à savoir ce que j'appelle: l'être; et rien ne peut être conçu
selon cette opération si je ne saisis pas l'être. Puisque, par ailleurs, ce
principe, "il est impossible d’être et de ne pas être en même temps",
dépend de la saisie de l'être, comme le principe, "le tout est plus
grand que sa partie ", de la saisie du tout et de la partie, il faut
admettre que le principe en question est, lui aussi, naturellement premier
dans la seconde opération de l'intelligence, c'est-à-dire de celle qui
compose et qui divise. Et personne ne peut rien connaitre selon cette seconde
opération, s'il n’a perçu ce principe. De même en effet que le tout et les
parties ne peuvent être saisis que si l'on a appréhendé l’être, ainsi ce
principe, "le tout est plus grand que sa partie", ne peut également
l'être que si l'on a eu la perception du susdit principe, lequel est le plus
certain de tous. |
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[82171]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 11 Deinde cum dicit sunt autem ostendit quomodo circa
praedictum principium ab aliquibus est erratum: et circa hoc duo facit. Primo
tangit errorem illorum, qui contradicebant praedicto principio. Secundo
eorum, qui ipsum demonstrare volebant, ibi, dignantur autem et cetera. Dicit
ergo, quod quidam, sicut dictum est de Heraclito, dicebant quod contingit
idem simul esse et non esse, et quod contingit hoc existimare. Et hac
positione utuntur multi naturales, ut infra patebit: sed nos nunc accipimus
supponendo praedictum principium esse verum, scilicet quod impossibile sit
idem esse et non esse, sed ex sui veritate ostendimus quod est certissimum.
Ex hoc enim quod impossibile est esse et non esse, sequitur quod impossibile
sit contraria simul inesse eidem, ut infra dicetur. Et ex hoc quod contraria
non possunt simul inesse, sequitur quod homo non possit habere contrarias
opiniones, et per consequens quod non possit opinari contradictoria esse
vera, ut ostensum est. |
Ensuite où il dit : "Il y a
des philosophes ... ", il montre ici comment un certain nombre de
philosophes s’est trompé sur ce principe. Ce qu’il divise en deux. Il touche
tout d’abord à l'erreur de ceux qui ont contredit ce principe; en second, à
l’erreur de ceux qui ont voulu le démontrer, où il dit: "Quelques
philosophes etc. ". Il dit donc que certains, ainsi qu’on l’a dit
d’Héraclite , disaient qu’il arrive que le même soit et ne soit pas en même
temps et qu’il arrive qu’on puisse le penser. C’est d’ailleurs là une
position tenue par plusieurs physiciens comme on le verra plus loin: mais
nous, nous admettons à ce moment-ci ce principe en supposant qu'il est vrai,
à savoir qu'il est impossible que le même soit et ne soit pas. Mais à partir
de sa vérité nous montrons qu'il est le plus certain car, du fait qu’il est
impossible n’être et de n’être pas, il s'ensuit qu'il est impossible que les
contraires soient en même temps dans le même, comme il sera dit plus loin. Et
du fait que les contraires ne peuvent pas être en même temps dans le même, il
s'ensuit que l’homme ne peut avoir des opinions contraires et, par
conséquent, qu'il ne peut penser que les contradictions sont vraies, comme on
l'a montré. |
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[82172] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 12 Deinde cum dicit dignantur autem tangit errorem quorumdam,
qui praedictum principium demonstrare volebant: et circa hoc duo facit. Primo
ostendit quod non possit demonstrari simpliciter. Secundo quod aliquo modo
potest demonstrari, ibi, est autem demonstrare et cetera. Dicit ergo primo,
quod quidam dignum ducunt, sive volunt demonstrare praedictum principium. Et
hoc propter apaedeusiam, idest ineruditionem sive indisciplinationem.
Est enim ineruditio, quod homo nesciat quorum oportet quaerere
demonstrationem, et quorum non: non enim possunt omnia demonstrari. Si enim
omnia demonstrarentur, cum idem per seipsum non demonstretur, sed per aliud,
oporteret esse circulum in demonstrationibus. Quod esse non potest: quia sic
idem esset notius et minus notum, ut patet in primo posteriorum. Vel
oporteret procedere in infinitum. Sed, si in infinitum procederetur, non
esset demonstratio; quia quaelibet demonstrationis conclusio redditur certa
per reductionem eius in primum demonstrationis principium: quod non esset si
in infinitum demonstratio sursum procederet. Patet igitur, quod non sunt
omnia demonstrabilia. Et si aliqua sunt non demonstrabilia, non possunt
dicere quod aliquod principium sit magis indemonstrabile quam praedictum. |
Ensuite où il dit: "Quelques
philosophes ... ", ils touchent à l’erreur de certains penseurs qui
voulaient démontrer le principe en question. Ce qu'il fait en deux points. En
premier, il montre qu'il ne peut être démontré de façon absolue. En second,
qu’il peut être démontré d’une certaine façon, où il dit : "Il est
cependant possible etc. " Aristote explique tout d'abord que certains
prétendent démontrer le principe en question, et ceci par inculture ou par
indiscipline d’esprit. C’est en effet de l'inculture qu’un homme ne sache pas
de quoi il convient et de quoi il ne convient pas de chercher une
démonstration: tout ne peut être démontré. Si tout en effet pouvait être
démontré, comme une chose n’est pas démontrée par elle-même, mais par une
autre, il faudrait qu'il y ait cercle dans les démonstrations. Or ceci est
impossible, car alors une même chose serait à fois plus connue et moins
connue, comme il a été montré aux Seconds
analytiques (l, c, 3, 72 b 25). Ou bien il faudrait aller à l’infini.
Mais dans ce cas il n'y aurait pas de démonstration, toute conclusion d'une
démonstration étant rendue certaine par réduction au premier principe de la
démonstration, ce qui ne pourrait avoir lieu si la démonstration allait à
l’infini. Il est donc évident que tout n'est pas démontrable. Et s'il y a des
choses qui ne sont pas démontrables, l'on ne peut dire qu'il y ait un
principe plus indémontrable que celui dont il a été question. |
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[82173]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 13 Est autem hic ostendit, quod aliquo modo potest
praedictum principium demonstrari; dicens, quod contingit praedictum
principium demonstrari argumentative. In Graeco habetur elenchice,
quod melius transfertur redarguitive. Nam elenchus est syllogismus ad
contradicendum. Unde inducitur ad redarguendum aliquam falsam positionem. Et
propter hoc isto modo ostendi potest, quod impossibile sit idem esse et non
esse. Sed solum si ille qui ex aliqua dubitatione negat illud principium, dicit
aliquid idest aliquid nomine significat. Si vero nihil dicit, derisibile
est quaerere aliquam rationem ad illum qui nulla utitur ratione loquendo.
Talis enim in hac disputatione, qui nihil significat, similis erit plantae.
Animalia enim bruta etiam significant aliquid per talia signa. |
Où il dit: "Il est cependant
... ", Aristote prouve ensuite que le principe en question peut d'une
certaine façon a été démontré. Il arrive en effet qu'on le démontre par mode
d'argumentation ("argumentative"); dans la version grecque il y a
"élenchice", que l'on rend mieux par: mode de réfutation. Un
"elenchus" est en effet un syllogisme qui a pour fin de contredire;
d'où vient que l’on s'en sert pour rejeter une fausse affirmation. C’est
pourquoi aussi l'on peut, en utilisant ce mode, montrer qu'il est impossible
que le même soit et ne soit pas. Mais cela suppose que celui qui, étant pris
d'un doute, nie ce principe, dise cependant quelque chose, c'est-à-dire,
énonce quelque chose de significatif. S'il ne dit rien, il serait ridicule de
chercher des raisons contre qui n'en fait valoir aucune. Celui qui, dans
cette discussion, ne dit rien est semblable à une plante. Les animaux sans
raison signifient bien eux-mêmes quelque chose par certains signes. |
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[82174] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 14 Differt enim demonstrare simpliciter principium praedictum,
et demonstrare argumentative sive elenchice. Quia si aliquis vellet
demonstrare simpliciter praedictum principium, videretur petere principium,
quia non posset aliquid sumere ad eius demonstrationem, nisi aliqua quae ex
veritate huius principii dependerent, ut ex praedictis patet. Sed quando
demonstratio non erit talis, scilicet simpliciter, tunc est argumentatio sive
elenchus et non demonstratio. |
Il y a une grande différence entre
démontrer simplement le dit principe et le démontrer de façon argumentative
ou par voie de réfutation. Si quelqu'un en effet vouloir démontrer absolument
ce principe, il semblerait faire une pétition de principe, parce qu’il ne
pourrait partir pour bâtir sa démonstration que de ce qui dépend de la vérité
de ce principe, comme il appert par ce qu'on a dit. Mais quand la
démonstration n’est pas telle, c’est-à-dire absolue, alors elle est une
argumentation ou une réfutation et non une véritable démonstration. |
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[82175] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 6 n. 15 Alia litera sic habet et melius, alterius autem
cum huius causa sit, argumentatio erit, et non demonstratio, idest cum
huiusmodi processus a minus notis ad hoc magis notum principium fiat causa
alterius hominis qui hoc negat, tunc poterit esse argumentatio sive elenchus,
et non demonstratio, scilicet syllogismus contradicens ei poterit esse, cum
id quod est minus notum simpliciter est concessum ab adversario, ex quo
poterit procedi ad praedictum principium ostendendum quantum ad ipsum, licet
non simpliciter. |
Il y a une autre version de ce
passage et qui est meilleure. Puisque la marche du syllogisme va du moins
connu au principe le plus connu parce qu'un autre homme nie ce principe
évident, alors il pourra y avoir argumentation ou réfutation, et non démonstration,
c’est-à-dire un syllogisme de contradiction: ce qui est simplement le moins
connu étant concédé par l'adversaire, on pourra, à partir de là, procéder à
démontrer le dit principe par rapport à l'adversaire, non de façon absolue. |
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Leçon 7, Texte d’Aristote
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Le point de départ pour tous les
arguments de cette nature, c'est de requérir de l’adversaire, non pas qu'il
dise que quelque chose est ou n’est pas (car on pourrait peut-être croire que
c'est supposer ce qui est en question), mais qu’il dise du moins quelque
chose qui ait une signification pour lui-même et pour autrui. Cela est de
toute nécessité, s’il veut dire réellement quelque chose; sinon, en effet,
untel homme ne serait capable de raisonner, ni avec lui-même, ni avec un
autre. Si, par contre, il concède ce point, une démonstration pourra avoir
lieu, car on aura déjà quelque chose de déterminé. Mais l'auteur responsable
de la pétition de principe n'est plus celui qui démontre mais celui qui subit
la démonstration, car en ruinant le raisonnement, il se prête au
raisonnement. De plus, accorder cela, c'est accorder qu'il y a quelque chose
de vrai indépendamment de toute démonstration, d'où il suit que rien ne
saurait être ainsi et non ainsi. D'abord, il y a du moins cette
vérité évidente que les mots être ou n'être pas signifient quelque chose de
déterminé, de sorte que rien ne saurait être ainsi et non ainsi. De plus,
supposons que homme signifie une seule chose, et que ce soit animal bipède.
Quand je dis que homme signifie une seule chose, je veux dire ceci: si homme
signifie telle chose, et si un être quelconque est homme, telle chose sera
pour lui la quiddité d’homme. l’ est d'ailleurs indifférent qu’on attribue
plusieurs sens au même mot, si seulement ils sont en nombre limité, car à
chaque définition pourrait être assigné un mot différent: si on disait, par
exemple, que homme présente, non pas un sens, mais plusieurs, dont un seul
aurait comme définition animal bipède; et il pourrait y avoir encore
plusieurs autres définitions, pourvu qu'elles fussent en nombre limité,
puisque un nom particulier pourrait être affecté à chacune des définitions.
Mais si on ne posait pas de limites et qu'on prétendît qu’il y eût une
infinité de significations, il est manifeste qu’il ne pourrait y avoir aucun
raisonnement. En effet, ne pas signifier une chose unique, c'est ne rien
signifier du tout, et si les noms ne signifiaient rien, on ruinerait tout
échange de pensée entre les hommes, et, en vérité, aussi avec soi-même; car
on ne peut pas penser si on ne pense pas à une chose unique ; et, si on
le peut, un seul nom pourra être assigné à cette chose. Qu'il soit donc
entendu, ainsi que nous l’avons dit au début, que le nom possède un sens
défini et une signification unique. -Ceci posé, il ne peut pas se faire que
la quiddité d’homme signifie précisément la quiddité de non-homme, s’il est
vrai que homme signifie non pas simplement l'attribut d'un sujet déterminé,
mais bien un sujet déterminé: car nous n'entendons pas établir qu'il y a
identité entre signifier un sujet
déterminé, et signifier quelque
chose d'un sujet déterminé, pour la raison que, s’il en était ainsi,
musicien, blanc et homme signifieraient aussi une même chose, de telle sorte
que tous les êtres seraient un seul être, car ils seraient univoques. Et il
ne sera pas possible que la même chose soit et ne soit pas ce qu'elle est,
sinon au point de vue de la simple homonymie, comme si ce que, nous nous
appelons homme, d'autres l'appelaient non-homme; mais la question n’est pas
de savoir s’il est possible que le même être, à la fois soit et ne soit pas
un homme quant au nom, mais s'il est possible qu'il le soit quant à la chose
elle-même. Et si homme et non-homme ne signifient pas une chose différente,
il est évident que la quiddité de non-homme ne sera pas autre que la quiddité
d’homme. Par conséquent, la quiddité d’homme sera la quiddité de non-homme,
puisque ce sera une seule chose. Telle est, en effet, la signification de être un: c’est l'unité de notion,
comme manteau et vêtement. Et s’il y a identité, la quiddité d’homme et la
quiddité de non-homme signifieront une seule et même chose. Mais nous venons
de montrer que la signification de ces deux expressions est différente. Donc,
si on désigne avec vérité quelque chose du nom d’homme, cette chose est
nécessairement un animal bipède, parce que c’était là le sens que nous avions
donné à homme. Et si cela est nécessaire, il ne peut pas se foire que cette
même chose ne soit pas un animal bipède; car telle est la signification de être nécessaire: c’est de ne pouvoir
pas ne pas être. Conclusion: il n’est pas possible qu’il soit vrai, en même
temps, de dire que la même chose est homme et n’est pas homme. Le même
raisonnement s'applique aussi pour le être
non-homme, car la quiddité d'homme et la quiddité de blanc et la quiddité
d'homme sont une chose différente. Or les deux premières expressions sont
beaucoup plus opposées; elles doivent donc, à plus forte raison, signifier
une chose différente. Que si l'on prétend que blanc et homme signifient une
seule et même chose, nous répéterons ce que nous avons dit plus haut, à
savoir qu’il y aura identité de toutes choses, et non seulement des opposés.
Et si cela n'est pas possible, il s’ensuit ce que nous avons dit, à la
condition que l'adversaire réponde à ce que nous lui demandons. Mais si, à
une question simple, il répond en ajoutant des négations, il ne répond pas à
ce que nous demandons. Rien n'empêche, en effet, que le même être soit et
homme, et blanc, et d'innombrables autres choses; mais cependant si l'on pose
cette question : Est-il vrai, ou non, de dire que telle chose est un
homme? L’adversaire doit donner une réponse qui signifie une seule chose, et
ne doit pas ajouter que la chose est aussi et blanche et grande, car,
notamment, le nombre des accidents étant infini, on ne peut les énumérer;
qu'on les énumère donc tous, ou qu'on n'en énumère aucun. Pareillement, donc,
le même être fût-il mille fois homme et non-homme, l'adversaire ne doit pas,
en répondant à la question posée de savoir si cet être est un homme, ajouter
qu’il est encore, en même temps, non-homme, à moins d'ajouter aussi à la
réponse tous les autres accidents, tout ce que le sujet est ou n’est
pas ; mais procéder ainsi, c’est renoncer à toute discussion. En général, ceux qui raisonnent de
cette manière anéantissent la substance et la quiddité. Ils sont, en effet,
dans la nécessité de soutenir que tout est accident, et de dire que ce qui
constitue essentiellement la quiddité de l'homme, ou la quiddité, de
l’animal, n'existe pas. Si l’on veut, en effet, qu'il y ait quelque chose qui
soit la quiddité de l’homme, ce ne sera ni la quiddité du non-homme, ni la
non-quiddité de l'homme, bien que ce soit là des négations de la quiddité de
l'homme, car il y a une seule chose qui était signifiée, et cette chose était
lu substance de quelque chose. Or, signifier la substance d'une chose veut
dire que la quiddité de la chose n’est rien d'autre. Mais si l'on veut que ce
qui est la quiddité de l'homme soit aussi la quiddité du non-homme ou la
non-quiddité de l’homme, alors la quiddité de l'homme sera quelque chose
d’autre. Par conséquent, ces philosophes doivent nécessairement admettre que
rien ne peut être défini de cette façon, mais que tout sera accident. Telle
est, en effet, la distinction à établir entre substance et accident: le blanc
est, pour l'homme, un accident, parce que, bien que l’homme soit blanc, le
blanc n’est pas son essence. Mais si on dit que tout est accident, il n'y
aura plus de sujet premier des accidents, puisque l'accident désigne toujours
le prédicat d'un sujet. La prédication devra donc aller nécessairement à
l'infini. Mais cette progression est impossible, car il n’y a jamais plus de
deux accidents liés l’un à l’autre. En un premier sens, en effet, un accident
n'est un accident d’accident que si l’un et l’autre sont accidents d'un même
sujet: je dis par exemple, que le blanc est musicien et que le musicien est
blanc, seulement parce que tous les deux sont des accidents de l'homme. En un
second sens, musicien est un accident de Socrate, mais non plus en ce sens
que l’un et l’autre terme sont les accidents d’un autre être. Ainsi donc les
accidents sont dits tantôt dans le premier sens, tantôt dans le second. Pour
ceux qui sont pris dans le dernier sens, comme le blanc chez Socrate, il est
impossible de remonter à l’infini dans la direction du prédicat: par exemple,
à Socrate blanc on ne peut rattacher un autre accident, car une collection de
tous les attributs ne fait pas une unité. De même, dans le premier sens, on
ne peut pas rattacher au blanc un autre accident, par exemple le musicien,
car musicien n’est pas plus accident de blanc que blanc n’est accident de
musicien. Et en même temps nous avons déterminé la distinction des sens de
l'accident: tantôt il est pris dans ce sens, tantôt c’est au sens suivant
lequel musicien est un accident pour Socrate. Dans le dernier cas, l'accident
n’est jamais accident d'accident; il. n’y a que les accidents du premier cas
qui puissent l'être, de sorte qu’on ne peut pas dire que tout est accident.
Il doit donc y avoir, même ainsi, quelque chose qui signifie la substance.
Mais nous avons montré que, s'il en est ainsi, les contradictions ne peuvent
pas être attribuées simultanément. |
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Lectio 7 |
Leçon 7, Commentaire de
saint Thomas [Deux contradictoires ne sont pas vrais en même temps]
(Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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ARISTOTE ETABLIT
TOUT d’ABORD LE PRINCIPE PAR LEQUEL IL FAUT S’ATTAQUER A CEUX QUI NIENT LE PREMIER
PRINCIPE. ET ICI, IL PROUVE PAR DEUX RAISONS QUE LES CONTRADICTOIRES NE SONT
PAS SIMULTANEMENT VRAIES. |
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[82176] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 1 Hic incipit elenchice disputare contra negantes
praedictum principium: et dividitur in duas partes. Primo disputat contra
eos, qui dicunt contradictoria simul esse vera. Secundo contra illos qui
dicunt quod contingit ea simul esse falsa, verum nec iterum et cetera. Circa
primum duo facit. Primo disputat contra praedictos errantes in communi.
Secundo ostendit quomodo in speciali sit disputandum contra diversos, ibi,
est autem non idem modus. Circa primum duo facit. Primo disputat rationem
negantium praedictum principium. Secundo ostendit quod opinio Protagorae in
idem redit cum praedicta positione, ibi, est autem ab eadem et cetera. Circa primum ponit septem rationes. Secunda ibi, omnino vero destruunt. Tertia ibi,
amplius si contradictiones. Quarta ibi, amplius autem circa omnia et cetera.
Quinta ibi, amplius igitur quomodo. Sexta ibi, unde et maxime manifestum est.
Septima ibi, amplius quia si maxime. Circa primum duo facit. Primo ostendit
ex quo principio oporteat procedere contra negantes primum principium.
Secundo ex illo principio procedit, ibi, primum quidem igitur manifestum et
cetera. Dicit ergo primo, quod ad omnia talia inopinabilia non oportet
accipere pro principio, quod aliquid velit supponere hoc determinate esse vel
non esse, idest non oportet accipere pro principio aliquam propositionem,
qua asseratur aliquid de re vel negetur ab ea: hoc enim esset quaerere
principium ut prius dictum est. Sed oportet accipere pro principio, quod
nomen significet aliquid, et ipsi qui profert, inquantum se loquentem
intelligit, et alii qui eum audit. Si autem hoc non concedit, tunc talis non
habebit propositum nec secum, nec cum alio; unde superfluum erit cum eo
disputare; sed cum hoc dederit, iam statim erit demonstratio contra eum:
statim enim invenitur aliquid definitum et determinatum quod per nomen
significatur distinctum a suo contradictorio, ut infra patebit. Sed tamen hoc
non erit demonstrans praedictum principium simpliciter, sed tantum erit ratio
sustinens contra negantes. Ille enim qui destruit rationem, idest
sermonem suum, dicendo quod nomen nihil significat, oportet quod sustineat,
quia hoc ipsum quod negat, proferre non potest nisi loquendo et aliquid
significando. |
Le Philosophe s’en prend
maintenant, par mode de réfutation, aux négateurs du principe de
contradiction. Il divise cette discussion en deux parties. En premier, il
bataille contre ceux qui disent que les contradictoires sont simultanément
vraies. En second, il discute avec ceux qui affirment qu’il se peut que les
contradictoires soient fausses en même temps, où il dit: "Mais il n'est
pas possible etc. " (lec. XV). Il traite sa première partie en deux
points, En premier, il argumente en général contre les tenants de la susdite
erreur. En second, il montre comment il faut argumenter de façon appropriée
contre divers penseurs, où il dit: "Toutefois, on ne peut adopter la
même attitude etc. " (lec. X). Il divise son premier point en deux
parties. En premier, sa réfutation porte sur la raison qu’invoquent les
négateurs du principe en question. En second, il montre que l'opinion de
Protagoras se ramène à l'opinion précédente, où il dit: "C'est de la
même opinion etc. " (lec. IX, n° 661) Pour ce qui concerne sa première
partie, il donne sept raisons. La seconde raison commence où il dit: "En
général, ceux qui raisonnent etc. "; la troisième, où il dit: " Autre
argument: si toutes les contradictions etc."; (lec. VIII) ; la
quatrième, où il dit: "Autre raison encore: ou bien la doctrine etc.
" La cinquième où il dit: "De plus, est-ce donc celui etc. ";
(lec. IX) ; le sixième, où il dit: "De là vient, de toute évidence,
etc. "; la septième, où il dit: "Enfin, qu'on suppose etc." Il
divise sa première raison en deux points. En premier, il montre quel doit
être le point de départ d'où l'on peut raisonner contre ceux qui nient le
premier principe. En second, à partir de ce point de départ, il construit sa
réfutation, où il dit: "D'abord, il y a du moins etc. " Il dit
donc, en premier, que, par rapport à toutes les inconcevables opinions de
cette nature, il ne faut pas prendre comme point de départ ou comme principe
de notre réfutation que l’adversaire veuille supposer que quelque chose de
déterminé est ou n'est pas; en J'autres mots, il ne faut pas prendre comme
point de départ une proposition où quelque chose est affirmé ou nié d'un
sujet: ce qui serait, en effet, une pétition de principe, comme on l’a vu
auparavant. Mais il faut prendre comme point de départ que le mot signifie
quelque chose, et à celui-là même qui le profère, en tant que, s'écoutant, il
se comprend, et aux autres qui l'écoutant. Si l'adversaire ne concède pas ce
point-là, il ne pourra converser ni avec lui-même ni avec les autres (il ne
pourra rien vouloir se dire ni aux autres); il sera donc vain et superflu de
discuter avec lui. Mais si l'adversaire accorde ce premier pas, on pourra
immédiatement construire une démonstration contre lui: en effet, on trouve
immédiatement que le mot signifie quelque chose de défini et de déterminé,
qui est distinct de sa contradictoire. Ce qui sera évident plus loin.
Cependant, de cette façon, on ne démontre pas absolument le premier principe,
on apporte seulement une raison qui résiste aux négateurs. En effet, celui
qui ruine sa propre parole, qui détruit son discours, en disant que le mot ne
signifie rien, doit soutenir que cela même qu'il nie, il ne peut l'exprimer
qu'en parlant et en signifiant quelque chose (de défini). |
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[82177] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 2 Deinde cum dicit primum quidem procedit ex dicta
suppositione ad propositum ostendendum. Et primo singulariter in uno. Secundo
generaliter in omnibus, ibi, amplius si homo et cetera. Dicit ergo primo,
quod si nomen aliquid significat, primo hoc erit manifestum quod haec
propositio erit vera, et eius contradictoria quam negat est falsa. Et sic ad
minus hoc habemus, quia non omnis affirmatio est vera cum sua negatione. |
Ensuite où il dit :
"D'abord, il y a…" il commence, à partir de la supposition
précédente, à manifester ce qu'il veut établir. Et, en premier, de façon
particulière pour une seule contradictoire. En second, en général pour toutes
les contradictoires, où il dit: "Quand je dis etc. " Il dit donc,
en premier, que si le mot signifie quelque chose, il sera tout d'abord
évident que cette dernière proposition même est vraie et que la
contradictoire qu’elle nie est fausse. Et ainsi, nous possédons au moins ce
premier jalon que certaines affirmations ne sont plus vraies en même temps
que leurs négations. |
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[82178]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 3 Deinde cum dicit dico autem ostendit universaliter
de omnibus, scilicet quod contradictoria non sint simul vera. Et circa hoc
quatuor facit. Primo ponit quaedam quae sunt necessaria ad propositum
concludendum. Secundo concludit propositum, ibi, necesse itaque. Tertio
probat quoddam quod supposuerat, ibi, nam esse hominem et cetera. Quarto
excludit quamdam cavillationem, ibi, si autem respondeatur. Circa primum tria
facit. Primo ostendit quod nomen unum significat. Secundo ex hoc ostendit
ulterius quod hoc nomen homo, significet id quod est hominem esse, non autem
id quod est non esse, ibi, nec sic contingit et cetera. Tertio ostendit quod
homo significat unum ibi, si autem non significat et cetera. Dicit ergo
primo, quod si homo significat aliquid unum, sit hoc unum, animal bipes. Hoc
enim unum dicitur nomen significare, quod est definitio rei significatae per
nomen; ut si est hominis esse animal bipes, idest si hoc est quod quid
est homo, hoc erit significatum per hoc nomen homo. |
Ensuite, où il dit : "Quand
je dis ... ", il le montre universellement pour toutes les propositions,
à savoir que les contradictoires ne sont pas vraies en même temps. Ce qu'il
fait en quatre points. En premier, il établit certains présupposés
nécessaires à la conclusion de son avancé. En second, il conclut ce qu’il
veut manifester, où il dit : "Donc, si on désigne etc. " En
troisième, il prouve une certaine affirmation qu’il avait faite à titre
d’hypothèse, où il dit : "Le même raisonnement etc. " En quatrième,
il exclut une certaine subtilité, où il dit: "A la condition que
l’adversaire etc. " Il traite son premier point en trois parties. En
premier, il montre que le mot signifie une seule chose. En second, à partir
de là , il montre ultérieurement que ce mot homme signifie ce qu’est être homme et non ce qu’est ne pas être homme, où il
dit: "Ceci posé, il ne peut pas etc. " En troisième, il montre que
le mot homme signifie une seule chose, où il dit: "Et si homme et
non-homme etc. " Il dit donc en premier que si le mot homme signifie
quelque chose d’un, que, par hypothèse, cette chose une soit animal bipède.
En effet, cette chose une que nous disons être signifiée par le mot, c’est la
définition de la chose que le mot signifie. Par exemple, si c'est le propre
de l'homme que d’être animal bipède, c’est-à-dire si c'est là l'essence de
l’homme, c'est bien cette essence qui sera signifiée par le mot homme. |
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[82179] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 4 Si autem dicat nomen plura significat, aut
significabit finita, aut infinita. Si autem finita, nihil differt, secundum
aliam translationem, ab eo quod ponitur significare unum, quia significat
multas rationes diversarum rerum finitas, et singulis eorum possunt adaptari
diversa nomina. Ut si homo significet multa, et unius eorum sit ratio animal
bipes, ponetur unum nomen secundum hanc rationem, quod est homo: et si sunt
plures aliae rationes, ponentur alia plura nomina, dummodo rationes illae
sint finitae. Et sic redibit primum quod nomen significet unum. |
Si cependant lion dit que le mot a
plusieurs sens (signifie plusieurs choses), ces sens seront en nombre fini ou
infini. Si ces sens sont en nombre fini, le mot qui les signifie ne diffère
pas du mot qui n’a qu'un sens, pourvu qu’on le traduise de façon différente,
parce que, étant donné qu'il signifie des choses diverses en nombre fini,
chacune de ces choses on pourra adapter un mot particulier. Par exemple, si
le mot homme a plusieurs sens et que l’un deux est la définition
animal-bipède, on assignera un mot, qui est le mot homme, conformément à
cette définition; et s'il y a plusieurs autres définitions, où assignera
plusieurs autres mots, du moment que ces définitions sont en nombre limité.
Et ainsi on revient à notre point de départ qui est que le mot signifie une
seule chose (n’a qu’un sens). |
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[82180]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 5 Si autem nomen non significat finitas rationes, sed
infinitas, manifestum est quod nulla erit ratio sive disputatio. Quod sic patet.
Quod enim non significat unum, nihil significat. Et hoc sic probatur. Nomina
significant intellectus. Si igitur nihil intelligitur, nihil significatur.
Sed si non intelligitur unum, nihil intelligitur; quia oportet quod qui
intelligit ab aliis distinguat. Ergo si non significat unum, non significat.
Sed si nomina non significant, tolletur disputatio, et quae est secundum
veritatem et quae est ad hominem. Ergo patet quod si nomina infinita
significent, non erit ratio sive disputatio. Sed si contingit intelligere
unum, imponatur ei nomen, et sic teneatur quod nomen significet aliquid. |
Mais si le mot ne signifie pas des
définitions en nombre limité mais infini, (s'il a une infinité de sens) il
est manifeste qu'il n'y aura aucune définition (conception) ou aucune
discussion. En voici l'évidence. En effet, ce qui ne signifie pas une seule
chose (ce qui n’a pas un seul sens) ne signifie rien du tout. Ce qui est
prouvé de la façon suivante, Les noms signifient ce que conçoit
l'intelligence. Si l'intelligence ne conçoit rien, elle ne signifie rien.
Mais si elle ne conçoit pas une seule chose, elle ne conçoit rien, parce
qu'il faut que celui qui conçoit distingue une chose des autres. Donc s'il ne
signifie pas une seule chose, il ne signifie pas. Mais si les mots n’ont
aucune signification, la discussion disparait; aussi bien celle qui se fait
uniquement par rapport à la vérité que celle qui constitue une réfutation,
"ad hominem". Il est donc
évident que si les mots ont une infinité de sens, il n'y aura aucune définition
ou aucune confrontation. Mais s'il arrive de concevoir une seule chose, on
imposera à cette chose un mot. Et ainsi, qu’il soit bien entendu que le mot
signifie quelque chose. |
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[82181] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 6 Deinde cum dicit nec sic contingit ostendit
secundum; scilicet quod hoc nomen homo non significet id quod est homini non
esse: nomen enim significans unum, non solum significat unum subiecto, quod
ideo dicitur unum quia de uno, sed id quod est unum simpliciter, scilicet
secundum rationem. Si enim hoc vellemus dicere, quod nomen significat unum
quia significat ea quae verificantur de uno, sic sequeretur quod musicum et
album et homo unum significarent, quoniam omnia verificantur de uno. Et ex
hoc sequeretur, quod omnia essent unum: quia si album dicitur de homine, et
propter hoc est unum cum eo, cum dicatur etiam de lapide, erit unum cum
lapide. Et quae uni et eidem sunt eadem, sibiinvicem sunt eadem. Unde
sequeretur quod homo et lapis sit unum, et unius rationis. Et sic sequeretur
quod omnia nomina sint univoca, idest unius rationis, vel synonyma
secundum aliam literam, idest omnino idem significantia re et ratione. |
Ensuite où il dit: "Ceci
posé… ", Aristote démontre son second point, à savoir que le mot homme
ne signifie pas ce qu'est le non-être de l'homme (ce qu'est ne pas être pour
l’homme). En effet, le mot qui signifie une seule chose; ne signifie pas
uniquement ce qui est un par le sujet, ce que, dans ce cas-là, on nomme un
parce qu'attribué à une seule chose, mais ce qui est un absolument, à savoir
par la définition. En effet, si nous voulions dire que le mot signifie une
seule chose parce qu'il signifie ce qui se vérifie d'une chose, il
s’ensuivrait de cette façon que le musicien et le blanc et l'homme signifieraient
une seule chose, parce que tous ces attributs se vérifient d'une seule chose.
Et de là, il s’ensuivrait que toutes choses seraient une: si le blanc se dit
de l'homme, et que pour cette raison on le dit être un avec lui, le blanc se
disant aussi de la pierre, il sera un avec la pierre. Et les choses
identiques à une même troisième sont identiques entre elles. Il découlerait
donc de là que l’homme et la pierre seraient un et n'auraient qu’une seule
définition. Et ainsi, il en résulterait que tous les noms seraient univoques
c'est-à-dire signifieraient une seule définition, ou synonymes (d’après un
autre texte), c’est-à-dire signifieraient pleinement, dans leur réalité et
leur contenu logique, la même chose. |
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[82182]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 7 Quamvis autem esse et non esse verificentur de eodem
secundum negantes principium primum, tamen oportet quod alius sit hoc quod
esse hominem et hoc quod est non esse; sicut aliud est ratione album et
musicum, quamvis de eodem verificentur. Ergo patet quod esse et non esse non
erunt idem ratione et re, quasi uno nomine significatum univoce. |
Or, bien que "être" et
"n’être pas" se vérifient de la même chose d'après les négateurs du
premier principe, il faut cependant que soit autre ce qu’est être homme et
autre ce qu’est ne pas être homme; comme sont autres par la définition blanc
et musicien, bien qu'ils se vérifient de la même chose. Il est donc évident
qu'être et ne pas être ne seront pas identiques dans la réalité et dans leur
définition, comme s’ils étaient signifiés univoquement par un seul mot. |
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[82183] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 8 Sciendum est autem quod esse hominem vel esse homini
sive hominis, hic accipitur pro quod quid est hominis. Ex hoc ergo
concluditur quod hoc quod dico homo, non significat hoc quod dico hominem non
esse, sicut propriam rationem. Sed quia dixerat supra quod idem nomen potest
plura significare secundum diversas rationes, ideo subiungit nisi secundum
aequivocationem, ad determinandum quod homo univoce non significet esse
hominem, et non esse hominem; sed aequivoce potest utrumque significare; ut
si id quod vocamus hominem in una lingua, vocent alii non hominem in alia
lingua. Non enim est nostra disputatio si idem secundum nomen contingat esse
et non esse, sed si idem secundum rem. |
Il faut savoir cependant que
"être homme" ou "l’être de l’homme" ou "être pour
l’homme" se prennent ici pour l'essence de l'homme. C’est pourquoi on
conclut que ce que j’appelle homme ne signifie pas, comme étant sa propre
définition, ce que j’appelle le non-être de l’homme. Mais parce qu’il avait
dit plus haut que le même mot pouvait signifier quantité de choses selon des
raisons diverses, Aristote ajoute "excepté par équivocité", pour
préciser que c’est de façon univoque que le mot homme ne signifie pas
"être homme" et "ne pas être homme". Mais de façon
équivoque, il pourrait signifier l’un et l'autre; par exemple, si ce que nous
nommons homme dans une langue on l'appelle non-homme dans une autre langue.
En effet, notre discussion ne consiste pas à savoir si ce qui est identique
quant au nom existe et n’existe pas, mais si ce qui est identique quant à la
réalité existé et n'existe pas. |
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[82184]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 9 Deinde cum dicit si autem probat tertium, scilicet
quod homo et non homo non significat idem, tali ratione. Homo significat hoc
quod est esse hominem, et quod quid est homo: non homo autem significat non
esse hominem, et quod quid est non homo. Si ergo homo et non homo non
significant aliquid diversum, tunc id quod est esse homini non erit diversum
ab hoc quod est non esse homini, vel non esse hominem. Et ita unum eorum
praedicabitur de altero. Et erunt etiam secundum rationem unum. Cum enim
dicimus aliqua unum significare, intelligimus quod significent rationem unam,
sicut vestis et indumentum. Si igitur esse hominem et non esse hominem sunt
hoc modo unum, scilicet secundum rationem, unum et idem erit illud quod significabit
illud quod est esse hominem, et id quod est non esse hominem. Sed datum est
vel demonstratum, quia diversum nomen est quod significat utrumque. Ostensum
est enim quod hoc nomen homo significat hominem, et non significat non esse
hominem: ergo patet quod esse hominem et non esse hominem, non sunt unum
secundum rationem. Et sic patet propositum quod homo et non homo diversa
significant. |
Ensuite où il dit: "Et si
homme ... " ? il prouve son troisième point, à savoir que homme et
non-homme ne signifient pas la même chose, par la raison suivante. Homme
signifie ce qu’est être homme et l'essence homme; non-homme signifie ne pas
être homme et l'essence non-homme. Si donc homme et non-homme ne signifient
pas des choses diverses, alors ce c’est être pour l'homme ne sera pas
différent de ce qu'est ne pas être pour l'homme ou ne pas être homme. Et
ainsi, l'un pourra s’attribuer à l'autre. Et ils seront aussi un quant à la
définition. En effet, lorsque nous disons que certains noms signifient une
seule chose, nous comprenons qu'ils signifient une seule définition. Comme,
par exemple, "vestis et indumentum
". Si donc le être-homme et le ne-pas-être-homme sont un de cette
manière, à savoir quant à la définition, sera un et le même ce qui signifiera
le être-homme et le ne-pas-être-homme. Mais il est accordé ou démontré que ce
sont divers noms qui signifient l'un et l'autre. En effet, on a montré que le
mot homme signifie homme et ne signifie pas le ne-pas-être-homme; il est donc
évident qu'être homme et ne pas être homme, ne sont pas un quant à la
définition. Et ainsi l'affirmation que homme et non-homme signifient des
choses diverses est évidente. |
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[82185] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 10 Deinde cum dicit necesse itaque ostendit principale
propositum ex prioribus suppositis, tali ratione. Necesse est quod homo sit
animal bipes: quod patet ex praehabitis. Haec enim est ratio quam hoc nomen
significat. Sed quod necesse est esse, non contingit non esse: hoc enim
significat necessarium, scilicet non possibile non esse, vel non contingens
non esse, vel impossibile non esse: ergo impossibile est sive non contingens
vel non possibile hominem non esse animal bipes. Sic ergo patet quod non
contingit utrumque verum esse affirmationem et negationem; scilicet quod si
animal bipes, et quod non sit animal bipes. Et eadem ratio ex
significationibus nominum sumpta potest accipi de non homine, quia necesse
est non hominem esse non animal bipes, cum hoc significet nomen: ergo
impossibile est esse animal bipes. |
Ensuite où il dit: "Donc, si
on désigne, ... ", il montre, à partir des présupposés établis
antérieurement, ce qu’il veut principalement manifester. Voici la raison. Il
est nécessaire, que homme soit animal bipède, d’après nos réflexions précédentes.
En effet, c'est la raison ou la définition que ce mot signifie. Mais ce qui
est nécessairement ne peut pas ne pas être: c’est bien cela que signifie le,
mot nécessaire, à savoir qu'il n’est pas possible de ne pas être, ou qu'il
n'arrive pas de ne pas être, ou qu'il est impossible de ne pas être. Donc, il
n'est pas possible que homme ne soit pas animal bipède. Ainsi donc il est
évident qu'il n'y a pas lieu que l'une et l'autre, l'affirmation et la
négation, soient vraies, à savoir que homme soit animal bipède et qu’il ne
soit pas animal bipède. Et la même raison peut être tirée de la signification
des mots à propos de non-homme, car il est nécessaire que non-homme ne soit
pas animal bipède, puisque c'est cela que signifie le mot: et donc, il est
impossible que non-homme soit animal bipède. |
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[82186]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 11 Ea autem, quae supra monstrata sunt, valent ad
propositum: quia si consideretur quod homo et non homo idem significarent,
vel quod hoc nomen homo significaret esse hominem et non esse hominem, posset
adversarius negare istam: necesse est hominem esse animal bipes. Posset enim
dicere, quod non magis necessarium est dicere hominem esse animal bipes, quam
non esse animal bipes, si haec nomina homo et non homo idem significarent,
vel si hoc nomen homo utrumque significet, scilicet id quod est esse hominem,
et id quod est non esse hominem. |
Ce que l'on vient de démontrer
plus haut sert à notre propos : car si l'on considérait que homme et
non-homme signifieraient la même chose, ou bien que le mot homme signifierait
être homme et ne pas être homme, l'adversaire pourrait nier cette
affirmation: il est nécessaire que homme soit animal bipède. En effet, il
Pourrait dire qu’il n'est pas plus nécessaire de dire que homme est animal bipède
que de dire qu'il ne l'est pas, si les mots homme et -non-homme signifiaient
la même chose, ou si le mot homme signifiait l'un et l'autre, à savoir et ce
qu’est être homme et ce qu’est ne pas être homme. |
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[82187] Sententia Metaphysicae,
lib. 4 l. 7 n. 12 Deinde cum dicit nam hominem hic probat quoddam quod
supposuerat. Ad probandum autem quod hoc nomen, homo, non significat id quod
est non esse hominem, assumpsit quod id quod est esse hominem, et id quod est
non esse hominem, sint diversa, quamvis verificentur de eodem. Et hoc
intendit hic probare tali ratione. Magis opponuntur esse hominem et non esse
hominem quam homo et album: sed homo et album sunt diversa secundum rationem,
licet sint idem subiecto; ergo et esse hominem et non esse hominem sunt
diversa secundum rationem. Minorem sic probat. Si enim omnia quae dicuntur de
eodem sunt unum secundum rationem quasi significata uno nomine, sequitur quod
omnia sunt unum, sicut supra dictum est et expositum. Si ergo hoc non contingit,
continget illud quod dictum est, scilicet quod esse hominem et non esse
hominem sunt diversa. Et per consequens sequitur ultima conclusio supradicta,
scilicet quod homo sit animal bipes, et quod impossibile est ipsum esse non
animal bipes. |
Ensuite où il dit: "Le même
raisonnement…", il prouve un certain point qu’il avait supposé. Pour
prouver que le mot homme ne signifie pas ce qu’est le ne-pas-être-homme, il a
pris pour acquis que ce qu’est l'être-homme et ce qu'est le ne-pas-être-homme
(l'être non-homme) sont divers, bien que se vérifiant de la même chose.
Aristote a ici l'intention de prouver cette affirmation par la raison
suivante. Il y a plus d'opposition entre être homme et ne pas être homme
qu’entre homme et blanc; mais, homme et blanc sont divers quant à la
définition, bien qu’ils s0lent un par le sujet; donc et l’être-homme et le
ne-pas-être-homme sont divers quant à la définition. Il prouve la mineure
ainsi. Si, en effet, tout ce qui s'attribue au même est un quant à la
définition, comme si c'était signifié par un seul mot, il s'ensuit que toutes
choses sont une, comme on l'a dit et exposé plus haut. Si donc cela n'a pas
lieu, il arrivera ce que l’on a dit, à savoir que l'être homme et l'être
non-homme seront divers. Et par conséquent l'ultime conclusion susdite en
découle, à savoir que homme est animal bipède et qu’il est impossible que
lui-même soit non-animal bipède. |
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[82188]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 13 Deinde cum dicit si respondeatur excludit quamdam
cavillationem per quam praedictus processus posset impediri. Posset enim
adversarius interrogatus, an necesse sit hominem esse animal bipes, non
respondere affirmationem vel negationem, sed dicere, necesse est hominem esse
animal bipes, et non esse animal bipes. Hoc autem excludit hic philosophus dicens praedictam
conclusionem sequi, dummodo velit respondere ad interrogatum simpliciter. Si autem interroganti simpliciter de affirmatione, velit addere
negationem in sua responsione, ut dictum est, non ad interrogatum responderet.
Quod sic probat. Contingit enim unam
et eamdem rem esse hominem et album et mille alia huiusmodi. Hic tamen si
quaeratur, utrum homo sit albus, respondendum est tantum id quod uno nomine
significatur. Nec sunt addenda alia omnia. Verbi gratia: si quaeratur, utrum
hoc sit homo, respondendum est, quod est homo. Et non est addendum quod est
homo et albus et magnus et similia; quia oportet omnia quae accidunt alicui
simul respondere, aut nullum. Omnia autem simul non possunt, cum sint
infinita: infinita enim eidem accidunt ad minus secundum relationes ad
infinita antecedentia et consequentia, et infinita non est pertransire. In respondendo ergo, nullum eorum quae accidunt
quaesito est respondendum, sed solum quod quaeritur. Licet ergo supponatur millies quod sit idem homo et
non homo; cum tamen quaeritur de homine, non est respondendum de non homine,
nisi respondeantur omnia quae possunt homini accidere. Si enim hoc fieret,
non esset disputandum, quia nunquam compleretur disputatio, cum impossibile sit
infinita pertransire. |
Ensuite où il dit : "A la
condition ... ", il exclut une certaine ruse qui pourrait briser le
susdit processus. En effet, l’adversaire soumis à l’interrogation lui
demandant s’il est nécessaire que homme soit animal bipède, ou non, pourrait
ne pas répondre par l'affirmation ou la négation, mais dire qu'il est
nécessaire que homme soit et ne soit pas animal bipède. Ce que rejette ici le
Philosophe en disant que la conclusion précédente découle de notre
argumentation, si l'adversaire veut répondre absolument à l’interrogation. Si
à une question simple concernant une affirmation, l'adversaire voulait
ajouter une négation dans sa réponse, comme on l’a dit, il ne répondrait pas
à la question. Ce qu’Aristote prouve de la façon suivante. En effet, il
arrive qu'une seule et même chose soit homme et blanc et mille autres choses.
Cependant, dans ce cas, si on demande: l’homme est-il blanc? On ne doit
répondre que par ce qui est signifié par un seul mot. On ne doit pas ajouter
toutes les autres choses. Par exemple, si l’on demande: ceci est-il un homme
? Il faut répondre que ceci est un homme. Il ne faut pas ajouter que c'est un
homme et blanc et grand et autant de choses semblables; car il faut inclure
dans sa réponse, ou bien tous les accidents qui appartiennent en même temps à
quelque chose, ou bien, ne pas en inclure un seul. Mais tous ces accidents ne
peuvent être en même temps dans un sujet, puisqu’ils sont infinis: en effet,
un nombre innombrable d’accidents existent dans une même chose au moins quant
aux relations qui la relient à l’infinité de choses qui la précèdent et la
suivent. Or, on ne peut énumérer l'infini. Donc, dans la réponse, on ne doit
rien inclure de ce qui est accidentel à ce que pose la question, mais on doit
uniquement répondre ce qui est demandé. Donc, bien qu'on puisse supposer
mille fois que homme et non-homme soient identiques,
cependant, lorsque la question porte sur l’homme, on ne peut répondre à
propos du non-homme, à moins que l'on ne mette dans la réponse tout ce qui
peut arriver à l'homme. Et si cette dernière réponse avait lieu, il ne serait
pas question de discuter, car la discussion ne se terminerait jamais, vu
qu'il est impossible d'énumérer ce qui existe en nombre infini. |
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[82189] Sententia Metaphysicae,
lib. 4 l. 7 n. 14 Deinde cum dicit omnino vero ponit secundam
rationem, quae sumitur ex ratione praedicati substantialis et accidentalis:
quae talis est. Si affirmatio et negatio verificantur de eodem, sequitur quod
nihil praedicabitur in quid sive substantialiter, sed solum per accidens. Et
sic in praedicatis per accidens erit procedere in infinitum. Sed hoc est
impossibile: ergo primum. |
Ensuite quand il dit :
"En général…", il donne la seconde raison qui se prend de la raison
des prédicats substantiel et accidentel. Elle se formule ainsi : Si
l'affirmation et la négation se vérifient de la même chose, il s'ensuit que
rien ne peut se prédiquer essentiellement
ou substantiellement, mais tout se prédique accidentellement. Et ainsi, dans
les prédicats accidentels, il y aura processus à l'infini. Mais ce dernier
cas est impossible; donc, il faut admettre une prédication essentielle. |
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[82190] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 15 Circa hanc rationem duo facit. Primo ponit conditionalem. Secundo probat
destructionem consequentis, ibi, si vero omnia secundum accidens et cetera.
Circa primum sic procedit: dicens quod illi qui hoc dicunt, scilicet
affirmationem et negationem simul esse vera, omnino destruunt substantiam,
idest substantiale praedicatum, et quod quid erat esse, idest quod
praedicatur in eo quod quid: necesse est enim eis dicere quod omnia
accidunt, idest per accidens praedicantur, et quod non sit hominem esse
aut animal esse, et quod non sit quod significet quid est homo, aut quid est
animal. |
Il développe cette raison en deux
parties. En premier, il pose une condition. En second, il prouve qu'il faut
rejeter la conséquence, où il dit : "Mais si l'on dit que tout est
accident, etc. " Par rapport à la première partie, il procède de la
façon suivante. Il dit que ceux qui disent que l'affirmation et la négation
sont simultanément vraies, détruisent tout à fait la substance, c'est-à-dire
le prédicat substantiel, et l'essence, c'est-à-dire le prédicat essentiel. En
effet, il leur est nécessaire de dire que tout, est accident, c’est-à-dire
que tout se prédique de façon accidentelle et que être homme ou être animal
existe pas et qui n'existe pas ce qui signifie l’essence de l'homme ou l’essence
de l'animal. |
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[82191]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 16 Quod sic probat. Si aliquid est quod est hominem esse, idest quod
quid est homo substantialiter, scilicet de homine praedicatum; illud non erit
non esse hominem, nec erit esse non hominem. Huius enim quod est esse hominem
sunt praedictae duae negationes; scilicet non esse hominem, vel esse non
hominem. Patet ergo quod affirmatio et negatio non verificantur de eodem;
quia scilicet de eo quod est esse hominem non verificatur non esse hominem,
vel esse non hominem. |
Ce qu'il prouve de la façon
suivante. S'il existe quelque chose qui est d’être homme, c’est-à-dire si
l'essence substantielle de l'homme existe, cette essence ne sera pas de ne
pas être homme, ni non plus d ‘être non-homme. En effet, ne pas être homme et
être non-homme sont les deux négations de ce qu'est être homme. Il est donc
évident que l'affirmation et la négation ne se vérifient pas de la même
chose, parce que de cela qui est d'être homme ne se vérifient pas le ne-pas-être-homme
et le être non-homme. |
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[82192] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 17 Conditionalem autem positam, quod si aliquid sit
quod quid est homo, quod illud non sit non esse hominem, vel esse non
hominem, sic probat. Propositum est enim supra et probatum quod hoc quod
significat nomen est unum. Et iterum est positum quod illud quod significat
nomen, est substantia rei, scilicet quod quid est res. Unde patet quod
aliquid significat substantiam rei, et idem quod est significatum non est
aliquid aliud. Si igitur illud quod est esse hominem, sive quod quid est
homo, fuerit vel non esse hominem, vel esse non hominem, constat quidem quod
erit alterum a se. Unde oportet dicere, quod non sit definitio significans quod
quid est esse rei; sed sequetur ex hoc quod omnia praedicentur secundum
accidens. |
Une fois la condition posée: s'il
existe quelque chose qui est l'essence d’homme, voici comment il prouve que
ce quelque chose n'est pas le ne-pas-être-homme ou le être non-homme. En
effet, on a affirmé plus haut et prouvé que ce que signifie le mot un. On a
de plus posé que ce que signifie le nom c’est la substance de la chose, à
savoir son essence. Il est donc évident que quelque chose signifie la
substance de la chose, et que cette même chose signifiée n’est pas quelque
chose d'autre. Si donc ce quelque chose qui est d'être homme ou qui est
l'essence de l'homme était ou bien ne pas être homme ou bien être non-homme,
il appert qu'il serait autre que lui-même. C'est pourquoi il faut dire qu'il
n’y a pas de définition signifiant l’essence de la chose; mais de là il
s'ensuit que tout se prédique de façon accidentelle. |
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[82193]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 18 In hoc enim distinguitur substantia ab accidente,
idest praedicatum substantiale ab accidentali, quia unumquodque est vere id
quod praedicatur substantialiter de eo; et ita non potest dici illud quod
praedicatur substantialiter esse non unum, quia quaelibet res non est nisi
una. Sed homo dicitur
albus, quia albedo vel album accidit ei. Non autem ita quod sit id quod vere
est album vel albedo. Ergo non oportet quod id quod praedicatur per accidens
sit unum tantum. Sed multa possunt
per accidens praedicari. Substantiale vero praedicatum est unum tantum. Et
sic patet, quod ita est esse hominem quod non est non esse hominem. Si autem
utrumque fuerit, iam substantiale praedicatum non erit unum tantum, et sic
non erit substantiale sed accidentale. |
En effet, c'est en cela que se
distingue la substance de l’accident, c’est dire le prédicat substantiel du
prédicat accidentel, que chaque chose est vraiment ce qui se prédique
substantiellement d’elle; et ainsi, on ne peut dire que ce qui est prédiqué
substantiellement n’est pas un, parce que chaque chose ne peut être qu'une.
Mais on dit que l’homme est blanc, parce qu’il lui arrive de recevoir la
blancheur ou d'être accidentellement blanc. Cependant il n’est pas blanc de
telle sorte qu'il serait lui-même ce qui est vraiment le blanc ou la
blancheur (le blanc n’est pas son essence - ou - il n'est pas l’essence du
blanc). C’est pourquoi, il n’est pas nécessaire que ce qui se prédique de
façon accidentelle soit seulement un. Mais quantité de choses peuvent être
prédiquées de façon accidentelle. Le prédicat substantiel, lui, est
uniquement un. Ainsi il est évident qu’être homme, par sa manière d'être,
n’est pas ne pas être homme. S’il était l'un et l’autre, déjà le prédicat
substantiel ne serait plus uniquement un, et ainsi ne serait plus substantiel
mais accidentel. |
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[82194] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 19 Deinde cum dicit si vero destruit consequens;
ostendens hoc esse impossibile quod aliquid non praedicetur substantialiter,
sed omnia accidentaliter; quia si omnia per accidens praedicentur, non erit aliquid
praedicatum universale. (Dicitur autem hic praedicatum universale sicut in
posterioribus, secundum quod praedicatur de aliquo per se et secundum quod
ipsum est). Hoc autem est impossibile: quia si semper aliquid praedicatur de
altero per accidens, oportet quod accidentalis praedicatio procedat in
infinitum, quod est impossibile hac ratione. |
Ensuite où il dit : "
Mais si on dit ... ", il détruit le conséquent, en montrant que c’est
impossible qu’il n’y ait pas de prédicat substantiel, mais que tout prédicat
soit accidentel. C'est que si tout se prédique accidentellement, il n’y aura
pas de prédicat universel. (On parle ici de prédicat universel dans le même
sens que l'expression possède dans les
Seconds Analytiques à ce qui se prédique par soi d’un sujet et quant à ce
qu'il est en lui-même.) Mais cela est impossible: si une chose se prédique
toujours d’une autre de façon accidentelle, il faut que la prédication
accidentelle procède à l'infini. Ce qui est impossible à cause de la raison
suivante. |
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[82195] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 20 Praedicatio enim accidentalis non complectitur nisi
duos modos. Unus modus est secundum quod accidens de accidente praedicatur
per accidens, et hoc ideo, quia ambo accidunt eidem subiecto, sicut album
praedicatur de musico, quia ambo accidunt homini. Alius modus est quo
accidens praedicatur de subiecto, sicut Socrates dicitur musicus, non quia
ambo accidunt alicui alteri subiecto, sed quia unum eorum accidit alteri. Cum igitur sint duo modi praedicationis per
accidens, in neutro contingit esse praedicationem in infinitum. |
En effet, la prédication
accidentelle ne comprend que deux modes. Le premier mode est celui selon
lequel un accident se prédique accidentellement d'un accident et cela parce
qu'il arrive à tous deux d'être dans le même sujet. Ainsi le blanc se
prédique du musicien parce que l'un et l'autre sont dans l’homme. L'autre
mode est ce lui où un accident se prédique du sujet, comme on dit que Socrate
est musicien. Cette dernière prédication à lieu, non pas parce que l’un et
autre existent dans un autre sujet, mais parce que l'un existe dans l’autre.
Puisque donc il existe deux modes de prédication accidentelle, en aucun des
deux il ne peut y avoir prédication à l’infini. |
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[82196]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 21 Constat enim quod illo modo, quo accidens
praedicatur de accidente, non contingit abire in infinitum, quia oportet
devenire ad subiectum. Iam enim dictum est, quod haec est ratio
praedicationis huius, quia ambo praedicantur de uno subiecto; et sic
descendendo a praedicato ad subiectum contingit invenire pro termino ipsum
subiectum. |
Il est certain, en effet que
d'après le mode où un accident se prédique d'un accident, il n'y a pas lieu
d'aller à l'infini, parce qu’il faut parvenir à un sujet. On a déjà dit, en
effet, que c’était là la raison même de cette sorte de prédication que l’un
et l’autre se prédiquaient d'un seul sujet. Donc, en descendant du prédicat,
ou sujet, on rejoint comme terme du mouvement le sujet lui-même. |
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[82197] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 22 Sed illo modo praedicandi per accidens quo accidens
praedicatur de subiecto, ut cum dicitur Socrates est albus, non contingit
abire in infinitum in superius ascendendo a subiecto ad praedicatum, ita ut
dicamus quod Socrati accidit album et quod Socrati albo accidit aliquod
aliud. Hoc enim non posset esse nisi duobus modis. Uno modo quia ex albo et
Socrate fieret unum. Et sic sicut Socrates est unum subiectum albedinis, ita
Socrates albus esset subiectum alterius accidentis. Hoc autem non potest
esse, quia non fit aliquid unum ex omnibus quibuscumque praedicatis. Ex
subiecto enim et accidente non fit unum simpliciter, sicut fit unum ex genere
et differentia. Unde non potest dici quod Socrates albus, sit unum subiectum. |
Mais dans l'autre mode de
prédication accidentelle selon lequel l'accident s'attribue au sujet, comme
lorsqu'on dit que Socrate est blanc, il n'y a pas lieu de procéder à l’infini
en remontant du sujet à l'accident: comme si nous disions qu'il arrive à
Socrate d'être blanc et à Socrate blanc de recevoir quelque autre accident.
Ce processus ascendant ne pourrait exister que de deux façons. D'une première
façon, à la condition que Socrate et le blanc forment quelque chose d’un. Et
donc, de la même façon que Socrate est l’unique sujet de la blancheur, ainsi
Socrate-blanc formerait le sujet d'un autre accident. Mais cela n’est pas
possible, car une collection de tous les attributs possibles ne forme pas une
unité. En effet, d’un sujet et d'un accident ne peut résulter une unicité
absolue comme celle qui résulte du genre et de la différence. C’est pourquoi
l’on ne peut dire que Socrate-blanc est un seul sujet. |
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[82198]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 23 Alius modus esset quod sicut Socrates est subiectum
albi, ita ipsi albo insit aliquid aliud accidens, ut musicum. Sed hoc etiam
non potest esse, propter duo. Primo, quia non erit aliqua ratio, quare
musicum dicatur magis accidere albo quam e converso. Unde non erit ordo inter
album et musicum, sed e converso respicient se adinvicem. Secundo, quia simul
cum hoc definitum est vel determinatum, quod iste est alius modus praedicandi
per accidens in quo accidens praedicatur de accidente, ab illo modo quo
accidens praedicatur de subiecto, et musicum de Socrate. In isto autem modo
de quo nunc loquitur, non dicitur praedicatio accidentalis, quia accidens
praedicetur de accidente; sed illo modo quo prius locuti sumus. |
L’autre mode serait que, comme
Socrate est le sujet du blanc, ainsi au blanc lui-même inhérerait quelque
autre accident, comme le musicien par exemple. Mais ce dernier cas aussi ne
peut être, à cause de deux raisons. En premier, parce qu’il n'y aura pas plus
de raison pour dire que le musicien est accident du blanc que le blanc est
accident du musicien. Ainsi, il n'y aura pas d’ordre entre le blanc et le
musicien, mais au contraire on pourrait dire qu’ils seront là à s'attendre
(ou à s'affronter) l'un l'autre. En second, parce qu'en même temps que nous
avons défini ou déterminé ce mode, nous avons établi que le mode de
prédication accidentelle où l'accident se prédiquait d’un accident est autre
que celui où l'accident s'attribue au sujet et le musicien à Socrate. Or,
dans le mode dont nous parlons actuellement, on ne parle pas de prédication
accidentelle parce que l'accident se prédique de l'accident mais, comme on
l’a vu au début, parce que l'accident se dit du sujet. |
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[82199] Sententia Metaphysicae,
lib. 4 l. 7 n. 24 Sic igitur manifestum est, quod in accidentali
praedicatione non est abire in infinitum: quare patet quod non omnia
praedicantur secundum accidens. Et ulterius quod aliquid erit significans
substantiam. Et ulterius quod contradictio non verificatur de eodem. |
Il est donc manifeste qu’il n’y a
pas processus à l'infini dans la prédication accidentelle: ce qui comporte
l'autre évidence que tout ne se prédique pas de façon accidentelle. Et, par
suite, il y a quelque chose qui signifie la substance. Et, par suite, la
contradiction ne se vérifie pas du même. |
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[82200] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 7 n. 25 Sciendum autem est circa praedictam rationem, quod
licet accidens non sit subiectum alterius, et sic non sit ordo accidentis ad
accidens quantum ad rationem subiiciendi, est tamen ordo quantum ad rationem
causae et causati. Nam unum accidens est causa alterius, sicut calidum et
humidum dulcis et sicut superficies coloris. Subiectum enim per hoc quod
subiicitur uni accidenti, est susceptivum alterius. |
Il faut savoir cependant, à propos
de la dernière raison apportée que, bien qu’un accident ne soit pas sujet
d’un autre accident et qu’ainsi il n’y ait pas d’ordre d’un accident à
l’autre quant à la raison de sujet, il existe un ordre quant à la raison de
cause et de causé. En effet, un accident est cause d'un autre, comme le chaud
et l'humide sont causes du doux et comme la superficie est cause de la
couleur. En effet, le sujet, par le fait même qu'il est sujet d'un accident,
est réceptif d'un autre accident. |
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Leçon 8, Texte d’Aristote
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Autre argument: si toutes les
contradictions relatives au même sujet sont vraies en même temps, il est évident
que tous les êtres n’en feront qu'un. Il y aura, en effet, identité entre une
trirème, un rempart et un homme, si, de tout sujet, il est possible
d’affirmer ou de nier, indifféremment, n'importe quel prédicat, comme doivent
nécessairement l'admettre ceux qui adoptent le raisonnement de Protagoras.
Car si il y a quelqu’un à croire que l'homme n’est pas une trirème, il n’est
évidemment pas une trirème; par conséquent, il est aussi une trirème, puisque
la contradictoire est vraie. On en arrive alors à la doctrine d’Anaxagore que
toutes choses sont confondues, et que, par suite, rien n'existe réellement.
Ces philosophes paraissent ainsi traiter de l’indéterminé, et, quand ils
s'imaginent traiter de l’Etre, ils traitent du Non-être, puisque c’est l’Etre
en puissance, et non l'Etre en acte (entéléchie), qui est l’indéterminé. Mais
ces philosophes sont du moins dans l'obligation d'admettre que tout prédicat
peut être affirmé ou nié de tout sujet. Il serait absurde, en effet, qu’à
chaque sujet on pût attribuer sa propre négation et qu’on ne pût lui
attribuer la négation d'un autre sujet qui ne lui est pas attribué. J’entends
par là que s'il est vrai de dire de l’homme qu'il est non-homme, il est
évidemment vrai de dire aussi qu'il est non-trirème. Si donc on accorde
l'affirmation, il faut nécessairement admettre aussi la négation. Et si on
refuse d'attribuer l'affirmation au sujet, du moins doit-on admettre que la
négation lui appartiendra plus que la négation du sujet lui-même; si donc la
négation du sujet lui-même est attribuée au sujet, la négation de la trirème
lui sera aussi attribuée, et, si elle lui est attribuée, l'affirmation le
sera aussi. Telles sont donc les conséquences
de la doctrine de ces philosophes. Une autre conséquence en résulte encore,
c’est qu'on n’est pas dans la nécessité d'admettre qu'il faut ou affirmer ou
nier. En effet, s'il est vrai qu'un être est homme et non-homme, il est
évident aussi qu'il ne sera ni homme, ni non-homme: aux deux assertions
correspondent deux négations, et si la première est traitée comme une
proposition unique composée de deux propositions, la dernière aussi sera une
proposition unique opposée à la première. Autre raison encore: ou bien la
doctrine que nous attaquons est vraie dans tous les cas, et le blanc est aussi
le non-blanc, et l'Etre le Non-être, et semblablement pour toutes les autres
affirmations et négations; ou bien cette théorie souffre des exceptions, elle
s’applique à certaines affirmations et négations, et non à certaines autres.
Si elle ne s’applique pas à toutes, celles qui sont exceptées seront alors,
du propre aveu de nos adversaires, des opinions certaines. Si elle s'applique
à toutes, alors, derechef, ou bien tout ce qu’on peut affirmer, on peut le
nier aussi, et tout ce qu'on peut nier, on peut l’affirmer aussi; ou bien
tout ce qu’on affirme, on le nie, mais tout ce qu’on nie, on ne l'affirme
pas. Et dans ce dernier cas, il y aura quelque chose qui, d’une façon
assurée, n’est pas, et ce sera là une opinion ferme: et si le Non-être est
quelque chose de ferme et de connaissable, l’affirmation contraire sera
encore plus connaissable. Mais si tout ce qu’il est possible de nier, il est
possible de l’affirmer également, il arrive nécessairement, ou bien qu’on
affirme la vérité de chaque prédicat pris à part. Par exemple, je dis que
ceci est blanc, puis, à l'inverse, que ceci n’est pas blanc; ou bien on
n'affirme pas la vérité de chacun des prédicats pris à part: dans ce dernier
cas, notre adversaire ne dit pas ce qu'il dit, et, en définitive, il n'existe
absolument rien. Mais, alors, comment des non-êtres parleraient-ils ou se
promèneraient-ils? En outre, toutes choses n'en feront qu'une, comme il a été
indiqué plus haut, et il y aura identité entre homme, dieu et trirème, et
leurs contradictoires. Si, en effet, les contradictoires peuvent être
attribuées, à titre égal, à chaque sujet, un être ne différera en rien d’un
autre être, car, s'ils différaient, cette différence serait quelque chose de
vrai et de particulier. Pareillement, même au cas où l’on peut énoncer chaque
prédicat comme vrai séparément, il s’ensuit tout ce qu'on vient d’exposer, et
cette autre conséquence encore que tout le monde dira le vrai et tout le
monde dira le faux, et que notre adversaire lui-même avoue être dans
l’erreur. En même temps, il est manifeste que la discussion avec cet
adversaire n'a aucun objet: car il ne dit rien: il ne dit ainsi, ni non
ainsi, mais il dit à la fois ainsi et non ainsi; et, derechef, ces
propositions sont niées toutes les deux, et il dit ni ainsi, ni non ainsi.
Car autrement il y aurait déjà quelque chose de défini. En outre, si, lorsque
l’affirmation est vraie, la négation est fausse, et si, lorsque la négation
est vraie, l’affirmation est fausse, il ne sera pas possible que la même
chose soit, en même temps, affirmée et niée avec vérité. Mais peut-être
dirait-on que c'est là une pétition de principe. |
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Lectio 8 |
Leçon 8, Commentaire de
saint Thomas [Autres preuves du príncipe de contradiction] (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960)
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ARISTOTE APPORTE
DEUX AUTRES RAISONS POUR PROUVER LA VERITE DU PREMIER PRINCIPE: DE LA
PREMIERE RAISON, IL DEDUIT QUE TOUT SERA UN SI LES CONTRADICTOlRES SONT
VRAIES EN MEME TEMPS, IL TIRE SA SECONDE RAISON DE LA CERTITUDE ET DE LA CONNAISSANCE.
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[82201] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 1 Ponit tertiam rationem, quae sumitur ex uno et
diverso: et est ratio talis. Si affirmatio et negatio verificantur simul de
eodem, omnia sunt unum. Hoc autem est falsum; ergo et primum. Circa hanc
rationem tria facit. Primo ponit conditionalem et exemplificat, quia scilicet
sequeretur si contradictiones simul verificantur de eodem, quod idem essent
triremis, idest navis habens tres ordines remorum, et murus et homo. |
Aristote apporte la troisième
raison qui se prend de l'un et du divers. Cette raison se formule ainsi. Si
l’affirmation et la négation se vérifient en même temps de la même chose,
toutes choses sont une. Or, ceci est faux, donc, elles ne se vérifient pas.
Il développe cette raison en trois points. En premier, il pose une
proposition conditionnelle qu'il appuie d’exemples" La voici: si les
contradictions se vérifient simultanément de la même chose, il s'ensuivrait
qu'il y aurait identité entre une trirème, c’est-à-dire un navire portant
trois rangées de rames à et un mur et un homme. |
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[82202]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 2 Secundo cum dicit quemadmodum est ostendit quod idem
inconveniens sequitur ad duas alias positiones. Primo ad opinionem
Protagorae, qui dicebat quod quicquid alicui videtur, hoc totum est verum;
quia si alicui videtur quod homo non sit triremis, non erit triremis; et si
alteri videtur quod sit triremis, erit triremis; et sic erunt contradictoria
vera. |
En deuxième où il dit : " ...
comme doivent l'admettre ... ", il montre que la même absurdité découle
de deux autres opinions. Et tout d’abord, de l'opinion de Protagoras qui
disait que ce qui apparaît à chacun est totalement vrai. Car s'il apparaît à
quelqu'un que l'homme n'est pas une trirème, il ne sera pas une trirème; et
s'il apparaît à un autre qu'il est une trirème, il sera une trirème. Ainsi,
les contradictoires seront vraies. |
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[82203] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 3 Secundo ad opinionem Anaxagorae, qui dicebat omnes
res simul esse, quasi nihil sit vere unum ab aliis determinatum, sed omnia
sint unum in quadam confusione. Dicebat enim, quod quodlibet sit in quolibet,
sicut in primo physicorum ostensum est. Quod ideo accidebat Anaxagorae, quia
ipse videtur loqui de ente indeterminato, idest quod non est determinatum in
actu. Et cum putaret loqui de ente perfecto, loquebatur de ente in potentia,
sicut infra patebit. Quod autem est in potentia et non endelechia,
idest in actu, est indefinitum. Potentia enim non finitur nisi per actum. |
En second, cette absurdité découle
aussi de l'opinion d'Anaxagore qui disait que toutes choses existaient
simultanément, comme s'il n’y avait rien de vraiment un, en tant que bien
distingué des autres choses, mais comme si toutes choses étaient une, en tant
que confondues. En effet, il disait que n'importe quoi existe dans n'importe
quoi, comme on l'a montré dans le premier livre
des Physiques. Anaxagore soutenait cette opinion, parce qu’il semblait
parler de l'être indéterminé, c'est-à-dire de l'être qui n'a pas encore la
détermination de l'acte. Et alors qu'il croyait parler de l'être parfait, il
parlait de l'être en puissance, comme il sera évident plus loin. Ce qui est
en puissance et non en entéléchie, c’est-est-à-dire acte, est indéfini
(indéterminé:). En effet, la puissance n'est terminée que par l'acte. |
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[82204]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 4 Tertio cum dicit sed dicenda probat conditionalem
primo propositam esse veram. Et primo quantum ad hoc quod omnia affirmative
dicta unum essent. Secundo quantum ad hoc quod affirmationes a suis
negationibus non distinguerentur in veritate et falsitate, ibi, et quia non
est necesse et cetera. Dicit ergo primo, quod illud primum est ab eis
supponendum ex quo ponunt affirmationem et negationem simul verificari de
eodem, quod de quolibet est affirmatio et negatio vera. Constat enim quod de
unoquoque magis videtur praedicari negatio alterius rei, quam negatio
propria. Inconveniens enim esset si alicui inesset sua negatio et non inesset
negatio alterius rei, per quam significatur quod illa res non inest ei: sicut
si verum est dicere quod homo non est homo, multo magis est verum dicere quod
homo non est triremis. Patet ergo, quod de quocumque necessarium est
praedicari negationem, quod praedicatur de eo affirmatio. Et ita per
consequens praedicabitur negatio, cum affirmatio et negatio sint simul vera;
aut si non praedicabitur affirmatio, praedicabitur negatio alterius magis
quam negatio propria. Sicut si triremis non praedicatur de homine,
praedicabitur de eo non triremis, multo magis quam non homo. Sed ipsa negatio
propria praedicatur, quia homo non est homo: ergo et negatio triremis
praedicabitur de eo, ut dicatur quod homo non est triremis. Sed si
praedicatur affirmatio, praedicabitur negatio, cum simul verificentur: ergo
necesse est quod homo sit triremis et eadem ratione quodlibet aliud. Et sic
omnia erunt unum. Hoc igitur contingit dicentibus hanc positionem, scilicet
quod contradictio verificetur de eodem. |
En troisième où il dit :
"Mais ces philosophes… ", Aristote prouve que la proposition
conditionnelle qu'il a énoncée au début, est vraie. Et, en premier, à l'effet
que tout ce qui serait attribué de façon affirmative serait un. En second, à
l’effet que les affirmations ne se distingueraient pas de leurs négations par
la vérité et par la fausseté, où il dit: "Une autre conséquence, etc.
" Il dit donc que ces philosophes doivent admettre de prime abord, du
fait qu’ils affirment que l’affirmation et la négation se vérifient
simultanément de la même chose, que sur toutes chose, il y a une affirmation
et une négation vraies. En effet, il est certain qu’on peut attribuer à toute
chose avec plus de raison la négation d'une autre chose que sa propre
négation. En effet, il serait absurde si on pouvait attribuer à une chose sa
propre négation et qu'on ne pût lui attribuer la négation d'une autre chose,
par laquelle en signifie que cette autre chose n’existe pas en elle. Par
exemple, s'il est vrai de dire que l'homme n'est pas homme, il est beaucoup
plus vrai de dire que l’homme n'est pas une trirème. Il est donc évident que
partout où une affirmation s'attribue à une chose, il est nécessaire de lui
attribuer une négation. Et ainsi, par conséquent, la négation s'attribuera,
puisque l'affirmation et la négation sont simultanément vraies; Ou bien, si
l'affirmation ne s'attribue pas, la négation d/une autre chose s’attribuera
avec plus de raison que la négation propre de cette chose même. Par exemple,
si la trirème ne s’attribue pas à l'homme, on attribuera à l’homme avec plus
de raison la non-trirème que le non-homme. Mais la propre négation de l’homme
se prédique de lui-même, parce que l'homme n'est pas homme; et donc, la
négation de la trirème se prédiquera aussi de l’homme, de telle sorte qu’on
pourra dire que l'homme n’est pas une trirème. Mais si l’affirmation se
prédique, la négation s'attribuera aussi, puisque l'une et l'autre sont
vraies en même temps. Donc, il est nécessaire que l’homme soit trirème, et,
pour la même raison, n'importe quelle autre chose. Et ainsi toutes choses
seront une. C'est bien ce qui arrive à ceux qui détiennent cette position, à
savoir que les contradictoires se vérifient du même sujet. |
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[82205] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 5
Deinde cum dicit et
quia non deducit aliud inconveniens, quod scilicet non distinguatur negatio
ab affirmatione in falsitate, sed utraque sit falsa. Dicit ergo quod non
solum praedicta inconvenientia sequuntur ad praedictam positionem, sed etiam
sequitur quod non sit necessarium affirmare et negare, idest quod non
sit necessarium affirmationem vel negationem esse veram, sed contingit
utramque esse falsam. Et sic non erit distantia inter verum et falsum. Quod
sic probat. |
Ensuite quand il dit: "Une
autre conséquence… ", il déduit de cette position une autre absurdité, à
savoir que la négation ne se distingue pas de l'affirmation par la fausseté,
mais que toutes deux sont fausses. Il dit donc que non seulement les absurdités
précédentes découlent de la susdite opinion, mais aussi qu'il s'ensuit qu'il
n'est pas nécessaire "d’affirmer et de nier", c’est-à-dire qu'il
n'est pas nécessaire que l’un ou l'autre, soit l'affirmation soit la
négation, soit vraie, mais que toutes deux peuvent être fausses. Et ainsi, il
n'y aura aucune distance entre le vrai et le faux. Ce qu'il prouve de la
façon suivante. |
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[82206] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 6 Si verum sit quod aliquid sit homo et non homo, verum
est quod id non erit homo, nec erit non homo. Et hoc patet. Horum enim duorum
quae sunt homo et non homo, sunt duae negationes, scilicet non homo et non
non homo. Si autem ex primis duabus fiat una propositio, ut dicamus, Socrates
non est homo nec non homo, sequitur quod nec affirmatio nec negatio sit vera,
sed utraque falsa. |
Il est vrai que quelque chose soit
homme et non-homme, il est vrai que ce quelque chose ne sera ni homme, ni
non-homme. Ce qui est évident. En effet, ces deux choses, que sont homme et
non-homme, possèdent deux négations, qui sont non-homme et non-non-homme. Si
donc, à partir des deux premières propositions, un en forme une seule de
telle sorte que nous disions: Socrate n'est ni homme ni non-homme, il
s'ensuit que ni l'affirmation ni la négation ne sont vraies, mais que toutes
deux sont fausses. |
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[82207] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 7 Deinde cum dicit amplius autem ponit quartam
rationem quae sumitur ex certitudine cognitionis; et est talis. Si affirmatio
et negatio simul verificantur, aut ita est in omnibus, aut ita est in
quibusdam, et in quibusdam non: si autem non est verum in omnibus, illae, in
quibus non est verum, erunt confessae, idest simpliciter et absolute
concedendae, vel erunt certae, idest certitudinaliter verae secundum
aliam translationem; idest in eis ita erit vera negatio, quod affirmatio erit
falsa, vel e converso. |
Ensuite où il dit: " Autre
raison encore ... ", il apporte la quatrième raison qui se prend de la
certitude de la connaissance. La voici. Si l'affirmation et la négation se
vérifient en même temps, ou bien cela est vrai dans tous les cas, ou bien
cela est vrai dans certains cas, dans d'autres, non; si cela n'est pas vrai
dans tous les cas, les adversaires devront concéder que nous avons raison de
rejeter leur opinion par rapport aux affirmations et aux négations qui
souffrent exception à leur règle; une autre traduction dit que les
affirmations et les négations qui souffrent exception à la vérité simultanée
des contradictoires seront certaines, c'est-à-dire certainement vraies:
c’est-à-dire que, chez elles, la négation étant vraie, l’affirmation opposée
sera fausse, et vice versa. |
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[82208] Sententia Metaphysicae,
lib. 4 l. 8 n. 8 Si
autem hoc est verum in omnibus, quod contradictio verificetur de eodem, hoc
contingit dupliciter. Uno modo quod de quibuscumque sunt verae affirmationes,
sunt verae negationes, et e converso. Alio modo quod de quibuscumque
verificantur affirmationes, verificentur negationes, sed non e converso. |
S’il est vrai dans tous les cas
que les contradictoires se vérifient du même, cela a lieu de deux manières.
D’une première façon: à tous les êtres à qui on peut attribuer une
affirmation vraie, on pourra attribuer une négation vraie, et vice versa. D’une
seconde façon: là où se vérifie une affirmation, la négation se vérifie
aussi, mais sans que l'inverse ne soit vraie. |
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[82209] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 9 Et si hoc secundum sit verum, sequitur hoc
inconveniens, quod aliquid firmiter vel certitudinaliter est non ens; et ita
erit firma opinio, quae scilicet est de negativa; et hoc ideo, quia negativa
semper est vera, eo quod quandocumque est affirmativa vera, est etiam
negativa vera. Non autem affirmativa semper erit vera, quia positum est, quod
non de quocumque est vera negativa, sit vera affirmativa; et ita negativa
erit firmior et certior quam affirmativa: quod videtur esse falsum: quia dato
quod non esse sit certum et notum, tamen semper erit certior affirmatio quam
negatio ei opposita, quia veritas negativae semper dependet ex veritate
alicuius affirmativae. Unde nulla conclusio negativa infertur, nisi in
praemissis sit aliqua affirmativa. Conclusio vero affirmativa ex negativa non
probatur. |
Si ce second cas est vrai, il s'ensuit
l'absurdité suivante que quelque chose est fermement et certainement du
non-être; et cette opinion ferme et assurée sera celle qui concerne la
proposition négative. Et cela, parce que la proposition négative est toujours
vraie; car chaque fois que l’affirmation est vraie, la négation est aussi
vraie. Mais l'affirmation ne sera pas toujours vraie, puisqu’on a supposé que
ce n'est pas chaque fois que la négation est vraie que l'affirmation l'est.
Et ainsi, la proposition négative sera plus ferme et plus certaine que
l’affirmative. Ce qui semble être faux: même si l'on accorde que le non-être
est certain et connu, l’affirmation cependant sera toujours plus certaine que
la négation opposée, parce que la vérité de la proposition négative dépend
toujours de la vérité d'une affirmative. C'est pourquoi, aucune conclusion
négative ne peut s'inférer s'il n’existe dans les prémisses une proposition
affirmative. Et la conclusion affirmative ne s'infère pas d'une négative. |
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[82210] Sententia Metaphysicae,
lib. 4 l. 8 n. 10 Si autem dicatur primo modo, scilicet quod de
quibuscumque est affirmare, ita de eis est negare; similiter de quibuscumque
est negare, de eis est affirmare, ut scilicet affirmatio et negatio
convertantur: hoc contingit dupliciter: quia si semper negatio et affirmatio
sunt simul verae, aut erit divisim dicere de utraque quod sit vera, verbi
gratia, quod sit divisim dicere quod haec est vera, homo est albus, iterum
haec est vera, homo non est albus: aut non est divisum utramque dicere veram
sed solum coniunctim, ut si dicamus quod haec copulativa sit vera, homo est
albus et homo non est albus. |
Si l'on se réfère maintenant à la
première manière de poser les contradictoires, à savoir que chaque fois que
l'affirmation est vraie la négation est vraie, de telle sorte que
l'affirmation et la négation sont convertibles, il y a deux cas possibles. En
effet, si la négation et l’affirmation sont simultanément vraies, ou bien on
pourra dire qu’elles sont vraies prises séparément; par exemple, si l'on dit
que, prises séparément, ces deux propositions sont vraies: l’homme est blanc,
puis, à l'inverse, l’homme n'est pas blanc; ou bien l'on ne peut dire
qu’elles sont vraies prises séparément, mais uniquement prises ensemble,
comme si l’on dit que ces deux propositions prises conjonctivement sont
vraies: l'homme est blanc et l'homme n'est pas blanc. |
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[82211]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 11 Et siquidem dicamus hoc secundo modo, ut scilicet
non sit utraque vera divisim sed solum coniunctim, tunc sequuntur duo
inconvenientia: quorum primum est, quod non dicet ea, idest quod non
asseret nec affirmationem nec negationem, et quod ambae erunt nihil,
idest quod ambae sunt falsae: vel secundum aliam translationem et non erit
nihil, idest sequitur quod nihil sit verum, nec affirmatio nec negatio.
Et si nihil est verum, nihil poterit dici nec intelligi. Quomodo enim aliquis
pronuntiabit vel intelliget non entia? Quasi dicat, nullo modo. |
Et si nous prenons les
propositions selon le second cas, à savoir de telle sorte que l’une et
l'autre ne soient pas vraies prises séparément mais uniquement prises
conjonctivement, alors il s'ensuit deux absurdités. La première est que
l'adversaire ne dira pas ce qu'il dit, c'est-à-dire qu'il ne posera ni affirmation
ni négation, et que l’une et l’autre proposition ne seront rien, c'est-à-dire
qu'elles seront fausses. Ou, selon une autre traduction : "Et il n’y
aura rient", c'est-à-dire il s'ensuit qu'il n’y a rien de vrai, ni
l’affirmation ni la négation. Et s'il n’y a rien de vrai, on ne pourra rien
dire ni rien comprendre. En effet, comment pourra-t-on prononcer ou saisir le
non-être? C'est comme si Aristote disait: en aucune façon. |
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[82212] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 12 Secundum inconveniens est, quia sequitur quod omnia
sint unum, quod in priori ratione est dictum. Sequitur enim quod sit idem
homo et Deus et triremis, et etiam contradictiones eorum, scilicet non homo
et non Deus et non triremis. Et sic patet, quod si affirmatio et negatio
simul dicuntur de unoquoque, tunc nihil differt unum ab alio. Si enim unum ab
alio differret, oporteret quod aliquid diceretur de uno, quod non diceretur
de alio. Et sic sequeretur quod aliquid esset verum determinate et proprium
huic rei, quod non conveniret alteri. Et sic non de quolibet verificaretur
affirmatio vel negatio. Constat autem quod ea quae nullo modo differunt, sunt
unum; et ita sequetur omnia unum esse. |
La seconde absurdité est qu’il
s'ensuit que tout est un; ce qui nous ramène à la première raison donnée. En
effet, il s'ensuit que homme, Dieu et trirème sont un, et même leurs termes
contradictoires, à savoir non-homme, non-Dieu et non-trirème. Et ainsi, il
est manifeste que si l’affirmation et la négation son attribuées en même
temps à chaque chose, une chose ne se distingue nullement d'une autre. En
effet, si une chose se distinguait d'une autre, on pourrait lui attribuer
quelque chose qu’on ne peut attribuer à l'autre. Et ainsi, il s'ensuivrait
que quelque chose, serait déterminément vrai et propre à cette chose, qui ne
conviendrait pas à l’autre. Et ainsi, l’affirmation et la négation ne
pourraient se vérifier de toute chose. Mais il est manifeste que les choses
ne se distinguent aucunement entre elles sont une; et, ainsi, tout est un. |
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[82213] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 13 Si autem dicatur primo modo, scilicet quod non solum
coniunctim est dicere affirmationem et negationem, sed etiam divisim,
sequuntur quatuor inconvenientia: quorum unum est, quod haec positio significat
ipsum dictum, idest demonstrat hoc esse verum quod immediate est dictum.
Unde alia litera habet accidit quod dictum est, scilicet quod omnia
sunt unum; quia sic etiam similiter affirmatio et negatio de unoquoque
dicetur, et non erit differentia unius ad aliud. |
Si l'on prend les propositions
selon le premier cas, à savoir de telle sorte que l’on énonce l’affirmation
et la négation non seulement conjonctivement, mais aussi séparément, il s'ensuit
quatre énormes difficultés. Voici la première. C'est l'inconvénient ou
l’absurdité que nous venons juste de dire, à savoir que tout est un. Parce
que, pareillement à l’autre cas, l'affirmation et la négation se diront d'une
même chose, et il n'y aura aucune différence entre deux choses. |
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[82214] Sententia Metaphysicae,
lib. 4 l. 8 n. 14 Secundum
est quod omnes verum dicerent, quia quilibet vel dicit affirmationem vel
negationem, et utraque est vera; et omnes mentientur, quia contradictorium
eius quod quisque dicit, erit verum. Et idem etiam homo seipsum dicere falsum
confitetur; quia cum dicit negationem esse veram, dicit se falsum dixisse cum
dixit affirmationem. |
La seconde difficulté est que tout
le monde dirait le vrai, parce que quiconque parle, ou bien affirme ou bien
nie, et l'affirmation et la négation sont toutes deux vraies. Il faut ajouter
aussi que tout le monde dira le faux, parce que la contradictoire de toute
proposition sera vraie. Et le même homme avouera qu'il dit lui-même le faux:
lorsqu'il dit que la négation est vraie, il avoue qu'il a dit une fausseté en
faisant cette affirmation. |
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[82215] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 15 Tertium est quia manifestum est quod adhuc non poterit
esse perscrutatio vel disputatio. Non enim potest disputari cum aliquo qui
nihil concedit. Ille enim nihil dicit, quia nec dicit absolute quod est ita,
nec dicit quod non est ita; sed dicit quod est ita et non est ita. Et iterum
ambo ea negat dicens quod nec est ita nec non ita, sicut ex praecedenti
ratione apparet. Si enim non omnia ista neget, sequitur quod ipse noverit
aliquid determinate verum; quod est contra positum. Vel secundum quod alia
translatio habet, et planius, iam utique erit determinatum. |
Le troisième inconvénient est
qu’il est manifeste qu'en ce cas-là, il ne pourra y avoir non plus de
discussion. En effet, il n'est pas question de discussion avec qui n'admet
rien. Or l'adversaire ne dit rien, parce qu’il ne dit pas absolument qu'il en
est ainsi, ni non plus qu'il n'en est pas ainsi, mais il dit qu'il en est
ainsi et n’en est pas ainsi. Et de plus, il nie le double contenu de son
énonciation, en disant qu'il n'en est ni ainsi ni non-ainsi, comme l’a
démontré la raison précédente. En effet, s'il ne nie pas tout cela, il
s’ensuit qu'il aura connu quelque chose de déterminément vrai. Ce qui va
contre l’hypothèse. Ou d'après une autre traduction comportant un sens plus
net: " Il y aurait déjà quelque chose de défini." |
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[82216] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 8 n. 16 Quartum sequitur per definitionem veri et falsi. Verum enim est cum dicitur esse quod est vel non
esse quod non est. Falsum autem est cum dicitur non esse quod est, aut esse
quod non est. Ex quo patet per definitionem veri et falsi, quod quando
affirmatio est vera, tunc negatio est falsa: tunc enim dicit non esse, quod
est: et si negatio est vera, tunc affirmatio est falsa: tunc enim dicitur
esse de eo quod non est. Non ergo contingit vere idem affirmare et negare. Sed
forte adversarius ad hoc ultimum poterit dicere, quod hic est petitio
principii. Qui enim ponit contradictionem simul esse veram, non recipit hanc
definitionem falsi, scilicet quod falsum est dicere quod non est esse, vel
quod est non esse. |
La quatrième difficulté découle de
la définition du vrai et du faux. En effet, En effet, le vrai existe
lorsqu'on dit qu’existe ce qui est et que n’existe pas ce qui n’est pas. Le
faux, lui, consiste à ne pas faire exister ce qui existe, et à faire exister
ce qui n'existe pas. Il est donc évident, par les définitions du vrai et du
faux, que lorsque l'affirmation est vraie, la négation est fausse à en effet,
c'est dire que n'existe pas ce qui existe; et si la négation est vraie, alors
l'affirmation est fausse: on attribue l'existence à ce qui n'existe pas.
Donc, il n’est pas vraiment possible d'affirmer et de nier la même chose.
Mais peut-être que l'adversaire pourra attaquer ce dernier point et dire
qu’il y a pétition de principe. En effet, celui qui pose que les contradictoires
sont simultanément vraies n’accepte pas cette définition du faux, à savoir
qu'il est faux de dire que l'être n’est pas, ou que le non-être est. |
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Leçon 9, Texte d’Aristote
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De plus, est-ce donc que celui qui
pense que telle chose est ainsi, ou qu'elle n’est pas ainsi, se tromper,
tandis que celui qui affirme les deux propositions dira la vérité? Si ce
dernier est dans le vrai, que peut-on bien signifier en disant que telle est
la nature des choses? S’il n'est pas dans la vérité, mais qu'il se trouve
plus dans la vérité que celui qui pense que telle chose est ainsi ou n'est
pas ainsi, les êtres auront déjà une nature déterminée, et ce jugement du
moins sera vrai, et ne sera pas en même temps aussi non-vrai. Mais si tous
sont également dans l'erreur et dans la vérité, il ne peut s'agir, pour un
être se trouvant dans cet état, ni de proférer un son, ni de dire quelque
chose d’intelligible, car, en même temps, il dit une chose et ne la dit pas.
S’il ne forme aucun jugement, ou plutôt si, indifféremment, il pense et ne
pense pas, en quoi différera-t-il des plantes? De là vient, de toute
évidence, que personne ne se trouve en réalité dans cet état d'esprit, ni
parmi ceux qui professent cette doctrine, ni parmi les autres. Pourquoi, en
effet, notre philosophe fait-il route pour Mégare, et ne reste-t-il pas chez
lui en se contentant de penser qu'il y va? Pourquoi si, au point du jour, il
rencontre un puits ou un précipice, n’y marche-t-il pas, mais pourquoi le
voyons-nous, au contraire, se tenir sur ses gardes, comme s'il pensait qu'il
n'est pas également bon et mauvais d’y tomber? Il est bien clair qu'il estime
que tel parti est meilleur, et tel autre, pire. Mais s'il agit ainsi, il doit
juger aussi que tel objet est un homme et que tel autre n’est pas un homme,
que ceci est doux, et que cela n'est pas doux. En effet, il ne recherche pas
et ne juge pas tout sur un pied d'égalité, quand, pensant qu'il est
préférable de boire de l'eau ou de voir un homme, il se met ensuite en quête
de ces objets. Et pourtant il le devrait, si homme et non-homme étaient
identiquement la même chose. Mais, comme nous l'avons dit, il n'est personne
qu'on ne voie éviter telles choses, et non telles autres. Il en résulte que tous les hommes,
apparemment, portent des jugements absolus, sinon sur toutes choses, du moins
sur le meilleur et le pire. Et si l'on objecte que de tels jugements ne
relèvent pas de la science, mais seulement de l'opinion, nous répondons que
c'est à bien plus forte raison encore qu'on doit alors se soucier de la
vérité, de même qu'un malade doit s'occuper plus de sa santé qu'un homme bien
portant: Car celui qui n'a que des opinions, comparé à celui qui a la
science, ne se trouve pas dans une saine disposition à l'égard de la vérité. Enfin, qu’on suppose tant qu’on
voudra que toutes choses soient ainsi et non ainsi, le plus et le moins, de
toute façon, existent dans la nature des êtres: jamais on ne pourra
prétendre, par exemple, que deux et trois sont, au même degré, des nombres
pairs, ni que celui qui croit que quatre est cinq commet la même erreur que
celui qui pense que quatre est mille. Si donc l'erreur n’est pas égale, il
est manifeste que le premier pense une chose moins fausse, et qu’en
conséquence il approche davantage de la vérité. Si donc ce qui est plus une
chose en est plus rapproché, il doit certes exister quelque chose de vrai
dont ce qui est plus vrai est plus proche. En admettant même que ce vrai
n’existe pas, du moins y a-t-il déjà du plus ferme et du plus véritable, et
nous serions ainsi délivrés de cette doctrine intempérante qui interdit à la
pensée de définir quoi que ce soit. Critique du relativisme de
Protagoras C’est de la même opinion que
procède la conception de Protagoras, et les deux doctrines doivent être
également vraies ou également fausses. En effet, d’un côté, si toutes les
opinions et toutes les impressions sont vraies, il est nécessaire que tout
soit, en même temps, vrai et faux; car un grand nombre d’homme ont des
conceptions contraires les unes aux autres, et chacun croit que ceux qui ne
partagent pas ses propres opinions sont dans l’erreur; de sorte que,
nécessairement, la même chose doit, à la fois, être et n’être pas. D'un autre
côté, s’il en est ainsi, toutes ces opinions doivent être vraies, car ceux
qui sont dans l'erreur et ceux qui sont dans la vérité ont des opinions
opposées; si donc les choses elles-mêmes se comportent conformément à cette
doctrine, ils seront tous dans la vérité, Ainsi, que les deux conceptions
procèdent de la même façon de penser, c'est l’évidence. |
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Lectio 9 |
Leçon 9, Commentaire de
saint Thomas [Trois autres preuves] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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ARISTOTE APPORTE TROIS
AUTRES RAISONS CONTRE LES NEGATEURS DU PREMIER PRINCIPE. |
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[82217] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 9 n. 1 Hic ponit quintam rationem, quae sumitur ex
veritatis ratione, quae talis est. Dictum est quod affirmatio et negatio
simul vera ponuntur: ergo ille, qui suscipit sive opinatur sic se habere,
idest affirmationem tantum aut non sic se habere, scilicet ille, qui
opinatur negationem esse veram tantum, mentitus est: qui vero opinatur ambo
simul, dicit verum. Cum igitur verum sit quando ita est in re sicut est in
opinione, vel sicut significatur voce, sequitur quod ipsum quod dicit erit
aliquid determinatum in rebus, scilicet quia entium natura talis erit qualis
dicitur, ut non patiatur affirmationem et negationem simul. Vel secundum
aliam literam quia talis est entium natura: quasi dicat, ex quo hoc
quod dicitur est determinate verum, sequitur quod res habeat naturam talem.
Si autem dicatur quod ille qui existimat simul affirmationem et negationem,
non opinatur verum, sed magis ille qui existimat illo modo, quod vel tantum
affirmatio vel tantum negatio sit vera, adhuc manifestum est quod entia se
habebunt in aliquo modo determinate. Unde alia translatio habet planius quodammodo
et hoc erit verum determinate, et non erit simul non verum ex quo sola
affirmatio vel negatio est vera. |
Ici, Aristote donne la cinquième
raison, qui se tire de la notion de la vérité. La voici. On affirme que
l’affirmation et la négation contiennent simultanément la vérité: donc, celui
qui pense que telle chose est ainsi, c’est-à-dire celui qui n'accepte que
l’affirmation, ou qui pense qu'elle n'est pas ainsi, et, donc, qui croit que
seule la négation est vraie, celui-là, dis-je, se trompe; mais celui qui
tient à la fois l’affirmation et la négation dit la vérité. Puisque donc le
vrai existe, lorsque la réalité est conforme à la pensée, ou conforme à ce
que signifie le mot, il s'ensuit que celui qui dit quelque chose dit quelque
chose de défini dans la réalité, parce que la nature des êtres sera telle
qu’il la dit, de telle sorte qu’elle ne supporte pas l'affirmation et la
négation simultanée. Un autre texte dit: " Parce que telle est la nature
des êtres "; ce qui donnerait le sens suivant: du fait que celui qui
parle dit quelque chose de déterminément vrai, il s'ensuit que la chose a une
nature définie. Si cependant l’on affirme que celui qui croit que
l'affirmation ou seule la négation s'appliquent simultanément à une chose n'a
pas une opinion vraie, mais que c’est plutôt celui qui pense que seule
l'affirmation ou seule la négation est vraie, il est encore manifeste que les
êtres seront, de quelque façon, déterminés. C’est pourquoi une autre
traduction dit plus clairement: "D’une certaine façon, il y aura quelque
chose de déterminément vrai, qui ne sera ;pas en même temps non-vrai…" ;
d’où il s'ensuit que seule l'affirmation ou seule la négation est vraie. |
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[82218] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 9 n. 2 Sed si omnes praedicti, scilicet et illi qui dicunt
utramque partem contradictionis, et illi qui dicunt alteram mentiuntur,
et omnes etiam verum dicunt; cum tali qui hoc ponit, non est disputandum nec
aliquid dicendum ut disputetur cum eo; vel secundum aliam literam, talis homo
non asserit aliquid nec affirmat. Sicut enim alia translatio dicit, nec
asserere nec dicere aliquid huiusmodi est, quia similiter unumquodque et
dicit et negat. Et si ipse sicut similiter affirmat et negat exterius, ita et
similiter interius opinatur et non opinatur, et nihil suscipit quasi
determinate verum, in nullo videtur differre a plantis; quia etiam bruta
animalia habent determinatas conceptiones. Alius textus habet ab aptis
natis: et est sensus, quia talis, qui nihil suscipit, nihil differt in
hoc quod actu cogitat ab illis, qui apti nati sunt cogitare, et nondum
cogitat actu; qui enim apti nati sunt cogitare de aliqua quaestione, neutram
partem asserunt, et similiter nec isti. |
Mais si toutes les opinions
mentionnées, et celles qui affirment que les deux parties de la contradiction
sont simultanément vraies, et celles qui disent qu’une seule partie est
vraie, sont mensongères et erronées, et si elles sont toutes, aussi, vraies,
il n'est pas question de discuter ou de dire une parole d'argumentation avec
celui qui défend cette hypothèse pour vraie. D'après un autre texte :
l’homme qui soutient cette opinion ne pense ni n'affirme rien. En effet,
comme une autre traduction l'affirme, c’est là une manière de ne rien
affirmer ni rien dire, parce que tout ce qu'un tel homme affirme et nie
revient au même. Et si cet homme croit et ne croit pas, pense et ne pense,
comme il le fait extérieurement en affirmant et niant, et s’il n'admet rien
de déterminément vrai, il ne semble en rien se distinguer des plantes, car
les brutes elles-mêmes ont des conceptions déterminées. Un autre texte dit :
"de ceux qui sont nés aptes." En voici le sens. Celui qui n'admet
rien ne se distingue aucunement en pensant en acte de ceux qui sont
naturellement aptes à penser et n'ont jamais cependant pensé en acte; en
effet, ceux qui sont aptes à réfléchir sur un problème, ne prennent pas
position sur ce problème. Les gens qui soutiennent l'opinion que nous avons
discutée sont semblables. |
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[82219] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 9 n. 3 Deinde cum dicit unde et maxime ponit sextam rationem,
quae sumitur ab electione et fuga: et circa hoc duo facit. Primo ponit
rationem. Secundo excludit quamdam cavillosam responsionem, ibi, si autem non
scientes et cetera. Dicit ergo primo, quod manifestum est quod nullus homo
sic disponitur ut credat affirmationem et negationem simul verificari; nec
illi qui hanc positionem ponunt, nec etiam alii. Si enim idem esset ire domum
et non ire, quare aliquis iret domum et non quiesceret, si putaret quod hoc
ipsum quiescere, esset ire domum? Patet ergo, ex quo aliquis vadit et non
quiescit, quod aliud putat esse ire et non ire. |
Ensuite quand il dit: "De là
vient, de toute évidence ... ", il donne la sixième raison qui est prise
de l’élection et de la fuite. Ce qu'il traite en deux points. En premier, il
donne la raison. En second, il rejette une réponse assez spécieuse, où il
dit: "Et si l'on objecte, etc. ". Il dit donc, en premier, qu’aucun
homme n'est disposé à croire que l'affirmation et la négation sont
simultanément vraies : ni ceux qui soutiennent cette opinion, ni les
autres. En effet, si c’était la même chose d'aller à la maison que de ne pas
y aller, pourquoi irait-on à la maison au lieu de se reposer, si lion pensait
que le fait même de se reposer est identique à celui d'aller à la maison? Il
est donc évident, par le fait même qu’on se rend à la maison et qu'on ne se
repose pas, que l'on pense qu’aller et ne pas aller ne sont pas identiques. |
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[82220]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 9 n. 4 Et similiter si aliquis incedit per aliquam viam,
quae forte directe vadit ad puteum vel ad torrentem, non recte incedit per
viam illam, sed videtur timere casum in puteum aut in torrentem. Et hoc ideo, quia incidere in torrentem vel puteum non putat esse
similiter bonum et non bonum, sed absolute putat esse non bonum. Si autem putaret esse bonum sicut et non bonum, non
magis vitaret quam eligeret. Cum ergo vitet et non eligat, palam est quod
ipse suscipit sive opinatur quod unum sit melius, scilicet non incidere in
puteum, quod novit esse melius. |
Et, pareillement, si quelqu’un
marche dans un sentier qui conduit directement à un puits ou à un torrent, il
ne marche pas en droite ligne sans aucune précaution, mais semble craindre la
chute dans le puits ou dans le torrent. Et cela, parce qu’il pense que tomber
dans le puits ou dans le torrent n'est pas également bon et non-bon, mais il
croit absolument que la chute n'est pas bonne. S'il pensait cependant que la
chute est aussi bonne que non-bonne, il ne l'éviterait pas plus qu’il ne le
choisirait. Donc, puisqu'il l'évite et ne la choisit pas, il est clair qu'il
croit que l'un est meilleur que l’autre, à savoir ne pas tomber dans le
puits, qu'il sait être meilleur que tomber dans le puits. |
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[82221] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 9 n. 5 Et si hoc est in non bono et bono, similiter necesse
est esse in aliis, ut videlicet opinetur quod hoc sit homo, et illud non
homo: et hoc sit dulce et illud non dulce. Quod ex hoc patet, quia non omnia
aequaliter quaerit et opinatur, cum ipse putet melius aquam bibere dulcem
quam non dulcem, et melius videre hominem quam non hominem. Et ex ista
diversa opinione sequitur quod determinate quaerit unum et non aliud.
Oporteret siquidem quod similiter utraque quaereret, scilicet dulce et non
dulce, hominem et non hominem, si existimaret quod essent eadem
contradictoria. Sed, sicut dictum est, nullus est qui non videatur hoc timere
et illa non timere. Et sic per hoc ipsum quod homo afficitur diversimode ad
diversa, dum quaedam timet et quaedam desiderat, oportet quod non existimet
idem esse quodlibet et non esse. |
Et si cela existe par rapport au
bien et au non-bien, il est également nécessaire que ça existe par rapport
aux autre choses: par exemple, il est nécessaire qu’on pense que ceci est un
homme et que cela n'est pas un homme, et que ceci est doux et que cela est
amer. Et cela est évident du fait qu'on ne cherche pas également toutes
choses et du fait qu'on ne les juge pas également, puisqu'on pense qu’il est
préférable de boire de l’eau douce que de l'eau non-douce, de voir un homme
que de voir un non-homme. De cette diversité d'opinions, il s'ensuit qu'on
recherche une chose bien définie et non une autre. Mais il faudrait qu’an
recherchât également l'une et l’autre chose, le doux et le non-doux, l'homme
et le non-homme, si l'on pensait que les contradictoires étaient identiques.
Mais comme on l’a dit, il n'y a personne qui ne semble craindre ceci et ne
pas craindre cela. Et ainsi, par le fait même que l’homme semble affecté
diversement par des choses diverses, alors qu’il en craint quelques-unes et
en désire d'autres, il faut qu'il ne croit pas qu’être et ne pas être sont la
même chose. |
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[82222] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 9 n. 6 Sic ergo patet quod omnes opinantur se habere
veritatem vel in affirmativa tantum, vel in negativa, et non utraque simul.
Et si non in omnibus, saltem in bonis et malis, vel in melioribus et in
deterioribus. Ex hac enim differentia provenit quod quaedam quaeruntur et
quaedam timentur. |
Ainsi donc, tout le monde croit qu'il
possède la vérité, soit dans l’affirmation, soit dans la négation, mais pas
dans les deux simultanément. Et si tous ne croient pas posséder la vérité en
toutes choses, du moins croient-ils l'avoir par rapport à ce qui est bon et
mauvais, à ce qui est meilleur et pire. En effet, c’est à cause de cette
différence qu'on trouve des gens en état de recherche, et d'autres en état de
crainte. |
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[82223]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 9 n. 7 Deinde cum dicit si autem non excludit quamdam cavillationem.
Posset enim aliquis dicere quod homines quaedam desiderant tamquam bona, et
alia fugiunt tamquam non bona, non quasi scientes veritatem, sed quasi
opinantes, quod non idem sit bonum et non bonum, licet idem sit secundum rei
veritatem. Sed si hoc est verum, quod homines non sunt scientes, sed
opinantes, multo magis debent curare ut addiscant veritatem. Quod sic patet;
quia infirmus magis curat de sanitate quam sanus. Ille autem, qui opinatur non verum, non disponitur
salubriter ad veritatem in comparatione ad scientem: habet enim se ad
scientem sicut infirmus ad sanitatem. Defectus enim scientiae est opinio falsa, sicut
aegritudo sanitatis. Et sic patet, quod homines debent curare de veritate
invenienda: quod non esset, si nihil esset verum determinate, sed simul
aliquid verum et non verum. |
Ensuite quand il dit: "Et si
l'on objecte ... ", il rejette une subtilité. En effet, on pourrait dire
que les hommes désirent certaines choses comme bonnes et en fuient d’autres
comme non-bonnes, non pas strictement parce qu’ils connaissent la vérité,
mais parce qu’ils ont un certain soupçon ou une certaine opinion que le bien
et le non-bien ne sont pas identiques, bien qu'en vérité toute objective ils
le soient. Mais si cela est vrai que les hommes n’ont pas la science du bien
mais uniquement une opinion, ils doivent d'autant plus mettre tout leur soin
à connaître la vérité. En voilà l'évidence: le malade se préoccupe plus de la
santé que l'homme en santé. Or, celui qui n'a qu’une opinion sur la vérité
n'est pas, par comparaison à celui qui a la science, dans une saine
disposition à l'égard de la vérité: il est au savant comme le malade à la
santé. En effet, le manque de science est une opinion fausse, comme la
maladie est un manque de santé. Et ainsi il est évident que les hommes
doivent avoir un grand souci de rechercher la vérité: ce qui n'existerait
pas, s'il n'y avait rien de déterminément vrai, mais si quelque chose était
simultanément vrai et non-vrai. |
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[82224] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 9 n. 8 Deinde cum dicit amplius quia ponit septimam
rationem, quae sumitur ex diversis gradibus falsitatis. Dicit ergo, quod etsi
maxime verum sit quod omnia sic se habeant et non sic, idest quod affirmatio
et negatio sint simul vera, et omnia sint simul vera et falsa, sed tamen in
natura entium oportet quod aliquid sit magis et minus verum. Constat enim
quod non similiter se habet ad veritatem, quod duo sunt paria, et tria sunt
paria: nec similiter se habet ad mendacium dicere quod quatuor sunt pente
idest quinque, et quod sint mille. Si enim sunt falsa similiter, manifestum
est quod alterum est minus falsum, scilicet dicere quatuor esse quinque, quam
dicere quatuor esse mille. Quod autem est minus falsum, est verum magis vel
propinquius vero, sicut et minus nigrum, quod est albo propinquius. Patet
ergo quod alter eorum magis dicit verum, idest magis appropinquat veritati,
scilicet ille qui dicit quatuor esse quinque. Sed non esset aliquid affinius
vero vel propinquius, nisi esset aliquid simpliciter verum, cui propinquius
vel affinius esset magis verum et minus falsum. Relinquitur ergo quod aliquid
oportet ponere esse absolute verum, et non omnia vera et falsa; quia sequitur
ex hoc quod contradictio sit simul vera. Et si per praedictam rationem non
sequitur quod aliquid sit absolute verum, tamen iam habetur quod aliquid est
verius et firmius sive certius alio. Et sic non eodem modo se habet ad
veritatem et certitudinem affirmatio et negatio. Et ita per hanc rationem et
per alias praecedentes erimus liberati vel remoti a ratione, idest
opinione non mixta, idest non temperata (unde alius textus habet, distemperata):
tunc enim opinio est bene contemperata, quando praedicatum non repugnat
subiecto: cum autem opinio implicat opposita, tunc non bene contemperatur. Talis
autem est praedicta positio, quae dicit contradictionem verificari. |
Ensuite quand il dit : "
Enfin qu'on suppose ... ", il donne la septième raison, qui se tire des
divers degrés de fausseté. Il dit donc que, bien qu'il soit vrai au plus haut
point que tout soit ainsi et non-ainsi, c'est-à-dire que l'affirmation et la
négation soient simultanément vraies, et que tout soit simultanément vrai et
faux, il n'en demeure pas moins que dans la nature des choses il faut que
quelque chose soit plus ou moins vrai. Il est manifeste, en effet, que les
deux propositions: "deux sont pairs", et "trois sont
pairs", n'ont pas d'égales relations à la vérité; dire que quatre est
cinq n'a pas, non plus, la même relation ou mensonge que dire que quatre est
mille. Si, en effet, ils sont pareillement faux, il est manifeste que la
première proposition : quatre est cinq, est moins fausse que l'autre: quatre
est mille. Or, ce qui est moins faux est plus vrai ou plus proche du vrai,
comme ce qui est moins noir est plus proche du blanc. Il est donc évident que
l’un des deux hommes, celui qui dit que quatre est cinq, dit davantage le
vrai, c'est-à-dire s'approche plus de la vérité. Mais on ne trouverait pas
quelque chose: de plus proche du vrai, s'il n’existait quelque chose d’absolument
vrai, par rapport à quoi seraient plus proches et ce qui est plus vrai et ce
qui est moins faux. Il reste donc qu'il faut poser quelque chose d’absolument
vrai, et que tout n’est pas vrai et faux: parce que de là découle que les
contradictoires sont simultanément vraies. Et s'il ne découle pas de la
raison précédente, que quelque chose soit absolument vrai, du moins tient-on
qu’il y a quelque chose de plus vrai, de plus ferme et de plus certain
qu'autre chose. Et donc, l'affirmation et la négation n'ont pas la même
relation à la vérité et à la certitude. Et ainsi, par cette dernière raison
et par les raisons précédentes, nous serons délivrés de cette opinion non
équilibrée, vraiment excessive: une opinion en effet est bien équilibrée
lorsque le prédicat ne répugne pas au sujet; mais lorsqu'une opinion implique
les opposés, elle n’a vraiment pas de mesure. Or, telle est cette opinion qui
dit que les contradictoires sont vraies. |
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[82225] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 9 n. 9 Item prohibet ne mente aliquid possimus definire vel
determinare. Prima enim ratio distinctionis consideratur in affirmatione et
negatione. Unde qui affirmationem et negationem unum esse dicit, omnem
determinationem sive distinctionem excludit. |
Cette opinion inhibe aussi
l'esprit qui ne peut définir ou déterminer quelque chose. En effet, la raison
toute première de la distinction se prend dans l’affirmation et la négation.
C'est pourquoi, celui qui dit que l'affirmation et la négation sont une,
détruit toute détermination ou distinction. |
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[82226]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 9 n. 10 Deinde cum dicit est autem ostendit quod opinio
Protagorae reducitur in eamdem sententiam cum praedicta positione. Dicebat enim
Protagoras, quod omnia, quae videntur alicui esse vera, omnia sunt vera. Et
siquidem haec positio est vera, necesse est primam positionem esse veram,
scilicet quod affirmatio et negatio sint simul vera. Et per consequens, quod
omnia sint simul vera et falsa, sicut ex hac positione sequitur, ut supra
ostensum est. Quod sic ostendit. Multi enim homines opinantur sibiinvicem
contraria: et putant quod illi, qui non eadem opinantur quod ipsi,
mentiantur, et e converso. Si ergo quidquid alicui videtur hoc est verum,
sequitur quod utrique mentiantur, et verum dicant, quod idem sit et non sit. Et sic ad opinionem Protagorae sequitur quod
contradictio simul verificetur. |
Ensuite où il dit : "
C'est de la même opinion ... ", il montre que l'opinion de Protagoras se
ramène à la même théorie que la doctrine précédente. En effet, Protagoras
disait que tout ce qui paraît vrai à chacun est vrai. Et si cette conception
est vraie, il est nécessaire que la première aussi le soit, à savoir que
l'affirmation et la négation soient simultanément vraies. Et, par conséquent,
que tout soit simultanément vrai et faux, comme il ressort de la première
conception, comme on l’a vu. Voici comment Aristote le démontre. Bien des
hommes, en effet, ont des opinions contraires entre elles, et ils pensent que
ceux qui ne sont pas de leurs opinions sont dans l'erreur; ce que les autres
leur rendent bien d’ailleurs. Si donc tout ce qui apparaît à quelqu’un est
vrai, il s’ensuit que les deux hommes qui ont des opinions contraires se
trompent, et pourtant disent la vérité, qui est que la même chose est et
n’est pas. Et ainsi il découle de l'opinion de Protagoras que les
contradictoires se vérifient simultanément. |
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[82227] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 9 n. 11 Similiter etiam si hoc est verum quod contradictio
simul verificetur, necessarium est opinionem Protagorae esse veram, scilicet
quod omnia quae videntur aliquibus esse vera, sint vera. Constat enim quod
aliqui habent diversas opiniones; quorum quidam sunt mentientes, et quidam sunt
verum dicentes, quia opinantur sibiinvicem opposita. Si ergo omnia opposita
sunt simul vera, quod sequitur si contradictoria simul verificentur,
necessario sequitur quod omnes dicant verum, et quod videtur alicui sit
verum; et sic patet quod eiusdem sententiae vel intellectus vel rationis est
utraque positio, quia ad unam sequitur alia de necessitate. |
Pareillement aussi, s'il est vrai
que les contradictoires sont simultanément vraies, il est nécessaire que
l'opinion de Protagoras soit vraie, à savoir que tout ce qui paraît être vrai
à quelques-uns est vrai. Il est manifeste en effet que des hommes ont des
opinions diverses, dont quelques-unes sont fausses et d’autres vraies,
puisqu’elles sont opposées entre elles. Si donc tous les opposés sont
simultanément vrais, ce qui s'ensuit si les contradictoires sont
simultanément vraies, il s'ensuit nécessairement que tout le monde dit la
vérité et que ce qui paraît à quelqu'un est vrai. Il est donc manifeste que
les deux opinions appartiennent à la même théorie ou raison, puisque l'une
est nécessairement consécutive à l'autre. |
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Leçon 10, Texte d’Aristote
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Toutefois, on ne peut adopter la
même attitude envers tous, dans la discussion. Les uns ont besoin de persuasion,
les autres de contrainte logique. Pour ceux qui en sont venus à la conception
dont nous parlons en raison de difficultés réelles, leur ignorance est facile
à guérir: ce n’est pas ici à un simple raisonnement, c'est une véritable
doctrine que nous avons affaire. Quant à ceux qui argumentent pour le plaisir
d'argumenter, on ne peut les guérir qu’en réfutant leur argumentation telle
qu’elle s’exprime dans le discours et dans les mots. Ceux qui réprouvent des
difficultés réelles ont été conduits à cette opinion par la considération des
choses sensibles. Ils ont cru que les contradictoires et les contraires
existent simultanément dans les êtres, en voyant une même chose engendrer les
contraires. Si donc, pensent-ils, il n'est pas possible que rien procède du
Non-être, c’est que, dans l'objet, préexistaient à la fois les contraires
également, ce qui revient à dire, avec Anaxagore, que tout est mêlé dans
tout, ou encore, avec Démocrite, que le Vide et le Plein se trouvent, l'un et
l'autre, indifféremment, dans n'importe quelle partie des êtres; seulement,
pour ce dernier, le Plein c'est l'Etre, et le Vide le Non-être. A ceux dont
la manière de voir repose sur cette argumentation, nous dirons donc qu'en un
sens, leur raisonnement est correct, mais qu'en un autre sens, ils sont dans
l'erreur. L'Etre, en effet, se prend de deux façons; par conséquent, en un
sens, il peut se faire que quelque chose procède du Non-être, tandis qu'en un
autre sens, ce n’est pas possible; il se peut que la même chose soit, en même
temps, être et Non-être, mais non sous le même point de vue de l’Etre: en
puissance, en effet, il est possible que la même chose soit, en même temps,
les contraires, tandis que, en entéléchie, ce n'est pas possible. Nous
prierons aussi ces philosophes de considérer qu'il existe encore, parmi les
êtres, une autre substance, qui n’est en aucune façon sujette, ni au
mouvement, ni à la corruption, ni à la génération. |
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Lectio 10 |
Leçon 10, Commentaire de
saint Thomas [Autres preuves du príncipe de contradiction] (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960)
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ARISTOTE DETRUIT LA
RAISON DE CEUX QUI DISAIENT QUE LES CONTRADICTOIRES ETAIENT SIMULTANEMENT VRAIES;
IL MONTRE QUEL EST L'ARGUMENT A PORTER CONTHE CEUX QUI NIENT LES PREMIERS
PRINCIPES. |
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[82228] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 10 n. 1 Postquam determinavit philosophus et posuit rationes
contra negantes primum principium, hic ostendit quomodo diversimode est
procedendum, quo ad diversos, qui ex diversis viis in praedictum errorem
devenerunt: et dividitur in duas partes. Primo ostendit quod diversimode est
procedendum contra diversos. Secundo incipit procedere alio modo quam supra,
ibi, venit autem dubitantibus. Dicit ergo primo, quod non est idem modus homiliae,
idest popularis allocutionis, vel bonae constructionis, secundum aliam
translationem, idest ordinatae dispositionis vel intercessionis, sicut
in Graeco habetur, idest persuasionis, ad omnes praedictas positiones,
scilicet de veritate contradictionis et veritate eorum quae apparent.
Dupliciter enim aliqui incidunt in praedictas positiones. Quidam enim ex
dubitatione. Cum enim eis occurrunt aliquae sophisticae rationes, ex quibus videantur
sequi praedictae positiones, et eas nesciunt solvere, concedunt conclusionem.
Unde eorum ignorantia est facile curabilis. Non enim obviandum est eis vel
occurrendum ad rationes quas ponunt, sed ad mentem, ut scilicet solvatur
dubitatio de mentibus, per quam in huiusmodi opiniones inciderunt. Et tunc ab
istis positionibus recedunt. |
Après avoir bien élaboré et établi
les raisons qui réfutent ceux qui nient le premier principe, Aristote montre
ici comment il faut procéder diversement par rapport à des penseurs
différents, qui ont abouti à cette erreur par des voies différentes. Ce qu'il
traite en deux parties. En premier, il montre que la réponse doit s’adapter
aux divers philosophes. En second, il commence une réfutation différente de
celle élaborée plus haut, où il dit : "Ceux qui éprouvent des
difficultés etc. " Il dit donc, en premier, qu'on ne peut adopter la
même défense, ou la même rigueur logique, ou la même persuasion,
indifféremment envers toutes les prises de position susdites à l'égard de la
vérité de la contradiction et de la vérité de ce qui apparaît (des
phénomènes). En effet, les penseurs en sont venus à cette conception par deux
voies différentes. Quelques-uns, à partir de difficultés. Ne pouvant résoudre
un certain nombre d'arguments sophistiques qu'ils rencontraient et qui leur
semblaient conduire à cette conception, ils ont finalement admis la
conclusion (de la vérité simultanée des contradictoires ou de la vérité des
phénomènes). C’est pourquoi, leur ignorance est facile à guérir. En effet, il
ne s’agit pas, dans ces cas-là, de s’opposer à ces philosophes ou de
s’attaquer aux raisons qu’ils donnent, mais de tenir compte de leur état
d'esprit, pour résoudre leurs difficultés sur les erreurs qui les ont
conduits à cette conception. Et alors, ils changent leur conception. |
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[82229]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 10 n. 2 Alii vero praedictas positiones prosequuntur non
propter aliquam dubitationem eos ad huiusmodi inducentem, sed solum causa
orationis, idest ex quaedam protervia, volentes huiusmodi rationes
impossibiles sustinere propter seipsas, quia contraria earum demonstrari non
possunt. Et horum medela est argumentatio vel arguitio quae est in voce
orationis et in nominibus, idest per hoc quod ipsa vox orationis aliquid
significat. Significatio autem orationis a significatione nominum dependet.
Et sic oportet ad hoc principium redire, quod nomina aliquid significant;
sicut supra philosophus usus est. |
D’autres cependant tiennent ces
positions, non pas à cause de difficultés réelles qui les auraient conduits à
défendre cette théorie, mais uniquement "à cause du discours" (pour
le plaisir d’argumenter et de jouer sur les mots - l'école des sophistes),
c’est-à-dire à partir d’une certaine impudence, voulant défendre ces théories
impossibles pour elles-mêmes, parce que leurs contraires ne peuvent être
démontrées. Et le remède à apporter à ces derniers adversaires est
l’argumentation fondée "sur le son articulé du discours et sur les
mots", c’est-à-dire fondée sur le fait que le son articulé du discours
signifie quelque chose. Car la signification du discours dépend de la
signification des mots. Et ainsi, il faut retourner au point de départ qui
est que les mots ont un sens, comme l'a fait le Philosophe précédemment. |
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[82230] Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 10 n. 3 Deinde cum dicit venit autem quia superius obviavit
super hoc ex significatione nominum, hic incipit obviare dubitantibus
solvendo eorum dubitationes. Et primo quantum ad illos, qui ponebant
contradictoria esse simul vera. Secundo quantum ad illos qui ponebant omnia
apparentia esse vera, ibi, similiter autem. Circa primum duo facit. Primo
ponit dubitationem quae movet quosdam ad concedendum contradictoria esse
simul vera. Secundo solvit, ibi, igitur ex his. Dicit ergo, quod opinio de
hoc quod contradictio simul verificetur, quibusdam venit per modum
dubitationis ex sensibilibus, in quibus apparet generatio et corruptio et
motus. Videbatur enim quod ex aliquo uno fiebant contraria, sicut ex aqua fit
et aer qui est calidus, et terra quae est frigida. Sed omne quod fit, fit ex
prius existente. Quod enim non est, non contingit fieri, cum ex nihilo nihil
fiat. Oportet ergo quod res fuerit simul in se habens contradictionem; quia
si ex uno et eodem fit calidum et frigidum, fit per consequens calidum et non
calidum. |
Ensuite où il dit : " Ceux
qui éprouvent ... ", le Philosophe commence ici s'attaquer à ceux qui
ont des doutes, en résolvant leurs difficultés. Il passe à cette seconde
étape, parce qu’auparavant il s'est opposée à cette fausse conception, à
partir de la signification des mots. Et, en premier, il établit son
argumentation par rapport à ceux qui affirmaient que les contradictoires
étaient vraies en même temps. En second, par rapport à ceux qui disaient que
tout ce qui apparaît est vrai, où il dit: "Et pareillement encore
etc." Il traite son premier point en deux parties. En premier, il expose
la difficulté qui poussait un certain nombre de philosophes à concéder que
les contradictoires sont simultanément 'Ot vraies. En second, il résout la
difficulté, où il dit : " ceux dont ... ", il dit donc, en premier,
qu'un certain nombre a été conduit à soutenir cette opinion que les
contradictoires sont simultanément vrais à partir des choses sensibles, où
l’on voit la génération et la corruption et le mouvement. En effet, il
semblait que d’un seul élément naissaient des contraires; par exemple, à
partir de l'eau s’engendraient et l’air qui est chaud et la terre qui est
froide. Mais tout ce qui devient, devient à partir de quelque chose de
préexistant. En effet, ce qui n'est pas ne peut devenir, puisque du néant
rien ne se fait. Il faut donc que les contradictoires aient simultanément
préexisté dans l'élément lui-même qui leur donne naissance; car si d'un seul
et même élément naissent le chaud et le froid, il s'ensuit que naissent aussi
le chaud et le non-chaud. |
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[82231] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 10 n. 4 Propter hanc autem rationem Anaxagoras dixit quod omnia
in omnibus miscentur. Ex hoc enim quod videbat quodlibet ex quolibet fieri,
putabat quod nihil posset fieri ex alio nisi ante fuisset ibi. Et huic
rationi videtur acquievisse Democritus. Posuit enim vacuum et plenum in
qualibet parte corporis coniungi. Quae quidem se habent sicut ens et non ens.
Nam plenum se habet sicut ens, vacuum vero sicut non ens. |
C'est à cause de cette raison
qu'Anaxagore dit que tout est mêlé dans tout. En effet, du fait qu’il voyait
que n'importe quoi engendrait n'importe quoi, il pensait que rien ne pouvait
s'engendrer d’une autre chose sans avoir préexisté dans cette chose-là. Il
semble que Démocrite a donné son assentiment à cette raison. En effet, il
affirmait que le plein et le vide se rejoignaient dans toutes les parties du
corps. Or, le plein et le vide sont comme l'être et le non-être. En effet, le
plein tient lieu de l'être et le vide se comporte comme le non-être. |
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[82232]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 10 n. 5 Deinde cum dicit igitur ex solvit praedictam
dubitationem dupliciter. Primo sic, dicens quod sicut dictum est, illis qui
ex dubitatione opinantur praedicta inconvenientia, obviandum est ad mentem.
Igitur ad suscipientes, idest opinantes contradictoria simul
verificari, ex his, idest praedicta ratione dicimus, quod quodammodo
recte dicunt, et quodammodo ignorant quid dicunt, inconvenienter loquentes.
Ens enim dupliciter dicitur; ens actu, et ens in potentia. Cum igitur dicunt
quod ens non fit ex non ente, quodammodo verum dicunt, et quodammodo non. Nam
ens fit ex non ente actu, ente vero in potentia. Unde etiam aliquo modo idem
potest esse simul ens et non ens, et aliquo modo non potest. Contingit enim
quod idem sit contraria in potentia, non tamen perfecte, idest in
actu. Si enim tepidum est in potentia calidum et frigidum, neutrum tamen in
actu. |
Ensuite où il dit : "A ceux
dont ... ", il résout la difficulté précédente de deux manières. En
premier, de la façon suivante. Il dit que, comme on la souligné auparavant à
l’égard de ceux qui ont admis les susdites absurdités à partir de ces
difficultés, il faut porter attention à leur état d'esprit. C’est pourquoi, à
ceux qui admettent la vérité simultanée des contradictoires à partir de la
raison précédente, nous disons qu’en un sens ils ont parlé correctement et
qu’en un autre sens ils ont ignoré ce dont ils parlaient, disant des
idioties. En effet, l’être se dit de deux manières: l'être en acte, l’être en
puissance. Donc, quand ils disaient que l'être ne devient pas du non-être,
d’une certaine façon ils disaient la vérité, d'une autre, non. En effet,
l'être vient du non-être en acte, et de l'être en puissance. De là vient
aussi que, d’une certaine façon, la même chose peut être à la fois être et
non-être et que, d'une autre manière, elle ne peut l'être. En effet, il est
possible que la même chose soit les contraires en puissance, mais non
"parfaitement", c’est-à-dire en acte. En effet, si le tiède est
chaud et froid en puissance, il n’est ni l'un ni l'autre en acte. |
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[82233] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 10 n. 6 Deinde cum dicit amplius autem secundam solutionem
ponit ibi, dicens, quod dignum dicimus, quod ipsi suscipiant vel opinentur
aliquam substantiam esse cui nec insit motus, nec generatio, nec corruptio,
quod probatum est octavo physicorum. Tali autem substantiae non poterit
concludi ex ratione praedicta, quod insint contraria, quia ex ea non fit
aliquid. Et haec solutio videtur procedere secundum Platonicos, qui propter
mutabilitatem sensibilium coacti sunt ponere ideas immobiles, scilicet de
quibus dentur definitiones, et fiant demonstrationes, et certa scientia
habeatur; quasi de his sensibilibus propter eorum mutabilitatem et
admixtionem contrarietatis in eis certa scientia esse non possit. Sed prima
solutio sufficientior est. |
Ensuite quand il dit: "Nous
prierons aussi ... ", il apporte la seconde solution en disant que nous
trouverions juste que ces philosophes admettent ou pensent qu’il y a une
substance où n’existent ni mouvement, ni génération, ni corruption. Ce que
l'on a prouvé dans le huitième livre
des Physiques. Par rapport a une telle substance, on ne pourrait tirer
les conclusions de la raison précédente qui voudrait que les contraires
existent dans cette substance. La raison en est que rien ne devient à partir
d’elle. Cette solution semble se modeler sur l'argumentation des Platoniciens
qui, à cause de la mobilité des choses sensibles, ont été forcés à poser des
idées immobiles, auxquelles on pouvait attribuer des définitions et
desquelles on pouvait construire des démonstrations. Et ainsi, on pouvait
posséder une science certaine. Cette opinion des Platoniciens semblait
impliquer qu'il ne pouvait exister de science certaine concernant les choses
sensibles, à cause de leur mobilité et du mélange des contraires qu'il y a en
elles. Mais ln première solution est plus efficace. |
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Leçon 11, Texte d’Aristote
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Et pareillement encore, c'est la
considération du monde sensible qui a conclut certains à croire à la vérité des
apparences. Ils pensent, en effet, que la vérité ne doit pas se décider
d’après le plus ou moins grand nombre de voix; or la même chose paraît, à
ceux qui en goûtent, douce aux uns et amère aux autres; il en résulterait que
si tout le monde était malade, ou si tout le monde avait perdu l'esprit, à
l'exception de deux ou trois personnes seulement qui eussent conservé la
santé ou la raison, ce serait ces dernières qui passeraient pour malades ou
folles, et non pas les autres: Ces philosophes ajoutent que beaucoup
d'animaux reçoivent, pour les mêmes choses, des impressions contraires aux
nôtres, et que, même pour chaque individu, ses propres impressions sensibles
ne lui semblent pas toujours les mêmes. Lesquelles d’entre elles sont vraies,
lesquelles sont fausses, on ne le voit donc pas bien telles choses ne sont en
rien plus vraies que telles autres, mais les unes et les autres le sont à
égal degré. C'est pourquoi Démocrite assure que, de toute façon, il n’y a
rien de vrai, ou que la vérité, du moins, ne nous est pas accessible. |
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Lectio 11 |
Leçon 11, Commentaire de
saint Thomas [Autres preuves du príncipe de contradiction] (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960)
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QUELLES RAISONS ONT POUSSE
LES PHILOSOPHES A CROIRE QUE TOUTE APPARENCE EST VRAIE |
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[82234] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 11 n. 1 Postquam philosophus solvit dubitationem, ex qua
inducebantur antiqui ad ponendum contradictoria simul esse vera, hic removet
illa, ex quibus aliqui inducebantur ad ponendum omne, quod apparet, esse
verum. Dividitur autem pars ista in duas. Primo ponit dubitationes, ex quibus
aliqui movebantur ad praedictam positionem ponendam. Secundo removet
dubitationes praedictas, ibi, nos autem et ad hanc orationem. Circa primum
duo facit. Primo ponit rationem eorum, ex qua movebantur ad ponendum omne,
quod apparet, esse verum. Secundo
assignat causam praedictae rationis, ibi, omnino vero propter existimare. Dicit ergo primo, quod sicut opinio, quae ponebat
contradictoria simul esse vera, veniebat ex quibusdam sensibilibus, in quibus
contingit contradictoria fieri ex aliquo uno, similiter et veritas quae
est circa apparentia, idest opinio de veritate apparentium, venit ex
quibusdam sensibilibus, illis scilicet qui non protervientes, sed dubitantes
in hanc positionem incidunt. Et hoc quia de eisdem sensibilibus inveniuntur
contrariae opiniones diversorum. Et hoc tripliciter. Primo, quia quibusdam
gustantibus videtur dulce, quod aliis videtur amarum esse. Et sic homines de
omnibus sensibilibus contrariam opinionem habent. Secundo, quia multa
animalia contraria iudicant de sensibilibus nobis. Illud enim quod videtur
sapidum bovi vel asino, mali saporis ab homine iudicatur. Tertio, quia idem
homo in diversis temporibus diversimode iudicat de sensibilibus. Quod enim
nunc videtur sibi dulce et sapidum, alio tempore sibi videtur amarum et
insipidum. |
Après avoir donné une réponse au
problème qui avait conduit les anciens philosophes à soutenir que les
contradictoires étaient simultanément vraies, le Philosophe rejette ici les
difficultés qui en avaient conduit d’autres à soutenir que tout ce qui
apparaît est vrai. Cette partie se divise en deux. En premier, Aristote
expose les difficultés qui avaient poussé certains penseurs à soutenir cette
corruption. En second, il culbute ces difficultés, où il dit: "Nous
répondrons à cet argument etc. " (lec. XIII). Il traite sa première
partie en deux points. En premier, il expose le motif qui les conduisait à affirmer
que tout ce qui apparaît est vrai. En second, il donne la cause de ce motif,
où il dit: "Et, en général, c'est parce que etc. " (lec. XII) il
dit donc, en premier, que "la vérité concernant les apparences",
c'est-à-dire l'opinion qui tient à la vérité des apparences, celle que l'on
rencontre, non pas chez les impudents ou effrontés, mais chez ceux qui la
tiennent de réelles difficultés, a une source identique à l'opinion qui
voulait que les contradictoires soient simultanément vraies: comme cette
dernière provenait de certaines choses sensibles où les contradictoires
peuvent devenir à partir d’un seul élément, ainsi la première vient, elle
aussi, de certaines choses sensibles. Et cela, parce que différentes
personnes soutiennent des opinions contraires sur les mêmes choses sensibles.
Ce qui a lieu de trois manières. En premier, parce que la même chose apparaît
à ceux qui y goûtent, douce aux uns et amère aux autres. Et ainsi, les hommes
entretiennent des opinions contraires sur toutes les choses sensibles. En second,
parce que beaucoup d'animaux ont des impressions contraires aux nôtres sur
ces choses sensibles. Ce qui semble savoureux à la brebis ou à l'âne, l'homme
le juge fort désagréable au goût. En troisième, parce que le même homme, en
des temps différents, juge différemment des choses sensibles. Ce qui semble
actuellement, doux et savoureux, semble amer et insipide en un autre temps. |
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[82235]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 11 n. 2 Nec potest assignari ratio certa per quam fiat manifestum,
quae opinionum istarum sit vera, aut quae sit falsa; quia non magis una earum
videtur vera uni, quam alteri altera. Ergo oportet quod aequaliter sint
verae, vel aequaliter falsae. Et ideo dixit Democritus, quod aut nihil est
determinate verum in rebus; aut si quid est verum, non est nobis manifestum.
Cognitionem enim rerum accipimus per sensus. Iudicium autem sensus non est
certum, cum non semper eodem modo iudicet. Unde nulla certitudo videtur nobis
esse de veritate, ut possimus dicere, quod haec opinio determinate est vera
et contraria determinate est falsa. |
On ne peut pas non plus donner une
raison certaine qui permette de distinguer avec évidence laquelle de ces
opinions est fausse et laquelle est vraie, parce que l'une d’elles ne semble
pas plus vraie à l’un, que l’autre, à un autre homme. Donc, il faut qu'elles
soient également fausses ou également vraies. C’est pourquoi Démocrite a dit
que, ou bien il n’y a rien de déterminément vrai, ou bien, s’il existe une
vérité, elle ne nous est pas accessible. En effet, nous recevons notre
connaissance des choses par les sens. Or, le jugement du sens n'est pas
certain, parce qu'il ne juge pas toujours de la même manière. C’est pourquoi,
il semble qu’il n’existe aucune certitude pour nous de posséder la vérité, de
telle sorte que nous pourrions dire que telle opinion est définitivement
vraie et que l'opinion contraire est décidément fausse (déterminément
fausse). |
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[82236] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 11 n. 3 Sed quia posset aliquis dicere, contra hanc
opinionem, quod aliqua regula potest sumi per quam discernitur inter
contrarias opiniones quae earum sit vera, ut videlicet dicamus quod illud est
verum iudicium de sensibilibus quod dant sani, non quod dant aegrotantes; et
de veritate hoc est verum iudicium, quod dant sapientes et intelligentes, non
autem quod dant insipientes vel stulti: ideo in principio removet istam
responsionem per hoc, quod iudicium certum de veritate non convenienter
potest sumi ex multitudine et paucitate, ut scilicet dicatur esse verum quod
multis videtur, falsum autem quod videtur paucis; cum quandoque illud quod
est pluribus opinabile, non sit simpliciter verum. Sanitas autem et
aegritudo, sive sapientia et stultitia, non videntur differre nisi secundum
multitudinem et paucitatem. Si enim omnes vel plures essent tales quales sunt
illi qui nunc reputantur desipientes vel stulti, illi reputarentur sapientes.
Et qui nunc reputantur sapientes, reputarentur stulti. Et similiter est de
sanitate et aegritudine. Non ergo credendum est magis iudicio sani et
sapientis de falsitate et veritate, quam iudicio infirmi et insipientis. |
Mais parce qu'on pourrait
soutenir, contre cette opinion, que l'on peut trouver un critère qui permette
de distinguer laquelle parmi dos opinions contraires est vraie, par exemple,
un critère qui permettrait de dire que le jugement vrai qui porte sur les
choses sensibles est celui que donnent les hommes sains, non les malades; et
que le jugement vrai sur la vérité est celui que donnent les sages et les hommes
intelligents, non pas celui que donnent des têtes légères ou des idiots,
Aristote rejette immédiatement cette réponse par le fait que le jugement vrai
sur la vérité ne peut convenablement se prendre d'après la plus ou moins
grande quantité, de telle sorte qu'on pourrait dire, vrai ce qui semble tel à
un grand nombre, et faux, ce qui semble tel à un petit nombre. En effet, ce
qui, parfois, semble probable à plusieurs n’est pas absolument vrai. Or la
santé et la maladie, la sagesse et l'idiotie, ne semblent différer que par la
grande ou la petite quantité. En effet, si tous les hommes ou la plupart
ressemblaient à ceux que nous jugeons sots ou idiots, on considérerait ces
derniers comme sages; et ceux que l'on considère, actuellement comme sages,
on les considérerait comme sots. Le cas de la santé et de la maladie est
semblable. Donc, on ne peut se fier davantage aux jugements de l'homme sain
et du sage qu’à ceux du malade et de l'imbécile. |
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Leçon 12, Texte d’Aristote
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Et, en général, c'est parce que
ces philosophes identifient la pensée avec la sensation, et celle-ci avec une
simple altération physique, que ce qui apparaît au sens est nécessairement,
selon eux, la vérité. C’est, en effet, pour ces raisons, qu'Empédocle et
Démocrite, et, pour ainsi dire, tous les autres philosophes, sont tombés dans
de pareilles opinions. Pour Empédocle, changer notre état physique, c'est
changer notre pensée: D'après ce qui se présente aux sens, l'intelligence
croît, en effet, chez les hommes, et dans un autre passage, il dit que: « Autant les hommes deviennent autres, autant à leurs esprits,
toujours, des pensées différentes se présentent. Parménide s’exprime aussi de
la même manière : car, de même que, en tout temps, le mélange forme les
membres souples, ainsi se présente la pensée chez les hommes ; car c’est
la même chose que l'intelligence et que la nature des membres des hommes, en
tous les hommes et pour tout homme, car ce qui prédomine dans le corps fait
la pensée. » On rapporte encore cette sentence
d'Anaxagore à certains de ses amis: à savoir que les êtres seront tels qu'on
les conçoit. Homère aussi, dit-on, a manifestement partagé cette opinion,
puisqu’il a représenté Hector, délirant par l'effet de sa blessure, étendu,
pensant d'autres pensées, ce qui suppose que ceux qui pensent de travers ont
encore des pensées, bien que ce ne soit plus les mêmes. Evidemment, donc,
s'il y a deux sortes de raison, les êtres réels aussi sont à la fois ainsi et
non ainsi. Et c'est là, où les conséquences d’une pareille doctrine sont le
plus difficilement admissibles. Si, en effet, ceux qui ont le plus nettement
aperçu toute la vérité possible pour nous (et ces hommes sont ceux qui la
cherchent et l'aiment avec le plus d'ardeur), si ces hommes ont de pareilles
opinions et professent ces doctrines sur la vérité, comment n’est-il pas
naturel qu’on abord avec découragement les problèmes de la Philosophie?
Poursuivre des oiseaux au vol: voilà ce que serait la recherche de la vérité.
La raison de l'opinion de ces
philosophes, c'est que, considérant la vérité dans les êtres, ils ont entendu
par êtres les seules choses sensibles. Or il y a dans les choses sensibles
beaucoup d’indétermination et de cette sorte d'être que nous avons reconnu
plus haut. C'est ce qui explique pourquoi l'opinion en question, tout en
n’étant pas l'expression de la vérité, n'est cependant pas sans vraisemblance
d’appréciation d'une plus grande justesse que celle d'Epicharme sur
Xénophane). De plus, ces philosophes, voyant que toute cette nature sensible
était en mouvement, et qu'on ne peut juger de la vérité de ce qui change,
pensèrent qu’on ne pouvait énoncer aucune vérité, du moins sur ce qui change
partout et en tout sens. Cette manière de voir s'épanouit dans la plus
radicale de toutes les doctrines que nous avons mentionnées, qui est celle
des philosophes se disant disciples d'Héraclite, et telle que l'a soutenue
Cratyle; ce dernier en venait finalement à penser qu'il ne faut rien dire, et
il se contentait de remuer le doigt; il reprochait à Héraclite d'avoir dit
qu’on ne descend pas deux fois dans le même fleuve, car il estimait, lui,
qu'on ne peut même pas le faire une fois ! |
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Lectio 12 |
Leçon 12, Commentaire de
saint Thomas [La vérité ne consiste pas dans l’apparence] (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960)
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ARISTOTE EXPOSE LES
DEUX CAUSES QUI ONT FAIT CROIRE A CERTAINS PHILOSOPHES ANCIENS QUE LA VERITE
DES CHOSES CONSISTE DANS L'APPARENCE. |
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[82237] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 1 Ostendit causam praedictae positionis. Et primo ex parte sensus. Secundo ex parte
sensibilium, ibi, huius autem opinionis causa et cetera. Circa primum tria
facit. Primo ponit causam praedictae positionis ex parte sensus. Secundo
recitat diversorum opiniones, quae in hanc causam concordaverunt, ibi, ex his
Empedocles et cetera. Tertio invehit contra eos, ibi, quare gravissimum.
Dicit ergo primo, quod antiqui hoc opinabantur, quod prudentia sive sapientia
vel scientia non esset nisi sensus. Non enim ponebant differentiam inter
sensum et intellectum. Cognitio autem sensus fit per quamdam alterationem
sensus ad sensibilia: et ita quod sensus aliquid sentiat, provenit ex
impressione rei sensibilis in sensum. Et sic semper cognitio sensus respondet
naturae rei sensibilis, ut videtur. Oportet igitur, secundum eos, quod illud,
quod videtur secundum sensum, sit de necessitate verum. Cum autem
coniunxerimus quod omnis cognitio est sensitiva, sequitur quod omne quod
alicui apparet quocumque modo, sit verum. |
Aristote, montre la cause de la
susdite conception. Et, en premier, du côté du sens. En second, du côté, des
choses sensibles, où il dit : "La raison de l'opinion de ces philosophes
etc. " Il traite son premier point en trois parties. En premier, il
donne le cause de la susdite conception du côté des sens. En second, il
rapporte l'opinion de quelques philosophes qui ont été d'accord sur la
validité de cette cause, où il dit : "C'est, en effet, pour ces
raisons qu’Empédocle etc. " En troisième, il s'emporte contre ces
philosophes, où il dit : "Et c’est là où les conséquences etc." Il
dit donc, on premier, que les anciens croyaient que la prudence ou la sagesse
ou la science n'était affaire que du sens (n’appartenait qu’au sens). En
effet, il ne mettait pas de différence entre le sens et l'intelligence. Or,
la connaissance du sens se fait par une altération du sens à l’égard des
choses sensibles, de telle sorte qu'il sent quelque chose à cause de l'impression
de la chose sensible sur lui. Et ainsi, la connaissance du sens correspond
toujours à la nature de la chose sensible, comme il semble. Il faut donc,
d'après ces philosophes, que ce qui est connu conformément au sens soit vrai
de toute nécessité. Si nous ajoutons à cette dernière réflexion que toute
connaissance est sensitive, il s’ensuit que tout ce qui appartient à
quelqu’un de quelque manière que ce soit, est vrai. |
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[82238]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 2 Haec autem ratio non solum deficit in hoc, quod
ponit sensum et intellectum idem, sed et in hoc quod ponit iudicium sensus
nunquam falli de sensibilibus. Fallitur enim de sensibilibus communibus et
per accidens, licet non de sensibilibus propriis, nisi forte ex
indispositione organi. Nec oportet, quamvis sensus alteretur a sensibilibus,
quod iudicium sensus sit verum ex conditionibus rei sensibilis. Non enim
oportet quod actio agentis recipiatur in patiente secundum modum agentis, sed
secundum modum patientis et recipientis. Et inde est quod sensus non est
quandoque dispositus ad recipiendum formam sensibilis secundum quod est in
ipso sensibili; quare aliter aliquando iudicat quam rei veritas se habeat. |
Cette dernière raison est non
seulement déficiente en ce qu’elle identifie le sens et l’intelligence, mais
aussi en cela qu’elle pose que le jugement du sens ne se trompe jamais à
propos des choses sensibles. En effet, il se trompe sur les sensibles communs
et sur les sensibles par accident, bien qu'il ne se trompe pas à l'égard.des
sensibles propres, à moins d’une indisposition organique. Il n’est pas
nécessaire non plus que, même s’il est altéré par les choses sensibles, son
jugement soit vrai par dépendance des conditions de la chose sensible. En
effet, il n’est pas nécessaire que l’action de l'agent soit reçue dans le
patient selon le mode de l'agent. Ce qui est nécessaire c'est que cette
action soit reçue selon le mode du patient ou du recevant. De là vient que le
sens n'est pas toujours disposé (apte) à recevoir la forme de la chose
sensible conformément à ce qu'elle est dans la chose sensible elle-même;
c’est pourquoi, le sens juge quelque fois autrement qu'il en est dans la
réalité. |
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[82239] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 3 Deinde cum dicit ex his enim recitat diversorum
opiniones assentientium causis praedictis. Omnia autem dicta eorum, quae
inducit, tendunt ad duo. Quorum primum est, quod intellectus sit idem cum
sensu. Aliud est, quod omne quod videtur sit verum. Dicit ergo, quod ex
praedictis rationibus Empedocles et Democritus et singuli aliorum sunt facti
rei talibus opinionibus, ut est dicere verisimile, idest sicut
verisimiliter coniecturare possumus ex eorum dictis. |
Ensuite, où il dit: "C’est, en
effet, pour ces relisons ... ", il rapporte les opinions des divers
philosophes qui ont donné leur assentiment aux causes ci-haut mentionnées.
Or, toutes leurs affirmations, qu'Aristote rapporte, tendent aux deux
conceptions suivantes. La première est que l'intelligence s'identifie au
sens. La seconde est que tout ce qui apparaît est vrai. Il dit donc que, pour
les raisons précédentes, Empédocle et Démocrite et tous les autres
philosophes sont tombés dans de pareilles opinions, "comme on peut probablement
l'affirmer", c’est-à-dire comme on peut vraisemblablement le deviner à
partir de leurs écrits. |
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[82240]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 4 Dicit enim Empedocles quod illi, qui permutant habitum,
idest dispositionem corporis, permutant etiam prudentiam; quasi intellectus
cuius est prudentia, sequatur habitudinem corporis, sicut et sensus. Nam
prudentia crescit in hominibus ad apparens, idest per hoc quod aliquid
de novo incipit apparere homini, profectus scientiae fit in homine: sed hoc
fit per hoc quod dispositio corporis variatur. Alia translatio habet melius: ad
praesens enim voluntas vel consilium augetur hominibus, quasi dicat:
secundum dispositiones diversas praesentes, nova consilia, sive novae
voluntates, sive novae prudentiae hominibus augentur; quasi consilium sive
voluntas non sequatur aliquam vim intellectivam in homine, quae sit praeter
sensum, sed solam dispositionem corporis quae variatur secundum praesentiam
diversarum rerum. In aliis autem libris suis dicit Empedocles quod quantum ad
alterationem transformat, idest secundum quantitatem qua homo transformatur
in alteram dispositionem corporis, tanta eis est semper cura inquit, id est
quod tot curae sive sollicitudines seu prudentiae hominibus adveniunt. Quod quidem est difficile. Alia translatio melius sic habet. Quia
quantumcumque mutati fiant, intantum secundum ipsas semper sapere alia
statutum est sive stultum. Vel ipsis affuit secundum aliam
literam: quasi dicat, quod quantumcumque homo mutatur in dispositione
corporis, intantum semper alia sapientia, quasi alium intellectum et aliam
sapientiam habens. |
En effet Empédocle dit que ceux
qui changent "leur habitus", c’est-à-dire leur disposition
physique, changent aussi de prudence; comme si l'intelligence, à laquelle la
prudence appartient, dépendait de la disposition corporelle, comme cela a
lieu pour le sens. Car la prudence croit chez les hommes "en fonction de
l'apparence". Ce qui signifie que du fait que quelque chose commence à
apparaître de nouveau à l'homme, il y a progrès dans sa science: ce qui a
lieu cependant à cause de la variation d’une disposition physique. Une autre
traduction comporte un meilleur sens : "La volonté ou le conseil
augmente dans l'homme d'après le moment présent". C'est comme si Empédocle
disait: d'après les diverses dispositions présentes, de nouveaux conseils, ou
de nouvelles volontés, ou de nouvelles prudences croissent en l'homme. Cette
opinion semblerait impliquer que le vouloir ou le conseil ne serait pas
consécutif à quelque puissance intellectuelle dans l'homme, puissance qui
existerait en dehors du sens, mais serait consécutif à la seule disposition
corporelle qui varie en fonction de la présence des diverses choses. Dans ses
autres livres, Empédocle dit que le poids de la sollicitude chez l'homme est
en fonction de la dimension de la transformation qui s'opère chez lui en une
autre disposition corporelle, c'est-à-dire qu'il y a autant de soucis ou de
sollicitudes ou de prudences chez l'homme qu'il y a en lui de transformations
en de nouvelles dispositions physiques. Ce qui comporte un sens difficile.
Une autre traduction dit avec plus de bonheur: "En effet, il est de
règle (ou il est sottement vrai) qu'autant il y a de changements dans
l'homme, autant il apprécie (il comprend) des choses différentes". Un
autre texte dit : "Autant afflue chez lui un savoir différent".
C'est comme si Empédocle disait: chaque changement dans les dispositions
corporelles s'accompagne d'une nouvelle sagesse; en d'autres mots, chaque
changement trouve l’homme en possession d'une autre intelligence et d'une
autre sagesse. (Autant les hommes deviennent autres, autant à leurs esprits,
toujours, des pensées différentes se présentent). |
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[82241] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 5 Deinde ponit opinionem Parmenidis ad idem; dicens,
quod Parmenides de rerum veritate enuntiat eodem modo sicut Empedocles. Dicit
enim quod sicut unusquisque habet dispositionem membrorum valde
circumflexorum, vel multae flexionis, secundum aliam literam, ita
intellectus hominibus: quasi dicat, quod in membris hominis est multa
varietas et circumvolutio ad hoc quod talis membrorum dispositio adaptetur ad
operationem intellectus, qui sequitur membrorum complexionem, secundum eum.
Ipse enim dicit quod idem est quod curavit, idest quod curam habet
sive prudentiam de membris ex natura membrorum: et quod est in omnibus,
idest in singulis partibus universi, et quod est in omni, idest in
toto universo. Sed tamen aliter nominatur in toto universo, et in singulis
partibus universi et etiam in homine. Et hoc in toto universo, dicitur Deus.
In singulis autem partibus universi, dicitur natura. In homine autem, dicitur
intellectus. Et sic hoc habet plus in homine quam in aliis partibus universi,
quia in homine illa virtus intelligit propter complexionem determinatam
membrorum, non autem in aliis rebus. In quo etiam datur intelligi quod
intellectus sequitur complexionem corporis, et per consequens non differt a
sensu. Alia translatio planius habet sic. Idem enim quod quidam sapit
membrorum, non est in hominibus et omnibus et omnium. Plus enim est
intellectus. |
Ensuite, Aristote rapporte
l'opinion de Parménide portant sur le même problème. Il dit que Parménide
s’exprime sur la vérité des choses de la même manière qu’Empédocle. En effet,
Parménide dit que, comme chaque homme est composé de membres décrivant des
courbes compliquées (de forme plus ou moins circulaire), ou de membres d'une
grande souplesse, d'après un autre texte, ainsi en est-il de l'intelligence
chez les hommes. Parménide semblerait dire que la grande variété et les
nombreux enroulements qui existent dans les membres de l'homme sont là pour
réaliser une disposition de ces membres adaptée à l'opération de
l'intelligence, qui est consécutive à la structure de ces membres. Parménide
dit en effet que c’est exactement la même chose qui possède la prudence ou le
soin des membres, à partir de la nature des membres, et qui existe "en
toutes choses", c’est-à-dire dans chaque partie de l'univers, et qui est
"dans le tout", c'est-à-dire dans tout l'univers. Cependant on
nomme cette chose identique différemment quand on l'envisage par rapport à
tout l’univers, par rapport à chacune des parties de l'univers et par rapport
à l’homme. En tant qu'elle existe dans tout l'univers, on l'appelle Dieu. En
tant qu'elle existe dans chaque partie, on l’appelle nature; et dans l’homme,
on l'appelle intelligence. Et cette chose a quelque chose de plus dans
l’homme que dans les autres parties de l'univers, parce que dans l’homme
cette puissance ou cette vertu intellige à cause de la constitution
déterminée des membres; ce qui n'existe pas dans les autres parties. Par là,
on peut aussi comprendre que l’intelligence est consécutive à la constitution
et à la structure du corps et que, par conséquent, elle ne diffère pas du
sens. Une autre traduction comporte ce sens avec plus de clarté. Ce que
chacun ressent dans ses membres n'est pas identique dans les hommes et pour
tous les hommes et en toutes choses. En effet, l'intelligence est quelque
chose de plus. |
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[82242] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 6 Deinde ponit opinionem Anaxagorae qui pronuntiavit
ad quosdam suos socios vel amicos reducendo eis ad memoriam, quia talia sunt
eis entia, qualia suscipiunt sive opinantur. Et hoc est secundum quod in
illis dictis philosophorum tangitur, scilicet quod veritas sequatur
opinionem. |
Ensuite il rapporte l'opinion
d'Anaxagore qui a dit à certains de ses associés ou amis, en se rappelant à leur
mémoire, que pour eux les êtres sont tels qu’ils les conçoivent. Voilà ce que
l'on remarque dans les paroles de ces philosophes: la vérité est consécutive
à l’opinion. |
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[82243]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 7 Deinde ponit opinionem Homeri, de quo dicunt, quod
videbatur eamdem opinionem habere. Fecit enim in sua recitatione Hectorem
iacere quasi in extasi a plaga sibi illata aliud cunctantem, idest
aliud cogitantem quam prius, vel aliena sapientem, secundum aliam
translationem, scilicet ab his quae prius sapuerat, quasi cunctantem quidem
et non cunctantem, idest in illo strato, in quo iacebat percussus, esset
sapiens et non sapiens: sed non quantum ad eadem; quia quantum ad illa, quae
tunc sibi videbantur sapiens erat; quantum autem ad illa quae prius sapuerat
et iam sapere desierat, non erat sapiens. Alia translatio sic habet: sapientes
quidem et desipientes: quasi dicat, fuit de Hectore qui sapiebat aliena
post plagam, ita contingit et de aliis quod sunt simul sapientes et
desipientes, non secundum eadem sed secundum diversa. |
Il rapporte ensuite l'opinion
d’Homère qui, dit-on, semblait partager cette opinion. Dans son épopée en
effet, il représente Hector étendu, délirant par l'effet des blessures qu'il
avait reçues, "s’attardant à autre chose", c'est-à-dire
réfléchissant sur d'autres pensées que: celles qu'il avait auparavant ou,
d’après une autre traduction, comprenant des choses différentes de celles
qu’il comprenait antérieurement, comme s'il s'attardait et ne s'attardait pas
sur cette couche où, blessé, il était couché. Hector était prudent et ne
l’était pas, mais pas par rapport aux mêmes choses: par rapport aux choses
qui lui apparaissaient à ce moment-là, il était sage; par rapport à celles
qu'il avait connu et qu'il ne connaissait plus, il n'était pas sage. Une
autre traduction dit ceci: l" Sages et insensés", comme si elle
disait ceci : comme il en fut d'Hector qui pensait fort différemment après sa
blessure, ainsi il peut arriver aux autres d'être an même temps sages et
insensés, non pas par rapport aux mêmes choses, mais par rapport à des choses
diverses. |
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[82244] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 8 Ex omnibus autem praedictis philosophorum
opinionibus concludit conclusionem intentam, scilicet quod si utraeque sint
prudentiae, scilicet secundum quas homo existimat contraria mutatus de una
dispositione in aliam; quod omne id quod existimatur sit verum. Non enim
esset prudentia existimare falsum. Unde sequitur quod entia similiter se habeant
sic et non sic. |
A partir de toutes les opinions
ci-haut mentionnées des philosophes, Aristote en arrive à la conclusion qu'il
recherchait : s'il s’agit de deux véritables prudences selon lesquelles l’homme,
ayant passé d'une disposition à l'autre, donne son assentiment à des choses
contraires, tout ce qui est ainsi jugé comme vrai l'est en réalité. En effet,
accorder valeur au faux n’est pas prudence. Il s'ensuit donc que s'il y a
deux prudences contraires, les êtres pareillement sont à la fois ainsi et non
ainsi. |
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[82245] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 9 Deinde cum dicit quare et invehit contra praedictos
philosophos, dicens, quod gravissimum accidens est quod eis accidit. Nam si illi,
qui maxime viderunt verum inquantum contingit ab homine posse videri,
scilicet praedicti philosophi, qui etiam sunt maxime quaerentes et amantes
verum, tales opiniones et tales sententias proferunt de veritate, quomodo non
est dignum praedictos philosophos dolere de hoc, quod eorum studium
frustratur, si veritas inveniri non potest? Alia litera habet quomodo non
est dignum relinquere vel respuere philosophari conantes? Idest quod homo
non adhaereat his, qui volunt philosophari, sed eos contemnat. Nam si nullum
verum potest ab homine de veritate sciri, quaerere veritatem est quaerere
illud, quod non potest homo habere, sicut ille qui prosequitur vel fugat
volatilia. Quanto enim magis prosequitur, tanto magis ab eo elongantur. |
Ensuite, quand il dit : " Et
c’est là où ... ", il s'emporte contre ces philosophes, en disant que
c'est là le malheur le plus grave qui pouvait leur arriver. Si, en effet,
ceux qui ont le plus nettement aperçu la vérité, en autant qu'elle peut être
vue par l'homme, c'est-à-dire ces philosophes que nous avons mentionnés, et
qui, en même temps, sont ceux qui la recherchent et l’aiment, avec le plus
d'ardeur, si ces hommes, dis-je, ont de pareilles opinions et professent de
telles doctrines sur la vérité, comment ne serait-il pas juste de les voir se
plaindre douloureusement de l'inutilité de leur effort et de leur zèle, la
vérité étant par hypothèse, inaccessible? Un autre texte dit : " Comment
n'est-il pas juste qu’on délaisse ou qu'on méprise ceux qui travaillent les
problèmes de la philosophie? " Ce dernier texte dirait qu'on ne
s'attache pas à ceux qu’veulent se livrer à la philosophie, mais qu'on les
méprise. En effet, si l'homme ne peut rien connaître de la vérité, rechercher
la vérité c'est rechercher ce qu'on ne peut posséder, comme celui qui
poursuit ou fuit des oiseaux au vol. Plus il s'approche des oiseaux, plus les
oiseaux s'en éloignent. |
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[82246] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 10 Deinde cum dicit huius autem assignat causam praemissae
opinionis ex parte sensibilium; scilicet quae causa praedictae opinionis
etiam ex parte sensibilium ponebatur. Nam, cum sensibile sit prius sensu
naturaliter, oportet quod dispositio sensuum sequatur sensibilium
dispositionem. Assignat autem ex parte sensibilium duplicem causam; quarum
secunda ponitur, ibi, amplius autem omnium et cetera. Dicit ergo primo, quod
causa opinionis praedictorum philosophorum fuit, quia cum ipsi intenderent
cognoscere veritatem de entibus, et videretur eis quod sola sensibilia entia
essent, totius veritatis doctrinam diiudicaverunt ex natura sensibilium
rerum. In rebus autem sensibilibus multum est de natura infiniti sive
indeterminati, quia in eis est materia, quae quantum est de se non
determinatur ad unum, sed est in potentia ad multas formas: et est in eis
natura entis similiter ut diximus, videlicet quod esse rerum sensibilium non
est determinatum, sed ad diversa se habens. Unde non est mirum si non
determinatam cognitionem ingerit sensibus, sed huic sic, et alteri aliter. |
Ensuite où il dit : "La
raison de l'opinion ... ", il donne la cause de l'opinion précédente, du
côté des choses sensibles. La cause de l'opinion précédente se posait aussi
du côté des choses sensibles. En effet, comme le sensible est naturellement
antérieur au sens, il faut que la disposition du sens soit consécutive à la
disposition des choses sensibles. Aristote donne une double cause, du côté
des choses sensibles. Il assigne la seconde cause où il dit: "De plus,
ces philosophes etc." La cause de l'opinion de ces philosophes fut,
dit-il, que, voulant connaître la vérité sur les êtres, et croyant que seuls
les êtres sensibles existaient, ils ont établi et jugé la doctrine concernant
toute la vérité à partir de la nature des choses sensibles. Or, dans les
choses sensibles, ce qui relève de la nature de l'infini ou de l'indéterminé
est considérable, parce que la matière existe en elles, laquelle, considérée
en elle-même, n'est pas déterminée à sens unique, mais est en puissance à
quantité de formes, La nature de l’être qui se trouve dans ces choses
sensibles s’en ressent et ressemble à cette indétermination: l'être des
choses sensibles n’est pas détermine, mais il est ouvert à des voies
diverses. C’est pourquoi, il n'est pas étonnant que l'être sensible n'offre
pas une connaissance déterminée aux sens, mais qu'il se présente ainsi à
celui-ci et autrement à un autre. |
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[82247]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 11 Et propter hoc praedicti philosophi decenter sive
verisimiliter loquuntur ratione praedicta. Non tamen verum dicunt in hoc quod
ponunt nihil determinatum esse in rebus sensibilibus. Nam licet materia
quantum est de se indeterminate se habeat ad multas formas, tamen per formam
determinatur ad unum modum essendi. Unde cum res cognoscantur per suam formam
magis quam per materiam, non est dicendum quod non possit haberi de rebus
aliqua determinata cognitio. Et tamen quia verisimilitudinem aliquam habet
eorum opinio, magis congruit dicere sicut ipsi dicebant, quam sicut dicit
Epicharmus ad Xenophanem, qui forte dicebat omnia immobilia et necessaria
esse, et per certitudinem sciri. |
Pour cette raison, c'est avec
vraisemblance et convenance que ces philosophes ont parlé de cette façon.
Cependant, ils n'ont pas dit la vérité sur le point où ils ont affirmé qu'il
n'y avait rien de déterminé dans les choses sensibles. Car bien que la
matière, quant à ce qui tient à elle-même, est indétermination à, l’égard
d’une multitude de formes, elle est cependant déterminée par la forme à un
seul mode d'être. C'est pourquoi, puisque les choses sont davantage connues
par leur forme que par leur matière, il ne faut pas dire qu'il ne peut y
avoir aucune connaissance déterminée sur les choses. Et cependant parce
qu’une telle opinion comporte une port de vraisemblance, il est plus
convenable de parler comme ces philosophes; que comme l'a fait Epicharme et
Xénophane, disant, semble-t-il, que tout l’air immobile et nécessaire et
connaissable avec certitude. |
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[82248] Sententia Metaphysicae,
lib. 4 l. 12 n. 12 Deinde cum dicit amplius autem ponit secundam causam
ex parte sensibilium sumptam; dicens quod philosophi viderunt omnem hanc
naturam, scilicet sensibilem, in motu esse. Viderunt etiam de permutante,
idest de eo quod movetur, quod nihil verum dicitur inquantum mutatur. Quod
enim mutatur de albedine in nigredinem, non est album nec nigrum inquantum
mutatur. Et ideo si natura rerum sensibilium semper permutatur, et omnino,
idest quantum ad omnia, ita quod nihil in ea est fixum, non est aliquid
determinate verum dicere de ipsa. Et ita sequitur quod veritas opinionis vel
propositionis non sequatur modum determinatum essendi in rebus, sed potius id
quod apparet cognoscendi; ut hoc sit esse verum unumquodque quod est alicui
apparere. |
Ensuite quand il dit : "De
plus, ces philosophes ... ", il donne la seconde cause prise du côté des
choses sensibles. Il dit que ces philosophes ont vu toute la nature, à savoir
sensible, en mouvement. Ils ont vu aussi qu’on ne pouvait rien dire de vrai
sur ce qui change, en tant même qu'il change. En effet, ce qui passe du blanc
au noir, n’est pas blanc ni noir, en tant même qu'il change. C'est pourquoi,
si la nature des choses sensibles est toujours en mouvement, et ce la dans la
totalité des êtres qu'elle comprend, de telle sorte qu'il n'y a rien de
stable en elle, il n’y a pas lieu de dire quelque chose de déterminément vrai
à son sujet. De là, il s’ensuit que la vérité de l'opinion ou de la
proposition ne découle pas d'un mode déterminé d'être des choses, mais plutôt
de ce qui apparaît au connaissant, de telle sorte qu'est vrai tout ce qui
apparaît à quelqu’un. |
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[82249] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 12 n. 13 Et quod ista fuerit eorum ratio, ex hoc patet. Nam
ex hac susceptione sive opinione pullulavit opinio dictorum philosophorum summa
vel extrema, idest quae invenit quid summum vel extremum huius
sententiae, quae dicebat heraclizare, idest sequi opinionem Heracliti,
vel sequentium Heraclitum secundum aliam literam, idest qui dicebant se
opinionem Heracliti sequi qui posuit omnia moveri, et per hoc nihil esse
verum determinate. Et hanc opinionem habuit Cratylus, qui ad ultimum ad hanc
dementiam devenit, quod opinatus est quod non oportebat aliquid verbo dicere,
sed ad exprimendum quod volebat, movebat solum digitum. Et hoc ideo, quia
credebat quod veritas rei quam volebat enuntiare, primo transibat, quam
oratio finiretur. Breviori autem spatio digitum movebat. Iste autem Cratylus
reprehendit vel increpavit Heraclitum. Heraclitus enim dixit quod non potest
homo bis intrare in eodem flumine, quia antequam intret secundo, aqua quae
erat fluminis iam defluxerat. Ipse autem existimavit, quod nec semel potest
homo intrare in eumdem fluvium, quia ante etiam quam semel intret, aqua
fluminis defluit et supervenit alia. Et ita non solum etiam non potest homo
bis loqui de re aliqua antequam dispositio mutetur, sed etiam nec semel. |
Et, que telle fut la raison de ces
philosophes, en voici l'évidence. La conception de ces philosophes, en effet,
s’est épanouie dans une doctrine extrême, ridicule, qui est celle des
philosophes qui se disaient disciples d’Héraclite, qui a affirmé que tout est
en mouvement et que, par là, il n'existe aucune vérité déterminée. C’est
l'opinion que tenait Cratyle, qui est finalement parvenu à la folie de croire
qu’il ne faut rien dire. Pour exprimer ce qu’il voulait, il remuait un seul
doigt. Et cela parce qu'il croyait que la vérité de la chose qu'il voulait
énoncer disparaissait avant la fin de son discours. Il remuait le doigt dans
le plus petit espace possible. Ce même Cratyle s'en est pris à Héraclite. En
effet, Héraclite disait que l'homme ne pouvait descendre dans le même fleuve
deux fois, parce qu'avant la seconde descente l'eau du fleuve s’était
écoulée. Mais Cratyle jugeait que l'homme ne peut pas entrer une seule fois
dans le même fleuve, parce qu'avant même qu’il y soit entré une fois, l'eau
du fleuve s'est écoulée et a été remplacée par une autre. Et ainsi, non
seulement l'homme ne peut parler deux fois d'une chose avant que la
disposition de cette chose ne change, mois il ne peut pas non plus en parler
une seule fois. |
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Leçon 13, Texte d’Aristote
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Nous répondrons à cet argument que
l’objet qui change, quand il change, donne assurément à ces philosophes
quelque raison de ne pas croire à son existence. Encore cela est-il douteux,
Car, enfin, ce qui est en train de perdre une qualité possède encore quelque
chose de ce qui est en train de se perdre, et, de ce qui devient, quelque
chose doit déjà être. En général, un être qui périt renfermera encore de
l’être, et, s’il devient, il est nécessaire que ce d'où il vient, et ce par
quoi il est engendré, existe, et aussi que ce processus n’aille pas à
l’infini. Mais passons sur ces considérations : disons seulement qu’il
n’y a pas d’identité entre changement quantitatif et changement qualitatif.
Que, selon la quantité, les êtres ne persistent pas, soit; mais c'est d’après
la forme que nous connaissons toutes choses. Il y a encore un autre reproche
encouru par ceux qui pensent ainsi: c’est d'étendre à l’univers tout entier
des observations qui ne portent que sur les objets sensibles, et même que sur
un petit nombre d'entre eux. En effet, la région du sensible qui nous
environne est la seule où règnent la génération et la corruption, mais elle
n’est même pas, si l'on peut dire, une partie du tout; de sorte qu'il eût été
plus juste d’absoudre le monde sensible en faveur du monde céleste, que de
condamner le monde céleste à cause du monde sensible. Enfin, il est clair que
nous pouvons reprendre, à l'égard de ces philosophes, la réponse que nous
avons faite précédemment: nous devons leur montrer qu’il existe une réalité
immobile, et les en persuader. Ajoutons que, de toute façon, ceux qui
professent l’existence simultanée de l’être et du non-être sont cependant
conduits à admettre que toutes choses sont plutôt en repos qu’en
mouvement : il n’y a rien, en effet, en quoi elles puissent se
transformer, puisque tout est dans tout. |
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Lectio 13 |
Leçon 13, Commentaire de
saint Thomas [Le changement des choses sensibles ne nuit pas à leur vérité]
(Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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ARISTOTE MONTRE PAR
SIX RAISONS QUE LE CHANGEMENT DES CHOSES SENSIBLES NE NUIT EN RIEN A LEUR
VERITE. |
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[82250] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 13 n. 1 Disputat contra praedicta. Et primo quantum ad hoc quod
ponebant de mutabilitate rerum sensibilium. Secundo quantum ad hoc quod
dicebatur de apparentia sensuum, ibi, de veritate vero quod non est. Circa
primum, ponit sex rationes; quarum prima talis est. Qui existimat non esse de
eo quod non est, veram opinionem habet, et veram orationem profert si hoc
enuntiat: sed quod mutatur, dum mutatur non est, nec illud ad quod mutatur,
nec illud ex quo mutatur: ergo aliquid vere potest dici de eo quod mutatur.
Sic ergo possumus dicere contra praedictam rationem vel orationem,
idest opinionem dicentem quod de eo quod mutatur nihil potest verum dici,
quia permutans, idest quod mutatur, quando permutat, idest
quando permutatur, habet quamdam orationem vel rationem veram in eis,
idest secundum praedictorum opinionem non existimari, idest quod non
existimetur aliquid ei inesse. |
Aristote argumente contre les
opinions précédentes. En premier, par rapport à ce qu'elles affirmaient sur
la mobilité des choses sensibles. En second, sur ce qu'elles affirmaient à
propos de l'apparence des sens, où il dit : "Au sujet de la vérité etc.
" (lec. XIV). Sur le premier point, il accumule six raisons, dont voici
la première. Celui qui juge que n’existe pas ce qui n'est pas possède une
opinion vraie et, s’il l'énonce, profère un discours vrai ; mais ce qui
change, au moment même où il change, n’est ni ce qu’il sera au terme du
changement, ni ce qu'il était au début du changement; donc on peut dire que
quelque chose de vrai sur ce qui change. Nous pouvons donc affirmer contre la
raison, ou le discours, ou l'opinion qui veut qu’on ne puisse dire aucune
vérité sur ce qui change, que ce qui change, lorsqu'il change, reçoit une
opinion ou une raison vraie de la part de ceux qui jugent qu’il n’y a rien
dans cette chose en changement (ou qu'elle n’existe pas). |
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[82251]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 13 n. 2 Deinde cum dicit est etiam secundam rationem ponit,
quae talis est. Omne quod permutatur, habet iam aliquid de termino ad quem permutatur;
quia quod mutatur, dum mutatur, partim est in termino ad quem, et partim in
termino a quo, ut probatur in sexto physicorum; vel secundum aliam literam abiiciens
habet aliquid eius quod abiicitur. Et ex hoc datur intelligi quod in eo
quod movetur, sit aliquid de termino a quo: quia quamdiu aliquid movetur,
tamdiu terminus a quo abiicitur; non autem abiiceretur nisi aliquid eius
inesset subiecto mobili. Et eius quod fit, necesse est iam aliquid esse: quia
omne quod fit fiebat, ut probatur sexto physicorum. Patet etiam, quod si
aliquid corrumpitur, quod adhuc aliquid sit; quia si omnino non esset, iam
esset omnino in corruptum esse, et non in corrumpi. Similiter autem si
aliquid generatur, oportet quod sit materia ex qua generatur, et agens a quo generatur.
Hoc autem non est
possibile procedere in infinitum; quia ut probatur in secundo, nec in causis
materialibus, nec in agentibus, in infinitum proceditur. Sic igitur est magna dubitatio contra eos qui
dicunt, quod de eo quod movetur nihil potest vere dici: tum quia in eo quod
movetur et generatur est aliquid de termino ad quem: tum quia in omni
generatione et motu oportet ponere aliquid ingenitum et immobile ex parte
materiae et agentis. |
Ensuite où il dit: "Encore
cela est-il douteux…", il donne la seconde raison et se formule ainsi.
Tout ce qui change possède déjà quelque chose du terme en lequel il change,
parce que ce qui change, lorsqu’il change, existe en partie dans le terme
"ad quem" et en partie dans le terme "a quo", comme on le
prouve au sixième livre des Physiques.
D’après un autre texte: "Ce qui perd quelque chose possède une partie de
ce qu’il perd". Il faut comprendre par là que, dans ce qui change,
existe quelque chose du terme "a quo"; en en effet, aussi longtemps
qu'une chose change, le terme "a quo" est en voie de disparition;
or, il ne serait pas en voie de disparition s'il n’y avait pas encore quelque
chose de lui dans le sujet mobile. Et il est nécessaire qu'il existe déjà
quelque chose de ce qui devient, car tout ce qui devient devenait, comme on
le prouve dans le sixième livre des
Physiques. Il est aussi évident que si quelque chose se corrompt, il en
reste encore quelque chose (si un être périt il renferme encore de l'être),
car s'il était complètement disparu, il serait déjà complètement corrompu et
non en voie de se corrompre. Pareillement, si quelque chose est engendré, il
faut qu’il y ait une matière à partir de laquelle il est engendré et un agent
par lequel il est engendré. Il n'est pas possible que ce processus aille à
l'infini, parce que, comme on l'a montré dans le deuxième livre, il n’y a de
processus à l'infini ni dans les causes matérielles, ni dans les c:mses
efficientes. Ainsi donc, s'élève une énorme difficulté pour ceux qui disent
qu'on ne peut rien dire de vrai sur ce qui change: et parce que dans ce qui
change et est engendré existe quelque chose du terme "ad quem"; et
parce que, dans toute génération et tout mouvement, il faut poser quelque
chose d’inengendré et d’immobile du côté de la matière et de l'agent. |
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[82252] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 13 n. 3 Deinde cum dicit sed haec tertiam rationem ponit. Et
haec ratio contradicit eis quantum ad causam, ex qua opinionem sumpserunt,
quia omnia sensibilia semper moventur. Moti enim sunt ad hoc dicendum ex his
quae augentur. Viderunt enim quod
aliquid per unum annum crescit secundum modicam quantitatem; et crediderunt
quod motus augmenti esset continuus, ita quod quantitas, secundum quam
attenditur augmentum divideretur proportionaliter secundum partes temporis,
ita quod in qualibet parte fieret augmentum alicuius quantitatis, cuius
proportio esset ad totam quantitatem, sicut proportio partis temporis ad
totum tempus. Unde, cum iste motus sit insensibilis, existimaverunt similiter
quod ea quae videntur quiescere, moventur, sed motu insensibili. |
Ensuite où il dit : "Mais
passons sur ces considérations ... ", il donne la troisième raison. Et
cette raison, s'oppose à ces philosophes relativement à la cause qui était à l'origine
de leur opinion, à savoir que toutes les choses sensibles sont toujours en
mouvement. En effet, c’est le mouvement de croissance dans les êtres qui les
a poussés à faire cette affirmation. Ils ont en effet remarqué que la
longueur de la croissance pendant la période d'une année était modeste. De
plus, ils croyaient que le mouvement de croissance était continu, de telle
sorte que la quantité, d'après laquelle se prend la croissance, pouvait se
diviser proportionnellement selon les parties du temps; et ainsi, en chacune
des parties du temps se faisait une croissance d'une certaine quantité, dont
le: rapport, toute la quantité était comme celui d'une partie du temps à
toute la période du temps. C'est pourquoi, par référence à ce mouvement
insensible, ils jugèrent que, pareillement, se mouvait ce qu’ils voyaient
être en repos, quoique d'un mouvement insensible. |
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[82253]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 13 n. 4 Dicit ergo contra illos, quod praetermissis illis, quae
dicta sunt, patet quod non est idem motus secundum quantitatem, et secundum
qualitatem vel formam. Et quamvis concedatur eis quod motus secundum
quantitatem sit continuus in rebus, et quod omnia hoc motu semper
insensibiliter moveantur, tamen secundum qualitatem vel formam non oportet
quod propter hoc semper omnia moveantur. Et ita poterit haberi cognitio de
rebus determinata; quia res magis cognoscuntur per suam speciem quam per suam
quantitatem. |
Aristote dit contre eux que,
laissant de côté les considérations précédentes, il tient seulement à
remarquer qu’évidemment le mouvement quantitatif n'est pas identique au
mouvement qualitatif ou au mouvement selon la forme. Et bien qu’on leur
concède que le mouvement selon la quantité soit continu dans les choses, et
que tout ce qui est mû selon ce mouvement l'est de façon insensible, il n'est
pas nécessaire d'admettre pour cette raison que tout change continuellement
selon la qualité ou la forme. Et ainsi, il pourra y avoir une connaissance
déterminée sur les choses, car les choses sont plus connues par leur espèce
que par leur quantité. |
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[82254] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 13 n. 5 Deinde cum dicit amplius autem quartam rationem
ponit, dicens, quod dignum est renuere sive increpare sic existimantes,
idest opinantes, scilicet quod omnia sensibilia sunt semper in motu, propter
hoc quod paucorum sensibilium numerum inveniunt sic se habentem, cum tamen
plura sensibilia immobilia sint, nisi quantum ad motum localem. Constat enim
quod sola sensibilia quae sunt hic circa nos in sphaera activorum et
passivorum, sunt in generatione et corruptione. Huiusmodi autem locus est
quasi nihil respectu universi. Nam tota terra non habet sensibilem
quantitatem respectu supremae sphaerae. Ideo se habet ad eam sicut centrum, sicut astrologi
probant per hoc quod semper sex signa zodiaci super terram apparent. Quod non esset, si terra aliquam partem caeli sensu
notabilem a nobis occultaret. Stultum enim fuit de tota natura sensibili
iudicare propter illa pauciora; immo tolerabilius fuisset quod tota natura
sensibilis fuisset diiudicata secundum modum caelestium corporum, quae multum
excedunt alia in quantitate. |
Ensuite où il dit: "Il y a
encore ... ", il apporte la quatrième raison, en disant qu'il est juste
de faire un autre reproche à ceux qui tiennent l'opinion que tous les
sensibles sont toujours en mouvement, parce qu’ils ont étendu à tout
l’univers une observation qui ne portait que sur un nombre restreint de
choses sensibles, puisqu’il y a une multitude de choses sensibles qui sont
immobiles quant, tous les mouvements à l'exception du mouvement local. Il
appert, en effet, que seuls les corps sensibles qui, ici, près de nous, font
partie de la sphère des corps actifs et passifs, sont soumis à la génération
et à la corruption. Or, cette sphère n'est rien en comparaison au reste de
l'univers. En effet, toute la terre n’a aucune quantité sensible par
comparaison à la sphère suprême des corps. C’est pourquoi, elle constitue un
centre par rapport à la sphère céleste, comme le prouvent les astrologues par
le fait que six signes du zodiaque, apparaissent continuellement sur la
terre. Ce qui ne pourrait avoir lieu si une partie notable du ciel pouvait
être vue de la terre, C'est pourquoi, il est sot de juger de toute la nature
sensible à partir du peu qu'on observe; de même, il serait tolérable et
avantageux de juger de toute la nature sensible à partir du mouvement (ou du
mode d’être) des corps célestes, qui dépassent infiniment en quantité tous
les autres corps. |
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[82255]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 13 n. 6 Deinde cum dicit amplius autem quintam rationem
ponit, dicens, quod contra haec dicenda sunt ea quae supra sunt dicta in hoc
eodem libro; scilicet quod sit quaedam natura immobilis, scilicet natura
primi motoris, ut probatum est in octavo physicorum. Et hoc est dicendum
contra eos, et ipsi debent hoc credere, sicut alibi probatum est. Et ideo non
est verum, quod omnia sint semper in motu, et quod nihil vere de aliquo
possit dici. |
Ensuite où il dit :
"Enfin, il est clair... ", il donne une cinquième raison en disant
que, contre cette opinion, il faut reprendre ce qu'on il dit auparavant dans
ce même livre, à savoir qu’il y a une certaine "nature immobile" à
celle du premier moteur, comme on l’a prouvé dans le huitième livre des Physiques. Il faut bien
montrer à ces philosophes que cette réalité immobile existe et, eux, ils
doivent en être persuadés, comme on l'a prouvé ailleurs. C’est pourquoi, il
n'est pas vrai que tout soit continuellement en mouvement et qu’on ne puisse
rien dire de vrai sur une chose. |
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[82256] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 13 n. 7 Deinde cum dicit et etiam sextam rationem ponit,
dicens, quod illa positio, qua ponunt omnia moveri, repugnat primae eorum positioni,
qua ponuntur contradictoria simul verificari de eodem: quia si aliquid simul
est et non est, magis sequitur quod omnia quiescant quam quod omnia
moveantur. Nihil enim
permutatur ad hoc quod iam inest ei; sicut quod iam est album non mutatur ad
albedinem. Si autem idem
contingit simul esse et non esse, omnia insunt omnibus, ut supra probatum
est, quia omnia sunt unum. Et ita non erit in quod possit aliquid permutari. |
Ensuite où il dit: " Ajoutons
que ...", il apporte la sixième raison, en disant que la conception qui
veut que tout change s’oppose à la première opinion de ces philosophes qui
veut que les contradictoires se vérifient simultanément d'une même chose: car
si une chose, est et n’est pas en même temps, il s'ensuit davantage que tout
soit en repos plutôt que tout soit en mouvement. En effet, rien ne se
transforme en ce qui existait déjà en lui; ainsi, ce qui est déjà blanc ne
peut devenir blanc. Si donc il est possible que le même soit et ne soit pas
en même temps, tout est en tout comme on l'a montré plus haut, parce que
toutes choses sont une. Et ainsi il n'y aura rien en quoi une chose peut
changer. |
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Leçon 14, Texte d’Aristote
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Au sujet de la vérité, nous devons
soutenir que tout ce qui apparaît n’est pas vrai. D’abord, en admettant même
que la sensation ne nous trompe pas, du moins sur son objet propre, on ne
peut cependant identifier l’image et la sensation. Ensuite, on est en droit
de s’étonner de difficultés comme : les grandeurs et les couleurs
sont-elles réellement telles qu’elles apparaissent de loin, ou telles
qu’elles apparaissent de près? Sont-elles réellement telles qu’elles
apparaissent aux malades ou aux hommes bien portants? La pesanteur est-elle
ce qui paraît pesant aux faibles ou bien aux forts? La vérité est-elle ce
qu'on voit en dormant ou dans l'état de veille? Sur tous ces points, en
effet, il est clair que nos adversaires ne croient pas ce qu'ils disent. Il
n'y a personne, du moins, qui, rêvant une nuit qu’il est à Athènes, alors
qu’il est en Libye, se mette en marche vers l’Odéon. De plus, en ce qui
concerne le futur, selon la remarque de Platon, l’opinion du médecin et celle
de l’ignorant n’ont certainement pas une égale autorité, quand il s’agit de
savoir, par exemple, si le malade recouvrera ou non, la santé. Enfin, parmi
les sensations considérées en elles-mêmes, le témoignage d’un sens n'offre
pas la même valeur quand il s'agit de l’objet d’un autre sens que lorsqu'il
s'agit de son objet propre, ou même quand il s’agit de l'objet d’un sens
voisin que lorsqu’il s'agit de l'objet du sens lui-même: c’est la vue qui
juge de la couleur, et non le goût; c'est le goût qui juge de la saveur, et
non la vue. Aucun de ces sens, dans le même temps, appliqué au même objet, ne
nous dit jamais que cet objet soit simultanément ainsi et non ainsi. Bien
plus, même en des temps différents, un sens ne peut pas être en désaccord
avec lui-même, du moins au sujet de la qualité; le désaccord peut seulement
porter sur le substrat auquel la qualité appartient. Je prends un exemple: le
même vin, soit parce qu'il aura lui-même changé, soit parce que notre corps
aura changé, pourra paraître doux à tel moment, et, à tel autre moment,
non-doux. Mais ce n’est, du moins, pas le doux, tel qu'il est quand il
existe, qui jamais encore ait changé; on a toujours la vérité à son sujet, et
ce qui sera doux est nécessairement tel. Et pourtant, c'est cette nécessité
que ruinent tous les systèmes en question, de même qu'ils nient toute substance,
ils nient aussi qu’il y ait rien de nécessaire, puisque le nécessaire ne peut
être à la fois d’une manière et d’une autre; et, par conséquent, si quelque
chose est nécessaire, elle ne sera pas à la fois ainsi et non ainsi. - En
général, si vraiment le sensible existait seul, rien n'existerait si les
êtres animés n’existaient pas, puisque alors il n’y aurait pas de sensation.
Et sans doute est-il vrai de dire qu’il n’y aurait ni sensible, ni sensations
(car ce sont des modifications du sujet sentant); mais que les substrats, qui
produisent la sensation, n’existassent pas aussi indépendamment de la
sensation, c'est ce qui est inadmissible. En effet, la sensation n'est
assurément pas sensation d'elle-même, mais il y a quelque chose d'autre
encore en dehors de la sensation, et donc l'existence est nécessairement
antérieure à la sensation, car le moteur a sur le mobile une antériorité
naturelle. En admettant même que le sensible et la sensation soient des
termes corrélatifs, cette antériorité n'en existe pas moins. |
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Lectio 14 |
Leçon 14, Commentaire de
saint Thomas [La vérité des choses n’est pas leur apparence] (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960)
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PAR SEPT RAISONS, ARISTOTE
PROUVE QUE LA VERITE DES CHOSES NE CONSISTE PAS DANS L'APPARENCE. |
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[82257] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 1 Hic incipit procedere contra ipsam rationem de veritate
apparentium: et circa hoc duo facit. Primo improbat hanc opinionem. Secundo
inducit conclusionem intentam, ibi, igitur quia cunctorum. Circa primum duo
facit. Primo disputat contra illos, qui praedictam positionem propter aliquam
rationem vel dubitationem posuerunt. Secundo contra protervientes, ibi, sunt
autem quidam. Circa primum ponit septem rationes. Circa primam sic dicit.
Ostensum est, quod non omnia sunt mutabilia, sed de veritate quod non omne
apparens sit verum, ista consideranda sunt: quorum primum est quod sensus
non est proprie causa falsitatis, sed phantasia, quae non est idem sensui:
quasi dicat: diversitas iudiciorum, quae dantur de sensibilibus, non provenit
ex sensu, sed ex phantasia, ad quam propter aliquod impedimentum naturae proveniunt
deceptiones sensuum. Phantasia autem non est eadem sensui, ut probatur tertio
de anima, sed est motus factus a sensu secundum actum. Unde quod ipsi
attribuerunt sensui istam diversitatem iudiciorum, per quam unus iudicatur
falsum sentire de hoc, de quo alius verum sentit, non convenienter faciunt.
Alia translatio melius habet, et primum quidem quia nec sensus falsus
proprii est. Sed phantasia non idem est sensui: quasi dicat, quod nullus
sensus de proprio obiecto decipitur, sicut visus non decipitur de coloribus.
Ex quo patet quod iudicium sensus de sensibili proprio est determinatum. Unde
oportet determinatam veritatem esse in rebus. |
Aristote commence ici à argumenter
directement contre le concept de la vérité de l'apparence. Ce qu'il fait en
deux points. En premier, il combat cette conception. En second, il tire la
conclusion qu’il recherchait, où il dit : "Nous en avons dit assez pour
établir ... " (Lec. XV, n° 718). Il traite son premier point en deux
parties. En premier, il argumente contre ceux qui ont soutenu cette
conception à cause de quelque raison qu'ils croyaient valable, ou à cause de
quelque difficulté. En second, il argumente contre les impudents ou les
insolents, où il dit: "Il y a des philosophes etc. " (lec. XV) Pour
prouver sa première partie, il apporte sept raisons. Voici comment il formule
sa première raison. On a montré que toutes choses ne sont pas mobiles, mais
"à propos de la vérité qui établit que certaines apparences ne sont pas
vraies ", voici certains points qu'il faut considérer. Le premier est
que ce n’est pas le sens qui est proprement la cause de l’imagination (la
fantaisie), qui ne s'identifie pas au sens. Aristote dit à peu de choses
près, que la diversité des jugements qui se fait à propos des choses
sensibles ne provient pas du sens, mais de l’imagination, à laquelle
parviennent, à cause de quelque empêchement ou obstacle de la nature, les
erreurs des sens. Or, l'imagination n'est pas identique au sens, comme on le
prouve dans le troisième livre du traité
de l'Ame, mais elle est un mouvement provenant du sens conformément à son
acte propre. C'est dire que ces philosophes ont attribué faussement au sens
cette diversité des jugements, où l'un des sens juge fausse la sensation
qu'il a sur tel objet sensible, alors qu'un autre sens juge vraie sa
sensation sur le même objet. Une autre traduction comporte un meilleur sens:
"Et tout d’abord parce que le sens ne se trompe pas sur son objet
propre. Mais l'imagination n’est pas identique au sens". Ce dernier
texte dirait donc qu'aucun sens ne se trompe sur son objet propre, comme la
vue ne fait pas d'erreur sur les couleurs. De là il appert que le jugement du
sens sur son sensible propre est déterminé. Donc, il faut qu’il y ait une
vérité déterminée dans les choses. |
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[82258]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 2 Et si obiiciatur quod aliquando etiam circa
sensibilia propria error accidit, respondet quod hoc non est ex sensu, sed ex
phantasia, per cuius indispositionem aliquando contingit quod id quod per
sensum accipitur, aliter ad ipsam perveniat quam sensu percipiatur, sicut
patet in phreneticis in quibus organum phantasiae est laesum. |
Et si on objecte que parfois
certaines erreurs du sens se glissent même par rapport aux sensibles propres,
il faut répondre que ces erreurs ne sont pas imputables au sens mais à
l’imagination, dont l'indisposition peut faire que, parfois, ce qui est perçu
par le sens lui parvienne d'une autre façon. Ce qui est visible dans le cas
de certaines folies où il y a lésion de l'organe de l'imagination. |
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[82259] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 3 Deinde cum dicit deinde dignum secundam rationem
ponit, circa quam sic dicit. Dignum est admirari si aliqui de hoc quaerunt,
vel dubitant, secundum aliam literam, utrum magnitudines tales sint
quales videntur a remotis, vel quales videntur a propinquis. Quasi enim per
se verum est quod sensus propinquas magnitudines iudicat tales esse quales
sunt, remotas autem minores quam sint, quia quod a remotiori videtur, videtur
minus, ut in perspectiva probatur. |
Ensuite où il dit: "Ensuite,
on est en droit ... ", il donne la seconde raison, qu'il formule ainsi.
On est en droit de s’étonner lorsque certains penseurs demandent si les
grandeurs sont réellement telles qu'elles apparaissent au loin, ou telles
qu'elles apparaissent de près. N’est-il pas quasi absolument vrai que le sens
juge les grandeurs rapprochées est elles qu'elles sont, alors qu'il juge les
grandeurs éloignées moins grandes qu'elles ne le sont, parce que ce qui est
vu de loin est vu comme diminué, ainsi qu'on le prouve dans la science de la
perspective. |
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[82260]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 4 Et simile est si quis dubitat utrum colores sint tales
quales videntur a remotis, vel quales videntur a propinquis. Constat enim
quod virtus agentis quanto plus in remotis porrigitur in agendo, tanto
deficientior eius invenitur effectus. Ignis enim minus calefacit quae
distant, quam quae sunt propinqua. Unde et color corporis perfecti sensitivi
non ita immutat perfecte in remoto ut in propinquo diaphanum. Et propter hoc
verius est iudicium sensus de coloribus sensibilibus in propinquo quam in
remoto. |
Le cas est semblable pour celui
qui se demande si les couleurs sont telles qu’elles apparaissent lorsque vues
de loin ou telles qu'elles apparaissent lorsque vues de près. En effet, il
est {vident que plus la vertu de l’agent s'étend, dans son action, à des
objets lointains, plus son effet est faible et appauvri. Le feu réchauffe
moins les objets lointains que les objets proches. C’est pourquoi la couleur
d’’un corps sensible, parfait n’altère pas le diaphane avec autant de
perfection de loin que de près. De là vient que le jugement du sens sur les s
couleurs sensibles est plus vrai de près que de loin. |
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[82261] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 5 Et simile est etiam si quis dubitat utrum aliqua
talia sint qualia videntur sanis, aut qualia videntur laborantibus,
idest infirmis. Sani enim habent organa sensuum bene disposita, et ideo
species sensibilium in eis recipiuntur prout sunt, et propter hoc verum est
iudicium sanorum de sensibilibus. Organa vero infirmorum sunt indisposita.
Unde non convenienter immutantur a sensibilibus. Et propter hoc eorum
iudicium de eis non est rectum, ut patet in gustu: cuius organum quia in
infirmis corruptis humoribus est infectum, ea quae sunt boni saporis eis
insipida videntur. |
Une autre question, qui ressemble
aux précédentes, est celle qui demande si certains objets, comme les couleurs
et les grandeurs, sont réellement tels qu’ils apparaissent aux malades ou aux
hommes en santé. En effet, les organes des gens en santé sont bien disposés
et, ainsi, ces gens reçoivent les espèces des choses sensibles telles qu'elles
sont; donc, c’est leur jugement qui est vrai au sujet ries choses sensibles.
Les organes des malades sont en mauvaise condition. C’est pourquoi, ils sont
moins aptes à recevoir l’immutation des choses sensibles. Et donc, leur
jugement sur les choses sensibles n'est pas correct, comme on le voit dans le
cas du goût: parce que l'organe du goût est infecté d’humeur corrompues chez
les malades, ce qui est vraiment savoureux leur paraît insipide. |
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[82262] Sententia Metaphysicae,
lib. 4 l. 14 n. 6 Et
simile iterum est utrum pondera sint ita gravia sicut videntur debilibus, vel
sicut videntur robustis. Constat enim quod robusti de ponderibus iudicant
secundum quod sunt. Non autem ita est in debilibus in quibus difficultas ad
sustinendum pondus, non solum provenit ex magnitudine ponderis, quemadmodum
in robustis, sed etiam ex paucitate virtutis. Unde etiam parva pondera eis
magna videntur. |
Une autre question ressemble aux
précédentes: on demande si la pesanteur est ce qui paraît pesant aux faibles
ou bien aux forts. Il est évident que ce sont les forts qui jugent bien des
poids. Chez les faibles où la difficulté de supporter un poids vient non
seulement de la grandeur du poids, comme chez les forts, mais aussi de leur
propre faiblesse, un poids léger pourra paraître grand. |
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[82263] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 7 Simile est si aliqui dubitant utrum veritas sic se
habeat sicut videtur dormientibus aut sicut videtur vigilantibus. In
dormientibus enim ligati sunt sensus, et ita iudicium eorum de sensibilibus
non potest esse liberum, sicut est iudicium vigilantium, quorum sensus sunt
soluti. Supra autem dictum est quod mirandum est si dubitant, quia ex eorum
actibus apparet quod non dubitant, nec existimant omnia praedicta iudicia
aequaliter esse vera. Si enim aliquis existens in Lybia in somnis videat se
esse Athenis, vel aliquis existens Parisiis videat se esse in Hungaria in
somnis, a somno surgens non talia operatur, qualia operaretur si in vigilia
hoc percepisset. Iret enim ad Odion, idest ad locum quemdam qui est Athenis,
si in vigilia se Athenis esse videret, quod non facit si hoc somniavit. Ergo
patet quod putat similiter esse verum, quod videtur dormienti et vigilanti. |
Une autre question rejoint les précédentes:
la vérité est-elle ce qu'on voit en dormant ou dans l’état de veille? Chez
ceux qui dorment les sens sont liés ainsi, leur jugement sur les choses
sensibles ne peut être libre comme le jugement de ceux qui sont éveillés,
dont les sens ne sont pas déterminés de cette façon. On a dit plus haut qu’il
était vraiment étonnant de voir ces penseurs se poser de telles questions
parce que, à partir de leur manière d'agir, on voit clairement qu'ils ne
doutent pas, ni qu’ils jugent que tous les jugements ci-haut décrits sont
également vrais. Il n’y a personne en effet, qui, rêvant une nuit qu’il est à
Athènes, alors qu’il est en Libye, ou rêvant qu'il est en Hongrie, alors
qu’il est à Paris, se lève et se mette à accomplir ce qu’il ferait en état de
veille. En effet, il irait à l’Odéon, c'est-à-dire en un endroit quelconque
situé dans Athènes; s'il se voyait, bien réveillé, dans Athènes; ce qu'il ne
fait pas, si cette promenade n'est qu'un songe. Donc, il est évident qu’il ne
tient pas également pour vrai ce qui apparaît au dormeur et à l'homme
éveillé. |
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[82264]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 8 Similiter potest argui de aliis quaestionibus
praedictis. Licet enim oretenus de talibus quaerant, tamen de eis in mente
non dubitant. Unde patet rationem, esse nullam, qua ponebant omne quod
videtur esse verum. Hoc enim ponebant, quia diversarum opinionum non potest
accipi quae verior sit, sicut supra dictum est. |
On peut argumenter de la même
façon à propos des autres questions soulevées précédemment. En effet, bien
que ces penseurs se posent oralement ces questions, à l'intérieur de leur
esprit il n’y a pas de doute. De là vient qu'il est évident que le motif qui
leur fait dire que tout ce qui apparaît est vrai est nul. En effet, ils
fondaient leur opinion sur le fait qu'entre di verses opinions on ne peut en
trouver une qui soit plus vraie qu'une autre, comme on l'a dit plus haut. |
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[82265] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 9 Deinde cum dicit amplius autem tertiam rationem ponit;
dicens quod de futuris, sicut Plato dicebat, non similiter est propria,
idest principalis firma et vera et digna credi opinio medici, et ignorantis
medicinam, sicut de hoc futuro quod est infirmatum sanari vel non sanari. Nam
medicus, qui scit causam sanitatis, potest aliqua signa sanitatis futurae
praescire, quae nescit artis medicinalis ignarus. Unde patet quod stulta est
opinio, qua creditur omnes opiniones aequaliter esse veras. |
Ensuite où il dit: "De plus,
en ce qui concerne ... ", il donne la troisième raison. Il dit qu’en ce
qui concerne le futur, il ’est comme le dit Platon fort différent d’accorder
sa confiance à l'opinion "propre", c’est-à-dire ferme, pleine
d'autorité, du médecin, et a celle d’un ignorant de la médecine, quand il
s’agit de savoir, par exemple, si le malade recouvrera, ou non, la santé. En
effet, le médecin, qui connaît la cause de la santé, peut prévoir certains
signes de la santé future, signes qu'ignore ce lui qui n’a aucune notion de
cet art. Il est donc évident qu'il s'agit d'une opinion vraiment folichonne
que celle qui croit que toutes les opinions sont également vraies. |
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[82266]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 10 Deinde cum dicit amplius autem quartam rationem
ponit, quia in sensibilibus non similiter est propria, idest vera et
credibilis iudicatio sensus de alieno sensibili, et de proprio. Sicut visus
non similiter iudicat de coloribus et gustus. Sed credendum est de coloribus
iudicio visus. Et de chymis, idest saporibus, iudicio gustus. Unde si
visus iudicet aliquid dulce esse, et gustus percipit idem esse amarum,
credendum est magis gustui quam visui. |
Ensuite où il dit: "Enfin,
parmi les sensations ... ", il donne la quatrième raison établissant que
dans les choses sensibles il ne faut pas accorder égale autorité au jugement
du sens portant sur son sensible propre et au jugement portant sur un
sensible qui lui est étranger. Ainsi, à vue et le goût ne jugent pas
pareillement des couleurs. Il faut vraiment se fier au jugement de la vue par
rapport aux couleurs. En ce qui concerne les saveurs, il faut admettre le
jugement du goût. Donc, si la vue juge que quelque chose est doux et que le
goût juge la même chose amère, il faut accorder une plus grande confiance au
goût. |
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[82267] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 11 Et similiter etiam non est aequalis ponderis
iudicium sensus de proprio sensibili, et de eo quod est proprio propinquum.
Propinqua autem propriis sensibilibus hic dicuntur sensibilia communia, ut
magnitudo, numerus, et huiusmodi, circa quae magis decipitur sensus quam
circa sensibilia propria, minus tamen quam circa sensibilia alterius sensus,
vel circa ea quae sunt sensibilia per accidens. Et ita patet quod stultum est
dicere omnia iudicia aequaliter esse vera. |
Et pareillement, le jugement du
sens sur son sensible propre et son témoignage à l’égard d'un sensible voisin
de son sensible propre n'ont pas le même poids. On appelle, ici, voisins des
sensibles propres, les sensibles communs, comme la grandeur, le nombre et les
qualités de cette sorte, par rapport auxquels le sens se trompe plus que
relativement aux sensibles propres, bien que les erreurs à son égard soient
moins nombreuses que celles relatives aux sensibles d'un autre sens ou aux
sensibles par accident. Il est donc manifestement sot de dire que tous les
jugements sont également vrais. |
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[82268]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 12 Deinde cum dicit quorum unusquisque quintam rationem
ponit; dicens, quod nullus sensus in eodem tempore simul dicit circa idem ita
se habere et non habere. In eodem enim tempore non dicit visus aliquid esse
album et non album, nec bicubitum et non bicubitum, nec dulce et non dulce.
Sed quamvis in diversis temporibus videatur iudicium sensus opposita de eodem
iudicare, nunquam tamen dubitatio accidit ex iudicio circa passionem ipsam
sensibilem, sed circa passionis subiectum, verbi gratia, de eodem subiecto,
scilicet vino, gustui quandoque videtur quod est dulce, et quandoque quod non
est dulce. Quod provenit vel propter mutationem corporis sensibilis, vel
instrumenti quod est infectum amaris humoribus; et sic quicquid gustat ei non
dulce videtur; vel propter mutationem ipsius vini. Sed nunquam gustus mutat
iudicium suum quin ipsam dulcedinem talem iudicet esse qualem perpendit in
dulci, quando iudicavit eam esse dulcem; sed de ipsa dulcedine semper verum
dicit, et semper eodem modo. Unde si iudicium sensus est verum, sicut ipsi
ponunt, sequitur etiam quod natura dulcis ex necessitate sit talis, et sic
aliquid erit determinate verum in rebus. Sequitur etiam quod nunquam
affirmatio vel negatio sunt simul vera, quia nunquam sensus simul dicit
aliquid esse dulce et non dulce, ut dictum est. |
Ensuite où il dit : "Aucun de
ces sens ... ", il donne la cinquième raison. Aucun de ces sens, dit
Aristote, dans le même temps, appliqué au même objet, ne nous dit jamais que
cet objet est simultanément ainsi et non ainsi. Dans le même temps en effet,
la vue ne dit pas que quelque chose est blanc et non-blanc, qu'il a deux
pieds cubes et qu'il ne les a pas, qu'il est doux et non-doux. Et bien qu'en
des temps différents le jugement du sens semble reconnaitre des qualités
opposées dans la même chose, jamais pourtant le doute ne provient du jugement
portant sur la qualité sensible elle-même, mais sur la qualité du sujet. Par
exemple, à propos du même sujet, le vin, le goût dit parfois, qu'il semble
doux et parfois qu'il semble non-doux. La cause en est ou le changement du
corps sensible ou le changement de l’instrument qu’est infecté d’humeurs
amères. S’il s’agit du dernier cas, tout ce que le goût goûtera lui semblera
amer; dans le premier cas, c’est le vin lui-même qui aura changé. Mais jamais
le goût ne modifie son jugement sans juger que la douceur elle-même est bien
telle qu’il l’avait jugée dans le vin doux quand il jugea qu'elle était
douce; à propos de la douceur elle-même, le goût dit toujours la vérité et de
la même manière. C’est pourquoi, si le jugement du sens est vrai, comme
l’affirment ces penseurs eux-mêmes, il s’ensuit aussi que la nature du doux
est nécessairement telle et qu'ainsi il y aura quelque chose de déterminément
vrai dans les choses. Il s'ensuit aussi que jamais l'affirmation et la
négation ne sont simultanément vraies, parce que, mais le sens ne dit
simultanément que quelque chose est doux et non-doux, comme on l'a dit
auparavant. |
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[82269] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 13 Deinde cum dicit quamvis et sextam rationem ponit,
dicens, quod praedictae rationes omnes vel opiniones sicut auferunt omnia
substantialia praedicata, ut supra ostensum est, ita auferunt omnia
praedicata necessaria. Sequitur enim quod nihil de altero praedicatur
substantialiter aut necessario. Et quod non substantialiter, ex supra dictis
patet. Quod autem non necessario, sic probatur. Quia necessarium est, quod
non contingit aliter se habere. Si ergo omne quod est, est sic vel aliter,
secundum eos qui dicunt contradictoria simul esse vera, et oppositas
opiniones, sequetur quod nihil sit necessarium in rebus. |
Ensuite quand il dit : "Et
pourtant... ", il donne la sixième raison en disant que toutes les
raisons ou opinions susdites, de même qu'elles enlèvent tous les prédicats
substantiels, comme on l'a montré auparavant, détruisent aussi tous les
prédicats nécessaires. En effet, il s'ensuit que rien ne se prédique
substantiellement ou nécessairement l’un autre. Que tout prédicat substantiel
soit supprimé, cela est évident par nos réflexions antérieures. Que toute
prédication nécessaire soit détruite, en voici la preuve. Ce qui est
nécessaire ne peut être autre qu'il n'est. Si donc tout ce qui est, est ainsi
ou autrement, d'après ceux qui disent que les contradictoires sont
simultanément vraies et que les opinions opposées sont vraies aussi, il s'ensuit
qu'il n'y a rien de nécessaire dans les choses. |
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[82270]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 14 Deinde cum dicit et ex toto septimam rationem ponit,
dicens. Si omne apparens est verum, nec aliquid est verum nisi ex hoc ipso quod
est apparens sensui, sequetur quod nihil est nisi inquantum sensibile est in
actu. Sed si solum sic aliquid est, scilicet inquantum est sensibile,
sequetur quod nihil sit si non erunt sensus. Et per consequens si non erunt
animata vel animalia. Hoc autem est impossibile. |
Ensuite où il dit : "En
général... ", il donne la septième raison. La voici. Si tout ce qui
apparaît est vrai et s'il n'y a rien de vrai qui ne le soit sans l'être par
apparition au sens, il s'ensuit que tout ce qui existe n'existe qu'en tant
que sensible en acte. Mais si c'est là l'unique manière d’exister, à savoir
en tant que sensible, il s’ensuit qu'il n'existe rien s'il n'y a pas de sens.
Et par conséquent, s’il n’y a pas d'êtres animés ou d'animaux. Ce qui est
impossible. |
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[82271] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 15 Nam hoc potest esse verum quod sensibilia inquantum
sensibilia non sunt, idest si accipiantur prout sunt sensibilia in actu, quod
non sunt sine sensibus. Sunt
enim sensibilia in actu secundum quod sunt in sensu. Et secundum hoc omne sensibile in actu est quaedam
passio sentientis, quae non potest esse si sentientia non sunt. Sed quod ipsa
sensibilia quae faciunt hanc passionem in sensu non sint, hoc est impossibile.
Quod sic patet. Remoto enim posteriori, non removetur prius: sed res faciens
passiones in sensu non est ipsemet sensus, quia sensus non est suimet, sed
alterius, quod oportet esse prius sensu naturaliter, sicut movens moto
naturaliter est prius. Visus enim non videt se sed colorem. |
En effet, cela peut être vrai que
les sensibles, en tant que sensibles, n’existent pas, c'est-à-dire si on les
prend en tant que sensibles en acte: ce qu'ils ne sont pas sans les sens. En
effet, ils sont sensibles en acte en autant qu'ils sont dans le sens. Et
d'après cela, tout sensible en acte est une certaine passion du sentant,
passion qui ne peut exister si les sentants n'existent pas. Mais que les
choses sensibles elles-mêmes qui effectuent cette passion dans le sens
n'existent pas, voila qui est impossible. En voici l'évidence. Si on en lève
ce qui est postérieur, on n'enlève pas l'antérieur: mais la chose qui est
cause de la passion dans le sens n’est pas le sens lui-même, parce que le
sens n’est pas cause de sa propre passion; la cause est quelque chose d'autre
qui, par nécessité, est naturellement antérieur au sens, comme le mouvant est
naturellement antérieur au mû. En effet, la vue ne se voit pas elle-même,
mais voit la couleur. |
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[82272] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 16 Et si contra hoc dicatur quod sensibile et sensus
sunt relativa adinvicem dicta, et ita simul natura, et interempto uno
interimitur aliud; nihilominus sequitur propositum; quia sensibile in
potentia non dicitur relative ad sensum quasi ad ipsum referatur, sed quia
sensus refertur ad ipsum, ut in quinto huius habetur. Patet igitur quod
impossibile est dici quod ex hoc sunt aliqua vera, quia sensui apparent. Quod
ponunt illi qui ponunt omnia apparentia esse vera, ut ex praedictis patet. |
Et si, contre cette affirmation,
on dit que le sensible et les sens sont corrélatifs entre eux et que, ainsi,
ils sont par na ture en même temps, et que si l’un disparaît l’autre
disparaît aussi, l’antériorité du sensible s'ensuit quand même. C'est que le
sensible en puissance ne se dit pas relativement au sens comme s’il se
référait lui-même au sens, mais parce que le sens se réfère à lui, comme on
le verra dans le cinquième livre. Il est donc évident qu'il est impossible de
dire que les choses sont vraies parce qu'elles apparaissent au sens. Ce
qu’affirment ceux qui disent que toutes les apparences sont vraies, comme il
est évident par les réflexions précédentes. |
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Leçon 15, Texte d’Aristote
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Suite de la réfutation de
Protagoras Il y a des philosophes qui
soulèvent la difficulté suivante, tant parmi ceux qui sont persuadés de la
vérité de ces doc trines à que parmi ceux qui ne les soutiennent que par
plaisir de dialecticien: ils demandent qui décide de l'homme bien portant et,
d'une manière générale, qui décide sur toute question avec certitude. Mais
poser de pareils problèmes revient à se demander si, par exemple, en ce
moment, nous dormons ou si nous sommes éveillés. Les difficultés de cette sorte
présentent toutes le même caractère: leurs auteurs réclament une raison pour
tout, car ils cherchent un principe et veulent l'atteindre par voie de
démonstration. Que, pourtant, ils manquent de conviction, leurs actions le
prouvent clairement. Nous avons déjà signalé l'erreur où ils tombent: ils
cherchent la raison de ce dont il n'y a pas de raison, car le principe de la
démonstration n'est pas lui-même une démonstration. Il serait aisé d’en convaincre
ceux qui sont de bonne foi, car ce n’est pas difficile à comprendre. Mais
ceux qui cherchent à ne se rendre qu'à la contrainte du raisonnement
cherchent l’impossible’ car ils ont la prétention qu'on leur accorde le
privilège de se contredire eux-mêmes, demande qui se contredit elle-même
immédiatement. Cependant si tout n'est pas relatif, mais s'il y a des êtres
existant en soi et par soi, tout ce qui apparaît ne saurait être vrai, Car ce
qui apparaît, apparaît à quelqu'un; par conséquent, dire que tout ce qui
apparaît est vrai, c'est ramener tous les êtres à la relation. Aussi les philosophes qui
recherchent une démonstration logique rigoureuse et, en même temps,
prétendent soumettre leurs opinions à la discussion, doivent-ils éviter de
dire simplement que ce qui apparaît est; ils doivent préciser que ce qui
apparaît est, pour celui à qui il apparaît, quand il lui apparaît, au sens
où, et de la façon suivant laquelle il lui apparaît. Si, tout en se prêtant à
la discussion, ils refusent de s'y prêter sans ces précisions, ils tomberont
rapidement dans des contradictions avec eux-mêmes; Car il peut se faire que
la même chose apparaisse du miel à la vue et non au goût, et que, du fait que
nous avons deux yeux, les choses ne paraissent pas les mêmes à chacun d'eux
si leur vision est dissemblable. A ceux du moins, en effet, qui, pour les
motifs précédemment exposés, assurent que ce qui apparaît est vrai, et que,
par là même, tout est également vrai et faux, sous prétexte que les mêmes
chose n'apparaissent pas, soit les mêmes à tout le monde, soit toujours les
mêmes au même individu, mais qu’elles apparaissent souvent comme contraires
dans le même temps (car le toucher indique deux objets quand nous croisons
les doigts, et la vue, un seul), "à
ceux-là, on peut répondre que les choses apparaissent bien avec des attributs
contradictoires", mais non, du moins, au même sens, ni sous le même
rapport, ni aux mêmes conditions, ni dans le même temps, toutes
déterminations nécessaires à la vérité de ma sensation. Mais, sans doute,
pour cette raison même, ceux qui discutent ainsi, non pas en vue de la
difficulté à résoudre, mais par jeu dialectique, sont-ils dans la nécessité
de répondre que la sensation n'est pas vraie, mais qu'elle est vraie
seulement pour tel individu; et, comme nous l'avons fait remarqué plus haut,
ils devront rendre toutes choses relatives tant à l'opinion qu’à la
sensation, de sorte que rien n'a été et que rien ne sera, si quelqu'un n’y a
pensé auparavant. Mais s'il est vrai que quelque chose a été ou sera, c'est
donc évidemment que toutes choses ne sauraient être relatives à l'opinion. -
En outre, si une chose est une, elle est une relativement à une seule chose,
ou à un nombre défini de choses, et si la même chose est à la fois moitié et
égale, ce n'est du moins pas au double que l'égal est relatif. Si donc,
relativement au sujet pensant, l’homme est identique à l'objet de pensée,
l’homme ne pourra être le sujet pensant, mais seulement l'objet de pensée;
d'autre part, si chaque être ne peut exister que relativement au sujet
pensant, le sujet pensant sera relatif à un nombre infini de choses
spécifiquement différentes. Nous en avons dit assez pour
établir que la plus ferme de toutes les croyances, c'est que les propositions
opposées ne sont pas vraies en même temps, et aussi pour montrer les
conséquences et les raisons de l'opinion contraire. Mais, puisqu'il est
impossible que les contradictoires soient vraies en même temps, du même
sujet, il est évident qu'il n'est pas possible non plus que les contraires
coexistent dans le même sujet. En effet, des deux contraires, l’un est
privation non moins que contraire, à savoir privation de l'essence; or la
privation est une négation de quelque chose dans un genre déterminé. Si donc
il est impossible que l'affirmation et la négation soient vraies en même
temps, il est impossible aussi que les contraires coexistent dans un sujet, à
moins qu'ils ne soient affirmés, l'un et l'autre, d'une certaine manière, ou
encore que l'un ne soit affirmé d'une certaine manière, et l'autre
absolument. |
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Lectio 15 |
Leçon 15, Commentaire de
saint Thomas [Autres preuves du príncipe de contradiction] (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960)
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ARISTOTE TRAVAILLE A
CONVAINCRE CEUX QUI, PAR IMPUDENCE D'ESPRIT (EFFRONTERIE - ENTETEMENT
MALICIEUX) ONT CRU QUE, PAR LES APPARENCES, LES CONTRADICTOIRES SE VERIFIENT
SIMULTANEMENT; IL CONFIRME AUSSI QUE LES CONTRAIRES NE PEUVENT EXISTER
SIMULTANEMENT DANS LA MÊME CHOSE. |
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[82273] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 1 Disputat contra illos, qui praedictam rationem non
ex ratione, sed ex pertinacia susceperunt: et circa hoc duo facit. Primo
ponit qualiter isti moventur ad hanc opinionem ponendam. Secundo ostendit
qualiter est resistendum, ibi, qui vero vim in solo verbo et cetera. Dicit
ergo primo, quod praeter praedictos qui in praedictam opinionem ex quibusdam
dubitationibus inciderunt, sunt aliqui qui interrogant persuasos in his,
scilicet opinionibus, idest deceptos, ut eos in deceptione detineant, et has
solas rationes habent ad suam opinionem confirmandam. Alia translatio habet: sunt
autem quidam qui deficiunt sive dubitant huiusmodi persuasorum has rationes
solum dicentium. Et est sensus, quia quidam deceptorum, qui praedictam
opinionem tenent, has solas dubitationes tenent, et his rationibus utuntur,
quae infra dicentur. Si enim dicatur eis quod inter contrarias opiniones
credendum est magis sanis quam infirmis, et sapientibus quam ignorantibus, et
vigilantibus quam dormientibus, ipsi iterato quaerunt quomodo possit
diiudicari sanus per certitudinem ab infirmo, et vigilans a dormiente, et
sapiens a stulto: et breviter in omnibus diversitatibus opinionum quomodo
potest discerni quis illorum iudicat recte in omnibus, cum quibusdam videatur
aliquis esse sapiens qui aliis videtur stultus, et sic de aliis. |
Aristote argumente contre ceux qui
soutiennent l'opinion précédente, non pas à partir d'une raison quelconque,
mais par impudence. Ce qu’il fait en deux points. En premier, il montre
comment ils ont été conduits à soutenir cette opinion. En second, il montre
comment il faut s'y opposer où il dit : "Mais ceux qui cherchent etc.
" Il dit donc en premier qu'outre ceux qui ont tombé dans cette opinion
à partir de difficultés réelles, il y a une autre catégorie de philosophes
qui posent des questions aux premiers, persuadés de leurs erreurs, pour les
maintenir prisonniers de leur fausse conception. Cette seconde catégorie n'a,
pour confirmer leur opinion, que les raisons suivantes. Une autre traduction
dit ceci: " Il y en a qui doutent, parmi ceux qui sont convaincus de
cette fausse opinion, uniquement à cause des raisons suivantes. " Le
sens est donc celui-ci: Parmi ceux qui partagent cette erreur, qui
soutiennent la susdite opinion, il y en a qui y adhèrent uniquement à cause
des difficultés ou des raisons que nous allons énumérer. Si, en effet, on
leur dit qu'entre des opinions contraires il faut croire davantage les hommes
en santé que les malades, les sages que les idiots, et les hommes éveillés
que les dormeurs, ils reviennent à la charge et demandent de quelle façon on
peut distinguer avec certitude un homme en santé d'un homme malade, un homme
en état de veille d'un homme endormi, un sage d'un idiot. Et, en résumé, ils
demandent comment on peut discerner celui qui, dans la diversité des
opinions, peut juger correctement de toutes ces questions, puisque celui qui
semble sage à quelques-uns ne le semble pas à d’autres, etc. " |
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[82274]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 2 Sed istae dubitationes stultae sunt. Similes enim sunt illi dubitationi, qua dubitatur,
utrum nunc dormiamus, an vigilemus. Horum enim omnium distinctio per se non
est. Omnes autem dubitationes praedictae idem valent, quia ex eadem radice
procedunt. Volunt enim isti sophistae quod omnium possent accipi rationes
demonstrativae. Patet enim quod ipsi quaerebant accipere aliquod principium,
quod esset eis quasi regula ad discernendum inter infirmum et sanum, inter
vigilantem et dormientem. Nec
erant contenti istam regulam qualitercumque scire, sed eam volebant per
demonstrationem accipere. Ergo
quod ipsi decepti sunt, manifestum est in eorum actibus secundum quod
diximus. Ex quibus apparet quod positio eorum sit falsa. Nam si aequaliter
efficax esset iudicium dormientis et vigilantis, eadem sequerentur in actibus
hominum ex utroque iudicio; quod patet esse falsum. Alia litera habet: quandoque
vero quod non persuasi sunt: et est sententia convenientior praemissis.
Ipsi enim licet hoc ponant et oretenus quaerant, non tamen mente in hoc
decipiuntur quod credant similiter esse verum iudicium dormientis et
vigilantis; quod ex eorum actibus patet, ut dictum est. |
Mais ces questions sont sottes. En
effet, elles ressemblent à cet autre doute où l'on se demande si actuellement
on dort ou si l'on est endormi. Dans toutes ces questions, il n'y a pas de
distinction par soi. Toutes ces difficultés se valent, parce qu'elles
procèdent de la même racine. En effet, ces sophistes veulent qu'il y ait des
raisons démonstratives pour tout. En effet, il est évident que ces sophistes
cherchaient à trouver un principe qui pouvait, pour ainsi dire, leur servir
de règle pour discerner le malade de l'homme en santé, l'homme éveillé de
l’homme endormi. Ils n'étaient pas satisfaits non plus de connaître cette
règle d’une façon quelconque, mais ils voulaient l'admettre par
démonstration. Que, pourtant, ils soient dans l'erreur, leurs actions le
prouvent clairement d'après ce que nous avons dit. De là, l'on voit que leur
opinion est fausse. En effet, si les jugements du dormeur et de l'homme
éveillé étaient également efficaces, de l'un et de l'autre découleraient les
mêmes effets dans les actes humains. Ce qui est évidemment faux. Un autre
texte dit: "Que, pourtant, ils ne soient pas convaincus" : ce qui
comporte un meilleur sens que le sens précédent. En effet, bien que ces
philosophes soutiennent cette opinion et posent oralement ces questions,
mentalement ils ne tombent pas dans l'erreur de croire que les jugements du
dormeur et de l'homme éveillé sont pareillement vrais. Ce qui est évident par
leurs actions mêmes, comme on l'a dit. |
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[82275] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 3 Sed quamvis non sint decepti ut in hoc dubitent,
haec tamen est passio eorum, idest infirmitas mentis quod quaerunt
rationem demonstrativam eorum quorum non est demonstratio. Nam principium
demonstrationis non est demonstratio, idest de eo demonstratio esse non
potest. Et hoc est eis facile ad credendum, quia non est hoc difficile sumere
etiam per demonstrationem. Ratio enim demonstrativa probat quod non omnia
demonstrari possunt, quia sic esset abire in infinitum. |
Mais bien qu'ils ne se trompent
pas jusqu'à douter vraiment sur ces questions, leur maladie intellectuelle
est de rechercher la raison démonstrative de ce qui ne peut être démontré. Car
"le principe de la démonstration n'est pas démonstration",
c'est-à-dire qu'il ne peut y avoir démonstration du principe. Ce qui est
facile à croire, parce qu'il n'est pas difficile de le saisir, même par
démonstration. En effet, la raison démonstrative (ou, peut-être, la raison de
la démonstration) prouve que tout ne peut être démontré, car, ainsi, il y
aurait processus à l'infini. |
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[82276]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 4 Deinde cum dicit qui vero disputat contra istos,
vel contra alios, qui nec hac ratione moventur ad ponendum omnia apparentia
esse vera, quia non potest per demonstrationem accipi regula, per quam
certitudinaliter possit discerni inter iudicantes vere et non vere, sed solum
ex quadam protervia rationem praedictam ponunt. Et circa hoc tria facit.
Primo ostendit quod tales protervientes tendant ducere ad impossibile.
Secundo qualiter resistendum est eis apparenter, ibi, verum si non omnia.
Tertio qualiter eis obviandum est secundum veritatem, ibi, et sicut
praedictum est et cetera. Dicit ergo primo, quod illi qui quaerunt vim in
solo verbo, idest qui non moventur ex aliqua ratione, nec propter
difficultatem alicuius dubitationis, nec propter defectum demonstrationis,
sed solum verbis innituntur, et credunt quod omnia possunt dicere quae
improbari non possunt, isti tales quaerunt ducere ad aliquod impossibile. Volunt enim ad hoc ducere, quod contraria sint simul
vera, per hoc quod omnia apparentia sunt vera. |
Ensuite, quand il dit : " Il serait
aisé d’un convaincre ... ", il argumente contre les philosophes
précédents ou, plutôt, contre d'autres philosophes qui ne sont pas poussés à
affirmer que toutes les apparences sont vraies parce qu’il est impossible
d’établir par démonstration une règle qui permettrait de discerner avec
certitude ceux qui jugent selon la vérité de ceux qui jugent incorrectement,
mais qui utilisent cette dernière raison uniquement par insolence. Ce qu'il
fait en trois points. En premier, il montre que ces impudents cherchent à
mener quelqu’un à quelque position impossible. En second, il montre comment
il faut leur résister dans les apparences, où il dit : "Cependant si
tout n’est pas relatif, etc. ". En troisième, il montre comment on peut
s’y opposer conformément à. la vérité, où il dit : " ... et, comme
nous l’avons fait remarquer etc. " Il dit donc, en premier, que ceux qui
cherchent à contraindre uniquement par la parole, c'est-à-dire ceux qui ne
sont pas poussés par quelque raison, ni par la difficulté d'un doute embarrassant,
ni par l'absence d'une véritable démonstration à admettre cette conception,
mais qui ne s'appuient que sur les mots et croient qu'ils peuvent dire
n'importe quoi sans qu'on puisse les réfuter, ceux-là, dis-je, cherchent à
conduire à quelque impossibilité ou absurdité. En effet, ils veulent conduire
à faire admettre que les contraires sont simultanément vrais, parce que tout
ce qui apparaît est vrai. |
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[82277] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 5 Deinde cum dicit verum si docet ex eorum positione
eis resistere, et praedictum inconveniens evitare; dicens, quod nisi ponantur
omnia quae sunt esse ad aliquod, non potest dici, quod omne apparens sit
verum. Si enim sunt quaedam in rebus, quae secundum se habent esse absolutum,
non per relationis sensum vel opinionem, non idem erit eis esse quod
apparere: hoc enim dicit relationem ad sensum vel opinionem, quia apparens
alicui apparet. Et ita oportebit quod non apparens sit verum. Patet igitur
quod quicumque dicit omnia apparentia esse vera, facit omnia entia esse ad
aliquid, scilicet in respectu ad opinionem vel sensum. Et ideo contra
praedictos sophistas, qui quaerunt vim in oratione, si aliquis dignetur eis dare
orationem, idest concedere hanc positionem, quam ipsi ponunt,
custodiendum sive observandum est eis ne deducantur ad concedendum
contradictoria simul esse vera; quia non est dicendum absolute quod omne
apparens est verum; sed quod apparet, est verum cui apparet, et quantum
apparet, et quando apparet et sicut apparet: hoc enim licitum erat nobis
apponere, ex quo res non habent esse absolutum, sed relativum tantum. |
Ensuite quand il dit :
"Cependant, si tout n'est pas relatif ... ", Aristote montre
comment, à partir de leur propre position, on leur résiste et évite la
susdite absurdité. Il dit qu’à moins que l’on ne pose que tout ce qui existe
n’est que relatif, on ne peut dire que tout ce qui apparaît est vrai. En
effet, s'il existe dans les choses des êtres qui ont en eux-mêmes un être
absolu, non par relation au sens ou à une opinion, chez ces êtres, l'être ne
sera pas identique au paraître ou à l'apparaître: l'apparence en effet dit
relation au sens ou à l'opinion, parce que ce qui apparaît à quelqu’un. Et
ainsi il faudra que ce qui n'apparaît pas soit vrai. Il est donc dire que quiconque
dit que tout ce qui apparaît est vrai, fait de tous les êtres des êtres
relatifs, à savoir par rapport à l'opinion ou au sens. C'est pourquoi, contre
ces sophistes qui mettent toute la force de persuasion dans le discours, si
quelqu'un daigne leur concéder cette position, qu'ils établissent eux-mêmes,
qu'il prenne bien garde de leur concéder que les contradictoires sont
simultanément vraies. C'est qu’on ne peut dire de façon absolue que tout ce
qui apparaît est vrai: ce qui apparaît est vrai pour celui à qui il apparaît,
et en autant qu'il lui apparaît, et quand il lui apparaît et de la façon
suivant laquelle il lui apparaît. Nous pouvons légitimement poser ces
conditions du fait que la chose n'a pas d'être absolu, mais uniquement
relatif. |
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[82278]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 6 Ideo autem hoc observandum est volentibus hanc
positionem concedere, quia si aliquis concedat eis quod omne apparens est
verum, et ita non concedat cum praedictis determinationibus, sicut dictum
est, sequeretur quod statim dicat contraria simul esse vera. Contingit enim
quod idem secundum visum videtur mel propter similem colorem mellis, et
secundum gustum non mel propter dissimilem saporem. Et similiter cum duo
oculi sint dissimiles, non eadem est visio quae fit per utrumque oculum, vel
non eadem videntur utrique visui qui fit per utrumque oculum. Ut si pupilla
unius oculi infecta sit aliquo grosso vel nigro vapore, alia vero pura,
videbuntur per oculum infectum omnia nigra vel obscura, per alium autem non. Ideo
autem dico hoc esse custodiendum vel observandum, quia hoc est necessarium
apud praedictos sophistas, qui dicunt ex causis praedictis omne apparens esse
verum. |
C’est pourquoi, il faut que ceux
qui veulent concéder cette position observent ce que nous venons de dire,
parce que si on concède que tout ce qui apparaît est vrai, sans le faire avec
toutes les précisions que nous avons indiquées, il s'ensuivrait qu'on dirait
immédiatement que les contraires sont vraie en même temps. Il est possible en
effet que la même chose apparaisse du miel à la vue, parce qu'elle: même
couleur que le miel, et non au goût, à cause de sa saveur différente de celle
du miel. Et, pareillement, lorsque les doux veux sont différents, leur vision
diffère, ou bien, ils ne voient pas exactement les mêmes choses. Par exemple,
si la pupille d’un œil est infectée de quelque fumée épaisse et noire et que
l'autre ne l'est pas, un œil verra toutes choses noires ou obscures, l'autre,
non. C'est pourquoi je dis qu'il faut bien observer ces remarques, parce que
c'est là le point de départ de l'argumentation sophistique qui dit, à partir
des causes que nous venons de décrire, que tout ce qui apparaît vrai. |
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[82279] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 7 Et ex hoc sequi potest, quod omnia similiter sunt
vera et falsa, propter hoc quod non omnibus eadem apparent, nec etiam eadem
ad seipsum, cum multoties idem homo secundum idem tempus iudicet contraria
secundum diversos sensus. Sicut visus iudicat esse unum, quod tactus iudicat
esse duo propter variationem digitorum, qua contingit quod idem tangibile per
diversa instrumenta tangibilia, scilicet tactus per diversos digitos, ad vim
tactivam pervenit ac si essent duo tangibilia. Nullatenus autem eidem homini
secundum eumdem sensum similiter et in eodem tempore, videtur quod hoc sit
verum, scilicet contraria simul esse. |
Et de là il peut s'ensuivre que
toutes choses sont également vraies et fausses, sous prétexte que ce ne sont pas
les mêmes choses qui apparaissent à tout le monde, ni non plus les mêmes au
même individu, puisque souvent le même homme juge un même temps que les
choses sont contraires par rapport a divers sens. La vue indique qu'il n'y a
qu'un seul objet, alors que le toucher en indique deux quand nous croisons
les doigts: le même objet tactile soumis au toucher par divers instruments, à
savoir les doigts, parvient à la faculté du toucher comme s’il était deux.
Mais jamais à un même homme, par rapport à un seul sens, sous le même rapport
et dans le même temps il semble que cela soit vrai, à savoir que les
contraires existent en même temps. |
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[82280]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 8 Ideo autem forsan est necessarium sic respondere
praedictis sophistis, qui dicunt non propter dubitationem sed orationis
causa, quasi ex protervia ipsam orationem propter seipsam concedentibus, quia
hoc non est verum simpliciter, sed huic verum. Ex hoc enim non sequitur
contradictoria simul esse vera. Esse enim huic verum, et non esse verum illi,
non est contradictorium. |
C'est pourquoi il est peut-être
nécessaire de répondre de la façon suivante à ces sophistes qui affirment,
non à cause d'une difficulté réelle mais à cause du discours, comme si par
impudence ils admettaient ce discours pour lui-même (par jeu dialectique- jeu
sophistique): ce qui apparaît au sens n'est pas vrai de façon absolue, mais
est vrai pour un individu déterminé. Et de là, il ne s'ensuit pas que les
contradictoires sont simultanément vrais. Être vrai à celui-ci et ne pas être
vrai à celui-là, voilà qui n'est pas contradictoire. |
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[82281] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 9 Deinde cum dicit et sicut docet resistere sophistis praedictis
secundum veritatem, et non solum ad hominem; scilicet non concedendo falsam
opinionem, quam ipsi ponunt. Et hoc duabus rationibus: quarum prima sic
dicit. Sicut dictum est prius, si omne apparens est verum, necesse est
facere omnia ad aliquid, scilicet ad opinionem et sensum. Et ex hoc
sequitur hoc inconveniens quod nihil sit, nec fiat, nullo opinante. Si autem
hoc falsum est, quia multa sunt et fiunt de quibus nulla est opinio vel
cognitio, sicut quae sunt in profundo maris vel in visceribus terrae,
manifestum est quod non omnia sunt ad aliquid, idest ad opinionem et sensum.
Et ita non omne apparens est verum. |
Ensuite quand il dit: "...
et, comme nous l'avons dit ... ", il montre comment s'opposer à ces
sophistes conformément à la vérité, et non seulement par un argument "ad hominem"; en d’autres
mots : comment s'y opposer sans concéder l’opinion fausse qu'ils
soutiennent eux-mêmes. Et cela par deux raisons, dont il formule la première
de la façon suivante. Comme on l'a dit auparavant, si tout ce qui apparaît
est vrai, il est nécessaire de rendre toutes choses relatives, à savoir à
l'opinion et au sens. Il s’ensuit l’absurdité que rien n'est, ni ne se fait,
si personne n'y pense. Mais si cette dernière conclusion est fausse, parce
qu'il y a quantité de choses qui sont ou qui se font à propos desquelles il
n'y a aucune opinion ni connaissance, comme ce qui existe dans les
profondeurs de la mer ou dans les entrailles de la terre, il est manifeste
que toutes choses ne sont pas relatives, c'est-à-dire à l’opinion et au sens.
Et donc, il y a des choses qui n'apparaissent pas et qui sont vraies. |
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[82282]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 10 Deinde cum dicit amplius si ponit secundam rationem,
dicens, quod unum non refertur nisi ad unum; et non ad quodcumque unum, sed
ad unum determinatum. Sicut
patet quod sint idem subiecto dimidium et aequale; non tamen ad aequale
dicitur duplum, sed magis ad dimidium. Aequale vero dicetur ad aequale. Et similiter si ipse homo qui est opinans sit etiam
opinatus, non refertur homo ad opinans inquantum est opinans, sed inquantum
est opinatus. Si igitur omnia entia inquantum sunt huiusmodi, referuntur ad
opinans inquantum opinans est, sequetur quod hoc quod dico opinans non sit
unum, cum ad unum non referatur nisi unum, sed infinita secundum speciem, cum
infinita referantur ad ipsum; quod est impossibile. Unde non potest dici quod
omnia relative dicantur ad opinans, nec per consequens quod omne apparens vel
opinans sit verum. |
Ensuite où il dit : "En outre
… ", il donne la seconde raison. Il dit qu'une chose une ne se réfère
qu'à une seule chose, et non pas à n'importe quelle chose une, mais à une
seuls chose déterminée. Ainsi, il est évident que la moitié et l'égal sont
identiques par le sujet; cependant, le double ne se dit pas par rapport à
l'égal, mais davantage par rapport à la moitié. L'égal, lui, se dit par
rapport à l régal. Et, pareillement, si le même homme qui pense est en même
temps l’objet pensé, il ne se réfère pas à lui-même qui pense en tant qu'il
pense, mais en tant qu'il est objet de pensée. Si donc tous les êtres en tant
que tels se réfèrent à celui qui pense en tant qu'il pense, il s'ensuit que
ce que j'appelle: celui qui pense, n'est pas un, puisque à une seule chose ne
se réfère qu’une seule chose, mais est spécifiquement une infinité de choses,
puisque une infinité de choses lui sont référées. Ce qui est impossible.
C'est pourquoi, on ne peut dire que tout se dit par relation à celui qui
pense ni, par conséquent, que tout ce qui apparaît ou est sujet d'opinion est
vrai. |
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[82283] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 11 Deinde cum dicit igitur quia concludit conclusionem suam
intentam: et circa hoc duo facit. Primo ponit ipsam principalem conclusionem.
Secundo inducit quoddam corollarium ex ea, ibi, si igitur impossibile. Dicit
ergo primo, quod ex praedictis patet, quod inter omnes opiniones vel
sententias ista est firmissima, qua dicitur oppositas dictiones sive
propositiones sive contradictiones non simul esse veras. Et etiam dictum est
quae inconvenientia accidunt dicentibus eas simul esse veras, et ex qua causa
moti sunt ad illa dicendum. |
Ensuite, quand il dit: "Nous
en avons dit assez ... ", il conclut la conclusion qu'il recherchait. Ce
qu'il fait en deux points. En premier, il apporte la conclusion principale.
En second, il tire un certain corollaire de cette conclusion, où il dit:
" Si donc il est impossible, etc. " Il dit donc, en premiers qu’il
découle évidemment des réflexions précédentes qu’entre toutes les opinions ou
doctrines, la plus ferme est celle qui dit que les mots opposés, ou les
propositions opposées, ou les contradictoires, na sont pas vrais en même temps,
On a aussi montré à quelles absurdités aboutissent ceux qui disent que les
contradictoires sont vraies. Et aussi, on a manifesté les causes ou les
motifs qui les avaient poussés à soutenir cette opinion. |
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[82284] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 15 n. 12 Deinde cum dicit quoniam autem concludit
corollarium, dicens, ex dictis, quod quia impossibile est simul
contradictionem verificari de eodem, manifestum est, quod nec etiam contraria
eidem inesse possunt; quia manifestum est quod non minus in contrariis
alterum eorum est privatio, quam in aliis oppositis, licet utrumque
contrariorum sit natura aliqua; quod non est in affirmatione et negatione,
vel in privatione et habitu. Alterum enim eorum est imperfectum respectu
alterius, sicut nigrum respectu albi, et amarum respectu dulcis. Et sic habet
privationem quamdam adiunctam. Privatio autem est aliqua negatio
substantiae, idest in aliquo subiecto determinato. Et est etiam ab aliquo
genere determinato. Est enim negatio infra genus. Non enim omne non videns
dicitur caecum, sed solum in genere videntium. Sic igitur patet quod
contrarium includit privationem, et privatio est quaedam negatio. Si igitur
impossibile est simul affirmare et negare, impossibile est contraria simul
inesse eidem simpliciter, sed vel ambo insunt quo, idest secundum
aliquid, sicut quando utrumque in potentia vel secundum partem, vel unum
secundum quid et alterum simpliciter: sicut quando unum est in actu et
alterum est in potentia; vel unum secundum plures et principaliores partes,
alterum tantum secundum aliquam partem, sicut Aethiops est niger simpliciter
et albus dente. |
Ensuite, où il dit: "Mais,
puisqu'il … ", il tire un corollaire. Puisque nous avons établi, dit-il,
qu'il est impossible que la contradiction se vérifie simultanément d'une même
chose, il est manifeste que les contraires non plus ne peuvent coexister en
même temps dans le même sujet, parce qu'il est manifeste que dans les
contraires, non moins que dans les autres opposés, l'un d'eux est privation,
bien que chacun des contraires soit une nature. Dans l'affirmation et la
négation, ou dans l'habitus et la privation chacun n'est pas une nature. En
effet, l'un des deux est un imparfait à l’égard de l'autre, comme le noir par
rapport au blanc, et l'amer par rapport au doux. Et ainsi, le terme imparfait
possède une privation adjointe. Or, la privation est une "négation de la
substance", c'est-à-dire une négation dans un sujet déterminé. Elle
provient aussi d'un genre déterminé. Elle est en effet une négation dans un
genre. En effet, ce n'est pas n’importe quel non-voyant que l’on appelle
aveugle, mais uniquement celui qui ne voit pas dans le genre de ceux qui
voient. Ainsi donc, il est évident que le contraire inclut une privation, et
que la privation est une certaine négation. Si donc il est impossible
d'affirmer et de nier, il est impossible que les contraires existent en même
temps dans le même sujet de façon absolue; mais, ou bien ils y seront
"que", c'est-à-dire relativement à quelque chose, comme lorsque les
deux contraires y existent en puissance ou relativement à une partie du
sujet, ou que l'un y existe relativement et l'autre de façon absolue: par
exemple, lorsqu'un existe en puissance et l'autre en acte, ou lorsque l'un
existe dans plusieurs parties principales et l'autre dans une partie moins
importante. Ainsi l'Ethiopien est simplement noir, mais blanc par ses dents. |
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Leçon 16, Texte d’Aristote
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Preuve dincipe du tiers exclu. Mais il n’est pas possible non
plus qu'il y ait aucun intermédiaire entre des énoncés contradictoires: il
faut nécessairement ou affirmer, ou nier un seul prédicat, quel qu'il soit,
d'un seul sujet. Cela est évident, d'abord, pour qui définit la nature du
vrai et du faux. Dire de l'Etre qu'il n'est pas, ou du Non-être qu'il est,
c'est le faux; dire de l'Etre qu'il est, et du Non-être qu'il n'est pas,
c'est le vrai; de sorte que celui qui dit d'un être qu'il est ou qu'il n'est pas,
dira ce qui est vrai ou ce qui est faux; mais "dire qu'il y a un
intermédiaire entre des contradictoires", ce n'est dire ni de l'Etre, ni
du Non-être, qu'il est ou qu'il n'est pas, - Ensuite, ou bien l'intermédiaire
entre les contradictoires existera réellement, comme le gris entre le noir et
le blanc, ou bien il sera comme ce qui n'est ni homme, ni cheval est
intermédiaire entre l'homme et le cheval. Dans le cas d'un intermédiaire de
cette dernière sorte, il ne saurait y avoir changement (car, lorsqu'il y a
changement, c'est, par exemple, du non-bien au bien ou du bien au non-bien);
mais, en réalité, le changement nous apparaît comme un fait constant, car il
n’y a de changement que vers les opposés et leurs intermédiaires. Si, d'autre
part, on suppose un intermédiaire réel, même ainsi il pourrait y avoir
génération du nan-blanc au blanc, ce qui, en fait, ne se voit jamais. - En
outre, tout objet de pensée discursive aussi bien que d'intuition, la pensée,
ou bien l'affirme, ou bien le nie (conséquence évidente de la définition du
jugement vrai ou faux), toutes les fois qu'elle dit le vrai ou le faux. Quand
la pensée lie le sujet et le prédicat de telle façon, soit en affirmant, soit
en niant, elle dit ce qui est vrai, et quand elle lie le sujet et le prédicat
de telle autre façon, elle dit ce qui est faux. - De plus, il doit y avoir un
intermédiaire entre toutes les contradictoires, sinon on parle pour le
plaisir de parler. Il en résultera, d'une part, qu'on pourra dire ce qui
n'est ni vrai, ni non-vrai, et, d'autre part, qu’il y aura quelque
intermédiaire entre l'Etre et le Non-être, de sorte que, entre la génération
et la corruption, il existera une espèce intermédiaire de changement. - En
outre, dans tous les genres où la négation d'un terme n'est rien d'autre que
l'affirmation de son contraire, même dans ces genres il y aura un
intermédiaire: par exemple, dans les nombres, il y aura un nombre qui ne sera
ni impair, ni non-impair, ce qui est impossible comme le montre bien la
définition. - Ajoutons qu'on ira à l'infini: les réalités non seulement au
nombre de trois, mais un plus grand nombre encore. En effet, on pourra, à son
tour, nier cet intermédiaire par rapport à son affirmation et à sa négation,
et le terme ainsi produit sera un être défini, Car son essence est quelque
chose d'autre. Au surplus, lorsque celui à qui l'on demande si un objet est
blanc, répond que non, il ne nie rien d’autre chose sinon que l'objet est
blanc, et le Non-être est une négation. Que des philosophes en soient
venus à cette opinion, cela s’explique comme pour tant d'autres paradoxes:
quand on est dans l'incapacité de réfuter des raisonnements éristiques, on se
rallie à l'argument et on accorde la vérité de la conclusion. Voilà le motif
qui a poussé certains à adopter une pareille doctrine; d’autres, c'est parce
qu'ils cherchent une raison pour toutes choses. Mais on les réfute tous, en
prenant pour point de départ une définition, définition qui vient de la
nécessité où on les met de donner, chaque terme une signification déterminée:
la notion, en effet, signifiée par le nom, est la définition même de la
chose. Or, à ce qu'il semble, la pensée d'Héraclite, disant que tout est et
n'est pas, fait que tout est vrai; celle d'Anaxagore, au contraire, disant
qu’il y a un intermédiaire entre les contradictoires, fait que tout est faux:
quand, en effet, il y a mélange, le produit du mélange n'est ni bon, ni
non-bon, de sorte qu’on ne peut rien dire de vrai. |
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Lectio 16 |
Leçon 16, Commentaire de
saint Thomas [Le príncipe du tiers exclu] (Traduction Abbé Dandenault, v.
1960)
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ARISTOTE PROUVE
QU'IL N’Y A PAS D'INTERMEDIAIRE ENTRE LES CONTRADICTOIRES, ET IL MONTRE COMMENT
LA POSITION D’UN INTERMEDIAIRE ENTRE LES CONTRADICTOIRES DECOULE DES OPINIONS
D’HERACLITE ET D’ANAXAGORE. |
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[82285] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 1 Postquam disputavit contra ponentes contradictoria simul
esse vera, hic disputat contra ponentes esse medium inter contradictionem: hi
enim dicunt non semper alteram partem contradictionis esse veram. Et circa
hoc duo facit. Primo disputat contra ipsam positionem. Secundo contra quasdam
alias quaestiones inopinabiles, hanc et superiorem positionem comitantes,
ibi, his autem definitis. Circa primum duo facit. Primo ponit rationes contra
dictam positionem. Secundo ostendit causam, quare aliqui moti sunt ad
positionem illam ponendam, ibi, evenit autem quibusdam et cetera. Circa
primum ponit septem rationes: dicens primo, quod sicut contradictoria non
possunt simul esse vera, ita nec potest esse medium inter contradictionem;
sed de unoquoque necessarium est aut affirmare aut negare. |
Après avoir argumenté contre ceux
qui soutiennent que les contradictoires sont simultanément vraies, le
Philosophe combat ici ceux qui affirment qu’il existe un intermédiaire dans
la contradiction: en effet, ils disent que l'autre partie de la contradiction
n’est pas toujours vraie. Ce qu'il traite en deux points. En premier, il
argumente contre cette position même. En second, contre certaines difficultés
que l'on pourrait concevoir, difficultés accompagnant cette dernière position
et la précédente. Ce qu'il fait où il dit: "Ceci établi, etc. ",
(lec, XVI). Il traite son premier point en deux parties. En premier, il
apporte des raisons contre cette conception. En second, il montre la cause
qui en a conduit un certain nombre a adopter cette conception, où il dit:
"Que des philosophes, etc." Pour ce qui concerne la première
partie, il donne sept raisons, Voici la première. De même que les
contradictoires ne peuvent être simultanément vraies, ainsi, non plus, ne
peut-il y avoir d’intermédiaire entre des contradictoires; il faut nécessairement,
à propos de chaque chose, soit affirmer soit nier. |
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[82286]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 2 Et hoc manifestum est primo ex definitione veri vel
falsi: non enim aliud est magis falsum quam dicere non esse quod est, aut
esse quod non est. Et nihil aliud est magis verum quam dicere esse quod est,
aut non esse quod non est. Patet igitur, quod quicumque dicit aliquid esse,
aut dicit verum, aut dicit falsum: si dicit verum, oportet ita esse, quia
verum est esse quod est. Si dicit falsum, oportet illud non esse, quia falsum
nihil aliud est quam non esse quod est. Et similiter si dicit hoc non esse,
si dicit falsum, oportet esse; si verum, oportet non esse; ergo de
necessitate aut affirmativa aut negativa est vera. Sed ille, qui ponit medium
inter contradictionem, non dicit quod necesse sit dicere de ente esse vel non
esse, neque quod necesse sit de non ente. Et ita nec affirmans nec negans, de
necessitate dicit verum vel falsum. |
Ce qui est tout d’abord manifeste,
par la définition du vrai et du faux. Il n’y a rien de plus faux en effet que
de dire d’une chose qui est, qu’elle n’est pas, ou d’une chose qui n’est pas
qu’elle est. Et il n’y a rien de plus vrai que de dire qu’existe ce qui est,
et que n’existe pas ce qui n’est pas. Il est donc évident que quiconque dit
qu’une chose est, dit soit la vérité soit une fausseté. S’il dit vrai, il
faut qu’il en soit ainsi, parce qu’il est vrai que ce qui est existe. S’il
dit faux, il faut que la chose n’existe pas, parce que le faux consiste
précisément en ce que n’existe pas ce qui existe. Et, pareillement, s'il dit
que cette chose n'est pas, il faudra, pour qu'il dise faux, qu'elle soit;
pour qu’il dise vrai, il faudra qu’elle ne soit pas. Donc, de toute
nécessité, ou bien l'affirmation est vraie, ou bien la négation. Mais celui
qui pose un intermédiaire au centre de la contradiction ne dit pas qu'il est
nécessaire de dire de l'être qu’il est ou qu'il n'est pas, ni non plus du
non-être. De cette façon, ni celui qui affirme ni celui qui nie ne disent nécessairement
le vrai ou le faux. |
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[82287] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 3 Deinde cum dicit amplius autem secundam rationem
ponit; quae talis est. Medium inter duo aliqua accipi potest uno modo vel participatione
utriusque extremi, quod est medium in eodem genere, sicut viride vel pallidum
inter album et nigrum. Alio modo per abnegationem, quod etiam est diversum in
genere, sicut inter hominem et equum, quod nec est homo, nec est equus, ut
lapis. Si ergo inter contradictoria est medium, aut hoc erit primo modo, aut
secundo: |
Ensuite où il dit : " Ensuite
... ", il donne la seconde raison. La voici. L'intermédiaire entre deux
choses peut se prendre, d'une première façon, par participation à chacun des extrêmes:
C'est l'intermédiaire qui existe dans le même genre que les extrêmes, par
exemple, le pâle ou le gris entre le blanc et le noir. D'une seconde façon,
l'intermédiaire peut se prendre par négation des extrêmes; ce qui donne un
intermédiaire divers par le genre, comme celui qui existe entre l'homme et le
cheval, qui n'est ni homme ni cheval, comme la pierre. Si donc il existe un
intermédiaire entre deux contradictoires, ce sera ou bien selon le premier
mode, ou bien selon le second. |
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[82288]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 4 Si secundo modo, tunc nihil permutatur: quod sic
patet. Omnis enim permutatio est ex non bono in bonum, aut ex bono in non
bonum. Quare etiam cum est mutatio inter contraria, ut inter album et nigrum,
est mutatio inter contradictorie opposita. Nam nigrum est non album, ut ex
praedictis patet. Secundum autem praedicta non posset fieri mutatio ex non
bono in bonum, vel e converso: ergo nulla esset mutatio: cum tamen semper hoc
appareat vel videatur, quod ex non bono in bonum fiat mutatio, vel e
converso. Quod autem omnis talis mutatio tollatur ex praedicta positione
facta, sic patet. Non enim potest esse mutatio nisi inter contraria et media
quae sunt unius generis: nec potest esse mutatio de uno extremo in alterum nisi
per medium. Si igitur est medium inter contradictoria per abnegationem, idest
alterius generis, nulla poterit esse mutatio de extremo in medium, et ita per
consequens de extremo in extremum. |
S'il s'agit du second, il n'y a,
dans ce cas, aucun changement. En voici l'évidence. Tout changement se fait
du non-bien au bien, ou du bien au non-bien. C'est pourquoi également,
lorsque le changement s’effectue entre des contraires comme entre le blanc et
le noir, il y a changement entre ce qu’s'oppose de façon contradictoire. En
effet, le noir est non-blanc, comme il appert par les réflexions précédentes.
Or, si l'on pose un intermédiaire par négation, il ne pourrait pas y avoir de
changement du non-bien au bien, ou à l’inverse; donc, il n’y aurait aucun
changement, puisque l'observation fait voir que, toujours, le changement va
du non-bien au bien, ou en direction inverse. Or, que tout semblable
changement soit supprimé par la position de cet intermédiaire, en voici
l'évidence. En effet, il ne peut y avoir changement qu'entre des contraires
et des intermédiaires qui appartiennent à un seul genre; il ne peut non plus,
y avoir de changement d'un extrême à l'autre sans passer par l'intermédiaire.
Si donc il y a un intermédiaire entre contradictoires par négation, c'est-à-dire
un intermédiaire d'un autre genre, il ne pourra y avoir de changement d'un
extrême à l'intermédiaire, et, par conséquent, d'un extrême à l'autre. |
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[82289] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 5 Si autem primo modo, scilicet quod sit medium in
contradictione quasi eiusdem generis, participatione utriusque, sicut
pallidum inter album et nigrum, sequitur hoc inconveniens, quod sit aliqua
generatio quae terminetur ad album, et non fiat ex non albo; quia ad unum
extremum non tantum fit mutatio ex alio extremo, sed etiam ex medio. Hoc
autem non videtur esse verum, scilicet quod sit aliqua generatio terminata ad
album quae non fiat ex non albo. Et sic patet quod nullo modo potest esse
medium in contradictione. |
S'il y a un intermédiaire selon le
premier mode, à savoir un intermédiaire presque de même genre que les
contradictoires parce que participant aux deux extrêmes de la contradiction,
comme le pâle par rapport au blanc et au noir, il s'ensuit l'absurdité
suivante qu'il y a une génération qui se termine au blanc sans venir du
non-blanc, parce que le changement qui se termine à un extrême part non
seulement de l’autre extrême, mais aussi de l'intermédiaire. Or il semble
qu’il n’est pas vrai qu'une génération se termine au blanc sans provenir du
non-blanc. Et ainsi, il est évident qu'il ne peut y avoir, en aucune façon,
d’intermédiaire dans la contradiction. |
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[82290]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 6 Deinde cum dicit amplius omne tertiam rationem
ponit, quae talis est. Intellectus in omni conceptione sua, qua sentit et
intelligit, aut affirmat aliquid aut negat. Ex definitione autem veri et
falsi apparet quod sive aliquis affirmet sive neget, oportet ut verum dicat,
aut mentiatur: quia quando intellectus sic componit vel affirmando vel
negando sicut est in re, dicit; quando autem non sic, mentitur. Et ita patet
quod semper oportet quod sit vera vel affirmatio vel negatio; quia oportet
quod aliqua opinio sit vera, et omnis opinio affirmatio est vel negatio: unde
oportet quod semper affirmatio vel negatio sit vera: et sic non est medium in
contradictione. |
Ensuite quand il dit: "En
outre, tout objet…", il donne la troisième raison que voici. Dans toutes
ses conceptions d'ordre sensible ou intelligible, l'intelligence ou bien
affirme, ou bien nie quelque chose. La définition du vrai ou du faux montre
que soit que l'on affirme soit que lion nie, l’on dit nécessairement la
vérité ou la fausseté. En effet, lorsque l'intelligence lie le sujet et le
prédicat, en affirmant ou en niant, conformément à ce qui est dans la
réalité, elle dit ce qui est vrai; quand elle fait une composition ou une
division qui ne correspond pas à la réalité, elle dit ce qui est faux. Et
ainsi, il est évident que l'une ou l'autre, soit l'affirmation, soit la
négation, est toujours nécessairement vraie) car il faut que quelque opinion
soit vraie, et toute opinion est soit affirmation soit négation. Donc, il
faut que toujours l’une ou l'autre, l'affirmation ou la négation, soit vraie.
Et ainsi, il n’y a pas d'intermédiaire dans la contradiction. |
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[82291] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 7 Deinde cum dicit amplius autem quartam rationem
ponit, quae talis est. Si in contradictione ponatur medium, oportet hoc in
omnibus contradictionibus dicere, quod scilicet praeter omnes contradictiones
sit aliquid verum quod est medium inter eas, nisi hoc dicat aliquis
orationis causa, idest absque omni ratione, solum quia placet ei ita dicere.
Sed hoc non potest verum esse in omnibus, quia verum et non verum sunt
contradictoria quaedam. Et ita sequeretur quod aliquis esset, qui nec verum
diceret, nec non verum. Cuius contrarium patuit ex definitione veri et falsi. |
Ensuite quand il dit: "De
plus, il doit y avoir... ", il apporte la quatrième raison, que voici.
Si l’on pose un intermédiaire dans la contradiction, il faut en poser dans
toutes les contradictions, à savoir qu'outre tous les extrêmes de la
contradiction, il faut qu'il y ait quelque chose de vrai qui est
l'intermédiaire entre ces contradictoires, à moins que l'on ne parle que pour
parler, c'est-à-dire sans aucune raison sérieuse pour soutenir cette
affirmation, mais uniquement pour le plaisir d'affirmer. Mais cela ne peut
être vrai dans tous les cas, parce que le vrai et le non-vrai sont des
contradictoires. Et ainsi, il s'ensuivrait que quelqu'un pourrait dire ni le
vrai ni le non-vrai. Les définitions du vrai et du faux s’opposent clairement
à cette possibilité. |
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[82292]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 8 Similiter, cum ens et non ens sint contradictoria,
sequitur quod aliquid sit praeter ens et non ens. Et ita erit quaedam
transmutatio praeter generationem et corruptionem. Nam generatio est
transmutatio ad esse, et corruptio ad non esse; ergo in nulla contradictione
erit medium. |
Pareillement, puisque l'être et le
non-être sont contradictoires, il s'ensuit qu'il existe quelque chose à part
l'être et le non-être. Et ainsi, il y aura du changement, à part celui de la
génération et de la corruption. En effet, la génération est le changement à
l'être, et la corruption, le changement au non-être. Et donc, dans aucune
contradiction, il n'y a d'intermédiaire. |
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[82293] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 9 Deinde cum dicit amplius in quintam rationem ponit,
dicens, quod negatio in quibusdam generibus inest loco contrariae
differentiae. Vel secundum aliam literam negatio implet contrarium,
quia alterum contrariorum, quae necesse est esse in eodem genere, ex negatione
rationem habet; sicut patet de pari et impari, iusto et iniusto. Si igitur
inter affirmationem et negationem esset aliquod medium, in omnibus istis
contrariis esset aliquod medium, cum affirmationem et negationem manifeste
sequantur. Sicut in numero si esset aliquis numerus qui nec esset par nec
impar. Hoc autem patet esse impossibile ex definitione paris et imparis. Nam
par est quod potest dividi in aequalia. Impar vero quod non potest.
Relinquitur ergo quod inter affirmationem et negationem non potest esse
medium. |
Ensuite où il dit : "En
outre, dans tous les genres ... ", il apporte la cinquième raison en
disant que, dans certains genres, la négation tient lieu de la différence
contraire. Or, selon un autre texte: "la négation complète le contraire",
car l’un des contraires, qui doit nécessairement exister dans le même genre,
possède sa quiddité grâce à la négation. Par exemple, cela est évident dans
le cas du pair et de l'impair, du juste et de l'injuste. Si donc il y avait
un intermédiaire entre l'affirmation et la négation, dans tous ces contraires
existerait aussi un certain intermédiaire, puisque l'affirmation et la
négation manifestement se suivent. Par exemple, si, dans les nombres, il y en
avait un qui serait ni pair, ni impair. Ce qui est évidemment impossible
d'après la définition du pair et de l'impair. Le pair en effet est ce qui est
divisible en parties égales; l'impair, ce qui ne l’est pas. Il reste donc
qu'il ne peut y avoir d'intermédiaire entre l’affirmation et la négation. |
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[82294]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 10 Deinde cum dicit amplius in sextam rationem ponit,
quae talis est. Ponentes aliquid medium inter affirmationem et negationem,
ponunt aliquod tertium praeter illa duo, quae ponunt omnes communiter,
dicentes nihil inter ea esse medium. Tria autem ad duo se habent in hemiolia,
idest in sesquialtera proportione. Secundum igitur opinionem eorum qui ponunt
inter affirmationem et negationem medium, in primo aspectu apparet quod omnia
erunt hemiolia, idest in sesquialtera proportione ad ea quae ponuntur;
quia non solum erunt affirmationes et negationes, sed etiam media. Non solum
autem hoc sequetur, sed etiam quod sint in infinitum plura. Constat enim quod
omne quod contingit affirmare, contingit negare. Contingit autem affirmare
haec tria esse, scilicet affirmationem, negationem, et medium; ergo contingit
ista tria negare. Et sicut negatio est aliud ab affirmatione, ita aliud erit
quoddam quartum praeter tria praedicta. Erit enim eius substantia et ratio
alia a praedictis, sicut et negationis alia ab affirmatione. Item ista
quatuor contingit negare, et horum negatio erit verum, et sic in infinitum. Erunt igitur plura in infinitum quam modo ponantur.
Quod videtur inconveniens. |
Ensuite où il dit : "Ajoutons
qu'on ira ... ", il apporte la sixième raison, que voici. Ceux qui
posent un intermédiaire entre l'affirmation et la négation, posent une
troisième chose à part les deux autres que tout le monde pose, en disant
qu'il n’y a pas d’intermédiaire entre elles. Or trois est à deux selon la
proportion sesquialtère. Donc, d'après l'opinion de ceux qui posent un
intermédiaire entre l'affirmation et la négation, il apparaît au premier
regard que toutes choses seront dans la proportion sesquialtère par rapport à
toutes les réalités que l'on pose en elles: car il n'existera pas uniquement
des affirmations et des négations, mais aussi des termes intermédiaires. Ce
n’est pas là, non plus, l'unique conséquence; il s'ensuit aussi que les
termes posés sont en nombre infini. En effet, il est évident que tout ce
qu'on peut affirmer, on peut le nier. Or on peut affirmer que ces trois
choses existent, à savoir l'affirmation, la négation et le terme
intermédiaire; donc, on peut aussi les nier. Et comme la négation est autre
que l'affirmation, ainsi il y aura un autre quatrième terme à part les trois
que nous avons posés. En effet, son essence et sa définition seront
différentes des autres termes, comme la négation est différente de
l'affirmation. Et ainsi on pourra nier ces quatre termes, et leur négation
sera vraie, et ainsi de suite à l'infini. Et donc ils seront infiniment plus
nombreux que les termes posés d'après le mode établi. Ce qui est absurde. |
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[82295] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 11 Deinde cum dicit amplius quando septimam rationem
ponit, quae talis est. Si quis interrogaret utrum homo vel aliquid aliud sit
album, oportet quod respondens vel assentiat vel non assentiat: et si
assentiat, planum est quod dicit affirmationem esse veram; si autem non
assentiat respondendo non, constat quod negat. Nec negat aliquid aliud quam
illud quod ille interrogavit; et ipsa negatio est non esse, quia negativa.
Relinquitur igitur, quod respondens ad quaestionem, vel necesse habet
concedere affirmationem, vel proferre negativam; et ita inter haec duo non
est medium. |
Ensuite, quand il dit: "Au
surplus ... ", il donne la septième raison. La voici. Si quelqu'un
demandait: l’homme, ou quelque chose d'autre, est-il blanc? Il faut que celui
qui répond donne son assentiment ou ne le donne pas. S'il donne son
assentiment, il est clair qu'il dit que l'affirmation est vraie; s'il ne
donne pas son assentiment, en répondant non, il est clair qu'il nie. Il ne
nie rien d'autre non plus que ce que l’autre lui a demandé. Et la négation
elle-même est du non-être, parce qu'elle est négative. Il reste donc que
celui qui répond à la question doit, ou bien admettre l’affirmation, ou bien
répondre par la négative, Et donc, entre la réponse affirmative et négative,
il n’y a pas d’intermédiaire. |
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[82296]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 12 Deinde cum dicit evenit autem ostendit causam quare
quidam in hanc opinionem incidunt: et circa hoc tria facit. Primo enim
ostendit quare quidam hanc opinionem posuerunt. Secundo modum disputandi
contra eos, ibi, principium autem ad hos omnes. Tertio ad quas opiniones
philosophorum praedictae opiniones sequuntur, ibi, videtur autem Heracliti.
Dicit ergo primo, quod praedicta opinio evenit quibusdam, sicut et aliae
opiniones inopinabilium, ex duplici causa: quarum prima est, quia quando
aliqui non possunt solvere orationes contentiosas, idest rationes
litigiosas sive sophisticas factas eis ab aliis vel a seipsis, consentiunt
rationi probanti, et concedunt conclusionem, dicentes verum esse quod
syllogizatum est. Et ulterius ipsam nituntur confirmare aliquas alias
rationes adinveniendo. |
Ensuite quand il dit: "Que
des philosophes…", il montre la cause qui a conduit certains philosophes
à accepter cette opinion. Ce qu'il traite en trois points. En premier, il
montre pourquoi certains philosophes ont eu cette conception. En second, il
montre comment il faut discuter avec eux, où il dit: "Mais on les réfute
etc. " En troisième, il montre à quelles opinions de ces philosophes
font suite ces conceptions, où il dit : "Or, à ce qu'il semble,
etc. " Il dit donc, en premier, que la source de cette opinion, comme
celle des autres opinions insoutenables, est double. Voici la première. Quand
on est dans l’incapacité de réfuter les raisons pleines d'embûches, ou les
raisons sophistiques que d’autres présentent ou qu'on se formule à soi -même,
on se rallie à l'argument et on accepte la conclusion, en disant que
l'argument démontre bien la vérité. Et, par la suite, ceux-là même qui sont
pris dans l'erreur cherchent à trouver de nouvelles raisons pour confirmer
cette même opinion. |
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[82297] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 13 Secunda est propter hoc, quod quidam volunt inquirere
rationem probantem de omnibus; et ideo illa quae probari non possunt, nolunt
concedere, sed negant. Prima autem principia quae sunt omnium conceptiones
communes probari non possunt; et ideo eas negant, per hoc in positiones
inopinabiles incidentes. |
La seconde source de cette erreur
est que d’autres veulent trouver un argument probant pour toutes choses.
C'est pourquoi, ce qu'ils ne peuvent prouver, ils ne veulent pas l'admettre,
mais le nient. Or les premiers principes, qui sont les conceptions communes à
toutes choses, ne peuvent être prouvés. Voilà pourquoi ils les nient et, par
là, tombent dans des conceptions insoutenables. |
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[82298]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 14 Deinde cum dicit principium autem ostendit ex quo
principio debeat procedi contra tales opiniones; et dicit quod ex definitione
veri vel falsi vel aliquorum aliorum nominum, sicut ex supra dictis
rationibus patet. Necesse est enim eis concedere definitiones rerum, si
ponunt quod nomina aliquid significent. Nam ratio quam nomen significat est
definitio rei. Si autem non concedunt omnia significare aliquid, tunc non
differunt a plantis, sicut supra dictum est. |
Ensuite quand il dit : "Mais
on les réfute tous... ", il montre à partir de quel principe on doit
raisonner contre de telles opinions. Il dit que c’est à partir de la
définition du vrai ou du faux, ou de quelque autre mot, comme on le voit par
les raisons apportées auparavant, En effet, il leur est nécessaire d'admettre
les définitions des choses, s’ils affirment que les mots ont un sens
(signifient quelque chose). En effet, la raison que le mot signifie est la
définition de la chose. S'ils n'admettent pas que tous les mots signifient
que chose, alors, ils ne sont pas différents des plantes, comme on l'a dit auparavant. |
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[82299] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 15 Deinde cum dicit videtur autem ostendit ad quas
opiniones praedictae positiones consequuntur: et dicit quod ad positionem Heracliti,
qui dicebat omnia moveri simul, et per consequens esse et non esse. Et quia
id quod movetur habet non esse admixtum cum esse, sequitur quod omnia sunt
vera. |
Ensuite quand il dit: "Or, à
ce qu’il semble ... ", il montre de quelles opinions découlent ces
conceptions. Il dit que cette opinion découle de la théorie d'Héraclite qui
disait que tout est simultanément en mouvement et que, par conséquent, tout
est et n'est pas. Et parce que cc qui change a du non-être mêlé à son être,
il s'ensuit que tout est vrai. |
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[82300] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 16 n. 16 Ad positionem vero Anaxagorae sequitur quod aliquid
sit medium contradictionis. Ipse enim ponebat quod quodlibet miscetur cum
quolibet, propter hoc quod quodlibet fit ex quolibet. De permixto autem
neutrum extremorum potest dici; sicut colores medii nec sunt albedo nec
nigredo. Unde illud quod est mixtum, nec est bonum nec non bonum, nec album
nec non album. Et sic est aliquid
medium contradictionis. Et per consequens sequitur omnia esse falsa. Nihil
enim secundum communem opinionem ponimus nisi affirmationem et negationem.
Unde si affirmatio et negatio sunt falsa, sequitur omnia falsa esse. |
De la doctrine d'Anaxagore, il découle
qu’il y a un intermédiaire entre deux contradictoires. En effet, il affirmait
que tout est mêlé à tout, du fait que n’importe quoi vient de n’importe quoi.
Or, on ne peut affirmer aucun des extrêmes de ce qui est mêlé; par exemple,
on ne peut affirmer des couleurs intermédiaires qu'elles sont blanches ou
noires. C'est pourquoi, le mélange n’est ni bon ni non-bon, ni blanc ni
non-blanc. Et ainsi, il existe un intermédiaire entre les contradictoires.
Et, par conséquent, tout est faux. En effet, d'après l'opinion commune, il
n’y pas d’autres attributions que l’affirmation et la négation. Donc si
l'affirmation et la négation sont fausses, il s'ensuit que tout est faux. |
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Leçon 17, Texte d’Aristote
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Ceci établi, on voit clairement
que ne peuvent être vrais, ni isolément, ni globalement, les assertions de
ceux qui soutiennent, les uns que rien n'est vrai (car rien n'empêche,
dit-on, qu'il en soit de toute proposition comme de celle de la commensurabilité
de la diagonale), les autres que tout est vrai. Ces raisonnements, en effet,
ne diffèrent guère de ceux d'Héraclite, car dire avec lui que tout est vrai
et tout est faux, c'est énoncer aussi chacune de ces deux propositions
séparément, de sorte que si la doctrine d'Héraclite est impossible à
admettre, ces doctrines doivent l'être aussi. Autre raison: manifestement, il
y a des propositions contradictoires qui ne peuvent pas être vraies en même
temps, et, d’un autre côté, il y en a qui ne peuvent toutes être fausses,
bien que ce dernier cas paraisse plus concevable, d’après ce que nous avons
dit. Mais à tous les philosophes qui soutiennent de telles opinions, il faut
demander, ainsi que nous l'avons indiqué dans nos discussions précédentes,
non pas s'ils soutiennent que quelque chose est ou n'est pas, mais si les
mots dont ils se servent ont un sens, de façon que nous ayons à discuter en
partant d'une définition, en déterminant notamment ce que signifie le faux ou
le vrai. Si ce qu'il est vrai d'affirmer n'est rien autre chose que ce qu'il
est faux de nier, il est impossible que tout soit faux, car il est nécessaire
qu'un des deux membres de la contradiction soit vrai. Ensuite, si, pour toute
chose, il faut nécessairement ou affirmer ou nier, il est impossible que les
propositions soient fausses l'une et l'autre, car un seul membre de la
contradiction est faux. - De telles doctrines encourent donc toutes aussi le
reproche si souvent répété de se détruire elles-mêmes. En effet, celui qui
dit que tout est vrai affirme, entre autres, la vérité de la proposition
contraire à la sienne, de sorte que la sienne propre n'est pas vraie (car
l'adversaire: prétend qu'elle n'est pas vraie), tandis que celui qui dit que
tout est faux affirme aussi la fausseté de ce qu’il dit lui-même. Et s’ils
font des exceptions, le premier prétendant que seule la proposition contraire
à la sienne n'est pas vraie, et le dernier, que la sienne seule n’est pas
fausse, ils n’en sont pas moins entraînés à postuler une infinité
d'exceptions, tant pour les propositions vraies que pour les propositions
fausses. En effet, celui qui dit que la proposition vraie est vraie dit
lui-même vrai; or cela nous mènera à l'infini. Il est encore évident que ni ceux
qui prétendent que tout est en repos, ni ceux prétendent que tout est en
mouvement, ne disent vrai. Si, en effet, tout est en repos, les mêmes choses
seront éternellement vraies, et les mêmes choses éternellement fausses; or il
est manifeste que les choses, à cet égard, changent, puisque celui-là même
qui soutient que tout est en repos n’existait pas à un moment donné, et qu’à
tel autre moment il n'existera plus. Si, au contraire, tout est en mouvement,
rien ne sera vrai; tout sera donc faux. Mais il a été démontré que cela est
impossible. De plus, il est nécessaire que ce qui change soit un être, car le
changement se fait à partir de quelque chose vers quelque chose. Enfin il
n'est pas vrai non plus que tout soit, tantôt en repos, tantôt en mouvement,
et que rien ne soit éternel car il y a un être qui meut continuellement les
choses en mouvement, et le premier Moteur est lui-même immobile. |
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Lectio 17 |
Leçon 17, Commentaire de
saint Thomas [Rien n’est vrai et faux à la fois, ni immobibile et mobile]
(Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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ARISTOTE REFUTE LES
DEUX OPINIONS SUIVANTES : QUE TOUT EST VRAI ET FAUX. L’AUTRE QUI FAIT
CROIRE A QUELQUES-UNS QUE TOUT EST EN MOUVEMENT ET EN REPOS. |
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[82301] Sententia Metaphysicae,
lib. 4 l. 17 n. 1 Disputat contra quasdam positiones, quae ad
praedicta consequuntur. Et primo contra quosdam, qui destruunt principia
logicae. Secundo contra quosdam, qui destruunt principia physicae, ibi, palam
autem quia neque qui omnia et cetera. Philosophus enim primus debet disputare
contra negantes principia singularium scientiarum, quia omnia principia
firmantur super hoc principium, quod affirmatio et negatio non sunt simul
vera, et quod nihil est medium inter ea. Illa autem sunt propriissima huius
scientiae, cum sequantur rationem entis, quod est huius philosophiae primum
subiectum. Verum autem et falsum pertinent proprie ad considerationem logici;
consequuntur enim ens in ratione de quo considerat logicus: nam verum et
falsum sunt in mente, ut in sexto huius habetur. Motus autem et quies sunt
proprie de consideratione naturalis, per hoc quod natura definitur quod est
principium motus et quietis. Ad errorem autem qui accidit circa esse et non
esse, sequitur error circa verum et falsum: nam per esse et non esse verum et
falsum definitur, ut supra habitum est. Nam verum est cum dicitur esse quod
est, vel non esse quod non est. Falsum autem, e converso. Similiter autem ex
errore, qui est circa esse vel non esse, sequitur error qui est circa moveri
et quiescere. Nam quod movetur, inquantum huiusmodi, nondum est. Quod autem
quiescit, est. Et ideo destructis erroribus circa esse et non esse, ex
consequenti destruuntur errores circa verum et falsum, quietem et motum. |
Aristote argumente contre certaines
doctrines qui découlent des précédentes. Et, en premier, contre celles qui
suppriment les principes de la logique. En second, contre certaines doctrines
qui suppriment les principes de la philosophie de la nature, où il dit :
" Il est encore évident, etc. " En effet, le "premier
philosophe" doit discuter avec ceux qui nient les principes des sciences
particulières, parce que tous les principes sont fondés sur le principe que
l’affirmation et la négation ne sont pas simultanément vraies et qu'il n’y a
aucun intermédiaire entre elles. Ces principes sont tout à fait propres à la
philosophie première, puisqu'ils sont consécutifs à la raison de l'être, qui
est le premier sujet de cette science. Or, le vrai et le faux appartiennent
proprement à la considération de la logique: ils sont consécutifs à l’être
qui existe dans la raison, dont traite le logicien. En effet, le vrai et le
faux sont dans l'esprit, comme on le verra dans le sixième livre. Le
mouvement et le repos, eux, relèvent proprement de l'étude du philosophe de
la nature, par le fait que la nature se définit comme ce qui est le principe
du mouvement et du repos. Or, à l'erreur qui affecte l'être et le non-être
suit celle qui porte sur le vrai et le faux. En effet, le vrai et le faux se
définissent au moyen de l'être et du non-être, comme il est acquis par les
considérations précédentes. En effet, il y a vérité lorsqu'on dit être ce qui
est ou ne pas être ce qui n’est pas. C'est l'inverse qui a lieu dans le cas
du faux. Pareillement, de l'erreur qui concerne l'être et le non-être,
découle celle qui affecte le mouvement et le repos. En effet, ce qui change,
en tout même qu'il change, n'est pas. Ce qui est en repos est. C'est
pourquoi, une fois détruites les erreurs qui portent sur l’être et le non-être,
seront détruites, en conséquence, celles qui portent sur le vrai et le faux,
sur le repos et le mouvement. |
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[82302]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 2 Circa primum duo facit. Primo ponit opiniones falsas
circa verum et falsum. Secundo reprobat eas, ibi, amplius autem palam et
cetera. Dicit ergo, quod definitis, idest determinatis praedictis quae
erant dicenda contra praedictas inopinabiles opiniones, manifestum est quod
impossibile est quod quidam dixerunt quod univoce, idest uno modo
sententiandum est de omnibus, ut dicamus omnia similiter esse falsa vel
similiter esse vera. Quidam enim dixerunt nihil esse verum, sed omnia esse
falsa, et quod nihil prohibet quin dicamus omnia sic esse falsa, sicut illa
est falsa, diameter est commensurabilis lateri quadrati, quod est falsum.
Alii vero dixerunt quod omnia sunt vera. Et huiusmodi orationes consequuntur
ad opinionem Heracliti, sicut dictum est. Ipse enim dixit simul esse et non
esse, ex quo sequitur omnia esse vera. |
Aristote traite son premier point
en deux parties. En premier, il expose les fausses opinions sur le vrai et le
faux. En second, il les réfute, où il dit: "Autre raison: manifestement,
etc." Il dit donc en premier que, une fois établi ce qu'il fallait dire
contre les insoutenables opinions rapportées précédemment, il est manifeste
qu'il est impossible que certains philosophes aient affirmé globalement et
sans restriction que tout est pareillement faux ou que tout est pareillement
vrai. En effet, quelques-uns ont dit que rien n’est vrai mais que tout est
faux et que rien n'empêche qu’il en soit de toute proposition comme de celle
de la commensurabilité de la diagonale au côté du carré, proposition qui est
fausse. D'autres ont dit que tout est vrai. Et ces opinions découlent de la
théorie d’Héraclite, comme on l'a dit. En effet, il a affirmé la coexistence
simultanée rie l'être et du non-être, d'où il suit que tout est vrai. |
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[82303] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 3 Et ne forte aliquis diceret quod praeter has opiniones
est etiam tertia, quae dicit quod omnia simul sunt vera et falsa, quasi
tacitae obiectioni respondens dicit, quod qui hoc ponit, utrumque
praedictorum ponit. Unde si duae primae opiniones sunt impossibiles, illam
tertiam oportet esse impossibilem. |
Et de crainte que quelqu’un dise
qu'outre ces opinions il en existe une troisième affirmant que tout est vrai
et faux en même temps, Aristote répond presque tacitement à cette objection
en disant que cette opinion ne fait que reposer les deux premières. Donc, si
les deux premières sont impossibles, il faut que cette troisième soit absurde
aussi. |
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[82304]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 4 Deinde cum dicit amplius autem ponit rationes contra
praedictas opiniones; quarum prima talis. Constat quasdam esse
contradictiones quas impossibile est simul esse veras nec simul falsas, sicut
verum et non verum, ens et non ens. Et hoc magis potest sciri ex dictis. Si
igitur harum contradictionum necesse est alteram esse veram et alteram
falsam, non omnia sunt vera nec omnia sunt falsa. |
Ensuite où il dit: "Autre
raison ... ", il argumente contre ces opinions. Voici la première raison
qu’il donne. Manifestement, il y a des contradictoires qui ne peuvent
absolument pas être vraies en même temps, ni fausses en même temps, comme le
vrai et le non-être, l'être et le non-être. Ce que l'on peut reconnaître
d'après nos réflexions précédentes. Si donc, il est nécessaire que l'une de
ces contradictoires soit vraie et que l'autre soit fausse, il s'ensuit que ce
ne sont pas toutes les contradictoires qui sont vraies en même temps, ou
fausses. |
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[82305] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 5 Deinde cum dicit sed ad omnes secundam rationem
ponit, dicens, quod ad istas orationes, idest positiones, non oportet
quaerere, idest petere concedendum aliquid esse vel non esse in rebus,
quemadmodum supra dictum est; quia hoc videtur petere principium. Sed hoc
petendum est, quod detur nomina aliquid significare; quo non dato, disputatio
tollitur. Hoc autem dato, oportet ponere definitiones, sicut iam supra dictum
est. Et ideo ex definitionibus contra eos disputare oportet, et praecipue in
proposito, accipiendo definitionem falsi. Si autem non est aliud verum, quam
illud affirmare, quod falsum est negare, et e converso: et similiter falsum
non aliud est quam affirmare id quod negare est verum, et e converso:
sequitur quod impossibile sit omnia esse falsa; quia necesse erit vel
affirmationem vel negationem esse veram. Patet enim, quod verum nihil est
aliud quam dicere esse quod est, vel non esse quod non est. Falsum autem,
dicere non esse quod est, vel esse quod non est. Et ideo patet, quod verum
est dicere illud esse, quod falsum est non esse; vel non esse, quod falsum
est esse. Et falsum est dicere id esse, quod verum est non esse; vel non esse
quod verum est esse. Et ita, ex definitione veri vel falsi, patet quod non
sunt omnia falsa. Et ratione eadem patet quod non omnia sunt vera. |
Ensuite où il dit : "Mais à
tous les philosophes ... ", il donne la seconde raison en disant que,
comme nous l'avons indiqué auparavant, il ne faut pas demander à ceux qui
soutiennent de telles opinions d'admettre que quelque chose est ou n'est pas;
ce qui semble une pétition de principe. Ce qu’il faut leur demander c'est
qu'ils accordent que les mots ont un sens; si non, aucune discussion n’est
possible. Si le mot signifie quelque chose, il faut établir des définitions,
comme on l'a dit. Ainsi, c'est à partir des définitions qu’il faut discuter
avec eux et, dans le cas actuel, il faut notamment saisir la définition du
faux. Si le vrai n'est rien d'autre que d'affirmer ce qu'il est faux de nier,
ou l'inverse; ou si le faux n'est rien d'autre qu'affirmer ce qu'il est vrai
de nier, ou l'inverse, il s'ensuit qu'il est impossible que tout soit faux,
parce qu'il est nécessaire que l’une ou l'autre, l'affirmation ou la
négation, soit fausse. En effet, il est évident que la vérité n'est pas autre
chose que de dire qu'existe ce qui est ou que n'existe pas ce qui n'est pas;
le faux, lui, est de dire qu'existe ce qui n'existe pas ou que n'existe pas
ce qui existe. Il est donc évident qu'il est vrai de dire qu'existe ce dont
il est faux de dire qu'il n'existe pas; ou encore, de dire que n'existe pas
ce dont il est faux de dire qu'il existe. Et il est faux de dire de ce qui,
en vérité, n'existe pas, qu'il existe; ou encore de dire que n'existe pas ce
qui, en vérité, existe. |
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[82306]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 6 Deinde cum dicit amplius si tertiam rationem ponit,
quae talis est. Constat ex praedictis, quod necesse est de quolibet aut
affirmare aut negare, cum nihil sit medium in contradictione. Igitur
impossibile est omnia falsa esse. Et eadem ratione probatur quod impossibile
est omnia esse vera, per hoc quod ostensum est, quod non est simul affirmare
et negare. |
Ensuite où il dit : "Ensuite,
si, pour ... ", il donne la troisième raison, que voici. Il est
manifeste d'après ce que nous avons dit, que, pour toutes choses, il faut
nécessairement ou affirmer ou nier, puisqu’il n'y a pas d'intermédiaire dans
la contradiction. Il est donc impossible que tout soit faux. La même raison
prouve aussi qu’il est impossible que tout soit vrai, par le fait même qu'on
a démontré qu'on ne peut affirmer et nier en même temps. |
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[82307] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 7 Deinde cum dicit contingit autem quartam rationem
ponit, quae talis est. Ad omnes praedictas orationes, idest positiones,
contingit hoc inconveniens quod seipsas destruunt. Et hoc est famatum,
idest famosum ab omnibus dictum. Unde alius textus habet, accidit autem et
id vulgare. Quod sic probat. Ille enim, qui dicit omnia esse vera, facit
opinionem contrariam suae opinioni esse veram; sed contraria suae opinionis
est quod sua opinio non sit vera: ergo qui dicit omnia esse vera, dicit suam
opinionem non esse veram, et ita destruit suam opinionem. Et similiter
manifestum est quod ille, qui dicit omnia esse falsa, dicit etiam seipsum
dicere falsum. |
Ensuite, où il dit: "De
telles doctrines... ", il apporte la quatrième raison. Elle se formule
ainsi. Il arrive à toutes ces opinions l’inconvénient majeur de se détruire
elles-mêmes. Ce qui est un argument fort répandu dans le public. C'est
pourquoi un autre texte dit: " Il arrive et cela est opinion commune. "
Voici comment il prouve cette autodestruction. Celui qui dit que tout est
vrai, affirme que l'opinion contraire à la sienne est vraie aussi; mais
l'opinion contraire à la sienne est précisément que la sienne n'est pas
vraie. Donc, celui qui dit que tout est vrai, affirme que son opinion n'est
pas vraie, et, ainsi, détruit sa propre opinion. Et, pareillement, celui qui
dit que tout est faux affirme aussi que lui-même dit une fausseté. |
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[82308] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 8 Et quia posset aliquis dicere quod dicens omnia vera
excipit aut aufert ab universalitate suam contrariam, et similiter, qui dicit
omnia esse falsa excipit suam opinionem: ideo hanc responsionem excludit; et
dicit, quod si ille qui dicit omnia esse vera, excipiat suam contrariam,
dicens solam eam esse non veram, et dicens omnia esse falsa excipiat suam
opinionem dicens quod ipsa sola non est falsa, nihilominus sequitur quod
contingat eis quaerere, idest repetere infinitas esse orationes veras
contra ponentes omnia esse falsa, et infinitas falsas contra ponentes omnia
vera esse. Si enim detur una opinio vera, sequetur infinitas esse veras. Et
si detur una opinio falsa, sequetur infinitas esse falsas. Si enim haec
positio vel opinio est vera: Socrates sedet, ergo et haec erit vera: Socratem
sedere est verum. Et si illa est vera, ulterius haec erit vera, Socratem
sedere esse verum est verum, et sic in infinitum. Semper enim qui dicit de
oratione vera quod sit vera, verus est. Et qui dicit de oratione falsa quod
sit vera, falsus est. Et hoc potest procedere in infinitum. |
Et parce qu'on pourrait dire que
celui qui dit que tout est vrai fait de l'opinion contraire à la sienne une
exception à l'universalité de son affirmation, et que, pareillement, celui qui
dit que tout est faux soustrait sa propre opinion à son affirmation. Aristote
rejette cette réponse. Il dit que si celui qui dit que tout est vrai fait une
exception de l'opinion contraire à la sienne, en disant qu'elle est la seule
qui est non-vraie, et que si celui qui affirme que tout est faux, fait une
exception de sa propre opinion, qui est, d'après lui, la seule qui soit
non-fausse, il s'ensuit qu’il lui arrive de postuler l’existence d’une
infinité d'opinions vraies contre ceux qui affirment que tout est faux, et
une infinité d'opinions fausses contre ceux qui affirment que tout est vrai.
En effet, s'il existe une opinion vraie, il s'ensuit qu'il existe une
infinité d'opinions vraies. Et s'il y a une opinion fausse, il s’ensuit qu’il
y a une infinité d'opinions fausses. En effet, si cette opinion est vraie;
Socrate s’assoit, il s'ensuit que cette autre sera vraie : Socrate s'assoit
est vrai. Et si dernière est vraie, il s'ensuit que cette autre aussi sera
vraie: Socrate s’assoit est vrai - est vrai. Et ainsi à l’infini. En effet,
celui qui dit que la proposition vraie est vraie dit lui-même vrai. Et celui
qui dit que le discours faux est vrai dit faux. Et cela peut aller à
l'infini. |
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[82309] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 9 Deinde cum dicit palam autem disputat contra
opiniones destruentes principia naturae, scilicet motum et quietem: et circa
hoc tria facit. Primo tangit falsitatem harum opinionum; dicens, quod ex
praedictis est manifestum, quod nec opinio dicens omnia moveri, nec opinio
dicens omnia quiescere, vera est. |
Ensuite où il dit : "Il
est encore évident ... ", il s'en prend à ceux qui suppriment les
principes de la nature, à savoir le mouvement et le repos. Ce qu’il fait en
trois points. En premier, il pointe la fausseté de leurs opinions en disant
qu'il est manifeste, d'après les considérations précédentes, que ni l'opinion
qui soutient que tout se meut, ni celle qui affirme que tout est en repos, ne
sont vraies. |
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[82310] Sententia Metaphysicae,
lib. 4 l. 17 n. 10 Deinde cum dicit nam si quiescunt secundo ostendit
has opiniones esse falsas. Et primo ostendit quod opinio sit falsa, quae
ponit omnia quiescere: quia si omnia quiescunt, tunc nihil removetur a
dispositione, in qua aliquando est; et ideo quicquid est verum, semper erit
verum, et quicquid est falsum, semper est falsum. Sed hoc videtur
inconveniens: transmutatur enim veritas et falsitas propositionis. Nec hoc
est mirum: quia homo, qui opinatur vel profert propositionem, aliquando non
erat, postmodum fuit, et iterum non erit. |
Ensuite, où il dit : " Si, en
effet, tout ... ", il montre, en second, que ces opinions sont fausses.
En premier, il le fait à propos de l'opinion qui veut que tout soit en repos.
En effet, si tout est en repos, aucune chose ne pourra perdre l'état dans
lequel il lui a été donné d’être une fois; et donc, tout ce qui est vrai le
sera éternellement, et tout ce qui est faux, le sera toujours. Mais cela
semble absurde, la vérité et la fausseté de la proposition changent. Et cela
n'a rien d'étonnant: l'homme qui croit à une proposition et la profère
(peut-être celui-là même qui dit que tout est en repos) n'existait pas à un
moment donné, a existé par la suite, et de nouveau n'existera plus. |
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[82311]
Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 11 Secundo ostendit esse falsam opinionem quae ponit
omnia moveri, duabus rationibus. Quarum primam ponit ibi, si vero omnia. Quae
talis est. Si omnia moventur et nihil est quiescens, nihil erit verum in
rebus: quia quod est verum, iam est; quod autem movetur nondum est: ergo
oportet omnia esse falsa: quod est impossibile, ut ostensum est. |
En second, il montre que l'opinion
qui soutient que tout est en mouvement est fausse, par deux raisons. Il donne
la première où il dit: "Si, au contraire... " La voici. Si tout est
mouvement et que rien n'est en repos, il n'y aura rien de vrai dans la
réalité: ce qui est vrai, existe déjà; ce qui change n'est pas encore; donc,
il faut que tout soit faux. Or cela est impossible, d'après ce qu'on a
démontré. |
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[82312] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 12 Deinde cum dicit amplius autem secundam rationem
ponit, quae talis est. Omne quod permutatur, necessario est ens; quia omne quod
permutatur, ex aliquo in aliud permutatur; et omne quod in aliquo permutatur,
inest ei quod permutatur. Unde non oportet dicere quod quicquid est in re
permutata, mutetur, sed quod aliquid sit manens; et ita non omnia moventur. |
Ensuite quand il dit: "De
plus, il est nécessaire... ", il donne la seconde raison, que voici.
Tout ce qui change est nécessairement de l'être, car tout ce qui change,
change à partir de quelque chose vers (dans) quelque chose d'autre. Et tout
ce qui change en quelque chose existe dans ce qui change. Donc, il ne faut
pas dire que tout ce qui existe dans une chose changée a changé, mais qu'il y
a quelque chose de permanent. Et ainsi, ce ne sont pas toutes choses qui
changent. |
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[82313] Sententia
Metaphysicae, lib. 4 l. 17 n. 13 Deinde cum dicit sed nec omnia tertiam rationem
ponit, excludens quamdam falsam opinionem, quae posset occasionari ex
praedictis. Posset enim aliquis credere quod, quia non omnia moventur nec
omnia quiescunt, quod ideo omnia quandoque moventur et quandoque quiescunt.
Et hoc removens, dicit, quod non est verum quod omnia quandoque quiescant et
quandoque moveantur. Sunt enim quaedam mobilia, quae semper moventur;
scilicet corpora super caelestia; et est quoddam movens, scilicet primum,
quod semper est immobile, et semper eodem modo se habet, ut probatum est
octavo physicorum. |
Ensuite où il dit : "Enfin il
n'est pas vrai…", il donne la troisième raison, rejetant une troisième
opinion qui pourrait naître des considérations précédentes. En effet, on pourrait
croire que, toutes choses ne changeant pas, ni toutes choses n'étant en
repos, toutes choses sont tantôt en mouvement et tantôt en repos. En effet,
il y a des corps mobiles qui sont toujours en mouvement, les corps célestes;
il y a aussi un mouvant, à savoir le premier, qui est toujours immobile, et
existe toujours dans le même état, comme on l’a prouvé au huitième livre des Physiques. |
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Traduction par Geoges Comeaux, à partir de celle de l’Abbé
Dabndenault, 2015 |
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Liber 5 |
LIVRE 5 : [Les mots et
leur sens]
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SOMMAIRE DU
LIVRE : ON DENOMBRE LES INTENTIONS (LES SENS) DES MOTS DONT SE SERVENT
TOUTES LES SCIENCES. ON DENOMBRE AUSSI LES CHOSES QUE CES MOTS SIGNIFIENT. |
SOMMAIRE DU LIVRE : ON DENOMBRE LES INTENTIONS (LES SENS) DES MOTS DONT SE SERVENT TOUTES LES SCIENCES. ON DENOMBRE AUSSI LES CHOSES QUE CES MOTS SIGNIFIENT. |
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Leçon 1, Texte d’Aristote
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Leçon 1, Texte d’Aristote, traduit
par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Principe. Principe se dit d’abord du point
de départ du mouvement de la chose; tel est par exemple, le principe de la
ligne et de la route, auquel répond un autre principe à l'extrémité opposée. -
Le principe est aussi le meilleur point de départ pour chaque chose: par
exemple, même dans la science, il ne faut pas parfois commencer par le
commencement et par la notion première de l'objet, mais par ce qui peut le
mieux en faciliter l'étude. - Le principe est encore l'élément premier et
immanent du devenir, telles la carène d'un vaisseau et les fondations d'une
maison, et, pour les animaux, le cœur suivant les uns, la tête suivant
d’autres, ou, suivant une dernière opinion, toute partie apte à jouer ce
rôle. - Principe se dit aussi de la cause primitive et non-immanente de la
génération, du point de départ naturel du mouvement ou du changement: par
exemple, l'enfant provient du père et de la mère, et le combat, de l'insulte.
- On appelle encore principe, l'être dont la volonté réfléchie meut ce qui se
meut et fait changer ce qui change: par exemple, les magistrats dans les
cités, les oligarchies, les monarchies et les tyrannies sont appelés des
principes, ainsi que les arts et surtout les arts architectoniques. - Enfin,
le point de départ de la connaissance d'une chose est aussi nommé le principe
de cette chose: les prémisses sont les principes des démonstrations. - Les
causes se prennent sous autant d'acceptions que les principes, car toutes les
causes sont des principes. Le caractère commun de tous les principes, c’est
donc d'être la source d’où l’être, ou la génération, ou la connaissance
dérive. Mais, parmi ces principes, les uns sont immanents, les autres,
externes; c'est pourquoi la nature d’un être est un principe, et aussi
l'élément, la pensée, le choix, la substance formelle; il faut enfin ajouter
la cause finale, car, pour beaucoup de choses, le principe de la connaissance
et du mouvement, c'est le Bien et le Beau. |
Principe. Ce mot s’entend d’abord du point d’où quelqu’un peut commencer le mouvement de la chose qu’il fait. Par exemple, pour une longueur qu’on parcourt ou pour un voyage qu’on entreprend, le principe c’est précisément le point d’où l’on part ; et il y a, par contre, l’autre point analogue en sens opposé. Principe s’entend encore du moyen qui fait que la chose est du mieux qu’elle peut être. Ainsi, quand on apprend une chose, le principe par où l’on doit commencer n’est pas toujours le primitif et le principe véritable de cette chose ; c’est bien plutôt la notion par laquelle il faut débuter, pour apprendre la chose avec la facilité la plus grande. Principe signifie aussi l’élément intrinsèque et premier de la chose. Par exemple, le principe d’un navire, c’est la quille ; le principe d’une maison, c’est le fondement sur lequel elle repose ; le principe des animaux, c’est le cœur selon les uns, c’est le cerveau selon les autres, ou tel autre organe chargé arbitrairement de ce rôle selon d’autres hypothèses. Principe veut dire encore la cause initiale qui fait naître une chose, sans en être un élément intrinsèque, et ce dont sort primitivement et naturellement le mouvement de la chose, ou son changement. C’est ainsi que l’enfant vient du père et de la mère, et qu’une rixe a pour principe une insulte. Le Principe est encore l’être dont la volonté fait mouvoir ce qui est mû et fait changer ce qui change ; tels sont, par exemple, dans les États, les principes qui les régissent, gouvernements, dynasties, royautés, tyrannies. Les arts, chacun en leur genre, sont appelés des Principes ; et ceux-là surtout sont considérés comme principes qui commandent à d’autres arts subordonnés. Enfin, on entend par Principe ce qui donne la connaissance initiale de la chose ; et c’est là précisément ce qui s’appelle le principe de cette chose. C’est en ce sens que les prémisses sont les principes des conclusions qu’on en tire par démonstration. Le mot Cause a autant d’acceptions que le mot Principe, attendu que toutes les causes sont des principes aussi. Un caractère commun de tous les principes, c’est d’être le primitif qui fait qu’une chose est, ou qu’elle se produit, ou qu’elle est connue. Entre les principes, les uns sont intrinsèques et dans la chose même ; les autres sont en dehors d’elle ; et c’est en ce sens qu’on dit que la nature est un principe, comme on le dit de l’élément d’une chose, de la pensée, de la volonté, de la substance des choses, et du but final, pour lequel elles sont faites ; car, dans une foule de cas, le bien et le beau sont les principes qui nous font savoir et qui nous font agir. |
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Lectio 1 |
Leçon 1, Commentaire de
saint Thomas [La notion de principe] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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Leçon
1, Commentaire de saint Thomas [La notion de principe] (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960) |
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On expose les cinq
sens du mot principe, et on les réduit à un sens commun. |
On expose les cinq sens du mot « principe », et on les réduit à un sens commun. |
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[82314] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 1 In praecedenti libro determinavit philosophus quid
pertineat ad considerationem huius scientiae; hic incipit determinare de
rebus, quas scientia ista considerat. Et quia ea quae in hac scientia
considerantur, sunt omnibus communia, nec dicuntur univoce, sed secundum
prius et posterius de diversis, ut in quarto libro est habitum; ideo prius
distinguit intentiones nominum, quae in huius scientiae consideratione
cadunt. Secundo incipit determinare de rebus, quae sub consideratione huius
scientiae cadunt, in sexto libro, qui incipit, ibi, principia et causae.
Cuiuslibet autem scientiae est considerare subiectum, et passiones, et
causas; et ideo hic quintus liber dividitur in tres partes. Primo determinat
distinctiones nominum quae significant causas, secundo, illorum nominum quae
significant subiectum huius scientiae vel partes eius, ibi, unum dicitur
aliud secundum accidens. Tertio nominum quae significant passiones entis
inquantum est ens, ibi, perfectum vero dicitur et cetera. Prima in duas. Primo distinguit nomina significantia
causas. Secundo quoddam nomen significans quoddam quod consequitur ad causam,
scilicet necessarium. |
Dans le livre précédent, le
Philosophe a déterminé ce qui appartient à la considération de cette science.
(Il a établit la méthode.) Ici, il commence à traiter des choses que cette
science étudie. Et parce que les choses qui sont considérées dans cette science
sont communes à tout être, et ne se disent pas de façon univoque, mais se
disent des divers sujets selon un ordre d'antériorité et de postériorité,
comme on l'a établi dans le quatrième livre, il distingue donc tout d'abord
les significations, les sens (les intentions) des mots qui relèvent de
l'examen de cette science. En second lieu, il commence à traiter des choses
elles-mêmes qu'elle étudie. Ce qui a lieu au sixième livre, qui commence par
ces mots: "Les principes et les causes etc. " Or comme il appartient
à cette science de considérer son sujet et les propriétés et les causes de
son sujet, il divise ce cinquième Livre en trois parties. En premier, il
distingue les sens des mots qui signifient les causes; en second, il
détermine les différences des mots qui signifient le sujet de cette science
ou ses parties, où il dit: "Un signifie, etc. " (lec. VII) ;
en troisième, il dégage les sens des noms qui signifient les propriétés de
l'être en tant qu’être, où il dit : "Accompli, parfait se dit d'abord
etc. " (lec. XVIII). La première partie se divise en deux. Il distingue
tout d'abord les noms qui signifient les causes; en second il étudie les sens
d'un certain nom qui signifie quelque chose de consécutif à la
causalité : le nécessaire. La cause en effet est ce dont découle
nécessairement quelque chose d'autre. La première partie se subdivise en
deux. En premier, il distingue les mots qui signifient les causes en général;
en second, il précise les sens d'un mot qui signifie, de façon assez
spéciale, une certaine cause: le mot nature, où il dit : "Nature se dit,
en un premier sens, etc." (lec. V). |
Dans le livre précédent, le Philosophe a déterminé ce qui relève de l’étude de cette science; ici, il commence à traiter des choses que cette science étudie. Et parce que les choses qui sont étudiées dans cette science sont communes à tout être, et ne se disent pas de façon univoque, mais se disent des divers sujets selon un ordre d'antériorité et de postériorité, comme on l'a vu au livre IV, il distingue donc tout d'abord les significations des mots qui relèvent de l'examen de cette science. En second lieu, il commence à traiter des choses elles-mêmes qu'elle étudie, et ce, au sixième livre, qui commence par ces mots : Nous cherchons les principes, etc. Or, comme il appartient à toute science d’étudier son sujet ainsi que les propriétés et les causes de son sujet, il divise ce livre V en trois parties. Il établit, en premier, les sens des mots qui signifient les causes; en deuxième, les sens des mots qui signifient le sujet de cette science ou ses parties, où il dit : Un se dit d’abord, etc. (leçon VII) ; en troisième, les sens des mots qui signifient les propriétés de l'être en tant qu’être, où il dit : Parfait se dit d’une chose, etc. (leçon XVIII). La première partie se divise en deux. Il distingue tout d'abord les mots qui signifient les causes; en second, il étudie les sens d'un mot qui signifie quelque chose qui découle de la cause, soit le mot « nécessaire ». La cause, en effet, est ce dont découle nécessairement quelque chose. Il en traite où il dit : Nécessaire signifie d’abord, etc. La première partie se subdivise en deux. Il distingue, en premier, les mots qui signifient les causes en général; en second, les sens d'un mot qui signifie une cause en particulier, soit le mot « nature », où il dit : En un premier sens, etc. (leçon V). |
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[82315]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 2 Prima dividitur in tres. Primo distinguit hoc nomen,
principium. Secundo hoc nomen, causa, ibi, causa vero dicitur. Tertio hoc
nomen, elementum, ibi, elementum vero dicitur. Procedit autem hoc ordine, quia hoc nomen principium
communius est quam causa: aliquid enim est principium, quod non est causa;
sicut principium motus dicitur terminus a quo. Et iterum causa est in plus
quam elementum. Sola enim causa intrinseca potest dici elementum. Circa
primum duo facit. Primo ponit significationes huius nominis principium.
Secundo reducit omnes ad unum commune, ibi, omnium igitur principiorum. |
La première partie se divise en
trois. En premier, il distingue les sens du mot principe. En second, il
distingue les sens du mot cause, où il dit: "On appelle cause, etc.
" En troisième, il distingue les sens du mot élément, où il dit:
"Elément se dit du premier etc. " Il procède selon cet ordre parce
que le mot principe est plus commun que le mot cause, car un être est
principe sans être cause. Ainsi dit-on que le terme "a quo", le point de départ du
mouvement est principe. D'autre part, le mot cause a plus d'extension que le mot élément: seule la cause
intrinsèque en effet peut être appelée élément. Il subdivise sa première
partie en deux. En premier, il établit les différentes significations du mot
principe. En second, il les réduit toutes à une seule commune, où il dit:
"Le caractère commun etc." |
La première partie se divise en trois. En premier, il distingue les
sens du mot « principe ». En deuxième, il distingue les sens du mot
« cause », où il dit : En
un premier sens, etc. En troisième, il distingue les sens du mot
« élément », où il dit : On
nomme Élément, etc. Il procède selon cet ordre parce que le mot
« principe » est plus général que le mot « cause », car
il existe des principes qui ne sont pas des causes; ainsi dit-on que le point
de départ du mouvement est principe[59]. Pareillement, le mot
« cause » a plus d'extension que le mot
« élément » : seule la cause intrinsèque en effet peut être
appelée élément. Il subdivise sa première partie en deux. En premier, il
établit les différentes significations du mot principe. En second, il les
ramène toutes à un point commun, où il dit : Un caractère commun, etc. |
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[82316] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 3 Sciendum est autem, quod principium et causa licet
sint idem subiecto, differunt tamen ratione. Nam hoc nomen principium ordinem
quemdam importat; hoc vero nomen causa, importat influxum quemdam ad esse
causati. Ordo autem prioris et posterioris invenitur in diversis; sed
secundum id, quod primo est nobis notum, est ordo inventus in motu locali, eo
quod ille motus est sensui manifestior. Sunt autem trium rerum ordines sese
consequentes; scilicet magnitudinis, motus, et temporis. Nam secundum prius
et posterius in magnitudine est prius et posterius in motu; et secundum prius
et posterius in motu est prius et posterius in tempore, ut habetur quarto
physicorum. Quia igitur principium dicitur quod in aliquo ordine, et ordo qui
attenditur secundum prius et posterius in magnitudine, est prius nobis notus,
secundum autem quod res sunt nobis notae secundum hoc a nobis nominantur,
ideo hoc nomen principium secundum propriam sui inquisitionem significat id
quod est primum in magnitudine, super quam transit motus. Et ideo dicit, quod
principium dicitur illud unde aliquis rem primo moveat, idest aliqua
pars magnitudinis, a qua incipit motus localis. Vel secundum aliam literam, unde
aliquid rei primo movebitur, idest ex qua parte rei aliquid incipit primo
moveri. Sicut in longitudine et in via quacumque, ex illa parte est
principium, unde incipit motus. Ex parte vero opposita sive contraria, est diversum
vel alterum, idest finis vel terminus. Sciendum est, quod ad hunc modum
pertinet principium motus et principium temporis ratione iam dicta. |
Il faut ici savoir que, bien que
principe et cause soient identiques par le sujet, ils diffèrent cependant par
la notion. Le mot principe en effet comporte un certain ordre, alors que le
mot cause implique un certain influx sur l'être du causé. Or l'ordre de
priorité et de postériorité se retrouve dans des choses diverses, mais par
rapport à ce qui nous est connu en premier lieu, on trouve cet ordre dans le
mouvement local, du fait que ce mouvement est plus manifeste au sens. Trois
choses cependant comportent des ordres consécutifs l'une à l'autre; la
grandeur, le mouvement et le temps. L'ordre de la priorité et de la
postériorité dans le mouvement se prend en effet conformément à celui qui
existe dans la grandeur; et c'est en rapport à l'antérieur et au postérieur
dans le mouvement, qu’existe l'ordre dans le temps, comme il fut établi au
quatrième livre des Physiques.
Donc, parce que le principe se dit de ce qui est inclus dans un certain
ordre, et que l'ordre que l'on remarque selon l’avant et l'après dans la
grandeur nous est connu en premier, et que l'on nomme les choses conformément
à la connaissance que nous en avons, ce mot principe signifie donc, d'après
notre propre enquête, ce qui est premier dans la grandeur, sur laquelle se
déroule le mouvement. Voilà pourquoi Aristote dit que le principe se dit de
l'endroit "d'où quelqu'un meut en premier lieu la chose",
c’est-à-dire de cette partie de la grandeur d’où part le mouvement local. Ou,
d’après un autre texte: "D'où, en premier lieu, quelque chose de la
chose se mettra en mouvement", c'est-à-dire la partie de la chose qui
est le point de départ du mouvement. Par exemple, sur une longueur ou une
voie quelconque, le principe c'est la partie d'où part le mouvement. A la
partie opposée ou contraire appartient "le divers ou l’autre",
c'est-à-dire la fin ou le terme. Il faut savoir qu’à ce premier, sens appartiennent
le principe du mouvement et le principe du temps, a cause de la raison donnée
plus haut. |
Il faut ici savoir que, bien que principe et cause soient identiques par le sujet, ils diffèrent cependant par la notion. Le mot « principe » en effet comporte un certain ordre, alors que le mot « cause » implique une influence sur l'être du causé. Or, l'ordre de priorité et de postériorité se trouve dans des choses diverses, mais par rapport à ce qui nous est connu en premier, on trouve cet ordre dans le mouvement local, du fait qu’il est plus manifeste au sens. Trois choses cependant comportent des ordres consécutifs l'un à l'autre : l’espace, le mouvement et le temps. En effet, l'ordre de la priorité et de la postériorité dans le mouvement est établi d’après celui qui existe dans l’espace; et c'est selon l'antérieur et le postérieur dans le mouvement, qu’existe l'ordre dans le temps, comme on l’a vu au livre IV des Physiques. Donc, parce que le principe se dit de ce qui a un certain ordre, et que l'ordre que l'on remarque selon l’avant et l'après dans l’espace nous est connu en premier, et que les choses sont nommées conformément à la connaissance que nous en avons, ce mot « principe » signifie donc, d'après notre propre enquête, ce qui est premier dans l’espace parcouru par le mouvement. Voilà pourquoi Aristote dit qu’on appelle principe l'endroit « d’où on commence à produire le mouvement d’une chose », c’est-à-dire de cette partie de l’espace d’où part le mouvement local. Ou, d’après un autre texte : « d’où quelque chose de la chose commencera à se mouvoir », c'est-à-dire la partie de la chose qui est à l’origine du mouvement. Par exemple, sur une longueur ou un chemin quelconque, le principe est le point de départ du mouvement. Au point opposé ou contraire se trouve « le différent ou l’autre », c'est-à-dire la fin ou le terme. Il faut savoir qu’à ce premier sens appartiennent le principe du mouvement et le principe du temps, pour la raison donnée plus haut. |
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[82317]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 4 Quia vero motus non semper incipit a principio
magnitudinis, sed ab ea parte unde est unicuique in promptu magis ut
moveatur, ideo ponit secundum modum, dicens, quod alio modo dicitur
principium motus unde unumquodque fiet maxime optime, idest
unusquisque incipit optime moveri. Et hoc manifestat per simile, in
disciplinis scilicet in quibus non semper incipit aliquis addiscere ab eo
quod est principium simpliciter et secundum naturam, sed ab eo unde aliquid
facilius sive opportunius valet addiscere, idest ab illis, quae sunt
magis nota quo ad nos, quae quandoque posteriora sunt secundum naturam. |
Cependant, parce que le mouvement
ne débute pas toujours là où se trouve le point de départ naturel de la
grandeur mais plutôt dans cette partie où chacun peut se mettre en mouvement
avec le plus de promptitude (dans la partie la plus commode à la mise au
mouvement), il pose le second sens du mot principe, en disant que le principe
du mouvement se dit d'une autre façon: de ce qui est le meilleur point de
départ pour chaque chose. Ce qui manifeste par un exemple. Dans l'acquisition
des sciences, quelqu'un ne commence pas toujours son étude par ce qui est le
principe de façon absolue et selon l'ordre naturel, mais prend comme point de
départ ce qui lui facilite sa connaissance ou l'avantage dans son étude,
c’est-à-dire les principes qui sont plus connus par rapport à nous, bien que
quelquefois postérieurs selon l'ordre de la nature. |
Cependant, parce que le mouvement ne commence pas toujours au début
de l’espace mais plutôt à l’endroit d’où toute chose peut se mettre en
mouvement le plus facilement, il pose le second sens du mot
« principe », en disant que d'une autre façon, le principe du
mouvement est décrit comme « la meilleure origine de l’existence de
chaque chose ». Il manifeste cette idée par une comparaison. Dans
l'acquisition des sciences, on ne commence pas toujours son étude par ce qui
est le principe de façon absolue et selon la nature, mais par ce qui facilite
l’apprentissage ou est plus opportun pour l’étude, c’est-à-dire les principes
qui sont plus connus pour nous, bien qu’ils soient quelquefois postérieurs
par nature. |
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[82318] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 5 Differt autem hic modus a primo. Nam in primo modo ex
principio magnitudinis designatur principium motus. Hic autem ex principio
motus designatur principium in magnitudine. Et ideo etiam in illis motibus,
qui sunt super magnitudines circulares non habentes principium, accipitur
aliquod principium a quo optime vel opportune movetur mobile secundum suam
naturam. Sicut in motu primi mobilis principium est ab oriente. In motibus
etiam nostris non semper incipit homo moveri a principio viae, sed quandoque
a medio, vel a quocumque termino, unde est ei opportunum primo moveri. |
Ce second sens diffère du premier.
Dans le premier sens, en effet, on désignait le principe du mouvement par le
principe de la grandeur; ici c'est le contraire ; ici, c’est le
contraire qui a lieu. C’est pourquoi, même dans les mouvements qui ont lieu
sur des grandeurs circulaires n'ayant pas de principe, on prend comme
principe l'endroit où le mobile se met en mouvement de la meilleure façon ou,
du moins, de la façon la plus opportune d’après sa nature. Comme dans le
mouvement du premier mobile le principe est du côté de l’orient. Même dans
nos propres mouvements, nous ne nous mettons pas toujours en marche au début
de la route, à ce qui est le principe de la route, mais, quelquefois, au
milieu, ou encore à l'endroit où il nous est le plus avantageux de nous
mettre en mouvement. |
Ce second sens diffère du premier. Dans le premier sens, en effet, on désignait le principe du mouvement d’après le début de l’espace; mais ici, on désigne le début de l’espace d’après le principe du mouvement. C’est pourquoi, même dans les mouvements qui parcourent des espaces circulaires n'ayant pas de début, on prend comme début le point de départ qui est le meilleur ou le plus opportun pour le mobile d’après sa nature. Ainsi, dans le mouvement du premier mobile, le principe est à l’orient. Même dans nos déplacements, nous ne partons pas toujours du début (ou principe) de la route, mais quelquefois du milieu, ou du point de départ qui nous est le plus avantageux. |
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[82319] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 6 Ex ordine autem, qui consideratur in motu locali,
fit nobis etiam notus ordo in aliis motibus; et ideo sequuntur
significationes principii, quae sumuntur secundum principium in generatione
vel fieri rerum. Quod quidem principium dupliciter se habet. Aut enim est inexistens,
idest intrinsecum; vel non est inexistens, idest extrinsecum. |
A partir de l'ordre que l'on
remarque dans le mouvement local, on connaît aussi l'ordre dans les autres mouvements.
C'est pourquoi, de là découlent les significations du mot principe prises par
rapport au principe dans la génération ou le devenir des choses. Ce principe
existe de deux manières: soit à l'intérieur de la chose, il est intrinsèque;
soit à l’extérieur, il est extrinsèque. |
A partir de l'ordre que l'on remarque dans le mouvement local, on
connaît aussi l'ordre dans les autres mouvements. C'est pourquoi, de là
découlent les significations du mot « principe » qui visent le
principe de la génération ou du devenir des choses. Ce principe existe de
deux manières : soit à l'intérieur de la chose (intrinsèque), soit à
l’extérieur (extrinsèque). |
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[82320]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 7 Dicitur ergo primo modo principium illa pars rei,
quae primo generatur, et ex qua generatio rei incipit; sicut in navi fit
primo sedile vel carina, quae est quasi navis fundamentum, super quod omnia
ligna navis compaginantur. Similiter quod primo in domo fit, est fundamentum.
In animali vero primo fit cor secundum quosdam, et secundum alios cerebrum,
aut aliud tale membrum. Animal enim distinguitur a non animali, sensu et
motu. Principium autem motus apparet esse in corde. Operationes autem sensus
maxime manifestantur in cerebro. Et ideo qui consideraverunt animal ex parte
motus, posuerunt cor principium esse in generatione animalis. Qui autem
consideraverunt animal solum ex parte sensus, posuerunt cerebrum esse
principium; quamvis etiam ipsius sensus primum principium sit in corde, etsi
operationes sensus perficiantur in cerebro. Qui autem consideraverunt animal
inquantum agit vel secundum aliquas eius operationes, posuerunt membrum
adaptatum illi operationi, ut hepar vel aliud huiusmodi, esse primam partem
generatam in animali. Secundum autem philosophi sententiam, prima pars est
cor, quia a corde omnes virtutes animae per corpus diffunduntur. |
Selon la première manière, le
principe se dit de cette partie de la chose qui est la première engendrée et
à partir de laquelle la génération de la chose commence, comme, par exemple,
dans le navire, on construit tout d’abord la carène qui constitue pour ainsi
dire les fondations du navire sur laquelle seront rassemblés tous les autres
matériaux. Semblablement, ce qui est construit en premier dans une maison ce
sont les fondations. Chez l'animal, ce qui est formé en premier lieu c'est,
pour quelques-uns, le cœur, pour d'autres, le cerveau, ou quelque autre
membre semblable. L’animal en effet se distingue du non-animal par le sens et
le mouvement. Or le principe du mouvement paraît être dans le cœur. Mais les
opérations des sens, .surtout dans le cerveau. Voilà pourquoi ceux qui ont
considéré l'animal du côté du mouvement ont proposé que le cœur soit principe
dans la génération de l'animal. Ceux qui ont considéré l'animal exclusivement
du côté des sens ont cru que le cerveau était principe, malgré que le premier
principe du sens lui-même soit dans le cœur, même si les opérations du sens
se parfont dans le cerveau. Ceux qui ont considéré l'animal en tant qu'il
agit ou selon quelqu’une de ses opérations ont estimé que le membre adapté à
cette opération, comme le foie ou quelque chose de la sorte, était la
première partie engendrée dans l’animal. D’après l’opinion du Philosophe, la
première partie est le cœur, parce que c’est du cœur que toutes les vertus de
l'âme se diffusent dans le corps. |
De la première manière, le principe se dit de la partie de la chose
qui est engendrée en premier et à partir de laquelle la génération de la
chose commence; par exemple, dans le navire, on construit tout d’abord la
carène qui constitue pour ainsi dire la fondation du navire sur laquelle
seront rassemblés tous les autres matériaux. Pareillement, ce qui est
construit en premier dans une maison, c’est la fondation. Chez l'animal, ce
qui est formé en premier lieu c'est, selon certains, le cœur, selon d'autres,
le cerveau, ou quelque autre membre. L’animal en effet se distingue du
non-animal par la sensation et le mouvement. Or le principe du mouvement
paraît être dans le cœur, mais les opérations des sens se manifestent surtout
dans le cerveau. Voilà pourquoi ceux qui ont considéré l'animal du côté du
mouvement ont affirmé que le cœur est principe de la génération de l'animal.
Ceux qui ont considéré l'animal uniquement du côté des sens ont cru que le
cerveau était le principe, même si le premier principe de la sensation soit
dans le cœur, quoique les opérations du sens se parfont dans le cerveau. Ceux
qui ont considéré l'animal en tant qu'il agit ou selon certaines de ses
opérations ont estimé que l’organe adapté à cette opération, comme le foie ou
quelque autre organe, était la première partie engendrée dans l’animal.
D’après l’opinion du Philosophe, la première partie est le cœur, parce que
c’est du cœur que toutes les vertus de l'âme se répandent dans le corps. |
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[82321] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 8 Alio autem modo dicitur principium, unde incipit rei
generatio, quod tamen est extra rem; et hoc quidem manifestatur in tribus. Primo quidem in rebus naturalibus, in quibus principium
generationis dicitur, unde primum natus est motus incipere in his quae fiunt
per motum, sicut in his quae acquiruntur per alterationem, vel per aliquem
alium motum huiusmodi. Sicut dicitur homo
fieri magnus vel albus. Vel unde incipit permutatio, sicut in his quae non
per motum, sed per solam fiunt mutationem; ut patet in factione
substantiarum, sicut puer est ex patre et matre qui sunt eius principium, et
bellum ex convitio, quod concitat animos hominum ad bellum. |
Selon l'autre manière, le principe
se dit de ce d’où commence la génération, ce "d’où" étant extérieur
à la chose. Ce qui est manifeste dans trois sortes d'êtres. Et tout d'abord
dans les êtres naturels, où on appelle principe de la génération ce qui est
naturellement au point de départ du mouvement dans ce qui se fait par
mouvement, par exemple, dans ce qui s'acquiert par altération ou par quoique
autre mouvement de la sorte. Comme lorsqu’on dit que l’homme devient grand ou
blanc. Ou bien, on appelle principe ce qui est au point de départ de ce qui
ne se fait pas par mouvement, mais uniquement par mutation, comme cela se
voit dans le devenir des substances. Ainsi l'enfant est engendré par son père
et sa mère, qui sont ses principes, et la guerre provient de l’insulte qui a
provoqué les hommes à la guerre. |
Selon l'autre manière, le principe se dit d’un point de départ de la
génération qui est extérieur à la chose. Cela se manifeste dans trois sortes
d'êtres. Tout d’abord dans les êtres naturels, où on appelle principe de la
génération ce qui est naturellement au point de départ du mouvement dans ce
qui se réalise par mouvement, par exemple dans ce qui s'acquiert par
altération ou par quelque autre mouvement de la sorte. C’est ainsi qu’on dit
que l’homme devient grand ou blanc. Ou bien, on appelle principe le point de
départ de ce qui ne se fait pas par mouvement, mais seulement par mutation,
comme cela se voit dans la production des substances. Ainsi l'enfant est
engendré par son père et sa mère, qui sont ses principes, et la guerre provient
de l’insulte qui a provoqué les hommes à la guerre. |
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[82322]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 9 Secundo etiam manifestat in rebus agibilibus sive
moralibus aut politicis, in quibus dicitur principium id, ex cuius voluntate vel
proposito moventur et mutantur alia; et sic dicuntur principatus in
civitatibus illi qui obtinent potestates et imperia, vel etiam tyrannides in
ipsis. Nam ex eorum voluntate fiunt et moventur omnia in civitatibus.
Dicuntur autem potestates habere homines, qui in particularibus officiis in
civitatibus praeponuntur, sicut iudices et huiusmodi. Imperia autem illi, qui
universaliter quibuscumque imperant, ut reges. Tyrannides autem obtinent, qui
per violentiam et praeter iuris ordinem ad suam utilitatem civitates et
regnum detinent. |
En second, il manifeste la
signification du mot principe, dans
les actions ou dans les choses morales ou politiques, dans lesquelles on
appelle principe ce dont la volonté ou l'intention meut et charge les autres
êtres; ainsi appelle premiers de la cité (le premier
citoyen-principats-princes-de premier rang) ceux qui obtiennent des pouvoirs
(des charges) ou ceux qui détiennent l'autorité suprême ou même ceux qui
exercent la tyrannie. En effet, c’est la volonté de ces hommes qui met tout
en marche dans la cité. On dit que ceux-là détiennent des pouvoirs, qui
remplissent des fonctions particulières dans la cité, comme les magistrats,
les juges; que ceux-là ont l’autorité suprême, qui commandent universellement
à tout le monde, comme les princes, les empereurs; que ceux-là exercent la
tyrannie, qui détiennent le pouvoir et dominent les cités par violence et
hors de l'ordre du droit, pour leur propre utilité. |
En deuxième, il manifeste la signification du mot
« principe » dans le domaine de l’action morale ou politique, où on
appelle principe ce dont la volonté ou l'intention meut et change les autres
êtres; ainsi on appelle dirigeants des cités ceux qui obtiennent des pouvoirs
et des commandements, ou encore les tyrans des cités. En effet, c’est la
volonté de ces hommes qui met tout en marche dans la cité. On dit que ceux
qui exercent des fonctions particulières dans la cité détiennent des
pouvoirs, tels que les juges; que ceux qui commandent universellement à tout
le monde ont l’autorité suprême, comme les rois; que ceux qui détiennent le
pouvoir et dominent les cités par violence et hors de l'ordre du droit, pour
leur propre utilité, exercent la tyrannie. |
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[82323] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 10 Tertium exemplum ponit in artificialibus, quia artes
etiam simili modo principia esse dicuntur artificiatorum, quia ab arte
incipit motus ad artificii constructionem. Et inter has maxime dicuntur
principia architectonicae, quae a principio nomen habent, idest
principales artes dictae. Dicuntur enim artes architectonicae quae aliis
artibus subservientibus imperant, sicut gubernator navis imperat
navifactivae, et militaris equestri. |
Il choisit son troisième dans les
êtres artificiels, parce que c’est de la même manière que les arts sont dits
principes des œuvres d'art: de l'art provient le mouvement qui tend à la
construction de l'œuvre. Et parmi les arts, ce sont les arts architectoniques
qui sont surtout dits principes, ces arts qui reçoivent leurs noms du mot
principe, puisqu’on les appelle arts principaux. On appelle en effet arts
architectoniques ceux qui commandent aux arts subordonnés, comme le
commandant du navire commande au constructeur, et le chef militaire, au
chevalier. |
Il prend son troisième exemple dans les êtres artificiels, parce que
c’est de la même manière que les arts sont dits principes des choses
artificielles, car de l'art provient le mouvement qui tend à la construction
de l'œuvre. Et parmi les arts, ce sont les arts architectoniques qui sont
surtout dits principes : ces arts tirent ce nom du mot « principe[60] », puisqu’on les
appelle arts principaux. On appelle en effet arts architectoniques ceux qui
commandent aux arts subordonnés, comme le commandant du navire commande au
constructeur naval, et le chef militaire, au chevalier. |
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[82324]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 11 Ad similitudinem autem ordinis, qui in motibus
exterioribus consideratur, attenditur etiam quidam ordo in rerum cognitione;
et praecipue secundum quod intellectus noster quamdam similitudinem motus
habet, discurrens de principiis in conclusiones. Et ideo alio modo dicitur
principium, unde res primo innotescit; sicut dicimus principia
demonstrationum esse suppositiones, idest dignitates et petitiones. |
Et, à la ressemblance de l'ordre
que l'on remarque dans les mouvements extérieurs, on note l'ordre dans la
connaissance des choses, et principalement sous l'aspect où notre intellect
possède quelque chose qui ressemble au mouvement, discourant des principes
aux conclusions. C’est pourquoi le principe ne dit d’une autre façon: le
point de départ de la connaissance d'une chose. Lorsque nous disons, par
exemple, que les principes de la démonstration sont les
"suppositions", C’est-à-dire les dignités et les postulats (cf. I Post. Analytiques, lec 19). |
Et, à la ressemblance de l'ordre que l'on remarque dans les
mouvements extérieurs, on constate un ordre dans la connaissance des choses,
et principalement sous l'aspect où notre intellect possède quelque chose qui
ressemble au mouvement quand il procède des principes aux conclusions. C’est
pourquoi, d’une autre façon, le principe est décrit comme le point de départ
de la connaissance d'une chose, par exemple quand nous disons que les
principes de la démonstration sont les « présupposés »,
c’est-à-dire les axiomes et les postulats[61]. |
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[82325] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 12 His etiam modis et causae dicuntur quaedam
principia. Nam omnes causae sunt quaedam principia. Ex causa enim
incipit motus ad esse rei, licet non eadem ratione causa dicatur et
principium, ut dictum est. |
Selon ces divers sens, mêmes les
causes sont appelées principes. En effet, toutes les causes sont principes de
quelque façon. C’est à partir de la cause, que commence le mouvement vers
l'existence de l'effet, bien que ce ne soit pas pour la même raison qu'elle
est dite cause et principe, comme on l'a vu. |
Selon ces divers sens, les causes aussi sont appelées principes, car toutes les causes sont des principes
aussi. C’est à partir de la cause que commence le mouvement vers
l'existence d’une chose, bien que ce ne soit pas sous le même rapport que la
cause est appelée principe, comme on l'a vu. |
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[82326] Sententia Metaphysicae,
lib. 5 l. 1 n. 13 Deinde
cum dicit omnium igitur reducit omnes praedictos modos ad aliquid commune; et
dicit quod commune in omnibus dictis modis est, ut dicatur principium illud,
quod est primum, aut in esse rei, sicut prima pars rei dicitur principium,
aut in fieri rei, sicut primum movens dicitur principium, aut in rei
cognitione. |
Il réduit tous les sens qu'on a
énumérés à quelque chose de commun. Il dit que ce qu’il y a de commun à tous
les cas ci-haut mentionnés, c'est que le principe se dit de ce qui est
premier, soit dans l'être de la chose, comme la première partie d'une chose
est appelée principe, soit dans son devenir, comme le premier mouvant est dit
principe, soit dans la connaissance de cette chose. |
Puis lorsqu’il dit : Un
caractère commun, etc., il ramène tous les sens énumérés à quelque chose
de commun. Il dit que ce qu’il y a de commun à tous les sens mentionnés,
c'est que le principe se dit de ce qui est premier, soit dans l'être de la
chose, comme la première partie d'une chose est appelée principe, soit dans
son devenir, comme le premier moteur est dit principe, soit dans la
connaissance de cette chose. |
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[82327] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 1 n. 14 Sed quamvis omnia principia in hoc, ut dictum est,
conveniant, differunt tamen, quia quaedam sunt intrinseca, quaedam
extrinseca, ut ex praedictis patet. Et ideo natura potest esse principium et
elementum, quae sunt intrinseca. Natura quidem, sicut illud a quo incipit
motus: elementum autem sicut pars prima in generatione rei. Et mens,
idest intellectus, et praevoluntas, idest propositum, dicuntur
principia quasi extrinseca. Et iterum quasi intrinsecum dicitur principium substantia
rei, idest forma quae est principium in essendo, cum secundum eam res sit
in esse. Et secundum etiam praedicta, finis cuius causa fit aliquid, dicitur
etiam esse principium. Bonum enim, quod habet rationem finis in prosequendo,
et malum in vitando, in multis sunt principia cognitionis et motus, sicut in
omnibus quae aguntur propter finem. In naturalibus enim, et moralibus et
artificialibus, praecipue demonstrationes ex fine sumuntur. |
Mais bien que tous les principes
se rencontrent dans cet aspect commun, ils diffèrent cependant en ce que
certains sont intrinsèques, d'autres, extrinsèques, comme il est évident
d’après ce que nous avons dit, C'est pourquoi, la nature et l'élément peuvent
être dits principes : nature, comme cc qui est à l’origine de mouvement;
élément, comme ce qui est la première partie dans la génération de la chose.
Et l'esprit, c'est-à-dire l’intelligence, et la décision, l:intention sont
dits principes quasi extrinsèques. Et de plus, est dit principe quasi
intrinsèque la substance de la chose, c'est-à-dire la forme qui est principe
de l'existence, puisque c'est selon elle que la chose existe. Et d'après ce
que nous avons dit, la fin en vue de laquelle quelque chose se dit est dite
principe. Le bien en effet, qui a raison de fin dans la poursuite, et le mal
dans la fuite, sont principes de connaissance et de mouvement dans plusieurs
êtres, comme dans tous ceux qui agissent en vue d'une fin. Dans les êtres
naturels, en effet, et dans les choses de la morale: et de l’art, les
démonstrations se prennent principalement de la fin. |
Mais bien que tous les principes se rencontrent dans cet aspect commun, ils diffèrent cependant en ce que certains sont intrinsèques, d'autres, extrinsèques, comme il est évident d’après ce que nous avons dit. C'est pourquoi, la nature et l'élément, qui sont intrinsèques, peuvent être dits principes : la nature, comme ce qui est à l’origine de mouvement; l’élément, comme la première partie dans la génération de la chose. Et la pensée, c'est-à-dire l’intelligence, et la volonté, l’intention sont appelés principes de façon extrinsèque. Et de plus, est dit principe de façon intrinsèque la substance des choses, c'est-à-dire la forme qui est principe de l'existence, puisque c'est selon elle que la chose existe. Et d'après ce que nous avons dit, la fin en vue de laquelle quelque chose vient à l’être est dite principe. Le bien en effet, qui a raison de fin dans la poursuite, et le mal dans la fuite, sont principes de connaissance et de mouvement dans beaucoup d’êtres, comme dans tous ceux qui agissent en vue d'une fin. Dans les sciences naturelles, en effet, ainsi qu’en morale et dans les travaux de l’art, les démonstrations se prennent principalement de la fin. |
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Leçon 2, Texte d’Aristote
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Leçon 2, Texte d’Aristote, traduit
par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Cause. On appelle cause, en un premier sens,
la matière immanente dont une chose est faite: l’airain est la cause de la
statue, l’argent, celle de la coupe; et aussi le genre de l'airain et de
l'argent est cause. - Dans un autre sens, la cause, c’est la forme et le
paradigme, c'est-à-dire la définition de la quiddité; et ses genres à par
exemple, pour l’octave, c’est le rapport de 2 à l, et, d'une manière
générale, le nombre; la cause est aussi les parties de la définition. -La
cause est encore le principe premier du changement ou du repos: l'auteur
d'une décision est cause de l'action, et le père est la cause de l'enfant,
et, en général, l'agent est cause de ce qui est fait, et ce qui fait changer
est cause de ce qui subit le changement. La cause est aussi la fin,
c’est-à-dire la cause finale. Par exemple, la santé est la cause de la
promenade. Pourquoi, en effet, se promène-t-on? Nous répondons: pour se bien
porter, et, en parlant ainsi, nous pensons avoir rendu compte de la cause. Il
en est de même de tout ce qui, mû par autre chose que soi, est intermédiaire
entre le moteur et la fin: c'est ainsi que l'amaigrissement, la purgation,
les remèdes, les instruments sont causes de la santé, car tous ces moyens
sont employés en vue d’une fin; ces causes ne diffèrent entre elles qu'en ce
qu’elles sont, les unes, des instruments, et, les autres, des actions. Telles sont, sans doute, les
diverses acceptions du mot cause. Cette variété de sens des causes explique
comment il peut y avoir, pour un même objet, plusieurs causes, et cela, non
par accident: par exemple, la statue a pour causes l'art du statuaire et
l'airain, non pas sous un autre rapport, mais en tant qu'elle est statue.
Mais ces causes ne sont pas de même nature: l'une est cause matérielle,
l’autre est cause motrice. Les causes peuvent être aussi réciproques: la
fatigue est cause de la bonne santé, et celle-ci l'est de la fatigue, mais
non de la même manière: l'une est la fin, et l'autre, le principe du
mouvement. Enfin la même cause peut quelquefois produire les contraires. Ce
qui est, en effet, par sa présence, cause de telle chose, est dit parfois,
par son absence, cause du contraire: par exemple, l'absence du pilote est
cause du naufrage du vaisseau, parce que la présence du pilote eût été une
cause de salut; les deux causes, la présence et la privation, sont alors,
l'une et l'autre, causes de mouvement. |
Cause. En un premier sens, Cause signifie l’élément intrinsèque dont une chose est faite ; c’est en ce sens qu’on peut dire de l’airain qu’il est cause de la statue dont il est la matière ; de l’argent, qu’il est cause de la coupe qui en est faite ; et de même pour tous les cas de ce genre. En un autre sens, la cause est la forme et le modèle des choses, c’est-à-dire leur raison d’être, qui fait qu’elles sont ce qu’elles sont, avec toutes les variétés de genres que les choses présentent. Par exemple, la raison d’être de l’octave c’est le rapport de deux à un ; et d’une manière générale, c’est le nombre, avec les parties différentes qui composent le rapport. La cause est encore le principe initial d’où vient le changement des choses, ou leur repos. C’est en ce sens que celui qui a conçu une résolution est la cause des suites qu’elle a eues ; que le père est la cause de l’enfant ; en un mot, que ce qui agit est la cause de l’acte, et que ce qui change une chose est cause du changement qu’elle subit. Une autre acception du mot Cause, c’est le but des choses et leur pourquoi. Ainsi, la santé est le but de la promenade. Pourquoi un tel se promène-t-il ? C’est, répondons-nous, afin de se bien porter. Et, dans cette réponse, nous croyons avoir indiqué la cause. En ce sens, on nomme également causes tous les intermédiaires qui, après l’impulsion d’un autre moteur, mènent au but poursuivi. Par exemple, on appelle cause de la santé le jeûne, les purgations, les remèdes qu’ordonne le médecin, et les instruments dont il se sert ; car tout cela n’est fait qu’en vue du but qu’on poursuit ; et l’on ne peut faire d’autres distinctions entre toutes ces choses, sinon que les unes sont des instruments, et que les autres sont des actes du médecin. Telles sont donc à peu près toutes les acceptions du mot Cause. Mais ce mot Cause ayant tous ces sens divers, il en résulte que, pour une seule et même chose, il peut y avoir plusieurs causes, qui ne soient pas des causes purement accidentelles. Ainsi, la statue a tout à la fois pour cause et l’art du sculpteur et l’airain dont elle est faite, sans que ces causes aient d’autre rapport avec elle si ce n’est qu’elle est statue. Il est vrai que le mode de causalité n’est pas identique ; car ici c’est la cause matérielle ; et là, c’est la cause d’où vient le mouvement, qui a produit la statue. Parfois, les causes sont réciproquement causes les unes des autres. Ainsi l’exercice est cause de la bonne disposition du corps ; et la bonne disposition du corps est cause de l’exercice, qu’elle permet. Seulement, ici encore, le mode de la cause n’est pas identique ; d’un côté, elle agit comme but ; et de l’autre, elle agit comme principe du mouvement. Parfois aussi, une seule et même chose est cause des contraires. Ainsi, telle chose qui, par sa présence, est cause de tel effet nous paraît, par son absence, mériter que nous l’accusions d’être la cause d’un effet tout contraire. Par exemple, l’absence du pilote est la cause de naufrage, tandis que sa présence eût été une cause de salut. Du reste, présence et absence du pilote sont toutes les deux des causes de mouvement. |
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Lectio 2 |
Leçon 2, Commentaire de
saint Thomas [Les quatre causes] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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Leçon
2, Commentaire de saint Thomas [Les quatre causes] (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960) |
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On énumère quatre
espèces de cause; on déduit de là qu'il y a plusieurs causes d'un même effet,
que les causes sont causes les unes des autres et qu'une même cause est cause
des contraires. |
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[82328] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 1 Hic philosophus distinguit quot modis dicitur causa.
Et circa hoc duo facit. Primo assignat species causarum. Secundo modos
causarum, ibi, modi vero causarum. Circa primum duo facit. Primo enumerat
diversas species causarum. Secundo reducit eas ad quatuor, ibi, omnes vero
causae dictae. Circa primum duo facit. Primo enumerat diversas species
causarum. Secundo manifestat quaedam circa species praedictas, ibi, accidit
autem multoties et cetera. Dicit ergo primo, quod uno modo dicitur causa id ex
quo fit aliquid, et est ei inexistens, idest intus existens. Quod quidem
dicitur ad differentiam privationis, et etiam contrarii. Nam ex contrario vel
privatione dicitur aliquid fieri sicut ex non inexistente, ut album ex nigro
vel album ex non albo. Statua autem fit ex aere, et phiala ex argento, sicut
ex inexistente. Nam cum statua fit, non tollitur ratio aeris, nec si fit
phiala, tollitur ratio argenti. Et ideo aes statuae, et argentum phialae sunt
causa per modum materiae. Et horum genera, quia cuiuscumque materia
est species aliqua, materia est eius genus, sicut si materia statuae est aes,
eius materia erit metallum, et mixtum, et corpus, et sic de aliis. |
En combien de sens se dit la
cause, c'est ce que le Philosophe manifeste maintenant. Ce qu'il fait en deux
points. En premier, il établit les espèces des causes. En second, il établit
les modes des causes, où il dit: "telles sont donc les causes, etc.
" Il traite son premier point en deux parties. En premier, il énumère
les diverses espèces des causes. En second, il réduit ces espèces à quatre où
il dit : "Toutes les causes que etc. " Il divise sa première partie
en deux. Il énumère, en premier, les diverses espèces des causes. En second,
il manifeste un certain nombre de choses concernant ces espèces, quand il dit
: "telles sont, sans doute, etc. " Il dit donc en premier, qu'on
appelle cause, en un sens ce dont une chose est faite et qui existe dans
cette chose, c’est-à-dire qui est immanent à cette chose. Ce dernier élément
est ajouté pour distinguer cette cause de la privation et du terme contraire.
En effet, la chose qui se fait à partir de ce qui est contraire ou de la
privation se fait à partir de ce qui ne demeure pas en elle, comme le blanc
qui vient du noir ou le blanc qui devient à partir du non-blanc. Mais la
statue se fait à partir de l'airain, et la coupe, à partir de l'argent, comme
de quelque chose qui demeure en elles. En effet, lorsque la statue est faite,
la raison constitutive de l’airain n'est pas supprimée; le raison de
l'argent, lorsque la coupe est fabriquée. C’est pourquoi, l'airain de la
statue et l'argent de la coupe sont causes selon le mode de la matière. Les
genres de ces matières seront aussi cause selon le mode de la matière, parce
que la matière de chaque chose est une certaine espèce dont la matière est le
genre: ainsi, si la matière de la statue est l'airain, la matière de l’airain
sera le métal et le corps mixte et le corps. Il en est ainsi pour les autres
matières. |
En combien de sens se dit le mot « cause », c'est ce que le Philosophe distingue maintenant. Ce qu'il fait en deux points. En premier, il établit les espèces des causes. En second, il établit les modes des causes, où il dit : Leurs nuances peuvent sembler, etc. Il traite son premier point en deux parties. En premier, il énumère les diverses espèces des causes. En second, il réduit ces espèces à quatre, où il dit : Toutes les causes énumérées, etc. (leçon 3). Il divise sa première partie en deux. Il énumère, en premier, les diverses espèces de causes. En second, il manifeste certains points concernant ces espèces, quand il dit : Mais ce mot Cause ayant, etc. Il dit donc en premier qu'on appelle cause, en un sens, ce dont une chose est faite et qui existe dans cette chose, c’est-à-dire qui y est immanent. Cette dernière précision est ajoutée pour distinguer cette cause de la privation et du contraire. En effet, la chose qui se fait à partir du contraire ou de la privation se fait à partir de ce qui n’est pas en elle, comme le blanc qui vient du noir ou le blanc qui vient du non-blanc. Mais la statue se fait à partir de l'airain, et la coupe, à partir de l'argent, comme de quelque chose qui demeure en elles. En effet, lorsque la statue est faite, la notion de l’airain n'est pas supprimée, ni la notion de l'argent, lorsque la coupe est fabriquée. C’est pourquoi, l'airain de la statue et l'argent de la coupe sont causes selon le mode de la matière. « Et leurs genres aussi », car ce dont la matière est l’espèce, elle en est aussi le genre; ainsi, si la matière de la statue est l'airain, elle est aussi le métal, l’alliage et le corps, et ainsi de suite. |
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[82329]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 2 Alio autem modo dicitur causa, species et exemplum,
id est exemplar; et haec est causa formalis, quae comparatur dupliciter ad
rem. Uno modo sicut forma intrinseca rei; et haec dicitur species. Alio modo
sicut extrinseca a re, ad cuius tamen similitudinem res fieri dicitur; et
secundum hoc, exemplar rei dicitur forma. Per quem modum ponebat Plato ideas
esse formas. Et, quia unumquodque consequitur naturam vel generis vel speciei
per formam suam, natura autem generis vel speciei est id quod significat
definitio, dicens quid est res, ideo forma est ratio ipsius quod quid erat
esse, idest definitio per quam scitur quid est res. Quamvis enim in
definitione ponantur aliquae partes materiales, tamen id quod est principale
in definitione, oportet quod sit ex parte formae. Et ideo haec est ratio
quare forma est causa, quia perficit rationem quidditatis rei. Et sicut id
quod est genus materiae, est etiam materia, ita etiam genera formarum sunt
formae rerum; sicut forma consonantiae diapason, est proportio duorum ad
unum. Quando enim duo soni se habent adinvicem in dupla proportione, tunc est
inter eos consonantia diapason, unde dualitas est forma eius. Nam proportio
dupla ex dualitate rationem habet. Et, quia numerus est genus dualitatis,
ideo ut universaliter loquamur, etiam numerus est forma diapason, ut scilicet
dicamus quod diapason est secundum proportionem numeri ad numerum. Et non solum tota definitio comparatur ad definitum
ut forma, sed etiam partes definitionis, quae scilicet ponuntur in
definitione in recto. Sicut
enim animal gressibile bipes est forma hominis, ita animal, et gressibile, et
bipes. Ponitur autem interdum materia in definitione, sed in obliquo; ut cum
dicitur, quod anima est actus corporis organici physici potentia vitam
habentis. |
En un autre: sens, on dit cause
l'espèce et l'exemple, c’est-à-dire le modèle. C'est la cause formelle qui
dit rapport à la chose de deux manières. D’une première façon, et la chose
comme sa forme intrinsèque : c’est elle que l’on appelle espèce. D'une
seconde façon, elle est à la chose comme lui étant extrinsèque; cependant, on
dit que la chose est faite a sa ressemblance. A cause de cela, on appelle
forme le modèle (l’archétype) de la chose. C'est de cette façon que Platon
affirmait que les idées étaient des formes. Et parce que chaque chose
acquiert la nature du genre ou de l'espèce par sa forme propre, et que, de
son côté, la nature du genre ou de l'espèce est ce que signifie la
définition, disant ce qu'est la chose, c’est pourquoi la forme est la raison
de l'essence, c'est-à-dire la définition par laquelle est connu ce qu'est la
chose. En effet, bien que dans la définition on pose certaines parties
matérielles, il faut cependant que le principal dans la définition soit du
côté de la forme. C’est pourquoi, telle est bien la raison pour laquelle la
forme est cause: parce qu'elle complète: ou parfait la raison de la quiddité
de la chose. Et, de même que ce qui est le genre de la matière est aussi
matière, ainsi les genres des formes sont aussi formes des choses. Par
exemple, la forme de l'harmonie de l'octave est le rapport de deux à un. En
effet, lorsqu'il y a un rapport de deux à un entre deux sons, il y a harmonie
de l'octave; donc, le "double" est la forme de cette harmonie. En
effet, le rapport de deux à un repose sur la raison du "double" de
quelque façon. Et, parce que le nombre est le genre du double, il s'ensuit,
pour généraliser l'expression, que le nombre est la forme de l'octave, en ce sens
que l'on pourrait dire que l'octave se prend d'après le rapport d'un nombre à
un nombre. Et non seulement la définition complète se compare au défini comme
la forme, mais aussi les parties de la définition, c'est-à-dire celles qui
sont posées directement dans la définition. En effet, comme l’animal qui peut
marcher sur deux pieds est la forme de l'homme, ainsi en est-il de l’animal,
capable de marcher et bipède. Cependant on pose quelque fois la matière dans
la définition, mais de façon oblique; par exemple, lorsqu'on dit que l'âme
est l'acte d'un corps organique naturel ayant la vie en puissance. |
En un autre sens, on appelle cause l'espèce et l'exemple, c’est-à-dire le modèle : c'est la cause formelle, qui a rapport à la chose de deux manières. D’une première façon, comme forme intrinsèque de la chose : c’est qu’on appelle l’espèce. D'une seconde façon, comme étant extrinsèque à la chose, mais de sorte qu’on dise que la chose est faite à sa ressemblance, et de ce fait, le modèle est appelé forme de la chose. C'est de cette façon que Platon considérait les idées comme des formes. Et parce que chaque chose acquiert la nature du genre ou de l'espèce par sa forme, et que d’autre part la nature du genre ou de l'espèce est ce que la définition signifie en disant ce qu'est la chose, la forme est en conséquence la notion de l'essence, c'est-à-dire la définition qui fait connaître la nature de la chose. En effet, bien que la définition inclue certaines parties matérielles, il faut cependant que l’élément principal de la définition soit du côté de la forme. Alors, si la forme est cause, c’est parce qu’elle parfait la notion de la quiddité de la chose. Et, de même que ce qui est le genre de la matière est aussi matière, ainsi les genres des formes sont aussi des formes des choses. Par exemple, la forme de l'harmonie de l'octave est le rapport de 2 à 1. En effet, lorsqu'il y a un rapport de 2 à 1 entre deux sons, il y a harmonie de l'octave; donc, le double est la forme de cette harmonie. En effet, le rapport de 2 à 1 repose sur la notion de double. Et, parce que le nombre est le genre du double, il s'ensuit, pour parler de façon universelle, que le nombre aussi est la forme de l'octave, de sorte qu’on peut dire que l'octave est une proportion d’un nombre à un autre. Et non seulement la définition complète se compare au défini comme la forme, mais aussi les parties de la définition, à savoir celles qui y sont incluses directement. En effet, comme l’animal qui peut marcher sur deux pieds est la forme de l'homme, ainsi en est-il de l’animal, de ce qui peut marcher et du bipède. Cependant on pose quelquefois la matière dans la définition, mais de façon indirecte, par exemple lorsqu'on dit que l'âme est l'acte d'un corps organique naturel ayant la vie en puissance. |
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[82330] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 3 Tertio modo dicitur causa unde primum est principium
permutationis et quietis; et haec est causa movens, vel efficiens. Dicit
autem, motus, aut etiam quietis, quia motus naturalis et quies naturalis in eamdem
causam reducuntur, et similiter quies violenta et motus violentus. Ex eadem
enim causa ex qua movetur aliquid ad locum, quiescit in loco. Sicut
consiliator est causa. Nam ex consiliatore incipit motus in eo, qui
secundum consilium agit ad rei conservationem. Et similiter pater est
causa filii. In quibus duobus exemplis duo principia motus tetigit ex
quibus omnia fiunt, scilicet propositum in consiliatore, et naturam in patre.
Et universaliter omne faciens est causa facti per hunc modum, et permutans permutati. |
En un troisième sens, on dit que
la cause est ce d’où provient en premier lieu le principe du changement et du
repos; ce qui est la cause mouvante ou efficiente. Aristote dit "du
mouvement" et du "repos", parce que le mouvement naturel et le
repos naturel se ramènent à la même cause. Ce qui est aussi vrai du mouvement
violent et du repos violent. En effet, la même cause qui meut quelque chose
dans un lieu lui donne de se reposer dans ce lieu. "De la même façon que
le conseillé est cause." C’est à partir du conseiller que débute le
mouvement dans celui qui agit conformément au conseil reçu, en vue de la
conservation d’une chose ou de son salut personnel. Et, pareillement, le
"père est cause du fils." Dans les deux exemples précédents, Aristote
touche aux deux principes universels du devenir des choses: la proposition
dans le conseiller et la nature dans le père. Et, universellement, c'est de
cette façon que tout artisan ou tout agent est cause de ce qui est fait et
que ce qui fait changer est cause de ce qui subit le changement. |
En un troisième sens, on appelle cause l’origine première du principe du changement et du repos; et c’est la cause motrice ou efficiente. Aristote dit le changement et le repos, parce que le mouvement naturel et le repos naturel se ramènent à la même cause, et il en va de même pour le mouvement et le repos par violence. En effet, la même cause qui meut quelque chose vers un lieu lui donne de se reposer dans ce lieu. « De la même façon que le décideur[62] est cause » : c’est à partir du décideur que débute le mouvement dans celui qui agit selon son dessein en vue de la conservation d’une chose. Et pareillement, le père est cause de l’enfant. Dans ces deux exemples, Aristote touche aux deux principes universels du mouvement, soit le dessein du décideur et la nature dans le père. Et universellement, c'est ainsi que tout agent est cause de ce qui est fait et que tout moteur est cause de ce qui subit le changement. |
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[82331]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 4 Sciendum est autem quod secundum Avicennam quatuor
sunt modi causae efficientis; scilicet perficiens, disponens, adiuvans, et
consilians. Perficiens autem dicitur causa efficiens, quae ultimam rei
perfectionem causat, sicut quod inducit formam substantialem in rebus
naturalibus, vel artificialem in artificialibus, ut aedificator domus. |
Il faut cependant noter que,
d'après Avicenne, il y a quatre modalités dans la cause efficiente. Il y a la
cause qui parfait une chose, celle qui dispose, celle qui aide et celle qui
conseille. La cause efficiente est dite perfectionnante ou complétive en tant
qu’elle cause l’ultime perfection de la chose. Ainsi en est-il de celle qui
donne la forme substantielle, dans les choses naturelles, ou la forme
artificielle, dans les œuvres artificielles. Comme exemple du dernier cas,
citons le constructeur qui est cause de la maison. |
Il faut cependant noter que, d'après Avicenne, il y a quatre modes de
cause efficiente : la cause qui parfait une chose, celle qui dispose, celle
qui aide et celle qui conseille. On appelle « perfective » la cause
efficiente qui réalise la perfection ultime de la chose. Ainsi en est-il de
celle qui produit la forme substantielle dans les choses naturelles, ou la
forme artificielle dans les œuvres artificielles, comme c’est le cas du
constructeur qui est cause de la maison. |
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[82332] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 5 Disponens autem quod non inducit ultimam formam
perfectivam, sed tantummodo praeparat materiam ad formam; sicut ille, qui
dolat ligna et lapides, dicitur domum facere. Et haec non proprie dicitur
efficiens domus; quia id, quod ipse facit, non est domus nisi in potentiam.
Magis tamen proprie erit efficiens, si inducat ultimam dispositionem ad quam
sequitur de necessitate forma; sicut homo generat hominem non causans
intellectum, qui est ab extrinseco. |
La cause dispositive, de son côté
ne communique pas la forme ultime qui parfait une chose; elle ne fait que
préparer la matière à la forme. Ainsi dit-on que celui qui équarrit le bois
et les pierres construit la maison. Mais c'est improprement que l’on dit que
ce manœuvre est cause efficiente de la maison, car ce qu'il fait de lui-même
n'est que la maison en puissance. Cependant, il sera plus proprement cause
efficiente, s'il donne la disposition ultime à laquelle est nécessairement
consécutive la forme. Ainsi en est-il de l’homme qui engendre un homme sans
être cause de l'intelligence, qui provient d'une cause extérieure. |
La cause dispositive, de son côté, ne communique pas la forme ultime
qui parfait une chose; elle ne fait que préparer la matière à la forme. Ainsi
dit-on que celui qui équarrit le bois et les pierres construit la maison. Et
cette cause est appelée improprement cause efficiente de la maison, car cet
ouvrier ne fabrique qu’une maison en puissance. Cependant, elle sera plus
proprement cause efficiente, si elle donne la disposition ultime d’où la
forme s’ensuit nécessairement. Ainsi en est-il de l’homme qui engendre un
homme sans être cause de l'intelligence, qui provient d'une cause extérieure. |
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[82333] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 6 Adiuvans autem dicitur causa secundum quod operatur
ad principalem effectum. In hoc tamen differt ab agente principali, quia principale
agens agit ad finem proprium, adiuvans autem ad finem alienum; sicut qui
adiuvat regem in |
La cause s’appelle adjuvante en
tant que sa causalité s'exerce sur l’effet principal. Elle diffère cependant
de l’agent principal en ce que ce dernier agit en vue de sa fin propre, alors
que la cause adjuvante agit en vue d'une fin qui lui est étrangère. Ainsi
celui qui aide le roi dans une guerre agit en vue de la fin du roi. Et tel
est l'ordre de la cause seconde à la cause première. En effet, dans tous les
agents essentiellement subordonnés, la cause seconde opère en vue de la fin
de la cause première. Ainsi le soldat opère-t-il en vue de la fin du citoyen. |
Une cause est appelée adjuvante en tant qu’elle agit en vue de
l’effet principal. Elle diffère cependant de l’agent principal en ce que ce dernier
agit en vue de sa fin propre, alors que la cause adjuvante agit en vue d'une
fin qui lui est étrangère. Ainsi celui qui aide le roi à la guerre agit en
vue de la fin du roi. Et tel est l'ordre de la cause seconde à la cause
première. En effet, la cause seconde opère en vue de la fin de la cause
première dans tous les agents essentiellement subordonnés; par exemple, le
soldat agit en vue de la fin de la société civile. |
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[82334] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 7 Consilians autem differt ab efficiente principali,
inquantum dat finem et formam agendi. Et haec est habitudo primi agentis per
intellectum ad omne agens secundum, sive sit naturale, sive intellectuale.
Nam primum agens intellectuale in omnibus dat finem et formam agendi secundo agenti,
sicut architector navis navim operanti, et primus intellectus toti naturae. |
La cause qui conseille, elle,
diffère de l'efficient principal en tant qu’elle donne la fin et la forme de
l'action. C’est la relation qui s’établit de l'agent premier, qui cause par
son intelligence, à tout agent second, soit naturel soit intellectuel. En
effet, le premier agent de nature intellectuelle communique, en toutes
choses, la fin et la forme de l'agir à l'agent second, comme l'architecte du
navire donne la fin et la forme de l'opération au constructeur du navire, et
le Premier intelligent communique la fin et la forme à toute la nature. |
La cause qui conseille, elle, diffère de la cause efficiente
principale en tant qu’elle donne la fin et la forme de l'action. Telle est la
relation qui s’établit de l'agent premier, qui agit par son intelligence, à
tout agent second, naturel ou intellectuel. En effet, le premier agent de
nature intellectuelle donne, en toutes choses, la fin et la forme de l'agir à
l'agent second, comme l'architecte du navire les donne au constructeur du
navire, et la Première Intelligence les donne à toute la nature. |
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[82335]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 8 Ad hoc autem genus causae reducitur quicquid facit aliquid
quocumque modo esse, non solum secundum esse substantiale, sed secundum
accidentale; quod contingit in omni motu. Et ideo non solum dicit quod
faciens sit causa facti, sed etiam mutans mutati. |
A ce genre de cause (efficiente)
se ramène à tout ce qui fait que quelque chose existe de quelque façon que ce
soit, non seulement selon l'existence substantielle, mais aussi selon
l'existence accidentelle. Ce qui arrive dans tous les mouvements. C'est
pourquoi Aristote ne dit pas uniquement que celui qui fait est cause de ce
qui est fait, mais aussi que ce qui fait changer est cause de ce qui subit le
changement. |
À ce genre de cause se ramène
tout ce qui fait que quelque chose existe de quelque façon que ce soit, non
seulement selon l’être substantiel, mais aussi selon l’être accidentel. C’est
le cas de tous les mouvements. C’est pourquoi Aristote ne dit pas uniquement
que ce qui fait est cause de ce qui est fait, mais aussi que ce qui fait
changer est cause de ce qui subit le changement. |
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[82336] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 9 Quarto modo dicitur causa finis; hoc autem est cuius
causa aliquid fit, sicut sanitas est causa ambulandi. Et quia de fine
videbatur minus quod esset causa, propter hoc quod est ultimum in esse, unde
etiam ab aliis prioribus philosophis haec causa est praetermissa, ut in primo
libro praehabitum est, ideo specialiter probat de fine quod sit causa. Nam
haec quaestio quare, vel propter quid, quaerit de causa: cum enim quaeritur
quare, vel propter quid quis ambulat, convenienter respondentes dicimus, ut
sanetur. Et sic respondentes opinamur reddere causam. Unde patet quod finis
est causa. Non solum autem ultimum, propter quod efficiens operatur, dicitur
finis respectu praecedentium; sed etiam omnia intermedia quae sunt inter
primum agens et ultimum finem, dicuntur finis respectu praecedentium; et
eodem modo dicuntur causa unde principium motus respectu sequentium: sicut
inter medicinam, quae est primum agens in hoc ordine, et sanitatem quae est
ultimus finis, sunt ista media: scilicet attenuatio, quae est propinquissima
sanitati in his, qui superabundant in humoribus, et purgatio, per quam
acquiritur attenuatio, et pharmacia, idest medicina laxativa, et ex
qua purgatio causatur, et organa idest instrumenta quibus medicina vel
pharmacia praeparatur et ministratur. Huiusmodi etiam omnia sunt propter
finem; et tamen unum eorum est finis alterius. Nam attenuatio est finis
purgationis, et purgatio pharmaciae. Haec autem intermedia posita differunt
adinvicem in hoc, quaedam eorum sunt organa, sicut instrumenta quibus
medicina praeparatur et ministratur, et ipsa medicina ministrata qua natura
utitur ut instrumento; quaedam vero sunt opera, idest operationes, sive
actiones, ut purgatio et attenuatio. |
La cause finale se dit selon le
quatrième sens. Elle est ce en vue de quoi on fait quelque chose. Ainsi la
santé est cause de la promenade. Et parce qu’il est moins évident que la
cause finale soit cause, étant la dernière à exister, - raison qui a conduit
les premiers philosophes à l’omettre, comme on l’a vu dans le premier livre,
- Aristote s'attarde particulièrement à prouver qu’elle est cause. Les
questions suivantes: pourquoi ou à cause de quoi, s'informent de la cause.
Quand on demande, en effet pourquoi ou à cause de quoi quelqu’un marche, nous
répandons de façon appropriée on disant qu’il marche pour guérir ou en vue de
sa santé. Et, en répondant ainsi, nous croyons avoir rendu compte de la
cause. Il est donc évident que la fin est cause. Et ce n'est pas seulement la
fin ultime, en vue de laquelle l’agent opère, qui se dit fin par rapport à
tout ce qui la précède, mais aussi tous les intermédiaires qui trouvent place
entre l'agent et la fin ultime, par rapport à ce qui les précède. Il en est
de même aussi des causes efficientes par rapport à ce qui les suit. Ainsi,
entre la médecine, qui est le premier efficient dans cet ordre, et la santé,
qui en est la fin ultime, il y a les intermédiaires suivants:
l'amaigrissement qui est très proche de la santé chez les personnes trop grasses,
et la purgation, moyen de maigrir, et les remèdes laxatifs, qui causent la
purgation, et les instruments qui servent à préparer et à administrer les
remèdes. Tous les moyens de cette sorte sont en vue de la fin; et pourtant,
un de ces moyens est fin à l'égard d’un autre. En effet, l'amaigrissement est
fin de la purgation et la purgation est fin du remède. Cependant, tous ces
intermédiaires diffèrent entre eux de la façon suivante: certains sont des
instruments, comme les instruments qui servent à préparer et à administrer
les remèdes, et le remède lui-même administré, dont se sert la nature pour
guérir comme d'un instrument; certains sont des œuvres, c'est-à-dire des
opérations ou des actions, comme la purgation et l'amaigrissement. |
En un quatrième sens, on parle de cause finale. Cette cause est ce en vue de quoi on fait quelque chose : ainsi, la santé est cause de la promenade. Et parce qu’il est moins évident que la cause finale soit cause, puisqu’elle se réalise en dernier (c’est pourquoi elle a été omise par les premiers philosophes, comme on l’a vu au livre I), Aristote met un soin particulier à prouver qu’elle est cause. Quand on demande pourquoi ou en vue de quoi, on s’informe d’une cause. Quand on demande, en effet, pourquoi ou en vue de quoi quelqu’un marche, nous répondons de façon appropriée en disant qu’il marche pour sa santé, et en répondant ainsi, nous croyons avoir montré la cause. Il est donc évident que la fin est cause. Et ce n'est pas seulement la fin ultime, en vue de laquelle l’agent opère, qui est appelée fin par rapport à tout ce qui la précède, mais aussi tous les intermédiaires qui trouvent placés entre le premier agent et la fin ultime, par rapport à ce qui les précède. Pareillement, on appelle cause d’origine le principe du mouvement par rapport à ce qui le suit. Ainsi, entre la médecine, qui est le premier agent dans cet ordre, et la santé, qui en est la fin ultime, il y a les intermédiaires suivants : la réduction, qui est la plus proche de la santé chez les personnes ayant une surabondance d’humeurs[63], et la purgation, qui procure la réduction des humeurs, et les remèdes, c’est-à-dire les médicaments laxatifs qui causent la purgation, et les instruments qui servent à préparer et à administrer les remèdes. Tous ces moyens, eux aussi, sont en vue de la fin, et pourtant, l’un d’eux est la fin d’un autre. En effet, la réduction est fin de la purgation et la purgation est fin du remède. Mais tous ces intermédiaires diffèrent entre eux du fait que certains sont des outils, comme les instruments qui servent à préparer et à administrer les remèdes, et le remède administré lui-même, dont la nature se sert comme d'un instrument; certains sont des œuvres, c'est-à-dire des opérations ou des actions, comme la purgation et la réduction. |
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[82337] Sententia Metaphysicae,
lib. 5 l. 2 n. 10 Concludit
ergo quod causae toties dicuntur, idest quatuor modis. Et addit fere
propter modos causarum quos infra ponet. Vel etiam ideo, quia illae eaedem species non eadem
ratione in omnibus inveniuntur. |
Aristote conclut donc que la cause
se dit en autant de sens, c’est-à-dire en quatre sens. Et il ajoute
"presque", à cause des modalités des causes qu'il posera plus loin.
Ou encore parce que ces mêmes espèces de cause ne se retrouvent pas sous la
même raison ou formalité en toutes choses. |
Aristote conclut donc que telles sont toutes les acceptions du mot Cause, à savoir quatre sens. Et il
ajoute à peu près, en raison des
genres de cause qu'il posera plus loin, ou encore parce que ces mêmes espèces
de cause ne se retrouvent pas sous le même rapport en toutes choses. |
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[82338] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 11 Deinde cum dicit accidit autem ponit quaedam, quae
consequuntur circa causas ex praedictis; et sunt tria: quorum primum est,
quod quia causa multis modis dicitur, contingit multas causas esse unius rei
non secundum accidens, sed secundum se. Quod enim secundum accidens multae
sint causae unius rei, hoc difficile non videbatur; quia rei, quae est causa
per se alicuius effectus, multa possunt accidere, qua omnia illius effectus
possunt etiam causa per accidens dici: sed, quod causae per se sint multae
unius, hoc fit manifestum ex hoc, quod causae multipliciter dicuntur. Statuae
enim causa per se et non per accidens est factor statuae, et aes; sed non
eodem modo. Hoc enim est impossibile quod eiusdem secundum idem genus, sint
multae causae per se eodem ordine; licet possint esse plures causae hoc modo,
quod una sit proxima, alia remota: vel ita, quod neutrum sit causa
sufficiens, sed utrumque coniunctim; sicut patet in multis, qui trahunt
navem. Sed in proposito diversis modis ista duo sunt causa statuae: aes
quidem ut materia, artifex vero ut efficiens. |
Ensuite, quand il dit: "Cette
variété de sens… ", il tire, des réflexions précédentes, certaines
conséquences, qui concernent les causes. Elles sont au nombre de trois. Voici
la première. Parce que la cause possède une grande variété de sens, il peut y
avoir, pour une seule chose, plusieurs causes, et cela, non de façon
accidentelle, mais essentielle. En effet, qu'il y ait quantité de causes
accidentelles pour une seule chose, cela ne semblait guère difficile à
admettre, parce que la chose qui est cause propre d’un effet peut être sujet
d'une multitude d'accidents, qui peuvent tous être dits causes accidentelles
de l'effet en question. Mais qu’il y ait plusieurs causes propres, par soi,
d'un seul effet, cela devient manifeste du fait que les causes se disent de
multiples façons. En effet, les causes essentielles et non accidentelles de
la statue sont le statuaire et l'airain, mais non de la même façon, En effet,
cela est impossible que, d'un même effet considéré sous le même aspect, il y
ait plusieurs causes propres ayant même rapport à l'effet, bien qu’il puisse
y en avoir plusieurs si elles sont disposées de manière à ce que l’une soit
prochaine et l'autre, éloignée. Ce qui peut encore arriver si ni l'une ni
l'autre des deux causes n'est cause suffisante de l'effet, mais si les deux
causes doivent être unies ensemble pour produire l'effet. Ce qui est évident,
par exemple, dans le cas de plusieurs hommes qui tirent un navire. Mais dans
l'exemple proposé plus haut, les deux choses suivantes sont causes de la
statue de différentes manières: l'airain comme matière, l'artisan comme cause
efficiente. |
Ensuite, quand il dit : Mais
ce mot Cause ayant, etc., il
tire des réflexions précédentes certaines conséquences qui concernent les
causes. Elles sont au nombre de trois. La première est que, le mot
« cause » ayant plusieurs sens, une seule chose peut avoir
plusieurs causes, et ce, non de façon accidentelle, mais essentielle. En
effet, l’existence de nombreuses causes accidentelles pour une seule chose ne
semble pas difficile à admettre, parce que la chose qui est cause essentielle
d’un effet peut être sujette à une multitude d'accidents, qui peuvent tous
être dits causes accidentelles de l'effet en question. Mais qu’il y ait
plusieurs causes essentielles d’un seul effet, cela devient manifeste du fait
que les causes se disent de multiples façons. En effet, les causes
essentielles et non accidentelles de la statue sont le statuaire et l’airain,
mais pas de la même façon. En effet, il est impossible que, d'un même effet
considéré sous le même genre, il y ait plusieurs causes essentielles ayant
même rapport à l'effet, bien qu’il puisse y en avoir plusieurs disposées de
telle sorte que l’une soit prochaine et l'autre, éloignée. C’est également
possible si aucune des deux n'est cause suffisante de l'effet, mais s’il faut
les deux ensemble, comme c’est évident dans le cas de plusieurs hommes qui
tirent un navire. Mais dans l'exemple proposé, l'airain comme matière,
l'artiste comme cause efficiente sont causes de la statue de différentes
manières. |
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[82339]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 12 Secundum ponit ibi, et adinvicem dicit, quod etiam
contingit, quod aliqua duo adinvicem sibi sunt causae: quod impossibile est
in eodem genere causae. Manifestum vero fit multipliciter dictis causis.
Sicut dolor ex incisione vulneris est causa sanitatis, ut efficiens sive
principium motus: sanitas autem est causa illius doloris, ut finis. Secundum
enim idem genus causae aliquid esse causam et causatum est impossibile. Alia
litera habet melius laborare causa est euexiae, idest bonae
dispositionis, quae causatur ex labore moderato, qui ad digestionem confert
et superfluos humores consumit. |
Il donne la deuxième conséquence
quand il dit : "Les causes peuvent aussi être réciproques ... "
Aristote dit qu’il arrive que deux choses soient causes l'une de l'autre: ce
qui est impossible dans le même genre de cause. Il est manifeste que cette
réciprocité se fait de plusieurs façons. Ainsi la douleur qui provient de
l’incision est cause de la santé, comme cause efficiente ou principe du mouvement;
la santé cependant est cause de cette douleur, comme fin. En effet, que
quelque chose soit cause et causé par rapport au même genre de cause, cela
est impossible. Un autre texte comporte un meilleur sens: "le travail
est cause de la bonne santé", c'est-à-dire de la bonne forme physique,
qui est causée par un travail modéré, aidant à la bonne digestion et brûlant
les humeurs superflues. |
Il donne la deuxième conséquence quand il dit : Parfois, les causes sont réciproquement, etc. Aristote dit qu’il arrive
que deux choses soient causes l'une de l'autre, ce qui est impossible dans le
même genre de cause. Il est manifeste que cette réciprocité se fait de
plusieurs façons. Ainsi la douleur qui provient de l’incision est cause de la
santé, comme cause efficiente ou principe du mouvement, mais la santé est
cause de cette douleur comme fin. En effet, que quelque chose soit cause et
causé par rapport au même genre de cause, cela est impossible. Un autre texte
comporte un meilleur sens : « le travail est cause de la bonne
santé », c'est-à-dire de la bonne
disposition du corps, qui est causée par un travail modéré, aidant à la
bonne digestion et brûlant les excès d’humeurs. |
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[82340] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 13 Sciendum est autem, quod cum sint quatuor causae
superius positae, earum duae sibiinvicem correspondent, et aliae duae
similiter. Nam efficiens et finis sibi correspondent invicem, quia efficiens
est principium motus, finis autem terminus. Et similiter materia et forma:
nam forma dat esse, materia autem recipit. Est igitur efficiens causa finis,
finis autem causa efficientis. Efficiens est causa finis quantum ad esse
quidem, quia movendo perducit efficiens ad hoc, quod sit finis. Finis autem
est causa efficientis non quantum ad esse, sed quantum ad rationem
causalitatis. Nam efficiens est causa inquantum agit: non autem agit nisi
causa finis. Unde ex fine habet suam causalitatem efficiens. Forma autem et
materia sibiinvicem sunt causa quantum ad esse. Forma quidem materiae
inquantum dat ei esse actu; materia vero formae inquantum sustentat ipsam.
Dico autem utrumque horum sibi invicem esse causam essendi vel simpliciter
vel secundum quid. Nam forma substantialis dat esse materiae simpliciter.
Forma autem accidentalis secundum quid, prout etiam forma est. Materia etiam
quandoque non sustentat formam secundum esse simpliciter, sed secundum quod
est forma huius, habens esse in hoc, sicut se habet corpus humanum ad animam
rationalem. |
Il faut cependant noter que, quatre
sortes de causes ayant été posées plus haut, il y a correspondance
particulière de deux à deux. Il y a pour ainsi dire deux couples de causes.
En effet, la cause efficiente et finale correspondent entre elles, parce que
la cause efficiente: est principe du mouvement alors que la fin en est le
terme. Et, pareillement, la forme et la matière correspondent : la forme
donne l'existence, la matière la reçoit. Donc, la cause efficiente est cause
de la fin, et la fin, cause de la cause efficiente. La cause efficiente est
cause de la fin quant a son existence, parce que, par le mouvement qu’elle
imprime, la cause efficiente fait que la fin existe. La fin, elle, n’est pas
cause de la cause efficiente quant à son existence, mais quant à sa raison de
causalité. En effet, la cause efficiente est cause en autant qu'elle agit:
mais elle n'agit que par la cause finale. C'est donc par la fin que
l'efficient possède sa propre causalité. De leur côté, la forme et la matière
sont réciproquement causes de leur existence. La forme donne l'existence à la
matière, en tant qu'elle lui donne d'exister en acte; la matière donne
l'existence a la forme, en tant qu'elle la soutient. Je dis cependant que
l'une et l'autre sont réciproquement causes de leur être, soit de façon absolue,
soit de façon relative. En effet, la forme substantielle donne l’existence
absolue à la matière; la forme accidentelle, telle, donne l'existence
relative, en autant qu'elle est forme. La matière aussi ne soutient pas
toujours la forme par rapport à l'existence absolue, mais par rapport à la
forme de cette matière, ayant son existence dans cette matière. Ainsi en
est-il pour le corps humain par rapport à l'âme rationnelle. |
Il faut cependant noter que les quatre sortes de causes qui ont été mentionnées plus haut se correspondent de deux à deux, de sorte qu’il y a deux couples de causes. En effet, la cause efficiente et la cause finale se correspondent, parce que la cause efficiente est principe du mouvement alors que la fin en est le terme. Pareillement, la forme et la matière se correspondent : la forme donne l'existence, la matière la reçoit. Donc, la cause efficiente est cause de la fin, et la fin, cause de la cause efficiente. La cause efficiente est cause de la fin quant à son existence, parce que le mouvement qu’elle imprime conduit à l’existence de la fin. Quant à la fin, elle n’est pas cause de la cause efficiente quant à son existence, mais quant à sa raison de causalité. En effet, la cause efficiente est cause en autant qu'elle agit : mais elle n'agit qu’en vue de la fin. C'est donc de la fin que la cause efficiente tire sa causalité. De leur côté, la forme et la matière sont réciproquement causes de leur existence. La forme donne l'existence à la matière en tant qu'elle lui donne d'exister en acte; la matière donne l'existence à la forme en tant qu'elle la soutient. Je dis cependant que l'une et l'autre sont réciproquement causes de leur existence, soit de façon absolue, soit de façon relative. En effet, la forme substantielle donne l’existence à la matière de façon absolue, alors que la forme accidentelle la donne de façon relative, en autant qu'elle est forme. La matière, elle aussi, ne soutient pas toujours la forme quant à son être absolu, mais en ce qu’elle est la forme de cette matière, ayant son existence dans cette matière. Ainsi en est-il pour le corps humain par rapport à l'âme rationnelle[64]. |
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[82341] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 2 n. 14 Tertium ponit ibi, amplius autem dicit, quod idem
contrariorum contingit esse causam. Quod etiam difficile videbatur vel
impossibile, si similiter ad utrumque referatur; sed dissimiliter est causa
utriusque. Illud enim, quod per sui praesentiam est causa huius, quando est
absens causamur idest accusamus ipsum de contrario, idest
dicimus ipsum esse causam contrarii. Sicut patet, quod gubernator per sui
praesentiam est causa salutis navis, dicimus eius absentiam esse causam
perditionis. Ne autem putetur quod hoc sit referendum ad diversa genera
causarum sicut et priora duo, ideo subiungit quod utrumque istorum reducitur
ad idem genus causae, scilicet ad causam moventem. Eodem enim modo oppositum
est causa oppositi, quo haec est causa huius. |
Il pose la troisième conséquence,
où il dit: "Enfin la même cause ... " Aristote dit que la même
chose peut être cause des contraires. Ce qui semblait difficile ou même
impossible à admettre, si la même cause devait se référer également aux deux
contraires; mais c'est de diverses façons qu'elle est cause des contraires.
En effet, ce qui, par sa présence, est cause de quelque chose, est dit
parfois, par son absence, cause du contraire. Par exemple, il est évident que
le pilote est, par sa présence, cause du salut du navire; nous disons que son
absence est cause du naufrage. Et pour qu'on ne pense pas que cette conséquence
exige divers genres de causes comme les deux autres conséquences, Aristote
souligne que l'absence et la présence du pilote se ramènent au même genre de
cause, à savoir à la cause mouvante. En effet, l'opposé est cause de l'opposé
de la même façon que son opposé est cause de l'effet opposé. (La présence est
cause du salut de la même façon que l'absence est cause du naufrage). |
Il pose la troisième conséquence, où il dit : Parfois aussi, une seule, etc.
Aristote dit que la même chose peut être cause des contraires. Cela
semblerait difficile ou même impossible à admettre, si la même cause avait le
même rapport aux deux contraires; mais c'est de diverses façons qu'elle est
cause des contraires. En effet, ce qui, par sa présence, est cause de quelque
chose, est accusé parfois, par son absence, d’être cause du contraire. Par
exemple, il est évident que le pilote, par sa présence, est cause du salut du
navire, et nous disons que son absence est cause du naufrage. Et pour qu'on
ne pense pas que cette conséquence exige divers genres de causes comme les
deux conséquences qui précèdent, Aristote ajoute que l'absence et la présence
du pilote se ramènent au même genre de cause, à savoir à la cause motrice. En
effet, une cause produit un effet de la même façon que la cause opposée
produit l'effet opposé[65]. |
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Leçon 3, Texte d’Aristote
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Leçon 3, Texte d’Aristote, traduit
par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Toutes les causes que nous venons d'énumérer
tombent manifestement sous quatre classes. Les lettres, pour les syllabes, la
matière, pour les objets artificiels, le Feu, la terre et tous les éléments
analogues, pour les corps, les parties, pour le tout, les prémisses, pour la
conclusion, sont des causes en tant qu'ils sont ce d’où proviennent les
choses; et, de ces causes, les unes sont causes comme sujet, telles les
parties, les autres, comme quiddité, tels le tout, la composition et la
forme. Pour la semence, le médecin, l'auteur d’une décision et, en général,
l'agent, toutes ces causes sont comme des principes de changement ou d'arrêt.
Les autres causes sont comme le. fin et le bien des autres choses: la cause
finale est, en effet, le bien par excellence et le but des autres êtres; peu
importe, au reste, qu'on dise que cette fin est le Bien en soi ou le bien
apparent. Telles sont donc les causes, et
tel est le nombre de leurs espèces. Les causes se présentent sous une
multitude de modes, mais on peut réduire ces modes à un petit nombre. Les
causes peuvent être distinguées selon diverses relations: c'est ainsi que,
parmi les causes d’une même espèce, l'une est antérieure, et, l'autre,
postérieure: par exemple, pour la santé, le médecin et l'homme de l'art; pour
l'octave, le double et le nombre; et toujours les classes qui contiennent une
cause particulière sont causes de l'effet particulier. Il y a aussi des
causes par accident, et leurs genres: par exemple, Polyclète est, d'une
façon, la cause de la statue, et, d’une autre façon, c'est le statuaire, car
ce n'est que par accident que le statuaire est Polyclète. Puis il y a les
classes qui contiennent l'accident: ainsi, l'homme, ou, plus généralement,
l'animal, est la cause de lu statue, puisque Polyclète est un homme, et
l'homme, un animal. Parmi ces causes accidentelles elles-mêmes, les unes sont
plus éloignées, et les autres, plus rapprochées: comme si l'on disait, par
exemple, que la cause de la statue, c'est le blanc et le musicien, et non
plus Polyclète ou homme. - Toutes ces causes, couses proprement dites et
causes par accident, s'entendent encore, ou bien comme en puissance, ou bien
comme en acte: par exemple, l'architecte-constructeur de maisons, et
l'architecte-construisant une maison. Même remarque à répéter pour les choses
dont les causes sont causes: par exemple, une chose peut être appelée la
cause de telle statue individuelle, ou de la statue, ou, en général, de
l'image; de tel airain individuel, ou de l'airain, ou, en général, de la
matière. De même pour les accidents. Enfin, causes par accident et causes
proprement dites peuvent se trouver réunies dans le: même notion à quand on
dit, par exemple, non plus Polyclète, d'une part, et statuaire, de l’autre,
mais le statuaire Polyclète. Mais cependant, tous les modes des
causes sont, en somme, au nombre de six, chacune comportant deux sens: elles
sont causes, en effet, comme particulier ou comme genre, comme par soi ou
comme par accident, ou comme genre de l'accident, ou comme combiné ou comme
simple, et toutes peuvent être considérées en acte ou en puissance. Mais, il
y a cette différence entre elles que les causes acte et particulières sont,
ou ne sont pas, en même temps que les choses dont elles sont causes, par
exemple, ce médecin est guérissant, et ce malade, guéri, cet architecte construisant,
et cette maison construite. Pour les causes en puissance, au contraire, il
n'on est pas toujours ainsi: la maison, l'architecte ne périssent pas en même
temps. |
Toutes les causes énumérées jusqu’ici tombent sous ces quatre classes, qui sont les plus évidentes. Ainsi, les lettres dans les syllabes dont se composent les mots, la matière pour les objets que façonne la main de l’homme, le feu, la terre, et tous les corps analogues, les parties qui forment un tout, les prémisses d’où sort la conclusion, ce sont là autant de causes d’où les choses peuvent provenir. Et parmi ces causes, les unes sont causes comme sujet matériel, ainsi que sont les parties d’un tout ; les autres le sont comme notion essentielle de la chose. C’est ainsi que sont le tout, la combinaison des parties, et leur forme. Les causes telles que la semence d’une plante, le médecin qui guérit, le conseiller qui a suggéré un projet, en un mot, tout agent quelconque, sont autant de causes d’où part l’initiative du mouvement ou du repos. D’autres causes sont des causes en tant que but des choses, et en tant que bien de tout le reste. Le pourquoi dans toutes les choses est pour elles le bien par excellence, et vise à être pour tout le reste la véritable fin, que d’ailleurs ce bien soit un bien réel, ou qu’il ne soit qu’apparent ; différence qui est ici sans intérêt. Telles sont les diverses espèces de causes, et tel est leur nombre. Leurs nuances doivent sembler très multipliées ; mais, en les résumant, on peut encore les réduire. Ainsi, même pour des causes d’espèce analogue, le mot Cause a des acceptions diverses selon que telle cause est antérieure, ou postérieure, à telle autre cause. Par exemple, la cause de la guérison, c’est bien le médecin ; mais c’est aussi l’ouvrier qui a fait l’instrument dont le médecin s’est servi ; la cause de l’octave, c’est bien le rapport du double ; mais c’est aussi le nombre ; et toujours les causes qui en enveloppent d’autres sont postérieures aux causes particulières. Parfois encore, la cause n’est qu’indirecte, avec toutes les espèces que l’accident peut avoir. Par exemple, la cause de la statue, c’est bien, en un sens, Polyclète ; mais c’est aussi, d’une manière différente, le statuaire, parce qu’indirectement Polyclète se trouve être statuaire. On peut encore aller plus loin, et considérer comme cause tout ce qui enveloppe et contient l’accident. Ainsi, l’homme se rait la cause de la statue ; et plus généralement encore ce serait l’être animé, puisque Polyclète est un homme et que l’homme est un être animé. Parmi les causes accidentelles ainsi considérées, les unes sont plus éloignées, et les autres plus proches ; et l’on pourrait aller jusqu’à prétendre que c’est le Blanc et le Musicien qui est cause de la statue, et que ce n’est pas seulement Polyclète ou l’homme. Toutes les causes qui sont des causes proprement dites, ou qui ne sont que des causes accidentelles et indirectes, se distinguent encore selon qu’elles peuvent agir, ou qu’elles agissent effectivement. Ainsi, la cause de la construction, c’est le maçon qui est en état de construire ; mais c’est aussi le maçon qui est effectivement occupé à construire. Des nuances pareilles à celles que nous venons d’indiquer, pourront également s’appliquer aux objets dont les causes sont directement causes : à cette statue, par exemple, en tant que statue, ou d’une manière générale en tant que portrait ; à cet airain en tant qu’airain, ou d’une manière générale en tant que l’airain est la matière de quelque chose. Et enfin, elles pourront s’appliquer d’une manière identique aux causes accidentelles elles-mêmes. Parfois aussi, on réunit, les unes aux autres, les causes directes et les causes indirectes ; et par exemple, on peut ne pas isoler Polyclète et l’on peut dire que la cause de la statue, c’est Polyclète le statuaire. Quoi qu’il en puisse être, toutes ces nuances sont au nombre de six, qui peuvent chacune être prises en un double sens. Ce sont la chose individuelle ou son genre ; ce sont l’accident ou le genre de l’accident ; ce sont la combinaison des termes ou leur isolement. Enfin ces six espèces peuvent être considérées comme agissant réellement, ou simplement comme pouvant agir. Quant à ces deux dernières nuances, il y a cette différence entre elles que les causes actuelles, et les causes particulières, sont, ou cessent d’être, en même temps que les choses dont elles sont les causes. - Ainsi, par exemple, le médecin qui soigne actuellement un malade est, et cesse d’être, en même temps que ce malade qu’il soigne ; le maçon qui construit une maison, est, et cesse d’être, en même temps que cette construction qu’il fait. Mais les causes qui ne sont qu’en simple puissance ne soutiennent pas toujours ce rapport, puisque la maison et le maçon qui peut la construire ne disparaissent pas en même temps. |
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Lectio 3 |
Leçon 3, Commentaire de
saint Thomas [Les causes, acte et puissance] (Traduction Abbé Dandenault, v.
1960)
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Aristote réduit tous
les sens des causes à quatre espèces. Ici, conformément à certaines modalités
ou à certains modes, il établit quatre divisions des causes, qu’il ramène à
l'acte et à la puissance. |
Aristote réduit tous les sens des causes à quatre espèces. Ici, conformément à certaines modalités ou à certains modes, il établit quatre divisions des causes, qu’il ramène à l'acte et à la puissance. |
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[82342] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 1 Hic philosophus reducit omnes causas in quatuor modos
causarum praedictos; dicens, quod omnia quae dicuntur causae, incidunt in
praedictos quatuor modos. Dicuntur enim elementa, idest literae,
causae syllabarum, et materia artificialium dicitur esse causa factorum per
artem, et ignis et terra et huiusmodi omnia simplicia corpora, dicuntur esse
causae corporum mixtorum. Et partes dicuntur esse causa totius. Et
suppositiones, idest propositiones praemissae, ex quibus propositis
syllogizatur, dicuntur esse causa conclusionis. Et in omnibus istis est una
ratio causae, secundum quod dicitur causa illud ex quo fit aliquid, quod est
ratio causae materialis. |
Ici, le Philosophe réduit toutes
les causes aux quatre sens déjà mentionnés, en affirmant que tout ce qu'on
appelle cause se retrouve dans l'un de ces quatre sens. On dit en effet que
les éléments, c’est-à-dire les lettres, sont causes des syllabes, et que la
matière des œuvres d'art est cause des œuvres fabriquées par l'art, et que le
feu et la terre et tous les corps simples de cette sorte sont causes des corps
mixtes. On dit aussi que les parties sont causes du tout. On dit aussi que
les suppositions, c’est-à-dire les prémisses, à partir desquelles on
raisonne, sont cause de la conclusion. Et dans tous ces cas, il n'y a qu’une
seule raison de causalité en tant que l'on appelle cause ce dont est fait
quelque chose: ce qui est la notion de la cause matérielle. |
Ici, le Philosophe réduit toutes les causes aux quatre sens déjà mentionnés, en affirmant que tout ce qu'on appelle cause se retrouve dans ces quatre sens. On dit en effet que les éléments, c’est-à-dire les lettres, sont causes des syllabes, et que la matière des œuvres artificielles est cause des œuvres fabriquées par l'art, et que le feu, la terre et tous les corps simples de cette sorte sont causes des corps mélangés. On dit aussi que les parties sont causes du tout. On dit aussi que les hypothèses, c’est-à-dire les prémisses, à partir desquelles on fait des syllogismes, sont causes de la conclusion. Et dans tous ces cas, il y a une seule notion de causalité en tant que l’on appelle cause ce dont est fait quelque chose : c’est la notion de la cause matérielle. |
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[82343]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 2 Sciendum est autem, quod propositiones dicuntur esse
materia conclusionis, non quidem secundum quod sub tali forma existunt, vel
secundum virtutem earum; (sic enim magis se habent in ratione causae
efficientis); sed quantum ad terminos, ex quibus componuntur. Nam ex terminis
praemissarum componitur conclusio, scilicet ex maiori et ex minori extremitate. |
Il faut savoir cependant que
lorsqu'on dit que les propositions sont la matière de la conclusion, ce n'est
pas en tant qu’elles existent sous telle forme ou qu’elles possèdent la
puissance d'inférer la conclusion (sous cet aspect) elles appartiennent
davantage à la causalité efficiente), mais c’est à cause des termes qui les
composent. La conclusion en effet est composée des termes des prémisses, à
savoir de l'extrême majeur et de l'extrême mineur. |
Il faut savoir cependant que lorsqu'on dit que les propositions sont
la matière de la conclusion, ce n’est pas en tant qu’elles existent sous
telle forme ou selon leur vertu[66] (sous cet aspect, elles
appartiennent davantage à la causalité efficiente), mais c’est à cause des
termes qui les composent. La conclusion en effet est composée des termes des
prémisses, à savoir l'extrême majeur et l'extrême mineur. |
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[82344] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 3 Inter ea autem ex quibus res integratur, aliquid se habet
per modum subiecti, sicut partes et alia quae praedicta sunt; alia vero se
habent ut quod quid erat esse, scilicet totum, et compositio, et
species, quae pertinent ad rationem formae, secundum quam quidditas rei
completur. Sciendum est enim, quod quandoque una res simpliciter est alicuius
materia, sicut argentum phialae; et tunc forma correspondens tali materiae
potest dici species. Quandoque autem plures adinvicem adunatae sunt materia
alicuius rei. Quod quidem contingit tripliciter. Quandoque enim adunantur
secundum ordinem tantum, sicut homines in exercitu, vel domus in civitate; et
sic pro forma respondet totum, quod designatur nomine exercitus vel
civitatis. Quandoque autem non solum adunantur ordine, sed contactu et
colligatione, sicut apparet in partibus domus; et tunc respondet pro forma
compositio. Quandoque autem super hoc additur alteratio componentium, quod
contingit in mixtione; et tunc forma est ipsa mixtio, quae tamen est quaedam
compositionis species. Ex quolibet autem trium horum sumitur quod quid est
rei, scilicet ex compositione et specie et toto: sicut patet si definiretur
exercitus, domus et phiala. Sic ergo habemus duos modos causae. |
Entre tout ce qui intègre une
chose, il y a quelque chose qui s’y trouve par mode de sujet, comme les
parties et les autres composants ci-haut mentionnés; il y a aussi quelque
chose qui s’y trouve comme le "quod
quid erat esse" (la quiddité), à savoir le tout, et la composition,
et l'espèce, qui appartiennent à la raison de la forme, conformément à laquelle
se complète la quiddité de la chose. Il faut savoir en effet que lorsqu'une
seule chose est absolument la matière de quelque chose, comme l'argent est la
matière d'une coupe, alors on peut appeler la forme qui correspond à cette
matière : espèce. Quelquefois cependant, plusieurs composants unis entre
eux forment la matière de quelque chose. Ce qui peut arriver de trois
manières. Quelquefois ces parties sont réunies entre elles uniquement par
l'ordre, comme les hommes dans l'armée, ou les familles dans la cité; et dans
ces cas, c'est le tout qui correspond à la forme, ce tout que l'on désigne
par les mots: armée ou cité. Quelquefois, les parties ne sont pas rassemblées
seulement par l'ordre, mais par contact et liaison, comme il apparaît dans
les parties d'une maison; et alors ce qui tient lieu de forme, c’est la
composition. Quelquefois, outre cette composition, s'ajoute l'altération, des
composants, comme il arrive dans les mixtes; et alors la forme est le mélange
lui-même, qui est cependant une certaine espèce de composition. C'est donc à
partir de ces trois choses: la composition, l'espèce et le tout, que l’on
prend le ce qu'est la chose. Comme il apparaîtrait à la définition de
l'armée, de la maison et de la coupe. C’est ainsi que nous avons deux modes
de cause. |
Entre tout ce qui fait partie intégrante d’une chose, il y a quelque
chose qui s’y trouve par mode de sujet, comme les parties et les autres
composants ci-haut mentionnés; il y a aussi quelque chose qui s’y trouve
comme ce qui fait sa nature (la
quiddité), à savoir le tout, la composition et l'espèce, qui appartiennent à
la notion de la forme, qui rend complète la quiddité de la chose. Il faut
savoir en effet que lorsqu’une seule chose est absolument la matière de
quelque chose, comme l’argent est la matière d'une coupe, alors on peut
appeler « espèce » la forme qui correspond à cette matière. Mais
parfois, plusieurs composants unis entre eux forment la matière de quelque
chose. Cela peut arriver de trois manières. Parfois ces parties sont réunies
entre elles seulement par l'ordre, comme les hommes dans l'armée, ou les
maisons dans la cité; et dans ces cas, ce qui correspond à la forme, c’est le
tout, que l'on désigne par les mots « armée » ou
« cité ». Quelquefois, les parties ne sont pas rassemblées
seulement par l'ordre, mais aussi par contact et liaison, comme on le voit
dans les parties d'une maison; et alors, ce qui constitue la forme, c’est la
composition. Parfois, outre cette composition, s’ajoute l'altération des
composants, comme il arrive dans les mélanges; et alors la forme est le
mélange lui-même, qui est pourtant une espèce de composition. C'est donc à
partir de l’une quelconque de ces trois choses, la composition, l'espèce et
le tout, que l’on saisit l’essence de la chose, comme on le verrait en
définissant l'armée, la maison et la coupe d’argent. C’est ainsi que nous
avons deux genres de cause. |
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[82345]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 4 Secundum autem aliam rationem dicitur causa sperma et
medicus et consiliator, et universaliter omne faciens, ex eo scilicet quod
sunt principia motus et quietis. Unde iam hoc est aliud genus causae, propter aliam
rationem causandi. Ponit autem sperma in hoc genere causae, quia secundum
eius sententiam sperma vim habet activam, menstruum autem mulieris cedit in
materiam concepti. |
C’est selon une autre raison que
l’on dit que le sperme et le médecin et le conseiller et, universellement,
tout agent ou fabricant, est cause: c’est du fait qu'ils sont principes du
mouvement et du repos. Voilà pourquoi et est déjà là un autre genre de cause,
à cause d’une autre raison de causer. Aristote pose le sperme dans cette
sorte de cause, parce que, d’après son opinion, le sperme a une force active,
alors que les menstrues de la femme se tiennent du côté de la matière de
l’engendré. |
C’est selon une autre raison que l’on dit que le sperme, le médecin,
le conseiller et, universellement, tout agent ou fabricant, est cause :
c’est du fait qu'ils sont principes du mouvement et du repos. Voilà pourquoi
on trouve déjà là un autre genre de cause, à cause d’une autre notion de
causalité. Aristote range le sperme dans cette sorte de cause, parce que,
d’après son opinion, le sperme a une force active, alors que les menstrues de
la femme appartiennent à la matière de l’engendré. |
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[82346] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 5 Quarta vero ratio causandi est secundum quod aliqua
dicuntur causae per modum finis et boni respectu aliorum. Illud enim cuius
causa fit aliquid, est optimum inter alia et vult esse idest habet
aptitudinem ut sit aliorum finis. Quia vero posset aliquis obiicere quod non
semper bonum est finis, cum quandoque aliqui inordinate agentes malum finem
sibi constituant, ideo respondet, quod nihil ad propositum differt dicere
quod simpliciter sit bonum vel apparens bonum. Qui enim agit, agit per se
loquendo propter bonum; hoc enim intendit; per accidens autem propter malum,
inquantum accidit ei quod existimat bonum esse. Nullus enim agit propter
aliquid intendens malum. |
La quatrième raison de causalité
est celle selon laquelle on dit que certains êtres sont causes en ce qu'ils
sont fin et bien par rapport aux autres. Ce en vue de quoi quelque chose se
fait est ce qu'il y a de meilleur, de plus parfait, parmi les autres êtres et
possède l'aptitude à être la fin des autres. Et parce que quelqu'un, il est
vrai, pouvait objecter que ce n'est pas toujours le bien qui est fin, lorsque
par exemple certains agents se constituent, de façon non ordonnée, une fin
mauvaise, Aristote répond qu'il importe peu à ce qu'il veut démontrer de
parler d’un bien vrai ou d'un bien apparent. Car, pour parler formellement,
celui qui agit, agit en vue d'un bien; c’est ce qu’il veut; il agit
accidentellement en vue d'un mal, en tant que ce mal coïncide de quelque
manière avec ce qu’il estime être un bien. Nul n’agit en effet en vue de
quelque chose en désirant (de soi) le mal. |
Le quatrième mode de causalité est celui selon lequel on dit que
certains êtres sont causes en ce qu'ils sont fin et bien par rapport aux
autres. Ce en vue de quoi quelque chose se fait est ce qu'il y a de meilleur
parmi les autres êtres et vise à être, c'est-à-dire
possède l'aptitude à être la fin des autres. Et parce qu’on pourrait soulever
l’objection que ce n’est pas toujours le bien qui est fin, comme lorsque
certains, agissant de façon désordonnée, se fixent une fin mauvaise, Aristote
répond que cela ne change rien à ce qu'il veut démontrer s’il est question
d’un vrai bien ou d'un bien apparent. Car, à proprement parler, celui qui
agit, agit en vue d'un bien; c’est ce qu’il veut; il agit accidentellement en
vue d’un mal, en tant que ce mal coïncide de quelque manière avec ce qu’il
estime être un bien. Nul n’agit en effet en vue de quelque chose en désirant
le mal. |
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[82347]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 6 Sciendum autem est, quod licet finis sit ultimus in
esse in quibusdam, in causalitate tamen est prior semper. Unde dicitur causa
causarum, quia est causa causalitatis in omnibus causis. Est enim causa causalitatis
efficientis, ut iam dictum est. Efficiens autem est causa causalitatis et
materiae et formae. |
Il faut savoir cependant que, bien
que dans certains cas la fin soit la dernière dans l'existence, elle est
toujours première dans la causalité. Voilà pourquoi on l’appelle la cause des
causes, parce qu'elle est cause de la causalité dans toutes les causes. Comme
on n’a déjà dit en effet (leçon II), elle est cause de la causalité de
l'efficient. L’efficient à son tour est cause de la causalité de la matière
et de la forme: par le mouvement qu’il imprime il fait que la matière reçoit
la forme et que la forme existe dans la matière. Et, par conséquent, même la
fin est cause de la causalité de la matière et de la forme. Voilà pourquoi
les meilleures démonstrations se prennent de la fin dans les êtres où l’on
agit pour une fin, comme dans les choses naturelles, morales et
artificielles. Il conclut donc que tout cc qu’on vient de dire est cause et
que les causes se divisent en autant d'espèces. |
Il faut savoir cependant que bien que dans certains cas, la fin soit
la dernière dans l'existence, elle est toujours première dans la causalité.
Voilà pourquoi on l’appelle la cause des causes, parce qu'elle est cause de
la causalité dans toutes les causes. Comme on l’a déjà dit en effet[67], elle est cause de la
causalité efficiente; celle-ci, à son tour, est cause de la causalité de la
matière et de la forme : par le mouvement qu’elle imprime, elle rend la
matière susceptible de recevoir la forme et fait exister la forme dans la
matière. Par conséquent, la fin est également cause de la causalité de la
matière et de la forme. Voilà pourquoi les démonstrations les plus solides
partent de la fin dans les domaines où l’on agit pour une fin, comme dans les
sciences naturelles, la morale et les arts. Il conclut donc que telles sont
les causes et que les causes se divisent en ce nombre d’espèces. |
|
[82348] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 7 Deinde cum dicit modi vero distinguit modos
causarum. Est autem distinctio causae per species et per modos. Nam
distinctio per species est penes diversas rationes causandi; et ideo est
quasi divisio per differentias essentiales species constituentes. Divisio
autem per modos est penes diversas habitudines causae ad causatum. Et ideo
est in his quae habent eamdem rationem causandi, sicut per se et per
accidens, remotum et propinquum. Unde est quasi per differentias accidentales
non diversificantes speciem. |
Ensuite, quand il dit : "Les
causes se présentent ... " il distingue les modes des causes, car les
causes se distinguent et par les espèces et par les modes. La distinction par
les espèces se prend par les diverses raisons de causer: c'est ainsi, à peu
de chose près, une division par des différences essentielles constituent des
espèces. La division par les modes se prend des divers rapports de la cause
au causé. C'est pourquoi cette division existe dans les choses qui ont la
même raison de causalité comme, par exemple, la division entre la cause par
soi et par accident, la cause éloignée et prochaine. Cette division est donc
par des différences quasi accidentelles, n’apportant pas une diversité
spécifique. |
Ensuite, quand il dit : Leurs nuances doivent sembler, etc., il distingue les modes des causes, car les causes se distinguent et par les espèces et par les modes. La distinction en espèces est tirée des diverses notions de causalité : elle est donc en quelque sorte une division d’après les différences essentielles qui constituent les espèces. La division d’après les modes est tirée des divers rapports de la cause à l’effet; c’est pourquoi elle existe dans les choses qui ont la même notion de causalité, par exemple la division entre la cause propre et par accident, la cause éloignée ou prochaine. Cette division est donc tirée de différences accidentelles qui ne produisent pas des espèces différentes. |
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[82349]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 8 Dicit ergo, quod multi sunt modi causarum, sed
pauciores inveniuntur quando capitulatim, idest quodam compendio omprehenduntur.
Per se enim et per accidens sunt duo modi; tamen reducuntur ad unum
capitulum, secundum quod est eadem consideratio de utroque. Et similiter est
de aliis modis oppositis. Causae enim multis modis dicuntur, non solum
quantum ad diversas species causae, sed etiam quantum ad causas conspeciales,
quae scilicet reducuntur ad unam speciem causae. |
Il dit donc qu’il y a plusieurs
modes de cause, mais qu’il y en a peu lorsqu’on les ramasse dans une certaine
synthèse. La causalité par soi et par accident constituent deux modes, mais
on peut ramener ces deux modes à un seul titre, en tant qu’ils sont objets
d’une même considération. Semblablement en est-il des autres modes opposés.
Ainsi les causes se disent de multiples manières, non seulement par rapport
aux diverses espèces de cause, mais aussi par rapport aux causes"
complémentaires" (conspeciales),
qu’se réduisent à la même espèce de cause. |
Il dit donc que les modes de cause sont nombreux, mais qu’ils le sont
moins lorsqu’on les résume,
c'est-à-dire lorsqu’on en fait une synthèse. La causalité en soi et par
accident constituent deux modes, mais elles se ramènent à un seul titre, en
tant qu’elles se considèrent sous le même aspect. Il en va de même des autres
modes opposés. Ainsi les causes se disent de multiples manières, non
seulement par rapport aux diverses espèces de cause, mais aussi par rapport
aux causes d’espèce commune, qui se réduisent à la même espèce de cause. |
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[82350] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 9 Dicitur enim una prior, et altera posterior. Prius
autem et posterius in causis invenitur dupliciter. Uno modo in causis
diversis numero adinvicem ordinatis, quarum una est prima et remota, et alia
secunda et propinqua; sicut in causis efficientibus homo generat hominem ut causa
propinqua et posterior, sol autem ut causa prior et remota: et similiter
potest considerari in aliis speciebus causarum. Alio modo in una et eadem
causa numero secundum ordinem rationis qui est inter universale et
particulare. Nam universale naturaliter est prius, particulare posterius. |
Une cause en effet est dite
antérieure et l’autre, postérieure. L’antérieur et le postérieur se trouvent
dans les causes de deux manières. Il s existent, d'une première façon, dans les
causes numériquement diverses organisées entre elles, dont l'une est première
et éloignée et l'autre, seconde et prochaine. Ainsi, dans les causes
efficientes, l’homme engendre un homme comme cause prochaine et postérieure;
le soleil, lui, comme cause antérieure et éloignée. Ce que l'on peut aussi
observer dans les autres espèces de cause. L’antérieur et le postérieur
existent, d'une seconde façon, dans ce qu’est numériquement une seule et même
cause mais qui, selon l'ordre de la raison, se distingue comme l'universel et
le particulier. L’universel est naturellement antérieur, le particulier,
postérieur. |
Une cause en effet est dite antérieure et l’autre, postérieure. Or,
l’antérieur et le postérieur se trouvent dans les causes de deux
manières : 1) dans les causes numériquement diverses et mises en ordre,
dont l’une est première et éloignée et l’autre, seconde et prochaine. Ainsi,
dans les causes efficientes, l’homme engendre un homme comme cause prochaine
et postérieure; le soleil l’engendre comme cause antérieure et éloignée. On
remarque la même chose dans les autres espèces de cause. 2) D’une autre
façon, dans une cause numériquement une distinguée selon l'ordre de raison
qui existe entre l’universel et le particulier. En effet, l’universel est
naturellement antérieur, et le particulier, postérieur. |
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[82351]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 10 Praetermittit autem primum modum, et accipit
secundum. In secundo enim modo immediate effectus ab utraque causa existit,
scilicet priori et posteriori, quod in primo non convenit. Unde dicit, quod
sanitatis causa est medicus et artifex in genere causae efficientis. Artifex
quidem ut universale, et prius; medicus vero ut particulare, sive speciale,
et posterius. Similiter etiam in causis formalibus dupliciter est causa
formalis: ut diapason duplum, vel proportio dupla, vel dualitas est causa
formalis, ut speciale et posterius; numerum autem, vel proportio numeri ad
numerum vel ad unum, ut universale et prius. Et ita semper ea quae
continent singularia, scilicet universalia, dicuntur causae priores. |
Il omet cependant le premier mode
pour ne considérer que le second, car, dans le second mode, l'effet existe
immédiatement par les deux causes, à savoir antérieure et postérieure: ce qui
n'arrive pas dans le premier mode. Voilà pourquoi il dit que la cause de la
santé est le médecin et l'homme d’art dans le genre de cause efficiente.
L'artisan en vérité comme univers8l et antérieur, le médecin, lui, comme
particulier et postérieur. Et pareillement, il y a une double cause formelle
dans les causes formelles à pour l’octave, la proportion double, ou la
dualité, est cause formelle particulière et postérieure; le nombre, lui, ou
la proportion d'un nombre à un nombre ou à l'un, est cause formelle comme
universel et antérieur. Et ainsi, ce qui comprend les singuliers,
c’est-à-dire l’universel, est toujours dit cause antérieure. |
Il omet cependant le premier mode pour ne considérer que le second,
car, dans le second mode, l'effet est produit immédiatement par les deux causes
(antérieure et postérieure), ce qui n’est pas le cas du premier mode. Voilà
pourquoi il dit que la cause de la santé est le médecin et l’homme d’art dans
le genre de cause efficiente : l’homme d’art, en tant qu’universel et
antérieur, et le médecin, en tant que particulier et postérieur. Il en va de
même des causes formelles; il y en a deux genres. Pour l’octave, lle double,
ou la proportion de 2 à 1, est cause formelle particulière et postérieure; le
nombre, lui, ou la proportion d'un nombre à un autre ou à l'unité, est cause
formelle en tant qu’universelle et antérieure. Et ainsi, ce qui comprend les
singuliers, c’est-à-dire l’universel, est toujours dit cause antérieure. |
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[82352] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 11 Alia divisio est causarum, secundum quod aliquid
dicitur esse causa per se et per accidens. Sicut enim causa per se dividitur
in universale et particulare, sive in prius et posterius, ita etiam causa per
accidens. Unde non solum ipsae causae accidentales dicuntur causae per
accidens, sed etiam ipsarum genera. Ut statuae factor, statuae causa est per
se; Polycletus autem per accidens est causa, inquantum accidit ei factorem
statuae esse. Et sicut Polycletus est causa statuae per accidens, ita omnia
universalia continentia accidens, idest causam per accidens, dicuntur
per accidens causae; sicut homo et animal, quae sub se continent Polycletum,
qui est homo et animal. |
Une autre division des causes est
celle selon laquelle quelque chose se dit cause par soi et par accident.
Comme en effet la cause par soi se divise en cause universelle et
particulière ou en cause antérieure et postérieure, ainsi en est-il dans la
cause par accident. Ainsi, non seulement l'on dit que les causes
accidentelles sont causes par accident, mais même leurs genres. Par exemple,
le fabricant de la statue (le statuaire) est cause par soi ou cause
propre de la statue; Polyclète en est la cause par accident, en tant qu'il
lui arrive d'être le fabricant de la statue. Et comme Polyclète est cause par
accident de la statue, ainsi tous les universels qui englobent cette cause:
par accident sont dits être des causes accidentelles: par exemple, homme et
animal, qui contiennent comme inférieur Polyclète, qui est homme et animal. |
Une autre division des causes est celle selon laquelle quelque chose est appelé cause propre et par accident. Comme en effet la cause propre se divise en cause universelle et particulière ou en cause antérieure et postérieure, ainsi en est-il de la cause par accident. Ainsi, non seulement les causes accidentelles, mais aussi leurs genres sont appelés causes par accident. Par exemple, le fabricant de la statue est cause propre de la statue; Polyclète[68] en est la cause par accident, en tant qu'il se trouve être le fabricant de la statue. Et comme Polyclète est cause par accident de la statue, de même tous les universels qui contiennent l’accident, c’est-à-dire la cause par accident, sont dits être des causes par accident : par exemple, l’homme et l’animal, qui englobent Polyclète, qui est homme et animal. |
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[82353] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 12 Et sicut causarum per se quaedam sunt propinquae,
quaedam remotae, ut dictum est, ita et inter causas per accidens. Nam
Polycletus est causa statuae magis propinqua quam album et musicum. Magis
enim remotus modus praedicationis per accidens est, cum accidens praedicatur
de accidente, quam cum accidens praedicatur de subiecto. Accidens enim non
praedicatur de accidente, nisi quia ambo praedicantur de subiecto. Unde magis
remotum est ut attribuatur uni accidenti quod est alterius, sicut musico quod
est aedificatoris, quam quod attribuatur subiecto quod est accidentis, sicut
Polycleto quod est aedificatoris. |
Et, de la même façon que dans les
causes propres certaines sont prochaines, d’outres, éloignées, ainsi en
est-il dans les causes par accident. Car Polyclète est une cause plus
rapprochée de la statue que le blanc ou le musicien, Le mode de prédication
accidentel est en effet plus éloigné lorsqu’un accident est prédiqué d’un
accident que lorsqu'un accident est prédiqué de son sujet, car l'accident
n'est prédiqué d’un accident que parce que les deux sont attribués ou même
sujet. Voilà pourquoi il est plus éloigné d’attribuer à un accident ce qui
appartient à un autre accident, comme au musicien ce qui relève de
l’architecte, que d'attribuer au sujet ce qui appartient à l'accident, comme
à Polyclète ce qui appartient à l’architecte. |
Et, de même que dans les causes propres certaines sont prochaines et
d’autres éloignées, ainsi en est-il dans les causes par accident. Car
Polyclète est une cause plus rapprochée de la statue que le blanc ou le
musicien, Le mode d’attribution par accident est en effet plus éloigné
lorsqu’un accident est attribué à un accident que lorsqu’un accident est
attribué à son sujet, car l'accident n’est attribué à un accident que parce
que les deux sont attribués au même sujet. Voilà pourquoi il est plus éloigné
d’attribuer à un accident ce qui appartient à un autre accident, comme au
musicien ce qui relève de l’architecte, que d'attribuer au sujet ce qui
appartient à l'accident, comme à Polyclète ce qui appartient à l’architecte. |
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[82354]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 13 Sciendum autem est, quod aliquid potest dici causa per
accidens alterius dupliciter. Uno modo ex parte causae; quia scilicet illud
quod accidit causae, dicitur causa per accidens, sicut si album dicatur causa
domus. Alio modo ex parte effectus; ut scilicet aliquid dicatur causa per
accidens alicuius, quod accidit ei quod est effectus per se. Quod quidem potest esse tripliciter. Uno modo, quia
habet ordinem necessarium ad effectum, sicut remotio impedimenti habet
ordinem necessarium ad effectum. Unde removens prohibens dicitur movens per
accidens; sive illud accidens sit contrarium, sicut cholera prohibet
frigiditatem, unde scamonaea dicitur infrigidare per accidens, non quia
causet frigiditatem sed quia tollit impedimentum frigiditatis, quod est ei
contrarium, scilicet choleram: sive etiam si non sit contrarium, sicut
columna impedit motum lapidis, unde removens columnam dicitur per accidens
movere lapidem superpositum alio modo, quando accidens habet ordinem ad
effectum, non tamen necessarium, nec ut in pluribus, sed ut in paucioribus,
sicut inventio thesauri ad fossionem in terra. Et hoc modo fortuna et casus dicuntur causae per
accidens. Tertio, quando nullum ordinem habent, nisi forte secundum
existimationem; sicut si aliquis dicat se esse causam terraemotus, quia eo
intrante domum accidit terraemotus. |
Il faut cependant savoir qu'une
chose peut-être dite cause accidentelle d’une autre de deux façons. La
première façon se tient du côté de la cause: ce qui est accidentel à la cause
est dite cause accidentelle, comme si l'on dit que le blanc est cause de la maison.
L'autre façon se tient du côté de l’effet, comme lorsqu’on dit qu'un être est
cause accidentelle de quelque chose qui arrive à ce qui est l'effet par soi,
l'effet propre. Ce qui peut exister de trois manières. La première manière
existe lorsque l'effet propre a une relation nécessaire à l’effet "per accidens", comme
l'éloignement de l'obstacle a un rapport nécessaire à l'effet. Voilà pourquoi
on dit que ce qui enlève l'obstacle, le "removens prohibens", est un mouvant par accident: que
l’effet par accident soit contraire, comme lorsque la maladie enlève la
température normale on dit que la scammonée (la plante purgative) rafraîchit
par accident, non parce qu'elle cause le froid mais parce qu'elle enlève
l'obstacle du froid, qui est contraire au froid, à savoir la maladie; que
l'effet par accident ne soit pas contraire comme lorsque la colonne empêche
le mouvement de la pierre on dit que celui qui écarte la colonne meut la
pierre superposée par accident. L'autre mode existe lorsque l'effet par
accident a une relation avec l'effet propre, non pas nécessaire, ni même très
fréquente, mais plutôt rare, comme dans le cas de la découverte d’un trésor à
l'occasion d'un fossoyage. C'est de cette façon que la fortune et le hasard
sont dits causes par accident. Le troisième mode existe lorsqu'il n’y a
aucune relation entre les deux effets, si ce n'est peut-être du côté de la
conjecture ou du jugement de quelqu'un; ainsi en est-il lorsque quelqu’un dit
qu'il est cause du tremblement de terre, parce que le tremblement a coïncidé
avec son entrée dans la maison. |
Il faut cependant savoir qu'une chose peut être dite cause
accidentelle d’une autre de deux façons. La première est du côté de la
cause : l’accident de la cause est dit cause accidentelle, comme si l’on
dit que le blanc est cause de la maison. L'autre façon se trouve du côté de
l’effet : une chose est dite cause accidentelle de quelque chose qui est
un accident de l’effet propre. Cela peut se faire de trois manières. La
première manière existe lorsque cette cause a une relation nécessaire à
l’effet, comme la suppression de l'obstacle a un rapport nécessaire à
l'effet. Voilà pourquoi on dit que ce qui enlève l'obstacle est un moteur par
accident : soit que cette cause soit contraire, comme lorsque la bile empêche
la fraîcheur; c’est pourquoi on dit que la scammonée[69] rafraîchit par accident, non
parce qu'elle cause le froid mais parce qu’elle enlève l'obstacle qui y est
contraire, à savoir la bile; soit que la cause par accident ne soit pas
contraire, comme lorsque la colonne empêche le mouvement de la pierre, et
c’est pourquoi on dit que celui qui écarte la colonne meut par accident la
pierre superposée. Le deuxième mode existe lorsque la cause par accident a
avec l'effet une relation qui n’est pas nécessaire, ni très fréquente, mais
rare, comme quand on découvre un trésor en creusant la terre. C'est de cette
façon que la chance et le hasard sont appelés causes par accident. Le
troisième mode existe lorsqu'il n’y a aucune relation avec l’effet, sauf
peut-être selon le jugement de quelqu’un, par exemple si quelqu’un dit qu'il
a causé le tremblement de terre parce que celui-ci a coïncidé avec son entrée
dans la maison. |
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[82355] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 14 Tertia distinctio est, secundum quod prae omnibus
his vel praeter omnia haec, quae dicuntur esse secundum se sive per se, et
secundum accidens, quaedam sunt causae in potentia, quaedam ut agentia, idest
in actu. Sicut aedificationis
causa est aedificator in potentia. Hoc enim sonat habitum vel officium. Vel aedificans actu. |
La troisième distinction enveloppe
pour ainsi dire tout ce qu'on a appelé cause par soi et cause par accident:
certains êtres sont causes en puissance) certains autres, en acte. Comme la cause
de l'édification est le bâtisseur en puissance. Ce qui veut dire l’habitus ou
la fonction du bâtisseur. Dans l'autre cas, il s'agit du bâtisseur en acte. |
Selon la troisième distinction, au-dessus ou à part de toutes les
causes appelées en soi ou par soi ou par accident, certains êtres sont causes
en puissance, et certains autres sont causes en tant qu’agents, c'est-à-dire
en acte. Ainsi, la cause de la construction est le constructeur en puissance,
ce qui désigne l’habitus ou la fonction du constructeur, ou le constructeur
en acte. |
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[82356]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 15 Et eisdem modis, quibus dividuntur causae, possunt
dividi causata in quibus vel quorum causae sunt causae. Potest enim dividi
causatum per prius et posterius sive particulare et universale; sicut si
dicamus, quod statuae factor est causa huius statuae, quod est posterius, aut
statuae, quod est universalius et prius, aut imaginis, quod est adhuc
universalius. Et similiter aliquid est causa formalis huius aeris, aut aeris,
quod est universalius, aut materiae, quod est adhuc universalius. Et
similiter potest dici in accidentalibus, scilicet in effectibus per accidens.
Nam statuae factor qui est causa statuae, est etiam causa gravis vel albi vel
rubei quae accidunt ex parte materiae, et non sunt ab hoc agente causata. |
Et, d'après les mêmes modes qui
divisent les causes, on peut diviser les choses causées dans lesquelles ou
desquelles les causes sont causes. On peut en effet diviser le causé en
particulier et universel, antérieur ou postérieur, comme si nous disions que
le statuaire est cause de cette
statue, ou cause de la statue, ce
qui est plus universel et antérieur, ou de l’image, ce qui est encore plus
universel. Et semblablement quelque chose est cause formelle de cet airain,
ou de l’airain, qui est plus universel, ou de la matière, ce qui est encore
plus universelle. Et peut-on parler pareillement dans les choses
accidentelles, c'est-à-dire dans les effets par accident. Le statuaire qui
est cause de la statue, est aussi cause du lourd ou du blanc ou du rouge qui
proviennent de la matière et ne sont pas causés par le statuaire. |
Et, d'après les mêmes modes qui divisent les causes, on peut diviser
les effets dans lesquelles ou desquelles les causes sont causes. On peut en
effet diviser l’effet en antérieur ou postérieur, particulier et universel,
comme si nous disions que le statuaire est cause de cette statue, ce qui est postérieur, ou cause de la statue, ce qui est plus universel
et antérieur, ou de l’image, ce qui est encore plus universel. Et
semblablement quelque chose est cause formelle de cet airain, ou de l’airain,
qui est plus universel, ou de la matière, ce qui est encore plus universel.
Et on peut parler pareillement des choses accidentelles, c'est-à-dire des effets
par accident : en effet, le statuaire qui est cause de la statue, est
aussi cause du lourd, du blanc ou du rouge qui sont accidents de la matière
et ne sont pas causés par cet agent. |
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[82357] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 16 Ulterius ponit quartam distinctionem causae, quae
est in simplex et in compositum; ut simplex causa dicatur secundum quod
accipitur causa statuae per se totum ut statuae factor, sive per accidens
tantum, scilicet Polycletus. Composita autem secundum quod utrumque simul
accipitur, ut dicatur causa statuae Polycletus statuae factor. |
En dernier lieu, il propose une
quatrième distinction de la cause: la cause simple et composée. Par exemple,
la cause est simple, si, l’on prend uniquement la cause par soi de la statue,
comme le statuaire, ou seulement la cause peu accident, comme Polyclète. La
cause est dite composée si nous réunissons la cause propre et accidentelle.
Ainsi la cause de la statue est le statuaire Polyclète. |
En dernier lieu, il propose une quatrième distinction entre les
causes, à savoir le simple et le composé. Par exemple, la cause est simple si
l’on prend uniquement la cause par soi de la statue, comme le statuaire, ou
seulement la cause par accident, comme Polyclète. La cause est dite composée
si nous réunissons la cause propre et accidentelle, en disant par exemple que
la cause de la statue est le statuaire Polyclète. |
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[82358] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 17 Est autem alius modus quo causae possunt dici
compositae, secundum quod plures causae concurrunt ad unius rei
constitutionem; sicut plures homines ad trahendum navem, vel plures lapides,
ut sint materia domus. Sed hoc praetermisit, quia nullum illorum est causa,
sed pars causae. |
Il y a un autre mode selon lequel
on peut dire que les causes sont composées; c'est lorsque plusieurs causes
concourent à la réalisation d’un seul effet. Lorsque plusieurs hommes
s'unissent pour tirer un navire ou que plusieurs pierres servent à constituer
la matière d’une maison. Mais Aristote omet d'on parler parce que, dans ce
cas-là, aucune des causes n’est cause, mais chacune n’est qu'une partie de la
cause. |
Il y a un autre mode selon lequel on peut dire que les causes sont composées; c'est lorsque plusieurs causes concourent à la réalisation d’un effet, comme lorsque plusieurs hommes s’unissent pour tirer un navire ou que plusieurs pierres constituent la matière d’une maison. Mais Aristote omet d’en parler parce que chaque élément n’est pas la cause, mais seulement une partie de la cause. |
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[82359] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 3 n. 18 His autem modis positis, colligit istorum modorum
numerum, dicens, quod isti modi causarum sunt sex et variantur dupliciter, et
ita efficiuntur duodecim. Hi enim modi sex sunt aut singulare, aut genus,
quod superius dixit prius et posterius. Et secundum se et per accidens, ad
quod etiam reducitur genus accidentis, nam genus accidentis est causa per
accidens. Et iterum per complexum et simplex. Hi autem sex modi ulterius
dividuntur per potentiam et per actum, et sunt duodecim. Ideo autem oportet
omnes istos modos per potentiam et actum dividi, quia potentia et actus
diversificant habitudinem causae ad effectum. Nam causae in actu particulares
sunt simul et tolluntur cum suis effectibus, sicut hic medicans cum hoc
convalescente, et hic aedificans cum hoc aedificato: non enim potest aliquid
actu aedificari, nisi sit actu aedificans. Sed causae secundum potentiam non
semper removentur cum effectibus; sicut domus et aedificator non simul
corrumpuntur. In quibusdam tamen contingit, quod remota actione efficientis
tollitur substantia effectus, sicut in his quorum esse est in fieri, vel
quorum causa non solum est effectui causa fiendi sed essendi. Unde remota
illuminatione solis ab aere, tollitur lumen. Dicit autem causas singulares,
quia actus singularium sunt, ut in primo huius habitum est. |
Après avoir proposé tous ces
modes, il en fait la somme en disant qu’ils sont au nombre de six et que le
double sens que possède chaque mode les porte à douze. Ces six modes sont: ou
le singulier, ou le genre, formant ce qu'il a appelé plus haut l’antérieur et
le postérieur; le par soi et le par accident, auquel on peut réduire le genre
du par accident, car le genre de l’accident est cause par accident; et, de
plus, le composé et le simple. Et ces six modes peuvent être divisés
ultérieurement en puissance et acte. Ce qui porte le nombre à douze. Il faut
bien que tous ces modes soient divisés par la puissance et l'acte, parce que
la puissance et l’acte diversifient le rapport de la cause à l’effet. Les
causes particulières en acte en effet existent simultanément avec leurs
effets et sont détruits avec eux, comme ce
médecin soignant avec ce convalescent, et ce bâtisseur construisant avec
l'édifice bâtie: il ne peut en effet y voir quelque chose d'édifié en .acte,
si ce n’est par un ouvrier on acte. Mais les causes en puissance ne sont pas
toujours détruites avec leurs effets: la maison et l’ouvrier ne périssent pas
ensemble. Il arrive cependant dans certains cas que, l’action de l’efficient
s’arrêtant, la substance de l'effet soit détruite: dans les choses dont
l'existence est le devenir ou dont la cause est non seulement cause du
devenir de l’effet mais de l'être. Ainsi, si l'illumination du soleil par
l’air disparaît, la lumière disparaît. Il parle des causes singulières parce
que les actes appartiennent aux singuliers, comme on l’a dit dans le premier
livre. |
Après avoir proposé tous ces modes, il en fait la somme en disant qu’ils sont au nombre de six et que le double sens que possède chaque mode les porte à douze. Ces six modes sont : le singulier ou le genre, formant ce qu'il a appelé plus haut l’antérieur et le postérieur; le par soi et le par accident, auquel se ramène aussi le genre de l’accident, car le genre de l’accident est cause par accident; ensuite, le composé et le simple. Et ces six modes peuvent être ensuite divisés en puissance et acte, ce qui porte le nombre à douze. S’il faut que tous ces modes se divisent par la puissance et l'acte, c’est parce que la puissance et l’acte diversifient le rapport de la cause à l’effet. Les causes particulières en acte, en effet, coexistent avec leurs effets et disparaissent avec eux, comme tel médecin avec tel convalescent, et tel constructeur avec l'édifice bâti : en effet, quelque chose ne peut être construit en acte, sinon par un ouvrier en acte. Mais les causes en puissance ne sont pas toujours détruites avec leurs effets : la maison et l’ouvrier ne périssent pas ensemble. Il arrive cependant dans certains cas que, l’action de l’agent s’arrêtant, la substance de l'effet soit comme dans les choses dont l'existence est le devenir ou dont la cause est cause non seulement de la venue à l’existence mais aussi de l’être. Ainsi, si l’illumination du soleil par l’air disparaît, la lumière disparaît. Il parle des causes singulières parce que les actes appartiennent aux singuliers, comme on l’a dit au livre I. |
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Leçon 4, Texte d’Aristote
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Leçon 4, Texte d’Aristote, traduit
par Sr Pascale-Dominique Nau |
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L’élément L’élément se dit du premier
composant immanent d'un être et spécifiquement indivisible en d'autres espèces:
par exemple, les éléments du mot sont les parties dont est composé le mot et
en lesquelles on le divise ultimement, parties qu’on ne peut plus diviser en
d’autres éléments d'une espèce différente de la leur; mais si on les
divisait, leurs parties seraient de même espèce, comme une particule d'eau
est de l’eau, tandis qu'une partie de la syllabe n’est pas une syllabe. De
même les philosophes qui traitent des éléments des corps, appellent ainsi les
ultimes parties en lesquelles se divisent les corps, parties qu'on ne peut
plus diviser en d'autres corps d'espèce différente; et que les choses de
cette nature soient une ou plusieurs, ils les appellent éléments. --Il en est
à peu près de même pour ce qu'on nomme éléments des propositions
mathématiques, et, en général, pour les éléments des démonstrations. En
effet, les premières démonstrations, et qui se trouvent à la base de
plusieurs démonstrations, sont appelées éléments des démonstrations: de cette
nature sont les syllogismes premiers, composés de trois termes dont l'un sert
de moyen. De là, par extension de sens, on
entend encore par élément ce qui, étant un et petit, sert à un grand nombre
de choses. C'est pourquoi le petit, le simple, l'indivisible, est appelé
élément. Il en résulte que les notions les plus universelles sont des
éléments, car chacune d'elles, étant une et simple, est présente dans une
multiplicité d'êtres, soit dans tous, soit dans la plupart. C'est pourquoi
aussi l'Un et le Point sont considérés, par certains philosophes, comme des principes.
Les genres ainsi désignés sont universels et indivisibles, car ils sont
indéfinissables); aussi certains philosophes prétendent-ils que les genres
sont des éléments, et même plus que la différence, parce que le genre est
plus universel. Là où, il y a différence, en effet, le genre suit, mais là où
il y a genre, il n’y a pas toujours différence. – Mais le caractère commun à
tous les sens du terme, c'est que l'élément de chaque être est son principe
constitutif et immanent. |
Élément On nomme Élément d’une chose ce qui, composant primitivement et intrinsèquement cette chose, ne peut plus être divisé spécifiquement en une espèce autre que la sienne. Par exemple, les éléments d’un mot, ce sont les parties dont ce mot est formé, et dans lesquelles il est divisé définitivement, de telle façon que ces parties dernières ne puissent plus se diviser en sons d’une espèce différente de la leur. En supposant même que la division soit possible dans certains cas, les parties sont alors d’espèce identique ; et par exemple, une particule d’eau est de l’eau, tandis que la partie d’une syllabe n’est plus une syllabe. C’est de la même manière que les philosophes qui se sont livrés à ces études, définissent les éléments des corps, en disant que ce sont les particules dernières dans lesquelles les corps se décomposent, sans que ces particules elles-mêmes puissent se diviser en d’autres corps d’espèce différente. C’est là ce qu’ils entendent par Éléments, que d’ailleurs ils reconnaissent, ou un seul élément, ou des éléments multiples. C’est dans le même sens à peu près qu’on parle aussi des Éléments des figures géométriques, et, d’une manière plus générale, des éléments des démonstrations ; car les démonstrations premières, qui se retrouvent ensuite dans plusieurs démonstrations subséquentes, sont ce qu’on appelle les éléments des démonstrations. Tels sont, par exemple, les syllogismes premiers tirés des trois propositions, à l’aide d’un seul terme moyen. En partant de ces considérations, et par une déviation de sens, on appelle encore Élément tout ce qui, étant individuel et petit, se trouve employé pour une foule de choses. Ainsi, tout ce qui est petit, simple, indivisible, est qualifié d’Élément. Voilà encore ce qui fait que les termes généraux les plus universels passent pour des éléments, attendu que chacun de ces termes, étant par lui-même un et simple, se retrouve dans beaucoup d’autres termes, et si ce n’est dans tous, au moins dans le plus grand nombre. C’est ainsi qu’on a pris quelquefois pour éléments l’unité et le point. Les genres, comme on les appelle, étant donc universels et indivisibles, car ils n’ont pas de définition possible, ont été quelquefois considérés comme des Éléments, plutôt que la différence. C’est que le genre est plus universel que ne l’est la différence, attendu que ce qui a la différence a aussi le genre à la suite, et que ce qui a le genre n’a pas toujours la différence. Un caractère commun de toutes ces acceptions du mot Élément, c’est que, pour chaque chose, l’élément est la partie première et intrinsèque de cette chose. |
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Lectio 4 |
Leçon 4, Commentaire de
saint Thomas [L’élément] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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Leçon
4, Commentaire de saint Thomas [L’élément] (Traduction Abbé Dandenault, v.
1960) |
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CE QU'EST PROPREMENT
L'ELENENT; CE QUE LE MOT ELEMENT SIGNIFIE DANS LES MOTS, DANS LES CHOSES
NATURELLES ET DANS LES DEMONSTRATIONS. LES CHOSES QUI, PAR EXTENSION, SONT
DITES ELENENTS. LEUR NOMBRE" CE QU’IL Y A DE COMMUN A TOUS. |
CE QU'EST PROPREMENT L'ELENENT; CE QUE LE MOT ELEMENT SIGNIFIE DANS LES MOTS, DANS LES CHOSES NATURELLES ET DANS LES DEMONSTRATIONS. LES CHOSES QUI, PAR EXTENSION, SONT DITES ELENENTS. LEUR NOMBRE" CE QU’IL Y A DE COMMUN A TOUS. |
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[82360] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 1 Hic distinguit hoc nomen elementum. Circa quod duo
facit. Primo assignat diversos modos elementi. Secundo ostendit quid in
omnibus sit commune, ibi, omnium autem commune. Circa primum duo facit. Primo
ostendit quomodo elementum proprie dicatur. Secundo quomodo dicatur
transumptive, ibi, et transferentes elementum et cetera. Ponit ergo primo,
quamdam elementi descriptionem; ex qua colligi potest, quod quatuor sunt de
ratione elementi. Quorum primum est, ut sit causa sicut ex quo: per quod
patet, quod elementum ponitur in genere causae materialis. |
Aristote travaille maintenant à
cerner le mot élément. Ce qu'il fait selon la double formule: il assigne les
divers modes d’emploi du mot; en second, il dégage ce qu’il y a de commun à
ces divers modes, où il dit: "Mais le caractère commun etc. " Il
traite son premier point en deux parties. Dans le premier, il montre en quel
sens se dit proprement élément. Dans la seconde, il montre en quel sens il se
dit par extension, où il dit: "De là, par extension, etc. " Il
donne donc tout d’abord une certaine description de l'élément de laquelle on
peut déduire qu’il y a quatre choses nécessaires à sa notion. La première
d'entre elles est que l'élément doit être cause à la manière de ce dont est
fait quelque chose. Ce qui, évidemment place l’élément dans le genre de cause
matérielle. |
Aristote travaille maintenant à cerner le mot « élément ».
Il le fait en deux temps : en premier, il établit les divers modes d’éléments;
en second, il dégage ce qu’ils ont tous en commun, où il dit : Un caractère commun, etc. Il traite
son premier point en deux parties. En premier, il montre comment on parle
d’élément au sens propre. En second, il montre comment on en parle par extension,
où il dit : En partant de ces
considérations, etc. Il donne donc en premier une certaine description de
l'élément, dont on peut déduire que sa notion inclut quatre points. Le
premier est que l'élément est cause à la manière de ce dont est fait quelque
chose, ce qui range l’élément dans le genre de la cause matérielle. |
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[82361]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 2 Secundum est, quod sit principium ex quo aliquid fiat
primo. Cuprum enim est ex quo fit statua; non tamen est elementum, quia habet
aliquam aliam materiam ex qua fit. |
La seconde partie de cette notion
c’est que l’élément est un principe à partir duquel quelque chose se fait en
premier lieu. Le cuivre en effet est ce dont est faite la statue, mais il
n'en est pas l’élément parce qu'il est lui-même composé d'une autre matière. |
Le deuxième point est que l’élément est un principe dont une chose
est faite en premier lieu. Le cuivre en effet est ce dont est faite la
statue, mais il n’en est pas un élément parce qu'il est lui-même composé
d'une autre matière[70]. |
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[82362] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 3 Tertium est, quod sit inexistens sive intrinsecum:
per quod differt elementum ab omni eo ex quo fit aliquid sicut ex transeunte,
sive sit privatio, aut contrarium, sive materia contrarietati et privationi
subiecta, quae est materia transiens. Ut cum dicimus, quod homo musicus fit
ex homine non musico, vel musicum ex non musico. Elementa enim oportet manere
in his quorum sunt elementa. |
La troisième chose qu'il faut
faire ressortir, c'est que l’élément est un principe existant dans la chose
ou intrinsèque. Ce qui fait que l'élément est différent de tout ce qui est
nécessaire au devenir de la chose mais qui est transitoire ou passager, que
ce soit la privation, ou le terme contraire, ou la matière soumise à la
contrariété et à la privation, c’est-à-dire la matière transitoire, comme
lorsque nous disons que l’homme musicien est fait de l'homme non musicien, ou
que le musicien se fait à partir du non-musicien. Les éléments doivent en
effet demeurer dans les choses dont ils sont les éléments. |
Le troisième point est que l’élément est existant dans la chose ou intrinsèque. Il diffère par là de tout ce dont provient l’existence de la chose mais qui est transitoire, que ce soit la privation, le contraire ou la matière soumise à l’opposition et à la privation, ce qui est une matière transitoire : ainsi, nous disons que l’homme musicien provient de l’homme non musicien, ou que le musicien provient du non-musicien. Les éléments doivent en effet demeurer dans les choses dont ils sont les éléments. |
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[82363]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 4 Quartum est, quod habeat aliquam speciem, quae non dividatur
in diversas species: per quod differt elementum a materia prima, qua nullam
speciem habet, et etiam ab omnibus materiis, quae in diversas species resolvi
possunt, sicut sanguis et huiusmodi. Propter hoc dicit, quod elementum est ex
quo aliquid componitur, quantum ad primum. Primo, quantum ad secundum. Inexistente, quantum
ad tertium. Indivisibili specie in aliam speciem, quantum ad quartum. |
La quatrième condition est que
l'élément doit être dans une espèce indivisible en d'autres espèces. Ce qui,
d'une part, distingue l'élément de la matière première, qui n’est dans aucune
espèce, et, d’autre part, le distingue de toutes les autres matières qui se
peuvent résoudre en d’autres espèces, telles que le sang par exemple et les
autres matières de cette sorte. Voilà pourquoi il dit que l’élément est ce
qui compose une chose. Voilà pour le premier membre de la description. En
premier, voilà pour le second membre. Existant dans cette chose, voilà pour
le troisième. Indivisible en une autre espèce. Voilà pour le quatrième. |
Le quatrième point est que l’élément doit appartenir à une espèce
indivisible en d’autres espèces. Cela distingue l’élément de la matière
première, qui n’est dans aucune espèce, et aussi de toutes les autres
matières qui peuvent se ramener à d’autres espèces, comme le sang et d’autres
matières de cette sorte. Voilà pourquoi il dit, pour le premier point, que
l’élément est ce qui compose une
chose; pour le deuxième point, qu’il le fait primitivement; pour le troisième, qu’il le fait intrinsèquement; pour le quatrième, qu’il ne
peut plus être divisé spécifiquement en une espèce autre. |
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[82364] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 5 Hanc autem definitionem manifestat in quatuor, in
quibus utimur nomine elementi. Dicimus enim ipsas literas esse elementa
vocis, quia ex eis omnis vox componitur, et primo. Quod ex hoc patet, quia
omnes voces in literas resolvuntur, sicut in ultima. Quod est enim ultimum in
resolutione, oportet esse primum in compositione. Literae autem non
resolvuntur ulterius in alias voces specie diversas. Sed, si aliquo modo
dividantur, particulae in quas fit divisio, erunt conformes, idest
unius speciei, sicut omnes particulae aquae sunt aqua. Dividitur autem litera
secundum tempora prolationis, prout litera longa dicitur habere duo tempora,
brevis vero unum. Nec tamen partes, in quas sic dividuntur literae, sunt
diversae secundum speciem vocis. Non est autem ita de syllaba: nam eius
partes sunt diversae secundum speciem: alius enim sonus est secundum speciem,
quem facit vocalis et consonans, ex quibus syllaba componitur. |
Il manifeste cette définition par
quatre cas où nous nous servons du mot élément. Nous disons en effet que les lettres
sont les éléments du mot, parce que tout mot est, en premier, composé de
lettres. Ce qui le montre, c'est que tous les mots se résolvent en lettres
comme points ultimes de leur analyse. Le dernier terme de la résolution doit
en, effet être premier dans la composition. Et les lettres ne peuvent se
résoudre ultérieurement en d'autres sens spécifiquement divers. Si on peut de
quelque façon les diviser encore, les particules de cette nouvelle division
seront semblables, c'est-à-dire d'une seule espèce, comme toutes les
particules d’eau sont de l'eau. On divise, il est vrai, les lettres selon les
temps de leur prononciation, en tant que les lettres longues sont dites avoir
deux temps et les brèves un temps. Cependant les parties dans lesquelles les
lettres se divisent ainsi ne sont pas diverses selon les di verses espèces de
son. Il n’en est pas ainsi des syllabes: leurs parties sont spécifiquement
différentes, car les voyelles et les consonnes qui composent les syllabes
sont spécifiquement différentes. |
Il manifeste cette définition par quatre cas où nous nous servons du
mot « élément ». Nous disons en effet que les lettres sont les
éléments du mot, parce que tout mot est composé de lettres de façon première.
Ce qui le montre, c'est que tous les mots se décomposent en lettres comme en
termes ultimes. Le dernier terme de la décomposition doit en effet être
premier dans la composition, et les lettres ne peuvent se décomposer
davantage en d’autres mots d’espèces diverses. Si on peut les diviser de
quelque façon, les particules de cette nouvelle division seront semblables,
c'est-à-dire d’espèce identique,
comme toutes les particules d’eau sont de l'eau. On divise, il est vrai, les
lettres selon les temps de leur prononciation, en tant que les lettres
longues sont dites avoir deux temps et les brèves un temps. Cependant, les
parties dans lesquelles les lettres se divisent ainsi ne diffèrent pas par
l’espèce de son. Il n’en est pas ainsi des syllabes : leurs parties sont
d’espèces diverses, car les voyelles et les consonnes qui composent les
syllabes sont d’espèces différentes. |
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[82365]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 6 Secundum exemplum ponit in corporibus naturalibus,
in quibus etiam quaedam dicimus elementa quorumdam. Illa enim dicuntur
corporum esse elementa, in quae ultimo resolvuntur omnia corpora mixta: et
per consequens ea sunt, ex quibus primo componuntur huiusmodi corpora. Ipsa
autem corpora, quae elementa dicuntur, non dividuntur in alia corpora specie
differentia, sed in partes consimiles, sicut quaelibet pars aquae est aqua.
Et quicumque posuerunt tale corpus esse unum, scilicet in quod omnia
resolvuntur, et ipsum non resolvitur in alia, dixerunt unum esse elementum.
Quidam vero aquam, quidam autem aerem, quidam autem ignem. Qui vero posuerunt
plura talia corpora, dixerunt etiam esse elementa plura. Sciendum est, quod
cum in definitione elementi ponatur, quod non dividitur in diversa secundum
speciem, non est intelligendum de partibus in quas aliquid dividitur
divisione quantitatis: sic enim lignum esset elementum, quia quaelibet pars
ligni est lignum: sed de divisione, quae fit secundum alterationem, sicut
corpora mixta resolvuntur in simplicia. |
Il prend son second exemple dans
les corps naturels où il est question des éléments des corps. On appelle en
effet éléments des corps les particules en lesquelles se résolvent ultimement
les corps mixtes et, par conséquent, les particules qui, en premier,
constituent ces corps. Les corpuscules eux-mêmes, que l'on appelle éléments,
ne se divisent pas en d'autres corpuscules spécifiquement différents, mais en
parties similaires, comme n'importe quelle partie d'eau est eau. Et tous ceux
qui ont dit que ces corpuscules ne formaient qu’un seul corps en lequel tout
se résolvait, ne se résolvant lui-même en aucun autre, ont affirmé qu'il n’y
avait qu'un élément. Certains ont cru que c'était l'eau, d’autres, l'air,
d'autres, le feu. Ceux qui ont proposé plusieurs corps ont aussi affirmé
qu'il y avait plusieurs éléments. Il faut savoir que lorsque nous disons que
l’élément, par définition, n'est pas divisible en des parties d’espèces
différentes, il n'est pas question des parties en lesquelles se fait une
division selon la division quantitative, parce qu'ainsi le bois serait un
élément, vu que toutes les parties du bois sont bois. Il est question de la
division faite selon l'altération, comme la division des corps mixtes en
corps simples. |
Il prend son deuxième exemple dans les corps naturels où nous
appelons éléments certains de leurs composants. On appelle en effet éléments
des corps les ingrédients en lesquels se décomposent ultimement les corps
mixtes et, par conséquent, les ingrédients qui sont les premiers composants
de ces corps. Les corps mêmes que l’on appelle éléments ne se divisent pas en
d’autres corps spécifiquement différents, mais en parties similaires, comme
n'importe quelle partie d'eau est de l’eau. Et tous ceux qui ont dit que ces
corps ne formaient qu’un seul corps, en lequel tout se ramenait et qui ne se
décomposait lui-même en aucun autre, ont affirmé qu'il n’y avait qu’un
élément. Certains ont cru que c'était l’eau, d’autres l’air, d’autres le feu.
Ceux qui ont proposé plusieurs corps du genre ont aussi affirmé qu’il y avait
plusieurs éléments. Il faut savoir que lorsque nous disons que l’élément, par
définition, n’est pas divisible en des parties d’espèces différentes, il ne
s’agit pas des parties résultant d’une division quantitative, parce qu’ainsi
le bois serait un élément, vu que toutes les parties du bois sont du bois. Il
est question de la division faite selon l'altération, de la façon dont les
corps mixtes sont divisés en corps simples. |
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[82366] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 7 Tertium exemplum ponit in demonstrationibus; in quibus
etiam utimur nomine elementi, sicut dicitur liber elementorum Euclidis. Et
dicit, quod modo simili et propinquo dictis dicuntur elementa, quae sunt
diagrammatum, idest descriptionum geometralium elementa. Et non solum hoc
potest dici in geometria, sed universaliter in omnibus demonstrationibus.
Illae enim demonstrationes, quae existunt in tribus terminis tantum, dicuntur
esse aliorum elementa. |
Il prend son troisième exemple
dans les démonstrations, dans lesquelles nous nous servons aussi du mot
élément, comme lorsque nous parlons du livre
des Eléments d'Euclide. Là dessus Aristote dit que, d'une façon semblable
et très voisine de ce dont nous avons parlé, on appelle éléments les éléments
des descriptions géométriques. Et on se sert du même vocable non seulement en
géométrie, mais universellement dans toutes les démonstrations. Les
démonstrations qui ne sont composées que de trois termes sont dites être les
éléments des autres démonstrations. Toutes les autres démonstrations en effet
sont composées de celles-là et se résolvent en elles. En voici la
manifestation. La seconde démonstration prend comme principe la conclusion de
la première démonstration possédant, parmi ses termes, le moyen terme qui
était principe de la première démonstration. Et ainsi la seconde
démonstration comprend quatre termes; la première, trois, la troisième, cinq,
la quatrième, six. Et ainsi chaque nouvelle démonstration ajoute un terme. Il
est donc manifeste que les premières démonstrations sont incluses dans les
démonstrations ultérieures, comme si l'on pose la démonstration première
suivante: Tout B est A; Tout C est B; donc, tout C est A. Cette démonstration
sera incluse dans celle-ci: Tout C est A; tout D est C; donc tout D est A. Et
ultérieurement cette dernière sera dans l'autre qui conclut que tout E est A,
de telle sorte qu'il semble exister jusqu'à cette dernière conclusion un seul
syllogisme composé de plusieurs syllogismes ayant plusieurs moyens termes, Ce
syllogisme, on pourrait le formuler ainsi : Tout B est A, et tout C est
B; et tout D est C, et tout E est D, donc tout E est A. La première
démonstration donc qui avait un seul moyen terme et seulement trois termes
est simple et ne se résout pas dans une autre démonstration, mais toutes les
autres se résolvent en elle. C'est pourquoi les premiers syllogismes qui se
font à partir de trois termes par l'intermédiaire d'un seul moyen terme sont
appelés éléments. |
Il prend son troisième exemple dans les démonstrations, dans lesquelles nous nous servons aussi du mot « élément », comme lorsque nous parlons du livre des Eléments d’Euclide. Là-dessus, Aristote dit que, d'une façon semblable et très voisine de ce que nous venons de dire, on appelle éléments les parties des figures géométriques, c'est-à-dire les descriptions d’éléments de la géométrie. Et on se sert de ce vocable non seulement en géométrie, mais universellement dans toutes les démonstrations. Les démonstrations qui ne sont composées que de trois termes sont dites être les éléments des autres démonstrations. Toutes les autres démonstrations en effet sont composées de celles-là et se ramènent à elles. En voici la preuve. La deuxième démonstration prend comme principe la conclusion de la première, dont on sait que les termes contenaient le moyen terme qui était principe de la première démonstration. Et ainsi, la seconde démonstration comprend 4 termes; la première, seulement 3; la troisième, 5, la quatrième, 6. Et ainsi chaque nouvelle démonstration ajoute un terme. Il est donc manifeste que les premières démonstrations sont incluses dans les démonstrations ultérieures. Disons que la première démonstration est la suivante : Tout B est A; tout C est B; donc, tout C est A. Cette démonstration est incluse dans celle-ci : Tout C est A; tout D est C; donc tout D est A. Et cette dernière est incluse dans celle qui conclut que tout E est A, de telle sorte qu'il semble exister jusqu'à cette dernière conclusion un seul syllogisme composé de plusieurs syllogismes, ayant plusieurs moyens termes et formulé comme suit : Tout B est A; tout C est B; tout D est C; tout E est D; donc tout E est A. La première démonstration donc qui avait un seul moyen terme et seulement trois termes est simple et ne se décompose pas en une autre démonstration, mais toutes les autres se ramènent à elle. C’est pourquoi les premiers syllogismes, composés de trois termes et utilisant un seul moyen terme, sont appelés éléments. |
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[82367]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 8 Deinde cum dicit et transferentes ostendit quomodo
elementum dicatur transumptive; dicens, quod ex hac praemissa ratione et
significatione elementi transtulerunt quidam hoc nomen elementum ad
significandum aliquid, quod est unum, et parvum, et ad multa utile. Ex hoc
enim quod elementum est indivisibile in diversas species, acceperunt quod sit
unum. Ex eo vero quod est primum, quod sit simplex. Ex eo vero, quod ex
elementis alia componuntur, acceperunt quod sit utile ad multa. Unde hanc
rationem elementi constituerunt, ut elementum dicerent omne illud, quod est
parvum in quantitate, et simplex, quasi ex aliis non compositum, et
indivisibile in diversa. |
Il montre maintenant comment le
mot élément peut se prendre dans un sens transposé, en disant qu'à cause de
la raison précédente et de la signification de l’élément, quelques-uns ont
transféré le sens du mot jusqu'il lui faire signifier quelque chose d'un, de
petit et d'utile, plusieurs choses. En effet, de ce que l'élément est
indivisible en diverses espèces, ils en ont tiré le sens qu'il était quelque
chose d'un. Du fait que l'élément compose l'être en premier, ils ont déduit
qu’il était simple; et du fait que, les éléments composent toutes les autres
choses, ils en ont tiré que l'élément était utile à quantité d'êtres. Et
alors ils finirent par constituer cette notion de l'élément : tout ce
qui est petit en quantité, et simple, comme quasi non composé d’autres
choses, et indivisible en choses diverses. |
Puis lorsqu’il dit : En
partant de ces considérations, etc., il montre comment le mot
« élément » peut se prendre dans un sens transposé, en disant qu'à
cause de la raison précédente et de la signification de l’élément, certains
ont transposé le sens du mot pour signifier quelque chose d’un, de petit et
d’utile à beaucoup de choses. En effet, de ce que l'élément est indivisible
en espèces diverses, ils ont déduit qu’il était un; du fait que l'élément est
premier, ils ont déduit qu’il était simple; et du fait que les éléments
composent toutes les autres choses, ils ont déduit que l'élément était utile
à quantité d'êtres. Ils ont donc formulé cette notion de l'élément :
tout ce qui est petit en quantité, simple, c'est-à-dire non composé d’autres
choses, et indivisible en choses d’espèces diverses. |
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[82368] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 9 Hac autem ratione elementi constituta, per
transumptionem contingebat eis ut duos modos elementorum adinvenirent; quorum
primus est, ut ea quae sunt maxime universalia, dicerent elementa. Universale
enim est unum secundum rationem, et est simplex, quia eius definitio non
componitur ex diversis, et est in multis, et sic est ad multa utile, sive sit
in omnibus, sicut unum et ens; sive in pluribus, sicut alia genera. Per
eamdem vero rationem contingebat eis secundo, quod punctum et unitatem
dicerent esse principia vel elementa, quia utrumque eorum est unum simplex et
ad multa utile. |
Une fois cette notion de l'élément
constituée, il leur arriva de trouer par transposition deux modes où le mot
s'appliquait. Le premier mode était celui selon lequel ils pouvaient appeler
éléments les choses les plus universelles, les genres les plus élevés.
L'universel en effet est un selon la raison, il est simple, parce que sa
définition n’est pas composée de plusieurs parties, et il existe en
plusieurs. Et ainsi il est utile à quantité de choses, qu'il existe en toutes
choses, comme l'un et l’être, ou en plusieurs, comme les autres genres particuliers.
Toujours pour la même raison, il leur arriva de découvrir une seconde
application du mot, à savoir qu'ils pouvaient dire que le point et l'unité
étaient principes et éléments, parce que tous doux sont quelque chose d'un,
de simple et d'utile à plusieurs. |
Une fois cette notion de l'élément constituée, il leur arriva de trouver par transposition deux modes où le mot s'appliquait. Le premier mode était celui selon lequel ils pouvaient appeler éléments les choses les plus universelles, les genres les plus élevés. L'universel en effet est un selon la raison, il est simple, parce que sa définition n’est pas composée de plusieurs parties, et il existe en plusieurs. Et ainsi il est utile à quantité de choses, qu'il existe en toutes choses, comme l'un et l’être, ou en plusieurs, comme les autres genres particuliers. Toujours pour la même raison, il leur arriva de découvrir une seconde application du mot, à savoir qu'ils pouvaient dire que le point et l'unité étaient principes et éléments, parce que tous doux sont quelque chose d'un, de simple et d'utile à plusieurs. |
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[82369] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 10 Sed in hoc a vera ratione elementi defecerunt, quia
universalia non sunt materia, ex quibus componuntur particularia, sed praedicant
eorum substantiam. Similiter et punctus non est materia linearum; non enim
linea ex punctis componitur. |
Mais ici ils se sont éloignés de
la vraie notion de l'élément, parce que les universaux ne sont pas la matière
à partir de laquelle sont composées les choses singulières, mais signifient
leur substance. Pareillement, le point n’est pas la matière des lignes, car
les lignes ne sont pas composées de points. |
Mais ainsi ils se sont éloignés de la vraie notion de l'élément,
parce que les universaux ne sont pas la matière à partir de laquelle sont
composées les choses singulières, mais ils sont les attributs de leur
substance. Pareillement, le point n’est pas la matière des lignes, car les
lignes ne sont pas composées de points. |
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[82370]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 11 Hac autem transumptiva elementi ratione constituta,
patet solutio cuiusdam quaestionis in tertio libro disputatae; scilicet quid
sit magis elementum, utrum genus vel species, et utrum genus magis quam
differentia. Patet enim consequi quod genera magis sunt elementa, quia genera
magis sunt universalia et indivisibilia. Non enim est ratio eorum et
definitio, quam oporteat componi ex genere et differentia; sed definitiones
proprie dantur de speciebus. Et si aliquod genus definitur, non definitur
inquantum est genus, sed inquantum est species; et ideo species dividitur in
diversa, et propter hoc non habent rationem elementi. Genus autem non
dividitur in diversa: et ideo dixerunt genera esse elementa magis quam
species. Alia translatio habet una enim est eorum ratio idest
indivisibilis, quia genera, etsi non habeant definitionem, tamen id quod
significatur per nomen generis, est quaedam conceptio intellectus simplex,
quae ratio dici potest. |
Grâce à cette extension de la
raison de l'élément, on peut donner une réponse claire à la question discutée
dans le livre troisième, où on se demandait lequel, du genre ou de l'espèce,
était davantage élément, ou si le genre était plus élément que la différence
spécifique, D'après le dernier sens du mot, il appert que les genres sont
davantage éléments, parce qu'ils sont plus universels et indivisibles. Il
n’est pas nécessaire en effet de composer leur notion et leur définition d'un
genre et d'une différence: les définitions se donnent proprement des espèces.
8t si un genre se définit, il ne se définit pas en tant qu’il est un genre,
mais en tant qu'il est une espèce. C’est pourquoi les espèces qui, elles, se
divisent en parties diverses à n'ont pas raison d'élément. Le genre ne se
divise pas en parties diverses ; ils ont donc dit que les genres se
rapprochaient plus de l'élément que les espèces. Une autre version du texte
d'Aristote dit: le genre possède une notion une, c'est-à-dire indivisible,
parce que les genres, même s'ils ne possèdent pas une définition, signifient
quand même une certaine conception simple de l'intelligence, laquelle
conception peut s'appeler notion. |
Grâce à cette extension de la notion d’élément, on peut donner une
réponse claire à une question discutée au livre III, où on se demandait
lequel, du genre ou de l’espèce, était davantage élément, ou si le genre
l’était plus que la différence spécifique. En effet, il s’ensuit évidemment
que les genres sont davantage éléments, parce qu'ils sont plus universels et
indivisibles. Il n’est pas nécessaire en effet de composer leur notion et
leur définition à partir d’un genre et d’une différence : les
définitions s’appliquent proprement aux espèces. Et si un genre se définit,
il ne se définit pas en tant qu’il est un genre, mais en tant qu'il est une
espèce. C’est pourquoi les espèces se divisent en parties diverses et n'ont
donc pas valeur d’éléments. Le genre ne se divise pas en parties diverses;
ils ont donc dit que les genres se rapprochaient plus de l’élément que les
espèces. Une autre traduction dit que « le genre possède une notion
une », c’est-à-dire indivisible, parce que les genres, même s'ils n’ont
pas de définition, signifient une conception simple de l'intelligence,
laquelle peut s’appeler notion. |
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[82371] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 12 Et sicut genus est magis elementum quam species,
quia est simplicius; ita etiam magis quam differentia, licet ipsa simplex
sit, quia genus est universalius. Quod ex hoc patet: quia cuicumque inest
differentia, inest genus, cum per se differentiae non transcendant genus: non
tamen oportet quod ad omne id sequatur differentia cui convenit genus. |
Et comme le genre est plus élément
que l'espèce, parce qu'il est plus simple, ainsi l'est-il plus que la
différence, bien que la différence spécifique elle-même soit simple. La
raison en est qu'il est plus universel. Ce qu'on peut éclairer de la façon
suivante: partout où se trouve la différence spécifique existe le genre,
parce que de soi les différences ne transcendent pas le genre. Cependant la
différence spécifique n'est pas nécessairement consécutive à tout ce à quoi
le genre convient. |
Et comme le genre est plus élément que l'espèce, parce qu’il est plus simple, ainsi l’est-il plus que la différence spécifique, bien qu’elle aussi soit simple, parce que le genre est plus universel. On peut le montrer comme suit : tout ce qui possède la différence spécifique possède le genre, parce que de soi les différences ne transcendent pas le genre. Cependant, tout ce qui possède le genre ne contient pas nécessairement la différence spécifique. |
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[82372] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 4 n. 13 Ultimo autem dicit, quod omnibus praedictis modis elementi
hoc est commune, esse primum in unoquoque, sicut dictum est. |
Il dit donc en dernier que ce
qu'il y a de commun à tous les modes du mot élément, c'est d'être premier en
chaque chose, comme on l'a dit. |
Il dit donc en dernier que ce qu'il y a de commun à tous les modes du mot élément, c’est d'être premier en chaque chose, comme on l'a dit. |
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Leçon 5, Texte d’Aristote
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Leçon 5, Texte d’Aristote, traduit
par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Nature. Nature se dit, en un premier sens, de la
génération de ce qui croît: si par exemple la voyelle u (en grec) se
prononçait comme une longue; en un autre sens, c’est l'élément premier
immanent d'où procède ce qui croît; c'est aussi le principe du mouvement
premier pour tout être naturel en lequel il réside par essence. On appelle
croissance naturelle d'un être, l'accroissement qu'il reçoit d'un autre être,
par contact et union naturelle, ou, comme dans le cas des embryons, par
adhérence. L'union naturelle diffère du contact; dans ce dernier cas, en
effet, il n'y a rien d'autre d'exigé que le contact lui-même, tandis que,
pour l'union naturelle, il existe quelque chose qui est identiquement un dans
les deux êtres, qui produit, au lieu d'un simple contact, une véritable
fusion, et unifie les êtres selon le continu et la quantité, mais non selon
la qualité. -- On appelle encore nature le fond premier dont est fait ou
provient quelque objet artificiel, fond dépourvu de forme et incapable de
subir un changement qui le fit sortir de sa propre puissance: par exemple,
l'airain est dit la nature de la statue et des objets d'airain, le bois,
celle des objets de bois, et ainsi de suite: car, dans tout produit constitué
à partir de ces éléments, la matière première persiste. C'est en ce sens que
nature s'entend aussi des éléments des choses naturelles, soit qu'on admettre
pour éléments le Feu, la Terre, l'Air ou l'Eau, ou quelque autre principe
analogue, ou plusieurs de ces éléments, ou enfin tous ces éléments à la fois.
-- Dans un autre sens, nature se dit de la substance des choses naturelles:
telle est l’acception que lui donnent ceux qui disent que la nature est la
composition primitive, ou, comme Empédocle, que : Aucun des êtres n'a une nature; Mais seulement mélange et séparation du mélange Il y a; et la nature n'est qu'un nom donné par les hommes. Aussi, disons-nous de tout ce qui
naturellement est ou devient, bien qu'il possède déjà en soi le principe
naturel du devenir ou de l'être, qu'il n'a pas encore sa nature, s'il n'a pas
de forme et de configuration. Un objet naturel vient donc de l'union de la
matière et de la forme: c'est le cas, par exemple, pour les animaux et leurs
parties. Ceci dit, est une nature, non seulement la matière première (elle
est première de deux manières: ou première relativement à l'objet même, ou
absolument première: ainsi, pour les objets d'airain, l'airain est premier
relativement à ces objets, mais, absolument, c’est sans doute l'eau, si on
admet que tous les corps fusibles sont de l'eau), mais encore la forme ou
substance, car elle est la fin du devenir. -- Par extension, dés lors, et
d'une manière générale, toute substance est appelée nature d'après la forme,
parce que la nature d'une chose est aussi une sorte de substance. De tout ce que nous venons de
dire, il résulte que la nature, dans son sens premier et fondamental, c'est
la substance des êtres qui ont, en eux-mêmes et en tant que tels, le principe
de leur mouvement. La matière, en effet, ne prend le nom de nature que parce
qu'elle est susceptible de recevoir en elle ce principe, et le devenir et la
croissance, que parce que ce sont des mouvements qui procèdent de lui. Et ce
principe du mouvement des êtres naturels, qui leur est immanent en quelque
sorte, existe en eux soit en puissance, soit en acte (entéléchie). |
Nature. En un premier sens, on entend par Nature la production de tout ce qui naît et se développe naturellement ; mais dans ce cas l’U du mot grec qui signifie Nature est long. En un autre sens, la Nature est le principe intrinsèque par lequel se développe tout ce qui se développe. Nature signifie encore le mouvement initial qui se retrouve dans tous les êtres naturels, et qui réside dans chacun d’eux, en tant que chacun est essentiellement ce qu’il est ; car on dit des êtres qu’ils se développent naturellement, quand ils reçoivent leur croissance de quelque autre être, soit qu’ils tiennent par contact à cet être, soit qu’ils empruntent leur développement à leur connexion intime avec lui, soit qu’ils y adhèrent à la manière des embryons. Il y a d’ailleurs cette différence entre la connexion et le contact, que, dans le contact, il n’y a, entre les deux êtres, rien absolument que le contact seul, tandis que, entre les êtres connexes, il existe une certaine unité qui est identique pour les deux, et qui fait que, au lieu de se toucher simplement, ils se pénètrent, et ne sont qu’un seul et même être comme étendue et quantité, bien que leur qualité puisse être différente. La Nature est encore cette matière primordiale qui fait que tous les êtres de la nature sont ou deviennent ce qu’ils sont, matière inorganisée, et qui, par sa seule force, est incapable de se modifier, elle-même. C’est en ce sens que l’airain est appelé la Nature de la statue et de tous les ustensiles faits de ce métal ; que le bois est appelé la Nature de tout ce qui est fait en bois. Et de même pour tout le reste des choses ; car on dit de chacune des choses qu’elle est faite de ses éléments, tant que subsiste cette matière initiale. C’est encore en ce même sens que l’on dit que les éléments sont la Nature de tous les êtres physiques. Selon quelques philosophes, cette Nature, c’est le feu ; pour d’autres, c’est la terre ; pour ceux-ci, c’est l’air ; pour ceux-là, c’est l’eau ; pour d’autres encore, c’est tel autre élément ; les uns ne combinant que quelques-unes de ces substances, tandis que les autres les combinent toutes ensemble. A un autre point de vue, la Nature est la substance des êtres physiques, au sens où l’on dit que la Nature est l’organisation primordiale des êtres, quoiqu’Empédocle soutienne qu’il n’y a pas à proprement parler de Nature pour un être quelconque : Mais ce n’est que mélange ou séparation D’Éléments mélangés ; la vague notion De ce qu’on croit Nature est un rêve de l’homme. Aussi, même pour les êtres qui existent naturellement, ou qui se développent, en ayant préalablement la matière d’où doit venir pour eux le développement ou l’existence, nous ne disons pas qu’ils aient leur nature propre, tant qu’ils n’ont pas revêtu leur espèce et leur forme. Tout être est naturel, en effet, quand il est composé de l’une et de l’autre, la forme et l’espèce ; et tels sont par exemple les animaux, et les parties diverses qui les composent. Nature peut signifier aussi la matière première des choses. Ces mots mêmes de Matière première peuvent recevoir un double sens. D’abord, Première peut s’entendre, ou relativement à l’objet même, ou d’une manière absolue et générale. Par exemple, pour des objets en airain, l’airain est Premier en ce qui regarde directement ces objets ; mais, d’une manière absolue et générale, il est possible que ce soit le liquide qui, en ceci, soit le terme premier, si l’on admet que tous les corps fusibles soient du liquide. En second lieu, la matière première est encore la forme et l’essence des choses, puisque c’est là aussi l’objet final de tout ce qui se produit et se développe. Par extension métaphorique et d’une manière générale, toute substance est appelée Nature, par analogie avec cette acception du mot Nature que nous définissons ici, et qui, elle également, est une sorte de substance. D’après tout ce qui précède, la Nature, comprise en son sens premier, et en son sens propre, est la substance essentielle des êtres qui ont en eux-mêmes le principe du mouvement, en tant qu’ils sont ce qu’ils sont ; car, si la matière est appelée Nature, c’est uniquement parce qu’elle est susceptible de recevoir ce principe de mouvement, de même que toute production et tout développement naturel sont appelés Nature, parce que ce sont des mouvements qui dérivent de ce principe intérieur. Mais le principe du mouvement, pour tous les êtres de la nature, est précisément celui qui leur est intrinsèque en quelque façon, soit qu’il reste à l’état de simple puissance, soit qu’il se montre en une complète réalité. |
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Lectio 5 |
Leçon 5, Commentaire de
saint Thomas [La nature] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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Leçon
5, Commentaire de saint Thomas [La nature] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960) |
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ARISTOTE EXPOSE LES
CINQ SENS DU MOT NATURE; IL LES REDUlT A UN SEUL, CELUI OU LA FORME ET LA
SUBSTANCE DU TOUT S'APPELLENT NATURE. |
ARISTOTE EXPOSE LES CINQ SENS DU MOT NATURE; IL LES REDUlT A UN SEUL, CELUI OU LA FORME ET LA SUBSTANCE DU TOUT S'APPELLENT NATURE. |
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[82373] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 1 Hic distinguit hoc nomen natura: cuius quidem
consideratio, licet non videatur ad primum philosophum, sed magis ad
naturalem pertinere, ideo tamen hic hoc nomen natura distinguitur, quia
natura secundum sui quamdam acceptionem de omni substantia dicitur, ut
patebit. Et per consequens cadit in consideratione philosophi primi, sicut et
substantia universalis. Circa hoc autem duo facit. Primo distinguit diversos
modos, quibus natura dicitur. Secundo reducit omnes ad unum primum, ibi, ex
dictis igitur. Circa primum duo facit. Primo ponit quinque modos principales.
Secundo ponit duos alios adiunctos duobus ultimis, ibi, natura autem prima
materia. Dicit ergo primo, quod natura dicitur uno modo generatio
generatorum, vel ut alia litera habet melius, nascentium. Non enim
omnia generata nascentia dici possunt; sed solum in viventibus, sicut in
plantis, sive in animalibus, et in partibus eorum. Non autem generatio rerum
non viventium potest dici natura proprie loquendo secundum communem usum
vocabuli, sed solum generatio viventium; ut dicatur natura ipsa nativitas vel
ipsa nascentia, quod ipsum nomen sonare videtur. Ut si quis porrigens
dicat naturam. Litera ista corrupta est. Quod ex alia translatione patet,
quae sic habet ut si quis producens dicat ypsilon. Physis enim, quod
apud Graecos naturam significat, si pro generatione viventium accipiatur,
habet primum ypsilon productum; si vero pro principio, sicut communiter
utitur, habet primum ypsilon breve. Posset tamen per hanc literam intelligi
quod hoc nomen natura de generatione viventium dicatur secundum quamdam
porrectionem idest extensionem. |
Ici il délimite les sens du mot nature, bien que l'étude de ce vocable
semble appartenir davantage au phi la nature qu'au premier philosophe.
Cependant c'est ici qu’on définit le sens du mot parce qu'il s'attribue,
selon une certaine acception, à toutes les substances, comme il apparaitra
plus loin. Et par conséquent son étude, comme celle de la substance
universelle, relève du premier philosophe. Aristote traite ce sujet en deux
parties. Dans une première partie, il distingue les divers modes d’emploi du
mot; dans une seconde partie, il réduit ces divers sens à un sens premier, où
il dit : "De tout ce que nous venons etc." Il traite sa première
partie en deux points. En premier, il établit cinq sens principaux. En
second, il dégage deux sens secondaires se rattachant aux deux dernières
significations principales, où il dit: "Ceci dit, est une nature, etc.
" Il dit donc d'abord que la nature se dit, d'une première manière, de
la génération des engendrés, ou, d’après une meilleure version du texte, de
la génération de ceux qui naissent (nascentium).
On ne peut pas dire vraiment que tout engendré naît; le terme naissance
s’emploie pour désigner la génération des vivants, des plantes par exemple,
ou des animaux, et de leurs parties. A parler proprement et selon l’usage
commun du vocable, la génération des non-vivants ne s’appelle pas nature. Ce
mot est réservé à la génération des vivants, de telle sorte que la nature se
dit de la nativité elle-même ou de la naissance elle-même. Ce que semble
donner la formation ou l'usage du mot. "Si quelqu’un prononce nature en allongeant la seconde
syllabe." Mais ce texte est assez corrompu. Ce qui est évident d'après
une autre version qui dit: "Comme si quelqu'un appuyait sur
"upsilon". En effet, "Physis",
qui signifie nature chez les Grecs,
signifie la génération des vivants, si la prononciation du upsilon est brève,
On pourrait comprendre, ci-après cette version du texte, que le mot nature se
dit de la génération des vivants selon une certaine extension du vocable. |
Il délimite maintenant les sens du mot « nature », bien que
l’étude de ce vocable ne semble pas appartenir au premier philosophe mais au
philosophe de la nature. Cependant on définit ici le sens de ce mot parce
qu’il s’attribue, selon une certaine acception, à toutes les substances,
comme on le verra. Et par conséquent son étude, comme celle de la substance
universelle, relève du premier philosophe. Aristote traite ce sujet en deux
parties. En premier, il distingue les divers emplois du mot
« nature »; en second, il ramène ces divers sens à un sens premier,
où il dit : D’après tout ce qui
précède, etc. Il traite sa première partie en deux points. En premier, il
établit cinq sens principaux. En second, il en dégage deux autres qui se
rattachent aux deux derniers sens principaux, où il dit : Nature peut signifier aussi, etc. Il
dit donc d'abord que la nature se dit, en un premier sens, de la génération
des engendrés, ou, d’après un meilleur texte, de la génération de tout ce qui naît. On ne peut pas
dire vraiment que tout engendré naît; on peut le dire seulement pour les vivants,
les plantes par exemple, ou les animaux et leurs parties. À proprement parler
et selon l’usage courant du vocable, la génération des non-vivants ne
s’appelle pas nature. On appelle plutôt nature la nativité ou la naissance
des vivants, comme l’assonance même de ce mot semble l’indiquer :
« comme si on prononce le mot “nature” avec une voyelle longue ». Mais ce texte est corrompu; cela
est évident d’après une autre traduction qui dit : « comme si
quelqu’un prononçait un « upsilon[71] ». En effet, physis, qui signifie
« nature » en grec, signifie la génération des vivants, si la
prononciation de l’upsilon est prolongée, mais si le mot est pris au sens
courant de principe, cet upsilon est une voyelle brève. On pourrait cependant
comprendre, d’après cette version du texte, que le mot « nature »
se dit de la génération des vivants par prolongation ou extension du vocable. |
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[82374] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 2 Ex hoc autem quod ipsa nativitas primo natura dicta est,
secutus est modus secundus, ut scilicet generationis principium, ex quo
aliquid generatur, sive ex quo illud, quod nascitur generatur primo, sicut ex
intrinseco principio, dicatur natura. |
De ce que la nativité elle-même
s'est tout d'abord appelée nature, il en est découlé un second sens du mot.
Le mot nature a désigné le principe de la génération à partir duquel une
chose est engendrée, ou, le principe intrinsèque qui est à l'origine toute
première de l'engendré. |
De ce que la nativité elle-même a été le premier sens donné au mot
« nature », il en est découlé un deuxième sens du mot, à savoir le
principe de la génération à partir duquel une chose est engendrée, ou le
principe intrinsèque qui est à l'origine toute première de la génération de
ce qui naît. |
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[82375]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 3 Et per similitudinem nativitatis ad alios motus,
ulterius processit huius nominis significatio, ut natura tertio modo dicatur
id, unde est principium motus in quolibet entium secundum naturam, dummodo
sit in eo inquantum huiusmodi, et non per accidens. Sicut in medico, qui
infirmatur, inest principium sanationis, scilicet ars medicinae, non tamen
inquantum est infirmus, sed inquantum medicus. Sanatur autem non inquantum
est medicus, sed inquantum infirmus: et sic principium motus non est in eo
inquantum movetur. Et haec est definitio naturae posita in secundo
physicorum. |
La similitude entre le mouvement
de la nativité et les autres mouvements a apporté une nouvelle extension au
mot de telle sorte qu'un troisième sens s'est développé, La nature a commencé
à signifier ce qui est le principe du mouvement dans tous les êtres naturels,
à la condition qu'il soit principe du mouvement en tant que tel et non par
accident, Par exemple, dans le médecin qui est malade se trouve le principe
de la guérison, l'art de la médecine, lequel n'est pas principe en tant qu'il
est malade, mais en tant qu'il est médecin, il n’est pas guéri cependant en
tant qu'il est médecin, mais en tant qu'il est malade: et ainsi le principe
du mouvement n'est pas en lui en tant qu'il est mû, Et ceci est la définition
de la nature proposée au second livre
des Physiques. |
La similitude entre la nativité et les autres mouvements a apporté
une nouvelle signification de ce mot, de telle sorte qu’un troisième sens est
apparu, à savoir que la nature est l’origine du principe de mouvement dans
tous les êtres naturels, à condition qu’il y soit principe du mouvement en
tant que tel et non par accident, Par exemple, dans le médecin qui est malade
se trouve le principe de la guérison, l’art de la médecine, lequel n’est pas
principe en tant qu’il est malade, mais en tant qu’il est médecin. Cependant,
il n’est pas guéri en tant qu’il est médecin, mais en tant qu’il est
malade : et ainsi le principe du mouvement n’est pas en lui en tant
qu'il est mû. Et telle est la définition de la nature proposée au livre II
des Physiques. |
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[82376] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 4 Et, quia de nascentibus mentionem fecit, ostendit quid
sit proprie nasci, ut habet alia litera, loco cuius haec litera improprie
habet generari. Differt enim generatio in viventibus a generatione
inanimatorum, quia inanimatum generatur, non ut coniunctum sive unitum
generanti, ut ignis ab igne, et aqua ab aqua. In viventibus autem fit generatio per quamdam
unionem ad generationis principium. Et, quia additio quanti ad quantum facit augmentum,
ideo in generatione viventium videtur esse quoddam augmentum, sicut est cum
ex arbore nascitur fructus, aut folium. Et ideo dicit, quod nasci dicuntur
quaecumque augmentum habent, idest quoddam augmentum cum generationis
principio. |
Et, parce qu'il a fait mention des
êtres qui naissent, il montre ce qu'est proprement naitre, terme dont fait
usage un autre texte, et que l'on a improprement remplacé par "être
engendré" dans la version que nous avons sous les yeux. En effet, la
génération chez les vivants diffère de la génération des êtres inanimés,
parce que l'être inanimé n’est pas engendré en tant que conjoint ou uni à l'engendrant;
ainsi en est-il dans la génération du feu par le feu, et de l'eau par l'eau.
Chez les vivants, eux, la génération se fait par une certaine union au
principe de la génération. Et parce que l'addition d'une quantité a une autre
fait l’accroissement, il apparaît qu'il y a un certain accroissement dans la
génération des vivants comme cela existe lorsque le fruit ou la feuille nait
de l'arbre, C'est pourquoi Aristote dit que ceux-là naissent qui reçoivent
une croissance, c’est-à-dire qui ont une certaine augmentation ou
accroissement par union au principe de la génération. |
Et, parce qu'il a fait mention des êtres qui naissent, il montre ce qu’est proprement naitre, terme trouvé dans une autre version au lieu de l’expression impropre « être engendré » dans la version que nous commentons. En effet, la génération chez les vivants diffère de la génération de l’être inanimé, car ce dernier n’est pas engendré en tant que conjoint ou uni à l’engendrant; ainsi en est-il de la génération du feu par le feu, et de l’eau par l’eau. Mais chez les vivants, la génération se fait par une certaine union au principe de la génération. Et parce que l'addition d'une quantité à une autre produit l’accroissement, on constate un certain accroissement dans la génération des vivants, par exemple lorsque le fruit ou la feuille nait de l'arbre. C’est pourquoi Aristote dit que ceux-là naissent qui reçoivent leur croissance, c’est-à-dire qui obtiennent un certain accroissement par union au principe de la génération. |
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[82377] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 5 Differt autem hoc augmentum a specie motus quae
augmentum dicitur, qua moventur iam nata. Nam in augmento aliquid augetur in
seipso per hoc, quod id quod additur transit in substantiam eius cui additur,
sicut nutrimentum in substantiam nutriti: id autem, quod nascitur apponitur
ei ex quo nascitur, tamquam alterum et diversum, non sicut in eius
substantiam transiens. Et ideo dicit, quod habet augmentum per diversum
sive per alterum: quasi dicat, quod hoc augmentum fit per appositionem
alicuius alterius, vel diversi. |
Mais cet accroissement ou
augmentation diffère de l'espèce de mouvement que l'on appelle croissance,
par laquelle sont mues les êtres déjà nés, En effet, dans la croissance, un
être s'accroit en lui-même par le fait que ce qui lui est ajouté se
transforme en sa propre substance, comme la nourriture devient la substance
de celui qui se nourrit; mais ce qui naît s'ajoute à ce dont il naît comme
quelque chose de différent et d'autre, non pas comme ce qui se transforme en
sa substance. C'est pourquoi Aristote dit que l'être qui naît reçoit
accroissement par quelque chose de différent et d'autre, C'est comme s'il
disait que cet accroissement se fait par addition de quelque chose d'autre ou
de divers. |
Mais cet accroissement diffère de l'espèce de mouvement, que l'on
appelle croissance, par lequel sont mus les êtres déjà nés. En effet, dans la
croissance, un être s’accroît en lui-même par le fait que ce qui lui est
ajouté se transforme en sa propre substance, comme la nourriture devient la
substance de celui qui se nourrit; mais ce qui naît s'ajoute à ce dont il
naît comme quelque chose de différent et d’autre, non pas comme ce qui se
transforme en sa substance. C’est pourquoi Aristote dit que l’être qui naît reçoit
accroissement par quelque chose de différent et d’autre. C’est comme s’il disait que cet accroissement se fait par
ajout de quelque chose d’autre ou de divers. |
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[82378]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 6 Sed appositio augmentum faciens potest intelligi
dupliciter. Uno modo tangendo, idest per solum contactum. Alio modo
per hoc quod est simul idest aliqua duo simul producuntur adinvicem
coaptata, sicut brachium et nervus et aliquid esse apte, idest quod aliquid
adaptetur ad alterum iam praeexistens, sicut capilli capiti, et dentes
gingivis. Loco autem huius alia litera habet melius connasci et adnasci. In
hac autem generatione viventium non solum fit appositio per tactum, sed etiam
per quamdam coaptationem sive connascentiam; ut patet in embryonibus, qui non
solum tanguntur in matrice, sed etiam alligantur in principio suae
generationis. |
Mais l'accroissement apporté peut
se faire de deux façons. D'une première façon, "en touchant",
c'est-à-dire uniquement par contact. D'une autre façon, par "coexistence
naturelle", c’est-à-dire par le fait que deux choses connaturellement
unies sont produites en même temps; par exemple, lorsque sont engendrés le
bras et les nerfs et "quelque chose d'apte", c'est-à-dire quelque
chose de naturellement adapté à ce qui préexiste, comme les cheveux à la tête
et les dents à la gencive. Un autre texte comporte deux mots plus précis: conasci et anasci : connaître
(symphise - connexion naturelle et organique, et naître en référence à autre
chose par adhérence. Dans la génération des vivants, non seulement il y a
union par contact, mais aussi par adhérence, par une espèce de symbiose. Ce
que manifeste le cas des embryons qui ne font pas que toucher à la matrice,
mais qui s'enracinent dans le principe de leur génération. |
Mais l'accroissement par ajout peut se faire de deux façons :
premièrement, par contact, et
d’aucune autre façon; d’une autre façon, par connexion intime, c’est-à-dire par le fait que deux choses
adaptées l’une à l’autre sont produites en même temps; par exemple, lorsque
sont engendrés le bras, les nerfs et « une chose jointe
étroitement », c’est-à-dire naturellement adaptée à ce qui préexiste,
comme les cheveux à la tête et les dents à la gencive. Un autre texte contient
deux mots plus précis : « naître unis » et « naître
juxtaposés ». Dans la génération des vivants, il y a union non seulement
par contact, mais aussi par adhérence, par une espèce d’union, comme on le
voit pour les embryons, qui ne font pas que toucher à la matrice, mais
s’enracinent dans le principe de leur génération. |
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[82379] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 7 Ostendit autem quid inter duo praedicta differat;
dicens, quod conflatio, idest colligatio sive connascentia, ut alia
litera habet, differt a tactu, quia in tactu non est necessarium aliquid esse
praeter tangentia, quod ea faciat unum. In colligatis autem sive coaptatis
sive connatis vel adnatis oportet esse quid unum in ambobus quod pro tactu,
idest loco tactus faciat ea simul apta esse idest coaptata vel ligata
sive simul nasci. Intelligendum est autem quod id, quod facit ea unum, facit
esse unum secundum quantitatem et continuitatem, et non secundum qualitatem;
quia ligamentum non alterat ligata a suis dispositionibus. |
Aristote montre ce qui distingue
les deux cas précédents: il dit que la "fusion", c'est-à-dire la
liaison pénétrante, ou la connexion "symhiotique", selon d'autres
versions, diffère du contact, parce que dans le contact il n’y a rien d'autre
d'exigé que le contact pour faire des deux choses qui se touchent quelque
chose d'un, Mais dans la connexion organique, dans l'union vivante ou dans
l'adhérence vivante, il faut qu’il y ait quelque chose d'un dans les deux
choses unies qui, à la place du contact, les fasse naître connaturellement,
les unifie dans une connexion organique, les fusionne pour ainsi dire. Il
faut comprendre par là que ce qui fait ces deux choses une les fait être une
selon le continu et la quantité, et non selon la qualité. Le lien, en effet,
n'altère pas les dispositions des choses liées ensemble. |
Aristote montre la différence entre les deux cas précédents : il
dit que la connexion, c'est-à-dire
la liaison étroite, ou l’union de naissance, selon une autre version, diffère
du contact, parce que dans le contact rien d’autre que le contact n’est exigé
pour que les deux choses ne fassent qu’un. Mais dans les choses liées
étroitement, qui adhèrent ensemble ou qui naissent unies ou juxtaposées, il
faut quelque chose qui fasse que les deux êtres unis, au lieu de se toucher simplement, c'est-à-dire au lieu que le
contact les unisse, ils se pénètrent,
c'est-à-dire soient liés étroitement ou attachés par naissance simultanée.
Mais il faut comprendre par là que ce qui crée l’unité de ces deux choses les
rend une par continuité et en quantité, et non selon la qualité. Le lien, en
effet, n’altère pas les dispositions des choses liées ensemble. |
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[82380]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 8 Ex hoc autem apparet, quia quod nascitur semper est
coniunctum ei ex quo nascitur. Ideo natura numquam dicit principium
extrinsecum, sed secundum omnes suas acceptiones dicit principium
intrinsecum. |
Ce qui naît est toujours conjoint
au principe qui lui donne naissance. C’est pourquoi la nature ne signifie
jamais un principe extrinsèque, mais désigne dans toutes ses acceptions un
principe intrinsèque. |
On voit par là que ce qui naît
est toujours conjoint au principe qui lui donne naissance. C’est pourquoi la
nature ne signifie jamais un principe extrinsèque, mais désigne dans toutes
ses acceptions un principe intrinsèque. |
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[82381] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 9 Ex hac autem tertia ratione naturae sequitur quarta.
Si enim principium motus rerum naturalium natura dicitur, principium autem motus
rerum naturalium quibusdam videbatur esse materia, consequens fuit ut materia
natura diceretur, quae quidem est principium rei, et quantum ad esse et
quantum ad fieri. Ipsa etiam absque omni forma consideratur, nec a seipsa
movetur, sed ab alio. Et ideo dicit quod natura dicitur ex quo aliquod entium
primo est aut fit. |
La quatrième signification du mot
nature découle du troisième sens susdit. Si en effet le principe du mouvement
des êtres naturels s'appelle nature et que le principe du mouvement des êtres
naturels semblait être pour un certain nombre de philosophes la matière, il
s’en est suivi que la nature a désigné la matière, laquelle est principe de
la chose et dans son être et dans son devenir, La matière est aussi
considérée sans aucune forme; ainsi, elle ne peut se mouvoir par elle-même,
mais est mue par un autre, C'est pourquoi il dit que la nature se dit de ce
dont un être devient ou est fait en premier lieu (le fond premier d’un être). |
La quatrième signification du mot « nature » découle du troisième sens ci-dessus. Si en effet le principe du mouvement des êtres naturels s’appelle nature et si ce même principe semblait être la matière selon certains, il s’en est suivi qu’on a appelé nature la matière, qui est principe de la chose et dans son être et dans son devenir, La matière est aussi considérée sans aucune forme, et elle ne peut se mouvoir par elle-même, mais est mue par un autre, C’est pourquoi il dit qu’on appelle nature ce à partir de quoi un être commence à exister ou vient à l’être. |
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[82382]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 10 Quod ideo dicit, quia materia essendi et fiendi est
principium. Ex quo, dico, existente inordinato idest absque forma.
Unde alia litera habet cum informe sit. In quibusdam enim ipse ordo
habetur pro forma, sicut in exercitu et civitate. Ex quo, dico, immutabili
ex sua potestate, idest, quod moveri non potest per suam potestatem, sed
secundum potestatem sui superioris agentis. Nam materia non movet seipsam ad formam, sed movetur
a superiori exteriori agente. Sicut si diceremus aes materiam statuae et vasorum
aereorum, et ligna ligneorum, si huiusmodi vasa, naturalia corpora essent.
Similiter est in omnibus aliis quae ex materia sunt vel fiunt. Unumquodque
enim eorum fit ex sua materia, ea salvata. Dispositiones autem formae non
salvantur in generatione; una enim forma introducitur altera abiecta. Et
propter hoc formae videbantur esse quibusdam accidentia, et sola materia
substantia et natura, ut dicitur secundo physicorum. |
Le philosophe parle bien du fond
premier, parce que la matière est principe de l'être et du devenir. De là
vient que je dis "existant sans ordre", c'est-à-dire sans forme.
C’est pourquoi un autre texte dit: "La matière, puisqu'elle est informe."
En effet, dans certains cas, dans la cité ou l'armée par exemple, l'ordre
constitue la forme, De là vient que je dis la matière "immuable à partir
de sa propre puissance", c'est-à-dire qui ne peut être mue par sa propre
puissance mais selon le pouvoir d'un agent supérieur, car la matière ne se
meut pas elle-même à la forme, mais est mue par un agent extérieur supérieur.
Comme si nous disions par exemple que l'airain est la matière de la statue et
des vases d’airain à et le bois, celle des vases de bois, si les vases de cette
sorte étaient des corps naturels. Pareillement en est-il des autres êtres qui
existent ou proviennent de la matière. Chacun de ces êtres est fait de sa
matière, sans que cette matière change. Tandis que les dispositions à la
forme disparaissent dans la génération: une forme n'est introduite qu’à la
disparition de l'autre. Voilà pourquoi les formes semblaient être des
accidents pour un bon nombre de philosophes et seule la matière était la
substance et la na ture, comme il est dit au deuxième livre des Physiques. |
Le Philosophe parle ainsi parce que la matière est principe de
l’existence et du devenir. De là vient qu’il parle de matière inorganisée, c'est-à-dire sans forme. C’est pourquoi un
autre texte dit : « puisqu’elle est informe ». En effet, dans
certains cas, dans la cité ou l’armée par exemple, l’ordre constitue la
forme, C’est pourquoi il dit : « immuable de par sa propre
puissance », c'est-à-dire qui ne peut être mue par sa propre puissance
mais seulement par la puissance d’un agent supérieur, car la matière ne se
meut pas elle-même à la forme, mais est mue par un agent extérieur supérieur.
Comme si nous disions par exemple que l'airain est la matière de la statue et
des vases d’airain et le bois, celle des vases de bois, si de tels vases
étaient des corps naturels. Il en va de même des autres êtres qui existent ou
proviennent de la matière. Chacun de ces êtres est fait de sa matière,
laquelle continue d’exister. Par contre, les dispositions à la forme
disparaissent dans la génération : une forme n’est introduite qu’à la
disparition de l'autre. Voilà pourquoi on a estimé que les formes étaient des
accidents et que seule la matière était la substance et la nature, comme il
est dit au livre II des Physiques. |
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[82383] Sententia Metaphysicae,
lib. 5 l. 5 n. 11 Et hoc ideo, quia similiter existimabant formam et
materiam in rebus naturalibus, sicut in rebus artificialibus, in quibus
formae sunt accidentia, et sola materia substantia. Unde isto modo naturales
dixerunt elementa esse materiam existentium secundum naturam, vel aquam, vel
aerem, vel ignem aut terram, quam nullus elementum naturalium posuit solam,
sed aliqui non naturales, ut in primo libro est habitum. Quidam autem
posuerunt aliqua eorum esse elementa et naturam rerum, sicut Parmenides.
Quidam vero omnia quatuor, sicut Empedocles. Quidam vero aliquid aliud, sicut
Heraclitus vaporem. |
Et cette théorie de la matière
provenait de ce que ces philosophes croyaient que la matière et la forme
existaient dans les êtres naturels comme dans les œuvres d'art, où les formes
sont des accidents et la matière seule constitue toute la substance. C'est
pourquoi ces philosophes ont dit de la même manière que les éléments étaient
la matière des êtres naturels: l'eau, l'air, le feu ou la terre. A propos de
la terre il faut faire la restriction suivante: aucun des philosophes de la
nature n'a posé la terre seule comme élément; ce fut le fait de quelques
philosophes qui n'étaient pas des philosophes de la nature, comme on l'a
souligné dans le premier livre. Certaine, comme Parménide, n'ont posé que
quelques-uns de ces corps comme élément et nature des choses. D’autres comme
Empédocle, ont fait des quatre corps la nature des êtres naturels. Héraclite
a choisi la vapeur alors que d'autres philosophes ont désigné d'autres corps. |
Ces philosophes pensaient ainsi parce qu’ils croyaient que la matière
et la forme existent dans les êtres naturels de la même façon que dans les
œuvres d’art, où les formes sont des accidents et la matière seule constitue
la substance. C'est pourquoi ils ont dit que les éléments (eau, air, feu et
terre) étaient de cette façon la matière des êtres naturels. Aucun philosophe
de la nature n’a affirmé que la terre est le seul élément des êtres naturels,
mais certains qui n’étaient pas philosophes de la nature l’ont affirmé, comme
on l’a vu au livre I. Certains, comme Parménide, ont affirmé que certains de
ces corps étaient éléments et nature des choses; d’autres, comme Empédocle,
ont dit que c’étaient tous les quatre; d’autres ont dit que c’était autre
chose, comme Héraclite qui a dit que c’était la vapeur. |
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[82384] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 12 Quia vero motus rerum naturalium magis causatur ex
forma quam ex materia, ideo supervenit quintus modus quo ipsa forma dicitur
natura. Et sic alio modo natura dicitur ipsa substantia, idest forma
rerum existentium secundum naturam, sicut naturam rerum dixerunt esse ipsam
compositionem mixtorum; sicut Empedocles dixit, quod non est aliquid entium
absolutum, sed solummodo commutatio seu relaxatio vel commixtio permixtorum,
secundum aliam translationem, natura apud homines dicitur. Dicuntur enim quae
sunt permixtionis diversae, naturam diversam habere. |
Mais parce que le mouvement des êtres
naturels provient plus de la forme que de la matière, un cinquième sens du
mot nature s'est développé pour désigner la forme elle-même. Et ainsi la
nature se dit d'une autre façon: elle se dit de la substance, c'est-à-dire de
la forme des choses qui existent selon la nature. Ainsi a-t-on dit que la
nature des choses était la composition elle-même des mixtes. De cette façon,
Empédocle a dit qu'il n'y avait rien d'autonome ou d'absolu dans les êtres
mais qu'il n'y avait que transformation ou repos ou mélange d'éléments, que
les hommes ont traduit par le mot nature. (La nature n'est qu'un nom donné
par les hommes pour traduire cette composition ou ce mélange). On dit en
effet que ce qui est composé d'un mélange
différent a me nature différente. |
Mais parce que le mouvement des êtres naturels provient plus de la forme que de la matière, un cinquième sens du mot « nature » est apparu pour désigner la forme elle-même. Et ainsi, d’une autre façon, la nature désigne la substance même, c’est-à-dire la forme des choses qui existent selon la nature. Ainsi a-t-on dit que la nature des choses était la composition même des mélanges. Ainsi, Empédocle a dit qu’aucun être n’est absolu, mais que seuls la permutation, la dissolution ou le brassage des éléments des mélanges, selon une autre traduction, sont appelés nature parmi les hommes. Ils disent en effet qu’un mélange d’une composition différente a une nature différente. |
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[82385] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 13 Ad ponendum autem formam esse naturam, hac ratione
inducebantur, quia quaecumque sunt et fiunt naturaliter non dicuntur habere
naturam, existente materia ex qua nata sunt fieri vel esse, nisi habeant
speciem propriam et formam, per quam speciem consequantur. Videtur autem
nomen speciei poni pro forma substantiali, et forma pro figura quae
consequitur speciem, et est signum speciei. Si igitur forma est natura, nec
aliquid potest dici habere naturam nisi quando habet formam, illud ergo quod
compositum est ex materia et forma dicitur esse natura, idest secundum
naturam, ut animalia et partes eorum, sicut caro et os et huiusmodi. |
Ils étaient conduits à affirmer
que la forme était nature par la raison que tous les êtres qui existent ou
deviennent naturellement ne possèdent pas une nature, même si la matière à
partir de laquelle ils peuvent être faits ou exister est existante, à moins
de posséder l'espèce propre; et la forme qui leur donne d'être dans une
espèce. Il semble que le mot espèce désigne la forme substantielle et que le
terme forme désigne la figure qui est consécutive à l'espèce en même temps
qu’elle en est le signe. Si donc la forme est nature et si on ne peut dire
que quelque chose possède une nature : avant que de posséder une forme, il
faut conclure que le composé de la matière et de forme s'appelle aussi nature
ou est selon la nature, comme les animaux et leurs parties: la chair, les os,
etc. |
Ils étaient conduits à affirmer que la forme était nature par la raison que tous les êtres qui existent ou deviennent naturellement ne possèdent pas une nature, même si la matière dont ils sont faits ou peuvent être faits est existante, à moins de posséder l'espèce propre et la forme qui leur fait acquérir cette espèce. Mais il semble que le mot « espèce » désigne la forme substantielle et que la forme désigne la figure qui découle de l’espèce et en est le signe. Si donc la forme est nature et si on ne peut dire que quelque chose possède une nature que quand il possède une forme, il faut conclure que le composé de la matière et de forme est appelé nature, c'est-à-dire est naturel, comme les animaux et leurs parties, la chair, les os et autres choses du genre. |
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[82386]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 14 Deinde cum dicit natura autem ponit duos modos adiunctos
duobus ultimis praecedentibus, quorum primus additur quarto modo quo materia
dicebatur natura. Et dicit, quod materia dicitur natura non quaecumque, sed
prima. Quod potest intelligi dupliciter aut quantum ad id quod est genus; aut
ex toto vel simpliciter prima. Sicut operum artificialium quae fiunt ex aere,
prima materia secundum genus illud est aes. Prima vero simpliciter est aqua.
Nam omnia quae liquescunt calido et indurantur frigido sunt aquea magis, ut
dicitur quarto Meteororum. |
Ensuite quand il dit: "Ceci
dit, est une ... " il propose les deux modes d’emploi du mot dérivés des
deux derniers. Le premier s'ajoute au quatrième mode où Ion disait que la
matière était nature. Il dit que ce n'est pas n'importe quelle matière qui se
dit nature, mais la matière première. Cette matière première peut s’entendre
de deux façons: relativement au genre d’être où elle est matière, ou de façon
absolue. Par rapport aux œuvres artificielles qui sont faites d'airain, on
eut dire que la matière première est l’airain. La matière première absolue
cependant n’est pas l'airain, mais l’eau. Car tout ce qui se liquéfie par la
chaleur se solidifie par le froid est composé de quelque chose d'aqueux,
comme en le dit au quatrième livre des
Météores. |
Ensuite quand il dit : Nature peut signifier, etc., il propose les deux modes d’emploi du mot qui sont dérivés des deux précédents. Le premier s’ajoute au quatrième sens selon lequel la matière est nature. Il dit que ce n’est pas n’importe quelle matière qui est dite nature, mais la matière première. Celle-ci peut s’entendre de deux façons : comme étant un genre, ou comme étant totalement ou absolument première. Pour les œuvres artificielles qui sont faites d'airain, la matière première selon le genre est l’airain; cependant, la matière première absolue, c’est l’eau. Car tout ce qui se liquéfie par la chaleur se solidifie par le froid est surtout composé d’eau, comme en le dit au livre IV des Météores. |
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[82387] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 15 Secundus modus adiacet quinto modo praedicto quo
forma dicebatur natura. Et secundum hunc modum non solum forma partis dicitur
natura, sed species ipsa est forma totius. Ut si dicamus quod hominis natura
non solum est anima, sed humanitas et substantia quam significat definitio.
Secundum hoc enim Boetius dicit, quod natura est unumquodque informans
specifica differentia. Nam specifica differentia est, quae complet
substantiam rei et dat ei speciem. Sicut autem forma vel materia dicebatur
natura, quia est principium generationis, quae secundum primam nominis
impositionem natura dicitur; ita species et substantia dicitur natura, quia
est finis generationis. Nam
generatio terminatur ad speciem generati, quae resultat ex unione formae et
materiae. |
Le second mode vient s'ajouter au
cinquième où l'on disait que la forme était nature. Et selon ce mode non
seulement la forme de la partie est dite nature, mais l’espèce elle-même qui
est la forme du tout. Comme si nous disions que la nature de l'homme est non
seulement son âme, mais l’humanité et la substance que signifie la
définition. Conformément à cela Boèce dit que la nature est "unumquodque informans specifica
differentia", tout ce qui informe par différence spécifique. La
différence spécifique est, en effet, ce qui complète la substance de la chose
et lui donne son espèce. Comme on appelait nature la forme ou la matière,
parce qu’elles étaient principes de la génération, laquelle se dit nature
selon l'imposition première du mot, ainsi l’espèce et la substance sont dites
nature parce qu'elles sont le terme de la génération. La génération en effet
se termine à l'espèce de l'engendré, laquelle résulte de l'union de la forme
et de la matière. |
Le second sens se rattache au cinquième selon lequel la forme était
appelée nature. Et en ce sens, non seulement la forme de la partie est dite
nature, mais l’espèce elle-même est la forme du tout. Ainsi nous disons que
la nature de l'homme est non seulement son âme, mais l’humanité et la
substance que signifie la définition. De cette façon, Boèce dit que la nature
est la différence spécifique qui donne la forme à toute chose. La différence
spécifique est, en effet, ce qui complète la substance de la chose et lui
donne son espèce. De même qu’on appelait nature la forme ou la matière parce
qu’elles sont principes de la génération, laquelle est appelée nature selon
le tout premier sens donné à ce mot, ainsi l’espèce et la substance sont
dites nature parce qu’elles sont le terme de la génération. La génération en
effet se termine à l’espèce de l’engendré, laquelle résulte de l’union de la
forme et de la matière. |
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[82388]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 16 Et ex hoc secundum quamdam metaphoram et nominis extensionem
omnis substantia dicitur natura; quia natura quam diximus quae est
generationis terminus, substantia quaedam est. Et ita cum eo quod natura
dicitur, omnis substantia similitudinem habet. Et hunc modum etiam ponit
Boetius. Ratione autem istius modi distinguitur hoc nomen natura inter nomina
communia. Sic enim commune est sicut et substantia. |
De là, par une certaine métaphore
et extension du mot, toute substance est dite nature, car le terme, de la
génération que nous avons appelé nature, est une certaine substance. Et alors
toute substance a une certaine similitude avec ce que nous avons appelé
nature. Et même Boèce a posé ce dernier mode d'emploi du mot. Et en raison de
ce dernier sens, le mot nature a fait son entrée parmi les mots communs: il est
aussi commun que le mot substance. |
En conséquence, par métaphore et par une certaine extension du mot,
toute substance est dite nature, car la nature que nous avons décrite comme
le terme de la génération est une certaine substance. Et alors, toute substance
a une certaine ressemblance avec ce que nous avons appelé nature. Et Boèce a
également donné ce sens du mot « nature ». En raison de ce dernier
sens, le mot « nature » s’inscrit au nombre des termes généraux,
car ainsi, il est génbéral comme le mot « substance ». |
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[82389] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 17 Deinde dum dicit ex dictis reducit omnes modos
praedictos ad unum. Sciendum est autem, quod reductio aliorum modorum ad unum
primum, fieri potest dupliciter. Uno modo secundum ordinem rerum. Alio modo
secundum ordinem, qui attenditur quantum ad nominis impositionem. Nomina enim
imponuntur a nobis secundum quod nos intelligimus, quia nomina sunt
intellectuum signa. Intelligimus autem quandoque priora ex posterioribus.
Unde aliquid per prius apud nos sortitur nomen, cui res nominis per posterius
convenit: et sic est in proposito. Quia enim formae et virtutes rerum ex
actibus cognoscuntur, per prius ipsa generatio vel nativitas, naturae nomen
accepit, et ultimo forma. |
Ensuite quand il dit : "De
tout ce que… ", il réduit tous ces modes à un seul. Il faut savoir que
la réduction des autres sens à un seul peut se faire de deux manières: ou
selon l’ordre des choses, ou selon l'ordre de l'imposition du mot. Nous imposons
les mots conformément à la connaissance que nous en avons, parce qu’ils sont
les signes de nos concepts. Cr il arrive que nous comprenions les choses
antérieures dans l'être à partir des choses postérieures. C'est pourquoi nous
imposons tout d'abord un nom à des choses auxquelles la quiddité signifiée
par le nom ne convient que postérieurement. C'est ce qui arrive dans le cas.
Parce que les formes et les puissances des choses sont connues par leurs
actes, on a tout d’abord appelé nature la génération ou la nativité et c'est
seulement en dernier que le mot a désigné la forme. |
Ensuite quand il dit : D’après
tout ce qui précède, etc., il ramène tous ces sens à un seul. Mais il
faut savoir que la réduction des autres sens à un seul peut se faire de deux
manières : ou selon l’ordre des choses, ou selon l’ordre de
l’attribution du mot. Nous attribuons les mots selon ce que nous connaissons,
parce qu’ils sont les signes de nos concepts. Or, il arrive que nous
comprenions les choses antérieures dans l’être à partir des choses
postérieures. C’est pourquoi nous imposons tout d'abord un nom à des choses
auxquelles la réalité signifiée par le nom ne convient que postérieurement.
C'est ce qui arrive dans le cas présent : puisque les formes et les
puissances des choses sont connues par leurs actes, on a d’abord appelé
nature la génération ou la nativité, et c’est seulement en dernier que le mot
a désigné la forme. |
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[82390]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 18 Sed secundum rerum ordinem, formae prius competit
ratio naturae, quia, ut dictum est, nihil dicitur habere naturam, nisi
secundum quod habet formam. |
Mais selon l'ordre des choses, la
notion de nature convient tout d'abord à la forme parce que, comme on l'a
dit, on ne peut dire que quelque chose possède une nature qu’en autant
qu’elle a une forme. |
Mais selon l’ordre des choses, la notion de nature convient tout
d’abord à la forme parce que, comme on l’a dit, on ne peut dire qu’un être
possède une nature qu’en autant qu’il a une forme. |
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[82391] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 5 n. 19 Unde patet ex dictis, quod primo et proprie
natura dicitur substantia, idest forma rerum habentium in se principium
motus inquantum huiusmodi. Materia enim dicitur esse natura, quia est formae
susceptibilis. Et generationes habent nomen naturae, quia sunt motus
procedentes a forma, et iterum ad formas. Et idipsum, scilicet forma est
principium motus rerum existentium secundum naturam, aut in actu, aut in
potentia. Forma enim non semper facit motum in actu, sed quandoque in
potentia tantum: sicut quando impeditur motus naturalis ab aliquo exteriori
prohibente, vel etiam quando impeditur actio naturalis ex materiae defectu. |
Il est donc évident par ce qu'on a
dit, qu'en premier lieu et proprement la nature se dit de la substance, c’est
dire de la forme des choses qui ont en elle le principe de leurs mouvements
en tant que tel, La matière est dite nature parce qu'elle reçoit la forme. Et
les générations reçoivent la même appellation parce qu'elles sont des mouvements
provenant de la forme et conduisant aux formes. Et de plus, la forme est
principe des mouvements des choses naturelles ou en acte ou en puissance, La
forme en effet ne fait pas toujours le mouvement en acte, mais quelquefois en
puissance seulement, comme lorsque le mouvement naturel est entravé par
quelque empêchement extérieur, ou lorsque l'action naturelle est entravée par
quelque défaut de la matière. |
Il est donc évident d’après ce qu’on a dit, que la Nature, comprise en son sens premier, et en son sens propre, est la substance, c’est-à-dire la forme des choses qui ont en elles le principe de leurs mouvements en tant que tel. La matière est dite nature parce qu’elle peut recevoir la forme. Les générations sont appelées nature parce qu’elles sont des mouvements provenant de la forme et conduisant aux formes. Et de plus, la forme est principe des mouvements des choses qui existent dans la nature soit en acte, soit en puissance, La forme en effet ne produit pas toujours le mouvement en acte, mais quelqparfois seulement le mouvement en puissance, comme lorsque le mouvement naturel est entravé par quelque empêchement extérieur, ou lorsque l’action naturelle est entravée par un défaut de la matière. |
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Leçon 6, Texte d’Aristote
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Leçon 6, Texte d’Aristote, traduit
par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Nécessaire Nécessaire se dit de ce sans quoi,
pris comme condition, il n’est pas possible de vivre à par exemple, la
respiration et la nourriture sont nécessaires à l'animal, car il ne peut
exister sans elles. Ce sont encore les conditions sans lesquelles le bien ne
peut ni être, ni devenir, ou sans lesquelles le mal ne pout être rejeté ou
écarté: ainsi, boire le remède est nécessaire pour n'être pas malade, et
faire voile vers Egine, pour y recevoir de l'argent. -- Le nécessaire est
aussi le contraint et le forcé, c'est-à-dire ce qui, contre l'impulsion et le
choix délibéré, fait obstacle et empêchement; car le contraint s’appelle
nécessaire, et c'est pourquoi il est pénible; comme le dit Evenus : Toute action imposée par la nécessité est naturellement fâcheuse. La force est aussi une nécessité, selon la parole de Sophocle, C'est la force qui m'oblige à accomplir cela. La nécessité présente l'idée de quelque
chose d'inflexible; et c’est à juste titre, car elle est le contraire du
mouvement résultant du choix et du calcul. - Autre sens. Quand une chose ne
peut pas être autrement qu'elle n'est, nous disons qu'il est nécessaire qu'il
en soit ainsi. Et de cette nécessité dérive, en quelque sorte, toute autre
nécessité. On dit, en effet, qu’il y a nécessité, faite ou subie, dans le
sens de contrainte, quand on ne peut pas satisfaire sa tendance par suite de
la violence, ce qui revient à dire que la nécessité est ce en vertu de quoi
il est impossible qu'une chose soit autrement. De même encore, en ce qui
regarde les conditions de la vie et du bien: quand il y a, en effet,
impossibilité soit pour le bien, soit pour la vie et l’être, d'exister sans
certaines conditions, ces conditions sont alors nécessaires, et cette espèce
de cause est une sorte de nécessité. -- En outre, la démonstration fait
partie des choses nécessaires, parce qu'il est impossible que la conclusion
soit autre qu'elle n'est, s'il s'agit d’une démonstration proprement dite.
Les raisons de cette nécessité, ce sont les prémisses, s'il est vrai que les
propositions d'où procède le syllogisme ne peuvent être autres qu'elles le
sont. Parmi les choses nécessaires, les
unes ont en dehors d'elles la cause de leur nécessité, les autres l'ont en
elles-mêmes, et sont elles-mêmes source de nécessité dans d'autres choses.
Concluons que le nécessaire au sens premier et fondamental, c'est le simple:
en effet, le simple ne peut pas être de plusieurs façons; et, par suite, il
n'est pas non plus dans tel état et dans tel autre, sinon il serait dès lors
de plusieurs façons. Si donc il y a des êtres éternels et immobiles, rien ne
saurait violenter ou contrarier leur nature. |
Nécessaire. Nécessaire signifie d’abord ce dont la coopération est absolument indispensable pour qu’un être puisse vivre. Par exemple, la respiration et la nutrition sont nécessaires à l’animal, puisque, sans ces fonctions diverses, il ne saurait exister. Nécessaire signifie encore ce sans quoi le bien qu’on poursuit ne saurait avoir lieu et se produire, ou ce sans quoi le mal ne pourrait être évité ou rejeté. Ainsi, il est nécessaire de boire une médecine pour prévenir la maladie, et de faire le voyage d’Égine pour recouvrer l’argent qu’on y doit toucher. Nécessaire signifie de plus ce qui est forcé, la force qui nous contraint, c’est-à-dire ce qui nous empêche et ce qui nous retient malgré notre désir et notre volonté : Ce qui est forcé s’appelle Nécessaire, et de là vient qu’aussi la nécessité est très pénible ; car, ainsi que le dit Évenus : Tout acte nécessaire est un acte pénible. Et la force est bien encore une sorte de nécessité, comme le dit Sophocle : La Force me contraint à, faire tout cela. Aussi, la nécessité a-t-elle le caractère de quelque chose d’inflexible ; et c’est avec raison qu’on s’en fait cette idée, puisqu’elle est contraire a notre mouvement, soit spontané, soit réfléchi. Quand une chose ne peut pas être autrement qu’elle n’est, nous déclarons qu’il est nécessaire qu’elle soit ce qu’elle est ; et, à dire vrai, c’est d’après le Nécessaire pris en ce sens qu’on qualifie tout le reste de nécessaire. Ainsi, l’idée de la force et de la contrainte, soit qu’on les emploie, soit qu’on les subisse, s’applique, en effet, dans tous les cas où l’on ne peut pas agir selon sa volonté, parce qu’on est sous le coup de la contrainte, la contrainte étant alors regardée comme une nécessité qui fait qu’il n’en peut pas être autrement. Cette nuance du Nécessaire s’applique également à tout ce qui coopère à faire vivre et à assurer le bien de la chose ; car, s’il n’est pas possible, ici, que le bien soit accompli, et là, que la vie et l’existence continuent sans certaines conditions, ces conditions sont dites nécessaires ; et la cause entendue en ce sens est bien aussi une sorte de nécessité. A un autre point de vue, la démonstration doit être rangée parmi les choses nécessaires, parce qu’il n’est pas possible, quand une chose a été absolument démontrée, qu’elle soit autrement qu’on ne l’a démontrée ; et la raison en est que les propositions initiales d’où sort le syllogisme ne peuvent pas être elles-mêmes autrement qu’elles ne sont. Il y a des choses qui ne sont nécessaires que grâce à d’autres, tandis qu’au contraire certaines choses n’ont besoin d’aucun intermédiaire, et que c’est elles qui donnent au reste le caractère de nécessité. Par conséquent, le Nécessaire premier et proprement dit, c’est le Nécessaire pris en un sens absolu ; car l’absolu ne peut avoir plusieurs manières d’être. Par suite, il ne peut pas non plus être de diverses façons, les unes opposées aux autres, puisque dès lors il faudrait qu’il y eût des manières d’être multiples. Si donc
il est des choses éternelles et immobiles, il n’y a jamais pour elles de
force qui puisse les contraindre ni violenter leur nature. |
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Lectio 6 |
Leçon 6, Commentaire de
saint Thomas [Le nécessaire] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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Leçon
6, Commentaire de saint Thomas [Le nécessaire] (Traduction Abbé Dandenault,
v. 1960) |
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APRES AVOIR EXPOSE
LES QUATRE SENS DU MOT NÉCESSAIRE, PARMI LESQUELS IL N’OMET QUE LE QUATRIEME
ET LE PREMIER SENS COMME POUVANT SIGNIFIER PROPREMENT LA NECESSITE, ARISTOTE
MONTRE ICI QUE CERTAINES CHOSES NECESSAIRES ONT UNE CAUSE, D’AUTRES, NON. IL CONCLUT,
AUSSI QUE CE QUI EST PROPREMENT ET PREMIEREMENT NÉCESSAIRE EST SIMPLE ET QUE
LES CHOSES IMMOBILES NE SOUFFRENT PAS DU NECESSAIRE QUI PROVIENT DE LA
VIOLENCE. |
APRES AVOIR EXPOSE LES QUATRE SENS DU MOT NÉCESSAIRE, PARMI LESQUELS IL N’OMET QUE LE QUATRIEME ET LE PREMIER SENS COMME POUVANT SIGNIFIER PROPREMENT LA NECESSITE, ARISTOTE MONTRE ICI QUE CERTAINES CHOSES NECESSAIRES ONT UNE CAUSE, D’AUTRES, NON. IL CONCLUT, AUSSI QUE CE QUI EST PROPREMENT ET PREMIEREMENT NÉCESSAIRE EST SIMPLE ET QUE LES CHOSES IMMOBILES NE SOUFFRENT PAS DU NECESSAIRE QUI PROVIENT DE LA VIOLENCE. |
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[82392] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 1 Postquam philosophus distinxit nomina, quae
significant causas, hic distinguit nomen quod significat aliquid pertinens ad
orationem causae; scilicet necessarium. Causa enim est ad quam de necessitate sequitur
aliud. Et circa hoc duo facit. Primo distinguit modos necessarii. Secundo reducit
omnes ad unum primum, ibi, et secundum hoc necessarium. Ponit autem in prima parte quatuor modos necessarii.
Primus est, secundum quod dicitur aliquid necessarium, sine quo non potest
aliquid vivere aut esse; quod licet non sit principalis causa rei, est tamen
quaedam concausa. Sicut respirare est necessarium animali respiranti, quia
sine respiratione vivere non potest. Ipsa enim respiratio, etsi non sit causa
vitae, est tamen concausa, inquantum cooperatur ad contemperamentum caloris,
sine quo non est vita. Et similiter est de cibo, sine quo animal vivere non
potest, inquantum cooperatur ad restaurationem deperditi, et impedit totalem
consumptionem humidi radicalis, quod est causa vitae. Igitur huiusmodi
dicuntur necessaria, quia sine eis impossibile est esse. |
Après avoir clarifié les noms qui
signifient les causes, le Philosophe s'attache à manifester un terme qui
signifie quelque chose appartenant à la raison de cause. Il s’agit du terme
nécessaire. La cause en effet est ce dont découle nécessairement quelque
chose. Il refait son double travail: il distingue, en premier, les sens du
mot nécessaire; En second, il réduit tous ces sens à un sens premier, où il
dit : "Et de cette nécessité etc. " Dans la première partie de son
travail, il pose quatre sens du mot nécessaire. Voici le premier sens. On dit
qu’une chose est nécessaire lorsqu’on ne peut vivre ou exister sans elle.
Cette chose n'est pas la cause principale de l‘être, mais une certaine chose
concomitante. Ainsi respirer est nécessaire à l’animal qui a des poumons
quelconques, parce que sans la respiration il ne peut vivre. La respiration
en effet, bien qu’elle ne soit pas cause de la vie, en est cependant la cause
concomitante en tant qu’elle coopère à tempérer la chaleur, sans laquelle il
n’y a pas de vie. Il en est de même pour la nourriture sans laquelle l’animal
ne peut vivre, en tant qu’elle coopère à restaurer les pertes et empêche la
complète disparition de l’humidité radicale, qui est cause de la vie. Ces
choses sont donc dites nécessaires parce que sans elles il est impossible
d’être. |
Après avoir distingué les noms qui signifient les causes, le
Philosophe distingue les sens d’un mot qui signifie quelque chose appartenant
à la notion de cause : il s’agit du terme « nécessaire ». La
cause en effet est ce dont découle nécessairement quelque chose. Il traite ce
sujet en deux points : en premier, il distingue les sens du mot
« nécessaire »; en second, il réduit tous ces sens à un sens
premier, où il dit : et, à vrai
dire, c’est d’après, etc. Il commence donc par poser quatre sens du mot
« nécessaire ». Voici le premier sens : on dit qu’une chose
est nécessaire lorsqu’on ne peut vivre ou exister sans elle. Cette chose
n’est pas la cause principale de l‘être, mais une chose concomitante. Ainsi,
respirer est nécessaire à l’animal qui a des poumons, parce que sans la
respiration il ne peut vivre. La respiration en effet, bien qu’elle ne soit
pas cause de la vie, en est la cause participante en tant qu’elle contribue
au bon degré de chaleur, sans lequel il n’y a pas de vie. Il en est de même
pour la nourriture, sans laquelle l’animal ne peut vivre, en tant qu’elle
coopère à restaurer les pertes et empêche la complète disparition de
l’humidité radicale[72], qui est cause de la vie.
Ces choses sont donc dites nécessaires parce que sans elles il est impossible
d’être. |
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[82393]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 2 Secundum modum ponit ibi, et sine dicit, quod
secundo modo dicuntur necessaria, sine quibus non potest esse vel fieri bonum
aliquod, vel vitari aliquod malum, vel expelli; sicut bibere pharmacum,
idest medicinam laxativam, dicimus esse necessarium, non quia sine hoc vivere
animal non possit; sed ad expellendum, scilicet hoc malum quod est
infirmitas, vel etiam vitandum. Est enim hoc necessarium ut non laboret,
idest ut non infirmetur aliquis. Similiter navigare ad Aeginam,
scilicet ad illum locum, est necessarium, non quia sine hoc non possit homo
esse; sed quia sine hoc non potest acquirere aliquod bonum, idest pecuniam.
Unde dicitur, quod necessaria est talis navigatio, ut aliquis pecuniam
recipiat. |
Il donne second sens où il dit:
"Ce sont encore… ", le nécessaire, selon le second sens, est ce
sans quoi un bien ne peut devenir ou exister ou ce sans quoi un mal ne peut
être évité ou éloigné. Ainsi, nous disons que boire un laxatif est nécessaire,
non pas parce que sans ce remède l'animal ne peut vivre, mais parce que sans
lui ce mal de la maladie ne peut être enlevé ou évité. Ce nécessaire est
nécessaire pour que quelqu'un ne soit pas malade. Pareillement, faire voile à
Egine est nécessaire, non pas parce que sans ce voyage l'homme ne peut être,
mais parce que s ans ce voyage il ne peut acquérir un certain bien, disons de
l'argent. D’où l'on dit que cette traversée est nécessaire pour recevoir
l'argent. |
Il donne le second sens où il dit : Nécessaire signifie encore, etc., en disant que le nécessaire est ce sans quoi un bien ne peut venir à l’être ou exister ou ce sans quoi un mal ne peut être évité ou supprimé. Ainsi, nous disons que boire une médecine, c'est-à-dire un laxatif, est nécessaire, non pas parce que sans ce remède l'animal ne peut vivre, mais parce qu’il est nécessaire pour enlever ou éviter le mal de la maladie; cela est nécessaire pour prévenir la maladie, c'est-à-dire pour que quelqu’un ne soit pas malade. Pareillement, faire le voyage d’Égine[73] est nécessaire, non pas parce que sans ce voyage l'homme ne peut être, mais parce que sans ce voyage il ne peut acquérir un certain bien tel que de l’argent, d’où l’on dit que cette traversée est nécessaire pour recevoir l’argent. |
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[82394] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 3 Tertium modum ponit ibi, amplius enim dicit quod id
quod infert violentiam, et etiam ipsa violentia necessarii nomen accepit; nam
violentia necessaria dicitur, et qui vim patitur dicitur de necessitate id
facere ad quod cogitur. Quid autem sit faciens vim, manifestat in
naturalibus, et in voluntariis. In naturalibus quidem est impetus, sive
inclinatio ad aliquem finem, cui respondet voluntas in natura rationali; unde
et ipsa naturalis inclinatio appetitus dicitur. Utrumque autem, scilicet et
impetum naturalis inclinationis, et propositum voluntatis, contingit impediri
et prohiberi. Impediri quidem, in prosecutione motus iam incepti. Prohiberi
autem, ne etiam motus incipiat. Illud ergo dicitur esse violentum, quod
est praeter impetum, idest praeter inclinationem rei naturalis, et est impediens
praevoluntatem, idest propositum in prosecutione motus voluntarii iam
incepti, et prohibens etiam ne incipiat. Alia litera habet et hoc est
secundum ormin, idest secundum impetum. Violentia enim est cum aliquid
agit secundum impetum exterioris agentis, contra voluntatem vim passi.
Violentum autem est secundum impetum vim faciens. |
Il donne le troisième sens où il
dit: "On dit, en effet, qu’il y ... ", il dit que ce qui apporte la
violence ou la violence elle-même reçoivent aussi le terme de
"nécessaire". La violence en effet est dite nécessaire et l'on dit
que celui qui souffre violence fait par nécessité ce qu'on l’oblige à faire.
Il manifeste la cause de la violence dans les choses naturelles et
volontaires. Dans les êtres naturels existe une certaine impulsion ou
inclination vers une fin, à laquelle correspond la volonté chez l'être
raisonnable. C'est pourquoi l’inclination naturelle elle-même s'appelle
appétit. Or il arrive que l'impulsion de l'inclination naturelle et que le
désir de la volonté sont contrariés et empêchés: contrariés dans la poursuite
du mouvement déjà commencé; empêchés, c'est-à-dire brisés, avant même que de
prendre leurs élans. Le violent est donc ce qui est en "opposition à
l’impulsion", ce qui est contre l'inclination de l‘être naturel, ce qui
fait obstacle au désir dans la poursuite du mouvement volontaire déjà amorcé
ou ce qui empêche le mouvement naître. Une autre version dit que le violent
est "selon l'impulsion". Il y a violence en effet lorsque quelqu'un
agit selon la mouvance de l'agent extérieur, contre sa volonté qui souffre
cette force contraire. Le violent, lui, est ce qui fait violence conformément
à sa propre impulsion. |
Il donne le troisième sens où il dit : Nécessaire signifie de plus,etc., en disant que ce qui fait
violence et la violence elle-même sont aussi appelés
« nécessaire ». La violence en effet est dite nécessaire, et l’on
dit que celui qui souffre violence fait par nécessité ce qu'on l’oblige à
faire. Il manifeste ce qui fait violence dans les choses naturelles et
volontaires. Dans les êtres naturels, il y a une impulsion ou une inclination
vers une fin, à laquelle correspond la volonté chez l’être raisonnable. C'est
pourquoi l’inclination naturelle elle-même s’appelle appétit. Or, il arrive
que l'impulsion de l’inclination naturelle et le dessein de la volonté sont
contrariés et empêchés : contrariés dans la poursuite du mouvement déjà
commencé, ou empêchés avant même de prendre leur élan. Le violent est donc ce
qui nous contraint, c'est-à-dire
est contraire à l’inclination de l’être naturel, et ce qui nous retient malgré notre désir ou
notre dessein dans la poursuite du mouvement volontaire déjà amorcé ou ce qui
empêche même le mouvement de s’amorcer. Une autre version dit que le violent
est « selon l'impulsion ». Il y a violence en effet lorsque
quelqu’un agit sous l’impulsion de l’agent extérieur, en la subissant contre
sa volonté. Le violent, lui, est ce qui fait violence selon sa propre
impulsion. |
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[82395] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 4 Ex hac autem violenti definitione duas conclusiones
inducit. Quarum prima est, quod omne violentum est triste sive flebile. Quod
probat per cuiusdam poetae sive doctoris dictum; dicens, quod omnis res
necessaria sive violenta est tristis sive lamentabilis: necessitas enim est
quaedam violentia; sicut Sophocles poeta dicit: violentia me facere coegit
ea, idest necessitas. Dictum est enim, quod violentia est impediens
voluntatem. Ea autem, qua voluntati sunt contraria, contristant. Tristitia
enim est de his quae nobis nolentibus accidunt. |
A partir de cette définition du
violent, il déduit deux conclusions, dont la première est que tout violenté
ou contraint est triste ou pénible. Ce qu'il prouve par le dire d'un certain
poète qui disait que toute chose nécessaire ou forcée est triste et
lamentable. La nécessité en effet est une certaine violence comme l'a dit le
poète Sophocle: c'est la force, la violence, c'est-à-dire la nécessité, qui
m'oblige à faire cela. On a dit en effet que la violence fait obstacle à la
volonté. Ce qui est contraire à la: volonté attriste. La tristesse porte sur
ce qui nous arrive malgré nous. |
De cette définition du violent, il déduit deux conclusions, dont la première est que tout ce qui est violenté est triste ou en pleurs. Il le prouve par le mot d’un certain poète[74] ou docteur qui disait que toute chose nécessaire ou forcée est triste ou lamentable. La nécessité en effet est une certaine violence, comme l’a dit le poète Sophocle[75] : c’est la Force, c’est-à-dire la nécessité, qui m’oblige à faire cela. On a dit en effet que la violence fait obstacle à la volonté. Ce qui est contraire à la volonté attriste. La tristesse provient de ce qui nous arrive malgré nous. |
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[82396] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 5 Secunda conclusio est, quod necessitas recte
dicitur, quod est inculpabilis et irreprehensibilis. Dicitur enim quod
necessitas magis meretur veniam quam increpationem. Et hoc ideo, quia non
inculpamur nisi de his quae voluntarie facimus, de quibus etiam
rationabiliter increpamur. Necessitas autem violentiae est contraria
voluntati et excogitationi, ut dictum est; et ideo rationabilius dicitur,
quod violenta non sunt culpabilia. |
La seconde conclusion dit que la
nécessité se dit de ce qui est innocent et irrépréhensible. On dit en effet
que la nécessité mérite davantage le pardon que la condamnation. Et cela
parce qu'on ne peut nous imputer que ce que nous faisons volontairement et
qu'on ne peut nous reprocher que nos actes faits avec notre raison. La
nécessité de la violence en effet est contraire à la volonté et à la pensée,
comme on l’a dit. C'est pourquoi il est plus raisonnable de dire que les
actions forcées, contraintes, ne sont pas coupables. |
La seconde conclusion dit que la nécessité se dit à bon droit de ce
qui est sans faute et irrépréhensible. On dit en effet que la nécessité
mérite davantage le pardon que la condamnation, et ce, parce qu’on ne peut
nous imputer que nos actes volontaires, qui peuvent aussi nous être
raisonnablement reprochés. Mais la nécessité de la violence en effet est
contraire à la volonté et à la pensée, comme on l’a dit; c’est pourquoi il
est plus raisonnable de dire que les actes accomplis par violence ne sont pas
coupables. |
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[82397] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 6 Quartum modum ponit ibi, amplius quod dicit, quod
necessarium etiam dicimus sic se habere, quod non contingit aliter se habere:
et hoc est necessarium absolute. Prima autem necessaria sunt secundum quid. |
Où il dit: "Autre sens. Quand
une... ", il propose le quatrième sens, en disant que nous appelons
nécessaire ce qui est de telle sorte qu'il ne peut être autrement. (Quand une
chose ne peut être autrement qu'elle n'est, nous disons qu'il est nécessaire
qu'il en soit ainsi). Et ceci est le nécessaire absolu. Les premiers
nécessaires n'étaient que relatifs. |
Où il dit : Quand une chose ne peut pas être, etc., il propose le quatrième sens, en disant que nous appelons également nécessaire ce qui a une disposition telle qu’il ne peut être autrement; et cela est nécessaire de façon absolue. Les premiers nécessaires ne l’étaient que de façon relative. |
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[82398] Sententia Metaphysicae,
lib. 5 l. 6 n. 7 Differt autem necessarium absolute ab aliis
necessariis: quia necessitas absoluta competit rei secundum id quod est
intimum et proximum ei; sive sit forma, sive materia, sive ipsa rei essentia;
sicut dicimus animal necesse esse corruptibile, quia hoc consequitur eius
materiam inquantum ex contrariis componitur. Dicimus etiam animal necessario
esse sensibile, quia consequitur eius formam: et animal necessario esse
substantiam animatam sensibilem, quia est eius essentia. |
Le nécessaire absolu diffère des
autres nécessaires parce que la nécessité absolue convient à une chose en ce
qu’elle a d’intime et du très proche: que ce soit la forme, la matière ou
l'essence même de la chose. Ainsi en est-il lorsque nous disons que l'animal
est nécessairement corruptible, parce que la corruptibilité est consécutive,
à sa matière: en tant qu’il est composé de contraires. Nous disons aussi que
l'animal est nécessairement sensible, parce que la sensibilité est
consécutive à sa forme; et que l’animal est nécessairement une substance
animée sensible, parce que cela constitue son essence. |
Le nécessaire absolu diffère des autres nécessaires parce que la
nécessité absolue convient à une chose en ce qu’elle a d’intime et de très
proche, que ce soit la forme, la matière ou l’essence même de la chose. C’est
ainsi que nous disons que l'animal est nécessairement corruptible, parce que
cela découle de sa matière du fait qu’il est composé de contraires. Nous
disons aussi que l’animal est nécessairement sensible, parce que cela découle
de sa forme, et que l’animal est nécessairement une substance animée
sensible, parce que cela constitue son essence. |
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[82399] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 8 Necessarium autem secundum quid et non absolute est,
cuius necessitas dependet ex causa extrinseca. Causa autem extrinseca est
duplex; scilicet finis et efficiens. Finis autem est, vel ipsum esse
absolutum, et ab hoc fine necessitas sumpta pertinet ad primum modum; vel
bene esse, sive aliquod bonum habere, et ab hoc fine sumitur necessitas
secundi modi. |
Le nécessaire relatif et non
absolu est celui qui dépend d’une cause extrinsèque. La cause extrinsèque est
double : efficiente et finale. La fin cependant est soit l'être lui-même
absolu: la nécessité qui vient de cette fin appartient au premier mode; soit
le mieux être ou la possession d’un bien: la nécessité qui provient de cette
fin appartient au second sens. |
Le nécessaire relatif et non absolu est celui dont la nécessité dépend
d’une cause extrinsèque. La cause extrinsèque est double : finale et
efficiente. La fin cependant est soit l’être absolu lui-même (et la
nécessité qui vient de cette fin appartient au premier sens), soit le
mieux-être ou la possession d’un bien (et la nécessité qui provient de cette
fin appartient au second sens). |
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[82400] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 9 Necessitas autem quae est a movente exteriori,
pertinet ad tertium modum. Nam violentia est quando aliquid movetur ab
exteriori agente ad aliud ad quod ex propria natura aptitudinem non habet. Si
enim secundum suam naturam ordinetur ad hoc quod recipiat motum ab exteriori
agente, tunc motus non erit violentus, sed naturalis. Sicut patet de motu
caelestium orbium a substantiis separatis, et de motu inferiorum corporum a
superioribus. |
La nécessité qui provient du
mouvement extérieur appartient au troisième sens. La violence en effet existe
lorsque quelque chose est mû par un agent extérieur vers un but par rapport
auquel il n’a pas d’aptitude naturelle. S’il est ordonné - d’après sa propre
nature - à recevoir le mouvement de l’agent extérieur, alors le mouvement ne
sera pas violent mais naturel. Ce qui est le cas de la motion des corps
célestes par les substances séparées et du mouvement des corps inférieurs
reçu des corps célestes. |
La nécessité qui provient d’un moteur extérieur appartient au
troisième sens. La violence existe en effet lorsque quelque chose est mû par
un agent extérieur vers un but auquel il n’a pas d’aptitude naturelle. S’il
est ordonné de par sa propre nature à recevoir le mouvement de l’agent
extérieur, alors le mouvement n’est pas violent, mais naturel. Tel est le cas
de la motion des sphères célestes par les substances séparées et du mouvement
des corps inférieurs sous l’action des corps supérieurs. |
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[82401]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 10 Deinde cum dicit et secundum reducit omnes modos ad
unum: et circa hoc tria facit. Primo ostendit quod omnes modi necessitatis, qui
in rebus inveniuntur ad hunc ultimum modum pertinent. Secundo ostendit, quod
secundum ultimum modum accipitur necessarium in demonstrativis, ibi, amplius
demonstratio. Tertio infert quoddam corollarium ex praemissis, ibi, horum
quidem itaque. Dicit ergo primo, quod secundum istum ultimum modum
necessarii, omnes alii modi aliqualiter dicuntur. Quod primo ostendit in
tertio modo. Illud enim quod vim patitur, de necessitate dicitur aliquid
facere vel pati, propter hoc quod non contingit secundum proprium impetum
aliquid agere propter violentiam agentis, quae est quaedam necessitas propter
quam non contingit aliter se habere. |
Ensuite où il dit : "Ce qui
revient ... ", il réduit maintenant tous les sens à un seul. Et
là-dessus il fait une triple considération. En premier, il montre que tous
les sens de nécessité que l'on retrouve dans les choses appartiennent à ce
dernier sens. En second, il montre que c'est selon ce dernier sens que l'on
prend le nécessaire dans les démonstrations, où il dit: "En outre la démonstration
etc." En troisième, il tire un certain corollaire des prémisses, où il
dit: "Parmi les choses nécessaires etc." Il dit donc en premier que
c’est selon ce dernier sens du nécessaire que tous les autres sens le sont
dits de quelque façon. Ce qu'il montre tout d'abord pour le troisième sens,
De celui qui pâtit la violence, on dit qu'il fait ou reçoit quelque chose par
nécessité du fait qu’on ne peut faire quelque chose selon son impulsion
propre à cause de la violence de l’agent, qui est bien une certaine
nécessité. A cause de cette violence, en effet, il ne peut être autrement
qu'il n'est. |
Ensuite où il dit : et, à vrai
dire, c’est d’après, etc., il ramène tous les sens à un seul; et à ce
sujet il fait trois choses. En premier, il montre que tous les modes de
nécessité que l’on retrouve dans les choses appartiennent à ce dernier sens.
En second, il montre que c’est selon ce dernier sens que l’on prend le
nécessaire dans les démonstrations, où il dit : À un autre point de vue, etc. En troisième, il tire un certain
corollaire des prémisses, où il dit : Il y a des choses qui, etc. Il dit donc en premier que c’est
selon ce dernier sens du nécessaire que tous les autres sont dits nécessaires
de quelque façon. Ce qu’il montre tout d’abord pour le troisième sens. De
celui qui subit la violence, on dit qu’il fait ou subit quelque chose par
nécessité du fait qu’il ne peut faire quelque chose selon son impulsion
propre à cause de la violence de l’agent, qui est bien une certaine nécessité
à cause de laquelle il ne peut être autrement qu’il n’est. |
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[82402] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 11 Et similiter ostendit hoc in primo et secundo modo,
in quibus necessitas sumitur ex causis vivendi vel essendi simpliciter,
quantum ad primum modum: vel ex causis boni, quantum ad secundum modum. Sic
enim in aliis modis necessarium dicebatur, sine quo non poterat esse ex una
parte bonum, et ex alia parte vivere et esse. Et sic illa causa, sine qua non
contingit vivere vel esse, vel bonum habere, vel malo carere, necessitas
dicitur; quasi ex hoc sit prima ratio necessarii, quia impossibile est aliter
se habere. |
Il manifeste la même réduction
pour le premier et le second sens où la nécessité se prend, soit des causes du
vivre et de l'exister absolus pour le premier sens, soit des causes du bien
pour le second sens. Ainsi, dans ces autres modes on appelait nécessaire ce
sans quoi ni le bien, d'une part, ni le vivre et l'existence, d'autre part,
ne pouvaient être. Et ainsi, la cause sans laquelle il n’y a pas de vie ou
d'existence ou de possession d’un bien ou d'absence d'un mal est dite
nécessaire. De ce fait la première notion du nécessaire est l'impossibilité
d'être autrement. |
Il manifeste la même chose pour le premier et le second sens, où la nécessité provient, soit des causes de la vie et de l’existence absolues pour le premier sens, soit des causes du bien pour le second sens. Ainsi, dans ces autres modes on appelait nécessaire ce sans quoi ni le bien, d’une part, ni la vie et l’existence, d’autre part, ne sont possibles. Et ainsi, la cause sans laquelle il n’y a pas de vie ou d’existence, ou de possession d’un bien ou d'absence d’un mal, est dite nécessaire, car de là s’ensuit la première notion du nécessaire, qui est l’impossibilité d’être autrement. |
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[82403] Sententia Metaphysicae,
lib. 5 l. 6 n. 12 Deinde
cum dicit amplius demonstratio ostendit quod secundum ultimum modum accipitur
necessarium in demonstrativis, et quantum ad conclusiones, et quantum ad principia.
Demonstratio enim dicitur esse necessariorum, et dicitur esse ex necessariis.
Necessariorum quidem esse dicitur, quia illud, quod simpliciter demonstratur,
non contingit aliter se habere. Dicitur autem simpliciter demonstratum ad
eius differentiam quod demonstratur in demonstratione quae est ad aliquem, et
non simpliciter; quod in quarto libro dixit demonstrare ad hominem arguentem.
In talibus enim demonstrationibus, quae sunt ad aliquem, contingit etiam
impossibile concludi ex aliquibus impossibilibus positis. Sed, quia causae
conclusionis in demonstrationibus sunt praemissae, cum demonstratio
simpliciter scire faciat, quod non est nisi per causam, oportet etiam
principia, ex quibus est syllogismus, esse necessaria quae impossibile sint
aliter se habere. Nam ex causa non necessaria non potest sequi effectus
necessarius. |
Ensuite quand il dit: "En
outre, la ... ", il montre que c’est selon le sens ultime du nécessaire
que l’on prend le nécessaire dans les démonstrations et quant aux conclusions
et quant aux principes. La démonstration, en effet, porte sur des vérités
nécessaires (conclusions nécessaires) à partir de vérités (prémisses)
nécessaires. On dit donc qu’elle porte sur des vérités nécessaires parce que
ce qui est absolument démontré ne peut être autrement qu'il n'est. Il parle
de ce qui est démontré absolument par opposition à ce qui est démontré dans
l'argumentation ou la réfutation qui, comme il le dit dans le quatrième
livre, constitue un argument "ad
hominem" et non absolu. Dans de telles démonstrations en effet qui
sont relatives à une personne, il arrive que l'on conclut l'impossible à
partir de la position de certains impossibles. Mais dans les démonstrations
absolues, les causes des conclusions étant les prémisses, puisque le savoir absolu
que donnent ces démonstrations ne peut être que par la cause, il faut aussi
que les principes, à l'origine du syllogisme, soient nécessaires: qu'il leur
soit impossible d'être autrement. Car un effet nécessaire ne peut découler
d'une cause non nécessaire. |
Ensuite quand il dit : À
un autre point de vue, etc., il montre que c’est selon le dernier sens du
nécessaire que l’on prend le nécessaire dans les démonstrations, aussi bien
quant aux conclusions que quant aux principes. On dit en effet que la démonstration
conclut des énoncés nécessaires à
partir d’énoncés nécessaires. On dit donc qu’elle porte sur des énoncés
nécessaires parce que ce qui est absolument démontré ne peut être autrement
qu’il n’est. Il parle de ce qui est démontré absolument par opposition à ce
qui est démontré dans la réfutation de quelque chose, qui, comme il le dit au
livre IV, constitue un argument ad
hominem et non une démonstration absolue. En effet, dans de telles
démonstrations qui vont à l’encontre d’un énoncé, il arrive que l’on conclue
l'impossible à partir d’affirmations impossibles. Mais dans les
démonstrations absolues, les causes des conclusions étant les prémisses,
puisque le savoir absolu que donnent ces démonstrations ne peut être que par
la cause, il faut aussi que les principes, à l’origine du syllogisme, soient
nécessaires, et qu’il leur soit impossible d'être autrement. Car un effet
nécessaire ne peut découler d’une cause non nécessaire. |
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[82404] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 13 Deinde cum dicit horum quidem concludit ex
praemissis tres conclusiones se invicem sequentes: quarum prima est, quod ex
quo in demonstrationibus praemissae sunt causae conclusionis, et utraque sunt
necessaria, sequitur quod aliqua sunt necessaria dupliciter. Quaedam quidem quorum
altera sit causa necessitatis; quaedam vero quorum nulla sit causa
necessitatis; et talia sunt necessaria propter seipsa. Et hoc est contra
Democritum, qui dicebat quod necessariorum non sunt quaerendae causae, ut
habetur in octavo physicorum. |
Ensuite: où il dit: "Parmi
les choses ... ", il conclut de ces prémisses trois conclusions qui se
suivent l'une l'autre. Voici la première. Du fait que dans les démonstrations
les prémisses sont causes de le conclusion et que les principes et les conclusions
sont nécessaires, il s’ensuit qu'il y o une double forme de nécessité.
Certains êtres reçoivent leur nécessité de causes extérieures; d'autres ne la
reçoivent pas d'ailleurs mais sont nécessaires par eux-mêmes. Ce qui va
contre Démocrite qui disait qu'il ne faut pas rechercher les causes des
choses nécessaires, comme on le dit au huitième livre des Physiques. |
Ensuite où il dit : Il y a
des choses qui, etc., il tire de ces prémisses trois conclusions qui se suivent
l’une l’autre. Voici la première. Puisque dans les démonstrations, les
prémisses sont causes de la conclusion, et celle-ci comme celles-là sont
nécessaires, il s’ensuit qu’il y a une double forme de nécessité. Certains
êtres reçoivent leur nécessité de causes extérieures; d’autres n’ont aucune
cause de leur nécessité mais sont nécessaires par eux-mêmes. Il parle ainsi
contre Démocrite, qui disait qu'il ne faut pas rechercher les causes des
choses nécessaires, comme on le dit au livre VIII des Physiques. |
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[82405] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 14 Secunda conclusio, quia, cum oporteat esse unum
primum necessarium, a quo alia necessitatem habent, quia in causis non est
procedere in infinitum, ut in secundo ostensum est, oportet hoc primum
necessarium, quod etiam maxime proprie est necessarium, quia est omnibus
modis necessarium, quod ipsum sit simplex. Ea enim, quae sunt composita, sunt mutabilia, et ita
pluribus modis se possunt habere: quae autem pluribus modis habere se
possunt, possunt se habere aliter et aliter; quod est contra rationem
necessarii. Nam necessarium est, quod est impossibile aliter se habere. Unde
oportet, quod primum necessarium non aliter et aliter se habeat, et per
consequens nec pluribus modis. Et ita oportet ipsum esse simplex. |
La seconde conclusion est la
suivante il faut qu'il y ait un premier nécessaire à partir duquel les autres
reçoivent leur nécessité, parce que dans les causes on ne peut procéder à
l'infini, comme on l'a montré dans le second livre; il faut aussi que ce
premier nécessaire, qui est nécessaire d'une façon tout à fait propre parce
qu’il est nécessaire à tous les modes, soit lui-même simple. Les êtres en
effet qui sont composés sont mobiles et peuvent donc exister de plusieurs
manières or, ce qui peut exister sous différents modes d'être peut donc être
autrement et autrement: ce qui va directement contre la raison du nécessaire.
Le nécessaire se caractérise par l'impossibilité d'être autrement. Il faut
donc que le premier nécessaire ne soit pas autrement et autrement et par
conséquent qu'il ne soit pas de différentes manières. Et ainsi il faut qu'il
soit simple. |
La seconde conclusion est la suivante : il faut qu’il y ait un
premier nécessaire dont les autres reçoivent leur nécessité, parce que dans
les causes on ne peut procéder à l’infini, comme on l’a montré au livre II;
il faut aussi que ce premier nécessaire, qui est nécessaire au sens le plus
propre parce qu’il est nécessaire selon tous les modes, soit simple. Les
êtres composés en effet sont mobiles et peuvent donc exister de plusieurs
manières; or, ce qui peut exister sous différents modes d’être peut donc être
dans un mode ou un autre, ce qui est contraire à la notion de nécessaire, car
le nécessaire consiste dans l’impossibilité d’être autrement. Il faut donc
que le premier nécessaire ne soit pas dans un mode ou un autre, et par
conséquent qu'il ne soit pas de plusieurs manières. Et ainsi, il faut qu’il
soit simple. |
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[82406] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 6 n. 15 Tertia conclusio est, quod, cum violentum sit quod
movetur ab aliquo exteriori agente praeter naturam propriam, principia autem
necessaria sunt simplicia et immobilia, ut ostensum est, necessarium est ut
si sunt aliqua sempiterna et immobilia sicut sunt substantiae separatae, quod
in illis non sit aliquid violentum nec praeter naturam. Et hoc dicit, ne
deceptio accidat in nomine necessitatis, cum dicitur de substantiis
immaterialibus, nec per hoc intelligitur aliqua violentia in eis esse. |
Voici la troisième conclusion.
Jusque le propre du violenté est d'être mû par un agent extérieur on dehors
de sa tendance naturelle et puisque les principes nécessaires sont simples et
immobiles, comme on l'a montré, il est nécessaire, s'il existe certains êtres
sempiternels et immobiles comme les substances séparées, qu’il n’y ait pas
dans ces natures de violenté ni de contre-nature. Il dit ceci pour prévenir
une erreur sur le mot nécessaire qui s’applique aussi aux substances
immatérielles: celle de croire qu'il existe de la violence dans ces
substances. |
Voici la troisième conclusion. Puisque le propre du violenté est d’être mû par un agent extérieur contrairement à sa tendance naturelle, et puisque les principes nécessaires sont simples et immobiles, comme on l’a montré, il est nécessaire, s’il existe des êtres perpétuels et immobiles comme les substances séparées, qu’il n’y ait dans ces natures rien de violenté ni de contraire à la nature. Il dit cela pour prévenir une erreur sur le mot « nécessaire » quand on l’applique aux substances immatérielles : celle de croire qu'il existe de la violence dans ces substances. |
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Leçon 7, Texte d’Aristote
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Leçon 7, Texte d’Aristote, traduit
par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Un Un signifie, soit l'Un par accident,
soit l’Un par essence. Par accident: par exemple Coriscus et le musicien, et
musicien Coriscus sont une seule et même chose, Car il y a identité entre les
expressions Coriscus et le musicien, et Coriscus musicien. Le musicien et le
juste, d’une part, et musicien Coriscus et juste Coriscus, d'autre part, sont
aussi une chose une. Tout cela est dit un par accident, car, d'une part, le
juste et le musicien sont les accidents d'une seule substance, et, d'autre
part, le musicien et Coriscus sont réciproquomcnt accidents l’un de l'autre.
De même, d'une certaine façon, le musicien Coriscus est un avec Coriscus, car
l'une des deux parties de cette expression est l'accident de l'autre partie,
autrement dit le musicien est un accident de Coriscus; et le musicien
Coriscus est un avec juste Coriscus, parce que la première partie de chacune
de ces deux expressions est un accident d'un seul et même sujet. – Il en est
encore ainsi, même quand l'accident est affirmé du genre ou de quelque notion
prise universellement, si on dit, par exemple, qu’homme et homme musicien
sont une même chose: c'est, ou bien parce que l'homme est une substance une
qui a pour accident le musicien, ou bien parce que homme et musicien sont les
accidents de quelque individu, tel que Coriscus, ces deux accidents cependant
n’étant pas accidents de la même manière: l'un est vraisemblablement comme le
genre, et il existe dans la substance; l’autre est comme un simple état ou
affection de le substance. -- Tout ce qu'on dit un par accident est donc dit
on ce sens. Passons à ce qu'on appelle un par
essence. Il y a d'abord ce qui est dit un par continuité, tel le faisceau, en
raison du lien, ou les morceaux de bois, en raison de la colle. Une ligne,
même une ligne brisée, pourvu qu'elle soit continue, est dite une, comme
l'est aussi chaque partie du corps, telle que la jambe et le bras. De ces
choses mêmes, ce qui a une continuité naturelle est plus un que ce qui n'a
qu'une continuité artificielle. Le continu est défini: ce dont le mouvement
est un essentiellement et ne peut être autre; or le mouvement est un quand il
est indivisible, et il est indivisible selon le temps. Les choses continues
par essence sont celles qui ont une unité plus intime que, l’unité résultant
du contact: si, en effet, vous mettez en contact des morceaux de bois, vous
ne pouvez pas dire qu’il y ait là une seule pièce de bois, ou un corps, ou un
continu de quelque autre sorte. Les choses absolument continues sont alors
dites une, même si elles présentent une flexion, mais celles qui n'ont pas de
flexion le sont davantage; par exemple, le tibia ou la cuisse sont plus unes
que la jambe, la jambe pouvant n'avoir par un mouvement un; et la ligne
droite est plus une que la ligne brisée. Nous disons de la ligne qui a
flexion et angle, qu'elle est et une et non-une, parce que son mouvement peut
indifféremment ne pas se faire en même temps ou se faire en même temps
"sur toute sa longueur"; au contraire, pour la ligne droite, le
mouvement se fait toujours en même temps: il ne se peut pas qu’un de ses
segments ayant une étendue soit en repos, et un autre, en mouvement, comme
dans le cas de la ligne brisée. -- Un par essence se prend encore en un autre
sens: c'est quand le sujet ne diffère pas spécifiquement; et il ne diffère
pas spécifiquement dans le cas d'êtres dont l'espèce est indivisible à la
perception. Le sujet est alors, ou bien le sujet prochain, ou bien le sujet
ultime, l'état final. On dit, par exemple, d'une part, que le vin est un et
que l'eau est une, en tant qu'indivisibles selon l’espèce ; on dit,
d'autre part, que tous les liquides sont un, comme l'huile, le vin, les corps
fusibles, parce que leur substrat ultime, à tous, est identique, tous étant
Eau ou Air. -- Un par essence est encore dit des êtres dont le genre est un,
quoique divisé en différences spécifiques opposées entre elles: tous ces
êtres sont dits un, parce que le genre, sujet des différences, est un:
cheval, par exemple, homme et chien forment une unité, car ils sont tous des
animaux; c’est à peu près comme dans le cas précédent où il y a unité de
matière. Ces êtres, tantôt sont dits un de la façon que nous venons
d'expliquer, tantôt c'est par rapport à un genre plus élevé qu’ils sont dits
être une même chose: c'est dans le cas où ils sont les dernières espèces de
leur genre (genre plus élevé signifiant genre au-dessus des genres
prochains); par exemple, le triangle isocèle et le triangle équilatéral sont
une seule et même figure, parce que tous deux sont des triangles, mais ils ne
sont pas un seul et même triangle. Un par essence se dit encore des choses
dont la définition, celle qui exprime la quiddité d’une chose, est
indivisible d'une autre définition manifestant la quiddité d'une autre chose,
chaque définition pouvant d'ailleurs en elle-même être divisible: c’est ainsi
que ce qui croît et ce qui décroît forment une unité, parce qu'il y a unité
de définition, comme il y a, pour les surfaces, unité de définition de leur
forme. En un mot, dans tous les cas où la pensée, celle qui a pour objet la
quiddité, est indivisible, et ne peut opérer de séparation ni dans le temps,
ni dans le lieu, ni dans la notion, c’est surtout dans ces cas qu'il y a
unité, et spécialement quand il s'agit des substances. |
Un Un se dit d’abord dans un sens accidentel, puis dans un sens essentiel et en soi. Par exemple, c’est une unité accidentelle que celle qui se forme des deux mots séparés, Coriscus et Instruction, quand on dit en les réunissant : Coriscus instruit. Car c’est une seule et même chose de dire Coriscus et Instruction, et de dire Coriscus instruit ; ou de réunir encore Instruction et Justice, et de dire Coriscus instruit et juste. Toutes ces locutions n’expriment qu’une unité purement accidentelle. D’une part, l’instruction et la justice forment une unité, parce qu’elles appartiennent accidentellement à une seule individualité substantielle ; et, d’autre part, l’instruction et Coriscus forment aussi quelque chose d’Un, parce que ce sont accidentellement les attributs l’un de l’autre. De même encore, on peut aller jusqu’à dire que Coriscus instruit ne fait qu’un avec Coriscus, parce que l’une des deux parties de l’expression se rapporte à l’autre comme attribut, c’est-à-dire que le terme d’instruit est l’attribut de Coriscus ; de même que Coriscus instruit ne fait qu’un avec Coriscus juste, parce qu’une partie des deux expressions est l’attribut accidentel d’un seul et même sujet, qui est Un. Et en effet, il n’y a pas de différence à dire que l’instruction est l’attribut de Coriscus, ou que le second terme est, à l’inverse, l’attribut du premier. Il en est de même aussi quand l’accident est l’attribut du genre, ou d’un des termes généraux. Par exemple, l’homme est la même chose et le même être que l’homme instruit ; soit parce que l’homme qui est une substance Une, a pour attribut l’instruction, soit parce que ces deux termes, homme et instruction, sont attribués à un seul individu, qui est, si l’on veut, Coriscus. Toutefois, on peut remarquer que les deux termes ne sont pas alors attribués de la même manière l’un et l’autre ; car l’un est attribué, si l’on veut, en tant que genre et comme inhérent à la substance, tandis que l’autre n’est qu’un état, ou une simple qualité, de la substance individuelle. Voilà donc en quel sens il faut entendre le mot Un, toutes les fois qu’il s’agit d’unité accidentelle. Quant à tout ce qui est Un essentiellement et en soi, on dit d’une chose qu’elle est Une, uniquement à cause de sa continuité matérielle. Ainsi, grâce au lien qui attache le fagot, on dit que le fagot est Un ; la colle forte qui rassemble les morceaux de bois fait qu’ils sont Uns. C’est encore ainsi que la ligne, même quand elle est courbe, est dite Une, parce qu’elle est continue, comme dans le corps humain un membre est Un à la même condition, la jambe, par exemple, ou le bras. Mais, sous ce rapport, il y a plus d’unité dans les objets continus de la nature que dans les objets qui sont le produit de l’art. D’ailleurs, on entend par continu tout ce qui, essentiellement et en soi, n’a qu’un seul et unique mouvement, sans pouvoir en avoir d’autre. Le mouvement Un est celui qui est indivisible ; et je veux dire, indivisible selon le temps. Les choses qui sont essentiellement continues sont celles dont l’unité ne tient pas simplement au contact. Vous auriez beau placer des bouts de bois de manière à ce qu’ils se touchassent entre eux, vous ne pourriez pas dire pour cela qu’ils forment une unité, ni comme bois ni comme corps, ni qu’ils aient non plus telle autre espèce de continuité. Les choses absolument continues sont Unes, même quand elles ont une courbure, mais, à plus forte raison, quand elles n’en ont pas. Ainsi, la jambe, ou la cuisse, est plus Une que le membre tout entier, parce que le mouvement de la jambe entière, cuisse et jambe, peut n’être pas Un. Par la même raison, une ligne droite est plus Une que ne l’est une ligne courbe. Une ligne qui est courbe, et qui a des angles, peut être considérée tout à la fois comme étant Une, ou n’étant pas Une, parce que le mouvement peut tout aussi bien, ou en être simultané, ou ne pas l’être. Mais, pour la ligne droite, le mouvement est toujours simultané, attendu que, parmi ses parties, ayant quelque étendue, aucune ne peut, celle-ci être en repos et celle-là se mouvoir, comme cela se peut pour la ligne courbe. En un autre sens, une chose peut être considérée comme Une, par cela seul que le sujet en question ne présente pas de différence spécifique. Les sujets sont sans différence spécifique, quand l’observation sensible n’y découvre pas de division d’espèce. Par sujet, on entend ici, soit le terme primitif, soit le terme dernier, le plus rapproché de la fin de l’espèce même. Par exemple, on dit du vin qu’il est Un, et de l’eau qu’elle est Une, parce que spécifiquement ils sont indivisibles l’un et l’autre. Tous les liquides aussi peuvent être considérés comme formant une unité, l’huile, le vin et tous les corps liquéfiables, parce que pour tous les liquides le sujet dernier est le même, je veux dire, l’eau et l’air, dont tous sont formés. On dit encore de certaines choses qu’elles sont Unes, toutes les fois que, le genre de ces choses restant Un, elles n’offrent néanmoins que des différences opposées. Alors, tous les objets que le genre renferme forment une unité, parce que le genre soumis à ces différences est Un et le même. Par exemple, le cheval, l’homme, le chien forment cette sorte d’unité, en tant qu’ils sont tous des animaux. Et en effet, tout cela se rapproche et se confond, de même que leur matière est Une. Parfois, ce sont les espèces comme celles-là qui forment une unité ; d’autres fois, c’est le genre supérieur qui est considéré comme identique ; c’est-à-dire que quand les espèces sont les dernières du genre, c’est le genre qui est au-dessus d’elles. Ainsi, par exemple, le triangle isocèle et le triangle équilatéral sont une seule et même figure, en tant que ce sont des triangles ; mais ce ne sont pas les mêmes triangles. On attribue encore l’idée d’unité à toutes les choses dont la définition essentielle, c’est-à-dire la définition expliquant que la chose est ce qu’elle est, ne peut être séparée d’une autre définition, qui exprime aussi la véritable essence de la chose et la fait ce qu’elle est ; car toute définition prise en elle-même est divisible et séparable. C’est ainsi que l’être qui se développe et l’être qui dépérit sont cependant un seul et même être, parce que la définition reste Une, de même que la définition spécifique reste Une aussi pour toutes les surfaces, puisqu’elles ont toujours longueur et largeur. En général, on appelle éminemment Unes toutes les choses dont la pensée, s’appliquant à leur essence, est indivisible, et ne peut jamais en séparer quoi que ce soit, ni dans le temps, ni dans l’espace, ni en notion. Cette idée d’unité ainsi comprise s’adresse surtout aux substances. |
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Lectio 7 |
Leçon 7, Commentaire de
saint Thomas [L’un] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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IL EXPOSE LES TROIS
SENS SELON LESQUELS L'ON DIT QUE QUELQUE CHOSE EST UN PAR ACCIDENT; IL EXPOSE
AUSSI LES CINQ SENS DE L'UNITE PAR ESSENCE (PAR SOI). |
IL EXPOSE LES TROIS SENS SELON LESQUELS L'ON DIT QUE QUELQUE CHOSE EST UN PAR ACCIDENT; IL EXPOSE AUSSI LES CINQ SENS DE L'UNITE PAR ESSENCE (PAR SOI). |
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[82407] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 1 Postquam philosophus distinxit nomina quae
significant causas, hic distinguit nomina quae significant id quod est
subiectum aliquo modo in ista scientia. Et dividitur in duas partes. Primo
ponit sive distinguit nomina, quae significant subiectum huius scientiae.
Secundo ea, quae significant partes subiecti, ibi, eadem dicuntur. Subiectum
autem huius scientiae potest accipi, vel sicut communiter in tota scientia
considerandum, cuiusmodi est ens et unum: vel sicut id de quo est principalis
intentio, ut substantia. Et ideo primo distinguit hoc nomen unum. Secundo hoc
nomen ens, ibi, ens dicitur et cetera. Tertio hoc nomen substantia, ibi,
substantia dicitur et cetera. Circa primum duo facit. Primo distinguit unum
in per se et per accidens; et ostendit quot modis dicitur unum per accidens.
Secundo quot modis dicitur unum per se, ibi secundum se vero unum et cetera. |
Après avoir clarifié les noms qui
signifient les causes, le Philosophe distingue ceux qui signifient ce qui est
de quelque façon le sujet de cette science. Ce qu’il divise en deux parties.
Dans la première, il propose ou clarifie les mots qui signifient le sujet de
cette science; dans la seconde, les mots qui signifient les parties de cette
science, où il dit: "Le Même, Identique, etc." (lec. XI) Or, on
peut prendre le sujet de cette science comme on le fait communément dans
toutes les autres sciences: en ce cas, son sujet c'est l’être et l’un; ou
bien, on peut considérer aussi comme sujet ce qui est l'objet principal de
son investigation: à substance. Voilà pourquoi Aristote clarifie tout d'abord
le mot un. En second, il clarifie le mot être, où il dit: "L'être se dit
de l'être: ... " (lec. IX). En troisième, il clarifie le terme
substance, où il dit : "Substance se dit etc." (lec. X) Au sujet de
l'unité, il fait un double travail. Il distingue tout d’abord l'unité par
accident et l'unité par soi et montre en combien de sens se dit l’unité par
accident. La seconde tâche consiste à déblayer les différents sens selon
lesquels se dit l'un par soi, où il dit : "Passons à ce qu'on
appelle ... " (Ajoutons que la fin de ce travail se trouve dans la
huitième leçon où il réduit tous ces modes à un mode principal). |
Après avoir clarifié les mots qui signifient les causes, le Philosophe distingue ceux qui signifient ce qui est de quelque façon le sujet de cette science. Il divise ce point en deux parties. Dans la première, il propose ou clarifie les mots qui signifient le sujet de cette science; dans la seconde, les mots qui signifient les parties de ce sujet, où il dit : Les choses sont dites identiques, etc. (leçon XI). Or, on peut prendre le sujet de cette science soit en le considérant en général pour cette science prise globalement, et en ce cas, son sujet est l’être et l’un, soit en admettant comme sujet l’objet principal de son investigation, qui est la substance. Voilà pourquoi Aristote clarifie en premier le mot « un »; en second le mot « être », où il dit : Le mot d’Etre peut être pris, etc. (leçon IX); en troisième le terme « substance », où il dit : Substance se dit, etc. (leçon X). Au sujet de l’un, il fait deux choses. Il distingue tout d’abord l’un en soi et l’un par accident et montre en combien de sens l’un se dit par accident. En seconde, il montre en combien de sens l’un se dit en soi, où il dit : Quant à tout ce qui est Un, etc[76]. |
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[82408] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 2 Dicit ergo, quod unum dicitur et per se et per accidens.
Per accidens autem unum docet considerare primo in terminis singularibus; et
hoc dupliciter. Uno modo secundum quod accidens comparatur ad subiectum. Alio
modo secundum quod unum accidens comparatur ad aliud. In utroque autem
istorum tria est accipere; scilicet unum compositum et duo simplicia. Si enim
unum per accidens accipiatur secundum comparationem accidentis ad subiectum,
sic sunt ista tria: primum est Coriscus, secundum est musicus, tertium
Coriscus musicus. Et haec tria sunt unum per accidens. Nam idem subiecto est
Coriscus et musicus. Et similiter, quando comparatur accidens ad accidens,
tria est accipere; quorum primum est musicum, secundum est iustum, tertium
est musicus iustus Coriscus. Et omnia praedicta dicuntur esse unum secundum accidens;
tamen alia et alia ratione. |
Aristote dit donc que l'un se dit
et par essence et par accident. Il conseille de considérer l’un par accident
en premier lieu dans les termes singuliers. Et cela, de deux façons : d’une
première façon, en tant que l’accident est pris en relation avec le sujet.
D’une seconde façon, en tant qu’un accident est pris en relation avec un
autre accident. Dans ces deux cas, il faut tenir compte de trois termes: un
terme complexe et deux termes simples. Si en effet l'un par accident se prend
d'après la relation de l'accident au sujet, les termes sont les suivants: le
premier est Coriscus, le second musicien, le troisième Coriscus musicien. Et
ces trois termes sont un par accident. Car Coriscus et musicien sont
identiques par le sujet. Et pareillement, si le rapport est d'un accident à
un autre, il faut admettre trois termes: le premier est musicien, le second
juste, le troisième le musicien juste Coriscus. Et tout ce qu'on vient
d'énumérer est dit un par accident. Pour des raisons différentes cependant. |
Aristote dit donc que l'un se dit en soi et par accident. Il conseille de commencer par considérer l’un par accident dans les termes singuliers, et cela, de deux façons : premièrement, en tant que l’accident est mis en relation avec le sujet; d’une autre façon, en tant qu’un accident est mis en relation avec un autre accident. Dans ces deux cas, il faut tenir compte de trois termes : un terme complexe et deux termes simples. Si en effet l’un par accident se prend d’après la relation de l’accident au sujet, on a trois termes : le premier est Coriscus, le second est musicien, et le troisième Coriscus musicien. Et ces trois termes sont un par accident. En effet, Coriscus et musicien sont identiques par le sujet. Et pareillement, si le rapport est d'un accident à un autre, il faut admettre trois termes : le premier est musicien, le second est juste, et le troisième est le musicien juste Coriscus. Et tout ce qu’on vient d’énumérer est dit un par accident, mais pour des raisons différentes. |
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[82409] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 3 Iustum enim et musicum, quae sunt duo simplicia in
secunda acceptione, dicuntur unum per accidens, quia accidunt uni subiecto.
Musicus vero et Coriscus, quae sunt duo simplicia in prima acceptione,
dicuntur unum per accidens, quia alterum eorum, scilicet musicum accidit
alteri, scilicet Corisco. Et similiter quantum ad aliquid musicus
Coriscus cum Corisco, quod est compositum cum uno simplicium, in prima
acceptione dicuntur unum per accidens, quia inter partes istas quae sunt in
hac oratione, idest in hoc termino complexo, scilicet, Coriscus musicus,
altera pars termini complexi, scilicet musicus, accidit alteri parti per se
signatae, scilicet Corisco. Et eadem ratione potest dici, quod musicus Coriscus
est unum cum iusto Corisco, quae sunt duo composita in secunda acceptione,
quia ambae partes utriusque compositi accidunt uni, scilicet Corisco. Si enim
idem est musicus et musicus Coriscus, et iustus et iustus Coriscus, cuicumque
accidit musicum accidit musicus Coriscus; et quicquid accidit Corisco accidit
Corisco iusto. Unde, si musicum
accidit Corisco, sequitur, quod musicus Coriscus accidit iusto Corisco. Et
sic nihil differt dicere musicum Coriscum accidere iusto Corisco, quam
musicum accidere Corisco. |
En effet, le juste et le musicien,
qui sont deux termes simples dans la seconde acception de l'unité
accidentelle, sont dits un par accident, parce qu'ils inhérent dans un seul
sujet. Mais le musicien et Coriscus, qui sont deux termes simples dans le
premier sens de l'unité accidentelle, sont dits un par accident, parce que
"l'un des deux", c'est-:}-dire le musicien, inhère dans
l'autre", à savoir Coriscus. Et pareillement, sous un certain rapport,
le musicien Coriscus et Coriscus, qui forment le terme complexe uni à un des
termes simples, sont dits un par accident dans le premier sens de l'unité
accidentelle, parce que parmi les parties qui composent ce discours,
c'est-à-dire ce terme complexe qu'est Coriscus musicien, une partie du terme
complexe, le musicien, est accident de l'autre partie proprement signifiée, à
savoir Coriscus. Et pour la même raison, on peut dire que le musicien
Coriscus est un avec le juste Coriscus, qui sont deux termes complexes dans
le premier sens de l'unité accidentelle, parce que deux parties des deux
termes complexes sont accidents d'une partie, qui est Coriscus. Si en effet
le musicien et le musicien Coriscus sont identiques et si, également, le
juste et le juste Coriscus sont identiques, quiconque reçoit l'accident musicien
reçoit le musicien Coriscus; et tout ce qui est accident de Coriscus est
accident de Coriscus juste. C'est pourquoi, si le musicien est accident de
Coriscus, il s'ensuit que le musicien Coriscus est accident du juste
Coriscus. Et ainsi il n'y a aucune différence entre dire que le musicien
Coriscus est accident du juste Coriscus et dire que le musicien est accident
de Coriscus. |
En effet, le juste et le musicien, qui sont deux termes simples dans
la seconde acception de l'unité accidentelle, sont dits un par accident,
parce qu’ils se trouvent dans un seul sujet. Mais musicien et Coriscus, qui
sont deux termes simples dans le premier sens de l’unité accidentelle, sont
dits un par accident, parce que « l’un des deux », c’est-à-dire le
musicien, « se trouve dans l'autre », à savoir Coriscus. Et
pareillement, sous un certain rapport, le musicien Coriscus et Coriscus (le
composé et l’un des termes simples) sont dits un par accident dans le premier
sens de l'unité accidentelle, parce que parmi les parties qui composent cette
expression (le terme complexe qu’est Coriscus musicien), une partie du terme
complexe (le musicien) est accident de l'autre partie désignée comme en soi[77] (Coriscus). Et pour la même
raison, on peut dire que le musicien Coriscus est un avec le juste Coriscus,
qui sont deux termes complexes au deuxième sens de l’unité accidentelle,
parce que deux parties des deux termes complexes sont inhérentes à une seule
chose, qui est Coriscus. Si en effet le musicien et le musicien Coriscus sont
la même chose, de même que le juste et le juste Coriscus, quiconque reçoit
l’accident musicien reçoit le musicien Coriscus, et tout ce qui est accident
de Coriscus est accident de Coriscus juste. C'est pourquoi, si le musicien
est accident de Coriscus, il s'ensuit que le musicien Coriscus est accident
du juste Coriscus. Et ainsi, il revient au même de dire que le musicien
Coriscus est accident du juste Coriscus, ou que le musicien est accident de
Coriscus. |
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[82410] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 4 Quia vero huiusmodi praedicata per accidens per
prius praedicantur de singularibus, et per posterius de universalibus, cum
tamen e converso sit de praedicatis per se, manifestat consequenter in
terminis universalibus quod in singularibus ostenderat; dicens, quod
similiter accipitur unum per accidens, si aliquod accidens dicatur cum aliquo
nomine alicuius generis, vel cuiuscumque universalis, sicut accipitur unum
per accidens in praedictis, quando accidens adiungitur nomini singulari;
sicut cum dicitur, quod homo et musicus homo sunt unum per accidens, licet
quantum ad aliquid differant. |
Mais parce que ces prédicats
accidentels s'attribuent en premier aux choses singulières et en second aux
choses universelles, alors que c'est l'inverse qui a lieu dans le cas des
prédicats essentiels, Aristote manifeste subséquemment dans les termes
universels ce qu'il avait montré dans les termes singuliers. Ce qu'il fait en
disant que l'un par accident se dit pareillement dans le cas où un accident
est affirmé d’un mot qui signifie un genre ou une notion universelle
quelconque, comme on pouvait le dire dans les cas précédents où l'accident
était affirmé d'un mot singulier. Ainsi, par exemple, en est-il, lorsqu'on
affirme qu’homme et homme musicien sont un par accident. Cependant, il y a
une certaine différence entre les deux cas. |
Mais parce que ces prédicats accidentels s’attribuent d’abord aux
singuliers et ensuite aux universels, alors que c’est l’inverse qui a lieu
dans le cas des prédicats essentiels, Aristote manifeste en conséquence dans
les termes universels ce qu'il avait montré dans les termes singuliers, en
disant que l’un par accident se dit de la même façon dans le cas où un
accident est affirmé d’un mot qui signifie un genre ou toute notion
universelle, ou dans les cas précédents où l’accident était affirmé du nom
d’un singulier. Ainsi en est-il, lorsqu’on affirme qu’homme et homme musicien
sont un par accident, même s’ils diffèrent sous un certain aspect. |
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[82411] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 5 Singulares enim substantiae nec sunt in subiecto,
nec de subiecto praedicantur. Unde tantum substant et nihil eis substat.
Substantiae quidem universales dicuntur de subiecto, sed non sunt in
subiecto. Unde non substant accidentibus, et eis aliquid substat. Cum ergo
accidens adiungitur particulari substantiae, non potest esse alia ratio
dicti, nisi quia accidens inest substantiae particulari, ut quia musicum
inest Corisco cum dicitur Coriscus musicus. |
En effet, les substances
singulières n'existent pas dans un sujet ni ne s’attribuent à un sujet. Elles
sont donc uniquement substrats et rien ne peut leur servir de substrat. Les
substances universelles, elles, s'attribuent à un sujet, mais ne sont pas
dans un sujet. C'est pourquoi elles ne sont pas substrats des accidents et
possèdent elles-mêmes un substrat. Donc, lorsqu'on affirme un accident d'une
substance singulière, il ne peut y avoir d'autre raison à cette affirmation
que celle de l'existence de l'accident dans la substance singulière. Ainsi,
c'est parce que le musicien existe dans Coriscus que nous parlons de Coriscus
musicien. |
En effet, les substances singulières n'existent pas dans un sujet ni
ne s’attribuent à un sujet. Elles sont donc uniquement substrats et rien ne peut
leur servir de substrat. Les substances universelles, elles, s’attribuent à
un sujet, mais ne sont pas dans un sujet. C’est pourquoi elles ne sont pas
substrats des accidents et possèdent elles-mêmes un substrat. Donc, lorsqu’un
accident s’ajoute à une substance singulière, la seule raison d’affirmer ce
fait est l’existence de l’accident dans la substance singulière. Ainsi, c’est
parce que le musicien existe dans Coriscus que nous parlons de Coriscus
musicien. |
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[82412]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 6 Sed, cum dicitur homo musicus, potest esse duplex
ratio dicti. Aut enim hoc dicitur, quia musicum accidit homini, per quod
significatur substantia, et ex hoc competit sibi quod possit substare
accidenti. Aut hoc ideo dicit, quia ambo, scilicet homo et musicus, insunt
alicui singulari, sicut Corisco: sicut musicum dicebatur iustum, quia eidem
singulari insunt, et eodem modo, scilicet per accidens. Sed forsan hoc non
eodem modo; sed universalis substantia inest singulari ut genus, sicut hoc nomen
animal; aut si non sit genus, saltem est in substantia subiecti, idest ut
substantiale praedicatum, sicut hoc nomen homo. Sed aliud, scilicet musicum,
non est ut genus vel essentiale praedicatum, sed ut habitus vel passio
subiecti, vel qualecumque accidens. Ponit autem haec duo, habitum et
passionem, quia quaedam accidentia sunt manentia in subiecto, sicut habitus,
qui sunt difficile mobiles; quaedam autem sunt accidentia pertranseuntia et
non manentia, sicut passiones. Patet igitur quod isti sunt modi, quibus
aliqua dicuntur unum per accidens. |
Mais lorsqu'on parle de l'homme
musicien, il peut y avoir un double fondement à cette expression. En effet,
ou bien on le dit parce que le musicien est accident de l'homme; en ce cas,
l’homme signifie la substance et, de ce fait, est apte à remplir la fonction
de substrat à l'égard de l'accident; ou bien on le dit parce que tous deux,
l'homme et le musicien, existent dans un singulier, comme Coriscus par
exemple. L'expression a donc le même fondement que celle où l’on disait que
le musicien était juste, parce que tous deux, le musicien et le juste,
existaient dans le même singulier. Elle a aussi un même sens, celui de
l’unité accidentelle. Mais peut-être ne doit-on pas lui donner même sens. En
effet, la substance universelle existe dans le singulier comme genre: le mot
animal par exemple; si elle n'existe pas comme genre, du moins existe-t-elle
dans la substance du sujet, c'est-à-dire à titre de prédicat substantiel,
comme le mot homme. Mais l'autre terme, à savoir le musicien, n'existe pas
comme genre ou prédicat essentiel, mais comme habitus ou passion du sujet, ou
accident quelconque. Aristote emploie deux termes: habitus ou passion, parce
que certains accidents demeurent dans le sujet, comme les habitus qui sont difficilement
mobiles, alors que d'autres sont transitoires et éphémère comme les passions.
Il est donc manifeste que tels sont les sens de ce qui se dit un par
accident. |
Mais lorsqu’on parle de l'homme musicien, on peut le dire pour deux
raisons. En effet, ou bien on le dit parce que le musicien est accident de
l'homme, et alors l’homme signifie la substance et possède donc la capacité
d’être le substrat de l’accident, ou bien on le dit parce que tous deux,
l’homme et le musicien, existent dans un singulier tel que Coriscus de la
façon dont on disait que le musicien était juste, parce que le musicien et le
juste existent dans le même singulier et y existent de la même façon, à
savoir par accident. Mais ils n’y existent peut-être pas de la même façon. En
effet, la substance universelle existe dans le singulier comme genre (c’est
le cas du mot « animal »); si elle n’y existe pas comme genre, du
moins existe-t-elle dans la substance du sujet, à titre de prédicat
substantiel, comme le mot « homme ». Mais l’autre terme, le
musicien, n’existe pas comme genre ou prédicat essentiel, mais comme habitus
ou affection du sujet, ou comme accident quelconque. Aristote emploie deux
termes, habitus ou affection, parce que certains accidents demeurent dans le
sujet, comme les habitus, qui sont difficilement modifiables, alors que
d’autres sont transitoires et éphémères comme les affections. Il est donc
manifeste que tels sont les sens ddans lesquels des choses sont dites un par
accident. |
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[82413] Sententia Metaphysicae,
lib. 5 l. 7 n. 7 Deinde cum dicit secundum se ponit modos unius per
se; et circa hoc duo facit. Primo ostendit quot modis dicitur unum. Secundo
quot modis dicuntur multa, ibi, palam autem, et quia multa. Circa primum duo
facit. Primo distinguit modos unius naturaliter, idest secundum conditiones
in rebus inventas. Secundo vero logice, idest secundum intentiones logicales,
ibi, amplius autem alia et cetera. Circa primum duo facit. Primo distinguit
modos unius. Secundo vero ponit quamdam proprietatem consequentem ad unum,
ibi, uni vero esse, est principium. Circa primum duo facit. Primo ponit modos
unius. Secundo reducit eos omnes ad unum, ibi, universaliter enim quaecumque.
Ponit autem in prima parte quinque modos unius. |
Ensuite, où il dit: "Passons
à ce qu’on ... ", il propose les différents sens de l’un par soi. Ce
qu'il fait en deux parties. Il montre tout d'abord les sens selon lesquels se
dit l'un par soi; en second, il montre les différents sens du multiple. Son
analyse des sens de l'un serait elle-même en deux points. En premier, il
distingue les sens de l'un qui relèvent de la nature, c’est-à-dire selon les
conditions que nous retrouvons dans les choses elles-mêmes; en second, du
point de vue logique, c'est-à-dire selon les intentions logiques, où il dit:
"Autre division. Ce qui est un etc."(No 876) L'analyse des sens
selon leurs conditions naturelles se fait en deux temps: il distingue tout
d'abord les sens de l’un, puis il propose une certaine propriété qui est
consécutive à l'un, où il dit: "L'essence de l'Un est d'être etc."
La distinction des sens naturels de l'un se fait en deux points. En premier,
il donne les sens de l’un. En second, il réduit ces sens à un seul, où il dit
: "D'une manière générale, etc." (lec. VII). Il propose donc au
point de départ cinq sens de l'un. |
Ensuite, où il dit : Quant
à tout ce qui est, etc., il propose les différents sens de l’un par soi.
Ce qu'il fait en deux parties. Il montre tout d’abord les sens du terme
« un »; en second, il montre les divers sens du multiple. La
première partie se divise en deux. En premier, il distingue les sens de l’un
qui relèvent de la nature, c’est-à-dire des conditions que nous trouvons dans
les choses; en second, les sens qui relèvent de la logique, c'est-à-dire des
réflexions logiques, où il dit : On
peut dire encore que l’unité, etc[78]. Il traite le premier point
en deux parties : il distingue tout d’abord les sens de l’un, puis il
propose une certaine propriété qui est consécutive à l’un, où il dit : C’est la notion de l’unité, etc[79]. La première partie se
divise en deux : en premier, il donne les sens de l’un; en second, il
ramène ces sens à un seul, où il dit : En
général, on appelle, etc. (leçon VIII). Il propose donc, en premier lieu,
cinq sens de l’un. |
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[82414] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 8 Quorum primus est, quod eorum quae secundum se
dicuntur unum, quaedam dicuntur unum esse natura continuitatis, idest
essendo continua: vel eo quod sunt continua, sicut dicit alia
translatio. Sed continua dicuntur aliqua dupliciter. Quaedam enim sunt
continua, sicut dicit alia litera, per aliud, quaedam secundum se. |
Voici le premier sens. Parmi tout
ce qui peut se dire un par soi ou par essence, les uns sont dits un en raison
de la continuité, en étant continus, ou, comme le dit une autre version, du
fait qu'ils sont continus. Mais les continus sont dits de deux sortes.
Certains sont continus par quelque chose d'extérieur à eux-mêmes, d'autres
par soi. |
Voici le premier sens. Parmi toutes les choses qui peuvent se dire un
par essence, les unes sont dites un à
cause de leur continuité, en étant continus par nature, ou, comme le dit
une autre traduction, « du fait qu'ils sont continus ». Mais on dit
que les choses sont continues de deux façons : certaines, comme le dit l’autre
texte, sont continues par quelque chose d’autre, et d’autres le sont par soi. |
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[82415] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 9 Prosequitur ergo primo continua secundum aliud, dicens,
quod continua per aliud sunt, sicut onus lignorum continuum est ratione
ligaminis vel vinculi: et hoc modo ligna adinvicem conviscata dicuntur unum
per viscum. Quod etiam contingit dupliciter: quia quandoque continuatio
alligatorum fit secundum lineam rectam, quandoque autem secundum lineam
indirectam, sicut est linea reflexa angulum continens, quae fit ex contactu
duarum in una superficie, quarum applicatio non est directa. Per hunc enim
modum partes animalis dicuntur unum et continuum. Sicut tibia, quae habet
reflexionem, et angulum continet ad genu, dicitur una et continua, et
similiter brachium. |
Il dit donc en premier que ce qui
est un par quelque chose d’autre que soi est un, par exemple, comme un
faisceau de bois est continu en raison du lien ou du nœud: de cette façon,
les morceaux de bois collés ensemble sont dits un grâce à la colle... (Puis
Aristote distingue le continu en ligne droite et en ligne brisée, la
continuité artificielle et naturelle. Ce qui l'amène à définir le continu:
"Ce dont le mouvement est un essentiellement et ne peut être
autre." "Or le mouvement est un quand il est indivisible, et il est
divisible selon le temps ..." Puis il par le du contenu par soi (n°
856): celui qui a une unité plus intime que l'unité résultant du contact,
etc. |
Il traite donc en premier de ce qui est continu en raison d’autre chose : il dit qu’une chose est continue en raison d’une autre comme un fagot de bois est continu en raison du lien ou du nœud : c’est ainsi que des morceaux de bois collés ensemble sont dits un grâce à la colle[80]. Cela aussi se produit de deux façons : les choses liées ensembles sont continues parfois en ligne droite, et parfois en ligne brisée, comme c’est le cas d’une ligne repliée qui contient un angle par suite du contact de deux objets en une surface qui ne sont pas joints en ligne droite. En effet, c’est ainsi qu’on dit que les parties d’un animal sont continues et forment une unité; par exemple, la jambe, qui est repliée et contient un angle au genou, est dite une et continue, et le bras également. |
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[82416] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 10 Sed, cum talis continuatio, quae est per aliud,
possit esse vel fieri naturaliter et arte, magis unum sunt quae sunt continua
per naturam, quam quae sunt continua per artem: quia in his quae sunt
continua per naturam, illud unum, per quod fit continuatio, non est extraneum
a natura rei quae per ipsum continuatur, sicut accidit in his quae sunt unum
per artificium, in quibus vinculum, vel viscus, vel aliquid tale est omnino
extraneum a natura colligatorum. Et ita ea quae sunt naturaliter colligata,
prius accedunt ad ea quae sunt secundum se continua, quae sunt maxime unum. |
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Mais puisque cette continuité, qui est produite par autre chose, peut
être soit naturelle, soit artificielle, les choses qui sont continues par
nature ont plus d’unité que celles qui sont continues du fait de l’art, car
dans les choses qui sont continues par nature, l’unité dont découle la
continuité n’est pas extérieure à la nature de la chose qu’elle rend
continue, comme c’est le cas d’un objet qui est un par suite du travail de
l’art : dans cet objet, le lien, la colle ou autre chose du genre est
tout à fait étrahger à la nature des choses rattachées. Et ainsi, les choses rattachées
par nature s’approchent davantage des choses continues par essence, qui ont
la plus grande unité. |
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[82417] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 11 Et ad evidentiam huius, definit continuum, dicens,
quod continuum dicitur id cuius est secundum se unus motus tantum, et non est
possibile aliter. Non enim possibile est in continuo, ut diversae partes
diversis motibus moveantur, sed totum continuum movetur uno motu. Dicit autem
secundum se, quia possibile est ut continuum moveatur uno modo per se,
et uno alio vel pluribus per accidens; sicut si homo movetur in navi per se
contra motum navis, movetur nihilominus motu navis per accidens. |
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Et pour que cela soit évident, il définit le continu en disant qu’on appelle continu ce qui a essentiellement un seul mouvement et ne peut exister autrement. En effet, dans un objet continu, il n’est pas possible que diverses parties aient des mouvements divers, mais tout le continu bouge d’un seul mouvement, Il dit cependant en soi, parce qu’il est possible que le continu soit mû en soi d’une manière et par accident d’une ou de plusieurs autres manières; ainsi, si un homme se meut par soi dans un navire par une marche contraire à celle du navire, il se meut quand même selon le mouvement du navire par accident. |
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[82418]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 12 Ad hoc autem quod sit unus motus, oportet quod sit
indivisibilis: et hoc dico secundum tempus, ut videlicet simul dum movetur una
pars continui, moveatur et alia. Non enim contingit in continuo quod una pars
moveatur et alia quiescat, vel quod una quiescat et alia moveatur, ut sic
motus diversarum partium continui sint in diversis partibus temporis. |
|
Cependant, pour que le mouvement soit un, il doit être indivisible,
et je veux dire de façon temporelle, au sens où lorsqu’une partie du continu
est en mouvement, les autres le sont aussi. En effet, dans un continu, il
n’est pas possible qu’une partie soit en mouvement et une autre en repos, ou
que l’une soit en repos et l’autre en mouvement, de sorte que le mouvement
des diverses parties du continu se produise à différents intervalles de
temps. |
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[82419] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 13 Ideo autem hic definit philosophus continuum per
motum et non per unitatem termini, ad quem partes continui coniunguntur,
sicut in praedicamentis et in libro physicorum habetur, quia ex ista
definitione potest sumi diversus gradus unitatis in diversis continuis, sicut
postea patebit, non autem ex definitione ibi data. |
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Si le Philosophe définit ici le continu à partir du mouvement et non à partir de l’unité du terme où les parties du continu se rejoignent, comme il l’avait fait dans le livre des Catégories et celui des Physiques, c’est parce que la définition donnée ici lui permet de considérer divers degrés d’unité dans divers continus, comme on va le voir, mais la définition donnée dans ces autres livres. |
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[82420]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 14 Sciendum est autem, quod hoc quod hic dicitur, quod
motus continui indivisibilis est secundum tempus, non est contrarium ei quod
probatur in sexto physicorum, scilicet, quod tempus motus dividitur secundum
partes mobilis. Hic enim loquitur philosophus quantum ad motum absolute, quia
scilicet non ante incipit moveri una pars continui quam alia: ibi autem
loquitur referendo ad aliquod signum, quod signatur in magnitudine, per quam
fit motus. Illud enim signum, quod est prior pars magnitudinis, in priori tempore
transitur, licet etiam in illa priori parte temporis aliae partes mobilis
continui moveantur. |
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Mais il faut savoir que ce qu’il dit ici (que le mouvement de l’objet
continu est indivisible selon le temps) n’est pas contraire à ce qui a été
prouvé au livre VI des Physiques, à
savoir que le temps du mouvement se divise selon les parties du mobile. En
effet, le Philosophe parle ici du mouvement de façon absolue, parce qu’une
partie du continu ne commence pas à bouger avant une autre, mais ailleurs, il
parle par référence à un repère qui est fixé dans l’espace et que traverse le
mouvement[81]. En effet, le repère qui est
dans la partie antérieure de l’espace est traversé auparavant, même si dans
cette partie antérieure du temps les autres parties du mobile continu sont en
mouvement. |
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[82421] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 15 Deinde cum dicit secundum se prosequitur de
illis quae sunt secundum se continua, dicens, quod illa sunt secundum se
continua quae non dicuntur unum per contactum. Quod sic probat. Illa enim,
quae se tangunt, ut duo ligna, non dicuntur unum lignum, nec unum corpus, nec
unum aliquid aliud quod pertineat ad genus continui. Et sic patet quod alia
est unitas continuorum, et alia tangentium. Quae enim sunt se tangentia non
habent unitatem continuitatis per seipsa, sed per aliquod vinculum quod ea
coniungit. Sed illa quae sunt continua, dicuntur unum secundum se, quamvis
habeant reflexionem. Duae enim lineae reflexae continuantur ad unum communem
terminum, qui est punctus in loco ubi constituitur angulus. |
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Puis lorsqu’il dit : Les choses qui sont, etc., il traite ensuite des choses qui sont essentiellement continues, en disant que les choses essentiellement continues sont celles qu’on ne dit pas être unes par contact. Il prouve cet énoncé ainsi : on ne dit pas que les choses qui se touchent, telles que deux morceaux de bois, sont un seul morceau de bois, un seul corps ou une seule autre chose appartenant au genre du continu. Et ainsi, il est évident que l’unité des objets continus diffère de l’unité des objets qui se touchent. En effet, les objets qui se touchent ont l’unité de continuité non par eux-mêmes, mais par un lien qui les joint, mais les objets continus sont dits essentiellement uns, même s’ils sont repliés. En effet, deux lignes repliées ont une continuité à leur extrémité commune, qui est le point où se forme un angle. |
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[82422]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 16 Sed tamen magis sunt unum quae per se sunt continua
sine reflexione. Cuius ratio est, quia linea recta non potest habere nisi
unum motum in omnibus partibus suis. Linea vero reflexa potest habere unum
motum, et duos motus. Potest enim intelligi linea reflexa tota moveri in unam
partem: et iterum potest intelligi quod una parte quiescente, alia pars, quae
cum parte quiescente continet angulum, appropinquet per suum motum ad partem
quiescentem, sicut quando tibia vel crus applicatur ad coxam, quae hic
dicitur femur. Unde utrumque eorum, scilicet tibia vel coxa, sunt magis unum
quam scelos, ut habetur in Graeco, idest quam id quod est compositum ex tibia
et coxa. |
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Cependant, les lignes ont plus d’unité si elles sont essentiellement continues sans repli. La raison en est que la ligne droite ne peut avoir qu’un seul mouvement dans toutes ses parties; la ligne repliée peut avoir soit un, soit deux mouvements. En effet, on peut considérer la ligne repliée comme totalement en mouvement comme une seule partie, et on peut aussi penser qu’une partie étant en repos, l’autre partie, qui forme un angle avec la partie en repos, s’approche par son mouvement de la partie en repos, comme quand le tibia ou la jambe est appuyé sur la cuisse, ici appelée fémur. C’est pourquoi l’une et l’autre, la jambe et la cuisse, ont plus d’unité que le membre (scelos en grec), c'est-à-dire le composé de la jambe et de la cuisse. |
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[82423] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 17 Sciendum autem, quod litera quae habet curvitatem loco
reflexionis, falsa est. Constat enim quod partes lineae curvae angulum non
continentes, oportet quod simul moveantur et simul quiescant, sicut partes
lineae rectae; quod non accidit in reflexa, ut dictum est. |
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Il faut cependant savoir que la version qui a le mot
« courbure » au lieu de « repliement » est fausse. Il est
évident en effet que les parties d’une ligne courbe, ne contenant pas
d’angle, sont forcément en mouvement ou en repos en même temps, comme les parties
d’une ligne droite, ce qui n’est pas le cas d’une ligne repliée, comme on l’a
dit. |
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[82424]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 18 Secundum modum ponit ibi, amplius alio dicit, quod
secundo modo dicitur unum, non tantum ratione continuae quantitatis, sed ex
eo quod subiectum totum est indifferens forma secundum speciem. Quaedam enim
esse possunt continua quae tamen in subiecto sunt diversa secundum speciem;
sicut si continuetur aurum argento, vel aliqua huiusmodi. Et tunc talia duo
erunt unum si attendatur sola quantitas, non autem si attendatur natura
subiecti. Si vero totum subiectum continuum sit unius formae secundum
speciem, erit unum et secundum rationem quantitatis et secundum rationem
naturae. |
Il pose le deuxième sens où il
dit: "Un par essence se dit ... ". Il dit que l'un est dit d'une
seconde manière à non seulement en l'oison de la quantité continue, mais du
fait que tout le sujet est d'une forme indifférente selon l'espèce. Car
certaines choses peuvent être continues qui, dans le sujet, sont diverses
selon l'espèce: si l'argent est en continuité avec l'or dans un sujet, etc.
Dans ce cas les deux matières seront une si on fait attention à la seule
quantité; elles ne seront pas une si on porte attention a la nature du sujet.
Si tout le sujet continu est d’une seule forme selon l'espèce, il sera un et
selon la raison de quantité et selon la raison de nature. |
Il pose le deuxième sens où il dit : En un autre sens, etc... ". Il dit que l’un se dit d’une
deuxième manière non seulement en raison de la quantité continue, mais du
fait que tout le substrat est d’une forme indifférenciée selon l’espèce. Car
certaines choses peuvent être continues alors que, dans le substrat, elles
sont diverses selon l’espèce, si par exemple l’argent est en continuité avec
l’or dans un substrat[82]. Dans ce cas, les deux
matières sont une si on considère la seule quantité, mais pas si on considère
la nature du substrat. Si tout le substrat continu est d’une seule forme
selon l’espèce, il est un tant sous l’aspect de la quantité que sous l’aspect
de la nature. |
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[82425] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 19 Subiectum autem dicitur esse indifferens secundum
speciem, quando eadem species sensibilis non dividitur, ita quod sint diversae
formae sensibiles in diversis partibus subiecti, sicut quandoque contingit
quod unius corporis sensibilis una pars est alba, et alia nigra. Hoc autem subiectum indifferens potest accipi
dupliciter. Uno modo subiectum primum. Alio modo subiectum finale sive
ultimum, ad quod pervenitur in fine divisionis. Sicut patet quod totum vinum dicitur unum esse, quia
partes eius communicant in uno primo subiecto quod est indifferens secundum
speciem. Et similiter est de aqua. Omnes enim liquores sive humores dicuntur
unum in uno ultimo. Nam oleum et vinum et omnia huiusmodi resolvuntur ultimo
in aquam vel aerem, qui in omnibus est radix humiditatis. |
On dit que le sujet est
indifférent selon l'espèce quand il n’y a pas de division de la même espèce
sensible, de telle sorte qu'il y aurait plusieurs formes sensibles dans les
diverses parties du sujet, comme il arrive quelquefois qu'une partie d'un
corps sensible est blanche, une autre, noire. Ce sujet indifférent peut être
pris de deux façons. Il peut s'agir du sujet immédiat, prochain; il peut
aussi être question du sujet final, ultime, auquel on parvient au terme de la
division. Ainsi il appert qu'on peut dire que tout le vin est un parce que
toutes ses parties communiquent dans un premier sujet qui est indifférent
selon l'espèce. Et pareillement en est-il de l’eau. Tous les corps liquides
ou aqueux en effet peuvent se dire un par relation à un premier liquide, car
l’huile et le vin et tous les corps de cette sorte se résolvent ultimement
dans l'eau ou l'air, qui sont en toutes choses la racine de l’humidité. |
On dit que le substrat est indifférencié selon l’espèce quand une
même espèce sensible n’est pas divisée de telle sorte qu’il y ait plusieurs
formes sensibles dans les diverses parties du substrat, comme il arrive
parfois qu’une partie d’un corps sensible soit blanche et une autre noire. Ce
substrat indifférencié peut être pris de deux façons : il peut s’agir du
substrat premier, ou il peut s’agir du substrat final, ultime, auquel on
parvient au terme de la division. Ainsi, il est évident qu’on peut dire que
tout le vin est un seul être parce que ses parties ont en commun un premier
substrat qui est indifférencié selon l’espèce. Et il en va de même de l’eau.
Tous les corps liquides ou aqueux en effet peuvent se dire un par relation à
un premier liquide, car l’huile, le vin et tous les corps de cette sorte se
ramènent ultimement à l’eau ou à l’air, qui sont en toutes choses la racine
de l’humidité. |
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[82426]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 20 Tertium modum ponit ibi, dicuntur autem dicit, quod
aliqua dicuntur unum, quorum genus est unum, oppositis differentiis divisum.
Et ille modus habet aliquam similitudinem cum praecedenti. Ibi enim aliqua
dicebantur esse unum, quia genus subiectum est unum: hic etiam aliqua
dicuntur esse unum, quia eorum genus, quod est subiectum differentiis, est
unum; sicut homo et equus et canis dicuntur unum, quia communicant in
animali, quasi in uno genere, subiecto differentiis. Differt tamen hic modus
a praedicto, quia in illo modo subiectum erat unum non distinctum per formas;
hic autem genus subiectum est unum distinctum per diversas differentias quasi
per diversas formas. |
Il établit le troisième sens de
l'unité, où il dit : "Un par essence est encore dit etc." Certaines
choses sont dites une dont le genre, quoique divisé par des différences
opposées, est un. Et ce dernier sens a une certaine similitude avec le mode
précédent. Plus haut on disait que certains corps étaient un parce que le
genre-sujet était un; ici, on dit que certaines choses sont une parce que
leur genre, qui est le sujet des différences, est un. Par exemple on dit que
l’homme et le cheval et le chien sont un parce qu’ils communiquent dans
l'animalité comme dans un seul genre soumis aux différences spécifiques. Ce
mode diffère cependant du précédent pure que, dans le cas précédent, le sujet
était un sans être distingué par des formes; ici, le genre-sujet est un, mais
distingué par diverses différences qui tiennent lieu pour ainsi dire de
formes diverses. |
Il établit le troisième sens de l'unité, où il dit : On dit encore de certaines choses, etc.
On attribue l’Unité à certaines choses dont le genre est un, bien qu’il soit
divisé par des différences opposées. Et ce dernier sens a une ressemblance
avec le mode précédent, selon lequel on disait que certains êtres étaient un
parce que leur substrat générique était un; ici, on dit aussi que certaines
choses sont un parce que leur genre, qui est le substrat des différences, est
un. Par exemple on dit que l’homme, le cheval et le chien sont un parce
qu’ils ont en commun l’animalité comme un seul genre soumis aux différences
spécifiques. Ce mode diffère cependant du précédent parce que, dans le cas
précédent, le substrat était un sans être distingué par des formes; ici, le
substrat générique est un, mais distingué par diverses différences comme il
le serait par des formes diverses. |
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[82427] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 21 Et sic patet quod propinquissimo modo dicuntur aliqua
esse unum genere, et similiter sicut aliqua dicuntur esse unum materia. Nam
illa etiam quae dicuntur esse unum materia, distinguuntur per formas. Genus
enim, licet non sit materia, quia non praedicaretur de specie, cum materia
sit pars, tamen ratio generis sumitur ab eo quod est materiale in re; sicut
ratio differentiae ab eo quod est formale. Non enim anima rationalis est
differentia hominis, cum de homine non praedicetur; sed habens animam
rationalem, quod significat hoc nomen rationale. Et similiter natura
sensitiva non est genus hominis, sed pars. Habens etiam naturam sensitivam,
quod nomine animalis significatur, est hominis genus. Similiter ergo et
propinquus modus est quo aliqua sunt unum materia et unum genere. |
Et, ainsi il appert que le sens
selon lequel on dit que les choses sont une par le genre est très rapproché,
très voisin, de celui où l'on dit que les choses sont une par la matière. Car
même les choses qui sont dites une par la matière se distinguent par les
formes. Le genre en effet, bien qu'il ne soit pas la matière, parce qu'alors
il ne serait pas prédiqué de l'espèce: la matière étant une partie, se prend
cependant, selon sa raison propre, de ce qu'il y a de matériel dans les
choses. Comme d'ailleurs la raison de le différence spécifique se prend de ce
qu'il y il de formel. L'âme raisonnable on effet n’est pas la différence de
l'homme puisqu'elle ne se prédique pas de l'homme. La différence spécifique
est "ce qui a une âme raisonnable" voilà ce que signifie le mot
raisonnable posé comme différence, Et, semblablement, la nature sensitive
n'est pas le genre de l'homme, mais une partie, Le mot animal, posé comme:
genre de l'homme, signifie ce qui a la nature sensitive, Pareillement donc,
et selon un sens voisin, on dit que les choses sont une par la matière et une
par le genre. |
Et ainsi, il est évident que dans le sens le plus prochain, on dit
que les choses sont une par le genre d’une manière très semblable à celle
dont on dit que les choses sont une par la matière. En effet, même les choses
qui sont dites une par la matière se distinguent par les formes. Le genre en
effet, bien qu’il ne soit pas la matière, parce qu’alors il ne serait pas un
attribut de l’espèce puisque la matière en est une partie, est cependant
tiré, selon sa raison propre, de ce qu’il y a de matériel dans les choses,
comme la notion de la différence spécifique est tirée de ce qu’il y a de
formel. L’âme raisonnable en effet n’est pas la différence spécifique de
l’homme puisqu’elle ne s’attribue pas à l'homme. La différence spécifique est
« ce qui a une âme raisonnable » : tel est le sens du mot
« raisonnable ». Et semblablement, la nature sensitive n’est pas le
genre de l'homme, mais une partie, Le mot « animal », posé comme
genre de l’homme, signifie ce qui a la nature sensitive. C’est donc de façon
semblable et dans un sens voisin qu’on dit que les choses sont une par la
matière et une par le genre. |
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[82428]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 22 Sed sciendum est, quod unum ratione generis dicitur dupliciter.
Quandoque enim aliqua dicuntur ita unum in genere sicut dictum est, quia
scilicet eorum unum est genus qualitercumque. Quandoque vero non dicuntur
aliqua esse unum in genere, nisi in genere superiori, quod cum adiunctione
unitatis vel identitatis praedicatur de ultimis speciebus generis inferioris,
quando sunt aliquae aliae superiores species supremi generis, in quarum una
infinitae species conveniunt. Sicut figura est unum genus supremum continens
sub se multas species, scilicet circulum, triangulum, quadratum, et
huiusmodi. Et triangulus etiam continet diversas species, scilicet
aequilaterum, qui dicitur isopleurus, et triangulum duorum aequalium laterum,
qui dicitur aequitibiarum vel isosceles. Isti igitur duo trianguli dicuntur
una figura, quod est genus remotum, sed non unus triangulus, quod est genus
proximum. Cuius ratio est, quia hi duo trianguli non differunt per
differentias quibus dividitur figura. Differunt autem per differentias quibus
dividitur triangulus. Idem autem dicitur a quo aliquid non differt
differentia. |
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Mais[83] il faut savoir que l’un sous l’aspect du genre se dit de deux façons. Parfois en effet, les choses sont dites une en genre de la façon mentionnée : leur genre est un de quelque façon que ce soit. Parfois, si elles sont dites une en genre, c’est seulement dans un genre supérieur qui est attribué, avec l’ajout du caractère d’unité ou d’identité, aux espèces ultimes d’un genre inférieur, quand il existe des espèces supérieures du genre suprême, dans l’une desquelles sont réunies une infinité d’espèces. Ainsi, la figure est un genre suprême qui contient de nombreuses espèces telles que le cercle, le triangle, le carré et autres. À son tour, le triangle contient diverses espèces telles que le triangle équilatéral ou à côtés égaux, et le triangle à deux côtés égaux, appelé « à jambes égales » ou isocèle. Or, on dit que ces deux triangles sont une seule figure, ce qui est leur genre éloigné, mais non un seul triangle, ce qui est leur genre prochain. La raison en est que ces deux triangles ne diffèrent pas par des différences entre lesquelles se divise la figure, mais ils diffèrent par des différences entre lesquelles se divise le triangle. Or, le « même » se dit de ce qui n’a pas de différence avec autre chose. |
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[82429] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 23 Quartum modum ponit ibi, amplius autem dicit quod
unum etiam dicuntur, quaecumque ita se habent quod definitio unius, quae est
ratio significans quid est esse, non dividitur a definitione alterius, quae
significat etiam quid est esse eius. Ipsa enim definitio, scilicet secundum
se, oportet quod sit divisibilis, cum constet ex genere et differentia. Sed
potest esse quod definitio unius sit indivisibilis a definitione alterius, quando
duo habent unam definitionem; sive illae definitiones significent totum hoc
quod est in definito, sicut tunica et indumentum: et tunc sunt simpliciter
unum, quorum definitio est una: sive illa communis definitio non totaliter
comprehendat rationem duorum, quae in ea conveniunt, sicut bos et equus
conveniunt in una definitione animalis. Unde numquam sunt unum simpliciter,
sed secundum quid, in quantum scilicet utrumque eorum est animal. Et
similiter augmentum et diminutio conveniunt in una definitione generis, quia
utraque est motus secundum quantitatem. Similiter in omnibus superficiebus
est una definitio huius speciei quae est superficies. |
Il donne le quatrième sens de
l'unité par soi où il dit: "Un par essence se dit encore ... ". On
dit encore une les choses, qui se trouvent dans le rapport suivant: lorsque
la définition d'une chose, qui est la raison exprimant ce qu'est cette chose,
ne se distingue pas de la définition d'une autre qui signifie aussi ce qu'est
l’être de cette autre. La définition elle-même, considérée en elle-même, est
nécessairement di visible, puisqu’elle est composée d'un genre et d'une
différence. Mais il peut arriver que la définition d'une chose soit
indivisible de la définition d'une autre. Lorsque deux choses ont une seule définition.
Si ces définitions signifient tout ce qu'est le défini, comme dans le cas de
la tunique et du vêtement, les choses dont la définition est une sont alors
absolument une. Si la définition commune n'embrasse pas complètement
l'essence des deux choses qui communiquent entre elles dans cette définition,
comme dans le cas du bœuf et du cheval, qui communiquent dans une seule
définition d'animal, les deux choses ne sont pas alors absolument une, mais
relativement, en tant par exemple que les deux sont des animaux. Et
pareillement la croissance et la décroissance conviennent dans une seule
définition du genre, puisque les deux sont des mouvements selon la quantité.
Semblablement, dans toutes les surfaces il y a rencontre dans une seule
définition, qui est la définition de l'espèce-surface. |
Il donne le quatrième sens où il dit : On attribue encore l’idée d’unité, etc. On appelle encore « un » les choses reliées de telle sorte que, lorsque la définition d’une chose, qui est la notion signifiant ce qu’elle est, ne se distingue pas de la définition d’une autre, qui signifie aussi ce qu’elle est. La définition, considérée en elle-même, est nécessairement divisible, puisqu’elle est composée d’un genre et d’une différence. Mais il peut arriver que la définition d’une chose soit indivisible de la définition d’une autre, lorsque deux choses ont une seule définition : et alors, ou bien ces définitions signifient tout ce qu’est la chose définie, par exemple la tunique et le vêtement, et alors, les choses ayant même définition sont absolument un; ou bien la définition commune n’embrasse pas complètement l’essence des deux choses réunies dans cette définition, comme le bœuf et le cheval sont réunis dans la définition d’animal. Dans ce cas, les deux choses ne sont pas une absolument, mais relativement, en tant que les deux sont des animaux. Pareillement, la croissance et la décroissance sont réunis sous l’unique définition de leur genre, puisque les deux sont des mouvements selon la quantité. Également, toutes les surfaces ont une définition unique, celle de l’espèce qui est la surface. |
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[82430] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 7 n. 24 Quintum modum ponit ibi, omnino vero dicit, quod omnino
idest perfecte et maxime sunt unum, quorum intellectus intelligens quidditatem
eorum est omnino indivisibilis, sicut simplicia, quae non componuntur ex
principiis materialibus et formalibus. Unde intellectus accipiens quidditatem
eorum, non comprehendit ea, quasi componens definitionem eorum ex diversis
principiis; sed magis per modum negationis, sicut punctus est, cuius pars non
est: vel etiam per modum habitudinis ad composita, sicut si dicatur quod
unitas est principium numeri. Et, quia talia habent intellectum indivisibilem
in seipsis, ea autem quae sunt quocumque modo divisa, possunt intelligi
separatim, ideo sequitur quod huiusmodi sunt inseparabilia, et secundum
tempus, et secundum locum, et secundum rationem. Et propter hoc sunt maxime
unum; praecipue illud quod est indivisibile in genere substantiae. Nam quod
est indivisibile in genere accidentis, etsi ipsum in se non sit compositum,
est tamen alteri compositum, idest subiecto in quo est. Indivisibilis autem
substantia, neque secundum se composita est, nec alteri componitur. Vel ly
substantia, potest esse ablativi casus. Et tunc est sensus, quod licet aliqua
dicantur unum quia sunt indivisibilia secundum locum vel tempus vel rationem,
tamen inter ea illa maxime dicuntur unum, quae non dividuntur secundum
substantiam. Et redit in eumdem sensum cum priore. |
Il propose ici le cinquième sens
de l’un, où il dit: "En un mot ... " Il dit que sont tout à fait et
parfaitement une les choses dont l'intelligence saisit la quiddité de façon
tout à fait indivisible. Ainsi en est-il des choses simples qui ne sont pas
composées de principes matériels et formels. (Elles sont intellectuellement
indivisibles). C'est pourquoi l'intelligence qui reçoit leur quiddité ne les
saisit pas quasi en composant leur définition à partir de principes divers,
mais par modes de négation. Ainsi le point est ce qui n’a pas de partie. Ou
bien elle saisit leur quiddité par mode de relation aux choses composées,
comme lorsqu'on dit que l'unité est le principe du nombre. Et parce que ces
choses ne peuvent être saisies qu’indivisiblement par l'intelligence (la
pensée étant indivisible à leur égard; l'intelligence ne pouvant opérer de
séparation en elles), alors que les choses qui sont divisées de quelque
manière peuvent être comprises séparément, il s'ensuit que les choses simples
de la sorte sont inséparables et dans le temps et dans le lieu et dans la
notion. Voilà pourquoi elles sont tout à fait une, et, principalement, celles
qui sont dans le genre substance. Ce qui est indivisible en effet dans le
genre accident, bien qu'en soi indivisible, entre quand même en composition
avec un autre, c'est-à-dire le sujet où il est. La substance est indivisible:
elle n’est ni composée en elle-même ni en composition avec un autre. Une
autre interprétation du texte met le mot substance à l’ablatif. Bien que
certaines choses sont dites une parce qu'indivisibles ou dans le temps ou
dans le lieu ou dans la notion, il y en a cependant parmi elles qui sont plus
une. Ce sont elles qui sont indivisibles dans le genre, substance. Ce qui
revient au sens précédent. |
Il propose ici le cinquième sens où il dit : En général, on appelle, etc. Il dit que sont éminemment unes les choses dont l’intelligence saisit la quiddité de façon tout à fait indivisible. Ainsi en est-il des choses simples, qui ne sont pas composées de principes matériels et formels. C’est pourquoi l’intelligence qui reçoit leur quiddité ne les saisit pas comme en composant leur définition à partir de principes divers, mais par mode de négation (par exemple, le point est ce qui n’a pas de partie), ou encore par mode de relation aux choses composées, comme lorsqu’on dit que l’unité est le principe du nombre. Et parce que ces choses ne peuvent être saisies qu’indivisiblement par l'intelligence[84], alors que les choses qui sont divisées de quelque manière peuvent être comprises séparément, il s'ensuit que les choses simples de la sorte sont inséparables dans le temps, dans le lieu et dans la notion. Voilà pourquoi elles sont éminemment unes, surtout celles qui sont dans le genre substance : en effet, ce qui est indivisible dans le genre accident, bien qu’indivisible en soi, entre quand même en composition avec un autre, c'est-à-dire le sujet où il est. La substance est indivisible : elle n’est ni composée en elle-même ni en composition avec un autre. Le mot « substance » peut aussi être lu comme étant à l’ablatif[85], et le sens est alors que, bien que certaines choses soient dites unes parce qu’indivisibles dans le temps, dans le lieu ou dans la notion, on considère éminemment unes celles qui sont indivisibles selon la substance, et cela revient au sens précédent. |
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Leçon 8, Texte d’Aristote
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Leçon 8, Texte d’Aristote, traduit
par Sr Pascale-Dominique Nau |
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D'une manière générale, tout ce qui
est indivisible, en tant qu'il est indivisible, par cela même est dit
un : si, par exemple, c'est en tant qu’homme que deux choses ne sont pas
divisibles, nous avons une seule espèce d’homme; si c'est en tant qu'animal,
une seule espèce d'animal; si c’est en tant que grandeur, une seule espèce de
grandeur. La plupart des êtres ne sont donc appelés un que parce qu'ils font,
ont, souffrent quelque autre chose qui est une, ou sont relatifs à cette
chose une, tandis que les êtres auxquels l'unité est attribuée au sens
primordial sont ceux dont la substance est une, et une, soit par continuité,
soit en espèce, soit en définition, car ce que nous mettons au nombre des
choses multiples, ce sont ou bien les êtres non continus, ou les êtres qui ne
sont pas un spécifiquement, ou ceux dont la définition n'est pas une.
J’ajoute que, si nous pouvons dire, en un sens, qu’une chose quelconque est
une quand elle est quantité et continuité, en un autre sens nous ne le
pouvons pas: il faut encore qu'elle soit un tout, autrement dit qu'elle soit
une par sa forme. Par exemple, nous ne saurions parler d’unité, en voyant,
rangées en désordre, l'une près de l'autre, les parties de la chaussure;
c'est seulement s'il y a, non pas simple continuité, mais un arrangement tel
que ce soit une chaussure, ayant déjà une forme une et déterminée. Pour la
même raison, la ligne circulaire est la ligne la plus une de toutes, car elle
forme un tout et elle est achevée. L'essence de l'Un est d'être une
sorte de principe numérique: en effet, la mesure première est un principe,
car ce par quoi primordialement nous connaissons chaque genre est la mesure
première de ce genre; le principe du connaissable dans chaque genre est donc
l'Un. Mais l’on n’est pas le même dans tous les genres: ici, c'est le demi-ton,
là, c'est la voyelle : ou la consonne; autre est l'Un pour la pesanteur,
autre est l’un pour le mouvement. Mais, dans tous les cas, l'Un est
indivisible, soit selon la quantité, soit selon l'espèce. Ce qui est
indivisible selon la quantité, et en tant que quantité, et qui est
indivisible absolument, et sans position, s'appelle unité; ce qui est
absolument indivisible, mais avec position, un point; ce qui est divisible
selon une seule dimension, une ligne; ce qui est divisible selon deux
dimensions, une surface; ce qui est absolument divisible en quantité et selon
trois dimensions, un corps. En ordre inverse, ce qui est divisible selon deux
dimensions est une surface; selon une seule dimension, une ligne; ce qui
n'est divisible d'aucune manière selon la quantité, un point ou une unité:
sans position, une unité; avec position, un point. Autre division. Ce qui est un,
l'est, ou selon le nombre, ou selon l'espèce, ou selon le genre, ou par
analogie: selon le nombre, ce sont les êtres dont la matière est une; selon
l'espèce, les êtres dont la définition est une; selon le genre, les êtres
dont on affirme le même type de catégorie; enfin, par analogie, toutes les
choses qui sont l'une à l'autre comme une troisième chose est à une
quatrième. Les modes postérieurs de l'Un impliquent toujours les modes
antérieurs : par exemple, ce qui est un selon le nombre est aussi un
selon l'espèce, tandis que ce qui est un selon l'espèce ne l'est pas toujours
selon le nombre; tout ce qui est un selon l'espèce:; l'est aussi selon le
genre, mais ce qui est un selon le genre ne l'est pas toujours selon
l'espèce, il l'est seulement par analogie; enfin, ce qui est un par analogie
ne l'est pas toujours selon le genre. Il est manifeste aussi que le
Multiple sera divisé, en sens opposé, d'autant de façons que l'Un: il y a
multiplicité, en effet, ou par discontinuité, ou par division de la matière
selon l'espèce, qu'il s'agisse de la matière prochaine ou de la matière
ultime, ou bien par la pluralité des définitions exprimant la quiddité. |
Ainsi, les termes généraux sont appelés Uns en tant qu’ils n’ont pas de division possible. Par exemple, l’homme est Un, parce qu’il est indivisible en tant qu’homme ; l’animal est Un, parce qu’il est indivisible en tant qu’animal ; la grandeur est Une, parce qu’elle est également indivisible en tant que grandeur. Le plus souvent, les choses sont appelées Unes, parce qu’elles produisent quelque autre chose en commun, ou qu’elles la souffrent, ou qu’elle la possèdent, ou parce qu’elles ont une unité relative et indirecte. Mais au sens primordial du mot, les choses sont Unes quand leur substance est identique et Une. Or, la substance est Une, soit par la continuité, soit par la forme, soit par la définition ; car nous attribuons la pluralité numérique aux choses qui ne sont pas continues, ou dont la forme n’est pas la même, ou la définition n’est pas identique et Une. Parfois encore, nous disons d’une chose quelconque qu’elle est Une, par cela seul que cette chose a une certaine quantité, et qu’elle est continue. Mais parfois cela même ne suffit pas, et il faut en outre que cette chose compose un tout ; en d’autres termes, il faut qu’elle ait une forme qui soit Une. Par exemple, nous ne dirions pas également d’une chaussure qu’elle est Une, par cela seul que nous en verrions les diverses parties posées dans un ordre quelconque, ces parties fussent-elles même continues ; mais la chaussure n’est Une à nos yeux que si les diverses parties représentent, en effet, une chaussure, et qu’elles aient une forme Une et convenable. C’est là ce qui fait que, parmi les lignes de divers genres, c’est celle du cercle qui est la plus Une, parce que cette ligne est entière et complète. C’est la notion de l’unité qui est le principe du nombre, parce que c’est la mesure primordiale qui est le principe. Dans chaque genre de choses, c’est ce qui fait primitivement connaître la chose qui est la mesure première de ce genre. Or, le principe qui nous fait tout d’abord connaître les choses, c’est l’unité dans chacune d’elles. Seulement, l’unité n’est pas la même dans tous les genres sans distinction. En musique, l’unité est le quart de ton ; en grammaire, c’est la voyelle ou la consonne. Pour le poids, l’unité est autre, comme elle est différente aussi pour le mouvement. Mais, dans tous les cas, l’unité est indivisible soit en espèce, soit en quantité. Ce qui est indivisible en quantité et en tant que quantité, et est indivisible en tous sens, mais sans avoir de position, c’est l’unité numérique, la monade. Ce qui est indivisible en tous sens, mais qui a une position, c’est le point. La ligne n’est divisible qu’en un sens ; la surface l’est en deux sens ; et le corps est divisible dans tous les sens, c’est-à-dire dans les trois dimensions. Et en descendant selon l’ordre inverse, ce qui est divisible en deux sens, c’est la surface ; ce qui l’est en un seul, c’est la ligne ; ce qui est absolument indivisible sous le rapport de la quantité, c’est le point, et l’unité ou monade, la monade n’ayant pas de position, et le point en ayant une dans l’espace. On peut dire encore que l’unité dans les choses tient, soit à leur nombre, soit à leur espèce, soit à leur genre, soit à leur proportion relativement à d’autres. L’unité numérique résulte de ce que la matière est Une ; l’unité d’espèce, de ce que la définition est Une et la même ; l’unité de genre, de ce que les choses sont comprises sous la même forme d’attribution ou de catégorie ; l’unité de proportion résulte de ce que les choses sont avec d’autres dans une relation pareille. D’ailleurs, les termes postérieurs sont toujours contenus dans les. termes précédents et à leur suite. Ainsi, tout ce qui est Un en nombre est Un aussi en espèce, bien que réciproquement tout ce qui est Un en espèce ne le soit pas toujours numériquement. Tout ce qui est Un en espèce est Un aussi en genre ; mais tout ce qui est Un en genre n’est pas Un en espèce, si ce n’est proportionnellement et par analogie ; et tout ce qui est Un par proportion relative n’est pas toujours Un en genre. Enfin, il est bien clair que la pluralité est l’opposé de l’unité. Ainsi, la pluralité pour les choses résulte, tantôt de ce qu’elles ne sont pas continues, tantôt de ce que leur matière spécifique, soit primordiale, soit dernière, est divisible, et tantôt de ce qu’il y a pour elles des définitions différentes, pour exprimer leur essence et ce qu’elles sont en elles-mêmes. |
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Lectio 8 |
Leçon 8, Commentaire de
saint Thomas [L’un (suite)] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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Leçon
8, Commentaire de saint Thomas [L’un (suite)] (Traduction Abbé Dandenault, v.
1960) |
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ARISTOTE DEDUIT TOUS
LES SENS DE L’UNITE A UN SEUL. IL AJOUTE A CES SENS CELUI OU L’UNITE SE PREND
D'APHES LA PEHFECTION. IL INFERE AUSSI QUE L'UN EST PRINCIFE DE CE QUI EST
DENOMBRE. IL POSE AUSSI UNE AUTRE DIVISION DE L'UNITE SELON LAQUELLE
CERTAINES CHOSES SONT DITES UNE PAR LE NOMBRE, L'ESPÈCE, LE GENRE, OU LA
PROPORTION (L’ANALOGIE). EN PLUS, IL EXPOSE EN COMBIEN DE SENS SE DIT LE
MULTIPLE. |
ARISTOTE DEDUIT TOUS LES SENS DE L’UNITE A UN SEUL. IL AJOUTE A CES SENS CELUI OU L’UNITE SE PREND D'APHES LA PEHFECTION. IL INFERE AUSSI QUE L'UN EST PRINCIFE DE CE QUI EST DENOMBRE. IL POSE AUSSI UNE AUTRE DIVISION DE L'UNITE SELON LAQUELLE CERTAINES CHOSES SONT DITES UNE PAR LE NOMBRE, L'ESPÈCE, LE GENRE, OU LA PROPORTION (L’ANALOGIE). EN PLUS, IL EXPOSE EN COMBIEN DE SENS SE DIT LE MULTIPLE. |
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[82431] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 1 Hic philosophus reducit omnes modos ad unum primum;
et circa hoc duo facit. Primo ponit reductionem praedictam. Secundo super
modos positos ponit alium modum unitatis, ibi, amplius autem et cetera. Dicit
ergo primo, quod ex hoc patet, quod illa quae sunt penitus indivisibilia,
maxime dicuntur unum: quia ad hunc modum omnes alii modi reducuntur, quia
universaliter hoc est verum, quod quaecumque non habent divisionem, secundum
hoc dicuntur unum, inquantum divisionem non habent. Sicut quae non dividuntur
in eo quod est homo, dicuntur unum in homine, sicut Socrates et Plato. Et
quae non dividuntur in ratione animalis, dicuntur unum in animali. Et quae
non dividuntur in magnitudine vel mensura, dicuntur unum secundum
magnitudinem, sicut continua. |
Ici le Philosophe réduit tous les
sens de l’unité en un sens premier. Là-dessus il fait un double travail. Il
opère tout d'abord la réduction, puis il pose au-dessus des sens précédents
un autre sens de l'unité, où il dit : "J’ajoute que si nous pouvons dire
etc. " Il dit donc en premier que ce qui rend évident le fait que ce qui
est tout à fait indivisible se dit le plus un, c’est précisément que tous les
autres sens de l’unité se réduisent à ce sens là. Dans tous les cas, en
effet, il est vrai de dire que tout ce qui n’a pas de division est dit un, en
tant même que n'ayant pas de divisons. Ainsi, les êtres qui ne sont pas
divisés en tant qu'ils sont hommes sont dits un en tant qu'ils sont hommes,
comme Socrate et Platon. Et les êtres qui ne se divisent pas en tant
qu'animal sont dits un dans la raison d'animalité. Et les choses qui ne sont
pas divisées dans l’ordre de la grandeur ou de la mesure sont dites une selon
la grandeur, comme les continus. |
Ici le Philosophe réduit tous les sens de l’unité à un sens premier.
Il le fait en deux parties : il opère tout d'abord cette réduction;
ensuite, il affirme en plus des sens précédents un autre sens de l’unité, où
il dit : Parfois encore, nous disons,
etc. Il dit donc en premier qu’il est évident que ce qui est tout à fait
indivisible est éminemment un, parce que tous les autres sens de l’unité se
réduisent à celui-là : il est universellement vrai de dire, en effet,
que tout ce qui n’a pas de division est un en tant qu’il n’a pas de divison.
Ainsi, les êtres qui ne sont pas divisés en tant qu’ils sont hommes sont dits
un en tant qu’hommes, comme Socrate et Platon. Et les êtres qui ne se
divisent pas en tant qu’animal sont dits un dans la notion d’animalité. Et
les choses qui ne sont pas divisées dans l’ordre de la grandeur ou de la mesure
sont dites une selon la grandeur, comme les continus. |
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[82432]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 2 Et ex hoc potest accipi etiam numerus et diversitas
modorum unius suprapositorum; quia unum aut est indivisibile simpliciter, aut
indivisibile secundum quid. Siquidem simpliciter, sic est ultimus modus, qui
est principalis. Si autem est indivisibile secundum quid, aut secundum
quantitatem tantum, aut secundum naturam. Si secundum quantitatem, sic est
primus modus. Si secundum naturam, aut quantum ad subiectum, aut quantum ad
divisionem quae se tenet ex parte formae. Si quantum ad subiectum, vel
quantum ad subiectum reale, et sic est secundus modus. Vel quantum ad
subiectum rationis, et sic est tertius modus. Indivisibilitas autem formae,
quae est indivisibilitas rationis, idest definitionis, facit quartum modum. |
A partir de là, on peut ramasser
le nombre et la diversité des sens de l’un mentionnés auparavant: l’un est
soit absolument indivisible, soit relativement. S’il l’est absolument, nous
avons le dernier sens, qui est le principal. S'il est indivisible "secundum quid", sous un certain
rapport, ou bien c'est selon la quantité ou bien selon la nature. Si c'est
selon la quantité, nous avons le premier sens. S’il est indivisible selon sa
nature, c’est ou bien selon le sujet ou selon la forme. Si c’est par rapport
au sujet, ou bien c’est relatif au sujet réel, et alors nous avons le second
sens ; ou bien c’est relatif au sujet logique, et ainsi nous avons le
troisième sens. L'indivisibilité de la forme, qui est l'indivisibilité de la
forme, qui est la définition, nous donne le quatrième sens. |
A partir de là, on peut aussi saisir le nombre et la diversité des
sens de l’un mentionnés auparavant, car l’un est soit absolument, soit
relativement indivisible. S’il l’est absolument, nous avons le dernier sens,
qui est le principal. S’il est indivisible sous un certain rapport, c’est ou
bien selon la quantité, ou bien selon la nature. Si c’est selon la quantité,
nous avons le premier sens. S’il est indivisible par sa nature, c’est
soit selon le substrat, soit quant à
une division opérée du côté de la forme. Si c’est par rapport au substrat, ou
bien c’est du côté du substrat réel, et alors nous avons le second sens; ou
bien c’est du côté du sujet logique, et ainsi nous avons le troisième sens.
L'indivisibilité de la forme, qui est l'indivisibilité de la notion,
c'est-à-dire de la définition, nous donne le quatrième sens. |
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[82433] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 3 Ex his autem modis ulterius aliqui alii modi
derivantur. Plurima autem sunt, quae dicuntur unum, ex eo quod faciunt unum;
sicut plures homines dicuntur unum, ex hoc quod trahunt navem. Et etiam
dicuntur aliqua unum, ex eo quod unum patiuntur; sicut multi homines sunt
unus populus, ex eo quod ab uno rege reguntur. Quaedam vero dicuntur unum ex
eo quod habent aliquid unum, sicut multi possessores unius agri sunt unum in
dominio eius. Quaedam etiam dicuntur unum ex hoc quod sunt aliquid unum;
sicut multi homines albi dicuntur unum, quia quilibet eorum albus est. |
D'autres modes dérivent des modes
précédents. On dit de plusieurs êtres qu’ils sont un du fait qu’ils font une
seule chose. Ainsi, on dit de plusieurs hommes qu’ils sont un parce qu’ils
tirent le navire. Un se dit encore de plusieurs êtres parce qu'ils subissent
une seule action: plusieurs hommes ne sont qu'un peuple parce qu'ils sont
gouvernés par un seul roi. D'autres sont dits un du fait d’une possession
commune; ainsi les possesseurs d'un seul champ sont un dans la possession. Et
même plusieurs choses sont dites une parce qu'elles sont quelque chose d’un:
plusieurs hommes blancs sont dits un parce que chacun d’eux est blanc. |
D'autres modes dérivent des modes précédents. Dans bien des cas, on
dit que des choses sont une parce qu’elles font une même chose; ainsi, on dit
de plusieurs hommes qu’ils sont un parce qu’ils tirent le navire. Un se dit
encore de plusieurs êtres parce qu'ils subissent une seule action : une
multitude d’hommes forment un seul peuple parce qu’ils sont gouvernés par un
seul roi. D’autres sont dits un du fait d’une possession commune; ainsi les
possesseurs d’un seul champ sont un dans la possession. Et même plusieurs
choses sont dites une parce qu’elles sont quelque chose d’un : plusieurs
hommes blancs sont dits un parce que chacun d’eux est blanc. |
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[82434]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 4 Sed respectu omnium istorum modorum secundariorum,
primo dicuntur unum illa quae sunt unum secundum suam substantiam, de quibus supra
dictum est in quinque modis suprapositis. Una namque substantia est, aut
ratione continuitatis, sicut in primo modo: aut propter speciem subiecti,
sicut in secundo modo, et etiam in tertio, prout unitas generis aliquid habet
simile cum unitate speciei: aut etiam propter rationem, sicut in quarto et in
quinto modo. Et quod adhuc ex his modis aliqua dicantur unum, patet per
oppositum. Aliqua enim sunt numero plura, vel numerantur ut plura, quia non
sunt continua, vel quia non habent speciem unam, vel quia non conveniunt in
una ratione. |
Mais par rapport à toutes ces sens
secondaires, on doit d'abord appeler une les choses dont on a parlé dans les
cinq sens posés plus haut où l'unité se fait dans la substance. Une seule substance
est une, soit en raison de la continuité, comme dans le premier sens; soit à
cause de l'espèce du sujet, comme dans le second sens, et même dans le
troisième sens, en Jutant que l'unité du genre ressemble, de quelque manière
à l’unité de l'espèce; soit à cause de Il définition, comme dans le quatrième
et cinquième sens. Et que de plus, dans ces sens-là, on puisse dire des
choses qu'elles sont une, c'est évident par les termes opposés. Les êtres
sont numériquement plusieurs ou sont comptés comme plusieurs, parce qu’ils ne
sont pas continus; ou parce qu’ils ne sont pas d’une seule espèce; ou parce
qu'ils ne conviennent pas dans une seule définition. |
Mais par rapport à tous ces sens secondaires, on doit appeler unes au
sens premier les choses qui sont unes en substance et dont on a parlé dans
les cinq sens posés plus haut. Une chose est une en substance, soit en raison
de sa continuité, comme dans le premier sens; soit à cause de l’espèce du
sujet, comme dans le second sens, et aussi dans le troisième sens, du fait
que l’unité du genre ressemble de quelque manière à l’unité de l’espèce; soit
à cause de sa notion, comme dans les quatrième et cinquième sens. Le fait
que, dans ces sens-là, on peut dire que des choses sont une est évident du fait de leurs
contraires. Les êtres sont numériquement plusieurs ou sont comptés comme
plusieurs, parce qu’ils ne sont pas continus,; ou parce qu’ils ne sont pas
d’une seule espèce, ou parce qu’ils ne sont pas englobés dans une seule
notion. |
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[82435] Sententia Metaphysicae,
lib. 5 l. 8 n. 5 Deinde cum dicit amplius autem addit alium modum a
supradictis, qui non sumitur ex ratione indivisionis sicut praedicti, sed
magis ex ratione divisionis; et dicit, quod quandoque aliqua dicuntur unum
propter solam continuitatem, quandoque vero non, nisi sit aliquod totum et
perfectum; quod quidem contingit quando habet aliquam unam speciem, non
quidem sicut subiectum homogeneum dicitur unum specie quod pertinet ad
secundum modum positum prius, sed secundum quod species in quadam totalitate
consistit requirens determinatum ordinem partium; sicut patet quod non
dicimus unum aliquid, ut artificiatum, quando videmus partes calceamenti
qualitercumque compositas, nisi forte secundum quod accipitur unum pro
continuo; sed tunc dicimus esse unum omnes partes calceamenti, quando sic
sunt compositae, quod sit calceamentum et habeat aliquam unam speciem,
scilicet calceamenti. |
Ensuite où il dit: "J’ajoute
que, si nous ... "; il ajoute un autre sens aux sens susdits. Ce sens
n’est pas pris en raison de l'indivision comme les autres, mais plutôt en
raison de la division. Il dit que si, dans certains cas, plusieurs sont
ramenés à l'unité uniquement à cause de la continuité, dans d'autres cas, la
continuité est insuffisante et ne sert à l’unité que dans l'existence d'un
tout ou de quelque chose de parfait. Ce qui arrive lorsque plusieurs choses
ont une seule espèce, qui n'est pas le genre d'espèce que peut apporter le
sujet homogène, comme dans le cas du second sens, mais qui est l'espèce constituée
par le tout exigeant l’ordre déterminé des parties. Ainsi il appert que nous
ne disons pas de quelque chose, d'une œuvre d'art par exemple, qu'elle est
une lorsque nous voyons les parties d'un soulier composées de n'importe
quelle manière, excepté peut-être si l'on ramène l'expression à signifier
uniquement la continuité. Mais nous disons que toutes les parties du soulier
sont une quand elles sont composées, ordonnées de manière à former ce qu’est
un soulier et à posséder une espèce, celle du soulier. |
Ensuite où il dit : Parfois encore, nous disons, etc., il ajoute un autre sens aux sens précédents. Ce sens n’est pas tiré de la notion d’indivision comme les autres, mais plutôt de la notion de division. Il dit que parfois, l’unité est attribuée à une chose uniquement à cause de sa continuité, et parfois non, à moins que la chose ne soit un tout et quelque chose de parfait : tel est le cas lorsque la chose a une seule espèce, non pas en tant que son substrat homogène est appelé un en espèce, ce qui revient au deuxième sens donné plus haut, mais en tant que l’espèce consiste en une sorte de totalité qui exige un ordre déterminé des parties. Ainsi il est évident que nous ne disons pas qu’une chose, telle qu’un objet artificlel, est une lorsque nous voyons les parties d’un soulier assemblées n’importe comment, sauf peut-être si l’on identifie l’un au continu, mais nous disons que toutes les parties du soulier sont un quand elles sont assemblées de manière à former un soulier et à posséder une espèce unique, celle du soulier. |
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[82436]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 6 Et ex hoc patet, quod linea circularis est maxime
una; quia non solum habet continuitatem, sicut linea recta; sed etiam habet
totalitatem et perfectionem, quod non habet linea recta. Perfectum est enim
et totum, cui nihil deest: quod quidem contingit lineae circulari. Non enim
potest sibi fieri additio, sicut fit lineae rectae. |
Il est manifeste de là que la
ligne circulaire est tout à fait une: non seulement elle possède la
continuité, comme la ligne droite, mais elle possède aussi la totalité et la
perfection, ce que n'a pas la ligne droite. En effet, le tout et le parfait
sont ce à quoi il ne manque rien: ce qui convient à la ligne circulaire, car
on ne pout lui faire aucune addition comme on peut le faire à la ligne
droite. |
Il est donc manifeste que la ligne circulaire est éminemment
une : non seulement elle possède la continuité, comme la ligne droite,
mais elle possède aussi la totalité et la perfection, ce que n’a pas la ligne
droite. En effet, le tout et le parfait sont ce à quoi rien ne manque :
cela convient à la ligne circulaire, car on ne pout lui faire aucun ajout
comme on peut le faire à la ligne droite. |
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[82437] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 7 Deinde cum dicit uni vero ponit quamdam proprietatem
consequentem unum; et dicit, quod ratio unius est in hoc, quod sit principium
alicuius numeri. Quod ex hoc patet, quia unum est prima mensura numeri, quo
omnis numerus mensuratur: mensura autem habet rationem principii, quia per
mensuram res mensuratae cognoscuntur, res autem cognoscuntur per sua propria
principia. Et ex hoc patet, quod unum est principium noti vel cognoscibilis
circa quodlibet, et est in omnibus principium cognoscendi. |
Ensuite, quand il dit : "L'essence
de l’Un est... ", il pose une certaine propriété de l'unité en disant
que la raison de l'unité consiste à être principe du nombre. Ce qui est
évident du fait que l'unité est la mesure première du nombre, ce par quoi
tout nombre est mesuré. La mesure a en effet raison de principe, parce que
c'est par elle que nous connaissons les choses mesurées et que les choses
sont connues parleurs principes propres. De là il apparaît que l'unité est
principe de la chose connue ou du connaissable en tout genre, et qu'elle est
en toutes choses principe de connaissance. |
Ensuite, quand il dit : C’est
la notion de l’unité, etc., il énonce une certaine propriété de l’unité
en disant que la notion de l’unité consiste dans le fait d’être principe du
nombre. Cela est évident du fait que l’unité est la mesure première du
nombre, par laquelle tout nombre est mesuré. En effet, la mesure a raison de
principe, parce que c'est par elle que nous connaissons les choses mesurées
et que les choses sont connues par leurs principes propres. Il est donc
évident que l’unité est principe de la chose connue ou du connaissable en
tout genre, et qu’elle est principe de connaissance en toutes choses. |
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[82438] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 8 Hoc autem unum, quod est principium cognoscendi, non
est idem in omnibus generibus. In genere enim consonantiarum est unum, quod
est diesis, quod est minimum in consonantiis. Diesis enim est semitonium
minus. Dividitur enim tonus in duo semitonia inaequalia, quorum unus dicitur
diesis. In vocibus autem unum primum et minimum est litera vocalis, aut
consonans; et magis vocalis quam consonans, ut in decimo dicetur. Et in
gravitatibus sive ponderibus est aliquid minimum, quod est mensura, scilicet
uncia, vel aliquid aliud huiusmodi. Et in motibus est una prima mensura, quae
mensurat alios motus, scilicet motus simplicissimus et velocissimus, sicut
est motus diurnus. |
Cette unité cependant qui est
principe de connaissance n'est pas la même dans tous les genres d'être. Dans
le genre musical, l'unité c'est le "dièse" (le demi-ton) qui est ce
qu'il y a de plus petit dans la gamme. Le dièse est en effet le demi-ton
mineur, car le ton se divise en deux demi tons inégaux, dont l'un s'appelle
dièse. Dans les mots, ce qu'il y a de plus petit et de premier c'est la
voyelle ou la consonne et davantage la voyelle que la consonne, comme on le
dira dans le dixième livre. Dans la pesanteur ou dans le poids, il y a aussi
quelque chose de très petit qui est mesure, c'est l'once ou quelque chose de
la sorte. Et dans les mouvements, il y a une première mesure qui mesure les
autres mouvements, à savoir le mouvement le plus simple et le plus rapide,
comme est le mouvement solaire. |
Cependant, l’unité qui est principe de connaissance n’est pas la même
dans tous les genres d'être. Dans le genre de l’harmonie, l’unité est le dièse[86], qui est ce qu’il y a de
plus petit dans la gamme. Le dièse est en effet le plus petit demi-ton, car
le ton se divise en deux demi-tons inégaux, dont l’un s'appelle dièse. Dans
les mots, ce qu’il y a de plus petit et de premier, c’est la voyelle ou la
consonne, et davantage la voyelle que la consonne, comme on le dira au livre
X. Dans la pesanteur ou dans les poids, il y a aussi quelque chose de très
petit qui est la mesure; c’est l’once ou quelque chose de la sorte. Dans les
mouvements, il y a une première mesure qui mesure les autres mouvements, à
savoir le mouvement le plus simple et le plus rapide, comme le mouvement
solaire. |
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[82439] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 9 In omnibus tamen istis hoc est commune, quod illud,
quod est prima mensura, est indivisibile secundum quantitatem, vel secundum
speciem. Quod igitur est in genere quantitatis unum et primum, oportet quod
sit indivisibile et secundum quantitatem. Si autem sit omnino indivisibile et
secundum quantitatem et non habeat positionem, dicitur unitas. Punctus vero
est id, quod est omnino indivisibile secundum quantitatem et tamen habet
positionem. Linea vero est quod est divisibile secundum unam dimensionem
tantum: superficies vero secundum duas. Corpus autem est omnibus modis
divisibile secundum quantitatem, scilicet secundum tres dimensiones. Et hae
descriptiones convertuntur. Nam omne quod duabus dimensionibus dividitur, est
superficies, et sic de aliis. |
Mais dans tous ces cas, il y a
ceci de commun que ce qui est la première mesure est indivisible soit selon
la quantité soit selon l'espèce. Ce qui est un et premier dans le genre
quantité doit être indivisible selon la quantité. S'il est tout à fait
indivisible selon la quantité et n'a pas de position, on l'appelle l'unité.
Le point, lui, est ce qui est tout à fait indivisible selon la quantité, mais
possède une position. La ligne est ce qui est indivisible selon un, seule
dimension; la superficie selon deux dimensions, Le corps est divisible selon
la quantité de toutes manières, c’est-à-dire selon les trois dimensions. Et
ces descriptions sont convertibles. Ce qui se divise selon deux dimensions
est une superficie… |
Mais dans tous ces cas, il y a ceci de commun que ce qui constitue la
première mesure est indivisible soit selon la quantité, soit selon l’espèce.
Ce qui est un et premier dans le genre de la quantité doit être indivisible
selon la quantité. S’il est tout à fait indivisible selon la quantité et n’a
pas de position, on l’appelle unité. Le point, lui, est ce qui est tout à
fait indivisible selon la quantité, mais qui a une position. La ligne est ce
qui est divisible selon une seule dimension, la surface selon deux
dimensions. Le corps, lui, est divisible selon la quantité de toutes
manières, c’est-à-dire selon les trois dimensions. Et ces descriptions vont
dans les deux sens : tout ce qui se divise selon deux dimensions est une
surface, et ainsi de suite. |
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[82440] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 10 Sciendum est autem quod esse mensuram est propria
ratio unius secundum quod est principium numeri. Hoc autem non est idem cum
uno quod convertitur cum ente, ut in quarto dictum est. Ratio enim illius unius
in sola indivisione consistit: huiusmodi autem unius in mensuratione. Sed
tamen haec ratio mensurae, licet primo conveniat uni quod est principium
numeri, tamen per quamdam similitudinem derivatur ad unum in aliis generibus,
ut in decimo huius philosophus ostendet. Et secundum hoc ratio mensurae
invenitur in quolibet genere. Haec autem ratio mensurae consequitur rationem
indivisionis, sicut habitum est. Et ideo unum non omnino aequivoce dicitur de
eo quod convertitur cum ente, et de eo quod est principium numeri; sed
secundum prius et posterius. |
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Mais il faut savoir que le fait d’être mesure est la définition
propre de l’un en tant qu’il est principe du nombre; or, cela n’est pas la
même chose que l’un qui est convertible avec l’être, comme on l’a dit au
livre IV. En effet, l’essence de cet un consiste uniquement dans son
indivisibilité, et celle de l’autre un consiste dans le fait d’être une
mesure. Mais pourtant, cette notion de mesure, même si elle convient en
premier lieu à l’un qui est principe du nombre, s’étend par une certaine
ressemblance à l’un qui existe dans les autres genres, comme le montrera le
Philosophe au livre X. À ce point de vue, la notion de mesure se retrouve
dans tous les genres. Mais cette notion de mesure découle de la notion
d’indivisibilité, comme on l’a vu. Pour cette raison, l’un ne désigne pas de
façon tout à fait équivoque l’un qui est convertible avec l’être et l’un qui
est principe du nombre, mais il les désigne de façon primaire et secondaire. |
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[82441]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 11 Deinde cum dicit amplius autem ponit aliam
divisionem unius, quae est magis logica; dicens, quod quaedam sunt unum
numero, quaedam specie, quaedam genere, quaedam analogia. Numero quidem sunt
unum, quorum materia est una. Materia enim, secundum quod stat sub
dimensionibus signatis, est principium individuationis formae. Et propter hoc
ex materia habet singulare quod sit unum numero ab aliis divisum. |
Ensuite, quand il dit: "Autre
division. Ce qui... ", il pose une autre division, plutôt logique, de
l'unité, en disant qu'il y a des êtres qui sont un par le nombre, d'autres
par l'espèce, d’autres par le genre, d'autres par analogie. Est numériquement
un ce dont la matière est une. La matière en effet, en tant qu'elle se tient
sous des dimensions signées, est le principe de l'individuation de la forme.
A cause de cela, le singulier tient de la matière d'être numériquement un et
divisé des autres. |
Ensuite, quand il dit : On
peut dire encore, etc., il présente une autre division de l’unité, qui se
situe davantage du point de vue logique, en disant qu’il y a des êtres qui
sont un par le nombre, d’autres par l'espèce, d’autres par le genre, d’autres
par analogie. Est numériquement un ce dont la matière est une. La matière en
effet, en tant que substrat de dimensions déterminées[87], est le principe de
l’individuation de la forme. Pour cette raison, le singulier tient de la
matière d’être numériquement un et séparé des autres. |
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[82442] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 12 Specie autem dicuntur unum, quorum una est ratio,
idest definitio. Nam nihil proprie definitur nisi species, cum omnis
definitio ex genere et differentia constet. Et si aliquod genus definitur,
hoc est inquantum est species. |
Sont dits un par l'espèce ceux
dont la définition est une. Il n’y a que l'espèce qui est proprement définie,
puisque la définition se fait par le genre et la différence. Si un genre se
définit, c'est en tant qu'il est one espèce. |
Sont dits un en espèce ceux dont la notion, c'est-à-dire la définition, est une. En effet, seule l’espèce est définie à proprement parler, puisque toute définition est constituée par un genre et une différence spécifique. Si un genre se définit, c’est en tant qu’il est une espèce. |
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[82443] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 13 Unum vero genere sunt, quae conveniunt in figura praedicationis,
idest quae habent unum modum praedicandi. Alius enim est modus quo
praedicatur substantia, et quo praedicatur qualitas vel actio; sed omnes
substantiae habent unum modum praedicandi, inquantum praedicantur non ut in
subiecto existentes. |
Sont un par le genre les êtres qui
se retrouvent dans un même type de catégorie, ont un seul mode de prédiquer,
autre en effet est le mode dé prédication de la substance, et autre celui de
la qualité ou de la passion. Toutes les substances ont cependant un seul mode
d’attribution, en tant qu’elles sont prédiquées comme n'existant pas dans un
sujet. |
Sont un par le genre les êtres qui se retrouvent dans le même mode d’attribution, c'est-à-dire qui sont
attribués de la même façon. Autre en effet est le mode d’attribution de la
substance, et autre celui de la qualité ou de l’action. Toutes les substances
ont cependant un seul mode d’attribution, en tant qu’elles sont attribuées
comme n’existant pas dans un sujet[88]. |
|
[82444] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 14 Proportione vero vel analogia sunt unum quaecumque
in hoc conveniunt, quod hoc se habet ad illud sicut aliud ad aliud. Et hoc quidem
potest accipi duobus modis, vel in eo quod aliqua duo habent diversas
habitudines ad unum; sicut sanativum de urina dictum habitudinem significat
signi sanitatis; de medicina vero, quia significat habitudinem causae
respectu eiusdem. Vel in eo quod est
eadem proportio duorum ad diversa, sicut tranquillitatis ad mare et
serenitatis ad aerem. Tranquillitas enim est quies maris et serenitas aeris. |
Sont un par la proportion ou
l'analogie tous ceux qui conviennent en ceci que celui-ci est à celui-là comme
un autre est à un autre. Ce qui peut se prendre de deux manières. Ou bien
deux choses ont des rapports divers d’une seule: le mot sain, dit de l’urine,
exprime la relation de signe à la santé et, dit du remède, exprime le rapport
de la cause à cette même santé. Ou bien il y a un même rapport de deux choses
à des choses diverses: les rapports de la tranquillité à la mer et de la
sérénité à l'air. La tranquillité en effet c’est le repos de la mer et la
sérénité est le repos de l'air. |
Sont unes par la proportion ou l’analogie toutes les choses qui ont
en commun le fait qu’une chose est à une autre comme une troisième est à une
quatrième. Cela peut se comprendre de deux manières. Ou bien deux choses ont
des rapports divers avec une seule : le mot « sain », dit de
l’urine, exprime sa qualité de signe de la santé et, dit du remède, exprime
sa qualité de cause de cette même santé. Ou bien deux choses ont un même
rapport à des choses diverses, par exemple les rapports de la tranquillité à
la mer et de la sérénité à l’air. En effet, la tranquillité est le repos de
la mer et la sérénité est le repos de l’air. |
|
[82445] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 15 In istis autem modis unius, semper posterius
sequitur ad praecedens et non convertitur. Quaecumque enim sunt unum numero,
sunt specie unum et non convertitur. Et idem patet in aliis. |
Dans ces derniers modes de
l’unité, le mode postérieur est consécutif au précédent sans être
convertible. Tout ce qui est numériquement un est un par l'espèce, L'inverse
n’est pas vrai. Ainsi en est-il dans les autres cas. |
Dans ces derniers modes de l’unité, le mode postérieur est toujours
consécutif à l’antérieur, et non réciproquement : tout ce qui est
numériquement un est un par l'espèce. mais l’inverse n’est pas vrai. Ainsi en
est-il dans les autres cas. |
|
[82446]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 16 Deinde cum dicit palam autem ex modis unius accipit
modos multorum; et dicit, quod multa dicuntur per oppositum ad unum. Et ideo quot
modis dicitur unum, tot modis dicuntur multa; quia quoties dicitur unum
oppositorum, toties dicitur et reliquum. Unde aliqua dicuntur multa propter
hoc, quod non sunt continua. Quod est per oppositum ad primum modum unius. |
Ensuite, quand il dit: "Il est
manifeste ... ", à partir des sens de l'unité, il conçoit les sens du
multiple. Il dit que le multiple se dit par opposition à l'unité. C’est
pourquoi il y a au tant de sens du multiple qu'il y en a de l'unité, parce
que chaque fois que l’un des opposés se dit, l'autre se dit aussi. C'est
pourquoi les choses seront dites plusieurs ou multiples parce qu'elles ne
sont pas continues. Ce qui est par opposition au premier sens de l’unité. |
Ensuite, quand il dit : Enfin,
il est bien clair, etc., à partir des sens de l’unité, il conçoit les
sens du multiple. Il dit que le multiple se dit par opposition à l’un. C’est
pourquoi il y a autant de sens du multiple qu’il y en a de l’un, parce que
chaque fois qu’on dit l’un des opposés, on dit l’autre aussi. C’est pourquoi
des choses sont dites être plusieurs parce qu’elles ne sont pas continues, ce
qui s’oppose au premier sens de l’unité. |
|
[82447] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 17 Alia dicuntur multa propter hoc quod materiam habent
divisam secundum speciem, sive intelligamus de materia prima, idest
proxima, aut de finali sive ultima, in quam ultimo fit resolutio. Per
divisionem quippe proximae materiae dicuntur multa vinum et oleum: per
divisionem vero materiae remotae, vinum et lapis. Et si materia accipiatur
tam pro materia naturae quam pro materia rationis, scilicet pro genere quod
habet similitudinem materiae, hic modus multitudinis sumitur per oppositum ad
secundum et tertium modum unius. |
D'autres sont dites multiples parce
que leur matière est divisée selon l'espèce, que ce soit la matière prochaine
ou la matière ultime dans laquelle se fait ultimement la résolution. Par la
division de la matière prochaine on dit que le vin et l'huile sont deux
choses différentes; par la division de la matière éloignée, le vin et la
pierre sont multiple. Et si l’on prend la matière et pour la matière réelle
et pour la matière logique, c'est-à-dire en ce dernier cas, pour le genre qui
a une similitude avec la matière réelle, ce mode de multiplicité se prend par
opposition au second et au troisième sens de l’unité. |
D’autres sont dites multiples parce que leur matière est divisée
selon l'espèce, que ce soit la matière première (ou prochaine) ou la matière
finale ou ultime en laquelle elles sont dissoutes. Donc, par la division de
la matière prochaine, on dit que le vin et l’huile sont plusieurs; par la
division de la matière éloignée, le vin et la pierre sont plusieurs. Et si
l’on prend la matière tant pour la matière naturelle que pour la matière
logique, c’est-à-dire, en ce dernier cas, pour le genre, qui est comparable à
la matière, ce mode de multiplicité se comprend par opposition aux deuxième
et troisième sens de l’unité. |
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[82448]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 18 Alia vero dicuntur multa quae habent rationes, quod
quid est esse dicentes, plures. Et hoc sumitur per oppositum ad quartum
modum. |
D'autres êtres sont dits multiples
parce qu'ils ont plusieurs définitions. Et ce sens s'oppose au quatrième sens
de l'un. |
D'autres êtres sont dits multiples parce qu’ils ont plusieurs
définitions. Et ce sens s’oppose au quatrième sens de l’un. |
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[82449] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 8 n. 19 Quod autem opponitur quinto modo, nondum habet rationem
pluralitatis nisi secundum quid et in potentia. Non enim ex hoc quod aliquid
est divisibile propter hoc est multa nisi in potentia. |
Ce qui s'oppose au cinquième sens
de l'un n'a une raison de multiplicité que relative et en puissance. En
effet, du fait que quelque chose soit di visible, on ne peut en tirer qu’elle
ne soit multiple qu'en puissance. |
Ce qui s’oppose au cinquième sens de l’un ne comporte la notion de
multiplicité que de façon relative et en puissance. En effet, du fait qu’une
chose est divisible, il s’ensuit seulement qu’elle est multiple en puissance. |
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Leçon 9, Texte d’Aristote
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Leçon 9, Texte d’Aristote, traduit
par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Etre L'Etre se dit de l'être par
accident ou de l'être par essence. Il est par accident quand, par exemple,
nous disons que le juste est musicien, ou que l’homme est musicien, ou que le
musicien est homme ; à peu près pareillement, dire que le musicien
bâtit, c'est dire que l'architecte est musicien par accident, ou que le
musicien est architecte par accident: en effet, ceci est cela signifie que
cela est accident de ceci. Même remarque pour les cas que nous avons
indiqués: si nous disons, par exemple, que l'homme est musicien et que le
musicien est un homme, ou que le blanc est musicien, ou que le musicien est
blanc, ces deux dernières expressions signifient que l'un et l'autre
attributs sont des accidents du même sujet existant, la première expression,
que l'attribut est accident de l'être, et le musicien est un homme, que le
musicien est un accident de l'homme. De même, on dit que le non-blanc est,
parce que ce dont il est l'accident est. Ainsi, quand les choses sont dites
par accident, c’est ou bien parce que les deux accidents appartiennent au même
sujet existant, ou bien parce que le prédicat est un accident du sujet
existant, ou bien enfin parce que le sujet, auquel appartient comme un
accident ce dont il est lui-même prédicat, lui-même existe. L'Etre par essence reçoit toutes
les acceptions qui sont indiquées par les types de catégorie, car les sens de
l'Etre sont en nombre égal à ces catégories. Puis donc que, parmi les
prédicats, les uns signifient la substance, d'autres, la qualité, d'autres,
la quantité, d'autres, la relation, d'autres, l'action ou la passion,
d'autres le lieu, et d'autres, le temps, à chacune de ces catégories répond
un des sens de l'Etre. C'est qu'il n’y a aucune différence entre l'homme est
bien portant et l'homme se porte bien, ni entre l’homme est se promenant ou
coupant, et l'homme se promène ou coupe; et ainsi de suite. Etre et est signifie encore qu'une
proposition est vraie, n'être pas, qu'elle n’est pas vraie, mais fausse,
aussi bien pour l'affirmation que pour la négation. Par exemple, Socrate est
musicien signifie que cela est vrai, et Socrate est non-blanc signifie que
cela aussi est vrai. Mais la diagonale du carré n’est pas commensurable avec
le côté signifie qu’il est faux de le dire. Enfin, être et l'Etre signifiant
aussi, tantôt l'Etre er, puissance, tantôt l’Etre en l’entéléchie (l’acte)
des différentes sortes d’êtres dont nous avons parlé: nous appelons, en
effet, voyant, aussi bien ce qui voit en puissance que ce qui voit en
entéléchie; savoir, aussi bien la puissance d’actualiser sen savoir que le
savoir actualisé; et être en repos, ce qui est déjà en état de repos comme ce
qui peut être en repos. Il en est encore de même pour les substances: nous
disons que l'Hermès est dans la pierre, et la demi-ligne dans la ligne, et
nous appelons froment ce qui n'est pas encore mûr. Mais quand l’Etre est-il
puissance, et quand ne l’est-il pas encore? C'est ce que nous aurons à
déterminer ailleurs. |
Être. Le mot d’Être peut être pris en un sens indirect et relatif, ou en un sens essentiel et en soi. Un sens indirect d’Être, c’est quand on dit, par exemple, que le juste est instruit et que l’homme est instruit, ou quand on dit l’être instruit est homme, s’exprimant en ceci à peu près comme on le fait quand on dit que l’homme instruit bâtit une maison, parce que l’architecte de la maison a la qualité indirecte d’être instruit, ou parce que l’homme instruit a la qualité indirecte d’être architecte. Car dire qu’une chose est telle chose, cela revient à dire que cette seconde chose est l’attribut de la première. On voit qu’il en est ainsi pour les exemples que nous venons de citer ; car, lorsque nous disons que l’homme est instruit, ou quand nous disons que l’être instruit est homme, et encore quand nous disons que l’homme blanc est instruit, ou que l’homme instruit est blanc, c’est que, dans ce second cas, les deux termes sont les attributs ou accidents d’un seul et même être, et que, dans le premier cas, l’attribut s’applique à l’être directement. Quand on dit que l’homme est instruit, c’est que Instruit est son attribut. C’est encore ainsi que l’on dit que le Non-blanc est quelque chose, parce que la chose à laquelle on joint cet attribut a, en effet, l’existence actuelle qu’on lui prête. Ainsi, les choses qui ne sont qu’indirectement et auxquelles on n’accorde qu’un rôle d’attributs, sont exprimées sous cette forme, soit parce que les deux attributs appartiennent au même être, soit parce qu’ils sont attribués séparément à cet être, soit parce que l’être dans lequel ils existent est précisément celui qui leur est attribué. L’Être est en soi et est essentiellement dans toutes les nuances où l’expriment les diverses formes de catégories ; car autant il y a de classes de catégories, autant de fois elles expriment l’Être. Ainsi, parmi les catégories, les unes expriment l’existence de la chose ; les autres expriment sa qualité ; d’autres encore, sa quantité ; celles-ci, sa relation ; celles-là, son action et sa passion ; d’autres, le lieu où elle est ; d’autres enfin, le temps. L’Être a la même acception dans chacune d’elles ; car il n’y a pas la moindre différence à dire que l’homme Est bien portant, ou que l’homme se porte bien ; pas plus qu’il n’y en a à dire que l’homme Est en marche, qu’il Est occupé à couper quelque chose, ou bien à dire qu’il marche ou qu’il coupe. Même observation pour les autres catégories. A un autre point de vue, l’idée d’Être, l’idée qu’une chose Est, signifie que cette chose est vraie. Dire qu’une chose n’Est pas, c’est dire aussi qu’elle n’est pas vraie et qu’elle est fausse. L’affirmation et la négation sont ici sur le même pied. Par exemple, on dit que Socrate est instruit, parce que cela est vrai ; ou que Socrate est Non blanc, ce qui est également vrai. Mais quand on dit que la diagonale est commensurable, cela n’Est pas, parce que c’est faux. Enfin, quand on dit d’une chose qu’elle Est, qu’on la dit être, cette expression peut signifier tout à la fois que les objets dont il est question sont en puissance, qu’ils peuvent être, ou bien qu’ils sont en pleine et entière réalité. Ainsi, quand nous disons d’un être qu’il voit, cela peut vouloir dire tout aussi bien que cet être a la puissance de voir, ou qu’il voit effectivement. De même Savoir peut signifier tout ensemble pouvoir se servir de la science, ou s’en servir actuellement et en réalité. De même encore, on dit d’une chose qu’elle est en repos, soit que cette chose soit déjà en repos réel, soit qu’elle puisse y être. La même distinction pourrait s’appliquer également à toutes les réalités. Ainsi, l’on dit que la statue de Mercure Est dans le marbre, où elle sera taillée, que la moitié Est dans la ligne, où elle sera prise ; et l’on parle du froment, même quand il n’est pas encore mûr. Du reste, nous dirons plus tard les différents cas où la chose est en puissance, et ceux où elle n’y est pas. |
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Lectio 9 |
Leçon 9, Commentaire de
saint Thomas [L’être, substance et accidents] (Traduction Abbé Dandenault, v.
1960)
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ARISTOTE DIVISE L'
ÊTRE EN ÊTRE PAR ESSENCE ET ÊTRE PAR ACCIDENT. IL EXPOSE ENSUITE LES TROIS
SENS (MODES) DE L'ÊTRE PAR ACCIDENT. ICI, IL POSE TROIS DIVISIONS DE L'ETRE
PAR ESSENCE (PAR SOI): LA PREMIERE EST CELLE QUI DIT SE L' ÊTRE EN DIX
PREDICAMENTS; LA SECONDE CONCERNE L'E ÊTRE QUI EXISTE DANS L’AME, ET LA
TROISIEME EST LA DIVISION DE L’ÊTRE EN PUISSANCE ET EN ACTE. |
ARISTOTE DIVISE L' ÊTRE EN ÊTRE PAR ESSENCE ET ÊTRE PAR ACCIDENT. IL EXPOSE ENSUITE LES TROIS SENS (MODES) DE L'ÊTRE PAR ACCIDENT. ICI, IL POSE TROIS DIVISIONS DE L'ETRE PAR ESSENCE (PAR SOI): LA PREMIERE EST CELLE QUI DIT SE L' ÊTRE EN DIX PREDICAMENTS; LA SECONDE CONCERNE L'E ÊTRE QUI EXISTE DANS L’AME, ET LA TROISIEME EST LA DIVISION DE L’ÊTRE EN PUISSANCE ET EN ACTE. |
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[82450] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 1 Hic philosophus distinguit quot modis dicitur ens. Et
circa hoc tria facit. Primo distinguit ens in ens per se et per accidens.
Secundo distinguit modos entis per accidens, ibi, secundum accidens quidem et
cetera. Tertio modos entis per se, ibi, secundum se vero. Dicit ergo, quod
ens dicitur quoddam secundum se, et quoddam secundum accidens. Sciendum tamen
est quod illa divisio entis non est eadem cum illa divisione qua dividitur
ens in substantiam et accidens. Quod ex hoc patet, quia ipse postmodum, ens
secundum se dividit in decem praedicamenta, quorum novem sunt de genere
accidentis. Ens igitur dividitur in substantiam et accidens, secundum
absolutam entis considerationem, sicut ipsa albedo in se considerata dicitur
accidens, et homo substantia. Sed ens secundum accidens prout hic sumitur, oportet
accipi per comparationem accidentis ad substantiam. Quae quidem comparatio significatur hoc verbo, est,
cum dicitur, homo est albus. Unde hoc totum, homo est albus, est ens per
accidens. Unde patet quod divisio entis secundum se et secundum accidens,
attenditur secundum quod aliquid praedicatur de aliquo per se vel per
accidens. Divisio vero entis in substantiam et accidens attenditur secundum
hoc quod aliquid in natura sua est vel substantia vel accidens. |
Ici le Philosophe distingue les
modes, les différents sens, selon lesquels l’être peut se dire. Ce qu'il fait
en trois points. En premier, il distingue l'être en être par soi et être par
accident. En second, il distingue les sens de l'être par accident, où il dit
: "Il est par accident etc." En troisième, il distingue les sens de
l'être par soi, où il dit : "L'être par essence reçoit etc. " Il
dit donc que l'être se dit de l'être par soi, par essence, et de l'être par
accident. Il faut cependant savoir que cette division de l'être ne correspond
pas à cette autre division de l'être par laquelle il se distingue en
substance et accident. Ce qui rend cela évident c’est qu’Aristote lui-même,
un peu plus loin, divise l’être par soi en dix prédicaments, dont neuf sont
lu genre accident. L’être se divise donc en substance et en accident selon la
considération absolue de l’être, comme la blancheur considérée en elle-même
est dite un accident et l’homme, une substance. Mais l'être par accident, tel
qu'il est pris ici, doit être compris par le rapport de l'accident à la substance.
Ce rapport est signifié par le mot "est", comme lorsqu'on dit que
l'homme est blanc. De là, ce tout: l’homme est blanc, est un être par
accident. Il est donc évident que la division le l'être en par soi et par
accident doit être prise selon que quelque chose est prédiqué d'un autre par
soi ou par accident; tandis que la division de l'être en substance et
accident doit se prendre selon que quelque chose est dans sa nature, soit
substance, soit accident. |
Ici le Philosophe distingue en combien de sens on parle de l’être. Ce
qu'il fait en trois points. En premier, il distingue l’être en être par soi
et être par accident. En deuxième, il distingue les sens de l’être par
accident, où il dit : Un sens indirect
d’être, etc. En troisième, il distingue les sens de l’être par soi, où il
dit : L’être est en soi, etc. Il
dit donc que l’être se dit de ce qui existe par soi et de ce qui existe par
accident. Il faut cependant savoir que cette division de l’être ne correspond
pas à cette autre division par laquelle l’être se distingue en substance et
en accident. Cela est évident du fait qu’Aristote divisera plus loin l’être
par soi en dix prédicaments, dont neuf sont du genre accident. L’être se
divise donc en substance et en accident selon que l’être est considéré en lui-même,
comme la blancheur considérée en elle-même est dite un accident et l’homme,
une substance. Mais l’être par accident, tel qu’il est pris ici, doit être
compris selon le rapport de l’accident à la substance. Ce rapport est
signifié par le mot « est », comme lorsqu’on dit que l'homme est
blanc. Il s’ensuit que le tout « l’homme est blanc » est un être
par accident. Il est donc évident que la division entre l’être par soi et
l’être par accident doit être comprise selon qu’une chose est attribuée à une
autre par soi ou par accident; tandis que la division de l’être en substance
et en accident doit se comprendre selon qu’une chose, dans sa nature, est
soit substance, soit accident. |
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[82451]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 2 Deinde cum dicit secundum accidens ostendit quot
modis dicitur ens per accidens; et dicit, quod tribus: quorum unus est,
quando accidens praedicatur de accidente, ut cum dicitur, iustus est musicus.
Secundus, cum accidens praedicatur de subiecto, ut cum dicitur, homo est
musicus. Tertius, cum subiectum praedicatur de accidente, ut cum dicitur
musicus est homo. Et, quia superius iam manifestavit quomodo causa per
accidens differt a causa per se, ideo nunc consequenter per causam per
accidens manifestat ens per accidens. |
Ensuite, quand il dit: "Il
est par accident ... ", il montre en combien de sens se dit l'être par
accident. Il dit qu'il y en a trois. L'un de ces sens existe lorsque un
accident est prédiqué d’un accident, comme lorsqu'on dit que le juste est musicien.
Le second sens est celui où l'accident est prédiqué du sujet, comme lorsqu'on
dit que l'homme est musicien. Le troisième sens (mode) est celui où le sujet
est prédiqué de l'accident, comme lorsqu'on dit que le musicien est homme. Et
parce qu'il a déjà manifesté auparavant comment la cause par accident diffère
de la cause par soi, il manifeste ici conséquemment l’être par accident par
la cause par accident. |
Ensuite, quand il dit : Un
sens indirect d’être, etc., il montre de combien de façons se dit l’être par
accident. Il dit qu’il y en a trois. L’un de ces modes est celui où un
accident est attribué à un accident, comme lorsqu’on dit que le juste est
musicien. Le second mode est celui où l’accident est attribué au sujet, comme
lorsqu’on dit que l’homme est musicien. Le troisième mode est celui où le
sujet est attribué à l’accident, comme lorsqu’on dit que le musicien est
homme. Et parce qu’il a déjà manifesté auparavant comment la cause par
accident diffère de la cause par soi, il manifeste ici en conséquence l’être
par accident par la cause par accident. |
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[82452] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 3 Et dicit, quod sicut assignantes causam per accidens
dicimus quod musicus aedificat, eo quod musicum accidit aedificatori, vel e
contra, constat enim quod hoc esse hoc, idest musicum aedificare,
nihil aliud significat quam hoc accidere huic, ita est etiam in
praedictis modis entis per accidens, quando dicimus hominem esse musicum,
accidens praedicando de subiecto: vel musicum esse hominem, praedicando
subiectum de accidente: vel album esse musicum, vel e converso, scilicet
musicum esse album, praedicando accidens de accidente. In omnibus enim his,
esse, nihil aliud significat quam accidere. Hoc quidem, scilicet
quando accidens de accidente praedicatur, significat quod ambo accidentia
accidunt eidem subiecto: illud vero, scilicet cum accidens praedicatur
de subiecto, dicitur esse, quia enti idest subiecto accidit accidens. Sed musicum esse hominem dicimus, quia huic,
scilicet praedicato, accidit musicum, quod ponitur in subiecto. Et est quasi similis ratio praedicandi, cum
subiectum praedicatur de accidente, et accidens de accidente. Sicut enim
subiectum praedicatur de accidente ea ratione, quia praedicatur subiectum de
eo, cui accidit accidens in subiecto positum; ita accidens praedicatur de
accidente, quia praedicatur de subiecto accidentis. Et propter hoc, sicut
dicitur musicum est homo, similiter dicitur musicum esse album, quia scilicet
illud cui accidit esse musicum, scilicet subiectum, est album. |
Il dit que, de même qu’en
assignant le cause par accident, nous disons que le musicien construit, du
fait qu'il arrive à l'architecte d'être musicien, ou vice versa, il est
facile de constater que "ceci est cela", c'est-il-dire que le
musicien construit, ne signifie pas autre chose que cela est accident de
ceci, ainsi en est-il dans les modes susdits de l'être par accident, lorsque
nous disons que l’homme est musicien, en prédiquant l’accident du sujet, ou
que le musicien est homme, en prédiquant le sujet de l'accident, ou que: le
blanc est musicien, et l'inverse, en prédiquant l'accident de l'accident.
Dans tous ces cas, "est" ne signifie rien d’autre que le verbe
survenir, "arriver à", accéder, être accidentel à. Par exemple,
lorsque l'accident est prédiqué de l’accident, cela signifie qu'il arrive aux
deux accidents d'être dans le même sujet; de même; lorsque l'accident se
prédique du sujet, on dit qu'il "est" parce qu'il arrive à
l'accident d’être dans le sujet. Et nous disons que le musicien est homme, parce
qu'il arrive au prédicat homme d’être le musicien que lion pose dans le
sujet. La raison de prédiquer est presque la même lorsque le sujet est
prédiqué de l'accident, et l'accident du sujet. Ainsi le sujet est prédiqué
de l’accident du sujet, Ainsi le sujet est prédiqué de l'accident pour cette
raison que le sujet est prédiqué de cela a quoi il arrive d'être l'accident
posé dans le sujet. De même l'accident est prédiqué de l’accident parce qu'il
est prédiqué du sujet de l'accident. Et pour cette raison, comme on dit que
le musicien est homme, on dit aussi que le musicien est blanc, à savoir parce
que ce à quoi il arrive d’être musicien, c'est-à-dire le sujet, est blanc. |
Il dit que, de même qu’en indiquant le cause par accident, nous
disons que le musicien construit, du fait qu’il arrive au constructeur d’être
musicien, ou vice versa, il est évident que « ceci est cela »,
c’est-à-dire que le musicien construit, ne signifie pas autre chose que
« cela est accident de ceci », ainsi en est-il dans les modes susdits
de l’être par accident, lorsque nous disons que l’homme est musicien, en
attribuant l’accident au sujet, ou que le musicien est homme, en attribuant
le sujet à l’accident, ou que le blanc est musicien, ou inversement que le
musicien est blanc, en attribuant l’accident à l’accident. Dans tous ces cas,
« est » ne signifie rien d’autre qu’« arriver à[89] ». Ce fait, qui se
produit lorsque l’accident est attribué à l’accident, signifie qu’il arrive
aux deux accidents d’être dans le même sujet; de même, lorsque l’accident
s’attribue au sujet, on dit qu’il est parce qu'il se trouve dans l’être,
c’est-à-dire dans le sujet. Mais nous
disons que le musicien est homme, parce qu’il arrive au prédicat homme d’être
le musicien, qui est donné comme sujet. Et la notion d’attribution est
presque la même lorsque le sujet est attribué à l’accident et lorsque
l’accident est attribué à un autre accident. En effet, de même que le sujet
est attribué à l’accident pour la raison que le sujet est attribué à ce à
quoi il arrive d’être l’accident qui se trouve dans le sujet, de même
l’accident est attribué à l’accident parce qu’il est attribué au sujet de
l'accident. Et pour cette raison, comme on dit que le musicien est homme, on
dit aussi que le musicien est blanc, à savoir parce que ce à quoi il arrive
d’être musicien, c’est-à-dire le sujet, est blanc. |
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[82453]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 4 Patet igitur, quod ea, quae dicuntur esse secundum
accidens, dicuntur triplici ratione: aut eo quod ambo, scilicet subiectum
et praedicatum, insunt eidem, sicut cum accidens praedicatur de accidente,
aut quia illud, scilicet praedicatum, ut musicum, inest enti,
idest subiecto, quod dicitur esse musicum; et hoc est cum accidens
praedicatur de subiecto; aut quia illud, scilicet subiectum in
praedicato positum, est illud cui inest accidens, de quo accidente illud,
scilicet subiectum, praedicatur. Et hoc est scilicet cum subiectum
praedicatur de accidente, ut cum dicimus, musicum est homo. |
Il est donc évident que ce qui est
dit être par accident l'est pour trois raisons: ou bien du fait que les deux,
c'est-a-dire le sujet et le prédicat, existent dans le même sujet, comme
lorsque l'accident se prédique de l'accident; ou bien du fait que le
prédicat, le musicien disons, existe dans le sujet que l'on dit être
musicien, comme lorsque l’accident se prédique du sujet; ou bien du fait que
le sujet posé dans le prédicat est ce dans quoi existe l'accident duquel le
sujet est prédiqué. Ce qui arrive lorsque le sujet est prédiqué de l’accident,
comme lorsque nous disons que le musicien est homme. |
Il est donc évident que ce qui est dit être par accident est appelé ainsi pour trois raisons : ou bien du fait que les deux attributs, c’est-à-dire le sujet et le prédicat, existent dans le même sujet, comme lorsque l’accident est attribué à l’accident; ou bien du fait que lattribut, c’est-à-dire le prédicat, le musicien par exemple, appartient à l’être, c’est-à-dire au sujet, qui est appelé musicien, ce qui arrive lorsque l’accident est attribué au sujet; ou bien du fait que l’être, c'est-à-dire le sujet affirmé dans le prédicat est ce dans quoi existe l'accident auquel le sujet est attribué. Cela arrive lorsque le sujet est attribué à l’accident, comme lorsque nous disons que le musicien est homme. |
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[82454] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 5 Deinde cum dicit secundum se distinguit modum entis
per se: et circa hoc tria facit. Primo distinguit ens, quod est extra animam,
per decem praedicamenta, quod est ens perfectum. Secundo ponit alium modum
entis, secundum quod est tantum in mente, ibi, amplius autem et esse
significat. Tertio dividit ens per potentiam et actum: et ens sic divisum est
communius quam ens perfectum. Nam ens in potentia, est ens secundum quid
tantum et imperfectum, ibi, amplius esse significat et ens. Dicit ergo primo,
quod illa dicuntur esse secundum se, quaecumque significant figuras
praedicationis. Sciendum est enim quod ens non potest hoc modo contrahi ad
aliquid determinatum, sicut genus contrahitur ad species per differentias.
Nam differentia, cum non participet genus, est extra essentiam generis. Nihil
autem posset esse extra essentiam entis, quod per additionem ad ens aliquam
speciem entis constituat: nam quod est extra ens, nihil est, et differentia
esse non potest. Unde in tertio huius probavit philosophus, quod ens, genus
esse non potest. |
Ensuite, quand il dit :
"L’être par essence ... ", il distingue le sens de l'être par soi. Ce
qu'il fait en trois parties. Il divise tout d'abord l'être qui est extérieur,
l'âme par dix prédicaments. Ce qui est l’être
parfait, achevé, l’être en acte. En second, il pose un autre sens de
l’être, en tant qu’il n'existe que dans l'esprit, où il dit: "Etre et st
signifié encore etc." En troisième, il divise l'être par la puissance et
l’acte: et l’être ainsi divisé est plus commun que; l'être parfait. L'être en
puissance un effet n'est qu'un être relatif, "secundum quid" et imparfait. Ce qu’il fait où il dit :
"Enfin, être et l’être etc." Il dit donc en premier que l’être; par
soi ou par essence se dit de tout ce qui signifie les figures de la
prédication. (Texte grec : L’être par essence reçoit toutes les
acceptions qui sont indiquées par les types de catégories.) Il faut savoir en
effet que l'être ne peut être contracté à quelque chose de déterminé, comme
le genre est contracté aux espèces par les différences spécifiques. Puisque
la différence en effet ne participe pas du genre, elle est en dehors de l'essence
du genre. Mais il n'y a rien d'extérieur à l'essence de l’être qui pourrait,
par addition à l'être, constituer une espèce: ce qui est extérieur à l'être
n'est rien et ne peut donc être une différence. C'est pourquoi le Philosophe
a prouvé dans le troisième livre que l'être ne peut être un genre. |
Ensuite, quand il dit : L’être
est en soi, etc., il distingue le sens de l’être par soi. Ce qu’il fait
en trois parties. Il divise tout d'abord l’être qui est extérieur à l’âme par
dix prédicaments, ce qui constitue l’être parfait. En deuxième, il donne un
autre sens de l’être, en tant qu’il n'existe que dans l'esprit, où il
dit : À un autre point de vue,
etc. En troisième, il divise l’être selon la puissance et l’acte; et l’être
ainsi divisé est plus général que l’être parfait. L’être en puissance en
effet n’est qu’un être relatif et imparfait. Il traite ce point où il
dit : Enfin, quand on dit,
etc. Il dit donc en premier qu’on appelle êtres par soi tous ceux qui
signifient les figures de l’attribution[90]. Il faut savoir en effet que
l’être ne peut être ramené à quelque chose de déterminé de la même manière
que le genre est amené aux espèces par les différences spécifiques. En effet,
puisque la différence ne participe pas du genre, elle est en dehors de l’essence
du genre. Mais il n’y a rien d’extérieur à l’essence de l’être qui pourrait,
par addition à l’être, constituer une espèce d’être : ce qui est
extérieur à l’être n’est rien et ne peut donc être une différence. C’est
pourquoi le Philosophe a prouvé au livre III que l’être ne peut être un
genre. |
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[82455]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 6 Unde oportet, quod ens contrahatur ad diversa genera
secundum diversum modum praedicandi, qui consequitur diversum modum essendi;
quia quoties ens dicitur, idest quot modis aliquid praedicatur, toties
esse significatur, idest tot modis significatur aliquid esse. Et propter
hoc ea in quae dividitur ens primo, dicuntur esse praedicamenta, quia
distinguuntur secundum diversum modum praedicandi. Quia igitur eorum quae
praedicantur, quaedam significant quid, idest substantiam, quaedam quale,
quaedam quantum, et sic de aliis; oportet quod unicuique modo praedicandi,
esse significet idem; ut cum dicitur homo est animal, esse significat
substantiam. Cum autem dicitur, homo est albus, significat qualitatem, et sic
de aliis. |
Il faut donc que l'être soit
contracté aux divers genres d'être selon les divers modes (sens) de
prédiquer, qui sont consécutifs aux divers modes (sens) d’être. Car il y a
autant de manières de signifier que quelque chose existe qu’il y a de
manières pour ce quelque chose d'être prédiqué. (Le grec: les sens de l'être
sont en nombre égal à ces catégories). En d’autres mots, les modes d’être
réels sont on nombre égal aux modes de prédication de l'être. C'est pourquoi
on appelle prédicaments les modes d'être qui divisent l'Être en premier,
parce qu’ils sont distingués selon les divers modes de prédiquer. Et donc,
parce que parmi les êtres qui sont prédiqués, certains signifient le "quid" c'est-à-dire la substance,
j'autres le "quale",
d'autres le "quantum",
et, ainsi de suite, il faut qu’à chaque mode de prédication l'être ait un
même sens: quand on dit que l’homme est un animal, l'être doit signifier la
substance; quand on dit que l’homme est blanc, l'être doit signifier la
qualité; et ainsi en est-il pour les autres prédicaments. |
Il faut donc que l’être soit conduit aux divers genres selon les
divers modes d’attribution, qui sont consécutifs aux divers modes d’être, car
autant il y a de classes de catégories,
c’est-à-dire autant il y a de manières d’attribuer quelque chose, autant de fois elles expriment l’être, c'est-à-dire
autant il y a de manières de signifier l’être de cette chose[91]. C’est pourquoi on appelle
prédicaments[92] les modes qui divisent l’Être
en premier, parce qu’ils se distinguent selon les divers modes d’attribution.
Et donc, parce que parmi les êtres qui sont attribuués, certains signifient
le « quoi », c’est-à-dire la substance, d’autres le
« comment », d’autres le « combien », et ainsi de suite,
il faut que pour chaque mode d’attribution, être signifie la même chose : quand on dit que l’homme est un animal, être signifie la
substance; quand on dit que l’homme est
blanc, être signifie la qualité; et ainsi en est-il pour les autres prédicaments. |
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[82456] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 7 Sciendum enim est quod praedicatum ad subiectum
tripliciter se potest habere. Uno modo cum est id quod est subiectum, ut cum
dico, Socrates est animal. Nam Socrates est id quod est animal. Et hoc
praedicatum dicitur significare substantiam primam, quae est substantia
particularis, de qua omnia praedicantur. |
Il faut savoir en effet que le
prédicament peut avoir trois rapports au sujet. Un premier rapport existe lorsque
le prédicat est ce qu'est le sujet, comme quand je dis: Socrate est animal.
Socrate en effet est ce qu'est l'animal. Et on dit que ce prédicat signifie
la substance première, qui est la substance singulière de laquelle tout se
prédique. |
Il faut savoir en effet que le prédicat peut avoir trois rapports au
sujet. Un premier rapport existe lorsque le prédicat affirme ce qu’est le
sujet, comme quand je dis : Socrate est un animal. Socrate en effet est
l’être qui est un animal. Et on dit que ce prédicat signifie la substance
première, qui est la substance particulière à laquelle tout s’attribue. |
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[82457] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 8 Secundo modo ut praedicatum sumatur secundum quod inest
subiecto: quod quidem praedicatum, vel inest ei per se et absolute, ut
consequens materiam, et sic est quantitas: vel ut consequens formam, et sic
est qualitas: vel inest ei non absolute, sed in respectu ad aliud, et sic est
ad aliquid. Tertio modo ut praedicatum sumatur ab eo quod est extra
subiectum: et hoc dupliciter. Uno modo ut sit omnino extra subiectum: quod
quidem si non sit mensura subiecti, praedicatur per modum habitus, ut cum
dicitur, Socrates est calceatus vel vestitus. Si autem sit mensura eius, cum
mensura extrinseca sit vel tempus vel locus, sumitur praedicamentum vel ex
parte temporis, et sic erit quando: vel ex loco, et sic erit ubi, non
considerato ordine partium in loco, quo considerato erit situs. Alio modo ut id a quo sumitur praedicamentum,
secundum aliquid sit in subiecto, de quo praedicatur. Et si quidem secundum
principium, sic praedicatur ut agere. Nam actionis principium in subiecto
est. Si vero secundum terminum, sic praedicabitur ut in pati. Nam passio in subiectum patiens terminatur. |
Le second rapport est celui où le
prédicat signifie ce qui existe dans le sujet ou bien ce prédicat existe dans
le sujet par soi et de façon absolue: en tant que consécutif à la matière, et
ainsi il est la quantité; en tant que consécutif à la forme, et ainsi il est
la qualité. Ou bien le prédicat existe dans le sujet, non de façon absolue, mais en relation à autre chose, et
ainsi il est "ad aliquid",
la relation. Le troisième rapport
est celui où le prédicat se prend de quelque chose qui est extérieur au
sujet. Ce qui peut avoir lieu de deux manières. D’une première manière, le
prédicat se prend de quelque chose qui est complètement extérieur au sujet;
dans ce cas, s'il n'est pas la mesure du sujet, il est prédiqué selon le mode
"habitus", comme
lorsqu'on dit que Socrate est chaussé ou habillé. Si le prédicat est mesure
du sujet et la mesure extrinsèque étant soit le temps soit le lieu, il sera pris ou du côté du temps, ainsi il sera le "quando", ou du côté du lieu, et
ainsi il sera "l'ubi". Il
est l’"ubi", à la condition de ne pas considérer l'ordre des
parties dans le lieu; ce qui donne le site.
D’une seconde manière, le prédicat se prend de ce qui existe de quelque
manière dans le sujet auquel il est attribué. S'il est dans le sujet en tant
que principe, il lui est prédiqué comme l'agir.
Le principe de l'action est en effet dans le sujet. S’il est dans le sujet
comme terme, il sera prédiqué comme le pâtir,
car la passion se termine dans le sujet qui est patient. |
Le second rapport est celui où le prédicat signifie ce qui existe
dans le sujet. Or, ou bien ce prédicat existe par soi et de façon absolue
dans le sujet, en tant que consécutif à la matière, et ainsi il est la
quantité; en tant que consécutif à la forme, et ainsi il est la qualité; ou encore
le prédicat existe dans le sujet, non de façon absolue, mais en se rapportant
à autre chose, et ainsi il est en relation.
Le troisième rapport est celui où le prédicat est tiré de quelque chose qui
est extérieur au sujet. Cela peut avoir lieu de deux manières. D’une première
manière, le prédicat est tiré de quelque chose qui est complètement extérieur
au sujet; dans ce cas, s’il n’est pas la mesure du sujet, il est attribué par
le mode d’habitus[93], comme lorsqu’on dit que Socrate est
chaussé ou habillé. Si le prédicat est mesure du sujet, puisque la mesure
extrinsèque est soit le temps, soit
le lieu, le prédicament sera pris
soit du côté du temps et sera donc le « quand », soit du côté du
lieu, et il sera donc le « où » (si on ne tient pas compte de l’ordre
des parties dans le lieu; si on en tient compte, on a la position. D’une
seconde manière, le prédicat est tiré de ce qui existe de quelque manière
dans le sujet auquel il est attribué. S’il est dans le sujet en tant que
principe, il lui est attribué comme l’agir;
le principe de l’action est en effet dans le sujet. S’il est dans le sujet
comme terme, il sera attribué comme le subir,
car la passion se termine dans le sujet qui subit. |
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[82458]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 9 Quia vero quaedam praedicantur, in quibus manifeste
non apponitur hoc verbum est, ne credatur quod illae praedicationes non
pertineant ad praedicationem entis, ut cum dicitur, homo ambulat, ideo
consequenter hoc removet, dicens quod in omnibus huiusmodi praedicationibus
significatur aliquid esse. Verbum enim quodlibet resolvitur in hoc verbum
est, et participium. Nihil enim differt dicere, homo convalescens est, et
homo convalescit, et sic de aliis. Unde patet quod quot modis praedicatio
fit, tot modis ens dicitur. |
Parce qu’à la vérité il y a des
prédications où l'on ne se sert pas manifestement du verbe "est",
et donc au cas où l'on croirait que ces prédications n’appartiennent pas à la
prédication de l'être comme lorsqu’on dit que l’homme marche, Aristote ajoute
que, dans toutes ces sortes de prédications, on signifie que quelque chose
est. N'importe quel verbe se résout dans ce verbe "est" plus le
participe. Il diffère peu de dire en effet que l'homme est guérissant et que
l'homme guérit. Les autres cas sont semblables. Ainsi il est évident que
l'être se dit selon autant de sens qu'il y a de modes de prédication. |
Mais parce qu’il y a des attributions où il est clair qu’on n’emploie
pas le verbe est, pour éviter qu’on
ne croie que ces attributions n’appartiennent pas à l’attribution de l’être,
comme lorsqu’on dit que l’homme marche, Aristote rejette ensuite cette idée
en ajoutant que, dans toutes ces sortes d’attributions, on signifie que
quelque chose est. N'importe quel verbe se résout dans le verbe est suivi du participe. Il revient au
même en effet de dire que l’homme est guérissant et que l’homme guérit, et de
même pour tout autre verbe. Ainsi, il est évident que l’être se dit en autant
de sens qu’il y a de modes d’attribution. |
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[82459] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 10 Nec est verum quod Avicenna dicit, quod praedicata,
quae sunt in generibus accidentis, principaliter significant substantiam, et
per posterius accidens, sicut hoc quod dico album et musicum. Nam album ut in
praedicamentis dicitur, solam qualitatem significat. Hoc autem nomen album
significat subiectum ex consequenti, inquantum significat albedinem per modum
accidentis. Unde oportet, quod ex consequenti includat in sui ratione
subiectum. Nam accidentis esse est inesse. Albedo enim etsi significet
accidens, non tamen per modum accidentis, sed per modum substantiae. Unde
nullo modo consignificat subiectum. Si enim principaliter significaret
subiectum, tunc praedicata accidentalia non ponerentur a philosopho sub ente
secundum se, sed sub ente secundum accidens. Nam hoc totum, quod est homo
albus, est ens secundum accidens, ut dictum est. |
Et l’affirmation d’Avicenne n'est
pas vraie qui dit que les prédicats qui sont dans les genres de l'accident
signifient principalement la substance et secondairement l’accident, comme
lorsque je dis: le blanc et le musicien. Car le blanc, tel qu'il se dit dans
les prédicaments, signifie la seule qualité. Ce mot blanc signifie
conséquemment le sujet, en tant qu’il signifie la blancheur à la manière d’un
accident. Il faut donc qu'en conséquence il implique dans sa notion le sujet,
car l'être de l'accident est d’"in-être" ou l'exister dans un
sujet. La blancheur, elle, bien qu'elle signifie l'accident, ne le signifie
pas à la manière d’un accident, mais à la manière d'une substance. Et ainsi,
en aucune façon elle ne consignifie le sujet. Si en effet elle signifiait
principalement le sujet, les prédicats accidentels ne seraient pas posés par
le Philosophe sous l'être par soi, mais sous l'être par accident, Ce tout en
effet qui est l'homme blanc est un être par accident, comme on l'a dit. |
Et Avicenne n’a pas dit vrai en affirmant que les prédicats qui sont dans les genres de l’accident signifient principalement la substance et secondairement l’accident, comme les attributs « blanc » et « musicien ». Car le blanc, tel qu’il se dit dans les prédicaments, signifie uniquement la qualité. Ce mot « blanc » signifie le sujet par voie de conséquence, en tant qu’il signifie la blancheur à titre d’accident. Il faut donc qu’il inclue dans sa notion le sujet par voie de conséquence, car l’être de l’accident est d’« être-dans ». La blancheur, elle, bien qu’elle signifie l'accident, ne le signifie pas à titre d’accident, mais à la manière d’une substance. Et ainsi, en aucune façon elle ne signifie en même temps le sujet. Si en effet elle signifiait principalement le sujet, les prédicats accidentels ne seraient pas rangés par le Philosophe sous l’être par soi, mais sous l’être par accident. Le tout en effet qui est l’homme blanc est un être par accident, comme on l’a dit. |
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[82460]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 11 Deinde cum dicit amplius autem ponit alium modum entis,
secundum quod esse et est, significant compositionem propositionis, quam
facit intellectus componens et dividens. Unde dicit, quod esse significat
veritatem rei. Vel sicut alia translatio melius habet quod esse significat
quia aliquod dictum est verum. Unde veritas propositionis potest dici veritas
rei per causam. Nam ex eo quod res est vel non est, oratio vera vel falsa
est. Cum enim dicimus aliquid esse, significamus propositionem esse veram. Et
cum dicimus non esse, significamus non esse veram; et hoc sive in affirmando,
sive in negando. In affirmando quidem, sicut dicimus quod Socrates est albus,
quia hoc verum est. In negando vero, ut Socrates non est albus, quia hoc est
verum, scilicet ipsum esse non album. Et similiter dicimus, quod non est diameter
incommensurabilis lateri quadrati, quia hoc est falsum, scilicet non esse
ipsum non commensurabilem. |
Ensuite, quand il dit: "Etre
et est ... " il pose un autre sens de l'être selon lequel
"être" et "est" signifient la composition de la
proposition, que fait l'intelligence en composant et en divisant. C'est
pourquoi il dit qu’"être" signifie la vérité de la chose. Ou, selon
une meilleure version: être signifie qu'un discours est vrai. La vérité de la
proposition peut donc être dite vérité de la chose, en tant que cette
dernière en est la cause, car de ce que la chose est ou n’est pas le discours
est vrai ou faux. Lorsque nous disons en effet que quelque chose est, nous
signifions que la proposition est vraie. Et lorsque nous disons que la chose
n'est pas, nous signifions que la proposition n’est pas vraie. Et ceci, soit
en affirmant, soit en niant. En affirmant, lorsque nous disons que Socrate
est blanc, parce que cela est vrai. En niant, lorsque nous disons que Socrate
n'est pas blanc, parce que cela est vrai, à savoir que lui-même est non
blanc. Et pareillement nous disons que le diamètre n’est pas incommensurable
au côté du carre, parce que cela est faux, à savoir qu’il n’est pas lui-même
non commensurable. |
Ensuite, quand il dit : À
un autre point de vue, etc., il pose un autre sens de l’être selon lequel
« être » et « est » signifient la composition de la
proposition, que fait l'intelligence en composant[94] et en divisant. C’est
pourquoi il dit qu’« être » signifie la vérité de la chose. Ou,
selon une meilleure version : être
signifie qu’un énoncé est vrai. La vérité de la proposition peut donc
être dite vérité de la chose par suite de la cause, car le fait que la chose
est ou n’est pas cause la vérité ou la fausseté de l’énoncé. Lorsque nous
disons en effet que quelque chose est, nous signifions que la proposition est
vraie. Et lorsque nous disons que la chose n’est pas, nous signifions que la
proposition n’est pas vraie. Et nous le faisons soit en affirmant, soit en
niant : en affirmant, lorsque nous disons que Socrate est blanc, parce
que cela est vrai; en niant, lorsque nous disons que Socrate n’est pas blanc,
parce que cela aussi est vrai (qu’il est
non-blanc). Pareillement, nous disons que le diamètre n’est pas
incommensurable au côté du carré, parce qu’il est faux de dire qu’il n’est
pas non-commensurable. |
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[82461] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 12 Sciendum est autem quod iste secundus modus
comparatur ad primum, sicut effectus ad causam. Ex hoc enim quod aliquid in
rerum natura est, sequitur veritas et falsitas in propositione, quam
intellectus significat per hoc verbum est prout est verbalis copula. Sed,
quia aliquid, quod est in se non ens, intellectus considerat ut quoddam ens,
sicut negationem et huiusmodi, ideo quandoque dicitur esse de aliquo hoc
secundo modo, et non primo. Dicitur enim, quod caecitas est secundo modo, ex
eo quod vera est propositio, qua dicitur aliquid esse caecum; non tamen
dicitur quod sit primo modo vera. Nam caecitas non habet aliquod esse in
rebus, sed magis est privatio alicuius esse. Accidit autem unicuique rei quod
aliquid de ipsa vere affirmetur intellectu vel voce. Nam res non refertur ad
scientiam, sed e converso. Esse vero quod in sui natura unaquaeque res habet,
est substantiale. Et ideo, cum dicitur, Socrates est, si ille est primo modo
accipiatur, est de praedicato substantiali. Nam ens est superius ad unumquodque entium, sicut
animal ad hominem. Si
autem accipiatur secundo modo, est de praedicato accidentali. |
Il faut savoir cependant que ce
second sens se compare au premier, comme l'effet à la cause. De ce que
quelque chose est dans la réalité, il s'ensuit la vérité et la fausseté dans
la proposition que l'intelligence signifie par ce verbe "est", en
tant qu'il est une copule verbale. Mais parce que ce qui est en soi du
non-être est considéré par l'intelligence comme un certain être, comme la
négation et les choses de cette sorte, il arrive quelquefois que l'être se
dise de quelque chose selon ce second sens, sans l'être selon le premier. On
dit en effet que la cécité est selon le second sens, en ce que cette
proposition est vraie qui dit que; quelqu’un est aveugle; mais on ne dit pas
qu'elle est vraie selon le premier sens. Car la cécité n’a aucune existence
dans les choses, mais est davantage la privation d’une certaine existence. Il
arrive cependant à chaque chose que l'on affirme: vraiment quelque chose
d’elle par l’intelligence ou par la parole. Car la chose ne dépend pas de la
science, c'est la science qui se réfère à la chose. Et l'existence que chaque
chose a dans sa nature est substantielle. C'est pourquoi, lorsqu'on dit:
Socrate est, si ce mot "est" est pris selon le premier sens, il
appartient au prédicat substantiel. L’être en effet est supérieur à chacun
des êtres, comme animal est supérieur à homme. Si cependant on le prend selon
le second sens, il appartient à un prédicat accidentel. |
Il faut savoir cependant que ce second sens se compare au premier,
comme l’effet à la cause. Du fait que quelque chose existe dans la réalité, il
s’ensuit la vérité et la fausseté de la proposition, que l'intelligence
signifie par le verbe « est » en tant qu'il est une copule verbale.
Mais parce que ce qui est en soi du non-être, comme la négation et les choses
de cette sorte, est considéré par l’intelligence comme un certain être, il
arrive quelquefois que l’être se dise de quelque chose selon ce second sens
et non selon le premier. On dit en effet que la cécité existe selon le second
sens, du fait que l’énoncé « quelqu’un est aveugle » est une proposition
vraie; mais on ne dit pas que la cécité existe selon le premier sens. En
effet, elle n’a aucune existence dans les choses, mais elle est plutôt la
privation d’un certain être. Pour chaque chose, il arrive cependant que l’on
affirme d’elle quelque chose de vrai par l’intelligence ou par la parole. Car
la chose ne dépend pas de la science; c’est plutôt l’inverse. Mais l’être
qu’a chaque chose dans sa nature est substantiel. C’est pourquoi, lorsqu’on
dit : Socrate est, si le mot « est » est pris selon le premier
sens, il désigne le prédicat substantiel. L’être en effet est supérieur à
chacun des êtres, comme l’animal est supérieur à l’homme. Si cependant on le
prend selon le second sens, il appartient à un prédicat accidentel. |
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[82462] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 9 n. 13 Deinde cum dicit amplius esse ponit distinctionem
entis per actum et potentiam; dicens, quod ens et esse significant aliquid
dicibile vel effabile in potentia, vel dicibile in actu. In omnibus enim
praedictis terminis, quae significant decem praedicamenta, aliquid dicitur in
actu, et aliquid in potentia. Et ex hoc accidit, quod unumquodque
praedicamentum per actum et potentiam dividitur. Et sicut in rebus, quae
extra animam sunt, dicitur aliquid in actu et aliquid in potentia, ita in
actibus animae et privationibus, quae sunt res rationis tantum. Dicitur enim
aliquis scire, quia potest uti scientia, et quia utitur: similiter quiescens,
quia iam inest ei quiescere, et quia potest quiescere. Et non solum hoc est
in accidentibus, sed etiam in substantiis. Etenim Mercurium, idest
imaginem Mercurii dicimus esse in lapide in potentia, et medium lineae
dicitur esse in linea in potentia. Quaelibet enim pars continui est
potentialiter in toto. Linea vero inter substantias ponitur secundum
opinionem ponentium mathematica esse substantias, quam nondum reprobaverat.
Frumentum etiam quando nondum est perfectum, sicut quando est in herba,
dicitur esse in potentia. Quando vero aliquid sit in potentia, et quando
nondum est in potentia, determinandum est in aliis, scilicet in nono huius. |
Ensuite quand il dit: "Enfin,
être et l'être…"·, il pose la division de l’être par l’acte et la
puissance, en disant que l’être et l’existence signifient quelque chose qui
se dit ou en puissance ou en acte. Dans tous les termes ci-haut mentionnés
qui signifient les dix prédicaments, quelque chose se dit en acte et quelque
chose en puissance. Il arrive donc que chaque prédicament se divise par la
puissance et l’acte. Et comme dans les choses extérieures à l’âme, certaines
sont dites en acte et d’autres en puissance, ainsi il en est dans les actes
de l'âme et dans les privations, qui sont des êtres de raison seulement. On
dit en effet que quelqu’un sait et parce qu'il peut se servir de sa science
et parce qu'il s'en sert. Et pareillement on dit que quelqu’un se repose et
parce qu'il a déjà le repos et parce qu'il peut se reposer. Et ceci n'arrive
pas uniquement dans les accidents, mais aussi dans les substances. Nous
disons que l'image d'Hermès est dans la pierre en puissance et que la
demi-ligne est en puissance dans la ligne. Toute partie du continu est en
puissance dans le tout. La ligne est posée parmi les substances, conformément
à l'opinion de ceux qui disent que les Mathématiques sont des substances. Ce
que le Philosophe n’a pas encore réfuté. Le froment aussi quand il n'est pas
encore parfait ou mûri, comme lorsqu’I existe dans la gerbe verte, est dit
être en puissance. Quand exactement une chose est-elle en puissance ou non,
ce sera à déterminer dans les autres livres, c’est-à-dire dans le neuvième. |
Ensuite quand il dit : Enfin, quand on dit, etc., il établit la division de l’être selon l’acte et la puissance, en disant que l’être et l’existence signifient quelque chose qui peut se dire ou s’énoncer en puissance, ou se dire en acte. Dans tous les termes susmentionnés qui signifient les dix prédicaments, quelque chose se dit en acte et quelque chose se dit en puissance. Il s’ensuit donc que chaque prédicament se divise par l’acte et la puissance. Et comme, dans les choses extérieures à l’âme, certaines sont dites en acte et d’autres en puissance, ainsi il en est dans les actes de l'âme et dans les privations, qui sont des êtres de raison seulement. On dit en effet que quelqu’un sait, tant parce qu’il peut se servir de sa science que parce qu’il s’en sert. Et pareillement on dit que quelqu’un se repose soit parce qu’il est déjà en repos, soit parce qu’il peut se reposer. Et cela n’arrive pas uniquement dans les accidents, mais aussi dans les substances. Nous disons que Mercure, c'est-à-dire l’image de Mercure, est dans la pierre en puissance et que la demi-ligne est en puissance dans la ligne, car toute partie du continu est en puissance dans le tout. Or, la ligne est posée parmi les substances selon l’opinion de ceux qui disent que les êtres mathématiques sont des substances, ce que le Philosophe n’a pas encore réfuté. Le froment aussi, quand il n'est pas encore parfait, comme lorsqu’il est encore en herbe, est dit être en puissance. Il faudra déterminer ailleurs, c'est-à-dire au livre IX, quand une chose est en puissance ou n’est pas encore[95] en puissance. |
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Leçon 10, Texte d’Aristote
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Leçon 10, Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Substance Substance se dit des corps
simples, tels que la terre, le Feu, l'Eau et toutes choses analogues; en
général, des corps et de leurs composés, tant les animaux que les êtres
divins; et, enfin, des parties de ces corps. Toutes ces choses sont appelées
substances parce qu'elles ne sont pas prédicats d’un sujet, mais que, au
contraire, les autres choses sont prédicats d’elles. En un autre sens, est
substance tout ce qui est cause immanente de l'existence des êtres dont la
future consiste on ce qu'ils ne sont pas affirmés d'un sujet, par exemple
d’âme pour l’animal. Ce sont aussi les parties
immanentes de tels êtres, parties qui les limitent et marquent leur
individualité, et dont la destruction serait la destruction du tout; tel est
le cas, au dire de certains philosophes, de la surface, pour le corps, et de
la ligne, pour la surface; et, plus généralement, le nombre est considéré,
par ces philosophes, comme une substance de cette nature, car, une fois
anéanti, il n'y aurait plus rien, et c’est lui qui limiterait toutes choses.
-- Enfin, la quiddité, exprimée dans la définition, est dite aussi la
substance de chaque chose. Il suit de là que la substance se
ramène à deux acceptions: c'est le sujet ultime, celui qui n'est plus affirmé
d’aucun autre, et c'est encore ce qui, étant l'individu pris dans son
essence, est aussi séparable, c'est-à-dire la configuration ou forme de
chaque être. |
Substance. Substance se dit des corps simples, tels que la terre, le feu, l’eau et tous les éléments analogues à ceux-là ; ce mot se dit des corps en général, et des animaux qui en viennent, ou des corps célestes, et des parties dont ils sont formés. Tous ces êtres sont appelés des substances, parce qu’ils ne peuvent jamais être pris pour attributs d’un sujet, et qu’au contraire ils sont les sujets auxquels tout le reste est attribué. Dans un autre sens, on entend par Substance ou essence, tout ce qui est la cause intrinsèque de l’existence, dans les êtres qui ne sont pas faits pour être jamais les attributs d’un sujet quelconque. C’est ainsi qu’on dit de l’âme qu’elle est la substance, ou l’essence, de l’être animé. Substance signifie encore toutes les parties qui, dans les êtres comme ceux dont :nous venons de parler, définissent et expriment ce que ces êtres sont en eux-mêmes, et dont la suppression entraîne la suppression de l’être total. Par exempte, la surface étant anéantie, le corps est anéanti en même temps, comme le disent quelques philosophes ; et la surface disparaît, si la ligne vient à disparaître. Aussi, et d’une manière plus générale encore, a-t-on dit qu’il en est de même du nombre ; car, le nombre étant anéanti, il ne reste plus rien, c’est à dire que le nombre est considéré comme tenant cette place et déterminant toutes choses. Enfin, on appelle substance, dans chaque chose, ce qui la fait ce qu’elle est, et ce dont l’explication constitue la définition essentielle de cette chose. En résumé, il y a deux acceptions de ce mot Substance : d’abord, c’est le sujet dernier, qui n’est plus l’attribut de quoi que ce soit, et qui est un être spécial, séparé de tout autre ; en d’autres termes, c’est précisément, dans chaque être individuel, sa forme et son espèce. |
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Lectio 10 |
Leçon 10, Commentaire de
saint Thomas [Substance] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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ARISTOTE EXPOSE LES
QUATRE SENS DU MOT SUBSTANCE. IL LES RAMENE A DEUX. |
ARISTOTE EXPOSE LES QUATRE SENS DU MOT SUBSTANCE. IL LES RAMENE A DEUX. |
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[82463] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 10 n. 1 Hic ostendit quot modis dicitur substantia: et circa
hoc duo facit. Primo ponit diversos modos substantiae. Secundo reducit omnes
ad duos, ibi, accidit itaque. Circa primum ponit quatuor modos; quorum primus
est secundum quod substantiae particulares dicuntur substantiae, sicut
simplicia corpora, ut terra et ignis et aqua et huiusmodi. Et universaliter
omnia corpora, etiam si non sint simplicia, sicut mixta similium partium, ut
lapis, sanguis, caro, et huiusmodi. Et iterum animalia quae constant et
huiusmodi corporibus sensibilibus, et partes eorum, ut manus et pedes et
huiusmodi, et Daemonia, idest idola, quae in templis posita colebantur
pro diis. Vel Daemonia dicit quaedam animalia rationabilia secundum
Platonicos, quae Apuleius sic definit: Daemones sunt animalia corpore
aerea, mente rationalia, animo passiva, tempore aeterna. Haec enim omnia
praedicta dicuntur substantia, quia non dicuntur de alio subiecto, sed alia
dicuntur de his. Et haec est descriptio primae substantiae in praedicamentis. |
Ici il montre les différents sens
selon lesquels se dit la substance. Ce qu'il traite en deux points. Il
propose en premier les différents sens du mot. En second, il les réduit tous
à deux, où il dit: "Il suit de là etc." Dans son premier point, il
établit quatre sens. Le premier sens est celui selon lequel les substances
particulières sont dites substances, comme les corps simples tels que la
terre, le feu, l'eau, et les corps de cette sorte. D'ailleurs, on appelle
universellement substances tous les corps, même s'ils ne sont pas simples,
comme les corps mixtes composés de parties semblables, tels que la pierre, le
sang, la chair, etc. On appelle encore substance; les animaux qui sont
composés de ces corps sensibles, et leurs parties, comme la main et le pied
etc, Même les idoles placées dans les temples et vénérées comme des dieux
sont appelées substances. Dans le texte d’Aristote, le mot idole ou démon
peut aussi désigner certains animaux raisonnables, créés par les
Platoniciens, et que Apulejus définit de la façon suivante: Les démons sont
des animaux doués d'un corps aérien, d'un esprit raisonnable, d’une âme
impressionnable et d’une durée éternelle. Tous les être qu’on vient
d’énumérer sont dits substances, parce qu’ils ne sont pas affirmés d’un autre
sujet, parce qu'ils ne sont pas attribués à un autre sujet, mais sont
eux-mêmes sujets de toutes les autres attributions. Et ceci est la
description de la substance dans les prédicaments. |
Il montre maintenant en combien de sens on parle de substance. Ce
qu’il traite en deux points. Il propose en premier les différents sens du
mot. En second, il les ramène tous à deux, où il dit : En résumé, il y a, etc. Dans son
premier point, il établit quatre sens. Le premier sens est celui selon lequel
les substances particulières sont dites substances, comme les corps simples
tels que la terre, le feu, l’eau et les corps de cette sorte, mais aussi de
façon universelle tous les corps, même s’ils ne sont pas simples, comme les
corps mixtes composés de parties semblables, tels que la pierre, le sang, la
chair, etc. On appelle également substances les animaux qui sont composés de
ces corps sensibles ainsi que leurs parties, comme la main et le pied, etc.,
Même les démons[96], c’est-à-dire les idoles
placées dans les temples et vénérées comme des dieux, sont appelés
substances. Ou encore, Aristote appelle démons certains animaux que les
Platoniciens croyaient raisonnables et qu’Apulée[97] définit de la façon
suivante: « Les démons sont des animaux ayant un corps aérien, un esprit
raisonnable, une âme impressionnable et une durée éternelle. » Tous les
êtres qu’on vient d’énumérer sont appelés substances parce qu’ils ne sont pas
affirmés d’un autre sujet, mais que les autres réalités leur sont attribuées.
Et telle est la description de la substance première dans les Catégories. |
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[82464] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 10 n. 2 Secundum modum ponit ibi alio vero dicit quod alio modo
dicitur substantia quae est causa essendi praedictis substantiis quae non
dicuntur de subiecto; non quidem extrinseca sicut efficiens, sed intrinseca
eis, ut forma. Sicut dicitur anima substantia animalis. |
Aristote établit le second sens,
où il dit : "En un autre sen etc." Il dit qu’en un autre sens
on appelle substance ce qui est cause de l’être des substances ci-haut
mentionnées, qui ne sont pas prédiquées d'un sujet. Il ne s’agit pas
cependant de ce qui est cause extrinsèque, cause efficiente par exemple, de
ces substances, mais de ce qui est leur cause intrinsèque, comme leur forme.
Ainsi nous disons que l'âme est la substance de l’animal. |
Aristote établit le second sens, où il dit : En un autre sens, etc. Il dit qu’en un autre sens on appelle substance ce qui est cause de l’être des substances mentionnées, qui ne sont pas attribuées à un sujet. Il ne s’agit pas cependant d’une cause extrinsèque, efficiente par exemple, mais d’une cause intrinsèque telle que la forme. Ainsi nous disons que l’âme est la substance de l’animal. |
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[82465]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 10 n. 3 Deinde cum dicit amplius quaecumque ponit tertium
modum, secundum opinionem Platonicorum et Pythagoricorum, dicens, quod
quaecumque particulae sunt in praedictis substantiis, quae sunt termini
earum, et significant hoc aliquid secundum opinionem eorum, in quibus
destructis destruitur totum, dicuntur etiam substantiae. Sicut superficie
destructa destruitur corpus, ut quidam dicunt, et destructa linea destruitur
superficies. Patet etiam, quod superficies est terminus corporis, et linea
terminus superficiei. Et secundum dictorum positionem, linea est pars
superficiei, et superficies pars corporis. Ponebant enim corpora componi ex
superficiebus et superficies ex lineis, et lineas ex punctis. Unde
sequebatur, quod punctum sit substantia lineae, et linea superficiei, et sic
de aliis. Numerus autem secundum hanc positionem videtur esse substantia
totaliter omnium rerum, quia remoto numero nihil remanet in rebus: quod enim
non est unum, nihil est. Et similiter quae non sunt plura, non sunt. Numerus
etiam invenitur terminare omnia, eo quod omnia mensurantur per numerum. |
Les numéros, [82465] et, [82466] donnent et rejettent
l'usage du mot chez les Platoniciens et les Pythagoriciens qui désignaient
par substance l'unité, le point, la superficie, tout ce sans quoi le corps ne
pouvait être. Mais une propriété peut être nécessaire à l'être sens être
substance. |
Puis lorsqu’il dit : Substance signifie encore, etc., il donne le troisième sens d’après l’opinion des Platoniciens et des Pythagoriciens, en disant que toutes les particules qui sont à la limite de ces substance et en signifient l’individualité selon leur opinion, et dont la destruction entraîne la destruction du tout, sont également appelées substances. C’est ainsi, selon certains, que lorsque la surface est détruite le corps est détruit, et que lorsque la ligne est détruite, la surface l’est aussi. Il est également évident que la surface est la limite du corps et que la ligne est la limite de la surface. Or, selon la théorie de ces gens, la ligne fait partie de la surface et la surface fait partie du corps. Ils affirmaient en effet que les corps sont composés de surfaces, les surfaces de lignes, et les lignes de points. Il s’ensuivait donc que le point est substance de la ligne, la ligne celle de la surface, et ainsi de suite. Mais le nombre, selon cette théorie, semble être absolument la substance de toutes choses, car si on supprime le nombre, il ne reste rien dans les choses : en effet, ce qui n’est pas un n’est rien; pareillement, les choses qui ne sont pas plusieurs n’existent pas. De plus, on constate que le nombre est la limite de toutes choses, du fait que tout est mesuré par un n |
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[82466] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 10 n. 4 Iste autem modus non est verus. Nam hoc quod
communiter invenitur in omnibus, et sine quo res esse non potest, non oportet
quod sit substantia rei, sed potest esse aliqua proprietas consequens rei
substantiam vel principium substantiae. Provenit etiam eis error specialiter
quantum ad unum et numerum, eo quod non distinguebant inter unum quod
convertitur cum ente, et unum quod est principium numeri. |
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Mais cette manière de voir n’est pas vraie. En effet, ce qu’on trouve de façon générale dans les choses, et sans quoi une chose ne peut pas exister, n’est pas nécessairement la substance de la chose, mais elle peut être une propriété consécutive à la substance de la chose ou le principe de la substance. De plus, ces philosophes tombent dans l’erreur spécialement pour ce qui est de l’un et du nombre, du fait qu’ils ne faisaient pas de distinction entre l’un qui est convertible avec l’être et l’un qui est principe du nombre. |
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[82467]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 10 n. 5 Quartum modum ponit ibi amplius quod dicit quod
etiam quidditas rei, quam significat definitio, dicitur substantia
uniuscuiusque. Haec autem quidditas sive rei essentia, cuius definitio est ratio,
differt a forma quam dixit esse substantiam in secundo modo, sicut differt
humanitas ab anima. Nam forma est pars essentiae vel quidditatis rei. Ipsa
autem quidditas vel essentia rei includit omnia essentialia principia. Et
ideo genus et species dicuntur esse substantia eorum, de quibus praedicantur,
hoc ultimo modo. Nam genus et species non significant tantum formam, sed
totam rei essentiam. |
Aristote établit le quatrième
sens, où il dit: "Enfin, la quiddité … ". Il dit que la quiddité
que signifie la définition, est dite aussi la substance de chaque chose.
Cette quiddité ou essence de la chose, dont la définition est la raison, la
"ratio", diffère de la forme qu'il a appelée substance selon le
second sens, comme diffère l’humanité de l'âme. La forme est en effet une
partie de la quiddité ou de l'essence, La quiddité ou l'essence, elle, inclut
tous les principes essentiels de la chose. C'est pourquoi le genre et
l’espèce sont dits être la substance de ce dont ils sont prédiqués, selon ce
dernier sens. Le genre et l'espèce en effet ne signifient pas seulement la
forme, mais toute l'essence de la chose. |
Aristote établit le quatrième sens, où il dit : Enfin, on appelle substance, etc. Il
dit que la quiddité que signifie la définition, est dite aussi la substance
de chaque chose. Cette quiddité ou essence de la chose, dont la définition
est la notion, diffère de la forme, qu’il a appelée substance selon le second
sens, de la même façon que l’humanité diffère de l’âme. La forme, en effet,
est une partie de l’essence ou de la quiddité, alors que la quiddité ou
l’essence inclut tous les principes essentiels de la chose. C’est pourquoi le
genre et l’espèce sont dits être la substance de ce à quoi ils sont
attribués, selon ce dernier sens. Le genre et l’espèce en effet ne signifient
pas seulement la forme, mais toute l’essence de la chose. |
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[82468] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 10 n. 6 Deinde cum dicit accidit itaque reducit dictos modos
substantiae ad duos; dicens, quod ex praedictis modis considerari potest,
quod substantia duobus modis dicitur: quorum unus est secundum quod
substantia dicitur id quod ultimo subiicitur in propositionibus, ita quod de
alio non praedicetur, sicut substantia prima. Et hoc est, quod est hoc
aliquid, quasi per se subsistens, et quod est separabile, quia est ab omnibus
distinctum et non communicabile multis. Et quantum ad haec tria differt
substantia particularis ab universali. Primo quidem, quia substantia
particularis non praedicatur de aliquo inferiori, sicut universalis. Secundo,
quia substantia universalis non subsistit nisi ratione singularis quae per se
subsistit. Tertio, quia substantia universalis est in multis, non autem
singularis, sed est ab omnibus separabilis et distincta. |
Ensuite, où il dit: "Il suit
de là … ", il réduit ces différents sens à deux, en disant que, en
réfléchissant sur les sens énumérés, on peut se rendre compte que la
substance se dit de deux façons. Le premier sens est celui selon lequel la
substance se dit de ce qui est le sujet ultime dans les propositions, de
telle sorte que ce sujet ne peut pas être dit d'un autre. Ainsi en est-il de
la substance première. Et ceci est le "ce quelque chose de
distinct", le "hoc aliquid", quasi subsistant par soi, et qui
est séparable parce qu’il est distinct des autres choses et incommunicable à
plusieurs. Ce qui nous donne les trois par où diffère la substance
particulière de la substance universelle. Premièrement, la substance
particulière ne se prédique pas d’un inférieur comme la substance
universelle. Deuxièmement, la substance universelle ne subsiste qu’en raison
de la substance singulière qui, elle, subsiste par soi. Troisièmement, la
substance universelle existe en plusieurs, non la substance singulière, qui
est séparable et distincte de toutes les autres substances. |
Ensuite, où il dit : En
résumé, il y a, etc., il ramène ces différents sens de substance à deux,
en disant que, à partir des sens énumérés, on peut estimer que la substance
se dit de deux façons. Le premier sens est celui selon lequel on appelle
substance ce qui est le sujet ultime dans les propositions et ne peut donc
être l’attribut de rien d’autre, comme c’est le cas de la substance première.
Et celle-ci est la chose réelle qui subsiste par elle-même et qui est
séparable, parce qu’elle est distincte de toute autre chose et n’est pas
communicable à plusieurs. Et aux trois points de vue suivants, la substance
particulière diffère de la substance universelle : premièrement, la
substance particulière n’est pas attribuée à quelque chose d’un inférieur
comme la substance universelle; deuxièmement, la substance universelle ne
subsiste qu’en raison de la substance singulière qui, elle, subsiste par soi;
troisièmement, la substance universelle existe en plusieurs, mais pas la
substance singulière, qui est séparable et distincte de toute autre
substance. |
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[82469]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 10 n. 7 Sed etiam forma et species uniuscuiusque rei, dicitur
tale, idest substantia. In quo includit et secundum et quartum modum. Essentia
enim et forma in hoc conveniunt quod secundum utrumque dicitur esse illud quo
aliquid est. Sed forma refertur
ad materiam, quam facit esse in actu; quidditas autem refertur ad suppositum,
quod significatur ut habens talem essentiam. Unde sub uno comprehenduntur forma et species,
idest sub essentia rei. |
Mais la forme et l'espèce de
chaque chose sont aussi dites substances. Ce qui comprend le second et le
quatrième sens, l’essence en effet et la forme ont ceci de commun que c'est
selon elles qu’est dit être ce par quoi quelque chose existe. Mais la forme
dit relation à la matière, qu’elle fait exister en acte; la quiddité dit
relation au suppôt, qui est signifié comme ayant telle essence. C'est ainsi
qu’Aristote comprend sous un seul chef, à savoir l'essence de la chose, la
forme et l'espèce. |
Mais on dit aussi que la forme et l’espèce de chaque chose sont
« ainsi », c’est-à-dire sont des substances. Cela comprend le
second et le quatrième sens; l’essence et la forme, en effet, ont ceci de commun
que c’est par elles qu’on dit que les choses tiennent leur existence. Mais la
forme se rapporte à la matière, qu’elle fait exister en acte; la quiddité dit
relation au substrat, qui est signifié comme ayant telle essence. C'est ainsi
qu’Aristote comprend sous un seul chef, à savoir l’essence de la chose, sa forme et son espèce. |
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[82470] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 10 n. 8 Tertium autem modum praetermittit, quia falsus est,
vel quia reducibilis est ad formam, quae habet rationem termini. Materiam
vero, quae substantia dicitur, praetermittit, quia non est substantia in
actu. Includitur tamen in primo modo, quia substantia particularis non habet
quod sit substantia et quod sit individua in rebus materialibus, nisi ex
materia. |
Il passe sous silence le troisième
sens, parce qu’il est faux ou parce qu’il est réductible à la forme, qui a
raison de terme. Il passe aussi sous silence la matière, qui reçoit aussi le
nom de substance parce qu'elle n'est pas substance en acte. Elle est
cependant incluse dans le premier sens, parce que la substance particulière
ne peut être substance et individuée dans les choses matérielles que par la
matière. |
Il passe sous silence le troisième sens, parce qu’il est faux ou parce qu’il peut se ramener à la forme, qui a raison de terme. Il passe aussi sous silence la matière, qui reçoit le nom de substance, parce qu’elle n’est pas substance en acte. Elle est cependant incluse dans le premier sens, parce que la substance particulière ne peut être substance et être individuelle dans les choses matérielles que par la matière. |
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Leçon 11, Texte d’Aristote
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Leçon 11, Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Même, autre, différent, semblable. Le Même, Identique, se dit d'abord
du Même par accident: par exemple, le blanc et le musicien sont identiques,
parce qu'ils sont les accidents du même sujet, et aussi homme et musicien,
car l'un est l'accident de l'autre; et le musicien est un homme, parce que le
musicien est accident de l'homme. L'expression complexe est identique à
chacun des deux termes simples, et chacun d'eux à celle-là, car et l’homme et
le musicien sont identiques à l’homme musicien, et inversement. Le caractère
accidentel de toutes ces identités est la raison pour laquelle on ne peut pas
les affirmer universellement: il n'est pas vrai de dire, en effet, que tout
homme est le même que le musicien, car l'universel est un attribut par soi,
tandis que l'accident n'est pas par soi, mais il est attribué aux individus
d'une manière simple, puisque Socrate et Socrate musicien sont, de l'avis
général, identiques. Socrate n'est pas affirmé d'une multiplicité, et c'est
pourquoi on ne dit pas tout Socrate comme on dit tout homme. -- Outre le Même
dit par accident, il y a le Même par soi, en autant de sens qu'il y sn a pour
l'Un par soi. Le Même par soi se dit, en effet, des êtres dont la matière est
une, soit par l'espèce, soit par le nombre, ainsi que des êtres dont la
substance est une. Il est donc manifeste que l'identité est une unité d'être,
ou unité d'une multiplicité d'êtres, ou, enfin, unité d’un seul, traité comme
multiple, quand on dit, par exemple, qu'une chose est identique à elle-même:
on la traite alors comme si elle était deux. |
Identité. Les choses sont dites identiques entre elles en un premier sens, qui est indirect. Par exemple, on peut dire que le Blanc et l’Instruit sont choses identiques, parce que ce sont les attributs d’un même être identique. On peut dire aussi que Homme et Instruit sont identiques, parce que l’un de ces termes est réciproquement l’attribut de l’autre. De même, on dit que l’être instruit est homme, parce que l’instruction est l’attribut de l’homme. Instruit peut être à l’un et à l’autre séparément, de même que chacun de ces termes peut-être l’attribut d’Instruit. En effet, l’homme et l’être instruit sont dits identiques à l’homme instruit ; et l’homme instruit est identique aux deux autres termes séparés. Aussi, aucune de ces expressions ne peuvent-elles jamais être employées d’une manière générale ; car il ne serait pas exact de dire que tout Homme sans exception et Instruit soient identiques. C’est que les termes généraux existent en soi et d’une existence propre, tandis que les attributs accidentels n’existent pas en eux-mêmes, et qu’ils ne peuvent être attribués absolument qu’à des êtres particuliers et individuels. Si Socrate peut bien être pris pour identique à Socrate instruit, c’est que le terme de Socrate n’est pas applicable à plusieurs êtres, et que l’on ne dit pas : Tout Socrate comme on dit : Tout homme. Il y a donc des choses qu’on appelle identiques dans le sens qu’on vient d’exposer. Mais il y a aussi des choses identiques en soi et essentiellement, ainsi qu’il y a des choses qui sont Unes en soi ; car pour tous les êtres dont la matière est une en espèce ou en nombre, on dit qu’ils sont identiquement les mêmes, comme on le dit des choses dont la substance est une et identique. Il s’ensuit qu’évidemment l’identité est une sorte d’unité d’existence, soit qu’il s’agisse de plusieurs êtres distincts, soit qu’il s’agisse d’un être unique, qu’on regarde comme plusieurs. C’est ainsi qu’on dit, par exemple, qu’un seul et même être est identique à lui- même ; et alors, on considère cet être unique comme s’il était deux êtres au lieu d’un. On dit des choses qu’elles sont Autres quand leurs espèces sont multiples, ou quand c’est leur matière ou leur définition essentielle qui le sont. D’une manière générale, Autre est une expression opposée à celle d’Identique. On dit des choses qu’elles sont Différentes, lorsqu’elles sont Autres, tout en étant d’ailleurs identiques sous un certain point de vue, pourvu seulement que ce ne soit pas en nombre, mais que ce soit en espèce, ou en genre, ou par une analogie proportionnelle. On appelle encore Différentes les choses dont le genre est autre, et les choses qui sont contraires entre elles ; en un mot, toutes celles qui, dans leur substance, renferment la diversité qui les fait Autres, On appelle Semblables les choses qui éprouvent complètement la même modification, et celles qui éprouvent plus de modifications identiques que de modifications différentes. Les choses sont Semblables encore quand elles ont une seule et même qualité ; et dans les cas où les choses peuvent changer de contraires en contraires, la chose qui peut en subir aussi le plus, ou du moins en subir les principaux, est semblable à la chose qu’on lui compare. Les choses dissemblables sont dites par opposition aux choses semblables. |
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Lectio 11 |
Leçon 11, Commentaire de
saint Thomas [L’identique] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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Leçon
11, Commentaire de saint Thomas [L’identique] (Traduction Abbé Dandenault, v.
1960) |
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ARISTOTE EXPOSE LES
SENS SELON LESQUELS SE DIT L'IDENTITE, AUSSI BIEN ESSENTIELLE
QU’ACCIDENTELLE. |
ARISTOTE EXPOSE LES SENS SELON LESQUELS SE DIT L'IDENTITE, AUSSI BIEN ESSENTIELLE QU’ACCIDENTELLE. |
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[82471] Sententia Metaphysicae,
lib. 5 l. 11 n. 1 Postquam philosophus distinxit nomina, quae
significant subiectum huius scientiae, hic distinguit nomina, quae
significant partes eorum, quae sunt subiecta huius scientiae: et dividitur in
partes duas. In prima distinguit nomina, quae significant partes unius. In
secunda, nomina, quae significant partes entis; hoc ibi, potestas dicitur.
Substantia enim quae etiam posita est subiectum huius scientiae, est unum
solum praedicamentum non divisum in multa praedicamenta. Prima dividitur in
duas. In prima distinguit nomina, quae significant partes unius. In secunda,
nomina, quae significant, aliquod consequens ad rationem unius, scilicet
prius et posterius. Nam unum esse, est principium esse, ut supra dictum est.
Et hoc ibi, priora et posteriora dicuntur. |
Après avoir distingué les noms qui
signifient le sujet de cette science, le Philosophe distingue ici les mots
qui signifient les parties de ce qui est le sujet de notre science. Ce qu'il
fait en deux parties. Dans la première, il distingue les mots qui signifient
les parties de l’un; dans la seconde, les mots qui signifient les parties de
l'être, où il dit: "On appelle puissance etc. " (lec. XI, n°
82485). La substance en effet, qui est aussi sujet de cette science, ne forme
qu'un seul prédicament qui n'est pas divisé en plusieurs prédicaments. (Voilà
pourquoi la distinction du vocabulaire qui la concerne se termine à la leçon
précédente.) La première partie est elle-même subdivisée en deux, où il
distingue d’abord les mots qui signifient les parties de l’un, puis les mots
qui signifient quelque chose de consécutif à la raison de l'unité, à savoir
l'antérieur et le postérieur. L'être, en effet est principe de l'être, comme
on l'a posé plus haut. Il étudie cette dernière partie, où il dit :
"Antérieur et postérieur etc." (lec. XIII). |
Après avoir distingué les mots qui signifient le sujet de cette
science, le Philosophe distingue ici les mots qui signifient les parties de
ce qui est le sujet de notre science. Ce qu'il fait en deux parties. Dans la
première, il distingue les mots qui signifient les parties de l’un; dans la
seconde, les mots qui signifient les parties de l’être, où il dit : Puissance désigne d’abord, etc. (leçon
XIV). La substance en effet, qui est aussi sujet de cette science, ne forme
qu’un seul prédicament qui n’est pas divisé en plusieurs prédicaments[98]. La première partie se
subdivise en deux : tout d’abord, il distingue les mots qui signifient
les parties de l’un; ensuite, les mots qui signifient quelque chose de
consécutif à la notion d’unité, à savoir l’antérieur et le postérieur. En
effet, être un, c’est être principe, comme on l’a posé plus haut. Il traite
ce point où il dit : Antérieur et
postérieur ne s’appliquent, etc. (leçon XIII). |
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[82472]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 11 n. 2 Prima dividitur in duas. In prima distinguit nomina, quae significant primas
partes unius et eius oppositi, scilicet multitudinis. In secunda distinguit
nomina, quae significant quasdam secundarias partes, ibi, opposita dicuntur.
Partes autem unius sunt idem, quod est unum in substantia: et simile, quod
est unum in qualitate: et aequale, quod est unum in quantitate. Et e
contrario partes multitudinis sunt diversum, dissimile et inaequale. Circa
primum duo facit. Primo distinguit hoc nomen idem, et ea quae ei opponuntur.
Secundo distinguit hoc nomen simile et dissimile oppositum eius, ibi, similia
dicuntur. De aequali autem, et eius opposito, mentionem hic non facit, quia
in eis multiplicitas non est ita manifesta. Circa primum tria facit. Primo
distinguit hoc nomen idem. Secundo hoc nomen diversum, ibi, diversa vero
dicuntur. Tertio hoc nomen differens, ibi, differentia vero. Circa primum duo
facit. Primo ponit modos eiusdem per accidens. Secundo eiusdem per se, ibi,
alia vero secundum se. |
Quand il distingue les mots qui
expriment les parties de l'un, il distingue d’abord ceux qui signifient les
premières parties de l'un et de son opposé, le multiple ; puis, il distingue
ceux qui désignent des parties secondaires, où il dit: "Opposé se dit
etc." (lec. XII n° 82487). Or les parties de l'unité sont l'identique
qui signifie l'unité dans la substance; le semblable, qui exprime l'unité
dans la qualité, et l'égal, qui signifie l'unité dans la quantité. Au
contraire, les parties du multiple sont le divers, le dissemblable et
l'inégal. Au sujet des parties de l’un, il distingue donc le mot identique et
ses opposés; puis le mot semblable et son opposé, le dissemblable, où il dit:
"semblable se dit etc. ": Il ne fait pas mention de l’égal et de
l'inégal parce qu’en eux, la multiplicité n'est pas aussi manifeste. Il
traite son premier point en trois parties. En premier, il distingue le mot
identique; en second, le mot divers ou autre, où il dit : "Autre se dit
des êtres etc." (lec XII); en troisième, le mot différent, où il dit :
"Différent se dit etc. " Au sujet du mot identique, il expose ses
sens par accident, puis ses sens propres, essentiels. |
Le premier point se divise en deux. Dans le premier, il distingue les
mots qui signifient les premières parties de l’un et de son opposé, le
multiple; dans le deuxième, il distingue ceux qui désignent des parties
secondaires, où il dit : On
appelle Opposés, etc. Or les parties de l’un sont l’identique, qui
signifie l’unité en substance, le semblable, qui exprime l’unité en qualité,
et l’égal, qui signifie l’unité en quantité. Au contraire, les parties du
multiple sont le divers, le dissemblable et l'inégal. Il traite le premier
point en deux parties. En premier, il distingue le mot
« identique » et ses opposés; en deuxième, le mot
« semblable » et son opposé, le dissemblable, où il dit : On appelle Semblables les choses, etc.
Il ne fait pas mention ici de l’égal et de son opposé parce qu’en eux, la
multiplicité n’est pas aussi manifeste. Il traite son premier point en trois
parties. En premier, il distingue le mot « identique »; en
deuxième, le mot « divers », où il dit : On dit des choses qu’elles sont Autres, etc. (leçon XII); en
troisième, le mot « différent », où il dit : On dit des choses qu’elles sont Différentes, etc. Au sujet du
premier mot, il expose d’abord ses sens par accident, et en deuxième ses sens
essentiels, où il dit : Mais il y
a aussi des choses, etc. |
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[82473] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 11 n. 3 Dicit ergo quod aliqua dicuntur eadem per accidens
tribus modis. Uno modo sicut duo accidentia; ut album et musicum dicuntur
idem, quia accidunt eidem subiecto. Secundo modo, quando praedicatum dicitur
idem subiecto in quantum de eo praedicatur; ut cum dicitur, homo est musicus,
quae dicuntur idem, quia accidit musicum homini, idest praedicatum
subiecto. Tertio modo dicuntur idem per accidens, quando subiectum dicitur
esse idem accidenti quasi de eo praedicatum: ut cum dicitur, musicus est
homo, significatur quod homo sit idem musico. Quod enim praedicatur de
aliquo, significatur idem esse illi. Et haec ratio identitatis est, quia
subiectum accidit praedicato. |
Il dit donc que l'identique par
accident se dit de trois manières. D’une première manière, lorsqu'il s’agit
de deux accidents; le blanc et le musicien sont dits identiques parce qu'ils
"ac-cèdent", surviennent au même sujet. D’une seconde manière,
lorsqu'on dit que le prédicat est identique au sujet en tant qu'il lui est
attribué. Ainsi, lorsqu'on affirme que l’homme est musicien, on dit qu'ils
sont identiques parce que le musicien est accident de l'homme, c’est-à-dire
que le prédicat est accident du sujet. D’une troisième manière, lorsque le
sujet est dit identique à l’accident, comme lui étant prédiqué. Ainsi quand
on dit que le musicien est homme, on signifie que l’homme est identique au
musicien. Car lorsqu'on prédique quelque chose de quelqu'un, on signifie
qu'il lui est identique. La raison de cette troisième identité est que le
sujet est accident du prédicat. |
Il dit donc que l'identique par accident se dit de trois manières. D’une première manière, lorsqu'il s’agit de deux accidents; le blanc et le musicien sont dits identiques parce qu’ils se trouvent être dans le même sujet. D’une seconde manière, lorsqu’on dit que le prédicat est identique au sujet en tant qu’il lui est attribué. Ainsi, quand on dit que l’homme est musicien, on dit qu’ils sont identiques parce que le musicien est accident de l’homme, c’est-à-dire que le prédicat est accident du sujet. D’une troisième manière, lorsque le sujet est dit identique à l’accident en tant qu’il lui est attribué. Ainsi quand on dit que le musicien est homme, on signifie que l’homme est identique au musicien. En effet, lorsqu’on attribue une chose à une autre, on signifie qu’elle lui est identique. La raison de cette troisième identité est que le sujet est accident du prédicat. |
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[82474] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 11 n. 4 Praeter hos autem modos eiusdem per accidens, in
quibus sumitur accidens per se et subiectum per se, sunt alii modi in quibus
accipitur accidens cum subiecto compositum. Et in hoc variantur duo modi:
quorum unus significatur, quando accidens simpliciter praedicatur de
composito ex accidente et subiecto. Et tunc significatur hoc, scilicet
accidens esse idem utrique simul accepto; sicut musico homini, musicum. Alius
modus significatur quando compositum praedicatur de subiecto simplici, ut cum
dicitur, homo est homo musicus. Tunc enim illi, idest subiecto
simplici, significatur esse idem horum utrumque simul acceptum, scilicet hoc
quod dicitur homo musicus. Et similis ratio est, si accidens accipitur ut
simplex, et subiectum cum compositione; ut si dicamus, musicus est homo
musicus, aut e converso, quia et homini musico, quod est compositum, dicuntur
idem per accidens et homo et musicum, quando haec duo de illo uno
praedicantur, et e converso. |
Outre ces sens de l’identique par
accident, où le sujet et l'accident sont pris en eux-mêmes, séparément, il y
a en d'autres où l'accident et le sujet sont pris ensemble (terme complexe).
Ce qui donne lieu à deux sens différents. Le premier sens s'exprime, lorsque
l'accident est prédiqué de façon absolue du complexe accident-sujet. Dans ce
cas, on signifie que l’accident est identique aux deux pris ensemble: le
musicien est identique à l’homme musicien dont il est prédiqué. Le second
sens est celui où le composé est prédiqué du sujet simple, comme lorsqu'on
dit que l'homme est homme musicien, Dans ce cas, le composé pris ensemble, à
savoir ce qui est dit: homme-musicien, est identique au sujet simple.
L'identique se dit pour une raison semblable, si l'accident est pris comme
simple, et le sujet comme complexe: si nous disons, par exemple, que le
musicien est homme musicien, ou l'inverse, parce que et homme et musicien
sont dits être identiques par accident à l'homme musicien, qui est le
composé, quand ils sont prédiqués de ce composé un ou l'inverse. |
Outre ces sens de l’identique par accident, où le sujet et l'accident
sont pris en eux-mêmes, il y a en d’autres où l’accident est considéré en
union avec le sujet. Cela donne lieu à deux sens différents. Le premier sens
s’exprime lorsque l'accident est attribué de façon absolue du composé
accident-sujet. Dans ce cas, on signifie que l’accident est identique aux
deux pris ensemble : ainsi le musicien est identique à l’homme musicien.
Le second sens est signifié lorsque le composé est attribué au sujet simple,
comme lorsqu’on dit que l’homme est homme musicien. Dans ce cas, est signifié
par le sujet simple la même chose que le composé pris ensemble, qui est
appelé homme-musicien. L’identique se dit pour la même raison si l’accident
est pris comme simple, et le sujet comme complexe : si nous disons, par
exemple, que le musicien est homme musicien, ou l’inverse, parce qu’homme et
musicien sont tous deux dits être identiques par accident à l’homme musicien,
qui est le composé, quand ils sont attribués à ce composé unique ou l’inverse. |
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[82475]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 11 n. 5 Ex hoc autem concludit ulterius conclusionem, quod
in omnibus praedictis modis praedicandi, in quibus idem per accidens
praedicatur, non praedicatur aliquod nomen universaliter. Non enim est verum dicere,
quod omnis homo sit idem musico. Quod sic patet. Ea enim sola de
universalibus praedicantur universaliter, quae secundum se insunt eidem.
Propter hoc enim modus praedicandi, qui est universaliter praedicari,
convenit cum conditione subiecti, quod est universale, quia praedicatum per
se de subiecto praedicatur. Sed accidentia non praedicantur secundum se de
universalibus, sed ratione singularium. Et ideo de universalibus non
praedicantur universaliter. Sed de singularibus praedicantur simpliciter, quia
idem videtur esse subiecto Socrates et Socrates musicus; non tamen
praedicantur de singulari universaliter, quia de nullo potest praedicari
aliquid universaliter quod non est universale. Socrates autem non est
universale: nam non est in multis. Et ideo non praedicatur universaliter
aliquid de Socrate, ut dicatur, omnis Socrates sicut omnis homo. Igitur quae
diximus sic dicuntur eadem, scilicet per accidens, ut dictum est. |
De là .il conclut ultérieurement
que dans tous les sens susdits dans lesquels l'identique par accident est
prédiqué, aucun mot ne se prédique universellement, il n'est pas vrai de dire
en effet que tout homme est identique au musicien. En voici l'évidence. Cela
seul se prédique universellement des universels qui existe par soi dans ces universels.
C'est pour cela que le mode de prédication, qui est d'être prédiqué
universellement, doit convenir avec la condition du sujet qui est universel:
parce que le prédicat est prédiqué par soi du sujet. Les accidents ne sont
pas prédiqués par soi des universels, mais en raison des singuliers. C'est la
raison pour laquelle ils ne sont pas prédiqués universellement des
universels. Ils sont cependant prédiqués absolument des singuliers, parce
qu’il semble qu'il y ait identité par le sujet, comme Socrate et Socrate
musicien sont identiques par le sujet. Ils ne sont pas prédiqués
universellement du singulier, parce qu'aucune prédication universelle ne peut
se faire d’un sujet qui n'est pas universel. Socrate n'est pas un universel;
il n'est pas dans plusieurs. C’est pourquoi on ne peut prédiquer
universellement quelque chose de Socrate, comme si on pouvait dire tout
Socrate comme on dit tout homme. Concluons donc que ce que nous avons appelé
plus haut identique est identique par accident. |
De là il conclut en outre que dans tous les modes d’attribution
mentionnés où on dit que les choses sont identiques par accident, aucun mot
ne s’attribue universellement; en effet, il n'est pas vrai de dire que tout
homme est identique au musicien. En voici la preuve : les seules choses
attribuées universellement aux universels sont celles qui s’y trouvent
essentiellement. C’est pour cela que le mode d’attribution qui est
l’attribution universelle doit convenir à la condition du sujet, qui est
universel, car le prédicat est attribué essentiellement au sujet. Les
accidents ne sont pas attribués aux universels essentiellement, mais en
raison des singuliers. C’est pour cela qu’ils ne sont pas attribués
universellement aux universels. Ils sont cependant attribués absolument aux
singuliers, parce qu’on voit qu’il y a identité de sujet entre Socrate et
Socrate musicien. Mais les accidents ne sont pas attribués universellement à
un singulier, parce que rien ne peut être attribué universellement à ce qui
n’est pas universel. Socrate n’est pas un universel, car il n’est pas dans
plusieurs. C’est pourquoi on ne peut attribuer universellement quelque chose
à Socrate en disant « tout Socrate » comme on dit « tout
homme ». Alors, c’est ainsi, c'est-à-dire par accident, que sont
identiques les choses dont nous avons parlé. |
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[82476] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 11 n. 6 Deinde cum dicit alia vero ponit modos eiusdem per
se; et dicit, quod aliqua dicuntur eadem secundum se eisdem modis, quibus dicitur
unum per se. Omnes enim modi, quibus aliqua unum per se dicuntur, reducuntur
ad duos: quorum unus est secundum quod dicuntur unum illa, quorum materia est
una; sive accipiamus materiam eamdem secundum speciem, sive secundum numerum;
ad quod pertinet secundus et tertius modus unius. Alio modo dicuntur unum,
quorum substantia est una: vel ratione continuitatis, quod pertinet ad primum
modum: vel propter unitatem et indivisibilitatem rationis, quod pertinet ad
quartum et quintum. Unde et his modis dicuntur aliqua esse idem. |
Ensuite, lorsqu'il dit:
"Outre le Même dit par accident ... ", il expose les sens du même
où de l'identique par soi. Il dit que les êtres sont dits identiques par soi
dans les mêmes sens où se dit l'un par soi. Or tous les sens selon lesquels
les êtres sont dits un par soi se réduisent à deux. Dans le premier, les
êtres sont dits un parce que leur matière est une: que l'on prenne l'identité
de matière selon l'espèce ou selon le nombre. Ce qui comprend le second et le
troisième sans de l'unité. Les êtres dits un selon l'autre sens sont ceux qui
ont une seule substance: ou bien en raison de la continuité, ce qui
appartient au premier sens; ou bien en raison de l'unité et de
l'indivisibilité de la notion, ce qui appartient au quatrième et au cinquième
sens. C'est donc selon les mêmes sens que les êtres sont dits être les mêmes
ou identiques. |
Ensuite, lorsqu'il dit : Mais il y a aussi, etc., il expose les sens de l’identique en soi. Il dit que les êtres sont dits identiques en soi dans les mêmes sens où on parle d’un en soi. Or, tous les sens selon lesquels les êtres sont dits un en soi se ramènent à deux. Dans le premier, les êtres sont dits un parce que leur matière est une, que l’on prenne l’identité de matière selon l’espèce ou selon le nombre, ce qui se rattache aux deuxième et troisième sens de l’unité. Les êtres appelés un selon l’autre sens sont ceux qui ont une seule substance, soit sous l’aspect de la continuité, ce qui appartient au premier sens, soit en raison de l’unité et de l’indivisibilité de la notion, ce qui appartient aux quatrième et cinquième sens. C’est donc selon les mêmes sens que les êtres sont dits identiques. |
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[82477] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 11 n. 7 Ex hoc autem ulterius concludit, quod identitas est
unitas vel unio; aut ex eo quod illa quae dicuntur idem, sunt plura secundum
esse, et tamen dicuntur idem in quantum in aliquo uno conveniunt. Aut quia
sunt unum secundum esse, sed intellectus utitur eo ut pluribus ad hoc quod
relationem intelligat. Nam non potest intelligi relatio nisi inter duo
extrema. Sicut cum dicitur aliquid esse idem sibiipsi. Tunc enim intellectus
utitur eo quod est unum secundum rem, ut duobus. Alias eiusdem ad seipsum
relationem designare non posset. Unde patet, quod si relatio semper requirit
duo extrema, et in huiusmodi relationibus non sunt duo extrema secundum rem
sed secundum intellectum solum, relatio identitatis non erit relatio realis,
sed rationis tantum, secundum quod aliquid dicitur idem simpliciter. Secus
autem est, quando aliqua duo dicuntur esse idem vel genere vel specie. Si
enim identitatis relatio esset res aliqua praeter illud quod dicitur idem,
res etiam, quae relatio est, cum sit idem sibi, pari ratione haberet aliam
relationem, quae sibi esset idem, et sic in infinitum. Non est autem
possibile in rebus in infinitum procedere. Sed in his quae sunt secundum
intellectum nihil prohibet. Nam cum intellectus reflectatur super suum actum,
intelligit se intelligere. Et hoc ipsum potest etiam intelligere, et sic in infinitum. |
De là il conclut que l'identité
est l'unité ou l'union: ou bien parce que les choses qui sont dites
identiques, tout en étant plusieurs dans l’existence, sont identiques en tant
qu'elles conviennent dans quelque chose d'un: ou bien parce que, tout en
étant une dans l'existence, elles sont diversifiées par l'intelligence, qui
s'en sert comme si elles étaient plusieurs pour comprendre la relation
d'identité. La relation en effet ne peut être saisie qu’entre deux extrêmes.
Ainsi en est-il lorsqu'on dit que quelqu'un est identique à lui-même.
L'intelligence se sert d'une seule réalité comme si elle était deux choses,
car, autrement, elle ne pourrait désigner la relation d'identité à soi. Il
est donc évident que si la relation requiert deux extrêmes et si les deux
termes de cette relation ne sont pas réels mais uniquement de raison, la
relation d'identité ne sera pas réelle, mai de raison seulement. Ce qui
arrive dans le cas de l'identité absolue. Il en est autrement quand deux
choses sont dites identiques par le genre ou l'espèce. Si en effet la
relation d'identité était constituée par une addition à ce qui est dit
identique, cette chose même qui est une relation aurait, parce qu'identique à
elle-même, une autre relation qui serait elle-même identique à elle-même, et
ainsi à l'infini. Or il n’est pas possible de procéder à d’infini dans les
choses. Ce qu'il n'est pas défendu de faire dans les êtres de raison. Car,
lorsque l'intelligence réfléchit sur son acte, elle intellige qu'elle
intellige. Ce qu'elle peut aussi intelliger, et ainsi à l’infini. |
De là il conclut que l’identité est l’unité ou l’union, ou bien parce que les choses qui sont dites identiques, tout en étant plusieurs dans leur être, sont identiques en tant qu’elles sont unies par quelque chose de commun, ou bien parce qu’ils sont un dans leur être mais que l’intelligence les traite comme plusieurs pour comprendre une relation. La relation en effet ne peut être comprise qu’entre deux extrêmes. Ainsi en est-il lorsqu’on dit qu’une chose est identique à elle-même. L’intelligence traite alors une seule réalité comme si elle était deux choses, car sinon, on ne pourrait désigner la relation d’identité à soi-même. Il est donc évident que si la relation requiert toujours deux extrêmes et si les deux termes de cette relation ne sont pas réels mais uniquement de raison, la relation d’identité n’est pas réelle, mais de raison seulement, ce qui est le cas de l’identité absolue. Il en va autrement quand deux choses sont dites identiques par le genre ou l’espèce. Si en effet la relation d’identité était une chose qui s’ajoute à ce qui est dit identique, cette chose même qu’est la relation, parce qu’identique à elle-même, aurait une autre relation, qui serait à son tour identique à elle-même, et ainsi à l’infini. Or, il n’est pas possible de procéder à l’infini dans les choses, mais rien n’empêche de le faire dans les êtres de raison. En effet, lorsque l'intelligence réfléchit sur son acte, elle comprend qu’elle comprend. Et cela aussi elle peut le comprendre, et ainsi de suite à l’infini. |
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Leçon 12, Texte d’Aristote
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Leçon 12, Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Autre
se dit des êtres qui ont pluralité d’espèce, ou de matière, ou de définition
de leur substance, et, d'une manière générale, l’Autre présente des
significations opposées à celle du Même.
Différent se dit des
choses qui, tout en étant autres, ont quelque identité, non pas selon le
nombre, mais selon l'espèce, ou le genre, ou par analogie. Ce terme se dit
encore de ce qui est autre par le genre, ou bien des contraires, ou enfin de
ce qui contient, dans son essence, l'altérité. Semblable se dit des choses affectées,
sous tous les rapports, des mêmes attributs, de celles dont la qualité est
une. Enfin, ce qui a en parage, avec une autre chose, un plus grand nombre de
contraires, ou de plus importants contraires, selon lesquels les choses sont
susceptibles d'altération, est semblable à cette chose. Quant à Dissemblable, il se prend dans tous
les sens opposés à semblable. Opposé se dit de la contradiction, des
contraires, des relatifs; de la privation et de la possession; des extrêmes,
point de départ et point d’arrivée des générations et des corruptions; et,
dans tous les cas où deux attributs peuvent coexister dans le sujet qui les
reçoit ces attributs sont dits être opposés, soit en eux-mêmes, soit par
leurs éléments: en effet, le gris et le blanc n’appartiennent pas, en même
temps, au même sujet ; de là vient que ce sont leurs éléments qui sont
opposés. On nomme contraires ceux des
attributs différents par le genre, qui ne peuvent coexister dans un même
sujet, ceux qui diffèrent le plus dans le même genre, ceux qui diffèrent le
plus dans le même sujet qui les reçoit, ce qui diffère le plus dans ce qui
tombe sous la même puissance, enfin ce dont la différence est maxima, soit
absolument, soit en genre, soit en espèce. Les autres choses qui sont
contraires sont ainsi appelées, les unes, parce qu'elles possèdent les
espèces de contraires dont nous venons de parler, d'outres, parce qu'elles
reçoivent des contraires de cette nature, d’autres, parce qu'elles sont
productrices ou susceptibles de ces contraires, ou qu’elles les produisent ou
les subissent actuellement, ou qu’elles sont des pertes ou des acquisitions,
des possessions ou des privations de ces contraires. Et puisque l'Un et
l’Etre se prennent en plusieurs acceptions, il s’ensuit nécessairement que
leurs dérivés se disent aussi en ces mêmes acceptions, de sorte que le Même,
l'Autre et le Contraire doivent varier selon chaque catégorie. Autre selon l’espèce s’applique aux
êtres qui, étant du même genre, ne son pas subordonnés l’un à l’autre, à ceux
qui, étant dans le même genre, présentent une différence entre eux, et il
ceux qui ont une contrariété dans leur substance. Il y a aussi altérité selon
l'espèce dans les contraires entre eux, soit dans tous les contraires, soit
dans ceux qu'on appelle contraires au sens premier du terme; sont aussi
autres selon l’espèce les êtres dont les définitions diffèrent dans la
dernière espèce du genre: par exemple, l'homme et le cheval sont indivisibles
selon le genre, mais leurs définitions sont différentes. Sont enfin autres par
l’espèce, les attributs de la même substance qui ont une différence. – Le Même selon l’espèce se dit dans tous
les cas opposés aux précédents. |
On dit des choses qu’elles sont Autres quand leurs espèces sont multiples, ou quand c’est leur matière ou leur définition essentielle qui le sont. D’une manière générale, Autre est une expression opposée à celle d’Identique. On dit des choses qu’elles sont Différentes, lorsqu’elles sont Autres, tout en étant d’ailleurs identiques sous un certain point de vue, pourvu seulement que ce ne soit pas en nombre, mais que ce soit en espèce, ou en genre, ou par une analogie proportionnelle. On appelle encore Différentes les choses dont le genre est autre, et les choses qui sont contraires entre elles ; en un mot, toutes celles qui, dans leur substance, renferment la diversité qui les fait Autres, On appelle Semblables les choses qui éprouvent complètement la même modification, et celles qui éprouvent plus de modifications identiques que de modifications différentes. Les choses sont Semblables encore quand elles ont une seule et même qualité ; et dans les cas où les choses peuvent changer de contraires en contraires, la chose qui peut en subir aussi le plus, ou du moins en subir les principaux, est semblable à la chose qu’on lui compare. Les choses dissemblables sont dites par opposition aux choses semblables. Opposé. On appelle Opposés les deux termes de la contradiction, les Contraires, les Relatifs, la Privation et la Possession, et les états, soit primordiaux d’où sortent les êtres, soit derniers dans lesquels ils se dissolvent, c’est-à-dire, leurs productions et leurs destructions. Pour les attributs qui ne peuvent appartenir simultanément au même sujet, incapable d’ailleurs de les recevoir tous les deux l’un après l’autre, on dit qu’ils sont Opposés, soit qu’on les considère eux-mêmes, soit qu’on regarde aux principes d’où ils sont sortis. Ainsi, par exemple, le brun et le blanc n’appartiennent jamais à la fois au même objet ; et voilà pourquoi les principes d’où ils sortent sont également opposés entre eux. On entend par Contraires les termes qui, étant de genres différents, ne peuvent se rencontrer simultanément dans un seul et même sujet ; les termes qui dans un même genre diffèrent le plus possible entre eux ; les termes qui diffèrent le plus possible dans un seul et même sujet, capable de les recevoir tour à tour ; les termes qui diffèrent le plus possible, tout en ayant la même puissance ; enfin, les termes dont la différence est la plus grande possible, soit absolument, soit en genre, soit en espèce. Les Contraires autres que ceux-là sont appelés aussi de ce nom, tantôt parce qu’ils ont les mêmes contraires que ceux qu’on vient de dire, tantôt parce qu’ils sont susceptibles de les recevoir, tantôt parce qu’ils peuvent les faire ou les souffrir, tantôt parce qu’ils les font ou les souffrent effectivement, tantôt parce qu’ils les perdent ou les acquièrent, les possèdent ou en sont privés. L’Un et l’Être étant pris en plusieurs acceptions, c’est une conséquence nécessaire que tout ce qui leur est attribué ait tout autant d’acceptions diverses. Ainsi, le Même ou l’Identique, l’Autre, le Contraire sont pris dans des sens aussi nombreux; et par suite, le sens d’Autre est différent, selon chacune des catégories. On appelle Autres, sous le rapport de l’espèce, toutes les choses qui, faisant partie du même genre, ne sont pas cependant subordonnées les unes aux autres; toutes celles qui, étant du même genre, offrent une différence entre elles; enfin, toutes celles qui sont contraires en substance. Les Contraires sont spécifiquement Autres aussi les uns à l’égard des autres, soit tous sans exception, soit du moins les contraires primitifs, soit lorsque, étant dans la dernière espèce du genre, les choses comportent des définitions Autres. Tels sont, par exemple, l’homme et le cheval, dont le genre est indivisible, mais dont cependant les définitions sont différentes. Enfin, on appelle Contraires toutes les choses qui, étant dans la même substance, ont néanmoins une différence. Les choses sont spécifiquement les Mêmes, quand elles sont exprimées d’une manière opposée à celles qu’on vient d’analyser. |
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Lectio 12 |
Leçon 12, Commentaire de
saint Thomas [Le divers] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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Leçon
12, Commentaire de saint Thomas [Le divers] (Traduction Abbé Dandenault, v.
1960) |
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ON EXPOSE LES SENS
DE DIVERS (AUTRE), DIFFERENT, SEMBLABLE ET DE LEURS MOTS OPPOSES, ET DE
L'AUTRE (DU DIVERS) SELON L'ESPECE. |
ON EXPOSE LES SENS DE DIVERS (AUTRE), DIFFERENT, SEMBLABLE ET DE LEURS MOTS OPPOSES, ET DE L'AUTRE (DU DIVERS) SELON L'ESPECE. |
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[82478] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 1 Hic ostendit quot modis dicitur diversum; et dicit,
quod diversa dicuntur aliqua tripliciter. Dicuntur enim aliqua diversa
specie, quorum species sunt plures, sicut asinus et bos. Quaedam vero
dicuntur diversa numero, quia differunt secundum materiam, sicut duo
individua unius speciei. Quaedam vero dicuntur diversa secundum rationem
substantiae, idest definitionem declarantem substantiam rei. Contingit
enim quaedam esse idem numero, scilicet subiecti, sed diversa ratione, sicut
Socrates et hoc album. |
Ici il montre en combien de sens
peut se dire le divers. Il dit que les choses peuvent être appelées diverses
de trois manières. Les unes sont dites diverses par l'espèce. Ce sont celles
qui appartiennent à plusieurs espèces; comme l’âne et le bœuf par exemple.
D'autres sont dites diverses par le nombre, parce qu’elles diffèrent par la
matière, comme deux individus de même espèce. D'autres sont dites diverses
par la définition manifestant la substance de la chose. Il arrive en effet
que certaines réalités sont numériquement identiques, c’est-à-dire par le
sujet, bien que diverses par définition, comme Socrate et ce blanc. |
Ici il montre en combien de sens peut se dire le divers. Il dit que
les choses peuvent être appelées diverses de trois manières. On dit que sont
d’espèces diverses celles qui appartiennent à plusieurs espèces, par exemple
l’âne et le bœuf. D’autres choses sont dites diverses numériquement, parce
qu’elles diffèrent par la matière, comme deux individus de même espèce.
D’autres sont dites diverses par leur notion de substance, c’est-à-dire la
définition affirmant la substance de la chose. Il arrive en effet que
certaines réalités soient identiques numériquement, c’est-à-dire par le
sujet, mais diverses en raison, comme Socrate et cet être blanc. |
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[82479]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 2 Et quia plures modi diversitatis accipi possunt,
sicut quod dicatur diversum genere et diversum propter continui divisionem,
ideo subiungit, quod diversum dicitur oppositum totaliter ad idem. Cuilibet
enim modo eius, quod est idem, opponitur aliquis modus eius quod est
diversum. Et propter hoc, quot modis dicitur idem, tot modis diversum. |
Et parce que ces sens de la
diversité (altérité) sont nombreux: le divers par le genre, le divers par la
division du continu, etc., Aristote ajoute que le divers constitue une
opposition totale au "même" ou à identique. Les sens du divers
offrent une opposition systématique aux sens de l'identique (du même). C'est
pourquoi il y a autant de sens du divers qu’il y en a du même. |
Et parce que ces sens de l’altérité sont plusieurs (divers par le
genre, divers par la division du continu, etc.), Aristote ajoute que le
divers constitue une opposition totale à l’identique. Tous les sens de
l’identique ont comme opposé un certain sens du divers; c'est pourquoi il y a
autant de sens du divers qu’il y en a du même. |
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[82480] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 3 Et tamen alii modi unius, vel eius quod est idem,
possunt reduci ad istos hic tactos. Diversitas enim generis includitur in
diversitate speciei. Diversitas vero continuitatis in diversitate materiae,
eo quod partes quantitatis se habent per modum materiae ad totum. |
Et cependant les autres sens de
l'un ou de l'identique peuvent se réduire aux deux sens énumérés au début de
cette leçon. La diversité du genre est incluse dans celle de l’espèce; la
diversité du continu, dans la diversité de la matière, du fait que les
parties de la quantité font fonction de matière par rapport au tout. |
Et cependant les autres sens de l’un ou de l’identique peuvent se
réduire aux sens mentionnés ici. La diversité du genre est incluse dans celle
de l’espèce, et la diversité du continu dans la diversité de la matière, du
fait que les parties de la quantité font fonction de matière par rapport au
tout. |
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[82481]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 4 Deinde cum dicit differentia vero hic distinguit
quot modis dicitur hoc nomen differens. Assignat autem duos modos: quorum
primus est, quod aliquid proprie dicitur differens secundum quod aliqua duo
quae sunt aliquid idem entia, idest in aliquo uno convenientia, sunt
diversa: sive conveniant in aliquo uno secundum numerum, sicut Socrates
sedens a Socrate non sedente: sive conveniant in aliquo uno specie, sicut
Socrates et Plato in homine: sive in aliquo uno genere, sicut homo et asinus
in animali: sive in aliquo uno secundum proportionem, sicut quantitas et
qualitas in ente. Ex quo patet, quod differens omne est diversum, sed non
convertitur. Nam illa diversa, quae in nullo conveniunt, non possunt proprie
dici differentia, quia non differunt aliquo alio, sed seipsis. Differens
autem dicitur, quod aliquo alio differt. Secundus modus est prout differens
communiter sumitur pro diverso; et sic differentia dicuntur etiam illa, quae
habent diversum genus, et in nullo communicant. |
Ensuite, quand il dit:
"Différent se dit ... ", il distingue les sens du mot
"différent". Il en assigne deux. Voici le premier sens. Se disent
différentes les choses qui, tout en étant diverses, conviennent dans une
certaine forme d’unité : dans l’identité numérique, comme Socrate assis
et Socrate debout ; dans l’identité de l’espèce, comme Socrate et Platon
dans l'homme ; dans l’identité générique, comme l’homme et l'âne: dans
l'animal; dans l'unité de proportion, comme la quantité et la qualité dans
l'être. D'où il ressort que tout ce qui est différent est divers sans que
l'inverse ne soit vrai. Car les choses diverses qui n'entretiennent Aucune
convenance entre elles, qui n'ont aucun point de commun, ne peuvent être
dites proprement différentes, parce qu’elles diffèrent par elles-mêmes et non
par quelque chose d'autre. Le différent se dit de ce qui diffère par quelque
chose d'autre que soi. Le second sens du mot différent est celui où le mot
devient équivalent au mot divers: et ainsi, sont différentes même les choses
qui n’ont des genres différents et qui n'ont rien de commun entre elles. |
Ensuite, quand il dit : On
dit des choses, etc., il distingue les sens du mot
« différent ». Il en précise deux. Le premier est qu’on appelle
différentes au sens propre les choses qui, tout en étant diverses, sont identiques sous un certain point de
vue, c'est-à-dire ont quelque chose en commun, soit par identité
numérique, comme Socrate assis et Socrate debout, soit par identité d’espèce,
comme Socrate et Platon dans l’'homme, soit par identité générique, comme
l’homme et l’âne dans l’animal, soit par unité de proportion, comme la
quantité et la qualité dans l’être. D’où il ressort que tout ce qui est
différent est divers, mais non l’inverse, car les choses diverses qui n’ont
rien en commun ne peuvent être proprement appelées différentes, parce
qu’elles diffèrent par elles-mêmes et non par quelque chose d’autre. On
appelle différent ce qui diffère par quelque chose d'autre que soi. Le second
sens du mot « différent » est celui où le mot devient équivalent au
mot « divers » : et ainsi, sont différentes même les choses qui
n’ont des genres différents et qui n’ont rien en commun. |
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[82482] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 5 Deinde docet quibus conveniat esse differens
secundum primum modum qui est proprius. Cum enim oporteat ea, quae proprie
dicuntur differentia, in uno aliquo convenire; ea vero, quae conveniunt in
specie, non distinguuntur nisi per accidentales differentias, ut Socrates
albus vel iustus, Plato niger vel musicus; quae vero conveniunt in genere et
sunt diversa secundum speciem, differunt differentiis substantialibus: illa
propriissime dicuntur differentia, quae sunt eadem genere et diversa secundum
speciem. Omne autem genus dividitur in contrarias differentias; non autem
omne genus dividitur in contrarias species. Coloris enim species sunt
contrariae, scilicet album, nigrum: et differentiae etiam, scilicet
congregativum et disgregativum. Animalis autem differentiae quidem sunt
contrariae, scilicet rationale et irrationale sed species animalis, ut homo
et equus etc. non sunt contrariae. Illa igitur, quae propriissime dicuntur
differentia, sunt quae vel sunt species contrariae, sicut album et nigrum:
vel sunt species unius generis non contrariae, sed habentia contrarietatem in
substantia ratione contrarii differentiarum quae sunt de substantia
specierum. |
Il montre ensuite à quoi il
convient d'être différent selon le premier sens, qui est le sens propre du
terme. Notons donc que ce qui est dit proprement différent convient dans une
certaine unité. Ce qui communique dans l'espèce ne se distingue que par des
différences accidentelles, comme Socrate blanc et juste diffère de Platon
noir et musicien; ce qui communique dans le genre et est divers selon
l’essence diffère par des différences. Les choses qui sont identiques par le
genre et diverses selon l'espèce sont celles qui sont appelées le plus proprement différente. Tout
genre en effet se divise par des différences contraires, mais tout genre ne
se divise pas en espèces contraires. Les espèces de la couleur sont
contraires, comme le blanc et le noir; et les différences aussi de ces
espèces sont contraires, comme la qualité réceptive du blanc et le caractère
réfractaire du noir. Les différences de l'animal sont contraires, le
rationnel et l'irrationnel, mais les espèces de l'animal, comme l'homme et le
cheval, etc., ne sont pas contraires. Les choses donc qui sont différentes au
sens le plus propre du mot sont celles qui sont, ou bien d'espèces
contraires, comme le blanc et le noir, ou bien d'espèces non contraires d'un
seul genre mais possèdent une contrariété essentielle en raison de la
contrariété des différences qui appartiennent à l’essence des espèces. |
Il montre ensuite à quoi il appartient d’être différent selon le premier sens, qui est le sens propre du terme. En effet, ce qui est dit proprement différent a un certain point commun, mais ce qui est uni par l’espèce ne se distingue que par des différences accidentelles, comme Socrate blanc ou juste diffère de Platon noir ou musicien; ce qui est uni par le genre et est divers par l’essence diffère par des différences substantielles. Les choses qui sont identiques par le genre et diverses par l’espèce sont celles qui sont appelées le plus proprement différentes. Tout genre en effet se divise par des différences contraires, mais tout genre ne se divise pas en espèces contraires. Les espèces de la couleur sont contraires, comme le blanc et le noir, et les différences de ces espèces sont également contraires, comme le rassemblement et la dispersion. Les différences de l’animal sont contraires, à savoir le rationnel et l’irrationnel, mais les espèces de l’animal, comme l’homme, le cheval, etc., ne sont pas contraires. Les choses donc qui sont différentes au sens le plus propre du mot sont celles qui sont, ou bien d’espèces contraires, comme le blanc et le noir, ou bien d’espèces non contraires d’un seul genre mais possèdent une contrariété essentielle en raison de la contrariété des différences qui appartiennent à l’essence des espèces. |
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[82483]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 6 Deinde cum dicit similia dicuntur ostendit quot
modis dicitur simile. Circa hoc autem duo facit. Nam primo assignat quot modis
dicitur simile. Secundo quot modis dicitur dissimile, ibi, opposita vero.
Circa primum duo facit. Primo ostendit quot modis dicitur simile. Secundo
quomodo dicatur aliquid maxime simile, ibi, et secundum quae alterari. Ponit
autem tres modos similitudinis. Constat enim quod unum in qualitate facit
simile. Passio autem est affinis qualitati, eo quod praecipue passio in
mutatione qualitatis, quae est alteratio, attenditur. Unde et quaedam species
qualitatis est passio et passibilis qualitas. Et propter hoc similitudo non
solum attenditur secundum convenientiam in qualitate, sed secundum
convenientiam in passione. Quod quidem potest esse dupliciter. Aut ex parte
passionis, aut ex parte eius ad quod passio terminatur. |
Ensuite, quand il dit:
"Semblable se dit ... ", il montre en combien de sens peut se dire
le mot semblable. Là-dessus il fait deux choses. Il assigne d'abord les
différentes acceptions du mot; en second, les sens selon lesquels se dit
dissemblable, où il dit: "Quant à Dissemblable, etc. " L'énumération
des sens du mot semblable se fait en deux temps. D'abord, il distingue les
sens, puis montre en quoi consiste la plus grande similitude, où il dit :
"Enfin, ce qu’a en partage, etc." Il pose donc trois sens du terme
similitude. On constate que l'unité dans la qualité rend semblable. Or la
passion est voisine de la qualité du fait que la passion se manifeste
principalement dans la mutation de la qualité, qui est l'altération. C'est
pourquoi il y a une certaine espèce de qualité qui est la passion et la
qualité passible. C'est pourquoi la similitude se prend non seulement selon
la communauté de la qualité, mais aussi de la passion. Et doublement dans ce
dernier cas: soit du côté de la passion, soit du côté de ce à quoi se termine
la passion. |
Ensuite, quand il dit : On
appelle Semblables, etc., il montre combien de sens revêt le mot
« semblable ». Là-dessus il fait deux choses. Il énonce, en
premier, les différentes acceptions du mot; en second, le nombre de sens du
mot « dissemblable », où il dit : Les choses dissemblables sont dites, etc. Il traite le premier
point en deux parties : en premier, il distingue les sens; en deuxième,
il montre comment les choses ont la plus grande ressemblance, où il dit : Les choses sont Semblables encore,
etc. Il donne donc trois types de ressemblance. Il est évident que l’unité
dans la qualité rend semblable. Or, la passion[99] est voisine de la qualité du
fait qu’elle se manifeste principalement dans le changement de la qualité,
qui est l’altération. C’est pourquoi il existe une espèce de qualité qui est
la passion et la qualité passible. C’est pourquoi la similitude découle non
seulement d’une qualité commune, mais aussi d’une passion commune. Et cela
peut arriver de deux façons : soit du côté de la passion, soit du côté
de l’aboutissement[100] de la passion. |
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[82484] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 7 Sic igitur tripliciter aliqua sunt similia. Uno
modo, quia patiuntur idem, sicut duo ligna, quae comburuntur, possunt dici
similia. Alio modo ex hoc solo, quod patiuntur aliqua plura, similia
dicuntur, sive patiuntur idem, sive diversa: sicut duo homines, quorum unus
fustigatur, et alter incarceratur, dicuntur similes in patiendo. Tertio modo
dicuntur similia quorum una est qualitas; sicut duo albi, et duo sidera in
caelo habentia similem splendorem aut virtutem. |
Ainsi donc il y a trois manières
d'être dits semblables. D’une première façon, on peut dire semblables les
choses qui subissent la même action,
comme lorsque deux bûches sont brûlées. D'une seconde façon, les choses sont
semblables du seul fait qu'elles pâtissent, que ce soit sous l'action d’une
seule action ou d'actions diverses, comme lorsque deux hommes se ressemblent
dans la passion, l'un, en étant incarcéré, l'autre, en recevant des coups.
D'une troisième façon, sont dites semblables les choses possédant une même
qualité à comme deux choses blanches ou deux constellations dans le ciel
ayant un même éclat ou une même splendeur. |
Ainsi donc, des choses sont semblables de trois manières. D’une
première façon, parce qu’elles subissent la même action, comme lorsque deux
bûches sont brûlées. D’une seconde façon, du simple fait que plusieurs choses
subissent, que ce soit la même action
ou des actions diverses, comme lorsque deux hommes se ressemblent dans la
passion, l’un en étant incarcéré, l’autre en étant battu. D’une troisième
façon, sont dites semblables les choses possédant une même qualité, comme
deux choses blanches ou deux étoiles dans le ciel ayant un éclat ou une
splendeur semblables. |
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[82485] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 8 Deinde cum dicit et secundum ostendit unde aliquid
maxime dicatur simile. Quando enim sunt plures contrarietates, secundum quas
attenditur alteratio, illud, quod secundum plures illarum contrarietatum est
alicui simile, dicitur magis proprie simile. Sicut allium, quod est calidum
et siccum, dicitur magis proprie simile igni, quam saccharum, quod est
calidum et humidum. Et idem est inter duo quorum utrumque est simile alicui
tertio secundum unam qualitatem tantum: illud quod est simile secundum
qualitatem magis sibi propriam, magis proprie dicitur simile ei: sicut aer
magis proprie similis est igni, quam terra. Aer enim assimilatur igni in
calore, quae est qualitas sibi propria, magis quam siccitas in qua
assimilatur sibi terra. |
Ensuite, quand il dit : "En
fin, ce qui ... ", il montre la source de la plus grande similitude. En
effet, lorsque plusieurs contraires affectent différentes choses, contraires
selon lesquels les choses sont susceptibles d’altération, ce qui a en partage
avec une autre chose un plus grand nombre de contraires se dit, dans un sens
beaucoup plus propre, semblable à cette chose. Comme l'ail qui est chaud et
sec est dit plus proprement semblable au feu que le suc qui est chaud et
humide. Il en est de même entre deux choses qui sont toutes deux semblables 0
une même troisième selon une seule qualité: celle qui lui ressemble le plus
proprement est celle qui lui ressemble par la qualité qui lui est la plus
propre. Ainsi l’air est plus proprement semblable au feu que la terre, parce
que l’air s'assimile au feu par la chaleur, qui est une qualité plus propre
au feu que la sécheresse, par laquelle on assimile la terre au feu. |
Ensuite, quand il dit : et dans les cas où les choses, etc., il montre la source de la plus grande similitude. En effet, lorsqu’une chose peut être altérée selon plusieurs types d’opposition, la chose qui ressemble à une autre selon le plus grand nombre de ces opposés est plus proprement appelée semblable[101]. Ainsi, l’ail, qui est chaud et sec, est dit plus proprement semblable au feu que le sucre, qui est chaud et humide. Il en va de même entre deux choses qui sont semblables à une même troisième selon une seule qualité : celle qui lui ressemble le plus proprement est celle qui lui ressemble par la qualité qui lui est la plus propre. Ainsi, l’air est plus proprement semblable au feu que la terre, car l’air ressemble au feu par la chaleur, qui est une qualité plus propre au feu que la sécheresse, par laquelle la terre lui ressemble. |
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[82486] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 9 Consequenter dicit, quod dissimilia dicuntur per
oppositum ad similia. |
Conséquemment, il dit que ce qui est
dissemblable se dit par opposition à ce qui est semblable. |
Ensuite, il dit que ce qui est dissemblable se dit par opposition à
ce qui est semblable. |
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[82487] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 10 Deinde cum dicit opposita dicuntur hic distinguit
secundarias partes pluralitatis, quae scilicet continentur sub differenti et
diverso, quae sunt partes primae: et circa hoc tria facit. Primo ostendit
quot modis dicuntur opposita. Secundo quot modis dicuntur contraria, ibi,
contraria dicuntur. Tertio quot modis dicuntur diversa specie, ibi, diversa
vero specie. Circa primum duo facit. Primo enim dicit quot modis dicuntur
opposita; quia quatuor modis; scilicet contradictoria, contraria, privatio et
habitus, et ad aliquid. Aliquid enim contraponitur alteri vel opponitur aut
ratione dependentiae, qua dependet ab ipso, et sic sunt opposita relative.
Aut ratione remotionis, quia scilicet unum removet alterum. Quod quidem
contingit tripliciter. Aut enim totaliter removet nihil relinquens, et sic
est negatio. Aut relinquit subiectum solum, et sic est privatio. Aut
relinquit subiectum et genus, et sic est contrarium. Nam contraria non sunt
solum in eodem subiecto, sed etiam in eodem genere. |
Ici il distingue les parties
secondaires de la pluralité, celles qui sont contenues sous "le
différent" et "le divers, " qui en forment les parties
principales. Son travail se divise en trois parties. Premièrement, il montre
en combien de sens se dit l'opposé; deuxièmement, il donne le nombre sens des
contraires, où il dit: "On nomme contraires etc."; troisièmement,
il donne le nombre de sens de la diversité spécifique, où il dit: "Autre
selon l'espèce etc." Il traite sa première partie en deux points. En
premier, il indique les sens selon lesquels se disent les opposés. Il y en a
quatre: la contradiction, la contrariété, la privation et la possession
(habitus), et la relation. Une chose en effet s’oppose à une autre, ou en
raison de la dépendance par laquelle elle dépend de cette autre, et ainsi
elles s’opposent relativement; ou en raison de la suppression, à savoir parce
que l'une supprime ou écarte l'autre. Ce qui arrive du trois manières. Ou
bien elle supprime l'autre totalement, ne laissant rien, et ainsi elle en est
la négation; ou bien, elle ne laisse que le sujet, et elle en est ainsi la
privation; ou elle laisse le sujet et le genre, et ainsi elle est contraire.
Les contraires en effet n'existent pas seulement dans le même sujet, mais
dans le même genre. |
Puis lorsqu’il dit : On
appelle Opposés, etc., il distingue les parties secondaires de la
pluralité, celles qui sont contenues sous le « différent » et le
« divers », qui en forment les parties principales. Son travail se
divise en trois parties. Premièrement, il montre en combien de sens on parle
d’opposés; deuxièmement, en combien de sens on parle de contraires, où il
dit : On entend par Contraires, etc.;
troisièmement, en combien de sens on parle de diversité d’espèce, où il
dit : On appelle Autres, sous le
rapport, etc. Il traite sa première partie en deux points. En premier, il
indique en combien de sens on parle d’opposés. Il y en a quatre : la
contradiction, la contrariété, la privation et la possession[102], et la relation. Une chose
en effet est mise en opposition à une autre, soit en raison de la dépendance
qu’elle a à cette autre, et ainsi elles s’opposent relativement, soit en
raison de la suppression, parce que l’une écarte l’autre. Cela arrive du
trois manières. Ou bien l’une supprime l’autre totalement en ne laissant rien,
étant ainsi une négation; ou bien elle ne laisse que le sujet, étant ainsi
une privation; ou bien elle laisse le sujet et le genre, étant ainsi un
contraire. Les contraires en effet n’existent pas seulement dans le même
sujet, mais aussi dans le même genre. |
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[82488]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 11 Secundo ibi et ex quibus ponit duos modos, secundum
quos potest cognosci, quod aliqua sunt opposita: quorum primus est per comparationem
ad motum. Nam in quolibet motu vel mutatione, terminus a quo, opponitur
termino ad quem. Et ideo ex quibus est motus, et in quae est motus, sunt
opposita, ut patet in generationibus. Nam generatio albi est ex non albo, et
ignis ex non igne. |
Ensuite, où il dit: "des
extrêmes…", il montre les deux manières qui permettent de connaître
l'opposition entre les choses. La première manière se prend par rapport au
mouvement. Car dans tout mouvement ou mutation, le terme a quo s'oppose au terme ad
quem. C'est pourquoi le point de départ et d'arrivée du mouvement sont
opposés, comme il apparaît dans les générations. La génération du blanc se
fait du non-blanc, Et le feu vient du non-feu. |
Ensuite, où il dit : et les états, etc. il montre les deux manières qui permettent de connaître l’opposition entre les choses. En premier, on la connaît par comparaison au mouvement. En effet, dans tout mouvement ou mutation, le terme de départ s’oppose au terme d’arrivée. C’est pourquoi le point de départ et le point d’arrivée du mouvement sont opposés, comme il apparaît dans les générations : la génération du blanc se fait à partir du non-blanc, et celle du feu à partir du non-feu. |
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[82489] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 12 Secundo modo per comparationem ad subiectum. Nam
illa, quae non possunt inesse simul eidem susceptibili, oportet quod
adinvicem opponantur, vel ipsa, vel ea in quibus sunt. Non enim potest idem corpus simul esse album et
nigrum, quae sunt contraria. Homo vero et asinus non possunt de eodem dici,
quia habent in suis rationibus differentias oppositas, scilicet rationale et
irrationale. Et similiter pallidum et album; quia pallidum componitur ex
nigro, quod est oppositum albo. Et notandum, quod signanter dicit, eidem susceptibili:
quia quaedam non possunt alicui eidem subiecto simul inesse, non propter
oppositionem quam habeant adinvicem, sed quia subiectum non est susceptibile
utriusque; sicut albedo et musica non possunt simul inesse asino, possunt
autem simul inesse homini. |
La seconde manière est par
comparaison au sujet. Car les choses qui ne peuvent exister en même temps
dans le même sujet doivent s’opposer entre elles. Ou bien elles s'opposent
par elles-mêmes, ou bien par ce dans quoi elles se trouvent. Le même corps en
effet ne peut être en même blanc et noir, qui sont des qualités contraires.
Homme et âne ne peuvent être dits du même, parce qu'ils ont dans leur notion
des différences opposées, à savoir raisonnable et irraisonnable; et
pareillement, le gris et le blanc, parce que la gris est composé de noir, qui
est l’opposé du blanc. Il faut noter dans la phrase d'Aristote l'importance
des mots: dans le même sujet. La raison en est que certaines choses ne
peuvent exister ensemble dans le même sujet, non pas à cause de l'opposition
qu'elles ont entre elles, mais parce que le sujet n'est pas apte a les
recevoir toutes deux. Ainsi, la blancheur et la musique ne peuvent pas
exister en même temps dans l’âne, mais peuvent exister en même temps dans
l'homme. |
La seconde manière est par comparaison au sujet. En effet, les choses
qui ne peuvent exister en même temps dans le même sujet doivent s’opposer
entre elles, soit en elles-mêmes, soit du fait du sujet où elles se trouvent.
Le même corps, en effet, ne peut être en même temps blanc et noir, qualités
qui sont contraires. Homme et âne ne peuvent être dits du même, parce qu’ils
ont dans leur notion des différences opposées, à savoir raisonnable et
irraisonnable; pareillement, le gris et le blanc, parce que le gris est
composé du noir, qui est l’opposé du blanc. Il faut remarquer qu’Aristote
prend soin de dire : au même
sujet, car certaines choses ne peuvent exister ensemble dans le même
sujet, non pas à cause de l’opposition qu’elles ont entre elles, mais parce
que le sujet n’est pas apte à recevoir les deux. Ainsi, la blancheur et la
musique ne peuvent pas exister en même temps dans l’âne, mais peuvent exister
en même temps dans l’homme. |
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[82490]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 13 Deinde cum dicit contraria dicuntur hic ostendit
quot modis contraria dicuntur: et circa hoc tria facit. Quorum primum est,
quod assignat modos, quibus aliqua principaliter dicuntur contraria: inter
quos ponit unum primum improprium: scilicet quod aliqua dicuntur contraria,
quae non possunt simul adesse eidem, licet differant secundum genus: proprie
enim contraria sunt quae sunt unius generis: sicut si diceretur, quod
gravitas et motus circularis non sunt in eodem subiecto. |
Ensuite, quand il dit: "On
nomme contraires ... ", il montre quels sont les sens selon lesquels se
disent les contraires. Ce qu'il fait en trois points. Son premier travail de
réflexion consiste à assigner les sens principaux du mot, parmi lesquels il
en pose un premier, impropre, à savoir que certaines choses sont dites contraires
parce qu'elles ne peuvent être en même temps dans le même sujet, bien
qu’elles diffèrent par le genre. En effet les contraires, au sens propre,
appartiennent au même genre. Comme si l'on disait que le gravité et le
mouvement circulaire ne sont pas dans le même sujet. |
Ensuite, quand il dit : On
entend par Contraires, etc., il montre en combien de sens on parle de
contraires. Il le fait en trois points. Le premier consiste à énoncer les
principaux sens du mot, parmi lesquels il en pose un premier, qui est
impropre : certaines choses sont dites contraires parce qu’elles ne
peuvent être en même temps dans le même sujet, bien qu’elles diffèrent par le
genre. En effet, les contraires au sens propre appartiennent au même genre.
C’est de cette façon qu’on dirait que la pesanteur et le mouvement circulaire
ne sont pas dans le même sujet. |
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[82491] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 14 Alium modum ponit proprium secundum quod contraria dicuntur
in aliquo convenientia. Conveniunt enim contraria in tribus: scilicet in
eodem genere, et in eodem subiecto, et in eadem potestate. Et ideo notificat
secundum ista tria, illa quae sunt vere contraria; dicens, quod illa, quae
plurimum differunt eorum quae sunt in eodem genere, dicuntur contraria, sicut
album et nigrum in genere coloris. Et iterum illa, quae plurimum differunt in
eodem susceptibili existentia, sicut sanum et aegrum in animali. Et iterum,
quae plurimum differunt in eadem potestate contenta, sicut congruum et
incongruum in grammatica. Potestates enim rationabiles ad opposita sunt.
Dicit autem plurimum ad differentiam mediorum inter contraria, quae
etiam conveniunt in eodem genere, subiecto et potestate, non tamen sunt
plurimum differentia. |
Il pose le second sens, qui est le
sens propre; du mot, selon lequel sont dites contraires les choses qui ont un
point commun. Les contraires se rencontrent en trois choses: ils sont dans le
même genre, dans le même sujet et dans la même puissance. C'est pourquoi,
c'est selon ces trois points de rencontre qu’il notifie les choses qui sont
vraiment contraires. Il dit que les choses qui sont les plus éloignées de
celles qui sont dans le même genre leur sont dites contraires, comme blanc et
le noir dans le genre couleur. En outre, sont contraires les choses qui
diffèrent le plus de celles qui existent dans le même sujet apte à les
recevoir, comme la santé et la maladie dans l'animal. Il en est ainsi pour
celles qui diffèrent le plus par rapport à une puissance, comme ce qui est
correct et incorrect en grammaire. Les puissances raisonnables en effet sont
capables d'opposés. Il dit toujours "le plus", pour distinguer des
contraires les intermédiaires qui communiquent aussi dans le même genre, sujet
et puissance, mais qu’une sont pas les plus opposés ou différents. |
Il donne le second sens, qui est le sens propre : on appelle
contraires les choses qui ont un point commun. Les contraires ont trois
choses en commun : ils sont dans le même genre, dans le même sujet et
dans la même puissance. C’est pourquoi, c’est selon ces trois points qu’il
désigne les choses qui sont vraiment contraires. Il dit que les choses qui
sont les plus éloignées de celles qui sont dans le même genre leur sont dites
contraires, comme le blanc et le noir dans le genre de la couleur. En outre,
sont contraires les choses qui diffèrent le plus de celles qui existent dans
le même récepteur, comme la santé et la maladie dans l’animal. Sont également
contraires celles qui diffèrent le plus à l’intérieur d’une même puissance,
comme ce qui est correct et incorrect en grammaire. Les puissances
raisonnables en effet peuvent recevoir les opposés. Il dit toujours « le
plus » pour distinguer les contraires des intermédiaires, qui ont aussi
en commun le genre, le sujet et la puissance, mais qui sont pas les plus
différents. |
|
[82492]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 15 Unde subiungit universalem rationem, secundum quam
aliqua dicuntur contraria; quia scilicet eorum differentia est maxima, vel simpliciter,
vel in eodem genere, vel in eadem specie. Simpliciter quidem, sicut in motu
locali extrema sunt maxime distantia, sicut punctus orientis et occidentis,
quae sunt extrema diametri totius orbis. In eodem genere, sicut specificae
differentiae, quae dividunt genus. In eadem specie, sicut accidentales
differentiae contrariae per quae differunt individua eiusdem speciei. |
De la il apporte la raison
universelle du sens accordé au mot. Les contraires se trouvent où il y a la
plus grande différence, soit de façon absolue, soit dans le même genre, soit
dans la même espèce. De façon absolue, comme les extrêmes dans le mouvement
local sont les plus distants: le point oriental et le point occidental qui
sont les extrêmes du diamètre de tout l’orbe terrestre. Dans le même genre,
comme les différences spécifiques qui divisent le genre. Dans la même espèce,
comme les différences accidentelles contraires par lesquelles diffèrent les
individus d'une même espèce. |
C’est pourquoi il ajoute la notion universelle applicable aux choses
appelées contraires, à savoir que ce sont celles qui présentent la plus
grande différence, soit de façon absolue, soit dans le même genre, soit dans
la même espèce : de façon absolue, comme les extrêmes dans le mouvement
local sont les plus éloignés, tels le point oriental et le point occidental
qui sont les extrémités du diamètre de tout l’orbe céleste; dans le même
genre, comme les différences spécifiques qui divisent le genre; dans la même
espèce, comme les différences accidentelles contraires par lesquelles
diffèrent les individus d’une même espèce. |
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[82493] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 16 Secundum ponit ibi, alia vero et ostendit qualiter
aliqua secundario modo dicuntur contraria, propter hoc quod habent habitudinem
ad ea quae principaliter sunt contraria; scilicet quia vel habent contraria
in actu, sicut ignis et aqua dicuntur contraria, quia alterum est calidum et
alterum frigidum; vel quia sunt susceptibilia contrariorum in potentia, sicut
sanativum et aegrotativum. Vel quia sunt activa vel passiva contrariorum in
potentia, ut calefactivum et infrigidativum, calefactibile et infrigidabile.
Vel quia sunt contrariorum agentia et patientia in actu, sicut calefaciens et
infrigidans, calefactum et infrigidatum. Vel quia sunt expulsiones, sive
abiectiones, sive acceptiones contrariorum, vel etiam habitus aut privationes
eorum. Nam privatio albi opposita est privationi nigri, sicut habitus
habitui. |
Aristote expose le deuxième sens,
où il lit: "Les autres choses … ". Il montre comment certaines
choses sont dites contraires dans un sens secondaire au dérivé: c'est parce
qu’elles ont une certaine relation à celles qui sont contraires au sens
propre, où bien parce qu’elles ont des contraires en acte, comme le feu et
l’eau sont dits contraires parce que l’un est chaud, l’autre froid. Ou bien
parce qu'elles sont susceptibles des contraires en puissance, comme ce qui
peut réchauffer et refroidir, être réchauffé et refroidi. Ou bien parce
qu'elles sont agentes ou patientes en acte des contraires, comme ce qui est
réchauffant et refroidissant, réchauffé et refroidi. Ou bien parce qu'elles
sont des répulsions, des pertes ou des acquisitions des contraires, ou bien
encore des possessions ou des privations des contraires. La privation du
blanc est opposée à la privation du noir, comme la possession à la
possession. |
Aristote expose le deuxième sens, où il dit : Les contraires autres, etc., en
montrant comment certaines choses sont dites contraires en un sens dérivé, du
fait qu’elles ont un certain rapport avec celles qui sont contraires au sens
premier : 1) soit qu’elles aient des contraires en acte, comme le feu et
l’eau sont dits contraires parce que l’un est chaud et l’autre froid; 2) soit
qu’elles soient susceptibles de contraires en puissance, comme ce qui peut
guérir ou rendre malade; 3) soit qu’elles soient en puissance à produire ou à
subir des contraires, comme ce qui est capable de réchauffer et de refroidir,
d’être réchauffé et d’être refroidi; 4) soit qu’elles soient des expulsions
ou rejets ou des acquisitions des contraires, ou encore des possessions ou
des privations des contraires. Ainsi, a privation du blanc est opposée à la
privation du noir, comme une possession à une possession. |
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[82494] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 17 Patet ergo quod tangit triplicem habitudinem circa
contraria. Una quae est subiecti in actu, vel in potentia. Alia quae est
activi et passivi in actu et potentia. Tertia quae est generationis et
corruptionis, vel secundum se, vel quantum ad eorum terminos, qui sunt
habitus et privatio. |
Il est donc évident qu’il touche à
un triple rapport concernant les contraires. L'un qui concerne le sujet en
acte ou en puissance. L'autre qui concerne l'actif ou le passif en acte ou en
puissance. Le troisième qui concerne la génération et la corruption, soit en
elles-mêmes, soit dans leurs termes qui sont la possession et la privation. |
Il est donc évident qu’il touche à un triple rapport concernant les contraires. L'un qui concerne le sujet en acte ou en puissance. L'autre qui concerne l'actif ou le passif en acte ou en puissance. Le troisième qui concerne la génération et la corruption, soit en elles-mêmes, soit dans leurs termes qui sont la possession et la privation. |
|
[82495] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 18 Tertium ponit ibi sed quoniam et ostendit qua de
causa praedicta dicuntur multipliciter. Quia enim unum et ens dicuntur
multipliciter, oportet quod ea quae dicuntur secundum ea, multipliciter
dicantur; sicut idem et diversum, quae consequuntur unum et multa, et
contrarium, quod sub diverso continetur. Et ita oportet, quod diversum
dividatur secundum decem praedicamenta, sicut ens et unum. |
Il donne maintenant la cause pour
laquelle les mots susdits se disent de plusieurs manières. Parce que l'un et
l'être se prennent en plusieurs acceptions, il faut que les mots qui en
dérivent se disent de plusieurs façons: comme l'identique et le divers qui
sont consécutifs à l'un et au multiple, et le contraire qui est contenu sous
le divers. Et ainsi il faut que le divers se divise selon les dix
prédicaments, comme l’être et l’un. |
Il donne le troisième sens où il dit : L’Un et l’Être étant pris, etc., en montrant la cause pour laquelle
ces mots se disent de plusieurs manières. En effet, puisque l’un et l’être
admettent plusieurs acceptions, il faut que les mots qui en dérivent se
disent de plusieurs façons : c’est le cas de l’identique et du divers,
qui sont consécutifs à l’un et au multiple, et du contraire, qui est contenu
sous le divers. Et ainsi, il faut que le divers se divise selon les dix
prédicaments, tout comme l’être et l’un. |
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[82496] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 19 Diversa vero hic ostendit quot modis dicantur aliqua
diversa specie: et ponit quinque modos: quorum primus est, quando aliqua sunt
in eodem genere, et non sunt subalterna, sicut scientia et albedo sub
qualitate, licet non contra se dividantur oppositis differentiis. |
Où il dit: "Autre selon
l'espèce ... ", il montre les sens selon lesquels se dit la diversité
spécifique. Il en pose cinq. Le premier sens est celui où les choses
appartiennent au même genre, sans être subalternées, comme la science et la
blancheur appartiennent à la qualité, bien qu'elles ne soient pas divisées
entre elles par des différences opposées. |
Puis lorsqu’il dit : On
appelle Autres, etc., il montre en combien de sens on dit que des choses
sont d’espèces diverses. Il en pose cinq. Le premier sens est celui où les
choses appartiennent au même genre, sans être subordonnées, comme la science
et la blancheur appartiennent à la qualité, bien qu'elles ne soient pas
divisées entre elles par des différences opposées. |
|
[82497] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 20 Secundus est, quando sunt ea in eodem genere, et
dividuntur contra invicem per aliquam differentiam; sive differentiae sint
contrariae, sive non, ut bipes et quadrupes. |
Le second sens, est celui où les
choses sont dans le même genre et se divisent entre elles par une certaine
différence: que les différences soient contraires ou non. Ainsi en est-il de
la diversité entre le bipède et le quadrupède. |
Le second sens est celui où les choses sont dans le même genre et se
divisent entre elles par une certaine différence, que les différences soient
contraires ou non; tel est le cas du bipède et du quadrupède. |
|
[82498] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 21 Tertius modus est, quando sua subiecta habent contrarietatem,
utpote quae dividuntur per differentias contrarias; sive ipsa sint contraria,
ut album et nigrum, quae dividuntur per congregativum et disgregativum; sive
non, ut homo et asinus, quae dividuntur per rationale et irrationale.
Contraria enim oportet esse diversa specie, vel omnia, vel illa quae
principaliter dicuntur esse contraria. |
Le troisième sens est celui où les
choses ont des sujets qui possèdent une certaine contrariété: qui sont, par
exemple, divisés par des différences contraires.. Ces sujets peuvent
eux-mêmes être contraires, comme le blanc et le noir qui se divisent par le
réceptif et le réfractaire; ou ces sujets ne sont pas eux-mêmes contraires,
comme l’homme et l’âne qui se divisent par le raisonnable et le
non-raisonnable. Il faut en effet que tous les contraires ou, du moins, les
principaux d'entre eux, soient divers par l'espèce. |
Le troisième sens est celui où les choses ont des sujets qui
possèdent une certaine contrariété, c’est-à-dire qui se divisent par des
différences contraires. Ces sujets peuvent soit être contraires, comme le
blanc et le noir, qui se divisent par le fait de rassembler et de disperser[103], ou ne pas être contraires,
comme l’homme et l’âne qui se divisent par le rationnel et l’irrationnel. Il
faut en effet que tous les contraires, ou du moins les principaux d’entre
eux, soient divers par l'espèce. |
|
[82499]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 22 Quartus modus est, quando sunt diversae species
ultimae, eaedemque specialissimae in aliquo genere, ut homo et equus. Magis
enim proprie dicuntur specie differre, quae solum specie differunt, quam quae
specie et genere. |
Le quatrième sens est celui qui
renferme diverses espèces ultimes, ces espèces ultimes appartenant au même
genre, comme l’homme et le cheval. C'est en plus grande rigueur de termes
qu'on dit différer par l'espèce les choses qui diffèrent uniquement par
l'espèce que celles qui diffèrent et par l'espèce et par le genre. |
Le quatrième sens est le cas de diverses espèces ultimes qui sont les
plus spécialisées dans un genre, comme l’homme et le cheval. En effet, les
choses qui diffèrent uniquement par l’espèce sont appelées différentes par
l’espèce en plus grande rigueur de termes que celles qui diffèrent et par
l’espèce et par le genre. |
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[82500] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 12 n. 23 Quintus modus est, quando aliqua accidentia sunt in
eodem subiecto, et tamen differunt adinvicem, eo quod impossibile est plura
accidentia unius speciei in eodem subiecto esse. Eadem vero specie dicuntur per
oppositum ad praedicta. |
Le cinquième sens est celui où
plusieurs accidents existent dans un même sujet et diffèrent cependant entre
eux. Ce qui est attribuable au fait qu'il est impossible que plusieurs
accidents d’une seule espèce existent dans un même sujet. Le même selon
l'espèce se dit de tous les cas opposés aux précédents. |
Le cinquième sens est celui où plusieurs accidents existent dans un même sujet et diffèrent cependant entre eux, ce qui est attribuable au fait qu’il est impossible que plusieurs accidents d’une seule espèce existent dans un même sujet. Le même selon l’espèce se dit de tous les cas opposés aux précédents. |
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Leçon 13, Texte d’Aristote
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Leçon
13, Texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Antérieur et Postérieur. Antérieur et Postérieur se disent de certaines choses (étant posée l'existence d’un objet
premier et d'un principe dans chaque genre), en raison de la plus grande proximité
d'un principe, déterminé soit absolument, c’est-à-dire par nature, soit par
relation à quelque chose, ou selon le lieu, ou par certaines personnes. Par
exemple, ce qui est antérieur selon le lieu, c'est ce qui est plus rapproché,
ou d'un lieu déterminé par la nature, comme le milieu ou l’extrémité, ou d'un
objet pris au hasard; et ce qui en est plus éloigné est postérieur. -- Ce qui
est antérieur selon le temps, c'est ce qui est plus éloigné de l'instant
actuel (ainsi, pour le passé, la guerre de Troie est antérieure aux guerres
Médiques, parce qu'elle est plus éloignée de l'instant présent); c'est aussi
ce qui est plus rapproché de l'instant présent: pour l'avenir, les Jeux
Néméens sont antérieurs aux Jeux Pythiques, parce qu'ils sont plus près de
l'instant actuel, l'instant servant de principe et de point de départ. -- Ce
qui est antérieur selon le mouvement, c’est ce qui est plus rapproché du
moteur premier, par exemple l’enfant est antérieur à l’homme fait ; et
le moteur premier est aussi un principe pris absolument. -- Ce qui est
antérieur selon la puissance, c'est ce qui l'emporte en puissance, ce qui
peut davantage. De ce genre est tout être à la volonté duquel obéit
nécessairement un autre être, lequel est le postérieur, de telle façon que celui-ci
ne puisse se mettre en mouvement, si l'autre ne le meut pas, et qu'il se
meuve, si l'autre le meut. La volonté est ici un principe. -- Antérieur selon
le rang se dit des choses placées à certains intervalles pin rapport à un
objet déterminé, suivant une règle définie: c’est ainsi que le danseur qui
suit le coryphée est antérieur au danseur du troisième rang, et que
l’avant-dernière corde de la lyre est antérieure à la plus haute ; dans le
premier cas, c’est le coryphée qui est principe, dans le second cas, c’est la
corde médiane. Il y en a une autre: c'est
l'Antérieur selon la connaissance, et cet antérieur est considéré comme étant
aussi un antérieur absolu. Mais l'antérieur selon l'ordre logique n'est pas
le même que l'antérieur selon l'ordre sensible. Dans l'ordre logique, c'est
l'universel qui est antérieur; dans l'ordre sensible, c'est l'individuel. De
plus, dans l'ordre logique, l'accident est antérieur au tout; par exemple, le
musicien est antérieur à l'homme musicien, car la notion du tout ne peut
exister sans la partie, bien que musicien ne puisse, en fait, exister sans un
être musicien. Antérieur se dit aussi des
propriétés des choses antérieures: par exemple, le rectiligne est antérieur
au poli, car l'un est une propriété de la ligne comme telle, et l'autre une
propriété de la surface. Tels sont les différents cas de
l'Antérieur et du Postérieur. Il y a aussi Antérieur et le
Postérieur selon la nature et la substance: sont, en ce sens, antérieures les
choses qui peuvent exister indépendamment d'autres choses, tandis que les
autres choses ne peuvent exister sans elles, selon la distinction usitée par
Platon. -- Prenons l'Etre dans ses diverses acceptions: d'abord, le sujet est
antérieur, ce qui fait que la substance est antérieure: ensuite, suivant
qu'on se trouve en présence de la puissance ou de l’entéléchie (l’acte), on a
l'antériorité par rapport à la puissance et l'antériorité par l'apport à
l'entéléchie: par exemple, en puissance:, la demi-ligne est antérieure à la
ligne entière, la partie, au tout, et la matière, à la substance, mais, selon
l'entéléchie, ces choses sont postérieures, car c'est seulement après la
dissolution du tout qu'elles seront en entéléchie. D’une certaine manière,
tout ce qui est dit antérieur et postérieur dépend de ce dernier sens. En
effet, certaines choses peuvent, dans l'ordre de la génération, exister
indépendamment des autres choses, par exemple le tout sans les parties ; et
d’autres choses le peuvent aussi, dans l'ordre de la corruption, par exemple
la partie dans le tout. Et il en est de même pour tous les autres sens
d’Antérieur. |
Antérieur et Postérieur. Antérieur et Postérieur ne s’appliquent aux diverses choses que parce qu’on suppose, dans chaque genre, un certain primitif, et un certain principe, qui sert de point de départ ; et alors, l’Antérieur est ce qui se rapproche le plus du principe, qui est déterminé ou absolument et par la nature, ou qui est relatif, ou qui est dans certains lieux, ou qui est sous certaines conditions. Ainsi, pour ce qui regarde le lieu, les choses sont antérieures, parce qu’elles sont plus rapprochées d’un certain lieu déterminé, soit par la nature, comme le milieu par exemple, ou l’extrémité, soit d’un lieu pris arbitrairement. Ce qui en est plus éloigné est Postérieur. A la place du lieu, ce peut être le temps, qui détermine l’Antériorité et la Postériorité. L’Antérieur, en ce cas, est ce qui est plus éloigné de l’instant présent, quand il est question du passé. Ainsi, la guerre de Troie est antérieure à la guerre Médique, parce qu’elle est beaucoup plus loin du moment où l’on parle. Parfois, les choses sont dites Antérieures dans le temps, parce qu’elles sont au contraire plus rapprochées du moment où l’on est, comme c’est le cas pour les choses de l’avenir. Ainsi, les Jeux Néméens sont Antérieurs aux Jeux Pythiques, parce qu’ils sont plus près de l’instant actuel, cet instant étant pris comme principe et point de départ primitif. D’autres fois, l’Antérieur se rapporte au mouvement ; et alors, Antérieur signifie ce qui se rapproche davantage du premier moteur. C’est ainsi que l’enfant est Antérieur à l’homme ; et, dans ce cas, le principe qu’on adopte est considéré comme une sorte de principe absolu. D’autres fois encore, l’Antérieur s’entend de la puissance ; et alors, l’Antérieur est ce qui a une puissance prépondérante, ce qui est plus puissant. Par là, on entend une chose qu’une autre chose doit suivre, de toute nécessité, dans ses tendances diverses, cette seconde chose ne venant qu’après l’autre, de telle sorte que, si la première ne donne pas le mouvement, la seconde ne l’a pas ; et que, si la première au contraire le donne, la seconde est mue à son tour. Or, c’est la tendance de la première chose qui est ici le principe. L’Antérieur se rapporte encore à l’ordre et à la position ; et ce sens d’Antérieur s’applique partout où les choses ont une distance proportionnelle par rapport à un objet donné. Par exemple, le suivant du Coryphée est Antérieur à l’homme du troisième rang, de même que l’avant-dernière corde est Antérieure à la dernière. Ici c’est le Coryphée qui sert de principe ; et là, c’est la corde moyenne. Voilà donc une première nuance du mot Antérieur, pour les choses dont on vient de parler. Dans une autre nuance, l’Antérieur se rapporte à la connaissance ; et c’est aussi un Antérieur absolu. Pour ce genre d’Antériorité, les choses diffèrent selon que la connaissance s’adresse à la raison ou à la sensibilité. Dans l’ordre de la raison, c’est l’universel qui est Antérieur ; pour la sensibilité, c’est l’individuel. En raison, l’attribut est Antérieur au tout que forment l’attribut et le sujet, réunis. Par exemple, Instruit est Antérieur à Homme instruit ; car la notion totale n’est pas possible sans la partie, quoique Instruit ne puisse pas exister seul, s’il n’y a pas quelqu’un qui soit instruit. Antérieur s’applique encore aux qualités des choses qui sont antérieures ; et c’est ainsi que la rectitude d’une ligne peut être dite Antérieure au poli d’une surface ; car l’une est une qualité essentielle de la ligne, tandis que l’autre ne concerne que la surface simplement. C’est bien là ce qu’on entend par Antérieur et Postérieur. Mais, en nature et en essence, les Antérieurs sont les choses qui peuvent exister indépendamment d’autres choses, tandis que ces autres choses ne peuvent pas exister sans elles, distinction établie déjà par Platon. Mais, comme le mot d’Être peut s’entendre en plusieurs sens, c’est le sujet d’abord qui est Antérieur à tout ; et voilà comment aussi la substance est Antérieure au reste. Puis, à un autre point de vue, il faut distinguer ici les simples possibilités et les réalités. Il y a des choses qui sont Antérieures en puissance ; d’autres qui le sont en réalité. Par exemple, en puissance la moitié de la ligne est Antérieure à la ligne entière ; la partie est Antérieure au tout, et la matière l’est à la substance. Mais en réalité, elle est postérieure ; car il faut que d’abord l’actualité ait disparu pour que la puissance existe à son tour. A certain égard, toutes les choses qu’on appelle Antérieures et Postérieures rentrent dans ces dernières nuances ; car, en fait de production, les unes peuvent être sans les autres, le tout, par exemple, pouvant être sans les parties, tandis qu’en fait de destruction, la partie peut être détruite sans que le tout soit détruit. Et ainsi du reste. |
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Lectio 13 |
Leçon 13, Commentaire de
saint Thomas [Antérieur et postérieur] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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ARISTOTE DISTINGUE
SOUS TROIS ASPECTS LES SENS D’ANTERIEUR ET DE POSTERIEUR: QUANT AU DEVENIR,
QUANT A LA CONNAISSANCE ET QUANT A L'ETRE. IL REDUIT CES SENS A UN SEUL: CELUI
OU ANTERIEUR SE DIT DE CE DONT DEPEND OU DECOULE AUTRE CHOSE. |
ARISTOTE DISTINGUE SOUS TROIS ASPECTS LES SENS D’ANTERIEUR ET DE POSTERIEUR: QUANT AU DEVENIR, QUANT A LA CONNAISSANCE ET QUANT A L'ETRE. IL REDUIT CES SENS A UN SEUL: CELUI OU ANTERIEUR SE DIT DE CE DONT DEPEND OU DECOULE AUTRE CHOSE. |
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[82501] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 1 Postquam distinxit nomina, quae significant partes
unius, hic distinguit nomina significantia ordinem, scilicet prius et
posterius. Unum enim quemdam ordinem importat, eo quod uni esse est
principium esse, ut supra dictum est. Et circa hoc duo facit. Primo assignat
rationem communem prioris et posterioris. Secundo distinguit diversos modos
prioris et posterioris secundum communem rationem, ibi, ut hoc quidem
secundum locum. Dicit ergo primo, quod significatio prioris dependet a
significatione principii. Nam principium in unoquoque genere est id, quod est
primum in genere. Prius autem dicitur, quod est propinquius alicui
determinato principio. Huiusmodi autem ordo principii, et eius, quod est
principio propinquum, potest attendi multipliciter. Aut enim aliquid est
principium et primum simpliciter et secundum naturam, sicut pater est
principium filii. Aut est principium ad aliquid, idest per ordinem ad aliquid
extrinsecum; sicut dicitur id, quod est secundum se posterius, esse prius
quantum ad aliquid; vel quantum ad cognitionem, vel perfectionem, vel
dignitatem, vel aliquo tali modo. Vel etiam dicitur aliquid esse principium
et prius quantum ad ubi. Aut etiam aliquibus aliis modis. |
Après avoir distingué les mots qui
signifient les parties de l'un, il distingue maintenant les mots qui
signifient l'ordre, à savoir antérieur et postérieur. L'un en effet comporte un
certain ordre du fait que la nature de l'un est d‘être principe, comme on l'a
dit plus haut. Sur ce, il fait une double réflexion. Il assigne en premier la
raison commune de ce qu'est antérieur et postérieur et, en second, il
distingue, d'après cette notion commune, les divers sens de l’antérieur et du
postérieur, où il dit: "par exemple, ce qui est l’antérieur etc."
Il dit donc en premier que la signification du mot antérieur dépond de la
signification du terme principe, car le principe en chaque genre est ce qui
est premier dans ce genre. Or l’antérieur se dit de ce qui est plus rapproché
d’un principe déterminé. Mais l'ordre entre le principe et ce qui est le plus
rapproché de ce principe peut être considéré de multiples façons. Ou bien une
chose est principe et première absolument et selon la nature, comme le père
est principe de son fils. Ou bien elle est principe relativement, par rapport
à quelque chose d’extrinsèque. Ainsi dit-on d’une chose qui est par soi
(absolument) postérieure à une autre, qu’elle lui est antérieure sous un
certain rapport : sous le rapport soit de la connaissance, soit de la
perfection, soit de la dignité, soit de quelque chose du genre. Quelque chose
est aussi principe et antérieur quant au lieu, ou quant à certaines personnes
ou selon certains autres modes. |
Après avoir distingué les mots qui signifient les parties de l’un, il
distingue maintenant les mots qui signifient l’ordre, à savoir
« antérieur » et « postérieur ». L’un en effet comporte
un certain ordre du fait que la nature de l’un est d’être principe, comme on
l’a dit plus haut. Il traite ce sujet en deux parties. Il énonce en premier
le point commun entre l’antérieur et le postérieur; en second, il distingue,
d’après ce rapport commun, les divers sens de l’antérieur et du postérieur,
où il dit : Ainsi, pour ce qui
regarde, etc. Il dit donc en premier que la signification du mot
« antérieur » dépend de celle du terme « principe », car
le principe en chaque genre est ce qui est premier dans ce genre. Or,
l’antérieur se dit de ce qui est plus proche d’un principe déterminé. Mais
l’ordre entre le principe et ce qui s’en rapproche peut être considéré de
multiples façons. Ou bien une chose est principe et première absolument et
par nature, comme le père est principe de son fils; ou bien elle est principe
relativement, étant ordonnée à quelque chose d’extrinsèque. Ainsi dit-on
d’une chose qui est essentiellement postérieure à une autre qu’elle lui est
antérieure sous un certain rapport, que ce soit celui de la connaissance, de
la perfection, de la dignité ou de quelque chose du genre. Une chose est
aussi principe et antérieure quant au lieu, ou également selon d’autres
modes. |
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[82502]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 2 Deinde cum dicit ut hoc distinguit modos diversos,
quibus dicitur aliquid prius et posterius. Et quia prius et posterius
dicuntur in ordinem ad principium aliquod, principium autem est, ut supra
dictum est, quod est primum in esse, aut in fieri, aut in cognitione: ideo
pars ista dividitur in partes tres. In prima dicit quomodo dicitur aliquid
esse prius secundum motum et quantitatem; nam ordo in motu, sequitur ordinem
in quantitate. Per prius enim et posterius in magnitudine, est prius et
posterius in motu, ut dicitur in quarto physicorum. Secundo ostendit, quomodo
aliquid dicitur prius altero in cognitione, ibi, alio vero modo. Tertio,
quomodo dicitur aliquid altero prius in essendo, idest secundum naturam, ibi,
alia vero secundum naturam. Circa primum duo facit. Primo ostendit quomodo
aliquid sit prius et posterius secundum quantitatem in rebus continuis.
Secundo, quomodo in rebus discretis, ibi, alia secundum ordinem. |
Ensuite, quand il dit :
"Par exemple ce qui est…", il distingue les divers sens selon
lesquels quelque chose est dit antérieur et postérieur. Et parce que
l’antérieur et le postérieur sont dits par rapport à un certain principe et
que le principe est ce qui est premier, soi dans l'être, soit dans le
devenir, soit dans la connaissance, cette étude se fait en trois parties.
Dans la première partie, il dit comment on peut dire que quelque chose est
antérieur selon le mouvement et la quantité: l'ordre dans le mouvement en
effet suit l'ordre dans la quantité. L’antérieur et le postérieur dans le
mouvement est en dépendance de l’antérieur et du postérieur dans la grandeur,
comme on le dit dans le quatrième livre
des Physiques. Dans la seconde partie, il montre comment une chose est
antérieure à l'autre dans la connaissance, où il dit: "Il y en a un
autre, etc." Dans la troisième, il montre comment se dit l'antériorité
dans l’être c’est-à-dire selon le nature où il dit : "Il y a aussi
l'Antérieur etc." Au sujet de l’antériorité dans le mouvement et la
quantité, il s'attache à deux points. Il montre tout d’abord comment a lieu
cet ordre selon la quantité dans les choses continues; en second, comment se
pose l'antérieur et le postérieur dans les choses discrètes, où il dit :
"Antérieur selon le rang etc." |
Ensuite, quand il dit : Ainsi, pour ce qui regarde, etc., il distingue les divers sens selon lesquels quelque chose est dit antérieur et postérieur. Et parce que l’antérieur et le postérieur se disent par rapport à un certain principe et que le principe est ce qui est premier, soit dans l’être, soit dans le devenir, soit dans la connaissance, cette étude se fait donc en trois parties. Dans la première, il dit comment on peut dire que quelque chose est antérieur par le mouvement et la quantité : l’ordre dans le mouvement, en effet, suit l’ordre dans la quantité. L’antérieur et le postérieur dans la grandeur, en effet, commandent l’antérieur et le postérieur dans le mouvement, comme on le dit au livre IV des Physiques. En deuxième, il montre comment une chose est antérieure à une autre dans la connaissance, où il dit : Dans une autre nuance, etc. En troisième, il montre comment une chose est dite antérieure à une autre dans l’essence, c’est-à-dire par nature, où il dit : Mais, en nature, etc. La première partie se divise en deux. En premier, il montre comment il y a antériorité et postériorité selon la quantité dans les choses continues; en second, il le montre dans les choses discrètes, où il dit : L’Antérieur se rapporte encore, etc. |
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[82503] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 3 Et circa primum ponit tres modos. Primus modus
attenditur secundum ordinem in loco: sicut aliquid dicitur esse prius
secundum locum in hoc, quod est propinquius alicui loco determinato; sive
ille locus determinatus accipiatur ut medium in aliqua magnitudine, sive ut
extremum. Potest enim in ordine locali accipi ut principium, centrum mundi,
ad quod feruntur gravia: ut sic ordinemus elementa, dicentes terram esse
primum, aquam secundum et cetera. Et potest etiam accipi ut principium etiam
ipsum caelum, ut si dicamus ignem esse primum, aerem secundum, et sic
deinceps. |
Il pose trois sens de l'antérieur
et du postérieur dans les choses continues. Le premier sens se prend selon
l'ordre local. Ainsi on dit que quelque chose est antérieur selon le lieu du
fait qu’il est plus rapproché d'un lieu déterminé, que ce lieu soit pris
comme milieu ou comme extrémité dans une certaine grandeur. Dans l'ordre
local, on peut prendre comme principe le centre du monde vers où tendent les
corps lourds. Ainsi on pourrait ordonner les éléments, en disant que la terre
est première, l'eau, seconde, etc., selon ce principe. Et on peut prendre
aussi comme principe le ciel lui-même, comme si nous disions que le feu est
premier, l'air, second, et ainsi de suite. |
Quant aux choses continues, il donne trois sens. Le premier sens
considère l’ordre local. Ainsi on dit que quelque chose est antérieur selon
le lieu du fait qu’il est plus rapproché d’un lieu déterminé, que ce lieu
soit pris comme milieu ou comme extrémité dans un certain espace. En effet,
dans l’ordre local, on peut prendre comme principe le centre du monde où
tendent les corps lourds. On pourrait ordonner ainsi les éléments en disant
que la terre est première, l’eau deuxième, etc. Et on peut prendre aussi le
ciel comme principe en disant que le feu est premier, l’air deuxième, et
ainsi de suite. |
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[82504]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 4 Propinquitas autem ad principium in loco, quidquid
sit illud, potest esse dupliciter. Uno modo secundum ordinem naturalem: sicut
aqua propinquior est medio naturaliter quam aer, aer vero propinquior
extremo, scilicet caelo. Alio modo sicut evenit, idest secundum quod
ordinantur aliqua in loco a casu, vel a quacumque causa praeter naturam;
sicut in lapidibus superpositis invicem in acervo, supremus est prior uno
ordine, et alio est prior infimus. Et sicut id quod est propinquius
principio, est prius, ita quod remotius a principio, est posterius. |
La proximité au principe selon le
lieu, quel que soit ce principe, peut être pris de deux façons. D'une
première manière, selon l’ordre naturel: ainsi l'eau est plus proche
naturellement du milieu que l’air qui, lui, est plus proche de l'extrême,
c’est-à-dire du ciel. D’une seconde façon, selon que les choses sont
ordonnées dans le lieu par le hasard ou par quelque cause qui n'est pas
naturelle, Ainsi parmi les pierres superposées dans l'amas, la pierre
supérieure est antérieure selon un ordre, la pierre inférieure est antérieure
selon un autre ordre. Et comme ce qui est plus proche du principe est
antérieur, ce qui est le plus éloigné est postérieur. |
La proximité au principe selon le lieu, quel que soit ce principe, peut être prise de deux façons. D’une première manière, selon l’ordre naturel : ainsi, l’eau est naturellement plus proche du milieu que l’air qui, lui, est plus proche de l’extrême, c’est-à-dire du ciel. D’une seconde façon, selon l’ordre de disposition, c’est-à-dire selon que les choses sont ordonnées dans le lieu par le hasard ou par quelque cause qui n’est pas naturelle, Ainsi, parmi les pierres superposées dans l'amas, la pierre supérieure est antérieure selon un ordre, la pierre inférieure est antérieure selon un autre ordre. Et de même que ce qui est plus proche du principe est antérieur, ce qui en est le plus éloigné est postérieur. |
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[82505] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 5 Alia secundum tempus secundus modus attenditur
secundum ordinem temporis; quem ponit, dicens, quod alia dicuntur priora
secundum tempus, et diversimode. Quaedam namque dicuntur priora, eo quod sunt
remotiora a praesenti nunc, ut accidit in factis, idest in
praeteritis. Bella enim Troiana dicuntur priora bellis Medis et Persicis,
quibus Xerses rex Persarum et Medorum Graeciam expugnavit, quia remotiora
sunt a praesenti nunc. Quaedam vero dicuntur priora, quia sunt affiniora vel
propinquiora ipsi nunc; sicut dicitur quod prius est Menelaus Pyrrho, quia
propinquius alicui nunc praesenti, respectu cuius utrumque erat futurum. Videtur autem haec litera falsa esse, quia utrumque
erat praeteritum tempore Aristotelis quando haec sunt scripta. In Graeco
autem habetur, quod prius est Nemea Pythion, quae quidem erant duae nundinae
vel duo festa, quorum unum erat propinquius illi nunc quo haec scripta sunt,
cum tamen utrumque esset futurum. |
Ensuite il dit : "Ce qui est
antérieur selon le temps ...". Le second sens se prend selon l'ordre du
temps. Aristote expose ce sens en disant que certaines choses sont dites
antérieures selon le temps de diverses manières. Certaines sont dites
antérieures du fait qu'elles sont plus éloignées de l'instant présent, comme
il arrive dans les faits déjà accomplis, c'est-à-dire dans les événements
passés. La guerre de Troie est dite antérieure aux guerres Médiques, où
Xerxès, roi des Perses et des Mèdes, attaqua la Grèce, parce qu’elle est plus
éloignée du moment présent. D'autres événements sont dits antérieurs parce
que plus voisins ou plus rapprochés de l'instant présent. Ainsi dit-on que
"Ménélas est antérieur à Pyrrhon", parce que plus rapproché d’un
certain instant présent par rapport auquel les deux étaient encore futurs.
Cette dernière traduction semble fausse, parce que les deux personnages
appartenaient au passé quand Aristote écrivit ce texte. Dans le texte grec,
on a plutôt les Jeux Néméens et les Jeux Pythiques : or les Jeux Néméens
étaient antérieurs aux Jeux Pythiques parce que plus rapprochés du moment où
Aristote écrivait cette page, bion que les deux fêtes se situaient dans
l’avenir. |
Ensuite où il dit : À la place
du lieu, etc, il montre le second sens, qui se prend selon l’ordre
temporel. Aristote expose ce sens en disant que les choses sont dites
antérieures selon le temps de diverses manières. Certaines sont dites
antérieures du fait qu’elles sont plus éloignées de l’instant présent, comme
c’est le cas des faits déjà accomplis, c’est-à-dire du passé. La guerre de Troie est dite antérieure aux guerres
médiques, où Xerxès, roi des Perses et des Mèdes, attaqua la Grèce, parce
qu’elle est plus éloignée du moment présent. D’autres événements sont dits
antérieurs parce que plus voisins ou plus rapprochés de l’instant présent.
Ainsi dit-on que Ménélas est antérieur à Pyrrhon, parce que plus rapproché
d’un instant présent par rapport auquel les deux étaient encore futurs. Ce
dernier texte semble faux, parce que les deux personnages appartenaient au
passé quand Aristote écrivit ce texte. Dans le texte grec, on a plutôt les
Jeux néméens et les Jeux pythiques : c’étaient deux festivals ou deux
fêtes dont l’un était plus proche du moment où Aristote a écrit cette page,
même si les deux fêtes se situaient dans l’avenir. |
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[82506] Sententia Metaphysicae,
lib. 5 l. 13 n. 6 Patet
autem quod in hoc utimur ipso nunc, ut principio et primo in tempore; quia
per propinquitatem vel remotionem respectu eius, dicimus aliquid esse prius
vel posterius. Et hoc necessarium est dicere secundum ponentes aeternitatem
temporis. Non enim potest accipi hac positione facta, aliquod principium in
tempore, nisi ab aliquo nunc, quod est medium praeteriti et futuri, ut ex
utraque parte tempus in infinitum procedat. |
Il est donc évidant que, dans ce
sens, nous nous servons de l’instant présent comme principe et premier dans
le temps, parce que c'est selon la proximité ou l'éloignement de cet instant
que nous disons que quelque chose est antérieur et postérieur. Et il est
nécessaire de faire cette remarque par rapport à ceux qui posent l’éternité
du temps. Cette opinion admise, on ne peut prendre comme principe dans le
temps qu'un certain instant présent, qui serait milieu entre le passé et le
futur, et d’où on pourrait procéder, de chaque c’est à l'infini. |
Il est donc évident que, dans ce sens, nous nous servons de l’instant
présent comme principe et point de départ dans le temps, parce que c’est
selon la proximité ou l’éloignement de cet instant que nous disons que
quelque chose est antérieur et postérieur. Et il est nécessaire à ceux qui
affirment l’éternité du temps de faire cette affirmation : si on admet
cette opinion, on ne peut prendre comme principe dans le temps qu’un instant
présent, qui serait le milieu entre le passé et le futur, et d’où on pourrait
procéder de chaque côté à l’infini. |
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[82507] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 7 Alia secundum motum tertius modus est secundum ordinem
in motu: et hoc primo ponit quantum ad naturalia; dicens, quod aliqua
dicuntur esse priora secundum ordinem in motu. Illud enim, quod est
propinquius primo moventi, est prius; sicut puer est prius viro, quia est
propinquior primo, scilicet generanti. Et hoc etiam prius dicitur per propinquitatem ad
aliquod principium. Id
enim, scilicet movens et generans, est principium quodammodo, non
qualitercumque, sicut in loco accidebat, sed simpliciter et secundum naturam.
Secundo ponit hunc ordinem motus etiam in rebus voluntariis; dicens, quod
quaedam priora dicuntur secundum potestatem, sicuti homines, qui sunt in
potestatibus constituti. Ille enim, qui excedit potestate, et qui est
potentior, dicitur esse prior. Et hic est ordo dignitatis. |
Ensuite il dit : "Ce qui est
antérieur selon le mouvement …", le troisième sens est selon l'ordre
dans le mouvement. Aristote le pose d'abord dans les êtres naturels, en
disant que certains êtres sont dits antérieurs selon l'ordre dans le
mouvement. Ce qui est en effet plus rapproché du premier mouvant est
antérieur, comme l'enfant est antérieur à l’homme mûr parce qu’il est plus
proche du premier, à savoir de l'engendrant. Et cette antériorité se dit
encore par proximité à un principe. Le mouvant et l’engendrant sont principes
ci lune certaine manière, non pas n'importe comment, comme il arrivait dans
le lieu, mais absolument et selon la nature. En second, il pose cet ordre du
mouvement dans les choses volontaires, en disant que certains sont dits
antérieurs selon le pouvoir, comme il arrive parmi ceux qui détiennent
l'autorité: ce lui qui dépasse les autres par le pouvoir et qui a un pouvoir
plus grand est dit antérieur. Et ceci est l'ordre de la dignité. |
Ensuite où il dit : D’autres
fois, l’Antérieur, etc., il donne le troisième sens, qui est selon
l’ordre dans le mouvement. Aristote le pose d’abord dans les êtres naturels,
en disant que certains êtres sont dits antérieurs selon l’ordre du mouvement.
En effet, ce qui est plus rapproché du premier moteur est antérieur, comme
l’enfant est antérieur à l’homme mûr parce qu’il est plus proche du premier,
à savoir de l’engendrant. Et cette antériorité se dit encore par proximité à
un principe : le moteur et l’engendrant sont principes d’une manière
déterminée et non n’importe comment, comme c’était le cas pour le lieu, mais
absolument et par nature. En deuxième, il établit cet ordre du mouvement dans
les choses volontaires, en disant que certaines sont dits antérieures selon
le pouvoir, comme c’est le cas de ceux qui détiennent l’autorité : celui
qui a un pouvoir supérieur et qui est plus puissant est dit antérieur. Et
cela est un ordre de dignité. |
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[82508] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 8 Patet autem, quod hic ordo etiam est secundum motum,
quia potentius et potestate excedens est secundum cuius praevoluntatem,
idest propositum, necesse est sequi aliquid, quod est eo posterius in
movendo; ita scilicet quod non movente illo potentiori vel priori, non
moveatur posterius, et movente moveatur. Sicut se habet princeps in civitate.
Nam ex eius imperio moventur alii ad exequendum imperata; eo vero non
imperante, non moventur. Et patet, quod hoc etiam prius dicitur propter
propinquitatem ad aliquod principium. Nam praevoluntas, idest
propositum imperantis, hic accipitur ut principium, cui propinquiores sunt,
et per consequens priores per quos propositum et imperium principis ad
subditos defertur. |
Il est évident que cet ordre est
aussi selon le mouvement, parce que le plus puissant et celui qui a le pouvoir
est celui dont le commandement doit être suivi par qui est postérieur dans le
mouvement, de telle sorte que, si ce plus puissant ou cet antérieur ne meut
pas, le postérieur n'est pas mû, et, s'il meut, l'autre est mû, Comme on le
voit chez le chef dans la cité. Son commandement fait mouvoir ceux qui
doivent l'exécuter; et s'il ne commande pas, les autres ne marchent pas. Il
appert que cet antérieur l'est aussi par proximité à un principe. Le
commandement du prince est pris ici comme principe et les plus rapprochés du
commandement, antérieurs donc, sont ceux qui transmettent l'ordre et le
commandement du prince aux subordonnés. |
Il est évident que cet ordre est aussi selon le mouvement, parce que
celui qui est le plus puissant et a le plus de pouvoir est celui dont le la
volonté première, c’est-à-dire le dessein, doit être suivie par ce qui est
postérieur dans le mouvement, de telle sorte que, si le plus puissant ou
l’antérieur ne meut pas, le postérieur n’est pas mû, et s’il meut, l’autre
est mû, comme on le voit pour le chef dans la cité. Son commandement fait
mouvoir ceux qui doivent l’exécuter, et s’il ne commande pas, les autres ne
bougent pas. Il est évident que cet antérieur l’est aussi par proximité à un
principe : la « volonté première » du commandant, c’est-à-dire
son dessein, est prise ici comme principe, et les ceux qui sont plus proches
de lui, et donc antérieurs, sont ceux qui transmettent le dessein et l’ordre
du commandant aux subordonnés. |
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[82509]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 9 Deinde cum dicit alia secundum ordinem ponit modum
secundum ordinem in rebus discretis; dicens, quod alia dicuntur priora
secundum ordinem, qui invenitur in aliquibus rebus tantummodo quodam ordine
associatis sibi, non per continuitatem, ut in praecedentibus accidebat.
Huiusmodi autem sunt, quae distant ab aliquo uno determinato secundum aliquam
rationem determinatam, ut parastata, tritostata. Parastata est prius
tritostata. Parastata dicitur ille, qui stat iuxta aliquem, puta regem.
Tritostata autem ille, qui stat tertius ab eo. Unde alia litera habet, praestans,
tertio stante prius est. Patet autem, quod alia ratio distantiae est
distare ut secundum, vel tertium. Et similiter paranitae sunt priores nitis.
In chordis enim hypatae dicuntur quae sunt graves, nitae vero acutae
dicuntur, mediocres autem vocantur mesae. Paranitae autem dicuntur quae sunt
iuxta nitas mesis propinquiores. |
Ensuite, quand il dit:
"Antérieur selon le rang ... ", il propose le sens relatif à
l’ordre qui existe dans les choses discrètes. Il dit que d'autres êtres sont
dits antérieurs selon le rang qui existe dans les êtres qui ne leur sont
associés que par un certain ordre, et non par continuité comme dans les cas
précédents. Cela arrive chez ceux qui sont éloignés d'un premier lieu
déterminé selon un rang déterminé. Ainsi en est-il entre la personne qui se
tient près du trône du roi, et celle qui se tient plus loin. Il appert que la
raison de distance change selon qu’on est distant d’une chose comme second ou
comme troisième. Et pareillement, l'avant-dernière corde est antérieure à la
dernière. Dans les cordes (de la lyre ou du luth.), l'avant-dernière donne
les sons graves, la dernière les sons aigus, celles du milieu les sons
intermédiaires. Les avant-dernières sont appelées ainsi parce que proches des
dernières, mais plus rapprochées des intermédiaires. |
Ensuite, quand il dit : L’Antérieur
se rapporte encore, etc., il propose le sens relatif à l’ordre qui existe
dans les choses discrètes. Il dit que d’autres êtres sont dits antérieurs
selon le rang qui existe dans les êtres qui ne leur sont associés que par un
certain ordre, et non par continuité comme dans les cas précédents. C’est le
cas de ceux qui sont éloignés d’un premier lieu déterminé selon un rang
déterminé. Ainsi en est-il du parastate[104] et du tritostate : le
parastate vient avant le tritostate. On appelle parastate celui qui se tient
tout près de quelqu’un, par exemple un roi; le tritostate est celui qui vient
en troisième. C’est pourquoi une autre traduction dit : « celui qui
préside est avant celui qui est au troisième rang ». Mais il est évident
que la raison de distance n’est pas la même pour le deuxième et pour le
troisième. Pareillement, la paranète est
antérieure à la nète[105]. Dans les cordes, on appelle
hypate celle qui donne les sons
graves, nète celle qui donne les
sons aigus, mésons celles qui
donnent les sons intermédiaires. La paranète
est ainsi appelée parce qu’elle est voisine de la nète, et donc plus rapprochée que les intermédiaires. |
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[82510] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 10 Patet etiam, quod hic dicitur etiam esse aliquid
prius per propinquitatem ad aliquod principium. Sed differenter in utroque praedictorum exemplorum: quia
in illis, scilicet parastata et tritostata, accipitur principium id quod est
verum initium et extremum, scilicet ille, qui est summus inter alios vel
vertex aliorum, ut rex vel aliquis alius talis. Sed in chordis accipitur ut
principium, medium, et media chorda quae dicitur mesa, cui propinquiores
dicuntur paranitae, et per hoc priores dicuntur nitis. Ista ergo dicuntur
priora per hunc modum, scilicet per ordinem quantitatis vel continuae vel
discretae. |
Il est clair qu'ici encore
l'antérieur se dit par proximité à un certain principe. Mais différemment
dans les deux exemples donnés: parmi ceux qui se tiennent près du roi, le
principe est pris de ce qui est vraiment le point de départ et l'extrême, à
savoir celui qui est au sommet du rang, comme le roi ou quelque autre. Dans
les cordes, on prend comme principe le milieu et les cordes intermédiaires,
et ainsi les cordes plus rapprochées s’appellent avant-dernières, lesquelles
sont donc antérieures aux dernières. Dans ces derniers cas, les choses
antérieures le sont d'après l'ordre de la quantité continue ou discrète. |
Il est clair qu’ici encore l'antérieur se dit par proximité à un
certain principe. Mais il y a une différence entre les deux exemples
donnés : pour le parastate et le tritostate, on prend pour principe ce
qui est vraiment le point de départ et l’extrémité, à savoir celui qui est à
la tête ou au sommet du rang, comme le roi ou quelqu’un du genre. Dans les
cordes, on prend comme principe le milieu et les cordes intermédiaires,
appelées mésons, les cordes plus
rapprochées de celles-ci sont appelées paranètes,
et on dit donc qu’elles sont antérieures aux nètes. Dans tous les cas mentionnés, les choses sont dites
antérieures selon l’ordre de la quantité, soit continue, soit discrète. |
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[82511] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 11 Secundo ibi alio vero ostendit quomodo aliquid
dicitur prius altero in cognitione. Illud autem prius est cognitione, quod
etiam prius est simpliciter, non secundum quid, sicut erat in loco: nam res
per sua principia cognoscitur. Sed, cum cognitio sit duplex, scilicet
intellectus vel rationis, et sensus, aliter dicimus aliqua priora secundum
rationem, et aliter secundum sensum. |
En second, où il dit : "Il y
en a une autre ... ", Aristote montre comment quelque chose est dit
antérieure à une autre dans la connaissance, ce qui est antérieur dans la
connaissance l'est aussi de, façon absolus, et non de façon relative, comme
il arrivait dans le lieu. La chose en effet est connue par ses principes.
Mais puisque la connaissance est double, celle de l'intelligence ou de la
raison et celle du sens, on appelle autrement ce qui est antérieur dans la
connaissance de la raison t ce qui l'est dans la connaissance sensible. |
En second, où il dit : Dans une
autre nuance, etc., Aristote montre comment une chose est dit antérieure
à une autre dans la connaissance. Ce qui est antérieur dans la connaissance
l’est aussi de façon absolue, et non de façon relative, comme c’était le cas
pour le lieu, car une chose est connue par ses principes. Mais puisque la
connaissance est double, celle de l’intelligence ou de la raison et celle du
sens, on appelle autrement ce qui est antérieur en raison et ce qui est
antérieur pour les sens. |
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[82512] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 12 Ponit autem tres modos, secundum quos aliquid est
prius ratione sive cognitione intellectiva; quorum primus est secundum quod
universalia sunt priora singularibus, licet in cognitione sensitiva accidat e
converso. Ibi enim singularia sunt priora. Ratio enim est universalium,
sensus autem singularium. Unde sensus non cognoscit universalia nisi per
accidens, inquantum cognoscit singularia, de quibus universalia praedicantur.
Cognoscit enim hominem inquantum cognoscit Socratem, qui est homo. E
contrario autem intellectus cognoscit Socratem inquantum cognoscit hominem.
Semper autem quod est per se est prius eo quod est per accidens. |
Il pose trois sens selon lesquels
quelque chose est antérieur par la raison ou dans la connaissance
intellectuelle. Le premier est celui selon lequel les universels sont
antérieurs aux singuliers, bien que dans la connaissance sensitive c'est
l'inverse qui a lieu. Ici, les singuliers sont antérieurs. La raison en effet
porte sur les universels; le sens, sur les singuliers. C'est pourquoi le sens
ne connaît les universels que par accident, en tant qu'il connaît les
singuliers desquels se prédiquent les universels. Il connaît l’homme en tant
qu'il connaît Socrate, qui est un homme. Au contraire, l'intelligence connaît
Socrate en tant qu'elle connaît l’homme. Ce qui est par soi est toujours en
effet antérieur à ce qui est par accident. |
Il pose trois sens selon lesquels quelque chose est antérieur en
raison ou dans la connaissance intellectuelle. Le premier est celui selon
lequel les universels sont antérieurs aux singuliers, bien que dans la
connaissance sensible ce soit l’inverse qui a lieu : dans ce cas, les
singuliers sont antérieurs. La raison en effet porte sur les universels, et
le sens, sur les singuliers. C’est pourquoi le sens ne connaît les universels
que par accident, en tant qu’il connaît les singuliers auxquels s’attribuent
les universels : il connaît l’homme en tant qu’il connaît Socrate, qui
est un homme. Au contraire, l’intelligence connaît Socrate en tant qu'elle connaît
l’homme. Or, ce qui est par soi est toujours antérieur à ce qui est par
accident. |
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[82513]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 13 Secundum modum ponit et secundum dicit, quod
secundum rationem prius est accidens quam totum, idest quam compositum
ex subiecto et accidente; et musicus homo cognosci non potest sine ratione
huius partis, quod est musicum. Eodem modo quaecumque alia simplicia sunt
priora secundum rationem compositis, cum in sensu sit e converso. Nam sensui
primo composita offeruntur. |
Il donne le second sens où il dit:
"De plus…", il dit que, dans l'ordre logique, l'accident est
antérieur au tout; c'est-à-dire au composé du sujet et de l'accident;
l’homme-musicien ne peut être connu sans la connaissance de cette partie qui
est le musicien. De la même façon, tout ce qui est simple est, dans l'ordre
logique, antérieur aux composés, bien que dans l'ordre sensible ce soit
l'inverse. Ce sont les composés qui s'offrent immédiatement au sens. |
Il donne le second sens où il dit : En raison, l’attribut, etc. Il dit que, dans l'ordre logique,
l’accident est Antérieur au tout,
c’est-à-dire au composé du sujet et de l’accident; l’homme-musicien ne peut
être connu sans la notion de cette partie qui est le musicien. De la même
façon, tout ce qui est simple est, dans l’ordre logique, antérieur aux
composés, bien que dans l’ordre sensible ce soit l’inverse, car ce sont
d’abord les composés qui s’offrent au sens. |
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[82514] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 14 Tertium modum ponit ibi amplius priora dicit, quod
priora dicuntur etiam secundum rationem, passiones, sicut rectitudo habetur
prior levitate. Rectitudo enim est per se passio lineae, levitas autem
superficiei, linea vero naturaliter est prior superficie. Secundum autem
sensum prior est superficies linea, et passiones compositorum passionibus
simplicium. Haec igitur dicuntur priora per hunc modum, scilicet per ordinem
cognoscendi. |
Aristote expose le troisième sens
du mot, où il dit : "Antérieur se dit aussi ... ". Il souligne que,
dans la connaissance intellectuelle, les propriétés sont dites antérieures,
comme le rectiligne est antérieur au poli. Le rectiligne est en effet une
propriété de la ligne comme telle le poli, de la superficie: or la ligne est
naturellement antérieure à la superficie. Selon le sens cependant, la
superficie est antérieure à la ligne et les propriétés du composé sont
antérieures à celle du simple. Donc tout cela est dit antérieur selon le sens
qui dépend de l'ordre de la connaissance. |
Aristote expose le troisième sens du mot, où il dit : Antérieur s’applique encore, etc. Il
souligne que, dans l’ordre de la raison, les propriétés sont dites
antérieures, comme le rectiligne est antérieur au poli. Le rectiligne est en
effet une propriété de la ligne comme telle, et le poli celle d’une surface;
or, la ligne est naturellement antérieure à la surface. Selon le sens
cependant, la surface est antérieure à la ligne et les propriétés du composé
sont antérieures à celle du simple. Donc, tout cela est dit antérieur en ce
sens, c’est-à-dire selon l’ordre de la connaissance. |
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[82515] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 15 Deinde cum dicit alia vero ponit modos, quibus dicitur
aliquid prius secundum ordinem in essendo: et circa hoc duo facit. Primo
ponit tres modos, quibus dicitur aliquid esse prius in essendo. Secundo
reducit eos ad unum, ibi, modo itaque quodam. Dicit ergo primo, quod quaedam
dicuntur esse priora, secundum naturam et substantiam, idest secundum
naturalem ordinem in essendo. Et hoc tripliciter. Primo ratione communitatis
aut dependentiae: secundum quod priora dicuntur, quae possunt esse sine aliis
et illa non possunt esse sine eis. Et hoc est prius a quo non convertitur
essendi consequentia, ut dicitur in praedicamentis. Et hac divisione,
idest isto modo prioris et posterioris contra alios diviso usus est Plato.
Voluit enim quod propter hoc universalia essent priora in essendo quam
singularia, et superficies quam corpora, et lineae quam superficies, et
numerus quam omnia alia. |
Ensuite, quand il dit: " Il y
a aussi …", il pose les sens selon lesquels on dit que quelque chose est
antérieur dans l'ordre de l’être, Là-dessus il fait double réflexion. Dans
une première, il expose trois sens selon lesquels quelque chose se dit
antérieur dans l'être; dans une seconde réflexion il réduit ces sens à un
seul, où il dit: "D'une certaine manière, etc. " Il dit donc que
certaines choses sont dites antérieures selon la "nature et la
substance", c’est-à-dire selon l'ordre naturel de l'être. Et cela de
trois façons. En premier, en raison de la communauté ou de la dépendance,
selon laquelle est dit antérieur ce qui peut être sans les autres, bien que
les autres ne peuvent être sans lui. Et ceci est l'antérieur qui n'est pas
convertible avec ce qu'il y a de consécutif à l’être, comme on le dit dans les Prédicaments. C'est le sens opposé
aux autres qui est usité chez Platon. (C'est la division chère à Platon)
c’est à cause de cela que Platon a voulu que les universels soient antérieurs
dans l’être aux singuliers, la superficie, aux corps, la ligne, à la
superficie, et le nombre, à toutes les autres choses. |
Ensuite, quand il dit : Mais,
en nature, etc., il énonce les sens selon lesquels on dit que quelque
chose est antérieur dans l’ordre de l’être, et il traite ce sujet en deux
parties. En premier, il expose trois sens selon lesquels quelque chose est
dit antérieur dans l’être; en deuxième, il réduit ces sens à un seul, où il dit :
À certain égard, toutes les choses,
etc. Il dit donc en premier que certaines choses sont dites antérieures en nature et en essence, c’est-à-dire
selon l’ordre naturel de l’être. Et cela arrive de trois façons. En premier,
en raison d’un caractère commun ou d’une dépendance, selon laquelle est dit
antérieur ce qui peut être sans les autres alors que les autres ne peuvent
être sans lui. Et cela est l’antérieur où la séquence de l’existence ne peut
être inversée, comme on le dit dans les
Catégories. C’est la distinction,
c’est-à-dire le sens d’antérieur et de postérieur opposé aux autres sens,
qu’a adoptée Platon. Selon lui, en effet, c’est pour cette raison que les
universels sont antérieurs dans l’être aux singuliers, la surface aux corps,
la ligne à la surface, et le nombre à toutes les autres choses. |
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[82516] Sententia Metaphysicae,
lib. 5 l. 13 n. 16 Secundus
modus attenditur secundum ordinem substantiae ad accidens. Quia enim ens multipliciter dicitur, et non univoce,
oportet, quod omnes significationes entis reducantur ad unam primam, secundum
quam dicitur ens, quod est subiectum aliorum entium per se existens. Et
propter hoc primum subiectum dicitur esse prius: unde substantia prius est
accidente. |
Le second sens doit se prendre
d’après l'ordre de la substance aux accidents. Parce que l'être en effet se
dit de multiples façons, et non de façon univoque, il faut que toutes les
significations de l'être soient réduites à une première, selon laquelle
l’être se dit de ce qui est le sujet existant par soi de tous les autres
êtres. C'est pourquoi ce premier sujet est dit être antérieur: la substance
est antérieure à l'accident. |
Le second sens se prend d’après l’ordre de la substance aux
accidents. Parce que l'être en effet se dit de multiples façons, et non de
façon univoque, il faut que toutes les significations de l'être soient
réduites à une première, selon laquelle on appelle être ce qui est le sujet
existant par soi de tous les autres êtres. C’est pourquoi ce premier sujet
est dit être antérieur : il s’ensuit que la substance est antérieure à
l’accident. |
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[82517] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 17 Tertius modus attenditur secundum divisionem entis
in actum et potentiam. Nam uno modo dicitur aliquid esse prius secundum potentiam
et alio modo secundum actum: secundum potentiam quidem dimidium rei est prius
re ipsa, et quaelibet pars toto, et materia quam substantia, idest
quam forma. Haec enim omnia sic
comparantur ad ea, respectu quorum sic dicuntur priora, ut potentia ad actum:
secundum actum vero dicuntur praedicta esse posteriora. Nam praedicta non efficiuntur in actu nisi per
dissolutionem. Resoluto enim toto in partes, incipiunt partes esse in actu. |
Le troisième sens se prend de la
division de l'être en acte et puissance. Car c'est de deux façons différentes
que l'on dit qu’une chose est antérieure selon la puissance et qu’elle l'est
selon l'acte. Selon la puissance, la moitié de la chose est antérieure à la
chose elle-même, toute partie est antérieure au tout et la matière est
antérieure à la forme. La moitié, la partie, la matière se comparent à ce
auquel elles sont antérieures comme la puissance à l'acte. Selon l'acte,
l'antériorité dans les choses susdites doit être renversée. En effet elles ne
peuvent être en acte que par division ou dissolution. Ce n'est que lorsque le
tout est résolu que les parties commencent à exister en acte. |
Le troisième sens découle de la division de l’être en acte et
puissance. Car d’une façon, on dit qu’une chose est antérieure en puissance,
et d’une autre façon, qu’elle est antérieure en acte. Selon la puissance, la
moitié de la chose est antérieure à la chose elle-même, toute partie est
antérieure au tout et la matière est antérieure à la substance, c’est-à-dire à la forme. En effet, toutes ces
choses[106] se comparent à ce à quoi
elles sont antérieures comme la puissance à l’acte, mais selon l’acte, les
choses mentionnées sont postérieures; en effet elles ne peuvent être
réalisées en acte que par dissolution. Ce n’est que lorsque le tout est
dissocié en parties que les parties commencent à exister en acte. |
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[82518] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 13 n. 18 Deinde cum dicit modo itaque concludit, quod omnes
modi prioris et posterioris possunt reduci ad hos ultimos modos, et praecipue
ad primum, prout prius dicitur quod potest esse sine aliis, et non e
converso. Quaedam enim possunt esse sine aliis secundum generationem, per
quem modum totum est prius partibus: quia, quando iam totum generatum est,
partes non sunt in actu, sed in potentia. Quaedam vero contingit esse sine
aliis secundum corruptionem, sicut pars sine toto, quando est iam totum
corruptum et dissolutum in partes. Et similiter etiam alii modi prioris et
posterioris ad hunc modum reduci possunt. Constat enim, quod priora non
dependent a posterioribus, sicut e converso. Unde omnia priora aliquo modo
possunt esse sine posterioribus, et non e converso. |
Ensuite, quand il dit :
"D’une certaine manière ... ", il conclut que tous les sens de
l'antérieur et du postérieur peuvent être réduits à ces derniers et
principalement au premier, en tant que l’antérieur se dit de ce qui peut être
sans les autres sans que lui-même soit en dépendance des autres. Certains
êtres peuvent exister sans les autres selon la génération. Selon ce sens le tout
est antérieur aux parties; parce que lorsque le tout est déjà engendré, les
parties ne sont pas en acte, mais en puissance, Certains autres peuvent être
sans les autres selon la corruption, comme la partie sans le tout, lorsque le
tout est déjà divisé et corrompu dans ses parties. Et pareillement, tous les
autres sens peuvent être réduits à ce premier. Il est évident que l’antérieur
ne dépend pas du postérieur, comme le contraire a lieu. Donc, tous les
antérieurs peuvent être sans les postérieurs de quelque façon. L'inverse
n’est pas vrai. |
Ensuite, quand il dit : À un certain égard, etc., il conclut que tous les sens de l'antérieur et du postérieur peuvent se ramener à ces derniers et principalement au premier d’entre eux, à savoir qu’on appelle antérieur ce qui peut être sans les autres alors que l’inverse n’est pas vrai. Certains êtres peuvent exister sans les autres selon la génération. Selon ce sens, le tout est antérieur aux parties, car lorsque le tout est déjà engendré, les parties ne sont pas en acte, mais en puissance, D’autres choses peuvent exister sans les autres par corruption, comme la partie sans le tout, lorsque le tout est déjà corrompu et désintégré dans ses parties. Et pareillement, tous les autres sens de l’antérieur et du postérieur peuvent se réduire à ce premier. Il est évident en effet que l’antérieur ne dépend pas du postérieur, comme l’inverse a lieu. Donc, tous les antérieurs peuvent être sans les postérieurs de quelque façon, et l’inverse n’est pas vrai. |
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Leçon 14, Texte d’Aristote
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Leçon 14, Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Puissance, capable de. –
Impuissance, Incapable de. On appelle puissance le principe du
mouvement ou du changement, qui est dans un autre être, ou dans le même être,
en tant qu’autre. Par exemple, l'art de bâtir est une puissance qui ne réside
pas dans la chose construite; au contraire, l’art de guérir, qui est une
puissance, peut se trouver dans l’homme guéri, mais non en tant que guéri. Puissance signifie donc le principe,
en général, du changement ou du mouvement, dans un autre être, ou dans le
même être en tant qu'autre. -- C'est aussi la faculté d’être changé ou mû par
un autre être, ou par soi-même en tant qu'autre, et d'après laquelle le
patient subit une modification: tantôt nous disons que le patient a le
pouvoir de recevoir une modification quelconque tantôt qu'il ne peut pas
éprouver toute espèce de modification, mais seulement dans le sens du
meilleur. -- Puissance se dit encore de la faculté de mener quelque chose à
bonne fin, ou de l’accomplir librement ; car parfois nous disons de ceux
qui seulement marchent ou parlent, mais qui ne le font pas bien ou ne le font
pas comme ils le veulent, qu’ils n’ont pas la faculté de parler ou de
marcher. – Il en est de même de la puissance passive, -- De plus, tous les
états suivant lesquels les choses sont absolument impassibles, ou
inchangeables, ou ne peuvent que malaisément changer dans le sens du pire,
sont appelés des puissances: quand les choses sont, en effet, brisées,
broyées, courbées, en un mot détruites, ce n’est pas en vertu d’un pouvoir,
mais bien par impuissance et par un manque de quelque chose; et les choses
sont impossibles à l’égard de modifications de cette nature, quand elles ne
peuvent en être pouvoir, de leur comportement. Telles étant les diverses
acceptions de puissance, puissant, capable
se dira, de façon correspondante, en un premier sens, de ce qui a un principe
de mouvement ou même de changement (car ce qui peut produire le repos est
aussi quelque chose de puissant), soit dans un autre être, soit dans le même
être en a une puissance de changement vers un état quelconque, soit vers le
pire, soit vers le meilleur (car l’être qui périt paraît bien avoir aussi la
puissance de périr; il n'aurait pas été détruit s'il n’avait pas eu la
puissance de l’être, mais il faut bien que réside présentement en lui une
certaine disposition, une cause, un principe, pour une telle modification. On
est donc puissant, semble-t-il par le fait de posséder quelque disposition de
ce genre, tantôt par le fait d’en être privé. Mais si la privation est
elle-même une sorte de possession, on sera, dans tous les cas, puissant en
vertu d’une possession; certain principe, comme aussi dans la possession de
la privation de cet état, s'il est possible de posséder une privation. Si, au
contraire, on n’admet pas que la privation soit une sorte de possession,
puissant est alors employé en deux sens distincts ; en un autre sens, un être
est puissant en ce que la puissance ou le principe de sa destruction ne se
rencontre ni dans un autre être, ni en lui-même en tant qu’autre. – Enfin,
tous ces êtres sont dits capables, soit simplement par le fait de pouvoir se
réaliser ou de ne pas se réaliser comme il convient. C'est une puissance de
cette sorte qui réside dans les êtres inanimés, tels que les instruments: on
dit, par exemple, d’une lyre, qu’elle est en puissance de rendre des sens, et
d'une autre lyre qu'elle n'a pas cette puissance, si elle n'est pas
harmonieuse. L'impuissance est une
privation de puissance, d’un principe comme celui qui a été défini, soit
absolument, soit pour un être qui devrait naturellement le posséder, ou
encore dans le temps où il devrait naturellement le posséder déjà : nous
ne saurions dire, en effet, dans un même sens, que l’enfant, l’homme fait et
l'eunuque sont impuissants à engendrer. De plus, à chaque sorte de puissance
correspond une impuissance opposée, tant à la puissance simplement
productrice du mouvement qu'à celle qui produit le mouvement comme il
convient. Impuissant, incapable se
dit donc de l’impuissance de ce genre, mais, en un autre sens, c’est le
possible et l'impossible. L'impossible est ce dont le contraire est nécessairement
vrai: par exemple, il est impossible que le rapport de la diagonale au côté
du carré soit commensurable, car une telle proposition est fausse, et son
contraire est non seulement vrai, mais encore nécessaire: la diagonale est
incommensurable. Donc la commensurabilité non seulement est fausse, mais elle
est nécessairement fausse. Le contraire de l’impossible, le possible, est ce dont le contraire
n’est pas nécessairement faux: par exemple, il est possible qu’un homme soit
assis, car il n’est pas nécessairement faux qu’il ne soit pas assis. Le
possible, en un sens, comme il a été dit, signifie dont ce qui n’est pas
nécessairement faux; en un autre sens, c'est ce de quoi il est vrai de dire
qu'il est; ou enfin, ce de quoi il est vrai de dire qu'il peut être. -- Par
extension de sens, enfin, en Géométrie, on parle de puissance. -- Ces sens de
possible n'ont pas de rapport à la notion de puissance, mais les sens de
capable qui ont rapport à la puissance sont taus dits par référence à la
première espèce de puissance, à savoir le principe du changement dans un
autre être, ou dans le même être en tant qu'autre: les autres choses, en
effet, ne sont dites puissantes, les unes, que parce qu'un autre être a sur
elles une puissance de ce genre, d'autres, au contraire, que parce qu'il ne
l'a pas, d'autres, enfin, que parce qu'il l'a en un sens déterminé; et de
même pour les choses dites impuissantes. Par conséquent, la définition
proprement dite de la première espèce de puissance sera bien: un principe de
changement déjà un autre être, ou dans le même être en tant qu'autre. |
Puissance. Puissance désigne d’abord le principe du mouvement, ou du changement quelconque, dans un autre être, en tant qu’il est autre. Par exemple, la puissance de construire ne se trouve pas dans le bâtiment qui est construit ; et si la puissance de guérir peut se trouver dans l’être qui est guéri, ce n’est pas du moins en tant qu’il est guéri. Si donc, généralement parlant, la puissance est le principe du mouvement, ou du changement, dans un autre en tant qu’il est autre, elle peut être aussi pour l’être lui-même la puissance d’être mû par un autre en tant qu’autre. C’est la Puissance qui fait qu’un être qui souffre, souffre une certaine action. Tantôt nous employons cette expression générale, parce que la chose peut souffrir une affection quelconque ; et tantôt, cette expression ne s’applique pas à toute affection indistinctement, mais aux seules affections qui améliorent. Parfois encore, la puissance exprime la faculté d’achever une chose comme il convient, ou selon la libre volonté qu’on en a. C’est ainsi, en effet, que, de gens qui n’ont fait que venir ou que parler, mais qui ne l’ont pas bien fait, ou qui même seulement ne l’ont pas fait selon leur gré, nous disons qu’ils n’ont pas pu venir ou parler. Même remarque s’il s’agissait de la. passion au lieu de l’action. On appelle encore Puissances tous les états dans lesquels les choses sont, ou absolument impossibles, ou immuables, ou tout au moins très peu susceptibles d’un mouvement qui puisse les détériorer ; car lorsqu’une chose est brisée, broyée, tordue, en un mot lorsqu’elle est détruite, ce n’est pas apparemment parce qu’elle peut, c’est au contraire parce qu’elle ne peut pas, et qu’il lui manque quelque chose. Sous ce rapport, on appelle impassibles les choses qui souffrent à peine, ou qui ne souffrent qu’à la longue, à cause de la puissance qu’elles possèdent, ou de la puissance qu’elles exercent, ou de l’état dans lequel elles se trouvent. Comme le mot Puissance a tous les sens différents qu’on vient de voir, on dira aussi d’une chose qu’elle est Possible dans des acceptions diverses : l’une d’abord, quand la chose a son principe de mouvement, ou de changement quelconque, dans un autre en tant qu’autre ; car ce qui produit le repos est bien aussi une puissance d’un certain genre. En second lieu, quand c’est une autre partie d’elle-même qui a cette puissance. Enfin, dans une troisième acception, quand la chose a cette puissance de changer, d’une manière quelconque, soit en bien, soit en mal ; car ce qui est détruit semble bien avoir la puissance d’être détruit, ou du moins il n’aurait pas été détruit s’il avait été dans l’impossibilité de l’être. Mais cet être qui peut être détruit doit bien avoir maintenant un certain état, un principe, une cause, qui fait qu’il souffre ce qu’il souffre. Parfois, la chose semble être possible comme elle l’est, parce qu’elle a et possède certaines conditions ; d’autres fois, parce qu’elle en est privée. Mais si la privation, de son côté, est aussi une sorte de possession, alors tout ce qui est possible l’est sans exception par les propriétés qu’il possède. Dans ce cas, l’Être est homonyme ; et par suite, on dit d’une chose qu’elle est possible tout à la fois, parce qu’elle a telle disposition et tel principe, et aussi parce qu’elle en est privée, si toutefois on peut dire qu’on a une chose quand on en est privé. En un autre sens, on dit d’une chose qu’elle est possible, quand elle n’a pas la puissance de détruire une chose, ou qu’elle n’a pas dans un autre, ou en tant qu’autre, le principe de destruction. On dit encore de toutes les choses qu’elles sont possibles par cela seul qu’il leur arrive, ou de se produire, ou de ne pas se produire absolument, ou de se produire bien. Même dans les choses inanimées, on retrouve une puissance de ce genre : et par exemple, pour des instruments dont l’homme se sert ; car, en parlant d’une lyre, on dit de celle-ci qu’elle peut donner des sons, et de celle-là qu’elle ne le peut pas, par cela seul que les sons qu’elle rend ne sont pas tout ce qu’ils devraient être. L’Impuissance est la privation de la Puissance ; et la disparition, quelle qu’elle soit, du principe en question, disparition qui a lieu, ou d’une manière absolue, ou dans l’être qui devrait naturellement avoir la puissance, ou bien à l’époque où il devrait naturellement déjà la posséder. Par exemple, en partant de l’impuissance à engendrer, on ne peut pas mettre sur la même ligne, et l’enfant, et l’homme, et l’eunuque. Chacune des deux espèces de puissance a une impuissance qui lui est opposée soit que cette puissance soit cause d’un simple mouvement, soit qu’elle produise un mouvement qui mène la chose au bien. On dit des choses qu’elles sont Impuissantes dans le sens qu’on vient d’indiquer. Mais l’Impuissance se prend encore en un autre sens, je veux dire, le sens de Possible et d’Impossible. On entend par Impossible tout ce dont le contraire est nécessairement vrai ; et c’est ainsi qu’il est Impossible que la diagonale soit commensurable au côté, parce que cette proposition est essentiellement fausse. Et ce n’est pas seulement, parce que le contraire est vrai, mais c’est encore parce qu’il est nécessaire. Ici, par exemple, la diagonale est nécessairement incommensurable. Donc, supposer qu’elle est commensurable, ce n’est pas simplement faux ; mais c’est nécessairement faux. Le contraire de cet Impossible, c’est le Possible dans le cas où le contraire n’est pas nécessairement faux. Ainsi, l’on dit qu’il est Possible que telle personne soit assise ; car il n’est pas nécessairement faux qu’elle ne soit pas assise. Le mot Possible signifie donc, d’une façon, et comme on vient de le dire, ce qui n’est pas nécessairement faux ; d’une autre façon, ce qui est vrai ; et enfin, ce qui peut être vrai. Ce n’est que par métaphore qu’on parle de Puissance en géométrie. En résumé, tous ces Possibles ne se rapportent pas à l’idée vraie de Puissance. Mais tous les Possibles qui s’y rapportent réellement, sont relatifs à la notion première et unique de puissance indiquée plus haut, et celle-là c’est le principe qui cause le changement dans un autre en tant qu’autre. Tous les autres Possibles sont ainsi dénommés, les uns, parce que quelque autre partie d’eux-mêmes a une puissance de ce genre ; d’autres, au contraire, parce qu’ils ne l’ont pas ; d’autres enfin, parce qu’ils la possèdent dans telle ou telle mesure. Mêmes remarques pour les Impossibles ; et par conséquent, on peut conclure que la définition principale de la Puissance première est celle-ci : « Le principe qui produit le changement en un autre en tant qu’autre. » |
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Lectio 14 |
Leçon 14, Commentaire de
saint Thomas [Puissance, impuissance] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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Leçon
14, Commentaire de saint Thomas [Puissance, impuissance] (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960) |
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ARISTOTE EXPOSE LES
DEFINITIONS ET LES SENS PROPRES ET IMPROPRES DE PUISSANCE ET POSSIBLE, D’IMPUISSANCE
ET D'IMPOSSIBLE. IL LES REDUIT ENSUITE A UN SEUL SENS. |
ARISTOTE EXPOSE LES DEFINITIONS ET LES SENS PROPRES ET IMPROPRES DE PUISSANCE ET POSSIBLE, D’IMPUISSANCE ET D'IMPOSSIBLE. IL LES REDUIT ENSUITE A UN SEUL SENS. |
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[82519] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 1 Postquam distinxit nomina significantia partes
unius, hic incipit distinguere nomina significantia partes entis. Et primo
secundum quod ens dividitur per actum et potentiam. Secundo, prout dividitur
ens in decem praedicamenta, ibi, quantum vero dicitur quod est divisibile.
Circa primum distinguit hoc nomen potentia vel potestas. Nomen autem actus
praetermittit, quia eius significationem sufficienter explicare non poterat,
nisi prius natura formarum esset manifesta, quod faciet in octavo et nono.
Unde statim in nono simul determinat de potentia et actu. Dividitur ergo pars
ista in partes duas: in prima ostendit quot modis dicitur potentia. In secunda reducit omnes ad unum primum, ibi, quae
vero secundum potentiam. Circa primum duo facit. Primo distinguit hoc nomen,
potentia. Secundo hoc nomen, impotentia, ibi, impotentia autem. Circa primum
duo facit. Primo ponit modos
potentiae. Secundo modos possibilis, ibi, dicta vero potestate. |
Après avoir distingué les mots qui
signifient les parties de l’''un'', Aristote entreprend ici de distinguer
ceux qui signifient les parties de l’"être", il considère l’être
tout d'abord selon qu'il se partage en acte et en puissance; puis selon qu’il
se divise en dix prédicaments, où il dit : "Quantité se dit de ce qui
est …" (lec XV). Dans son premier point, il s'arrête à ce mot
"puissance" ou "pouvoir" ; quant au mot
"acte", il l'omet, car il ne pouvait en expliquer suffisamment la
signification avant d'avoir exposé la nature des formes; ce qu'il ne fera
qu’aux livres 8 et 9. C’est pourquoi, dans Le neuvième livre, il traite en
même temps de la puissance et de l’acte. - Ses considérations sur la
puissance se divisent en deux parties. Dans la première, il montre en combien
de sens on se sert du mot "puissance". Dans la deuxième, il ramène
tous ces sens à un seul premier où il dit : "… mais les sens de
capable…" – Dans sa première partie, il donne le sens du mot
"puissance" ; dans la seconde, le sens du mot "impuissance",
où il dit : "L’impuissance est une etc. " – A propos de la
puissance, il expose le sens du mot "puissance", puis ceux du mot
"possible", où il dit : "Telles étant les diverses etc.
" |
Après avoir distingué les mots qui signifient les parties de l’un,
Aristote commence ici à distinguer ceux qui signifient les parties de l’être.
Il le fait en premier selon que l’être se divise en acte et en puissance; en
deuxième, selon qu’il se divise en dix prédicaments, où il dit : Quantité s’entend de tout, etc. (leçon
XV). Dans son premier point, il étudie le mot « puissance » ou
« pouvoir »; quant au mot « acte », il l’omet, car il ne
pouvait en expliquer suffisamment la signification avant d’avoir exposé la
nature des formes, ce qu’il ne fera qu’aux livres VIII et IX. C’est pourquoi,
au livre IX, il traite en même temps de la puissance et de l’acte. La
présente partie se divise donc en deux. Dans la première, il montre en
combien de sens on parle de puissance. Dans la deuxième, il ramène tous ces
sens à un sens premier, où il dit : Mais
tous les possibles qui s’y rapportent, etc. Il traite la première partie
en deux points. Dans la première, il distingue les sens du mot
« puissance »; dans la seconde, les sens du mot
« impuissance », où il dit : L’impuissance est la privation, etc. Il traite le premier point
en deux parties. Dans la première, il expose le sens du mot
« puissance »; dans la seconde, ceux du mot « possible »,
où il dit : Comme le mot Puissance,
etc. |
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[82520] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 2 Ponit ergo in prima parte quatuor modos potentiae
vel potestatis. Quorum primus est, quod potentia dicitur principium motus et
mutationis in alio inquantum est aliud. Est enim quoddam principium motus vel mutationis in
eo quod mutatur, ipsa scilicet materia: vel aliquod principium formale, ad
quod consequitur motus, sicut ad formam gravis vel levis sequitur motus
sursum aut deorsum. Sed
huiusmodi principium non potest dici de potentia activa, ad quam pertinet
motus ille. Omne enim quod movetur ab alio movetur. Neque aliquid movet
seipsum nisi per partes, inquantum una pars eius movet aliam, ut probatur in
octavo physicorum. Potentia igitur, secundum quod est principium motus in eo
in quo est, non comprehenditur sub potentia activa, sed magis sub passiva. Gravitas
enim in terra non est principium ut moveat, sed magis ut moveatur. Potentia
igitur activa motus oportet quod sit in alio ab eo quod movetur, sicut
aedificativa potestas non est in aedificato, sed magis in aedificante. Ars
autem medicinalis, quamvis sit potentia activa, quia per eam medicus curat,
contingit tamen quod sit in aliquo sanato, non inquantum est sanatum, sed per
accidens, inquantum accidit eidem esse medicum et sanatum. Sic igitur
universaliter loquendo, potestas dicitur uno modo principium mutationis aut
motus in alio, inquantum est aliud. |
Il pose donc, en premier lieu,
quatre sens du mot "puissance" ou "pouvoir". En un
premier sens, on appelle puissance le principe du mouvement et du changement,
qui est dans un autre en tant qu’autre. Il y a en effet un certain principe
du mouvement ou changement dans la chose même qui est changée, et c'est la
matière; ou bien c’est un principe formel qui est l’origine du
mouvement : Par exemple, de la forme grave ou légère découle le
mouvement vers le bas ou vers le haut. Mais untel principe ne peut pas
s'attribuer à la puissance active qui est responsable de ce mouvement là. Car
tout ce qui est mû est mû par un autre. Et rien ne se meut soi-même, si ce
n'est par ses parties, en tant qu'une partie en meut une autre, comme il est
prouvé au livre 8 des Physiques.
Donc la puissance, en tant qu'elle est principe de mouvement dans l'être où
elle se trouve, n'est pas incluse dans la puissance active, mais bien plutôt
dans la puissance passive. La gravité en effet n'est pas, dans la terre, un
principe qui la rend apte à mouvoir, mais plutôt à être mue. Donc la
puissance active du mouvement doit se trouver dans un autre être que celui
qui est mû, comme la puissance de bâtir n'est pas dans l'édifice, mais dans
le constructeur. L'art médical, lui, bien qu'il soit une puissance active
(puisque c'est par lui que le médecin guérit), se trouve néanmoins parfois
dans celui qui est guéri; mais ce n'est pas en tant qu’il est guéri; c'est
par accident, en tant qu’il arrive à un même homme d'être médecin et d'être
guéri. Donc, pour parler en général, le premier sens du mot "
puissance", c’est de signifier le "principe" du changement ou
du mouvement dans un être en tant qu'autre. |
Il énonce donc, en premier lieu, quatre sens du mot « puissance » ou « pouvoir ». En un premier sens, on appelle puissance le principe du mouvement et du changement d’une chose en une autre en tant qu’autre. Il y a en effet un certain principe de mouvement ou de changement dans la chose même qui est changée, et c’est la matière; ou bien c’est un principe formel dont découle le mouvement. Par exemple, de la forme de l’objet lourd ou léger découle le mouvement vers le bas ou vers le haut. Mais un tel principe ne peut pas s’attribuer à la puissance active, qui est responsable de ce mouvement, car tout ce qui est mû est mû par un autre. Et rien ne se meut soi-même, si ce n’est par ses parties, en tant qu’une partie en meut une autre, comme il est prouvé au livre VIII des Physiques. Donc, la puissance, en tant qu’elle est principe de mouvement dans l’être où elle se trouve, n’est pas incluse dans la puissance active, mais plutôt dans la puissance passive. La pesanteur de la terre, en effet, n’est pas un principe qui la rend apte à mouvoir, mais plutôt à être mue. Donc, la puissance active du mouvement doit se trouver dans un autre être que celui qui est mû, comme la puissance de bâtir n'est pas dans l’édifice, mais dans le constructeur. L’art médical, lui, bien qu’il soit une puissance active (puisque c’est par lui que le médecin guérit), se trouve néanmoins parfois dans celui qui est guéri, mais ce n’est pas en tant qu’il est guéri; c’est par accident, en tant qu’il arrive au même homme d’être médecin et d’être guéri. Donc, pour parler en général, le premier sens du mot « puissance », c’est de signifier le principe du changement ou du mouvement effectué dans un autre en tant qu’il est autre. |
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[82521] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 3 Secundum modum ponit ibi, alia diverso dicit, quod
quodam alio modo dicitur potestas principium motus vel mutationis ab altero
inquantum est aliud. Et haec est potentia passiva, secundum quam patiens
aliquid patitur. Sicut enim omne agens et movens, aliud a se movet, et in
aliud a se agit; ita omne patiens, ab alio patitur: et omne motum, ab alio
movetur. Illud enim principium, per quod alicui competit ut moveatur vel
patiatur ab alio, dicitur potentia passiva. |
Aristote établit le second sens,
où il dit: "C'est aussi … ". Il dit qu’on donne aussi au mot
"puissance" le sens de "principe du mouvement ou changement
par un autre en tant qu'il est autre". Et cela, c’est la puissance
passive, celle qui fait qu'un patient subit quelque chose. De même, en effet
que tout agent ou mouvant meut quelque autre que soi et agit dans un autre,
ainsi tout patient pâtit par un autre, et tout mû est mû par un autre. Or le
principe par lequel il appartient à un être d’être mû ou changé par un autre
s'appelle puissance passive. |
Aristote établit le second sens, où il dit : elle peut être aussi pour l’être, etc.
Il dit que d’une autre façon, on appelle puissance le principe du mouvement
ou du changement reçu d’un autre en tant qu'il est autre. Et cela, c’est la
puissance passive, qui fait qu’un patient subit quelque chose. De même, en
effet que tout agent ou moteur meut autre chose que soi et agit dans un
autre, ainsi tout patient subit d’un autre, et tout ce qui est mû est mû par
un autre. En effet, le principe par lequel il appartient à un être d’être mû
par un autre ou de subir son action s’appelle puissance passive. |
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[82522] Sententia Metaphysicae,
lib. 5 l. 14 n. 4 Posse
autem pati ab alio dicitur dupliciter. Aliquando quidem, quicquid sit illud,
quod aliquid potest pati, dicimus ipsum esse possibile ad illud patiendum, sive
sit bonum, sive malum. Aliquando vero non dicitur aliquid potens ex eo quod
potest pati aliquod malum, sed ex hoc quod potest pati aliquod excellentius.
Sicut, si aliquis potest vinci, non dicimus potentem; sed si aliquis potest
doceri vel adiuvari, dicimus eum potentem. Et hoc ideo, quia posse pati
aliquem defectum quandoque attribuitur impotentiae; et posse non pati idem,
attribuitur potentiae, ut infra dicetur. |
Or pouvoir subir quelque chose de
la part d'un autre se dit de deux façons. Tantôt nous disons qu'un être est
en puissance à subir quelque chose, quelle que soit cette chose, bonne ou
mauvaise. Tantôt nous ne disons qu’un être est en puissance, lorsqu’il peut
souffrir un mal, mais seulement lorsqu’il peut subir une amélioration. Par
exemple, si quelqu’un peut être vaincu, nous ne disons pas qu'il est en
puissance; mais s’il peut être enseigné ou aidé, nous disons qu’il est en
puissance, (capable de). Il en est ainsi parce que pouvoir souffrir quelque
défaut est attribué parfois à l'impuissance; tandis que pouvoir ne pas le
souffrir est attribué à la puissance, comme on le dira plus loin. |
Or, pouvoir subir l’action d’un autre se dit de deux façons. Tantôt,
on dit qu’un être est en puissance à subir quelque chose, quelle que soit
cette chose, bonne ou mauvaise. Tantôt, on ne dit pas qu’un être est en
puissance du fait qu’il peut souffrir un mal, mais seulement du fait qu’il
peut subir une amélioration. Par exemple, si quelqu’un peut être vaincu, nous
ne disons pas qu'il est en puissance; mais s’il peut être enseigné ou aidé,
nous disons qu’il est en puissance[107]. Il en est ainsi parce que
pouvoir souffrir quelque défaut est attribué parfois à l'impuissance; tandis
que pouvoir ne pas le souffrir est attribué à la puissance, comme on le dira
plus loin. |
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[82523] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 5 Alia tamen litera habet, aliquando autem non
secundum omnem passionem, sed utique in contrarium. Quod quidem sic debet
intelligi. Improprie enim dicitur pati, quicquid recipit aliquam perfectionem
ab aliquo, sicut intelligere dicitur quoddam pati. Proprie autem pati dicitur
quod recipit aliquid cum sui transmutatione ab eo quod est ei naturale. Unde
et talis passio dicitur esse abiiciens a substantia. Hoc autem non potest
fieri nisi per aliquod contrarium. Unde, quando aliquid patitur, secundum
quod est contrarium suae naturae vel conditioni, proprie pati dicitur.
Secundum quod etiam aegritudines passiones dicuntur. Quando vero aliquis
recipit id quod est ei conveniens secundum suam naturam, magis dicitur
perfici quam pati. |
Cependant un autre texte comporte
une autre version: "Quelquefois, non seulement selon toute passion, mais
de façon contraire". Ce qu'il faut comprendre de la façon suivante.
C'est de façon impropre que l'on parle de pâtir (subir) quand quelque chose
reçoit une perfection d’un autre, comme intelliger par exemple est dit un
certain pâtir ou une certaine passion. Celui-là pâtit proprement qui reçoit
quelque chose dans un changement qui lui fait perdre un état de sa nature,
dans un changement qui comporte une diminution dans sa nature. C’est pourquoi
on dit qu'une telle passion aliène une substance d'elle-même, qu'elle tend à
bouter une substance hors d'elle-même. Ce qui ne peut être fait que par une
puissance active contraire. C’est pourquoi, quand quelque chose pâtit selon
ce qui est contraire à sa nature ou à sa condition, on le dit proprement
pâtir. C'est ainsi que les maladies s'appellent passions. Quand quelqu'un
reçoit ce qui convient à sa nature; on parle plutôt de perfection que de
passion. |
Cependant un autre texte dit plutôt : « tantôt, non selon
toute chose subie, mais seulement vers le contraire ». Cela doit être
compris de la façon suivante. C’est de façon impropre que l'on parle de subir
quand quelque chose reçoit une perfection d’un autre, comme on dit que
comprendre est subir d’une certaine façon. Celui-là subit à proprement parler
qui reçoit quelque chose dans un changement qui l’éloigne de ce qui lui est
naturel. C’est pourquoi on dit qu’une telle passion aliène une substance à
elle-même. Mais cela ne peut se faire que sous l’action d’un contraire. C’est
pourquoi, quand quelque chose subit selon ce qui est contraire à sa nature ou
à sa condition, on dit qu’il subit au sens propre. C’est ainsi que les
maladies s'appellent passions. Quand quelqu’un reçoit ce qui convient à sa
nature; on parle plutôt de perfection que de passion. |
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[82524]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 6 Tertium modum ponit ibi amplius alia dicit, quod
alia potestas dicitur, quae est principium faciendi aliquid non quocumque
modo, sed bene, aut secundum praevoluntatem, idest secundum quod homo
disponit. Quando enim aliqui progrediuntur vel loquuntur, sed non bene, aut
non secundum quod volunt, dicuntur non posse loqui aut progredi. Et similiter
est in pati. Dicitur enim aliquid posse pati illud quod bene potest pati.
Sicut dicuntur aliqua ligna combustibilia, quia de facili comburuntur, et incombustibilia,
quae non possunt de facili comburi. |
Aristote établit le troisième sens
où il dit : "Puissance se dit... " Le mot sert à désigner le
principe, non pas de n'importe quel faire, mais d'un bien-faire ou d'un faire
soumis à la volonté de l’homme. Quand quelqu’un marche ou parle, mais sans
marcher où parler bien, ou sans le faire comme il le veut, on dit qu’il ne peut pas parler ou marcher. Et
pareillement, en est-il de pâtir. On dit que quelque chose peut pâtir ce
qu'il peut bien subir. On dit ainsi que certaines sortes de bois sont
combustibles, parce qu’elles brûlent facilement, et incombustibles, parce
qu’elles ne peuvent pas facilement être brûlées. |
Aristote établit le troisième sens où il dit : Parfois encore, la puissance, etc. En un autre sens, la puissance
désigne le principe d’une action, pas faite n’importe comment, mais bien
faite ou faite selon une volonté préalable, ou conforme à la volonté de
l’homme. En effet, quand quelqu’un marche ou parle, mais pas bien ou pas
comme il le veut, on dit qu’il ne peut
pas parler ou marcher. Et pareillement en est-il de subir : on dit que
quelque chose peut subir ce qu’il peut bien subir. On dit ainsi que certaines
sortes de bois sont combustibles, parce qu’elles brûlent facilement, et
incombustibles, parce qu’elles ne peuvent pas facilement être brûlées. |
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[82525] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 7 Quartum modum ponit ibi amplius quicumque dicit,
quod etiam potestates dicuntur omnes habitus sive formae vel dispositiones, quibus
aliqua dicuntur vel redduntur omnino impassibilia, vel immobilia, aut non de
facili mobilia in peius. Quod enim in peius mutentur, sicut quod frangantur,
vel curventur, vel conterantur, vel qualitercumque corrumpantur, non inest
corporibus per aliquam potentiam, sed magis per impotentiam et defectum
alicuius principii, quod corrumpenti resistere non potest. Nunquam enim
corrumpitur aliquid nisi propter victoriam corrumpentis supra ipsum. Quod
quidem contingit ex debilitate propriae virtutis. Illis vero, quae non
possunt tales defectus pati, aut vix aut paulatim, idest tarde vel
modicum patiuntur, accidit eis propter potentiam, et in eo quod habent aliquo
modo posse, idest cum quadam perfectione, ut non superentur a contrariis.
Et per hunc modum dicitur in praedicamentis, quod durum vel sanativum
significat potentiam naturalem non patiendi a corrumpentibus. Molle autem et
aegrotativum impotentiam. |
Il propose le quatrième sens
d’emploi du mot, où il dit: "De plus, tous les états ... " Il dit
que toutes les possessions (habitus) ou formes ou dispositions par lesquelles
les choses sont dites ou rendues tout à fait impassibles ou immobiles, ou pas
facilement changeables dans le sens du pire, sont dites puissances. Quand les
choses sont transformées dans le sens du pire, qu'elles soient brisées,
courbées, broyées, ou détruites de quelque façon, ce n'est pas en vertu de
quelque pouvoir, mais bien par impuissance et par défaut de quelque principe
qui ne peut résister à l'agent corrupteur. Tout ce qui est corrompu en effet
l'est par une victoire du corrupteur. Ce qui provient donc d'une faiblesse de
la vertu propre du patient. Mais les choses qui ne peuvent pâtir de telles
défections, ou qui ne sont affectées qu'avec peine et légèrement, c'est en
raison de leur puissance ou d'une certaine perfection dans leur capacité de
lutter contre les éléments contraires. Et c’est selon ce mode d’usage du mot
qu’on dit dans les Prédicaments que le "résistant" et le
"sanatif" signifient la puissance naturelle de résister aux forces
de corruption. La mollesse et le maladif représentent l'impuissance. |
Il propose le quatrième sens du mot où il dit : On appelle encore Puissances, etc. Il dit que tous les habitus, formes ou dispositions par lesquelles les choses sont dites ou rendues tout à fait impassibles ou immobiles, ou pas facilement changeables dans le sens du pire, sont appelées puissances. Quand les corps sont changés dans le sens du pire, qu’ils soient brisés, courbés, broyés ou corrompus de quelque façon, ce n’est pas en vertu de quelque pouvoir, mais bien par impuissance et par défaut de quelque principe qui ne peut résister à l'agent corrupteur. Tout ce qui est corrompu, en effet, l’est parce que le corrupteur l’emporte sur lui. Or, cela provient d’une faiblesse de la vertu propre de l’objet qui subit. Mais les choses qui ne peuvent subir de tels défauts, ou qui ne sont affectées qu’à peine ou peu à peu, c’est-à-dire lentement et légèrement, c’est en raison de leur puissance et du fait qu’elles peuvent de quelque façon, c’est-à-dire grâce à une certaine perfection, éviter d’être vaincues par leurs contraires. Et c’est selon ce sens du mot qu’on dit dans les Catégories que le dur et le sain signifient la puissance naturelle de ne pas subir l’effet des agents de corruption. Le mou et le maladif représentent l'impuissance. |
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[82526]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 8 Deinde cum dicit dicta vero ponit modos possibilis
correspondentes praedictis modis potestatis. Primo autem modo potestatis
respondent duo modi possibilis. Secundum potestatem enim activam aliquid
dicitur potens agere dupliciter. Uno modo, quia ipse per seipsum agit
immediate. Alio modo, quia agit mediante altero, cui potentiam suam
communicat, sicut rex agit per ballivum. Dicit ergo, quod, cum potentia tot
modis dicatur, possibile etiam et potens pluribus modis dicetur. Uno quidem
modo, quod habet principium activum mutationis in seipso sicut stativum
vel sistitivum, idest id quod facit aliud stare, dicitur esse potens ad
sistendum aliquid aliud diversum ab eo. Alio vero modo, quando ipse non immediate operatur,
sed aliud habet ab eo talem potestatem, ut possit immediate agere. |
Ensuite, quand il dit :
"Telles étant les ... ", il propose les sens du mot possible,
correspondant aux sens donnés plus haut du mot puissance. Au premier sens de
la puissance correspondent deux sens mot possible. Selon la puissance active
en effet, quelque chose est capable d'agir de deux manières: d'une première
façon, en tant qu’il agit par lui-même immédiatement; d’une second façon,
parce qu’il agit par l'intermédiaire d’un autre, auquel il communique sa
puissance. Ainsi le roi agit par son ministre. |
Ensuite, quand il dit : Comme
le mot Puissance, etc., il propose les sens du mot
« possible », qui correspondent aux sens donnés ci-dessus du mot
« puissance ». Au premier sens de puissance correspondent deux sens
du mot « possible ». Selon la puissance active, en effet, quelque
chose est capable d’agir de deux manières : d’une première façon, en
tant qu’il agit par lui-même immédiatement; d’une seconde façon, en tant
qu’il agit par l’intermédiaire d’un autre, auquel il communique sa puissance,
comme le roi agit par son huissier. Il dit donc que, puisque la puissance se
dit en tous ces sens, le possible et le puissant se disent également en
plusieurs sens. En un sens, ce qui a en soi un principe actif de changement
qui peut résister ou arrêter, c’est-à-dire qui oblige un autre à rester là,
est appelé puissant à résister à autre chose qui diffère de lui. Un autre
sens est celui où la chose n’agit pas de façon immédiate, mais une autre
chose tire d’elle le pouvoir d’agir de façon immédiate. |
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[82527] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 9 Deinde cum dicit alio si secundo ponit secundum modum
respondentem secundo modo potentiae, idest potentiae passivae; dicens, quod
alio modo a praedicto dicitur possibile sive potens, quod potest mutari in
aliquid, quicquid sit illud; scilicet sive possit mutari in peius, sive in
melius. Et secundum hoc, aliquid dicitur corruptibile, quia potest
corrumpi, quod est in peius mutari: vel non corruptibile, quia potest non
corrumpi, si sit impossibile illud ipsum corrumpi. |
Ensuite, où il dit: "en un
autre sens ... ", il propose le second sens du mot possible,
correspondant au second sens du mot puissance: la puissance passive. Il dit
que le possible ou le "capable" se dit d’une autre manière que la
précédente. Il se dit de ce qui peut être changé en un nouvel état, quel
qu’il soit, c’est-à-dire en un état pire ou meilleur, En ce sens là, on dit
que quelque chose est corruptible, parce qu’il "peut se corrompre":
ce qui est dans le sens du pire; ou bien, ou le dit incorruptible, parce
qu'il ne peut se corrompre, s’il est impossible pour lui d'être corrompu. |
Ensuite, où il dit : Enfin,
dans une troisième, etc., il propose le second sens, qui correspond au second sens du mot
« puissance » : c’est la puissance passive. Il dit que le
possible ou le « capable » se dit d’une autre manière que la précédente,
pour décrire ce qui peut être changé en un nouvel état, quel qu’il soit,
c’est-à-dire que cet état soit pire ou meilleur. En ce sens-là, quelque chose
est appelé corruptible, parce qu’il a
la puissance de se corrompre, ce qui est un changement pour le pire, ou incorruptible,
parce qu’il a la puissance de ne pas se corrompre, s’il est impossible pour
lui d’être corrompu. |
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[82528]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 10 Oportet autem illud, quod est possibile ad aliquid
patiendum, habere in se quamdam dispositionem, quae sit causa et principium
talis passionis; et illud principium vocatur potentia passiva. Principium
autem passionis potest inesse alicui passibili dupliciter. Uno modo per hoc,
quod habet aliquid; sicut homo est possibilis pati infirmitatem propter
abundantiam alicuius inordinati humoris in ipso. Alio vero modo est aliquid
potens pati per hoc, quod privatur aliquo, quod posset repugnare passioni;
sicut si homo dicatur potens infirmari propter subtractionem fortitudinis et
virtutis naturalis. Et haec duo oportet esse in quolibet potente pati.
Nunquam enim aliquid pateretur, nisi esset in eo subiectum, quod esset
receptivum dispositionis, vel formae, quae per passionem inducitur; et nisi
esset debilitas virtutis in patiente ad resistendum actioni agentis. |
Il faut cependant que celui qui
est capable de recevoir quelque chose possède en lui-même une certaine
disposition qui soit cause et principe d'une telle passion: et ce principe s'appelle
puissance passive. Le principe de la passion peut exister dans le sujet
passible de deux manières. D'une première façon, à cause d'une certaine
possession, à cause de quelque chose de positif en lui, comme l'homme qui est
capable de subir une certaine maladie à cause de l'abondance de quelque
humeur déréglée en lui. D'une autre façon, la possibilité de pâtir peut
provenir de la privation de ce qui pourrait résister à la passion; comme
lorsqu’on dit qu’un homme est capable de maladie à cause d'un manque de
force, d’une faiblesse dans sa nature. Et il faut que ces deux sens existent
dans tout être capable de pâtir. Jamais quelque chose ne pourrait pâtir s’il
n'y avait en lui un sujet capable de recevoir la disposition ou la forme qui
est communiquée dans la passion et s’il n'y avait une faiblesse dans la force
du patient qui l’empêche de résister à l'action de l'agent. |
Il faut cependant que celui qui est capable de subir quelque chose
possède en lui-même une certaine disposition qui soit cause et principe d’une
telle passion; et ce principe s’appelle puissance passive. Le principe de la
passion peut exister dans le sujet passible de deux manières. D’une première
façon, à cause d’une certaine disposition, comme l’homme qui est capable de
subir une certaine maladie à cause de l’abondance de quelque humeur déréglée
en lui. D’une autre façon, la capacité de subir peut provenir de la privation
de ce qui pourrait résister à la passion, comme si on dit qu’un homme est
capable de maladie à cause de la perte de sa force, et de sa vertu naturelle.
Et il faut que ces deux caractères existent dans tout être capable de subir.
Jamais quelque chose ne pourrait subir s’il n’y avait en lui un sujet capable
de recevoir la disposition ou la forme qui est communiquée par le fait de
subir et s’il n’y avait une faiblesse dans la capacité du patient à résister
à l'action de l'agent. |
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[82529] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 11 Hi enim duo modi principii patiendi possunt reduci
in unum, quia potest privatio significari ut habitus. Et sic sequetur, quod
privari sit habere privationem. Et ita uterque modus erit in aliquid habendo.
Quod autem privatio possit significari ut habitus, et ut aliquid habitum, ex
hoc contingit, quod ens aequivoce dicitur. Et secundum unum modum et privatio
et negatio dicitur ens, ut habitum est in principio quarti. Et sic sequitur
quod etiam negatio et privatio possunt significari ut habitus. Et ideo
possumus universaliter dicere, quod aliquid possibile sit pati propter hoc
quod habet in se quemdam habitum et quoddam principium passionis; cum etiam
privari sit habere aliquid, si contingat privationem habere. |
Ces deux conditions du principe de
la passion peuvent être réduites à une seule, parce que la privation peut
être représentée comme une certaine possession. Et ainsi il s’ensuit qu'être
privé est posséder une certaine
privation. De là découle que les deux sens signifieraient la possession de
quelque chose. Que la privation puisse être représentée comme une possession
ou comme quelque chose de possédé, cela provient de l’équivocité de l'être.
Selon un des sens de l'être, et la privation et la négation peuvent se dire
des êtres, comme on l’a noté au début du quatrième livre. Il s'ensuit donc
que la négation et la privation peuvent être signifiées comme des
possessions. C'est pourquoi nous pouvons dire universellement qu'il y a
possibilité de pâtir chez un être parce qu'il il en lui-même une certaine
possession ou un certain principe de la passion, puisque être privé est
posséder quelque chose, s’il est possible de posséder une privation. |
Ces deux conditions du principe de la passion peuvent être réduites à
une seule, parce que la privation peut être représentée comme une certaine
possession. Et ainsi il s’ensuit qu’être privé, c’est posséder une privation, et ainsi, les deux sens signifient la
possession de quelque chose. Que la privation puisse être représentée comme
une possession ou comme quelque chose de possédé, cela provient de
l’équivocité de l’être. Selon un des sens de l'être, et la privation et la
négation sont appelées des êtres, comme on l’a vu au début du livre IV. Il
s’ensuit donc que la négation et la privation peuvent être désignées comme
des possessions. C'est pourquoi nous pouvons dire universellement qu’il y a
possibilité de subir chez un être parce qu’il il a en lui-même une certaine
possession ou un certain principe de la passion, puisque être privé, c’est
posséder quelque chose, s’il est possible de posséder une privation. |
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[82530] Sententia Metaphysicae,
lib. 5 l. 14 n. 12 Deinde cum dicit alio in tertium modum ponit hic; et
respondet quarto modo potentiae, secundum quod potentia dicebatur inesse
alicui, quod non potest corrumpi, vel in peius mutari. Dicit ergo, quod alio
modo dicitur possibile vel potens, inquantum non habet potestatem vel
principium aliquod ad hoc quod corrumpatur. Et hoc dico ab alio inquantum est
aliud; quia secundum hoc aliquid dicitur potens et vigorosum, quod ab
exteriori vinci non potest, ut corrumpatur. |
Ensuite, quand il dit : "Si,
au contraire, on…", il propose le troisième sens du mot, qui correspond
au quatrième du mot puissance, en tant que cette dernière est dite exister
dans un être qui ne peut être corrompu ou modifié dans le sens du pire. Il
dit donc que le possible ou le "capable de" se dit d’une autre
façon en tant qu’un être n'a pas la puissance ou le principe d'être corrompu.
Je dis bien d’être corrompu par un autre en
tant qu'autre, parce que quelque chose est dit puissant, vigoureux du
fait même qu'il ne peut subir la défaite de la corruption par quelque agent
extérieur. |
Ensuite, quand il dit : En un
autre sens, on dit, etc., il propose le troisième sens du mot, qui
correspond au quatrième du mot « puissance », celui où on dit que
la puissance existe dans un être qui ne peut ni être corrompu, ni modifié
dans le sens du pire. Il dit donc que le possible ou le capable se dit d’une
autre façon en tant qu’un être n’a pas de puissance ou de principe de
corruption. Il est question ici de la corruption par un autre en tant qu'autre, parce que quelque
chose est dit puissant et vigoureux du fait qu’un agent extérieur ne peut
l’emporter sur lui en entraînant sa corruption. |
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[82531] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 13 Deinde cum dicit amplius autem quartum modum ponit,
qui respondet tertio modo potentiae, secundum quem dicebatur potentia ad bene
agendum vel patiendum. Dicit ergo, quod secundum praedictos modos, qui
pertinent ad agendum vel patiendum, potest dici aliquid potens vel ex eo
solum, quod aliquid accidit fieri vel non fieri, vel ex eo quod accidit etiam
bene fieri. Sicut etiam dicitur potens agere, quia potest bene et faciliter
agere, vel quia potest agere simpliciter. Et similiter potens pati et
corrumpi, quia de facili hoc pati potest. Et iste modus potestatis etiam
invenitur in rebus inanimatis ut in organis, idest in lyra et musicis
instrumentis. Dicitur enim quod aliqua lyra potest sonare, quia bene sonat;
alia non potest sonare, quia non bene sonat. |
Ensuite, quand il dit:
"Enfin, tous ces… ", il propose le quatrième sens qui correspond au
troisième de la puissance, où l'on parlait de la puissance à bien agir ou à
bien subir. Il dit donc que, d’après les sens susdits qui appartiennent à
l'action ou à la passion, on peut dire de quelque chose qu’il est
"capable de" du seul fait qu'il peut être changé ou ne pas être
changé, ou encore du fait qu’il peut être bien changé. Et pareillement, à
l’égard de l'action, l'expression "quelqu'un capable d'agir" peut
vouloir dire capable d’agir purement et simplement, ou capable d'agir bien et
avec facilité. Ainsi en est-il de la capacité du côté de la passion. Et ce
sens de la puissance se retrouve même dans les êtres inanimés, comme dans le
lyre ou les instruments de musique. On dit en effet qu’une lyre peut
résonner, parce qu'elle résonne bien, alors que nous disons des autres
qu'elles ne peuvent résonner, parce qu'elles résonnent mal. |
Ensuite, quand il dit : On
dit encore de toutes, etc., il propose le quatrième sens, qui correspond
au troisième sens de puissance, qui était celui de la puissance à bien agir
ou à bien subir. Il dit donc que, d’après les sens susdits qui appartiennent
à l’action ou à la passion, on peut dire qu’une chose est
« capable » du seul fait qu’elle peut venir à l’être ou non, ou encore
du fait qu’elle peut bien venir à l’être. Pareillement, une chose peut être
dite « capable d’agir » parce qu’elle peut agir bien et facilement,
ou simplement parce qu’elle peut agir. De même, on peut la dire capable de
subir et de se corrompre parce qu’elle peut subir facilement. Et ce sens de
la puissance se retrouve même dans les êtres inanimés comme les instruments, tels que la lyre ou
d’autres instruments de musique. On dit en effet qu’une lyre peut sonner
parce qu’elle sonne bien, alors que nous disons des autres qu’elles ne
peuvent sonner parce qu'elles sonnent mal. |
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[82532]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 14 Deinde cum dicit impotentia autem ostendit quot
modis dicitur impotentia; et circa hoc duo facit. Primo distinguit hoc nomen impotentia.
Secundo hoc nomen impossibile, ibi, impossibilia vero. Circa primum duo
facit. Primo enim ostendit communem rationem huius nominis impotentia.
Secundo ostendit quot modis dicatur, ibi, amplius autem. Dicit ergo primo,
quod impotentia est privatio potentiae. Ad rationem autem privationis duo
requiruntur; quorum primum est remotio habitus oppositi. Id autem, quod
opponitur impotentiae, est potentia. Unde, cum potentia sit quoddam
principium, impotentia erit sublatio quaedam talis principii, qualis dicta
est esse potentia. Secundum quod requiritur, est quod privatio proprie dicta
sit circa determinatum subiectum et determinatum tempus. Improprie autem
sumitur absque determinatione subiecti et temporis. Non enim caecum proprie
dicitur nisi quod est aptum natum habere visum, et quando est natum habere
visum. |
Ensuite, où il dit:
"L’impuissance est ... ", il montre en combien de sens on peut
employer le mot impuissance. Ce qu’il fait en deux parties. Il distingue, en
premier, les sens du mot impuissance et, en second, ceux du mot impossible,
où il dit : "Impuissance et incapable, etc." A propos du premier
mot, il montre sa notion commune; en second, il mon tre ses divers sens, où
il dit: "De plus, à chaque sortes etc. " Il dit donc tout d’abord
que l'impuissance est la privation de la puissance. Or, à la raison de
privation deux éléments sont requis. Le premier élément est la suppression de
la possession opposée. Or, ce qui s’oppose à l'impuissance, c’est la
puissance. Et ainsi, puisque la puissance est un certain principe,
l'impuissance consistera dans une suppression d’un tel principe, qu'on a
appelé puissance. Le second élément requis est que la privation proprement
dite doit concerner un sujet déterminé et selon un temps déterminé. Sans la
détermination du sujet et du temps, la privation ne peut être prise que dans
un sens impropre. L'aveugle ne se dit proprement que de ce qui est apte à
posséder la vision et quand il possède cette aptitude. |
Ensuite, où il dit : L’Impuissance
est la privation, etc., il montre en combien de sens on peut parler
d’impuissance. Il le fait en deux parties. Il distingue, en premier, les sens
du mot « impuissance »; en second, ceux du mot
« impossible », où il dit : On
dit des choses qu’elles sont, etc. La première partie se divise en deux.
En premier, il montre la notion générale du mot « impuissance »; en
second, il montre ses divers sens, où il dit : Chacune des deux espèces, etc. Il dit donc en premier que
l’impuissance est la privation de la puissance. Or, la notion de privation
exige deux éléments. Le premier élément est la suppression de la possession
opposée. Or, ce qui s’oppose à l’impuissance, c’est la puissance. Et ainsi,
puisque la puissance est un certain principe, l’impuissance est une
suppression d’un tel principe, qu’on a appelé puissance. Le second élément
requis est que la privation proprement dite doit concerner un sujet déterminé
dans un temps déterminé : elle est prise dans un sens impropre si le
sujet et le temps ne sont pas déterminés. On ne peut proprement appeler
aveugle que ce qui est apte à posséder la vision, et ce, quand il possède
cette aptitude. |
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[82533] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 15 Impotentia autem sic dicta dicit remotionem
potentiae, aut omnino, idest universaliter, ut scilicet omnis remotio
potentiae impotentia dicatur, sive sit aptum natum habere, sive non: aut
dicitur remotio in eo quod est aptum natum habere quandocumque, aut solum
tunc quando aptum natum est habere. Non enim similiter accipitur impotentia,
cum dicimus puerum non posse generare, et cum virum et eunuchum simul. Puer
enim dicitur impotens generare, quia subiectum est aptum ad generandum, non
tamen pro illo tempore. Vir autem eunuchus dicitur impotens ad generandum,
quia pro illo tempore esset quidem aptus, non tamen potest, quia caret
principiis activis generationis. Unde hic magis salvatur ratio privationis.
Mulus autem vel lapis dicitur impotens ad generandum, quia non potest nec
etiam habet aptitudinem in subiecto existentem. |
En ce sens, l'impuissance dit suppression
de la puissance: ou bien universellement, de telle sorte que toute privation
d'une puissance se dit impuissance, que le sujet soit apte à la posséder ou
non; ou bien, l'impuissance signifie la privation d’une puissance dans un
sujet capable de la posséder en tout temps, ou seulement pendant la période
de temps où il en a l’aptitude. L’impuissance ne signifie pas la même chose
quand on dit qu'un enfant ne peut pas engendrer et qu'un homme eunuque ne
peut le faire. Quand on dit que l’enfant est impuissant, on signifie que le
sujet est apte à le faire sans pouvoir le faire pendant la période de temps
qu'il traverse. L'homme eunuque est dit impuissant, parce qu'il a déjà été
apte à engendrer pendant son enfance sans pouvoir le faire actuellement parce
qu'il lui manque les principes actifs de la génération. La mule ou la pierre
sont dites impuissantes à engendrer, parce qu'elles ne peuvent engendrer ni
ne possèdent l'aptitude. |
En ce sens, l’impuissance dit suppression de la puissance, et ce, ou d’une manière absolue, c’est-à-dire
universellement, de sorte que toute suppression d’une puissance est dite
impuissance, que le sujet soit apte à la posséder ou non, ou elle est la
suppression d’une puissance dans un sujet qui devrait la posséder en tout
temps, ou seulement pendant la période de temps où il devrait la posséder.
L’impuissance ne signifie pas la même chose quand on dit qu’un enfant ne peut
pas engendrer et qu’un homme eunuque ne peut le faire. On dit que l’enfant
est impuissant à engendrer parce que le sujet est apte à le faire, mais pas
pendant cette période de sa vie. L’homme eunuque est dit impuissant à
engendrer parce qu’il serait apte à engendrer pendant cette période de sa
vie, mais ne le peut pas parce qu’il est privé des principes actifs de la
génération. La mule ou la pierre sont dites impuissantes à engendrer, parce
qu’elles ne peuvent engendrer et sont des sujets inaptes à le faire. |
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[82534]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 16 Deinde cum dicit amplius autem dat intelligere impotentiae
modos per oppositum ad modos potentiae. Sicut enim potentia est duplex,
scilicet activa et passiva: et iterum utraque aut ad agendum et patiendum
simpliciter, aut ad bene agendum et patiendum; ita secundum utramque
potentiam est impotentia opposita. Et solum mobili et bene mobili
idest potentiae activae, quae est ad movendum simpliciter, vel bene movendum:
et potentiae passivae, quae est ad moveri simpliciter, vel bene moveri. |
Ensuite, quand il dit : "De
plus, à chaque ... ", il donne les sens de l'impuissance par opposition
aux sens de la puissance. Comme, en effet, la puissance est double, active et
passive, et que, de plus, les deux peuvent se dire de façon absolue ou
relative au mieux, ainsi l'impuissance s'oppose à ce double sens de la double
puissance. |
Ensuite, quand il dit : Chacune
des deux espèces, etc., il fait comprendre les sens de l’impuissance par
opposition aux sens de la puissance. Comme, en effet, la puissance est
double, active et passive, et que, de plus, les deux peuvent désigner l’agir
et le subir absolus ou le fait de bien agir et de bien subir, ainsi chacune
de ces deux puissances a une impuissance opposée. Il s’agit ici du simple mouvement et du bon mouvement, c'est-à-dire de la
puissance active qui pousse à mouvoir tout simplement ou à bien mouvoir, et
de la puissance passive qui permet d’être simplement mû ou d’être bien mû. |
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[82535] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 17 Deinde cum dicit impossibilia vero ostendit quot
modis dicitur impossibile: et circa hoc duo facit. Primo distinguit modos
impossibilis. Secundo reducit illos modos ad unum, ibi, quae vero secundum.
Circa primum tria facit. Primo dicit, quod uno modo dicuntur aliqua
impossibilia secundum quod habent impotentiam praedictam, quae opponitur potentiae.
Et huiusmodi modus in quatuor dividitur, sicut et impotentia. |
Ensuite, quand il dit:
"Impuissant, incapable ... ", il montre en combien de sens se dit
l'impossible. Là-dessus il fait la double besogne de la distinction des sens et
de la réduction à un seul. Il traite ce dernier point, où il dit :
" ... mais les sens de capable etc. " Il traite son premier point
en trois parties. Il dit en premier que l'impossible se dit, en un sens, de
ce qui a l’impuissance ci-haut mentionnée, c’est-à-dire celle qui s’oppose à
la puissance. Ce sens du mot peut se distinguer en quatre sens, comme il en
est du mot impuissance. |
Ensuite, quand il dit: On dit
des choses, etc., il montre en combien de sens se dit l'impossible. Il le
fait en deux parties; en premier, il distingue les sens de l’impossible; en
deuxième, il les ramène à un seul, où il dit : En résumé, tous ces Possibles, etc. Il traite sa première partie
en trois points. Il dit en premier que l’'impossible se dit, en un sens, de
ce qui a l’impuissance ci-haut mentionnée, celle qui s’oppose à la puissance.
Ce sens du mot peut se diviser en quatre, comme celui d’impuissance. |
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[82536]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 18 Ideo cum dicit alio modo, ponit alium modum, quo
dicuntur aliqua impossibilia, non propter privationem alicuius potentiae, sed
propter repugnantiam terminorum in propositionibus. Cum enim posse dicatur in
ordine ad esse, sicut ens dicitur non solum quod est in rerum natura, sed
secundum compositionem propositionis, prout est in ea verum vel falsum; ita
possibile et impossibile dicitur non solum propter potentiam vel impotentiam
rei: sed propter veritatem et falsitatem compositionis vel divisionis in
propositionibus. Unde impossibile dicitur, cuius contrarium est verum de
necessitate, ut diametrum quadrati esse commensurabilem eius lateri, est
impossibile, quia hoc tale est falsum, cuius contrarium non solum est verum,
sed etiam necessarium, quod quidem est non commensurabilem esse. Et propter
hoc esse commensurabilem est falsum de necessitate, et hoc est impossibile. |
C'est pourquoi, quand il dit
"selon un autre sens", il dorme un autre sens du mot, selon lequel
l’impossible se dit, non pas à cause de la privation de quelque puissance, mais
à cause de la répugnance entre les termes dans les propositions. En effet le
"pouvoir être" se dit par relation à l’être et l'être se dit non
seulement de ce qui existe dans la nature des choses, mais aussi de la
composition de la proposition, en tant qu’elle est vraie ou fausse. Ainsi, le
possible et l’impossible se disent non seulement à cause de la puissance et
de l'impuissance dans les choses, mais à cause de la fausseté et de la vérité
de la composition ou de la division dans les propositions. Voilà pourquoi
l'impossible se dit de ce dont le contraire est nécessairement vrai, comme il
est impossible que le diamètre d’un carré soit commensurable à son côté,
parce que ceci est faux dont le contraire e:sit non seulement vrai, mais
nécessairement vrai. Ce qui est, dans le cas, d'être incommensurable. Et à
cause de cela, le fait d’être commensurable est nécessairement faux: ce qui
est impossible. |
C'est pourquoi, quand il dit en
un autre sens, il donne un autre sens du mot, selon lequel des choses
sont dites impossibles non pas à cause de la privation d’une puissance, mais
à cause de l’incompatibilité des termes dans les propositions. En effet, le
« pouvoir être » se dit par relation à l’être; alors, comme l’être
se dit non seulement de ce qui existe dans la nature des choses, mais aussi
de la composition de la proposition, en tant qu’elle est vraie ou fausse, de
même le possible et l’impossible se disent non seulement à cause de la
puissance et de l’impuissance des choses, mais aussi à cause de la fausseté
et de la vérité de la composition ou de la division[108] dans les propositions. Voilà
pourquoi l’impossible se dit de ce dont le contraire est nécessairement vrai,
comme il est impossible que la diagonale d’un carré soit commensurable à son
côté, parce qu’une affirmation est fausse si son contraire est non seulement
vrai, mais nécessairement vrai, comme ici le fait d’être incommensurable.
Pour cette raison, le fait d’être commensurable est nécessairement faux,
c’est-à-dire impossible. |
|
[82537] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 19 Tertio ibi, contrarium vero manifestat quid sit
possibile oppositum impossibili secundo modo dicto. Impossibile enim
opponitur possibili secundo modo dicto, sicut dictum est. Dicit ergo, quod
possibile contrarium huic secundo impossibili est, cuius contrarium non est
de necessitate falsum: sicut sedere hominem est possibile, quia non sedere,
quod est eius oppositum, non est de necessitate falsum. |
En troisième, où il dit : "Le
contraire ... ", il manifeste ce qu'est le possible opposé à
l'impossible selon le dernier sens. Impossible en effet s'oppose au possible
selon le second sens. Il dit donc que le possible opposé au second sens de
l'impossible est ce dont le contraire n’est pas nécessairement faux. Ainsi,
l'homme s'assoit est possible, parce que ne pas s'asseoir, qui est son
opposé, n’est pas nécessairement faux. |
En troisième, où il dit : Le contraire, etc., il manifeste ce qu’est le possible opposé à l’impossible pris dans le deuxième sens. L’impossible en effet s’oppose au possible pris dans le deuxième sens, comme on l’a dit. Il dit donc que le possible opposé au second sens de l’impossible est ce dont le contraire n’est pas nécessairement faux. Ainsi, « l’homme est assis » est possible, parce que ne pas être assis, qui est son opposé, n’est pas nécessairement faux. |
|
[82538]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 20 Ex quo patet, quod ille modus possibilis in tres
modos dividitur. Dicitur enim uno modo possibile quod falsum est, sed non ex
necessitate: sicut hominem sedere dum non sedet, quia eius oppositum non est
verum ex necessitate. Alio modo dicitur possibile quod est verum, sed non de
necessitate, quia eius oppositum non est falsum de necessitate, sicut
Socratem sedere dum sedet. Tertio modo dicitur possibile, quia licet non sit
verum, tamen contingit in proximo verum esse. |
D’où il appert que ce sens du
possible peut se diviser en trois. Le possible peut se dire de ce qui est
faux, mais pas nécessairement, comme si on dit que l'homme s’assoit alors
qu'il reste debout, parce que l'opposé n'est pas vrai par nécessité.
L'impossible se dit d’une seconde façon de ce qui est vrai, mais sans
nécessité, parce que son opposé n'est pas nécessairement faux. Si on dit par
exemple que Socrate s'assoit, alors qu’il se tient debout. Selon le troisième
sens, le possible se rit de ce qu’est prochainement vrai sans l'être
actuellement. |
Il est donc évident que ce sens du possible se divise en trois. En un
sens, le possible se dit de ce qui est faux, mais pas nécessairement, comme
si on dit que l’homme est assis alors qu’il n’est pas assis, parce que
l’opposé n’est pas nécessairement vrai. En un autre sens, le possible se dit
de ce qui est vrai, mais pas nécessairement, parce que son opposé n’est pas
nécessairement faux, par exemple si on dit que Socrate est assis pendant
qu’il est assis. Selon le troisième sens, le possible se dit de ce qui sera
bientôt vrai sans l’être actuellement. |
|
[82539] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 21 Deinde cum dicit secundum metaphoram ostendit
quomodo potentia sumatur metaphorice; et dicit, in geometria dicitur potentia
secundum metaphoram. Potentia enim lineae in geometria dicitur quadratum
lineae per hanc similitudinem: quia sicut ex eo quod est in potentia fit
illud quod est in actu, ita ex ductu alicuius lineae in seipsam, resultat
quadratum ipsius. Sicut si diceremus, quod ternarius potest in novenarium,
quia novenarius consurgit ex ductu ternarii in seipsum. Nam ter tria sunt
novem. Sicut autem impossibile secundo modo acceptum non dicitur secundum
aliquam impotentiam, ita et modi possibilis ultimo positi, non dicuntur
secundum aliquam potentiam, sed secundum similitudinem, vel secundum modum
veri et falsi. |
Ensuite, où il dit: "Par
extension de sens ... ", il montre comment la puissance peut être prise
métaphoriquement, en disant qu'en géométrie, la puissance se dit
métaphoriquement. On dit, en géométrie, que la puissance de la ligne est le
Carré de la ligne, par la similitude suivante: de la même façon que de ce qui
est en puissance on peut faire quelque chose en acte, ainsi en refermant une
ligne sur elle-même on peut en faire le carré. Comme si nous disions que le
nombre trois peut devenir le nombre neuf, parce que ce dernier peut être
engendré par la multiplication du nombre trois par lui-même. Trois fois trois
font neuf en effet. Cependant, comme la seconde acception de l'impossible ne
se dit pas selon l'impuissance, ainsi les derniers sens du possible ne sont
pas pris selon la puissance, mais par similitude, ou d’après le sens du vrai
et du faux. |
Ensuite, où il dit : Ce
n’est que par métaphore, etc., il montre comment la puissance peut être
prise métaphoriquement, en disant qu’en géométrie, la puissance se dit par
métaphore. On dit, en géométrie, que la puissance de la ligne est le carré de
la ligne, par la ressemblance suivante: de même qu’on peut faire de ce qui
est en puissance quelque chose en acte, ainsi en refermant une ligne sur
elle-même on peut en faire un carré. C’est le cas quand nous disons que le
nombre 3 peut devenir le nombre 9, parce qu’on obtient 9 en multipliant le
nombre 3 par lui-même, car 3 fois 3 font 9. Cependant, comme la seconde
acception de l'impossible ne s’applique pas à l’impuissance, ainsi les
derniers sens donnés du possible ne se disent pas selon la puissance, mais
par comparaison, ou d’après le sens du vrai et du faux. |
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[82540]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 22 Deinde cum dicit quae vero reducit omnes modos
possibilis et impossibilis ad unum primum: et dicit, quod possibilia, quae
dicuntur secundum potentiam, omnia dicuntur per respectum ad unam primam
potentiam, quae est prima potentia activa, de qua supra dictum est, quod est
principium mutationis in alio inquantum est aliud. Nam omnia alia possibilia dicuntur per respectum ad
istam potentiam. Aliquid enim dicitur possibile per hoc, quod aliquid aliud
habet potentiam activam in ipsum, secundum quod dicitur possibile secundum
potentiam passivam. Quaedam vero dicuntur possibilia in non habendo aliquid
aliud talem potentiam in ipsa: sicut quae dicuntur potentia, quia non possunt
corrumpi ab exterioribus agentibus. Quaedam vero potentia in sic habendo,
idest in hoc quod habent potentiam, ut bene aut faciliter agant vel
patiantur. |
Ensuite, où il dit : " ...
mais les sens de capable ... ", il réduit tous les sens du possible et
de l'impossible à un premier. Il dit que les possibles, qui sont appelés
ainsi d’après la puissance, le sont tous par référence à une première
puissance, qui est la première puissance active, dont on a dit plus haut
qu'elle était le principe de la mutation dans l’autre en tant qu'autre. Tous
les autres possibles sont dits possibles par rapport à cette puissance. Une
chose est dite possible selon qu'une autre a une puissance active sur elle.
Et ainsi elle est possible selon la puissance passive. D'autres sont dites
possibles, au contraire, parce qu'elles n’ont pas de puissance extérieure
ayant prise sur elles. Ainsi ces êtres sont dits possibles ou puissants parce
qu'ils ne peuvent être corrompus par des agents extérieurs. D'autres sont
dits puissants du fait qu'ils ont la puissance d'agir ou de pâtir avec
facilité et bonté. |
Ensuite, où il dit : Mais tous
les Possibles, etc., il ramène tous les sens du possible et de
l’impossible à un premier. Il dit que les possibles qui sont appelés ainsi
selon la puissance le sont tous par référence à une première puissance, qui
est la première puissance active, dont on a dit plus haut qu’elle est le
principe du changement dans l’autre en tant qu’autre. Tous les autres
possibles sont dits possibles par rapport à cette puissance. En effet, une
chose est dite possible du fait qu’une autre a une puissance active sur elle,
et ainsi, elle est dite possible selon la puissance passive. D’autres sont
dites possibles, au contraire, du fait qu’il n’y a pas de puissance
extérieure qui ait pouvoir sur elles; ainsi, on appelle des êtres puissants
parce qu’ils ne peuvent pas être corrompus par des agents extérieurs.
D’autres sont dits puissants dans telle
ou telle mesure, c'est-à-dire du fait qu’ils ont la puissance d’agir ou
de subir bien ou facilement. |
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[82541] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 14 n. 23 Et sicut omnia possibilia, quae dicuntur secundum aliquam
potentiam, reducuntur ad unam primam potentiam; ita omnia impossibilia, quae
dicuntur secundum aliquam impotentiam, reducuntur ad unam primam impotentiam,
quae est opposita primae potentiae. Patet igitur, quod propria definitio
potentiae primo modo dictae est principium permutationis in alio inquantum
est aliud, quod est ratio potentiae activae. |
Et comme tous les possibles, qui
sont appelés ainsi selon quelque puissance, se réduisent à une première
puissance, ainsi tous les impossibles, qui sont par relation à quelque
impuissance, se réduisent à la première impuissance, qui est opposée à la
première puissance. Il est donc évident que la définition propre de la
puissance selon le premier sens ou le sens fondamental est le principe du
changement dans l'autre en tant qu'il est autre, Ce qui est la raison de la
puissance active. |
Et comme tous les possibles, qui sont appelés ainsi selon quelque puissance, se réduisent à une première puissance, ainsi tous les impossibles, appelés ainsi du fait de quelque impuissance, se réduisent à une première impuissance, qui est opposée à la première puissance. Il est donc évident que la définition propre de la puissance selon le premier sens est le principe du changement en un autre en tant qu’il est autre, ce qui est la notion de la puissance active. |
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Leçon 15, Texte d’Aristote
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Leçon 15, Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Quantité Quantité se dit de ce qui est divisible
en deux ou plusieurs éléments intégrants, dont chacun est, par nature, une
chose une et individuelle. Une multiplicité est une quantité, si elle est
nombrable, une grandeur, si elle est mesurable. On appelle multiplicité ce
qui est, en puissance, divisible en parties non continues, et grandeur, ce
qui est divisible en parties continues. La grandeur continue dans une seule
dimension est la longueur dans deux dimensions, la largeur, et dans trois
dimensions, la profondeur. Une multiplicité finie, c’est un nombre une
longueur finie, une ligne, une largeur finie, une surface, et une profondeur
finie, un corps. En outre, on distingue la quantité
par soi et la quantité par accident: par exemple, la ligne est une quantité
par soi, le musicien, une quantité par accident. -- Parmi les quantités par
soi, les unes les sont substantiellement, par exemple, la ligne est une
quantité (car la quantité entre dans la définition exprimant d’essence de la
ligne); d'autres le sont comme des déterminations et des états de cette
espèce de substance, par exemple, le beaucoup et le peu, le long et le court,
le large l’l'étroit, le haut et le bas, le lourd et le léger, et les autres
modes de ce genre. Le grand et le petit, le plus et le moins, considérés tant
en eux-mêmes que dans leurs relations mutuelles, sont aussi des modes
essentiels de la quantité; mais, par extension, on applique aussi ces noms à
d'autres objets. -- La quantité par accident s’entend, tantôt dans le sens où
nous avons dit que le musicien et le blanc sont des quantités, c’est-à-dire
parce que ce à quoi ils appartiennent est une quantité, tantôt dans le sens
où le mouvement et le temps sont des quantités: on dit, en effet, que le
mouvement et le temps sont des quantités, et des quantités continues, en raison
de la divisibilité de ce dont ils sont les attributs; j'entends la
divisibilité, non pas du mobile lui-même, mais de l'espace que son mouvement
a parcouru; ce n’est, en effet, que parce que l’espace est quantité que le
mouvement est aussi quantité, et ce n'est que parce que le mouvement est
quantité que le temps est quantité. |
Quantité. Quantité s’entend de tout ce qui est divisible dans les parties qui le composent, et dont les deux parties, ou chacune des parties forment naturellement une certaine unité et quelque chose d’individuel. La quantité est un nombre, quand elle se compte ; c’est une grandeur, quand elle se mesure. On entend par nombre ce qui peut se diviser en parties non continues ; et par grandeur, ce qui est divisible en parties qui tiennent les unes aux autres. Quand la grandeur n’est continue qu’en un seul sens, on l’appelle longueur. Quand c’est en deux, on l’appelle largeur ; et en trois, c’est profondeur. Entre ces différents termes, la pluralité qui est délimitée et finie, c’est le nombre ; la longueur, c’est la ligne ; la largeur, c’est la surface ; la profondeur, c’est le corps. De plus, il y a des quantités qui sont ainsi dénommées en soi et par elles-mêmes ; d’autres, qui ne le sont qu’indirectement. Ainsi, la ligne est en soi une quantité ; l’instruction ne peut être une quantité qu’indirectement. Parmi les quantités en soi, les unes sont des quantités par leur substance propre. Ainsi, la ligne est par sa propre substance une quantité ; car dans la définition qui explique ce qu’est la ligne, on fait entrer l’idée de quantité. Les autres espèces de quantités en soi ne sont que les modifications et les qualités de la substance de ce genre : par exemple, le beaucoup et le peu, le long et le court, le large et l’étroit, le haut et le bas, le lourd et le léger, et toutes les nuances de cette sorte. Le grand et le petit, le majeur et le moindre, qu’on les prenne, soit en eux-mêmes soit dans leurs rapports réciproques, sont des modifications essentielles de la quantité, bien que d’ailleurs ces mots puissent, par métaphore, s’appliquer aussi à d’autres choses que la quantité. Quant aux quantités qui ne sont appelées ainsi qu’indirectement, les unes reçoivent ce nom comme l’instruction, dont on parlait plus haut, et qui n’est une quantité, ainsi que la blancheur peut l’être, que parce que l’objet où elles sont est lui-même une quantité. D’autres, au contraire, sont des quantités comme le mouvement et le temps. En effet, le temps et le mouvement sont des quantités d’un certain genre et sont des continus, par cela même que ce dont ils sont les affections est divisible. Et l’idée de division s’applique, non pas au corps qui est mis en mouvement, mais à l’espace parcouru ; car c’est parce que cet espace est une quantité que le mouvement en est une ; et le temps est une quantité, parce que le mouvement en est une aussi. |
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Lectio 15 |
Leçon 15, Commentaire de
saint Thomas [Quantité] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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Leçon
15, Commentaire de saint Thomas [Quantité] (Traduction Abbé Dandenault, v.
1960) |
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ARISTOTE EXPOSE CE
QU'EST L’ETRE QUANTIFIE QUELLES EN SONT LES ESPECES, QUELS SONT LES ETRES
QUANTIFIE PAR ESSENCE ET PAR ACCIDENT. |
ARISTOTE EXPOSE CE QU’EST L’ÊTRE QUANTIFIÉ, QUELLES EN SONT LES ESPÈCES, QUELS SONT LES ÊTRES QUANTIFIÉS PAR ESSENCE ET PAR ACCIDENT. |
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[82542] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 15 n. 1 Quoniam ens non solum dividitur in potentiam et
actum, sed etiam in decem praedicamenta, postquam philosophus distinxit hoc
nomen potentia, hic incipit distinguere nomina, quae significant
praedicamenta. Et primo nomen quantitatis. Secundo nomen qualitatis, ibi,
quale autem. Tertio distinguit modos ad aliquid, ibi, ad aliquid dicuntur.
Alia vero praedicamenta praetermittit, quia sunt determinata ad aliquod genus
rerum naturalium; ut patet praecipue de agere et pati, et de ubi et quando.
Circa primum tria facit. Primo ponit rationem quantitatis; dicens, quod
quantum dicitur quod est divisibile in ea quae insunt. Quod quidem dicitur ad differentiam divisionis
mixtorum. Nam corpus mixtum resolvitur in elementa, quae non sunt actu in
mixto, sed virtute tantum. Unde non est ibi tantum divisio quantitatis; sed
oportet quod adsit aliqua alteratio, per quam mixtum resolvitur in elementa.
Et iterum addit, quod utrumque aut singulum, est natum esse unum aliquid,
hoc est aliquid demonstratum. Et hoc dicit ad removendum divisionem in partes
essentiales, quae sunt materia et forma. Nam neutrum eorum aptum natum est
esse unum aliquid per se. |
Parce que l'être ne se divise pas
seulement par la puissance et l'acte, mais aussi en dix prédicaments, le
Philosophe, après avoir clarifié les sens du mot puissance, entreprend ici de
distinguer les noms qui signifient les prédicaments. Et tout d'abord le mot quantité. En second, le terme qualité,
où il dit: "La qualité se dit, etc." (lec. XVI) En troisième, le
mot relation, où il dit: "Relatif se dit, etc. (lec. XVII) ". Il
omet les autres prédicaments parce qu'ils sont restreints à un certain genre
des êtres naturels, comme on le voit principalement au sujet des prédicaments
action, passion, ubi et quando. Il
traite son premier point en trois parties. Premièrement, il pose la raison de
quantité, en disant que la quantité se dit de ce qui est divisible en ses
éléments intégrants, en ses parties constituantes. Ce que l'on dit pour
distinguer cette division de celle des mixtes. Car le corps mixte se résout
en ses éléments qui n'existent pas en acte dans le mixte, mais virtuellement
seulement. Dans ce cas, il n'y a pas une pure division quantitative: il faut
qu'il y ait une certaine altération par laquelle le mixte se résout dans ses
éléments. Et Aristote ajoute que les deux parties ou chaque partie de la
division de la quantité est apte à être "une chose une et
individuelle", à exister par elle-même. Ceci est quelque chose de
démontré. Il fait cette addition pour exclure la division en parties
essentielles, que sont la matière et la forme. Aucune de ces parties
essentielles n'est apte à être un singulier autre par soi, c'est-à-dire n'est
apte à exister par soi séparément. |
Parce que l’être ne se divise pas seulement en puissance et acte, mais
aussi en dix prédicaments, le Philosophe, après avoir distingué les sens du
mot « puissance », commence ici à distinguer les noms qui
signifient les prédicaments. Et tout d’abord le mot « quantité »;
en deuxième, le mot « qualité », où il dit : Le mot Qualité, etc. (leçon XVI); en
troisième, les sens relatifs, où il dit : Par relatifs, on entend, etc. (leçon XVII). Il omet les autres
prédicaments parce qu’ils sont restreints à un certain genre des êtres
naturels, comme on le voit surtout pour l’action, la passion, le lieu et le
temps. Il traite le premier point en trois parties. Premièrement, il établit
la notion de quantité, en disant que la quantité désigne l’être qui est
divisible en parties intégrantes. Il dit cela par opposition à la division
des mélanges, car le corps mixte se réduit en éléments qui n’existent pas en
acte dans le mélange, mais seulement virtuellement. C’est pourquoi cette
division n’est pas simplement quantitative; il faut aussi une certaine
altération par laquelle le mélange se ramène à ses éléments. Et il ajoute que
les deux parties ou chacune d’elles est faite pour être une certaine unité, c’est-à-dire un objet qu’on peut montrer. Il
dit cela pour écarter la division en les parties essentielles, qui sont la
matière et la forme, car aucune des deux n’est faite pour être une chose
existant en soi. |
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[82543] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 15 n. 2 Secundo ibi, multitudo ergo ponit species
quantitatis; inter quas primae sunt duae; scilicet multitudo sive pluralitas,
et magnitudo sive mensura. Utrumque autem eorum habet rationem quanti,
inquantum multitudo numerabilis est et magnitudo est mensurabilis. Mensuratio
enim propria pertinet ad quantitatem. Definitur autem multitudo sic.
Multitudo est, quod est divisibile secundum potentiam in partes non
continuas. Magnitudo autem quod est divisibile in partes continuas. Quod
quidem contingit tripliciter: et secundum hoc sunt tres species magnitudinis.
Nam, si sit divisibile secundum unam tantum dimensionem in partes continuas,
erit longitudo. Si autem in duas, latitudo. Si autem in tres, profunditas.
Ulterius autem, quando pluralitas vel multitudo est finita, dicitur numerus.
Longitudo autem finita, dicitur linea. Latitudo finita, corpus. Si enim esset
multitudo infinita, non esset numerus; quia quod infinitum est, numerari non
potest. Similiter, si esset longitudo infinita, non esset linea. Linea enim
est longitudo mensurabilis. Et propter hoc in ratione lineae ponitur, quod
eius extremitates sunt duo puncta. Simile est de superficie et corpore. |
En second, où il dit : "Une
multiplicité ... ", il propose les espèces de quantité, parmi lesquelles
il y en a deux premières: le multiple ou la pluralité et la grandeur ou la
mesure. La multiplicité a raison de quantité, en tant qu'elle est nombrable;
la grandeur, en tant que mesurable. La mensuration en effet appartient
proprement à la quantité. La multiplicité se définit ainsi: ce qu’est
divisible en puissance en parties non continues. La grandeur est ce qui est
divisible en parties continues. Cette dernière division se dit de trois
manières: ce qui donne trois espèces de grandeur. Si le divisible en parties
continues l'est selon une seule dimension, nous aurons la longueur. S'il
l'est selon deux dimensions, nous aurons la largeur; si selon trois, la
profondeur. On peut ajouter que lorsque la pluralité ou la multiplicité est
finie, on l'appelle nombre. La longueur finie est la ligne; la largeur finie,
la superficie; la profondeur finie, le corps. S'il y avait une pluralité
infinie, elle ne serait pas un nombre, parce que ce qui est infini n’est pas
nombrable. Pareillement, si la longueur était infinie, elle ne serait pas une
ligne. La ligne en effet est une longueur mesurable. C'est pourquoi on pose
dans la raison de la ligne que ses deux extrémités sont des points. La même
chose se dit de la superficie et du corps. |
En deuxième, où il dit : La
quantité est un nombre, etc., il présente les espèces de quantité, dont
deux sont principales : le multiple ou pluralité, et la grandeur ou
mesure. Les deux ont raison de quantité : le multiple en tant que
nombrable, la grandeur en tant que mesurable. L’acte de mesurer, en effet,
appartient proprement à la quantité. Le multiple se définit ainsi : ce
qui est divisible en puissance en parties non continues. La grandeur est ce
qui est divisible en parties continues, et cela se produit de trois manières,
auxquelles correspondent trois espèces de grandeur. En effet, si l’être est
divisible en parties continues selon une seule dimension, on a la longueur;
s’il l’est selon deux dimensions, on a la largeur; s’il l’est selon trois
dimensions, on a la profondeur. De plus, lorsque la pluralité ou la
multiplicité est finie, on l’appelle nombre. La longueur finie est appelée
ligne; la largeur finie, le corps[109]. S’il y avait une pluralité
infinie, elle ne serait pas un nombre, parce que ce qui est infini n’est pas
nombrable. Pareillement, si la longueur était infinie, elle ne serait pas une
ligne. La ligne, en effet, est une longueur mesurable. C'est pourquoi on pose
dans la notion de la ligne que ses deux extrémités sont des points. La même
chose se dit de la surface et du corps. |
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[82544]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 15 n. 3 Tertio ibi, amplius autem distinguit modos quantitatis;
et circa hoc tria facit. Primo distinguit quantum in id quod est quantum per
se, sicut linea, et in id quod est quantum per accidens, sicut musicum. |
En troisième, où il dit :
"En outre ... ", il distingue les sens de la quantité. Ce qu'il élabore
en trois points. En premier, il distingue la quantité en ce qui est quantité
par soi, comme la ligne, et en ce qui est quantité par accident, comme le
musicien. |
En troisième, où il dit : De plus, il y a des quantités, etc., il distingue les sens de la quantité. Il le fait en trois points. En premier, il distingue la quantité en ce qui est quantité en soi, comme la ligne, et ce qui est quantité par accident, comme la musicalité. |
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[82545] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 15 n. 4 Secundo ibi, eorum vero distinguit quantum per se;
quod quidem duplex est. Quaedam enim significantur per modum substantiae et
subiecti, sicut linea, vel superficies, vel numerus. Quodlibet enim istorum
substantialiter est quantum, quia in definitione cuiuslibet ponitur
quantitas. Nam linea est quantitas continua secundum longitudinem
divisibilis, finita: et similiter est de aliis. |
En second, où il dit: "Parmi
les ... ", il distingue la quantité par soi qui est double. Certaines
quantités sont signifiées à la manière d'une substance et d’un sujet, comme
la ligne, la superficie, le nombre. Tout ce qu'on vient d’énumérer est
substantiellement quantité, car la quantité entre dans leur définition. La
ligne est la quantité continue, finie, divisible selon la longueur. Les autres
se définissent de la même façon. |
En second, où il dit : Parmi
les quantités en soi, etc., il distingue la quantité en soi, qui est de
deux sortes. Certaines quantités sont signifiées à la manière d’une substance
et d’un sujet, comme la ligne, la surface ou le nombre, dont chacun est
substantiellement une quantité, car la quantité entre dans leur
définition : la ligne est la quantité continue, divisible selon la longueur et finie; les
autres se définissent de la même façon. |
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[82546]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 15 n. 5 Quaedam vero per se pertinent ad genus quantitatis,
et significantur per modum habitus vel passionis talis substantiae, scilicet
lineae, quae est substantialiter quantitas, vel aliarum similium quantitatum:
sicut multum et paucum significantur ut passiones numeri: et productum et
breve, ut passiones lineae: et latum et strictum, ut passiones superficiei:
et profundum et humile sive altum, ut passiones corporis: et similiter grave
et leve, secundum opinionem illorum, qui dicebant multitudinem superficierum
vel atomorum esse causam gravitatis in corporibus, paucitatem vero eorumdem,
causam levitatis. Sed secundum veritatem grave et leve non pertinent ad
quantitatem, sed ad qualitatem, ut infra ponet. Et similiter est de aliis
talibus. |
D'autres quantités appartiennent
de soi au genre quantité et sont signifiées à la manière de la possession ou
de la propriété d’une telle substance à s avoir la ligne, qui est
essentiellement quantité. Ou encore comme possession ou propriété des autres
quantités, du même genre. Ainsi le beaucoup et le peu sont signifiés comme
propriété du nombre; le long et le court comme déterminations de la ligne; le
large et l'étroit, comme propriétés de la superficie; le haut et le profond
(le bas), comme états du corps. Même le lourd et le léger signifient des
propriétés quantitatives, d’après l'opinion de ceux qui disaient que la
multitude des superficies ou des atomes était cause de la pesanteur dans les
corps, alors que leur petit nombre causait la légèreté. Le lourd et le léger
cependant n'appartiennent pas véritablement à la quantité, mais à la qualité,
comme il apparaîtra plus loin. Ainsi en est-il des autres cas semblables. |
D’autres quantités appartiennent de soi au genre de la quantité et
sont signifiées à la manière de l’état ou de la propriété de la substance de ce genre, à savoir
la ligne, qui est essentiellement quantité, ou des autres quantités
semblables. Ainsi, le beaucoup et le peu désignent des propriétés du nombre;
le long et le court, des propriétés de la ligne; le large et l’étroit, des
propriétés de la surface; le profond et le bas ou le haut, des propriétés du
corps; il en va de même pour le lourd et le léger, d’après l’opinion de ceux
qui disaient que la multitude des surfaces ou des atomes était cause de la
pesanteur des corps, alors que leur petit nombre causait la légèreté. Le
lourd et le léger, cependant, n’appartiennent pas véritablement à la
quantité, mais à la qualité, comme il apparaîtra plus loin. Ainsi en est-il
des autres cas semblables. |
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[82547] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 15 n. 6 Quaedam etiam sunt, quae communiter cuiuslibet
quantitatis continuae passiones sunt, sicut magnum et parvum, maius et minus;
sive haec dicantur secundum se, idest absolute, sive dicantur ad
invicem, sicut aliquid dicitur magnum et parvum respective, sicut in
praedicamentis habetur. Ista autem nomina, quae significant passiones
quantitatis per se, transferuntur etiam ad alia quam ad quantitates. Dicitur
enim albedo magna et parva, et alia huiusmodi. |
Il y a des propriétés qui
appartiennent communément à toute quantité continue, comme le grand et le
petit, le plus et le moins, considérés de façon absolue, en eux-mêmes, ou
considérés dans leurs relations mutuelles, comme lorsqu’on dit que quelque
chose est respectivement grand et petit. C'est ainsi qu’on en parle dans les Prédicaments. Ces noms qui
signifient les propriétés de la quantité par soi sont aussi appliqués, par
extension, à d'autres objets eue les quantités. On dit en effet que la
blancheur est grande et petite, etc. |
Il y a des propriétés qui appartiennent communément à toute quantité
continue, comme le grand et le petit, le plus et le moins, qu’ils soient
considérés en eux-mêmes, c'est-à-dire
de façon absolue, ou dans leurs rapports réciproques, comme
lorsqu’on dit que quelque chose est grand et petit l’un par rapport à
l’autre, comme on le voit dans les Catégories.
Mais ces noms, qui signifient les propriétés de la quantité en soi, sont
aussi appliqués, par extension, à autre chose que les quantités. On dit en
effet que la blancheur est grande et petite, et ainsi de suite. |
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[82548]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 15 n. 7 Sciendum autem est, quod quantitas inter alia accidentia
propinquior est substantiae. Unde quidam quantitates esse substantias putant,
scilicet lineam et numerum et superficiem et corpus. Nam sola quantitas habet
divisionem in partes proprias post substantiam. Albedo enim non potest
dividi, et per consequens nec intelligitur individuare nisi per subiectum. Et
inde est, quod in solo quantitatis genere aliqua significantur ut subiecta,
alia ut passiones. |
Il faut savoir que la quantité
est, de tous les accidents, le plus proche de la substance. C’est pourquoi
plusieurs pensent que les quantités sont des substances, telle la ligne, le
nombre, la superficie, et le corps. Seule la quantité, en effet, après la
substance, peut être divisée en parties propres. La blancheur ne peut être
divisée et, par conséquent, on comprend qu’elle ne peut être individuée que
par un sujet. De la vient d’ailleurs que c'est uniquement dans le genre
quantité que certaines choses sont signifiées à la manière d'un sujet et
d’autres comme propriétés. |
Or, il faut savoir que la quantité est, de tous les accidents, le plus proche de la substance. C’est pourquoi certains pensent que les quantités, à savoir la ligne, le nombre, la surface et le corps, sont des substances. Seule la quantité, en effet, après la substance, peut être divisée en parties propres. En effet, la blancheur ne peut être divisée et, par conséquent, on comprend qu’elle ne peut être individuée que par un sujet. Et c’est pourquoi le genre de la quantité est le seul où certaines choses sont désignées comme sujets et d’autres comme propriétés. |
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[82549] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 15 n. 8 Tertio ibi, secundum accidens distinguit modos
quantitatis per accidens: et ponit duos modos quantitatis per accidens:
quorum unus est secundum quod aliqua dicuntur quanta per accidens ex hoc
solo, quod sunt accidentia alicuius quanti, sicut album et musicum per hoc
quod sunt accidentia alicuius subiecti, quod est quantum. |
En troisième, où il dit : "La
quantité par accident ... ", il distingue les sens de la quantité par accident.
Il en propose deux sens. Le premier sens est celui selon lequel on dit qu’une
chose est quantité par accident du seul fait qu’elle est un accident d’un
sujet quantifié. Ainsi le blanc et le musicien sont des quantités, du fait
qu'ils sont des accidents d'un sujet, qui est quantifié. |
En troisième, où il dit : Quant
aux quantités qui, etc., il distingue les sens de la quantité par
accident. Il en propose deux sens. Le premier est celui selon lequel on dit
qu’une chose est appelée quantité par accident du seul fait qu’elle est un
accident d’un sujet ayant une quantité : ainsi, le blanc et le musicien
sont des quantités, du fait qu’ils sont des accidents d'un sujet ayant une
quantité. |
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[82550] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 15 n. 9 Alio modo dicuntur aliqua quanta per accidens non
ratione subiecti, in quo sunt, sed eo quod dividuntur secundum quantitatem ad
divisionem alicuius quantitatis; sicut motus et tempus, quae dicuntur quaedam
quanta et continua, propterea quod ea, quorum sunt, sunt divisibilia, et ipsa
dividuntur ad divisionem eorum. Tempus enim est divisibile et continuum
propter motum; motus autem propter magnitudinem; non quidem propter
magnitudinem eius quod movetur, sed propter magnitudinem eius in quo aliquid
movetur. Ex eo enim quod illa magnitudo est quanta, et motus est quantus. Et
propter hoc quod motus est quantus, sequitur tempus esse quantum. Unde haec
non solum per accidens quantitates dici possunt, sed magis per posterius,
inquantum quantitatis divisionem ab aliquo priori sortiuntur. |
L’autre sens selon lequel on
attribue la quantité par accident à certains objets ne se prend pas en raison
du sujet dans lequel ils sont, mais parce qu'ils reçoivent une division
quantitative conformément à la division d’une certaine quantité. Ainsi en
est-il du mouvement et du temps, qui sont dits quantités et continus parce
que les êtres qu'ils concernent sont divisibles et eux-mêmes sont divisés
conformément à la division de ces êtres. Le temps en effet est divisible et
continu à cause du mouvement; le mouvement, lui, à cause de la grandeur, pas
de la grandeur du mobile, mais de la grandeur de ce en quoi se meut le
mobile. Du fait que cette grandeur est une quantité, le mouvement lui-même
est une quantité. Et parce que le mouvement est une quantité, le temps est
une quantité. C'est pourquoi ces derniers peuvent être dits quantités non
seulement par accident, mais analogiquement, en tant qu'ils partagent la
division quantitative grâce à quelque chose qui leur est antérieur. |
De l’autre façon, on attribue la quantité par accident à certains
objets non en raison du sujet dans lequel ils sont, mais parce qu'ils
reçoivent une division quantitative du fait de la division d’une certaine
quantité. Ainsi en est-il du mouvement et du temps, auxquels on attribue
quantité et continuité parce que les êtres qui ont ces attributs sont
divisibles. et ces derniers sont effectivement divisés selon la division de
ces êtres. Le temps en effet est divisible et continu à cause du mouvement;
le mouvement, lui, l’est à cause de la grandeur : pas celle du mobile,
mais celle du lieu où se meut le mobile. Du fait que cette grandeur est une
quantité, le mouvement lui-même a une quantité. Et parce que le mouvement a
une quantité, le temps a une quantité. C’est pourquoi ces derniers peuvent
être dits quantités non seulement par accident, plutôt par voie de
conséquence, en tant qu’ils participent de la division quantitative du fait
de quelque chose d’antérieur. |
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[82551] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 15 n. 10 Sciendum est autem, quod philosophus in
praedicamentis posuit tempus quantitatem per se, cum hic ponat ipsum
quantitatem per accidens; quia ibi distinxit species quantitatis secundum
diversas rationes mensurae. Aliam enim rationem mensurae habet tempus, quod
est mensura extrinseca, et magnitudo, quae est mensura intrinseca. Et ideo
ponitur ibi ut alia species quantitatis. Hic autem considerat species
quantitatis quantum ad ipsum esse quantitatis. Et ideo illa, quae non habent
esse quantitatis nisi ex alio, non ponit hic species quantitatis, sed
quantitates per accidens, ut motum et tempus. Motus autem non habet aliam
rationem mensurae quam tempus et magnitudo. Et ideo nec hic nec ibi ponitur
quantitatis species. Locus autem ponitur ibi species quantitatis, non hic,
quia habet aliam rationem mensurae, sed non aliud esse quantitatis. |
Il faut savoir cependant que, dans
les Prédicaments, le Philosophe
pose le temps comme quantité par soi, alors qu’ici il le pose comme quantité
par accident. La raison on est que, dans les
Prédicaments, il distingue les espèces de quantité selon les différentes
raisons de mesure. Or le temps a une autre raison de mesure, qui est d'être
mesure extrinsèque, que celle de le grandeur, qui est une mesure,
intrinsèque. C'est pourquoi, dans les
Prédicaments, il situe le terme comme une autre espèce de quantité. Ici
il considère les espèces de quantité d'après l'existence (l'être) même de la
quantité. C'est pourquoi il ne pose pas ici comme espèces de quantité les
choses qui ne reçoivent l'existence de la quantité que par un autre. Il les
appelle quantités par accident, comme le temps et le mouvement. Le mouvement
cependant n'a pas d'autre raison de mesure que celle du temps et de la
grandeur. C'est pourquoi, ni dans les
Prédicaments, ni ici, il n’en fait une espèce de quantité. Quant au lieu,
dans l’autre livre, il en fait une espèce de quantité, parce qu'il possède
une autre raison de mesure; ce qu’il ne fait pas ici, parce qu'il n’établit
pas une nouvelle existence de la quantité. |
Il faut savoir cependant que, dans les Catégories, le Philosophe présente le temps comme quantité par soi, alors qu’ici il le présente comme quantité par accident. C’est que, dans les Catégories, il distingue les espèces de quantité selon les diverses relations de mesure. Or, le temps a une autre relation de mesure, celle d’une mesure extrinsèque, que la grandeur, qui est une mesure intrinsèque. C’est pourquoi, dans les Catégories, il présente le temps comme une autre espèce de quantité. Mais ici, il considère les espèces de quantité d’après l’essence même de la quantité. C’est pourquoi il présente ici les choses qui ne tiennent leur être quantitatif que par un autre non pas comme des espèces de la quantité, mais comme des quantités par accident, comme le mouvement et le temps. Or, le mouvement n’a pas d’autre étalon de mesure que celui du temps et de la grandeur. C’est pourquoi, ni dans les Catégories, ni ici, il n’en fait une espèce de quantité. Quant au lieu, il en fait une espèce de la quantité dans l’autre livre mais non ici, parce qu’il possède une autre relation de mesure mais non un être quantitatif différent. |
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Leçon 16, Texte d’Aristote
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Leçon 16, Texte d’Aristote, traduit
par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Qualité La qualité se dit, en un premier
sens, de la différence de la substance, par exemple, l'homme est un animal
d'une certaine qualité, parce qu'il est bipède, le cheval a pour qualité d'être
quadrupède, le cercle est une figure qui a pour qualité d’être sans angle,
toutes choses qui montrent que la différence selon la substance est bien une
qualité.tel est le premier sens de qualité : la différence de la substance.
-- En un autre sens, la qualité se dit des choses mathématiques immobiles;
c'est le sens dans lequel les nombres ont une certaine qualité: ce sont, par
exemple, les nombres composés, autrement dit, non pas les nombres à une seule
dimension, mais ceux dont la surface et le solide sont une copie (ce sont
respectivement les nombres qui sont les produits de deux facteurs, et ceux
qui sont les produits de trois facteurs); et, en général, ce qui, dans
l'essence du nombre, est en dehors de la quantité, est qualité, car la
substance Je chaque nombre est ce qu'il est une fois: six, par exemple, n'est
pas deux fois ou trois fois un nombre, mais une fois, car six est une fois
six. La qualité se dit encore des
propriétés des substances en mouvement, comme la chaleur et la froidure, la
blancheur et la noirceur, la pesanteur et la légèreté, et autres
déterminations de ce genre, d'après lesquelles, quand elles changent, les
corps aussi sont dits subir une altération. -- Enfin, à cette dernière sorte
de qualité se rapportent la vertu et le vice, et, en génél'3l, le bien et le
mal. On pourrait donc, sans doute,
ramener les différents sens de la qualité à deux principaux, dont l'un est le
sens fondamental. La qualité première, en effet, est la différence de la
substance, et la qualité dans les nombres en est une variété, car c'est une
différence de substances, mais de substances ou bien non mobiles, ou bien non
prises en tant que mobiles. Le second sens embrasse les déterminations des
êtres mobiles en tant que mobiles, et les différences des mouvements. La
vertu et le vice font, en quelque manière, partie de ces derniers modes, car
ils manifestent des différences de mouvement et d'activité d'après lesquelles
les êtres en mouvement agissent ou pâtissent bien ou mal: en effet, ce qui
peut être mû, ou agir, de telle manière, est bon, et ce qui peut être mû, ou
agir, de telle autre manière, d'une manière contraire, est mauvais. C’est
surtout dans les êtres animés que le bien et le mal expriment la qualité, et,
parmi ces êtres, principalement dans ceux qui sont doués du libre choix. |
Qualité. Le mot Qualité, en un premier sens, indique la différence essentielle. Par exemple, l’homme est un animal doué d’une certaine qualité ; il est bipède, tandis que le cheval est quadrupède. Le cercle est une figure géométrique qui a une qualité particulière, celle de n’a voir point d’angle ; et c’est là la différence essentielle qui constitue sa qualité. Ainsi, dans ce premier sens, la qualité peut être définie la différence essentielle. En un autre sens, le mot Qualité s’applique aux êtres immobiles, aux êtres mathématiques ; et c’est de cette façon que les nombres peuvent avoir certaine Qualité. Tels sont, par exemple, les nombres multiples, ceux qui ne sont pas pris une seule et unique fois, mais qui ont quelque chose de la surface et du solide, comme sont les nombres multipliés une fois, ou deux fois, par eux-mêmes. La Qualité représente, en ce sens, ce qui subsiste dans l’essence du nombre après la quantité ; car l’essence de chaque nombre, c’est de n’être pris qu’une seule fois en lui-même. Soit, si l’on veut, le nombre six ; son essence n’est pas d’être pris deux fois, trois fois ; mais c’est d’être pris une seule fois ; six est une seule et unique fois six. On entend, en un second sens, par Qualités les modifications des substances mises en mouvement : je veux dire, la chaleur, le froid, la blancheur, la noirceur, la légèreté et la pesanteur, et toutes ces variations qui font qu’on peut dire des corps, qui changent, qu’ils deviennent autres qu’ils n’étaient. La Qualité s’entend encore de la vertu et du vice, et, d’une manière plus générale, du bien et du mal. Voilà donc, on peut dire, deux sens du mot Qualité ; et l’un de ces sens est le principal : la Qualité, dans son acception primordiale, est la différence de la substance. La Qualité, dans les nombres, fait partie aussi de la qualité ainsi entendue ; car là encore, c’est une sorte de différence des substances ; seulement, ce sont des substances qui ne se meuvent pas, ou qui du moins sont considérées en tant qu’elles ne sont pas mues. Dans le second sens, le mot Qualité exprime les modifications des choses qui se meuvent, en tant qu’elles se meuvent, et aussi, les différences des mouvements. La vertu et le vice peuvent également être rangés parmi les modifications de ce genre ; car le vice et la vertu expriment des différences de mouvement et d’action, qui indiquent que les êtres en mouvement font, ou souffrent, le bien ou le mal. En effet, ce qui peut être mû ou agir de telle manière est bon ; ce qui agit de telle autre façon, et d’une façon contraire, est mauvais. D’ailleurs, ce sont surtout le bien ou le mal qui déterminent la Qualité dans les êtres animés, et, parmi ces êtres, dans ceux-là principalement qui sont doués de libre arbitre. |
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Lectio 16 |
Leçon 16, Commentaire de
saint Thomas [Qualité] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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Leçon
16, Commentaire de saint Thomas [Qualité] (Traduction Abbé Dandenault, v.
1960) |
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[82552] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 1 Hic distinguit modos qualitatis: et circa hoc duo
facit. Primo ponit quatuor modos qualitatis. Secundo reducit eos ad duos,
ibi, fere vero secundum duos modos. Dicit ergo primo, quod unus modus
qualitatis est secundum quod qualitas dicitur differentia substantiae,
idest differentia, per quam aliquid ab altero substantialiter differt, quae
intrat in definitionem substantiae. Et propter hoc dicitur, quod differentia
praedicatur in quale quid. Ut si quaeratur, quale animal est homo?
Respondemus quod bipes: et quale animal equus? Respondemus quod quadrupes: et
qualis figura est circulus? Respondemus quod agonion, id est sine
angulo; ac si ipsa differentia substantiae qualitas sit. Uno igitur modo ipsa
differentia substantiae qualitas dicitur. |
Il distingue ici les différents
sens de la qualité. Ce qu’il fait en deux points: il établit, en premier,
quatre sens du mot qualité; en second, il les réduit à deux, où il dit:
"On pourrait donc, etc." Il dit donc tout d’abord que la qualité se
dit de la différence de la substance, c’est-à-dire de la différence par
laquelle quelque chose diffère substantiellement d’une autre, de la
différence qui fait partie de la définition de la substance. C’est pourquoi
il dit que la différance s’attribue comme "quale quid", comme qualificatif substantiel. Si par exemple,
on demande: quel animal est l'homme? Nous répondons qu'il est bipède. Quel
animal est le cheval? Nous répondons qu’il est quadrupède. Quelle figure est
le cercle? Nous répondons une figure sans angle, comme si la différence de la
substance était une qualité. La qualité se dit donc d'une certaine manière de
la différence de la substance. |
Il distingue ici les sens de la qualité. Il le fait en deux
points : il établit, en premier, quatre sens du mot « qualité »;
en second, il les réduit à deux, où il dit : Voilà donc, on peut dire, etc. Il dit donc d’abord qu’un sens de
la qualité est celui où elle est appelée différence
de la substance, c’est-à-dire différence par laquelle une chose diffère
substantiellement d’une autre et qui fait partie de la définition de la
substance. C’est pourquoi on dit que la différence est l’attribut de la
question « lequel? » Si par exemple on demande : Quel animal
est homme? Nous répondons que c’est le bipède. Quel animal est le cheval?
Nous répondons que c’est le quadrupède. Quelle figure est le cercle? Nous
répondons : une figure agone, c'est-à-dire
sans angle, comme si la différence même de la substance était une qualité. La
qualité se dit donc en un certain sens de la différence de la substance. |
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[82553]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 2 Hunc autem modum qualitatis Aristoteles in
praedicamentis praetermisit, quia non continetur sub praedicamento
qualitatis, de quo ibi agebat. Hic autem agit de significationibus huius
nominis, qualitas. |
Aristote ne fait pas mention de ce
sens de la qualité dans les
Prédicaments, parce qu'il n'est pas contenu sous le prédicament qualité,
dont il était question à cet endroit. Ici, il s'agit de distinguer les
significations du mot qualité. |
Aristote ne fait pas mention de ce sens de la qualité dans les Catégories, parce qu’il n'est pas
contenu sous le prédicament qualité, dont il était question à cet endroit.
Ici, il s’agit de distinguer les significations du mot « qualité ». |
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[82554] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 3 Secundum ponit ibi, alio vero dicit, quod alius
modus qualitatis vel qualis est secundum quod immobilia et mathematica
dicuntur qualia. Mathematica enim
abstrahunt a motu, ut in sexto huius dicetur. Mathematica enim sunt numeri, et magnitudines; et in
utrisque utimur nomine qualis. Dicimus enim superficies esse quales,
inquantum sunt quadratae vel triangulares. Et similiter numeri dicuntur
quales, inquantum sunt compositi. Dicuntur autem numeri compositi, qui
communicant in aliquo numero mensurante eos; sicut senarius numerus et
novenarius mensurantur ternario, et non solum ad unitatem comparationem
habent, sicut ad mensuram communem. Numeri autem incompositi, vel primi in
sua proportione dicuntur, quos non mensurat alius numerus communis, nisi sola
unitas. |
Il donne le second sens, où il
dit: "En un autre... ", il dit qu'un autre sens de la qualité est
celui selon lequel on dit que les choses mathématiques ou immobiles sont des
qualités. Les mathématiques en effet font abstraction du mouvement, comme on
le dira dans le sixième livre. Or les mathématiques sont les nombres et les
grandeurs: et, dans chaque cas, on se sert du mot qualité. On dit en effet
que les superficies sont des qualités, en tant qu’elles sont carrées ou
triangulaires. Ce qu’on dit pareillement du nombre, en tant qu’il est
composé. On appelle nombre composé ceux qui communiquent dans un certain
nombre qui les mesure (qui ont un commun dénominateur) : ainsi les
nombres six et neuf sont mesurés par le nombre trois et ne sont pas mesurés
uniquement par l’unité, qui est la mesure commune à tout nombre. On appelle
nombres non-composés, ou nombres premiers dans leur rapport, ceux qui ne sont
pas mesurés par un autre nombre commun, mais uniquement par l'unité. |
Il donne le deuxième sens où il dit : En un autre sens, etc., en disant qu’un autre sens de la qualité
est celui où on dit que les êtres immobiles ou mathématiques sont des
qualités. Les mathématiques en effet font abstraction du mouvement, comme on
le dira au livre VI. Ils sont en effet des nombres et des grandeurs, et pour
les deux, on se sert du mot « qualité ». On dit en effet que les
surfaces ont des qualités, en tant qu’elles sont carrées ou triangulaires. On
dit pareillement que les nombres ont des qualités, en tant qu’ils sont
composés. On appelle nombres composés ceux qui se rejoignent en un certain
nombre qui les mesure; ainsi, les nombres 6 et 9 sont mesurés par le nombre 3
et ne n’ont pas seulement le nombre 1 comme mesure commune. On appelle
nombres non composés, ou nombres premiers dans leur proportion, ceux qui ne
sont pas mesurés par un autre nombre commun, mais uniquement par l’unité[110]. |
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[82555]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 4 Dicuntur etiam numeri quales ad similitudinem
superficiei et solidi, idest corporis. Secundum quidem imitationem
superficiei, inquantum numerus ducitur in numerum, vel eumdem vel alium; ut
cum dicitur bis tria, vel ter tria. Et hoc est quod dicit quoties quanti.
Nam designatur quasi una dimensio in hoc quod dicitur tria, quasi vero
secunda dimensio, hoc quod dicitur bis tria, vel etiam ter tria. |
Ces numéros ont
trait aux nombres figurés, à la multiplication des nombres… Ils soulignent
aussi que les mots mathématiques qui signifient des qualités sont ceux qui se
rapportent aux mots qui signifient la quantité à la manière d’une substance,
etc. |
On dit aussi que les nombres ont des qualités à la ressemblance d’une surface et d’un solide, c'est-à-dire d’un corps. À l’imitation d’une surface, on le dit en tant qu’un nombre est composé par un autre, identique ou différent, comme quand on dit 2 fois 3, ou 3 fois 3. Et c’est ce qu’on appelle tant fois tant. En effet, on désigne en quelque sorte une dimension en disant 3, et une deuxième dimension en disant 2 fois 3 ou encore 3 fois 3. |
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[82556] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 5 Ad imitationem vero solidi, quando est duplex
ductus, vel eiusdem numeri in seipsum, vel diversorum numerorum in unum, ut
cum dicitur ter tria ter, vel bis tria bis, vel bis tria quater. Et hoc est
quod dicit quoties quot quanti. Sic enim considerantur in numero quasi
tres dimensiones ad modum solidi. In hac autem numerorum ordinatione, aliquid
consideratur per modum substantiae; sicut hoc quod dico tria, vel quicumque
numerus qui in alium ducitur. Aliquid vero per modum quantitatis; sicut ipse
ductus unius numeri in alterum, vel in se ipsum; ut cum dico bis tria,
binarius significatur per modum quantitatis mensurantis, ternarius vero per
modum substantiae. Id ergo, quod existit in substantia numeri praeter ipsam
quantitatem, quae est numeri substantia, dicitur qualitas eius, ut hoc quod
significatur per hoc quod dicitur bis vel ter. |
|
À l’imitation d’un solide, on le dit quand on compose deux fois, soit le même nombre par lui-même, soit des nombres différents par un nombre, comme quand on dit 3 fois 3 fois 3, ou 2 fois 3 fois 2, ou 2 fois 3 fois 4. Et c'est ce que veut dire tant fois tant fois tant. Ainsi en effet, on considère dans le nombre en quelque sorte trois dimensions à la manière d’un solide. Mais dans cet arrangement des nombres, il y a quelque chose qui est considéré à la manière d’une substance, comme le nombre 3 ou tout nombre composé par un autre. Quelque chose d’autre est considéré à la manière d’une quantité, comme la composition même d’un nombre avec un autre ou avec lui-même; ainsi, quand je dis 2 fois 3, le 2 est signifié à la manière d’une quantité mesurante, et le 3 à la manière d’une substance. Donc, ce qui existe dans la substance du nombre en plus de la quantité même, qui est la substance du nombre, est dit être sa qualité, en tant que ce qui est signifié quand on dit 2 fois 3. |
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[82557]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 6 Alia litera habet secundum quantitatem; et
tunc substantia numeri dicitur ipse numerus simpliciter prolatus, ut quod
dico tria. Quantitas autem
secundum quam attenditur eius qualitas, dicitur ipsa multiplicatio numeri in
numerum. Et huic concordat litera sequens, quae dicit, quod substantia
cuiuslibet numeri est id quod semel dicitur. Sicut substantia senarii est
quod dicitur semel sex, non quod dicitur bis tria, vel ter duo: sed hoc
pertinet ad eius qualitatem. Dicere enim numerum esse superficialem vel
solidum sive quadratum, sive cubicum, significat eum esse qualem. Hic autem
modus qualitatis est quarta species in praedicamentis posita. |
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Une autre version dit selon la
quantité, et alors, on dit que la substance du nombre est le nombre
lui-même présenté simplement, par exemple 3. Ce qu’on appelle la quantité
selon laquelle on considère sa qualité, c’est la multiplication d’un chiffre
par un chiffre. Et la suite du texte concorde avec cette idée quand elle dit
que la substance de tout nombre est le nombre dit une fois. Ainsi, la
substance du nombre 6 est dite être une fois 6, et non 2 fois 3 ou 3 fois 2;
cela appartient plutôt à sa qualité. En effet, dire qu’un nombre représente
une sufrace ou un solide, qu’il est carré ou cubique, signifie qu’il a une
qualité. Or, ce sens de la qualité est la quatrième espèce énoncée dans les Catégories. |
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[82558] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 7 Tertio ponit ibi, amplius quaecumque dicit, quod
etiam qualitates dicuntur passiones substantiarum mobilium, secundum quas
corpora per alterationem mutantur, ut calidum, frigidum, et huiusmodi. Et hic
modus pertinet ad tertiam speciem qualitatis in praedicamentis positam. |
Il donne le troisième sens du mot
qualité, où il dit : "La qualité ... ". Sont aussi dites qualités
les passions des substances mobiles, selon lesquelles les corps changent par
altération, comme le chaud, le froid, et ainsi de suite. Ce sens correspond à
la troisième espèce de qualité posée dans les
Prédicaments. |
Il donne le troisième sens où
il dit : On entend, en un second sens,
etc. Il dit qu’on appelle également qualités les modifications des substances
mobiles, selon lesquelles les corps changent par altération, comme le chaud,
le froid, et ainsi de suite. Ce sens correspond à la troisième espèce de
qualité posée dans les Catégories. |
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[82559]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 8 Quartum ponit ibi, amplius secundum dicit quod qualitas
sive quale dicitur quarto modo secundum quod aliquid disponitur per virtutem
et vitium, vel qualitercumque per bonum et malum, sicut per scientiam et
ignorantiam, sanitatem et aegritudinem, et huiusmodi. Et haec est prima
species qualitatis in praedicamentis posita. |
Il donne le quatrième sens où il
dit : "Enfin ... ". Il dit que la qualité se dit aussi de ce que
quelque chose est disposé par la vertu ou par le vice; ou disposé de quelque
façon par le bien ou le mal, comme par la science et l'ignorance, la santé et
la maladie. La qualité se dit de toutes les dispositions de la sorte. Et ceci
est la première espèce de qualité posée dans les Prédicaments. |
Il donne le quatrième sens où il dit : La Qualité s’entend encore, etc. Il dit que la qualité ou le
« quel » se dit aussi de ce que quelque chose est disposé par la
vertu ou par le vice, ou de quelque façon par le bien ou le mal, par exemple
par la science et l’ignorance, la santé et la maladie. Et c’est la première
espèce de qualité énoncée dans les Catégories. |
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[82560] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 9 Praetermittit autem inter hos modos secundam
qualitatis speciem, quia magis comprehenditur sub potentia, cum non
significetur nisi ut principium passioni resistens; sed propter modum denominandi
ponitur in praedicamentis inter species qualitatis. Secundum autem modum
essendi magis continetur sub potentia, sicut et supra posuit. |
Il omet, dans les modes énumérés,
la seconde espèce de qualité parce qu’elle appartient davantage à la puissance,
puisqu’elle n’est signifiée que comme principe qui résiste à la passion. Mais
à cause du mode de dénommer, elle était posée parmi les qualités, dans les Prédicaments. Selon le mode d'être
cependant elle appartient davantage à la puissance, où il l’a situe plus haut
(en traitant de la puissance et de l'impuissance). |
Il omet, dans les modes énumérés, la deuxième espèce de qualité parce
qu’elle appartient davantage à la puissance, puisqu’elle n’est signifiée que
comme principe qui résiste à la modification. Mais à cause de la façon de la
nommer, elle est rangée parmi les espèces de qualité dans les Catégories. Selon son mode d’être,
cependant, elle appartient davantage à la puissance, comme il l’a affirmé
plus haut. |
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[82561]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 10 Deinde cum dicit fere vero reducit quatuor positos
modos ad duos; dicens, quod quale dicitur aliquid fere secundum duos modos,
inquantum alii duo de quatuor reducuntur ad alios duos. Horum autem unus
principalissimus est primus modus, secundum quem differentia substantiae
dicitur qualitas, quia per eum aliquid significatur informatum et
qualificatum. |
Ensuite, où il dit: "On
pourrait donc ... ", il réduit les quatre sens à deux, en disant que la
qualité se dit presque de deux manières seulement, en tant que deux des sens
se ramènent aux deux autres. Le sens tout à fait premier est le premier sens
où l’on dit que la différence de la substance est une qualité, parce que
d'après ce sens on signifie que quelque chose est informé et qualifié. |
Ensuite, où il dit : Voilà
donc, on peut dire, etc., il réduit les quatre sens énoncés à deux, en
disant que la qualité se dit à peu près de deux manières seulement, en tant
que deux des quatre sens se ramènent aux deux autres. Le sens primordial est
le premier sens selon lequel la différence de la substance est appelée
qualité, parce que d’après ce sens, on signifie que quelque chose est informé
et qualifié. |
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[82562] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 11 Et ad hunc modum reducitur qualitas, quae est in
numeris, et in mathematicis aliis, sicut quaedam pars. Huiusmodi enim
qualitates sunt quasi quaedam differentiae substantiales mathematicorum. Nam
ipsa significantur per modum substantiae potius quam alia accidentia, ut in
capitulo de quantitate dictum est. Sunt autem huiusmodi qualitates
differentiae substantiarum aut non motarum, aut non inquantum sunt motae:
et hoc dicit, ut ostendat quantum ad propositum non differre, utrum
mathematica sint quaedam substantiae per se existentes secundum esse, ut
dicebat Plato, a motu separatae; sive sint in substantiis mobilibus secundum
esse, sed separatae secundum rationem. Primo enim modo essent qualitates non
motorum. Secundo autem, motorum, sed non inquantum sunt mota. |
A ce sens se réduit, comme en
constituant une certaine partie, la qualité qui est dans les nombres et dans
les autres choses mathématiques. Ces qualités sont quasi des différences
substantielles des entités mathématiques, ces êtres mathématiques étant signifiées
à la manière des substances plus qu'à la manière des accidents, comme on l'a
vu dans le leçon précédente. |
A ce sens se ramène, comme en constituant une partie, la qualité qui
est dans les nombres et dans les autres êtres mathématiques. Ces qualités
sont pour ainsi dire des différences substantielles des êtres mathématiques,
car ces êtres sont signifiés à la manière de substances davantage que les
autres accidents, comme on l’a vu au chapitre sur la quantité. Mais de telles
qualités sont des différences de substances qui ne se meuvent pas, ou qui du moins sont considérées en tant
qu’elles ne sont pas mues : et il dit cela pour montrer que pour ce
que nous visons, peu importe si les êtres mathématiques sont des substances
qui existent par soi dans la réalité, séparées du mouvement, comme le disait
Platon, ou si elles sont dans les substances mobiles selon leur être mais en
sont séparées en raison. En effet, de la première façon, ils seraient des
qualités de choses non mues; de la seconde, des qualités de choses mues mais
non en tant qu’elles sont mues. |
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[82563]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 12 Secundus modus principalis est, ut passiones motorum
inquantum mota, et etiam differentiae motuum dicantur qualitates. Quae quidem
dicuntur differentiae motuum, quia alterationes differunt secundum huiusmodi
qualitates, sicut calefieri et infrigidari secundum calidum et frigidum. |
Le second sens principal est celui
où les passions des mobiles, en tant même que mus, et même les différences des
mouvements, sont dites qualités. Ces passions sont dites différences des
mouvements, parce que les altérations diffèrent selon ces qualités, comme
être réchauffé et être refroidi se disent d'après le chaud et le froid. |
Le second sens principal est celui où les propriétés des choses mues
en tant que mues, ainsi que les différences des mouvements, sont appelées
qualités. Ces propriétés sont dites différences spécifiques des mouvements,
parce que les altérations diffèrent selon de telles qualités, comme être
réchauffé et être refroidi se disent d’après le chaud et le froid. |
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[82564] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 13 Et ad hunc modum reducitur ille modus secundum quem
vitium et virtus dicitur qualitas. Hic enim modus est quasi quaedam pars illius.
Virtus enim et vitium ostendunt quasdam differentias motus et actus secundum
bene et male. Nam virtus est, per quam se aliquis habet bene ad agendum et
patiendum; vitium autem secundum quod male. Et simile est de aliis habitibus,
sive intellectualibus, ut scientia, sive corporalibus, ut sanitas. |
A ce sens se réduit l'autre
d'après lequel on appelle qualité le vice et la vertu. Ce sens est comme une
partie de l'autre. La vertu et le vice démontrent les différences des
mouvements et des actes conformément au bien et au mal. La vertu en effet est
ce par quoi quelqu’un est disposé à bien agir ou à bien recevoir; le vice
porte à mal agir ou à mal recevoir. Il en est de même des autres habitus, ou
intellectuels, comme la science, ou corporels, comme la santé. |
À ce sens se ramène l’autre d’après lequel on appelle qualités le
vice et la vertu. Ce sens est comme une partie de l’autre. La vertu et le
vice manifestent en effet certaines différences des mouvements et des actes
quant au bien et au mal, car la vertu est ce par quoi quelqu’un est disposé à
bien agir et à bien subir, et le vice porte à mal agir ou à mal subir. Il en
est de même des autres habitus, soit intellectuels, comme la science, soit
corporels, comme la santé. |
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[82565] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 16 n. 14 Sed tamen bene et male maxime pertinet ad qualitatem
in rebus animatis; et praecipue in habentibus prohaeresim idest
electionem. Et hoc ideo, quia bonum habet rationem finis. Ea vero, quae agunt
per electionem, agunt propter finem. Agere autem propter finem maxime
competit rebus animatis. Res enim inanimatae agunt vel moventur propter
finem, non tamquam cognoscentes finem, neque tamquam se agentes ad finem; sed
potius ab alio diriguntur, qui eis naturalem inclinationem dedit, sicut
sagitta dirigitur in finem a sagittante. Res autem irrationales animatae cognoscunt quidem
finem et appetunt ipsum appetitu animali, et movent seipsa localiter ad finem
tamquam iudicium habentes de fine; sed appetitus finis, et eorum quae sunt
propter finem, determinatur eis ex naturali inclinatione. Propter quod sunt
magis acta quam agentia. Unde nec in eis est iudicium liberum. Rationalia
vero in quibus solum est electio, cognoscunt finem, et proportionem eorum,
quae sunt in finem ipsum. Et ideo sicut seipsa movent ad finem, ita etiam ad
appetendum finem, vel ea quae sunt propter finem, ex quo est in eis electio
libera. |
Cependant le bien et le mal
appartiennent surtout à la qualité qui existe dans les êtres animés; et,
principalement, dans ceux qui peuvent choisir. Et cela parce que le bien a
raison de fin. Et les êtres qui agissent par élection agissent en vue d’une
fin. Agir en vue d’une fin convient surtout aux êtres animés. Les êtres
inanimés agissent ou sont mus en vue d’une fin, non pas en connaissant la fin
ni en s'ordonnant à la fin, mais en étant plutôt ordonnés à la fin par un
autre, par celui qui leur a donné une inclination naturelle à leur fin. Comme
la flèche est dirigée à sa fin par l'archer. Les êtres animés non
raisonnables connaissent la fin et la désirent par leur appétit animal et se
meuvent localement à leur fin, parce qu'ils portent un certain jugement sur
leur fin. Mais l’appétit de la fin et des moyens est déterminé chez eux par
une inclination naturelle. Voilà pourquoi ils sont davantage patients
qu'agents. C'est pourquoi aussi ils n’ont pas un jugement libre. Les êtres
raisonnables, eux, qui seuls possèdent l'élection, connaissent la fin et les
relations entre les moyens et la fin. C'est pourquoi, comme ils se meuvent
eux-mêmes à leur fin, ainsi ils se meuvent eux-mêmes à vouloir la fin ou les
moyens qui mènent à la fin. D’où l'existence de l'élection libre chez eux. |
Pourtant, le bien et le mal appartiennent surtout à la qualité qui existe dans les êtres animés, et principalement dans ceux qui sont doués de libre arbitre, c'est-à-dire qui peuvent choisir. La raison en est que le bien a raison de fin. Or, les êtres qui agissent par choix agissent en vue d’une fin. Mais agir en vue d’une fin convient surtout aux êtres animés. En effet, les êtres inanimés agissent ou sont mus en vue d’une fin, non pas en tant qu’ils connaissent la fin ou s’y ordonnent, mais en étant plutôt dirigés à la fin par un autre, qui leur a donné une inclination naturelle à leur fin, comme la flèche est dirigée à sa fin par l’archer. Les êtres animés non raisonnables connaissent la fin et la désirent par leur appétit animal et se meuvent localement à leur fin en tant qu’ils portent un certain jugement sur leur fin, mais l’appétit de la fin et de ce qui est en vue de la fin est déterminé en eux par une inclination naturelle. Voilà pourquoi ils sont davantage patients qu’agents. C’est pourquoi aussi ils n’ont pas un jugement libre. Les êtres raisonnables, eux, qui sont seuls capables de choix, connaissent la fin et la convenance de ce qui est en vue de la fin. C’est pourquoi, comme ils se meuvent eux-mêmes vers leur fin, ils se meuvent aussi à désirer la fin ou les moyens en vue de la fin, du fait qu’ils sont doués du livre choix. |
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Leçon 17, Texte d’Aristote
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Leçon 17, Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Le Relatif Relatif se dit, d'une
part, comme le double à la moitié, le triple au tiers, et, en général, le multiple
au sous-multiple, et l'excès au défaut; d'autre part, comme ce qui peut
échauffer à ce qui peut être échauffé, ce qui peut couper à ce qui peut être
coupé, et, d'une manière générale, l'actif au passif. Le relatif est aussi
comme le mesuré à la mesure, le connaissable à la connaissance, le sensible à
la sensation. Les relations de la première
espèce sont des relations numériques, indéterminées, ou déterminées soit par
rapport aux nombres eux-mêmes, soit par rapport à l'unité. Par exemple, le
double est dans une relation numérique déterminée avec l'unité, tandis que le
multiple est dans une relation numérique avec l'unité, mais non déterminée:
ce peut être telle ou telle relation. La relation du sesquialtère au
sous-sesquialtère est une relation numérique déterminée par rapport à un
nombre; la relation du super-partiel au sous-super-partiel est indéterminée,
comme la relation du multiple l'est à l'unité. La relation de l’excès au
défaut est une relation numérique totalement indéterminée; en effet, tout
nombre entier est commensurable, mais pour les grandeurs incommensurables,
aucun nombre ne peut les exprimer: car l'excès par rapport au défaut, c'est
autant que le défaut, plus quelque chose; or ce quelque chose est
indéterminé, puisqu’il peut indifféremment se trouver ou égal, ou inégal, au
défaut. Toutes ces relations sont donc des relations numériques et des
déterminations du nombre, comme aussi; mais d'une autre manière, l'Egal, le
Semblable et le Même. En effet, il y a l’Un sous chacun de ces modes: le
Même, c'est ce dont la substance est une; le Semblable, ce dont la qualité
est une; l'Egal, ce dont la quantité est une. Or l'Un est p:rincipe et mesure
du nombre, de sorte qu’on peut dire que toutes ces locations sont des
relations numériques, bien que ce ne soit pas dans le même sens. Le relation de l'actif au passif
est relation de la puissance active à la puissance passive, et des actes de
ces puissances: par exemple, il y a relation de ce qui peut échauffer à ce
qui peut être échauffé, ce qui est relation d'êtres en puissance; il y a, à
son tour, relation de ce qui échauffe à ce qui est échauffé, de ce qui coupe
à ce qui est coupé, ce qui est relation d'êtres en acte. Les nombres, au
contraire, échappent eux relations selon l'acte, à moins qu'on ne l'entende
au sens que nous avons indiqué ailleurs, mais il s'agit alors d'actes
étrangers ou mouvement. Quant aux relations selon la puissance, il on est où
intervient aussi la notion de certaines périodes de temps: c'est, par
exemple, la relation de ce qui a fait à ce qui a été fait, de ce qui fera à
ce qui sera fait. Ainsi, le père est dit père de son fils, car, dans le
passé, l'un a fait et l'autre a subi l'action d'une certaine façon. Il y a
enfin des relations selon privation de puissance, comme l'impossible et les
autres notions de mêmes natures, l'invisible, par exemple. Toute chose dite relative
numériquement, ou selon la puissance, est donc relative en ce sens que tout
son être est proprement dans sa relation à une autre chose, et non pas en ce
sens qu'une autre chose est relative à elle; tout au contraire, le mesurable,
le connaissable, le pensable sont dits relatifs, en ce sens qu'une autre
chose est relative à eux. Le pensable signifie, en effet, que la pensée est
relative à lui, mais la pensée n'est pas relative à ce dont elle est pensée,
car ce serait répéter deux fois la même chose. De même, la vue est vue d’un
objet déterminé, non de ce dont elle est la vue (bien que, en un sens, il
soit vrai aussi de le dire), mais elle est relative à la couleur ou a quelque
autre chose de ce genre: autrement, on répéterait deux fois la même chose, à
savoir que la vue est la vue de ce dont elle est la vue. Les choses appelées relatives par
elles-mêmes le sont, tantôt comme celles dont nous venons de parler, tantôt
parce que leurs genres sont relatifs de cette manière: par exemple, la
Médecine rentre dans les relatifs, parce que son genre, la science, se range
de l'avis ordinaire, dans les relatifs. Sont encore relatifs par eux-mêmes
les attributs en vertu desquels les êtres qui les possèdent sont dits
relatifs: par exemple, l'égalité, en raison de l’égal, et la similitude, en
raison du semblable. Il y a enfin le relatif par accident : ainsi un
homme est relatif perce qu’il lui arrive accidentellement d'être double de
quelque chose, et que le double: est un relatif; le blanc peut aussi être
relatif, si le même être est, par accident, double et blanc. |
Relatifs. Par relatifs, on entend, par exemple, le double et la moitié, le triple et le tiers, et, d’une manière générale, le multiple et le multiplié, le surpassant et le surpassé. Ce sont encore des relatifs que le corps qui échauffe et le corps échauffé, le corps qui coupe et le corps qui est coupé, en un mot, ce qui agit et ce qui souffre l’action. Ce sont enfin des Relatifs que l’objet mesuré et la mesure, l’objet qui est su et la science qui le sait, l’objet qui est senti et la sensation qui le perçoit. Les premiers relatifs, énoncés plus haut, sont des Relatifs numériques, entendus soit d’une façon absolue, soit d’une façon déterminée dans les rapports des nombres entre eux, ou par rapport à une certaine unité. Ainsi, le nombre Deux rapporté à Un est un nombre défini ; mais le multiple, s’il se rapporte encore numériquement à une unité, ne se rapporte plus à un nombre défini, comme serait tel ou tel nombre spécifié. La relation de la moitié en sus à la moitié en moins, numériquement exprimée, s’applique à un nombre défini; mais, quand on parle d’une partie en sus relativement à une partie en moins, c’est tout aussi indéterminé que le double relativement à l’unité, ou que le surpassant l’est relativement au surpassé; car le nombre est commensurable, tandis que ces rapports ne se fondent pas sur un nombre commensurable. Le surpassant est d’abord le surpassé; puis, il est quelque chose de plus; et ce quelque chose d’excédant est absolument indéterminé, puisque, selon le hasard des cas, ce quelque chose peut être égal, ou peut n’être pas égal, au nombre surpassé. Ainsi donc, tous ces Relatifs, dans leur expression verbale, se rapportent au nombre et à ses modifications possibles. L’Égal, le Pareil, l’Identique, sont bien encore des Relatifs, quoique la nuance en soit autre, puisque tous ces termes se rapportent aussi à une unité. Ainsi, on appelle Identiques les êtres dont la substance est une et même substance ; on appelle Pareils, ceux qui ont une même qualité ; de même qu’on appelle Égaux ceux qui ont une même quantité. Or, c’est l’unité qui est le principe et la mesure du nombre, de telle sorte que tous ces termes sont aussi des Relatifs numériques, sans que ce soit d’ailleurs au même point de vue. Quant à tout ce qui produit une action et à tout ce qui en souffre une, ce sont encore là des Relatifs, qui se rapportent à la puissance de faire et de souffrir, et à toutes les manifestations de ces puissances. Telle est, par exemple, la relation de ce qui peut échauffer à ce qui peut être échauffé, parce qu’il y a là une certaine puissance. Telle est aussi la relation de ce qui échauffe actuellement à ce qui est actuellement échauffé ; de ce qui coupe à ce qui est actuellement coupé, parce qu’il y a là une réalité effective et actuelle. Pour les Relatifs numériques, il n’y a rien d’actuel, si ce n’est au sens que nous avons dit ailleurs ; mais il n’y a point pour eux d’actes, ni de réalités de mouvement. Les Relatifs de puissance sont aussi des Relatifs de temps. Par exemple, ce qui a fait est relatif à ce qui a été fait, ce qui fera est relatif à ce qui sera fait. C’est encore à ce point de vue du temps que le père est appelé père relativement à son fils ; car, d’un côté, il y a ce qui a fait, et, de l’autre, ce qui a été fait et a souffert l’action. D’autres Relatifs, au contraire, le sont par la privation de la. puissance ; Par exemple, l’Impossibilité est un Relatif de ce genre, ainsi que toutes les choses exprimées sous la même forme ; et, par exemple, l’invisible est ce qui n’a pas la puissance d’être vu. Tous les Relatifs de nombre et de puissance sont constamment Relatifs en ce sens que ce qu’ils sont essentiellement est dit d’une autre chose, et non pas, parce que réciproquement cette autre chose peut leur être appliquée. Par exemple, ce qui est mesuré, ce qui est su, ce qui est intelligible, sont appelés des Relatifs, parce que c’est une autre chose qui est mise en rapport avec eux. Ainsi, le mot d’Intelligible signifie qu’il y a intelligence de la chose à laquelle ce mot s’applique. Mais l’intelligence n’est pas un Relatif de la chose dont elle est l’intelligence ; car ce serait répéter deux fois la même chose. De même encore, la vue est la vue de quelque chose ; mais ce n’est pas de ce dont elle est la vue. Il est exact cependant de dire que la vue est un Relatif ; mais c’est par rapport à la couleur, ou à telle autre chose de ce genre. Autrement et de l’autre façon, on ne ferait que se répéter, en disant que la vue est la vue de l’objet dont elle est la vue. Les Relatifs qui sont des relatifs par eux-mêmes, le sont donc de la manière qu’on vient de dire, et aussi, quand les genres auxquels ils appartiennent sont également des relatifs. Par exemple, on dit de la médecine qu’elle est un Relatif, parce que le genre auquel elle appartient, à savoir la science, est aussi un relatif. On appelle encore Relatifs tous les objets qui font que les choses qui les ont sont aussi nommées des Relatifs. Ainsi, l’égalité est un Relatif, parce que l’Égal en est un ; la ressemblance en est un, parce que le semblable est un Relatif, au même titre. Il y a enfin des Relatifs purement indirects ; et c’est ainsi que l’homme peut être appelé un Relatif, parce qu’accidentellement il peut être considéré comme double, et que le double est un Relatif ; ou bien encore, le blanc peut être pris comme Relatif, quand le même objet est, accidentellement et tout à la fois, double et blanc. |
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Lectio 17 |
Leçon 17, Commentaire de
saint Thomas [Le relatif] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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ARISTOTE DISTINGUE
LES RELATIFS PAR ESSENCE ET PAR ACCIDENT, OU TOUS LES SENS DE LA RELATION. IL
DIT QUANTITE DE CHOSES SUR LES RAPPORTS. |
ARISTOTE DISTINGUE LES RELATIFS PAR ESSENCE ET PAR ACCIDENT, OU TOUS LES SENS DE LA RELATION. IL DIT QUANTITE DE CHOSES SUR LES RAPPORTS. |
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[82566] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 1 Hic determinat philosophus de ad aliquid: et circa
hoc duo facit. Primo ponit modos eorum, quae sunt ad aliquid secundum se. Secundo eorum, quae sunt ad aliquid ratione
alterius, ibi, illa vero quia sua genera. Circa primum duo facit. Primo
enumerat modos eorum, quae secundum se ad aliquid dicuntur. Secundo
prosequitur de eis, ibi, dicuntur autem prima. Ponit ergo tres modos eorum,
quae ad aliquid dicuntur: quorum primus est secundum numerum et quantitatem,
sicut duplum ad dimidium, et triplum ad tertiam partem, et multiplicatum,
idest multiplex, ad partem multiplicati, idest ad submultiplex, et
continens ad contentum. Accipitur autem continens pro eo, quod excedit
secundum quantitatem. Omne enim excedens secundum quantitatem continet in se
illud quod exceditur. Est
enim hoc et adhuc amplius; sicut quinque continet in se quatuor, et
tricubitum continet in se bicubitum. |
Le Philosophe détermine ici le
sens du mot relatif. Ce qu’il fait en deux points En premier, il propose les
sens de ce qui est relatif par soi, et, en second, il détermine ce qui est
relatif par un autre que par soi, où il dit: " ... tantôt parce que
leurs genres etc." Il divise son premier point en deux parties. Il
classifie tout j'abord le relatif par soi pour ensuite faire une courte étude
de chacun de ses sens, où il dit: "Les relations etc." Il pose donc
trois sens de ce qui est relatif par soi. Le premier sens se prend d'après la
quantité et le nombre, comme le double à la moitié, le triple au tiers, le
multiple au sous-multiple, le contenant au contenu, c’est-à-dire l'excès au
défaut… |
Le Philosophe traite maintenant du relatif. Ce qu’il fait en deux
points. En premier, il propose les sens de ce qui est relatif par soi; en
second, il détermine ce qui est relatif du fait d’autre chose, où il
dit : et aussi, quand les genres,
etc. Il divise son premier point en deux parties. Il énumère tout d’abord les
manières dont les choses sont dites relatives par soi. En deuxième, il traite
de ces manières, où il dit : Les
premiers relatifs, etc. Il énonce donc trois sens de ce qui est relatif.
Le premier sens se rapporte au nombre et à la quantité, comme le double à la
moitié, le triple au tiers, le multiplié
(multiple) au multipliant (sous-multiple)
et le contenant au contenu. Or, le
contenant désigne ce qui dépasse en quantité. En effet, tout ce qui dépasse
en quantité contient en lui ce qui est dépassé. En effet, il est ce dernier
et plus encore, comme 5 contient 4 et trois coudées contiennent deux coudées. |
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[82567] Sententia Metaphysicae,
lib. 5 l. 17 n. 2 Secundus
modus est prout aliqua dicuntur ad aliquid secundum actionem et passionem, vel
potentiam activam et passivam; sicut calefactivum ad calefactibile, quod
pertinet ad actiones naturales, et sectivum ad sectibile, quod pertinet ad
actiones artificiales, et universaliter omne activum ad passivum. |
Le second sens est celui où les
choses sont dites relatives d'après l’action et la passion, ou d'après la
puissance active et passive, comme ce qui peut réchauffer à ce qui peut être
réchauffé, ce qui peut couper à ce qui peut être coupé. Les deux exemples
donnés représentent l'actif et le passif dans l'ordre naturel et dans l'ordre
artificiel, mais on peut dire universellement que tout actif est relatif à un
passif. |
Le deuxième sens est celui où les choses sont dites relatives d’après
l’action et la passion, ou d’après la puissance active et passive, comme le
chauffant par rapport au chauffable, ce qui relève des actes naturels, le
coupant par rapport à ce qui peut être coupé, ce qui relève des actes
artificiels, et en général tout être actif par rapport à un être passif. |
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[82568] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 3 Tertius modus est secundum quod mensurabile dicitur
ad mensuram. Accipitur autem hic mensura et mensurabile non secundum
quantitatem (hoc enim ad primum modum pertinet, in quo utrumque ad utrumque
dicitur: nam duplum dicitur ad dimidium, et dimidium ad duplum), sed secundum
mensurationem esse et veritatis. Veritas enim scientiae mensuratur a scibili.
Ex eo enim quod res est vel non est, oratio scita vera vel falsa est, et non
e converso. Et similiter est de sensibili et sensu. Et propter hoc non mutuo
dicuntur mensura ad mensurabile et e converso, sicut in aliis modis, sed
solum mensurabile ad mensuram. Et similiter etiam imago dicitur ad id cuius
est imago, tamquam mensurabile ad mensuram. Veritas enim imaginis mensuratur
ex re cuius est imago. |
Le troisième sens est celui selon
lequel le mesurable se dit par relation à la mesure. Ici, on ne se sert pas
des mots mesure et mesurable en tant qu'ils impliquent la quantité, (ce qui
appartient au premier sens, dans lequel les deux nombres se disent l'un de
l'autre: le double est relatif à la moitié et la moitié est relative au
double), mais d’après la mensuration de l'existence et de la vérité. La
vérité en effet de la science est mesurée par l'objet connaissable. De fait
que la chose existe ou n’existe pas, le discours est vrai ou faux: l'inverse
n'est pas vrai. Il en est pareillement du sens et du sensible. C'est pourquoi
il n’y a pas de réciprocité, et donc inversion possible, entre la mesure et
le mesurable, comme dans les autres sens, mais la relation est à sens uni
que; du mesurable à la mesure. Semblablement, l'image est relative à ce dont
elle est l’image, comme le mesurable à la mesure. La vérité de l'image est
mesurée par la chose dont elle est l'image. |
Le troisième sens est celui selon lequel le mesurable se dit par
relation à la mesure. Ici, on ne parle pas de mesure et de mesurable selon la
quantité (ce qui appartient au premier sens, dans lequel les deux choses se
disent l’une par rapport à l’autre : le double par rapport à la moitié
et la moitié par rapport au double), mais d’après le fait de mesurer l’être
et la vérité. En effet, la vérité de la science est mesurée par l’objet
connaissable. Du fait que la chose existe ou n’existe pas, l’énoncé est vrai
ou faux; l’inverse n'est pas vrai. Il en va de même du sens et du sensible.
C’est pourquoi il n’y a pas de réciprocité, ni donc d’inversion possible,
entre la mesure et le mesurable, comme dans les autres sens, mais la relation
va uniquement du mesurable à la mesure. Semblablement, l’image est relative à
ce dont elle est l’image, comme le mesurable à la mesure. La vérité de
l’image est mesurée par la chose dont elle est l’image. |
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[82569] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 4 Ratio autem istorum modorum haec est. Cum enim
relatio, quae est in rebus, consistat in ordine quodam unius rei ad aliam,
oportet tot modis huiusmodi relationes esse, quot modis contingit unam rem ad
aliam ordinari. Ordinatur autem una res ad aliam, vel secundum esse, prout
esse unius rei dependet ab alia, et sic est tertius modus. Vel secundum
virtutem activam et passivam, secundum quod una res ab alia recipit, vel
alteri confert aliquid; et sic est secundus modus. Vel secundum quod
quantitas unius rei potest mensurari per aliam; et sic est primus modus. |
Voici la raison de ces sens.
Puisque la relation, qui existe dans la réalité, consiste dans un certain
ordre d'une chose à une autre, il faut qu'il y ait autant de sens de ces
relations qu'il y a de manières pour une chose d'être ordonnée à une autre.
Or une chose est ordonnée à une autre selon l'existence, en tant que son
existence dépend d'une autre. Ce qui donne le troisième sens. Ou bien l'ordre
est conforme à la puissance active et passive, en tant qu’une chose reçoit
quelque chose d'une autre ou communique quelque chose à une autre. Ce qui est
le second sens. Ou bien l'ordre s'établit en tant qu'une chose peut être
mesurée par une autre. Ce qui constitue à, premier sens. |
Voici la raison de ces sens. Puisque la relation, qui existe dans les
choses, consiste dans un certain ordre d’une chose à une autre, il faut qu’il
y ait autant de sens de ces relations qu’il y a de manières pour une chose
d’être ordonnée à une autre. Or une chose est ordonnée à une autre soit selon
l’être, en tant que son être dépend d’une autre, ce qui donne le troisième
sens, soit selon la puissance active et passive, en tant qu’un être reçoit
quelque chose d’un autre ou lui apporte quelque chose, ce qui donne le
deuxième sens, soit selon que la quantité d’une chose peut être mesurée par
une autre, ce qui constitue le premier sens. |
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[82570]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 5 Qualitas autem rei, inquantum huiusmodi, non
respicit nisi subiectum in quo est. Unde secundum ipsam una res non ordinatur
ad aliam, nisi secundum quod qualitas accipit rationem potentiae passivae vel
activae, prout est principium actionis vel passionis. Vel ratione
quantitatis, vel alicuius ad quantitatem pertinentis; sicut dicitur aliquid
albius alio, vel sicut dicitur simile, quod habet unam aliquam qualitatem.
Alia vero genera magis consequuntur relationem, quam possint relationem
causare. Nam quando consistit in aliquali relatione ad tempus. Ubi vero, ad
locum. Positio autem ordinem partium importat. Habitus autem relationem
habentis ad habitum. |
La qualité, elle, en tant que
telle, ne dit rapport qu'au sujet où elle se trouve. C'est pourquoi elle
n'ordonne pas de soi une chose à une autre, à moins forcément qu'elle ne
revête, soit la raison de puissance passive ou active, en tant qu'elle est
principe d'action ou passion, soit la raison de quantité ou de quelque chose
qui appartient b la quantité, comme lorsqu'on dit qu'une chose est plus
blanche qu'une autre, ou lorsqu'on dit qu'une chose est semblable à une autre
du fait que les deux possèdent une même qualité. Les autres genres d'être
sont davantage consécutifs à la relation que capables de causer une relation.
Le "quando" consiste dans
une certaine relation au temps: l'ubi,
au lieu; le site comporte l'ordre des parties et l’habitus dit relation du possédant au possédé. |
La qualité d’une chose, en tant que telle, ne dit rapport qu’au sujet
où elle se trouve. C’est pourquoi elle n’ordonne pas comme telle une chose à une
autre, sinon en tant qu’elle revêt soit le caractère de puissance passive ou
active en tant qu’elle est principe d’action ou passion, soit le caractère de
quantité ou de quelque chose qui se rapporte à la quantité, comme lorsqu’on
dit qu’une chose est plus blanche qu’une autre ou qu’on dit qu’une chose est
semblable à une autre parce qu’elle possède une même qualité. Les autres
genres d’être sont davantage consécutifs à la relation que capables de causer
une relation. Le « quand » consiste dans une certaine relation au
temps; le « où », au lieu; la position comporte l’ordre des
parties; l’« habitus[111] » dit relation du
possédant au possédé. |
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[82571] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 6 Deinde cum dicit dicuntur autem prosequitur tres
modos enumeratos; et primo prosequitur primum. Secundo prosequitur secundum,
ibi, activa vero et passiva. Tertio tertium, ibi, ergo secundum numerum. Circa
primum duo facit. Primo ponit relationes quae consequuntur numerum absolute.
Secundo ponit relationes quae consequuntur unitatem absolute, ibi, et amplius
aequale. Dicit ergo, quod primus modus relationum, qui est secundum numerum,
distinguitur hoc modo: quia vel est secundum comparationem numeri ad numerum,
vel numeri ad unum. Et secundum comparationem ad utrumque dupliciter: quia
vel est secundum comparationem numeri indeterminate ad numerum, aut ad unum
determinate. Et hoc est quod dicit, quod prima, quae dicuntur ad aliquid
secundum numerum, aut dicuntur simpliciter, idest universaliter, vel
indeterminate, aut determinate. Et utrolibet modo ad eos, scilicet
numeros. Aut ad unum, idest ad unitatem. |
Les numéros 82571 à
82587 traitent des différentes relations entre les nombres et les grandeurs. |
Puis lorsqu’il dit : Les premiers relatifs, etc., il traite des trois sens énumérés; et en premier, il traite du premier. En deuxième, il traite du deuxième, où il dit : Quant à tout ce qui produit, etc. En troisième, il traite du troisième, où il dit : Tous les relatifs de nombre, etc. Il traite du premier sens en deux parties. En premier, il énonce les relations qui découlent des nombres de façon absolue. En deuxième, il énonce les relations qui découlent de l’unité de façon absolue, où il dit : L’Égal, le Pareil, etc. Il dit donc que le premier sens des relations, qui est numérique, se distingue comme suit : il se prend par comparaison soit d’un nombre à un nombre, soit d’un nombre à l’unité. Et la comparaison avec l’un et l’autre a lieu de deux façons, car elle se fait soit avec un nombre de façon indéterminée, soit avec l’un de façon déterminée. Et c’est ce qu’il dit : les premiers, qui sont dits numériquement relatifs, sont dits tels soit de façon absolue, c'est-à-dire universelle ou indéterminée, soit d’une façon déterminée. Et des deux façons, ils sont entre eux, c'est-à-dire entre les nombres, ou à l’un, c'est-à-dire à l’unité. |
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[82572]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 7 Sciendum est autem, quod omnis mensuratio, quae est in
quantitatibus continuis, aliquo modo derivatur a numero. Et ideo relationes,
quae sunt secundum quantitatem continuam, etiam attribuuntur numero. |
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Mais il faut savoir que toute mesure qui se fait dans les quantités continues est dérivée de quelque façon d’un nombre. C’est pourquoi les relations établies selon une quantité continue sont aussi attribuées au nombre. |
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[82573] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 8 Sciendum est etiam, quod proportio numeralis
dividitur primo in duas; scilicet aequalitatis, et inaequalitatis.
Inaequalitatis autem sunt duae species; scilicet excedens et excessum, et
magis et minus. Inaequale autem excedens in quinque species dividitur. |
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Il faut aussi savoir que la proportion numérique se divise tout
d’abord en deux choses: l’égalité et l’inégalité. Mais il y a deux espèces
d’inégalités : celle entre le dépassant et le dépassé, et celle entre le
plus et le moins. Or, l’inégalité par dépassement se divise en cinq espèces. |
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[82574] Sententia Metaphysicae,
lib. 5 l. 17 n. 9 Numerus enim maior quandoque respectu minoris est
multiplex; quando scilicet aliquoties continet ipsum, sicut sex continet duo
ter. Et si quidem contineat ipsum bis, dicitur duplum; sicut duo ad unum vel
quatuor ad duo. Si ter, triplum. Si quater, quadruplum. Et sic inde. |
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En effet, le plus grand nombre est parfois un multiple du plus petit, et ce, quand il le contient un certain nombre de fois, comme 6 contient 2 trois fois. Et s’il contient l’autre deux fois, on l’appelle le double, comme 2 par rapport à 1 ou 4 par rapport à 2. S’il contient l’autre trois fois, c’est le triple; quatre fois, c’est le quatruple, et ainsi de suite. |
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[82575]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 10 Quandoque vero numerus maior continet totum numerum
minorem semel, et insuper unam aliquam partem eius. Et tunc dicitur
superparticularis. Et si quidem contineat totum et medium, vocatur
sesquialterum, sicut tria ad duo. Si autem tertiam, sesquitertius, sicut
quatuor ad tria. Si quartam, sesquiquartus, sicut quinque ad quatuor. Et sic
inde. |
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Mais parfois, le plus grand nombre contient entièrement le plus petit
seulement une fois plus une certaine partie. Et un tel nombre est appelé
superparticulier[112]. S’il contient le tout plus la
moitié, il est appelé sesquialtère[113], comme 3 par rapport à 2.
S’il contient le tout plus le tiers, il est sesquitiers, comme 4 par rapport
à 4; si c’est plus un quart, il est sesquiquart, comme 5 par rapport à 4, et
ainsi de suite. |
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[82576] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 11 Quandoque numerus maior continet minorem totum
semel; et insuper non solum unam partem, sed plures partes. Et sic dicitur
superpartiens. Et si quidem contineat duas partes, dicitur superbipartiens,
sicut quinque se habent ad tria. Si vero tres, dicitur supertripartiens,
sicut septem se habent ad quatuor. Si autem quatuor, sic est
superquadripartiens; et sic se habet novem ad quinque. Et sic inde. |
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Parfois, le plus grand nombre contient le plus petit une seule fois
avec l’ajout non seulement d’une partie, mais de plusieurs. Il est alors
appelé superpartien[114]. Et s’il contient deux
parties, il est appelé superbipartien, comme 5 par rapport à 3. S’il en
contient trois, il est appelé supertripartien, comme 7 par rapport à 4. S’il
en contient quatre, il est superquadripartien, et il est dans un rapport de 9
à 5. Et ainsi de suite. |
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[82577]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 12 Quandoque vero numerus maior continet totum minorem pluries,
et insuper aliquam partem eius; et tunc dicitur multiplex superparticularis.
Et si quidem contineat ipsum bis et mediam partem eius, dicitur duplum
sesquialterum, sicut quinque ad duo. Si autem ter et mediam partem eius,
vocabitur triplum sesquialterum, sicut se habent septem ad duo. Si autem
quater et dimidiam partem eius, dicitur quadruplum sesquialterum, sicut novem
ad duo. Possent etiam ex parte superparticularis huiusmodi proportionis
species sumi, ut dicatur duplex sesquitertius, quando maior numerus habet
minorem bis et tertiam partem eius, sicut se habent septem ad tria: vel
duplex sesquiquartus, sicut novem ad quatuor, et sic de aliis. |
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Parfois, le plus grand nombre contient entièrement le plus petit nombre
plusieurs fois, plus une partie de ce nombre, et il est alors appelé multiple
superparticulier. Et s’il le contient deux fois et demie, on l’appelle double
sesquialtère, comme 5 par rapport à 2. S’il le contient trois fois et demie,
on l’appelle triple sesquialtère, comme 7 par rapport à 2. S’il le contient
quatre fois et demie, on l’appelle quadruple sesquialtère, comme 9 par
rapport à 2. On pourrait aussi considérer les espèces de telles proportions
du côté du superparticulier, en parlant de double sesquitiers quand le plus
grand nombre contient le plus petit deux fois et un tiers, comme 7 par
rapport à 3, ou de double sesquiquart, comme 9 par rapport à 4, et ainsi de
suite. |
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[82578] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 13 Quandoque etiam numerus maior habet minorem totum
pluries, et etiam plures partes eius, et tunc dicitur multiplex
superpartiens. Et similiter proportio potest dividi secundum species
multiplicitatis, et secundum species superpartientis, si dicatur duplum
superbipartiens, quando habet maior numerus totum minorem bis et duas partes
eius, sicut octo ad tria. Vel
etiam triplum superbipartiens, sicut undecim ad tres. Vel etiam duplum
supertripartiens, sicut undecim ad quatuor. Habet enim totum bis, et tres partes eius. |
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Parfois aussi, le plus grand nombre contient entièrement plusieurs fois le plus petit, ainsi que plusieurs parties, et il est alors appelé multiple superpartien. Pareillement, la proportion peut se diviser selon l’espèce de multiplicité et l’espèce de superpartien, si on dit « double superbipartien » quand le plus grand nombre contient entièrement deux fois le plus petit ainsi que deux de ses parties, comme 8 par rapport à 3, ou encore « triple superbipartien » dans le cas de 11 par rapport à 3, ou « double supertripartien » dans le cas de 11 par rapport à 4; en effet, un nombre contient l’autre deux fois ainsi que trois de ses parties. |
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[82579]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 14 Et totidem species sunt ex parte inaequalitatis eius
qui exceditur. Nam numerus minor dicitur submultiplex, subparticularis,
subpartiens, submultiplex subparticularis, submultiplex subpartiens, et sic
de aliis. |
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Et il y a le même nombre d’espèces du côté de l’inégalité de ce qui
est surpassé. En effet, le plus petit nombre est appelé sous-multiple,
sous-particulier, sous-partien, sous-multiple sous-particulier, sous-multiple
sous-partien, et ainsi de suite. |
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[82580] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 15 Sciendum autem quod prima species proportionis,
scilicet multiplicitas, consistit in comparatione unius numeri ad unitatem.
Quaelibet enim eius species invenitur primo in aliquo numero respectu
unitatis. Duplum primo invenitur in binario respectu unitatis. Et similiter
proportio tripli in ternario respectu unitatis, et sic de aliis. Primi autem
termini in quibus invenitur aliqua proportio, dant speciem ipsi proportioni.
Unde in quibuscumque aliis terminis consequenter inveniatur, invenitur in eis
secundum rationem primorum terminorum. Sicut proportio dupla primo invenitur
inter duo et unum. Unde ex hoc proportio recipit rationem et nomen. Dicitur
enim proportio dupla proportio duorum ad unum. Et propter hoc, si etiam unus
numerus respectu alterius numeri sit duplus, tamen hoc est secundum quod minor
numerus accipit rationem unius, et maior rationem duorum. Sex enim se habet in dupla proportione ad tria,
inquantum tria se habent ad sex ut unum ad duo. Et simile est in tripla proportione, et in omnibus
aliis speciebus multiplicitatis. Et ideo dicit, quod ista relatio dupli, est per hoc
quod numerus determinatus, scilicet duo, refertur ad unum, idest ad
unitatem. |
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Cependant, il faut savoir que la première espèce de proportion, qui est la multiplicité, consiste dans la comparaison d’un nombre avec l’unité. En effet, chacune de ses espèces se trouve en premier lieu dans un certain nombre par rapport à l’unité. Le double se trouve en premier dans le nombre 2 par rapport à l’unité. Pareillement, la proportion du triple se trouve dans le nombre 3 par rapport à l’unité, et ainsi de suite. Or, les premiers termes dans lesquels on trouve une proportion donnent son espèce à cette proportion. C’est pourquoi, dans tous les autres termes où on la trouve en conséquence, on la trouve selon le rapport des premiers termes; ainsi, la proportion du double se trouve en premier entre 2 et 1. C’est donc de là que cette proportion reçoit sa notion et son nom. En effet, on appelle proportion double la proportion de 2 à 1. C’est pourquoi, si un autre nombre aussi est double par rapport à un autre nombre, c’est le cas en tant que le plus petit nombre tient la place du 1 et le plus petit tient la place du 2. En effet, 6 est dans la proportion du double par rapport à 3 en tant que 3 est à 6 ce que 1 est à 2. C'est la même chose pour la proportion du triple et pour toutes les autres espèces de multiplicité. C’est pourquoi il dit que cette relation du double vient du fait qu’un nombre déterminé, à savoir 2, se rapporte à 1, c’est-à-dire à l’unité. |
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[82581] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 16 Sed hoc quod dico, multiplex, importat relationem
numeri ad unitatem; sed non alicuius determinati numeri, sed numeri in
universali. Si enim determinatus
numerus accipiatur ut binarius vel ternarius, esset una species
multiplicitatis, ut dupla vel tripla. Sicut autem duplum se habet ad duo, et triplum ad
tria, quae sunt numeri determinati, ita multiplex ad multiplicitatem, quia
significat numerum indeterminatum. |
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Mais le multiple comporte la relation d’un nombre à l’unité, pas
celle d’un nombre déterminé, mais celle du nombre pris universellement. Si en
effet on prenait un nombre déterminé tel que 2 ou 3, on aurait une seule
espèce de multiplicité, comme le double ou le triple. Mais comme le double se
rapporte à 2 et le triple à 3, qui sont des nombre déterminés, de même le
multiple se rapporte à la multiplicité, car il signifie un nombre
indéterminé. |
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[82582]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 17 Aliae autem proportiones non possunt attendi
secundum numerum ad unitatem, scilicet neque proportio superparticularis,
neque superpartiens, neque multiplex superparticularis, neque multiplex
superpartiens. Omnes enim hae proportionum species attenduntur secundum quod
maior numerus continet minorem semel, vel aliquoties; et insuper unam vel
plures partes eius. Unitas autem partem habere non potest: et ideo nulla
harum proportionum potest attendi secundum comparationem numeri ad unitatem,
sed secundum comparationem numeri ad numerum. Et sic est duplex, vel secundum
numerum determinatum, vel secundum numerum indeterminatum. |
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Mais d’autres proportions ne peuvent pas être considérées comme celles d’un nombre à l’unité : ainsi, les proportions superparticulière, superpartienne, multiple superparticulière et multiple superpartienne ne peuvent pas l’être. En effet, toutes ces espèces de proportions sont considérées selon que le plus grand nombre contient le plus petit une fois, ou plusieurs fois, ainsi qu’une ou plusieurs de ses parties. Mais l’unité ne peut pas avoir de parties; c’est pourquoi aucune de ces proportions ne peut être établie par comparaison d’un nombre à l’unité, mais elles se font par comparaison d’un nombre à un nombre. Et ainsi, le double est soit celui d’un nombre déterminé, soit celui d’un nombre indéterminé. |
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[82583] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 18 Si autem secundum numerum determinatum, sic est
hemiolum, idest sesquialterum, aut subhemiolum, idest
supersesquialterum. Proportio enim sesquialtera primo consistit in his
terminis, scilicet ternario et binario; et sub ratione eorum in omnibus aliis
invenitur. Unde quod dicitur hemiolum vel sesquialterum importat relationem
determinati numeri ad determinatum numerum, scilicet trium ad duo. |
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Si c’est à partir d’un nombre déterminé, il s’agit alors du hémiolum[115], c’est-à-dire du sesquialtère, ou du sous-hémiolum, c’est-à-dire du
supersesquialtère. En effet, la proportion sesquialtère consiste premièrement
en ces termes, qui sont 3 et 2, et se trouve partout ailleurs sous le rapport
de ces nombres. Il s’ensuit que ce qu’on appelle hémiolum ou sesquialtère comporte la relation d’un nombre
déterminé à un nombre déterminé, soit de 3 à 2. |
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[82584]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 19 Quod vero dicitur superparticulare, refertur ad
subparticulare, non secundum determinatos numeros, sicut etiam multiplex
refertur ad unum, sed secundum numerum indeterminatum. Primae enim species
inaequalitatis superius numeratae accipiuntur secundum indeterminatos
numeros, ut multiplex, superparticulare, superpartiens et cetera. Species
vero istorum accipiuntur secundum numeros determinatos, ut duplum, triplum,
sesquialterum, sesquitertium, et sic de aliis. |
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Mais ce qu’on appelle superparticulier se rapporte au sous-particulier non selon des nombres déterminés, comme même le multiple se rapporte à 1, mais selon un nombre indéterminé. En effet, les premières espèces d’inégalités énumérées ci-dessus se comprennent à partir de nombres indéterminés tels que le multiple, le superparticulier, le superpartien et ainsi de suite. Toutefois, les espèces de ces dernières se comprennent à partir de nombres déterminés, par exemple le double, le triple, le sesquialtère, le sesquitiers et ainsi de suite. |
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[82585] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 20 Contingit enim aliquas quantitates continuas habere
proportionem adinvicem, sed non secundum aliquem numerum, nec determinatum,
nec indeterminatum. Omnium
enim quantitatum continuarum est aliqua proportio; non tamen est proportio
numeralis. Quorumlibet enim duorum numerorum est una mensura communis,
scilicet unitas, quae aliquoties sumpta, quemlibet numerum reddit. Non autem
quarumlibet quantitatum continuarum invenitur esse una mensura communis; sed
sunt quaedam quantitates continuae incommensurabiles: sicut diameter quadrati
est incommensurabilis lateri. Et hoc ideo, quia non est proportio eius ad
latus, sicut proportio numeri ad numerum, vel numeri ad unum. |
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Il arrive en effet, que des quantités continues aient une proportion
entre elles, mais pas selon un nombre, qu’il soit déterminé ou indéterminé.
En effet, toutes les quantités continues ont une certaine proportion, qui
n’est pourtant pas une proportion numérique. En effet, n’importe quels deux
nombres ont une mesure commune, qui est l’unité et qui, prise un certain
nombre de fois, donne n’importe quel nombre. Mais on ne trouve pas une mesure
commune pour n’importe quelles quantités continues; au contraire, certaines
quantités continues sont incommensurables, comme la diagonale du carré est
incommensurable à son côté[116]. La raison en est qu’il
n’existe pas de proportion entre elle et le côté, telle qu’une proportion
d’un nombre à un autre ou d’un nombre à l’unité. |
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[82586]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 21 Cum ergo dicitur in quantitatibus, quod haec est
maior illa, vel se habet ad illam ut continens ad contentum, non solum haec
ratio non attenditur secundum aliquam determinatam speciem numeri, sed nec etiam
quod sit secundum numerum, quia omnis numerus est alteri commensurabilis.
Omnes enim numeri habent unam communem mensuram, scilicet unitatem. Sed
continens et contentum non dicuntur secundum aliquam commensurationem
numeralem. Continens enim ad contentum dicitur, quod est tantum, et adhuc
amplius. Et hoc est indeterminatum, utrum sit commensurabile, vel non
commensurabile. Quantitas enim qualiscumque accipiatur, vel est aequalis, vel
inaequalis. Unde, si non est aequalis, sequitur quod sit inaequalis et
continens, etiam si non sit commensurabilis. Patet igitur quod omnia
praedicta dicuntur ad aliquid secundum numerum, et secundum passiones
numerorum, quae sunt commensuratio, proportio, et huiusmodi. |
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Donc, quand on dit pour les quantités que l’une est plus grande que l’autre ou se rapporte à l’autre comme le contenant au contenu, non seulement ce rapport ne se comprend pas selon une espèce déterminée de nombre, mais il ne se comprend pas du tout selon un nombre, car tout nombre est commensurable à tout autre[117]. En effet, tous les nombres ont une mesure commune, qui est l’unité. Mais on ne parle de contenant et de contenu selon aucune commensuration numérique. En effet, on dit que le contenant est égal au contenu et à quelque chose de plus, et la question de savoir s’il est commensurable ou incommensurable est indéterminée. En effet, quelle que soit la quantité qu’on prenne, elle est soit égale, soit inégale. Il s’ensuit que si elle n’est pas égale, elle est inégale et contient, même si elle n’est pas commensurable. Il est donc évident que tout ce dont nous avons parlé est dit être en relation de façon numérique et selon les propriétés des nombres, qui sont la commensuration, la proportion et ainsi de suite. |
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[82587] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 22 Deinde cum dicit et amplius ponit relativa, quae
accipiuntur secundum unitatem, et non per comparationem numeri ad unum vel ad
numerum; et dicit quod alio modo a praedictis dicuntur relative, aequale,
simile, et idem. Haec enim dicuntur
secundum unitatem. Nam eadem sunt, quorum substantia est una. Similia, quorum qualitas est una. Aequalia, quorum
quantitas est una. Cum autem unum sit principium numeri et mensura, patet
etiam, quod haec dicuntur ad aliquid secundum numerum, idest secundum
aliquid ad genus numeri pertinens; non eodem modo tamen haec ultima cum
primis. Nam primae
relationes erant secundum numerum ad numerum, vel secundum numerum ad unum;
hoc autem secundum unum absolute. |
Ensuite, où il dit: "...
comme aussi, mais d’une ... ", Aristote pose ce qui est dit relatif par
rapport à l’unité, sans l'être cependant par la comparaison du nombre à l'un
ou à un autre nombre. Il dit que le relatif se dit, d'une façon différente de
celles énumérées dans les numéros précédents, de l’égal, du semblable et de
l’identique. Sont identiques les êtres dont la substance est une. Sont
semblables ceux qui ont une qualité. Sont égaux ceux qui ont même quantité.
Or, puisque l'un est principe du nombre et mesure, il apparaît que le
semblable, l'égal et l'identique sont dits relatifs selon quelque chose qui
appartient au nombre. Mais cette appartenance au genre du nombre n'est pas la
même que celle donnée plus haut. Les premières relations s'établissaient
selon l’ordre d’un nombre à un autre ou d'un nombre à l'unité; ces dernières
selon l'unité de façon absolue. |
Ensuite, où il dit : L’Égal,
le Pareil, etc., Aristote présente les relatifs qui se comprennent par
rapport à l’unité et non par la comparaison du nombre à l’unité ou à un autre
nombre. Il dit que l’égal, le semblable et l’identique sont appelés relatifs
d’une autre manière que les relations précédentes, car ils sont appelés
relatifs selon l’unité. En effet, sont identiques les êtres dont la substance
est une; sont semblables ceux dont la qualité est une; sont égaux ceux dont
la quantité est une. Or, puisque l’un est principe du nombre et mesure, il
est également évident que le semblable, l’égal et l’identique sont dits
relatifs numériques, c’est-à-dire
selon quelque chose qui appartient au genre du nombre, mais pas de la même
manière que les premiers relatifs mentionnés. En effet, les premières
relations étaient celles d’un nombre à un autre ou d’un nombre à l’unité,
mais les dernières se rapportent à l’unité de façon absolue. |
|
[82588]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 23 Deinde cum dicit activa vero prosequitur de secundo
modo relationum, quae sunt in activis et passivis: et dicit, quod huiusmodi
relativa sunt relativa dupliciter. Uno modo secundum potentiam activam et
passivam; et secundo modo secundum actus harum potentiarum, qui sunt agere et
pati; sicut calefactivum dicitur ad calefactibile secundum potentiam activam
et passivam. Nam calefactum est, quod potest calefacere; calefactibile vero,
quod potest calefieri. Calefaciens autem ad calefactum, et secans ad id quod
secatur, dicuntur relative secundum actus praedictarum potentiarum. |
Ensuite, où il dit: "La
relation à l'actif ... ", il entreprend l'étude des secondes sortes
de relation, celles que l'on retrouve dans l'actif et le passif. Il note
d’abord que ces relatifs le sont de deux manières. D’une première manière,
selon la puissance active et passive; d'une seconde manière, selon les actes
de ces puissances, qui sont l'agir et le pâtir. Ainsi ce qui peut réchauffer
se dit par rapport à ce qui peut être réchauffé, comme puissance, active
relative à puissance passive. Ce qui est réchauffant se dit relativement à ce
qui est réchauffé, et ce qui coupe actuellement, à ce qui est coupé, selon
les actes de ces puissances. |
Ensuite, où il dit : Quant
à tout ce qui, etc., il entreprend l’étude des deuxièmes sortes de
relation, qui se trouvent dans l’actif et le passif, et il dit que ces
relatifs le sont de deux manières : d’une première manière, selon la
puissance active et passive; d’une seconde manière, selon les actes de ces
puissances, qui sont l’agir et le subir. Ainsi, le chauffant a au chauffable
une relation de puissance active à puissance passive, car le chauffant est ce
qui peut chauffer, et le chauffable, ce qui peut être chauffé. Or, le
chauffant se dit par rapport au chauffé, et l’objet coupant par rapport à
l’objet coupé, de façon relative selon les actes de ces puissances. |
|
[82589] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 24 Et differt iste modus relationum a praemissis. Quae
enim sunt secundum numerum, non sunt aliquae actiones nisi secundum
similitudinem, sicut multiplicare, dividere et huiusmodi, ut etiam in aliis
dictum est, scilicet in secundo physicorum; ubi ostendit, quod mathematica
abstrahunt a motu, et ideo in eis esse non possunt huiusmodi actiones, quae
secundum motum sunt. |
Et ce sens des relations diffère
des précédents. Les relations selon les nombres ne sont des actions que par
similitude, comme multiplier, diviser et les actes de la sorte. On peut
référer là-dessus au second livre des
Physiques où on a montré que les mathématiques font abstraction du
mouvement. C'est pourquoi on ne peut retrouver en elles les actions qui se
rapportent au mouvement. |
Et ce sens des relations diffère des précédents. Les relations numériques ne sont des actions que par similitude, comme multiplier, diviser et ainsi de suite, comme on l’a également dit ailleurs, c’est-à-dire au livre II des Physiques, où Aristote a montré que les mathématiques font abstraction du mouvement. C’est pourquoi on ne peut y trouver de telles actions qui se rapportent au mouvement. |
|
[82590]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 25 Sciendum etiam est quod eorum relativorum, quae dicuntur
secundum potentiam activam et passivam, attenditur diversitas secundum
diversa tempora. Quaedam enim horum dicuntur relative secundum tempus
praeteritum, sicut quod fecit, ad illud quod factum est; ut pater ad filium,
quia ille genuerit, iste genitus est; quae differunt secundum fecisse, et
passum esse. Quaedam vero secundum tempus futurum, sicut facturus refertur ad
faciendum. Et ad hoc genus relationum reducuntur illae relationes, quae
dicuntur secundum privationem potentiae, ut impossibile et invisibile.
Dicitur enim aliquid impossibile huic vel illi; et similiter invisibile. |
Il faut noter de plus que dans les
relatifs selon la puissance active et passive entre aussi la diversité du
temps. Certains de ces êtres sont dits relatifs d’après le temps passé, comme
ce qu'il a fait à ce qui a été fait. Ainsi, par exemple, dans la relation du
père au fils: celui-là, parce qu'il a engendré. D'autres cas sont relatifs
d’après le temps futur, comme le ce-qui-sera-fait se réfère à ce qu'il faudra
faire. A ce genre de relations se réduisent aussi celles qui le sont selon la
privation de puissance, comme l'impossible et l'invisible. On dit que quelque
chose est impossible à celui-ci ou à celui-là. Ainsi de l'invisible. |
Il faut savoir également que dans les relatifs appelés ainsi selon la
puissance active et passive, on trouve aussi la diversité temporelle. En
effet, certains de ces relatifs sont appelés tels d’après le temps passé,
comme ce qui a fait par rapport à ce qui a été fait. Tel est le cas de la
relation du père au fils, car celui-là a engendré, celui-ci a été engendré,
et ils diffèrent par le fait d’avoir agi et d’avoir subi. D’autres relatifs
le sont d’après le temps futur, comme ce qui exécutera se rapporte à ce qui
sera exécuté. A ce genre de relations se ramènent aussi celles qui le sont
selon la privation de puissance, comme l’impossible et l’invisible. On dit en
effet que quelque chose est impossible à celui-ci ou à celui-là, et il en va
de même de l’invisible. |
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[82591] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 26 Deinde cum dicit ergo secundum prosequitur de tertio
modo relationum; et dicit quod in hoc differt iste tertius modus a
praemissis, quod in praemissis, unumquodque dicitur relative ex hoc, quod
ipsum ad aliud refertur; non ex eo quod aliud referatur ad ipsum. Duplum enim
refertur ad dimidium, et e converso; et similiter pater ad filium, et e
converso; sed hoc tertio modo aliquid dicitur relative ex eo solum, quod
aliquid refertur ad ipsum; sicut patet, quod sensibile et scibile vel
intelligibile dicuntur relative, quia alia referuntur ad illa. Scibile enim
dicitur aliquid, propter hoc, quod habetur scientia de ipso. Et similiter
sensibile dicitur aliquid quod potest sentiri. |
Ensuite, où il dit: "Toute
chose ... ", il entreprend de traiter du troisième sens des relations.
Ce sens diffère des deux autres en ce que, dans les deux autres sens, chacun
des êtres est relatif du fait qu'il se rapporte lui-même à un autre, non du
fait qu'un autre se rapporte à lui. Le double dit rapport à la moitié et
inversement; semblablement, le père dit rapport au fils et inversement;
semblablement, le père dit rapport au fils et le fils au père. Mais dans ce
troisième sens, quelque chose est dit relatif du seul fait qu'un autre se
réfère à lui. Ainsi le sensible, le connaissable et l'intelligible sont dits
relativement, parce que d’autres êtres se rapportent à eux. Le connaissable
est dit relatif, parce qu'il y a une science qui porte sur lui. Et on appelle
sensible ce qui peut être senti. |
Ensuite, où il dit : Tous
les Relatifs de nombre, etc., il traite du troisième sens des relations.
Et il dit que ce troisième sens diffère des précédents en ce que, dans
ceux-ci, chacun des êtres est appelé relatif du fait qu’il se rapporte à un
autre, non du fait qu’un autre se rapporte à lui. Le double, en effet, se
rapporte à la moitié et inversement; semblablement, le père se rapporte au
fils et inversement. Mais dans ce troisième sens, quelque chose est dit
relatif du seul fait qu’un autre se rapporte à lui. Ainsi, il est évident que
le sensible, le connaissable et l’intelligible se disent relativement, parce
que d’autres êtres se rapportent à eux. On dit en effet qu’une chose est
connaissable parce qu’il y a une science qui porte sur elle. Pareillement, on
appelle sensible ce qui peut être senti. |
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[82592]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 27 Unde non dicitur relative propter aliquid quod sit
ex eorum parte, quod sit qualitas, vel quantitas, vel actio, vel passio, sicut
in praemissis relationibus accidebat; sed solum propter actiones aliorum,
quae tamen in ipsa non terminantur. Si enim videre esset actio videntis
perveniens ad rem visam, sicut calefactio pervenit ad calefactibile; sicut
calefactibile refertur ad calefaciens, ita visibile referretur ad videntem.
Sed videre et intelligere et huiusmodi actiones, ut in nono huius dicetur,
manent in agentibus, et non transeunt in res passas; unde visibile et scibile
non patitur aliquid, ex hoc quod intelligitur vel videtur. Et propter hoc non ipsamet referuntur ad alia, sed
alia ad ipsa. Et simile est in omnibus aliis, in quibus relative aliquid
dicitur propter relationem alterius ad ipsum, sicut dextrum et sinistrum in
columna. Cum enim dextrum et sinistrum designent principia motuum in rebus
animatis, columnae et alicui inanimato attribui non possunt, nisi secundum
quod animata aliquo modo se habeant ad ipsam, sicut columna dicitur dextra,
quia homo est ei sinister. Et simile est de imagine respectu exemplaris, et
denario, quo fit pretium emptionis. In omnibus autem his tota ratio referendi
in duobus extremis, pendet ex altero. Et ideo omnia huiusmodi quodammodo se
habent ut mensurabile et mensura. Nam ab eo quaelibet res mensuratur, a quo
ipsa dependet. |
Ainsi donc, ils ne sont pas dits
relatifs parce qu'il y aurait de leur côté quelque chose d'assimilable à la
qualité ou à la quantité ou à l'action ou à la passion, comme il arrivait
dans les autres relations, mais ils sont relatifs uniquement à cause de
l'action d'autres êtres, actions qui ne se terminent pas en eux. Si l’action
de voir de celui qui voit parvenait jusqu'à la chose vue, comme la
caléfaction parvient au réchauffé, la chose vue serait relative au voyant.
Mais voir et intelliger et les actions de cette sorte demeurent dans leurs
agents et ne passent pas dans les choses qui les reçoivent, comme on le dira
dans le neuvième livre. C'est pourquoi, ces objets connus ne se rapportent
pas aux autres, mais ce sont les autres qui sont relatives à ~ elles. Et le
cas se répète partout où une chose est dite relative à cause de la relation
d'une autre chose à elle-même. Ainsi la droite et la gauche par rapport à une
colonne. Comme la droite et la gauche désignent les principes des mouvements
dans les choses animées, elles ne peuvent être attribuées à une colonne ou à
une chose inanimée que si quelque être animé a un certain rapport avec elles.
Ainsi en est-il lorsqu'on dit que la colonne est à droite parce qu'un homme
est à gauche. Les cas de l’image par rapport à son exemplaire et de la pièce
de monnaie qui signifie le prix de la vente sont semblables. Dans tous ces
cas, toute la raison de la relativité dans les deux extrêmes dépend d'un seul
extrême. Et tous ces cas se ramènent de quelque façon à la relation du
mesurable et de la mesure. Toute chose est mesurée en effet par ce dont elle
dépend. |
Ainsi donc, ils ne sont pas dits relatifs parce qu’il y aurait de leur côté quelque chose qui soit une qualité, une quantité, une action ou une passion, comme il arrivait dans les autres relations, mais ils sont relatifs uniquement sous l’action d’autres êtres, action qui ne se terminent pourant pas en eux. Si l’action de voir de celui qui voit parvenait jusqu’à la chose vue, comme le réchauffement parvient au chauffable, la chose vue se rapporterait au voyant comme le chauffable se rapporte au chauffant. Mais voir, comprendre et les actions de cette sorte demeurent dans leurs agents et ne passent pas dans des choses qui les subissent, comme on le dira au livre IX; il s’ensuit que le visible et le connaissable ne subissent rien du fait qu’ils sont compris ou vus. C’est pourquoi ces objets ne se rapportent pas aux autres, mais ce sont les autres qui se rapportent à eux. Et il en va de même dans tous les autres cas où une chose est dite relative à cause de la relation d’une autre chose à elle-même, par exemple la droite et la gauche par rapport à une colonne. En effet, comme la droite et la gauche désignent les principes des mouvements dans les choses animées, elles ne peuvent être attribuées à une colonne ou à une chose inanimée que si un être animé a un certain rapport avec elles : ainsi on dit que la colonne est à droite parce qu’un homme est à gauche. Les cas de l’image par rapport à son modèle et du denier qui est le prix de la vente sont semblables. Dans tous ces cas, toute la raison du rapport entre deux extrêmes dépend de l’un des deux. Et tous ces cas se ramènent de quelque façon à la relation du mesurable et de la mesure. Toute chose est mesurée en effet par ce dont elle dépend. |
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[82593] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 28 Sciendum est autem, quod quamvis scientia secundum
nomen videatur referri ad scientem et ad scibile, dicitur enim scientia
scientis, et scientia scibilis, et intellectus ad intelligentem et intelligibile;
tamen intellectus secundum quod ad aliquid dicitur, non ad hoc cuius est
sicut subiecti dicitur: sequeretur enim quod idem relativum bis diceretur.
Constat enim quoniam intellectus dicitur ad intelligibile, sicut ad obiectum.
Si autem diceretur ad intelligentem, bis diceretur ad aliquid; et cum esse
relativi sit ad aliud quodammodo se habere, sequeretur quod idem haberet
duplex esse. Et similiter de visu patet quod non dicitur ad videntem, sed ad
obiectum quod est color vel aliquid aliud tale. Quod dicit propter ea,
quae videntur in nocte non per proprium colorem, ut habetur in secundo de
anima. |
Malgré que la science, d'après son
vocable, semble se référer aussi bien au savant qu'au connaissable, (on parle
en effet de la science du savant et de la science de l'objet connu, du
concept de l'intelligence et de la chose intelligible) cependant, en tant
qu’elle se dit relativement, elle ne se dit pas par rapport à ce qui est son
sujet; il s'ensuivrait qu'on répéterait deux fois la même chose. Car il est évident
que le concept se dit par relation à l'intelligible comme à son objet. Si ce
même concept se disait par référence au connaissant, il serait dénommé
relatif par une double relation; et puisque l’essence du relatif est d'être
un rapport à autre chose, il s'ensuivrait que la même chose aurait une double
essence. Le cas de la vision est pareil au précédant: elle ne se dit pas par
référence à son sujet, mais à son objet qui est la couleur ou "quelque
chose de la sorte". Ce dernier membre de phrase est ajouté à cause des
objets qui ne: sont pas vus par leur couleur propre pendant la nuit. Ce qu'on
a vu au second livre du De Anima. |
Mais il faut savoir que bien que la science, d’après son nom, semble
se rapporter aussi bien au savant qu’au connaissable, (on parle en effet de
la science du savant et de la science de l'objet connu), et que
l’intelligence se rapporte à l’intelligent et à l’intelligible, pourtant, en
tant qu’elle se dit relativement, l’intelligence ne se dit pas par rapport à
l’intelligent comme à son sujet; il s’ensuivrait qu'on répéterait deux fois
le même relatif. Il est évident en effet que l’intelligence est relatif à
l’intelligible comme à son objet. Mais si on disait qu’elle est relative à
l’intelligent, on la dirait relative deux fois, et puisque l’essence du
relatif est d’avoir un certain rapport à autre chose, il s’ensuivrait que la
même chose aurait une double essence. Le cas de la vision est
semblable : elle ne se dit pas par rapport au voyant, mais à son objet
qui est la couleur ou « quelque chose de la sorte », mention qu’il
ajoute à cause des objets qui ne: sont pas vus selon leur couleur propre
pendant la nuit, comme on l’a vu au livre II de L’Âme. |
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[82594]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 29 Quamvis et hoc recte posset dici, scilicet quod
visus sit videntis. Refertur autem visus ad videntem, non inquantum est
visus, sed inquantum est accidens, vel potentia videntis. Relatio enim
respicit aliquid extra, non autem subiectum nisi inquantum est accidens. Et
sic patet, quod isti sunt modi, quibus aliqua dicuntur secundum se ad
aliquid. |
Cela ne s'oppose pas à ce que l'on
puisse dire correctement que la vue appartient au voyant. Le même ne se
réfère pas au voyant en tant qu’elle est vue mais en tant qu'elle est
l’accident ou une puissance du voyant. La relation se rapporte à quelque
chose d’extérieur au sujet ; elle ne dit rapport à son sujet qu’en tant
qu'elle est accident. Il est donc manifeste que ce sont là les sens selon
lesquels les choses sont dites relatives par soi. |
Pourtant, on pourrait aussi dire avec raison que la vue appartient au
voyant. Mais la vue ne se rapporte pas au voyant en tant qu’elle est la vue
mais en tant qu’elle est un accident ou une puissance du voyant. La relation
se rapporte en effet à quelque chose d’extérieur au sujet et non à celui-ci,
sinon en tant qu'elle est accident. Il est donc manifeste que tels sont les
sens selon lesquels les choses sont dites relatives par soi. |
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[82595] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 30 Deinde cum dicit illa vero ponit tres modos, quibus
aliqua dicuntur ad aliquid non secundum se, sed secundum aliud. Quorum primus
est, quando aliqua dicuntur ad aliquid propter hoc quod sua genera sunt ad
aliquid, sicut medicina dicitur ad aliquid, quia scientia est ad aliquid.
Dicitur enim, quod medicina est scientia sani et aegri. Et isto modo refertur
scientia per hoc quod est accidens. |
Ensuite il dit : "Tantôt
parce que… ", Aristote Pose trois sens selon lesquels le relatif se dit par
quelque chose d'autre, et non par soi. Le premier sens existe lorsque les
êtres sont dits relatifs, parce que leur genre sont des relatifs, comme la
médecine est dite relative parce que la science se dit par relation à un
objet. On dit en effet que la médecine est la science de l’homme sain et de
l’homme malade, Et selon ce sens, la science est relative; du fait qu’elle
est accident. |
Ensuite il dit : et aussi, quand les genres, etc., il donne trois sens selon lesquels des choses sont dites relatives par autre chose et non par soi. Le premier sens est celui où les êtres sont dits relatifs du fait que leurs genres sont relatifs, comme la médecine est dite relative parce que la science est relative. On dit en effet que la médecine est la science de l’homme sain et de l’homme malade. Et selon ce sens, la science est relative du fait qu’elle est accident. |
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[82596]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 31 Secundus modus est, quando aliqua abstracta dicuntur
ad aliquid, quia concreta habentia illa abstracta ad aliud dicuntur; sicut
aequalitas et similitudo dicuntur ad aliquid, quia simile et aequale ad
aliquid sunt. Aequalitas autem et similitudo secundum nomen non dicuntur ad
aliquid. |
Le second sens existe lorsque
certains êtres abstraits sont dits relatifs, parce que les êtres concrets qui
les possèdent sont dits par relation: ainsi l'égalité et la similitude sont
relatives, parce que le semblable et l’égal sont relatifs. L'égalité et la
similitude ne sont pas relatives comme telles d’après le sens des mots. |
Le second sens est celui où certains êtres abstraits sont dits
relatifs, parce que les êtres concrets auxquels ils s’appliquent sont dits
par relation : ainsi l’égalité et la similitude sont relatives, parce
que le semblable et l’égal sont relatifs. L’égalité et la similitude ne sont
pas relatives comme telles d’après le sens des mots. |
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[82597] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 32 Tertius modus est, quando subiectum dicitur ad
aliquid, ratione accidentis; sicut homo vel album dicitur ad aliquid, quia
utrique accidit duplum esse; et hoc modo caput dicitur ad aliquid, eo quod
est pars. |
Le troisième sens est celui où le sujet
est dit relatif en raison d’un accident; comme l’homme et le blanc sont dits
relatifs parce qu'il leur arrive d’être double. De cette façon, on dit que la
tête est relative du fait qu’elle est une partie. |
Le troisième sens est celui où le sujet est dit relatif en raison d’un accident; ainsi, l’homme et le blanc sont dits relatifs parce qu’il leur arrive d’être doubles. De cette façon, on dit que la tête est relative du fait qu’elle est une partie. |
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Leçon 18, Texte d’Aristote
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Leçon
18, texte d’Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Parfait. Accompli, parfait, se dit d'abord
de ce en dehors de quoi il n'est possible de saisir aucune partie de la
chose, pas même une seule: par exemple, le temps d’une chose est accompli,
lorsque, en dehors de ce temps, il n'est pas possible d'appréhender quelque
temps qui soit une partie de ce temps. -- Parfait se dit ensuite de ce qui,
sous le rapport de la qualité propre et du bien, n’est pas surpassé dans son
genre: ainsi on dit un médecin accompli et un joueur de flûte accompli,
quand, envisagés selon la forme de leur vertu propre, ils ne laissent rien à
désirer. Par extension, cette qualification s'applique même à ce qui est
mauvais: nous disons un sycophante accompli, un voleur accompli; nous leur
donnons d’ailleurs aussi la qualité de bons: par exemple, nous disons un bon
voleur, un bon sycophante. L'excellence d'un être est aussi une perfection:
chaque être, en effet, est parfait, toute essence est parfaite, quand, envisagée
dans la forme de son excellence propre, il ne lui manque aucune des parties
qui constituent naturellement sa grandeur. -- Les choses qui ont atteint leur
fin, cette fin étant bonne, sont aussi appelées parfaites, car, avoir atteint
sa fin, c'est être parfait. Et comme la fin est un point extrême, on applique
ce terme, par extension, même aux choses mauvaises, et l'on dit :
parfaitement perdu, parfaitement détruit, lorsqu'il ne manque rien à la
destruction et au mal, et qu'ils sont arrivés au dernier degré. C'est
pourquoi aussi, la mort est appelée, par métaphore, du nom de fin, parce que
l'une et l'autre sont des termes extrêmes; mais la cause finale et dernière
est aussi une fin. -- Ce qui est dit parfait par soi est donc appelé ainsi en
tous ces sens: tantôt, au point de vue du bien, c'est ce à quoi il ne manque
rien, ce qui ne peut être surpassé, et ne présente, en dehors de soi, aucune
partie; tantôt, d’une manière générale, c'est ce qui ne peut être surpassé
dans chaque genre et n'a aucune partie en dehors de soi. -- Les autres
choses, enfin sont parfaites d'après les espèces précédentes, soit parce
qu'elles produisent la perfection, soit qu'elles la possèdent, soit qu'elles
sont en harmonie avec elle, soit que, d'une manière quelconque, elles soutiennent
un rapport avec le parfait proprement dit. |
Parfait. Parfait se dit d’une chose en dehors de
laquelle il n’est plus possible de rien trouver qui lui appartienne, fût-ce
même la moindre parcelle. Ainsi, pour une chose, quelle qu’elle soit, le
temps qu’elle doit durer est Parfait, quand, en dehors de ce temps régulier,
il n’est pas possible de saisir un temps quelconque qui soit une partie de
celui qu’elle doit avoir. Parfait se rapporte encore au mérite et au
bien, qui ne peut plus être surpassé dans un genre donné. C’est ainsi qu’on
dit d’un médecin qu’il est Parfait, ou d’un joueur de flûte qu’il est
Parfait, quand rien ne leur manque du mérite qui leur est spécialement
propre. Par métaphore inverse, on applique le
mot Parfait même à ce qui est mal, et l’on dit : « Voilà un Parfait
sycophante ; Voilà un Parfait voleur, » tout aussi bien que parfois on dit de
pareilles gens qu’on les trouve excellemment bons : « C’est un excellent
sycophante ; c’est un excellent voleur. » La vertu est aussi une sorte de
perfectionnement ; car pour toute chose, pour toute substance, on la dit
Parfaite, lorsque, dans le genre de vertu qui lui convient, il ne lui manque
rien de ce qui doit en constituer l’étendue naturelle. On appelle encore Parfaites les choses
qui parfont et atteignent une bonne fin ; car elles sont Parfaites, par cela
seul qu’elles parfont cette fin. Une conséquence de ceci, c’est que, la fin
des choses étant une extrême et dernière limite, on transporte métaphoriquement
le mot Parfait aux choses les plus mauvaises, et que l’on dit d’une
chose qu’elle est Parfaitement perdue, qu’elle est Parfaitement détruite,
quand il ne manque plus rien à la ruine et au mal, et qu’on est absolument au
bout. C’est ainsi qu’en parlant de la mort, on dit, la fin dernière, parce
que la fin des choses et la mort sont l’une et l’autre des extrêmes, de même
que la fin et le pourquoi des choses sont des extrêmes également. En résumé, les choses dites Parfaites
essentiellement et en soi, sont ainsi dénommées selon les différents sens
qu’on vient de voir : les unes, parce que, en fait de bien, rien ne leur
manque, et qu’elles n’ont en bien, ni aucun excès, ni aucun défaut ; les
autres, parce que, d’une manière générale, elles ne peuvent être surpassées
en leur genre, et qu’il n’y a plus rien à demander en dehors de ce qu’elles
sont. Quant aux autres choses qu’on appelle Parfaites, c’est par rapport à celles-là qu’on les nomme ainsi, soit parce qu’elles sont, ou qu’elles présentent, quelque chose d’analogue au Parfait, soit parce qu’elles s’accordent avec elles, soit parce qu’elles soutiennent tel ou tel autre rapport avec les choses qui sont primitivement appelées Parfaites. |
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Lectio 18 |
Leçon 18, Commentaire de
saint Thomas [Le parfait] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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Leçon
18, Commentaire de saint Thomas [Le parfait] (Traduction Abbé Dandenault, v.
1960) |
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LE PARFAIT PAR SOI
SE DIT EN TROIS SENS, REDUCTIBLES A DEUX. ARISTOTE DECRlT AUSSI COMMENT CE
QUI EST PARFAIT GRACE A QUELQUE CHOSE D'AUTRE EST DIT PARFAIT. |
LE PARFAIT PAR SOI SE DIT EN TROIS SENS, REDUCTIBLES A DEUX. ARISTOTE DECRlT AUSSI COMMENT CE QUI EST PARFAIT GRACE A QUELQUE CHOSE D'AUTRE EST DIT PARFAIT. |
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[82598] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 18 n. 1 Postquam philosophus distinxit nomina, quae
significant causas, et subiectum, et partes subiectorum huius scientiae; hic
incipit distinguere nomina quae significant ea quae se habent per modum
passionis; et dividitur in duas partes. In prima distinguit nomina ea quae pertinent ad
perfectionem entis. In secunda distinguit nomina quae pertinent ad entis
defectum, ibi, falsum dicitur uno modo. Circa primum duo facit. Primo
distinguit nomina significantia ea quae pertinent ad perfectionem entis.
Secundo pertinentia ad totalitatem. Perfectum enim et totum, aut sunt idem,
aut fere idem significant, ut dicitur in tertio physicorum. Secunda ibi, ex aliquo esse dicitur. Circa primum
duo facit. Primo distinguit hoc nomen perfectum. Secundo distinguit quaedam
nomina, quae significant quasdam perfectiones perfecti, ibi, terminus
dicitur. Circa primum duo facit. Primo ponit modos, quibus aliqua dicuntur
perfecta secundum se. Secundo modos, quibus aliqua dicuntur perfecta per
respectum ad alia, ibi, alia vero. Circa primum duo facit. Primo ponit tres
modos quibus aliquid secundum se dicitur perfectum. Secundo ostendit quomodo
secundum hos modos aliqua diversimode perfecta dicuntur, ibi, secundum se
dicta quidem igitur. |
Après avoir distingué les mots qui
signifient les causes, le sujet et les parties des sujets de cette science,
le Philosophe entreprend ici de distinguer les mots qui signifient ce qui se
trouve dans l'être à la manière d'une propriété. Ce qu'il divise en deux
parties. Dans la première, il distingue les mots qui appartiennent à la
perfection de l'être. Dans la seconde, il distingue les mots qui
appartiennent à la déficience ou au défaut de l'être, où il dit : "Le
faux se dit, etc. (no 82593). Au sujet de la perfection, il distingue les
mots qui signifient ce qui appartient au parfait et les mots qui se
rapportent à la totalité de l'être. Le parfait et le tout en effet sont ou
identiques, ou signifient presque la même chose, comme on l’a dit au
troisième livre des Physiques, La
seconde partie de cette étude commence où il dit: "Provenir de venir de,
etc. " (lec. XXI). La distinction du vocabulaire sur la perfection se
fait en deux parties. , Aristote cerne tout d'abord le mot parfait, puis il
distingue certains mots qui désignent certaines perfections du parfait. Dans
le parfait, il distingue en premier les sens selon lesquels le parfait se dit
par soi; en second, les sens d'après lesquels le parfait se dit de façon
relative, par rapport à autre chose que soi, où il dit: " Les autres
choses, enfin, etc.". Au sujet du parfait par soi, il distingue trois
sens; en second, il montre comment les choses sont dites parfaites selon ces
trois sens, où il dit: "Ce qui est dit parfait par soi etc." |
Après avoir distingué les mots qui signifient les causes, le sujet et
les parties des sujets de cette science, le Philosophe entreprend ici de
distinguer les mots qui signifient ce qui a le caractère d’une propriété; et
ce sujet se divise en deux parties. Dans la première, il distingue les mots
qui appartiennent à la perfection de l'être. Dans la seconde, il distingue
les mots qui concernent la déficience de l'être, où il dit : Faux se prend d’abord, etc. (milieu de
la leçon XXII). La première partie se divise en deux. Il distingue, en
premier, les mots qui signifient ce qui concerne la perfection de l’être; en
deuxième, ceux qui concernent la totalité de l’être. Le parfait et le tout en
effet sont ou identiques, ou signifient presque la même chose, comme on l’a
dit au livre III des Physiques. La
seconde partie commence où il dit : Provenir
de quelque chose, etc. (leçon XXI). Il traite la première section en deux
points. En premier, il distingue les sens du mot « parfait ». En
deuxième, il distingue les sens de mots qui désignent certaines perfections
du parfait, où il dit : Le Terme
d’une chose, etc. (leçon XIX) Il traite le parfait en deux parties. En
premier, il énonce les sens où le parfait se dit par soi; en second, il
présente les sens où le parfait se dit de façon relative, par rapport à autre
chose que soi, où il dit : Quant
aux autres choses, etc. Il traite la première section en trois parties.
En premier, il donne trois sens selon lesquels une chose est dite parfaite
par soi. En second, il montre comment, selon ces sens, les choses sont dites
parfaites de façons diverses, où il dit : En résumé, les choses, etc. |
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[82599] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 18 n. 2 Dicit ergo primo, quod perfectum uno modo dicitur,
extra quod non est accipere aliquam eius particulam; sicut homo dicitur
perfectus, quando nulla deest ei pars. Et dicitur tempus perfectum, quando
non est accipere extra aliquid quod sit temporis pars; sicut dicitur dies
perfectus, quando nulla pars diei deest. |
L’accompli ou le parfait se dit d’abord
de la chose qui possède toutes ses particules, dont aucune partie n'est
extérieure à elle-même. Par exemple, l'homme est dit parfait quand il ne lui
manque aucune partie. On dit encore que le temps est parfait ou accompli,
quand il n'est pas possible de saisir quelque temps qui soit une partie hors
de ce temps: la journée est accomplie ou parfaite, lorsqu’il ne lui manque
aucune partie. |
Il dit donc en premier que le parfait se dit en un sens de la chose
hors de laquelle on ne peut trouver aucune de ses particules; ainsi, l’homme
est dit parfait quand il ne lui manque aucune partie. On dit encore que le
temps est parfait quand il n'est pas possible de trouver quelque chose
d’extérieur qui fasse partie de ce temps : ainsi, la journée est appelée
parfaite lorsqu’il ne lui manque aucune partie. |
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[82600]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 18 n. 3 Alio modo dicitur aliquid perfectum secundum
virtutem; et sic dicitur aliquid perfectum, quod non habet hyperbolem,
idest superexcellentiam vel superabundantiam ad hoc quod aliquid bene fiat
secundum genus illud, et similiter nec defectum. Hoc enim dicimus bene se
habere, ut dicitur in secundo Ethicorum, quod nihil habet nec plus nec minus
quam debet habere. Et sic dicitur perfectus medicus et perfectus fistulator,
quando non deficit ei aliquid, quod pertineat ad speciem propriae virtutis,
secundum quam dicitur, quod hic est bonus medicus, et ille bonus fistulator.
Virtus enim cuiuslibet est quae bonum facit habentem, et opus eius bonum
reddit. |
D’une autre façon, le parfait se
dit par rapport à la vertu. Ainsi une chose est parfaite lorsqu'elle est
faite selon les exigences de son genre, ne possédant ni plus ni moins que ce
qu'elle doit posséder. Nous disons qu’une chose est bonne, comme on le voit
dans le second livre de l’Ethique,
quand elle possède ce qu'elle doit posséder sans plus et sans moins. Ainsi on
parle d'un médecin parfait et d'un joueur de flûte parfait quand il ne leur
manque rien de ce qui appartient à l'espèce de leur vertu propre, selon
laquelle on dit que celui-ci est un bon médecin et celui-là un bon joueur de
flûte. La vertu de qui que ce soit en effet, est ce qui rend bon celui que la
possède et qui rend bonne son œuvre. |
D’une autre façon, une chose est dite parfaite en capacité. Ainsi,
une chose est parfaite lorsqu’elle est un nec
plus ultra, c’est-à-dire n’admet rien de plus excellent ou de plus
abondant pour être bien réalisée selon son genre, et n’a pas non plus de
manque. Nous disons qu’une chose est
bonne, comme on le voit au livre II de l’Éthique,
quand elle possède ce qu’elle doit posséder sans plus et sans moins. Ainsi on
parle d’un médecin parfait et d’un flûtiste parfait quand il ne leur manque
rien de ce qui appartient à l’espèce de leur vertu propre, selon laquelle on
dit que celui-ci est un bon médecin et celui-là un bon flûtiste. La vertu de
quiconque, en effet, est ce qui rend bon celui que la possède et qui rend
bonne son œuvre. |
|
[82601] Sententia Metaphysicae,
lib. 5 l. 18 n. 4 Secundum autem hunc modum utimur translative nomine
perfecti etiam in malis. Dicimus enim perfectum sycophantam, idest
calumniatorem, et perfectum latronem, quando in nullo deficit ab eo quod
competit eis inquantum sunt tales. Nec est mirum si in istis quae magis
sonant defectum, utimur nomine perfectionis; quia etiam cum sint mala, utimur
in eis nomine bonitatis per quamdam similitudinem. Dicimus enim bonum furem
et bonum calumniatorem, quia sic se habent in suis operationibus, licet
malis, sicut boni in bonis. |
Selon ce sens, on se sert du mot
parfait par transposition ou extension même dans les choses mauvaises. Nous
parlons d'un sycophante parfait ou d'un voleur parfait en tant qu'il ne leur
manque rien de ce qui leur convient en tant qu'ils sont tels. D’ailleurs, il
ne faut pas s'étonner si nous utilisons le mot parfait même dans les
défections: c'est que, par similitude, nous utilisons dans les œuvres
mauvaises les mots qui se rapportent à la bonté. Nous parlons d'un bon calomniateur
ou d’un bon voleur parce qu'ils sont, bien que mauvais, à l'égard de leurs
opérations et de leurs œuvres mauvaises, comme les bons par rapport à leurs
bonnes actions. |
Selon ce sens, on se sert du mot « parfait » par extension
même dans les choses mauvaises. Nous parlons d’un sycophante (ou
calomniateur) parfait ou d’un voleur parfait quand il ne leur manque rien de
ce qui leur convient en tant qu’ils sont tels. D’ailleurs, il n’est pas
étonnant que nous utilisions le mot « parfait » même pour les
choses qui évoquent un défaut, car, même si elles sont mauvaises, nous leur
appliquons par ressemblance le nom de bonté. Nous parlons d’un bon voleur ou
d’un bon calomniateur parce qu’ils sont par rapport à leurs œuvres, bien que
celles-ci soient mauvaises, comme les bons par rapport à leurs bonnes
actions. |
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[82602]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 18 n. 5 Et quod aliquid dicatur perfectum per comparationem
ad virtutem propriam, provenit quia virtus est quaedam perfectio rei.
Unumquodque enim tunc est perfectum quando nulla pars magnitudinis naturalis,
quae competit ei secundum speciem propriae virtutis, deficit ei. Sicut autem
quaelibet res naturalis, habet determinatam mensuram naturalis magnitudinis
secundum quantitatem continuam, ut dicitur in secundo de anima, ita etiam
quaelibet res habet determinatam quantitatem suae virtutis naturalis. Equus
enim habet quantitatem dimensivam determinatam secundum naturam cum aliqua
latitudine. Est enim aliqua quantitas, ultra quam nullus equus protenditur in
magnitudine. Et similiter est aliqua quantitas, quam non transcendit in
parvitate. Ita etiam ex utraque parte determinatur aliquibus terminis
quantitas virtutis equi. Nam aliqua est virtus equi, qua maior in nullo equo
invenitur: et similiter est aliqua tam parva, qua nulla est minor. |
Que quelque chose soit dit parfait
par rapport à sa vertu propre, cela provient de ce que la vertu est une
certaine perfection de ce quelque chose. En effet, chacun est parfait, quand
il ne lui manque aucune partie de la grandeur naturelle qui lui convient
selon l'espèce de sa vertu propre. Comme toute chose naturelle à une mesure
déterminée de sa grandeur naturelle selon la quantité continue, comme on le
dit dans le second livre de l'Ame,
ainsi toute chose possède une quantité déterminée a sa vertu naturelle. Ainsi
le cheval a la quantité dimensive déterminée d’après sa nature selon
certaines limites. Il y a une certaine quantité qu'aucun cheval ne dépasse en
grandeur. Et, pareillement, il y a une certaine quantité minimum qu’il ne
peut dépasser (pour demeurer cheval). Ainsi, les deux côtés, la quantité de
la vertu du cheval doit être déterminée par certaines limites. Il y a une
vertu maximum du cheval qu’aucun cheval ne peut dépasser; et aussi, il y a
une vertu minimum si petite qu’il ne peut y en avoir de plus petite. |
Qu’une chose soit dite parfaite par rapport à sa vertu propre, cela
provient de ce que la vertu est une certaine perfection de cette chose. En
effet, chacun est parfait quand il ne lui manque aucune partie de la grandeur
naturelle qui lui convient selon l’espèce de sa vertu propre. Comme toute
chose naturelle à une mesure déterminée de sa grandeur naturelle selon la
quantité continue, comme on le dit au livre II de l’Âme, ainsi toute chose possède une quantité déterminée à sa
vertu naturelle. Ainsi le cheval a la quantité dimensive déterminée d’après
sa nature, avec une certaine marge possible. Il y a en effet une certaine
quantité qu’aucun cheval ne dépasse en grandeur. Et pareillement, il y a une
certaine quantité qu’il ne peut dépasser en petitesse. Ainsi, des deux côtés,
la quantité de la vertu du cheval doit être déterminée par certaines limites.
Il y a une vertu du cheval qu’aucun cheval ne peut dépasser; et il y a aussi
une vertu si petite qu’il ne peut y en avoir de plus petite. |
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[82603] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 18 n. 6 Sicuti igitur primus modus perfecti accipiebatur ex
hoc quod nihil rei deerat de quantitate dimensiva sibi naturaliter determinata,
ita hic secundus modus accipitur ex hoc quod nihil deest alicui de quantitate
virtutis sibi debitae secundum naturam. Uterque autem modus perfectionis
attenditur secundum interiorem perfectionem. |
Ainsi, comme le premier sens du
parfait provenait de ce que rien ne manquait à un être de la quantité
dimensive qui lui était naturellement déterminée, ainsi le second sens se
prend de ce qu'il ne manque rien, la quantité de vertu qui est due à un être
selon sa nature. Les deux sens sont donc considérés selon la perfection
intérieure d'un être. |
Ainsi, comme le premier sens du parfait consistait en ce que rien ne
manque à un être de la quantité dimensive qui lui est naturellement
déterminée, ainsi le second sens consiste en ce qu’il ne manque rien à la
quantité de vertu qui est due à un être selon sa nature. Les deux sens sont
donc considérés selon la perfection intérieure d’un être. |
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[82604]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 18 n. 7 Amplius quibus tertium modum ponit per respectum ad
exterius; dicens, quod illa dicuntur tertio modo perfecta quibus inest
finis, idest quae iam consecuta sunt suum finem; si tamen ille finis
fuerit studiosus, idest bonus: sicut homo, quando iam consequitur
beatitudinem. Qui autem consequitur finem suum in malis, magis dicitur
deficiens quam perfectus; quia malum est privatio perfectionis debitae. In quo patet, quod mali, quando suam perficiunt
voluntatem, non sunt feliciores, sed miseriores. Quia vero omnis finis est
quoddam ultimum, ideo per quamdam similitudinem transferimus nomen perfectum
ad ea, quae perveniunt ad ultimum, licet illud sit malum. Sicut dicitur aliquid perfecte perdi, vel corrumpi,
quando nihil deest de corruptione vel perditione rei. Et per hanc metaphoram,
mors dicitur finis, quia est ultimum. Sed finis non solum habet quod sit
ultimum, sed etiam quod sit cuius causa fit aliquid. Quod non contingit morti
vel corruptioni. |
Ensuite où il dit: "Les
choses qui ont ... ", il donne le troisième sens par relation à quelque chose
d'extérieur, en disant que les choses parfaites selon le troisième sens sont
celles qui ont déjà atteint leur fin, si cette fin est bonne: comme l'homme
par exemple qui possède déjà la béatitude. Ceux qui ont déjà atteint leur fin
dans le mai sont dits davantage défaillants - imparfaits – misérables, que
parfaits: le mal étant la privation de la perfection due. Ce qui rend
manifeste que les hommes mauvais, quand ils accomplissent leur volonté, ne
sont pas plus heureux, mais plus misérables. Parce que toute fin est un
certain point ultime ou un terme dernier, on a transposé le mot parfait pour
désigner ceux qui ont atteint un certain point ultime, bien que ce terme
dernier soit mauvais. Nous disons, par exemple, que quelque chose est
parfaitement perdu ou corrompu quand il ne manque plus rien à sa perdition ou
à sa corruption. Et par cette métaphore, la mort est dite une fin, parce
qu’elle est le terme ultime de la vie. Mais à la fin sont requises non
seulement la condition de terme extrême, mais aussi celle d'être ce en vue de
quoi quelque chose se fait. Cette dernière condition ne se trouve pas dans la
mort ou la corruption. |
Ensuite où il dit : On
appelle encore Parfaites, etc., il donne le troisième sens par relation à
l’extérieur, en disant que les choses parfaites selon le troisième sens sont
celles en lesquelles se trouve la fin, c’est-à-dire
qui ont déjà atteint leur fin, si du moins cette fin est louable (bonne), comme l’homme quand il possède déjà la
béatitude. Celles qui ont atteint leur fin dans le mal sont plutôt appelées
déficientes que parfaites, car le mal est la privation de la perfection
requise. Cela rend manifeste que les hommes mauvais, quand ils accomplissent
leur volonté, ne sont pas plus heureux, mais plus misérables, mais, parce que
toute fin est un terme ultime, on a transposé le mot « parfait »
pour désigner ceux qui ont atteint leur terme, bien que celui-ci soit
mauvais. Ainsi disons-nous que quelque chose est parfaitement perdu ou
corrompu quand il ne manque plus rien à sa perdition ou à sa corruption. Et
selon cette métaphore, la mort est appelée fin, parce qu’elle est un terme
ultime. Mais la fin exige non seulement la qualité de terme ultime, mais
aussi celle d’être ce en vue de quoi quelque chose se fait, ce qui n’est pas
le cas de la mort ou de la corruption. |
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[82605] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 18 n. 8 Deinde cum dicit secundum se ostendit quomodo aliqua
diversimode se habeant ad praedictos modos perfectionis; et dicit, quod
quaedam dicuntur secundum se perfecta: et hoc dupliciter. Alia quidem
universaliter perfecta, quia nihil omnino deficit eis absolute, nec aliquam
habent hyperbolem, idest excedentiam, quia a nullo videlicet penitus
in bonitate exceduntur, nec aliquid extra accipiunt, quia nec indigent
exteriori bonitate. Et haec est conditio primi principii, scilicet Dei, in
quo est perfectissima bonitas, cui nihil deest de omnibus perfectionibus in
singulis generibus inventis. |
Ensuite, quand il dit : "Ce
qui est dit parfait ... ", il montre comment les choses sont dites
parfaites par rapport aux sens du parfait ci-haut mentionnés. Il dit que
certains êtres sont dits parfaits par eux-mêmes. Et cela de deux façons.
Certains êtres sont parfaits à tous points de vue parce qu’ils ne leur
manquent absolument rien, étant incapables d’une addition quelconque parce
qu'ils ne peuvent être dépassés par quoi que ce soit dans le bien, étant
incapables aussi de recevoir quelque chose de l'extérieur parce qu’ils n'ont
nullement besoin de quelque bonté extérieure. Ce qui est la condition du
premier principe, à savoir Dieu, dans lequel se trouve la bonté la plus
parfaite et à qui ne manque aucune des perfections que l’on retrouve dans les
genres particuliers d'être. |
Ensuite, quand il dit : En
résumé, les choses, etc., il montre comment les choses se rapportent de
façons diverses aux sens du parfait ci-haut mentionnés. Il dit que certains
êtres sont dits parfaits en eux-mêmes, et cela de deux façons. Certains êtres
sont parfaits à tous points de vue parce qu’il ne leur manque absolument
rien, et ils sont incapables d’excès, c’est-à-dire ne peuvent être dépassés
par quoi que ce soit dans le bien, et ils n’admettent rien d’additionnel du
dehors parce qu’ils n’ont nullement besoin d’une bonté extérieure. Et telle
est la condition du premier principe, à savoir Dieu, en qui lequel se trouve
la bonté la plus parfaite et à qui ne manque aucune des perfections que l’on
trouve dans les genres particuliers d’être. |
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[82606]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 18 n. 9 Alia dicuntur perfecta in aliquo genere, ex eo quod
quantum ad illud genus pertinet, nec habent hyperbolem, idest
excedentiam, quasi aliquid eis deficiat eorum, quae illi generi debentur; nec
aliquid eorum, quae ad perfectionem illius generis pertinent, est extra ea,
quasi eo careant; sicut homo dicitur perfectus, quando iam adeptus est
beatitudinem. |
D'autres êtres sont dits parfaits
dans un certain genre en tant que, par rapport à ce genre, ils ne sont pas
surpassés, comme s'il leur manquait quelque chose de dû à ce genre ou comme
si quelque chose de nécessaire à la perfection du genre leur faisait défaut.
Ainsi l’homme est dit parfait quand il a déjà obtenu la béatitude. |
D’autres êtres sont dits parfaits dans un certain genre en tant que,
par rapport à ce genre, ils sont incapables d’excès, c’est-à-dire ne peuvent
être surpassés, comme s’il leur manquait quelque chose qui est dû à ce
genre,et rien de ce qui appartient à la perfection de leur genre n’est en
dehors d’eux comme s’il leur faisait défaut. Ainsi l’homme est dit parfait
quand il a déjà obtenu la béatitude. |
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[82607] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 18 n. 10 Et sicut fit haec distinctio quantum ad secundum
modum perfectionis supra positum, ita potest fieri quantum ad primum, ut
tangitur in principio caeli et mundi. Nam quodlibet corpus particulare est
quantitas perfecta secundum suum genus, quia habet tres dimensiones, quibus
non sunt plures. Sed mundus dicitur perfectus universaliter, quia omnino
nihil extra ipsum est. |
Cette distinction peut se faire
dans le premier sens aussi bien que dans le second, comme on l'a entrevu au
début du "Traité du ciel et du
monde". Tout corps particulier est une quantité parfaite selon son
genre parce qu’il a les trois dimensions possibles. Mais le monde est dit
parfait absolument, parce qu'il n’y a absolument rien en dehors de lui. |
Et de même qu’on fait cette distinction dans le deuxième sens de
« perfection » ci-dessus, on peut aussi la faire quant au premier,
comme on l’a entrevu au début du traité Du
ciel et du monde. Tout corps particulier est en effet une quantité
parfaite selon son genre parce qu’il a les trois dimensions et qu’il n’y en a
pas plus. Mais le monde est dit parfait absolument, parce qu'il n’y a
absolument rien en dehors de lui. |
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[82608] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 18 n. 11 Deinde cum dicit alia vero ponit modum, secundum
quem aliqua dicuntur perfecta per respectum ad aliud: et dicit, quod alia
dicuntur perfecta secundum ipsa, idest per comparationem ad perfecta,
quae sunt secundum se perfecta. Vel ex eo, quod faciunt aliquid perfectum aliquo
priorum modorum; sicut medicina est perfecta, quia facit sanitatem perfectam.
Aut ex eo, quod
habent aliquid perfectum; sicut homo dicitur perfectus, qui habet perfectam
scientiam. Aut repraesentando tale perfectum; sicut illa, quae habent
similitudinem ad perfecta; ut imago dicitur perfecta, quae repraesentat
hominem perfecte. Aut qualitercumque aliter referantur ad ea, quae dicuntur
per se perfecta primis modis. |
Il pose le sens selon lequel une
chose est dite parfaite par rapport à autre chose. Certaines choses sont
dites parfaites par comparaison à celles qui sont parfaites par soi. D'autres
sont dites parfaites parce qu'elles produisent la perfection selon les trois
premiers sens énumérés. Ainsi, la médecine est parfaite parce qu'elle produit
une parfaite santé. D'autres encore sont parfaites, parce qu'elles possèdent
quelque chose de parfait: c'est ainsi que l'homme est dit parfait parce qu'il
possède une science parfaite. D'autres sont dites parfaites, parce qu'elles
représentent une telle perfection, comme les choses qui ont une ressemblance
avec les choses parfaites. Ainsi l'image est dite parfaite, parce qu'elle
représente parfaitement un homme. Les choses sont dites parfaites aussi parce
qu'elles soutiennent un rapport quelconque avec celles qui sont parfaites par
elles-mêmes selon les premiers sens. |
Puis lorsqu’il dit : Quant
aux autres choses, etc., il énonce le sens selon lequel une chose est dite
parfaite par rapport à autre chose, en disant que certaines choses sont dites
parfaites par rapport à celles-là,
c’est-à-dire par comparaison avec celles qui sont parfaites par soi. Ou bien,
elles sont dites parfaites parce qu’elles produisent la perfection selon l’un
des sens énumérés : ainsi, la médecine est parfaite parce qu'elle
produit une parfaite santé. Ou encore, elles sont dites parfaites parce
qu’elles possèdent quelque chose de parfait : ainsi l’homme est dit
parfait parce qu’il possède une science parfaite. Ou encore, c’est parce qu’elles représentent ce qui est
parfait, comme les choses qui ont une ressemblance avec un être parfait.
Ainsi l’image est dite parfaite, parce qu’elle représente parfaitement un
homme. Ou bien, c’est parce qu’elles soutiennent un rapport quelconque avec
celles qui sont parfaites par elles-mêmes selon les premiers sens. |
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Leçon 19, Texte d’Aristote
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Leçon
19, texte d'Aristote, traduit par Sr Pascale-Dominique Nau |
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Limite Limite se dit de l'extrémité d'une
chose, c'est-à-dire du premier point au delà duquel il n'est plus possible de
rien appréhender de la chose, et du premier point en deçà duquel est son
tout. C'est aussi la forme, quelle qu'elle soit, de la grandeur ou de ce qui a
grandeur, et la fin de chaque chose, c'est-à-dire le point d'arrivée du
mouvement et de l'action, et non le point de départ; quelquefois cependant on
donne ce nom aussi bien au point de départ qu'au point d'arrivée,
c'est-à-dire à la cause finale. La limite est aussi la substance formelle de
chaque chose et sa quiddité, Car c'est la limite de la connaissance, et,
comme limite de la connaissance, c'est aussi la limite de la chose. – Il en
résulte manifestement que limite a autant d'acceptions que principe, et même
davantage: le principe est une limite, tandis que la limite n’est pas
toujours un principe. "en quoi" ou "par
quoi", ou "pourquoi" Le "en quoi" ou "par
quoi", ou "pourquoi",
reçoit plusieurs acceptions. En un premier sens, c'est la forme et la substance
de chaque chose: par exemple, ce par quoi l’homme est bon, c’est le bien en
soi. – En un autre sens, c’est le sujet premier et naturel d'un attribut,
telle la surface pour la couleur. En
quoi, dans son acception première, c’est donc la forme, et, en un sens
secondaire, c'est comme la matière de chaque chose, son sujet prochain. -- En
général, ce terme recevra toutes les acceptions du mot cause. On dit, en
effet, indifféremment: pourquoi est-il venu? ou bien: dans quel but est-il
venu? Pourquoi a-t-on fait un paralogisme ou un syllogisme? ou bien: quelle
est la cause du paralogisme ou du syllogisme ? – Pourquoi se dit encore
de la position : pourquoi on est debout, ou pourquoi on marche, car,
dans tous ces cas, on signifie la position et le lieu. Il en résulte que le par soi se
prend aussi nécessairement en plusieurs sens. D'une part, par soi signifie la
quiddité de chaque être; par exemple, Callias par soi, c'est Callias et la
quiddité de Callias -- En un autre sens, il exprime tout ce qui se trouve dans
l'essence: par exemple, Callias est, par soi, animal, car, dans la notion de
Callias, entre l'animal: Callias est quelque animal. Par soi se dit aussi de
l'attribut que le sujet reçoit en lui-même immédiatement, ou dans l'une de
ses parties: ainsi la surface est blanche par soi, et l'homme est vivant par
soi, car l'âme, dans laquelle la vie réside immédiatement, est une partie de
l'homme, -- Ce terme se dit encore de ce qui n’a pas de cause autre que soi:
l’homme a plusieurs causes formelles, à savoir l'animal et le bipède; mais
cependant l'homme est homme par soi. – Il se dit, enfin, de tout attribut qui
appartient à un seul sujet, pris en tant que seul : c’est pourquoi ce
qui est séparé est par soi. |
Terme. Le Terme d’une chose quelconque, c’est
son point extrême, en dehors duquel il n’y a plus rien à prendre du primitif,
et en deçà duquel se trouve tout l’essentiel. Le Terme est aussi la forme limitée
d’une grandeur, ou de ce qui a une grandeur quelconque. C’est enfin le but de
chaque chose ; et par là, j’entends le point où aboutit le mouvement et
l’action, par opposition au point d’où il part. Parfois cependant, le mot Terme a
les deux significations, et il exprime tout ensemble, et le point de départ
et le point d’arrivée, le pourquoi ou le but final de la chose, sa substance,
et ce qui la fait être essentiellement ce qu’elle est. C’est là, en effet, le
Terme et le but de la connaissance ; et si c’est le Terme de la connaissance,
ce doit être aussi le Terme de la chose. Ainsi évidemment, toutes les
significations que peut avoir le mot Principe, le mot Terme les
a en nombre égal. On peut même dire qu’il en a davantage ;
car le principe est une sorte de Terme, tandis qu’un Terme n’est pas toujours
un Principe. En soi. L’expression de En soi peut avoir
plusieurs acceptions diverses. Un premier sens, est la forme et la substance
essentielle de chaque chose : Bon En soi, par exemple le bien En soi. En un autre sens, En soi désigne le
primitif ou une chose se trouve naturellement : la couleur, par exemple, est
dans un primitif, qui est la surface des corps. Ainsi, la chose à laquelle s’applique
primordialement l’expression de En soi, c’est la forme ou l’espèce ; puis, en
second lieu, En soi, signifie la matière et le sujet primordial de chaque
chose. L’expression de En soi a d’ailleurs
autant de nuances que celle de Cause pourrait en avoir. Ainsi, quand on parle
de l’objet En soi pour lequel telle personne est venue, cela signifie la
cause qui l’a fait venir. Le sujet En soi sur lequel telle personne a eu tort
ou a eu raison, dans une discussion, est la cause qui a rendu son
raisonnement faux ou victorieux. En soi peut s’appliquer encore à la
position qu’on a prise, et l’on dit : En tant qu’il se tient debout, En tant
qu’il marche, pour indiquer, dans toutes ces expressions, la situation et le
lieu qu’on occupe essentiellement. Par conséquent, l’expression de En soi
se prend nécessairement en des acceptions diverses. En soi exprime d’abord
pour chaque chose ce qu’elle est essentiellement : par exemple, Callias est
Callias En soi, c’est-à-dire il est ce qu’est essentiellement Callias. En second lieu, En soi exprime tout ce
qui entre dans l’essence d’un être. Ainsi, Callias est En soi un être animé ;
car la notion d’animal entre dans la définition de Callias, puisqu’il est un
animal d’une certaine espèce, un être animé. En soi s’entend encore de ce qui se
trouve primitivement dans l’objet, ou dans une de ses parties. Par exemple,
la surface est blanche En soi ; l’homme est En soi un animal, un être vivant,
puisque l’âme est une partie de l’homme, et que c’est en elle que se trouve
primitivement la vie dont il est animé. On entend encore par l’expression En soi
ce dont une autre chose n’est pas cause. L’homme peut avoir, si l’on veut,
bien des causes, l’animal, le bipède, etc. ; mais néanmoins l’homme En soi
est homme. Enfin, on appelle En soi tout ce qui appartient à l’être seul, et en tant que lui seul possède la qualité en question. C’est en ce sens que tout ce qui est séparé est dit être En soi. |
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Lectio 19 |
Leçon 19, Commentaire de
saint Thomas [La limite, “en quoi”] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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Leçon
19, Commentaire de saint Thomas [La limite, “en quoi”] (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960) |
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ARISTOTE EXPOSE EN
COMBIEN DE SENS SE DISENT LES MOTS "EN QUOI", SELON QUOI, PAR SOI
ET DISPOSITION. |
ARISTOTE EXPOSE EN COMBIEN DE SENS SE DISENT LES MOTS "EN QUOI", SELON QUOI, PAR SOI ET DISPOSITION. |
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[82609] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 1 Hic prosequitur de nominibus, quae significant
conditiones perfecti. Perfectum autem, ut ex praemissis patet, est terminatum
et absolutum, non dependens ab alio, et non privatum, sed habens ea, quae
sibi secundum suum genus competunt. Et ideo primo ponit hoc nomen terminus.
Secundo hoc quod dicitur per se, ibi, et secundum quod dicitur. Tertio hoc
nomen habitus, ibi, habitus vero dicitur. Circa primum tria facit. Primo
ponit rationem termini; dicens, quod terminus dicitur quod est ultimum
cuiuslibet rei, ita quod nihil de primo terminato est extra ipsum terminum;
et omnia quae sunt eius, continentur intra ipsum. Dicit autem primi
quia contingit id, quod est ultimum primi, esse principium secundi; sicut
nunc quod est ultimum praeteriti, est principium futuri. |
Il entreprend ici l'étude des mots
qui signifient les conditions du parfait. Le parfait, tel qu'il apparaît dans
la leçon antérieure, est ce qui est terminé et absolu, ne dépendant pas d'autre
chose, ce qui ne souffre pas privation, mais possède tout ce qui convient à
son genre d’être. Voilà pourquoi il propose tout d’abord le mot
"terme" ou "limite". En second, il propose "ce qui
se dit par soi", où il dit : "Le en quoi ou par quoi, ou pourquoi
reçoit ..." Troisièmement, il propose le terme habitus où il dit :
"Etat, en un sens ... " (n° 84627). Au sujet du mot limite, il fait
trois choses. Il en donne tout d'abord la raison en disant que le terme se
dit de l'extrémité d’une chose, de telle sorte que rien de la première chose
terminée n'est en dehors du terme et tout ce qui lui appartient est à
l'intérieur de cette limite. Il parle de la première chose terminée parce
qu’il arrive quelquefois que l’extrémité de la première chose soit le principe
dans la seconde. Ainsi l'instant présent est l'extrémité du temps passé et le
principe du temps futur. |
Il entreprend ici l'étude des mots qui signifient les conditions du
parfait. Or, le parfait, comme on l’a vu plus haut, est ce qui est délimité et
absolu, ne dépend pas d’'autre chose, n’est pas atteint de privation, mais
possède tout ce qui convient à son genre d’être. Voilà pourquoi il présente
tout d’abord le mot « terme ». En deuxième, il présente
l’expression « en soi », où il dit : L’expression de En soi, etc. En troisième, il présente le terme
« disposition », où il dit : On
appelle Disposition, etc. (leçon XX). Il traite du terme en trois
parties. Il présente d’abord la notion de terme disant que le terme désigne
l’extrémité d’une chose, de telle sorte que rien de la première chose limitée
n’est en dehors du terme et tout ce qui lui appartient est à l’intérieur de
cette limite. Il parle de la première chose terminée parce qu’il arrive que
l’extrémité de la première chose soit le début de la seconde : ainsi,
l’instant présent est l’extrémité du temps passé et le début du temps futur. |
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[82610]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 2 Et quaecumque secundo ponit quatuor modos, quibus
dicitur terminus; quorum primus est secundum quod in qualibet specie
magnitudinis, finis magnitudinis, vel habentis magnitudinem, dicitur
terminus; sicut punctus dicitur terminus lineae, et superficies corporis, vel
etiam lapidis habentis quantitatem. |
Où il dit: "C'est aussi la
forme ... ". Il pose quatre sens selon lesquels se dit la limite. Le
premier est celui où, dans toutes espèces de grandeur, la fin de la grandeur,
ou de ce qui la possède, se dit limite. Ainsi, le point est la limite de la
ligne et la superficie, la limite du corps ou de la pierre qui possède la
quantité. |
En deuxième, où il dit : Le
Terme est aussi, etc., il pose quatre sens selon lesquels on parle de
terme. Le premier est celui où, dans toutes espèces de grandeur, la fin de la
grandeur, ou de ce qui la possède, est appelé terme. Ainsi, le point est le
terme de la ligne, et la superficie est le terme du corps, ou même de la
pierre qui possède la quantité. |
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[82611] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 3 Secundus modus est similis primo, secundum quod unum
extremum motus vel actionis dicitur terminus, hoc scilicet ad quod est motus,
et non a quo: sicut terminus generationis est esse, non autem non esse;
quamvis quandoque ambo extrema motus dicantur terminus largo modo, scilicet a
quo, et in quod; prout dicimus, quod omnis motus est inter duos terminos. |
Le second sens est semblable au
premier en tant qu'une extrémité du mouvement ou de l'action est appelée
limite, à savoir le point d'arrivée et non le point de départ. Ainsi, le
terme de la génération est l’être et non pas le non-être. Il arrive cependant
que les deux extrémités du mouvement sont appelées termes dans un sens large
en tant que nous disons que tout mouvement se fait entre deux termes. |
Le second sens est semblable au premier : en ce sens, une extrémité
du mouvement ou de l’action est appelée terme, à savoir le point d’arrivée et
non le point de départ. Ainsi, le terme de la génération est l’être et non
pas le non-être. Il arrive cependant que les deux extrémités du mouvement (le
point de départ et le point d’arrivée) sont appelées termes au sens large en
tant que nous disons que tout mouvement se fait entre deux termes. |
|
[82612] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 4 Tertius modus dicitur terminus, cuius causa fit
aliquid; hoc enim est ultimum intentionis, sicut terminus secundo modo dictus
est ultimum motus vel operationis. |
Dans le troisième sens, le terme
se dit de ce en vue de quoi quelque chose se fait: le point ultime de
l'intention, comme dans le second sens le terme était le point ultime
d'arrivée du mouvement ou de l'opération. |
Dans le troisième sens, le terme désigne ce en vue de quoi quelque
chose se fait : c’est en effet l’aboutissement de l’intention, comme
dans le deuxième sens le terme était le point d’arrivée du mouvement ou de
l’opération. |
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[82613]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 5 Quartus modus est secundum quod substantia rei, quae
est essentia et definitio significans quod quid est res, dicitur terminus. Est
enim terminus cognitionis. Incipit enim cognitio rei ab aliquibus signis
exterioribus quibus pervenitur ad cognoscendum rei definitionem; quo cum
perventum fuerit, habetur perfecta cognitio de re. Vel dicitur terminus
cognitionis definitio, quia infra ipsam continentur ea, per quae scitur res.
Si autem mutetur una differentia, vel addatur, vel subtrahatur, iam non erit
eadem definitio. Si autem est terminus cognitionis, oportet quod sit rei
terminus, quia cognitio fit per assimilationem cognoscentis ad rem cognitam. |
Le quatrième sens est celui selon
lequel la substance de la chose, qui est l'essence et la définition
signifiant ce qu'est la chose, se disent termes. La définition est en effet
le terme de la connaissance. La connaissance de la chose commence aux signes
extérieurs par lesquels on parvient à connaître sa définition: et cette
définition acquise, on a une connaissance parfaite de la chose. On peut dire
encore que la définition est le terme de la connaissance parce qu'elle
contient dans ses limites tout ce qui peut faire connaitre la chose. Si une
seule différence change, ou est ajoutée ou est soustraite, ce ne sera plus
déjà la même définition. Et si elle est terme de la connaissance, il faut
qu’elle soit terme de la chose, parce qu'elle se fait par l'assimilation du
connaissant, la chose connue. |
Le quatrième sens est celui selon lequel la substance de la chose,
qui est l’essence et la définition signifiant la quiddité de la chose, est appelée
terme. La définition est en effet le terme de la connaissance. La
connaissance de la chose commence par les signes extérieurs par lesquels on
parvient à connaître sa définition, et celle-ci une fois acquise, on a une
connaissance parfaite de la chose. On peut dire encore que la définition est
le terme de la connaissance parce qu’elle englobe tout ce qui peut faire
connaitre la chose. Si une seule différence change, est ajoutée ou est
enlevée, ce ne sera déjà plus la même définition. Et si la définition est le
terme de la connaissance, il faut qu’elle soit terme de la chose, car la
connaissance se fait par l’assimilation du connaissant à la chose connue. |
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[82614] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 6 Deinde cum dicit quare palam concludit comparationem
termini ad principium; dicens, quod quoties dicitur principium, toties
dicitur terminus, et adhuc amplius; quia omne principium est terminus, sed
non terminus omnis est principium. Id enim ad quod motus est, terminus est,
et nullo modo principium est: illud vero a quo est motus, est principium et
terminus, ut ex praedictis patet. |
Ensuite, où il dit : "Il en
résulte ... ", il conclut par une comparaison du terme au principe en disant
que le mot terme a autant d'acceptions que le mot principe et même davantage,
parce que tout principe est terme, mais tout terme n'est pas principe. Le
point d'arrivée: du moment est terme, mais n'est principe d'aucune manière.
Le point du départ du mouvement est principe et terme, comme il apparaît
parce que nous avons dit. |
Ensuite, où il dit : Ainsi
évidemment, toutes, etc., il conclut par une comparaison entre terme et
principe en disant que le mot « terme » a autant d’acceptions que
le mot « principe » et même davantage, parce que tout principe est
terme, mais tout terme n’est pas principe. Le point d’arrivée: du mouvement
est terme, mais n’est principe en aucune manière; le point de départ du
mouvement est principe et terme, comme il ressort de ce que nous avons dit. |
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[82615]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 7 Deinde cum dicit et secundum hic determinat de per
se: et circa hoc tria facit. Primo determinat de hoc, quod dicitur secundum
quod; quod est communius quam secundum se. Secundo concludit modos eius, quod
dicitur secundum se, ibi, quare secundum se. Tertio, quia uterque dictorum
modorum secundum aliquem modum significat dispositionem, determinat de nomine
dispositionis, ibi, dispositio. Circa primum ponit quatuor modos eius quod
dicitur secundum quod; quorum primus est, prout species, idest forma,
et substantia rei, idest essentia, est id, secundum quod aliquid esse
dicitur; sicut secundum Platonicos, per se bonum, idest idea boni, est
illud, secundum quod aliquid bonum dicitur. |
Ensuite, quand il dit : "Le
en quoi ... ", le Philosophe détermine le sens de par soi. Et là-dessus
il fait une triple réflexion. Il détermine en premier lieu l'expression "quod dicitur secundum quod",
selon que, selon quoi, selon lequel, en tant que, conformément à quoi, (La
traduction française du grec: en quoi, par quoi.) Cette expression est plus
commune que le "secundum se",
le "par soi". En second, il apporte les différents sens du par soi.
Et en troisième, parce que chacune de ces expressions signifie d’une certaine
manière une disposition; il traite du mot disposition au sujet de la première
expression: selon quoi, selon lequel, en quoi etc., il pose quatre sens, Le
premier est celui où "l'espèce", la forme et la substance de la
chose, c'est-à-dire son essence, est ce selon quoi, par quoi, quelque chose
est dit exister. Ainsi, selon les Platoniciens, le bien par soi, à savoir
l’idée du bien, est ce selon quoi, est ce par quoi, quelque chose se dit bon. |
Ensuite, quand il dit : L’expression
de En soi, etc., le Philosophe détermine le sens d’« en soi ».
Il le fait en trois points. Il traite en premier lieu de l’expression
« ce par quoi », qui est plus courante que « par soi ».
En deuxième, il en dérive les sens de l’expression « par soi », où
il dit : Par conséquent,
l’expression, etc. En troisième, puisque chacun des sens de ces deux
expressions signifie une disposition, il traite du mot
« disposition », où il dit : On appelle Disposition, etc. (leçon XX). Quant au premier point,
il donne quatre sens où on parle de « ce par quoi ». Le premier est
celui où l’espèce, c'est-à-dire la
forme, et la substance de la chose, c'est-à-dire
l’essence, est ce par quoi on dit que quelque chose est; ainsi, selon les
Platoniciens, le bien en soi,
c’est-à-dire l’idée du bien, est ce par quoi quelque chose est appelé bon. |
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[82616] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 8 Secundus modus est, prout subiectum, in quo primo
aliquid natum est fieri, dicitur secundum quod, sicut color primo fit in superficie;
et ideo dicitur, quod corpus est coloratum secundum superficiem. Hic autem modus differt a praedicto, quia praedictus
pertinet ad formam, et hic pertinet ad materiam. |
Le second sens existe en tant que
le sujet, dans lequel quelque chose est, en premier, apte à devenir, est dit
"selon lequel". Ainsi, la couleur se fait en premier lieu dans la
superficie; c'est pourquoi on dit que le corps est coloré selon sa
superficie, en tant qu'il a une superficie, dans sa superficie. Ce mode diffère
de l'autre parce que le précédent appartient à la forme, et celui-ci à la
matière. |
Le deuxième sens est celui où le sujet, dans lequel quelque chose
est, en premier, apte à venir à l’être est dit « ce par quoi ».
Ainsi, la couleur se fait en premier lieu dans la surface; c’est pourquoi on
dit que le corps est coloré par sa surface. Ce sens diffère de l’autre parce
que le précédent se rapporte à la forme, et celui-ci à la matière. |
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[82617] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 9 Tertius modus est, prout universaliter quaelibet
causa dicitur secundum quod. Unde toties dicitur secundum quod quoties et
causa. Idem enim est quaerere secundum quod venit, et cuius causa venit;
similiter secundum quod paralogizatum, aut syllogizatum est, et qua causa
facti sunt syllogismi. |
Le troisième sens existe en tant
qu'universellement toute cause se dit "selon laquelle", Ainsi le
"selon quoi" se prend en autant d'acceptions que la cause. C'est la
même chose en effet de rechercher le "selon quoi", le pourquoi, de
la venue de quelqu'un que de s'enquérir de sa fin; et pareillement, le par
quoi ou le pourquoi du syllogisme revient à se demander la cause du
syllogisme. |
Le troisième sens est celui où, universellement, toute cause est dite
« ce par quoi ». Ainsi, « ce par quoi » se dit d’autant
de façons que la cause. C'est la même chose en effet de rechercher « ce
par quoi » quelqu’un vient et pour quelle cause il vient, et
pareillement, « ce par quoi » il a fait un faux raisonnement ou un
syllogisme, et pour quelle cause ces syllogismes ont été faits. |
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[82618]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 10 Quartus modus est prout secundum quod significat
positionem et locum; sicut dicitur, iste stetit secundum hunc, idest
iuxta hunc, et ille vadit secundum hunc, idest iuxta hunc; quae omnia
significant positionem et locum. Et hoc manifestius in Graeco idiomate
apparet. |
Le quatrième sens est celui où le
"selon quoi" signifie la position et le lieu, comme lorsqu'on dit
que celui-ci se tient "secundum
hunc", selon ce lui-là, c’est-à-dire près de celui-là. Dans ce cas,
le "secundum" latin
signifie la position et le lieu. Ce sens apparaît mieux dans la langue
grecque (et encore mieux dans la langue latine que dans la langue française.) |
Le quatrième sens est celui où « ce par quoi » signifie la
position et le lieu, comme lorsqu’on dit qu’un tel se tient par-ci, c'est-à-dire près de lui, et qu’un tel s’en va par-là, c'est-à-dire près de
celui-là. Toutes ces expressions signfient la position et le lieu. Et ce sens
est plus clair en grec[118]. |
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[82619] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 11 Deinde cum dicit quare secundum concludit ex
praedictis, quatuor modos dicendi per se, vel secundum se. Quorum primus est,
quando definitio significans quid est esse uniuscuiusque, dicitur ei inesse
secundum se, sicut Callias et quod quid erat esse Calliam, idest et
essentia rei, ita se habent quod unum inest secundum se alteri. Non autem
solum tota definitio dicitur de definito secundum se; sed aliquo modo etiam
quaecumque insunt in definitione dicente quid est, praedicantur de definito
secundum se, sicut Callias est animal secundum se. Animal enim inest in
ratione Calliae. Nam Callias est quoddam animal; et poneretur in eius
definitione, si singularia definitionem habere possent. Et hi duo modi sub
uno comprehenduntur. Nam eadem ratione, definitio et pars definitionis per se
de unoquoque praedicantur. Est enim hic primus modus per se, qui ponitur in
libro posteriorum; et respondet primo modo eius quod dicitur secundum quod,
superius posito. |
De là, il conclut les quatre modes
de dire par soi. Le premier est celui où la définition, signifiant ce qu'est
l’être d'une chose, est dite exister par soi dans cette chose. Ainsi Callias
et l'essence de Callias ont de tels rapports entre eux que l'une est dite
exister dans l'autre par soi. Et non seulement toute la définition se dit par
soi du défini, mais aussi, d'une certaine façon, tout ce qui se trouve dans
la définition désignent l'essence se prédique par soi du sujet. Ainsi Callias
est animal par soi. Animal se trouve en effet dans la définition de Callias.
Callias est un certain animal et animal serait posé dans sa définition si le
singulier pouvait se définir. Et ces deux modes sont compris sous un seul,
car c'est pour la même raison que la définition et la partie de la définition
s'attribuent par soi d’une chose. Ceci est le premier mode de dire par soi,
posé dans les Seconds Analytique,
et il correspond au premier mode de dire "selon que", entant que,
par quoi, posé plus haut. |
Puis lorsqu’il dit : Par
conséquent, l’expression, etc., il conclut à partir de ce qui précède les
quatre sens de l’expression « par soi » ou « en
soi ». Le premier est celui où la définition, signifiant le ce-que-c’est
d'une chose, est dite exister par soi dans cette chose. Ainsi Callias et le ce-que-c’est de Callias,
c’est-à-dire et l’essence de la chose, ont de tels rapports entre eux que
l’un existe dans l’autre par soi. Et non seulement toute la définition se dit
par soi du défini, mais aussi, d’une certaine façon, tout ce qui se trouve
dans la définition désignant l’essence s’attribue par soi au défini. Ainsi
Callias est animal par soi. L’animal se trouve en effet dans la définition de
Callias. Callias est un certain animal, et l’animal serait inclus dans sa
définition si le singulier pouvait se définir. Et ces deux modes sont compris
sous un seul, car c’est pour la même raison que la définition et la partie de
la définition s’attribuent par soi à toute chose. C’est en effet le premier sens
de « par soi », qui est donné dans les Seconds Analytiques, et il correspond au premier sens de
l’expression « selon que » donné plus haut. |
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[82620]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 12 Secundus modus est, quando aliquid ostenditur esse in
aliquo, sicut in primo subiecto, cum inest ei per se. Quod quidem contingit
dupliciter: quia vel primum subiectum accidentis est ipsum totum subiectum de
quo praedicatur (sicut superficies dicitur colorata vel alba secundum
seipsam. Primum enim subiectum coloris est superficies, et ideo corpus
dicitur coloratum ratione superficiei). Vel etiam aliqua pars eius; sicut
homo dicitur vivens secundum se, quia aliqua pars eius est primum subiectum
vitae, scilicet anima. Et hic est secundus modus dicendi per se in
posterioribus positus, quando scilicet subiectum ponitur in definitione
praedicati. Subiectum enim primum et proprium, ponitur in definitione
accidentis proprii. |
Le second mode est celui où une
chose existe dans un être comme dans son premier
sujet puisqu'elle existe dans ce sujet par soi. Ce qui arrive de deux
manières. D’une première façon, parce que le premier sujet de l'accident est
tout le sujet lui-même duquel cet accident est prédiqué. (Ainsi on dit que la
superficie est colorée ou blanche par elle-même. Le premier sujet en effet de
la couleur est la superficie, et c’est pourquoi le corps est dit coloré en
raison de la superficie). D'une seconde façon, parce qu’une partie du sujet
possède quelque chose par soi: l’homme est dit vivant par soi parce qu'une
partie de l’homme est le premier sujet de la vie, à savoir l'âme. Et ceci est
le second mode de dire par soi posé dans les Seconds Analytiques, à savoir quand le sujet est posé dans la
définition du prédicat. En effet, le sujet premier et propre est posé dans la
définition de son accident propre. |
Le deuxième sens est celui où on montre qu’une chose existe dans un
être comme dans son premier sujet lorsqu’elle
se trouve dans ce sujet par soi. Cela arrive de deux manières. En premier, parce
que le premier sujet de l’accident est le sujet entier lui-même auquel cet
accident est attribué. (Ainsi on dit que la surface est colorée ou blanche
par elle-même. En effet, le premier sujet de la couleur est la surface, et
c’est pourquoi le corps est dit coloré en raison de sa surface). En deuxième,
en raison de l’une de ses parties : ainsi, l’homme est dit vivant par
soi parce qu’une de ses parties, à savoir l’âme, est le premier sujet de la
vie. Et c’est le second sens de l’expression « par soi » donné dans
les Seconds Analytiques, à savoir
quand le sujet est inclus dans la définition du prédicat. En effet, le sujet
premier et propre est inclus dans la définition de son accident propre. |
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[82621] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 13 Tertius modus est prout secundum se esse dicitur
illud, cuius non est aliqua alia causa; sicut omnes propositiones immediatae,
quae scilicet per aliquod medium non probantur. Nam medium in
demonstrationibus propter quid est causa, quod praedicatum insit subiecto.
Unde, licet homo habeat multas causas, sicut animal et bipes, quae sunt
causae formales eius; tamen huius propositionis, homo est homo, cum sit
immediata, nihil est causa; et propter hoc homo est homo secundum se. Et ad
hunc modum reducitur quartus modus dicendi per se in posterioribus positus,
quando effectus praedicatur de causa; ut cum dicitur interfectus interiit
propter interfectionem, vel infrigidatum infriguit vel refriguit propter
refrigerium. |
Le troisième mode du par soi se dit
de ce qui n'a pas d'autre cause. Ainsi, toutes les propositions immédiates
qui ne sont pas prouvées par un moyen terme sont par soi. Le moyen terme dans
les démonstrations "propter quid"
est la cause de l'existence du prédicat dans le sujet. C'est pourquoi, bien
que l'homme possède plusieurs causes, comme animal et bipède, qui sont ses
causes formelles, cette proposition cependant: "l’homme est homme"
n'a pas de cause parce qu'elle est immédiate. Et à cause de cela, l’homme est
homme par soi. A ce mode se réduit le quatrième mode de dire par soi posé
dans les Seconds Analytiques où
l’effet est prédiqué de la cause. Ainsi lorsqu'on dit que le mort est mort à
cause du meurtre, ou que le corps froid est refroidi à cause du froid. |
Le troisième sens selon lequel on appelle « par soi » ce
qui n'a pas d'autre cause. C’est le cas de toutes les propositions immédiates
qui ne sont pas prouvées par un moyen terme. En effet, le moyen terme dans
les démonstrations propter quid[119] est la cause de l’existence
du prédicat dans le sujet. C’est pourquoi, bien que l’homme possède plusieurs
causes, comme animal et bipède qui en sont des causes formelles, la
proposition « l’homme est homme » n'a cependant pas de cause parce
qu’elle est immédiate. Pour cette raison, l’homme est homme par soi. A ce
sems se ramène le quatrième sens de « par soi » donné dans les Seconds analytiques, où l’effet est
attribué à la cause. Ainsi dit-on que le mort est mort à cause du meurtre, ou
que le corps froid a refroidi ou congelé à cause du froid. |
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[82622] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 19 n. 14 Quartus modus est, prout illa dicuntur secundum se
inesse alicui, quae ei soli inquantum soli insunt. Quod dicit ad differentiam
priorum modorum, in quibus non dicebatur secundum se inesse ex eo quod est
soli inesse. Quamvis etiam ibi aliquid soli inesset, ut definitio definito.
Hic autem secundum se dicitur ratione solitudinis. Nam hoc quod dico secundum
se, significat aliquid separatum; sicut dicitur homo secundum se esse, quando
solus est. Et ad hunc reducitur tertius modus in posterioribus positus, et
quartus modus dicendi secundum quod, qui positionem importabat. |
Le quatrième mode est celui où
l'on dit que quelque chose existe par soi dans un autre, en tant qu'il existe
dans cet unique sujet, en tant même qu’unique. Aristote fait cette remarque
pour bien poser la différence avec les autres modes où l'exister par soi dans
un sujet ne se disait pas d’une chose du fait qu'elle n'existait que dans un
seul sujet bien que, dans les modes précédents quelque chose n'existait que
dans un seul, comme la définition dans le défini. Ce mode de dire par soi se
dit en effet en raison de la solitude. Car l.’expression "par soi"
exprime quelque chose de séparé, comme lorsque je dis que l’homme existe par
lui-même, quand il est seul. Et à ce mode se réduit le troisième mode posé
dans les Seconds Analytiques et le
quatrième mode de dire "selon lequel", "en quoi", qui
comportait la position. |
Le quatrième sens est celui où l’on dit que quelque chose existe par soi dans un autre parce qu’il existe dans ce seul sujet en tant même qu’il existe en lui seul. Aristote fait cette remarque pour distinguer ce sens des précédents où on ne disait pas qu’une chose existe dans une autre par soi du fait qu’elle existe en elle seule. Pourtant, même dans ces sens, une chose serait dans une seule autre comme la définition dans le défini. Ce sens de « par soi » se dit en effet en raison de l’unicité. En effet, l’expression « par soi » désigne quelque chose de séparé, comme on dit que l’homme existe par soi quand il est seul. Et à ce sens se réduisent le troisième sens donné dans les Seconds analytiques et le quatrième sens de « selon lequel », qui comportait la position. |
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Leçon 20, Texte d’Aristote
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19- Disposition Disposition s'entend de
l'arrangement de ce qui possède des parties, selon le lieu, la puissance ou
la forme. Il faut bien, en effet, qu’il y ait là une certaine position, comme
le montre le mot même de disposition. 20- Etat, Manière d'être. Etat, en un sens, est comme un
acte de ce qui a et est "eu", quelque comme une action ou un
mouvement : car, entre l'artiste et son œuvre s'insère la création.
Ainsi, entre ce qui porte un vêtement et le vêtement porté, il y a un
intermédiaire, le port du vêtement. Il est manifeste que cette sorte d'état
ne peut lui-même avoir un état, car on était à l'infini si l'état de ce qui
est "eu" pouvait avoir lui-même un état. -- En un autre sens, l'état
se dit d'une disposition, situation bonne ou mauvaise d'un être, ou par soi,
ou par rapport à un autre: par exemple, la santé est un état, car c'est une
disposition de cette sorte. Enfin, état s'applique à une partie d'une telle
disposition; c'est pourquoi l’excellence des parties d'une chose est aussi un
état. 21- Affection. On appelle affection, en un
premier sens, la qualité suivant laquelle un être peut être altéré; par
exemple, le blanc et le noir, le doux et l’amer, la pesanteur et la légèreté,
et autres déterminations de ce genre. -- En un autre sens, c’est l'acte de
ces qualités et dès lors les altérations elles-mêmes. -- On entend aussi par
là, particulièrement, les altérations et les mouvements nuisibles, et surtout
les dommages fâcheux. -- Enfin, on appelle affections de grandes et cruelles
infortunes. 22- Privation Privation se dit, en un sens quand
un être n'a pas un des attributs qu’il est naturel de posséder, même sans que
le sujet lui-même, soit fait pour le posséder: par exemple, on dit qu'une
plante est privée d'yeux. -- En un autre sens, il y a privation pour un être,
lorsque une qualité devant naturellement se trouver en lui, ou dans son
genre, il ne la possède cependant pas: ainsi, c’est tout autrement que
l'homme aveugle et la taupe sont privés de la vue ; pour la taupe, la
privation est contraire à la nature du genre animal; pour l’homme, elle est
contraire à sa nature à lui. – Il y a encore privation quand un être, devant
naturellement posséder une qualité, et dans le temps où il devrait
naturellement la posséder, ne l'a pas: quoique la cécité, en effet, soit une
privation, un être n'est pas aveugle à tout âge, mais seulement si, à l'âge
où il devait avoir naturellement la vue, il ne la possède pas. De même
encore, un homme est appelé aveugle, s'il n’a pas naturellement la vue, dans
le milieu requis, par rapport à l’organe intéressé, eu égard à l’objet, et
dans les circonstances où il devrait l’avoir. -- La suppression violente de
quelque chose s'appelle encore privation. Toutes les négations affectées de
l'a privatif expriment autant
d'espèces de privations. Un être en effet, est dit inégal, quand il ne
possède point l'égalité qui lui est naturelle; invisible, quand il est
absolument sans couleur ou faiblement coloré; apode, quand il n’a pas de pieds du tout, ou qu'ils sont
insuffisants. Il y a aussi privation d'une chose, quand elle se trouve en
petite quantité: ainsi un fruit sans noyau, pour un fruit qu’il n'a qu’un
noyau insignifiant; ou encore quand une chose se fait difficilement ou mal:
insécable, par exemple, signifie non seulement ce qui ne peut être coupé,
mais aussi ce qui se coupe difficilement ou mal. Enfin la privation est le
manque absolu: on n'appelle pas aveugle celui qui ne voit que d'un œil, mais
celui qui ne voit ni d'un œil, ni de l'autre. C'est pourquoi tout être n'est
pas bon ou méchant, juste ou injuste, mais il y a aussi l'état intermédiaire.
23- Avoir Avoir se prend en plusieurs
acceptions. En un premier sens, c'est mener quelque chose suivant sa propre
nature, ou suivant sa propre tendance; on dit, par exemple, que la fièvre
possède l'homme, les tyrans, leurs cités; et les gens habillé, leur vêtement,
-- En un autre sens, ce en quoi une chose réside comme dans un réceptacle est
dite avoir la chose: l'airain possède la forme de la statue, et le corps, la
maladie, C'est encore comme le contenant par rapport au contenu, car on peut
dire qu'une chose est renfermée par ce en quoi elle est comme dans un
contenu: c'est ainsi que nous disons que le vase contient le liquide, la
ville, les hommes, et le vaisseau, les matelots. De même le tout contient les
parties. -- Ce qui empêche un être de se mouvoir ou d'agir selon sa propre
tendance est dit aussi tenir cet être: ainsi, les colonnes soutiennent les
masses qui les surmontent, et les poètes font Atlas soutenir le Ciel, sans
quoi il tomberait sur la terre, comme le disent aussi certains physiologues.
C'est encore dans le même sens que l'on applique le terme avoir à ce qui
maintient ensemble les objets qui sont ensemble, puisque autrement ils se
sépareraient, chacun suivant sa propre tendance. -- Enfin, être dans quelque
chose a des significations semblables et correspondantes à avoir. |
19- Disposition Disposition s’entend de l'arrangement de ce qui possède des parties, selon le lieu, la puissance ou la forme. Il faut bien, en effet, qu’il y ait là une certaine position, comme le montre le mot même de disposition. 20- Etat, Manière d'être. Etat, en un sens, est comme un acte de ce qui a et est « eu », quelque comme une action ou un mouvement : car, entre l'artiste et son œuvre s’insère la création. Ainsi, entre ce qui porte un vêtement et le vêtement porté, il y a un intermédiaire, le port du vêtement. Il est manifeste que cette sorte d’état ne peut lui-même avoir un état, car on était à l’infini si l’état de ce qui est « eu » pouvait avoir lui-même un état. — En un autre sens, l’état se dit d’une disposition, situation bonne ou mauvaise d’un être, ou par soi, ou par rapport à un autre: par exemple, la santé est un état, car c’est une disposition de cette sorte. Enfin, état s’applique à une partie d’une telle disposition; c’est pourquoi l’excellence des parties d'une chose est aussi un état. 21- Affection. On appelle affection, en un premier sens, la qualité suivant laquelle un être peut être altéré; par exemple, le blanc et le noir, le doux et l’amer, la pesanteur et la légèreté, et autres déterminations de ce genre. — En un autre sens, c’est l’acte de ces qualités et dès lors les altérations elles-mêmes. — On entend aussi par là, particulièrement, les altérations et les mouvements nuisibles, et surtout les dommages fâcheux. — Enfin, on appelle affections de grandes et cruelles infortunes. 22- Privation Privation se dit, en un sens quand un être n'a pas un des attributs qu’il est naturel de posséder, même sans que le sujet lui-même, soit fait pour le posséder: par exemple, on dit qu’une plante est privée d’yeux. — En un autre sens, il y a privation pour un être, lorsque une qualité devant naturellement se trouver en lui, ou dans son genre, il ne la possède cependant pas: ainsi, c’est tout autrement que l’homme aveugle et la taupe sont privés de la vue ; pour la taupe, la privation est contraire à la nature du genre animal; pour l’homme, elle est contraire à sa nature à lui. — Il y a encore privation quand un être, devant naturellement posséder une qualité, et dans le temps où il devrait naturellement la posséder, ne l’a pas : quoique la cécité, en effet, soit une privation, un être n’est pas aveugle à tout âge, mais seulement si, à l’âge où il devait avoir naturellement la vue, il ne la possède pas. De même encore, un homme est appelé aveugle, s’il n’a pas naturellement la vue, dans le milieu requis, par rapport à l’organe intéressé, eu égard à l’objet, et dans les circonstances où il devrait l’avoir. — La suppression violente de quelque chose s'appelle encore privation. Toutes les négations affectées de l’a privatif expriment autant d’espèces de privations. Un être en effet, est dit inégal, quand il ne possède point l’égalité qui lui est naturelle; invisible, quand il est absolument sans couleur ou faiblement coloré; apode, quand il n’a pas de pieds du tout, ou qu’ils sont insuffisants. Il y a aussi privation d’une chose, quand elle se trouve en petite quantité : ainsi un fruit sans noyau, pour un fruit qu’il n’a qu’un noyau insignifiant; ou encore quand une chose se fait difficilement ou mal : insécable, par exemple, signifie non seulement ce qui ne peut être coupé, mais aussi ce qui se coupe difficilement ou mal. Enfin la privation est le manque absolu : on n’appelle pas aveugle celui qui ne voit que d’un œil, mais celui qui ne voit ni d’un œil, ni de l’autre. C’est pourquoi tout être n’est pas bon ou méchant, juste ou injuste, mais il y a aussi l’état intermédiaire. 23- Avoir Avoir se prend en plusieurs acceptions. En un premier sens, c’est mener quelque chose suivant sa propre nature, ou suivant sa propre tendance; on dit, par exemple, que la fièvre possède l’homme, les tyrans, leurs cités; et les gens habillés, leur vêtement. — En un autre sens, ce en quoi une chose réside comme dans un réceptacle est dit avoir la chose : l’airain possède la forme de la statue, et le corps, la maladie. C’est encore comme le contenant par rapport au contenu, car on peut dire qu’une chose est renfermée par ce en quoi elle est comme dans un contenu: c’est ainsi que nous disons que le vase contient le liquide, la ville, les hommes, et le vaisseau, les matelots. De même le tout contient les parties. — Ce qui empêche un être de se mouvoir ou d’agir selon sa propre tendance est dit aussi tenir cet être : ainsi, les colonnes soutiennent les masses qui les surmontent, et les poètes font Atlas soutenir le Ciel, sans quoi il tomberait sur la terre, comme le disent aussi certains physiologues. C’est encore dans le même sens que l’on applique le terme avoir à ce qui maintient ensemble les objets qui sont ensemble, puisque autrement ils se sépareraient, chacun suivant sa propre tendance. — Enfin, être dans quelque chose a des significations semblables et correspondantes à avoir. |
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Lectio 20 |
Leçon 20, Commentaire de
saint Thomas [Disposition, habitus, passion, privation] (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960)
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UNE FOIS PROPOSE LA
DEFINITION DE LA DISPOSITION, ARISTOTE PROPOSE LES TROIS SENS DU MOT ;
LES DEUX SENS DU MOT HABITUS AINSI QUE DE LA PASSION; IL PROPOSE ENSUITE LES
HUIT SENS DE LA PRIVATION ET LES QUATRE DU MOT HABITUS. |
UNE FOIS PROPOSEE LA DEFINITION DE LA DISPOSITION, ARISTOTE PROPOSE LES TROIS SENS DU MOT ; LES DEUX SENS DU MOT HABITUS AINSI QUE DE LA PASSION; IL PROPOSE ENSUITE LES HUIT SENS DE LA PRIVATION ET LES QUATRE DU MOT HABITUS. |
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[82623] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 1 Quia uno modo secundum quod positionem significat,
ideo consequenter philosophus prosequitur de nomine dispositionis; et ponit rationem
communem huius nominis dispositio, dicens, quod dispositio nihil est aliud
quam ordo partium in habente partes. Ponit autem modos quibus dicitur
dispositio: qui sunt tres. Quorum primus est secundum ordinem partium in
loco. Et sic dispositio sive situs est quoddam praedicamentum. |
Parce que l’un des sens du "en quoi, ou du selon que," est de signifier la position, conséquemment le
Philosophe entreprend l'étude du mot disposition. Il pose d’abord la notion
commune du mot en disant que la disposition n’est rien d’autre que l’ordre
des parties dans la chose qui les possède. Il propose ensuite les sens du mot
qui sont au nombre de trois. Le premier sens désigne l’ordre des parties dans
le lieu. Et ainsi la disposition ou le site est un certain prédicament. |
Parce que, en un sens, « selon lequel » signifie la
position, le Philosophe entreprend ensuite l’étude du mot
« disposition ». Il expose d’abord la notion générale de ce mot en
disant que la disposition n’est rien d’autre que l’ordre des parties dans la
chose qui a des parties. Il propose ensuite les sens du mot
« disposition », qui sont au nombre de trois. Le premier sens est
pris selon l’ordre des parties dans le lieu. Et ainsi, la disposition ou la
position est un certain prédicament. |
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[82624] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 2 Secundus modus est, prout ordo partium attenditur
secundum potentiam sive virtutem; et sic dispositio ponitur in prima specie
qualitatis. Dicitur enim aliquid hoc modo esse dispositum, utputa secundum
sanitatem vel aegritudinem, ex eo quod partes eius habent ordinem in virtute
activa vel passiva. |
Le second sens est celui où
l'ordre des parties doit se prendre d’après la puissance: ou la vertu; de cette
façon, la disposition entre dans la première espèce de qualité. Selon ce
mode, on dit que quelque chose est disposé, à la santé ou à la maladie par
exemple, du fait que ses parties comportent un certain ordre dans sa capacité
d’opération ou de réception. |
Le second sens est celui où l’ordre des parties est considéré d’après
la puissance ou la vertu; de cette façon, la disposition entre dans la
première espèce de qualité. Selon ce sens, on dit que quelque chose est
disposé, à la santé ou à la maladie par exemple, du fait que ses parties
comportent un certain ordre dans sa vertu active ou passive. |
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[82625]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 3 Tertius modus est, prout ordo partium attenditur
secundum speciem et figuram totius; et sic dispositio sive situs ponitur
differentia in genere quantitatis. Dicitur enim quod quantitas alia est
habens positionem, ut linea, superficies, corpus et locus; alia non habens,
ut numerus et tempus. |
Le troisième sens est celui où
l’ordre des parties se prend par conformité à l'espèce et à la figure du
tout: ainsi la disposition ou le site constituant des différences dans le
genre quantité. On dit que la quantité qui a une position, comme la ligne, la
superficie, le corps et le lieu, est autre que celle qui n'a pas de position,
comme le nombre et le temps. |
Le troisième sens est celui où l’ordre des parties est considéré
d’après à l’espèce et à la figure du tout : ainsi, la disposition ou la
position est considérée comme une différence dans le genre de la quantité. On
dit en effet que la quantité qui a une position, comme la ligne, la surface,
le corps et le lieu, est autre que celle qui n’en a pas, comme le nombre et
le temps. |
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[82626] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 4 Ostendit etiam quod hoc nomen dispositio, ordinem
significet. Significat enim positionem, sicut ipsa nominis impositio
demonstrat: de ratione autem positionis est ordo. |
Il montre aussi que le mot
disposition signifie l'ordre. Il signifie en effet la position, comme
l'imposition du mot elle-même le démontre. Or l'ordre appartient à la raison
de position. |
Il montre aussi que le mot « disposition » signifie un
ordre. Il signifie en effet la position, comme l’application du mot elle-même
le démontre. Or, l’ordre relève de la notion de position. |
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[82627]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 5 Habitus vero hic prosequitur de nomine habitus; et
primo distinguit ipsum nomen habitus. Secundo quaedam nomina quae habent propinquam considerationem
ad hoc nomen, ibi, passio dicitur. Ponit ergo primo duos modos, quibus hoc nomen
dicitur. Quorum primus est aliquid medium inter habentem et habitum. Habere
enim, licet non sit actio, significat tamen per modum actionis. Et ideo inter
habentem et habitum intelligitur habitus esse medius, et quasi actio quaedam;
sicut calefactio intelligitur esse media inter calefactum et calefaciens;
sive illud medium accipiatur ut actus, sicut quando calefactio accipitur
active; sive ut motus, sicut quando calefactio accipitur passive. Quando enim
hoc facit, et illud fit, est media factio. In Graeco habetur poiesis, quod
factionem significat. Et siquidem ulterius procedatur ab agente in patiens,
est medium factio activa, quae est actus facientis. Si vero procedatur a
facto in facientem, sic est medium factio passiva, quae est motus facti. Ita
etiam inter hominem habentem vestem, et vestem habitam, est medius habitus;
quia si consideretur procedendo ab homine ad vestem, erit ut actio, prout
significatur in hoc quod dicitur habere: si vero e converso, erit ut passio
motus, prout significatur in hoc quod dicitur haberi. |
Où il dit : "Etat, en un
sens…", il entreprend ici l'étude du mot "habitus" (état). En
premier, il distingue le mot lui-même ; en second, certains mots qui semblent
logiquement voisins du terme, où il dit : "on appelle affection,
etc." Il donne deux sens au mot, Le premier est d'être quelque chose
d'intermédiaire entre le possédant et le possédé. Avoir, en effet, bien que ce ne soit pas une action, signifie
cependant par mode d’actien. C'est pourquoi, on entend par habitus
(Etat-possession) un certain intermédiaire et quasiment une certaine action
entre le possédant et le possédé, Comme on comprend la caléfaction comme
étant intermédiaire entre le réchauffé et le réchauffant; que d'ailleurs
cette caléfaction revête le sens d’un certain acte, d’un intermédiaire conçu
activement, ou le sens d'un certain mouvement, quand elle est conçue
passivement. Quand en effet "ceci fait et l’autre est fait", il y a
une "faction" (fabrication) intermédiaire. En grec, il y a le mot
grec "Poiesis" qui
signifie la fabrication. Et si, en vérité, la "faction" précède
ultérieurement de l’agent au patient, l’intermédiaire est une faction active,
qui est l'acte du fabricant. Si on conçoit cette faction comme allant de
l’œuvre faite au fabricant. Il intermédiaire est une faction passive, qui est
le mouvement de la chose fabriquée. Ainsi en est-il entre l’homme possédant
un vêtement et le vêtement possédé: il y a une possession intermédiaire. Et
si l’on considère cette possession en allant de l'homme au vêtement elle
prend l’allure d'une action, comme on le signifie dans le verbe; avoir ; si,
au contraire, on va en sens inverse, la possession sera comme une passion du
mouvement, et ainsi on le désigne par le verbe: être possédé. |
Où il dit : En un premier
sens, etc., il entreprend ici l'étude du mot « possession ». Et
en premier, il distingue le mot lui-même; en second, certains mots qui se
rattachent de près à ce terme, où il dit : En un premier sens, Passion, etc. En premier, il donne donc deux
sens du mot. Le premier est d’être quelque chose d’intermédiaire entre le
possédant et le possédé. Avoir, en
effet, bien que ce ne soit pas une action, signifie cependant par mode d’actien.
C’est pourquoi on entend par possession un intermédiaire et comme une sorte
d’action entre le possédant et le possédé; ainsi, on comprend le
réchauffement comme étant intermédiaire entre le réchauffé et le réchauffant,
que cet intermédiaire soit pris comme une action, comme quand le
réchauffement est considéré activement, ou qu’il soit pris comme un
mouvement, comme quand le réchauffement est reçu passivement. Quand en effet
« ceci fait et cela est fait », l’intermédiaire est une production.
Le mot grec est poièsis, qui
signifie production. Et si, en vérité, la production procède ensuite de
l’agent au patient, l’intermédiaire est une production active, qui est l’acte
du producteur. Mais si on procède du produit au producteur, l’intermédiaire
est alors une production passive, qui est le mouvement de la chose produite.
De même, entre l’homme possédant un vêtement et le vêtement possédé,
l’intermédiaire est la possession : en effet, si on la considère comme
allant de l'homme au vêtement, elle prend l’allure d’une action, comme on le
signifie dans le verbe « avoir »; si on va en sens inverse, la
possession sera comme un mouvement subi, comme on le signifie en disant
« être possédé ». |
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[82628] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 6 Quamvis autem habitus intelligatur esse medius inter
hominem et vestem, inquantum habet eam; tamen manifestum est, quod non
contingit inter ipsum habitum et habentem esse aliud medium, quasi adhuc sit
alius habitus medius inter habentem et ipsum medium habitum. Sic enim
procederetur in infinitum, si dicatur quod convenit habere habitum habiti,
idest rei habitae. Homo enim habet rem habitam, idest vestem. Sed
illum habitum rei habitae non habet homo, alio medio habitu, sicut homo
faciens facit factum factione media; sed ipsam mediam factionem non facit
aliqua alia factione media. Et propter hoc etiam relationes, quibus subiectum
refertur ad aliud, non referuntur ad subiectum aliqua alia relatione media,
nec etiam ad oppositum; sicut paternitas neque ad patrem neque ad filium
refertur aliqua alia relatione media: et si aliquae relationes mediae
dicantur, sunt rationis tantum, et non rei. Habitus autem sic acceptus est
unum praedicamentum. |
Bien qu’on comprenne l'état comme
un certain intermédiaire entre homme et vêtement, en tant que l'homme possède
le vêtement, il est cependant manifeste qu'il n'y pas entre la possession et
le possédant un autre intermédiaire, comme s’il avait une autre possession
intermédiaire entre la première possession et le possédant. Il y aurait ainsi
processus à l'infini. Si l'on disait qu'il convient de posséder la possession
du possédé, c’est-à-dire de la chose possédée. Homme, en effet, possède la
chose possédée, le vêtement. Mais l'homme ne possède pas la possession du
vêtement, comme le fabricant fait la chose faite par une faction
intermédiaire, sans faire la faction intermédiaire par une autre faction
intermédiaire. C’est pour cela que les relations par lequel le sujet est
référé à autre chose ne sont pas référées au sujet ou à son opposé par une
autre relation intermédiaire. Ainsi la paternité ne se rapporte pas au père
ni au fils par quelque autre relation intermédiaire. Et si on pose certaines
relations intermédiaires, elles ne sont que de raison et non réelles. Etat, selon cette acception est un
prédicament. |
Bien qu’on comprenne que la possession est un intermédiaire entre
l’homme et le vêtement, en tant que l’homme possède le vêtement, il est
cependant manifeste qu’il ne peut y avoir entre la possession et le
possesseur un autre intermédiaire, comme s’il avait une autre possession
intermédiaire entre le possesseur et la possession intermédiaire. Il y aurait
ainsi processus à l’infini si l’on disait qu’il est possible de posséder la
possession du possédé, c’est-à-dire
de la chose possédée. L’homme, en effet, possède la chose possédée, le vêtement. Mais l’homme ne possède pas la
possession de la chose possédée, comme le producteur fait la chose produite
par une production intermédiaire, sans faire la production intermédiaire par
une autre production intermédiaire. C’est aussi pour cela que les relations,
par lesquelles le sujet se rapporte à autre chose, ne se rapportent pas au
sujet ou à son opposé par une autre relation intermédiaire. Ainsi, la
paternité ne se rapporte pas au père ni au fils par quelque autre relation
intermédiaire, et si on suppose des relations intermédiaires, elles ne sont
que de raison et non réelles. La possession, selon cette acception, est l’un
des prédicaments. |
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[82629] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 7 Secundo modo dicitur habitus dispositio, secundum
quam aliquid disponitur bene et male; sicut sanitate aliquid disponitur bene,
aegritudine male. Utroque autem, scilicet aegritudine et sanitate, aliquid
disponitur bene vel male dupliciter; scilicet aut secundum se aut per
respectum ad aliquid. Sicut sanum est quod est bene dispositum secundum se;
robustum autem quod est bene dispositum ad aliquid agendum. Et ideo sanitas
est habitus quidam, quia est talis dispositio qualis dicta est. Et non solum
habitus dicitur dispositio totius, sed etiam dispositio partis, quae est pars
dispositionis totius; sicuti bonae dispositiones partium animalis, sunt
partes bonae habitudinis in toto animali. Et virtutes etiam partium animae,
sunt quidam habitus; sicut temperantia concupiscibilis, et fortitudo
irascibilis, et prudentia rationalis. |
Le second sens du mot, habitus désigne la disposition selon
laquelle quelque chose est bien ou mal disposé; par exemple, par la santé
quelqu'un est bien disposé, par la maladie, mal disposé. Par la santé et par
la maladie quelqu’un est bien et mal disposé de deux manières; ou bien par
rapport à lui-même on bien par rapport à un autre. Celui qui est sain est
bien disposé à l’égard de lui-même; celui qui est robuste, bien disposé à
faire quelque chose. C’est pourquoi la santé est un certain habitus, parce
qu'elle est une disposition dans le sens que nous avons dit. Et non seulement
l’habitus se dit de la disposition du tout, mais aussi de la disposition de
la partie, qui est une partie de la disposition du tout : ainsi, les bonnes
dispositions des parties de l’animal sont des parties de la bonne disposition
dans tout l'animal. Et les vertus des parties de l’âme sont certains habitus,
comme la tempérance, vertu du concupiscible, la force, vertu de l’irascible
et la prudence, vertu de la raison. |
En un deuxième sens, on appelle possession[120] la disposition selon
laquelle quelque chose est bien ou mal disposé; par exemple, quelqu’un est
bien disposé par la santé, mal disposé par la maladie. Par la santé et par la
maladie, quelqu’un est bien ou mal disposé de deux manières : soit en
lui-même, soit par rapport à autre chose. Ainsi, celui qui est sain est bien
disposé en lui-même; celui qui est robuste est bien disposé à faire quelque chose.
C’est pourquoi la santé est une certaine possession, parce qu’elle est une
disposition dans le sens que nous avons dit. Et non seulement la possession
se dit de la disposition du tout, mais aussi de la disposition de la partie,
qui est une partie de la disposition du tout : ainsi, les bonnes dispositions
des parties de l’animal sont des parties de la bonne disposition de tout
l’animal. Et les vertus des parties de l’âme sont aussi des possessions[121], comme la tempérance dans le
concupiscible, la force dans l’irascible et la prudence dans la raison. |
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[82630]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 8 Deinde cum dicit passio dicitur hic prosequitur de
illis quae consequuntur ad habitum; et primo de his quae se habent ad ipsum per
modum oppositionis. Secundo de eo quod se habet ad ipsum per modum effectus,
scilicet de habere, quod ab habitu denominatur, ibi, habere multipliciter
dicitur. Habitui autem opponitur aliquid, scilicet passio, sicut imperfectum
perfecto. Privatio autem oppositione directa. Unde primo determinat de
passione. Secundo de privatione, ibi, privatio dicitur. Ponit ergo primo,
quatuor modos, quibus passio dicitur. Uno modo dicitur qualitas, secundum
quam fit alteratio, sicut album et nigrum et huiusmodi. Et haec est tertia
species qualitatis. Probatum enim est in septimo physicorum, quod in sola
tertia specie qualitatis potest esse alteratio. |
Ensuite, quand il dit :
"On appelle affection ... " il entreprend l'étude de ce qu'il y a
de consécutif à l'habitus, et tout d'abord de ce qui dit relation à l'habitus
par mode d'opposition. Ensuite, de ce qui en est comme un effet, à savoir de
l'avoir, du posséder, qui est dénommé par l’habitus, où il dit: "Avoir
se prend ... ". A l’habitus s'oppose quelque chose, à savoir la passion,
comme l'imparfait au parfait. La privation elle, s’y oppose directement.
C'est pourquoi, il détermine d'abord le sens de passion, en second, celui de
privation. Il pose quatre sens selon lesquels se dit passion. Dans le premier
sens, le mot passion se dit de la qualité selon laquelle se fuit
l’altération, comme le blanc et le noir par exemple. Et ceci est la troisième
espèce de qualité. On a prouvé, dans le septième livre des Physiques que l'altération n'existait que dans la
troisième espèce de qualité. |
Ensuite, quand il dit : En
un premier sens, Passion, etc., il traite de ce qui est consécutif à la
possession, et tout d’abord de ce qui s’y rapporte par mode d’opposition. En
deuxième, il traite de ce qui s’y rapporte comme un effet, à savoir de
l’avoir, dont le nom vient de la possession, où il dit : Avoir peut se prendre, etc. À la
possession s’oppose quelque chose, à savoir la passion, comme l’'imparfait au
parfait. La privation, elle, s’y oppose directement. C’est pourquoi il traite
en premier de la passion, et en second de la privation, où il dit : Le mot Privation s’emploie, etc. Il
pose quatre sens selon lesquels on parle de passion. En un sens, ce mot
désigne la qualité selon laquelle se fait l’altération, comme le blanc et le
noir par exemple. Et cela est la troisième espèce de qualité. On a prouvé en
effet, au livre VII des Physiques,
que l’altération ne peut exister que dans la troisième espèce de qualité. |
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[82631] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 9 Secundus modus est, secundum quod huiusmodi actiones
qualitatis et alterationis, quae fiunt secundum eas, dicuntur passiones; et
sic passio est unum praedicamentum, ut calefieri et infrigidari et huiusmodi. |
Le second sens est celui où ce qui
se fait selon les actions de la qualité et de l'altération se dit passion.
Ainsi., la passion est un prédicament, comme être réchauffé et être refroidi. |
Le second sens est celui où on appelle passion les actions qui se
font selon la qualité et l’altération. Ainsi, la passion est l’un des
prédicaments, comme être réchauffé, être refroidi et des choses du genre. |
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[82632]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 10 Tertio modo dicuntur passiones, non quaelibet
alterationes, sed quae sunt nocivae, et ad malum terminatae, et quae sunt
lamentabiles, sive tristes: non enim dicitur aliquid pati secundum hunc modum
quod sanatur, sed quod infirmatur; vel etiam cuicumque aliquod nocumentum
accidit: et hoc rationabiliter. Patiens enim per actionem agentis sibi contrarii,
trahitur a sua dispositione naturali in dispositionem similem agenti. Et ideo
magis proprie dicitur pati, cum subtrahitur aliquid de eo quod sibi
congruebat, et dum agitur in ipso contraria dispositio, quam quando fit e
contrario. Tunc enim magis dicitur perfici. |
Le troisième sens est celui
d’après lequel on appelle passions non pas n’importe lesquelles altérations
mais celles qui sont nocives et qui se terminent dans le mal, et qui sont
lamentables ou tristes. Ainsi, selon ce sens, on ne dit pas que quelqu’un
pâtit en tant qu’il est guéri mais en tant qu'il est malade. Et,
pareillement, on emploie le mot à propos de tout ce qui reçoit un certain
dommage. Ce qui est logique d’ailleurs. Le patient en effet, par l’action
d’un agent qui lui est contraire, est entraîné hors de ses dispositions
naturelles vers les dispositions qui l’assimilent à l'agent. C'est pourquoi,
c’est en un sens beaucoup plus propre qu'on le dit pâtir, puisqu’on lui
soustrait ce qui lui convenait, et qu’on lui communique une disposition
contraire à sa nature. Si c’est le contraire qui a lieu on dit davantage
qu’il est perfectionné. |
Dans un troisième sens, on appelle passions non pas n’importe quelles
altérations, mais celles qui sont nocives et qui aboutissent au mal, et qui
sont déplorables ou tristes : ainsi, selon ce sens, on ne dit pas que
quelqu’un pâtit en tant qu’il guérit, mais en tant qu’il tombe malade; ou
bien, on emploie aussi ce mot à propos de tout ce qui subit un certain
dommage, et c’est bien logique. Le patient en effet, par l’action d’un agent
qui lui est contraire, est entraîné hors de sa disposition naturelle vers une
disposition qui l’assimile à l’agent. C’est pourquoi on dit plus proprement
qu’il pâtit lorsqu’on lui soustrait quelque chose qui lui convenait et qu’on
produit en lui une disposition contraire à sa nature, que quand on fait le
contraire : alors, on dit plutôt qu’il est perfectionné. |
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[82633] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 11 Et quia illa, quae sunt modica, quasi nulla reputantur,
ideo quarto modo dicuntur passiones, non quaecumque nocivae alterationes, sed
quae habent magnitudinem nocumenti, sicut magnae calamitates et magnae
tristitiae. Quia etiam excedens laetitia fit nociva, cum quandocumque propter
excessum laetitiae aliqui mortui sint et infirmati; et similiter
superabundantia prosperitatis in nocumentum vertitur his qui ea bene uti
nesciunt: ideo alia litera habet magnitudines lamentationum et
exultationum passiones dicuntur. Cui concordat alia litera, quae dicit magnitudines
dolorum et prosperorum. |
Et parce que les détails sont
considérés comme des riens, il pose de là le quatrième mode, qui est
d’appeler passions, non pas n’importe quelles altérations nuisibles, mais
celles qui infligent un grand dommage, comme une grande calamité, ou une
grande tristesse. Et parce que, aussi, un excès de joie peut devenir nocif,
comme il arrive quelquefois que sous le coup d’une joie, excessive quelqu’un
meurt ou tombe malade, ainsi une trop grande prospérité peut devenir nuisible
à qui ne sait pas s'en servir. C’est pourquoi une double version du texte
d’Aristote dit tout à tour; "la surabondance de larmes et de joie est
dite passion" et "les grandes douleurs et les prospérités trop
florissantes." |
Et parce que les choses de peu d’importance sont comptées pour rien,
il s’ensuit, en un quatrième sens, qu’on appelle passions non pas n’importe
quelles altérations nuisibles, mais celles qui infligent un grand dommage,
comme une grande calamité ou une grande tristesse. Et parce qu’également un
excès de joie peut être nocif, comme il arrive quelquefois que sous le coup
d’une joie excessive quelqu’un meurt ou tombe malade, ainsi une trop grande
prospérité peut devenir nuisible à qui ne sait pas bien s’en servir. C’est
pourquoi une autre version du texte dit : « Les lamentations et
allégresses intenses sont appelées passions », ce qui concorde avec
l’autre version qui dit : « les grandes douleurs et les grandes
prospérités ». |
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[82634]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 12 Sciendum est autem, quod quia haec tria, scilicet
dispositio, habitus, et passio, non significant genus praedicamenti, nisi
secundum unum modum significationis, ut ex praehabitis patet, ideo non posuit
ea cum aliis partibus entis, scilicet quantitate, qualitate et ad aliquid. In
illis enim vel omnes vel plures modi ad genera praedicamenti, significata per
illa nomina, pertinebant. |
Il faut remarquer que les trois
termes: disposition, habitus et passion ne signifient le genre du
p:cédicament que selon un seul de leurs sens, comme on peut s’en rendre
compte par ce qui précède, c'est pourquoi, il ne les a pas étudiés avec les
autres parties de l’être : la quantité, la qualité et la relation. Dans
ces derniers cas, tous les sens ou du moins la plupart de leurs sens appartenaient
aux genres des prédicaments que leurs noms signifiaient. |
Il faut remarquer que ces trois termes, disposition, possession et
passion, ne signifient le genre du prédicament que par un de leurs sens,
comme on peut le voir dans ce qui précède; c’est pourquoi il ne les a pas
rangés avec les autres parties de l’être, soit la quantité, la qualité et la
relation. Dans ces derniers cas, tous les sens, ou du moins la plupart,
appartenaient aux genres des prédicaments que leurs noms signifiaient. |
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[82635] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 13 Privatio dicitur hic distinguit modos, quibus
dicitur privatio; et quia privatio includit in sua ratione negationem et
aptitudinem subiecti, ideo primo distinguit modos privationis ex parte
aptitudinis. Secundo ex parte negationis, ibi, et quoties. Et circa primum
ponit quatuor modos. Primus modus est, secundum quod aptitudo consideratur ex
parte rei privatae, non ex parte subiecti. Dicitur enim hoc modo privatio,
quando ab aliquo non habetur id quod natum est haberi, licet hoc quod ipso
caret non sit natum habere; sicut planta dicitur privari oculis, quia oculi
nati sunt haberi, licet non a planta. In his vero, quae a nullo nata sunt haberi,
non potest dici aliquid privari, sicut oculus visu penetrante per corpora
opaca. |
Où il dit: "Privation se dit
... ", il distingue les sens selon lesquels se dit la privation; et,
parce que la privation inclut dans sa notion la négation et l'aptitude du
sujet, il distingue d'abord la privation d'après l’aptitude du sujet puis, du
côté de la négation, où il dit: "Toutes les négations… ". Par
rapport à l’aptitude, il distingue quatre sens, Le premier sens est celui où
la privation prend du côté de la chose dont elle prive, non du côté du sujet.
De cette manière, on parle de privation lorsqu'elle prive de ce qui est apte
à être possédé, sans l’être par celui qui en est privé ; on dit que la
plante est privée du sens de l’œil, parce que l'œil est apte à être possédé
sans l’être par les plantes. Par rapport à ce qui ne pout être possédé par
aucun être, comme deux yeux pouvant voir à travers les corps opaques, on ne
parle pas de privation. |
Où il dit : Le mot
Privation s’emploie, etc., il distingue les sens selon lesquels se dit la
privation; et, parce que la privation inclut dans sa notion la négation et
l’aptitude du sujet, il distingue en premier les sens de la privation d’après
l’aptitude du sujet; en deuxième, il les distingue du côté de la négation, où
il dit : Toutes les expressions,
etc. Du côté de l’aptitude, il présente quatre sens. Le premier sens est
celui où l’aptitude est considérée du côté de la chose ayant la privation et
non du côté du sujet. De cette manière, on parle de privation lorsqu’une
chose n’a pas ce qui est apte à être possédé, même si ce qui est privé n’est
pas apte à l’avoir; on dit ainsi que la plante est privée d’yeux parce que
les yeux sont aptes à être possédés, sans pouvoir l’être par les plantes.
Pour ce qui ne peut être possédé par aucun être, comme deux yeux pouvant voir
à travers les corps opaques, on ne peut pas dire que quelque chose en soit
privé. |
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[82636] Sententia Metaphysicae,
lib. 5 l. 20 n. 14 Secundus
modus attenditur secundum aptitudinem subiecti. Hoc enim modo dicitur privari
hoc solum quod natum est illud habere, aut secundum se, aut secundum genus
suum: secundum se, sicut homo caecus dicitur privari visu, quem natus est
habere secundum se. Talpa autem dicitur privari visu, non quia ipsa secundum
se sit nata habere visum; sed quia genus eius, scilicet animal, natum est
habere visum. Multa enim sunt a
quibus aliquid non impeditur ratione generis, sed ratione differentiae; sicut
homo non impeditur quin habeat alas ratione generis, sed ratione
differentiae. |
Le second sens se prend d’après
l'aptitude du sujet. Et de cette façon, on ne parle de privation que
lorsqu’elle a lieu dans un sujet capable de posséder ce dont elle prive, ou
bien par lui-même, ou bien selon son genre. Par soi, comme l’homme aveugle est
dit privé de la vue qu’il est apte à posséder par soi ; par son genre,
comme la taupe est dite privée de la vue, non pas parce qu'elle est apte à la
posséder d'après son espèce, mais d'après le genre animal auquel elle
appartient. Il y a quantité de choses que la différence spécifique empêche de
posséder alors que le genre en donne l’aptitude. Ainsi, l’homme n’a pas
d’ailes à cause de sa différence spécifique, non pas à cause de son genre. |
Le deuxième sens est considéré d’après l’aptitude du sujet. Et de cette
façon, on dit être privé seulement ce qui est capable de posséder telle
chose, soit en lui-même, soit selon son genre : en lui-même, comme on
dit que l’homme est privé de la vue, qu’il est apte en soi à posséder. Mais
la taupe est dite privée de la vue, non pas parce qu’elle est apte en
elle-même à la posséder, mais parce que son genre, celui de l’animal, est
apte à avoir la vue. En effet, il y a quantité de choses qu’on n’est pas
empêché d’avoir du fait du genre, mais du fait de la différence spécifique;
ainsi, l’homme n’est pas empêché d’avoir des ailes du fait de son genre, mais
du fait de sa différence spécifique. |
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[82637] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 15 Tertius modus attenditur ex parte circumstantiarum.
Unde hoc modo dicitur aliquid privari aliquo, si non habet ipsum habitum cum
natum sit habere. Sicut caecitas, quae est quaedam privatio, et tamen animal
non dicitur caecum secundum omnem aetatem, sed solum si non habeat visum in
illa aetate in qua natum est habere; unde canis non dicitur caecus ante nonum
diem. Et sicut est de hac circumstantia quando, ita est et de aliis
circumstantiis, scilicet in quo, ut in loco; sicut nox dicitur
privatio lucis in loco ubi nata est esse lux, non in cavernis, ad quas lumen
solis pervenire non potest; et secundum quid, sicut homo non dicitur
edentulus, si non habet dentes in manu; sed si non habet secundum illam
partem, secundum quam natus est habere; et ad quod, sicut homo non
dicitur parvus, vel deficientis staturae si non est magnus respectu montis,
vel respectu cuiuscumque alterius rei, ad cuius comparationem non est natus
habere magnitudinem: et sic homo non dicitur tardus esse motu, si non currat
ita velociter sicut lepus vel ventus; vel ignorans, si non intelligit sicut
Deus. |
Le troisième sens se prend du côté
des circonstances. De cette façon, on dit qu’un être est privé de quelque
chose s’il n’en a pas la possession, bien qu'il en ait l'aptitude. Ainsi de
la cécité qui est une certaine privation: on ne dit pas, cependant, que
l'animal est aveugle à tout âge, mais uniquement quand il est aveugle à l'âge
où il devrait voir. Le chien n’est pas dit aveugle avant le neuvième jour. Et
comme il en est de la circonstance du temps, ainsi en est-il de toutes les
autres circonstances, à savoir du "en quoi", comme dans le lieu. La
nuit par exemple est dite priver un lieu de la lumière du soleil où cette
lumière peut pénétrer, non dans une caverne où cette lumière n’a aucune
chance de faire son chemin. Ainsi en est-il de la circonstance "selon un
certain rapport" : l’homme n'est pas dit édenté s’il n’a pas de
dent dans la main s’il n’en a pas relativement à cette partie où il est apte
à en avoir. La privation se prend ainsi selon la circonstance de la
relation : l’homme n’est pas dit petit ou déficient de taille s'il n’est
pas grand par rapport à une montagne ou à quelque chose auquel il n’a pas de
proportion naturelle. Ainsi, par exemple, on ne dit pas que l’homme retarde
dans son mouvement si il ne court pas aussi vite qu'un lièvre ou s’il ne se
déplace pas à la vitesse du vent, ou, ignorant, s’il ne connaît pas autant
que Dieu. |
Le troisième sens se prend du côté des circonstances. De cette façon,
on dit qu’un être est privé de quelque chose s’il n’en a pas la possession,
bien qu'il en ait l'aptitude. Ainsi de la cécité, qui est une certaine
privation : on ne dit pourtant pas que l’animal est aveugle à tout âge,
mais uniquement quand il est aveugle à l'âge où il devrait voir. C’est
pourquoi le chien n’est pas dit aveugle avant le neuvième jour. Et comme il
en est de la circonstance du temps, ainsi en est-il des autres circonstances,
à savoir du en quoi, ou dans le
lieu. La nuit par exemple est dite priver de la lumière du soleil un lieu
apte à être éclairé, non une caverne où la lumière du soleil ne peut jamais
parvenir. Et dans la condition :
l’homme n'est pas dit édenté s’il n’a pas de dents dans la main, mais s’il
n’en a pas dans la partie du corps où il est apte à en avoir. Et dans la relation : l’homme
n’est pas dit petit ou de taille insuffisante s'il n’est pas grand par
rapport à une montagne ou à quelque chose par rapport auquel il n’est pas
apte à être grand. Ainsi, on ne dit pas que l’homme se meut lentement s’il ne
court pas aussi vite qu'un lièvre ou à la vitesse du vent, ni ignorant, s’il
ne connaît pas autant que Dieu. |
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[82638] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 16 Quartus modus est secundum quod ablatio cuiuslibet
rei per violentiam, dicitur privatio. Violentum enim est contra impetum naturalem,
ut habitum est supra. Et ita ablatio per violentiam est respectu eius quod
quis natus est habere. |
Le quatrième sens se dit de ce qui
est enlevé par violence. Le violent est de qui va contre l’inclination
naturelle. Et alors, l’ablation par violence va contre l’aptitude naturelle
de ce qui est privé. |
Le quatrième sens est celui où l’enlèvement de toute chose par
violence est appelé privation. Le violent est en effet contraire à
l’impulsion naturelle, comme on l’a vu plus haut. Et alors, l’enléevement par
violence s’applique à ce qu’on est naturellement capable d’avoir. |
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[82639]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 17 Deinde cum dicit et quoties distinguit modos
privationis ex parte negationis. Graeci enim utuntur hac praepositione a in
compositionibus ad designandas negationes et privationes, sicut nos utimur
hac praepositione in. Dicit ergo quod quoties dicuntur negationes designatae
ab hac praepositione a posita in principio dictionis per compositionem,
toties dicuntur etiam privationes. Dicitur enim inaequale uno modo, quod non
habet aequalitatem, si aptum natum est habere; et invisibile, quod non habet
colorem; et sine pede, quod non habet pedes. |
Ensuite, où il dit: "Toutes
les négations ... ", il distingue les sens de privation par rapport à la
négation. Les Grecs se servent de l'alpha dans les mots composés pour
désigner la négation ou la privation, comme nous nous servons en latin du
préfixe "in". Aristote dit donc que chaque fois que le préfixe
"a" désigne une négation
dans la composition d’un mot, chaque fois on peut parler de privation. Inégal
se dit donc d'une façon de l’être qui n’a pas l'égalité s’il est apte à avoir
cette égalité; invisible, de ce qui n’a pas de couleur; et sans pied (a-pode)
de ce qui nia pas de pied. |
Ensuite, où il dit : Toutes
les expressions de négation, etc., il distingue les sens de la privation
du côté de la négation. Les Grecs emploient en effet le préfixe a dans les mots composés pour désigner
la négation ou la privation, comme on se sert en latin du préfixe in. Aristote dit donc que chaque fois
qu’une négation est signalée par le préfixe a au début d’un mot, chaque fois on peut parler également de
privation. En un sens, on appelle donc inégal l’être qui n’a pas l'égalité,
s’il est apte à l’avoir; invisible, ce qui n’a pas de couleur; apode, ce qui
n’a pas de pieds. |
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[82640] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 18 Secundo modo dicuntur huiusmodi negationes non per
hoc quod est omnino non habere; sed per hoc quod est prave vel turpiter habere;
sicut dicitur non habere colorem, quia habet malum colorem vel turpem; et non
habere pedes, quia habet parvos vel turpes. |
Le second sens de dire de ces
négations ne se prend pas de ce qu'elles dépossèdent au complet le sujet,
mais de ce que le sujet possède mal ce qu’il possède. Ainsi, on dit d’un
corps qu’il n’a pas de couleur ; parce qu’il a une couleur laide ou une
couleur insignifiante. On dit aussi de quelqu’un qu’il n’a pas de pied parce
qu’il les a petits ou difformes. |
En un deuxième sens, ces négations sont appelées ainsi non du fait de
n’avoir rien du tout, mais du fait de l’avoir de façon déviée ou honteuse;
ainsi on dit qu’un corps n’a pas de couleur parce que sa couleur est mauvaise
ou laide, ou qu’il n’a pas de pieds parce que ses pieds sont petits ou
difformes. |
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[82641]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 19 Tertio modo significatur aliquid privative vel
negative ex hoc, quod est parum habere; sicut dicitur in Graeco apirenon,
idest non ignitum, ubi est modicum de igne: et hic modus quodammodo
continetur sub secundo, quia parum habere est quodammodo prave et turpiter
habere. |
Le troisième sens du négatif ou du
privatif désigne un sujet qui possède peu de ce qu’il devrait posséder. Ainsi
en grec, on dit "apurenon",
à savoir non allumé, où il n’y a que peu de feu, Ce troisième sens est
compris de quelque façon dans le second sens où la négation et la privation
désignent une possession difforme ou laide, parce que posséder peu revient de
quelque manière à mal posséder. |
En un troisième sens, une chose est signifiée de façon négative ou
privative du fait d’être possédée à un faible degré. Ainsi, en grec, on dit apyrenon, ou non allumé, ce qui n’a que peu de feu; ce sens est
compris de quelque façon dans le deuxième, car avoir peu, c’est de quelque
façon avoir de façon déviée et honteuse. |
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[82642] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 20 Quarto modo dicitur aliquid privative vel negative,
ex eo quod non est facile, vel non bene; sicut aliquid dicitur insecabile, non
solum quia non secatur, sed quia non facile, aut non bene. |
Le quatrième mode d’emploi de la
formule privative ou négative exprime ce qui n’est pas facile ou ce qui ne se
prote pas au bon ou au beau. Ainsi on dit du bois qu'il est insécable non
seulement parce qu'il ne se fend pas, mais parce qu'il ne se fend pas
facilement ou qu’il se fend mal. |
En un quatrième sens, une chose est décrite de façon privative ou
négative exprime du fait qu’elle n’est pas facile ou ne se fait pas bien;
ainsi, on dit qu’une chose est insécable non seulement parce qu’elle est
impossible à couper, mais aussi parce qu’elle ne se coupe pas facilement ou
se coupe mal. |
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[82643]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 21 Quinto modo dicitur aliquid negative vel privative, ex
eo quod est omnino non habere. Unde monoculus non dicitur caecus, sed ille
qui in ambobus oculis caret visu. |
Le cinquième sens du mot se prend
du fait que le sujet ne possède pas du tout une chose. Ainsi le borgne n'est
pas dit aveugle; l’aveugle est celui qui ne voit pas du tout. |
En un cinquième sens, une chose est décrite de façon négative ou
privaive du fait qu’elle ne possède pas du tout une autre chose. Ainsi, ce
n’est pas le borgne qui est appelé aveugle, mais celui dont les deux yeux ne
voient pas. |
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[82644] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 22 Ex hoc inducit quoddam corollarium; scilicet quod
inter bonum et malum, iustum et iniustum, est aliquid medium. Non enim ex
quocumque defectu bonitatis efficitur aliquis malus, sicut Stoici dicebant
ponentes omnia peccata esse paria; sed quando multum a virtute recedit, et in
contrarium habitum inducitur. Unde in secundo Ethicorum dicitur: ex eo quod
homo recedit parum a medio virtutis, non vituperatur. |
De là il tire un certain
corollaire, à savoir qu’entre le bien et le mal, le juste et l’injuste, il y
a un certain intermédiaire. Le mal ne provient pas de n’importe quelle
déficience de bien, comme les Stoïciens l’affirmaient en disant que tous les
péchés étaient égaux; mais le mal existe lorsqu'il éloigne fortement de la
vertu et installe un habitus contraire. Voilà pourquoi on dit dans le second livre de l’Ethique: du fait que
l’homme s’éloigne peu du milieu de la vertu, il n’est pas gâté ou blâmable. |
De là il tire un certain corollaire, à savoir qu’entre le bien et le
mal, entre le juste et l’injuste, il y a un moyen terme. En effet, le mal ne
provient pas de n’importe quelle déficience de bien, comme les Stoïciens
l’affirmaient en disant que tous les péchés étaient égaux, mais le mal existe
lorsqu'il éloigne fortement de la vertu et établit un habitus contraire.
Voilà pourquoi il est dit au livre II de l’Éthique que si l’homme s’éloigne peu du milieu de la vertu, il
n’est pas blâmé. |
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[82645]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 23 Deinde cum dicit habere multipliciter hic ponit
quatuor modos eius, quod est habere: quorum primus est, secundum quod habere
aliquid est ducere illud secundum suam naturam in rebus naturalibus, aut
secundum suum impetum in rebus voluntariis. Et hoc modo febris dicitur habere
hominem, quia homo traducitur a naturali dispositione in dispositionem
febrilem. Et hoc modo habent tyranni civitates, quia secundum voluntatem et
impetum tyrannorum res civitatum aguntur. Et hoc etiam modo induti dicuntur
habere vestimentum, quia vestimentum coaptatur induto ut accipiat figuram
eius. Et ad hunc modum reducitur etiam habere possessionem, quia homo re
possessa utitur secundum suam voluntatem. |
Ensuite, quand il dit :
"Avoir se prend ... ", il propose les quatre sens du mot avoir. Le
premier sens d’avoir ou de posséder se dit d'une chose qui dirige ou maitrise
une autre ; soit selon sa nature, dans l'ordre des êtres naturels, soit selon
sa volonté, dans l’ordre des choses volontaires. Et de cette manière on dit
que la fièvre possède un homme, parce que l’homme est entrainé hors de sa
disposition naturelle vers l’état fiévreux. C’est ainsi que les tyrans
possèdent les cités, parce que tout ce fait dans la cité selon leur volonté
et leur commandement. C’est ainsi que ceux qui sont vêtus sont dits avoir un
vêtement parce que le s’ajuste à celui qui les porte pour en épouser la
forme. On réduit aussi à ce mode "avoir une possession", parce que
l’homme se sert de la chose possédée comme il le veut. |
Ensuite, quand il dit : Avoir peut
se prendre, etc., il présente quatre sens du mot « avoir ». Le
premier est celui où avoir une chose consiste à la diriger selon sa[122] nature dans le cas des être
naturels, ou soelon son impulsion dans le cas des êtres doués de volonté.
C’est ainsi qu’on dit que la fièvre possède un homme, parce que l’homme est
entrainé hors de sa disposition naturelle vers l’état fiévreux. C’est ainsi
que les tyrans possèdent les cités, parce que les affaires de la cité sont
traitées selon leur volonté et leur commandement. C’est également ainsi que
ceux qui sont vêtus sont dits avoir un vêtement parce que le vêtement
s’ajuste à celui qui le porte pour en épouser la forme. On ramène aussi à ce
sens l’expression « avoir une possession », parce que l’homme se
sert de la chose possédée comme il le veut. |
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[82646] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 24 Secundus modus est, prout illud, in quo existit
aliquid ut in proprio susceptibili, dicitur habere illud; sicut aes habet
speciem statuae, et corpus habet infirmitatem. Et sub hoc modo comprehenditur
habere scientiam, quantitatem, et quodcumque accidens, vel quamcumque formam. |
Le second sens se dit de la
possession d’une chose par son sujet propre : ainsi l’airain possède
l’espèce statue, et le corps possède une infirmité. Et sous ce mode entrent
les expressions: avoir la science, avoir la quantité, avoir n’importe quel
accident ou n’importe quelle forme. |
Le second sens est celui où ce en quoi se trouve une chose comme dans
son substrat propre est dit avoir cette chose; ainsi, l’airain a la forme de
la statue, et le corps a une infirmité. Et ce sens inclut le fait d’avoir une
science, une quantité et n’importe quel accident ou n’importe quelle forme. |
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[82647] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 25 Tertius modus est, secundum quod continens dicitur
habere contentum, et contentum haberi a continente; sicut dicimus quod lagena
habet humidum, idest humorem aliquem, ut aquam vel vinum; et quod
civitas habet homines, et navis nautas. Et secundum hunc modum etiam dicitur
quod totum habet partes. Totum enim continet partem, sicut et locus locatum.
In hoc enim differt locus a toto, quia locus est divisus a locato, non autem
totum a partibus. Unde locatum est sicut pars divisa, ut habetur in quarto
physicorum. |
Le troisième sens du mot avoir est
celui où le contenant est dit avoir ou posséder le contenu, et le contenu est
dit être possédé par le contenant, comme lorsqu’on dit que la gourde a du vin
et de l’eau, et que la cité possède beaucoup de citoyens, et que le bateau
possède les matelots. Et selon ce mode on dit que le tout a des parties. Le tout contient la
partie comme le lieu contient le localisé. La différence qu’il y a entre ces
deux derniers, c’est que le lieu est divisé du localisé, alors que le tout ne
l’est pas de ses parties. C’est pourquoi, le localisé est comme une partie
divisée comme on le voit dans le quatrième livre des Physiques. |
Le troisième sens est celui où on dit que le contenant a le contenu
et que le contenu est possédé par le contenant, comme lorsqu’on dit que la
gourde a du liquide, c'est-à-dire
quelque chose d’humide comme du vin et de l’eau, que la cité a des habitants,
et que le navire a des matelots. Et selon ce sens, on dit aussi que le tout a des parties. En effet, le tout
contient la partie, comme le lieu contient aussi l’objet qui s’y trouve. Mais
le lieu diffère du tout parce que le lieu est séparable de l’objet qui s’y
trouve, alors que le tout ne l’est pas de ses parties. C’est pourquoi l’objet
dans le lieu est comme une partie séparée, comme on le voit au livre IV des Physiques. |
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[82648]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 26 Quartus modus est secundum quod aliquid dicitur habere
alterum, ex eo, quod prohibet ipsum operari vel moveri secundum suum impetum;
sicut columnae dicuntur habere corpora ponderosa imposita super eas, quia
prohibent ea descendere deorsum secundum inclinationem. Et hoc etiam modo
poetae dixerunt quod Atlas habet caelum. Fingunt enim poetae quod Atlas est
quidam gigas qui sustinet caelum ne cadat super terram. Quod etiam quidam
naturales dicunt, qui ponebant quod caelum quandoque corrumpetur et resolutum
cadet super terram. Quod patet praecipue ex opinione Empedoclis, qui posuit
mundum infinities corrumpi et infinities generari. Habuit autem poetica
fictio ex veritate originem. Atlas quidem magnus astrologus, subtiliter motus
caelestium corporum perscrutatus est, ex quo fictio processit quod ipse
caelum sustineret. Differt autem hic modus a primo. Nam in primo habens,
habitum cogebat sequi secundum suum impetum, et sic erat causa motus
violenti. Hic autem habens, prohibet habitum moveri motu naturali, unde est
causa quietis violentae. Ad hunc autem modum reducitur tertius modus quo
continens dicitur habere contenta; ea ratione quia aliter contenta suo
proprio impetu singula separarentur abinvicem, nisi continens prohiberet;
sicut patet in lagena continente aquam, quae prohibet partes abinvicem
separari. |
Le quatrième mode est celui selon
lequel on dit que quelqu’un possède un autre du fait qu’il l'empêche d'opérer
ou de se mouvoir selon son penchant ou son impulsion: ainsi, on dit qu’une
colonne a un corps lourd sur elle parce qu'elle l’empêche de descendre plus
bas selon son inclination naturelle. C’est ainsi que les poètes disent
qu’Atlas possède le ciel, parce qu'ils imaginent qu’Atlas est un géant qui
supporte la voûte du ciel pour qu’elle ne tombe pas sur la terre. Ce mode
diffère du premier. Dans le premier, le possédant forçait le possédé à ne pas
son impulsion, et il était ainsi cause du mouvement violenté. Ici, la colonne
est cause du repos violenté. A ce mode se réduit aussi le troisième où le
contenant est dit posséder le contenu; le contenant empêche le contenu de se
diviser en parties et de s’éparpiller, comme il apparaît dans le cas de la
gourde qui empêche le vin, de s'écouler. |
Le quatrième sens est celui où une chose en « possède[123] » une autre du fait
qu’elle l’empêche d’agir ou de se mouvoir selon son impulsion : ainsi,
on dit que des colonnes possèdent un corps lourd posé sur elles parce
qu’elles l’empêchent de descendre vers le bas selon son inclination
naturelle. C’est également ainsi que les poètes disaient qu’Atlas
« possède » le ciel, parce qu’ils imaginaient qu’Atlas était un
géant qui supportait la voûte du ciel pour qu’elle ne tombe pas sur la terre.
Cela est également affirmé par certains philosophes de la nature, qui
disaient que le ciel se corrompra un jour et que ses restes tomberont sur la
terre. Cela est évident surtout dans l’opinion d’Empédocle, qui affirmait que
le monde se corrompt une infinité de fois et est engendré une infinité de
fois. Mais les fables des poètes tirent leur origine de quelque chose de
vrai. En effet, un grand astronome du nom d’Atlas[124] a étudié avec grande
perspicacité les mouvements des corps célestes, et de là vient la légende
selon laquelle c’est lui qui soutenait le ciel. Or, ce sens diffère du
premier. Dans le premier, le possédant forçait le possédé à suivre son
impulsion, et il était ainsi cause du mouvement forcé. Mais ici, le possédant
empêche le possédé d’exercer son mouvement naturel, et il est donc cause du
repos forcé. À ce sens se ramène le troisième sens où où le contenant est dit
posséder le contenu, du fait qu’autrement, le contenu se diviserait en
parties et s’éparpillerait de par son propre mouvement, s’il n’en était
empêché par le contenant, comme il apparaît dans le cas de la gourde qui
contient l’eau et l’empêche de se diviser en parties. |
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[82649] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 20 n. 27 Dicit autem in fine, quod esse in aliquo similiter
dicitur sicut et habere; et modi essendi in aliquo consequuntur ad modos habendi.
Octo autem modi essendi in aliquo in quarto physicorum positi sunt: quorum
duo, scilicet secundum quod totum integrale est in partibus et e converso:
duo etiam, scilicet secundum quod totum universale est in partibus, et e
converso, et alius modus secundum quod locatum est in loco, consequuntur ad
tertium modum habendi, secundum quod totum habet partes, et locus locatum.
Modus autem secundum quod aliquid dicitur esse in aliquo, ut in efficiente
vel movente, sicut quae sunt regni in rege, consequitur primum modum habendi
hic positum. Modus autem essendi
in, secundum quod forma est in materia, reducitur ad secundum modum habendi
hic positum. Modus autem quo aliquid est in fine, reducitur ad modum habendi
quartum hic positum; vel etiam ad primum, quia secundum finem moventur et
quiescunt ea quae sunt ad finem. |
Il dit, à la fin, qu'être dans
quelque chose se dit comme avoir et que les modes d'être dans quelque chose
sont consécutifs aux modes d’avoir. On a posé huit modes d'être dans quelque
chose dans le quatrième livre des
Physiques. Le premier de ces modes, à savoir selon que le tout intégral
est dans ses parties et à inverse, et que le tout universel est dans ses
parties et l’inverse, et le second, selon que le localisé est dans le lieu,
sont consécutifs au troisième sens d'avoir; selon que le tout possède les
parties et le lieu, le localisé. Le mode selon lequel on dit que quelque
chose est dans un autre comme dans sa cause efficiente ou mouvante est
consécutif au premier mode d’avoir. Le mode "d’être dans" selon que
la forme est dans la matière, se réduit au second mode d’avoir. Le mode
d’être selon que quelque chose est dans sa fin se ramène au quatrième mode
d’avoir posé plus haut ou, encore, au premier, parce que c’est selon la fin
que sont mus ou en repos ceux qui sont ordonnés à une fin. |
Il dit, en terminant, qu’« être dans quelque chose » se dit de façon semblable à « avoir » et que les manières d’être dans quelque chose font suite aux manières d’avoir. Mais huit manières d’être dans quelque chose sont énumérées au livre IV des Physiques. Deux d’entre elles sont celle où le tout intégral est dans les parties et le mode inverse. Deux autres sont celle où le tout universel[125] est dans les parties et inversement. Une autre manière, selon laquelle un objet est dans un lieu, fait suite à la troisième manière d’avoir, selon laquelle le tout a des parties et le lieu contient un objet. La manière selon laquelle une chose est dite être dans une autre comme dans sa cause efficiente ou motrice, comme les possessions du royaume sont dans le roi, font suite à la première manière d’avoir donnée ici. La manière d’« être dans » selon laquelle la forme est dans la matière se ramène à la deuxième manière d’avoir donnée ici. La manière selon laquelle une chose est dans sa fin se ramène à la quatrième manière d’avoir donnée ici, ou encore à la première, car ce qui est ordonné à une fin est en mouvement et en repos en raison de la fin. |
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Leçon 21, Texte d’Aristote
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24- Provenir de Provenir de, venir de, se dit
d’abord de ce dont une chose est faite, à titre de mayière. Ce premier sens
peut être lui-même pris de deux façons : Selon le genre premier, ou
selon l’espèce première : par exemple, pour le premier sens, comme tous
les fusibles proviennent de l’eau, et, pour le second, comme la statue
provient de l’airain. – En un autre sens, provenir de se dit comme du premier
principe moteur : ainsi, d’où vient le combat ? De l’insulte, parce
que l’insulte a été à l’origine du combat. – C’est encore provenir du
composéde la matière et de la forme, à la façon dont les parties proviennent
du tout, le vers, de l’Iliade, et les pierres, de la maison ; en effet,
la forme est une fin, et ce qui atteint sa fin est parfait. – En un autre
sens, provenir de se dit comme la forme provient de sa partie : ainsi
l’homme vient du bipède, et la syllabe en général, de la lettre en général,
mais non de la même manière que la statue de l’airain, car la substance
composée vient de la matière sensible, tandis que la forme vient de la
matière de la forme. – Il y a donc des choses qui sont dites provenir de ces
différents sens ; d’autres sont dites provenir d’en chacun de ces sens,
si elles proviennent d’une partie de la chose seulement : c’est ainsi
que l’enfant provient du père et de la mère, et les plantes, de la terre,
parce qu’ils viennent d’une certaine partie de ces êtres. En un autre sens,
cette expression marque la succession dans le temps : ainsi la nuit
vient du jour, et la tempête, du calme, parce que l’un vient après l’autre.
Dans ces cas, tantôt il y a changement réciproque, comme dans nos derniers
exemples, tantôt il y a changement réciproque, comme dans nos derniers
exemples, tantôt il y a seulement succession dans le temps : par exemple,
on est parti de l’équinoxe pour naviguer, c’est-à-dire on est parti après
l’équinoxe; les Thargélies viennent des Dionysiaques, c'est-à-dire après les
Dionysiaques. 25- Parties Parties se dit, en un premier
sens, de ce en quoi une quantité peut, d’une manière quelconque, être
divisée : tout ce qui, en effet, est retranché d’une quantité en tant
que quantité est appelé partie de cette quantité : deux, par exemple,
peut être pris comme une partie de trois. En un sens différent, partie signifie
seulement celles de ces parties qui mesurent le tout: ainsi, deux, à un point
de vue, sera-t-il partie de trois, mais non à un autre point de vue. – En
outre, ce en quoi la forme peut se diviser, abstraction faite de la quantité,
est appelé partie de cette forme ; c’est pourquoi on dit que les espèces
sont des parties du genre. – Partie se dit aussi de ce en quoi se divise un
tout, ou ce qui constitue le tout, tout pouvant signifier soit la forme, soit
ce qui a la forme : de la sphère d’airain, par exemple, ou du cube
d’airain, l’airain est une partie, car c’est la matière dans laquelle la
forme est engagée ; l’angle est aussi une partie. – Enfin, les éléments
de la définition qui exprime chaque être, sont aussi des parties du
tout : c’est pourquoi le genre peut être considéré aussi comme une
partie de l’espèce, quoique, en un autre sens, ce soit l’espèce qui est une
partie du genre. 26- Tout Un tout, s’entend de ce à quoi ne
manque aucune des parties qui sont dites constituer naturellement un tout. –
C’est aussi ce qui contient les choses contenues, de telle façon qu’elles
forment une unité. Cette unité est de deux sortes : ou bien en tant que
les choses contenues ont chacune une unité, ou bien en tant que les choses
contenues ont chacune une unité, ou bien en tant que leur ensemble résulte
l’unité. Dans le premier cas, l’universel et ce qui est dit, d’une façon
générale, à titre de tout, est universel en tant qu’il embrasse une
multiplicité d’êtres, par le fait qu’il est le prédicat de chacun d’eux, et
que tous sont un en ce sens que chacun est l’unité: par exemple homme,
cheval, dieu sont un, parce qu’ils sont tous des êtres vivants. Dans le
second cas, le continu, le limité est un tout, quand une unité résulte de
plusieurs parties intégrantes; surtout quand ces parties sont seulement en
puissance, et, à défaut, même quand elles sont en entéléchie (acte). De ces
dernières sortes de toutes, les êtres naturels sont plus véritablement tout
que les objets artificiels, comme nous l’avons déjà dit à propos de l’Un,
attendu que la totalité est une espèce d’unité. En outre, des quantités ayant un
commencement, un milieu et une fin, celles dans lesquelles la position des
parties est indifférente sont appelées une somme, et les autres, un tout;
celles qui peuvent réunir les deux caractères sont à la fois tout et
somme : telles sont celles dont la nature reste la même après le
déplacement des parties, mais dont la figure varie, par exemple de la cire,
un vêtement; elles sont alors dites, à la fois, tout et somme, car elles ont
les deux caractères. Mais l’eau, tous les liquides et le nombre sont dits
seulement somme, le mot tout ne s’appliquant ni au nombre, ni à l’eau, si ce
n’est par extension. Et les mêmes choses auxquelles on applique le terme
somme quand on les considère en tant que formant une unité, se voient, quand
on les prend en tant que divisées, appliquer le terme totalité : tout ce
nombre, toutes ces unités. 27- Tronqué Tronqué, mutilé, se dit des
quantités, mais non pas de n’importe laquelle : il faut non seulement que
cette quantité soit partageable mais encore qu’elle forme un tout. Le nombre
deux, en effet, n’est pas tronqué si l’on retranche une des deux unités (car
la partie enlevée par mutilation n'est jamais égale au reste), et il en est
de même, en général, de tous les nombres. En effet, il faut aussi que la
substance persiste: une coupe tronquée est encore une coupe, tandis que le
nombre n’est plus le même. En outre, même si la chose est formée de parties
dissemblables, il n’y aura pas toujours mutilation, car, en un sens, un
nombre a aussi des parties dissemblables, par exemple la dyade et la triade.
Mais, en général, il n’y a pas de mutilation pour les choses dans lesquelles
la position des parties est indifférente, comme l’eau ou le feu; il faut qui
elles soient d’une nature telle que la position des parties tienne à la
substance. Il faut aussi la continuité, il y
a, en effet, dans une harmonie, des tons différents disposés dans un ordre
déterminé, et pourtant une harmonie ne peut devenir tronquée. -- En outre,
les choses qui sont des touts ne sent pas mutilées par la privation d’une
partie quelconque, car il le faut ôter ni les parties constitutives de la
substance, ni une partie quelconque : par exemple, une coupe percée
n’est pas tronquée, elle l’est si l’anse ou le bord a été retranché. Un homme
n’est pas mutilé s’il a perdu de la chair ou la rate, mais seulement s’il a
perdu quelque extrémité, et cela, non pas même toute extrémité: il faut une
fois complètement retranchée, ne puisse jamais se reproduire. Voilà pourquoi
les chauves ne sont pas des mutilés. |
24- Provenir de Provenir de, venir de, se dit d’abord de ce dont une chose est faite, à titre de mayière. Ce premier sens peut être lui-même pris de deux façons : Selon le genre premier, ou selon l’espèce première : par exemple, pour le premier sens, comme tous les fusibles proviennent de l’eau, et, pour le second, comme la statue provient de l’airain. – En un autre sens, provenir de se dit comme du premier principe moteur : ainsi, d’où vient le combat ? De l’insulte, parce que l’insulte a été à l’origine du combat. – C’est encore provenir du composéde la matière et de la forme, à la façon dont les parties proviennent du tout, le vers, de l’Iliade, et les pierres, de la maison ; en effet, la forme est une fin, et ce qui atteint sa fin est parfait. – En un autre sens, provenir de se dit comme la forme provient de sa partie : ainsi l’homme vient du bipède, et la syllabe en général, de la lettre en général, mais non de la même manière que la statue de l’airain, car la substance composée vient de la matière sensible, tandis que la forme vient de la matière de la forme. – Il y a donc des choses qui sont dites provenir de ces différents sens ; d’autres sont dites provenir d’en chacun de ces sens, si elles proviennent d’une partie de la chose seulement : c’est ainsi que l’enfant provient du père et de la mère, et les plantes, de la terre, parce qu’ils viennent d’une certaine partie de ces êtres. En un autre sens, cette expression marque la succession dans le temps : ainsi la nuit vient du jour, et la tempête, du calme, parce que l’un vient après l’autre. Dans ces cas, tantôt il y a changement réciproque, comme dans nos derniers exemples, tantôt il y a changement réciproque, comme dans nos derniers exemples, tantôt il y a seulement succession dans le temps : par exemple, on est parti de l’équinoxe pour naviguer, c’est-à-dire on est parti après l’équinoxe; les Thargélies viennent des Dionysiaques, c'est-à-dire après les Dionysiaques. 25- Parties Parties se dit, en un premier sens, de ce en quoi une quantité peut, d’une manière quelconque, être divisée : tout ce qui, en effet, est retranché d’une quantité en tant que quantité est appelé partie de cette quantité : deux, par exemple, peut être pris comme une partie de trois. En un sens différent, partie signifie seulement celles de ces parties qui mesurent le tout: ainsi, deux, à un point de vue, sera-t-il partie de trois, mais non à un autre point de vue. – En outre, ce en quoi la forme peut se diviser, abstraction faite de la quantité, est appelé partie de cette forme ; c’est pourquoi on dit que les espèces sont des parties du genre. – Partie se dit aussi de ce en quoi se divise un tout, ou ce qui constitue le tout, tout pouvant signifier soit la forme, soit ce qui a la forme : de la sphère d’airain, par exemple, ou du cube d’airain, l’airain est une partie, car c’est la matière dans laquelle la forme est engagée ; l’angle est aussi une partie. – Enfin, les éléments de la définition qui exprime chaque être, sont aussi des parties du tout : c’est pourquoi le genre peut être considéré aussi comme une partie de l’espèce, quoique, en un autre sens, ce soit l’espèce qui est une partie du genre. 26- Tout Un tout, s’entend de ce à quoi ne manque aucune des parties qui sont dites constituer naturellement un tout. – C’est aussi ce qui contient les choses contenues, de telle façon qu’elles forment une unité. Cette unité est de deux sortes : ou bien en tant que les choses contenues ont chacune une unité, ou bien en tant que les choses contenues ont chacune une unité, ou bien en tant que leur ensemble résulte l’unité. Dans le premier cas, l’universel et ce qui est dit, d’une façon générale, à titre de tout, est universel en tant qu’il embrasse une multiplicité d’êtres, par le fait qu’il est le prédicat de chacun d’eux, et que tous sont un en ce sens que chacun est l’unité: par exemple homme, cheval, dieu sont un, parce qu’ils sont tous des êtres vivants. Dans le second cas, le continu, le limité est un tout, quand une unité résulte de plusieurs parties intégrantes; surtout quand ces parties sont seulement en puissance, et, à défaut, même quand elles sont en entéléchie (acte). De ces dernières sortes de toutes, les êtres naturels sont plus véritablement tout que les objets artificiels, comme nous l’avons déjà dit à propos de l’Un, attendu que la totalité est une espèce d’unité. En outre, des quantités ayant un commencement, un milieu et une fin, celles dans lesquelles la position des parties est indifférente sont appelées une somme, et les autres, un tout; celles qui peuvent réunir les deux caractères sont à la fois tout et somme : telles sont celles dont la nature reste la même après le déplacement des parties, mais dont la figure varie, par exemple de la cire, un vêtement; elles sont alors dites, à la fois, tout et somme, car elles ont les deux caractères. Mais l’eau, tous les liquides et le nombre sont dits seulement somme, le mot tout ne s’appliquant ni au nombre, ni à l’eau, si ce n’est par extension. Et les mêmes choses auxquelles on applique le terme somme quand on les considère en tant que formant une unité, se voient, quand on les prend en tant que divisées, appliquer le terme totalité : tout ce nombre, toutes ces unités. 27- Tronqué Tronqué, mutilé, se dit des quantités, mais non pas de n’importe laquelle : il faut non seulement que cette quantité soit partageable mais encore qu’elle forme un tout. Le nombre deux, en effet, n’est pas tronqué si l’on retranche une des deux unités (car la partie enlevée par mutilation n'est jamais égale au reste), et il en est de même, en général, de tous les nombres. En effet, il faut aussi que la substance persiste: une coupe tronquée est encore une coupe, tandis que le nombre n’est plus le même. En outre, même si la chose est formée de parties dissemblables, il n’y aura pas toujours mutilation, car, en un sens, un nombre a aussi des parties dissemblables, par exemple la dyade et la triade. Mais, en général, il n’y a pas de mutilation pour les choses dans lesquelles la position des parties est indifférente, comme l’eau ou le feu; il faut qui elles soient d’une nature telle que la position des parties tienne à la substance. Il faut aussi la continuité, il y a, en effet, dans une harmonie, des tons différents disposés dans un ordre déterminé, et pourtant une harmonie ne peut devenir tronquée. -- En outre, les choses qui sont des touts ne sent pas mutilées par la privation d’une partie quelconque, car il le faut ôter ni les parties constitutives de la substance, ni une partie quelconque : par exemple, une coupe percée n’est pas tronquée, elle l’est si l’anse ou le bord a été retranché. Un homme n’est pas mutilé s’il a perdu de la chair ou la rate, mais seulement s’il a perdu quelque extrémité, et cela, non pas même toute extrémité: il faut une fois complètement retranchée, ne puisse jamais se reproduire. Voilà pourquoi les chauves ne sont pas des mutilés. |
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Lectio 21 |
Leçon 21, Commentaire de
saint Thomas [Provenir de, partie, tout, tronqué] (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960)
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ARISTOTE EXPOSE LES
SENS DES MOTS, VENIR DE, PROVENIR DE, PARTIE, TOUT ET TRONQUE. |
ARISTOTE EXPOSE LES SENS DES MOTS, VENIR DE, PROVENIR DE, PARTIE, TOUT ET TRONQUE. |
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[82650] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 1 Hic incipit prosequi de his quae pertinent ad
rationem totius et partis. Et primo de his quae pertinent ad partem. Secundo de
his, quae pertinent ad totum, ibi, totum dicitur. Et quia ex partibus
constituitur totum; ideo circa primum duo facit. Primo ostendit quot modis
dicitur aliquid esse ex aliquo. Secundo quot modis dicitur pars, ibi, pars
dicitur uno quidem modo. Circa primum tria facit. Primo ponit modos, quibus
aliquid ex aliquo fieri dicitur proprie et primo. Secundo quo modo fit
aliquid ex aliquo, sed non primo, ibi, alia vero si secundum partem. Tertio
quo modo fit aliquid ex aliquo non proprie, ibi, alia vero. Circa primum
ponit quatuor modos. Quorum primus est, secundum quod aliquid dicitur esse ex
aliquo, ut ex materia. Quod quidem contingit dupliciter. Uno modo secundum
quod accipitur materia primi generis, scilicet communis; sicut aqua est
materia omnium liquabilium, quae omnia dicuntur esse ex aqua. Alio modo secundum
speciem ultimam, idest specialissimam; sicut haec species, quae est
statua, dicitur fieri ex aere. |
Il entreprend ici l’étude de ce
qui appartient à la notion du tout et de la partie. Il commence par ce qui se
rapporte à la partie. Il traite en second lieu de ce qui appartient au tout.
Et parce que le tout est constitué des parties, il traite tout d’abord de
l’expression "provenir de", ou "venir de" pour en montrer
les différents sens; en second, il donne les différents sens du mot partie,
où il dit: "Partie se dit, en premier sens, etc. " Au sujet de
l’expression "provenir de", il fait une triple réflexion; la
première concerne les modes selon lesquels "être fait de" se dit
proprement et en premier lieu. La seconde dégage le sens de "ce qui est
fait de" se dit proprement, mais non en premier, où il dit :
"D’autres sont dites provenir de…" La troisième analyse comment une
chose provient d'une autre improprement, où il dit : "En un autre
sens ... " Au sujet du "devenir de" au sens propre et premier,
il distingue quatre modes. Provenir de, être fait de, ou venir de, se dit
d’abord de ce dont une chose est faite, à titre de matière. Ce qui arrive de
deux manières: ou bien la chose provient de la matière du premier genre,
c’est-à-dire commune, comme l’eau est la matière de tous les liquides qui
sont tous dits provenir de l’eau; ou bien la chose provient de la matière qui
est l’espèce ultime, ou de la matière très spécialisés, comme cette forme,
qui est la statue, est dite être faite de l’airain. |
Il entreprend ici l’étude de ce qui appartient à la notion du tout et
de la partie. Il traite, en premier, de ce qui se rapporte à la partie; en
second, de ce qui appartient au tout, où il dit : Le mot Tout se dit, etc. Et parce que le tout est constitué des
parties, il traite le premier sujet en deux sections. En premier, il montre
en combien de sens on dit qu’une chose provient d’une autre; en deuxième, en
combien de sens on parle de partie, où il dit : Dans un premier sens, le mot Partie, etc. La première expression
est traitée en trois parties. En premier, il donne les sens où on dit
proprement et en premier lieu qu’une chose est faite d’une autre. En
deuxième, il dit en quel sens une chose est faite d’une autre, mais non en
premier, où il dit : mais il
suffit qu’une de ces nuances, etc. En troisième, il montre en quel sens
impropre une chose provient d’une autre, où il dit : En un autre sens, Provenir, etc. Dans
la première partie, il donne quatre sens. Le premier est celui où on dit
qu’une chose provient d’une autre comme de sa matière. Et cela arrive de deux
manières : en un sens, selon que l’on considère la matière du premier genre, ou matière générale; ainsi, l’eau est
la matière de tous les liquides, qu’on dit tous provenir de l’eau; en un
autre sens, selon l’espèce ultime, c’est-à-dire
la plus spécialisée : ainsi, on dit que l’espèce qu’est la statue est
faite d’airain. |
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[82651] Sententia Metaphysicae,
lib. 5 l. 21 n. 2 Secundo
modo dicitur aliquid fieri ex alio ut ex primo principio movente,
sicut pugna ex convitio, quod est principium movens animum convitiati ad
pugnandum. Et sic etiam dicitur, quod domus est ex aedificante, et sanitas ex
medicina. |
En un second sens, on dit qu’une
chose provient de ou "est de" comme d’un premier mouvant. Ainsi
l’on dit que le combat provient de l’insulte, parce que l'insulte a été la
cause qui a poussé les insultés au combat. Ainsi dit-on encore que la maison
provient de l'ouvrier et la santé vient de la médecine. |
En un deuxième sens, on dit qu’une chose est faite d’une autre comme du premier principe moteur, comme le
combat provient de l’insulte, parce que l’insulte a été le principe qui a
poussé l’âme des insultés au combat. Ainsi dit-on encore que la maison
provient du constructeur et que la santé provient de la médecine. |
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[82652] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 3 Tertio modo dicitur fieri ex aliquo, sicut simplex, ex
composito ex materia et forma. Et hoc est in via resolutionis, sicut
dicimus quod partes fiunt ex toto, et versus ex Iliade, idest ex toto
tractatu Homeri de Troia; resolvitur enim Ilias in versus, sicut totum in
partes. Et similiter dicitur quod lapides fiunt ex domo. Ratio autem huius
est, quia forma est finis in generatione. Perfectum enim dicitur quod habet
finem, ut supra habitum est. Unde patet, quod perfectum est quod habet
formam. Quando igitur ex toto perfecto fit resolutio partium, est motus quasi
a forma ad materiam; sicut e converso, quando partes componuntur, est motus a
materia in formam. Et ideo haec praepositio ex quae principium designat,
utrobique competit: et in via compositionis, quia determinat principium
materiale; et in via resolutionis, quia significat principium formale. |
Le troisième sens du
"provenir de quelque chose" désigne le simple qui provient du
composé de matière et de forme. Et ceci est selon le mode résolutif, comme
lorsque nous disons que les parties proviennent du tout, et le vers, de
l’Iliade, c'est-à-dire de toute l’épopée d'Homère sur la guerre de Troie:
l’Iliade se résout en vers, comme le tout en ses parties, Et pareillement, on
dit que les pierres proviennent de la maison, La raison de cela c'est que la
forme est la fin dans la génération. Or, le parfait se dit de qui possède sa
fin, comme on l’a dit dans une leçon précédente. Il est donc évident que le
parfait est ce qui possède sa forme. Et donc, quand la résolution se fait à
partir du tout parfait dans les parties, le mouvement va pour ainsi dire de
la forme à la matière comme, dans le cas inverse où les parties sont
composées, le mouvement va de la matière à la forme. C’est pourquoi la
préposition "ex", de, qui désigne le principe, convient aux deux
cas: et à la voie compositive, parce qu’elle détermine le principe matériel;
et à la voie résolutive, parce qu'elle désigne le principe formel. |
En un troisième sens, on dit qu’une chose provient d’une autre comme
le simple provient du composé de
matière et de forme. Et cela se fait par voie de dissolution, comme on
dit que les parties proviennent du tout, et
le vers de l’Iliade, c'est-à-dire de toute l’épopée d’Homère sur la
guerre de Troie, car l’Iliade se
décompose en vers comme le tout en parties. Et pareillement, on dit que les
pierres proviennent de la maison. La raison en est que la forme est la fin
dans la génération. En effet, on appelle parfait ce qui possède sa fin, comme
on l’a dit plus haut. Il est donc évident que le parfait est ce qui possède
sa forme. Alors, quand un tout parfait est décomposé en parties, le mouvement
va pour ainsi dire de la forme à la matière; de même, dans le cas inverse où
les parties sont rassemblées, le mouvement va de la matière à la forme. C’est
pourquoi la préposition « ex », qui désigne le principe, convient
aux deux cas : à la voie d’assemblage, parce qu’elle détermine le
principe matériel, et à la voie de décomposition, parce qu’elle désigne le
principe formel. |
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[82653] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 4 Quarto modo dicitur aliquod fieri ex aliquo sicut species
ex parte speciei. Pars autem speciei potest accipi dupliciter: aut
secundum rationem, aut secundum rem. Secundum rationem, sicut bipes est pars
hominis, quia est pars definitionis eius, quamvis secundum rem non sit pars,
quia aliter non praedicaretur de toto. Toti enim homini competit habere duos
pedes. Secundum rem vero, sicut syllaba est ex elemento, idest ex
litera sicut ex parte speciei. Hic autem quartus modus differt a primo. Nam
ibi dicebatur aliquid esse ex parte materiae sicut statua ex aere. Nam haec
substantia quae est statua, est composita ex sensibili materia tamquam ex
parte substantiae. Sed haec species componitur ex parte speciei. |
Le quatrième sens du mot
"devenir de", "être fait de", ou "provenir de"
s’emploie lorsqu’une espèce provient d’une partie de l’espèce. La partie
d’une espèce peut se prendre de deux façons: ou bien selon la raison, ou bien
selon l’ordre réel. Selon la raison, comme bipède est partie de l’homme parce
qu’il est une partie de sa définition, bien que, en réalité, il n’en soit pas
une partie, autrement, il ne serait pas prédiqué du tout. C’est à tout
l’homme en effet qu’il convient d’avoir deux pieds. Selon la réalité, comme
la syllabe provient de l'élément, c’est-à-dire de la lettre, comme d’une
partie de l’espèce. Ce quatrième mode diffère du premier où l’on dit que
quelque chose provient de la matière, comme la statue provient de l'airain.
Cette substance qui est une statue est composée en effet de la matière sensible
à titre d’une partie de la substance. Mais ici, l’espèce est composée d’une
partie de l’espèce. |
En un quatrième sens, on dit qu’une chose provient d’une autre comme l’espèce provient d’une partie de l’espèce. La partie d’une espèce peut se prendre de
deux façons : soit selon la raison, soit selon la réalité. Selon la
raison, comme le bipède fait partie de l’homme parce qu’il fait partie de sa
définition, bien que, en réalité, il n’en soit pas une partie, car alors il
ne serait pas attribué au tout. C’est à tout l’homme en effet qu’il
appartient d’avoir deux pieds. Selon la réalité, comme la syllabe provient de
l'élément, c’est-à-dire de la lettre, comme d’une partie de l’espèce. Ce
quatrième sens diffère du premier, où l’on disait que quelque chose provient
d’une partie de la matière, comme la statue provient de l'airain. Cette
substance qui est une statue est en effet composée de la matière sensible à
titre de partie de sa substance. Mais ici, l’espèce est composée d’une partie
de l’espèce. |
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[82654]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 5 Sunt enim partium, quaedam partes speciei, et
quaedam partes materiae. Partes quidem speciei dicuntur, a quibus dependet
perfectio speciei, et sine quibus esse non potest species. Unde et tales
partes in definitione totius ponuntur, sicut anima et corpus in definitione
animalis, et angulus in definitione trianguli, et litera in definitione
syllabae. Partes vero materiae dicuntur ex quibus species non dependet, sed
quodammodo accidunt speciei; sicut accidit statuae quod fiat ex aere, vel ex
quacumque materia. Accidit etiam circulo quod dividatur in duos semicirculos:
et angulo recto, quod angulus acutus sit eius pars. Unde huiusmodi partes non
ponuntur in definitione totius speciei, sed potius e converso, ut in septimo
huius erit manifestum. Sic ergo patet quod sic quaedam dicuntur ex aliquo
fieri primo et proprie. |
Parmi les parties, il y en a qui
sont des parties de l’espèce et d’autres qui sont parties de la matière. On
appelle parties de l’espèce celles dont dépend la perfection de l'espèce et
sans lesquelles l'espèce ne peut exister. C’est pourquoi ces parties sont
posées dans la définition du tout, comme l’âme et le corps sont posés dans la
définition de l’homme, l'angle dans la définition du triangle, et la lettre
dans la définition de la syllabe. On appelle parties de la matière celles
dont ne dépend pas l’espèce, mais qui de quelque manière sont accidentelles à
l’espèce; comme il arrive a la statue d être faite a partir de l’airain ou à
partir de n’importe quelle matière déterminée. Il est accidentel au cercle
d’être divisé en deux demi-cercle, et à l'angle droit que l.'angle aigu soit
une de ses parties. C’est pourquoi ces parties ne sont pas posées dans la
définition du tout de l’espèce, mais c'est plutôt le contraire qui se fait,
comme il sera manifesté dans le septième livre. Il appert donc que selon les
sens énumérés on dit que certaines choses sont faites, où proviennent d’autre
chose proprement et en premier. |
Parmi les parties, certaines sont des parties de l’espèce et d’autres
sont parties de la matière. On appelle parties de l’espèce celles dont dépend
la perfection de l'espèce et sans lesquelles l’espèce ne peut exister. C’est
pourquoi ces parties incluses dans la définition du tout, comme l’âme et le
corps sont inclus dans la définition de l’animal, l'angle dans la définition
du triangle, et la lettre dans la définition de la syllabe. On appelle
parties de la matière celles dont ne dépend pas l’espèce, mais qui de quelque
manière sont accidentelles à l’espèce, comme il se trouve que la statue est
faite à partir de l’airain ou de toute autre matière. Il est également
accidentel au cercle d’être divisé en deux demi-cercles, et à l’angle droit
que l’angle aigu soit une de ses parties. C’est pourquoi ces parties ne sont
pas incluses dans la définition du tout de l’espèce, mais c'est plutôt
l’inverse, comme on le montrera au livre VII. Il est donc évident que c’est
ainsi que certaines choses sont dites provenir de quelque chose au sens
premier et propre. |
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[82655] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 6 Aliqua vero dicuntur ex aliquo fieri non primo, sed
secundum partem. Et hoc secundum quaecumque praedictorum modorum;
sicut puer dicitur fieri ex patre, sicut principio motivo, et matre sicut ex materia;
quia quaedam pars patris movet, scilicet sperma, et quaedam pars matris est
materia, scilicet menstruum. Et plantae fiunt ex terra; non tamen quidem ex
toto, sed ex aliqua eius parte. |
Certaines choses sont dites être
faites d’autres choses non en premier, mais selon une partie. Et cela est
possible conformément à tous les modes donnés plus haut. Ainsi, on dit que
l’enfant vient du père, comme principe actif, et de la mère, comme d’une
certaine matière, parce qu'une certaine partie du père, le sperme, et une
certaine partie de la mère le sang menstruel, est la matière. Et les plantes
proviennent de la terre, non pas de toute la terre cependant, mais à partir
d’une certaine partie de la terre. |
Certaines choses sont dites provenir d’autre chose non en premier,
mais selon une partie. Et cela est possible dans n’importe quel des sens
mentionnés. Ainsi, on dit que l’enfant vient du père, comme d’un principe
moteur, et de la mère, comme de la matière, parce qu’une certaine partie du
père, donne le mouvement, et une certaine partie de la mère, le sang
menstruel, est la matière. Et les plantes proviennent de la terre, non pas de
toute la terre cependant, mais d’une certaine partie de la terre. |
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[82656]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 7 Alio vero modo dicitur fieri aliquid ex aliquo non
proprie, scilicet ex hoc ipso quod importat solum ordinem; et sic aliquid
fieri dicitur ex aliquo, post quod fit, sicut nox fit ex die, idest
post diem: et imber ex serenitate, idest post serenitatem. Hoc autem dicitur
dupliciter. Quandoque enim inter ea, quorum unum dicitur fieri ex altero,
attenditur ordo secundum motum, et non solum secundum tempus; quia vel sunt
duo extrema eiusdem motus, ut cum dicitur quod album fit ex nigro: vel
consequuntur aliqua extrema motus, sicut nox et dies consequuntur diversa ubi
solis. Et similiter hiems et aestas. Unde in quibusdam dicitur hoc fieri post
hoc, quia habent transmutationem adinvicem, ut in praedictis patet. |
D’une autre manière, on dit que quelque
chose provient d’une autre d'une façon impropre, c’est-à-dire du fait que
l’expression ne comporte qu’un certain ordre. Ainsi on dit que quelque chose
vient d’une autre parce qu'elle vient après, comme la nuit vient du jour et
la pluie vient du beau temps, c’est-à-dire après le jour et après le beau
temps. Cette façon impropre de désigner le devenir ou la provenance peut être
double. Quelquefois l'ordre qui est exprimé entre la chose qui devient et
celle d’où elle provient n'est que dans le mouvement sans l’être dans le
temps: ou bien, parce qu'elles sont les extrémités du mouvement, comme
lorsqu’on dit que le blanc vient du noir; ou bien parce qu'elles sont
consécutives aux points extrêmes, comme la nuit du jour sont consécutifs aux
divers lieux du soleil. Et le cas de l’été et de l’hiver est semblable au
dernier. C’est pourquoi, dans ces cas, le changement peut être réciproque (la
nuit vient après le jour et le jour vient après la nuit). |
D’une autre manière, on dit qu’une chose provient d’une autre d’une
façon impropre, c’est-à-dire du fait que l’expression indique seulement un
ordre. Ainsi on dit que quelque chose vient d’une autre parce qu'elle vient
après, comme la nuit provient du jour,
c’est-à-dire après le jour, et l’orage
provient du beau temps, c'est-à-dire après le beau temps. Ce sens
s’emploie de deux façons. Quelquefois, les choses dont l’une est dite
provenir de l’autre présentent un ordre selon le mouvement et non seulement
dans le temps, car, ou bien elles sont les extrémités du même mouvement,
comme lorsqu’on dit que le blanc provient du noir; ou bien parce qu’elles
sont consécutives aux extrémités du mouvement, comme la nuit et le jour sont
consécutifs aux diverses positions du soleil, et pareillement l’été et
l’hiver. C’est pourquoi, dans certains cas, on dit qu’une chose vient après
l’autre parce qu’elles se changent l’une en l’autre réciproquement, comme il
est évident dans ce qui précède[126]. |
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[82657] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 8 Quandoque vero attenditur ordo secundum tempus
tantum; sicut dicitur quod ex aequinoctio fit navigatio, idest post
aequinoctium. Haec enim duo
extrema non sunt duo extrema unius motus, sed ad diversos motus pertinent. Et similiter dicitur, ex Dionysiis fiunt Thargelia,
quia fiunt post Dionysia. Haec autem sunt quaedam festa, quae apud gentiles
celebrabantur, quorum unum erat prius et aliud posterius. |
Quelquefois l'expression ne
désigne l’ordre ou la succession que dans le temps; par exemple, on est parti
de l'équinoxe pour naviguer, c’est-à-dire après l'équinoxe. Ces deux extrêmes
en effet ne sont pas les extrémités d’un seul mouvement, mais appartiennent à
divers mouvements. Ainsi, encore, les Thargélies viennent des Dionysiaques,
parce qu’elles arrivent après les Dionysiaques. Nous venons de nommer deux
fêtes païennes dont l’une était après l’autre. |
Quelquefois, l’ordre est considéré seulement dans le temps; par
exemple, dit que la navigation provient de l’équinoxe, c'est-à-dire commence
après l’équinoxe. Ces deux extrêmes en effet ne sont pas les deux extrémités
d’un seul mouvement, mais appartiennent à divers mouvements. Ainsi, encore,
les Thargélies[127] proviennent des Dionysiaques[128], parce qu’elles arrivent
après les Dionysiaques. Ce sont des fêtes célébrées chez les païens, dont l’une
venait avant et l’autre après. |
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[82658]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 9 Deinde cum dicit pars dicitur hic ponit quatuor
modos, quibus aliquid dicitur esse pars. Primo modo pars dicitur, in quam dividitur
aliquid secundum quantitatem: et hoc dupliciter. Uno enim modo quantumcumque
fuerit quantitas minor, in quam quantitas maior dividitur, dicitur eius pars.
Semper enim id quod aufertur a quantitate, dicitur pars eius; sicut duo
aliquo modo sunt partes trium. Alio modo dicitur solum pars quantitas minor,
quae mensurat maiorem. Et sic duo non sunt pars trium; sed sic duo sunt pars
quatuor, quia bis duo sunt quatuor. |
Ensuite, quand il dit:
"Partie se dit ... ", il donne les quatre sens du mot partie. La
partie se dit en un premier sens de ce en quoi se divise quelque chose selon
la quantité, ce qui arrive d'une double façon. D'une première façon, on
appelle partie d'une quantité toute quantité moins grande en laquelle se
divise une plus grande quantité. Tout ce qu’on peut retrancher en en effet a
une quantité peut être appelé sa partie. Deux, par exemple, peut être pris
comme partie de trois. D’une seconde façon, on appelle partie uniquement le
moins grande quantité qui peut mesurer la plus grande. De cette manière, deux
n'est pas partie de trois, mais est partie de quatre, parce que deux fois
deux font quatre. |
Ensuite, quand il dit : Dans
un premier sens, etc., il donne quatre sens du mot « partie ».
La partie se dit en un premier sens de ce en quoi quelque chose se divise
selon la quantité, ce qui arrive de deux façons. D’une première façon, on
appelle partie d’une quantité toute quantité moins grande en laquelle se
divise une plus grande quantité. En effet, ce qu’on peut retrancher à une
quantité peut toujours être appelé sa partie; ainsi, 2 est en quelque façon
une partie de 3. D’une seconde façon, on appelle partie uniquement la moins
grande quantité qui peut mesurer la plus grande. De cette manière, 2 n’est
pas partie de 3, mais est partie de 4, parce que 2 fois 2 font 4. |
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[82659] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 10 Secundo modo ea dicuntur partes, in quae dividitur
aliquid sine quantitate: et per hunc modum species dicuntur esse partes
generis. Dividitur enim in species, non sicut quantitas, in partes
quantitatis. Nam tota quantitas non est in una suarum partium. Genus autem
est in qualibet specierum. |
Le mot partie, selon le second
sens, désigne ce en quoi se divise quelque chose sans quantité; et selon ce
mode, les espèces sont dites être les parties du genre. Le genre ne se divise
pas en effet en espèces comme la quantité dans ses parties quantitatives. Car
toute la quantité n’est pas dans une seule de ses parties. Le genre cependant
existe dans chacune des espèces. |
En un deuxième sens, on appelle parties ce en quoi se divise quelque
chose qui est sans quantité; et en ce sens, les espèces sont dites être les
parties du genre. En effet, le genre ne se divise pas en espèces comme la
quantité dans ses parties quantitatives, car la quantité n’est pas toute dans
une de ses parties, alors que le genre se trouve dans chacune des espèces. |
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[82660] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 11 Tertio modo dicuntur partes, in quas dividitur, aut ex
quibus componitur aliquod totum; sive sit species, sive aliquid habens
speciem, scilicet individuum. Sunt enim, sicut dictum est, quaedam partes
speciei, et quaedam partes materiae, quae sunt partes individui. Aes enim est
pars sphaerae aereae, aut cubi aerei, sicut materia, in qua species est
recepta. Unde aes non est pars speciei, sed pars habentis speciem. Est autem
cubus corpus contentum ex superficiebus quadratis. Angulus autem est pars
trianguli sicut speciei, sicut supra dictum est. |
Selon le troisième mode, les
parties se disent de ce en quoi se divise un tout ou de, ce qui le compose;
que ce tout soit l’espèce ou ce qui a l’espèce, l’individu. Il y a, comme on
l’a vu, des parties de l'espèce et des parties de la matière, qui sont des
parties de l'individu. L’airain en effet est une partie de la sphère d’airain
ou du cube d'airain, comme la matière qui reçoit l’espèce. C’est pourquoi
l’airain n’est pas une autre de l’espèce mais une partie de ce qui a
l’espèce. Le cube, lui, est un corps limité par des surfaces carrées. L’angle
est une partie du triangle, comme partie de l’espèce. |
En un troisième sens, on appelle ce en quoi se divise un tout ou ce
qui le compose, que ce tout soit l’espèce ou ce qui a l’espèce, c'est-à-dire
l’individu. Il y a, comme on l’a vu, des parties de l’espèce et des parties
de la matière, qui sont des parties de l’individu. L’airain en effet est une
partie de la sphère d’airain ou du cube d’airain, comme la matière qui reçoit
l’espèce. C’est pourquoi l’airain n’est pas une partie de l’espèce mais une
partie de ce qui a l’espèce. Le cube, lui, est un corps limité par des
surfaces carrées. L’angle est une partie du triangle en tant que partie de
l’espèce, comme on l’a dit plus haut. |
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[82661] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 12 Quarto modo dicuntur partes, quae ponuntur in
definitione cuiuslibet rei, quae sunt partes rationis sicut animal et bipes
sunt partes hominis. |
Le quatrième sens du mot partie
signifie ce qui est posé dans la définition de tout être: les parties de la
définition, comme animal et bipède sont parties de l’homme. |
En un quatrième sens, on appelle parties celles qui sont incluses
dans la définition de tout être, et qui sont des parties de sa notion, comme l’animal
et le bipède sont des parties de l’homme. |
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[82662] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 13 Ex quo patet, quod genus quarto modo est pars
speciei: aliter vero, scilicet secundo modo, species est pars generis. In secundo enim modo sumebatur pars pro parte
subiectiva totius universalis; in aliis autem tribus pro parte integrali. Sed
in primo pro parte quantitatis, in aliis autem duobus pro parte substantiae;
ita tamen, quod pars secundum tertium modum est pars rei; sive sit pars
speciei, sive pars individui. Quarto autem modo est pars rationis. |
Il appert que le genre est partie
de l’espèce selon le quatrième sens, alors que l'espèce est partie du genre
d’une autre façon, c'est-à-dire selon le second mode. Dans le second mode, on
prenait la partie pour la partie subjective du tout universel; dans les trois
autres modes, on parlait de la partie intégrale. Mais dans le premier mode,
il s'agissait de la partie intégrale quantitative, dans les deux autres, de
la partie de la substance de telle sorte cependant que la partie selon le
troisième mode est partie de la chose: partie de l’espèce ou de l'individu.
Dans le quatrième mode, il s'agit de la partie de la définition. |
Il ressort de cela que le genre est partie de l’espèce selon le
quatrième sens, alors que l’espèce est partie du genre d’une autre façon,
soit selon le deuxième sens. Dans le deuxième sens, on prenait la partie
comme partie subjective[129] du tout universel; dans les
trois autres sens, on la prenait comme partie intégrante. Mais dans le
premier sens, il s'agissait quantitative, dans les deux autres, de la partie
de la substance, de telle sorte cependant que la partie selon le troisième
sens est partie de la chose, en étant soit partie de l’espèce, soit partie de
l'individu. Dans le quatrième sens, elle est partie de la définition. |
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[82663] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 14 Deinde cum dicit totum dicitur hic prosequitur de
his quae pertinent ad totum. Et primo de toto in communi. Secundo de toto
quodam, scilicet de genere, ibi, genus dicitur. Circa primum duo facit. Primo
prosequitur de ipso nomine totius. Secundo de eius opposito, scilicet de
colobon, ibi, colobon autem dicitur. Circa primum tria facit. Primo ponit
rationem communem totius, quae consistit in duobus. Primo in hoc quod
perfectio totius integratur ex partibus. Et significat hoc, cum dicit quod totum
dicitur cui nulla suarum partium deest, ex quibus scilicet partibus dicitur
totum natura, idest totum secundum suam naturam constituitur. Secundum est
quod partes uniuntur in toto. Et sic dicit quod totum continens est
contenta, scilicet partes, ita quod illa contenta sunt aliquid unum in
toto. |
Ensuite, quand il dit: "Un
tout s'entend ... ", il entreprend l’étude de ce qui se rapporte au tout.
En premier lieu, il traite du tout en général; en second, d'un certain tout,
le genre, où il dit: "Genre, race, exprime ... " Au sujet du tout
en général, il fait deux choses: il étudie d’abord le terme "tout"
en lui-même, puis son opposé, à savoir "colobon", où il dit à
"Tronqué, mutilé, se dit…". Sur le mot tout, il fait une triple
réflexion. Il pose tout d'abord la définition commune du tout qui comprend
deux aspects. Le premier aspect du tout consiste dans le fait que la
perfection du tout exige toutes ses parties. C'est ce que le Philosophe
exprime en disant que le tout s’entend de ce à quoi ne manque aucune des
parties qui sont dites constituer naturellement un tout. Le second aspect est
que les parties soient unies dans le tout. Et c’est ainsi qu’Aristote dit que
le tout contient les choses contenues, de telle façon qu’elles forment une
unité dans le tout. |
Ensuite, quand il dit : Le
mot Tout se dit, etc., il entreprend l’étude de ce qui se rapporte au
tout. En premier lieu, il traite du tout en général; en second, d'un certain
tout, soit le genre, où il dit : Genre
s’entend de la génération, etc. Le premier point se divise en deux. En
premier, il traite du mot « tout » comme tel; en second, de son
opposé, le colobon (tronqué), où il
dit : Le mot Mutilé, ou incomplet,
etc. Il traite du premier point en trois parties. En premier, il présente la
notion générale du tout, qui comprend deux aspects. Le premier est que la
perfection du tout est dérivée de ses parties. Et c’est ce qu’il signifie
quand il dit qu’on appelle tout ce à
quoi ne manque aucune de ses parties, à partir desquelles (des parties) le tout est appelé nature, c'est-à-dire
que le tout est constitué dans sa nature. Le deuxième est que les parties
sont unies dans le tout. Et c’est ainsi qu’Aristote dit que le tout contient les choses contenues, ou les
parties, de telle façon qu’elles forment une unité dans le tout. |
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[82664] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 15 Secundo ibi, hoc autem ponit duos modos totius;
dicens quod totum dicitur dupliciter; aut ita quod unumquodque contentorum a
toto continente, sit ipsum unum, scilicet ipsum totum continens, quod
est in toto universali de qualibet suarum partium praedicato. Aut ex partibus
constituatur unum, ita quod non quaelibet partium sit unum illud. Et haec est
ratio totius integralis, quod de nulla suarum partium integralium
praedicatur. |
En second, où il dit :
"Cette unité est de deux sortes ... ", il propose deux sens du tout
en disant que le tout se dit de deux manières: ou bien, en tant que les
choses contenues ont chacune l’unité qui est l'unité du tout lui-même à ce
qui a lieu dans le tout universel prédiqué de chacune de ses parties; ou
bien, en tant que leur ensemble résulte l’unité, de telle sorte qu’aucune des
parties ne soit cette unité. Ce qui est la raison du tout intégral, qui ne
peut être prédiqué d’aucune de ses parties intégrales. |
En deuxième, où il dit : Ceci
encore peut s’entendre, etc., il propose deux sens du tout en disant que
le tout se dit de deux manières : soit en tant que les choses contenues
par le tout contenant sont cette chose
même, c'est-à-dire le tout contenant lui-même, qui est dans le tout
universel attribué à chacune de ses parties, soit en tant que les parties
constituent l’unité de telle sorte qu’aucune des parties ne soit cette unité,
ce qui est la notion du tout intégral, qui ne peut être attribué à aucune de
ses parties intégrantes. |
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[82665] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 16 Tertio ibi, universale quidem exponit praedictos modos
totius; et primo primum, dicens quod universale et quod totaliter
idest quod communiter praedicatur, dicitur quasi sit aliquod unum totum ex
hoc quod praedicatur de unoquoque, sicut universale, quasi multa continens ut
partes, in eo quod praedicatur de unoquoque. Et omnia illa sunt unum in toto
universali, ita quod unumquodque illorum est illud unum totum. Sicut animal
continet hominem et equum et Deum, quia omnia sunt animalia, idest
quia animal praedicatur de unoquoque. Deum autem hic dicit aliquod corpus
caeleste, ut solem vel lunam, quae antiqui animata corpora esse dicebant et
deos putabant. Vel animalia quaedam aerea, quae Platonici dicebant esse
Daemones, et pro diis colebantur a gentibus. |
En troisième, où il dit :
"Dans le premier cas, l’universel… ", il expose les sens susdits du
tout, l’explique le premier en disant que l’universel et ce qui se prédique
de façon commune se disent un tout en tant qu’ils sont prédicats de chacun de
leurs sujets, en tant qu'ils embrassent une multiplicité d’êtres comme
parties par le fait qu'ils se prédiquent de chacun d’eux. Et tous ces êtres
sont un dans le tout universel de telle sorte que chacun de ces êtres est
l’unité du tout. Comme animal contient homme et cheval et dieu parce qu'ils
sont tous des animaux, parce qu’animal se prédique de chacun d’eux. Dieu
désigne ici quelque corps céleste ou quelque animal aérien ... |
En troisième, où il dit : Ainsi, l’universel, et en général, etc., il explique les sens susdits du tout, et d’abord le premier en disant que l’universel et ce qui est attribué de façon totale, c'est-à-dire générale, est considéré comme une sorte de tout unique du fait qu’il est attribué à chaque individu, comme l’universel, qui embrasse bien des choses comme parties du fait qu’il s’attribue à chacune d’elles. Et tous ces êtres sont un dans le tout universel, de telle sorte que chacun d’eux est un tout individuel. Ainsi, l’animal contient l’homme, le cheval et le dieu, parce que ceux-ci sont tous des animaux, c'est-à-dire parce que l’animal un attribut de chacun. Ici, il appelle dieu un corps céleste tel que le soleil ou la lune, que les anciens disaient être des corps animés et considéraient comme des dieux, ou bien encore certains animaux aériens, que les Platoniciens appelaient des démons[130] et que les païens honoraient comme des dieux. |
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[82666] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 17 Secundo ibi, continuum vero exponit modum secundum
totius qui pertinet ad totum integrale; et circa hoc duo facit. Primo ponit rationem
communem huius totius, et praecipue de toto quod dividitur in partes
quantitativas, quod est manifestius; dicens, quod aliquid dicitur continuum
et finitum, idest perfectum et totum. Nam infinitum non habet rationem
totius, sed partis, ut dicitur in tertio physicorum; quando scilicet unum
aliquod fit ex pluribus quae insunt toti. Et hoc dicit ad removendum modum
quo aliquid fit ex aliquo sicut ex contrario. |
En second où il dit: "Dans le
second cas… ", il expose le second sens du tout qui appartient au tout
intégral. Là-dessus, il fait double réflexion. Il donne tout d’abord la
définition commune de ce tout et, principalement du tout qui se divise en
parties quantitatives. Ce tout étant plus manifeste. Il dit donc quelque
chose se dit continu et fini, à savoir parfait et tout, l’infini en effet n’a
pas raison de tout, mais de partie, comme on le dit dans le troisième livre des Physiques. Ce tout continu
et limité existe quand une unité se forme de plusieurs parties qui existent
dans ce tout. Ce qu’il dit pour exclure le mode selon lequel une chose
provient d’une autre comme de ce qui lui est contraire. |
En deuxième, où il dit : Dans
le second sens, etc., il explique le second sens du tout qui appartient
au tout intégral. Là-dessus, il fait double réflexion. Il présente en premier
la notion générale de ce tout, et principalement du tout qui se divise en
parties quantitatives, lequel est plus évident, en disant que quelque chose
est appelé continu et fini, c'est-à-dire parfait et tout.
L’infini en effet n’a pas raison de tout, mais de partie, comme on le dit au
livre III des Physiques, ce qui
arrive quand une unité se forme de plusieurs parties qui s’y trouvent. Il dit
cela pour exclure le sens selon lequel une chose provient d’une autre comme
de son contraire. |
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[82667] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 18 Partes autem ex quibus constituitur totum dupliciter
possunt esse in toto. Uno
modo in potentia, alio modo in actu. Partes quidem sunt in potentia in toto continuo;
actu vero in toto non continuo, sicut lapides actu sunt in acervo. Magis autem est unum, et per consequens magis totum,
continuum, quam non continuum. Et ideo dicit quod oportet partes inesse toti,
maxime quidem in potentia sicut in toto continuo. Et si non in potentia,
saltem energia, idest in actu. Dicitur enim energia, interior actio. |
Or les parties, à partir
desquelles se constitue le tout, peuvent exister de deux façons dans ce tout.
D’une façon, en puissance, d’une autre, en acte. Les parties sont en
puissance dans le tout continu ; en acte dans le tout non continu, comme
les pierres, sont en acte dans l’amas. Or le continu est plus un, et donc
plus tout, que le non continu. C’est pourquoi il dit que les parties doivent
exister dans le tout surtout en puissance, comme dans le tout continu. Et
sinon en puissance, du moins en "énergie", en acte. Il appelle
énergie, l'action interne. |
Or, les parties dont le tout est constitué peuvent s’y trouver de
deux façons : en puissance, ou en acte. Les parties sont en puissance
dans le tout continu, en acte dans le tout discontinu, comme les pierres sont
en acte dans l’amas. Or, le continu est plus un, et donc plus tout, que le
discontinu. C’est pourquoi il dit que les parties doivent exister dans le tout
surtout en puissance, comme dans le tout continu. Et sinon en puissance, du
moins en énergie, c’est-à-dire en
acte. En effet, on appelle énergie l’action interne. |
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[82668] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 19 Licet autem magis sit totum quando partes sunt in eo
in potentia, quam quando sunt actu, tamen si respiciamus ad partes, magis
sunt ipsae partes, quando sunt actu, quam quando sunt in potentia. Unde alia
litera habet maxime quidem perfectione et actu. Sin autem, et potestate.
Et subiungit etiam quod prius dictum est et maxime potestate. Sin autem,
et energia. Unde videtur quod translator duas invenit literas et utramque
transtulit, et errore factum est, sic ut coniungantur ambae quasi una litera.
Et hoc patet ex alia translatione quae non habet nisi alterum tantum. Sic
enim dicit continuum autem et finitum est, cum unum aliquod sit ex
pluribus inhaerentibus, maxime quod potentia. Si autem non, actu sunt. |
Bien que le tout soit davantage
tout lorsque les parties existent en lui en puissance et non acte, si on
regarde cependant du côté des parties, celles-ci sont davantage parties quand
elles existent en acte que quand elles sont en puissance ... C’est pourquoi
un autre texte ... |
Mais bien que le tout soit davantage un tout lorsque les parties s’y
trouvent en puissance et non acte, si cependant on considère les parties,
elles sont davantage parties quand elles existent en acte que quand elles
sont en puissance. C’est pourquoi une autre version dit surtout quand elles sont avec perfection et en acte; mais sinon,
aussi quand elles sont en puissance. Et il ajoute aussi ce qui a été dit
avant : et surtout en puissance;
mais sinon, en énergie aussi. Il semble donc que le traducteur a trouvé
deux versions et a traduit les deux, et il a fait cela par erreur de manière
à joindre les deux textes en un seul. Et cela est évident si on considère une
autre traduction qui a une seule des deux phrases; elle dit en effet : il y a continu et fini, lorsqu’une seule
chose est formée de plusieurs qui s’y trouvent, surtout quand elles sont en
puissance. Mais sinon, quand elles sont en acte. |
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[82669] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 20 Secundo ibi, horum vero ostendit duas diversitates in
isto secundo modo totius: quarum prima est, quod continuorum quaedam sunt
continua per artem, quaedam per naturam. Et illa quae sunt continua per
naturam, magis sunt talia, idest tota, quam quae sunt per artem. Sicut
de uno dictum est supra; scilicet quod illa quae sunt continua per naturam,
magis sunt unum, ac si totalitas sit aliqua unio: ex quo patet quod, quod est
magis unum, est magis totum. |
En second, où il dit: "De ces
dernières sortes... ", il montre une double diversité dans ce second
mode du tout. La première est que certains continus le sont par art, d’autres
par nature. Ceux qui le sont par nature sont davantage un et tout que ceux
qui le sont par l'art. Plus il y a unité, plus il y a raison de tout. |
En second, où il dit : Et ici,
cette nuance, etc., il montre une double diversité dans ce second sens du
tout. La première est que certains continus le sont par l’art, d’autres par
nature. Ceux qui le sont par nature sont davantage tels, c’est-à-dire des touts, que ceux qui le sont par l’art.
C’est ainsi qu’on l’a dit plus haut au sujet de l’un : ce qui est
continu par nature est davantage un, comme si la totalité était une sorte
d’union; il est donc évident que ce qui est davantage un est davantage un
tout. |
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[82670] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 21 Deinde cum dicit amplius quanto secundam
diversitatem ponit. Cum enim ita sit quod in quantitate sit ordo partium,
quia est ibi principium, medium et ultimum, in quo ratio positionis
consistit, oportet quod omnia tota ista continuam habeant positionem in suis
partibus. Sed ad positionem
partium totum continuum tripliciter se invenitur habere. Quaedam enim tota sunt in quibus diversa positio
partium non facit diversitatem, sicut patet in aqua. Qualitercumque enim
transponantur partes aquae, nihil differunt: et similiter est de aliis
humidis, sicut de oleo, vino et huiusmodi. In his autem significatur totum per hoc quod dicitur
omne, non autem ipso nomine totius. Dicimus enim, omnis aqua, vel omne vinum,
vel omnis numerus; non autem totus, nisi secundum metaphoram: et hoc forte
est secundum proprietatem Graeci idiomatis. Nam apud nos dicitur proprie. |
Ensuite, quand il dit: "En
outre, des quantités ... ", il pose ici la seconde différence. Puisque
dans la quantité il y a ordre des parties; parce qu'il y a un commencement,
un milieu et une fin, en quoi consiste la raison de position, les touts
quantitatifs doivent posséder une position continue dans leurs parties. Mais
par rapport à la position des parties, le tout continu peut exister de trois
façons. Il y a certains touts dans lesquels la diverse position des parties
ne fait pas la diversité, comme il appert dans le cas de l'eau. Que lion
transpose les diverses parties de l’eau de n’importe quelle façon, cela ne
change rien à l’eau. Et le cas est semblable pour la plupart des liquides.
Dans tous ces cas, le tout n’est pas signifié par le terme tout lui-même (toto): mais par un autre terme (omne). D'après s. Thomas, les deux
termes sont identiques et propres en latin; ils différaient en grec. La
traduction française du grec indique le mot somme comme préférable à tout quand la position des parties est
indifférente. |
Ensuite, quand il dit : En
un autre sens, comme, etc., il présente la deuxième différence. Puisque dans
la quantité il y a ordre des parties, car il y a un commencement, un milieu
et une fin, ce en quoi consiste la notion de position, de tels touts doivent
avoir une disposition continue de leurs parties. Mais par rapport à la
position des parties, le tout continu peut exister de trois façons. Il y a
certains touts dans lesquels la position diverse des parties ne crée aucune
différence, comme on le voit dans le cas de l’eau. Que l’on transpose les
diverses parties de l’eau de n’importe quelle façon, cela ne change rien; et
il en va de même pour les autres liquides comme l’huile, le vin et ainsi de
suite. Dans ces cas, « tout » a le sens de « tous et chacun[131] » et non celui de
« tout entier ». Nous parlons en effet de toute eau, de tout vin ou
de tout nombre, mais pas de tout entier, sinon par métaphore; et ce propos
vient peut-être d’une particularité du grec, car pour nous, le mot se dit au
sens propre. |
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[82671] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 22 Quaedam vero sunt in quibus positio differentiam
facit, sicut in homine, et in quolibet animali, et in domo et huiusmodi. Non
enim est domus qualitercumque partes ordinentur, sed secundum determinatum
ordinem partium: et similiter nec homo nec animal; et in his dicimus totum,
et non omne. Dicimus enim de uno solo animali loquentes, totum animal, non
omne animal. |
Dans certains touts, la position
des parties fait une énorme différence, comme dans le cas de l’homme, de
l’animal ou de la maison. Les parties de la maison ne sont par ordonnées
n’importe comment, mais selon un ordre déterminé. Pareillement chez l’homme
et chez l’animal. Et dans ce cas, on emploie le mot tout (totum) et non le mot somme (omne). Quand nous parlons d’un seul
animal, nous n’employons pas le mot somme, mais nous parlons d’un tout. |
Dans certains touts, la position des parties entraîne une différence,
comme pour l’homme, tout animal, une maison et ainsi de suite. En effet, les
parties de la maison ne sont par ordonnées n’importe comment, mais selon un
ordre déterminé. Il en va de même chez l’homme et chez l’animal; à leur
sujet, on dit « tout entier » et non « tous et chacun »,
car quand nous parlons d’un seul animal, nous parlons de l’animal tout entier
et non de tout animal. |
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[82672] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 23 Quaedam vero sunt in quibus contingunt ambo, quia
positio quodammodo facit differentiam in eis. In his autem dicimus utrumque, scilicet et omne et
totum; et ista sunt in quibus facta transpositione partium manet eadem
materia, sed non eadem forma sive figura; ut patet in cera, cuius
qualitercumque transponantur partes, nihilominus est cera, licet non eiusdem
figurae: et similiter est de vestimento, et de omnibus quae sunt similium
partium, retinentium diversam figuram. Humida enim, etsi sunt similium partium,
non tamen figuram possunt habere propriam, quia non terminantur terminis
propriis, sed alienis: et ideo transpositio in eis nihil variat quod sit ex
parte eorum. |
Il y a certains touts où l’on rencontre
en même temps les deux cas, parce que la position fait, d'une certaine façon,
une différence entre eux. Et dans ces cas, les deux termes peuvent être
employés (totus et omne). Ces cas
existent où, la transposition des parties accomplie, la matière demeure la
même, alors que la forme ou la figure varie, ce qui arrive dans le cas de la
cire où la transposition des parties ne change rien à la cire, mais change la
figure. Même chose dans le cas du vêtement où le tissu demeure le même malgré
la variation des formes, Et ainsi en est-il dans tous les cas où les parties
sont semblables, excepté dans les liquides qui n’ont pas de figure propre
parce qu’ils ne sont pas terminés par leurs limites propres, mais par des
limites étrangères. C’est pourquoi la transposition des parties ne change
rien de leur côté. |
Il y a certains touts où l’on rencontre en même temps les deux cas, parce que la position entraîne d’une certaine façon une différence entre eux. Et dans ces cas, nous disons les deux, « tout entier » et « tous et chacun ». Ce sont les cas où, les parties ayant changé de place, la matière demeure la même, alors que la forme ou la figure varie, ce qui est évident pour la cire, où toute transposition des parties ne change rien à la cire, mais en change la figure. Il en va de même pour le vêtement et toute matière dont les parties sont semblables et qui conserve ses formes diverses. Les liquides en effet, même si leurs parties sont semblables, ne peuvent pas avoir une forme propre parce qu’ils ne sont pas limités par leurs propres bornes mais par les bornes d’autres objets; c’est pourquoi la transposition de leurs parties ne change rien leur appartient. |
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[82673] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 24 Ratio autem huius diversitatis est, quia omne, distributivum
est: et ideo requirit multitudinem in actu, vel in potentia propinqua: et
quia ea sunt similium partium, dividuntur in partes consimiles toti, fitque
ibi multiplicatio totius. Nam si quaelibet pars aquae est aqua, in unaquaque
aqua sunt multae aquae, licet in potentia; sicut in uno numero sunt multae
unitates in actu. Totum vero significat collectionem partium in aliquo uno:
et ideo in illis proprie dicitur totum in quibus, ex omnibus partibus
acceptis simul, fit unum perfectum, cuius perfectio nulli partium competit,
sicut domus et animal. Unde omne animal, non dicitur de uno animali, sed de
pluribus: et ideo in fine dicit, quod in illis totis in quibus dicitur omne,
ut de uno referente ad totum, potest dici omnia in plurali, ut in diversis referendo
ad partes: sicut dicitur, omnis hic numerus et omnes hae unitates et omnis
haec aqua, demonstrato toto, et omnes hae aquae, demonstratis partibus. |
La raison de cette diversité de
vocabulaire est que le mot "omne"
(tout) est un terme distributif: c’est pourquoi, il requiert une multiplicité
en acte ou en puissance prochaine, parce que là où les touts ont des parties
semblables, la division en parties semblables au tout produit une
multiplication du tout lui-même. Si chaque partie de l’eau est eau, dans
chaque quantité d’eau il y a plusieurs quantités d’eau, bien qu’en puissance.
Ainsi dans un seul nombre, il y a plusieurs unités en acte. Le mot
"tout" signifie l'assemblage de plusieurs parties dans un seul
être. C'est pourquoi, dans les touts où toutes les parties sont requises en
même temps pour former la perfection du tout, perfection qui n’existe dans
aucune des parties prises isolément, on emploie proprement le mot tout :
"totum". Ainsi, une somme
(omne) d’animaux ne se dit pas d’un
seul animal, mais de plusieurs. C'est pourquoi, à la fin, il ajoute que dans
les touts où l'on emploie le mot "omne"
somme, quand on considère les parties comme formant une unité, on peut
employer le mot "omnia"
somme, toutes, quand on prend ces parties comme divisées Ainsi on dit: (omne) tout ce nombre et toutes (omnes) ces unités et toute (omnis) cette eau pour démontrer le
tout et toutes (omnes) ces eaux
pour indiquer les parties. |
La raison de cette différence est que l’expression « tout et chacun » est distributive (c’est pourquoi elle requiert une pluralité en acte ou en puissance prochaine), que les touts, ayant des parties semblables, se divisent donc en parties semblables au tout, et que le tout est ainsi multiplié. En effet, si chaque partie de l’eau est de l’eau, dans chaque quantité d’eau il y a plusieurs quantités d’eau, en puissance toutefois. De même, dans un seul nombre, il y a plusieurs unités en acte. « Tout entier », par contre, signifie un assemblage de parties dans un seul être. C'est pourquoi on parle de « tout » au sens propre pour les touts où toutes les parties sont requises en même temps pour former un seul être parfait dont la perfection n’appartient à aucune des parties, comme c’est le cas pour la maison et l’animal. C’est pourquoi on ne dit pas « tout animal » pour un animal, mais pour plusieurs, et il dit donc en terminant que pour les touts dans lesquels on parle de « tout » de sorte que chaque unité se rapporte au tout, on peut parler de « tous » au pluriel comme pour désigner les diverses unités comme parties. C’est ainsi qu’on dit : tout ce nombre, toutes ces unités et toute cette eau, quand on a indiqué le tout, ou bien : toutes ces eaux, quand on a indiqué les parties. |
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[82674] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 25 Deinde cum dicit colobon vero hic determinat de eo,
quod est oppositum toti, quod est colobon, pro quo alia translatio habet
diminutum membro, sed non usquequaque convenienter. Nam colobon non dicitur
solum in animalibus, in quibus solis sunt membra. Videtur autem esse colobon
quod nos dicimus truncatum. Unde Boetius transtulit mancum, id est defectivum.
Est ergo intentio philosophi ostendere quid requiratur ad hoc quod aliquid
dicatur colobon. Et primo quid requiratur ex parte totius; secundo quid
requiratur ex parte partis deficientis, ibi, adhuc autem neque quaelibet. |
Ici il détermine ce qui est opposé
au tout, à savoir le "tronqué". Boèce a traduit le mot
"colobon" par mutilé. L'intention du Philosophe est de montrer ce
qui est requis pour que quelque chose soit appelé "tronqué",
"mutilé", "déficient". Et tout d'abord ce qui est requis
du côté du tout, puis du côté de la partie déficiente ... |
Ensuite, lorsqu’il dit : Le mot Mutilé, etc., il traite de ce qui est opposé au tout, à savoir le colobon, qu’une autre version traduit par « privé d’un membre », ce qui ne convient pas dans tous les cas. En effet, colobon ne s’applique pas seulement aux animaux, qui sont les seuls à avoir des membres. Colobon semble plutôt être ce que nous appelons tronqué. C’est pourquoi Boèce a traduit ce mot par incomplet, c'est-à-dire défectueux. Le Philosophe a donc l’intention de montrer ce qui est nécessaire pour qu’une chose soit appelée colobon. Et il montre, en premier, ce qui est nécessaire du côté du tout, et en deuxieme, ce qui est nécessaire du côté de la partie manquante, où il dit : Même pour les choses, etc. |
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[82675] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 26 Ad hoc autem, quod aliquod totum dici possit colobon,
septem requiruntur. Primum
est, ut illud totum sit quantum habens partes in quas dividatur secundum
quantitatem. Non enim totum universale potest dici colobon si una species
eius auferatur. |
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Mais pour qu’on puisse dire qu’un tout est tronqué, sept conditions sont nécessaires. La première est que ce tout ait une quantité et ait des parties en lesquelles il se divise quantitativement. En effet, un tout universel ne peut pas être dit tronqué si on lui enlève une de ses espèces. |
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[82676] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 27 Secundum est quod non quodlibet quantum potest dici
colobon, sed oportet quod sit partibile, idest distinctionem habens,
et totum, idest ex diversis partibus integratum. Unde ultimae partes,
in quas aliquod totum resolvitur, licet habeant quantitatem, non possunt dici
colobae, sicut caro vel nervus. |
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La deuxième est que toute quantité ne peut pas être dite tronquée, mais il faut qu’elle soit partageable, c'est-à-dire qu’on puisse la séparer, et qu’elle soit un tout, réuni à partir de parties diverses. C’est pourquoi les parties ultimes, qui résultent de la dissociation d’un tout, même si elles ont une quanité, ne peuvent pas être dites tronquées, par exemple la chair ou un nerf. |
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[82677] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 28 Tertium est, quod duo non sunt coloba, vel aliquid
habens duas partes, si altera earum auferatur. Et hoc ideo quia nunquam colobonium,
idest quod aufertur a colobon, est aequale residuo, sed semper oportet residuum
esse maius. |
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La troisième est que deux choses, ou une chose ayant deux parties, ne sont pas tronquées si on en enlève une des deux. La raison en est que la « troncation », c'est-à-dire ce qui est enlevé à la chose tronquée, est égal au reste, alors qu’il faut toujours que le reste soit plus grand. |
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[82678] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 29 Quartum est, quod numerus nullus potest esse colobus
quotcumque partes habeat; quia substantia colobi manet parte subtracta; sicut
si calix truncetur, adhuc manet calix; sed numerus non manet idem, ablata
quacumque parte. Quaelibet enim unitas addita vel subtracta, variat numeri
speciem. |
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La quatrième est qu’aucun nombre ne peut être tronqué, peu importe combien il a de parties, car la substance de la chose tronquée demeure quand une partie lui est enlevée; ainsi, si une coupe est tronquée, elle continue d’être une coupe, mais un nombre n’est plus le même quelle que soit la partie qu’on lui enlève. En effet, qu’on lui ajoute ou qu’on lui enlève une unité, l’espèce du nombre est changée. |
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[82679] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 30 Quintum est, quia oportet quod habeat partes
dissimiles. Ea enim, quae sunt similium partium, non possunt dici coloba,
quia ratio totius salvatur in qualibet parte: unde, si auferatur aliqua
partium, altera pars non dicitur coloba. Nec tamen omnia, quae sunt
dissimilium partium, possunt dici coloba: numerus enim non potest dici
colobus, ut dictum est, quamvis quodammodo habeat dissimiles partes, sicut
duodenarius habet pro partibus dualitatem et Trinitatem. Aliquo tamen modo
omnis numerus habet partes similes, prout omnis numerus ex unitatibus
constituitur. |
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La cinquième est que la chose doit avoir des parties différentes. En effet, ce qui a des parties pareilles ne peut pas être appelé tronqué, car la notion du tout subsiste dans n’importe quelle partie; alors, si on en enlève une partie, on ne dit pas que l’autre partie est tronquée. Pourtant, on ne peut pas appeler tronqué tout ce qui a des parties différentes; en effet, on ne peut pas dire qu’un nombre est tronqué, comme on l’a dit, même si d’une certaine façon il a des parties différentes, comme 12 a comme parties 2 et 3. Pourtant, d’une certaine façon, tout nombre a des parties semblables, du fait que tout nombre est formé d’unités. |
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[82680] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 31 Sextum est quod nullum eorum potest dici colobon, in
quibus positio non facit differentiam, sicut aqua aut ignis. Oportet enim
coloba talia esse, quod in suae ratione substantiae habeant determinatam
positionem, sicut homo vel domus. |
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La sixième condition est que rien ne peut être dit tronqué si la position de ses parties n’y cause aucune différence, comme l’eau ou le feu. Il faut en effet que les êtres tronqués soient tels que la notion de leur substance comporte une position déterminée de leurs parties, comme pour l’homme ou la maison. |
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[82681] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 32 Septimum est quod oportet esse continua coloba.
Harmonia enim musicalis non potest dici coloba voce vel chorda subtracta,
licet sit dissimilium partium: quia constituitur ex vocibus gravibus, et
acutis; et licet partes eius habeant determinatam positionem: non enim
qualitercumque voces graves et acutae ordinatae, talem constituunt harmoniam. |
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La septième est que les êtres tronqués doivent être continus. En effet, on ne peut pas dire qu’un accord de musique est tronqué si on lui enlève une voix ou une note, même s’il est formé de parties différentes, car il est constitué de sons graves et aigus, et même si ses parties ont des positions déterminées; en effet, un tel accord n’est pas constitué de sons graves et aigus ordonnés n’importe comment. |
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[82682] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 33 Deinde cum dicit adhuc autem ostendit quae sunt
conditiones colobi ex parte partis diminutae; et ponit tres: dicens quod
sicut non quaelibet tota possunt dici coloba, ita nec cuiuslibet particulae
ablatione potest aliquid dici colobon. Oportet enim primo quod pars ablata
non sit pars substantiae principalis, quae scilicet rei substantiam
constituit, et sine qua substantia esse non possit; quia, ut supra dictum
est, colobon oportet manere ablata parte. Unde homo non potest dici colobus,
capite abscisso. |
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Puis lorsqu’il dit : Même pour les choses qui forment, etc., il montre quelles sont les conditions de ce qui est tronqué du côté de la partie enlevée; et il en donne trois, en disant que, de même qu’on ne peut pas dire que n’importe quel tout est tronqué, de même ce n’est pas n’importe quelle suppression qui peut être appelée troncation. Il faut en effet, en premier, que la partie enlevée ne fasse pas partie de la substance principale, celle qui constitue la substance de la chose et sans laquelle sa substance ne peut exister, car, comme on l’a dit, l’être tronqué doit demeurer une fois la partie enlevée. On ne peut donc pas dire qu’un homme est tronqué quand sa tête a été coupée. |
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[82683] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 34 Secundo, ut pars subtracta non sit ubique, sed sit
in extremitate. Unde si perforatur calix circa medium aliqua parte eius
ablata, non potest dici colobus; sed, si accipiatur auris calicis,
idest particula, quae est ad similitudinem auris, aut quaecumque alia
extremitas. Et similiter homo non dicitur colobus, si amittat aliquid de
carne, vel in tibia, vel in brachio, vel circa medium corporis; aut si
amittens splenem, vel aliquam eius partem; sed si amittat aliquam eius
extremitatem, ut manum aut pedem. |
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Deuxièmement, il faut que la partie enlevée ne soit pas n’importe où,
mais à une extrémité. Alors, si une coupe est percée vers le milieu de sorte
qu’une partie en est enlevée. on ne peut pas dire qu’elle est tronquée, mais
on peut le dire si on a enlevé une
oreille de la coupe, c'est-à-dire une petite partie qui ressemble à une
oreille[132], ou toute autre extrémité.
Pareillement, on ne dit pas qu’un homme est tronqué s’il a perdu un peu de chair
à la jambe, au bras ou vers le milieu du corps, ou s’il a perdu la rate ou
quelque autre partie, mais s’il a perdu une de ses extrémités, comme une main
ou un pied. |
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[82684] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 21 n. 35 Tertio vero, ut non omni particula in extremitate
existente ablata, aliquid dicatur colobum; sed, si sit talis pars, quae non
regeneratur iterum, si tota auferatur, sicut manus, aut pes. Capillus autem
totus incisus iterum regeneratur. Unde per eorum subtractionem, licet in extremitate
sint, non dicitur colobus. Et propter hoc calvi non dicuntur colobi. |
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Troisièmement, on ne dit pas qu’une chose est tronquée si n’importe quelle parcelle est enlevée à son extrémité, mais si c’est une partie qui ne se régénère pas si elle est totalement enlevée, comme une main ou un pied. Un cheveu, par contre, se régénère après avoir été totalement coupé. C’est pourquoi, quand les cheveux sont coupés, on ne dit pas qu’on est tronqué bien qu’ils se trouvent à une extrémité; par conséquent, on ne dit pas que les chauves sont tronqués. |
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Leçon 22, Texte d’Aristote
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28- Genre. Genre, race, exprime d’abord la
génération ininterrompue des êtres ayant la même forme. On dit, par exemple, tant
que subsistera le genre humain, c’est-à-dire : tant qu’il y aura
génération ininterrompue des hommes. – C’est aussi ce dont les êtres
dérivent, ce qui d’abord les a fait passer à l’être : ainsi, certains
sont appelés Hellènes par la race, et d’autres, Ioniens, parce qu'ils ont,
les uns, Hellen, les autres, Ion, comme premier générateur. Race se dit
d'ailleurs plutôt du générateur que de la matière, quoique le nom de la race
puisse venir aussi de la femme: par exemple la race de Pyrrha. -- En un autre
sens, la surface est le genre des surfaces planes, et le solide, celui des
solides, car chaque figure est ou telle surface, ou tel solide. Surface et
solide sont le substrat des différences. -- Enfin, dans les définitions, ce
qui est comme le premier élément constituant, qui est affirmé dans l’essence,
c’est le genre, dont les qualités sont appelées des différences. -- Telles
sont donc les diverses acceptions du genre. Il s’applique tantôt à la
génération ininterrompue de la même forme, tantôt à la production par un
premier moteur de même espèce que les choses mues, tantôt il est comme la
matière, car ce qui a différence et qualité, c'est le substrat, que nous
appelons matière. Différentes par le genre se dit
des choses dont les sujets prochains sont différents, et sont irréductibles
soit l’un à l’autre, soit l’un à l’autre à un sujet commun: par exemple, la
forme et la matière diffèrent par le genre. Il en est de même de tout ce qui
tombe sous un type différent de catégorie de 1’Etre, car certaines choses qui
sont dites être signifient soit une substance, soit une qualité, soit les
autres catégories précédemment distinguées; or ces modes de l’Etre sont
irréductibles les uns aux autres, et ne peuvent non plus se ramener à un
seul. 29- Faux Le faux se dit, d’une première
manière, en tant que chose fausse, et alors est faux soit ce qui, en fait,
n’est pas uni, soit ce qu’il est impossible d’unir : si l’ont dit, par
exemple, que la diagonale est commensurable, ou que tu es assis; la première
de ces choses est toujours fausse, l'autre peut l'être parfois; car, dans les
deux cas, elles ne sont pas. – Faux se dit encore des choses qui sont
réellement, mais dont la nature est d’apparaître autrement qu’elles ne sont,
ou ce qu’elles ne sont pas du tout, par exemple, respectivement, la peinture
en trompe-l’œil, et les songes : c’est bien là quelque réalité, mais ce
ne sont pas les objets dont ils nous donnent l’image. On dit donc que les
choses sont fausses, ou bien parce que, en elles-mêmes, elles n’existent pas,
ou bien parce que l’apparence qui en résulte est celle d’une chose qui
n’existe pas. Une énonciation fausse est celle
qui, en tant que fausse, exprime ce qui n’est pas. C’est pourquoi toute
énonciation est fausse quand elle porte sur un autre objet que celui pour lequel
elle est vraie : par exemple, l’énonciation du cercle est fausse pour le
triangle. Il n’y a, en un sens, qu’une seule énonciation de chaque chose,
c’est celle de sa quiddité, mais, en un autre sens, il y en a plusieurs,
puisqu’il y a identité, en quelque façon, entre la chose elle-même et la
chose affectée d’un attribut, par exemple entre Socrate et Socrate musicien.
Mais l’énonciation fausse n’est, au sens strict, énonciation de rien. – Ces
considérations montrent la naïveté de la doctrine d’Antisthène, qui pensait
que rien ne peut être attribué à un être que son énonciation propre, un seul
prédicat étant affirmé d’un seul sujet ; il en concluait qu’il n’y a pas
de contradiction, et, à peu de choses près, que rien n’est faux. En réalité,
il est possible d’énoncer chaque être, non seulement par sa propre
énonciation peut alors être absolument fausse, mais elle peut aussi être
vraie : on peut appeler, par exemple, huit un nombre double, en se
servant de l’énonciation de la dyade. 30- Accident. Accident se dit de ce qui
appartient a un être et peut en être affirmé avec vérité, mais n’est pourtant
ni nécessaire, ni construit : par exemple, si, en creusant une fosse
pour planter un arbre, on trouve un trésor. C'est par accident que celui qui
creuse la fosse trouve un trésor, car l'un de ces faits n'est ni la suite
nécessaire, ni la conséquence de l'autre, et il n’est pas constant qu’en
plantant un arbre on trouve un trésor. Supposons encore qu’un musicien soit
blanc ; comme cette qualité n’est ni nécessaire, ni constante, nous
disons que c’est un accident. -- Par conséquent, étant donné qu'il y a des
attributs, et qu’ils appartiennent à des sujets, et que certains d'entra eux
ne leur appartiennent qu’à un endroit déterminé et dans un temps
déterminé : tout attribut qui appartient à un sujet, mais non parce que
le sujet était précisément ce sujet, ou le temps, ce temps, ou le lieu, ce
lieu, cet attribut sera un accident. Il n’y a donc pas non plus de cause
déterminée de l'accident, il n’y a qu’une cause fortuite, autrement dite
indéterminée. C'est par accident qu’on aborde à Egine, quand on n'est pas
parti avec l’intention d’y aller; mais qu’on y est venu, poussé par la
tempête, ou pris par des pirates. La chose accidentelle dès lors, est
produite et existe, non en tant qu’elle-même, mais en tant qu’autre chose:
c’est la tempête qui est cause que vous ayez abordé où vous ne vouliez pas,
c’est-à-dire à Egine. -- Accident s'entend encore d’une autre façon: c’est ce
qui, fondé en essence dans un objet, n’entre cependant pas dans sa substance:
par exemple, pour un triangle, la propriété d'avoir ses trois angles égaux à
deux angles droits. L'accident de cette sorte peut être éternel, mais
l’accident de l’autre sorte ne 1’est jamais. Nous en avons indiqué la raison ailleurs.
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28- Genre. Genre, race, exprime d’abord la génération ininterrompue des êtres ayant la même forme. On dit, par exemple, tant que subsistera le genre humain, c’est-à-dire : tant qu’il y aura génération ininterrompue des hommes. – C’est aussi ce dont les êtres dérivent, ce qui d’abord les a fait passer à l’être : ainsi, certains sont appelés Hellènes par la race, et d’autres, Ioniens, parce qu'ils ont, les uns, Hellen, les autres, Ion, comme premier générateur. Race se dit d'ailleurs plutôt du générateur que de la matière, quoique le nom de la race puisse venir aussi de la femme: par exemple la race de Pyrrha. -- En un autre sens, la surface est le genre des surfaces planes, et le solide, celui des solides, car chaque figure est ou telle surface, ou tel solide. Surface et solide sont le substrat des différences. -- Enfin, dans les définitions, ce qui est comme le premier élément constituant, qui est affirmé dans l’essence, c’est le genre, dont les qualités sont appelées des différences. -- Telles sont donc les diverses acceptions du genre. Il s’applique tantôt à la génération ininterrompue de la même forme, tantôt à la production par un premier moteur de même espèce que les choses mues, tantôt il est comme la matière, car ce qui a différence et qualité, c'est le substrat, que nous appelons matière. Différentes par le genre se dit des choses dont les sujets prochains sont différents, et sont irréductibles soit l’un à l’autre, soit l’un à l’autre à un sujet commun: par exemple, la forme et la matière diffèrent par le genre. Il en est de même de tout ce qui tombe sous un type différent de catégorie de 1’Etre, car certaines choses qui sont dites être signifient soit une substance, soit une qualité, soit les autres catégories précédemment distinguées; or ces modes de l’Etre sont irréductibles les uns aux autres, et ne peuvent non plus se ramener à un seul. 29- Faux Le faux se dit, d’une première manière, en tant que chose fausse, et alors est faux soit ce qui, en fait, n’est pas uni, soit ce qu’il est impossible d’unir : si l’ont dit, par exemple, que la diagonale est commensurable, ou que tu es assis; la première de ces choses est toujours fausse, l'autre peut l'être parfois; car, dans les deux cas, elles ne sont pas. – Faux se dit encore des choses qui sont réellement, mais dont la nature est d’apparaître autrement qu’elles ne sont, ou ce qu’elles ne sont pas du tout, par exemple, respectivement, la peinture en trompe-l’œil, et les songes : c’est bien là quelque réalité, mais ce ne sont pas les objets dont ils nous donnent l’image. On dit donc que les choses sont fausses, ou bien parce que, en elles-mêmes, elles n’existent pas, ou bien parce que l’apparence qui en résulte est celle d’une chose qui n’existe pas. Une énonciation fausse est celle qui, en tant que fausse, exprime ce qui n’est pas. C’est pourquoi toute énonciation est fausse quand elle porte sur un autre objet que celui pour lequel elle est vraie : par exemple, l’énonciation du cercle est fausse pour le triangle. Il n’y a, en un sens, qu’une seule énonciation de chaque chose, c’est celle de sa quiddité, mais, en un autre sens, il y en a plusieurs, puisqu’il y a identité, en quelque façon, entre la chose elle-même et la chose affectée d’un attribut, par exemple entre Socrate et Socrate musicien. Mais l’énonciation fausse n’est, au sens strict, énonciation de rien. – Ces considérations montrent la naïveté de la doctrine d’Antisthène, qui pensait que rien ne peut être attribué à un être que son énonciation propre, un seul prédicat étant affirmé d’un seul sujet ; il en concluait qu’il n’y a pas de contradiction, et, à peu de choses près, que rien n’est faux. En réalité, il est possible d’énoncer chaque être, non seulement par sa propre énonciation peut alors être absolument fausse, mais elle peut aussi être vraie : on peut appeler, par exemple, huit un nombre double, en se servant de l’énonciation de la dyade. 30- Accident. Accident se dit de ce qui appartient a un être et peut en être affirmé avec vérité, mais n’est pourtant ni nécessaire, ni construit : par exemple, si, en creusant une fosse pour planter un arbre, on trouve un trésor. C'est par accident que celui qui creuse la fosse trouve un trésor, car l'un de ces faits n'est ni la suite nécessaire, ni la conséquence de l'autre, et il n’est pas constant qu’en plantant un arbre on trouve un trésor. Supposons encore qu’un musicien soit blanc ; comme cette qualité n’est ni nécessaire, ni constante, nous disons que c’est un accident. -- Par conséquent, étant donné qu'il y a des attributs, et qu’ils appartiennent à des sujets, et que certains d'entra eux ne leur appartiennent qu’à un endroit déterminé et dans un temps déterminé : tout attribut qui appartient à un sujet, mais non parce que le sujet était précisément ce sujet, ou le temps, ce temps, ou le lieu, ce lieu, cet attribut sera un accident. Il n’y a donc pas non plus de cause déterminée de l'accident, il n’y a qu’une cause fortuite, autrement dite indéterminée. C'est par accident qu’on aborde à Egine, quand on n'est pas parti avec l’intention d’y aller; mais qu’on y est venu, poussé par la tempête, ou pris par des pirates. La chose accidentelle dès lors, est produite et existe, non en tant qu’elle-même, mais en tant qu’autre chose: c’est la tempête qui est cause que vous ayez abordé où vous ne vouliez pas, c’est-à-dire à Egine. -- Accident s'entend encore d’une autre façon: c’est ce qui, fondé en essence dans un objet, n’entre cependant pas dans sa substance: par exemple, pour un triangle, la propriété d'avoir ses trois angles égaux à deux angles droits. L'accident de cette sorte peut être éternel, mais l’accident de l’autre sorte ne 1’est jamais. Nous en avons indiqué la raison ailleurs. |
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Lectio 22 |
Leçon 22, Commentaire de
saint Thomas [Genre, accident] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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Leçon
22, Commentaire de saint Thomas [Genre, accident] (Traduction Abbé
Dandenault, v. 1960) |
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ARISTOTE EXPOSE LES
QUATRE SENS DU MOT GENRE, ET LES DEUX SENS DU DIVERS PAR LE GENRE. IL
MANIFESTE AUSSI LE SENS DU MOT "FAUX" APPLIQUE AUX CHOSES, AUX
DEFINITIONS ET AUX HOMMES ; IL REJETTE DEUX FAUSSES OPINIONS SUR LE SENS
DE L’EXPESSION. IL MONTRE AUSSI LES QUATRE SENS DE L’ACCIDENT. |
ARISTOTE EXPOSE LES QUATRE SENS DU MOT GENRE, ET LES DEUX SENS DU DIVERS PAR LE GENRE. IL MANIFESTE AUSSI LE SENS DU MOT "FAUX" APPLIQUE AUX CHOSES, AUX DEFINITIONS ET AUX HOMMES ; IL REJETTE DEUX FAUSSES OPINIONS SUR LE SENS DE L’EXPESSION. IL MONTRE AUSSI LES QUATRE SENS DE L’ACCIDENT. |
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[82685] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 1 Hic determinat de quodam toto, scilicet de genere.
Et primo ostendit quot modis dicitur genus. Secundo quot modis dicuntur aliqua
diversa, ibi, diversa vero genere. Dicit ergo primo, quod genus dicitur
quatuor modis. Primo generatio continua aliquorum habentium eamdem speciem.
Sicut dicitur dum erit genus hominum, idest dum durabit generatio
continua hominum. Iste est primus modus positus in Porphyrio, scilicet
multitudo habentium relationem adinvicem et ad unum principium. |
Ici, il traite d’un certain tout,
à savoir du genre. Et tout d’abord il montre en combien de sens se prend le mot
genre. En second, les différents sens d’après lesquels les choses sont dites
diverses par le genre, où il dit: "Différentes par le genre se dit des
choses etc. " Il dit d’abord que le genre a quatre sens. Il désigne tout
d'abord la génération ininterrompue des êtres de même espèce. Ainsi on pourra
se servir de l’expression "tant que subsistera le genre humain";
aussi longtemps que continuera la génération des hommes. Ceci est le premier
sens posé dans l’arbre de Porphyre où le mot genre signifie la multitude des
êtres ayant une relation entre eux et à un principe. |
Ici, il traite d’un certain tout, à savoir du genre. Et tout d’abord,
il montre en combien de sens on prend le mot « genre ». En second,
il montre en combien de sens on dit que les choses sont diverses, où il
dit : On dit des choses qu’elles
sont autres, etc. Il dit donc en premier qu’on parle de genre de quatre
façons. La première est la génération ininterrompue des êtres de même espèce.
Ainsi dit-on : « tant que subsistera le genre humain », c'est-à-dire
aussi longtemps que continuera la génération des hommes. C’est le premier
sens donné par Porphyre, à savoir la multitude des êtres ayant une relation
entre eux et avec un seul principe. |
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[82686]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 2 Secundo modo dicitur genus illud a quo primo
movente ad esse, idest a generante procedunt aliqua; sicut dicuntur
Hellenes genere, quia descendunt a quodam Hellene nomine, et aliqui dicuntur
Iones genere, quia descendunt a quodam Ione, sicut a primo generante. Magis
autem denominantur aliqui a patre, qui est generans, quam a matre, quae dat
materiam in generatione: et tamen aliqui denominantur genere a matre, sicut a
quadam femina nomine Pleia, dicuntur aliquae Pleiades. Et iste est secundus
modus generis in Porphyrio positus. |
Le genre se dit d’une seconde
manière de ce qui d'abord a fait passer à l’être, de l’engendrant dont les
êtres dérivent. Ainsi certains sont appelés Hellènes par le genre (race), et
d’autres, Ioniens, parce que les uns ont comme premier générateur Hellen, les
autres, Ion. La dénomination se fait davantage par le père, qui est
l’engendrant, que par la mère, qui fournit la matière à la génération,
quoique, en certains cas, le nom du genre (de la race) vienne de la
mère : les habitants des Pléiades tiennent leur nom d’une certaine
femme, Pleia. Et ceci est le second sens du mot genre posé par Porphyre. |
En un deuxième sens, le genre se dit de ce qui d’abord a fait passer à
l’être, de l’engendrant dont les êtres dérivent. Ainsi certains sont appelés
Hellènes par le genre[133], parce qu’ils descendent
d’un certain Hellen, et d’autres sont Ioniens par leur genre parce qu’ils
descendent d’un certain Ion comme premier générateur Hellen, les autres, Ion.
Les gens sont nommés plutôt d’après le père, qui est l’engendrant, que
d’après la mère, qui fournit la matière de la génération, quoique, en
certains cas, le nom du genre vienne de la mère : les Pléiades[134] tiennent leur nom d’une femme
appelée Pléia. Et c’est le deuxième sens du mot « genre » donné par
Porphyre. |
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[82687] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 3 Tertio modo dicitur genus, sicut superficies est
genus figurarum superficialium, et solidum, idest corpus, dicitur esse
genus figurarum solidarum, idest corporearum. Genus autem hoc non est quod
significat essentiam speciei, sicut animal est genus hominis; sed quod est
proprium subiectum, specie differentium accidentium. Superficies enim est
subiectum omnium figurarum superficialium. Et habet similitudinem cum genere;
quia proprium subiectum ponitur in definitione accidentis, sicut genus in
definitione speciei. Unde subiectum proprium de accidente praedicatur ad
similitudinem generis. Unaquaeque enim figurarum haec quidem, idest
superficialis, est talis superficies. Hoc autem, idest figura solida,
est tale solidum, ac si figura sit differentia qualificans superficiem vel
solidum. Superficies enim se habet ad figuras superficiales, et solidum ad
solidas, sicut genus quod subiicitur contrariis. Nam differentia praedicatur
in eo quod quale. Et propter hoc, sicut cum dicitur animal rationale
significatur tale animal, ita cum dicitur superficies quadrata, significatur
talis superficies. |
En un troisième sens, le genre se
dit, par exemple, de la superficie : genre des figures
"superficielles", et du corps : genre des formes corporelles.
Le genre, dans ce cas, n’est pas ce qui signifie l’essence de l’espèce, comme
animal est le genre de l’homme, mais se dit du sujet propre des accidents
spécifiquement différents. La surface en effet est le sujet de toutes les
figures superficielles. Et elle a une ressemblance avec le genre, parce que
le sujet propre est posé dans la définition de l'accident comme le genre est
posé dans la définition de l’espèce. C'est pourquoi le sujet propre se
prédique de ses accidents par comparaison au genre. Chacune des figures
superficielles est telle surface. Cette forme corporelle est tel corps, comme
si la figure et la forme étaient une différence qualifiant la surface ou le
corps. La surface en effet est aux figures planes, et le corps, aux formes
corporelles, comme un genre qui est le sujet des contraires. La différence se
prédique en effet comme qualité. Ainsi, lorsqu'on dit : animal
raisonnable, on signifie tel animal; de la même manière, lorsqu’on dit:
surface carrée, on signifie telle surface. |
En un troisième sens, le genre se dit, par exemple, de la surface, genre des figures planes, et du solide[135], c'est-à-dire du corps, genre des figures solides ou corporelles. Le genre, dans ce cas, n’est pas ce qui signifie l’essence de l’espèce, comme l’animal est le genre de l’homme, mais désigne le sujet propre des accidents différents dans l’espèce. La surface, en effet, est le sujet de toutes les figures planes. Et elle a une ressemblance avec le genre, parce que le sujet propre est inclus dans la définition de l'accident comme le genre dans la définition de l’espèce. C'est pourquoi le sujet propre s’attribue à ses accidents de façon semblable au genre. En effet, chacune des figures (planes) est telle surface. Mais cela, c'est-à-dire une figure solide, est tel solide, comme si la figure était une différence qualifiant la surface ou le solide. En effet, la surface se rapporte aux figures planes, et le solide aux figures solides, comme un genre qui est le sujet des contraires. La différence s’attribue en effet comme qualité. Ainsi, lorsqu’on dit « animal raisonnable », on signifie tel animal; de la même manière, lorsqu’on dit « surface carrée », on signifie telle surface. |
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[82688]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 4 Quarto modo genus dicitur, quod primo ponitur in
definitione, et praedicatur in eo quod quid, et differentiae sunt eius qualitates.
Sicut in definitione hominis primo ponitur animal, et bipes sive rationale,
quod est quaedam substantialis qualitas hominis. |
Le quatrième sens du mot genre se
dit de ce qui est posé en premier dans la définition et est prédiqué "in eo quod quid". en signifiant
ce qu'est une chose, à la matière de ce qui existe, les différences étant ses
qualités. Ainsi, dans la définition de l’homme, on pose en premier: animal,
puis bipède ou raisonnable, qui est une qualité substantielle de l’homme. |
En un quatrième sens, le genre se dit de ce qui est posé en premier dans la définition et est attribué dans le « ce-que-c’est ». les différences étant ses qualités. Ainsi, dans la définition de l’homme, on pose en premier l’animal, puis le bipède ou le raisonnable, qui sont des qualités substantielles de l’homme. |
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[82689] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 5 Patet ergo quod tot modis dicitur genus. Uno modo
secundum generationem continuam in eadem specie, quod pertinet ad primum modum.
Alio modo secundum primum movens, quod pertinet ad secundum. Alio modo sicut
materia, quod pertinet ad tertium et quartum modum. Hoc enim modo se habet
genus ad differentiam, sicut subiectum ad qualitatem. Et ideo patet quod genus praedicabile, et genus
subiectum, quasi sub uno modo comprehenduntur, et utrumque se habet per modum
materiae. Licet enim genus praedicabile non sit materia, sumitur tamen a
materia, sicut differentia a forma. Dicitur enim aliquid animal ex eo quod
habet naturam sensitivam. Rationale vero ex eo, quod habet rationalem
naturam, quae se habet ad sensitivam sicut forma ad materiam. |
Il appert donc que le genre se dit
d’autant de manières. Il s'applique tantôt à la génération ininterrompue dans
la même espèce; ce qui appartient au premier mode; tantôt au premier mouvant:
le second mode; tantôt à la matière à ce qui se rapporte au troisième et au
quatrième mode. Le genre en effet est à la différence, comme le sujet à la
qualité. C’est pourquoi, il appert que le genre prédicable et le genre sujet
sont presque compris sous le même mode, et les deux jouent le rôle de
matière, En effet, bien que le genre prédicable ne soit pas la matière, il
est pris cependant de la matière, comme la différence est prise de la forme.
Une chose est dite animale de ce qu’elle possède la nature sensitive. Le
raisonnable se dit du fait qu’elle possède une nature raisonnable, qui est à
la nature sensitive comme la forme est à la matière. |
Il est donc évident que le genre se dit de ces manières : d’abord, selon la génération ininterrompue dans la même espèce, ce qui appartient au premier sens; ensuite, d’après le premier moteur, ce qui se rapporte au deuxième sens; également en tant que matière, ce qui se rapporte aux troisième et quatrième sens. Le genre en effet est à la différence ce que le sujet est à la qualité. C’est pourquoi il est évident que le genre prédicable et le genre sujet sont presque inclus dans le même sens, et les deux jouent le rôle de matière. En effet, bien que le genre prédicable ne soit pas la matière, il est tiré de la matière, comme la différence est tirée de la forme. Un être est dit animal du fait qu’il possède la nature sensitive; il est dit raisonnable du fait qu’il possède une nature raisonnable, qui se rapporte à la nature sensitive comme la forme est à la matière. |
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[82690]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 6 Deinde cum dicit diversa vero hic ostendit quot
modis dicuntur aliqua diversa genere; et ponit duos modos respondentes ultimis
duobus modis generis. Primi enim duo modi non multum pertinent ad
philosophicam considerationem. Primo igitur modo dicuntur aliqua genere
diversa, quia eorum primum subiectum est diversum. Sicut primum subiectum
colorum est superficies, primum autem subiectum saporum est humor. Unde
quantum ad genus subiectum, sapor et color sunt diversa genere. |
Ensuite, quand il dit:
"Différentes par le genre ... ", il montre de combien de manières
on peut parler des choses différentes par le genre. Il en pose deux,
correspondant aux deux derniers sens du genre. Il n’appartient guère au
philosophe de considérer les deux premiers sens. Les choses sont différentes
par le genre selon le premier sens, parce que leur sujet prochain est divers.
Ainsi, le sujet prochain des couleurs est la surface, et le premier sujet des
saveurs, l’humide. Et donc, quant au genre-sujet, la saveur et la couleur
diffèrent par le genre. |
Ensuite, quand il dit : On
dit des choses, etc., il montre de combien de manières on peut parler des
choses différentes par le genre. Il en énonce deux, correspondant aux deux
derniers sens du genre. En effet, il n’appartient guère au philosophe de
considérer les deux premiers sens. Alors, selon le premier sens, les choses
sont différentes par le genre parce que leur sujet premier est différent.
Ainsi, le sujet premier des couleurs est la surface, et le premier sujet des
saveurs, l’humide. Et donc, quant au genre-sujet, la saveur et la couleur
diffèrent par le genre. |
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[82691] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 7 Oportet autem quod duo diversa subiecta, talia sint,
quorum unum non resolvatur in alterum. Solidum enim quodammodo resolvitur in
superficies. Unde figurae solidi, et figurae superficiales non sunt
diversorum generum. Et iterum oportet quod ambo non resolvantur in aliquod
idem. Sicut species et materia sunt diversa genere, si secundum suam
essentiam considerentur, quod nihil est commune utrique. Et similiter corpora
caelestia et inferiora sunt diversa genere, inquantum non habent materiam communem. |
Il faut cependant que les deux
sujets divers soient tels que l’un ne se résolve pas dans l’autre. Le corps
se résout de quelque manière dans la surface. C’est pourquoi les figures des
corps et les figures des surfaces n’appartiennent pas à des genres divers, Il
faut encore que les deux sujets ne se résolvent pas en un seul. Ainsi la
forme et la matière sont différentes par le genre, si elles sont considérées
selon leur essence, en tant qu’il n’y a rien de commun aux deux. Et,
pareillement, les corps célestes et inférieurs sont divers par le genre, en
tant qu’il n'ont pas une matière commune. |
Il faut cependant que les deux sujets différents soient tels que l’un
ne se ramène pas à l’autre; en effet, le corps se ramène de quelque manière à
la surface. C’est pourquoi les figures des corps et les figures des surfaces
n’appartiennent pas à des genres différents. Il faut encore que les deux
sujets ne se ramènent pas à une même chose. Ainsi la forme et la matière sont
différentes par le genre, si elles sont considérées selon leur essence, en
tant qu’il n’y a rien de commun aux deux. Et pareillement, les corps célestes
et les corps inférieurs diffèrent par le genre, en tant qu’il n'ont pas une
matière commune. |
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[82692]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 8 Alio modo dicuntur diversa genere, quae dicuntur secundum
diversam figuram categoriae, idest praedicationis entis. Alia namque
entia significant quid est, alia quale, alia aliis modis, sicut divisum est
prius, ubi tractavit de ente. Istae enim categoriae nec resolvuntur invicem, quia
una non continetur sub alia. Nec resolvuntur in unum aliquid, quia non est unum
aliquod genus commune ad omnia praedicamenta. |
Selon le second sens, sont
différentes par le genre les choses qui tombent sous des types différents de
catégorie, c’est-à-dire sous les différents types de la prédication de
l’être. Autres sont les êtres qui signifient la substance, autres, ceux qui
signifient la qualité, etc. Ces catégories ne peuvent se résoudre entre
elles, parce que l'une n’est pas contenue dans l'autre. Elles ne se résolvent
pas non plus en une chose commune, parce qu’il n’y a pas de genre commun à
tous les prédicaments. |
Selon le second sens, sont différentes par le genre les choses qui tombent sous des formes différentes de catégorie, c’est-à-dire d’attribution de l’être. Autres sont les êtres qui signifient la substance, autres, ceux qui signifient la qualité, autres ceux qui signifient les autres catégories selon la division donnée plus haut, où il a traité de l’être. En effet, ces catégories ne peuvent se ramener l’une à l’autre, parce que l'une n’est pas contenue dans l'autre. Elles ne se ramènent non à rien de commun, parce qu’il n’y a pas de genre commun à tous les prédicaments. |
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[82693] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 9 Patet autem ex dictis quod aliqua continentur sub
uno praedicamento, et sunt unum genere hoc modo secundo, quae tamen sunt
diversa genere primo modo. Sicut corpora caelestia et elementaria, et
colores, et sapores. Primus autem modus diversitatis secundum genus
consideratur magis a naturali, et etiam a philosopho, quia est magis realis.
Secundus autem modus consideratur a logico, quia est rationis. |
Il appert cependant, d'après ce que
nous avons dit, que certaines choses sont contenues sous un seul prédicament
et donc appartiennent au même genre selon le second mode, qui diffèrent
cependant par le genre selon le premier mode, comme les corps célestes et les
éléments, les couleurs et les saveurs. Le premier mode de la diversité selon
le genre est considère avantage par le physicien et même par le philosophe,
parce qu'il est plus réel. Le second appartient davantage au logicien, parce
qu’il appartient à la raison. |
Il est cependant évident, d'après ce que nous avons dit, que certaines choses sont contenues sous un seul prédicament, et donc appartiennent au même genre selon le second mode, qui diffèrent cependant par le genre selon le premier mode, comme les corps célestes et les corps formés d’éléments, les couleurs et les saveurs. Le premier mode de diversité selon le genre est étudié davantage par le physicien et même par le philosophe, parce qu'il est plus réel. Le second est étudié par le logicien, parce qu’il appartient à la raison. |
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[82694]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 10 Deinde cum dicit falsum dicitur hic distinguit
nomina, quae significant defectum entis, vel ens incompletum. Et primo hoc
nomen falsum. Secundo hoc nomen accidens. Circa primum tria facit. Primo
ostendit quomodo dicatur falsum in rebus. Secundo quomodo in definitionibus,
ibi, ratio vero falsa. Tertio quomodo sit falsum in hominibus, ibi, sed et
homo falsus. Dicit ergo primo, quod falsum dicitur uno modo in rebus, per hoc
quod oratio significans rem non congrue componitur. Quod quidem contingit
dupliciter. Uno modo per hoc, quod aliquid componitur quod non debet componi,
sicut est in falsis contingentibus. Alio modo per hoc quod est impossibile
componi, sicut est in falsis impossibilibus. Si enim dicamus diametrum esse
commensurabilem quadrati lateri, est falsum impossibile, quia impossibile est
commensurabile componi diametro. Si autem dicatur te sedere, te stante, est
falsum contingens, quia praedicatum non inest subiecto, licet non sit impossibile
inesse. Unde unum istorum, scilicet impossibile, est falsum semper; sed
aliud, scilicet contingens, non est falsum semper. Sic igitur falsa dicuntur,
quae omnino sunt non entia. Nam oratio tunc esse falsa dicitur, quando non
est id quod oratione significatur. |
Ensuite, quand il dit: "Le
faux se dit … ", il distingue les noms qui signifient l’absence d’être,
un manque d’être quelconque ou l'être incomplet. Il étudie tout d’abord le mot
faux. En second, il traite de l’accident. Au sujet du faux, il fait une
triple considération, Il montre tout d’abord comment se dit le faux: dans les
choses; puis, en second, dans les définitions, où il dit: "Une
énonciation fausse … ", et en troisième, comment il existe chez les
hommes, qu’il dit. "Un homme est faux ... ". Il dit donc en premier
que le faux: se dit dans les choses dans un premier sens du fait que le
discours qui signifie la chose n’est pas composé convenablement. Ce qui arrive
de deux manières. D’une première manière, en tant que quelque chose est
composé ou uni qui, cependant, ne doit pas être uni, comme il arrive dans les
faux contingents. D'une autre façon, en tant que l’on unit ou compose ce
qu’il est impossible d’unir, comme il arrive dans les faux impossibles. Si en
effet nous disons que le diamètre est commensurable au côté du carré, il y a
là un faux impossible, parce qu’il est impossible que
"commensurable" soit uni à "diamètre". Si, cependant, je
dis que tu t’assois alors que tu restes debout, il y a un faux contingent,
parce que le prédicat n’existe pas dans le sujet, bien qu'il ne soit pas
impossible qu’il existe dedans, C’est pourquoi l’un de ces faux, à savoir
l’impossible, est toujours faux; l’autre, le contingent, n'est pas toujours
faux. Ainsi, sont dites fausses les choses qui sont tout à fait des non-être.
Car le discours est dit faux: quand n'existe pas ce qu’il signifie. |
Ensuite, quand il dit : Faux
se prend d’abord, etc., il distingue les mots qui signifient un défaut
d’être ou un être incomplet. Il étudie en premier le mot « faux »,
en second le mot « accident ». Au sujet du faux, il fait une triple
réflexion. Il montre comment on parle du faux, en premier dans les choses, en
deuxième dans les définitions, où il dit : Une définition est fausse, etc., et en troisième comment il
existe chez les hommes, où il dit : En
l’appliquant aux personnes, etc. Il dit donc en premier que le faux se
dit dans les choses, dans un premier sens, du fait que le discours qui
signifie la chose n’est pas structuré convenablement. Cela arrive de deux
manières : d’abord, en tant que quelque chose est composé[136] qui ne doit pas l’être,
comme il arrive dans les faux contingents; ensuite, en tant qu’il est
impossible de composer les termes, comme il arrive dans les faux impossibles.
Si en effet nous disons que le diamètre est commensurable au côté du carré,
c’est un faux impossible, parce qu’il est impossible de composer
« commensurable » avec « diamètre ». Mais si je dis que tu
es assis alors que tu es debout, c’est un faux contingent, parce que le
prédicat n’existe pas dans le sujet, bien qu'il ne soit pas impossible qu’il
y existe. C’est pourquoi l’un de ces faux, à savoir l’impossible, est
toujours faux; l’autre, le contingent, n'est pas toujours faux. Ainsi, on
appelle fausses les choses qui sont tout à fait du non-être, car le discours
est dit faux quand ce qu’il signifie n’existe pas. |
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[82695] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 11 Secundo modo dicitur falsum in rebus ex eo, quod aliqua
quidem sunt entia in se, sed tamen sunt apta nata videri aut qualia non sunt,
aut quae non sunt, sicut schiagraphia, idest umbrosa descriptio.
Umbrae enim quandoque videntur res, quarum sunt umbrae, sicut umbra hominis
videtur homo. Et eadem ratio est de somniis, quae videntur res verae, tamen
non sunt nisi rerum similitudines. Et similiter dicitur aurum falsum, quod
habet similitudinem auri veri. Differt autem hic modus a primo: quia in primo
dicebatur aliquod falsum, ex eo quod non erat. Hic autem dicuntur aliqua
falsa quae quidem in se sunt aliquid, sed non sunt illa quorum faciunt
phantasiam, idest quorum habent apparentiam. Patet ergo quod res dicuntur
falsae, aut quia non sunt, aut quia ab eis est apparentia eius quod non est. |
D'une seconde manière, faux se dit
encore des choses qui sont réellement, mais dont la nature est d’apparaitre
autrement qu'elles ne sont, ou ce qu’elles ne sont pas du tout, comme la
peinture en trompe-l’œil et la forme de l'ombre. Les ombres quelquefois
paraissent être les réalités qu’elles reproduisent, comme l’ombre d’un homme
peut paraître un homme réel. C’est pour la même raison que dans les songes
l'on voit des choses réelles alors que ce ne sont que des similitudes. Et
pareillement, on parle de l'or faux, parce qu’il a une ressemblance avec l'or
vrai. Ce mode diffère du premier. Dans le premier, ce qui était faux,
n'existait pas. Ici le faux est ce qui existe, mais n’est pas ce qu’il
représente, ce qu'il fait paraître. Donc les choses sont dites fausses ou
bien parce qu'elles n'existent pas, ou bien parce que l'apparence qui en
résulte est celle d'une chose qui n’existe pas. |
D’une seconde manière, on parle de fausseté pour les choses qui sont
réellement, mais dont la nature est de sembler être autrement qu’elles ne sont,
ou être ce qu’elles ne sont pas, comme la schiagraphia,
c'est-à-dire le dessin d’une ombre. Les ombres semblent parfois être les
réalités qu’elles reproduisent, comme l’ombre d’un homme semble être un
homme. Il en va de même pour les rêves, qui semblent être des choses vraies
mais ne sont que des ressemblances des choses. Pareillement, le faux-or est
appelé faux parce qu’il a une ressemblance avec le vrai. Ce sens diffère du
premier. Dans le premier, on disait qu’une chose était fausse parce qu’elle n’existait
pas. Ici, les choses sont appelées fausses parce qu’en soi elles sont bien
quelque chose, mais ne sont pas ce dont
elles donnent l’image, c'est-à-dire de dont elles ont l’apparence. Il est
donc évident que les choses sont appelées fausses soit parce qu'elles
n’existent pas, soit parce qu’elles présentent l’apparence de ce qu’elles ne
sont pas. |
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[82696]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 12 Deinde cum dicit ratio vero ostendit quomodo est
falsum in definitionibus: et dicit quod ratio, idest definitio,
inquantum est falsa, est non entium. Dicit autem inquantum est falsa, quia
definitio dicitur falsa dupliciter. Aut secundum se; et sic non est definitio
alicuius, sed penitus non entis. Aut est definitio vera in se, sed falsa est
prout attribuitur alteri quam proprio definito, et sic dicitur falsa
inquantum non est eius. |
Ensuite, quand il dit: "Une
énonciation fausse ... ", il montre comment existe le faux dans les
définitions. Il dit que la définition, en tant qu’elle est fausse, exprime ce
qui n’est pas; ainsi elle appartient aux non-être. Il dit bien: en tant
qu'elle est fausse, parce que la définition est dite fausse de deux manières.
Ou bien en elle-même: et ainsi, elle n'est la définition d’aucune chose, mais
tout à fait du non-être. Ou bien, la définition est vraie en elle-même, mais
fausse en tant qu’elle est attribuée à un autre qu’à son propre défini ;
et ainsi, elle est dite fausse en tant qu’elle n’appartient pas à la chose à
laquelle elle est attribuée. |
Ensuite, quand il dit : Une définition est fausse, etc., il montre comment existe le faux dans les définitions. Il dit que la notion, c'est-à-dire la définition, en tant qu’elle est fausse, exprime du non-être. Il dit « en tant qu’elle est fausse », parce que la définition est dite fausse de deux manières : soit en elle-même, et ainsi, elle n’est la définition d’aucune chose, mais absolument du non-être; soit qu’elle est vraie en soi, mais fausse en tant qu’elle est attribuée à autre chose que ce qu’elle définit proprement, et ainsi, elle est dite fausse en tant qu’elle ne s’y applique pas. |
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[82697] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 13 Unde patet, quod omnis definitio, quae est vera
definitio alicuius rei, est falsa definitio alterius; ut definitio quae est vera
de circulo, est falsa de triangulo. Definitio autem cuiuslibet rei
significans quod quid est, quodam modo est una tantum unius, et quodam modo
sunt multae unius. Aliquo enim modo ipsum subiectum per se sumptum, et ipsum
passum, idest cum passione sumptum, est idem, sicut Socrates et Socrates
musicus. Aliquo modo non: est enim idem per accidens, sed non per se. Patet
autem, quod eorum sunt definitiones diversae. Alia enim est definitio
Socratis et Socratis musici; et tamen ambae sunt quodammodo eiusdem. |
D’où il appert que toute
définition qui est une vraie définition d’une chose réelle est une fausse
définition d’une autre. Ainsi la définition qui est vraie du cercle, est
fausse du triangle. Il y a, en un sens, qu’une seule définition de chaque
chose signifiant ce qu’elle est, mais, en un autre sens, il y en a plusieurs
de chaque chose. D’une certaine façon, le sujet lui-même et son accident sont
un, comme Socrate et Socrate musicien; d’une autre façon, ils ne sont pas
uns : l’unité n'est qu'accidentelle et non par soi. Il est évident que
leurs définitions sont diverses. Autre en effet est la définition de Socrate
et celle de Socrate musicien: et, cependant, les deux portent d’une certaine
façon sur le même. |
Il est donc évident que toute définition qui est la vraie définition d’une chose est une fausse définition d’une autre. Ainsi, la définition qui est vraie pour le cercle est fausse pour le triangle. Il n’y a, en un sens, qu’une seule définition de chaque chose qui signifie ce qu’elle est, mais, en un autre sens, il y en a plusieurs pour chaque chose. D’une certaine façon, en effet, le sujet pris en lui-même et le sujet modifié, c'est-à-dire pris avec une modification, sont un, comme Socrate et Socrate musicien; d’une autre façon, ils ne sont pas un : leur identité est accidentelle et non par soi. Il est évident que leurs définitions sont diverses. Autre en effet est la définition de Socrate et celle de Socrate musicien; et cependant, les deux portent d’une certaine façon sur la même chose. |
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[82698] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 14 Sed illa definitio, quae est falsa secundum se, non
potest esse definitio alicuius rei. Definitio autem falsa secundum se vel
simpliciter, dicitur ex eo, quod una pars definitionis non potest stare cum
altera; sicut si diceretur, animal inanimatum. |
Mais la définition qui est fausse
en elle-même ne peut être la définition de quoi que ce soit. La définition
fausse en elle-même ou absolument est celle dont une partie ne peut exister avec
l’autre, comme si l’on disait: un animal inanimé. |
Mais la définition qui est fausse en elle-même ne peut être la
définition de quoi que ce soit. La définition fausse en elle-même ou absolument
est celle dont une partie ne peut exister avec l’autre, comme si l’on disait
« un animal inanimé ». |
|
[82699]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 15 Patet autem ex hoc, quod stulta fuit opinio
Antisthenis. Volebat enim, quod quia voces sunt signa rerum, quod sicut res
non habet aliam essentiam nisi propriam, ita in propositione nihil posset
praedicari de aliquo, nisi propria eius definitio, ut simpliciter vel semper
de uno subiecto dicatur unum praedicatum. Et ex hoc sequitur, quod non sit
contradictio; quia, si de homine praedicatur animal, quod est in eius
ratione, non poterit de ipso praedicari non animal; et ita non poterit
formari negativa propositio. Et ex hac positione etiam sequitur, quod non
contingit aliquem mentiri: quia propria definitio rei vere praedicatur de re.
Unde, si de nullo potest praedicari nisi propria definitio, nulla propositio
erit falsa. |
Ensuite quand il dit: "Un
homme est faux ... ", il montre comment le faut se dit de l'homme.
Double réflexion sur ce sujet. Il pose tout d’abord deux modes selon lesquels
l'homme est dit faux. En un premier sens, l’homme est dit faux quand il est
prompt à admettre de telles définitions fausses et s'en réjouit et quand il
choisit de telles définitions sans aucune autre raison que leur fausseté
même. L’habitus dans chacun rend l’opération conforme à cet habitus prompte
et délectable. Ce qui veut dire que celui qui le possède opère selon cet
habitus et non pour quelque motif extrinsèque. Ainsi l’impudique fornique en
vue de la délectation du coït; s'il fornique pour quelque autre motif, disons
le vol, il est plus voleur qu’impudique. Ainsi celui qui choisit de dire le
faux pour l’argent est plus avare que faux. |
Cela montre avec évidence que l’opinion d’Antisthène était stupide. Il affirmait en effet que, puisque les mots sont les signes des choses, de même que les choses n’ont pas d’autre essence que la leur propre, de même, dans une proposition, rien d’autre ne peut être attribué à quelque chose que sa définition propre, de sorte qu’absolument ou toujours, un seul prédicat soit attribué à un seul sujet. Et il s’ensuit de là que la contradiction n’existe pas, car, si on donne comme attribut de l’homme l’animal, qui fait partie de sa notion, on ne peut pas lui attribuer le non-animal, et ainsi, on ne peut pas former de proposition négative. Et il s’ensuit également de cette théorie qu’il n’est pas possible à quelqu'un de mentir, car la définition propre de la chose est véridiquement attribuée à la chose. Il s’ensuit, si on ne peut attribuer à la chose rien d’autre que sa définition propre, qu’aucune proposition n’est fausse. |
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[82700] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 16 Est autem eius opinio falsa, quia contingit praedicari
de unoquoque non solum suam definitionem, sed etiam alterius. Quod quando
fit, universaliter et omnino, est falsa praedicatio. Aliquo tamen modo potest
esse vera praedicatio; sicut octo dicuntur dupla, inquantum habent rationem
dualitatis, quia ratio dupli est ut se habeat sicut duo ad unum. Octo autem, inquantum sunt duplum, sunt quodammodo
duo, quia dividuntur in duo aequalia. Haec ergo dicuntur falsa modo praedicto. |
Le second mode de dire qu'un homme
est faux est lorsqu'il produit des faussetés chez les autres: ce qui
ressemble au mode de fausseté dont on parlait plus haut, où les choses
étaient fausses parce qu'elles produisaient une image fausse, l’est donc
évident que le faux appartient au non-être; l'homme est dit faux à cause des
fausses définitions, et la définition est dite fausse en tant qu’elle exprime
le non-être. |
Mais son opinion est fausse, car on peut attribuer à chaque chose non seulement sa définition, mais aussi celle d’autre chose. Et quand on le fait universellement et absolument, c’est une fausse attribution. Pourtant, en un certain sens, cela peut être une vraie attribution : ainsi, on dit que 8 est le double, parce qu’il comporte la notion de dualité, car le caractère du double est d’avoir le rapport de 2 à 1. Or, le nombre 8, en tant qu’il est double, est 2 d’une certaine façon, car il se divise en deux parties égales. Voilà donc les choses qu’on appelle fausses selon le sens mentionné. |
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[82701]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 17 Deinde cum dicit sed homo ostendit quomodo falsum
dicatur de homine: et circa hoc duo facit. Primo ponit duos modos, quibus
homo dicitur falsus: quorum primus est, quod homo dicitur falsus, qui est
promptus vel gaudens in huiusmodi rationibus, scilicet falsis, et qui est
electivus talium rationum non propter aliquod aliud, sed propter se.
Unicuique enim habenti habitum fit delectabilis et in promptu operatio, quae
est secundum habitum illum; et sic habens habitum operatur secundum habitum
illum, non propter aliquod extrinsecum. Sicut luxuriosus fornicatur propter
delectationem coitus: si autem fornicetur propter aliquid aliud, puta ut
furetur, magis est fur quam luxuriosus. Similiter et qui eligit falsum
dicere, propter lucrum, magis est avarus quam falsus. |
En second, où il dit: "On voit
ainsi ... " à partir de ces prémisses, Aristote rejette deux fausses
opinions. Voici comment il réfute la première. Du fait que l’homme faux est
celui qui choisit et produit de fausses théories, on peut logiquement réfuter
et rejeter l'argument de l’Hippias, qui est un livre de Platon, qui disait
que la même définition était vraie et fausse. Cette opinion acceptait que
l'homme faux était celui qui peut mentir; et ainsi, puisque le même homme
peut mentir et dire vrai, le même homme serait donc vrai et faux.
Pareillement, la même proposition serait vraie et fausse, parce qu'elle peut
être vraie et fausse, comme celle-ci, par exemple : Socrate s'assoit:
s'il s’assoit elle est vraie; s'il reste debout, elle est fausse. On peut
voir ce qu'il y a d’inconvenable dans cette opinion; parce que même l’homme
sage et prudent peut mentir. Cependant il n'est pas faux, parce qu’il ne
choisit ni ne produit de fausses raisons: ce qui précisément permet d'appeler
un homme: faux. |
Ensuite, quand il dit : En
l’appliquant aux personnes, etc., il montre comment le faux se dit de
l'homme. Il traite ce point en deux parties. Il donne tout d’abord deux sens
selon lesquels l’homme est appelé faux. En un premier sens, l’homme est
appelé faux quand il est prompt à admettre de telles notions fausses et s'en
réjouit et quand il choisit de telles notions sans aucune autre raison que
leur fausseté même. L’habitus de chacun rend prompte et agréable l’opération
conforme à cet habitus, et alors, celui qui le possède agit selon cet habitus
et non pour quelque motif extrinsèque. Ainsi, l’impudique fornique en vue du
plaisir de l’union sexuelle; s'il fornique pour quelque autre motif, disons
le vol, il est plus voleur qu’impudique. Pareillement, celui qui choisit de
dire le faux pour de l’argent est plus avare que faux. |
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[82702] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 18 Secundus modus est prout homo dicitur falsus, qui
facit aliis falsas rationes; quasi consimili modo sicut supra dicebamus res esse
falsas quae faciunt falsam phantasiam. Patet autem ex praemissis, quod falsum
pertinet ad non ens; ex quo homo dicitur falsus per respectum ad rationes
falsas: et ratio dicitur falsa, inquantum est non entis. |
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Le second sens est celui où on dit qu’un homme est faux parce qu’il
donne aux autres de fausses notions, ce qui ressemble au sens que nous avons
mentionné plus haut, où les choses étaient fausses parce qu’elles donnaient
une image fausse. Il est évident, d’après ce qu’on a dit, que le faux appartient
au non-être; alors, l’homme est dit faux à cause de ses fausses notions, et
la notion est dite fausse en tant qu’elle exprime le non-être. |
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[82703]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 19 Secundo ibi, quare in excludit ex praemissis duas falsas
opiniones: de quarum prima concludit ex praemissis, dicens, quod ex quo
falsus homo est electivus et factivus falsarum opinionum, rationabiliter
refutatur et reprobatur in Hippia, qui est liber quidam Platonis, oratio
quaedam, quae dicebat, eamdem rationem esse veram et falsam. Haec enim opinio
accipiebat illum hominem esse falsum qui potest mentiri; et sic, cum idem
homo possit mentiri et verum dicere, idem homo esset verus et falsus.
Similiter eadem oratio esset vera et falsa, quia eadem oratio vera et falsa
potest esse, ut haec, Socrates sedet, eo sedente est vera, non sedente, est
falsa. Constat autem, quod hic inconvenienter accipit, quia etiam homo sciens
et prudens potest mentiri; non tamen est falsus, quia non est factivus vel
electivus falsarum rationum vel opinionum, ex qua ratione dicitur homo
falsus, ut dictum est. |
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En second, où il dit : Aussi,
est-ce une grande erreur, etc., il part de là pour rejeter deux fausses
opinions. Pour la première, il conclut de ce qui précède que, du fait que
l’homme faux choisit et produit de fausses opinions, on peut logiquement
réfuter et rejeter l'argument de l’Hippias[137], qui est un livre de Platon, un discours où
il disait que la même notion était vraie et fausse. Cette opinion admettait
en effet que l’homme faux est celui qui peut mentir; et ainsi, puisque le
même homme peut mentir et dire vrai, le même homme serait donc vrai et faux.
Pareillement, le même énoncé serait vrai et faux, parce qu’il peut être vrai
et faux, par exemple « Socrate est assis » : s’il est assis,
l’énoncé est vrai; s’il est debout, l’énoncé est faux. On peut voir qu’il
admet cette opinion à tort, car même l’homme sage et prudent peut mentir,
mais il n’est quand même pas faux, puisqu’il ne choisit ni ne produit des
opinions ou des arguments faux, ce qui est la raison d’appeler un homme faux,
comme on l’a dit. |
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[82704] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 20 Deinde cum dicit amplius volentem secundam falsam opinionem
excludit. Dicebat haec opinio, quod homo, qui facit turpia et prava volens,
melior est eo qui facit nolens, quod est falsum. Nam quilibet vitiosus ex hoc
definitur quod est promptus vel electivus malorum. Et tamen hoc falsum vult
accipere per quamdam inductionem ex simili. Ille enim qui claudicat
voluntarie, melior et dignior est eo, qui, claudicat non voluntarie. Et ita
dicit, quod prava agere imitatur hoc quod est claudicare, ut scilicet sit
eadem ratio de utroque. Et hoc quodammodo verum est. Nam claudicans
voluntarie deterior est quantum ad morem, licet sit perfectior quantum ad
virtutem gressivam. Et similiter qui agit prava voluntarie, deterior est
quantum ad morem, licet forte non sit deterior quantum ad aliquam aliam
potentiam. Sicut ille qui dicit falsum voluntarie, licet sit peior secundum
morem, est tamen intelligentior eo qui credit se verum dicere, cum falsum
dicat non voluntarie. |
Il exclut la seconde opinion.
Cette opinion soutenait que l'homme qui accomplit le mal volontairement est meilleur
que celui qui le fait sans le vouloir. Ce qui est faux car le vicieux se
définit par l'élection du mal et la promptitude à l'accomplir. On veut
établir cette notion du faux par une certaine induction tirée d'un cas
semblable. Celui qui boite volontairement est meilleur et plus digne que
celui qui boîte involontairement. Et de là on tire que celui qui accomplit
des turpitudes est semblable à celui qui boite volontairement, de telle sorte
que la raison du faux est semblable dans les deux cas. Ceci est vrai d'une
certaine façon. Le boiteux volontaire est pire que l’autre moralement, bien
qu’il lui soit supérieur dans la marche. Et pareillement, celui qui pèche
volontairement est pire au point de vue moral, bien que peut-être il ne soit
pas inférieur par rapport à quelque autre point de vue, sous le rapport d'une
autre puissance. Comme celui qui dit le faux volontairement, bien qu'il soit
plus corrompu dans l’ordre moral, est quand même plus intelligent que celui
qui croit dire vrai, puisqu’il ne dit pas le faux volontairement. |
Puis lorsqu’il dit : C’est
par une erreur pareille, etc., il écarte la seconde opinion. Cette
opinion soutenait que l’homme qui accomplit des actes mauvais et honteux
volontairement est meilleur que celui qui les commet sans le vouloir. Cela
est faux, car le vicieux se définit par le choix du mal et la promptitude à
l'accomplir. On veut pourtant prouver cette fausseté par une induction tirée
d’un cas semblable : celui qui boite volontairement est meilleur et plus
digne que celui qui boîte involontairement. Il dit donc que celui qui fait le
mal imite le boiteux, de sorte que le même argument s’applique aux deux cas.
Et cela est vrai d’une certaine façon. En effet, celui qui boite
volontairement est pire que l’autre moralement, bien qu’il lui soit supérieur
dans la capacité de marcher. Et pareillement, celui qui pèche volontairement
est pire au point de vue moral, bien qu’il ne soit peut-être pas inpire sous
l’aspect d’une autre puissance. Ainsi, celui qui dit des faussetés volontairement,
bien qu’il soit pire dans l’ordre moral, est quand même plus intelligent que
celui qui croit dire vrai, puisqu’il dit des faussetés involontairement. |
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[82705]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 21 Deinde cum dicit accidens est hic ultimo, distinguit
nomen accidentis: et ponit duos modos, quibus dicitur hoc nomen accidens:
quorum primus est, quod accidens dicitur id quod inest alicui, et quod
contingit vere affirmare, non tamen ex necessitate, nec secundum magis
idest ut in pluribus, sed ut in paucioribus; sicut, si aliquis fodiens
aliquam fossam ad plantandum aliquam plantam, inveniat thesaurum. Hoc ergo,
quod est fodientem fossam invenire thesaurum, est quoddam accidens. Neque
enim unum est causa alterius ex necessitate, ut hoc sit ex hoc necessario.
Neque etiam de necessitate se comitantur, ut hoc sit post hoc, sicut dies
consequitur noctem, quamvis unum non sit causa alterius. Neque etiam secundum
magis hoc contingit, sive ut in pluribus, hoc contingit, ut ille qui plantat,
inveniat thesaurum. Et simili modo musicus dicitur esse albus, sed tamen hoc
non est ex necessitate, nec fit ut in pluribus; ideo dicimus hoc per
accidens. Differt autem hoc
exemplum a primo. Nam in primo exemplo sumebatur accidens quantum ad fieri;
in secundo vero quantum ad esse. |
Ensuite quand il dit:
"Accident se dit... ", il distingue, en dernier lieu, le mot
accident et il pose deux sens selon lesquels le mot se dit. Le premier sens
est que l'accident se dit de ce qu’existe dans un être et peut en être affirmé
avec vérité, mais sans nécessité et plutôt rarement. Par exemple si quelqu'un
creuse un trou pour y planter un arbre et trouve un trésor. C'est un accident
pour celui qui creuse un trou que de trouver un trésor. Et le fait de creuser
n’est pas cause de la trouvaille par nécessite, de telle sorte que cette
dernière provienne nécessairement de ce premier. L’un n’accompagne pas
l’autre par nécessité de telle sorte qu'il soit après l’autre, comme le jour
est consécutif à la nuit, quoiqu’en ce dernier cas la nuit n’est pas cause du
jour. Cette découverte qui accompagne une plantation n’est pas d’ailleurs ce
qui arrive le plus fréquemment. Ainsi, on dit encore que le musicien est
blanc: ce qui n’est pas nécessaire ni le plus fréquent. C’est pourquoi nous disons
qu'il est accidentel au musicien d’être blanc. Dans le premier exemple, on
prenait le mot accident quant au devenir; dans le second, quant à l’être. |
Ensuite quand il dit : Accident
s’entend d’une chose, etc., il
distingue, en dernier lieu, le mot « accident » et énonce deux sens
qu’on lui donne. Le premier sens est qu’on appelle accident ce qui existe
dans un être et peut en être affirmé avec vérité, mais pas nécessairement ni
le plus souvent, mais dans peu de cas, par exemple si quelqu’un creuse un
trou pour y planter un arbre et trouve un trésor. C'est donc un accident pour
celui qui creuse un trou que de trouver un trésor. Et l’un n’est pas la cause
de l’autre par nécessité, de sorte qu’il en provienne nécessairement. L’un
n’accompagne pas l’autre par nécessité non plus, de sorte qu’il soit après
l’autre comme le jour fait suite à la nuit même si l’un n’est pas la cause de
l’autre. Il n’arrive pas non plus le plus souvent, ou la plupart du temps,
que celui qui plante trouve un trésor. Pareillement, on dit que le musicien
est blanc, mais ce n’est pas le cas nécessairement, ni la plupart du temps;
c’est pourquoi nous disons que cela arrive par accident. Mais cet exemple
diffère du premier : dans le premier exemple, il s’agissait d’un
accident quant au devenir; dans le second, quant à l’être. |
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[82706] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 22 Quia ergo sicut aliquid inest alicui subiecto
determinate, ita et aliquid consideratur esse alicubi, idest in aliquo
loco determinato, et quandoque, idest in aliquo tempore determinato,
in omnibus contingit inesse per accidens, si non insit secundum quod
huiusmodi. Sicut si album dicitur de musico, hoc est per accidens, quia non
inest musico inquantum huiusmodi. Et similiter si sit abundantia pluviae in aestate,
hoc est per accidens, quia non accidit in aestate inquantum est aestas; et
similiter si grave sit sursum, hoc est per accidens, non enim est in tali
loco secundum quod talis locus est, sed per aliquam causam extraneam. |
Par conséquent, comme certains
êtres existent dans un sujet déterminé, ainsi quelque chose existe dans un
lieu déterminé, dans un temps déterminé: et alors, dans tous ces cas, il y
aura "existence dans" par accident chaque fois que la chose
n’appartiendra pas au lieu, au temps, au sujet, en tant même qu'il est ce
lieu, ou ce temps, ou ce sujet. Ainsi le blanc s’attribue par accident, au
musicien parce qu’il n'appartient pas au musicien en tant que tel. Et
l’abondance de pluie en été est accidentelle, parce qui elle n'appartient pas
à l’été en tant qu’été. Si le lourd monte vers le haut, ce sera accidentel,
parce qu’il ne sera pas dans ce lieu en tant que c’est ce lieu, mais par
quelque cause extrinsèque. |
Par conséquent, comme certains êtres existent dans un sujet
déterminé, ainsi quelque chose est considéré être quelque part, c’est-à-dire dans un lieu déterminé, et en quelque temps, c’est-à-dire dans un
temps déterminé, et dans tous ces cas, il peut y être par accident, s’il n’y
est pas en tant que tel. Ainsi, le blanc s’attribue par accident au musicien
parce qu’il n'appartient pas au musicien en tant que tel. Pareillement,
l’abondance de pluie en été est accidentelle, parce qu’elle ne se produit pas
pendant l’été en tant qu’été; ou encore, si le lourd se trouve en haut, c’est
accidentel, parce qu’il ne s’y trouve pas en tant que c’est ce lieu, mais par
quelque cause extrinsèque. |
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[82707]
Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 23 Et sciendum, quod accidentis hoc modo dicti, non est
aliqua causa determinata, sed contingens, idest qualiscumque
contingat, vel quia forte, idest causa fortuita, quae est causa
indeterminata. Sicut accidit alicui quod veniat Aeginam, idest ad
illam villam, si non propter hoc advenit ut illuc veniat, idest si non
propter hoc incepit moveri ut ad hunc terminum perveniret, sed ab aliqua
extranea causa illuc adductus est, sicut quia impulsus est ab hieme
concitante tempestatem in mari, aut etiam captus est a latronibus, et illuc
perductus praeter intentionem. Unde patet, quod hoc est per accidens, et causari
potest ex diversis causis; sed tamen quod iste navigans ad hunc locum
perveniat non est inquantum ipsum, idest inquantum erat navigans, cum
intenderet ad alium locum navigare; sed hoc contingit inquantum alterum,
idest secundum aliquam aliam causam extraneam. Hiems enim est causa veniendi quo
non navigabat, idest ad Aeginam, aut latrones, aut aliquid aliud
huiusmodi. |
Il faut savoir aussi qu’il n'y a
pas de cause déterminée de l’accident pris dans le sens énoncé précédemment,
il n’y a qu’une cause "contingente", fortuite, qui est une cause
indéterminée. C’est par accident qu’on aborde à Engine, quand on n’est pas
parti avec l’intention d'y aller, quand on y est venu, poussé par la tempête,
ou pris par les pirates. Il est évident que cela est par accident et peut
être causé par diverses causes: que ce navigateur parvienne à ce lieu ce
n'est pas en tant qu'il est navigateur, puisqu’il voulait aborder à un autre
endroit. Cela arrive "en tant qui autre chose", c’est-à-dire par
une autre cause extérieure. C'est la tempête ou les pirates qui sont causes
qu'il ait abordé où il ne voulait pas, c’est-à-dire à Engine. |
Il faut savoir aussi que l’accident pris en ce sens n’a pas une cause
déterminée, mais contingente,
c'est-à-dire n’importe laquelle qui se trouve, ou par chance, c'est-à-dire une cause fortuite, qui est une cause
indéterminée. C’est par accident qu’on vient
à Égine[138], c’est-à-dire à cette ville,
si on n’y est pas arrivé afin d’y
aller, c’est-à-dire si on n’a pas commencé à voyager afin d’arriver à cette
destination, mais qu’on y a été amené par une cause extrinsèque, par exemple
si on y a été poussé par une tempête d’hiver en mer, ou si on a été pris par
des voleurs et qu’on y a été amené contre sa volonté. Il est donc évident que
cela est par accident et peut être produit par diverses causes; mais
pourtant, si tel individu, pendant sa navigation, parvient à tel lieu, ce
n’est pas en tant que tel,
c’est-à-dire en tant qu’il naviguait, puisqu’il avait l’intention de naviguer
vers un autre endroit, mais cela est arrivé en tant qu’autre, c’est-à-dire par une autre cause extérieure. En
effet, c’est l’hiver qui est la cause pour laquelle il est venu à l’endroit vers lequel il ne naviguait pas, c’est-à-dire
à Égine, ou les voleurs, ou une autre cause du genre. |
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[82708] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 24 Secundo modo dicitur accidens, quod inest alicui
secundum se, et tamen non est de substantia eius. Et hic est secundus modus
dicendi per se, ut supra dictum est. Nam primus erat prout secundum se
dicitur de aliquo quod in eius definitione ponitur, ut animal de homine, quod
nullo modo est accidens. Sed triangulo inest per se duos rectos habere, et
non est de substantia eius; unde est accidens. |
Accident s’entend, dans un second
sens, de ce qui existe par soi dans un autre sans être cependant quelque
chose de sa substance. Et cela est le second mode de dire par soi, comme on
l’a montré plus haut. Le premier mode se disait de ce qui s’attribuait du
sujet en tant que faisant partie de sa définition, comme animal de l’homme:
ce qui ne peut être accident en aucune façon. Mais il appartient par soi au
triangle d’avoir deux angles droits, bien que cela ne lui soit pas
substantiel. Ce qui est donc un accident. |
Accident s’entend, dans un second sens, de ce qui existe par soi dans
un autre sans pourtant appartenir à sa substance. Et cela est le second sens
de l’expression « par soi », comme on l’a montré plus haut. Le
premier sens était celui où une chose est attribuée par soi à une autre en
tant que faisant partie de sa définition, comme l’animal à l’homme, ce qui
n’est un accident en aucune façon. Mais il appartient par soi au triangle de
totaliser deux droits, bien que cela n’appartienne pas à sa substance; c’est
donc un accident. |
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[82709] Sententia
Metaphysicae, lib. 5 l. 22 n. 25 Differt autem hic modus a primo, quia accidentia hoc
secundo modo contingit esse sempiterna. Semper enim triangulus habet tres
angulos aequales duobus rectis. Accidentium vero secundum primum modum,
nullum contingit esse sempiternum, quia sunt semper ut in paucioribus: et
huius ratio habetur in aliis, sicut infra in sexto huius, et in secundo
physicorum. Accidens ergo secundum primum modum opponitur ad secundum se.
Accidens vero secundo modo opponitur ad substantialiter. Et haec de quinto. |
Ce mode de l’accident diffère du
premier, parce que les accidents de cette sorte peuvent être éternels. Le
triangle a toujours trois angles égaux à deux droits. Les accidents du
premier mode ne peuvent jamais être éternels, car ils n’existent que dans le
petit nombre de cas. Nous avons la raison de cela dans d’autres livres: dans
le sixième de la métaphysique et
dans le second des Physiques. Ainsi
donc accident selon le premier mode s'oppose à par soi; accident selon le second
mode s’oppose à substance. Ce qui termine le cinquième livre. |
Ce sens diffère du premier, parce que les accidents de cette sorte peuvent être éternels. En effet, le triangle a toujours trois angles égaux à deux droits. Les accidents selon le premier sens ne peuvent jamais être éternels, car ils n’existent que dans le petit nombre de cas. La raison de ce fait est donnée ailleurs, comme au livre VI des Métaphysiques et au livre II des Physiques. Ainsi donc l’accident selon le premier sens s'oppose à « par soi »; l’accident selon le deuxième sens s’oppose à la substance. Ainsi se termine le livre V. |
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Liber 6 |
LIVRE 6 : [L’étude de
l’être]
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RESUME DU LIVRE - LA
METHODE DANS L'ETUDE DE L’ETRE, QUI CONVIENT A LA PHILOSOPHIE PREMIERE. DES
DIFFERENTS SENS QUE L'ON ATTRIBUE HABITUELLEMENT A L’ETRE, QUI
N’APPARTIENNENT PAS A L’ETUDE DE CETTE SCIENCE. |
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Leçon 1, Texte d’Aristote
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Division des sciences
théorétiques, et prééminence de la Théologie. Les principes et les causes des
êtres sont l’objet de notre investigation, mais il s’agit évidemment des
êtres en tant qu’êtres. Il y a, en effet, une cause de la santé et du
bien-être ; les objets des mathématiques ont aussi des principes, des
éléments et des causes ; et, d’une manière générale, toute science
discursive, ou participante du raisonnement en quelque point, traite de
causes et de principes plus ou moins rigoureux. Mais toutes ces sciences,
concentrant leur effort sur un objet déterminé, sur un genre déterminé,
s’occupent de cet objet, et non pas de l’être pris absolument, ni en tant
qu’être, et elles n’apportent aucune preuve de l’essence. Mais, prenant cette
essence pour point de départ, les unes la font accessibles aux sens, et les
autres la posent comme hypothèse ; puis elles démontrent alors, avec
plus ou moins de force, les propriétés essentielles du genre qu’elles ont
pour objet. Par suite, il est manifeste que ce n’est pas une démonstration de
la substance ou de l’essence qui peut sortir d’une telle induction, mais un
autre mode de connaissance. Pareillement, ces sciences ne disent rien non
plus de l’existence ou de la non-existence du genre dont elles traitent,
parce que c’est à la même opération de l’esprit qu’il appartient de faire
voir clairement, à la fois l’essence et l’existence de la chose. La physique, étant elle aussi en
fait la science d’un genre d’être déterminé (à savoir, de cette sorte de
substance qui possède en elle le principe de son mouvement et de son repos),
il est évident qu’elle n’est ni une science pratique, ni une science
poétique. En effet, d’une part, le principe de toute production réside dans
l’artiste : c’est ou l’esprit, ou l’art, ou une capacité
quelconque ; et d’autre part, le principe de toute pratique réside dans
l’agent : c’est le choix délibéré, car il y a identité entre l’objet de
l’action et celui du choix. Par conséquent, toute pensée étant ou pratique ou
poétique ou théorétique, la Physique ne saurait être qu’une science
théorétique, mais théorétique de cette sorte d’être qui est susceptible de
mouvement, et théorétique de la substance, et, le plus souvent, de la
substance formelle mais non séparée de la matière. On ne doit pas perdre de
vue le mode d’existence de la quiddité et de la définition, car, sans cette
connaissance, toute recherche demeure vaine. Or les choses définies et les
essences se présentent, les unes comme le camus, les autres comme le concave,
et leur différence consiste en ce que le camus a été pris dans son union avec
la matière car le camus est le nez concave tandis que la concavité est
indépendante d’une matière sensible. Si alors toutes les méthodes naturelles
sont du même type que le camus, par exemple le nez, 1’œil, le visage, la
chair, l’os, et en général l’animal, et aussi la feuille, la racine,
l'écorce, et, en général, la plante (car aucune de ces choses ne peut être
définie sans le mouvement, et elles ont toujours une matière) on voit de
quelle façon il faut dans les êtres naturels, rechercher et définir
1’essence; et c’est pourquoi aussi il appartient au physicien de spéculer sur
cette sorte d’âme qui n’existe pas indépendamment de la matière. Que la Physique soit ainsi une
science Théorétique, ce qui précède le fait voir clairement. La Mathématique
aussi est théorétique; mais qui elle soit la science d’êtres immobiles et
séparés, C’est, pour le moment, loin d’être évident; ce qui est tout au moins
évident, c’est que certaines branches des mathématiques étudient ces êtres en
tant qui immobiles et en tant que séparés. Mais il existe quelque chose
d'éternel, d’immobile et de séparé, c’est manifestement à une science
théorétique qui en appartient la connaissance. Toutefois cette science n'est
du moins ni la Physique (car la Physique a pour objet l’une et à l’autre, La
Physique, en effet, étudie des êtres séparés, mais non mobiles, et quelques
branches des mathématiques étudient des êtres, immobiles il est vrai, mais
probablement inséparables de la matière, et comme engages en elle ;
tandis que la science première a pour objet des êtres à la fois séparés
immobiles, Mais toutes 1es premières causes sont nécessairement éternelles,
et surtout les causes immobiles et séparées, car elles sont les causes de ce
qui, parmi les choses divines, tombe sous les sens. Par conséquent, il y aura
trois philosophies théorétiques: la mathématique, la Physique et la
Théologie. "Je l'appelle Théologie" : il n’est pas douteux, en
effet, que si le divin est présent quelque part, il est présent dans cette
nature immobile et séparée, et que la science la plus haute doit avoir pour
objet le genre le plus élevé, Ainsi, les sciences théorétiques sont estimées
les plus hautes des sciences, et la théologie la plus haute des sciences
théorétiques. On pourrait, en effet, se demander si 1a philosophie première
est universelle, ou si elle traite d’un genre particulier et d’une réalité
singulière, suivant une distinction qui se rencontre dans les sciences
mathématiques, ou la Géométrie et 1’Astronomie ont pour objet un genre
particulier de la quantité, tandis que la Mathématique générale étudie toutes
les quantités en général. A cela nous répondons que s’il n’y avait pas
d’autre substance que celles qui sont constituées par la nature, la Physique
serait la Science première. Mais s'il existe une substance immobile, la
science de cette substance doit être antérieure et doit être la Philosophie
première; et elle est universelle de cette façon, parce que première. Et ce
sera à elle de considérer l'Etre en tant qu’être, c'est-à-dire à la fois son
essence et les attributs qui lui appartiennent en tant qu’être. |
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Lectio 1 |
Leçon 1, Commentaire de
saint Thomas [La méthode dans l’étude de l’être] (Traduction Abbé Dandenault,
v. 1960)
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IL EXPOSE QUELLE EST
LA METHODE DE TRAITER DE L’ETRE EN TANT QU’ETRE ET QUELLE EST LA DIFFERENCE
ENTRE CETTE SCIENCE ET LES AUTRES. |
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[82710] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 1 Postquam philosophus in quarto huius ostendit, quod haec
scientia considerat de ente et de uno, et de his quae consequuntur ad ens
inquantum huiusmodi, et quod omnia ista dicuntur multipliciter, et in quinto
huius eorum multiplicitatem distinxit, hic incipit de ente determinare, et de
aliis quae consequuntur ad ens. Dividitur autem pars ista in duas. In prima
ostendit per quem modum haec scientia debet determinare de ente. In secunda
incipit de ente determinare, scilicet in principio septimi, ibi, ens dicitur
multipliciter. Prima pars dividitur in duas. In prima ostendit modum
tractandi de entibus, qui competit huic scientiae per differentiam ad alias
scientias. In secunda removet a consideratione huius scientiae ens aliquibus
modis dictum, secundum quos modos ens non intenditur principaliter in hac
scientia, ibi, sed quoniam ens simpliciter. Prima autem pars dividitur in
duas. In prima parte ostendit differentiam huius scientiae ad alias, per hoc,
quod considerat principia entis inquantum est ens. Secundo, quantum ad modum
tractandi de huiusmodi principiis, ibi, quoniam vero physica. Circa primum
duo facit. |
Dans le quatrième livre, le
Philosophe a montré que cette science considère l’être et l’un, et les
propriétés de l’être comme tel, et que toutes ces choses se disent de
multiples façons; dans le cinquième livre, il a distingué les sens multiples
des choses étudiées. Ici, il commence à traiter de l'être et de ce qui est
consécutif à l’être. Cette partie se divise en deux. Dans la première, il
montre la méthode selon laquelle cette science doit traiter de l'être. Dans
la seconde partie, au début du septième livre, il commence son étude de
l’être, où il dit: "L'être se prend en de multiples sens, etc. " La
première partie se subdivise elle-même en deux. Dans la première, il montre
la méthode propre à cette science dans l’étude des êtres, en insistant sur ce
qui la différencie des méthodes des autres sciences. Dans la seconde partie,
il exclut de l’étude de cette science certains sens de l’être qui n’entrent
pas principalement dans l’étude de l’être qu’elle poursuit, où. il dit:
"L'être proprement dit, etc. " (lec. II) Dans la première partie où
il veut comparer la manière propre d’étudier l’être de la philosophie
première et celle des autres sciences, il travaille sur deux points. Il
montre l’originalité de cette science par rapport aux autres: premièrement,
du fait qu’elle considère les principes de l’être en tant qu’être;
deuxièmement, d’après sa manière de traiter des principes de cette sorte, où
il dit: "La Physique, étant, elle aussi, etc.". Il traite son premier
point en deux parties. |
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[82711]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 2 Primo ostendit quomodo haec scientia convenit cum
aliis in consideratione principiorum; dicens, quod ex quo ens est subiectum in
huiusmodi scientia, ut in quarto ostensum est, et quaelibet scientia debet
inquirere principia et causas, sui subiecti, quae sunt eius inquantum
huiusmodi, oportet quod in ista scientia inquirantur principia et causae
entium, inquantum sunt entia. Ita etiam est et in aliis scientiis. Nam
sanitatis et convalescentiae est aliqua causa, quam quaerit medicus. Et
similiter etiam mathematicorum sunt principia et elementa et causae, ut
figurae et numeri et aliarum huiusmodi quae perquirit mathematicus. Et universaliter
omnis scientia intellectualis qualitercumque participet intellectum: sive sit
solum circa intelligibilia, sicut scientia divina; sive sit circa ea quae
sunt aliquo modo imaginabilia, vel sensibilia in particulari, in universali
autem intelligibilia, et etiam sensibilia prout de his est scientia, sicut in
mathematica et in naturali; sive etiam ex universalibus principiis ad
particularia procedant, in quibus est operatio, sicut in scientiis practicis:
semper oportet quod talis scientia sit circa causas et principia. |
Il montre tout d’abord la
similitude entre cette science et les autres dans la considération des
principes en disant que, du fait que le sujet de cette science est l’être,
comme on l’a montré dans le quatrième livre, et que toute science doit
rechercher les principes et les causes de son sujet, qui sont causes et
principes de ce sujet en tant que tel, il faut, dans cette science,
rechercher les principes et les causes des êtres en tant qu’ils sont êtres.
Telle est aussi la besogne des autres sciences. Il y a une cause de la santé
et de la convalescence que recherche le médecin. Et, pareillement, les
mathématiques ont des principes et des éléments et des causes, comme ceux de
la figure et du nombre et des autres quantités de la sorte, que recherche le
mathématicien. Et, universellement, toute science intellectuelle participe de
l’intelligence de quelque manière: qu’elle ne porte que sur les êtres
intelligibles, comme la science divine; qu'elle porte sur les êtres qui sont
d’une certaine façon imaginables, ou sensibles dans leur singularité mais
intelligible comme universels, et même sur des êtres sensibles en tant qu'ils
sont sujets de science, comme dans la science mathématique ou naturelle; que
ces sciences procèdent des principes universels vers le particulier, ou se
trouve l'opération, comme dans le cas des sciences pratiques: toujours
faut-il qu’une science de la sorte porte sur les causes et les principes. |
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[82712] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 3 Quae quidem principia aut sunt certiora quo ad nos
sicut in naturalibus, quia sunt propinquiora sensibilibus, aut simpliciora et
priora secundum naturam, sicut est in mathematicis. Cognitiones autem quae
sunt sensitivae tantum, non sunt per principia et causas, sed per hoc quod
ipsum sensibile obiicitur sensui. Discurrere enim a causis in causata vel e
contrario, non est sensus, sed solum intellectus. Vel certiora principia
dicit ea quae sunt magis nota et exquisita. Simplicia autem ea, quae magis
superficialiter exquiruntur, sicut est in scientiis moralibus, quorum
principia sumuntur ex his quae sunt ut in pluribus. |
Ces principes sont ou plus
certains pour nous, comme dans le cas des sciences naturelles, parce qu’ils
sont plus proches de ce qui est sensible, ou plus simples et premiers selon
la nature, comme il arrive dans les mathématiques. Les connaissances qui ne
sont que sensibles ne se font pas par les principes et les causes, mais par
le fait que le sensible lui-même est présent au sens. Discourir des causes
aux causés ou en sens inverse n'appartient pas au sens, mais uniquement à
l'intelligence. Ou bien Aristote dit que les principes plus certains sont
ceux qui sont plus connus et mieux examinés tandis que Les principes simples
sont ceux qui sont cernés de façon superficielle, comme il arrive dans les
sciences morales, dont les principes sont tirés de ce qui arrive le plus
fréquemment. |
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[82713]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 4 Secundum ibi, sed et omnes ostendit differentiam
aliarum scientiarum ad istam quantum ad considerationem principiorum et
causarum; dicens, quod omnes istae scientiae particulares, de quibus nunc
facta est mentio, sunt circa unum aliquod particulare genus entis, sicut
circa numerum vel magnitudinem, aut aliquid huiusmodi. Et tractat unaquaeque
circumscripte de suo genere subiecto, idest ita de isto genere, quod
non de alio: sicut scientia quae tractat de numero, non tractat de
magnitudine. Nulla enim earum determinat de ente simpliciter, idest de
ente in communi, nec etiam de aliquo particulari ente inquantum est ens.
Sicut arithmetica non determinat de numero inquantum est ens, sed inquantum
est numerus. De quolibet enim ente inquantum est ens, proprium est
metaphysici considerare. |
En second, où il dit: "Mais
toutes ces sciences ... ", il montre la différence entre les autres
sciences et celle-ci par rapport à la considération des principes et des
causes. Toutes les sciences particulières, dont on vient de faire mention,
portent sur un genre particulier d'être, comme sur le nombre ou la grandeur,
ou quelque genre semblable à ceux- là. Et chacune de ces sciences traite de
son genre-sujet de façon circonscriptive, c’est-à-dire traite d'un genre de
telle sorte qu'elle ne touche pas à un autre genre: ainsi la science du
nombre ne traite pas de la grandeur. Aucune de ces sciences ne traite de
l'être de façon absolue, c'est-à-dire de l'être en général, ni même d'un être
particulier en tant qu’il est être. Ainsi la mathématique n'étudie pas
scientifiquement le nombre en tant qu'il est être, mais en tant qu'il est
nombre. C'est le propre de la métaphysique, en effet, de considérer tout être
en tant qu'il est être. |
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[82714] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 5 Et, quia eiusdem est considerare de ente inquantum est
ens, et de eo quod quid est, idest de quidditate rei, quia unumquodque
habet esse per suam quidditatem, ideo etiam aliae scientiae particulares nullam
mentionem, idest determinationem faciunt de eo quod quid est,
idest de quidditate rei, et de definitione, quae ipsam significat. Sed ex
hoc, idest ex ipso quod quid est ad alia procedunt, utentes eo quasi
demonstrato principio ad alia probanda. |
Et puisqu'il appartient à la même
science de considérer l'être en tant qu'être et de considérer le "ce qu'est", c'est-à-dire la
quiddité de la chose, parce que toute chose a son existence par sa quiddité,
c'est pourquoi aussi les autres sciences particulières ne font aucune
mention, c'est-à-dire ne déterminent pas la quiddité de la chose ni la
définition qui signifie cette quiddité, Mais elles partent de cette même
quiddité pour démontrer autre chose, s’en servant comme d'un principe quasi
démontré pour prouver le reste. |
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[82715]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 6 Ipsum autem quod quid est sui subiecti aliae
scientiae faciunt esse manifestum per sensum; sicut scientia, quae est de
animalibus, accipit quid est animal per id quod apparet sensui, idest
per sensum et motum, quibus animal a non animali discernitur. Aliae vero
scientiae accipiunt quod quid est sui subiecti, per suppositionem ab aliqua
alia scientia, sicut geometria accipit quid est magnitudo a philosopho primo.
Et sic ex ipso quod quid est noto per sensum vel per suppositionem,
demonstrant scientiae proprias passiones, quae secundum se insunt generi
subiecto, circa quod sunt. Nam definitio est medium in demonstratione propter
quid. Modus autem demonstrationis est diversus; quia quaedam demonstrant
magis necessarie, sicut mathematicae scientiae, quaedam vero infirmius,
idest non de necessitate; sicut scientiae naturales, in quibus multae
demonstrationes sumuntur ex his quae non semper insunt, sed frequenter. |
Le ce qu'est, l'essence, de leur sujet, certaines sciences le
rendent manifeste par le sens, comme la zoologie admet ce qu’est l'animal par
ce qui est évident au sens, c'est-à-dire par le sens et le mouvement, grâce
auxquels on distingue l'animal de ce qui ne l’est pas. D'autres sciences
acceptent l'essence de leur sujet d'une autre science par hypothèse, comme la
géométrie reçoit l’essence de la grandeur du premier philosophe. Et ainsi, à
partir de la quiddité elle-même connue par le sens ou par supposition
(hypothèse), ces sciences démontrent les propriétés qui existent par
elles-mêmes dans le genre sujet, sur lequel elles portent. La définition en
effet est le moyen terme dans la démonstration propter quid. Le mode de la démonstration cependant varie:
certaines sciences, comme les mathématiques. démontrent avec plus de nécessité;
certaines autres avec moins de fermeté, c'est-à-dire sans nécessité, comme
les sciences naturelles où plusieurs démonstrations ne sont pas prises des
"propriétés" qui existent toujours dans le sujet, mais fréquemment. |
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[82716] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 7 Alia translatio habet loco suppositionis,
conditionem. Et est idem sensus.
Nam quod supponitur, quasi ex conditione accipitur: et quia principium
demonstrationis est definitio, palam est ex tali inductione, quod demonstratio
non est de substantia rei, idest de essentia eius; nec de definitione,
quae significat quid est res; sed est aliquis alius modus, quo definitiones
ostenduntur; scilicet divisione, et aliis modis, qui ponuntur in secundo
posteriorum. |
Une autre traduction a, à la place
du mot hypothèse, le mot condition. Ce qui donne le même sens. Car ce qui est
supposé est presque reçu sous condition. Et parce que le principe de la
démonstration est la définition, il est clair qu'à partir d'une telle
"induction" la démonstration ne porte pas sur l'essence de la
chose, ni sur la définition qui signifie ce qu’est la chose. Les définitions
sont manifestées par quelque autre manière: par la division ou par les autres
manières qui sont énumérées dans le deuxième livre des Seconds Analytiques. |
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[82717]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 8 Et sicut nulla scientia particularis determinat quod
quid est, ita etiam nulla earum dicit de genere subiecto, circa quod
versatur, est, aut non est. Et hoc rationabiliter accidit; quia eiusdem
scientiae est determinare quaestionem an est, et manifestare quid est.
Oportet enim quod quid est accipere ut medium ad ostendendum an est. Et
utraque est consideratio philosophi, qui considerat ens inquantum ens. Et
ideo quaelibet scientia particularis supponit de subiecto suo, quia est, et
quid est, ut dicitur in primo posteriorum; et hoc est signum, quod nulla
scientia particularis determinat de ente simpliciter, nec de aliquo ente
inquantum est ens. |
Et comme aucune science
particulière ne traite de l'essence de son sujet, ainsi aucune d’elles ne dit
si son genre sujet, sur lequel elle porte, est ou n’est pas. Ce qui a du
sens: il appartient à la même science de répondre scientifiquement à la question
"an est" et de manifester
l'essence. Il faut en effet prendre le "quod
quid est" comme moyen pour montrer le "an est". Et cette double fonction appartient au
philosophe qui considère l'être en tant qu'être. C'est ainsi que toute
science particulière présuppose à propos de son sujet et qu’il existe et ce
qu’il est, comme on le dit dans le premier livre des Seconds Analytiques. Et voilà un signe qui montre que
nulle science particulière n’étudie l'être de façon absolue, ni un être en
tant qu'il est être. |
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[82718] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 9 Deinde cum dicit quoniam vero ostendit differentiam
huius scientiae ad alias, quantum ad modum considerandi principia entis
inquantum est ens. Et quia ab antiquis scientia naturalis credebatur esse
prima scientia, et quae consideraret ens inquantum est ens, ideo ab ea, quasi
a manifestiori incipiens, primo ostendit differentiam scientiae naturalis a
scientiis practicis. Secundo differentiam eius a scientiis speculativis, in
quo ostenditur modus proprius considerationis huius scientiae, ibi, oportet
autem quod quid erat esse. Dicit ergo primo, quod scientia naturalis non est
circa ens simpliciter, sed circa quoddam genus entis; scilicet circa
substantiam naturalem, quae habet in se principium motus et quietis: et ex
hoc apparet quod neque est activa, neque factiva. Differunt enim agere et
facere: nam agere est secundum operationem manentem in ipso agente, sicut est
eligere, intelligere et huiusmodi: unde scientiae activae dicuntur scientiae
morales. Facere autem est secundum operationem, quae transit exterius ad
materiae transmutationem, sicut secare, urere, et huiusmodi: unde scientiae
factivae dicuntur artes mechanicae. |
Ensuite quand il dit: "La
physique étant ... " Il montre ce qui distingue cette science des autres
quant à la méthode de considérer les principes de l’être en tant qu’être.
Parce que les premiers philosophes croyaient que la science de la nature
était la première science qui devait considérer l’être entant qu’être, il
commence par elle, comme par un cas plus connu. Il montre en premier lieu la
différence entre la science naturelle et les sciences pratiques. En second,
il manifeste comment elle se distingue des autres sciences spéculatives:
c'est ici que se manifestera la manière propre de considérer de notre
science. Il dit tout d’abord que la science de la nature ne porte pas sur
l’être pris absolument, mais sur un certain genre d’être: à savoir, la
substance naturelle qui a en elle-même le principe de son mouvement et de son
repos. De là, il apparaît qu’elle n’est ni active (action morale), ni factive
(faire artisanal). L’agir et le faire en effet diffèrent: l'agir se prend de
l’opération qui demeure dans le sujet, comme choisir, intelliger, et les
autres opérations du même genre: d’où on appelle les sciences actives,
sciences morales. Le faire, lui, se prend d’après l'opération qui passe à
l'extérieur pour transformer la matière, comme couper, brûler, etc. C'est
pourquoi on dit que les sciences factives sont les arts mécaniques. |
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[82719] Sententia Metaphysicae,
lib. 6 l. 1 n. 10 Quod
autem scientia naturalis non sit factiva, patet; quia principium scientiarum
factivarum est in faciente, non in facto, quod est artificiatum; sed principium
motus rerum naturalium est in ipsis rebus naturalibus. Hoc autem principium
rerum artificialium, quod est in faciente, est primo intellectus, qui primo
artem adinvenit; et secundo ars, quae est habitus intellectus; et tertio
aliqua potentia exequens, sicut potentia motiva, per quam artifex exequitur
conceptionem artis. Unde patet, quod scientia naturalis non est factiva. |
Que la science naturelle ne soit
pas factive, cela est évident du fait que le principe des sciences factives
est dans l’artisan, non dans l'œuvre, qui est artificielle. Or, le principe
du mouvement des choses naturelles est dans les choses naturelles
elles-mêmes. Ce principe des choses artificielles, qui est dans l’artisan,
est tout d'abord l’intelligence qui, la première, découvre l'art; en second,
c'est l'art, qui est un habitus intellectuel; en troisième, c’est une
certaine puissance exécutive, comme la puissance motrice par laquelle
l’artisan exécute la conception de l'art. Il est donc clair que la science
naturelle n’est pas factive. |
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[82720] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 11 Et per eamdem rationem patet quod non est activa.
Nam principium activarum scientiarum est in agente, non in ipsis actionibus,
sive moribus. Hoc autem principium est prohaeresis, idest electio.
Idem enim est agibile et eligibile. Sic ergo patet, quod naturalis scientia
non sit activa neque factiva. |
La même raison manifeste qu’elle
n’est pas active, car le principe des sciences actives est dans l'agent, non dans
les actions elles-mêmes, ou les mœurs. Et ce principe est la "pro hœresis", c’est-à-dire
l’élection. L’opérable et l’éligible sont an effet identiques. Ainsi donc il
appert que la science naturelle ni est ni active ni factive. |
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[82721]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 12 Si igitur omnis scientia est aut activa, aut
factiva, aut theorica, sequitur quod naturalis scientia theorica sit. Ita
tamen est theorica, idest speculativa circa determinatum genus entis,
quod scilicet est possibile moveri. Ens enim mobile est subiectum naturalis
philosophiae. Et est solum circa talem substantiam, idest quidditatem
et essentiam rei, quae secundum rationem non est separabilis a materia, ut in
pluribus; et hoc dicit propter intellectum, qui aliquo modo cadit sub
consideratione naturalis philosophiae, et tamen substantia eius est
separabilis. Sic patet, quod naturalis scientia est circa determinatum
subiectum, quod est ens mobile; et habet determinatum modum definiendi,
scilicet cum materia. |
Si donc toute science est soit
active, soit factive, soit théorétique, il s’ensuit que la science naturelle
soit théorétique. Elle est théorétique ou spéculative mais en portant sur un
genre déterminé d’être, à savoir qui est susceptible de mouvement. L’être
mobile est en effet le sujet de la philosophie de la nature, Cette dernière
ne porte que sur une telle substance, c’est-à-dire sur la quiddité et
l'essence de la chose dont la définition n'est pas séparable de la matière,
la plupart du temps. Cette dernière restriction est posée à cause de
l’intelligence; qui tombe d'une certaine manière sous la considération de la
philosophie naturelle, alors que pourtant, sa substance est séparable. Ainsi
il est manifeste que la science naturelle porte sur un sujet détermina, qui est
l’être mobile, et qu’elle a un mode de définir déterminé, à savoir avec
matière. |
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[82722] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 13 Deinde cum dicit oportet autem hic ostendit differentiam
naturalis scientiae ad alias speculativas quantum ad modum definiendi: et
circa hoc duo facit. Primo
ostendit differentiam praedictam. Secundo concludit numerum scientiarum
theoricarum, ibi quare. Circa primum tria facit. Primo ostendit modum proprium
definiendi naturalis philosophiae; dicens, quod ad cognoscendum differentiam
scientiarum speculativarum adinvicem, oportet non latere quidditatem rei, et rationem
idest definitionem significantem ipsam, quomodo est assignanda in unaquaque
scientia. Quaerere enim differentiam praedictam sine hoc, idest sine
cognitione modi definiendi, nihil facere est. Cum enim definitio sit medium
demonstrationis, et per consequens principium sciendi, oportet quod ad
diversum modum definiendi, sequatur diversitas in scientiis speculativis. |
Il montre maintenant comment se
distingue la science de la nature des autres sciences spéculatives par
rapport au mode de définir. Là-dessus il faut deux choses. Tout d’abord, il
montre cette différence puis, en second, il en déduit le nombre des sciences
théorétiques. Son premier point se subdivise en trois. En premier, il montre
le mode propre de définir de la philosophie naturelle en disant que, pour
connaître la différence des sciences spéculatives entre elles, il faut dévoiler
la quiddité de la chose et la définition qui la signifie, montrer comment on
doit définir dans chacune des sciences. Rechercher la différence entre les
sciences spéculatives sans connaître le mode de définir est complètement
inutile. Puisque la définition est, en effet, le moyen terme de la
démonstration et, par conséquent, le principe de la science, il faut que la
diversité dans les sciences spéculatives soit consécutive aux divers modes de
definir. |
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[82723]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 14 Sciendum est autem, quod eorum quae diffiniuntur,
quaedam definiuntur sicut definitur simum, quaedam sicut definitur concavum;
et haec duo differunt, quia definitio simi est accepta cum materia sensibili.
Simum enim nihil aliud est quam nasus curvus vel concavus. Sed concavitas
definitur sine materia sensibili. Non enim ponitur in definitione concavi vel
curvi aliquod corpus sensibile, ut ignis aut aqua, aut aliquod corpus
huiusmodi. Dicitur enim concavum, cuius medium exit ab extremis. |
Or, il faut savoir que parmi les
êtres définissables, les uns se définissent comme le camus, d’autres, comme
le concave. Il y a grande différence entre les deux, parce que la définition
du camus se fait avec matière sensible. Le camus, en effet, n'est rien
d’autre qu'un nez courbe ou concave. Le concave, lui, se définit sans matière
sensible : on ne pose pas dans la définition du concave ou du courbe
quelque corps sensible, comme le feu ou l'eau. On appelle concave, en effet,
ce dont le milieu est hors des extrémités. |
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[82724] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 15 Omnia autem naturalia simili modo definiuntur sicut
simum, ut patet in partibus animalis tam dissimilibus, ut sunt nasus, oculus et
facies, quam similibus, ut sunt caro et os; et etiam in toto animali. Et
similiter in partibus plantarum quae sunt folium, radix et cortex; et
similiter in tota planta. Nullius enim praedictorum definitio potest
assignari sine motu: sed quodlibet eorum habet materiam sensibilem in sui
definitione, et per consequens motum. Nam cuilibet materiae sensibili
competit motus proprius. In definitione enim carnis et ossis, oportet quod
ponatur calidum et frigidum aliquo modo contemperatum; et similiter in aliis.
Et ex hoc palam est quis est modus inquirendi quidditatem rerum naturalium,
et definiendi in scientia naturali, quia scilicet cum materia sensibili. |
Or, tous les êtres naturels se
définissent de la même manière que le camus, comme on le voit aussi bien dans
les parties de l'animal aussi dissemblables que le nez, l’œil et la face, que
dans les parties semblables comme sont la chair et l'os. C’est d'ailleurs la
même chose dans tout l'animal. Et pareillement, ce mode de définir se
retrouve dans les parties des plantes que sont la feuille, la racine et
l'écorce. Ainsi en est-il pour toute la plante, En effet, aucune définition
de ces choses ne peut être donnée sans mouvement, mais chacune possède dans
sa définition la matière sensible et par conséquent, le mouvement. A chaque
matière sensible convient son mouvement propre. En effet, dans la définition
de la chair et de l’os, il faut poser le chaud et le froid tempérés de
quelque manière. Et de là on voit clairement quel est le mode de rechercher
la quiddité des choses naturelles et le mode de définir dans la science de la
nature: avec matière sensible. |
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[82725]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 16 Et propter hoc etiam de anima, quaedam speculatur
naturalis, quaecumque scilicet non definitur sine materia sensibili. Dicitur
enim in secundo de anima, quod anima est actus primus corporis physici
organici potentia vitam habentis. Anima autem secundum quod non est actus
talis corporis non pertinet ad considerationem naturalis, si qua anima potest
a corpore separari. Manifestum est ergo ex praedictis quod physica est
quaedam scientia theorica, et quod habet determinatum modum definiendi. |
A cause de ce mode de définir, le
philosophe de la nature peut spéculer au moins sar un certain nombre de questions
qui concernent l'âme: sur tout ce qui ne se définit pas sans matière
sensible. On dit, en effet, dans le second livre de l'Ame, que l'âme est acte premier d'un corps physique
organique ayant la vie en puissance. L'âme cependant, en tant qu'elle n'est
pas l'acte d'un tel corps ne tombe pas sous le regard du philosophe de la
nature. Ainsi en est-il si une telle âme peut exister séparée du corps. Il
est donc manifeste que la "physique" est une science théorique et
qu’elle a un mode déterminé de définir. |
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[82726] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 17 Secundo ibi, sed est et mathematica ostendit modum
proprium mathematicae; dicens quod etiam mathematica est quaedam scientia
theorica. Constat enim, quod neque est activa, neque factiva; cum mathematica
consideret ea quae sunt sine motu, sine quo actio et factio esse non possunt.
Sed utrum illa de quibus considerat mathematica scientia, sint mobilia et
separabilia a materia secundum suum esse, adhuc non est manifestum. Quidam
enim posuerunt numeros et magnitudines et alia mathematica esse separata et
media inter species et sensibilia, scilicet Platonici, ut in primo et tertio
libro habitum est; cuius quaestionis veritas nondum est ab eo perfecte
determinata; determinabitur autem infra. |
Il montre le mode propre de la
mathématique en disant que la mathématique aussi est une science théorique.
On peut facilement se rendre compte qu’elle n’est ni active ni factive,
puisqu’elle considère ce qui est sans mouvement; or, l’action et la faction
ne peuvent exister sans mouvement. Cependant, il n’est pas encore manifeste
si les choses que considère la mathématique sont mobiles et séparables de la
matière selon leur existence. Car certains ont affirmé que les nombres et les
grandeurs et les autres êtres mathématiques étaient séparés et intermédiaires
entre les espèces et les sensibles. Ce sont les Platoniciens qui soutenaient
cette opinion, comme on l’a vu dans le premier et le troisième livre. La
vraie réponse à ce problème n’a pas encore été parfaitement élaborée. Elle
viendra plus tard. |
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[82727]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 18 Sed tamen hoc est manifestum, quod scientia
mathematica speculatur quaedam inquantum sunt immobilia et inquantum sunt separata
a materia sensibili, licet secundum esse non sint immobilia vel separabilia. Ratio enim eorum est sine materia sensibili, sicut
ratio concavi vel curvi. In hoc ergo differt mathematica a physica, quia
physica considerat ea quorum definitiones sunt cum materia sensibili. Et ideo
considerat non separata, inquantum sunt non separata. Mathematica vero
considerat ea, quorum definitiones sunt sine materia sensibili. Et ideo, etsi
sunt non separata ea quae considerat, tamen considerat ea inquantum sunt separata. |
Cependant, ce qu'il y a de
manifeste, c’est que la science mathématique spécule sur un certain nombre de
choses en tant qu’elles sont séparées de la matière sensible, bien qu’elles
ne soient pas immobiles et séparables selon l’existence, Leur définition, en
effet, est sans matière sensible, comme la définition du concave et du
courbe. C’est donc sous ce rapport que diffèrent la mathématique et la
physique, cette dernière ne s’occupe que des êtres dont la définition
comprend la matière sensible. C’est pourquoi, elle considère les choses non
séparés en tant même qu’elles ne le sont pas. La mathématique, au contraire,
considère les êtres dont la définition est sans matière sensible. C’est
pourquoi, même si ce qu’elle considère n’est pas effectivement séparé, elle
le considère en tant que séparé. |
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[82728] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 19 Tertio ibi, si vero est ostendit modum proprium
scientiae huius; dicens quod, si est aliquid immobile secundum esse, et per
consequens sempiternum et separabile a materia secundum esse, palam est, quod
eius consideratio est theoricae scientiae, non activae vel factivae, quarum
consideratio est circa aliquos motus. Et tamen consideratio talis entis non
est physica. Nam physica considerat de quibusdam entibus, scilicet de
mobilibus. Et similiter consideratio huius entis non est mathematica; quia
mathematica non considerat separabilia secundum esse, sed secundum rationem,
ut dictum est. Sed oportet quod consideratio huius entis sit alterius
scientiae prioris ambabus praedictis, scilicet physica et mathematica. |
Il montre le mode propre de cette
science en disant que s’il existe quelque chose d'immobile dans son existence
et, par conséquent, d’éternel et de séparable de la matière selon
l'existence, il est clair que sa considération appartient à une science
spéculative, non active ou factive: la considération de ces deux dernières
porte sur quelque mouvement. Et pourtant la considération d'untel être ne
relève pas de la science de la nature. Car la science de la nature considère
les êtres mobiles, Et, pareillement la considération de cet être n'est pas du
ressort de la mathématique: cette dernière ne considère pas les êtres
séparables selon l'existence, mais selon la définition. Mais il faut que la
considération de cet être relève d’une autre science antérieure aux deux
autres, à savoir la physique et la mathématique. |
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[82729]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 20 Physica enim est circa inseparabilia et mobilia, et mathematica
quaedam circa immobilia, quae tamen non sunt separata a materia secundum
esse, sed solum secundum rationem, secundum vero esse sunt in materia
sensibili. Dicit autem forsan, quia haec veritas nondum est determinata.
Dicit autem quasdam mathematicas esse circa immobilia, sicut geometriam et
arithmeticam; quia quaedam scientiae mathematicae applicantur ad motum sicut
astrologia. Sed prima scientia est circa separabilia secundum esse, et quae
sunt omnino immobilia. |
La physique, en effet, porte sur
des réalités inséparables et mobiles, certaines parties des mathématiques
portent sur des réalités immobiles, qui ne sont pas cependant séparées de la
matière dans leur existence, mais uniquement selon la raison. Selon leur
existence réelle, elles sont dans la matière sensible. Aristote ajoute le mot
"peut-être" parce que cela n’a pas encore été prouvé. Il dit aussi
que certaines mathématiques portent sur des êtres immobiles, comme la
géométrie et l’arithmétique. C’est que certaines sciences mathématiques sont
appliquées au mouvement, comme l’astrologie par exemple. Mais la première
science porte sur les êtres séparables dans leur existence, et qui sont tout
à fait immobiles. |
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[82730] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 21 Necesse vero est communes causas esse sempiternas.
Primas enim causas entium generativorum oportet esse ingenitas, ne generatio
in infinitum procedat; et maxime has, quae sunt omnino immobiles et
immateriales. Hae namque causae immateriales et immobiles sunt causae
sensibilibus manifestis nobis, quia sunt maxime entia, et per consequens
causae aliorum, ut in secundo libro ostensum est. Et per hoc patet, quod
scientia quae huiusmodi entia pertractat, prima est inter omnes, et
considerat communes causas omnium entium. Unde sunt causae entium secundum quod sunt entia,
quae inquiruntur in prima philosophia, ut in primo proposuit. Ex hoc autem apparet manifeste falsitas opinionis
illorum, qui posuerunt Aristotelem sensisse, quod Deus non sit causa
substantiae caeli, sed solum motus eius. |
Il est nécessaire, en effet, que
les causes universelles soient sempiternelles. Il faut que les causes
premières des êtres engendrés soient elles-mêmes inengendrées pour que la génération
ne procède pas à l’infini. Cette même nécessité se pose pour les causes qui
sont tout à fait immobiles et immatérielles. Car ces causes immatérielles et
immobiles sont causes des choses sensibles qui nous sont manifestes, parce
qu’elles sont êtres au plus haut point et, par conséquent, causes des autres
êtres, comme on l’a montré au second livre. Et par là il est évident que la
science qui s’occupe des êtres de cette sorte, est première entre toutes les
sciences et considère les causes universelles de tous les êtres. Il y a donc
des causes des êtres en tant qu’ils sont êtres, lesquelles causes sont
recherchées dans la philosophie première, comme il l'a proposé dans le
premier livre. Ce qui met à jour la fausseté de l’opinion de ceux qui ont
affirmé qu'Aristote avait cru que Dieu n’est pas cause de la substance du
ciel, mais uniquement son moteur. |
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[82731] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 22 Advertendum est autem, quod licet ad considerationem
primae philosophiae pertineant ea quae sunt separata secundum esse et
rationem a materia et motu, non tamen solum ea; sed etiam de sensibilibus,
inquantum sunt entia, philosophus perscrutatur. Nisi forte dicamus, ut
Avicenna dicit, quod huiusmodi communia de quibus haec scientia perscrutatur,
dicuntur separata secundum esse, non quia semper sint sine materia; sed quia
non de necessitate habent esse in materia, sicut mathematica. |
Il faut cependant remarquer que
les êtres qui sont séparés de la matière et du mouvement, dans leur existence
et dans leur notion ne sont pas le seul sujet d’étude de cette science. Le
Philosophe doit aussi étudier attentivement les êtres sensibles, en tant
qu’ils sont des êtres. A moins peut-être que nous disions, comme l'a écrit
Avicenne, que les choses communes d’ordre sensible que notre science examine
sont dites séparées selon l'existence, non parce qu'elles existent toujours
sans matière, mais parce qu’elles ni ont pas nécessairement leur existence
dans la matière, comme les mathématiques par exemple. |
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[82732] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 23 Deinde cum dicit quare tres concludit numerum
scientiarum theoricarum; et circa hoc tria facit. Primo concludit ex
praemissis, quod tres sunt partes philosophiae theoricae, scilicet
mathematica, physica et theologia, quae est philosophia prima. |
Ensuite, quand il dit: "Par
conséquent ... ", il déduit le nombre des sciences théoriques.
Là-dessus, il fait une triple réflexion. Tout d'abord, il conclut des
prémisses qu’il y a trois parties de la philosophie spéculative, à savoir la
mathématique, la physique et la théologie qui est la philosophie première. |
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[82733]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 24 Deinde cum dicit non enim secundo assignat duas
rationes quare haec scientia dicatur theologia. Quarum prima est, quia manifestum
est, quod si alicubi, idest in aliquo genere rerum existit aliquod
divinum, quod existit in tali natura, scilicet entis immobilis et a materia
separati, de quo considerat ista scientia. |
Ensuite, quand il dit: "Il
n’est pas douteux…", En second, il fournit deux raisons par lesquelles
cette science s’appelle théologie. La première est la suivante à il est
manifeste que s’il existe quelque chose de divin dans quelque genre d’être,
c’est bien dans une telle nature, à savoir dans la nature de l’être immobile
et séparé de la matière, que considère cette science. |
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[82734] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 25 Deinde cum dicit et honorabilissimam secundam rationem
ponit quae talis est. Honorabilissima scientia est circa honorabilissimum
genus entium, in quo continentur res divinae: ergo, cum haec scientia sit
honorabilissima inter omnes, quia est honorabilior theoricis, ut prius
ostensum est,- quae quidem sunt honorabiliores practicis, ut in primo libro
habitum est -, manifestum est, quod ista scientia est circa res divinas; et
ideo dicitur theologia, quasi sermo de divinis. |
Ensuite, quand il dit:
"Ainsi, les sciences ... ". Voici la seconde raison: La science la
plus honorable porte sur le genre des êtres le plus honorable, où l’on trouve
les choses divines. Donc, puisque cette science est la plus honorable de
toutes, parce qu'elle est la plus honorable des sciences spéculatives comme
on l’a prouvé auparavant - lesquelles sont plus honorables que les sciences
pratiques - comme on l’a vu dans le premier livre, il est manifeste qu'elle
porte sur les choses divines. C’est pourquoi on l'appelle théologie, étant
presqu’un discours sur la réalité divine. |
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[82735]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 26 Deinde cum dicit dubitabit autem tertio movetur
quaedam quaestio circa praedeterminata: et primo movet eam, dicens, quod
aliquis potest dubitare, utrum prima philosophia sit universalis quasi
considerans ens universaliter, aut eius consideratio sit circa aliquod genus
determinatum et naturam unam. Et hoc non videtur. Non enim est unus modus
huius scientiae et mathematicarum; quia geometria et astrologia, quae sunt
mathematicae, sunt circa aliquam naturam determinatam; sed philosophia prima
est universaliter communis omnium. Et tamen e converso videtur, quod sit
alicuius determinatae naturae, propter hoc quod est separabilium et
immobilium, ut dictum est. |
Ensuite, quand il dit: "On
pourrait..., " il se pose, en troisième, une question sur ce que nous
avons déterminé: voici d’abord la question : la philosophie première
est-elle universelle parce qu’elle considère l’être universellement, ou bien,
sa considération porte-t-elle sur un genre d’être déterminé et d’une seule
nature ? Ce qu’il ne semble pas. Car le mode de cette science et des
mathématiques n'est pas le même: la géométrie et l'astrologie, qui sont des
mathématiques, portent sur une nature déterminée, alors que la philosophie
première est universellement commune à tous les êtres. Et cependant, il
semble au contraire qu’elle porte sur une nature déterminée, du fait qu'elle
porte sur les êtres séparables et immobiles, comme on l’a dit. |
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[82736] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 1 n. 27 Deinde cum dicit si igitur secundo solvit, dicens
quod si non est aliqua alia substantia praeter eas quae consistunt secundum
naturam, de quibus est physica, physica erit prima scientia. Sed, si est
aliqua substantia immobilis, ista erit prior substantia naturali; et per
consequens philosophia considerans huiusmodi substantiam, erit philosophia
prima. Et quia est prima, ideo erit universalis, et erit eius speculari de
ente inquantum est ens, et de eo quod quid est, et de his quae sunt entis
inquantum est ens: eadem enim est scientia primi entis et entis communis, ut
in principio quarti habitum est. |
Ensuite, quand il dit: "Mais
s’il existe ... ", il répond à ce problème en disant que s'il n’existe
pas de substance en dehors de celles qui existent dans la nature, dont
s’occupe la philosophie de la nature, la philosophie de la nature sera la
science première. Mais s’il existe une substance immobile, cette substance
sera antérieure à la substance naturelle et, par conséquent, la philosophie
qui considérera cette substance sera la philosophie première. Et parce
qu’elle est première, elle sera donc universelle et il lui appartiendra de
spéculer sur l'être en tant qu’être, et sur l’essence et les propriétés de
l'être: la science, en effet, de l’être premier et de l'être en général est
la même, comme il est dit au début du quatrième livre. |
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Leçon 2, Texte d’Aristote
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Le sens de l’être. L’être par
accident. L’être proprement dit se prend en plusieurs
acceptions: nous avons vu qu’il y avait d’abord l’être par accident, ensuite
l’être comme vrai, auquel le faux s’oppose come non-être; En outre, il y a
les types de catégories, à savoir la substance, la qualité, la quantité, le
lieu, le temps et tous les autres modes de significations analogues de
l’être. Enfin il y a, en dehors de toutes ces sortes d’être, l’être en
puissance et l’ être en acte. Puis donc que nous parlons des diverses
acceptions de l’ être, nous devons faire remarquer d’abord que l’ être par
accident n’est jamais objet de spéculation. Ce qui le montre bien, c’est
qu’aucune science ni pratique, ni poétique, ni théorétique, ne s’en
préoccupe. Le constructeur d’une maison, en effet, ne produit pas les
accidents divers dont la construction de la maison est accompagnée, car ils
sont en nombre infini: rien n’empêche, en effet, que la maison, une fois
construite, ne paraisse aux uns agréable et à d’autres incommode, à d’autres
encoré utile, et qu’elle ne soit différente, pour le dire en un mot, de tous
les autres êtres: rien de tout cela ne relève de l’art de bâtir. De la même
manière, le géomètre ne considère non plus ni les attributs accidentels des
figures, ni la différence qu’il peut y avoir entre un triangle dont la somme
des trois angles est égale à deux droits. Ce n’est d’ailleurs pas sans raison
qu’en fait il n’y a pas de science de l’accident, car l’accident n’a en
quelque sorte qu’une existence nominale. Platon, en un sens, n’avait donc pas
tort de ranger l’objet de la Sophistique dans le non- être. Les arguments des
Sophistes, en effet, ont rapport pour Ainsi dire, principalement à
l’accident: telle est, par exemple, la question de savoir s’il y a différence
ou identité entre mucisiens et grammairiens; s’il y a identité entre musicien
Coriscus et Coriscus; si tout ce qui est et n’est pas éternel a été engendré,
avec cette conclusión que si, étant musicien, on est devenu grammairien,
Étant grammairien aussi on est devenu musicien ; et autres subtilités
analogues. L’accident est ainsi manifestement quelque chose de voisin du non-
être. Ce caractère de l’accident se révèle encore à la lumière d’arguments
tels que celui-ci : pour tous les êtres qui existent d’une autre façon,
il y a génération et corruption, tandis que pour les êtres par accident, cela
n’a pas lieu. – Nous n’en devons pas moins, au sujet de l’accident,
déterminer encore, dans la mesure du possible, quelle est sa nature et sa
cause, car, en même temps, peut-être verra-t-on aussi pourquoi. Il n’y a pas
de science de l’accident. Parmi les êtres, les uns demeurent
toujours dans le même état, et sont des êtres nécessaires, non pas de cette
nécessité caractérisée par la contrainte, mais bien de celle que nous
définissons par l’impossibilité d’être autrement ; les autres êtres, au
contraire, ne sont ni nécessairement, ni toujours, mais seulement le plus
souvent. C’est là le principe, c’est là la cause de l’être par accident, car
tout ce qui n’est ni toujours, ni le plus souvent, nous disons que c’est un
accident. Par exemple, si dans la canicule, la tempête et le froid sévissent,
nous disons que c’est accidentel, mais non s’il fait chaud et sec, car c’est
ce qui se produit toujours ou le plus souvent, tandis que ce n’est pas le cas
de la tempête et du froid. Que l’homme soit blanc, c’est là un accident (car
il ne l’est pas toujours, ni le plus souvent), mais qu’il soit animal, ce
n’est pas par accident. Que l’architecte produise la santé, c’est aussi un
accident, car il n’est pas dans la nature de l’architecte, mais bien dans celle
du médecin, de produire la santé, et c’est par accident que l’architecte est
médecin. Et le cuisinier, tout en ne visant que le plaisir, peut bien
préparer un mets utile à la santé, ce résultat n’en est pas moins étranger à
l’art culinaire ; aussi disons-nous qu’il était accidentel : le
cuisinier peut, en un sens, l’atteindre, mais ce n’est pas d’une manière
absolue. Tandis que les autres êtres sont les effets de leurs puissances
productives, les accidents ne relèvent d’aucun art, ni d’aucune puissance déterminée,
car de ce qui est ou devient par accident, la cause aussi est accidentelle.
Ainsi, étant donné que toutes les choses ne sont pas nécessaires et
éternelles, ni dans leur être, ni dans leur devenir, mais que la plupart des
choses rentre seulement dans ce qui arrive le plus souvent, il en résulte
nécessairement l’existence de l’être par accident : par exemple, ce
n’est pas toujours, ni le plus souvent que le blanc est musicien, mais
puisqu’il lui arrive de l’être quelquefois, il le sera par accident. Sinon,
tout serait nécessaire. Conclusion : c’est la matière, laquelle est
susceptible d’être autre qu’elle n’est le plus souvent, qui sera la cause de
l’accident. – Et nous devons prendre pour point de départ la question
suivante : n’y a-t-il rien qui ne soit ni toujours ni le plus
souvent ? Ne doit-on pas dire plutôt que cette supposition est
impossible ? C’est donc qu’il y a quelque autre chose, et cette chose
n’est autre que ce qui arrive par hasard et par accident. Quant à savoir s’il
n’existe que le plus souvent dans les êtres et nullement toujours, ou bien
s’il y a certains êtres qui sont éternels, c’est là un point à examiner plus
tard, mais il est visible, dès maintenant, qu’il n’y a pas de science de
l’accident. Toute science se propose, en effet, ou ce qui est toujours, ou ce
qui est le plus souvent. Comment, sans cela, s’instruire soi-même, ou
enseigner autrui ? Il faut que la chose soit déterminée comme arrivant
toujours, ou le plus souvent. Ainsi, on peut bien dire que l’hydromel est bon
pour les fiévreux le plus souvent : mais on ne pourra pas rendre compte
des cas exceptionnels, dire à quel moment cet effet de l’hydromel ne produit
pas, à la nouvelle lune, par exemple : car, même ce qui arrive à la
nouvelle lune arrive soit toujours, soit le plus souvent, alors que
l(‘accident est en dehors du toujours et du plus souvent. Nous avons donc
établi ce qu’est l’accident, quelle est la cause qui le produit, et aussi
qu’il n’y a pas de science de l’accident. |
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Lectio 2 |
Leçon 2, Commentaire de
saint Thomas [Qu’est-ce que l’être?] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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QUEL EST L’ETRE
SUJET DE CETTE SCIENCE ? |
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[82737] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 1 Hic ostendit de quibus entibus principaliter haec
scientia tractare intendit; et circa hoc tria facit. Primo repetit modos
quibus aliquid dicitur ens. Secundo determinat naturam entis secundum duos
modos de quibus principaliter non intendit, ibi, quoniam itaque multipliciter
dicitur ens. Tertio ostendit quod de his modis entis principaliter non
intendit, ibi, quoniam autem complexio. Dicit ergo primo, quod ens
simpliciter, idest universaliter dictum, dicitur multipliciter, ut in quinto
est habitum. Uno modo dicitur aliquid ens secundum accidens. Alio modo
dicitur ens, idem quod verum propositionis; et non ens, idem quod falsum.
Tertio modo dicitur ens quod continet sub se figuras praedicamentorum, ut
quid, quale, quantum et cetera. Quarto modo praeter praedictos omnes, quod
dividitur per potentiam et actum. |
Ici il montre quels sont les êtres
que veut principalement étudier cette science. Ce qu’il divise en trois
points. En premier, il entreprend les sens selon lesquels l’être peut se
dire. En second, il détermine la nature de l’être selon les deux sens qu’il
vaut surtout soustraire à l’étude de cette philosophie, où il dit: "puis
donc que nous parlons etc." En troisième, il montre que cette science
n’a pas à s’occuper de ces deux modes de l’être, où il dit: "Quant à
l’être comme vrai etc. " (lec. IV n° 82807). Il dit donc, en premier,
que l’être pris de façon absolue, c'est-à-dire l’être pris universellement,
se dit de multiples façons, comme on le voit dans le cinquième livre. D’une
première manière, l’être se dit par accident. D’une autre manière, l'être est
identique au vrai de la proposition, et le non-être signifie le faux. D’une
troisième manière, l’être se dit de ce qui contient sous lui les figures des
prédicaments, comme la substance, la qualité, la quantité, etc. D’une
quatrième manière, à part tous ces derniers sens, l’être se dit de ce qui se
divise par la puissance et l’acte. |
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[82738]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 2 Deinde cum dicit quoniam itaque determinat de modis
entis quos praetermittere intendit. Et primo de ente per accidens. Secundo de
ente quod est idem quod verum, ibi, quod autem ut verum et cetera. Circa
primum duo facit. Primo ostendit quod de ente per accidens non potest esse
aliqua scientia. Secundo determinat ea quae sunt consideranda circa ens per
accidens, ibi, attamen dicendum est et cetera. Dicit ergo primo, quod, cum
ens multipliciter dicatur, ut dictum est, primo dicendum est de ente per
accidens; ut quod minus habet de ratione entis, primo a consideratione huius
scientiae excludatur. Hoc autem dicendum est de eo, quod nulla speculatio
cuiuscumque scientiae potest esse circa ipsum. Et hoc probat dupliciter. |
Ensuite quand il dit :
"Puis donc…", il traite des modes d’être qu’il veut omettre. Tout
d’abord, de l’être par accident, en second de l’être qui n’est autre que le
vrai, où il dit : "Quant à l’être comme vrai etc. " (lec. IV).
Au sujet de l’être par accident, il montre en premier qu’il ne peut y en
avoir de science. En second, il détermine ce qu'il en faut dire, où il
dit : "Nous n’en devons pas moins, etc. ". Il dit donc tout
d’abord que , puisque l’être se dit de multiple façon, il faut tout d'abord
parler de l’être par accident afin d'exclure immédiatement de l’étude de
notre science ce ce qui possède le moins la raison d’être. Et ce qu’il faut
dire de l’être par accident, ce ne peut porter sur lui. Ce qu’il prouve de
deux manières. |
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[82739] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 3 Primo per signum; dicens, signum esse huius quod de
ente per accidens non possit esse speculatio, quia nulla scientia quantumcumque
sit studiosa aut meditativa, ut alia translatio habet, idest
diligenter inquisitiva eorum quae ad ipsam pertinent, invenitur esse de ente
per accidens. Sed nec etiam practica quae dividitur per activam et factivam,
ut supra dictum est, neque scientia theorica. |
En premier, par un signe. Le signe
le ce qu'il veut prouver, c'est qu'on ne peut trouver aucune science, aussi
profonde soit-elle, ou inquisitive ou méditative, aussi exigeante soit-elle
dans l’inventaire de ce qui elle doit considérer, qui étudie l’être par
accident : ni la science pratique qui se divise en active et factive, ni
la science spéculative. |
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[82740] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 4 Et hoc manifestat primo in practicis scientiis, quia
ille qui facit domum, si facit eam, non facit ea quae insunt domui factae,
nisi per accidens, cum illa sint infinita, et sic non possunt cadere sub
arte. Nihil enim prohibet domum factam esse istis voluptuosam, idest
delectabilem, illis scilicet qui in ea prospere vivunt: aliis autem nocivam
qui scilicet occasione domus aliquod detrimentum incurrunt. Et aliis utilem
qui in domo aliquod emolumentum conquirunt, et etiam esse alteram et
dissimilem omnibus entibus. Nullius autem eorum, quae per accidens insunt
domui, factiva est ars aedificativa; sed solum est factiva domus, et eorum
quae per se insunt domui. |
Il le manifeste d'abord dans les
sciences pratiques. Celui qui construit une maison, s’il la fait, ne fait pas
ce qui peut exister dans la maison par accident, puisque cela est infini et
ne peut donc tomber sous les prises de l’art. Rien n'empêche en effet, que la
maison construite puisse être pour quelques-uns, c’est-à-dire pour les riches
qui l'occupent, voluptueuse, délectable; pour d'autres, c’est-à-dire pour
ceux qui pourraient y souffrir quelque dommage, dommageable ou nuisible; pour
d'autres, pour ceux qui y trouveraient du profit, utile. Cette maison peut
présenter un visage différent à chacun. L’art du constructeur ne fabrique
rien de ce qui existe accidentellement dans la maison; il est uniquement
artisan de lu maison et de ce qui existe par soi dans la maison. |
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[82741]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 5 Et deinde ostendit idem in scientiis speculativis:
quia simili modo nec geometria speculatur ea quae sunt accidentia figuris
sic, idest per accidens, sed solum illa quae accidunt figuris per se.
Speculatur enim hoc quod triangulus est habens duos rectos, idest tres
angulos aequales duobus rectis; sed non speculatur, si aliquid alterum,
utputa lignum vel aliquid huiusmodi, est trigonum. Haec enim per accidens
conveniunt triangulo. |
Il manifeste ensuite cette absence
dans les sciences spéculatives: de la même manière, la géométrie non plus ne
spécule pas sur ce qui est accidentel aux figures, mais uniquement sur ce qui
s’y rattache par soi. En effet, elle spécule sur le fait que le triangle a
trois angles égaux à deux droits. Mais elle ne discute pas si quelque chose
d’autre, comme le bois ou une matière de la sorte, est triangulaire. Cela ne
convient qu'accidentellement au triangle. |
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[82742] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 6 Secundo ibi, et hoc probat idem per rationem;
dicens, quod rationabiliter hoc accidit quod scientia non speculatur de ente
per accidens; quia scientia speculatur de his quae sunt entia secundum rem;
ens autem secundum accidens est ens quasi solo nomine, inquantum unum de alio
praedicatur. Sic enim unumquodque est ens inquantum unum est. Ex duobus
autem, quorum unum accidit alteri, non fit unum nisi secundum nomen; prout
scilicet unum de altero praedicatur, ut cum musicum dicitur esse album, aut e
converso. Non autem ita, quod aliqua res una constituatur ex albedine et
musico. |
En second, où il dit: "Ce
n’est d'ailleurs pas ... ", il prouve la même chose par un argument de
raison, en disant qu’il est raisonnable que la science ne traite pas de
l'être par accident. La science spécule sur les choses qui sont des êtres
réels; or l'être par accident est un être qui ne l'est que par le nom pour
ainsi dire, en tant qu'une chose est prédiquée d'une autre. Toute chose est
être en autant qu'elle est une. A partir de deux choses, dont l'une appartient
accidentellement à l'autre, on ne peut faire quelque chose d’un, excepté par
le nom, à savoir en tant que l'un est prédiqué de l'autre. Ainsi lorsqu'on
dit que le musicien est blanc, ou l’inverse. Mais cela ne fait pas qu’une
seule chose soit composée de blancheur et de musicien. |
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[82743]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 7 Unde Plato quod autem ens per accidens sit quasi
solo nomine ens, probat dupliciter. Primo per auctoritatem Platonis. Secundo per
rationem. Secunda ibi, palam autem et cetera. Dicit ergo, quod propter hoc
quod ens per accidens quodammodo est ens solo nomine, ideo Plato quodammodo
non male fecit cum ordinando diversas scientias circa diversa substantia,
ordinavit scientiam sophisticam circa non ens. Rationes enim sophisticorum
maxime sunt circa accidens. Secundum enim fallaciam accidentis fiunt maxime
latentes paralogismi. |
Aristote ajoute: "Platon, en
un sens, etc." Que l'être par accident soit un être presque uniquement
par le nom, il le prouve de deux façons. Premièrement, par l'autorité de
Platon. Deuxièmement, par la raison, où il dit : "ce caractère de
l'accident… " Il dit donc que, du fait que l'être par accident est,
d’une certaine façon, être seulement par le nom, Platon n'a pas trop mal fait
lorsque, en ordonnant les diverses sciences par rapport aux diverses
substances, il a fait porter la science du sophiste sur le non-être. Les
arguments des sophistes, en effet, portent surtout sur l'accident. Les
paralogismes voilés se font surtout d'après l’artifice de l'accident. |
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[82744] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 8 Et ideo dicitur in primo elenchorum, quod secundum
accidens faciunt syllogismos contra sapientes; ut patet in istis
paralogismis, in quibus dubitatur utrum diversum an idem sit musicum et
grammaticum. Ut fiat talis paralogismus. Musicum est aliud a grammatico;
musicum autem est grammaticum, ergo musicum est alterum a se. Musicum enim
est aliud a grammatico, per se loquendo; sed musicus est grammaticus per
accidens. Unde non est mirum si sequitur inconveniens, non distincto quod est
per accidens ab eo quod est per se. Et similiter si sic dicatur: Coriscus est
alterum a Corisco musico: sed Coriscus est Coriscus musicus; ergo Coriscus
est aliud a se. Hic etiam non distinguitur quod est per accidens ab eo quod
est per se. Et similiter si dicatur: omne quod est et non fuit semper, est
factum: sed musicus ens est grammaticus et non fuit semper: ergo sequitur
quod musicus ens grammaticus sit factus, et grammaticus ens musicus. Quod
quidem est falsum; quia nulla generatio terminatur ad hoc quod est
grammaticum esse musicum; sed una ad hoc quod est grammaticum esse, alia ad
hoc quod est musicum esse. Patet etiam, quod in hac ratione, prima est vera
de eo quod est per se, sed in secunda assumitur quod est ens per accidens. Et
similiter est in omnibus talibus rationibus, quae sunt secundum fallaciam
accidentis. Videtur enim ens per accidens, esse propinquum non enti. Et ideo
sophistica, quae est circa apparens et non existens, est praecipue circa ens
per accidens. |
C'est pourquoi, on dit dans le
premier livre des Réfutations, que
c’est selon l'accident que les sophistes argumentent contre les sages. Ce que
l'on voit facilement dans les syllogismes où l'on doute si le musicien et le
grammairien sont divers ou identiques. Voici comment se présente ce
syllogisme, le musicien est différent de lui-même. Le musicien est en effet
autre que le grammairien d’après leur nature propre, mais le musicien est
grammairien par accident. Il n’est donc pas étonnant qu'il s'ensuive une
absurdité, si on ne distingue pas le par soi de l’accidentel. Pareillement,
si l’on dit de la façon suivante: Coriscus est autre que Coriscus musicien;
mais Coriscus est Coriscus musicien; donc Coriscus est autre que lui-même.
Ici encore on a omis la distinction. Et encore si l’on dit: tout ce qui est
et ne fut pas toujours, est devenu; or, l’être musicien est grammairien et ne
fut pas toujours; donc, l’être musicien est devenu grammairien, et le
grammairien, un être musicien. Ce qui est faux: aucune génération n’aboutit à
ce terme qu’un grammairien est musicien. Une génération se termine au
grammairien, une autre, au musicien. Il appert que dans ce syllogisme, la
majeure est vraie par rapport à ce qui est par soi, mais dans la mineure on
se sert de ce qui est par accident. Ainsi en est-il dans tous les syllogismes
qui se servent de l'artifice de l’accident. Il semble, en effet, que l’être
par accident est proche du non-être. C’est pourquoi, la sophistique, qui
porte sur l’apparent et le non-existant, porte principalement sur l'être par
accident. |
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[82745] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 9 Palam autem secundo probat idem per rationem,
dicens, quod etiam ex his rationibus, quibus utuntur sophistae, palam est,
quod ens per accidens est propinquum non enti. Nam eorum, quae sunt entia
alio modo quam per accidens, est generatio et corruptio: sed entis per
accidens non est neque generatio neque corruptio. Musicum enim una
generatione fit, et grammaticum alia. Non est autem una generatio grammatici
musici, sicut animalis bipedis, vel sicut hominis risibilis. Unde patet, quod
ens per accidens non vere dicitur ens. |
Où il dit : "Ce
caractère.", il prouve en second, la même chose par un argument de
raison. Même en partant des raisons utilisées par les sophistes, il est clair
que l'être par accident est proche du non-être. Car il y a génération et
corruption de tous les autres êtres qui ne sont pas par accident, alors qu'il
n’y en a pas pour l’être par accident. Le musicien devient par une génération
et le grammairien par une autre. Mais il n’y a pas une génération unique du
grammairien musicien, comme de l’animal bipède, ou comme de l’homme doué de
la faculté de rire. Il est donc patent que l'être par accident ne se dit pas
vraiment être. |
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[82746] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 10 Deinde cum dicit attamen dicendum determinat de ente
per accidens secundum quod est possibilis de eo determinatio. Quamvis enim
ea, quibus convenit esse per accidens, non cadant sub consideratione alicuius
scientiae, tamen ratio huius quod est esse per accidens, per aliquam
scientiam considerari potest. Sicut etiam licet id quod est infinitum,
secundum quod est infinitum, sit ignotum, tamen de infinito secundum quod
infinitum aliqua scientia tractat. Et circa hoc duo facit. Primo determinat
ea, quae sunt consideranda circa ens per accidens. Secundo excludit quamdam
opinionem, per quam removetur ens per accidens, ibi, quod autem sint
principia et esse et cetera. |
Ensuite, quand il dit: "Nous
n’en devons ... ", il détermine l'être par accident en autant qu'il est
possible d’en déterminer. Car bien que les choses qui sont par accident ne tombent
pas sous les prises d’une science, cependant la notion de ce qui est par
accident peut être considérée par une science. Ainsi, bien que ce qui est
infini en tant qu’il est infini soit inconnu, cependant une science traite de
l’infini en tant qu’il est infini. Et là-dessus, il fait deux choses. En
premier, il détermine ce qu’il faut considérer sur l’être par accident. En
second, il rejette une opinion qui voulait supprimer l’être par accident, où
il dit: "Que des principes, etc. " (lec, III). |
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[82747]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 11 Circa primum duo facit. Primo dicit, quod est
dicendum de ente per accidens inquantum contingit de ipso tractare, tria;
scilicet quae est eius natura, et quae est eius causa; et ex his erit tertium
manifestum, quare eius non potest esse scientia. |
Il dit donc to ut d’abord, qu'il
faut dire que l’être par accident, en autant qu’il importe d’en traiter,
trois choses: ca qu'est sa nature, qu'elle est sa cause et à partir de ces
deux premières considérations, un troisième point devient manifeste: pourquoi
il ne peut y avoir de science de l’être par accident. |
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[82748] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 12 Deinde cum dicit quoniam igitur prosequitur tria praedicta.
Et primo quae sit causa entis per accidens; dicens, quod quia in entibus
quaedam sunt semper similiter se habentia ex necessitate (non quidem secundum
quod necessitas ponitur pro violentia, sed prout necessitas dicitur secundum
quam non contingit aliter se habere, ut hominem esse animal); quaedam vero
non sunt ex necessitate, nec semper, sed sunt secundum magis, idest ut
in pluribus. Et hoc, scilicet ens ut in pluribus, est causa et
principium quod aliquid sit per accidens. In rebus enim quae sunt semper, non
potest esse aliquid per accidens; quia solum quod est per se potest esse
necessarium et sempiternum, ut etiam in quinto habitum est. Unde relinquitur,
quod solum in contingentibus potest esse ens per accidens. |
Ensuite, quand il dit: "Parmi
les êtres. ", il commence à répondre aux trois questions précédentes.
Tout d'abord, il étudie quelle est la cause de l'être par accident, en disant
qu’il y a des êtres qui, de nécessité, sont toujours dans le même état, qui
ne changent pas (on ne prend pas la nécessité pour la violence dans ce
cas-ci, mais en tant qu’elle signifie l'impossibilité d'être autrement, par
exemple, l’impossibilité pour l’homme de ne pas être animal); qu'il y en a
d’autres qui ne sont pas par nécessité ni toujours, mais qui existent "ut in pluribus". Et c’est
précisément l’être qui n'existe que le plus souvent, "le plus
fréquemment", qui est cause et principe que quelque chose soit par
accident. En effet, dans les choses qui existent toujours, il n’est pas
question d'être par accident, parce que seul ce qui existe par soi peut être
nécessaire et sempiternel, comme on l’a noté dans le cinquième livre. Il
reste donc la cause de l'être par accident ne peut se trouver que dans les
êtres contingents. |
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[82749]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 13 Contingens autem ad utrumlibet, non potest esse
causa alicuius inquantum huiusmodi. Secundum enim quod est ad utrumlibet,
habet dispositionem materiae, quae est in potentia ad duo opposita: nihil
enim agit secundum quod est in potentia. Unde oportet quod causa, quae est ad utrumlibet, ut
voluntas, ad hoc quod agat, inclinetur magis ad unam partem, per hoc quod
movetur ab appetibili, et sic sit causa ut in pluribus. Contingens autem ut in paucioribus est ens per accidens
cuius causa quaeritur. Unde relinquitur, quod causa entis per accidens sit
contingens ut in pluribus, quia eius defectus est ut in paucioribus. Et hoc
est ens per accidens. |
Le contingent à l'un ou à l’autre
ne peut être cause de quelque chose, en tant qu’il est tel. En tant qu'il est
à l'un ou à l’autre, en effet, il a la disposition propre de la matière qui
est puissance à deux opposés: rien n’agit en tant qu’il est en puissance. Il
faut donc que la cause qui peut faire l’un ou l'autre effet, comme la
volonté, soit inclinée davantage à l'un plutôt qu’à l'autre, parce que mue
par l’appétible, pour pouvoir agir. Et ainsi elle devient cause "ut in pluribus". Le
contingent "ut in
paucioribus", qui n'arrive que peu fréquemment, est l'être par
accident dont nous recherchons la cause. Il reste donc que la cause de l'être
par accident soit le contingent "ut
in pluribus", c’est-à-dire celui qui réussit son effet la plupart du
temps, parce qu'il ne manque son coup que peu fréquemment. Et c'est cet effet
manqué qui est l'être par accident. |
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[82750] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 14 Secundo ibi, quod enim ostendit naturam entis per
accidens, dicens: ideo dico quod id quod est in pluribus est causa entis per accidens,
quia quod non est semper neque secundum magis, hoc dicimus esse per accidens.
Et hoc est defectus eius quod est in pluribus, ut si fuerit hiems
idest tempus pluviosum et frigus sub cane, idest in diebus
canicularibus, hoc dicimus esse per accidens. Non tamen si tunc fuerit
aestuatio, idest siccitas et calor. Hoc enim est semper vel ut in
pluribus, sed illud non. Et similiter dicimus hominem esse album per
accidens, quia hoc non est semper nec in pluribus. Hominem vero per se
dicimus esse animal, non per accidens, quia hoc est semper. Et similiter
aedificator facit sanitatem per accidens, quia aedificator non est aptus
natus facere sanitatem inquantum huiusmodi, sed solus medicus. Aedificator
autem facit sanitatem inquantum accidit eum esse medicum; et similiter opsopios,
idest cocus coniectans, idest intendens facere voluptatem,
idest delectationem in cibo, faciendo aliquem cibum bene saporatum, facit
aliquid salubre. Cibus enim bonus et delectabilis quandoque est utilis ad
sanitatem. Sed hoc non est secundum artem opsopoieticam, idest
pulmentariam, quod faciat salubre, sed quod faciat delectabile. Et propter
hoc dicimus hoc accidere. |
En second, où il dit: "...
car tout ce qui n’est pas ... ", il montre la nature de l’être par
accident en disant ceci: je dis que ce qui est le plus souvent est cause de
l'être par accident, parce que nous appelons l'être par accident ce qui n’est
pas toujours et ce qu’il n’est par le plus souvent. Par exemple, si, dans la
canicule. La tempête et le froid sévissent, nous disons que c’est accidentel,
mais non s’il fait chaud et sec, car c’est ce qui se produit toujours ou le
plus souvent, tandis que ce n’est pas le cas de la tempête et du froid.
Pareillement, que l’homme soit blanc, c’est là un accident, car il ne l’est pas
toujours ni le plus souvent. Nous disons que l'homme est par soi animal, non
par accident, parce que cela arrive toujours. Pareillement, l'architecte
produit la santé par accident, parce qu’il n’est pas dans sa nature de la
produire, mais cet effet appartient au médecin seul. L’architecte ne produit
la santé que parce qu’il lui arrive d’être médecin. Et le cuisinier, tout en
ne visant que le plaisir, peut bien préparer un mets utile à la santé, ce
résultat n’en est pas moins étranger à l’art culinaire. Aussi disons-nous que
ce résultat lui est accidentel. |
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[82751]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 15 Et notandum quod in primo exemplo fuit ens per
accidens secundum concursum in eodem tempore. In secundo per concursum in eodem subiecto, sicut
album cum homine. In tertio secundum concursum in eadem causa agente, sicut
aedificator et medicus. In quarto secundum concursum in eodem effectu, sicut
in pulmento salubre et delectabile. Quamvis autem cocus faciat pulmentum
delectabile, tamen hoc fit per accidens salubre. Cocus quidem facit modo
quodam salubre secundum quid; sed simpliciter non facit, quia ars operatur
per intentionem. Unde quod est
praeter intentionem artis, non fit ab arte per se loquendo. Et ideo ens per
accidens, quod est praeter intentionem artis, non fit ab arte. Aliorum enim
entium, quae sunt per se, sunt quandoque aliquae potentiae factivae
determinatae; sed entium per accidens nulla ars neque potentia determinata
est factiva. Eorum enim quae sunt aut fiunt secundum accidens, oportet esse
causam secundum accidens, et non determinatam. Effectus enim et causa
proportionantur adinvicem; et ideo effectus per accidens habet causam per
accidens, sicut effectus per se causam per se. |
Il faut noter que le premier
exemple nous fournissait l’être accidentel, résultat d’une rencontre dans un
même temps. Le second était pris d’après l'union dans un même sujet, comme
l’union du blanc avec l’homme. Le troisième provenait du concours de deux
éléments dans la même cause efficiente: l’architecte et le médecin. Le
quatrième provenait de la coïncidence dans le même effet: l’aliment sain et
délectable. Bien que le cuisinier fasse un aliment délicieux, ce dernier
n’est sain que par accident, Le cuisinier n’atteint l'élément sain que
relativement, non de façon absolue. La raison en est que l’art opère par une
intention bien déterminée. Ainsi, ce qui est hors de l’intention ne provient
pas de l’art. Tandis que les autres êtres sont les effets de puissances
productives déterminées, les êtres par accident ne relèvent d’aucun art ni
d’aucune puissance productive déterminée. La cause de l'être par accident ne
peut être qu'accidentelle et non déterminée. L'effet et la cause doivent
être, en effet, proportionnés. Et ainsi, l’effet par accident a une cause par
accident et l’effet par soi, une cause par soi. |
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[82752] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 16 Et quia supra dixerat quod ens ut in pluribus est
causa entis per accidens, consequenter cum dicit quare quoniam ostendit qualiter
ex eo quod est in pluribus, est ens per accidens; dicens, quod, quia non
omnia ex necessitate et semper existunt et fiunt, sed plurima sunt
secundum magis, idest ut in pluribus, ideo necesse est esse quod est
secundum accidens, quod neque est semper neque secundum magis, ut hoc quod
dico, albus est musicus. Quia tamen aliquando fit, licet non semper nec ut in
pluribus, sequitur quod fit per accidens. Si enim non fieret aliquando id
quod est in paucioribus, tunc id quod est in pluribus nunquam deficeret, sed
esset semper et ex necessitate, et ita omnia essent sempiterna et necessaria;
quod est falsum. Et, quia defectus eius quod est ut in pluribus, est propter
materiam, quae non subditur perfecte virtuti agenti ut in pluribus, ideo
materia est causa accidentis aliter quam ut in pluribus, scilicet
accidentis ut in paucioribus: causa inquam non necessaria, sed contingens. |
Parce qu’il avait dit plus haut
que l'être "ut in pluribus"
est cause de l'être par accident, il montre, en conséquence, comment l’être
par accident peut provenir de l’être "ut
in pluribus". Parce que tout n'existe pas ou ne devient pas par
nécessité et toujours, mais parce qu'une multitude de choses n’existent et ne
deviennent que le plus souvent, il est nécessaire qu’existe l’être par
accident, qui n'est ni toujours ni le plus souvent. Ainsi par exemple à le
blanc est musicien. Ce qui arrive quelquefois, mais pas toujours ni le plus
souvent. Donc, le blanc est musicien par accident. Si ce qui est le moins
souvent n’arrive pas quelquefois, ce qui est le plus souvent n'aurait aucune
défaillance, mais serait toujours et par nécessité. Et ainsi tout serait
sempiternel et nécessaire. Ce qui est faux. Et parce que la déficience de ce
qui est le plus souvent provient de la matière, qui n'est pas maîtrisée
parfaitement par l’agent "ut in
pluribus", ainsi la matière est elle cause de ce qui arrive
accidentellement le moins souvent: cause en tant qu’elle est contingente, non
nécessaire. |
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[82753] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 17 Habito autem, quod non omnia sunt necessaria, sed
aliquid est nec semper nec secundum magis, principium hoc oportet hic sumere,
utrum nihil sit nec semper, nec secundum magis. Sed hoc patet esse
impossibile; quia, cum id quod est ut in pluribus, sit causa entis per
accidens, oportet esse et id quod est semper, et id quod est ut in pluribus.
Igitur quod est praeter utrumque dictorum, est ens secundum accidens. |
Une fois reçu que tout être n’est
pas nécessaire, mais qu’il y a des êtres qui ne sont pas toujours ni le plus
souvent, on doit prendre ici comme point de départ la question suivante: n’y
a-t-il rien qui ne soit ni toujours ni le plus souvent? Mais cela est
évidemment impossible parce que, puisque ce qui est le plus souvent est cause
de l’être par accident, il faut qu’existent et ce qui est toujours et ce qui
est le plus souvent. Et donc ce qui est en dehors de l’un et l'autre est
l'être par accident. |
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[82754] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 18 Sed utrum iterum id quod est ut in pluribus inest
alicui, quod autem est semper nulli inest, aut etiam sunt aliqua sempiterna,
considerandum est posterius in duodecimo; ubi ostendet quasdam substantias
esse sempiternas. Sic igitur per
primam quaestionem quaeritur, utrum omnia sint per accidens. Per secundam vero, utrum omnia possibilia, et nihil
sempiternum. |
Quant à savoir en plus, s'il
n’existe que le plus souvent dans les êtres et nullement toujours, ou bien
s’il y a certains êtres qui sont éternels, c’est là un point à examiner plus
tard, dans le douzième livre, où il montrera qu’il existe certaines
substances éternelles. Ainsi donc dans la première question, on se demande si
tout est par accident, dans la seconde, si tout est possible, contingent, et
rien d’éternel. |
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[82755] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 19 Deinde cum dicit quod autem ostendit tertium
praemissorum; scilicet quod scientia non sit de ente per accidens. Quod quidem
dicit esse palam ex hoc, quod omnis scientia est aut eius quod est semper,
aut eius quod est in pluribus. Unde cum ens per accidens nec sit semper, nec
sit in pluribus, de eo non poterit esse scientia. Primam sic probat. Non enim
potest aliquis doceri ab alio, vel docere alium, de eo quod nec est semper,
nec ut frequenter. Hoc enim de quo est doctrina oportet esse definitum aut
per hoc quod est semper, aut per hoc quod est in pluribus. Sicut quod melicratum,
idest mixtum ex aqua et melle, utile est febricitantibus, determinatum est ut
in pluribus. |
Ensuite, quand il dit: "Mais
il est visible ... ", il montre le troisième point: il n’y a pas de
science de l’accidentel. Ce qui est clair, dit Aristote, par le fait que
toute science porte sur ce qui est toujours, ou le plus souvent. Et donc,
puisque l’être par accident n’est ni l’un ni l’autre, aucune science ne s'en
occupe. Il prouve la majeure par la raison suivante : Personne ne peut
enseigner ou être enseigné sur ce qui n’est pas toujours ou le plus souvent.
La doctrine doit porter, en effet, sur quelque chose de défini, de déterminé
ou par le fait d’être toujours ou le plus souvent, Ainsi, on peut bien dire
que l'hydromel est bon pour les fiévreux: le plus souvent. |
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[82756] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 2 n. 20 Sed quod est praeter hoc, idest praeter id
quod est semper et magis, non potest dici quando fiat, sicut quod fiat in
tempore novilunii. Quia quod determinatur fieri in tempore novilunii, vel est
semper, vel ut in pluribus. Vel potest esse hoc quod dicitur de nova luna
aliud exemplum, eius scilicet quod determinatur semper; et quod addit, aut
in pluribus fit, addit, propter differentiam eius per accidens, quod nec
sic nec sic est. Unde subdit quod accidens sit praeter hoc, scilicet
praeter ens semper et ens ut magis. Et haec minor est rationis principalis
superius positae. Ulterius autem epilogando dicit quod dictum est, quid est
ens per accidens, et quae est causa eius, et quod de eo non potest esse
scientia. |
TEXTE D’ARISTOTE: "On ne
pourra pas rendre compte des cas exceptionnels, dire à quel moment cet effet
de l’hydromel ne se produit pas, à la nouvelle lune, par exemple: car, même
ce qui arrive à la nouvelle lune arrive soit toujours, soit le plus souvent,
alors que l'accident est en dehors du toujours et du plus souvent. Nous avons donc établi ce qu'est
l'accident, quelle est la cause qui le produit, et aussi qu’il n'y a pas de
science de l'accident. |
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Leçon 3, Texte d’Aristote
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3- Nature et cause de l’accident Que des principes et des causes
soient générables et corruptibles sans qu’il y ait, pour ces principes et ces
causes, processus de génération et de corruption, c’est là une chose
évidente. S'il n’en était pas ainsi, tout serait nécessaire, puisque ce qui
est engendré et détruit par un processus de génération et de corruption a
nécessairement une cause non-accidentelle. En effet, telle chose sera-t-elle
ou non ? Elle sera, si telle chose a lieu ; sinon, non. Et cette
seconde chose aura lieu si une autre a lieu. Il est évident qu’en poursuivant
de la sorte, et en retranchant progressivement du temps d’un temps limité, on
arrivera à l’instant actuel. Ainsi donc, cet homme mourra-t-il de maladie ou
de mort violente ? De mort violente, s’il sort ; il sortira, s’il a
soif ; il aura soif, si une autre chose survient. On arrivera de cette
façon à un évènement actuel, ou à quelque évènement accompli. Par exemple, il
sortira s’il a soif ; il aura soif, s’il mange des mets épicés : ce
dernier fait est ou n’est pas. Donc cet homme mourra nécessairement, ou,
nécessairement ne mourra pas. Il en est ainsi, même si l’on saute jusqu’aux
évènements passés, le raisonnement est identique ; car cela, je veux
dire le fait passé, est déjà donné dans quelque être. Tous les événements à
venir seront donc nécessairement : par exemple, le vivant mourra
nécessairement, car il porte déjà en lui la condition de sa mort, à savoir la
présence de contraires dans le même corps. Mais sera-ce par maladie ou de mort
violente, on n’en sait rien encore, ce sera seulement si tel autre événement
se produit. Il est donc clair que l’on remonte ainsi jusqu’à un principe
déterminé, mais celui-ci ne se réduit plus à aucun autre. Tel sera donc le
principe de tout ce qui est dû au hasard ; ce principe n’aura lui-même
été produit par aucune autre cause. Mais à quelle sorte de principe, à quelle
sorte de cause, se ramène ainsi l’accident ? Est-ce à la matière, ou à
la cause finale, ou à la cause motrice? C'est là un point capital à examiner.
4- L’être au sens de vrai. Au sujet de l’être par accident,
tenons-nous en donc à ce qui précède, car nous l’avons suffisamment défini. |
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Lectio 3 |
Leçon 3, Commentaire de
saint Thomas [L’accident] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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ARISTOTE REFUTELA
THEORIE DE CEUX QUI NE VOULAIENTPAS ADMETTRE L’EXISTENCE DE L’ETREPAR
ACCIDENT DANS L’UNIVERS |
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[82757] Sententia Metaphysicae,
lib. 6 l. 3 n. 1 Postquam philosophus determinavit de ente per
accidens, hic excludit quamdam opinionem, per quam tollitur totum ens per
accidens. Quidam enim posuerunt, quod quicquid fit in mundo habet aliquam
causam per se; et iterum quod qualibet causa posita, necesse est sequi
effectum eius. Unde sequebatur quod per quamdam connexionem causarum omnia ex
necessitate acciderent, et nihil esset per accidens in rebus. Et ideo hanc
opinionem philosophus intendit destruere: et circa hoc tria facit. Primo enim
destruit praedictam opinionem. Secundo infert quamdam conclusionem ex
praedictis, ibi, palam ergo quia usque ad aliquod et cetera. Tertio movet
quamdam quaestionem quae ex praedictis occasionatur, ibi, sed ad principium
quale. Dicit ergo primo, quod palam erit ex sequentibus quod principia et
causae generationis et corruptionis aliquorum sunt generabilia et
corruptibilia, idest contingit generari et corrumpi sine generatione et
corruptione, idest sine hoc quod sequatur generatio et corruptio. Non enim
oportet, quod si generatio alicuius rei vel corruptio est causa generationis
aut corruptionis rei alterius, quod posita generatione vel corruptione
causae, de necessitate sequatur generatio vel corruptio effectus: quia
quaedam causae sunt agentes ut in pluribus: unde eis positis, adhuc potest
impediri effectus per accidens, sicut propter indispositionem materiae, vel
propter occursum contrarii agentis, vel propter aliquid huiusmodi. |
Après avoir traité de l’être par accident,
le philosophe rejette ici une opinion qui supprime complètement l’être par
accident. En effet, certains ont prétendu que tout ce qui arrive dans le
monde a une cause par soi; et en plus, que, une cause étant posée, son effet
s'ensuit nécessairement. D’où il résultait que, par connexion des causes,
tout arrivait nécessairement, et il n’y avait rien d'accidentel dans les
choses. Aussi le Philosophe a--t-il l'intention de détruire cette opinion; ce
qu’il fait en trois points. En premier, il réfute l’opinion exposée plus
haut, En deuxième, il infère une conclusion de ses considérations, où il dit:
"Il est donc clair etc. " En troisième, il soulève un problème que
peuvent poser ses réflexions précédentes, où il dit: "Mais à quelle
sorte de principe, etc. " Il dit donc en premier que, à la lumière de
l’exposé qui suivra, il sera évident que les principes et les causes de la
génération et de la corruption de certaines choses sont eux-mêmes
"générales es ou corruptibles", soumis à la contingence, c’est-à-dire
qu’il leur arrive d’être engendrés et corrompus sans qu’il y ait génération
et corruption, c’est-à-dire sans qu’il s’ensuive que la génération et la
corruption. Il n’est pas nécessaire que, si la génération et la corruption
d’une chose est la cause de la génération et la corruption de l’effet. Car
certaines causes n’agissent que dans le sens de la majorité des cas. Ces
causes étant posées, leur effet peut encore être empêché par accident comme
par exemple, à cause de l’indisposition de la matière, ou à cause de
l’intervention d’une cause contraire, ou pour toute autre cause semblable. |
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[82758]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 2 Sciendum tamen, quod Avicenna probat in sua
metaphysica, quod nullus effectus sit possibilis in comparatione ad suam
causam, sed solum necessarius. Si enim posita causa, possibile est effectum non
poni, et poni, id autem quod est in potentia inquantum huiusmodi reducitur in
actum per aliquod ens actu, oportebit ergo quod aliquid aliud a causa faciat ibi
sequi effectum in actu. Causa igitur illa non erat sufficiens. Et hoc videtur
contra id, quod philosophus hic dicit. |
Il faut savoir cependant
qu'Avicenne prouve dans sa Métaphysique que, par rapport a sa cause, aucun
effet n’est que possible, mais est uniquement nécessaire. En effet si, une
cause étant posée, il est possible que l'effet ne soit pas posé, ou soit
posé, ce qui est en puissance en tant que tel étant réduit en acte par un
être en acte, il faudra que quelque chose d’autre que la cause lui fasse
produire son effet en acte. Cette cause en effet ni était pas suffisante. Or
cela semble aller contre ce que le Philosophe vient de dire. |
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[82759] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 3 Sed sciendum, quod dictum Avicennae intelligi debet,
supposito quod nullum impedimentum causae adveniat. Necesse est enim causa
posita sequi effectum, nisi sit impedimentum, quod quandoque contingit esse
per accidens. Et ideo philosophus dicit, quod non est necessarium
generationem sequi vel corruptionem, positis causis generationis vel
corruptionis. |
Mais il faut savoir que
l’affirmation d’Avicenne doit être comprise dans l'hypothèse qu'aucun
empêchement n’advient à cette cause. Il est nécessaire, en effet qu’une cause
étant posée, son effet s'ensuive, à moins d’un empêchement, qui parfois
survient par accident. C'est pour cela que le Philosophe dit qu’il n’est pas
nécessaire que s’ensuive la génération ou la corruption, même étant posée la
cause de la génération ou de la corruption. |
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[82760] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 4 Si enim non est verum hoc quod dictum est, sequetur,
quod omnia erunt ex necessitate, si tamen cum hoc quod dictum est, quod
posita causa necesse est sequi effectum, ponatur etiam alia positio, scilicet
quod cuiuslibet quod fit et corrumpitur, necesse sit esse aliquam causam per
se et non per accidens. Ex his enim duabus propositionibus, sequitur omnia
esse de necessitate. Quod sic probat. |
Si, en effet, ce qu'on vient de
dire n’est pas vrai, il s’ensuivra que tout arrivera par nécessité, si, à ce
qui a été dit, à savoir qu’une cause étant posée, son effet s'ensuit
nécessairement, on ajoute cet autre postulat que tout ce qui arrive à l'être
ou tout ce qui se corrompt a nécessairement une cause par soi et non par
accident. De ces deux propositions en effet, il s’ensuit que tout arrive avec
nécessité. Ce qu’il prouve ainsi. |
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[82761]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 5 Si enim quaeratur de aliquo, utrum sit futurum vel non,
sequitur ex praedictis, quod alterum sit de necessitate verum: quia si omne
quod fit habet causam per se suae factionis, qua posita necesse est ipsum
fieri, sequetur quod res illa, de qua quaeritur utrum sit futura, fiat, si
sit hoc quod ponitur causa eius; et si illud non fuerit, quod non fiat. Et
similiter oportet dicere, quod ista causa erit futura, si aliquod aliud quod
est causa eius, erit futurum. |
Si en effet on se demande si une
chose arrivera ou non, il s’ensuit de ce qu’on a posé comme hypothèse, qu'une
seule des deux solutions est nécessairement la vraie: car si tout ce qui
arrive a une cause par soi de son devenir, laquelle étant posés, le devenir
de cette chose est nécessaire, il s'ensuivra que cette chose, dont on se
demande si elle sera, sera en fait, si cela aussi est qui est considéré comme
sa cause; et si ce qui est considéré comme sa cause n’est pas pose. Il s
ensuivra que cette chose ne sera pas. Et de même on doit dire que cette cause
existera, si une certaine autre chose, qui est considérée comme sa cause, est
supposée exister dans le futur. |
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[82762] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 6 Constat autem, quod tempus quantumcumque futurum
accipiatur, sive post centum annos, sive post mille, est finitum, incipiendo
a praesenti nunc usque ad illum terminum. Cum autem generatio causae
praecedat tempore generationem effectus, oportet quod procedendo ab effectu
ad causam auferamus aliquid de tempore futuro, et appropinquemus magis ad
praesens. Omne autem finitum consumitur aliquoties ablato quodam ab ipso. Et
ita sequitur quod procedendo ab effectu ad causam, et iterum ab illa causa ad
eius causam, et sic deinceps, auferatur totum tempus futurum cum sit finitum,
et ita perveniatur ad ipsum nunc. |
Il est évident que le temps, aussi
loin dans l’avenir qu’on l’imagine, soit après cent ans, soit après mille
ans, est fini, si on a de l’instant présent jusqu’à ce terme. Or comme la
génération de la cause précède dans le temps la génération de son effet, il
faut que, procédant de l’effet à la cause; nous soustrayons une partie du
temps futur, et que nous nous approchions davantage du présent. Toute
quantité finie est un peu diminuée si on lui enlève quelque partie. Il
s’ensuit donc que, procédant de l’effet à la cause, et de nouveau de cette
cause à sa cause, et ainsi de suite, on enlèvera tout le temps futur,
puisqu’il est fini, et ainsi on rejoindra l’instant présent lui- même. |
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[82763]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 7 Quod quidem patet in hoc exemplo. Si enim omnis effectus
habet aliquam causam per se, ad quam de necessitate sequitur, oportet quod
iste de necessitate moriatur, vel per infirmitatem, vel per violentiam, si
exit domum suam. Exitus enim a domo eius invenitur causa esse mortis eius,
vel violentiae; puta si exiens domum invenitur a latronibus et occiditur; vel
per infirmitatem; puta si exiens de domo ex aestu incurrit febrem et moritur.
Et eodem modo hoc erit ex necessitate, scilicet quod exeat domum ad
hauriendum aquam si sitit. Nam sitis invenitur esse causa ut exeat domum ad
hauriendum aquam. Similiter per eamdem rationem hoc erit de necessitate,
scilicet quod sitiat, si aliquid aliud erit quod est causa sitis: et ita sic
procedens de effectu ad causam perveniet ad aliquod quod nunc est,
idest in aliquod praesens, vel in aliquod factorum, idest in aliquod
praeteritorum. Sicut si dicamus quod sitis erit si comedit mordicantia vel
salsa, quae faciunt sitim: hoc autem, scilicet quod comedat salsa vel non
comedat, est in praesenti. Et ita sequitur quod praedictum futurum,
scilicet quod iste moriatur vel non moriatur, ex necessitate erit. |
Ce qui apparaît avec évidence dans
cet exemple. Car si tout effet a une cause par soi, dont il procède
nécessairement, il est donc nécessaire que cet individu meure, soit à cause
de son infirmité, soit par violence, en sortant de sa maison. La sortie de sa
maison se trouve être la être la cause de sa mort, ou d'a la violence (qui à
son tour causera la mort) ; par exemple, si en sortant de sa maison il
est surpris par des voleurs qui le tuent; ou si, pour le cas de l’infirmité,
en sortant de sa maison, il contracte, à cause de l’extrême chaleur, la
fièvre et meurt. De même, cela aussi sera nécessaire qu’il sorte de la maison
pour puiser de l’eau s’il a soif. La soif en effet est la cause pour laquelle
il sort de la maison pour puiser de l’eau. Ainsi, pour la raison cela sera
nécessaire qu’il ait soif, s’il y a quelque autre chose qui est cause de sa
soif ; et ainsi, en remontant de l’effet à la cause, on parviendra à
quelque chose qui existe actuellement, c’est-à-dire à quelque chose de
présent ou de passé. Comme si on disait que la soif existera s’il mange des
mets astringents ou salés qui causent la soif; ce fait de manger des mets
salés ou de n’en pas manger est présent. Et ainsi il s’ensuit que ce futur
dont on a parlé, à savoir que cet individu meure ou ne meure pas, arrivera
avec nécessité. |
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[82764] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 8 Cum enim quaelibet conditionalis vera sit
necessaria, oportet quod ex quo antecedens est positum, quod consequens ex
necessitate ponatur. Sicut haec est vera, si Socrates currit, movetur. Posito
ergo quod currat, necesse erit ipsum moveri, dum currit. Si autem quilibet
effectus habet causam per se, ex qua de necessitate sequitur, oportet quod
sit illa conditionalis vera, cuius antecedens est causa et consequens
effectus. Et licet inter causam, quae nunc est praesens, et effectum qui erit
futurus, quandoque sint plurima media, quorum unumquodque est effectus respectu
praecedentium, et causa respectu sequentium; tamen sequitur de primo ad
ultimum, quod conditionalis sit vera cuius antecedens est praesens et eius
consequens quandoque futurum. Sicut hic, si comedit salsa, occidetur.
Antecedens autem ponitur, ex quo praesens est; ergo de necessitate erit quod
occidatur. Et ita omnia alia
futura erunt necessaria, quorum causae proximae vel remotae, sunt praesentes. |
Comme en effet, (selon cette
hypothèse) toute proposition conditionnelle vraie, est nécessaire, il faut
que l'antécédent étant posé, la conséquence soit aussi posée nécessairement,
De même que cette proposition est vraie, à savoir: si Socrate court, il se
meut. Etant posé que Socrate court, il s'ensuit nécessairement qu'il se meut,
pendant qu'il court. Si tout effet a une cause par soi, dont il procède
nécessairement, il faut que cette proposition conditionnelle soit vraie, dont
l'antécédent (la condition, l'hypothèse) est la cause, et la conséquence,
l'effet. Même si entre la cause, qui est actuellement présente et l'effet qui
sera dans le futur, il y a parfois plusieurs moyens termes dont chacun est
effet par rapport à ceux qui le précèdent, et cause par rapport à ceux qui le
suivent; quand même il s'ensuit que, du premier au dernier, on peut formuler
une proposition conditionnelle vraie, si l'antécédent est présent, et la
conséquence, future, aussi loin qu'on la pose. Comme par exemple celle-ci:
"S’'il mange du sel, il se fera tuer." L'antécédent est posé, ce
qui le rend présent; donc, il arrivera nécessairement qu'il se fera tuer. Et
de même tous les autres faits futurs seront nécessaires, dont les causes
prochaines ou éloignées sont présentes. |
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[82765]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 9 Et similis ratio est si aliquis procedens ab
effectibus ad causas, supersiliat ad facta, idest ad praeterita, hoc
est dicere si reducat effectus futuros in aliquam causam praeteritam non
praesentem; quia hoc quod praeteritum est iam est secundum aliquem modum. Hoc
autem dico inquantum est factum vel praeteritum. Licet enim vita Caesaris non
sit nunc ut in praesenti, est tamen in praeterito. Verum enim est Caesarem
vixisse. Et ita nunc est ponere verum esse antecedens conditionalis, in cuius
antecedente est causa praeterita, et in consequente est causa futura. Et sic
sequetur, cum omnes effectus futuros oporteat redigere in tales causas
praesentes vel praeteritas, quod omnia futura ex necessitate eveniant. Sicut
nos dicimus quod viventem fore moriturum est necessarium absolute, quia
sequitur de necessitate ad aliquid quod iam factum est, scilicet duo
contraria esse in eodem corpore per commixtionem. Haec enim conditionalis est
vera: si aliquod corpus est compositum ex contrariis, corrumpetur. |
Et l'argument est le même si
quelqu'un procédant des effets aux causes remonte à ce qui a eu lieu,
c’est-à-dire aux faits passés; en d'autres mots, s'il réduit les effets
futurs à quelque cause passée, non présente. Parce que ce qui passé existe
encore de quelque façon. Je dis cela en tant qu'il est passé et a eu lieu.
Bien que la vie de César n’existe pas actuellement dans le présent, elle
existe cependant dans le passé. Il est vrai en effet que César a vécu. Ainsi
on peut maintenant poser un antécédent qui soit vrai, dans une proposition
conditionnelle où l'antécédent est une cause passée, et la conséquence, une
cause future. Ainsi il s'ensuivra, puisqu'il faut réduire tous les effets
futurs à de telles causes ou présentes ou passées, que tous les événements
futurs arriveront nécessairement. Comme nous disons que le fait pour un
vivant de devoir mourir est de nécessité absolue, parce qu’il découle
nécessairement d'un fait déjà réalisé, à savoir que deux principes contraires
coexistent dans le même corps étroitement entremêlés. En effet, cette
conditionnelle est vraie: si un corps est composé de contraires, il se
corrompra. |
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[82766] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 10 Hoc autem est impossibile, quod omnia futura ex
necessitate eveniant. Ergo illa duo sunt impossibilia, ex quibus hoc sequebatur;
scilicet quod quilibet effectus habeat causam per se, et quod causa posita
necesse sit effectum poni. Quia ex hoc ipso sequeretur quod iam dictum est,
quod quorumlibet effectuum futurorum essent aliquae causae iam positae. Sicut
corruptionis animalis, iam sunt aliquae causae positae. Sed quod iste homo
moriatur per infirmitatem vel violentiam, nondum habet aliquam causam positam
ex qua de necessitate sequatur. |
Or cela est impossible que tous
les événements futurs surviennent par nécessité. Donc ces deux postulats sont
impossibles, dont résultait cette conclusion: à savoir que tout effet a une
cause par soi, et que, une cause étant posée, il faut nécessairement poser
aussi son effet. Car de ces postulats il s’ensuivrait nécessairement ce qu’on
en a déjà déduit, à savoir que les causes de tous les effets futurs
existeraient déjà; comme déjà existent les causes de la corruption de
l'animal. Mais que cet homme meure par infirmité ou par violence, cet
événement n'a pas de cause déjà posée d'où il s’ensuive nécessairement. |
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[82767]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 11 Deinde cum dicit palam ergo infert quamdam
conclusionem ex praedictis; dicens: ergo ex quo non quodlibet, quod fit,
habet causam per se, palam, quod in futuris contingentibus, effectus futuri
reductio ad causam per se, vadit usque ad aliquod principium; quod quidem
principium non reducitur in aliquod principium adhuc per se, sed ipsum erit
cuius causa erit quodcumque evenit, idest causa casualis, et illius
causae casualis non erit aliqua alia causa; sicut iam praedictum est, quod
ens per accidens non habet causam neque generationem. Verbi gratia, quod iste
occidatur a latronibus habet causam per se quia vulneratur; et hoc etiam
habet causam per se, quia a latronibus invenitur; sed hoc non habet nisi
causam per accidens. Hoc enim quod iste qui negotiatur, ad negotium vadens,
inter latrones incidat, est per accidens, ut ex praedictis patet. Unde eius
non oportet ponere aliquam causam. Ens enim per accidens, ut supra dictum
est, non habet generationem, et ita eius generationis causam per se quaerere
non oportet. |
Ensuite quand il dit : "Il
est donc clair ... ", il infère une conclusion de ce qu'il vient de
dire; de ce fait que ce n’est pas tout ce qui arrive qui a une cause par soi,
il est évident que dans les futurs contingents, la réduction d'un effet futur
à sa cause par soi va jusqu’à un certain principe, lequel principe n'est pas
réductible à un autre principe encore "par soi", et la cause de ce
principe sera "tout ce qui arrive", c’est-à-dire une cause
fortuite, et cette cause fortuite n’aura pas d’autre cause. Comme on l’a dit
auparavant, l'être par accident n'a pas de cause ni de génération. Par
exemple, que cet individu soit tué par des voleurs a une cause par soi: le
fait d’être blessé à mort; et cela aussi a une cause par soi: le fait d’être
trouvé par des voleurs; mais cette dernière chose n'a pas de cause si ce
n'est une cause "par accident". Le fait que Cet individu qui fait
du négoce tombe au milieu des voleurs en se rendant à son travail est être
"par accident", comme il est évident après ce qu'on a dit plus
haut. D'où il n'est pas nécessaire de lui donner une cause. En effet l'être
par accident, comme on l’a dit plus haut, n’a pas de génération et donc, on n'a
pas à chercher la cause "par soi" de sa génération. |
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[82768] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 12 Deinde cum dicit sed ad principium movet quamdam
quaestionem occasionatam ex dictis. Dixit enim supra immediate, quod causae entium
per accidens reducuntur usque ad aliquod principium, cuius non est ponere
aliam causam. Et ideo hic inquirit de hac reductione, vel anagoge, quod idem
est, ad quale principium et ad qualem causam debeat fieri, idest ad
quod genus causae vel principii: scilicet utrum ad aliquam causam primam,
quae sit causa sicut materia; aut ad aliquam, quae sit causa sicut finis,
cuius gratia aliquid fit; aut ad aliquam, quae sit causa sicut movens.
Praetermittit autem de causa formali, quia quaestio hic habetur de causa
generationis rerum, quae fiunt per accidens. In generatione autem, forma non
habet causalitatem, nisi per modum finis. Finis enim et forma in generatione
incidunt in idem numero. Hanc autem quaestionem hic motam non solvit: sed
supponit eius solutionem ab eo quod est determinatum in secundo physicorum.
Ibi enim ostensum est quod fortuna et casus, quae sunt causae eorum quae
fiunt per accidens, reducuntur ad genus causae efficientis. Ergo concludit ex
praemissis, quod praetermittendum est loqui de ente per accidens, ex quo
determinatum est sufficienter secundum id quod de eo determinari potest. |
Ensuite, quand il dit : "Mais
à quelle sorte ... ", il soulève une question "occasionnée"
par ce qu'on vient de dire. Il a dit en effet plus haut que les causes des
êtres par accident se réduisent à un certain principe, dont on ne peut poser
une autre cause. Pour cette raison ici il oriente sa recherche sur cette
réduction, ou sur cette "anagogie", ce qui revient au même, pour
savoir à quelle espèce de principe et de cause cette recherche devra
parvenir: c’est-à-dire soit à une cause première dans le genre de la cause
matérielle, ou de la cause finale, en vue de laquelle la chose est faite, ou
dans le genre de la cause efficience. Il laisse de côté la cause formelle,
parce qu'il est question ici de la cause de la génération des choses qui
arrivent par accident. Or dans la génération, la forme n’exerce pas de
causalité, si ce n’est par mode de fin. La fin et la forme dans la génération
coïncident dans un même être. -- Mais cette question qu’il vient de soulever,
il ne la "solutionne" pas: mais il la suppose déjà solutionnée à
partir de la doctrine du second livre
des Physiques. On y a montré en effet que la fortune et le hasard qui
sont les causes des choses qui arrivent par accident, se réduisent au genre
de la cause efficiente. Il conclut donc de ces prémisses, que l’on doit
cesser de parler de l'être par accident, puisque l'on en a traité autant
qu'il était possible à ce sujet. |
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[82769] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 13 Attendendum est autem quod ea quae philosophus hic
tradit, videntur removere quaedam, quae secundum philosophiam ab aliquibus
ponuntur, scilicet fatum et providentiam. Vult enim hic philosophus, quod non
omnia quae fiunt, reducantur in aliquam causam per se, ex qua de necessitate
sequantur: alias sequeretur, quod omnia essent ex necessitate, et nihil per
accidens esset in rebus. Illi autem, qui ponunt fatum, dicunt, contingentia,
quae hic fiunt, quae videntur per accidens, esse reducibilia in aliquam
virtutem corporis caelestis, per cuius actionem ea quae secundum se
considerata per accidens fieri videntur, cum quodam ordine producantur. Et
similiter illi, qui ponunt providentiam, ea quae aguntur hic, dicunt esse
ordinata secundum ordinem providentiae. |
Il faut prêter attention au fait
que la doctrine proposée ici par le Philosophe semble rejeter des choses qui
sont posées par certains pour des raisons philosophiques, à savoir, la
fatalité et la providence. En effet, le philosophe veut ici que ce ne soit
pas toutes les choses qui viennent à l’existence qui soient réductibles à une
cause par soi, dont elles procèdent nécessairement: autrement il en
résulterait que tout arriverait par nécessité, et rien par accident dans le
monde. Ceux au contraire qui posent la fatalité disent que les choses
contingentes qui arrivent dans le monde, et qui semblent être accidentelles,
sont réductibles à la vertu d'un corps céleste, par l'action duquel les
choses qui, considérées en elles-mêmes, semblent arriver accidentellement,
sont en fait produites de façons ordonnée. Et de même ceux qui posent la
providence disent que tout ce qui arrive est ordonné selon l'ordre de cette
providence. |
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[82770] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 14 Ex utraque igitur positione duo videntur sequi, quae
sunt contraria his, quae hic philosophus determinat: quorum primum est: in
rebus nihil fit per accidens neque a fortuna neque a casu. Quae enim secundum aliquem ordinem procedunt, non
sunt per accidens. Sunt
enim vel semper vel in maiori parte. Secundum autem est, quod omnia ex
necessitate eveniant. Si enim omnia ex necessitate eveniunt quorum causa vel
ponitur in praesenti, vel iam est posita in praeterito, ut ratio philosophi
procedit, eorum autem quae sunt sub providentia vel fato causa ponitur in
praesenti, et iam posita est in praeterito, eo quod providentia est
immutabilis et aeterna, motus etiam caeli est invariabilis: videtur sequi
quod ea quae sunt sub providentia vel fato, ex necessitate contingant. Et
ita, si omnia quae hic aguntur, fato et providentia subduntur, sequitur quod
omnia ex necessitate proveniant. Videtur ergo quod secundum intentionem
philosophi non sit ponere neque providentiam neque fatum. |
De l'une ou l'autre de ces thèses
(la providence et la fatalité) il semble s'ensuivre deux conséquences, qui
sont contraires à ce que le Philosophe avance ici: la première est que dans
l'univers rien n’arrive par accident, ni de la fortune, ni du hasard. En effet
les choses qui procèdent selon un certain ordre ne sont pas accidentelles.
Elles arrivent au contraire ou toujours, ou dans la majorité des cas. La
seconde conséquence est que toutes les choses arrivent par nécessité. Si en
effet elles arrivent par nécessité toutes ces choses dont la cause est posée
actuellement. Ou a été posée dans le passé, comme l'enseigne le Philosophe,
les choses qui sont dépendantes de la providence ou du destin ont déjà leur
cause dans le présent, et même dans le passé, parce que la providence est
immuable et éternelle, et que le mouvement du ciel est invariable; il semble
s'ensuivre que les choses qui dépendent du destin et de la providence
arriveraient pur nécessité. Ainsi donc, si tout ce qui arrive en ce monde est
soumis au destin et à la providence, il s'ensuit que tout arrive par
nécessité. Il semble donc que, du moins dans l'intention du philosophe (sinon
dans la lettre), il n'y ait pas à poser ni de providence ni de destin. |
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[82771]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 15 Ad horum autem evidentiam considerandum est, quod
quanto aliqua causa est altior, tanto eius causalitas ad plura se extendit.
Habet enim causa altior proprium causatum altius quod est communius et in
pluribus inventum. Sicut in artificialibus patet quod ars politica, quae est
supra militarem, ad totum statum communitatis se extendit. Militaris autem
solum ad eos, qui in ordine militari continentur. Ordinatio, autem quae est
in effectibus ex aliqua causa tantum se extendit quantum extendit se illius
causae causalitas. Omnis enim causa per se habet determinatos effectus, quos
secundum aliquem ordinem producit. Manifestum igitur est, quod effectus
relati ad aliquam inferiorem causam nullum ordinem habere videntur, sed per
accidens sibiipsis coincidunt; qui si referantur ad superiorem causam
communem, ordinati inveniuntur, et non per accidens coniuncti, sed ab una per
se causa simul producti sunt. |
Pour faire l'évidence là-dessus,
il faut considérer que, plus une cause est élevée, plus sa causalité s’étend
loin, à un plus grand nombre d’êtres. En effet, cette cause plus élevée a un
effet propre qui est plus commun et qui se retrouve en un plus grand nombre
d’autres. De même dans les arts, il est évident que l’art politique, qui est
au-dessus de l'art militaire, étend son influence à toute la communauté.
L'art militaire, lui, ne l'étend qu'à ce qui relève de l'armée. L’ordre qui
affecte les effets d'une certaine cause s’étend autant que le fait la
causalité de cette cause. Toute cause par soi a des effets déterminés,
qu’elle produit selon un certain ordre. Il est donc manifeste que dus effets
relatifs à une cause inférieure semblent ne comporter entre eux aucun ordre,
mais ils coïncident entre eux par accident, effets qui, si on les réfère à
une cause supérieure commune, se trouvent ordonnés, et non survenus par
coïncidence (par accident) mais sont produits en même temps par une seule et
même cause par soi. |
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[82772] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 16 Sicut floritio huius herbae vel illius, si referatur
ad particularem virtutem, quae est in hac planta vel in illa, nullum ordinem
habere videtur,- immo videtur esse accidens -, quod hac herba florente illa
floreat. Et hoc ideo, quia causa virtutis huius plantae extendit se ad
floritionem huius, et non ad floritionem alterius: unde est quidem causa,
quod haec planta floreat, non autem quod simul cum altera. Si autem ad
virtutem corporis caelestis, quae est causa communis, referatur, invenitur
hoc non esse per accidens, quod hac herba florente illa floreat, sed esse
ordinatum ab aliqua prima causa hoc ordinante, quae simul movet utramque
herbam ad floritionem. |
Ainsi la floraison de cette
plante-ci ou de celle-là, référée à la vertu particulière, qui se trouve dans
cette plante-ci ou dans celle-là, semble ne comporter aucun ordre, - bien
plus il semble être accidentel que cette plante-ci fleurisse en même temps
que celle-là. La raison en est que la causalité de la vertu de cette
plante-ci s'exerce sur la floraison de cette plante-ci, et non sur la
floraison d’une autre. Elle: est donc la cause du fait que cette plante-ci
fleurisse, mais pas du fait qu'elle fleurisse en même temps qu'une autre. Si
maintenant on réfléchit à le vertu d'un corps céleste, qui est une cause commune,
on découvrira que ce fait n'est pas accidentel que cette plante-ci fleurisse
en même temps que celle-là, mais que cela est ordonné par une cause première,
qui meut en même temps les deux plantes à la floraison. |
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[82773]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 17 Invenitur autem in rebus triplex causarum gradus. Est enim primo causa incorruptibilis et immutabilis,
scilicet divina; sub hac secundo est causa incorruptibilis, sed mutabilis;
scilicet corpus caeleste; sub hac tertio sunt causae corruptibiles et
mutabiles. Hae igitur causae in tertio gradu existentes sunt particulares, et
ad proprios effectus secundum singulas species determinatae: ignis enim
generat ignem, et homo generat hominem, et planta plantam. |
On trouve dans la nature trois
degrés de causes. Il y a d'abord la cause incorruptible et immobile,
c’est-à-dire divine; sous elle, il y a, en second, la cause incorruptible à
mais muable, c’est-à-dire le corps céleste; encore en-dessous, on a les
causes corruptibles et muables. Ces causes placées au troisième degré sont
particulières, et déterminées à produire leurs effets propres, chacune selon
son espèce: le feu en effet engendre le feu, et l'homme engendre l'homme, et
la plante, la plante. |
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[82774] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 18 Causa autem secundi gradus est quodammodo
universalis, et quodammodo particularis. Particularis quidem, quia se
extendit ad aliquod genus entium determinatum, scilicet ad ea quae per motum
in esse producuntur; est enim causa movens et mota. Universalis autem, quia
non ad unam tantum speciem mobilium se extendit causalitas eius, sed ad
omnia, quae alterantur et generantur et corrumpuntur: illud enim quod est
primo motum, oportet esse causam omnium consequenter mobilium. |
La cause du second degré est de
quelque façon universelle, et de quelque façon particulière. Particulière en
effet, parce qu’elle ne s'étend qu'à un genre particulier d’êtres, à savoir
ceux qui parviennent à l'existence par un certain mouvement; elle est en
effet une cause qui meut tout en étant mue. Universelle aussi, du fait que sa
causalité ne s'étend pas seulement à une seule espèce de mobiles, mais à tous
les êtres qui sont altérés, et engendrés et corrompus : ce qui est mu en
premier, en effet, doit être la cause de tous les autres mouvements. |
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[82775]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 19 Sed causa primi gradus est simpliciter universalis:
eius enim effectus proprius est esse: unde quicquid est, et quocumque modo est,
sub causalitate et ordinatione illius causae proprie continetur. |
Mais la cause du premier degré est
simplement universelle; son effet propre, en effet, c'est l'être; d’où tout ce
qui est, et quel que soit son mode d’être, est contenu proprement sous la
causalité et l'ordination de cette cause. |
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[82776] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 20 Si igitur ea quae hic sunt contingentia, reducamus
in causas proximas particulares tantum, inveniuntur multa fieri per accidens,
tum propter concursum duarum causarum, quarum una sub altera non continetur,
sicut cum praeter intentionem occurrunt mihi latrones. (Hic enim concursus
causatur ex duplici virtute motiva, scilicet mea et latronum). Tum etiam
propter defectum agentis, cui accidit debilitas, ut non possit pervenire ad
finem intentum; sicut cum aliquis cadit in via propter lassitudinem. Tum
etiam propter indispositionem materiae, quae non recipit formam intentam ab
agente, sed alterius modi sicut accidit in monstruosis partibus animalium. |
Si donc les choses qui sont
contingentes dans le monde sont rapportées seulement à leurs causes
prochaines particulières, on trouvera beaucoup de choses qui arrivent par accident,
soit par le concours de deux causes, dont l'une est indépendante de l'autre,
comme par exemple des voleurs m'assaillent contre mon intention (cette
rencontre est causée par deux vertus motrices, la mienne et celle des
voleurs); soit encore à cause d'un défaut dans l'agent, auquel il arrive une
faiblesse, qui l'empêche de parvenir au terme qu'il s'était proposé, comme
lorsque quelqu'un tombe de fatigue en chemin; soit encore à cause de
l'indisposition de la matière, qui ne se laisse pas informer correctement par
l'agent, mais d'une autre façon, comme cela arrive chez les animaux qui ont
des membres monstrueux. |
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[82777]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 21 Haec autem contingentia, si ulterius in causam
caelestem reducantur, multa horum invenientur non esse per accidens; quia
causae particulares etsi non continentur sub se invicem, continentur tamen
sub una causa communi caelesti; unde concursus earum potest habere aliquam
unam causam caelestem determinatam. Quia etiam virtus corporis caelestis et
incorruptibilis est et impassibilis, non potest exire aliquis effectus
ordinem causalitatis eius propter defectum vel debilitatem ipsius virtutis.
Sed quia agit movendo, et omne tale agens requirit materiam determinatam et
dispositam, potest contingere quod in rebus naturalibus virtus caelestis non
consequatur suum effectum propter materiae indispositionem; et hoc erit per
accidens. |
Ces choses contingentes, si on les
réduits à une cause céleste, on en trouvera plusieurs qui ne sont pas
accidentelles. Car les causes particulières, même si elles ne sont pas
dépendantes les unes des autres, sont quand même dépendantes d'une cause
commune céleste: d’où leur rencontre peut être d’une cause céleste unique et
déterminée. De plus, étant donné que cette vertu du corps céleste est
incorruptible et impassible, aucun effet ne peut échapper à l’ordre de sa
causalité par manque ou par débilité de la part de sa vertu. Mais, comme elle
s’exerce en communiquant le mouvement; et comme tout agent de cette nature requiert
une matière déterminée et disposée, il peut arriver que dans les choses
naturelles la vertu céleste n'atteigne pas son effet à cause de
l'indisposition de la matière; et cela sera par accident. |
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[82778] Sententia Metaphysicae,
lib. 6 l. 3 n. 22 Quamvis igitur multa, quae videntur esse per
accidens reducendo ipsa ad causas particulares, inveniantur non esse per
accidens reducendo ipsa ad causam communem universalem, scilicet virtutem
caelestem, tamen etiam hac reductione facta, inveniuntur esse aliqua per
accidens, sicut superius est habitum a philosopho. Quando enim agens aliquod
inducit effectum suum ut in pluribus, et non semper, sequetur, quod deficiat
in paucioribus, et hoc per accidens est. Si igitur corpora caelestia effectos
suos inducunt in inferiora corpora, ut in pluribus, et non semper, propter
materiae indispositionem, sequetur, quod ipsum sit per accidens, quod virtus
caelestis effectum suum non consequatur. |
Donc, bien qu'une quantité de
choses, qui semblent être accidentelles si on les ramène à des causes
particulières, ne soient pas accidentelles si on les réduit à la cause
commune universelle, à savoir à la vertu des corps célestes, cependant, même
une fois cette réduction opérée, on trouve encore des êtres par accident,
comme le Philosophe nous le laisse voir plus haut. En effet quand un agent ne
réussit son effet que la plupart du temps, et non pas toujours, il s’ensuit
qu'il subit un échec dans la minorité des cas: ce qui est de l'être par
accident. Si donc les corps célestes ne réussissent leurs effets dans les
corps inférieurs que dans la majorité des cas, et non pas toujours, à cause
de l'indisposition de la matière, il s'ensuivra que le fait même de ne pas
réussir son effet sera pour le corps céleste quelque chose d'accidentel. |
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[82779]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 23 Licet etiam ex hoc inveniantur aliqua per accidens,
facta reductione ad corpus caeleste: quia in istis inferioribus sunt aliquae
causae agentes, quae possunt per se agere absque impressione corporis
caelestis, scilicet animae rationales, ad quas non pertingit virtus corporis
caelestis (cum sint formae corporibus non subiectae), nisi forte per
accidens, inquantum scilicet ex impressione corporis caelestis fit aliqua
immutatio in corpore, et per accidens in viribus animae, quae sunt actus
quarumdam partium corporis, ex quibus anima rationalis inclinatur ad agendum,
licet nulla necessitas inducatur, cum habeat liberum dominium super
passiones, ut eis dissentiat. Illa igitur, quae in his inferioribus inveniuntur
per accidens fieri reducendo ad has causas, scilicet animas rationales, prout
non sequuntur inclinationem, quae est ex impressione caelesti, non
invenientur per se fieri per reductionem ad virtutem corporis caelestis. |
Il demeure toutefois encore
quelque effets produits par accident, après cette réduction au corps céleste,
parce que dans nos régions inférieures il y a quelques causes agentes qui
peuvent agir par soi sans subir la motion d'aucun corps céleste, par exemple
les âmes raisonnables, que les corps célestes ne peuvent toucher,
puisqu'elles sont des formes non dépendantes de ce qui est corporel, sauf
peut être par accident, en tant que sous la motion d'un corps céleste il se
produit un changement dans le corps, et par accident dans les puissances de
l'âme, qui sont les formes de ces parties corporelles, en conséquence de quoi
l’âme est encline à agir, même si aucune nécessité ne s'exerce sur elle,
puisqu'elle jouit d'un libre domaine sur ses passions et qu'elle peut ne pas
y consentir. Ces effets donc, qui dans nos régions inférieures se trouvent
arriver par accident quand on les réduit à ces causes, à savoir les âmes
raisonnables, en tant que ces âmes ne se laissent pas en traîner aux
mouvements qui proviennent des corps célestes, ne se trouvent donc pas
arriver par soi, si on les réduit à la vertu des corps célestes. |
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[82780] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 24 Et sic patet, quod positio fati, quae est quaedam dispositio
inhaerens rebus inferioribus ex actione corporis caelestis, non removet omnia
ea quae sunt per accidens. |
Ainsi il est évident que le fait
de poser la fatalité, qui est la disposition des choses de notre monde
inférieur d'après l'ordre que leur impose les corps célestes, n'enlève pas
tout ce qui arrive par accident. |
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[82781] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 25 Sed si ulterius ista contingentia reducantur in
causam altissimam divinam, nihil inveniri poterit, quod ab ordine eius exeat,
cum eius causalitas extendat se ad omnia inquantum sunt entia. Non potest
igitur sua causalitas impediri per indispositionem materiae; quia et ipsa
materia, et eius dispositiones non exeunt ab ordine illius agentis, quod est
agens per modum dantis esse, et non solum per modum moventis et alterantis.
Non enim potest dici, quod materia praesupponatur ad esse, sicut
praesupponitur ad moveri, ut eius subiectum; quinimo est pars essentiae rei.
Sicut igitur virtus alterantis et moventis non impeditur ex essentia motus,
aut ex termino eius, sed ex subiecto, quod praesupponitur; ita virtus dantis
esse non impeditur a materia, vel a quocumque, quod adveniat qualitercumque
ad esse rei. Ex quo etiam patet, quod nulla causa agens potest esse in istis
inferioribus, quae eius ordini non subdatur. |
Mais si, poussant plus loin, nous
réduisons ces effets contingents à la cause la plus haute et divine, on ne
pourra rien trouver qui échappe à son ordination, puisque sa causalité s'étend
à toutes choses en tant qu'elles sont des êtres. Sa causalité ne peut donc
pas être empêchée par l'indisposition de la matière, puisque la matière
elle-même et ses dispositions n'échappent pas à l'ordination de cette cause,
qui est agente par mode de donatrice de l'être, et non seulement en tant
qu'elle cause le mouvement ou l'altération. On ne peut pas dire en effet que
la matière soit présupposée à l'être, comme elle est présupposée au
mouvement, comme son sujet: au contraire elle fait partie de l'essence de la
chose, Donc, comme la vertu du principe d'altération et de mouvement n'est
pas empêchée par l’essence même du mouvement, ou par son terme, mais
seulement par son sujet, qui est présupposé, ainsi la vertu du principe qui
donne l'être n'est pas empêchée par la matière, ou par quoi que ce soit, qui
advienne d'une façon quelconque à l'être de la chose. D'où il résulte avec
évidence qu'il ne peut y avoir aucune cause agente dans notre monde, qui ne
soit soumis et l'ordination de cotte cause de l'être. |
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[82782]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 26 Relinquitur igitur quod omnia, quae hic fiunt, prout
ad primam causam divinam referuntur, inveniuntur ordinata et non per accidens
existere; licet per comparationem ad alias causas per accidens esse
inveniantur. Et propter hoc secundum fidem Catholicam dicitur, quod nihil fit
temere sive fortuito in mundo, et quod omnia subduntur divinae providentiae.
Aristoteles autem hic loquitur de contingentibus quae hic fiunt, in ordine ad
causas particulares, sicut per eius exemplum apparet. |
Il reste donc que tout ce qui
arrive ici-bas, pour autant que c'est réductible à la cause première divine,
se trouve exister selon un certain ordre et non par accident; même si, quand
on fait référence à d'autres causes, on trouve dé l'accidentel. Voilà
pourquoi on dit, selon la foi catholique, que rien n'arrive au hasard ou
n'importe comment dans le monde, et que tout est soumis à la divine
providence. Aristote cependant parle ici des choses contingentes qui arrivent
dans le monde, en les référant aux causes particulières, comme c’est évident
par l'exemple qu’il apporte. |
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[82783] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 27 Nunc autem restat videre quomodo positio fati et
providentiae non tollit a rebus contingentiam, quasi omnia ex necessitate
eveniant. Et de fato quidem manifestum est per ea quae dicta sunt. Iam enim
est ostensum, quod licet corpora caelestia et eorum motus et actiones quantum
in ipsis est necessitatem habeant, tamen effectus eorum in istis inferioribus
potest deficere, vel propter indispositionem materiae, vel propter animam
rationalem quae habet liberam electionem sequendi inclinationes, quae sunt ex
impressione caelesti, vel non sequendi: et ita relinquitur, quod huiusmodi
effectus non ex necessitate, sed contingenter proveniant. Non enim positio
causae caelestis est positio causae talis, ad quam de necessitate sequatur
effectus, sicut ad compositionem ex contrariis sequitur mors animalis, ut in
litera tangitur. |
Maintenant il reste à voir comment
le fait de poser la fatalité et la providence n’enlève pas dans les choses la
contingence, comme si tout arrivait avec nécessité. Pour ce qui est de la
fatalité, c'est déjà manifeste par ce que l’on a dit plus haut. On a en effet
montré déjà quel bien que les corps célestes et leurs mouvements et actions
ont de la nécessité, en eux-mêmes, toutefois leur effet dans nos régions
inférieures peut ne pas arriver, soit à cause de l’indisposition de la
matière, soit à cause de l’âme raisonnable qui a le libre choix de suivre les
inclinations qui proviennent de l’action des corps célestes, ou de ne les pas
suivre. Ainsi donc il résulte que les effets de cette nature surviennent non
par nécessité, mais de façon contingente. En effet poser une cause céleste ce
n'est pas poser une cause-t-elle que son effet doive s'ensuivre
nécessairement, comme par exemple la mort de l'animal suit nécessairement sa
composition de principes contraires, comme on le lit dans le texte
d'Aristote. |
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[82784]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 28 Sed de providentia maiorem habet difficultatem.
Providentia enim divina falli non potest. Haec enim duo sunt incompossibilia,
quod aliquid sit provisum a Deo, et non fiat: et ita videtur, quod ex quo
providentia iam ponitur, quod eius effectum necesse sit sequi. |
Mais à propos de la providence, la
difficulté est plus grande. La providence divine, en effet, ne peut
défaillir. Il est impossible de concilier ces deux choses: à savoir que
quelque chose soit prévu par la providence, et n'arrive pas. Ainsi donc il
semble que du fait que l'on a posé la providence, son effet doive s'ensuivre
avec nécessité. |
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[82785] Sententia Metaphysicae,
lib. 6 l. 3 n. 29 Sed sciendum est, quod ex eadem causa dependet
effectus, et omnia quae sunt per se accidentia illius effectus. Sicut enim
homo est a natura, ita et omnia eius per se accidentia, ut risibile, et
mentis disciplinae susceptibile. Si autem aliqua causa non faciat hominem
simpliciter sed hominem talem, eius non erit constituere ea quae sunt per se
accidentia hominis, sed solum uti eis. Politicus enim facit hominem civilem;
non tamen facit eum mentis disciplinae susceptibilem, sed hac eius
proprietate utitur ad hoc quod homo fiat civilis. |
Mais il faut savoir que c'est de
la même cause que dépendent en effet, et tous les accidents propres de cet
effet. De même en effet que l’homme dépend de la nature, de même tous ses
accidents propres, comme sa risibilité, et son aptitude à acquérir les
disciplines intellectuelles dépendent aussi de la nature. Si une cause n'est
pas responsable de l'homme dans son essence, mais simplement de tel homme, il
ne lui appartiendra pas de causer en lui les accidents propres de l'homme,
mais seulement de se servir de ces propriétés. L'art politique fait l'homme
citoyen; elle ne le rend pas disciplinable, mais elle se sert de cette
propriété afin de rendre l’homme citoyen. |
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[82786]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 30 Sicut autem dictum est, ens inquantum ens est, habet
causam ipsum Deum: unde sicut divinae providentiae subditur ipsum ens, ita
etiam omnia accidentia entis inquantum est ens, inter quae sunt necessarium
et contingens. Ad divinam igitur
providentiam pertinet non solum quod faciat hoc ens, sed quod det ei
contingentiam vel necessitatem. Secundum enim quod unicuique dare voluit
contingentiam vel necessitatem, praeparavit ei causas medias, ex quibus de
necessitate sequatur, vel contingenter. Invenitur igitur uniuscuiusque effectus secundum
quod est sub ordine divinae providentiae necessitatem habere. Ex quo
contingit quod haec conditionalis est vera, si aliquid est a Deo provisum,
hoc erit. |
Comme on l'a déjà dit, l’être en
tant qu’être a Dieu lui-même pour cause ; donc, de même que l'être lui-même
est soumis à la divine providence, de même aussi tous les accidents de l'être
en tant qu'être, parmi lesquels se trouvent le nécessaire et le contingent.
Il appartient en effet à la divine providence non seulement de faire cet
être, mais aussi de lui donner la contingence ou la nécessité. En effet selon
qu’il a voulu donner à un être quelconque la contingence ou la nécessité,
elle lui a préparé des causes intermédiaires dont cet être procède avec
nécessité ou avec contingence. Il arrive donc que l'effet d'une cause
quelconque selon qu'il est ordonné par la divine providence, est un effet
nécessaire d’où il ressort que cette affirmation conditionnelle est vrai: si
quelque chose a été prévue par Dieu, cette chose sera. |
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[82787] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 31 Secundum autem quod effectus aliquis consideratur
sub ordine causae proximae, sic non omnis effectus est necessarius; sed quidam
necessarius et quidam contingens secundum analogiam suae causae. Effectus
enim in suis naturis similantur causis proximis, non autem remotis, ad quarum
conditionem pertingere non possunt. |
Cependant, si on considère un
effet d’après l’ordre et la dépendance qu’il a par rapport à sa cause
prochaine, on ne fera pas de tout effet un effet nécessaire; mais tel effet
sera nécessaire, tel autre sera contingent, tout comme sa cause. Les effets
sont assimilés, dans leur na ture, à leur cause prochaine, non à leurs causes
éloignées, parce qu'ils ne peuvent pas rejoindre le degré de perfection de
ces dernières. |
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[82788] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 3 n. 32 Sic ergo patet, quod cum de divina providentia
loquimur, non est dicendum solum, hoc est provisum a Deo ut sit, sed hoc est
provisum a Deo, ut contingenter sit, vel ut necessario sit. Unde non sequitur
secundum rationem Aristotelis hic inductam, quod ex quo divina providentia
est posita, quod omnes effectus sint necessarii; sed necessarium est effectus
esse contingenter, vel de necessitate. Quod quidem est singulare in hac causa, scilicet in
divina providentia. Reliquae enim causae non constituunt legem necessitatis
vel contingentiae, sed constituta a superiori causa utuntur. Unde causalitati
cuiuslibet alterius causae subditur solum quod eius effectus sit. Quod autem sit necessario vel contingenter, dependet
ex causa altiori, quae est causa entis inquantum est ens; a qua ordo
necessitatis et contingentiae in rebus provenit. |
Ainsi donc il est évident que,
quand nous parlons de la divine providence, on ne doit pas dire seulement:
Dieu a prévu que cela sera, mais on doit ajouter Dieu a prévu que cela sera
de façon contingente ou de façon nécessaire. D’où on ne peut conclure de la
raison apportée par Aristote que, la providence de Dieu étant posée, tous ses
effets deviennent nécessaires, mais qu’il est nécessaire que ses effets
soient, ou de façon contingente, ou avec nécessité. Cela est particulier à
cette cause, c’est-à-dire à la divine providence. En effet, les autres causes
ne constituent pas la loi de nécessité ou de contingence, mais cette loi
étant posée par une cause supérieure, ils l'exécutent seulement. Ainsi donc
toute autre cause que la providence a sous sa causalité seulement le fait que
son effet soit posé. Qu’il arrive avec nécessité ou avec contingence, cela
dépend d'une cause plus haute, à savoir la cause de l'être en tant qu’être,
C'est de cette dernière que devient l'ordre de la nécessité ou de la
contingence dans les choses. |
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Leçon 4, Texte d’Aristote
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Quant à l’être comme vrai, et au
non-être comme faux, ils consistent dans l’union et dans la séparation, et le
vrai et le faux réunis se partagent entièrement les contradictoires (En
effet, le vrai, c’est l’affirmation de la composition réelle du sujet de
l’attribut, et la négation de leur séparation réelle ; le faux est la
contradiction de cette affirmation et de cette négation. Mais comment se
fait-il que nous pensions les choses comme unies et séparées ? C’est une
autre question. Quand je dis unies et séparées, j’entends que je pense les
choses de telles sorte qu’il n’y a pas simple consécution de pensées, mais que
ces pensées deviennent une unité). Le faux et le vrai, en effet, ne sont pas
dans les choses, comme si le bien était vrai, et le mal, en lui-même, le
faux, mais dans la pensée, et, en ce qui regarde les natures simples et les
essences, le vrai et le faux n’existent pas même dans la pensée. Cela étant
posé, ce qu’il faut connaître de l’être et du non-être, envisagés de cette
façon, devra être examiné ultérieurement. Mais puisque la liaison et la
séparation sont dans la pensée, et non dans les choses, et que l’être, pris
en ce sens, est différent de l’être au sens strict (car la pensée réunit et
sépare, pour un sujet donné, soit une essence, soit une certaine qualité,
soit une certaine quantité, soit tout autre mode), nous devons laisser de
côté, aussi bien que l’être par accident, l’être en tant que vrai. En effet,
la cause de l’être par accident est indéterminée, et celle de l’être en tant
que vrai n’est qu’une affection de la pensée ; de plus, ces deux sortes
d’êtres roulent sur l’autre genre de l’être, et ils ne manifestent, ni l’un
ni l’autre, l’existence de quelque nature objective d’être. Passons-les tous
les deux sous silence, et examinons les causes et les principes de l’être
lui-même en tant qu’être ; (il est clair qu’en déterminant les sens divers
de chaque terme, nous avons établi que l’être se prend en plusieurs
acceptions). |
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Lectio 4 |
Leçon 4, Commentaire de
saint Thomas [Le vrai et le faux] (Traduction Abbé Dandenault, v. 1960)
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Leçon 4, (Traduction par
Marie-Hélène Deloffre, 2004)
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IL EXPOSE DE QUELLE
MANIERE L’ETRE SIGNIFIE LE VRAI ET EN QUOI CONSISTENT LE VRAI ET LE FAUX. IL
CONCLUT QU’A BON DROIT L’ETRE PAR ACCIDENT SONT EXCLUS DE NOTRE ETUDE. |
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[82789] Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 1 Postquam determinavit philosophus de ente per
accidens, hic determinat de ente, quod significat veritatem propositionis: et
circa hoc duo facit. Primo determinat qualiter dicatur huiusmodi ens. Secundo
removet ipsum a principali consideratione huius scientiae, ibi, quoniam autem
complexio et cetera. Circa primum tria facit. Primo ostendit qualiter
huiusmodi ens dicatur. Secundo respondet cuidam quaestioni, ibi, quomodo
autem quod simul et cetera. Tertio manifestat quoddam quod dixerat, ibi, non
est autem verum et falsum in rebus et cetera. Dicit ergo quod ens quoddam
dicitur quasi verum, idest quod nihil aliud significat nisi veritatem.
Cum enim interrogamus si homo est animal, respondetur quod est; per quod
significatur, propositionem praemissam esse veram. Et eodem modo non ens
significat quasi falsum. Cum enim respondetur, non est, significatur quod
proposita oratio sit falsa. Hoc autem ens, quod dicitur quasi verum, et non
ens, quod dicitur quasi falsum, consistit circa compositionem et divisionem.
Voces enim incomplexae neque verum neque falsum significant; sed voces
complexae, per affirmationem aut negationem veritatem aut falsitatem habent.
Dicitur autem hic affirmatio compositio, quia significat praedicatum inesse
subiecto. Negatio vero dicitur
hic divisio, quia significat praedicatum a subiecto removeri. |
Après avoir déterminé l'être par
accident, le Philosophe détermine maintenant l'être qui signifie la vérité de
la proposition. A ce sujet, il fait une double considération, Il détermine,
en premier, quel est le sens de cet être puis, en second, il l’exclut de la
considération principale de cette science, où il dit: "Le faux et le
vrai, en effet, etc. " Pour établir le sens de l’être-vrai. il fait une
triple réflexion. Il montre, en premier, de qu’elle manière se dit l’être qui
signifie le vrai; en second, il répond à une certaine question où il dit:
"Mais comment se fait-il etc."; en troisième, il manifeste une de ses
affirmations où il dit : "Le faux et le vrai, en effet, etc."
Il dit donc qu’il y a l'être au sens du vrai, c'est-à-dire qui ne signifie
rien d’autre que la vérité. Lorsque nous demandons si l'homme est un animal,
on répond qu’il l'est. Ce qui signifie que la proposition précédente est
vraie, Et de la même façon, le non-être signifie le faux, lorsque nous
répondons: il n'est pas, cela signifie que la proposition entendue est
fausse. Cet être qu’on appelle, pour ainsi dire, le vrai, et ce non-être
qu’on appelle le faux, consistent dans la composition et la division. Les
termes incomplexes, en effet, ne signifient ni le vrai ni le faux ; les
termes complexes, grâce à l’affirmation et à la négation, sont vrais ou faux.
Cependant, ici, on emploie le mot composition pour l’affirmation, parce que
l’affirmation signifie que le prédicat est dans le sujet. La négation est
dite division parce qu'elle signifie que le prédicat est séparé du sujet. |
[82789] Après avoir déterminé ce qui concerne l’étant par accident, le
Philosophe détermine ici ce qui concerne l’étant qui signifie la vérité de la
proposition. Et à ce sujet l fait deux choses : d’abord il détermine
comment, qualiter, on dit un tel
étant. En second lieu, il l’écarte de la considération principale de cette science,
à cet endroit : « Mais puisque cette complexité », etc. Au
sujet du premier point il fait trois choses : d’abord il dit comment, qualiter, on dit un tel étant ;
en second lieu il répond à une question, à cet endroit : « Mais
comment ce qui à la fois »[139], etc. Troisièmement, il manifeste une chose qu’il avait dite, à cet
endroit : « Mais le vrai et le faux ne sont pas dans les
choses », etc. Il dit donc que « l’on parle d’une certaine sorte
d’étant au sens de vrai », c’est-à-dire qu’il ne signifie rien d’autre
que la vérité. En effet, quand nous demandons si l’homme est un animal, on
répond qu’il l’est. Ces mots signifient que la proposition susdite est vraie.
Et de la même manière, le non étant signifie pour ainsi dire le faux. En
effet, quand on répond : « il ne l’est pas », cela signifie
que le discours proposé est faux. Mais cet étant, qui signifie le vrai, et ce
non étant, qui signifie le faux consiste dans la composition et la division.
En effet les sons de voix, voces,
incomplexes, ne signifient ni le vrai ni le faux ; mais les sons de voix
complexes, par l’affirmation et la négation, comportent une vérité ou une
fausseté. Or cette affirmation est appelée composition, car elle signifie que
le prédicat se trouve dans le (inest,
inhère au) sujet. Et l’on appelle ici la négation division, car elle signifie
que l’on écarte le prédicat du sujet. |
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[82790] Sententia Metaphysicae,
lib. 6 l. 4 n. 2 Et
cum voces sint signa intellectuum, similiter dicendum est de conceptionibus
intellectus. Quae enim sunt
simplices, non habent veritatem neque falsitatem, sed solum illae quae sunt
complexae per affirmationem vel negationem. |
Et puisque les mots sont les
signes des choses intelligées, il faut en dire autant des concepts de
l’intelligence. Ceux qui sont simples n’ont aucune vérité ni fausseté; il n’y
a que les concepts complexes par affirmation ou négation qui sont vrais ou
faux. |
[82790] Et comme les sons de voix sont des signes des notions (intellectuum), il faut en dire autant
des conceptions de l’intellect : celles qui sont simples n’offrent ni
vérité ni fausseté, mais seulement celles qui sont complexes, du fait de
l’affirmation et de la négation. |
|
[82791]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 3 Et quia praedictum ens et non ens, scilicet verum et
falsum, consistit in compositione et divisione, ideo similiter consistit
circa partitionem contradictionis. Unaquaeque enim contradictionum partiuntur
sibi invicem verum et falsum; ita quod altera pars est vera, et altera pars
est falsa. Cum enim contradictio ex affirmatione et negatione constituatur,
utraque autem harum ex praedicato sit et subiecto, praedicatum et subiectum
dupliciter se possunt habere. Aut enim sunt coniuncta in rerum natura, sicut
homo et animal; aut sunt disiuncta, ut homo et asinus. |
Et parce que l’être mentionné, à
savoir le vrai et le faux, consiste dans la composition et la division, il
consiste également dans le partage de la contradiction. Les parties de la
contradiction se partagent entre elles le vrai et le faux, de telle sorte
qu’une partie de la contradiction est vraie, et l’autre partie, fausse. En
effet, puisque la contradiction est constituée d’une affirmation et d'une
négation, et que l’une et l’autre partie sont constituées d'un prédicat et
d'un sujet, il y a deux cas possibles dans les rapports entre le prédicat et
le sujet. Ou bien leur union est réelle, comme homme et animal; ou bien il y
a séparation réelle, comme homme et âne. |
[82791] Et parce que l’étant et le non étant susdits, c’est-à-dire le vrai et
le faux, consistent dans la composition et dans la division, de même il
consiste dans la partition de la contradiction. En effet chaque contradiction
se partage le vrai et le faux, de telle sorte qu’un côté est vrai, et l’autre
faux. En effet, comme la contradiction est constituée d’une affirmation et
d’une négation, mais que chacune [est constituée] d’un prédicat et d’un
sujet, le prédicat et le sujet peuvent se trouver dans un double
rapport : ou bien ils sont unis dans la réalité (natura rerum, nature des choses (), comme homme et animal ;
ou bien ils sont disjoints, comme homme et âne. |
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[82792] Sententia Metaphysicae,
lib. 6 l. 4 n. 4 Si
ergo formantur duae contradictiones: una ex terminis coniunctis, ut, homo est
animal, homo non est animal; alia ex terminis disiunctis, ut, homo est
asinus, homo non est asinus, utramque contradictionem inter se condividunt
verum et falsum; ita quod verum pro parte sua habet affirmationem in
composito, idest in terminis coniunctis, et negationem in disiuncto,
idest in terminis disiunctis. Hae enim duae sunt verae, homo est animal et
homo non est asinus. Sed falsum pro sua parte habet contradictionem
partitionis, idest contradictoria eorum, quae cedunt in partem veri.
Habet enim falsum pro sua parte negationem in coniuncto, et affirmationem in
disiuncto. Hae enim duae sunt falsae, homo non est animal, et homo est
asinus. |
Si donc nous formons deux
contradictions: l'une ayant des termes réellement unis: "l’homme est
animal", l’homme n’est pas animal ; l’autre ayant des termes
séparés : l’homme est un âne, l’homme n’est pas un âne, chacune de ces
contradictoires se divisent entre elles le vrai et le faux, de telle sorte
que le vrai trouve sa part dans l'affirmation du composé, c'est-à-dire des
termes réellement unis, et dans la négation du séparé, des termes réellement
séparés, Ces deux propositions sont également vraies: l’homme est animal et
l’homme n’est pas un âne. Mais le faux trouve sa part dans les
contradictoires des propositions où se trouve le vrai. Le faux a donc comme
lot la négation du composé et l’affirmation du séparé. En effet, ces deux
propositions sont fausses: l’homme n’est pas animal et l’homme est un âne. |
[82792] Si donc on forme deux contradictions : l’une, à partir de termes
conjoints, comme « l’homme est un animal, l’homme n’est pas un
animal » ; une autre, à partir de termes disjoints, comme
« l’homme est un âne, l’homme n’est pas un âne », l’une et l’autre
de ces contradictions se divise en une [énonciation] vraie et une fausse, de
sorte que le vrai, de son côté, « a l’affirmation dans le
composé », c’est à dire dans les termes conjoints, « et la négation
dans le disjoint », c’est-à-dire dans les termes disjoints. En effet ces
deux [propositions] sont vraies : « l’homme est un animal, l’homme
n’est pas un âne ». Mais le faux a de son côté « la contradiction
de partition », c’est-à-dire les contradictoires des choses quæ cedunt in partem veri (de ce qui se trouve du côté du vrai). En effet
le faux a de son côté la négation dans le conjoint (dans la composition), et
l’affirmation dans le disjoint (dans la division). En effet ces deux
propositions sont fausses : « l’homme n’est pas un animal »,
et « l’homme est un âne ». |
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[82793] Sententia Metaphysicae,
lib. 6 l. 4 n. 5 Deinde
cum dicit quomodo autem removet quamdam dubitationem, quae posset occasionari
ex dictis. Dixerat enim quod verum et falsum consistunt in compositione et
divisione, vocum quidem secundario, intellectus autem primo et principaliter:
omnis autem compositio vel divisio plurium est: et ideo potest esse dubium,
quomodo ista quae componuntur et dividuntur, intellectus intelligat: utrum
scilicet simul, aut separatim. Sed dicit, quod hoc pertinet ad alium sermonem,
scilicet ad librum de anima. |
Ensuite, quand il dit; "Mais
comment ... ", il nettoie ensuite UN certaIn doute qui pouvait s’élever
à l’occasion de l’exposé précédent ; Il avait dit en effet, que le vrai et le
faux consistent dans la composition et la division, secondairement des mots,
premièrement et principalement de l’intelligence. Or, toute composition ou
division exigent pluralité. Il pourrait donc s’élever le doute suivant:
comment l’intelligence intellige-t-elle ces objets qui sont composés ou divisés ?
Les intellige-t-elle ensemble ou séparément? Mais il dit que cette question
appartient à un autre traité, à celui de
l’Ame. |
[82793] Ensuite quand il dit : « Mais comment se fait-il », il
soulève un doute, qui pourrait surgir de ce qui précède. Il avait dit en
effet que « le vrai et le faux consistent dans la composition et la
division, secondairement des sons de voix, premièrement et principalement, de
la notion. Or toute composition ou division [se réalise] entre plusieurs
choses. Et c’est pourquoi on peut se demander comment l’intellect intellige
les choses qui sont composées ou divisées : ensemble, ou
séparément ? Mais il dit que cela relève d’un autre discours, à savoir,
au livre De l’âme. |
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[82794] Sententia Metaphysicae,
lib. 6 l. 4 n. 6 Et
quia simul dupliciter dicitur, quandoque enim significat unitatem, sicut
dicimus simul esse secundum tempus quae sunt in uno et eodem instanti:
quandoque vero significat coniunctionem et vicinitatem eorum quae
consequenter se habent, sicut dicimus duos homines esse simul secundum locum,
quorum loca sunt coniuncta et consequenter se habentia, et secundum tempus,
quae se tempore consequuntur: ideo exponit quaestionem motam, qua quaesivit
utrum simul aut separatim intelligat intellectus ea quae componuntur et
dividuntur: dicens, quod non intelligit simul secundum quod aliqua dicuntur
esse simul, ut consequenter se habent; sed secundum quod aliqua dicuntur esse
simul in eo quod fit aliquid unum. |
Et parce que "ensemble"
ou "simultané" se dit de deux façons, il signifie quelquefois
l'unité, comme lorsque nous parlons de la simultanéité dans le temps pour
signifier la rencontre dans un seul et même instant; il signifie,
quelquefois, la conjonction et le rapprochement de deux choses consécutives
l’une à l’autre, comme lorsque nous disons que deux hommes sont ensemble dans
un lieu, parce que les lieux où ils se trouvent sont conjoints, l’un étant
immédiatement consécutif à l’autre ou lorsque nous parlons de simultanéité
dans le temps pour désigner ce qui se suit immédiatement dans le temps. A
cause de ce double sens du mot "ensemble", il expose la question
agitée où on se demandait si l'intelligence comprenait ensemble ou séparément
les objets qu'elle compose et divise. Il répond qu'elle ne comprend pas
ensemble -- ou en même temps --- dans le second sens du mot, où les choses
sont dites être ensemble où simultanées en tant qu’elles sont consécutives
l’une à l’autre, mais dans le premier sens du mot, selon lequel les choses
sont dites être ensemble du fait qu’elles forment une unité, qu'elles
deviennent une. |
[82794] Mais « ensemble » se dit en deux sens : en effet,
parfois cela signifie l’unité, comme quand nous disons que ce qui s’accomplit
en un seul et même instant est « ensemble » selon le temps ;
d’autres fois, cela signifie la conjonction et le voisinage de ce qui se
suit, consequenter se habent ;
ainsi, nous disons que sont ensemble selon le lieu deux hommes dont les lieux
sont conjoints et se font suite ; et, selon le temps, ce qui se suit
selon le temps. C’est pourquoi il explique la question soulevée, sur la
question de sa voir si l’intellect intellige ensemble ou séparément ce qui
est composé ou divisé, en disant qu’il n’intellige pas ensemble, au sens où
l’on dit que certaines choses sont ensemble, en ce sens qu’elles se font
suite, mais en tant qu’on dit que sont ensemble les choses à partir
desquelles il se fait quelque chose d’un. |
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[82795] Sententia Metaphysicae,
lib. 6 l. 4 n. 7 Et
in hoc innuitur solutio quaestionis. Si enim intellectus intelligat hominem
et animal unumquodque secundum se, ut sunt duo quaedam, intelligit ea
consequenter duabus conceptionibus simplicibus, non formans ex eis
affirmationem neque negationem. Cum autem ex eis format compositionem vel
divisionem, intelligit ambo ut unum, inquantum scilicet ex eis aliquod unum
fit: sicut etiam partes cuiuslibet totius intelligit intellectus ut unum,
intelligendo ipsum totum. Non enim intelligit domum intelligendo prius
fundamentum et postea parietem et postea tectum; sed omnia ista intelligit
simul, inquantum ex eis fit unum. Similiter intelligit praedicatum et
subiectum simul, inquantum ex eis fit unum, scilicet affirmatio et negatio. |
C’est là que la solution de la
question apparait. Si, en effet, l’intelligence intellige l’homme et l'animal
chacun en soi, en tant qu'ils sont deux objets, elle les intellige
consécutivement à deux concepts simples, ne formant pas avec eux une
affirmation ni une négation. Lorsque cependant à partir de l’homme et de
l’animal, elle forme une composition ou une division, elle les intellige
comme étant un, en tant qu’à partir
d'eux elle forme quelque chose d'un. Ainsi, d’ailleurs, l’intelligence
intellige les parties d'un tout comme quelque chose d'un en intelligeant le
tout lui-même. En effet, elle ne saisit pas la maison en intelligeant tout
d’abord les fondations et ensuite les murs et ensuite le toit, mais elle
intellige toutes les parties ensemble, en tant que ces parties forment
quelque chose d’un. Pareillement, elle intellige le prédicat et le sujet
ensemble, en tant qu’à partir d’eux se forme quelque chose d’un:
l'affirmation et la négation. |
[82795] Et cela indique la solution de la question. Si en effet l’intellect
intellige l’homme et l’animal chacun selon soi, en tant qu’ils sont deux
choses, il les intellige à la suite (ou : par suite) par deux
conceptions simples, sans former à partir d’elles une affirmation ni une
négation. Mais quand il forme à partir d’elles une composition ou une
division, il intellige les deux en un, en tant que d’elles de fait quelque
que chose d’un ; comme aussi l’intellect intellige les parties d’un tout
comme quelque chose d’un, en intelligeant le tout lui-même. En effet il
n’intellige pas la maison en intelligeant d’abord les fondations, puis les
murs, et ensuite le toit ; mais il intellige tout cela à la fois, en
tant que de [ces parties] il résulte quelque chose d’un. De même il intellige
le prédicat et le sujet ensemble, en tant qu’il en résulte quelque chose
d’un, à savoir, l’affirmation et la négation. |
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[82796] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 8 Deinde cum dicit non est autem. Manifestat quoddam
quod dixerat scilicet quod verum et falsum sint in compositione et divisione.
Quod quidem probat per modum cuiusdam divisionis. Eorum enim, quae dicuntur
voce, quaedam sunt in rebus extra animam, quaedam autem sunt in anima tantum.
Album enim et nigrum
sunt extra animam; sed rationes horum sunt in anima tantum. Posset autem
aliquis credere, quod verum et falsum sint etiam in rebus sicut bonum et
malum; ita quod verum sit quoddam bonum, et falsum sit quoddam malum: hoc
enim oporteret si verum et falsum essent in rebus. Verum enim quamdam
perfectionem naturae significat, falsum vero defectum. Omnis autem perfectio
in rebus existens, ad perfectionem et bonitatem naturae pertinet, defectus
vero et privatio ad malitiam. |
Ensuite, quand il dit: "Le
faux et le vrai... ", il manifeste une affirmation précédente, à savoir
que le vrai et le faux sont dans la composition et la division. Ce qu'il
prouve par la méthode d'une division. Parmi tout ce que représentent les
mots, certaines choses existent dans la réalité en dehors de l’âme, certaines
autres n'existent que dans l’âme. Le blanc et le noir sont extérieurs à
l’âme, mais leurs notions n'existent que dans l'âme. Et donc quelqu'un
pourrait croire que le vrai et le faux existent aussi dans la réalité
extérieure, comme le bien et le mal, de telle sorte que le vrai serait un
certain bien et le faux, un certain mal. Il en serait nécessairement ainsi si
le vrai et le faux étaient dans les choses. Le vrai, en effet, signifie une
certaine perfection de la nature, alors que le faux signifie un défaut de
perfection. Or toute perfection existant dans les choses appartient à a
perfection et à la bonté de la nature, alors que la déficience et la
privation appartiennent au mal. |
[82796] Ensuite quand il dit : « Le vrai et le faux en effet (Non est autem) »[140], il manifeste quelque chose qu’il avait dit : que le vrai et le
faux résident dans la composition et la division. Ce qu’il prouve par le mode
d’une certaine division. En effet parmi les choses qui sont dites par la
voix, certaines sont dans les choses en dehors de l’âme, mais d’autres sont
dans l’âme seulement. En effet le blanc et le noir se trouvent en dehors de
l’âme, mais les raisons de ces [couleurs] sont dans l’âme seulement. Or on
pourrait croire que le vrai et le faux sont aussi dans les choses comme le
bien, et le mal, en sorte que le vrai serait un certain bien, et le faux, un
certain mal. Il en serait nécessairement ainsi, si le vrai et le faux étaient
dans les choses, comme le bien et le mal. Le vrai en effet signifie un
certaine perfection de la nature, le faux, un défaut. Or toute perfection
existant dans les choses relève d’une perfection et d’une bonté de la
nature ; le défaut et la privation, d’une malice. |
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[82797] Sententia Metaphysicae,
lib. 6 l. 4 n. 9 Sed
ipse hoc negat; dicens, quod verum et falsum non sunt in rebus, ita quod
verum rationis sit quoddam bonum naturae, et falsum sit quoddam malum; sed sunt
tantum in mente, idest in intellectu. |
Mais Aristote le nie en disant que
le vrai et le faux ne sont pas dans les choses, de telle sorte que le vrai de
la raison soit un certain bien de la nature et le faux, un certain mal. Mais
ils n'existent que dans l’intelligence. |
[82797] Mais cela, le Philosophe lui-même le nie, en disant que le vrai et le
faux ne sont pas dans les choses, en sorte que la vérité de la raison [formelle]
soit un certain bien de la nature, et que le faux soit un certain mal. Mais
ils sont seulement dans l’esprit, c’est-à-dire dans l’intellect. |
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[82798] Sententia Metaphysicae,
lib. 6 l. 4 n. 10 Intellectus
autem habet duas operationes, quarum una vocatur indivisibilium
intelligentia, per quam intellectus format simplices conceptiones rerum
intelligendo quod quid est uniuscuiusque rei. Alia eius operatio est per quam
componit et dividit. |
Or, l'intelligence a deux
opérations. L'une s'appelle l'intelligence des indivisibles, par laquelle
l’intelligence forme les concepts simples des choses en saisissant l’essence
de chacune. L’autre opération est celle par laquelle elle compose et divise. |
[82798] Or l’intellect a deux opérations. L’une s’appelle intelligence des
indivisibles ; par elle l’intellect forme des conceptions simples des
choses, en intelligeant ce qu’est la quiddité de chaque chose. L’autre
opération est celle par laquelle il compose et divise. |
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[82799]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 11 Verum autem et falsum, etsi sint in mente, non tamen
sunt circa illam operationem mentis, qua intellectus format simplices
conceptiones, et quod quid est rerum. Et hoc est quod dicit, quod verum et
falsum, circa simplicia et quod quid est, nec in mente est. Unde
relinquitur per locum a divisione, quod ex quo non est in rebus, nec est in
mente circa simplicia et quod quid est, quod sit circa compositionem et
divisionem mentis primo et principaliter; et secundario vocis, quae
significat conceptionem mentis. Et ulterius concludit, quod quaecumque
oportet speculari circa ens et non ens sic dictum, scilicet prout ens
significat verum, et non ens falsum, posterius perscrutandum est,
scilicet in fine noni et etiam in libro de anima, et in logicalibus. Tota
enim logica videtur esse de ente et non ente sic dicto. |
Or, le vrai et le faux, bien qui
ils soient dans l'intelligence, ne se trouvent pas dans cette opération par
laquelle l’intelligence forme des conceptions simples et l'essence des
choses. Le vrai et le faux n'étant pas dans la réalité, ni dans l’opération
intellectuelle qui conçoit les choses simples et les essences, il reste,
d’après la division, qui ils soient premièrement et principalement dans la
composition et la division de l'intelligence et, secondairement, dans le
terme oral qui signifie cette conception de l’esprit. Et il conclut en
dernier que tout ce qu’il faut considérer sur l’être pris dans le sens du
vrai et du faux, devra être remis à la fin du neuvième livre, et aussi dans le livre de l’Ame, et dans les livres de logique. Toute la logique,
en effet, semble porter sur l'être qui signifie le vrai et le non-être qui
signifie le faux. |
[82799] Mais le vrai et le faux, même s’ils sont dans l’âme, ne relèvent pas
de cette opération de l’esprit par laquelle l’intellect forme des conceptions
simples, et la quiddité des choses. Et c’est ce qu’il dit : « Le
vrai et le faux au sujet des [natures] simples et de la quiddité ne se trouve
pas non plus dans l’esprit ». Aussi reste-t-il, d’après le lieu à partir
de la division (per locum in
divisione ?), que du fait qu’il n’est pas dans les choses, ni n’est
dans l’âme au sujet des [natures] simples et de la quiddité, que [le vrai et
le faux] concerne premièrement et principalement la composition et la
division de l’esprit ; et secondairement du son de voix, qui signifie la
conception de l’âme. Et en outre il conclut que« tout ce qui concerne
l’étant et le non étant ainsi entendus, à savoir, selon que l’étant signifie
le vrai, et le non étant le faux, « il faudra l’examiner ultérieurement,
c’est-à-dire à la fin du IXe livre et aussi au livre De l’âme, et dans les [traités] de
logique ; en effet toute la logique semble concerner l’étant ainsi
entendu. |
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[82800] Sententia Metaphysicae,
lib. 6 l. 4 n. 12 Sciendum
est autem, quod cum quaelibet cognitio perficiatur per hoc quod similitudo
rei cognitae est in cognoscente; sicut perfectio rei cognitae consistit in
hoc quod habet talem formam per quam est res talis, ita perfectio cognitionis
consistit in hoc, quod habet similitudinem formae praedictae. Ex hoc autem,
quod res cognita habet formam sibi debitam, dicitur esse bona; et ex hoc,
quod aliquem defectum habet, dicitur esse mala. Et eodem modo ex hoc quod cognoscens
habet similitudinem rei cognitae, dicitur habere veram cognitionem: ex hoc
vero, quod deficit a tali similitudine, dicitur falsam cognitionem habere.
Sicut ergo bonum et malum designant perfectiones, quae sunt in rebus: ita
verum et falsum designant perfectiones cognitionum. |
Il faut savoir, cependant, que
toute connaissance s’accomplit pur la réception de la similitude de la chose
connue dans le connaissant. Et donc, comme la perfection de la chose connue
consiste dans la possession de la forme par laquelle elle est telle chose,
ainsi la perfection de la connaissance consiste dans la possession de la
similitude de cette forme. De ce que la chose connue a la forme qui lui est
due, on dit qu’elle est bonne; et de ce qu’elle souffre quelque privation, on
dit qu’elle est mauvaise. De la même façon, du fait que le connaissant
possède la similitude de la chose connue, on dit qu’il a une connaissance
vraie; et, s’il y a déficience dans la représentation, on dit qu’il a une
connaissance fausse. Comme donc le bien et le mal désignent les perfections
qui sont dans les choses, ainsi le vrai et le faux désignent les perfections
de la connaissance. |
[82800] Or il faut savoir que toute connaissance s’accomplit du fait qu’une
similitude de la chose connue est dans le connaissant ; de même que la
perfection de la chose connue consiste à avoir telle forme, par laquelle elle
est telle chose, de même la perfection de la connaissance consiste en ceci,
qu’elle possède la similitude de la forme susdite. Mais du fait que la chose
connue a la forme qui lui est due, on dit qu’elle est bonne ; et du fait
qu’elle a quelque défaut, on dit qu’elle est mauvaise. Et de la même manière,
du fait que le connaissant a une similitude de la chose connue, on dit qu’il
a une connaissance vraie ; mais du fait qu’une telle similitude lui fait
défaut, on dit qu’il a une connaissance fausse. Ainsi donc, de même que le
bien et le mal désignent des perfections qui sont dans les choses ; de
même, le vrai et le faux désignent des perfections des connaissances. |
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[82801] Sententia
Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 13 Licet autem in cognitione sensitiva possit esse
similitudo rei cognitae, non tamen rationem huius similitudinis cognoscere ad
sensum pertinet, sed solum ad intellectum. Et ideo, licet sensus de sensibili possit esse
verus, tamen sensus veritatem non cognoscit, sed solum intellectus: et
propter hoc dicitur quod verum et falsum sunt in mente. |
Bien que dans la connaissance
sensitive il peut y avoir similitude de la chose connue, il n'appartient pas
au sens de connaître la raison de cette similitude, mais uniquement à
l'intelligence. Et c’est pourquoi, bien que le sens puisse être, vrai par
rapport au sensible, il ne connaît pas la vérité. C’est là l'œuvre propre de
l'intelligence. Pour cette raison, on dit que le vrai et le faux sont dans
l’intelligence. |
[82801] Certes, dans la connaissance sensible il peut y avoir une similitude
de la chose connue ; cependant connaître la raison de cette similitude
n’appartient pas au sens, mais seulement à l’intellect. Et c’est pourquoi,
bien que le sens puisse être vrai au sujet du sensible, cependant ce n’est
pas le sens qui connaît la vérité, mais seulement l’intellect ; et c’est
pourquoi on dit que le vrai et le faux sont dans l’esprit, in mente. |
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[82802] Sententia Metaphysicae,
lib. 6 l. 4 n. 14 Intellectus
autem habet apud se similitudinem rei intellectae, secundum quod rationes
incomplexorum concipit; non tamen propter hoc ipsam similitudinem diiudicat,
sed solum cum componit vel dividit. Cum enim intellectus concipit hoc quod
est animal rationale mortale, apud se similitudinem hominis habet; sed non
propter hoc cognoscit se hanc similitudinem habere, quia non iudicat hominem
esse animal rationale et mortale: et ideo in hac sola secunda operatione
intellectus est veritas et falsitas, secundum quam non solum intellectus
habet similitudinem rei intellectae, sed etiam super ipsam similitudinem
reflectitur, cognoscendo et diiudicando ipsam. Ex his igitur patet, quod
veritas non est in rebus, sed solum in mente, et etiam in compositione et
divisione. |
L’intelligence possède intimement
la similitude de la chose intelligée, en tant qu’elle conçoit les raisons des
incomplexes. Cependant, cette possession ne lui fait pas juger - discerner -
cette similitude; elle le fait uniquement lorsqu’elle compose ou divise. En
effet, lorsque l’intelligence conçoit cet objet qui est un animal raisonnable
mortel, elle possède dans son sein la similitude de l’homme; mais ce n’est
pas à cause de cela qu’elle connaît qu’elle possède cette similitude, parce
qui elle ne juge pas que l’homme est un animal raisonnable et mortel. C’est
pourquoi, la vérité et la fausseté se trouvent dans cette seule seconde
opération, selon laquelle non seulement l’intelligence possède la similitude
de la chose, mais encore réfléchit sur cette similitude elle-même, la
connaissent et la jugeant (discernant). De ces considérations, il est donc
évident que la vérité n’est pas dans les choses, mais uniquement dans
l'esprit et, de plus, dans la composition et la division. |
[82802] Or, l’intellect a en lui une similitude de la réalité intelligée,
selon qu’il conçoit les raisons des [choses] incomplexes. Ce n’est cependant
pas à cause de la similitude elle-même qu’il juge (diiudicat), mais seulement quand il compose et divise. En effet,
quand l’intellect conçoit ce qu’est un animal raisonnable mortel, il a en lui
une similitude de l’homme. Mais il ne sait pas pour cela (ce n’est pas pour
cela qu’il sait) qu’il a cette similitude ; car il ne juge pas que
l’homme soit un animal raisonnable et mortel. Et c’est pourquoi la vérité et
la fausseté résident dans cette seconde opération de l’intellect seule, selon
laquelle non seulement l’intellect a une similitude de la réalité intelligée,
mis encore réfléchit sur cette similitude, en la connaissant et en la
jugeant. Ceci montre donc à l’évidence que la vérité n’est pas dans les
choses, mais seulement dans l’esprit, et aussi dans la composition et la
division. |
|
[82803] Sententia Metaphysicae,
lib. 6 l. 4 n. 15 Et
si res dicatur aliquando falsa, vel etiam definitio, hoc erit in ordine ad
affirmationem et ad negationem. Dicitur enim res falsa, ut in fine quinti
habitum est, aut quae non est omnino, sicut diametrum commensurabilem; aut
quia est quidem, sed est apta nata videri aliter quam sit. Et similiter
definitio dicitur falsa aut quia nullius, vel quia assignatur alteri quam ei
cuius est. In omnibus enim his modis patet quod falsum in rebus vel in
definitionibus dicitur, ratione falsae enunciationis de ipsis. |
Et si on dit quelquefois que la
chose est fausse, ou encore la définition, cela n'est que par relation à
l'affirmation et à la négation. Une chose est dite fausse, en effet, comme on
l’a vu à la fin du cinquième livre, ou bien parce que tout simplement elle
n’existe pas, comme un diamètre commensurable, ou bien parce que, tout en
existant, elle est naturellement apte à se montrer autre qu’elle est. Et
pareillement, on dit que la définition est fausse. Ou bien parce qu'elle
n’est la définition de rien, ou bien parce qu’elle est appliquée à autre
chose que ce qu'elle définit. Dans tous ces cas, il est manifeste que le faux
se dit des choses ont des définitions en raison de la fausse énonciation qua
l'on porte sur elles. |
[82803] Et si parfois on dit qu’une chose est fausse, ou encore une
définition, ce sera en ordre à l’affirmation et à la négation. On dit en
effet qu’une chose est fausse, comme on l’a établi à la fin du Ve
livre, ou bien parce qu’elle n’est pas du tout, comme le diamètre
incommensurable ; ou bien parce qu’elle est, assurément, mais qu’elle
est de nature à apparaître autrement qu’elle n’est. Et de même on dit qu’une
définition est fausse, ou bien parce qu’elle n’appartient à rien, ou bien parce
qu’on l’applique à autre chose que ce à quoi elle appartient. Dans tous ces
modes en effet, il est patent que l’on parle de fausseté dans les choses ou
dans les définitions, à raison d’une fasse énonciation à leur sujet. |
|
[82804] Sententia Metaphysicae,
lib. 6 l. 4 n. 16 Et
similiter patet de vero. Nam res dicitur vera, quando habet propriam formam,
quae ei ostenditur inesse. Et definitio vera, quae vere competit ei cui
assignatur. |
La même évidence se fait à propos du
vrai. Car la chose est dite vraie, lorsqu'elle possède proprement la chose
qu’elle manifeste posséder. Et la définition est vraie, qui convient vraiment
à la chose à laquelle on l’applique. |
[82804] Et il en est évidemment de même du vrai. Car on dit qu’une chose est
vraie, quand elle a sa forme propre, dont on montre qu’elle est en elle, inesse. Et on dit qu’une définition
est vraie, si elle convient vraiment à ce à quoi on l’assigne. |
|
[82805] Sententia Metaphysicae,
lib. 6 l. 4 n. 17 Patet
etiam quod nihil prohibet verum esse quoddam bonum, secundum quod intellectus
cognoscens accipitur ut quaedam res. Sicut enim quaelibet alia res dicitur
bona sua perfectione, ita intellectus cognoscens, sua veritate. |
Il appert aussi que rien n’empêche
le vrai d'être un certain bien, en tant qu’on prend l'intellect connaissant
pour une chose. Comme toute autre chose est bonne par sa perfection, ainsi,
l’intellect connaissant est bon par sa perfection, par sa vérité. |
[82805] Il est clair aussi que rien n’empêche le vrai d’être un certain bien,
en tant que l’on considère l’intellect qui connaît comme une certaine
réalité, res. En effet, de même que
n’importe quelle autre réalité est dite bonne en vertu de sa perfection, de
même, l’intellect qui connaît, en vertu de sa vérité. |
|
[82806]
Sententia Metaphysicae, lib. 6 l. 4 n. 18 Apparet etiam ex his quae hic dicuntur, quod verum
et falsum, quae sunt obiecta cognitionis, sunt in mente. Bonum vero et malum,
quae sunt obiecta appetitus, sunt in rebus. Item quod, sicut cognitio
perficitur per hoc quod res cognitae sunt in cognoscente, ita appetitus
quicumque perficitur per ordinem appetentis ad res appetibiles. |
Il apparaît aussi, par ce que nous
venons de dire, que le vrai et le faux qui sont objets de la connaissance,
sont dans l'esprit. Le bien et le mal, au contraire, qui sont objets de
l’appétit, sont dans les choses. Aussi, comme la connaissance se perfectionne
par le fait que les choses connues sont dans le connaissant, ainsi tout
appétit se perfectionne par le rapport de celui qui aime aux choses
appétibles. |
[82806] Il apparaît aussi, à partir de ce que l’on dit ici, que le vrai et le
faux, qui sont les objets de la connaissance, sont dans l’esprit. Le bien et
le mal, en revanche, qui sont les objets de l’appétit, sont dans les choses.
Et encore, que, de même que la connaissance s’accomplit du fait que les
choses connues sont dans le connaissant, de même n’importe quel appétit
s’accomplit par l’ordre de celui qui a cet appétit (appetentis) aux choses qui sont l’objet de cet appétit (lit.
appétibles, appetibiles). |
|
[82807] Sententia Metaphysicae,
lib. 6 l. 4 n. 19 Deinde
cum dicit quoniam autem excludit ens verum et ens per accidens a principali consideratione
huius doctrinae; dicens, quod compositio et divisio, in quibus est verum et
falsum, est in mente, et non in rebus. Invenitur siquidem et in rebus aliqua
compositio; sed talis compositio efficit unam rem, quam intellectus recipit
ut unum simplici conceptione. Sed illa compositio vel divisio, qua
intellectus coniungit vel dividit sua concepta, est tantum in intellectu, non
in rebus. Consistit enim in quadam duorum comparatione conceptorum; sive illa
duo sint idem secundum rem, sive diversa. Utitur enim intellectus quandoque
uno ut duobus compositionem formans; sicut dicitur, homo est homo: ex quo
patet quod talis compositio est solum in intellectu, non in rebus. Et ideo
illud, quod est ita ens sicut verum in tali compositione consistens, est alterum
ab his quae proprie sunt entia, quae sunt res extra animam, quarum unaquaeque
est aut quod quid est, idest substantia, aut quale, aut quantum, aut
aliquod incomplexum, quod mens copulat vel dividit. |
Ensuite, quand il dit: "Mais
puisque la liaison ... ", il exclut l'être qui signifie le vrai et
l’être par accident de la considération principale de cette doctrine. La
composition et la division, dans lesquelles se trouvent le vrai et le faux,
sont dans l'esprit et non dans la réalité. Il existe bien une certaine
composition dans les choses; mais une telle composition fait la chose une,
que l'intelligence reçoit comme quelque chose d’un par la simple conception.
Mais la composition ou la division par laquelle l’intelligence unit ou divise
ses concepts, est uniquement dans l'intelligence non dans la réalité. Elle
consiste en effet dans une certaine comparaison de aux concepts, que ces deux
concepts soient réellement identiques ou divers. En effet, l’intelligence se
sert quelquefois d'une seule chose comme si elle était deux pour former sa
composition, comme lorsqu'on dit que l'homme est homme. D’où l’on voit bien
qu’une telle composition est uniquement dans l’intelligence, non dans la
réalité. Et c’est pourquoi l’être à la façon du vrai, parce qu’il consiste
dans une telle composition, est différent de ce qui est proprement être, qui
est la réalité extérieure à l’âme, où l’on ne trouve que, soit la substance,
soit la qualité, soit la quantité, soit quelque incomplexe que l’intelligence
unit ou divise. |
[82807] Ensuite quand il dit : « Mais puisque »[141], il exclut l’étant vrai et l’étant par accident de la considération
principale de cet enseignement, en disant que la composition et la division,
en quoi consistent le vrai et le faux, sont dans l’esprit, et non dans les
choses. Certes, on trouve aussi dans les choses une certaine composition,
mais une telle composition effectue une réalité unique, que l’intellect
reçoit comme une quelque chose d’un par une conception simple. Mais cette
composition ou division, par laquelle l’intellect unit ou divise ses
concepts, est seulement dans l’intellect, non dans les choses. Elle consiste
en effet en une comparaison entre deux concepts, qu’ils soient identiques
dans la réalité, ou divers. En effet l’intellect se sert (use) parfois d’un
[concept] unique en tant qu’il forme une composition par sa répétition (duobus) ; ainsi, quand on
dit : un homme est un homme. Ce qui montre clairement qu’une telle
composition se trouve seulement dans l’intellect, et non dans les choses. Et
c’est pourquoi ce qui est aussi bien étant que vrai (ita ens sicut verum) consistant en une telle composition, est
autre chose que ce qui est proprement étant[142] : les réalités en dehors de l’âme, dont chacune est soit une
quiddité, c’est-à-dire une substance, soit une qualité, soit une quantité, ou
quelque chose d’incomplexe, que l’esprit unit (copulat) ou divise. |
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[82808] Sententia Metaphysicae,
lib. 6 l. 4 n. 20 Et
ideo utrumque est praetermittendum; scilicet et ens per accidens, et ens quod
significat verum; quia huius, scilicet entis per accidens, causa est
indeterminata, et ideo non cadit sub arte, ut ostensum est. Illius vero,
scilicet entis veri, causa est aliqua passio mentis, idest operatio intellectus
componentis et dividentis. Et ideo pertinet ad scientiam de intellectu. |
C’est pourquoi, ces deux sortes
d’être : et l’être par accident et l’être qui signifie le vrai, doivent
être omis de notre considération. La cause de l'être par accident est
indéterminée et donc ne tombe pas sous les prises de l’art, comme on l'a
montré. La cause de l’être-vrai est une certaine passion de l’esprit,
c’est-à-dire l’opération de l’intelligence qui compose et divise. Et donc sa
considération relève de la science qui traite de l’intelligence. |
[82808] Et c’est pourquoi il faut omettre l’un et l’autre : l’étant par
accident et l’étant qui signifie le vrai. Car « de l’un », à savoir
l’étant par accident, « la cause est indéterminée », et c’est
pourquoi elle ne tombe pas sous l’art, comme on l’a montré ; et de
l’autre, à savoir l’étant [en tant que] vrai, la cause est « une
certaine affection, passio, de
l’esprit, à savoir l’opération de l’intellect qui compose et qui
divise ; aussi appartient-il à la science de l’intellect. |
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[82809] Sententia Metaphysicae,
lib. 6 l. 4 n. 21 Et
alia ratio est, quia utrumque, scilicet ens verum et ens per accidens,
sunt circa aliquod genus entis, non circa ens simpliciter per se quod est in rebus;
et non ostendunt aliquam aliam naturam entis existentem extra per se entia.
Patet enim quod ens per accidens est ex concursu accidentaliter entium extra
animam, quorum unumquodque est per se. Sicut grammaticum musicum licet sit
per accidens, tamen et grammaticum et musicum est per se ens, quia utrumque
per se acceptum, habet causam determinatam. Et similiter intellectus
compositionem et divisionem facit circa res, quae sub praedicamentis
continentur. |
Voici une autre raison.
L’être-vrai et l’être par accident concernent un certain genre particulier
d’être, non pas l’être absolu par soi qui est dans les choses, et ne
manifestent pas une autre nature objective de l’être en dehors des êtres par
soi. En effet, il est clair que l'être par accident provient du concours
accidentel des êtres réels, où chaque être est un être par soi. Ainsi, bien
que le grammairien-musicien soit un être par accident, cependant et le
grammairien et le musicien sont des êtres par soi, parce que, chacun pris
séparément, a une cause déterminée, Et, pareillement, l'intelligence compose
et divise sur les choses qui sont contenues sous les prédicaments. |
[82809] Une autre raison en est que l’un et l’autre : l’étant [en tant
que] vrai et l’étant par accident, portent sur un certain genre d’étant, non
sur l’étant purement et simplement par soi qui est dans les choses ; et
ils ne montrent ps ne autre nature d’étant existant en dehors des étants par
soi, Il est patent en effet que l’étant par accident vient du concours de
choses accidentelles qui sont hors de l’âme[143], dont chacune est par soi. Ainsi, bien que le fait qu’un grammairien
soit musicien soit accidentel, cependant le grammairien comme le musicien est
un étant par soi, car chacun d’entre eux, pris en lui-même, a une cause
déterminée. Et de même l’intellect opère une composition et une division au
sujet des choses, qui sont contenues sous les prédicaments. |
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[82810] Sententia Metaphysicae,
lib. 6 l. 4 n. 22 Unde
si determinetur sufficienter illud genus entis quod continetur sub
praedicamento, manifestum erit et de ente per accidens, et de ente vero. Et
propter hoc huiusmodi entia praetermittuntur. Sed perscrutandae sunt causae
et principia ipsius entis per se dicti, inquantum est ens. De quo palam est
ex his quae determinavimus in quinto libro; ubi dictum est, quoties
unumquodque talium nominum dicitur, quod ens dicitur multipliciter, sicut
infra in principio septimi sequetur. |
Donc, si on détermine suffisamment
ce genre d’être qui est compris sous le prédicament, l’évidence se fera et
sur l'être par accident et sur l'être-vrai. C'est pourquoi, on les laisse de
côté. Ce qu’il faut examiner ce sont les causes et les principes de cet être
même qui est dit par soi, en tant qu’il est être. Il y a suffisamment de
clarté là-dessus par ce que nous avons déterminé dans le cinquième livre où,
en déterminant les sens divers de chaque terme, nous avons établi que l'être
se prend en plusieurs acceptions. Ce que, d'ailleurs, on reverra au début du
septième livre. |
[82810] Dès lors, si l’on manifeste suffisamment le genre d’étant qui est
contenu sous un prédicament, il sera manifeste aussi de l’étant par accident,
et de l’étant [en tant que] vrai. Et c’est pourquoi on omet ces étants. Mais
il faut examiner les causes et les principes de l’étant dit par soi, en tant
qu’il est étant. C’est de lui qu’il est question, de toute évidence, d’après
ce que nous avons déterminé au Ve livre, où l’on a dit, toutes les
fois qu’on emploie l’un de ces noms, que l’étant se dit selon plusieurs
acceptions. On y reviendra au début du VIIe livre. |
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Liber 7 |
LIVRE 7
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Leçon 1, texte d’Aristote, traduit
par Guillaume de Moerbeke, v. 1260 |
Leçon 1, Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Leçon
1, texte latin de Guillaume de Moerbeke, traduit par Georges Comeau |
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ENS dicitur multipliciter, sicut
prius divisimus in hiis quae de quotiens. Significat enim hoc quidem quid est
et hoc aliquid, illud vero quod quale aut quantum aut aliorum unumquodque sic
predicatorum. Totiens autem dicto palam quia
horum primum ens quod quid est, quod significat substantiam. Nam quando dicimus quale quid hoc,
aut bonum dicimus aut malum, sed non tricubitum aut hominem; quando vero quid
est, nec album nec calidum nec tricubitum, sed hominem aut deum. Alia vero dicuntur entia eo quod
taliter entis haec quidem qualitates esse, illa vero quantitates, alia
passiones, alia aliud quid tale. Unde et utique dubitabit aliquis utrum vadere et sanare et sedere unumquodque
ipsorum sit ens aut non ens; similiter autem et in aliis talibus. Nichil enim
ipsorum est secundum se aptum natum nec separari possibile a substantia, sed
magis siquidem vadens entium est aliquid et sedens et sanans. Hec autem magis
apparent entia, quia est aliquid subiectum ipsis determinatum, hoc autem est substantia et
unumquodque quod autem in cathegorica tali apparet; bonum enim aut sedens non
sine hoc dicitur. Palam ergo quia propter eam et
illorum singula sunt. Quare primo ens et non aliquid ens sed ens simpliciter
substantia utique erit. Multipliciter
quidem igitur dicitur quod primum. Sed substantia omnium primum,
ratione et notitia et tempore. Aliorum enim cathegoreumatum nullum est
separabile, hec autem sola. Et ratione autem hoc primum.
Necesse enim in uniuscuiusque ratione substantiae rationem inesse. Et scire
autem tunc singula maxime putamus, quando quid est homo cognoscimus aut
ignis, magis quam quale aut quantum aut ubi; quoniam tunc horum eorundem
singula scimus, quando quid est ipsum quale aut quantum scimus. Et quod
olim et nunc et semper quaesitum est et semper
dubitatum, quid ens, hoc est que substantia. Hoc enim hii quidem unum esse dicunt
illi vero plura quam unum, et hii quidem finita illi vero infinita.
Quapropter nobis maxime et primum et solum ut est dicere de sic ente
speculandum est quid est. Videtur
autem substantia existere manifestissime quidem
corporibus. Unde animalia et plante et eorum partes substantias esse dicimus,
et naturalia corpora, ut ignem et aquam et terram et talium singular, et
quaecumque aut partes eorum aut ex hiis sunt, aut partibus aut omnibus, ut
caelum et partes eius, astra et luna et sol. Utrum vero hee sole substantiae
sunt aut et aliae, aut horum quidem nullum alterae quaedem, perscrutandum. Videntur
autem quibusdam corporis termini, ut superficies
et linea et punctus et unitas, esse substantiae, et magis quam corpus et solidum.
Amplius praeter sensibilia hii quidem non opiniantur esse aliquid talium vero
plura et magis entia sempiterna, ut Plato species ipsas et
mathematica duas substantias, tertiam vero sensibilium corporum substantiam. Sed Speucippus plures substantias ab uno inchoans et principia
cuiusque substantiae, aliud quidem numerorum, aliud autem magnitudinum,
deinde animae; et hoc modo protendit substantias. Quidam vero species et numeros
eandem habere dicunt naturam, alia vero habita, lineas et superficies, usque
ad primam caeli substantiam et sensibilia. De hiis
igitur quid dicitur bene aut non bene,
et quae sunt substantiae, et utrum sunt aliquae praeter sensibiles aut non
sunt, et iste quomodo sunt, et utrum est aliqua separabilis substantia, et
quare et quomodo, aut nulla praeter sensibiles, perscrutandum, cum
descripsimus primo substantiam quid est. |
Ce mot d’Être peut recevoir
plusieurs acceptions, comme l’a montré l’analyse que nous en avons faite
antérieurement, en traitant des sens divers de ce mot. Être peut signifier,
d’une part, la substance de la chose et son existence individuelle; d’autre
part, il signifie qu’elle a telle qualité, telle quantité, ou tel autre des
différents attributs de cette sorte. Du moment que l’Être peut
s’énoncer sous tant de formes, il est clair que l’Être premier entre tous est
celui qui exprime ce qu’est la chose, c’est-à-dire son existence
substantielle. Ainsi, quand nous voulons désigner la qualité d’une chose,
nous disons qu’elle est bonne ou mauvaise; et alors nous ne disons pas plus
que sa longueur est de trois coudées que nous ne disons qu’elle est un homme.
Tout au contraire, si nous voulons exprimer ce qu’est la chose elle-même,
nous ne disons plus qu’elle est blanche, ou chaude, ou de trois coudées; nous
disons simplement que c’est un homme, ou un Dieu. Toutes les autres espèces de
choses ne sont appelées des êtres que parce que les unes sont des quantités
de l’Être ainsi conçu; les autres, des qualités; celles-ci, des affections;
celles-là, telle autre modification analogue. Aussi, l’on peut se demander si
chacune de ces façons d’être, qu’on désigne par ces mots Marcher, Se bien
porter, S’asseoir, sont bien de l’Être ou n’en sont pas; et la même question
se représente pour toutes les autres classes qu’on vient d’énumérer. Aucun de
ces êtres secondaires n’existe naturellement en soi, et ne peut être séparé
de la substance individuelle; et ceci doit paraître d’autant plus rationnel
que l’Être réel, c’est ce qui marche, c’est ce qui se porte bien, c’est ce
qui est assis. Et ce qui fait surtout que ce sont là des êtres, c’est qu’il y
a sous tout cela un être déterminé, qui leur sert de sujet. Ce sujet, c’est précisément la
substance et l’individu, qui se montre clairement dans la catégorie qui y est
attribuée. Sans cette première condition, on ne pourrait pas dire que l’être
est bon, ou qu’il est assis. Ainsi donc, il est bien clair que
c’est uniquement grâce à cette catégorie de la substance, que chacun des
autres attributs peut exister. Et par conséquent, l’Être premier, qui n’est
pas de telle ou telle manière particulière, mais qui est simplement l’Être,
c’est la substance individuelle. Le mot Premier peut, il est vrai, être pris
lui-même en plusieurs sens; mais la substance n’en est pas moins le premier
sens de l’Être, qu’on le considère d’ailleurs sous quelque rapport que ce
soit, la définition, la connaissance, le temps, et la nature. Pas un seul des
autres attributs de l’Être ne peut exister séparément ; il n’y a que la
substance toute seule qui le puisse. D’abord, c’est bien cela qu’est le
primitif sous le rapport de la définition; car de toute nécessité, dans la
définition d’une chose quelconque, la définition même de la substance est
toujours implicitement comprise. Ajoutez que, quel que soit l’être dont il
s’agit, nous ne croyons le connaître que quand nous savons, par exemple, que
c’est un homme, ou que c’est du feu. Et alors, nous le connaissons bien plus
que quand nous savons seulement qu’il a telle qualité, ou telle quantité, ou
qu’il est dans tel lieu. Pour ces notions mêmes, nous les comprenons d’autant
mieux que nous savons quel est l’être qui a telle quantité, ou telle qualité. On le voit donc : cette question
agitée depuis si longtemps, agitée encore aujourd’hui, cette question toujours
posée, et toujours douteuse de la nature de l’Être, revient à savoir ce
qu’est la substance. Les uns prétendent que l’Être, c’est l’unité ; pour les
autres, c’est la pluralité ; pour ceux-ci, les êtres sont limités ; pour
ceux-là, ils sont infinis. Mais quant à nous, notre recherche principale,
notre recherche première, et nous pourrions presque dire, notre unique
recherche, c’est de savoir ce qu’est l’Être considéré sous le point de vue
que nous avons indiqué. C’est surtout aux corps que la
substance individuelle semble appartenir le plus évidemment. Or, c’est ainsi
que l’on qualifie de Substances, les animaux, les plantes, leurs différentes
parties, et aussi les corps de la nature, tels que le feu, l’eau, la terre,
et tous les autres éléments de ce genre, avec tout ce qui en fait partie, ou
tout ce qui en est composé, soit qu’on les considère à l’état de fraction,
soit à l’état de totalité : par exemple, le ciel et les parties du ciel,
étoiles, lune, soleil. Sont-ce bien là les seules
substances? Y en a-t-il d’autres encore? Ou bien ne sont-ce même pas du tout
des substances? Les vraies substances ne sont-elles pas toutes différentes?
C’est ce qu’il faut examiner. Des philosophes ont pensé que les
limites du solide, surface, ligne, point, unité, sont des substances
véritables, et qu’elles en sont plus réellement que le corps lui-même et le
solide. D’autres ont cru qu’en dehors des choses sensibles, il n’y a rien
qu’on puisse appeler substance; d’autres, au contraire, ont supposé qu’il y a
en outre bien des substances, et qui le sont même d’autant plus qu’elles sont
éternelles. Ainsi, Platon a fait des Idées et
des Êtres mathématiques deux substances, et il n’a placé qu’au troisième rang
la substance des corps sensibles. Speusippe a également admis plusieurs
substances, en commençant par l’unité; il supposait des principes pour chaque
espèce de substance, un principe des nombres, un principe des grandeurs, un
principe de l’âme; et c’est de cette façon qu’il multiplie les substances. D’autres philosophes encore ont
soutenu que les Idées et les nombres sont de même nature, et que tout le
reste ne fait qu’en dériver, les lignes et les surfaces, et même jusqu’à la
substance du ciel et jusqu’aux choses sensibles. Pour éclaircir toutes ces
questions, il nous faut examiner ce qu’il y a d’exact ou d’erroné dans ces
systèmes, quelles sont les vraies substances, s’il y a ou s’il n’y a pas de
substances en dehors des substances sensibles; et alors, nous nous
demanderons ce qu’elles sont. Puis en supposant qu’il existe quelque
substance séparée, pourquoi et comment elle l’est. Enfin, nous rechercherons
s’il n’y a aucune substance possible en dehors des substances que nos sens
nous révèlent. Mais auparavant, il nous faut esquisser ce que c’est que la
substance. |
L’être
se dit de bien des façons, selon la division que nous en avons faite quand
nous avons traité du nombre de façons. Il signifie en effet la nature de la
chose et la chose particulière, et par ailleurs sa qualité, sa quantité ou
n’importe quel des autres attributs de cette sorte. Se
disant de tant de choses, il est évident que l’être désigne en premier le
« ce que c’est », qui désigne la substance. Car quand nous disons que cette chose est
telle[144], nous la disons soit bonne
soit mauvaise, mais pas de trois coudées ni homme; mais quand nous disons
qu’elle est ceci, nous ne la disons pas blanche, chaude ni de trois coudées,
mais homme ou dieu. Les
autres choses sont appelées êtres du fait que certaines sont des qualités de
l’être vu ainsi, certaines des qualités, certaines des affections, certaines
autre chose du genre. C’est
pourquoi on peut douter si n’importe lequel de marcher, guérir et être assis
sont de l’être ou du non-être, et pareillement pour les autres choses du
genre. Aucune de ces choses en effet n’est apte à être par soi ni ne peut
être séparée de la substance, mais c’est bien plutôt l’être marchant, assis
et guérissant qui est parmi les êtres. Ceux-là[145] semblent des êtres plutôt
parce qu’il y a un sujet déterminé par eux, mais
celle-ci est la substance et tout ce qui tombe dans cette catégorie, car le
bien ou l’être-assis ne se disent pas sans elle. Il
est donc évident que c’est en vue d’elle que chacun des autres sont. C’est
pourquoi l’être en premier, non un être quelconque mais l’être simplement,
est certainement la substance. Or, quelque chose est dit premier de bien des
façons. Mais la substance est première en tout, logiquement, par la
connaissance et dans le temps. En effet, aucune des autres catégories n’est
séparable, mais seulement celle-là. Et
elle est première logiquement. Il est nécessaire en effet que dans la notion
de toute chose, la notion de la substance soit comprise. Et nous pensons
savoir chaque chose surtont quand nous connaissons ce qu’est l’homme ou le feu,
plus que quand nous connaissons sa qualité, sa quantité ou son lieu, car nous
savons chacune de ces mêmes choses lorsque nous savons quel est l’être qui a
cette qualité ou cette quantité. Et
ce qu’on a recherché autrefois, maintenant et toujours, ce dont on a toujours
douté, c’est la nature de l’être, c'est-à-dire ce qu’est la substance. Cette
chose, en effet, certains disent qu’elle est une, d’autres qu’elle est plus
d’un, ceux-ci la disant finie, ceux-là infinie. C’est pourquoi, surtout, principalement
et uniquement, il nous appartient de parler d'un tel être en considérant ce
qu’il est. Mais
la substance semble exister de la façon la plus manifeste dans les corps.
C’est pourquoi nous disons que les animaux, les plantes et leurs parties sont
des substances, ainsi que les corps naturels comme le feu, l’eau, la terre et
les singuliers de cette espèce, et toutes les choses qui sont leurs parties
ou sont faites à partir d’elles, soit de leurs parties ou de leur totalité,
comme le ciel et ses parties, les astres, la lune et le soleil. Il
faut examiner si ces choses sont les seules substances ou s’il y en a
d'autres, ou si aucune d'elles n'est [substance] et si c'en est d'autres. Mais
il semble à certains que les limites du corps, comme la surface, la ligne, le
point et l’unité, sont des substances, et ce, davantage que le corps et le
solide. De plus, à part les sensibles, les uns ne pensent pas qu’il y ait
quelque chose de tel[146], mais les autres, que les
êtres éternels sont plus nombreux et le sont davantage, comme
Platon qui a fait des idées et des êtres mathématiques deux substances, la
troisième étant la substance des corps sensibles. Mais Speusippe a admis
plusieurs substances ayant l’un comme commencement et des principes de chaque
substance, l’un pour les nombres, l’autre pour les grandeurs, et ensuite pour
l’âme; et ainsi il élargit les substances. Certains
disent que les idées et les nombres ont même nature et que les autres choses
en dépendent, les lignes et les surfaces, jusqu’à la substance première du
ciel et aux sensibles. Sur
ces sujets, il faut examiner ce qui a été bien ou pas bien dit, quelles sont
les substances, et s’il y en a d’autres à part les sensibles ou pas, comment
elles sont, et s’il existe une substance séparable ainsi que pourquoi et
comment, ou s’il n'y en a aucune en plus des sensibles, lorsque nous aurons
décrit en premier ce qu’est la substance. |
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Lectio 1 |
Leçon 1, Commentaire de
saint Thomas (Traduction Georges Comeau, 2013)
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[82811] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 1 Postquam philosophus removit a principali
consideratione huius scientiae ens per accidens, et ens secundum quod
significat verum, hic incipit determinare de ente per se, quod est extra
animam, de quo est principalis consideratio huius scientiae. Dividitur autem
pars ista in duas partes. Haec enim scientia et determinat de ente inquantum
est ens, et de primis principiis entium, ut in sexto libro est habitum. In
prima ergo parte determinatur de ente. In secunda de primis principiis entis,
in duodecimo libro, ibi, de substantia quidem et cetera. Quia vero ens et
unum se consequuntur, et sub eadem consideratione cadunt, ut in principio
quarti est habitum, ideo prima pars dividitur in partes duas. In prima determinat
de ente. In secunda de uno et de his quae consequuntur ad unum, in decimo
libro, ibi, unum quia multis dicitur. Ens autem per se, quod est extra
animam, dupliciter dividitur, ut in quinto libro est habitum. Uno modo per decem praedicamenta, alio modo per
potentiam et actum. Dividitur ergo prima pars in duas. In prima determinat de
ente secundum quod dividitur per decem praedicamenta. In secunda determinat
de ente secundum quod dividitur per potentiam et actum, in nono libro, ibi,
ergo de primo ente et cetera. |
Après avoir écarté du principal
sujet d’étude de cette science l’être par accident et l’être en tant qu’il
signifie le vrai, le Philosophe commence ici à traiter de l’être en soi, qui
est extérieur à l’âme et qui est le principal sujet d’étude de cette science.
Cette partie se divise en deux. En effet, cette science traite aussi bien de
l’être en tant qu’il est être que des premiers principes des êtres, comme on
l’a vu au livre VI. Alors, dans la première partie, il traite de l’être; dans
la deuxième, des premiers principes de l’être, au livre XII, où il dit :
@@. Mais parce que l’être et l’un s’accompagnent et relèvent de la même
étude, comme on l’a vu au début du livre IV, la première
partie se divise donc en deux. Dans la première, il traite de l’être. Dans la deuxième, il traite de l’un
et des choses qui en découlent, au livre X, où il dit : @@ Mais l’être
en soi, qui est extérieur à l’âme, se divise de deux façons, comme on l’a vu
au livre V : d’une manière, par les 10 prédicaments; d'une autre, par la
puissance et l'acte. La première partie se divise donc en deux. Dans la
première, il traite de l'être en tant qu'il se divise par les 10
prédicaments. Dans la deuxième, il traite de l’être selon qu’il se divise par
la puissance et l’acte, au livre IX, où il dit : @@. |
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[82812] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 2 Prima autem pars dividitur in duas. In prima ostendit
quod ad determinandum de ente, prout in decem praedicamenta dividitur,
oportet determinare de sola substantia. In secunda incipit de substantia determinare, ibi,
dicitur autem substantia et si non multiplicius et cetera. Circa primum duo
facit. Primo ostendit quod de substantia est determinandum. Secundo ostendit
quid de ea sit tractandum, ibi, videtur autem substantia. Circa primum duo
facit. Primo ostendit quod intendens tractare de ente, de sola substantia
debet tractare per rationem. Secundo per consuetudinem aliorum, ibi, et quod
olim, et nunc et cetera. Intendit ergo in prima parte talem rationem ponere.
Illud quod est primum inter entia quasi ens simpliciter et non secundum quid,
sufficienter demonstrat naturam entis: sed substantia est huiusmodi; ergo
sufficit ad cognoscendum naturam entis determinare de substantia. Circa hoc
autem duo facit. Primo ostendit, quod substantia sit primum ens. Secundo
ostendit quomodo dicatur primum, ibi, multipliciter quidem igitur dicitur
primum et cetera. Circa primum duo facit. |
La première partie se divise en
deux. Dans la première, il montre que pour traiter de l’être selon qu’il se divise
en 10 prédicaments, il faut traiter seulement de la substance. Dans la
seconde, il commence à traiter de la substance, où il dit : Mais la substance se dit surtout, etc.
(leçon II). Il traite le premier point en deux parties. En premier, il montre
qu’il faut traiter de la substance. En deuxième, il montre ce qu’il faut
approfondir à son sujet, où il dit : Mais
la substance semble, etc. Il traite la première partie en deux points. En
premier, il montre que celui qui a l’intention de traiter de l’être doit
traiter uniquement de la substance, et ce, par un argument. En deuxième, il
le montre par ce que les autres ont coutume de dire, où il dit : Et ce qu’on a recherché, etc. Dans la
première partie, il a donc l’intention de présenter l’argument suivant. Ce
qui est premier parmi les êtres, en tant qu’être de façon absolue et non
relative, manifeste suffisamment la nature de l'être; or, tel est le cas de
la substance; il suffit donc, pour connaître la nature de l'être, de traiter
de la substance. À ce sujet, il fait deux choses. En premier, il montre que
la substance est l’être premier. En deuxième, il montre comment on dit qu’il
est premier, où il dit : Or,
quelque chose est dit premier, etc. Il traite la première partie en deux
points. |
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[82813] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 3 Primo proponit intentum quod ens dicitur multipliciter,
ut dictum est in quinto libro, in quo diviserat quoties dicuntur huiusmodi
nomina, quia quoddam ens significat quid est et hoc aliquid, idest
substantiam; ut per quid, intelligatur essentia substantiae, per hoc aliquid
suppositum, ad quae duo omnes modi substantiae reducuntur, ut in quinto est
habitum. Illud vero
significat qualitatem vel quantitatem, aut aliquid aliorum praedicamentorum.
Et cum ens tot modis dicatur, palam est quod inter omnia entia, primum est quod
quid est, idest ens quod significat substantiam. |
En premier, il présente son idée,
à savoir que l’être se dit de bien des façons, comme il l’a dit au livre V,
où il avait distingué le nombre de sens où ses noms se disent, car un certain
sens de l’être est la nature de la
chose et la chose particulière, c'est-à-dire la substance, de sorte que
par nature on entend l’essence de
la substance, et par chose particulière
le substrat : c’est à ces deux choses que se ramènent tous les sens
de la substance, comme on l’a vu au livre V. Et par ailleurs l’être signifie la qualité ou la quantité, ou
l’un des autres prédisaments. Et puisque l’être se dit en ce nombre de sens, il
est évident que parmi tous les êtres, le premier est le « ce que c’est », ou l'être qui désigne la
substance. |
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[82814] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 4 Secundo ibi, nam quando probat propositum; et utitur
tali ratione. Quod est per se et simpliciter in unoquoque genere, est prius
eo quod est per aliud et secundum quid. Sed substantia est ens simpliciter et
per seipsam: omnia autem alia genera a substantia sunt entia secundum quid et
per substantiam: ergo substantia est prima inter alia entia. |
En deuxième, où il dit : Car quand nous disons, etc., il prouve
sa thèse, au moyen de l'argument suivant. Ce qui est par soi et de façon
absolue en tout genre est antérieur à ce qui est par l'entremise d'un autre
et de façon relative. Mais la substance est l’être de façon absolue et par
soi, alors que tous les genres autres que la substance sont des êtres de
façon relative et par l’entremise de la substance; donc, la substance est
première parmi les autres êtres. |
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[82815] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 5 Minorem autem dupliciter manifestat. Primo ex ipso modo
loquendi sive praedicandi; dicens, quod ex hoc palam est quod substantia sit
primum entium, quia quando dicimus de aliquo quale quid sit, dicimus ipsum
esse aut bonum aut malum. Haec
enim significant qualitatem, quae aliud est a substantia et quantitate.
Tricubitum autem significat quantitatem, et homo significat substantiam. Et
ideo quando dicimus quale est aliquid, non dicimus ipsum esse tricubitum
neque hominem. Sed quando dicimus quid est de aliquo, non dicimus ipsum esse
album, nec calidum, quae significant qualitatem; nec tricubitum, quod
significat quantitatem; sed hominem aut Deum, quae significant substantiam. |
Il prouve la mineure de deux façons.
En premier, il le fait d’après la manière de parler ou d’attribuer, en disant
qu’il est évident que la substance est le premier des êtres du fait que,
quand nous disons d’une chose qu’elle est
telle, nous disons qu’elle est bonne ou mauvaise. Ces adjectifs, en
effet, désignent la qualité, qui est autre que la substance et la quantité.
Or, de trois coudées signifie la
quantité, et homme signifie la
substance. C’est pourquoi, quand nous disons qu’une chose est telle, nous ne disons pas qu'elle
est de trois coudées ni homme. Mais quand nous disons d'une chose qu'elle est ceci, nous ne disons pas
qu'elle est blanche ni chaude, adjectifs qui signifient la qualité, ni de
trois coudées, ce qui signifie la quantité, mais qu'elle est nomme ou dieu,
noms qui signifient la substance. |
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[82816] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 6 Ex quo patet quod illa quae significant substantiam,
dicunt quid est aliquid absolute. Quae autem praedicant qualitatem, non dicunt
quid est illud de quo praedicatur absolute, sed quale quid. Et simile est in
quantitate, et aliis generibus. |
Il est donc évident que les mots
qui désignent la substance indiquent ce
que c’est de façon absolue. Mais ceux qui sont des attributs de qualité
ne disent pas de façon absolue ce qu'est la chose à laquelle ils sont
attribuée, mais de quelle façon est cette chose. Et le cas est semblable pour
la quantité et les autres genres. |
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[82817] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 7 Et ex hoc patet quod ipsa substantia dicitur ens
ratione suiipsius, quia absolute significantia substantiam significant quid
est hoc. Alia vero dicuntur entia, non quia ipsa habeant secundum se aliquam
quidditatem, quasi secundum se entia, cum non ita dicant absolute quid: sed
eo quod sunt talis entis, idest eo quod habent aliquam habitudinem ad
substantiam quae est per se ens; quia non significant quidditatem; inquantum
scilicet quaedam sunt qualitates talis entis, scilicet substantiae, et
quaedam quantitates, et aliae passiones, vel aliquid aliud tale, quod
significatur per alia genera. |
Il est donc évident que la
substance est appelée être en raison d’elle-même, parce que ce qui signifie
la substance de façon absolue signifie ce qu’est la chose. Les autres catégories
sont appelées êtres, non parce qu’elles ont en soi une certaine quiddité, en
tant qu’êtres par eux-mêmes, puisqu’elles ne disent pas absolument ce que
c’est, mais du fait qu’elles sont des
qualités de tel être, c’est-à-dire du fait qu’elles ont un certain
rapport à la substance, qui est l’être par soi; en effet, elles ne signifient
pas la quiddité, étant donné que certaines sont les qualités de tel être, c’est-à-dire de la
substance, d’autres sont des quantités, d’autres sont des affections ou autre
chose du genre, ce qui est signifié par les autres genres. |
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[82818] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 8 Secundo ibi, unde et probat idem per quoddam signum.
Quia enim alia entia non sunt entia nisi secundum quod referuntur ad substantiam,
ideo potest esse dubitatio de aliis entibus in abstracto significatis, quando
non significant cum aliqua habitudine ad substantiam: utrum sint entia vel
non entia, scilicet utrum vadere, sanare et sedere et unumquodque istorum in
abstracto significatorum sit ens aut non ens. Et similiter est in aliis
talibus, quae in abstracto significantur; sive significentur per modum
actionis, ut praedicta, sive non, ut albedo sive nigredo. |
En deuxième, où il dit : C’est pourquoi on peut, etc., il
prouve la même chose par un signe. En effet, puisque les autres êtres ne sont
des êtres que du fait qu’ils se rapportent à la substance, on peut donc
douter, au sujet des autres êtres signifiés dans l’abstrait quand leur
signification n’a pas quelque rapport avec la substance, si ce sont de l’être ou du non-être, c'est-à-dire
si marcher, guérir et être assis,
ou n’importe quelle chose du genre, signifiée dans l’abstrait, sont de l’être
ou du non-être. Et il en va de même pour les autres choses du genre qui sont
signifiées dans l’abstrait, soit qu’elles signifient des actions, comme
celles mentionnées ci-dessus, soit qu’elles signifient autre chose, comme la
blancheur ou la noirceur. |
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[82819] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 9 Pro tanto autem videntur accidentia in abstracto
significata esse non entia, quia nihil ipsorum est aptum natum secundum se
esse; immo cuiuslibet eorum esse est alteri inesse, et non est possibile
aliquid eorum separari a substantia; et ideo quando significantur in
abstracto quasi sint secundum se entia et a substantia separata, videtur quod
sint non entia. Licet modus significandi vocum non consequatur immediate
modum essendi rerum, sed mediante modo intelligendi; quia intellectus sunt
similitudines rerum, voces autem intellectuum, ut dicitur in primo
perihermenias. |
Mais pour autant, les accidents
signifiés dans l’abstrait semblent être du non-être, car aucun d’eux n’est apte à être par soi; bien
plutôt, l’être de chacun d’eux consiste à exister dans un autre, et il n’est
possible à aucun d’eux d’être séparé d’une substance; c’est pourquoi, quand
ils sont signifiés dans l’abstrait comme s’ils étaient des êtres en soi et
séparés de toute substance, on dirait qu’ils sont du non-être. Pourtant, la
manière de signifier des mots ne se rattache pas au mode d’être des choses de
façon immédiate, mais par l’intermédiaire de la manière de comprendre, car
les concepts sont les ressemblances des choses et les mots sont les
ressemblances des concepts, comme il est dit au livre I des Catégories. |
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[82820] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 10 Licet autem modus essendi accidentium non sit ut per se
sint, sed solum ut insint, intellectus tamen potest ea per se intelligere,
cum sit natus dividere ea quae secundum naturam coniuncta sunt. Et ideo
nomina abstracta accidentium significant entia quae quidem inhaerent, licet
non significent ea per modum inhaerentium. Essent autem significata per
huiusmodi nomina non entia, si non inessent in re. |
Mais bien que le mode d’existence
des accidents n’est pas d’être par soi, mais seulement d’être dans un autre,
l’intelligence peut quand même les comprendre en eux-mêmes, puisqu’elle a la
capacité de diviser des choses qui sont jointes par nature. C’est pourquoi
les noms abstraits des accidents signifient des êtres qui sont dans d’autres
êtres, mais ils ne les signifient pas en tant qu'ils sont dans d’autres. Mais
ce qui est signifié par de tels noms serait du non-être s’il ne se trouvait
pas dans une chose. |
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[82821] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 11 Et quia ista in abstracto significata videntur non
entia, magis videntur entia nomina accidentium concreta. Magis autem videtur aliquid
entium esse vadens et sedens et sanans quia determinatur eis aliquod subiectum
per ipsam nominis significationem, inquantum significantur in concretione ad
subiectum. Hoc autem subiectum est substantia. Et ideo unumquodque talium
nominum, quae significant accidens in concreto, apparet in tali categoria,
idest videtur importare praedicamentum substantiae; non ita quod
praedicamentum substantiae sit pars significationis talium nominum (album
enim, ut in praedicamentis dicitur, solam qualitatem significat); sed
inquantum huiusmodi nomina significant accidentia ut inhaerentia substantiae.
Bonum autem aut
sedens non dicitur sine hoc, idest sine substantia. Significat enim
accidens concretum substantiae. |
Et parce que ces choses signifiées
dans l’abstrait paraissent être du non-être, les noms concrets des accidents
semblent davantage être de l’être. Il semble plus vrai que c’est l’être marchant, assis et guérissant qui
est parmi les êtres, car le sens même du nom détermine pour eux un
certain sujet, en tant qu’ils sont signifiés en union avec un sujet. Mais ce
sujet est la substance. C’est pourquoi n’importe quel de ces mots, qui
signifient l’accident dans le concret, tombe
dans cette catégorie, c’est-à-dire semble supposer un prédicament d’une
substance, non de telle sorte que le prédicament de la substance fasse partie
du sens de ces mots (en effet, le blanc, comme il est dit dans les Catégories, signifie seulement la
qualité), mais de sorte que ces mots signifient les accidents en tant
qu’inhérents à la substance. Or, le bon ou l’assis ne se dit pas sans elle, c’est-à-dire sans la substance.
Il signifie en effet l’accident conjoint à la substance. |
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[82822] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 12 Et quia accidentia non videntur entia prout secundum se
significantur, sed solum prout significantur in concretione ad substantiam,
palam est quod singula aliorum entium sunt entia propter substantiam. Et ex hoc ulterius apparet, quod substantia est primum
ens, et ens simpliciter, et non ens secundum aliquid, idest secundum
quid, sicut est in accidentibus. Esse enim album non est simpliciter esse,
sed secundum quid. Quod ex hoc patet, quia cum incipit esse albus, non
dicimus quod incipiat esse simpliciter, sed quia incipiat esse albus. Cum
enim Socrates incipit esse homo, dicitur simpliciter quod incipit esse. Unde
patet quod esse hominem significat esse simpliciter. Esse autem album
significat esse secundum quid. |
Et comme les accidents ne semblent
pas des êtres selon qu’ils sont signifiés isolément, mais seulement selon
qu’ils sont signifiés en jonction avec la substance, il est évident que
chacun des autres êtres est un être à cause de la substance. Et de ce fait,
il est également évident que la substance est l’être en premier, et l’être
simplement, et non un être
quelconque, c’est-à-dire relatif, comme c’est le cas des accidents. En
effet, être blanc n’est pas être absolument, mais relativement. Cela est
évident parce que lorsqu’une chose commence à être blanche, on ne dit pas
qu’elle commence à être tout court, mais qu’elle commence à être blanche. En
effet, lorsque Socrate commence à être homme, on dit tout simplement qu’il
commence à être. Il est donc évident qu’être homme signifie être absolument,
mais qu’être blanc signifie être de façon relative. |
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[82823] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 13 Deinde cum dicit multipliciter quidem. Ostendit
quomodo substantia dicatur primum; et dicit quod cum hoc quod dico primum
dicatur multis modis, ut in quinto est habitum, tribus modis substantia est
prima inter omnia entia: scilicet secundum cognitionem, et secundum
definitionem et secundum tempus. Et quod sit prima tempore aliis, ex hoc
probatur, quod nullum aliorum praedicamentorum est separabile a substantia,
sola autem substantia est separabilis ab aliis: nullum enim accidens
invenitur sine substantia, sed aliqua substantia invenitur sine accidente. Et
sic patet, quod non quandocumque est substantia, est accidens, sed e
contrario: et propter hoc substantia est prior tempore. |
Ensuite, lorsqu’il dit : Or, quelque chose, etc., il montre
comment la substance est appelée première, disant que puisque
« premier » se dit de bien des façons, comme on l’a vu au livre V,
la substance est première parmi tous les êtres de trois façons : par la
connaissance, selon la définition et dans le temps. Qu’elle soit première
dans le temps, il le prouve du fait qu’aucun des autres prédicaments n’est
séparable de la substance et que seule la substance est séparable des autres.
En effet, on ne trouve aucun accident sans substance, mais on trouve une
substance sans accident. Et ainsi, il est évident qu’il n’y a pas d’accident
toutes les fois qu’il y a une substance, mais c’est l’inverse, et pour cette
raison la substance est antérieure dans le temps. |
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[82824] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 14 Et quod etiam sit prima secundum definitionem,
patet, quia in definitione cuiuslibet accidentium oportet ponere definitionem
substantiae. Sicut enim in definitione simi ponitur nasus, ita in definitione
cuiuslibet accidentis ponitur proprium eius subiectum; et ideo sicut animal
est prius definitione quam homo, quia definitio animalis ponitur in
definitione hominis, eadem ratione substantia est prior definitione
accidentibus. |
Et qu’elle soit également première
selon la définition, c’est évident parce que dans la définition de tout
accident, il faut inclure la définition de la substance. En effet, de même
qu’on inclut le nez dans la définition du camus, de même on inclut dans la
définition de tout accident son sujet propre; c’est pourquoi, de même que
l’animal est antérieur à l’homme dans sa définition, puisque la définition de
l’animal est incluse dans la définition de l’homme, pour la même raison, la
substance est antérieure à la définition des accidents. |
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[82825] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 15 Quod etiam sit prior ordine cognitionis, patet. Illud enim est primum secundum cognitionem, quod est
magis notum et magis manifestat rem. Res autem unaquaeque magis noscitur,
quando scitur eius substantia, quam quando scitur eius quantitas aut
qualitas. Tunc enim putamus nos maxime scire singula, quando noscitur quid
est homo aut ignis, magis quam quando cognoscimus quale est aut quantum, aut
ubi, aut secundum aliquod aliud praedicamentum. Quare etiam de ipsis, quae sunt
in praedicamentis accidentium, tunc scimus singula, quando de unoquoque
scimus quid est. Sicut quando scimus quid est ipsum quale, scimus qualitatem,
et quando scimus quid est ipsum quantum, scimus quantitatem. Sicut enim alia
praedicamenta non habent esse nisi per hoc quod insunt substantiae, ita non
habent cognosci nisi inquantum participant aliquid de modo cognitionis
substantiae, quae est cognoscere quid est. |
Qu’elle soit également première
dans l’ordre de la connaissance, cela est évident. En effet, est premier
selon la connaissance ce qui est plus connu et manifeste davantage la chose.
Mais toute chose est plus connue quand on en sait la substance que quand on
en sait la quantité ou la qualité. En effet, nous pensons surtout connaître
chaque chose quand nous savons ce qu’est l’homme ou le feu, plus que quand
nous savons sa qualité, sa qualité ou son lieu, ou que nous le connaissons
selon un autre prédicament. C’est aussi pourquoi nous connaissons chaque
caractère qui tombe dans les prédicaments des accidents lorsque nous savons
chaque chose. Ainsi, lorsque nous connaissons ce qui a telle qualité, nous
connaissons la qualité, et quand nous connaissons la chose qui a une
quantité, nous connaissons la quantité. En effet, de même que les autres
prédicaments n’ont d’existence que par le fait d’être dans la substance, de
même ils ne peuvent être connus qu’en tant qu’ils ont une participation au
mode de connaissance de la substance, qui est de connaître ce qu’est la
chose. |
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[82826] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 1 n. 16 Deinde cum dicit et quod ostendit idem, scilicet
quod de substantia sola est agendum, ex consuetudine aliorum philosophorum:
dicens, quod cum sit quaesitum et semper dubitatum apud philosophos et
olim quantum ad praeteritum, et nunc quantum ad praesens, quid est
ens: hoc nihil aliud est quaerere et dubitare, quam quid est substantia
rerum. |
Ensuite, lorsqu’il dit : Et ce qu’on a recherché, etc., il
montre la même chose, à savoir qu’il faut traiter uniquement de la substance,
à partir de la coutume des autres philosophes : il dit que, puisque les
philosophes ont recherché et toujours douté autrefois, quant au passé, et maintenant,
quant au présent, ce qu’est l’être, cela n’est rien d’autre que rechercher la
substance des choses et en douter. |
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[82827] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 17 Hoc enim ens, scilicet substantiam, quidam dixerunt esse unum
vel immobile, sicut Parmenides et Melissus, vel mobile, sicut antiqui
naturales ponentes unum tantum materiale principium rerum. Solam autem
materiam putabant ens esse substantiam. Et sic patet, quod cum ponerent unum
ens propter unum materiale principium, per unum ens intelligebant unam
substantiam. Quidam vero posuerunt plura entia quam unum, qui scilicet
posuerunt plura principia materialia, et per consequens plures rerum
substantias. Quorum quidam posuerunt ea finita, ut Empedocles quatuor
elementa; quidam vero infinita, ut Anaxagoras infinitas partes consimiles, et
Democritus infinita indivisibilia corpora. |
Cette chose, en effet, c’est-à-dire la substance, certains ont dit qu’elle est une ou
immobile, comme Parménide et Mélisse, ou mobile, comme les anciens physiciens
qui affirmaient que les choses ont un seul principe matériel. Ils pensaient
que seule la matière est être et substance. Il est ainsi évident que
lorsqu’ils ont affirmé qu’il existe un seul être parce qu’il y a un seul
principe matériel, ils entendaient un seul être au sens d’une seule
substance. Certains ont affirmé l’existence de plus d’un être : ce sont
ceux qui ont supposé plusieurs principes matériels, et par conséquent
plusieurs substances des choses. Certains d’entre eux ont affirmé qu’ils
étaient finis, comme Empédocle avec quatre éléments, et d’autres qu’ils
étaient infinis, comme Anaxagore avec une infinité de parties semblables et
Démocrite avec une infinité de corps indivisibles. |
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[82828] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 18 Et ideo si alii philosophi tractantes de entibus attendebant
ad solas substantias, et nobis etiam speculandum est de sic ente,
idest de substantia quid ipsa sit. Et hoc inquam maxime, quia de hac
principaliter intendimus. Et primo, quia per eam alia cognoscuntur et
solum, ut est dicere quia de substantia sola determinando, de omnibus
aliis notitiam facit. Et ita quodam modo solum de substantia determinat, et
quodam modo non solum. Hoc autem significat cum dicit ut est dicere
vel ut ita dicatur, quod consuevimus dicere de his quae non usquequaque sunt
vera. |
C’est pourquoi, si les autres
philosophes qui ont traité des êtres se sont occupés uniquement des
substances, nous devons, nous aussi, étudier un tel être, c’est-à-dire ce qu’est la substance. Et je dis que
nous devons l’étudier surtout, parce que c’est elle que nous considérons
principalement. Et en premier, parce que c’est par elle que nous connaissons
le reste, et uniquement, il nous
appartient [d’en] parler parce qu’en traitant uniquement de la substance,
on fait connaître tout le reste. Et ainsi, d’une certaine façon, il traite
uniquement de la substance, et d’une autre façon il n’en traite pas
uniquement. C’est ce qu’il signifie lorsqu’il dit comme pour dire, ou pour ainsi dire, ce que nous avons l’habitude
de dire des choses qui ne sont pas tout à fait vraies. |
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[82829] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 19 Deinde cum dicit videtur autem ostendit quid
determinandum sit de substantia: et circa hoc duo facit. Primo ponit opiniones
aliorum de substantia. Secundo dicit, quid de earum veritate est inquirendum,
ibi, de his ergo et cetera. Circa primum duo facit. Primo proponit quid sit
manifestum circa substantias; dicens, quod esse substantiam manifestissime
inest corporibus. Unde animalia et plantas et partes eorum dicimus esse
substantias, et etiam alia naturalia corpora, ut ignem, terram, et aquam et
talium singula, idest talia elementaria corpora, sicut aerem et vaporem
secundum opinionem Heracliti, et alia media secundum opinionem aliorum. Et
etiam omnes partes elementorum, et etiam corpora, quae sunt composita ex
elementis, vel ex aliquibus partibus elementorum, sicut particularia corpora
mixta aut ex omnibus elementis, idest totis, sicut tota ipsa sphaera
activorum et passivorum et sicut etiam caelum quod et quoddam corpus
naturale praeter elementa dicimus esse substantiam, et partes eius, ut astra
et luna, et sol. |
Ensuite, lorsqu’il dit : Mais la substance semble, etc., il
montre ce qu’il faut déterminer au sujet de la substance, et il le fait en
deux parties. En premier, il expose les opinions des autres au sujet de la
substance. En deuxième, il montre ce qu’il faut rechercher au sujet de leur
vérité, où il dit : Sur ces
sujets, il faut, etc. Il traite la première partie en deux points. En
premier, il présente ce qui est manifeste au sujet des substances : il
dit que le fait d’être substance est le plus manifeste dans les corps. C’est
pourquoi nous disons que les animaux, les plantes et leurs parties sont des
substances, comme aussi les autres corps naturels comme le feu, la terre,
l’eau et les singuliers de cette
espèce, c'est-à-dire de tels corps élémentaires, comme l’air et la vapeur
selon l’opinion d’Héraclite, et d’autres êtres intermédiaires selon l’opinion
de certains autres. Nous disons aussi que sont des substances toutes les
parties des éléments, de même que les corps qui sont composés des éléments,
soit de certaines parties des éléments, comme les corps mixtes particuliers,
soit de leur totalité, c’est-à-dire
de tous les éléments, comme la sphère tout entière des êtres actifs et
passifs, et aussi le ciel, qui est
un corps naturel autre que les éléments[147], et ses parties, comme les astres, la lune et le soleil. |
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[82830] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 1 n. 20 Sed utrum hae sensibiles substantiae sint solum
substantiae secundum quod ponebant antiqui naturales, vel etiam sint aliquae
aliae substantiae ab istis, sicut ponebant Platonici, vel etiam istae non
sint substantiae, sed solum sint aliae substantiae ab istis, perscrutandum
est. |
Mais il faut examiner si ces
substances sensibles sont les seules substances, comme l’affirmaient les
anciens physiciens, ou s’il y a aussi d’autres substances que celles-là,
comme l’affirmaient les Platoniciens, ou si celles-ci non plus ne sont pas
des substances mais si les seules substances sont d’autres que celles-ci. |
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[82831] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 21 Secundo ibi, videntur quibusdam recitat opiniones philosophorum
de substantiis non manifestis, dicens, quod quibusdam videtur, quod termini
corporis sint rerum substantiae, ut scilicet superficies, et linea et punctus
et unitas sint magis substantiae quam corpus et solidum. Et haec opinio
dividitur: quia quidam nihil talium terminorum opinabantur esse separata a
sensibilibus, scilicet Pythagorici. Alii vero ponebant quaedam entia
sempiterna a sensibilibus separata, quae sunt plura et magis entia quam
sensibilia: magis inquam entia, quia ista sunt incorruptibilia et immobilia,
haec autem corruptibilia et mobilia; plura vero, quia sensibilia sunt unius
ordinis tantum, separata vero duorum: sicut Plato posuit duas substantias
separatas, idest duos ordines substantiarum separatarum, scilicet species
vel ideas, et mathematica. Et tertium ordinem posuit substantias corporum
sensibilium. |
En deuxième, où il dit : Mais il semble à certains, etc., il
relate les opinions des philosophes sur les substances non évidentes, en
disant qu'il semble à certains que les limites du corps sont la substance des
choses, de sorte que la surface, la ligne, le point et l'unité soient
davantage des substances que le corps et le solide. Et cette opinion se
divise, car certains, à savoir les Pythagoriciens, pensaient qu’aucune de ces
limites n’est séparée des sensibles. Mais d’autres affirmaient qu’il existe
certains êtres éternels séparés des sensibles, qui sont plus nombreux et ont
plus d’être que les sensibles : je dis plus d’être parce qu’ils sont
incorruptibles et immobiles, alors que les autres sont corruptibles et
mobiles, et plus nombreux parce que les sensibles sont d’un seul ordre, alors
que les êtres séparés sont de deux ordres. Ainsi, Platon a fait deux substances séparées, c’est-à-dire a affirmé
deux ordres de substances séparées, à savoir les espèces ou idées et les
êtres mathématiques. Et il a affirmé que le troisième ordre était les
substances des corps sensibles. |
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[82832] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 22 Sed Leucippus, qui successor fuit Platonis, et ex sorore
nepos, posuit plures ordines substantiarum, et in unoquoque etiam inchoavit
ab uno, quod ponebat esse principium in quolibet ordine substantiarum. Sed
aliud quidem unum ponebat esse principium numerorum, quos ponebat esse primas
substantias post species; aliud autem magnitudinum, quas ponebat esse
secundas substantias; et demum ponebat substantiam animae; et hoc modo
protendebat ordinem substantiarum usque ad corruptibilia corpora. |
Mais Leucippe[148], qui a été le successeur de Platon et était son neveu par sa sœur, a
affirmé plusieurs ordres de substances, et dans chaque ordre il a aussi
commencé par l’un, qu’il affirmait être le principe des substances dans tout
ordre. Mais il affirmait que l’un qui est principe des nombres, lesquels
étaient selon lui les premières substances après les espèces, n’est pas le
même que l’un qui est principes des grandeurs, qu’il affirmait être les
deuxièmes substances; et il plaçait en dernier la substance de l’âme, et il
prolongeait ainsi l’ordre des substances jusqu’aux corps corruptibles. |
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[82833] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 23 Sed quidam differebant a Platone et Leucippo, quia
non distinguebant inter species, et primum ordinem mathematicorum, qui est numerorum.
Dicebant enim species et numeros habere eamdem naturam, et omnia alia esse
habita, idest consequenter se habentia ad numeros, scilicet lineas et
superficies usque ad primam caeli substantiam, et alia sensibilia, quae sunt
in ultimo ordine. |
Mais certains n’étaient pas
d’accord avec Platon et Leucippe, parce qu’ils ne faisaient pas de
distinction entre les espèces et le premier ordre des êtres mathématiques,
qui est celui des nombres. Ils disaient en effet que les espèces et les
nombres sont de même nature et que les
autres choses en dépendent, c’est-à-dire viennent en conséquence des
nombres, à savoir les lignes et les surfaces, jusqu’à la substance première
du ciel, ainsi que les autres sensibles, qui appartiennent au dernier ordre. |
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[82834] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 24 Deinde cum dicit de his igitur. Ostendit quid circa
praedicta dicendum sit; dicens, quod dicendum est quid de praedictis dicitur
bene aut non bene, et quae sunt substantiae, et utrum praedicta mathematica et
species sint aliquid praeter res sensibiles, aut non. Et illae substantiae si
sint praeter sensibiles, quem modum essendi habeant. Et si ista non sunt
praeter sensibiles substantias, utrum sit aliqua alia substantia separabilis,
et quare et quomodo; aut nulla est substantia praeter sensibiles. |
Puis lorsqu’il dit : Sur ces sujets, etc., il montre ce
qu’il faut dire au sujet des propos précédents : il dit qu’il faut
préciser ce qui a été bien ou mal dit sur ces sujets, quelles sont les substances,
et si les êtres mathématiques et les espèces en question sont quelque chose à
part des choses sensibles ou non. Et si ces substances sont à part des
sensibles, quel est leur mode d’existence? Et si elles ne sont pas à part des
substances sensibles, existe-t-il une autre substance séparable, pourquoi et
comment est-elle, ou n’existe-t-il aucune substance à part des sensibles? |
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[82835] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 1 n. 25 Hoc enim determinabit in duodecimo huius et infra. Sed
tamen antequam haec determinentur, oportet primo ponere et describere quid
sit substantia in istis sensibilibus, in quibus substantia manifesta
invenitur. Quod quidem facit in
hoc septimo et in octavo sequenti. |
En effet, il traitera de cela au
livre XII et ci-dessous. Mais pourtant, avant de traiter de ces questions, il
faut d’abord établir et décrire quelle est la substances dans nos sensibles,
où on trouve manifestement la substance. C’est ce qu’il fait dans le présent
livre VII, et ensuite au livre VIII. |
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Leçon 2, texte d’Aristote, traduit
par Guillaume de Moerbeke, v. 1260 |
Leçon 2 Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Leçon
2, texte latin de Guillaume de Moerbeke, traduit par Georges Comeau |
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Dicitur autem substantia, si non
multiplicius, de quatuor maxime. Et enim quid erat esse et universale et
genus videtur substantia esse cuiusque, et quartum horum subiectum. Subiectum vero est de quo alia
dicuntur, et illud ipsum non adhuc de alio. Propter quod primum de hoc
determinandum est; maxime namque videtur esse substantia subiectum primum. Tale vero modo quodam materia
dicitur, et alio modo forma, tertio vero quod ex hiis. Dico autem materiam quidem es,
formam autem figuram speciei, quod autem ex hiis statuam totam. Quare si species materia est prior
et magis ens, et ipso quod ex utrisque prior erit propter eandem rationem. Nunc quidem igitur typo dictum est
quid est substantia, quia quod non de subiecto sed de quo alia. Oportet autem
non solum ita; non enim sufficiens. Ipsum enim hoc immanifestum, et adhuc materia substantia fit. Si
enim non ipsa substantia, quae est alia diffugit. Aliis enim sublatis nil
apparet remanens. Nam alia quidem corporum sunt
passiones et factiones et potentiae, longitudo vero et latitudo et
profunditas quantitates quaedam sunt sed non substantiae (quantitas enim non
substantia); sed magis cui insunt haec ipsa primum, illo modo est substantia.
At vero ablata longitudine et latitudine et profundo nichil videmus remanens,
nisi si quid est determinatum ab hiis; quare materiam necesse videri
solam substantiam sic intendentibus. Dico autem materiam quae secundum se neque quid neque quantitas neque aliud aliquid dicitur quibus ens est
determinatum. Est enim quoddam de quo praedicatur horum quodlibet, cui est
esse alterum et cathegoriarum unicuique; alia namque de substantia
praedicantur, haec vero de materia. Quare quod est ultimum secundum se neque
quid neque quantitas neque aliud est; neque itaque negationes, et enim hee
erunt secundum accidens. Ex hiis ergo speculantibus accidit
substantiam esse materiam. Sed
impossibile; et enim separabile et hoc aliquid inesse videtur maxime
substantiae. Quapropter species et quod ex ambobus substantia videbitur esse
magis quam materia. At tamen eam
quae nunc ex ambobus substantiam, dico autem eam quae ex materia et forma,
dimittendum; posterior enim est et aperta. Manifesta autem aliqualiter et
materia. De tertia autem perscrutandum est, haec namque maxime dubitabilis. Confitentur
autem substantiae esse sensibilium
quaedam, quare in hiis quaerendum prius. Quoniam
autem in principio divisimus quot
determinamus substantiam, et horum unum quidem videtur esse quod quid erat
esse, speculandam est de ipso. Praeopere
enim ad transeundum ad quod notius est. Disciplina enim ita fit omnibus
per minus nota naturae ad nota magis. Et hoc opus est: quemadmodum in actibus
facere ex unicuique bonis totaliter bona unicuique bona, sic ex ipsi
notioribus quae naturae quidem nota ipsi nota. Quae autem singulis nota et
prima multotiens debiliter nota, et parum aut nichil entis habent. At tamen
ex male quidem noscibilibus ipsi autem noscibilibus quae omnino noscibilia
noscere temptandum, procedentis, sicut dictum est, per haec ipsa. |
Le mot Substance peut présenter
tout au moins quatre sens principaux, si ce n’est davantage. Ainsi, dans
chaque chose, la notion de substance semble s’appliquer à l’essence, qui fait
que la chose est ce qu’elle est, à l’universel, au genre, et, en quatrième
lieu, au sujet. Par Sujet, on doit entendre ce à
quoi tout le reste est attribué, sans qu’il soit jamais réciproquement
l’attribut d’une autre chose. C’est donc du sujet qu’il faut tout d’abord
noua occuper. Le sujet, en effet, semble être plus particulièrement
substance. Sous ce rapport, on l’appelle d’abord la matière ; puis à un autre
point de vue, on l’appelle la forme ; et en troisième et dernier lieu c’est
le composé que constituent, toutes deux réunies, la forme et la matière. La matière, c’est par exemple
l’airain ; la forme, c’est la figure que revêt la conception de l’artiste ;
et l’ensemble qu’elles produisent en se réunissant, c’est, en fin de compte,
la statue. Par conséquent si la forme, qui donne l’espèce, est antérieure à
la matière, et si elle est davantage de l’Être, par la même raison elle doit
être antérieure au composé, qui sort de la réunion des deux. Nous avons donc maintenant un
aperçu de ce qu’est la substance ; et nous savons qu’elle n’est jamais l’attribut
de quoi que ce soit, et qu’au contraire c’est à elle que se rapportent tous
les attributs divers. Mais nous ne devons pas nous contenter de cette
esquisse, qui n’est pas tout à fait suffisante. Elle est d’abord assez obscure en
elle-même ; et de plus, c’est alors la matière qui devient la substance ;
car, si la matière n’est pas la substance même, on ne voit plus quelle autre
substance il pourrait y avoir. Tout le reste a disparu, et il n’y a plus rien
absolument qui subsiste. Tout le reste, en effet, ne
représente que les affections des corps, leurs actions, leurs puissances.
Longueur, largeur, profondeur, ce ne sont que des quantités; ce ne sont pas
des substances; car la quantité et la substance ne se confondent pas; et,
loin de là, la substance est bien plutôt le sujet primordial auquel toutes
ces modifications appartiennent. Si l’on retranche successivement longueur,
largeur, profondeur, nous ne voyons pas qu’il reste quoi que ce soit, si ce
n’est précisément l’objet que limitaient et déterminaient ces trois
dimensions. Ainsi, en se mettant à ce point de
vue, il n’y a plus que la matière toute seule qui puisse être prise pour la
substance. Mais quand je dis Matière, c’est la matière en soi, celle qui
n’est, ni un objet individuel, ni une quantité, ni aucun des modes qui
servent à déterminer l’Être. Il faut bien qu’il y ait quelque chose à quoi
s’appliquent tous ces attributs, et dont la façon d’être soit tout à fait
différente de chacune des catégories. En effet, tout le reste est
attribué à la substance, qui elle-même est l’attribut de la matière ; et par
conséquent, ce terme dernier n’est en soi, ni un individu, ni une quantité,
ni rien de pareil. Ce sont encore moins les négations de tout cela ; car les
négations n’ont qu’une existence indirecte et accidentelle. On voit donc qu’en adoptant ces
théories, on arrive à reconnaître la matière pour la substance. Mais cette
théorie est insoutenable, puisque le caractère éminent de la substance, c’est
d’être séparée, et d’être quelque chose de distinct et d’individuel. Aussi, à
ce point de vue, la forme et le composé que constituent la forme et la
matière, sembleraient avoir plus de droit que la matière à représenter la
substance. Cependant, il faut laisser de côté la substance formée de ces deux
éléments, je veux dire, le résultat que composent la matière et la forme
combinées. Cette substance est postérieure, et elle n’a rien d’obscur ; la
matière est à peu près aussi claire ; mais c’est à la troisième substance,
celle de la forme, qu’il faut nous attacher ; car elle est la plus difficile
à comprendre. Mais, comme on est d’accord pour
reconnaître que, parmi les choses sensibles, il y en a qui sont des
substances, c’est à celles-là que nos recherches vont s’adresser tout
d’abord. Au début, nous avons indiqué tous
les sens où le mot Substance peut être pris; et l’un de ces sens nous a
semblé être celui où Substance veut dire que la chose est ce qu’elle est.
C’est cette dernière question qu’il faut étudier, en cherchant à arriver
ensuite à quelque chose de plus notoire. La science, en effet, s’acquiert
toujours en partant de notions qui, de leur nature, sont moins notoires, pour
s’élever à des notions qui, par leur nature, le sont davantage. C’est qu’il
en est de la science comme de la conduite dans la vie pratique, où, partant
du bien des individus, on doit faire que le bien général devienne aussi le
bien de chaque particulier. De même ici, nous partons de notions qui nous
sont personnellement plus connues, pour atteindre des notions qui, étant
notoires par leur nature, finissent par le devenir aussi pour nous. Mais les
connaissances qu’on a personnellement, et tout d’abord, sont souvent bien
légères et bien peu nettes ; elles n’ont que peu ou point de réalité. Et
cependant, c’est en partant de ces connaissances si insuffisantes, mais qui
nous sont personnelles, qu’on doit tâcher d’atteindre à la connaissance
absolue des choses, où l’on ne peut parvenir qu’en prenant le point de départ
que nous venons d’indiquer. |
Mais
la substance se dit surtout de quatre choses, sinon davantage. En effet,
l’essence, l’universel et le genre semblent être la substance de toute chose,
et le quatrième d’entre eux est le sujet. Or,
le sujet est ce à quoi on attribue le reste et qui lui-même n’est pas
attribué à autre chose. C’est pourquoi il faut en traiter en premier; en
effet, ce qui semble le plus être substance, c'est le sujet premier.
Celui-ci, en un sens, est appelé matière, en un autre sens est appelé forme,
et en un troisième ce qui vient de celles-ci. Or,
j’appelle matière l’airain, et forme la figure de l’espèce, ce qui provient
de ceux-ci la statue entière. C’est pourquoi, si l’espèce vient avant la
matière et est davantage être, pour la même raison elle doit venir avant ce qui
provient de ceux-ci. Maintenant
donc, on a donné un schéma de ce qu'est la substance, car elle est ce qui ne
se rapporte pas à un sujet et ce à quoi le reste se rapporte. Mais il ne fait
pas dire seulement cela, car cela ne suffit pas. En
effet, cela n'est pas évident; et de plus, la matière devient la substance.
En effet, si elle n’est pas la substance même, ce qu’elle est d’autre nous
échappe. En effet, une fois le reste enlevé, on ne voit rien qui demeure. Car
le reste, c'est les propriétés, les productions et les puissances des corps;
la longueur, la largeur et la profondeur sont des quantités mais non des
substances (en effet, la quantité n'est pas la substance); mais plutôt, le
premier en lequel elles se trouvent est substance en ce sens. Alors, la
longueur, la largeur et la profondeur étant supprimées, nous ne voyons rien
qui reste, à moins qu'il n'y ait quelque chose qui soit déterminé par elles; c’est
pourquoi, pour ceux qui ont ce point de vue, la matière doit être considérée
comme la seule substance. Mais je veux parler de la matière qui n’est en soi
ni un objet, ni une quantité, et n'est pas désignée comme autre chose par
lequel l'être est déterminé. Elle est en effet quelque chose auquel est
attribuée n’importe quelle de ces choses et dont l’être est différent de
chacune des catégories; car
le reste est attribué à la substance, et celle-ci l’est à la matière. C’est
pourquoi ce qui est dernier n’est en soi ni une chose, ni une quantité, ni
autre chose, et n’est pas non plus les négations; celles-ci en effet sont par
accident. D’après
ces théoriciens, il se trouve donc que la substance est la matière. Mais
c’est impossible; en effet, et elle est séparable, et le ce-que-c’est semble
se trouver surtout dans la substance. C’est pourquoi l’espèce et le composé
des deux semblent être substance plus que la matière. Cependant, la substance
qui est maintenant formée des deux, je veux dire celle qui vient de la
matière et de la forme, doit être laissée de côté; en effet, elle est
postérieure et évidente. La matière aussi est manifeste de quelque façon.
Mais il faut approfondir la troisième, car c’est la plus sujette au doute. Mais
on admet que certains des sensibles sont des substances; c’est pourquoi il faut
s’interroger en premier sur ceux-ci. Puisqu’au
début nous avons divisé le nombre de sens de la substance que nous avons
déterminés, et que l’un d’eux semble être le ce-que-c’est, il faut étudier
celui-ci. En effet, cela est un préalable afin de parvenir à ce qui est plus
connu. En
effet, le savoir vient à tous en allant de ce qui est moins connu par nature
à ce qui est plus connu. Et le travail consiste, de la même façon que pour
les actions on fait en sorte qu’à partir des biens de chacun, ce qui est
totalement bon soit le bien de chacun, de même à partir de ce qui nous est
connu, ce qui est connu par nature nous soit connu. Mais les choses qui sont
connues à chacun et premières sont souvent faiblement connues, et n’ont que
peu ou point de réalité. Et pourtant, à partir de ce qui est mal connaissable
mais est connaissable pour nous, nous devons tenter de connaître ce qui est
absolument connaissable, en procédant, comme on l’a dit, précisément à partir
de là. |
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Lectio 2 |
Leçon 2, Commentaire de
saint Thomas (Traduction Georges Comeau, 2013)
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[82836] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 1 Postquam ostendit, quod principalis intentio huius
scientiae est considerare de substantia, hic incipit de substantia determinare;
et dividitur haec pars in duas. In prima ostendit modum et ordinem tractandi
de substantia. In secunda prosequitur tractatum substantiae, ibi, et primo
dicemus quaedam de eo. Modum autem et ordinem tractandi de substantia
ostendit dividendo substantias in suas partes; et docendo de qua partium eius
primo et principalius est determinandum, et quae partium ipsius
praetermittendae sunt, et quae prius vel posterius considerandae. Unde
dividitur prima pars in partes tres, secundum divisiones et subdivisiones,
quas ponit de substantia. Secunda incipit ibi, tale vero modo quodam. Tertia
vero incipit ibi, confitentur autem et cetera. Dicit ergo primo, quod
substantia ad minus dicitur quatuor modis, si non dicatur multiplicius,
idest pluribus modis. Sunt enim plures modi, quibus aliqui substantiam
nominant; ut patet de dicentibus terminos corporis esse substantias, qui
modus hic praetermittitur. Quorum quidem modorum primus est secundum quod quod
quid erat esse, idest quidditas, vel essentia, sive natura rei dicitur
eius substantia. |
Après avoir montré que la
principale intention de cette science est d’étudier la substance, il commence
à traiter de la substance, et cette
étude se divise en deux parties. Dans la première, il montre la méthode et l’ordre
de la discussion sur la substance. Dans la deuxième, il entreprend le traité
sur la substance, où il dit : Et
en premier, disons, etc. (leçon 3). Il montre la méthode et l’ordre de la
discussion sur la substance en divisant la substance en ses parties et en
montrant de laquelle de ses parties il faut traiter en premier et
principalement, lesquelles de ses parties il faut omettre, et lesquelles il
faut étudier avant ou après. C’est pourquoi la première partie se divise en
trois parties, selon les divisions et les subdivisions qu’il donne de la
substance. La deuxième commence où il dit : Celui-ci, en un sens, etc. La troisième commence où il dit :
Mais on admet que certains, etc. Il
dit donc en premier, que la substance se dit tout au moins de quatre façons, sinon davantage, c’est-à-dire de
façons plus nombreuses. Il existe en effet plus de façons dont certains
nomment la substance, comme cela est évident dans le cas de ceux qui disent
que les limites du corps sont des substances, sens qui est omis ici. Parmi
ces sens, le premier est celui où l’essence,
c’est-à-dire le ce-que-c’est ou la nature de la chose, est dite être sa
substance. |
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[82837] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 2 Secundus modus est prout universale dicitur substantia
esse, secundum opinionem ponentium ideas species, quae sunt universalia de
singularibus praedicata, et sunt horum particularium substantiae. |
Le deuxième sens est celui où l’universel est dit être la substance,
selon l’opinion de ceux qui disaient que les idées sont des espèces,
lesquelles sont des universels attribués aux singuliers et sont les
substances de ces objets particuliers. |
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[82838] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 3 Tertius modus est secundum quod primum genus videtur
esse substantia uniuscuiusque. Et per hunc modum unum et ens ponebant
substantias esse omnium rerum, tanquam prima omnium genera. |
Le troisième sens est celui où le genre premier semble être la substance de toute chose. Et selon ce sens, ils
disaient que l’un et l’être sont les substances de toutes choses, en tant
qu’ils sont les premiers genres de tout. |
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[82839] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 4 Quartus modus est secundum quod subiectum,
idest substantia particularis dicitur esse substantia. Dicitur autem
subiectum de quo alia dicuntur, vel sicut superiora de inferioribus, ut
genera et species et differentiae; vel sicut accidens praedicatur de
subiecto, ut accidentia communia et propria; sicut de Socrate praedicatur
homo, animal, rationabile, risibile et album; ipsum autem subiectum non
praedicatur de alio. Quod est intelligendum per se. Per accidens enim nihil
prohibet Socratem de hoc albo praedicari, vel de animali, vel de homine; quia
id, cui inest album, aut animal, aut homo, Socrates est. De seipso autem
praedicatur per se, cum dicitur, Socrates est Socrates. Patet autem, quod
subiectum hic dicitur, quod in praedicamentis nominatur substantia prima, ex
hoc, quod eadem definitio datur de subiecto hic, et ibi de substantia prima. |
Le quatrième sens d’entre eux est le sujet, c'est-à-dire
que la substance particulière est appelée substance. Mais on appelle sujet ce
à quoi on attribue d’autres choses, soit comme on attribue les supérieurs aux
inférieurs, soit comme les genres, les espèces et les différences
spécifiques, soit comme l’accident est attribué au sujet, comme les accidents
communs et essentiels; ainsi, on attribue à Socrate l’homme, l’animal, le
raisonnable, la capacité de rire et le blanc, mais ce sujet lui-même n’est
pas attribué à un autre. Il faut comprendre cela comme attribution par soi.
En effet, par accident, rien n’empêche d’attribuer Socrate à tel objet blanc,
à l’animal ou à l’homme, parce que cet être, qui se trouve être blanc, animal
ou homme, c’est Socrate. Mais il s’attribue à lui-même par soi quand on
dit : Socrate est Socrate. Or, il est évident qu’on appelle ici sujet ce
qui est appelé substance première dans les Catégories, parce que la même définition est donnée ici du sujet,
et là de la substance première. |
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[82840] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 5 Unde concludit quod determinandum est de hoc,
idest de subiecto vel de substantia prima, quia tale subiectum maxime videtur
substantia esse. Unde in praedicamentis dicitur quod talis substantia est
quae proprie et principaliter et maxime dicitur. Huiusmodi enim secundum se
omnibus aliis substant, scilicet speciebus et generibus et accidentibus.
Substantiae vero secundae, idest genera et species, substant solis
accidentibus. Et hoc etiam non habent nisi ratione primarum. Homo enim est
albus inquantum hic homo est albus. |
Il conclut de là qu’il faut en traiter, c’est-à-dire traiter du
sujet ou de la substance première, car c’est un tel sujet qui semble le plus
être substance. C’est pourquoi il est dit dans les Catégories qu’une telle substance est appelée ainsi de façon
propre, principale et éminente. De telles choses, en effet, sont
essentiellement des sujets de tout le reste, c’est-à-dire des espèces, des
genres et des accidents. Mais les substances secondes, c’est-à-dire les
genres et les espèces, sont seulement les sujets des accidents, et ils ne le
sont même pas autrement qu’en raison des substances premières. En effet,
l’homme est blanc en tant que cet homme-ci est blanc. |
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[82841] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 6 Unde patet quod fere eadem est divisio substantiae hic
posita, cum illa quae ponitur in praedicamentis. Nam per subiectum
intelligitur hic substantia prima. Quod autem dixit genus et universale,
quod videtur ad genus et species pertinere, continetur sub substantiis
secundis. Hoc autem quod quid erat esse hic ponitur, sed ibi
praetermittitur, quia non cadit in praedicamentorum ordine nisi sicut
principium. Neque enim est genus
neque species neque individuum, sed horum omnium formale principium. |
Il est donc évident que la
division de la substance donnée ici est presque la même que celle qui est
donnée dans les Catégories. En
effet, on entend ici par sujet la substance première. Mais ce qu’il apelle genre et universel, qui semble se rapporter au genre et à l'espèce,
appartient aux substances secondes. Or, l’essence
est mentionnée ici mais omise dans les Catégories parce qu’elle ne figure dans l’ordre des catégories
qu’en tant que principe. En effet, elle n’est ni le genre, ni l’espèce, ni
l’individu, mais elle est le principe formel de toutes ces choses. |
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[82842] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 7 Deinde cum dicit tale vero subdividit quartum modum
praemissae divisionis; hoc scilicet quod dixerat subiectum: et circa hoc tria
facit. Primo namque ponit divisionem. Secundo comparat partes divisionis
adinvicem, ibi, quare si species et cetera. Tertio ostendit quomodo de istis
partibus divisionis sit agendum, ibi, attamen eam quae nunc ex ambobus et
cetera. Dicit ergo primo, quod subiectum, quod est prima substantia
particularis, in tria dividitur; scilicet in materiam, et formam, et
compositum ex eis. Quae quidem divisio non est generis in species, sed
alicuius analogice praedicati, quod de eis, quae sub eo continentur, per
prius et posterius praedicatur. Tam enim compositum quam materia et forma
particularis substantia dicitur, sed non eodem ordine; et ideo posterius
inquiret quid horum per prius sit substantia. |
Puis lorsqu’il dit : Celui-ci, en un sens, etc., il
subdivise le quatrième sens de la division précédente, celui qu’il a appelé
sujet; et il traite ce sujet en trois points. En premier, il présente la
division. En deuxième, il compare les parties de la division entre elles, où
il dit : C’est pourquoi, si
l’espèce,etc. En troisième, il montre comment il faut traiter de ces
parties de la division, où il dit : Cependant,
la substance qui est, etc. Il dit donc en premier que le sujet, qui est
la première substance particulière, se divise en trois : la matière, la
forme, et le composé des deux. Cette division n’est pas celle d’un genre en
espèces, mais celle d’un prédicat qui est attribué de façon analogique à ce
qui est contenu en lui selon un sens premier et un sens dérivé[149]. En effet, aussi bien le composé que la matière et la forme sont
appelés substance particulière, mais pas dans le même ordre, et c’est
pourquoi il recherchera plus loin lequel d’entre eux est substance au sens
premier. |
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[82843] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 8 Exemplificat autem hic membra in artificialibus, in
quibus aes est ut materia, figura ut forma speciei, idest dans
speciem, statua compositum ex his. Quae quidem exemplificatio non est accipienda
secundum veritatem, sed secundum similitudinem proportionis. Figura enim et
aliae formae artificiales non sunt substantiae, sed accidentia quaedam. Sed quia hoc modo se habet figura ad aes in
artificialibus, sicut forma substantialis ad materiam in naturalibus, pro
tanto utitur hoc exemplo, ut demonstret ignotum per manifestum. |
Il donne ici l’exemple des parties
des objets fabriqués, dans lesquels l’airain est la matière, et la forme est
comme la figure de l’espèce, c'est-à-dire
ce qui donne l’espèce, et la statue est le composé des deux. Cependant, cet
exemple ne doit pas être accepté selon la vérité, mais selon une ressemblance
de proportion[150]. En effet, la figure et les autres formes artificielles ne sont pas
des substances, mais des sortes d’accidents. Mais parce que la figure et
l’airain jouent le même rôle dans les choses artificielles que la matière
dans les êtres naturels, il utilise cet exemple pour ce qu’il vaut, afin de
démontrer l’inconnu par ce qui est évident. |
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[82844] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 9 Deinde cum dicit quare si species comparat partes
divisionis praemissae adinvicem: et circa hoc tria facit. Primo ostendit quod
forma sit magis substantia quam compositum. Secundo ostendit, quod materia
sit maxime substantia, quod erat opinio quorumdam, ibi, et adhuc materia
substantia sit. Tertio ostendit quod tam forma quam compositum est magis
substantia quam materia, ibi, sed impossibile et cetera. Dicit ergo primo, quod
species, idest forma, prior est materia. Materia enim est ens in
potentia, et species est actus eius. Actus autem naturaliter prior est
potentia. Et simpliciter loquendo prior tempore, quia non movetur potentia ad
actum nisi per ens actu; licet in uno et eodem quod quandoque est in
potentia, quandoque in actu, potentia tempore praecedat actum. Unde patet,
quod forma est prior quam materia, et etiam est magis ens quam ipsa, quia
propter quod unumquodque et illud magis. Materia autem non fit ens actu nisi
per formam. Unde oportet quod forma sit magis ens quam materia. |
Ensuite, lorsqu’il dit : C’est pourquoi, si l’espèce, etc., il
compare entre elles les parties de la division précédente; et il traite ce
sujet en trois points. En premier, il montre que la forme est davantage
substance que le composé. En deuxième, il montre que la matière est la
substance de façon suprême, selon l’opinion de certains, où il dit : et de plus, la matière, etc. En
troisième, il montre que tant la forme que le composé sont davantage substance
que la matière, où il dit : Mais
c’est impossible, etc. Il dit donc en premier que l’espèce, c'est-à-dire la forme, est antérieure à la matière. En
effet, la matière est être en puissance, et l’espèce est être en acte. Or,
l’acte est naturellement antérieur à la puissance. Et au sens absolu, il est
antérieur dans le temps, car la puissance n’est conduite à l’acte que par un
être en acte, même si, pour une seule et même chose qui est tantôt en
puissance, tantôt en acte, la puissance précède l’acte dans le temps. Il est
donc évident que la forme est antérieure à la matière, et aussi qu’elle est
davantage être, car la raison d’existence de toute chose est davantage cette
chose. Mais la matière ne devient être en acte que par la forme. Il est donc
nécessaire que la forme soit être plus que ne l’est la matière. |
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[82845] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 10 Et ex hoc ulterius sequitur, quod eadem ratione
forma sit prior composito ex utrisque, inquantum est in composito aliquid de materia.
Et ita participat aliquid de eo quod est posterius secundum naturam, scilicet
de materia. Et iterum patet, quod materia et forma sunt principia compositi.
Principia autem alicuius sunt eo priora. Et ita, si forma est prior materia,
erit prior composito. |
Et il s’ensuit en outre que pour
la même raison, la forme est antérieure au composé des deux, en tant qu’il se
trouve quelque chose de la matière dans le composé. Et ainsi, le composé a
une participation avec ce qui est postérieur par nature, à savoir la matière.
De plus, il est évident que la matière et la forme sont les principes du
composé. Or, les principes d’une chose sont antérieurs à celle-ci. Et ainsi,
si la forme est antérieure à la matière, elle est antérieure au composé. |
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[82846] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 11 Et quia posset alicui videri, quod ex quo
philosophus ponit omnes modos, quibus dicitur substantia, quod hoc sufficeret
ad sciendum quid est substantia; ideo subiungit dicens, quod nunc dictum est
quid sit substantia solum typo, idest dictum est solum in universali,
quod substantia est illud, quod non dicitur de subiecto, sed de quo dicuntur
alia; sed oportet non solum ita cognoscere substantiam et alias res, scilicet
per definitionem universalem et logicam: hoc enim non est sufficiens ad
cognoscendum naturam rei, quia hoc ipsum quod assignatur pro definitione
tali, est manifestum. Non enim huiusmodi definitione tanguntur principia rei,
ex quibus cognitio rei dependet; sed tangitur aliqua communis conditio rei per
quam talis notificatio datur. |
Et parce qu’on pourrait penser, du
fait que le Philosophe a énoncé toutes les manières dont on parle de
substance, que cela suffit pour connaître ce qu’est la substance, il dit donc
ensuite qu'on a maintenant donné seulement un schéma de ce qu’est la substance, c’est-à-dire qu’on a
seulement dit, de façon universelle, que la substance est ce qui ne se dit
pas d’un sujet, mais ce de quoi on dit le reste. Mais il ne faut pas
connaître la substance et les autres choses seulement ainsi, c’est-à-dire par
définition universelle et logique; en effet, cela ne suffit pas pour
connaître la nature d’une chose, car ce qui lui est attribué dans une telle
définition est manifeste. En effet, une telle définition ne dit rien des
principes d’une chose, dont sa connaissance dépend, mais elle porte sur une
condition générale de la chose, par laquelle on obtient une telle
connaissance. |
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[82847] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 12 Deinde cum dicit et adhuc ostendit quod materia maxime
sit substantia: et circa hoc duo facit. Primo ponit rationem antiquorum per
quam ponebant materiam maxime et solum esse substantiam. Secundo notificat
quid sit materia, ibi, dico autem materiam quae secundum se. Dicit ergo
primo, quod non solum forma est substantia, et compositum, sed et materia sit
substantia secundum rationem praedictam. Si enim ipsa materia non sit
substantia, fugit a nobis quae sit alia substantia praeter materiam. Quia si
removeantur a rebus sensibilibus in quibus manifeste est substantia, alia
quae planum est non esse substantiam, nihil remanet, ut videtur, nisi
materia. |
Puis lorsqu’il dit : et de plus, la matière, etc., il
montre que c’est surtout la matière qui est substance, et il le fait en deux
parties. En premier, il présente la raison pour laquelle les anciens
affirmaient que c’est surtout la matière, et uniquement elle, qui est
substance. En deuxième, il explique ce qu’est la matière, où il dit : Mais je veux parler, etc. Il dit donc
en premier que ce n’est pas seulement la forme, ainsi que le composé, qui est
substance, mais que la matière aussi est substance selon l’argument qui
précède. En effet, si la matière n’était pas substance, nous ne pouvons pas
voir quelle autre substance existe à part la matière, car si on enlève des
choses sensibles, où une substance se trouve manifestement, les autres choses
qui ne sont clairement pas substance, il ne reste rien, semble-t-il, sinon la
matière. |
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[82848] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 13 In istis enim corporibus sensibilibus, quae omnes
confitentur esse substantias, quaedam sunt sicut corporum passiones, ut
calidum, frigidum et huiusmodi; de quibus manifestum est, quod non sunt
substantiae. Sunt etiam in eis quaedam factiones, idest generationes
et corruptiones et motus; de quibus etiam planum est quod non sunt
substantiae. Sunt etiam in eis potentiae, quae sunt principia praedictarum
factionum et motuum; scilicet potentiae, quae sunt in rebus ad agendum et
patiendum: has etiam patet non esse substantias, sed magis ponuntur sub
genere qualitatis. |
En effet, dans nos objets
sensibles corporels, que tous admettent être des substances, certains sont
comme des propriétés des corps, telles que le chaud, le froid et ainsi de suite,
qui ne sont manifestement pas des substances. On trouve aussi en eux les productions, c'est-à-dire les
générations, les corruptions et les mouvements, et il est clair qu’eux aussi
ne sont pas des substances. On y trouve aussi les puissances, qui sont les principes des productions et des
mouvements en question, c'est-à-dire les puissances qui sont dans les choses
en vue d’agir et de subir : il est clair qu’elles non plus ne sont pas
des substances, mais qu’elles se rangent plutôt dans le genre de la qualité. |
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[82849] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 14 Et post omnia ista inveniuntur in corporibus
sensibilibus dimensiones, scilicet longitudo, latitudo et profunditas, quae
sunt quantitates quaedam, et non substantiae. Quantitas enim manifestum est
quod non est substantia; sed illud cui praedictae dimensiones insunt, ut
primum subiectum earum, est substantia. Sed remotis istis dimensionibus nihil
videtur remanere nisi subiectum earum, quod est determinatum et distinctum
per huiusmodi dimensiones. Haec autem est materia. Quantitas enim dimensiva
videtur inesse materiae immediate, cum materia non dividatur ad recipiendum
diversas formas in diversis suis partibus, nisi per huiusmodi quantitatem. Et ideo per huiusmodi considerationem videtur necessarium
esse non solum quod materia sit substantia, sed quod ipsa sola sit
substantia. |
Et après tout cela, on trouve dans
les corps sensibles des dimensions, à savoir la longueur, la largeur et la profondeur,
qui sont des quantités et non des substances. En effet, il est manifeste que
la quantité n'est pas une substance, mais ce en quoi se trouvent ces
dimensions, ce qui est le premier sujet de celles-ci, est substance. Mais si
on enlève ces dimensions, il ne semble rien rester, sinon leur sujet, qui est
déterminé et différencié par ces dimensions. Or, ce sujet est la matière. En
effet, la quantité dimensive[151] semble être dands la matière de façon immédiate, puisque la matière
ne se divise pour recevoir des formes diverses dans ses parties diverses que
par une quantité de cette sorte. C’est pourquoi il semble nécessaire, d’après
cette façon de voir, non seulement que la matière soit substance, mais aussi
qu’elle seule soit substance. |
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[82850] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 15 Decepit autem antiquos philosophos hanc rationem
inducentes, ignorantia formae substantialis. Non enim adhuc tantum
profecerant, ut intellectus eorum se elevaret ad aliquid quod est supra
sensibilia; et ideo illas formas tantum consideraverunt, quae sunt sensibilia
propria vel communia. Huiusmodi
autem manifestum est esse accidentia, ut album et nigrum, magnum et parvum,
et huiusmodi. Forma autem substantialis non est sensibilis nisi per accidens;
et ideo ad eius cognitionem non pervenerunt, ut scirent ipsam a materia
distinguere. Sed totum subiectum, quod nos ponimus ex materia et forma
componi, ipsi dicebant esse primam materiam, ut aerem, aut aquam, aut aliquid
huiusmodi. Formas autem dicebant esse, quae nos dicimus accidentia, ut
quantitates et qualitates, quorum subiectum proprium non est materia prima,
sed substantia composita quae est substantia in actu: omne enim accidens ex
hoc est, quod substantiae inest, ut habitum est. |
Mais les anciens philosophes qui
ont avancé cet argument ont été trompés par leur ignorance de la forme
substantielle. En effet, ils n’avaient pas encore assez progressé pour que
leur intelligence s'élève jusqu’à quelque chose de supérieur aux sensibles;
c’est pourquoi ils ont seulement considéré les formes qui sont des sensibles
propres ou communs. Mais il est manifeste que ceux-ci sont des accidents,
comme le blanc et le noir, le grand et le petit, et ainsi de suite. Mais la
forme substantielle n’est sensible que par accident, et c’est pourquoi ils ne
sont pas parvenus à la connaître de manière à savoir la distinguer de la
matière. Mais ils disaient que le sujet entier, que nous affirmons être
composé de matière et de forme, est matière première, par exemple l’air,
l’eau ou autre chose du genre. Et ils appelaient formes les êtres que nous
appelons accidents, tels que les quantités et les qualités, dont le sujet
propre n’est pas la matière première, mais la substance composée qui est
substance en acte; en effet, tout accident existe du fait qu’il se trouve
d’ans une substance, comme on l’a vu. |
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[82851] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 16 Deinde cum dicit dico autem. Quia ratio praedicta
ostendens solam materiam esse substantiam, videtur processisse ex ignorantia
materiae, ut dictum est; ideo consequenter dicit, quid sit materia est
secundum rei veritatem, prout declaratum in primo physicorum. Materia enim in se non potest sufficienter cognosci,
nisi per motum; et eius investigatio praecipue videtur ad naturalem
pertinere. Unde et philosophus accipit hic de materia, quae in physicis sunt
investigata, dicens: dico autem materiam esse quae secundum se, idest
secundum sui essentiam considerata, nullatenus est neque quid, idest
neque substantia, neque qualitas, neque aliquid aliorum generum, quibus
ens dividitur, vel determinatur. |
Ensuite, lorsqu’il dit : Mais je veux parler, etc., étant donné
que l’argument précédent montrant que la matière seule est substance semble
provenir d’une ignorance de la matière, comme on l’a dit, il poursuit donc en
disant ce qu’est vraiment la matière dans la réalité, comme cela a été
éclairci au livre I des Physiques.
En effet, la matière ne peut pas être suffisamment connue en elle-même, sinon
par le mouvement, et la recherche à son sujet semble appartenir
principalement au philosophe de la nature. C’est pourquoi le Philosophe admet
ici au sujet de la matière ce qui a été approfondi dans les Physiques en disant : Mais je veux parler de la matière qui
n’est en soi, c’est-à-dire considérée selon son essence, ni un objet, c’est-à-dire ni une
substance, ni une qualité[152], ni l’un des autres genres par
lesquels l'être est divisé ou déterminé. |
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[82852] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 17 Et hoc praecipue apparet motu. Oportet enim subiectum
mutationis et motus alterum esse, per se loquendo, ab utroque terminorum
motus, ut probatum est primo physicorum. Unde, cum materia sit primum
subiectum substans non solum motibus, qui sunt secundum qualitatem et
quantitatem et alia accidentia, sed etiam mutationibus quae sunt secundum
substantiam, oportet, quod materia sit alia secundum sui essentiam ab omnibus
formis substantialibus et earum privationibus, quae sunt termini generationis
et corruptionis; et non solum quod sit aliud a quantitate et qualitate et
aliis accidentibus. |
Et cela est particulièrement
évident pour le mouvement. Il faut en effet que le sujet du changement et du
mouvement soit autre, à proprement parler, que l’un et l’autre terme du
mouvement, comme il est prouvé au livre I des Physiques. Il s’ensuit que, puisque la matière est le sujet
premier soutenant non seulement les mouvements affectant la qualité, la
quantité et les autres accidents, mais aussi les changements qui affectent la
substance, il faut que la`matière, par son essence, soit autre que toutes les
formes substantielles et leurs privations, qui sont les termes de la
génération et de la corruption, et pas seulement qu’elle diffère de la
quantité, de la qualité et des autres accidents. |
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[82853] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 2 n. 18 Attamen diversitatem materiae ab omnibus formis non
probat philosophus per viam motus, quae quidem probatio est per viam
naturalis philosophiae, sed per viam praedicationis, quae est propria
logicae, quam in quarto huius dicit affinem esse huic scientiae. Dicit ergo,
quod oportet aliquid esse, de quo omnia praedicta praedicentur; ita tamen
quod sit diversum esse illi subiecto de quo praedicantur, et unicuique eorum
quae de ipso praedicantur, idest diversa quidditas et essentia. |
Mais pourtant, le Philosophe ne
prouve pas que la matière diffère de toutes les formes par la voie du
mouvement, preuve qui suit le cheminement de la philosophie de la nature,
mais par la voie de l’attribution, qui est propre à la logique, dont il a dit,
au livre IV ci-dessus, qu’elle est apparentée à la science dont il s’agit
maintenant. Il dit donc qu’il faut qu’il existe un être auquel toutes les
choses mentionnées sont attribuées, mais de telle sorte que cet être soit
différent du sujet auquel elles sont attribuées et de chacune des choses qui
lui sont attribuées, c'est-à-dire qu’il ait une quiddité et une essence
différentes. |
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[82854] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 19 Sciendum autem est, quod id, quod hic dicitur, non
potest intelligi de univoca praedicatione secundum quod genera praedicantur
de speciebus, in quarum definitionibus ponuntur; quia non est aliud per
essentiam animal et homo; sed oportet hoc intelligi de denominativa
praedicatione, sicut cum album praedicatur de homine; alia enim quidditas est
albi et hominis. Unde subiungit, quod alia genera praedicantur hoc modo de
substantia, scilicet denominative, substantia vero praedicatur de materia
denominative. |
Mais il faut savoir que ce qui est
dit ici ne peut pas s’entendre de l’attribution univoque selon laquelle les
genres sont attribués aux espèces, dans les définitions desquelles ils
entrent, car l’animal et l’homme ne diffèrent pas par essence, mais il faut
entendre cela de l’attribution dérivée, comme quand le blanc est attribué à
l'homme; en effet, la quiddité du blanc diffère de celle de l'homme. C'est
pourquoi il ajoute que les autres genres sont attribués à la substance de
cette façon (de façon dérivée), et la substance est attribuée à la matière de
façon dérivée. |
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[82855] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 20 Non est ergo intelligendum, quod substantia actu
existens (de qua hic loquimur) de materia praedicetur praedicatione univoca, sive
quae est per essentiam. Iam enim supra dixerat, quod materia non est quid,
neque aliquid aliorum. Sed intelligendum est de denominativa praedicatione,
per quem modum accidentia de substantia praedicantur. Sicut enim haec est
vera: homo est albus, non autem haec: homo est albedo, vel: humanitas est
albedo, ita haec est vera: hoc materiatum est homo, non autem haec: materia
est homo, vel: materia est humanitas. Ipsa ergo concretiva, sive denominativa
praedicatio ostendit, quod sicut substantia est aliud per essentiam ab
accidentibus, ita per essentiam aliud est materia a formis substantialibus.
Quare sequetur quod illud quod est ultimum subiectum per se loquendo, neque
est quid, idest substantia, neque quantitas, neque aliquid aliud quod sit
in aliquo genere entium. |
Il ne faut donc pas comprendre que
la substance qui existe en acte (dont nous parlons ici) est attribuée à la
matière par attribution univoque, c'est-à-dire essentielle. En effet, il a
déjà dit plus haut que la matière n'est pas la chose ni aucune des autres
catégories. Il faut plutôt comprendre cette attribution comme étant dérivée,
de la même façon que les accidents sont attribués à la substance. En effet,
de même qu’il est vrai de dire: L’homme est blanc, mais pas : L’homme
est la blancheur, ou : L’humanité est la blancheur, de même il est vrai
de dire : Cette chose matérielle est un homme, mais pas : La
matière est l’homme, ou : La matière est l’humanité. Alors, cette
attribution composée ou dérivée montre que, de même que la substance diffère
par essence des accidents, de même la matière diffère par essence des formes
substantielles. Il s’ensuit donc que ce qui est le sujet ultime à proprement
parler n’est ni une chose, c'est-à-dire
une substance, ni une quantité, ni rien d’autre qui tombe dans quelque genre
d’êtres. |
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[82856] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 21 Neque ipsae negationes possunt per se praedicari de
materia. Sicut enim formae sunt praeter essentiam materiae, et ita quodammodo
se habent ad ipsam per accidens, ita et negationes formarum quae sunt ipsae
privationes, secundum accidens insunt materiae. Si enim per se inessent
materiae, nunquam formae in materia possent recipi salvata materia. Hoc autem
dicit philosophus ad removendum opinionem Platonis, qui non distinguebat
inter privationem et materiam, ut in primo physicorum habetur. Concludit etiam finaliter quod considerantibus
secundum praedictas rationes accidit solam materiam esse substantiam, ut
prius inducta ratio concludebat. |
Les négations non plus ne peuvent pas
être attribuées en soi à la matière. En effet, de même que les formes sont
hors de l’essence de la matière, et ont avec elle un rapport en quelque sorte
accidentel, de même les négations des formes, qui sont les privations, se
trouvent dans la matière par accident. En effet, si elles étaient
essentiellement dans la matière, les formes ne pourraient jamais être reçues
dans la matière de sorte que celle-ci soit conservée. Or, le Philosophe dit
cela pour écarter l’opinion de Platon, qui ne faisait pas de distinction
entre la privation et la matière, comme on le voit au livre I des Physiques. Il conclut également pour
termiuer que ceux qui réfléchissent à partir des raisons qui précèdent sont
d’avis que seule la matière est substance, comme le concluait l’argument
présenté ci-dessus. |
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[82857] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 22 Deinde cum dicit sed impossibile ostendit contrarium
huius conclusionis; dicens, quod impossibile est solam materiam esse substantiam,
vel ipsam etiam esse maxime substantiam. Duo enim sunt, quae maxime propria videntur esse
substantiae: quorum unum est, quod sit separabilis. Accidens enim non
separatur a substantia, sed substantia potest separari ab accidente. Aliud
est, quod substantia est hoc aliquid demonstratum. Alia enim genera non
significant hoc aliquid. |
Puis lorsqu’il dit : Mais c’est impossible, etc., il montre
le contraire de cette conclusion, en disant qu’il est impossible que seule la
matière soit la substance, ou même qu’elle soit la substance au suprême
degré. Deux choses, en effet, semblent être les principales propriétés de la
substance. L’une est le fait d’être séparable; en effet, l’accident ne se
sépare pas de la substance, mais la substance peut être séparée de
l’accident. L’autre est que la substance est un objet particulier déterminé;
les autres genres, en effet, ne signifient pas un objet déterminé. |
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[82858] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 23 Haec autem duo, scilicet esse reparabile et esse hoc
aliquid, non conveniunt materiae. Materia enim non potest per se existere
sine forma per quam est ens actu, cum de se sit in potentia tantum; ipsa
etiam non est hoc aliquid nisi per formam per quam fit actu. Unde esse hoc
aliquid maxime competit composito. |
Mais ces deux caractères, d’être
séparable et d’être un objet déterminé, ne conviennent pas à la matière. En
effet, la matière ne peut exister par soi sans la forme par laquelle elle est
être en acte, puisqu’en soi elle est seulement en puissance, et qu’elle n’est
pas non plus un objet déterminé, sinon grâce à la forme qui la fait être en
acte. C’est pourquoi il appartient surtout au composé d’être la chose
déterminée. |
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[82859] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 24 Et ideo patet quod species, idest forma, et compositum
ex ambobus, scilicet ex materia et forma, magis videtur esse substantia
quam materia; quia compositum et est separabile, et est hoc aliquid. Forma
autem, etsi non sit separabilis, et hoc aliquid, tamen per ipsam compositum
fit ens actu, ut sic possit esse separabile, et hoc aliquid. |
Il est donc évident que l’espèce, c'est-à-dire la forme, et le composé des deux, c'est-à-dire
de matière et de forme, semblent davantage être substance que la matière, car
le composé est séparable, et il est une chose déterminée. Mais la forme, bien
qu’elle ne soit pas séparable et ne soit pas déterminée, est ce par quoi le
composé devient être en acte, de sorte que celui-ci puisse être séparable et
être une chose déterminée. |
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[82860] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 25 Deinde cum dicit attamen eam ostendit quomodo sit
procedendum circa partes huius divisionis substantiae, quam prosecutus est,
prout scilicet dividitur in materiam et in formam et compositum: et dicit,
quod licet tam species quam compositum sit magis substantia quam materia,
tamen ad praesens dimittenda est substantia quae ex ambobus composita,
scilicet ex materia et forma. Et hoc propter duas rationes. |
Puis lorsqu’il dit : Cependant, la substance, etc., il montre
comment il faut procéder au sujet des parties de cette division de la
substance dont il a traité, à savoir selon qu’elle se divise en matière,
forme et composé, et il dit que, bien que l’espèce aussi bien que le composé
soient davantage substance que la matière, il faut pourtant laisser de côté,
pour l’instant, la substance qui est formée
des deux, c'est-à-dire de matière et de forme, et ce, pour deux raisons. |
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[82861] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 26 Una ratio est, quia ipsa est posterior secundum
naturam utraque, scilicet quam materia et quam forma; sicut compositum est
posterius simplicibus, ex quibus componitur. Et ideo cognitio materiae et
formae praecedit cognitionem substantiae compositae. |
Une raison est qu’elle est postérieure
par nature aux deux, c'est-à-dire à la matière et à la forme, comme le
composé est postérieur aux éléments simples dont il est formé. Pour cette
rai’on, la connaissance de la matière et de la forme précède la connaissance
de la substance composée. |
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[82862] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 27 Alia ratio est, quia huiusmodi substantia est
aperta, idest manifesta, cum sensui subiaceat. Et ideo circa eius
cognitionem non oportet immorari. Materia autem, licet non sit posterior sed quodammodo
prior, tamen aliqualiter est manifesta. Dicit autem aliqualiter quia
secundum essentiam suam non habet unde cognoscatur, cum cognitionis
principium sit forma. Cognoscitur autem per quamdam similitudinem
proportionis. Nam sicut huiusmodi substantiae sensibiles se habent ad formas
artificiales, ut lignum ad formam scamni, ita prima materia se habet ad
formas sensibiles. Propter quod dicitur primo physicorum, quod materia prima
est scibilis secundum analogiam. Et ideo restat de tertia perscrutandum,
scilicet de forma, quia ista est maxime dubitabilis. |
L’autre raison est qu’une telle
substance est évidente,
c'est-à-dire manifeste, puisqu’elle tombe sous le sens. C’est pourquoi nous
n’avons pas à nous attarder sur sa connaissance. Mais la matière, bien
qu’elle ne soit pas postérieure mais antérieure en quelque manière, est
pourtant manifeste de quelque façon. Il dit de quelque façon parce que, en son essence, elle n’a rien qui
permette de la connaître, puisque le principe de la connaissance est la forme.
La matière est pourtant connue par une ressemblance de proportion. En effet,
le rapport de telles substances sensibles aux formes artificielles, comme
celui du bois à la forme du banc, est le rapport de la matière première aux
formes sensibles. C’est pourquoi il est dit au livre I des Physiques que la matière première est
connaissable par analogie. Il reste donc à approfondir la troisième, c'est-à-dire la forme, car c’est la plus sujette au doute. |
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[82863] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 28 Deinde cum dicit confitentur autem ostendit modum et
ordinem, et quomodo procedendum sit circa partes tertiae divisionis
substantiae, prout substantia scilicet dividitur in substantias sensibiles et
insensibiles. Et circa hoc tria facit. |
Puis lorsqu’il dit : Mais on admet, etc., il montre la
manière et l’ordre ainsi que la façon dont il faut procéder au sujet des
parties de la troisième façon de diviser la substance, à savoir selon qu’elle
se divise en substances sensibles et non sensibles. Et il traite cette
question en trois parties. |
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[82864] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 29 Primo ostendit, quod de substantiis sensibilibus
prius est agendum, quia huiusmodi substantiae sensibiles sunt confessae apud omnes:
omnes enim confitentur quasdam sensibiles esse substantias. Substantias autem
non sensibiles, non omnes confitentur. Unde prius quaerendum est de
substantiis sensibilibus sicut de notioribus. |
En premier, il montre qu’il faut
traiter d’abord des substances sensibles, car celles-ci sont admises par
tous; en effet, tous reconnaissent que certains être sensibles sont des
substances. Mais tous ne reconnaissent pas l’existence de substances non
sensibles. C’est pourquoi il faut s’interroger d’abord sur les substances
sensibles, puisqu’elles sont plus connues. |
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[82865] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 30 Secundo ibi, quoniam autem ostendit quid de
substantiis sensibilibus sit determinandum: et dicit, quod cum prius divisum sit,
quot modis dicatur substantia, inter istos modos unus modus est prout quod
quid erat esse, idest quidditas et essentia rei, dicitur substantia. Unde
speculandum est de ista primo, ostendendo scilicet quidditates substantiarum
sensibilium. |
En deuxième, où il dit : Puisqu’au début, etc., il montre ce
qu’il faut déterminer au sujet des substances sensibles, en disant que
lorsqu’on a donné auparavant une division indiquant en combien de sens on
parle de substance, l’un de ces sens est celui où le ce-que-c’est, c'est-à-dire la quiddité et l'essence de la
chose, est appelé substance. Il faut donc considérer cela en premier, en
montrant les quiddités des substances sensibles. |
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[82866] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 31 Tertio ibi, praeopere enim assignat rationem
praemissi ordinis; et dicit, quod ideo prius dicendum est de essentiis
substantiarum sensibilium, quia hoc est praeopere, idest ante opus
sicut praeparatorium et necessarium ad opus, ut ex his substantiis
sensibilibus, quae sunt magis manifestae quo ad nos, transeamus ad illud,
quod est notius simpliciter et secundum naturam, idest ad substantias
intelligibiles, de quibus principaliter intendimus. Ita enim fit disciplina in omnibus rebus, sive omnibus
hominibus, per ea quae sunt minus nota secundum naturam, procedendo ad ea
quae sunt magis nota secundum naturam. |
En troisième, où il dit : En effet, cela est un préalable, etc.,
il donne la raison de cet ordre, en disant que s’il faut parler d’abord des
essences des substances sensibles, c’est parce que cela est un préalable[153] : autrement dit, cela vient avant l’œuvre comme étant
préparatoire et nécessaire à celle-ci, de sorte que nous passions de ces
substances sensibles, qui sont plus évidentes pour nous, à ce qui est plus connu absolument et par nature,
c'est-à-dire aux substance intelligibles, dont nous voulons principalement
parler. En effet, c’est ainsi que se fait l’apprentissage en toutes choses,
ou en tous les hommes, à partir de ce qui est moins connu par nature et en
allant vers ce qui est plus connu par nature. |
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[82867] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 32 Cum enim omnis disciplina fiat per ea quae sunt magis nota
addiscenti, quem oportet aliqua praecognoscere ad hoc ut addiscat, oportet
disciplinam nostram procedere per ea quae sunt magis nota quo ad nos, quae
sunt saepe minus nota secundum naturam, ad ea quae sunt notiora secundum
naturam, nobis autem minus nota. |
En effet, puisque tout
apprentissage se fait au moyen de ce qui est plus connu de l’apprenant, qui
doit connaître certaines choses au préalable afin d’apprendre, il faut que
notre apprentissage se fasse à partir de ce qui est plus connu pour nous, et
qui est souvent moins connu par nature, et aille vers ce qui est plus connu
par nature mais est moins connu pour nous. |
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[82868] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 33 Nobis enim quorum cognitio a sensu incipit, sunt
notiora quae sensui propinquiora. Secundum autem naturam sunt notiora, quae
ex sui natura sunt magis cognoscibilia. Et haec sunt quae sunt magis entia, et magis
actualia. Quae quidem sunt remota a sensu. Formae autem sensibiles sunt
formae in materia. |
Pour nous en effet, puisque notre
connaissance commence par les sens, les choses les plus connues sont les plus
proches des sens, mais par nature, les choses les plus connues sont celles
qui sont les plus connaissables par nature. Et ce sont celles qui sont
davantage des êtres et davantage en acte, et celles-ci sont éloignées des
sens, alors que les formes sensibles sont des formes dans la matière. |
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[82869] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 34 Et ideo in disciplinis oportet procedere ex minus notis
secundum naturam ad magis nota, et hoc opus est, idest necessarium est
hoc facere sicut in actibus hoc est in actibus vel potentiis activis,
in quibus ex bonis uniuscuiusque, idest ex his quae sunt bona isti et
illi, fiunt ea quae totaliter sunt, idest universaliter bona, et per
consequens unicuique bona. Militaris enim pervenit ad victoriam totius
exercitus, quae est quoddam bonum commune ex singularibus victoriis huius et
illius. Et similiter aedificativa ex compositione horum lapidum et illorum, pervenit
ad constitutionem totius domus. Et similiter oportet in speculativis, ex his
quae sunt notiora ipsi, scilicet addiscenti, pervenire oportet ad ea quae
sunt naturae nota, quae etiam fiunt ultimo ipsi addiscenti nota. |
Et c’est pourquoi, dans les apprentissages,
il faut aller du moins connu par nature au plus connu, et c’est le travail[154], c'est-à-dire qu’il est nécessaire de le faire comme dans les actions, c'est-à-dire dans les actions ou les
puissances actives, dans lesquelles à partir
des biens de chacun, c'est-à-dire à partir des choses qui sont bonnes
pour celui-ci et celui-là, on fait en sorte que ce qui est totalement, c’est-à-dire qui est universellement bon, soit
aussi en conséquence le bien de chacun. En effet, le militaire parvient à la
victoire de toute l’armée, qui est un bien commun, à partir des victoires
singulières de tel et tel. Pareillement, l’architecture, grâce à l’assemblage
de telles et telles pierres, parvient à la construction de toute la maison.
Et de même, dans les sciences spéculatives, il faut, à partir des choses plus
connues de l’apprenant, parvenir à celles qui sont connues par nature, et qui
sont aussi connues en dernier par cet apprenant. |
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[82870] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 35 Hoc autem non est propter hoc, quod illa quae sunt
magis nota huic vel illi, sint simpliciter magis nota, quia illa quae sunt singulis
nota, idest quo ad hunc et illum, et prima in cognitione eorum, sunt
multoties debiliter nota secundum naturam. Et hoc ideo, quia parum vel nihil habent de
entitate. Secundum enim quod aliquid est ens, secundum hoc est cognoscibile.
Sicut patet, quod accidentia et motus et privationes parum aut nihil habent
de entitate; et tamen ista sunt magis nota quo ad nos quam substantiae rerum,
quia sunt viciniora sensui, cum per se cadant sub sensu quasi sensibilia
propria vel communia. Formae autem substantiales per accidens. |
Mais il n’en est pas ainsi parce
que les choses qui sont plus connues à tel ou tel seraient plus connues absolument,
car les choses qui sont connues à
chacun, c'est-à-dire à celui-ci et à celui-là, et sont premières dans
leur connaissance, sont souvent faiblement connues par nature. Et la raison
en est que leur caractère d'être est faible ou nul. En effet, une chose est
connaissable dans la mesure où elle est être. Ainsi, il est évident que les
accidents, les mouvements et les privations ont peu ou pas de caractère
d’être, et pourtant, ils sont plus connus pour nous que les substances des
choses, car ils sont plus proches des sens, puisqu’en eux-mêmes, ils tombent
sous les sens en tant que sensibles propres ou communs; les formes
substantielles ne le font que par accident. |
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[82871] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 2 n. 36 Dicit autem multoties quia quandoque eadem sunt
magis nota et quo ad naturam et secundum nos, sicut in mathematicis, quae
abstrahunt a materia sensibili. Et ideo ibi semper proceditur a notioribus secundum
naturam, quia eadem sunt notiora quo ad nos. Et licet illa, quae magis sunt
nota quo ad nos, sint debiliter nota secundum naturam, tamen ex huiusmodi
male notis secundum naturam, quae tamen sunt magis cognoscibilia ipsi
discenti, tentandum est cognoscere illa quae sunt omnino, idest
universaliter et perfecte cognoscibilia, procedentes ad ea cognoscenda per
haec ipsa, quae sunt debiliter nota secundum se, sicut iam dictum est. |
Il dit souvent parce que parfois, les mêmes choses sont plus connues à
la fois par nature et pour nous, comme dans les mathématiques, qui font
abstraction de la matière sensible. C’est pourquoi, dans cette science, on
part toujours des choses plus connues par nature, parce qu’elles sont
également plus connues pour nous. Et bien que les choses qui sont plus
connues pour nous sont faiblement connues par nature, il faut pourtant tenter
de connaître, à partir de ces choses mal connues par nature, qui sont
cependant plus connaissaibles pour l’apprenant, ce qui est absolument, c'est-à-dire
universellement et parfaitement connaissables, en procédant afin de les
connaître à partir des choses qui sont faiblement connues en soi, comme on
l’a déjà dit. |
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Leçon 3, texte d’Aristote, traduit
par Guillaume de Moerbeke, v. 1260 |
Leçon 3, Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Leçon
3, texte latin de Guillaume de Moerbeke, traduit par Georges Comeau |
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Et primo
dicemus quaedam de eo logicae, quid
est quod quid erat esse unumquodque quod dicitur secundum se. Non enim est tibi
esse musicum esse; non enim secundum te ipsum es musicus. Quod ergo secundum
te ipsum. Neque
etiam hoc omne; non enim quod ita secundum
se ut superficiei album, quia non est superficiei esse album esse. At vero
neque quod ex utrisque: superficiei albe esse. Quare? Quia adest haec. In qua
igitur non inerit ratione ipsum dicente ipsu, haec ratio eius quod quid erat
esse singulis. Quare si superficiei albe esse est superficiei esse, semper
albo et levi esse idem et unum. Quoniam
vero sunt et secundum alias cathegorias composita (est enim aliquid subiectum cuique, ut
qualitati et quantitati et quando et ubi et motui), perscrutandum ergo si est
ratio ipsius quid erat cuiusque ipsorum esse, et inest hiis ipsum quid erat
esse, ut albo homini quid erat albo homini. Sit itaque nomen ipsi “vestis”.
Quid est vesti esse? At vero neque
secundum se dictorum nec hoc. Aut ipsum “non secundum se” dicitur
dupliciter, et huius est aliquid hoc quidem ex additione illud vero non. Hoc quidem
enim eo quod ipsum alii addi dicitur quod diffinitur, ut si albo esse
diffiniens dicat albi hominis rationem; hoc autem eo quod aliud ipsi, ut si
significat vestis album hominem, diffiniat vestem ut album. Albus itaque homo
est quidem album, non tamen quid erat esse albo esse, sed vesti esse. Ergo est quid erat
esse aliquid, aut totaliter aut non. Quod quidem enim quid erat esse est id
quod aliquid erat esse. Quando vero aliud de alio dicitur, non est quod
quidem hoc aliquid, ut albus homo non est quod vere hoc aliquid, siquidem le
hoc substantiis inest solum. Quare quid erat esse est
quorumcumque ratio est diffinitio. Diffinitio vero est non si nomen rationi idem
significet (omnes enim essent rationes termini; erit enim nomen quod cuilibet
rationi idem, quare et Ylias diffinitio erit), sed si primi alicuius fuerit;
talia vero sunt quaecumque dicuntur non eo quod aliud de alio dicatur. Non
erit igitur nulli non generis specierum existens quid erat esse, sed hiis
solum; haec namque videntur non secundum participationem dici et passionum
nec ut accidens. Sed ratio quidem erit cuiuslibet et aliorum quid significat,
si est nomen, quia hoc huic inest, aut pro sermone simplici certior;
diffinitio vero non erit nec quod quid erat esse. |
D’abord, disons quelques mots, à
un point de vue tout rationnel, pour faire comprendre que l’essence propre de
chaque chose, et ce qui la fait être ce qu’elle est, c’est ce qu’elle est
dite En soi. Ainsi, vous êtes éclairé et instruit ; mais ce n’est pas
précisément être Vous ; car ce n’est pas en vous-même que vous êtes instruit.
Ce que vous êtes essentiellement, c’est en vous seul que vous l’êtes. Mais ceci n’est pas applicable à
tous les cas. Être en soi, selon cette acception, ce n’est pas être à la
manière que la surface est blanche, puisque l’Être de la surface n’est pas du
tout l’Être du blanc. L’essence n’est pas non plus le composé des deux termes
réunis : la surface blanche. Et pourquoi ? C’est que la surface, qui est à
définir, est comprise dans sa définition. Ainsi, la définition essentielle
où la chose définie elle-même ne figure pas, c’est là vraiment la définition,
qui explique pour chaque chose ce qu’elle est En soi. Si donc être une
surface blanche était la même chose qu’être une surface polie, il
s’ensuivrait que le Blanc et le Poli seraient absolument identiques, et ne
seraient qu’une seule et même chose. Mais il y a également des composés
dans les autres catégories ; car, dans chacune, il y a toujours un sujet ;
et, par exemple, il y a un sujet pour la qualité, pour le temps, pour le
lieu, pour le mouvement. Dès lors, il faut voir si la définition de
l’essence, telle qu’on l’applique a chacun de ces sujets, se retrouve aussi
dans les composés. Par exemple, si l’on définit l’Homme blanc, il faut voir
s’il y a une définition essentielle de ce composé : l’Homme blanc. Représentons, si nous voulons,
cette définition, par le mot Manteau. Mais alors qu’est-ce que c’est que
d’être un manteau? Ce composé d’Homme blanc n’est pas certainement non plus
une de ces choses dont on peut dire qu’elles sont en elles-mêmes, et par
elles-mêmes. Ou bien, l’expression de N’être pas En soi ne peut-elle pas
avoir un double sens ? Dans l’un, on fait une addition à la chose à définir,
tandis que, dans l’autre, on ne fait pas cette addition. Ici, le défini ne
s’énonce qu’en étant adjoint à une chose autre que lui ; et par exemple, si
l’on avait à définir le blanc, ce serait commettre cette faute que de donner
la définition d’Homme blanc. Là au contraire, le défini est accompagné d’un
autre terme, qui est ajouté ; et si, comme nous venons de le dire, Manteau
signifiait Homme blanc, on définirait le manteau, comme si l’on avait
simplement le Blanc. L’Homme blanc est bien quelque chose dans le blanc; mais
sa définition essentielle n’est pas d’être blanc. L’essence, dans le cas où la
définition d’Homme blanc est Manteau, est-elle quelque chose de réel, quelque
chose d’absolu ? Ou bien n’y a-t-il pas là d’essence? L’essence d’une chose,
c’est d’être ce qu’elle est. Mais quand une chose est l’attribut d’une autre,
c’est qu’elle n’est pas quelque chose d’individuel et d’indépendant. Ainsi,
l’Homme blanc n’est pas une chose individuelle, puisque cette individualité
indépendante appartient uniquement aux substances. Par conséquent, il n’y a d’essence
individuelle que pour les choses dont l’explication est une définition. Or,
il n’y a pas de définition par cela seul que le nom de la chose aurait le
même sens qu’elle. Autrement toutes les appellations nominales seraient
autant de définitions, puisque le nom d’une chose se confondrait alors avec
l’explication qu’on en donnerait ; et, à ce compte, le mot seul d’Iliade
serait une définition tout entière. Mais la définition n’est réelle
que si elle s’adresse à un primitif. Et les primitifs sont toutes les choses
qu’on peut désigner, sans que la chose en question soit attribuée à une
autre. Aussi, la définition essentielle, exprimant que le primitif est ce
qu’il est, n’appartiendra à aucune des espèces qui ne font pas partie du
genre ; elle n’appartiendra qu’aux seules espèces qui y sont comprises ; car,
dans la désignation de ces espèces, on n’a besoin d’impliquer, ni leur
participation à un autre être, ni une modification quelconque, ni une
attribution accidentelle. Mais même, pour chacune des autres catégories,
l’appellation indiquera ce qu’elles expriment, du moment que le nom indique
que telle chose est à. telle autre, ou bien, si, à la place d’une appellation
simple, il y en a une plus exacte et plus complète. Mais il n’y aura là, ni
définition, ni explication, de ce qu’est essentiellement la chose. |
Et
en premier, disons quelque chose de façon logique sur ce qu’est le
ce-que-c’est de toute chose qu’on dit être par soi. En effet, être musicien
n’est pas ton être, car ce n’est pas en tant que toi-même que tu es musicien.
Ce que tu es en tant que tel, c’est toi-même. Mais
ce n’est pas non plus ce[155] tout; en effet, ce qui est en
soi n’est pas comme le blanc pour la surface, car être blanc n’est pas
appartenir à la surface. En fait, ce n’est pas ce qui vient des deux, l’être
de la surface blanche. Pourquoi? Parce que celle-ci y est ajoutée[156]. Alors, la notion exprimant
une chose qui n'inclut pas la chose même est la notion du ce-que-c’est de
chaque chose. C’est pourquoi, si l’être d’une surface blanche est l’être de
la surface, toujours l’être du blanc et celui du poli sont identiques. Mais
puisqu’il y a des composés selon les autres catégories (en effet, il y a un
sujet pour chacune, comme la qualité, la quantité, le temps, le lieu et le
mouvement), il faut donc examiner si la notion de l’essence de chacune de ces
choses-là est présente dans l’essence de ces choses-ci, comme [la notion] de
l’homme blanc dans l’essence de l’homme blanc. Disons
que son nom est « vêtement ». Quel est l’être du vêtement? Mais il
n’est pas non plus l’être en soi de ces choses. Ou bien, « pas un être
en soi » se dit de deux façons : dans l’une, il y a addition à la
chose en question, dans l’autre pas. En effet, dans l’une, c’est du fait
qu’on dit ajouter quelque chose à ce qui est défini, comme si on donne la
notion de l’homme blanc pour définir l’être du blanc; dans l’autre, c’est du
fait que c’est autre chose que lui; par exemple, si « vêtement »
signifie un homme blanc, on définirait le vêtement comme étant le blanc. Il
est vrai que l’homme blanc est blanc, mais il n’est pas l’essence du blanc, mais
celle du vêtement. Donc, l’essence est une certaine chose soit totalement,
soit pas. En effet, l’essence, c’est le ce-que-c’est de la chose. Mais quand
on affirme une chose d’une autre, elle n’est pas cette chose même; par
exemple, l’homme blanc n’est pas véritablement « cette chose », car
cela est le propre des substances. C’est
pourquoi il y a essence de toute chose dont la notion est une définition.
Mais il n’y a pas définition si le nom signifie la même chose que la notion
(en effet, tous les termes seraient des notions; en effet, le nom serait la
même chose que toute notion, et donc, le mot « Iliade » serait une
définition), mais
[il y a définition] si c’est primaire pour quelque chose; or, c’est le cas
pour tout ce qui n’est pas dit de telle sorte qu’une chose est dite d’une
autre. Alors, rien de ce qui n’est pas dans les espèces d’un genre n’a une
essence, mais seulement ce qui y est, car on voit que ces choses ne se disent
pas par participation et comme propriétés, ni à titre d’accidents. Mais la
notion de n’importe quelle des autres choses est ce qu’elle signifie, si elle
a un nom, car elle est dans cette chose, ou au lieu d’une expression simple
[il y en a] une plus certaine, mais il n'y a pas de définition ni d’essence. |
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Lectio 3 |
Leçon 3, commentaire de
saint Thomas (Traduction Georges Comeau, 2014)
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[82872] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 1 Postquam determinavit philosophus ordinem procedendi circa
substantias, hic incipit determinare de substantiis sensibilibus, sicut
praedixerat; et dividitur in duas partes. In prima determinat de essentia substantiarum
sensibilium per rationes logicas et communes. In secunda per principia
substantiarum sensibilium in octavo libro, ibi, ex his itaque dictis
syllogizare oportet. Prima pars dividitur in duas. In prima ostendit
cuiusmodi sit essentia substantiarum sensibilium. In secunda ostendit, quod
huiusmodi essentia habet rationem principii et causae, ibi, quod autem
oportet. Prima autem pars dividitur in partes duas. In prima determinat de
essentia substantiarum sensibilium. In secunda ostendit universalia non esse
substantias rerum sensibilium, ut quidam dicebant, ibi, quoniam vero de
substantia perscrutatur. |
Après avoir déterminé l’ordre dans
lequel il faut procéder au sujet des substances, le Philosophe commence ici à
traiter des substances sensibles, comme il l’avait annoncé; et ce sujet se
divise en deux parties. Dans la première, il traite de l’essence des
substances sensibles au moyen de raisons logiques et générales. Dans la
deuxième, il s’appuie sur les principes des substances sensibles, au livre
VIII, où il dit : Maintenant, il
faut tirer les conséquences, etc. La première partie se divise en deux.
Dans la première, il montre de quelle sorte est l’essence des substances
sensibles. Dans la deuxième, il montre que cette essence a valeur de principe
et de cause, où il dit : Ce qu’il
faut dire et quelle sorte (leçon XVII). La première partie se divise elle-même
en deux. Dans la première, il détermine l’essence des substances sensibles.
Dans la deuxième, il montre que les universels ne sont pas les substances des
choses sensibles, comme certains l’ont dit, où il dit : Mais puisque
l’étude porte (leçon XIII). |
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[82873] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 2 Prima autem pars dividitur in duas. In prima ostendit
cuiusmodi sit substantia rerum sensibilium. In secunda ex quibus
constituatur, sicut ex partibus, ibi, quoniam vero definitio ratio est. Prima dividitur in duas. In prima inquirit cuiusmodi
sensibilium sit essentia substantiarum. In secunda inquirit causam
generationis earum, ibi, eorum autem quae fiunt natura. Prima dividitur in
duas. In prima ostendit quid sit essentia rerum sensibilium. In secunda
qualiter se habeat ad ipsa sensibilia; utrum scilicet ut idem, vel ut
diversum, ibi, utrum autem idem. Prima dividitur in duas. In prima ostendit quid est
quod quid erat esse. Secundo quorum est, ibi, quoniam vero sunt et secundum
alias. Circa primum duo facit. Primo removet ab eo quod quid erat esse
praedicata per accidens. Secundo ea, quae praedicantur per se, sicut propriae
passiones de subiecto, ibi, neque etiam hoc et cetera. |
La première partie se divise en
deux. Dans la première, il montre de quelle sorte est la substance des choses
sensibles. Dans la deuxième, il montre les éléments qui la constituent en
tant que parties, où il dit : Mais
puisque la définition, etc. (leçon IX). La première partie se divise en
deux. Dans la première, il examine de quelle sorte est l’essence des
substances sensibles. Dans la deuxième, il recherche la cause de leur
génération, où il dit : Parmi les
choses qui se font, etc. (leçon VI). La première partie se divise en
deux. Dans la première, il montre quelle est l’essence des choses sensibles.
Dans la deuxième, il montre quel est le rapport de l’essence aux choses
sensibles, c'est-à-dire si elle est la même chose qu’elles ou une chose
différente, où il dit : Il faut
examiner si l’essence, etc. (leçon V). La première partie se divise en
deux. Dans la première il montre ce qu’est l’essence. Dans la deuxième, il
montre quelles choses ont une essence, où il dit : Mais puisqu’il y a, etc. Il traite le premier point en deux
parties. En premier, il exclut de l’essence les prédicats par accidents. En
deuxième, il exclut ce qui est attribué par soi comme les propriétés le sont
à un sujet, où il dit : Mais ce
n’est pas non plus, etc. |
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[82874] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 3 Dicit ergo primo, quod de substantiis sensibilibus
primo dicendum est, et ostendendum est in eis quod quid erat esse: ideo
primum dicemus de eo quod est quod quid erat esse quaedam logice. Sicut enim
supra dictum est, haec scientia habet quandam affinitatem cum logica propter
utriusque communitatem. Et ideo modus logicus huic scientiae proprius est, et
ab eo convenienter incipit. Magis autem logice dicit se de eo quod quid est
dicturum, inquantum investigat quid sit quod quid erat esse ex modo
praedicandi. Hoc enim ad logicum proprie pertinet. |
Il dit donc en premier qu’il faut
parler en premier des substances sensibles et qu’il faut en montrer
l’essence; c’est pourquoi nous commencerons par traiter de façon logique de
l’essence. En effet, comme on l’a dit plus haut, cette science a une certaine
affinité avec la logique en raison de ce que les deux ont en commun. C’est
pourquoi la méthode logique est appropriée à cette science, et il convient de
commencer par elle. Mais il dit qu’il parlera de façon logique de l’essence
en tant qu’il recherche ce qu’est l’essence à partir du mode d’attribution.
En effet, cela appartient en propre à la logique. |
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[82875] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 4 Hoc autem primo sciendum est de eo quod quid erat esse,
quod oportet quod praedicetur secundum se. Illa enim quae praedicantur de
aliquo per accidens, non pertinent ad quod quid erat esse illius. Hoc enim
intelligimus per quod quid erat esse alicuius, quod convenienter responderi
potest ad quaestionem de eo factam per quid est. Cum autem de aliquo
quaerimus quid est, non possumus convenienter respondere ea quae insunt ei
per accidens; sicut cum quaeritur quid est homo, non potest responderi, quod
sit album vel sedens vel musicus. Et ideo nihil eorum, quae praedicantur per
accidens de aliquo, pertinent ad quod quid erat esse illius rei: non enim
musicum esse, est tibi esse. |
Mais d’autre part, il faut savoir
en premier lieu, au sujet de l’essence, qu’elle doit être attribuée par soi.
En effet, ce qui est attribué à quelque chose par accident n’appartient pas à
l’essence de cette chose. En effet, nous entendons par l’essence de quelque
chose ce qu’on peut répondre convenablement à la question posée :
qu’est-ce que c’est? Mais quand nous demandons ce qu’est une chose, nous ne
pouvons pas convenablement répondre ce qui s’y trouve par accident :
ainsi, quand on demande ce qu’est l’homme, on ne peut pas répondre que c’est
le blanc, celui qui est assis, ou le musicien. C’est pourquoi rien de ce qui
est attribué à quelque chose par accident n’appartient à l’essance de cette
chose : en effet, ton être n’est pas d’être musicien. |
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[82876] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 5 Sciendum autem est, quod in omnibus sequentibus per hoc
quod dicit hoc esse, vel huic esse, intelligit quod quid erat esse illius
rei; sicut homini esse vel hominem esse, intelligit id quod pertinet ad quod
quid est homo. Quod est autem musicum
esse, idest hoc ipsum quod quid est musicus, non pertinet ad hoc quod
quid es tu. Si enim quaeratur, tu quid sis, non potest responderi quod tu sis
musicus. Et ideo sequitur quod musicum esse non est tibi esse; quia ea quae
pertinent ad quidditatem musici, sunt extra quidditatem tuam, licet musicus
de te praedicetur. Et hoc ideo, quia tu non secundum teipsum es musicus,
idest quia musicum non praedicatur de te per se, sed per accidens. Illud ergo
pertinet ad quod quid est tui, quod tu es secundum teipsum, idest quia
de te praedicatur per se et non per accidens; sicut de te praedicatur per se
homo, animal, substantia, rationale, sensibile, et alia huiusmodi, quae omnia
pertinent ad quod quid est tui. |
Mais il faut savoir que dans tout
ce qui va suivre, il entend par « être cela » ou « l’être de
cela » l’essence de cette chose; ainsi, par « l’être de l’homme »
ou par « être homme », il entend ce qui appartient à l’essence de
l’homme. Mais le fait d’être musicien,
c’est-à-dire l’essence même du musicien, n’appartient pas à ton essence. Si
on demande en effet : qui es-tu? on ne peut pas répondre que tu es
musicien. Il s’ensuit donc que ton être n’est pas d’être musicien, car les
choses qui appartiennent à la quiddité du musicien sont extérieures à ta
quiddité, même si la qualité de musicien t’est attribuée. Et la raison en est
que ce n’est pas en tant que toi-même
que tu es musicien, c'est-à-dire que le musicien ne t’est pas attribué en
soi, mais par accident. Donc, ce qui appartient à ton essence, c’est ce que
tu es en tant que tel, c'est-à-dire
ce qui t’est attribué en soi et non par accident, ainsi qu’on t’attribue en
soi l’homme, l’animal, la substance, le rationnel, le sensible et autres
choses du genre, qui appartiennent toutes à ton essence. |
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[82877] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 3 n. 6 Deinde cum dicit neque etiam. Excludit ab eo quod
est quod quid est, quod praedicatur secundum se, sicut passiones de
subiectis; dicens: neque etiam hoc omne quod praedicatur secundum se de
aliquo, pertinet ad hoc quod quid erat esse eius. Praedicatur enim per se
passio de proprio subiecto, sicut color de superficie. Non tamen quod quid
erat esse est, quod ita inest alicui secundum se, sicut superficiei inest
album; quia non superficiei esse est album esse, idest hoc ipsum quod
quid est superficies, non est quod quid est album. Alia enim est quidditas
superficiei et albedinis. |
Puis lorsqu’il dit : Mais ce n’est pas non plus, etc., il
exclut de l’essence[157] d’une chose ce qui lui est attribué en soi, comme les propriétés le
sont aux sujets, en disant : Ce n’est pas non plus tout ce qui est
attribué en soi à quelque chose, qui appartient à son essence. En effet, la
propriété est attribuée par soi à son sujet propre, comme la couleur à la
surface. Elle n’est pourtant pas l’essence, de sorte qu’il serait par soi en
la chose comme le blanc est dans la surface, car l’être de la surface, n’est pas d’être blanc, c’est-à-dire que l’essence de la surface n’est pas
l’essence du blanc. En effet, la quiddité de la surface et celle de la blancheur
diffèrent. |
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[82878] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 7 Et non solum hoc quod est esse album non est quod
quid est superficiei; sed nec ipsum compositum ex utrisque, scilicet superficie
et albedine, quod est esse superficiem albam vel esse superficiei albae.
Quidditas enim vel essentia superficiei albae, non est quidditas vel essentia
superficiei. Et si quaeratur quare? Responderi potest quia hoc adest ei,
idest, quia cum dico superficiem albam, dicitur aliquid quod adhaeret
superficiei tamquam extrinsecum, et non tamquam intrans essentiam eius. Unde
hoc totum quod est superficies alba, non est de essentia superficiei. |
Et non seulement l’essence du
blanc n’est pas l’essence de la surface, mais le composé des deux, surface et
blancheur, n’est pas non plus le fait d’être une surface blanche ni l’être de
la surface blanche. En effet, la quiddité ou l’essence de la surface blanche
n’est pas la quiddité ou l’essence de la surface. Et si on demande pourquoi,
on peut répondre que celle-ci y est
ajoutée, c’est-à-dire que quand je parle de surface blanche, je parle de
quelque chose qui adhère à la surface de façon extrinsèque et non en tant que
composant de son essence. Il s’ensuit que le tout qu’est la surface blanche
n’appartient pas à l’essence de la surface. |
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[82879] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 8 Praedicantur autem passiones de propriis subiectis ea
ratione, quia propria subiecta in earum definitionibus ponuntur, sicut nasus
ponitur in definitione simi, et numerus in definitione paris. Quaedam vero
ita praedicantur per se, quod subiecta in eorum definitionibus non ponuntur,
sicut animal per se de homine; nec homo ponitur in definitione animalis. Cum
ergo ea quae praedicantur per accidens non pertineant ad quod quid est, nec
illa quae praedicantur per se in quorum definitionibus ponuntur subiecta,
relinquitur quod illa pertineant ad quod quid est, in quorum definitionibus
non ponuntur subiecta. Et ideo concludit dicens, quod haec erit ratio in
singulis, quod quid erat esse, in qua ratione dicente ipsum, idest
describente praedicatum non inerit ipsum, idest subiectum; sicut in
ratione animalis, non inest homo. Unde animal pertinet ad quod quid est homo. |
Mais les propriétés sont
attribuées à leurs sujets propres pour la raison que les sujets propres
entrent dans leur définition, comme le nez entre dans la définition du camus
et le nombre dans la définition du pair. Mais certaines choses sont
attribuées en soi de telle sorte que leurs sujets n’entrent pas dans leur
définition; ainsi, l’animal est attribué en soi à l’homme, mais l’homme
n’entre pas dans la définition de l’animal. Donc, puisque ce qui est attribué
par accident n’appartient pas à l’essence, et que ce qui est attribué en soi
et dont la définition inclut le sujet n’y appartient pas non plus, il reste
que les choses qui appartiennent à l’essence sont celles dont la définition
n’inclut pas le sujet. C’est pourquoi il conclut en disant que dans chaque
chose, la notion de l’essence est la notion exprimant une chose, c’est-à-dire décrivant le prédicat, qui n’inclut
pas la chose même, c'est-à-dire le sujet; ainsi, dans la notion d’animal,
on ne trouve pas celle d’homme. C’est pourquoi l’animal appartient à
l’essence de l’homme. |
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[82880] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 9 Probat autem deducendo ad inconveniens, quod ea quae
praedicantur per se de aliquo sicut propria passio de subiecto, non
pertineant ad quod quid est. Contingit enim de eodem subiecto plures passiones
diversas per se praedicari; sicut per se praedicatur propria passio,
coloratum et asperum et leve, quae sunt passiones superficiei. Eiusdem autem
rationis est omnia huiusmodi praedicata ad quod quid est subiecti pertinere.
Ergo si albedo pertinet ad quod quid est superficiei, pari ratione et
levitas. Quae autem uni et
eidem sunt eadem, sibiinvicem sunt eadem. Quare si superficiei album esse est superficiei esse
semper, idest si semper et
universaliter hoc verum est quod quidditas propriae passionis sit idem cum
quidditate proprii subiecti, sequitur quod albo esse et levi esse, sit idem
et unum, idest quod quidditas albedinis et levitas sit una et eadem. Hoc
autem patet falsum esse. Relinquitur ergo quod quod quid erat esse propriae
passionis et subiecti non est idem et unum. |
Et il prouve, par un raisonnement
à l’absurde, que ce qui est attribué en soi à quelque chose comme une
propriété essentielle du sujet n’appartient pas à l’essence. Il arrive en
effet que plusieurs propriétés diverses soient attribuées en soi au même
sujet; ainsi, les propriétés essentielles de la couleur, de la rugosité et de
la douceur sont attribuées en soi à la surface. Et pour la même raison, tous
les attributs du genre appartiennent à l’essence du sujet. Alors, si la
blancheur appartient à l’essence de la surface, la douceur lui appartient
pour la même raison. Mais les choses qui sont identiques à une même troisième
sont identiques entre elles. C’est
pourquoi, si l’être d’une surface blanche est l’être de la surface toujours[158], c’est-à-dire s’il est vrai toujours et universellement que la quiddité
de la propriété essentielle est identique à la quiddité du sujet propre, il
s’ensuit que l’être du blanc et l’être du poli sont identiques, c’est-à-dire que la quiddité de la blancheur et celle
du poli sont identiques. Mais il est évident que c’est faux. Il reste donc
que l’essence de la propriété essentielle et celui du sujet ne sont pas
identiques. |
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[82881] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 10 Deinde cum dicit quoniam vero. Inquirit quorum sit
quod quid erat esse. Et
primo movet quaestionem. Secundo solvit eam, ibi, at vero secundum se
dictorum. Dicit ergo primo, quod sunt quaedam composita in aliis
praedicamentis, et non solum in substantia. Quod quidem dicit propter hoc,
quod substantiarum sensibilium, quae sunt compositae, quidditatem inquirit. Sicut enim in substantiis sensibilibus compositis
est materia, quae subiicitur formae substantiali, ita etiam alia
praedicamenta habent suum subiectum. Est enim aliquod subiectum unicuique
eorum, sicut qualitati et quantitati et quando et ubi et motui, sub quo
comprehenditur agere et pati. Unde sicut quoddam compositum est ignis ex
materia et forma substantiali, ita est quaedam compositio ex substantiis et
accidentibus. |
Puis lorsqu’il dit : Mais puisqu’il y a, etc., il examine
quelles sont les choses qui ont une essence. Et en premier, il soulève la
question. En deuxième, il la résout, où il dit : Mais il n’est pas non plus, etc. Il dit donc en premier qu’il
existe des composés dans les autres prédicaments et non seulement dans celui
de la substance. Et il dit cela parce qu’il recherche la quiddité des
substances sensibles, qui sont composées. En effet, de même qu’il y a dans
les substances sensibles composées une matière qui est le substrat de la
forme substantielle, de même aussi les autres prédicaments ont leur sujet. Il
y a en effet un sujet pour chacun d’eux, comme pour la qualité, la quantité,
le temps, le lieu et le mouvement, et ce dernier englobe l'agir et le subir.
C’est pourquoi, de même que le feu est un certain composé de matière et de
forme substantielle, il existe aussi une certaine composition de substance et
d’accidents. |
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[82882] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 3 n. 11 Et ideo perscrutandum est, cum aliqua sit definitio
substantiarum compositarum ex formis et materiis, si etiam cuiuscumque
istorum compositorum ex accidentibus et subiectis est ratio eius quod quid
erat esse, idest si habent definitionem quae est ratio significans quod
quid erat esse. Et iterum si est in eis hoc ipsum quod quid erat esse
quod significat definitio, idest si habent aliquam quidditatem sive aliquid
quod potest responderi ad quid. Sicut hoc ipsum quod est albus homo, est
quoddam compositum ex subiecto et accidente; utrum scilicet albo homini sit
quod quid erat esse ei inquantum huiusmodi. |
C’est pourquoi il faut examiner,
puisqu’il existe une définition des substances composées de forme et de
matière, si pour n’importe quel de ces composés d’accidents et de sujets il y
a également une notion de l’essence,
c'est-à-dire si ces composés ont une définition qui est la notion signifiant
leur essence. Et aussi, [cette notion] est-elle dans l’essence de ces choses-ci, que signifie la définition,
c'est-à-dire, ces choses-ci ont-elles une quiddité ou quelque chose qui
puisse répondre à la question « qu’est-ce que c’est? » Ainsi, cette
chose-ci, qui est un homme blanc, est un composé de sujet et d’accident;
c'est-à-dire, l’homme blanc a-t‑il une essence en tant que tel? |
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[82883] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 12 Et quia forte aliquis posset dicere quod albus homo
sunt duae res et non una, ideo subiungit, quod hoc ipsum quod dico albus homo,
habeat unum nomen quod causa exempli sit vestis. Et tunc quaestio erit de isto uno, scilicet de
veste, utrum habeat quod quid est, ut possimus dicere quid est vestem esse?
Tunc enim, sicut hoc nomen homo significat aliquid compositum, scilicet
animal rationale, ita et vestis significat aliquid compositum, scilicet
hominem album. Et ita sicut homo habet definitionem, ita vestis poterit
habere definitionem, sicut videtur. |
Et parce qu’on pourrait dire que
l’homme blanc est deux choses et non une seule, il ajoute : Supposons
que ce que j’appelle « homme blanc » a un seul nom, par exemple
celui de « vêtement ». La question est alors de savoir si cette
chose unique, le « vêtement », a une essence de sorte qu’on puisse
dire : Quel est l’être du vêtement? Alors en effet, de même que le mot
« homme » signifie un composé, à savoir l’animal raisonnable, de
même « vêtement » signifie un composé, à savoir l’homme blanc. Et
ainsi, de même que l’homme a une définition, de même le vêtement pourrait
avoir une définition, semble-t-il. |
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[82884] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 13 Deinde cum dicit at vero solvit praedictam quaestionem;
et dividitur haec pars in duas partes secundum quod duas ponit solutiones. Secunda pars incipit ibi, aut et definitio sicut et
quod quid. Dicit ergo primo, quod hoc ipsum quod dico, albus homo, sive
vestis quae hoc ponitur significare, non est aliquod eorum quae dicuntur
secundum se, immo est aliquid eorum quae dicuntur per accidens. Hoc enim,
quod est, homo albus, est unum per accidens, et non per se, ut superius est
habitum. |
Puis lorsqu’il dit : Mais il n’est pas non plus, etc., il
résout la ques précédente; et cette partie se divise en deux du fait qu’il
donne deux solutions. La deuxième partie commence où il dit : Ou bien, la définition, etc. (leçcon
IV). Il dit donc en premier qu’« homme blanc », ou le mot
« vêtement » auquel on donne cette signification, n’est pas au
nombre des choses qui se disent en soi; bien au contraire, il est au nombre
des choses qui se disent par accident. Cet être de l’homme blanc, en effet,
est un par accident et non en soi, comme on l’a vu plus haut. |
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[82885] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 14 Quod autem aliquid dicatur alteri esse unum per accidens,
est dupliciter, ut uno modo homo est albus, et alio modo album est homo. Horum enim aliud quidem est ex additione, aliud vero
non. In definitione enim hominis non est necessarium quod addatur definitio
albi, vel nomen eius; in definitione vero albi necesse est quod ponatur homo,
vel nomen hominis, vel eius definitio, si homo proprium subiectum eius est,
vel aliquid aliud quod est eius proprium subiectum. |
Mais on peut dire de deux façons
qu’une chose est une avec une autre par accident : de l’une, l’homme est
blanc, et de l’autre, le blanc est homme. En effet, dans l’un de ces deux cas
on procède par addition, dans l’autre pas. À la définition de l’homme, il
n’est pas nécessaire en effet d’ajouter la définition du blanc, ni son nom;
mais dans la définition du blanc, il est nécessaire d’inclure l’homme, ou son
nom, ou sa définition, si l’homme est son sujet propre. ou d’inclure autre
chose qui est son sujet propre. |
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[82886] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 15 Et ideo ad hoc exponendum subiungit, quod istorum
duorum, quae dicuntur non secundum se, unum adiungitur alteri, eo quod ipsum
accidens additur illi subiecto, quod in accidentis definitione ponitur cum
definitur. Sicut si aliquis definiat album, oportet quod dicat rationem hominis
albi; quia oportet quod in definitione accidentis ponatur subiectum. Et tunc
definitio complectitur hominem album. Et sic erit quasi ratio hominis albi, et non albi
tantum. Et hoc intelligendum est, ut dictum est, si homo sit proprium et per
se subiectum albi. Hoc autem adiungitur alteri per accidens; non quia ipsum
apponatur in definitione alterius, sed quia aliud apponitur ipsi in sua
definitione; sicut album adiungitur homini per accidens, non quod ponatur in
definitione hominis, sed quia homo ponitur in definitione eius. Unde si hoc
nomen vestis significat hominem album, sicut positum est, oportet quod ille,
qui definit vestem, eodem modo definiat vestem sicut definitur album. Nam
sicut in definitione vestis oportet quod ponatur et homo et album, ita in
definitione albi oportet quod ponatur utrumque. |
C’est pourquoi, pour expliquer
cela, il ajoute que de ces deux choses qui ne se disent pas par soi, l’une
est jointe à l’autre de sorte que l’accident est ajouté au sujet, qui est
inclus dans la définition de l’accident lorsque celui-ci est défini. Par
exemple, si on définit le blanc, il faut exprimer la notion d’homme blanc,
car, dans la définition de l’accident, il faut inclure le sujet, et ainsi, la
définition englobe l’homme blanc. Elle est donc comme une notion de l’homme
blanc et non du blanc seulement. Et c’est ce qu’il faut comprendre, comme on
l’a dit, si l’homme est le sujet propre et essentiel du blanc. Or, une chose
est jointe à une autre par accident non parce qu’elle est incluse dans la
définition de l’autre, mais parce que l’autre est incluse dans sa définition
à elle; ainsi, le blanc est joint à l’homme par accident, non parce qu’il est
inclus dans la définition de l’homme, mais parce que l’homme est inclus dans
sa définition. C’est pourquoi, si le mot « vêtement » signifie
homme blanc, comme on l’a supposé, il faut que celui qui définit le vêtement
le définisse de la même façon qu’on définit le blanc. En effet, de même que
dans la définition du vêtement il faut inclure l’homme et le blanc, de même,
dans la définition du blanc, il faut inclure les deux. |
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[82887] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 16 Itaque ex dictis patet quod album praedicatur de
homine albo. Haec enim est vera, albus homo est albus, et e contrario. Tamen hoc
ipsum quod est album esse hominem, non est quod quid erat esse albo. Sed
neque vesti, quae significat compositum hoc quod est albus homo, ut dictum
est. Sic igitur patet quod non potest esse idem quod quid erat esse eius quod
est album, et eius quod est albus homo, sive vestis; per hoc quod album etiam
si praedicetur de albo homine, non tamen est quod quid est esse eius. |
Il est donc évident, d’après ce
qui précède, que le blanc est attribué à l’homme blanc. En effet, il est vrai
de dire que l’homme blanc est blanc, et inversement. Pourtant, le fait que le
blanc soit homme n’est pas l’essence du blanc. Mais ce n’est pas non plus
celle du vêtement, qui est le composé de l’homme-blanc, comme on l’a dit.
Ainsi donc, il est évident que l’essence du blanc ne peut pas être pareil à
l’essence de l’homme blanc, ou du vêtement, du fait que le blanc, même s’il
est attribué à l’homme blanc, n’est pourtant pas son essence. |
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[82888] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 17 Item patet, quod si album habet quod quid erat esse et
definitionem, non habet aliam quam illam quae est albi hominis: quia cum in
definitione accidentis ponatur subiectum, oportet quod hoc modo definiatur
album, sicut albus homo, ut dictum est. Et hoc sic patet: quia hoc quod est album non habet
quod quid erat esse, sed solum hoc de quo dicitur, scilicet homo vel homo
albus. Et hoc est quod dicit: ergo est quod quid erat esse aliquid aut
totaliter, aut non: idest, ergo ex praedictis sequitur quod quod quid
erat esse, non est nisi eius quod est aliquid, sive illud aliquid sit
totaliter, id est compositum, ut homo albus, sive non totaliter, ut homo.
Album autem non significat aliquid, sed aliquale. |
Il est en outre évident que si le blanc
a une essence et une définition, il n’en a pas d’autre que celle de l’homme
blanc, car, puisqu'on inclut le sujet dans la définition de l'accident, il
faut qu'on définisse le blanc de la même façon que l’homme blanc, comme on
l’a dit. Et cela se prouve comme suit : ce n’est pas le blanc qui a une
essence, mais seulement ce à quoi il est attribué, c’est-à-dire l’homme ou
l’homme blanc. Et c’est ce qu’il dit : Donc, l’essence est une certaine chose soit totalement, soit pas, c’est-à-dire :
il s’ensuit donc de ce qui précède que l’essence n’appartient qu’à une chose
concrète, qu’il soit cette chose
totalement, c'est-à-dire un composé tel que l’homme blanc, ou non
totalement, comme l’homme. Mais le blanc ne signifie pas une chose, mais une
certaine façon. |
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[82889] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 18 Et quod id quod quid erat esse, non sit nisi eius
quod est aliquid, ex hoc patet: quod quidem quid erat esse, est quod aliquid
erat esse. Esse enim quid, significat esse aliquid. Unde illa quae non
significant aliquid, non habent quod quid erat esse. Sed quando aliquid de
aliquo dicitur, ut accidens de subiecto, non est hoc aliquid: sicut cum dico,
homo est albus, non significatur quod sit hoc aliquid, sed quod sit quale.
Esse enim hoc aliquid convenit solis substantiis. Et ita patet, quod album et
similia non possunt habere quod quid erat esse. |
Et que l’essence n’appartient qu’à
la chose concrète, on le montre comme suit : l’essence est l’essence de
quelque chose. Être cela, en effet, signifie être quelque chose. Il s’ensuit
que ce qui ne signifie pas quelque chose n’a pas d’essence. Mais quand on
attribue une chose à une autre comme un accident au sujet, ce n’est pas cette
chose déterminée : ainsi, quand je dis que l’homme est blanc, cela ne
signifie pas qu’il est cette chose déterminée, mais qu’il a telle qualité. En
effet, être cette chose déterminée convient seulement aux substances. Et
ainsi, il est évident que le blanc et les choses semblables ne peuvent pas
avoir une essence. |
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[82890] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 19 Sed, quia aliquis posset dicere, quod sicut inveniuntur
aliquae rationes nominum significantium substantiam, ita inveniuntur aliquae
rationes nominum significantium accidentia; ideo concludit, quod quod quid
erat esse non est omnium quae habent qualemcumque rationem notificantem
nomen, sed eorum solum, quorum ratio est definitio. |
Mais, parce qu’on pourrait dire
que de même qu’on trouve des notions des noms qui signifient la substance, on
trouve de même des notions des noms qui signifient des accidents, il conclut
que l’essence n’appartient pas à toute chose ayant une notion quelconque qui
explique son nom, mais seulement aux choses dont la notion est une
définition. |
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[82891] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 20 Ratio autem alicuius definitiva non est solum, si sit
talis ratio, quae significat idem cum nomine; sicut hoc quod dico, arma
gerens, significat idem cum armigero; quia sic sequeretur, quod omnes
rationes essent termini, idest definitiones. Potest enim poni cuilibet
rationi nomen, sicut potest poni huic rationi, quod est homo ambulans, vel
homo scribens: nec tamen propter haec sequitur quod illa sint definitiones:
quia secundum hoc sequeretur, quod etiam Ilias, idest poema factum de
bello Troiano esset una definitio. Est enim totum illud poema una ratio exponens bellum
Troianum. Patet igitur, quod non quaecumque ratio significans idem cum nomine
est eius definitio, sed solum est definitio si fuerit alicuius primi,
idest si significet aliquid per se dictum. Hoc enim est primum in
praedicationibus quod per se praedicatur. |
Mais la notion d’une chose n’est
pas définitoire si elle est seulement une notion telle qu’elle signifie la
même chose que le nom (ainsi, « doryphore » signifie la même chose
que « porte-lance »), car il s’ensuivrait alors que toutes les
notions seraient des termes,
c'est-à-dire des définitions. En effet, on peut attribuer un nom à toute
notion, comme on peut en donner un à la notion d’homme qui marche ou d’homme
qui écrit; il ne s’ensuit pourtant pas que ces notions soient des
définitions, car alors il s’ensuivrait que même le mot « Iliade », c’est-à-dire un poème au sujet de la
guerre de Troie, serait une définition. En effet, tout ce poème est une seule
notion décrivant la guerre de Troie. Il est donc évident que toute notion
signifiant la même chose que son nom n’en est pas la définition, mais qu’elle
est une définition seulement si c’est
primaire pour quelque chose, c'est-à-dire si elle signifie quelque chose
qui est dit par soi. En effet, ce qui est premier dans les attributions,
c'est ce qui est attribué par soi. |
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[82892] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 21 Talia vero, scilicet prima, sunt quaecumque praedicantur
per se, et non quia aliud de alio dicitur; sicut album praedicatur de homine
non per se, quasi sit idem quod album et quod homo; sed praedicantur de
seinvicem per accidens. Animal
vero praedicatur de homine per se, et similiter rationale de animali. Et ideo
hoc quod dico, animal rationale, definitio est hominis. |
Mais de telles choses (premières)
sont toutes celles qui sont attribuées essentiellement et non parce qu’une
chose est dite d’une autre chose; ainsi, le blanc n’est pas attribué à l’homme
essentiellement, comme si c’était la même chose d’être blanc et d’être homme,
mais les deux sont attribués l’un à l’autre par accident. Mais l’animal
s’attribue essentiellement à l’homme, et pareillement le raisonnable à
l’animal. Et c’est pourquoi « animal raisonnable » est la
définition de l’homme. |
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[82893] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 22 Sic ergo patet quod quod quid erat esse non erit
alicuius, quod non sit de numero specierum alicuius generis, sed solum his,
idest solum speciebus. Species enim sola definitur, cum omnis definitio sit
ex genere et differentiis. Illud autem, quod sub genere continetur et
differentiis constituitur est species; et ideo solius speciei est definitio. Solae enim species videntur dici non secundum
participationem et passionem, nec ut accidens. |
Ainsi donc, il est évident qu’il
n'y a pas d’essence d’une chose qui n’est pas du nombre des espèces d’un
genre, mais seulement de ce qui y est,
c’est-à-dire seulement des espèces. En effet, seule l‘espèce se définit,
puisque toute définition est composée d’un genre et de différences
spécifiques. Or, ce qui est contenu sous un genre et constitué par les
différences spécifiques, c’est une espèce, et donc, seule une espèce a une
définition. En effet, seules les espèces ne semblent pas se dire par
participation et comme pripriétés, ni comme accidents. |
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[82894] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 23 In quo removet tria quae videntur impedire quod aliquid
non definiatur per aliquod genus. Primo namque ea de quibus genus praedicatur
secundum participationem, non possunt definiri per illud genus, nisi sit de
essentia illius definiti. Sicut ferrum ignitum, de quo ignis per
participationem praedicatur, non definitur per ignem, sicut per genus; quia
ferrum non est per essentiam suam ignis, sed participat aliquid eius. Genus autem non praedicatur de speciebus per
participationem, sed per essentiam. Homo enim est animal essentialiter, non
solum aliquid animalis participans. Homo enim est quod verum est animal. Item
subiecta praedicantur de propriis passionibus, sicut nasus de simo; et tamen
essentia nasi non est essentia simi. Species enim non se habent ad genus
sicut propria generis passio; sed sicut id quod est per essentiam idem
generi. Potest etiam album praedicari de homine per accidens; nec essentia
hominis est essentia albi, sicut essentia generis est essentia speciei. Unde
videtur, quod sola ratio speciei quae ex genere et differentiis constituitur,
sit definitio. |
Il écarte ainsi trois cas où il
semble exclu qu’une chose ne soit pas définie[159] par un genre. En premier[160], en effet, les choses auxquelles un genre est attribué par
participation ne peuvent pas se définir par ce genre, à moins que celui-ci
n’appartienne à l’essence de la chose définie. Ainsi, le fer enflammé, auquel
le feu est attribué par participation, ne se définit pas par le feu comme par
son genre; en effet, le fer n’est pas du feu par son essence, mais il y
participe en quelque mesure. Cependant, le genre n’est pas attribué aux
espèces par participation, mais par essence. En effet, l’homme est un animal
essentiellement; il ne fait pas que participer à l’animal, car il est ce qui
est vraiment un animal. Le sujet est également attribué aux propriétés
essentielles, comme le nez l’est au camus, et pourtant, l’essence du nez
n’est pas l’essence du camus. En effet, l’espèce ne se rapporte pas au genre
comme une de ses propriétés essentielles, mais comme quelque chose
d’essentiellement identique au genre. De même, le blanc peut être attribué à
l’homme par accident, et l’essence de l’homme n’est pas l’essence du blanc
comme l’essence du genre est l’essence de l’espèce. Il semble donc que seule
la notion de l’espèce qui est formée du genre et de la différence spécifique
soit une définition. |
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[82895] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 24 Sed in aliis quidem si est eis nomen positum, potest
esse ratio declarans quid significat nomen. Quod quidem contingit dupliciter.
Uno modo sicut quando nomen minus notum manifestatur per magis notum quod de
eo praedicatur: ut si hoc nomen philosophia notificetur per hoc nomen
sapientia. Et hoc est quod dicit quod autem huic inest, scilicet
quando ratio exponens nomen accipitur ab aliquo nomine notiori quod
praedicatur de eo. |
Mais si un nom est donné aux
autres choses, il peut y avoir une notion énonçant ce que signifie le nom.
Cela peut se faire de deux façons. En premier, comme quand le nom moins connu
est manifesté par le plus connu qui lui est attribué, par exemple si le mot
« philosophie » est explicité davantage par le mot
« sagesse ». Et c’est ce qu’il dit : car elle est dans cette chose, à savoir quand la notion qui
explique le nom est tirée d’un nom plus connu qui lui est attribué. |
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[82896] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 3 n. 25 Alio modo quando accipitur ad expositionem nominis
simplicis aliqua oratio notior; sicut si ad exponendum hoc nomen philosophus,
accipitur haec oratio, amator sapientiae. Et hoc est quod dicit, aut pro sermone simplici
quasi ad expositionem huius simplicis dictionis, certior oratio
accipitur. Tamen talis ratio non erit definitio; nec id quod per eam
significatur, erit quod quid erat esse. |
En deuxième, quand on prend pour
expliquer un nom simple une expression plus connue; par exemple, si on prend
pour expliquer le mot « philosophe » l’expression « amant de
la sagesse ». Et c’est ce qu’il dit : ou au lieu d’une expression simple, comme pour expliquer cet
énoncé simple, on prend une formule plus
certaine. Pourtant, cette notion n’est pas une définition, et ce qui est
signifié par elle n’est pas l’essence. |
Mais
la notion de n’importe quelle des autres choses est ce qu’elle signifie, si
elle a un nom, car elle est dans cette chose, ou au lieu d’une expression
simple [il y en a] une plus certaine, mais il n'y a pas de définition ni
d’essence. |
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Leçon 4, texte d’Aristote, traduit
par Guillaume de Moerbeke, v. 1260 |
Leçon 4, Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Leçon
4, texte latin de Guillaume de Moerbeke, traduit par Georges Comeau |
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Aut et
diffinitio sicut et quod quid est multipliciter dicitur? Et enim quod quid est uno quidem modo significat
substantiam et hoc aliquid, alio vero quodcumque praedicamentorum,
quantitatem, qualitatem et alia quaecumque talia. Sicut enim et le existit omnibus,
sed non similiter sed huic quidem primum illis vero consequenter, ita et quod
quid est simpliciter quidem substantiae aliquo vero modo aliis. Et enim
qualitatem dicemus utique quid est, quare et qualitas eorum quae quid est
quidem, sed non simpliciter, sed sicut de non ente logice dicunt quidam esse
non ens, non simpliciter sed non ens, sic et qualitatem. Oportet
quidem igitur intendere et quomodo
oportet dicere circa unumquodque, non tamen quam quomodo habet. Quapropter et
nunc, quoniam quod dicitur manifestum, et quod quid erat esse similiter
inerit primum quidem et simpliciter substantiae, deinde aliis, quemadmodum
quid est, non simpliciter quid erat esse sed qualitati aut quantitati quid
erat esse. Oportet enim equivoce haec dicere
esse entia, aut addentes et auferentes, quemadmodum et quod non scibile scibile.
Quoniam hoc quidem rectum est: neque equivoce dicere neque eodem modo, sed
quemadmodum medicinale eo quod ad idem quidem et unum, non idem autem et
unum, non tamen neque equivoce. Nichil enim medicativum corpus et opus et vas
dicitur nec equivoce nec secundum unum, sed ad unum. Haec quidem igitur quocumque modo
quis velit dicere differet nichil. Illud
autem palam quia quae primo et simpliciter diffinitio et quod quid
erat esse substantiarum est. Et non solum et aliorum similiter est, verumtamen
non primo. Non enim est necesse, si hoc
ponimus, huius diffinitionem esse quod utique rationi idem significat, sed
cuidam rationi. Hoc autem si unius fuerit, non eo quod continuum sicut Ylias
aut quaecumque colligatione, sed si quotiens dicitur unum. Unum vero dicitur
sicut ens. Ens autem hoc quidem hoc aliquid, aliud vero quantitatem, aliud
qualitatem significat. Quapropter erit albi hominis ratio et diffinitio, alio
vero modo et albi et substantiae. Habet
autem dubitationem, si quis non dicit diffinitionem
esse ex additione rationem, cuius erit diffinitio ipsorum non simplicium sed
copulatorum; ex additione enim necesse palam facere. Dico autem ut est nasus
et concavitas, et simitas ex duobus dictum eo quod hoc in hoc, hoc in hoc; et
non secundum accidens nec concavitas neque simitas passio nasi, sed secundum
se; nec ut album Calliae aut homini,
quia Callias albus cui accidit hominem esse, sed ut masculinum animali et
quantitate aequale et omnia quaecumque secundum se dicuntur existere. Haec autem sunt in quibusque
existit aut ratio aut nomen cuius haec passio, et non contingit ostendere
separatim, sicut album sine homine contingit sed non feminum sine animali.
Quare horum quod quid erat esse et diffinitio aut non est alicuius aut, si
est, aliter est, quemadmodum diximus. Est
autem et alia dubitatio de eis. Si
enim [/autem] idem simus nasus et concavus nasus, idem erit simum et
concavum. Si vero non, quia impossibile est dicere simum sine re cuius est passio
secundum se (et est simum concavitas in naso), nasum simum dicere aut non est
aut bis idem erit dictum, nasus nasus concavus; nasis enim simus: nasus nasus
concavus erit. Propter quod inconveniens est
inesse talibus quod quid erat esse. Si autem non, in infinitum sunt; naso
namque nasi, si non, adhuc aliud inerit. Palam itaque quia solius
substantiae est diffinitio. Nam et si aliarum cathegoriarum, necesse est ex
additione esse, ut qualitatis et imparis; non enim sine numero, nec quae est
feminini sine animali. Ex additione
vero dico in quibus accidit idem bis dicere, sicut in hiis. Si vero hoc verum, non copulatorum erit, ut numeri imparis; sed latet,
quia non certe dicuntur rationes. Si vero sunt et horum termini, aut
alio modo sunt aut, quemadmodum dictum est, multipliciter oportet dicere esse
diffinitionem et quid erat esse. Quare sic quidem nullius erit diffinitio nec
quid erat esse alicui inerit nisi substantiis, sic autem erit. Quod quidem igitur est diffinitio quae
ipsius quid erat esse ratio, et quid erat esse aut solum substantiarum est
aut maximeet primum et simpliciter, palam. |
C’est que le mot Définition aussi
bien que celui d’Essence peut avoir plusieurs acceptions. En effet, ce qu’est
la chose peut, en un sens, signifier la substance, et aussi tel ou tel objet
individuel ; mais, en un autre sens, il exprime indistinctement chacune des
attributions : quantité, qualité, et le reste. De même que l’Être appartient à
toutes ces catégories, sans leur appartenir d’une manière semblable,
puisqu’il est primitif dans l’une, et qu’il n’est que consécutif dans les
autres ; de même ce qu’est la chose, l’essence, ne s’applique d’une manière
absolue qu’à la substance ; mais elle peut aussi, sous certains rapports,
s’appliquer au reste des catégories. C’est qu’en effet on peut aussi
demander, pour la qualité, par exemple, ce qu’elle est ; et la qualité
devient alors de l’Être, sans qu’elle en soit absolument. Et de même pour le
Non-être, on dit quelquefois logiquement qu’il Est, sans que ce soit d’une
manière absolue, mais seulement en tant que Non-être. De même encore, pour la
qualité. Il faut donc, pour chaque chose,
bien voir le nom qu’on doit lui donner ; mais il faut voir, avec non moins
d’attention, ce qu’est réellement la chose. Et comme ici ce dont on parle est
fort clair, on peut dire que l’Être appartiendra également à tous ces termes
; mais il appartiendra premièrement et absolument à la substance ; et en
sous-ordre, il appartiendra au reste, de même que l’existence individuelle
appartiendra au reste aussi, non pas d’une manière absolue, mais en tant
qu’elle peut appartenir à la qualité et à la quantité. Il faut, en effet, que tout cela,
ou ne soit de l’Être que par homonymie, ou bien que ce ne soit de l’Être
qu’autant qu’on y ajoute, ou qu’on en retranche quelque chose, de même que
l’inintelligible est encore de l’intelligible. Le vrai en ceci est de ne
considérer l’Être de ces choses, ni comme une simple homonymie, ni comme un
même être ; mais il faut le prendre comme on le fait pour le mot Médical, qui
se rapporte bien à une seule et même chose, mais qui n’a pas un seul et même
sens, et qu’on ne confond pas sous une vague homonymie. Ainsi, un corps, une
opération, un instrument, s’appellent Médical ; mais ce n’est pas là une
homonymie ; ce n’est pas là non plus une seule et même chose ; mais c’est à
une seule et même notion que tout cela se rapporte. Du reste, il n’y a guère
d’importance à se servir ici de l’expression qu’on voudra. Ce qu’il y a
d’évident, c’est que la définition qui explique la chose d’une manière
primitive et absolue, et qui dit ce qu’elle est essentiellement, ne s’adresse
qu’aux substances ; et que, si la définition s’applique aussi aux autres
catégories, ce n’est pas primitivement. En effet, cela même étant admis,
il ne s’ensuit pas nécessairement qu’il y ait définition par cela seul que
l’explication donnée signifie la même chose. Il faut encore que ce soit une
explication d’un certain genre ; c’est-à-dire, qu’il faut que l’explication
s’applique à une chose qui soit Une, non pas simplement Une en tant que
continue, comme l’est l’Iliade, par exemple, ou comme le sont des choses qui
se tiennent entre elles, par un lien commun, mais à une chose qui soit Une
dans tous les sens où l’Un se comprend ; et l’Un a autant d’acceptions que
l’Être peut en avoir. Or, l’Être désigne un objet substantiel ; mais il
désigne encore la quantité, la qualité, etc. ; et voilà comment on peut tout
à la fois donner une explication et une définition de ce que signifient ces
deux mots réunis, Homme, Blanc ; et qu’à un autre point de vue, on peut
expliquer et définir séparément le Blanc, et la Substance Homme. Si l’on nie que l’explication
complexe d’une chose soit une véritable définition, il est bien difficile de
savoir dans quels cas la définition est possible, pour les termes qui ne sont
pas simples, mais qui sont accouplés deux à deux. Car nécessairement on doit
expliquer la chose avec le développement qu’on y a joint. Je prends pour exemples le Nez et
la Courbure, et le Camus, qui se forme de la combinaison des deux termes Nez
et Courbure, puisque Camus est une certaine chose dans une autre chose. Or,
la Courbure et le Camus ne sont pas des attributs accidentels du nez ; mais
ils se rapportent au nez essentiellement et en soi. lls ne sont pas au nez comme la
blancheur est à Callias, ou à l’homme, parce que Callias, qui a pour attribut
indirect d’être homme, est blanc. Mais ils sont au nez comme la notion de
mâle se rapporte à celle d’Animal, comme l’égal se rapporte à la notion de
quantité, et comme sont toutes les attributions dont on dit qu’elles sont
essentiellement En soi. Les attributs essentiels sont ceux
dans lesquels se trouve comprise l’explication, ou le nom, de la chose dont
les attributs sont les modes, et qu’on ne peut expliquer séparément de
l’objet lui-même. La blancheur peut être exprimée sans l’idée d’homme, tandis
qu’il est bien impossible d’exprimer l’idée de Femelle ou de Mâle sans l’idée
d’Animal. Ainsi, pour ces attributs complexes, ils n’ont, ni essence, ni
définition ; ou s’ils en ont, c’est tout autrement, ainsi que nous l’avons
dit antérieurement. Mais ici se présente une autre
difficulté. Si un nez Courbé et un nez Camus sont la même chose, dès lors
Camus et Courbé sont également identiques. Mais si l’on nie cela, parce qu’il
est impossible de soutenir que le Camus existe en soi et sans la chose dont
il est une affection, et si l’on soutient, au contraire, que le Camus est la
courbure du nez, alors, ou il n’est pas possible de jamais dire que le nez
est Camus ; ou, si on le dit, on s’expose à répéter deux fois la même idée
Nez-nez courbé, puisque Nez Camus signifiera Nez-nez courbé. Il est donc absurde de soutenir
que ces attributs ont une définition essentielle ; et si l’on suppose qu’ils
en ont une, ce sera se perdre dans l’infini ; car Nez-nez courbé pourra aussi
avoir un autre attribut. Il faut donc en conclure qu’il n’y
a vraiment de définition que pour la substance. S’il y en a pour les autres
catégories, c’est uniquement par voie d’addition, comme on le voit quand on
veut définir la qualité ou l’impair. Il est impossible, en effet, de définir
l’impair sans l’idée du nombre, pas plus qu’on ne définit l’idée de femelle
sans l’idée d’animal. Par Voie d’addition, j’entends les cas où, comme dans
ceux qu’on vient de citer, l’on répète deux fois la même chose. Si cela est
vrai, il n’y aura pas davantage de définition pour les termes accouplés,
comme ils le sont quand on dit le : Nombre impair, au lieu de dire simplement
l’Impair. Mais on ne prend pas garde que les expressions dont on se sert sont
inexactes. S’il y a des définitions même pour
ces termes combinés, les conditions en sont du moins toutes différentes. Ou
bien, comme nous l’avons dit, il faut reconnaître que le mot Définition peut
se prendre en plusieurs acceptions, ainsi que le mot d’Essence. Par
conséquent, dans un sens, il n’y aura de définition pour aucun de ces termes,
et il n’y aura de définition essentielle absolument que pour les seules
substances ; mais dans un autre sens, il pourra y en avoir. En résumé, la définition est
évidemment l’explication de l’essence indiquant que la chose est ce qu’elle
est ; et l’essence ainsi comprise appartient aux substances, ou
exclusivement, ou du moins, à titre supérieur, primitivement et absolument. |
Ou
bien, la définition, aussi bien que l’essence, se dit-elle de plusieurs
façons? En effet, l’essence signifie, d’une façon, la substance et l’objet
individuel, mais d’une autre façon n’importe quel des prédicaments, quantité,
qualité et tous les autres. De
même en effet que l’être existe en toutes choses, non pareillement toutefois,
mais premièrement dans les unes, par voie de conséquence dans les autres, de
même l’essence appartient à la substance de façon absolue, et aux autres choses
d’une certaine façon. Et en effet, nous dirons aussi ce qu’est la qualité;
c’est pourquoi leur qualité aussi est une essence, pas absolument, mais de la
façon dont certains disent logiquement que le non-être est, non absolument
mais comme non-être; même chose pour la qualité. Il
faut donc aussi examiner comment parler au sujet de chaque chose, mais pas
autant qu’au sujet de la manière d’être des choses. Alors, maintenant,
puisque ce qui est dit est manifeste et l’essence, semblablement, se trouve en
premier et absolument dans la substance, ensuite dans les autres choses, à la
manière de leur nature, non une essence absolue, mais l’essence d’une qualité
ou d’une quantité. En
effet, il faut dire que ce sont des êtres de façon équivoque, ou en ajoutant
et en enlevant, de la façon dont l’inconnaissable est connaissable. Car en
fait, ceci est correct, de dire que ce n’est pas équivoque ni de la même
façon, mais à la manière de « médical », de sorte qu’on vise une
seule et même chose mais que ce n’est pas une seule et même chose et pourtant
ce n’est pas équivoque. En effet, le corps, l’œuvre et le vase ne sont
appelés médicaux ni de façon équivoque, ni comme étant la même chose, mais
comme visant la même chose. Mais
peu importe comment on veut dire ces choses, cela ne change rien. Mais il est
évident que ce qui est premièrement et absolument la définition et l’essence
appartient aux substances. Et pas seulement, et elle appartient semblablement
aux autres, mais pas en premier. Il
n’est pas nécessaire en effet, si nous affirmons cela, qu’il y ait définition
de ce qui signifie vraiment la même chose qu’une raison, mais seulement [la
même chose] qu’une certaine raison. Mais ce, à condition que ce soit d’une
seule chose, non de façon continue comme l’Iliade ou quelque autre assemblage, mais appelée une de toutes
les façons. Mais on parle de l’un comme de l’être. Or, cet être désigne cet
objet, ou encore la quantité, ou encore la qualité. C’est pourquoi la notion
et la définition de l’homme blanc sont d’une autre façon que celles du blanc
et de la substance. Il
y a un doute, si on ne dit pas que la définition vient de l’addition d’une
notion : de quoi vient la définition des choses qui ne sont pas simples
mais jointes? Il est évidemment nécessaire qu’elle se fasse par addition. Je
dis comme pour le nez et la concavité, et le camus qui est dit à partir des
deux, de sorte que cela est dans cela, cela dans cela, et la concavité et le
camus ne sont pas des propriétés du nez par accident, mais en soi; et
pas comme le blanc pour Callias ou pour l’homme, car Callias est un blanc qui
est accidentellement homme, mais comme le mâle pour l’animal, l’égal pour la
quantité et tout ce qu’on dit exister par soi. Ceux-là
donc sont ceux dans lesquels se trouve la raison ou le nom de ce qui a cette
propriété, et on ne peut pas les montrer séparément, comme on peut trouver le
blanc sans l’homme mais pas la femelle sans l’animal. C’est pourquoi, ou bien
l’essence et la définition de ces choses est celle de rien, ou bien si elle
existe, elle est autrement, de la façon que nous avons dit. Mais
il y a un autre doute sur ces choses. Si nous disons en effet que le nez
camus et le nez concave sont la même chose, le camus et le concave sont la
même chose. Sinon, puisqu’il est impossible de dire le camus sans ce dont il
est une propriété essentielle (et le camus est une concavité du nez), on bien
on ne peut pas dire « nez camus », ou bien on dit deux fois la même
chose, « nez nez concave »; en effet, le nez camus est un nez nez
concave. Il
est donc absurde qu’une essence soit dans ces choses. Si ce n’est pas vrai,
on va à l’infini, car on a le nez d’un nez, et sinon, il y a encore un autre
[attribut]. Il
est donc évident que seule la substance a une définition, car si les autres
catégories en ont aussi, c’est nécessairement par addition, par exemple d’une
qualité ou de l’impair, lequel n’est pas sans nombre, et on ne définit pas le
féminin sans l’animal. Je dis « par addition » pour les cas où on
se trouve à dire la même chose deux fois, comme dans ces cas-là. Mais si
c’est vrai, ce n’est pas pour les composés tels que « nombre impair »;
mais cela ne se voit pas, car les notions ne sont pas dites certainement. S’il
y a aussi [des définitions] pour les termes de ces choses, ou bien elles sont
autrement, ou bien, comme on l’a dit, il faut dire qu’il y a définition et
essence de plusieurs façons. C’est pourquoi, d’une façon, une définition et
une essence ne se trouvent dans rien sinon les substances, et d’une autre
façon elles sont ailleurs. Donc,
que la définition soit la raison de l’essence, et que l’essence appartienne
aux substances soit uniquement, soit éminemment, premièrement et absolument,
c’est évident. |
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Lectio 4 |
Leçon 4, commentaire de
saint Thomas (Traduction Georges Comeau, 2014)
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[82897] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 1 Hic ponit secundam solutionem propositae quaestionis:
et circa hoc tria facit. Primo ponit solutionem. Secundo probat eam, ibi,
illud autem palam, et cetera. Tertio removet quasdam dubitationes, quae possent ex
praedictis oriri, ibi, habet autem dubitationem. Circa primum duo facit.
Primo ostendit quomodo definitio et quod quid est invenitur in substantia et
accidentibus. Secundo quomodo de utrisque praedicetur, ibi, oportet quidem
igitur intendere. Dicit ergo primo, quod dicendum est, sicut in praedicta solutione
est dictum, quod quod quid est et definitio non sit accidentium, sed
substantiarum: aut oportet secundum alium modum solvendi dicere, quod
definitio dicitur multipliciter sicut et quod quid est. Ipsum enim quod quid
est, uno modo significat substantiam et hoc aliquid. Alio modo significat
singula aliorum praedicamentorum, sicut qualitatem et quantitatem et alia
huiusmodi talia. Sicut autem ens praedicatur de omnibus praedicamentis, non
autem similiter, sed primum de substantia, et per posterius de aliis
praedicamentis, ita et quod quid est, simpliciter convenit substantiae, aliis
autem alio modo, idest secundum quid. |
Il donne ici la deuxième solution
de la question proposée; et il le fait en trois parties. En premier, il donne
la solution. En deuxième, il la prouve, où il dit : Mais il est évident que, etc. En troisième, il écarte certains
doutes qui peuvent naître de ce qui précède, où il dit : Il y a un doute, si on ne dit pas,
etc. Il traite la première partie en deux points. En premier, il montre
comment la définition et l’essence se trouvent dans la substance et les
accidents. En deuxième, il montre comment ils s’attribuent à l’un et à
l’autre, où il dit : Il faut donc
aussi examiner, etc. Il dit donc en premier qu’il faut dire, comme on l’a
affirmé dans la solution précédente, qu’il n'y a pas d’essence et de
définition des accidents, mais seulement des substances : sinon, il faut
dire, selon l’autre manière de résoudre la question, que la définition se dit
de plusieurs façons tout comme l’essence. En effet, d’une façon, l’essence
signifie la substance et la chose particulière; d’une autre façon, elle
signifie chacun des prédicaments, comme la qualité, la quantité et autres
choses du genre. Or, de même que l’être est attribué à tous les prédicaments,
quoique pas de la même façon, mais en premier à la substance, et ensuite aux
autres prédicaments, de même l’essence convient absolument à la substance, et aux autres choses d’une certaine façon,
c’est-à-dire de façon relative. |
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[82898] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 2 Quod enim aliquo modo, idest secundum quid
aliis conveniat quid est, ex hoc patet, quod in singulis praedicamentis
respondetur aliquid ad quaestionem factam per quid. Interrogamus enim de
quali sive qualitate quid est, sicut quid est albedo, et respondemus quod est
color. Unde patet, quod qualitas est de numero eorum, in quibus est quod quid
est. |
En effet, qu’elle convienne aux
autres choses d’une certaine façon,
c'est-à-dire de façon relative, cela est évident parce que, pour chacun des
prédicaments, on répond quelque chose à la question : Qu’est-ce que
c’est? Au sujet de la qualité, nous demandons en effet ce que c’est, par
exemple qu’est-ce que la blancheur, et nous répondons que c’est une couleur. Il
est donc évident que la qualité est du nombre des choses qui ont une essence. |
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[82899] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 3 Non tamen simpliciter in qualitate est quid est, sed
quid est qualitatis. Cum enim quaero quid est homo, et respondetur, animal;
ly animal, quia est in genere substantiae, non solum dicit quid est homo, sed
etiam absolute significat quid, id est substantiam. Sed cum quaeritur quid
est albedo, et respondetur, color, licet significet quid est albedo, non
tamen absolute significat quid, sed quale. Et ideo qualitas non habet quid
simpliciter, sed secundum quid. Invenitur enim in qualitate quid huiusmodi,
ut cum dicimus quod color est quid albedinis. Et hoc quid, magis est
substantiale quam substantia. |
Pourtant, la qualité n’a pas une
essence absolument, mais elle a l’essence d’une qualité. En effet, quand je
demande ce qu’est un homme, et qu’on répond : « un animal »,
le mot « animal », étant dans le genre de la substance, ne dit pas
seulement ce qu’est l’homme, mais il signifie aussi de façon absolue la
chose, c'est-à-dire la substance. Mais quand on demande ce qu’est le blanc et
qu’on répond : « une couleur », même si cela signifie ce
qu’est la blancheur, cela ne signifie pas de façon absolue « ce que
c’est », mais une façon d’être. Donc, la qualité n’a pas une « ce
que c’est » absolument, mais d’une certaine façon. En effet, on trouve
dans la qualité un « ce que c’est » du même genre que quand nous
disons que la couleur est le « ce que c’est » de la blancheur. Et
« ce que c’est » appartient à une substance au lieu d’être une
substance. |
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[82900] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 4 Propter hoc enim quod omnia alia praedicamenta
habent rationem entis a substantia, ideo modus entitatis substantiae, scilicet
esse quid, participatur secundum quamdam similitudinem proportionis in
omnibus aliis praedicamentis; ut dicamus, quod sicut animal est quid hominis,
ita color albedinis, et numerus dualitatis; et ita dicimus qualitatem habere
quid non simpliciter, sed huius. Sicut aliqui dicunt logice de non ente
loquentes, non ens est, non quia non ens sit simpliciter, sed quia non ens
est non ens. Et simpliciter qualitas non habet quid simpliciter, sed quid
qualitatis. |
En effet, parce que tous les
autres prédicaments tirent la notion de leur être de la substance, il
s’ensuit que le mode d’existence de la substance, qui consiste à être une
chose, est participé par une ressemblance de proportion dans tous les autres
prédicaments; ainsi disons-nous que, de même que l’animal est le « ce
que c’est » de l’homme, de même la couleur est celui de la blancheur et
le nombre celui du 2; et nous disons alors que la qualité a un « ce que
c’est » non absolument, mais de cette façon. C’est ainsi que certains
disent logiquement du non-être que le non-être est, non parce que le non-être
existe absolument, mais parce que le non-être est le non-être. De façon
semblable[161], la qualité n’a pas une essence de façon absolue, mais l’essence
d’une qualité. |
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[82901] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 5 Deinde cum dicit oportet igitur. Ostendit quomodo
quod quid est et definitio praedicetur de eo quod invenitur in substantiis et
accidentibus; et dicit, quod ex quo definitio et quod quid est invenitur
aliquo modo in accidentibus et in substantia, oportet igitur intendere ad
considerandum quomodo oportet dicere, idest praedicare definitionem
circa singula; non tamen magis quam quomodo se habent; ut videlicet, non ea
dicamus univoce praedicari quorum non est una ratio in essendo. |
Puis lorsqu’il dit : Il faut donc aussi examiner, etc., il montre comment l’essence et
la définition sont attribués à ce qu’on trouve dans les substances et les
accidents, en disant que du fait que la définition et l’essence se trouvent
d’une certaine façon dans les accidents et la substance, il faut donc
s’efforcer d’examiner comment il faut parler,
c'est-à-dire attribuer la définition, au sujet des singuliers, mais pas plus
qu’au sujet de leur manière d’être, de sorte que nous ne disions pas que les
choses qui n’ont pas une notion unique dans leur existence s’attribuent de
façon univoque. |
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[82902] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 6 Quapropter id quod dictum est de definitione et quod
quid est in substantia et accidentibus, est manifestum: scilicet quod quod
quid erat esse primo et simpliciter inest substantiae, et consequenter aliis:
non quidem ita quod in aliis sit simpliciter quod quid erat esse, sed quod
quid erat esse huic vel illi, scilicet quantitati vel qualitati.
Manifestum est enim quod oportet definitionem et quod quid est vel aequivoce
praedicari in substantia et accidentibus, vel addentes et auferentes secundum
magis et minus, sive secundum prius et posterius, ut ens dicitur de
substantia et accidente. Et sicut dicimus, quod non scibile est scibile
secundum quid, idest per posterius, quia de non scibili hoc scire
possumus quod non scitur; sic et de non ente hoc dicere possumus, quia non
est. |
En conséquence, ce qui est dit de
la définition et l’essence dans la substance et les accidents sont
manifestes, à savoir que l’essence se trouve en premier et de façon absolue
dans la substance, et de façon dérivée dans les autres choses, et non pas de
sorte que ces dernières aient absolument une essence, mais de sorte qu’elles
aient l’essence de celle-ci ou de
celle-là[162], c'est-à-dire d’une quantité ou
d’une qualité. Il est évident en effet que la définition et l’essence, ou
bien s’attribuent de façon équivoque à la substance et aux accidents, ou bien
y ajoutent et en soustraient selon le plus et le moins, ou de façon
antérieure et postérieure, de même que l’être se dit de la substance et de
l’accident. Et de même que nous disons que l’inconnaissable est connaissable de façon relative, c'est-à-dire
postérieurement, parce que nous pouvons savoir de l’inconnaissable qu’il
n’est pas connu, de même nous pouvons dire du non-être qu’il n’est pas. |
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[82903] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 7 Non enim est rectum quod quod quid est et definitio
dicatur de substantia et de accidentibus, neque aequivoce, neque simpliciter
et eodem modo, idest univoce. Sed sicut medicabile dicitur de diversis
particularibus per respectum ad unum et idem, non tamen significat unum et
idem de omnibus de quibus dicitur, nec etiam dicitur aequivoce. Dicitur enim
corpus medicabile, quia est subiectum medicinae; et opus medicabile, quia
exercetur a medicina, ut purgatio et vas medicinale, quia eo utitur medicina,
ut clystere. Et sic patet quod non dicitur omnino aequivoce medicinale de his
tribus, cum in aequivocis non habeatur respectus ad aliquod unum. Nec iterum
univoce dicitur secundum unam rationem. Non enim est eadem ratio secundum
quam dicitur medicinale id quo utitur medicina, et quod facit medicinam. Sed dicitur analogice per respectum ad unum,
scilicet ad medicinam. Et
similiter quod quid est et definitio, non dicitur nec aequivoce nec univoce,
de substantia et accidente, sed per respectum ad unum. Dicitur enim de
accidente in respectu ad substantiam, ut dictum est. |
En effet, il n’est pas correct de
dire que l’essence et la définition ne s’attribuent à l’essence et aux
accidents ni de façon équivoque, ni de façon absolue et de la même façon,
c'est-à-dire de façon univoque. Mais comme on appelle médicales diverses choses particulières par rapport à une même
chose, ce mot n’a pourtant pas la même signification pour toutes les choses
auxquelles il s’attribue, et il n’est pas équivoque non plus. En effet, le
corps est dit médical parce qu’il est le sujet de la médecine, et l’acte est
médical parce qu’il est accompli par la médecine, comme la purgation et le
vase sont dits médicaux parce que la médecine s’en sert, par exemple le
clystère[163]. Et ainsi, il est évident que le mot « médical » ne se dit
pas de ces trois choses de façon tout à fait équivoque, car dans les cas
d’équivoque, on n’a pas de rapport à une même chose. Mais il ne se dit pas
non plus de façon univoque selon un même rapport. En effet, ce n’est pas sous
le même rapport qu’on appelle médical celui qui pratique la médecine et ce
que la médecine produit. De la même façon, l’essence et la définition ne
s’attribuent à la substance et à l’accident ni de façon équivoque, ni de
façon univoque, mais par rapport à une même chose. En effet, l’accident se
dit par rapport à la substance, comme on l’a dit. |
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[82904] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 8 Et quia posuerat duas solutiones, subiungit quod
nihil differt qualitercumque aliquis velit dicere de praemissa quaestione;
sive dicatur quod accidentia non habent definitionem, sive quod habent, sed
per posterius secundum quid. Quod tamen dicitur in prima solutione quod non
habent definitionem accidentia, intelligitur per prius et simpliciter. |
Et parce qu’il a donné deux
solutions, il ajoute qu’il n'y a aucune différence si on veut parler d’une
manière ou de l’autre de la question précédente, soit qu’on dise que les
accidents n’ont pas de définition, sont qu’on dise qu’ils en ont une mais de
façon consécutive et relative. Mais quand on dit dans la première solution
que les accidents n’ont pas de définition, on veut dire de façon première et
absolue. |
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[82905] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 9 Deinde cum dicit illud autem probat secundo positam solutionem
dicens, illud palam esse quod definitio et quod quid erat esse, primo et
simpliciter est substantiarum, non tamen solum et substantiarum, cum etiam
accidentia aliquo modo habeant definitionem et quod quid erat esse, non tamen
primum. Et hoc sic patet. Non enim omnis ratio, qua nomen per rationem
exponitur, idem est quod definitio; nec nomen expositum per quamcumque
rationem, semper est definitum; sed alicui determinatae rationi competit quod
sit definitio; illi scilicet quae significat unum. Si enim dicam quod
Socrates est albus et musicus et Crispus, ista ratio non significat unum, sed
multa, nisi forte per accidens, et ideo talis ratio non est definitio. |
Puis lorsqu’il dit : Mais il est évident, etc., en
deuxième, il prouve la solution donnée, en disant qu’il est évident que la
définition et l’essence s’appliquent en premier et absolument aux substances,
mais pourtant pas seulement aux substances, car les accidents aussi, d’une
certaine façon, ont une définition et une essence, mais pas en premier. Et
cela se montre comme suit : une notion qui sert à expliquer un mot n’est
pas toujours la même chose qu’une définition; le mot expliqué par n’importe
quelle notion n’est pas toujours ce qui est défini non plus; mais il
appartient à une certaine notion déterminée d’être une définition, et c’est
la notion qui signifie une seule chose. Si je disais en effet que Socrate est
blanc, musicien et frisé[164], cette notion ne signifie pas une seule chose, mais plusieurs, sinon
peut-être par accident, et une telle notion n’est donc pas une définition. |
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[82906] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 10 Non tamen sufficit quod sit unum in continuitate
illud quod per rationem significatur, ad hoc quod sit definitio. Sic enim Ilias, idest poema de bello Troiano
esset definitio, quia illud bellum in quadam continuitate temporis est
peractum. Aut etiam non sufficit quod sit unum per colligationem; sicut haec
ratio non esset definitio domus, si dicerem, quod domus est lapides et
cementum et ligna. Sed tunc ratio significans unum erit definitio, si
significet unum aliquod illorum modorum, quorum quoties unum per se dicitur.
Unum enim dicitur multipliciter sicut et ens. Ens autem hoc quidem significat
hoc aliquid, aliud quantitatem, aliud qualitatem, et sic de aliis; et tamen
per prius substantiam et consequenter alia. Ergo simpliciter unum per prius
erit in substantia, et per posterius in aliis. |
Il ne suffir pourtant pas, pour
qu’il y ait définition, que ce que ce qui est signifié par la notion soit un
par continuité. Alors en effet, l’Iliade,
qui est le poème sur la guerre de Troie, serait une définition, car cette
guerre s’est déroulée pendant une période continue. Ou encore, il ne suffit
pas que le signifié soit un par assemblage; ainsi, si on disait qu’une
maison, c’est des pierres, du mortier et du bois, cette notion ne serait pas
la définition d’une maison. Mais la notion qui signifie « une »
chose est une définition si elle la signifie selon l’un des sens en lesquels
l’un se dit essentiellement. En effet, l’un se dit en bien des sens, tout
comme l’être. Mais l’être signifie tantôt la chose même, tantôt la quantité,
tantôt la qualité, et ainsi de suite, et pourtant, il se dit en premier de la
substance, et des autres catégories de façon secondaire. Donc, l’un pris
absolument se trouve d’abord dans la substance, et par après dans les autres
catégories. |
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[82907] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 11 Si igitur ad rationem definitionis pertinet quod significet
unum, sequitur quod erit ratio albi hominis definitio, quia albus homo est
quodammodo unum. Sed alio modo erit definitio ratio albi, et ratio
substantiae; quia ratio substantiae erit definitio per prius, ratio albi per
posterius, sicut unum per prius et posterius de utroque dicitur. |
Si donc il appartient à la notion
de définition de signifier une seule chose, il s’ensuit que la notion de
l’homme blanc est une définition, car l’homme blanc est un d’une certaine
façon. Mais la notion du blanc et la notion de la substance sont des
définitions de façons différentes, car la notion de la substance est une
définition primaire, et la notion du blanc est une définition secondaire,
comme l’un se dit des deux de façon primaire et secondaire. |
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[82908] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 12 Deinde cum dicit habet autem removet quasdam
dubitationes circa praedeterminata; et dividitur in duas, secundum duas
dubitationes quas removet. Secunda, ibi, est autem et alia dubitatio.
Praenotanda autem sunt duo ad evidentiam primae particulae. Quorum primum
est, quod quidam dicebant nullam definitionem esse ex additione, idest
quod in nulla definitione ponitur aliquid, quod sit extra essentiam definiti.
Et videbantur pro se habere hoc, quod definitio significat essentiam rei.
Unde illud quod est extra essentiam rei, non debet poni in eius definitione,
ut videtur. |
Puis lorsqu’il dit : Il y a un doute, etc., il écarte
certains doutes sur ce qui a été établi; et ce point se divise en deux selon
les deux doutes qu’il éclaircit. Il traite du deuxième où il dit : Mais il y a un autre doute, etc. Mais
il faut d’abord remarquer deux choses pour bien comprendre la première
partie. La première est que certains disaient qu’aucune définition ne vient de l’addition, c'est-à-dire
qu’on ne met dans aucune définition quelque chose d’ajouté à l’essence de ce
qui est défini. Et ils semblaient avoir en leur faveur le fait que la
définition signifie l’essence de la chose. C’est pourquoi ce qui est en
dehors de l’essence de la chose ne doit pas être inclus dans sa définition,
semble-t-il. |
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[82909] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 13 Secundum est, quod quaedam accidentia sunt
simplicia, et quaedam copulata. Simplicia dicuntur, quae non habent subiectum
determinatum, quod in eorum definitione ponatur, sicut curvum et concavum et
alia mathematica. Copulata autem dicuntur, quae habent determinatum
subiectum, sine quo definiri non possunt. |
La deuxième chose est que certains
accidents sont simples et d’autres sont joints. On appelle simples ceux qui
n’ont pas de sujet déterminé qui soit inclus dans leur définition, comme le
courbe, le concave et d’autres propriétés mathématiques. On appelle joints
ceux qui ont un sujet déterminé, sans lequel on ne peut les définir. |
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[82910] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 14 Est ergo dubitatio, si aliquis velit dicere quod
ratio, quae est ex additione, non est definitio illorum accidentium quae sunt
simplicia, sed copulatorum erit definitio. Videtur enim, quod nullius eorum
possit esse definitio. Palam est ergo, quod si illa definiuntur, necesse est
eorum definitionem ex additione facere, cum sine propriis subiectis definiri
non possint. Sicut si accipiamus haec tria, idest nasus, et concavitas, et
simitas: concavitas est simpliciter accidens, praecipue in comparatione ad
nasum, cum non sit nasus de intellectu concavi. Simitas autem est accidens
compositum, cum sit nasus de intellectu eius. Et ita simitas erit quoddam
dictum ex duobus, inquantum significat hoc in hoc, idest determinatum
accidens in determinato subiecto, et nec concavitas nec simitas est passio
nasi secundum accidens, sicut album inest Calliae et homini per accidens,
inquantum Callias est albus, cui accidit hominem esse. Sed simum est passio
nasi secundum se. Naso enim inquantum huiusmodi competit esse simum. Alia
autem translatio loco eius quod est concavum, habet aquilinum. Et est planior
sensus; quia in definitione aquilini ponitur nasus, sicut in definitione
simi. Sed sicut masculinum per se competit animali, et aequale quantitati, et
omnia alia quaecumque secundum se dicuntur existere in aliquo, quia de
omnibus est eadem ratio, et huiusmodi sunt in quibus, idest in quorum
rationibus existit nomen eius cuius est passio, idest substantia, aut
etiam ratio eius. Semper enim in definitionibus potest poni ratio loco
nominis: sicut si dicimus quod homo est animal rationale mortale, potest poni
loco nominis animalis definitio, ut dicatur quod homo est substantia animata
sensibilis rationalis mortalis. Similiter si dicam quod masculus est animal
potens generare in alio, possum etiam dicere quod masculus est substantia
animata sensibilis potens generare in aliquo alio. |
Il y a donc un doute, si quelqu’un
veut dire que la notion formée par addition n’est pas la définition des
accidents qui sont simples mais la définition de ceux qui sont joints. Il
semble en effet qu’aucun d’eux ne puisse avoir une définition. Il est donc évident
que si ces accidents sont définis, leur définition est nécessairement formée
par addition, puisqu’ils ne peuvent pas être définis sans leurs sujets
propres. Ainsi, si nous prenons trois choses, le nez, la concavité et le
camus, la concavité est absolument un accident, surtout par rapport au nez,
puisque le nez n’appartient pas au concept de concavité. Mais le camus est un
accident composé, car le nez fait partie de son concept. Et ainsi, le camus
est une chose énoncée à partir de deux, en tant qu’il signifie cela dans cela, c'est-à-dire un
accident déterminé dans un sujet déterminé, et ni la concavité ni le camus ne
sont des propriétés du nez par accident, comme le blanc est dans Callias et
dans l’homme par accident, en tant que Callias est un objet blanc qui se
trouve être un homme. Mais le camus est essentiellement une propriété du nez.
En effet, il appartient au nez en tant que tel d’être camus. Mais une autre
traduction, au lieu de concave, dit « aquilin ». Et le sens est
alors plus clair, car le nez entre dans la définition d’aquilin comme dans la
définition de camus. Mais comme le mâle appartient essentiellement à l’animal
et l’égal à la quantité, il en va de même pour toute autre chose qu’on dit
exister essentiellement dans une autre, car la raison est la même pour tous,
et ceux-là sont ceux dans lesquels,
c'est-à-dire dans la notion desquels, se trouve le nom de ce qui a cette propriété, c'est-à-dire
la substance, ou encore sa notion. En effet, dans les définitions, on peut
toujours mettre la notion au lieu du nom : ainsi, si nous disons que
l’homme est un animal raisonnable mortel, on peut mettre la définition de
l’animal au lieu de son nom, en disant que l’homme est une substance animée
sensible raisonnable mortelle. Pareillement, si je dis que le mâle est un
animal capable d’engendrer dans un autre, je peux également dire que le mâle
est une substance animée sensible capable d’engendrer dans un autre. |
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[82911] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 15 Et sic patet, quod non contingit separatim ostendere,
idest notificare aliquod praedictorum accidentium quae diximus copulata,
sicut contingit notificare album sine hoc quod in eius definitione sive
ratione ponatur homo. Sed non contingit ita notificare femininum sine
animali; quia oportet quod animal ponatur in definitione feminini sicut et in
definitione masculini. Quare patet, quod non est alicuius praedictorum
accidentium copulatorum quod quid erat esse et definitio vera, si nulla
definitio est ex additione, sicut contingit in definitionibus substantiarum. |
Et ainsi, il est évident qu’on ne
peut pas montrer, c'est-à-dire
faire connaître, séparément l’un de ces accidents que nous avons appelés
joints, comme on peut faire connaître le blanc sans inclure l’homme dans sa
définition ou dans sa notion. Mais on ne peut pas faire connaître la femelle
sans l’animal, car il est nécessaire d’inclure l’animal dans la définition de
la femelle tout comme dans celle du mâle. Il est donc évident que l’essence
et la définition d’aucun de ces accidents joints ne sont vraies si aucune
définition ne se fait par addition, comme c’est le cas dans les définitions
des substances. |
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[82912] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 16 Aut si est aliqua definitio eorum, cum non possint nisi
ex additione definiri, aliter erit definitio eorum quam substantiarum,
quemadmodum diximus in solutione secunda. Et sic in hac conclusione innuit
solutionem dubitationis praemissae. Quod enim dicebatur, quod nulla definitio
est ex additione, verum est de definitione prout invenitur in substantiis. Sic autem praedicta accidentia non habent
definitionem, sed alio modo per posterius. |
Ou bien, si leur définition
existe, puisqu’ils ne peuvent être définis que par addition, ils se
définissent autrement que les substances, comme nous l’avons dit dans la
deuxième solution. Et ainsi, dans cette solution, il montre la solution du
doute présenté. En effet, quand il disait qu’aucune définition ne se fait par
addition, cela est vrai de la définition selon qu’elle s’applique aux
substances. Ainsi donc, les accidents en question n’ont pas de définition,
sinon d’une autre manière et de façon secondaire. |
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[82913] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 17 Deinde cum dicit est autem ponit secundam dubitationem:
circa quam duo facit. Primo movet dubitationem. Secundo ponit solutionem,
ibi, sed latet et cetera. Dicit ergo primo, quod est alia dubitatio de
praedictis. Aut enim est idem dicere nasus simus et nasus concavus, aut non.
Si idem, sequetur quod idem sit simum et concavum: quod patet esse falsum,
cum alia sit definitio utriusque. |
Puis lorsqu’il dit : Mais il y a un autre doute, etc., il
présente le deuxième doute, dont il traite en deux points. En premier, il
soulève le doute. En deuxième, il en donne la solution, où il dit : mais cela ne se voit pas, etc. Il dit
donc en premier qu’il y a un autre doute sur ce qui précède. En effet, ou
bien c’est pareil, ou bien ce n’est pas pareil de dire nez camus ou nez
concave. Si c’est pareil, il s’ensuit que camus et concave sont pareils, ce
qui est évidemment faux, puis qu’ils ont des définitions différentes. |
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[82914] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 18 Si autem non est idem dicere nasum simum et nasum
concavum, propter hoc quod simum non potest intelligi sine re cuius est
per se passio, idest sine naso, cum simum sit concavitas in naso,
concavum vero potest dici sine naso; sequetur, si hoc quod dico simum plus
habet quam concavum, quod hoc, scilicet quod est nasus, vel non possit dici
nasus simus, vel si dicatur, erit bis idem dictum, ut dicamus, quod nasus
simus est nasus nasus concavus. Semper enim loco nominis potest poni
definitio illius nominis. Unde cum dicitur nasus simus, poterit removeri
nomen simi, et addi naso definitio simi, quae est nasus concavus. Sic ergo
videtur dicere, quod nasum simum, nihil aliud est quam dicere, nasum nasum
concavum, quod est inconveniens. Propter quod, inconveniens videtur dicere
quod in talibus accidentibus sit quod quid erat esse. |
Mais si ce n’est pas pareil de
dire nez camus et nez concave, du fait qu’on ne peut pas comprendre le camus sans ce dont il est une propriété
essentielle, c'est-à-dire sans le nez, puisque le camus est la concavité
du nez et que le concave peut se dire sans le nez, il s’ensuivrait, si camus
dit plus que concave, que ce que j’appelle un nez ou bien ne peut pas être
décrit comme nez camus, ou bien, si on le décrit ainsi, on dit la même chose
deux fois, en disant que le nez camus est un nez nez concave. En effet, on
peut toujours mettre la définition d’un mot à la place du mot. Alors, quand
on dit « nez camus », on peut enlever le mot « camus » et
ajouter au nez la définition de camus, qui est « nez concave ».
Ainsi donc, on semble dire que c’est pareil de dire « nez camus »
ou « nez nez conccave », ce qui est absurde. Pour cette raison, il
semble inacceptable de dire que de tels accidents ont une essence. |
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[82915] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 19 Quod si hoc non est verum, quod in eis non sit quod quid
erat esse, in infinitum fiet repetitio eiusdem nominis, semper posita nominis
definitione pro nomine. Constat enim, quod cum dico, nasus concavus, loco
concavi potest accipi simum, quia concavitas in naso non est nisi simitas, et
loco simi iterum nasus concavus, et sic in infinitum. |
Mais s’il n’est pas vrai de dire
qu’ils n’ont pas d’essence, on se trouve à répéter à l’infini le même mot en
remplaçant toujours le mot par la définition du mot. Il est évident en effet
que quand je dis « nez concave », au lieu de concave, on peut dire
camus, car la concavité du nez n’est rien d’autre que le camus, puis on peut
encore remplacer camus par nez concave, et ainsi de suite à l’infini. |
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[82916] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 20 Palam est itaque, ut videtur, quod solius
substantiae est definitio. Si enim esset aliorum praedicamentorum, oporteret
quod esset ex additione subiecti, sicut definitio aequalitatis et definitio
imparis oporteret quod sumeretur ex definitione suorum subiectorum. Non enim
definitio imparis est sine numero; nec definitio feminini, quod significat
quamdam qualitatem animalis, est sine animali. Si ergo definitio aliquorum
est ex additione, sequetur quod bis accidat idem dicere, sicut in praemissis
est ostensum. Unde, si verum est quod hoc inconveniens sequatur, sequitur
quod accidentia copulata non habent definitionem. |
Il est donc évident, semble-t-il,
que seule la substance a une définition. En effet, s’il y en avait une pour
les autres prédicaments, elle devrait être formée par addition au sujet,
comme la définition de l’égalité et la définition de l’impair devraient être
formées à partir de la définition de leurs sujets. En effet, il n'y a pas de
définition de l’impair sans le nombre, ni de définition du féminin, lequel signifie
une certaine qualité de l’animal, sans l’animal. Si donc la définition se
fait par addition dans certains cas, il s’ensuivrait qu’on se trouverait à
dire deux fois la même chose, comme on vient de le montrer. Alors, s’il est
vrai qu’une absurdité s’ensuit, il s’ensuit que les accidents joints n’ont
pas de définition. |
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[82917] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 21 Deinde cum dicit sed latet solvit praemissam
quaestionem; dicens, quod moventem praedictam quaestionem latet, quod rationes,
non dicuntur certe, idest certitudinaliter, quasi ea quae dicuntur
univoce, sed dicuntur secundum prius et posterius, ut supra dictum est. Si
autem praedicta accidentia copulata habent terminos, idest rationes aliquas,
oportet quod alio modo sint illi termini quam definitiones: aut quod
definitio et quod quid erat esse, quod significatur per definitionem, dicatur
multipliciter. |
Puis lorsqu’il dit : mais cela ne se voit pas,etc., il
résout la question soulevée, en disant que celui qui soulève cette question
ne voit pas que les notions ne sont pas dites certainement, c'est-à-dire avec certitude, comme celles qui se
disent de façon univoque, mais elles sont énoncées de façon primaire et secondaire, comme on l’a dit plus haut.
Mais si ces accidents joints ont des termes, c'est-à-dire des notions, il
faut que ces termes se présentent autrement que des définitions, ou bien que
la définition et l’essence qu’elle signifie se disent en plusieurs sens. |
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[82918] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 4 n. 22 Quare sic quidem, idest simpliciter per
prius, nullius erit definitio nisi substantiae, nec etiam quod quid erat
esse. Sic autem, idest secundum quid et posterius, erit etiam aliorum.
Substantia enim quae habet quidditatem absolutam, non dependet in sua
quidditate ex alio. Accidens autem dependet a subiecto, licet subiectum non
sit de essentia accidentis; sicut creatura dependet a creatore et tamen
creator non est de essentia creaturae, ita quod oporteat exteriorem essentiam
in eius definitione poni. Accidentia vero non habent esse nisi per hoc quod
insunt subiecto: et ideo eorum quidditas est dependens a subiecto: et propter
hoc oportet quod subiectum in accidentis definitione ponatur, quandoque
quidem in recto, quandoque vero in obliquo. |
C’est pourquoi, d’une façon, c'est-à-dire absolument
de façon primaire, rien d’autre que la substance n’a une définition, ni une
essence non plus. Et d’une autre façon,
c’est-à-dire de façon relative et secondaire, les autres choses se définissent aussi. En
effet, la substance, qui a une quiddité absolue, ne dépend pas d’autre chose
pour sa quiddité. Mais l’accident dépend d’un sujet, bien que le sujet
n’appartienne pas à l’essence de l’accident; pareillement, la créature dépend
d’un créateur et que le créateur n’appartient pourtant pas à l’essence de la
créature de sorte qu’il faille inclure une essence extérieure dans sa
définition. Mais les accidents n’ont pas d’être, sinon du fait qu’ils sont
dans un sujet; c’est pourquoi leur quiddité dépend d’un sujet; il faut par
conséquent inclure le sujet dans la définition de l’accident, parfois
directement, parfois indirectement. |
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[82919] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 23 In recto quidem, quando accidens significatur ut
accidens in concretione ad subiectum: ut cum dico, simus est nasus concavus.
Tunc enim nasus ponitur in definitione simi quasi genus, ad designandum quod
accidentia non habent subsistentiam, nisi ex subiecto. Quando vero accidens
significatur per modum substantiae in abstracto, tunc subiectum ponitur in
definitione eius in obliquo, ut differentia; sicut dicitur, simitas est
concavitas nasi. |
Il est inclus directement quand
l’accident est signifié comme accident concrétisé dans le sujet, comme quand
on dit que le camus est un nez concave. En effet, le nez est alors inclus
dans la définition du camus comme un genre pour désigner que les accidents ne
peuvent subsister que par le sujet. Mais quand l’accident est signifié
abstraitement à la manière d’une substance, le sujet est inclus dans sa
définition indirectement, comme différence; c’est ainsi qu’on dit que le
camus est la concavité du nez. |
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[82920] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 24 Patet igitur quod cum dico, nasum simum, non oportet
loco simi accipere nasum concavum; quia nasus non ponitur in definitione
simi, quasi sit de essentia eius; sed quasi additum essentiae. Unde simum et
concavum per essentiam idem sunt. Sed simum addit supra concavum, habitudinem
ad determinatum subiectum: et sic determinato subiecto quod est nasus, nihil
differt simus a concavo; nec oportet aliquid loco simi ponere nisi concavum:
et sic non erit dicere loco eius, nasus concavus, sed solum concavus. |
Il est donc évident que quand on
parle de nez camus, il ne faut pas dire « nez concave » au lieu de
camus, car le nez n’est pas inclus dans la définition de camus comme s’il
appartenait à son essence, mais comme un ajout à l’essence. Il s’ensuit que
dans leur essence, le camus et le concave sont la même chose, mais le camus
ajoute au concave le rapport à un sujet déterminé; et ainsi, une fois
déterminé le sujet, qui est le nez, le camus ne diffère en rien du concave,
et on n’est obligé de dire rien d’autre que concave au lieu de camus. Et
ainsi, à la place, on n’a pas à dire « nez concave », mais
seulement « concave ». |
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[82921] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 4 n. 25 Ultimo concludit ex praedictis, quod palam est, quod
definitio quae est ratio eius quod quid erat esse, et ipsum quod quid erat esse,
solum est substantiarum, sicut prima solutio habebat. Vel est primo et
simpliciter earum, et per posterius et secundum quid accidentium, ut in
secunda solutione dicebatur. |
En dernier, il conclut de ce qui
précède qu’il est évident que la définition, qui est la notion de l’essence
et l’essence elle-même, appartient seulement aux substances, comme le voulait
la première solution. Ou bien, elle leur appartient de façon première et
absolue, et de façon secondaire et relative aux accidents, comme on l’a dit
dans la deuxième solution. |
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Leçon 5, texte d’Aristote, traduit
par Guillaume de Moerbeke, v. 1260 |
Leçon 5, Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Leçon
5, texte latin de Guillaume de Moerbeke, traduit par Georges Comeau |
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Utrum autem idem est aut alterum
quod quid erat esse et unumquodque, perscrutandum est. Est enim aliquid pre
opere ad de substantia perscrutationem. Singulum enim non aliud videtur esse a suimet substantia, et
quod quid erat esse dicitur singuli substantia. In
dictis quidem itaque secundum
accidens videbitur utique diversum esse, ut albus homo alterum et albo homini
esse. Si enim idem, homini esse et albo homini idem; idem enim homo et albus
homo, ut dicunt; quare et albo homini et homini. Aut non necesse est quaecumque
secundum accidens esse eadem; non enim similiter extremitates fiunt eedem.
Sed forsan illud videtur accidere: extremitates fieri easdem secundum accidens,
ut albo esse et musico; videtur autem non. In
dictis vero secundum se semper
necesse idem esse, ut si quae sunt substantiae a quibus alterae non sunt
substantiae nec alterae naturae priores, quales dicunt ydeas esse quidam. Si
enim erit alterum ipsum bonum et quod bono esse, animal et quod animali et
ens quod enti, erunt aliae substantiae et naturae et ydee praeter dictas, et
priores substantiae illae, si quod quid erat esse substantiae est. Et si
quidem absolute ab invicem, harum quidem non erit
scientia, haec autem non erunt entia. (Dico autem absolvi, si nec bono ipsi
existit esse bono nec huic esse bonum). Scientia enim cuiuslibet haec: quod
quid erat illi esse. Et in bono et in aliis similiter se habet; quare si nec
bono esse bonum, nec quod enti ens nec quod uni unum. Similiter autem omnia
sunt aut nullum quae quid erat esse; quare si neque quod enti ens, nec
aliorum nullum. Amplius cui non inest bono esse, non bonum. Necesse
igitur unum esse benignum et benigno esse
et bonum et bono esse, quaecumque non secundum aliud dicuntur, sed prima et
secundum se. Et enim hoc sufficiens si extiterit, quamquam non sint species;
magis autem forsan et si sint species. Simulque palam quia si sunt ydee
quales quidam dicunt, non erit subiectum substantia. Has enim substantias
esse est necesse, non de subiecto autem; erunt enim secundum participationem. Ex hiis itaque rationibus unum et
idem non secundum accidens ipsum unumquodque et quod quid erat esse, et quod
scire unumquodque horum est quod quid erat esse scire; quare secundum
expositionem necesse unum aliquid esse ambo. Secundum
accidens vero dictum, ut musicum
aut album, propter duplex signficare non est verum dicere quia idem quod quid
erat esse et ipsum. Et enim cui accidit album et accidens, quare est quidem
ut idem, est autem ut non idem quod quid erat esse et ipsum; nam homini et
albo homini non idem, passioni autem idem. Absurdum
vero apparebit et si quis unicuique nomen
imposuerit ipsorum quid erat esse. Erit enim et praeter illud aliud ei quod
quid erat esse equo: ipsi quod quid erat esse equo alterum. Et quid prohibet et nunc esse
quaedam statim quid erat esse, siquidem substantia est quod quid erat esse? At
vero non solum unum, sed et ratio eadem ipsorum, sicut palam est ex dictis;
non enim secundum accidens unum quod uni esse et unum. Amplius
si aliud erit, in infinitum sunt; hoc quidem
erit quid erat esse le uni esse illud vero unum, quare et in illis erit eadem
ration. Quod quidem igitur in primis et
secundum se dictis unicuique esse et unumquodque idem et unum, palam. Sophisti autem elenchi ad positionem
hanc palam quod eadem solvuntur solutione, et si idem Socrates et Socrati
esse; nichil enim differt nec ex quibus interrogabit utique aliquis nec ex
quibus solvens fuerit. Quomodo quidem igitur quod quid
erat esse idem et quomodo non idem unicuique, dictum est. |
L’essence d’une chose, l’essence
qui fait que la chose est ce qu’elle est, et la chose elle-même, sont-elles
toujours identiques, ou sont-elles différentes ? C’est une question que nous
avons à examiner, et qui nous sera de quelque utilité dans notre étude de la
substance. Il ne semble pas qu’une chose puisse jamais différer de sa
substance propre, et l’essence qui fait que chaque chose est ce qu’elle est,
s’appelle sa substance. Mais, pour les attributions qui ne
sont qu’accidentelles, on peut croire que la substance et l’essence sont différentes
; car l’Homme-blanc, par exemple, est autre chose que l’essence de l’homme
qui est blanc. Mais, si Homme et Homme blanc sont la même chose, l’être de
l’Homme et l’être de l’Homme blanc seront la même chose aussi, puisque,
dit-on, Homme se confond avec Homme blanc, de telle sorte qu’être Homme blanc
et être Homme sont des choses identiques. Mais ne peut-on pas soutenir qu’il
n’est pas du tout nécessaire que les attributs accidentels soient identiques
avec l’essence ? En effet, les extrêmes ne s’identifient pas toujours avec
l’essence de la même façon ; mais on peut croire que, s’ils peuvent
s’identifier, c’est au moins d’une manière accidentelle ; comme, par exemple,
être blanc serait la même chose qu’être instruit ; or cela n’est pas
soutenable. Mais pour les choses considérées
en elles-mêmes, est-il nécessaire que l’essence et la substance soient
toujours identiques, en supposant, par exemple, qu’il existe des substances
qui soient antérieures à toutes les autres substances et à toutes les autres
natures, dans le genre de ces substances que quelques philosophes ont
appelées des Idées? Si l’on veut distinguer l’essence du bien du bien réel,
l’essence de l’animal de l’animal réel, l’essence de l’Être de l’Être réel,
alors il y a d’autres substances et d’autres Idées que celles dont on nous
parle ; et ces autres substances seront les premières, si l’essence ne
s’applique vraiment qu’à la substance. Si les essences sont distinctes et
indépendantes des substances, alors il n’y a plus de science possible pour
les unes ; et les autres ne sont plus des êtres réels. Quand je dis
Indépendantes et Distinctes, j’entends que l’essence du bien n’est pas le
bien réel, et que le bien réel n’est pas davantage l’essence du bien. La
science d’un objet quelconque consiste à savoir quelle en est l’essence, qui
fait que l’objet est ce qu’il est. Le bien et toutes les choses sans
exception sont dans le même cas ; et si le bien en soi n’est pas le bien,
l’Être en soi non plus n’est plus l’Être, l’unité en soi cesse d’être l’unité.
De deux choses l’une : ou toutes les essences sont soumises à la même règle,
ou il n’y en a pas une qui le soit ; et, par une conséquence forcée, du
moment que l’Être en soi n’est plus l’Être, tout le reste cesse du même coup
de pouvoir être identique. Ajoutez encore que, dans cette supposition, ce qui
n’a pas l’essence du bien n’est pas bon. Dès lors, il faut nécessairement
que le bien et l’essence du bien soient une seule et unique chose, que le
beau soit identique à l’essence du beau, comme en un mot toutes les choses
qui ne peuvent jamais être les attributs d’une autre chose, mais qui sont en
soi les premières. Cette identité suffit du moment qu’elle existe, quand bien
même il n’y aurait pas d’Idées, et, à bien plus forte raison peut-être, s’il
y en a. Il n’est pas moins clair que, s’il
existe des Idées du genre de celles qu’on suppose, le sujet dès lors cesse
d’être une substance ; car ce sont les Idées qui sont nécessairement les
substances, et elles ne sont jamais les attributs d’un sujet, puisqu’alors
elles n’existeraient que par simple participation. De toutes ces considérations, on
peut conclure que la chose réelle et l’essence de la chose forment une unité
et une identité qui n’a rien d’accidentel ; et que savoir une chose
quelconque, c’est savoir ce qu’est son essence. L’exposition que nous venons
de faire prouve bien que l’une et l’autre ne sont absolument qu’une même
chose. Quant à l’accidentel, tels, par
exemple, que les attributs de Blanc et d’Instruit, il est impossible de dire
avec vérité que, dans ce cas, la chose et son essence se confondent et ne
font qu’un, parce que le mot d’Accidentel peut se prendre en un double sens ;
car pour le Blanc, par exemple, il y a d’une part le sujet auquel cet
accident est attribué ; et, d’autre part, il y a cet accident lui-même. Par
conséquent, ici la chose et son essence sont identiques en un sens ; et en un
autre sens, elles ne le sont pas. Être Homme et être Homme-blanc ne sont pas
des choses identiques, et il n’y a identité que par l’affection spéciale du
sujet. On verrait d’ailleurs aisément
combien cette assertion est absurde, si l’on donnait à chacune de ces
prétendues essences, sujet et attribut, un nom particulier ; car, à côté de
cette essence-là, il y en aurait une autre ; et, par exemple, s’il s’agissait
de l’essence du cheval, il y en aurait aussi une tout autre. Cependant, qui empêche que, dans
ce cas aussi, les essences ne soient immédiatement identiques à la substance,
puisqu’on admet que l’essence est une substance ? Mais non seulement il y a
ici unité de la substance et de l’essence ; mais la notion de l’une et de
l’autre est absolument la même, comme le fait bien voir ce qu’on vient d’en
dire; car il n’y a rien d’accidentel à ce que l’essence de l’unité et l’unité
soient identiques. Si l’on supposait une différence
entre la substance et l’essence, ce serait se perdre dans l’infini ; car il
faudra toujours avoir, d’une part, l’essence de l’unité, et d’autre part,
l’unité ; et par conséquent, pour ces autres termes également, le raisonnement
serait encore le même. Il est donc évident que, quand il
s’agit de primitifs et de choses en soi, l’essence de la chose et la chose
elle-même sont absolument une seule et unique notion. Les objections
sophistiques qu’on peut élever contre cette thèse, se réfuteraient de la même
manière qu’on démontre que Socrate et l’essence de Socrate sont tout-à-fait
des choses identiques ; car il n’y a ici aucune différence à mettre entre les
interrogations que peuvent poser des Sophistes, et les solutions qu’on peut
opposer victorieusement à devaines objections. En résumé, nous avons fait voir
dans quel sens on peut dire que l’essence se confond avec la substance, et en
quel sens on peut dire qu’elle ne se confond pas avec elle. |
Il
faut examiner si l’essence et une chose quelconque sont identiques ou
différentes. En effet, c’est quelque chose avant[165] le travail d’examen de la
substance. Chaque chose en effet ne semble être rien d’autre que sa
substance, et l’essence est appelée la substance de chaque chose. Or,
dans ce qu’on a dit, ce qui est par accident paraîtra différent, comme
l’homme blanc est autre que l’être de l’homme blanc. En effet, s’ils sont
pareils, l’être de l’homme et celui de l’homme blanc sont pareils; en effet,
l’homme et l’homme blanc sont pareils, à ce qu’ils disent; il s’ensuit que
l’être de l’homme blanc et celui de l’homme sont pareils. Ou
bien, il n’est pas nécessaire que toutes les choses par accident soient
pareilles; en effet, les extrémités ne sont pas pareilles de la même façon.
Mais il semble peut-être arriver que les extrémités soient pareilles par
accident, comme l’être du blanc et celui du musicien; or, on voit que ce
n’est pas vrai. Mais
dans ces choses en soi, il est nécessaire que l’être soit toujours pareil, de
sorte qu’il y a des substances auxquelles aucune autre substance ni aucune
autre nature n’est antérieure, et que certains appellent les idées. Si en
effet le bien en soi est autre que l’être du bien, l’animal autre que l’être
de l’animal et l’être autre que celui de l’être, il y aura d’autres
substances, d’autres natures et d’autres idées que celles qu’on a dites, et
ces dernières substances seront antérieures si l’essence appartient à la
substance. Et
si elles sont dissociées l’une de l’autre, il n’y aura pas de science de
celles-là, et celles-ci ne seront pas des êtres. (Je dis dissociées si l’être
du bien n’est pas dans le bien en soi ni ce dernier dans l’être du bien.) En
effet, la science de toute chose est celle de son ce-que-c’est. Et il en va
de même pour le bien et pour les autres choses, de sorte que si l’être du
bien n’est pas bon, celui de l’être n’a pas d'être, et celui de l’un n’est
pas un. Mais tous les ce-que-c’est sont pareillement ainsi, ou aucun; c’est
pourquoi, si celui de l’être n’est pas l’être, celui d’aucun autre n’est
ainsi. De plus, ce en quoi ne se trouve pas l’être du bien n’est pas bon. Il
est donc nécessaire que l’affable et l’être de l’affable soient la même
chose, ainsi que le bon et l’être du bon, et tout ce qui ne se dit pas par
rapport à un autre mais de façon première et en soi. Et de fait, cela suffit
s’il[166] existe, bien qu’il n’y ait pas
d’espèces, et peut-être davantage s’il y en avait. En
même temps, il est clair que s’il existe des idées telles que certains le
disent, le sujet ne sera pas une substance. Il est nécessaire en effet
qu’elles soient les substances, et qu’elles n’appartiennent pas à un sujet,
car elles seraient alors par participation. Il
s’ensuit de ces raisons que chaque chose et son ce-que-c’est sont une seule
et même chose, et pas par accident, et que savoir chacune de ces choses,
c’est savoir son ce-que-c’est; c’est pourquoi, selon cette explication, il
est nécessaire qu’une chose soit les deux[167]. Mais
pour ce qui est dit par accident, comme musicien ou blanc, à cause de sa
double signification, il n’est pas vrai de dire que son ce-que-c’est et
lui-même sont la même chose. En effet, ce à quoi il arrive d’être blanc et
l’accident sont blancs; c’est pourquoi le ce-que-c’est et lui-même sont comme
pareils et comme pas pareils, car ils ne sont pas pareils pour l’homme et
l’homme blanc, mais pareils pour la propriété. Cela
semblerait également absurde si on imposait un nom au ce-que-c’est de chacune
de ces choses. En plus de lui, en effet, il y en aurait un autre : en
plus du ce-que-c’est du cheval, il y en aurait un autre. Et
qu’est-ce qui empêche qu’alors, certains êtres ne soient tout de suite leur ce-que-c’est,
puisque la substance est un ce-que-c’est? Et de fait, non seulement ils sont
un, mais leur notion l’est aussi, comme il est évident d’après ce qu’on a
dit; en effet, ce n’est pas par accident que l’un est la même chose que
l’être de l’un. De
plus, s’il était différent, on irait à l’infini, car il y aura là le
ce-que-c’est, ici l’être de l’un, qui sera la même chose; et donc, le même
argument s’appliquera à eux. Donc,
que dans les choses premières et dites en elles-mêmes, l’être de toute chose
et la chose même sont tout un, c’est évident. Quant aux arguments
sophistiques contre cette position, il est évident qu’ils admettent la même
solution que [la question de savoir] si Socrate et l’être de Socrate sont
pareils; en effet, peu importe à partir de quoi on pose la question et à
partir de quoi on la résout. On
a donc dit comment le ce-que-c’est est pareil et comment il n’est pas pareil
à chaque chose. |
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Lectio 5 |
Leçon 5, commentaire de
saint Thomas (Traduction Georges Comeau, 2015)
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[82922] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 1 Postquam determinavit philosophus quid est quod quid
erat esse, et quorum, consequenter inquirit quomodo se habeat quod quid erat
esse ad id cuius est, utrum scilicet ut idem, vel ut diversum. Et circa hoc
tria facit. Primo movet quaestionem. Secundo solvit eam, ibi, singulum enim
non aliud. Tertio ostendit quod ex solutione praedicta, possunt solvi
sophisticae rationes, quae circa haec fiunt, ibi, sophistici vero elenchi.
Dicit ergo primo, quod perscrutandum est utrum quod quid erat esse
cuiuscumque, et unumquodque cuius est quod quid erat esse, sit idem aut
diversum; sicut utrum quod quid erat esse homini et homo sit idem aut
diversum, et similiter de aliis. Hoc enim inquirere et manifestare, est
aliquid praeopere, idest praenecessarium ad perscrutationem de
substantia, quam intendimus facere in sequentibus. Intendit enim inquirere
inferius, utrum universalia sint substantiae rerum, et utrum partes
definitorum intrent in definitionem eorum; et ad hoc valet ista perscrutatio,
quam nunc proponit. |
Après avoir déterminé ce qu’est
l’essence et ce qui a une essence, le Philosophe recherche ensuite le rapport
entre l’essence et ce à quoi elle appartient, pour voir si elle est la même
chose ou si elle en diffère. Et il traite ce sujet en trois parties. En
premier, il soulève la question. En deuxième, il la résout, où il dit : Chaque chose en effet ne semble, etc.
En troisième, il montre que cette solution permet de répondre aux arguments
sophistiques soulevés à ce sujet, où il dit : Quant aux arguments sophistiques, etc. Il dit donc en premier
qu’il faut examiner si l’essence de toute chose et toute chose qui possède
une essence sont pareilles ou différentes, par exemple si l’essence de
l’homme et l’homme sont la même chose ou des choses différentes, et ainsi de
suite. En effet, rechercher et démontrer cela est quelque chose avant, c'est-à-dire un préalable nécessaire, à
l’étude de la substance, à laquelle nous avons l’intention de procéder
ci-après. En effet, il a l’intention de rechercher plus loin si les
universels sont les substances des choses et si les parties des êtres définis
entrent dans leur définition; et l’étude qu’il présente maintenant est utile
à cette fin. |
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[82923] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 2 Deinde cum dicit singulum enim solvit propositam
quaestionem. Et circa hoc tria facit. Primo ponit quaestionis solutionem.
Secundo probat eam, ibi, in dictis vero secundum se. Tertio ostendit
contrarium solutionis praedictae esse absurdum et impossibile, ibi, absurdum
vero apparebit. Circa primum duo facit. Primo enim ostendit quid prima facie
circa quaestionem propositam verum esse videatur. Secundo ostendit in quo
eius contrarium accidat, ibi, in dictis quidem itaque. Dicit ergo primo, quod
statim, in primo aspectu, hoc videtur esse dicendum, quod in omnibus rebus
singulum non sit aliud a sui substantia. Hoc autem quod est quod quid erat
esse, est substantia eius cuius est quod quid erat esse. Unde videtur per
hanc rationem in primo aspectu quod quod quid erat esse sit idem, et non
alterum ab unoquoque cuius est. |
Puis lorsqu’il dit : Chaque chose en effet, etc., il résout
la question proposée. Et il le fait en trois points. En premier, il énonce la
solution de la question. En deuxième, il la prouve, où il dit : Mais dans ces choses en soi, etc. En
troisième, il montre que le contraire de la solution donnée est absurde et
impossible, où il dit : Cela
semblerait également absurde, etc. Il traite le premier point en deux
parties. En premier, il montre ce qui semble être vrai à première vue au
sujet de la question proposée. En deuxième, il montre en quel cas c’est le
contraire qui se produit, où il dit : Or, dans ce qu’on a dit, etc. Il dit donc en premier
qu’immédiatement, au premier regard, il semble qu’il faut dire qu’en toutes
choses, le singulier n’est rien d’autre que sa substance. Or, ce qui est
l'essence est la substance de ce dont il est l’essence. Il semble donc
s’ensuivre de cet argument, au premier regard, que l’essence est la même
chose et non quelque chose de différent de ce à quoi elle appartient. |
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[82924] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 5 n. 3 Deinde cum dicit in dictis quidem. Ostendit in
quibus quod praemissum est non sit verum; dicens, quod quod quid erat esse
pro tanto videtur esse non aliud ab eo cuius est, quia est eius substantia:
itaque in illis, quae praedicantur secundum accidens, et non dicunt
substantiam subiecti, videtur esse diversum quod quid erat esse praedicati a
subiecto. Alterum enim est id quod est esse albo homini, idest quod
quid erat esse albi hominis, ab eo quod est albus homo. |
Puis lorsqu’il dit : Or, dans ce qu’on a dit, etc., il
montre dans quels cas ce qu’on vient de dire n’est pas vrai, en disant que
l’essence semble ne pas être différente de ce à quoi elle appartient en
autant qu’elle en est la substance; c’est pourquoi, dans les choses qui sont
attribuées par accident et n’expriment pas la substance du sujet, il semble
que l’essence de l’attribut est différente du sujet. En effet, l’être de l’homme blanc, c'est-à-dire
l’essence de l’homme blanc, diffère de ce qu’est un homme blanc. |
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[82925] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 4 Quod sic videtur, quia cum dicitur, homo albus,
supponitur homo; idem enim est homo, et homo albus, ut dicunt. Si enim albus
haberet esse aliud a subiecto, aliquid praedicaretur de composito, ratione albi,
vel posset praedicari, quia non esset contra rationem albi. Quod enim
praedicatur de homine albo, non praedicatur de eo nisi quia praedicatur de
homine. Accidens enim non est subiectum, nisi ratione substantiae. Unde
secundum quod in albo intelligitur homo, homo et homo albus sunt idem; et pro
tanto id quod erit esse albo homini, erit etiam esse homini. Si ergo quod
quid erat esse albi hominis, sit idem albo homini, erit etiam idem homini:
sed non est idem homini, ergo quod quid erat esse albi hominis non est idem
albo homini. Et sic in his quae sunt secundum accidens, quod quid erat esse
alicuius non erit idem cum eo cuius est quod quid erat esse. |
Cela semble être ainsi parce que,
quand on dit « homme blanc », cela suppose l’homme; en effet, l’homme
et l’homme blanc sont la même chose, à ce qu’ils disent. En effet, si le
blanc avait un autre être que le sujet, quelque chose serait attribué ou
pourrait être attribué au composé en raison du blanc, car il ne serait pas
contraire à la notion de blanc. En effet, ce qui est attribué à l'homme blanc
ne lui est attribué que parce qu’il est attribué à l’homme. En effet,
l’accident n’est un sujet qu’en raison de la substance. Donc, selon que dans
l’être blanc on considère l’homme, l’homme et l’homme blanc sont la même
chose, et dans cette mesure, l’être de l’homme blanc est également l’être de
l’homme. Si donc l’être de l’homme blanc était la même chose que l’homme
blanc, il serait également la même chose que l’homme; mais il n’est pas la
même chose que l’homme; donc l’essence de l’homme blanc n’est pas la même
chose que l’homme blanc. Et ainsi, dans les choses qui sont par accident,
l’essence d’un être n’est pas pareil à l’être dont elle est l’essence. |
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[82926] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 5 n. 5 Quod autem quod quid erat esse albi hominis non sit
idem homini, patet, quia non est necesse, quod quaecumque dicuntur secundum
accidens de aliquo subiecto, quod sint eadem illi: subiectum enim est
quodammodo medium inter duo accidentia, quae praedicantur de ipso, inquantum
illa duo accidentia non uniuntur nisi unitate subiecti, sicut album et
musicum unitate hominis de quo praedicantur: est ergo homo ut medium, album
autem et musicum sunt extremitates. Si autem album esset idem homini per
essentiam, pari ratione et musicum; et ita ista duo extrema album et musicum
essent per essentiam idem; quia quaecumque uni et eidem sunt eadem, etiam
sibiinvicem sunt eadem. Hoc
autem est falsum, quod istae extremitates sint eaedem per essentiam: sed
forsan hoc videtur esse verum, quod sint eaedem per accidens. Hoc autem certum est quod album et musicum sunt idem
per accidens. |
Mais il est évident que l’essence
de l’homme blanc n’est pas la même chose que l’homme, parce qu’il n’est pas
nécessaire que tout ce qui se dit par accident d’un sujet soit la même chose
que ce sujet; en effet, le sujet est d’une certaine façon l’intermédiaire
entre deux accidents qui lui sont attribués, en tant que ces deux accidents
ne sont unis que par l’unité du sujet, comme le blanc et le musicien sont
unités par l’unité de l’homme à qui ils sont attribués; et l’homme est donc
comme un milieu, et le blanc et le musicien sont les extrémités. Mais si le
blanc était la même chose que l’homme par essence, le musicien le serait
aussi pour la même raison; et alors, les deux extrémités, blanc et musicien,
seraient la même chose par essence, car deux choses qui sont pareilles à une
même troisième sont pareilles entre elles. Or, il est faux que ces extrémités
soient pareilles par essence; mais il semble peut-être vrai qu’elles sont la
même chose par accident. Il est certain en effet que le blanc et le musicien
sont la même chose par accident. |
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[82927] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 6 Sed ex hoc posset aliquis opinari, quod sicut album
et musicum sunt idem per accidens, ita etiam hoc, quod est esse albo, et quod
est esse musico, idest quod quid est utriusque sit idem per accidens. Sed
hoc non videtur esse verum. Album enim et musicum sunt idem per accidens ex hoc,
quod utrumque est idem per accidens homini. Non autem quod quid est esse
albi, nec hoc quod quid est musici, sunt idem cum eo quod est quod quid est
esse hominis. Unde quod quid est esse albi, et quod quid est esse musici, non
sunt idem per accidens, sed solum album et musicum. |
Mais de ce fait, on pourrait
penser que de même que le blanc et le musicien sont la même chose par
accident, de même aussi l’être du blanc et l’être du musicien, c'est-à-dire son essence, sont la même chose par
accident. Mais on voit que ce n’est pas vrai. En effet, le blanc et le
musicien sont la même chose par accident du fait que les deux sont par
accident la même chose qu’un homme. Mais ni l’essence du blanc ni l’essence
du musicien ne sont la même chose que l’essence de l’homme. Il s’ensuit que
l’essence du blanc et l’essence du musicien ne sont pas pareilles par
accident, mais seulement le blanc et le musicien sont pareils. |
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[82928] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 7 Deinde cum dicit in dictis vero manifestat
solutionem propositam. Et circa hoc duo facit. Primo manifestat eam quantum
ad ea quae dicuntur per se. Secundo quantum ad ea quae dicuntur per accidens,
ibi, secundum accidens vero dictum. Circa primum duo facit. Primo manifestat
propositam quaestionem quantum ad ea quae dicuntur per se. Secundo concludit
conclusionem intentam, ibi, necesse igitur est unum esse. Circa primum duo
facit. Primo ostendit, quod in his, quae dicuntur per se, non est aliud quod
quid erat esse, et id cuius est. Secundo quod non est separatum, ibi, et
siquidem absolute. Dicit ergo primo, quod in illis, quae dicuntur per se,
semper necesse est idem esse quod quid erat esse et id cuius est. Quod patet
si ponantur aliquae substantiae abstractae ab istis sensibilibus, quibus non
sunt aliquae aliae substantiae abstractae nec aliquae naturae priores eis.
Huiusmodi enim substantias Platonici dicunt esse ideas abstractas. Si enim
quod quid erat esse est aliud ab eo cuius est, oportebit hoc esse verum in
omnibus in quibus est quod quid erat esse, cuiuslibet autem substantiae est
quod quid erat esse, erit ergo aliquid aliud a qualibet substantia quod quid
erat esse eius. Et ita etiam quod quid erat esse substantiae idealis erit
aliud ab ea; et ita si ipsum bonum, idest si idea boni, et quod est
bono esse, idest quod quid erat esse huius ideae, est alterum; et
similiter ipsum animal, et quod est animali esse; et ipsum ens, et quod est
enti esse, et ita in omnibus aliis ideis; sequetur quod sicut istae
substantiae ideales ponuntur praeter substantias sensibiles, ita erunt aliae
substantiae, et aliae naturae et ideae praeter ideas dictas a Platonicis,
quae erunt quod quid erat esse illarum idearum; et etiam illae aliae
substantiae sunt priores ideis. Et hoc dico sequetur si quod quid erat
esse, substantiae est, idest si quaelibet substantia habet quod quid erat
esse, ut dictum est. Vel si hoc quod quid erat esse pertinet ad substantiam
rei: illud enim, a quo substantia rei dependet, est prius ea. |
Puis lorsqu’il dit : Mais dans ces choses en soi, etc., il
manifeste la solution proposée. Et il le fait en deux parties. Il la
manifeste, en premier, au sujet des choses dites essentiellement; en
deuxième, au sujet des choses dites par accident, où il dit : Mais pour ce qui est dit, etc. Il
traite la première partie en deux points. En premier, il manifeste la
question proposée quant aux choses dites essentiellement. En deuxième, il
tire la conclusion recherchée, où il dit : Il est donc nécessaire, etc. Il traite le premier point en deux
parties. En premier, il montre que dans les choses dites essentiellement,
l’essence n’est pas autre chose que ce dont elle est l’essence. En deuxième,
il montre qu’elle n’est pas séparée, où il dit : Et si elles sont absolument, etc. Il dit donc en premier que dans
les choses qui sont dites essentiellement, il est toujours nécessaire que
l’essence soit la même chose que ce dont elle est l’essence. Cela est évident
si on suppose l’existence de substances abstraites de nos substances
sensibles, qui ne sont pas postérieures à d’autres substances abstraites ni à
d’autres natures. Les Platoniciens disent en effet que les idées abstraites
sont de telles substances. Si en effet l’essence est autre chose que ce dont
elle est l’essence, il faut que cela soit vrai pour tout ce qui a une
essence; or, toute substance a une essence; donc, toute substance est autre
chose que son essence. Et alors, même l’essence de la substance idéale est
autre chose que celle-ci, et ainsi, si
le bien en soi, c'est-à-dire l’idée du bien, et l’être du bien, c'est-à-dire l’essence de cette idée, sont différents, il en sera de
même de l’animal en soi et de l’être de l’animal, de l’être en soi et de
l’être de l’être, et pareillement pour toutes les autres idées. Et alors, il
s’ensuit que de même qu’on suppose ces substances idéales en plus des
substances sensibles, il y aura d’autres substances, d’autres natures et
d’autres idées en plus des idées affirmées par les Platoniciens, et ce seront
les essences de ces idées; et aussi, ces autres substances sont antérieures
aux idées. Et il ajoute la mention si
l’essence appartient à la substance, c'est-à-dire si toute substance a
une essence, comme on l’a dit, ou encore si cette essence appartient à la
substance de la chose; en effet, ce dont la substance d’une chose dépend est
antérieur à la substance. |
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[82929] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 8 Deinde cum dicit et si quidem. Ostendit quod hoc,
quod est quod quid erat esse non est separatum ab eo cuius est, dicens, et
si quidem sint absolute abinvicem, idest si quod quid erat esse et id
cuius est, non solum sunt diversa, sed etiam sunt abinvicem separata,
sequuntur duo inconvenientia: quorum primum est, quod harum rerum non sit
scientia quarum quod quid est ab eis separatur. Secundum inconveniens est,
quod haec eadem erunt non entia. |
Puis lorsqu’il dit : Et si elles sont, etc., il montre que
ce qui est l’essence n’est pas séparé de ce dont il est l’essence, en
disant : Et si elles sont
dissociées l’une de l’autre, c'est-à-dire si l’essence et ce dont elle
est l’essence non seulement sont différents, mais sont même séparés l’un de
l’autre, il s’ensuit deux absurdités, dont la première est qu’il n’y aura pas
de science des choses dont l’essence est séparée d’elles. La deuxième
absurdité est que ces mêmes choses seront du non-êttre. |
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[82930] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 9 Et exponit quod dixerat absolute, ut
videlicet nec ipsi bono, idest ideae boni, quae ponitur secundum
Platonicos insit hoc quod est esse bono, idest quod quid est esse
boni. Nec iterum scilicet huic bono, inest esse bonum, idest quidditas
boni: quasi dicat absolutionem praedictam esse intelligendam secundum
separationem quidditatis boni ab idea boni, et a particulari bono, quod dicitur
per participationem ideae. Vel aliter. Nec huic esse bonum, idest nec
hoc, scilicet quod quid erat esse, competit esse bonum, ut scilicet quod quid
erat esse boni sit separatum a bono, et e converso. |
Et il explique le mot dissociées, en disant que l’être du bien, c'est-à-dire l’essence
du bien, n’est pas dans le bien en soi,
c’est-à-dire l’idée du bien dont les Platoniciens affirmaient
l’existence. Également, l’être du bien,
c'est-à-dire la quiddité du bien, n’est pas non plus dans ce bien[168]. C’est comme pour dire que cette dissociation doit être comprise
comme la séparation entre la quiddité du bien et l’idée du bien, ainsi que
d’un bien particulier appelé ainsi par participation à l’idée. Autre
sens : et l’être de ce dernier
n’est pas bon non plus, c'est-à-dire qu’il n’appartient pas non plus à ce dernier (l’essence) d’être bon, de
telle sorte que l’essence du bien est séparée du bien et inversement. |
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[82931] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 10 Et quod praedicta inconvenientia sequantur hac
positione facta, patet: quia scientia uniuscuiusque in hoc consistit, quod
sciatur quod quid erat esse illi: et hoc similiter se habet et in bono et in
omnibus aliis. Quare sequitur, quod si huic quod est esse bono, idest
quidditati boni, non inest bonum, nec etiam ei quod est esse enti,
idest quidditati entis, inest ens, nec similiter ei quod est uni, inest unum;
quia similiter aut omnia, aut nullum eorum sunt eadem cum suis quidditatibus.
Si autem bonum propter separationem praedictam non inest ei, quod est esse
bonum, ergo nec e contrario esse bonum inerit bono. Quare etiam nec quod est
esse enti erit idem cum ente, nec aliquod aliorum habebit in se unum quod
quid est. Et ita si unumquodque scitur per quod quid est, nulla res poterit
sciri: quod fuit primum inconveniens. |
Et il est évident que les
absurdités signalées s’ensuivent de cette théorie, car la science de toute
chose consiste dans le fait d’en connaître l’essence, et il en va pour le
bien comme pour tout le reste. Il s’ensuit par conséquent que si le bien
n’est pas présent dans l’être du bien, c'est-à-dire
la quiddité du bien, et si l’être n’est pas présent non plus dans celui de l’être, c'est-à-dire dans la
quiddité de l’être, pareillement, l’un n’est pas non plus dans l’être de
l’un, car ou bien tout est également identique à sa quiddité, ou bien rien ne
l’est. Mais si, à cause de l’existence séparée en question, le bien n’est pas
dans l’être du bien, inversement, l’être du bien n’est donc pas non plus dans
le bien. Il s’ensuit que l’être de l’être n’est pas non plus la même chose
que l’être, et rien d’autre non plus n’a en lui une essence unique. Et alors,
si toute chose est connue par son essence, aucune ne peut être connue; et
telle était la première absurdité. |
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[82932] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 11 Iterum patet quod sequitur secundum, idest
quod nihil erit ens, nec bonum, nec animal, nec aliquid huiusmodi; quia non
poterit bonum esse illud, cui non inest hoc, quod est bono esse, idest
quod quid est boni. Si igitur quod quid est boni est separatum a bono, et
quod quid erat entis ab ente, sequetur quod ista, quae dicuntur bona et
entia, non sunt bona, nec entia: quod fuit secundum inconveniens. |
Il est également évident que la deuxième[169] s’ensuit, c'est-à-dire qur rien n’est être, ni bien, ni animal, ni rien du
genre, car ce en quoi ne se trouve pas l’être
du bien, c'est-à-dire l’essence du bien, ne peut pas être un bien. Si donc
l’essence du bien est séparée du bien et l’essence de l’être est séparée de
l’être, il s’ensuit que les choses qui sont appelées des biens et des êtres
ne sont pas des biens ni des êtres, ce qui était la deuxième absurdité. |
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[82933] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 12 Deinde cum dicit necesse igitur concludit
philosophus conclusionem principaliter intentam; dicens, quod ex quo per
diversitatem et separationem eius quod quid erat esse a rebus, sequitur quod
res nec sunt scitae, nec entes, quod est inconveniens, necesse est igitur
esse unum benignum, et hoc quod est benigno esse, idest quod quid est
benigni, et bonum et bono esse, idest quod quid est boni. Et ponit haec duo, ut benignum pertineat ad bona
particularia, quae Platonici dicebant bona per participationem, bonum autem
ad ipsam ideam boni. Et
similiter est de omnibus aliis, quae dicuntur per se et primo, et non per
aliud sive per accidens, quia in illis est alia ratio, ut dictum est. Ad hoc
enim quod res sint scitae, et quod sint entes, hoc est sufficiens, scilicet
quod quod quid erat rei sit idem cum re si extiterit, idest si fuerit
verum, quamvis non sint species ideales, quas Platonici ponebant. |
Ensuite, lorsqu’il dit : Il est donc nécessaire, etc., le
Philosophe tire la conclusion principale qu’il visait, en disant que du fait
que la différence et la séparation entre l’essence et les choses entraîne
tant l’ignorance des choses que celle des êtres, ce qui est absurde, il est donc nécessaire que l’affable et
l’être de l’affable, c'est-à-dire l’essence de l’affable, soient la même chose, ainsi que le bont l’être du bon, c’est-à-dire l’essence du bon. Et il mentionne ces deux choses au
sens où l’affable appartient aux biens particuliers, que les Platoniciens
disaient être des biens par participation, et où le bien appartient à l’idée
même du bien. Et il en va de même de toutes les autres choses qui se disent
en soi et de façon première, et non du fait d’un autre ou par accident, car
celles-ci sont considérées autrement, comme on l’a dit. En effet, pour que
les choses soient connues et qu’elles soient des êtres, cela suffit (il suffit que l’essence de la chose soit identique à
la chose) s’il exise, c’est-à-dire
si la chose est vraie, même si les espèces idéales supposées par les Platoniciens
n’existent pas. |
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[82934] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 13 Licet non propter aliud ponerent Platonici species,
nisi ut per eas possit haberi scientia de istis sensibilibus, ut per earum participationem
essent. Sed forsan magis est sufficiens ad praedictam positionem, quod quod
quid est esse rei sit idem cum re quam ipsae species, etiam si verum sit quod
sint species, quia species sunt separatae a rebus. Magis autem aliquid
cognoscitur et habet esse per id quod est sibi coniunctum et idem, quam per
id quod est ab eo separatum. |
Il est vrai que les Platoniciens
n’affirmaient l’existence des espèces pour aucune autre raison que pour
pouvoir avoir par elles la sciences des choses sensibles, de sorte qu’elles
existent du fait de leur participation aux espèces. Mais pour établir
l’assertion ci-dessus, il suffit peut-être que l’essence soit identique à la
chose plutôt qu’à ces espèces, même s’il était vrai qu’il existe des espèces,
puisque les espèces sont séparées des choses. Or, une chose est davantage
connue et a davantage l’existence par ce qui lui est uni et identique que par
ce qui en est séparé. |
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[82935] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 14 Ex hoc autem philosophus dat intelligere
destructiones specierum. Si enim species non ponuntur nisi propter scientiam
rerum, et esse earum, et ad hoc sufficit alia positio, etiam hoc non posito
et eo posito magis quam hoc, sequitur quod vanum sit ponere species. |
Par cette réflexion, le Philosophe
donne à comprendre que les espèces sont détruites. En effet, si on affirme
l’existence des espèces que pour avoir la science des choses et leur être, et
si une autre théorie suffit pour cela quand on l’accepte et même quand on
n’accepte pas la théorie des espèces, il s’ensuit qu’il est inutile de
supposer des espèces. |
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[82936] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 15 Similiter ad idem ostendendum, scilicet quod non
sunt species, palam est, quia si sunt ideae quales Platonici eas esse dicebant,
sequetur quod id, quod est subiectum, scilicet quod haec res sensibilis non
sit substantia. Ponebant enim Platonici, quod necesse est ideas esse
substantias, et non esse de aliquo subiecto. Proprium enim est substantiae in
subiecto non esse. Sed si ista subiecta, idest, si ista sensibilia sint
substantiae, oportet quod sint secundum participationem illarum specierum; et
ita illae species erunt de subiecto. |
Également pour montrer la même chose,
à savoir qu’il n'y a pas d’espèces, il est évident que s’il existe des idées
telles que les Platoniciens les décrivaient, il s’ensuit que ce qui est le
sujet, à savoir la chose sensible et concrète, n’est pas une substance. Les
Platoniciens affirmaient en effet qu’il est nécessaire que les idées soient
des substances et n’appartiennent à aucun sujet. En effet, le propre de la
substance est de ne pas être dans un sujet. Mais si ces sujets, c'est-à-dire
ces choses sensibles, étaient des substances, il faudrait qu’elles le soient
par participation aux espèces, et ainsi, les espèces appartiendraient à un
sujet. |
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[82937] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 16 Ex his itaque rationibus manifestum est, quod unum
est et idem non secundum accidens, unumquodque et quod quid erat esse eius.
Et similiter in sciendo, idem est scire unumquodque, et scire quid est eius. Quare
secundum expositionem prout unum esse dicuntur quae sunt unum in essendo
et in sciendo, necesse est ambo, scilicet rem et quod quid erat esse eius,
esse unum aliquid. |
Il ressort avec évidence de ces
arguments que toute chose est une avec son ce-que-c’est et ne lui est pas
identique par accident. Pareillement, pour la connaissance, c’est la même chose
de connaître n’importe quoi et de connaître son ce-que-c’est. C’est pourquoi, selon cette explication, selon
qu’on appelle un ce qui est un dans l’existence et un dans la science, il est
nécessaire que les deux, la chose et l’essence de la chose, soient un même
être. |
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[82938] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 17 Deinde cum dicit secundum accidens manifestat
solutionem positam quantum ad ea, quae dicuntur secundum accidens; dicens,
quod in his quae dicuntur secundum accidens non est verum dicere, quod sit
idem quod quid erat esse, et ipsum cuius est quod quid erat esse. Et hoc
propter duplex significare. Cum enim dicitur homo albus, ex parte subiecti
potest aliquid attribui ei ratione subiecti, vel accidentis ratione. Si ergo
diceremus, quod quod quid est albi hominis sit idem homini albo, duo possunt
significari: scilicet quod sit idem homini, vel quod sit idem albo. Et hoc
est quod dicit. Etenim potest significare subiectum cui accidit album, et
accidens. Quare patet, quod quodammodo est idem quod quid est albi
hominis cum homine albo, et quodammodo non idem. Non enim est idem homini,
nec etiam albo homini respectu subiecti, sed tamen est idem ipsi passioni,
idest albo. Idem enim est quod quid erat albo et album. Licet non possit dici
quod sit idem cum homine albo, ne intelligatur esse idem cum subiecto. |
Puis lorsqu’il dit : Mais pour ce qui est dit, etc., il
manifeste la solution donnée dans le cas des choses dites par accident, en
disant que pour les choses dites par accident, il n’est pas vrai de dire que
l’essence est la même chose que ce dont elle est l’essence. La raison en est
sa double signification. En effet, quand on dit que l’homme est blanc, du
côté du sujet, quelque chose peut lui être attribué en raison du sujet ou en
raison de l’accident. Si donc nous disions que l’essence de l’homme blanc est
la même chose que l’homme blanc, cela pourrait signifier deux choses :
qu’il est la même chose que l’homme, ou qu’il est la même chose que le blanc.
Et c’est ce qu’il dit. En effet, il peut signifier le sujet, à quoi il arrive d’être blanc et
l’accident. Il est donc évident que l’essence de l’homme blanc, d’une
certaine façon, est pareille à l’homme blanc, et d’une autre façon n’est pas
pareille. En effet, elle n’est pas pareille à l’homme, ni à l’homme blanc non
plus, pour ce qui est du sujet, mais elle est pourtant pareille pour la propriété, c'est-à-dire le
blanc. En effet, l’essence du blanc est la même chose que le blanc. On ne
peut pourtant pas dire qu’elle est la même chose que l’homme blanc, pour ne
pas faire croire qu’elle est la même chose que le sujet. |
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[82939] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 18 Deinde cum dicit absurdum vero ostendit quod
contrarium dictae solutionis est absurdum. Quod quidem necessarium fuit propter
hoc, quod superius probavit solutionem positam esse veram suppositis
speciebus, quas postmodum destruxerat. Unde necessarium fuit, ut reiteraret
probationem, probans ex parte eius quod quid erat esse, quod supra probaverat
ex parte specierum. Et circa hoc ponit duas rationes. |
Puis lorsqu’il dit : Cela semblerait également, etc., il
montre que le contraire de cette solution est absurde. Cette remarque était
nécessaire parce qu’il a prouvé plus haut que la solution donnée est vraie si
l’on admet l’existence des espèces, qu’il a réfutée par la suite. Il était
donc nécessaire de refaire la preuve, en démontrant du côté du ce-que-c’est
ce qu’il avait prouvé plus haut du côté des espèces. Et à ce sujet, il
apporte deux arguments. |
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[82940] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 19 Circa quarum primam dicit, quod dicere aliud esse
quod quid erat esse rei, et rem ipsam, apparebit absurdum si quis unicuique
eorum quod quid erat esse imposuerit nomen. Tunc enim eadem ratione, et
ipsum, et quod quid erat esse erit aliud quod quid erat esse. Verbi gratia.
Equus est quaedam res habens quod quid erat esse equo. Quod quidem si sit
alia res ab equo, habeat haec res quoddam nomen, et vocetur a. A ergo, cum
sit quaedam res, habebit quod quid erat esse, alterum a se, sicut equus; et
ita huic, quod est equo esse, erit aliud quod quid erat esse: quod patet esse
absurdum. Procedit autem haec ratio eodem modo circa quod quid est, sicut
prima ratio processerat circa ideas. Et si aliquis dicat quod quod quid est
esse quidditatis equi, est ipsa substantia, quae est quidditas equi, quid
prohibet statim a principio dicere, quod quaedam sunt suum quod quid erat
esse? Quasi dicat, nihil. |
Quant au premier, il dit que le
fait d’affirmer que l’essence d’une chose est différente de la chose même
sera visiblement absurde si on impose un nom à l’essence de chacune d’elles.
Alors en effet, pour la même raison, la chose et son essence différeront de
l’essence. Par exemple, le cheval est une chose qui a l’essence du cheval.
Donc, si cette dernière est autre chose que le cheval, donnons-lui un nom et
appelons-la A. Alors, puisque A est une chose, il aura, tout comme le cheval,
une essence autre que lui-même; et ainsi, l’être du cheval aura une autre
essence, ce qui est évidemment absurde. Or, cet argument procède au sujet de
l’essence de la même façon que le premier argument au sujet des idées. Et si
on disait que l’essence de la quiddité du cheval est la substance même, qui
est la quiddité du cheval, qu’est-ce qui nous empêche de dire tout de suite
au point de départ que certaines choses sont leur propre essence? Autrement
dit, rien ne nous en empêche. |
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[82941] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 20 Sed sciendum, quod non solum res et quod quid erat esse
eius sunt unum quocumque modo, sed etiam sunt unum secundum rationem, ut ex
dictis potest esse manifestum. Non enim est unum secundum accidens unum et
quod quid erat esse uni; sed est unum per se; et ita sunt secundum rationem
unum. |
Mais il faut savoir que la chose
et son essence ne sont pas seulement un d’une façon quelconque, mais ils sont
également un en raison, comme on peut le voir clairement d’après ce qui
précède. En effet, l’un et l’essence de l’un ne sont pas un par accident,
mais ils sont un essentiellement, et ainsi, ils sont un en raison. |
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[82942] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 21 Secundam rationem ponit ibi, amplius si quae talis
est. Si aliud est quod quid erat esse rei et res, hoc procederet in
infinitum. Oportet enim dicere quod sint duae res, quarum altera sit unum, et
altera quod quid erat esse uni. Et eadem ratione erit tertia res quae est
quod quid erat esse ei, quod est quod quid esse unius; et sic in infinitum.
Cum ergo non sit procedere in infinitum, palam est quod unum et idem est in
his, quae dicuntur primo et per se, et non per accidens, unumquodque et id
quod est unicuique esse, idem esse. |
Il donne le deuxième argument où
il dit : De plus, s’il était
différent, etc. Si l’essence de la chose diffère de la chose, on remonte
à l’infini. Il faut dire en effet qu’il y a deux choses, dont l’une est l’un
et l’autre est l’essence de l’un. Pour la même raison, il y aura une
troisième chose, qui est l’essence de l’essence de l’un, et ainsi de suite à
l’infini. Alors, comme il est impossible de remonter à l’infini, il est
évident que pour les choses qui se disent de façon première et essentielle et
non par accident, chaque chose est identique à son essence. |
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[82943] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 22 Deinde cum dicit sophistici autem dicit palam esse
quod eadem solutione qua soluta est prima quaestio, solvuntur sophistici
elenchi, qui faciunt ad hanc positionem, ad ostendendum scilicet quod non
idem sunt quod quid erat esse rei et res. Ut cum quaerunt sophistae, si est
idem Socrates et Socrati esse, et ostendunt, quod non, quia si idem est
Socrates et Socrati esse, Socrates autem est albus, sequetur quod idem sit
album et Socrati esse et cetera. Solutio patet ex praecedentibus. Sic enim
non differt, nec ex quibus interrogabit aliquis, nec ex quibus fuerit solvens,
idest non differt ex quibus procedat aliquis argumentando, nec quibus
quaestionibus adaptet aliquis solutionem, dummodo sit eadem radix solutionis.
Patet igitur ex dictis, quando quod quid erat esse uniuscuiusque est idem cum
unoquoque, et quando non. Est
enim idem in his quae sunt per se, non in his quae sunt per accidens. |
Puis lorsqu’il dit : Quant aux arguments, etc., il dit
qu’il est évident que la même solution qui a tranché la première question
résout aussi les arguments sophistiques soulevés contre cette position,
c'est-à-dire pour montrer que l’essence de la chose n’est pas pareille à la
chose. Tel est le cas quand les sophistes demandent si Socrate est la même
chose que l’être de Socrate et démontrent que non en disant que si Socrate
est la même chose que l’être de Socrate et si Socrate est blanc, il s’ensuit
que le blanc et l’être de Socrate sont la même chose, et ainsi de suite. La
solution est évidente d’après ce qui précède. En effet, peu importe à partir de quoi on pose la question et à
partir de quoi on la résout, c’est-à-dire que peu importe à partir de
quoi on procède pour argumenter, ou à quelles questions on adapte la
solution, du moment que le fondement de la solution est le même. On voit donc
avec évidence, d’après ce qu précède, quand l’essence de chaque chose est
pareille à la chose et quand elle ne l’est pas. En effet, elle est pareille
dans les choses qui existent en soi, mais pas dans les choses qui existent
par accident. |
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[82944] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 23 Sciendum est etiam ad evidentiam eorum, quae dicta
sunt, quod quod quid est esse est id quod definitio significat. Unde, cum definitio
praedicetur de definito, oportet quod quid est esse de definito praedicari.
Non igitur est quod quid est esse hominis humanitas quae de homine non
praedicatur, sed animal rationale mortale. Humanitas enim non respondetur
quaerenti quid est homo, sed animal rationale et mortale. Sed tamen humanitas
accipitur ut principium formale eius, quod est quod quid erat esse; sicut
animalitas sumitur ut principium generis, et non genus; rationalitas ut
principium differentiae, et non ut differentia. |
Pour que ces propos soient
évidents, il faut cependant savoir que l’essence est ce que signifie la
définition. Il s’ensuit, puisque la définition est attribuée à la chose
définie, que l’essence est forcément attribuée à la chose définie. Alors,
l’essence de l’homme n’est pas l’humanité, laquelle n’est pas attribuée à
l’homme, mais l’animal raisonnable mortel. En effet, à celui qui demande ce
qu’est l’homme, on ne répond pas que c’est l’humanité, mais que c’est
l’animal raisonnable mortel. Mais pourtant, on admet l’humanité comme étant
le principe formel de l’essence, tout comme on prend l’animalité comme
principe du genre et non comme genre, et la raisonnabilité comme principe de
la différence spécifique et non comme différence spécifique. |
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[82945] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 24 Humanitas autem pro tanto non est omnino idem cum
homine, quia importat tantum principia essentialia hominis, et exclusionem
omnium accidentium. Est enim humanitas, qua homo est homo: nullum autem
accidentium hominis est, quo homo sit homo, unde omnia accidentia hominis
excluduntur a significatione humanitatis. Hoc autem ipsum quod est homo, est
quod habet principia essentialia, et cui possunt accidentia inesse. Unde,
licet in significatione hominis non includantur accidentia eius, non tamen
homo significat aliquid separatum ab accidentibus; et ideo homo significat ut
totum, humanitas significat ut pars. |
Mais dans cette mesure, l’humanité
n’est pas tout à fait la même chose que l’homme, car elle englobe seulement
les principes essentiels de l’homme, dont elle exclut tous les accidents. En
effet, l’humanité est ce par quoi l’homme est homme, mais aucun des accidents
de l’homme ne fait que l’homme soit homme; il s’ensuit que tous les accidents
de l’homme sont exclus de la signification de l’humanité. Mais l’être même
qui est un homme, c’est ce qui a les principes essentiels et qui peut
posséder des accidents. Alors, bien que la signification de l’homme n’inclue
pas ses accidents, l’homme ne signifie pourtant pas quelque chose qui soit
séparé de ses accidents; c’est pourquoi l’homme signifie en tant que tout, et
l’humanité en tant que partie. |
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[82946] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 5 n. 25 Si autem est aliqua res, in qua non sit aliquod accidens,
ibi necesse est, quod nihil differat abstractum a concreto. Quod maxime patet
in Deo. |
Mais s’il existe un être qui ne
possède aucun accident, il est nécessairement pareil dans le concret et dans
l’abstrait. Et cela est surtout évident en Dieu. |
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Leçon 6, texte d’Aristote, traduit
par Guillaume de Moerbeke, v. 1260 |
Leçon 6, Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Leçon
6, texte latin de Guillaume de Moerbeke, traduit par Georges Comeau |
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Eorum autem quae fiunt haec quidem
natura fiunt haec autem arte alia autem casu. Omnia vero quae fiunt ab aliquo
fiunt et ex aliquo et aliquid. Hoc autem aliquid dico secundum quamlibet
cathegoriam; aut enim hoc aut quantum aut quale aut quando. Et generationes
autem naturales quidem hee sunt quarum generatio
ex natura est. Hoc autem ex quo fit, quam dicimus materiam; hoc autem a quo
eorum quae natura aliquid sunt; hoc autem aliquid homo aut planta aut aliud
quid talium, quae maxime dicimus substantias esse. Omnia
vero quae fiunt aut natura aut arte habent
materiam; possibile anim et esse et non esse eorum quodlibet, hoc autem est
quae in unoquoque materia. Universaliter
vero et ex quo natura et secundum quod natura (factum enim habet
naturam, ut planta aut animal) et a quo quae secundum speciem dicta natura
quae eiusdem speciei (haec autem in alio); homo namque hominem generat. Sic quidem igitur fiunt quae fiunt
propter naturam. Generationes vero
aliae dicuntur factiones. Omnes autem factiones sunt aut ab arte aut a
potestate aut a mente. Harum autem quaedam fiunt et a casu et a fortuna,
similiter ut in factis a natura; quaedam enim et illic eadem et ex spermate
fiunt et sine spermate. De hiis quidem igitur posterius perscrutandam. Ab arte
vero fiunt quorumcumque species est in
anima. Speciem autem dico quid erat esse cuiusque et primam substantiam. Et
enim contrariorum modo quodam eadem species. Privationis enim substantia quae
substantiae opposita, ut sanitas infirmitatis; illius enim absentia
ostenditur infirmitas, sanitas autem quae in anima ratio et in scientia. Fit itaque sanitas intelligente ita:
quoniam hoc sanitas, necesse si sanitas erit, hoc existere, puta
regularitatem, sed si hoc, calorem; et ita semper intelligit, donec utique
adducat in hod quod ipse valet ultimum facere. Deinde iam ab hoc motus factio
vocatur ad sanandum. Quare accidit modo quodam ex sanitate sanitatem fieri et
domum ex domo, sine materia materiam habentem; medicinalis enim ese et
aedificatoria species sanitatis et domus, dico autem substantiam sine materia
quod quid erat esse. Generationum
vero et motuum haec quidem intelligentia vocatur
illa vero factio. Quae quidem a principio et a specie intelligentia, quae
vero ab ultimo intelligentiae factio. Similiter autem et in aliis intermediis
unumquodque fit. Dico autem ut si convalescit, oportet adaequari. Quid igitur
est adaequari? Hoc. Hoc autem erit, si calefactum fuerit. Hoc vero quid est? Hoc. Existit autem hoc potestate; hoc autem iam in
ipso. Faciens itaque et unde inchoat
motus sanandi, si quidem ab arte, species est quae in anima; si vero a casu, ab hoc quod quidem
faciendi est principium facienti ab arte, ut quod in mederi forsam a calefactione
principium; hoc autem facit fricatione. Calor itaque in corpore aut pars est
sanitatis aut sequitur eum aliquid tale quod est pars sanitatis, aut per
plura; hoc autem ultimum
faciens, et quod est ita, pars est sanitatis et domus (ut lapides) et
aliorum. Quare,
sicut dicitur, impossibile factum esse, si
nichil praeextiterit. Quod quidem igitur pars ex necessitate existet, palam;
materia namque pars, inest enum et fit haec. Sed igitur et eorum quae in
ratione. Utroque autem modo dicimus multos circulos quid sunt: et materiam
dicentes quia es, et speciem quia talis, et hoc est genus in quod primum
ponitur. Aereus itaque circulus habet in ratione materiam. Ex quo
vero ut materia fit quaedam
dicuntur, quando fiunt, non illud sed illius modi; ut statua non lapis sed
lapidea, homo autem convalescens non dicitur illud ex quo. Causa vero quia
fit ex privatione et subiecto, quod dicimus materiam, ut et homo et laborens fit sanus. Magis
tamen dicimus fieri ex privatione, ut ex laborante sanus quam ex homine;
propter quod laborens quidem qui sanus non dicitur, sed homo, et homo sanus. Quorum vero privatio non manifesta
et innominabilis, ut in aere figurae cuiuslibet aut in lateribus et lignis
domus, ex hiis videtur fieri ut illic ex laborante. Propter quod sicut nec
ibi ex quo hoc, illud non dicitur, nec hic statua lignum, sed producitur
lignea, non lignum, et enea, non es, et lapidea sed non lapis, et domus
latericia sed non lateres. Quoniam neque quod ex ligno fit statua aut ex
lateribus domus, si quis valde inspexerit, non utique simpliciter dicet, quia
oportet permutato fieri ex quo, sed non permanente. Propter hoc quidem igitur
ita dicitur. |
Parmi les phénomènes qui viennent
à se produire, il y en a qui sont produits par la nature; d’autres sont le
produit de l’art; d’autres enfin sont spontanés et l’effet du hasard.
D’ailleurs, tout phénomène, qui se produit, est nécessairement produit par
quelque chose; il vient de quelque chose, et il est telle ou telle chose.
Quand je dis Quelque chose, ce terme peut s’appliquer également à toutes les
catégories : ici la substance, là la quantité, la qualité, le lieu, etc. Parmi les phénomènes qui se
produisent, ceux qu’on appelle naturels sont précisément ceux dont la
production vient de la nature. Ce dont est faite la chose qui se produit,
c’est ce que nous nommons sa matière; la cause par laquelle la chose est
produite est un des êtres qui existent déjà naturellement. Un quelconque de
ces êtres pris individuellement, c’est un homme, une plante, ou telle autre
chose de ce genre, que nous regardons éminemment comme des substances. Tout ce que produit la nature, ou
tout ce que l’art produit, a une matière, parce qu’en effet chacun des
produits de l’art et de la nature peut être ou n’être pas; et c’est là
précisément ce qu’est la matière dans chacun d’eux. D’une manière générale,
on appelle également du nom de Nature, et l’origine d’où l’être vient à
sortir, et la forme qu’il revêt ; car tout être qui se produit a une certaine
nature, comme la plante ou l’animal; et la cause par laquelle cet être est
produit, c’est sa nature, qui, sous le rapport de l’espèce et de la forme,
est identique à l’être qu’elle produit; seulement cette cause est alors dans
un autre être. C’est ainsi que l’homme engendre et produit l’homme. Tels sont donc tous les phénomènes
qui viennent de la nature. Quant aux autres, ce ne sont, à vrai dire, que des
phénomènes produits par l’homme; et tous les produits de ce genre viennent de
l’art, ou d’une certaine faculté que l’homme possède, ou de son intelligence.
Enfin, il y a des choses qui sont spontanées et qui viennent du hasard, à peu
près comme certains phénomènes de la nature; car, dans le domaine de la
nature, les mêmes êtres naissent d’un germe, ou naissent sans germe. Mais ce
sont là des considérations que nous aborderons plus tard. Les produits de l’art sont les
choses dont la forme est dans l’esprit de l’homme; et par forme, j’entends
ici l’essence qui fait de chaque chose qu’elle est ce qu’elle est, et sa
substance première. Car, à un certain point de vue, les contraires eux-mêmes
ont une forme identique ; la substance opposée est la substance de la
privation ; et, par exemple, la santé est l’opposé de la maladie ; car
l’absence de la santé révèle et constitue la maladie. La santé, c’est la
notion qui est dans l’esprit du médecin, et qui est selon la science. La
guérison, qui rend la santé, ne se produit que si le médecin se dit d’abord
dans sa pensée : « Puisqu’il s’agit de rendre la santé, il faut
nécessairement que telle chose se fasse pour que la santé soit rendue; par
exemple, il faut rétablir l’équilibre des humeurs, et si je l’obtiens, je
rétablirai la chaleur. » Et c’est en allant toujours ainsi de pensée en
pensée, que le médecin arrive à l’acte dernier qu’il doit réaliser lui-même. Le mouvement qui vient de ces
pensées successives et qui vise à guérir le malade, s’appelle une opération,
un produit de l’art. Ainsi, à un certain égard, on peut dire que la santé
vient de la santé, comme la maison vient de la maison, celle qui est
matérielle venant de celle qui ne l’est pas. C’est que la médecine et
l’architecture sont l’idée et la forme, ici de la santé, et là de la maison.
Or, ce que j’appelle la substance sans matière, c’est précisément l’essence
qui fait que la chose est ce qu’elle est. De ces produits et de ces
mouvements, l’un se nomme la pensée ; l’autre se nomme l’exécution. C’est du
principe et de l’idée que part la pensée ; et le mouvement qui part du point
extrême où la pensée peut atteindre, c’est l’exécution. Cette observation
s’appliquerait également à tous les autres intermédiaires ; et, par exemple,
pour que le malade guérisse, il faut qu’il retrouve l’équilibre des humeurs.
Mais qu’est-ce que retrouver l’équilibre ? C’est telle ou telle chose ; et le
malade arrivera à cet état, s’il rétablit sa chaleur. Et qu’est-ce encore que
la chaleur ? C’est telle ou telle chose. Or, il est possible, d’une certaine
façon, de rétablir la chaleur ; et voilà l’opération dernière qui dépend du
médecin. Ce qui agit ici et ce qui est le
point de départ du mouvement de guérison, quand la guérison vient de l’art du
médecin, c’est l’idée qu’il a dans l’esprit; et si la guérison est spontanée,
elle ne peut venir évidemment que de ce qui aurait été le principe d’action
pour le médecin, agissant selon les règles de l’art. Dans l’exemple de
guérison indiqué par nous, c’est la chaleur qui peut être considérée comme le
principe ; or, c’est par la friction qu’on produit la chaleur nécessaire.
Ainsi donc, c’est la chaleur, rétablie dans le corps, qui est un élément
direct de la santé, ou qui est suivie d’une succession plus ou moins longue
de conséquences heureuses, dont la santé a besoin. C’est là le terme dernier,
celui qui agit, et qui à ce titre est une partie, ou de la santé, ou de la
maison, comme en font partie les pierres ; ou qui fait partie de toute autre
chose. On le voit donc, il est impossible
que rien puisse se produire ainsi qu’on l’a dit, s’il n’y a pas quelque chose
de préexistant. De toute évidence, c’est quelque partie de la chose qui doit
préexister; or, la matière est une partie de la chose; et tout ensemble, elle
lui est intrinsèque, et c’est elle qui devient quelque chose. Mais la matière fait-elle partie
de la définition ? En est-elle un élément ? Si nous avons, je suppose, à
parler de cercles d’airain, nous pouvons de deux manières dire ce qu’ils
sont. En parlant de leur matière, nous disons qu’ils sont d’airain ; puis, en
parlant de leur forme, nous disons qu’ils ont telle ou telle figure ; et
c’est là le genre dans lequel le cercle rentre primitivement. Ainsi, le
cercle d’airain implique nécessairement la matière dans sa définition. Par rapport à ce dont comme
matière vient la chose, cette chose, quand elle se produit, ne prend pas le
nom même de cette matière, mais on dit qu’elle en est faite ; et, par
exemple, on ne dit pas d’une statue qu’elle est marbre, mais bien, qu’elle
est de marbre. De même, l’homme qui guérit ne reçoit pas le nom de l’état
d’où il vient ; et la raison de ceci, c’est qu’il vient de la négation
privative, et du sujet même que nous appelons la matière. Mais on peut dire tout à la fois
que c’est l’homme et le malade qui reviennent à la santé. Cependant, on dit
plutôt que c’est de la privation que vient le guéri ; c’est-à-dire que le
guéri vient du malade, plutôt qu’il ne vient de l’homme. Aussi, ne peut-on
pas dire du malade qu’il est bien portant ; mais on le dit de l’homme et de
l’homme bien portant. Dans les cas où la privation est
incertaine et n’a pas de nom spécial, comme pour l’airain, par exemple, quand
on ignore la forme quelconque qu’il doit recevoir, ou pour la maison quand on
ignore le plan que formeront les pierres et les poutres, dans ces cas-là il
semble que les choses se produisent ; comme on vient de dire que la santé se
produit en venant de la maladie. Aussi, de même que, plus haut, la chose ne
prenait pas précisément le nom de celle d’où elle sortait, de même la statue,
par exemple, si elle est en bois, n’est pas appelée bois ; mais, par une
dénomination un peu détournée, on dit qu’elle est de bois ; comme on dit
qu’elle est d’airain et non pas qu’elle est airain ; ou encore, qu’elle est
de marbre, et non pas qu’elle est marbre ; et pour la maison, qu’elle est de
briques, et non pas qu’elle est briques. Mais, si l’on veut y regarder de
près, on ne peut pas même dire que la statue est de bois, ou que la maison
est de briques ; c’est là une expression absolue qu’on ne saurait employer,
puisqu’il faut que la chose d’où se forme l’autre chose subisse un changement
; et qu’elle ne peut rester ce qu’elle est. C’est de là que vient la locution
dont on est obligé de se servir. |
Parmi
les choses qui se font, certaines se font par nature, d’autres par art,
d’autres par hasard. Mais tout ce qui se fait se fait par quelque chose,
provient de quelque chose et devient quelque chose. Mais je dis ce quelque
chose dans n’importe quelle catégorie, soit le « ceci », soit le
combien, soit le comment, soit le quand. Et
les générations naturelles sont celles dont la génération vient de la nature.
Ce dont la chose est faite, nous l’appelons matière; ce par quoi elle est
faite est parmi les êtres qui sont quelque chose par nature; cette chose même
est homme ou plante ou quelque chose du genre, que nous appelons au premier
chef des substances. Mais
tout ce qui est fait par la nature ou par l’art a une matière; en effet,
n’importe quel d’entre eux peut être ou ne pas être, et cela, c’est la
matière qui est en chacun d’eux. Mais universellement, le « ce
dont » est nature et le « ce par quoi » est nature (ce qui est
fait, en effet, a une nature, comme la plante ou l’animal); et le « ce
d’où », qui, selon l’espèce, est appelé nature de même espèce (mais
cette nature est dans un autre être), car l’homme engendre un homme. C’est
donc ainsi que se font les choses faites par nature. Les autres générations
sont appelées fabrications. Mais toutes les fabrications viennent soit d'un
art, soit d’une puissance, soit d’un esprit. Et certaines de ces choses
viennent du hasard et de la chance, de façon semblable à ce qui se fait par
nature, car là aussi, certaines des mêmes choses se font avec semence et sans
semence. Mais ces choses devront être approfondies plus tard. Les
choses faites à partir de l’art sont toutes celles dont l’espèce est dans
l’âme. Or, j’appelle espèce le ce-que-c’est de toute chose et sa substance
première. En effet, de quelque façon, l'espèce des contraires est la même. En
effet, la substance de la privation est celle de la substance opposée, comme
la santé est celle de la maladie; en effet, par son absence la maladie est
montrée; or, la santé est ce qui est dans la notion de l’âme et dans la
science. Alors, la santé se fait pour qui comprend comme suit : comme ceci
est la santé, il est nécessaire pour qu’il y ait santé que cela existe, par
exemple la régularité, mais si cela [est fait, alors il y a] chaleur; et, il
comprend toujours ainsi jusqu’à ce qu’il parvienne enfin à la chose dernière
qu’il est capable de faire. Ensuite,
le mouvement qui provient de là est appelé production en vue de guérir. C’est
pourquoi il arrive d’une certaine façon que la santé vient de la santé et la
maison vient de la maison, celle qui a une matière [venant] de celle sans
matière; en effet, l'art médical et l'art architectural sont l'espèce de la
santé et de la maison. Or, j'appelle substance sans matière le ce-que-c'est. Des
générations et des mouvements, celui-ci est appelé intelligence, celui-là
production. Celui qui est du principe et de l’espèce est l’intelligence,
celui qui part du terme de l’intelligence est la production. Et chacun des
autres intermédiaires vient à exister de la même façon. Or, je dis que si on
guérit, on doit être rendu égal. Alors, qu’est-ce qu’être rendu égal? Cela.
Mais cela se produira si on a été réchauffé. Et cela, c’est quoi? Cela. Mais
cela existe en puissance, et cela est déjà en lui. Alors,
le producteur et le point de départ du mouvement de guérison, s’il vient de
l’art, est l’espèce qui est dans l’âme, mais s’il vient du hasard, il vient
de ce qui est le principe de production pour celui qui produit par l’art,
comme celui qui vient peut-être dans le médecin du principe de réchauffement;
or, il fait cela par friction. Alors, la chaleur dans le corps ou bien fait
partie de la santé, ou bien suit quelque chose de semblable qui fait partie
de la santé, ou bien vient par plusieurs choses; mais cette dernière chose
est productrice, et ce qui est ainsi fait partie de la santé, de la maison
(comme les pierres) et d’autres choses. C’est
pourquoi, comme on le dit, il est impossible qu’une chose soit faite si rien
ne préexiste. Alors donc, qu’une partie existe nécessairement, c’est évident,
car la matière est une partie, elle est dans le produit, et elle devient
cette chose. Mais
donc, des choses qui sont dans la notion aussi? Des deux façons, nous disons
de beaucoup de cercles ce qu’ils sont : tant en disant que la matière
est de l’airain, qu’en disant que l’espèce est telle, et c'est le genre où il
est mis en premier. C’est pourquoi le cercle d'airain a la matière dans sa
notion. Mais
ce dont la chose est faite comme matière, quand certaines sont faites, elles
ne sont pas ceci, mais de cette façon; ainsi la statue n'est pas pierre mais
de pierre; quant à l'homme convalescent, on ne dit pas qu'il est ce de quoi.
La raison en est qu’il devient à partir de la privation et du sujet, que nous
appelons matière, de
même que l’homme malade devient sain. Pourtant, nous disons plutôt qu’il
vient de la privation; ainsi le sain vient du malade plutôt que de l'homme;
c'est pourquoi celui qui est sain n'est pas appelé malade mais nomme, et
homme sain. Mais
les choses dont la privation n’est pas évidente et est innommable, comme dans
l’airain n’importe quelle forme et dans les côtés et les pierres une maison,
semblent provenir de ces objets, comme celui-là vient du malade. C’est
pourquoi, de même que dans ce cas-là cette chose n'est pas appelée celle dont
elle provient, ici la statue n’est pas appelée bois, mais ce qui est produit
est en bois et non du bois, est d’airain et non airain, est en pierre mais
n’est pas pierre, et la maison est en briques mais n’est pas briques. En
effet, si on examine intensément, on ne dira absolument ni que la statue
vient du bois ni que la maison vient des briques, car il faut que ce dont
l’objet provient soit changé et ne persiste pas. C’est donc pour cela qu’on
parle ainsi. |
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Lectio 6 |
Leçon 6, commentaire de
saint Thomas (Traduction Georges Comeau, 2015)
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[82947] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 1 Postquam philosophus ostendit quid est quod quid erat
esse, et quorum est, et quod non est aliud ab eo cuius est, hic intendit
ostendere, quod quidditates et formae existentes in istis sensibilibus non
generantur ab aliquibus formis extra materiam existentibus, sed a formis quae
sunt in materia. Et hic erit unus modorum, quo destruitur positio Platonis
ponentis species separatas, quas ponebat esse necessarias ad hoc, quod per
eas scientia de istis rebus sensibilibus haberetur, et ad hoc, quod earum
participatione res sensibiles existerent, et ad hoc, quod essent principia
generationis rerum sensibilium. Ostendit autem iam in praecedenti capitulo, quod
species separatae non sunt necessariae ad scientiam rerum sensibilium, nec ad
esse earum; cum ad hoc sufficiat quod quid est rei sensibilis in re sensibili
existens, et idem ei. Unde restat ostendere, quod species separatae non sunt
necessariae ad generationem sensibilium, quod ostendit in hoc capitulo.
Dividitur ergo in partes duas. In prima praemittit quaedam, quae sunt
necessaria ad propositum ostendendum. In secunda ostendit propositum, ibi,
quoniam vero ab aliquo fit quod fit. Circa primum duo facit. Primo proponit
quasdam divisiones circa rerum generationem. Secundo manifestat eas, ibi, et generationes autem naturales.
Ponit autem duas divisiones: quarum prima accipitur penes ea quae generantur,
et modum generationis. Secunda penes ea quae ad generationem requiruntur: et
hanc ponit ibi, omnia vero quae fiunt. Dicit ergo primo, quod eorum quae
fiunt, quaedam fiunt a natura, quaedam ab arte, et quaedam a casu sive automato,
idest per se vano. Cuius divisionis ratio est, quia causa generationis, aut
est causa per se, aut est causa per accidens. Si enim est causa per se: vel
est principium motus in quo est, et sic est natura; vel est extra ipsum, et
sic est ars. Natura enim est principium motus, in eo in quo est. Ars vero non est in artificiato quod fit per artem,
sed in alio. |
Après avoir montré ce qu’est
l’essence et quelles choses ont une essence, et avoir montré qu’elle ne
diffère pas de la chose qui a une essence, le Philosophe se propose ici de
montrer que les quiddités et les formes qui existent dans les sensibles ne
sont pas engendrées par des formes existant hors de la matière, mais par des
formes qui sont dans la matière. Et cela est l’une des manières de réfuter la
théorie de Platon qui affirme l’existence d’espèces séparées, qu’il déclarait
nécessaires pour procurer la science des choses sensibles, pour que les
sensibles existent par participation à ces espèces, et pour qu’elles soient
les principes de la génération des choses sensibles. Or, il a déjà montré au
chapitre précédent que les espèces séparées ne sont pas nécessaires à la
science des choses sensibles ni à leur existence, puisqu’il suffit pour cela
que l’essence de la chose sensible se trouve dans celle-ci et lui soit
identique. Il reste donc à montrer que les espèces séparées ne sont pas
nécessaires à la génération des sensibles, ce qu’il montre au présent
chapitre. Celui-ci se divise donc en deux parties. Dans la première, il
introduit des éléments qui sont nécessaires pour prouver sa thèse. Dans la
deuxième, il démontre sa thèse, où il dit : Alors, puisque ce qui est fait,
etc. (leçon VII). Il traite la première partie en deux points. En premier, il
présente certaines divisions concernant la génération des choses. En
deuxième, il les démontre, où il dit : Et les générations naturelles, etc. Il affirme donc deux
divisions. La première concerne les choses qui sont engendrées et la manière
de leur génération. La deuxième concerne ce qui est requis pour leur
génération; il la présente où il dit : Mais tout ce qui se fait, etc. Il dit donc en premier que parmi
les choses qui viennent à l’existence, certaines viennent de la nature,
d’autres de l’art, et d’autres encore de la chance ou du hasard, c’est-à-dire de l’inutile. La raison de cette division
est que la cause de la génération est soit une cause essentielle, soit une
cause accidentelle. En effet, si elle est une cause essentielle, elle est
soit une cause intérieure du mouvement, et alors elle est la nature, soit une
cause extérieure, et alors elle est l’art. En effet, la nature est le
principe du mouvement de l’être en lequel elle se trouve, mais l’art n’est
pas dans l’objet produit par l’art, mais dans un autre être. |
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[82948] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 2 Si vero est causa per accidens, sic est casus et
fortuna. Fortuna quidem in
his quae aguntur ab intellectu. Casus autem etiam in aliis. Utrumque vero sub automato, idest sub per se
vano comprehenditur, quia vanum est quod est ordinatum ad finem, et non
attingit ad illum. Et tam casus quam fortuna invenitur in his quae fiunt
propter aliquid, cum accidit aliquid praeter id quod intendebatur ab aliqua
causa per se determinata. Unde et per se dicitur, inquantum causam
determinatam habet; et vanum, inquantum praeter intentionem accidit. |
Mais si la cause est accidentelle,
il s’agit alors de la chance et de la fortune : de la fortune, chez les
êtres qui agissent par intelligence; de la chance, chez les autres. Or, les
deux sont inclus dans le hasard,
c'est-à-dire l’inutile, car l’inutile est ce qui est ordonné à une fin et ne
l’atteint pas. Et la chance aussi bien que la fortune se trouvent dans les
choses qui sont faites en vue d’un objectif, lorsqu’il arrive quelque chose
de plus que ce qui était visé par une cause en soi déterminée. C’est pourquoi
on parle d’« en soi » en
tant que l’effet a une cause déterminée, et d’inutile en tant qu’il n’est pas
produit intentionnellement. |
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[82949] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 3 Deinde cum dicit omnia vero ponit secundam
divisionem, quae sumitur penes ea, quae ad generationem requiruntur. Omnia enim quae fiunt, fiunt ab aliquo agente, et ex
aliquo, sicut ex materia, et iterum fiunt aliquid quod est terminus
generationis. Et, quia supra dixerat quod hoc aliquid proprie est in
substantiis, ideo hic docet generalius esse sumendum, ut per aliquid
intelligatur quodlibet praedicamentum, in quo potest esse generatio simpliciter
vel secundum quid, per se vel per accidens. Hoc enim quod dixit aliquid, vel
significat hoc, idest substantiam, aut quantum, aut quale, aut quando,
vel aliquod aliud praedicamentum. |
Puis lorsqu’il dit : Mais tout ce qui se fait, etc., il
donne la deuxième division, qui est fondée sur ce qui est nécessaire à la
génération. En effet, tout ce qui vient à l’être est produit par un agent,
provient de quelque chose comme de sa matière, et devient aussi quelque chose
qui est le terme de la génération. Et parce qu’il a dit plus haut que ce quelque chose se trouve au sens propre
dans les substances, il enseigne donc ici qu’il faut prendre cela de façon
plus générale en mettant ce quelque chose dans n’importe quel prédicament
dans lequel il peut y avoir génération de façon absolue ou relative,
essentiellement ou par accident. En effet, quand il dit quelque chose, cela veut dire soit ceci, c'est-à-dire la substance, soit combien, soit comment, soit
quand, soit l’un des autres prédicaments. |
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[82950] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 4 Et huius divisionis ratio est, quia in omni
generatione fit aliquid actu, quod prius erat in potentia. Nihil autem potest
dici de potentia in actum procedere, nisi per aliquod ens actu, quod est
agens, a quo fit generatio; potentia vero pertinet ad materiam, ex qua
aliquid generatur; actus vero ad id quod generatur. |
Et la raison en est que dans toute
génération, une chose qui était d’abord en puissance devient en acte. Mais
rien ne peut être décrit comme passant de la puissance à l’acte, sinon du
fait d’un être en acte, qui est l’agent et duquel provient la génération; or,
la puissance appartient à la matière dont une chose est engendrée, et l’acte
à ce qui est engendré. |
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[82951] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 6 n. 5 Deinde cum dicit et generationes manifestat quod
haec tria inveniantur in tribus modis generationis. Et circa hoc duo facit.
Primo manifestat propositum. Secundo inducit conclusionem principaliter
intentam, ibi, quare sicut dicitur. Circa primum tria facit. Primo ostendit
hoc in generatione naturali. Secundo et in generatione quae fit secundum artem,
ibi, generationes vero aliae. Tertio in generationibus quae fiunt a casu, ibi, si
vero a casu. Circa primum quatuor facit. Primo manifestat quae generationes
sint naturales; dicens, quod istae generationes sunt naturales, quarum
principium est natura, non autem ars, aut aliquis intellectus, sicut cum
generatur ignis, aut planta, aut animal ex virtute naturali rebus indita. |
Puis lorsqu’il dit : Et les générations naturelles, etc.,
il montre que ces trois choses se trouvent dans les trois sortes de
génération. Et il le fait en deux parties. En premier, il manifeste son
énoncé. En deuxième, il amène la conclusion principale qu’il visait, où il
dit : C’est pourquoi, comme on le
dit, etc. Il traite la première partie en trois points. En premier, il
démontre son énoncé pour la génération naturelle. En deuxième, il le montre
aussi pour la génération produite par l’art, où il dit : Les autres générations sont, etc. En
troisième, il le montre pour les générations qui viennent du hasard, où il
dit : mais s’il vient du hasard,
etc. Il traite le premier point en quatre parties. En premier, il montre
quelles générations sont naturelles, en disant que ce sont celles dont le
principe est la nature, et non l’art ou quelque intelligence, comme lorsque
le feu, une plante ou un animal est engendré par une vertu naturelle inscrite
dans les choses. |
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[82952] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 6 n. 6 Deinde cum dicit hoc autem exemplificat in
generationibus naturalibus tria praemissa; dicens, quod in generatione
naturali, hoc quidem est, ex quo fit quod generatur, quod dicitur materia. Hoc autem a quo generatur aliquid eorum quae sunt
secundum naturam, quod dicitur agens. Hoc vero est aliquid, scilicet quod generatur, ut
homo aut planta, aut aliquid talium, quae maxime dicimus esse substantias,
idest substantias particulares compositas, de quibus magis est manifestum
quod sint substantiae, ut supra habitum est. Materia autem et forma, quae est
principium actionis in agente, non sunt substantiae, nisi inquantum sunt
principia substantiae compositae. |
Puis lorsqu’il dit : Ce dont la chose, etc., il donne des
exemples de ces trois éléments dans les générations naturelles, en disant que
dans la génération naturelle, ce à partir de quoi est faite la chose
engendrée est appelé matière. Ce par quoi est engendrée l’une des choses qui
existe par nature est ce qu’on appelle l’agent. La chose même, celle qui est
engendrée, comme l’homme, la plante ou une des choses du genre, est ce que nous appelons au premier chef des substances, c’est-à-dire des
substances particulières composées, qui sont le plus évidemment des
substances, comme on l’a vu. Mais la matière et la forme, qui est le principe
de l’action dans l’agent, ne sont pas des substances, sinon en tant qu’elles
sont les principes de la substance composée. |
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[82953] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 7 Inter autem haec tria, duo se habent ut generationis
principia, scilicet materia et agens; tertium autem se habet ut generationis
terminus, idest compositum quod generatur. Et quia natura est generationis
principium, tam materia, quam forma, quae est principium generationis in
agente, dicitur natura, ut patet secundo physicorum. Compositum autem
generatum, dicitur esse a natura vel secundum naturam. |
De ces trois éléments, deux ont le
rôle de principes de la génération, à savoir la matière et l’agent; la troisième,
le composé qui est engendré, constitue le terme de la génération. Et puisque
la nature est le principe de la génération, la matière aussi bien que la
forme, qui est le principe de la génération dans l’agent, sont appelées
nature, comme on l’a vu au livre II des Physiques.
Quant au composé engendré, on dit qu’il vient de la nature ou est selon la
nature. |
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[82954] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 8 Deinde cum dicit omnia vero probat quod unum trium,
scilicet principium ex quo, inveniatur in omni generatione; non solum in
naturali, sed etiam in artificiali (de aliis enim duobus est manifestum):
dicens, quod omnia quae fiunt vel secundum naturam vel secundum artem, habent
materiam ex qua fiunt. Omne enim quod generatur vel per artem vel per
naturam, est possibile esse et non esse. Cum enim generatio sit de non esse
in esse mutatio, oportet id quod generatur quandoque quidem esse, quandoque
non esse: quod non esset nisi esset possibile esse et non esse. Hoc autem
quod est in unoquoque in potentia ad esse et non esse, est materia. Est enim
in potentia ad formas per quas res habent esse, et ad privationes per quas
habent non esse, ut ex supra habitis patet. Relinquitur ergo, quod in omni
generatione oportet esse materiam. |
Puis lorsqu’il di : Mais tout ce qui est fait,etc., il prouve que l’un des trois[170], soit le principe d’origine,
se trouve en toute génération, non seulement naturelle mais aussi
artificielle (car c’est évident pour les deux autres conditions), en disant
que tout ce qui est fait, soit par la nature soit par l’art, a une matière
dont il est fait. En effet, tout ce qui est engendré soit par l’art, soit par
la nature, est capable d’être ou de ne pas être, En effet, puisque la
génération est un changement allant du non-être à l’être, ce qui est engendré
doit tantôt exister, tantôt ne pas exister, ce qui ne serait pas le cas s’il
ne lui était pas possible d’être et de ne pas être. Mais ce qui est en toute chose qui est en puissance à être et à ne pas
être, c’est la matière. Elle est en effet en puissance aux formes par
lesquelles les choses ont l’être, ainsi qu’aux privations par lesquelles
elles ont le non-être, comme on l’a vu plus haut. Il reste donc que dans
toute génération, il doit y avoir de la matière. |
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[82955] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 9 Deinde cum dicit universaliter vero ostendit quomodo
praedicta tria se habent ad naturam; dicens, quod universaliter quodlibet
praedictorum trium quodammodo est natura. Nam principium ex quo est generatio
naturalis, scilicet materia, dicitur natura. Et propter hoc generationes
simplicium corporum dicuntur naturales, licet principium activum generationis
eorum sit extrinsecum; quod videtur esse contra rationem naturae, quia natura
est principium intrinsecum, in qua est naturalis aptitudo ad talem formam; et
ab hoc principio tales generationes dicuntur naturales. |
Puis lorsqu’il dit : Mais universellement, il montre
comment ces trois choses se rapportent à la nature, en disant qu’universellement,
chacune de ces trois choses est nature de quelque façon. En effet, le
principe d’origine de la génération naturelle, c'est-à-dire la matière, est
appelé nature. Et pour cette raison, les générations des corps simples sont
appelées naturelles, bien que le principe actif de leur génération soit
extrinsèque. Mais cela semble
contraire à la notion de nature, car la nature est un principe intrinsèque
ayant une aptitude naturelle à une forme donnée, et c’est du fait de ce
principe que de telles générations sont appelées naturelles. |
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[82956] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 10 Et iterum illud secundum quod fit generatio,
scilicet forma generati, dicitur esse natura, sicut planta, aut animal.
Generatio enim naturalis est, quae est ad naturam, sicut dealbatio quae est
ad albedinem. |
Également, ce d’après quoi se fait
la génération, à savoir la forme de l’engendré, est appelé nature, comme la
plante ou l’animal. En effet, la génération naturelle est celle qui tend vers
la nature, comme le blanchissage tend vers la blancheur. |
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[82957] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 11 Et iterum principium, a quo fit generatio, sicut ab
agente, est natura dicta secundum speciem, quae scilicet est eiusdem speciei cum
natura generati, sed tamen est in alio secundum numerum. Homo enim generat
hominem; nec tamen genitum et generans sunt idem numero, sed specie tantum. |
Également, le principe d’où la
génération provient comme de l’agent est une nature appelée ainsi selon
l’espèce, c'est-à-dire qu’elle est de même espèce que la nature de celui qui
engendre, mais elle est pourtant dans un individu numériquement autre. En
effet, l’homme engendre un homme, et pourtant, l’engendrant et l’engendré ne
sont pas un numériquement, mais seulement en espèce. |
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[82958] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 12 Et propter hoc dicitur in secundo physicorum quod
forma et finis generationis incidunt in idem numero. Agens autem incidit cum eis in idem specie, sed non
in idem numero. Materia vero neque in idem specie, neque in idem numero. |
Pour cette raison, il est dit au
livre II des Physiques que la forme
et la fin de la génération coïncident numériquement. Quant à l’agent, il coïncide
par l’espèce, mais pas numériquement. La matière, elle, ne coïncide ni par
l’espèce, ni numériquement. |
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[82959] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 13 Alia litera habet quod principium a quo, est
secundum speciem dicta natura, aut conformis, quia videlicet non semper
generans et genitum sunt eiusdem speciei, sed semper habent aliquam
conformitatem, sicut cum equus generat mulum. Et ultimo concludit, quod illa,
quae generantur per naturam, sic generantur sicut expositum est. |
Selon une autre version, le
principe d’origine est appelé nature
selon l’espèce, ou y est conforme, car l’engendrant et l’engendré ne sont
pas toujours de même espèce, mais ils ont toujours une ressemblance de forme,
comme quand le cheval engendre un mulet. Et en dernier, il conclut que les
choses engendrées par nature sont engendrées ainsi qu’on l’a expliqué. |
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[82960] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 14 Deinde cum dicit generationes vero determinat de his
quae generantur per artem: et circa hoc duo facit. Primo distinguit
generationem quae est secundum artem ab aliis generationibus, quae sunt
secundum naturam. Secundo ostendit quomodo fiat generatio ab arte, ibi, ab
arte vero fiunt. Dicit ergo primo, quod generationes, quae sunt aliae a
naturalibus, dicuntur factiones. Quamvis enim nomine factionis, quae in
Graeco dicitur praxis, possimus uti in rebus naturalibus, sicut cum dicimus
quod calidum et ens actu, facit actu esse tale: magis tamen proprie utimur in
his quae fiunt per intellectum, in quibus intellectus agentis habet dominium
super illud quod facit, ut possit sic vel aliter facere: quod in rebus
naturalibus non contingit; immo agunt ad aliquem effectum, determinato modo
ab aliquo superiori praestito eis. Huiusmodi autem factiones vel fiunt ab
arte, vel a potestate, vel a mente. |
Puis lorsqu’il dit : Les autres générations, etc., il
traite des choses qui sont engendrées par l’art; et il en traite en deux
parties. En premier, il distingue les générations faites selon l’art des
autres générations faites par nature. En deuxième, il montre comment la
génération est réalisée par l’art, où il dit : Les choses faites à partir, etc. Il dit donc en premier que les
générations qui ne sont pas naturelles sont appelées fabrications. En effet,
même si nous pouvons employer le mot « production », ou praxis en grec, pour les choses
naturelles, comme quand nous disons que ce qui est chaud et en acte fait être
chaud en acte, ce mot s’emploie plus à propos pour les choses produites par
l’intelligence, dans lesquelles l’intellect agent a la maîtrise sur ce qu’il
fait de sorte qu’il pourrait le faire ainsi ou autrement. Ce n’est pas le cas
dans les choses naturelles; au contraire, elles agissent en vue d’un certain
effet, d’une manière déterminée par un être qui leur est supérieur. Or, ces
fabrications soit faites soit par un art, soit par une puissance, soit par un
esprit. |
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[82961] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 15 Potestas autem hic videtur pro violentia sumi. Quaedam enim in his, quae non natura fiunt,
constituuntur ex sola virtute agentis, in quibus non multum requiritur ars
aliqua, vel aliquis ordinatus processus intellectus; quod maxime contingit in
corporibus trahendis, vel proiiciendis, aut expellendis. |
Ici, le mot
« puissance » semble avoir le sens de violence. En effet, dans les
choses qui ne sont pas faites par la nature, certaines sont réalisées
uniquement par le pouvoir de l’agent et n’exigent pas beaucoup d’art ni de
démarche ordonnée de l’intelligence, ce qui est surtout le cas des corps
tttirés, projetés ou expulsés. |
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[82962] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 16 Cum autem ordo intellectus ad effectum requiritur, quandoque
quidem hoc contingit per artem, quandoque vero per solum intellectum, habitu
artis nondum perfecto. Sicut enim aliquis argumentatur per artem, aliquis
vero sine arte, ut idiotae; ita etiam aliquod opus artis aliquis per artem,
aliquis sine arte facere potest in huiusmodi per artem factibilibus. |
Mais quand la direction de
l’intelligence est nécessaire pour produire l’effet, cela se fait parfois du
fait d’un art, parfois du fait de la seule intelligence lorsque l’habitus de
l’art n’est pas encore parfait. En effet, de même que certains argumentent
avec art et d’autres sans art, comme des ignorants, de même aussi quelqu'un
produit une œuvre d’art par son art, et un autre peut produire sans art de telles choses que
l’art peut produire. |
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[82963] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 17 Harum autem generationum quae fiunt vel arte vel
potestate, vel mente, quaedam fiunt a casu et a fortuna: quando scilicet
aliquod agens per intellectum intendit finem aliquem per suam actionem, et
provenit aliquis finis praeter intentionem agentis. Sicut cum aliquis
intendit se confricare, et ex hoc sequitur sanitas, ut postea dicetur. |
Mais parmi les générations qui se
font soit par un art, soit par une puissance, soit par un esprit, certaines
proviennent du hasard et de la chance, et ce, quand un agent vise par son
intelligence une certaine fin au moyen de son action et qu’une fin se produit
hors de l’intention de l’agent : par exemple, si quelqu’un a l’intention
de se frictionner et que la santé s’ensuit, comme on le dira plus loin. |
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[82964] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 18 Et hoc similiter contingit in artificialibus, sicut
in factis a natura. Virtus enim, quae est in spermate, ut infra dicetur, assimilatur
arti. Sicut enim ars per determinata media pervenit ad formam quam intendit,
ita et virtus formativa, quae est in spermate. Sicut autem contingit effectum
qui fit per artem etiam praeter intentionem artis aut intellectus fieri, et
tunc dicitur a casu accidere: ita etiam et in illis, scilicet in rebus
naturalibus, eadem fiunt et ex spermate et sine spermate. Quae quidem cum
fiunt ex spermate, fiunt a natura; cum autem sine spermate, fiunt a casu. Et
de his perscrutandum est posterius in hoc eodem capitulo. |
Et dans les choses artificielles,
il arrive la même chose que dans les êtres produits par la nature. En effet,
la vertu qui se trouve dans la semence, comme on le dira plus loin, ressemble
à l’art. En effet, de même que l’art, par des moyens déterminés, parvient à
la forme qu’il vise, la vertu formatrice qui est dans la semence fait de
même. Mais de même que l’effet de l’art peut se produire sans l’intention de
l’art ou de l’intelligence, et on dit alors qu’il se produit par hasard, de
même là aussi, dans les êtres
naturels, les mêmes choses sont produites avec semence et sans semence[171]. Celles qui viennent d’une semence sont produites par la nature, et
celles qui sont faites sans semence proviennent du hasard. Et il faudra
étudier ces choses plus loin, dans le présent chapitre. |
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[82965] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 19 Haec autem verba hic posita, duplicem habent
dubitationem. Prima, quia cum cuiuslibet rei naturalis sit determinatus modus
generationis, non videntur esse eadem quae generantur ex spermate, et per
putrefactionem. Quod Averroes in octavo physicorum sentire videtur; dicens,
quod non potest esse idem animal in specie quod generatur ex spermate, et
quod generatur ex putrefactione. Avicenna autem e contrario sentit, quod
omnia quae generantur ex semine, eadem specie possunt generari sine semine
per putrefactionem, vel per aliquem modum commixtionis terrenae materiae. |
Les propos tenus ici donnent lieu
à deux doutes. Le premier est que, puisque tout être naturel est engendré
d’une manière déterminée, il ne semble pas que ce soient les mêmes êtres qui
sont engendrés par une semence ou par putréfaction. C’est ce qu’Averroès, au
livre VIII des Physiques, semble
avoir perçu, en disant qu’un animal engendré à partir du sperme ne peut pas
être de la même espèce qu’un animal engendré par la putréfaction. Au
contraire, Avicenne a pensé que tous les êtres qui sont engendrés à partir
d’une semence peuvent aussi être engendrés, dans la même espèce, sans semence
par la putréfaction ou par quelque autre sorte de mélange de la matière
terreuse. |
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[82966] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 20 Sententia Aristotelis videtur esse media inter has
duas opiniones, quod scilicet aliqua possunt et sine semine generari, et ex
semine; non tamen omnia, ut infra dicet. Sicut nec in artificialibus omnia
possunt fieri per artem et sine arte; sed quaedam fiunt per artem tantum, ut
domus. Animalia enim perfecta videntur non posse generari nisi ex semine; animalia
vero imperfecta quae sunt vicina plantis, videntur posse generari et ex
semine et sine semine. Sicut plantae producuntur aliquando sine semine per
actionem solis in terra ad hoc bene disposita; et tamen plantae sic productae
producunt semina, ex quibus plantae similes in specie generantur. |
La doctrine d’Aristote semble être
un moyen terme entre ces deux opinions, à savoir que certains êtres peuvent
être engendrés aussi bien avec semence que sans semence, mais pas tous, comme
on le dire plus loin. Pareillement, les êtres artificiels ne peuvent pas tous
être produits aussi bien par l’art que sans l’art, mais certains, comme la
maison, sont produits uniquement par l’art. En effet, on voit que les animaux
parfaits ne peuvent être engendrés que par une semence, mais les animaux
imparfaits, qui sont voisins des plantes, semblent pouvoir être engendrés par
une semence aussi bien que sans semence. Également, les plantes sont parfois
produites sans semence par l’action du soleil dans une terre qui y est bien
disposée; et pourtant, les plantes ainsi produites produisent des semences, à
partir desquelles des plantes d’espèce semblable sont engendrées. |
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[82967] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 21 Et hoc rationabiliter accidit. Quia quanto aliquid
perfectius est, tanto plura ad eius completionem requiruntur. Et propter hoc ad plantas et ad animalia imperfecta,
sufficit ad agendum sola virtus caelestis. In animalibus vero perfectis
requiritur cum virtute caelesti etiam virtus seminis. Unde dicitur in secundo physicorum quod homo generat
hominem et sol. |
Et il est raisonnable qu’il en
soit ainsi. En effet, quand un être est plus parfait, il faut d’autant plus
de conditions pour qu’il soit achevé. Pour cette raison, il suffit aux
plantes et aux animaux imparfaits que la puissance céleste agisse. Pour les
animaux parfaits, il faut qu’à la puissance céleste s’ajoute le pouvoir de la
semence. C’est pourquoi il est dit au livre II des Physiques que l’homme est engendré par l’homme et le soleil. |
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[82968] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 22 Secunda dubitatio est, quia videntur animalia
generata sine semine ex putrefactione, non fieri a casu, sed ex determinato
agente, scilicet ex virtute caelesti, quae in generatione eorum supplet vicem
virtutis generativae, quae est in semine: et hoc etiam vult Commentator in
nono huius. |
Le deuxième doute est que les
animaux engendés de la putréfaction et sans semence ne semblent pas produits
par hasard, mais par un agent déterminé, la puissance céleste, qui remplace
dans leur génération la puissance génératrice qui est dans la semence, et
telle est également l’opinion du Commentateur au livre IX du présent traité. |
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[82969] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 6 n. 23 Sed sciendum est quod nihil prohibet aliquam
generationem esse per se, cum refertur ad unam causam, quae tamen est per
accidens et casualis, cum refertur in aliam causam. Sicut in ipso exemplo
philosophi patet. Cum enim sanitas ex confricatione sequitur praeter
intentionem confricantis, ipsa quidem sanatio, si referatur ad naturam, quae
est corporis regitiva, non est per accidens, sed per se intenta. Si vero
referatur ad intellectum confricantis, erit per accidens et casualis.
Similiter etiam generatio animalis ex putrefactione generati, si referatur ad
causas particulares, hic inferius agentes, invenitur esse per accidens et
casualis. Non enim calor, qui causat putredinem, intendit naturali appetitu
generationem huius vel illius animalis, quae ex putrefactione sequitur, sicut
virtus, quae est ex semine, intendit productionem talis speciei. Sed si
referatur ad virtutem caelestem, quae est universalis regitiva virtus
generationum et corruptionum in istis inferioribus, non est per accidens, sed
per se intenta; quia de eius intentione est ut educantur in actu omnes formae
quae sunt in potentia materiae. Et sic recte assimilavit hic Aristoteles ea
quae fiunt ab arte, his quae fiunt a natura. |
Mais il faut savoir que rien
n’empêche que certaines générations soient essentielles en ce qu’elles se
rapportent à une cause unique, et qu’elles soient pourtant par accident et
par hasard quand elles se rapportent à une autre cause. Cela est évident dans
l’exemple donné par le Philosophe. En effet, quand la santé est produite par
la friction hors de l’intention de celui qui frictionne, cette guérison, si
on la rapporte à la nature, qui régit le corps, n’est pas par accident mais
est visée en elle-même. Mais si on la rapporte à l’intelligence de celui qui
frictionne, elle se produit par accident et par hasard. Pareillement, la
génération de l’animal engendré par putréfaction, si on la rapporte aux
causes particulières qui agissent ici-bas, se trouve être produite par
accident et par hasard. En effet, la chaleur, qui cause la putréfaction, ne
vise pas par son appétit naturel la génération de tel ou tel animal qui
provient de la putréfaction, comme le pouvoir qui vient de la semence vise à
produire une espèce donnée. Mais si on la rapporte à la puissance céleste,
qui régit universellement la génération et la corruption ici-bas, la
génération n’est pas visée par accident, mais en soi, car elle a pour visée
de conduire à l’acte toutes les formes qui sont en puissance dans la matière.
Et alors, Aristote a eu raison de comparer ici ce qui est produit par l’art
avec ce qui est produit par la nature. |
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[82970] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 24 Deinde cum dicit ab arte vero ostendit modum generationis,
quae est ab arte; et praecipue quantum ad principium effectivum. De principio
enim materiali iam supra dixerat cum locutus fuerat de generatione naturali.
Circa hoc autem duo facit. Primo ostendit quid sit principium activum in
generatione quae est per artem. Secundo ostendit quomodo ab hoc principio
generatio procedat, ibi, fit itaque sanitas. Dicit ergo primo, quod illa
fiunt ab arte, quorum species factiva est in anima. Per speciem autem exponit
quod quid erat esse cuiuslibet rei factae per artem, ut quod quid erat esse
domus, quando fit domus. Et hoc etiam nominat primam substantiam,
idest primam formam. Et hoc ideo, quia a forma quae est in anima nostra,
procedit forma quae est in materia in artificialibus; in naturalibus autem e
contrario. |
Puis lorsqu’il dit : Les choses faites à partir de l’art,
etc, il montre la manière de génération qui vient de l’art, et surtout pour
ce qui est du principe efficient. En effet, il a déjà parlé du principe
matériel quand il traitait de la génération naturelle. Il traite donc ce
sujet en deux points. En premier, il montre quel est le principe actif de la
génération produite par l’art. En deuxième, il montre comment la génération
procède de ce principe, où il dit : Alors,
la santé se fait, etc. Il dit donc en premier que les choses produites
par l’art sont celles dont l’espèce productrice est dans l’âme. Il explique
l’espèce comme étant l’essence de toute chose produite par l’art, telle que
l’essence de la maison quand une maison est fabriquée. Et il appelle espèce sa
substance première, c’est-à-dire la forme première. La raison en est que
la forme qui est dans la matière des choses artificielles procède de la forme
qui est dans notre âme; dans les êtres naturels, c’est l’inverse. |
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[82971] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 25 Haec autem forma quae est in anima, differt a forma,
quae est in materia. Nam contrariorum formae in materia sunt diversae et
contrariae, in anima autem est quodammodo una species contrariorum. Et hoc
ideo, quia formae in materia sunt propter esse rerum formatarum: formae autem
in anima sunt secundum modum cognoscibilem et intelligibilem. Esse autem
unius contrarii tollitur per esse alterius; sed cognitio unius oppositi non
tollitur per cognitionem alterius, sed magis iuvatur. Unde formae oppositorum
in anima non sunt oppositae. Quinimmo substantia, idest quod quid erat
esse privationis, est eadem cum substantia oppositi, sicut eadem est ratio in
anima sanitatis et infirmitatis. Per absentiam enim sanitatis cognoscitur
infirmitas. Sanitas autem, quae est in anima, est quaedam ratio, per quam
cognoscitur sanitas et infirmitas; et consistit in scientia, idest in
cognitione utriusque. |
Mais la forme qui est dans l’âme
diffère de la forme qui est dans la matière. En effet, les formes des
contraires dans la matière sont diverses et contraires, alors que dans l’âme,
les contraires sont en quelque sorte de même espèce. La raison en est que les
formes qui sont dans la matière sont en vue de l’existence des choses
formées, alors que les formes qui sont dans l’âme ont un mode d’être
connaissable et intelligible. Or, l’être d’un contraire est supprimé par
l’être de l’autre, mais la connaissance d’un opposé n’est pas supprimée par
la connaissance de l’autre; elle y trouve plutôt une aide. C’est pourquoi les
formes des opposés dans l’âme ne sont pas opposées. Bien au contraire, la substance, c'est-à-dire l’essence,
de la privation est la même que la substance de son opposé; par exemple, la
notion de la santé et celle de la maladie sont pareilles dans l’âme : en
effet, c’est par l’absence de la santé qu’on connaît la maladie. *** |
en
effet, par son absence la maladie est montrée; or, la santé est ce qui est
dans la notion de l’âme et dans la science. Alors, la santé se fait pour qui comprend
comme suit : comme ceci est la santé, il est nécessaire pour qu’il y ait
santé que cela existe, par exemple la régularité, mais si cela [est fait,
alors il y a] chaleur; et, il comprend toujours ainsi jusqu’à ce qu’il
parvienne enfin à la chose dernière qu’il est capable de faire. Ensuite,
le mouvement qui provient de là est appelé production en vue de guérir. C’est
pourquoi il arrive d’une certaine façon que la santé vient de la santé et la
maison vient de la maison, celle qui a une matière [venant] de celle sans
matière; en effet, l'art médical et l'art architectural sont l'espèce de la
santé et de la maison. Or, j'appelle substance sans matière le ce-que-c'est. |
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[82972] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 26 Deinde cum dicit fit itaque ostendit quomodo ab hoc
principio procedatur ad sanitatem. Et circa hoc duo facit. Primo ostendit
quomodo sanitas quae est in anima, sit principium sanationis. Secundo quomodo
diversimode accipitur principium in actione artis, ibi, generationum vero et
motuum. Dicit ergo quod, cum sanitas quae est in anima, sit principium
sanitatis quae fit per artem, ita fit sanitas in materia aliquo intelligente
quod sanitas est hoc, scilicet vel regularitas vel adaequatio calidi,
frigidi, humidi et sicci. Et ideo necesse est, si sanitas debet contingere,
quod hoc existat, scilicet regularitas vel aequalitas humorum. Et si
regularitas vel aequalitas debeat esse, oportet quod sit calor, per quem
humores reducantur ad aequalitatem; et ita semper procedendo a posteriori ad
prius, intelliget illud quod est factivum caloris, et quod est factivum
illius, donec reducatur ad aliquod ultimum, quod ipse statim posset facere,
sicut hoc quod est dare talem potionem; et demum motus incipiens ab illo quod
statim potest facere, nominatur factio ordinata ad sanandum. |
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[82973] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 27 Patet ergo, quod sicut in naturalibus ex homine
generatur homo, ita in artificialibus accidit quodammodo ex sanitate fieri
sanitatem, et ex domo domum; scilicet ex ea quae est sine materia in anima
existens, illa quae habet materiam. Ars enim medicinalis, quae est principium
sanationis, nihil est aliud quam species sanitatis, quae est in anima; et ars
aedificativa est species domus in anima. Et ista species sive substantia sine
materia, est quam dixit supra quod quid erat esse rei artificiatae. |
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[82974] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 28 Deinde cum dicit generationum vero ostendit quomodo diversimode
accipitur principium in actionibus artis; et dicit quod in generationibus et
motibus artificialibus est aliqua actio quae vocatur intelligentia et aliqua
quae vocatur factio. Ipsa enim excogitatio artificis vocatur intelligentia,
quae incipit ab hoc principio, quae est species rei fiendae per artem. Et
haec operatio protenditur, ut supra dictum est, usque ad illud quod est
ultimum in intentione, et primum in opere. Et ideo illa actio quae incipit ab
ultimo, ad quod intelligentia terminatur, vocatur factio, quae est motus iam
in exteriorem materiam. |
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[82975] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 29 Et sicut diximus de actione artis respectu formae,
quae est ultimus finis generationis artificialis, similiter est de omnibus aliis
intermediis. Sicut ad hoc quod convalescat, oportet quod adaequentur humores.
Hoc igitur ipsum quod est adaequari, est unum de intermediis, quod est
propinquissimum sanitati. Et sicut medicus, ad hoc quod faceret sanitatem,
incipiebat considerando quid est sanitas: ita, ad hoc quod faciat
adaequationem, oportet quod sciat quid est adaequatio; videlicet quod
adaequatio est hoc, scilicet debita proportio humorum in respectu ad
naturam humanam. Hoc autem erit si corpus fuerit calefactum; quando
scilicet quis infirmatur propter defectum caloris. Et iterum oportet quod
sciat quod quid est hoc, scilicet calefieri: sicut si dicatur quod calefieri
est immutari a medicina calida. Et hoc, scilicet dare medicinam calidam,
existit statim in potestate medici, et est iam in ipso, idest in
potestate eius, ut talem medicinam det. |
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[82976] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 30 Sic igitur patet, quod principium faciens sanitatem,
unde incipit motus ad sanandum, est species, quae est in anima, vel ipsius sanitatis,
vel aliorum intermediorum, per quae acquiritur sanitas. Et hoc dico, si sanatio fiat ab arte. Si autem fiat
alio modo, non erit principium sanitatis species quae est in anima; hoc enim
est proprium in operationibus artis. |
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[82977] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 31 Deinde cum dicit si vero manifestat quomodo fiunt
generationes casuales: et dicit, quod quando sanatio fit a casu, tunc
principium sanitatis fit ab hoc, quod est principium faciendi sanitatem apud
eum qui facit sanitatem secundum artem. Sed hoc est intelligendum de
principio factionis, quod est ultimum in intelligendo, et primum in
exequendo. Sicut in medicando
principium sanitatis aliquando forsan fit a calefactione. Et hinc etiam incipit sanatio, quando aliquis a casu
sanatur, quia calorem aliquis excitat confricatione praeter intentionem
confricantis. Calor itaque in corpore excitatus per fricationem vel
medicationem, aut est pars sanitatis, quasi intrans substantiam sanitatis,
sicut cum ipsa alteratio calefactionis ad sanitatem sufficit; aut sequitur ad
calorem aliquid quod est pars sanitatis, sicut cum per calorem fit sanitas
per hoc quod calor dissolvit aliquos humores compactos, quorum dissolutio est
iam constituens sanitatem. Aut etiam hoc potest esse per plura media; sicut
cum calor consumit humores superfluos impedientes aliquos meatus in corpore;
quibus consumptis fit debitus motus spirituum ad aliquas determinatas partes
corporis: et hoc ultimum est iam faciens sanitatem. Et quod est ita,
scilicet quod est proximum sanitatis factivum est aliqua pars sanitatis,
idest intrans in constitutionem sanitatis. Et similiter est in aliis
artificialibus. Nam partes domus sunt lapides, quorum compositio iam est
aliquid domus. |
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[82978] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 32 Deinde cum dicit quare sicut concludit conclusionem
principaliter intentam: et circa hoc duo facit. Primo includit conclusionem
intentam. Secundo removet quamdam dubitationem, ibi, ex quo vero ut materia
fit. Dicit ergo primo, quod ex quo omne quod generatur, generatur ex materia,
et iterum generatur a suo simili, impossibile est aliquid esse factum, nisi
aliquid praeexistat, sicut dicitur communiter. Communis enim philosophorum
naturalium sententia erat, quod ex nihilo nihil fit. Palam est autem, quod id
quod praeexistit, oportet quod sit pars rei generatae. Constat enim, quod
materia quae praeexistit est pars generati. Quod ex hoc probari potest: quia
materia est in generato, et ipsa fit generatum dum in actum educitur. Nec solum
pars quae est materia praeexistit; sed, sicut ex dictis patet, etiam
praeexistit pars quae est in ratione, scilicet forma. Haec enim duo, scilicet
materia et forma, sunt partes generati. |
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[82979] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 33 Utroque enim modo possumus assignare quid sint circuli
aerei vel circuli multi, secundum aliam literam, idest
particulares et distincti; et dicentes materiam quae est aes, et dicentes
speciem, idest formam, quae est talis figura. Et recte dicit multos circulos
particulares. Nam circulus secundum speciem et formam est unus tantum.
Multiplicatur autem et individuatur per materiam. Et haec, scilicet figura,
est genus, in quod primo collocatur circulus aereus. Et ita patet ex dictis,
quod circulus aereus in sua definitione habet materiam. Quod autem species
geniti praeexistat, supra ostensum est in naturalibus et in artificialibus
generationibus. |
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[82980] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 34 Deinde cum dicit ex quo vero removet quamdam dubitationem.
Illud enim ex quo aliquid fit ut ex materia, quandoque praedicatur non in
abstracto, sed denominative. Quaedam enim dicuntur non esse illud,
idest materia, sed illiusmodi. Sicut statua non dicitur lapis, sed
lapidea. Sed homo convalescens non dicitur illud ex quo, idest non
recipit praedicationem eius ex quo fieri dicitur. Fit enim convalescens ex
infirmo. Nec dicitur quod convalescens sit infirmus. |
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[82981] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 35 Huiusmodi autem causa est, quia dupliciter dicitur
aliquid fieri ex aliquo: scilicet ex privatione, et ex subiecto quod dicitur
materia: sicut dicitur quod homo fit sanus, et quod laborans fit sanus.
Dicitur autem magis aliquid fieri ex privatione quam ex subiecto; sicut magis
dicitur aliquis fieri sanus ex laborante, quam ex homine. Sed hoc fieri hoc, magis dicimus in subiecto quam in
privatione. Magis enim dicimus
proprie quod homo fit sanus, quam quod laborans. Et ideo ille qui est sanus,
non dicitur laborans, sed magis dicitur homo; et e converso homo dicitur
sanus. Sic ergo id quod fit, praedicatur de subiecto, non autem de
privatione. |
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[82982] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 6 n. 36 Sed in quibusdam privatio est non manifesta et innominata;
sicut privatio cuiuscumque figurae in aere, non habet nomen, nec etiam
privatio domus in lateribus et in lignis. Et ideo utimur materia, pro materia
et privatione simul. Et propter hoc, sicut illic dicimus, quod sanus fit ex
laborante, ita hic dicimus quod statua fit ex aere, et domus ex lapidibus et
lignis. Et propter hoc etiam, sicut ibi id ex quo fit aliquid, sicut ex
privatione, non praedicatur de subiecto, quia non dicimus quod sanus sit
laborans, ita nec hic dicimus quod statua sit lignum; sed praedicatur
abstractum in concreto, dicendo quod non est lignum, sed lignea, nec aes, sed
aerea, nec lapis, sed lapidea. Et similiter domus non est lateres, sed
lateritia. Quia si quis diligenter inspiciat, nec fit statua ex ligno, nec
domus ex lateribus simpliciter loquendo, sed per aliquam permutationem. Fiunt
enim ista ex istis sicut ex aliquo permutato, et non sicut ex permanente. Aes
enim infiguratum non manet dum fit statua, nec lateres incompositi dum fit
domus. Et propter hoc in praedictis ita dicitur, idest talis fit
praedicatio. |
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Leçon 7, texte d’Aristote, traduit
par Guillaume de Moerbeke, v. 1260 |
Leçon 7, Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Leçon 7, texte latin de Guillaume
de Moerbeke, traduit par Georges Comeau |
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Quoniam
vero ab aliquo fit quod fit (hoc autem dico unde principium generationis est) et ex aliquo (sit
autem non privatio hod sed materia; iam enim diffinitum est quomodo hoc
dicimus) et quod fit (hoc autem est spera aut circulus aut quodcumque evenit
aliorum), quemadmodum nec subiectum facit
es, sic nec speram, nisi secundum accidens quia aenea spera est et illam
facit. Nam hoc aliquid facere ex totaliter subiecto hoc facere est. Dico autem
quia es rotundum facere est non quod rotundum aut speram facere sed alterum
aliquid ut speciem hanc in alio. Nam si facit, ex aliquo facit alio, hoc enim
subiciebatur; ut facere eneam speram, hoc autem ita quia ex hoc quod est es,
hoc facit quod spera. Si igitur et hoc facit ipsum, palam quia similiter
faciet, et ibunt generationes in infinitum. Palam ergo quod nec species, aut
quodcumque oportet vocare in sensibili formam, non fit, nec est eius
generatio, neque quod quid erat esse huic; hoc enim est quod in alio fit aut
ab arte aut a natura aut a potestate. Aeream
vero speram esse facit. Facit enim ex aere et spera; nam in hoc hanc
speciem facit, et est hoc spera aenea; hoc autem sperae esse. Eius vero quod est sperae esse omnino
si est generatio, ex aliquo aliquid erit. Oportebit enum divisibile esse
semper quod fit, et esse hoc quidem hoc et hoc hoc; dico autem quod hoc
quidem materiam illud vero speciem. Si igitur est spera ex medio
figura aequalis, huius hoc quidem est in quo erit quod facit, hoc autem in
illo, hoc autem omne quod factum est, ut aenea spera. Palam igitur ex dictis quia quod
quidem ut species aut ut substantia dicitur non fit, synodus autem secundum
hanc dicta fit, et quod in omni generato materia inest, et est hoc quidem hoc
et hoc hoc. Utrum
igitur est quaedam spera praeter has aut domus
praeter lateres? Aut numquam facta est, si sic erat, hoc aliquid, sed quia
tale significat, hoc autem et determinatum non est, sed facit et generat ex
hoc tale, et quando generatum est, est hoc tale. Hoc autem omne hoc Callias
aut Socrates est, quemadmodum spera aenea haec, homo vero et animal
quemadmodum spera aenea totaliter. Manifestum ergo quia specierum causa,
sicut consueti sunt quidam dicere species, si sunt quaedam praeter
singularia, ad generationes et substantias nichil utiles; neque utique erunt
propter haec substantiae secundum se. In
quibusdam vero palam quia generans
tale quidem est quale generatum, nec tamen idem nec unum numero, sed unum
specie, ut in phisicis (homo namque hominem generat) nisi quid praeter
naturam fiat, ut equus mulum. Et haec quoque similiter; quod enim commune est
super equum et asinum non est nominatum, proximum genus, sunt autem ambo
forsan, velut mulus. Quare palam quia non oportet quasi
exemplum speciem probare (maxime enim in hiis exquirerentur, nam substantiae
maxime hee), sed sufficiens est generans facere et speciei causam esse in
materia. Omnis vero iam talis species in hiis carnibus et ossibus, Callias et
Socrates; et diversa quidem propter materiam (diversa namque), idem vero
specie; nam individua species. |
Tout ce qui se produit est produit par quelque
chose, que j’appelle le point de départ et le principe de la production. En
même temps, tout ce qui se produit vient de quelque chose, laquelle chose
n’est pas la privation, mais la matière, dans le sens que nous avons déjà
expliqué. Et enfin, tout ce qui se produit devient une certaine chose,
sphère, cercle, ou tel autre objet analogue, quel qu’il puisse être. De même qu’on ne peut pas faire le sujet matériel qui est l’airain,
de même on ne fait pas davantage la sphère, si ce n’est indirectement, et en
tant que la sphère d’airain est en réalité une sphère. C’est que faire une
chose particulière et individuelle, c’est la faire en la tirant absolument du
sujet. Je m’explique : rendre rond un morceau d’airain, par exemple, ce n’est
faire, ni la rondeur, ni la sphère; c’est faire quelque autre chose; en
d’autres termes, si l’on veut, c’est donner cette forme de sphère à il un
objet différent. Si l’on faisait la sphère, on ne pourrait la faire
apparemment qu’en la tirant d’une autre chose également. Ainsi, dans
l’exemple cité, on se proposait de faire une boule d’airain, c’est-à-dire de
faire de ceci, qui est de l’airain, cela qui est une sphère. Si donc on
faisait aussi la forme, on ne pourrait la faire que de la même manière ; et
dès lors, la série des productions successives se perdrait nécessairement
dans l’infini. Il est donc évident qu’on ne produit pas et qu’on ne fait pas la
forme, ni la figure que revêt l’objet sensible, quel que soit le nom qu’on
doive lui donner. Il n’y a pas de production possible de la forme, pas plus
qu’il n’y en a pour l’essence, qui fait que la chose est ce qu’elle est ; car
la forme est ce qui est produit dans une autre chose, que d’ailleurs cette
forme provienne, ou de la nature, ou de l’art, ou de toute autre faculté de
l’homme. Ici, l’on fait qu’il existe une sphère d’airain, c’est-à-dire que
l’on compose cet objet nouveau, et de l’airain, et de la forme de la sphère.
Alors, on fait que telle forme soit donnée à telle chose; et il se trouve que
la chose nouvelle est une sphère d’airain. Mais si l’on admet que c’est une production absolue qui donne
naissance à la sphère, alors il faudra encore que la chose soit faite d’une
certaine autre chose; car nécessairement ce qui se produit devra toujours
être divisible, et que d’une part il y ait ceci, et que, d’autre part, il y
ait cela ; je veux dire qu’il faudra qu’il y ait d’un côté la matière, et de
l’autre côté, qu’il y ait la forme. Si donc la sphère est bien une figure où tous les points de la
surface sont également éloignés du centre, on pourra y distinguer deux
parties, l’une qui sera ce dans quoi l’on fait ce qu’on fait, l’autre qui
sera dans la première ; et le produit dans sa totalité sera la sphère
d’airain. Ce qu’on vient de dire fait donc bien voir que ce qu’on appelle la forme,
ou la substance, ne se produit pas, à proprement parler ; que tout ce qui se
produit, c’est la rencontre des deux éléments qui en recevront leur
appellation ; que, dans tout phénomène qui vient à se produire, il y a
préalablement de la matière, et que le résultat total se compose, partie de
matière, et partie, de forme. Se peut-il donc qu’il existe une sphère en dehors des sphères que
nous voyons, une maison en dehors des matériaux qui la composent? Si l’être
réel devait exister à cette condition, il ne pourrait jamais exister, parce
que l’espèce, ou la forme, n’exprime qu’une qualité. Elle n’est pas l’objet
particulier et déterminé ; mais de tel objet qui existe, elle fait et produit
tel autre objet doué de certaine qualité ; et, une fois que cet objet a été
produit, il est doué d’une qualité qu’il n’avait pas auparavant. L’ensemble,
ou le Tout composé de la matière et de la forme, est Callias ou Socrate, tout
aussi bien qu’existe cette sphère d’airain que nous avons sous les yeux.
L’homme et l’animal sont absolument au même titre que la sphère d’airain. Ainsi donc, il est clair que les causes des espèces, nom que quelques
philosophes appliquent aux Idées, en admettant même qu’il puisse y avoir quoi
que ce soit en dehors des individus, sont parfaitement inutiles pour
expliquer les phénomènes qui se produisent, et pour expliquer les substances.
Il n’est pas moins clair que les Idées ne pourraient jamais être des
substances par elles-mêmes et en soi. Dans certains cas, il est tout aussi évident que l’être qui engendre
est pareil à l’être engendré, sans cependant qu’ils soient numériquement un
seul et même être. Entre eux, il n’y a qu’une unité d’espèce, comme ou le
voit pour les êtres que produit la nature ; et c’est ainsi qu’un homme
engendre et produit un homme. Ce qui n’empêche pas qu’il n’y ait parfois des
phénomènes contre nature : par exemple, un cheval produisant un mulet. Et
encore, dans ces cas, les choses se passent à peu près de même ; car le genre
le plus proche qui pourrait être commun au cheval et à l’âne, n’a pas reçu de
nom spécial, et ces deux animaux pourraient bien avoir quelque chose qui tint
du mulet. En résumé, on doit reconnaître qu’il n’est nullement besoin de faire de l’Idée, ou espèce, une sorte de modèle et d’exemplaire. C’est surtout pour les êtres du genre de ceux qu’on vient de nommer qu’il en faudrait, puisque ce sont eux surtout qui sont des substances. Mais pour eux, il suffit que l’être générateur agisse, et qu’il devienne cause de la forme déposée dans la matière. Le composé total n’est que telle ou telle forme réalisée dans les chairs et les os, qui forment, ou Callias, ou Socrate. Le composé est autre matériellement, puisque la matière est autre dans chacun d’eux ; mais, en espèce, le composé est le même, puisque l’espèce est indivisible. |
Alors, puisque ce qui est
fait est fait par quelque chose (et j’appelle cela principe d’origine de la
génération), à partir de quelque chose (et que cela ne soit pas la privation,
mais la matière, car on a déjà défini comment nous disons cela) et est ce qui
est fait (mais cela est la sphère, le cercle ou toute autre chose qui peut se
présenter), de même qu’on ne fait pas le
sujet airain, de même la sphère non plus, sinon par accident, car l’objet
d’airain est une sphère et on fait celle-ci. En effet, faire cet objet, c’est
le faire à partir de ce qui est totalement sujet. Mais je dis que faire de
l’airain rond n’est pas faire le rond ni la sphère, mais quelque chose
d’autre, comme cette espèce dans autre chose. Car si on la fait, on la fait à
partir d’une autre; celle-là en effet était le sujet; par exemple, faire une
sphère d’airain, et ce, de sorte qu’à partir de ce qui est de l’airain, on
fait ce qui est une sphère. Si donc on fait cela aussi, il est évident qu’on
le fait semblablement, et les générations vont aller à l’infini Il est donc évident que ni
l’espèce, ni rien qu’il faut appeler forme dans un sensible ne vient à
l’être, et il n'y en a pas génération non plus, ni de son ce-que-c’est; cela
en effet, c’est ce qui est fait dans autre chose, ou par l’art, ou par la
nature, ou par une puissance. Mais on fait être une sphère d’airain. On fait
en effet à partir de l’airain, et une sphère, car on y fait cette espèce, et
ceci est une sphère d’airain, et c’est l’être de la sphère. S’il y a absolument
génération de ce qui est l’être de la sphère, ce sera quelque chose venant de
quelque chose. Il faudra en effet que
ce qui est fait soit toujours divisible, que ceci soit ceci et que cela soit
cela, je veux dire que ceci soit la matière et que cela soit l’espèce. Si donc la sphère est une
figure égale à partir du centre, une partie d’elle est ce en quoi se trouve
ce qui est fait, et l’autre, en elle, sera ce tout qui est fait, soit la
sphère d’airain. Il est donc évident, d’après
ce qui a été dit, que ce dont on a parlé comme espèce ou comme substance
n’est pas produit, mais que la réunion portant le nom de celle-ci est produite,
et qu’en toute génération se trouve de la matière, et que ceci est ceci et
cela est cela. Alors, y a-t-il une sphère à
part celles-là ou une maison à part des briques? Ou bien elle n’est jamais
produite, s’il en était ainsi, cette chose, mais parce qu’elle signifie telle
chose, elle n’est pas cette chose et n'est pas déterminée, et quand elle a
été engendrée, elle est cette chose. Mais ce tout-cela est Callias ou
Socrate, tout comme cette sphère d’airain, mais l’homme et l’animal sont
totalement de la même façon que la sphère d’airain. Il est donc manifeste que la
cause des espèces, comme certains ont l’habitude d’appeler les espèces, s’il
en existe à part des singuliers, ne sont utiles en rien aux générations ni
aux substances, et à cause de cela elles ne seront pas des substances en soi. Mais dans certaines choses,
il est évident que l’engendrant est comme l'engendré, mais il n'est pourtant
pas pareil ni un numériquement, mais un en espèce, comme dans les ês naturels
(car un homme engendre un homme), à moins que quelque chose ne se fasse
contre nature, comme un cheval engendrant un mulet. Et c’est semblable pour
ces choses aussi; en effet, ce qui est commun au-dessus du cheval et de
l’âne, le genre prochain, n’a pas de nom; mais les deux sont peut-être comme
un mulet. C’est pourquoi il est
évident qu’il n’est pas nécessaire d’accepter l’espèce comme modèle (car
c’est dans ces choses qu’on les rechercherait surtout, car ce sont surtout
elles les substances), mais il suffit que l’engendrant produise et soit la
cause de l’espèce dans la matière. Or, toute espèce du genre dans tels chairs
et tels os est Callias et Socrate, lesquels sont certes différents à cause de
la matière (car celle-ci est différente), mais pareils en espèce, car
l’espèce est indivisible. |
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Lectio 7 |
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[82983] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 1 Praemisit superius philosophus quaedam de
generationibus rerum, quasi necessaria ad suum propositum ostendendum; scilicet
ad ostendendum, quod causae generationis rerum non sunt ponendae species
separatae. Ex quibus duo sunt
iam manifestata per praemissa: scilicet quod omnis generatio est ex aliqua
materia, et quod unumquodque quod generatur, generatur a suo simili. Nunc
autem intendit ostendere propositum ex his quae supra investigata sunt. Et
dividitur in partes tres. In prima ostendit quid sit illud quod generatur. In
secunda ostendit, quod causa generationis non est species separata, ibi,
utrum igitur est ne quaedam. In tertia determinat quaedam quae possent esse
dubia circa praedeterminata, ibi, dubitabit autem aliquis. Circa primum duo
facit. Primo ostendit quod forma non generatur nisi per accidens. Secundo
ostendit quod compositum generatur, ibi, aeream vero sphaeram. Dicit ergo
primo, quod ea quae sunt ostensa supra vera sunt. Quorum unum est, quod omne
quod fit, fit ab aliquo, et hoc est agens vel generans, a quo est principium
generationis. Et aliud est, quod omne quod generatur, generatur ex aliquo, ut
intelligatur id ex quo est generatio, non privatio, sed materia. Dictum est
enim superius, quod aliter fit aliquid ex materia, et aliter ex privatione.
Et tertium est quod in omni generatione oportet esse aliquid quod fit. Et hoc
est vel sphaera, vel circulus, vel quodcumque aliorum. |
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[82984] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 2 Ex istis suppositis debet esse manifestum, quod
sicut agens generando non facit materiam, vel subiectum generationis, quae
est aes, ita etiam non facit formam, scilicet hoc ipsum quod est
sphaera, nisi forte per accidens. Facit enim aeream sphaeram quod est
compositum. Et quia aerea sphaera, est sphaera, ideo per accidens facit
sphaeram. |
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[82985] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 3 Quod autem agens non faciat materiam, per se est
manifestum, eo quod materia praeexistit factioni: unde non oportuit eum
probare quod materia non fieret. Sed de formis poterat esse dubium, eo quod
forma non invenitur nisi in termino actionis. Et ideo oportuit eum probare
quod forma non fieret nisi per accidens. Et hoc ideo est, quia formae non
proprie habent esse, sed magis sunt quibus aliqua habent esse. Unde si fieri
est via in esse, illa tantum per se fiunt, quae per formas habent esse.
Formae autem incipiunt esse, eo modo quo sunt in illis factis, quae per
formas esse habent. |
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[82986] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 4 Et quod forma non fiat, sic probat. Facere enim hoc
aliquid, est facere hoc ex aliquo subiecto, quod est totaliter, idest universaliter
verum in omni generatione. Facere enim hoc quod est aes rotundum, non est
facere hoc ipsum quod est rotundum, scilicet rotunditatem; aut hoc
ipsum quod est facere sphaeram, scilicet formam sphaerae; sed est
facere aliquid alterum, scilicet speciem, non qualitercumque, sed
in alio, scilicet in materia: quod est facere compositum. Quod sic patet.
Si enim agens facit aliquid, oportet quod faciat ex aliquo alio sicut ex
materia. Hoc enim superius subiiciebatur, scilicet quod omnis
generatio ex materia fit, propter probationem superius inductam. Sicut agens
dicitur facere sphaeram aeream. Et hoc ideo, quia facit hoc quod est sphaera
aerea, ex hoc quod est aes. Si igitur etiam ipsam formam faciat, palam erit
quod faciet eam similiter, scilicet ex aliqua materia. Et ita sicut sphaera
aerea erit composita ex materia et forma, sic et forma sphaerae aereae erit
composita ex materia et forma: et redibit eadem quaestio de forma formae, et
sic in infinitum: et ita generationes procedent in infinitum, quia omne
generatum habet materiam et formam. Palam igitur est quod non fit species rei
generatae, nec aliquid aliud quodcumque fit, quod oporteat vocare formam in
rebus sensibilibus, sicut ordo et compositio et figura quae in aliquibus
tenet locum formae, maxime in artificialibus. |
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[82987] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 5 Et quia generatio est eius quod fit, palam est quod
nec generatio est formae, sed compositi. Nec iterum quod quid erat esse rei generatae
generatur, nisi per accidens. Sed forma et quod quid erat esse, est quod
fit in alio, idest in materia, non per se. Et dico quod fit, vel ab arte,
vel a natura, vel potestate, idest a quocumque agente per violentiam. |
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[82988] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 6 Dicit autem quod quid erat esse non fieri, quamvis
sit idem rei factae. Supra enim ostensum est unamquamque rem esse idem cum
suo quod quid erat esse. Sed tamen quod quid erat esse est quod per se
pertinet ad speciem. Unde ab eo excluduntur conditiones individuales, quae
per accidens sunt speciei. Species autem et alia universalia non generantur
nisi per accidens, singularibus generatis. |
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[82989] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 7 Sciendum tamen quod licet in litera dicatur, quod
forma fit in materia, non tamen proprie dicitur. Forma enim proprie non fit,
sed compositum. Sicut enim dicitur forma esse in materia, licet forma non
sit, sed compositum per formam: ita etiam proprius modus loquendi est, ut
dicamus compositum generari ex materia in talem formam. Formae enim proprie
non fiunt, sed educuntur de potentia materiae, inquantum materia quae est in
potentia ad formam fit actu sub forma, quod est facere compositum. |
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[82990] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 8 Deinde cum dicit aeream vero ostendit, quod
composita fiant, dicens, quod generans facit esse sphaeram aeream. Facit enim
eam ex aere quod est materia, sicut ex principio generationis, et ex sphaera,
quae est formae et generationis terminus. Facit enim hanc speciem,
idest figuram sphaerae in hoc, idest in hac materia, inquantum
scilicet transmutat hoc aes in sphaeram: et hoc est sphaera aerea, scilicet
forma sphaerae in aere. |
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[82991] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 7 n. 9 Sed hoc, scilicet figura sphaerae est esse sphaerae,
idest quod quid est sphaerae. Eius autem quod est esse sphaerae, idest
ipsius quod quid est formae, non est omnino generatio; quia si esset eius
generatio, oporteret quod esset ex aliquo sicut ex materia. Omne enim quod
fit oportet esse divisibile, ita scilicet quod eius hoc sit hoc, idest
una pars sit hoc, et hoc sit hoc, idest alia pars sit hoc. Et hoc
exponit, scilicet quod una pars eius sit materia, et alia pars eius sit
species. Si igitur quid est sphaerae quantum ad ipsam formam est quod sit
figura aequalis ex medio, idest quod sit quaedam figura solida a cuius
medio ad extremitates omnes lineae ductae sint aequales, oportet quod
huius, scilicet sphaerae aereae hoc quidem, scilicet materia, sit
in quo erat id quod facit generans, scilicet forma; et hoc sit in
illo, scilicet forma, quae scilicet est figura ex medio aequalis, et
hoc sit omne, idest totum quod factum est, scilicet aerea sphaera. |
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[82992] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 10 Palam igitur est ex dictis, quod si omne quod fit
oportet esse divisibile, quod id quod est ut species, aut quod est ut
substantia, idest ut quod quid erat esse non fit. Sed synodus,
idest compositum quod dicitur et denominatur a tali forma, vel quidditate vel
quod quid est, fit. Et iterum manifestum est quod omni generato inest
materia, et quod cuiuslibet generati hoc est hoc, et hoc est hoc,
idest una pars est materia, et alia forma. |
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[82993] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 11 Deinde cum dicit utrum igitur ostendit quod ex quo
formae non generantur sed composita, quod non oportet ponere species
separatas esse causas generationis in istis inferioribus. Sciendum est autem,
quod Platonici ponebant species esse causas generationis dupliciter. Uno modo
per modum generantis, et alio modo per modum exemplaris. Primo ergo ostendit,
quod species separatae non sunt causae generationis per modum generantis.
Secundo, quod non per modum exemplaris, ibi, in quibusdam vero palam. Dicit
ergo primo, quod considerandum est utrum sit aliqua forma universalis
praeter huiusmodi singularia, scilicet quod sit quaedam sphaera a materia
separata praeter has sphaeras quae sunt in materia. Aut etiam sit aliqua
domus universalis sine materia, praeter lapides, ex quibus constituuntur
istae domus particulares. Movet autem quaestionem in artificialibus propter
naturalia, quorum species Plato separatas posuit a materia; ut intelligatur
esse quaesitum, utrum sit homo universalis praeter carnes et ossa, ex quibus
particulares homines constituuntur. |
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[82994] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 12 Ad solutionem autem huius quaestionis, hic primo
praemittit, quod si sit aliqua substantia hoc modo facta, nullo modo erit hoc
aliquid, sed significabit tantum quale quid, quod non est determinatum.
Socrates enim significat hoc aliquid et determinatum; homo vero significat
quale quid, quia significat formam communem et indeterminatam, quia
significat absque determinatione huius vel illius. Unde si sit homo praeter
Socratem et Platonem et alios huiusmodi, non tamen erit hoc aliquid nec
determinatum. Sed nos videmus quod in generationibus, semper illud quod facit
et generat ex hoc, idest ex tali materia, est tale hoc, idest
hoc determinatum, habens determinatam speciem. Oportet enim, sicut generatum
est hoc aliquid, ita et generans esse hoc aliquid, cum generans sit simile
genito, ut supra probatum est. Et quod genitum sit hoc aliquid, ex hoc patet:
quia quod generatur est compositum. Sed hoc esse, scilicet compositum,
quando est hoc, idest determinatum, est ut Callias, aut Socrates,
sicut cum dicitur haec sphaera aerea. Sed homo et animal non significant hanc
materiam ex qua est generatio, sicut nec sphaera aerea universaliter dicta.
Si ergo compositum generatur, et non generatur nisi ex hac materia, per quam
est hoc aliquid, oportet quod id quod generatur sit hoc aliquid. Et cum
generatum sit simile generanti, oportet etiam, quod generans sit hoc aliquid.
Et ita non sit species universalis, sine materia. |
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[82995] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 13 Manifestum est ergo ex dictis, quod si sunt aliquae
species praeter singularia, nihil sunt utiles ad generationes et substantias rerum,
sicut consueti sunt quidam dicere specierum causa, idest ad hoc quod
ponant species. Haec enim erat una causa, quare Platonici species ponebant,
ut essent causa generationis in rebus. Si igitur species separatae non
possunt esse causa generationis, manifestum erit quod non erunt species
quaedam substantiae secundum se existentes. |
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[82996] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 14 Sciendum est autem, quod omnes, qui non consideraverunt
hoc, quod philosophus supra ostendit, quod formae non fiunt, passi sunt
difficultatem circa factionem formarum. Propter hoc namque quidam coacti sunt
dicere, omnes formas esse ex creatione. Nam ponebant formas fieri, et non
poterant ponere quod fierent ex materia, cum materia non sit pars formae:
unde sequebatur quod fierent ex nihilo, et per consequens quod crearentur. E
contrario autem quidam posuerunt propter hanc difficultatem, formas
praeexistere in materia actu, quod est ponere latitationem formarum; sicut
posuit Anaxagoras. |
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[82997] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 15 Sententia autem Aristotelis, qui ponit formas non
fieri, sed compositum, utrumque excludit. Neque enim oportet dicere, quod formae sint causatae
ab aliquo extrinseco agente, neque quod fuerint semper actu in materia, sed
in potentia tantum. Et
quod in generatione compositi sint eductae de potentia in actum. |
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[82998] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 16 Deinde cum dicit in quibusdam ostendit, quod species
separatae non possunt esse causa generationis per modum exemplaris; dicens,
quod licet in aliquibus sit dubium utrum generans sit simile generato, tamen
in quibusdam palam est quod generans sit quoddam tale, quale est generatum;
non quidem idem numero, sed idem specie, ut patet in naturalibus. Homo enim
generat hominem, similiter equus equum, et unaquaeque res naturalis aliam
similem in specie sibi: nisi accidat aliquid praeter naturam, sicut est cum
equus generat mulum. Et dicitur ista generatio praeter naturam, quia est
praeter intentionem naturae particularis. |
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[82999] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 17 Virtus enim formativa, quae est in spermate maris,
naturaliter est ordinata ut producat omnino simile ei, a quo sperma est
decisum; sed de secundaria intentione est, quod quando perfecta similitudo
induci non potest, inducatur qualiscumque potest similis. Et, quia in
generatione muli sperma equi non potest inducere speciem equi in materia,
propter hoc quod non est proportionata ad suscipiendum speciem equi, inducit
speciem propinquam. Unde
etiam in generatione muli est aliquo modo generans simile generato. Est enim aliquod proximum genus, quod non est
nominatum, commune equo et asino. Et sub illo genere continetur etiam mulus.
Unde secundum illud genus potest dici quod simile generat simile. Ut si verbi
gratia dicamus quod illud proximum genus sit iumentum, poterimus dicere, quod
licet equus non generet equum, sed mulum, iumentum tamen generat iumentum. |
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[83000] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 18 Patet igitur, quod omnia generata consequuntur
speciei similitudinem ex virtute generantis. Quare palam est, quod non oportet
ponere aliquam speciem separatam, quasi exemplar rebus generatis, ex cuius
imagine res generatae speciei similitudinem consequantur, ut Platonici
ponebant. Maxime enim huiusmodi exemplaria requirerentur in praedictis
substantiis naturalibus, quae sunt maxime substantiae respectu artificialium.
Sufficiens autem est in praedictis generans ad faciendum similitudinem
speciei; et est sufficiens ponere causam speciei in materia, idest
quod illud quod facit hoc generatum consequi talem speciem non sit species
extra materiam, sed species in materia. |
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[83001] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 7 n. 19 Omnis autem species, quae est in materia, scilicet in his carnibus et in his ossibus, est aliquod
singulare, ut Callias et Socrates. Et ista etiam species causans
similitudinem speciei in generando est diversa a specie generati secundum
numerum propter diversam materiam. Cuius diversitas est principium
diversitatis individuorum in eadem specie. Diversa namque est materia, in qua
est forma hominis generantis et hominis generati. Sed utraque forma est idem
secundum speciem. Nam ipsa species est individua, idest non
diversificatur in generante et generato. Relinquitur ergo, quod non oportet
ponere aliquam speciem praeter singularia, quae sit causa speciei in
generatis, ut Platonici ponebant. |
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Leçon 8, texte d’Aristote, traduit
par Guillaume de Moerbeke, v. 1260 |
Leçon 8, Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Leçon 8, texte latin de
Guillaume de Moerbeke, traduit par Georges Comeau |
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Dubitabit autem aliquis quare alia fiunt arte et a casu, ut sanitas, alia
non, ut domus. Causa vero est
quia horum quidem est materia incipiens generationis in facere et fieri
aliquid eorum quae ab arte, in qua existit aliqua pars rei, haec quidem talis
est qualis moveri ab ea illa vero non, et huius quidem sic potens
haec autem impotens. Multa namque possunt quidem ab ipsis moveri sed non sic,
puta saltare. Quorum igitur talis est materia, ut lapides, impossibile sic
moveri nisi ab alio; sic tamen utique et ignis. Propter hoc haec
quidem non erunt sine habente artem, haec autem erunt; ab hiis enim
movebuntur non habentibus quasi artem, moveri vero potentibus eis aut ab
aliis non habentibus artem aut ex parte. Palam vero ex dictis
quia modo quodam omnia fiunt ex univoco, quemadmodum naturalia, aut ex parte
univoco, ut domus ex domo aut ab intellectu (ars enim species), aut ex parte
aut habente aliquam partem, nisi secundum accidens fiat. Causa namque faciendi prima secundum se pars. Calor enim in motu calorem
in corpore fecit; is vero est aut sanitas aut pars, aut sequitur eum pars
aliqua sanitatis aut sanitas ipsa. Propter quod et dicitur facere, quia illud
facit sanitatem, cui consequitur et accidit calor. Quare, quemadmodum
in syllogismis, omnium principium est substantia; nam ex quid est syllogismi
sunt, et hic generationes. Similiter
itaque hiis et quae sunt natura constituta se habent. Nam sperma facit
sicut quae ab arte. Habet enim potestate speciem, et a quo sperma est
aliqualiter univocum – non enim omnia sic oportet quaerare ut ex homine homo;
et enim femina ex viro, unde mulus non ex mulo – sed si non orbatio fuerit. Quaecumque autem a casu,
sicut ibi fit, quorumcumque materia potest a se ipsa moveri hoc motu quo
sperma movet; quorumcumque vero non, ea impossibilia sunt fieri aliter quam
ex ipsis. Non solum autem de substantia ratio ostendit non fieri speciem, sed de omnibus
similiter primis communis ratio, ut quantitate, qualitate et aliis
cathegoriis. Fit enim velut aenea spera, sed non spera nec es, et in aere si
fit (semper enim oportet praeexistere materiam et speciem): et in quid et in
qualitate et quantitate et in aliis similiter cathegoriis. Non enim fit quale
sed quale lignum, nec quantum sed quantum lignum aut animal. Sed proprium
substantiae ex hiis accipere est quia necesse praeexistere semper alteram
substantiam actu existentem quae facit, ut animal, si fit animal; quale vero
aut quantum non necessarium nisi potestate solum. |
C’est une question de savoir comment il se fait
que certaines choses peuvent à la fois être produites par l’art, et être spontanées
: par exemple, la santé, tandis que d’autres choses ne le peuvent pas : par
exemple, la maison. En voici la cause. Dans les produits de l’art, soit que
l’art les fasse, soit simplement qu’il les transforme, la matière qui domine
et commence la production, et qui est toujours une partie intrinsèque de la
chose, est tantôt capable de se mouvoir par elle seule, et tantôt n’en est
pas capable. Même la matière qui se meut peut tantôt se donner tel mouvement
spécial, et tantôt ne peut pas se le donner. Ainsi, bien des choses qui
peuvent se mouvoir spontanément ne peuvent pas cependant se donner tel autre
mouvement particulier, comme serait de se mouvoir en cadence. De là vient
que, toutes les fois que la matière est de la même nature que celle des pierres,
par exemple, qui forment la maison, il est impossible que les choses aient
une certaine espèce de mouvement, à moins qu’elles ne le reçoivent du dehors.
Mais elles peuvent néanmoins avoir un mouvement d’une autre espèce et se
mouvoir, par exemple, comme le feu. C’est là ce qui fait que certaines choses ne pourraient se produire
sans l’aide de l’artiste qui les fait, tandis que d’autres peuvent s’en
passer ; car elles seront mises en mouvement par des êtres qui n’ont pas le
moindre rapport avec l’art, et qui peuvent être mus eux-mêmes, ou par
d’autres êtres auxquels l’art est également étranger, ou être mus dans une de
leurs parties quelconque, si ce n’est dans leur totalité. Ce qu’on vient de dire doit nous faire voir qu’en un sens toutes les
choses qui se produisent, viennent de choses qui leur sont homonymes, comme
cela se passe pour les êtres naturels, ou d’une partie homonyme, comme la
maison vient de la maison, ou de l’intelligence de l’artiste, puisque l’art
c’est la forme, ou d’une partie quelconque de la chose, ou d’un être qui
possède cette partie, à moins que les choses ne se produisent
accidentellement. La cause première de l’action de l’art est toujours une partie
essentielle de la chose. Ainsi, la chaleur déployée par le mouvement de
friction produit dans le corps la chaleur, qui est elle-même la santé, ou une
partie de la santé, ou qui du moins a pour conséquence une partie de la
santé, ou la santé tout entière. Et voilà comment on peut dire que ce qui
fait la santé est ce qui a la chaleur pour conséquence, ou pour attribut. Ainsi donc, de même que, dans les syllogismes, c’est la définition
substantielle qui est le principe de tout le reste, puisque les syllogismes
doivent toujours partir de l’essence réelle des choses, de même ici toutes
les productions de l’art partent d’un certain principe. Les êtres que produit
la nature sont absolument dans le même cas. Ainsi, le germe agit dans les
choses naturelles tout à fait comme l’artiste dans les choses de l’art. Le
germe renferme en puissance l’espèce; et l’être d’où vient le germe lui-même,
est en quelque sorte homonyme à celui qui en sort. Si je dis En quelque
sorte, c’est que les choses ne se passent pas toujours comme elles se passent
quand un homme vient d’un homme, puisque d’un homme peut venir aussi une
femme ; et c’est là ce qui fait qu’un mulet ne peut venir d’un mulet. Il n’y
a d’exception que si l’être en question est incomplet et infirme. Toutes les choses qui se produisent spontanément agissent comme on
vient de le voir ; et ce sont toutes celles dont la matière peut se donner à
elle-même un mouvement propre, analogue à celui que le germe lui-même
détermine. Quand les choses ne sont pas dans ce cas, elles ne peuvent jamais
être produites que par une cause extérieure à elles. Non seulement la discussion que nous venons d’établir, en ce qui
regarde la substance, nous démontre que la forme ne peut pas être produite ;
mais le même raisonnement s’applique également à tous les primitifs, je veux
dire, la quantité, la qualité et toutes les autres catégories. De même qu’on
produit bien la sphère d’airain, mais qu’on ne peut produire ni la sphère ni
l’airain, puisque c’est après l’airain que la sphère est produite, et qu’il
faut toujours nécessairement que la matière et la forme préexistent, de même il
se passe précisément quelque chose de pareil pour la substance, pour la
qualité, pour la quantité, et en un mot pour toutes les catégories sans
exception. En effet, ce n’est pas précisément la qualité qui est produite ; mais
c’est le bois, par exemple, qui reçoit telle qualité. Ce n’est pas la
quantité qui est produite davantage ; mais c’est le bois, ou l’animal, qui
acquiert tel volume, ou telle quantité. Seulement, ceci peut faire voir quelle est la condition propre de la substance ; c’est que toujours il faut nécessairement qu’il existe, avant elle, une autre substance complète et réelle, qui la fasse ce qu’elle est, comme l’animal fait l’animal, si c’est un animal qui est produit, tandis que cette condition n’est pas nécessaire pour la quantité ou la qualité, qui n’ont besoin que d’être en simple puissance. |
Mais on se demande pourquoi
certaines choses se font par l’art et le hasard, comme la santé, et d’autres
non, comme une maison. La raison en est que ces choses ont une matière au
point de départ de la génération dans la production et le devenir de
quelqu’une des choses provenant de l’art et en laquelle il existe une partie
de la chose, et l’une est telle qu’elle peut se mouvoir d’elle-même, mais
l’autre ne le peut pas, et l’une peut se mouvoir ainsi,
l’autre y est impuissante. Car beaucoup de choses peuvent bien se mouvoir par
elles-mêmes, mais pas ainsi, par exemple en dansant. Alors, il est impossible
que les choses dont la matière est telle, comme les pierres, se meuvent
ainsi, sinon par un autre; pourtant, le feu se meut ainsi. Pour cette raison, ces
choses-ci n’existeront pas sans un homme d’art, et ces choses-là existeront;
parmi celles-ci, en effet, les unes seront mues par ceux qui n’ont pas d’art,
pouvant être mues par elles ou par d'autres choses n’ayant pas d’art ou
l’ayant en partie. Mais il est évident d’après
ce qui précède que d’une certaine façon, tout se fait à partir d’un univoque,
à la façon des choses naturelles, ou à partir d’un univoque en partie, comme une
maison à partir d’une maison ou de l’intelligence (en effet, l’art est une
espèce), ou à partir d’une partie ou de ce qui a une certaine partie, à moins
que cela ne soit fait par accident. Car la cause première de la
production est une partie en soi. La chaleur en effet, par mouvement, fait la
chaleur dans un corps; mais elle est soit la santé, soit une partie, ou
encore, une partie de la santé ou la santé même lui fait suite. C’est
pourquoi on dit qu’elle la produit, car ce qui produit la santé est ce qui
est suivi par la chaleur ou qui l’a comme accident. C’est pourquoi, de même que
dans les syllogismes le principe de toutes choses est la substance, car les
syllogismes partent du ce-que-c’est, de même ici les générations. Les choses
constituées par la nature se comportent semblablement aussi. En effet, la
semence produit comme les choses qui viennent de l’art. Car elle a l’espèce
en puissance, et l’origine de la semence est de quelque façon univoque :
en effet, il ne faut pas s’interroger sur tout comme quand un homme vient
d’un homme, car une femme vient aussi d’un homme; c’est pourquoi un mulet ne
vient pas d’un mulet, mais seulement s’il n'y a pas suppression[172]. Mais tout ce qui se fait par
hasard se produit comme dans ce cas; c’est tout ce dont la matière peut se
mouvoir du mouvement dont la semence se meut; dans tous les cas où elle ne
peut pas, il est impossible que les choses soient produites autrement que par
eux[173]. Mais l’argument ne montre
pas seulement pour la substance que l’espèce n’est pas produite, mais
l’argument est semblable pour toutes les premières choses générales, comme la
quantité, la qualité et les autres catégories. De même en effet que la sphère
d’airain est produite, mais pas la sphère ni l’airain, et l’est dans l’airain
si elle est produite (en effet, il faut toujours que la matière et l’espèce
soient préexistantes); de même pour la quiddité, la qualité, la quantité et
pareillement pour les autres catégories. En effet, ce qui est produit
n’est pas la qualité, mais le bois de telle qualité, ni la quantité, mais le
bois ou l’animal de telle quantité. Mais on peut comprendre par
là que le propre de la substance est qu’il y préexiste toujours
nécessairement une autre substance en acte qui la produit, comme un animal,
si un animal est produit; mais ce n’est pas nécessaire pour la qualité ou la
quantité, sinon en puissance seulement. |
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Lectio 8 |
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[83002] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 1 Postquam ostendit philosophus, quod species
separatae non sunt causa generationis in istis inferioribus, hic manifestat
quaedam, quae possent esse dubia circa praedeterminata. Et dividitur in
partes tres, secundum quod tria dubia sunt quae manifestare intendit. Secunda
pars incipit ibi, palam vero ex dictis. Tertia ibi, non solum autem de
substantia. Circa primum duo facit. Primo ponit dubitationem. Secundo solvit
eam, ibi, causa vero et cetera. Oritur autem prima dubitatio ex eo quod supra
dixerat, quod, quando principium sanitatis est species, quae est in anima,
tunc sanitas fit ab arte. Quando vero sanitas non est ab hoc principio, sed a
calefactione tantum, tunc fit sanitas a casu, sicut cum accidit sanitas ex
confricatione. Hoc autem non potest accidere in domibus, quae fiunt ab arte.
Domus enim numquam fit ab aliquo principio, nisi a specie domus in anima; et
sic semper fit ab arte, et non a casu. Et ideo est dubitatio, quare quaedam
fiunt quandoque quidem ab arte, quandoque quidem a casu, ut sanitas; quaedam
vero non, sed fiunt tantum ab arte, et nunquam a casu, ut domus. |
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[83003] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 2 Deinde cum dicit causa vero solvit quaestionem; et
dicit causam praedictae differentiae in artificialibus hanc esse, quia materia,
a qua incipit generatio, secundum quam contingit facere et fieri aliquid
eorum, quae sunt ab arte, talis est, in qua existit aliqua pars rei. Oportet
namque in materia qualibet esse aptitudinem ad formam. Non enim quodlibet
artificiatum potest fieri ex qualibet materia, sed ex determinata. Sicut
serra non fit ex lana, sed ex ferro. Ipsa ergo aptitudo ad formam
artificiati, quae est in materia, iam est aliqua pars artificiati, quae est
in materia; quia sine aptitudine artificiatum esse non potest. Sicut serra
non potest esse sine duritie, per quam ferrum est ordinatum ad formam serrae. |
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[83004] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 3 Sed haec pars dupliciter invenitur in materia.
Quandoque quidem ita, quod per eam materia potest moveri a seipsa per partem
formae in ea existentem. Quandoque
vero non. Sicut in corpore humano, quod est materia sanationis, inest virtus
activa, per quam corpus potest sanare seipsum. In lapidibus autem et lignis
non est aliqua virtus activa, per quam possit moveri materia ad formam domus. |
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[83005] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 4 Et si quidem materia sic possit moveri per partem
formae, quam in se habet, ad formam, hoc contingit dupliciter. Quia quandoque potest sic moveri per principium intrinsecum,
quod est pars praedicta, sicut moveretur per artem, ut accidit in sanatione;
nam natura humani corporis eodem modo agit ad sanitatem sicut et ars.
Quandoque vero non potest moveri materia per principium intrinsecum eodem
modo sicut movetur ab arte, licet aliquo modo per ipsum moveri possit. Multa
enim sunt, quae possunt a seipsis moveri, sed non sic sicut moventur ab arte,
ut patet in saltatione. Homines
enim non habentes artem saltandi possunt quidem movere seipsos, sed non illo
modo, sicut movent se qui habent artem praedictam. |
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[83006] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 5 Illa igitur artificialia, quae habent talem naturam,
sicut lapides sunt materia domus, non possunt a seipsis moveri: impossibile
est enim moveri ea nisi ab alio. Et hoc non solum est in artificialibus, sed
etiam in naturalibus. Sic enim et materia ignis non potest moveri ad formam
ignis nisi ab alio. Et inde est, quod forma ignis non generatur nisi ab alio.
Et propter hoc quaedam artificialia non possunt fieri sine habente artem:
quae scilicet in sua materia vel non habent aliquod principium motivum ad
formam, vel non sic motivum sicut ars movet. |
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[83007] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 6 Quae vero ab aliquo extrinseco principio moveri possunt
non habente artem, possunt esse et fieri etiam sine habente artem. Movebuntur enim eorum materiae ab his quae non
habent artem. Quod quidem ostendit
dupliciter. Uno modo inquantum possunt moveri ab aliquibus aliis extrinsecis
principiis non habentibus artem; sicut arborem plantare potest etiam qui non
habet artem plantandi. Alio modo quando materia movetur ex parte,
idest ab aliquo principio intrinseco, quod est aliqua pars formae. Sicut cum
corpus humanum sanatur ab aliquo principio intrinseco, quod est aliqua pars
formae. |
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[83008] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 7 Sciendum est autem, quod occasione horum verborum,
quae hic dicuntur, quidam ponunt, quod in omni generatione naturali est aliquod
principium activum in materia, quod quidem est forma in potentia praeexistens
in materia, quae est quaedam inchoatio formae. Unde haec formae pars dicitur.
Quod quidem adstruere nituntur: primo ex hoc quod hic dicitur. Videtur enim
hic Aristoteles dicere quod illa, in quorum materia non est principium
activum, fiunt tantum ab arte. Oportet igitur, quod in materia illorum, quae
fiunt a natura, insit aliquod principium activum. |
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[83009] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 8 Secundo ex hoc, quod omnis motus, cuius principium
non est in eo quod movetur, sed extra, est motus violentus, et non naturalis.
Si igitur in his, quae generantur per naturam, non esset aliquod principium
generationis activum in materia, tunc eorum generationes non essent
naturales, sed violentae; aut non esset aliqua differentia inter generationem
artificialem et naturalem. |
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[83010] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 9 Et si obiiciatur contra eos, quod tunc ea, quae generantur
naturaliter, non indigent extrinseco generante, si eorum generatio est a
principio intrinseco: respondent quod sicut principium intrinsecum non est
forma completa, sed quaedam inchoatio formae; ita etiam non est perfectum
principium activum, ut per se possit agere ad generationem; sed habet aliquid
de virtute activa ut cooperetur exteriori agenti. Nisi enim aliquid conferret
mobile exteriori agenti, esset motus violentus: violentum enim est, cuius
principium est extra, nil conferente vim passo, ut in primo Ethicorum
dicitur. |
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[83011] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 10 Haec autem opinio videtur propinqua ponentibus
latitationem formarum. Cum enim nihil agat nisi secundum quod est in actu: si
partes vel inchoationes formarum quae sunt in materia, habent aliquam
virtutem activam, sequitur quod sint aliquo modo actu, quod est ponere
latitationem formarum. Et praeterea, cum esse sit ante agere, non potest
intelligi forma prius habere agere, quam sit in actu. |
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[83012] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 11 Et ideo dicendum est, quod sicut sola viventia
inveniuntur se movere secundum locum, alia vero moventur a principio
extrinseco, vel generante, vel removente prohibens, ut dicitur octavo
physicorum, ita secundum alios motus, sola viventia inveniuntur movere
seipsa. Et hoc ideo quia inveniuntur habere diversas partes, quarum una
potest esse movens et alia mota; quod oportet esse in omni movente seipsum,
ut probatur in octavo physicorum. Sic igitur invenimus in generatione
viventium esse principium activum intrinsecum quod est virtus formativa in
semine. Et sicut est potentia augmentativa movens in motu augmenti et
decrementi; ita est et in motu alterationis, quae est sanatio, principium
movens intra. Nam cum cor non sit susceptivum infirmitatis, virtus naturalis,
quae est in corde sano, totum corpus ad sanitatem alterat. |
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[83013] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 12 De tali igitur materia habente in se principium activum
loquitur hic philosophus, et non de rebus inanimatis. Quod ex hoc patet, quia materiam ignis comparat
materiae domus in hoc, quod utraque movetur ad formam a principio extrinseco.
Non tamen sequitur
quod generatio inanimatorum corporum non sit naturalis. Non enim oportet ad
motum naturalem, quod semper principium motus, quod est in mobili, sit
principium activum et formale; sed quandoque est passivum et materiale. Unde
et natura in secundo physicorum distinguitur per materiam et formam. Et ab
hoc principio dicitur naturalis generatio simplicium corporum, ut dicit
Commentator in secundo physicorum. Differentia tamen est inter materiam
naturalium et artificialium: quia in materia rerum naturalium est aptitudo
naturalis ad formam, et potest reduci in actum per agens naturale; non autem
hoc contingit in materia artificialium. |
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[83014] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 13 Deinde cum dicit palam vero manifestat secundum quod
poterat esse dubium ex praedictis. Dixerat enim superius quod omne quod
generatur, generatur a simili secundum speciem. Hoc autem non eodem modo se
habet in omnibus: et ideo hic manifestare intendit, quomodo hoc diversimode
in diversis inveniatur. Et circa hoc duo facit. Primo distinguit diversos
modos quibus generatum est simile generanti. Secundo manifestat eos, ibi,
causa namque faciendi. Sciendum est autem circa primum, quod omne quod
generatur ab aliquo, aut generatur per se, aut generatur ab eo per accidens. Quod autem generatur ab aliquo per accidens, non
generatur ab eo secundum quod huiusmodi. Unde non oportet in generante esse
similitudinem generati. Sicut inventio thesauri non habet similitudinem
aliquam in eo, qui fodiens ad plantandum invenit thesaurum per accidens. Sed
generans per se, generat tale secundum quod huiusmodi. Unde oportet quod in
generante per se, sit aliqualiter similitudo generati. |
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[83015] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 14 Sed hoc contingit tripliciter. Uno modo quando forma
generati praecedit in generante secundum eumdem modum essendi, et simili
materia. Sicut cum ignis generat ignem, vel homo generat hominem. Et haec est generatio totaliter univoca. |
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[83016] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 15 Alio modo quando forma generati praecedit in
generante, non quidem secundum eumdem modum essendi, nec in substantia
eiusdem rationis; sicut forma domus praecedit in artifice, non secundum esse
materiale, sed secundum esse immateriale, quod habet in mente artificis, non
in lapidibus et lignis. Et haec generatio est partim ex univoco quantum ad
formam, partim ex aequivoco quantum ad esse formae in subiecto. |
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[83017] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 16 Tertio modo quando ipsa tota forma generati non praecedit
in generante, sed aliqua pars eius, aut aliqua pars partis; sicuti in
medicina calida praecedit calor qui est pars sanitatis, aut aliquid ducens ad
partem sanitatis. Et haec generatio nullo modo est univoca. |
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[83018] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 8 n. 17 Et ideo dicit, palam ex dictis est quod aut fiunt
omnia quodammodo ex totaliter univoco, sicut naturalia, ut ignis ab igne,
et homo ab homine. Aut ex eo quod est ex parte univocum, quantum ad
formam, et ex parte aequivocum quantum ad esse formae in subiecto; sicut
domus fit ex domo quae est ars in artifice, aut ab intellectu, sive
artis habitu. Ipsa enim ars aedificativa est species domus. Aut tertio modo
fiunt aliqua ex parte formae praeexistentis in generante, sive ex ipso generante,
habente partem praedictam. Potest enim dici quod generatio fit vel ex forma,
sive parte formae, vel ex habente formam, vel partem formae. Sed ex habente
quidem sicut ex generante; ex forma sive parte formae, sicut ex eo quo
generans generat. Nam forma non
generat nec agit, sed habens formam per eam. Et hoc dico quod aliquid fit ex alio simili secundum
aliquem praedictorum modorum, nisi fiat ex eo per accidens. Tunc enim non
oportet huiusmodi similitudinem observari, sicut dictum est. |
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[83019] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 18 Deinde cum dicit causa namque manifestat modos
praedictos. Et primo in rebus artificialibus. Secundo in rebus naturalibus,
ibi, similiter itaque his. Dicit ergo primo, quod ideo oportet quod sit fieri
ex aliqua parte, quia prima causa faciendi secundum se, est pars generati
praeexistentis in generante, quae est vel ipsa forma generantis, vel pars
formae. Cum enim per motum
calor generatur, in ipso motu est quodammodo calor sicut in virtute activa. Nam ipsa virtus causandi calorem quae est in motu,
est aliquid de genere caloris. Et iste calor in motu existens virtute, facit
calorem in corpore, non quidem generatione univoca, sed aequivoca; quia calor
in motu, et in corpore calido, non est unius rationis. Is vero,
scilicet calor, aut est ipsa sanitas, aut aliqua pars sanitatis, aut sequitur
eum aliqua pars sanitatis, aut sanitas ipsa. |
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[83020] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 19 Per haec quatuor quae ponit, dat intelligere quatuor
modos, quibus potest se habere forma generantis ad formam geniti. Quorum
primus est quando forma generati totaliter est in generante, sicut forma
domus est in mente artificis, et sicut forma ignis generati est in igne
generante. Secundus modus est quando pars formae generati est in generante,
sicut cum medicina calida sanat calefaciendo. Nam calor factus est in sanato
pars sanitatis. Tertius modus est quando pars formae est in generante, non
actu, sed virtute; sicut quando motus calefaciendo sanat: calor enim est in
motu virtute, et non actu. Quartus modus est quando ipsa tota forma est in
generante virtute, sed non actu, sicut forma stuporis est in pisce
stupefaciente manum. Et similiter est in aliis quae agunt a tota specie.
Primum ergo modum designat in hoc quod dicit aut sanitas. Secundum in
hoc quod dicit aut pars. Tertium in hoc quod dicit aut sequitur eum
aliqua pars sanitatis. Quartum in hoc quod dicit, aut sanitas ipsa.
Et quia motus causat calorem ad quem sequitur sanitas, propter hoc etiam
dicitur motus facere sanitatem, quia id facit sanitatem cui consequitur vel
accidit sanitas. Vel melius, quod consequitur, et accidit ex motu,
scilicet calor, facit sanitatem. |
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[83021] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 20 Quare patet, quod sicut in syllogismis, omnium
principium est substantia, idest quod quid est rei (nam syllogismi
demonstrativi sunt ex quid est, cum in demonstrationibus medium sit
definitio), et hic, scilicet in operativis, generationes sunt ex quod
quid est. In quo ostenditur similitudo intellectus speculativi et practici.
Sicut enim intellectus speculativus procedit ad demonstrandum passiones de
subiectis ex consideratione eius quod quid est, ita intellectus procedit ad
operandum ex specie artificii, quae est eius quod quid est, ut supra dictum
est. |
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[83022] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 21 Deinde cum dicit similiter itaque manifestat quod
dixerat de artificialibus, in rebus naturalibus; dicens, quod similiter se habent
ea quae sunt constituta secundum naturam, his quae fiunt per artem. Sperma enim operatur ad generationem, sicut
contingit in his quae fiunt per artem. Sicut enim artifex non est actu domus, nec habet
formam quae sit domus actu, sed potestate; ita sperma non est animal actu,
nec habet animam quae est species animalis actu, sed potestate tantum. Est
enim in semine virtus formativa: quae hoc modo comparatur ad materiam
concepti, sicut comparatur forma domus in mente artificis ad lapides et
ligna: nisi quod forma artis est omnino extrinseca a lapidibus et lignis;
virtus autem spermatis est intrinseca. |
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[83023] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 22 Quamvis autem generatio animalis ex spermate, non
sit a spermate sicut ab univoco, quia sperma non est animal; id tamen a quo
est sperma, est aliqualiter univocum ei quod fit ex spermate. Nam sperma fit
ab animali. Et in hoc est dissimilitudo inter generationem naturalem et
generationem artificialem; quia non oportet quod forma domus in mente artificis
sit a domo, licet quandoque hoc accidat, ut cum aliquis ad exemplar unius
domus facit aliam. Sed semper oportet quod sperma sit ab animali. |
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[83024] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 23 Exponit autem quod dixerat aliqualiter univocum,
quia non oportet in omni generatione naturali esse omnimodam univocationem,
sicut cum dicitur quod homo fit ex homine. Fit enim femina ex viro
sicut ex agente; et mulus non fit ex mulo, sed ex equo vel asino, in quo
tamen est aliqua similitudo, ut supra dixit. Et quod dixit quod a quo est
sperma, oportet esse aliqualiter univocum, subiungit, intelligendum est si
non fuerit orbatio, idest si non fuerit defectus naturalis virtutis in
semine. Tunc enim generat aliquid quod non est simile generanti, sicut patet
in monstruosis partubus. |
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[83025] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 24 Et sicut in illis, idest in rebus
artificialibus, aliqua fiunt non solum per artem, sed a casu, quando materia potest
moveri a seipsa eo motu quo movetur ab arte; quando vero non potest hoc modo
moveri, tunc non potest id quod fit ab arte, ab alio fieri quam ab arte: ita
et hic possunt aliqua fieri a casu et sine spermate, illa quorum materia hoc
modo potest moveri a seipsa eo motu quo movet sperma, idest ad
generationem animalis. Sicut patet in his quae generantur ex putrefactione:
quae quomodo dicantur esse a casu, et quomodo non, superius expositum est.
Illa autem quorum materia non potest moveri a se ipsa eo motu quo a spermate
movetur, impossibilia sunt fieri aliter quam ex ipsis seminibus; sicut patet
de homine et equo et aliis animalibus perfectis. Patet autem ex his quae hic
dicuntur, quod neque omnia animalia possunt generari et ex semine et sine
semine, ut Avicenna ponit, neque nulla generantur utroque modo, ut ponit
Averroes. |
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[83026] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 25 Est autem advertendum quod per ea quae hic dicuntur,
possunt solvi dubitationes illorum qui ponebant formas in istis generatis,
non esse a generantibus naturalibus, sed a formis quae sunt sine materia. Hoc
enim maxime visi sunt ponere propter animalia generata ex putrefactione,
quorum formae non videntur procedere ex aliquibus similibus secundum speciem.
Ulterius autem in animalibus etiam quae generantur ex semine, virtus activa
generationis, quae est in semine, non est anima, ut ex hoc possit anima sequi
in animali generato. Adhuc autem procedunt, quia in inferioribus istis non
inveniuntur aliqua principia activa ad generationem, nisi calidum et
frigidum, quae sunt formae accidentales. Et sic non videtur, quod per ea
possint produci formae substantiales. Nec videtur quod ratio philosophi quam
supra posuit contra ponentes exemplaria, teneat in omnibus; ut scilicet ad
similitudinem speciei in generatis, sufficiant formae generantium. |
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[83027] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 26 Sed omnes hae dubitationes solvuntur per literam
Aristotelis, si diligenter inspiciatur. Dicitur enim in litera quod virtus activa
quae est in spermate, etsi non sit anima in actu, est tamen anima in virtute;
sicuti forma domus in anima, non est domus actu, sed virtute. Unde, sicut ex
forma domus, quae est in mente, potest fieri forma domus in materia, ita ex
virtute seminis, potest fieri anima completa, praeter intellectum qui est ab
extrinseco, ut dicitur in sextodecimo de animalibus. Et adhuc amplius,
inquantum virtus quae est in semine, est ab anima perfecta, cuius virtute
agit. Media enim principia, agunt in virtute primorum. |
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[83028] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 27 In his vero quae generantur ex putrefactione, etiam
est in materia aliquod principium simile virtuti activae quae est in
spermate, ex quo causatur anima in talibus animalibus. Et sicuti virtus quae
est in spermate, est ab anima completa animalis, et a virtute caelestis
corporis, ita virtus quae est in materia putrefacta generativa animalis, est
a solo corpore caelesti, in quo sunt virtute omnes formae generatae, sicut in
principio activo. Qualitates etiam activae, licet sint activae, non tamen
agunt solum in virtute propria, sed in virtute formarum substantialium ad
quae se habent sicut instrumenta; sicut dicitur in secundo de anima, quod
calor ignis est sicut instrumentum animae nutritivae. |
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[83029] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 28 Deinde cum dicit non solum manifestat tertium, quod
poterat ex dictis esse dubium. Probaverat enim quod formae non generantur,
sed composita. Posset autem aliquis dubitare, utrum hoc verum sit solum in
formis substantialibus, aut etiam in accidentalibus. Cui dubitationi hic
satisfacere intendit. Unde duo facit. Primo ostendit, quod hoc est verum in
utrisque; dicens quod ratio superius posita non solum ostendit speciem,
idest formam non fieri de substantia, idest circa praedicamentum
substantiae, sed communis est similiter de omnibus primis, idest de
praedicamentis, sicut de qualitate, et quantitate, et aliis praedicamentis, fit
enim, ut aerea sphaera, idest quod est compositum, sicut aerea sphaera. Sed
non fit sphaera, idest quod se habet per modum formae; nec aes
idest quod se habet per modum materiae. Et si fit sphaera, aliquo modo
loquendi, non fit per se, sed in aere; quia semper oportet praeexistere ad
generationem materiam et speciem, ut supra est ostensum. Illud quoque quod
est ut aerea sphaera, scilicet compositum, fit, et in quid, hoc
est in praedicamento substantiae, et in qualitate et quantitate, et similiter
in aliis praedicamentis. Non enim fit quale, idest ipsa qualitas, sed hoc
totum quod est quale lignum. Nec fit quantum, idest ipsa
quantitas, sed lignum quantum, aut animal quantum. |
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[83030] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 8 n. 29 Sed proprium ostendit quid differat inter substantiam
et accidentia; dicens, quod hoc oportet accipere ut proprium substantiae per
comparationem ad accidentia; quia quando substantia generatur, necesse est
semper praeexistere alteram substantiam, quae facit generationem. Sicut si animal generatur, oportet quod praeexistat
animal generans in his quae generantur ex semine. Sed in quali et quanto et
in aliis accidentibus non oportet quod praeexistat quale aut quantum actu,
sed solum in potentia, quod est materiale principium et subiectum motus. Principium
enim activum substantiae non potest esse nisi substantia; sed principium
activum accidentium potest esse non accidens, scilicet substantia. |
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Leçon 9, texte d’Aristote, traduit
par Guillaume de Moerbeke, v. 1260 |
Leçon 9, Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Leçon
9, texte latin de Guillaume de Moerbeke, traduit par Georges Comeau |
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Quoniam vero diffinitio ratio est
et omnis ratio partes habet, ut autem ratio ad rem et pars rationis ad partem
rei similiter se habet, dubitatur iam an oportet partium rationem esse in
totius ratione an non. In quibusdam enim videntur esse,
in quibusdam non. Nam circuli ratio non habet eam quae incisionum, quae autem
syllabe habet quae elementorum. Et tamen dividitur circulus in incisiones ut
syllaba in elementa. Amplius
autem si priores sunt partes toto, et recti acutus est pars et digitus hominis, prior erit acutus
recto et digitus homine. Videntur autem illa esse priora;
secundum rationem namque dicuntur ex illis, et in esse sine invicem priora. Aut
multipliciter dicitur pars, quorum unus
quidem modus est quod mensurat secundum quantitatem. Sed hoc quidem
praetermittatur; ex quibus vero substantia est ut partibus, perscrutandum
est. Si igitur est hoc quidem materia
illud vero species, aliud ex hiis, et substantia est materia et species et
quod ex hiis: est quidem ut materia pars alicuius dicitur, est autem ut non,
sed ex quibus speciei ratio. Ut concavitatis non est pars caro (haec namque
materia in qua fit), simitatis vero pars aliqua est. Et totius quidem statuae
pars est es, eius autem quod ut species dicitur statuae non. Dicendum enim speciem et in quantum
speciem habet unumquodque, sed materiale numquam secundum se est dicendum.
Quapropter circuli ratio non habet eam quae est incisionum, sed quae syllabe
eam quae est elementorum. Nam elementa rationis partes sunt speciei et non
materia, incisiones vero huius sic partes ut materia in quibus fiunt;
propinquius tamen speciei quam es, quando in aere fit rotunditas. Est autem ut neque elementa omnia
syllabe in ratione insunt, ut haec cerea aut quae sunt in aere; iam enum et
haec pars syllabae quasi materia sensibilis. Et enim linea non, si divisa in
dimidia corrumpitur, aut homo in ossa et nervos et carnes, propter hoc et
sunt ex hiis sic ut entibus substantiae partibus, sed ut ex materia, et eius
quidem quod simul totum partes, speciei vero et cuius ratio non adhuc;
quapropter nec in rationibus. Horum quidem igitur inerit talium
partium ratio, horum vero non oportet inesse, si non fuerit simul sumpti. Nam
propter hoc quaedam quidem ex hiis ut principiis sunt in quae corrumpuntur, quaedam
vero non sunt. Quaecumque quidem igitur simul sumpta species et materia sunt,
ut simum aut aeneus circulus, haec quidem corrumpuntur in haec et pars
ipsorum materia; quaecumque vero non concipiuntur cum materia sed sine
materia, ut rationes speciei solum, haec non corrumpuntur, aut omnino aut non
taliter. Quare illorum quidem principia
haec. Et ideo corrumpitur lutea statua in lutum et spera in aes et Callias in
carnem et ossa. Amplius autem circulus in incisiones; est enim aliquis qui
concipitur cum materia. Aequivoce namque dicitur circulus: qui simpliciter
dicitur et singuli, quia non est proprium nomen singulorum. |
Toute définition une explication
d’une certaine chose, et toute explication a des parties diverses. Mais comme
l’explication est à la chose totale, qu’elle fait connaître, dans le même
rapport qu’une de ses parties est à une partie de cette chose, on s’est
demandé s’il faut nécessairement que l’explication des parties se retrouve
dans l’explication du Tout, ou s’il n’y a là rien de nécessaire. On peut répondre que, pour
certains cas, il semble bien que la définition des parties est comprise dans
la définition du Tout ; pour certains autres, cela n’est pas. Ainsi, la
définition du cercle ne contient pas celle de ses segments, tandis que la
définition de la syllabe implique celle des lettres qui la forment.
Cependant, le cercle se divise en segments, tout aussi bien que la syllabe se
divise en ses lettres. Autre question encore. Si les
parties sont antérieures au Tout, l’angle aigu, étant une partie de l’angle
droit, comme le doigt est une partie de l’animal, il s’ensuivrait que l’angle
aigu est antérieur à l’angle droit, dont il est une partie ; et le doigt,
antérieur à l’homme, à qui il appartient. Mais il semble que ce sont au
contraire l’homme et l’angle droit qui sont antérieurs ; car c’est d’eux
qu’est tirée l’explication de leurs parties ; et les choses sont toujours
antérieures, quand elles n’ont pas réciproquement besoin des autres. Mais le mot Partie ne peut-il pas
être pris en plusieurs sens divers ? La partie, prise en une première
acception, c’est ce qui sert à mesurer la quantité. Mais je laisse ce premier
sens de côté ; et je considère plutôt ce que sont les parties dont la
substance peut se composer. Si, dans la substance, on
distingue la matière, puis la forme, et en troisième lieu, le composé total
qu’elles constituent, si la matière est de la substance, tout aussi bien que
le sont la forme et le composé des deux, la matière est un certain point de
vue une partie de la chose ; à un autre point de vue, elle ne l’est pas ; et
les parties ne sont que des éléments d’où sort la définition de la forme. Par
exemple, la chair n’est pas une partie de la définition de la courbure ; car
elle est précisément la matière où a lieu cette courbure ; mais elle est une
partie de la Camusité du nez. L’airain est bien aussi une partie de la statue
totale et réelle ; mais il n’est pas une partie de la statue considérée dans
sa forme spécifique. En effet, c’est la forme qu’on
doit exprimer ; et chaque chose est dénommée en tant qu’elle a telle ou telle
forme. La matière, au contraire, ne peut jamais être exprimée en soi. C’est
là ce qui fait que la définition du cercle n’implique pas celle des segments,
tandis que la définition de la syllabe implique celle des lettres, parce que
les lettres, élément du langage, sont ici des parties de la forme et n’en
sont pas la matière. Au contraire, les segments sont des parties matérielles
des cercles sur lesquels on les prend, bien qu’ils soient plus voisins de la
forme que l’airain ne peut l’être, quand la rondeur vient à s’y produire. Il y a des cas néanmoins où les
lettres ne feront pas même toujours partie de la définition de la syllabe :
par exemple, on n’y pourrait faire entrer les lettres tracées sur la cire, ni
les lettres articulées dans l’air. Les lettres alors ne sont des parties de
la syllabe que parce qu’elles en sont la matière sensible. C’est que la ligne, tout en
cessant d’être ce qu’elle était, si elle est divisée en deux moitiés,
l’homme, en cessant d’être homme si on le divise en os, muscles et chairs, ne
se composent pas cependant de ces éléments divers comme parties intégrantes
de leur substance, mais seulement comme parties de leur matière. Ces éléments
sont bien des parties du composé que constituent la forme et la matière
réunies; mais ce ne sont pas précisément des parties de la forme et du
défini; et c’est là ce qui fait qu’ils n’entrent pas dans les définitions de
la forme. Ainsi donc, la définition des parties
de ce genre entrera quelquefois dans la définition de la chose ; d’autres
fois, elle ne devra pas y entrer, là où ce n’est pas la définition du composé
qu’on donne. C’est là ce qui fait que certaines choses sont formées des
principes mêmes dans lesquels elles se dissolvent, et que certaines autres ne
s’en forment pas. Tous les éléments qui, réunis dans le composé, sont de la
forme et de la matière, comme le Camus, ou la sphère d’airain, se dissolvent
et se perdent dans ces éléments mêmes ; et la matière en est une partie. Mais
toutes les choses qui ne sont pas impliquées dans la matière, et qui sont
immatérielles en tant qu’elles sont les définitions de la forme, celles-là ne
se résolvent et ne se perdent jamais dans leurs parties, ou du moins ne s’y
résolvent pas de cette manière. Ainsi, pour ces choses, les
éléments subordonnés sont des principes et des parties du composé ; mais ils
ne peuvent être ni principes ni parties de la forme. Voilà comment la statue
d’argile se résout en argile, la sphère d’airain se résout en airain, et
Callias se résout en chair et en os. Voilà comment encore le cercle se résout
et disparaît dans ses segments, parce qu’il a en lui quelque chose qui est
impliqué dans la matière; car le cercle, soit qu’on le prenne d’une manière
absolue, soit qu’il s’agisse des cercles considérés chacun dans sa réalité,
est dénommé par simple homonymie, puisque les cercles particuliers et
individuels n’ont pas un nom qui leur soit spécial. |
Mais
puisque la définition est une notion et que toute notion a des parties, comme
la notion a le même rapport à la chose qu’une partie de la notion à une
partie de la chose, on se demande maintenant s’il faut que la notion des
parties soit dans la notion du tout ou non. Dans
certains cas, en effet, elle semble l’être, et dans d’autres pas. En effet,
la notion du cercle n’inclut pas celle des segments, et celle de la syllabe
inclut celle de ses éléments. Et pourtant, le cercle se divise en segments
comme la syllabe en éléments. Mais
de plus, si les parties sont antérieures au tout, puisque l’aigu est partie
du droit et le doigt partie de l’homme, l’aigu sera antérieur au droit et le
doigt à l’homme. Mais
il semble que ceux-ci sont antérieurs, car en raison ceux-là se disent à
partir de ceux-ci, et dans l’être l’un sans l’autre, ils sont antérieurs. Ou
bien, la partie se dit de bien des façons, et l’un de ces sens est celui qui
mesure selon la quantité. Mais laissons cela de côté; il faut examiner de
quoi la substance se compose en tant que parties. Si
donc ceci est la matière, cela l’espèce, et autre chose ce qui vient des
deux, et que la substance est la matière, l’espèce et ce qui vient des deux,
alors la matière est dite en quelque sorte partie de quelque chose, et en
quelque sorte pas, mais la à partir d’eux vient la notion de l’espèce vient.
Ainsi, la chair n’est pas partie de la concavité (car elle est la matière
dans laquelle elle se fait), mais elle est une partie du camus. Et l’airain
est bien une partie de toute la statue, mais pas de ce qui est considéré
comme l’espèce de la statue. Il
faut dire en effet que l’espèce, en tant même qu’espèce, a chaque chose, mais
le matériel ne doit jamais être dit en soi. C’est pourquoi la notion du cercle
n’inclut pas celle de ses segments, mais celle de la syllable inclut celle de
ses éléments. En effet, les éléments sont parties de la notion de l’espèce,
et non la matière, mais les segments en sont parties comme matière dont ils
sont faits; ils sont pourtant plus proches de l’espèce que l’airain lorsque
la rondeur apparasît dans celui-ci. Mais
il se peut que tous les éléments de la syllabe ne sont pas dans la notion,
comme ceux en cire ou ceux qui sont dans l’air; de plus, l’airain et cette
partie de la syllabe sont comme une matière sensible. Et
la ligne n’est pourtant pas, si elle se corrompt en étant divisée en moitiés,
ou l’homme en os, en nerfs et en chair, composée d’eux de ce fait comme
d’êtres qui sont parties de la substance, mais comme de matière et de parties
de ce qui est le tout ensemble, et pas, au surplus, de la notion de l’espèce
et du sujet; par conséquent, pas dans les notions non plus. Alors,
la notion de telles parties appartient à celle des uns, mais il n’est pas
nécessaire qu’elle appartienne à celle des autres, si ce n’est pas celle du
tout pris ensemble. Car c’est pour cela que certaines choses viennent d'elles
comme principes en lesquels elles se corrompent, et certaines pas. Alors,
toutes choses qui, prises ensemble, sont espèce et matière, comme le camus ou
le cercle d’airain, se corrompent en elles, et la matière en est une partie;
mais toutes choses qui ne sont pas conçues avec matière mais sans matière,
comme les notions de l’espèce seule, ne se corrompent ni absolument ni de
cette manière. Il
s’ensuit que les principes de ces choses sont ceux-là. C’est pourquoi la
statue d’argile se corrompt en argile, la sphère en airain, et Callias en
chair et en os. En outre, le cercle en segments; c’est en effet quelque chose
qui est conçu avec matière. En effet, le cercle se dit de façon
équivoque : il se dit absolument et du singulier, car il n'y a pas de
nom propre des singuliers. |
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Lectio 9 |
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[83031] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 9 n. 1 Postquam philosophus ostendit quid est quod quid
erat esse, et quorum est, et quomodo se habet ad ea quorum est, et quod non
oportet ponere quidditates rerum separatas propter generationem, hic intendit
ostendere ex quibus constituitur quod quid erat esse; et dividitur in duas
partes. In prima ostendit ex quibus quod quid erat esse constituitur. In
secunda ostendit quomodo ex illis fiat unum, ibi, nunc autem dicamus primum.
Prima autem pars dividitur in duas. In prima movet dubitationem. In secunda
solvit eam, ibi, aut multipliciter dicitur pars. Prima pars dividitur in duas
dubitationes, quas movet, ad idem pertinentes; secundam ibi, amplius autem si
priores sunt partes. Dicit ergo primo, quod omnis definitio est quaedam
ratio, idest quaedam compositio nominum per rationem ordinata. Unum enim
nomen non potest esse definitio, quia definitio oportet quod distincte
notificet principia rerum quae concurrunt ad essentiam rei constituendam;
alias autem definitio non sufficienter manifestaret essentiam rei. Et propter
hoc dicitur in primo physicorum, quod definitio dividit definitum in
singulare, idest exprimit distincte singula principia definiti. Hoc autem
non potest fieri nisi per plures dictiones: unde una dictio non potest esse
definitio, sed potest esse manifestativa eo modo, quo nomen minus notum
manifestatur per magis notum. Omnis autem ratio partes habet, quia est
quaedam oratio composita, et non simplex nomen. Et ideo videtur quod sicut se
habet ratio rei ad rem, ita se habent partes rationis ad partes rei. Et
propter hoc dubitatur, utrum oporteat rationem partium ponere in ratione
totius, aut non. |
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[83032] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 2 Et haec dubitatio exinde confirmatur: quia in
quibusdam rationibus totorum, videntur esse rationes partium, et in quibusdam
non. In definitione enim circuli non ponitur definitio incisionum circuli,
idest partium ex circulo separatarum, sicut semicirculi et quartae partis
circuli. Sed definitio syllabae continet in se definitionem elementorum,
idest literarum. Si enim definitur syllaba, oportet quod dicatur esse aliqua
vox composita ex literis. Et sic in definitione syllabae ponitur litera, et
per consequens definitio eius, quia semper uti possumus definitione pro
nomine. Et tamen circulus dividitur in incisiones ut in partes, sicut syllaba
in elementa, idest in literas. |
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[83033] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 3 Quod autem hic dicitur, quod sicut se habet definitio
ad rem, ita se habet pars definitionis ad partem rei, videtur habere
dubitationem. Definitio enim est idem rei. Unde videtur sequi quod partes
definitionis sint idem partibus rei; quod patet esse falsum. Nam partes
definitionis praedicantur de definitio, sicut de homine, animal et rationale;
nulla autem pars integralis praedicatur de toto. |
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[83034] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 4 Sed dicendum est, quod partes definitionis significant
partes rei, inquantum a partibus rei sumuntur partes definitionis; non ita
quod partes definitionis sint partes rei. Non enim animal est pars hominis,
neque rationale; sed animal sumitur ab una parte, et rationale ab alia.
Animal enim est quod habet naturam sensitivam, rationale vero quod habet
rationem. Natura autem sensitiva est ut materialis respectu rationis. Et inde
est quod genus sumitur a materia, differentia a forma, species autem a forma
et materia simul. Nam homo est, quod habet rationem in natura sensitiva. |
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[83035] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 5 Deinde cum dicit amplius autem ponit secundam
dubitationem, quae est de prioritate partium. Omnes enim partes videntur esse
priores toto, sicut simplex composito. Acutus enim angulus est pars recti
anguli. Dividitur enim rectus angulus in duos vel plures angulos acutos. Et
similiter digitus est pars hominis. Unde videtur, quod acutus angulus sit
naturaliter prior recto, et digitus prior homine. |
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[83036] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 6 Sed e contra videntur illa esse priora, scilicet
rectus acuto, et homo digito. Et hoc dupliciter. Primo quidem secundum
rationem. Per huic enim modum illa dicuntur esse priora, quae in eorum
rationibus ponuntur, et non e contrario. Acutus enim et digitus dicuntur
esse secundum rationem, idest definiuntur ex illis, scilicet homine et
recto, ut dictum est. Unde videtur, quod homo et rectus angulus sint priores
digito et acuto angulo. |
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[83037] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 7 Secundo vero prout dicuntur esse aliqua priora ex
eo, quod est esse sine invicem. Quae enim possunt esse sine aliis, et non e
contrario, dicuntur esse priora, ut in quinto est habitum, sicut unum duobus.
Homo autem potest esse sine digito. Digitus autem non potest esse sine
homine, quia digitus abscisus non est digitus, ut infra dicetur. Unde
videtur, quod homo sit prior digito. Et eadem ratio est de recto et acuto. |
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[83038] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 9 n. 8 Deinde cum dicit aut multipliciter solvit propositas
quaestiones; et dividitur in tres partes. In prima ponit solutionem. In
secunda exponit eam, ibi, dictum est igitur nunc ipsum. Tertio determinat
quamdam dubitationem, quae ex praedicta solutione oriri potest, ibi,
dubitatur autem merito. Ad evidentiam autem horum, quae in hoc capitulo
dicuntur, sciendum est, quod circa definitiones rerum, et earum essentias
duplex est opinio. Quidam enim dicunt, quod tota essentia speciei est ipsa
forma, sicut quod tota essentia hominis est anima. Et propter hoc dicunt,
quod eadem secundum rem est forma totius quae significatur nomine
humanitatis, et forma partis, quae significatur nomine animae, sed differunt
solum secundum rationem: nam forma partis dicitur secundum quod perficit
materiam, et facit eam esse in actu: forma autem totius, secundum quod totum
compositum per eam in specie collocatur. Et ex hoc volunt, quod nullae partes
materiae ponantur in definitione indicante speciem, sed solum principia
formalia speciei. Et haec opinio videtur Averrois et quorumdam sequentium
eum. |
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[83039] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 9 Sed videtur esse contra intentionem Aristotelis. Dicit
enim superius in sexto, quod res naturales habent in sui definitione materiam
sensibilem, et in hoc differunt a mathematicis. Non autem potest dici, quod
substantiae naturales definiantur per id quod non sit de essentia earum.
Substantiae enim non habent definitionem ex additione, sed sola accidentia,
ut supra est habitum. Unde relinquitur quod materia sensibilis sit pars
essentiae substantiarum naturalium, non solum quantum ad individua, sed etiam
quantum ad species ipsas. Definitiones enim non dantur de individuis, sed de
speciebus. |
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[83040] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 10 Unde est alia opinio, quam sequitur Avicenna; et
secundum hanc forma totius, quae est ipsa quidditas speciei, differt a forma
partis, sicut totum a parte: nam quidditas speciei, est composita ex materia
et forma, non tamen ex hac forma et ex hac materia individua. Ex his enim
componitur individuum, ut Socrates et Callias. Et haec est sententia
Aristotelis in hoc capitulo, quam introducit ad excludendum opinionem
Platonis de ideis. Dicebat enim species rerum naturalium esse per se
existentes sine materia sensibili, quasi materia sensibilis non esset aliquo
modo pars speciei. Ostenso ergo, quod materia sensibilis sit pars speciei in
rebus naturalibus, ostenditur quod impossibile est esse species rerum
naturalium sine materia sensibili, sicut hominem sine carnibus et ossibus, et
sic de aliis. |
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[83041] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 11 Et hic erit tertius modus destruendi ideas. Nam primo
destruxit per hoc quod quod quid erat esse non est separatum ab eo cuius est.
Secundo per hoc,
quod species separatae a materia non sunt causae generationis, neque per
modum generantis, neque per modum exemplaris. Nunc autem tertio improbat eam
per hoc quod materia sensibilis in communi est ratio speciei. |
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[83042] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 12 Dicit ergo solvendo, quod multipliciter dicitur
pars, sicut in quinto est habitum. Et uno modo dicitur pars quantitativa, hoc
scilicet quod mensurat totum secundum quantitatem, sicut bicubitum est pars
cubiti, et binarius senarii. Sed hic modus partium praetermittatur ad
praesens; non enim intendimus hic inquirere partes quantitatis; sed
intendimus inquirere de partibus definitionis, quae significant substantiam
rei. Unde perscrutandum
est de illis partibus ex quibus substantia rei componitur. |
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[83043] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 13 Pars autem substantiae est et materia, et forma, et
ex quibus est aliquid compositum. Et quodlibet istorum trium, scilicet
materia et forma et compositum ex his, est substantia, ut supra habitum est.
Et ideo materia est quidem quodam modo pars alicuius, quodam modo non est,
sed solum illa, ex quibus est ratio speciei, idest formae.
Intelligimus enim concavitatem quasi formam, et nasum materiam, et simum
quasi compositum. Et secundum hoc caro, quae est materia vel pars materiae,
non est pars concavitatis, quae est forma vel species; nam caro est materia,
in qua fit species. Sed tamen caro est aliqua pars simitatis, si tamen
simitas intelligitur esse quoddam compositum, et non solum forma. Et
similiter totius quidem statuae, quae est composita ex materia et forma, pars
est aes; non autem est pars statuae secundum quod statua accipitur solum pro
specie, idest pro forma. |
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[83044] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 14 Et ut sciatur quid est species, et quid est materia,
dicendum est illud ad speciem pertinere, quod convenit unicuique inquantum
speciem habet. Sicuti inquantum habet speciem statuae, convenit alicui quod
sit figuratum, vel aliquid aliud huiusmodi. Sed id quod est materiale ad
speciem, nunquam dicendum est secundum se de specie. Sciendum tamen est, quod
nulla materia, nec communis, nec individuata secundum se se habet ad speciem
prout sumitur pro forma. Sed secundum quod species sumitur pro universali,
sicut hominem dicimus esse speciem, sic materia communis per se pertinet ad
speciem, non autem materia individualis, in qua natura speciei accipitur. |
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[83045] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 15 Et ideo dicendum est, quod definitio circuli non
continet in se definitionem incisionum, idest partium ex circulo incisarum,
vel semicirculi vel quartae partis circuli. Sed definitio, quae est syllabae,
comprehendit in se definitionem, quae est elementorum, idest
litterarum. Et huius ratio est, quia elementa, idest literae, sunt
partes syllabae quantum ad speciem suam, et non secundum materiam. Ipsa enim
forma syllabae in hoc consistit, quod ex literis componatur. Sed incisiones
circuli sunt partes non circuli secundum speciem accepti, sed huius circuli
particularis, vel horum circulorum, sicut materia in qua fit species circuli. |
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[83046] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 16 Et hoc accipi potest ex regula superius posita. Hoc
enim dixit ad speciem pertinere, quod secundum se inest unicuique speciem habenti;
ad materiam vero quod accidit speciei. Per se autem inest syllabae, quod ex
literis componatur. Quod autem circulus sit actu divisus in semicirculos, hoc
accidit circulo, non inquantum est circulus, sed inquantum est hic circulus,
cuius haec linea dividitur quae est pars eius ut materia. Unde patet, quod
semicirculus est pars circuli secundum materiam individualem. Unde ista
materia, quae est haec linea, est propinquior speciei quam aes, quod est
materia sensibilis, quando rotunditas quae est forma circuli, fit in aere.
Quia species circuli nunquam est praeter lineam, est autem praeter aes. Et
sicut partes circuli, quae sunt secundum materiam individualem, non ponuntur
in eius definitione, ita etiam nec omnes literae ponuntur in definitione
syllabae, quae scilicet sunt partes cum materia, ut literae descriptae in
cera, vel prolatae in aere. Hae enim iam sunt partes syllabae, sicut materia
sensibilis. |
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[83047] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 17 Non enim oportet, quod omnes partes in quas res
aliqua resoluta corrumpitur, sint partes substantiae. Non enim si linea
divisa in duo dimidia corrumpitur, aut si homo resolutus in ossa et nervos et
carnes corrumpitur, propter hoc sequitur quod linea sit ex dimidiis, et homo
ex carnibus et ossibus, ita quod ista sint partes substantiae eius: sed sunt
ex istis partibus sicut ex materia. Unde sunt partes eius quod est simul
totum, idest compositum; sed speciei, idest formae, et cuius
est ratio, idest eius quod definitur, non adhuc sunt partes. Quapropter
nullae tales partes ponuntur in rationibus convenienter. |
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[83048] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 18 Sciendum tamen, quod ratio talium partium in
quorumdam definitionibus ponitur; scilicet in definitionibus compositorum, quorum
sunt partes. In quorumdam vero definitionibus non oportet poni, scilicet in
definitione formarum; nisi sint tales formae, quae sint simul sumptae cum
materia. Licet enim materia non sit pars formae, tamen materia sine qua non
potest concipi intellectu forma, oportet quod ponatur in definitione formae;
sicut corpus organicum ponitur in definitione animae. Sicut enim accidentia
non habent esse perfectum nisi secundum quod sunt in subiecto, ita nec formae
nisi secundum quod sunt in propriis materiis. Et propter hoc, sicuti
accidentia definiuntur ex additione subiectorum, ita et forma ex additione
propriae materiae. Cum igitur in definitione formae ponitur materia, est
definitio ex additione; non autem cum ponitur in definitione compositi. |
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[83049] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 19 Vel hoc quod dicit si non fuerint simul sumpta,
est exemplificatio eius quod dixerat horum non oportet inesse. In
illis enim partes materiae non oportet in definitionibus poni, quae scilicet non
sumuntur simul cum materia, vel quae non significant aliquid compositum ex
materia et forma. Et hoc patet: quia propter hoc quod in quorumdam rationibus
non ponitur materia, in quorumdam vero ponitur, contingit quod quaedam sint sicut
ex principiis ex his in quae corrumpitur, idest ex partibus, in quas
aliquid per corruptionem resolvitur. Et haec sunt illa, in quorum
definitionibus ponuntur materiae. Quaedam vero non sunt ex praedictis
partibus materialibus sicut ex principiis, sicut illa in quorum definitionibus
non ponitur materia. |
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[83050] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 20 Et quia in istorum definitionibus ponitur materia,
quae sunt simul accepta cum materia, non autem in aliis, ideo quaecumque
sunt simul sumpta species cum materia, idest quaecumque significant
aliquid compositum ex materia et forma, ut simum aut aereus circulus,
huiusmodi corrumpuntur in partes materiales, et pars istorum est materia.
Illa vero, quae non concipiuntur in intellectu cum materia, sed sunt omnino
sine materia, sicut illa quae pertinent solum ad rationem speciei et formae,
ista vel non corrumpuntur omnino, vel non corrumpuntur taliter, idest
per resolutionem in aliquas partes materiales. Quaedam enim formae sunt quae
nullo modo corrumpuntur, sicut substantiae intellectuales per se existentes.
Quaedam vero formae non per se existentes, corrumpuntur per accidens,
corrupto subiecto. |
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[83051] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 21 Quare patet, quod huiusmodi partes materiales sunt principia
et partes eorum quae sunt sub ipsis, idest quae ab eis dependent,
sicut dependet totum ex partibus ex quibus componitur; non autem sunt partes
nec principia speciei. Et propter hoc, compositum, ut statua lutea,
corrumpitur resoluta in materiam, idest in lutum, et sphaera aerea, in
aes, et Callias, qui est homo particularis, in carnem et ossa. Et similiter
circulus particularis constans ex his lineis divisis, corrumpitur in
incisiones. Sicut enim Callias est aliquis homo qui concipitur cum materia individuali,
ita circulus, cuius sunt partes istae incisiones, est aliquis circulus
particularis, qui concipitur cum individuali materia. Hoc tamen differt quia
singulares homines habent nomen proprium. Unde nomen speciei non aequivocatur
ad individua: sed nomen circuli aequivoce dicitur de circulo qui
simpliciter, idest universaliter dicitur, et de singulis particularibus
circulis. Et hoc ideo quia singulis particularibus circulis non sunt nomina
posita, sed nomina posita sunt singularium hominum. |
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[83052] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 9 n. 22 Attendendum est autem, quod nomen speciei non
aequivoce praedicatur de individuo, secundum quod praedicat de eo communem
naturam speciei: praedicaretur autem aequivoce de eo, si praedicaretur
inquantum significaret hoc individuum prout huiusmodi. Si enim dicam,
Socrates est homo, non aequivocatur nomen hominis. Sed si hoc nomen homo,
imponatur alicui singulari homini ut proprium nomen, aequivoce significabit
speciem, et hoc individuum. Et similiter de nomine circuli, quod aequivoce
significat speciem et hunc circulum. |
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Leçon 10, texte d’Aristote,
traduit par Guillaume de Moerbeke, v. 1260 |
Leçon 10, Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Leçon
10, texte latin de Guillaume de Moerbeke, traduit par Georges Comeau |
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Dictum est quidem igitur et nunc ipsum verum, et tamen amplius manifestius dicamus
repetentes. Nam quaecumque sunt rationis
partes et in quas dividitur ratio, hee sunt priores aut omnes aut quaedam.
Recti vero ratio non dividitur in acuti rationem, sed quae est acuti in quae
est recti; utitur enim diffiniens acutum recto: minor enim recto acutus. Similiter autem et
circulus et semicirculus se habent; semicirculus enim diffinitur circulo et
digitus toto: talis enim hominis pars digitus. Quare quaecumque
sunt partes ut materia et in quae dividitur ut in materiam, sunt posteriora; quaecumque
vero ut rationis et substantiae secundum rationem, priora aut omnia aut
quaedam. Quoniam vero animalium anima
(hoc enim substantia est animati) quae secundum rationem substantia et
species et quod quid erat esse tali corpori (uniuscuiusque enim pars si
diffiniatur bene, non sine opere diffinietur, quod non existet sine sensu),
quare huius partes priores aut omnes aut quaedam simul toto animali; et
secundum unumquodque itaque similiter. Corpus vero et huius
partes posteriora sunt hac substantia est dividitur in haec ut in materiam
non substantia sed simul totum. Eo quidem igitur quod simul totum priora
haec, est ut, est autem ut non. Neque enim possunt esse separata; non enim
qui quocumque modo se habens digitus animalis, sed equivocus qui mortuus. Quaedam vero simul:
quaecumque principalia et in quo primo ratio et substantia, puta si hoc cor
aut cerebrum; nichil enim differt, utrum tale Homo vero et equus et quae ita
in singularibus, universaliter autem, non sunt substantia sed simul totum
quoddam ex hac ratione et hac materia ut universaliter. Singulare vero ex
ultima materia Socrates iam est, et in aliis similiter. Pars quidem igitur
est et speciei (speciem autem dico quod quid erat esse) et simul totius, eius
quod ex specie et materia ipsa. Sed
rationis partes quae speciei solum sunt, ratio vero est ipsius
universalis; circulo enim esse et circulus et animae esse et anima idem.
Simul totius autem, puta circuli huius et singularium alicuius aut sensibilis
aut intellectualis – intellectuales vero dico ut mathematicos, et sensibiles
ut aereos et ligneos -, horum autem non est diffinitio, sed cum intelligentia
aut sensu cognoscuntur. Abeuntes vero ex actu non palam utrum quidem sunt aut
non sunt; sed semper dicuntur et cognoscuntur universalis ratione. Materia quidem
ignota secundum se. Materia vero alia sensibilis alia intellectualis;
sensibilis quidem ut es et lignum et quaelibet mobilis materia,
intellectualis vero quae in sensibilibus existit non in quantum sensibilia,
ut mathematica. Quomodo igitur habet
de toto et parte et priore et posteriore, dictum est. Interrogationi vero obviare est necesse, quando quis interrogat
utrum rectus et circulus et animal priora aut in quas interrogat utrum rectus
et circulus et animal priora aut in quas dividuntur et ex quibus sunt partes,
quia non simpliciter. Si quidem enim est et anima aut animatum, aut
unumquodque quae uniuscuiusque, et circulus quod circulo esse, et rectus quod
recto esse et substantia recti: quid quidem et quo dicendum est posterius,
puta hiis quae in ratione et quo recto (et enim hic quidem cum materia qui
aeuneus rectus, et qui in lineis singularibus); hic autem sine materia hiis
quidem quae in ratione posterior, eis vero quae in singularibus partibus
prior, simpliciter autem non dicendum. Si vero altera et
non est anima animal, et sic haec quidem dicendum haec autem non dicendum,
sicut dictum est. |
Ce que nous avons dit jusqu’ici suffit à faire voir
le vrai. Cependant nous allons revenir sur nos pas pour rendre ceci encore
plus net. Toutes les parties de la définition et les éléments dans lesquels la
définition se divise, toutes ces parties, ou du moins quelques-unes, soient
antérieures à la forme et au Tout. La définition de l’angle droit ne se
divise pas dans la définition de l’angle aigu; mais c’est au contraire la
notion de l’angle aigu qui emprunte la notion de l’angle droit, puisque, pour
définir l’angle aigu, il faut nécessairement employer la définition de
l’angle droit, et qu’on dit, en effet, que l’angle aigu est plus petit que
l’angle droit. C’est là également le rapport du cercle au demi-cercle, le
demi-cercle se définit par le cercle, comme le doigt se définit par le corps
total auquel il appartient, puisque le doigt n’est qu’une certaine partie de
l’homme. Par conséquent, tout ce qui fait partie d’une chose comme matière, et
tous les éléments matériels dans lesquels les choses se divisent, sont autant
d’éléments postérieurs ; mais tout ce qui entre dans la définition, et dans
la substance que la définition détermine, tout cela ou presque tout cela est
ultérieur. Prenons pour exemple l’âme dans les animaux. Elle est l’essence de
l’être animé ; et, pour le corps où elle réside, elle est la substance qui
entre dans sa définition; elle est la forme du corps, et l’essence qui fait
qu’il est ce qu’il est. De là vient qu’on ne peut pas définir convenablement
une partie quelconque du corps, sans définir aussi la fonction de l’âme, qui,
d’ailleurs, n’existe pas sans la sensibilité. Ainsi, toutes les parties de
l’âme, ou du moins quelques-unes, sont antérieures au composé tout entier,
qui est l’animal ; et il en est de même pour tout autre cas. Mais le corps et les parties du corps sont postérieures à la
substance de l’âme ; et ce n’est pas du tout cette substance, c’est le
composé de l’âme et du corps, qui se divise en ces parties, qui en sont la
matière. Ainsi, en un sens, ces parties matérielles sont antérieures au
composé ; et, en un autre sens, elles ne le sont point. C’est qu’elles ne
peuvent pas exister séparément de lui ; car un doigt n’est pas en tout état
de cause le doigt d’un être animé ; et, par exemple, le doigt d’un cadavre
n’est pas un doigt, si ce n’est par simple homonymie. Il y a néanmoins des parties qui coexistent avec l’âme ; ce sont les
parties maîtresses, et celles où résident primitivement la définition de
l’être et sa substance. C’est, par exemple, le coeur et le cerveau, si
toutefois ils jouent ce rôle, bien qu’il importe peu d’ailleurs que ce soit
l’un ou l’autre. L’homme, le cheval, et toutes les entités de même ordre
n’existent que dans les individus ; la substance réelle n’est pas un
universel ; ce qui existe réellement, c’est un Tout qui se compose de telle
notion ou de telle matière, et qu’on prend comme universel. L’individu, par
exemple Socrate, est formé de l’extrême matière ; et tous les individus sont
dans le même cas. Ainsi donc, la forme aussi a des parties, j’entends la forme
considérée comme essence, exprimant que la chose est ce qu’elle est. Le Tout
réel, composé de la forme et de la matière même, a des parties également ;
mais il n’y a que les parties de la forme qui soient des parties de la
définition et de la notion; or, la notion s’applique à l’universel. L’essence
du cercle et le cercle, l’essence de l’âme et l’âme, sont la même chose et se
confondent. Mais le composé, par exemple, ce cercle individuel et
particulier, que j’ai sous les yeux, ce cercle soit réel et sensible, soit
purement intelligible, et par intelligibles j’entends les cercles
mathématiques, comme par sensibles j’entends les cercles d’airain ou de bois,
ces composés réels et individuels ne sont pas connus par définition; on ne
les connaît que par la pensée, ou par le témoignage des sens. Une fois que
nous sortons de la réalité actuelle, nous ne savons plus au juste s’ils
existent ou n’existent pas; mais nous pouvons toujours les dénommer et les
connaître, si nous le voulons, par leur notion universelle. En soi, la matière dernière est inconnue ; mais l’on peut y
distinguer la matière sensible et la matière intelligible. La matière
sensible, c’est de l’airain, du bois, en un mot, toute matière qui peut être
mue. La matière intelligible est celle qui se trouve bien dans les objets
sensibles, mais non point en tant que sensibles ; et ce sont, par exemple,
les entités mathématiques. On vient de voir ce que nous disons des rapports du Tout et de la
partie, de ce qu’il y a d’antérieur et de postérieur dans l’un et dans
l’autre. Si l’on vient à nous demander, pour la ligne droite, pour le cercle,
pour l’animal, s’ils sont antérieurs aux parties dans lesquelles ils se
divisent et qui les composent, nous répondrons qu’il n’y a ici rien d’absolu.
Si le mot d’âme, en effet, signifie la forme de l’être animé, si l’âme de
chaque individu est la forme de chaque individu, si le cercle est la même
chose que la forme du cercle, si l’angle droit est la même chose que la forme
de l’angle droit et la substance de l’angle droit, il faut répondre qu’il y a
ici quelque chose de postérieur ; et il faut dire à quoi c’est postérieur. Le
Tout est postérieur, par exemple, aux éléments de la définition et aux
éléments de tel angle droit matériel ; car l’angle droit matériel, c’est
l’angle en airain, l’angle droit, tout aussi bien que celui qui est formé de
lignes particulières de chaque triangle. Mais l’angle immatériel est
postérieur aux éléments qui entrent dans la définition, tandis qu’il est
antérieur aux parties dont se compose un angle droit particulier; absolument
parlant, il ne l’est pas. Si, au contraire, l’âme est autre chose que l’être animé et n’est pas l’être animé, il faut répondre alors que quelques-unes de ses parties sont antérieures à l’animal, et que d’autres ne le sont pas, ainsi que nous l’avons exposé. |
Alors donc, la vérité a
maintenant été dite, et pourtant, disons-la maintenant davantage et plus
clairement en nous répétant. Car toutes les choses qui
sont parties de la notion et en lesquelles la notion se divise sont
antérieures soit à toutes, soit à certaines. Mais la notion du droit ne se
divise pas dans la notion de l’aigu, mais celle de l’aigu dans celle du
droit; en effet, on se sert du droit pour définir l’aigu : en effet,
l’aigu est plus petit que le droit. Le cercle et le demi-cercle
ont un rapport semblable; le demi-cercle en effet se définit par le cercle,
et le doigt par le tout : en effet, le doigt est telle partie de
l’homme. C’est pourquoi toutes les
choses qui sont parties comme matière et en lesquelles une chose se divise comme
en matière sont postérieures; mais toutes les choses qui [sont parties] de la
notion et de la substance selon la notion sont antérieures soit à toutes,
soit à certaines. Or, puisque l’âme des
animaux (elle est en effet la substance de l’être animé), qui, selon leur
notion, est la substance, l’espèce et le ce-que-c’est de tel corps (toute
partie en effet, si elle est bien définie, n’est pas définie sans
l’opération, qui n’existe pas sans un sens), ses parties, soit toutes soit
certaines, sont donc antérieures au tout-ensemble de l’animal, et pour toute
chose il en va de même. Mais le corps et ses parties
sont postérieures à cette substance, et se divise en elles comme en matière
non la substance, mais le tout-ensemble. Alors donc, quant au fait qu’elles
sont antérieures au tout-ensemble[174], c’est ainsi, mais ce n’est pas ainsi. Elles ne
peuvent pas être séparées non plus; en effet, le doigt d’un animal n’est pas
celui qui se trouve de n’importe quelle façon, mais celui qui est mort se dit
de façon équivoque. Mais certaines sont en même
temps : toutes celles qui sont principales et où sont en premier la
notion et la substance, par exemple si le cœur ou le cerveau sont ainsi; en
effet, cela ne change rien[175] si tel homme ou cheval et choses du genre [sont] dans
les singuliers, mais universellement, ils ne sont pas substance mais
seulement un tout-ensemble formé de
cette notion et de cette matière comme universellement. Mais Socrate est déjà
un singulier tiré de la matière ultime, et pareillement pour les autres. Alors donc, une partie est à
la fois celle de l’espèce (et j’appelle espèce le ce-que-c’est) et celle du
tout-ensemble, lequel est formé de l’espèce et de la matière même. Mais les
parties de la notion sont seulement celles de l’espèce, et la notion est
celle de l’universel; l’être du cercle et le cercle en effet, et l’être de
l’âme et l’âme, sont pareils. Mais le tout-ensemble, par exemple ce cercle-ci
ou un singulier quelconque, soit sensible soit intellectuel — j’appelle
intellectuels ceux qui sont mathématiques, et sensibles ceux qui sont en air
et en bois —, n’a pas de définition, mais il est connu par l’intelligence ou
le sens. Mais quand les choses s’éloignent de l’acte, il n’est pas évident si
elles sont ou ne sont pas, mais elles sont toujours désignées et connues par
une notion universelle. Or, la matière est inconnue
en soi. Mais autre est la matière sensible, autre la matière intellectuelle;
la sensible est comme l’airain, le bois et toute matière mobile,
l’intellectuelle celle qui existe dans les sensibles mais non en tant que
sensibles, comme les êtres mathématiques. On a donc dit quels sont les
rapports du tout et de la partie, de l’antérieur et du postérieur. Mais il
faut s’opposer à l’interrogation quand quelqu’un demande si le droit, le
cercle et l’animal sont antérieurs, ou en quelles [demande si le droit, le
cercle et l’animal sont antérieurs, ou en quelles[176]] parties ils se divisent et de quelles parties ils
viennent, car cela n’est pas absolu. Si en effet l’âme est aussi soit
l’animé, soit toute chose celle de toute chose, et le cercle ce qui est
l’être du cercle, et l’angle droit ce qui est l'être de l’angle droit et la
substance de l’angle droit, il faut dire que la chose est postérieure à ce
par quoi [elle est], par exemple aux choses qui sont dans sa notion et dans
cet angle droit (et en effet, celui qui est avec matière est l’angle droit
d’airain et celui qui est en lignes singulières); mais celui qui est sans
matière est postérieur aux choses qui sont dans sa notion, mais il est
antérieur aux choses qui sont dans les
parties singulières; mais il ne faut pas dire cela absolument. Mais si l’âme est autre
chose et n’est pas l’animal, même ainsi, il faut dire que les unes sont telles
et que les autres ne sont pas telles, comme on l’a dit. |
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Lectio 10 |
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[83053] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 1 Quia solutio superius posita non erat usquequaque manifesta,
nondum enim ostenderat quomodo partes sunt priores et posteriores, nec iterum
distinxerat compositum universale a particulari, nec etiam speciem a forma:
ideo hic solutionem superius positam explanat. Dividitur autem in partes
duas. In prima explanat solutionem superius positam. In secunda docet
qualiter sit ad quaestionem applicanda, ibi, interrogationi vero obviare.
Prima dividitur in duas. Primo solvit quaestionem quantum ad hoc, quod
quaesitum fuit de prioritate partium. Secundo quantum ad hoc, quod quaesitum
fuit, utrum partes definiti intrent definitionem, ibi, sed rationis partes.
Prima dividitur in duas. Primo ostendit quomodo partes sunt priores toto.
Secundo manifestat per exemplum, ibi, quoniam vero. Dicit ergo primo, quod id
quod superius est dictum in solutione proposita, verum quidem est in se,
tamen repetendum est ut amplius fiat manifestum, quantum ad hoc quod dictum
est. Oportet enim, quod omnes partes rationis, et in quas ratio dividitur,
sint priores definito, vel omnes, vel quaedam. Et hoc dicitur propter hoc,
quod partes formae quandoque non sunt de necessitate speciei, sed de
perfectione; sicut visus et auditus, quae sunt partes animae sensibilis, non
sunt de integritate vel necessitate animalis. Potest enim esse animal sine his
sensibus. Sunt tamen de perfectione animalis, quia animal perfectum hos etiam
sensus habet. Et sic universaliter est verum, quod illae partes quae ponuntur
in definitione alicuius sunt universaliter priores eo. |
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[83054] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 10 n. 2 Sed acutus angulus, quamvis sit pars recti, non
tamen ponitur in definitione eius, sed e converso; non enim ratio recti
anguli resolvitur in definitionem acuti, sed e converso. Qui enim definit acutum,
utitur recto definiendo. Angulus enim acutus est angulus minor recto. Et
similiter est de circulo et semicirculo, qui definitur per circulum. Est enim
media pars circuli. Similiter est de digito et homine, qui ponitur in
definitione digiti: definitur enim digitus, quod est talis pars hominis.
Dictum est enim supra, quod partes formae sunt partes rationis, non autem
partes materiae. Si igitur solae partes rationis sunt priores, non autem
materiae, sequitur quod quaecumque sint partes definiti, sicut materia, in
quam scilicet resolvitur definitum ut compositum in materialia principia,
sunt posteriora. Quaecumque vero sunt partes rationis et substantiae quae
est secundum rationem, idest partes formae secundum quam sumitur ratio
rei, sunt priora toto, aut omnia, aut quaedam, ratione superius dicta. |
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[83055] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 3 Deinde cum dicit quoniam vero exponit quod dixerat
per exempla; dicens, quod anima animalium cum sit substantia animati secundum
rationem, idest forma animati, a qua animatum habet propriam rationem, est
substantia, idest forma et species, et quod quid erat esse tali
corpori, scilicet organico. Corpus enim organicum non potest definiri
nisi per animam. Et secundum hoc anima dicitur quod quid erat esse tali
corpori. |
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[83056] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 4 Et quod hoc sit verum, patet per hoc quod si aliquis
bene definiat cuiuscumque animalis partem, non potest eam bene definire nisi per
propriam operationem. Sicut si dicatur quod oculus est pars animalis per quam
videt. Ipsa autem operatio partium non existit sine sensu vel motu vel aliis
operationibus partium animae. Et sic oportet quod definiens aliquam partem
corporis, utatur anima. |
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[83057] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 5 Et quia ita est, oportet quod partes eius, scilicet
animae, sint priores - vel omnes, sicut in perfectis animalibus, vel quaedam,
sicut in imperfectis animalibus, simul toto, idest eo quod est
compositum ex anima et corpore. Et similiter est secundum unumquodque aliud,
quia semper oportet quod partes formales sint priores quolibet composito. |
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[83058] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 6 Sed corpus et partes corporis sunt posteriores hac
substantia, scilicet forma, quae est anima, cum oporteat animam in eius
definitione poni, ut iam dictum est. Et id quod dividitur in partes corporis,
ut in materiam, non est ipsa substantia, idest forma, sed simul
totum, idest compositum. Patet igitur quod partes corporis sunt priores simul
toto, idest composito quodammodo, et quodammodo non. |
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[83059] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 7 Sunt quidem priores sicut simplex composito, inquantum
animal compositum ex eis constituitur. Sunt autem non priores secundum modum
quo dicitur esse prius id quod potest esse sine alio; non enim partes
corporis possunt esse separatae ab animali; non enim digitus quocumque modo
se habens est digitus. Ille enim qui est decisus, vel mortuus, non dicitur
digitus nisi aequivoce, sicut digitus sculptus vel depictus. Sed secundum
hanc considerationem huiusmodi partes sunt posteriores composito animali,
quia animal sine digito esse potest. |
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[83060] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 8 Sed quaedam partes sunt, quae licet non sint priores
toto animali hoc modo prioritatis, quia non possunt esse sine eo, sunt tamen
secundum hanc considerationem simul; quia sicut ipsae partes non possunt esse
sine integro animali, ita nec integrum animal sine eis. Huiusmodi autem sunt
partes principales corporis, in quibus primo consistit forma, scilicet
anima; scilicet cor, vel cerebrum. Nec ad propositum differt quicquid tale
sit. |
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[83061] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 9 Sciendum tamen, quod hoc compositum, quod est animal
vel homo, potest dupliciter sumi: vel sicut universale, vel sicut singulare.
Sicut universale quidem, sicut homo et animal. Sicut singulare, ut Socrates et
Callias. Et ideo dicit, quod homo, et equus et quae ita sunt in singularibus,
sed universaliter dicta, sicut homo et equus non sunt substantia,
idest non sunt solum forma, sed sunt simul totum quoddam compositum ex
determinata materia et determinata forma; non quidem ut singulariter, sed
universaliter. Homo enim dicit aliquid compositum ex anima et corpore, non
autem ex hac anima et hoc corpore. Sed singulare dicit aliquid compositum ex
ultima materia, idest materia individuali. Est enim Socrates aliquid
compositum ex hac anima et hoc corpore. Et similiter est in aliis
singularibus. |
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[83062] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 10 Sic igitur patet quod materia est pars speciei.
Speciem autem hic intelligimus non formam tantum, sed quod quid erat esse. Et
patet etiam quod materia est pars eius totius, quod est ex specie et
materia, idest singularis, quod significat naturam speciei in hac materia
determinata. Est enim materia pars compositi. Compositum autem est tam
universale quam singulare. |
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[83063] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 11 Deinde cum dicit sed rationis ostendit quae partes
debeant poni in definitione. Cum enim ostensum sit quae partes sunt speciei et
quae partes individui, quia materia communiter sumpta est pars speciei, haec
autem materia determinata est pars individui: manifestum est, quod solum
illae partes sunt partes rationis, quae sunt partes speciei; non autem quae
sunt partes individui. In definitione enim hominis ponitur caro et os, sed
non haec caro et hoc os. Et hoc ideo, quia ratio definitiva non assignatur
nisi universaliter. |
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[83064] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 12 Cum enim quod quid erat esse sit idem cum eo cuius
est, ut supra ostensum est, illius tantum erit definitio, quae est ratio
significans quod quid erat esse, quod est idem cum suo quod quid erat esse.
Huiusmodi autem sunt universalia et non singularia. Circulus enim, et id quod
est circulo esse, sunt idem; et similiter anima, et id quod est animae esse.
Sed ipsorum, quae sunt composita ex specie et materia individuali, sicut
circuli huius, aut alicuius aliorum singularium: horum non est definitio. |
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[83065] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 13 Nec differt utrum singularia sint sensibilia vel
intelligibilia. Singularia quidem sensibilia sunt sicut circuli aerei et
lignei. Intelligibilia singularia sunt sicut circuli mathematici. Quod autem
in mathematicis considerentur aliqua singularia, ex hoc patet, quia
considerantur ibi plura unius speciei, sicut plures lineae aequales, et
plures figurae similes. Dicuntur autem intelligibilia, huiusmodi singularia,
secundum quod absque sensu comprehenduntur per solam phantasiam, quae
quandoque intellectus vocatur secundum illud in tertio de anima: intellectus
passivus corruptibilis est. |
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[83066] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 14 Ideo autem singularium circulorum non est definitio,
quia illa, quorum est definitio, cognoscuntur per suam definitionem; sed
singularia non cognoscuntur nisi dum sunt sub sensu vel imaginatione, quae
hic intelligentia dicitur, quia res considerat sine sensu, sicut intellectus.
Sed huiusmodi singulares circuli abeuntes ab actu, idest recedentes ab
actuali inspectione sensus, quantum ad sensibiles, aut imaginationis, quantum
ad mathematicos, non est manifestum, utrum sint inquantum sunt singulares;
sed tamen semper dicuntur et cognoscuntur per rationem universalis.
Cognoscuntur enim hi circuli sensibiles, etiam quando non actu videntur,
inquantum sunt circuli, non inquantum sunt hi circuli. |
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[83067] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 15 Ratio autem huius est, quia materia, quae principium
est individuationis, est secundum se ignota, et non cognoscitur nisi per
formam, a qua sumitur ratio universalis. Et ideo singularia non cognoscuntur
in sua absentia nisi per universalia. Materia autem non solum est principium
individuationis in singularibus sensibilibus, sed etiam in mathematicis.
Materia enim alia est sensibilis, alia intelligibilis. Sensibilis quidem ut
aes et lignum, vel etiam quaelibet materia mobilis, ut ignis et aqua, et
huiusmodi omnia; et a tali materia individuantur singularia sensibilia.
Intelligibilis vero materia est, quae est in sensibilibus, non inquantum sunt
sensibilia, sicut mathematica sunt. Sicut enim forma hominis est in tali
materia, quae est corpus organicum, ita forma circuli vel trianguli est in
hac materia quae est continuum vel superficies vel corpus. |
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[83068] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 16 Concludit igitur quod dictum est, quomodo se habet de
toto et parte, et de priori et de posteriori, idest cuius pars sit pars, et
quomodo sit prior et quomodo posterior. Partes enim materiae individuae sunt
partes compositi singularis, non autem speciei, nec formae. Partes autem
materiae universalis, sunt partes speciei, sed non formae. Et quia universale
definitur et non singulare, ideo partes materiae individualis non ponuntur in
definitione, sed solum partes materiae communis, simul cum forma vel partibus
formae. |
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[83069] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 17 Deinde cum dicit interrogationi vero adaptat solutionem
propositam quaestioni prius notae; dicens, quod necesse est obviare per
praedictam solutionem interrogationi quando quis interrogat, utrum rectus
angulus et circulus et animal sint priora partibus; aut e converso partes in
quas huiusmodi dividuntur, et ex quibus componuntur, sunt priores. Dicendum
quod non est simpliciter respondendum. Est enim duplex opinio. Quidam enim
dicunt quod idem est tota species et forma, sicut anima quod homo. Quidam
autem quod non, quia homo est compositum ex anima et corpore. Et secundum
utramque opinionem est diversimode respondendum. |
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[83070] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 18 Si enim idem est anima quod animal vel animatum, aut
similiter unumquodque est idem cum forma uniuscuiusque, ut circulus idem cum
forma circuli, et rectus angulus idem cum forma recti, dicendum est
determinando quid sit posterius, et quo sit posterius; quia secundum hoc
partes materiae sunt posteriores his, quae sunt in ratione, et sunt etiam
posteriores aliquo recto, scilicet recto communi, sed sunt priores
recto singulari. Hic enim rectus qui est aereus, est cum materia sensibili.
Et hic rectus qui est cum lineis singularibus, est cum materia intelligibili.
Sed ille rectus qui est sine materia, idest communis, erit posterior
partibus formae quae sunt in ratione, sed erit prior partibus materiae quae
sunt partes singularium. Nec erit secundum hanc opinionem distinguere inter
materiam communem et individualem. Sed tamen simpliciter non erit
respondendum, quia erit distinguendum inter partes materiae et partes formae. |
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[83071] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 10 n. 19 Si autem alia opinio sit vera, scilicet quod anima
sit aliud quam animal, sic erit dicendum et non dicendum partes esse priores toto,
sicut determinatum est prius. Secundum enim hanc opinionem docuit superius
distinguere non solum inter materiam et formam, sed inter materiam communem
quae est pars speciei, et inter materiam individualem quae est pars
individui. |
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Leçon 11, texte
d’Aristote, traduit par Guillaume de Moerbeke, v. 1260 |
Leçon 11, Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Leçon
11, texte latin de Guillaume de Moerbeke, traduit par Georges Comeau |
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Dubitatur autem merito quae speciei sunt
partes et quae non, sed simul sumpti. Hoc enim non manifesto existente non
est diffinire unumquodque; universalis enim et speciei est diffinitio. Quae igitur sunt partium ut materia et quae non, si non fuerint manifeste,
nec ratio erit manifesta quae rei. Quecumque quidem igitur videntur facta in
vidersis specie, ut circulus in aere et lapide et ligno, haec quidem
manifesta esse videntur quia nichil circuli substantiae es neque lapis
propter separari ab ipsis. Quae vero non videntur separata, nichil prohibet
similiter hiis habere, ut si circuli omnes videantur aenei; nichil enim
utique minus erat aes speciei. Hoc autem auferre mente est difficile. Ut hominis species semper in
carnibus apparet et ossibus et talibus partibus. Utrum igitur et sunt partes
haec speciei et rationis aut non, sed materia? Sed quia non et in aliis
fiunt, non possumus separare. Quoniam autem hoc videtur
contingere, immanifestum autem quando dubitant quidam iam et in circulo et in trigono,
quasi non sit competens lineis diffiniri et continuo, sed omnia haec
similiter dici ac si ut carnes et ossa hominis et aes et lapis circuli; et
referunt omnes ad numeros, et lineae rationem eam quae duorum esse dicunt. Et ydeas dicentium hii
quidem ipsammet lineam dualitatem, hii autem speciem lineae. Quaedam enim
esse eadem, speciem et cuius species, ut dualitatem et speciem dualitatis; in
linea vero non adhuc. Accidit itaque
unum multorum esse speciem quorum species videtur esse altera (quod et
Pytagoricis accidit), et contingit
unam omnium facere per se speciem, alia vero non species; quamvis sic unum omnia erunt. Quod quidem igitur
habent dubitationem quandam quae sunt circa diffinitiones, et propter quam
causam, dictum est. Quare omnia reducere ita et auferre materiam superfluum est; quaedam
enim forsam hoc in hoc sunt aut sic haec habentia. Et parabola de animali, quam consuevit Socrates
iunior dicere, non bene se habet; abducit enim a veritate et facit suspicari
quasi contingens sit hominem esse sine partibus, sicut sine aere circulum. Sed hoc non simile;
sensibile namque aliquid forsan animal, et sine motu non est diffinire, quare
nec sine partibus se habentibus qualitercumque. Non enim omni modo hominis
est pars manus, sed potens opus perficere, quare animata existens; non
animata vero non pars. Circa mathematica autem, quare non sunt partes rationes rationum, ut
circuli emikiclia? Non enim sunt sensibilia haec. Aut nil differt; erit enim
materia quorundam et non sensibilium, et omnis quod non est quid erat esse et
species eadem secundum se sed hoc aliquid. Circuli quidem igitur non erit
eius qui universalis, singularium vero erunt partes hee, sicut dictum est
prius. Est enim materia haec quidem sensibilis, haec autem intellectualis. Palam autem et quod anima quidem
substantia prima, corpus autem materia; homo vero aut animal quod est ex
utrisque ut universaliter. Socrates autem et Coriscus, si quidem anima, dupliciter:
alii namque ut animam alii vero ut totum; si vero simpliciter anima haec et
corpus hoc, ut quod quidem universale et singulare. Utrum autem est praeter materiam talium aliqua substantiarum alia, et oportet
quaerere substantium ipsorum alteram quandam ut numeros aut aliquid tale,
perscrutandum est posterius. Huius enim gratia et de sensibilibus substantiis
temptamus diffinire, quoniam modo quodam phisice et secundae philosophiae
opus circa sensibiles substantias speculatio. Non enim solum de materia
oportet scire phisicum sed et de ea quae secundum rationem, et magis. In diffinitionibus vero
quomodo partes quae in ratione, et quare una ratio diffinitio? Palam enim
quia res una. Res vero quo una partes habens, speculandum est posterius. Quid quidem igitur est quod quid erat
esse et quomodo ipsum secundum se, universaliter de omni dictum est. Et quare
horum quidem ratio quae eius quod quid erat esse habet partes diffiniti,
horum autem non. Et quod in substantiae quidem ratione quae sic partes ut
materia non inerunt. Neque enim sunt illius partes substantiae sed totius; huius autem est
aliqualiter ratio et non est. Nam cum materia non est, indeterminatum enim; secundum
primam autem substantiam est, ut hominis quae animae ratio. Substantia namque
est species quae inest, ex qua et materia tota dicitur, ut concavitas; nam ex
hac et naso simus nasus et simitas est; bis enim in hiis inerit nasus. In tota vero
substantia, ut naso simo aut Callia, inest et materia. Et quod quod quid erat
esse et unumquodque in quibusdam idem, ut in primis substantiis, ut curvitas
et curvitati esse, si prima est; dico autem prima quae non dicitur per aliud
in alio esse et subiecto ut materia. Quaecumque vero ut materia aut concepta
cum materia, non idem, neque secundum accidens unum, ut Socrates et musicum;
haec enim eadem secundum accidens. |
On fait bien de se demander quelles sont ici les
parties de la forme, et quelles sont celles qui se rapportent non à la forme,
mais au composé. Tant que ce point n’est pas éclairci, il n’est pas possible
de définir exactement quoi que ce soit, puisque la définition ne s’adresse
qu’à l’universel et à la forme spécifique. Il en résulte qu’à moins de voir clairement quelles parties sont
matérielles et quelles parties ne le sont pas, il est impossible aussi
d’avoir une notion claire de la chose qu’on veut définir. Toutes les fois que
la forme peut s’adjoindre à des choses d’espèce différente, comme le cercle
qui peut s’adjoindre indifféremment à l’airain, à la pierre ou au bois, la
solution est évidente, attendu que, ni l’airain, ni la pierre, ne font partie
de l’essence du cercle, puisque le cercle peut en être séparé. Même quand
cette séparation ne serait pas aussi visible que dans ce cas, rien
n’empêcherait qu’il n’en fût encore tout à fait ainsi ; et, par exemple,
alors même que les cercles qu’on verrait seraient tous en airain, l’airain ne
ferait pas pour cela partie de la forme. Il est vrai qu’il est difficile à notre esprit de faire cette
abstraction ; et, par exemple, la forme de l’homme se présente toujours à
nous accompagnée de chairs, d’os et de parties analogues. Sont-ce là aussi
des parties de la forme et de la définition de l’homme ? Ou ne faut-il pas
dire qu’elles n’en sont pas des parties, mais seulement la matière, et que,
comme ces parties ne s’appliquent pas à un autre être que l’homme, nous
sommes impuissants à les en séparer ? Néanmoins cette séparation semble possible ; et le seul point obscur,
c’est de savoir dans quels cas elle l’est. Aussi, il y a des philosophes qui
soulèvent une objection, et qui prétendent qu’il ne faut pas définir le
cercle et le triangle par des lignes et par la continuité de la surface, mais
qu’il faut considérer tout cela absolument comme on considère les chairs et
les os dans l’homme ; l’airain et la pierre, dans le cercle. Ces philosophes
réduisent donc tout à des nombres ; et pour eux, la définition de la ligne se
confond avec celle du nombre Deux. C’est que, parmi les partisans des Idées, les uns soutiennent que le
nombre Deux représente la ligne en soi ; d’autres disent seulement que le
nombre Deux, c’est l’Idée de la ligne ; car, selon eux, il y a parfois
identité entre l’Idée et l’objet de l’Idée. Et ici, par exemple, Deux et
l’Idée de Deux sont la même chose. Mais ce n’est plus le cas pour la ligne.
Il résulte certainement de cette théorie qu’une multitude de choses, dont
l’espèce est évidemment différente, n’ont plus alors qu’une seule Idée ; et
c’est là aussi l’erreur des Pythagoriciens. On peut tout aussi bien ne faire
qu’une seule Idée pour toutes choses ; il n’y a plus d’Idées distinctes ; et,
grâce à ce procédé, tout finit par se réduire à l’unité. Nous avons donc montré les difficultés que présente la théorie des
définitions, et nous en avons exposé la cause. Aussi, n’avons-nous que faire
de réduire ainsi tous les êtres et de supprimer la matière. Évidemment, il y
a des choses qui ne sont que des qualités dans un sujet ; et d’autres sont
des substances qui existent de telle ou telle façon. La comparaison relative
à l’animal, dont le jeune Socrate se servait habituellement, n’est pas très
juste. Il dévie du vrai, et il donne à supposer que l’homme pourrait exister
sans les parties qui le forment, comme le cercle existe sans l’airain. Mais, pour l’homme, le cas n’est pas du tout pareil. L’animal est
quelque chose qui tombe sous nos sens ; et il serait bien impossible de le
définir sans la notion du mouvement, et, par conséquent, sans des parties qui
aient une certaine disposition. Ainsi, la main, absolument parlant, n’est pas
une partie de l’homme ; elle est uniquement la main en tant qu’elle est
animée, et qu’elle peut remplir la fonction qui lui est propre ; si elle
n’est pas animée et vivante, ce n’est plus une partie de l’homme. Mais, dans les Mathématiques, pourquoi les définitions des parties
n’entrent-elles pas dans la définition du Tout? Et, par exemple, pourquoi les
demi-cercles ne sont-ils pas des parties de la définition du cercle? C’est
que les demi-cercles ne sont pas des objets qui tombent sous l’observation
sensible. Ou bien, n’est-ce pas là une circonstance indifférente? Car il y a
matière même pour certaines choses qui ne sont pas perçues par les sens; et,
en général, tout ce qui n’est pas l’essence de la chose en est la matière. On
ne doit pas admettre qu’il y ait des parties pour le cercle pris au sens
universel; il n’y en a que pour les cercles considérés individuellement,
ainsi que nous l’avons antérieurement indiqué. Car la matière, avons-nous
dit, est sensible ou intelligible. Donc, évidemment aussi, l’âme est la substance première, et le corps
est la matière. L’homme, ou l’être composé des deux, c’est-à-dire de l’âme et
du corps, est universel. Socrate ou Coriscus, si l’âme est ce qu’on vient de
dire, se présente sous un double aspect : on peut le considérer, ou comme une
âme, ou comme le composé de l’âme et du corps. Si on veut le considérer d’une
manière absolue et en soi, il y a, d’un côté telle âme, et, d’un autre côté,
tel corps, dans la relation de l’universel au particulier. Quant à savoir si, en dehors de la matière de ces substances, il y a
encore une substance différente, et s’il convient de chercher quelle est cette
substance autre que celles-là, les nombres, par exemple, ou quelque chose
d’analogue, c’est une question qu’on étudiera plus loin. C’est pour éclaircir
cette question que nous essayons de définir même les substances sensibles,
bien que, dans une certaine mesure, l’étude des substances, telles que nos
sens nous les montrent, fasse partie de la Physique et de la Philosophie
seconde. C’est qu’en effet ce n’est pas seulement la matière que le physicien
doit étudier ; c’est encore, et à plus juste titre, la matière telle que la
définition nous la donne. Or, pour les définitions, il lui importe de savoir comment les
éléments dont la définition se forme, sont des parties de la chose, et
comment la définition en arrive à représenter une notion unique. Évidemment,
la chose à définir elle-même est Une; mais ce qui fait qu’elle est Une, tout
en ayant des parties, c’est ce que nous rechercherons plus tard. Ainsi donc,
nous avons expliqué ce qu’est l’essence qui fait que la chose est ce qu’elle
est, d’une manière générale, pour tous les cas; nous avons également montré
ce que c’est qu’être En soi et pour soi; et comment, dans certains cas, la
définition de l’essence renferme les parties du défini, et comment, dans
d’autres cas, elle ne les renferme pas. Enfin, nous avons établi que, dans la
définition de l’essence, ne peuvent pas figurer les parties qui y seraient
comprises comme matière ; car alors ce ne sont plus les parties de l’essence
substantielle, mais bien les parties du composé résultant de l’union de la
matière et de la forme. On peut, pour le composé, soutenir tout à la fois qu’il y a, et qu’il
n’y a pas, de définition. Quand la substance est réunie à la matière, il n’y
a pas moyen de la définir, puisque la matière est indéterminée ; mais pour la
substance première, la définition est possible ; et c’est ainsi que la
définition de l’âme est celle de l’homme. La substance est la forme
intrinsèque qui, en s’unissant à la matière, produit la substance totale et
composée, comme est, par exemple, la courbure du nez. C’est, en effet, de
cette courbure et du nez que résulte le nez camus, et ce qu’on appellerait la
Camusité ; mais l’idée de nez se trouve impliquée deux fois dans cette
expression : « Le nez camus. » Dans la substance combinée comme est le nez camus, ou comme est Callias, il y a bien aussi de la matière intégrante ; l’essence et l’individualité se confondent dans quelques cas, comme on le voit pour les substances premières : par exemple, pour la courbure et l’idée de la courbure, si toutefois la courbure est une substance première. Par substance première, j’entends celle qui n’est pas appelée ainsi, parce qu’une autre chose est dans une autre chose, qui est son sujet et sa matière. Mais toutes les fois que l’on ne considère que la matière, ou une combinaison quelconque de la matière, le composé ne peut être identifié à la substance, à moins que ce ne soit par une unité tout accidentelle : comme, par exemple, on peut confondre Socrate et la qualité de savant que Socrate peut avoir ; car il n’y a là qu’une identité toute indirecte. |
On se demandera à bon droit
quelles sont les parties de l’espèce et quelles ne le sont pas mais sont
celles du tout-ensemble. Cela n’étant pas manifeste, on ne peut pas définir
quoi que ce soit; en effet, il y a définition de l’universel et de l’espèce. Lesquelles des parties sont
donc comme matière ou ne le sont pas, si elles ne le sont pas manifestement,
la notion de la chose ne sera pas manifeste non plus. Alors, tous les objets
qui semblent faits de choses diverses en espèce, comme le cercle d’airain, de
pierre et de bois, il semble manifeste pour eux que l’airain et la pierre ne
sont rien de la substance du cercle, car ils se séparent de lui. Mais quand
aux choses qui ne semblent pas séparées, rien n’empêche qu’elles se comportent
de façon semblable, comme si tous les cercles semblaient être d’airain; rien
en effet, moins que l’airain, ne serait dans l’espèce. Mais cela est difficile à
enlever par notre esprit. Ainsi, l’espèce de l’homme apparaît toujours dans
les chairs, les os et les parties du genre. Alors, sont-elles aussi parties
de l’espèce et de la notion ou non, mais de la matière? Mais parce qu’elles
ne se trouvent pas dans d’autres, nous ne pouvons pas les séparer. Mais puisque cela semble
possible, mais qu'on ne peut pas voir quand, certains en doutent même pour le
cercle et pour le triangle, comme s’il n’était pas convenable de les définir
par les lignes et le continu, mais qu’il fallait dire la même chose pour tout
cela que pour les chairs et les os dans l’homme et l’airain et la pierre dans
le cercle, et ils ramènent tout aux nombres et disent que la notion de la
ligne est celle du nombre 2. Et de ceux qui affirment les
idées, les uns disent que la dualité est la ligne en soi, les autres disent
qu’elle est l’idée de la ligne : que certaines choses en effet sont
pareilles, l’espèce et ce dont elle est l’espèce, comme la dualité et
l’espèce de la dualité; mais dans la ligne, ce n’est plus ainsi. Il arrive en
conséquence qu’une chose soit l’espèce de plusieurs dont l’espèce semble
différente (ce à quoi les Pythagoriciens aussi se sont heurtés), et il est
possible de faire qu’une seule espèce soit en soi celle de toutes choses et
qu’il n'y ait pas d'autre espèce, quoique ainsi tout sera un. On a donc dit que ce qui
entoure les définitions est sujet à un certain doute, et pour quelle cause.
C’est pourquoi il est inutile de réduire ainsi toutes choses et de supprimer
la matière; en effet, certaines choses sont peut-être ceci dans cela ou
possèdent ces choses ainsi. Et la comparaison de l’animal, que le jeune
Socrate avait l’habitude d’employer, ne s’applique pas bien; elle s’écarte en
effet de la vérité et fait soupçonner qu’il soit possible que l’homme soit
sans parties, comme un cercle sans airain. Mais cela n’est pas
semblable, car l’animal est peut-être quelque chose de sensible et ne peut
pas se définir sans mouvement, et donc pas non plus sans parties se
comportant d’une certaine façon. En effet, ce n’est pas la main en n’importe
quelle manière qui est partie de l’homme, mais celle capable d’accomplir une
œuvre, parce qu’elle est animée; celle qui n’est pas animée n’est pas une
partie. Mais
quant aux êtres mathématiques, pourquoi les parties ne sont-elles pas les notions
des notions, comme celles du cercle celles de l’hémicycle? En effet, elles ne
sont pas sensibles. Ou peu importe, il y aura aussi une matière pour
certaines choses non sensibles et tout ce qui n’est pas le ce-que-c’est et
l’espèce même en soi, mais cette chose. Alors donc, pour le cercle qui est
universel, il n’y en a pas, mais pour les singuliers il y a des parties,
comme on l’a dit plus haut. En effet, cette matière-ci est sensible, celle-là
intellectuelle. Mais
il est aussi évident que l’âme est la substance première, et le corps la
matière; mais l’homme ou l’animal qui est fait des deux est comme universel.
Mais Socrate et Coriscus, si on considère l’âme, sont de deux façons :
pour les uns, comme une âme; pour les autres, comme un tout; mais si
absolument ceci est l’âme et cela le corps, c’est comme une réalité
universelle et singulière. Mais
s’il existe d’autres substances en plus de la matière de telles choses et
s’il faut chercher quelque autre substance que celles-là, comme les nombres
ou quelque chose de tel, il faudra étudier cela plus loin. En effet, c’est
dans ce but que nous essayons aussi de définir les substances sensibles, car
d’une certaine façon, l’œuvre de la physique et de la philosophie seconde est
la considération des substances sensibles. En effet, le physicien ne doit pas
connaître seulement la matière, mais aussi, et davantage, les choses qui
suivent la notion. Mais
dans les définitions, comment les parties sont-elles dans la notion, et
pourquoi une seule notion est-elle la définition? Il est évident en effet que
la chose est une. Mais la chose qui fait qu’elle est une en ayant des parties
devra être étudiée plus loin. Alors donc, on a dit ce qu’est le ce-que-c’est
et comment il se dit en soi, de toute chose universellement. Et pourquoi la
notion de ceux-ci qui est celle du ce-que-c’est a des parties du défini, mais
pas la notion de ceux-là. Et aussi, que dans la notion de substance, les
parties qui sont là comme matière ne sont pas incluses. En effet, elles ne
font pas partie non plus de cette substance, mais du tout; mais
de ce dernier, d’une certaine façon, il y a et il n’y a pas une notion. En
effet, il n’y en a pas avec matière, car elle est indéterminée, mais selon la
substance première il y en a une, comme celle de l’homme qui est la notion de
l’âme. Car la substance est l’espèce qui est à l’intérieur, de laquelle et de
la matière elle est dite entière, comme la concavité; car de celle-ci et du
nez viennent le nez et la « camusité »; en effet le nez se trouve en
ces choses deux fois. Mais
dans la substance entière, comme le nez camus ou Callias, se trouve la
matière. Et que le ce-que-c’est et chaque chose soient pareils dans certains cas,
comme dans les substances premières, comme la courbure et l’être de la
courbure, si celle-ci est première; or, j’appelle première celle qui n’est
pas dite être par un autre dans un autre être et un sujet comme matière. Mais
toutes les choses qui sont comme matière ou sont conçues avec la matière ne
sont pas pareilles et ne sont pas un par accident, comme Socrate et musicien;
ceux-ci, en effet, sont pareils par accident. |
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Lectio 11 |
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[83072] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 1 In ista parte determinat quamdam dubitationem, quae
poterat oriri ex solutione praemissae quaestionis. Distinxerat enim, solvendo
praemissam quaestionem, inter partes speciei, et partes individui, quod est
compositum ex specie et ex materia. Et ideo hic quaerit, quae sint partes
speciei, et quae non. Dividitur ergo ista pars in partes tres. In prima
determinat hanc dubitationem. In secunda ostendit quid restat dicendum, ibi,
utrum autem praeter materiam. Tertio recapitulat ea quae dicta sunt, ibi, quid
quidem igitur est quod quid erat. Circa primum tria facit. Primo movet
dubitationem. Secundo solvit, ibi, quaecumque quidem igitur et cetera. Tertio
solutionem manifestando colligit, ibi, palam autem et cetera. Dicit ergo
primo, quod cum dictum sit quod partes speciei ponuntur in definitionibus,
non autem partes compositi ex specie et materia, merito dubitatur quae sunt
partes speciei, et quae non sunt partes speciei sed simul sumpti,
idest individui, in quo simul sumitur natura speciei cum materia ipsa individuante. |
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[83073] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 2 Si enim hoc non sit manifestum, non poterimus
aliquid recte definire, quia definitio nunquam est rei singularis, sed solum universalis,
ut supra dictum est. Et inter universalia proprie est species, quae
constituitur ex genere et differentia, ex quibus omnis definitio constat.
Genus enim non definitur, nisi etiam sit species. Unde patet, quod nisi
sciatur quae pars sit sicut materia, et quae non est sicut materia sed sicut
ad speciem ipsam pertinens, non erit manifestum qualis debeat esse definitio
rei assignanda, cum non assignetur nisi speciei, et oporteat in definitione
speciei partes speciei ponere, et non partes quae sunt posteriores specie. |
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[83074] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 3 Deinde cum dicit quaecumque quidem solvit propositam
dubitationem. Et circa haec tria
facit. Primo ponit solutionem secundum opinionem Platonicorum. Secundo improbat
eam, ibi, accidit itaque unam. Tertio solvit secundum suam sententiam, ibi,
quare omnia reducere. Circa primum duo facit. Primo solvit propositam
dubitationem quantum ad sensibilia. Secundo quantum ad mathematica, ibi,
quoniam autem. Primo ergo dicit,
quod in quibusdam manifestum est, quod materia non sit pars speciei, sicut in
omnibus illis quae manifeste apparent fieri in materiis diversis secundum
speciem, sicut circulus invenitur fieri in aere et in lapide et in ligno.
Unde manifestum est quod neque aes neque lapis neque lignum, est aliquid de
substantia circuli, quasi pars existat huius speciei, quae est circulus. Est
autem hoc manifestum propter hoc quod circulus a quolibet istorum separatur:
nihil autem potest separari ab eo quod est pars speciei. |
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[83075] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 4 Sed quaedam sunt, quorum species non inveniuntur
fieri in diversis materiis secundum speciem, sed semper in eisdem. Sicut
species hominis, quantum ad hoc quod visibiliter apparet, non invenitur nisi
in carnibus et ossibus. Nihil tamen prohibet, ut etiam ista, quae non
videntur a propria materia separata, similiter se habeant ad suas materias
sicut illa quae esse possunt in diversis materiis, et ab unaquaque earum
separari. |
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[83076] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 5 Si enim poneremus quod non viderentur sensibiliter
aliqui circuli nisi ex aere, nihilominus tamen sic esset pars speciei circuli
aes. Et licet tunc non separaretur circulus actu ab aere, separaretur tamen mente,
quia species circuli posset intelligi sine aere, ex quo aes non esset pars
speciei circuli, licet difficile sit mente auferre et separare abinvicem quae
actu non separantur. Non enim est hoc nisi illorum qui per intellectum supra
sensibilia elevari possunt. |
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[83077] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 6 Et similiter si hominis species semper apparet in
carnibus et ossibus et talibus partibus, oportet quaerere, utrum istae partes
sint speciei humanae et rationis, idest definitionis hominis; aut non
sunt partes speciei, sed solum materia speciei, sicut aes circuli. Sed quia
talis species non fit in aliis partibus materialibus quam in istis, ideo de
facili non possumus separare hominem per intellectum a carnibus et ossibus.
Videtur enim eadem ratio esse hic et in circulo, si omnes circuli essent
aerei. |
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[83078] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 7 Deinde cum dicit quoniam autem procedit ulterius
prosequendo opinionem praetactam quantum ad mathematica; dicens, quod quia videtur
hoc contingere in aliquibus, scilicet quod materia non sit pars speciei,
quamvis species non inveniatur nisi in illa materia, sed non est manifestum
quando et in quibus hoc contingat vel non contingat, ideo aliqui circa hoc
dubitant non solum in naturalibus, sed etiam in mathematicis, ut in circulo
et triangulo. |
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[83079] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 8 Videtur enim eis, quod sicut materia sensibilis non
est pars speciei in naturalibus, ita etiam quod materia intelligibilis non sit
pars speciei in mathematicis. Materia autem figurarum mathematicarum
intelligibilis, est continuum, ut linea vel superficies. Et ideo vult, quod
linea non sit pars speciei circuli vel trianguli; quasi non sit competens
quod triangulus et circulus definiantur per lineas et continuum, cum non sint
partes speciei; sed omnia ista similiter dicantur ad circulum et triangulum,
sicut carnes et ossa ad hominem, et aes et lapides ad circulum. |
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[83080] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 9 Removendo autem a triangulo et circulo continuum,
quod est linea, nihil remanet nisi unitas et numerus, quia triangulus est
tres lineas habens, et circulus unam. Et ideo, quia lineas non dicunt esse
partes speciei, referunt omnes species ad numeros, dicentes quod numeri sunt
species mathematicorum omnium. Dicunt enim quod ratio duorum est ratio lineae
rectae, propter hoc quod linea recta duobus punctis terminatur. |
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[83081] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 10 Sed circa hoc inter Platonicos ponentes ideas, est
differentia quaedam. Quidam enim non ponentes mathematica media inter species
et sensibilia, dicentes species esse numeros, dicunt ipsam lineam esse
dualitatem, quia non ponunt lineam mediam differentem a specie lineae. |
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[83082] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 11 Quidam vero dicunt quod dualitas est species lineae,
et non linea. Linea enim est quoddam mathematicum medium inter species et sensibilia;
et dualitas est ipsa species. Et secundum eos, in quibusdam non differunt
species et cuius est species, sicut in numeris, quia ipsas species dicebant
esse numeros. Unde idem dicebant esse dualitatem et speciem dualitatis. Sed
lineae hoc non accidit, secundum eos, quia linea iam dicit aliquid
participans speciem, cum multae lineae inveniantur esse in una specie; quod
non esset si ipsamet linea esset ipsa species. |
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[83083] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 12 Deinde cum dicit accidit itaque improbat praedictam
solutionem; et ponit tres rationes: quarum prima est. Si soli numeri sint
species, omnia ista quae participant uno numero participant una specie. Multa
autem sunt diversa specie quae participant uno numero. Unus enim et idem
numerus est in triangulo propter tres lineas, et in syllogismo propter tres
terminos, et in corpore propter tres dimensiones. Accidit igitur multorum
specie diversorum esse unam speciem. Quod non solum Platonicis sed etiam
Pythagoricis accidit, qui etiam ponebant naturam omnium rerum esse numeros. |
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[83084] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 13 Secundam ponit ibi, et contingit. Quae talis est. Si
carnes et ossa non sunt partes speciei humanae, nec lineae speciei trianguli,
pari ratione nulla materia est pars speciei. Sed secundum Platonicos, in
numero dualitas attribuitur materiae, unitas autem speciei: ergo sola unitas
est species. Dualitas autem, et per consequens omnes alii numeri, tamquam
materiam implicantes, non erunt species. Et sic una tantum erit species
omnium rerum. |
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[83085] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 14 Tertiam ponit ibi, quamvis sic. Quae talis est. Illa
sunt unum quorum species una est. Si igitur omnium species est una, sequetur
quod omnia sint unum secundum speciem, et non solum quae videntur esse
diversa. Potest tamen dici quod hoc tertium non est alia ratio a secunda; sed
est inconveniens, quod ex secunda conclusione sequitur secundae rationis. |
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[83086] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 15 Posita ergo ratione cui praemissa solutio
innitebatur, et positis rationibus contra praemissam solutionem, concludit: dictum
esse quod illa quae sunt circa definitiones habent dubitationem et qua de
causa. Et sic patet quod per omnia praemissa ostendere voluit difficultatem
praemissae dubitationis. |
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[83087] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 16 Deinde cum dicit quare omnia solvit praemissam
quaestionem secundum propriam sententiam. Et primo quantum ad naturalia.
Secundo quantum ad mathematica, ibi, circa mathematica. Dicit ergo primo,
quod ex quo praedicta inconvenientia sequuntur removentibus a specie rei
omnia quae sunt materialia, sive sint sensibilia, sive non, patet ex dictis
quod superfluum est omnes species rerum reducere ad numeros vel unitatem, et
auferre totaliter materiam sensibilem et intelligibilem, sicut Platonici
faciebant. |
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[83088] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 17 Quia quaedam species rerum non sunt formae sine
materia; sed sunt hoc in hoc forsan, idest formae in materia: ita quod
id quod resultat ex forma in materia existente species est. Aut si non sunt
sicut forma in materia, sunt se habentia sicut illa quae habent formam in
materia. Proprie enim formam in materia habent naturalia, quibus quodam modo
assimilantur mathematica, etiam inquantum proportio figurae circuli vel
trianguli ad lineas, est sicut proportio formae hominis ad carnes et ossa. Et ideo, sicut species hominis non est forma aliqua
sine carnibus et ossibus, ita forma circuli vel trianguli non est aliqua
forma sine lineis. Et ideo parabola quam consuevit dicere de animali Socrates
iunior, non se bene habet. |
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[83089] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 18 Videtur autem ipsum Platonem Socratem iuniorem
nominare, quia in omnibus libris suis introducit Socratem loquentem, propter hoc
quod fuerat magister eius. Opinionem autem Platonis, de materialitate
naturalium specierum, vocat parabolam, quia fabulis assimilatur quae
componuntur ad aliquam sententiam metaphorice insinuandam. Propter quod in
tertio superius dixit, quod haec opinio assimilatur opinionibus fingentium
deos esse, et quod formae eorum sunt sicut formae humanae. Ideo autem
praedicta opinio non bene se habet, quia ducit extra veritatem, in eo quod
facit opinari quod hoc modo contingat esse hominem sine partibus materialibus,
scilicet sine carnibus et ossibus, sicut contingit circulum esse sine aere
quod manifeste non pertinet ad species circuli. |
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[83090] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 19 Sed hoc non est simile. Non enim similiter se habet
homo ad carnes et ossa, sicut circulus ad aes; quia circulus non est aliquod
sensibile secundum suam rationem. Potest enim intelligi sine materia
sensibili. Unde aes, quod est materia sensibilis, non est pars speciei
circuli. Sed animal videtur esse quoddam sensibile. Non enim potest definiri
sine motu. Animal enim discernitur a non animali sensu et motu, ut patet in
primo libro de anima. Et ideo non potest definiri animal sine partibus
corporalibus habentibus se aliquo modo debito ad motum. Non enim manus est
pars hominis quocumque modo se habens, sed quando est sic disposita quod
potest perficere opus manus; quod non potest facere sine anima, quae est
principium motus. Quare oportet quod manus cuiuscumque sit pars hominis,
secundum quod est animata. Secundum vero quod est inanimata, non est pars,
sicut manus mortua vel depicta. Unde oportet quod partes tales quae sunt
necessariae ad perficiendum operationem speciei propriam, sint partes
speciei; tam quae sunt ex parte formae, quam quae sunt ex parte materiae. |
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[83091] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 20 Deinde cum dicit circa mathematica solvit
quaestionem quantum ad mathematica. Videtur enim post solutionem de naturalibus positam,
adhuc relinqui sub dubio de mathematicis. Dixerat enim quod, cum animal sit
sensibile, non potest definiri sine partibus sensibilibus, sicut circulus
potest definiri sine aere, quod est sensibilis materia. Et ideo circa
mathematica quaeritur quare rationes, idest definitiones partium, non
sunt partes rationum totorum, sicut quare hemicycla, idest
semicirculi, non ponuntur in definitione circuli. Non enim potest dici, quod
haec, scilicet hemicycla, sint sensibilia, sicut aes est sensibilis materia. |
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[83092] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 21 Sed solvit quod hoc nihil differt quantum ad
propositum, utrum scilicet partes materiae sint sensibilia vel non
sensibilia; quia etiam non sensibilium est aliqua materia intelligibilis. Et
talis materia, quae scilicet non est pars speciei, est omnis eius quod non
est quod quid erat esse et species eadem secundum se, sed est hoc aliquid,
idest particulare aliquod demonstratum: quasi dicat: in omni eo quod non est
ipsa sua species, sed est aliquod individuum determinatum in specie, oportet
esse aliquas partes materiae quae non sunt partes speciei. Socrates enim,
quia non est ipsa sua humanitas, sed est habens humanitatem, ideo habet in se
partes materiales quae non sunt partes speciei, sed quae sunt partes huius
materiae individualis quae est individuationis principium, ut has carnes et
haec ossa. |
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[83093] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 22 Et similiter in hoc circulo sunt hae lineae quae non
sunt partes speciei. Unde patet quod huiusmodi non sunt partes circuli qui est
universalis, sed sunt partes singularium circulorum, sicut dictum est prius.
Et propter hoc semicirculi non ponuntur in definitione circuli universalis,
quia sunt partes singularium circulorum, et non universalis. Et hoc est verum
tam in materia sensibili, quam in materia intelligibili. Utroque enim modo
invenitur materia, ut ex dictis patet. Si autem esset aliquod individuum quod
esset ipsa sua species, sicut si Socrates esset ipsa sua humanitas, non
essent in Socrate aliquae partes quae non essent partes humanitatis. |
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[83094] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 23 Deinde cum dicit palam autem recolligit praedictam
solutionem, exemplificando eam in animali; dicens, palam esse quod anima est
substantia prima, idest forma animalis, corpus autem materia, homo autem
aut animal id quod est ex utrisque, scilicet in universali, sed Socrates
et Coriscus quod est ex utrisque in particulari. Quia anima dicitur
dupliciter, scilicet in universali et particulari, ut anima et haec
anima. Ideo autem oportet quod significatur per modum totius, dici
universaliter et singulariter, ea ratione quia anima dicitur dupliciter: quia
hoc competit secundum utramque opinionem hominum de anima. Sicut enim supra
dictum est, alii dicunt hominem et animal esse animam, alii vero dicunt
hominem et animal non esse animam, sed totum, scilicet compositum ex
anima et corpore. |
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[83095] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 24 Patet ergo quod secundum illam opinionem quae dicit hominem
esse animam, anima dicitur universaliter et singulariter, ut anima et haec
anima; et homo etiam dicitur universaliter et particulariter sive
singulariter, scilicet homo et hic homo. Similiter etiam secundum hanc
opinionem, quae dicit hominem esse compositum ex anima et corpore, sequitur
quod si simplicia dicuntur universaliter et singulariter, quod etiam
compositum dicatur universaliter et singulariter. Sicut si anima est hoc, et
corpus est hoc, quae sunt simpliciter dicta tamquam partes compositi, quod
etiam dicatur universale et particulare sive singulare, non solum partes, sed
etiam compositum. |
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[83096] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 25 Deinde cum dicit utrum autem ostendit quid de cetero
remaneat determinandum circa substantias. Et ponit quod duo remaneant
determinanda. Quorum primum est quod, cum determinatum sit, quod substantia
et quod quid est rerum sensibilium et materialium sunt ipsae partes speciei,
restat determinare utrum talium substantiarum, scilicet materialium et
sensibilium, sit aliqua substantia praeter materiam, ita quod oporteat
quaerere aliquam substantiam istorum sensibilium alteram ab ea quae
determinata est, sicut quidam dicunt numeros praeter materiam existentes, aut
aliquid tale, idest species vel ideas, esse substantias horum
sensibilium. Et de hoc perscrutandum est posterius. |
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[83097] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 26 Haec enim perscrutatio est propria huic scientiae.
In hac enim scientia tentamus determinare de substantiis sensibilibus huius
gratia, idest propter substantias immateriales, quia speculatio circa
substantias sensibiles et materiales quodammodo pertinet ad physicam, quae
non est prima philosophia, sed secunda, sicut in quarto habitum est. Prima
enim philosophia est de primis substantiis quae sunt substantiae
immateriales, de quibus speculatur non solum inquantum sunt substantiae, sed
inquantum substantiae tales, inquantum scilicet immateriales. De sensibilibus
vero substantiis non speculatur inquantum sunt tales substantiae, sed
inquantum sunt substantiae, aut etiam entia, vel inquantum per eas
manuducimur in cognitionem substantiarum immaterialium. Physicus vero e
converso determinat de substantiis materialibus, non inquantum sunt substantiae,
sed inquantum materiales et habentes in se principium motus. |
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[83098] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 27 Et quia posset aliquis credere quod scientia
naturalis non specularetur circa totas substantias materiales et sensibiles,
sed solum circa materias eorum, ideo hoc removet dicens, quod physicum non
solum oportet considerare de materia, sed etiam de ea parte quae est
secundum rationem, scilicet de forma. Et magis etiam de forma quam de
materia, quia forma est magis natura quam materia, ut probatum est in secundo
physicorum. |
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[83099] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 28 Secundum vero quod restat determinandum, est quomodo
partes quae sunt in ratione, idest in definitione se habent; utrum
scilicet sint substantiae existentes in actu, et quare etiam definitio, cum
componatur ex multis partibus, est una ratio. Palam enim est quod oportet
definitionem esse unam tantum rationem, quia res est una. Definitio vero
significat quid est res. Sed per quid aliqua res habens partes efficiatur
una, speculandum est posterius. |
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[83100] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 29 Deinde cum dicit quid quidem recapitulat ea quae
sunt determinata; dicens, quod est dictum quid est quod quid erat esse, et quomodo
id quod est quod quid erat esse, est quod praedicatur de omni, et quod
praedicatur secundum se. Et iterum dictum est quare quorumdam ratio
significans quod quid erat esse, continet in se partes definiti, sicut
definitio syllabae continet literas, et quorumdam non, sicut definitio
circuli non continet semicirculos. Dictum est etiam quod in ratione
substantiae, idest formae, non ponuntur partes quae sunt partes
substantiae sicut materia, quia tales non sunt partes substantiae illius,
idest formae, sed partes totius compositi. |
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[83101] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 30 Cuius quidem compositi aliquo modo est definitio,
aliquo modo non est. Quia si accipiatur cum materia, scilicet
individuali, non est eius definitio, quia singularia non definiuntur, ut
supra est habitum. Cuius ratio est, quia talis materia individualis est quid
infinitum et indeterminatum. Materia enim non finitur nisi per formam. Sed
compositum acceptum secundum primam substantiam, idest secundum
formam, habet definitionem. Definitur enim compositum acceptum in specie, non
secundum individuum. |
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[83102] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 31 Sicut autem individuum per materiam individuatur,
ita unumquodque ponitur in sua specie per formam. Non enim homo est homo quia habet carnes et ossa,
sed ex eo quod habet animam rationalem in carnibus et ossibus. Unde oportet
quod definitio speciei accipiatur a forma, et quod illae partes materiae
solum ponantur in definitione speciei, in quibus primo et principaliter est
forma. Sicut ratio hominis est illa quae est animae. Ex hoc enim homo est
homo, quod habet talem animam. Et propter hoc, si homo definitur, oportet
quod definiatur per animam, et quod nihilominus in eius definitione ponantur
partes corporis, in quibus primo est anima, sicut cor aut cerebrum, ut supra
dixit. |
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[83103] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 32 Ipsa namque substantia cuius pars non est materia est
species, idest forma quae inest materiae, ex qua forma et materia dicitur
tota substantia, idest determinatur et definitur. Sicut concavitas est
quaedam forma. Ex ea enim et naso, dicitur nasus simus et simitas. Et
similiter ex anima et corpore, dicitur homo et humanitas. Si enim nasus, qui
est sicut materia, esset pars curvitatis, tunc cum dicitur nasus curvus, bis
diceretur nasus. Semel enim diceretur
proprio nomine, et semel prout includeretur in definitione curvi. (Si tamen poneretur in eius definitione sicut pars
essentiae curvitatis, non quasi ex additione, ut supra dictum est). Quamvis
autem materia non sit in essentia formae, est tamen in tota substantia
composita. Sicut curvitas est in naso simo, et etiam materia individualis est
in Callia. |
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[83104] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 33 Dictum est etiam superius quod quod quid erat esse
uniuscuiusque, est idem cum eo cuius est. Quod quidem est simpliciter verum
in quibusdam, sicut in primis substantiis, idest in immaterialibus.
Sicut ipsa curvitas est idem cum eo quod quid erat curvitatis, si tamen
curvitas est de primis substantiis. Quod quidem dicit, quia etiam curvitas
videtur esse forma in materia, licet non in materia sensibili, sed
intelligibili, quae est ipsum continuum. Vel secundum aliam literam quae
prima est. Est enim quaedam curvitas prima, sicut curvitas quae est in
speciebus secundum Platonicos, in quibus speciebus communiter est verum quod
quaelibet est idem cum suo quod quid est. Alia autem curvitas quae est in
rebus sensibilibus vel in mathematicis, non est prima. Unde non est idem quod
suum quod quid erat esse. |
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[83105] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 34 Dicit autem exponendo, quod primam substantiam hic nominat
non substantiam particularem, sicut in praedicamentis, sed quae non dicitur
per hoc quod aliud sit in alio sicut in subiecto et materia, idest
illae res quae sunt formae non in materia, sicut substantiae separatae. Quaecumque vero sunt sicut materia, vel etiam sunt
concepta cum materia, sicut composita quae habent in sui ratione materiam, in
istis non est idem quod quid erat esse, et id cuius est. Nec etiam est unum
in his quae dicuntur secundum accidens, sicut Socrates et musicus sunt idem
per accidens. |
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[83106] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 35 Attendendum est autem quod ab hac sententia quam
posuerat, scilicet quod quod quid est idem est cum unoquoque cuius est, duo hic
excipit, scilicet illa quae dicuntur per accidens, et substantias materiales,
cum superius non exceperit nisi illa quae dicuntur per accidens. Oportet
autem non solum ista excludi, sed etiam substantias materiales. Sicut enim
supra dictum est, quod quid erat esse est id quod significat definitio.
Definitio autem non assignatur individuis, sed speciebus; et ideo materia
individualis, quae est individuationis principium est praeter id quod est
quod quid erat esse. Impossibile est autem in rerum natura esse speciem nisi
in hoc individuo. Unde oportet quod quaelibet res naturae, si habeat materiam
quae est pars speciei, quae est pertinens ad quod quid est, quod etiam habeat
materiam individualem, quae non pertinet ad quod quid est. Unde nulla res
naturae si materiam habeat, est ipsum quod quid est, sed est habens illud.
Sicut Socrates non est humanitas, sed est humanitatem habens. Si autem esset
possibile esse hominem compositum ex corpore et anima, qui non esset hic homo
ex hoc corpore et ex hac anima compositus, nihilominus esset suum quod quid
erat esse, quamvis haberet materiam. |
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[83107] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 11 n. 36 Licet autem homo praeter singularia non sit in rerum
natura, est tamen in ratione quae pertinet ad logicam considerationem. Et ideo superius ubi logice consideravit de quod
quid erat esse, non exclusit substantias materiales, quin in illis etiam
esset idem quod quid est, cum eo cuius est. Homo enim communis est idem cum
suo quod quid est, logice loquendo. Nunc autem postquam iam descendit ad
principia naturalia quae sunt materia et forma, et ostendit quomodo
diversimode comparantur ad universale et particulare quod subsistit in
natura, excipit hic ab eo quod supra dixerat idem esse quod quid est cum
unoquoque, substantias materiales in rerum natura existentes. Relinquitur
autem quod illae substantiae quae sunt formae tantum subsistentes, non habent
aliquid per quod individuentur, quod sit extra rationem rei vel speciei
significantem quod quid est. Et ideo in illis simpliciter verum est, quod
quaelibet illarum est suum quod quid erat esse. |
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Leçon 12, texte
d’Aristote, traduit par Guillaume de Moerbeke, v. 1260 |
Leçon 12, Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Leçon
12, texte latin de Guillaume de Moerbeke, traduit par Georges Comeau |
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Nunc autem dicamus primum, in quantum in
Analeticis de diffinitione non dictum est; in illis enim dubitatio dicta prae
opere rationibus de substantia est. Dico autem hanc dubitationem: propter
quid quidem unum est cuius rationem diffinitionem esse dicimus, ut hominis
animal bipes? Sit enim haec ipsius ratio. Propter quid itaque hoc unum est sed non multa, animal et bipes? In hoc namque homo et album: multa
quidem sunt cum alterum non insit alteri, unum vero quando inest et patitur
aliquid subiectum, homo; tunc enim fit et est albus homo. Hic autem non
participat alterum altero. Genus enim non videtur participare differentiis;
simul enim contrariis idem participaret; nam differentiae contrariae sunt
quibus differt genus. Si vero et participat, eadem ratio, si sunt
differentiae plures, ut gressivum, bipes, non alatum. Quare namque haec unum,
sed non multa? Non enim quia insunt; nam sic ex omnibus erit unum. Oportet autem unum esse quaecumque in diffinitione; diffinitio enim
ratio quaedam est una et substantia, quare unius alicuius oportet ipsam esse
rationem. Et enim substantia unum quid et hoc aliquid significat, ut dicimus. Oportet autem intendere primum de hiis quae
secundum divisiones diffinitionibus. Nichil enim aliud est in diffinitione
quam primum dictum genus et differentiae. Alia vero genera sunt primum et cum
hoc comprehensae differentiae, ut primum animal, habitum vero animal bipes,
et iterum animal bipes non alatum; similiter autem et si per plura dicitur. Omnino vero nichil differt
per plura aut per pauca dici; quare nec per pauca aut per duo; duorum vero
hoc quidem differentia illud vero genus, ut eius quod animal bipes: animal
quidem genus differentia autem alterum. Si ergo genus simpliciter non est praeter eas quae ut generis species
aut, si est quidem, ut materia autem est (vox enim genus est et materia,
differentiae autem apecies et elementa ex hac faciunt), palam quia diffinitio
est ex differentiis ratio. At vero et
oportet dividi differentiam, ut animalis differentia est pedalitas;
item animalis habentis pedes differentiam oportet scire in quantum habens
pedes. Quare non est dicendum habentis pedes aliud alatum aliud non alatum,
siquidem bene dicit (sed propter non posse faciet hoc), sed si aliud habens
fissos aliud non fissos pedes. Hee namque sunt
differentiae pedis; nam fissio pedis pedalitas quaedam est. Et sic semper vult procedere, donec utique veniat ad non differentia.
Tunc autem erunt tot species pedis quot differentiae, et pedes habentia
animalia aequalia differentiis. Si itaque haec sic se habent, palam quia finalis differentia
substantia rei erit et diffinitio, si non oportet
multotiens eadem dicere in terminis; superfluum enim. Accidit autem hoc: nam
quando dicit animal habens pedes bipes, nichil aliud dixit quam animal pedes
habens duos pedes habens, et si hoc dividat propria divisione, multotiens
dicet et aequaliter differentiis. Si quidem igitur differentiae differentia
fiat, una erit quae finalis species et substantia; si vero secundum accidens, ut si dividat habentis pedes aliud
album aliud nigrum, tot quot utique sectiones fuerint. Quare palam quia diffinitio ratio
est quae est ex differentiis, et harum ex finali secundum rectum. Palam autem erit, si quis transponat
tales diffinitiones, ut eam quae est hominis, dicens animal bipes pedes
habens; superfluum enim est habens pedes dicto bipede. Sed ordo non est in
substantia; quomodo namque oportet intelligere hoc quidem posterius illud
vero prius? De diffinitionibus
quidem igitur secundum divisiones tot dicantur primum, quales quaedam sunt. |
D’abord,
complétons ici tout ce que nous avons pu omettre dans les Analytiques, en ce
qui concerne la définition, et réparons nos lacunes. La question, que nous
avons discutée dans cet ouvrage, intéresse de très près nos études sur la
substance : je veux dire, cette question qui consiste à rechercher comment il
se peut que le défini, dont l’explication nous est fournie par la définition,
forme une unité. Prenons, par exemple, la définition de l’homme, et supposons
que cette définition soit : « Animal bipède ». Comment
cette expression est-elle Une ? Et comment ne se dédouble-t-elle pas en
animal et en bipède ? Quand on parle d’Homme et de Blancheur, il y a là une
pluralité, si l’un de ces termes n’est pas à l’autre ; mais il y a une unité
du moment que l’un est à l’autre, et que le sujet Homme reçoit une
modification quelconque En ce cas, l’unité s’accomplit, et l’on dit :
« L’homme blanc ». Mais ici au contraire, l’un des deux termes ne
participe pas de l’autre ; car le genre ne peut pas participer jamais aux
différences, puisque, si cela était, le même objet recevrait à la fois les
contraires, les différences qui affectent le genre étant contraires entre
elles. Mais
en supposant même que le genre pût participer aux différences, la question
resterait toujours la même, du moment que les différences sont multiples,
comme celles-ci : terrestre, bipède, sans ailes. Comment tous ces Termes
peuvent-ils former une unité, et non une pluralité? Ce n’est certes pas parce
qu’ils sont des attributs de l’être en question ; car à ce compte tous les
termes accumulés, quels qu’ils fussent, constitueraient une unité. Mais
il n’en faut pas moins que tout ce qui entre dans la définition forme un tout
unique, puisque la définition est une explication qui est Une et qui exprime
une substance. Par conséquent, cette explication ne doit s’appliquer qu’à un
seul et même être, puisque la substance, ainsi que nous l’avons dit, désigne
une seule chose et une chose individuelle. Occupons-nous
d’abord des définitions qui procèdent par divisions successives. Il n’y a
dans la définition absolument rien autre que le genre primordial dont il
s’agit, et que ses différences ; les autres termes ne sont que des genres
subordonnés, composés du genre premier avec les différences qu’on y adjoint.
Supposons que le genre premier soit l’animal; le second genre à la suite,
c’est l’animal bipède; puis l’animal bipède, sans ailes. Et
ainsi de suite, en multipliant les genres tant qu’on voudra. Au fond, le
nombre des termes n’importe guère, que ce nombre soit grand ou petit, ou bien
seulement qu’ils se réduisent à deux. De ces deux termes, l’un sera le genre,
l’autre sera la différence; et ainsi, dans Animal Bipède, Animal sera le
genre; Bipède sera la différence, qui y est jointe. Si
donc le genre ne peut point absolument exister en dehors des espèces dans
lesquelles il se divise, ou même s’il existe en dehors d’elles, mais
uniquement comme leur matière; car, par exemple, le langage est tout ensemble
genre et matière, et ses différences forment ses espèces diverses et les
éléments divers qui le composent, il est clair que la définition n’est que
l’explication qui ressort des différences. C’est qu’il faut diviser, avec le
même soin, la différence de la différence; et par exemple, en supposant
qu’une différence de l’animal soit qu’il est « Pourvu de pieds », il faut
bien voir, en outre, quelle est la différence de l’animal Pourvu de pieds, en
tant que pourvu de pieds. Par conséquent, il ne faudrait pas dire que la
différence de l’animal pourvu de pieds, c’est d’avoir des ailes ou de ne pas
avoir d’ailes, distinction qui est exacte sans doute, mais qu’on ne fait
cependant que par simple incapacité de faire autrement. Ce que l’on
recherchera, c’est si l’animal Pourvu de pieds a le pied divisé, ou s’il est
solipède ; car ce sont là les différences du pied, puisque la division du
pied est une manière d’être que les pieds peuvent présenter. Il
faut donc continuer toujours à procéder de cette façon jusqu’à ce qu’on
arrive à ne plus trouver de différences. Alors les espèces du pied sont aussi
nombreuses que le sont les différences elles mêmes ; et le nombre des espèces
d’animaux pourvus de pieds est égal à celui des différences trouvées. Si tout
cela est bien exact, on doit voir que la dernière différence sera bien
l’essence de la chose et sa définition. En
définissant, il faut prendre garde aux répétitions qu’on peut commettre et
qui seraient fort inutiles. C’est cependant ce qui arrive quelquefois ; et
quand on dit, par exemple, que l’animal Pourvu de pieds est bipède, cela revient
tout à fait à dire que l’animal qui a des pieds a deux pieds ; et, quoique la
division soit dans ce cas fort exacte, on se répète plusieurs fois, et autant
de fois qu’il y a de différences. S’il n’y a qu’une seule différence de la
différence, c’est la dernière qui est l’espèce et l’essence de la chose. Mais
si l’on fait des divisions avec de purs accidents, et qu’on divise, par
exemple, l’animal Pourvu de pieds en blanc et en noir, alors il y a autant de
différences que de sections diverses. On
peut donc conclure que la définition d’une chose est la notion de cette chose
tirée de ses différences ; et parmi ces différences, c’est la notion tirée de
la dernière, en supposant toujours qu’on suive la ligne directe. C’est ce
dont on se convaincrait, en essayant d’intervertir l’ordre où se succèdent
ces définitions, et qu’on dit, par exemple, que la définition de l’homme
c’est Animal à deux pieds, pourvu de pieds. L’indication de Pourvu de pieds
serait bien superflue après qu’on aurait déjà dit : A deux pieds. D’ailleurs,
dans la substance, il n’y a pas d’ordre ; car comment imaginer en elle que
telle partie est postérieure, et telle autre antérieure ? Nous
bornons ici les premières considérations que nous voulions exposer sur les
définitions par divisions successives. |
Maintenant
donc, disons donc autant que ce qui n’a pas été dit de la définition dans les
Analytiques; là en effet, le doute
soulevé est utile aux notions sur la substance. Je veux dire ce doute :
pourquoi donc est-il un, celui dont nous disons que la notion est une
définition, comme l’animal bipède est celle de l’homme? En effet, soit cette
notion celle de l’homme. Alors,
pourquoi celle-ci est-elle une et non multiple, animal et bipède? Car en
ceci : homme et blanc, il y a plusieurs, puisque l’un n’appartient pas à
l’autre, mais un quand il lui appartient et le sujet homme subit quelque
chose; alors en effet l’homme devient et est blanc. Mais ici, l’un ne
participe pas de l’autre. En effet, le genre ne semble pas participer des
différences; en effet, la même chose participerait en même temps des
contraires, car les différences contraires sont ce par quoi le genre diffère. Mais
même si [le genre] y participe, c’est la même raison s’il y a plusieurs différences,
comme marcheur, bipède, sans ailes. Car pourquoi ces choses sont-elles un et
non plusieurs? Ce n’est pas en effet parce qu’elles sont dans un être, car
ainsi, l’un se ferait à partir de tous. Il
faut cependant que tout ce qu’il y a dans la définition soit un; en effet, la
définition est une notion qui est une et substance; c’est pourquoi il faut
qu’elle soit la notion d’un être quelconque. En effet, la substance signifie
une chose, un objet précis, comme nous le disons. Mais
il faut examiner d’abord ces définitions qui se font par divisions. En effet,
il n'y a rien d’autre dans la définition que le genre dit en premier et les
différences. Mais les autres genres sont le premier et les différences
incluses avec lui; ainsi, le premier animal, et inclus en lui l’animal
bipède, et ensuite l’animal bipède sans ailes; et
de même si on l’explique par plusieurs. Mais il n'y a a absolument aucune
différence si on l’explique par plusieurs ou par peu, ni donc non plus si
c’est par peu ou par deux; mais de ces deux, l’un est la différence, l’autre
le genre, comme dans le cas d’animal bipède : l’animal est le genre,
l’autre est la différence. Si
donc le genre n’existe absolument pas hors des choses qui sont comme les
espèces du genre, ou, s’il existe ainsi, il le fait comme matière (en effet,
le mot est genre et matière, mais les différences en font les espèces et les
différences), il est évident que la définition est la notion provenant des
différences. Mais il faut aussi diviser la différence; ainsi, une différence
de l’animal est d’avoir des pieds; en plus, il faut connaître la différence
de l’animal qui a des pieds en tant qu’il a des pieds. C’est pourquoi il ne
faut pas dire que parmi ceux qui ont des pieds certains ont des ailes et
d’autres n’ont pas d’ailes, même si c’est bien dit (mais on agira ainsi pour
cause d’incapacité), mais que certains ont des pieds fendus et d’autres des
pieds non fendus. Car ce sont des différences entre les pieds, car la fente
des pieds est une manière d’être des pieds. Et
on veut toujours procéder ainsi, jusqu’à ce qu’on arrive à ne plus avoir de
différence. Alors il y aura autant d’espèces de pieds que de différences, et
autant d’animaux ayant ces pieds que de différences. Si donc ces choses sont
ainsi, il est évident que la différence finale est la substance de la chose
et sa définition, s’il
ne faut pas dire les mêmes choses bien des fois dans les termes, car ce
serait inutile. Mais cela arrive; car quand on dit que l’animal ayant des pieds
est bipède, on ne dit rien d’autre que « animal ayant des pieds ayant deux[GC1] pieds », et si cela
divise d’une division correcte, cela le dit bien des fois et de façon égale
aux différences. Alors donc, s’il y a une différence de la différence, il y
en aura une qui sera l’espèce dernière et la substance; mais si on le fait
par accident, comme si on divise les « ayant des pieds » en ceux
qui sont blancs et ceux qui sont noirs, il y en aura autant que de sections. Il
est donnnc évident que la définition est une notion qui provient des
différences, et de la dernière de celles-ci selon ce qui est correct. Or, ce
sera évident, si on transpose de telles définitions, comme celle de l’homme
en disan que c’est un animal bipède ayant des pieds; en effet, « ayant
des pieds » est superflu quand on a dit « bipède ». Mais
il n'y a pas d’ordre dans la substance, car comment faut-il comprendre que
ceci est postérieur et cela antérieur? Alors
donc, qu’il suffise d’avoir dit cela en premier sur la manière d’être de
certaines définitions par division. |
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Lectio 12 |
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[83108] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 1 Postquam ostendit philosophus quae partes in
definitione ponantur, hic inquirit quomodo definitio ex partibus existens, possit
esse una: et circa hoc tria facit. Primo movet dubitationem. Secundo obiicit ad
utramque partem, ibi, in hoc namque homo. Tertio solvit quaestionem, ibi,
oportet autem intendere et cetera. Dicit ergo, quod nunc primum debet dicere
de definitione id quod non est de ea dictum in analyticis, idest in
libro posteriorum. Ibi
enim mota est quaedam dubitatio de definitione, et non soluta, quam oportet
hic solvere, quia est praeopere rationibus de substantia, idest quia
solutio huius quaestionis est pernecessaria ad ea quae sunt de substantia
determinanda, de qua est principalis intentio huius scientiae. Est autem ista
dubitatio, quare illud, cuius definitio est ratio, est unum, scilicet
quod quid est. Definitio enim ratio est significans quod quid est, sicut
definitio hominis est animal bipes. Ponatur enim quod haec sit eius
definitio: quare igitur hoc, quod dicitur animal bipes, est unum, et non
multa? |
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[83109] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 2 Deinde cum dicit in hoc namque obiicit pro utraque
parte: et primo ad ostendendum quod ex eis non fiat unum. Secundo ad contrarium, ibi, oportet autem unum.
Circa primum duo facit. Primo
ostendit, quod ex genere et differentia non fit unum. Secundo quod nec ex
pluribus differentiis, ibi, si vero et participat. Dicit ergo primo, quod in
hoc quod est homo et album, ista duo sunt multa, quando alterum eorum non
inest alteri. Si enim album non insit homini, tunc homo et album nullo modo
sunt unum. Unum vero sunt, quando alterum eorum inest alteri, et subiectum,
quod est homo patitur alterum, idest suscipit hanc passionem, quae est
album. Tunc autem ex his duobus fit unum per accidens quod est albus homo. Ex
his accipitur, quod ex duobus, quorum unum non inest alteri, non fit unum.
Sed hic, scilicet cum dicitur animal bipes, alterum eorum,
scilicet animal, non participat altero, scilicet bipede, sicut homo
albus participat albo. Et hoc ideo, quia animal est genus, bipes vero
differentia. Genus vero non videtur participare differentiis. Sequeretur enim
quod idem participaret simul contrariis. Differentiae enim sunt contrariae quibus
genus differt, idest per quas genus dividitur; et pari ratione per quam
participaret unam, participaret aliam. Si autem est impossibile quod idem
participet contraria, impossibile erit, quod ex genere et differentia fiat
unum. |
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[83110] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 3 Deinde cum dicit si vero ostendit quod ex pluribus differentiis
non potest fieri unum; dicens, quod si detur genus participare aliquo modo
differentia, prout scilicet animal non accipitur in sua communitate, sed
contrahitur per differentiam ad speciem, et sic per consequens ex genere et
differentia fieri unum, tamen adhuc erit eadem ratio ad ostendendum quod
definitio non significat unum, si sunt plures differentiae in definitione
positae. Sicut si ponantur in definitione hominis istae tres differentiae,
quarum prima sit gressibile vel habens pedes, secunda sit bipes, tertia vero
non alatum. Non enim poterit dici quare ista sunt unum et non multa. |
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[83111] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 4 Non enim est sufficiens ad hoc ratio quia insunt uni,
utputa animali, quod est homo; sic enim sequeretur, quod omnia essent unum.
Sequeretur enim quod omnia accidentia, quae insunt alicui subiecto, essent
unum per se. Sic enim loquimur de uno et adinvicem et ad subiectum. Et cum ea
quae accidunt uni subiecto accidant etiam alteri, sequeretur, quod illa duo
subiecta etiam essent unum, puta nix et cygnus quibus inest albedo. Et sic
deducendo sequeretur, quod omnia essent unum. Non ergo potest dici quod ex
pluribus differentiis fiat unum, etiam dato quod ex genere et differentia
fiat unum. Et sic ex duabus partibus videtur quod definitio non significet
unum. |
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[83112] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 5 Deinde cum dicit oportet autem obiicit in
contrarium; ostendens quod definitio significet unum; dicens, quod oportet
quaecumque in definitione ponuntur esse unum. Et hoc ideo, quia definitio est
una ratio; et id quod significatur per ipsam, est substantia rei. Unde
oportet quod definitio sit ratio significativa unius alicuius; quia
substantia rei, quam definitio significat, est unum quid. Et etiam supra
dictum est, quod definitio significat hoc aliquid, ubi ostensum est quod
definitio est proprie substantiarum. |
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[83113] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 6 Deinde cum dicit oportet autem solvit praemissam
quaestionem; ostendens quod definitio significet unum: et circa hoc duo
facit. Primo ostendit quomodo ex genere et differentia fit unum. Secundo
quomodo ex pluribus differentiis fiat unum, ibi, at vero oportet dividi.
Dicit ergo primo, quod ad investigandum unitatem definitionum oportet primum
intendere de definitionibus quae dantur secundum divisionem generis in
differentias. Istae enim sunt definitiones verae, in quibus non est aliud
quam primum genus et differentiae. Dantur enim et quaedam definitiones per
aliqua accidentia, vel per aliquas proprietates, vel etiam per aliquas causas
extrinsecas, quae non significant substantiam rei. Et ideo huiusmodi
definitiones non sunt ad propositum, cum hic agatur de definitionibus ad
substantias rerum investigandas. |
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[83114] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 7 Ideo autem dico quod in definitione est primum genus
cum differentiis, quia etsi aliquando in definitionibus ponantur aliqua
genera intermedia inter genus primum quod est generalissimum, et species
ultimas quae definiuntur, tamen illa genera media nihil aliud sunt quam genus
primum, et differentiae comprehensae in intellectu generis medii cum hoc,
idest cum genere primo. Sicut si in definitione hominis ponatur animal, quod
est genus intermedium, patet quod animal nihil aliud est quam substantia,
quae est genus primum, cum aliquibus differentiis. Est enim animal substantia
animata sensibilis. Et similiter si intelligamus primum genus esse animal, habitum
bipes; et iterum tertium genus, animal bipes non alatum. Et
similiter si aliquod genus per plures differentias determinatur. Semper enim
posterius genus comprehendit prius cum aliqua differentia. Et sic patet quod
omnis definitio resolvitur in primum genus et aliquas differentias. |
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[83115] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 8 Omnino autem non differt, utrum per plura aut per
pauca definiatur aliquod definitum. Quare non differt, utrum per pauca, vel per
duo, ita quod illorum duorum unum sit genus et aliud differentia. Sicut eius
quod est animal bipes, animal est genus; et alterum, scilicet bipes, est
differentia. Ostendendum est ergo primo, quomodo ex istis duobus fiat unum.
Quod sic patet. |
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[83116] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 9 Genus enim non est praeter ea quae sunt species
generis. Non enim invenitur animal, quod non sit nec homo, nec bos, nec
aliquid aliud huiusmodi. Aut si inveniatur aliquid quod est genus praeter species,
sic acceptum ut est praeter species, non accipitur ut genus, sed ut materia.
Contingit enim aliquod et esse genus aliquorum, et materiam. Sicut vox est
genus literarum, et est materia. Et quod sit genus, patet per hoc quod differentiae
additae voci faciunt species vocum literatarum. Et quod etiam sit materia, patet; quia ex hac,
scilicet ex voce faciunt elementa, idest literas, sicut aliquid fit ex
materia. |
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[83117] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 10 Sciendum est autem quod, licet idem secundum nomen
possit esse genus et materia, non tamen idem eodem modo acceptum. Materia
enim est pars integralis rei, et ideo de re praedicari non potest. Non enim
potest dici quod homo sit caro et os. Genus autem praedicatur de specie. Unde
oportet quod significet aliquo modo totum. Sicut enim propter hoc quod est
innominata privatio, aliquando simplici nomine materiae significatur materia
cum privatione, ut supra dictum est, quod aes accipitur pro aere infigurato,
cum dicimus quod ex aere fit statua; ita etiam quando forma est innominata,
simplici nomine materiae intelligitur compositum ex materia et forma, non
quidem determinata, sed communi; et sic accipitur ut genus. Sicut enim
compositum ex materia et forma determinata est species, ita compositum ex
materia et forma communi est genus. |
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[83118] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 11 Et hoc in pluribus patet. Corpus enim potest accipi,
et ut materia animalis, et ut genus. Si enim in intellectu corporis intelligatur
substantia completa ultima forma, habens in se tres dimensiones, sic corpus
est genus, et species eius erunt substantiae perfectae per has ultimas formas
determinatas, sicut per formam auri, vel argenti, aut olivae, aut hominis. Si
vero in intellectu corporis non accipiatur nisi hoc, quod est habens tres
dimensiones cum aptitudine ad formam ultimam, sic corpus est materia. |
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[83119] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 12 Et similiter est de voce. Si enim in intellectu
vocis includatur ipsa vocis formatio in communi secundum formam quae
distinguitur in diversas formas literarum et syllabarum, sic vox est genus.
Si autem in intellectu vocis accipitur solum substantia soni, cui possibile
est advenire praedictam formationem, sic vox erit materia literarum. Ex quo
etiam patet quod vox, secundum quod est genus, non potest esse sine
speciebus. Non enim potest esse sonus formatus, quin aliquam determinatam
formam habeat huius vel illius literae. Sed si omnino careret forma literali
prout est materia, sic inveniretur sine literis, sicut aes invenitur absque
his quae fiunt ex aere. |
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[83120] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 13 Si ergo praedicta sunt vera, palam est quod
definitio est quaedam ratio ex differentiis unitatem habens; ita quod tota
essentia definitionis, in differentia quodammodo comprehenditur. Ex hoc enim
animal, quod est genus, non potest esse absque speciebus, quia formae
specierum quae sunt differentiae, non sunt aliae formae a forma generis, sed
sunt formae generis cum determinatione. Sicut patet quod animal est quod
habet animam sensitivam. Homo autem est qui habet animam sensitivam talem,
scilicet cum ratione. Leo vero qui habet talem, scilicet cum
abundantia audaciae. Et sic de aliis. Unde cum differentia additur generi, non additur
quasi aliqua diversa essentia a genere, sed quasi in genere implicite
contenta, sicut determinatum continetur in indeterminato, ut album in
colorato. |
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[83121] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 12 n. 14 Per quod etiam solvitur ratio superius inducta; quia
nihil prohibet idem genus in se continere diversas differentias, sicut
indeterminatum continet in se diversa determinata. Et etiam propter hoc
solvitur, quia non hoc modo advenit differentia generi, ut diversa essentia
ab eo existens, sicut advenit album homini. |
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[83122] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 15 Deinde cum dicit at vero ostendit quod nec etiam
multitudo differentiarum impedit unitatem definitionis. Et circa hoc duo
facit. Primo ostendit qualiter debeant sumi in definitione multae
differentiae. Secundo ostendit quod si differentiae debito modo sumantur, non
impediet multitudo differentiarum unitatem definitionis, ibi, si itaque.
Dicit ergo primo, quod in definitionibus in quibus sunt multae differentiae,
oportet non solum dividi genus in differentiam, sed etiam dividi differentiam
primam in differentiam secundam. Sicut animalis differentia est pedalitas,
secundum quam animal dicitur habens pedes, vel gressibile. Sed quia etiam
haec differentia multipliciter invenitur, iterum oportet scire differentiam
animalis habentis pedes, quae sit differentia eius, inquantum est habens
pedes, scilicet per se et non per accidens. |
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[83123] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 12 n. 16 Et ideo, quia habenti pedes accidit habere alas, non
est dicendum, dividendo differentiam, quod habentis pedes aliud est alatum,
aliud non alatum, si homo bene velit dicere divisionem differentiarum. Sed tamen quandoque aliquis dividens differentias facit
hoc ut scilicet dividat per ea quae sunt secundum accidens, propter hoc
quod non potest invenire proprias et per se differentias. Aliquando enim
necessitas cogit, ut utamur, loco per se differentiarum, differentiis per
accidens, inquantum sunt signa quaedam differentiarum essentialium nobis
ignotarum. |
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[83124] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 17 Sed hoc modo est haec differentia dividenda habens
pedes: scilicet: huiusmodi animalium, aliud est habens pedes scissos, et
aliud non scissos. Istae enim sunt differentiae pedis, scilicet
scissum et non scissum. Et ideo habens pedes scissos, per se dividet hanc
differentiam quae est habens pedes. Scissio enim pedis est quaedam
pedalitas: idest haec differentia quae est habere pedes scissos, est
quoddam contentum sub hoc quod est habere pedes; et habent se adinvicem sicut
determinatum et indeterminatum, sicut diximus de genere et differentia. |
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[83125] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 18 Et ita semper procedendum est in divisione
differentiarum, donec dividens veniat ad non differentia, idest ad
ultimas differentias, quae non dividuntur ulterius in alias differentias; et
tunc tot erunt species pedis quot differentiae: et species animalium habentium
pedes aequales differentiis. Quaelibet enim individualis differentia
constituet unam speciem specialissimam. |
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[83126] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 19 Deinde cum dicit si itaque ostendit ex suppositis, quod
multitudo differentiarum non impedit unitatem definitionis. Et circa hoc duo
facit. Primo ostendit propositum. Secundo inducit conclusionem intentam, ibi,
quare palam et cetera. Circa primum duo facit. Primo ostendit quomodo ex
multis differentiis fit unum, si differentiae per se sumuntur. Secundo, quod
hoc non potest esse si sumantur per accidens, ibi, si vero secundum accidens.
Dicit ergo primo, quod si sic se habent differentiae acceptae in definitione sicut
dictum est, scilicet quod semper sumantur per se differentiae et non per
accidens, palam est quod ultima differentia erit tota substantia rei, et tota
definitio. Includit enim in se omnes praecedentes particulas. |
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[83127] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 20 Quod enim in differentia includatur genus, ostensum
est, ex hoc quod genus non est sine differentiis. Sed quod ultima includat
omnes praecedentes, palam est ex hoc quod nisi hoc dicatur, sequitur quod
oporteat in terminis, idest definitionibus, multoties eadem dicere. Et
hoc erit superfluum et nugatorium. |
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[83128] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 21 Hoc autem inconveniens ideo accidit, quia si aliquis
dicat in definiendo animal habens pedes bipes, quod oportebit eum dicere
si bipes sit alia differentia ab habente pedes, non includens eam, nihil
aliud dixit sic definiens, quam animal habens pedes, duos pedes habens. Bipes
enim nihil aliud est quam duos pedes habens; in quo manifeste includitur,
pedes habens. Unde patet quod, si utraque apponatur differentia, est nugatio. |
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[83129] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 22 Et iterum si hoc quod est bipes dividat aliquis propria
divisione, idest per ea quae sunt per se et non per accidens, sequetur
ulterius multoties dici idem, et toties quot sumuntur differentiae. Ut si
dicam quod animalis bipedis, aliud est habens pedes scissos in quinque
digitos, aliud in quatuor: si quis vellet, definiens hominem, ponere omnes
differentias intermedias, toties repeteret idem, quot differentias apponeret.
Diceret enim quod homo est animal pedes habens, duos pedes habens, scissos in
quinque digitos. |
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[83130] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 23 Et quia ista sunt inconvenientia, igitur manifestum est
quod si in definitione accipiantur differentiae, una erit ultima, scilicet quae
est species et substantia, idest quae substantiam et speciem definiti
comprehendet, et ab eius unitate definitio erit una. |
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[83131] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 24 Deinde cum dicit si vero ostendit, quod hoc non
potest dici si differentiae per accidens sumantur; dicens, quod si aliquis in
dividendo et definiendo accipiat differentiam secundum accidens, sicut si
dividatur quod habentium pedes, aliud est album, aliud est nigrum, tot erunt
ultimae differentiae, quot factae sunt divisiones; quia una earum alteram non
includet. Et de differentiis sic sumptis, procedebat ratio superius inducta
contra unitatem definitionis. Huiusmodi enim differentiae sic per accidens
acceptae non essent unum nisi subiecto; quod non sufficit ad unitatem
definitionis. |
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[83132] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 25 Deinde cum dicit quare palam concludit propositum. Et
circa hoc duo facit. Primo ponit conclusionem; dicens, quod palam est ex
praedictis quod quamvis in definitione ponatur genus et differentia, tamen
definitio est ratio ex differentiis tantum, quia genus non est praeter
differentias, ut supra dictum est. Et quamvis ponantur multae differentiae in
definitione, tamen tota definitio dependet et constituitur ex ultima, quando
fit divisio secundum rectum, idest a communiori ad minus commune
descendendo secundum per se differentias, et non accipiendo quasi a latere
differentias per accidens. |
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[83133] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 26 Secundo ibi, palam autem manifestat conclusionem
inductam per quoddam signum, dicens, palam autem erit, scilicet quod tota
definitio constituatur ex ultima differentia, ex hoc quod, si quis transponat
partes talium definitionum, sequetur inconveniens. Sicut si aliquis dicat
definitionem hominis esse animal bipes, habens pedes. Ex quo enim dictum est
bipes, superfluum est apponere, pedes habens. Sed si diceretur primo pedes
habens, adhuc restaret inquirendum, utrum esset bipes, dividendo pedes
habens. |
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[83134] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 27 Ex hoc patet quod illae differentiae, secundum quod
sunt multae, habent inter se ordinem determinatum. Non autem hoc potest
intelligi quod in substantia rei sit aliquis ordo. Non enim potest dici, quod
hoc substantiae sit prius, et illud posterius; quia substantia est tota simul
et non per successionem, nisi in quibusdam defectivis, sicut sunt motus et
tempus. |
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[83135] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 28 Unde patet quod multae partes definitionis non
significant multas partes essentiae ex quibus essentia constituatur sicut ex diversis;
sed omnes significant unum quod determinatur ultima differentia. Patet etiam
ex hoc, quod cuiuslibet speciei est una tantum forma substantialis; sicut
leonis una est forma per quam est substantia, et corpus, et animatum corpus,
et animal, et leo. Si enim essent plures formae secundum omnia praedicta, non
possent omnes una differentia comprehendi, nec ex eis unum constitueretur. |
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[83136] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 12 n. 29 Concludit ergo finaliter recapitulando, quod nunc
primo tot sint dicta de definitionibus quae accipiuntur secundum divisiones
generis in differentias, et differentiae in differentias quales quaedam
sunt, quia videlicet sunt ex his quae praedicantur per se, et continentes
in se partes speciei, et etiam unaquaeque est unum. Haec enim in
praecedentibus de definitionibus sunt ostensa. Dicit autem primum,
quia in sequentibus de definitione et quod quid est, aliqua determinantur. |
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Leçon 13, texte d’Aristote,
traduit par Guillaume de Moerbeke, v. 1260 |
Leçon 13, Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Leçon
13, texte latin de Guillaume de Moerbeke, traduit par Georges Comeau |
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De
duobus quidem igitur dictum est; et enim de quid erat esse et subiecto, quia
dupliciter subicitur: aut hoc aliquid ens, ut animal passionibus, aut ut
materia actui. Videtur autem et universale causa
quibusdam esse maxime, et esse principium universale; unde et de hoc
tractemus. Videtur
enim impossibile esse substantiam esse quodcumque universaliter
dictorum. Primum enim substantia quae uniuscuiusque propria uniuscuiusque,
quae noninest alii, universale vero commune; hoc enim dicitur universale quod
pluribus inesse natum est. Cuius ergo substantia erit? Aut enim omnium
aut nullius. Omnium autem non est possibile; unius autem si erit, et alia hoc
erunt. Quorum enim una substantia est et quod quid erat esse unum, et ipsa
unum. Amplius substantia dicitur quae non de subiecto, et universale de
subiecto aliquo dicitur semper. Sed
an sic quidem non contingit ut quod quid erat esse, in ipso autem
inexistit, ut animal in homine et equo? Ergo palam quia est quaedam ipsius
ratio. Differt autem nichil nec si non
omnium ratio est eorum quae sunt in substantia; nichil enim minus substantia
erit hoc alicuius, ut homo hominis in quo existit. Quare idem accidet iterum;
erit enim substantia illius substantia, ut animal, in quo ut proprium
existit. Amplius autem et impossibile et
inconveniens hoc et substantiam, si est ex aliquibus, non ex substantiis esse
nec ex eo quod hoc aliquid sed ex quali; prius enim erit non substantia et
quale substantia et ipso hoc, quod est impossibile. Nec enim ratione nec
tempore nec generatione passiones possibilie est priores esse substantia;
erunt enim separabiles. Amplius
Socrati inerit substantiae substantia;
quare duorum erit substantia. Totaliter vero accidit, si est substantia homo
et quaecumque ita dicuntur, nichil eorum quae in ratione esse nullius substantiam,
neque sine ipsis existere nec in alio; dico autem ut non esse quoddam animal
praeter aliqua, nec aliud eorum quae in rationibus nullum. Ex hiis itaque speculantibus palam
quia nichil universaliter existentium est substantia, et quia nullum
communiter praedicatorum significat hoc aliquid, sed tale. Sin autem, alia quoque multa
accidunt et tertius homo. Amplius
autem est et ita manifestum.
Impossibile enim substantiam ex substantiis esse inexistentibus sic ut actu.
Duo namque sic actu numquam sunt unum actu, sed si potestate duo fuerint,
erunt unum, ut quae dupla ex duobus dimidiis potestate; actus enim separat. Quare si substantia unum, non erit
ex substantiis inexistentibus, et secundum hunc modum quem dicit Democritus
recte. Impossibile enim esse ait ex duobus unum aut ex unno duo fieri;
magnitudines enim indivisibiles substantias faciunt. Similiter igitur manifestum quia
et in numero habebit, si est numerus compositio unitatum, sicut dicitur a quibusdam;
aut enim non unum dualitas aut non inest unitas in ipsa actu. Habet
autem quod accidit dubitationem. Si
enim neque ex universalibus possibile est esse nec unam substantiam propter
tale sed non hoc aliquid significare, nec ex substantiis contingit actu esse
neque unam substantiam, incomposita utique erit substantia omnis. Quare nec
ratio utique erit neque unius substantiae. At vero videtur omnibus et dictum
est dudum: aut solum substantiae esse terminum aut maxime. Nunc autem neque
huius. Nullius igitur erit diffinitio; aut modo quodam erit, modo autem
quodam non. Manifestum autem erit quod dicitur ex posterioribus magis. |
Puisque nous nous proposons
d’étudier la substance, reprenons les choses d’un peu plus haut. De même que
le sujet est appelé du nom de substance, de même ce nom désigne encore
l’essence, qui fait que la chose est ce qu’elle est; il désigne aussi le
composé résultant de la matière et de la forme, et enfin, l’universel. Déjà nous avons expliqué les deux
premiers de ces termes, l’essence et le sujet ; et nous avons dit que le
sujet peut être considéré sous deux points de vue, ou comme tel être
individuel, par exemple, l’être animé, qui est le sujet des modifications
qu’il subit ; ou comme la matière, qui est dans la réalité actuelle et
complète que la chose représente. Pour quelques philosophes, c’est
surtout l’universel qui a le caractère de cause; et, à leurs yeux,
l’universel est le véritable principe. Occupons-nous donc aussi de
l’universel. Selon nous, il est impossible
qu’aucun universel puisse jamais être une substance. En effet, la substance
première de tout être, quel qu’il soit, est celle qui ne peut appartenir à
aucun autre que lui, tandis que l’universel est au contraire un terme commun,
puisqu’on appelle précisément Universel ce qui, de sa nature, peut appartenir
à plusieurs. De quoi donc l’universel
pourrait-il être la substance ? Il ne peut être que la substance de tous les
êtres subordonnés, ou n’être la substance d’aucun. De tous, ce n’est pas possible
; et s’il l’est d’un seul, tout le reste sera ce même être également, puisque
les êtres dont la substance est Une et dont l’essence est Une, sont aussi un
seul et même être. D’autre part, on a défini la substance : « Ce qui n’est
jamais l’attribut d’un sujet » ; mais l’universel est toujours l’attribut
d’un sujet. Il ne peut pas être dans l’objet comme y est l’essence ; mais il
peut y être impliqué comme l’animal est implicitement compris dans l’homme,
dans le cheval, etc. Par conséquent, on doit voir qu’il aura pour l’universel
une sorte de définition. Peu importe, d’ailleurs, que l’on
ne mentionne pas tous les éléments qui entrent dans la substance. Animal n’en
sera pas moins la substance de quelque chose, comme l’homme est la substance
de cet homme individuel dans lequel il se trouve. Cela revient donc tout à
fait au même, l’universel sera substance ; et comme l’Animal, il sera la
substance de l’espèce dans laquelle il se trouve, en tant qu’il lui
appartient en propre. Il est, en outre, impossible et
absurde qu’une chose qui est tel être individuel et telle substance, si elle
se compose de certains éléments, ne vienne pas de substances, ou qu’elle
vienne non pas de la catégorie de l’essence, mais de la catégorie de la
qualité ; car alors la qualité, qui n’est pas substance, serait antérieure à
la substance, et à l’individuel. Or, cela est bien impossible, puisque, ni en
notion, ni en temps, ni en production, il ne se peut pas que les modes soient
antérieurs à la substance qui les éprouve ; autrement, les modes seraient
séparables du sujet. Autre argument. Dans Socrate, par
exemple, qui est déjà une substance, il y aurait une autre substance, de
telle sorte qu’il serait la substance de deux êtres à la fois. Si l’Homme est
une substance, et si tous les termes employés comme celui-là sont des
substances, il en résulte qu’aucun des éléments qui entrent dans la
définition, ne peut plus être substance de quoi que ce soit, ni exister en
dehors des individus, ni se trouver dans un autre être que les individus. Je
veux dire, par exemple, qu’il n’y a pas d’Animal en dehors des animaux
individuels, pas plus que n’existe séparément aucun des éléments qui font
partie des définitions. En se plaçant à ce point de vue,
on doit reconnaître qu’aucun des termes pris universellement n’est de la
substance, qu’aucun attribut commun ne représente telle chose particulière,
et qu’il ne représente que telle qualité. Sinon, c’est soulever une foule
d’objections, et spécialement l’objection du Troisième homme. Voici encore un argument qui
prouve bien ce que nous disons. Il est impossible qu’une substance se compose
de substances qui seraient en elle à l’état d’actualité complète, à l’état
d’Entéléchie. Ainsi, deux choses, qui actuellement sont complètement réelles,
ne peuvent jamais être une seule et même chose effectivement et actuellement.
Mais si elles ne sont deux qu’en puissance, elles pourront être une seule et
même chose ; par exemple, le double se compose bien de deux moitiés; mais
c’est seulement en puissance, puisque l’actualité réelle et complète des
moitiés les isolerait dans des êtres différents. Il en résulte que, si la substance
est Une, elle ne peut se composer de substances qui seraient en elle; et
c’est en ce sens que Démocrite a parfaitement raison de soutenir qu’il est
impossible que jamais deux choses deviennent une seule chose, ni qu’une seule
chose en devienne deux, puisque, dans son système, ce sont les grandeurs
indivisibles, les atomes, qui sont les substances. Il est de toute évidence qu’il en
sera de même encore pour le nombre, si le nombre, comme le prétendent
quelques philosophes, n’est qu’une collection d’unités ; car, ou bien Deux
n’est pas Un, ou bien Un n’est pas actuellement et réellement dans Deux. Mais cette conclusion même ne
laisse pas que de présenter des difficultés. Si, en effet, il est impossible
que la substance se compose jamais d’universaux, parce que les universaux
n’expriment qu’une qualité et non point une chose particulière et
individuelle, et si jamais non plus une substance ne peut être composée de
substances réelles et effectives, il s’ensuit que toute substance est
indécomposable, et que, par suite, il ne peut y avoir non plus de définition
pour une substance quelconque. Tout le monde convient cependant, et il y a
bien longtemps qu’on l’a dit, que la définition ne s’adresse qu’à la
substance seule, ou, tout au moins, s’adresse surtout à la substance. Et
voilà maintenant qu’on démontre que ce n’est pas même à la substance que la
définition s’applique ; avec cette théorie, il n’y aurait plus définition de
rien. Ou bien ne doit-on pas plutôt dire qu’il y aura définition de la
substance en un sens, et qu’en un autre sens il n’y en aura pas ? C’est ce
qui s’éclaircira davantage par ce qui va suivre. |
Mais
puisque l’étude porte sur la substance, revenons en arrière. Mais comme le
sujet est dit être la substance, l’essence et ce qui vient d’eux[177], de même l’universel. Or,
on a déjà parlé de deux, à savoir de l’essence et du sujet, car il est sujet
de deux façons : soit cet être-ci, comme l’animal pour ses propriétés,
soit comme la matière pour l’acte[178]. Mais
il semble à certains que c’est surtout l’universel qui est cause, et qu’il
existe un principe universel; nous en traiterons donc aussi. En
effet, il semble impossible que la substance soit quoi que ce soit qu’on dit
universellement. Tout d’abord, en effet, la substance de toute chose est
celle qui est propre à cette chose et n’est pas dans une autre chose, mais
l’universel est commun; en effet, on appelle universel ce qui est apte à être
dans plusieurs. De
quoi sera-t-il donc la substance? Soit celle de toute chose, soit celle de
rien. Mais il n’est pas possible que ce soit de toute chose; mais si c’est
d’une chose, les autres êtres seront cette chose. En effet, les choses dont
la substance est une et dont l’essence est une sont elles-mêmes une seule
chose. De plus, on appelle substance ce qui ne se dit pas d’un sujet, et
l’universel se dit toujours de quelque sujet. Mais alors, n’est-il pas
possible que l’essence y existe, comme l’animal est dans l’homme et le
cheval? Donc, il est évident qu’il en existe une certaine notion. Mais
cela ne change rien s’il n'y a pas de notion de tout ce qui se trouve dans la
substance; elle n’en sera pas moins la substance de cette chose, comme
l’homme celle de l’homme en qui elle se trouve. C’est pourquoi il arrive
encore la même chose : la substance est la substance de cette chose,
comme de l’animal, en lequel elle se trouve à proprement parler. De
plus, il est impossible et absurde que cela et la substance, si elle vient de
certaines choses, ne vienne pas de substances ni de ce qui est une chose
individuelle, mais d’une qualité; en effet, la non-substance et la qualité
seront antérieures à la substance et à cette chose, ce qui est impossible. Il
n’est en effet possible ni logiquement, ni temporellement, ni par génération
que les propriétés soient antérieures à la substance, car elles seraient
alors séparables. De
plus, dans Socrate, il y aurait une substance de la substance, et ce serait
donc la substance de deux choses. Il arrive donc au total, si l’homme et tout
ce qui se dit pareillement sont des substances, que rien de ce qui est dans
leur notion n’est la substance de quelque chose, ni n’existe sans eux, ni
dans autre chose; or, je dis qu’il n’existe pas d’animal à part ceux-là, ni
un autre que ceux qui sont dans des notions. Aussi,
il est évident à partir de ces réflexions que rien de ce qui existe
universellement n’est substance et qu’aucun des attributs généraux ne
signifie cette chose-ci, mais cette qualité. Sinon, beaucoup d’autres choses
s’ensuivent, et même le troisième homme. En
outre, cela est également manifeste comme suit. Il est impossible que la
substance provienne de substances qui y existent comme en acte, car deux
choses qui sont ainsi en acte n’en sont jamais une en acte, mais si elles
sont deux en puissance, elles seront une, comme ce qui est double vient de
deux moitiés en puissance, car l’acte les séparerait. C’est
pourquoi, si la substance est une, elle ne viendra pas de substances qui y
existent, et ce, selon le sens que Démocrite donne avec raison. Il dit en
effet qu’il est impossible qu’une chose devienne deux ou que deux choses
deviennent une; en effet, les grandeurs indivisibles font les substances. Or,
il est manifeste que ce sera semblable pour le nombre, si le nombre est un
rassemblement d'unités, comme certains le disent; en effet, ou bien la
dualité n’est pas une, ou bien l’unité ne s’y trouve pas en acte. Mais
ce résultat comporte un doute. Si en effet il n’est pas possible qu’une
substance provienne d’universels parce qu’ils signifient une qualité mais non
cette chose, et s’il ne se peut pas non plus qu’une substance provienne de
substances en acte, toute substance sera incomposée. Et donc, il n'y aura pas
de notion d’une seule substance. Mais pourtant, il semble à tous, et il a été
dit depuis longtemps, que la substance est soit le seul terme, soit le
principal. Il n’y aura donc définition de rien; ou bien il y en aura une en
un sens, et pas en un autre sens. Mais ce qu’on dit sera plus évident dans ce
qui suit. |
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Lectio 13 |
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[83137] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 1 Postquam determinavit philosophus de substantia secundum
quod substantia dicitur quod quid est, hic determinat de substantia secundum
quod universale a quibusdam dicitur substantia; et circa hoc duo facit. Primo continuat se ad praecedentia. Secundo
prosequitur suam intentionem, ibi, videtur autem impossibile. Dicit ergo primo, quod quia in ista scientia est
principalis perscrutatio de substantia, oportet iterum redire ad divisionem
substantiae, ut videatur quid est dictum, et quid restat dicendum. Dicitur
autem substantia, ut ex praedictis patet, id quod est tamquam subiectum,
scilicet materia, quae se habet ad formam substantialem sicut subiectum, quod
est substantia completa, ad formam accidentalem. Et alio modo dicitur
substantia quod quid erat esse, quod pertinet ad formam. Tertio modo dicitur
substantia quod ex his, idest compositum ex materia et forma. Et
quarto modo dicitur substantia a quibusdam universale. |
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[83138] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 2 Haec autem divisio substantiae hic posita in idem redit
cum divisione posita in principio huius septimi, licet videatur esse diversa.
Ibi enim posuit quatuor: scilicet subiectum, quod quid erat esse, et
universale, et genus: et subiectum divisit in tria: scilicet in materiam et
formam et compositum. Et, quia iam manifestum est quod quod quid erat esse se
tenet ex parte formae, ponit quod quid erat esse, loco formae. Item, quia
genus commune eadem ratione ponitur substantia qua et universale, ut
ostendetur, concludit utrumque sub uno modo: et sic remanent tantum quatuor
modi, qui hic ponuntur. |
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[83139] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 3 De duobus ergo istorum modorum dictum est. Dictum
est enim de quod quid erat esse, et iterum de subiecto, quod dicitur dupliciter.
Uno modo sicut id quod est aliquid, et ens actu, sicut animal subiicitur suis
passionibus, et quaecumque substantia particularis suis accidentibus. Alio
modo sicut materia prima subiicitur actui, idest formae substantiali.
De his autem dictum est, ubi ostensum est quomodo partes materiae pertineant
ad speciem vel ad individuum. Sed quia non solum materia et quod quid est
videntur esse causae, sed etiam universale quibusdam, scilicet
Platonicis, videtur maxime esse causa et principium, ideo de hoc,
scilicet universali, tractabimus in hoc eodem septimo. De substantiis autem
compositis et sensibilibus tractabitur in octavo; quarum ea, quae in hoc
septimo tractantur, sunt quasi principia. |
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[83140] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 4 Deinde cum dicit videtur enim incipit inquirere
utrum universalia sint substantiae: et dividitur in duas partes. In prima
ostendit quod universalia non sunt substantiae, sicut quidam posuerunt.
Secundo ostendit quantum ad quid recte dixerunt hoc ponentes, et quantum ad
quid erraverunt, ibi, sed species dicentes hic quidem dicunt recte. Circa
primum duo facit. Primo ostendit in communi quod universalia non sunt
substantiae. Secundo specialiter de uno et ente, quae maxime ponebantur esse
substantiae rerum, ibi, quoniam vero unum dicitur. Prima dividitur in duas.
In prima ostendit, quod universalia non sunt substantiae. In secunda, quod
non sunt separata, ibi, manifestum autem ex his. Circa primum duo facit.
Primo ostendit universalia non esse substantias ex ea parte qua universalia
praedicantur de multis. Secundo ex ea parte qua species ex universalibus
componuntur, sicut ex partibus definitionis, ibi, amplius autem et
impossibile et inconveniens. Dixerat enim superius in quinto, quod genus
quodammodo est totum, inquantum praedicatur de pluribus, et quodammodo est
pars, inquantum ex genere et differentia constituitur species. Circa primum
duo facit. Primo enim ostendit, quod universale non est substantia, cum de
pluribus praedicetur. Secundo excludit quamdam cavillosam responsionem, ibi,
sed an sic quidem non contingit. |
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[83141] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 5 Sciendum est autem, ad evidentiam huius capituli,
quod universale dupliciter potest accipi. Uno modo pro ipsa natura, cui
intellectus attribuit intentionem universalitatis: et sic universalia, ut
genera et species, substantias rerum significant, ut praedicantur in quid.
Animal enim significat substantiam eius, de quo praedicatur, et homo
similiter. Alio modo potest accipi universale inquantum est universale, et
secundum quod natura praedicta subest intentioni universalitatis: idest
secundum quod consideratur animal vel homo, ut unum in multis. Et sic
posuerunt Platonici animal et hominem in sua universalitate esse substantias. |
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[83142] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 6 Quod Aristoteles in hoc capitulo intendit reprobare,
ostendens quod animal commune vel homo communis non est aliqua substantia in
rerum natura. Sed hanc communitatem habet forma animalis vel hominis secundum
quod est in intellectu, qui unam formam accipit ut multis communem, inquantum
abstrahit eam ab omnibus individuantibus. Ponit ergo ad propositum duas
rationes. |
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[83143] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 7 Circa quarum primam dicit, quod videtur ex
sequentibus rationibus impossibile esse, quodcumque eorum, quae universaliter
praedicantur, esse substantiam, secundum scilicet quod in sua universalitate
accipitur. Quod primo probatur ex hoc, quod substantia uniuscuiusque, est
propria ei, et non inest alii. Sed universale est commune multis, hoc enim
dicitur universale, quod natum est multis inesse et de multis praedicari. Si
ergo universale est substantia, oportet quod sit alicuius substantia. Cuius
ergo substantia erit? Aut enim oportet quod sit substantia omnium, quibus
inest, aut unius. Non est autem possibile quod sit substantia omnium: quia
unum non potest esse substantia pluribus. Plura enim sunt quorum substantiae
sunt plures et diversae. |
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[83144] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 13 n. 8 Sed si dicatur, quod sit substantia unius eorum
quibus inest, sequetur quod omnia alia, quibus inest, sint illud unum, quibus
ponitur esse substantia. Oportet enim quod pari ratione, eorum etiam sit
substantia, cum et eis similiter insit. Quorum autem substantia est una, et
quod quid erat esse unum, oportet et ipsa esse unum. Relinquitur ergo, quod
ex quo universale non potest esse substantia omnium, de quibus dicitur, nec
unius alicuius, quod nullius sit substantia. |
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[83145] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 9 Sciendum autem quod ideo dicit quod universale est
quod natum est pluribus inesse, non autem quod pluribus inest; quia quaedam universalia
sunt quae non continent sub se nisi unum singulare, sicut sol et luna. Sed
hoc non est quin ipsa natura speciei quantum est de se sit nata esse in
pluribus; sed est aliquid aliud prohibens, sicut quod tota materia speciei
comprehendatur in uno individuo, et quod non est necessarium multiplicari
secundum numerum speciem, quae in uno individuo potest esse perpetua. |
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[83146] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 10 Secundam rationem ponit ibi, amplius substantia dicit
quod substantia dicitur, quae non est de subiecto: et dicitur universale
semper de aliquo subiecto: ergo universale non est substantia. Videtur autem
ratio haec non valere. Dictum est enim in praedicamentis, quod de ratione
substantiae est, quod non sit in subiecto. Praedicari vero de subiecto non
est contra rationem substantiae. Unde ponuntur ibi secundae substantiae quae
praedicantur de subiecto. |
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[83147] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 11 Sed dicendum quod secundum logicam considerationem
loquitur philosophus in praedicamentis. Logicus autem considerat res secundum
quod sunt in ratione; et ideo considerat substantias prout secundum
acceptionem intellectus subsunt intentioni universalitatis. Et ideo quantum ad praedicationem, quae est actus
rationis, dicit quod praedicatur de subiecto, idest de substantia
subsistente extra animam. Sed philosophus primus considerat de rebus secundum
quod sunt entia; et ideo apud eius considerationem non differt esse in
subiecto et de subiecto. Hic enim accipit dici de subiecto, quod est in se
aliqua res et inest alicui subiecto existenti in actu. Et hoc impossibile est
esse substantiam. Sic enim haberet esse in subiecto. Quod est contra rationem
substantiae: quod etiam in praedicamentis est habitum. |
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[83148] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 12 Deinde cum dicit sed an sic quidem excludit quamdam
cavillosam responsionem, qua posset aliquis obviare primae rationi, in qua
dixerat, quod omnia sunt unum, quorum substantia et quod quid est sunt unum.
Posset enim aliquis dicere, quod universale non est sicut substantia, ut quod
quid erat esse, quod quidem sit proprium uni. Et ideo ad hoc excludendum
philosophus dicit sed an. Potest dici obviando rationi primo inductae,
quod non contingit universale esse substantiam, sicut quod quid erat esse est
substantia; sed tantum est substantia in ipsis particularibus existens, sicut
animal in homine et equo. Non enim ita est natura animalis in homine, quod
sit propria ei, cum sit etiam equi. Quasi dicat, non potest sic responderi. |
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[83149] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 13 Sequitur enim, si hoc quod est animal commune, sit
substantia, quod huius substantiae sit aliqua ratio. Nec differt ad propositum
si non est ratio definitiva omnium quae sunt in substantia, idest quae
ponuntur in definitione, ne in infinitum procedatur in definitionibus, sed
oportet omnes partes cuiuslibet definitionis iterum definiri. Nihil enim
minus illa substantia oportet quod sit alicuius, licet non habeat
definitionem, quam si haberet. Sicut si dicamus, quod licet hoc ipsum, quod
est homo communis, non habeat definitionem, tamen oportet quod sit hominis
substantia in quo existit, ipsius scilicet hominis communis. Quare idem
accidit quod et prius; quia oportebit quod ista substantia communis, licet
non ponatur propria alicui inferiorum, tamen erit propria illius substantiae
communis in qua prima existit. Sicut si animal commune sit quaedam
substantia, animal per prius praedicabitur de illa communi substantia, et
significabit eius substantiam propriam, sive sit definibile, sive non. Unde
non poterit, ex quo haec substantia est propria uni, de multis praedicari. |
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[83150] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 13 n. 14 Deinde cum dicit amplius autem ostendit, quod
universale non est substantia, accipiendo rationes ex ea parte, qua
universale est pars definitionis et essentiae. Et circa hoc duo facit. Primo
ponit rationes ad propositum. Secundo excludit quamdam dubitationem, ibi,
habet autem quod accidit dubitationem. Circa primum ponit quatuor rationes.
Quarum primam ponit dicens, quod impossibile et inconveniens est, id quod est
hoc aliquid et substantia, non esse ex substantiis, nec ex his quae sunt hoc
aliquid, sed ex his quae significant quale, si tamen est ex aliquibus. Quod
dicit propter substantias simplices. Sequitur enim, quod cum ea, ex quibus
est aliquid, sint priora, quod prius sit id quod est non substantia, sed
quale, eo quod est substantia, et eo quod est hoc aliquid. Quod est
impossibile: quia impossibile est passiones et qualitates et accidentia esse
priores substantia ratione, aut tempore, aut generatione. |
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[83151] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 15 Quod enim non sint priores ratione, supra ostensum
est, ex eo quod substantia ponitur in definitione accidentium et non e
converso. Item quod non sint priores tempore, ex hoc supra probatum est, ex
quo etiam hic probatur, quia sequeretur quod passiones essent separabiles a
substantiis, quod est impossibile. Esse autem prius generatione continetur
sub eo quod est prius tempore. Omne enim quod est prius generatione, est
etiam prius tempore, licet non e converso. Ea enim, quae non habent ordinem
ad generationem alicuius, licet sint priora tempore, non tamen sunt priora
generatione: sicuti equus non est prior generatione leone, qui nunc est,
licet sit prior tempore. Partes autem ex quibus aliquid constituitur, sunt
priores generatione, et per consequens tempore, et quandoque etiam ratione,
sicut supra ostensum est. Unde impossibile est quod ex non substantiis
componatur substantia. Universalia autem significant non substantiam et hoc
aliquid, sed significant quale quid, ut in praedicamentis dicitur de secundis
substantiis. Ergo patet quod ex universalibus, si sunt quaedam res praeter
singularia, non possunt componi singularia, quae sunt hoc aliquid. |
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[83152] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 16 Sed videtur quod haec ratio inconvenienter procedat.
Secundae enim substantiae, quae sunt genera et species in genere substantiae,
etsi non significent hoc aliquid, sed quale, non tamen significant hoc modo
quale, sicut passiones, quae significant qualitatem accidentalem, sed
significant qualitatem substantialem. Ipse autem procedit hic ac si significarent
qualitatem accidentalem. |
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[83153] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 17 Sed dicendum est quod, si universalia sint res
quaedam, sicut Platonici ponebant, oportebit dicere, quod non solum qualitatem
substantialem, sed accidentalem significent. Omnis enim qualitas quae est
alia res ab eo cuius est qualitas, est accidentalis. Sicut albedo est alia
res a corpore cuius est qualitas, et est in eo cuius est qualitas sicut in
subiecto; et ideo est accidens. Si ergo universalia, inquantum universalia
sunt, sint res quaedam, oportebit quod sint aliae res a singularibus, quae
non sunt universalia. Et ideo, si significant qualitatem eorum, oportet quod
insint eis sicut substantiis. Et per consequens quod significent qualitatem
accidentalem. |
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[83154] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 18 Sed ponentibus quod genera et species non sunt
aliquae res vel naturae aliae a singularibus, sed ipsamet singularia, sicut quod
non est homo qui non sit hic homo, non sequitur quod secundae substantiae
significent accidens vel passionem. |
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[83155] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 19 Secundam rationem ponit ibi, amplius Socrati. Dicit,
quod si universalia sunt substantiae, sequitur quod Socrati inerit
substantiae substantia. Si enim omnia universalia sunt substantiae; sicut
homo est substantia Socratis, ita animal erit substantia hominis. Et ita
istae duae substantiae, una quae est homo, et alia quae est animal, erunt in
Socrate. Et hoc est quod concludit: quare duorum erit substantia,
idest: quare sequitur, quod hoc quod dico animal, sit substantia non solum
hominis, sed etiam Socratis. Et ita una substantia erit in duobus; cum tamen
supra ostensum sit, quod una substantia non est nisi unius. |
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[83156] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 20 Et non solum in Socrate hoc accidit quod dictum est,
sed totaliter in omnibus accidit, si homo et alia quae sic dicuntur sicut
species, sint substantiae, et quod nihil eorum quae ponuntur in ratione
specierum sit substantia, neque quod possit esse sine illis, in quorum
definitione ponuntur, vel quod sint in aliquo alio, aut quod sit ipsummet
aliud. Sicut quod non erit quoddam animal praeter aliqua animalia,
idest praeter species animalis. Et similiter est de omnibus aliis quae
ponuntur in definitionibus, sive sint genera, sive differentiae. Et hoc ideo,
quia, cum species sint substantiae, si ea etiam quae in definitionibus
specierum ponuntur sint substantiae, in singularibus erunt plures
substantiae, et una substantia erit plurium, ut de Socrate dictum est. Patet
igitur ex dictis, quod nullum universale est substantia; et nullum eorum quae
communiter praedicantur, significat hoc aliquid, sed quale. |
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[83157] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 21 Tertiam rationem ponit ibi, si autem. Dicit, quod si
praedicta conclusio non concedatur, accident multa inconvenientia: inter quae
erit unum, quod oportebit ponere tertium hominem. Quod quidem potest exponi
dupliciter. Uno modo ut praeter duos homines singulares, qui sunt Socrates et
Plato, sit tertius homo, qui est communis. Quod quidem non est inconveniens
secundum ponentes ideas, licet secundum rectam rationem inconveniens
videatur. |
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[83158] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 22 Alio modo, ut praeter hominem singularem et
communem, ponatur tertius, cum communicent in nomine et ratione, sicut et duo
homines singulares, praeter quos ponitur tertius homo communis, et ob hanc
causam, scilicet quia communicant in nomine et definitione. |
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[83159] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 23 Quartam rationem ponit ibi amplius autem. Dicit, quod
universalia non sunt substantiae secundum hanc rationem. Impossibile est enim
aliquam substantiam esse ex pluribus substantiis, quae sunt in ea actu. Duo enim, quae sunt in actu, nunquam sunt unum actu;
sed duo, quae sunt in potentia, sunt unum actu, sicut patet in partibus
continui. Duo enim dimidia unius lineae sunt in potentia in ipsa linea dupla,
quae est una in actu. Et hoc ideo, quia actus habet virtutem separandi et
dividendi. Unumquodque enim dividitur ab altero per propriam formam. Unde ad
hoc quod aliqua fiant unum actu, oportet quod omnia concludantur sub una
forma, et quod non habeant singula singulas formas, per quas sint actu. Quare patet, quod si substantia particularis est
una, non erit ex substantiis in ea existentibus actu; et sic, si est ex
universalibus, universalia non erunt substantiae. |
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[83160] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 24 Et secundum hunc modum Democritus recte dicit, quod
impossibile est unum fieri ex duobus, et ex uno fieri duo. Est enim intelligendum,
quod duo in actu existentia, nunquam faciunt unum. Sed ipse non distinguens
inter potentiam et actum, posuit magnitudines indivisibiles esse substantias.
Voluit enim, quod sicut in eo quod est unum, non sunt multa in actu, ita nec
in potentia. Et sic quaelibet magnitudo est indivisibilis. Vel aliter. Recte,
inquam, dixit Democritus, supposita sua positione, qua ponebat magnitudines
indivisibiles esse etiam rerum substantias, et sic esse semper in actu, et
ita ex eis non fieri unum. Et sicut est in magnitudinibus, ita est in numero,
si numerus est compositio unitatum, sicut a quibusdam dicitur. Oportet enim
quod vel dualitas non sit unum quid, sive quicumque alius numerus; sive quod
unitas non sit actu in ea. Et sic dualitas non erunt duae unitates, sed
aliquid ex duabus unitatibus compositum. Aliter numerus non esset unum per se
et vere, sed per accidens, sicut quae coacervantur. |
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[83161] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 25 Deinde cum dicit habet autem movet dubitationem circa
praedicta; dicens, quod id, quod accidit ex praedictis, habet dubitationem.
Dictum est enim, quod ex universalibus non potest esse aliqua substantia,
propter hoc quod universale non significat hoc aliquid, sed quale. Secundo
dictum est, quod ex substantiis in actu non potest esse aliqua substantia. Et
sic videtur sequi, quod substantia non potest componi neque ex substantiis:
ergo sequitur quod omnis substantia sit incomposita. Et ita, cum definitiones
non dentur de substantiis incompositis (quod patet per hoc quod definitio est
ratio habens partes, ut supra dictum est), sequitur, quod nullius substantiae
sit definitio. Sed omnibus videtur, ut supra ostensum est, quod definitio,
vel est solum substantiae, vel eius maxime. Nunc autem conclusum est, quod substantiae
non sit definitio: ergo sequitur quod nullius sit definitio. |
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[83162] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 13 n. 26 Dicendum est autem ad praedictam dubitationem, quod quodam
modo substantia est ex substantiis, quodam modo non. Hoc autem erit
manifestum magis ex posterioribus in hoc capitulo, et in octavo. Est enim ex
substantiis in potentia, sed non in actu. |
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Leçon 14, texte d’Aristote,
traduit par Guillaume de Moerbeke, v. 1260 |
Leçon 14, Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Leçon
14, texte latin de Guillaume de Moerbeke, traduit par Georges Comeau |
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Manifestum autem ex ipsis hiis accidens et ydeas dicentibus
substantias et separabiles esse et simul speciem ex genere facientibus et
differentiis. Si
enim sunt species, et animal in homine et equo, aut unum et idem numero est
aut alterum. Ratione namque palam
quia unum; eandem enim exhibebit rationem dicens in utrolibet. Ergo si est
aliquis homo ipsum secundum se hoc aliquid et separatum, necesse et ex
quibus, ut animal et bipes, hoc aliquid significare et esse separabilia et
substantias; quare et animal. Si quidem igitur idem et in equo
sicut tu in te ipso quomodo in separatim existentibus unum erit? Et quare non
et sine ipso erit animal hoc? Deinde si quidem participatione bipedis et
multipedis, impossibile aliquid accidit: contraria namque simul inerunt ipsi
uni et huic enti. Si autem non, quis modus, cum dixerit utique aliquis animal
esse bipes aut gressibile? Sed forsam componitur et copulatur aut miscetur?
Verum omnia inconvenientia. Sed
alterum in unoquoque. Infinita
ergo erunt, ut consequens dicere, quorum substantia animal; non enim secundum
accidens ex animali homo. Amplius
multa erit ipsum animal. Substantiaque enim quod in unoquoque animal;
non enim de alio dicitur; si autem non, ex illo erit homo et genus ipsius
illud. Et
amplius ydee omnia ex quibus homo. Igitur
non alterius quidem erit ydea alterius vero substantia; impossibile namque.
Ipsum igitur animal erit unumquodque eorum quae in animalibus. Amplius ex quo hoc, et quomodo ex
ipso animali? Aut quomodo possibile est esse animal, quod substantia hoc
ipsum, praeter ipsum animal? Amplius
autem in sensibilibus haec accidunt
et hiis absurdiora. Si itaque impossibile sic se habere, palam quia non est
ydea ipsorum sic ut quidam dicunt. |
Toute la discussion précédente fait voir
clairement où en arrivent les philosophes qui, prenant les Idées pour les
substances, les regardent comme séparées des choses, et qui en même temps
cependant soutiennent que l’espèce vient du genre et des différences. Si, en effet, les Idées existent, et, si l’animal, par exemple, est
dans l’homme et dans le cheval, de deux choses l’une : ou l’animal est, dans
l’un et dans l’autre, Cheval et Homme, une seule et même chose numériquement,
ou c’est une chose différente. Mais la définition de ces deux êtres prouve
clairement que c’est une seule et même chose, puisqu’en expliquant l’animal,
soit dans le cheval, soit dans l’homme, on en donne absolument la même
explication. Si donc il y a un homme qui existe en soi et à l’état de séparation
absolue, il faut nécessairement aussi que les deux éléments dont il se
compose, Animal et Bipède, expriment un être réel, qu’ils soient également
séparés, et qu’ils soient des substances. Il s’ensuit que l’Animal sera aussi
une substance. Si l’Animal est identique dans le cheval et dans l’homme, identique
de cette identité que vous avez de vous-même à vous-même, comment alors
l’animal sera-t-il Un dans des êtres absolument séparés? Et comment cet
animal ne sera-t-il pas séparé aussi de lui-même? D’autre part, si l’animal est du genre bipède et polypède, il en
résulte une conséquence insoutenable : c’est qu’alors il aura simultanément
les contraires, tout en restant un seul et même être. Si l’animal ne
participe pas du bipède, comment alors comprend-on qu’on puisse dire de lui
qu’il est bipède ou terrestre ? Si l’on prétend que tout cela se combine, que
tout cela se touche et se confond, on peut affirmer que ce sont là autant
d’impossibilités manifestes. Peut-être, dira-t-on encore, que l’animal est différent dans chaque
individu. Alors, il s’ensuit qu’il y aura, sans exagération, un nombre infini
d’êtres dont l’animal sera la substance, puisque ce n’est pas indirectement
et par accident que l’homme se compose de l’animal. Dès lors, l’animal en soi
serait une foule d’êtres ; car l’animal qui est dans chaque individu serait
une substance, puisque l’individu n’est pas l’attribut d’un autre. Si cela
n’est pas, l’homme alors viendrait de cet autre être, et cet autre être
serait le genre de l’homme. Par suite aussi, tous les éléments dont l’homme se compose seraient
autant d’Idées; mais il est bien impossible d’être à la fois l’Idée de tel
être, et la substance de tel autre être. Ainsi, l’animal en soi sera chaque
animal contenu dans les animaux particuliers. Mais alors d’où viendront ces
animaux particuliers, et comment pourront-ils venir de l’animal en soi?
Comment comprendre que ce même animal, qui sera substance particulière,
pourra exister en dehors de l’animal en soi? Toutes ces difficultés se représentent pour les choses sensibles; et même, elles y sont encore bien plus grandes. Si donc il est impossible qu’il en soit ainsi, il est clair qu’il n’y a pas, pour les choses que nos sens perçoivent, une Idée, à la façon que supposent certains philosophes. |
Mais on voit clairement
d’après tout cela ce qui arrive à ceux qui disent que les idées sont
substances et séparables, et qui constituent en même temps l’espèce à partir
du genre et des différences. Si
en effet il y a des espèces et que l’animal est dans l’homme et le cheval,
ils seront soit un numériquement, soit différents. Car il est évident qu’ils
sont un par leur notion; celui qui parle donnera la même raison pour les
deux. Donc, s’il existe un homme en soi que est individuel et séparé, il est
nécessaire que ses constituants, comme l’animal et le bipède, signifient cet
individu et soient séparables et substances; donc, l’animal aussi. Si
donc il est pareil dans le cheval comme tu l’es avec toi-même, comment sera-t-il
un dans des choses qui existent séparément? Et pourquoi cet animal ne
sera-t-il pas privé de lui-même? Ensuite, s’il est par participation bipède
et multipède, une impossibilité se produit, car des contraires se trouvent en
même temps dans cet être unique. Mais s’il ne l’est pas, en quel sens,
puisqu’on dit qu’un animal est bipède ou peut marcher? Mais peut-être qu’il
est composé, apparié ou mélangé? Vraiment tout cela est absurde. Ou
bien il est différent dans chaque chose. Il y en aura donc une infinité, à ce
qu’il s’ensuit, dont la substance est l’animal, car ce n’est pas par accident
que l’homme vient de l’animal. De plus, l’animal en soi sera bien des choses.
En effet, celui qui est dans chaque animal sera aussi une substance, car il
ne se dit pas d’un autre; s’il n’en est pas une, l’homme viendra de lui, et
il sera le genre de l’homme. Et
de plus, toutes les idées seront ce dont l’homme provient. Alors, elles ne
seront pas l’idée d’une chose et la substance d’une autre, car c’est impossible.
Alors, l’animal en soi sera chacun de ceux qui sont dans les animaux. De
plus, de quoi viendra-t-il, et comment viendra-t-il de l’animal en soi? Ou
bien, comment est-il possible que l’animal, qui est lui-même une substance,
existe hors de l’animal en soi? De
plus, toutes ces choses arrivent dans les sensibles, et de plus absurdes
encore. Si donc il est impossible qu’il en soit ainsi, il est évident qu’il
n'y a pas d’idée de ces choses ainsi que certains le disent. |
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Lectio 14 |
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[83163] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 1 Postquam philosophus ostendit universalia non esse
substantias absolute, hic ostendit, quod non sunt substantiae a sensibilibus separatae:
et dividitur in partes duas. In prima ostendit, quod universalia non sunt
substantiae separatae. In secunda manifestat quoddam, quod in superioribus
dubium reliquerat, ibi, manifestum autem est quod substantiarum. Circa primum
duo facit. Primo ostendit universalia non esse substantias separatas. Secundo
ostendit quod si sunt separatae, non sunt definibiles, ibi, quoniam vero
substantia altera. Circa primum duo facit. Primo ostendit inconvenientia,
quae sequuntur ponentibus universalia esse substantias separatas, comparando
genus ad species. Secundo comparando
genus ad individua, ibi, amplius autem in sensibilibus. Circa primum tria
facit. Primo proponit quamdam divisionem. Secundo prosequitur primum membrum
divisionis, ibi, ratione namque palam. Tertio secundum, ibi, sed si alterum
in unoquoque. Dicit ergo primo,
quod ex praedictis etiam manifestum esse potest quid accidat de
inconvenientibus, dicentibus ideas esse substantias et separabiles, quae
dicuntur esse species universales, et simul cum hoc ponentibus speciem esse
ex genere et differentiis. Hae enim duae positiones simul coniunctae,
scilicet quod species componantur ex genere et differentia, et quod species
universales sunt substantiae separatae, quae dicuntur ideae, ducunt ad
inconvenientia. Si enim ponantur species esse separatae, constat quod unum
genus est in pluribus speciebus simul, sicut animal in homine et equo. Aut
ergo hoc ipsum quod est animal in homine et equo existens, est unum et idem
numero; aut alterum in homine, et alterum in equo. Inducit autem hanc
divisionem, quia Plato ponebat ideas specierum, non autem generum, cum tamen
poneret communiter universalia esse substantias. |
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[83164] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 2 Deinde cum dicit ratione namque prosequitur primum
membrum divisionis. Et primo ostendit, quod sit unum et idem animal. Secundo
ostendit inconvenientia, quae sequuntur hoc posito, ibi, si quidem ergo.
Dicit ergo, quod manifestum est, quod animal est unum et idem in homine et
equo secundum rationem. Si enim assignetur ratio animalis secundum quod
dicitur de utrolibet, scilicet homine vel equo, eadem ratio assignabitur,
quae est substantia animata sensibilis: univoce enim praedicatur genus de
speciebus, sicut et species de individuis. Si ergo propter hoc, quod species
praedicatur secundum unam rationem de omnibus individuis, est aliquis homo
communis, qui est ipsum quod est homo secundum se existens, et est hoc
aliquid, idest quoddam demonstrabile subsistens et separatum a sensibilibus,
sicut Platonici ponunt; necesse est pari ratione et ea, ex quibus species
constat, scilicet genus et differentiam, ut animal et bipes, significare
similiter hoc aliquid, et esse separabilia a suis inferioribus, et esse
substantias per se existentes. Quare sequitur quod animal erit unum numero
per se existens, quod praedicatur de homine et equo. |
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[83165] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 3 Deinde cum dicit si quidem ostendit inconvenientia, quae
sequuntur ex hoc posito: quae sunt tria. Primum est, quia cum genus sit in
specie sicut substantiam rei significans, sic erit animal in equo, sicut tu
es in teipso, qui es substantia tuiipsius. Sic autem non est possibile
aliquod unum esse in pluribus separatim existentibus. Non enim tu es nisi in
teipso. Es enim in pluribus non separatim existentibus, sicut in carnibus et
ossibus, quae sunt tui partes. Animal igitur si sit unum et idem, non poterit
esse in pluribus speciebus, ut in homine et equo; cum species separatae
secundum Platonicos sint quaedam substantiae adinvicem diversae. |
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[83166] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 4 Secundum ponit ibi, et quare homo enim, quia est unum
de multis praedicatum secundum Platonicos, non ponitur in particularibus, sed
extra ea. Si ergo sit unum animal, quod praedicatur de omnibus speciebus;
quare hoc ipsum quod est animal universale non est sine ipso, scilicet sine
equo vel quacumque alia specie, ut per se separatum existens? Non potest
ratio conveniens assignari ab eis. |
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[83167] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 5 Tertium ponit ibi, deinde si dicens: constat, quod
species constituitur ex genere et differentia. Aut igitur hoc est per hoc,
quod genus participat differentiam sicut subiectum participat accidens, ut
hoc modo intelligamus ex animali et bipede fieri hominem, sicut ex albo et
homine fit homo albus; aut per aliquem alium modum. |
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[83168] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 14 n. 6 Et si quidem species fiat per hoc, quod genus
participat differentiam, sicut quod animal per participationem bipedis fit
homo, et per participationem multipedis fit equus, vel polypus, accidit
aliquid impossibile. Cum enim genus, quod praedicatur de diversis speciebus,
ponatur esse una substantia, sequitur quod contraria simul insunt ipsi
animali, quod in se est unum et hoc ens, scilicet demonstrabile. Differentiae
enim, quibus dividitur genus, sunt contrariae. |
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[83169] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 7 Si autem non sit ex animali et bipede homo per modum
participationis, quis modus erit cum aliquis dixerit animal esse bipes vel
gressibile, constituens ex his duobus unum? Quasi dicat: de facili non potest
assignari. Et ideo subiungit, sed forsan componitur, quasi dicat:
numquid poterit dici, quod ex his duobus fiat unum per compositionem sicut
domus fit ex lapidibus; aut per copulationem, sicut arca fit ex lignis
conclavatis; aut per mixtionem, sicut electuarium fit ex speciebus alteratis?
His enim modis invenitur ex duabus vel pluribus substantiis per se
existentibus aliquid unum fieri. |
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[83170] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 8 Sed omnes isti modi sunt inconvenientes. Non enim possent
genus et differentiae praedicari de specie, sicut nec partes compositae vel
copulatae vel mixtae praedicantur de suis totis. Et praeterea unum non venit
in compositionem diversorum totaliter; sed partes divisim sunt, ita quod una
pars eius sit in compositione huius et alia in compositione alterius, sicut
una pars ligni venit in compositione domus, et alia in compositione arcae.
Unde, si ex animali et bipede fieret homo et avis, modis praedictis,
sequeretur quod non tota natura animalis esset in homine nec in ave, sed alia
et alia pars. Et sic iterum non esset idem animal in utroque. |
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[83171] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 9 Deinde cum dicit sed si alterum prosequitur secundum
membrum divisionis; dicens, quod inconveniens sequitur si ponatur non unum
animal esse in omnibus speciebus. Ducit autem ad quatuor inconvenientia:
quorum primum ponit sic dicens. Ostensum est quid sequatur ponentibus
universalia esse substantias, si ponatur unum animal esse in omnibus
speciebus. Sed propter hoc potest aliquis dicere, quod sit alterum animal in
unaquaque specie: ergo erunt infinita quorum substantia est animal, ut est
consequens dicere ad praedictam positionem. Est enim animal substantia cuiuslibet
speciei contentae sub animali. Non enim potest dici quod homo fiat ex animali
secundum accidens, sed per se: et ita animal ad substantiam equi pertinet, et
bovis, et aliarum specierum, quae sunt fere infinitae. Quod autem aliquod
unum cedat in substantia infinitorum, videtur esse inconveniens. |
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[83172] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 10 Secundum inconveniens ponit ibi, amplius multa
dicit, quod sequitur etiam quod ipsum animal, idest substantia animalis
universalis, erit multa, quia animal, quod est in unaquaque specie, est
substantia illius speciei, de qua praedicatur. Non enim praedicatur de specie
sicut de quodam alio diverso a se in substantia. Si autem non praedicatur
animal de homine sicut de diverso poterit dici convenienter, quod homo erit
ex illo, scilicet ex animali, sicut ex sua substantia; et quod illud,
scilicet animal, sit etiam genus eius, praedicatum de eo in eo quod quid est.
Relinquitur ergo, quod sicut illa de quibus praedicatur animal, sunt multa,
ita ipsum animal universale esse multa. |
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[83173] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 11 Deinde cum dicit et amplius ponit tertium
inconveniens; dicens, quod ulterius ex praedictis sequitur, quod omnia illa, ex
quibus est homo, scilicet superiora genera et differentiae, sint ideae; quod
est contra positionem Platonicorum, qui ponebant solas species esse ideas
particularium, genera vero et differentias non esse ideas specierum. Et hoc
ideo, quia idea est proprie exemplar ideati secundum suam formam. Forma autem
generis non est propria formis specierum, sicut forma speciei est propria
individuis, quae conveniunt secundum formam, et differunt secundum materiam. |
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[83174] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 12 Sed, si sunt diversa animalia secundum diversas
species, unicuique speciei respondebit aliquid in substantia sui generis,
sicut propria idea; et ita etiam erunt genera ideae, et similiter
differentiae. Non ergo alteri universalium erit quod sit idea, et alteri quod
sit substantia, sicut Platonici ponebant, dicentes quidem genera esse
substantias specierum, species vero ideas individuorum. Impossibile namque
est ita esse, ut ostensum est. Sequitur igitur ex praedictis quod ipsum
animal, idest substantia animalis universalis, sit unumquodque eorum quae
sunt in animalibus idest quae continentur inter species animalis. |
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[83175] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 14 n. 13 Quartum ponit ibi, amplius ex dicit quod iterum videtur
esse dubium ex quo constituatur hoc quod est homo, et quomodo constituatur ex
ipso animali scilicet universali, aut quomodo possibile est animal
esse, quod substantia hoc ipsum praeter ipsum animal, idest quomodo
potest esse ut homo sit aliquid praeter animal quasi quaedam substantia per
se existens, et tamen animal sit hoc ipsum quod est homo? Haec enim videntur
esse opposita, quod homo sit praeter animal, et tamen animal sit hoc ipsum
quod est homo. |
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[83176] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 14 n. 14 Deinde cum dicit amplius autem improbat praedictam
positionem per comparationem generum ad singularia; dicens quod haec eadem
inconvenientia, quae accidunt ponentibus genera et universalia esse
substantias in speciebus, accidunt et in sensibilibus singularibus, et etiam
multa his absurdiora; inquantum natura generis magis remota est a
singularibus sensibilibus et materialibus, quam a speciebus intelligibilibus
et immaterialibus. Si itaque impossibile est sic esse, palam est quod idea
non est ipsorum sensibilium, sicut Platonici dicunt. |
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Leçon 15, texte
d’Aristote, traduit par Guillaume de Moerbeke, v. 1260 |
Leçon 15, Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Leçon
15, texte latin de Guillaume de Moerbeke, traduit par Georges Comeau |
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Verum sine generatione et corruptione sunt et non sunt; ostensum est
enim quia nullus haec generat nec facit. Propter hoc autem et substantiarum
sensibilium singularium nec diffinitio nec demonstratio est quia habent
materiam cuius natura talis est ut contingat et esse et non; quopropter
corruptibilia omnia singularia ipsorum. Ergo si demonstratio necessariorum et diffinitio scientifica, et non
contingit sicut nec scientiam quandoque scientiam quandoque ignorantiam esse,
sed opinio quod tale est, ita nec demonstrationem nec diffinitionem, sed
opinio est contingentis aliter se habere, palam quia non utique erit ipsorum
nec diffinitio nec demonstratio. Non enim some manifesta corrupta scientiam habentibus, cum a sensu
abscesserint; et salvatis rationibus in anima eisdem, non erit nec diffinitio
amplius nec demonstratio. Propter quod oportet eorum qui ad terminum cum
aliquis diffiniat aliquid singularium, non ignorare quia semper auferre est;
non enim contingit diffinere. Nec itaque ydeam
nullum est diffinire. Singularium enim ydea, ut dicunt, et separabilis est. Necessarium vero ex nominibus esse
rationem, nomen autem non faciet diffiniens; ignotum enim erit. Posita autem
communia omnibus. Ergo necesse inesse et alii haec; et si quis te diffiniat,
animal dicet gracile aut album aut aliquid aliud quod in alio sit. Si quis autem dicat
nichil prohibere separatim quidem omnia multi, simul vero huic soli inesse:
primum quidem quia et ambobus, ut animal bipes animali et bipedi, et hoc in sempiternis
quidem, et necesse esse priora
existentia et partes compositi. Quin immo et separabilia, si homo separabile;
aut enim nichil aut ambo. Si quidem
igitur nichil, non erit genus praeter species; si vero erit, et
differentia. Deinde quia priora ipso esse;
haec vero non contra auferuntur. Deinde
autem si ex ydeis ydee; minus enim composita ex quibus. Amplius de multis oportebit et illa
praedicari ex quibus ydea, ut animal et bipes. Sin autem, quomodo
cognoscetur? Erit enim ydea quaedam quam impossibile de pluribus praedicari
quam uno. Non videtur autem, sed omnis ydea esse participabilis. Quemadmodum ergo
dictum est, latet quod impossibile diffinire in sempiternis, maxime vero
quaecumque unica, ut sol et luna. Non solum enim peccant additione talium
quibus ablatis adhuc erit sol, puta terram girans aut nocte absconditum; si
enim steterit aut apparuerit, non adhuc erit sol. Sed absurdum si non; sol
enim substantiam quandam significat. Amplius quaecumque in alio contingunt,
ut si alter fiat talis, palam sol erit; communis ergo ratio. Sed erat
singularium sol, it Cleon aut Socrates. Quoniam propter quid nullus ipsorum terminum profert ydee? Fiet enim utique
manifestum temptantibus quia verum quod modo dictum est. |
La substance se présente sous deux
aspects différents : le composé qui la constitue, et la notion qui
l’explique. J’entends par là qu’il y a, d’une part, la substance qui est la
notion même de l’objet combinée avec la matière ; et, d’autre part, cette
notion seule, prise d’une manière absolue. Toutes les substances du premier
genre sont sujettes à périr, parce qu’elles se produisent à un certain moment
; mais la pure et simple notion ne peut jamais être détruite, par la raison
qu’elle ne se produit jamais d’une manière générale et essentielle. Ainsi, la
maison ne se produit pas ; ce qui se produit, c’est une maison particulière. Les substances de cette espèce
sont, ou ne sont pas, sans qu’il y ait pour elles ni production ni destruction.
Ainsi qu’on l’a démontré, personne ne les engendre, ni ne les fait. C’est là
encore ce qui explique comment, pour les substances sensibles et
individuelles, il n’y a ni définition ni démonstration possible, attendu
qu’elles renferment une matière dont la nature propre est de pouvoir être ou
n’être pas. Aussi, toutes les choses individuelles et particulières
sont-elles périssables. Si donc la démonstration ne
s’adresse qu’à des choses nécessaires, si la définition doit toujours être
scientifique. Il en résulte que, de même que la science ne peut pas être
tantôt science et tantôt ignorance, et que c’est la simple opinion qui peut
seule présenter de telle alternatives, et que, de même qu’il n’y a ni science
ni définition, mais uniquement opinion de ce qui peut être autrement qu’il
n’est; de même évidemment, il n’y a ni définition ni démonstration pour les
substances sensibles. La raison en est que, du moment où
les objets qui périssent viennent à échapper à la sensation, ils restent
parfaitement inconnus de ceux mêmes qui en ont la science ; et les notions
qui les concernent ont beau rester les mêmes dans l’esprit, il n’y a plus
moyen, ni de les définir, ni de les démontrer. Aussi, faut-il bien se dire,
quand on veut définir un objet individuel, que la définition qu’on en essaie
peut toujours être contestée, parce qu’il est impossible de le définir. Certes, on ne peut pas non plus
définir aucune Idée. L’Idée, prétend-on, est chose individuelle, et elle est
séparée. Pour elle aussi, il est nécessaire que la notion qu’on en donne se
compose de mots. Or ces mots ne sont pas l’oeuvre de celui qui fait la
définition ; car alors ils seraient inintelligibles. Les mots reçus sont des
termes communs à tous les êtres qu’ils désignent ; et, nécessairement, ils
s’appliquent à d’autres êtres qu’à l’être en question. Par exemple, si, pour
vous définir, on allait dire que vous êtes maigre, que vous êtes blanc ou que
vous êtes de telle ou telle façon, tout cela pourrait tout aussi bien
s’appliquer à un autre qu’à vous. Que si l’on objecte que tous ces
attributs, pris séparément, peuvent bien s’appliquer à plusieurs êtres
différents, mais que, réunis, ils ne s’appliquent qu’à tel être seul, on peut
répondre d’abord qu’il y en a toujours au moins deux auxquels ils peuvent
s’appliquer, et que, par exemple, Animal bipède s’applique à la fois aux deux
êtres, à l’Animal d’abord, et ensuite au Bipède. Mais il en est également
ainsi des Idées, qu’on fait éternelles, et même il y a nécessité que, pour
elles, il en soit ainsi, puisqu’elles sont antérieures au composé total, et
qu’elles en font partie. Bien plus, elles en sont séparées, si l’on admet que
l’Homme est séparé aussi. Ou bien aucun des deux termes n’est séparé, ou bien
ils le sont tous les deux. Si aucun n’est séparé, il n’y aura plus de genre
en dehors des espèces ; et, s’ils sont séparés, la différence le sera comme
eux. En outre, les Idées éternelles
sont antérieures en existence, et elles ne disparaissent pas en même temps que
les êtres périssables. On peut dire encore qu’il y aura des Idées venant
d’autres Idées ; et comme celles d’où sortent les premières sont les plus
simples, il faudra que les termes d’où vient l’Idée puissent être les
attributs d’une foule de choses ; par exemple, Animal et Bipède seront de ces
attributs. Autrement, comment les êtres seront-ils connus ? Et alors, on
arrivera à une Idée qui ne pourra plus être l’attribut que d’un seul être.
Mais ce n’est pas là du tout la théorie ; et, tout au contraire, n’y a pas
d’Idée qui ne se communique. Répétons-le donc : l’erreur vient
de ce qu’il n’y a pas de définition possible, quand il s’agit de choses
éternelles, surtout de celles qui sont uniques en leur genre : le soleil et
la lune, par exemple. En ceci on se trompe de deux manières : d’abord,
en ajoutant, à la définition du soleil, des épithètes qui peuvent être omises
sans que le soleil cesse, pour cela, d’être ce qu’il est, comme lorsqu’on dit
de lui « qu’il fait le tour de d’une terre » ou « qu’il se
cache pendant la nuit ». Car, d’après cette théorie, il n’y aurait donc
plus de soleil, si le soleil venait à s’arrêter, ou à resplendir pendant la
nuit. Or, c’est une conception absurde de croire qu’il ne puisse plus y avoir
de soleil, puisque le mot Soleil exprime une substance. En second lieu, on se
trompe encore en prenant des attributs qui peuvent s’appliquer aussi à un
corps autre que le soleil ; car, s’il y avait un autre soleil que le nôtre,
qui eût les mêmes attributs, il serait évidemment aussi un soleil. La
définition serait donc commune à plusieurs êtres à la fois; or le soleil
était supposé un être individuel, tout aussi bien que le sont Cléon ou
Socrate. Mais pourquoi, parmi les partisans des Idées, n’en est-il pas un qui se hasarde à donner la définition de l’Idée? S’ils tentaient de le faire, ils sentiraient bien vite la vérité de ce que nous venons de dire. |
Puisque donc la substance
est autre, tant le tout que la notion
(et je dis que celui-ci est la substance comme notion conçue avec matière, celle-là
est notion absolument), de toutes les choses qui sont dites ainsi il y a
corruption, et aussi génération. Mais la notion n’est pas telle qu’elle se
corrrompe; elle n’a pas de génération non plus; en effet, l’être de
« maison » n’est pas produit, mais celui de cette maison. Vraiment, elles sont et ne
sont pas sans génération et corruption; il a été montré en effet que rien ne
les engendre ou ne les produit. C’est aussi pour cela qu’il n'y a ni
définition ni démonstration des substances sensibles singulières, car elles
ont une matière dont la nature est telle qu’elle peut être ou ne pas être;
c’est pourquoi toutes leurs choses singulières sont corruptibles. Donc, si la démonstration
porte sur le nécessaire et la définition est scientifique, il n’est pas
possible, de même que la science n’est pas parfois science et parfois
ignorance mais ce qui est ainsi est l’opinion, de même qu’il y ait
démonstration et définition, mais il y a opinion de ce qui peut être
autrement, il est évident qu’il n'y a pas de définition ni de démonstration
de ces choses. En effet, les choses
corrompues ne sont pas évidentes pour ceux qui ont la science quand elles se
sont éloignées des sens, et, leurs notions étant restées identiques dans
l’âme, il n’y en aura plus de définition ni de démonstration. C’est pourquoi
il faut que ceux qui [veulent arriver] à terme[179] quand quelqu'un définit l’un des singuliers n’ignorent
pas qu’on peut toujours le supprimer, car il n’est pas possible de le
définir. Aussi, il n’est possible de
définir aucune idée. En effet, elle est une idée des singuliers, disent-ils,
et elle est séparable. Mais il est nécessaire que la notion soit faite de
mots; or, celui qui définit ne fabrique pas le mot, car il serait inconnu.
Mais ceux qui sont donnés sont communs à tous. Il est donc nécessaire qu’ils
se trouvent dans d’autres êtres; et si quelqu’un te définit en disant que tu
es un animal svelte, blanc ou ayant quelque autre qualité, cela se trouve en
d’autres êtres. Mais
si quelqu'un dit que rien n’empêche que toutes ces choses séparément
s’appliquent à beaucoup mais que, toutes ensemble, elles se trouvent en un
seul, tout d’abord, elles sont dans les deux : ainsi l’animal bipède est
dans l’animal et dans le bipède, et cela dans les choses éternelles, et il
est nécessaire qu’elles existent antérieurement et soient des parties du
composé. Qui plus est, elles sont séparables si l’homme est séparable; ou
bien aucun ne l’est, ou les deux le sont. Si c’est aucun, il n'y a pas de
genre à part des espèces; si c’est les deux, la différence l’est aussi. Ensuite,
comme elles sont antérieures à l’être même, elles ne seront pas
contre-enlevées. Et ensuite, si des idées viennent des idées, celles dont elles
viennent sont moins composées. De plus, il faudra que les éléments dont
provient l’idée soient attribués à beaucoup de choses, comme l’animal et le
bipède. Sinon, comment seront-ils connus? Il y aura alors une certaine idée
qu’il est impossible d’attribuer à plus d’une chose. Or, il semble que cela
n’est pas, mais que toute idée est parrticipable. Donc,
comme on l’a dit, il est clair qu’il est impossible de définir dans les
choses éternelles, et surtout dans toutes celles qui sont uniques, comme le soleil
et la lune. En effet, non seulement on pèche en ajoutant des choses qui, une
fois enlevées, laissent encore exister le soleil, comme le fait de tourner
autour de la terre ou d’être caché la nuit; en effet, s’il était immobile ou
apparaissait, il ne serait plus le soleil. Mais il est absurde qu’il ne le
soit plus; en effet, le soleil signifie une substance. En outre, tout ce qui
se produit en autre chose, comme si un autre pareil vient à être, sera
évidemment un soleil; donc leur notion sera commune. Mais le soleil était
parmi les singuliers, comme Cléon ou Socrate. Alors,
pourquoi aucun d’entre eux ne propose-t-il une limite à l’idée? En effet, il
sera manifeste pour ceux qui s’y essaient que ce que nous venons de dire est
vrai. |
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Lectio 15 |
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[83177] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 1 In hoc loco philosophus ostendit, quod ideae quae
ponuntur separatae a Platonicis, non possunt definiri. Et hoc ideo, quia Platonici
ad hoc praecipue ponebant ideas, ut eis adaptarentur et definitiones et
demonstrationes, quae sunt de necessariis, cum ista sensibilia videantur
omnia in motu consistere. Et circa hoc duo facit. Primo ostendit per
rationes, quod ideae non possunt definiri. Secundo per signum, ibi, quoniam
propter quid nullus. Circa primum ponit tres rationes: quarum primam ponit
sic dicens, quod substantiarum alia est sicut ratio, idest sicut quod
quid erat esse et forma, et alia est sicut compositum ex materia et forma,
quod est totum simul coniunctum ex materia et forma. Dico autem eas esse
alteras quia hoc quidem, scilicet substantia, quae est totum, sic est
substantia sicut habens rationem conceptam cum materia; illa vero, quae est
sicut forma et ratio et quod quid erat esse, est totaliter ratio et forma non
habens materiam individualem adiunctam. |
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[83178] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 2 Quaecumque igitur dicuntur substantiae hoc modo
sicut composita, eorum potest esse corruptio. Ostensum est enim supra, quod
eorum solum est generatio, quae ex materia et forma componuntur. Corruptio
autem et generatio sunt circa idem. |
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[83179] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 3 Ipsius autem substantiae, quae est sicut ratio vel quod
quid est, non est ita corruptio quod ipsa per se corrumpatur. Ostensum est
enim supra quod non est eius generatio, sed solum compositi; non enim fit
quod quid erat esse domui, ut supra ostensum est, sed fit quod est proprium
huic domui. Generatur enim haec domus particularis, non autem ipsa species
domus. Sed tamen huiusmodi formae et quidditates aliquando sunt, et aliquando
non sunt sine generatione et corruptione, idest sine hoc quod ipsa
generentur vel corrumpantur per se, sed incipiunt esse et non esse aliis
generatis et corruptis. Ostensum est enim supra quod nullus in naturalibus generat
haec, scilicet formas et quidditates, nec etiam in artificialibus; sed
hoc agens singulare generat et facit hoc singulare. |
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[83180] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 4 Propter hoc autem, quod singularia generantur et
corrumpuntur, substantiarum sensibilium singularium non potest esse nec
definitio nec demonstratio. Habent enim materiam individualem; cuius natura
est talis, ut id quod ex ea constituitur, contingat esse et non esse; quia
ipsa materia quantum est in se, est in potentia ad formam, per quam res
materialis est, et ad privationem per quam res materialis non est. Et ideo
omnia singularia de numero ipsorum sensibilium, quorum materia est in
potentia ad esse et non esse, sunt corruptibilia. Corpora tamen caelestia non
habent materiam huiusmodi, quae sit in potentia ad esse et non esse, sed
solum ad ubi. Et ideo non sunt corruptibilia. |
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[83181] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 15 n. 5 Si ergo demonstratio est necessariorum, ut probatum
est in posterioribus, et definitio etiam est scientifica, idest
faciens scire, quae est quasi medium demonstrationis, quae est syllogismus
faciens scire; sicut non contingit quandoque esse scientiam et quandoque
ignorantiam, quia quod scitur semper oportet esse verum, sed id quod est
tale, idest quod quandoque potest esse verum, quandoque falsum, est
opinio; ita etiam non contingit demonstrationem nec definitionem esse eorum
quae possunt se aliter habere; sed solum opinio est huiusmodi contingentium. |
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[83182] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 6 Si, inquam, ita est, palam est, quod non erit nec definitio
nec demonstratio ipsorum singularium corruptibilium sensibilium. Non enim
huiusmodi corruptibilia possunt esse manifesta scientiam habentibus de eis,
scilicet cum recesserunt a sensu, per quem cognoscuntur. Et ideo salvatis
eisdem rationibus in anima ipsorum singularium, idest speciebus, per
quas cognosci possunt, non erit de eis nec definitio nec demonstratio. Et
propter hoc oportet, cum aliquis eorum, qui student ad assignandum
terminum, idest definitionem alicuius rei, definiat aliquod singulare,
quod non ignoret, quia semper contingit auferre singulare, manente tali
ratione, quam ipse fingit in anima. Et hoc ideo quia non contingit vere
definire singulare. In his enim quae vere definiuntur, manet cognitio
definiti quamdiu manet cognitio definitionis in anima. |
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[83183] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 7 Si igitur singulare definiri non potest, itaque nec
ideam possibile est definire. Ideam enim oportet esse singularem, secundum ea
quae ponuntur de idea. Ponunt enim quod idea est quoddam per se existens ab
omnibus aliis separatum. Haec autem est ratio singularis. |
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[83184] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 8 Deinde cum dicit necessarium vero ponit secundam rationem:
et circa hoc duo facit. Primo ponit rationem. Secundo excludit quamdam
cavillosam responsionem, ibi, si quis autem dicat. Fuit autem necessarium ut
hanc rationem superadderet rationi suprapositae, quia ratio iam posita
probabat singulare non esse definibile, ex eo quod est corruptibile et
materiale; quae duo Platonici ideis non attribuebant. Unde ne per hoc sua
probatio inefficax redderetur, subiungit aliam rationem, dicens: |
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[83185] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 9 Necessarium esse omnem definitivam rationem esse ex
pluribus nominibus. Ille enim qui definit, non faciet notificationem rei
ponendo unum nomen tantum; quia si poneret unum tantum nomen, adhuc definitum
remanebit nobis ignotum. Contingit enim uno nomine notiori assignato, ipsum
nomen definiti notificari; non autem rem definitam, nisi principia eius
exprimantur, per quae res omnis cognoscitur. |
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[83186] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 10 Resolutio autem definiti in sua principia, quod definientes
facere intendunt non contingit nisi pluribus nominibus positis. Et ideo
dicit, quod si unum nomen tantum ponatur, quod adhuc remanebit definitum
ignotum; sed si plura ponantur, oportet quod nomina posita sint communia
omnibus. |
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[83187] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 11 Si enim in definitione alicuius singularis ponantur
aliqua nomina quae conveniunt ipsi soli, erunt synonyma nomina unius rei
singularis; unde res non notificabitur huiusmodi nominibus positis, sed forte
nomen minus notum. Sicut si diceremus quid est Tullius, et responderetur
Marcus et Cicero non esset conveniens definitio. |
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[83188] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 12 Oportet igitur, si singulare definitur, in eius
definitione poni aliqua nomina, quae multis conveniant. Ergo necesse erit,
quod definitio non solum huic singulari conveniat, cuius definitio quaeritur,
sed etiam aliis. Quod est contra rationem verae definitionis. Sicut si
aliquis te definire intendat, et dicat quod tu es animal gressibile, aut
animal album, vel quicquid aliud, non tibi soli convenit, sed etiam est in
alio. |
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[83189] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 13 Unde patet, quod singulare, non solum ex hoc quod est
corruptibile et materiale, caret definitione, sed etiam ex hoc quod est
singulare; unde nec idea definitur. Cuius ratio est quam hic tangit
philosophus: quia si nomina ad definiendum assumpta exprimunt individuum
quantum ad ea ex quibus individuatur, erunt nomina synonyma. Si autem
exprimunt naturam et accidentia communia absque individuatione, non erit
definitio propria definitio: quia omnes formae, sive accidentales, sive
substantiales, quae non sunt per se subsistentes, sunt, quantum est de se,
communes multis. Et si aliqua inveniatur in uno solo, sicut forma solis, hoc
non provenit ex parte formae, quin quantum est de se sit nata esse in
pluribus; sed ex parte materiae. Nam tota materia speciei congregata est sub
uno individuo. Vel magis ex parte finis; quia unus sol sufficit ad universi
perfectionem. |
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[83190] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 14 Deinde cum dicit si quis autem excludit quamdam
cavillosam responsionem. Posset enim aliquis dicere, quod licet quodlibet
eorum, quae ponuntur in definitione singularis ideae, conveniat separatim
multis, non tamen simul accepta conveniunt nisi uni soli; huic scilicet cuius
definitio quaeritur. Hanc autem responsionem excludit duobus modis. Primo
quantum ad ipsas ideas. Secundo quantum ad ea, quorum sunt ideae, ibi,
amplius de multis. Circa primum duo facit. Primo excludit responsionem
praedictam; ostendens quod adhuc sequitur definitionem non definito soli
inesse. Secundo quod non primo, ibi, et necesse esse priora. Dicit ergo, quod
contra responsionem praedictam, primo est dicendum hic, quod definitio
assignata alicui ideae etiam aliis inerit; sicut si definitio ideae hominis
sit animal bipes, haec duo inerunt animali et bipedi, idest ideae
animalis et ideae bipedis; quia etiam illae duae ideae simul coniunctae erunt
animal bipes. Et sic haec definitio, animal bipes, non erit propria ideae
hominis. Et hoc inconveniens quidem accidit in sempiternis, idest
considerando etiam definitionem ideae, quae est quoddam singulare sempiternum
secundum Platonicos; et considerando quod definitio assignata uni ideae
convenit aliis. |
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[83191] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 15 Deinde cum dicit et necesse ostendit quod sequitur ulterius,
quod definitio assignata ideae hominis non primo convenit ei; quod est contra
rationem definitionis. Nam definitio primo verificatur de definito. Hoc autem
ostendit tribus modis. Primo sic: dicens, quod non solum necesse est quod
animali et bipedi conveniat definitio assignata homini; sed etiam necesse est
quod illa, scilicet animal et bipes, existant priora homine, et sint partes
eius, inquantum homo ex utroque constituitur. |
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[83192] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 16 Quinimmo secundum positionem eorum sequeretur, quod
ambo sint separabilia ab homine, et ab aliis animalibus, scilicet animal et
bipes, si homo ponitur separabilis ab individuis. Sicut enim homo est
superius ad individua, ita genus et differentiae ad hominem. Aut enim oportet
quod nullum commune sit separabile; aut oportet quod ambo praedicta, scilicet
animal et bipes, sint separabilia ab homine. Si igitur nullum commune est
separabile, tunc sequetur quod genus non erit praeter species. Et sic genus
non significabit substantiam. Si vero genus erit praeter species, pari
ratione et differentia, quae etiam est communior specie. Si autem utraque,
scilicet animal et bipes, sunt separabilia ab homine, sequetur quod sint
priora, eo modo sicut homo separatus est prior individuis. Et ita sequetur
ulterius, quod definitio assignata homini, conveniat quibusdam prioribus,
scilicet animali et bipedi. |
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[83193] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 17 Secundo ibi, deinde quia ostendit idem alia ratione;
dicens, quod inde patet quod animal et bipes sunt priora homine secundum
esse. Ista enim sunt priora in esse quae non removentur aliis ablatis; sed
eis ablatis alia removentur. Sicut unum est prior duobus, quia remoto uno,
removentur duo, sed non e converso. Remotis autem animali et bipede,
removetur homo; sed remoto homine, hoc, scilicet animal et bipes, non
aufertur. Unde patet quod animal et bipes sunt priora homine. |
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[83194] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 18 Tertio ibi, deinde autem ostendit idem tertia
ratione; dicens, quod idem apparet si ponamus animal et bipes non solum esse
separabilia ab homine, quasi quaedam ideae eius, sicut supra dictum est in
prima ratione, sed etiam quod ex ipsis fit homo, ut sic ex ideis separatis
fiat idea separata. Patet enim, quod minus erunt composita animal et bipes,
ex quibus componitur homo, quam homo qui componitur ex eis. Quod autem est
minus compositum, est prius. Unde sequetur adhuc, quod animal et bipes sunt
priora homine, non solum propter separationem, ut prima ratio procedebat, sed
etiam propter compositionem, ut procedit haec tertia ratio. |
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[83195] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 19 Deinde cum dicit amplius de multis ponit aliam
rationem ad excludendum praemissam responsionem; dicens, quod non solum
sequetur quod definitio assignata ideae hominis conveniat aliis ideis
prioribus, scilicet animali et bipedi, ex quibus ponitur constitui idea
hominis; sed etiam illa ipsa, ut animal et bipes, oportebit praedicari de
multis, et non de homine tantum, non solum seorsum accepta, ut praemissa
responsio istorum dicebat, sed etiam coniunctim. |
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[83196] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 20 Si enim haec ex quibus componitur idea hominis, scilicet
animal et bipes, non praedicantur de multis, quomodo cognoscetur quod sint
ideae hominis, ut supra conclusum est? Sequetur enim quod sit aliqua idea,
quae non potest praedicari de pluribus quam de uno. Constat enim quod idea
animalis de pluribus numero praedicari potest. Si ergo haec duo simul animal
bipes, non possunt praedicari nisi de uno, sequetur quod bipes restringat
animal ad unum, ita quod aliqua idea quae est bipes praedicetur de uno
tantum. Quod non videtur esse verum; cum omnis idea sit participabilis a
multis. Ab uno enim exemplari, multa exemplaria fieri contingit. Non igitur
praedicta responsio potuit esse vera. |
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[83197] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 21 Sciendum est autem quod per hanc eandem rationem sufficienter
ostenditur etiam nullum singulare in his inferioribus definiri posse per
aliquas proprietates vel formas adunatas, quaecumque fuerint. Sicut enim
quaelibet idea, ita et quaelibet forma, quantum est de se, nata est in
pluribus esse. Et ita, quantumcumque aggregentur, non erit certa assignatio
huius singularis nisi per accidens, inquantum contingit omnia insimul
collecta in uno solo inveniri. Unde patet quod collectio accidentium non est
principium individuationis, ut quidam dicunt, sed materia designata, ut
philosophus dixit. |
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[83198] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 22 Deinde cum dicit quemadmodum ergo ponit tertiam
rationem principalem ad ostendendum quod ideae non possunt definiri; dicens,
quod quia supra dictum est, quod individua non possunt definiri propter hoc
quod sunt corruptibilia, ut prima ratio procedebat, et quia ea quae
accipiuntur in definitionibus sunt communia, ut procedebat ratio secunda,
latet verum esse hoc quod dictum est, scilicet quod impossibile sit definire
singularia in sempiternis, et maxime in illis quae sunt unica in una specie,
sicut sol et luna. Quia enim sunt sempiterna, non videtur de eis concludere
ratio, quae ex corruptione singularium procedebat. Quia vero sunt unica in
una specie, non videtur de eis ratio concludere quae procedebat ex
communitate partium definitionis. Quaecumque enim convenit soli speciei,
conveniunt soli individuo. |
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[83199] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 23 Sed pro tanto decipiuntur, qui putant haec esse definibilia,
quia definientes talia peccant multipliciter. Et uno modo peccant inquantum
addunt aliqua in definitionibus eorum, quibus ablatis adhuc erunt ipsa,
scilicet sol et luna. Sicut cum definiendo solem, dicunt quod est perigyrion,
idest terram gyrans, aut nycticrypton, idest nocte absconsum. Si enim sol
steterit non gyrans terram, aut si apparuerit, ut non sit nocte absconsum,
non adhuc erit sol, si bene fuerit definitum. Sed absurdum est, si non sit
sol istis remotis. Sol enim significat quamdam substantiam; illa vero, per
quae definitur, sunt quaedam accidentia eius. |
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[83200] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 24 Non solum autem sic peccant, sed et amplius,
definientes solem per aliquid quod convenit in alio esse. Si enim fiat
alter talis, idest aliquod corpus habens talem vel eamdem formam et
speciem, palam est quod erit sol, secundum quod sol significat speciem, et
hoc modo potest definiri. Ratio autem definitiva est communis, idest
huius speciei quod est sol. Sed sol iste erat de numero singularium, sicut
Cleon aut Socrates. Et sic patet, quod licet etiam ideae ponantur sempiternae
et unicae in una specie, adhuc non poterunt definiri. |
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[83201] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 15 n. 25 Quare nullus ponentium ideas protulit aliquem
terminum, idest definitionem ideae. Si enim aliqua definitio ab eis data esset de aliqua
idea, puta hominis vel equi, fieret manifestum contra tentantes definire
ideam, quia verum est quod modo dictum est, scilicet quod idea est
indefinibilis. |
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Leçon 16, texte
d’Aristote, traduit par Guillaume de Moerbeke, v. 1260 |
Leçon 16, Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Leçon
16, texte latin de Guillaume de Moerbeke, traduit par Georges Comeau |
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Maxime autem utique aliquis animatorum suspicabitur partes et eas quae
animae propinque ambas fieri, entes et actu et potentia, eo quod principia
habeant motus ab aliquo in iuncturis; propter quod quaedam animalia divisa
vivunt. Sed tamen potentia omnia erunt, quando fuerit unum et continuum
natura, sed non vi aut complantatione; tale namque est orbatio. Quoniam vero unum dicitur sicut et ens, et substantia unius una, et quorum
una numero unum numero, palam quia nec unum nec ens contingit substantium
esse rerum, sicut neque elemento esse aut principio; sed quaerimus quid igitur
principium, ut ad notius reducamus. Magis igitur horum
substantia est ens et unum quam principium et elementum et causa; sed nec ista, si nec aliud commune
nichil substantia. Nulli namque inest substantia sed huic et habenti ipsam, cuius
est substantia. Amplius quod unum apud multa non
utique erit simul, quod autem commune simul apud multa existit; quare palam quia nullum
universalium existit praeter singularia separatim. Sed species dicentes hic quidem dicunt recte separantes eas, si
substantiae sunt, illic autem non recte, quia unam in multis speciem dicunt.
Causa vero quia non habent reddere quae tales substantiae incorruptibiles
praeter singulares et sensibiles. Ergo faciunt easdem
specie corruptibilibus (has enim scimus) auto-hominem et autoequum, addentes
sensibilibus verbum auto. Quamvis utique si non videremus astra, non minus,
existimo, forent substantiae sempiternae praeter eas quas nos videremus;
quare et nunc si non habemus quae sunt, tamen esse quasdam forsan est
necessarium. Quod quidem igitur
neque universaliter dictorum nichil substantia nec est substantia neque una
ex substantiis manifestum. |
On doit voir aussi que, de toutes
ces prétendues substances, la plupart n’existent guère qu’à l’état de simples
possibilités, comme sont, par exemple, les parties des animaux, qui ne
peuvent jamais exister séparément de l’animal entier. Que si on les en
sépare, elles n’existent plus dès lors que comme matière, terre, feu, air,
etc.. Aucune de ces parties ne forme à elle seule un tout, et c’est
absolument comme est un tas de minerai avant qu’il ne soit fondu, et avant
qu’il ne se forme une unité de tous les fragments qui le composent. Ce seraient surtout les parties
des êtres animés, et les parties de l’âme, qui pourraient sembler tout près
d’être à la fois, et en réalité actuelle, et en puissance, quand elles ont en
elles les principes du mouvement partant d’un certain point de leurs
flexions; et l’on sait qu’il y a des animaux qui vivent encore après qu’on
les a divisés. Mais cependant toutes ces parties ne sont encore qu’en
puissance, quand elles appartiennent à un Tout, qui est naturellement Un et
continu, et sans que cette unité soit le résultat d’une violence ou d’une
connexion factice; car alors cette contrainte n’est plus qu’une sorte de
mutilation. Mais comme l’Un se confond
absolument avec l’Être, et comme la substance de l’un est Une aussi, et que
les choses dont la substance est numériquement Une forment une unité
numérique, il s’ensuit évidemment que ni l’Un ni l’Être ne peuvent être la
substance des choses, de même qu’ils ne peuvent pas être davantage, ni un
élément ni un principe. Or, ce que nous voulons dans nos recherches, c’est
précisément de remonter jusqu’à ce principe, afin de le ramener à quelque
chose de plus connu. Toutefois, l’Être et l’Un seraient
la substance des choses plutôt encore qu’ils ne seraient leur principe, leur
élément et leur cause. Mais l’Un et l’Être ne peuvent pas être la substance,
par cette autre raison que la substance ne peut jamais être rien de commun.
La substance n’appartient à quoi que ce soit, si ce n’est à elle-même, et à
ce qui la possède, en tant qu’elle en est la substance. Ajoutez que l’Un, s’il est en
plusieurs lieux, ne peut pas du moins y être simultanément, tandis que ce qui
est commun peut être à tous dans une foule de lieux à la fois. Ceci démontre donc clairement
qu’aucun des universaux ne peut exister séparément des individus, et que les
partisans des Idées ont en partie raison, quand ils les font séparées,
attendu que ce sont des substances, et qu’en partie ils ont tort, quand ils
soutiennent que l’Un est l’Idée dans une pluralité. Leur erreur vient de ce
qu’ils ne sont pas en état d’expliquer ce que sont leurs substances
impérissables, en dehors des substances sensibles et particulières. Sous le rapport de l’espèce, ils
les font absolument pareilles aux êtres périssables, aux substances que nous
connaissons, et quand ils disent : « L’homme même, le cheval
même… », ils ne font qu’ajouter ce mot même aux êtres que la sensation
nous fait connaître. Cependant, quand bien même nous n’aurions pas vu les
Astres, je me figure qu’ils n’en seraient pas moins des substances éternelles,
indépendamment de celles que nous aurions connues. Par conséquent, ici non
plus nous n’avons pas besoin de savoir ce que sont les Astres pour affirmer
qu’il est absolument nécessaire qu’il en existe. En résumé, on voit clairement qu’aucun terme universel ne peut être une substance, et qu’il est impossible qu’une substance, qui est Une, puisse se composer d’autres substances. |
Mais il est manifeste que
parmi les substances présumées, la plupart sont en puissance, telles que les
parties des animaux, car aucune d’elles n’est séparée. Mais quand elles ont
été séparées, elles sont toutes des êtres comme matière, terre, feu et air.
En effet, aucune d’elles n’est une unité, sinon comme un amas avant qu’il
soit ordonné et qu’une unité en soit formée. Mais
c’est surtout pour l’un des êtres animés que l’on soupçonnerait que les
parties et celles de l’âme soient proches de devenir les deux, des êtres en
acte et en puissance, du fait qu’elles ont les principes du mouvement
provenant de quelque chose dans les jointures; c’est pourquoi certains
animaux vivent une fois divisés. Mais pourtant, toutes sont en puissance
quand elles sont une unité et sont continues par nature et non par violence
ou par assemblage, car une telle chose est une mutilation. Mais
parce qu’on parle de l’un comme de l’être et que la substance de l’un est
une, et que les choses dont elle est numériquement une sont numériquement
unes, il est évident que ni l’un ni l’être ne peut être la substance des
choses, ni non plus un élément ou un principe; mais nous cherchons quel est
donc le principe, pour revenir à du plus connu. Leur
substance est donc davantage l’être et l’un que le principe, l’élément et la
cause; mais ils ne le sont pas non plus, si rien d’autre qui est commun n’est
jamais substance. Car la substance n’est dans rien d’autre que l’objet qui la
possède et dont elle est la substance. Ajoutons
que l’un ne sera pas parmi plusieurs en même temps, mais ce qui est commun
existe parmi plusieurs en même temps; c’est
pourquoi il est évident qu’aucun des universels n’existe séparément hors des
singuliers. Mais ceux qui affirment les espèces ont raison d’une part en les
séparant, si elles sont des substances, et ont tort d’autre part, car ils
disent que l’espèce est une en plusieurs choses. La raison en est qu’ils ne
peuvent pas rendre compte de ce que sont de telles substances incorruptibles
hors des singuliers et des sensibles. Ils
les font donc pareilles en espèce aux êtres corruptibles (car nous
connaissons ceux-ci), homme même et cheval même, ajoutant aux sensibles le
mot « même ». Donc, quand bien même nous ne verrions pas d’astres,
je pense qu’ils n’en seraient pas moins des substances éternelles en plus de
celles que nous verrions; c’est pourquoi, maintenant aussi, si nous ne savons
pas ce qu’ils sont, il est pourtant peut-être nécessaire qu’il en existe. Il
est donc manifeste que rien de ce qui est dit universellement n’est une
substance, et qu’une substance unique ne peut pas non plus être composée de
substances. |
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Lectio 16 |
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[83202] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 16 n. 1 Hic
philosophus manifestat quod superius sub dubitatione reliquit: scilicet quomodo
aliqua substantia componatur ex partibus; cum supra ostenderit, quod
substantia non potest componi neque ex passionibus, neque ex substantiis actu
existentibus. Et ideo hic ostendit, quod partes, ex quibus componuntur
substantiae, non sunt substantiae actu existentes, sed potentia; dicens, quod
cum supra dictum sit, quod quaedam sunt quae ab omnibus existimantur
substantiae esse, scilicet substantiae sensibiles, et partes earum,
manifestum est, quod plurimae huiusmodi substantiarum sunt in potentia, et
non in actu; ut patet de partibus animalium, et de omnibus aliis partibus. |
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[83202] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 16 n. 1 Hic philosophus manifestat quod superius sub dubitatione
reliquit: scilicet quomodo aliqua substantia componatur ex partibus; cum
supra ostenderit, quod substantia non potest componi neque ex passionibus,
neque ex substantiis actu existentibus. Et ideo hic ostendit, quod partes, ex
quibus componuntur substantiae, non sunt substantiae actu existentes, sed
potentia; dicens, quod cum supra dictum sit, quod quaedam sunt quae ab
omnibus existimantur substantiae esse, scilicet substantiae sensibiles, et
partes earum, manifestum est, quod plurimae huiusmodi substantiarum sunt in
potentia, et non in actu; ut patet de partibus animalium, et de omnibus aliis
partibus. |
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[83203] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 16 n. 2 Dicit autem partes esse plurimas harum substantiarum,
quia, cum unumquodque totum ex pluribus componatur, oportet plures esse
partes componentes quam tota composita. Et quod partes sint in potentia
tantum, patet, quia nihil de numero earum est separatum; immo omnes partes
inquantum sunt partes, sunt unitae in toto. |
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[83204] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 16 n. 3 Omne enim quod est in actu, oportet esse ab aliis
distinctum, quia res una dividitur ab alia per suum actum et per formam,
sicut supra dictum est. Quando autem ea, quae ponuntur partes, fuerint
separata abinvicem dissoluto toto, tunc quidem sunt entia in actu, non quidem
ut partes, sed ut materia existens sub privatione formae totius. Sicut patet
de terra et igne et aere, quae quando sunt partes corporis mixti, non sunt actu
existentia, sed potentia in mixto; cum vero separantur, tunc sunt in actu
existentia, et non partes. Nullum enim elementorum antequam digeratur,
idest antequam per alterationem debitam veniat ad mixtionem, et fiat unum mixtum
ex eis, est unum cum alio, nisi sicut cumulus lapidum est unum secundum quid,
et non simpliciter. Vel melius nihil ipsorum, idest nihil ex ipsis est
unum et cetera. |
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[83205] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 16 n. 4 Quamvis enim omnes partes sint in potentia, tamen
maxime poterit aliquis opinari partes animatorum et partes animae esse
propinquas, ut fiant actu et potentia, idest ut sint in potentia propinqua
actui. Et hoc ideo, quia
corpora animata sunt corpora organica habentia partes distinctas secundum
formam; unde maxime sunt propinqua ad hoc quod sint actu. Et hoc ideo quia
habent principium motus ab aliquo determinato, cum una pars moveat aliam.
Sicut patet in iuncturis, in quibus videtur esse principium motus alterius
partium coniunctarum, cum contingat unam moveri, alia quiescente, ut dicitur
in libro de motibus animalium. |
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[83206] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 16 n. 5 Et propter hoc etiam, quia non solum partes corporis
sunt in potentia propinqua actui, sed etiam partes animae, ideo quaedam
animalia post divisionem vivunt, sicut animalia anulosa. Quod ex hoc
contingit, quia in toto animali erat una anima in actu, plures autem in
potentia. Facta autem divisione, fiunt plures animae in actu. Quod contingit
propter imperfectionem talium animalium, quae requirunt modicam diversitatem
in partibus, eo quod habent animam imperfectae virtutis, non valentem diversa
operari, ad quae sit necessaria organorum multitudo. |
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[83207] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 16 n. 6 Sed tamen quamvis istae partes animae et animatorum
sint propinquae actui, nihilominus sunt omnia in potentia, quando totum
fuerit unum et continuum per naturam. Non autem si fiat unum per violentiam; sicut si
ligentur partes unius animalis cum partibus alterius; aut per
complantationem, sicut accidit in plantis. Ante enim quam surculus insertus
uniatur plantae, est in actu; postea vero est in potentia. Tale namque,
scilicet unum esse per violentiam aut per complantationem est orbatio,
idest aliquid laesivum naturae, et contra naturam existens. |
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[83208] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 16 n. 7 Deinde cum dicit quoniam vero ostendit specialiter
quod unum et ens non sunt substantiae. Et circa hoc duo facit. Primo praemittit
propositum; dicens, quod hoc modo praedicatur de rebus unum sicut et ens, cum
sint convertibilia: et unum dicitur de aliqua re propter substantiam eius.
Unius enim est una substantia; et illa sunt unum numero, quorum est
substantia una numero. Quod etiam aliquid dicatur ens per suam substantiam,
hoc est manifestum. |
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[83209] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 16 n. 8 Quoniam inquam ita est, palam est quod neque unum neque
ens contingit esse substantiam rerum; immo praedicantur de substantia sicut
de subiecto. Sicut etiam neque hoc quod est elemento esse aut principio,
idest ipsa ratio principii et elementi, dicit substantiam rei quae dicitur
principium vel elementum. Sed
quaerimus quid sit principium vel elementum, ut ad aliquod notius referamus,
scilicet ad substantiam subiectam. |
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[83210] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 16 n. 9 Sed tamen ens et unum magis sunt substantia quam principium
et elementum et causa. Propinquius enim se habent ad rerum substantiam.
Principium enim et causa et elementum, important solam habitudinem rei ad rem
aliquam; sed ens et unum significat id quod convenit rei ratione suae
substantiae. Et tamen nec ens nec unum sunt substantia ipsa rei. |
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[83211] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 16 n. 10 Secundo ibi, sed nec probat propositum duabus
rationibus. Quarum primam ponit dicens, quod cum ista, scilicet ens et unum,
sint communia, non possunt esse substantiae, si nullum commune est
substantia, ut probatum est. Quod autem nullum commune sit substantia, ex hoc
patet, quia substantia nulli potest inesse nisi ipsi habenti eam cuius est
substantia. Unde impossibile est substantiam esse communem multorum. |
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[83212] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 16 n. 11 Secundam rationem ponit ibi, amplius quod dicit quod
hoc ipsum quod est unum, non potest apud multa simul inveniri. Hoc enim est contra
rationem unius, si tamen ponatur aliquod unum per se existens ut substantia.
Sed illud quod est commune, est simul apud multa. Hoc enim est ratio
communis, ut de multis praedicetur, et in multis existat. Patet igitur quod
unum quod est commune, non potest esse sic unum quasi una substantia. Et
ulterius palam est ex omnibus praedictis in hoc capitulo, quod nullum
universale, nec ens, nec unum, nec genera, nec species habent esse separatum
praeter singularia. |
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[83213] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 16 n. 12 Deinde cum dicit sed species ostendit quantum ad
quid Plato recte dixerit, et quantum ad quid non recte; dicens, quod
Platonici ponentes species ideales, in hoc recte dicunt, quod ponunt eas
separatas, ex quo ponunt esse substantias singularium. De ratione enim
substantiae est quod sit per se existens. Non autem posset esse per se
existens si in aliquo singularium esset; praesertim quia si uno singularium
existeret, in aliis esse non posset. Sicut enim iam dictum est, id quod est
unum subsistens, non potest in multis esse. Unde in hoc recte facit Plato, ex
quo posuit species esse substantias, quod posuit eas separatas. |
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[83214] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 16 n. 13 In hoc autem non dixerunt recte, quia dicunt unam speciem
esse in multis. Haec enim duo videntur esse opposita: quod aliquid sit
separatum per se existens, et tamen habeat esse in multis. Causa autem
propter quam inducti sunt Platonici ad ponendum huiusmodi substantias
separatas, et tamen esse in multis, haec est: quia per rationem invenerunt
quod oportet esse aliquas substantias incorruptibiles et incorporeas, cum
ratio substantiae corporalibus dimensionibus non sit obligata. Sed quae sunt
huiusmodi substantiae, quae quidem sunt incorruptibiles, et sunt praeter has
substantias singulares et sensibiles, non habent reddere, idest non
possunt assignare et manifestare, eo quod nostra cognitio a sensu incipit, et
ideo ad incorporea quae sensum transcendunt, non possumus ascendere, nisi
quatenus per sensibilia manuducimur. |
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[83215] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 16 n. 14 Et ideo, ut aliquam notitiam traderent de
substantiis incorporeis incorruptibilibus, faciunt, idest fingunt eas,
easdem esse specie substantiis corruptibilibus, sicut in istis substantiis
corruptibilibus invenitur homo singularis corruptibilis, et similiter equus.
Posuerunt igitur quod etiam in illis substantiis separatis esset aliqua
substantia quae esset homo, et aliqua quae esset equus, et sic de aliis: sed
differenter: quia has substantias separatas scimus, ex doctrina Platonicorum,
per hoc quod dicimus autanthropon, idest per se hominem, et authippon, idest
per se equum. Et ita in singulis substantiis sensibilibus ad designandas
substantias separatas addimus hoc verbum, idest hanc dictionem auto,
idest per se. |
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[83216] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 16 n. 15 Ex quo apparet quod Platonici volebant illas substantias
separatas esse eiusdem speciei cum istis sensibilibus; et solum in hoc
differre, quia separatis attribuebant nomen speciei per se, non autem
sensibilibus. Cuius ratio est quia in singularibus sunt multa, quae non sunt
partes speciei. Sed in illis
substantiis separatis dicebant tantum esse illa quae pertinent ad speciem et
naturam speciei. Ergo homo separatus dicebatur per se homo, quia habet ea
tantum quae pertinent ad naturam speciei. Sed hic homo singularis habet, cum
his quae ad naturam speciei pertinent, multa alia: et propter hoc non dicitur
per se homo. |
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[83217] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 16 n. 16 Est autem similis defectus in hac positione, sicut si
poneremus quod non videremus astra et alia corpora incorruptibilia, et tamen
constaret per rationem quod essent aliqua corpora incorruptibilia, et
poneremus quod incorruptibilia corpora essent eiusdem speciei cum corporibus
corruptibilium. Sicut si diceremus quod corpora incorruptibilia essent bos et
homo et equus et alia huiusmodi, ut poetae finxerunt in stellis esse arietem
et taurum et alia huiusmodi. Sicut igitur si non videremus stellas, non minus
ut existimo forent substantiae corporeae sempiternae, idest
stellae, praeter eas quas nos tunc videremus, scilicet huiusmodi corpora
corruptibilia et alterius speciei ab eis; ita etiam et nunc, quamvis
nesciamus dicere quae sunt substantiae separatae et cuius naturae, tamen
forsan necessarium est esse quasdam substantias separatas praeter sensibiles,
et alterius speciei ab eis. Ideo autem dicit forsan, quia nondum
probaverat substantias aliquas esse a materia separatas. Probabit autem in
sequentibus. |
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[83218] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 16 n. 17 Concludit autem ultimo conclusionem intentam in toto
capitulo; dicens, quod manifesta sunt ex praedictis duo. Quorum unum est,
quod nihil universaliter dictorum sit substantia. Secundum est quod nulla
substantia fit ex substantiis actu existentibus. Vel secundum aliam literam, ex
non substantiis. Ostendit enim supra, quod substantia quae est hoc
aliquid, non fit ex communibus, quae significant quale quid. |
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Leçon 17, texte
d’Aristote, traduit par Guillaume de Moerbeke, v. 1260 |
Leçon 17, Texte d’Aristote,
traduit par Sr Pascale-Dominique Nau
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Leçon
17, texte latin de Guillaume de Moerbeke, traduit par Georges Comeau |
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Quid autem oportet dicere et
quale quid substantiam, iterum aliud velut principium facientes dicamus; forsan enim ex hiis erit palam et de illa
substantia quae est separata a sensibilibus substantiis. Quoniam ergo substantia principium et cause quaedam
est, hinc est procedendum. Quaeritur
autem ipsum propter quid semper sic: propter quid aliud aliquid alii
alicui inest? Nam quaerere propter quid musicus homo musicus homo est, aut
est quod dictum est quaerere, propter quid homo musicus est, aut aliud. Hoc quidem igitur propter quid ipsum est ipsum,
nichil est quaerere. Oportet enim ipsum quia et ipsum esse existere manifesta
entia; dico autem ut quia luna patitur eclipsim. Ipsius autem quia ipsum una
ratio et una causa in omnibus (propter quid homo homo aut musicus musicus,
nisi si quis dicat quia indivisibile ad ipsum unumquodque, hoc autem erat
unum esse. Sed hoc communeque de omnibus et quod breve. Quaeret autem aliquis propter quid homo est animal
tale. Hoc quidem igitur palam, quia non quaerit quare qui est homo homo est;
aliquid ergo de aliquo quaerit propter quid existit. Quia vero existit,
oportet manifestum esse; nam si non ita, nichil quaerit. Ut propter quid
tonat? Quia sonitus fit in nubibus. Aliud enim ita de alio est quod quaeritur.
Et propter quid haec, puta lateres et lapides, domus sunt? Palam igitur quod quaerit causam. Hoc autem est quod
quid erat esse, ut est dicere logice, quod quod in quibusdam quidem est cuius
causa, ut forsan in domo aut in lecto, in quibusdam vero quid movit primum;
nam causa et hoc. Sed talis quidem causa in fieri quaeritur et
corrumpi, altera vero et in esse. Latet
autem maxime quod quaeritur in hiis quae non de aliis dicuntur, ut
homo quid est quaeritur, propter simpliciter dici sed non diffinire quia haec
aut hoc. Sed oportet corrigentes quaerere; si autem non, commune eius
quod nichil quaerere et eius quod quaerere aliquid fit. Quoniam vero oportet
habere quae et existere ipsum esse, palam itaque quia materiam quaerit propter
quid est; ut domus haec propter quid? Quia haec existunt, quod erat domui
esse. Et homo hic aut corpus hoc hoc habens? Quare causa quaeritur materiae, hoc autem est
species, qua aliquid est; hoc autem substantia. Palam igitur quod in simplicibus non est quaestio nec doctrina,
sed alter modus quaestionis talium. Quoniam vero ex aliquo
compositum sic ut unum sit
omne, sed non ut cumulus sed ut syllaba – syllaba autem non est elementa, nec
idem b et a, nec caro ignis et terra; dissolutis enim haec
quidem non adhuc sunt, ut caro et syllaba, elementa vero sunt, et ignis et
terra. Est igitur aliquid syllaba, non solum elementa (vocalis et consonans)
sed et alterum aliquid, et caro non solum ignis et terra aut calidum et
frigidum sed et alterum aliquid. Si igitur necesse et illud aut elementum aut ex elementis esse, si quidem
elementum, iterum eadem ratio erit; ex hoc enim et igne et terra erit caro et
adhuc alio. Quare in infinitum ibit. Si vero ex elemento, palam quia non uno
sed pluribus; aut illud ipsum erit. Quare rursum in hoc eandem dicemus
rationem et in carne vel syllaba. Videbitur
autem utique esse aliquid hoc et elementum et causa essendi hoc quidem
carnem hoc vero syllabam. Similiter autem et in aliis. Substantia autem
uniuscuiusque quidem hoc; hoc enim causa prima essendi. Quoniam vero quaedam non substantiae rerum, sed quaecumque
substantiae secundum naturam et natura constitutae sunt, manifestabitur utique
quibusdam haec natura substantia, quae est non elementum sed principium.
Elementum vero est in quod dividitur inexistens ut materiam, puta syllabe
quod a et b. |
Essayons maintenant de prendre en
quelque sorte un point de vue nouveau, et faisons comprendre comment on doit
exprimer la substance et expliquer ce qu’elle est. Peut-être ce que nous
disons éclaircira aussi ce qu’on doit penser de cette substance spéciale, qui
est séparée des substances sensibles. La substance étant un principe et
une cause, ce sera là notre point de départ. Quand on cherche le pourquoi des
choses, on le cherche toujours sous cette forme de savoir pourquoi telle
chose est à telle autre chose. Si, en effet, on se demandait pourquoi l’homme
instruit est un homme instruit, ce serait, ou rechercher précisément ce qu’on
vient de dire, pourquoi l’homme est instruit, ou est telle autre chose. Chercher pourquoi la chose
elle-même est ce qu’elle est, c’est une bien vaine recherche, puisqu’il faut
toujours préalablement connaître avec pleine évidence ce qu’est la chose, et
qu’elle est. Et, par exemple, il faut savoir tout d’abord qu’il y a une
éclipse de lune. Or, pour l’éclipse même, il n’y a de possible qu’un simple
énoncé affirmant qu’elle est ce qu’elle est, et une seule cause applicable à
tous les cas ; par exemple, on dit que l’homme est homme, et que l’instruit
est instruit. C’est que toute chose, on peut dire, est indivisible par
rapport à elle-même; et c’est précisément ce que nous entendions quand nous disions
qu’elle est Une. Il est vrai que cette réponse peut s’appliquer à tout, et
elle est par trop concise. Mais ce qu’on peut justement se
demander, c’est pourquoi l’homme est telle espèce d’être. Évidemment, si l’on
ne peut pas rechercher pourquoi cet homme est homme, on peut rechercher
pourquoi telle chose est à telle autre chose. Quant au fait même que la chose
est à telle chose, il doit être évident ; et sans cette condition, il n’y a
pas de recherche possible. Ainsi, l’on se demande : « Pourquoi tonne-t-il? »
et l’on répond : « Parce qu’il y a du bruit dans les nuages. » Et,
de cette façon, ce qu’on cherche, c’est une chose attribuée à une autre
chose; et l’on dit pourquoi des objets tels que des poutres et des pierres
deviennent une maison. Il est évident que ce qu’on
cherche alors, c’est la cause; en d’autres termes, c’est l’essence, pour
parler comme le veut la raison. Dans certains cas, la cause qu’on cherche,
c’est la fin, ou le but, en vue duquel la chose est faite, comme on peut se
le demander pour une maison, pour un lit ; dans d’autres cas, la cause est le
principe initial du mouvement ; car ce principe peut être aussi une cause. Ce dernier genre de cause est
celui qu’on cherche, surtout quand il s’agit de la production et de la
destruction des choses, tandis que l’autre s’applique aussi à leur existence.
La recherche est surtout obscure, quand ce ne sont pas des termes dont l’un
est l’attribut de l’autre; par exemple, si l’on se demande : « Qu’est-ce que
l’homme? », parce qu’alors l’énonciation est absolue, et qu’on n’ajoute pas
que l’homme est telle ou telle chose. Mais il faut rectifier et préciser
la question ; ou sinon, c’est ne rien rechercher que de rechercher dans ces
conditions ce que devient la chose. Comme on doit connaître l’existence de la
chose, qui est une condition préalable, il est clair que l’on cherche
uniquement pourquoi la matière est faite de telle ou telle façon. On se
demande, par exemple, pourquoi telles ou telles choses forment une maison.
Pourquoi est-ce là une maison ? C’est parce que la chose a tout ce qui
constitue essentiellement une maison. Pourquoi est-ce un homme ? Parce qu’il
a le corps constitué de telle manière. Ainsi, cela revient à rechercher
la cause de la matière, c’est-à-dire, la forme qui fait que la chose est ce
qu’elle est, en d’autres termes, l’essence. Il s’ensuit que, pour les êtres
pris au sens absolu, il n’y a rien à rechercher, ni rien à apprendre; mais
qu’il y a une tout autre voie pour arriver à les connaître. L’être est ici composé de telle
manière que le tout forme une complète unité, non pas comme le tas de minerai
en forme une, mais à la façon de la syllabe; car la syllabe n’est pas
seulement les lettres qui la forment; BA ne se confond pas avec les lettres B
et A, qui la composent, non plus que la chair ne se confond pas avec le feu
et la terre, qui la constituent. Ce qui le prouve bien, c’est que, quand les
composés viennent à se dissoudre, il y a des choses qui cessent d’être, par
exemple, la chair et la syllabe, tandis que les lettres, le feu et la terre,
subsistent toujours. La syllabe est donc quelque chose de spécial ; elle
n’est pas seulement les lettres, voyelle et consonne ; mais elle est autre
chose encore. La chair n’est pas uniquement le feu et la terre, le chaud et
le froid combinés; elle est quelque chose de plus. Si l’on admet qu’il faut
nécessairement que ce quelque chose lui-même soit, ou un élément, ou un
composé d’éléments, on voit qu’en le supposant d’abord un élément, le
raisonnement qu’on vient de faire reste le même; et, par suite, la chair se
formera de ce quelque chose, plus, du feu et de la terre, et encore de
quelque autre élément ; et l’on irait ainsi à l’infini. Que si, au lieu
d’être un élément, ce quelque chose vient d’un élément, il est clair qu’il ne
vient pas d’un seul élément, mais d’un plus grand nombre d’éléments que n’en
a la chose en question ; et l’on ferait alors le même raisonnement que nous
venons de faire sur la chair et sur la syllabe. Il semblerait donc qu’il y a
quelque chose de ce genre, qui n’est pas un élément, mais qui est cause
qu’ici c’est de la chair qui se forme, et là une syllabe ; et de même ainsi
pour tout autre objet. Or, c’est là précisément la substance pour chaque
chose; c’est la première cause de son être. Mais comme, parmi les choses, les
unes ne sont pas des substances, et qu’il n’y a de vraies substances que
celles que la nature forme et constitue selon ses lois, on pourrait bien
croire, avec quelques philosophes, que c’est la nature même de la chose qui
en est la substance, et que la substance n’est pas un élément, mais un
principe. Quant à l’élément, c’est la matière intrinsèque dans laquelle la
chose se dissout, comme A et B sont les éléments de la syllabe BA. |
Ce
qu’il faut dire et quelle sorte de chose est la substance, parlons-en en
prenant encore autre chose comme principe; à partir de là, la substance qui
est séparée des substances sensibles sera peut-être évidente également. Donc,
puisque la substance est un principe et une cause, il faut avancer à partir
de là. Mais le pourquoi est toujours cherché comme ceci : pourquoi une
chose est-elle dans une autre? En effet, chercher pourquoi un homme musicien
est homme musicien, c’est chercher soit ce qu’on a dit, pourquoi l’homme est
musicien, soit autre chose. Or,
[chercher] pourquoi la chose est la chose, c’est ne rien chercher. En effet,
il faut que la chose même et son existence soient des êtres manifestes; mais
je dis comme le fait que la lune subit une éclipse. Le fait même de cette
chose a une notion et une cause dans tous les cas (pourquoi l’homme est homme
ou le musicien musicien), à moins qu’on ne dise que toute chose est
indivisible par rapport à elle-même; or, être un, c’est cela. Mais ceci est
commun à toute chose et c’est succinct. Mais
on se demandera pourquoi l’homme est telle sorte d’animal. Or, il est évident
qu’on ne demande pas pourquoi celui qui est un homme est un homme; donc, on
demande au sujet d’une chose ce pour quoi elle existe. Car le fait qu’elle
existe doit être évident, car si ce n’est pas le cas, on ne demande rien. Par
exemple, pourquoi tonne-t-il? Parce qu’il y a du bruit dans les nuages. Ce
qu’on cherche en effet, c’est une chose dite ainsi d’une autre. Et pourquoi
ces choses-ci, disons des briques et des pierres, sont-elles une maison? Il
est donc évident qu’on cherche la cause. Mais cela, c’est l’essence, pour
parler de façon logique, que cela, dans certaines choses, est ce en vue de
quoi, comme peut-être pour la maison ou le lit, mais dans d’autres choses ce
qui meut en premier, car cela est également cause. Mais
on cherche une telle cause dans la venue à l’être et la corruption, et
l’autre également dans l’être. Or, ce qu’on cherche est surtout caché dans
les choses qui ne sont pas dites d’autres choses, comme quand on demande ce
qu’est l’homme, parce que c’est un énoncé absolu et qu’on ne dit pas qu’il
est ceci ou cela. Mais
il faut demander en corrigeant; si on ne le fait pas, il y a quelque chose de
commun à ne rien chercher et à chercher quelque chose. Mais parce qu’il faut
avoir aussi que la chose même existe, il est donc évident qu’on cherche pour
quoi la matière est; ainsi, pour quoi cette maison? Parce que ces choses
existent qui étaient l’être de la maison. Et cet homme, ou ce corps, ayant
cela? C’est
pourquoi on cherche la cause de la matière, et c’est l’espèce par laquelle
quelque chose existe; or, c’est la substance. Il est donc évident que dans
les choses simples il n'y a pas de question ni d’enseignement, mais un autre
genre de questions à leur sujet. Mais
parce que le composé de quelque chose est comme un tout unique ainsi, et non
comme un tas mais comme une syllabe (or, la syllabe n’est pas des éléments,
ni la même chose que B et A), la chair n’est pas non plus feu et terre; en
effet, une fois décomposés, ils ne sont plus ces choses, comme la chair et la
syllabe, mais ils sont des éléments, et le feu et la terre. La syllabe est
donc quelque chose, non seulement des éléments (voyelle et consonne), mais
aussi autre chose, et la chair n’est pas seulement feu et terre, ou chaud et
froid, mais aussi autre chose. Si
donc il est hécessaire que cela soit un élément ou vienne d’éléments, si
c’est un élément, le même argument s’applique de nouveau : la chair sera
faite de cela, de feu, de terre et d’autre chose encore. On ira donc à
l’infini. Mais si cela provient d’éléments, il est évident que ce n’est pas
d’un seul mais de plusieurs, ou bien ce sera cette chose même. C’est
pourquoi, prenons de nouveau le même argument que pour la chair ou la
syllabe. Mais il semblera que ce quelque chose est aussi un élément et une
cause d’existence, ici de la chair, là de la syllabe. Et c’est pareil pour
les autres choses. Mais la substance de toute chose, c’est cela; c’est en
effet la première cause de son être. Mais
comme certaines ne sont pas les substances des choses, mais toutes les
substances sont constituées selon une nature et par la nature, il sera
manifeste pour certains que cette nature est la substance, qui n’est pas un
élément mais un principe. Mais l’élément est ce en quoi se divise ce qui se
trouve dans la chose comme matière, comme A et B dans la syllabe. |
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Lectio 17 |
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[83219] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 1 Philosophus in principio huius septimi promiserat se
tractaturum de substantia rerum sensibilium quae est quod quid erat esse,
quam logice notificavit ostendens, quod ea quae per se praedicantur, pertinent
ad quod quid est, ex quo nondum erat manifestum quid sit substantia, quae est
quod quid erat esse. Hanc autem substantiam Platonici dicebant esse
universalia, quae sunt species separatae: quod Aristoteles supra immediate
reprobavit. Unde relinquebatur, quod ipse philosophus ostenderet quid
secundum rem sit substantia, quae est quod quid erat esse. Et ad hoc etiam
ostendendum praemittit, quod substantia, quae est quod quid erat esse, se
habet ut principium et causa, quae est intentio huius capituli. Dividitur
ergo in partes duas. In prima dicit de quo est intentio. In secunda
prosequitur suam intentionem, ibi, quaeritur autem ipsum propter quid. Dicit
ergo primo, quod ex quo ostensum est, quod nihil universaliter dictorum est
substantia, ut Platonici posuerant, dicamus quid secundum veritatem oportet
dicere substantiam, scilicet quae est quod quid erat esse, et quale
quid sit haec substantia: utrum scilicet sit forma, vel materia, vel
aliquid huiusmodi: et hoc inquam dicamus interponentes vel dicentes quasi
aliud principium ab eo principio logico, per quod ingressi sumus in principio
septimi ad inquisitionem praedictae substantiae. Forsitan enim ex his, quae
dicentur circa quidditates rerum sensibilium, erit palam de illa substantia,
quae est separata a sensibilibus substantiis. Quamvis enim substantiae
separatae non sint eiusdem speciei cum substantiis sensibilibus, ut Platonici
posuerunt, tamen cognitio istarum substantiarum sensibilium est via ad
cognoscendum praedictas substantias separatas. Subiungit autem quid sit illud
principium aliud per quod ad propositam quaestionem ingrediendum est, dicens
quod hinc procedendum est ad ostendendum quid sit praedicta substantia, quod
sciamus quod in ipsa substantia est principium quoddam, et causa quaedam. |
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[83220] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 2 Deinde cum dicit quaeritur autem ostendit quod
substantia, quae est quod quid erat esse, sit principium et causa. Et circa hoc
duo facit. Primo ostendit quod sit principium et causa. Secundo cuiusmodi
principium sit, ibi, quoniam vero ex aliquo compositum fit. Circa primum duo
facit. Primo ostendit propositum. Secundo excludit quoddam quod posset videri
propositae rationi repugnans, ibi, latet autem maxime quod quaeritur. Est
autem vis suae rationis talis. Illud, de quo non quaeritur per quaestionem
propter quid, sed in ipsum alia quaesita reducuntur, oportet esse principium
et causam: quaestio enim propter quid, quaerit de causa. Sed substantia quae
est quod quid erat esse, est huiusmodi. Non enim quaeritur propter quid homo
est homo, sed propter quid homo est aliquid aliud. Et similiter est in aliis.
Ergo substantia rei, quae est quod quid erat esse, est principium et causa. |
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[83221] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 3 Dicit ergo primo, quod ipsum propter quid semper
sic quaeritur, idest ipsa quaestione propter quid utimur quaerentes, propter
quid aliquid aliud inest alicui alii, et non propter quid aliquid sit ipsum. Quaerere
enim propter quid homo musicus sit musicus homo, aut est quaerere quod dictum
est propter quid homo musicus est homo musicus, aut aliud; quasi dicat:
cum quaerimus propter quid homo musicus est homo musicus, dupliciter potest
haec quaestio intelligi. Uno modo ut id quod dictum est et positum quaeratur,
scilicet ut de hoc toto, quod est homo musicus, quaeratur hoc totum, quod est
homo musicus. Alio modo ut quaeratur aliud de alio; ut scilicet de homine,
qui est musicus, quaeratur non propter quid sit homo, sed propter quid sit
musicus. |
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[83222] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 4 Et statim reprobat primum modum intelligendi;
dicens, quod quaerere propter quid ipsum est ipsum, sicut propter quid homo
sit homo, nihil est quaerere. In omni enim quaestione, qua quaeritur propter
quid, oportet aliquid esse manifestum, et aliquid esse quaesitum, quod non
est manifestum. Cum enim sint quatuor quaestiones, ut in secundo posteriorum
habetur, scilicet an est, quid est, quia est, et propter quid: duae istarum,
scilicet quid, et propter quid, in idem coincidunt, ut ibi probatur. Sicut
autem quaestio quid est, se habet ad quaestionem an est, ita quaestio propter
quid, ad quaestionem quia. Cum igitur quaeritur propter quid oportet illa duo
esse manifesta. Secundum enim quod propter quid est idem ei quod est quid,
oportet esse manifestum an est. Secundum autem quod propter quid distinguitur
a quid est, oportet esse manifestum quia. Et ideo dicit, quod cum quaeritur
propter quid, oportet existere manifesta entia ista duo: scilicet ipsum quia
et ipsum esse, quod pertinet ad quaestionem an est. Sicut cum quaeritur
propter quid luna eclipsatur? Oportet esse manifestum quod luna patitur
eclipsim: si enim non sit manifestum hoc, frustra quaeritur propter quid hoc
sit. Et eadem ratione cum quaeritur quid est homo? Oportet esse manifestum,
hominem esse. Hoc autem non potest contingere si quaeratur propter quid ipsum
sit ipsum: ut propter quid homo est homo? Vel propter quid musicus est
musicus? Scito enim quod homo est homo, scitur propter quid. |
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[83223] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 5 Est enim una ratio et una causa in omnibus, quam impossibile
est ignorari; sicut nec alia communia, quae dicuntur communes animi
conceptiones, ignorari possibile est. Huius autem ratio est, quia unumquodque
est unum sibiipsi. Unde unumquodque de se praedicatur. |
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[83224] Sententia Metaphysicae,
lib. 7 l. 17 n. 6 Nisi forte aliquis velit assignare aliam causam,
dicens, quod ideo homo est homo, et musicus est musicus, et sic de aliis,
quia unumquodque est indivisibile ad seipsum. Et ita non potest de seipso
negari, ut dicatur homo non est homo. Unde oportet ut de se affirmetur. Sed
haec ratio non differt a prima, quam diximus; scilicet quod unumquodque unum
est sibiipsi. Quia hoc erat unum esse; idest supra posueramus, quod
unum significet indivisibile. Et ideo idem est dicere, quod unumquodque sit
unum sibi, et indivisibile ad seipsum. |
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[83225] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 7 Sed etiam dato quod haec esset alia ratio a
praedicta, tamen hoc etiam est commune omnibus, quia unumquodque est
indivisibile ad seipsum. Et est quod breve, idest se habet ad modum
principii, quod est parvum quantitate et maximum virtute. Unde non potest
quaeri quasi ignoratum, sicut nec alia principia communia. Alia translatio
habet, et est similis toni: quasi dicat: et consonat verum in omnibus.
Alia vero litera habet, et est verum, subaudiendum, per se manifestum.
Sic igitur patet, quod non potest quaeri propter quid ipsum sit ipsum. |
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[83226] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 8 Unde relinquitur, quod semper quaeritur propter quid
hoc sit aliud hoc. Et hoc subsequenter manifestat; dicens, quod si aliquis
quaereret propter quid tale animal est homo? Hoc quidem igitur palam quod non
quaeritur propter quid homo est homo. Et sic patet quod aliud de aliquo
quaeritur propter quid existit, non idem de seipso. Sed cum quaeritur aliquid
de aliquo propter quid existit, oportet manifestum esse, quia existit. Nam si
non sit ita, ut scilicet si non sit manifestum quod existat, nihil quaerit. Quaerit
enim fortasse de eo quod non est. Vel aliter ut referatur ad superiora. Nam
si non sit ita, idest si non quaerit aliud de alio sed ipsum de seipso,
nihil quaerit, ut iam ostensum est. |
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[83227] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 9 In quaerendo autem propter quid de aliquo, aliquando
quaeritur causa, quae est forma in materia. Unde cum quaeritur, propter quid
tonat? Respondetur, quia sonitus fit in nubibus: hic enim constat quod aliud
de alio est quod quaeritur. Est enim sonitus in nubibus, vel tonitruum in
aere. |
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[83228] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 10 Aliquando autem quaeritur causa ipsius formae in
materia quae est efficiens vel finis; ut cum quaerimus propter quid haec, scilicet
lapides et lateres, sunt domus? In ista enim quaestione est aliquid de aliquo
quod quaeritur, scilicet domus de lapidibus et lignis. Et ideo philosophus
non dixit simpliciter, quod quaeratur quid est domus, sed propter quid
huiusmodi sunt domus. Palam igitur est, quod ista quaestio quaerit de causa. |
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[83229] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 11 Quae quidem causa quaesita, est quod quid erat esse,
logice loquendo. Logicus enim considerat modum praedicandi, et non existentiam
rei. Unde quicquid respondetur ad quid est, dicit pertinere ad quod quid est;
sive illud sit intrinsecum, ut materia et forma; sive sit extrinsecum, ut
agens et finis. Sed philosophus qui existentiam quaerit rerum, finem vel
agentem, cum sint extrinseca, non comprehendit sub quod quid erat esse. Unde
si dicamus, domus est aliquid prohibens a frigore et caumate, logice loquendo
significatur quod quid erat esse, non autem secundum considerationem
philosophi. Et ideo dicit quod hoc quod quaeritur ut causa formae in materia,
est quod quid erat esse, ut est dicere logice: quod tamen secundum rei
veritatem et physicam considerationem in quibusdam est cuius causa,
idest finis, ut in domo, aut in lecto. |
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[83230] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 12 Exemplificat autem de artificialibus, quia in eis
est maxime manifestum quod sunt propter finem. Quamvis enim naturalia sint
propter finem, fuit tamen hoc a quibusdam negatum. Potest igitur, cum
quaeritur propter quid lapides et ligna sunt domus, responderi per causam
finalem; scilicet ut defendamur a frigore et caumate. In quibusdam vero id
quod quaeritur, ut causa formae in materia, est quod movit primum,
idest agens. Nam hoc etiam est causa. Ut si quaeritur propter quid lapides et
ligna sunt domus? Potest responderi: propter artem aedificativam. |
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[83231] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 13 In hoc tamen differt inter causam agentem et
finalem: quia talis causa, scilicet agens, quaeritur in fieri et corrumpi. Altera
autem causa, scilicet finalis, non quaeritur solum in fieri et corrumpi, sed
etiam in esse. Et hoc ideo, quia
agens est causa formae in materia transmutando materiam ad formam, quod fit
in generari et corrumpi. Finis autem, inquantum movet agentem per
intentionem, est causa etiam in fieri et corrumpi. Inquantum vero res per
suam formam ordinatur in finem, est etiam causa in essendo. Unde cum dicitur quod lapides et ligna sunt domus
propter artem aedificativam, intelligitur quod ars aedificativa est causa
fiendi domum. Cum vero dicitur quod lapides et ligna sunt domus, ut
defendamur a frigore et caumate, potest intelligi quod propter hoc facta sit
domus, et quod propter hoc esse domus sit utile. |
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[83232] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 14 Hic autem loquitur philosophus in substantiis
sensibilibus. Unde intelligendum est quod hic dicitur, solum de agente
naturali, quod agit per motum. Nam agens divinum quod influit esse sine motu,
est causa non solum in fieri, sed etiam in esse. |
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[83233] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 15 Deinde cum dicit latet autem quia superius dixerat,
quod cum quaeritur propter quid, semper quaeritur aliud de alio, et hoc videtur
in aliquo modo quaerendi habere instantiam; ideo movet hic circa hoc
dubitationem, et solvit. Unde circa hoc tria facit. Primo movet dubitationem.
Secundo solvit, ibi, sed oportet corrigentes quaerere. Tertio infert quoddam
corollarium ex dictis, ibi, palam igitur quod in simplicibus. Dicit ergo
primo, quod id, quod quaeritur, scilicet in qualibet quaestione quaeri
aliud de alio maxime latet, idest dubitationem habet in his, quae
non de aliis dicuntur, idest in quaestionibus, in quibus non praedicatur
aliquid de aliquo, sed fit quaestio de aliquo uno simplici, ut cum quaeritur
quid est homo? Hoc inquam latet propter simpliciter dici, sed non definite
quia hoc aut hoc: idest ista est causa dubitationis, quia in talibus
simpliciter profertur aliquid unum, ut homo, et non proferuntur in quaestione
illa quibus convenit esse hominem, sicut partes, vel etiam aliquod hominis
suppositum. |
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[83234] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 16 Sed videtur haec dubitatio non esse ad propositum.
Locutus enim fuerat supra philosophus de quaestione propter quid est, et non
de quaestione quid est. Haec autem dubitatio instat de quaestione quid est.
Sed dicendum, quod quaestio quid et propter quid in idem quodammodo incidunt,
ut est dictum. Et ideo quaestio quid est, potest transformari in quaestionem
propter quid. Quaestio enim quid est, quaerit de quidditate propter quam id,
de quo quid est quaeritur, praedicatur de quolibet suorum subiectorum, et
convenit suis partibus. Propter hoc enim Socrates est homo, quia convenit ei
illud, quod respondetur ad quaestionem quid est homo. Propter hoc etiam
carnes et ossa sunt homo, quia quod quid est homo est in carnibus et in
ossibus. Idem ergo est quaerere quid est homo, et quaerere propter quid hoc,
scilicet Socrates, est homo? Vel propter quid hoc, scilicet carnes et ossa
sunt homo? Sicut et supra quaerebatur propter quid lapides et ligna sunt
domus? Et ideo etiam hic dicit quod hoc facit dubitationem, quod in
quaestione non additur hoc aut hoc. Si enim adderetur, manifestum esset quod
esset eadem ratio in quaestione qua quaeritur quid est homo et in aliis
quaestionibus de quibus supra dixit. |
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[83235] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 17 Deinde cum dicit sed oportet solvit praedictam dubitationem;
dicens, quod ad hoc quod praedicta dubitatio circa praemissam quaestionem
excludatur, oportet corrigentes quaerere, idest oportet quaestionem
praemissam corrigere, ut loco eius quod quaerebatur quid est homo, quaeratur
propter quid Socrates est homo? Vel propter quid carnes et ossa sunt homo? Si
autem non sic corrigatur ista quaestio, sequitur hoc inconveniens, quod
aliquid sit commune eius quod est nihil quaerere, et eius quod est quaerere
aliquid. Dictum est enim supra, quod quaerere ipsum de seipso, est nihil.
Quaerere autem aliquid de alio, est aliquid quaerere. Cum ergo quaestio
propter quid, in qua quaeritur aliquid de alio, et quaestio quid, in qua non
videtur quaeri aliquid de alio, nisi praedicto modo corrigantur, sibiinvicem
communicent, sequetur quod aliquid sit commune quaestioni, in qua nihil
quaeritur, et in qua aliquid quaeritur. |
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[83236] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 18 Vel aliter. Si non corrigatur quaestio ista, sequetur
quod aliquid sit commune eius quod est nihil quaerere, et eius quod est
quaerere aliquid. Tunc enim aliquid quaeritur, quando fit quaestio de eo quod
est: tunc vero nihil quaeritur, quando fit quaestio de eo quod non est. Si
ergo in quaestione qua quaeritur quid est, non oportet aliquid supponere, et
aliud quaerere de illo, posset ista quaestio fieri et de ente et de non ente.
Et ita quaestio quae est quid est, esset communiter facta et de aliquo et de
nihilo. |
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[83237] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 19 Quoniam vero in hac quaestione, qua quaeritur quid
est homo, oportet habere notum existere verum hoc ipsum quod est esse hominem
(aliter nihil quaereretur): sicut cum quaeritur propter quid sit eclipsis,
oportet esse notum, quia est eclipsis: palam est, quod ille qui quaerit quid
est homo quaerit propter quid est. Nam esse est praesuppositum ad hoc quod
quaeritur quid est, quia est praesuppositum ad propter quid; sicut cum
quaerimus quid est domus? Idem est ac si quaereremus propter quid haec,
scilicet lapides et ligna, sunt domus? Propter haec scilicet quia partes
domus existunt id quod erat domus esse, idest propter hoc quod quidditas
domus inest partibus domus. |
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[83238] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 20 Dictum est enim supra, quod in talibus propter quid
quandoque quaerit formam, quandoque agentem, quandoque finem. Et similiter
cum quaerimus quid est homo, idem est ac si quaereretur propter quid hoc,
scilicet Socrates, est homo? Quia scilicet inest ei quidditas hominis. Aut
etiam idem est, ac si quaereretur propter quid corpus sic se habens, ut puta
organicum, est homo? Haec enim est materia hominis, sicut lapides et lateres
domus. |
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[83239] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 21 Quare manifestum est quod in talibus quaestionibus
quaeritur causa materiae, idest propter quid materia pertingat ad
naturam eius quod definitur. Hoc autem quaesitum quod est causa materiae est
species, scilicet forma qua aliquid est. Hoc autem est substantia,
idest ipsa substantia quae est quod quid erat esse. Et sic relinquitur quod
propositum erat ostendere, scilicet quod substantia sit principium et causa. |
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[83240] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 22 Deinde cum dicit palam igitur infert quoddam
corollarium ex dictis; dicens, quod ex quo in omnibus quaestionibus quaeritur
aliquid de aliquo, sicut de materiae causa, quae est formalis vel causa
formae in materia, ut finis et agens: palam est, quod in substantiis
simplicibus, quae non sunt compositae ex materia et forma, non est aliqua
quaestio. In omni enim quaestione, ut habitum est, oportet aliquid esse
notum, et aliquid quaeri quod ignoramus. Tales autem substantiae, vel totae
cognoscuntur, vel totae ignorantur, ut in nono infra dicetur. Unde non est in
eis quaestio. |
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[83241] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 23 Et propter hoc de eis etiam non potest esse
doctrina, sicut est in scientiis speculativis. Nam doctrina est generatio scientiae; scientia autem
fit in nobis per hoc quod scimus propter quid. Syllogismi enim demonstrativi facientis scire,
medium est propter quid est. |
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[83242] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 24 Sed ne videatur consideratio talium substantiarum
omnino aliena esse a physica doctrina, ideo subiungit, quod alter est modus
quaestionis talium. In cognitione enim harum substantiarum non pervenimus
nisi ex substantiis sensibilibus, quarum substantiae simplices sunt quodammodo
causae. Et ideo utimur substantiis sensibilibus ut notis, et per eas
quaerimus substantias simplices. Sicut philosophus infra, per motum
investigat substantias immateriales moventes. Et ideo in doctrinis et
quaestionibus de talibus, utimur effectibus, quasi medio ad investigandum
substantias simplices, quarum quidditates ignoramus. Et etiam patet, quod
illae substantiae comparantur ad istas in via doctrinae, sicut formae et
aliae causae ad materiam. Sicut enim quaerimus in substantiis materialibus formam,
finem et agentem ut causas materiae; ita quaerimus substantias simplices ut
causas substantiarum materialium. |
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[83243] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 25 Deinde cum dicit quoniam vero ostendit cuiusmodi causa
et principium sit substantia, quae est quod quid erat esse; et circa hoc tria
facit. Primo praemittit quoddam, quod est necessarium ad propositum
ostendendum. Secundo movet dubitationem, ibi, si igitur necesse illud. Tertio
solvit, ibi, videbitur autem utique esse aliquid. Circa primum innuit quamdam
distinctionem compositionis alicuius ex multis. Quandoque enim ex multis fit
compositio, ita quod totum compositum ex multis est unum quoddam, sicut domus
composita ex suis partibus, et mixtum corpus ex elementis. Quandoque vero ex
multis fit compositum, ita quod totum compositum non est unum simpliciter,
sed solum secundum quid; sicut patet in cumulo vel acervo lapidum, cum partes
sunt in actu, cum non sint continuae. Unde simpliciter quidem est multa, sed
solum secundum quid unum, prout ista multa associantur sibi in loco. |
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[83244] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 26 Huius autem diversitatis ratio est, quia compositum
quandoque sortitur speciem ab aliquo uno, quod est vel forma, ut patet in
corpore mixto; vel compositio, ut patet in domo; vel ordo, ut patet in
syllaba et numero. Et tunc oportet quod totum compositum sit unum
simpliciter. Quandoque vero compositum sortitur speciem ab ipsa multitudine
partium collectarum, ut patet in acervo et populo, et aliis huiusmodi: et in
talibus totum compositum non est unum simpliciter, sed solum secundum quid. |
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[83245] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 27 Dicit ergo philosophus, quod quia aliquid est sic ex
aliquo compositum ut omne, idest totum sit unum, et non hoc modo sicut
cumulus lapidum, sed sicut syllaba, quae est unum simpliciter; in omnibus
talibus oportet, quod ipsum compositum non sit ea ex quibus componitur: sicut
syllaba non est elementa. Sicut haec syllaba, quae est ba, non est idem quod
hae duae literae b et a; nec caro est idem quod ignis et terra. Et hoc sic
probat: quia dissolutis, idest divisis ab invicem his, ex quibus fit
compositio, haec, scilicet totum non adhuc remanet post dissolutionem.
Sicut iam divisis elementis non remanet caro, et divisis literis non remanet
syllaba. Elementa vero, idest literae, remanent post dissolutionem
syllabae. Et ignis et terra remanent post dissolutionem carnis. Igitur
syllaba est aliquid praeter elementa; et non solum est elementa, quae sunt
vocalis et consonans; sed alterum aliquid, per quod syllaba est syllaba. Et
sic similiter et caro non solum est ignis et terra, aut calidum et frigidum,
per quorum virtutem elementa commiscentur, sed etiam est aliquid alterum per
quod caro est caro. |
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[83246] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 28 Deinde cum dicit si igitur necesse movet
dubitationem circa id quod principaliter intendit. Ostensum est enim quod in carne
et syllaba est aliquid praeter elementa. Videtur autem, quod omne quod est,
aut sit elementum, aut ex elementis. Si igitur necesse est id aliquod, quod
est in carne et syllaba praeter elementa, aut elementum esse, aut ex
elementis, sequuntur haec inconvenientia. |
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[83247] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 29 Si quidem enim sit elementum, iterum erit eadem
ratio et de hoc et de aliis elementis. Connumerandum enim aliis erit. Erit
enim caro composita, ex hoc, quod diximus praeter elementa et nunc ponimus
elementum esse, et ex igne, et terra. Et quia iam probatum est, quod in omni
composito quod est unum, oportet esse aliquid aliud praeter elementa, erit
eadem quaestio adhuc de illo alio: quod si sit elementum, iterum caro erit ex
primo alio elemento, et ex elementis, et adhuc ex aliquo alio. Quare sic ibit
in infinitum; quod est inconveniens. |
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[83248] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 30 Si ergo istud aliud inventum, non sit elementum, sed
sit ex elementis; palam est quia non est ex elemento uno tantum, sed ex
pluribus elementis. Quia si non esset ex pluribus, sed ex uno tantum,
sequeretur quod esset illud idem elementum totum. Quod enim est ex aqua
tantum, est vere aqua. Quare si sit ex pluribus elementis, iterum eadem ratio
erit de hoc quae et de carne et syllaba, quia scilicet erit in eo aliquid
praeter elementa ex quibus est. Et de hoc iterum redibit quaestio eadem. Et
sic iterum procedit in infinitum. |
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[83249] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 31 Deinde cum dicit videbitur autem solvit propositam
dubitationem: et circa hoc duo facit. Primo solvit eam quantum ad illud quod
primo aspectu de ipsa apparet. Secundo solutionem corrigit, et ad veritatem
reducit, ibi, quoniam vero quaedam. Dicit ergo primo, quod illud quod est in
compositis aliud ab elementis, videbitur utique in primo aspectu esse aliquid
quod non sit ex elementis, sed sit elementum et causa essendi, vel carnem,
vel syllabam, et similiter in aliis. Et iterum videbitur, quod haec sit
substantia uniuscuiusque, quae est quod quid erat esse. Substantia enim quae
est quod quid erat esse, est prima causa essendi. |
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[83250] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 32 Deinde cum dicit quoniam vero corrigit praedictam
solutionem quantum ad duo. Primo quantum ad hoc quod dixerat, quod hoc quod
est in compositis praeter elementa, est substantia uniuscuiusque. Hoc enim
est verum in rebus quae sunt substantiae; non autem in rebus quae non sunt
substantiae. Forma enim syllabae non est substantia. Secundo quantum ad hoc
quod dixerat, quod hoc ipsum est elementum et causa essendi. Non enim potest dici elementum, sed principium, quia
elementum pertinet ad causam materialem. |
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[83251] Sententia
Metaphysicae, lib. 7 l. 17 n. 33 Dicit ergo, quod quia quaedam rerum non sunt
substantiae, sicut praecipue patet in artificialibus, sed quaecumque sunt secundum
naturam, quantum ad esse, et per naturam constitutae, quantum ad fieri,
sunt verae substantiae; manifestabitur quod haec natura quam quaesivimus est
substantia in quibusdam, scilicet in naturalibus, et non in omnibus.
Quae etiam natura non est elementum sed principium formale. Elementum vero
dicitur id in quo aliquid dividitur inexistens, idest intrinsecum,
sicut in materiam, puta elementa syllabae ba sunt a, b. Unde cum praedictum
principium non sit materiale, sed formale, non erit elementum. Et sic simul patet, et quale principium est
substantia; et quod neque est elementum, neque ex elementis: in quo solvitur
dubitatio praemissa. |
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[1] L’abbé Dandenault a interrompu ici sa traduction du livre I, avec
cette note : « Nous remettons
à plus tard la traduction du reste de cette leçon, ainsi que des leçons V à XI.
On peut, sans trop de dommage, les remplacer par des livres d'histoire de la
philosophie. Et pour nous, l'investigation des opinions philosophiques devrait
s'accroître d'un nombre assez important. Un choix judicieux des principales
positions pourrait se faire ... Une anthologie de textes contemporains
... »
[2] Tous mes efforts pour trouver ce bout de texte en latin ou en
français ont été vains. Le latin, dans ses deux versions, est toutefois
commenté dans M. Jourdain, Recherches
critiques sur l’âge et l’origine des traductions latines d’Aristote, Paris,
1819, p. 445-446.
[3] Les philosophes appelés naturales
sont ceux qui étudient la scientia
naturalis ou philosophia naturalis,
la philosophie de la nature, qui est l’objet essentiel du traité des Physiques d’Aristote; de là notre
traduction de “physiciens”, physique et philosophie de la nature étant
synonymes. Les principaux philosophes de cette tendance, qui seront discutés en
détail, sont Empédocle, avec sa théorie des quatre éléments, et Démocrite, avec
sa théorie des atomes. L’appellation de physiciens leur convient
particulièrement, parce qu’ils ont considéré uniquement la cause matérielle et,
jusqu’à un certain point, la cause efficiente des réalités matérielles, sans
songer à une cause formelle et à une cause finale; ils ont donc considéré
seulement l’aspect physique du monde, à la différence, par exemple, de Platon
et de Pythagore, qui ne sont pas rangés parmi les naturales.
[4] Étrangement, saint Thomas ne semble pas avoir vu qu’on obtient Z
à partir de N par rotation d’un quart de tour, ce qui semble être l’idée
d’Aristote.
[5] Évidemment, la propriété décrite ici appartient uniquement aux
puissances de 2 et non à tous les nombres pairs.
[6] Cette discussion ne tient pas compte du fait que certains nombres
impairs sont divisibles, comme 15 = 3 x 5.
[7] Ce qui suit démontre la proposition qui, en mathématiques
modernes, s’énonce comme suit : « n2
est égal à la somme des n premiers nombres impairs». Par
exemple, les quatre premiers nombres impairs, 1 + 3 + 5 +7, donnent 16, ou 42.
[8] Allusion à la théorie, adoptée également par Aristote, selon
laquelle quand un enfant est engendré, la mère lui donne la matière et le père
lui donne la forme.
[9] Ce qui va être décrit ici est un rectangle.
[10] “Nugatio”: terme rare, propre au Moyen Âge; traduction trouvée dans une traduction anglaise de l’Ordinatio de Duns Scot, à http://www.humanities.mq.edu.au/Ockham/wjds.html, par. 179.
[11] Le latin fait croire que c’est peut-être Archélaos qui a été
l’auditeur d’Anaxagore, mais les recherches sur Wikipedia indiquent que c’est
bien Socrate.
[12] “Homo per essentiam” semble avoir un sens identique à l’“homme en
soi”, “per se homo”, qu’on trouve ailleurs, par exemple dans le Commentaire de l’Éthique, l. 1, leçon 7.
[13] Il est étrange que les quelques phrases suivantes soient écrites
au pluriel. C’est certainement un lapsus. Le texte revient ensuite au singulier
aussi brusquement qu’il était passé au pluriel.
[14] Traduit ici par “universaux” à la différence de tout ce qui
précède, parce que cela touche de près les cinq universaux classiques (genre,
espèce, différence spécifique, propre et accident).
[15] “Echimagio”: dans tout
Google, ce mot ne se trouve nulle part ailleurs qu’au présent passage. Il
semble combiner le préfixe grec “ech” (modification de “ex”, “hors de”) et le
mot latin “imago”, image. Il est difficile d’expliquer la finale de ce mot, qui
semblerait être au nominatif echimagium.
Par ailleurs, si ce mot évoque l’idée d’“image sortie de”, on s’attendrait à ce
qu’il soit appliqué aux nombres pairs en général plutôt qu’au nombre 2.
[16] Empédocle.
[17] La praedicatio denominativa, attribution dénominative, est généralement opposée à l’attribution essentielle. Elle est expliquée entre autres dans le commentaire de saint Bonaventure sur le livre des Sentences de Pierre Lombard. Au l. 3, d. 6, a. 1, q. 3, ad 4, il énumère quatre modes d’attribution dénominative. Trouvé à http://www.franciscan-archive.org/bonaventura/opera/bon01576.html, au troisième paragraphe de la scholie (site latin-anglais).
[18] Dans la
traduction, il est difficile de faire sentir la distinction entre mixtum, le résultat du mélange, et mixtio, l’acte de mélanger.
[19] Ce serait
une erreur de traduire par « astrologie ». Dans tous les commentaires
sur Aristote (Physiques, Du Ciel,
Météorologiques), le mot astrologia n’a
absolument rien à voir avec la « science » occulte qu’on appelle
aujourd'hui astrologie.
[20] Les “luminaires” sont le soleil et la lune. Ce terme est emprunté
au récit de la création dans la Genèse (Gn 1, 14-16).
[21] Dans les longues discussions du livre des Physiques sur l’infini (surtout la deuxième moitié du livre III), infinitum recouvre souvent
indifféremment les concepts français d’infini et d’indéfini. L’indéfini
correspond généralement à ce qu’Aristote appellerait le “potentiellement
infini”.
[22] Ici, “faire un syllogisme” est équivalent de “démontrer”.
[23] Cet argument d’Aristote
est expliqué comme suit : « si l'Idée était une substance, elle serait un individu.
Donc, elle s'ajouterait à l'homme individu sensible, et tous deux
participeraient alors d'une troisième Idée d'homme, et ainsi de suite à
l'infini. ». Explication trouvée à http://www.wikiberal.org/wiki/Aristote,
site visité le 29 déc. 2010.
[24] Erreur du texte latin; c’est Eudoxe que mentionne le texte grec
d’Aristote. D’ailleurs, Hésiode aurait dû être mentionné le premier, car il est
venu bien avant Anaxagore.
[25] En langage moderne, il est incorrect de parler d’exemplaires en
français, mais on peut toujours parler de cause exemplaire.
[26] Cest-à-dire, auxquelles des nombres sont attribués.
[27] Sens incertain.
[28] Dans le contexte, principium
englobe en même temps des deux sens de début et de principe.
[29] L’animal en question n’est pas facile à identifier. On penserait
spontanément au hibou. Le latin nycticorax
veut dire, selon son étymologie grecque, “corbeau de nuit”, oiseau qui est
en fait un héron nocturne, dont le cri ressemble à celui d’un corbeau. Tout
cela diffère des traductions du grec au français (Tricot et Sr Nau), qui y
voient la chauve-souris.
[30] Le sens de l’expression latine quod quid erat esse est expliqué au livre VIII, l. 1, n. 5 : quod quid erat esse est substantia, et ratio
significativa eius est definitio. De plus amples explications sont données
dans Verbum : Word and Idea in Aquinas,
par Bernard Lonergan, p. 35-36, trouvé à Google Livres. Saint Thomas emploie
rarement cette expression hors des commentaires sur Aristote, et même dans ces
commentaires, elle semble difficile à distinguer de quod quid est.
[31] Dans les longues discussions du livre des Physiques d’Aristote et du commentaire de saint Thomas, il est
évident que le mot infinitum recouvre
à la fois les sens modernes d’infini et d’indéfini. Dans le cas présent, comme
il n’est aucunement question de grandeurs, de dimensions ou d’étendue, mais
qu’on rapproche ce concept de celui de néant, le deuxième choix s’impose; il
s’agit de ce qui n’a aucune détermination, aucun attribut, aucune qualité.
Cependant, à la dernière phrase du paragraphe 13, on revient brusquement au
premier sens d’infinitum, utilisé de
la même façon que pour les trois autres causes, de sorte que le raisonnement
semble finalement boiteux. Dans toute la discussion qui suit, il faut se
souvenir de cette confusion possible entre infini et indéfini.
[32] Couper les cheveux en quatre; Aristote parle de la crainte de se
perdre dans les futilités. (Note de Germain Dandenault)
[33] On a l’habitude de traduire per
se accidentia par “accidents propres”, mais le terme d’accident convient
mal, car un accident peut généralement être différent de ce qu’il est. Il faut
revenir au sens initial du mot accidens,
c’est-à-dire “ce qui arrive”. Le mot accidens
seul veut bien dire quelque chose d’accidentel, de non essentiel, que nous
attribuerions souvent au hasard. Mais avec la précision per se, tout change, car il s’agit alors de quelque chose qui
arrive forcément et qui, sans faire partie de la définition, ne peut se séparer
de l’essence. Quand on dit par exemple que l’un est un per se accidens de l’être, il est évident que le mot “accident” ne
va pas. Nous traduirons donc toujours cette expression par “propriété
essentielle”. Au tout début du livre IV, Soeur Nau a traduit l’équivalent grec
par “conditions essentielles”, qui donne l’idée juste.
[34] Prédicat : terme utilisé par les scolastiques, surtout en
logique, et synonyme d’attribut.
[35] Germain
Dandenault a interrompu ici sa traduction du livre III, avec cette note : « Jusqu'au
quatrième livre, Aristote poursuit la discussion dialectique de ces problèmes.
Le professeur devrait, en classe, faire la discussion des principaux problèmes
et y ajouter quelques autres problèmes modernes. »
[36] Le latin devrait évidemment avoir substantias separatas.
[37] Non participata semblerait
vouloir dire « de laquelle rien ne participe », mais le sens véritable devrait plutôt être « qui ne participe pas d’autre chose ».
[38] Selon le texte d’Aristote tel qu’on le connaît aujourd’hui, cet
Aristippe, au contraire, considérait les arts manuels comme supérieurs et les
mathématiques comme viles, précisément parce qu’en mathématiques il n’y a ni
bien ni mal.
[39] Ici et dans le passage qui suit, il s’agit du début de tout le
traité des Métaphysiques, et non du
début du livre III.
[40] Le mot tetragonismus fait
partie du titre d’un traité contemporain de saint Thomas, Tetragonismus, id est Circuli quadratura, par Johannes Campanus de
Novare (v. 1220-1296), considéré comme l’un des mathématiciens les plus
émiments de son époque. Ce traité porte sur la quadrature du cercle,
c’est-à-dire comment construire géométriquement un carré de surface égale à un
cercle donné. Comme bien d’autres, Campanus a tenté de donner une solution à ce
problème, dont l’impossibilité a été démontrée en 1882. Dans le présent
contexte, ce dont il est question est en fait la quadrature du rectangle, ou la
manière de construire un carré de surface égale à un rectangle donné.
[41] Le mot dignitates a un
effet étrange. Il semble clair cependant qu’il s’agit des énoncés « supérieurs », indémontrables, qui ne
dépendent d’aucun principe plus élevé.
[42] Superparticularis :
sens trouvé sur le site Web « Latin Lookup » (http://latinlookup.com). Il s’agit
exclusivement des nombres fractionnaires de forme 1 + 1/n, par exemple 3/2,
6/5, 11/10, etc.
[43] Cet énoncé est évidemment faux selon les mathématiques plus
modernes.
[44] Y a-t-il
lapsus? On s’attendrait à « une autre » science.
[45] Ce terme
est en train de prendre un sens ésotérique ou occulte, mais ici, ce n’est rien
de plus qu’un autre terme désignant la même chose que la géodésie, mais
comportant une certaine idée de sagesse (sagesse de la terre).
[46] L’épicycle est un élément essentiel du système astronomique de
Ptolémée. Wikipedia le définit ainsi : « Il s’agit d’un cercle dont le centre décrit un cercle appelé déférent, qui […] est centré sur la
terre. » La trajectoire
d’un astre est plus excentrique lorsqu’elle décrit une ellipse plus allongée.
Il y avait conflit entre astronomes et philosophes parce que les modèles
mathématiques utilisés pour décrire les mouvements des astres semblaient être
contre nature.
[47] Le nombre 1.
[48] Le grec n’a pas d’ablatif, et Guillaume de Moerbeke traduisait de
façon très littérale. Je ne sais pas de quel texte de Boèce il est question,
car Boèce a traduit en latin plusieurs oeuvres d’Aristote, mais non les Métaphysiques.
[49] De même qu’il appelle Aristote « le
Philosophe » et saint Paul « l’Apôtre », de même saint Thomas appelle
Averroès « le Commentateur ». On peut
être un peu surpris qu’il désigne Averroès comme le commentateur par
excellence, parmi les nombreux autres commentateurs d’Aristote, alors qu’il
réfute un si grand nombre de ses opinions et a écrit tout un traité pour
réfuter l’une de ses opinions, le De
Unitate intellectus contra Averroistas. Un tableau de Gozzoli, Le Triomphe de saint Thomas d’Aquin,
représente Averroès étendu par terre aux pieds de saint Thomas. Peut-être saint
Thomas veut-il quand même rendre hommage à Averroès parce que c’est lui, plus
que tout autre, qui a fait connaître Aristote en Occident.
[50] Il semble opposer ici l’individu à l’espèce : chaque
révolution est un individu de l’espèce des révolutions.
[51] Selon l’excellente traduction anglaise de John P. Rowan, on ne
peut pas trouver un «
a » dans ces deux syllabes.
[52] Ce « il » semble désigner le chaos.
[53] « Corporelle» veut dire ici la grandeur d’un corps, à trois dimensions et non à
une ou deux dimensions seulement.
[54] C’est-à-dire réfuter Zénon à partir des principes mêmes de Zénon.
[55] Le nombre 2 représente ainsi les deux extrémités d’une ligne; le
nombre 3 représente les trois sommets d’un triangle, et le nombre 4 représente
les quatre sommets d’un tétraèdre, qui est le solide le plus élémentaire.
[56] Ligne, point et unité.
[57]
Pour les numéros 82138, 82139, 82140, 82141 et 82142,
nous empruntons la traduction du Père Gardeil, Initiation à la philosophie de
s. Thomas d'Aquin, Logique, p. 230-231.
[58] Les numéros 82167, 82168, 82169, 82170,
82172, 82173 sont empruntés à la traduction du P.
Gardeil, Initiation à la philosophie de s. Thomas d'Aquin, Métaphysique, p.
160.
[59] En latin comme en grec, le même mot veut dire
principe et commencement. À titre d’exemple, il serait légitime de traduire Jn
1, 1 par « Au principe était le Verbe ». Nous préférerions traduire
uniformément principium par « principe », mais ce n’est pas toujours
possible.
[60] Le mot grec pour « principe » est archè, dont dérive le préfixe français « archi » contenu dans le mot « architectonique ».
[61] Voir Seconds
Analytiques, l. I, leçon 19.
[62] Consiliator
se traduirait normalement par « conseiller ». Cependant, quel que soit le sens
voulu par Guillaume de Moerbeke, saint Thomas semble interpréter ce mot
autrement, d’après un autre sens du mot consilium,
soit « dessein, chose décidée ». C’est d’ailleurs logique, car le conseiller
n’est pas une cause suffisante de l’action humaine. La traduction de Soeur Nau,
« celui qui
a conçu une résolution », va dans le même sens. On peut cependant douter de cette interprétation
en raison du mot consilians au
paragraphe suivant, qui veut assurément dire conseiller, mais le mot propositum au présent paragraphe
s’applique beaucoup mieux à un décideur qu’à un conseiller.
[63] Le premier principe de la médecine du temps
était l’équilibre des humeurs : éviter qu’elles soient trop chaudes ou trop
froides, trop humides ou trop sèches.
[64] Autrement dit, la matière soutient les
fonctions végétatives et sensitives de l’être humain, mais elle ne soutient pas
son intelligence, sa raison et sa vie spirituelle. C’est pourquoi il est
nécessaire que l’âme humaine soit créée directement par Dieu, contrairement aux
âmes des animaux et des plantes.
[65] La présence du pilote est cause du salut du
navire de la même façon que son absence est cause du naufrage.
[66] Cette « vertu » consiste peut-être dans la capacité
de produire la conclusion.
[67] Leçon II.
[68] L’un des plus célèbres sculpteurs grecs, dont
la période d’activité s’étendrait de 460 à 420 av. J.-C. Environ.
[69] Plante purgative : « au contact de la bile, une
réaction chimique la transforme en un purgatif puissant » (Wikipédia).
[70] Le cuivre est assurément un élément au sens de
la science moderne, mais selon les anciens, tout était composé des quatre
éléments (air, terre, eau et feu). Alors, le cuivre et tout autre métal était
composé surtout de terre, mais aussi d’autres éléments, d’une façon qu’ils ne
pouvaient évidemment pas définir. Les quatre points discutés ici s’appliquent
tous aux quatre éléments, mais aussi à d’autres réalités, comme on le verra.
[71] Tout cela est basé sur la différence entre les
lettres grecques iota et upsilon, respectivement transcrites en français par i
et y. Le mot grec pour nature est physis (qui
est la racine de nombreux mots français tels que « physiologie »); ce mot a un upsilon dans la
première syllabe et un iota dans la deuxième. Aristote dit que la première
syllabe peut être prononcée avec une voyelle brève ou longue, et saint Thomas
explique comment cela change le sens du mot.
[72] Expression incompréhensible aujourd’hui. Elle
a quand même été longtemps en usage (peut-être jusqu’au XVIIIe
siècle) dans les ouvrages ésotériques des alchimistes et de la
franc-maçonnerie, où on l’associe étroitement au mercure. Selon saint Albert le
Grand, « Dès que l’humidité radicale qui unissait les diverses portions du corps
est partie, le corps meurt, se dissout, se résout; toutes ses parties se
séparent les unes des autres. » Les ouvrages plus tardifs semblent donner à
peu près le même sens à cette expression.
[73] Île grecque assez proche d’Athènes, dans le
golfe Saronique, et longtemps rivale d’Athènes.
[74] Événus de Paros, philosophe peu connu,
contemporain de Socrate.
[75] Dans Électre.
La Force ou la Nécessité (anankè en
grec) était personnifiée et considérée comme une déesse.
[76] Ici, saint Thomas devrait normalement diviser la
première partie en deux et dire qu’après avoir distingué tous les sens de l’un
dans la leçon VII, il consacrera la leçon VIII à ramener ces divers sens à un
sens principal, comme il l’a fait pour tous les termes précédents.
[77] Ou comme substance.
[78] Au no 82441, vers la fin de la
leçon VIII.
[79] Au no 82437, au milieu de la leçon
VIII.
[80] L’abbé Dandenault a omis de traduire la fin de
ce paragraphe et les paragraphes suivants, jusqu’au no 82423
inclusivement.
[81] Ce passage présente des difficultés. Saint
Thomas veut certainement dire que l’avant d’un objet en mouvement franchit un
point fixe dans l’espace avant l’arrière du même objet, mais l’expression de
cette idée est obscure. Il dit d’abord magnitudine
per quam fit motus, où magnitudine désigne
forcément l’espace traversé par l’objet. Mais quand il dit ensuite prior pars magnitudinis, ce même mot
doit désigner les dimensions de l’objet, car la partie arrière de l’espace est
traversée avant et non après. Cependant, je traduis le texte tel qu’il est.
[82] Le texte de saint Thomas fait penser à une
tige d’argent et à une tige d’or soudées ensemble à leur extrémité. Les
traductions modernes d’Aristote parlent plutôt de l’unité de genre, qui
inclurait le cheval et le boeuf sour l’unique genre d’animal, et alors on peut
difficilement parler de continuité.
[83] L’abbé Dandenault a omis ce paragraphe.
[84] La pensée qu’on en a est indivisible, et
l’intelligence ne peut y concevoir de séparation.
[85] C’est-à-dire comme complément circonstanciel
et non comme sujet de la phrase.
[86] Selon un bon dictionnaire latin en ligne, diesis veut dire un quart de ton. Depuis
le Clavier bien tempéré de Bach, on
ne peut plus concevoir l’existence de demi-tons différents l’un de l’autre; on
peut voir que les principes musicaux décrits ici ne sont plus applicables.
[87] L’expression materia signata quantitate a été analysée à fond. L’important est
que le principe d’individuation n’est pas la matière première toute nue, mais
la matière première précisée, rendue visible ou déterminée par ses limites ou
ses dimensions, bref, par sa quantité. C’est un problème philosophique
difficile.
[88] La substance n’existe pas dans un sujet parce
qu’elle est elle-même le sujet; seuls les accidents existent dans un sujet : ce
sujet est la substance dans laquelle ils se trouvent.
[89] Ou être accidentel à.
[90] « L’être par essence reçoit toutes les
acceptions qui sont indiquées par les types de catégories. » (Traduction Tricot)
[91] Les modes réels d’être sont en nombre égal aux
modes d’attribution de l’être. (Note de Germain Dandenault)
[92] Le mot « prédicament » vient de « prédicat », c’est-à-dire attribut; un
prédicament est un mode d’attribution. En même temps, les prédicaments sont les
grandes catégories d’être. Il est significatif que le livre des Catégories d’Aristote est appelé en
latin Praedicamenta. Il est bon de
toujours associer les mots « catégories » et « prédicaments ».
[93] Habitus :
mot latin aux sens très divers, notamment habillement ou parure, état d’être ou
condition, allure (démarche ou façon de s’asseoir par exemple), expression,
caractère ou comportement. Le sens classique d’habitus (comme quand on dit que les vertus sont des habitus) est
dérivé surtout du sens d’état d’être ou de façon d’être.
[94] Composer veut dire ici mettre ensemble le
sujet et le prédicat; par exemple, si on dit que l’homme est blanc, on « compose » l’homme et le blanc, on les met
ensemble, on dit qu’il est vrai d’attribuer le blanc à l’homme. Diviser a le
sens contraire : on dit qu’il n’est pas vrai d’attribuer le blanc à
l’homme.
[95] On s’attendrait plutôt à « n’est plus en puissance ».
[96] En grec antique, daimôn désigne un esprit, un être surnaturel, pas nécessairement
maléfique. C’est ainsi que Socrate parlait de son daimôn, dont il disait recevoir l’inspiration ou les conseils. Mais
c’est de là qu’est dérivé notre mot « démon », qui a pris un sens strictement
mauvais.
[97] Écrivain latin d’origine berbère (IIe siècle
après J.C.), auteur de nombreux ouvrages sur la philosophie, la mythologie et
plusieurs autres sujets.
[98] C’est pourquoi la distinctioni du vocabulaire
concernant la substance se terminait à la leçon précédente. (Note de Germain
Dandenault)
[99] Ici, le fait de subir.
[100] Dans la traduction anglaise, le sujet dans
lequel la passion se termine.
[101] Prenons un objet sujet à plusieurs genres
d’opposition tels que blanc-noir, lisse-rugueux, chaud-froid, sucré-amer.
Disons que l’objet est blanc, rugueux, froid et sucré. Un autre objet qui a
trois de ces caractères (ici appelés opposés) lui est plus semblable qu’un
objet qui en a un seul.
[102] Habitus en
latin; donc, pas la possession d’un objet, au sens d’avoir, mais la possession
d’une qualité.
[103] C’est-à-dire que le blanc rassemble et le noir
disperse ou désagrège, selon d’anciennes théories.
[104] « Dans l’Antiquité, acteur de choeur se
plaçant à côté du responsable de choeur. » (Dictionnaire Reverso en ligne) « Le suivant du Coryphée.
Le Coryphée étant le premier, son suivant, ou le parastate, était le second ;
et l'homme du troisième rang, ou le tritostate, ne venait que le
troisième. » (Notes à la traduction d’Aristote par Barthélémy Saint-Hilaire, 1879)
Étymologiquement, parastate vient de para,
près de, statos, qui se tient; trito = troisième. La définition donnée
ici par saint Thomas est différente.
[105] Paranète : avant-dernière corde d’un
instrument de musique; nète : dernière corde.
[106] La moitié, la partie et la matière.
[107] « Puissance » prend alors le sens de capacité.
[108] Rappelons que « composer » veut dire
affirmer et « diviser » veut dire nier qu’un prédicat ou attribut
appartient au sujet On compose « homme » et « blanc » en
disant que l’homme est blanc; on les divise en disant que l’homme n’est pas
blanc.
[109] Il semble y avoir lapsus ou omission; on
s’attend à « Latitudo finita, superficies. Profunditas finita, corpus », ce qui se
traduirait par « la largeur finie, la surface; la
profondeur finie, le corps ».
[110] Puisqu’il est question de deux nombres et non
d’un seul, il ne s’agit pas ici des nombres premiers, mais de ceux qu’on
appelle en mathématiques modernes les nombres « premiers entre eux ».
[111] Le « quand », le « où », la position et l’« habitus » sont quatre des 10 prédicaments. Ce
dernier n’est pas facile à traduire et n’est pas la même chose que l’habitus
qui dispose un être humain à agir de telle façon (vertu ou vice par exemple).
[112] Ce terme se trouve dans les Éléments d’Euclide. Il désigne tout
nombre entier plus grand qu’un autre nombre entier, mais plus petit que son
double.
[113] Ce terme et les suivants, également utilisés
en mathématiques médiévales, désignent des nombres équivalents à une fois et
demie, une fois et un tiers, une fois et un quart et une fois et un cinquième
un autre nombre.
[114] Superpartien : égal à un nombre plus une
fraction de ce nombre; superbipartien : égal à une fois et deux tiers un
autre nombre; supertripartien : égal à une fois et trois quarts un autre
nombre; superquadripartien : égal à une fois et quatre cinquièmes un autre
nombre.
[115] Étymologiquement, la moitié du tout.
[116] En mathématiques modernes, si le côté d’un carré
est de longueur 1, sa diagonale est de longueur √2, ce qu’on appelle un
nombre irrationnel parce qu’il est impossible de l’exprimer comme une fraction
dont le numérateur et le dénominateur sont entiers. L’idée ancienne
d’incommensurable est équivalente à la notion moderne de nombre irrationnel.
[117] Ce qu’on appelle aujourd’hui un nombre
irrationnel n’était pas du tout considéré comme un nombre à l’époque.
[118] En effet, Moerbeke n’a pas pu traduire secundum quod comme il l’avait fait dans
les trois premiers cas, et il est impossible d’utiliser la traduction « ce par quoi » en français comme dans les trois
premiers cas. Le mot « par » est tout ce que je peux garder de commun avec les trois cas précédents.
[119] Rappelons que la démonstration propter quid est la démonstration d’un
fait à partir de sa cause, et que la démonstration quia est la démonstration d’un fait à partir de sa conséquence.
[120] En ce sens, le mot « possession » n’est sans doute pas le plus
heureux en français, à moins qu’on ne pense à la possession d’une qualité.
[121] Dans tout autre contexte, ce mot se traduirait
par « habitus » au sens classique où les vertus et
les vices sont des habitus.
[122] La nature de l’être qui possède et non de
l’être qui est possédé.
[123] Ce sens d’avoir peut être naturel en grec,
mais pas en français.
[124] D’après Wikipedia, pendant le Moyen Âge, on a
confondu deux légendes qui étaient distinctes pendant l’Antiquité :
d’abord, évidemment, celle du géant Atlas qui portait le ciel sur les épaules,
et celle d’un autre Atlas qui était roi de Mauritanie, grand astronome, qui
passait pour l’inventeur du globe céleste et même de l’astronomie.
[125] Le tout intégral est un objet matériel ayant
des parties matérielles. Le tout universel est par exemple un genre dont les
parties sont les espèces.
[126] Par exemple, dans ce qui précède, la nuit
provient du jour et le jour provient de la nuit.
[127] Fête célébrée les 6e et 7e
jours du mois Thargélion (mai), qui étaient considérés respectivement comme le
jour de la naissance d’Artémis et le jour de la naissance d’Apollon.
[128] Fête célébrée en l’honneur de Dionysos, en
mars.
[129] Ici, subjectif n’est pas le contraire
d’objectif. On oppose les parties subjectives aux parties intégrantes :
ces dernières sont celles qui s’additionnent pour composer une chose; les
parties subjectives sont plutôt les parties du sujet, de la façon dont les
espèces sont les parties du genre.
[130] Il ne s’agit pas ici d’êtres maléfiques comme
en théologie biblique, mais plutôt de génies ou de demi-dieux.
[131] Comme quand on dit : « Tout homme
est mortel. » Ce passage est très difficile à traduire. Aristote distingue
le sens des mots pan et holon, qui sont tous deux devenus des
préfixes en français, le premier désignant l’universalité d’un ensemble ou
chacun de ses éléments (panaméricain, pancréas), et le second désignant
l’intégralité d’une seule chose (holographe, holistique). Le premier est rendu
ici en latin par omnis et le second
par totus. Il est difficile de
trouver des termes satisfaisants en français.
[132] Une anse, selon le grec.
[133] C’est-à-dire la race ici.
[134] Personnages mythologiques; ce sont les sept
filles du titan Atlas et d’une Océanide (nymphe aquatique) du nom de Pléioné.
[135] Ce terme est encore utilisé en mathématiques modernes,
notamment en calcul intégral dans l’expression « solides de
révolution ».
[136] En
logique, composer et diviser signifient les opérations de l’esprit qui
consistent, respectivement, dans le fait d’affirmer ou de nier qu’une chose est
l’attribut d’une autre, ou dans le fait de dire qu’une proposition simple
(sujet, verbe, complément) est vraie ou fausse.
[137] Deux
dialogues de Platon portent le titre d’Hippias.
Ils sont appelés respectivement Hippias
majeur : Sur le beau et Hippias
mineur, Sur le mensonge. Il s’agit évidemment du deuxième. Les érudits sont
d’avis que c’est une œuvre de jeunesse, l’un des dialogues les plus médiocres
de Platon, dont on ne connaît pas la date précise. (Wikipedia)
[138] Île triangulaire,
sise à environ 20 km au sud d’Athènes, qui a une riche histoire. Sa population
actuelle est de 13 000 habitants.
[139] Chez Tricot: « Mais comment se fait-il que nous
pensions les choses comme unies ou séparées ? » (t. I, E, 4, p. 344).
[140] L’incipit
latin séparé étant inintelligible, nous donnons la traduction de Tricot (p.
344) pour le début de la phrase correspondante d’Aristote.
[141] Tricot : « Cela étant posé », p. 344.
[142] Tricot, ibid. :
« L’être pris en ce sens », comme vrai et comme faux, opposé à
« l’être au sens strict ».
[143] Ex concursu accidentaliter entium extra animam. Ou : du concours accidentel d’étants réels ?
[144] De telle qualité.
[145] Les accidents mentionnés tels que marcher,
être assis ou guérir.
[146] « Quelque chose de tel » : des
substances.
[147] Il veut dire que, comme l’enseigne Aristote, le ciel est formé
d’un cinquième élément autre que la terre, l’air, l’eau et le feu.
[148] Lapsus. C’est bien Speusippe comme le dit le texte de Moerbeke.
Leucippe a vécu un siècle avant; on dit qu’il a inventé la théorie atomiste
popularisée plus tard par Démocrite.
[149] Le Moyen Âge connaissait trois types d’analogie : 1) la comparaison de deux proportions ou relation; 2) l’analogie d’attribution, en un sens premier et en un sens dérivé (per prius et posterius), dont il est question ici; 3) l’analogie de ressemblance entre Dieu et les créatures. Source : http://plato.stanford.edu/entries/analogy-medieval/
[150] Premier type d’analogie mentionné à la note précédente.
[151] « Il y a une double
sorte de quantité : à savoir, la quantité dimensive qui se tire de la
considération de l’extension, et la quantité virtuelle qui intéresse le point
de vue de l’intensité. […] Car, sous la quantité dimensive, sont contenues la
longueur, la largeur et la profondeur, de même que le nombre en
puissance. » (Louis-Marie de Blignières, Le
mystère de l’être : L’itinéraire
thomiste de Guérard des Lauriers, Libraire philosophique J. Vrin, 2007, p.
353)
[152] Il y a
des divergences entre le texte utilisé par saint Thomas et le texte de Moerbeke
dont je donne ici la traduction.
[153] Praeopere :
se traduirait par « utile », mais saint Thomas commente ce mot selon son étymologie, prae opus, « avant l’œuvre ».
[154] Dans ce passage,
le texte commenté par saint Thomas diffère sensiblement du texte de Moerbeke en
ligne; c’est pourquoi les mots en italique ne se trouvent pas dans ce texte,
utilisé ici.
[155] Hoc omne : à cet endroit comme à bien d’autres, un
démonstratif venant de nulle part comme hoc
comporte l’idée d’un objet singulier, un « ceci ».
[156] L’idée de
surface est ajoutée à l’idée de blanc.
[157] Je garde
« ce-que-c’est » dans le texte de Moerbeke pour garder son style
littéral, mais je traduis par « essence » dans le texte de saint
Thomas pour alléger la traduction et la rendre plus lisible.
[158] Dans le
texte de Moerbeke dont je dispose, semper
ne se rattache pas à ce qui précède comme dans le commentaire, mais à ce
qui suit.
[159] Ne soit pas définie : lapsus. Il veut certainement dire « soit définie ».
[160] Il n’y aura pas de deuxième ou de troisième cas. Tout le
paragraphe est une explication de ce premier cas.
[161] Et simpliciter qualitas : devrait probablement se lire
« et similiter qualitas »;
c’est ainsi que Rowan le traduit.
[162] Le texte
de Moerbeke semble avoir deux versions différentes; huic vel illi ne se trouve pas dans la version que nous avons.
[163] Dans Le Malade imaginaire de Molière, le
clystère est un lavement. Les dictionnaires latins donnent également au mot clyster le sens de seringue.
[164] Le latin
a Crispus avec majuscule, et c’est un
nom de personne assez courant (par exemple, 1 Co 1, 15), mais cela donne un
sens absurde.
[165] Je suis
ici la traduction anglaise d’Aristote faite par William David Ross (1877-1971).
Bien qu’elle date de 1924, elle demeure excellente.
[166] Si ce qui
est premier et en soi existe.
[167] Les
deux : que la chose soit la chose, et qu’elle soit son ce-que-c’est (ou
son essence).
[168] Le bien
en soi.
[169] La
deuxième absurdité. Ces mots ne se trouvent pas dans le texte de Moerbeke dont
je dispose.
[170] Les trois
« choses nécessaires » énumérées au no 2 ci-dessus.
[171] Ce
passage est tributaire de la croyance à la génération spontanée, qui était
courante à l’époque. On croyait que les matières en putréfaction donnaient spontanément
naissance à certains animaux, et particulièrement aux insectes.
[172] Orbatio : mot rare, traduit en ligne par « privation, perte,
suppression ».
[173] Eux :
les agents, ou les animaux parents, d’après les traductions du grec.
[174] Simul totum : Moerbeke aurait dû dire simul toto d’après le génitif du grec.
[175] Ici, la
ponctuation différente de Moerbeke donne un sens radicalement différent des
traductions modernes.
[176] Ce texte
en crochets correspond à un doublon en latin, qui n’existait pas en grec.
[177] C'est-à-dire
ce qui est composé de la matière et de la forme.
[178] L’acte en
tant qu’il s’oppose à la puissance.
[179] Texte
très obscur; les traductions du grec à l’anglais et au français ne s’accordent
pas.