Commentaire de Saint-Thomas d’Aquin aux Seconds Analytiques
d’Aristote
Traduction française et Copyright de
Serge Pronovost, 2019
Edition numérique du projet Docteur
Angélique
https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique
2019
Commentaire de Saint-Thomas d’Aquin sur les Seconds
Analytiques d’Aristote
PROÈME DE SAINT-THOMAS D’AQUIN
LEÇON 3. De la connaissance préexistante de la conclusion
LEÇON 4. De la nature du syllogisme démonstratif
LEÇON 5. Sur les propositions premières et immédiates
LEÇON 6. Sur la connaissance des principes immédiats
LEÇON 9. Sur le principe de l’attribution à tout le sujet
LEÇON 10. Sur l’autre principe qui est l’attribution
essentielle
LEÇON 13. La démonstration procède de prémisses
nécessaires
LEÇON 15. La démonstration ne peut passer d’un genre à un
autre qui lui serait étranger
LEÇON 16. On montre que la démonstration porte sur un
objet qui est éternel et incorruptible_
LEÇON 19. De la différence qu’il y a entre les principes
communs
LEÇON 20. De quelle manière les sciences démonstratives
se rapportent aux principes communs
LEÇON 21. Sur les interrogations, les réponses et les
discussions propres à chaque science
LEÇON 22. Que chaque science rencontre des erreurs et des
ignorances qui lui sont propres
LEÇON 24. De la démonstration par le fait au moyen de
propositions qui ne sont pas immédiates
LEÇON 29. Du syllogisme de l’ignorance dans les
propositions médiates
LEÇON 30. Sur l’ignorance de la simple négation
LEÇON 36. Présentation d’un corollaire qui découle de ce
qui a été dit
LEÇON 38. La démonstration universelle est supérieure à
la démonstration particulière
LEÇON 39. La démonstration affirmative est supérieure à
celle qui est négative
LEÇON 43. Les principes de tous les syllogismes ne sont
pas les mêmes
LEÇON 44. Sur la comparaison de la science aux autres
sortes de connaissances
LIVRE II. DES PRINCIPES DU SYLLOGISME DÉMONSTRATIF
LEÇON 2. Est-ce que la définition qui signifie le quoi
peut être démontrée?
LEÇON 4. Est-ce que l’essence peut être démontrée par
voie de division?
LEÇON 5. Est-ce que l’essence peut être démontrée en
partant de ce qui est exigé pour l’essence?
LEÇON 6. Est-ce que l’essence peut être manifestée par la
démonstration ou par la définition?
LEÇON 7. Sur les deux manières, dialectique et
démonstrative, de manifester l’essence_
LEÇON 9. Le pourquoi peut être manifesté dans les quatre
genres de causes
LEÇON 16. Sur la manière de rechercher les définitions
par le semblable et l’opposé
LEÇON 18. Sur la coexistence de la cause et du causé
quant à la simultanéité de consécution_
LEÇON 20. Comment nous parvenons à connaître les premiers
principes de la démonstration
Quel que soit le domaine qu’on examine, une
recherche n’est fructueuse que si on sait ce que l’on cherche, du moins
confusément, et comment le rechercher. L’ensemble des traités logiques portent
sur la manière de rechercher. Si je prends une similitude tirée de la chasse,
je sais que dépendamment du gibier convoité, je choisirai tel type d’arme et tel genre d’approche suivant les mœurs de
ce gibier. Je prendrai le temps d’exercer la précision me mon tir, de connaître
les possibilités et les limites de cette arme, de m’informer des mœurs du
gibier, par exemple de l’orignal, et d’étudier attentivement le territoire qu’il
habite pour y déceler, par les signes sensibles qu’il y laisse, la fréquence de
ses passages. L’assurance que j’ai sur la présence du gibier mais aussi sur la
difficulté de le capturer devraient m’inciter à développer mes habiletés avant
même que ne commence la saison de chasse proprement dite, ce que plusieurs
chasseurs ne font pas et, pressés de rencontrer le gibier, omettent ou
négligent alors une préparation nécessaire pour laisser au hasard le succès
attendu.
Or la logique est cet art de chasser qui a
pour gibier la vérité. Dans leurs parcours académiques dans les collèges et les
universités, les étudiants sont souvent pressés d’en venir aux opinions des
philosophes ¨illustres¨ et la logique, pour plusieurs, apparaît comme une
discipline froide et fastidieuse qu’on doit chercher à éviter. Si en outre on
croit que la vérité n’existe pas ou qu’on ne peut arriver à la démontrer, à
quoi bon la logique et tout l’arsenal de l’art de la définition et de la
démonstration? S’il n’y a pas de gibier, à quoi bon l’art de la chasse? Mais le
sens du réel nous montre que pour les disciplines spéculatives, comme pour les
disciplines pratiques, la vérité existe. Et il est évident qu’il y a des degrés
de difficulté à l’intérieur même du champ des vérités, tout comme il y a des
degrés de difficultés à l’intérieur même du champ des gibiers à capturer, et il
y a sans doute un ordre entre ces vérités qui fait en sorte que les vérités les
plus difficiles peuvent être atteintes au moyens de celles qui sont plus
faciles à saisir, tout comme il est possible de capturer les gibiers les plus
rusés au moyen de ceux qui se laissent facilement attraper. L’homme est comme
un animal paresseux : il peine souvent à travailler et est tenté de
prendre des raccourcis pour parvenir aux objectifs les plus élevés sans prendre
les moyens appropriés : la vérité, oui peut-être, mais pas la logique!
C’est comme chercher à faire les Jeux Olympiques sans prendre le temps de
s’entraîner!
Le
traité d’Aristote intitulé les Seconds
Analytiques est un texte difficile. Lorsqu’on en lit la traduction
française de Tricot, on le voit par la lecture du texte lui-même, mais aussi
par les remarques en bas de pages où ce dernier nous indique la difficulté du
texte en soulignant la diversité des interprétations, même de la part des spécialistes
ayant consacré des ouvrages à l’étude de ce texte d’Aristote. Lorsque je me
suis décidé à traduire en français, à partir de l’édition Marietti (1964), le
commentaire de Thomas d’Aquin sur cette œuvre d’Aristote, c’est en ayant à
l’esprit la difficulté particulière de ce texte que j’ai cherché une assistance
auprès de certains de ceux qui avaient déjà consacré du temps à l’étude du
traité de la démonstration. J’ai donc consulté les traductions françaises de
Tricot et de sœur Pascale Nau du texte d’Aristote, mais aussi la traduction
française de Guy de Laporte (2007) du commentaire qu’en fait Saint-Thomas. À
partir de là, j’ai cherché, compte tenu de mes propres limites et de celles de
la matière, à rendre ma propre traduction la plus accessible possible. Il
reviendra à un autre de préciser, de nuancer, possiblement de corriger pour
rendre encore plus clairement l’intelligence du traité. Il reviendra au lecteur
néanmoins de s’appliquer avec discipline et persévérance à la méditation du
texte lui-même.
Ce traité lui-même, tel que le commente
Saint-Thomas, se divise en deux grandes parties. Dans la première, après avoir
montré la nécessité du syllogisme démonstratif, il traite du syllogisme
démonstratif en lui-même, de sa nature, de sa matière et de sa forme, pour en
venir à la démonstration proprement dite, à savoir la démonstration ¨propter
quid¨ ou par la cause prochaine, et à la démonstration ¨quia¨, c’est-à-dire
soit par la cause éloignée, soit par l’effet immédiat; et il termine cette
première partie en précisant d’où procède la démonstration proprement dite et
quels sont ses principes. Toute la deuxième partie est consacrée à la
connaissance de ce qui tient lieu de pivot autour duquel s’articule la
démonstration : le moyen terme. Il s’agit de chercher à savoir ce qu’est
le moyen terme de la démonstration et comment il nous devient connu : plus
précisément, comment l’essence et la cause se rapportent à la démonstration et
comment les rechercher. Cette deuxième partie se termine par un exposé sur la
manière dont les premiers principes, fondements ultimes de la démonstration,
viennent à être connus de nous.
Ainsi qu’on peut le lire dans le proème de
Saint-Thomas dans son commentaire sur ce traité d’Aristote, le titre même des Seconds Analytiques se rapporte au
troisième acte de la raison, à savoir celui dans lequel la raison en vient à
connaître, au moyen de ce qu’elle connaît déjà, ce qui lui était d’abord inconnu.
Mais comme la raison vient de la nature, c’est-à-dire qu’elle a été donnée à
l’homme pour qu’il parvienne à sa maturité d’homme en harmonie avec le reste de
la nature, il n’y a rien d’étonnant à ce que la raison imite la nature :
dans certains cas les actes de cette dernière suivent nécessairement toujours
de la même manière, dans d’autres ils suivent le plus souvent, dans d’autres
enfin, rarement, la nature manque carrément son coup. Il en est de même pour la
raison : dans certains cas, elle parvient à la certitude de la science, à
des conclusions qui sont nécessairement vraies; dans d’autres, elle parvient à
des conclusions qui sont vraies le plus souvent, mais non nécessairement;
parfois enfin, en raison d’un défaut à l’intérieur même du raisonnement, elle
s’écarte carrément du vrai.
Plus précisément, le traité des Seconds Analytiques porte sur le
troisième acte qui non seulement conduit au vrai, mais qui y conduit avec
nécessité, où l’intelligence voit qu’il ne peut en être autrement de la
conclusion parce qu’elle la juge à la lumière des premiers principes d’où elle
provient ultimement. C’est ce que veut dire le mot ¨analytique¨. C’est comme si
le fruit était examiné non seulement tel qu’il est en lui-même, mais à la
lumière de l’arbre d’où il provient et qui explique pourquoi il est ainsi.
Toute la nécessité qu’on retrouve dans la conclusion se tire donc d’une
nécessité qui existe déjà dans les principes car un raisonnement n’est rien
d’autre que le passage de principes à une conclusion. Mais comme un
raisonnement comporte deux aspects bien distincts, à savoir sa matière ou son
contenu et sa forme ou la manière de disposer les termes, on y retrouvera donc
une double nécessité. Si tout B est A et que tout C est B, nécessairement tout
C sera A : c’est là la nécessité formelle qu’on étudie dans le traité des Premiers Analytiques où on examine le
syllogisme en tant que tel quant à ses principes, ses figures et ses modes. À
cette dernière nécessité s’ajoute une deuxième nécessité en raison du contenu
spécifique du raisonnement. C’est la réunion de ces deux sortes de nécessité
qui font que nous sommes en présence d’une démonstration.
Saint-Thomas
commence par définir la démonstration par sa finalité : le savoir. Or on
possède le savoir d’une chose absolument et non par accident quand on en
possède une connaissance parfaite, c’est-à-dire quand on connaît la ou les
causes de son existence et, voyant qu’il ne peut en être autrement dans la
relation de la cause à l’effet, l’intelligence se fixe avec fermeté. La certitude
s’acquiert donc quand l’intelligence voit que la chose dont elle connaît la
cause ne peut être autrement qu’elle n’est, qu’elle est nécessaire.
Donc,
puisque le savoir ou la connaissance de science n’est rien d’autre que la
connaissance de la chose par ses causes et que la démonstration est le
syllogisme qui produit le savoir, il s’ensuit que la démonstration, à
proprement parler, est le syllogisme qui fait connaître la chose par sa ou ses
causes, à savoir la démonstration ¨propter quid¨, par le pourquoi ou par les
causes.
Et
puisque telle est la fin de la démonstration, quelle devra en être le contenu
ou la matière? La démonstration conduisant à une connaissance de la chose par
sa cause et donc à une conclusion nécessaire, les propositions d’où elle
procède devront être vraies, premières et immédiates : immédiates parce
qu’elles sont évidentes par elles-mêmes et qu’ultimement elles n’ont pas besoin
d’un moyen terme pour être prouvées; premières parce que c’est par elles que la
conclusion est prouvée, qu’elles sont plus connues et antérieures selon la
nature aussitôt que ses termes sont connus (et non seulement quant à nous) à la
conclusion dont elles sont les causes et qu’elles sont par conséquent les
principes propres de cette conclusion; vraies parce que le savoir porte sur ce
qui est, que ce qui ne possède pas de vérité n’existe pas et que l’être et le
vrai se convertissent. Il suit de cette dernière caractéristique que celui qui
démontre ne s’attache déterminément qu’à une seule partie de l’énonciation, à
savoir à celle qui est vraie, contrairement au dialecticien qui argumente à la
fois en faveur de l’affirmative et de la négative parce qu’il ne s’appuie que
sur le probable.
Ce
qu’il y a de commun à toute proposition immédiate entendue universellement, c’est
qu’elle est celle qui, pourrait-on dire, est antérieure à toute autre
proposition. Cela peut se comprendre de la manière qui suit. En effet, à chaque
fois qu’une proposition est médiate, c’est-à-dire qu’elle possède un moyen
terme par lequel un prédicat est démontré appartenir à un sujet, il faut que
les propositions qui la démontrent soient antérieures à elle. Et cet ordre
entre les propositions (principes et conclusion) tient à l’ordre qu’il y a
entre les termes eux-mêmes. En effet, le prédicat de la conclusion doit
appartenir au moyen terme (dans la majeure) avant d’appartenir au sujet dans la
conclusion et pour qu’il en soit ainsi, le moyen terme doit d’abord lui
appartenir (au sujet) dans la mineure avant de lui appartenir dans la
conclusion.
Mais
parmi ces propositions antérieures qu’on appelle principes, on distingue les
¨positions¨ des ¨propositions maximes¨ ou des axiomes. Ces dernières sont
celles qui sont connues de tous et dont les contradictoires, bien qu’elles
puissent être prononcées, ne peuvent pas même être conçues, comme la
proposition immédiate suivante : il n’est pas possible à la même chose
d’être et de ne pas être. Les premières, les ¨positions¨ sont dites immédiates
du seul fait que le prédicat se retrouve dans la définition du sujet, sans que
le sache nécessairement celui qui est enseigné, comme c’est le cas dans
l’exemple suivant : tout angle droit est égal. L’angle droit est défini
comme étant celui qui est formé par une ligne droite qui tombe
perpendiculairement sur une autre ligne droite de telle manière que les angles
qui se trouvent des deux côtés de cette ligne sont égaux. L’égalité est donc un
prédicat qui tombe dans la définition de l’angle droit, même si le sujet et le
prédicat ne sont pas connus de tous, contrairement à l’être qui est un terme
connu de tous. Ces ¨positions¨, propositions immédiates propres à une science
donnée, peuvent cependant être médiates par rapport à une science supérieure et
on les appelle alors ¨suppositions¨ ou hypothèses. Même les définitions, qui ne
signifient pas en elles-mêmes la vérité ou la fausseté, peuvent être appelés
¨positions¨ du fait qu’elles servent de principes dans la démonstration parce
qu’elles servent alors de moyen terme. Il faut cependant conclure au sujet des
propositions immédiates que leur fermeté repose entièrement sur celle des
axiomes dont on peut dire qu’elles sont premières non seulement absolument et en
elles-mêmes mais aussi aux yeux de tous. C’est comme si la nature avait voulu
donner à notre intelligence une base inébranlable (les axiomes) comme fondement
nécessaire pouvant donner de la fermeté à la connaissance scientifique acquise
par la démonstration.
La
science démonstrative est donc non seulement celle dont les conclusions,
universelles et affirmatives, sont nécessaires, mais aussi forcément celle dont
les principes sont nécessaires. Et cette nécessité des principes de la
démonstration se manifesteront par les caractéristiques suivantes. Et d’abord,
pour chacun des principes, le prédicat s’attribuera à tout ce qui est contenu dans le sujet et toujours, c’est-à-dire
universellement si on prend ce terme dans son acception commune. Mais cette
condition ne suffit pas car même si tous les hommes étaient blancs, ce
caractère ne ferait pas connaître l’homme par sa cause et ne ferait pas
connaître de lui ce qu’il est, son essence, sa nature.
Il
faut encore que le prédicat s’attribue essentiellement
au sujet, comme si on dit par exemple de l’homme qu’il est un animal car alors
non seulement ce prédicat s’attribue à tous les hommes et toujours, mais il dit
véritablement ce qu’est l’homme, puisque c’est là un prédicat qui entre dans la
définition même de l’homme comme sujet.
Mais
la nécessité des principes du syllogisme démonstratif tient à une autre
caractéristique : il faut encore que le prédicat s’attribue à un sujet
premier. Qu’entendons-nous par cette expression? Par exemple, avoir les trois
angles intérieurs égaux à deux droits est certes un prédicat qui appartient à
la figure, à l’isocèle et au triangle comme sujets, mais différemment; car il
n’appartient pas à la figure en tant que figure puisqu’on le retrouverait alors
en toute figure, ce qui n’est pas le cas, puisqu’il n’appartient à telle figure
qu’en tant qu’elle est triangle : de là on voit que l’attribution est trop
large. De même, bien que ce prédicat appartienne à tout isocèle, il
n’appartient pas à l’isocèle en tant qu’isocèle mais en tant que l’isocèle est
un triangle : on voit de là que l’attribution est trop étroite. Ce
prédicat n’appartient donc pas à la figure et à l’isocèle comme sujets premiers,
c’est-à-dire en premier lieu, mais c’est le triangle qui, comme sujet premier,
doit recevoir ce prédicat. En ce sens, tout principe premier est aussi
essentiel et universel au sens large mais non inversement. Et c’est en ce sens,
à proprement parler, qu’on parle d’universalité pour les principes de la
démonstration. Le vrai principe universel pour une démonstration est celui qui
est premier, c’est-à-dire celui dont le sujet est véritablement le premier à
recevoir universellement l’attribution du prédicat.
Ce
caractère d’immédiateté par lequel un sujet est le premier à recevoir une
attribution universelle, il est déjà possible de le manifester formellement,
uniquement par des lettres. Si je me sers d’une séquence de lettres, dont la
première, A, est la plus universelle et C la moins universelle, et B celle qui
est intermédiaire dans l’ordre d’universalité, j’obtiens ceci :
Majeure :
Tout B est A; Mineure : Tout C est B; Conclusion : Tout C est A.
La
seule disposition des lettres montre que la conclusion est une proposition médiate
puisqu’il y a un intermédiaire entre A et C, à savoir B, lequel terme est le
moyen terme qui est associé à chacun des termes extrêmes séparés dans les
prémisses, et qui sert à les unir dans la conclusion. Ce qui montre que ces
termes extrêmes doivent être unis dans la conclusion même s’ils ne sont pas
immédiats, c’est que B est immédiatement uni à chacun des deux dans les
prémisses. En effet, A est uni immédiatement à B dans la majeure tout comme B
est immédiatement uni à C dans la mineure. Cette illustration formelle aide à
voir ce que nous avons expliqué plus tôt au sujet de tout sujet premier :
c’est que C n’est pas le sujet premier du terme universel A, mais il est digne
de cette attribution parce que dans les prémisses, B est le sujet premier de A
tout comme C est le sujet premier de B. Il n’est pas futile d’observer cela
parce que plus tard Saint-Thomas montre que la démonstration proprement dite
est celle dont la conclusion repose sur deux prémisses immédiates parce qu’elle
se fait par la cause immédiate.
Ces
remarques aident aussi par conséquent à comprendre ce qui fait l’antériorité
des prémisses par rapport à la conclusion. Au début du traité des Seconds Analytiques, [L. 1, l. V, n. 45]
lequel est essentiellement le traité sur la démonstration, arrêtons-nous sur le
paragraphe suivant : ¨Quandocunque igitur aliqua propositio est mediata,
idest habens medium per quod demonstretur praedicatum de subjecto, oportet quod
priores ea sint propositiones ex
quibus demonstratur : nam praedicatum conclusionis per prius inest medio quam subjecto : cui etiam per prius inest medium quam praedicatum¨1.
Les
expressions clef de ce passage sont ¨priores¨ et ¨per prius¨, qui signifient en
français antérieures et antérieurement ou premièrement. Traduisons ce
passage :
¨Donc, à chaque fois qu’une proposition est
médiate, c’est-à-dire qu’elle implique un moyen terme par lequel un prédicat
est démontré appartenir à un sujet (dans la conclusion, comme A est attribué
à C), il faut que les propositions à
partir desquelles on le démontre soient antérieures : car le prédicat de
la conclusion appartient premièrement au moyen terme (dans la majeure) avant d’appartenir au sujet (dans la
conclusion), tout comme il faut que le moyen
terme appartienne antérieurement à ce sujet ( dans la mineure) pour que le prédicat puisse lui appartenir
(dans la conclusion)¨.
C’est
cette antériorité dans l’adéquation immédiate du prédicat au sujet qui aide à
comprendre que c’est par nature que les prémisses sont antérieures à la
conclusion, et non par une simple disposition artificielle ou conventionnelle
des termes. C’est parce qu’un prédicat s’attribue à un sujet par une priorité
naturelle qu’une prémisse est par nature antérieure à une conclusion et qu’elle
possède cette capacité réelle et naturelle à engendrer la conclusion. Par
exemple, cherche-t-on à savoir si la chauve-souris est capable d’allaiter, même
si la chose n’apparaît pas évidente à tous, il faudra relier la chauve-souris aux
mammifères auxquels il appartient premièrement d’allaiter, et manifester que la
chauve-souris en est un; si on y réussit, on obtiendra la conclusion, réponse à
la question : la chauve-souris est capable d’allaiter. Disposons alors
sous forme logique :
Majeure : Tout mammifère (B) est capable d’allaiter
(A).
Mineure : Toute chauve-souris (C) est un mammifère
(B).
Conclusion :
Toute chauve-souris (C) est capable d’allaiter (A).
Cette
disposition logique permet d’illustrer ce que nous avons dit plus haut d’une
manière générale. Le grand terme A ne peut appartenir à C que parce qu’il
appartient premièrement et en priorité à B et parce qu’avant que A s’attribue à
C, B doit lui appartenir. La capacité d’allaiter appartient immédiatement aux
mammifères comme sujets premiers et secondairement aux chauves-souris
auxquelles appartient immédiatement mammifère comme genre prochain.
Saint-Thomas1
à la suite d’Aristote, donne de nombreux exemples de démonstrations proprement
dites, à savoir de démonstrations ¨propter quid¨ par le pourquoi, par la cause
immédiate, en les opposant aux démonstrations ¨quia¨, par le fait, (qui
procèdent soit d’un effet immédiat, soit d’une cause éloignée) dont on se sert
en sciences de la nature en particulier où les effets nous sont plus
accessibles aux sens que les causes bien
que ces dernières demeurent toujours plus connues absolument et selon la nature
puisque c’est toujours au moyen d’elles que leurs effets sont connus en tant qu’effets de ces causes. Examinons-en quelques-uns, surtout ceux où la
démonstration ¨quia¨ est produite au moyen d’un effet immédiat. En voici un
premier tiré de l’œuvre citée plus haut.2
La
démonstration par l’effet conclut que la Lune doit être circulaire puisqu’elle
manifeste mensuellement une croissance circulaire. Il est clair que la
démonstration ne se fait pas par la cause mais par l’effet. En effet, ce n’est
pas parce que la Lune croît circulairement qu’elle est circulaire, mais c’est
plutôt parce qu’elle est circulaire qu’elle croît circulairement. Si on dispose
cette démonstration sous forme logique, on obtient ceci :
Majeure : Tout ce qui manifeste une croissance
circulaire est circulaire.
Mineure : La Lune manifeste une croissance
circulaire.
Conclusion :
La Lune est circulaire.
Dans
ce raisonnement, le moyen terme est ¨avoir une croissance circulaire¨, l’effet,
qui permet d’unir dans la conclusion le petit terme ¨Lune¨ au grand terme
¨circulaire¨. Mais ce qui est pris comme moyen terme dans cette démonstration
par l’effet immédiat est un effet convertible avec le grand terme ¨circulaire¨
présent dans la majeure, de sorte qu’on pourrait convertir la majeure pour
construire à partir de là une démonstration par la cause immédiate, de la
manière qui suit :
Majeure : Tout ce qui est circulaire connaît une
croissance circulaire.
Mineure : La Lune est circulaire.
Conclusion :
La Lune connaît une croissance circulaire.
Dans
les cas, comme dans les sciences de la nature, où les effets sont plus connus
quant à nous que la cause, ces derniers servent de moyens pour construire des
démonstrations ¨quia¨ par l’effet qui contribuent à manifester la ou les
causes. Celles-ci découvertes, le scientifique, voyant désormais le fait non
plus comme un simple fait mais comme un effet immédiat découlant nécessairement
de cette cause dans tous les cas, peut désormais construire la démonstration
par la cause en partant de la majeure inversée.
On
observe le même procédé chez Claude Bernard, dans son Introduction à la médecine expérimentale3. Il remarque
que des lapins laissés dans son laboratoire ont une urine claire et acide, ce
qui l’étonne puisque les lapins, en tant qu’herbivores, ont généralement une
urine alcaline. Il lui vient l’idée que ces lapins doivent être à jeun et que
tout animal à jeun doit avoir une urine claire et acide et à partir de là
qu’ils doivent être comme des carnivores se nourrissant du sang qui est le
leur. Ici, ce qui est connu d’abord, c’est l’urine acide de ces lapins qui
l’amène à conclure que ces lapins sont en quelque sorte des carnivores, par le
raisonnement qui suit :
Majeure :
Tout animal qui a une urine claire et acide est un carnivore.
Mineure :
Tout animal à jeun possède une urine claire et acide.
Conclusion :
Tout animal à jeun est en quelque sorte un carnivore.
On
voir bien ici que le moyen terme, avoir une urine claire et acide, n’est pas la
cause d’être carnivore, mais c’est plutôt l’inverse qui est vrai : c’est
parce qu’un animal est carnivore qu’il a une urine acide.
Le
fait d’avoir une urine acide est un effet immédiat et convertible de la nature
carnivore. C’est pourquoi on peut à partir de là construire la démonstration
¨propter quid¨, par la cause.
Majeure : Tout carnivore possède une urine claire et
acide.
Mineure : Tout animal à jeun est un carnivore.
Conclusion :
Tout animal à jeun possède une urine claire et acide.
Examinons
encore un autre exemple tiré cette fois des Souvenirs
entomologiques4 de
Jean-Henri Fabre. Dans son chapitre sur les Scolies, Fabre examine une
minuscule larve de Scolie en train de dévorer une immense larve de Cétoine que
sa mère a préalablement paralysée au moyen d’une seule piqûre. Ce qui frappe le
plus l’entomologiste, c’est que pendant tout le temps durant lequel dure la
consommation, à savoir près d’une quinzaine de jours, la larve de Cétoine, bien
que diminuant de volume et se flétrissant à l’extrême, demeure fraîche jusqu’au
dernier jour de la consommation. Manifestement, la larve de Scolie possède à la
naissance un art de manger qui lui évite de tuer sa proie en la mangeant et de
se nourrir par conséquent de la consommation d’une chair corrompue, ce qui se
produirait inévitablement si la petite larve mordait au hasard son immense
proie. Si de plus on considère que cet art de manger une proie déterminée ne se
manifeste plus chez les larves dont les proies sont petites et qui peuvent être
complètement dévorées dans la journée même sans risque d’empoisonnement, on
doit voir un lien de nécessité entre cet art et le fait que la consommation
doit durer longtemps en raison du volume considérable de la proie. Il y a là un
rapport de cause à effet : l’immensité de la proie déterminée à dévorer
sur une longue période de temps est la cause de l’existence, chez ce minuscule
prédateur qu’est la larve de Scolie, de cet art déterminé de manger qui procède
des parties les moins nécessaires à la survie pour terminer, au dernier jour,
avec celles qui, une fois attaquées, entraînent la mort.
Le
biologiste part donc de l’effet pour en découvrir la cause; celle-ci une fois
découverte, étant première par nature, il sait que lorsqu’elle se manifestera,
elle entraînera nécessairement le même effet. Il y a comme deux
mouvements : l’un qui procède du plus connu de nous, l’effet, pour aller à
la cause, c’est la démonstration quia par l’effet.
Majeure :
Toute larve manifestant un art de manger doit conserver fraîche une grosse
proie.
Mineure :
Toute larve de Scolie manifeste un art de manger.
Conclusion :
Toute larve de Scolie doit conserver fraîche une grosse proie.
Ayant
vu que cette cause entraîne nécessairement cet effet et lui est antérieure, le
scientifique sait qu’à chaque fois qu’il verra une larve dont la proie est
grosse, il saura avec certitude, sans l’avoir vue s’exécuter, qu’elle possède
un art de manger; et il formera en lui ce raisonnement :
Majeure : Toute larve dont la proie est copieuse
possède un art déterminé de manger.
Mineure : Telle larve (x, y, z, peu importe) a une
grosse proie.
Conclusion :
Telle larve possède un art déterminé de manger.
Au
fond de tout cela, il y a une nécessité qui est comme naturelle : car les
principes ne sont pas seulement connus avant la conclusion, ils sont surtout
mieux connus qu’elle; et ceci est la cause de cela. Pour arriver à connaître
l’inconnu, nous cherchons naturellement à le ramener à ce que nous connaissons
déjà. Je peux m’avancer dans l’obscurité au moyen d’une lanterne parce que
cette lanterne rend clair ce qui était obscur. Ce n’est qu’au moyen de ce qui
est déjà lumineux que je peux mettre à jour ce qui était caché dans l’obscurité
des ténèbres. Les principes sont cette lumière qui rend claire ou évidente la
conclusion jusque-là cachée par la noirceur de l’ignorance. Et c’est ce mode
naturel de connaître qui est au fondement de tout ce livre des Seconds Analytiques, de ce traité sur la
démonstration. Le terme ¨démonstration¨ est bien choisi : il s’agit de
montrer ce qui était caché, non pas du doigt, mais à partir de ce qui est déjà
vu par l’intelligence, et de le montrer parce qu’on en connaît déjà la cause.
Et encore une fois, c’est là un processus naturel, un processus nécessaire.
La conclusion de la démonstration possède
donc une vérité nécessaire, mais une vérité médiate : cette vérité, la
conclusion ne la tient pas d’elle-même, elle la tient des principes et, dans
les principes, du moyen terme qui est le pivot du raisonnement. J’arrive à voir
que la chauve-souris a la capacité d’allaiter au moyen de ceci que je sais qu’elle
est un mammifère et que c’est le propre des mammifères de pouvoir allaiter. Faisons appel à des similitudes illustrant ces deux mouvements de
l'esprit impliqués dans la démonstration ¨quia¨ et la démonstration ¨propter
quid¨ dans les sciences de la nature: 1. du fait brut pris comme tel, isolément,
on remonte à la cause; 2. de la cause une fois connue on démontre le même fait
mais en tant qu'effet de cette cause, dans sa relation à sa cause, non plus
isolément mais comme faisant partie d'un tout, d'un ensemble qui s'applique
possiblement à d'autres cas particuliers que lui car la même cause est capable
de d'autres effets. Je vois tel beau fruit pour la première fois. Puis je le
vois rattaché à cet arbre dont on me dit qu'il est un grenadier. Je le
connaissais avant isolément comme fruit, je le connais maintenant en relation
avec sa cause, comme grenade. C’est la même chose, matériellement parlant, qui
est connue dans les deux mouvements, mais sous deux rapports différents:
séparément d'abord, par la perception sensible, puis sous une dimension, une
forme nouvelle en relation avec sa cause que j'ignorais; je vois ce jeune homme
seul, c'est là un fait pris isolément, puis avec un homme plus âgé dont
j'apprends qu'il est son père; je le vois maintenant comme fils, comme un effet
relié à son origine.
La démonstration
¨quia¨ est la démonstration par le fait. Saint-Thomas dit que c'est une chose
de savoir ¨quia est¨, qu'il en est ainsi, le fait, autre chose de savoir
¨propter quid quia est¨, pourquoi il en est ainsi. Le ¨quia¨ a ici le sens de
fait, pris matériellement, séparément, pour remonter à la cause. De là, partant
de la cause, on démontre que le même fait, qui était pris séparément, résulte
d'un tout.
Fabre, partant de
ce fait qu'est l'art de manger de la larve de Scolie (la
manger sans la tuer) remonte à la cause de cet art qui est la
nécessité de garder la proie fraîche sur une longue période en raison de
l'immensité de sa proie, dit ceci: ¨Tout
l’affirme: la Scolie et les autres déprédateurs dont les provisions consistent
en pièces copieuses sont doués d’un art particulier de manger, art d’exquise
délicatesse qui ménage, jusqu’à consommation finale, des traces de vie dans la
proie dévorée.¨5 . En disant cela, il vient de poser la majeure
de la démonstration ¨propter quid¨, par la cause, et il sait qu'elle s'applique
non seulement à la larve de Scolie, mais à toute autre larve dont la proie est
grosse. Ainsi, la larve de la Scolie n'est plus vue dans son individualité,
mais dans le tout dont elle fait partie, tout comme il est différent de voir
tel individu séparément, Thomas par exemple, et de le voir dans sa famille avec
sa mère Louise, son père Michel et ses autres frères, car on le voit alors dans
le tout dont il fait partie et qui fait lumière sur ce qu’il est maintenant.
Fabre voit dès le
départ que la larve de Scolie dévore sa proie sans la tuer et de ce fait il en
conclut que c’est parce que sa proie immense doit rester fraîche
longtemps : c’est le premier mouvement, le mouvement ¨quia¨ qui découvre
la cause; de là, voyant cette nécessité entre la cause et l’effet, il part de
la cause pour en conclure ce même fait, matériellement parlant, mais en tant
qu’effet de cette cause, ce qui était alors inconnu du monde scientifique. On
part du connu, le fait pour arriver à connaître ce qui était inconnu, la cause,
et conclure à partir de là le même fait, mais en tant qu’effet de cette cause.
C’est pourquoi, puisque le mouvement ne se fait pas du même au même, il n’y a
pas cercle vicieux, on ne tourne pas en rond pour revenir à ce que l’on savait
déjà.
C'est sans doute le
but de la science de ramener la multiplicité de faits à première vue
disparates à leur unité en montrant qu'ils sont des effets d'une même
cause. Avoir une connaissance de science d’une chose, c’est la connaître par sa
cause; or c’est là ce que fait la démonstration proprement dite, à savoir la démonstration
¨propter quid¨. Donc, ¨savoir¨ une chose, c’est en posséder la démonstration
par la cause. C’est cela qui modifie le regard qu’on porte sur les choses, les
événements : le profane peut bien soupçonner qu’il y a des relations entre
les choses et leurs propriétés, mais sans savoir lesquelles; le scientifique
les voit tous, dans une certaine mesure, comme les effets d’une chaîne de
causalités, comme issus d’un arbre généalogique, celui de l’Univers, lequel est
lui-même ultimement tiré de la Pensée d’un Patriarche premier, si je peux
m’exprimer ainsi, dont il n’est qu’une pâle image. Cela change aussi ma vision
du Monde : suis-je un étranger dans cet univers ou bien ce monde est-il
comme un immense domaine dont la famille humaine s’est vu confier la gestion?
Considérons
maintenant le point suivant : si les principes eux-mêmes peuvent être
démontrés, cette opération doit-elle finir par s’arrêter ou doit-on procéder
ainsi à l’infini? Aristote est clair à ce sujet : s’il fallait procéder
ainsi, jamais notre intelligence ne parviendrait à son but, jamais elle
n’arriverait à trouver un sol assez ferme pour édifier l’édifice de la science.
À ce titre, tout principe ne serait immédiat que relativement à la conclusion,
aucun ne serait immédiat en lui-même, aucun n’aurait la puissance d’engendrer
une conclusion nécessaire. De fait, certains principes peuvent en eux-mêmes
être médiats, c’est-à-dire qu’ils peuvent être l’objet d’une démonstration dans
laquelle ils tiendront lieu de conclusion. Il arrive qu’on doive, dans un autre
raisonnement, démontrer un principe et il peut arriver à une conclusion de
servir de principe dans un autre raisonnement. De fait, les principes de
certaines disciplines sont démontrés par une autre discipline à laquelle elles
sont subordonnées.
Mais qu’est-ce qui pourrait justifier qu’un
principe soit immédiat en lui-même? Il faut revenir à la nature même d’un
principe : un principe, c’est ce qu’on pose en premier dans le
raisonnement pour cette raison qu’il est ce qu’il y a de plus connu. S’il
existe des principes qui sont immédiats en eux-mêmes, qui n’ont absolument pas
besoin d’être démontrés, ce ne peut être que parce qu’ils sont déjà
parfaitement lumineux, non seulement en eux-mêmes, absolument, mais aussi aux
yeux de tous, au point où nul ne peut les nier intérieurement. Non seulement
ils n’ont pas besoin d’être éclairés par une autre lumière, mais ce sont eux
qui éclairent tous les autres principes d’où sont tirées toutes les
conclusions. Ce sont eux qui donnent aux autres principes leur pouvoir
d’éclairer. Ils sont les tout premiers principes, les toutes premières
lumières. Ils ne sont pas pris séparément et distinctement dans la
démonstration, mais simultanément avec les principes propres au genre de la
discipline concernée. Et parmi eux, le tout premier d’entre tous est
celui-ci : il n’est pas possible à
la même chose d’être et de ne pas être simultanément sous le même rapport.
Car, dit Saint-Thomas, parmi les notions à entrer dans l’intelligence, l’être
est la toute première. Et ce tout premier principe est comme la vérité première
qui donne à toute autre vérité d’être connue, elle est
comme la cause première de toute autre connaissance et sans laquelle toutes les
autres perdent leur consistance.
Telle est l’assise sur laquelle repose toute
l’architecture du traité de la démonstration. Elle-même n’en fait pas partie
mais c’est au métaphysicien qu’il appartient de la défendre contre ceux qui
cherchent à la nier en montrant comment ces derniers, ce faisant, sont conduits
à se contredire et à tomber dans des impossibilités. Aristote se limite, à la
toute fin du traité des Seconds
Analytiques, à dire comment ces tout premiers principes de la démonstration
arrivent à être connus de nous.
Lorsqu’on voit ainsi le rapport entre le tout
premier principe de la démonstration et
la totalité de la connaissance rationnelle, il est difficile de ne pas penser
aussitôt à la relation qu’il y a entre le tout premier Principe de l’être et la
totalité des êtres qui en dérivent. Dans les deux cas en effet, dans le domaine
de l’être comme dans celui de la connaissance, nous sommes en présence d’une
cause première d’où procèdent des causes secondes et des effets. Saint-Thomas
lui-même fait ce rapprochement dans son commentaire du traité de la Métaphysique d’Aristote (L. X1, l. V,
n. 2211.) : ¨Necesse est enim quod
sicut omnia entia reducuntur ad aliquod primum, ita oporter quod principia
demonstrationis reducantur ad aliquod principium, quod principalius cadit in
consideratione hujus philosophiae. Hoc autem est, quod non contingit idem simul
esse et non esse.¨6 Et il est naturel qu’il y ait cette
correspondance puisque la connaissance porte sur l’être. Ce qui n’existe pas en
effet ne peut être connu et on ne peut connaître que ce qui existe sous une forme
ou sous une autre. L’être est antérieur à la connaissance et c’est pourquoi cet
ordre que nous soulignons dans la connaissance se trouve à imiter l’ordre qu’il
y a dans la nature de l’être. Et comme il nous est naturel, suivant notre
nature, de partir des effets pour connaître les causes, voyant qu’il faut qu’il
y ait un tout premier principe de la connaissance rationnelle, il est naturel
de conclure qu’il faut qu’il y ait aussi un tout premier Principe de l’être,
lequel, contrairement au premier, est parfaitement subsistant par lui-même. Le
tout premier principe de la démonstration n’existe en effet que dans notre
intelligence et dans l’intelligence divine, et non par lui-même à la manière
des Idées de Platon, et il est comme une image du Principe de l’être, au sens
où toute autre connaissance rationnelle dépend de lui sans qu’il ne dépende
d’aucune autre. La science recherche l’unité du savoir en ramenant la
multiplicité des conclusions à l’unité d’un seul et même principe : cela
n’est possible que parce que la multiplicité, la diversité et la complexité des
êtres qui se trouvent à exister dans un même tout harmonieux, l’univers, tient
son existence et son origine de l’unité et de la simplicité de l’Être. Et ce
tout de l’univers, par sa bonté, nous dit la Bienveillance de l’Être tout comme
par sa beauté et son harmonie il nous dit sa Joie, Bienveillance et Joie qu’Il
cherche à étendre en abondance à toutes les créatures et à chacune dans les
limites de sa nature.
Contempler
l’univers, c’est contempler une procession dont la beauté nous parle de la
Beauté de cette Cause première d’où il procède et dont il est le fidèle
messager puisqu’il se trouve à exprimer sans cesse sa Pensée comme le disait
déjà en ses mots Aristote au quatrième siècle avant Jésus-Christ : ¨L’Intelligence suprême se pense donc
elle-même, puisqu’elle est ce qu’il y a de plus excellent, et sa Pensée est
pensée de pensée¨.7
C’est
cette Pensée qu’Aristote qualifie aussi de Bien par la suite, car c’est de
cette Pensée que procède le bien qu’on observe dans l’ordre de l’Univers et
c’est à Elle qu’il est ordonné : ¨Il
nous faut examiner aussi de laquelle des deux manières que voici la nature du
Tout possède le Bien et le Souverain Bien : est-ce comme quelque chose de
séparé, existant en soi et par soi? Est-ce comme l’ordre même du Tout? Ne
serait-ce pas plutôt des deux manières à la fois, comme dans une armée? En
effet, le bien de l’armée est dans son ordre, et le général qui la commande est
aussi son bien, et même à un plus haut degré, car ce n’est pas le général qui
existe en vue de l’ordre, mais c’est l’ordre qui existe grâce au général.
Toutes choses sont ordonnées ensemble…¨.8
Je
termine cette préface par une dernière remarque relative aux deux dernières
citations, celles d’Aristote tirées de sa Métaphysique.
Ce dernier nous dit d’abord que l’Intelligence est ce qu’il y a de plus excellent puis il ajoute, en la comparant au
général, qu’elle est aussi le Bien de
l’Univers mais à un plus haut degré.
Ces mots veulent signifier que l’intelligence n’est pas une cause univoque de
l’univers comme un chien engendre un chien, lesquels sont
égaux en nature. L’Intelligence est plutôt cause à la manière dont l’homme est
cause des choses artificielles, c’est-à-dire comme une cause qui dépasse de
loin les effets qu’elle produit. La cause univoque est limitée à produire
toujours un même effet : le chien ne peut engendrer qu’un chien; l’homme,
ayant produit ceci, aurait pu et peut encore produire une infinité d’autres
choses, et il est d’une nature qui dépasse de loin celle des choses qu’il
produit : lui, vivant, produit des choses inanimées. C’est là ce qu’on
appelle une cause analogue; Dieu, qui est la Vie, crée des êtres qui ont la vie.
C’est
pourquoi Denys, dans son traité des Noms
Divins9, dit que tous les êtres procèdent du premier Être qui est Dieu, lequel contient à l’avance en lui les principes et les fins de tous les
êtres de la manière la plus excellente et la plus incompréhensible. Cette
excellence de la Cause première, comparée aux êtres de l’univers, qui est telle
qu’elle est incompréhensible et d’une lumière telle qu’elle ne peut être
définie contrairement à l’excellence de l’homme comparée aux choses
artificielles, nous justifie à plus forte raison de la qualifier d’analogue. En
effet, Elle est l’Être, alors que tout le reste n’est que de l’être par
participation, de l’être limité à un genre donné, de l’être qui tient son être
de cet Être, c’est-à-dire de l’être qui existe par et pour cet Être, un peu
comme le mur éclairé ou la Lune tient sa lumière de la lumière du Soleil.
Références.
1. Thomas d’Aquin, Com. Seconds Analytiques,
Marietti, 1964, L. 1, l. V, n. 45.
2.
Thomas d’Aquin, Com. aux Seconds Anal.,
Marietti, 1964, L. 1, l. XX111, n. 199.
3.
Claude Bernard, Introduction à l’étude de
la médecine expérimentale, Garnier Flammarion, Paris, 1966, troisième
partie, ch. 1, pp. 216-217.
4.
Jean-Henri Fabre, Souvenirs
entomologiques (Études sur l’instinct et les mœurs des insectes),
Delagrave, Paris, 1930, Tome 3, ch. 2, p. 26.
5.
Idem.
6.
Thomas d’Aquin, Com. à la Métaphysique d’Aristote, Marietti, 1964,
L. X1, l. V, n. 2211.
7.
Aristote, la Métaphysique, trad.
Tricot, Paris, Librairie philosophique, J. Vrin, 1964 T. 11, L. X11, ch. 9, p.
701.
8. Idem, T. 11, L. X11, ch. 10, p. 706.
9.
Commentaire de Saint-Thomas d’Aquin aux Noms
Divins de Denys, Marietti, Turin, 1950, ch. V, l. 11, nn. 660-661.
*Note : les
traductions françaises, tout comme les passages en italique, sont de moi.
Serge
Pronovost, Neuville, ce 31 Janvier 2019.
Traduction
française de Serge Pronovost.
Textum Leoninum Romae 1882 editum |
Traduction par Serge Pronovost, 2017 Projet Docteur Angélique |
LIBER 1 |
LIVRE 1 : LA SCIENCE
|
|
PROÈME DE SAINT-THOMAS
D’AQUIN
|
[79466]
Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 1 n. 1 Sicut dicit Aristoteles in
principio metaphysicae, hominum genus arte et rationibus vivit : in quo
videtur philosophus tangere quoddam hominis proprium quo a caeteris
animalibus differt. Alia enim animalia quodam naturali instinctu ad suos
actus aguntur ; homo autem rationis iudicio in suis actionibus dirigitur. Et
inde est quod ad actus humanos faciliter et ordinate perficiendos diversae
artes deserviunt. Nihil enim aliud ars esse videtur, quam certa ordinatio
rationis quomodo per determinata media ad debitum finem actus humani
perveniant. Ratio autem non solum dirigere potest inferiorum
partium actus, sed etiam actus sui directiva est. Hoc enim est proprium
intellectivae partis, ut in seipsam reflectatur : nam intellectus intelligit
seipsum et similiter ratio de suo actu ratiocinari potest. Si igitur ex hoc,
quod ratio de actu manus ratiocinatur, adinventa est ars aedificatoria vel
fabrilis, per quas homo faciliter et ordinate huiusmodi actus exercere potest
; eadem ratione ars quaedam necessaria est, quae sit directiva ipsius actus
rationis, per quam scilicet homo in ipso actu rationis ordinate, faciliter et
sine errore procedat. [79467] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 1 n. 2 Et haec ars
est logica, idest rationalis scientia. Quae non solum rationalis est ex hoc,
quod est secundum rationem (quod est omnibus artibus commune) ; sed etiam ex
hoc, quod est circa ipsum actum rationis sicut circa propriam materiam. [79468] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 1 n. 3 Et ideo
videtur esse ars artium, quia in actu rationis nos dirigit, a quo omnes artes
procedunt. Oportet igitur logicae partes accipere secundum diversitatem
actuum rationis. [79469] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 1 n. 4 Sunt autem
rationis tres actus : quorum primi duo sunt rationis, secundum quod est
intellectus quidam. Una enim actio intellectus est intelligentia indivisibilium
sive incomplexorum, secundum quam concipit quid est res. Et haec operatio a
quibusdam dicitur informatio intellectus sive imaginatio per intellectum. Et
ad hanc operationem rationis ordinatur doctrina, quam tradit Aristoteles in
libro praedicamentorum. Secunda vero operatio intellectus est compositio vel
divisio intellectus, in qua est iam verum vel falsum. Et huic rationis actui
deservit doctrina, quam tradit Aristoteles in libro perihermeneias. Tertius
vero actus rationis est secundum id quod est proprium rationis, scilicet
discurrere ab uno in aliud, ut per id quod est notum deveniat in cognitionem
ignoti. Et huic actui deserviunt reliqui libri logicae. [79470] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 1 n. 5 Attendendum
est autem quod actus rationis similes sunt, quantum ad aliquid, actibus
naturae. Unde et ars imitatur naturam in quantum potest. In actibus autem
naturae invenitur triplex diversitas. In quibusdam enim natura ex necessitate
agit, ita quod non potest deficere. In quibusdam vero natura ut frequentius
operatur, licet quandoque possit deficere a proprio actu. Unde in his necesse
est esse duplicem actum ; unum, qui sit ut in pluribus, sicut cum ex semine
generatur animal perfectum ; alium vero quando natura deficit ab eo quod est
sibi conveniens, sicut cum ex semine generatur aliquod monstrum propter
corruptionem alicuius principii. Et haec etiam tria inveniuntur in actibus
rationis. Est enim aliquis rationis processus necessitatem inducens, in quo
non est possibile esse veritatis defectum ; et per huiusmodi rationis
processum scientiae certitudo acquiritur. Est autem alius rationis processus,
in quo ut in pluribus verum concluditur, non tamen necessitatem habens.
Tertius vero rationis processus est, in quo ratio a vero deficit propter
alicuius principii defectum ; quod in ratiocinando erat observandum. [79471] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 1 n. 6 Pars autem
logicae, quae primo deservit processui, pars iudicativa dicitur, eo quod
iudicium est cum certitudine scientiae. Et quia iudicium certum de effectibus
haberi non potest nisi resolvendo in prima principia, ideo pars haec
analytica vocatur, idest resolutoria. Certitudo autem iudicii, quae per
resolutionem habetur, est, vel ex ipsa forma syllogismi tantum, et ad hoc
ordinatur liber priorum analyticorum, qui est de syllogismo simpliciter ; vel
etiam cum hoc ex materia, quia sumuntur propositiones per se et necessariae,
et ad hoc ordinatur liber posteriorum analyticorum, qui est de syllogismo
demonstrativo. Secundo autem rationis processui deservit alia pars logicae,
quae dicitur inventiva. Nam inventio non semper est cum certitudine. Unde de
his, quae inventa sunt, iudicium requiritur, ad hoc quod certitudo habeatur.
Sicut autem in rebus naturalibus, in his quae ut in pluribus agunt, gradus quidam
attenditur (quia quanto virtus naturae est fortior, tanto rarius deficit a
suo effectu), ita et in processu rationis, qui non est cum omnimoda
certitudine, gradus aliquis invenitur, secundum quod magis et minus ad
perfectam certitudinem acceditur. Per huiusmodi enim processum, quandoque
quidem, etsi non fiat scientia, fit tamen fides vel opinio propter
probabilitatem propositionum, ex quibus proceditur : quia ratio totaliter
declinat in unam partem contradictionis, licet cum formidine alterius, et ad
hoc ordinatur topica sive dialectica. Nam syllogismus dialecticus ex
probabilibus est, de quo agit Aristoteles in libro topicorum. Quandoque vero,
non fit complete fides vel opinio, sed suspicio quaedam, quia non totaliter
declinatur ad unam partem contradictionis, licet magis inclinetur in hanc
quam in illam. Et ad hoc ordinatur rhetorica. Quandoque vero sola existimatio
declinat in aliquam partem contradictionis propter aliquam repraesentationem,
ad modum quo fit homini abominatio alicuius cibi, si repraesentetur ei sub
similitudine alicuius abominabilis. Et ad hoc
ordinatur poetica ; nam poetae est inducere ad
aliquod virtuosum per aliquam decentem repraesentationem. Omnia autem haec ad
rationalem philosophiam pertinent : inducere enim ex
uno in aliud rationis est. Tertio autem processui rationis deservit pars
logicae, quae dicitur sophistica, de qua agit Aristoteles in libro
elenchorum. |
1. Ainsi que le
dit Aristote au début de sa Métaphysique,
le genre humain vit d’art et de raison. Et en cela, le Philosophe semble
toucher une propriété de l’homme par laquelle il diffère des autres animaux.
C’est par un instinct naturel en effet que les autres animaux sont poussés à
agir; mais c’est par un jugement de la raison que l’homme dirige ses actions.
Et c’est pour cette raison que de nombreux arts sont ordonnés à parfaire les
actes humains pour qu’ils s’accomplissent avec ordre et facilité. Un art ne
semble être rien d’autre en effet qu’une certaine ordonnance de la raison par
laquelle les actes humains parviennent à la fin attendue grâce à des moyens
déterminés. Mais la raison a la capacité de diriger
non seulement les actes des facultés inférieures, mais elle dirige encore
ceux qui lui sont propres. C’est en effet une propriété de la faculté
intellectuelle de faire un retour sur elle-même : car l’intelligence se
saisit elle-même et elle peut également raisonner sur l’acte qui lui est
propre. Si donc, grâce à une réflexion de la raison sur l’acte de la main,
l’art du constructeur et celui du forgeron furent inventés grâce auxquels l’homme
peut exercer de tels actes avec aisance et ordre, pour la même raison il est
nécessaire qu’il existe un art pour diriger les actes mêmes de la raison et
grâce auquel l’homme procède avec facilité, ordre et sans erreur dans ces
opérations de la raison. 2. Et cet art
est la Logique, c’est-à-dire la
science rationnelle. Et cette science est rationnelle non seulement du fait
qu’elle est conforme à la raison (ce qui est commun à tous les arts), mais
aussi du fait qu’elle porte sur l’acte même de la raison comme sur la matière
qui lui est propre. 3. Et c’est
pourquoi cet art se présente comme l’art des arts, car il nous dirige dans
l’acte de la raison d’où tous les arts procèdent. Il faut donc que les
parties de la Logique se prennent d’après la diversité des actes de la
raison. 4. Mais il y a
trois actes qui relèvent de la raison, dont les deux premiers lui sont
attribués selon qu’elle est une certaine intelligence. Une
première opération de la raison en
effet est l’intelligence des indivisibles ou des conceptions incomplexes,
selon laquelle elle conçoit ce qu’est la chose, et cette opération est nommée
par certains information de l’intellect ou représentation par l’intellect. Et
c’est à la présentation de cette opération de la raison qu’est ordonnée la doctrine
qu’enseigne Aristote dans le livre des
Prédicaments. – Mais la deuxième
opération de l’intelligence est la composition ou la division de
l’intelligence dans laquelle on retrouve déjà le vrai ou le faux. Et c’est à
l’exposé de cet acte de la raison qu’est consacrée la doctrine qu’enseigne
Aristote dans le livre intitulé Peri
Hermeneias, c’est-à-dire de
l’Interprétation. – Par ailleurs le
troisième acte de la raison correspond à ce qui est propre à la raison en
tant que telle, c’est-à-dire discourir d’un point à un autre de manière à
parvenir à la connaissance de l’inconnu au moyen de ce qui est déjà connu. Et
c’est à l’exposé de cet acte que sont consacrés les autres livres de la
Logique. 5. Mais il faut
remarquer que les actes de la raison sont comparables, sous un certain
rapport, aux actes de la nature. Et c’est pourquoi l’art imite la nature dans
la mesure du possible. Mais dans les actes de la nature on retrouve une
triple diversité. Dans certains de ses actes en effet la nature agit avec
nécessité de telle manière qu’elle ne peut défaillir. Dans d’autres actes
cependant elle arrive à poser son opération dans la plupart des cas bien que
parfois elle puisse s’écarter de l’acte qui lui est propre. C’est pourquoi
dans ces derniers cas il est nécessaire de retrouver deux sortes
d’actes : le premier est celui qui se présente le plus souvent, comme
lorsqu’à partir d’une semence un animal parfait est engendré; l’autre est
celui qui se présente quand la nature faillit par rapport à l’effet attendu
qui lui convient, comme lorsqu’à partir d’une semence un monstre est engendré
en raison de la corruption de quelque principe. Et ces trois possibilités se retrouvent
encore dans les actes de la raison. Il y a en effet un processus de la raison
qui conduit à une conclusion nécessaire et dans lequel il n’est pas possible
de manquer la vérité. Et c’est par un tel processus de la raison qu’est
acquise la certitude de la science. Mais il y a un autre processus de la
raison dans lequel on conclut le vrai dans la plupart des cas, sans toutefois
y parvenir avec nécessité. Le troisième processus de la raison enfin est
celui dans lequel la raison s’écarte de la vérité en raison du défaut d’un
principe qui devait être considéré dans le raisonnement. 6. Mais la
partie de la Logique qui se consacre au premier
processus de la raison s’appelle partie Judicative,
du fait que le jugement s’accompagne de la certitude de la science. Et parce
qu’un jugement certain sur les effets ne peut être obtenu que par une
résolution dans les premiers principes, c’est pourquoi cette partie est aussi
appelée Analytique, c’est-à-dire
résolutoire. Mais la certitude du jugement qui s’obtient par la résolution,
provient soit seulement de la forme
même du syllogisme et c’est à cela qu’est ordonné le livre des Premiers Analytiques, qui porte sur le
syllogisme pris séparément; ou bien encore la certitude du jugement provient
aussi, en plus de la forme du syllogisme, de la matière, parce qu’alors le jugement se tire de propositions
essentielles et nécessaires et c’est à l’exposé de cette doctrine qu’est
ordonné le livre des Seconds
Analytiques, qui traite du syllogisme démonstratif. Mais c’est une autre partie de la Logique,
qu’on appelle Inventive1, qui se consacre au deuxième processus de la raison. Car une
découverte ne s’accompagne pas toujours de certitude. C’est pourquoi il est
nécessaire de porter un jugement sur ce qui a été découvert afin d’acquérir
la certitude. Mais tout comme dans les choses naturelles, parmi celles qui se
produisent le plus souvent, on observe certes une gradation (car la puissance
de la nature s’écarte d’autant plus rarement de son effet qu’elle est plus
forte), de même dans le processus de la raison qui ne s’accompagne pas d’une
certitude absolue on retrouve une certaine gradation selon que la raison
s’approche plus ou moins d’une certitude parfaite. 1 Inventive
doit se prendre en latin dans le sens large de découverte et non pas dans le
sens d’invention ou de création comme on l’entend généralement en français. Par un tel processus en effet, bien qu’on
ne parvienne pas à la science, parfois
certes est cependant produite la foi ou l’opinion en raison de la probabilité
des propositions d’où l’on procède, car alors la raison penche entièrement
d’un côté de la contradiction, bien que ce soit en craignant que la vérité se
tienne de l’autre côté, et c’est à cet acte de la raison qu’est consacré le
livre des Topiques ou la Dialectique. Car le syllogisme
dialectique se tire de probabilités et c’est de ce syllogisme dont traite
Aristote dans le livre des Topiques. Mais parfois
ce n’est pas tout à fait la foi ou l’opinion qui est engendrée, mais le soupçon car la raison ne penche pas
entièrement d’un côté de la contradiction, bien qu’elle incline davantage
d’un côté que de l’autre. Et c’est à l’exposé de cet acte que se consacre le
livre intitulé La Rhétorique. Parfois
encore le seul sentiment se porte d’un côté de la contradiction en raison
d’une image, à la manière par laquelle un aliment se présente à l’homme comme
dégoûtant s’il lui est représenté comme étant semblable à quelque chose de
dégoûtant. Et c’est à cet acte qu’est ordonné le traité de la Poétique; car il appartient au
poète de conduire à la vertu au moyen d’une représentation qui convient. Mais tous ces actes se rapportent à la Philosophie Rationnelle : il
appartient en effet à la raison d’aller d’un point à un autre. Mais la partie de la Logique qui se
consacre au troisième processus de
la raison s’appelle la Sophistique
et c’est là ce dont traite Aristote dans le livre intitulé Les Réfutations Sophistiques. |
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LECTIO 1 |
LEÇON 1. De la nécessité
d’une connaissance préexistante pour toute doctrine et toute discipline
intellectuelle.
(nn.
7-12; [1-4]). |
[79472]
Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 1 n. 7Aliis igitur partibus logicae praetermissis,
ad praesens intendendum est circa partem iudicativam, prout traditur in libro
posteriorum analyticorum. Qui dividitur in partes duas : in prima,
ostendit necessitatem demonstrativi syllogismi, de quo est iste liber ; in
secunda, de ipso syllogismo demonstrativo determinat ; ibi : scire autem
opinamur et cetera. [79473] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 1 n. 8Necessitas autem cuiuslibet rei ordinatae
ad finem ex suo fine sumitur ; finis autem demonstrativi syllogismi est
acquisitio scientiae ; unde, si scientia acquiri non posset per syllogismum
vel argumentum, nulla esset necessitas demonstrativi syllogismi. Posuit autem
Plato quod scientia in nobis non causatur ex syllogismo, sed ex impressione
formarum idealium in animas nostras, ex quibus etiam effluere dicebat formas
naturales in rebus naturalibus, quas ponebat esse participationes quasdam
formarum a materia separatarum. Ex quo sequebatur quod agentia naturalia
non causabant formas in rebus inferioribus, sed solum materiam praeparabant
ad participandum formas separatas. Et similiter ponebat quod per studium et
exercitium non causatur in nobis scientia ; sed
tantum removentur impedimenta, et reducitur homo quasi in memoriam eorum,
quae naturaliter scit ex impressione formarum separatarum. Sententia autem
Aristotelis est contraria quantum ad utrumque. Ponit enim quod formae
naturales reducuntur in actum a formis quae sunt in materia, scilicet a
formis naturalium agentium. Et similiter ponit quod scientia fit in nobis
actu per aliquam scientiam in nobis praeexistentem. Et hoc est fieri in nobis
scientiam per syllogismum aut argumentum quodcumque. Nam ex uno in aliud
argumentando procedimus. [79474] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 1 n. 9Ad ostendendum igitur necessitatem
demonstrativi syllogismi, praemittit Aristoteles quod cognitio in nobis
acquiritur ex aliqua cognitione praeexistenti. Duo igitur
facit : primo, ostendit propositum ; secundo, docet modum praecognitionis ;
ibi : dupliciter autem et cetera. Circa primum duo facit. Primo, inducit
universalem propositionem propositum continentem, scilicet quod acceptio
cognitionis in nobis fit ex aliqua praeexistenti cognitione. Et ideo dicit : omnis
doctrina et omnis disciplina, non autem omnis cognitio, quia non omnis
cognitio ex priori cognitione dependet : esset enim in infinitum abire. Omnis
autem disciplinae acceptio ex praeexistenti cognitione fit. Nomen autem
doctrinae et disciplinae ad cognitionis acquisitionem pertinet. Nam doctrina
est actio eius, qui aliquid cognoscere facit ; disciplina autem est receptio
cognitionis ab alio. Non autem accipitur hic doctrina et disciplina secundum
quod se habent ad acquisitionem scientiae tantum, sed ad acquisitionem
cognitionis cuiuscumque. Quod patet, quia manifestat hanc propositionem etiam
in disputativis et rhetoricis disputationibus, per quas non acquiritur
scientia. Propter quod etiam non dicit ex praeexistenti scientia vel
intellectu, sed universaliter cognitione. Addit
autem intellectiva ad excludendum acceptionem cognitionis
sensitivae vel imaginativae. Nam procedere ex uno in aliud rationis est
solum. [79475] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 1 n. 10Secundo, cum dicit :
mathematicae enim etc., manifestat propositionem praemissam per inductionem.
Et primo, in demonstrativis in quibus acquiritur scientia. In his autem
principaliores sunt mathematicae scientiae, propter certissimum modum
demonstrationis. Consequenter autem sunt et omnes aliae artes, quia in
omnibus est aliquis modus demonstrationis, alias non essent scientiae. [79476] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 1 n. 11Secundo, cum dicit :
similiter autem etc., manifestat idem in orationibus disputativis sive
dialecticis, quae utuntur syllogismo et inductione : in quorum utroque
proceditur ex aliquo praecognito. Nam in syllogismo accipitur cognitio alicuius
universalis conclusi ab aliis universalibus notis. In inductione autem
concluditur universale ex singularibus, quae sunt manifesta quantum ad
sensum. [79477] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 1 n. 12Tertio, cum dicit :
similiter autem rhetoricae etc., manifestat idem in rhetoricis, in quibus
persuasio fit per enthymema aut per exemplum ; non autem per syllogismum vel
inductionem completam, propter incertitudinem materiae circa quam versatur,
scilicet circa actus singulares hominum, in quibus universales propositiones
non possunt assumi vere. Et ideo utitur loco syllogismi, in quo necesse est
esse aliquam universalem, aliquo enthymemate ; et similiter loco inductionis,
in qua concluditur universale, aliquo exemplo, in quo proceditur a singulari,
non ad universale, sed ad singulare. Unde patet quod, sicut enthymema est quidam
syllogismus detruncatus, ita exemplum est quaedam inductio imperfecta. Si
ergo in syllogismo et inductione proceditur ex aliquo praecognito, oportet
idem intelligi in enthymemate et exemplo. |
7. Ayant donc
mis de côté les autres parties de la logique, il nous faut à présent porter
notre attention sur la partie judicative
telle qu’elle nous est enseignée dans le livre des Seconds Analytiques. Et ce livre se divise en deux
parties : dans la première, le Philosophe manifeste la nécessité du
syllogisme démonstratif sur lequel porte ce livre; dans la deuxième, il
traite du syllogisme démonstratif en lui-même, là [12] où il dit : Mais nous croyons savoir etc. 8. Mais la
nécessité de toute chose ordonnée à une fin se tire de sa fin; or la fin du
syllogisme démonstratif est
l’acquisition de la science; de là,
s’il n’est pas possible de parvenir à la science par voie de
syllogisme ou d’argumentation, l’étude du syllogisme démonstratif n’est
aucunement nécessaire. Platon a cependant posé que la science n’est
pas causée en nous à partir du syllogisme, mais à partir d’une impression des
formes idéales dans nos âmes; il disait encore que c’est à partir de ces
formes idéales que les formes naturelles passent dans les choses naturelles;
il ajoutait que les formes naturelles sont des participations des formes
séparées de la matière. Et il s’ensuivait de là que les agents naturels
n’étaient pas les causes des formes dans les choses inférieures, mais qu’ils
se limitaient à préparer la matière à une participation des formes séparées.
Et de la même manière il affirmait que la science n’est pas causée en nous
par l’étude et l’exercice mais que ces derniers ne font qu’enlever les
obstacles et que l’homme est ramené comme à la mémoire des choses qu’il sait
naturellement par l’impression des formes séparées. Mais la pensée d’Aristote s’oppose à ces
deux positions. Il affirme en effet que les formes naturelles sont conduites
à l’acte par les formes qui sont dans la matière, c’est-à-dire par les formes
des agents naturels. Et de la même manière il soutient que la science est
produite actuellement en nous au moyen d’une sorte de science qui préexiste
en nous. Et c’est de cette manière que la science se trouve à être produite
en nous au moyen du syllogisme ou de l’argumentation. Car c’est par
l’argumentation que nous procédons d’un point à un autre. 9. Donc, pour
montrer la nécessité du syllogisme démonstratif, Aristote établit d’abord que
la connaissance est acquise en nous à partir d’une connaissance préexistante. Il fait donc deux choses : en premier
lieu il manifeste son propos; en deuxième lieu il enseigne comment se
présente cette connaissance antérieure, là [5] où il dit : Mais c’est de deux manières etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il amène la proposition universelle contenant le
propos, c’est-à-dire que la réception de la connaissance en nous se produit à
partir d’une connaissance antérieure. Et c’est pourquoi il dit [1] : Toute doctrine et toute discipline
intellectuelle, et non pas toute
connaissance, car ce n’est pas toute connaissance qui dépend d’une
connaissance antérieure, car il faudrait alors procéder à l’infini. Mais
c’est plutôt la réception de toute discipline qui provient d’une connaissance
antérieure. Mais les noms de doctrine et de discipline
se rapportent à l’acquisition de la connaissance. Car la doctrine est
l’action de celui qui fait connaître quelque chose, alors que la discipline
est la réception de la connaissance dans un autre. Cependant les noms de doctrine
et de discipline ne se prennent pas ici seulement selon qu’ils se rapportent
à l’acquisition de la science, mais selon qu’ils se rapportent à
l’acquisition de toute connaissance. Ce qui devient évident du fait qu’il
manifeste cette proposition même dans les discussions dialectiques et
rhétoriques par lesquelles la science n’est pas acquise. Et c’est pour cette
raison encore qu’il ne dit pas que toutes les doctrines et toutes les
disciplines sont engendrées à partir d’une science antérieure ou encore d’un acte antérieur de l’intelligence, mais plus
universellement qu’elles le sont à partir d’une connaissance antérieure. Mais il ajoute intellectuelle pour exclure de là la réception de la connaissance
des sens ou de l’imagination. Car procéder d’un point à un
autre relève de la seule raison. 10. Ensuite
lorsqu’il dit [2] : Les
mathématiciens en effet etc., il manifeste la proposition précédente au
moyen d’une induction. Et en
premier lieu il la manifeste dans les disciplines démonstratives dans
lesquelles la science est acquise. Et parmi celles-ci les sciences
mathématiques détiennent la première place parce que leur mode de
démonstration est le plus certain. Mais par la suite, tous les autres arts
aussi sont démonstratifs car ils procèdent tous selon le mode de la
démonstration, autrement ils ne seraient pas des sciences. 11. En deuxième lieu, lorsqu’il dit
[3] : Mais de la même manière etc.,
il manifeste la même chose dans les discours disputatifs ou dialectiques qui
se servent du syllogisme et de l’induction : dans chacun d’eux on
procède d’une connaissance préexistante. Car dans le syllogisme c’est par la
connaissance d’autres énoncés universels déjà connus qu’on reçoit la
connaissance d’une conclusion universelle. Mais dans l’induction on conclut
l’universel à partir de singuliers qui sont manifestes aux sens. 12. En troisième lieu, lorsqu’il dit
[4] : Mais de la même manière les
orateurs etc., il manifeste la même chose dans les discours rhétoriques
dans lesquels la persuasion est produite au moyen d’enthymèmes et d’exemples
et non au moyen du syllogisme et de l’induction complète, en raison de
l’incertitude de la matière sur laquelle se porte la rhétorique, c’est-à-dire
sur les actes singuliers des hommes, dans lesquels on ne peut véritablement assumer des propositions
universelles. Et c’est pourquoi, au lieu du syllogisme dans lequel il est
nécessaire qu’il y ait un principe universel, on se sert d’un enthymème; et
de la même manière, au lieu de l’induction dans laquelle on conclut
l’universel, on se sert d’un exemple dans lequel on procède non pas du
singulier à l’universel, mais du singulier au singulier. De là il est clair
que, tout comme l’enthymème est comme un syllogisme tronqué, de même
l’exemple est une induction imparfaite. Si donc dans le syllogisme et
l’induction on procède d’une connaissance préexistante, il faut comprendre
qu’il en soit de même pour l’enthymème et l’induction. |
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LECTIO 2 |
LEÇON 2. Sur la sorte et
l’ordre de la connaissance antérieure nécessaire à l’acquisition de la
science.
(nn.
13-21; [5-6]). |
[79478] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 2 n. 1Postquam ostendit philosophus quod omnis
disciplina ex praeexistenti fit cognitione nunc ostendit quis sit modus
praecognitionis. Et circa hoc duo facit : primo, determinat modum
praecognitionis quantum ad illa quae oportet praecognoscere ut habeatur
cognitio conclusionis, cuius scientia quaeritur ; secundo, determinat modum
praecognitionis ipsius conclusionis, cuius scientia per demonstrationem
quaeritur ; ibi : antequam sit inducere et cetera. In praecognitione autem
duo includuntur, scilicet cognitio et cognitionis ordo. Primo ergo,
determinat modum praecognitionis quantum ad cognitionem ipsam ; secundo,
quantum ad cognitionis ordinem ; ibi : est autem cognoscere et cetera. [79479] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 2 n. 2Circa primum sciendum est quod id cuius
scientia per demonstrationem quaeritur est conclusio aliqua in qua propria
passio de subiecto aliquo praedicatur : quae quidem conclusio ex aliquibus
principiis infertur. Et quia cognitio simplicium praecedit cognitionem
compositorum, necesse est quod, antequam habeatur cognitio conclusionis,
cognoscatur aliquo modo subiectum et passio. Et similiter oportet quod
praecognoscatur principium, ex quo conclusio infertur, cum ex cognitione
principii conclusio innotescat. [79480] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 2 n. 3Horum autem trium, scilicet, principii,
subiecti et passionis est duplex modus praecognitionis, scilicet, quia
est et quid est. Ostensum est autem in VII metaphysicae quod
complexa non definiuntur. Hominis enim albi non
est aliqua definitio et multo minus enunciationis alicuius. Unde cum
principium sit enunciatio quaedam, non potest de ipso praecognosci quid
est, sed solum quia verum est. De passione autem
potest quidem sciri quid est, quia, ut in eodem libro ostenditur,
accidentia quodammodo definitionem habent. Passionis autem esse et
cuiuslibet accidentis est inesse subiecto : quod quidem demonstratione
concluditur. Non ergo de passione praecognoscitur quia est,
sed quid est solum. Subiectum autem et definitionem habet et
eius esse a passione non dependet ; sed suum esse proprium praeintelligitur
ipsi esse passionis in eo. Et ideo de subiecto oportet praecognoscere
et quid est et quia est : praesertim cum ex
definitione subiecti et passionis sumatur medium demonstrationis. [79481] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 2 n. 4Propter hoc ergo dicit philosophus
quod dupliciter necessarium est praecognoscere : quia duo sunt
quae praecognoscuntur de his, quorum praecognitionem habemus, scilicet quia
est et quid est. Et quod alia sunt de quibus necesse est
primo cognoscere quia sunt, sicut principia de quibus postea
exemplificat, ponens in exemplo primum omnium principiorum, scilicet quod de
unoquoque est affirmatio vel negatio vera. [79482] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 2 n. 5Alia vero sunt, de quibus oportet
praeintelligere quid est quod dicitur, idest quid significatur
per nomen, scilicet de passionibus. Et non dicit quid est simpliciter,
sed quid est quod dicitur, quia antequam sciatur de aliquo an
sit, non potest sciri proprie de eo quid est : non entium enim non sunt
definitiones. Unde quaestio, an est, praecedit quaestionem, quid est. Sed non
potest ostendi de aliquo an sit, nisi prius intelligatur quid significatur
per nomen. Propter quod etiam philosophus in IV metaphysicae, in disputatione
contra negantes principia docet incipere a
significatione nominum. Exemplificat autem de triangulo, de quo oportet
praescire quoniam nomen eius hoc significat, quod scilicet in sua definitione
continetur. Cum enim accidentia quodam ordine ad substantiam referantur, non
est inconveniens id quod est accidens in respectu ad aliquid, esse etiam
subiectum in respectu alterius. Sicut superficies est accidens substantiae
corporalis : quae tamen superficies est primum subiectum coloris. Id autem
quod est ita subiectum, quod nullius est accidens, substantia est. Unde in
illis scientiis, quarum subiectum est aliqua substantia, id quod est
subiectum nullo modo potest esse passio, sicut est in philosophia prima, et
in scientia naturali, quae est de subiecto mobili. In illis autem scientiis,
quae sunt de aliquibus accidentibus, nihil prohibet id, quod accipitur ut
subiectum respectu alicuius passionis, accipi etiam ut passionem respectu
anterioris subiecti. Hoc tamen non in infinitum procedit. Est enim devenire
ad aliquod primum in scientia illa, quod ita accipitur ut subiectum, quod
nullo modo ut passio ; sicut patet in mathematicis scientiis, quae sunt de quantitate
continua vel discreta. Supponuntur enim in his scientiis ea quae sunt prima
in genere quantitatis ; sicut unitas, et linea, et superficies et alia
huiusmodi. Quibus suppositis, per demonstrationem quaeruntur quaedam alia,
sicut triangulus aequilaterus, quadratum in geometricis et alia huiusmodi.
Quae quidem demonstrationes quasi operativae dicuntur, ut est illud, super
rectam lineam datam triangulum aequilaterum constituere. Quo adinvento,
rursus de eo aliquae passiones probantur, sicut quod
eius anguli sunt aequales aut aliquid huiusmodi. Patet igitur quod triangulus
in primo modo demonstrationis se habet ut passio, in secundo se
habet ut subiectum. Unde philosophus hic exemplificat de
triangulo ut est passio, non ut est subiectum, cum
dicit quod de triangulo oportet praescire quoniam hoc significat. [79483] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 2 n. 6Dicit etiam quod quaedam sunt de quibus
oportet praescire utrunque, scilicet quid est et quia
est. Et exemplificat de unitate quae
est principium in omni genere quantitatis. Etsi enim aliquo modo sit accidens
respectu substantiae, tamen in scientiis mathematicis, quae sunt de
quantitate, non potest accipi ut passio, sed ut subiectum tantum,
cum in hoc genere nihil habeat prius. [79484] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 2 n. 7Rationem autem huiusmodi diversitatis
ostendit, quia non est similis modus manifestationis praedictorum,
scilicet principii, passionis et subiecti. Non
enim est eadem ratio cognitionis in ipsis : nam principia cognoscuntur
per actum componentis et dividentis ; subiectum autem
et passio per actum apprehendentis quod quid est.
Quod quidem non similiter competit subiecto et passioni : cum subiectum
definiatur absolute, quia in definitione eius non ponitur aliquid, quod sit
extra essentiam ipsius ; passio autem definitur cum dependentia ad subiectum,
quod in eius definitione ponitur. Unde, ex quo non eodem modo cognoscuntur,
non est mirum si eorum diversa praecognitio sit. [79485] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 2 n. 8Deinde cum dicit : est autem cognoscere
etc., determinat modum praecognitionis ex parte ipsius ordinis, quem
praecognitio importat. Est enim aliquid prius altero et secundum tempus et
secundum naturam. Et hic duplex ordo in praecognitione considerandus est.
Aliquid enim praecognoscitur sicut prius notum tempore. Et de his dicit
quod alia contingit cognoscere aliquem cognoscentem ea prius tempore,
quam illa quibus praecognosci dicuntur. Quaedam vero cognoscuntur simul
tempore, sed prius natura. Et de his dicit quod quorundam praecognitorum simul tempore
est accipere notitiam, et illorum quibus praecognoscuntur. [79486] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 2 n. 9Quae autem sint ista manifestat subdens
quod huiusmodi sunt quaecumque continentur sub aliquibus universalibus, quorum
habent cognitionem, idest de quibus notum est ea sub talibus
universalibus contineri. Et hoc ulterius manifestat per exemplum. Cum enim ad
conclusionem inferendam duae propositiones requirantur, scilicet maior et
minor, scita propositione maiori, nondum habetur conclusionis cognitio. Maior
ergo propositio praecognoscitur conclusioni non solum natura, sed tempore.
Rursus autem si in minori propositione inducatur sive assumatur aliquid
contentum sub universali propositione, quae est maior, de quo manifestum non
sit quod sub hoc universali contineatur, nondum habetur conclusionis
cognitio, quia nondum erit certa veritas minoris propositionis. Si autem in
minori propositione assumatur terminus, de quo manifestum sit quod continetur
sub universali in maiori propositione, patet veritas minoris propositionis :
quia id quod accipitur sub universali habet eius cognitionem, et sic statim
habetur conclusionis cognitio. Ut si sic demonstraret aliquis, omnis
triangulus habet tres angulos aequales duobus rectis, ista cognita, nondum
habetur conclusionis cognitio : sed cum postea assumitur, haec figura
descripta in semicirculo, est triangulus, statim scitur quod habet tres
angulos aequales duobus rectis. Si autem non esset manifestum quod haec
figura in semicirculo descripta est triangulus, nondum statim inducta
assumptione sciretur conclusio ; sed oporteret ulterius aliud medium
quaerere, per quod demonstraretur hanc figuram esse triangulum. Exemplificans
ergo philosophus de his quae cognoscuntur ante conclusionem prius
tempore, dicit quod aliquis per demonstrationem conclusionis cognitionem
accipiens, hanc propositionem praescivit etiam secundum tempus, scilicet,
quod omnis triangulus habet tres angulos duobus rectis aequales. Sed inducens
hanc assumptionem, scilicet, quod hoc quod est in semicirculo sit triangulus,
simul, scilicet tempore, cognovit conclusionem, quia hoc inductum habet
notitiam universalis, sub quo continetur, ut non oporteat ulterius medium
quaerere. Et ideo subdit quod, quorundam est hoc modo disciplina,
idest eorum accipitur cognitio per se, et non oportet ea
cognoscere per aliquod aliud medium, quod sit ultimum in resolutione, qua
mediata ad immediata reducuntur. Vel potest legi sic :
quod ultimum, idest extremum, quod accipitur sub universali
medio, non oportet ut cognoscatur esse sub illo universali per aliquod aliud
medium. Et quae sint ista, quae semper habent cognitionem sui universalis,
manifestat subdens quod huiusmodi sunt singularia, quae non dicuntur de
aliquo subiecto : cum inter singularia et speciem nullum medium possit
inveniri. |
13. Après avoir
montré que toute discipline provient d’une connaissance antérieure ou
préexistante, le Philosophe montre ici les modalités sous lesquelles se
présente cette préconnaissance. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu [5] il traite des modalités de la connaissance antérieure
quant à ce qu’il faut connaître à l’avance pour arriver à posséder la
connaissance de la conclusion dont la science est recherchée [5]; en deuxième
lieu il traite des modalités de la connaissance antérieure de la conclusion
elle-même dont la science est recherchée par la démonstration, là [7] où il
dit : Avant de traiter etc. Mais deux choses sont comprises dans une
connaissance antérieure, à savoir la connaissance elle-même et l’ordre de la
connaissance. Donc en premier lieu il détermine les modalités de la
connaissance antérieure quant à la connaissance elle-même; en deuxième lieu,
il en traite quant à l’ordre de la connaissance, là [6] où il dit : Mais il faut connaître etc. 14. Au sujet du premier
point [5] il faut savoir que ce dont la science est recherchée par la
démonstration est une conclusion dans laquelle une passion propre est
attribuée à un sujet : et cette conclusion se tire certes de certains
principes. Et parce que la connaissance de ce qui est simple précède celle du
composé, il est nécessaire qu’avant d’acquérir la connaissance de la
conclusion, on connaisse déjà d’une certaine manière le sujet et la passion.
Et de même il faut que soit connu à l’avance le principe duquel la conclusion
se tire puisque c’est à partir de la connaissance du principe que la
conclusion se fait connaître. 15. Mais pour
ces trois éléments, à savoir le principe, le sujet et la passion, il y a deux
sortes de préconnaissances, c’est-à-dire qu’il faut connaître à l’avance
qu’ils sont et ce qu’ils sont. Mais on a montré au septième livre de la Métaphysique que les notions
complexes ne se définissent pas. En effet, il n’y a pas de définition de l’homme blanc, et cela se vérifie
encore davantage pour une énonciation. De là, puisqu’un principe est une
sorte d’énonciation, on ne peut connaître à l’avance à son sujet ce qu’il est mais seulement qu’il est vrai.2 Mais au sujet de la passion on peut certes connaître
à l’avance ce qu’elle est car, comme on l’a montré dans le même livre, les
accidents possèdent en quelque sorte une définition. Mais l’existence d’une
passion et de tout accident consiste à exister dans un sujet : et c’est
là certes ce qui est conclu par la démonstration. Donc, au sujet de la
passion on ne peut connaître à l’avance qu’elle
est bien dans le sujet mais seulement ce
qu’elle est. 2. L’expression
latine quia est renvoie
à l’idée d’existence : soit pour une chose prise en elle-même,
absolument : alors sa signification est : la chose existe-t-elle ou
non; soit pour un énoncé où un prédicat est attribué à un sujet : alors
le sens est le suivant : est-il vrai que ceci est cela, que ce prédicat existe dans ce sujet ou s’attribue à
lui, par exemple que l’homme est un animal ou que le soleil est sujet à
éclipses, exemples présentés par Saint-Thomas plus loin dans le traité au
livre 2, leçon 1, numéro 409. Mais le sujet possède une définition et
son existence ne dépend pas de la passion; au contraire, son existence propre
est saisie antérieurement à l’existence même de la passion qui est en lui. Et
c’est pourquoi, par rapport au sujet, il faut connaître à l’avance à la fois ce qu’il est et qu’il existe, surtout parce que c’est de la définition du sujet
et de la passion que se tire le moyen terme de la démonstration. 16. C’est donc
pour cette raison que le Philosophe dit qu’il est nécessaire d’avoir deux
sortes de préconnaissances car il y a deux aspects qui doivent être connus à
l’avance sur les choses dont nous avons une connaissance préalable, c’est-à-dire
que ces choses existent et ce qu’elles sont. Et comme il dit en outre qu’il y a
d’autres choses dont il faut connaître antérieurement qu’elles existent, comme les principes qu’il illustre par la
suite, il donne comme exemple le premier de tous les principes, à savoir que sur tout, l’affirmation ou la négation est
vraie. 17. Mais il y a
d’autres choses sur lesquelles il faut connaître préalablement ce qui est dit, c’est-à-dire ce qui
est signifié par le nom au sujet des passions.
Et il ne dit pas ce qu’est la
passion, purement et simplement, mais plutôt ce qui est dit par le terme qui la signifie, car avant de savoir
d’une chose qu’elle existe, on ne peut savoir à proprement parler à son sujet
ce qu’elle est : pour ce qui
n’existe pas en effet, il n’y a pas de définition. De là, la question de
savoir si cela existe précède la
question de savoir ce qu’elle est?
Mais on ne peut montrer d’une chose qu’elle existe si on ne saisit pas
d’abord ce qui est signifié par le nom. C’est pour cette raison encore que le
Philosophe au quatrième livre de la
Métaphysique enseigne qu’il faut commencer par la signification des noms
dans les débats contre ceux qui nient les principes. Et il l’illustre par
l’exemple du triangle au sujet duquel il faut connaître préalablement que son
nom signifie cela, c’est-à-dire ce qui est contenu dans sa définition.
Puisque les accidents en effet se rapportent à la substance suivant un
certain ordre, rien n’empêche que ce qui est accident par rapport à quelque
chose soit aussi sujet par rapport à autre chose. Par exemple la surface est
un accident de la substance corporelle tout en étant le premier sujet de la
couleur. Mais ce qui est sujet de telle manière qu’il n’est l’accident de
rien, cela même est une substance. C’est pourquoi, dans ces sciences dont le
sujet est une substance, ce qui est sujet ne peut en aucune manière être une
passion, comme c’est le cas en philosophie première dont le sujet est l’être en tant qu’être, et dans les
sciences naturelles dont le sujet
est l’être mobile. Mais pour ce qui est des autres sciences qui portent sur
des accidents, rien n’empêche que ce qui est pris comme sujet par rapport à
une passion se prenne aussi comme passion par rapport à un sujet qui le
précède. Il ne peut cependant pas en être ainsi à l’infini. Il faut en effet
dans cette science en arriver à quelque chose de premier qui se prenne comme
sujet de telle manière qu’il ne soit en aucune manière une passion, ainsi
qu’on le voit dans les sciences mathématiques qui se rapportent aux quantités
continues ou discrètes. On suppose en effet dans ces sciences ce qui est
premier dans le genre de la quantité, comme l’unité, la ligne, la surface et d’autres notions de cette sorte.
Ces notions supposées, on fait porter les recherches, par voie de démonstration,
sur d’autres choses comme le triangle équilatéral et le carré en géométrie,
et d’autres notions de cette sorte. C’est pourquoi certaines démonstrations
sont appelées opérationnelles, comme la suivante : sur une ligne droite donnée on construit un triangle équilatéral.
Cela une fois trouvé, de nouveau on cherche à prouver certaines passions à
son sujet, à savoir que ses angles sont
égaux ou quelque chose de la sorte. Il est donc clair que le triangle
selon le premier mode de démonstration se présente comme une passion qui tient lieu de prédicat et dans le second comme un sujet. C’est pourquoi le Philosophe
se trouve ici à illustrer le triangle en tant que passion et non en tant que sujet
lorsqu’il dit qu’en ce qui concerne le
triangle il faut connaître préalablement ce que son nom signifie. 18. Il dit encore qu’il y a certaines notions
au sujet desquelles il faut connaître préalablement les deux, à savoir ce qu’elles sont et qu’elles existent. Et il donne l’exemple de l’unité qui est un principe dans tout
genre de quantité. Bien qu’elle soit en effet en un certain sens un accident
par rapport à la substance, cependant dans les sciences mathématiques, qui
portent sur la quantité, elle ne peut se prendre comme propriété ou prédicat mais seulement comme sujet, puisque dans ce genre rien ne lui est antérieur. 19. Et il montre
la raison d’une telle différence parce que le mode de manifestation des
notions qui précèdent, à savoir du
principe, de la propriété et du sujet, n’est pas semblable. Pour ces
notions en effet la cause de la connaissance n’est pas la même : car les principes sont connus par l’acte
de celui qui compose et divise; mais la
passion et le sujet sont connus
par l’acte de celui qui appréhende le ce
que c’est. Mais cela ne se présente pas de la même manière dans le sujet
et dans la passion, puisque le sujet se définit absolument du fait que dans
sa définition on ne pose rien qui soit en dehors de son essence alors que la
passion au contraire se définit en relation avec le sujet qui est posé dans sa
définition. C’est pourquoi, du fait qu’ils ne sont pas connus de la même
manière, il n’est pas étonnant que la connaissance préalable qu’on peut en
avoir soit différente. 20. Ensuite
lorsqu’il dit [6] : Mais il faut
connaître etc., il traite de la sorte de connaissance préexistante qui se
tient du côté de l’ordre que la connaissance préexistante implique. Une
chose en effet peut être antérieure à une autre selon le temps et selon
la nature. Et il faut considérer ces deux ordres dans la préconnaissance,
c’est-à-dire dans la connaissance préexistante. Quelque chose en effet est
connu à l’avance en tant qu’il est connu antérieurement selon le temps. Et il
dit à leur sujet qu’il est possible à
celui qui connaît de connaître antérieurement selon le temps ces choses
qui sont autres que celles par rapport auxquelles on dit qu’elles sont
connues antérieurement. Certaines au contraire sont connues simultanément
dans le temps mais antérieurement selon la nature; et à leur sujet il dit que
c’est simultanément dans le temps
qu’on reçoit la connaissance de
certaines choses préconnues et la connaissance des choses qui sont connues
par elles. 21. Et il montre
quelles sont celles-là en ajoutant que sont de cette sorte toutes celles qui
sont contenues sous un universel dont
elles contiennent la connaissance, c’est-à-dire au sujet desquelles on
connaît qu’elles sont contenues sous de tels universels. Et il manifeste cela par la suite au moyen
d’un exemple. Puisqu’en effet deux propositions sont requises pour tirer une
conclusion, à savoir la majeure et la mineure, une fois connue la
proposition majeure, la
connaissance de la conclusion n’est pas encore possédée. Donc, la proposition
majeure est connue avant la
conclusion non seulement selon la nature mais aussi selon le temps. Mais de
plus si dans la proposition mineure
on établit ou on pose quelque chose qui est contenu dans la proposition
universelle, c’est-à-dire dans la
majeure, mais dont il n’est pas manifeste qu’il est contenu dans cette
universelle, la connaissance de la
conclusion ne sera pas encore acquise parce que la vérité de la
proposition mineure ne sera pas encore certaine. Mais si dans la proposition mineure on pose un terme au sujet
duquel il est manifeste qu’il est contenu sous l’universel présent dans la
proposition majeure, alors la
vérité de la proposition mineure
est évidente : car ce qui est reçu sous un universel contient sa
connaissance et ainsi est acquise aussitôt la connaissance de la conclusion.
Par exemple si on faisait la démonstration suivante, en affirmant d’abord que
tout triangle possède trois angles
égaux à deux droits, cette proposition connue n’entraînerait pas encore
la connaissance de la conclusion; mais lorsqu’ensuite on pose que cette figure dans le demi-cercle est un
triangle, aussitôt on sait la conclusion, à savoir que cette figure
possède trois angles égaux à deux droits. Mais s’il n’est pas évident que
cette figure décrite dans le demi-cercle est un triangle, la présentation de
cette proposition n’entraîne pas encore aussitôt la connaissance de la
conclusion; il faudrait encore par la suite rechercher un autre moyen terme
au moyen duquel on démontrerait que cette figure est un triangle. Illustrant donc ce qui est connu avant la
conclusion d’après une antériorité de
temps, le Philosophe dit que quelqu’un, recevant la connaissance de la
conclusion au moyen d’une démonstration, préconnaissait cette proposition
même selon le temps, à savoir que tout triangle possède trois angles égaux à
deux droits. Mais posant cette proposition, à savoir que cette figure
contenue dans le demi-cercle est un triangle, simultanément, c’est-à-dire
selon le temps, la conclusion lui était connue parce que ce qui est ainsi
posé porte la connaissance de l’universel dans lequel il est contenu, de
telle sorte qu’il n’y a pas à rechercher par la suite un autre moyen terme.
Et c’est pourquoi il ajoute que dans
certains cas la discipline est de cette sorte, c’est-à-dire que pour les
disciplines de cette sorte la connaissance est reçue par soi et il n’y a pas
à acquérir la connaissance par un autre moyen terme qui serait dernier dans
la résolution et par lequel le médiat serait ramené à l’immédiat. Ou bien on
pourrait le lire de la manière suivante, à savoir que le dernier, c’est-à-dire le petit terme qui est reçu sous le
moyen terme universel, il ne faut pas qu’il soit connu comme étant sous cet
universel par l’intermédiaire d’un autre moyen terme. Et quels sont ceux-là
qui ont toujours la connaissance de leur universel, il le manifeste en
ajoutant que les singuliers, qui ne se disent d’aucun sujet, sont de cette
sorte : car entre les singuliers et l’espèce, il n’est pas possible de
trouver un intermédiaire. |
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LECTIO 3 |
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[79487] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 3 n. 1Postquam
ostendit philosophus quomodo oportet praecognoscere quaedam alia, antequam de
conclusione cognitio sumatur, nunc vult ostendere quomodo ipsam conclusionem
contingit praecognoscere, antequam cognitio sumatur de ea per syllogismum vel
inductionem. Et circa hoc duo facit. Primo namque determinat veritatem,
dicens quod, antequam inducatur inductio vel syllogismus ad faciendam
cognitionem de aliqua conclusione, illa conclusio quodammodo scitur, et
quodammodo non : simpliciter enim nescitur, sed scitur solum secundum quid.
Sicut si debeat probari ista conclusio, triangulus habet tres angulos
aequales duobus rectis ; antequam demonstraretur, ille qui per
demonstrationem accipit scientiam eius, nescivit simpliciter, sed scivit
secundum quid. Unde quodammodo praescivit, simpliciter autem non. Cuius
quidem ratio est, quia, sicut iam ostensum est, oportet principia conclusioni
praecognoscere. Principia autem se habent ad conclusiones
in demonstrativis, sicut causae activae in naturalibus ad suos effectus (unde
in II physicorum propositiones syllogismi ponuntur in genere causae
efficientis). Effectus autem, antequam producatur in
actu, praeexistit quidem in causis activis virtute, non autem actu, quod est
simpliciter esse. Et similiter antequam ex principiis demonstrativis
deducatur conclusio, in ipsis quidem principiis praecognitis praecognoscitur
conclusio virtute, non autem actu : sic enim in eis praeexistit. Et sic patet
quod non praecognoscitur simpliciter, sed secundum quid. [79488] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 3 n. 2Secundo ; ibi : si vero non etc., excludit
ex veritate determinata quandam dubitationem, quam Plato ponit in libro
Menonis, sic intitulato ex nomine sui discipuli. Est autem dubitatio talis.
Inducit enim quendam, omnino imperitum artis geometricae, interrogatum
ordinate de principiis, ex quibus quaedam geometrica conclusio concluditur,
incipiendo ex principiis per se notis : ad quae omnia ille, ignarus
geometriae, id quod verum est respondit : et sic deducendo quaestiones usque
ad conclusiones per singula verum respondit. Ex hoc igitur vult habere, quod
etiam illi, qui videntur imperiti aliquarum artium, antequam de eis
instruantur, earum notitiam habent. Et sic sequitur
quod vel homo nihil addiscat, vel addiscat ea quae prius novit. [79489] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 3 n. 3Circa hoc ergo quatuor facit. Primo enim,
proponit quod praedicta dubitatio vitari non potest, nisi supposita
praedeterminata veritate, scilicet quod conclusio, quam quis addiscit per
demonstrationem vel inductionem, erat nota non simpliciter, sed
secundum quod est virtute in suis principiis : de
quibus aliquis, ignarus scientiae, interrogatus, veritatem respondere potest.
Secundum vero Platonis sententiam, conclusio erat praecognita simpliciter ; unde non addiscebatur de novo, sed potius
per deductionem aliquam rationis in memoriam reducebatur. Sicut etiam de
formis naturalibus Anaxagoras ponit, quod ante generationem praeexistebant in
materia simpliciter. Aristoteles vero ponit quod praeexistunt in potentia et
non simpliciter. [79490] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 3 n. 4Secundo, cum dicit :
non enim sicut etc., ponit falsam quorundam obviationem ad dubitationem
Platonis : qui scilicet dicebant quod conclusio antequam demonstraretur vel
quocunque modo addisceretur, nullo modo erat cognita. Poterat
enim eis obiici secundum dubitationem Platonis hoc modo : si quis
interrogaret ab aliquo imperito : nunquid tu scis quod omnis dualitas par est
? Et dicente eo, idest concedente se scire, afferret quandam
dualitatem, quam ille interrogatus non opinaretur esse, puta illam dualitatem
quae est tertia pars senarii ; concluderetur quod sciret tertiam partem
senarii esse numerum parem : quod erat ei incognitum, sed per demonstrationem
inductam addiscit. Et sic videtur sequi quod vel non hoc addisceret vel
addisceret quod prius scivit. Ut igitur hanc dubitationem evitarent,
solvebant dicentes, quod ille qui interrogatus respondit se scire quod omnis
dualitas sit numerus par, non dixit se cognoscere omnem dualitatem
simpliciter, sed illam, quam scivit esse dualitatem. Unde cum ista dualitas,
quae est allata, fuerit ab eo penitus ignorata, nullo modo scivit quod haec
dualitas esset numerus par. Et sic sequitur quod apud cognoscentem principia
nullo modo conclusio sit praecognita, nec simpliciter, nec secundum
quid. [79491] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 3 n. 5Tertio, ibi : et etiam sciunt etc.,
improbat hanc solutionem hoc modo. Illud scitur de quo demonstratio habetur,
vel de quo de novo accipitur demonstratio. Et hoc dicitur propter
addiscentem, qui incipit scire. Addiscentes autem non accipiunt
demonstrationem de omni dualitate de qua sciunt, sed de omni simpliciter, et
similiter de omni numero aut de omni triangulo. Non ergo verum est quod sciat
de omni numero, quem scit esse numerum, aut de omni dualitate, quam scit esse
dualitatem, sed de omni simpliciter. Quod autem non
sciat de omni numero, quem scit esse numerum, sed de omni simpliciter, probat
; ibi : neque enim una propositio etc. : conclusio cum praemissis convenit in
terminis : nam subiectum et praedicatum conclusionis sunt maior et minor
extremitas in praemissis ; sed in praemissis non accipitur aliqua propositio
de numero aut de recta linea, cum hac additione, quam tu nosti,
sed simpliciter de omni ; neque ergo conclusio demonstrationis est cum
additione praedicta, sed simpliciter de omni. [79492] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 3 n. 6Quarto, ibi : sed nihil etc., ponit veram
solutionem dubitationis praedictae secundum praedeterminatam veritatem,
dicens quod illud quod quis addiscit, nihil prohibet primo quodammodo scire
et quodammodo ignorare. Non enim est inconveniens si aliquis quodammodo
praesciat id quod addiscit ; sed esset inconveniens si hoc modo
praecognosceret, secundum quod addiscit. Addiscere enim proprie est scientiam
in aliquo generari. Quod autem generatur, ante generationem neque fuit omnino
non ens neque omnino ens, sed quodammodo ens et quodammodo non ens : ens
quidem in potentia, non ens vero actu : et hoc est generari, reduci de
potentia in actum. Unde nec id quod quis addiscit erat omnino prius notum, ut
Plato posuit, nec omnino ignotum, ut secundum solutionem supra improbatam
ponebatur ; sed erat notum potentia sive virtute in principiis praecognitis
universalibus, ignotum autem actu, secundum propriam cognitionem. Et hoc est
addiscere, reduci de cognitione potentiali, seu virtuali, aut universali, in
cognitionem propriam et actualem. |
LEÇON 3. De la
connaissance préexistante de la conclusion
(nn.
22-27; [7-11]). 22. Après avoir
montré comment il faut connaître à l’avance certaines autres choses avant
d’établir la connaissance de la conclusion, le Philosophe veut maintenant
montrer comment il arrive de connaître à l’avance la conclusion elle-même
avant d’établir sa connaissance par syllogisme ou par induction. Et à ce sujet il fait deux choses. Car en
premier lieu, il détermine la vérité [7], en disant qu’avant même de
poser l’induction ou le syllogisme pour faire connaître une conclusion, cette
conclusion est déjà connue en quelque sorte et en un autre sens elle ne l’est
pas : à parler absolument en effet elle est inconnue mais elle est
connue sous un certain rapport. Par exemple, supposons qu’on doive prouver
cette conclusion : tout triangle
possède trois angles égaux à deux droits; avant qu’elle soit démontrée,
celui qui en acquiert la science par démonstration ignorait cette conclusion
absolument mais il la connaissait sous un certain rapport. C’est pourquoi il
la préconnaissait en un sens mais non absolument. La raison en est certes que, comme nous
l’avons montré, il faut connaître les principes avant la conclusion. Mais les
principes se rapportent aux conclusions dans les démonstrations de la même
manière que les causes actives se rapportent à leurs effets dans les choses
naturelles (c’est pourquoi au deuxième livre des Physiques les propositions du syllogisme sont rangées dans le
genre de la cause efficiente). Mais l’effet, avant qu’il soit produit en
acte, préexiste certes virtuellement dans
les causes actives, mais non en acte
de manière à exister absolument. Et
de la même manière, avant que la conclusion soit déduite des principes de la
démonstration, la conclusion est préconnue en puissance mais non en acte dans
les principes mêmes qui sont préconnus : c’est de cette manière en effet
que la conclusion préexiste dans les principes. Et c’est ainsi qu’il est
clair que la conclusion n’est pas connue à l’avance absolument, mais seulement dans
une certaine mesure. 23. En deuxième lieu, là [8] où il
dit : Mais s’il n’en n’est pas
ainsi etc., il rejette à partir de la vérité établie une difficulté
présentée par Platon dans le livre Ménon,
ainsi intitulé du nom de son disciple. Et voici cette difficulté. Il nous
présente un individu totalement ignorant de l’art de la géométrie, interrogé
systématiquement sur des principes à partir desquels une conclusion
géométrique est tirée, en commençant par les principes connus par
eux-mêmes : or ce dernier, ignorant de la géométrie, répond correctement
à toutes ces interrogations et ainsi en passant des questions aux conclusions
il répond correctement à chacune d’elles. On veut donc à partir de là établir
que même ceux qui paraissent ignorants des arts possèdent la connaissance de
ces arts avant même d’en avoir été instruits. Et ainsi il s’ensuit ou bien
que l’homme n’apprend rien, ou bien qu’il apprend les choses qu’il savait
déjà. 24. Et à ce
sujet le Philosophe fait quatre choses. En
premier lieu en effet [8] il affirme que la difficulté qui précède ne
peut être évitée, à moins qu’on ne prenne pour acquise la vérité qui a déjà
été établie, à savoir que la conclusion que quelqu’un apprend par
démonstration ou par induction, était connue non pas absolument mais selon qu’elle existe virtuellement dans ses principes : alors, quelqu’un, bien
qu’ignorant de la science, peut répondre la vérité lorsqu’il est interrogé.
Mais d’après la pensée de Platon, la conclusion était déjà connue absolument;
c’est pourquoi il n’apprenait rien de nouveau, mais plutôt par une déduction
de la raison il était conduit à se la remémorer. De la même manière encore,
Anaxagore soutenait au sujet des formes naturelles qu’avant la génération
elles préexistaient dans la matière absolument. Aristote pose au contraire
qu’elles préexistent en puissance et non absolument. 25. En deuxième lieu, lorsqu’il dit
[9] : En effet, ce n’est pas comme
etc., il présente une fausse objection adressée par certains à la difficulté
de Platon, lesquels disaient que la conclusion, avant d’être démontrée
ou apprise de quelque manière, n’était connue en aucune façon. On pouvait en
effet s’opposer à eux de la manière suivante conformément à l’opinion de
Platon : si quelqu’un demandait à un ignorant : sais-tu que toute
dyade est paire? Et lui répondant cela, c’est-à-dire concédant qu’il le sait,
il avancerait une dyade que celui qui est interrogé ne croyait pas
pouvoir exister, par exemple cette
dyade qui est la troisième partie de six; on conclurait alors qu’il savait
que la troisième partie de six est une nombre pair : ce qui lui était
bien sûr inconnu mais qu’il apprit par la conduite de la démonstration. Et
ainsi il semble s’ensuivre ou bien qu’il ne l’a pas
appris, ou bien qu’il a appris quelque chose qu’il savait déjà. Donc, afin d’éviter cette difficulté, ils
la résolvaient en disant que celui qui, interrogé, répond qu’il sait que
toute dyade est un nombre pair, n’a pas dit qu’il connaît toute dyade
absolument, mais seulement celle qu’il sait être une dyade. C’est pourquoi,
puisque cette dyade qui a été avancée était totalement ignorée par lui, il ne
savait aucunement que cette dyade était un nombre pair. Et ainsi il s’ensuit
selon eux que chez celui qui connaît les principes, la conclusion n’est en
aucune manière connue à l’avance, ni absolument
ni dans une certaine mesure. 26. En troisième lieu, là où il dit
[10] : Et ils savent encore
etc., il réfute cette solution de la manière suivante. Mais le savoir porte
sur ce dont la démonstration est acquise ou sur ce dont la démonstration est
reçue pour la première fois. Et cela est dit pour celui qui apprend et qui
commence à savoir. Mais ceux qui apprennent ne reçoivent pas la démonstration
au sujet de toute dyade qu’ils savent mais au sujet de toute dyade purement
et simplement et il en est de même au sujet de tout nombre ou de tout triangle.
Il n’est donc pas vrai que le savoir de celui qui apprend porte sur tout
nombre qu’il sait être un nombre ou sur toute dyade qu’il sait être une
dyade, mais sur tout nombre et sur toute dyade purement et simplement. Mais que son savoir ne porte pas sur tout
nombre qu’il sait être un nombre, mais sur tout nombre purement et
simplement, il le prouve là [ibid.] où il dit : Une même proposition en effet ne se prend pas etc. C’est dans les
termes que la conclusion s’accorde avec les prémisses : car le sujet et
le prédicat de la conclusion sont le
petit terme et le grand terme, lesquels sont aussi contenus dans les
prémisses; mais dans les prémisses, aucune proposition ne se prend au sujet
du nombre ou de la ligne droite avec cet ajout : que tu sais être tel, mais chacune présente son sujet
universellement et purement et simplement; donc la conclusion de la
démonstration ne se présente pas non plus avec l’ajout précédent, mais
universellement et purement et simplement. 27. En quatrième lieu, là [11] où il
dit : Mais rien etc., il
présente la véritable solution correspondant à la difficulté qui précède,
conformément à la vérité déjà établie, en disant que ce que quelqu’un
apprend, rien n’empêche qu’il le sache déjà d’une certaine manière et que
d’une autre manière il l'ignore. En effet, il n’y a pas de problème à ce
qu’on sache déjà en un sens ce qu’on apprend; mais il y aurait un problème si
on le connaissait déjà de la manière selon laquelle on l’apprend dans la
conclusion suite à une démonstration. En effet, apprendre est à proprement
parler engendrer la science chez quelqu’un. Mais ce qui est engendré, avant
la génération, n’était ni du non-être absolu, ni de l’être absolu; mais il
était un certain être et un certain non-être, c’est-à-dire de l’être en puissance
certes mais du non-être en acte : et c’est là ce qu’on appelle être
engendré, c’est-à-dire passer de la puissance à l’acte. De là, ce que
quelqu’un apprend n’était ni totalement ou absolument connu, contrairement à
ce que soutenait Platon, ni tout à fait ignoré ainsi qu’on le prétendait dans
la solution précédemment réfutée; mais cela était connu en puissance ou virtuellement
dans les principes universels déjà connus, mais ignoré en acte à la
manière d’une connaissance qui est propre à
la conclusion. Et c’est là ce qu’est apprendre : passer d’une
connaissance potentielle, virtuelle ou universelle à une connaissance propre
et actuelle. |
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LECTIO 4 |
LEÇON 4. De la nature du
syllogisme démonstratif
(nn.
28-43 bis; [12-25]). |
[79493] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 4 n. 1Postquam
ostendit philosophus necessitatem syllogismi demonstrativi, hic iam incipit
de ipso syllogismo demonstrativo determinare. Et dividitur in duas partes :
in prima, determinat de syllogismo demonstrativo ; in secunda, de medio ex
quo syllogismus demonstrativus procedit : et hoc in secundo libro ; ibi :
quaestiones sunt aequales numero et cetera. Prima dividitur in duas : in
prima, determinat de syllogismo demonstrativo absolute ; in secunda,
comparando demonstrationem demonstrationi ; ibi : cum autem demonstratio sit
alia quidem universalis et cetera. Prima in duas dividitur : in prima,
determinat de syllogismo demonstrativo ; in secunda, ostendit quod non sit in
demonstrationibus in infinitum procedere ; ibi : est autem omnis syllogismus
per tres terminos et cetera. Prima dividitur in duas : in prima, determinat
de syllogismo demonstrativo per quem acquirimus scientiam : in secunda,
ostendit quomodo etiam in nobis per syllogismum acquiritur aliqua ignorantia
; ibi : ignorantia autem secundum negationem et cetera. Circa primum tria
facit : primo, determinat de syllogismo demonstrativo, ostendendo quid sit ;
secundo, determinat de materia syllogismi demonstrativi, ostendendo quae et
qualia sint, ex quibus est ; ibi : quoniam autem impossibile est etc. ;
tertio, determinat de forma ipsius, ostendendo in qua figura praecipue fiat ;
ibi : figurarum autem magis faciens scire et cetera. Circa primum tria facit
: primo, ostendit de demonstrativo syllogismo, quid est ; secundo, notificat
quaedam, quae in definitione syllogismi demonstrativi ponuntur ; ibi : est
autem principium demonstrationis etc. ; tertio, excludit quosdam errores, qui
ex praemissis circa demonstrationem oriri possunt ; ibi : quibusdam quidem
igitur et cetera. [79494] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 4 n. 2Circa primum sciendum est quod in omnibus
quae sunt propter finem, definitio quae est per causam finalem, est ratio
definitionis, quae est per causam materialem, et medium probans ipsam :
propter hoc enim oportet ut domus fiat ex lapidibus et lignis, quia est operimentum
protegens nos a frigore et aestu. Sic igitur Aristoteles de demonstratione
dat hic duas definitiones : quarum una sumitur a fine demonstrationis, qui
est scire ; et ex hac concluditur altera, quae sumitur a materia
demonstrationis. [79495] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 4 n. 3Unde circa hoc tria facit : primo, definit
ipsum scire ; secundo, definit demonstrationem per finem eius, qui est
ipsum scire ; ibi : dicimus autem scire etc. ; tertio, ex utraque
definitione concludit definitionem demonstrationis, quae sumitur per
comparationem materiae demonstrationis ; ibi : si igitur est scire ut
posuimus et cetera. Circa primum quinque facit. Primo enim, determinat
cuiusmodi scire sit, quod definire intendit. [79496] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 4 n. 4Circa quod sciendum est quod aliquid
dicimur scire simpliciter, quando scimus illud in seipso. Dicimur
scire aliquid secundum quid, quando scimus illud in alio, in quo
est, vel sicut pars in toto, sicut si scientes domum, diceremur scire
parietem ; vel sicut accidens in subiecto, sicut si scientes Coriscum,
diceremur scire venientem ; vel sicut effectus in causa, sicut dictum est
supra quod conclusionem praescimus in principiis ; vel quocunque simili modo.
Et hoc est scire per accidens, quia scilicet scito aliquo per
se, dicimur scire illud quod accidit ei quocunque modo. Intendit igitur
philosophus definire scire simpliciter, non autem scire secundum accidens.
Hic enim modus sciendi est sophisticus. Utuntur enim sophistae tali modo
arguendi : cognosco Coriscum ; Coriscus est veniens ; ergo cognosco
venientem. [79497] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 4 n. 5Secundo, cum dicit : cum causam arbitramur
etc., ponit definitionem ipsius scire simpliciter. Circa
quod considerandum est quod scire aliquid est perfecte
cognoscere ipsum, hoc autem est perfecte apprehendere veritatem ipsius :
eadem enim sunt principia esse rei et veritatis ipsius, ut patet ex II
metaphysicae. Oportet igitur scientem, si est perfecte
cognoscens, quod cognoscat causam rei scitae. Si autem cognosceret causam
tantum, nondum cognosceret effectum in actu, quod est scire simpliciter, sed
virtute tantum, quod est scire secundum quid et quasi per
accidens. Et ideo oportet scientem simpliciter cognoscere
etiam applicationem causae ad effectum. Quia vero scientia est etiam certa cognitio
rei ; quod autem contingit aliter se habere, non potest aliquis per
certitudinem cognoscere ; ideo ulterius oportet quod id quod scitur non
possit aliter se habere. Quia ergo scientia est perfecta cognitio, ideo dicit
: cum causam arbitramur cognoscere ; quia vero est actualis
cognitio per quam scimus simpliciter, addit : et quoniam illius est
causa ; quia vero est certa cognitio, subdit : et non est
contingere aliter se habere. [79498] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 4 n. 6Tertio, ibi : manifestum igitur etc.,
manifestat positam definitionem per hoc, quod tam scientes, quam non
scientes, existimantes tamen se scire, hoc modo accipiunt scire sicut
dictum est : non scientes enim qui existimant se scire, opinantur sic se
habere in cognoscendo, sicut dictum est ; scientes autem vere sic se habent.
Est autem haec recta manifestatio definitionis. Definitio enim est ratio,
quam significat nomen, ut dicitur in IV metaphysicae ; significatio autem
nominis accipienda est ab eo, quod intendunt communiter loquentes per illud
nomen significare : unde et in II topicorum dicitur quod nominibus utendum
est, ut plures utuntur. Si quis etiam recte consideret, hac notificatione
magis ostenditur quid significet nomen, quam directe aliquid significetur :
non enim notificat scientiam, de qua proprie posset definitio assignari, cum
sit species alicuius generis, sed notificat ipsum scire. Unde et
a principio dixit : scire autem opinamur etc., et non dixit : scire est
aliquid tale vel tale. [79499] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 4 n. 7Quarto, ibi : quare cuius etc., concludit
quoddam corollarium ex definitione posita, scilicet quod illud, de quo
simpliciter habetur scientia, oportet esse necessarium, scilicet quod non
contingat aliter se habere. [79500] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 4 n. 8Quinto, ibi : si quidem etc., respondet
tacitae quaestioni, utrum scilicet sit aliquis alius modus sciendi a
praedicto. Quod promittit se in sequentibus dicturum : est enim scire
etiam per effectum, ut infra patebit. Dicimur etiam aliquo modo
scire ipsa principia indemonstrabilia, quorum non est accipere causam. Sed
proprius et perfectus sciendi modus est qui praedictus est. [79501] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 4 n. 9Deinde, cum dicit : dicimus autem etc.,
definit syllogismum demonstrativum per comparationem ad finem suum, qui
est scire. Circa quod tria facit. Primo, ponit quod scire est
finis syllogismi demonstrativi sive effectus eius, cum scire nihil
aliud esse videatur, quam intelligere veritatem alicuius conclusionis per
demonstrationem. Secundo, ibi : demonstrationem autem etc., definit
syllogismum demonstrativum per huiusmodi finem : dicens quod demonstratio est
syllogismus scientialis, idest faciens scire. Tertio, exponit hoc quod
dixerat scientialem ; ibi : sed scientialem etc., dicens quod
scientialis syllogismus dicitur, secundum quem scimus, in quantum ipsum
habemus, ne forte aliquis syllogismum scientialem intelligeret, quo aliqua
scientia uteretur. [79502] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 4 n. 10Deinde, cum dicit : si igitur est scire
etc., concludit ex praedictis definitionem syllogismi demonstrativi ex
materia sumptam. Et circa hoc duo facit : primo, concludit ; secundo,
manifestat eam ; ibi : verum quidem igitur oportet esse et cetera. Circa
primum tria facit. Primo, ponit consequentiam, qua demonstrationis materialis
definitio concluditur ex praemissis, dicens quod si scire hoc
significat quod diximus, scilicet, causam rei cognoscere etc.,
necesse est quod demonstrativa scientia, idest quae per
demonstrationem acquiritur, procedat ex propositionibus veris, primis et immediatis,
idest quae non per aliquod medium demonstrantur, sed per seipsas sunt
manifestae (quae quidem immediatae dicuntur, in quantum
carent medio demonstrante ; primae autem in ordine ad alias
propositiones, quae per eas probantur) ; et iterum ex notioribus, et
prioribus, et causis conclusionis. [79503] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 4 n. 11Secundo, ibi : sic enim erunt etc., excusat
se ab additione alterius particulae, quae videbatur apponenda : quod scilicet
demonstratio ex propriis principiis procederet. Sed ipse
dicit quod hoc intelligitur per ea, quae dicta sunt. Nam si
propositiones demonstrationis sunt causae conclusionis, necesse est quod sint
propria principia eius : oportet enim causas esse proportionatas effectibus. [79504] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 4 n. 12Tertio, ibi : syllogismus quidem etc.,
manifestat praemissae consequentiae necessitatem, dicens quod licet
syllogismus non requirat praemissas conditiones in propositionibus, ex quibus
procedit, requirit tamen eas demonstratio : aliter enim non faceret
scientiam. [79505] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 4 n. 13Deinde, cum dicit : verum quidem etc.,
manifestat positam definitionem, manifestans etiam quod immediate dixerat,
scilicet quod nisi praemissae conditiones demonstrationi adessent, scientiam
facere non posset. Primo ergo, ostendit quod semper procedit ex veris ad hoc
quod scientiam faciat : quia quod non est, non est scire ; sicut diametrum
esse symmetrum, idest commensurabilem lateri quadrati (dicuntur enim
quantitates incommensurabiles, quarum non potest accipi aliqua mensura
communis ; et huiusmodi quantitates sunt, quarum non est proportio ad invicem
sicut numeri ad numerum ; quod de necessitate contingit de diametro quadrati
et eius latere, ut patet ex X Euclidis). Quod autem non est verum, non est :
nam esse et esse verum convertuntur.
Oportet ergo id quod scitur esse verum. Et sic conclusionem demonstrationis,
quae facit scire, oportet esse veram, et per consequens eius
propositiones : non enim contingit verum sciri ex falsis, etsi concludi
possit ex eis, ut infra ostendet. [79506] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 4 n. 14Secundo, ibi : ex primis autem etc.,
ostendit quod demonstratio sit ex primis et immediatis,
sive indemonstrabilibus. Non enim contingit aliquem habere
scientiam, nisi habeat demonstrationem eorum, quorum potest esse
demonstratio, et hoc dico per se, et non per accidens.
Et hoc ideo dicit, quia possibile esset scire aliquam conclusionem, non
habentem demonstrationem praemissorum, etiam si essent demonstrabilia : quia
sciret eam per alia principia ; et hoc esset secundum accidens. Detur ergo
quod aliquis demonstrator syllogizet ex demonstrabilibus, sive mediatis : aut
ergo habet illorum demonstrationem, aut non habet : si non habet, ergo non
scit praemissa, et ita nec conclusionem propter praemissa ; si autem habet,
cum in demonstrationibus non sit abire in infinitum, ut infra ostendet,
tandem erit devenire ad aliqua immediata et indemonstrabilia. Et sic oportet
quod demonstratio ex immediatis procedat, vel statim, vel per aliqua media.
Unde et in primo libro topicorum dicitur quod demonstratio est ex primis et
veris, aut ex his quae per ea fidem sumpserunt. [79507] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 4 n. 15Tertio, ibi : causas quoque etc., probat
quod demonstrationis propositiones sint causae conclusionis, quia tunc
scimus, cum causas cognoscimus. Et ex hoc concludit ulterius quod sint priores et notiores,
quia omnis causa est naturaliter prior et notior suo effectu. Oportet autem
quod causa conclusionis demonstrativae sit notior, non solum quantum ad
cognitionem quid est, sed etiam quantum ad cognitionem quia
est. Non enim ad demonstrandum quod eclipsis solis est, sufficit scire
quod est lunae interpositio, sed oportet etiam scire quod luna interponitur
inter solem et terram. Et quia prius et notius dicitur dupliciter,
scilicet quoad nos, et secundum naturam ; dicit
consequenter quod ea, ex quibus procedit demonstratio, sunt priora et notiora
simpliciter et secundum naturam, et non quoad nos. Et ad huius expositionem
dicit quod priora et notiora simpliciter sunt illa, quae sunt remota a sensu
ut universalia. Priora autem et notiora quoad nos sunt proxima sensui,
scilicet singularia, quae opponuntur universalibus, sive oppositione prioris
et posterioris, sive oppositione propinqui et remoti. [79508] Expositio
Posteriorum, lib. 1 l. 4 n. 16Videtur autem contrarium huius haberi in I
Physic., ubi dicitur quod universalia sunt priora quoad nos, et posteriora
secundum naturam. Sed dicendum est quod hic loquitur de ordine singularis ad
universale simpliciter, quorum ordinem oportet accipere secundum ordinem
cognitionis sensitivae et intellectivae in nobis. Cognitio autem sensitiva
est in nobis prior intellectiva, quia intellectualis cognitio ex sensu
procedit in nobis. Unde et singulare est prius et notius quoad nos quam
universale. In I autem Physic. non ponitur ordo universalis ad singulare
simpliciter, sed magis universalis ad minus universale, ut puta, animalis ad
hominem, et sic oportet quod quoad nos, universalius sit prius et magis
notum. In omni enim generatione, quod est in potentia est prius tempore et
posterius natura, quod autem est completum in actu est prius natura et
posterius tempore. Cognitio autem generis est quasi potentialis, in
comparatione ad cognitionem speciei, in qua actu sciuntur omnia essentialia
rei. Unde in generatione scientiae nostrae prius est cognoscere magis commune
quam minus commune. Item, in libro Physic. dicitur quod innata est nobis via
ex nobis notioribus ; non ergo demonstratio fit ex his quae sunt priora
simpliciter, sed quoad nos. Sed dicendum quod hic loquitur secundum quod id
quod est in sensu est notius quoad nos, eo quod est in intellectu. Ibi autem
secundum quod id quod est notius quoad nos, est etiam in intellectu. Ex
singularibus autem quae sunt in sensu, non sunt demonstrationes, sed ex
universalibus tantum, quae sunt in intellectu. Vel dicendum quod in omni
demonstratione, oportet quod procedatur ex his, quae sunt notiora quoad nos,
non tamen singularibus, sed universalibus. Non enim aliquid potest fieri
nobis notum, nisi per id quod est magis notum nobis. Quandoque autem id quod
est magis notum quoad nos, est etiam magis notum simpliciter et secundum
naturam ; sicut accidit in mathematicis, in quibus, propter abstractionem
a materia, non fiunt demonstrationes nisi ex principiis formalibus. Et in
talibus fiunt demonstrationes ex his quae sunt notiora simpliciter.
Item, quandoque id quod est notius quoad nos non est notius simpliciter,
sicut accidit in naturalibus, in quibus essentiae et virtutes rerum, propter
hoc quod in materia sunt, sunt occultae, sed innotescunt nobis per ea, quae
exterius de ipsis apparent. Unde in talibus fiunt demonstrationes ut plurimum
per effectus, qui sunt notiores quoad nos, et non simpliciter.
Nunc autem non loquitur de hoc modo demonstrationum, sed de primo. Quia vero
in hac manifestatione hoc etiam omiserat manifestare, quod demonstratio esset
ex propriis principiis, consequenter subdit quod hoc habetur etiam ex
praemissis. Per hoc enim quod dicitur quod demonstratio est ex primis,
habetur quod sit ex propriis principiis, sicut et superius dictum est. Idem
enim videtur esse primum et principium : nam
primum in unoquoque genere et maximum est causa omnium eorum, quae sunt post,
ut dicitur in II methaphysicae. |
28. Après avoir
montré la nécessité du syllogisme démonstratif, le Philosophe commence déjà
ici à traiter du syllogisme démonstratif. Et cette section se divise en deux
parties : dans la première il traite du syllogisme démonstratif [12];
dans la deuxième il traite du moyen terme
d’où procède le syllogisme démonstratif, ce qu’il fait dans le second livre,
là [290] où il dit : Les questions
sont égales en nombre etc. La première partie se divise en
deux : dans la première il traite du syllogisme démonstratif pris
absolument; dans la deuxième il en traite en comparant la démonstration à la
démonstration, là [232] où il dit : Mais
puisque la démonstration universelle est certes autre etc. La première partie se divise en
deux : dans la première il traite du syllogisme démonstratif; dans la
deuxième il montre qu’il ne faut pas procéder à l’infini dans les
démonstrations, là [179] où il dit : Mais
tout syllogisme est constitué de trois termes etc. La première partie se divise à son tour en
deux : dans la première il traite du syllogisme démonstratif au moyen
duquel nous acquérons la science; dans la deuxième il montre comment au moyen
du syllogisme nous acquérons aussi en nous une certaine ignorance, là [156]
où il dit : Mais l’ignorance qui
ne se fait pas d’après la négation etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu il traite du syllogisme démonstratif en
montrant ce qu’il est; en deuxième lieu il traite de la matière du syllogisme
démonstratif en montrant quelle est cette matière ainsi que les choses d’où
elle se tire, là [46] où il dit : Mais
puisqu’il est impossible etc.; en troisième lieu il traite de sa forme en
montrant dans quelle figure il existe principalement, là [148] où il
dit : Mais parmi les figures,
celle qui engendre le plus le savoir etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu il montre au sujet du syllogisme démonstratif
ce qu’il est; en deuxième lieu il manifeste certaines choses qu’on pose dans
la définition du syllogisme démonstratif, là [26] où il dit : Mais le principe de la démonstration est
etc.; en troisième lieu il écarte certaines erreurs qui pourraient naître de
ce qui a été affirmé sur la
démonstration, là [37] où il dit : Donc,
pour certains certes etc. 29. Au sujet du
premier point il faut savoir que pour tout ce qui existe en vue d’une fin, la
définition qui se fait par la cause finale est la raison ou la cause de la
définition qui se fait par la cause matérielle et elle est aussi le moyen
terme qui sert à la prouver : il faut en effet que la maison soit
produite à partir de pierres et de bois pour cette raison qu’elle est une
enveloppe qui nous protège du froid et de la chaleur. Ainsi donc Aristote
donne ici deux définitions de la démonstration dont l’une se tire de la fin
de la démonstration qui est le savoir,
et de là il tire l’autre définition qui se tire de la matière. 30. Et c’est
pourquoi il fait trois choses à ce sujet : en premier lieu il définit le
savoir en lui-même [12]; en deuxième lieu il définit la démonstration par sa
fin qui est le savoir lui-même, là [17] où il dit : Mais nous disons savoir etc.; en troisième lieu à partir de ces
deux définitions il tire la définition de la démonstration qui se prend du
côté de la matière même de la démonstration, là [20] où il dit : Si donc le savoir est tel que nous l’avons
posé etc. Et au sujet du premier point il fait cinq
choses. En premier lieu en effet il
traite de cette sorte de savoir qu’il
cherche à définir. 31. Et à ce
sujet il faut savoir que nous disons savoir une chose absolument quand nous la connaissons en elle-même. Nous disons
par ailleurs savoir une chose sous un
certain rapport quand nous la savons comme étant dans une autre dans
laquelle elle existe, soit comme une partie dans un tout, comme si, sachant
ce qu’est la maison, nous disions savoir ce qu’est le mur; soit comme un
accident dans un sujet, comme si connaissant Coriscus, nous disions savoir
celui qui vient; ou soit comme un effet dans sa cause, comme nous avons dit
plus haut que nous connaissons à l’avance la conclusion dans les principes;
ou soit encore de quelque autre manière de cette sorte. Et c’est là un savoir
par accident car une fois qu’une
chose est connue par soi, nous
disons savoir ce qui lui arrive comme accident de quelque manière que ce
soit. Le Philosophe cherche donc ici à définir le savoir pris absolument et
non le savoir par accident car ce mode de savoir en effet est sophistique.
Les sophistes en effet se servent de ce mode d’argumentation : Je
connais Coriscus; or Coriscus s’en vient; donc, je connais qui vient. 32. En deuxième lieu, lorsqu’il dit
[13] : Lorsque nous croyons
connaître la cause etc., il présente la définition du savoir lui-même
pris absolument. Et à ce sujet il faut considérer que savoir une chose revient à la connaître parfaitement,
c’est-à-dire à saisir parfaitement sa vérité : en effet, les principes
de l’existence de la chose et ceux de sa vérité sont les mêmes, ainsi qu’on
le voit au deuxième livre de la Métaphysique.
Il faut donc que celui qui sait, s’il connaît parfaitement, connaisse
parfaitement la cause de la chose qu’il sait. Mais s’il connaissait seulement
la cause, il ne connaîtrait pas encore l’effet en acte ou absolument mais
seulement en puissance, à savoir sous
un certain rapport et comme par
accident. Et c’est pourquoi il
faut que celui qui sait absolument connaisse
encore la relation de la cause à l’effet. Mais parce que la science est aussi
une connaissance certaine de la chose, et que cela même à quoi il arrive
d’être autrement, nul ne peut le connaître avec certitude, c’est pourquoi il
faut par conséquent que ce dont on a le savoir ne puisse être autrement.
Donc, parce que la science est une connaissance parfaite, c’est pourquoi il
dit : Lorsque nous croyons
connaître la cause; mais parce qu’elle est une connaissance actuelle par
laquelle nous connaissons absolument, il ajoute : Et lorsque nous savons que cette cause est la cause de cette chose;
et parce que par ailleurs elle est une connaissance certaine il ajoute :
Et qu’il n’est pas possible que la
chose soit autre qu’elle n’est. 33. En troisième lieu, là [14] où il
dit : Il est donc manifeste
etc., il manifeste la définition présentée en disant que ceux qui savent,
comme ceux qui ne savent pas, estiment cependant qu’ils savent en prenant le
savoir de la manière que nous l’avons dit : ceux qui ne savent pas en
effet et qui estiment savoir croient se rapporter à la connaissance de la
manière que nous l’avons dit; ceux qui savent s’y rapportent véritablement.
Mais voici la véritable manifestation de la définition. La définition en
effet est la notion que signifie le
nom ainsi qu’on le dit au quatrième livre de la Métaphysique; mais la signification du nom doit se prendre à
partir de ce que cherchent communément à signifier par ce nom ceux qui
parlent: c’est pourquoi au deuxième livre des
Topiques on dit qu’il faut se servir des noms de la manière dont s’en
sert la multitude. Si on y regarde encore plus attentivement, cette
notification montre davantage ce que signifie le nom qu’elle ne signifie
directement la chose elle-même : en effet, elle ne fait pas connaître la
science dont une définition à proprement parler pourrait être attribuée
puisque la science est une espèce appartenant à un genre, mais elle fait
plutôt connaître le savoir. C’est pourquoi il a dit au début : Mais nous croyons savoir etc., et non
pas : Savoir est quelque chose de telle ou telle espèce. 34. En quatrième lieu, là [15] où il
dit : C’est pourquoi ce dont il y
a science etc., il tire un corollaire de la définition présentée, à
savoir que cela même, au sujet de quoi nous avons la science à parler
absolument, est quelque chose de nécessaire, c’est-à-dire qui ne peut être
autrement. 35. En cinquième lieu, là [16] où il
dit : Si donc certes etc., il
répond à une question sous-entendue, à savoir s’il existe un autre mode de
savoir différent de celui qui précède. Il promet d’en parler par la
suite : il existe en effet un savoir au
moyen de l’effet ainsi qu’on le verra plus loin. On dit qu’on peut encore
savoir en un certain sens les principes indémontrables eux-mêmes dont il n’y
a pas à rechercher la cause. Mais le mode propre et parfait du savoir est
celui que nous avons dit précédemment. 36. Ensuite
lorsqu’il dit [17] : Mais nous
disons etc., il définit le syllogisme démonstratif par rapport à sa fin qui
est le savoir. Et à ce sujet il fait trois choses. – En premier lieu il pose que le savoir est la fin du syllogisme
démonstratif ou son effet, puisque le
savoir ne semble être rien d’autre que la compréhension de la vérité de
la conclusion au moyen de la démonstration. En
deuxième lieu, là [18] où il dit : Mais je dis que la démonstration etc., il définit le syllogisme
démonstratif par une telle fin en disant que la démonstration est un
syllogisme scientifique, c’est-à-dire qui fait savoir ou qui produit la
science. En
troisième lieu, il explique ce qu’il veut dire par scientifique, là [19] où il dit : Mais est scientifique etc., en disant qu’on appelle scientifique
le syllogisme dont la possession même constitue pour nous la science, afin
que par aventure on ne prenne pas le syllogisme scientifique comme ce dont la
science se servirait. 37. Ensuite
lorsqu’il dit [20] : Si donc le
savoir est etc., il tire de ce qui précède la définition du syllogisme
démonstratif qui se prend du côté de sa matière. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il tire la définition; en deuxième lieu il la manifeste, là
[23] où il dit : Il faut donc
certes qu’il soit vrai etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu il présente
une conséquence par laquelle la définition de la démonstration matérielle se
tire de ce qui précède en disant que si le
savoir signifie ce que nous avons dit, à savoir la connaissance de la cause de la chose etc., il est nécessaire
que la science démonstrative, c’est-à-dire celle qui est acquise au moyen de
la démonstration, procède de propositions vraies,
premières et immédiates, c’est-à-dire qui ne sont pas démontrées par un
moyen terme mais qui sont manifestes par elles-mêmes ( et qu’on appelle
certes immédiates, dans la mesure
où elles se passent d’un moyen terme qui servirait à les démontrer; premières par rapport à d’autres
propositions qui sont prouvées par elles); et qu’elle procède en outre de
propositions qui sont plus connues que la conclusion, antérieures à elles, et
qui en sont les causes. 38. En deuxième lieu, là [21] où il
dit : En effet, c’est ainsi
etc., il excuse l’omission de l’addition d’une autre particule qui semblait
devoir être ajoutée à ce qu’il a dit : à savoir que la démonstration procéderait
de principes propres. Mais il dit lui-même que cela se comprend par ce qui a
déjà été dit. Car si les propositions de la démonstration sont les causes de
la conclusion, il est nécessaire qu’elles en soient les principes
propres : il faut en effet que les causes soient appropriées aux effets. 39. En troisième lieu, là [22] où il
dit : Il y aura certes syllogisme
etc., il manifeste la nécessité de la conséquence qui précède en disant que
bien que le syllogisme n’exige pas les conditions qui précèdent dans les
propositions d’où il procède, la démonstration les exige cependant :
autrement en effet elle n’engendrerait pas la science. 40. Ensuite
lorsqu’il dit [23] : Il doit
certes être vrai etc., il manifeste la définition présentée en expliquant
aussi ce qu’il vient juste de dire, à savoir que la démonstration ne pourrait
engendrer la science si on n’y retrouvait pas les conditions mentionnées
précédemment. En
premier lieu donc, il montre que la démonstration doit toujours procéder
du vrai afin d’engendrer la science : car à l’égard de ce qui n’existe
pas, il n’y a pas de savoir, comme pour la diagonale d’être commensurable,
c’est-à-dire commensurable au côté du carré (on dit en effet que sont
incommensurables les quantités dont aucune mesure commune ne peut être prise;
et sont de cette sorte les quantités pour lesquelles il n’y a pas de
proportion entre elles, comme celle d’un nombre à un autre : et c’est ce
qui se passe nécessairement pour la diagonale du carré et son côté ainsi
qu’on le voit au dixième livre d’Euclide). Mais ce qui n’est pas vrai
n’existe pas : car être et être vrai se convertissent. Il faut
donc que ce dont on possède un savoir soit vrai. Et ainsi il faut donc que la
conclusion de la démonstration, qui produit le savoir, soit vraie; et par conséquent que les propositions
d’où elle découle le soient aussi : il est impossible en effet que le
vrai soit connu à partir de propositions fausses, bien qu’il puisse être
conclu à partir d’elles ainsi qu’il le montrera plus loin. 41. En deuxième lieu, là [24] où il
dit : Mais c’est de propositions
premières etc., il montre que la démonstration provient de propositions premières et immédiates,
c’est-à-dire indémontrables. Il
n’est pas possible en effet à quelqu’un d’avoir la science à moins d’avoir la
démonstration des choses dont il est possible d’avoir une démonstration, et
par là j’entends une démonstration par
soi ou essentielle et non par
accident. Et il dit cela pour cette raison qu’il serait alors possible de
savoir une conclusion sans posséder la démonstration des principes même s’ils
étaient démontrables car c’est au moyen d’autres principes qu’il posséderait
le savoir de cette conclusion : et cela serait par accident. Étant donc supposé que celui qui démontre
syllogise à partir de propositions démontrables ou médiates : ou bien
donc il possède la démonstration de ces propositions, ou bien il ne la
possède pas : s’il ne la possède pas, il ne possède pas non plus le
savoir des principes ou des prémisses ni celui de la conclusion qui en découle;
mais s’il la possède, puisque dans les démonstrations on ne peut procéder à
l’infini comme on le montrera plus loin, il faudra en venir à la fin à des
principes immédiats et indémontrables. Et ainsi il faut que la démonstration
procède de propositions immédiates, soit immédiatement, soit au moyen de
propositions intermédiaires. C’est pourquoi au premier livres des Topiques on dit que la démonstration provient de propositions premières et
vraies ou de propositions qui par elles auront entraîné l’adhésion. 42. En troisième lieu, là [25] où il
dit : Il faut aussi que les causes
etc., il prouve que les propositions de la démonstration sont les causes de
la conclusion car c’est lorsque nous connaissons les causes d’une chose que
nous en possédons la science. Et à partir de là il conclut plus loin qu’elles
sont antérieures et plus connues car toute cause est
naturellement antérieure et plus connue que son effet. Il faut donc que la cause d’une conclusion
démonstrative soit plus connue non seulement quant à la connaissance du ce que c’est ou du quoi, mais aussi
quant à celle de l’existence. Pour
démontrer en effet qu’il y a éclipse du Soleil, il ne suffit pas de savoir
qu’elle est une interposition de la Lune, mais il faut aussi savoir que la
Lune s’interpose entre le Soleil et la Terre. Et parce que l’antérieur et le
plus connu se disent de deux manières, à savoir quant à nous et quant à la
nature, il dit par la suite que les propositions d’où procède la
démonstration sont antérieures et plus connues absolument et quant à la
nature et non quant à nous. Et pour expliquer cela il dit qu’est
antérieur et plus connu absolument ce qui, comme l’universel, est éloigné des
sens. Mais ce qui est antérieur et plus connu quant à nous est ce qui est
rapproché des sens, c’est-à-dire le singulier qui s’oppose à l’universel soit
par une opposition de l’antérieur au postérieur, soit par une opposition du
rapproché à l’éloigné. 43. Mais on
semble établir quelque chose de contraire à cela au premier livre des Physiques où l’on dit que
l’universel est antérieur quant à nous et postérieur quant à la nature. Mais il faut dire qu’on parle ici du
rapport du singulier à l’universel purement et simplement dont l’ordre doit
se prendre d’après le rapport de la connaissance sensible à la connaissance
intellectuelle en nous. Mais la connaissance sensible existe en nous
antérieurement à la connaissance intellectuelle car la connaissance
intellectuelle procède en nous de la connaissance sensible. C’est pourquoi le
singulier est antérieur et plus connu que l’universel quant à nous. Mais dans le premier livre des Physiques, on ne présente pas le
rapport de l’universel au singulier de manière absolue, mais plutôt le
rapport du plus universel au moins universel, par exemple celui de l’animal à
l’homme et c’est ainsi qu’il faut que le plus universel soit antérieur et plus connu quant à nous.
Dans toute génération en effet, ce qui est en puissance est antérieur selon
le temps et postérieur selon la nature, mais ce qui est achevé en acte est
antérieur selon la nature et postérieur selon le temps. Mais la connaissance
du genre est comme potentielle si on la compare à la connaissance de l’espèce
dans laquelle sont connus en acte tous les caractères essentiels de la chose.
C’est pourquoi dans la génération de notre science la connaissance du plus
commun est antérieure à celle du moins commun. 43 bis.
On dit en outre dans le livre des
Physiques qu’est innée en nous la voie qui procède du plus connu quant à
nous; donc, la démonstration ne procèderait pas de ce qui est antérieur à
parler absolument, mais de ce qui est antérieur quant à nous. Mais il faut dire que ce qu’on dit ici,
c’est que ce qui est dans le sens est plus connu de nous que ce qui est dans
l’intelligence tandis que là on dit que ce qui est plus connu de nous, c’est
aussi ce qui est dans l’intelligence. Mais les démonstrations ne viennent pas
des singuliers qui existent dans les sens, mais seulement des universels qui
existent dans l’intelligence. Ou bien encore il faut dire que dans toute
démonstration, il faut qu’on procède de ce qui est plus connu quant à nous,
non pas des singuliers, mais des universels. Rien en effet ne peut devenir
connu de nous si ce n’est au moyen de ce qui est déjà plus connu de nous.
Mais parfois ce qui est plus connu quant
à nous est aussi plus connu absolument
et selon la nature comme cela se
produit en mathématiques où, en raison du caractère abstrait de la matière,
les démonstrations ne sont produites qu’à partir de principes formels. Et
dans ces cas les démonstrations procèdent de ce qui est plus connu absolument. Parfois en outre, ce qui
est plus connu quant à nous n’est pas ce qui est plus connu absolument comme
cela arrive dans les choses naturelles, dans lesquelles les essences et les
puissances des choses, parce qu’elles existent dans la matière, sont cachées
mais se font connaître à nous au moyen de ce qui apparaît à l’extérieur
d’elles. C’est pourquoi pour ces choses les démonstrations se font le plus
souvent au moyen des effets qui sont plus connus quant à nous et non absolument.
Mais maintenant nous ne parlons pas de ce mode démonstration mais du premier. Mais parce que dans cette explication il
avait aussi omis de manifester que la démonstration provient de principes
propres, il ajoute par la suite que cela est acquis à partir de ce qui
précède. En effet, du fait qu’on dit que la démonstration procède de
propositions premières, on établit du même coup qu’elle procède de principes
propres ainsi que nous l’avons dit plus haut (n. 38). En effet, premier et principe apparaissent clairement comme étant des termes
identiques : car dans tout genre, ce qui est premier et le plus
excellent est la cause de tout ce qui vient par la suite ainsi qu’on le dit au deuxième livre de la Métaphysique. |
|
|
LECTIO 5 |
LEÇON 5. Sur les
propositions premières et immédiates
(nn.
44-52; [26-31]. |
[79509] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 5 n. 1Quia superius philosophus dixerat quod
demonstratio est ex primis et immediatis, et haec ab ipso nondum manifestata
erant, ideo intendit ista notificare. Et dividitur in partes tres : in prima,
ostendit quid sit propositio immediata ; in secunda vero ostendit quod
oporteat huiusmodi propositiones esse notiores conclusione ; ibi : quoniam
autem oportet credere et scire etc. ; in tertia, excludit quosdam errores,
qui ex praedictis occasionem habebant ; ibi : quibusdam quidem igitur et
cetera. Circa primum duo facit : primo, ostendit quid sit propositio
immediata ; secundo, dividit ipsam ; ibi : immediati autem principii et
cetera. Circa primum hoc modo procedit. Primo namque, resumit quod supra
dictum erat, scilicet quod principium demonstrationis sit propositio
immediata : nam et supra dixerat quod demonstratio est ex primis et
immediatis. [79510] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 5 n. 2Secundo, ibi : immediata autem etc.,
definit immediatam propositionem, et dicit quod immediata
propositio est qua non est altera prior. Cuius quidem notificationis ratio ex
praedictis apparet. Dictum est enim supra quod demonstratio est ex prioribus.
Quandocunque igitur aliqua propositio est mediata, idest habens medium per
quod demonstretur praedicatum de subiecto, oportet quod priores ea sint
propositiones ex quibus demonstratur : nam praedicatum conclusionis per prius
inest medio quam subiecto ; cui etiam per prius inest medium quam
praedicatum. Relinquitur ergo quod illa propositio, qua non est altera prior,
sit immediata. [79511] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 5 n. 3Tertio, ibi : propositio autem est etc.,
ostendit quid sit propositio, quae ponitur in definitione immediatae
propositionis. Et circa hoc tria facit. Primo namque definit propositionem
simpliciter, dicens quod propositio est altera pars enunciationis, in qua
praedicatur unum de uno. Habet enim enunciatio duas partes, scilicet affirmationem
et negationem. Oportet autem quod omnis syllogizans alteram earum proponat,
non autem utramque : hoc enim est proprium eius, qui a principio quaestionem
movet. Unde per hoc separatur propositio a problemate. Sicut etiam in uno
syllogismo non concluditur nisi unum, ita oportet quod propositio, quae est
syllogismi principium, sit una. Una autem est in qua est unum de uno. Unde
per hoc quod philosophus dicit unum de uno, separatur propositio
ab enunciatione, quae dicitur plures, in qua plura de uno vel unum de pluribus praedicatur. [79512] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 5 n. 4Secundo, ibi : dialectica etc., ponit
differentiam inter dialecticam propositionem et demonstrativam, dicens quod
cum propositio accipiat alteram partem enunciationis, dialectica indifferenter
accipit quancunque earum. Habet enim viam ad utranque partem contradictionis,
eo quod ex probabilibus procedit. Unde etiam et in proponendo accipit
utramlibet partem contradictionis et quaerendo proponit. Demonstrativa autem
propositio accipit alteram partem determinate, quia nunquam habet
demonstrator viam, nisi ad verum demonstrandum. Unde etiam semper proponendo
accipit veram partem contradictionis. Propter hoc etiam non interrogat, sed
sumit, qui demonstrat, quasi notum. [79513] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 5 n. 5Tertio, ibi : enunciatio autem etc.,
definit enunciationem quae ponitur in definitione propositionis, dicens quod
enunciatio complectitur utranque partem contradictionis, ut ex dictis patet.
Quid autem sit contradictio consequenter ostendit, dicens quod contradictio
est oppositio, cuius non est medium secundum se. Quamvis enim in privatione
et habitu, et in contrariis immediatis non sit medium circa determinatum
subiectum, tamen est medium simpliciter, nam lapis neque caecus, neque videns
est, et albedo neque par, neque impar est. Et hoc etiam quod habent de
immediatione circa determinatum subiectum, habent in quantum aliquid
participant contradictionis : nam privatio est negatio in subiecto
determinato. Et alterum etiam contrariorum habet aliquid privationis. Sed
contradictio simpliciter in omnibus caret medio ; et hoc non habet ab alio,
sed ex seipsa ; et propter hoc dicit quod eius non est medium secundum se.
Exponit etiam consequenter quid sit pars contradictionis : est enim contradictio
oppositio affirmationis et negationis. Unde altera pars eius est affirmatio,
quae praedicat aliquid de aliquo ; altera vero negatio, quae removet aliquid
ab aliquo. [79514] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 5 n. 6Deinde cum dicit : immediati autem etc.
dividit immediatum principium. Et circa hoc duo facit : primo dividit ;
secundo subdividit ; ibi : positiones autem quaedam et cetera. Dicit ergo
primo quod immediatum principium syllogismi duplex est. Unum est quod
dicitur positio, quam non contingit demonstrare et ex hoc
immediatum dicitur ; neque tamen aliquem docendum, idest qui
doceri debet in demonstrativa scientia, necesse est habere, idest
mente concipere sive ei assentire. Aliud vero est, quod dicitur dignitas vel maxima
propositio, quam necesse est habere in mente et ei assentire quemlibet,
qui doceri debet. Et manifestum est quod quaedam principia talia sunt ut
probatur in IV metaphysicae de hoc principio, quod affirmatio et
negatio non sunt simul vera, cuius contrarium nullus mente credere potest
etsi ore proferat. Et in talibus utimur nomine praedicto, scilicet dignitatis vel maximae
propositionis, propter huiusmodi principiorum certitudinem ad
manifestandum alia. [79515] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 5 n. 7Ad huius autem divisionis intellectum
sciendum est quod quaelibet propositio, cuius praedicatum est in ratione
subiecti, est immediata et per se nota, quantum
est in se. Sed quarundam propositionum termini sunt tales, quod sunt in
notitia omnium, sicut ens, et unum, et alia quae sunt entis, in quantum ens :
nam ens est prima conceptio intellectus. Unde oportet quod tales
propositiones non solum in se, sed etiam quoad omnes, quasi per se notae
habeantur. Sicut quod, non contingit idem esse et non esse ; et quod, totum
sit maius sua parte : et similia. Unde et huiusmodi principia omnes scientiae
accipiunt a metaphysica, cuius est considerare ens
simpliciter et ea, quae sunt entis. Quaedam vero propositiones sunt
immediatae, quarum termini non sunt apud omnes noti. Unde, licet praedicatum
sit de ratione subiecti, tamen quia definitio subiecti non est omnibus nota,
non est necessarium quod tales propositiones ab omnibus concedantur. Sicut
haec propositio : omnes recti anguli sunt aequales, quantum est in se, est
per se nota sive immediata, quia aequalitas cadit in definitione anguli
recti. Angulus enim rectus est, quem facit linea recta super aliam rectam
cadens, ita quod ex utraque parte anguli reddantur aequales. Et ideo, cum
quadam positione recipiuntur huiusmodi principia. Est et
alius modus, quo aliquae propositiones suppositiones dicuntur.
Sunt enim quaedam propositiones, quae non possunt probari nisi per principia
alterius scientiae ; et ideo oportet quod in illa scientia supponantur, licet
probentur per principia alterius scientiae. Sicut a puncto ad punctum rectam
lineam ducere, supponit geometra et probat naturalis ; ostendens quod inter
quaelibet duo puncta sit linea media. [79516] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 5 n. 8Deinde cum dicit : positionis autem quae
est etc., subdividit alterum membrum primae divisionis, scilicet positionem
: dicens quod quaedam positio est, quae accipit aliquam partem enunciationis,
scilicet affirmationem vel negationem ; quod significat cum dicit : ut
dico aliquid esse aut non esse. Et haec positio suppositio dicitur,
quia tanquam veritatem habens supponitur. Alia autem positio
est, quae non significat esse vel non esse,
sicut definitio, quae positio dicitur. Ponitur enim ab
arithmetico definitio unitatis, tanquam quoddam principium, scilicet quod
unitas est indivisibile secundum quantitatem. Sed tamen definitio
non dicitur suppositio : illud enim proprie supponitur, quod verum vel falsum
significat. Et ideo subdit quod non idem est, quod quid est unitas,
quod neque verum, neque falsum significat, et esse unitatem, quod
significat verum vel falsum. [79517] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 5 n. 9Sed potest quaeri : cum definitio non sit
propositio significans esse vel non esse,
quomodo ponatur in subdivisione immediatae propositionis. Sed dicendum quod in subdivisione non
resumit immediatam propositionem ad subdividendum, sed
immediatum principium. Principium autem syllogismi dici potest
non solum propositio, sed etiam definitio. Vel potest dici quod licet
definitio in se non sit propositio in actu, est
tamen in virtute propositio quia cognita definitione, apparet definitionem de
subiecto vere praedicari. |
44. Parce que le
Philosophe avait dit plus haut que la démonstration provient de propositions
premières et immédiates et que ces propositions n’avaient pas encore été
manifestées par lui, c’est pourquoi il cherche ici à les faire connaître. Et cette section se divise en trois
parties : dans la première il montre ce qu’est une proposition immédiate
[26]; mais dans la deuxième il montre qu’il faut que de telles propositions soient
plus connues que la conclusion, là [32] où il dit : Mais puisqu’il faut croire et savoir etc.; dans la troisième il
écarte certaines erreurs qui auraient l’occasion de surgir suite à ce qui a
été dit, là [37] où il dit : Donc,
certains etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il montre ce qu’est une proposition immédiate;
en deuxième lieu il divise cette sorte de proposition, là [30] où il
dit : Mais les principes immédiats
etc. Au sujet du premier point il procède de la
manière suivante. En premier lieu
en effet il rappelle [26] ce qui avait été dit plus haut, à savoir que le
principe de la démonstration est une proposition immédiate : il avait
dit en effet plus haut que la démonstration procède de ce qui est premier et
immédiat. 45. En deuxième lieu, là [ibid.] où il
dit : Mais la proposition
immédiate etc., il définit la proposition immédiate, et il dit que la proposition immédiate est celle qui
n’est précédée d’aucune autre. Et la raison qui permet de comprendre cela
devient manifeste à partir de ce qui précède. Nous avons dit en effet plus
haut que la démonstration procède de principes premiers. Donc, toutes les
fois qu’une proposition est médiate, c’est-à-dire qu’elle relève d’un moyen terme par lequel on démontre que
le prédicat se rapporte au sujet, il faut qu’antérieurement à elle existent des propositions à partir desquelles elle
soit démontrée : car le prédicat de la conclusion appartient au moyen
terme avant d’appartenir au sujet,
auquel sujet appartient encore le moyen
terme avant que le prédicat lui
appartienne. Il reste donc que cette proposition, à laquelle aucune autre
n’est antérieure, est immédiate. 46. En troisième lieu, là [27] où il
dit : Mais la proposition est
etc., il montre quelle est cette proposition qui est placée dans la
définition de la proposition immédiate. Et à ce sujet il fait trois choses. En premier lieu en effet il définit la
proposition prise absolument en disant que la proposition est une partie de
l’énonciation dans laquelle quelque chose est attribué à quelque chose
d’autre. L’énonciation en effet comporte deux parties, à savoir l’affirmation
et la négation. Mais il faut que tous ceux qui syllogisent proposent l’une
des deux parties et non les deux : ce dernier cas en effet est le propre
de celui qui au début soulève la question. C’est pourquoi c’est par là que se
distingue la proposition du problème. Tout comme aussi dans un seul et même
syllogisme on ne conclut qu’une seule chose, ainsi il faut que la
proposition, qui est le principe du syllogisme, soit une. Mais est une la proposition dans laquelle une seule chose est dite
d’une seule autre. C’est pourquoi, du fait que le Philosophe dit qu’une seule chose est attribuée à une
seule autre, il distingue la proposition de l’énonciation qu’on appelle multiple, dans laquelle ou bien
plusieurs choses sont attribuées à une seule ou bien une seule chose est
attribuée à plusieurs. 47. En deuxième lieu, là [28] où il
dit : La proposition dialectique
etc., il présente la différence qu’il y a entre la proposition dialectique et
la proposition démonstrative, en disant qu’alors que la proposition
démonstrative prend déterminément une des deux parties de l’énonciation, la
proposition dialectique prend indifféremment l’une ou l’autre. Cette dernière
s’achemine vers les deux parties de la contradiction du fait qu’elle procède
du probable. C’est pourquoi encore elle prend indifféremment les deux parties
de la contradiction à la fois comme devant être proposées et comme devant
être recherchées. Mais la proposition démonstrative ne prend déterminément
qu’une seule partie de la contradiction car celui qui démontre ne s’achemine
que vers la vérité à démontrer. C’est pourquoi encore il prend toujours la
partie vraie de la contradiction comme devant être présentée. C’est à cause
de cela encore que celui qui démontre n’interroge pas mais ce qu’il dit, il
le pose comme étant connu. 48. En troisième lieu, là [29] où il
dit : Mais l’énonciation etc.,
il définit l’énonciation qui est posée dans la définition de la proposition,
en disant que l’énonciation embrasse les deux parties de la contradiction
ainsi qu’on le voit à partir de ce qui a été dit. Mais ce qu’est la
contradiction il le montre par la suite en disant que la contradiction est
l’opposition qui en elle-même ne comporte pas d’intermédiaire. En effet, bien que dans la privation et la
possession, ainsi que dans les contraires immédiats, il n’y ait pas
d’intermédiaire par rapport à un sujet déterminé, cependant il y a un
intermédiaire à parler absolument car la pierre n’est ni aveugle ni voyante,
et la blancheur n’est ni paire ni impaire. Et ce qu’ils possèdent aussi
d’immédiateté par rapport à un sujet déterminé, ils le possèdent dans la
mesure où ils participent de quelque chose de la contradiction, car la
privation est une négation dans un sujet déterminé. Et même chacun des
contraires possède quelque chose de la privation. Mais la contradiction est
dans tous les cas absolument exempte d’intermédiaires; et cela, elle ne le
tient pas d’autre chose, mais d’elle-même, et c’est pour cette raison qu’il
dit que c’est d’elle-même qu’elle ne possède aucun intermédiaire. Il explique encore par la suite quelles
sont les parties de la contradiction : la contradiction en effet est
l’opposition de l’affirmation et de la négation. De là une des parties de la
contradiction est l’affirmation qui attribue quelque chose à quelque chose
d’autre alors que l’autre partie est la négation qui sépare quelque chose de
quelque chose d’autre. 49. Ensuite
lorsqu’il dit [30] : Mais du
principe immédiat etc., il
divise le principe immédiat. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il le divise; en deuxième lieu il le subdivise, là [31] où il
dit : Mais certaines sont appelées
positions etc. Il dit donc que le principe immédiat du
syllogisme est double. L’un
d’eux est celui qu’on appelle position,
qu’il n’est pas possible de démontrer et qu’on appelle immédiat pour cette
raison; il n’est cependant pas nécessaire que
celui qui doit être enseigné,
c’est-à-dire celui qui doit être enseigné dans la science démonstrative, le possède, c’est-à-dire qu’il le
conçoive dans son intelligence ou qu’il lui donne son assentiment. L’autre
est celui qu’on appelle ¨dignitas¨,
¨propositio maxima¨ ou axiome et
que celui qui doit être enseigné doit concevoir dans son esprit et lui donner
son assentiment. Et il est évident que de tels principes
existent ainsi qu’on le prouve au quatrième livre de la Métaphysique au sujet de ce principe, à savoir que l’affirmation et la négation ne sont pas
simultanément vraies, et nul ne peut croire en esprit le contraire de ce
principe, bien qu’il puisse l’exprimer extérieurement de sa bouche. Et c’est
dans de tels cas que nous nous servons du nom qui précède, à savoir celui de
¨dignitas¨ ou d’axiome, en raison
du caractère ferme de tels principes qui les rend aptes à manifester les
autres principes. 50. Mais pour
comprendre cette division il faut savoir que toute proposition dont le
prédicat entre dans la définition du sujet est immédiate et connue par soi
quant à elle-même. Mais les termes de certaines propositions, comme l’être
et l’un et d’autres termes qui
appartiennent à l’être en tant qu’être, sont tels qu’on les retrouve dans les
notions de tous les termes : car l’être est ce qui est conçu en premier
dans l’intelligence. C’est pourquoi il faut que de telles propositions soient
possédées comme étant connues par soi non seulement en elles-mêmes, mais
aussi quant à tous. Par exemple, il n’est pas possible à la même chose
d’être et de ne pas être, et aussi, le
tout est plus grand que sa partie, et d’autres propositions de même
sorte. C’est pourquoi toutes les sciences reçoivent ces principes de la
Métaphysique à laquelle il appartient de considérer l’être pris absolument ainsi que les notions qui relèvent de
l’être en tant qu’être. Mais certaines
propositions sont immédiates dont les termes ne sont pas connus de tous. De
là, bien que le prédicat fasse
partie de la définition du sujet,
cependant parce que la définition du sujet n’est pas connue de tous, il n’est
pas nécessaire que de telles propositions soient concédées par tous. Prenons
par exemple la proposition suivante : Tous les angles droits sont égaux; considérée en elle-même, cette
proposition est connue par elle-même ou immédiate car l’égalité tombe dans la
définition de l’angle droit. L’angle droit en effet est celui que fait une
ligne droite qui tombe sur une autre ligne droite de telle manière que des
deux côtés de la ligne les angles soient rendus égaux. Et c’est pour cette
raison que les principes de cette sorte sont reçus comme une position. Mais il existe un autre mode, par lequel certaines
propositions sont appelées suppositions.
Il existe en effet certaines propositions
qui ne peuvent être prouvées que par les principes d’une autre science; et
c’est pourquoi il faut que dans telle science elles soient supposées, bien
qu’elles soient prouvées par les principes d’une autre science. Par exemple,
le géomètre suppose que d’un point à un autre on tire une ligne droite, ce
que prouve le naturaliste en montrant qu’entre deux points, quels qu’ils
soient, il y a une ligne intermédiaire. 51. Ensuite
lorsqu’il dit [31] : Mais de la
position qui est etc., il subdivise l’un des membres de la première
division, à savoir la position en
disant qu’il existe une certaine
position qui prend une partie de l’énonciation, c’est-à-dire l’affirmation ou
la négation; et c’est ce qu’il veut signifier lorsqu’il dit : Comme lorsque je dis que quelque chose est ou n’est pas. Et cette
position s’appelle supposition
parce qu’on suppose qu’elle possède une
vérité. Une autre
position, comme la définition, est celle qui ne signifie pas l’être ou le non-être, mais qui est néanmoins appelée position. La définition de l’unité en effet est posée par le
mathématicien comme un certain principe : à savoir que l’unité est l’indivisible selon la quantité. Mais
la définition n’est cependant pas appelée supposition car cette dernière se
dit à proprement parler de ce qui signifie le vrai et le faux. Et c’est
pourquoi il ajoute que ce qu’est
l’unité, qui ne signifie pas le vrai et le faux, n’est pas la même chose qu’affirmer
l’existence de l’unité, qui signifie le vrai et le faux. 52. Mais on
pourrait se demander : puisque la définition n’est pas une proposition
signifiant l’être ou le non-être, comment peut-on la placer
dans la subdivision de la proposition immédiate? Mais il faut dire que dans
la subdivision ce n’est pas la proposition
immédiate qu’il reprend pour la subdiviser, mais plutôt le principe immédiat. Et le principe du
syllogisme peut être appelé non seulement proposition mais aussi définition.
Ou bien on peut encore dire que bien que la définition ne soit pas en
elle-même une proposition en acte, elle est cependant une proposition en
puissance parce qu’une fois la définition connue, on voit que la définition
s’attribue véritablement au sujet. |
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LECTIO 6 |
LEÇON 6. Sur la
connaissance des principes immédiats
(nn.
53-59; [32-36]). |
[79518] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 6 n. 1Postquam ostendit philosophus quae sunt
immediata principia, hic de eorum cognitione determinat. Et circa hoc duo
facit : primo, ostendit quod immediata principia sunt magis nota conclusione
; secundo, ostendit quod etiam falsitas contrariorum debet esse notissima ;
ibi : non solum autem et cetera. Circa primum tria facit. [79519] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 6 n. 2Primo, proponit intentum dicens quod quia
nos credimus alicui rei conclusae et scimus eam per hoc quod habemus
syllogismum demonstrativum, et hoc quidem est in quantum scimus syllogismum
demonstrativum ; necesse est non solum praecognoscere prima principia
conclusioni, sed etiam ea magis cognoscere, quam conclusionem. Addit
autem aut omnia, aut quaedam ; quia quaedam principia probatione
indigent, ad hoc quod sint nota, et antequam probentur, non sunt magis nota
conclusione. Sicut quod, angulus exterior trianguli valeat duos angulos
intrinsecos sibi oppositos, antequam probetur, ita ignotum est, sicut
quod, triangulus habeat tres angulos aequales duobus rectis.
Quaedam vero principia sunt quae, statim proposita, sunt magis nota
conclusione. Vel aliter : quaedam conclusiones sunt
quae sunt notissimae, utpote per sensum acceptae, sicut quod, sol eclipsetur.
Unde principium per quod probatur non est simpliciter magis notum, scilicet
quod, luna interponatur inter solem et terram, licet sit magis notum in via
rationis procedentis ex causa in effectum. Vel aliter : hoc ideo dicit, quia
etiam supra dixerat quod quaedam principia tempore prius cognoscuntur quam
conclusio, quaedam vero simul tempore nota fiunt cum conclusione. [79520] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 6 n. 3Secundo ; ibi : semper enim propter quod
etc., probat propositum dupliciter. Primo ratione ostensiva ; sic : propter
quod unumquodque et illud est magis ; sicut si amamus aliquem, propter alterum
; ut si magistrum propter discipulum, discipulum magis amamus. Sed
conclusiones scimus et eis credimus propter principia. Ergo magis scimus
principia et magis eis credimus, quam conclusioni. [79521] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 6 n. 4Attendendum est autem circa hanc rationem
quod causa semper est potior effectu suo. Quando ergo causa et effectus
conveniunt in nomine, tunc illud nomen magis praedicatur de causa quam de effectu ; sicut ignis est magis calidus quam ea, quae
per ignem calefiunt. Quandoque vero causa et effectus non conveniunt in
nomine et tunc licet nomen effectus non conveniat causae, tamen convenit ei
aliquid dignius ; sicut etsi in sole non sit calor, est tamen in eo virtus
quaedam, quae est principium caloris. [79522] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 6 n. 5Deinde, cum dicit : non potest autem
credere etc., probat idem ratione ducente ad impossibile, quae talis est.
Principia praecognoscuntur conclusioni, ut supra habitum est ; et sic quando
principia cognoscuntur nondum conclusio est cognita. Si igitur principia non
essent magis nota quam conclusio, sequeretur quod homo vel plus, vel
aequaliter cognosceret ea, quae non novit quam ea quae novit. Hoc autem est
impossibile. Ergo impossibile est quod principia non sint magis nota quam conclusio.
Littera sic exponitur : neque sciens, neque alius melius dispositus in
cognoscendo quam sciens, si contingeret aliquem esse talem
(quod dicit propter intelligentem principia, de quo adhuc non est
manifestum), non potest magis credere quae non contingunt,
scilicet sciri ab eo, his, quae iam scit. Accidet autem hoc, nisi aliquis de numero credentium conclusionem per
demonstrationem, praecognoverit, idest magis cognoverit principia. In Graeco planius habetur sic : non
est autem possibile credere magis his, quae novit, quae non existit nec
sciens, neque melius dispositus quam si contigerit sciens. [79523] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 6 n. 6Tertio, ibi : magis enim necesse est etc.,
exponit quod dixerat, dicens quod hoc, quod dictum est, quod magis necesse
est credere principiis aut omnibus aut quibusdam quam conclusioni,
intelligendum est de illo, qui debet accipere scientiam per demonstrationem.
Si enim aliunde conclusio esset nota, sicut per sensum, nihil prohiberet
principia non esse magis nota conclusione in via illa. [79524] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 6 n. 7Deinde, cum dicit : non solum oportet etc.,
ostendit quod non solum oportet magis cognoscere principia quam conclusionem
demonstrandam, sed etiam nihil debet esse certius quam quod opposita
principiis sint falsa. Et hoc ideo, quia oportet scientem non esse
incredibilem principiis, sed firmissime eis assentire. Quicunque
autem dubitat de falsitate unius oppositorum, non potest firmiter inhaerere
opposito : quia semper formidat de veritate alterius oppositi. |
53. Après avoir
montré quels sont les principes immédiats, le Philosophe traite ici de la
connaissance de ces principes. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il montre que les principes immédiats sont plus connus que la
conclusion [32]; en deuxième lieu il montre que même la fausseté de leurs
contraires doit être plus connue, là [36] où il dit : Mais non seulement etc. Et au sujet du
premier point il fait trois choses. 54. En premier lieu il présente son propos
en disant que parce que nous adhérons à une chose conclue et que nous la
savons du fait que nous en possédons le syllogisme démonstratif et cela
certes dans la mesure où nous avons la science du syllogisme démonstratif, il
est nécessaire non seulement de connaître les principes antérieurement à la
conclusion, mais même de les connaître mieux que la conclusion. Mais il
ajoute ou bien tous, ou bien certains; car certains
principes ont besoin d’une preuve qui les rende connus et avant laquelle ils
ne sont pas plus connus que la conclusion. Par exemple, le principe suivant,
à savoir que l’angle extérieur d’un
triangle est égal aux deux angles intérieurs qui lui sont opposés, reste
inconnu avant d’être prouvé, tout comme le suivant, à savoir que le triangle possède trois angles égaux à
deux droits. Par ailleurs il existe certains principes qui, aussitôt
présentés, sont plus connus que la conclusion. Ou bien, pour le dire autrement, il existe
certaines conclusions qui sont plus connues, par exemple celles qu’on reçoit
par les sens, par exemple que le Soleil
subit une éclipse. De là, le principe par lequel la conclusion est
prouvée, à savoir que la Lune
s’interpose entre le soleil et la Terre, n’est pas plus connu absolument,
bien qu’il soit plus connu selon le cheminement de la raison qui procède de
la cause à l’effet. Ou
pour le dire autrement encore : il dit cela pour cette raison qu’il
avait dit aussi plus haut que certains principes sont connus antérieurement à
la conclusion selon le temps alors que d’autres deviennent connus en même
temps que la conclusion selon le temps. 55. En deuxième lieu, là [33] où il
dit : Toujours en effet la raison
pour laquelle etc., il prouve son propos de deux manières. En
premier lieu il le fait par une raison directe de la manière
suivante : La raison à cause de
laquelle une chose est telle, cette raison l’est davantage; comme si nous aimons quelqu’un à cause
d’un autre : par exemple, si nous aimons le maître à cause du disciple,
nous aimons le disciple davantage que le maître. Mais c’est à cause des
principes que nous savons les conclusions et que nous y adhérons. Donc, nous
savons davantage les principes et nous y adhérons davantage qu’à la
conclusion. 56. Il faut
cependant remarquer par rapport à ce raisonnement que la cause est toujours
plus puissante que son effet. Donc quand la cause et l’effet se rencontrent
dans un même nom, alors ce nom s’attribue davantage à la cause qu’à l’effet;
par exemple le feu est plus chaud que les choses qui réchauffent par le feu.
Mais parfois la cause et l’effet ne se rencontrent pas dans un même nom et
alors bien que le nom de l’effet ne convienne pas à la cause, cependant
quelque chose de plus digne lui convient à elle; par exemple bien que la
chaleur ne soit pas dans le soleil, cependant il y a en lui une vertu qui est
principe de chaleur. 57. Ensuite
lorsqu’il dit [34] : Mais on ne peut adhérer davantage
etc., il prouve la même chose au moyen
d’un argument qui conduit à l’absurde et que voici. Les principes sont
connus avant la conclusion, comme nous l’avons établi plus haut; et ainsi,
quand les principes sont connus la conclusion n’est pas encore connue. Si
donc les principes n’étaient pas plus connus que la conclusion, il
s’ensuivrait que l’homme connaîtrait également ou davantage les choses qu’il
ne connaît pas que les choses qu’il connaît. Mais cela est impossible. Il est
donc impossible que les principes ne soient pas plus ou mieux connus que la
conclusion. Le document se présente ainsi : Ni celui qui sait, ni un autre qui serait
encore mieux disposé à connaître que celui qui sait, s’il était possible
qu’il existe quelqu’un de tel (ce qu’il dit à cause de celui qui saisit
les principes, de qui cela n’est pas encore manifeste), ne peut davantage adhérer à ce qui n’existe pas, c’est-à-dire à
ce qui n’est pas connu de lui, qu’à ce
qu’il sait déjà. C’est là cependant
ce qui arrivera, à moins que celui qui fait partie de ceux qui adhérent à la conclusion par la démonstration ne possède d’abord ce
savoir préexistant des principes, c’est-à-dire qu’il les aura mieux
connu. En Grec le texte se présente plus clairement de la manière
suivante : Mais il n’est pas
possible d’adhérer davantage aux choses qui n’existent pas et qu’on ne sait
pas qu’aux choses qu’on sait. 58. En troisième lieu, là [35] où il
dit : Il est davantage nécessaire
en effet etc., il explique ce qu’il vient de dire en disant que ce qu’il
vient de dire, à savoir qu’il est davantage nécessaire d’adhérer à tous les
principes ou à quelques-uns qu’à la conclusion, cela doit s’entendre de celui
qui doit recevoir la science au moyen de la démonstration. Autrement en effet
si la conclusion était connue, par exemple au moyen des sens, rien
n’empêcherait de cette manière que les principes ne soient pas plus connus
que la conclusion. 59. Ensuite
lorsqu’il dit [36] : Non seulement
il faut etc., il montre qu’il ne faut pas seulement connaître davantage
les principes que la conclusion à démontrer, mais encore rien ne doit être
plus certain que ce qui s’oppose aux principes est faux. Et il en est ainsi
parce que celui qui sait ne doit pas
être hésitant à l’égard des principes, mais il doit y adhérer de la
manière la plus ferme. Mais celui qui doute de la fausseté d’un des opposés
ne peut adhérer fermement à son contraire car il redoute toujours la
vérité de cet opposé. |
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LECTIO 7 |
LEÇON 7. De deux erreurs,
dont la première est que rien ne peut être connu de science; la deuxième est
qu’il est possible de connaître de science toute chose par la démonstration.
Rejet de la première erreur
(nn.
60-67; [37-40]). |
[79525] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 7 n. 1Postquam determinavit philosophus de cognitione
principiorum demonstrationis, hic excludit errores ex praedeterminata
veritate exortos. Et circa hoc tria facit : primo, ponit errores ; secundo,
rationes errantium ; ibi : supponentes quidem igitur etc., tertio, excludit
rationum radices ; ibi : nos autem dicimus et cetera. [79526] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 7 n. 2Dicit ergo primo quod ex una veritate
superius determinata duo errores contrarii sunt exorti. Determinatum est enim
supra quod oportet principia demonstrationis scire, immo quod etiam ea magis
scire oportet. Sed primum solum sufficit ad propositum. Propter hoc autem
videtur quibusdam quod nullius rei sit scientia ; quibusdam autem videtur
quod sit quidem scientia, sed quod omnium possit haberi scientia per
demonstrationem. Neutrum
autem horum est verum, nec necessario consequitur ex rationibus eorum. [79527] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 7 n. 3Deinde, cum dicit : supponentes etc., ponit
rationes quibus in praedictos errores incidunt. Et primo ponit rationem
dicentium quod non est scientia. Quae talis est. Principia demonstrationis
aut procedunt in infinitum aut est status in eis. Si proceditur in infinitum,
non est in eis accipere prima : quia infinita non est transire, ut ad primum
veniatur : et ita non est primum cognoscere. Et in hoc recte argumentantur.
Nam posteriora non possunt cognosci, ignoratis primis. Si autem stetur in
principiis, oportet quod prima nesciantur ; si scire solum est per
demonstrationem : non enim prima habent aliqua priora, per quae
demonstrentur. Si autem prima ignorentur, oportet et posteriora iterum non
scire simpliciter nec proprie : sed solum sub hac conditione, si principia
sunt. Non enim potest per aliquid ignotum aliquid cognosci, nisi sub hac
conditione, si illud primum quod ignotum est, sit. Ergo sequitur utroque
modo, sive principia stent, sive in eis procedatur in infinitum, quod nullius
rei est scientia. [79528] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 7 n. 4Secundo, cum dicit : quidam autem etc.,
ponit rationem dicentium omnium esse scientiam per demonstrationem : quia
praemissae radici, scilicet quod non esset scire nisi per demonstrationem,
addebant aliam, scilicet quod posset circulariter demonstrari. Sic enim
sequebatur quod etiamsi in principiis demonstrationis esset status, prima
tamen principia erat scire per demonstrationem : quia illa prima dicebant
demonstrari ex posterioribus. Nam circulariter demonstrare est demonstrare
ex invicem, idest ut quod primo fuit principium, postmodum fiat conclusio
et e converso. [79529] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 7 n. 5Deinde, cum dicit : nos autem dicimus etc.,
excludit falsas radices praedictarum rationum. Et primo, hoc quod supponebant
quod non esset scire nisi per demonstrationem. Secundo, hoc quod dicebant
quod contingeret circulariter demonstrari ; ibi : circulo quoque et cetera.
Dicit ergo primo quod non omnis scientia est demonstrativa, idest per
demonstrationem accepta ; sed immediatorum principiorum est scientia
indemonstrabilis, idest non per demonstrationem accepta. [79530] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 7 n. 6Sciendum est tamen quod hic Aristoteles
large accipit scientiam pro qualibet certitudinali cognitione, et non
secundum quod scientia dividitur contra intellectum, prout dicitur quod,
scientia est conclusionum et intellectus principiorum. [79531] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 7 n. 7Quod autem hoc necessarium sit, scilicet
quod certa cognitio aliquorum habeatur sine demonstratione, sic probat. Necesse est scire priora, ex quibus est
demonstratio ; sed haec aliquando contingit reducere in aliqua immediata :
alias oporteret dicere quod inter duo extrema, scilicet subiectum et
praedicatum essent infinita media in actu ; immo plus, quod non esset aliqua
duo accipere, inter quae non essent infinita media. Qualitercunque autem
media assumantur, est accipere aliquid alteri immediatum. Immediata autem,
cum sint priora, oportet esse indemonstrabilia. Et ita patet quod necesse est
aliquorum scientiam habere sine demonstratione. [79532] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 7 n. 8Si ergo quaeratur quomodo immediatorum
habeatur scientia, respondet quod non solum eorum est scientia, immo eorum
cognitio est principium quoddam totius scientiae. Nam ex cognitione
principiorum derivatur cognitio conclusionum, quarum proprie est scientia. Ipsa autem principia immediata non per
aliquod medium extrinsecum cognoscuntur, sed per cognitionem propriorum
terminorum. Scito enim quid est totum et quid est pars,
cognoscitur quod omne totum est maius sua parte : quia in talibus
propositionibus, ut supra dictum est, praedicatum est de ratione subiecti. Et
ideo rationabiliter cognitio horum principiorum est causa cognitionis
conclusionum : quia semper, quod est per se, est causa eius, quod est per
aliud. |
60. Après avoir
traité de la connaissance des principes de la démonstration, le Philosophe
écarte ici des erreurs qui surgissent à l’occasion de la vérité qui vient
d’être établie. Et à ce sujet il fait trois choses :
en premier lieu il présente ces erreurs [37]; en deuxième lieu, il présente
les raisons sur lesquelles s’appuient ces erreurs, là [38] où il dit : Il y en a donc qui supposent etc.; en
troisième lieu, il écarte les racines de ces raisons, là [40] où il
dit : Mais nous disons etc. 61. Il dit donc
en premier lieu [37] qu’à partir de la vérité établie plus haut deux erreurs
contraires sont apparues. Nous avons établi précédemment en effet qu’il faut
d’abord savoir les principes de la démonstration, et bien plus, qu’il faut
encore les savoir davantage que la conclusion. Mais la première condition à
elle seule suffit à notre propos. Mais à cause de cela il semble à certains
qu’il n’y a de science de rien; mais à d’autres il semble qu’il y a certes
science, mais que pour toute chose on peut obtenir la science par la
démonstration. Mais aucune de ces positions n’est vraie ni ne découle
nécessairement de leurs raisons. 62. Ensuite
lorsqu’il dit [38] : Il y en a qui
supposent etc., il présente les raisons par lesquelles certains sont
tombés dans ces erreurs. Et en
premier lieu il présente la raison de ceux qui disent qu’il n’y a de
science pour aucune chose, et que voici. Ou bien les principes de la
démonstration procèdent à l’infini, ou bien il y a un arrêt parmi eux. S’ils
procèdent à l’infini, aucun ne peut être pris comme premier parmi
eux car il n’est pas possible de traverser l’infini de manière à
parvenir à quelque chose de premier et ainsi, par la suite, il n’est pas
possible non plus de connaître un premier principe. Et en cela ils argumentent correctement.
Car ce qui est second ne peut être connu si est ignoré ce qui est premier. Mais s’il y a un arrêt dans les principes,
il faut que les premiers ne soient pas connus si le savoir ne s’obtient que
par la démonstration : en effet il n’y a pas de principes antérieurs aux
premiers principes et au moyen desquels ces derniers seraient démontrés. Mais
si les premiers principes sont ignorés, il faut qu’il n’y ait absolument pas
de savoir non plus à proprement parler relativement à ce qui est second et
qui ne peut être connu que dans l’hypothèse où les principes sont vrais. Il
n’est possible en effet que quelque chose soit connu au moyen de ce qui est
inconnu qu’à la condition que ce qui est premier et qui est inconnu soit
vrai. Il s’ensuit donc d’une façon comme de l’autre, qu’il y ait arrêt dans
les principes ou qu’ils procèdent à l’infini, que rien ne peut être connu de
science. 63. En deuxième lieu, lorsqu’il dit
[39] : Mais certains etc., il
présente la raison de ceux qui disent qu’il y a science de tout par la
démonstration : car à la raison qui précède, à savoir qu’il n’y a de
science que par voie de démonstration, ils en ajoutaient une autre, à savoir
que la démonstration pouvait procéder de manière circulaire. Ainsi en effet
il s’ensuivait que même si parmi les principes de la démonstration on en
venait à s’arrêter à des premiers principes, il fallait cependant obtenir le
savoir de ces premiers principes au moyen de la démonstration, car ils
soutenaient que ces premiers principes sont démontrés à partir de principes
seconds. Car une démonstration circulaire est en quelque sorte une démonstration qui se fait par mode de
réciprocité, c’est-à-dire que ce qui était d’abord principe devient par
la suite conclusion et inversement. 64. Ensuite
lorsqu’il dit [40] : Mais nous
disons etc., il rejette les fausses racines de leurs raisonnements. Et en premier lieu il rejette ce qu’ils
supposaient, à savoir qu’il ne peut y avoir de savoir que par voie de
démonstration. En deuxième lieu, il rejette ce qu’ils soutenaient, à savoir
que la démonstration peut s’opérer de manière circulaire, là [41] où il dit :
De plus, de manière circulaire etc. Il dit donc en premier lieu [40] que ce
n’est pas toute science qui est démonstrative, c’est-à-dire qui est reçue par
mode de démonstration; mais la science des principes immédiats est
indémontrable, c’est-à-dire qu’elle n’est pas reçue par voie de
démonstration. 65. Il faut
cependant savoir qu’Aristote prend ici la science au sens large, au sens où
on l’entend de toute connaissance certaine, et non au sens où la science se
divise par opposition à l’intelligence, selon qu’on dit de la science qu’elle se rapporte aux
conclusions et que l’intelligence se rapporte aux principes. 66. Mais que
cela soit nécessaire, c’est-à-dire qu’une connaissance certaine de certaines
choses soit obtenue sans démonstration, il le prouve ainsi. Il est nécessaire
de savoir ce qui est antérieur et d’où procède la démonstration; mais ce qui
est antérieur, il arrive parfois de le ramener à ce qui est immédiat :
autrement, il faudrait dire qu’entre les deux termes extrêmes, à savoir le
sujet et le prédicat, il existe une infinité de moyens termes en acte; bien
plus, on ne pourrait prendre deux termes entre lesquels il n’y aurait pas une
infinité de moyens termes. Mais de quelque manière qu’on pose les moyens
termes, il faut que l’un d’eux soit pris comme immédiat. Mais les termes
immédiats, puisqu’ils sont premiers, doivent être indémontrables. Et ainsi il
est clair qu’il est nécessaire de posséder la science de certaines choses
sans recourir à la démonstration. 67. Si donc on
demande comment on obtient la science des principes immédiats, il répond non
seulement qu’il y a science de cette sorte de principes, mais, bien plus, que
la connaissance qu’on en a est comme un principe pour toute la science. Car
c’est de la connaissance des principes que découle la connaissance des
conclusions qui sont l’objet propre de la science. Mais les principes
immédiats eux-mêmes ne sont pas connus par un moyen terme extérieur mais par
la connaissance des termes qui leur sont propres. En effet, une fois qu’on
sait ce qu’est un tout et une partie, on connaît aussitôt que tout tout est
plus grand que sa partie : car dans de telles propositions, ainsi que
nous l’avons dit plus haut, le prédicat fait partie de la définition du
sujet. Et c’est pourquoi il est rationnel que la connaissance de ces
principes soit la cause de la connaissance des conclusions : car
toujours, ce qui existe par soi est
cause de ce qui existe par un autre. |
|
|
LECTIO 8 |
LEÇON 8. Rejet de l’autre
erreur en montrant que la démonstration ne peut se faire de manière
circulaire
(nn.
68-75; [41-45]). |
[79533] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 8 n. 1Postquam philosophus exclusit unam falsam
radicem, ostendens quod non omnis scientia est per demonstrationem, hic
excludit aliam, ostendens quod non contingit circulariter demonstrare. [79534] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 8 n. 2Ad cuius evidentiam sciendum est quod
circularis syllogismus dicitur, quando ex conclusione et altera praemissarum
conversa concluditur reliqua. Sicut si fiat talis syllogismus : omne animal rationale
mortale est risibile ; omnis homo est animal rationale mortale ; ergo omnis
homo est risibilis : assumatur autem conclusio tanquam principium, et
adiungatur ei minor conversa, hoc modo : omnis homo est risibilis ; omne
animal rationale mortale est homo ; sequitur quod, omne animal rationale
mortale sit risibile : quae erat maior primi syllogismi. [79535] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 8 n. 3Ostendit autem Aristoteles per tres
rationes quod non contingit circulariter demonstrare. Quarum prima est. In
circulari syllogismo idem fit et principium et conclusio. Principium autem
demonstrationis est prius et notius conclusione : ut supra ostensum est.
Sequitur ergo quod idem sit prius et posterius respectu
unius et eiusdem, et notius et minus notum. Hoc
autem est impossibile. Ergo impossibile est circulariter demonstrare. [79536] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 8 n. 4Sed posset aliquis dicere quod idem potest
esse prius et posterius alio et alio modo, scilicet ut hoc sit prius quoad
nos, et illud sit prius simpliciter. Sicut singularia sunt
priora quoad nos, et posteriora simpliciter ; universalia vero e converso. Hoc autem modo inductio facit notum,
scilicet altero modo a demonstratione. Nam demonstratio procedit ex prioribus simpliciter : inductio autem ex
prioribus quoad nos. Sed si sic fieret demonstratio circularis, ut scilicet
primo concluderetur ex prioribus simpliciter, postea vero ex prioribus quoad
nos ; sequeretur quod non esset bene determinatum superius quid est scire.
Dictum est enim quod scire est causam rei cognoscere.
Et ideo ostensum est quod oportet demonstrationem, quae facit scire, ex
prioribus simpliciter procedere. Si autem demonstratio, nunc ex prioribus
simpliciter, nunc ex prioribus quoad nos procederet ; oporteret etiam
quod scire non solum esset causam rei cognoscere, sed dupliciter diceretur
quia esset etiam quoddam scire per posteriora. Aut ergo oportebit sic dicere,
aut oportebit dicere quod altera demonstratio, quae fit ex nobis notioribus,
non sit simpliciter demonstratio. [79537] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 8 n. 5Ex his autem apparet quare dialecticus
syllogismus potest esse circularis. Procedit enim ex probabilibus. Probabilia
autem dicuntur, quae sunt magis nota vel sapientibus vel pluribus. Et sic
dialecticus syllogismus procedit ex his quae sunt magis nobis nota. Contingit
autem idem esse magis et minus notum quoad diversos ; et ideo nihil prohibet
syllogismum dialecticum fieri circularem. Sed demonstratio fit ex notioribus
simpliciter ; et ideo, ut dictum est, non potest fieri demonstratio
circularis. [79538] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 8 n. 6Secundam rationem ponit ibi : accidit autem
etc. : quae talis est. Si demonstratio sit circularis, sequitur quod in
demonstratione probetur idem per idem ; ut si dicamus : si est hoc,
est hoc. Sic autem facile est cuilibet demonstrare omnia. Hoc enim
poterit facere quilibet, tam sciens quam ignorans. Et sic per demonstrationem
non acquiritur scientia : quod est contra definitionem demonstrationis. Non
ergo potest esse demonstratio circularis. Veritatem autem primae
consequentiae hoc modo ostendit. Primo enim, dicit quod manifestum est quod
accidit, circulari demonstratione facta, hoc quod prius dictum est, scilicet
quod idem probetur per idem, si quis sumat tres terminos. Reflexionem autem
fieri per multos, aut per paucos terminos nihil differt (nominat autem
hic reflexionem processum, qui fit in demonstratione
circulari a principio ad conclusionem, et iterum a conclusionem ad
principium.) Huiusmodi ergo reflexio quantum ad vim argumentandi, sive fiat
per multa, sive per pauca, non differt. Nec differt de paucis, aut de duobus.
Eadem enim virtus arguendi est, si quis sic procedat : si est a, est b, et si
est b, est c, et si est c, est d ; et iterum reflectat dicens : si est d, est
c, et si est c, est b, et si est b, est a ; sicut si statim a principio
reflecteret dicens : si est a, est b, et si est b, est a. Dicit autem per
duos terminos, cum supra dixerit, tribus terminis positis,
quia in deductione, quam faciet, utetur tertio termino, qui sit idem cum
primo. Deinde, cum dicit : cum enim etc., proponit formam argumentandi in
tribus terminis, hoc modo : si sit a, est b ; et si est b, est c ; ergo si
est a, ex necessitate est c. Deinde, cum dicit : si igitur cum sit a etc.,
per formam argumentandi praemissam ostendit quod in circulari demonstratione
concluditur idem per idem, sumptis duobus terminis tantum. Erit enim dicere :
si est a, est b ; et reflectendo (quod est circulariter demonstrare) : si est
b, est a. Ex quibus duobus sequitur, secundum formam arguendi praemissam, si
est a, est a. Quod sic patet. Sicut enim
in prima deductione, quae fiebat per tres terminos, ad b sequebatur c ; ita in deductione reflexa duorum terminorum, ad b
sequitur a. Ponatur ergo quod idem significet a in secunda deductione
reflexa, quod c significabat in prima directa, quae est per tres terminos. Igitur dicere in secunda deductione, si est
b, est a, est hoc ipsum quod erat dicere in prima deductione, si est b, est
c. Sed cum dicebatur in prima deductione, si est b, est c, sequebatur, si est
a, est c. Ergo in deductione circulari sequitur, si est a, est a : quia c cum
a idem ponitur. Et ita leve erit demonstrare omnia, ut dictum est. [79539] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 8 n. 7Tertiam rationem ponit ; ibi : at vero nec
hoc possibile est et cetera. Quae talis est. Ponentes omnia posse sciri per
demonstrationem, quia demonstratio est circularis, necesse habent dicere quod
omnia possunt demonstrari demonstratione circulari ; et ita necesse habent
dicere quod in demonstratione circulari ex conclusione possit concludi
utraque praemissarum. Hoc autem non potest fieri nisi in his, quae ad se
invicem convertuntur, idest convertibilia sunt, sicut propria.
Sed non omnia sunt huiusmodi. Ergo vanum est dicere quod omnia possunt
demonstrari, propter hoc quod demonstratio est circularis. [79540] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 8 n. 8Quod autem oporteat in demonstratione
circulari omnia esse convertibilia secundum positionem istorum, sic ostendit.
Ostensum est in libro priorum quod, uno posito, non sequitur ex necessitate
aliud ; nec posito uno termino, nec posita una propositione tantum. Nam omnis
syllogismus est ex tribus terminis et duabus propositionibus ad minus.
Oportet ergo accipere tres terminos convertibiles in demonstratione
circulari, scilicet a, b, c ; ita quod a insit omni b et omni c, et haec
scilicet b et c inhaereant sibi invicem, ita quod omne b sit c, et omne c sit
b, et iterum haec insint ipsi a, ita quod omne a sit b, et omne a sit c. Et
ita se habentibus terminis, contingit monstrare in prima figura ex
alterutris, idest circulariter, omnia quaesita, idest
conclusionem ex duabus praemissis et utramlibet praemissarum ex conclusione
et altera conversa, sicut ostensum est in his, quae sunt de syllogismo,
idest in libro priorum, in quo agitur de syllogismo simpliciter. Quod sic
patet. Sumantur tres termini convertibiles, scilicet risibile, animal
rationale mortale, et homo, et syllogizetur sic : omne animal rationale
mortale est risibile ; omnis homo est animal rationale mortale ; ergo omnis
homo est risibilis. Et ex hac conclusione potest iterum concludi tam maior
quam minor. Maior sic : omnis homo est risibilis ; omne animal rationale
mortale est homo ; ergo omne animal rationale mortale est risibile. Minor sic
: omne risibile est animal rationale mortale ; omnis homo est risibilis ;
ergo omnis homo est animal rationale mortale. [79541] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 8 n. 9Ostensum est autem in libro priorum quod in
aliis figuris, scilicet in secunda et tertia, aut non fit circularis syllogismus,
scilicet per quem ex conclusione possit syllogizari utraque praemissarum :
aut si fiat, non erit ex acceptis, sed ex aliis propositionibus,
quae non sumuntur in primo syllogismo. Quod sic patet. In secunda figura non
est conclusio nisi negativa : oportet autem alteram praemissarum esse
negativam, et alteram affirmativam. Non enim ex duabus negativis potest
aliquid concludi, nec ex duabus affirmativis potest concludi negativa. Non
est ergo possibile quod ex conclusione et praemissa negativa concludatur
affirmativa. Si ergo debet affirmativa probari, oportet quod per alias
propositiones probetur, quae non sunt sumptae. Similiter in tertia figura non
est conclusio nisi particularis. Oportet autem alteram praemissarum ad minus
esse universalem. Si autem in praemissis sit aliqua particularis, non potest
concludi universalis. Unde non potest esse quod in tertia figura ex
conclusione syllogizetur utralibet praemissarum. Et eadem ratione apparet
quod nec in prima figura talis circularis syllogismus potest fieri, per quem
utraque praemissarum concludatur, nisi in primo modo, in quo solo concluditur
universalis affirmativa. Nec etiam in hoc modo potest fieri talis syllogismus
circularis, per quem utraque praemissarum concludatur, nisi sumantur tres
termini aequales, idest convertibiles. Quod ex hoc patet. Oportet
enim ex conclusione, et altera praemissarum conversa, concludere reliquam :
sicut dictum est. Non autem potest utraque praemissarum converti, cum utraque
sit universalis affirmativa, nisi in terminis convertibilibus. |
68. Après avoir
écarté un faux principe en montrant que ce n’est pas toute science qui
s’obtient par démonstration, le Philosophe écarte ici l’autre faux principe
en montrant qu’il n’est pas possible de démontrer de manière circulaire. 69. Mais pour le
voir, il faut savoir qu’on appelle circulaire le syllogisme qui, à partir de
la conclusion et de l’une des prémisses convertie, conclut l’autre prémisse.
Par exemple, si on fait le syllogisme suivant : Tout animal rationnel et mortel est capable de rire; mais tout homme est un animal rationnel et
mortel; donc tout homme est capable
de rire : alors, pour faire un syllogisme circulaire, on prend la
conclusion comme principe et on lui ajoute la mineure convertie, de la
manière qui suit : Tout homme est
capable de rire; mais tout animal
rationnel et mortel est un homme; il s’ensuit donc que tout animal rationnel et mortel est
capable de rire : et cette dernière conclusion tenait lieu de majeure dans le premier syllogisme. 70. Mais
Aristote montre au moyen de trois raisonnements qu’il n’est pas possible de
procéder ainsi dans la démonstration, c’est-à-dire de manière circulaire. Et parmi ces raisonnements, voici le premier. Dans le syllogisme
circulaire, c’est la même proposition qui devient à la fois principe et
conclusion. Mais le principe de la démonstration est à la fois antérieur à la
conclusion et plus connu qu’elle, ainsi que nous l’avons montré plus haut. Il
s’ensuit donc que la même proposition serait à la fois antérieure et postérieure,
plus connue et moins connue sous le même rapport. Mais cela est impossible.
Il est donc impossible de démontrer de manière circulaire. 71. Mais on
pourrait dire que la même proposition peut être antérieure et postérieure
sous des modes ou des rapports différents, de manière à ce que celle-ci soit
antérieure quant à nous et que
celle-là soit antérieure absolument,
comme les singuliers qui sont antérieurs quant à nous et postérieurs absolument, et comme les
universels qui sont dans le rapport inverse. Mais c’est de cette manière que
l’induction fait connaître, c’est-à-dire d’après un mode différent de la
démonstration, car la démonstration procède de ce qui est premier absolument
alors que l’induction procède de ce qui est premier quant à nous. Mais si la démonstration pouvait être
engendrée de manière circulaire, c’est-à-dire de telle manière qu’elle
pourrait d’abord tirer sa conclusion de ce qui est premier absolument et
ensuite au contraire de ce qui est premier quant à nous, il s’ensuivrait
qu’on n’aurait pas bien déterminé plus haut ce qu’est le savoir. Nous avons dit en effet que savoir, c’est connaître la
cause de la chose. Et c’est pourquoi nous avons montré qu’il faut que la
démonstration, qui fait savoir, procède de ce qui est premier absolument.
Mais si la démonstration procédait tantôt de ce qui est premier absolument et
tantôt de ce qui est premier quant à nous, il faudrait encore que le savoir ne soit pas seulement la
connaissance de la cause de la chose, mais qu’il se dise en un deuxième sens, car il serait aussi un savoir au moyen de ce
qui est postérieur. Donc ou bien il faudra parler comme nous l’avons fait, ou
bien il faudra dire qu’il existe une autre sorte de démonstration qui procède
de ce qui est plus connu de nous et qui n’est pas une démonstration à parler
absolument. 71 bis.
À partir de ce que nous avons dit, nous pouvons voir pourquoi le syllogisme
dialectique peut être circulaire : il procède en effet de ce qui est
probable. Mais on appelle probables les propositions qui sont plus connues
soit des sages soit de la multitude. Et ainsi le syllogisme dialectique
procède de ce qui est plus connu de nous. Mais il arrive que la même
proposition soit simultanément plus et moins connue chez différentes
personnes, et c’est pourquoi rien n’empêche que le syllogisme dialectique
soit circulaire. Mais la démonstration procède de ce qui est plus connu
absolument; et c’est pourquoi, comme nous l’avons dit, la démonstration ne
peut être circulaire. 72. Il présente le deuxième raisonnement là [42] où il
dit : Mais il arrive etc., et
que voici. Si la démonstration pouvait être circulaire, il s’ensuivrait que
dans la démonstration le même serait prouvé par le même : c’est comme si
on disait : si cela existe, cela existe. Mais de cette manière il est
facile à quiconque de tout démontrer. En effet, n’importe qui peut faire
cela, aussi bien celui qui sait que celui qui ignore. Mais de cette manière
la science ne serait pas acquise par la démonstration, ce qui est contraire à
la définition de la démonstration. La démonstration ne peut donc pas être
circulaire. Mais c’est de la manière suivante qu’il
prouve la vérité de la première conséquence. Il dit en effet en premier lieu qu’il est
manifeste que, lorsque la démonstration circulaire est faite, se produit
alors ce que nous avons dit antérieurement, à savoir que le même se trouve à
être prouvé par le même, si on pose trois termes. Il importe peu que la
réciprocité se fasse par beaucoup ou par peu de termes (il appelle ici réciprocité le processus qui se
produit dans la démonstration circulaire et qui va du principe à la
conclusion et en second lieu de la conclusion au principe). Donc, quant à la
puissance de l’argumentation, qu’une telle réciprocité se fasse par plusieurs
ou par peu de termes, cela ne change rien. En effet, la puissance de
l’argumentation est la même si quelqu’un procède ainsi : Si A existe, B existe, et si B existe, C
existe, et si C existe, D existe; et si par la suite il fait un retour en
disant : Si D existe, C existe, et si C existe, B existe, et si B
existe, A existe; c’est comme si dès le début il faisait le retour
suivant en disant : Si A existe, B
existe, et si B existe, A existe. Mais il se trouve à dire au moyen de
deux termes ce qu’il avait dit plus haut au moyen de trois termes, car dans
la déduction qu’il fait, il se sert d’un troisième terme qui est identique au
premier. 72 bis.
Ensuite lorsqu’il dit [43] : Lorsqu’en effet etc., il présente la
forme de l’argumentation en trois termes de la manière suivante : Si A existe, B existe; et si B existe, C existe; donc
nécessairement, Si A existe, C existe. Ensuite lorsqu’il dit [44] : Si donc lorsque A existe etc., il
montre par la forme de l’argumentation précédente que dans la démonstration
circulaire on conclut le même par le même une fois qu’on a pris deux termes
seulement. Il faudra dire en effet : Si
A existe, B existe; et en faisant le retour (ce qui constitue une
démonstration circulaire) : Si B
existe, A existe. À partir de ces deux termes il s’ensuit, suivant la
forme de l’argumentation précédente, que Si
A existe, A existe. Et cela est évident de la manière
suivante. En effet, tout comme dans la première déduction qui était produite
au moyen de trois termes, de B suivait C, de même dans la déduction
réciproque de deux termes, de B suit A. On pose donc que dans la deuxième
déduction réciproque A signifiera la même chose que ce que C signifiait dans la première
déduction directe qui est produite par trois termes. Donc, dire dans la
deuxième déduction, Si B existe, A
existe, c’est cela même qu’on disait dans la première déduction, à savoir
Si B existe, C existe. Mais
lorsqu’on disait dans la première déduction Si B existe, C existe, il s’ensuivait si A existe, que C existe.
Donc, dans la déduction circulaire il s’ensuit, si A existe, que A
existe, parce que C est posé comme
étant identique à A. Et ainsi il sera facile de tout démontrer, ainsi que
nous l’avons dit. 73. Il présente le troisième raisonnement là [45] où
il dit : Et par ailleurs cela
n’est pas possible etc. Et voici ce raisonnement : ceux qui posent
qu’il peut y avoir science de tout au moyen de la démonstration parce que
celle-ci est circulaire doivent nécessairement dire que tout peut être
démontré par la démonstration circulaire; et ainsi, ils doivent
nécessairement dire que dans la démonstration circulaire, à partir de la
conclusion, chacune des deux prémisses peut être démontrée. Mais cela ne peut
se produire que dans les cas où les termes se convertissent réciproquement,
c’est-à-dire qui sont convertibles, comme les
propres. Mais ce ne sont pas toutes les prémisses qui sont de cette
sorte. Il est donc inutile de dire que tout peut être démontré pour cette
seule raison que la démonstration est circulaire. 74. Mais qu’il
faille que dans la démonstration circulaire tous les termes soient
convertibles quant à leur position, il le montre de la manière suivante. Nous avons montré au livre des Premiers Analytiques qu’une fois posée
une chose, il n’en découle pas nécessairement une autre, ni pour un seul
terme, ni pour une seule proposition. Car tout syllogisme procède d’au moins
trois termes et de deux propositions. Il faut donc, dans la démonstration
convertible, prendre trois termes qui soient convertibles, soit A, B et C, de
telle sorte que A s’attribue à tout B et à
tout C, et que ces termes, à savoir B et C, s’attribuent mutuellement
de telle manière que tout B soit C et que tout C soit B et en outre que ces
derniers termes s’attribuent à A lui-même de telle manière que tout A soit B
et que tout A soit C. Et ces termes se présentant de cette manière, il est possible de démontrer dans la
première figure en partant de l’un ou de l’autre, c’est-à-dire de manière
circulaire, tout ce qui est recherché, à savoir soit la conclusion à partir
des deux prémisses, soit chacune des deux prémisses à partir de la conclusion
et de l’autre prémisse convertie, ainsi
que nous l’avons montré dans les livres qui se rapportent au syllogisme,
c’est-à-dire dans le livre des Premiers
Analytiques dans lequel on traite du syllogisme pris absolument. Ce que l’on peut voir de cette manière. On
prend trois termes convertibles, à savoir capable
de rire, animal rationnel et mortel
et homme, et on syllogise de la
manière suivante : Tout animal rationnel
et mortel est capable de rire; tout
homme est un animal rationnel et mortel; donc tout homme est capable de rire. Et à partir de cette conclusion on peut
par la suite conclure aussi bien la
majeure que la mineure. - Pour la majeure de la manière suivante :
Tout homme est capable de rire; tout animal rationnel et mortel est un
homme; donc tout animal rationnel
et mortel est capable de rire. – Pour la
mineure de la manière suivante : Tout
ce qui est capable de rire est un animal rationnel et mortel; tout homme est capable de rire; donc, tout homme est un animal rationnel et
mortel. 75. Nous avons
montré en effet dans le livre des
Premiers Analytiques que pour ce qui est des autres figures, c’est-à-dire
pour la deuxième et la troisième, on ne peut engendrer un syllogisme circulaire par
lequel on pourrait syllogiser l’une ou l’autre des prémisses à partir de la
conclusion; mais si cela se produisait, ce
ne serait plus à partir de ce qui a été pris comme propositions au départ
mais à partir d’autres propositions qui ne sont pas tirées du premier
syllogisme. Ce qui devient évident de la manière suivante. En deuxième
figure on ne peut conclure que négativement : mais il faut que l’une des
prémisses soit négative et que l’autre soit affirmative. On ne peut en effet
rien conclure de deux négatives, et de deux affirmatives on ne peut conclure
une négative. Il n’est donc pas possible que d’une conclusion et d’une
prémisse négatives on tire une conclusion
affirmative. Si donc l’affirmative doit être prouvée, il faut qu’elle soit
prouvée au moyen d’autres propositions qui n’ont pas été posées au départ. De la même manière, en troisième figure, on ne peut conclure
que particulièrement. Mais il faut qu’il y ait au moins une des prémisses qui
soit universelle. Mais si parmi les prémisses il y en a une qui est
particulière, on ne peut conclure universellement. C’est pourquoi il n’est
pas possible en troisième figure
qu’on syllogise les deux prémisses à partir de la conclusion. Et pour la même raison il apparaît qu’en première figure non plus
il n’est pas possible de produire un syllogisme circulaire par lequel on
pourrait conclure les deux prémisses, sauf selon le premier mode qui est le
seul dans lequel on conclut une universelle affirmative. Et même dans ce mode
il n’est possible de produire un tel syllogisme circulaire d’où on puisse
tirer les deux prémisses que si les trois termes qu’on prend sont égaux, c’est-à-dire convertibles, ce qui est évident à
partir de cela : il faut en effet, à partir de la conclusion et d’une
des prémisses convertie, conclure l’autre prémisse, ainsi que nous l’avons
dit. Mais ce n’est qu’avec des termes convertibles qu’il est possible que les
deux prémisses soient converties puisque les deux sont universelles
affirmatives. |
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LECTIO 9 |
LEÇON 9. Sur le principe
de l’attribution à tout le sujet
(nn.
76-81; [46-49]). |
[79542] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 9 n. 1Postquam philosophus ostendit quid sit
syllogismus demonstrativus, in parte ista incipit ostendere ex quibus et
qualibus sit. Et circa hoc tria facit ; primo, continuat se ad praecedentia ;
secundo, interponit quaedam quae sunt necessaria ad praecognoscendum ; ibi :
primum autem determinabimus etc. ; tertio, determinat propositum, scilicet ex
quibus sit syllogismus demonstrativus ; ibi : si igitur est demonstrativa et
cetera. [79543] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 9 n. 2Dicit ergo primo, quod quia dictum est
supra, quod impossibile est aliter se habere in definitione eius quod
est scire, necessarium erit id quod scitur secundum
demonstrationem. Quid autem sit quod est secundum demonstrationem scire
exponit, dicens quod demonstrativa scientia est quam habemus in
habendo demonstrationem, idest quam ex demonstratione acquirimus. Et sic
habetur quod demonstrationis conclusio sit necessaria. Quamvis autem
necessarium possit syllogizari ex contingentibus, non tamen de necessario
potest haberi scientia per medium contingens, ut infra probabitur. Et quia
conclusio demonstrationis non solum est necessaria, sed etiam per
demonstrationem scita, ut dictum est, sequitur quod demonstrativus syllogismus
sit ex necessariis. Et ideo accipiendum est ex quibus necessariis et qualibus
sint demonstrationes. [79544] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 9 n. 3Deinde cum dicit : primum autem etc.,
interponit ea, quae sunt praeintelligenda ad cognoscendum de his de quibus
tractaturus est. Et circa hoc duo facit. Primo, dicit de quo est intentio,
dicens quod antequam determinetur in speciali ex quibus et qualibus sit
demonstratio, primo determinandum est quid intelligatur cum dicimus de
omni, et per se, et universale. Cognoscere enim ista est necessarium ad
sciendum ex quibus sit demonstratio. Hoc namque oportet observari in demonstrationibus. Oportet enim in
propositionibus demonstrationis aliquid universaliter praedicari,
quod significat dici de omni, et per se, et
etiam primo, quod significat universale. Haec autem tria se
habent ex additione ad invicem. Nam omne quod per se praedicatur,
etiam universaliter praedicatur ; sed non e converso.
Similiter omne quod primo praedicatur, praedicatur per
se, sed non convertitur. Unde etiam apparet ratio ordinis istorum.
Differentia etiam et numerus istorum trium apparet ex hoc, quod aliquid
praedicari dicitur de omni sive universaliter per
comparationem ad ea, quae continentur sub subiecto. Tunc enim dicitur
aliquid de omni, ut habetur in libro
priorum, quando nihil est sumere sub subiecto, de quo praedicatum non
dicatur. Per se autem dicitur aliquid praedicari, per
comparationem ad ipsum subiectum : quia ponitur in eius definitione, vel e
converso, ut infra patebit. Primo vero dicitur aliquid
praedicari de altero per comparationem ad ea, quae sunt priora subiecto et
continentia ipsum. Nam habere tres angulos etc., non praedicatur primo
de isoscele : quia prius praedicatur de priori, scilicet de
triangulo. [79545] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 9 n. 4Secundo, ibi : de omni quidem etc.,
determinat propositum. Et dividitur in tres partes. Primo, ostendit quid
sit dici de omni ; secundo, quid sit dici per se ;
ibi : per se autem etc. ; tertio, quid sit universale ; ibi : universale
autem dico et cetera. Circa primum duo facit. Primo, ostendit quid sit dici
de omni. Ad quod sciendum est quod dici de omni, prout hic
sumitur, addit supra dici de omni, prout sumitur in libro
priorum. Nam in libro priorum accipitur dici de omni communiter,
prout utitur eo et dialecticus et demonstrator. Et ideo non plus ponitur in
definitione eius, quam quod praedicatum insit cuilibet eorum quae continentur
sub subiecto. Hoc autem contingit vel ut nunc, et sic utitur
quandoque dici de omni dialecticus ; vel simpliciter et
secundum omne tempus, et sic solum utitur eo demonstrator. [79546] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 9 n. 5Et ideo in definitione dici de omni,
duo ponit : quorum unum est, ut nihil sit sumere sub subiecto cui praedicatum
non insit. Et hoc significat cum dicit : non in quodam quidem sic, in
quodam autem non. Aliud est, quod non sit accipere aliquod tempus, in quo
praedicatum subiecto non conveniat. Et hoc designat cum dicit : neque
aliquando sic, aliquando non ; et ponit exemplum. Sicut de omni homine
praedicatur animal ; et de quocunque verum est dicere quod sit homo, verum
est dicere quod sit animal, et quandocunque est homo, est animal. Et
similiter se habet de linea et de puncto : nam punctum est in linea qualibet
et semper. [79547] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 9 n. 6Secundo ; ibi : signum autem etc.,
manifestat positam definitionem per signum ab instantiis sumptum. Non enim
fertur instantia contra universalem propositionem, nisi quia deficit aliquid
eorum, quae per eam significantur. Cum autem interrogamur, an aliquid
praedicetur de omni in demonstrativis, dupliciter ferimus
instantias ; vel quia in quodam eorum quae continentur sub subiecto non est
verum ; vel quia aliquando non est verum. Unde manifestum est quod dici
de omni utrunque praedictorum significat. |
76. Après avoir
montré ce qu’est le syllogisme
démonstratif, le Philosophe commence ici à montrer dans cette partie de
quelles propositions il procède ainsi que la nature de ces propositions. Et à ce sujet il fait trois choses; en premier lieu il poursuit à partir de ce
qui précède [45]; en deuxième lieu il insère certaines notions qu’il est
nécessaire de connaître à l’avance, là [47] où il dit : Mais nous préciserons en premier lieu
etc.; en troisième lieu il détermine le propos, c’est-à-dire d’où procède le
syllogisme démonstratif, là [70] où il dit : Si donc la science est démonstrative etc. 77. Il dit donc en premier lieu [46] que parce
que nous avons dit plus haut pour la définition de l’objet du savoir pris
absolument qu’il est impossible qu’il soit autrement, ce qui est connu par la
science démonstrative sera nécessaire.
Mais il explique ce qu’est le savoir par démonstration en disant que
la science démonstrative est celle que nous
possédons quand nous possédons la démonstration, c’est-à-dire celle que
nous acquérons à partir de la démonstration. Et c’est ainsi que nous obtenons
que la conclusion de la démonstration soit nécessaire. Mais bien que le
nécessaire puisse être déduit du contingent, cependant la science ne peut
être acquise avec nécessité au moyen du contingent ainsi qu’on le prouvera
plus loin. Et parce que la conclusion de la démonstration est non seulement
nécessaire, mais aussi connue par la démonstration comme nous l’avons déjà
dit, il s’ensuit que le syllogisme démonstratif sera constitué à partir de
prémisses nécessaires. Et c’est pourquoi il faut arriver à saisir de quelles
propositions nécessaires les démonstrations sont constituées ainsi que la
nature de ces propositions. 78. Ensuite
lorsqu’il dit [47] : Mais en
premier lieu etc., il insère certaines notions qu’il faut comprendre à
l’avance pour connaître les choses dont on doit traiter par la suite. Et à ce sujet il fait deux choses. En premier
lieu, il dit sur quoi porte son intention, en disant qu’avant de traiter
en particulier de quelles propositions est constituée la démonstration, il
faut en premier lieu préciser ce que nous entendons par les expressions attribué à tout le sujet, attribué par soi et attribué universellement. La connaissance de la
signification de ces expressions est nécessaire en effet pour savoir à partir
de quelles sortes de propositions la démonstration est constituée. Car ces
trois caractéristiques doivent s’observer dans les démonstrations. Il faut en
effet que dans les propositions de la démonstration quelque chose soit
attribué à la fois universellement,
ce que signifie l’expression s’attribuer
à tout le sujet, par soi ou essentiellement,
et même en premier lieu, ce que
signifie à proprement parler le terme universel. Mais ces trois
caractéristiques se présentent comme par addition l’une par rapport à
l’autre. Car tout ce qui est attribué essentiellement
s’attribue aussi universellement,
mais non inversement. De la même manière, tout ce qui s’attribue en premier lieu s’attribue aussi essentiellement mais non inversement.
C’est de là aussi qu’apparaît la raison de l’ordre qu’il y a entre ces
notions. Aussi, le nombre ainsi que la différence
qu’il y a entre ces trois notions apparaît du fait que c’est par rapport à ce
qui est contenu dans le sujet qu’on dit qu’un prédicat est attribué à tout le sujet ou universellement. Alors en effet un
prédicat se dit de tout le sujet,
comme on l’établit au livre des
Premiers Analytiques, quand il n’y a aucune chose à prendre dans le sujet
à laquelle le prédicat ne s’attribue pas. Mais si on dit qu’un prédicat
s’attribue par soi ou essentiellement, c’est par rapport au
sujet lui-même, parce qu’il est contenu dans sa définition, ou inversement,
comme nous le verrons plus loin. Mais quand on dit d’un prédicat qu’il
s’attribue à quelque chose d’autre en
priorité, c’est par rapport à ce qui est premier par rapport au sujet et
qui le contient. Car, par exemple, posséder trois angles etc. ne s’attribue
pas en premier lieu à l’isocèle parce
qu’il s’attribue en priorité à quelque chose d’autre qui lui est antérieur,
c’est-à-dire au triangle. 79. En deuxième lieu, là [48] où il
dit : Mais je dis que se dit de
tout etc., il détermine le propos. Et il divise cette section en trois
parties. En premier lieu il montre ce que c’est que de s’attribuer à tout le sujet; en deuxième lieu, il montre
ce que c’est que l’attribution par soi
ou essentielle, là [50] où il dit : mais
l’attribution par soi etc.; en troisième lieu il montre ce qu’est l’universel là [56] où il dit : Mais j’appelle universel etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En
premier lieu il montre ce que c’est que de s’attribuer à tout le sujet [48]. Et pour cela il faut savoir
que l’attribution à tout le sujet
telle qu’on la prend ici ajoute à l’attribution
à tout le sujet selon qu’elle se prend dans le livre des Premiers Analytiques. Car dans ce dernier livre l’attribution à tout le sujet se prend
communément selon que s’en servent le dialecticien tout comme celui qui
démontre. Et c’est pourquoi on ne met rien de plus dans sa définition que
ceci, à savoir que le prédicat se dit de tout ce qui est contenu dans le
sujet. Mais cela peut se prendre soit selon
le moment présent et c’est ainsi que le dialecticien se sert parfois de l’attribution à tout le sujet, soit absolument et à tout moment et c’est
seulement celui qui démontre qui se sert de l’attribution à tout le sujet en
ce sens. 80. Et c’est
pourquoi il met deux choses dans la définition de l’attribution à tout le sujet, dont la première
est qu’il n’y a rien à prendre dans le sujet à quoi le prédicat n’appartient
pas. Et c’est là ce qu’il signifie lorsqu’il dit : et non pas ce qui s’attribue dans certains cas mais pas dans d’autres
cas. La deuxième est qu’il n’y a pas à prendre un temps où le prédicat ne
conviendrait pas au sujet. Et c’est là ce qu’il signifie lorsqu’il dit :
Et non pas de telle manière qu’il
s’attribue à tel moment et non à tel autre; et il donne un exemple. Par
exemple tout comme animal s’attribue à tout homme et que pour chacun dont il
est vrai de dire qu’il est un homme, il est aussi vrai de dire qu’il est un
animal, aussi longtemps qu’il est un homme, il est un animal. Et il en est de
même pour la ligne et le point : car on retrouve le point dans toute
ligne et toujours. 81. En deuxième lieu, là [49] où il
dit : Mais le signe etc., il
manifeste la définition présentée au moyen d’un signe tiré des objections. On
ne porte en effet une objection contre une proposition universelle que parce
que fait défaut un des éléments qui sont signifiés par elle. Mais lorsque
nous sommes interrogés pour savoir si dans la démonstration quelque chose s’attribue à tout le sujet, c’est de
deux manières que nous portons des objections; soit parce que la proposition
ne se vérifie pas de quelques-uns des cas qui sont contenus sous le sujet,
soit parce qu’elle ne se vérifie pas à certains moments. C’est pourquoi il
est évident que l’attribution à tout le
sujet signifie les deux conditions que nous avons dites. |
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LECTIO 10 |
LEÇON 10. Sur l’autre
principe qui est l’attribution essentielle
(nn.
82-89;[50-55]). |
[79548] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 10 n. 1Postquam determinavit philosophus de dici
de omni, hic determinat de per se. Et circa hoc duo facit :
primo, ostendit quot modis dicitur aliquid per se ; secundo, ostendit
qualiter his modis demonstrator utatur ; ibi : quae ergo dicuntur et cetera. [79549] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 10 n. 2Circa primum sciendum est quod haec
praepositio per designat habitudinem causae ; designat etiam interdum et
situm, sicut cum dicitur aliquis esse per se, quando est
solitarius. Causae autem habitudinem designat, aliquando quidem formalis ;
sicut cum dicitur quod corpus vivit per animam. Quandoque autem habitudinem
causae materialis ; sicut cum dicitur quod corpus est coloratum per
superficiem : quia scilicet proprium subiectum coloris est superficies.
Designat etiam habitudinem causae extrinsecae et praecipue efficientis ;
sicut cum dicitur quod aqua calescit per ignem. Sicut autem haec praepositio
per designat habitudinem causae, quando aliquid extrinsecum est causa eius,
quod attribuitur subiecto ; ita quando subiectum vel aliquid eius est causa
eius, quod attribuitur ei, et hoc significat per se. [79550] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 10 n. 3Primus ergo modus dicendi per se est,
quando id, quod attribuitur alicui, pertinet ad formam eius. Et quia
definitio significat formam et essentiam rei, primus modus eius quod
est per se est, quando praedicatur de aliquo definitio vel
aliquid in definitione positum (et hoc est quod dicit quod per se sunt
quaecunque insunt in eo, quod quid est, idest in definitione
indicante quid est), sive ponatur in recto sive in obliquo. Sicut
in definitione trianguli ponitur linea ; unde linea per se inest
triangulo : et similiter in definitione lineae ponitur punctum ; unde
punctum per se inest lineae. Rationem autem quare ista
ponantur in definitione subiungit dicens : substantia, idest
essentia, quam significat definitio ipsorum, idest trianguli et
lineae, est ex his, idest ex linea et punctis. Quod non est
intelligendum quod linea ex punctis componatur, sed quod punctum sit de
ratione lineae, sicut linea de ratione trianguli. Et hoc dicit ad excludendum
ea, quae sunt partes materiae et non speciei, quae non ponuntur in
definitione, sicut semicirculus non ponitur in definitione circuli, nec
digitus in definitione hominis, ut dicitur in VII metaphysicae. Et subiungit
quod quaecumque universaliter insunt in ratione dicente quid est, per
se attribuuntur alicui. [79551] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 10 n. 4Secundus modus dicendi per se est,
quando haec praepositio per designat habitudinem causae materialis, prout
scilicet id, cui aliquid attribuitur, est propria materia et proprium
subiectum ipsius. Oportet autem quod proprium subiectum ponatur in
definitione accidentis : quandoque quidem in obliquo, sicut cum accidens in
abstracto definitur, ut cum dicimus, quod simitas est curvitas nasi ;
quandoque vero in recto, ut cum accidens definitur in concreto, ut cum
dicimus quod simus est nasus curvus. Cuius quidem ratio est, quia cum esse
accidentis dependeat a subiecto, oportet etiam quod definitio eius
significans esse ipsius contineat in se subiectum. Unde secundus modus
dicendi per se est,
quando subiectum ponitur in definitione praedicati, quod est proprium
accidens eius. Et hoc est quod dicit, et per se
dicuntur quibuscunque eorum, idest de numero eorum, quae
insunt ipsis, idest subiectis accidentium, ipsa subiecta insunt
in ratione demonstrante quid est ipsum accidens, idest in
definitione accidentis. Sicut rectum
et circulare insunt lineae per se : nam
linea ponitur in definitione eorum. Et eadem ratione par et impar per
se insunt numero, quia numerus in eorum definitione ponitur
: nam par est numerus medium habens. Et similiter primum et compositum per
se praedicantur de numero, et numerus in definitione eorum ponitur. Est enim primum in
numeris, numerus qui nullo alio numero mensuratur, sed sola unitate, ut
septenarius. Compositus autem numerus est, quem etiam alius numerus mensurat,
sicut novenarius. Et similiter isopleuros, idest aequilaterum,
et scalenon, idest trium inaequalium laterum et altera parte
longius, per se insunt triangulo, et triangulus ponitur in
definitione eorum. Et ideo subiungit quod, subiecta quae insunt omnibus
praemissis accidentibus in ratione dicente quid est, idest in
definitione, sicut alicui praedictorum accidentium inest linea, alicui vero
numerus, et similiter in aliis, unicuique, inquam, ipsorum
subiectorum, per se inesse dico suum accidens. [79552] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 10 n. 5Quae vero praedicata neutraliter
insunt, idest neque ita quod ponantur in definitione subiectorum, neque
subiecta in definitione eorum, sunt accidentia, idest per
accidens praedicantur, sicut musicum et album praedicantur de animali per
accidens. [79553] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 10 n. 6Deinde cum dicit : amplius quod non etc.,
ponit alium modum eius, quod est per se, prout per se significat
aliquid solitarium, sicut dicitur quod per se est aliquod
particulare, quod est in genere substantiae, quod non praedicatur de aliquo
subiecto. Et huius ratio est, quia cum dico, ambulans vel album,
non significo ambulans vel album, quasi aliquid per se solitarium
existens, cum intelligatur aliquid aliud esse quod sit ambulans vel album.
Sed in his, quae significant hoc aliquid, scilicet in primis
substantiis, hoc non contingit. Cum enim dicitur Socrates vel Plato, non
intelligitur quod sit aliquid alterum, quam id quod vere ipsa sunt, quod
scilicet sit subiectum eorum. Sic igitur hoc modo quae non praedicantur de
subiecto sunt per se, quae vero dicuntur de subiecto, scilicet
sicut in subiecto existentia, accidentia sunt. Nam quae dicuntur de subiecto,
sicut universalia de inferioribus, non semper
accidentia sunt. Sciendum est autem quod iste modus non est modus
praedicandi, sed modus existendi. Unde etiam in principio non dixit, per se
dicuntur, sed, per se sunt. [79554] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 10 n. 7Deinde cum dicit : item alio modo etc.,
ponit quartum modum, secundum quod haec praepositio per designat habitudinem
causae efficientis vel cuiuscunque alterius. Et ideo dicit quod quidquid
inest unicuique propter seipsum, per se dicitur de eo ; quod
vero non propter seipsum inest alicui, per accidens dicitur,
sicut cum dico : hoc ambulante coruscat. Non enim propter id quod
ambulat, coruscavit ; sed hoc dicitur secundum accidens. Si vero quod
praedicatur insit subiecto propter seipsum, per se inest, ut
si dicamus quod interfectum interiit : manifestum est enim quod propter id
quod illud interfectum est, interiit, et non est accidens quod interfectum
interierit. [79555] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 10 n. 8Deinde cum dicit : quae ergo dicuntur etc.,
ostendit qualiter utatur praedictis modis demonstrator. Ubi notandum est quod
cum scientia proprie sit conclusionum, intellectus autem principiorum,
proprie scibilia dicuntur conclusiones demonstrationis, in quibus passiones
praedicantur de propriis subiectis. Propria
autem subiecta non solum ponuntur in definitione accidentium, sed etiam sunt
causae eorum. Unde
conclusiones demonstrationum includunt duplicem modum dicendi per se,
scilicet secundum et quartum. Et hoc est quod dicit quod illa quae
praedicantur in simpliciter scibilibus, hoc est, in
conclusionibus demonstrationum, sic sunt per se, sicut inesse
praedicantibus, idest sicut quando subiecta insunt in definitione accidentium,
quae de eis praedicantur, aut inesse propter ipsa, idest quando
praedicata insunt subiecto propter ipsum subiectum, quod est causa
praedicati. Et consequenter ostendit quod huiusmodi scibilia sunt necessaria
: quia non contingit quin proprium accidens praedicetur de subiecto. Sed hoc
est duobus modis. Quandoque quidem simpliciter, sicut cum unum
accidens convertitur cum subiecto, ut habere tres cum triangulo, et risibile
cum homine. Quandoque autem duo opposita sub disiunctione accepta ex necessitate
subiecto insunt, ut lineae aut rectum aut obliquum,
et numero par aut impar. Cuius rationem
ostendit, quia contrarium, privatio et contradictio sunt
in eodem genere. Nam privatio nihil aliud est, quam negatio in subiecto
determinato. Quandoque etiam contrarium aequiparatur negationi in aliquo
genere, sicut in numeris idem est impar quod non par secundum
consequentiam. Sicut ergo necesse est affirmare vel negare, ita necesse est
alterum eorum, quae per se insunt, proprio inesse subiecto. Deinde epilogat
dicens : de omni quidem et cetera. Quod est planum. |
82. Après avoir
traité de l’attribution à tout le sujet,
le Philosophe traite ici de l’attribution
par soi. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu, il montre en combien de sens quelque chose se dit par soi ou
essentiellement [50]. En deuxième lieu il montre de quelle manière celui qui
démontre se sert de ces sens, là [54] où il dit : Donc, celles qui se disent etc. 83. Au sujet du
premier point [50] il faut savoir que cette préposition ¨par¨ désigne un
rapport de causalité; elle signifie aussi parfois la position, comme
lorsqu’on dit que quelqu’un existe par
soi quand il est séparé. Mais elle signifie un rapport de causalité qui
est parfois certes celui d’une cause formelle,
comme lorsqu’on dit que le corps vit par
l’âme. – Mais parfois elle signifie le rapport d’une cause matérielle, comme lorsqu’on dit que
c’est par sa surface que le corps
est coloré car le sujet propre de la couleur est la surface. – Mais elle
signifie aussi le rapport d’une cause extérieure
et principalement celui d’une cause efficiente, comme lorsqu’on dit que c’est
par le feu que l’eau se réchauffe. Mais tout comme cette préposition ¨par¨
désigne un rapport de causalité quand quelque chose d’extérieur est cause de
ce qui est attribué au sujet, de même quand le sujet ou quelque chose lui
appartenant est cause de ce qui lui est attribué, elle signifie cela par soi. 84. Donc le premier sens de l’attribution par soi est celui où ce qui est attribué à quelque chose se
rapporte à sa forme. Et parce que la définition signifie la forme et
l’essence de la chose, le premier sens de
ce qui est par soi, c’est quand la
définition ou quelque chose qui est placé dans la définition est attribué à
quelque chose ( et c’est ce qu’il dit, à savoir qu’on appelle par soi tout ce
qui appartient à ce que la chose est,
c’est-à-dire à la définition qui indique ce
qu’elle est), qu’il y soit placé directement ou indirectement. Par
exemple la ligne est placée dans la définition du triangle; c’est pourquoi la
ligne appartient par soi au
triangle; et de la même manière le point est placé dans la définition de la
ligne et c’est pourquoi le point appartient par soi à la ligne. Mais il ajoute la raison pour laquelle ces
éléments sont placés dans la définition en disant : la substance,
c’est-à-dire l’essence que signifie
la définition de ces choses, à
savoir du triangle et de la ligne, provient
de ceux-ci, à savoir de la ligne et des points. Ce qui ne doit pas
s’entendre au sens où la ligne serait composée de points, mais plutôt au sens
où le point fait partie de la définition de la ligne comme la ligne fait
partie de la définition du triangle. Et il dit cela pour écarter les choses qui
sont les parties matérielles et non celles de l’espèce, et qui ne sont pas
placées dans la définition, tout comme le demi-cercle n’est pas placé dans la
définition du cercle, ni le doigt dans la définition de l’homme, ainsi qu’on
le dit au septième livre de la Métaphysique.
Et il ajoute que tout ce qui s’attribue universellement à une chose, dans la
définition qui dit ce qu’est la
chose, s’attribue essentiellement à cette chose. 85. Le deuxième sens selon lequel se dit
l’attribution par soi, c’est quand
la préposition ¨par¨ signifie un rapport de causalité matérielle,
c’est-à-dire selon que ce à quoi une chose s’attribue est la matière propre
et le sujet propre de cette chose. Mais il faut que le sujet propre soit
placé dans la définition de l’accident : parfois certes indirectement,
comme lorsque l’accident est défini dans l’abstrait, comme lorsque nous
disons que la camusité est la courbure
du nez; mais parfois directement, comme lorsque l’accident est défini
concrètement, comme lorsque nous disons que le camus est un nez courbé. Et la raison en est que puisque
l’existence de l’accident dépend du sujet, il faut aussi que la définition
qui signifie son existence
contienne en elle le sujet. C’est pourquoi le deuxième sens de l’attribution par soi est celui qu’on rencontre
quand le sujet est placé dans la définition du prédicat qui est son accident
propre. Et c’est là ce que le Philosophe dit [51]
par ces mots : et par soi se
dit de tous ceux-là, c’est-à-dire de
ceux qui font partie de ceux-là même auxquels
ils appartiennent, c’est-à-dire aux sujets des accidents, alors que les
sujets eux-mêmes sont compris dans la
définition manifestant ce qu’est l’accident lui-même, c’est-à-dire dans
la définition de l’accident. Par exemple, le
droit et le circulaire appartiennent par soi à la
ligne car la ligne est placée dans leur définition. Et pour la même
raison le pair et l’impair appartiennent par soi au
nombre car le nombre est placé dans la définition du pair et de
l’impair : car est pair le
nombre qui possède une moitié. Et de la même manière, premier et composé s’attribuent
par soi au nombre car le nombre est placé dans leur définition. En effet,
parmi les nombres, est premier le
nombre qui n’est mesuré par aucun autre nombre que l’unité, comme le nombre sept. Mais est composé le nombre qu’un
autre nombre mesure, comme le nombre neuf.
Et de la même manière, isocèle, équilatéral et scalène, c’est-à-dire ce qui possède
trois côtés inégaux, appartiennent par
soi au triangle et triangle est placé dans leur définition. C’est pourquoi il ajoute que les sujets
qui appartiennent à tous les accidents qui précèdent dans l’énonciation qui
dit ce qu’ils sont, c’est-à-dire
dans leur définition, comme la ligne qui entre dans la définition de certains
des accidents présentés, le nombre dans la définition d’un des autres
accidents et ainsi de suite, je dis
qu’alors, à chacun de ces sujets,
son accident lui appartient par soi ou essentiellement. 86. Mais pour
chacun des prédicats qui n’appartient à un sujet dans aucun des sens que nous
avons dit, c’est-à-dire ni de telle manière qu’il soit placé dans la
définition du sujet, ni de telle manière que le sujet soit placé dans sa
définition, je dis que chacun d’eux est un pur accident, c’est-à-dire qu’il
s’attribue par accident au sujet,
comme musicien et blanc s’attribuent par accident à l’animal. 87. Ensuite
lorsqu’il dit [52] : En outre ce
qui ne etc., il présente un autre
sens de ce qui existe par soi,
selon que par soi signifie quelque
chose de séparé, comme on dit que quelque chose de particulier, qui est dans
le genre de la substance et qui ne s’attribue à aucun sujet, existe par soi. Et la raison en est que
lorsque je dis qui se promène ou blanc, je ne signifie pas l’action de
se promener ou le blanc comme s’il s’agissait de choses qui existeraient par soi, séparément, puisqu’on
comprend qu’il y a quelque chose d’autre qui existe et qui est en train de se
promener ou qui est blanc. Mais dans ces cas qui signifient un sujet individuel, à savoir dans les
substances premières, cela n’est pas possible. En effet, lorsqu’on dit Socrate ou Platon, on n’entend pas qu’il existe quelque chose d’autre que ce
qu’ils sont véritablement et qui serait leur sujet. Ainsi donc en ce sens, ce
qui ne s’attribue pas à un sujet existe par
soi mais ce qui s’attribue à un sujet, c’est- à-dire comme existant dans
un sujet, est un accident. Mais ce qui se dit d’un sujet, comme les
universels qui se disent des inférieurs, n’est pas toujours un accident. Mais il faut savoir que ce dernier sens de
¨par soi¨ n’est pas un mode d’attribution mais un mode d’existence. C’est
pourquoi encore au début de son exposé il n’a pas dit se disent par soi mais existent
par soi. 88. Ensuite
lorsqu’il dit [53] : De plus en un
autre sens etc., il présente un
quatrième sens selon lequel cette préposition ¨par¨ désigne un rapport de
causalité efficiente ou de quelque chose qui est autre. C’est pourquoi il dit
qu’une chose qui appartient à une autre chose à cause d’elle-même se dit
d’elle par soi ; mais ce qui
n’appartient pas à une chose à cause d’elle-même se dit d’elle par accident, comme lorsque je
dis : celui-ci se promenant, il
s’est fait un éclair. Ce n’est pas en effet parce qu’il se promenait
qu’il s’est produit un éclair, mais cela se dit par accident. Mais si ce qui
est attribué appartient au sujet par ou à cause de lui, il lui appartient par soi, comme si je dis que celui qui
a été égorgé est mort, il est manifeste en effet que c’est parce qu’il a été
égorgé qu’il est mort et il n’est pas accidentel que celui qui a été égorgé
est mort. 89. Ensuite,
lorsqu’il dit [54] : Donc, ce qui
se dit etc., il montre comment celui qui démontre se sert de ces
différents sens. Et là il faut noter
que puisque la science se rapporte à proprement parler aux conclusions et
l’intelligence aux principes, on dit que l’objet propre de la science, c’est
les conclusions de la démonstration dans lesquelles des propriétés sont
attribuées à leurs sujets propres. Mais les sujets propres ne sont pas
seulement placés dans la définition des accidents, mais ils en sont aussi la
cause. C’est pourquoi les conclusions des démonstrations impliquent deux
sortes d’attributions essentielles : la
deuxième et la quatrième. Et c’est là ce que le Philosophe dit, à
savoir pour ce qui est des objets de la
science pris absolument, c’est-à-dire pour les conclusions des
démonstrations, les attributs sont par soi ou bien comme lorsque le sujet est contenu en eux, c’est-à-dire comme
quand le sujet est inclus dans la définition des accidents qui lui sont
attribués, ou bien comme lorsque
qu’ils sont contenus dans les sujets à
cause des sujets eux-mêmes, c’est-à-dire comme quand les prédicats
appartiennent au sujet à cause du sujet lui-même qui est la cause du
prédicat. Et par la suite il montre que ces objets
de science sont nécessaires : car il n’est pas possible que l’accident
propre ne soit pas attribué au sujet. Mais cela se fait de deux manières. Parfois
certes cela se fait soit absolument,
comme lorsqu’un accident se convertit avec le sujet, comme avoir trois côtés se convertit avec triangle et capable de rire se convertit avec homme; soit comme lorsque deux opposés pris par disjonction
appartiennent nécessairement au sujet, comme à la ligne appartient
nécessairement soit le droit soit le courbe,
et au nombre soit le pair soit l’impair. Et il en montre la raison, à
savoir que le contraire, la privation
et la contradiction sont dans le même genre. Car la privation n’est rien
d’autre qu’une négation dans un sujet déterminé. Parfois
encore le contraire est équivalent à une négation dans un genre donné,
comme dans les nombres l’impair est
identique au non-pair en tant que
résultant nécessairement de l’autre. Donc, tout comme il est nécessaire
d’affirmer ou de nier, de même il est nécessaire que l’un de ceux qui sont
contenus par soi appartienne au sujet qui lui est propre. Ensuite il résume en disant [55] qu’est
évidente la distinction que nous avons faite entre l’attribution à tout le sujet et l’attribution essentielle. |
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LECTIO 11 |
LEÇON 11. Le troisième
principe, à savoir l’attribution universelle, et sur la manière dont la
démonstration use de l’universel
(nn.
90-97; [56-61]). |
[79556] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 11 n. 1Postquam philosophus determinavit de dici
de omni et per se, hic determinat de universali.
Et dividitur in duas partes : in prima, ostendit quid sit universale ; in
secunda, ostendit quomodo in acceptione universalis contingit errare ; ibi :
oportet autem non latere et cetera. Circa primum duo facit : primo, ostendit
quid sit universale ; secundo, ostendit quomodo demonstrator universali
utatur ; ibi : demonstratio autem per se et cetera. Circa primum duo facit :
primo, ostendit quod universale continet in se et dici de omni et per
se ; secundo, ostendit quid supra ea addat ; ibi : universale autem et
cetera. [79557] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 11 n. 2Ad evidentiam autem eorum, quae hic
dicuntur, sciendum est quod universale non hoc modo hic accipitur, prout omne
quod praedicatur de pluribus universale dicitur, secundum quod Porphyrius
determinat de quinque universalibus ; sed dicitur hic universale secundum
quandam adaptationem vel adaequationem praedicati ad subiectum, cum scilicet
neque praedicatum invenitur extra subiectum, neque subiectum sine praedicato. [79558] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 11 n. 3His autem visis, sciendum est quod circa
primum tria facit. Primo dicit quod universale, scilicet
praedicatum, est quod et de omni est, idest universaliter
praedicatur de subiecto, et etiam per se, scilicet inest ei,
idest convenit subiecto secundum quod ipsum subiectum est. Multa
enim universaliter de aliquibus praedicantur, quae non conveniunt eis per se,
et secundum quod ipsa. Sicut omnis lapis coloratus est ; non tamen secundum
quod lapis, sed secundum quod est superficiem habens. [79559] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 11 n. 4Secundo ; ibi : manifestum igitur etc.,
infert quoddam corollarium ex dictis, dicens quod, ex quo universale est,
quod per se inest ; quae autem per se insunt ex necessitate insunt, ut supra
ostensum est ; manifestum est quod universalia praedicata, prout hic
sumuntur, ex necessitate insunt rebus, de quibus praedicantur. [79560] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 11 n. 5Tertio ; ibi : per se autem etc., ne
aliquis crederet aliud esse quod in definitione universalis dixerat per
se, et secundum quod ipsum est, ostendit quod per se et secundum
quod ipsum est, idem est. Sicut lineae per se inest
punctum primo modo, et rectitudo secundo modo : nam utrunque inest ei
secundum quod linea est. Et e converso triangulo secundum quod triangulus est
insunt duo recti, idest quod valet duos rectos, quia per se triangulo
inest. [79561] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 11 n. 6Deinde cum dicit : universale autem etc.,
ostendit quid addat universale supra dici de omni et per
se. Et circa hoc duo facit. Primo, dicit quod tunc est universale
praedicatum, cum non solum in quolibet est de quo praedicatur, sed et primo
demonstratur inesse ei, de quo praedicatur. [79562] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 11 n. 7Secundo ; ibi : ut duos rectos habere etc.,
manifestat per exemplum, dicens quod habere tres angulos aequales duobus
rectis, non inest cuilibet figurae universaliter : licet hoc de figura demonstretur,
quia de triangulo demonstratur qui est figura ; sed tamen non cuilibet
figurae inest, nec demonstrator in sua demonstratione utitur qualibet figura.
Quadrangulus enim figura quaedam est, sed non habet tres duobus rectis
aequales. Isosceles autem, idest triangulus duorum aequalium laterum, habet
quidem universaliter tres angulos aequales duobus rectis, sed non convenit
primo isosceli, sed prius triangulo, quia isosceli convenit, in quantum est
triangulus. Quod igitur primo demonstratur habere duos rectos, aut quodcunque
aliud huiusmodi, huic primo inest praedicatum universale, sicut triangulo. [79563] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 11 n. 8Deinde cum dicit : et demonstratio etc.,
ostendit qualiter demonstrator universali utatur, et dicit
quod demonstratio est per se huius universalis : sed aliorum est quodammodo
et non per se. Demonstrator enim demonstrat passionem de proprio subiecto
: et si demonstret de aliquo alio, hoc non est nisi in quantum pertinet ad
illud subiectum. Sicut passionem trianguli probat de figura et isoscele, in
quantum quaedam figura triangulus est, et triangulus quidam isosceles est.
Quod autem non primo inest isosceli habere tres, hoc non est
quia non universaliter praedicetur de eo, sed quia est frequentius,
idest in pluribus quam isosceles, cum hoc commune sit omni triangulo. |
90. Après avoir
traité de l’attribution à tout le sujet
et de l’attribution essentielle, le
Philosophe traite ici de l’attribution universelle. Et cette section se divise en deux
parties : dans la première il montre ce qu’est l’universel [56]; dans la
deuxième il montre comment il arrive de se tromper dans la manière de prendre
la signification de l’universel, là [62] où il dit : Mais il ne faut pas ignorer etc. Au
sujet du premier point il fait deux choses : en premier lieu il montre
ce qu’est l’universel; en deuxième
lieu il montre comment celui qui démontre use de l’universel, là [61] où il
dit : Mais la démonstration par
soi etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il montre que l’attribution universelle
contient en elle à la fois l’attribution à tout le sujet et l’attribution
essentielle; en deuxième lieu il montre ce qu’elle ajoute à ces dernières, là
[59] où il dit : Mais l’universel
etc. 91. Mais pour
avoir l’évidence de ces choses qu’on mentionne ici, il faut savoir que
l’universel ne se prend pas ici selon qu’on appelle universel tout ce qui
s’attribue à plusieurs, d’après le traité de Porphyre sur les cinq
universels; mais l’universel se dit ici d’après une certaine adaptation ou
une certaine adéquation du prédicat au sujet, c’est-à-dire comme lorsque le
prédicat ne se retrouve pas en dehors du sujet et que le sujet ne se
rencontre pas sans le prédicat. 92. Mais voyant
cela, il faut savoir qu’au sujet du premier point il fait trois choses. En
premier lieu, il dit [56] que l’universel,
c’est-à-dire le prédicat, est ce qui s’attribue à tout, c’est-à-dire qu’il est attribué universellement au sujet,
et il lui est aussi attribué essentiellement,
c’est-à-dire qu’il lui appartient ou qu’il convient au sujet selon ce que le sujet est en lui-même,
en tant que tel. En effet, plusieurs choses sont attribuées universellement à
d’autres choses sans leur être attribuées essentiellement et en tant que
telles. Par exemple, toute pierre est colorée, mais ce n’est pas en tant
qu’elle est une pierre qu’elle est colorée, mais en tant qu’elle possède une
surface. 93. En deuxième lieu, là [57] où il
dit : Il est donc manifeste
etc., il tire un corollaire de ce qui
vient d’être dit, en disant qu’en partant de ce que l’universel est, à
savoir qu’il appartient essentiellement au sujet, et que ce qui appartient
essentiellement au sujet lui appartient nécessairement comme nous l’avons
montré plus haut, il est évident que les prédicats universels, tels qu’on les
entend ici, appartiennent nécessairement aux sujets auxquels ils sont
attribués. 94. En troisième lieu, là [58] où il
dit : Mais par soi etc., afin
qu’on ne pense pas que ce qu’il avait dit dans la définition de l’universel,
à savoir que c’est à la fois ce qui s’attribue essentiellement au sujet et ce qui s’attribue au sujet en tant que tel, présente deux notions
différentes, il montre que l’attribution essentielle
du prédicat au sujet, c’est la même chose que l’attribution du prédicat au
sujet en tant que tel. Tout comme
le point appartient par soi ou essentiellement à la ligne dans le premier
sens et le droit dans le deuxième sens : car les deux appartiennent à la
ligne en tant qu’elle est ligne. Et inversement, le fait d’être équivalent à
deux droits, c’est-à-dire d’avoir trois angles intérieurs égaux à deux
droits, appartient au triangle en tant que triangle parce que ce prédicat lui appartient
essentiellement. 95. Ensuite
lorsqu’il dit [59] : Mais
l’universel etc., il montre ce qu’ajoute l’universel à l’attribution à tout le sujet et à l’attribution par soi ou essentielle. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu, il dit que le prédicat est universel non seulement de telle
manière qu’il se retrouve dans tout ce à quoi il est attribué, mais aussi de
telle manière qu’on démontre qu’il appartient manifestement en premier au sujet auquel il est attribué. 96. En deuxième lieu, là [60] où il
dit : Comme de posséder deux
angles droits etc., il manifeste ce qu’il vient de dire par un exemple,
en disant que le fait de posséder trois angles égaux à deux droits
n’appartient pas à n’importe quelle figure universellement, bien que cela
soit démontré au sujet d’une figure, car c’est au sujet du triangle qui est
une figure qu’on le démontre; cette propriété cependant n’appartient pas à
n’importe quelle figure et celui qui démontre ne se sert pas dans sa
démonstration de n’importe quelle figure. Le carré en effet est une certaine
figure, mais elle ne possède pas trois angles égaux à deux droits. En outre
l’isocèle, c’est-à-dire le triangle qui possède deux côtés égaux, possède
certes universellement trois angles égaux à deux droits, mais cette propriété
n’appartient pas en premier lieu à l’isocèle, mais antérieurement au
triangle, car elle convient à l’isocèle en tant qu’il est un triangle. Donc,
ce qu’on démontre être le premier sujet à posséder deux angles droits ou
toute autre propriété de cette sorte, c’est à ce sujet en premier lieu
qu’appartient le prédicat universel, comme c’est le cas dans l’exemple du
triangle. 97. Ensuite
lorsqu’il dit [61] : Et la
démonstration etc., il montre de quelle manière celui qui démontre se
sert de l’universel, et il dit que la démonstration au sens propre s’intéresse à cette sorte d’universel dont
nous venons de parler: mais elle ne se sert des autres universels que d’une
certaine manière et non au sens propre. Celui qui démontre en effet
démontre qu’une propriété s’attribue à son sujet propre; et s’il la
démontrait comme s’attribuant à un autre sujet, ce ne serait que dans la
mesure où cet autre sujet se rapporte au sujet qui est premier. Par exemple
il prouve cette propriété du triangle à la fois au sujet de la figure et de
l’isocèle, dans la mesure où cette figure est un triangle et dans la mesure
où l’isocèle est certes un triangle. Mais qu’il n’appartienne pas en premier lieu à l’isocèle de
posséder trois angles égaux à deux droits, cela n’est pas parce que cette
propriété ne lui est pas attribué universellement, mais parce qu’elle est
attribué plus fréquemment,
c’est-à-dire plus souvent et dans plus de cas qu’à l’isocèle, puisqu’elle est
commune à tout triangle. |
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LECTIO 12 |
LEÇON 12. De quelles
façons il arrive de se tromper sur la manière de prendre l’universel dans la
démonstration
(nn.
98-108; [62-69]). |
[79564] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 12 n. 1Postquam notificavit Aristoteles quid sit
universale, hic ostendit quomodo in acceptione universalis errare contingat.
Et circa hoc tria facit : primo, dicit quod aliquando circa hoc peccare
contingit ; secundo, assignat quot modis ; ibi : oberramus etc. ; tertio, dat
documentum quomodo possit cognosci utrum vere acceptum sit universale ; ibi :
utrum autem secundum quod et cetera. [79565] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 12 n. 2Dicit ergo primo quod ad hoc, quod non
accidat in demonstratione peccatum, oportet non latere quod multoties videtur
demonstrari universale, non autem demonstratur. [79566] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 12 n. 3Deinde cum dicit : oberramus autem etc.,
assignat modos quibus circa hoc errare contingit. Et circa hoc duo facit.
Primo, enumerat ipsos modos, dicens quod tripliciter contingit decipi circa
acceptionem universalis. Primo quidem, cum nihil aliud sit accipere sub
aliquo communi cui primo competit universale, quam hoc singulare, cui
inconvenienter assignatur. Sicut si sensibile, quod primo et per se inest
animali, assignaretur ut universale primum homini, nullo
alio animali existente. Unde
notandum quod singulare hic large accipitur pro quolibet
inferiori, sicut si species dicatur singulare sub genere contentum. Vel potest dici quod non est possibile
invenire aliquod genus, cuius una tantum sit species. Genus enim dividitur in
species per oppositas differentias ; oportet autem, si unum contrariorum
invenitur in natura, et reliquum inveniri, ut patet per philosophum in II de
caelo et mundo ; et ideo si una species invenitur, invenitur et alia. Una autem species dividitur in diversa
individua per divisionem materiae. Contingit autem totam materiam alicui
speciei proportionatam, sub uno individuo comprehendi, et tunc non est nisi
unum individuum sub una specie. Unde et
signanter de singulari mentionem facit. [79567] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 12 n. 4Secundus modus est, quando est quidem
accipere sub aliquo communi multa inferiora, sed tamen illud est commune
innominatum, quod invenitur in rebus differentibus specie. Sicut si animali
non esset nomen impositum, et sensibile, quod est proprium animalis,
assignaretur ut universale primum his quae sub animali
continentur, vel divisim vel coniunctim. [79568] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 12 n. 5Tertius modus est, quando illud de quo
demonstratur aliquid, ut universale primum, se habet ad id quod demonstratur
de eo, sicut totum ad partem. Sicut si posse videre assignaretur animali ut
universale primum. Non enim omne animal potest videre. Inest enim
his, quae sunt in parte, idest quae particulariter et non universaliter
alicui subiecto conveniunt, demonstratio, idest quod demonstrari
possint, et erit quidem demonstratio de omni, non tamen respectu
huius de quo demonstratur. Posse enim videre demonstratur quidem de aliquo
universaliter, non tamen universaliter de animali, sicut de eo cui primo
insit. Et exponit quid sit primum, secundum quod demonstratio
fertur, quod est universale primum. [79569] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 12 n. 6Secundo ; ibi : si igitur etc., subiungit
exempla ad praedictos modos, et primo ad tertium, dicens quod, si quis
demonstret de lineis rectis quod non intercidant, idest non
concurrant, videbitur huiusmodi esse demonstratio, scilicet
universalis primi, propter hoc quod non concurrere inest aliquibus
lineis rectis. Non autem ita quod hoc fiat, nisi lineae
rectae sint aequales, idest aeque distantes. Sed si lineae
fuerint aequales, idest aeque distantes, tunc non concurrere
convenit eis in quolibet, quia universaliter verum est quod
lineae rectae aeque distantes, etiam si in infinitum protrahantur, in neutram
partem concurrent. [79570] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 12 n. 7Secundo ; ibi : et si triangulus etc.,
ponit exemplum ad primum modum, dicens quod si non esset alius triangulus,
quam isosceles, qui est triangulus duorum aequalium laterum, quod est
trianguli in quantum huiusmodi, videretur esse isoscelis secundum quod est
isosceles : nec tamen hoc esset verum. [79571] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 12 n. 8Tertio ; ibi : et proportionale etc.,
exemplificat de secundo modo. Et videtur hoc ultimo ponere, quia circa hoc
diutius immoratur. Et circa hoc tria facit : primo, ponit exemplum ; secundo,
inducit quoddam corollarium ex dictis ; ibi : propter hoc nec si aliquis etc.
; tertio, assignat rationem dictorum ; ibi : quando igitur non novit et
cetera. Circa primum sciendum est quod proportio est habitudo unius
quantitatis ad alteram, sicut sex ad tria se habent in proportione dupla.
Proportionalitas vero est collatio duarum proportionum. Quae, si sit
disiuncta, habet quatuor terminos ; ut hic : sicut se habent quatuor ad duo,
ita sex ad tria : si vero sit coniuncta, habet tres terminos : nam uno utitur
ut duobus ; ut hic : sicut se habent octo ad quatuor, ita quatuor ad duo.
Patet autem quod in proportione duo termini se habent ut antecedentia ; duo
vero ut consequentia ; ut hic : sicut se habent quatuor ad duo, ita se habent
sex ad tria ; sex et quatuor sunt antecedentia : tria vero et duo sunt
consequentia. Permutata ergo proportio est quando antecedentia invicem conferuntur,
et consequentia similiter. Ut si dicam : sicut se habent quatuor ad duo, ita
se habent sex ad tria ; ergo sicut se habent quatuor ad sex, ita se habent
duo ad tria. Dicit ergo quod esse proportionale commutabiliter convenit
numeris, et lineis, et firmis, idest corporibus, et temporibus. Sicut autem
de singulis determinatum est aliquando seorsum, de numeris quidem in
arithmetica, de lineis et firmis in geometria, de temporibus in naturali
philosophia vel astrologia, ita contingens est, quod de omnibus praedictis
commutatim proportionari una demonstratione demonstretur. Sed ideo commutatim
proportionari, de singulis horum seorsum demonstratur, quia non est nominatum
illud commune, in quo omnia ista sunt unum. Etsi enim quantitas omnibus his
communis sit, tamen sub se et alia, praeter haec, comprehendit, sicut
orationem et quaedam, quae sunt quantitates per accidens. Vel
melius dicendum quod commutatim proportionari non convenit quantitati in
quantum est quantitas, sed in quantum est comparata alteri quantitati
secundum proportionalitatem quandam. Et ideo dixerat etiam in principio proportionale esse quod
commutabiliter est. Omnibus autem istis, in quantum sunt proportionalia,
non est nomen commune positum. Cum autem demonstratur commutatim
proportionari de singulis praedictorum divisim, non demonstratur universale.
Non enim commutatim proportionari inest numeris et lineis, secundum quod
huiusmodi, sed secundum quoddam commune. Demonstrantes autem de lineis
seorsum vel de numeris ponunt hoc, quod est commutabiliter proportionari,
esse quasi quoddam universale praedicatum lineae secundum quod linea est, aut
numeri secundum quod numerus. [79572] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 12 n. 9Deinde cum dicit : propter hoc nec si
aliquis etc., inducit quoddam corollarium ex dictis, dicens quod eadem
ratione, qua non demonstratur universale cum de singulis speciebus aliquid
demonstratur, quod est universale praedicatum communis innominati ; nec etiam
demonstratur universale modo praedicto, si sit commune nomen positum. Sicut
si aliquis aut eadem demonstratione aut diversa demonstret de unaquaque
specie trianguli, quod habet duos rectos, seorsum scilicet de isoscele et
seorsum de gradato, idest de triangulo trium laterum inaequalium, non tamen
propter hoc cognovit quod triangulus tres angulos habeat aequales duobus
rectis, nisi sophistico modo, idest per accidens : quia non
cognovit de triangulo secundum quod est triangulus, sed secundum quod est
aequilaterus, aut duorum aequalium laterum, aut trium inaequalium. Neque etiam
demonstrans cognovit universale trianguli, idest habet
cognitionem de triangulo in universali, etiamsi nullus alius triangulus esset
praeter illos, de quibus cognovit. Et hoc ideo, quia non cognovit de
triangulo secundum quod est triangulus, sed sub ratione specierum eius. Unde
neque cognovit, per se loquendo, omnem triangulum : quia et si secundum
numerum cognovit omnem triangulum (si nullus est, quem non novit), tamen
secundum speciem non cognovit omnem. Tunc enim cognoscitur aliquid
universaliter secundum speciem, quando cognoscitur secundum rationem speciei.
Secundum numerum autem et non universaliter, quando cognoscitur secundum
multitudinem contentorum sub specie. Nec est differentia quantum ad hoc si comparemus species ad individua
vel genera ad species. Nam
triangulus est genus aequilateri et isoscelis. [79573] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 12 n. 10Deinde cum dicit : quando igitur non novit
etc., assignat rationem praedictorum, quaerens quando aliquis cognoscat
universaliter et simpliciter, ex quo praedicto modo cognoscens non cognoscit
universaliter. Et respondet manifestum esse quod, si eadem esset ratio
trianguli in communi et uniuscuiusque specierum eius seorsum acceptae aut
omnium simul acceptarum, tunc universaliter et simpliciter nosceret de
triangulo, quando sciret de aliqua specie eius vel de omnibus simul. Si vero
non est eadem ratio, tunc non erit idem cognoscere triangulum in communi et
singulas species eius ; sed est alterum. Et cognoscendo de speciebus, non
cognoscitur de triangulo secundum quod est triangulus. [79574] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 12 n. 11Deinde cum dicit : utrum autem etc., dat
documentum quo proprie possit accipi universale, dicens quod, utrum aliquid
sit trianguli secundum quod est triangulus, aut isoscelis, secundum quod est
isosceles, et quando id cuius est demonstratio sit primum et
universale, secundum hoc, idest secundum aliquod subiectum
positum ; manifestum est ex hoc quod dicam. Quandocumque enim, remoto aliquo,
adhuc remanet illud quod assignatur universale, sciendum est quod non est
primum universale illius. Sicut, remoto isoscele vel aeneo triangulo, remanet
quod habeat tres angulos, scilicet duobus rectis aequales. Unde patet quod
habere tres angulos aequales duobus rectis non est universale primum, neque
isoscelis, neque aenei trianguli. Remota autem figura non remanet habere
tres, nec etiam, remoto termino, qui est superius ad figuram, cum figura sit,
quae termino vel terminis clauditur ; sed tamen non primo convenit
neque figurae, neque termino, quia non convenit eis universaliter. Cuius ergo
erit primo ? Manifestum est quod trianguli, quia secundum
triangulum inest aliis, tam superioribus, quam inferioribus : ideo enim
competit figurae habere tres, quia triangulus est quaedam figura ; et
similiter isosceli, quia triangulus est, et de triangulo habere tres
universaliter demonstratur. Unde eius est universale primum. |
98. Après avoir
manifesté ce qu’est l’universel à proprement parler, le Philosophe montre ici
comment il arrive de se tromper sur la manière de prendre l’universel. Et à ce sujet il fait trois choses :
en premier lieu il dit qu’il arrive parfois de faillir à ce sujet [62]; en
deuxième lieu il précise de combien de manières cela se produit, là [63] où
il dit : Nous errons etc.; en
troisième lieu, il donne un enseignement sur la manière de pouvoir discerner
si l’universel a été pris avec justesse, là [69] où il dit : Mais si c’est en tant que etc. 99. Il dit donc
en premier lieu [62] qu’afin que ne se produise pas une erreur dans la démonstration,
il ne faut pas ignorer qu’en de nombreuses occasions l’universel semble être
démontré alors qu’il ne l’est pas. 100. Ensuite
lorsqu’il dit [63] : Mais nous
errons etc., il désigne les manières par lesquelles il arrive de se
tromper à ce sujet. Et à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu, il énumère ces
manières, en disant que c’est de trois
façons qu’il nous arrive de nous tromper dans notre manière de prendre
l’universel. La
première certes, c’est lorsqu’il n’y a rien d’autre à prendre, sous un
genre commun auquel s’attribue en premier lieu cet universel, que ce
singulier auquel il est assigné à tort. Par exemple, si sensible, qui appartient en
premier lieu et essentiellement à
l’animal, était attribué en premier
lieu comme universel à l’homme comme à son sujet premier, s’il n’existait
aucun autre animal. De là il faut noter que singulier se prend ici au sens large pour tout particulier, comme
si on disait que l’espèce est un singulier contenu dans un genre. Ou bien on pourrait encore dire qu’il
n’est pas possible de trouver le genre dont il n’existe qu’une seule espèce.
En effet, le genre se divise en espèces par des différences opposées; mais il
faut, si un des contraires se retrouve dans la nature, qu’on retrouve aussi
les autres, ainsi que le manifeste le Philosophe au deuxième livre Du Ciel et du Monde; et c’est
pourquoi, si on retrouve une espèce, on retrouve aussi l’autre. Mais une
espèce se divise en différents individus par une division de la matière. Mais
il arrive que toute la matière qui est proportionnée à une espèce soit
contenue dans un seul individu et alors il n’y a plus qu’un seul individu
sous une même espèce. C’est pourquoi il fait clairement mention ici du
singulier. 101. La deuxième manière, c’est quand il
faut prendre plusieurs cas particuliers sous une notion commune, mais
celle-ci, qu’on rencontre dans les choses qui diffèrent par l’espèce, n’a pas
de nom. C’est comme si un nom n’avait pas été imposé à animal, et que sensible,
qui est propre à l’animal, était assigné en
premier lieu comme universel aux espèces qui sont contenues dans animal,
soit séparément, soit ensemble. 102. La troisième manière, c’est quand ce
au sujet de quoi on démontre quelque chose, comme premier universel, se
rapporte à ce qui est démontré de lui comme le tout à la partie. Par exemple,
si la capacité de voir était
attribuée à l’animal comme premier universel. En effet, ce n’est pas tout
animal qui peut voir. En effet, ce qui est démontré se rencontre dans des choses qui ne sont qu’une partie du sujet
prétendu, c’est-à-dire que la démonstration ne convient à un sujet que
partiellement et non universellement, c’est-à-dire que pour ce qui peut être
démontré, il y aura certes démonstration
pour tous les cas particuliers compris dans cette partie, mais il n’y
aura cependant pas démonstration par rapport à ce sujet premier et universel
qu’on voulait démontrer. En effet, la
capacité de voir se démontre certes universellement de la partie des
animaux qui la possèdent, mais non pas universellement de l’animal comme tout
en tant que sujet premier auquel elle appartient. Et c’est ainsi qu’il
explique ce que c’est que l’attribution première
par laquelle la démonstration est produite, qui est celle dont le sujet est
premier et universel. 103. En deuxième lieu, là [64] où il
dit : Si donc etc., il ajoute
des exemples se rapportant aux manières de se tromper qui précèdent et il le
fait d’abord pour la troisième, en
disant que si quelqu’un démontrait au sujet des lignes droites qu’elles ne s’entrecoupent pas, c’est-à-dire
qu’elles ne se rencontrent pas, il
semblera y avoir démonstration de cela, c’est-à-dire du premier
universel, pour cette raison que ne pas se croiser se rencontre chez
certaines lignes droites. Mais cela
ne se présente de cette manière que si les lignes droites sont égales, c’est-à-dire à égale
distance l’une de l’autre sur toute leur longueur. Mais si les lignes sont
égales, c’est-à-dire à égale distance l’une de l’autre, alors ne pas se
croiser leur convient dans tous les cas
comme à un sujet premier, car il est universellement vrai que toutes les
lignes droites à égale distance l’une de l’autre, même si on les prolonge à
l’infini, ne se rencontrent en aucun point. 104. Deuxièmement, là [65] où il dit :
Et si le triangle etc., il présente
un exemple se rapportant à la première manière de se tromper en disant que
s’il n’y avait pas un autre triangle que l’isocèle, qui est un triangle à
deux côtés égaux, ce qui appartient au triangle en tant que triangle
semblerait appartenir à l’isocèle en tant qu’isocèle : et cependant cela
ne serait pas vrai. 105. En troisième lieu, là [66] où il
dit : Et le proportionnel
etc., il illustre la deuxième manière de se tromper et il semble avoir placé
ce cas en dernier pour cette raison qu’il s’y arrête plus longtemps. Et à ce sujet il fait trois choses :
en premier lieu, il présente l’exemple; en deuxième lieu, il tire un
corollaire de ce qu’il a dit, là [67] où il dit : Pour cette raison, si quelqu’un ne etc.; en troisième lieu, il
désigne la raison de ce qui a été dit, là [68] où il dit : Quand donc il ne le connaît pas etc. Au sujet du premier point, il faut savoir
que la proportion est le rapport d’une quantité à une autre, comme six se
rapporte à trois dans une proportion qui est le double. Mais la proportionnalité
est le rapprochement de deux proportions. Cette proportionnalité, si elle est
disjointe, possède quatre termes comme, par exemple, ce que quatre est à deux, de même six l’est à trois; mais si elle
est conjointe, elle possède trois termes, car elle se sert d’un terme comme
s’il était deux termes, comme par exemple : ce que huit est à quatre, de même quatre l’est à deux. Mais il est clair que dans une
proportionnalité, deux termes se présentent comme des antécédents et deux
comme des conséquents : tout comme
quatre se rapporte à deux, de même six se rapporte à trois; dans cet
exemple, six et quatre sont les antécédents alors que trois et deux sont les conséquents. Donc, il y a permutation de la
proportion quand les antécédents sont mis en relation mutuellement et qu’il
en est de même pour les conséquents. Par exemple si je dis : ce que quatre est à deux, de même six
l’est à trois; donc, ce que quatre est à six, deux l’est à trois. Il dit donc que la permutation de la
proportionnalité convient aux nombres, aux lignes et aux solides,
c’est-à-dire aux corps, et aux temps. Mais tout comme on détermine parfois
des singuliers séparément, à savoir des nombres en arithmétique, des lignes
et des solides en géométrie, des temps en philosophie de la nature ou en
astronomie, ainsi il arrive au sujet de tous les cas qui précèdent que la
proportion commutative soit démontrée par une seule démonstration. Et la
raison pour laquelle la proportion commutative est démontrée séparément pour
chacun de ces cas, c’est que ce qu’il y a de commun, et en quoi ils se
rencontrent tous et ne font qu’un, n’est pas nommé. En effet, bien que la
quantité soit commune à tous ces cas, cependant la proportionnalité englobe
encore, en dehors de ces cas, d’autres choses comme le discours et autres
choses de ce genre qui sont des quantités par
accident. Ou pour mieux dire, la proportionnalité
commutative ne convient pas à la quantité en tant que quantité, mais en tant
qu’elle est comparée à une autre quantité selon une certaine
proportionnalité. Et c’est pourquoi aussi il avait dit au début que le
proportionnel est ce qui est commutable. Mais pour tous ces cas, selon qu’ils
sont proportionnels, aucun nom commun n’a été imposé. Mais puisque la
proportion commutative est démontrée séparément pour chacun des cas qui
précèdent, elle n’est pas démontrée universellement. En effet, ce n’est pas
aux nombres et aux lignes en tant que tels qu’il appartient d’être
proportionnés commutativement, mais en tant qu’ils se rencontrent dans une notion
qui leur est commune. Mais ceux qui font leurs démonstrations sur les lignes
et sur les nombres séparément posent que ce qui est proportionné
commutativement est comme un prédicat universel de la ligne en tant que ligne
ou du nombre en tant que nombre. 106. Ensuite,
lorsqu’il dit [67] : Pour cette
raison, si quelqu’un ne etc., il tire un corollaire de ce qu’il vient de
dire en disant que pour la même raison pour laquelle l’universel n’est pas
démontré lorsque quelque chose est démontré appartenir à des espèces en
particulier, ce quelque chose étant un prédicat universel appartenant à une
notion commune qui n’a pas de nom, l’universel n’est pas démontré non plus de
la manière qui est dite si un nom commun a été imposé. Par exemple, si
quelqu’un démontrait, soit par une seule démonstration soit par plusieurs, de
chaque espèce de triangle qu’elle possède deux droits, c’est-à-dire
séparément de l’isocèle et séparément du scalène, à savoir du triangle à
trois côtés inégaux, il ne connaîtrait cependant pas pour cette raison que le
triangle possède trois angles égaux à deux droits, si ce n’est d’une manière
sophistique, c’est-à-dire par accident : car il ne connaîtrait pas le
triangle en tant que triangle, mais en tant qu’équilatéral ou en tant
qu’isocèle ou en tant que scalène. Et celui qui démontre ainsi ne connaît pas
même l’universalité du triangle,
c’est-à-dire qu’il ne possède pas la connaissance du triangle dans son
universalité, même s’il n’existe aucune autre espèce de triangle en dehors de
celles dont il a la connaissance. Et il en est ainsi parce qu’il ne connaît
pas le triangle en tant que triangle, mais le triangle sous la notion de ses
espèces. De là, il ne connaît pas, à parler absolument, tout triangle; et si
c’est seulement selon le nombre qu’il connaît tout triangle (même s’il n’y en
a aucun qu’il ignore), cependant il ne connaît pas tout triangle selon la
forme ou l’essence. En effet, une chose est connue universellement selon la
forme quand elle est connue selon la définition de l’espèce. Mais on connaît
selon le nombre et non universellement quand on connaît la multitude des
individus contenus dans l’espèce. Et il n’y a pas de différence sous ce
rapport si on compare d’une part les espèces aux individus, d’autre part les
genres aux espèces. Car le triangle est le genre de l’équilatéral et de
l’isocèle. 107. Ensuite
lorsqu’il dit [68] : Donc, quand
on ne connaît pas etc., il indique la raison de ce qui précède, en
recherchant comment on connaît universellement et absolument, du fait que
selon la manière qui précède, celui qui connaît ne connaît pas
universellement. Et il répond qu’il est évident que si la définition du
triangle en général était la même que celle de chacune de ses espèces prise
séparément ou encore la même que celle de toutes ses espèces prises ensemble
tout à la fois, alors on connaîtrait le triangle universellement et
absolument quand on connaîtrait une de ses espèces ou toutes ses espèces
simultanément. Mais si la définition n’est pas la même, alors ce ne sera pas
la même chose mais quelque chose de différent de connaître le triangle
universellement et chacune de ses espèces en particulier. Et en connaissant
les espèces, on ne connaîtra pas le triangle en tant que triangle. 108. Ensuite
lorsqu’il dit [69] : Mais si
etc., il donne un enseignement par lequel l’universel peut être pris en
vérité, en disant que pour ce qui est de savoir si l’attribution a lieu pour
le sujet en tant que triangle ou pour le sujet en tant qu’isocèle, et si ce
dont il y a démonstration est le premier
sujet universel en tant que tel,
c’est-à-dire en tant que sujet qui a été posé, cela est évident à partir de
ce que je dirai. Parfois en effet, si on enlève la chose et
que demeure encore ce qui lui était assigné universellement, il faut savoir
que cette chose n’était pas le sujet premier et universel de cette
attribution. Par exemple, si on enlève le triangle isocèle ou celui qui est
en bronze, la possession de trois angles égaux à deux droits demeure encore.
D’où il est clair que de posséder trois angles égaux à deux droits n’est le
premier universel ni du triangle isocèle, ni du triangle de bronze. Mais si
on enlève la figure, et même le terme, qui est antérieur à la figure puisque
la figure est renfermée par un ou des termes, alors il ne reste plus trois
angles égaux à deux droits; cependant, ce n’est ni à la figure ni au terme
que se rapporte en premier lieu la définition qui précède, car elle ne leur
appartient pas universellement. À quoi donc appartiendra-t-elle en premier lieu? Il est manifeste que
ce sera au triangle car c’est en raison du triangle qu’elle appartiendra aux
autres, aussi bien aux supérieurs qu’aux inférieurs : c’est pourquoi en
effet il appartient à la figure de posséder trois angles, puisque le triangle
est une certaine figure; et cela appartient aussi à l’isocèle parce qu’il est
un triangle; mais c’est du triangle qu’on démontre universellement qu’il
possède trois angles. C’est pourquoi le triangle est le sujet premier auquel
s’attribue cette définition universelle. |
|
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LECTIO 13 |
LEÇON 13. La
démonstration procède de prémisses nécessaires
(nn.
109-119; [70-78]). |
[79575] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 13 n. 1Postquam determinavit philosophus de dici
de omni, et per se, et universali quibus
utimur in demonstratione, hic iam incipit ostendere ex quibus demonstratio
procedit. Et dividitur in duas partes : in prima, ostendit ex quibus procedat
demonstratio propter quid ; in secunda, ex quibus procedat
demonstratio quia ; ibi : sed quia differt et propter quid et
cetera. Prima in duas : in prima, ostendit qualia sint ex quibus demonstratio
procedit ; in secunda, docet quae sint demonstrationis principia ; ibi : quid
quidem igitur prima significent et cetera. Prima in tres : in prima, ostendit
quod demonstratio est ex necessariis ; in secunda, quod est ex his, quae
sunt per se ; ibi : accidentium autem etc. ; in tertia, quod
procedat ex principiis propriis ; ibi : non ergo est ex alio genere et cetera.
Circa primum duo facit : primo, ostendit quod demonstratio procedat ex
necessariis ; secundo, probat quaedam quae supposuerat ; ibi : quod autem
oporteat ex necessariis et cetera. Circa primum tria facit : primo, continuat
se ad praecedentia ; secundo, probat propositum ; ibi : quae autem sunt per
se etc. ; tertio, infert ex dictis quandam conclusionem ; ibi : manifestum
autem ex his et cetera. Dicit ergo primo, ex praedictis inferens, quod si
est demonstrativa scientia, idest si scientia per demonstrationem
acquiritur, oportet quod sit ex necessariis principiis. Cuius illationis
necessitas ex hoc apparet, quia quod scitur impossibile est aliter se habere,
ut habitum est in definitione eius quod est scire. [79576] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 13 n. 2Deinde cum dicit : quae autem per se sunt
etc., ostendit quod demonstratio sit ex necessariis ; et primo, per rationem
; secundo, per signum ; ibi : signum autem est et cetera. Circa primum ponit
duas rationes : quarum prima talis est. Ea, quae per se praedicantur,
necessario insunt. Et hoc manifestat in duobus modis per se. In primo quidem, quia ea, quae per
se praedicantur, insunt in eo quod quid est, idest in
definitione subiecti. Quod autem ponitur in definitione alicuius,
necessario praedicatur de eo. In secundo vero, quia quaedam sunt subiecta,
quae ponuntur in quod quid est praedicantibus de ipsis, idest in
definitione suorum praedicatorum. Quae quidem
si sint opposita, necesse est quod alterum eorum subiecto insit ; sicut par
vel impar numero, ut superius ostensum est. Sed manifestum est quod
ex quibusdam principiis huiusmodi, scilicet per se,
fit syllogismus demonstrativus : quod probat per hoc, quod omne
quod praedicatur, aut praedicatur per se aut per
accidens ; et ea, quae praedicantur per accidens, non sunt necessaria :
ex his autem, quae sunt per accidens, non fit demonstratio, sed magis
sophisticus syllogismus. Unde relinquitur quod demonstratio sit ex
necessariis. [79577] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 13 n. 3Sciendum autem est quod cum in demonstratione
probetur passio de subiecto per medium, quod est definitio,
oportet quod prima propositio, cuius praedicatum est passio et subiectum est
definitio, quae continet principia passionis, sit per se in
quarto modo ; secunda autem, cuius subiectum est ipsum subiectum et
praedicatum ipsa definitio, in primo modo. Conclusio vero, in qua praedicatur
passio de subiecto, est per se in secundo modo. [79578] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 13 n. 4Secundam rationem ponit ; ibi : aut igitur
sic etc. : quae talis est. Demonstratio circa necessarium est et
demonstratum, idest demonstrationis conclusio, non potest aliter
se habere. Et hoc accipiendum est tanquam principium ad ostendendum
propositum, scilicet quod demonstratio ex necessariis procedat ; cuius quidem
principii veritas ex praemissis apparet, ut iam dictum est. Ex hoc autem
principio sic argumentatur. Conclusio necessaria non potest sciri nisi ex
principiis necessariis ; sed demonstratio facit scire conclusionem
necessariam ; ergo oportet quod sit ex principiis necessariis. In quo differt
demonstratio ab aliis syllogismis : sufficit enim in aliis syllogismis quod
syllogizetur ex veris. Nec est aliquod aliud genus syllogismi, in quo
oporteat ex necessariis procedere, sed in demonstratione tantum oportet hoc
observare. Et hoc est proprium demonstrationis, scilicet ex necessariis
semper procedere. [79579] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 13 n. 5Deinde cum dicit : signum autem etc.,
probat idem per signum hoc modo. Contra rationem aliquam non infertur instantia,
nisi per hoc quod deficit aliquid eorum, quae in ratione illa observanda sunt
; sed contra eum, qui opinatur se demonstrare, ferimus instantiam quod non
sit necesse ea, ex quibus procedit, esse vera : sive opinemur ea contingere
aliter se habere, sive talem instantiam feramus rationis, idest
disputationis causa ; ergo demonstratio debet procedere ex necessariis. [79580] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 13 n. 6Deinde cum dicit : manifestum autem etc.,
infert conclusionem ex dictis : dicens quod manifestum est, ex
hoc quod oportet demonstrationem ex necessariis concludere, quod stulti sunt
illi, qui opinati sunt bene se principia demonstrationis accipere,
si solum propositio accepta sit probabilis
vel vera, ut sophistae faciunt, idest illi, qui apparent scientes et
non sunt. Nam scire non est nisi per hoc quod scientia habetur, scilicet ex
demonstratione ; ex hoc autem quod aliquid est probabile vel improbabile non
habetur quod sit primum vel non primum : sed tamen oportet illud circa quod
fit demonstratio esse primum in genere aliquo et esse verum. Non tamen omne
primum accipit demonstrator, sed primum proprium illi generi, circa quod
demonstrat ; sicut arithmeticus non accipit primum, quod est circa
magnitudinem, sed circa numerum. [79581] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 13 n. 7Attendendum est autem quod sophistae non
sumuntur hic sicut in libro elenchorum, qui procedunt ex his quae videntur
probabilia et non sunt, aut videntur syllogizare, non tamen syllogizant.
Sicut enim tales sophistae dicuntur, idest apparentes et non existentes, in
quantum deficiunt a dialectica argumentatione ; ita dialecticae
argumentationes si appareant demonstrative probare et non probent,
sophisticae sunt, in quantum videntur sua argumentatione scientes, et non
sunt. [79582] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 13 n. 8Deinde cum dicit : quod autem ex
necessariis etc., ostendit quod supposuerat. Et circa hoc duo facit : primo,
ostendit quod conclusio necessaria non potest sciri ex principiis non
necessariis ; secundo, quod licet non possit sciri necessarium ex non
necessariis, tamen syllogizari potest ; ibi : cum quidem igitur conclusio et
cetera. Primum ostendit duabus rationibus, quarum prima talis est. Si quis
non habeat rationem propter quid ostendentem, non efficitur
sciens, etiam demonstratione habita : quia scire est causam rei cognoscere,
ut supra dictum est. Sed ratio, quae infert conclusionem necessariam ex non
necessariis principiis, non ostendit propter quid. Quod
exemplificat in terminis communibus. Ponatur enim quod haec conclusio sit
necessaria : omne c est a ; et demonstretur per hoc medium b, quod non sit
necessarium medium, sed contingens, puta quod haec propositio sit contingens,
omne b est a, vel omne c est b, aut utraque ; constat quod per hoc medium
contingens, quod est b, non potest sciri de conclusione necessaria, quae est,
omne c est a, propter quid. Quod sic probatur. Remota causa propter quam est aliquid, oportet quod
removeatur effectus ; sed hoc medium cum sit
contingens, contingit removeri, conclusionem autem removeri non contingit cum
sit necessaria ; relinquitur ergo quod non potest sciri conclusio necessaria
per medium contingens. [79583] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 13 n. 9Secundam rationem ponit ; ibi : amplius si
etc., quae talis est. Si aliquis nunc nescit, cum tamen habeat eandem rationem,
quam prius habuit, et salvatus est, idest non desiit esse, salva
re, idest etiam re scita non corrupta, et iterum ipse non est
oblitus ; manifestum est quod etiam neque prius scivit. In
hoc autem philosophus innuit quatuor modos, quibus aliquis amittit scientiam,
quam prius habuit. Unus modus est quando excidit a mente eius ratio, per quam
prius sciebat. Alius modus est per corruptionem ipsius scientis. Tertius per
corruptionem ipsius rei scitae, sicut si sciam te sedere, dum sedes, te non
sedente, haec scientia perit. Quartus est per oblivionem. Unde nullo istorum
modorum existente, si aliquis modo nesciat aliquid, nec prius scivit. Sed
ille, qui habet conclusionem necessariam per medium contingens, corrupto medio
contingenti, nescit, medio non existente, et tamen eandem rationem habet, et
salvus est, et salva est res, et non est oblitus. Ergo neque prius scivit,
quando medium non erat corruptum. Quod autem medium, quod est contingens,
corrumpatur, probat, quia id quod non est necessarium, oportet quod aliquando
corrumpatur. Si autem dicatur quod medium nondum est corruptum : quia tamen
non est necessarium, manifestum est quod contingit ipsum corrumpi. Posito
autem contingenti, illud quod accidit non est impossibile, sed possibile et
contingens. Quod autem sequebatur erat impossibile, scilicet, quod aliquis
scientiam haberet alicuius, quod postea nesciret, manentibus conditionibus
supra positis : quod tamen sequitur ex hoc quod est medium esse corruptum ;
quod et si non sit verum, est tamen contingens, ut dictum est. [79584] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 13 n. 10Deinde cum dicit : cum quidem igitur etc.,
ostendit quod licet per medium contingens non possit sciri conclusio
necessaria, tamen potest syllogizari conclusio necessaria ex medio non
necessario. Dicit ergo quod nihil prohibet, cum conclusio necessaria est,
medium non necessarium esse per quod ostenditur, syllogismo tamen dialectico,
non demonstrativo, qui facit scire. Contingit enim necessarium syllogizari ex
non necessariis, sicut contingit syllogizari verum ex non veris : non tamen
contingit e converso ; quia cum medium est necessarium et conclusio
necessaria erit, sicuti ex veris praemissis semper concluditur verum. Quod
autem ex necessariis semper concludatur necessarium, sic probat : sit
enim a de b ex necessitate, idest sit haec propositio necessaria : omne b
est a ; et hoc de c, idest sit haec etiam necessaria : omne c est
b ; ex his autem duabus necessariis sequitur tertia necessaria, scilicet
conclusio, quod, omne c est a. Ostensum est enim in libro priorum
quod ex duabus propositionibus de necessitate sequitur conclusio de
necessitate. Ostendit etiam consequenter quod si conclusio non esset
necessaria, nec medium posset esse necessarium. Ponatur enim quod haec
conclusio, omne c est a, sit non necessaria, praemissae autem duae sint
necessariae ; secundum id quod praeostensum est, sequitur quod conclusio sit
necessaria, cum tamen contrarium sit positum, scilicet quod conclusio sit non
necessaria. [79585] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 13 n. 11Deinde cum dicit : quoniam igitur etc.,
infert conclusionem principaliter intentam ex omnibus praedictis, dicens quod
quia oportet necessarium esse aliquid, si demonstratione sciatur, manifestum
est ex praemissis quod oportet demonstrationem haberi per medium necessarium
: alioquin nesciretur quod conclusio sit necessaria, neque propter
quid, neque quia, cum necessarium non possit sciri per non
necessarium, ut ostensum est. Sed si aliquis habeat rationem per medium non
necessarium, dupliciter potest esse dispositus. Aut enim cum ipse sit non
sciens, opinabitur tamen se scire, si accipiat in sua opinione medium non
necessarium, tanquam necessarium ; aut etiam non opinabitur se scire, si
scilicet credat non se habere medium necessarium. Et hoc universaliter
intelligendum est, tam de scientia quia, qua scitur aliquid per
mediata, quam de scientia propter quid, qua scitur aliquid per
immediata. Horum autem differentia posterius ostendetur. |
109. Après avoir
traité de l’attribution à tout le sujet, de l’attribution essentielle et de
l’attribution universelle dont on se sert dans la démonstration, le
Philosophe commence déjà ici à montrer de quels principes procède la
démonstration. Et cette section se divise en deux
parties : il montre de quels principes procède la démonstration par la cause [70]; dans la deuxième,
il montre de quels principes procède la démonstration par le fait, là [132] où il dit : Mais parce que savoir le fait ou que la chose est ainsi et savoir
pourquoi elle est ainsi diffèrent etc. La première partie se divise en
deux : dans la première il montre quelles sont les principes d’où
procède la démonstration; dans la deuxième il enseigne quels sont les
principes de la démonstration, là [102] où il dit : Donc, ce que signifient les premiers principes etc. La première partie se divise elle-même en
trois : dans la première il montre que la démonstration procède de
prémisses nécessaires; dans la deuxième, il montre qu’elle procède de
prémisses qui sont essentielles, là
[79] où il dit : Mais des
accidents etc.; dans la troisième qu’elle procède de principes propres,
là [83] où il dit : On ne peut donc
passer d’un genre à un autre etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il montre que la démonstration procède de
principes nécessaires; dans la deuxième il prouve certaines propositions
qu’il avait supposées, là [75] où il dit : Mais qu’il faille procéder de principes nécessaires etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu il poursuit à partir de ce qui précède; en
deuxième lieu il prouve son propos, là [71] où il dit : Mais les prédicats qui sont essentiels
etc.; en troisième lieu il tire une conclusion de ce qui a été dit, là [74]
où il dit : Mais il est manifeste
à partir de ce que nous avons dit etc. Il dit donc en premier lieu [70], par une
déduction qui s’appuie sur ce qui précède, que si la science est
démonstrative, c’est-à-dire si la science est acquise par démonstration, elle
doit procéder de principes nécessaires. Et la nécessité de cette conclusion
est évidente du fait que l’objet de la science ne peut être autre qu’il
n’est, ainsi que nous l’avons déjà établi dans la définition de l’objet du
savoir. 110. Ensuite,
lorsqu’il dit [71] : Mais les
attributs qui sont essentiels etc., il montre que la démonstration
procède de principes nécessaires; et en premier lieu il le fait par un raisonnement;
en deuxième lieu, il le fait par un signe, là où il dit : Mais un signe etc. Au sujet du premier point il présente deux raisonnements dont voici le premier. Ce qui est attribué par soi ou essentiellement appartient
nécessairement au sujet. Et il manifeste cela dans les deux modalités de
l’attribution essentielle. Dans la première certes parce que les
prédicats qui sont attribués essentiellement
appartiennent à l’essence,
c’est-à-dire à la définition du sujet.
Mais ce qui est posé dans la définition d’un sujet lui est attribué
nécessairement. Mais il en est de même aussi dans la
deuxième modalité, là où les sujets sont placés dans l’essence des prédicats qui leurs sont attribués,
c’est-à-dire dans les définitions de leurs prédicats. Dans ce cas, si les
attributs sont des opposés, il est nécessaire que l’un d’eux appartienne au
sujet; par exemple, le pair ou l’impair est nécessairement attribué au nombre
ainsi que nous l’avons montré plus haut. Mais il est clair que c’est à partir de tels principes, c’est-à-dire
des principes essentiels qu’est produit le
syllogisme démonstratif : ce qu’il prouve par le fait que tout ce
qui est attribué, est attribué ou bien essentiellement, ou bien accidentellement; et ce qui est
attribué par accident n’est pas nécessaire : mais de ce qui est attribué
accidentellement ne peut naître une démonstration, mais plutôt un syllogisme
sophistique. D’où il suit que la démonstration procède de principes
nécessaires. 111. Mais il faut
savoir que puisque dans la démonstration on prouve par un moyen terme, qui est une définition,
qu’une propriété appartient à un sujet, il faut que la première proposition,
la majeure, dont le prédicat est la propriété et le sujet est la définition,
laquelle contient les principes de la propriété, soit essentielle d’après le quatrième sens du terme présenté
plus haut; mais la deuxième proposition, la mineure, dont le sujet est le
sujet proprement dit et le prédicat la définition elle-même, soit essentielle dans le premier sens du
terme. Mais la conclusion, dans laquelle la propriété est attribuée au sujet,
est essentielle dans le deuxième sens. 112. Il présente
ici le deuxième raisonnement, là
[72] où il dit : C’est donc ainsi
etc., et que voici. La démonstration se
rapporte à un objet qui est nécessaire et ce qui est démontré, à savoir
la conclusion, ne peut être autre
qu’elle n’est. Et cela doit se prendre comme principe pour manifester le
propos, à savoir que la démonstration procède de prémisses nécessaires. Et la
vérité de ce principe apparaît manifestement à partir de ce qui précède,
comme nous l’avons déjà dit. Mais à partir de ce principe il argumente ainsi.
On ne peut posséder le savoir d’une
conclusion nécessaire qu’à partir de principes nécessaires; mais la
démonstration fait savoir une conclusion nécessaire; il faut donc que la
démonstration procède de principes nécessaires. Et c’est en cela que diffère la
démonstration des autres syllogismes : dans les autres syllogismes en
effet il suffit de syllogiser à partir du vrai. Et il n’existe pas un autre
genre de syllogisme dans lequel il faut procéder de prémisses nécessaires,
mais c’est seulement dans la démonstration qu’on doit observer cela. Et c’est
là le propre de la démonstration, c’est-à-dire toujours procéder de prémisses
nécessaires. 113. Ensuite
lorsqu’il dit [73] : Mais le signe
etc., il prouve la même chose de la manière suivante au moyen d’un signe. On
ne peut s’objecter à un raisonnement qu’au moyen de ce qui fait défaut parmi
les éléments qui s’observent dans ce raisonnement; mais contre celui qui
croit avoir démontré, nous apporterons l’objection suivante, à savoir qu’il
n’est pas nécessaire que les prémisses d’où il procède soient vraies :
ou bien nous penserons vraiment qu’elles peuvent être autrement qu’elles ne
sont, ou bien nous présenterons telle objection pour les besoins du raisonnement ou de l’argumentation. 114. Ensuite
lorsqu’il dit [74] : Mais il est
évident etc., il tire une conclusion de ce qu’il vient de dire en disant qu’il est évident, du fait qu’il
faille que la démonstration conclut à partir de ce qui est nécessaire, que
sont sots ceux qui croient avoir bien pris les principes de la démonstration si les propositions qu’ils ont admises au
départ sont seulement probables ou même
vraies, ainsi que le font les sophistes, c’est-à-dire ceux qui paraissent
posséder la science sans la posséder. Car il n’existe de savoir qu’au moyen
de ce par quoi la science est acquise, c’est-à-dire au moyen de la
démonstration; mais à partir de ce qui est seulement probable ou improbable,
on ne peut obtenir ce qui est premier ou non-premier; il faut cependant que
l’objet sur lequel porte la démonstration soit premier dans un genre donné et
qu’il soit vrai. Cependant, celui qui démontre ne doit pas
prendre pour point de départ tout ce qui est premier, mais il faut que ce qui
est premier soit aussi propre à ce genre sur lequel porte la démonstration;
par exemple, l’arithmétique ne prend pas comme étant premier ce qui se
rapporte à la grandeur, mais ce qui se rapporte au nombre. 115. Il faut
cependant remarquer qu’il ne faut pas ici entendre par sophistes ceux dont on
parle dans les Réfutations Sophistiques
et qui procèdent de ce qui paraît probable et qui ne l’est pas, ou ceux qui
semblent syllogiser et ne syllogisent pas. Tout comme ceux-là sont appelés
sophistes parce qu’ils ne raisonnent qu’en apparence et non réellement, dans
la mesure où ils font faute à l’argumentation dialectique, de même les
argumentations dialectiques, si elles semblent prouver de manière
démonstrative et ne prouvent pas, sont sophistiques dans la mesure où leur
argumentation semble être scientifique sans l’être. 116. Ensuite
lorsqu’il dit [75] : Mais que la
démonstration procède de ce qui est nécessaire etc., il montre ce qu’il
supposait. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu, il montre qu’on ne peut savoir une conclusion nécessaire à
partir de prémisses qui ne sont pas nécessaires; en deuxième lieu, il montre
que bien qu’on ne puisse avoir la science d’une conclusion nécessaire à partir
de principes qui ne sont pas nécessaires, une conclusion nécessaire peut
cependant être syllogisée à partir de principes qui ne sont pas nécessaires,
là [77] où il dit : Donc, puisque
la conclusion etc. Il manifeste le premier point au
moyen de deux raisonnements, dont
voici le premier. Si on ne possède
pas la raison qui montre pourquoi la chose est, la science n’est pas
produite, même si la démonstration semble être obtenue : car savoir,
c’est connaître la cause de la chose, ainsi que nous l’avons dit plus haut.
Mais le raisonnement qui tire une conclusion nécessaire à partir de principes
non nécessaires ne manifeste pas pourquoi la chose est, sa cause. Et il
illustre cela par des termes communs. On pose en effet que cette conclusion, tout C est A, est nécessaire; et on le
démontre grâce au moyen terme B,
qui n’est pas un moyen terme nécessaire mais contingent, de telle manière que
cette proposition, soit tout B est A,
soit tout C est B, soit
contingente, ou qu’il en soit ainsi pour les deux à la fois; il est évident
que par ce moyen terme B, qui est
contingent, on ne peut arriver à connaître scientifiquement le pourquoi de la conclusion
nécessaire qui est tout C est A. Et
il prouve cela de la manière suivante. Si on fait disparaître la cause en
raison de laquelle une chose existe, il faut qu’on enlève l’effet. Mais ce
moyen terme, puisqu’il est contingent, il est possible qu’il disparaisse sans
que la conclusion ne puisse disparaître puisqu’elle est nécessaire. Il reste
donc qu’on ne peut parvenir à la science d’une conclusion nécessaire par un
moyen terme qui est contingent. 117. Il présente le deuxième raisonnement là [76] où il
dit : Si en outre etc., et que
voici. Si quelqu’un ne sait pas maintenant une chose, bien qu’il possède
cependant le même raisonnement
qu’il possédait avant, et qu’il
continue d’exister, c’est-à-dire qu’il ne cesse pas d’exister, tout comme la chose, c’est-à-dire même si
la chose connue n’a pas disparu, et en outre s’il ne l’a pas oubliée, il est évident aussi qu’il ne la connaissait pas non plus avant. Mais
par là le Philosophe indique quatre manières par lesquelles il est possible à
quelqu’un de perdre la science qu’il possédait avant. La
première manière c’est quand sort de son esprit le raisonnement grâce
auquel il en avait la science antérieurement. La deuxième manière, c’est quand disparaît celui-là même qui
savait. – La troisième, c’est par
la disparition de la chose même dont on avait la science, tout comme sachant
que tu es assis alors que tu es assis, cette science disparaît lorsque tu
n’es plus assis. La quatrième, c’est
par l’oubli. De là, si aucune de ces manières n’est effective, si
quelqu’un ignore quelque chose, c’est qu’il ne la savait pas non plus avant.
Mais celui qui possède une conclusion nécessaire par un moyen terme
contingent, une fois disparu le moyen terme contingent, ignore, le moyen
terme n’existant plus, et cependant il possède la même raison, et il continue
d’exister, tout comme la chose elle-même, et il n’a pas oublié. Donc il ne
connaissait pas non plus de science alors que le moyen terme n’avait pas
encore disparu. 118. Ensuite,
lorsqu’il dit [77] : Donc, puisque
certes etc., il montre que bien que par un moyen terme contingent on ne
puisse connaître de science une conclusion nécessaire, cependant une conclusion
nécessaire peut être syllogisée à partir d’un moyen terme non-nécessaire. Il
dit donc que rien n’empêche, alors que la conclusion est nécessaire, qu’elle
soit montrée par un moyen terme non-nécessaire, mais par un syllogisme
dialectique cependant et non par un syllogisme démonstratif qui engendre la
science. Il arrive en effet que le nécessaire soit syllogisé à partir de
prémisses non-nécessaires, tout comme il arrive que le vrai soit syllogisé à
partir de prémisses qui ne sont pas vraies : l’inverse n’est pas
possible cependant car lorsque le moyen terme est nécessaire, la conclusion
est nécessaire, tout comme de prémisses vraies découle toujours une
conclusion vraie. Mais que de prémisses nécessaires suit toujours une
conclusion nécessaire, il le prouve ainsi : Supposons en effet que A s’attribue nécessairement à B,
c’est-à-dire soit cette proposition nécessaire : Tout B est A; et supposons
encore que ce moyen terme B s’attribue aussi à C, c’est-à-dire de telle
manière que cette proposition aussi soit nécessaire, à savoir : Tout C est B; de ces deux propositions
nécessaires suivra une troisième proposition nécessaire, à savoir : Tout C est A. Nous avons en effet
montré au livre des Premiers
Analytiques que de deux proposition nécessaires suit une conclusion
nécessaire. 119. Ensuite
lorsqu’il dit [78] : Donc, puisque
etc., il tire de tout ce qui précède la conclusion qu’il poursuivait
principalement, en disant que parce qu’il faut qu’il existe quelque chose de
nécessaire pour qu’il y ait science par démonstration, il est évident à
partir de ce qui précède qu’il faut que la démonstration soit obtenue par un
moyen terme nécessaire, autrement on ignorerait que la conclusion est
nécessaire, on ne saurait ni la cause
ni le fait, puisque le nécessaire
ne peut être connu par le non-nécessaire, comme nous l’avons montré. Mais si
quelqu’un possède un raisonnement par un moyen terme qui n’est pas
nécessaire, il peut être disposé de deux manières. Ou bien en effet alors
qu’il ne sait pas il croit cependant qu’il sait, s’il prend comme nécessaire
dans son opinion un moyen terme qui n’est pas nécessaire; ou bien encore il
ne croit pas qu’il sait, c’est-à-dire s’il croit ne pas posséder un moyen
terme nécessaire. Et cela doit s’entendre universellement, aussi bien de la
science par le fait, par laquelle
une chose est connue au moyen de propositions médiates, que de la science par la cause par laquelle une chose
est connue au moyen de propositions immédiates. Et la différence entre ces
deux sortes de sciences sera manifestée par la suite. |
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LECTIO 14 |
LEÇON 14. La
démonstration conclut ce qui s’attribue essentiellement à un sujet tout comme
elle procède de prémisses où le prédicat s’attribue essentiellement au sujet
(nn.
120-126; [79-82]). |
[79586] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 14 n. 1Postquam ostendit philosophus quod
demonstratio est de necessariis et ex necessariis, consequenter ostendit quod
est de his, quae sunt per se et ex his, quae sunt per
se. Et circa hoc tria facit : primo, ostendit quod demonstratio est de
his, quae sunt per se, idest quod conclusiones demonstrationis
sunt per se ; secundo, movet dubitationem et solvit ; ibi : et
tamen opponet etc. ; tertio, ostendit quod demonstratio est ex his, quae
sunt per se, idest quod principia demonstrationis oportet per
se esse ; ibi : quoniam autem ex necessitate et cetera. [79587] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 14 n. 2Dicit igitur primo quod demonstrativa
scientia non potest esse accidentium, quae non sunt per
se, sicut determinatum est per se superius, scilicet
quod accidens per se est in cuius definitione ponitur
subiectum ; sicut par aut impar est per se
accidens numeri. Album autem animalis non
est per se accidens : quia animal non ponitur in eius definitione. Quod autem
de huiusmodi accidentibus, quae non sunt per se, non possit esse
demonstratio, sic probat. Accidens, quod non est per se, contingit non inesse
(de hoc enim accidente loquimur) ; si ergo demonstratio fieret de accidente,
quod non est per se, sequeretur quod conclusio demonstrationis non esset
necessaria : cuius contrarium supra ostensum est. Quod autem accidens, quod
non est per se, non necessario insit, ex hoc potest haberi. Si enim aliquod
accidens ex necessitate et semper insit subiecto, oportet quod causam habeat
in subiecto, qua posita, non possit accidens non inesse. Quod quidem
contingit dupliciter. Uno modo, quando ex principiis speciei accidens
causatur ; et tale accidens dicitur per se passio vel proprium.
Alio modo quando accidens causatur ex principiis individui ; et hoc est
accidens inseparabile. Omne autem accidens, quod causatur ex principiis
subiecti, si debeat definiri, oportet quod subiectum ponatur in sua
definitione : nam unumquodque definitur ex propriis principiis ; et sic
oportet omne accidens, quod ex necessitate inest subiecto, esse
accidens per se. Illa ergo quae non sunt per se, non
ex necessitate insunt. [79588] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 14 n. 3Videtur autem quod Aristoteles utatur
demonstratione circulari, quam supra improbavit. Ostenderat enim supra quod
demonstratio necessariorum est ex hoc quod est eorum quae sunt per se
; nunc autem e converso ostendit quod demonstratio est eorum quae sunt per
se, quia est necessariorum. Sed dicendum quod supra Aristoteles non solum
ostendit demonstrationem esse necessariorum propter hoc, quod est eorum quae
sunt per se, sed ex definitione eius quod est scire ; et hic fuit verus
demonstrationis modus. Quod autem ostendit demonstrationem esse necessariorum
propter hoc, quod est eorum quae sunt per se, non est vera
demonstratio, sed est ostensio ad hominem, apud quem notum est quod
demonstratio sit eorum quae sunt per se. [79589] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 14 n. 4Deinde cum dicit : et tamen opponet etc.,
movet dubitationem quamdam. Et circa hoc duo facit. Primo, ponit dubitationem
dicens quod potest aliquis forte opponere : si conclusio, quae sequitur ex
contingentibus vel ex his quae sunt per accidens, non est necessaria ; quare
de contingentibus fit interrogatio sive de his quae sunt per accidens,
ut ex iis datis procedatur ad conclusionem, cum tamen in syllogismo
requiratur quod conclusio ex necessitate accidat. Et quod interrogatio fiat
de contingentibus vel ex his, quae sunt per accidens, manifestat per hoc quod
subdit : nihil enim differt, si aliquis interrogatus contingentia, postea
dicat conclusionem. Quasi dicat : ita potest inferri conclusio ex
contingentibus interrogatis et concessis, sicut ex necessariis : utrisque
enim eadem forma syllogizandi est. [79590] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 14 n. 5Secundo ; ibi : oportet autem etc., solvit
dicens quod non ita interrogatur de praemissis contingentibus, quasi
conclusio sit necessaria absolute propter interrogata, idest
propter praemissa contingentia ; sed quia necesse est dicenti praemissa
conclusionem dicere, et dicere vera in conclusione, si vera sunt, quae
praemissa sunt : quasi dicat quod licet ex praemissis contingentibus non
sequatur conclusio necessaria necessitate absoluta, sequitur tamen secundum
quod est ibi necessitas consequentiae, secundum quod conclusio sequitur ex
praemissis. [79591] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 14 n. 6Deinde cum dicit : quoniam autem etc.,
ostendit quod demonstratio sit ex his, quae sunt per se, tali
ratione. Demonstratio est ex necessariis et de necessariis. Et hoc ideo, quia
est scientifica, idest faciens scire. Ea autem, quae non sunt per se,
non sunt necessaria : sunt enim per accidens et huiusmodi non sunt
necessaria, ut dictum est. Sed illa sunt ex necessitate circa unumquodque
genus, quaecunque sunt per se et conveniunt unicuique
secundum quod unumquodque est. Relinquitur ergo quod demonstratio non possit
esse nisi ex his, quae sunt per se et de talibus. [79592] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 14 n. 7Ulterius autem ostendit quod etiam si
praemissa essent semper, et necessaria, et vera, et non per se,
non tamen sciretur de conclusione propter quid ; sicut patet in
syllogismis, qui fiunt per signa, in quibus conclusionem, quae est per
se, non scit aliquis per se, neque propter quid.
Sicut si aliquis probaret quod omne elementum est corruptibile, per hoc quod
videtur tempore antiquari, esset quidem probatio per signum, non autem per
se, neque propter quid : quia propter quid scire
est per causam scire. Oportet
ergo medium esse causam eius, quod in demonstratione concluditur. Et hoc manifestum est ex praemissis : quia
oportet et medium inesse tertio propter ipsum, idest per se, et
similiter primum medio. Primum autem et tertium vocat duas
extremitates. |
120. Après avoir
montré que la démonstration porte sur une conclusion qui est nécessaire et
qu’elle procède de principes nécessaires, le Philosophe montre par la suite
qu’elle porte sur une conclusion qui est essentielle
et qu’elle procède de principes qui sont essentiels. Et à ce sujet il fait trois choses :
en premier lieu il montre que la démonstration porte sur un objet qui est essentiel, c’est-à-dire que les
conclusions de la démonstration sont essentielles
[79]; en deuxième lieu il soulève une difficulté et la résout, là [80] où il
dit : Et cependant on s’opposera
peut-être etc.; troisièmement il montre que la démonstration procède de
ce qui est essentiel, c’est-à-dire
qu’il faut que les principes de la démonstration soient essentiels, là [82] où il dit : Mais puisque sont nécessaires etc. 121. Il dit donc
en premier lieu que la science démonstrative ne peut se rapporter à des accidents qui ne sont pas par soi ou essentiels, ainsi que nous
l’avons établi plus haut en traitant des accidents essentiels, sachant que l’accident
essentiel est celui dans la définition duquel est placé le sujet, tout comme le pair et l’impair sont les accidents essentiels du nombre. Mais blanc pour animal n’est pas un accident essentiel car animal n’est pas placé
dans sa définition. Et qu’il ne puisse y avoir de démonstration pour de tels
accidents qui ne sont pas essentiels, il le prouve de la manière qui suit. Il est possible pour l’accident qui n’est
pas essentiel de ne pas appartenir au sujet (c’est de cet accident dont nous
parlons maintenant); si donc la démonstration devait porter sur de tels
accidents qui ne sont pas essentiels, il s’ensuivrait que la conclusion de la
démonstration ne serait pas nécessaire, ce qui contredit ce que nous avons
montré plus haut. Mais que l’accident qui n’est pas
essentiel n’appartienne pas nécessairement au sujet, on peut l’établir à
partir de ceci. Si en effet un accident appartient toujours au sujet et est
toujours présent en lui, il faut qu’il ait sa cause dans le sujet de telle
manière que, celle-ci une fois posée, l’accident ne peut pas ne pas
appartenir au sujet. Ce qui peut certes se produire de deux manières. De
la première manière, quand l’accident
est causé à partir des principes de
l’espèce. Et un tel accident s’appelle passion essentielle ou propriété. D’une deuxième manière, quand
l’accident est causé à partir des principes de l’individu; et un tel accident
est un accident inséparable. Mais tout accident qui est causé à partir des
principes du sujet, s’il doit être défini, doit contenir le sujet dans sa
définition : car toute chose est définie à partir de ses principes
propres; et il faut ainsi que tout accident qui appartient nécessairement au
sujet soit un accident essentiel.
Donc les accidents qui ne sont pas essentiels n’appartiennent pas
nécessairement au sujet. 122. Mais il
semble qu’Aristote use d’une démonstration circulaire, type de démonstration
qu’il a rejeté plus haut. Il avait montré en effet plus haut que la
démonstration conduit à des conclusions qui sont nécessaires du fait qu’elle
porte sur ce qui appartient essentiellement à un sujet; et maintenant à
l’inverse il montre que la démonstration conduit à des conclusions
essentielles du fait qu’elle porte sur ce qui s’attribue nécessairement au
sujet. Il faut cependant dire que plus haut
Aristote ne montre pas seulement que la démonstration a pour objet le
nécessaire pour cette raison qu’elle se rapporte à ce qui est essentiel, mais
il le fait à partir de la définition de l’objet du savoir; et il s’agissait
alors d’un vrai mode de démonstration. Mais pour ce qui est de montrer que la
démonstration a pour objet ce qui est essentiel parce que ses conclusions
doivent être nécessaires, cela n’est pas une véritable démonstration mais un
argument ¨ad hominen¨ pour faire savoir à quelqu’un que la démonstration se
rapporte à ce qui est essentiel. 123. Ensuite
lorsqu’il dit [80] : Et cependant
on s’opposera etc., il soulève une difficulté. Et à ce sujet il fait deux choses. En premier lieu, il présente la
difficulté en disant que quelqu’un peut certes s’opposer de la manière
suivante : si la conclusion qui découle de ce qui est contingent ou de
principes qui ne sont pas essentiels n’est pas nécessaire, pourquoi alors
interroge-t-on sur les contingents ou sur ce qui est par accident de telle manière qu’une fois ces principes concédés,
on procède vers la conclusion, puisque cependant dans le syllogisme il est
requis que la conclusion suive nécessairement? Et qu’on interroge sur les
contingents ou sur ce qui est par accident, il le manifeste au moyen de ce
qu’il ajoute : cela ne change rien
si quelqu’un, une fois interrogé sur le contingent, pose ensuite la
conclusion. C’est comme s’il disait : ainsi la conclusion peut se
tirer de principes contingents qui ont été concédées suite à une
interrogation, comme s’il s’agissait là de propositions nécessaires car la
forme du syllogisme reste la même dans les deux cas. 124. En deuxième
lieu, là [81] où il dit : Mais il
faut etc., il résout la difficulté en disant que les interrogations sur
les prémisses contingentes ne sont pas telles que la conclusion serait
nécessaire absolument à cause même de
ce sur quoi portent les interrogations, c’est-à-dire à cause des
prémisses contingentes, mais parce qu’il est nécessaire à celui qui dit les
prémisses de dire la conclusion, et de dire vrai dans la conclusion si ce qui
est dit dans les prémisses est vrai : c’est comme s’il disait que bien
que de prémisses contingentes ne peut suivre une conclusion nécessaire par une nécessité absolue, elle suit
cependant d’après ce qui est ici une nécessité de conséquence entendue
formellement au sens où la conclusion découle des prémisses qui ont été
posées. 125. Ensuite
lorsqu’il dit [82] : Mais puisque
etc., il montre, au moyen du raisonnement suivant, que la démonstration
procède de prémisses qui sont essentielles.
La démonstration procède du nécessaire et a pour objet le nécessaire. Et il
en est ainsi parce qu’elle est scientifique, c’est-à-dire parce qu’elle
engendre le savoir. Mais ce qui n’est pas essentiel
n’est pas nécessaire : c’est là du par
accident et ce qui est de cette nature n’est pas nécessaire, ainsi que
nous l’avons dit. Mais est nécessaire en tout genre tout ce qui est attribué essentiellement à un sujet en tant que
tel. Il reste donc que la démonstration ne peut avoir lieu qu’à partir de ce
qui existe essentiellement dans un sujet et qu’elle ne peut porter que sur de
tels objets. 126. Il montre
cependant par la suite que même si les prémisses étaient éternelles,
nécessaires et vraies mais non essentielles,
elles ne feraient pas savoir le
pourquoi au sujet de la conclusion, ainsi qu’on le voit dans les
syllogismes qui sont produits par des signes dans lesquels quelqu’un ne sait
pas pourquoi la conclusion est essentielle, ni même qu’elle l’est. C’est comme si
quelqu’un prouvait que tout élément est
corruptible par ceci qu’il paraît vieillir avec le temps; ce serait là
une preuve par signe et non une preuve essentielle,
ni une preuve par le pourquoi :
car savoir le pourquoi d’une chose, c’est savoir au moyen de la
cause. Il faut donc que le moyen terme soit la cause de ce qui est conclu
dans la démonstration. Et cela est manifeste à partir de ce qui
précède : car il faut que le moyen
terme appartienne au troisième terme en raison de lui-même, c’est-à-dire
essentiellement, et il en est de même du
premier terme à l’égard du moyen terme. Mais ce qu’il appelle premier
terme et troisième terme, ce sont les termes extrêmes du syllogisme, à savoir
le grand terme et le petit terme. |
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LECTIO 15 |
LEÇON 15. La
démonstration ne peut passer d’un genre à un autre qui lui serait étranger
(nn.
127-134; [83-89]). |
[79593] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 15 n. 1Postquam ostendit philosophus quod
demonstratio est ex his quae sunt per se, hic concludit quod demonstratio est
ex principiis propriis, non extraneis, neque ex communibus. Et dividitur in
duas partes : in prima, ostendit quod demonstratio procedit ex propriis
principiis ; in secunda, determinat quae sint principia propria et quae
communia ; ibi : difficile autem et cetera. Prima in duas : in prima,
ostendit quod demonstratio non procedit ex principiis extraneis ; in secunda,
ostendit quod non procedit ex principiis communibus ; ibi : quoniam autem
manifestum est et cetera. Prima in duas : in prima, ex praemissis ostendit
quod demonstratio non est ex principiis extraneis ; in secunda, ex praemissis
etiam ostendit quod demonstrationes non sunt de rebus corruptibilibus, sed de
sempiternis ; ibi : manifestum autem et si sint propositiones et cetera.
Circa primum tria facit : primo, proponit intentum ; secundo, probat
propositum ; ibi : tria enim sunt etc. ; tertio, concludit intentum ; ibi :
propter hoc geometriae et cetera. [79594] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 15 n. 2Dicit ergo primo quod, ex quo demonstratio
est ex his quae sunt per se, manifestum est quod non contingit demonstrare
descendentem vel procedentem ex alio genere in aliud genus, sicut non
contingit quod geometria ex propriis principiis demonstret aliquid descendens
in arithmeticam. [79595] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 15 n. 3Deinde cum dicit : tria enim etc.,
propositum probat. Et circa
hoc tria facit. Primo, praemittit quae sint necessaria ad demonstrationem,
dicens quod in demonstrationibus tria sunt. Unum est, quod
demonstratur, scilicet conclusio, quae quidem continet in se id, quod per
se inest alicui generi : per demonstrationem enim
concluditur propria passio de proprio subiecto. Aliud autem
sunt dignitates, ex quibus demonstratio procedit. Tertium autem
est genus subiectum, cuius proprias passiones et per se accidentia
demonstratio ostendit. [79596] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 15 n. 4Secundo ; ibi : ex quibus igitur etc.,
ostendit quid praedictorum trium possit esse commune diversis scientiis et
quid non, dicens quod horum trium unum, scilicet dignitates,
ex quibus demonstratio procedit, contingit esse idem in diversis
demonstrationibus et etiam in diversis scientiis : sed in illis scientiis,
quarum est diversum genus subiectum, sicut in arithmetica, quae est de
numeris, et geometria, quae est de magnitudinibus, non contingit quod
demonstratio, quae procedit ex principiis unius scientiae, puta arithmeticae,
descendat ad subiecta alterius scientiae, sicut ad magnitudines, quae sunt
subiecta geometriae ; nisi forte subiectum unius scientiae contineatur sub
subiecto alterius, sicut si magnitudines contineantur sub numeris (quod
quidem qualiter contingat, scilicet subiectum unius scientiae
contineri sub subiecto alterius, posterius dicetur). Magnitudines
enim sub numeris non continentur, nisi forte secundum quod magnitudines
numeratae sunt. Subiecta etiam diversarum demonstrationum sive scientiarum
diversa sunt. Arithmetica
enim demonstratio semper habet genus proprium circa quod demonstrat. Et aliae scientiae similiter. [79597] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 15 n. 5Tertio ; ibi : quare aut simpliciter etc.,
probat propositum. Et circa hoc duo facit. Primo, inducit principale
propositum per modum conclusionis, eo quod ex praemissis haberi potest,
dicens : quare manifestum est quod necesse est, aut esse
simpliciter idem genus, circa quod sumuntur principia et conclusiones, et sic
non est descensus, neque transitus de genere in genus : aut si debet
demonstratio descendere ab uno genere in aliud, oportet esse unum genus sic,
idest quodammodo. Aliter enim impossibile est quod demonstretur aliqua
conclusio ex aliquibus principiis, cum non sit idem genus vel simpliciter vel secundum
quid. Sciendum est autem quod simpliciter idem genus
accipitur, quando ex parte subiecti non sumitur aliqua differentia
determinans, quae sit extranea a natura illius generis ; sicut si quis per
principia verificata de triangulo procedat ad demonstrandum aliquid circa
isoscelem vel aliquam aliam speciem trianguli. Secundum quid autem
est unum genus, quando assumitur circa subiectum aliqua differentia extranea
a natura illius generis ; sicut visuale est extraneum a genere lineae, et
sonus est extraneus a genere numeri. Numerus ergo simpliciter, qui est genus
subiectum arithmeticae, et numerus sonorum, qui est genus subiectum musicae,
non sunt unum genus simpliciter. Similiter autem nec linea simpliciter, quam
considerat geometra, et linea visualis, quam considerat perspectivus. Unde
patet quod quando ea, quae sunt lineae simpliciter, applicantur ad lineam
visualem, fit quodammodo descensus in aliud genus : non autem quando ea, quae
sunt trianguli, applicantur ad isoscelem. [79598] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 15 n. 6Secundo ; ibi : ex eodem enim genere etc.,
ostendit propositum hoc modo. Oportet in demonstratione eiusdem generis esse
media et extrema. Extrema
autem in conclusione continentur. Nam maior extremitas in conclusione est praedicatum ; minor vero extremitas subiectum ; medium
autem in praemissis continetur. Oportet
igitur principia et conclusiones circa idem genus sumi. Cum autem huic coniunxerimus
quod diversae scientiae sint circa diversa genera subiecta ; ex necessitate
sequitur quod ex principiis unius scientiae non concludatur aliquid in alia
scientia, quae non sit sub ea posita. Quod autem in demonstratione oporteat
media et extrema unius generis esse, sic probat. Detur enim quod medium sit
alterius generis ab extremis, sicut si extrema sint triangulus et habere
tres angulos aequales duobus rectis. Manifestum est quod passio conclusa
de triangulo, per se inest ei ; non autem per se inest
aeneo. Et si e contrario passio per se inesset aeneo, puta sonorum esse, vel
aliquid huiusmodi, palam est quod per accidens inesset triangulo. Unde patet
quod oportet omnino, si subiectum conclusionis et medium sint penitus
alterius generis, quod passio vel non per se insit medio vel non per se insit
subiecto : et ita oportet quod alteri eorum insit per accidens. Et si quidem
insit medio per accidens, erit per accidens in praemissis ; si autem
subiecto, erit in conclusione : et hoc ex parte passionis. Sed utroque modo
oportebit per accidens esse in praemissis, quantum ad hoc quod subiectum
accipitur sub medio : sicut si triangulus accipiatur sub aeneo aut e
converso. Ostensum est autem quod in demonstrationibus tam conclusio, quam
praemissae sunt per se et non per accidens.
Oportet ergo in demonstrationibus medium et extrema eiusdem generis esse. [79599] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 15 n. 7Deinde cum dicit : propter hoc geometriae
etc., infert duas conclusiones ex praemissis. Quarum prima est quod nulla
scientia demonstrat aliquid de subiecto alterius scientiae, sive sit
scientiae communioris sive alterius scientiae disparatae ; sicut geometria
non demonstrat quod contrariorum eadem est scientia : contraria enim
pertinent ad scientiam communem, scilicet ad philosophiam primam vel
dialecticam. Et similiter geometria non demonstrat quod duo cubi sint unus
cubus, idest quod ex ductu unius numeri cubici in alium numerum cubicum
surgat numerus cubicus. Dicitur autem numerus cubicus, qui consurgit ex ductu
unius numeri in seipsum bis ; sicut octonarius est numerus cubicus, surgit
enim ex ductu binarii in seipsum bis, quia bis duo bis sunt octo. Et eadem
ratione vigintiseptem est numerus cubicus, et radix eius est tria, quia ter
tria ter faciunt vigintiseptem. Si ergo ducantur octo in vigintiseptem
consurgit numerus cubicus, idest ducenta sexdecim, cuius radix est sex : quia
sexies sex sexies sunt ducenta sexdecim. Hoc ergo habet probare arithmeticus,
non geometra. Et similiter, quod est unius scientiae non habet probare alia
scientia, nisi forte una scientia sit sub altera ; sicut se habet perspectiva
ad geometriam, et consonantia vel harmonica, idest musica, ad arithmeticam. [79600] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 15 n. 8Secunda conclusio ponitur ; ibi : neque si
aliquid et cetera. Et est quod scientia etiam de proprio subiecto non probat
quodlibet accidens, sed accidens quod est sui generis. Sicut si aliquid inest
lineis, non secundum quod sunt lineae, neque secundum propria principia
linearum, hoc non demonstrat geometra de lineis ; sicut quod linea recta sit
pulcherrima linearum, aut recta linea si est contraria circulari vel non.
Haec enim non sunt secundum proprium genus lineae, sed secundum aliquid
communius. Pulchrum enim et contrarium genus lineae transcendunt. |
127. Après avoir
montré que la démonstration procède de prémisses essentielles, le Philosophe
conclut ici que la démonstration procède de principes propres et non de
principes étrangers ou même communs. Et cette section se divise en deux
parties : dans la première il montre que la démonstration procède de
principes propres [83]; ensuite il détermine quels sont les principes propres
et quels sont ceux qui sont communs, là [100] où il dit : Mais il est difficile etc. La première partie se divise en
deux : dans la première il montre que la démonstration ne procède pas de
principes étrangers; dans la deuxième il montre qu’elle ne procède pas de
principes communs, là [94] où il dit : Mais puisqu’il est évident etc. La première partie se divise à son tour en
deux : dans la première il montre à partir de ce qui précède que la
démonstration ne procède pas de principes étrangers; dans la deuxième,
toujours à partir de ce qui précède, il montre que la démonstration n’a pas
pour objet ce qui est corruptible, mais ce qui est éternel, là [90] où il
dit : Mais il est manifeste que si
les propositions etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu il présente le propos; en deuxième lieu, il
prouve le propos, là [84] où il dit : En effet, il y a trois etc.; en troisième lieu, il conclut le
propos là [88] où il dit : C’est
pourquoi la géométrie etc. 128. Il dit donc
en premier lieu que du fait que la démonstration procède de ce qui est par
soi ou essentiel, il est manifeste qu’il n’est pas possible de démontrer en
remontant ou en descendant d’un genre à un autre, comme il n’est pas possible
à la géométrie de démontrer, à partir de ses principes propres, quelque chose
en descendant dans l’arithmétique. 129. Ensuite
lorsqu’il dit [84] : Il y a en
effet trois etc., il prouve le propos. Et à ce sujet il fait trois choses. En
premier lieu il fait précéder certaines considérations qui sont nécessaires
à la démonstration, en disant que dans
les démonstrations il y a trois éléments. Le premier, c’est ce qui
est démontré, à savoir la conclusion, qui contient certes en elle ce qui
appartient essentiellement à un genre donné : au moyen de la démonstration
en effet on conclut qu’une passion propre appartient à un sujet propre. Le deuxième, ce sont les axiomes d’où
procède la démonstration. Mais le
troisième, c’est le genre sujet dont la démonstration manifeste les
passions propres et les accidents essentiels. 130. En deuxième lieu, là [85] où il
dit : Donc, d’où etc., il
montre, parmi ce qui précède, ce qui peut être commun aux diverses sciences
et ce qui ne l’est pas, en disant que parmi ces trois éléments, un seul, à
savoir les axiomes d’où la démonstration procède, peut être le même dans
différentes démonstrations et même dans différentes sciences : mais dans
ces sciences dont le genre sujet est différent, comme en arithmétique, où
c’est le nombre, et en géométrie, où c’est la grandeur, il n’est pas possible
que la démonstration qui procède des principes d’une science, par exemple de
l’arithmétique, descende aux sujets d’une autre science, par exemple aux
grandeurs qui sont les sujets de la géométrie; à moins bien sûr que le sujet
d’une science soit contenu dans le sujet d’une autre, comme si les grandeurs
étaient contenues dans les nombres (et de
quelle manière cela est-il possible, à savoir que le sujet d’une science
soit contenu dans le sujet d’une autre science, nous le dirons plus loin). Les grandeurs en effet ne sont pas
contenues dans les nombres, à moins bien sûr que les grandeurs ne soient
nombrées. Aussi les sujets des différentes
démonstrations et des différentes sciences sont différents. La démonstration
arithmétique en effet possède toujours un genre qui lui est propre et c’est
sur ce genre que portent ses démonstrations. Et il en est de même pour les
autres sciences. 131. En troisième lieu, là [86] où il
dit : C’est pourquoi il faut que
le genre soit le même, soit absolument etc., il prouve le propos. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il amène le propos principal par mode de conclusion, du fait
qu’il puisse être établi à partir de ce qui précède, en disant : C’est pourquoi il est évident qu’il
est nécessaire, ou bien que le genre par rapport auquel se tirent à la fois
les principes et la conclusion soit absolument
le même et ainsi il n’y a pas de descente ni de passage d’un genre à un
autre; ou bien si la démonstration doit descendre d’un genre à un autre, il
faut qu’il y ait un genre unique d’une certaine manière, à savoir en un
certain sens. Autrement en effet il n’est pas possible qu’une conclusion soit
démontrée à partir de certains principes alors que le genre n’est pas le même
ni absolument, ni sous un certain rapport. Mais il faut savoir que le genre se prend
comme étant le même absolument quand
du côté du sujet ne se tire aucune différence déterminante qui soit étrangère
à la nature de ce genre. Par exemple, si quelqu’un au moyen des principes
vérifiés du triangle procède à la démonstration de quelque chose au sujet de
l’isocèle ou de toute autre espèce de triangle. Mais le genre est unique sous un certain rapport quand se tire
sur le sujet une différence étrangère à la nature de ce genre; par exemple, visuel est étranger au genre de la
ligne comme sonore l’est au genre
du nombre. Donc le nombre pris absolument
qui est le genre sujet de l’arithmétique, et le nombre des sons, qui est le
genre sujet de la musique, ne sont pas un seul genre absolument. Et de la même manière la ligne prise absolument que
considère la géométrie, et la ligne visuelle que considère la perspective, ne
sont pas un genre unique absolument. D’où il est clair que quand les choses
qui appartiennent à la ligne absolument sont appliquées à la ligne visuelle,
il se produit d’une certaine manière un glissement vers un autre genre, mais
pas quand ce qui est attribué au triangle est appliqué à l’isocèle. 132. En deuxième lieu, là [87] où il
dit : En effet, c’est du même
genre etc., il manifeste le propos de cette manière. Il faut, dans une
démonstration qui se tient dans le même genre, qu’il y ait un moyen terme et
des termes extrêmes. Mais les termes extrêmes sont contenus dans la
conclusion. Car le grand terme dans la conclusion est le prédicat alors que
le petit terme est le sujet; mais le moyen terme est contenu dans les
prémisses. Il faut donc que les principes et les conclusions soient pris dans
le même genre. Mais comme nous ajoutons à cela que différentes sciences se
rapportent à différents genres sujets, il s’ensuit nécessairement qu’à partir
des principes d’une science on ne conclut pas quelque chose dans une autre
science qui ne serait pas placée sous elle. Mais il prouve de la manière qui suit
qu’il faut que le moyen terme et les termes extrêmes dans la démonstration
appartiennent à un seul et même genre. Supposons en effet que le moyen terme
soit d’un autre genre que les termes extrêmes, par exemple si le petit terme
était triangle et le grand terme posséder trois angles égaux à deux droits.
Il est manifeste que la propriété qu’on conclut au sujet du triangle doit lui
appartenir essentiellement ou par
soi; mais de bronze ne lui
appartient pas essentiellement. Et si au contraire une propriété appartenait
par soi ou essentiellement au bronze, par exemple être sonore ou quelque
chose de la sorte, il est clair qu’elle appartiendrait par accident au
triangle. D’où il est clair qu’il faudrait
absolument, si le sujet de la
conclusion et le moyen terme
étaient de genre différent, que la passion n’appartienne pas essentiellement
au moyen terme ou qu’elle n’appartienne pas essentiellement au sujet :
et ainsi il faudrait qu’elle appartienne par accident à l’un d’eux. Et si
elle appartient par accident au moyen terme, elle sera présente par accident
dans les prémisses; mais si elle appartient par accident au sujet, elle sera
présente par accident dans la conclusion : et cela du côté de la
passion. Mais il faudra de deux manières que le par accident se retrouve dans
les prémisses quant à ceci que le sujet se prend sous le moyen terme dans la
mineure : par exemple si triangle se prend sous ¨de bronze¨ ou
inversement. Mais nous avons montré que dans les démonstrations, tant la
conclusion que les prémisses sont essentielles
et non par accident. Il faut
donc dans les démonstrations que le moyen terme et les termes extrêmes
appartiennent au même genre. 133. Ensuite
lorsqu’il dit [88] : C’est pour
cette raison que la géométrie etc., il tire deux conclusions de ce qui
précède. Dont la
première est qu’aucune science ne démontre quelque chose d’un sujet
appartenant à une autre science, que ce sujet relève d’une science plus
commune ou d’une science bien distincte; par exemple la géométrie ne démontre
pas que la science est la même pour les contraires : les contraires en
effet relèvent d’une science commune, c’est-à-dire soit de la philosophie
première, soit de la dialectique. Et de la même manière la géométrie ne
démontre pas que deux cubes font un cube, c’est-à-dire qu’un cube multiplié
par un autre cube donne un cube. On appelle un nombre cube celui qui naît de
la multiplication d’un même nombre deux fois par lui-même. Par exemple huit
est un nombre cube car il résulte de la double multiplication de deux par
lui-même car deux fois deux fois deux donne huit. Et pour la même raison
vingt-sept est un nombre cube et sa racine est trois car trois fois trois
multiplié par trois donne vingt-sept. Si donc on multiplie huit par
vingt-sept, on obtient un autre nombre cube, à savoir deux cents seize, dont
la racine est six car six fois six multiplié par six donne deux cents seize.
Il appartient donc à l’arithméticien de prouver cela et non au géomètre. Et
de la même manière il n’appartient pas à une autre science de prouver ce qui
relève d’une science donnée, à moins bien sûr qu’une science soit contenue
sous une autre comme c’est le cas pour la perspective par rapport à la
géométrie et pour l’harmonie, c’est-à-dire la musique, par rapport à
l’arithmétique. 134. Il présente la deuxième conclusion là [89] où il
dit : Et si quelque chose ne
etc. Et cette conclusion est à l’effet qu’une science ne prouve pas n’importe
quel accident par rapport au sujet qui lui est propre, mais un accident qui
appartient à son genre. Par exemple si quelque chose appartient aux lignes
non pas en tant qu’elles sont des lignes ni selon les principes propres des
lignes, la géométrie ne démontrera pas cela au sujet des lignes; par exemple
que la ligne droite soit la plus belle des lignes, ou que la ligne droite
soit contraire ou non à la ligne circulaire. Ces accidents en effet n’entrent
pas dans le genre propre de la ligne, mais dans un genre plus commun. Le beau
et le contraire transcendent en effet le genre de la ligne. |
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LECTIO 16 |
LEÇON 16. On montre que
la démonstration porte sur un objet qui est éternel et incorruptible
(nn.
135-142; [90-93]). |
[79601] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 16 n. 1Postquam ex superioribus philosophus
concluserat quod demonstratio non concludit ex extraneis principiis, nunc
iterum ex superioribus intendit concludere quod demonstratio non est de
corruptibilibus. Et circa hoc duo facit : primo, ostendit quod sempiternorum
et non corruptibilium est demonstratio ; secundo, ostendit qualiter sit eorum
quae sunt ut frequenter ; ibi : eorum autem et cetera. Circa primum duo facit
: primo, ostendit quod demonstratio non sit corruptibilium, sed sempiternorum
; secundo, ostendit idem de definitione ; ibi : similiter se habet et cetera.
Circa primum duo facit : primo, proponit conclusionem intentam ; secundo,
ponit rationem probantem ipsam ; ibi : quod autem universaliter et cetera. [79602] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 16 n. 2Primo ergo ponit duas conclusiones, quarum
una sequitur ex altera. Prima est quod necesse est conclusionem
demonstrationis huius de qua nunc agitur, et quam possumus dicere simpliciter
demonstrationem, esse perpetuam ; quod quidem sequitur ex hoc, quod supra
habitum est, scilicet quod propositiones, ex quibus fit syllogismus, debent
esse universales : quod significavit per dici de omni. Secunda
conclusio est quod neque demonstratio, neque scientia est corruptibilium,
loquendo simpliciter, sed solum secundum accidens. [79603] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 16 n. 3Deinde cum dicit : quod autem universaliter
etc., inducit rationem ad probandum propositas conclusiones : quae talis est.
Conclusionis corruptibilis, et non sempiternae, non est in se continere quod
est universaliter, sed aliquando et sic. Dictum est enim supra quod dici
de omni duo continet, scilicet quod non in quodam sic et in quodam
non, et iterum, quod non aliquando sic et aliquando non. In omnibus autem
corruptibilibus invenitur aliquando sic et aliquando non. Unde patet quod in
corruptibilibus non invenitur dici de omni,
sive quod est universaliter. Sed ubi conclusio est non universalis, oportet
aliquam praemissarum esse non universalem. Conclusio ergo corruptibilis
oportet quod sequatur ex praemissis, quarum altera non sit universalis. Cum
ergo huic coniunxerimus quod demonstratio simpliciter semper debet esse ex
universalibus, sequitur quod demonstratio non possit habere conclusionem
corruptibilem, sed sempiternam. [79604] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 16 n. 4Deinde cum dicit : similiter se habet etc.,
ostendit quod etiam definitio est non corruptibilium, sed sempiternorum, tali
ratione. Demonstratio quantum ad principia et conclusiones est sempiternorum
et non corruptibilium ; sed definitio vel est principium, vel conclusio
demonstrationis, vel demonstratio positione differens ; ergo definitio non
est corruptibilium, sed sempiternorum. [79605] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 16 n. 5Ad intellectum autem huius literae sciendum
est quod contingit definitiones diversas dari eiusdem rei, sumptas ex
diversis causis. Causae
autem ad invicem ordinem habent : nam ex una sumitur
ratio alterius. Ex forma enim sumitur ratio materiae :
talem enim oportet esse materiam, qualem forma requirit. Efficiens autem est ratio formae : quia
enim agens agit sibi simile, oportet quod secundum modum agentis sit etiam modus
formae, quae ex actione consequitur. Ex fine autem sumitur ratio efficientis
: nam omne agens agit propter finem. Oportet ergo quod definitio, quae
sumitur a fine, sit ratio et causa probativa aliarum definitionum, quae
sumuntur ex aliis causis. Ponamus ergo duas definitiones domus, quarum una
sumatur a causa materiali, quae sit talis : domus est cooperimentum
constitutum ex lapidibus, cemento et lignis. Alia sumatur ex causa finali,
quae sit talis : domus est cooperimentum prohibens nos a pluviis, frigore et
calore. Potest ergo prima definitio demonstrari ex secunda, hoc modo : omne
cooperimentum prohibens nos a pluviis, frigore et calore oportet quod sit
constitutum ex lapidibus, cemento et lignis ; domus est huiusmodi ; ergo et
cetera. Patet ergo quod definitio, quae sumitur a
fine, est principium demonstrationis ; illa autem, quae sumitur a materia,
est demonstrationis conclusio. Potest tamen utraque coniungi, ut sit una
definitio, hoc modo : domus est cooperimentum constitutum ex dictis,
defendens a pluvia, frigore et calore. Talis autem definitio continet totum
quod est in demonstratione, scilicet medium et conclusionem. Et ideo talis
definitio est demonstratio positione differens ; quia in hoc solo differt a
demonstratione, quia non est ordinata in modo et figura. [79606] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 16 n. 6Sciendum est autem quod quia demonstratio
non est corruptibilium, sed sempiternorum, neque definitio, Plato coactus
fuit ponere ideas. Cum enim ista sensibilia sint corruptibilia, videbatur quod
eorum non posset esse neque demonstratio, neque definitio. Et ideo videbatur
quod oporteret ponere quasdam substantias incorruptibiles, de quibus et
demonstrationes et definitiones darentur. Et has substantias sempiternas
vocabat species vel ideas. [79607] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 16 n. 7Sed huic opinioni occurrit Aristoteles
superius dicens quod demonstratio non est corruptibilium nisi per accidens.
Etsi enim ista sensibilia corruptibilia sint in particulari, in universali
tamen quamdam sempiternitatem habent. Cum ergo demonstratio detur de istis
sensibilibus in universali, non autem in particulari, sequitur quod
demonstratio non sit corruptibilium, nisi per accidens ;
sempiternorum autem est per se. [79608] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 16 n. 8Deinde cum dicit : eorum autem quae etc.,
ostendit quomodo eorum, quae sunt ut frequenter, possit esse demonstratio,
dicens : quod eorum quae saepe fiunt, sunt etiam demonstrationes et
scientiae : sicut de defectu lunae, qui tamen non semper est. Non enim
luna semper deficit, sed aliquando. Haec autem quae sunt frequenter, secundum
quod huiusmodi sunt, idest secundum quod de eis
demonstrationes dantur, sunt semper : sed secundum quod non sunt semper, sunt
particularia. De particularibus autem non potest esse demonstratio, ut
ostensum est, sed solum de universalibus. Unde patet
quod huiusmodi, secundum quod de eis est
demonstratio, sunt semper. Et sicut est de defectu lunae, ita est de omnibus
aliis similibus. Consideranda tamen est differentia inter ea. Quaedam enim
non sunt semper secundum tempus, sunt autem semper per comparationem ad
causam : quia nunquam deficit, quin posita tali causa, sequatur effectus ;
sicut est de defectu lunae. Nunquam enim deficit, quin semper sit lunae
eclypsis, quandocunque terra diametraliter interponitur inter solem et lunam.
In quibusdam vero contingit quod non semper
sunt, etiam per comparationem ad causam : quia
videlicet causae impediri possunt. Non enim semper ex semine hominis
generatur homo habens duas manus ; sed quandoque fit
defectus vel propter impedimentum causae agentis vel materiae. In utrisque autem sic ordinandae sunt
demonstrationes, ut ex universalibus propositionibus inferatur universalis
conclusio, removendo illa, in quibus potest esse defectus vel ex parte
temporis tantum vel etiam ex parte causae. |
135. Après avoir conclu à partir des
considérations antérieures que la démonstration ne conclut pas en s’appuyant
sur des principes étrangers, à partir de là il cherche maintenant en outre à
conclure que la démonstration n’a pas pour objet le corruptible. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il montre que la démonstration a pour objet l’éternel et non
le corruptible [90]; en deuxième lieu il montre de quelle manière elle se
rapporte aux choses qui se produisent fréquemment, là [93] où il dit : Mais pour les choses etc. Au
sujet du premier point il fait deux choses : en premier lieu il montre
que la démonstration n’a pas pour objet le corruptible, mais l’éternel; en
deuxième lieu, il montre la même chose au sujet de la définition, là [92] où
il dit : Et il en est de même
etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il présente la conclusion qu’il se propose
d’établir ; en deuxième lieu il présente le raisonnement qui la prouve, là
[91] où il dit: Mais parce que
l’attribution ne se fait pas universellement etc. 136. Il présente
donc en premier lieu deux conclusions [90], dont l’une découle de l’autre. La
première est qu’il est nécessaire que la conclusion de cette
démonstration dont on traite maintenant, et au sujet de laquelle nous pouvons
dire qu’elle est la démonstration prise au sens absolu, est éternelle; ce qui
découle certes de ceci que nous avons établi plus haut, à savoir que les
propositions d’où procède le syllogisme doivent être universelles, ce qu’il
avait signifié au moyen de l’expression suivante : attribution à tout le sujet. La
deuxième conclusion est que la démonstration, tout comme la science, n’a
pas pour objet le corruptible à parler absolument, mais elle s’y rapporte
seulement d’une manière accidentelle. 137. Ensuite
lorsqu’il dit [91] : Mais que
l’attribution ne se fasse pas universellement etc., il introduit un
raisonnement pour prouver les conclusions proposées, lequel se présente
ainsi : il n’appartient pas à une conclusion corruptible et non
éternelle de contenir en soi ce qui se présente universellement, mais plutôt
ce qui se présente parfois et d’une certaine façon. Nous avons dit en effet
plus haut que l’attribution à tout le
sujet implique deux choses, à savoir que l’attribution ne se fait pas
dans certains cas ainsi et pas dans d’autres, et en outre qu’elle ne se fait
pas maintenant ainsi et à un autre moment non. Mais dans tout ce qui est
corruptible on retrouve une attribution qui se fait ainsi à tel moment mais
non à un autre. D’où il est clair que pour le corruptible, on ne retrouve pas
l’attribution à tout le sujet,
c’est-à-dire une attribution universelle. Mais là où la conclusion n’est pas
universelle, il faut qu’une des prémisses ne soit pas universelle. Il faut
donc qu’une conclusion corruptible découle de prémisses dont l’une n’est pas
universelle. Donc, puisque nous ajoutons à cela que la démonstration prise
absolument doit toujours procéder de propositions universelles, il s’ensuit
que la démonstration ne peut avoir une conclusion corruptible mais plutôt une
conclusion éternelle. 138. Ensuite
lorsqu’il dit [138] : Il en est de
même etc., il montre, au moyen du raisonnement suivant, que même la
définition n’a pas pour objet le corruptible mais l’éternel. La démonstration
quant aux principes et aux conclusions se rapporte à ce qui est éternel et
non à ce qui est corruptible; mais la définition est soit le principe, soit
la conclusion de la démonstration, soit encore une démonstration qui diffère
par la position; donc, la définition n’a pas pour objet le corruptible mais
l’éternel. 139. Mais pour
saisir ce qui est dit ici, il faut savoir qu’il est possible de donner
différentes définitions d’une même chose, définitions tirées de différentes
causes. Mais les causes présentent entre elles une ordonnance car c’est de
l’une que se tire la raison de l’autre. C’est de la forme en effet que se
tire la raison de la matière : la matière en effet doit être telle que
la forme l’exige. Mais la cause efficiente est la raison de la forme :
en effet, c’est parce que l’agent fait ce qui lui est semblable qu’il faut
que la manière dont se présente la forme, qui découle de l’action, soit
conforme à la manière d’être de l’agent. Et c’est de la fin que se tire la
raison de l’agent car tout agent agit en vue d’une fin. Il faut donc que la
définition qui se tire de la fin soit la raison et la cause probante des
autres définitions qui se tirent des autres causes. Nous posons donc deux définitions de la
maison, dont la première se tire de la cause matérielle et qui se présente
ainsi : la maison est un abri
constitué de pierres, de ciment et de bois. La seconde définition se tire
de la cause finale : la maison est
un abri nous protégeant de la pluie, du froid et de la chaleur. La
première définition peut donc être démontrée à partir de la seconde de la
manière suivante : tout abri nous protégeant de la pluie, du froid et de
la chaleur doit être constitué de pierres, de ciment et de bois; or la maison
est un abri de cette sorte; donc, etc. Il est donc clair que la définition qui se
tire de la fin est le principe de la démonstration; mais celle qui se tire de
la matière est la conclusion de la démonstration. Mais les deux peuvent être
réunies de la manière suivante de sorte qu’il n’y ait qu’une seule
définition : la maison est un abri
constitué des éléments que nous avons dits, pour nous protéger de la pluie,
du froid et de la chaleur. Mais une telle définition contient tout ce qui
est dans la démonstration, c’est-à-dire le moyen terme et la conclusion. Et
c’est pourquoi une telle définition est une démonstration qui diffère par la
position car elle ne diffère de la démonstration proprement dite qu’en ceci
qu’elle n’est pas disposée d’après un mode et une figure. 140. Mais il faut
savoir que parce que la démonstration, tout comme la définition, n’a pas pour
objet le corruptible mais l’éternel, Platon fut poussé à poser l’existence
des Idées. Puisqu’en effet les réalités sensibles sont corruptibles, il
semblait qu’on ne pouvait produire à leur sujet ni démonstration, ni
définition. Et c’est pourquoi il lui semblait qu’il fallait poser certaines
substances incorruptibles dont on pourrait donner des démonstrations et des
définitions. Et ces substances éternelles, Platon les appelait Formes ou Idées. 141. Mais
Aristote s’opposa à cette opinion en disant que la démonstration n’a pour
objet le corruptible que par accident. En effet, bien que les réalités
sensibles soient corruptibles dans les cas particuliers, prises
universellement elles possèdent une certaine éternité. Donc, puisque la
démonstration se donne par rapport aux réalités sensibles prises
universellement et non individuellement, il s’ensuit que la démonstration ne
se rapporte au corruptible que par
accident; mais c’est par soi ou
essentiellement qu’elle se rapporte à l’éternel. 142. Ensuite
lorsqu’il dit [93] : Mais pour ce
qui est des choses qui etc., il montre comment il peut y avoir
démonstration pour les choses qui se produisent fréquemment en disant
que pour les choses qui se produisent
souvent, il y a aussi démonstration et science, comme dans le cas de l’éclipse de la Lune, qui cependant ne se
produit pas toujours. Ce n’est pas toujours en effet mais seulement parfois
qu’il y a éclipse de la Lune. Mais pour ce qui est des choses qui se
produisent fréquemment, selon qu’elles sont de cette sorte, c’est-à-dire
selon qu’on en donne des démonstrations, elles sont éternelles, mais selon
qu’elles ne sont pas éternelles, elles sont particulières. Mais il ne peut y
avoir démonstration du particulier, ainsi que nous l’avons montré, mais
seulement de l’universel. D’où il est clair que les réalités de cette sorte,
selon qu’on en donne une démonstration, sont éternelles. Et ce qui se dit ici
de l’éclipse de la Lune s’applique aussi à tous les autres cas semblables. Mais il y a une différence à considérer
entre eux. Certaines choses en effet ne sont pas éternelles selon le temps,
elles sont cependant éternelles par rapport à leur cause car il ne manque
jamais que l’effet suive si telle cause est posée, comme dans le cas de
l’éclipse de la Lune. En effet, il ne manque jamais qu’il y ait éclipse de la
Lune quand la Terre s’interpose diamétralement entre le Soleil et la Lune.
Mais pour ce qui est de certaines choses il est possible qu’elles ne soient
pas éternelles même par rapport à leurs causes, c’est-à-dire parce que les
causes peuvent être empêchées. Ce n’est pas toujours en effet que de la
semence d’un homme est engendré un homme possédant deux mains, mais parfois
il y a un défaut en raison d’un obstacle qui se tient soit du côté de la
cause agente, soit du côté de la cause matérielle. Mais dans les deux cas qui
nous occupent les démonstrations doivent être ordonnées de telle manière
qu’une conclusion universelle soit tirée de propositions universelles, en
écartant celles dans lesquelles peut se retrouver un défaut soit du côté du
temps seulement, soit aussi du côté de la cause. |
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LECTIO 17 |
LEÇON 17. La
démonstration ne procède pas de principes communs, mais de principes propres
à la chose démontrée
(nn.
143-148; [94-99]). |
[79609] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 17 n. 1Ostenderat supra philosophus quod
demonstratio non procedit ex principiis extraneis ; hic autem ostendit quod
non procedit ex communibus. Et circa hoc duo facit : primo, ostendit
propositum ; secundo, inducit quandam conclusionem ex dictis ; ibi : si autem
hoc est et cetera. Circa primum tria facit. Primo, proponit intentum dicens
quod, quia manifestum est quod non contingit unumquodque per
unumquodque demonstrare, sed oportet quod demonstratio fiat ex
unoquoque principiorum, hoc modo, quod id quod demonstratur sit
secundum quod est illud, idest, oportet quod principia demonstrationis
insint per se ei, quod demonstratur ; si, inquam, ita est, non sufficit, ad
hoc quod aliquid sciatur, quod demonstretur ex veris et immediatis,
sed oportet ulterius quod demonstretur ex principiis propriis. [79610] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 17 n. 2Secundo ; ibi : est enim sic demonstrare
etc., probat propositum, scilicet quod non sufficiat ex veris et immediatis
aliquid demonstrare, quia sic contingeret aliquid demonstrare, sicut Bryso
demonstravit tetragonismum, idest quadraturam circuli, ostendens aliquod
quadratum esse circulo aequale per aliqua principia communia, hoc modo : in
quocunque genere est invenire aliquid maius et minus alicui, in eodem est
invenire et illi aequale ; in genere autem quadratorum est invenire aliquod
quadratum minus circulo, quod scilicet scribitur intra circulum, et aliquod
maius circulo, intra quod circulus describitur ; ergo est invenire aliquod
quadratum circulo aequale. Haec quidem probatio est secundum commune :
aequale enim, et maius, et minus, excedunt genus quadranguli et circuli. Unde
patet quod huiusmodi rationes demonstrant secundum aliquod commune, quia
medium alteri inest, quam ei de quo fit demonstratio ; et ideo huiusmodi
rationes conveniunt aliis, et non conveniunt istis, de quibus dantur, tanquam
proximis. Unde patet quod qui scit per huiusmodi rationes, non scit secundum
quod illud est, idest per se, sed per accidens tantum.
Si enim esset secundum se, non conveniret demonstratio in aliud genus.
Unumquodque enim scimus secundum accidens, cum non cognoscimus illud secundum
quod est ex principiis illius, idest secundum quod est ex principiis per
se. Sicut habere tres angulos aequales duobus rectis inest per se triangulo,
idest secundum quod est ex principiis illius. Quare si per se inesset medium
acceptum conclusioni, necesse esset in eadem proximitate esse, idest proximum
esse secundum genus conclusioni. [79611] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 17 n. 3Tertio ; ibi : si vero non etc., excludit
quandam dubitationem. Contingit enim aliquando medium demonstrationis non
esse in eodem genere cum conclusione. Quod qualiter contingat ostendit dicens
: si vero non sit medium in eadem proximitate conclusioni, sed hoc modo sicut
demonstratur aliquid in harmonica, idest in musica, per
arithmeticam ; verum quidem est quod huiusmodi etiam similiter demonstratur.
Fit enim demonstratio in inferiori scientia per principia superioris
scientiae, ut ostensum est ; sicut et in scientia superiori per principia
superioris. Sed in hoc differt, quod alterius scientiae, scilicet inferioris,
est scire ipsum quia tantum : genus enim subiectum
inferioris scientiae est alterum a genere subiecto
superioris scientiae, ex qua sumuntur principia. Sed scire propter
quid est superioris scientiae, cuius sunt per se illae passiones.
Cum enim passio insit subiecto propter medium, illa scientia
considerabit propter quid, ad quam pertinet medium, cuius per se
est passio, quae demonstratur. Si vero subiectum sit ad aliam scientiam
pertinens, illius scientiae non erit propter quid, sed quia tantum
; nec tali subiecto per se conveniet passio demonstrata de ipso, sed per
medium extraneum. Si vero medium et subiectum pertineant ad eamdem scientiam,
tunc illius scientiae erit scire quia et propter
quid. Remota autem dubitatione, ulterius conclusionem intentam
principaliter inducit, dicens quod ex praedictis patet quod non est demonstrare
unumquodque simpliciter, idest quocunque modo, sed secundum hoc quod demonstratur
ex propriis principiis uniuscuiusque. Sed et principia propria singularum
scientiarum habent aliquod commune prius eis. [79612] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 17 n. 4Deinde cum dicit : si autem hoc etc.,
inducit quandam conclusionem sequentem ex dictis. Et circa hoc tria facit.
Primo, inducit conclusionem dicens quod, si hoc verum est, scilicet quod
demonstrationes in singulis scientiis non fiunt ex communibus principiis, et
iterum quod principia scientiarum habent aliquid prius se, quod est commune ;
manifestum est quod non est uniuscuiusque scientiae demonstrare principia sua
propria. Illa enim priora principia, per quae possent probari singularum
scientiarum propria principia, sunt communia principia omnium, et illa
scientia, quae considerat huiusmodi principia communia, est propria omnibus,
idest ita se habet ad ea, quae sunt communia omnibus, sicut se habent aliae
scientiae particulares ad ea, quae sunt propria. Sicut cum subiectum
arithmeticae sit numerus, ideo arithmetica considerat ea, quae sunt propria
numeri : similiter prima philosophia, quae considerat omnia principia, habet
pro subiecto ens, quod est commune ad omnia ; et ideo considerat ea, quae
sunt propria entis, quae sunt omnibus communia, tanquam propria sibi. [79613] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 17 n. 5Secundo, cum dicit : et namque scivit etc.,
ostendit praeeminentiam huiusmodi scientiae, quae considerat principia
communia, scilicet primae philosophiae, ad alias. Semper enim oportet illud,
per quod aliquid probatur, esse magis scitum vel notum. Qui enim scit aliquid
ex superioribus causis, oportet quod sit magis intelligens illas causas, quia
scivit ex prioribus simpliciter, cum non sciat ex causatis causas : quando
enim aliquis scit ex causatis causas, tunc non intelligit ex prioribus et ex
magis notis simpliciter, sed ex magis notis et prioribus quoad nos. Cum autem
principia inferioris scientiae probantur ex principiis superioris, non
proceditur ex causatis in causas, sed e converso. Unde oportet quod talis
processus sit ex prioribus et ex magis notis simpliciter. Oportet ergo magis
esse scitum quod est superioris scientiae, ex quo probatur id quod est
inferioris, et maxime esse scitum id, quo omnia alia probantur, et ipsum non
probatur ex alio priori. Et per consequens scientia superior erit magis
scientia, quam inferior ; et scientia suprema, scilicet philosophia prima,
erit maxime scientia. [79614] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 17 n. 6Tertio, ibi : sed demonstratio etc., redit
ad principalem conclusionem : et dicit quod demonstratio non procedit in
aliud genus, nisi sicut dictum est quod demonstratio geometriae procedit ad
scientias inferiores ; sicut sunt artes mechanicae, quae utuntur mensuris ;
aut speculativae, sicut scientiae quae sunt de visu, ut perspectivae, quae
sunt de visuali ; et similiter est de arithmetica in comparatione ad harmonicam,
idest musicam. |
143. Le
Philosophe avait montré plus haut que la démonstration ne procède pas de
principes extérieurs à un genre donné; mais il montre ici qu’elle ne procède
pas non plus de principes communs. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il manifeste le propos [94]; en deuxième lieu, à partir de ce
qui a été dit, il amène une conclusion, là [97] où il dit : Mais si cela est etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En
premier lieu, [94] il présente son propos en disant que parce qu’il est manifeste qu’il n’est pas
possible de démontrer n’importe quoi au moyen de n’importe quoi, mais
qu’il faut que la démonstration procède de
chacun des principes de telle manière que ce qui est démontré se rapporte au sujet en tant que tel,
c’est-à-dire qu’il faut que les principes de la démonstration appartiennent
essentiellement à ce qui est démontré; si, dis-je, il en est ainsi, il ne
suffit pas, pour qu’il y ait science d’une chose, que la démonstration se
fasse à partir de principes qui sont
vrais et immédiats, mais il faut de plus qu’il y ait démonstration à
partir des principes propres. 144. En deuxième lieu, là [95] où il
dit : Démontrer ainsi en effet,
c’est etc., il prouve le propos, c’est-à-dire qu’il ne suffit pas de
démontrer quelque chose à partir de principes vrais et immédiats car on en
arriverait ainsi à démontrer de la même manière que Bryson procéda pour
démontrer la quadrature du cercle, en montrant au moyen de principes communs,
de la manière suivante, qu’il existe un carré qui est égal à un cercle :
dans tout genre où on rencontre du plus grand et du plus petit qu’une chose,
on y rencontre aussi de l’égal à cette chose; mais dans le genre des carrés
on rencontre un carré plus petit qu’un cercle, c’est-à-dire qui s’insère à
l’intérieur du cercle, ainsi qu’un carré plus grand qu’un cercle à
l’intérieur duquel le cercle s’insère; on doit donc rencontrer dans ce genre
un carré égal à un cercle. Cette preuve se fait certes selon un
principe commun : en effet, l’égal, le plus grand et le plus petit
débordent le genre du carré et celui du cercle. De là il est clair que de
tels raisonnements démontrent d’après un principe commun car le moyen terme appartient
à quelque chose d’autre qu’au sujet sur lequel porte la démonstration; et
c’est pourquoi de tels raisonnements conviennent à d’autres sujets mais non à
ceux-ci auxquels ils sont donnés comme s’ils en étaient les principes
prochains. C’est pourquoi celui qui sait une chose au moyen de tels
raisonnements ne sait par la chose en tant que telle, c’est-à-dire par soi, mais par accident seulement. Si en effet la preuve faisait savoir la
chose en tant que telle, la démonstration ne s’appliquerait pas aussi à un
autre genre. Nous savons en effet par accident qu’un prédicat appartient à un
sujet lorsque nous ne le connaissons pas selon qu’il vient des principes de
cette chose, c’est-à-dire selon qu’il procède des principes essentiels de la
chose. Par exemple, posséder trois angles égaux à deux droits appartient
essentiellement au triangle, c’est-à-dire selon que cette propriété vient des
principes du triangle. C’est pourquoi, si le moyen terme qui est pris ici
appartenait essentiellement à la conclusion, il serait nécessaire qu’il soit
dans la même proximité, c’est-à-dire qu’il se rattache étroitement au même
genre que la conclusion. 145. En troisième lieu, là [96] où il
dit : Mais s’il ne l’est pas
etc., il écarte une difficulté. Il arrive en effet parfois que le moyen terme
de la démonstration ne soit pas dans le même genre que la conclusion. Et il
montre comment cela se produit en disant : mais si le moyen terme
n’était pas dans la même proximité que les termes de la conclusion, mais
plutôt de la manière suivant laquelle on démontre quelque chose en
harmonique, c’est-à-dire en musique, par un moyen terme tiré de l’arithmétique, il est certes vrai qu’il
y aurait semblablement démonstration par un tel procédé. La démonstration se
produit en effet dans une science inférieure au moyen des principes d’une
science supérieure ainsi que nous l’avons montré, tout comme il y a
démonstration dans une science supérieure au moyen des principes de cette
science supérieure. Mais il y a une différence s’il appartient
à une autre science, c’est-à-dire à une science inférieure, de savoir le fait lui-même seulement : en
effet, le genre sujet d’une science inférieure diffère du genre sujet d’une
science supérieure de laquelle se tirent les principes. Mais savoir le pourquoi appartient à une science
supérieure à laquelle ces attributs appartiennent essentiellement. Puisqu’en
effet la propriété signifiée par l’attribut appartient au sujet à cause du
moyen terme, la science qui considérera le
pourquoi sera celle à laquelle il appartient d’examiner le moyen terme
auquel appartient essentiellement la propriété qui est démontrée. Mais si le
sujet se trouve à appartenir à une autre science, il n’appartiendra pas à
cette science d’examiner le pourquoi,
mais le fait seulement. Dans ce cas
en effet la propriété démontrée d’un sujet n’appartiendra pas par soi à un
tel sujet mais par un moyen terme extérieur. Mais si le moyen terme et le
sujet relèvent de la même science, alors il appartiendra à cette science de
savoir à la fois le fait et le pourquoi. Une fois écartée la difficulté, il amène
par la suite la conclusion qu’il poursuivait principalement, en disant qu’à
partir de ce qui précède, il est évident qu’on ne peut démontrer n’importe
quoi sans art, c’est-à-dire n’importe comment, mais qu’on ne démontre quelque
chose que d’une manière qui est conforme aux principes propres de chaque
chose. Mais les principes propres de chaque science supposent quelque chose
de commun qui leur est antérieur. 146. Ensuite
lorsqu’il dit [97] : Mais si cela
etc., il amène la conclusion qui découle de ce qui a été dit. Et à ce sujet il fait trois choses. En
premier lieu, il amène la conclusion en disant que si cela est vrai, à
savoir que les démonstrations dans chaque science ne procèdent pas de
principes communs, et en outre que les principes des sciences supposent
quelque chose qui leur est antérieur et qui est commun, il est clair que ce
n’est pas à chaque science qu’il appartiendra de démontrer les principes qui
lui sont propres. En effet, ces principes antérieurs, au moyen desquels
peuvent être prouvés les principes propres de chacune des sciences
particulières, sont les principes communs de toutes choses et cette science
qui considère de tels principes communs est la science dont c’est le propre de considérer toutes les choses,
c’est-à-dire qu’elle se rapporte à ce qui est commun à toutes les choses de
la même manière que les autres sciences particulières se rapportent à ce qui
est propre à chaque genre de choses. Par exemple puisque le sujet de l’arithmétique
est le nombre, c’est pourquoi l’arithmétique considère les propriétés qui
sont propres aux nombres : de la même manière, la philosophie première, qui considère tous les principes, a pour
sujet l’être, lequel est commun à
tout ce qui existe; et c’est pourquoi elle considère les caractéristiques
propres de l’être en tant qu’être, qui sont communes à tous les êtres, comme
lui appartenant en propre. 147. En
deuxième lieu, lorsqu’il dit [98] : Et en effet on connaît etc., il montre l’excellence d’une telle
science qui considère les principes communs, c’est-à-dire l’excellence de la
philosophie première, par rapport aux autres. Il faut toujours en effet que
cela même au moyen de quoi quelque chose est prouvé soit plus connu. Mais
celui qui sait quelque chose à partir des causes les plus élevées, il faut
qu’il comprenne mieux ces causes car il connaît à partir de ce qui est
premier absolument puisqu’il ne connaît pas les causes à partir de ce qui est
causé : quand en effet quelqu’un connaît les causes à partir de ce qui
est causé, alors il ne comprend pas à partir de ce qui est premier et plus
connu absolument mais à partir de ce qui est plus connu et premier quant à
nous. Mais puisque les principes d’une science
inférieure sont prouvés à partir des principes d’une science supérieure, on
ne procède pas de ce qui est causé à ce qui est cause, mais inversement.
C’est pourquoi il faut qu’un tel processus parte de ce qui est premier et
plus connu absolument. Il faut donc que soit davantage connu ce qui appartient
à une science supérieure d’où est prouvé ce qui appartient à une science
inférieure, et que soit connu de la manière la plus excellente ce par quoi
tout le reste est prouvé et qui n’est lui-même prouvé par rien qui lui serait
antérieur. Et par conséquent, une science supérieure sera toujours davantage
une science qu’une science inférieure; et la science suprême, à savoir la philosophie première, sera la
science par excellence. 148. En troisième lieu, là [99] où il
dit : Mais la démonstration
etc., il revient à la conclusion principale et il dit que la démonstration ne
passe pas à un autre genre, si ce n’est de la manière que nous avons dite, à
savoir comme c’est le cas pour la démonstration de la géométrie qui
s’applique à des sciences inférieures comme aux arts mécaniques qui se
servent des mesures ou comme aux arts de l’optique comme ces sciences qui se
rapportent à la vue, par exemple la perspective qui porte sur ce que l’on
voit; et il en est de même pour l’arithmétique par rapport à l’harmonique,
c’est-à-dire à la musique. |
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LECTIO 18 |
LEÇON 18. De la
différence qu’il y a entre ce qui est principe et ce qui ne l’est pas, entre
les principes communs et les principes propres
(nn.
149-158; [100-107]). |
[79615] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 18 n. 1Postquam ostendit quod demonstratio non
procedit ex principiis communibus sed ex propriis, hic ad evidentiam
praemissorum determinat de principiis propriis et communibus. Et circa hoc
duo facit. Primo, ostendit necessitatem huiusmodi determinationis, dicens
quod difficile est cognoscere utrum sciamus ex principiis propriis (quod
solum est vere scire) aut non ex propriis. Opinantur enim multi se scire, si
habeant syllogismum ex aliquibus veris et primis. Sed hoc non est verum :
immo oportet, ad hoc quod sciamus, quod principia sint proxima illis quae
debent demonstrari (quae hic dicuntur prima, sicut et supra dicebantur
extrema) ; vel oportet proxima esse primis principiis indemonstrabilibus. [79616] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 18 n. 2Secundo, ibi : dico autem principia etc.,
determinat de principiis propriis et communibus. Et circa hoc duo facit :
primo enim determinat de principiis propriis et communibus ; secundo,
ostendit qualiter ad huiusmodi principia se habeant demonstrativae scientiae
; ibi : non contingere autem et cetera. Circa primum duo facit : primo,
distinguit principia a non principiis ; secundo, principia ad invicem ; ibi :
sunt autem quibus et cetera. [79617] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 18 n. 3Circa primum duo facit. Primo, ostendit
quae sint principia, dicens quod principia in unoquoque genere sunt illa
quae, cum sint vera, tamen non contingit ea demonstrare vel simpliciter si
sint principia prima, vel ad minus non est demonstrare in illa scientia in
qua sumuntur ut principia. Dicit autem, cum sint vera, ad
differentiam falsorum, quae non demonstrantur in aliqua scientia. [79618] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 18 n. 4Secundo, ibi : quid quidem igitur etc.,
ostendit convenientiam et differentiam inter principia et non principia.
Conveniunt enim principia cum non principiis in hoc, quod de utrisque oportet
accipere, quasi supponendo quid significent, et prima, idest
principia, et quae sunt ex his, idest quae ex principiis sumuntur
: quia quod quid est proprie pertinet ad scientiam quae est
de substantia, scilicet ad philosophiam primam, a qua omnes aliae
hoc accipiunt. Sed in hoc differunt principia, et quae sunt ex principiis,
quia de principiis oportet accipere supponendo quod sunt ; de
aliis autem, quae sunt ex principiis, oportet demonstrare quia sunt.
Sicut in mathematicis accipitur supponendo et quid est
unitas, quae est principium, et quid est rectum, et quid est triangulus, quae
non sunt principia, sed passiones : sed quod unitas sit, aut quod magnitudo
sit, accipit mathematicus quasi principia ; alia vero demonstrat, scilicet
quae sunt ex principiis. Demonstrat enim triangulum aequilaterum et angulum
rectum, et etiam hanc lineam rectam esse. [79619] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 18 n. 5Deinde cum dicit : sunt autem quibus etc.,
distinguit principia ad invicem : et primo, principia propria a communibus ;
secundo, communia ad invicem ; ibi : non est autem suppositio et cetera.
Prima dividitur in duas ; in prima, dividit principia propria et communia ;
in secunda, manifestat quoddam quod poterat esse dubium ; ibi : quasdam tamen
scientias et cetera. [79620] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 18 n. 6Circa primum tria facit. Primo, ponit
divisionem, dicens quod principiorum, quibus utimur in demonstrativis
scientiis, alia sunt propria uniuscuiusque scientiae, alia vero communia. Et
quia hoc posset videri contrarium ei, quod supra ostensum est, quia scientiae
demonstrativae non procedunt ex communibus, ideo subiungit quod communia
principia accipiuntur in unaquaque scientia demonstrativa secundum
analogiam, idest secundum quod sunt proportionata illi scientiae. Et hoc
est quod subdit exponens, quod utile est accipere huiusmodi
principia in scientiis, quantum pertinet ad genus subiectum, quod continetur
sub illa scientia. [79621] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 18 n. 7Secundo, ibi : propria principia etc.,
exemplificat de utrisque, dicens quod propria principia sunt, ut lineam esse
huiusmodi, vel rectum. Tam enim
subiecti quam passionis definitio in scientiis pro principio habetur. Communia vero principia sunt, ut, si ab
aequalibus aequalia demas, quae remanent sunt aequalia, et aliae communes animi
conceptiones. [79622] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 18 n. 8Tertio, ibi : sufficiens autem est etc.,
ostendit quomodo praemissis principiis scientiae demonstrativae utantur. Et
primo quidem de communibus dicit quod sufficiens est accipere
unumquodque istorum communium, quantum pertinet ad genus subiectum,
de quo est scientia. Idem enim
faciet geometria, si non accipiat praemissum principium commune in sua
communitate, sed solum in magnitudinibus, et arithmetica in solis numeris.
Ita enim poterit concludere geometria, si dicat : si
ab aequalibus magnitudinibus aequales auferas magnitudines, quae remanent
sunt aequales ; sicut si diceret : si ab aequalibus aequalia demas, quae
remanent sunt aequalia. Et
similiter dicendum est de numeris. [79623] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 18 n. 9Secundo, ibi : sunt autem propria etc.,
ostendit qualiter demonstrativae scientiae utantur propriis principiis,
dicens quod propria principia sunt quae supponuntur esse in scientiis,
scilicet subiecta, circa quae scientia speculatur ea quae per se insunt eis.
Sicut arithmetica considerat unitates, et geometria considerat signa,
idest puncta et lineas. Praedictae enim supponunt esse et hoc esse, idest
supponunt de eis, et quia sunt et quid sunt.
Sed de passionibus supponunt praedictae scientiae quid significet unaquaeque
; sicut arithmetica supponit quid est par, et quid est impar, aut quid est
numerus quadratus aut cubicus ; et geometria supponit quid est rationale in
lineis. Dicitur enim linea rationalis, de qua possumus ratiocinari per lineam
datam : huiusmodi autem est omnis linea commensurabilis lineae datae ; quae
vero est ei non commensurabilis, vocatur irrationalis vel surda.
Similiter et geometria supponit quid est reflexum aut curvum. Sed praedictae
scientiae demonstrant de omnibus praedictis passionibus quod sint per
principia communia, et ex illis principiis, quae demonstrantur ex communibus.
Et quod dictum est de geometria et arithmetica, intelligendum est etiam de astrologia. Omnis enim scientia demonstrativa
est circa tria : quorum unum est genus subiectum, cuius per
se passiones scrutantur ; et aliud est communes dignitates, ex
quibus sicut ex primis demonstrat ; tertium autem passiones, de
quibus unaquaeque scientia accipit quid significent. [79624] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 18 n. 10Deinde cum dicit : quasdam tamen scientias
etc., manifestat quoddam, quod poterat esse dubium. Quia enim dixerat quod
scientiae supponunt de principiis quia sunt, de passionibus quid
sunt, de subiectis autem utrumque, posset aliquis credere
quod oporteret specialem fieri mentionem de omnibus istis. Unde hoc removet,
dicens quod nihil prohibet quasdam scientias despicere quaedam
praedictorum, idest non facere mentionem expressam de praemissis, sicut
quandoque non facit mentionem de hoc quod supponat genus subiectum esse, si
sit manifestum quod sit, quia non est similiter manifestum de omnibus quod
sint, sicut quod sit numerus, et quod sit calidum vel frigidum : quorum unum
est propinquum rationi, alterum sensui. Similiter et quaedam scientiae non
supponunt de passionibus quid significent, expressam mentionem de eis
faciendo. Sicut etiam non oportet quod de communibus principiis semper
scientiae faciant mentionem, quia nota sunt. Nihilominus tamen, tria
praedicta naturaliter sunt in qualibet scientia supponenda. |
149. Après avoir
montré que la démonstration ne procède pas de principes communs mais de
principes propres, pour manifester ce qu’il vient de dire, il traite ici des
principes propres et des principes communs. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu [100], il montre la nécessité de traiter de cela en disant
qu’il est difficile de discerner si nous savons à partir des principes
propres (et c’est en cela seulement que consiste le véritable savoir) ou non.
Nombreux en effet sont ceux qui croient savoir, lorsqu’ils possèdent un
syllogisme qui procède de principes qui sont vrais et premiers. Mais cela
n’est pas vrai : il faut en outre, pour parvenir au savoir, que les
principes soient prochains par rapport aux termes qui doivent être démontrés
dans la conclusion (et qu’on appelle ici premiers et qu’on appelait plus haut
les termes extrêmes); ou bien il faut qu’ils soient prochains par rapport aux
premiers principes indémontrables. 150. En deuxième lieu, là [101] où il
dit : Mais j’appelle principes
etc., il traite des principes propres et des principes communs. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu en effet il traite des principes propres et communs; en
deuxième lieu, il montre comment les sciences démonstratives se rapportent à
de tels principes, là [114] où il dit : Mais il n’est pas possible etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il distingue ce qui est principe de ce qui ne l’est pas; en deuxième lieu, il
distingue les principes entre eux là [103] où il dit : Mais il y en a dont on se sert etc. 151. Au sujet du
premier point il fait deux choses. En
premier lieu, [101], il montre ce que sont les principes en disant que
dans tout genre les principes sont ceux qui, bien qu’ils soient vrais, ne
peuvent absolument pas être démontrés s’ils sont les principes premiers, ou
bien ils ne peuvent être démontrés dans cette science dans laquelle ils sont
pris comme principes. Mais il dit qu’ils sont
vrais à la différence de ceux qui sont
faux et qui ne sont démontrés dans aucune science. 152. En deuxième lieu, là [102] où il
dit : Donc, ce que signifient
etc., il montre la ressemblance et la différence entre ce qui est principe et
ce qui ne l’est pas. Les deux se ressemblent en effet en ceci
qu’il faut prendre les deux comme en posant ce qu’ils signifient, à la
fois pour ce qui est premier,
c’est-à-dire pour les principes, et
pour ce qui en procède, c’est-à-dire pour ce qui se tire des
principes : car l’essence
relève à proprement parler de la science qui a pour objet la substance,
c’est-à-dire de la philosophie première
de laquelle toutes les autres sciences la reçoivent. Mais les principes
diffèrent de ce qui en procède en cela qu’il faut prendre les principes en
supposant qu’ils existent; mais
pour ce qui est du reste, c’est-à-dire pour ce qui en procède, il faut en
démontrer l’existence, c’est-à-dire qu’ils
sont bien ainsi. Par exemple, en mathématiques, on prend l’unité, qui est
principe, en posant ce qu’elle signifie,
tout comme on le fait pour le droit et le triangle qui ne sont pas des
principes mais des propriétés ou des passions : mais l’existence de
l’unité et celle de la grandeur, le mathématicien les prend comme principes;
pour les autres, c’est-à-dire les propriétés qui procèdent des principes, il
en démontre l’existence. Il démontre en effet le triangle équilatéral et
l’angle droit, et il démontre aussi que cette ligne est droite. 153. Ensuite
lorsqu’il dit [103] : Mais il y en
a auxquels etc., il distingue les principes entre eux : et en
premier lieu il distingue les principes propres des principes communs; en
deuxième lieu, il distingue les principes communs entre eux là [108] où il
dit : Mais il n’y a pas à supposer
etc. La première partie se divise en deux; dans
la première il distingue les principes propres des principes communs; dans la
deuxième il manifeste quelque chose qui aurait pu soulever une difficulté, là
[107] où il dit : Mais certaines
sciences etc. 154. Au sujet du
premier point il fait trois choses. En
premier lieu [103], il pose une division en disant que parmi les principes
dont nous nous servons dans les sciences démonstratives, certains sont
propres à chaque science alors que d’autres sont communs. Et parce que cela
pourrait sembler contraire à ce que nous avons montré plus haut, à savoir que
les sciences démonstratives ne procèdent pas de ce qui est commun, c’est
pourquoi il ajoute que les principes communs se prennent en chaque science
démonstrative selon l’analogie,
c’est-à-dire selon qu’ils sont proportionnés à cette science. Et c’est là ce
qu’il ajoute en expliquant qu’il est utile
d’admettre de tels principes dans les sciences dans la mesure où ils se
rapportent au genre sujet qui est contenu sous cette science. 155. En deuxième lieu, là [104] où il
dit : Les principes propres
etc., il donne un exemple pour chacun des deux en disant que les principes
propres sont par exemple la définition de la ligne ou du droit. Dans les
sciences en effet la définition du sujet et celle de la propriété sont prises
comme principes. Mais les principes communs sont par exemple : si
tu retires deux quantités égales de deux quantités égales, celles qui restent
sont égales; et il en est de même pour d’autres conceptions communes de
l’âme. 156. En troisième lieu, là [105] où il
dit : Mais il suffit etc., il
montre comment les sciences démonstratives se servent des principes que nous
venons de présenter. Et en premier lieu certes il dit au sujet
des principes communs qu’il suffit de prendre chacun de ces principes communs
dans la mesure où il s’applique au genre sujet sur lequel porte la science.
En effet, si le géomètre ne prend pas le principe commun qui précède dans son
universalité mais ne fait que l’appliquer aux grandeurs, il fera la même
chose que l’arithméticien qui l’appliquera seulement aux nombres. En effet,
c’est ainsi que le géomètre pourrait conclure s’il disait : si de deux
grandeurs égales on retire deux grandeurs égales, celles qui restent sont
égales; c’est comme s’il avait dit plus universellement : si ce que tu
retires de l’égal est égal, ce qui reste est égal. Et il faut dire la même
chose au sujet des nombres. 157. En deuxième lieu, là [106] où il
dit : Mais sont propres etc.,
il montre de quelle manière les sciences démonstratives se servent des
principes propres en disant que les principes propres sont ceux dont on
suppose l’existence dans les sciences, c’est-à-dire les sujets par rapport auxquels la science étudie les propriétés qui
leur appartiennent essentiellement. Par exemple, l’arithmétique considère les
unités et la géométrie considère les signes, à savoir les points et les
lignes. Ces sciences en effet supposent que ces sujets existent et qu’ils
sont cela, c’est-à-dire qu’elles supposent à leur sujet à la fois l’existence et l’essence. Mais pour ce qui est des propriétés, ces
sciences supposent ce que chacune signifie; par exemple, l’arithmétique
suppose la définition du pair et de l’impair, ou encore la définition du
nombre carré ou du nombre cubique; et la géométrie suppose la définition du rationnel dans les lignes. On dit en
effet qu’est rationnelle la ligne sur laquelle il est possible de raisonner
au moyen d’une ligne donnée; mais ce qui ne lui est pas commensurable, on
l’appelle irrationnel ou sourd. De
la même manière la géométrie suppose la définition du courbé ou de l’oblique. Mais les sciences
dont nous parlons démontrent au sujet de toutes les propriétés qui précèdent,
par des principes communs et à partir de ces principes qui sont démontrés à
partir de principes communs, qu’elles existent. Et ce qu’on dit ici au sujet de la
géométrie et de l’arithmétique, il faut l’entendre aussi de l’astronomie. Toute science démonstrative en effet se
rapporte à trois choses, dont la première est le genre sujet dont les propriétés essentielles sont examinées;
la deuxième, c’est les principes
communs ou axiomes d’où l’on part, comme à partir de ce qui est premier,
pour démontrer; la troisième, c’est les
propriétés à démontrer et dont chaque science suppose ce qu’elles
signifient. 158. Ensuite
lorsqu’il dit [107] : Mais
certaines sciences etc., il manifeste un point qui pourrait poser
difficulté. En effet, parce qu’il avait dit que les sciences supposent au
sujet des principes qu’ils existent
et au sujet des propriétés ce qu’elles
sont, mais que pour ce qui est des sujets elles supposent les deux, on pourrait croire qu’il
aurait fallu faire une mention spéciales pour chacun d’eux. C’est pourquoi il
rejette cette objection en disant que rien n’empêche certaines sciences d’omettre certaines choses que nous venons
de dire, c’est-à-dire de ne pas faire une mention expresse touchant ce
qui précède, comme parfois de ne pas faire mention de ce qu’elle suppose
comme étant son genre sujet s’il est déjà évident, car il n’est pas également
évident pour toutes les choses qu’elles existent, par exemple pour le nombre,
la chaleur et le froid : car l’un est plus proche de la raison, les deux
autres du sens. Et de la même manière certaines sciences ne supposent pas ce
que signifient les propriétés par une mention expresse de leurs définitions.
De même encore il n’est pas nécessaire qu’une science fasse toujours mention
des principes communs sur lesquels elle s’appuie s’ils sont déjà connus.
Cependant, ces trois éléments néanmoins doivent naturellement être supposés
dans toute science. |
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LECTIO 19 |
LEÇON 19. De la différence
qu’il y a entre les principes communs
(nn.
159-166; [108-113]). |
[79625] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 19 n. 1Postquam divisit Aristoteles principia
communia a propriis, hic distinguit communia principia ad invicem. Et
dividitur in partes tres : in prima, ponit distinctionem communium
principiorum ad invicem ; in secunda, ostendit differentiam definitionis a
quodam genere principiorum communium, ibi : termini igitur non etc. ; in
tertia, excludit quemdam errorem, ibi : species quidem igitur et cetera.
Circa primum duo facit : primo, distinguit communes animi conceptiones a
petitionibus, sive suppositionibus ; secundo, petitiones et suppositiones ad
invicem, ibi : quaecunque quidem igitur et cetera. [79626] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 19 n. 2Circa primum considerandum est quod
communes animi conceptiones habent aliquid commune cum aliis principiis
demonstrationis, et aliquid proprium. Commune quidem habent, quia necesse est
tam ista, quam alia principia per se esse vera. Proprium autem est horum
principiorum quod non solum necesse est ea per se vera esse, sed etiam
necesse est videri quod per se sint vera. Nullus enim potest opinari
contraria eorum. [79627] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 19 n. 3Dicit ergo quod illud principium, quod
necesse est non solum per seipsum esse, sed etiam ulterius necesse est, ipsum
videri, scilicet communis animi conceptio vel dignitas, non est neque petitio neque suppositio.
Quod sic probat. Petitio et suppositio exteriori ratione confirmari possunt,
idest argumentatione aliqua. Sed communis animi conceptio non est ad exterius
rationem, quia non potest probari per aliquam argumentationem, sed est ad
eam, quae est in anima, quia lumine naturalis rationis statim fit nota. Et
quod non sit ad exterius rationem patet, quia non fit syllogismus ad probandas
huiusmodi communes animi conceptiones. Et quod huiusmodi non sunt notae per
exteriorem rationem, sed per interiorem, probat per hoc, quod exteriori
rationi potest instari vel vere vel apparenter : interiori autem rationi non
est possibile semper instari. Et hoc ideo, quia nihil est adeo verum, quin
voce possit negari. Nam et hoc principium notissimum, quod non
contingat idem esse et non esse, quidam ore negaverunt. Quaedam autem
adeo vera sunt, quod eorum opposita intellectu capi non possunt ; et ideo interiori
ratione eis obviari non potest, sed solum exteriori, quae est per vocem. Et
huiusmodi sunt communes animi conceptiones. [79628] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 19 n. 4Deinde, cum dicit : quaecunque igitur etc.,
distinguit suppositiones et petitiones ad invicem. Sciendum tamen est, quod
aliquid commune habent, et in aliquo differunt. Hoc quidem commune est eis,
quod cum sint demonstrabilia, tamen demonstrator accipit ea non demonstrans,
et praecipue, quia non sunt demonstrabilia per suam scientiam, sed per aliam,
ut supra dictum est. Unde et inter immediata principia computantur, quia
demonstrator utitur eis absque medio, eo quod non habeant medium in illa
scientia. Differunt autem ad invicem : quia si quidem talis propositio sit
probabilis addiscenti, cui fit demonstratio, dicitur suppositio.
Et sic suppositio dicitur non simpliciter, sed ad aliquem. Si vero ille nec
sit eiusdem opinionis, neque contrariae, oportet quod demonstrator hoc ab eo
petat, et tunc dicitur petitio. Si autem sit contrariae opinionis,
tunc erit quaestio, de qua oportet disputari inter eos. Hoc tamen
omnibus commune est, quod unoquoque eorum utitur demonstrator non
demonstrans, cum sit demonstrabile. [79629] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 19 n. 5Deinde, cum dicit : termini igitur non sunt
etc., distinguit definitiones a suppositionibus per
duas rationes ; quarum secunda incipit ibi : amplius petitio et
cetera. Circa primum duo facit : primo, ponit rationem, quae talis est :
omnis petitio, vel suppositio dicit
aliquid esse vel non esse ; termini autem,
idest definitiones, non dicunt aliquid esse vel non
esse ; termini ergo non sunt suppositiones neque petitiones, per se
sumpti. Sed in propositionibus assumpti sunt suppositiones ; ut cum dicitur,
homo est animal rationale mortale. Sed terminos per se sumptos, oportet solum
intelligere ; intelligere autem non est supponere, sicut nec audire. Sed illa
supponuntur quorumcunque existentium, idest ex quibuscumque
existentibus fit conclusio, in eo quod illa sunt, idest propter
praemissa. [79630] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 19 n. 6Secundo, ibi : neque geometra etc.,
excludit quamdam dubitationem. Dicebant enim quidam quod geometra falsa
suppositione utebatur, cum diceret lineam esse unius pedis, quae non est
unius pedis ; aut lineam descriptam in pulvere esse rectam, quae non est
recta. Sed ipse dicit quod geometra non supponit falsum propter hoc. Cum enim
geometra nihil demonstret de particularibus, sed de universalibus, ut supra
dictum est ; hae autem lineae sunt quaedam particularia ; manifestum est quod
de his lineis nihil demonstrat, neque etiam ex eis, sed utitur eis ut
exemplis universalium, quae per haec exempla intelliguntur, de quibus et ex
quibus demonstrat. [79631] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 19 n. 7Deinde, cum dicit : amplius petitio etc.,
ponit secundam rationem, quae talis est : omnis suppositio vel petitio est in
toto vel in parte, idest est propositio universalis vel particularis ; sed
definitiones neutrum horum sunt, quia in eis nihil ponitur sive praedicatur,
neque universaliter, neque particulariter ; ergo et cetera. [79632] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 19 n. 8Deinde, cum dicit : species quidem esse
etc., ostendit ex praemissis quod non est necessarium ponere ideas, ut Plato
posuit. Ostensum est enim supra quod demonstrationes de universalibus sunt,
et hoc modo sunt de sempiternis. Non igitur necesse est ad hoc quod
demonstratio sit, species esse, idest ideas, aut
quodcunque unum extra multa, sicut ponebant Platonici
mathematica separata cum ideis, ut sic demonstrationes possint esse de
sempiternis. Sed necessarium est esse unum in multis et de multis, si
demonstratio debet esse, quia non erit universale, nisi sit unum de multis ;
et si non sit universale, non erit medium demonstrationis ; ergo nec
demonstratio. Et quod oporteat medium demonstrationis esse universale, patet
per hoc quod oportet medium demonstrationis esse unum et idem de pluribus
praedicatum non aequivoce, sed secundum rationem eamdem : quod est ratio
universalis. Si autem aequivocum esset, posset accidere vitium in arguendo. |
159. Après avoir
distingué les principes communs des principes propres, Aristote fait ici une
distinction à l’intérieur même des principes communs. Et il divise cette section en trois
parties : en premier lieu, il présente la division qu’il y a entre les
principes communs [108]; en deuxième lieu, il montre une différence qui
distingue la définition d’un certain genre de principes communs, là [110] où
il dit : Donc, les termes ne
etc.; dans la troisième il écarte une erreur, là [113] où il dit : Donc, que l’espèce soit certes etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il distingue les conceptions communes de l’âme
des postulats et des hypothèses; en deuxième lieu il distingue les postulats
des hypothèses, là [109] où il dit : Donc,
tout ce qui est certes etc. 160. Au sujet du
premier point il faut considérer que les conceptions communes de l’âme ont
quelque chose de commun avec les autres principes de la démonstration, mais
elles possèdent aussi quelque chose en propre. Elles ont quelque chose de
commun certes car il est nécessaire que celles-ci, tout comme les autres
principes, soient vraies par soi. Mais il est propre à ces principes non
seulement qu’il est nécessaire qu’ils soient vrais par soi, mais aussi qu’ils
paraissent être tels. Personne en effet ne peut penser quelque chose qui leur
soit contraire. 161. Il dit donc
que ce principe, dont il est nécessaire qu’il soit non seulement par soi mais
dont il est en outre nécessaire qu’il paraisse l’être, à savoir la conception
commune de l’âme ou la ¨dignité¨, n’est ni un postulat ni une
hypothèse. Ce qu’il prouve de la manière suivante. Le postulat et
l’hypothèse peuvent être confirmés par un raisonnement extérieur,
c’est-à-dire par une argumentation. Mais la conception commune de l’âme ne
s’adresse pas au discours extérieur car elle ne peut être prouvée par une
argumentation, mais plutôt au discours intérieur qui est dans l’âme car elle
devient aussitôt connue par la lumière de la raison naturelle. Et il est évident que la conception
commune de l’âme ne s’adresse pas au discours extérieur parce qu’il n’existe
pas de syllogisme pour prouver de telles conceptions communes de l’âme. Et
que de telles conceptions ne sont pas connues par le discours extérieur mais
par une lumière intérieure, il le prouve au moyen de ceci qu’à un discours
extérieur on peut toujours s’objecter soit en vérité soit en apparence :
mais au discours intérieur il n’est pas toujours possible de s’objecter. Et
il en est ainsi parce que rien n’est à ce point vrai qu’on ne puisse le nier
par des mots. Car ce principe le plus connu, à savoir que la même chose ne peut être et ne pas être,
certains l’ont nié extérieurement. Mais certains principes sont vrais à ce point
que leurs contraires ne peuvent être admis par l’intelligence; et c’est pour
cette raison qu’on ne peut s’y objecter par le discours intérieur mais
seulement par le discours extérieur qui s’exprime par les mots. Et c’est le
cas pour les conceptions communes de l’âme. 162. Ensuite
lorsqu’il dit [109] : Donc, tout
ce qui est démontrable etc., il distingue l’hypothèse du postulat. Il
faut cependant savoir qu’ils possèdent quelque chose en commun et qu’ils
diffèrent sous un certain rapport. Ils ont certes ceci en commun que bien
qu’ils soient démontrables, cependant celui qui démontre les prend sans les
démontrer principalement parce qu’ils ne sont pas démontrables par sa science
mais par une autre ainsi que nous l’avons dit plus haut. De là, ils sont compté
parmi les principes immédiats parce que celui qui démontre s’en sert sans
recourir à un moyen terme du fait qu’ils ne possèdent pas de moyen terme dans
cette science. Ils diffèrent cependant entre eux car si
une telle proposition est certes probable aux yeux de l’élève auquel
s’adresse la démonstration, on l’appelle hypothèse.
Mais prise ainsi, il ne s’agit pas d’une hypothèse au sens absolu du terme,
mais d’une hypothèse relativement à l’élève. Mais si ce dernier ne partage
pas la même opinion ni l’opinion contraire, il faut alors que celui qui
démontre la lui demande, et il s’agit alors d’un postulat. Mais s’il était d’une opinion contraire alors ce sera
une question dont ils devront
discuter entre eux. Mais il est commun à toutes ces situations que celui qui
démontre se sert de ces propositions sans les démontrer bien qu’elles soient
démontrables. 163. Ensuite
lorsqu’il dit [110] : Donc, les
définitions ne sont pas etc., il distingue les définitions des hypothèses
au moyen de deux raisonnements, dont le deuxième commence là [112] où il
dit : Mais en outre le postulat
etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu, il
présente un raisonnement que voici : Tout postulat ou toute hypothèse
dit que quelque chose est ou n’est pas; mais les termes, c’est-à-dire les
définitions, ne disent pas que quelque chose est ou n’est pas :
donc les termes, pris en eux-mêmes, ne sont ni des hypothèses ni des
postulats. Mais pris dans des propositions ils sont des hypothèses, comme
lorsque je dis que l’homme est un
animal rationnel et mortel. Mais si on prend les termes seulement en
eux-mêmes, il faut seulement les comprendre; mais comprendre, tout comme
entendre, n’est pas faire une hypothèse. Mais il y a hypothèse quand,
certaines choses existant, c’est-à-dire que du fait que certaines choses existantes sont posées, la conclusion suit, du seul fait que ces choses existent,
c’est-à-dire à cause des prémisses. 164. En deuxième
lieu, là [111] où il dit : Et le
géomètre ne etc., il écarte une difficulté. Certains affirmaient en effet
que la géométrie se servait d’une fausse hypothèse lorsqu’elle disait que la
ligne était d’un pied alors qu’elle ne l’est pas, ou que la ligne qui est
tracée dans la poussière est droite alors qu’elle ne l’est pas. Mais Aristote
dit que la géométrie ne procède pas d’une hypothèse qui est fausse pour cette
raison en effet que la géométrie ne démontre rien au sujet des particuliers,
mais il le fait plutôt au sujet des universels comme nous l’avons dit plus
haut; or ces lignes-ci sont des lignes particulières; il est manifeste que la
géométrie ne démontre rien au sujet de ces lignes, ni même à partir d’elles,
mais il s’en sert seulement comme d’exemples pour conduire aux universels au
sujet desquels et à partir desquels il démontre, et qui sont saisis au moyen
de ces exemples. 165. Ensuite
lorsqu’il dit [112] : Mais en
outre le postulat etc., il présente le deuxième raisonnement que voici.
Toute hypothèse ou tout postulat se présente comme un tout ou comme une
partie, c’est-à-dire comme une proposition universelle ou comme une
proposition particulière; mais les définitions ne sont ni l’une ni l’autre
car en elles rien n’est posé ou attribué, ni universellement ni
particulièrement; donc, etc. 166. Ensuite
lorsqu’il dit [113] : Mais admettre
l’existence des Idées etc., il montre à partir de ce qui précède qu’il
n’est pas nécessaire d’admettre l’existence des Idées comme le faisait
Platon. Nous avons montré plus haut en effet que les démonstrations ont pour
objet l’universel et qu’en ce sens elles portent sur l’éternel. Il n’est donc
pas nécessaire, pour qu’il y ait démonstration, de poser des Formes, c’est-à-dire des Idées ou une certaine Unité en dehors de la multiplicité
comme le faisaient les Platoniciens qui posaient avec les Idées des entités
mathématiques séparées pour qu’ainsi les démonstrations puissent avoir un
objet éternel. Mais il est nécessaire qu’il y ait une même propriété qui se
trouve dans une multiplicité et qui s’attribue à une multiplicité s’il doit y
avoir démonstration car il n’y a universalité que si une même propriété
s’attribue à plusieurs; et s’il n’y a pas universalité, il n’y aura pas de
moyen terme pour la démonstration, et donc pas de démonstration purement et
simplement. Et qu’il faille que le moyen terme de la démonstration soit
universel, cela est évident du fait qu’il faut que le moyen terme de la
démonstration soit un seul et même terme à s’attribuer à plusieurs individus,
non pas d’une manière équivoque mais d’après une seule et même notion, ce qui
est la définition même de l’universel. Mais si le moyen terme était pris
d’une manière équivoque, il pourrait se trouver un vice dans l’argumentation. |
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LECTIO 20 |
LEÇON 20. De quelle
manière les sciences démonstratives se rapportent aux principes communs
(nn.
167-172; [114-117]). |
[79633] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 20 n. 1Postquam determinavit philosophus de
principiis propriis et communibus, hic ostendit qualiter demonstrativae
scientiae se habeant ad principia communia et propria. Et dividitur in duas
partes : in prima, ostendit qualiter se habeant demonstrativae scientiae
circa communia : in secunda, qualiter se habeant circa propria ; ibi : si
autem idem est interrogatio et cetera. Circa primum duo facit : primo,
ostendit qualiter se habeant demonstrativae scientiae circa prima principia inter
communia ; secundo, quomodo se habeant communiter circa omnia principia
communia ; ibi : communicant autem omnes scientiae et cetera. Circa primum
duo facit : primo, ostendit quomodo se habeant demonstrativae scientiae circa
hoc principium, quod, non contingit simul affirmare et negare ;
secundo, quomodo se habeant circa istud principium, de quolibet est
affirmatio vel negatio vera ; ibi : omne autem affirmare et cetera. Haec enim duo principia sunt omnium prima,
ut probatur in IV metaphysicae. [79634] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 20 n. 2Dicit ergo primo quod nulla demonstratio
accipit hoc principium, quod, non contingit simul affirmare et negare.
Si enim aliqua demonstratio eo uteretur ad ostendendum aliquam conclusionem,
oporteret quod sic eo uteretur, quod acciperet primum, idest
maiorem extremitatem, affirmari de medio et non negari. Quia
si acciperet affirmationem et negationem ex parte medii, nihil differret
utrum sic vel sic esset ; et eadem ratio est
de tertio, idest de minori extremitate per comparationem ad medium.
Verbi gratia : sit animal primum,
homo medium, et Callias tertium. Si quis vellet uti
praedicto principio in demonstratione, oporteret sic arguere : omnis homo est
animal et non est non animal ; Callias est homo ; ergo Callias est animal et
non est non animal. Cum vero dicat, omnis homo est animal, nihil
differt, utrum etiam haec sit vera, non homo est animal, vel non
sit vera. Et similiter in conclusione non differt, ex quo Callias est
animal, utrum non Callias sit animal, vel non animal. Et
huius causa est, quia primum non oportet dici de solo medio,
sed potest etiam dici de quodam alio, quod est diversum a medio,
quod significatur per negationem medii ; propter hoc quod primum dicitur
de pluribus quandoque quam medium, sicut animal de
pluribus quam homo ; unde dicitur de equo, qui est non homo. Unde
si accipiatur medium idem et non idem, idest, si
accipiatur medium affirmativum et negativum, ut cum
dico, homo et non homo est animal, nihil facit ad conclusionem.
Cum autem accipitur affirmatio et negatio ex parte maioris extremitatis,
differt quidem quantum ad conclusionem et etiam quantum ad veritatem
praemissarum. Si enim homo esset non animal, non esset verum quod homo est
animal, neque sequeretur quod Callias esset animal. Tamen nihil plus
certificatur cum dicitur, homo est animal et non est non animal,
quam cum dicitur solum, homo est animal. Idem enim intelligitur
per utrumque. Et sic manifestum est quod demonstrationes non utuntur hoc
principio, scilicet quod affirmatio et negatio non sint simul vera, neque ex
parte praedicati, neque ex parte subiecti. [79635] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 20 n. 3Deinde, cum dicit : omne autem affirmare
etc., ostendit quomodo demonstrativae scientiae utantur hoc principio, de
quolibet est affirmatio vel negatio vera. Et dicit quod hoc principium
accipit demonstratio, quae est ad impossibile. In hac enim demonstratione
probatur aliquid esse verum per hoc quod eius oppositum est falsum. Quod
nequaquam contingeret, si possibile esset utrumque oppositorum esse falsum.
Non tamen semper utitur praedicta demonstratio hoc principio, quia quandoque
illud oppositum quod ostenditur esse falsum, non est negatio, sed contrarium
immediatum. Sicut si ostenderetur aliquem numerum esse parem per
hoc quod falsum est ipsum esse imparem ducendo ad impossibile. Neque etiam
utitur hoc principio universaliter, idest in sua universalitate, sub his
terminis, ens et non ens, sed quantum sufficiens
est in genere aliquo. Et dico de illo genere, circa
quod sunt demonstrationes. Sicut si in geometria accipiatur rectum et non
rectum ; ut cum ostenditur aliqua linea esse recta per hoc quod est falsum
eam esse non rectam ducendo ad impossibile. [79636] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 20 n. 4Deinde, cum dicit : communicant autem etc.,
ostendit qualiter demonstrativae scientiae se habeant communiter ad omnia
principia communia. Et circa hoc duo facit. Primo, dicit quod omnes scientiae
in communibus principiis communicant hoc modo, quod omnes utuntur eis, sicut
ex quibus demonstrant, quod est uti eis ut principiis : sed non utuntur eis,
ut de quibus aliquid demonstrant, ut de subiectis, neque sicut quod
demonstrant, quasi conclusionibus. [79637] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 20 n. 5Secundo, ibi : et dialectica de omnibus
etc., ostendit quod quaedam scientiae utuntur principiis communibus alio modo
quam dictum est. Dialectica enim est de communibus ; et aliqua alia scientia
est etiam de communibus, scilicet philosophia prima, cuius subiectum est ens
et considerat ea quae consequuntur ens, ut proprias passiones entis. Sciendum
tamen est quod alia ratione dialectica est de communibus et logica et
philosophia prima. Philosophia enim prima est de communibus, quia eius
consideratio est circa ipsas res communes, scilicet circa ens et partes et
passiones entis. Et quia circa omnia quae in rebus sunt habet negotiari
ratio, logica autem est de operationibus rationis ; logica etiam erit de his,
quae communia sunt omnibus, idest de intentionibus rationis, quae ad omnes
res se habent. Non autem ita, quod logica sit de ipsis
rebus communibus, sicut de subiectis. Considerat enim logica, sicut subiecta,
syllogismum, enunciationem, praedicatum, aut aliquid huiusmodi. Pars autem
logicae, quae demonstrativa est, etsi circa communes intentiones versetur
docendo, tamen usu demonstrativae scientiae non est in procedendo ex his
communibus intentionibus ad aliquid ostendendum de rebus, quae sunt subiecta
aliarum scientiarum. Sed hoc dialectica facit, quia ex communibus
intentionibus procedit arguendo dialecticus ad ea quae sunt aliarum
scientiarum, sive sint propria sive communia, maxime tamen ad communia. Sicut
argumentatur quod odium est in concupiscibili, in qua est amor, ex hoc quod
contraria sunt circa idem. Est ergo dialectica de communibus non solum quia
pertractat intentiones communes rationis, quod est commune toti logicae, sed
etiam quia circa communia rerum argumentatur. Quaecunque autem scientia
argumentatur circa communia rerum, oportet quod argumentetur circa principia
communia, quia veritas principiorum communium est manifesta ex cognitione
terminorum communium, ut entis et non entis, totius et partis,
et similium. Dicit autem signanter : et si aliqua scientia tentet
monstrare communia, quia philosophia prima non demonstrat principia
communia, sunt enim indemonstrabilia simpliciter ; sed aliqui errantes
tentaverunt ea demonstrare, ut patet in IV metaphysicae. Vel etiam quia, etsi
non possunt demonstrari simpliciter, tamen philosophus primus tentat ea
monstrare eo modo, quo est possibile, scilicet contradicendo negantibus ea,
per ea quae oportet ab eis concedi, non per ea, quae sunt magis nota. [79638] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 20 n. 6Sciendum est etiam quod primus philosophus
non solum hoc modo demonstrat ea, sed etiam monstrat aliquid de eis, sicut de
subiectis ; sicut quod, impossibile est mente concipere opposita
eorum, ut patet in IV metaphysicae. Cum ergo disputet circa haec
principia et philosophus primus et dialecticus, tamen aliter et aliter.
Dialecticus enim non procedit ex aliquibus principiis demonstrativis, neque
assumit alteram partem contradictionis tantum, sed se habet ad utramque
(contingit enim utramque quandoque vel probabilem esse, vel ex probabilibus
ostendi, quae accipit dialecticus). Et propter hoc interrogat. Demonstrator
autem non interrogat, quia non se habet ad opposita. Et haec differentia
utriusque posita est in his, quae de syllogismo sunt, idest in libro priorum.
Philosophia ergo prima procedit circa communia per modum demonstrationis, et
non per modum dialecticae disputationis. |
167. Après avoir
traité des principes propres et des principes communs, le Philosophe montre
ici de quelle manière les sciences démonstratives se rapportent aux principes
communs et aux principes propres. Et cette section se divise en deux
parties : dans la première il montre comment les sciences démonstratives
se rapportent aux principes communs [114]; dans la deuxième il montre comment
elles se rapportent aux principes propres, là [118] où il dit : Mais si l’interrogation est la même
etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il montre comment les sciences démonstratives
se rapportent, à l’intérieur de l’ensemble des principes communs, aux tout
premiers principes communs; en deuxième lieu, il montre comment elles se
rapportent communément à tous les principes communs, là [116] où il
dit : Mais toutes les sciences ont
en commun etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il montre comment se rapportent les sciences
démonstratives à ce principe qui dit qu’on
ne peut simultanément affirmer et nier; en deuxième lieu, il montre
comment elles se rapportent à cet autre principe commun, à savoir que pour tout prédicat, soit l’affirmation
soit la négation est vraie, là [115] où il dit : Mais tout affirmer etc. Ces deux
principes en effet sont les premiers de tous les principes communs, ainsi
qu’on le prouve au quatrième livre de la Métaphysique. 168. Il dit donc
en premier lieu [114] qu’aucune démonstration ne pose ce principe, à savoir qu’il n’est pas possible d’affirmer et de
nier simultanément. Si en effet une démonstration s’en servait pour
manifester une conclusion, il faudrait qu’elle s’en serve de telle manière
qu’elle prenne le premier terme, c’est-à-dire le grand terme, comme étant affirmé et non nié du moyen terme. Car si elle prenait
l’affirmation et la négation du côté du moyen terme, cela ne changerait rien
qu’il soit ainsi plutôt qu’autrement; et la même raison vaudrait pour le troisième terme, c’est-à-dire le petit terme, par rapport au moyen terme. Autrement dit, supposons qu’animal soit le grand terme, homme le moyen et Callias le petit terme. Si on voulait se
servir dans la démonstration du principe commun qui précède, il faudrait
argumenter de la manière suivante : Tout homme est un animal et n’est
pas un non-animal; mais Callias est un homme; donc Callias est un animal et
n’est pas un non-animal. Mais lorsqu’il dit tout homme est animal, cela ne change rien si cette partie aussi,
à savoir un non-homme est un animal,
est vraie ou non. Et de la même manière il ne change rien dans la conclusion,
du fait que Callias est un animal, qu’un non-Callias soit un animal ou un
non-animal. Et la raison en est que le grand terme ne doit pas s’attribuer
uniquement au moyen terme, mais il
peut aussi s’attribuer à quelque chose d’autre qui est différent du moyen et qui est signifié par la
négation du moyen terme; la raison
en est que le premier ou le grand terme
se dit souvent de plus de choses que le
moyen terme, comme animal qui
se dit de plus de choses que homme :
de là il se dit aussi du cheval qui est non-homme. C’est pourquoi si le moyen terme se prend comme étant le
même et non le même, c’est-à-dire si le moyen terme se prend affirmativement
ou négativement, comme lorsque je dis que homme
et non-homme est animal, cela n’est d’aucune conséquence pour la
conclusion. Mais lorsque l’affirmation ou la négation
se prend du côté du grand terme,
cela fait certes une différence quant à la conclusion et même quant à la
vérité des prémisses. Si en effet l’homme était un non-animal, il ne serait
pas vrai de dire que l’homme est un animal et il ne s’ensuivrait pas que
Callias est un animal. Cependant, si on dit que l’homme est un animal et n’est pas un non-animal, on ne certifie
rien de plus que si on dit
seulement que l’homme est un animal.
C’est la même chose en effet qu’on entend par les deux expressions. Et ainsi il est évident que les
démonstrations ne se servent de ce principe, à savoir que l’affirmation et la
négation ne sont pas simultanément vraies, ni du côté du prédicat, ni du côté
du sujet. 169. Ensuite
lorsqu’il dit [155] : Mais toute
affirmation etc., il montre comment les sciences démonstratives se
servent de ce principe, à savoir : Pour
toute chose, soit l’affirmation soit la négation est vraie. Et il dit que
la démonstration par la réduction à l’absurde se sert de ce principe. Dans
cette démonstration en effet on prouve que quelque chose est vrai du fait que
son opposé est faux. Cela ne pourrait jamais se produire s’il était possible
pour les deux opposés d’être faux. Cependant cette sorte de démonstration ne
se sert pas toujours de ce principe car parfois cet opposé dont on montre la
fausseté n’est pas une négation mais un contraire immédiat. Par exemple, si
on montrait qu’un nombre est pair
du fait qu’il soit faux, par réduction à l’absurde, qu’il soit impair. Et
encore, elle ne se sert pas de ce principe universellement, c’est-à-dire dans
toute son universalité sous les termes d’être
et de non-être, mais seulement dans
la mesure où les limites du genre en question l’exigent. Et on parle bien sûr
de ce genre sur lequel portent les démonstrations. Par exemple en géométrie
on prend comme genre le droit et le non-droit, comme lorsqu’on montre qu’une
ligne est droite du fait qu’il est faux, par réduction à l’absurde, qu’elle
soit non-droite. 170. Ensuite
lorsqu’il dit [116] : Mais toutes
les sciences ont en commun etc., il montre comment les sciences
démonstratives se rapportent communément à tous les principes communs. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu il dit que toutes les
sciences démonstratives ont en partage les principes communs de la
manière suivante, c’est-à-dire de telle manière qu’elles s’en servent comme
d’un fondement pour la démonstration, ce qui revient à s’en servir comme de
principes; mais elles ne s’en servent pas comme de cela même au sujet de quoi
quelque chose est démontré, c’est-à-dire comme des sujets des démonstrations,
ni comme ce qu’elles démontrent, à savoir les prédicats qui sont démontrés
dans les conclusions. 171. En deuxième lieu, là [117] : Et la dialectique porte sur tout etc.,
il montre qu’une science se sert des principes communs d’une autre manière
que celle que nous avons dite. La dialectique en effet a pour objet ce qui
est commun; et une autre science, à savoir la philosophie première, a aussi
pour objet ce qui est commun, puisque son sujet est l’être et qu’elle
considère ce qui découle de l’être comme propriétés de l’être en tant
qu’être. Mais il faut savoir que la dialectique
porte sur le commun pour une autre raison que la logique ou la philosophie
première. En effet, la philosophie première a pour objet le commun parce que
sa considération se porte sur les choses communes elles-mêmes, c’est-à-dire
sur l’être ainsi que sur les parties et les propriétés de l’être en tant
qu’être. Et parce que la raison doit s’occuper de tout ce qui se trouve dans
les choses et que la logique porte sur les opérations de la raison, la
logique aussi portera sur ce qui est commun à tout, c’est-à-dire sur les intentions de la raison qui se
rapportent à toutes les choses, mais non pas de telle manière que la logique
porterait sa considération sur les choses communes elles-mêmes en tant que
sujets de sa considération. Ce que la logique considère en effet comme
sujets ce sont le syllogisme, l’énonciation, le prédicat et
les intentions de cette sorte. Mais la partie de la logique qui est
démonstrative, bien qu’elle porte sur les intentions communes si on la prend
en tant que théorie à enseigner, cependant, quant à l’usage, la science
démonstrative ne procède pas dans son argumentation à partir de ces
intentions communes pour montrer quelque chose au sujet des choses
elles-mêmes qui sont les sujets des autres sciences. Mais c’est là ce que
fait la dialectique, car le dialecticien dans son argumentation procède des
intentions communes vers les choses qui appartiennent aux autres sciences et
qui leur sont soit propres, soit communes, mais surtout communes. Par exemple
il argumente en disant que la haine doit être dans la partie concupiscible,
tout comme l’amour, puisque les contraires appartiennent au même genre. La
dialectique a donc pour objet le commun non seulement parce qu’elle traite
des intentions communes de la raison, ce qui est commun à toute la logique,
mais aussi parce qu’elle argumente sur ce qu’il y a de commun dans les
choses. Mais toute science qui argumente sur ce qu’il y a de commun dans les
choses doit argumenter par rapport aux principes communs parce que la vérité
des principes communs est rendue évidente à partir de la connaissance de
termes communs comme l’être et le non-être,
le tout et la partie, et d’autres termes de cette sorte. Mais il dit avec insistance : Et si une science cherchait à démontrer
les principes communs, parce que la philosophie première ne démontre pas
les principes communs qui sont en effet absolument indémontrables; mais
certains se sont trompés en cherchant à les démontrer ainsi qu’on le voit au
quatrième livre de la Métaphysique. Ou bien aussi parce que, bien qu’ils ne
puissent être démontrés absolument parlant, cependant la philosophie première
tente de les manifester dans la mesure du possible, c’est-à-dire en amenant
ceux qui les nient à se contredire au moyen de ce qu’il faut se faire
concéder par eux et non au moyen de ce qui est plus connu. 172. Il faut
aussi savoir que la philosophie première ne les manifeste pas seulement de
cette manière, mais elle manifeste aussi quelque chose relativement à eux en
tant que sujets, par exemple qu’il est
impossible à l’esprit de concevoir leurs contraires, ainsi qu’on le voit
au quatrième livre de la Métaphysique.
Donc lorsque le métaphysicien et le dialecticien argumentent par rapport à
ces principes, ils ne le font pas de la même manière. Le dialecticien en
effet ne procède pas à partir de principes démonstratifs et n’assume pas une
seule partie de la contradiction, mais il prend les deux parties (il arrive
en effet que les deux parties de la contradiction soient parfois probables ou
puissent être manifestées à partir de ce qui est probable, matière du
dialecticien). Et c’est pourquoi il interroge. Mais celui qui démontre
n’interroge pas parce qu’il ne se rapporte pas également aux opposés. Et cette
différence entre les deux est établie dans le traité qui porte sur le
syllogisme, c’est-à-dire dans le livre des
Premiers Analytiques. Donc, par rapport aux principes communs, la
philosophie première procède par mode de démonstration et non par mode de
discussion dialectique. |
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LECTIO 21 |
LEÇON 21. Sur les
interrogations, les réponses et les discussions propres à chaque science
(nn.
173-179; [118-121]). |
[79639] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 21 n. 1Postquam philosophus ostendit quomodo
scientiae demonstrativae se habeant circa principia communia, hic ostendit
quomodo se habeant circa propria. Et dividitur in duas partes : in prima,
ostendit quod in qualibet scientia sunt propriae interrogationes,
responsiones et disputationes ; in secunda, ostendit quomodo in qualibet
scientia sunt propriae deceptiones ; ibi : quoniam autem sunt geometricae et
cetera. Circa primum duo facit : primo, ostendit quod in qualibet scientia
sunt propriae interrogationes ; secundo, ostendit quod in qualibet scientia
sunt propriae responsiones et disputationes ; ibi : neque omnem
interrogationem utique et cetera. Circa primum duo facit : primo, ostendit
quod in qualibet scientia sunt interrogationes propriae ; secundo, quae sunt
illae ; ibi : sed ex quibus aut demonstratur et cetera. [79640] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 21 n. 2Primum sic ostendit. Idem est secundum
substantiam interrogatio syllogistica et propositio, quae accipit alteram
partem contradictionis, licet in modo proferendi differant (hoc enim, quod ad
interrogationem respondetur, assumitur ut propositio in aliquo syllogismo) ;
in unaquaque autem scientia sunt propriae propositiones, ex quibus fit syllogismus
: ostensum est enim quod quaelibet scientia ex propriis procedit ; ergo in
qualibet scientia est propria interrogatio. Non ergo quaelibet interrogatio
est geometrica, vel medicinalis ; et sic de aliis scientiis. [79641] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 21 n. 3Sciendum tamen est quod interrogatio aliter
est in scientiis demonstrativis et aliter est in dialectica. In dialectica
enim non solum interrogatur de conclusione, sed etiam de praemissis : de
quibus demonstrator non interrogat, sed ea sumit quasi per se nota, vel per
talia principia probata ; sed interrogat tantum de conclusione. Sed cum eam demonstraverit, utitur ea, ut
propositione, ad aliam conclusionem demonstrandam. [79642] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 21 n. 4Deinde cum dicit : sed ex quibus etc.,
ostendit quae interrogationes sunt propriae unicuique scientiae. Et primo, in
quantum assumuntur ut propositiones, ex quibus demonstrator procedit ;
secundo, in quantum sumuntur ut conclusiones ; ibi : et de his quidem et
cetera. Dicit ergo primo quod interrogationes geometricae sunt ex quibus
demonstratur aliquid circa illa, de quibus est geometria, aut circa illa,
quae demonstrantur ex principiis eiusdem geometriae ; sicut illa, ex quibus
demonstratur aliquid in speculativa scientia, idest in perspectiva,
quae procedit ex principiis geometriae. Et quod dictum est de geometria,
intelligendum est de aliis scientiis : quia scilicet propositio, vel
interrogatio dicitur proprie alicuius scientiae, ex qua demonstratur vel in
ipsa scientia, vel in scientia ei subalternata. [79643] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 21 n. 5Deinde cum dicit : et de his quidem
rationem etc., notificat geometricam interrogationem, prout est conclusio,
dicens quod de interrogationibus geometricis ponenda est ratio, demonstrando
scilicet veritatem ipsarum ex principiis geometricis et conclusionibus, quae
per illa principia demonstrantur. Non enim cuiuslibet demonstrationis
geometricae ratio redditur ex primis geometriae principiis, sed interdum ex
his quae per prima principia sunt conclusa. Interrogationum autem, quae
semper sunt conclusiones in demonstrativis scientiis, ratio reddi potest in
eisdem, sed principiorum ratio non potest reddi a geometra, secundum quod
geometra est. Et similiter est in aliis scientiis. Nulla enim scientia probat
sua principia, secundum quod ostensum est supra. Dicit autem, secundum
quod geometra est, quia contingit in aliqua scientia probari principia
illius scientiae, in quantum illa scientia assumit principia alterius
scientiae ; sicut geometra probat sua principia secundum quod assumit formam
philosophi primi, idest metaphysici. [79644] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 21 n. 6Deinde cum dicit : neque omnem
interrogationem etc., ostendit quod in qualibet scientia sunt propriae
responsiones et disputationes. Et primo quod sint propriae responsiones ;
secundo, quod sint propriae disputationes ; ibi : si autem disputat et
cetera. Dicit ergo primo, quod ex praedictis patet quod non contingit
unumquemque scientem de qualibet quaestione interrogare. Unde etiam patet
quod non contingit de quolibet interrogato respondere : sed solum de his quae
sunt secundum propriam scientiam : eo quod ad eamdem scientiam pertinet
interrogatio et responsio. [79645] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 21 n. 7Et quia ex interrogatione et responsione
fit disputatio, consequenter ostendit quod in qualibet scientia est propria
disputatio, dicens quod si disputet geometra cum geometra, secundum
quod geometra, idest de his quae ad geometriam pertinent, manifestum est
quod bene procedit disputatio, si tamen non solum fiat disputatio de eo quod
est geometriae, sed etiam ex principiis geometricis procedatur. Si vero non
sic fiat disputatio in geometria, non bene disputatur. Si enim aliquis
disputet cum geometra non de geometricis, manifestum est quod non
arguit, idest non convincit, nisi per accidens : puta si sit disputatio
de musica et contingat geometram per accidens esse musicum. Unde manifestum
est quod non est in non geometricis de geometria disputandum, quia non
poterit iudicari per principia illius scientiae, utrum bene disputetur vel
male. Et similiter se habet in aliis scientiis. |
173.
Après avoir montré comment les sciences démonstratives se rapportent aux
principes communs, le Philosophe montre ici comment elles se rapportent aux
principes propres. Et cette section se divise en deux
parties : dans la première, il montre que dans chaque science il y a des
interrogations, des réponses et des discussions qui sont propres à cette
science [118]; en deuxième lieu il montre comment il y a des erreurs qui sont
propres à chaque science, là [122] où il dit : Mais puisqu’il y a des interrogations géométriques etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu, il montre que dans chaque science il y a des
interrogations qui sont propres à cette science; en deuxième lieu il montre
que dans chaque science il y a des réponses et des discussions qui sont
propres, là [121] où il dit : On
ne doit donc pas poser toute interrogation etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il montre que dans chaque science il y a des
interrogations qui sont propres à cette science; en deuxième lieu, il montre
quelles sont ces interrogations, là [119] où il dit : Mais celles à partir desquelles on
démontre soit etc. 174.
Et il manifeste le premier point de la manière suivante [118].
L’interrogation syllogistique est identique essentiellement à la proposition
qui admet l’une des parties de la contradiction, bien qu’elle en diffère
quant à la manière de s’exprimer (en effet ce qui est répondu à une
interrogation, c’est ce qui est pris comme proposition dans un syllogisme);
or, dans chaque science il y a des propositions qui sont propres à cette
science et à partir desquelles le syllogisme est produit : nous avons
montré en effet que toute science procède de principes qui lui sont propres;
donc, dans chaque science, il y a des interrogations qui sont propres à cette
science. Ce n’est donc pas n’importe quelle interrogation qui est géométrique
ou médicale; et il en est de même pour les autres sciences. 175.
Il faut cependant savoir que l’interrogation se présente différemment dans
les sciences démonstratives et dans la dialectique. En dialectique en effet
on interroge non seulement sur la conclusion mais aussi sur les prémisses sur
lesquelles celui qui démontre n’interroge pas mais il les prend comme étant
connues par soi ou comme prouvées par des principes connus par soi;
l’interrogation de celui qui démontre ne porte que sur la conclusion. Mais
lorsqu’il l’aura démontrée, il s’en servira comme d’une proposition ou d’un
principe pour prouver une autre conclusion. 176.
Ensuite lorsqu’il dit [119] : Mais
à partir desquelles etc., il montre quelles interrogations sont propres à
chaque science. Et en premier lieu, dans la mesure où
elles sont prises comme propositions ou prémisses, il montre à partir
desquelles procède celui qui démontre; en deuxième lieu, il montre quelles
interrogations sont propres à chaque science dans la mesure où elles sont
prises comme conclusions, là [120] où il dit : Et au sujet de ces problèmes, certes etc. Il dit donc en premier lieu [119] que les
interrogations géométriques sont celles à partir desquelles on démontre soit
quelque chose qui relève de la géométrie, soit quelque chose qui est démontré
à partir des principes de cette même géométrie, comme ces interrogations à
partir desquelles on démontre quelque chose, dans cette science spéculative
qui est l’optique, qui procède des principes de la géométrie. Et ce que nous
avons dit de la géométrie, il faut l’entendre aussi des autres
sciences : c’est-à-dire qu’on dit d’une proposition ou d’une
interrogation qu’elle appartient en propre à une science si elle est celle à
partir de laquelle on démontre dans cette science elle-même ou dans une
science qui lui est subalterne. 177.
Ensuite lorsqu’il dit [120] : Et
au sujet de ces problèmes, certes, etc., il manifeste l’interrogation
géométrique en tant que conclusion en disant qu’il faut rendre raison des
problèmes géométriques, c’est-à-dire qu’il faut démontrer leur vérité en
partant des principes de la géométrie et des conclusions qui sont démontrées
par ces principes. En effet, ce n’est pas de toute démonstration géométrique
qu’on rend compte en partant des premiers principes de la géométrie, mais
parfois c’est en partant de ce qui est conclu par eux qu’on fait une telle
démonstration. Mais des interrogations qui sont toujours des conclusions dans
les sciences démonstratives on peut rendre raison dans les mêmes sciences,
mais le géomètre en tant que géomètre ne peut rendre raison des principes. Et il en est de même dans les autres
sciences. En effet, aucune science ne prouve ses propres principes,
conformément à ce que nous avons montré plus haut. Mais il dit ¨en tant que géomètre¨ parce qu’il est
possible à une science de prouver les principes de cette science, dans la
mesure où une science assume les principes d’une autre science; par exemple,
il est possible au géomètre de prouver ses principes dans la mesure où il
revêt la forme de la philosophie première, c’est-à-dire celle du
métaphysicien. 178.
Ensuite lorsqu’il dit [121] : Et
ce n’est pas toute interrogation etc., il montre que dans chaque science
il se présente des réponses et des discussions propres. Et en premier lieu il montre qu’il y a des
réponses qui sont propres à chaque science; en deuxième lieu, qu’il y a des
discussions qui sont propres à chaque science, là [ibid.] où il dit : Mais si on argumente etc. Il dit donc en premier lieu qu’à partir de
ce qui précède, il ne convient pas de poser à tout savant n’importe quelle
interrogation. De là encore il est clair qu’il ne convient pas non plus au
savant de répondre à n’importe quelle interrogation, mais de répondre seulement
aux interrogations qui relèvent de la science qui lui est propre, du fait que
les interrogations et les réponses doivent se borner aux limites de la
science dont il est question. 179.
Et parce que la discussion procède des interrogations et des réponses, il
montre par la suite qu’on retrouve dans chaque science une discussion qui est
propre à cette science, en disant que si un géomètre argumente avec un
géomètre en tant que géomètre, c’est-à-dire qu’il discute avec lui de choses
qui relèvent de la géométrie, il est manifeste que la discussion procède
alors suivant un mode qui convient, si toutefois la discussion ne procède pas
seulement de la matière qui appartient à la géométrie, mais si elle procède
aussi des principes de la géométrie. Mais si la discussion géométrique ne
procède pas de cette manière, l’argumentation ne procède pas
correctement. Si en effet quelqu’un
argumente avec un géomètre sur un autre sujet que la géométrie, il est clair
qu’il n’argumente, c’est-à-dire qu’il ne convainc, que par accident :
par exemple, si la discussion porte sur la musique et qu’il se fait par
accident que le géomètre est un musicien. Par conséquent il est évident qu’il
n’y a pas lieu de discuter de géométrie avec ceux qui ne sont pas géomètres
parce qu’ils ne pourraient pas discerner au moyen des principes de cette
science si on argumente bien ou mal. Et il en est de même pour les autres
sciences. |
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LECTIO 22 |
LEÇON 22. Que chaque
science rencontre des erreurs et des ignorances qui lui sont propres
(nn.
180-191; [122-131]). |
LECTIO 22 [79646] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 22 n. 1Postquam ostendit philosophus quod in
qualibet scientia sunt propriae interrogationes, responsiones et
disputationes ; hic ostendit quod in qualibet scientia sunt propriae
deceptiones et ignorantiae. Et dividitur in partes duas : in prima, movet
quasdam quaestiones ; in secunda, solvit ; ibi : secundum geometriam vero et
cetera. [79647] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 22 n. 2Ponit ergo primo tres quaestiones, quarum
prima est. Cum sint quaedam interrogationes geometricae, ut ostensum est,
nonne sunt etiam quaedam non geometricae ? Et quod quaeritur de geometria,
potest de qualibet alia scientia quaeri. Secundam quaestionem ponit ; ibi :
et secundum unamquamque etc., quae talis est. Utrum interrogationes quae sunt
secundum ignorantiam, quae est in unaquaque scientia, possint dici
geometricae, et similiter alicui alii scientiae propriae ? Dicuntur autem
interrogationes secundum ignorantiam alicuius scientiae, quando interrogatur
de his, quae sunt contra veritatem scientiae illius. Tertiam quaestionem
ponit ; ibi : et utrum secundum ignorantiam etc., quae talis est. In
unaquaque quidem scientia accidit decipi per aliquem syllogismum, quem
vocat secundum ignorantiam. Contingit autem per aliquem
syllogismum deceptionem accidere dupliciter : uno modo, quia peccat in
materia, procedens ex falsis ; alio modo, quia peccat in forma, non servando
debitam figuram et modum. Et est differentia inter hos modos duos : quia ille
qui peccat in materia, syllogismus est, cum observentur omnia, quae ad formam
syllogismi pertinent. Ille autem qui peccat in forma non est syllogismus, sed
paralogismus, idest apparens syllogismus. In dialecticis quidem utroque modo
contingit deceptionem fieri. Unde et in I topicorum Aristoteles facit
mentionem de litigioso, qui est syllogismus, et de peccante in
forma, qui non est syllogismus, sed apparens. Est ergo quaestio, utrum
syllogismus ignorantiae, qui fit in scientiis demonstrativis, sit syllogismus
ex oppositis scientiae, idest ex falsis procedens, aut paralogismus,
scilicet peccans in forma : qui non est syllogismus, sed apparens. [79648] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 22 n. 3Deinde cum dicit : secundum geometriam
etc., solvit praedictas quaestiones : et primo, solvit primam ; secundo,
secundam ; ibi : de geometria autem etc. ; tertio, tertiam ; ibi : in
doctrinis autem et cetera. Dicit ergo primo quod interrogatio omnino non
geometrica est illa, quae omnino fit ex alia arte, sicut ex musica. Ut si
quaeratur in geometria, utrum tonus possit dividi in
duo semitonia aequalia ; talis interrogatio est omnino non
geometrica : quia est ex his, quae nullo modo ad geometriam pertinent. [79649] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 22 n. 4Deinde cum dicit : de geometria autem etc.,
solvit secundam quaestionem dicens quod interrogatio de geometria,
idest de his quae pertinent ad geometriam, cum interrogatur de aliquo quod
est contra veritatem geometriae (sicut si fiat quaestio de hoc quod est parallelas
subire, idest lineas aeque distantes concurrere), est quodammodo
geometrica et quodammodo non geometrica. Sicut enim arrhythmon, idest
quod est sine rhythmo vel sono, dupliciter dicitur, uno modo, quod nullo modo
habet sonum, ut lana, alio modo, quod habet pravum sonum, sicut Campana non
bene sonans ; ita et interrogatio non geometrica dicitur dupliciter. Uno
modo, quia est omnino non geometrica, quasi nihil habens geometriae, sicut
quaestio de musica proposita. Alio modo, quia prave habet id quod geometriae
est ; quia videlicet habet contrarium geometricae veritati. Ista ergo
interrogatio, quae est de concursu linearum aeque distantium, non est non
geometrica primo modo, cum sit de rebus geometricis, sed secundo modo, quia
prave habet id quod geometriae est. Et ignorantia haec, scilicet quae est in
prave utendo principiis geometriae, contraria est veritati geometriae. [79650] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 22 n. 5Deinde cum dicit : in doctrinis autem etc.,
solvit tertiam quaestionem. Et circa hoc duo facit : primo, ostendit quod in
demonstrativis scientiis non sit paralogismus in dictione ;
secundo, quod non sit paralogismus extra dictionem ; ibi : non
oportet autem et cetera. Cum autem secundum sex locos sophisticos fiat
paralogismus in dictione, ex his accipit unum, scilicet
paralogismum qui fit secundum aequivocationem, ostendens quod talis
paralogismus in scientiis demonstrativis esse non potest : de quo tamen magis
videtur. Dicit ergo quod in doctrinis non sit paralogismus,
scilicet syllogismus peccans in forma, sicut in dialecticis. In
demonstrativis enim oportet medium idem semper esse dupliciter,
idest ad duo extrema comparari : quia et de medio maior extremitas
universaliter praedicatur, et medium iterum universaliter praedicatur de
minori extremitate. Sed quod praedicatur, non dicitur omne, idest
signum universale non apponitur ad praedicatum. In fallacia vero aequivocationis
est quidem idem medium secundum vocem, non autem secundum rem. Et ideo quando
in voce proponitur, latet, sed si ad sensum demonstretur, non potest ibi esse
aliqua deceptio. Sicut hoc nomen circulus aequivoce dicitur
de figura et de poemate. In rationibus ergo, idest in
argumentationibus, latet, idest deceptio potest accidere ; ut si
dicatur : omnis circulus est figura ; poema Homeri est circulus ; ergo poema
Homeri est figura. Si vero describatur ad sensum circulus, nulla potest esse
deceptio : manifestum enim erit quod carmina non sunt circulus. Sicut autem haec deceptio excluditur per
hoc quod medium demonstratur ad sensum, ita et in demonstrativis excluditur
per hoc quod medium demonstratur ad intellectum. Cum enim aliquid definitur,
ita se habet ad intellectum, sicut id quod sensibiliter describitur se habet
ad visum. Et ideo dicit quod haec, scilicet definita, in
demonstrativis scientiis sunt quae videntur in intellectu. In
demonstrationibus autem semper proceditur ex definitionibus. Unde non potest
ibi esse deceptio secundum fallaciam aequivocationis :
et multo minus secundum alias fallacias in dictione. [79651] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 22 n. 6Deinde cum dicit : non oportet autem etc.,
ostendit quod non potest fieri paralogismus in demonstrativis secundum
fallaciam extra dictionem. Et quia huiusmodi paralogismis
frequenter obviatur ferendo instantiam, per quam ostenditur
defectus in forma syllogizandi ; ideo primo ostendit qualiter ferenda esset
instantia in demonstrativis ; secundo, ostendit quod in eis non potest esse
paralogismus secundum fallaciam extra dictionem ; ibi : contingit autem
quosdam et cetera. Dicit ergo primo, quod non oportet in
demonstrativis ferre instantiam in ipsum, idest in aliquem
paralogismum, sumendo aliquam propositionem inductivam, idest
particularem : nam inductio ex particularibus procedit, sicut syllogismus ex
universalibus. Et hoc ideo est, quia in demonstrativis non sumitur
propositio, nisi quae est in pluribus : nisi enim sit in pluribus, non erit
in omnibus ; oportet autem syllogismum demonstrativum ex universalibus
procedere. Unde manifestum est quod neque instantia potest esse in
demonstrativis, nisi universalis, quia eaedem sunt propositiones et
instantiae. Tam enim in dialecticis quam in demonstrativis, illud quod
sumitur ut instantia, postea sumitur ut propositio ad syllogizandum contra
illum qui proponebat. [79652] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 22 n. 7Deinde cum dicit : contingit autem quosdam
etc., ostendit quod in demonstrativis non accidit deceptio per paralogismum
extra dictionem. Et sicut supra ostenderat quod non est
paralogismus in dictione in demonstrativis, ostendendo de uno, scilicet de
paralogismo secundum fallaciam aequivocationis ; ita hic ostendit quod in
demonstrativis non est paralogismus extra dictionem, ostendendo de uno, qui
fit secundum fallaciam consequentis. Patet enim quod secundum alias fallacias
extra dictionem non potest esse paralogismus in demonstrativis. Neque
enim secundum accidens, cum demonstrationes procedant ex his quae
sunt per se ; neque secundum quid et simpliciter,
cum ea quae in demonstrationibus sumuntur, sint universaliter,
et semper, et non secundum quid. Circa hoc ergo duo facit :
primo, ostendit qualiter fiat paralogismus secundum fallaciam consequentis ;
secundo, quod ex hoc modo non accidit deceptio in demonstrativis ; ibi :
aliquando quidem et cetera. [79653] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 22 n. 8Dicit ergo primo quod quosdam
contingit non syllogistice dicere, idest non servare formam
syllogismi, propter hoc, quod accipiunt utrisque inhaerentia,
idest quia accipiunt medium affirmative praedicatum de utroque extremorum ;
quod est syllogizare in secunda figura ex duabus propositionibus affirmativis
; quod facit fallaciam consequentis. Sicut fecit quidam philosophus nomine
Caeneus ad ostendendum quod ignis sit in multiplicata analogia,
idest quod in maiori quantitate generatur ignis, quam fuerit corpus ex quo
generatur : eo quod ignis, cum sit rarissimum corpus, per rarefactionem ex
aliis corporibus generatur. Unde oportet quod materia prioris corporis sub
maioribus dimensionibus extendatur, formam ignis assumens. Ad hoc autem
probandum utebatur tali syllogismo : quod generatur in multiplicata analogia,
cito generatur ; sed ignis cito generatur ; ergo ignis generatur in
multiplicata analogia. [79654] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 22 n. 9Deinde cum dicit : aliquando quidem igitur
etc., ostendit quod per hunc modum syllogizandi non accidit deceptio in
demonstrativis scientiis. Et circa hoc duo facit : primo, manifestat quod ex
hoc modo syllogizandi non semper accidit deceptio, dicens quod aliquando,
secundum praedictum modum arguendi, non contingit syllogizare ex
acceptis, quando scilicet termini non sunt convertibiles. Non enim
sequitur, si omnis homo est animal, quod quidquid est animal sit homo.
Aliquando vero contingit syllogizare, scilicet in terminis convertibilibus.
Sicut enim sequitur : si est homo, est animal rationale mortale ; ita etiam
sequitur e converso quod, si est animal rationale mortale, est homo. Sed
tamen non videtur quod sequatur syllogistice, quia non servatur debita forma
syllogismi. [79655] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 22 n. 10Secundo cum dicit : si autem esset
impossibile etc., ostendit quod in demonstrativis scientiis contingit praedicto
modo syllogizari absque deceptione. Et hoc ostendit tripliciter. Primo sic.
Secundum praedictum modum syllogizandi accidit deceptio ex eo, quod non
convertitur consequentia, quae putatur converti. In quo non accideret
deceptio, si quemadmodum conclusio est vera, ita et praemissae sint verae :
tunc enim in convertendo non accidet deceptio. Sicut si dicam de Socrate :
Socrates est homo ; ergo Socrates est animal ; nulla deceptio falsitatis
sequitur, sicut si e converso arguatur sic : est animal ; ergo est homo. Sed
si praemissa est falsa, conclusione existente vera, tunc in convertendo
accidit deceptio. Sicut si dicam : si asinus est homo, est animal ; ergo si
est animal, est homo. Si ergo impossibile esset ex falsis ostendere verum, et
semper oporteret verum ostendi ex veris, tunc facile esset resolvere
conclusionem in principia absque deceptione ; quia nulla falsitas esset, si
ex conclusione inferretur aliqua praemissarum. Tali enim suppositione facta,
converterentur de necessitate conclusio et praemissa,
quantum ad veritatem. Sicut enim praemissa existente vera, conclusio est
vera, ita et e converso. Sit enim, quod a sit ; et hoc posito, sequatur ea
esse de quibus certum est mihi quod sunt vera, sicut b. Unde cum utrumque sit
verum, ex hoc etiam, scilicet ex b, potero iterum inferre a. Sic ergo una
ratio est, quare deceptio non accidit in demonstrativis scientiis per
fallaciam consequentis, quia in demonstrativis scientiis impossibile est
syllogizari verum ex falsis, sicut ostensum est supra. [79656] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 22 n. 11Secundam rationem ponit ; ibi :
convertuntur autem magis et cetera. In terminis
enim convertibilibus non accidit deceptio secundum fallaciam consequentis, eo
quod in his consequentia convertitur. Illa vero, quae sunt in
mathematicis, idest in demonstrativis scientiis, ut plurimum sunt
convertibilia, quia non recipiunt pro medio aliquod
praedicatum per accidens, sed solum definitiones, quae sunt
demonstrationis principia, ut supra dictum est. Et in hoc differunt
ab his, quae sunt in dialogis, idest in dialecticis syllogismis, in
quibus frequenter recipiuntur accidentia. [79657] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 22 n. 12Tertiam rationem ponit ibi : augentur autem
etc., quae talis est. In demonstrativis scientiis sunt determinata principia,
ex quibus proceditur ad conclusiones. Unde ex conclusionibus potest rediri in
principia, sicut ex determinato in determinatum. Quod autem demonstrationes
ex determinatis principiis procedant, ex hoc ostendit, quia
demonstrationes non augentur per media, idest in
demonstrationibus non assumuntur plura media ad unam conclusionem
demonstrandam. Quod intelligendum est in demonstrationibus propter
quid, de quibus loquitur. Unius enim effectus non potest esse nisi una
propria causa, propter quam est. Sed licet
non multiplicentur per media demonstrationes, multiplicantur tamen duobus
modis. Uno modo, in post assumendo, idest in assumendo medium sub
medio. Sicut si sub a sumatur b, et sub bc, et sub
cd ; et sic in infinitum. Sicut cum habere tres angulos probatur de triangulo
per hoc, quod est figura habens angulum extrinsecum aequalem duobus
intrinsecis sibi oppositis, et de isoscele per hoc quod est triangulus. Alio
modo multiplicantur demonstrationes in latus ; sicut cum a
probatur de c et de e. Verbi gratia : omnis numerus quantus aut est finitus
aut infinitus. Et hoc ponatur in quo sit a, scilicet esse finitum vel
infinitum. Sed impar numerus est numerus quantus. Et hoc, scilicet numerus
quantus, ponatur in quo est b ; sed numerus impar ponatur
in quo est c. Sequitur ergo quod a praedicetur de c,
idest quod numerus impar sit finitus vel infinitus. Et similiter potest idem
concludi de numero pari, et per idem medium. Potest autem et haec pars, quae
incipit ibi : augentur autem etc., introduci aliter. Ut quia dixerat quod in
demonstrativis assumuntur definitiones pro mediis ; unius autem rei una est
definitio ; ex hoc sequitur quod demonstrationes non augeantur per media. |
180.
Après avoir montré que chaque science est confrontée à des interrogations,
des réponses et des discussions qui lui sont propres, le Philosophe montre
ici que chaque science est aussi confrontée à des erreurs et à des ignorances
qui lui sont propres. Et cette section se divise en deux
parties : dans la première il soulève certaines questions [122]; dans la
deuxième il y répond, là [123] où il dit : Mais en géométrie etc. 181.
Il présente donc en premier lieu [122] trois
questions, dont voici la première.
Puisqu’il existe des interrogations qui sont géométriques, comme nous l’avons
montré, n’y en a-t-il pas aussi d’autres qui ne sont pas géométriques? Et ce
qu’on recherche en géométrie, ne peut-on pas aussi le rechercher dans
n’importe quelle autre science? Voici la
deuxième interrogation qu’il présente là où il dit : Et d’après n’importe quelle etc.
Quelles doivent être, dans chaque science, les choses que nous ignorons de
telle manière que les propositions fausses que nous défendons demeurent
cependant propres à la géométrie ou à toute autre discipline dont nous
discutons. Mais on dit que les interrogations proviennent d’une ignorance
propre à chacune des sciences quand les interrogations portent sur des choses
qui sont contraires à la vérité de cette science. Voici la
troisième interrogation qu’il présente là où il dit : Est-ce que le syllogisme fondé sur
l’ignorance etc. Dans chaque science il arrive certes d’être trompé par
un syllogisme qu’on appelle syllogisme de l’ignorance. Mais il arrive d’être trompé par un
syllogisme de deux manières : premièrement parce qu’il est fautif
par la matière en procédant de propositions qui sont fausses; deuxièmement parce qu’il est fautif
par la forme en n’observant pas la figure et le mode qui conviennent. Et ces
deux manières d’être fautif pour un syllogisme diffèrent : car le
syllogisme qui est fautif par la matière est celui qui observe toutes les
règles qui se rapportent à la forme du syllogisme. Mais celui qui est fautif
par la forme n’est pas véritablement un syllogisme, mais plutôt un
paralogisme, c’est-à-dire un syllogisme apparent. Chez les dialecticiens il
arrive certes de rencontrer les deux manières d’être trompés. C’est pourquoi
Aristote, dans le premier livre des
Topiques, fait mention du litigieux,
qui est un syllogisme, et de ce qui est défectueux par la forme et qui n’est
un syllogisme qu’en apparence. La question est donc de savoir si le
syllogisme de l’ignorance qui se rencontre dans les sciences démonstratives
est un syllogisme qui procède de propositions qui s’opposent à la science,
c’est-à-dire de propositions fausses, ou bien si c’est un paralogisme, c’est-à-dire un
raisonnement qui est fautif par la forme et qui n’est un syllogisme qu’en
apparence. 182.
Ensuite lorsqu’il dit [123] : Conforme
à la géométrie etc., il répond aux questions qui précèdent; et en premier
lieu, il répond à la première et en deuxième lieu, il répond à la deuxième là
[124] où il dit : Mais en
géométrie etc.; en troisième lieu, il répond à la troisième là [125] où
il dit : Mais dans les sciences
etc. Il dit donc en premier lieu [123] que
l’interrogation qui n’est absolument pas géométrique est celle qui provient
d’un tout autre art, comme la musique par exemple. Ce serait le cas si on se
demandait en géométrie si le ton
peut être divisé en deux demi-tons
égaux; une telle interrogation ne serait absolument pas géométrique car elle
procède de ce qui n’appartient en aucune manière à la géométrie. 183.
Ensuite lorsqu’il dit [124] : Mais
en géométrie etc., il répond à la deuxième question en disant que l’interrogation est géométrique,
c’est-à-dire qu’elle se rapporte à ce qui appartient au domaine de la
géométrie, lorsqu’on interroge sur quelque chose qui est contraire à la
vérité géométrique (par exemple si la question était de savoir s’il arrive à des parallèles de se rencontrer,
c’est-à-dire s’il est possible à des lignes équidistantes de se croiser),
mais que cette interrogation est géométrique
en un sens mais en un autre sens elle ne l’est pas. Par exemple en effet le terme non-rythmique, c’est-à-dire ce qui est
sans rythme ou sans son, se dit de deux
manières; en un sens, il se dit
de ce qui ne possède aucun son, comme la laine; en un autre sens, il se dit de ce qui ne possède qu’un son
défectueux, comme une cloche qui ne sonne pas bien; de la même manière, une
interrogation non-géométrique se dit de
deux manières. Elle se dit en un
sens de l’interrogation qui n’est absolument pas géométrique et qui n’a
rien de ce qui appartient à la géométrie, comme la question qui a été
présentée sur la musique. En un autre
sens on dit qu’une interrogation est non-géométrique parce qu’elle
possède quelque chose qui relève de la géométrie mais qui est défectueux, à
savoir parce qu’elle contient quelque chose qui est contraire à la vérité de
la géométrie. Donc cette interrogation, qui porte sur la rencontre de lignes
parallèles ou qui sont à égale distance l’une de l’autre, n’est pas
non-géométrique si on la prend d’après le premier sens puisqu’elle se rapporte
à une matière géométrique mais elle l’est d’après le deuxième sens
puisqu’elle porte sur une matière géométrique mais de manière défectueuse. Et
c’est cette ignorance, c’est-à-dire celle qui se sert des principes de la
géométrie d’une manière défectueuse, qui est contraire à la vérité de la
géométrie. 184.
Ensuite lorsqu’il dit [125] : Mais
dans les sciences etc., il répond à la troisième question. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il montre que dans les sciences démonstratives il n’y a pas
de paralogismes par le mot; en
deuxième lieu, il montre qu’il n’y a pas de paralogisme en dehors du mot, là [126] où il dit : Mais il ne faut pas etc. Mais puisque le paralogisme par le mot se présente d’après six
lieux sophistiques, Aristote en prend un, c’est-à-dire le paralogisme de
l’équivocité, en montrant qu’un tel paralogisme ne peut se produire dans les
sciences démonstratives, là où le moyen terme apparaît comme plus évident. Il
dit donc que dans les sciences
démonstratives il n’y a pas de paralogismes, c’est-à-dire des syllogismes
qui sont défectueux par la forme, comme on en retrouve chez les
dialecticiens. Dans les sciences démonstratives en effet il faut que le même
moyen terme soit présent deux fois de la même manière, c’est-à-dire que le
même moyen terme se compare aux deux termes extrêmes : car le grand
terme s’attribue universellement au moyen terme et ce dernier à son tour
s’attribue universellement au petit terme. Mais le prédicat, quant à lui,
n’est pas affecté du terme TOUT,
c’est-à-dire qu’il n’y a pas un signe universel qui est rattaché
explicitement au prédicat. Mais dans le sophisme de l’équivoque il y
a certes un moyen terme selon le mot mais non selon la chose et c’est
pourquoi, tant qu’il est proposé dans le son de voix, il demeure caché; mais
s’il est manifesté au sens, il ne peut alors y avoir d’erreur. Par exemple,
le nom cercle se dit de manière
équivoque de la figure et du poème. Donc, dans
les raisonnements, c’est-à-dire dans les argumentations, ce sophisme se cache, c’est-à-dire
qu’il peut se produire une erreur, comme si on dit : Tout cercle est une figure; or, le poème d’Homère est un cercle;
donc le poème d’Homère est une figure.
Mais si le cercle est tracé visuellement, il ne peut plus y avoir d’erreur car
il sera évident en effet que ces poèmes ne sont pas un cercle. Mais tout comme cette erreur est écartée
du fait que le moyen terme est manifesté au sens, de même dans les
démonstrations elle est écartée du fait que le moyen terme est rendu
manifeste à l’intelligence. Lorsqu’une chose est définie en effet, elle se
rapporte à l’intelligence de la même manière que ce qui est décrit d’une
manière sensible se rapporte à la vue. Et c’est pour cette raison qu’il dit
que ceux-ci, c’est-à-dire les termes définis, sont ceux qui sont vus par
l’intelligence dans les sciences démonstratives. Mais dans les démonstrations
on procède toujours des définitions. C’est pourquoi il ne peut y avoir là une
erreur d’après le sophisme de l’équivoque, et encore moins d’après les autres
sophismes par le mot. 185.
Ensuite lorsqu’il dit [126] : Mais
il ne faut pas etc., il montre qu’il ne peut se produire de paralogisme
dans les sciences démonstratives en
dehors du sophisme par le mot. Et parce qu’on fait souvent obstacle à de tels
paralogismes en présentant une
objection par laquelle le défaut présent dans la forme du syllogisme est
manifesté, c’est pourquoi il montre de quelle manière une objection devrait
être portée dans les sciences démonstratives; en deuxième lieu, il montre que
dans ces sciences il ne peut y avoir de paralogisme selon le sophisme en
dehors du mot, là [127] où il dit : Mais
il arrive à certains etc. Il dit donc en premier lieu [126] que dans
les sciences démonstratives il ne faut
pas porter d’objection contre cela même, c’est-à-dire contre un
paralogisme dont une proposition qui, prise inductivement, est
particulière : car l’induction procède de cas particuliers alors que le
syllogisme procède de propositions universelles. Et il en est ainsi parce que
dans les sciences démonstratives on ne pose que des propositions qui se
vérifient dans une pluralité de cas. Si en effet une proposition ne se
vérifie pas dans une pluralité de cas, elle ne se vérifiera pas dans tous les
cas; mais il faut que le syllogisme démonstratif procède de propositions
universelles. De là il est manifeste que dans les sciences démonstratives une
objection ne peut être qu’universelle, car les propositions et les objections
sont de même nature. En effet, tant en dialectique que dans les sciences
démonstratives, ce qui est posé comme objection est pris par la suite comme
proposition pour syllogiser contre celui qui proposait. 186.
Ensuite lorsqu’il dit [127] : Il
arrive cependant à certains etc., il montre que dans les sciences
démonstratives il ne se produit pas d’erreur par le paralogisme en dehors du mot. Et comme il avait
montré plus haut qu’il n’y a pas de paralogisme par le mot dans les sciences
démonstratives en le montrant au moyen de l’un d’entre eux, à savoir au moyen
du paralogisme qui se fait par le sophisme de l’équivoque, de même ici il
montre que dans les sciences démonstratives il n’y a pas de paralogisme en
dehors du mot en le montrant de l’un d’entre eux, à savoir de celui qui se
présente sous la forme du sophisme du conséquent. Il est clair en effet qu’il ne peut y
avoir dans les sciences démonstratives de paralogismes selon d’autres sortes
de sophismes en dehors du mot, ni par
l’accident puisque les démonstrations procèdent de ce qui est essentiel, ni relativement et absolument parce
que ce qui est pris dans les démonstrations est universel et éternel et
non pas relatif. À ce sujet il fait donc deux choses :
en premier lieu il montre comment se produit le paralogisme selon le sophisme
du conséquent; en deuxième lieu il montre qu’il ne peut se produire d’erreur
de cette manière dans les sciences démonstratives, là [128] où il dit : Parfois certes etc. 187.
Il dit donc en premier lieu [127] qu’il arrive à certains de ne pas
s’exprimer d’une manière logique, c’est-à-dire de ne pas observer la
forme du syllogisme pour cette raison
qu’ils posent l’inhérence dans les deux cas, c’est-à-dire qu’ils prennent
le moyen terme comme prédicat d’une
manière affirmative pour chacun des deux termes extrêmes; ce qui revient à
faire un syllogisme de deuxième figure à partir de deux propositions
affirmatives : et c’est en cela que consiste le sophisme du conséquent.
C’est ainsi que procéda un certain philosophe du nom de Caeneus pour montrer
que le feu croît selon une proportion
géométrique, c’est-à-dire que le feu croît dans une plus grande quantité
que ne le fait le corps à partir duquel il est engendré, du fait que le
feu, puisqu’il est le corps le plus rare, est engendré par raréfaction à
partir des autres corps. D’où il faut que la matière du corps antérieur
s’étende sous de plus grandes dimensions en assumant la forme du feu. Mais
pour prouver cela il se servait du syllogisme suivant : Ce qui est
engendré dans une proportion géométrique croît rapidement; mais le feu croît
rapidement; donc, le feu est engendré dans une proportion géométrique. 188.
Ensuite lorsqu’il dit [128] : Parfois,
certes etc., il montre qu’il n’est pas possible d’être trompé par cette
manière de syllogiser dans les sciences démonstratives. Et à ce sujet il fait deux choses : en premier lieu, il montre qu’à partir
de cette manière de syllogiser ce n’est pas toujours une erreur qui est
produite en disant que parfois il n’est pas possible de syllogiser à
partir de ce qui a été posé précédemment, à savoir quand les termes ne
sont pas convertibles. En effet, si
tout homme est un animal, il ne s’ensuit pas que tout animal soit un homme. Mais parfois il est possible de syllogiser
de cette manière, c’est-à-dire quand les termes sont convertibles comme on le
voit dans ce qui suit : S’il y a
homme, il y a animal rationnel et mortel; de même encore il s’ensuit
inversement que S’il y a animal
rationnel et mortel, il y a homme. Mais cependant il ne semble pas que
cela découle du mode même du syllogisme puisqu’on n’observe pas ici une forme
correcte du syllogisme. 189.
En deuxième lieu, lorsqu’il dit
[129] : Mais s’il était impossible
etc., il montre que dans les sciences démonstratives il arrive de syllogiser
d’après le mode précédent sans être trompé. Et il le montre de trois manières. En
premier lieu, il le montre de la manière suivante. D’après le mode
précédent de syllogiser, l’erreur se produit du fait que le conséquent, qu’on
pensait convertible, ne se convertit pas. En quoi il ne se produirait pas
d’erreur si, la conclusion étant vraie, les prémisses aussi l’étaient :
dans ce cas en effet on ne pourrait se tromper en convertissant. Par exemple,
si je disais de Socrate : Socrate
est un homme; donc, Socrate est un
animal; alors, aucun égarement dans l’erreur ne s’ensuit comme ce serait
le cas au contraire si on argumentait de la manière suivante : Il y a animal, donc il y a homme. Mais si la prémisse est
fausse alors que la conclusion est vraie, alors il se produit une erreur dans
la conversion, comme si je disais : Si
l’âne est un homme, alors il est un
animal; donc s’il est un animal,
il est un homme. Si donc il était
impossible à partir du faux de montrer le vrai et qu’il fallait toujours que
le vrai soit manifesté à partir du vrai, il serait facile de résoudre la conclusion
dans ses principes sans se tromper car il n’y aurait aucune erreur possible à
déduire l’une des prémisses à partir de la conclusion. Une fois que nous
avons posé cela en effet, la conclusion
et les prémisses, quant à la
vérité, se convertissent nécessairement. En effet, tout comme la prémisse qui
est posée est vraie, la conclusion est vraie et il en est de même
inversement. Supposons en effet que A soit; et cela posé, qu’il s’ensuit
qu’existe aussi ce dont je suis certain de la vérité, par exemple B. De là,
puisque les deux sont vrais, de là aussi, c’est-à-dire à partir de B, je
pourrai par la suite déduire A. Ainsi donc, une des raisons pour lesquelles
on ne peut être trompé par le sophisme du conséquent dans les sciences
démonstratives, c’est que dans les sciences démonstratives il est impossible
de syllogiser le vrai à partir du faux ainsi que nous l’avons montré plus
haut. 190.
Il présente le deuxième
raisonnement là [130] où il dit : Mais
se convertissent davantage etc. Pour ce qui est des termes qui sont
convertibles en effet, il n’est pas possible d’être trompés par le sophisme
du conséquent du fait que pour eux le conséquent se convertit. Mais pour ce
qui est des prémisses qu’on examine dans les sciences démonstratives, comme
c’est le cas en mathématiques, elles sont le plus souvent convertibles car
elles n’admettent pas pour le moyen
terme un prédicat accidentel,
mais seulement les définitions qui sont, ainsi que nous l’avons dit plus
haut, les principes de la démonstration. Et
en cela ces prémisses diffèrent grandement de celles qu’on retrouve dans les
discussions dialectiques, c’est-à-dire dans les syllogismes dialectiques
dans lesquels on admet fréquemment des accidents. 191.
Il présente le troisième
raisonnement là [131] où il dit : Mais
ils ne croissent pas etc., et que voici. Dans les sciences démonstratives
il y a des principes déterminés d’où on procède vers les conclusions. C’est
pourquoi on peut revenir aux principes à partir des conclusions, en procédant
de ce qui est déterminé à ce qui est déterminé. Mais que les démonstrations
procèdent à partir de principes déterminés, il le montre à partir de ceci que
les démonstrations ne croissent pas par
l’ajout de nouveaux moyens termes, c’est-à-dire que dans les
démonstrations on ne pose pas plusieurs moyens termes pour démontrer une
conclusion. Et cela doit s’entendre des démonstrations par le pourquoi dont nous parlons ici.
Pour un effet il ne peut y avoir qu’une seule cause propre par laquelle il
existe. Mais bien que les démonstrations ne
progressent par l’ajout de nouveaux moyens termes, elles croissent cependant
de deux autres manières. Premièrement en
posant postérieurement, c’est-à-dire en posant un moyen terme sous un
autre moyen terme. Par exemple si sous A on pose B, sous B on pose C, sous C
on pose D et ainsi à l’infini. Par exemple, si on prouve au sujet du triangle
qu’il possède trois angles égaux à deux droits par ceci qu’il est une figure
qui possède un angle extérieur égal aux deux angles intérieurs qui lui sont
opposés, et si on le prouve aussi au sujet de l’isocèle du fait qu’il est un
triangle. D’une autre manière les démonstrations croissent latéralement, par exemple lorsque A
est prouvé de C mais aussi de E. En d’autres mots, supposons que toute quantité numérique est soit finie,
soit infinie. Et cela est désigné par A, à savoir être fini ou infini. Mais le nombre impair est une quantité
numérique. Et cela, à savoir la quantité numérique, est posée comme
étant B; mais le nombre impair est
posé comme étant C. Il s’ensuit donc que A est attribué à C, c’est-à-dire que
le nombre impair est soit fini, soit infini. Et on peut conclure
semblablement la même chose du nombre pair, et par le même moyen terme. Mais
cette partie qui commence là où il dit : Mais elles croissent etc., on peut aussi la présenter autrement.
Puisqu’il avait dit que dans les sciences démonstratives ce sont les
définitions qui sont posées comme moyens termes et qu’il n’y a qu’une seule
définition pour une seule et même chose, il s’ensuit de là que les démonstrations
ne peuvent croître par les moyens termes. |
|
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LECTIO 23 |
LEÇON 23. De la
différence qu’il y a entre la démonstration par le fait et la démonstration
par le pourquoi à l’intérieur d’une même science; et de la démonstration par
le fait pris comme effet
(nn.
192-200; [132-136]). |
[79658] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 23 n. 1Postquam philosophus determinavit de
demonstratione propter quid, hic ostendit differentiam inter
demonstrationem quia, et demonstrationem propter quid.
Et circa hoc duo facit : primo, ostendit differentiam utriusque in eadem
scientia ; secundo, in diversis ; ibi : alio autem modo et cetera. Circa
primum duo facit : primo, ponit duplicem differentiam utriusque
demonstrationis in eadem scientia ; secundo, manifestat per exempla ; ibi :
ut quod prope sint planetae et cetera. [79659] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 23 n. 2Dicit ergo primo : superius dictum est quod
demonstratio est syllogismus faciens scire, et quod demonstratio ex
causis rei procedit et primis et immediatis.
Quod intelligendum est de demonstratione propter quid. Sed tamen
differt scire quia ita est, et propter quid ita est.
Et cum demonstratio sit syllogismus faciens scire, ut dictum est, oportet
etiam quod demonstratio quae facit scire quia, differat a
demonstratione quae facit scire propter quid. Et horum quidem
differentia primo consideranda est in eadem scientia ; postea consideranda
est in diversis. [79660] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 23 n. 3In una autem scientia dupliciter differt
utrumque praedictorum, secundum duo quae requirebantur ad demonstrationem
simpliciter, quae facit scire propter quid ; scilicet quod
sit ex causis, et quod sit ex immediatis. Uno igitur
modo differt scire quia ab hoc quod est scire propter
quid ; quia scire quia est si non fiat syllogismus
demonstrativus per non medium, idest per immediatum,
sed fiat per mediata. Sic enim non accipietur prima causa, cum
tamen scientia, quae est propter quid, sit secundum primam
causam. Et ita non erit scientia propter quid. [79661] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 23 n. 4Alio modo differunt, quia scire quia est
quando fit syllogismus non quidem per media, idest per mediata,
sed per immediata, sed non fit per causam : sed fit per convertentiam,
idest per effectus convertibiles et immediatos. Et tamen talis demonstratio
fit per notius, scilicet nobis : alias non faceret scire. Non
enim pervenimus ad cognitionem ignoti, nisi per aliquid magis notum. Nihil
enim prohibet duorum aeque praedicantium, idest convertibilium,
quorum unum sit causa, et aliud effectus, notius esse aliquando non causam,
sed magis effectum. Nam effectus aliquando est notior causa quoad nos et
secundum sensum, licet causa sit semper notior simpliciter, et secundum
naturam. Et ita per effectum notiorem causa potest fieri demonstratio non
faciens scire propter quid, sed tantum quia. [79662] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 23 n. 5Deinde cum dicit : ut quod prope etc.,
manifestat praedictam differentiam per exempla. Et dividitur in duas partes :
in prima, ponit exempla de demonstratione quia, quae est per
effectum ; in secunda, de demonstratione quia, quae est per
causam mediatam ; ibi : amplius in quibus medium et cetera. Prima in duas :
in prima, ponit exempla de syllogismo qui fit per effectum convertibilem ; in
secunda, de syllogismo qui fit per effectum non convertibilem ; ibi : in
quibus autem media et cetera. Prima dividitur in duas partes secundum duo
exempla quae ponit ; secunda pars incipit ibi : item sic lunam et cetera.
Circa primum duo facit : primo, ponit exemplum de demonstratione quia, quae
est per effectum ; secundo, docet quomodo posset converti in demonstrationem
propter quid ; ibi : contingit autem et cetera. [79663] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 23 n. 6Dicit ergo primo quod demonstratio quia per
effectum est, si quis concludat quod planetae sunt prope propter hoc quod non
scintillant. Non enim non scintillare est causa quod planetae sint prope, sed
e converso. Propter hoc enim non scintillant planetae, quia sunt prope.
Stellae enim fixae scintillant, quia visus in comprehensione earum caligat
propter earum distantiam. Formetur ergo syllogismus sic : omne non
scintillans est prope ; planetae sunt non scintillantes ; ergo sunt prope. Sit in quo c planetae, idest
accipiatur planetae quasi minor extremitas. In quo autem b
sit non scintillare, idest non scintillare accipiatur
medius terminus. In quo autem a sit prope esse, idest prope
esse accipiatur ut maior extremitas. Vera igitur est haec propositio : omne c est b, quia planetae non
scintillant. Et iterum verum est quod omne b est a, quia omnis stella non
scintillans prope est. Huiusmodi autem propositionis veritas oportet quod
accipiatur per inductionem, aut per sensum, quia effectus hic est notior
causa quantum ad sensum. Et sic sequitur conclusio quod omne c sit a. Et sic
demonstratum est quod planetae sive stellae erraticae sunt prope. Hic igitur
syllogismus non est propter quid, sed est quia. Non
enim propter hoc quod non scintillant, planetae sunt prope, sed propter id
quod prope sunt, non scintillant. [79664] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 23 n. 7Deinde cum dicit : contingit autem et per
alterum etc., docet quomodo demonstratio quia convertatur in
demonstrationem propter quid, dicens quod contingit et
per alterum demonstrare alterum, idest per hoc quod est prope
esse, demonstrare quod non scintillant ; et sic erit demonstratio propter
quid. Ut sit c erraticae, idest accipiatur stella
erratica minor extremitas ; in quo b sit prope
esse, idest prope esse accipiatur ut medius terminus,
quod supra erat maior extremitas ; a sit non
scintillare, idest accipiatur non scintillare maior
extremitas, quod supra erat medius terminus. Est igitur et b in c, quia omnis
planeta prope est ; et a est in b, quia omnis planeta, qui prope est, non
scintillat ; quare sequitur quod et a sit in c, scilicet, quod omnis planeta
non scintillet. Et sic erit syllogismus propter quid, cum accepta
sit prima et immediata causa. [79665] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 23 n. 8Deinde cum dicit : item sic lunam
demonstrant etc., ponit aliud exemplum ad idem, dicens quod sic (idest
demonstratione faciente scire quia), demonstrant quod luna sit
circularis per incrementa, quibus scilicet omni mense augetur et
minuitur, sic argumentantes : omne quod sic augetur quasi circulariter,
circulare est ; augetur autem sic luna ; ergo est circularis. Sic
igitur factus est syllogismus demonstrans quia.
Sed e converso, posito medio ipsius, fit syllogismus propter
quid, scilicet si ponatur circulare ut medius terminus,
et augmentum ut maior extremitas. Non enim ideo circularis
est luna, quia sic augetur, sed quia circularis est, ideo talia augmenta
recipit. Sit ergo luna in quo c, idest minor extremitas ; augmentum
in quo b, idest medius terminus ; circularis autem in
quo a, idest maior extremitas. Et hoc intelligendum est in
syllogismo quia. E converso autem in syllogismo propter
quid. [79666] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 23 n. 9Deinde cum dicit : in quibus autem media
etc., ostendit quod sit demonstratio quia per effectum non
convertibilem, dicens quod in illis etiam syllogismis in quibus media
non convertuntur cum extremis, et accipitur ut notius quoad nos,
scilicet loco medii, quod non est causa, sed magis
effectus, demonstratur quidem quia, sed non propter quid. Et
quidem si tale medium convertatur cum maiori extremitate, et
excedat minorem, manifestum est quod conveniens fit syllogismus. Sicut si
probetur de Venere quod sit prope, quia non scintillat. Si
autem e converso minor terminus esset in plus quam medium assumptum
; non esset conveniens syllogismus. Non enim potest de stella universaliter
concludi quod sit prope, propter hoc quod non scintillat. In comparatione
autem ad maiorem terminum est e converso. Nam si medium sit
in minus quam maior terminus conveniens fit syllogismus. Sicut si per hoc,
quod est moveri motu progressivo, probetur de aliquo quod habeat animam
sensibilem. Si autem sit in plus, non fit conveniens syllogismus. Nam ab
effectu, qui a pluribus causis procedere potest, non potest una illarum
concludi. Sicut non potest concludi, quod aliquis habeat febrem, ex
excitatione pulsus. |
192.
Après avoir traité de la démonstration par le pourquoi, le Philosophe montre
ici la différence entre la démonstration par
le fait et la démonstration par le
pourquoi. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il montre la différence qu’il y entre les deux sortes de
démonstrations à l’intérieur d’une même science [132]; en deuxième lieu, il
montre la différence qu’il y a entre elles dans des sciences différentes, là
[142] où il dit : Mais c’est d’une
autre manière etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il présente une double différence entre les
deux sortes de démonstrations à l’intérieur d’une même science; en deuxième
lieu il le montre par des exemples, là [133] où il dit : C’est le cas quand on démontre que les
planètes sont proches etc. 193.
Il dit donc en premier lieu [132] ceci : nous avons dit plus haut que la
démonstration est un syllogisme qui produit la science et que la
démonstration procède des causes de la
chose qui sont prochaines et immédiates. Cela doit s’entendre de la
démonstration par le pourquoi.
Cependant, savoir que la chose est
ainsi, ce n’est pas la même chose que de savoir pourquoi la chose est ainsi. Et puisque la démonstration
est un syllogisme qui produit la science, comme nous l’avons dit, il faut
aussi que la démonstration qui fait savoir le fait, c’est-à-dire que la chose est ainsi, diffère de la
démonstration qui fait savoir le
pourquoi. Et la différence qu’il y a entre les deux doit d’abord être
considérée à l’intérieur d’une même science; ensuite, elle sera considérée
par rapport à des sciences différentes. 194.
Mais à l’intérieur d’une même science les deux sortes de démonstrations
diffèrent de deux manières d’après
deux critères qui sont requis pour la démonstration prise absolument, celle
qui fait savoir le pourquoi, à
savoir qu’elle procède des causes et
que ces causes sont premières ou prochaines, et immédiates. Donc en un premier sens, le savoir par le fait diffère du savoir par le pourquoi parce qu’il y a savoir par le fait
si le syllogisme démonstratif n’est pas engendré par le non-médiat,
c’est-à-dire par l’immédiat, mais
qu’il est engendré par le médiat.
De cette manière en effet, ce n’est pas la cause prochaine qui est assumée,
bien que cependant la science par le
pourquoi est celle qui se prend d’après la cause
prochaine. Et de cette manière il n’y aura pas de science par le pourquoi. 195.
Elles diffèrent en un autre sens car
savoir par le fait a lieu quand le syllogisme n’est pas produit par le
médiat, c’est-à-dire par des prémisses médiates, mais plutôt par des
prémisses immédiates qui ne font toutefois pas appel à la cause mais qui, par
conversion, font appel à des effets convertibles et immédiats. Et cependant
une telle démonstration a lieu au moyen
de ce qui est plus connu, c’est-à-dire de ce qui est plus connu de nous,
autrement elle n’engendrerait pas le savoir. En effet, nous ne parvenons à la
connaissance de l’inconnu qu’au moyen de quelque chose de plus connu. En
effet, rien n’empêche que, de deux prédicats qui s’attribuent également,
c’est-à-dire qui sont convertibles et dont l’un est la cause et l’autre
l’effet, parfois le plus connu ne soit pas la cause mais l’effet. Car parfois
l’effet est plus connu que la cause quant à nous et selon le sens, bien que
la cause soit toujours plus connue absolument et selon la nature. C’est ainsi
que la démonstration peut être produite au moyen d’un effet qui est plus
connu que la cause, laquelle démonstration ne fait pas connaître le pourquoi mais seulement le fait. 196.
Ensuite lorsqu’il dit [134] : Comme
par exemple ce qui est proche etc., il manifeste la différence qui
précède au moyen d’exemples. Et il divise cette section en deux
parties : dans la première il présente des exemples d’une démonstration
par le fait qui a lieu au moyen d’un effet; dans la deuxième, il présente un
exemple d’une démonstration par le fait qui a lieu au moyen d’une cause
médiate, là [137] où il dit : En
outre dans les cas où le moyen etc. La première partie se divise en
deux : dans la première il présente les exemples qui illustrent le
syllogisme qui a lieu au moyen d’un effet convertible; dans la deuxième il
présente un exemple qui illustre le syllogisme qui a lieu au moyen d’un effet
non-convertible, là [136] où il dit : Mais dans certains cas les moyens termes etc. La première partie se divise en deux
parties conformes aux deux exemples qu’il présente; la deuxième partie
commence là [135] où il dit : Ils
démontrent également ainsi que la Lune etc. Au
sujet du premier point il fait deux choses : en premier lieu il présente
l’exemple d’une démonstration par le fait qui a lieu au moyen de l’effet; en
deuxième lieu il enseigne comment cette démonstration pourrait être convertie
en démonstration par le pourquoi, là [124] où il dit : Il arrive cependant etc. 197.
Il dit donc en premier lieu [133] que la démonstration par le fait au moyen de l’effet a lieu par exemple dans le cas où
quelqu’un dirait que les planètes sont proches pour cette raison qu’elles ne
scintillent pas. En effet, le fait de ne pas scintiller n’est pas la cause de
la proximité des planètes, mais c’est l’inverse qui est vrai. En effet, c’est
plutôt parce qu’elles sont proches que les planètes ne scintillent pas. Les
étoiles fixes en effet scintillent parce que la vue, qui les considère, est
éblouie à cause de leur distance. On forme donc ainsi le syllogisme
suivant : Tout ce qui ne scintille pas est proche; les planètes ne
scintillent pas; donc elles sont proches. Et dans ce syllogisme planètes est C, c’est-à-dire que planètes est pris comme petit terme, ne pas scintiller est B, c’est-à-dire
que ne pas scintiller est pris
comme moyen terme alors qu’être proche
est A, c’est-à-dire qu’être proche
est pris comme grand terme. Cette proposition est donc vraie qui
dit : Tout C est B, car les planètes ne scintillent pas. Et en outre il
est vrai de dire que Tout B est A, car toute étoile qui ne scintille pas est
proche. Mais il faut que la vérité d’une telle proposition soit reçue par induction
ou par le sens, car ici, c’est quant au sens que l’effet est plus connu que
la cause. Et ainsi il s’ensuit la conclusion que Tout C est A. Et ainsi il
est démontré que les planètes ou les étoiles erratiques sont proches. Ici
donc le syllogisme ne procède pas du
pourquoi ou de la cause mais du
fait. En effet, ce n’est pas parce que les planètes ne scintillent pas
qu’elles sont proches, mais parce qu’elles sont proches qu’elles ne
scintillent pas. 198.
Ensuite lorsqu’il dit [134] : Mais
il est possible aussi que l’un soit démontré par l’autre etc., il
enseigne comment la démonstration par
le fait peut être convertie en démonstration par le pourquoi en disant qu’il
arrive de démontrer l’un par l’autre, c’est-à-dire de démontrer que les
planètes ne scintillent pas parce qu’elles sont proches, et ainsi on en arrivera à une démonstration par le
pourquoi. Soit par exemple que C
signifie erratiques, c’est-à-dire que les
étoiles erratiques sont prises comme petit terme; et dans ce syllogisme être proche est B, c’est-à-dire qu’être proche est pris comme moyen
terme, lequel était pris comme grand terme dans le syllogisme précédent; et
enfin ne pas scintiller est A,
c’est-à-dire que ne pas scintiller
est pris comme grand terme alors qu’il était pris comme moyen terme dans le
syllogisme précédent. On a donc B qui est en C, car toute planète est proche;
et on a A qui est en B car aucune planète, qui est proche, ne scintille;
c’est pourquoi il s’ensuit que A est en C, c’est-à-dire que aucune planète ne
scintille. Et c’est ainsi qu’on obtient un syllogisme par le pourquoi puisque ce que l’on prend ici comme moyen terme,
c’est la cause première et immédiate. 199.
Ensuite lorsqu’il dit [135] : C’est
ainsi qu’ils démontrent en outre que la Lune etc., il présente un autre
exemple pour montrer la même chose, en disant que c’est ainsi (c’est-à-dire par une démonstration qui fait savoir par le
fait) qu’ils démontrent que la lune est
circulaire par les accroissements de sa luminosité, c’est-à-dire par
lesquels elle augmente et diminue à chaque mois, en argumentant de la manière
suivante : Tout ce qui augmente ainsi circulairement est circulaire;
mais la lune augmente de cette manière; donc, elle est circulaire. C’est ainsi qu’est produit un syllogisme
qui démontre par le fait. Mais si
la position du moyen terme de ce syllogisme est inversée, on obtient un
syllogisme par le pourquoi,
c’est-à-dire si on pose circulaire
comme moyen terme et qui augmente
circulairement comme grand terme. En effet, ce n’est pas parce qu’elle
augmente circulairement que la lune est circulaire, mais c’est parce qu’elle
est circulaire qu’elle croît circulairement. Ainsi donc dans ce syllogisme la Lune est C, c’est-à-dire qu’elle
est prise comme petit terme; et en lui ce
qui augmente circulairement est B,
c’est-à-dire que c’est là le moyen terme; et circulaire est A, c’est-à-dire que circulaire est pris comme
grand terme. Et cela doit s’entendre du syllogisme par le fait. Mais le procédé est inversé dans le syllogisme par le pourquoi. 200.
Ensuite lorsqu’il dit [136] : Mais
dans certains cas les moyens termes etc., il montre qu’il existe une
démonstration par le fait au moyen
de l’effet qui n’est pas convertible, en disant que même dans ces syllogismes
dans lesquels les moyens termes ne se
convertissent pas avec les termes extrêmes et qu’ils se prennent comme
étant plus connus de nous, c’est-à-dire à la place du moyen terme, et qu’on ne prend pas la cause mais plutôt
l’effet, dans ces cas aussi on démontre
certes par le fait et non par le
pourquoi. Et certes si un tel moyen
terme se convertit avec le grand
terme et qu’il est plus universel que le
petit terme, il est clair alors que le syllogisme est correct. Par
exemple, si on prouvait au sujet de Vénus
qu’elle est proche parce qu’elle ne scintille pas. Mais si à l’inverse le petit terme était pris plus
universellement que le moyen terme,
le syllogisme ne serait pas correct. On ne peut en effet conclure
universellement des étoiles qu’elles sont proches pour cette raison qu’elles
ne scintillent pas. Mais par rapport au
grand terme, c’est l’inverse. Car si le
moyen terme est moins universel que le
grand terme, le syllogisme est correct. Par exemple, si on prouve au
sujet d’un être qu’il possède une âme sensible du fait qu’il se meut par un
mouvement progressif. Mais si le moyen terme était plus universel que le
grand, le syllogisme ne serait pas correct. Car d’un effet qui procède d’une
multiplicité de causes, on ne peut conclure l’une d’elles. Par exemple, du
fait que le pouls de quelqu’un est troublé, on ne peut conclure de là que
cela est dû à la fièvre. |
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LECTIO 24 |
LEÇON 24. De la
démonstration par le fait au moyen de propositions qui ne sont pas immédiates
(nn.
201-206; [137-141]). |
[79667] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 24 n. 1Postquam manifestavit philosophus per
exempla, qualiter demonstratur quia per effectum ; hic
ostendit qualiter demonstratur quia per non immediata. Et
circa hoc duo facit : primo, manifestat propositum ; secundo, ostendit
qualiter in huiusmodi demonstrationibus media se habeant ad conclusiones ;
ibi : comparantur autem huiusmodi et cetera. Circa primum tria facit : primo,
proponit intentum ; secundo, manifestat per exemplum ; ibi : ut quare non
respirat etc. ; tertio, ordinat in forma syllogistica ; ibi : syllogismus
autem et cetera. Dicit ergo primo quod non solum in his quae probantur per
effectum demonstratur quia et non propter quid,
sed etiam in quibus medium extra ponitur. [79668] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 24 n. 2Dicitur autem medium extra poni quando est
diversum a maiori termino, ut accidit in syllogismis negativis. Vel medium
extra poni dicitur, quando est extra genus, quasi communius, et non
convertitur cum maiori termino. Quod autem per tale medium non possit
demonstrari propter quid probat ex hoc, quod
demonstratio propter quid est per causam. Tale autem medium
non est causa proprie loquendo. [79669] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 24 n. 3Deinde cum dicit : ut quare non respirat
etc., manifestat quod dixerat per exemplum, dicens : ut si quis velit
probare, quod non respirat paries, quia non est animal, non
demonstrat propter quid, nec accipit causam. Quia si non esse
animal esset causa non respirandi, oporteret quod esse animal esset causa
respirandi : quod falsum est. Multa enim sunt animalia quae non respirant.
Oportet enim, si negatio est causa negationis, quod affirmatio sit causa
affirmationis ; sicut non esse calidum et frigidum in mensura est causa quod
aliquis non sanetur, et esse calidum et frigidum in mensura est causa quod
aliquis sanetur. Similiter autem est e converso, quod si affirmatio est causa
affirmationis, et negatio est causa negationis. In praemissis autem hoc non
contingit, quia affirmatio non est causa affirmationis ; quia non
omne quod est animal respirat. [79670] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 24 n. 4Deinde cum dicit : syllogismus autem etc.,
ordinat praedictum exemplum in forma syllogistica, dicens quod syllogismum
praedictum oportet fieri in media figura. Et hoc ideo est, quia in prima
figura non potest esse, quando conclusio est negativa, quod maior sit
affirmativa ; quod oportet in praedicto exemplo esse. Nam respirare, quod est
maior terminus, oportet quod coniungatur cum animali, quod est medius
terminus, secundum affirmationem. Sed paries, quod est minor terminus,
oportet quod coniungatur cum animali, quod est medium, secundum
negationem. Et sic oportet quod maior sit affirmativa et minor negativa. Quod
quidem nunquam fit in prima figura ; sed solum in secunda. Accipiatur
ergo animal a, idest medius terminus ; b respirare,
idest maior extremitas ; et paries c, idest minor
extremitas. Sic igitur a est in omni b, quia omne respirans est
animal ; in nullo autem c est a, quia nullus paries est animal :
quare sequitur quod etiam b in nullo c sit, scilicet quod nullus
paries respiret. Si autem acciperetur medium propinquum, esset
demonstratio propter quid. Ut si ostenderetur quod paries non
respiret, quia non habet pulmonem. Omne enim habens pulmonem respirat, et e
converso. [79671] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 24 n. 5Deinde cum dicit : comparantur huiusmodi
etc., ostendit quomodo media se habeant ad conclusiones, dicens quod
huiusmodi causae remotae comparantur dictis secundum excellentiam, quia
scilicet excedunt communitatem conclusionis probandae. Et huiusmodi medium
contingit dicere quod est multum distans. Ut patet in probatione
Anacharsidis, qui probat quod apud Scythas non sunt sibilatores, propter hoc,
quod non sunt ibi vites. Hoc enim est medium valde remotum.
Propinquum enim esset non habere vinum ; et adhuc propinquius non bibere
vinum ; ex quo sequitur laetitia cordis quae movet ad cantandum, ut sic
sibilatio pro cantu intelligatur. Vel melius potest dici quod sibilus hic
accipitur non pro quolibet cantu ; sed pro cantu vindemiantium, qui vocatur
celeuma. [79672] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 24 n. 6Deinde cum dicit : secundum quidem etc.,
epilogat quod dixerat, dicens : quod hae sunt differentiae syllogismi quia ad
syllogismum qui est propter quid, in eadem scientia, et
secundum eorumdem positionem, idest eorum qui habent eumdem ordinem. Quod
dicitur ad removendum illud, quod post dicet, quod una scientia est sub
altera. |
201.
Après avoir manifesté par des exemples de quelle manière on démontre par le
fait au moyen de l’effet, il montre ici de quelle manière on démontre par le fait au moyen de propositions
qui ne sont pas immédiates. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il manifeste le propos [137]; en deuxième lieu il montre de
quelle manière dans de telles démonstrations les moyens termes se rapportent
aux conclusions, là [140] où il dit : Mais de telles causes se comparent etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu il présente le propos; en deuxième lieu, il le
manifeste par un exemple, là [138] où il dit : Par exemple, pourquoi le mur ne respire-t-il pas etc.; en
troisième lieu, il dispose le raisonnement sous forme logique, là [139] où il
dit : Mais le syllogisme etc. Il dit donc en premier lieu [137] que la
démonstration s’appuie sur le fait et non sur le pourquoi non seulement quand
on démontre par l’effet, mais aussi dans
ces cas où le moyen terme est posé en dehors des termes extrêmes. 202.
Mais on dit que le moyen terme est posé en dehors des extrêmes quand il est
exclu du grand terme comme c’est le
cas dans les syllogismes négatifs. Ou bien on dit qu’il est posé en dehors
des extrêmes parce qu’il est d’un genre étranger, plus commun et qui ne se
convertit pas avec le grand terme. Et que par un tel moyen terme on ne puisse
démontrer le pourquoi, il le prouve
à partir de ceci que la démonstration par le
pourquoi se fait par la cause et qu’un moyen terme de cette sorte n’est
pas la cause à proprement parler. 203.
Ensuite lorsqu’il dit [138] : Par
exemple, pourquoi le mur ne respire-t-il pas?, il manifeste ce qu’il
avait dit au moyen d’un exemple en disant : Par exemple, si quelqu’un
voulait prouver que le mur ne respire pas parce qu’il n’est pas un animal, il
ne démontre pas par le pourquoi et
ne prend pas la cause. Car si ne pas être un animal était la cause de la
non-respiration, il faudrait que le fait d’être animal soit la cause de la
respiration : ce qui est faux. En effet, il y a plusieurs animaux qui ne
respirent pas. Il faut en effet, si la négation est la
cause de la négation, que l’affirmation soit la cause de l’affirmation. Par
exemple, si l’absence d’équilibre dans le chaud et le froid est cause de
l’absence de santé, leur équilibre est cause de santé. Mais il en est de même
inversement, à savoir que si l’affirmation est cause de l’affirmation, la
négation est cause de la négation. Mais cela ne se produit pas ici dans les
prémisses car l’affirmation dans ce cas-ci n’est pas cause de
l’affirmation : en effet ce n’est
pas tout ce qui est animal qui respire. 204.
Ensuite lorsqu’il dit [139] : Mais
le syllogisme etc., il dispose sous forme logique l’exemple qui précède,
en disant qu’il faut que le syllogisme qui précède soit produit en deuxième
figure. Et il en est ainsi parce qu’en première figure il est impossible,
quand la conclusion est négative, que la majeure soit affirmative; et c’est
pourtant ce qui doit arriver dans l’exemple qui précède. Car respirer, qui
est le grand terme, doit être associé à animal, qui est le moyen terme, d’une
manière affirmative. Mais mur, qui
est le petit terme, doit être mis en relation avec animal, le moyen terme, selon la négation. Et
c’est ainsi que la majeure doit
être affirmative et la mineure
négative, ce qui ne se produit jamais en première figure mais seulement en
deuxième. On prend donc animal comme étant A, à savoir le moyen terme; respirer comme étant B, à savoir le
grand terme; et mur comme étant C,
à savoir le petit terme. Ainsi donc on obtient que Tout B est A, parce que tout ce qui respire est animal; Aucun C n’est A, car aucun mur n’est
un animal; c’est pourquoi il s’ensuit encore que Aucun C n’est B, à savoir qu’aucun mur ne respire. Mais si on
prenait un moyen terme prochain, il y aurait démonstration par le pourquoi. Par exemple, si on
montrait que le mur ne respire pas parce qu’il ne possède pas de poumons. En
effet, tout ce qui possède des poumons respire et cette proposition se
convertit. 205.
Ensuite lorsqu’il dit [140] : Des
causes de cette sorte se comparent etc., il montre comment les moyens
termes se rapportent aux conclusions, en disant que les causes de cette
sorte, qui sont éloignées, se comparent à des paroles démesurées parce
qu’elles dépassent l’universalité de la conclusion à prouver. Et un moyen
terme de cette sorte, il convient de dire qu’il est pris de beaucoup trop
loin, ainsi qu’on le voit dans la preuve d’Anacharsis qui prouve que chez les
Scythes il n’y a pas de joueur de flûte pour cette raison qu’il n’y a pas là de vignes. Ce moyen
terme se trouve en effet à être très éloigné. Au lieu de cela, ne pas avoir de vin serait un moyen terme
plus rapproché; et ne pas boire de vin
serait un moyen terme encore plus prochain; c’est de là en effet que suit la
joie du cœur qui pousse à chanter, de telle manière que le jeu de la flûte se
prenne ici pour le chant. Pour mieux dire encore on pourrait dire
que le jeu de la flûte ne se prend pas ici pour n’importe quel chant, mais
pour le chant de ceux qui récoltent le raisin, celui qu’on appelle le chant
des vendanges. 206.
Ensuite lorsqu’il dit [141] : Certes,
d’après etc., il résume ce qu’il vient de dire en disant que telles sont
les différences entre le syllogisme par
le fait et le syllogisme par le
pourquoi à l’intérieur d’une même science et d’après la position de leurs moyens termes, c’est-à-dire de
ceux qui se présentent dans le même ordre, dans la même science. Et il dit
ceci pour en écarter le cas dont il va parler ensuite, à savoir celui où une
science est contenue sous une autre. |
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LECTIO 25 |
LEÇON 25. De la
différence qu’il y a entre la démonstration par le fait et la démonstration
par le pourquoi dans des sciences différentes, qu’elles soient subalternes ou
non
(nn.
207-212; [142-147]). |
[79673] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 25 n. 1Postquam ostendit philosophus qualiter
demonstratio quia differt a demonstratione propter
quid in eadem scientia ; hic ostendit quomodo differt in diversis
scientiis. Et circa hoc duo facit. Primo, proponit intentum, dicens quod alio
modo a praedictis differt propter quid ab ipso quia,
propter hoc quod in diversis scientiis considerantur, idest quod ad unam scientiam
pertinet scire propter quid, et ad aliam scientiam pertinet
scire quia. Secundo cum dicit : huiusmodi autem sunt etc.,
manifestat propositum. Et circa hoc duo facit : primo, manifestat propositum
in scientiis, quarum una est sub altera ; secundo, in scientiis, quarum una
non est sub altera ; ibi : multae autem non sibi et cetera. Circa primum duo
facit : primo, ostendit qualiter se habeant scientiae ad invicem, quarum una
est sub altera, ad quarum unam pertinet propter quid, ad alteram
autem quia ; secundo, ostendit quomodo in praedictis scientiis ad
unam earum pertinet quia, et ad aliam propter quid ;
ibi : hoc enim ipsum et cetera. Circa primum duo facit : primo, ostendit
quomodo praedictae scientiae se habeant ad invicem secundum ordinem ; secundo,
ostendit qualiter se habeant ad invicem secundum convenientiam ; ibi : fere
autem univocae et cetera. [79674] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 25 n. 2Dicit ergo primo quod huiusmodi scientiae
sunt (scilicet ad quarum unam pertinet quia, ad aliam autem propter
quid) quaecunque sic se habent ad invicem, quod altera est sub altera.
Sed intelligendum est unam scientiam esse sub altera dupliciter. Uno modo,
quando subiectum unius scientiae est species subiecti superioris scientiae ;
sicut animal est species corporis naturalis, et ideo scientia de animalibus est sub scientia naturali. Alio modo, quando
subiectum inferioris scientiae, non est species subiecti superioris scientiae
; sed subiectum inferioris scientiae comparatur ad subiectum superioris,
sicut materiale ad formale. Et hoc modo accipit hic unam scientiam esse sub
altera, sicut speculativa, idest perspectiva, se
habet ad geometriam. Geometria enim est de linea et aliis magnitudinibus :
perspectiva autem est circa lineam determinatam ad materiam, idest circa
lineam visualem. Linea autem visualis non est species lineae
simpliciter, sicut nec triangulus ligneus est species trianguli : non enim
ligneum est differentia trianguli. Et similiter machinativa,
idest scientia de faciendis machinis, se habet ad stereometriam,
idest ad scientiam quae est de mensurationibus corporum. Et haec scientia dicitur esse sub scientia
per applicationem formalis ad materiale. Nam mensurae corporum simpliciter
comparantur ad mensuras lignorum et aliarum materierum, quae requiruntur ad
machinas, per applicationem formalis ad materiale. Et similiter se
habet harmonica, idest musica, ad arithmeticam. Nam musica
applicat numerum formalem (quem considerat arithmeticus) ad materiam, idest
ad sonos. Et similiter se habet apparentia, idest scientia
navalis, quae considerat signa apparentia serenitatis vel tempestatis, ad
astrologiam, quae considerat motus et situs astrorum. [79675] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 25 n. 3Deinde cum dicit :
fere autem univocae etc., ostendit qualiter se habent praedictae scientiae ad
invicem secundum convenientiam, dicens quod fere huiusmodi scientiae sunt
univocae ad invicem. Dicit
autem fere, quia communicant in nomine generis, et non in nomine
speciei. Dicuntur enim omnes praedictae scientiae mathematicae ; quaedam
quidem quia sunt de subiecto abstracto a materia, ut geometria et
arithmetica, quae simpliciter mathematicae sunt ; quaedam autem per
applicationem principiorum mathematicorum ad res materiales, sicut astrologia
dicitur mathematica et etiam navalis scientia, et similiter harmonica,
idest musica, dicitur mathematica, et quae est secundum auditum,
idest practica musicae, quae cognoscit ex experientia auditus sonos. Vel
potest dici quod sunt univocae, quia etiam in nomine speciei conveniunt. Nam
et navalis dicitur astrologia, et practica musicae dicitur musica. Dicit
autem fere, quia hoc non contingit in omnibus, sed in pluribus. [79676] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 25 n. 4Deinde cum dicit : hoc enim ipsum etc.,
manifestat quomodo in praedictis scientiis ad unam scientiam pertinet quia,
et ad aliam propter quid. Et circa hoc duo facit : primo,
ostendit quomodo scientiae, quae sub se continent alias, habent dicere propter
quid ; secundo, quomodo scientiae, quae sub eis continentur, habent
dicere propter quid respectu aliarum scientiarum ; ibi :
habet autem se et cetera. Sciendum ergo est circa primum quod in omnibus
praenominatis scientiis, illae quae continentur sub aliis, applicant
principia mathematicae ad sensibilia. Quae autem sub se continent alias sunt
magis mathematicae. Et ideo dicit primo philosophus quod scire quia est sensibilium,
idest scientiarum inferiorum, quae applicant ad sensibilia : sed scire propter
quid est mathematicorum, idest scientiarum, quarum
principia applicantur ad sensibilia. Huiusmodi enim habent demonstrare ea,
quae assumuntur ut causae in inferioribus scientiis. Et quia posset aliquis
credere quod qui sciret propter quid, sciret etiam de
necessitate quia, consequenter hoc removet dicens quod multoties
illi, qui sciunt propter quid, nesciunt quia. Et hoc
manifestat per exemplum : sicut considerantes universale, multoties nesciunt
quaedam singularia, propter hoc, quod non intendunt per considerationem ;
sicut qui scit omnem mulam esse sterilem, nescit de ista, quam non
considerat. Et similiter mathematicus qui demonstrat propter quid,
nescit quandoque quia, quia non applicat principia superioris
scientiae ad ea, quae demonstrantur in inferiori scientia. Et quia dixerat
quod scire propter quid est mathematicorum, vult ostendere
cuiusmodi genus causae a mathematicis sumatur. Unde dicit quod istae
scientiae, quae accipiunt propter quid a mathematicis, sunt
alterum quiddam, idest differunt ab eis secundum subiectum, scilicet in
quantum applicant ad materiam. Unde
huiusmodi scientiae utuntur speciebus, idest formalibus
principiis, quae accipiunt a mathematicis. Mathematicae enim scientiae sunt
circa species. Non enim earum consideratio est de subiecto, idest
de materia ; quia quamvis ea, de quibus geometria considerat, sint in
materia, sicut linea, superficies et huiusmodi ; non tamen considerat de eis
geometria, secundum quod sunt in materia, sed secundum quod sunt abstracta.
Nam geometria ea, quae sunt in materia secundum esse, abstrahit a materia
secundum considerationem. Scientiae autem ei subalternatae e converso
accipiunt ea, quae sunt considerata in abstractione a geometra, et applicant
ad materiam. Unde patet
quod geometra dicit propter quid in istis scientiis secundum
causam formalem. [79677] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 25 n. 5Deinde cum dicit : habet autem se etc.,
ostendit quod etiam scientia subalternata dicit propter quid, non
respectu subalternantis, sed respectu cuiusdam alterius. Perspectiva enim
subalternatur geometriae. Et si comparemus perspectivam ad geometriam,
perspectiva dicit quia et geometria propter quid.
Sed sicut perspectiva subalternatur geometriae, ita scientia de iride subalternatur perspectivae. Applicat enim
principia, quae perspectiva tradit simpliciter, ad determinatam materiam.
Unde ipsius physici, qui tractat de iride, est scire quia ; sed
perspectivi est scire propter quid. Dicit enim physicus conversionem visus ad nubem, aliquo modo
dispositam ad solem, esse causam iridis. Propter quid autem
sumit a perspectivo. [79678] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 25 n. 6Deinde cum dicit : multae autem et non sub
etc., ostendit quomodo quia et propter quid differunt
in diversis scientiis non subalternatis, dicens quod multae
scientiarum, quae non sunt sub invicem, sic se habent ad
invicem, scilicet quod ad unam pertinet quia, et ad alteram
pertinet propter quid. Sicut patet
de medicina et geometria. Non enim subiectum medicinae sumitur sub subiecto
geometriae, sicut subiectum perspectivae ; sed tamen
ad aliquam conclusionem, in medicina consideratam, applicabilia sunt
principia geometriae. Sicut quod
vulnera circularia tardius sanentur, medici est scire quia, qui
hoc experitur, sed propter quid scire est geometrae, ad quem
pertinet cognoscere quod circulus est figura sine angulo. Unde partes
circularis vulneris non appropinquant sibi, ut possint de facili coniungi.
Sciendum autem est quod illa differentia quia et propter
quid, quae est secundum diversas scientias, continetur sub altero
praedictorum modorum, scilicet quando fit demonstratio per causam remotam. |
207.
Après avoir montré comment la démonstration par le fait diffère de la démonstration par le pourquoi à l’intérieur d’une même science, le Philosophe
montre ici comment les deux diffèrent dans des sciences différentes. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu, il présente le propos [142], en disant qu’il y a encore une
autre manière, différente de celles qui précèdent, d’après laquelle le pourquoi diffère du fait; et c’est celle d’après
laquelle on les considère dans des sciences différentes, c’est-à-dire dans
les cas où le savoir par le pourquoi relève
d’une science alors que le savoir par le fait
relève d’une autre science. En
deuxième lieu, lorsqu’il dit [143] : Mais sont de cette sorte etc., il manifeste le propos. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il manifeste son propos dans les cas où une science est
contenue sous une autre; deuxièmement, il le fait dans les cas où une science
n’est pas subordonnée à une autre, là [147] où il dit : Mais nombreuses sont celles qui ne sont
pas subordonnées etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu [143], il montre le rapport qu’il y a entre les
sciences dans le cas où une est subordonnée à une autre, et dont l’une a pour
objet le pourquoi et l’autre le fait; en deuxième lieu il montre de
quelle manière dans ces sciences le
fait appartient à l’une d’elles et comment le pourquoi appartient à l’autre, là [145] où il dit : Cela même en effet etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il montre comment les sciences qui précèdent se
rapportent les unes aux autres suivant un ordre; en deuxième lieu, il montre
comment elles se rapportent les unes aux autres selon la ressemblance, là
[144] où il dit : Mais sont
presqu’univoques etc. 208.
Il dit donc en premier lieu [143] que les sciences de cette sorte
(c’est-à-dire celles parmi lesquelles
il appartient à l’une de considérer le
fait et à l’autre de considérer le
pourquoi), sont toutes celles qui se présentent les unes par rapport aux
autres de telle manière que l’une est subordonnée à l’autre. Mais il faut
comprendre qu’une science peut être subordonnée à une autre de deux manières. Premièrement,
quand le sujet d’une science est une espèce du sujet d’une science
supérieure; par exemple l’animal est une espèce du corps naturel, et c’est
pourquoi la science qui porte sur les animaux est subordonnée à la science de
la nature. Deuxièmement,
quand le sujet d’une science inférieure n’est pas une espèce du sujet d’une
science supérieure, mais que le sujet d’une science inférieure se compare au
sujet d’une science supérieure comme ce qui est matériel se compare à ce qui
est formel. Et c’est de cette manière que se prend ici la subordination d’une
science à une autre, comme c’est le cas pour l’optique, c’est-à-dire la
perspective, par rapport à la géométrie. La géométrie en effet a pour
objet les lignes et les grandeurs, tandis que la perspective a pour objet une
ligne limitée à une matière déterminée, c’est-à-dire la ligne visuelle. Cependant la ligne visuelle
n’est pas une espèce contenue dans la ligne prise absolument, tout comme le
triangle de bois n’est pas une espèce du triangle : le bois en effet
n’est pas une différence du triangle. Et c’est de la même manière que la mécanique, c’est-à-dire la science
qui porte sur la fabrication des machines, se rapporte à la stéréométrie, c’est-à-dire à la science qui porte sur la
mesure des corps. Et on dit que cette science, la mécanique, est subordonnée
à l’autre par l’application de ce qui est formel à ce qui est matériel. Car
les mesures des corps, prises absolument, se comparent aux mesures des pièces
de bois et des autres matériaux qui sont requis à la fabrication des
machines, par l’application du formel au matériel. Et c’est de la même
manière que l’harmonique,
c’est-à-dire la musique, se rapporte à l’arithmétique. Car la musique
applique le nombre formel (que considère l’arithmétique) à telle matière, à
savoir aux sons. Et c’est encore de la même manière que l’observation nautique, c’est-à-dire la science navale, qui
considère les signes visibles du calme de la mer ou de son agitation, se
rapporte à l’astronomie qui considère les mouvements et les positions des
astres. 209.
Ensuite lorsqu’il dit [144] : Mais
sont presqu’univoques etc., il montre de quelle manière les sciences qui
précèdent se comparent les unes aux autres selon la ressemblance, en disant
que de telles sciences sont presqu’univoques les unes par rapport aux autres.
Mais il dit presque, parce qu’elles
communiquent dans le nom du genre mais non dans celui de l’espèce. En effet,
toutes les sciences qui précèdent sont appelées mathématiques; certaines
certes parce qu’elles portent sur un sujet qui est séparé de la matière,
comme la géométrie et l’arithmétique, qui appartiennent absolument à la
mathématique; mais d’autres sont appelées mathématiques par l’application des
principes mathématiques à des choses matérielles, comme on dit de l’astronomie
qu’elle est une science mathématique, tout comme la science navale et même
l’harmonique, c’est-à-dire la musique qui est appelée science mathématique;
et il en est ainsi même de l’harmonique acoustique, à savoir la pratique de
la musique qui connaît les sons par expérience auditive. Ou bien on pourrait encore dire que ces
sciences sont univoques parce qu’elles communiquent même dans le nom
d’espèce. Car la science navale est appelée astronomie et la pratique de la
musique est appelée musique. Et il dit presque
parce que cela ne se produit pas dans tous les cas mais dans la plupart des
cas. 210.
Ensuite lorsqu’il dit [145] : Cela
même en effet etc., il manifeste de quelle manière, dans les sciences qui
précèdent, le fait appartient à une
science alors que le pourquoi
appartient à une autre. Et à ce sujet il fait deux choses : en premier
lieu, il montre comment c’est aux sciences qui en contiennent d’autres qu’il
revient de dire le pourquoi; en
deuxième lieu, il montre de quelle manière il
revient à celles qui sont contenues sous elles de dire le pourquoi par rapport aux autres
sciences, là [146] où il dit : Mais
elle se rapporte etc. Il faut donc savoir au sujet du premier
point [145] que dans toutes les sciences que nous avons déjà nommées, celles
qui sont contenues sous d’autres se trouvent à appliquer les principes
mathématiques à une matière sensible. Mais celles qui contiennent les autres
sont davantage mathématiques. Et c’est pourquoi le Philosophe dit en premier
que la science du fait relève de la
connaissance sensible, c’est-à-dire des sciences inférieures qui
appliquent les principes universels aux réalités sensibles; mais la science du pourquoi appartient aux mathématiciens,
c’est-à-dire aux sciences dont les principes sont appliqués aux réalités
sensibles. C’est à de telles sciences en effet qu’il revient de démontrer ce
qui est pris comme cause dans les sciences inférieures. Et parce qu’on pourrait croire que
quelqu’un qui sait le pourquoi sait
aussi nécessairement le fait, il écarte
par la suite cette opinion en disant que souvent ceux qui savent le pourquoi ignorent le fait. Et il manifeste cela par un
exemple : ainsi ceux qui considèrent l’universel ignorent souvent
certains singuliers pour cette raison qu’ils négligent de les observer; par
exemple, celui qui sait que toute mule est stérile l’ignore au sujet de
celle-ci qu’il n’a pas considérée. Et de la même manière, le mathématicien
qui démontre le pourquoi ignore
parfois le fait parce qu’il ne lui
appartient pas d’appliquer les principes d’une science supérieure aux choses
qui sont démontrées dans une science inférieure. Et parce qu’il avait dit que le savoir du pourquoi appartient aux
mathématiciens, il veut montrer de quelle sorte est le genre de cause qui est
pris par le mathématicien. De là il dit que ces sciences qui reçoivent le pourquoi des mathématiciens sont certes quelque chose de différent par
l’essence, c’est-à-dire qu’elles en diffèrent par le sujet, c’est-à-dire
dans la mesure où elles opèrent une application à une matière déterminée.
C’est pourquoi de telles sciences se
servent des formes, c’est-à-dire des principes formels qu’elles reçoivent
des mathématiques. Les mathématiques en effet sont des sciences qui se
rapportent aux formes. Leurs considérations en effet ne portent pas sur un sujet, c’est-à-dire sur une
matière; car bien que les choses que considère la géométrie, comme la ligne,
la surface, et les autres notions de cette sorte, existent dans une matière,
cependant la géométrie ne considère pas ces notions en tant qu’elles existent
dans une matière, mais en tant qu’elles en sont séparées. Car les choses qui
sont dans la matière quant à l’existence, la géométrie les considère en tant
qu’elles en sont séparées. Mais les sciences qui lui sont subordonnées au
contraire reçoivent ce qui est considéré abstraitement par la géométrie pour
l’appliquer à une matière. Et c’est pourquoi c’est selon la cause formelle
que la géométrie dit le pourquoi par
rapport à ces sciences. 211.
Ensuite lorsqu’il dit [146] : Mais
elle se rapporte etc., il dit que même une science subordonnée dit le pourquoi, non pas par rapport à des
sciences subordonnées, mais par rapport à quelque chose d’autre. La
perspective en effet est subordonnée à la géométrie. Et si on compare la
perspective à la géométrie, la perspective dit le fait et la géométrie le
pourquoi. Mais tout comme la perspective est subordonnée à la géométrie,
de même la science de l’arc-en-ciel est subordonnée à la perspective. En
effet, les principes que la perspective enseigne purement et simplement, la
science de l’arc-en-ciel les applique à une matière déterminée. Il résulte de
là que c’est au physicien lui-même, qui traite de la science de
l’arc-en-ciel, qu’il appartient de savoir le
fait et c’est à l’opticien en tant que tel qu’il appartient de savoir le pourquoi. Le physicien en effet dit
que la cause de l’arc-en-ciel, c’est lorsque la vue se tourne vers un nuage
qui est disposé d’une certaine manière par rapport au soleil; mais pour ce
qui est de savoir le pourquoi de ce
fait, il le tient de la perspective. 212.
Ensuite lorsqu’il dit [147] : Mais
nombreuses sont les sciences qui ne sont pas subordonnées etc., il montre
comment le fait et le pourquoi diffèrent dans des
sciences différentes qui ne sont pas subordonnées les unes aux autres, en
disant que nombreuses parmi les
sciences sont celles qui, sans être
subordonnées les unes aux autres, présentent
le même rapport, à savoir qu’à l’une appartient la considération du fait et à l’autre celle du pourquoi. C’est ce que l’on voit par
exemple pour la médecine par rapport à la géométrie. Le sujet de la médecine
en effet ne se tire pas du sujet de la géométrie comme c’est le cas pour le
sujet de la perspective; et cependant les principes de la géométrie sont
applicables à la considération de certaines conclusions de la médecine. Par
exemple, il appartient au médecin de savoir ce fait, à savoir qu’une blessure circulaire est plus longue à
guérir car c’est lui qui en fait l’expérience; mais c’est au géomètre qu’il
appartient d’en savoir le pourquoi
car c’est de lui qu’il relève de connaître que le cercle est une figure sans
angle, et qu’il résulte de là que les parties d’une blessure circulaire ne
sont pas si rapprochées les unes des autres qu’elles puissent facilement se
rejoindre. Il faut cependant savoir que cette différence entre le fait et le pourquoi qui se présente dans des sciences différentes est
contenue sous un autre des modes qui précèdent, à savoir celui qui a lieu
quand la démonstration s’effectue au moyen d’une cause éloignée. |
|
|
LECTIO 26 |
LEÇON 26. Que c’est
surtout en première figure que se présente le syllogisme démonstratif. – De
la proposition négative, tant médiate qu’immédiate
(nn.
213-220; [148-155]). |
[79679] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 26 n. 1Postquam philosophus determinavit de
materia syllogismi demonstrativi, hic determinat de forma ipsius, ostendens
in qua figura praecipue fiat syllogismus demonstrativus. Et
dividitur in duas partes. In prima ostendit quod syllogismus demonstrativus
maxime fit in prima figura. Et quia in prima figura proceditur etiam ex
negativis, et oportet demonstrationem ex immediatis procedere, ostendit in
secunda parte quomodo contingit propositionem negativam esse immediatam ; ibi
: sicut autem esse a in b et cetera. [79680] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 26 n. 2Primum ostendit tribus rationibus, quarum
prima talis est. In quacunque figura maxime fit syllogismus propter
quid, illa figura maxime est faciens scire, et propter hoc est magis
accommoda demonstrationibus ; cum demonstratio sit syllogismus faciens scire.
Sed in prima figura maxime fit syllogismus propter quid (quod
patet ex hoc quod mathematicae scientiae, ut arithmetica et geometria, et
quaecunque aliae propter quid demonstrant, ut plurimum prima
figura utuntur) ; ergo prima figura est maxime faciens scire et
maxime accommoda demonstrationibus. Causa autem, quare demonstratio propter
quid maxime fit in prima figura, haec est. Nam in prima figura
medius terminus subiicitur maiori extremitati, quae est praedicatum
conclusionis, et praedicatur de minori termino, qui est subiectum
conclusionis. Oportet autem in demonstratione propter quid medium
esse causam passionis, quae praedicatur in conclusione de
subiecto. Et unus modus dicendi per se est quando subiectum
est causa praedicati, ut interfectum interiit, sicut supra dictum
est ; et hoc competit primae figurae, in qua medium subiicitur
maiori extremitati, ut dictum est. [79681] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 26 n. 3Secundam rationem ponit ; ibi : postea
ipsius quod quid est etc., quae talis est. Quod quid est potissimum
locum in demonstrativis scientiis habet, quia, sicut dictum est, definitio
aut est principium demonstrationis, aut conclusio, aut demonstratio positione
differens. Ad investigandum autem definitionem sola prima figura convenit.
Nam in sola prima figura concluditur universalis affirmativa, quae sola
competit ad scientiam quod quid est. Nam quod quid est per
affirmationem cognoscitur : praedicatur enim definitio de definito
affirmative et universaliter ; non enim quidam homo est animal bipes, sed
omnis homo. Ergo prima figura maxime est faciens scire et accommoda
demonstrationibus. [79682] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 26 n. 4Tertiam rationem ponit ; ibi : amplius haec
quidem etc., quae talis est. Aliae figurae in demonstrationibus indigent
prima ; prima autem non indiget aliis ; ergo prima figura efficacius facit
scire quam aliae. Quod autem aliae figurae indigeant prima ex hoc manifestum
est, quod oportet ad perfectam scientiam habendam, quod propositiones
mediatae, quae sumuntur in demonstrationibus, ad immediata reducantur. Quod
quidem fit dupliciter, scilicet densando media et augmentando. Densando
quidem, quando medium acceptum mediate coniungitur utrique extremorum, vel
alteri. Unde, quando accipiuntur media alia inter medium primum et extrema,
fit quasi quaedam condensatio mediorum. Sicut si acciperetur primo sic : omne
e est c ; omne c est a : et deinde inter c et e, sumatur medium d ; et inter
c et a medium b. Augmentando autem, quando medium est immediatum minori
extremitati, et mediatum maiori. Tunc enim
oportet accipere plura media alia supra medium primo acceptum. Ut si dicatur : omne e est d ; omne d est a
; et postea supra d accipiantur alia media. Haec autem condensatio et
augmentatio mediorum fit solum per primam figuram : tum, quia solum in prima
figura concluditur universalis affirmativa ; tum, quia solum in prima figura
medium sumitur inter extrema. In secunda
autem figura medium accipitur extra extrema, quasi praedicatum de eis. In tertia vero figura, infra extrema, quasi
subiectum de eis. [79683] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 26 n. 5Deinde cum dicit : sicut autem esse etc.,
docet quomodo propositio negativa possit esse immediata. Et circa hoc duo
facit. Primo, proponit intentum, dicens quod sicut contingit a esse
in b individualiter, idest immediate, sic et conceditur non esse,
idest ita potest concedi quod propositio significans a non esse in
b sit immediata. Unde exponit, quid est individualiter esse vel non
esse, scilicet quando affirmativa vel negativa non habet medium per quod
probetur. [79684] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 26 n. 6Secundo ; ibi : cum igitur aut a quidem
etc., manifestat propositum. Et circa hoc duo facit : primo, ostendit quomodo
propositio negativa sit mediata ; secundo, quomodo sit immediata ; ibi : si
vero neutrum et cetera. Circa primum duo facit : primo, manifestat propositum
; secundo, ostendit quoddam quod supposuerat ; ibi : quod autem contingit b
non esse et cetera. Dicit ergo primo quod cum a, idest maior terminus, aut b,
idest minor terminus, sunt in quodam toto, sicut species in genere, aut etiam
ambo sunt sub aliquo genere, non contingit a non esse in b primo, idest non
contingit quod haec propositio, nullum b est a, sit immediata. Et primo
manifestat hoc quando a est in quodam toto, scilicet c ; b autem in nullo ;
ut puta, si a sit homo, c substantia, b quantitas : potest enim syllogismus
fieri ad probandum quod a nulli b insit per hoc, quod c omni a inest, b autem
nulli ; ut si fiat syllogismus in secunda figura, talis : omnis homo est
substantia ; nulla quantitas est substantia ; ergo nulla quantitas est homo.
Et similiter est, si b, idest minor terminus, sit in quodam toto, ut in d, a
autem non sit in aliquo toto ; syllogizari poterit quod a sit in nullo b. Ut
sit a substantia, b linea, d quantitas ; et fiat syllogismus in prima figura
sic : nulla quantitas est substantia ; omnis linea est quantitas ; ergo nulla
linea est substantia. Eodem autem modo poterit demonstrari conclusio
negativa, si utrumque sit in quodam toto ; ut si sit a linea, c quantitas, b
albedo, et d qualitas ; potest syllogizari in secunda figura, et in prima. In
secunda figura sic : omnis linea est quantitas ; nulla albedo est quantitas ;
ergo nulla albedo est linea. In prima figura sic : nulla qualitas est linea ;
omnis albedo est qualitas ; ergo nulla albedo est linea. Est autem
intelligendum, propositionem negativam esse mediatam, utroque terminorum
existente in quodam toto, non quidem in eodem, sed in diversis. Si enim sint
in eodem toto, erit propositio immediata, sicut, nullum rationale est
irrationale, vel nullum bipes est quadrupes. [79685] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 26 n. 7Deinde cum dicit : quod autem contingit
etc., manifestat quod supposuerat, scilicet quod, altero extremorum existente
in aliquo toto, alterum non sit in eodem, dicens quod manifestum est ex coordinationibus,
scilicet praedicamentorum diversorum, quae non commutantur ad invicem.
Scilicet quia id quod est in uno praedicamento, non est in altero, manifestum
est quod contingat b non esse in toto, in quo est a, aut e converso, quia
videlicet contingit unum terminorum accipi in uno praedicamento, in quo non
est alius. Sit enim una coordinatio praedicamenti acd, puta praedicamentum
substantiae ; et alia coordinatio sit bef, puta praedicamentum quantitatis.
Si ergo nihil eorum, quae sunt in coordinatione acd, de nullo praedicatur
eorum, quae sunt in coordinatione bef ; a autem sit in p, quasi in quodam
generalissimo, quod sit principium totius primae coordinationis ; manifestum
est quod b non erit in p, quia sic coordinationes, idest
praedicamenta, commutarentur. Similiter autem est si b sit in quodam toto, ut
puta in e ; manifestum est quod a non erit in e. [79686] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 26 n. 8Deinde cum dicit : si vero neutrum etc.,
ostendit quomodo propositio negativa sit immediata dicens quod, si
neutrum sit in toto aliquo, scilicet, neque a neque b ; et tamen a non
sit in b, necesse est quod haec sit immediata, nullum b est a. Quia si
acciperetur aliquod medium ad syllogizandum eam, oporteret quod alterum
ipsorum esset in aliquo toto ; oporteret enim syllogismum fieri, aut in prima
figura, aut in secunda. In tertia enim
figura non potest concludi universalis negativa, qualem oportet esse
propositionem immediatam. Si quidem syllogismus fit in prima figura,
oportet quod b sit in quodam toto, quia b est minor extremitas,
et in prima figura oportet semper minorem propositionem
esse affirmativam. Non enim fit syllogismus in prima figura ex maiori
affirmativa et minori negativa. Sed si syllogismus erit in media
figura, contingit quodcunque, idest vel a vel b, esse in toto
quodam ; quia in media figura potest esse negativa tam prima
quam secunda propositio. Nunquam tamen potest esse, neque in prima neque in
secunda, utraque propositio negativa. Et ideo oportet quod, altera existente
affirmativa, alterum extremorum sit in quodam toto. Sic igitur patet quod
propositio negativa est immediata, quando neutrum terminorum est in quodam
toto. Non autem potest dici quod quamvis neutrum sit in quodam toto, potest
tamen accipi medium ad ipsam concludendam, scilicet si accipiatur medium
convertibile : quia oportet tale medium esse quod sit prius et notius ; et
hoc est vel genus vel definitio, quae non est sine genere. Deinde cum dicit :
manifestum igitur est etc., concludendo epilogat quod dictum est. Et litera
plana est ex dictis. |
213.
Après avoir traité de la matière du syllogisme démonstratif, il traite ici de
sa forme, en montrant dans quelle figure
principalement se présente le syllogisme démonstratif. Et il divise cette section en deux
parties. Dans la première il montre que le syllogisme démonstratif se produit
surtout en première figure [148]. Et parce qu’en première figure on procède
aussi de principes négatifs et qu’il faut que la démonstration procède de
propositions immédiates, il montre dans la deuxième partie de quelle manière
il est possible que la proposition négative soit immédiate, là [151] où il
dit : Mais tout comme A est
affirmé de B etc. 214.
Il manifeste le premier point au moyen de trois raisonnements, dont voici le premier [148]. Quelle que soit la
figure où se produit surtout le syllogisme par le pourquoi, cette figure est la plus scientifique, et pour cette
raison elle est plus appropriée aux démonstrations, puisque la démonstration
est un syllogisme qui produit la science. Mais c’est en première figure qu’a
lieu surtout le syllogisme par le
pourquoi (ce qui est évident du fait que les sciences mathématiques,
comme l’arithmétique et la géométrie et toutes les autres sciences qui
démontrent par le pourquoi, se
servent de la première figure dans
la plupart des cas); donc, c’est la première figure qui fait surtout savoir
et qui est la plus appropriée aux démonstrations. Mais la raison pour laquelle la
démonstration par le pourquoi se
produit surtout en première figure est la suivante. En première figure le moyen terme est le sujet du grand terme, lequel est le prédicat de
la conclusion où il se trouve à être attribué au petit terme qui est le sujet de la conclusion. Il faut
cependant dans la démonstration par le
pourquoi que le moyen terme soit la cause de la propriété ou de la passion qui est attribuée au sujet dans la
conclusion. Et un des modes de l’attribution par soi ou essentielle, c’est quand le sujet est cause du
prédicat, comme dans l’exemple de celui
qui a été assassiné est mort, ainsi que nous l’avons dit plus haut; et
cela appartient à la première figure
dans laquelle le moyen terme est sujet du grand
terme, ainsi que nous l’avons dit. 215.
Il présente le deuxième
raisonnement là [149] où il dit : Par
la suite la connaissance de l’essence etc., et que voici. L’essence tient la place la plus
importante dans les sciences démonstratives car, ainsi que nous l’avons dit,
la définition est soit le principe de la démonstration, soit sa conclusion,
soit une démonstration qui diffère par la position. Mais seule la première
figure convient à la recherche de la définition car c’est seulement en
première figure qu’on peut obtenir une conclusion universelle affirmative,
seule conclusion qui puisse convenir à la science de l’essence car c’est par l’affirmation qu’on connaît l’essence : en effet, c’est
affirmativement et universellement que la définition est attribuée au
défini : en effet, ce ne sont pas certains hommes seulement qui sont des
animaux bipèdes, mais tous les hommes. C’est donc la première figure qui est
la plus apte à engendrer la science et qui est la plus appropriée aux
démonstrations. 216.
Voici le troisième raisonnement
qu’il présente là [150] où il dit : Cette
figure en outre n’a certes pas etc. Dans les démonstrations, les autres
figures ont besoin de la première, mais la première n’a pas besoin des
autres; donc, la première figure est plus apte que les autres à produire la
science. Mais que les autres figures dépendent en un sens de la première,
cela est manifeste du fait que pour en arriver à une science parfaite, il
faut que les propositions médiates qui sont prises dans les démonstrations
soient ramenées à des propositions immédiates. Ce qui se fait certes de deux
manières, à savoir en resserrant et en augmentant les moyens termes. En les resserrant certes, quand le moyen
terme qui est pris de façon médiate est uni aux deux extrêmes ou à l’un d’eux
seulement. De là, quand on reçoit d’autres moyens termes entre le premier
moyen terme et les extrêmes, il se produit comme un resserrement des moyens
termes. Par exemple si on admettait d’abord ceci : Tout E est C; Tout C
est A : et ensuite, entre C et E, on prend le moyen terme D, et entre C
et A, le moyen terme B. Mais on ramène les propositions médiates à
des propositions immédiates en augmentant les moyens termes quand le moyen
terme est immédiat par rapport au petit et médiat par rapport au grand terme.
Alors en effet il faut prendre plusieurs autres moyens termes que celui qui a
été pris en premier. Par exemple, si on dit : Tout E est D; Tout D est
A; et que par la suite on prend d’autres moyens termes au-dessus de D. Mais ce resserrement et cette augmentation
s’effectuent seulement au moyen de la première figure : tant parce que
c’est seulement en première figure qu’on conclut une universelle affirmative,
que parce que c’est seulement en première figure que le moyen terme se prend
comme intermédiaire, universellement parlant, entre le petit terme et le
grand terme. Mais en deuxième figure le moyen terme se prend comme en dehors
des termes extrêmes, comme étant leur prédicat, alors qu’en troisième figure
il se prend sous les extrêmes comme leur sujet particulier. 217.
Ensuite lorsqu’il dit [151] : Mais
tout comme A peut etc., il enseigne comment une proposition négative peut
être immédiate. Et à ce sujet il fait deux choses. En
premier lieu, il présente le propos, en disant que tout comme il est possible pour A d’être affirmé de B
individuellement, c’est-à-dire de façon immédiate, on concède que de la même manière il peut en être nié,
c’est-à-dire que de la même manière on peut concéder que la proposition qui
signifie que A est nié de B est une
proposition immédiate. De là il explique ce que c’est que d’être affirmé ou nié individuellement, c’est-à-dire quand il n’y a aucun moyen
terme par lequel l’affirmative ou la négative est prouvée. 218.
En deuxième lieu, là [152] où il
dit : Donc, puisque soit A,
etc., il manifeste le propos. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu, il montre de quelle manière une proposition négative est
médiate; en deuxième lieu, il montre comment elle est immédiate, là [154] où
il dit : Mais si aucun etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il manifeste le propos; en deuxième lieu il
manifeste un énoncé qu’il avait supposé, là [153] où il dit : Mais qu’il soit possible pour B de ne pas être
etc. Il dit donc en premier lieu [152] que
puisque A, c’est-à-dire le grand
terme, ou B, c’est-à-dire le petit
terme, sont dans un certain tout comme une espèce dans un genre, ou encore
que les deux sont contenus dans un genre, il n’est pas possible pour A de ne
pas être en B en premier lieu, c’est-à-dire qu’il n’est pas possible pour
cette proposition, à savoir Aucun B
n’est A, d’être immédiate. Et il manifeste cela en premier lieu quand
A est dans un certain tout, à savoir C, alors que B n’y est aucunement; comme
par exemple, si A est pris pour homme,
C pour substance et B pour quantité : de là en effet peut
être engendré le syllogisme prouvant que A n’appartient à aucun B au moyen de
ceci que C appartient à tout A mais qu’il n’appartient à aucun B, de sorte
qu’est engendré le syllogisme suivant en deuxième figure : Tout homme est une substance; mais aucune quantité n’est une substance;
donc, aucune quantité n’est un homme. Et il en est de même si B, à savoir le petit terme, est dans un certain
tout comme dans D, alors que A n’est pas dans un tout; on pourra alors
syllogiser que A n’est dans aucun B. Supposons que A soit substance, B ligne
et D quantité; on obtiendra le syllogisme de première figure de la manière
suivante : Aucune quantité n’est
une substance; tout ligne est une quantité; donc aucune ligne n’est une
substance. Mais une conclusion négative pourra être
démontrée de la même manière si les deux termes sont dans un certain tout;
par exemple si A est ligne, C quantité, B blancheur et D qualité; on pourra
alors syllogiser en deuxième figure et en première. En deuxième figure de la
manière suivante : Toute ligne est
une quantité; aucune blancheur n’est une quantité; donc, aucune blancheur
n’est une ligne. Et on pourra le faire en première figure de la manière
suivante : Aucune qualité n’est
une ligne; toute blancheur est une qualité; donc, aucune blancheur n’est une
ligne. Il faut cependant comprendre qu’une
proposition négative est médiate lorsque chacun des deux termes existe dans
un tout, sans que ce soit toutefois dans le même tout mais dans des touts
différents. Si en effet ils étaient dans le même tout, la proposition serait
immédiate comme dans les négatives suivantes : aucun rationnel n’est irrationnel, ou aucun bipède n’est quadrupède. 219.
Ensuite lorsqu’il dit [153] : Mais
qu’il soit possible etc., il manifeste ce qu’il avait supposé, à savoir
que, l’un des extrêmes existant dans un tout, l’autre ne soit pas dans le
même tout, en disant que cela est manifeste à partir de séries de différentes attributions qui ne peuvent se confondre entre elles. C’est-à-dire que parce que
ce qui est dans un prédicament n’est pas dans un autre, il est évident qu’il
est possible à B de ne pas être dans le tout dans lequel se trouve A, ou
inversement, car il arrive bien sûr qu’un des termes soit pris dans un
prédicament dans lequel l’autre terme ne se trouve pas. Supposons en effet la
série des termes A C D, qui est par exemple dans le prédicament de la
substance, et une autre série, soit les termes B E F qui est dans le
prédicament de la quantité. Si en effet aucun des termes de la série A C D
n’est attribué à aucun des termes de la série B E F, et que A est contenu
dans le tout P comme dans le tout le plus général qui est le principe de
toute la première série, il est manifeste que B ne sera pas contenu dans P,
autrement les séries, c’est-à-dire les prédicaments, se confondraient. Et de
la même manière, si B était contenu dans un certain tout, par exemple en E,
il est manifeste que A ne sera pas en E. 220.
Ensuite lorsqu’il dit [154] : Mais
si aucun d’eux etc., il montre de quelle manière la proposition négative
est immédiate en disant que si aucun
des deux termes, à savoir ni A ni B, n’est
dans un tout, et cependant que A n’est pas dans B, il est alors
nécessaire que cette proposition, à savoir Aucun B n’est A, soit immédiate. Car si on prenait un moyen terme
pour la syllogiser, il faudrait que l’un des termes soit dans un tout; il
faudrait en effet que le syllogisme soit produit soit en première, soit en deuxième figure. En troisième figure en
effet on ne peut conclure une universelle négative, ce que doit pourtant être
la proposition immédiate. Mais si le syllogisme est produit en première figure, il faut que B soit
dans un tout car B est le petit terme
et en première figure il faut
toujours que la proposition mineure soit
affirmative. Jamais en effet en première figure le syllogisme n’est produit à
partir d’une majeure affirmative et d’une mineure négative. Mais si le
syllogisme est produit en deuxième figure, il est possible à l’un ou à l’autre terme, à savoir à A ou à B
indifféremment, d’être contenu dans un tout; car en deuxième figure, la première proposition aussi bien que la
deuxième peut être négative. Cependant il est impossible, aussi bien en
première qu’en deuxième figure, que les deux propositions soient négatives.
Et c’est pour cette raison qu’il faut, une des propositions étant
nécessairement affirmative, que l’un des termes soit contenu dans un tout.
Ainsi donc il est clair qu’une proposition négative est immédiate quand aucun
des termes n’est dans un tout. On ne peut cependant dire, bien qu’aucun
des termes ne soit contenu dans un tout, qu’on peut prendre un moyen terme
pour la conclure, c’est-à-dire si on prenait un moyen terme convertible :
car il faut qu’un tel moyen terme soit premier et plus connu; et cela est
soit le genre, soit la définition qui n’existe pas sans un genre. Ensuite lorsqu’il dit [155] : Il est donc manifeste etc., il termine
en concluant que nous avons montré clairement qu’un terme puisse être nié
immédiatement d’un autre, et quand et comment cela est possible. |
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LECTIO 27 |
LEÇON 27. Du syllogisme
par lequel est introduite en nous l’ignorance ou l’erreur. Et premièrement,
comment est causée l’ignorance, par laquelle nous croyons être ce qui n’est
pas, au sujet des principes premiers et immédiats
(nn.
221-232; [156-161]). |
[79687] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 27 n. 1Postquam philosophus determinavit de
syllogismo demonstrativo, per quem acquiritur scientia, hic determinat de
syllogismo, per quem inducitur in nobis ignorantia sive deceptio. Et circa
hoc duo facit : primo enim ostendit qualis ignorantia per syllogismum induci
possit ; secundo, ostendit modum, quo talis syllogismus procedit ; ibi :
simplicis quidem igitur opinionis et cetera. [79688] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 27 n. 2Distinguit ergo primo duplicem ignorantiam
; quarum una est secundum negationem ; alia est secundum
dispositionem. Ignorantia quidem secundum negationem est
quando homo omnino nihil scit de re. Et haec est ignorantia in non
attingendo, ut philosophus dicit in IX Metaph. ; sicut patet de rustico, qui
omnino nihil scit de triangulo, an habeat tres angulos aequales duobus
rectis. Ignorantia autem secundum dispositionem est quando
aliquis habet quidem aliquam dispositionem in cognoscendo, sed corruptam :
dum scilicet existimat aliquid circa rem sed falso ; dum vel existimat esse,
quod non est, vel non esse quod est.
Et haec ignorantia idem est, quod error. Prima ergo ignorantia non fit per
syllogismum : sed secunda per syllogismum fieri potest. Et tunc vocatur
deceptio. [79689] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 27 n. 3Haec autem ignorantia sive deceptio potest
contingere circa duo. Uno quidem modo circa ea quae sunt prima principia et
immediata, dum scilicet opinatur quis opposita principiis : quae quidem etsi
non possit opinari interius in mente, ut supra dictum est, quia non cadunt
sub apprehensione ; potest tamen eis contradicere secundum vocem, et secundum
quamdam falsam imaginationem, ut dicitur de quibusdam negantibus principia in
IV Metaphys. Alio modo circa conclusiones, quae non sunt prima et immediata.
Et prima quidem ignorantia sive deceptio opponitur cognitioni intellectus.
Secunda autem cognitioni scientiae. [79690] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 27 n. 4Utraque autem ignorantia dispositionis,
sive sit de his quae sunt prima, sive sit de his quae non sunt prima, potest
homini provenire dupliciter. Uno modo simpliciter, quando
scilicet absolute absque aliquo ductu rationis existimat falsum, sive
affirmando, sive negando. Alio modo, quando inducitur ad falsum existimandum,
per aliquam rationem syllogisticam, sicut philosophus dicit in IV Metaphys.,
quod quidam principiis contradicunt, velut rationibus persuasi ; alii vero,
non quasi ratione persuasi, sed propter ineruditionem vel pertinaciam,
volentes in omnibus quaerere demonstrationem. [79691] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 27 n. 5Deinde cum dicit : simplicis quidem igitur
etc., ostendit quomodo praedictae ignorantiae causantur. Et primo quomodo
causatur ignorantia, quae est per syllogismum ; secundo, quomodo proveniat
ignorantia homini sine syllogismo ; ibi : manifestum est autem et cetera.
Circa primum duo facit ; primo, ostendit quomodo causetur ignorantia per
syllogismum in primis et immediatis ; secundo, quomodo causetur in his, quae
non sunt prima et immediata ; ibi : in his autem quae non individua et
cetera. Circa primum duo facit : primo, ostendit quomodo causetur ignorantia,
qua existimatur esse quod non est ; secundo, quomodo causetur ignorantia, qua
existimatur non esse quod est ; ibi : quae vero ipsius non esse et cetera.
Circa primum tria facit : primo, proponit modum, quo praedicta ignorantia
communiter causatur ; secundo, assignat diversitates circa hoc contingentes ;
ibi : contingit quidem etc. ; tertio, respondet tacitae quaestioni ; ibi :
ipsius quidem igitur esse et cetera. [79692] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 27 n. 6Dicit ergo primo quod falsae opinionis,
quam supra vocavit simplicem, est simplex deceptio, idest uno solo modo ad
hoc pervenitur. Non enim causatur ex ratione, quae diversificari potest, sed
magis ex defectu rationis, qui non diversificatur per diversos modos, sicut
nec aliae negationes secundum propriam rationem. Sed quia ratio falsa
multipliciter variari potest, inde est quod huiusmodi ignorantia, quae fit
per syllogismum, multipliciter accidere potest, secundum quod multipliciter
potest esse falsus syllogismus. Ponit autem communem modum dicens : non
sit enim a in nullo b individualiter, idest sit haec propositio vera
immediata, nullum b est a : ponuntur enim duae negationes, loco unius ; puta,
si dicamus, nulla quantitas est substantia, secundum doctrinam supra positam
de negativis immediatis. Si quis ergo concludat oppositum huius, per aliquem
syllogismum, ostendens scilicet omne b esse a,
accipiens pro medio c, erit deceptio per syllogismum. [79693] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 27 n. 7Deinde cum dicit : contingit quidem igitur
etc., ostendit quot modis potest hoc variari. Est autem sciendum quod falsa
conclusio non concluditur nisi falso syllogismo. Syllogismus autem potest
esse falsus dupliciter. Uno modo, quia deficit in forma syllogistica. Et hic
non est syllogismus, sed apparens. Alio modo, quia utitur falsis propositionibus.
Et hic quidem est syllogismus propter syllogisticam formam, est autem falsus
propter falsas propositiones assumptas. In disputatione ergo dialectica, quae
fit circa probabilia, usus est utriusque falsi syllogismi, quia talis
disputatio procedit ex communibus. Et ita in ea error attendi potest et circa
materiam quam assumit, quae est communis, et etiam circa formam, quae est
communis. Sed in disputatione demonstrativa, quae est circa necessaria, non
est usus, nisi illius syllogismi qui est falsus propter materiam ; quia, ut
dicitur in I topicorum, paralogismus disciplinae procedit ex propriis
disciplinae, sed non ex veris. Unde, cum forma syllogistica sit inter
communia computanda, paralogismus disciplinae, de quo nunc agitur, non peccat
in forma, sed solum in materia, et circa propria, non circa communia. Et ideo
primo, ostendit quomodo huiusmodi syllogismus procedat ex duabus falsis ;
secundo, quomodo procedat ex altera falsa ; ibi : sed alteram contingit et
cetera. Primum autem contingit dupliciter, quia falsa propositio, aut est
contraria verae, aut contradictoria. Primo ergo ostendit quomodo huiusmodi
syllogismus procedat ex duabus falsis contrariis veris ; secundo, quomodo
accipitur contradictio ; ibi : potest autem sic se habere et cetera. [79694] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 27 n. 8Dicit ergo primo quod in praedicto
syllogismo deceptionem causante, contingit quandoque utrasque propositiones
esse falsas, et quandoque alteram tantum. Utrasque autem falsas, uno modo si
accipiamus contrarias verarum. Habeat enim ita se c ad a et ad b, quod nullum
c sit a, et quod nullum b sit c. Si ergo accipiantur contraria horum,
scilicet, omne c est a ; omne b est c ; utraeque propositiones erunt falsae
totaliter. Puta si dicam : omnis qualitas est substantia ; omnis quantitas
est qualitas ; ergo omnis quantitas est substantia. [79695] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 27 n. 9Deinde cum dicit : potest autem sic se
habere etc., ostendit quomodo possunt esse ambae falsae, et non sunt
contrariae veris, sed contradictoriae. Puta, si sic se habeat c ad a et ad b,
quod nec contineatur totaliter sub a, neque universaliter insit b. Puta si
accipiamus, perfectum vel ens in actu, et procedamus sic : omne perfectum est
substantia ; omnis quantitas est perfecta ; ergo et cetera. Manifestum est
quod utraque est falsa, sed non totaliter. Sunt enim contradictoriae earum
verae, scilicet, quoddam perfectum non est substantia, et, quaedam quantitas
non est perfecta. Contrariae autem sunt falsae, scilicet, nullum perfectum
est substantia, et nulla quantitas est perfecta. Quod autem c non
universaliter insit b (idest, quod ista non sit vera : omnis quantitas est
perfecta, quae erat minor ; ut, omne b est c) probat per hoc, quod b non
potest contineri sub aliquo toto, quod de eo universaliter praedicetur. Et
hoc ideo, quia haec propositio : nullum b est a, dicebatur esse immediata,
quod est a non inesse b primo. Dictum est autem supra illas negativas esse
immediatas, quarum neuter terminorum est sub aliquo toto. Sed videtur haec
probatio non esse sufficiens, quia de eo etiam quod non est sub aliquo toto,
sicut species sub genere, potest aliquid universaliter praedicari. Non enim
solum genus aut differentia universaliter praedicatur, sed etiam proprium.
Sed dicendum est quod licet praedicta probatio non sit efficax, communiter
loquendo, est tamen efficax in proposito. Quia, sicut in I topicorum dicitur,
paralogismus disciplinae, de quo hic loquitur, procedit ex convenientibus
disciplinae. Unde intendit uti talibus mediis, qualibus utitur demonstrator.
Demonstrationis autem medium est definitio, ut supra dictum est. Unde et
syllogismus, de quo hic loquitur, intendit uti definitione pro medio.
Definitio autem continet genus et differentiam. Unde oportet id quod
universaliter praedicatur in hoc syllogismo, continere id, in quo est
subiectum, sicut in toto. Quod autem a non universaliter insit ipsi c (idest,
quod ista non sit universaliter vera : omne perfectum est substantia, quae
erat maior, ut, omne c est a), probat per hoc, quod non est necesse de
quocunque universali, quod insit universaliter omnibus quae sunt : quia
nullum praedicamentum praedicatur de his, quae continentur sub alio
praedicamento ; neque etiam universaliter praedicatur de his quae communiter
consequuntur ens, quae sunt actus et potentia, perfectum et imperfectum,
prius et posterius, et alia huiusmodi. [79696] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 27 n. 10Deinde cum dicit : sed alteram contingit
etc., ostendit quomodo praedictus syllogismus procedat ex altera vera, et
altera falsa. Et dicit quod in praedicto syllogismo contingit
accipere alteram veram, scilicet maiorem, quae est a.c, altera existente
falsa, scilicet minore, quae est b.c. Et quod propositio minor, quae est b.c,
semper sit falsa probat, sicut et supra, per hoc quod b in nullo est, sicut
in toto. Sed quod haec propositio a.c possit esse vera, altera existente
falsa, probat in terminis. Sit enim ita, quod a insit b et c individualiter,
idest immediate, sicut genus proximis speciebus, ut color albedini et
nigredini. Manifestum est enim secundum hoc, quod maior erit vera, scilicet,
omne c est a, puta : omnis albedo est color ; minor autem est falsa,
scilicet, omnis nigredo est albedo ; quia quando aliquid primo praedicatur de
pluribus, neutrum istorum plurium de neutro praedicatur. Prima enim
praedicatio generis est de oppositis speciebus. [79697] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 27 n. 11Est autem circa hoc dubitatio : quia his
terminis positis, non sequitur conclusio falsa, sed vera. Erit enim conclusio
quod a insit b, cui suppositum est inesse individualiter. Sed dicendum quod
hoc exemplum ponitur solum ad manifestandum quomodo possit esse maior vera et
minor falsa. Sed hoc exemplum non habet locum in proposito, ubi quaeritur
conclusio falsa. Et ideo philosophus subiungit : differt autem nihil,
nec si non individualiter insit. Possumus enim accipere tales
terminos, quod a non insit b individualiter, neque aliquo modo ; immo potius
ab eo individualiter removeatur. Nec est etiam necesse quod insit c
individualiter, quia non est necessarium quod demonstrator utatur solum
propositionibus immediatis ; sed etiam his, quae per immediata fidem
acceperunt. Accipere ergo possumus alios terminos, ad propositum pertinentes,
ut si accipiamus pro medio substantiam intellectualem : omnis enim
intelligentia est substantia ; minor autem est falsa : omnis quantitas est
intelligentia. Unde sequitur conclusio falsa. [79698] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 27 n. 12Deinde cum dicit : ipsius quidem igitur
etc., respondet tacitae quaestioni. Posset enim aliquis ab eo requirere quod
ostenderet diversitatem huius syllogismi in aliis figuris. Sed ipse respondet
quod deceptio, quae est ipsius esse, idest per quam aliquis
existimat propositionem affirmativam falsam, potest fieri solum per primam
figuram : quia in alia figura, scilicet in secunda, non potest fieri
syllogismus affirmativus. Tertia autem figura non pertinet ad propositum,
quia in ea non potest concludi universalis, quae principaliter intenditur in
demonstratione, et in hoc syllogismo. |
221.
Après avoir traité du syllogisme démonstratif par lequel la science est
acquise, le Philosophe traite ici du syllogisme par lequel est introduite en
nous l’ignorance ou l’erreur. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu en effet il montre quelle est l’ignorance qui peut être
introduite en nous par le syllogisme [156]; en deuxième lieu il montre de
quelle manière un tel syllogisme procède, là [157] où il dit : Donc, l’erreur qui provient d’une opinion
directe etc. 222.
Il distingue donc en premier lieu [156] deux sortes d’ignorances, dont la première est selon
la négation et l’autre selon une
disposition de l’esprit. L’ignorance selon la négation a lieu quand
l’homme ne sait absolument rien d’une chose et cette ignorance consiste à ne
pas avoir atteint la vérité ainsi que le Philosophe le dit au neuvième livre
de la Métaphysique; c’est ce qu’on
observe par exemple chez le paysan qui ignore totalement que le triangle
possède trois angles égaux à deux droits. Mais l’ignorance selon une disposition de l’esprit a lieu quand quelqu’un possède
une certaine disposition à connaître, mais que cette disposition est
corrompue : c’est-à-dire qu’il estime savoir quelque chose d’une chose,
mais à tort. Alors, ou bien il croit être
ce qui n’est pas, ou bien ne pas être ce qui est. Et une telle ignorance
s’identifie à l’erreur. En conclusion, la première ignorance ne
naît pas d’un syllogisme mais la deuxième peut naître d’un syllogisme. Et
alors, elle s’appelle erreur. 223.
Mais cette ignorance qu’on appelle erreur peut porter sur deux sortes de choses. Elle peut certes porter en un premier sens sur ce qui tient
lieu de principes premiers et immédiats, alors qu’on adhère à des
propositions contraires à ces principes : certes, bien qu’on ne puisse
adhérer intérieurement à de telles propositions par l’esprit, ainsi que nous
l’avons dit plus haut, car elles ne peuvent arriver à être conçues par
l’esprit, on peut cependant les contredire par la parole et d’après une
fausse imagination, comme on le dit de ceux qui nient les principes au
quatrième livre de la Métaphysique. En
un autre sens cette sorte d’ignorance peut porter sur les conclusions qui
ne sont pas premières et immédiates. La première ignorance ou erreur s’oppose
à la connaissance de l’intelligence alors que la deuxième s’oppose à celle de
la science. 224.
Mais ces deux sortes d’ignorance selon une disposition de l’esprit, qu’elles
portent sur ce qui est premier, à savoir les principes, ou sur ce qui n’est
pas premier, peuvent advenir à l’homme de
deux manières. Premièrement
d’une manière simple ou directe, c’est-à-dire quand on juge faux sans
absolument aucune démarche de la raison, soit en affirmant, soit en niant. Deuxièmement quand on est conduit à
une fausse évaluation par un raisonnement syllogistique, ainsi que le
Philosophe le dit au quatrième livre de la
Métaphysique au sujet de certains qui, persuadés par quelque raison, contredisent
les principes; mais d’autres le font non pas parce qu’ils sont persuadés par
une raison, mais par manque de culture et entêtement à vouloir tout prouver
par voie de démonstration. 225.
Ensuite lorsqu’il dit [157] : Donc,
certes ce qui naît d’une croyance directe etc., il montre de quelle
manière sont causées les ignorances qui précèdent. Et en premier lieu il montre comment est
causée l’ignorance qui provient d’un syllogisme; en deuxième lieu, comment
est causée l’ignorance qui advient à l’homme sans syllogisme, là [177] où il
dit : Mais il est évident etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il montre comment est causée l’ignorance par un
syllogisme par rapport à ce qui est premier et immédiat; en deuxième lieu,
comment elle est causée par rapport à ce qui n’est pas premier et immédiat,
là [169] où il dit : Mais pour ce
qui est de celles qui ne sont pas immédiates etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : il montre comment est causée l’ignorance par laquelle on juge être ce qui n’est pas;
deuxièmement il montre comment est causée celle par laquelle on juge ne pas
être ce qui est, là [162] où il dit : Mais celle qui se rapporte au non-être lui-même etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu il présente la manière par laquelle l’ignorance
qui précède est généralement causée; en deuxième lieu, il désigne les
différences possibles à ce sujet, là [158] où il dit : Il est certes possible etc.; en
troisième lieu il répond à une question sous-entendue, là [161] où il
dit : L’erreur dans l’attribution
elle-même etc. 226.
Il dit donc en premier lieu [157] qu’est simple l’erreur qui est née d’une
opinion qu’il a appelée simple, puisqu’on y parvient d’une seule manière. En
effet elle n’est pas causée par un raisonnement qui pourrait se diversifier
de plusieurs manières, mais plutôt par un défaut de raisonnement qui ne
saurait se diversifier de plusieurs manières comme ne le font pas non plus
les autres négations par leur raison propre. Mais parce qu’un raisonnement faux peut
varier de multiples manières, c’est pourquoi une telle ignorance qui se
produit par syllogisme peut se produire de multiples façons selon que le
syllogisme peut être faux de différentes manières. Mais il présente la
manière commune en disant : Supposons que A n’appartienne à aucun B individuellement, c’est-à-dire que
cette proposition soit vraie immédiatement, à savoir Aucun B n’est A; alors on pose en effet deux négations au lieu
d’une, par exemple si on dit qu’Aucune
quantité n’est une substance, d’après l’enseignement donné plus haut sur
les négatives immédiates. Si donc quelqu’un concluait l’opposé de cela au
moyen d’un syllogisme, c’est-à-dire en montrant que Tout B est A en prenant pour moyen terme C, on aurait erreur par
syllogisme. 227.
Ensuite lorsqu’il dit [156] : Il
peut donc certes se faire etc., il montre de combien de manières cela
peut varier. Il faut cependant savoir qu’une fausse conclusion ne se tire que
d’un faux syllogisme. Mais un syllogisme peut être faux de deux manières. Premièrement,
parce qu’il est défectueux dans la forme même du syllogisme. Alors, ce n’est
là qu’un syllogisme apparent. Deuxièmement,
le syllogisme peut être faux parce qu’il se sert de propositions qui sont
fausses. Et il y a certes ici syllogisme en raison de la forme du syllogisme,
mais il est faux en raison des propositions fausses qui y sont assumées. Donc, dans les discussions dialectiques
qui portent sur le probable, on fait usage de faux syllogismes des deux manières
car ces discussions procèdent de ce qui est commun. Et ainsi dans ce cas
l’erreur peut s’appliquer à la fois à la matière qu’on examine, qui est
commune, et à la forme, qui est commune elle aussi. Mais dans les discussions démonstratives
qui portent sur le nécessaire, on ne peut faire usage que de ce syllogisme
qui est faux en raison de la matière; car, ainsi qu’on le dit dans le premier
livre des Topiques, le paralogisme
de la discipline ne procède que de ce qui est propre à une discipline mais
non de ce qui est vrai. De là, puisque la forme du syllogisme doit être
comptée parmi ce qui est commun, le paralogisme de la discipline, dont nous
parlons maintenant, ne pèche pas par la forme mais seulement par la matière,
et par une matière qui est propre à la discipline au lieu d’être commune. Et c’est pourquoi il montre en premier
lieu [158] qu’un tel syllogisme procède de deux propositions fausses; en
deuxième lieu, il montre comment elle procède d’une seule proposition fausse,
là [160] où il dit : Mais il
arrive que l’une d’elles seulement etc. Mais la première possibilité se produit de
deux manières car une fausse proposition est soit contraire au vrai, soit
contradictoire. Et c’est pourquoi il montre en premier lieu comment un tel syllogisme faux procède de deux
propositions fausses qui sont contraires à celles qui sont vraies; en
deuxième lieu, il montre comment se prend la contradiction, là [159] où il
dit : Mais il peut se faire que le
rapport etc. 228.
Il dit donc en premier lieu [158] que dans le syllogisme précédent qui cause
l’erreur, il arrive parfois que les deux propositions soient fausses, et
parfois qu’une seule le soit. Mais il arrive que les deux soient fausses si
nous les prenons de la manière qu’elles soient contraires à celles qui sont
vraies. C se rapporte en effet de telle manière à A et à B que nul C n’est A
et que nul B n’est C. Si donc on prend les contraires de ces propositions, à
savoir que Tout C est A et que Tout B est C, les deux propositions
seront totalement fausses. Par exemple, si je dis : Toute qualité est
une substance; toute quantité est une qualité; donc, toute quantité est une
substance. 229.
Ensuite lorsqu’il dit [159] : Mais
il peut se faire que le rapport soit tel etc., il montre comment les deux
peuvent être fausses et ne pas être contraires aux propositions vraies, mais
contradictoires. Par exemple, si C se rapporte à A et à B de telle manière
qu’il ne soit ni contenu totalement dans A, ni universellement attribué à B.
Par exemple, si nous prenons parfait ou
être en acte et que nous procédons
ainsi : Tout ce qui est parfait est une substance; mais toute quantité
est parfaite; donc, etc. Il est manifeste que les deux propositions sont
fausses, mais non totalement. En effet, leurs contradictoires sont vraies, à
savoir que certaines des choses qui sont parfaites ne sont pas des substances
et que certaines quantités ne sont pas parfaites. Mais les contraires sont
fausses, là savoir que rien de parfait n’est une substance et qu’aucune
quantité n’est parfaite. Mais que C ne soit pas attribué
universellement à B (c’est-à-dire que cette proposition ne soit pas vraie, à
savoir Toute quantité est parfaite,
qui était la mineure, soit tout B
est C) il le prouve par ceci que B ne peut être contenu dans un tout qui lui
soit attribué universellement. Et il en est ainsi parce qu’on disait de cette
proposition : Aucun B n’est A,
qu’elle est immédiate, à savoir qu’on disait que c’est de façon immédiate que
A n’appartient pas à B. Nous avons
dit en effet plus haut que les négations qui sont immédiates sont celles dont
aucun des termes n’est contenu dans un tout. Mais il semble que cette preuve ne soit
pas suffisante car il peut y avoir attribution universelle même pour ce qui
n’est pas contenu dans un tout comme une espèce est contenue dans un genre.
En effet, ce n’est pas seulement le genre et la différence qui s’attribuent
universellement, mais aussi le propre. Mais il faut dire que bien que la preuve
qui précède ne soit pas efficace à parler absolument, elle l’est cependant
quant au propos. Car, ainsi que nous l’avons dit au premier livre des Topiques, le paralogisme de la
discipline, dont nous parlons maintenant, procède de ce qui relève de la
discipline. C’est pourquoi il cherche à se servir de moyens termes tels que
ceux dont se sert celui qui démontre. Mais le moyen terme de la démonstration
est la définition ainsi que nous l’avons dit plus haut. C’est pourquoi le
syllogisme dont nous parlons ici cherche à se servir de la définition comme
moyen terme. Mais la définition contient le genre et la différence. C’est
pourquoi il faut que ce qui est attribué universellement dans ce syllogisme
contienne comme dans un tout ce dans quoi se trouve le sujet. Mais que A n’appartienne pas
universellement à C (c’est-à-dire que cette proposition ne soit pas
universellement vraie : Tout ce
qui est parfait est une substance, qui était la majeure, à savoir tout C
est A), il le prouve par ceci qu’il n’est pas nécessaire pour tout
universel d’appartenir universellement à tout ce qui existe : car aucun
prédicament n’est attribué aux choses qui sont contenues sous un autre
prédicament et il n’est pas même attribué universellement aux notions qui
découlent communément de l’être comme l’acte
et la puissance, le parfait et l’imparfait, l’antérieur
et le postérieur et les autres
notions de cette sorte. 230.
Ensuite lorsqu’il dit [160] : Mais
il peut se faire encore que l’une etc., il montre comment le syllogisme
dont nous parlons procède d’une proposition qui est vraie et d’une autre qui
est fausse. Et il dit que dans le syllogisme qui précède il est possible de prendre l’une des propositions comme étant vraie,
à savoir la majeure qui est A-C, et
l’autre, à savoir la mineure, qui
est B-C, comme étant fausse. Et que la proposition mineure qui est B-C soit
toujours fausse il le prouve comme il l’a fait plus haut par ceci que B n’est
dans rien comme dans un tout. Mais que cette proposition A-C puisse être
vraie, l’autre étant fausse, il le prouve par les termes. Supposons en effet
ainsi que A appartienne individuellement, c’est-à-dire immédiatement, à B et
à C comme un genre appartient à des espèces prochaines, par exemple la
couleur à la blancheur et à la noirceur. Il est manifeste en effet d’après
cela que la majeure sera vraie, à
savoir Tout C est A, par exemple
Toute blancheur est une couleur; mais que la
mineure sera fausse, à savoir Toute noirceur est une blancheur; car quand
quelque chose s’attribue au premier titre ou immédiatement à une
multiplicité, aucun de ceux qui sont contenus dans cette multiplicité ne
s’attribue à un autre qui fait partie de cette multiplicité. En effet,
l’attribution première d’un genre se fait à des espèces qui sont opposées. 231.
Mais il y a une question à ce sujet : car une fois que ces termes ont
été posés, il ne s’ensuit pas une conclusion qui est fausse, mais une
conclusion vraie. La conclusion sera en effet que A appartient à B auquel on
suppose qu’il appartient immédiatement. Mais il faut dire que cet exemple est
présenté seulement pour manifester comment la majeure peut être vraie et la
mineure fausse. Mais cet exemple n’a pas sa place lorsque le propos est
de rechercher une conclusion fausse. Et c’est pourquoi le Philosophe ajoute
[160] : Mais peu importe que
l’attribution ne se fasse pas immédiatement. Nous pouvons en effet prendre des termes
tels que A n’appartienne à B ni immédiatement ni d’aucune manière; et même
plus encore, qu’il lui soit retiré de façon immédiate. Et il n’est même pas
nécessaire qu’il appartienne à C individuellement, car il n’est pas nécessaire
que celui qui démontre se serve seulement de propositions immédiates, mais
aussi de celles qui recevront l’adhésion au moyen de propositions immédiates.
Nous pouvons donc prendre d’autres termes qui se rapportent au propos, comme
si nous prenions comme moyen terme
substance intellectuelle : en effet, toute intelligence est une
substance; mais la mineure est
fausse, à savoir : toute quantité est une intelligence. D’où s’ensuit
une conclusion fausse. 232.
Ensuite lorsqu’il dit [161] : Donc,
l’erreur d’attribution etc., il répond à une question sous-entendue.
Quelqu’un en effet pourrait exiger de là qu’on montre la diversité de ce
syllogisme dans les autres figures. Mais lui-même répond que l’erreur qui
porte sur l’être, c’est-à-dire par
laquelle quelqu’un juge faussement une proposition affirmative, ne peut se
produire qu’en première figure :
car dans une autre figure, c’est-à-dire dans la deuxième, on ne peut obtenir un syllogisme affirmatif. Et la
troisième figure ne convient pas au propos car elle ne permet pas de conclure
universellement, ce qui est poursuivi principalement dans la démonstration et
dans ce syllogisme. |
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LECTIO 28 |
LEÇON 28. Du syllogisme
de l’ignorance par lequel, en première et en deuxième figure, on parvient à
une conclusion négative fausse contraire à une affirmative immédiate
(nn.
233-239; [162-168]). |
[79699] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 28 n. 1Postquam philosophus ostendit quomodo
concludatur per syllogismum affirmativa falsa, contraria negativae
immediatae, hic ostendit quomodo per syllogismum concludatur negativa falsa,
contraria affirmativae immediatae. Et primo, in prima figura ; secundo, in
secunda ; ibi : sed in media figura et cetera. Circa primum duo facit. Primo,
ostendit de quo est intentio. Et dicit quod cum negativa universalis concludi
possit in prima et in secunda figura, primo dicendum est quot modis
syllogismus ignorantiae fiat in prima figura, et qualiter se habentibus propositionibus
in veritate et falsitate. Secundo ; ibi : contingit quidem etc., prosequitur
propositum. Et primo, ostendit quomodo fiat talis syllogismus in prima figura
ex duabus falsis ; secundo, quomodo fiat ex altera vera et altera falsa ; ibi
: contingit autem et altera et cetera. [79700] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 28 n. 2Dicit ergo primo quod praedictus
syllogismus fieri potest ex utrisque falsis. Quod patet si a sit et in c et
in b individualiter, idest immediate. Est autem immediate genus in proximis
speciebus, in quas primo dividitur, sicut color in albedine et nigredine.
Genus enim per se praedicatur de specie, quia primo ponitur in eius
definitione ; et immediate praedicatur de specie proxima, quia immediate in
eius definitione ponitur, non autem ex hoc, quod ponatur in definitione
alicuius partis definientis, sicut se habet genus remotum ad ultimam speciem.
Sint ergo termini, color, albedo, nigredo. Si ergo accipiatur a quidem in
nullo c esse, utpote si dicamus : nulla albedo est color ; c autem in omni b,
ut puta si dicamus : omnis nigredo est albedo ; falsae sunt ambae
propositiones, et falsa est conclusio, scilicet : nulla nigredo est color. [79701] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 28 n. 3Deinde cum dicit : contingit autem etc.,
ostendit quomodo possit esse in praedicto syllogismo altera vera et altera
falsa. Et primo ostendit quomodo possit esse maior vera et minor falsa ;
secundo, quomodo contingit e converso ; ibi : sed et eam quae est et cetera.
Dicit ergo primo quod contingit syllogismum ignorantiae negativum fieri in
prima figura, falsa existente altera propositionum indifferenter, quaecunque
sit illa. Potest enim contingere quod haec propositio a.c, quae est maior,
sit vera, et propositio, quae est b.c, sit falsa, quae est minor. Et quod
propositio maior possit esse vera, probat per hoc, quod iste terminus a,
quicunque sit ille, non est necesse quod insit omnibus, sicut color non
praedicatur de omnibus entibus. Quod autem minor sit falsa, probat per hoc,
quia non potest accipi aliquis terminus, a quo universaliter negetur a, qui
quidem terminus praedicetur de b : supponimus enim quod haec sit vera et
immediata : omne b est a. Si ergo aliquid universaliter praedicetur de b, ita
quod haec sit vera, omne b est c, non potest esse quod de
illo universaliter negetur a. Et ita haec propositio : nullum c est a,
non erit vera ; quae erat maior. Si enim omne b est a, ut supponitur, et omne
b est c, ut assumitur, sequitur in tertia figura : quoddam c est a, quae est
contradictoria maioris. Falsa ergo erit ista : nullum c est a. Si ergo haec
sit vera, quae est maior, necesse est quod haec sit falsa, quae est minor :
omne b est c. Secundo, probat per hoc quod ex duabus veris non potest
concludi falsa, ut supra probatum est. Datur autem haec esse vera : nullum c
est a. Si ergo etiam haec sit vera : omne b est c ; sequitur quod conclusio
sit vera : nullum b est a ; quae tamen supponitur esse falsa, utpote
contraria huic immediatae propositioni : omne b est a. [79702] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 28 n. 4Deinde cum dicit : sed et eam etc.,
ostendit quomodo minor sit vera, maiori existente falsa. Et dicit quod
propositio c.b, scilicet minor, potest esse vera, cum maior sit falsa. Quia
enim haec propositio : omne b est a, cuius contraria debet concludi, est immediata,
necesse est quod b sit in a sicut pars in toto, sicut albedo in colore.
Potest autem accipi aliquid aliud, in quo etiam sit b sicut in toto, non
tamen immediate, et sit illud qualitas quae sit c. Necesse est ergo, secundum
praedicta, quod horum duorum, scilicet a et c, alterum sit sub altero, idest
color sub qualitate. Si ergo aliquis accipiat a in nullo c esse, ut puta, si
dicat : nulla qualitas est color, falsa erit propositio. Minor autem erit
vera, scilicet : omnis albedo est qualitas. Conclusio autem erit falsa, et
immediatae contraria, scilicet : nulla albedo est color. Sic ergo manifestum
est quod potest fieri syllogismus ignorantiae negativus in prima figura, et
altera propositione falsa et utrisque. [79703] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 28 n. 5Deinde cum dicit : sed in media figura
etc., ostendit quomodo syllogismus ignorantiae negativus fiat in secunda
figura. Et primo, quando utraque est falsa ; secundo, quando altera tantum ;
ibi : similiter autem et alteram esse falsam et cetera. Dicit ergo primo
quod in media figura non contingit utrasque propositiones esse totas
falsas. Et dicit totas falsas illas, quae sunt contrariae propositionibus
veris. Et hoc probat. Quia cum debeamus concludere negativam falsam
contrariam affirmativae immediatae, necesse est accipere quod haec sit vera
et immediata, omne b est a, puta, omnis albedo est color. Sic autem se
habentibus terminis, non potest inveniri aliquis medius terminus, qui
universaliter praedicetur de uno termino, et universaliter removeatur ab
altero. Detur enim quod ille terminus c
universaliter removeatur ab a, et universaliter praedicetur de b ; erit ergo
haec vera : nullum a est c ; quare et conversa erit vera : nullum c est a ;
sed omne b est c, ergo nullum b est a ; cuius contrarium fuit suppositum.
Similiter etiam non potest esse quod universaliter removeatur a b, et
universaliter praedicetur de a ; quia si haec est vera : omne a est c, et
conversa erit vera : quoddam c est a. Si autem haec est vera : nullum b est
c, et conversa erit vera : nullum c est b. Sic ergo ex his duabus
propositionibus : quoddam c est a ; nullum c est b ; sequitur, quoddam b non
est a, quae est contradictoria eius, quae supponebatur, omne b est a.
Relinquitur ergo quod impossibile est inveniri aliquod medium, quod,
praedicto modo se habentibus a et b, de uno praedicetur, et ab alio
removeatur. Et tamen oportet, si debeat fieri syllogismus in secunda
figura, ut medium de uno extremorum praedicetur, et de
alio negetur. Et ideo si ambae sunt falsae totaliter, oportet quod earum
contrariae sint verae ; quod est impossibile, ut probatum est. Nihil tamen
prohibet utramque propositionem esse falsam particulariter. Puta, si
accipiamus quoddam medium, quod particulariter praedicetur de a et de b, puta
masculus, quod particulariter praedicatur de animali et de homine. Si ergo
accipiatur c esse in omni a, puta, si accipiamus : omne animal esse masculum
; et accipiamus c in nullo b esse, puta si dicamus :
nullus homo est masculus ; utraque propositio est falsa, non tamen totaliter,
sed particulariter. Et eadem ratio est, si e converso maior sit negativa, et
minor affirmativa. Ut si dicamus : nullum animal est masculum ; omnis homo
est masculus. [79704] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 28 n. 6Deinde cum dicit : similiter autem alteram
etc., ostendit quomodo contingit alteram esse falsam. Et primo in secundo
modo secundae figurae ; secundo in primo ; ibi : similiter autem fit
transposito et cetera. Dicit ergo primo quod contingit in hac figura alteram
propositionem esse falsam indifferenter, quaecunque sit illa. Quod patet ex
hoc, quia cum supponatur a per se et immediate praedicari de
b, quidquid est in omni a est in omni b ; sicut omne quod
universaliter praedicatur de animali, praedicatur universaliter de homine. Si
ergo accipiatur aliquod medium c, quod universaliter praedicetur de a, ut si
dicamus : omne animal est vivum ; et universaliter removeatur a b, ut si
dicamus : nullus homo est vivus : patet quod a.c, quae est maior propositio,
erit vera ; sed b.c quae est minor, erit falsa. Et similiter probat quod e
converso contingit maiorem esse falsam. Non enim potest esse quod aliquid
universaliter removeatur a b, et universaliter praedicetur de a, terminis sic
se habentibus. Dictum est enim quod si aliquid est in a
universaliter, sequitur quod sit in b. Si ergo aliquid removeatur a b
universaliter, non potest esse quod universaliter praedicetur de a. Sicut
quod universaliter removetur ab homine, non potest universaliter praedicari
de animali. Si ergo accipiatur aliquid, quod universaliter removeatur ab
homine, puta, irrationale, et dicatur sic : omne animal est irrationale ;
nullus homo est irrationalis ; sequitur quod minor propositio sit vera, et
maior falsa. Sed in his terminis, maior propositio non est totaliter falsa.
Potest autem accipi terminus in quo sit totaliter falsa, puta si accipiamus
inanimatum pro medio. [79705] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 28 n. 7Deinde cum dicit : similiter autem fit
etc., ostendit idem in primo modo secundae figurae, in quo maior est
negativa. Manifestum est enim quod, praedictis terminis, scilicet a et b, sic
se habentibus ut dictum est, quod universaliter removetur ab a, non poterit
esse in nullo b. Si ergo accipiatur c medium, quod universaliter removetur ab
a, et universaliter praedicetur de b ; erit maior propositio vera et minor
falsa. Puta si sint isti termini, inanimatum, animal, homo. Et similiter
ostendit quod potest esse minor vera, et maior falsa. Manifestum est enim,
secundum praedicta, quod id quod universaliter praedicatur de b, non potest
removeri universaliter ab omni a : quia quod universaliter praedicatur de b,
ad minus oportet in quodam a esse. Si ergo accipiatur c medium, quod
universaliter praedicetur de b, puta, rationale, vel vivum, et universaliter
negetur de a ; minor propositio erit vera, scilicet : omnis homo est
rationale, vel vivum. Maior autem : nullum animal est rationale, est falsa in
parte ; nullum animal est vivum, est falsa in toto. Deinde epilogando
concludit quod syllogismus deceptivus potest fieri in immediatis, utrisque
propositionibus existentibus falsis, vel altera tantum. |
233.
Après avoir montré comment on conclut par syllogisme une affirmative fausse
contraire à une négative immédiate, le Philosophe montre ici comment on
conclut par syllogisme une négative fausse contraire à une affirmative
immédiate. Et en premier lieu il le montre en
première figure [162]; en deuxième lieu, il le montre en deuxième figure, là
[166] où il dit : Mais en deuxième
figure etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses. En premier lieu il montre sur quoi porte le propos. Et il dit que
puisqu’une universelle négative peut être conclue en première et en deuxième
figure, il faut d’abord dire de combien de manières le syllogisme de
l’ignorance peut se produire en première figure et de quelles manières les
propositions se rapportent à la vérité et à la fausseté. En deuxième lieu, là [163] où il
dit : Il est certes possible
etc., il poursuit son propos. Et en premier lieu, il montre de quelle
manière se produit un tel syllogisme en première figure à partir de deux
propositions fausses; en deuxième lieu, comment il se produit à partir d’une
proposition vraie et d’une autre qui est fausse, là [164] où il dit : Mais l’erreur est encore possible quand
l’une etc. 234.
Il dit donc en premier lieu [163] que le syllogisme de l’ignorance dont on
parle peut se produire à partir de deux propositions fausses. Ce que l’on
voit si A appartient à la fois à C et à B individuellement, c’est-à-dire
immédiatement. Mais c’est de façon immédiate que le genre se rapporte aux
espèces prochaines en lesquelles il se divise en premier lieu, tout comme la
couleur se divise en blancheur et en noirceur. Le genre en effet s’attribue
par soi ou essentiellement à l’espèce car il occupe la première place dans sa
définition; et c’est de façon immédiate qu’il s’attribue à l’espèce prochaine
car c’est de façon immédiate qu’il est posé dans sa définition et non du fait
qu’il est posé dans la définition de n’importe quelle partie qui définit,
comme le genre éloigné par rapport à l’espèce dernière. Posons donc les
termes couleur, blancheur et noirceur. Si donc on admet que A n’est présent dans aucun C,
comme si on disait qu’aucune blancheur
n’est une couleur; mais que C est présent en tout B, comme si nous disions
que Toute noirceur est une blancheur;
on obtient ainsi des propositions qui sont toutes les deux fausses et une
conclusion qui est fausse, à savoir : Aucune noirceur n’est une couleur. 235.
Ensuite lorsqu’il dit [164] : Mais
il est possible etc., il montre comment il se peut, dans le syllogisme
qui précède, qu’une proposition soit fausse et l’autre vraie. Et en premier lieu il montre comment il se
peut que la majeure soit vraie et la mineure fausse : en deuxième
lieu il montre comment l’inverse est possible, là [165] où il dit : Mais il arrive encore que celle qui est
etc. Il dit donc en premier lieu [164] qu’il arrive que le syllogisme de
l’ignorance dans sa forme négative se produise en première figure alors
qu’une seule des propositions est fausse, que ce soit indifféremment la
majeure ou la mineure. Il peut arriver en effet que la proposition A-C, qui
est la majeure, soit vraie, et que
la proposition B-C, qui est la mineure,
soit fausse. Et que la proposition majeure
puisse être vraie, il le prouve par ceci qu’il n’est pas nécessaire que
ce terme A, quel qu’il soit, appartienne à toutes les choses, tout comme la
couleur ne s’attribue pas à toutes choses. – Mais que la mineure soit fausse, il le prouve par ceci qu’on ne peut
prendre n’importe quel terme duquel A soit nié universellement, lequel terme
serait certes attribué à B : supposons en effet que cette proposition
soit vraie et immédiate : Tout B
est A. Si donc quelque chose est attribué universellement à B de telle
manière que cette proposition, Tout B
est C, soit vraie, il n’est pas possible que A soit nié universellement
de ce terme C. Et ainsi cette proposition qui était la majeure, à savoir Aucun
C n’est A, ne sera pas vraie. Si en effet Tout B est A, comme on le suppose, et que Tout B est C, comme on le pose, il s’ensuit en troisième figure
que Quelque C est A, ce qui est la
contradictoire de la majeure. Cette proposition sera donc fausse, à savoir Nul C n’est A. Si donc la proposition majeure était vraie, il serait
nécessaire que cette proposition qui est la
mineure, à savoir Tout B est C,
soit fausse. En deuxième lieu il le prouve par ceci que
de deux prémisses vraies on ne peut conclure le faux, comme nous l’avons
prouvé plus haut. Mais on a concédé que cette proposition, Aucun C n’est A, est vraie. Si donc
cette proposition, Tout B est C,
est vraie elle aussi, il s’ensuivra nécessairement que cette conclusion, Aucun B n’est A, sera vraie, bien
qu’on supposait cependant qu’elle était fausse puisqu’elle est contraire à la
proposition immédiate suivante : Tout
B est A. 236.
Ensuite lorsqu’il dit [165] : Mais
il se peut que celle etc., il montre comment il se peut que la mineure soit vraie et que la majeure soit fausse. Et il dit que
la proposition C-B, c’est-à-dire la mineure, peut être vraie alors que la
majeure est fausse. En effet, puisque cette proposition, Tout B est A, dont la contraire doit être conclue, est immédiate,
il est nécessaire que B soit en A comme une partie est dans son tout, par
exemple comme la blancheur est dans la couleur. Mais on peut aussi prendre
quelque chose d’autre dans lequel soit aussi B comme dans un tout mais non
d’une façon immédiate, soit la qualité
qui est le terme C. Il est donc nécessaire, selon ce qui précède, que de ces
deux termes, à savoir A et C, l’un soit contenu sous l’autre, à savoir la
couleur sous la qualité. Si donc quelqu’un admet que A n’est dans aucun C,
par exemple s’il disait : Aucune
qualité n’est une couleur, la proposition sera fausse. Mais la mineure sera vraie,
c’est-à-dire : Toute blancheur est
une qualité. Mais la conclusion, à savoir Aucune blancheur n’est une couleur, sera fausse et contraire à la
proposition immédiate. Ainsi donc il est manifeste que le syllogisme de
l’ignorance sous sa forme négative peut se produire en première figure, que
ce soit l’une des prémisses qui est fausse ou toutes les deux. 237.
Ensuite lorsqu’il dit [166] : Mais
en deuxième figure etc., il montre comment le syllogisme de l’ignorance
se produit en deuxième figure. Et en premier lieu, il le fait quand les
deux prémisses sont fausses; deuxièmement il le fait quand l’une des deux
seulement est fausse, là [167] où il dit : Mais de la même manière si l’une des deux est fausse etc. Il dit donc en premier lieu [166] qu’en
première figure il n’est pas possible que les deux prémisses soient
totalement fausses. Et il appelle totalement fausses ces propositions qui
sont contraires à celles qui sont vraies. Et il prouve cela. Car puisque nous
devrions conclure une négative fausse contraire à l’affirmative immédiate, il
est nécessaire d’admettre que cette proposition, Tout B est A, est vraie et immédiate, soit par exemple Toute blancheur est une couleur. Mais
les termes se présentant de cette manière, on ne peut trouver un moyen terme
qui serait attribué universellement de l’un de ces termes et qui serait nié
totalement de l’autre. Si on concède en effet que ce terme C est nié
totalement de A et affirmé totalement de B, cette proposition, à savoir Nul A n’est C, sera donc vraie et
c’est pourquoi sa conversion, à savoir Nul
C n’est A, sera elle aussi vraie; mais Tout B est C; donc, Aucun B
n’est A, dont on avait supposé le contraire comme étant vrai. De la même
manière encore on ne peut trouver un terme qui soit universellement nié de B
et universellement affirmé de A; car si la proposition suivante, Tout A est C, est vraie, sa conversion
sera vraie, à savoir Quelque C est A;
mais si cette autre proposition, à savoir Nul
B n’est C, est vraie, sa conversion le sera aussi, à savoir : Nul C n’est B. Ainsi donc, de ces deux
propositions, à savoir Quelque C est A
et Aucun C n’est B, il s’ensuit que
Quelque B n’est pas A, ce qui est
la contradictoire de ce qu’on supposait au début comme vrai, à savoir Tout B est A. Il reste donc qu’il est
impossible de trouver un moyen terme qui, les termes A et B se rapportant
l’un à l’autre de la manière que nous avons dite, soit affirmé de l’un et nié
de l’autre. Et cependant il faut, si le syllogisme doit se produire en deuxième figure, que le moyen terme soit affirmé de l’un
des extrêmes et nié de l’autre. Et c’est pourquoi, si les deux propositions
sont totalement fausses, il faut que leurs propositions contraires soient
vraies; ce qui est impossible ainsi que nous l’avons
prouvé. Rien n’empêche cependant que les deux
propositions soient fausses en partie. Par exemple, si on prenait un moyen
terme qui s’attribuerait en partie à A et à B, par exemple masculin, qui s’attribue
particulièrement à l’animal et à l’homme. Si donc on admet que C est dans
tout A, par exemple si on admettait que Tout
animal est masculin; et si on admettait que C n’est dans aucun B, par
exemple si on disait que Aucun homme
n’est masculin; il se trouve que les deux propositions sont fausses, et
cependant elles ne le sont pas totalement, mais en partie seulement. Et la
même raison vaudrait si inversement la
majeure était négative et que la
mineure était affirmative. Par exemple, si nous disions : Aucun animal n’est masculin; Tout homme est masculin. 238.
Ensuite lorsqu’il dit [167] : Mais
il en est de même si l’une etc., il montre comment il est possible que
l’une des deux soit fausse. Et il le montre en premier lieu dans le
deuxième mode de la deuxième figure; deuxièmement il le montre dans le
premier mode de la deuxième figure, là [168] où il dit : Mais il en sera de même si on renverse la
position etc. Il dit donc en premier lieu [167] qu’il peut se faire dans cette figure que
l’une des propositions soit fausse, n’importe laquelle, que ce soit la
majeure ou la mineure. Ce qui apparaît avec évidence à partir de ceci que
puisqu’on suppose que A s’attribue à B essentiellement
et immédiatement, tout ce qui se trouve
à être dans tout A se trouve aussi à être dans tout B; par exemple, tout
ce qui se trouve à être attribué universellement à l’animal se trouve aussi à
être attribué universellement à l’homme. Par exemple, prenons un moyen terme
C qui s’attribue universellement à A, par exemple si nous disions : Tout animal est vivant; lequel terme
est aussi nié universellement de B, comme si nous disions : Aucun homme n’est vivant : il est
alors clair que la majeure A-C sera
vraie mais que la mineure B-C sera fausse. Et de la même manière il prouve qu’il est
possible inversement que la majeure soit fausse. Il n’est pas possible en
effet que quelque chose soit nié universellement de
B et universellement affirmé de A si ces deux termes gardent entre eux le
même rapport. Nous avons dit en effet que si quelque chose est dans A
universellement, il s’ensuit qu’il soit aussi en B. Si donc quelque chose est
nié de B universellement, il est impossible à ce quelque chose d’être
attribué universellement à A. Par exemple, ce qu’on nie universellement de
l’homme de peut être attribué universellement à l’animal. Ainsi donc, si on
prend un terme qui est nié universellement de l’homme, par exemple irrationnel, on dira : Tout animal est irrationnel; Nul homme n’est irrationnel :
dans ce cas, il s’en suivra que la proposition mineure sera vraie et que la proposition majeure sera fausse. Mais si on en considère les termes, la majeure n’est pas totalement
fausse. Mais on peut prendre un terme par lequel elle serait totalement
fausse, par exemple si on prenait inanimé
comme moyen terme. 239.
Ensuite lorsqu’il dit [168] : Mais
de la même manière s’il y a etc., il montre la même chose dans le premier
mode de la deuxième figure, dans lequel la
majeure est négative. Il est manifeste en effet que, les termes qui
précèdent, à savoir A et B, se présentant dans le rapport que nous avons dit,
ce qui est nié universellement de A n’appartiendra non plus à aucun B. Si
donc on prend C comme moyen terme
qui est nié universellement de A et affirmé universellement de B, nous aurons
une majeure vraie et une mineure fausse, par exemple si on
avait ces termes, à savoir inanimé,
animal et homme. Et de la même manière il montre qu’il est
possible que la mineure soit vraie
et la majeure fausse. Il est
manifeste en effet, d’après ce que nous avons déjà dit, que ce qui est
universellement attribué à B ne peut être nié universellement de tout A; car ce qui est attribué
universellement à B doit certainement se retrouver dans une partie de A. Si
donc on prend C comme moyen terme
qui est attribué universellement à B, par exemple rationnel ou vivant,
lequel sera aussi nié universellement de A; alors la proposition mineure sera vraie, à savoir Tout homme est rationnel ou vivant. Mais la majeure, à savoir Aucun
animal n’est rationnel, sera fausse en partie; mais Nul animal n’est vivant sera fausse totalement. Ensuite il termine comme par un résumé en
disant que le syllogisme erroné peut se produire dans les propositions
immédiates, aussi bien quand les deux propositions sont fausses que quand une
seule l’est. |
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LECTIO 29 |
LEÇON 29. Du syllogisme
de l’ignorance dans les propositions médiates
(nn.
240-247; [169-176]). |
[79706] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 29 n. 1Postquam philosophus ostendit quomodo
syllogismus ignorantiae fit in propositionibus immediatis, hic ostendit
quomodo fit in propositionibus mediatis. Et primo, quomodo concludatur
propositio negativa falsa, quae opponitur affirmativae verae ; secundo,
quomodo concludatur affirmativa falsa, quae opponitur negativae verae ; ibi :
si vero sit affirmativus et cetera. Circa
primum duo facit : primo, ostendit quomodo hoc fiat
in prima figura ; secundo, in secunda : ibi : sed per mediam figuram et
cetera. Circa primum tria facit : primo, ostendit
quomodo fit syllogismus ignorantiae in propositionibus mediatis, per medium proprium
; secundo, quomodo fit per medium quidem non proprium, sed tamen similem
habitudinem habens ad terminos, sicut medium proprium ; ibi : similiter autem
est, et si ex alia ordinatione etc. ; tertio, ostendit quomodo fit praedictus
syllogismus per medium extraneum ; ibi : si vero non per proprium medium et
cetera. [79707] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 29 n. 2Dicit ergo primo quod, quando syllogismus
concludens falsum, fit in propositionibus, quae non sunt individuae, idest
immediatae, si accipiatur proprium medium, unde fit syllogismus,
non potest esse utrasque propositiones esse falsas, sed solum maiorem. Et exponit
quid nominet proprium medium. Ex quo enim propositio, cuius
contraria syllogizatur, est mediata, oportet quod praedicatum syllogizetur de
subiecto per aliquod medium. Potest ergo illud idem medium accipi
ad concludendum oppositum. Puta, haec est propositio mediata
: omnis triangulus habet tres angulos aequales duobus rectis ; medium
autem per quod syllogizatur praedicatum de subiecto, est figura habens
angulum extrinsecum aequalem duobus intrinsecis sibi oppositis. Si ergo
velimus probare quod nullus triangulus habet tres angulos aequales duobus
rectis per hoc idem medium, erit syllogismus falsitatis per proprium
medium. Et ideo dicit quod medium proprium est, per
quod fit syllogismus contradictionis, idest ad oppositum. Puta in
praedicto exemplo : sit a triangulus, b habere tres,
medium c figura talis. In prima autem figura necesse est minorem esse
affirmativam, et ideo oportet quod illa, quae erat minor in syllogismo vero,
maneat non conversa nec transmutata in suam oppositam in syllogismo falsitatis.
Unde oportet quod semper sit vera. Sed maior propositio veri syllogismi
convertitur in negativam contrariam ; et ideo
oportet quod maior sit falsa. Puta si
dicamus : nulla figura habens etc. habet tres etc. ; omnis triangulus est
figura talis ; ergo et cetera. [79708] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 29 n. 3Deinde cum dicit : similiter autem est
etc., ostendit quomodo fit praedictus syllogismus per medium
extraneum, sed simile proprio. Et dicit quod similiter
syllogizabitur, si medium accipiatur ex alia ordinatione. Puta si a
demonstretur de b per c, et accipiamus in syllogismo falsitatis medium non c,
sed d, ita tamen quod d etiam contineatur universaliter sub a et praedicetur
universaliter de b, puta si accipiamus pro medio figuram contentam tribus lineis
rectis ; quia hic etiam necesse est minorem propositionem, scilicet db,
manere sicut erat in syllogismo concludente verum, quamvis per proprium
medium ; maiorem autem propositionem necesse est transmutari in
contrariam : et ideo semper minor erit vera, et maior semper erit falsa. Et
quantum ad modum arguendi ista deceptio est similis ei, quae fit per proprium
medium. [79709] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 29 n. 4Deinde cum dicit : si vero non per proprium
etc., ostendit quomodo fit syllogismus falsitatis per medium extraneum, et
dissimile proprio. Potest autem hoc medium hoc modo accipi, ut contineatur
universaliter sub a, et de nullo b praedicetur. Et in hoc casu oportebit
utrasque propositiones esse falsas, quia oportebit, ad hoc quod fiat
syllogismus in prima figura, accipere propositiones e contrario,
ut scilicet accipiamus maiorem negativam et dicamus, nullum d est a, et
minorem affirmativam, et dicamus : omne b est d : et sic patet utrasque esse
falsas. Et haec quidem terminorum habitudo inveniri non potest in
convertibilibus, sicut in subiecto et passione, quae per aliquod medium de
subiecto concluditur. Manifestum est enim quod non potest accipi aliquid, de
quo passio universaliter praedicetur, quod a subiecto universaliter
removeatur. Sed haec habitudo potest inveniri, quando propositio est mediata,
ex hoc quod superius genus vel passio superioris generis praedicatur de
ultima specie ; puta si dicamus : omnis homo est vivus. Vivum enim potest
concludi de homine per medium, quod est animal. Si ergo accipiamus aliquid,
de quo vivum universaliter praedicetur, sicut est oliva, quae vere removetur
ab homine universaliter, erit habitudo terminorum, quam quaerimus. Haec enim
erit falsa : nulla oliva est viva ; et minor erit similiter falsa : omnis
homo est oliva ; et similiter conclusio erit falsa : nullus homo est vivus,
quod est contrarium propositioni verae mediatae. Contingit etiam maiorem esse
veram et minorem esse falsam ; puta si accipiamus pro medio aliquid, quod non
contineatur sub a, puta lapidem. Tunc enim maior, quae est a.d, erit vera,
scilicet, nullus lapis est vivens ; quia lapis non continetur sub vivo : sed
minor erit falsa, scilicet, omnis homo est lapis. Si enim esset haec vera,
prima existente vera, sequeretur quod conclusio esset vera, cum tamen dictum
sit quod sit falsa. Non autem potest esse e converso quod minor sit vera si
sit medium extraneum, quia medium extraneum non poterit universaliter
praedicari de b. Oportet autem semper minorem affirmativam accipere in prima
figura. [79710] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 29 n. 5Deinde cum dicit :
sed per mediam figuram etc., ostendit quomodo fit syllogismus ignorantiae
negativus in secunda figura. Et dicit
quod non potest contingere in secunda figura, quod utraque propositio sit
falsa totaliter. Si enim debeat concludi haec falsa, nullum b est a,
contraria verae ; oportet quod a universaliter praedicetur de b. Unde non
poterit aliquid inveniri, quod universaliter praedicetur de uno, et
universaliter negetur de altero ; sicut supra dictum est, cum agebatur de
syllogismo ignorantiae in immediatis. Potest tamen altera tantum esse
totaliter falsa, quaecunque sit illa. Et hoc manifestat primo in secundo modo
secundae figurae, in quo maior est affirmativa et minor negativa. Sit ergo
medium sic se habens ad extrema, ut universaliter de utroque praedicetur
sicut vivum praedicatur universaliter et de homine et de animali. Si ergo
accipiatur maior affirmativa, ut dicamus, omne animal est vivum ; et
accipiatur minor negativa, ut dicatur, nullus homo est vivus ; maior erit
vera et minor falsa, et conclusio falsa. Similiter etiam si accipiamus in
primo modo secundae figurae maiorem negativam, ut dicamus, nullum animal est
vivum ; et minorem affirmativam, ut dicamus, omnis homo est vivus ; erit
maior falsa et minor vera, et conclusio falsa. Ex his dictis epilogando
concludit dictum esse quando et per quae possit fieri deceptio, si
syllogismus deceptivus sit privativus. [79711] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 29 n. 6Deinde cum dicit : si vero sit affirmativus
etc., ostendit quomodo fiat affirmativus syllogismus deceptionis in
propositionibus mediatis. Et primo, quando fit per proprium medium ; secundo
quando fit per medium simile proprio ; ibi : similiter autem et si ex alia
etc. ; tertio, quando fit per medium extraneum ; ibi : cum vero fit per non
proprium et cetera. Dicit ergo primo quod si fiat syllogismus deceptionis
affirmativus in propositionibus mediatis, si accipiatur proprium medium, ut
supra expositum est, impossibile est quod utraque sit falsa. Quia cum talis
syllogismus non possit fieri nisi in prima figura, utraque existente
affirmativa, necesse est quod minor propositio maneat hoc modo, sicut erat in
vero syllogismo. Unde oportebit maiorem propositionem esse mutatam, scilicet
de negativa in affirmativam ; unde oportebit quod sit falsa. Puta si velimus
concludere quod omnis homo sit quantitas, quod est contrarium huic, nullus
homo est quantitas, cuius proprium medium est substantia ;
accipiemus istam falsam, omnis substantia est quantitas, et hanc veram, omnis
homo est substantia. [79712] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 29 n. 7Deinde cum dicit : similiter autem et si
etc., ostendit quomodo fit syllogismus ignorantiae, quando accipitur medium
non proprium, quod sit eiusdem ordinis, sed ex alia coordinatione. Puta si
dicerem : omne agens est quantitas ; omnis homo est agens ; ergo omnis homo
est quantitas. Oportet enim hic minorem manere, maiorem vero mutari de
negativa in affirmativam. Unde et haec deceptio similis est priori
deceptioni, sicut dicebatur in syllogismo privativo. [79713] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 29 n. 8Deinde cum dicit : cum vero sit non etc.,
ostendit quomodo fiat syllogismus deceptionis affirmativus per medium
extraneum ; et dicit quod si accipiatur tale medium extraneum, quod contineatur
sub maiori extremitate, tunc maior propositio erit vera, et minor falsa.
Potest enim a, quae est maior extremitas, de pluribus universaliter
praedicari, quae non sunt sub invicem ; puta habitus de grammatica et
virtute. Haec enim est mediata, nulla grammatica est virtus. Possumus ergo
concludere contrarium huius, scilicet : omnis grammatica est virtus, per
aliquod medium, quod contineatur sub virtute ; et tunc maior erit vera, et
minor falsa. Puta si dicamus : omnis temperantia est virtus ; omnis
grammatica est temperantia ; ergo omnis grammatica est virtus. Si vero
accipiatur aliquod medium, quod non sit sub a, maior semper erit falsa, quia
accipitur affirmativa. Sed minorem contingit esse cum hac quandoque quidem
falsam, et tunc ambae erunt falsae, puta si dicamus : omnis albedo est virtus
; omnis grammatica est albedo ; ergo etc. ; quandoque autem potest esse vera
: nihil enim prohibet, sic se habentibus terminis, quod a removeatur ab omni
d, et d sit in omni b, sicut est in his terminis, animal, scientia, musica.
Animal enim, quod est maior extremitas, removetur universaliter ab omni
scientia ; unde haec, quae sumitur ut maior in syllogismo ignorantiae, omnis
scientia est animal, est falsa. Minor vero, scilicet, omnis musica est
scientia, est vera ; sed conclusio falsa contraria negativae verae mediatae.
Contingit etiam quod et a sit in nullo d, et d in nullo b, ut dictum est. Sic
igitur patet quod quando medium non continetur sub maiori extremitate,
possunt esse utraeque falsae et altera earum, quaecunque contingit, quia et
maior et minor potest esse falsa : maior autem non potest esse vera, sic se
habentibus terminis, ut supra dictum est. Ultimo autem epilogando concludit
manifestum esse ex praedictis, quot modis et per quas propositiones veras vel
falsas possunt fieri deceptiones per syllogismum, tam in propositionibus
immediatis, quam in propositionibus mediatis, quae demonstratione probantur. |
240.
Après avoir montré comment le syllogisme de l’ignorance se produit dans les
propositions immédiates, le Philosophe montre ici comment il se produit dans
les propositions médiates. Et en premier lieu, il montre comment est
conclue une proposition négative fausse qui s’oppose à une affirmative vraie;
en deuxième lieu, il montre comment est conclue une affirmative fausse qui
s’oppose à une négative vraie là [173] où il dit : Mais s’il est affirmatif etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il montre comment cela se produit en première
figure; en deuxième lieu, comment cela se produit en deuxième figure là [172]
où il dit : Mais si l’erreur vient
par la deuxième figure etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu il montre comment le syllogisme de l’ignorance
se produit dans les propositions médiates par un moyen terme qui est propre; en deuxième lieu, comment il se
produit par un moyen terme qui n’est pas propre mais qui se rapporte aux
autres termes de la même manière qu’un moyen terme qui est propre, là [170]
où il dit : Mais il en est encore
de même si le moyen terme se tire d’une autre classe d’attribution etc.; en troisième lieu il montre comment ce
syllogisme se produit par un moyen terme extérieur là [171] où il dit : Mais si ce n’est pas par un moyen terme
qui est propre etc. 241.
Il dit donc en premier lieu [169] que quand le syllogisme qui conclut le faux
se produit dans des propositions qui ne sont pas individuelles, c’est-à-dire
immédiates, si on prend un moyen terme
qui est propre d’où le syllogisme est produit, les deux propositions ne
peuvent être fausses, mais seulement la majeure peut l’être. Et il explique ce qu’il entend par
l’expression moyen terme propre. En
effet, du fait que cette proposition dont la proposition contraire est
syllogisée est médiate, il faut que le prédicat soit syllogisé du sujet par
un moyen terme. Ce même moyen terme
peut donc se prendre pour conclure l’opposé. Par exemple la proposition
suivante est médiate : Tout
triangle possède trois angles égaux à deux droits; mais le moyen terme par lequel le prédicat
est syllogisé du sujet est figure
possédant un angle extérieur égal aux deux angles intérieurs qui lui sont
opposés. Si donc nous voulions prouver, au moyen du même moyen terme, qu’aucun triangle ne possède trois angles égaux
à deux droits, on aura un syllogisme de la fausseté par un moyen terme
propre. Et c’est pourquoi il dit que le
moyen terme propre est celui par
lequel on obtient le syllogisme de la contradiction, c’est-à-dire le
syllogisme vrai contradictoire à celui de l’erreur. Par exemple dans
l’exemple précédent on aurait : A pour triangle; B pour posséder trois
angles etc.; C pour telle figure. Mais en première figure la mineure doit être affirmative et
c’est pourquoi la proposition qui était la mineure dans le syllogisme vrai
demeure non convertie ni changée dans son opposée dans le syllogisme de la
fausseté. D’où il faut qu’elle soit toujours vraie. Mais la proposition majeure du syllogisme vrai est
convertie dans la négative qui lui est contraire; et c’est pourquoi il faut
que la majeure soit fausse. Par exemple si nous disions : Aucune figure possédant un angle extérieur
etc. n’a trois etc.; or, tout triangle est une telle figure; donc, etc. 242.
Ensuite lorsqu’il dit [170] : Il
en est encore de même si etc., il montre comment le syllogisme de
l’erreur est produit par un moyen terme
extérieur mais semblable au
moyen terme propre. Et il dit qu’il sera syllogisé de la même manière si le
moyen terme est reçu d’une autre classe d’attribution. Par exemple, si A est
démontré de B par C et si dans le syllogisme de l’erreur on prend pour moyen
terme non pas C mais D, de telle manière cependant que D aussi soit contenu
universellement dans A et soit attribué universellement à B, par exemple, si
on prenait pour moyen terme figure contenue par trois lignes droites;
car ici aussi il est nécessaire que la proposition mineure, c’est-à-dire D B, demeure telle qu’elle était dans le
syllogisme qui conclut le vrai, bien que c’était là par le moyen terme propre; mais il faut que la proposition majeure soit transformée en la
proposition contraire : et c’est pourquoi la mineure sera toujours vraie et la majeure toujours fausse. Et quant au mode d’argumentation,
cette erreur est la même que celle qui se produit par le moyen terme propre. 243.
Ensuite lorsqu’il dit [171] : Mais
si le syllogisme n’est pas obtenu par le moyen terme propre etc., il
montre comment le syllogisme de l’erreur est obtenu par un moyen terme extérieur
et non semblable au moyen terme
propre. Mais ce moyen terme peut se
prendre de telle manière qu’il soit contenu universellement dans A mais
nullement attribué à B; et dans ce cas il faudra que les deux propositions
soient fausses car il faudra, pour qu’il y ait syllogisme en première figure, recevoir les
propositions inversement, c’est-à-dire de manière à recevoir la majeure comme
étant négative et à dire que Nul D
n’est A, et à recevoir la mineure comme affirmative et dire que Tout B est D; et ainsi il est évident
que les deux propositions seront fausses. Et certes ce rapport entre les termes ne
peut se retrouver dans des propositions convertibles, par exemple dans le sujet et la propriété qui se conclut du sujet par un moyen terme. Il est manifeste en effet qu’on ne peut rien
trouver à quoi la propriété serait attribuée universellement et qui serait
nié universellement du sujet. Mais on peut rencontrer ce rapport quand
la proposition est médiate du fait que le genre supérieur ou la propriété du genre
supérieur s’attribue à l’espèce dernière; par exemple, si nous disions :
Tout homme est vivant. Vivant en effet peut se conclure de
l’homme par le moyen terme animal. Si donc nous prenons une chose
à laquelle vivant est universellement attribué, par exemple l’olive qui est véritablement
universellement niée de l’homme, le rapport des termes que nous recherchons
sera obtenu. Nous aurons ainsi cette majeure fausse : Aucune olive n’est vivante; et la
mineure aussi sera fausse : Tout
homme est une olive; et de même la conclusion sera fausse : Nul homme n’est vivant, laquelle est
le contraire de la proposition médiate qui est vraie. Mais il est aussi possible que la majeure soit vraie et la mineure fausse; par exemple si nous
prenons pour moyen terme une chose qui n’est pas contenue dans A, par exemple
la pierre. Alors en effet la majeure, qui est A-D, à savoir Aucune pierre n’est vivante, sera
vraie car la pierre ne fait pas partie du
monde vivant; mais la mineure
sera fausse, à savoir Tout homme est
une pierre. Si en effet cette mineure était vraie, la majeure étant
vraie, il s’ensuivrait que la conclusion serait vraie bien que cependant par
hypothèse elle est fausse. – Mais il n’est pas possible à l’inverse que la mineure soit vraie si le moyen terme est extérieur car un moyen terme extérieur ne pourra
être attribué universellement à B. Mais il faut toujours que la mineure se prenne affirmativement
en première figure. 244.
Ensuite lorsqu’il dit [172] : Mais
par la deuxième figure etc., il montre comment le syllogisme de l’erreur
sous sa forme négative se produit en deuxième figure. Et il dit qu’il n’est
pas possible qu’en deuxième figure les deux propositions soient fausses
totalement. Si en effet cette proposition fausse devait être conclue, à
savoir Nul B n’est A, contraire à
la proposition qui est vraie, il faut que A soit attribué universellement à
B. De là on ne pourra rien trouver qui s’attribue universellement à l’un et
qui se nie universellement de l’autre ainsi que nous l’avons dit plus haut
lorsqu’il était question du syllogisme de l’ignorance dans les propositions
immédiates. Il est possible cependant que l’une des
deux seulement soit totalement fausse, peu importe laquelle. Et il manifeste
cela d’abord dans le deuxième mode
de la deuxième figure dans lequel la majeure est affirmative et la mineure
négative. Soit donc que le moyen terme
se rapporte de telle manière aux termes extrêmes qu’il s’attribue aux deux
universellement, comme vivant qui
s’attribue universellement à la fois à l’homme et à l’animal. Si donc on
prenait une majeure affirmative,
comme lorsque nous disons que Tout
animal est vivant, et une mineure
négative, comme lorsqu’on dit que Nul
homme n’est vivant, alors la
majeure sera vraie, la mineure
fausse et la conclusion fausse elle aussi. Il en serait encore de même si on
prenait, dans le premier mode de la
deuxième figure, une majeure
négative comme lorsque nous disons que Aucun animal n’est vivant, et une
mineure affirmative de manière à dire que Tout homme est vivant; alors, nous aurons une majeure fausse, une
mineure vraie et une conclusion fausse. Ceci étant dit, il termine comme
par un résumé en disant que nous avons établi quand et au moyen de quelles
sortes de prémisses l’erreur se produit si le syllogisme de l’erreur est négatif. 245.
Ensuite lorsqu’il dit [173] : Mais
si au contraire il était affirmatif etc., il montre comment le syllogisme
de l’erreur sous sa forme affirmative se produit dans les propositions
médiates. Et il le montre en premier lieu [173]
quand il se produit par un moyen terme qui est propre; deuxièmement, quand il
se produit par un moyen terme semblable à un moyen terme qui est propre, là
[174] où il dit : Mais de même
s’il procède d’une autre série etc.; troisièmement, il le montre quand le
syllogisme de l’erreur se produit par un moyen terme extérieur, là [175] où
il dit : Mais lorsqu’il se produit
par un moyen terme qui n’est pas propre etc. Il dit donc en premier lieu [173] que si
le syllogisme de l’erreur dans sa forme affirmative se produit dans des
propositions médiates, si on prend un moyen terme qui est propre, il est
impossible que les deux prémisses soient fausses ainsi que nous l’avons
montré plus haut. Car puisqu’un tel syllogisme ne peut se produire qu’en
première figure, les deux propositions étant affirmatives, il est nécessaire
que la proposition mineure demeure
telle qu’elle était dans le syllogisme qui était vrai. D’où il faudra que la
proposition majeure soit
transformée, c’est-à-dire qu’elle passe de la négation à l’affirmation et de
là il faudra qu’elle soit fausse. Par exemple, si nous voulions conclure
cette proposition, à savoir Tout homme
est une quantité, dont le moyen
terme propre est substance, et qui est contraire à celle-ci, Nul homme n’est une quantité, nous
devrions admettre cette majeure fausse, Toute
substance est une quantité, et cette mineure vraie, Tout homme est une substance. 246.
Ensuite lorsqu’il dit [174] : Mais
de la même manière si etc., il montre comment se produit le syllogisme de
l’ignorance quand on prend un moyen terme qui n’est pas propre, qui serait de
la même classe, mais qui est emprunté à une autre série. Par exemple si je
disais : Tout agent est une
quantité; tout homme est un agent;
donc, tout homme est une quantité.
Il faut en effet ici que la mineure
demeure la même mais que la majeure
passe de la négation à l’affirmation. C’est pourquoi cette erreur est
semblable à la première comme nous l’avions déjà dit pour le cas du
syllogisme d’erreur négative. 247.
Ensuite lorsqu’il dit [175] : Mais
quand le syllogisme ne procède pas etc., il montre comment se produit le
syllogisme de l’erreur dans sa forme affirmative par un moyen terme
extérieur; et il dit que si on prend un tel moyen terme qui est extérieur qui est contenu dans le grand
terme, alors la proposition majeure sera
vraie et la mineure fausse. A, qui
est le grand terme, peut en effet
s’attribuer universellement à une multiplicité de cas qui ne sont pas
subordonnés les uns aux autres, par exemple l’habitus pour la grammaire
et la vertu. Voici donc en effet la
proposition médiate Nulle grammaire
n’est une vertu. Nous pouvons donc conclure la proposition qui est
contraire à cette proposition et qui sera Toute
grammaire est une vertu grâce à un moyen
terme qui est contenu dans vertu,
et alors la majeure sera vraie et la mineure fausse. Par exemple, si nous
disions : Toute tempérance est une
vertu; toute grammaire est
tempérance; donc, toute grammaire
est une vertu. Mais si on prend un moyen
terme qui n’est pas contenu dans le grand terme A, la majeure sera toujours fausse car elle se prend
affirmativement. Mais il arrive parfois que la mineure soit fausse avec la majeure
et alors les deux prémisses seront fausses comme par exemple si nous
disions : Toute blancheur est une
vertu; toute grammaire est une
blancheur; donc, etc.; mais
parfois elle peut être vraie : rien en effet n’empêche, les termes se
présentant sous ce rapport, que A soit nié de tout D et que D soit affirmé de
tout B, comme c’est le cas pour ces termes : animal, science et musique. Animal en effet, qui est le grand terme, est nié
universellement de toute science; c’est pourquoi cette proposition qui est
prise comme majeure dans le syllogisme de l’ignorance, à savoir Toute science est un animal, est
fausse. Mais la mineure, à savoir Toute musique est une science, est
vraie; mais la conclusion contraire à la négative vraie et médiate est
fausse. Il est possible aussi que A ne soit en aucun D et D en aucun B ainsi
que nous l’avons dit. Ainsi donc il est clair que quand le moyen terme n’est pas contenu dans le grand terme, les deux prémisses
peuvent être fausses ou bien l’une des deux seulement peut être fausse,
quelle qu’elle soit, car la majeure
et la mineure peuvent être fausses;
mais, les termes se présentant de cette manière, la majeure ne peut être vraie comme nous l’avons dit plus haut. Et à la fin [176], comme en résumant ce
qu’il vient de dire, il conclut qu’à partir de ce qui a été dit on peut voir
clairement de combien de manières et par quelles sortes de prémisses vraies
ou fausses peuvent se produire les erreurs par syllogisme, aussi bien dans
les propositions immédiates que dans les propositions médiates qui sont
prouvées par démonstration. |
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LECTIO 30 |
LEÇON 30. Sur l’ignorance
de la simple négation
(nn.
248-254; [177-178]). |
[79714] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 30 n. 1Postquam philosophus determinavit de
ignorantia dispositionis, quae fit per syllogismum ; hic determinat de
ignorantia simplicis negationis, quae fit absque syllogismo. Et primo, ostendit
in quibus habeatur talis ignorantia ex necessitate ; secundo, probat
propositum ; ibi : siquidem addiscimus et cetera. [79715] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 30 n. 2Dicit ergo primo quod si alicui deficiat
aliquis sensus, puta visus aut auditus, necesse est quod deficiat ei scientia
propriorum sensibilium illius sensus. Puta, si cui deficit sensus visus,
necesse est quod deficiat ei scientia de coloribus. Et sic habebit de
coloribus ignorantiam negationis, omnino ignorans colorem. Sed hoc
intelligendum est quando nunquam habuit sensum visus, sicut patet in caeco
nato. Si quis enim amittat visum prius habitum, non propter hoc oportet quod
careat scientia colorum ; quia ex his, quae prius sensit, remanet in eo
memoria colorum. [79716] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 30 n. 3Contingit autem de aliquibus rebus haberi
ignorantiam negationis, quae tamen cognosci possunt per sensum
quem habemus : sicut si aliquis habens visum semper fuisset in tenebris,
careret quidem scientia colorum, sed non ex necessitate, quia posset
huiusmodi scientiam accipere sentiendo colores : quod non contingit in eo,
qui caret sensu visus. Et ideo addit quod impossibile est accipere
; quia videlicet ille, qui caret potentia visiva, non potest percipere
cognitionem colorum. [79717] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 30 n. 4Deinde cum dicit : siquidem addiscimus
etc., probat propositum per hoc quod duplex est modus acquirendi scientiam.
Unus quidem per demonstrationem, alius autem per inductionem ; quod etiam in
principio huius libri positum est. Differunt autem hi duo modi, quia
demonstratio procedit ex universalibus ; inductio autem procedit ex
particularibus. Si ergo universalia, ex quibus procedit demonstratio,
cognosci possent absque inductione, sequeretur quod homo posset accipere scientiam
eorum, quorum non habet sensum. Sed impossibile est universalia speculari
absque inductione. Et hoc quidem in rebus sensibilibus est magis manifestum,
quia in eis per experientiam, quam habemus circa singularia sensibilia,
accipimus universalem notitiam, sicut manifestatur in principio metaphysicae. [79718] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 30 n. 5Sed maxime hoc videtur dubium in his, quae
dicuntur secundum abstractionem, sicut in mathematicis. Cum enim experientia
a sensu ortum habeat, ut dicitur in principio metaphysicae, videtur quod hoc
locum non habeat in his, quae sunt abstracta a materia sensibili. Et ideo ad
hoc excludendum dicit quod etiam ea, quae dicuntur secundum abstractionem,
contingit nota facere per inductionem ; quia in unoquoque genere abstractorum
sunt quaedam particularia, quae non sunt separabilia a materia sensibili,
secundum quod unumquodque eorum est hoc. Quamvis enim linea secundum abstractionem dicatur, tamen haec linea,
quae est in materia sensibili, in quantum est individuata abstrahi non
potest, quia individuatio eius est ex hac materia. Non autem manifestantur
nobis principia abstractorum, ex quibus demonstrationes in eis procedunt,
nisi ex particularibus aliquibus, quae sensu percipimus. Puta ex hoc, quod
videmus aliquod totum singulare sensibile, perducimur ad cognoscendum quid
est totum et pars, et cognoscimus quod omne totum est maius sua parte,
considerando hoc in pluribus. Sic igitur universalia, ex quibus demonstratio
procedit, non fiunt nobis nota, nisi per inductionem. [79719] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 30 n. 6Homines autem carentes sensu aliquo non
possunt inductionem facere de singularibus pertinentibus ad sensum illum,
quia singularium, ex quibus procedit inductio, est solum cognitio sensus.
Unde oportet quod omnino sint huiusmodi singularia ignota, quia non contingit
quod aliquis carens sensu accipiat talium singularium scientiam ; quia neque
ex universalibus potest demonstrare sine inductione, per quam universalia
cognoscuntur, ut dictum est ; neque per inductionem potest aliquid cognosci
sine sensu, qui est singularium, ex quibus procedit inductio. [79720] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 30 n. 7Est autem considerandum quod per verba
philosophi, quae hic inducuntur, excluditur duplex positio. Prima quidem est
positio Platonis ; qui ponebat quod nos habebamus scientiam de rebus per
species participatas ab ideis. Quod si esset verum, universalia fierent nobis
nota absque inductione ; et ita possemus acquirere scientiam eorum, quorum
sensum non habemus. Unde et hoc
argumento utitur Aristoteles contra Platonem in fine I metaphysicae. Secunda
est positio dicentium quod possumus in hac vita cognoscere substantias
separatas, intelligendo quidditates earum ; quae
tamen per sensibilia quae cognoscimus, quae ab eis omnimode transcenduntur,
cognosci non possunt. Unde, si ipsae cognoscerentur secundum suas essentias,
sequeretur quod aliqua cognoscerentur absque inductione et sensu
: quod philosophus hic negat, etiam de abstractis. |
248.
Après avoir traité de l’ignorance qui est une disposition de l’esprit
produite par syllogisme, le Philosophe traite ici de l’ignorance de la simple
négation qui est produite sans syllogisme. Et en premier lieu [177], il montre dans
quels cas une telle ignorance se présente nécessairement; en deuxième lieu,
il prouve le propos là [178] où il dit : Si toutefois nous acquérons une science etc. 249.
Il dit donc en premier lieu [177] que si un sens fait défaut à quelqu’un, par
exemple la vue ou l’ouïe, il est nécessaire que lui manque la science qui se
rapporte aux qualités sensibles propres à ce sens. Par exemple, si quelqu’un
est privé du sens de la vue, il est nécessaire que lui fasse défaut la
science qui porte sur les couleurs. Et ainsi il aura à l’égard des couleurs
une ignorance de négation puisqu’il
ignore totalement les couleurs. Mais cela doit s’entendre de ceux qui n’ont
jamais possédé le sens de la vue comme c’est le cas pour ceux qui sont nés
aveugles. Si en effet quelqu’un perdait la vue qu’il possédait, il ne serait
pas nécessairement privé de la science des couleurs pour cette raison qu’il
reste en lui la mémoire des couleurs qu’il a déjà perçues antérieurement. 250.
Il est cependant possible d’avoir une ignorance de négation pour certaines
choses qui peuvent être connues par le sens que nous possédons : par
exemple, si quelqu’un, possédant le sens de la vue, a toujours vécu dans
l’obscurité, il sera certes privé de la science des couleurs mais non
nécessairement car il pourrait acquérir une telle science en percevant les
couleurs, ce qui est impossible chez celui qui est privé du sens de la vue.
Et c’est pourquoi il ajoute que dans ce cas, il est impossible de l’acquérir, c’est-à-dire qu’à celui qui est
privé de la puissance de la vue il est impossible d’acquérir la connaissance
des couleurs. 251.
Ensuite lorsqu’il dit [178] : Si
toutefois nous acquérons etc., il prouve le propos par ceci qu’il y a
deux manières d’acquérir la science. La première se fait certes par
démonstration alors que la deuxième s’opère par induction, ce qui a été
établi au début de ce livre. Mais ces deux manières diffèrent car la
démonstration procède de l’universel alors que l’induction procède de cas
particuliers. Si donc les universels d’où procède la démonstration pouvaient
être connus sans induction, il s’ensuivrait que l’homme pourrait acquérir la
science des choses dont il ne possède pas la sensation. Mais il est
impossible que la connaissance des universels soit acquise sans induction. Et
cela est certes davantage évident dans les choses sensibles car dans ces
choses, c’est par l’expérience que nous avons des choses sensibles que nous
acquérons la connaissance universelle, ainsi qu’on le montre au début de la Métaphysique. 252.
Mais cela est moins évident pour les réalités qu’on appelle abstraites comme
c’est le cas en mathématiques. En effet, comme l’expérience s’enracine dans
le sens ainsi qu’on le dit au début de la
Métaphysique, il semble que ce ne soit plus le cas pour les réalités qui
sont abstraites de la matière sensible. Et c’est pourquoi, pour rejeter cette
opinion, il dit que même ces réalités, dont on dit qu’elles sont le résultat
d’une abstraction, ne sont rendues connues que par induction pour cette
raison qu’à chaque genre de réalités abstraites, il existe des cas
particuliers qui ne sont pas séparables de la matière sensible selon que
chacun d’eux est un individu. En effet, bien que l’on dise de la ligne en
tant que telle qu’elle est abstraite, cependant telle ligne qui existe dans
une matière sensible, ne peut être séparée de la matière en tant qu’elle est
individuée car son individuation provient de la matière. Cependant, les
principes des réalités qui sont le résultat de l’abstraction et à partir
desquels les démonstrations procèdent en elles ne nous deviennent connus qu’à
partir de cas particuliers que nous percevons par les sens. Par exemple, du
fait que nous voyons un tout singulier et sensible, nous sommes conduits à
connaître ce qu’est un tout et une partie et à partir de là nous connaissons
que tout ¨tout¨ est plus grand que sa partie après avoir considéré cela dans
plusieurs cas particuliers. Ainsi donc les universels d’où procède la
démonstration ne nous deviennent connus que par induction. 253.
Mais les hommes qui sont privés d’un sens ne peuvent faire une induction sur
les cas particuliers qui se rapportent à ce sens car par rapport aux
singuliers d’où procède l’induction, il n’y a pas d’autre connaissance que
celle du sens. C’est pourquoi il s’ensuit nécessairement que de tels
singuliers demeurent totalement inconnus car il n’est pas possible que celui
qui est privé d’un sens acquière la science portant sur ces singuliers; en
effet, il n’est pas possible de démontrer à partir des universels sans qu’il
y ait d’abord une induction grâce à laquelle les universels deviennent connus
ainsi que nous l’avons dit et il n’est pas possible de connaître quelque
chose par induction sans s’appuyer sur le sens qui a pour objet les
singuliers à partir desquels procède l’induction. 254.
Et il faut considérer qu’il y a deux
positions qui se trouvent à être rejetées par les paroles du Philosophe. La
première est certes celle de Platon qui affirmait que nous acquérons la
science des choses au moyen des formes qui participent des Idées. Et si cela
était vrai, les universels nous deviendraient connus sans induction; et
ainsi, nous pourrions acquérir la science des choses pour lesquelles nous ne
possédons pas de sens. Et c’est pourquoi Aristote se sert de cet argument
contre Platon à la fin du premier livre de la Métaphysique. La
deuxième est la position de ceux qui affirment que nous pouvons en cette
vie connaître les substances séparées en saisissant jusqu’à leurs quiddités,
lesquelles ne peuvent cependant pas
être connues par les choses sensibles que nous connaissons et qui restent
transcendées par ces substances séparées. De là, si les substances séparées
étaient connues quant à leurs essences, il s’ensuivrait que certaines
réalités seraient connues sans l’induction et le sens, ce que nie ici le
Philosophe même des réalités qui sont le résultat de l’abstraction. |
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LECTIO 31 |
LEÇON 31. Des difficultés
sont soulevées pour savoir, en ce qui concerne les termes extrêmes et les
moyens termes du syllogisme démonstratif, s’il faut finir par s’arrêter à
certains termes ou s’il est possible de procéder à l’infini
(nn.
255-267; [179-188]). |
[79721] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 31 n. 1Postquam philosophus determinavit de
syllogismo demonstrativo, ostendens ex quibus et qualibus procedat, et in qua
figura demonstrationes fieri possunt ; hic inquirit utrum demonstrationes
possint in infinitum procedere. Et primo, movet quaestionem ; secundo,
determinat eam ; ibi : quod quidem igitur non contingit media et cetera.
Circa primum duo facit : primo, praemittit quaedam, quae sunt necessaria ad
intellectum quaestionis ; secundo, movet quaestionem ; ibi : sit igitur c
huiusmodi et cetera. Circa primum duo facit : primo, praemittit de forma
syllogistica, quam oportet in demonstrationibus observare ; secundo, resumit
qualis debeat esse demonstrationis materia ; ibi : manifestum igitur est quod
principia et cetera. [79722] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 31 n. 2Circa primum tria tangit. Quorum primum est
commune omni syllogismo, scilicet quod omnis syllogismus est per tres
terminos ; ut manifestum est in libro priorum. Secundum autem pertinet ad
syllogismum affirmativum ; cuius forma est talis quod concludit a esse in c
propter id, quod a est in b, et b est in c ; et haec est forma syllogistica
in prima figura, in qua sola potest concludi affirmativa universalis, quae
maxime quaeritur in demonstrationibus. Tertium est quod pertinet ad syllogismum negativum, qui de necessitate
unam propositionem habet affirmativam, aliam autem negativam
; differenter tamen in prima figura et in secunda, ut patet per ea,
quae in libro priorum ostensa sunt. [79723] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 31 n. 3Deinde cum dicit : manifestum igitur est
etc., resumit quae sit materia demonstrationum. Et circa hoc tria facit :
primo enim proponit demonstrationis materiam ; secundo, ostendit differentiam
huius materiae ad materiam syllogismi dialectici ; ibi : secundum quidem
igitur opinationem etc. ; tertio, differentiam positam manifestat ; ibi :
habet autem sic se et cetera. Dicit ergo primo quod, cum syllogismus habeat
tres terminos, ex quibus formantur duae propositiones concludentes tertiam,
manifestum est quod hae propositiones, ex quibus proceditur in syllogismo
demonstrativo secundum formam praedictam, sunt principia et suppositiones,
de quibus in praecedentibus dictum est. Qui enim accipit huiusmodi principia, sic demonstrat per ea, sicut
expositum est in forma syllogistica, ut scilicet quia a sit in c probatur per
b ; et si propositio a.b sit iterum mediata, quod a
sit in b demonstratur per aliud medium. Et simile est si propositio minor, scilicet b.c, sit mediata. [79724] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 31 n. 4Deinde cum dicit : secundum quidem igitur
etc., ostendit quantum ad praedicta differentiam inter syllogismum
demonstrativum et syllogismum dialecticum. Quia enim syllogismus dialecticus
ad hoc tendit, ut opinionem faciat, hoc solum est de intentione
dialectici, ut procedat ex his, quae sunt maxime opinabilia, et haec sunt ea,
quae videntur vel pluribus, vel maxime sapientibus. Et ideo si dialectico in
syllogizando occurrat aliqua propositio, quae secundum rei veritatem habeat
medium, per quod possit probari, sed tamen non videatur habere medium, sed
propter sui probabilitatem videatur esse per se nota ; hoc sufficit
dialectico, nec inquirit aliud medium, licet propositio sit mediata, et, ex
ea syllogizans, sufficienter perficit dialecticum syllogismum. Sed syllogismus demonstrativus ordinatur ad
scientiam veritatis ; et ideo ad demonstratorem
pertinet, ut procedat ex his, quae sunt secundum rei veritatem immediata. Et
si occurrat ei mediata propositio, necesse est quod probet eam per medium
proprium, quousque deveniat ad immediata, nec est contentus probabilitate
propositionis. [79725] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 31 n. 5Deinde cum dicit :
habet autem se sic etc., manifestat quod dixerat, dicens quod hoc, quod
dictum est, quod demonstrator ad veritatem ex his quae sunt procedit,
sic se habet ut dicetur. Invenitur
enim aliquid, quod de alio praedicatur, non secundum accidens, et
hoc exponit per affirmativam, ostendens quid praedicetur secundum
accidens. Dupliciter enim aliquid praedicatur secundum accidens
: uno modo, quando subiectum praedicatur de accidente, puta cum dicimus,
album est homo ; alio modo dissimiliter, quando accidens praedicatur de
subiecto, sicut cum dicitur, homo est albus. Et differt hic modus a primo,
quoniam hic, quando accidens praedicatur de subiecto, dicitur, homo est
albus, non quia aliquid alterum sit album, sed quia ipse homo est albus : et
tamen est propositio per accidens, quia album non convenit homini secundum
propriam rationem. Non enim ponitur in definitione eius, neque e converso.
Sed quando dicitur, album est homo, hoc non dicitur, quia esse hominem insit
albo, sed quia esse hominem inest subiecto albi, cui scilicet accidit esse
album. Unde hic modus est magis remotus a praedicatione per se, quam primus.
Sunt autem quaedam, quae neutro istorum modorum per accidens praedicantur ;
et ista dicuntur per se. Et talia sunt, ex quibus demonstrator procedit. Sed
hoc dialecticus non requirit, et ideo quaestio, quae infra proponitur de
huiusmodi quae per se praedicantur, non habet locum in syllogismis
dialecticis, sed solum in syllogismo demonstrativo. [79726] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 31 n. 6Deinde cum dicit : sit igitur c huiusmodi
etc., movet quaestiones intentas. Et circa hoc duo facit : primo, movet
quaestiones in quibus locum habent ; secundo, ostendit in quibus locum non
habent ; ibi : sed in convertentibus et cetera. Circa primum duo facit :
primo, movet quaestiones in demonstrationibus affirmativis ; secundo,
ostendit quod hae quaestiones similiter locum habent in demonstrationibus
negativis ; ibi : similiter autem dico et in privativis et cetera. Circa
primum duo facit : primo, movet quaestiones ; secundo, ostendit ad quid
huiusmodi quaestiones pertineant ; ibi : est autem hoc intendere et cetera. [79727] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 31 n. 7Circa primum movet tres quaestiones
secundum tres terminos syllogismi. Et primo, movet quaestionem ex parte
maioris extremitatis, utrum sit abire in infinitum ascendendo. Et in hac
quaestione supponitur ultimum subiectum, quod non praedicatur de alio, et
alia praedicantur de ipso. Sit ergo hoc c, et in c primo et immediate sit b,
et in b sit e quasi de eo universaliter praedicatum, et iterum f sit in e
similiter de eo universaliter praedicatum. Est ergo quaestio : utrum iste
ascensus alicubi stet, ita scilicet quod sit devenire ad aliquid quod
praedicetur de aliis universaliter, et nihil aliud praedicetur de ipso ; aut
hoc non sit necesse, sed contingat ascendere in infinitum ? [79728] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 31 n. 8Secundo, ibi : et iterum si de a quidem
etc., movet quaestionem ex parte minoris termini, utrum scilicet sit ire in
infinitum descendendo. Et in hac quaestione supponitur esse aliquod primum
praedicatum universale, quod de aliis praedicetur, et nihil sit universalius
eo, quod praedicetur de ipso. Sit ergo a tale, quod nihil de eo praedicetur
sicut totum universale de parte, a vero praedicetur de c primo et immediate,
et c de I, et I de b. Est ergo quaestio : utrum necesse sit hic descendendo
stare, aut contingat in infinitum ire ? [79729] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 31 n. 9Et ostendit consequenter differentiam harum
duarum quaestionum, quia in prima quaestione quaerebatur : si aliquis
incipiat a particularissimo subiecto, quod nulli inest per modum quo totum
universale inest parti, sed alia insunt ei, utrum contingat procedere in
infinitum ascendendo ? Secunda vero quaestio est : si aliquis incipiat ab
universalissimo praedicato, quod praedicatur de aliis sicut totum universale
de parte, et nihil hoc modo praedicatur de illo, utrum contingat descendendo
procedere in infinitum ? [79730] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 31 n. 10Tertio, ibi : amplius media etc., movet
tertiam quaestionem ex parte medii termini. Et in hac quaestione supponuntur
duo extrema determinata, scilicet universalissimum praedicatum, et
particularissimum subiectum ; et quaeritur cum hoc, utrum possint esse
infinita media : puta, si a sit universalissimum praedicatum, et c sit
particularissimum subiectum, et inter a et c sit medium b, et inter a et b
iterum sit aliud, et similiter inter b et c, et horum etiam mediorum sint
alia media, inter ipsa scilicet et extrema, tam ascendendo quam descendendo. Est ergo quaestio :
utrum hoc possit procedere in infinitum, aut hoc sit impossibile ? [79731] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 31 n. 11Deinde cum dicit :
est autem hoc intendere etc., ostendit ad quid tendant huiusmodi quaestiones
; in quo declaratur quod huiusmodi quaestiones pertinent ad materiam, de qua
nunc agitur, scilicet ad demonstrationes. Dicit ergo quod intendere
inquisitioni veritatis in istis quaestionibus idem est ac si quaeratur, utrum
demonstrationes procedant in infinitum, vel ascendendo vel descendendo. Ascendendo quidem, ita quod quaelibet
propositio, ex qua demonstratio procedit, sit demonstrabilis per aliam
priorem demonstrationem ; et hoc est quod subiungit, et si est
demonstratio omnis, idest cuiuslibet propositionis. Quod quidam
existimantes, circa principia erraverunt, ut dicitur in IV metaphysicae.
Descendendo autem, si ex qualibet propositione demonstrata contingat iterum
ad aliam demonstrationem posteriorem procedere. Et hoc est unum membrum
dubitationis, si demonstrationes in infinitum procedunt, vel descendendo vel
ascendendo. Aliud autem membrum dubitationis est, si demonstrationes ad
invicem terminantur, ita scilicet quod una demonstratio confirmetur per aliam
ascendendo, et ex una demonstratione procedat alia descendendo, et hoc usque
ad aliquem terminum. [79732] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 31 n. 12Deinde cum dicit : similiter autem dico
etc., ostendit quod praedictae dubitationes habent locum etiam in
demonstrationibus negativis, quia demonstratio negativa oportet quod utatur
propositione affirmativa, in qua subiectum conclusionis contineatur sub
medio, a quo praedicatum conclusionis removeatur. Secundum ergo quod est
ascensus et descensus in affirmativis, oportet quod sit ascensus et descensus
in negativis syllogismis, et propositionibus ; ut puta si conclusio
demonstrativi syllogismi sit, nullum c est a, et accipiatur sicut medium b, a
quo a removeatur. Est ergo primo considerandum utrum a removeatur a b primo,
sive immediate, aut sit aliquod medium accipere, a quo primo removeatur a
quam a b, puta si prius removeatur ab I, quod oportet universaliter praedicari
de b ; et iterum erit considerandum utrum a removeatur ab aliquo per prius
quam ab I, scilicet a t, quod praedicatur universaliter de I. Ita ergo et in
his potest procedi in infinitum in removendo, ut semper sit aliquid accipere,
a quo per prius removeatur, vel oportet alicubi stare. [79733] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 31 n. 13Deinde cum dicit : sed in convertibilibus
etc., ostendit in quibus praedictae quaestiones locum non habeant. Quia in
his, quae aequaliter de se invicem praedicantur et convertuntur ad invicem,
non est accipere aliquod prius et posterius secundum illum modum, quo prius
est, a quo non convertitur consequentia essendi, prout universalia sunt
priora ; quia sive praedicata sint infinita, ita scilicet quod procedatur in
infinitum in praedicando, sive sint infinita ex utraque parte, idest tam ex
parte praedicati quam ex parte subiecti, omnia huiusmodi infinita similiter
se habebunt ad omnia ; quia quodlibet eorum poterit praedicari de quolibet,
et subiici cuilibet convertibilium. Nisi solum quod potest esse talis
differentia, quod unum eorum praedicatur ut accidens, et aliud praedicatur
sicut praedicamentum, idest sicut substantiale praedicatum. Et haec est
differentia proprii et definitionis, quorum utrumque est convertibile ; et
tamen definitio est praedicatum essentiale, et propter hoc est
prius naturaliter proprio, quod est praedicatum accidentale. Et
inde est quod in demonstrationibus utimur definitione quasi medio ad
demonstrandum propriam passionem de subiecto. |
255.
Après avoir traité du syllogisme démonstratif en montrant de quelles sortes
de prémisses il procède et dans quelle figure les démonstrations peuvent être
produites, le Philosophe cherche ici à savoir si les démonstrations peuvent
procéder à l’infini. Et en premier lieu [179] il soulève la
question; en deuxième lieu, il y répond là [189] où il dit : Qu’il ne soit donc certes pas possible que
les moyens termes etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il fait précéder cette considération de
certaines notions qui sont nécessaires à l’intelligence de la question; en
deuxième lieu, il présente la question, là [183] où il dit : Supposons donc que C soit tel qu’il
etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il fait précéder la question de certaines considérations sur la forme du
syllogisme qu’il faut observer dans les démonstrations; en deuxième lieu, il
rappelle quelle doit être la matière de la démonstration, là [180] où il
dit : Il est donc évident que les
principes etc. 256.
Au sujet du premier point il aborde trois considérations [179], dont la première est commune à tout
syllogisme, à savoir que tout syllogisme est constitué de trois termes ainsi
qu’on le manifeste dans le livre des
Premiers Analytiques. La
deuxième se rapporte au syllogisme affirmatif dont la forme est telle
qu’il conclut que A appartient à C pour cette raison que A appartient à B et que B appartient à C. Et c’est là la
forme du syllogisme de première figure qui est la seule à pouvoir conclure
une universelle affirmative et qui est surtout celle qu’on recherche dans les
démonstrations. La
troisième considération est qu’il appartient au syllogisme négatif
d’avoir nécessairement une prémisse affirmative et une autre négative, mais
différemment cependant en première et en deuxième figure ainsi qu’on le voit
par ce qui a été montré dans le livre des
Premiers Analytiques. 257.
Ensuite lorsqu’il dit [180] : Il
est donc manifeste etc., il rappelle quelle est la matière des
démonstrations. Et à ce sujet il fait trois choses :
en premier lieu en effet il présente la matière de la démonstration; en
deuxième lieu il montre la différence qu’il y a entre cette matière et celle
du syllogisme dialectique, là [181] où il dit : Pour qui se contente de raisonner selon l’opinion etc.; en
troisième lieu, il manifeste la différence qu’il a présentée, là [182] où il
dit : Voici donc comment les
choses se présentent etc. Il dit donc en premier lieu [180] que
puisque le syllogisme possède trois termes à partir desquels sont formées
deux propositions qui en concluent une troisième, il est manifeste que ces
propositions, d’où on procède dans le syllogisme démonstratif d’après la
figure qu’on a dite, sont les principes
et les hypothèses dont nous avons
parlé dans les chapitres précédents. Celui en effet qui prend ces principes
de cette façon arrive ainsi à démontrer par eux, comme nous l’avons expliqué
dans notre traité sur la forme du syllogisme, que A appartient à C par B. Et
si en outre la proposition A-B est médiate, on prouve encore que A appartient
à B grâce à un autre moyen terme. Et il en est de même si la proposition mineure, c’est-à-dire B-C, est
médiate. 258.
Ensuite lorsqu’il dit [181] : Pour
qui se contente de raisonner selon l’opinion etc., il montre, quant à ce
qui précède, la différence qu’il y a entre le syllogisme démonstratif et le
syllogisme dialectique. En effet, parce que le syllogisme dialectique ne tend
qu’à cela, c’est-à-dire à engendrer une opinion,
c’est pourquoi la seule intention du dialecticien est de procéder des
prémisses qui sont les plus probables, et telles sont les propositions qui
semblent vraies à la plupart ou aux sages. Et c’est pourquoi, s’il se présentait
au dialecticien qui syllogise une proposition qui selon la vérité de la chose
posséderait un moyen terme par lequel elle pourrait être approuvée mais qui
n’est cependant pas vue comme en possédant un, néanmoins, en raison de sa
probabilité, elle apparaîtra comme étant connue de soi; et cette seule raison
suffira au dialecticien et il ne cherchera pas un autre moyen terme, bien que
la proposition soit médiate et, s’appuyant sur elle pour argumenter, il
répond suffisamment aux exigences du syllogisme dialectique. Mais le syllogisme démonstratif est
ordonné à la connaissance de la vérité; et c’est pourquoi il appartient à
celui qui démontre de procéder à partir de prémisses qui sont immédiates
selon la vérité de la chose. Et si une proposition médiate se présente à lui,
il est nécessaire qu’il la prouve par un moyen terme qui est propre jusqu’à
ce qu’il parvienne à des prémisses immédiates, et il ne se satisfait pas de
la probabilité d’une proposition. 259.
Ensuite lorsqu’il dit [182] : Mais
les choses se présentent ainsi etc., il manifeste ce qu’il vient de dire
en disant que ce qui a été dit, à savoir que celui qui démontre procède vers la vérité à partir de ce qui existe,
cela se présente de la manière qui suit. Il se trouve en effet des prédicats
qui s’attribuent à un sujet mais non pas par accident, et il explique cela au
moyen d’une affirmative en montrant ce que c’est que d’être attribué par
accident. C’est de deux manières en effet qu’une
attribution se fait par accident :
premièrement, quand le sujet est attribué à l’accident, par exemple lorsque
nous disons que le blanc est homme;
deuxièmement et différemment lorsque l’accident est attribué au sujet, par
exemple lorsque nous disons que l’homme
est blanc. Et cette dernière manière diffère de la première puisqu’ici,
lorsque l’accident est attribué au sujet, on dit que l’homme est blanc non pas parce que quelque chose d’autre serait
blanc, mais parce que l’homme lui-même est blanc : et cependant dans
cette proposition l’attribution se fait par accident parce que le blanc
n’appartient pas à l’homme d’après la nature qui lui est propre. En effet, le
blanc n’est pas placé dans la définition de l’homme et inversement l’homme
n’est pas placé dans la définition du blanc. Mais quand on dit que le blanc est homme, on ne dit pas cela
parce qu’il appartient au blanc d’être un homme, mais parce que l’être de
l’homme appartient au sujet de la blancheur, c’est-à-dire à celui auquel il
arrive d’être blanc. Et c’est pourquoi ce mode d’attribution est plus éloigné
que le premier d’une attribution par
soi. Mais il y a des propositions dans
lesquelles il n’y a aucun de ces modes d’attributions par accident et dans
ces cas les attributions sont appelées par soi ou essentielles. Et telles sont les prémisses d’où procède celui qui
démontre. Mais le dialecticien n’exige pas de telles propositions et c’est
pourquoi la question, qui est présentée précédemment sur ce qui s’attribue essentiellement, n’a pas lieu d’être
soulevée dans le cas des syllogismes dialectiques mais ne concerne que le
syllogisme démonstratif. 260.
Ensuite lorsqu’il dit [183] : Supposons
donc que C soit un terme tel etc., il soulève les questions qu’il se
proposait. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il soulève les questions pour les cas où il y a lieu de les
poser; deuxièmement, il montre pour quels cas il n’y a pas lieu de les poser,
là [188] où il dit : Mais pour ce
qui est des termes qui se convertissent etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il soulève des questions pour le cas des
démonstrations affirmatives; en deuxième lieu il montre que de la même
manière ces questions valent pour les démonstrations négatives, là [187] où
il dit : Mais je dis qu’il en est
de même dans les démonstrations négatives etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il soulève les questions; en deuxième lieu il
montre à quoi se rapportent de telles questions, là [186] où il dit : Mais c’est là ce qu’il faut se demander etc. 261.
Au sujet du premier point [183] il soulève trois questions se rapportant à
chacun des trois termes du syllogisme. Et en
premier lieu il soulève la question qui se rapporte au grand terme pour savoir si pour lui on
peut remonter à l’infini. Et dans cette question on suppose un sujet ultime
tel qu’il n’est attribué à aucun autre terme mais que les autres termes lui
sont attribués. Supposons donc que ce terme soit C qui est le sujet premier
et prochain de B, et qu’à son tour B soit le sujet de E qui lui serait
attribué universellement et qu’à son tour E serait le sujet de F qui lui
serait de même attribué universellement. La question est donc de savoir si
cette série ascendante doit nécessairement s’arrêter quelque part de telle
manière qu’on doive en arriver à un terme qui soit attribué à tous les autres
universellement sans qu’aucun autre terme lui soit
attribué, ou bien si cela n’est pas nécessaire et il serait alors possible
que la série ascendante se poursuive à l’infini. 262.
En deuxième lieu, là [184] où il
dit : Et en outre, si à A
etc., il soulève la question du côté du petit terme, c’est-à-dire pour savoir
si on peut procéder à l’infini dans une série descendante. Et dans cette
question on suppose qu’il existe un prédicat premier et universel qui est
attribué à tous les autres termes dont aucun n’est plus universel que lui de
sorte qu’aucun autre terme ne pourrait lui être attribué. Supposons donc que
ce terme A soit tel que rien ne lui soit attribué à la manière dont un tout
universel est attribué à sa partie, mais que A soit attribué à C premièrement
et immédiatement, et que C soit attribué à son tour à I et I à B. La question
est donc de savoir s’il est nécessaire de s’arrêter dans cette série
descendante ou bien s’il est possible de procéder à l’infini. 263.
Et il montre par la suite la différence qu’il y a entre ces deux questions
car dans la première on se demande, en partant du sujet le plus particulier
qui n’appartient lui-même à aucune autre chose à la manière dont un tout
universel appartient à sa partie, mais à qui appartient une autre chose, s’il
est possible de remonter ainsi dans une série ascendante infinie. – Mais dans
la deuxième question on se demande, en partant du prédicat le plus universel
qui est attribué à tous les autres termes comme un tout universel à sa partie
et auquel aucun autre terme n’est attribué, s’il est possible de procéder
ainsi, c’est-à-dire dans une série descendante infinie. 264.
En troisième lieu, là [185] où il
dit : En outre les moyens termes
etc., il soulève une troisième question qui se tient du côté du moyen terme.
Et dans cette question on suppose qu’il existe deux termes extrêmes
déterminés, à savoir le prédicat le plus universel et le sujet le plus
particulier; et on se demande avec cela si les moyens termes peuvent être infinis :
supposons par exemple que A est le prédicat le plus universel et C le sujet
le plus particulier, et qu’entre A et C il y a le moyen terme B. Entre A et B
y aurait-il un autre moyen terme, et de même entre B et C? Et de même entre
ces autres moyens termes y aurait-il d’autres moyens termes, c’est-à-dire
entre eux et les extrêmes, aussi bien dans une série ascendante que dans une
série descendante? La question est donc de savoir s’il est possible de
procéder ainsi à l’infini dans ces séries de moyens termes ou si cela est
impossible. 265.
Ensuite lorsqu’il dit [186] : Mais
cela revient à se demander etc., il montre à quoi tendent de telles
questions; et il affirme que de telles questions se rapportent à la matière
examinée en ce moment, à savoir les démonstrations. Il dit donc que de tendre
à la recherche de la vérité dans ces questions revient à se demander si les
démonstrations procèdent à l’infini, soit dans une série ascendante, soit
dans une série descendante. Dans un série ascendante certes, de telle
manière que toute proposition d’où la démonstration procède serait
démontrable par une autre démonstration antérieure; et c’est ce qu’il ajoute,
à savoir s’il y a démonstration de tout,
c’est-à-dire s’il y a démonstration de toute proposition. Et c’est là ce que
certains ont cru, se trompant ainsi sur les principes, ainsi qu’on le dit au
quatrième livre de la Métaphysique. Mais dans une série descendante, on se
demande là aussi s’il est possible, en partant de toute proposition déjà
démontrée, de procéder en outre à une autre démonstration qui en découlerait. Et c’est là une partie du problème de
savoir si les démonstrations procèdent à l’infini, soit dans une série
ascendante, soit dans une série descendante. Une autre partie du problème est de savoir
si les démonstrations sont limitées les unes à l’égard des autres,
c’est-à-dire de telle manière qu’une démonstration est confirmée par une
autre en remontant, et que d’une démonstration déjà établie en procède une
autre en descendant, mais cela jusqu’à un certain terme. 266.
Ensuite lorsqu’il dit [187] : Mais
de même je dis etc., il montre que les difficultés qui précèdent se
présentent aussi dans les démonstrations négatives, car la démonstration
négative doit aussi se servir d’une proposition affirmative dans laquelle le
sujet de la conclusion est contenu dans un moyen terme duquel le prédicat de
la conclusion est nié. Donc, étant donné qu’il y a série
ascendante et descendante dans les propositions affirmatives, il faut qu’il y
ait aussi de telles séries dans les syllogismes négatifs et les prémisses
négatives. Par exemple, si la conclusion du syllogisme démonstratif était Aucun C n’est A et qu’on prenait comme
moyen terme B duquel A est nié. Il faut d’abord considérer si A est nié de B
en premier lieu et immédiatement ou s’il faut prendre un moyen terme d’où A
serait nié en premier avant d’être nié de B, par exemple s’il était d’abord
nié de I qui doit être attribué universellement à B; et en outre il faudra
considérer si A doit d’abord être nié d’un autre terme avant d’être nié de I,
c’est-à-dire de T qui doit être attribué universellement à I. Ainsi donc,
dans ces cas également, ou bien il est possible de procéder à l’infini en
niant, de sorte qu’il y aurait toujours à prendre d’autres termes desquels A
serait nié en priorité, ou bien la série doit s’arrêter. 267.
Ensuite lorsqu’il dit [188] : Mais
pour les propositions dont les termes sont convertibles etc., il montre
pour quelles sortes de propositions les questions soulevées ne se posent pas.
Car pour les termes qui s’attribuent réciproquement les uns aux autres et qui
se convertissent mutuellement, il n’y a rien d’antérieur et de postérieur
selon ce mode par lequel est antérieur ce avec quoi ne se convertit pas la
conséquence de l’être, dans la mesure où l’universel est antérieur; car ou
bien les termes sont infinis de telle manière qu’on procède à l’infini dans
l’attribution; ou bien ils sont infinis des deux côtés, c’est-à-dire aussi
bien du côté du prédicat que du côté du sujet, tous les termes réciproques
infinis étant dans le même rapport les uns à l’égard des autres car chacun
d’entre eux pourra être attribué à n’importe quel autre ou être le sujet de
chacun des termes convertibles. Il ne pourra y avoir que cette différence
entre eux, à savoir que l’un d’eux soit attribué comme accident et un autre
comme prédicament, c’est-à-dire comme un prédicat essentiel. Et c’est là la
différence entre la propriété et la définition, bien que les deux soient
convertibles, car la définition est un prédicat essentiel, et pour cette raison elle est naturellement antérieure
à la propriété qui est un prédicat
accidentel. Et c’est pour cette raison que dans les démonstrations on se sert
de la définition comme moyen terme pour démontrer la propriété, c’est-à-dire
l’accident appartenant en propre à
un sujet. |
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LECTIO 32 |
LEÇON 32. La difficulté
qui porte sur le procédé à l’infini dans les moyens termes se ramène à la
difficulté qui est soulevée au sujet des termes extrêmes. En outre, la
difficulté qui porte sur le procédé à l’infini dans les démonstrations
négatives se ramène à la difficulté qui porte sur les affirmatives
(nn.
268-277; [189-196]). |
[79734] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 32 n. 1Postquam philosophus movit quaestiones, hic
incipit eas determinare ; et dividitur in duas partes. In prima parte,
ostendit quod quarumdam dubitationum solutio reducitur ad solutionem aliarum.
In secunda, solvit dubitationem quantum ad illa, in quibus per se et
principaliter difficultas consistit ; ibi : quod autem in illis, si logice et
cetera. Circa primum duo facit : primo enim ostendit quod dubitatio, quae
potest esse circa media, reducitur ad dubitationem, quae movetur de extremis,
et, ea soluta, solvitur ; secundo, ostendit quod dubitatio, quae est circa
negativas demonstrationes, reducitur ad dubitationem, quae est de
affirmativis ; ibi : manifestum est autem in privativis et cetera. Circa
primum tria facit : primo, proponit quod intendit ; secundo, probat
propositum ; ibi : si enim a praedicante etc. ; tertio, excludit quamdam
obviationem ; ibi : nec si aliquis dicat et cetera. [79735] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 32 n. 2Dicit ergo primo quod manifestum
est, si quis rationem sequentem consideret, quod non contingit
esse media infinita, si praedicationes tam in sursum quam
in deorsum stent in aliquibus terminis, scilicet in summo
praedicato et in infimo subiecto. Et exponit quid sit procedere
praedicationes sursum, et deorsum ; et dicit quod sursum ascenditur,
quando proceditur ad magis universale, de cuius ratione est quod praedicetur
: deorsum autem proceditur, quando itur ad magis
particulare, de cuius ratione est quod subiiciatur. [79736] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 32 n. 3Deinde cum dicit : si enim a praedicante
etc., ostendit propositum per hunc modum. Sit ita quod a sit summum
praedicatum, et c sit infimum subiectum, et sint infinita media, quorum
quodlibet vocetur b. Quia igitur a erat primum praedicatum, praedicabitur de
aliquo medio sibi propinquiori, et iterum illud medium de alio medio
inferiori ; et cum media sint infinita, sequitur quod in infinitum procedet
praedicatio in descendendo, quod est contra positum. Ponebatur enim quod non
descendat praedicatio in infinitum. Similiter etiam si incipiamus a c, quod
est infimum subiectum, procedetur ascendendo in infinitum antequam
perveniatur ad a, quod etiam est contrarium posito.
Si ergo haec sint impossibilia, scilicet quod procedatur praedicando in
infinitum sursum vel deorsum, sequetur quod impossibile sit media esse
infinita. Et ita patet quod quaestio de infinitate mediorum reducitur ad
quaestionem de infinitate extremorum. [79737] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 32 n. 4Deinde cum dicit : neque enim si aliquis
etc., excludit quamdam obviationem. Posset enim aliquis obviare, dicens quod
praedicta probatio procedebat, ac si a b c, idest medium et extrema, ita se
haberent, quod essent habita ad invicem, ita scilicet, quod inter ea non
esset aliquod medium : sic enim definitur habitum in V
physicorum, quod scilicet consequenter se habet, cum tangat ; et hoc
videbatur in praedicta probatione supponi, scilicet quod a praedicaretur de
aliquo medio quasi habito, idest immediate sequenti. Sed ille qui ponit media
infinita, dicet quod hoc non contingit accipere. Dicit enim quod inter
quoscunque terminos acceptos est aliquod medium. [79738] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 32 n. 5Sed philosophus dicit quod nihil differt,
sive sic accipiantur infinita media quod sint habita ad
invicem, sicut contingit in discretis ; puta, in civitate domus domui
est habita, et in numeris unitas unitati : sive non possit
inveniri in mediis aliquid habitum, sed semper inter duo media
sit aliquod medium accipere ; sicut accidit in continuis, in quibus inter
quaelibet duo signa, sive inter duo puncta, semper est aliquod medium
accipere. Et quod hoc nihil differat ad propositum, sive uno modo, sive alio,
sic manifestat subdens : quia supposito quod sint infinita media inter a et
c, quorum quodlibet vocatur b, quodcunque horum accipio, necesse est quod
inter illud et a et c sint infinita media, vel non sint infinita respectu
alterius eorum. Verbi gratia : ponamus quod media sint habita ad invicem, sicut
accidit in discretis, et accipiamus aliquod medium quod sit habitum ad ipsum
a ; necesse erit quod inter illud medium et c sint adhuc infinita media. Et similiter si ponantur quaedam finita
media inter a et illud medium acceptum. Et eadem ratio est si ponatur medium acceptum immediate coniungi ipsi
c, vel per finita media ab eo distare. Ex quo igitur semper a medio accepto
oportet accipere infinita media ad alterum extremorum, non differt utrum
statim coniungatur alii extremorum, idest sine medio, vel non statim, idest
per aliqua media : quia etiam si coniungatur uni
extremo sine medio, necesse est quod postea inveniantur infinita media
respectu alterius ; et ita semper oportebit, si est infinitum in mediis, quod
inveniatur infinitum in praedicationibus vel ascendendo vel descendendo,
sicut praedicta probatio procedebat. [79739] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 32 n. 6Deinde cum dicit : manifestum est autem
etc., ostendit quod si in affirmativis demonstrationibus non proceditur in
infinitum, neque in privativis in infinitum proceditur ; et sic quaestio de
demonstrationibus negativis reducitur ad quaestionem de affirmativis. Et
circa hoc tria facit : primo, proponit quod intendit ; secundo, probat
propositum ; ibi : tripliciter enim demonstratur etc. ; tertio, excludit
quamdam obviationem ; ibi : manifestum est autem et cetera. Dicit ergo primo,
quod manifestum erit ex sequentibus, quod si in praedicativa,
idest affirmativa demonstratione statur utrinque, idest in sursum et deorsum,
necesse erit quod stetur in negativa demonstratione. Et ad exponendum hoc
quod propositum est, dicit : sit ita quod non contingat ab ultimo,
idest ab infimo subiecto, ire in sursum in infinitum versus praedicata
universalia. Et exponit quid est ultimum, scilicet illud quod non inest
alicui alii tanquam minus particulari, sed aliud sit in illo, et sit illud z.
Et sit etiam quod incipiendo a primo versus ultimum non procedatur in
infinitum. Et exponit quid sit primum illud, scilicet quod praedicatur de
aliis, et nihil aliud praedicatur de eo, quasi eo universalius ; ut sic
primum intelligatur universalissimum, ultimum autem particularissimum. Si
igitur ex utraque parte stetur in demonstrationibus affirmativis, dicit
consequens esse quod etiam stetur in demonstrationibus negativis. [79740] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 32 n. 7Deinde cum dicit : tripliciter enim etc.,
probat propositum. Et primo in prima figura ; secundo in secunda ; ibi :
iterum sit b quidem etc. ; tertio in tertia ; ibi : tertius autem est et
cetera. In tribus enim figuris contingit negativam concludi. Dicit ergo primo
quod tripliciter potest demonstrari propositio negativa, per quam
significatur aliquid non esse. Uno quidem modo in prima figura, secundum hunc
modum, quod b insit c universaliter, minori existente universali affirmativa
; a vero insit nulli b, maiori existente universali negativa. Quia igitur
supponitur quod in affirmativis stetur et in sursum et in deorsum, necesse
est quod ista propositio, quae est b-c, affirmativa, si non sit immediata, et
quodcunque aliud spatium accipitur, existente aliquo medio inter b et c,
necesse erit reducere in immediata ; quia ista distantia, quae attenditur
secundum habitudinem medii ad minorem extremitatem, est affirmativa, in qua
supponitur esse status. Si autem accipiamus alterum spatium, quod est inter b
et a, manifestum est quod, si haec propositio, nullum b est a, non est
immediata, necesse est quod a removeatur ab aliquo alio per prius quam a b,
et illud sit d ; quod si accipiatur ut medium inter a et b, necesse est quod
praedicetur universaliter de b, quia oportet minorem esse affirmativam. Et
iterum si haec non sit immediata, nullum d est a, oportet quod a negetur ab
aliquo alio per prius quam a d, puta sit illud e ; quod eadem ratione
oportebit universaliter praedicari de d. Quia ergo ascendendo statur in
affirmativis, ut supponitur, sequitur per consequens quod sit devenire ad
aliquid, de quo primo et immediate negetur ipsum a. Alioquin adhuc
procederetur amplius in affirmativis, sicut ex praedictis patet. [79741] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 32 n. 8Deinde cum dicit : iterum si b quidem etc.,
probat idem in negativa, quae concluditur in secunda figura. Sit enim ita
quod b, quod est medium, praedicetur universaliter de a et negetur
universaliter de c, et ex his concludatur quod, nullum c sit a. Si autem
negativam iterum demonstrari oporteat, propter hoc quod est mediata, necesse
est quod vel demonstretur in prima figura, de quo modo demonstrationis iam
ostensum est quod habet statum, si in affirmativis sit status ; aut oportet
quod demonstretur per hunc modum, idest per secundam figuram
; aut per tertium, idest per tertiam figuram. Dictum est autem in prima figura, quod
habet statum in negativis, si sit status in affirmativis. Sed hoc quidem
demonstrabitur nunc quantum ad secundam figuram. Demonstretur ergo haec propositio, nullum c est b, sic quod d universaliter
praedicetur de b, maiori existente universali affirmativa, et negetur
universaliter de c, minori existente universali negativa. Si iterum haec
propositio, nullum c est d, est mediata, necesse erit accipere aliquod aliud
medium, quod etiam praedicetur de d universaliter, et universaliter
removeatur a c. Et ita, sicut proceditur in negativis demonstrationibus,
oportebit procedere in affirmativis, scilicet quod b praedicabitur de a, et d
de b, et aliquid aliud de d ; et sic procedetur in infinitum in affirmativis.
Quia ergo supponitur quod in affirmativis
stetur in sursum, necesse est etiam quod stetur in negativis, secundum hunc
modum, quo negativa demonstratur in secunda figura. [79742] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 32 n. 9Deinde cum dicit :
tertius autem est etc., ostendit idem in tertia figura. Sit ergo medium, ut
b, de quo a universaliter praedicetur, c vero ab eo removeatur : sequitur
particularis negativa, scilicet quod c negetur a quodam a. Et quod quidem in
praemissa affirmativa, quae est, omne b est a, stetur, habetur ex
suppositione ; quod autem necesse sit stare etiam in hac negativa, nullum b
est c, quae est maior, patet, quia si hoc debeat demonstrari, necesse est
quod vel demonstretur per superius dicta, idest per primam et
secundam figuram, vel demonstrabitur similiter sicut
concludebatur conclusio, scilicet per tertiam figuram : ita tamen quod haec
maior non assumatur ut universalis, sed ut particularis. Illo autem
modo statur, scilicet si procedatur in prima et in secunda figura. Si autem
procedatur in tertia figura ad concludendum, quoddam b non esse c, accipiatur
medium e, de quo quidem b universaliter affirmetur, c vero ab eo
particulariter negetur. Et hoc iterum similiter continget,
quod secundum hoc procedetur in demonstratione negativa semper secundum
augmentum praedicationis affirmativae in inferius :
quia b, quod erat primum medium, praedicabitur de e, et e de quodam alio, et
sic in infinitum. Quia igitur
supponitur statum esse in affirmativis in deorsum, manifestum est quod stabitur
in negativis ex parte ipsius c. [79743] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 32 n. 10Deinde cum dicit : manifestum autem est
etc., excludit quamdam obviationem. Posset enim aliquis dicere quod necesse
est stare in demonstrationibus negativis, statu existente in affirmativis, si
semper syllogizetur secundum eamdem figuram ; sed potest in infinitum
procedi, si nunc demonstretur per unam figuram, nunc per aliam. Et
dicit, manifestum est quod si non procedatur in
demonstrationibus una via, sed omnibus, aliquando quidem ex prima figura,
aliquando autem ex secunda vel tertia, sic etiam oportebit statum esse in
negativis, statu existente in affirmativis. Huiusmodi enim viae diversae
demonstrandi sunt finitae, et quaelibet earum multiplicatur non in infinitum,
sed finite ascendendo vel descendendo, ut ostensum est. Si autem finita
finities accipiantur, necesse est totum esse finitum. Unde relinquitur quod
omnibus modis necesse sit in demonstrationibus negativis esse statum, si sit
status in affirmativis. |
268.
Après avoir soulevé les difficultés, le Philosophe commence ici à les
résoudre; et cette section se divise en deux parties. Dans la première partie [189], il montre
que la solution de certaines difficultés se ramène à la solution de d’autres
difficultés. Dans la deuxième, il résout la difficulté pour les cas dans
lesquels la difficulté se présente par soi et principalement, là [197] où il
dit : Mais si on examine selon un
mode dialectique le cas des prédicats essentiels etc. Au sujet du premier point, il fait deux
choses : en premier lieu en effet il montre que la difficulté qui peut
surgir par rapport aux moyens termes se ramène à la difficulté qui se
manifeste relativement aux termes extrêmes et, cette dernière difficulté
résolue, la première se résout d’elle-même; en deuxième lieu il montre que la
difficulté qui se rapporte aux démonstrations négatives se ramène à celle qui
apparaît dans les démonstrations affirmatives, là [192] où il dit : Mais il est manifeste dans la
démonstration négative etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu il présente son propos; en deuxième lieu il
prouve le propos là [190] où il dit : Si en effet, A étant attribué à
C etc.; en troisième lieu il écarte une certaine objection là [191] où il dit : Et même si on disait etc. 269.
Il dit donc en premier lieu [189] qu’il
est évident, si on considère attentivement le raisonnement qui suit, qu’il ne peut y avoir une infinité de
moyens termes si les attributions, aussi bien ascendantes que descendantes
s’arrêtent en des termes déterminés, c’est-à-dire au prédicat le plus
universel et au sujet le plus particulier. Et il explique ce que c’est que de
procéder selon une série ascendante ou descendante pour les attributions; et
il dit qu’une attribution procède d’une manière ascendante quand elle procède vers le plus universel et qui est
la raison pour laquelle un prédicat est attribué; mais l’attribution procède
d’une manière descendante quand
elle avance vers du plus particulier et qui est la raison pour laquelle c’est
un sujet qui reçoit l’attribution. 270.
Ensuite lorsqu’il dit [190] : Si
en effet, A étant attribué à C etc., il manifeste le propos de la manière
qui suit. Supposons que A soit le prédicat le plus
universel et C le sujet le plus particulier, et qu’il y ait une infinité de
moyens termes parmi lesquels se trouve celui qu’on appelle B. Donc, parce que
A est le premier prédicat, il sera attribué au moyen terme qui lui est le
plus prochain et en outre ce moyen terme sera attribué à un autre moyen terme
plus particulier; et puisque les moyens termes sont censés être infinis, il
s’ensuit que l’attribution procédera selon une série descendante infinie, ce
qui est contraire à ce qui avait été posé. On avait en effet posé plus haut
que l’attribution ne peut procéder selon une série descendante infinie. De la
même manière encore, si nous partons de C qui est le sujet le plus
particulier, on procédera selon une série ascendante infinie avant de
parvenir à A, ce qui est aussi contraire à ce qui a été posé. Si donc cela
est impossible, à savoir de procéder ainsi par une attribution infinie,
qu’elle soit ascendante ou descendante, il s’ensuit qu’il est impossible que
les moyens termes soient infinis. Et ainsi il est clair que le problème sur
l’infinité des moyens termes se ramène à celui qui se rapporte à l’infinité
des termes extrêmes. 271.
Ensuite lorsqu’il dit [191] : Et
même si on disait etc., il écarte une certaine objection. Quelqu’un
pourrait en effet s’objecter en disant que la preuve précédente procède comme
si A B C, c’est-à-dire le moyen terme et les extrêmes, se présentaient dans
un rapport tel qu’ils seraient contigus entre eux, c’est-à-dire de telle
manière qu’il n’y aurait pas d’intermédiaire entre eux : en effet, au
cinquième livre des Physiques, le contigu se dit de ce qui se suit
immédiatement par l’effet du contact; et cela semblait être supposé dans la
preuve précédente, c’est-à-dire que A semblait être attribué à un moyen terme
pris comme contigu, c’est-à-dire à un moyen terme qui suit A de façon
immédiate. Mais celui qui pose que les moyens termes sont infinis dira qu’il
n’est pas possible d’admettre cela. Il dit en effet qu’entre tous les termes
que l’on prend, il y a un intermédiaire. 272.
Mais le Philosophe dit que cela ne change rien que nous admettions que les
moyens termes infinis soient contigus
entre eux comme cela se produit dans les quantités discrètes, par exemple
dans la cité une maison est contigüe
à une autre et dans les nombres une unité est contigüe à une autre, ou que
nous admettions au contraire qu’on ne puisse rencontrer un moyen terme contigu parmi les moyens termes mais
qu’il faille toujours admettre entre deux moyens termes un intermédiaire
comme cela se produit dans les choses continues dans lesquelles, entre deux
signes, c’est-à-dire entre deux points, il faut toujours admettre un
intermédiaire. Et que cela ne change rien au propos qu’on
admette l’une ou l’autre des modalités, il le manifeste ainsi en
ajoutant : car en supposant qu’il y a une infinité de moyens termes
entre A et C, parmi lesquels l’un d’eux s’appelle B, quel que soit celui que
je prenne, il est nécessaire qu’entre ce moyen terme d’une part et A et C
d’autre part, il y ait soit une infinité d’intermédiaires, soit un nombre
fini d’intermédiaires. En d’autres mots, que nous posions que les
intermédiaires sont contigus les uns par rapport aux autres comme cela se
produit dans les quantités discrètes ou que nous admettions qu’il y a un
moyen terme qui soit contigu par rapport à A lui-même, il sera nécessaire
qu’entre ce moyen terme et C il y ait en outre une infinité d’intermédiaires.
Et il en sera de même si on pose un nombre fini d’intermédiaires entre A et
ce moyen terme qu’on a choisi. Et la même raison vaut encore si on pose que
le moyen terme que l’on prend est uni immédiatement à C ou qu'il en est
séparé par un nombre fini d’intermédiaires. Donc, à partir de là, il faut
toujours admettre une infinité de moyens termes par rapport à l’un des termes
extrêmes en partant du moyen terme choisi, peu importe qu’il soit uni
immédiatement à l’un des extrêmes, c’est-à-dire sans intermédiaire, ou qu’il
n’y soit pas uni immédiatement mais grâce à des intermédiaires; car même s’il
était uni à l’un des extrêmes sans intermédiaire, il serait nécessaire que
par la suite on rencontre une infinité d’intermédiaires par rapport à l’autre
extrême; et ainsi il faudra toujours, s’il y a une infinité de moyens termes,
qu’on se trouve face à une infinité d’attributions doit ascendante soit
descendante ainsi que la preuve qui précède le manifestait. 273.
Ensuite lorsqu’il dit [192] : Mais
il est évident etc., il montre que si dans les démonstrations
affirmatives on ne procède pas à l’infini, on ne procédera pas non plus à
l’infini dans les démonstrations négatives; et ainsi le problème qui se
rapporte aux démonstrations négatives se ramène à celui qui se rapporte aux
démonstrations affirmatives. Et à ce sujet il fait trois choses :
en premier lieu il présente son propos; en deuxième lieu il prouve son
propos, là [193] où il dit : C’est
de trois manières en effet qu’on démontre etc.; en troisième lieu il
écarte une objection là [196] où il dit : Mais il est évident etc. Il dit donc en premier lieu [192] qu’il
sera manifeste en partant de ce qui suit que si pour l’attribution,
c’est-à-dire pour la démonstration affirmative, la série des termes est
limitée des deux côtés, c’est-à-dire à la fois vers le haut et vers le bas,
il sera nécessaire que la série s’arrête aussi dans les démonstrations
négatives. Et pour expliquer en quoi consiste le
propos, il dit ceci : admettons qu’il n’est pas possible en partant du
terme qui est le dernier, c’est-à-dire à partir du sujet le plus particulier,
de procéder à l’infini dans une série ascendante vers les prédicats
universels. Et il explique ce qu’il entend par dernier terme, à savoir celui
qui n’est attribué à aucun autre terme parce qu’il serait moins particulier,
mais celui auquel un autre terme est attribué, par exemple Z. Et admettons
aussi qu’il n’est pas possible de procéder à l’infini selon une série
descendante en partant du premier terme vers le dernier. Et il explique ce
qu’il entend par premier terme en disant que c’est celui qui s’attribue à
tous les autres et auquel nul autre ne s’attribue parce que nul n’est plus
universel que lui, de telle manière qu’on entende ainsi par premier ce terme
qui est le plus universel de tous et par dernier le terme qui est le plus
particulier. Si donc les termes sont limités dans les deux sens pour les
démonstrations affirmatives, il dit qu’il s’ensuit nécessairement qu’ils le
seront aussi pour les démonstrations négatives. 274.
Ensuite lorsqu’il dit [193] : C’est
de trois manières en effet etc., il prouve son propos. Et il le prouve d’abord en première
figure : deuxièmement, il le prouve en deuxième figure, là [194] où il
dit : En outre, si B etc.;
troisièmement, il le prouve en troisième figure, là [195] où il dit : Mais le troisième etc. C’est dans les
trois figures en effet qu’il est possible de conclure négativement. Il dit donc en premier lieu [193] que
c’est de trois manières que peut
être démontrée une proposition négative par laquelle on signifie ce qui n’est
pas. On le fait d’abord en première figure,
de telle manière que B appartienne à C universellement, la mineure étant une universelle affirmative; mais A n’appartient
à aucun B, la majeure étant une universelle négative. Donc, parce qu’on
suppose que dans les démonstrations affirmatives la série des termes est
limitée à la fois vers le haut et vers le bas, il est nécessaire que cette
proposition affirmative qui est B-C, si elle n’est pas immédiate et qu’on
prend un autre espace dans lequel existe un intermédiaire entre B et C, il
sera nécessaire de la ramener à une proposition immédiate; car cette distance
qui se prend selon le rapport du moyen terme au petit terme est affirmative
dans laquelle on suppose des termes limités. Mais si nous supposons un autre
espace qui est entre B et A, il est manifeste que si cette proposition, à
savoir Aucun B n’est A, n’est pas
immédiate, il faudra que A soit nié d’un autre terme antérieurement à B et
que nous appelons D; et si nous le prenons comme intermédiaire entre A et B,
il faudra qu’il soit attribué universellement à B car il faut que la mineure soit affirmative. Et en
outre, si cette proposition, Aucun D
n’est A, n’est pas immédiate, il faut que A soit nié d’un autre terme
antérieurement à D que nous supposons être E, lequel devra être attribué
universellement à D pour la même raison. Donc, parce que dans les
démonstrations affirmatives il y a une série ascendante limitée comme on le
suppose, il s’ensuit par conséquent qu’il faut en arriver à un terme dont A
est nié en premier lieu et de façon immédiate. Autrement, on procéderait
encore plus avant dans les affirmatives comme on le voit à partir de ce qui a
été dit plus haut. 275.
Ensuite lorsqu’il dit [194] : Mais
en outre si B etc., il montre la même chose pour la négative qui est
conclue en deuxième figure.
Admettons en effet que B, le moyen terme, soit attribué universellement à A
et nié universellement de C et qu’à partir de là on conclut que Nul C n’est
A. Mais si en outre il fallait démontrer cette négative parce qu’elle serait
médiate, il serait nécessaire ou bien de la démontrer en première figure,
mode de démonstration au sujet duquel nous avons déjà montré qu’il comporte
une série limitée de termes s’il y a limite de termes dans les affirmatives,
ou bien de la démontrer par cet autre
mode qui est la deuxième figure, ou bien encore par le troisième mode, c’est-à-dire par la troisième figure. Nous
avons dit en effet que dans la première figure, s’il y a série limitée de
termes pour les démonstrations affirmatives, il en est de même pour les
négatives. Mais cela sera certes démontré maintenant quant à la deuxième
figure. Cette proposition, Nul C n’est
B, sera donc démontrée de telle manière que D sera attribué
universellement à B pour former une
majeure universelle affirmative, et il sera nié universellement de C pour
former une mineure universelle
négative. Si en outre cette proposition, à savoir Nul C n’est D, est médiate, il sera nécessaire de prendre un
autre moyen terme qui sera aussi attribué à D universellement et qui sera
universellement nié de C. Ainsi, il faudra procéder dans les démonstrations
affirmatives tout comme on procède dans les démonstrations négatives,
c’est-à-dire que B sera attribué à A et D à B, et quelque chose d’autre sera
attribué à D; et ainsi on procéderait à l’infini dans les affirmatives. Donc,
parce qu’on suppose que dans les affirmatives il y a arrêt pour une série
ascendante, il est nécessaire aussi qu’il y ait arrêt dans les négatives
selon ce mode par lequel on démontre une négative en deuxième figure. 276.
Ensuite lorsqu’il dit [195] : Mais
le troisième mode etc., il montre la même chose en troisième figure. Admettons donc un moyen terme, par exemple B,
auquel A s’attribue universellement mais d’où C est nié : il s’ensuit alors
une particulière négative, à savoir que C est nié d’une partie de A. Et que
dans la prémisse affirmative, qui est Tout
B est A, il y ait certes une série limitée, on le tient de ce qu’on
suppose; mais qu’il soit nécessaire qu’il y ait série limitée même dans cette
majeure négative, à savoir Nul B n’est
C, cela est clair car si elle devait être démontrée, il serait nécessaire
qu’elle le soit par ce qui a été dit
plus haut, à savoir par la première et la deuxième figure, ou bien encore
elle sera démontrée de la même manière
que la conclusion était conclue, c’est-à-dire par la troisième figure :
de telle manière cependant que cette majeure
ne soit pas prise comme une universelle, mais comme une particulière. Mais de cette manière, la série est
limitée, c’est-à-dire si on procède en première ou en deuxième figure.
Mais si on procédait en troisième figure pour conclure Quelque B n’est pas C, on prend le moyen terme E auquel B sera
certes attribué universellement dans une affirmative et duquel, pris
particulièrement, C est nié. Et en
outre il sera possible de la même manière que conformément à cela on
procède toujours dans la démonstration négative d’après une croissance de
l’attribution affirmative vers l’inférieur : car B, qui était le premier
moyen terme, sera attribué à E et E le sera à son tour à un autre terme et
ainsi à l’infini. Donc, parce qu’on suppose qu’il y a une série descendante
limitée dans les affirmatives, il est évident qu’il y aura une série limitée
dans les négatives du côté de C lui-même. 277.
Ensuite lorsqu’il dit [196] : Mais
il est manifeste etc., il écarte une objection. Quelqu’un pourrait dire
en effet qu’il est nécessaire que la série soit limitée dans les
démonstrations négatives si elle l’est pour les affirmatives, à la condition
toutefois qu’on syllogise toujours dans la même figure; mais peut-être
pourrait-on procéder à l’infini dans la série des termes si on démontrait
tantôt dans une figure et tantôt dans une autre. Et il dit alors qu’il est manifeste que si dans les démonstrations on ne procède
pas d’une seule manière mais de toutes les manières, c’est-à-dire en partant
parfois de la première figure mais parfois aussi de la deuxième ou de la
troisième figure, là encore il faudra qu’il y ait une série limitée de termes
dans les démonstrations négatives, cette limite existant dans les
affirmatives. En effet, ces différentes façons de démontrer sont en nombre
limité et chacune d’elles se multiplie non pas à l’infini, mais d’une manière
finie, que ce soit dans une série ascendante ou dans une série descendante,
ainsi que nous l’avons montré. Mais si on admet que les choses finies sont
multipliées d’une manière finie, il est nécessaire que le tout soit fini. Il
résulte de là que c’est pour toutes les façons de démontrer qu’il est nécessaire
qu’il y ait une série limitée de termes dans les démonstrations négatives,
s’il y a une série limitée dans les démonstrations affirmatives. |
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LECTIO 33 |
LEÇON 33. On montre selon
un mode dialectique qu’on ne peut procéder à l’infini dans les prédicats qui
se rapportent à la quiddité. – Certaines notions préalables à une solution
globale sur le procédé à l’infini dans les prédicats affirmatifs
(nn.
278-286; [197-202]). |
[79744] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 33 n. 1Postquam philosophus ostendit quod si sit
status in extremis, necesse est esse statum in mediis, et si sit status in
affirmativis, necesse est esse statum in negativis ; hic intendit ostendere
quod sit status in affirmativis in sursum et deorsum. Et dividitur in duas
partes : in prima parte, ostendit propositum logice, idest per rationes
communes omni syllogismo, quae accipiuntur secundum praedicata communiter
sumpta ; in secunda, ostendit idem analytice, idest per rationes proprias
demonstrationi, quae accipiuntur secundum praedicata per se, quae
sunt demonstrationi propria ; ibi : analytice autem manifestum et cetera.
Prima autem pars dividitur in duas partes : in prima, ostendit quod non sit
procedere in infinitum in praedicatis, quae praedicantur in eo quod
quid ; in secunda, ostendit quod non sit procedere in infinitum
universaliter in praedicatis affirmativis ; ibi : universaliter autem sic
dicimus et cetera. [79745] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 33 n. 2Dicit ergo primo, quod cum ostensum sit
quod in privativis non est ire in infinitum, si stetur in affirmativis ; hic
iam manifestum erit quomodo aliqui speculantur in illis, idest in
affirmativis, esse statum per logicas rationes. Et dicuntur hic logicae rationes,
quae procedunt ex quibusdam communibus, quae pertinent ad considerationem
logicae. Haec autem veritas manifesta est in his, quae praedicantur in
eo quod quid est, idest in praedicatis, ex quibus quod
quid est, idest definitio constituitur. Si enim huiusmodi praedicata
dentur esse infinita, sequitur et quod non contingat definire aliquid, et
quod si definitur aliquid, eius definitio non possit esse nota. Et hoc ideo,
quia infinita non est pertransire. Non autem contingit definiri, neque
definitionem cognosci, nisi descendendo perveniatur usque ad ultimum, et
ascendendo perveniatur usque ad primum. Si ergo contingit aliquid definire,
vel si contingit definitionem alicuius esse notam, ex utroque antecedenti
sequitur hoc consequens, quod in praedictis praedicatis non sit procedere in
infinitum, sed in eis contingat stare. [79746] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 33 n. 3Deinde cum dicit : universaliter autem sic
etc., ostendit universaliter quod in praedicatis affirmativis non sit
procedere in infinitum. Et circa hoc duo facit : primo, quaedam praemittit,
quae sunt necessaria ad propositum ostendendum ; secundo, ostendit propositum
; ibi : amplius si non est et cetera. Circa primum duo facit : primo,
distinguit praedicata per accidens a praedicatis per
se ; secundo, distinguit praedicata per se ad invicem ; ibi : quare autem
in eo quod quid est et cetera. Dicit ergo primo, quod cum ostensum sit in
quibusdam praedicatis, quod in eis non est procedere in infinitum, scilicet
in his, quae praedicantur in quod quid est, ostendendum est hoc
universaliter in omnibus praedicatis affirmativis. [79747] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 33 n. 4Et incipit suam considerationem a
praedicatis per accidens, in quibus est triplex modus verae
praedicationis. Unus quidem modus est, quando accidens praedicatur de
accidente ; puta, cum dicimus, album ambulat. Secundus modus est,
quando subiectum praedicatur de accidente ; puta, cum dicimus, hoc
magnum est lignum. Tertius modus est, quando accidens praedicatur de
subiecto ; puta, cum dicimus, lignum est album : vel cum
dicimus, homo ambulat. Isti autem modi praedicandi sunt alteri et
diversi ad invicem : quia cum subiectum praedicatur de accidente, puta, cum
dicitur, album est lignum, hoc significatur, quod illud
universale praedicatum, quod est lignum, praedicatur de subiecto, cui
accidit esse album, scilicet de hoc particulari ligno, in quo est albedo.
Idem enim est sensus cum dico, album est lignum, ac si dicerem, hoc
lignum, cui accidit esse album, est lignum ; non autem est sensus quod album
sit subiectum ligni. Et hoc probat, quia subiectum fit hoc quod
praedicatur de ipso sicut de subiecto, vel secundum totum, vel secundum
partem, sicut homo fit albus : sed neque album, neque aliqua pars
albi, quae vere sit album, idest quae sit de substantia ipsius albedinis, fit
lignum ; non enim accidens est subiectum transmutationis, qua de non ligno
fit lignum. Omne autem quod incipit esse hoc, fit hoc ; si igitur non fit
hoc, non est hoc, nisi detur quod semper hoc fuerit ; non autem semper fuit
verum dicere, album est lignum, quia aliquando non simul fuerunt
albedo et lignum. Cum ergo non sit verum dicere quod album fiat lignum,
manifestum est quod album non est lignum proprie et per
se loquendo : sed si hoc concedatur, album est lignum,
intelligitur per accidens, quia scilicet illud particulare
subiectum, cui accidit album, est lignum. Iste ergo est sensus huiusmodi
praedicationis, in qua subiectum praedicatur de accidente. Sed cum
dico, lignum est album, praedicando accidens de subiecto, non significo
sicut in praedicto modo praedicationis, quod alterum aliquid sit
substantialiter album, cui accidit esse lignum. Quod quidem significatur tam
in praedicto modo, quo subiectum praedicatur de accidente, quam etiam in alio
modo, quo accidens praedicatur de accidente, ut cum dico, musicum est
album : hic enim nihil aliud significo, nisi quod ille homo particularis,
puta Socrates, cui accidit esse musicum, est albus. Sed quando dico, lignum
est album, significo quod ipsum lignum vere factum est subiectum albi,
non quod aliquid aliud a ligno, vel a parte ligni, quae est lignum aliquod,
sit factum album. Est ergo differentia in tribus modis praedictis : quia cum
praedicatur accidens de subiecto, non praedicatur per aliquod aliud subiectum
; cum autem praedicatur subiectum de accidente, vel accidens de accidente,
fit praedicatio ratione eius quod subiicitur termino posito in subiecto ; de
quo quidem praedicatur aliud accidens accidentaliter, ipsa vero species
subiecti essentialiter. [79748] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 33 n. 5Et quia in quolibet praedictorum modorum
utimur nomine praedicationis, et sicut possumus nomina ponere,
ita possumus ea restringere ; imponamus sic nomina in probatione sequenti,
ut praedicari solum dicamus illud, quod dicitur hoc modo,
scilicet non ratione alterius subiecti. Illud vero quod dicitur illo modo,
scilicet ratione alterius subiecti, velut cum subiectum praedicatur de
accidente, vel accidens de accidente, non dicatur praedicari, vel si dicatur
praedicari, non dicatur praedicari simpliciter, sed secundum
accidens. Et accipiamus semper illud, quod se habet per modum albi,
ex parte praedicati, id autem, quod se habet per modum ligni,
accipiatur ex parte subiecti. Hoc ergo supponamus praedicari semper, in
probatione sequenti, quod praedicatur de eo, de quo praedicatur, simpliciter,
et non secundum accidens. Et ratio quare debemus sic uti vocabulo
praedicationis, haec est : quia loquimur in materia demonstrativa,
demonstrationes autem non utuntur nisi talibus praedicationibus. [79749] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 33 n. 6Deinde cum dicit : quare autem in quod etc.
ostendit differentiam praedicatorum per se ad invicem. Et
circa hoc duo facit : primo, distinguit praedicata ad invicem secundum
diversa genera ; secundo, ostendit differentiam praedicatorum ; ibi : amplius
substantiam quidem et cetera. Dicit ergo primo, quod quia nos praedicari
dicimus solum illud, quod praedicatur non secundum aliud subiectum, hoc autem
diversificatur secundum decem praedicamenta ; sequitur quod omne quod sic
praedicatur, praedicetur aut in quod quid est, idest per
modum substantialis praedicati, aut per modum qualis,
vel quanti, vel alicuius alterius praedicamentorum, de quibus
actum est in praedicamentis. Et addit cum unum de uno praedicetur
: quia si praedicatum non sit unum sed multa, non poterit praedicatum simpliciter dici quid vel quale
; sed forte dicetur simul quale quid, puta si dicam, homo est
animal album. Fuit autem necessaria haec additio ; quia si multa praedicentur
de uno, ita quod multa accipiantur in ratione unius praedicati, poterunt in
infinitum praedicationes multiplicari, secundum infinitos modos combinandi
praedicata ad invicem. Unde cum quaeritur status in his quae praedicantur,
necesse est accipere unum de uno praedicari. [79750] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 33 n. 7Deinde cum dicit : amplius substantiam
quidem etc., ostendit differentiam praedictorum praedicatorum. Et circa hoc
tria facit : primo, proponit differentiam ; secundo, manifestat per exempla ;
ibi : ut de homine et albo etc. ; tertio, excludit quamdam obviationem ; ibi
: species enim gaudeant et cetera. Dicit ergo primo, quod illa quae
substantiam significant, oportet quod significent respectu eius de quo
praedicantur, quod vere illud est, aut quod vere illud aliquid.
Quod potest dupliciter intelligi. Uno modo, ut ostendatur distinctio ex parte
praedicati, quod vel significat totam essentiam subiecti, sicut definitio :
et hoc significat cum dicit : quod vere illud est ; vel
significat partem essentiae, sicut genus, vel differentia : et hoc significat
cum dicit ; aut quod vere illud aliquid. Alio modo, et melius, ut
ostendatur distinctio ex parte subiecti, quod quandoque est convertibile cum
praedicato essentiali, sicut definitum cum definitione : et hoc significat cum
dicit : quod vere illud est ; quandoque vero est pars subiectiva
praedicati, sicut homo animalis : et hoc significat cum dicit : aut
quod vere illud aliquid. Homo enim aliquod animal est.
Sed illa quae non significant substantiam, sed dicuntur de aliquo subiecto,
quod quidem subiectum nec vere, idest essentialiter, est illud
praedicatum, neque aliquid eius ; omnia huiusmodi praedicata sunt
accidentalia. [79751] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 33 n. 8Deinde cum dicit : ut de homine est album
etc., manifestat praemissam differentiam per exempla : et dicit quod cum
dicimus, homo est albus, praedicatum illud est accidentale, quia
homo non est quod vere album est, idest esse album non est
essentia hominis ; neque quod vere album aliquid, ut supra expositum est. Sed
cum dicitur, homo est animal, forsan homo est quod vere est
animal : animal enim significat essentiam hominis, quia illud ipsum quod est
homo, est essentialiter animal. Et quamvis illa, quae non significant
substantiam, sint accidentia, non tamen per accidens praedicantur.
Praedicantur enim de quodam subiecto non propter aliquod aliud subiectum :
puta cum dico, homo est albus, praedicatur album de
homine, non ea ratione, quod aliquod aliud subiectum sit album, ratione cuius
homo dicatur albus ; sicut supra dictum est in his, quae praedicantur per
accidens. [79752] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 33 n. 9Deinde cum dicit : species enim gaudeant
etc., excludit quamdam obviationem. Posset enim aliquis dicere quod
praedicata, quae significant substantiam, non sunt vere et essentialiter id,
de quo praedicantur, vel aliquid eius : neque accidentia, quae sunt in
individuis sicut in subiectis, conveniunt huiusmodi communibus praedicatis
essentialibus ; quia huiusmodi praedicata universalia significant quasdam essentias
semper separatas per se subsistentes, sicut Platonici dicebant. Sed ipse
respondet quia, si supponantur species, idest ideae, esse, debent
gaudere, quia secundum Platonicos habent aliquod nobilius esse, quam res
nobis notae naturales. Huiusmodi enim res sunt particulares et materiales,
illae autem sunt universales et immateriales. Sunt enim quaedam
praemonstrationes respectu naturalium, idest quaedam exemplaria horum : ut
accipiantur hic monstra vel praemonstrationes sicut praemonstratur aliquid ad
aliquid probandum. Quia ergo sunt praemonstrationes vel exemplaria rerum
naturalium, necesse est quod in istis rebus naturalibus inveniantur aliquae
participationes illarum specierum, quae pertinent ad essentiam harum rerum
naturalium. Et ideo si sint huiusmodi species separatae, sicut Platonici
posuerunt, nihil pertinent ad rationem praesentem. Nos enim intendimus de
huiusmodi rebus, de quibus in nobis scientia per demonstrationem acquiritur.
Et huiusmodi sunt res in natura existentes nobis notae, de quibus
demonstrationes fiunt. Et ideo si detur quod animal sit
quoddam separatum, quasi praemonstratio existens animalium naturalium, tunc
cum dico, homo est animal, secundum quod hac propositione utimur
in demonstrando, ly animal significat essentiam rei naturalis,
de qua fit demonstratio. |
278.
Après avoir montré que s’il y a une limite dans la série des termes extrêmes, il est nécessaire qu’il y en ait
une dans la série des moyens termes, et que s’il y a une limite dans les
affirmatives il est nécessaire qu’il y en ait une aussi dans les négatives,
le Philosophe montre ici qu’il y a une limite dans les affirmatives, que ce
soit vers le haut ou vers le bas. Et cette section se divise en deux
parties : dans la première partie [197], il manifeste le propos selon un
mode dialectique, c’est-à-dire par des raisons qui sont communes à tout
syllogisme et qui sont admises d’après des prédicats qui sont pris
communément; dans la deuxième partie, il montre la même chose selon un mode
analytique, c’est-à-dire par des raisons qui sont propres à la démonstration
et qui se prennent d’après des prédicats essentiels qui sont propres à la
démonstration, là [212] où il dit : Mais
il est manifeste selon un mode analytique etc. Mais la première partie se divise en
deux : dans la première il montre qu’il n’y a pas lieu de procéder à
l’infini pour les prédicats qui attribuent la quiddité; dans la deuxième il
montre qu’il n’y a pas lieu de procéder à l’infini en général dans le cas des
prédicats affirmatifs, là [198] où il dit : Mais nous disons ainsi que pour les prédicats en général etc. 279.
Il dit donc en premier lieu [197] que puisque nous avons montré qu’on ne peut
aller à l’infini dans les négations s’il y a une limite dans les
affirmatives, on pourra déjà voir ici comment certains considèrent au moyen
de raisons dialectiques que dans celles-ci, c’est-à-dire dans les
propositions affirmatives, il y a une limite. Et on appelle ici dialectiques
les raisons communes qui relèvent de la considération de toute la logique. Mais cette vérité est manifeste pour les
prédicats qui attribuent la quiddité,
c’est-à-dire pour les prédicats à partir desquels la quiddité, c’est-à-dire la définition, est constituée. Si en
effet on concédait que de tels prédicats sont infinis, il s’ensuivrait qu’il
ne serait pas possible de définir une chose et que si une chose était
définie, sa définition ne pourrait être connue. Et il en est ainsi parce que
l’infini ne peut être parcouru. Mais il n’est possible de définir et de
connaître une définition qu’en parvenant à un terme qui est le dernier par le
bas et à un terme qui est le premier par le haut. Si donc il est possible de définir une
chose, ou s’il est possible que la définition d’une chose soit connue, de ces
deux antécédents suit ce conséquent, à savoir que pour les prédicats de cette
sorte il n’est pas possible de procéder à l’infini mais il faut rencontrer
une limite. 280.
Ensuite lorsqu’il dit [198] : Mais
pour les prédicats en général etc., il montre plus universellement qu’on
ne peut procéder à l’infini dans les prédicats affirmatifs en général. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il fait précéder certaines notions qui sont nécessaires à la
manifestation du propos; en deuxième lieu, il manifeste le propos, là [203]
où il dit : En outre, s’il n’y a
pas etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il distingue les prédicats accidentels des prédicats essentiels;
en deuxième lieu, il distingue les prédicats essentiels entre eux, là [199]
où il dit : Mais c’est pourquoi
dans la quiddité etc. Il dit donc en premier lieu [198] que
puisque nous avons montré qu’on ne peut procéder à l’infini pour certains
prédicats, à savoir pour ceux qui attribuent la quiddité, il faut montrer en outre
que cela s’applique universellement à tous les prédicats affirmatifs. 281.
Et il commence sa considération par l’examen des prédicats accidentels dans lesquels on retrouve trois sortes d’attribution véritable. La première sorte, c’est quand un
accident s’attribue à un autre accident : par exemple, lorsque nous
disons que le blanc se promène. La deuxième sorte, c’est quand le
sujet s’attribue à l’accident : par exemple, lorsque nous disons que ce grand est du bois. La troisième sorte, c’est quand
l’accident est attribué au sujet : par exemple, lorsque nous disons que le bois est blanc ou que l’homme se promène. Mais ces modes d’attribution sont différents
et distincts les uns des autres : car lorsque le sujet s’attribue à
l’accident, par exemple lorsque nous disons que le blanc est du bois, cela
signifie que ce prédicat universel, qui est le bois, s’attribue au sujet
auquel il arrive d’être blanc, c’est-à-dire à ce bois particulier dans lequel
est la blancheur. En effet, lorsque je dis le blanc est du bois, le sens est le même que si je disais :
ce bois, auquel il arrive d’être blanc,
est du bois, et je ne veux pas dire que le blanc est le sujet du bois. Et il prouve cela car le sujet devient ce
qui est attribué à lui-même comme à un sujet, soit en tant que tout, soit en
tant que partie, comme l’homme qui
devient blanc : mais ni le blanc, ni une partie du blanc qui est
véritablement blanche, c’est-à-dire dont la substance est celle de la
blancheur elle-même, ne devient du bois; l’accident en effet n’est pas le
sujet d’un changement par lequel de non-bois il devient bois. Mais tout ce
qui commence à être cela devient cela; si donc il ne devient pas cela, il
n’est pas cela, à moins qu’on concède qu’il fut toujours cela; mais il ne fut
pas toujours vrai de dire le blanc est du bois car il fut un temps où le
blanc et le bois n’existèrent pas ensemble. Donc, puisqu’il n’est pas vrai de
dire que le blanc devient du bois, il est manifeste que le blanc n’est pas du
bois à proprement parler et essentiellement : mais si on
concède que le blanc est du bois,
cela s’entend par accident,
c’est-à-dire au sens où ce sujet particulier, auquel il arrive d’être blanc,
est du bois. Tel est donc le sens de cette sorte d’attribution dans laquelle
le sujet est attribué à l’accident. Mais lorsque je dis que le bois est blanc, en attribuant
l’accident au sujet, je ne signifie pas, comme dans la sorte d’attribution
qui précède, que quelque chose d’autre, auquel il arrive d’être du bois, soit
blanc. Mais c’est cela qui est signifié certes tant dans la façon qui
précède, par laquelle le sujet est attribué à l’accident, que dans l’autre
façon aussi, par laquelle l’accident est attribué à l’accident, comme lorsque
je dis que le musicien est blanc :
ici en effet je ne signifie rien d’autre si ce n’est que cet homme
particulier, par exemple Socrate, auquel il arrive d’être musicien, est
blanc. Mais lorsque je dis que le bois
est blanc, je signifie que le bois lui-même est véritablement devenu le
sujet de la blancheur et non pas que quelque chose d’autre que le bois ou
qu’une partie du bois, qui est elle-même du bois, est devenu blanc. Il y a donc une différence entre les trois
façons d’attribuer qui précèdent : car lorsqu’on attribue l’accident au
sujet, l’attribution ne se fait pas au moyen d’un autre sujet; mais lorsque
j’attribue le sujet à l’accident ou l’accident à l’accident, l’attribution
s’opère en raison de ce qui est supposé sous le terme qui est pris comme
sujet et auquel un autre accident s’attribue certes par accident mais auquel
l’espèce même du sujet s’attribue essentiellement. 282.
Et parce que dans chacune des façons d’attribuer qui précède on se sert du
nom de prédication ou d’attribution,
et tout comme nous pouvons imposer des noms, nous pouvons aussi en resserrer
la signification, imposons donc ainsi les noms dans la preuve qui suit de
telle manière que nous parlions de
prédication seulement pour ce qui s’attribue de cette manière,
c’est-à-dire non en raison d’un autre sujet. Mais ce qui se dit de cette
manière, c’est-à-dire en raison d’un autre sujet, que ce soit lorsque le
sujet est attribué à l’accident ou lorsque l’accident est attribué à
l’accident, on ne parle plus alors de prédication; ou si on parle de
prédication, on ne parle pas d’une prédication prise absolument, mais d’une prédication par accident. Et nous prenons toujours du côté du prédicat ce qui
se présente à la manière du blanc
et toujours du côté du sujet ce qui se présente à la manière du bois. Nous supposons donc toujours
qu’il y a prédication, dans la preuve qui suit, quand ce qui est attribué à
un sujet est attribué absolument et
non par accident. Et la raison pour
laquelle nous devons nous servir du nom de prédication de cette manière,
c’est que les démonstrations ne se servent que de cette sorte de prédication. 283.
Ensuite lorsqu’il dit [199] : Mais
c’est pourquoi l’attribution porte sur etc., il montre la différence
qu’il y a à l’intérieur même des prédicats essentiels. Et à sujet il fait deux choses : en
premier lieu il distingue les prédicats entre eux d’après différents genres;
en deuxième lieu, il montre la différence qu’il y a entre les prédicats, là
[200] où il dit : En outre certes,
ceux qui signifient la substance etc. Il dit donc en premier lieu [199] que
parce que nous appelons prédication seulement ce qui ne s’attribue pas
d’après un autre sujet, et que cela se divise cependant selon les dix
prédicaments, il s’ensuit que tout ce qui s’attribue de cette manière
s’attribuera soit sous le rapport de l’essence,
c’est-à-dire à la manière d’un prédicat substantiel,
soit sous le rapport de la qualité,
ou de la quantité, ou d’après un
autre des prédicaments dont on traite dans le livre des Prédicaments. Et il ajoute lorsqu’un seul prédicat est attribué à un seul sujet car si le
prédicat n’est pas unique mais multiple, le prédicat ne pourra pas attribuer simplement la substance ou la qualité,
mais il attribuera peut-être à la fois la
substance et la qualité, par
exemple si je disais que l’homme est un
animal blanc. Cet ajout était donc nécessaire car si plusieurs prédicats
sont attribués à un seul sujet de telle manière qu’on admette plusieurs
notions dans la notion d’un seul prédicat, les attributions pourront se
multiplier à l’infini d’après les manières infinies de combiner les prédicats
entre eux. C’est pourquoi, lorsqu’on recherche une limite dans les choses qui
sont attribuées, il est nécessaire d’admettre un seul prédicat pour un seul
sujet. 284.
Ensuite lorsqu’il dit [200] : En
outre ceux qui signifient la substance etc., il montre la différence
qu’il y a entre les prédicats qui précèdent. Et à ce sujet il fait trois choses :
en premier lieu, il présente la différence; en deuxième lieu, il la manifeste
par des exemples, là [201] où il dit : Comme le blanc qui est un accident de l’homme etc.; en troisième
lieu, il écarte une objection, là [202] où il dit : Aussi convient-il de rejeter les Idées etc. Il dit donc en premier lieu [200] que les
prédicats qui signifient la substance, il faut qu’ils signifient, à l’égard
de ce à quoi ils sont attribués, que le sujet est véritablement cela ou quelque chose de cela. Ce qui peut s’entendre de deux manières.
En un premier sens, de manière à montrer une distinction du côté du prédicat
qui signifie ou bien toute l’essence du sujet, comme la définition : et
c’est ce qu’il veut dire lorsqu’il dit : qui est véritablement cela; ou bien une partie de l’essence,
comme le genre ou la différence : et c’est là ce qu’il veut dire par
l’expression : ou qui est
véritablement quelque chose de cela. En
un deuxième sens et préférablement, de manière à montrer une distinction
du côté du sujet, lequel est parfois convertible avec le prédicat essentiel,
comme le défini est convertible avec la définition : et c’est là ce
qu’il veut dire par ces mots : qui
est véritablement cela; mais parfois le sujet est une partie subjective
du prédicat, comme l’homme l’est pour l’animal :
et c’est là ce qu’il veut dire par l’expression : ou qui est véritablement quelque chose de cela. L’homme en effet
est une partie du genre animal. Mais pour ce qui est de ces prédicats qui ne
signifient pas la substance mais qui se disent de quelque sujet, lequel sujet
n’est ni véritablement, c’est-à-dire essentiellement, ce prédicat lui-même,
ni une partie de son essence, les prédicats de cette sorte sont accidentels. 285.
Ensuite lorsqu’il dit [201] : Par
exemple, le blanc est un accident de l’homme etc., il manifeste au moyen
d’exemples la différence qui précède : et il dit que lorsque nous disons
que l’homme est blanc, ce prédicat
est accidentel, car l’homme n’est pas vraiment ce qu’est le blanc,
c’est-à-dire que l’essence de l’homme n’est ni l’essence du blanc ni l’essence d’une partie du blanc comme nous
l’avons expliqué plus haut. Mais lorsqu’on dit que l’homme est un animal, on veut dire que l’homme est véritablement
et essentiellement un animal : animal en effet signifie l’essence de
l’homme car ce qu’est l’homme en lui-même, c’est d’être essentiellement un
animal. Et bien que les prédicats qui ne signifient pas la substance soient
des accidents, ils ne s’attribuent cependant pas par accident. Ils s’attribuent en effet à un sujet non pas en
raison d’un autre sujet : par exemple, lorsque je dis que l’homme est blanc, le blanc est attribué à l’homme non
pas pour cette raison qu’un autre sujet que l’homme serait blanc, à cause
duquel on dirait de l’homme qu’il
est blanc, comme c’est le cas pour
ces prédicats qui s’attribuent par accident et que nous avons présentés plus
haut. 286.
Ensuite lorsqu’il dit [202] : Aussi
convient-il de rejeter les Idées etc., il écarte une objection. Quelqu’un
pourrait dire en effet que les prédicats qui signifient la substance ne sont
véritablement et essentiellement ni le sujet auquel ils s’attribuent, ni une
partie de ce sujet; et que les accidents qui existent dans les individus
comme dans leurs sujets ne se rapportent pas à de tels prédicats universels
et essentiels; car, dirait-il, de tels prédicats universels signifient des
essences toujours séparées et subsistantes par elles-mêmes, ainsi que le
proclamaient les Platoniciens. Mais Aristote répond que si on suppose que
des formes séparées, c’est-à-dire les Idées, existent, on doit s’en réjouir
car selon les Platoniciens elles possèdent un mode d’existence plus noble que
celui des choses naturelles qui nous sont connues. Ces dernières en effet
sont particulières et matérielles alors que les premières sont universelles
et immatérielles car elles se trouvent comme à préfigurer les choses
naturelles comme si elles en étaient des exemplaires, de telle manière que
préfigurer se prenne ici au sens où ce qui préfigure se trouve comme à
manifester et à prouver ce qui suit. Donc, parce que les Idées sont censées
être des préfigurations et des exemplaires des choses naturelles, il est
nécessaire que dans les choses naturelles se retrouvent des participations de
ces Idées qui appartiendraient à l’essence de ces choses naturelles. Et c’est pourquoi, si de telles Idées
séparées existent ainsi que le statuèrent les Platoniciens, elles n’ont
cependant aucun rapport avec le propos actuel. Nous nous intéressons en effet
aux choses dont la science est acquise en nous par démonstration. Et ces
choses sont celles que nous connaissons comme existant dans la nature et pour
lesquelles nous pouvons produire des démonstrations. Et c’est pourquoi, même
si on concède que l’animal est une
forme séparée et comme une préfiguration de l’existence des animaux naturels,
lorsque nous disons que l’homme est un
animal, selon que nous nous servons de cette proposition pour démontrer,
ce terme animal signifie l’essence
de la chose naturelle sur laquelle porte la démonstration. |
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LECTIO 34 |
LEÇON 34. On montre ici,
au moyen de raisonnements dialectiques, qu’on ne peut procéder à l’infini,
que ce soit d’une manière circulaire ou en ligne droite, selon une série
ascendante ou descendante, dans tous les cas où les prédicats sont
affirmatifs
(nn.
287-297; [203-211]). |
[79753] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 34 n. 1Praemissis his, quae necessaria sunt ad
propositum demonstrandum, de distinctione praedicatorum ad invicem, hic
accedit ad propositum ostendendum, scilicet quod non procedatur in
praedicatis in infinitum. Et
dividitur haec pars in partes duas, secundum duos modos quibus ostendit
propositum. Secunda pars incipit ibi : adhuc autem alius et cetera. Circa
primum duo facit : primo, ostendit quod non est procedere in infinitum in
praedicatis per modum circulationis ; secundo, quod non procedatur in
infinitum in eis secundum rectitudinem in sursum neque in deorsum ; ibi : sed
utique quod neque in sursum et cetera. Circa primum tria facit : primo,
praemissis suppositis, addit quaedam adhuc necessaria ad propositum
ostendendum ; secundo, ex his et aliis praemissis concludit propositum ; ibi
: impossibile est aeque praedicari etc. ; tertio, probat ; ibi : aut enim
sicut substantia et cetera. [79754] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 34 n. 2Primo ergo proponit duo : quorum unum est,
quia cum praedicatum, quod significat accidens, significet aliquod genus
accidentis, puta qualitatem, non potest esse quod duo se habeant hoc modo ad
invicem, quod primum sit qualitas secundi, et secundum sit qualitas primi ;
alia est enim ratio qualitatis, et eius cui qualitas inest. Secundum est,
quod universaliter non est possibile quod qualitas habeat quamcunque aliam
qualitatem sibi inhaerentem ; quia nullum accidens est subiectum alterius
accidentis per se loquendo. Soli enim substantiae convenit proprie ratio
subiecti. [79755] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 34 n. 3Deinde cum dicit : impossibile est aeque
etc., proponit, quasi ex praemissis concludens, quod intendit probare, et
dicit : si ista sunt vera, quae praemissa sunt, impossibile est quod
fiat mutua praedicatio ad invicem sic, idest secundum aliquem
praedictorum modorum. Non autem ita hoc dicitur, quin contingat vere
praedicari unum de alio, et e converso. Dicimus enim
vere quod homo est albus, et album est homo. Sed hoc
non fit aeque, idest secundum aequalem rationem praedicandi. Et
similiter est in praedicatis essentialibus. [79756] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 34 n. 4Deinde cum dicit : aut enim sicut
substantia etc., ostendit propositum : et primo, in praedicatis essentialibus
; secundo, in accidentalibus ; ibi : verum etiam ipsius qualis et cetera.
Circa primum tria facit : primo, ponit quamdam divisionem essentialium
praedicatorum ; secundo, resumit quoddam, quod supra probatum est ; ibi :
haec autem ostensa etc. ; tertio, probat propositum ; ibi : si quidem
igitur genera et cetera. Dicit ergo primo, quod ad ostendendum quod
non sit ad invicem aeque praedicari, primo oportet hoc considerare in
essentialibus praedicatis. Aut enim quod aeque praedicatur praedicabitur
sicut substantia, aut alio modo. Et si sicut substantia, aut sicut genus aut
sicut differentia. Haec enim duo sunt partes definitionis, quae significant
essentiam. [79757] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 34 n. 5Deinde cum dicit : haec autem ostensa sunt
etc., resumit quod supra probaverat, scilicet huiusmodi praedicata non esse
infinita : quia si in infinitum procederent, non haberet in eis locum
reciprocatio, seu circulatio. Dicit ergo quod sicut supra de his ostensum
est, in huiusmodi non contingit procedere in infinitum, neque in sursum neque
in deorsum : sicut si bipes praedicatur de homine, et animal de bipede, et de
animali aliquid alterum, non est hoc procedere in infinitum in sursum ; neque
in deorsum, ut si animal dicatur de homine in eo quod quid est,
et homo de Callia, et hoc de quodam alio (supposito quod homo esset genus
continens sub se multas species, quarum una esset Callias), non posset sic
procedi in infinitum. Et resumit rationem ad ostendendum quod supra posuit,
quia omnem huiusmodi substantiam, quae scilicet habet aliquid universalius,
quod de ipsa praedicetur, et quae potest de alio inferiori praedicari,
contingit definire : genera vero generalissima, de quibus alia universaliora
non praedicantur, et singularia, quae non praedicantur de aliquibus
inferioribus, non contingit definire. Solum ergo substantiam mediam definire
contingit. Illam vero substantiam non contingit definire, de qua infinita
praedicantur : quia oportet definientem intelligendo pertransire omnia illa,
quae substantialiter praedicantur de definito ; cum omnia cadant in
definitione, vel sicut genus, vel sicut differentia. Infinita autem non
contingit pertransire. Ergo oportet omnem universalem substantiam, quae non
est supremum genus, neque infimum subiectum, non habere infinita, quae de
ipsa substantialiter praedicentur. Sic ergo
non est procedere in infinitum, neque in sursum neque in deorsum. [79758] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 34 n. 6Deinde cum dicit : si quidem igitur etc.,
ostendit quod in substantialibus praedicatis non possit esse processus in
infinitum per modum circulationis. Et dicit quod si aliqua praedicata
substantialia praedicantur de aliquo ut genera, non praedicantur ad invicem
aequaliter, idest convertibiliter, ita quod unum sit genus alterius et e
converso. Et ad hoc probandum subdit : erit enim ipsum quod vere
ipsum aliquid ; quasi diceret : si aliquid praedicatur de aliquo ut
genus, illud de quo praedicatur, est aliquid, quod vere est ipsum, idest est
aliquid particulariter, quod substantialiter recipit praedicationem ipsius. Si
ergo hoc praedicetur de illo ut genus, sequetur quod ipsum, quod
particulariter conveniebat alicui, e converso particulariter recipiat
praedicationem illius ; quod est idem respectu eiusdem esse partem et totum,
quod est impossibile. Et eadem ratio est de differentiis. Unde et in I
topicorum dicitur quod problema de differentia reducitur ad problema de
genere. [79759] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 34 n. 7Deinde cum dicit : neque tamen qualis etc.,
ostendit quod non potest esse processus in infinitum per modum circulationis
in praedicationibus, in quibus praedicatur accidens de subiecto. Et dicit
quod neque etiam ipsius qualis potest esse conversio cum suo
subiecto, aut aliorum nullum potest habere huiusmodi
praedicationem, quae accidentaliter praedicantur, nisi fiat praedicatio per
accidens ; secundum quod dictum est quod accidentia non praedicantur de
subiectis nisi per accidens. Qualitas enim et omnia alia huiusmodi accidunt
substantiae : unde praedicantur de substantiis sicut accidens de subiecto. [79760] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 34 n. 8Deinde cum dicit : sed utique neque in
sursum etc., ostendit universaliter quod in nullo genere praedicationis sit
procedere in infinitum in sursum aut deorsum. Et dicit quod non solum non est
procedere in praedicationibus in infinitum secundum circulationem, sed neque
etiam procedendo in sursum infinita erunt praedicata, et similiter nec in
deorsum. Et ad hoc probandum, primo resumit quaedam supra posita ; secundo ex
his probat intentum ; ibi : neque in sursum ergo et cetera. [79761] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 34 n. 9Circa primum, primo resumit quod de
unoquoque possunt aliqua praedicari, quidquid significent : sive sit quale,
sive quantum, vel quodcunque aliud genus accidentis, vel etiam
quae intrant substantiam rei, quae sunt essentialia praedicata. Secundo,
resumit quod haec, scilicet substantialia praedicata, sunt finita. Tertio,
resumit quod genera praedicamentorum sunt finita ; scilicet quale et quantum et
cetera. Si enim aliquis dicat quod quantitas praedicetur de substantia, et
qualitas de quantitate, et sic in infinitum ; hoc excludit per hoc, quod
genera praedicamentorum sunt finita. Quarto, resumit quod, sicut supra
expositum est, unum de uno praedicatur in simplici praedicatione. Et hoc ideo
inducit, quia posset aliquis dicere quod primo praedicabitur unum de uno,
puta de homine animal ; et ista praedicatio multiplicabitur quousque poterit
inveniri aliquod unum, quod de homine praedicetur. Quibus finitis,
praedicabuntur duo de uno : puta, dicetur quod homo est animal album ; et sic
multo plura praedicata invenirentur secundum diversas combinationes
praedicatorum. Rursus,
praedicabuntur tria de uno : puta, dicetur quod homo
est animal album magnum ; et sic semper addendo ad numerum, magis multiplicabuntur
praedicata, et erit procedere in infinitum in praedicatis, sicut etiam in
additione numerorum. Sed hoc
excludit per praedicationem unius de uno. Quinto,
resumit ut non dicamus aliqua simpliciter praedicari de ipsis, quae non
aliquid sunt, idest de accidentibus, quorum nullum est aliquid subsistens. De
accidente enim neque subiectum neque accidens proprie praedicatur, ut supra
dictum est. Omnia enim huiusmodi, quae non sunt aliquid substantiale, sunt
accidentia, et de his nihil praedicatur simpliciter loquendo : sed haec
quidem praedicantur per se, scilicet de subiectis, vel substantialia
praedicata vel accidentalia. Illa vero secundum alium modum, idest per
accidens, scilicet cum praedicantur de accidentibus,
aut subiecta, aut accidentia. Haec enim omnia, scilicet accidentia, habent de
sui ratione quod dicantur de subiecto : illud autem quod est accidens, non
est subiectum aliquod ; unde nihil proprie loquendo potest de eo praedicari,
quia nihil talium, scilicet accidentium, ponimus esse tale, quod dicatur id,
quod dicitur, idest quod suscipiat praedicationem eius, quod de eo
praedicatur, non quasi aliquid alterum existens, sicut accidit in
substantiis. Homo enim dicitur animal vel album, non quia aliquid aliud sit
animal vel album, sed quia ipsummet quod est homo, est animal vel album : sed
album ideo dicitur homo vel musicum, quia aliquid alterum, scilicet subiectum
albi, est homo vel musicum. Sed ipsum accidens inest aliis ; et alia, quae
praedicantur de accidente, praedicantur de altero, idest de subiecto
accidentis ; et propter hoc praedicantur de accidente, ut dictum est. Hoc
autem introduxit, quia si accidens praedicatur de subiecto, et e converso, et
omnia quae accidunt subiecto, praedicentur de se invicem, sequetur quod
praedicatio procedat in infinitum, quia uni infinita accidunt. [79762] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 34 n. 10Deinde cum dicit : neque in sursum ergo
etc., ostendit propositum ex praemissis, scilicet quod in praedicatione, qua
praedicatur unum de uno, non proceditur in infinitum, neque in sursum neque
in deorsum ; quia omnia accidentia praedicantur de his, quae pertinent ad
substantiam rei, quod erat quinta suppositio. Substantialia autem praedicata
non sunt infinita (quod erat secunda suppositio) ; et ita ex parte
subiectorum non proceditur in infinitum in huiusmodi praedicationibus, quasi
in deorsum. In sursum autem neutra sunt infinita, scilicet neque
substantialia praedicata, neque accidentalia : quia et genera accidentium
sunt finita, et in unoquoque generum non est procedere in infinitum, neque in
sursum neque in deorsum, sicut neque in substantialibus praedicatis ; quia in
quolibet praedicamento genus praedicatur de specie in eo quod quid
est. Unde concludi potest universaliter quod necesse est esse aliquod
primum subiectum, de quo aliquid praedicetur, existente statu praedicationis
in deorsum : et de hoc aliquid aliud praedicabitur, et hoc habebit statum in
sursum : et erit invenire aliquid quod non amplius praedicabitur de alio,
neque sicut posterius praedicatur de priori per accidens, neque
sicut prius praedicatur de posteriori per se. Hic igitur est unus
modus logice demonstrandi propositum, qui sumitur secundum diversos modos
praedicationis. [79763] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 34 n. 11Deinde cum dicit : adhuc autem alius etc.,
ponit secundum modum probationis, et dicit quod quando est aliqua talis
propositio, in qua praedicatur aliquid de subiecto, si aliqua possunt per
prius praedicari de illo subiecto, talis propositio demonstrabilis erit :
puta haec propositio, homo est substantia, demonstratur per hanc, animal est
substantia, quia de animali per prius praedicatur substantia quam de homine.
Si autem aliqua propositio est demonstrabilis, non possumus eam melius
cognoscere quam sciendo : sicut principia indemonstrabilia melius cognoscimus
quam sciendo, quia cognoscimus ea ut per se nota. Et iterum huiusmodi
demonstrabilia non possumus scire nisi per demonstrationem ; quia
demonstratio est syllogismus faciens scire, ut supra dictum est. Item
considerandum est quod si aliqua propositio est nota per aliam, si illam per
quam nota est nescimus, neque cognoscimus eam meliori modo quam sciendo,
consequens est quod nec sciamus illam propositionem, quae per eam
cognoscitur. His igitur tribus suppositis, procedit sic. Si contingit aliquid
simpliciter scire per demonstrationem, et non ex aliquibus nec ex
suppositione, necesse est quod sit status in praedicatis, quae accipiuntur ut
media. Dicit autem simpliciter, et non ex aliquibus, ad
excludendum demonstrationes ducentes ad impossibile ; in quibus proceditur
contra positiones aliquas ex aliquibus propositionibus datis. Dicit
autem neque ex suppositione, ad excludendum demonstrationes quia,
quales fiunt in scientiis subalternis ; quae supponunt conclusiones
superiorum scientiarum, ut supra habitum est. Est ergo simpliciter per
demonstrationem scire, quando quaelibet propositionum praemissarum, si sit
demonstrabilis, scitur per demonstrationem ; et si non est demonstrabilis,
intelligitur per seipsam. Et hoc supposito, necesse est quod sit status in
praedicationibus, quia si non fuerit status, sed semper potest accipi aliquid
superius, sequitur quod omnium sit demonstratio, ut primo dicebatur. Si ergo
aliqua conclusio demonstratur, oportet quod quaelibet praemissarum sit
demonstrabilis. Sic ergo ad
eius cognitionem nullo modo possumus melius nos habere, quam sciendo eam per demonstrationem : ergo oportebit eam demonstrare per
aliquas alias propositiones, et illas iterum per alias, et sic in infinitum.
Quia igitur infinita non est transire, non poterimus ea cognoscere per
demonstrationem, neque melius ea cognoscere possumus, cum omnia sint
demonstrabilia. Ergo sequetur quod nihil contingat scire per demonstrationem
simpliciter, sed solum ex suppositione. Ultimo autem epilogando concludit principale
propositum. |
287.
Ayant fait précéder les notions qui sont nécessaires à la manifestation du
propos et qui portent sur la distinction des prédicats entre eux, il procède
ici à la manifestation du propos, à savoir qu’on ne peut procéder à l’infini
dans les prédicats. Et cette section se divise en deux parties
qui correspondent aux deux manières de manifester le propos. La deuxième
partie commence là [211] où il dit : Mais
en outre il y a une autre etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu [203] il montre qu’on ne peut procéder à
l’infini dans les prédicats d’une manière circulaire; en deuxième lieu, il
montre qu’on ne peut procéder à l’infini dans les prédicats d’après une série
en ligne droite qui serait ascendante ou descendante, là [209] où il
dit : Mais il n’y aura pas non
plus de série ascendante infinie etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu, après avoir fait précéder ce qui était
supposé, il ajoute en outre d’autres notions qui sont nécessaires à la
manifestation du propos; en deuxième lieu, à partir de ces notions et des
autres qu’il avait fait précéder, il conclut le propos là [204] où il
dit : Il est impossible que soient
attribuées réciproquement etc.; en troisième lieu, il prouve le propos là
[205] où il dit : Ou bien en effet
il y aura attribution essentielle etc. 288.
Donc, il présente en premier lieu [203] deux points : dont le premier et que puisque le prédicat
qui signifie l’accident signifie nécessairement un genre déterminé
d’accident, par exemple la qualité, il ne peut se faire que deux accidents se
rapportent l’un à l’autre de telle manière que le premier soit la qualité du
second et que le second soit la qualité du premier; autre en effet est la
notion de la qualité elle-même, autre la notion de la chose à laquelle la qualité
appartient. Le deuxième point est
qu’il n’est possible dans aucun cas qu’une qualité possède une autre qualité
qui lui serait inhérente; car, à parler absolument, aucun accident n’est le
sujet d’un autre accident. C’est à la seule substance en effet qu’il
appartient d’être un sujet. 289.
Ensuite lorsqu’il dit [204] : Mais
il est impossible que soient attribués réciproquement etc., il présente,
comme une conclusion qui découle de ce qui précède, ce qu’il cherche à
prouver et il dit : si ce que nous venons de dire est vrai, il est impossible qu’il y ait attribution
réciproque selon un des modes précédents. Mais on ne dit pas cela de
telle manière qu’il ne serait pas possible que les termes soient attribués en
vérité l’un à l’autre et inversement. C’est en vérité en effet que nous
disons que l’homme est blanc et que
le blanc est homme. Mais ces deux
attributions ne sont pas équivalentes, c’est-à-dire qu’elles ne se font pas
d’après le même sens ou la même
manière d’attribuer. Et il en est de même pour les prédicats essentiels. 290.
Ensuite lorsqu’il dit : Ou bien en
effet il y aura attribution essentielle etc., il montre le propos :
et en premier lieu, il le fait pour les prédicats essentiels; en deuxième
lieu, il le fait pour les prédicats accidentels, là [208] où il dit : Cependant, la qualité non plus ne peut
etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu il présente une division des prédicats
essentiels; en deuxième lieu il rappelle quelque chose qu’il avait prouvé
plus haut, là [206] où il dit : Mais
il a été montré que ces attributions etc.; en troisième lieu, il prouve
le propos, là [207] où il dit : Si
donc ils ne sont pas affirmés comme genres etc. Il dit donc en premier lieu [205] que pour
montrer qu’il n’y a pas attribution réciproque dans le même sens, il faut
d’abord le considérer dans le cas des prédicats essentiels. En effet, ce qui
sera attribué réciproquement dans le même sens le sera soit essentiellement,
soit d’une autre manière. Et si l’attribution se fait essentiellement, elle
se fera soit selon le genre, soit selon la différence. Ce sont là en effet
les deux parties de la définition qui signifient l’essence. 291.
Ensuite lorsqu’il dit [206] : Mais
il a été montré que ces attributions etc., il rappelle ce qu’il avait
prouvé plus haut, à savoir que de tels prédicats ne sont pas infinis car
s’ils procédaient à l’infini, ils ne pourraient être le lieu d’une
réciprocité ou d’une circularité. Il dit donc que, tout comme cela a été
prouvé plus haut, pour ce type de prédicats il n’est pas possible de procéder
à l’infini ni selon une série ascendante ni selon une série
descendante : par exemple si on attribuait bipède à l’homme, animal à
bipède et quelque chose d’autre à animal, on ne peut continuer à remonter
ainsi à l’infini vers le haut, et on ne peut pas non plus procéder à l’infini
vers le bas, comme si on attribuait l’animal à l’homme comme un élément de son essence, puis homme
à Callias et Callias à un autre (en considérant l’homme comme étant un genre
contenant en lui plusieurs espèces dont l’une serait Callias). Et il rappelle le raisonnement qu’il avait
présenté pour montrer ce qu’il avait affirmé plus haut, à savoir que toute
substance de cette sorte, à savoir celle qui se trouve à avoir devant elle
quelque chose de plus universel qui lui est attribué et qui peut
elle-même être attribuée à un autre inférieur plus particulier, peut être
définie : mais les genres les plus universels auxquels d’autres
prédicats plus universels ne peuvent être attribués, ainsi que les singuliers
qui ne peuvent être attribués à des sujets plus particuliers, il n’est pas
possible de les définir. Il n’y a donc que la seule substance intermédiaire
qui puisse être définie. Mais cette substance à laquelle des prédicats
infinis sont attribués, il n’est pas possible de la définir, car il faudrait
que celui qui définit parcoure à l’infini par son intelligence tous ces
prédicats qui sont attribués essentiellement, puisque tout ce qu’on retrouve
dans une définition essentielle se présente soit comme genre, soit comme
différence. Mais l’infini ne peut être parcouru. Il faut donc, pour toute
substance universelle qui n’est ni un genre suprême ni un sujet singulier,
que les prédicats qu’elle contient et qui lui sont attribués essentiellement
ne soient pas infinis. Ainsi donc il n’est pas possible de procéder à
l’infini, ni selon une série ascendante ni selon une série descendante. 292.
Ensuite lorsqu’il dit [207] : Si
donc etc., il montre que dans les prédicats essentiels on ne peut
procéder à l’infini par mode de circularité. Et il dit que si des prédicats
essentiels sont attribués à un sujet en tant que genres, ils ne peuvent
s’attribuer réciproquement sous le même rapport, c’est-à-dire comme étant
convertibles de telle manière que l’un soit le genre de l’autre et que
l’autre soit le genre de l’un. Et pour le prouver il ajoute [ibid.] : il serait en effet véritablement une de
ses parties elles-mêmes, comme s’il disait : si un prédicat est
attribué à un sujet en tant que genre, ce à quoi il est attribué est une
partie de ce qu’il est véritablement, c’est-à-dire qu’il est un cas
particulier, une espèce, qui reçoit essentiellement l’attribution de ce même
genre. Si donc ce sujet était attribué à son tour à ce prédicat à titre de
genre, il s’ensuivrait que ce dernier, qui s’appliquait à ce sujet comme à un
cas particulier, recevrait réciproquement de lui une attribution comme s’il en était lui-même un cas particulier,
ce qui reviendrait à affirmer qu’un même terme se rapporte à un autre à la
fois comme tout et comme partie, ce qui est impossible. Et le même
raisonnement vaut pour les différences. C’est pourquoi on dit dans le premier
livre des Topiques que les
difficultés relatives à la différence se ramènent à celles qui concernent le
genre. 293.
Ensuite lorsqu’il dit [208] : Et
il n’est pas possible non plus que la qualité etc., il montre qu’on ne
peut procéder à l’infini d’une manière circulaire dans les attributions dans
lesquelles un accident est attribué à un sujet. Et il dit qu’il ne peut y
avoir non plus conversion de la qualité
avec son sujet ou qu’il ne peut y avoir non plus attribution de cette
sorte pour aucun des autres
prédicaments qui s’attribuent accidentellement, à moins que l’attribution
n’ait lieu par accident, suite à ce qui a été dit, à savoir que les accidents
ne s’attribuent aux sujets que par accident. En effet, la qualité et tous les
autres prédicaments de cette sorte sont des accidents de la substance :
c’est pourquoi ils s’attribuent à la substance comme l’accident s’attribue au
sujet. 294.
Ensuite lorsqu’il dit [209] : D’un
autre côté, il n’y a pas non plus de série ascendante infinie etc., il
montre que dans aucun genre d’attribution on ne peut procéder à l’infini, que
ce soit dans une série ascendante ou dans une série descendante. Et il dit
qu’il n’est pas possible de procéder à l’infini dans les attributions non
seulement selon la circularité, mais que même en procédant selon une série
ascendante les prédicats ne seront pas infinis et qu’il en sera de même pour
une série descendante. Et pour le prouver il rappelle en premier
lieu certains points qu’il avait présentés plus haut; en deuxième lieu, en
partant de là, il prouve son propos, là [210] où il dit : Donc, ni la série ascendante etc. 295.
Au sujet du premier point [209], il rappelle en premier lieu que les prédicats peuvent être attribués à un
sujet, quoi qu’ils signifient : soit la
qualité, la quantité ou tout
autre genre d’accident, soit encore ce qui entre dans la substance de la
chose et qui est un prédicat essentiel. En
deuxième lieu, il rappelle que ceux-là, à savoir les prédicats
essentiels, sont limités. En
troisième lieu, il rappelle que les genres des prédicaments, c’est-à-dire
la qualité, la quantité etc., sont limités. En effet, au moyen du fait que
les genres des prédicaments sont limités, il écarte l’opinion qui prétendrait
que la quantité s’attribue à la
substance, puis la qualité à la quantité et ainsi de suite à
l’infini. En
quatrième lieu, il rappelle ce qu’il avait expliqué plus haut à savoir
que dans une attribution simple un seul prédicat est attribué à un seul
sujet. Et il introduit ce point parce que quelqu’un pourrait dire qu’en
premier on attribue un seul prédicat à un seul sujet, par exemple l’animal à
l’homme, et que cette attribution se multiplierait jusqu’à ce qu’on trouve un
terme qui s’attribue à l’homme. Ces termes étant limités, deux termes
seraient attribués à un même sujet : par exemple, on dirait de l’homme qu’il est un animal blanc; et
ainsi beaucoup plus de prédicats seraient trouvés d’après différentes
combinaisons de prédicaments. Par la suite, trois termes seraient attribués à
un même sujet : par exemple, si on disait que l’homme est un animal blanc et grand; et ainsi, en ajoutant
toujours un terme au nombre qu’on possède déjà, les prédicats se
multiplieraient davantage et il faudrait en arriver à procéder à l’infini
dans les prédicats tout comme on le fait dans l’addition des nombres. Mais il
rejette cette position par l’attribution d’un seul prédicat à un seul sujet. En
cinquième lieu, il nous rappelle de ne pas dire que certains prédicats
s’attribuent absolument à ces sujets qui ne sont pas eux-mêmes une substance,
c’est-à-dire aux accidents dont aucun ne subsiste par lui-même. En effet, ni
un sujet ni un accident ne s’attribue à proprement parler à un accident ainsi
que nous l’avons dit plus haut. En effet, tous les termes de cette sorte qui
n’expriment pas la substance sont des accidents et rien ne s’attribue à eux à
parler absolument : mais les prédicats substantiels et ceux qui sont
accidentels s’attribuent proprement à leurs sujets. Mais ces prédicats qui
s’attribuent aux accidents, que ce soient des sujets ou des accidents,
s’attribuent selon un autre mode, c’est-à-dire par accident. Tous ceux-là en effet, c’est-à-dire les
accidents, de par leur nature même, se disent d’un sujet : mais ce qui
est un accident n’est pas un sujet déterminé; c’est pourquoi rien ne peut lui
être attribué à proprement parler, car nous n’affirmons d’aucun d’eux,
c’est-à-dire des accidents, qu’il est tel qu’on dise de lui qu’il reçoit
l’attribution de ce qui lui est attribué comme si quelque chose d’autre ne
devait pas exister, comme c’est le cas pour les substances. En effet, on dit
de l’homme qu’il est un animal ou
qu’il est blanc non pas parce que
quelque chose d’autre que lui est animal ou blanc mais bien parce que cela
même qui est homme est animal ou blanc; mais on dit que le blanc est homme ou
musicien pour cette raison qu’il y a quelque chose d’autre, à savoir le sujet
du blanc, qui est homme ou musicien. Mais il est dans la nature de l’accident
d’appartenir à quelque chose d’autre; et tout ce qui est attribué à un
accident est de fait attribué à quelque chose d’autre, c’est-à-dire au sujet
de l’accident; et c’est pour cette raison qu’il y a attribution à l’accident,
ainsi que nous l’avons déjà dit. Et il a introduit ce point parce que si
l’accident s’attribue au sujet et réciproquement sous le même rapport, et que
tous les accidents d’un sujet s’attribuent mutuellement l’un à l’autre, il
s’ensuivrait que l’attribution procède à l’infini car pour un même sujet, il
y a une infinité d’accidents possibles. 296.
Ensuite lorsqu’il dit [210] : Donc,
une série ascendante ne peut être infinie etc., il manifeste son propos à
partir de ce qui précède, à savoir que dans une attribution, par laquelle un
seul prédicat est attribué à un seul sujet, on ne peut procéder à l’infini,
ni dans une série ascendante, ni dans une série descendante; car tous les
accidents s’attribuent à ce qui appartient à la substance de la chose, ce qui
était supposé au cinquième point. Mais les prédicats substantiels ne sont pas
infinis (ce qui était supposé dans le deuxième point), et ainsi dans de
telles attributions on ne procède pas à l’infini du côté des sujets dans une série
descendante. Mais dans le cas d’une série ascendante, aucune des deux sortes
de prédicats ne peut être infinie, c’est-à-dire ni les prédicats
substantiels, ni ceux qui sont accidentels : car d’une part les genres
des accidents sont limités et d’autre part dans chacun des genres on ne peut
procéder à l’infini ni selon une série ascendante, ni selon une série
descendante, comme c’est le cas aussi pour les prédicats substantiels; car
pour tout prédicament le genre s’attribue à l’espèce quant à ce qu’elle est essentiellement. C’est pourquoi on
peut conclure universellement qu’il est nécessaire qu’il y ait un sujet
premier, auquel quelque chose soit attribué immédiatement, et qui soit la
limite de l’attribution dans une série vers le bas; et à ce quelque chose, quelque chose d’autre sera attribué
immédiatement et qui sera la limite de l’attribution dans une série vers le
haut : et c’est ainsi qu’on en arrive à un terme qui n’est plus attribué
à un autre, ni comme ce qui est second est attribué par accident à ce qui est premier, ni comme ce qui est premier
est attribué essentiellement à ce
qui est second. Cette manière de démontrer le propos suit donc un mode
logique ou dialectique qui se prend d’après les différents modes
d’attribution. 297.
Ensuite lorsqu’il dit [211] : Mais
en outre il y a un autre etc., il présente la deuxième manière de prouver
le propos et il dit que quand il y a une proposition telle que dans celle-ci
quelque chose est attribué à un sujet de telle manière que certains prédicats
premiers s’attribuent à ce sujet, une telle proposition sera
démontrable : par exemple, cette proposition, à savoir l’homme est une substance, est
démontrée par cette autre proposition, à savoir l’animal est une substance, car c’est à l’animal que substance
s’attribue premièrement ou immédiatement et non à l’homme. Mais si une
proposition est démontrable, nous ne pouvons pas la connaître mieux qu’en la
connaissant de science; mais nous connaissons les principes indémontrables
mieux que ce que nous connaissons de science, car nous les connaissons comme
étant connus par eux-mêmes. Et en outre nous ne pouvons acquérir la science
des propositions qui sont démontrables qu’au moyen de la démonstration; car
la démonstration est le syllogisme qui engendre la science ainsi que nous
l’avons dit. Il faut en outre considérer que si une proposition est connue
par une autre qui est première, si nous ignorons cette proposition par
laquelle elle est connue et comme nous ne pouvons pas connaître cette
proposition seconde par un mode meilleur que celui de la science, il s’ensuit
que nous ignorerons aussi cette proposition qui est connue par la première. Ces trois points ayant été posés, il
procède ainsi. S’il est possible de savoir une chose d’une façon absolue par
démonstration et non à partir de postulats ou d’hypothèses, il est nécessaire
qu’il y ait une limite dans les prédicats qui se prennent comme moyens
termes. Mais il dit de façon absolue et non à partir de postulats pour exclure les
démonstrations qui conduisent à l’impossible dans lesquelles on procède à
l’encontre de certaines positions à partir de propositions qui ont été
concédées. Et il dit et pas davantage à partir d’hypothèses pour exclure les
démonstrations par le fait qui sont
produites dans les sciences subalternes et qui supposent les conclusions des
sciences supérieures ainsi que nous l’avons établi plus haut. Le savoir a donc lieu de façon absolue par
démonstration quand chacune des propositions qui précèdent, si elle est
démontrable, est connue par démonstration; et si elle n’est pas démontrable,
c’est qu’elle est connue par elle-même. Et cela étant supposé, il est
nécessaire qu’il y ait une limite dans les attributions car s’il n’y avait
pas de limite mais qu’on pouvait toujours prendre un terme plus élevé, il
s’ensuivrait qu’il y aurait démonstration pour tout ainsi qu’on le disait
plus tôt. Supposons donc que, pour qu’une conclusion soit démontrée, il
faille que chacune des prémisses soit démontrable. Ainsi donc pour connaître
cette prémisse nous ne pourrions être dans une meilleure situation que d’en
avoir la science par démonstration; il faudrait donc la démontrer par
d’autres propositions, et ces dernières à leur tour par d’autres propositions
et il en serait ainsi à l’infini. Donc, parce que l’infini ne peut être
parcouru, nous ne pourrions les connaître par démonstration et nous ne
pourrions les connaître mieux d’une autre façon puisqu’elles seraient toutes
démontrables. Il s’ensuivrait donc que rien ne pourrait être connu par
démonstration de façon absolue, mais seulement à partir d’hypothèses. Et à la fin, comme par un résumé, il
conclut son propos principal. |
|
|
LECTIO 35 |
LEÇON 35. Il montre, en
procédant de façon analytique, qu’on ne peut procéder à l’infini dans les
prédicats, ni selon une série ascendante, ni selon une série descendante
(nn.
298-307; [212-219]). |
[79764] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 35 n. 1Postquam philosophus ostendit logice quod
non sit procedere in infinitum in praedicatis in sursum aut deorsum, hic
ostendit idem analytice. Et dividitur in duas partes : in prima ostendit
principale propositum ; in secunda infert quaedam corollaria ex dictis ; ibi
: monstratis autem his manifestum et cetera. Circa primum duo facit : primo,
proponit quod intendit : secundo, probat propositum ; ibi : demonstratio
quidem enim et cetera. [79765] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 35 n. 2Dicit ergo primo, quod hoc quod non
contingit in demonstrativis scientiis, de quibus intendimus, praedicationes
in infinitum procedere, neque in sursum neque in deorsum, brevius et citius
poterit manifestari analytice quam manifestatum sit logice.
Ubi considerandum est quod analytica, idest demonstrativa
scientia, quae resolvendo ad principia per se nota iudicativa dicitur,
est pars logicae, quae etiam dialecticam sub se continet. Ad
logicam autem communiter pertinet considerare praedicationem universaliter,
secundum quod continet sub se praedicationem quae est per se, et
quae non est per se. Sed demonstrativae scientiae propria est
praedicatio per se. Et ideo supra logice probavit propositum,
quia ostendit universaliter in omni genere praedicationis non esse processum
in infinitum ; hic autem intendit ostendere analytice, quia hoc probat solum
in his, quae praedicantur per se. Et haec est via expeditior : et
ideo sufficit ad propositum, quia in demonstrationibus non utimur nisi tali
modo praedicationis. [79766] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 35 n. 3Deinde cum dicit : demonstratio quidem
etc., ostendit propositum. Et circa hoc tria facit : primo, proponit qua
praedicatione analytica, idest demonstrativa scientia, utatur, quia
praedicatione per se ; secundo, resumit quot sunt modi talis
praedicationis ; ibi : per seipsa vero etc. ; tertio, ostendit quod in nullo
modo praedicationis per se possit procedi in infinitum ; ibi
: horum autem neutra contingunt et cetera. Dicit ergo primo, quod
demonstratio est solum circa illa, quae per se insunt rebus.
Tales enim sunt eius conclusiones, et ex talibus demonstrat, ut supra habitum
est. [79767] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 35 n. 4Deinde cum dicit : secundum seipsa autem
etc., ponit duos modos praedicandi per se. Nam primo quidem
praedicantur per se quaecunque insunt subiectis in eo quod quid est,
scilicet cum praedicata ponuntur in definitione subiecti. Secundo, quando
ipsa subiecta insunt praedicatis in eo quod quid est, idest
quando subiecta ponuntur in definitione praedicatorum. Et exemplificat de utroque modo. Nam impar
praedicatur de numero per se secundo modo, quia numerus
ponitur in definitione ipsius imparis. Est enim impar numerus medio carens.
Multitudo autem vel divisibile praedicatur de numero, et ponitur in
definitione eius. Unde huiusmodi praedicantur per se de
numero primo modo. Alii autem modi, quos supra posuit, reducuntur ad istos. [79768] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 35 n. 5Deinde cum dicit :
horum autem neutra etc., ostendit quod in utroque modo praedicationis per
se necesse est esse statum. Et circa hoc tria facit
: primo, ostendit quod necessarium est esse statum in utroque modo
praedicationis per se, tam in sursum quam in deorsum ; secundo,
concludit quod non possit esse infinitum in mediis ; ibi : si autem sic est
etc. ; tertio, concludit quod non potest procedi in infinitum in
demonstrationibus ; ibi : si vero hoc et cetera. Circa primum duo facit : primo, ostendit propositum in secundo modo
dicendi per se, quando scilicet subiectum ponitur in definitione
praedicati ; secundo, in primo modo, quando praedicatum ponitur in
definitione subiecti ; ibi : neque etiam quaecunque et cetera. [79769] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 35 n. 6Circa primum ponit duas rationes. Circa
quarum primam sic procedit : primo quidem praemittit
propositum, scilicet quod in neutro modo dicendi per se contingit
in infinitum procedere ; deinde probat hoc in secundo modo, puta cum impar
praedicatur de numero. Si enim procedatur ulterius, quod aliquid aliud
praedicetur per se de impari secundum istum modum
dicendi per se, sequitur quod impar insit in definitione eius.
Numerus autem ponitur in definitione imparis : unde
sequeretur quod etiam numerus ponatur in definitione illius tertii,
quod per se inest impari. Sed hic non contingit abire in
infinitum, ut scilicet infinita insint in definitione alicuius, sicut supra
probatum est. Relinquitur ergo quod in talibus per se praedicationibus
non contingit procedere in infinitum in sursum, idest ex parte praedicati. [79770] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 35 n. 7Secundam rationem ponit ibi : at vero
necesse est omnia etc., et dicit quod quantumcunque procedatur in
huiusmodi per se praedicationibus secundi modi, oportebit
quod omnia praedicata per ordinem accepta insint primo subiecto, puta numero,
quasi praedicata de eo : quia si impar per se praedicatur de
numero, oportet quod quidquid per se praedicatur de impari,
etiam per se praedicetur de numero. Et iterum oportet quod
numerus omnibus illis insit ; quia si numerus ponitur in definitione imparis,
oportet quod ponatur in definitione omnium eorum, quae definiuntur per impar.
Et ita sequitur quod mutuo sibi invicem insint. Ergo erunt convertibilia et
non se invicem excedentia ; sic enim propriae passiones se habent
ad sua subiecta. Unde si etiam sint infinita per se praedicata
secundum hunc modum, non erit ad propositum, quo aliquis intendit ponere
infinita in praedicatis esse, vel in sursum vel in deorsum. [79771] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 35 n. 8Deinde cum dicit : neque etiam quaecunque
sunt etc., probat propositum in primo modo dicendi per se : et
dicit quod illa, quae praedicantur in eo quod quid est, idest
quasi posita in definitione subiecti, non possunt esse infinita, quia non
contingeret definire, ut supra probatum est. Ex hoc ergo concludit quod si
omnia, quae praedicantur in demonstrationibus, per se praedicantur,
et in praedicatis per se non est procedere in infinitum in
sursum, necesse est quod praedicata in demonstrationibus stent in sursum. Et
ex hoc etiam sequitur quod stent in deorsum, quia ex quacunque parte ponatur
infinitum, tollitur scientia et definitio, ut ex supra dictis patet. [79772] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 35 n. 9Deinde cum dicit : si autem sic est etc.,
concludit ex praemissis quod si est status in sursum et deorsum, quod media
non contingit esse infinita. Supra enim ostendit quod extremis existentibus
determinatis, media non possunt esse infinita. [79773] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 35 n. 10Deinde cum dicit : si vero hoc est etc.,
concludit ulterius quod in demonstrationibus non proceditur in infinitum : et
dicit quod si praedicta sunt vera, necesse est esse aliqua prima principia
demonstrationum, quae non demonstrantur ; et sic non omnium erit
demonstratio, secundum quod quidam dicunt, ut in principio huius libri dictum
est. Et quod hoc sequatur ostendit. Posito enim quod sint aliqua principia
demonstrationum, necesse est quod illa sint indemonstrabilia ; quia cum omnis
demonstratio sit ex prioribus, ut supra habitum est, si principia
demonstrarentur, sequeretur quod aliquid esset prius principiis ; quod est
contra rationem principii. Et ita, si non sunt omnia demonstrabilia, sequetur
quod non procedant demonstrationes in infinitum. Omnia autem praedicta
consequuntur ex hoc quod ostensum est, quod non proceditur in infinitum in
mediis : quia nihil est aliud ponere verum esse quodcunque praedictorum,
scilicet vel quod demonstrationes procedant in infinitum, vel quod omnia sint
demonstrabilia, vel quod nulla sint demonstrationum principia, quam ponere
nullum spatium esse immediatum et indivisibile ; idest ponere duos terminos
sibi invicem non cohaerere in aliqua propositione affirmativa vel negativa,
nisi per medium. Si enim aliqua propositio sit immediata, sequitur quod sit
indemonstrabilis ; quia cum aliquid demonstratur, oportet sumere
terminum immittendo, idest, quod sit infra praedicatum et
subiectum ; de quo scilicet per prius praedicetur praedicatum quam de subiecto,
vel a quo prius removeatur. Non autem in demonstrationibus accipitur
medium assumendo extrinsecus : hoc enim esset assumere extraneum
medium, et non proprium, quod contingit in litigiosis et
dialecticis syllogismis. Si ergo demonstrationes contingit in infinitum
procedere, sequitur quod sint media infinita inter duos terminos. Sed hoc est
impossibile, si praedicationes steterint in sursum et deorsum, ut supra
probatum est. Et quod stent praedicationes in sursum et deorsum, prius
ostendimus logice, et postea analytice, ut expositum est. Per hanc igitur
conclusionem ultimo inductam manifestat intentionem totius capituli, et quare
quaelibet propositio sit inducta. |
298.
Après avoir montré par une approche dialectique qu’on ne peut procéder à
l’infini dans les prédicats, que ce soit par une série ascendante ou par une
série descendante, il fait ici la même chose mais par une approche
analytique. Et cette section se divise en deux
parties : dans la première, [212] il manifeste le propos principal; dans
la deuxième, il tire un corollaire de ce qu’il a dit, là [220] où il
dit : Mais, ces choses ayant été démontrées,
il est manifeste etc. Au sujet du premier point, il fait deux
choses : en premier lieu, il présente son propos; en deuxième lieu, il
prouve son propos, là [213] où il dit : En effet, la démonstration est certes etc. 299.
Il dit donc en premier lieu que le fait qu’on ne puisse pas procéder à
l’infini dans les attributions des sciences démonstratives qui font l’objet
de notre recherche, que ce soit par une série ascendante ou par une série
descendante, cela pourra être manifesté plus brièvement et plus rapidement
encore par une approche analytique que
par une approche dialectique. Mais il faut considérer ici que l’approche
analytique, laquelle relève de la science démonstrative et qu’on appelle judicative parce qu’elle procède par
une résolution dans les principes connus par eux-mêmes, est une partie de la
logique, laquelle contient aussi en elle la dialectique. Mais c’est à la
logique qu’il appartient de considérer communément l’attribution prise
universellement selon qu’elle comprend en elle l’attribution qui est
essentielle et celle qui n’est pas essentielle. Mais l’attribution qui est
propre à la science démonstrative est celle qui est essentielle. Et c’est
pourquoi c’est selon un mode dialectique qu’il a plus haut prouvé son propos
car c’est universellement qu’il a montré qu’on ne peut procéder à l’infini
dans aucun genre d’attribution; mais ici il cherche à le montrer selon un
mode analytique car il prouve cela uniquement dans le cas des attributions
essentielles. Et cette approche est plus expéditive : et c’est pourquoi
cela suffit quant à ce qu’on se propose présentement car dans les
démonstrations on ne se sert que de cette sorte d’attribution. 300.
Ensuite lorsqu’il dit [213] : Mais
la démonstration est certes etc., il manifeste le propos. Et à ce sujet il fait trois choses :
en premier lieu il présente la sorte d’attribution dont la science analytique
ou démonstrative se sert, à savoir l’attribution essentielle; en deuxième
lieu il rappelle de combien de façons se font les attributions essentielles,
là [214] où il dit : Mais les
prédicats sont essentiels etc.; en troisième lieu il montre que dans
aucun de ces modes d’attribution essentielle on ne peut procéder à l’infini,
là [215] où il dit : Mais il n’est
possible pour aucune des attributions etc. Il dit donc en premier lieu [213] que la
démonstration porte seulement sur ce qui appartient par soi ou essentiellement aux choses. Telles sont en effet ses
conclusions ainsi que les prémisses à partir desquelles elle démontre, ainsi
que nous l’avons établi plus haut. 301. Ensuite
lorsqu’il dit [214] : Mais les
attributions essentielles etc., il montre quelles sont les deux sortes
d’attributions essentielles. Car en
premier lieu sont attribués essentiellement tous les prédicats qui
appartiennent au sujet sous le rapport de son
essence, c’est-à-dire quand le prédicat est placé dans la définition du
sujet. En deuxième lieu, il y a
attribution essentielle quand les sujets eux-mêmes appartiennent aux
prédicats quant à leur essence
même, c’est-à-dire quand les sujets sont placés dans la définition des
prédicats. Et il illustre chacune de ces deux sortes
d’attributions essentielles. Car l’impair s’attribue au nombre essentiellement d’après la deuxième
modalité car le nombre est contenu dans la définition de l’impair. L’impair
en effet est le nombre qui est privé de milieu. Mais le multiple et le
divisible sont attribués au nombre et contenus dans la définition du nombre,
et c’est pourquoi ils sont attribués essentiellement au nombre d’après la première
modalité. Et toutes les autres modalités qu’il a présentées plus haut se
ramènent à celles-ci. 302. Ensuite
lorsqu’il dit [215] : Mais dans
aucune de ces modalités etc., il montre que dans chacune de ces modalités
d’attribution essentielle il est nécessaire
qu’il y ait une limite. Et à ce sujet il fait trois choses :
en premier lieu il montre qu’il est nécessaire qu’il y ait une limite dans
chacune des modalités d’attribution essentielle,
tant vers le haut que vers le bas; en deuxième lieu il conclut qu’il ne peut
y avoir une infinité de moyens termes, là [218] où il dit : Mais s’il en est ainsi etc.; en
troisième lieu il conclut qu’on ne peut procéder à l’infini dans les
démonstrations, là [219] où il dit : Mais
si cela etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il manifeste son propos pour la deuxième
modalité d’attribution essentielle,
c’est-à-dire quand le sujet est placé dans la définition du prédicat; en
deuxième lieu il le manifeste pour la première modalité, quand le prédicat
est placé dans la définition du sujet, là [217] où il dit : Pas davantage infinis ne sont aussi tous
ceux etc. 303. Au sujet du
premier point il présente deux raisonnements. Et il procède de la manière suivante pour le premier d’entre eux [215] : en
premier lieu certes il fait précéder son propos, à savoir que dans aucune des
modalités d’attribution essentielle
il n’est possible de procéder à l’infini; ensuite il prouve cela pour la
deuxième modalité, par exemple dans le cas où l’impair s’attribue au nombre.
Si en effet on procédait au-delà, à savoir si on attribuait essentiellement quelque chose d’autre
à l’impair selon cette modalité d’attribution essentielle, il s’ensuivrait que l’impair serait contenu dans sa
définition. Mais le nombre est contenu dans la définition de l’impair, d’où
il s’ensuivrait que le nombre aussi serait placé dans la définition de ce
troisième terme qui appartiendrait essentiellement
à l’impair. Mais ici il n’est pas possible d’aller à l’infini de manière
à ce qu’une infinité de termes soit contenue dans la définition d’un terme
ainsi que nous l’avons prouvé plus haut. Il reste donc que pour de telles
attributions essentielles il n’est
pas possible de procéder à l’infini par une série ascendante du côté du
prédicat. 304. Il présente le deuxième raisonnement là [216] où
il dit : Mais il est nécessaire
que tous etc., et il dit qu’aussi loin qu’on procède dans de telles
attributions essentielles de la
deuxième modalité, il faut que tous les prédicats pris dans l’ordre appartiennent
au sujet premier, par exemple au nombre, et le nombre à eux : car si
l’impair appartient essentiellement au
nombre, il faut que tout ce qui s’attribue essentiellement à l’impair s’attribue aussi essentiellement au nombre. Et par la suite il faut que le nombre
soit contenu dans tous ces prédicats; car si le nombre est contenu dans la
définition de l’impair, il faut aussi qu’il soit contenu dans la définition
de tous ces prédicats qui se définissent par l’impair. Et de la sorte, il
s’ensuit qu’ils se contiennent mutuellement les uns les autres. Il y aura
donc convertibilité mutuelle et non pas extension
mutuelle plus grande; c’est ainsi en effet que les passions propres se
rapportent à leurs sujets. De là, même si les prédicats essentiels d’après cette modalité étaient infinis, cela ne se
rapporterait pas au propos par lequel quelqu’un entendrait poser que l’infini
existe dans les prédicats dans une série ascendante ou dans une série
descendante. 305. Ensuite
lorsqu’il dit [217] : Et pas
davantage tous ceux qui sont etc., il prouve le propos pour la première
modalité d’attribution essentielle :
et il dit que ceux qui s’attribuent dans
l’essence, c’est-à-dire les prédicats qui sont placés dans la définition
du sujet, ne peuvent davantage être infinis car il serait impossible de
définir ainsi que nous l’avons prouvé plus haut. De là il conclut donc que si
tous les prédicats qui s’attribuent dans les démonstrations s’attribuent essentiellement, et que pour les
prédicats essentiels on ne peut
procéder à l’infini vers le haut, il est nécessaire que dans les
démonstrations les prédicats soient limités vers le haut. Et de là il
s’ensuit encore qu’ils soient limités aussi vers le bas car, quel que soit le
côté où on pose l’infini, on supprime la science et la définition ainsi qu’on
le voit en s’appuyant sur ce qui précède. 306. Ensuite
lorsqu’il dit [218] : Mais s’il en
est ainsi etc., il conclut à partir de ce qui précède que, s’il y a
limite pour les termes vers le haut et vers le bas, il est impossible que les
moyens termes soient infinis. Il a montré plus haut en effet que les termes
extrêmes étant limités en nombre, les moyens termes ne peuvent être infinis. 307. Ensuite
lorsqu’il dit [219] : Mais si cela
est etc., il conclut par la suite qu’on ne peut procéder à l’infini dans
les démonstrations : et il dit que si ce qui précède est vrai, il est
nécessaire qu’il y ait certains principes des démonstrations qui ne se
démontrent pas; et ainsi, il n’y aura pas démonstration pour tout
contrairement à ce que certains disent, ainsi que nous l’avons déjà dit au
début de ce livre. Et il montre que cette conséquence
s’ensuit nécessairement. En effet, ayant posé qu’il y a certains principes
pour les démonstrations, il est nécessaire que ceux-là soient indémontrables;
car puisque toute démonstration procède de ce qui est premier, ainsi que nous
l’avons établi plus haut, si les principes étaient démontrables, il
s’ensuivrait qu’il y aurait quelque chose d’antérieur aux principes, ce qui
est contraire à la notion même de principe. Et ainsi, si tout n’est pas
démontrable, il s’ensuit que les démonstrations ne peuvent procéder à
l’infini. Mais tout ce qui précède procède de ce qui
a été montré, à savoir qu’on ne procède pas à l’infini dans les moyens
termes : car admettre qu’est vrai chacun de ces énoncés, à savoir que
les démonstrations procèdent à l’infini, ou que tout est démontrable, ou
qu’il n’y a pas de principe pour les démonstrations, tout cela revient à dire
qu’aucun intervalle n’est immédiat et indivisible, ou à dire que deux termes ne peuvent être
unis entre eux autrement que par un moyen terme dans une proposition
affirmative ou négative. Si en effet une proposition est immédiate,
il s’ensuit qu’elle est indémontrable; car lorsque quelque chose est démontré,
il faut prendre un terme qui
s’interpose, c’est-à-dire qui soit intermédiaire entre le sujet et le
prédicat, c’est-à-dire un moyen terme auquel le prédicat s’attribue
naturellement avant de s’attribuer au sujet ou duquel il se nie naturellement
avant d’être nié du sujet. Mais dans les démonstrations on n’admet pas un
moyen terme en le tirant de
l’extérieur : cela en effet reviendrait à choisir un moyen terme extérieur, comme on le fait dans les débats et les
syllogismes dialectiques, et non un moyen terme propre. Si donc il était possible dans les démonstrations de
procéder à l’infini, il s’ensuivrait que les moyens termes interposés entre
les termes extrêmes seraient infinis. Mais cela est impossible si les
attributions sont limitées vers le haut et vers le bas ainsi que nous l’avons
prouvé plus haut. Et que les attributions soient limitées vers le haut et
vers le bas, nous l’avons d’abord montré suivant un mode dialectique, puis
selon un mode analytique, comme nous venons de le faire. Donc, au moyen de cette
conclusion qu’il présente à la fin, il manifeste l’intention de tout le
chapitre et aussi pourquoi toute proposition est présentée. |
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LECTIO 36 |
LEÇON 36. Présentation
d’un corollaire qui découle de ce qui a été dit
(nn.
308-322; [220-231]). |
[79774] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 36 n. 1Postquam philosophus ostendit quod non
contingit procedere in infinitum in demonstrationibus, hic inducit quaedam
corollaria ex dictis. Et circa hoc duo facit : primo, ostendit quod necesse
est accipere aliquas primas propositiones ; secundo, quomodo illis primis sit
utendum in demonstrationibus ; ibi : cum autem oportet demonstrare et cetera.
Circa primum duo facit : primo, ostendit quod necesse est devenire ad aliquod
primum, quando unum de pluribus praedicatur ; secundo, quando unum
praedicatur de uno ; ibi : manifestum autem et cetera. Circa primum quatuor
facit : primo, proponit intentum ; secundo, manifestat propositum ; ibi : ut
scaleno etc. ; tertio, probat ; ibi : sit autem b etc. ; quarto, excludit
quamdam obviationem ; ibi : in eodem quidem genere et cetera. [79775] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 36 n. 2Dicit ergo primo, quod demonstratis
praemissis, scilicet quod non sit procedere in infinitum in praedicationibus
et demonstrationibus, manifestum est quod si aliquid praedicatur de duobus,
puta a de c et d, ita scilicet quod unum eorum non praedicetur de
altero, aut nullo modo, sicut animal praedicatur de homine et
bove, quorum unum nullo modo de alio praedicatur, aut non de omni,
puta animal praedicatur de homine et masculo, quorum neutrum de altero
universaliter praedicatur ; sic, inquam, se habentibus terminis, manifestum
est quod non oportet quod illud praedicatum, quod de utroque praedicatur,
insit utrique secundum aliquod commune, et hoc semper, idest in
infinitum procedendo. [79776] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 36 n. 3Deinde cum dicit : ut scaleno et isosceli
etc., manifestat propositum per exemplum. Sunt enim duae species trianguli, quarum
una vocatur scalenon, vel triangulus gradatus, cuius sunt tria latera
inaequalia ; alia est isosceles, cuius sunt duo latera aequalia : unum autem
horum non praedicatur de altero ; utrique autem inest haec passio, habere
tres angulos aequales duobus rectis. Inest autem hoc eis secundum aliquid
commune, scilicet secundum quod uterque horum est figura quaedam, scilicet
triangulus. Hoc autem non semper sic se habet, scilicet quod in
infinitum conveniat secundum aliquid aliud ; puta quod habere tres conveniat
triangulo iterum secundum aliquid aliud, et sic in infinitum. [79777] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 36 n. 4Deinde cum dicit : sit enim b secundum
etc., probat propositum et dicit : sit ita quod b praedicetur de c et de d
secundum hoc commune, quod est a. Manifestum est ergo quod b erit in c et in
d secundum illud commune, quod est a ; et si iterum insit a secundum aliquod
commune, et iterum illi communi secundum aliquid aliud, procedetur in
infinitum in mediis. Sequitur igitur quod inter duo extrema, quae sunt c et
b, cadant infiniti termini medii. Hoc autem est impossibile : ergo non
necesse est, si idem insit pluribus, quod semper in infinitum insit eis
secundum aliquid commune ; quia necesse est quod deveniatur ad aliqua spatia
immediata, idest ad aliquas immediatas praedicationes, quas appellat
spatia, ut supra dictum est. [79778] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 36 n. 5Quantum igitur videtur ex hac probatione
Aristotelis, non est suus intellectus, quod hoc non semper sit verum, quod
quando aliquid praedicatur de pluribus, quae de se invicem non praedicantur,
quod illud non insit illis pluribus secundum aliquid commune. Hoc enim verum
est in omni quod praedicatur sicut passio : oportet enim si inest pluribus,
quod insit eis secundum aliquid commune, licet forte illud sit innominatum,
sicut supra dictum est cum de universali ageretur. Sed in illo communi non proceditur in infinitum, ut haec ratio inducta
a philosopho evidenter probat. Si autem accipiatur aliquid, quod insit
pluribus sicut genus speciebus, non semper oportebit aliquid prius accipere,
secundum quod insit, puta si vivum insit homini et asino secundum aliquod
prius, scilicet secundum animal ; animali autem et
plantae non inest secundum aliquod prius, quia haec sunt primae species
corporis vivi, sive animati. [79779] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 36 n. 6Deinde cum dicit : in eodem quidem genere
etc., excludit quamdam obviationem. Posset enim aliquis dicere quod semper
accipitur secundum aliquid commune, quia potest accipi commune alterius
generis : puta si dicamus quod esse seipsum movens inest homini et asino
secundum hoc commune, quod est animal, et secundum aliud commune, quod est
habens quantitatem, vel habens colorem, aut aliquid aliud huiusmodi ; quae
possunt accipi in infinitum. Et ad hoc excludendum dicit, quod necesse est
terminos medios, qui accipiuntur, accipi ex eodem genere et ex eisdem
atomis, idest indivisibilibus. Et appellat atomos, ipsos terminos
extremos : inter quos oportet accipi medium, si illud commune, quod accipitur
ut medius terminus, sit de numero eorum, quae praedicantur per se.
Quare autem oporteat ex eodem genere assumere terminos medios, ostendit per
hoc, quod sicut supra habitum est, non contingit demonstrationem transire de uno genere in aliud. [79780] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 36 n. 7Deinde cum dicit : manifestum autem est
etc., ostendit quod necesse est devenire ad aliquod unum in praedicabilibus,
in quibus praedicatur unum de uno. Et primo, in affirmativis ; secundo, in
negativis ; ibi : similiter autem et si a et cetera. Dicit ergo primo,
manifestum esse quod cum a praedicatur de b, si horum sit aliquod medium,
quod illo medio uti possumus ad demonstrandum quod a sit in b : et haec sunt
principia huiusmodi conclusionis. Et
quaecunque accipiuntur ut media, sunt principia conclusionum mediatarum, quae
per ea concluduntur. Nihil enim aliud sunt elementa, sive
principia demonstrationum, quam propositiones immediatae. Et hoc dico vel omnes, vel
universales : quod quidem potest dupliciter intelligi. Uno modo, ut
propositio universalis accipiatur secundum quod dividitur contra singularem.
Nam species specialissima non praedicatur de singulari per aliquod medium.
Unde haec propositio est immediata : Socrates est homo, non tamen est
principium demonstrationis, quia demonstrationes non sunt de singularibus,
cum eorum non sit scientia : et ita non omnis propositio immediata est
demonstrationis principium, sed solum universalis. Alio modo potest intelligi
secundum quod propositiones universales dicuntur propositiones communes in
omnibus propositionibus alicuius scientiae, sicut, omne totum est maius sua
parte : unde huiusmodi sunt simpliciter demonstrationum principia, et omnibus
per se nota. Haec autem propositio, homo est animal, vel, isosceles est
triangulus, non est principium demonstrationis in tota scientia, sed solum
aliquarum particularium demonstrationum ; neque etiam huiusmodi propositiones
sunt omnibus per se notae. Sic igitur
si sit aliquod medium propositionis datae, erit demonstrare per aliquod
medium, quousque deveniatur ad aliquod immediatum. Si vero non sit aliquod medium propositionis datae, non poterit
demonstrari. Sed haec
est via ad inveniendum prima principia demonstrationum, scilicet procedere a
mediatis ad immediata resolvendo. [79781] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 36 n. 8Deinde cum dicit : similiter autem erit
etc., ostendit quod sit accipere primum in negativis ; et dicit quod si a
negetur de b, si sit accipere aliquod medium, a quo scilicet per prius
removeatur a quam a b, tunc haec propositio, b non est a, erit
demonstrabilis. Si autem non sit aliquod tale medium accipere, non erit haec
propositio demonstrabilis, sed principium demonstrationis. Et tot erunt elementa,
idest principia demonstrationis, quot erunt termini
; ad quos scilicet statur, ut ultra non sit invenire medium. Propositiones enim quae fiunt ex huiusmodi
terminis, sunt principia demonstrationis. Puta si c immediate praedicetur de
b, et a immediate removeatur a b, aut praedicetur de eo immediate, b erit
terminus ad quem ultimo pervenitur in mediis sumendis : unde utraque
propositio erit immediata, et demonstrationis principium. Et patet ex
praemissis quod sicut sunt quaedam principia indemonstrabilia affirmativa, in
quibus unum de alio praedicatur, significando quod hoc essentialiter est
illud, sicut cum genus praedicatur de proxima specie, vel hoc sit
in illo, sicut cum passio praedicatur de proprio et immediato subiecto ;
ita etiam sunt principia indemonstrabilia in negativis, negando vel
essentiale praedicatum, vel etiam propriam passionem. Ex quo patet quod
quaedam sunt principia demonstrationis ad demonstrandum conclusionem
affirmativam, quam oportet concludere ex omnibus affirmativis ; et quaedam
sunt principia demonstrationis ad probandum conclusionem negativam, ad cuius
illationem oportet assumere aliquam negativam. [79782] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 36 n. 9Deinde cum dicit : cum autem oporteat etc.,
ostendit quomodo utendum sit primis propositionibus in demonstrando. Et
primo, in demonstrationibus affirmativis ; secundo, in negativis ; ibi : in
privativis autem et cetera. Circa primum tria facit : primo, ostendit
qualiter oporteat sumere propositiones primas et immediatas in
demonstrationibus ; secundo, ostendit quomodo huiusmodi propositiones se
habeant ad demonstrationes ; ibi : et quemadmodum in aliis etc. ; tertio,
epilogat ; ibi : in ostensivis quidem igitur et cetera. [79783] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 36 n. 10Dicit ergo primo, quod quando oportet
demonstrare aliquam conclusionem affirmativam, puta, omne b est a, necesse
est accipere aliquid quod primo praedicetur de b quam a, et de quo a etiam
praedicetur, et sit illud c ; et si iterum aliquid sit, de quo a per prius
praedicetur quam de c, sic semper procedendo ; sic nec propositio nec
terminus significans aliquod ens accipietur in demonstrando extra ipsum a,
quia oportebit quod a praedicetur de eo per se, et ita quod contineatur sub
eo et non sit ab eo extrinsecum ; sed oportebit semper condensare media. Et
loquitur ad similitudinem hominum, qui videntur esse condensati sedentes in
aliqua sede, quando inter sedentes nullus potest intercidere medius. Ita et
media in demonstratione dicuntur densata, quando inter terminos acceptos
nihil cadit medium. Et hoc est quod dicit, quod medium densatur
quousque perveniatur ad hoc quod spatia fiant indivisibilia
; idest, distantiae inter duos terminos sint tales, quod non possint dividi
in plures huiusmodi distantias, sed sit unum spatium tantum. Et hoc
contingit, quando propositio est immediata. Tunc enim vere est una
propositio non solum actu, sed etiam potentia, quando est immediata.
Si enim sit mediata, quamvis sit una in actu, quia unum praedicatur de uno,
tamen est multa in potentia, quia accepto medio formantur duae propositiones.
Sicut etiam linea, quae est una in actu in quantum est continua, est tamen
multa in potentia, in quantum est divisibilis per punctum medium. Et ideo
dicit quod propositio immediata est una sicut simplex indivisibilis. [79784] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 36 n. 11Deinde cum dicit : et quemadmodum in aliis
etc., ostendit quomodo se habeat propositio immediata ad demonstrationem. Ubi
considerandum est quod, sicut habetur in X Metaphys., in quolibet genere
oportet esse unum primum, quod est simplicissimum in genere illo, et mensura
omnium quae sunt illius generis. Et quia mensura est homogenea mensurato,
secundum diversitatem generum oportet esse huiusmodi prima indivisibilia
diversa. Unde hoc non est idem in omnibus : sed in gravitate ponderum
accipitur ut unum indivisibile uncia, sive mna, idest
quoddam minimum pondus ; quod tamen non est simplex omnino, quia quodlibet
pondus est divisibile in minora pondera, sed accipitur ut simplex per
suppositionem. In melodiis autem accipitur ut unum principium tonus,
qui consistit in sesquioctava proportione, vel diesis, quae est differentia
toni et semitonii. Et in diversis generibus sunt diversa principia
indivisibilia. Syllogismi autem principia sunt propositiones ; unde oportet
quod propositio simplicissima, quae est immediata, sit unum, quod
est mensura syllogismorum. Demonstratio
autem addit supra syllogismum quod facit scientiam. Comparatur autem intellectus ad
scientiam sicut unum et indivisibile ad multa. Nam scientia est per decursum
a principiis ad conclusiones ; intellectus autem est
absoluta et simplex acceptio principii per se noti. Unde intellectus
respondet immediatae propositioni ; scientia autem
conclusioni, quae est propositio mediata. Sic igitur demonstrationis, in
quantum est syllogismus, unum indivisibile est propositio
immediata. Ex parte autem scientiae, quam
causat, unum eius est intellectus. [79785] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 36 n. 12Deinde cum dicit : in demonstrativis quidem
etc., epilogando concludit quod supra ostensum est, scilicet quod in
affirmativis syllogismis medium non cadit extra extrema. [79786] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 36 n. 13Deinde cum dicit : in privativis autem ubi
quidem etc., ostendit quomodo utendum sit propositionibus immediatis in
syllogismis negativis. Et primo, in prima figura ; secundo, in secunda ; ibi
: si vero oporteat monstrare etc. ; tertio, in tertia ; ibi : in tertio autem
modo et cetera. Dicit ergo primo, quod in negativis syllogismis, nihil
mediorum acceptorum procedendo ad immediata cadit extra genus terminorum
affirmativae propositionis in prima figura : puta si demonstrandum sit quod
nullum b est a, et accipiatur medium c, tali existente syllogismo, nullum c
est a ; omne b est c ; ergo nullum b est a. Si ergo oporteat iterum probare
quod in nullo c sit a, oportet accipere medium ipsius c et a, quod scilicet
praedicetur de c, et per consequens de b, et sic pertinebit ad genus
terminorum affirmativae propositionis : et ita semper procedetur quod media
accepta non cadent extra affirmativam propositionem ; cadent tamen extra
genus praedicati negativi, puta extra genus a. [79787] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 36 n. 14Deinde cum dicit : si vero oporteat
demonstrare etc., ostendit qualiter hoc se habeat in secunda figura ; et
dicit quod si oporteat demonstrare quod nullum e sit d, in secunda figura,
accipiendo medium c, ut fiat talis syllogismus, omne d est c ; nullum e est
c, aut, quoddam e non est c ; ergo nullum, vel, non omne e est d ; nunquam
medius terminus acceptus cadet extra e. Quia si oportebit iterum demonstrare
quod nullum e est c, oportebit iterum accipere aliquod medium inter e et c ;
quia oportebit in secunda figura semper probare negativam ; affirmativa enim
in hac figura probari non potest. Unde sicut in prima figura media accepta
semper accipiuntur ex parte propositionis affirmativae, ita oportet in
secunda figura semper media accipi ex parte propositionis negativae. [79788] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 36 n. 15Deinde cum dicit : in tertio autem modo
etc., ostendit qualiter hoc se habeat in tertia figura ; et dicit quod in
tertia figura media accepta non erunt neque extra praedicatum, quod negatur,
neque extra subiectum, a quo negatur. Et hoc ideo quia medium subiicitur
affirmativae vel negativae utrique ; unde si oportet accipere adhuc aliquod
medium, oportet iterum illud medium subiici utrique affirmando vel negando ;
et sic media accepta nunquam accipientur neque extra praedicatum negatum nec
extra subiectum, de quo negatur. |
308. Après avoir montré
qu’on ne peut procéder à l’infini dans les démonstrations, le Philosophe
introduit ici un corollaire qui découle de ce qui a été dit. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu [220] il montre qu’il est nécessaire d’admettre qu’il existe
des propositions premières; en deuxième lieu, il montre comment on doit se
servir de ces propositions dans les démonstrations, là [226] où il dit :
Mais puisqu’il faut démontrer etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il montre qu’il faut en venir à quelque chose
de premier quand un terme s’attribue à plusieurs; deuxièmement, il montre
qu’il en est de même quand un terme s’attribue à un seul terme, là [224] où
il dit : Mais il est évident
etc. Au sujet du premier point il fait quatre
choses : en premier lieu il présente son propos; en deuxième lieu il
manifeste le propos, là [221] où il dit : Comme au scalène etc.; en troisième lieu, il le prouve, là [222]
où il dit : Mais si B était
etc.; en quatrième lieu, il écarte une objection, là [223] où il dit : Dans le même genre certes etc. 309. Il dit donc
en premier lieu que, ce qui précède ayant été démontré, à savoir qu’on ne
peut procéder à l’infini dans les attributions et dans les démonstrations, il
est manifeste que si un même terme est attribué à deux autres, par exemple si
A est attribué à C et à D, c’est-à-dire de telle manière que l’un d’eux ne
s’attribue à l’autre d’aucune manière,
comme dans le cas par exemple où animal s’attribue à la fois au bœuf et à
l’homme, ces derniers ne s’attribuant nullement l’un à l’autre, ou de telle
manière qu’aucun des deux ne s’attribue à l’autre universellement, comme dans le cas où animal s’attribue à l’homme
et au mâle, ces derniers ne s’attribuant pas
universellement l’un à l’autre; alors, dit-il, les termes se rapportant
l’un à l’autre de cette manière, alors il est manifeste qu’il n’est pas
nécessaire que ce prédicat qui s’attribue à ces deux termes appartienne à
chacun d’eux selon un moyen terme commun et cela dans une suite sans fin, c’est-à-dire en procédant à
l’infini. 310. Ensuite
lorsqu’il dit [221] : Comme pour
le scalène et l’isocèle etc., il manifeste le propos au moyen d’un
exemple. Il y a en effet deux espèces de triangles, dont l’une s’appelle le
scalène ou triangle à angles différents, dont les trois côtés sont inégaux;
l’autre est l’isocèle qui possède deux côtés égaux : mais aucune de ces
espèces ne s’attribue à l’autre; cependant cette propriété appartient aux
deux espèces, à savoir posséder trois
angles égaux à deux droits. Et cette propriété leur appartient d’après
quelque chose de commun, c’est-à-dire selon que chacune d’elles est une
certaine figure, c’est-à-dire un triangle. Mais il n’en est pas toujours ainsi, c’est-à-dire que ce terme
commun leur appartienne selon un autre terme encore et cela à l’infini; par
exemple, que de posséder trois angles
égaux à deux droits appartiendrait par la suite au triangle d’après un
autre terme et cela à l’infini. 311. Ensuite
lorsqu’il dit [222] : Admettons en
effet que B soit le terme selon etc., il prouve le propos et il
dit : Admettons ainsi que B s’attribue à C et à D selon ce terme commun
qui est A. Il est donc évident que B appartiendra à C et à D selon ce terme
commun qui est A; et si à nouveau A appartient à ces termes selon un autre
terme commun, et ce dernier selon un autre terme encore, on procédera à
l’infini dans les moyens termes. Il s’ensuit donc qu’entre les deux termes
extrêmes qui sont C et B s’interposeront des moyens termes infinis. Mais cela
est impossible : il n’est donc pas nécessaire, si un même terme
s’attribue à plusieurs sujets, que l’attribution du prédicat se fasse en eux
selon un terme commun à l’infini; car il est nécessaire qu’on en arrive à des
intervalles immédiats, c’est-à-dire
à des attributions immédiates qu’il appelle des intervalles ainsi que nous
l’avons dit plus haut. 312. Quant à ce
qui apparaît à partir de cette preuve d’Aristote, sa pensée n’est pas qu’il
n’est pas toujours vrai que, quand un prédicat s’attribue à plusieurs sujets
qui ne s’attribuent pas réciproquement, ce prédicat n’appartient pas à ces
nombreux sujets d’après un terme commun. Cela en effet est vrai pour tout ce
qui s’attribue à la manière d’une propriété : il faut en effet que cette
dernière, si elle s’attribue à plusieurs, leur appartienne d’après un terme
commun, même s’il arrive peut-être qu’il n’ait pas de nom, ainsi que nous
l’avons dit plus haut lorsque nous avons traité de l’universel. Mais pour ce
qui est de ce terme commun on ne procède pas à l’infini ainsi que le raisonnement
présenté par le Philosophe le prouve avec évidence. Mais si on prend un
prédicat qui s’attribue à plusieurs sujets à la manière dont un genre
s’attribue à plusieurs espèces, il ne faudra pas toujours admettre un terme
commun premier d’après lequel le prédicat s’attribue : par exemple, si
vivant appartient à l’homme et à l’âne d’après un terme commun premier,
c’est-à-dire d’après le terme animal, cependant, vivant n’appartient pas à
l’animal et à la plante d’après un terme commun premier parce que ce sont là
les premières espèces du corps vivant ou animé. 313. Ensuite
lorsqu’il dit [223] : Dans le
même genre certes etc., il écarte une objection. Quelqu’un pourrait dire
en effet que le prédicat s’attribue toujours d’après un terme commun puisque
le terme commun peut se prendre d’un autre genre : par exemple, si on
disait que se mouvoir par soi-même appartient à la fois à l’homme et à l’âne
d’après ce terme commun qui est animal et d’après cet autre terme commun qui
est de posséder une quantité ou d’avoir une couleur ou toute autre chose de
cette sorte, lesquelles peuvent se prendre à l’infini. Et pour écarter cela il dit qu’il est
nécessaire que les moyens termes qu’on choisit se prennent du même genre et des mêmes atomes, c’est-à-dire à
partir des mêmes indivisibles. Et par atomes, il désigne les termes extrêmes
entre lesquels il faut prendre un moyen terme, si ce terme commun qui est
pris comme moyen terme fait partie de ceux qui s’attribuent essentiellement. Mais pourquoi il faut
prendre les moyens termes en partant du même genre, il le montre par ceci que
tout comme nous l’avons établi plus haut, il n’est pas possible que la
démonstration passe d’un genre à un autre. 314. Ensuite
lorsqu’il dit [224] : Mais il est
évident etc., il montre qu’il est nécessaire d’en arriver à un moyen
terme unique dans les prédicables dans lesquels un seul prédicat est attribué
à un seul sujet. Et en premier lieu, il le montre pour les
affirmatives; en deuxième lieu, pour les négatives, là [225] où il dit :
Mais il en est de même si A etc. Il dit donc en premier lieu [224] qu’il
est manifeste, lorsque A s’attribue à B, s’il existe pour ces termes extrêmes
un moyen terme, que nous pouvons nous servir de ce moyen terme pour démontrer
que A appartient à B. Et les principes constitués de ces moyens termes sont
les éléments d’une telle conclusion. Et tous les termes qui se prennent comme
moyens termes sont les principes des conclusions médiates qui sont conclues
grâce à eux. En effet, les éléments ou
les principes des démonstrations ne sont rien d’autre que les propositions
immédiates. Et je dis que ces dernières sont toutes des éléments, ou du moins celles qui sont universelles, ce qui peut s’entendre de deux manières. En
un sens, une proposition universelle peut se prendre selon qu’elle
s’oppose à celle qui est singulière. Car l’espèce la plus particulière ne
s’attribue pas au singulier par un moyen terme. C’est pourquoi cette
proposition, à savoir Socrate est un
homme, est immédiate sans être cependant principe de démonstration car
les démonstrations n’ont pas pour objets les singuliers qui ne sont pas
objets de science : et ainsi, ce n’est pas toute proposition immédiate
qui est principe de démonstration, mais seulement celle qui est universelle. En
un autre sens elle peut s’entendre selon que les propositions communes à
toutes les propositions d’une science sont appelées propositions
universelles, comme c’est le cas pour celle-ci : Tout tout est plus grand que sa partie : c’est pourquoi de
telles propositions universelles sont à parler absolument principes des
démonstrations et sont connues par soi de tous. Mais la proposition qui suit,
à savoir l’homme est un animal ou l’isocèle est un triangle, n’est pas
un principe de démonstration pour toute la science mais seulement pour
certaines démonstrations particulières; et de plus il est évident que de
telles propositions ne sont pas connues par soi de tous. Ainsi donc, s’il existe un moyen terme
pour une proposition donnée, elle pourra être démontrée par un moyen terme
jusqu’à ce qu’on en arrive à quelque chose d’immédiat. Mais s’il n’y a pas de
moyen terme pour une proposition donnée, cette dernière ne pourra être
démontrée. Et telle est la voie pour découvrir les premiers principes des
démonstrations, c’est-à-dire partir des propositions médiates en les ramenant
à des propositions immédiates. 315. Ensuite
lorsqu’il dit [225] : Mais il en
sera de même etc., il montre qu’il faut admettre un premier moyen terme
dans les négatives; et il dit que si A est nié de B, s’il faut prendre un
moyen terme duquel A sera nié avant de l’être de B, alors cette proposition,
à savoir B n’est pas A, sera
démontrable. Mais s’il n’y a pas lieu de prendre un tel moyen terme, alors
cette même proposition ne sera pas démontrable, mais elle sera plutôt
principe de démonstration. Et il y aura autant d’éléments, c’est-à-dire
autant de principes de démonstration, qu’il y aura de termes auxquels on doit s’arrêter et au-delà desquels il n’y aura
plus lieu de rechercher un moyen terme. En effet, les propositions qui naissent de
tels termes sont les principes des démonstrations. Par exemple, si C
s’attribue immédiatement à B et que A est nié immédiatement de B ou en est
affirmé immédiatement, B sera le terme auquel on en arrive à la fin dans la prise
des moyens termes : ces pourquoi chacune des propositions qui précèdent
sera immédiate et constituera un principe de démonstration. Et il est clair à partir de ce qui précède
que tout comme il y a certains principes indémontrables qui sont affirmatifs
dans les cas où un des termes s’attribue à l’autre en signifiant que ceci est essentiellement cela, tout comme le genre s’attribue à
l’espèce prochaine, ou que ceci est
dans cela, tout comme la passion ou la propriété s’attribue au sujet
propre et immédiat, de même encore dans les négatives il y a des principes
indémontrables lorsqu’on nie d’un sujet un prédicat essentiel ou encore une
passion propre. D’où il est clair que parmi les principes
des démonstrations, certains démontrent une conclusion affirmative qui doit
être tirée de deux prémisses affirmatives, alors que d’autres servent à
prouver une conclusion négative qui doit se tirer d’une seule prémisse
négative. 316. Ensuite
lorsqu’il dit [226] : Mais
puisqu’il faut etc., il montre comment il faut se servir des propositions
premières dans les démonstrations. Et en premier lieu, il le montre pour les
démonstrations affirmatives; en deuxième lieu, il le fait pour les négatives,
là [229] où il dit : Mais dans les
négatives etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu il montre de quelle manière il faut prendre les
propositions premières et immédiates dans les démonstrations; en deuxième
lieu, il montre comment de telles propositions se rapportent aux
démonstrations, là [227] où il dit : Et
de même que dans les autres etc.; en troisième lieu, il récapitule, là
[228] où il dit : Ainsi donc, dans
les syllogismes démonstratifs, etc. 317. Il dit donc
en premier lieu [226] que quand il faut démontrer une conclusion affirmative,
par exemple Tout B est A, il est
nécessaire de prendre un moyen terme qui, avant A, s’attribue à B et auquel A
s’attribue, soit C; et si à nouveau il y a un terme auquel A s’attribue avant
de s’attribuer à C, en procédant toujours de cette façon, ni la proposition
ni le moyen terme signifiant un être ne seront pris en dehors de A dans la
démonstration car il faudra que A lui soit attribué essentiellement de telle
sorte qu’il soit contenu sous A et ne lui soit pas extérieur, et il faudra
toujours que les moyens termes se resserrent. Et il parle d’une comparaison avec les
hommes qui semblent être compressés les uns sur les autres étant assis sur un
siège quand personne ne peut s’introduire au milieu de ceux qui sont déjà
assis. De même, on dit des moyens termes dans la démonstration qu’ils sont
resserrés quand, parmi les moyens termes qui ont été choisis, aucun autre ne
peut se glisser. Et c’est là ce qu’il dit, à savoir que le moyen terme se resserre jusqu’à ce que les intervalles deviennent
indivisibles, c’est-à-dire jusqu’à ce que les distances entre deux termes
soient telles qu’elles ne puissent être davantage divisées en plusieurs
distances de cette sorte et qu’elles se réduisent à une seule distance
indivisible. Et c’est cela qui se produit quand la
proposition est immédiate. Alors en effet, il y a véritablement une
proposition une, non seulement en
acte mais aussi en puissance, quand la proposition est immédiate. Si en effet
la proposition était médiate, bien qu’elle soit une en acte parce qu’un seul
prédicat est attribué à un seul sujet, elle serait multiple en puissance car
une fois que le moyen terme est pris, deux propositions sont formées. Tout
comme encore la ligne, qui est une en acte dans la mesure où elle est
continue, est cependant multiple en puissance dans la mesure où elle est
divisible par un point intermédiaire. Et c’est pourquoi il dit que la
proposition immédiate seule est une absolument comme l’indivisible simple est
un. 318. Ensuite
lorsqu’il dit [227] : Et de même
que dans les autres etc., il montre quel rapport il y a entre la
proposition immédiate et la démonstration. Et c’est là qu’il faut considérer,
ainsi que nous l’avons établi au dixième livre de la Métaphysique, que dans tout genre il faut qu’il y ait quelque
chose de premier qui est le principe le plus simple de ce genre et la mesure
de tout le reste qui est contenu dans ce genre. Et parce que la mesure est
proportionnée à ce qui est mesuré, il faut qu’il y ait diversité
d’indivisibles premiers conformément à la diversité des genres. Et c’est pourquoi le principe n’est pas le
même dans tous les genres; mais au contraire, pour les poids c’est l’once ou la mine, c’est-à-dire un poids minimal; cette unité de mesure
n’est cependant pas absolument simple, car tout poids est divisible en un
poids plus petit, mais on la prend comme étant simple par convention. Pour
l’accord musical, on prend le ton
comme principe d’unité, lequel consiste en une proportion d’une fois et un
huitième, ou le dièse, qui est la
différence entre le ton et le demi-ton. C’est ainsi que dans des
genres différents il y a différents principes indivisibles. Mais les principes du syllogisme dont des
propositions; c’est pourquoi il faut que ce soit la proposition la plus
simple, celle qui est immédiate, qui soit l’unité
qui est la mesure des syllogismes. Mais la démonstration ajoute au syllogisme
en ceci qu’elle produit la science. Mais l’intelligence
se compare à la science comme l’un se compare au multiple. Car la science se
réalise au moyen du passage qui s’effectue des principes à la conclusion;
l’intelligence de son côté est la réception pure et simple du principe connu
par soi. C’est pourquoi l’intelligence correspond à la proposition immédiate
alors que la science correspond à la conclusion qui est une proposition
médiate. Ainsi donc l’unité indivisible de la démonstration prise comme syllogisme
est la proposition immédiate. Mais du côté de la science qu’elle cause, l’unité de la démonstration est
l’intelligence en tant qu’habitus. 319. Ensuite
lorsqu’il dit [228] : Certes, dans
les syllogismes démonstratifs etc., en résumé il conclut ce qui a été
montré plus haut, à savoir que dans les syllogismes démonstratifs le moyen
terme ne se prend pas en dehors des termes extrêmes. 320. Ensuite
lorsqu’il dit [229] : Mais dans
les négatives où etc., il montre comment il faut se servir des
propositions immédiates dans les syllogismes négatifs. Et en premier lieu, il le montre dans la
première figure; en deuxième lieu, il le montre dans la deuxième figure, là
[230] où il dit : Mais s’il
fallait prouver etc.; en troisième lieu, il le montre dans la troisième
figure, là [231] où il dit : Mais
en troisième figure etc. Il dit donc en premier lieu [229] que dans
les syllogismes négatifs, aucun des moyens termes admis en procédant vers les
propositions immédiates ne tombe en dehors du genre des termes de la
proposition affirmative en première figure : par exemple, si on doit
démontrer que Aucun B n’est A en
prenant comme moyen terme C pour former ce syllogisme : Aucun C n’est A; tout B est C; donc, aucun B
n’est A. Si donc il fallait par la suite prouver que A n’appartient à
aucun C, il faut alors prendre un moyen terme entre C et A, c’est-à-dire un moyen terme qui
s’attribue à C et par conséquent à B, et ainsi il appartiendra au genre des
termes de la proposition affirmative : et ainsi on procédera toujours de
cette façon, c’est-à-dire de telle manière que les moyens termes admis ne
tombent pas en dehors de la proposition affirmative; ils tomberont cependant
en dehors du genre du prédicat de la négative, par exemple en dehors du genre
de A. 321. Ensuite
lorsqu’il dit [230] : Mais s’il
fallait démontrer etc., il montre de quelle manière cela se présente en
deuxième figure; et il dit que s’il fallait démontrer qu’aucun E n’est D en deuxième figure en prenant comme moyen
terme C pour obtenir le syllogisme suivant : Tout D est C; aucun E n’est
C ou quelque E n’est pas C;
donc, aucun ou quelque E n’est pas D. Jamais le moyen terme admis ne tombe en
dehors de E. Car s’il fallait par la suite démontrer qu’aucun E n’est C, il
faudrait en outre prendre un moyen terme entre E et C, car il faudra toujours
prouver la négative en deuxième figure, l’affirmative ne pouvant être prouvée
dans cette figure. C’est pourquoi, tout comme en première figure les moyens
termes admis se prennent toujours du côté de la proposition affirmative, de
même en deuxième figure les moyens termes doivent toujours se prendre du côté
de la proposition négative. 322. Ensuite
lorsqu’il dit [231] : Mais en
troisième figure etc., il montre de quelle manière cela se présente en
troisième figure; et il dit qu’en troisième figure les moyens termes admis ne
seront pris ni en dehors du prédicat qui est nié, ni en dehors du sujet
duquel le prédicat est nié. Et il en est ainsi parce que le moyen terme est
sujet dans les deux cas, c’est-à-dire à la fois de l’affirmative et de la
négative; de là, s’il fallait encore prendre un moyen terme, il faudrait en
outre que ce moyen terme soit sujet dans les deux prémisses, c’est-à-dire
dans l’affirmative et dans la négative; et ainsi, les moyens termes admis ne
se prennent jamais en dehors du prédicat qui est nié ni en dehors du sujet
duquel le prédicat est nié dans la conclusion. |
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LECTIO 37 |
LEÇON 37. La
démonstration universelle est-elle supérieure à celle qui est particulière? Argumentation en faveur de la négative
(nn.
323-331; [232-238]). |
[79789] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 37 n. 1Postquam philosophus determinavit de
syllogismo demonstrativo, hic agit de comparatione demonstrationum ad
invicem. Et quia scientia ex demonstratione causatur, ideo dividitur pars
ista in duas partes : in prima, agit de comparatione demonstrationis ; in
secunda, de comparatione scientiae ; ibi : certior autem scientia est et cetera.
Circa primum tria facit : primo, movet dubitationem de comparatione
demonstrationum ; secundo, dicit quo ordine sit procedendum ; ibi : primo
quidem igitur etc. ; tertio, prosequitur dubitationes motas ; ibi : videbitur
quidem igitur et cetera. [79790] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 37 n. 2Dicit ergo primo quod demonstratio
tripliciter dividitur : uno enim modo dividitur in universalem et
particularem ; alio autem modo dividitur in categoricam et privativam,
idest affirmativam et negativam ; tertio modo dividitur in eam quae
demonstrat ostensive, et in eam quae ducit ad impossibile. Est
ergo quaestio in singulis divisionibus qualis potior sit. [79791] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 37 n. 3Deinde cum dicit : primum quidem igitur
etc., ostendit quo ordine sit agendum ; et dicit quod primo agendum est de
comparatione universalis et particularis demonstrationis. Et cum hoc fuerit
ostensum, tunc dicemus et de demonstratione, quae demonstrat aliquid
affirmative, et de ea quae demonstrat ad impossibile ; utrum scilicet
affirmativa sit potior, et utrum ea quae est ad impossibile sit potior. [79792] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 37 n. 4Deinde cum dicit : videbitur quidem igitur
etc., prosequitur dubitationes propositas. Et primo, de comparatione
demonstrationis particularis et universalis ; secundo, de comparatione
affirmativae et negativae ; ibi : quod autem affirmativa etc. ; tertio, de
comparatione ostensivae et ducentis ad impossibile ; ibi : quoniam autem
categorica et cetera. Circa primum tria facit : primo, proponit rationes ad
ostendendum quod particularis demonstratio sit potior quam universalis ;
secundo, solvit eas ; ibi : aut primum quidem etc. ; tertio, ponit rationes
in contrarium ; ibi : amplius si demonstratio et cetera. [79793] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 37 n. 5Circa primum ponit tres rationes, dicens
quod quibusdam forte videbitur per has rationes immediate ponendas, quod
particularis demonstratio sit dignior quam universalis. Et prima ratio talis
est. Illa demonstratio est potior, per quam maxime scimus. Et hoc sic probat,
quia virtus demonstrationis est scire. Dicitur enim virtus
uniuscuiusque id quod ultimum potest, sicut hominis qui potest ferre centum
libras, virtus non est quod ferat decem, sed quod ferat centum, quod est
ultimum suae potentiae, ut dicitur in I de coelo et mundo. Hoc autem est
maximum quod potest facere demonstratio, scilicet quod faciat scire. Unde
haec est virtus demonstrationis. Unumquodque autem tanto perfectius est,
quanto magis attingit ad propriam virtutem, ut patet in VII Physic. Unde
manifeste patet haec propositio, quod tanto est demonstratio potior, quanto
magis facit scire. Assumit autem quod magis scimus unumquodque cum
cognoscimus ipsum secundum se, quam quando cognoscimus ipsum secundum aliud :
ut puta, cum cognoscimus de Corisco quod ipse Coriscus est musicus, magis hoc
scimus quam si sciamus solum quod homo est musicus. Et ista etiam propositio
simpliciter vera est, quia semper id quod est per se, prius est eo quod est
per aliud et causa eius, ut habetur in VIII Physic. Ex his autem
subintelligitur conclusio, quod potior est demonstratio, quae facit scire
aliquid secundum se, quam quae facit scire aliquid secundum aliud.
Demonstratio autem universalis demonstrat aliquid et facit scire non secundum
ipsum, sed secundum aliud, scilicet secundum universale ; sicut quod
triangulus duorum aequalium laterum, qui est isosceles, habet tres, non quia
est isosceles, sed quia est triangulus. Particularis autem demonstratio
demonstrat de aliqua re particulari secundum
seipsam. Unde sequitur, secundum praemissa, quod particularis demonstratio
sit potior quam universalis. [79794] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 37 n. 6Secundam et tertiam rationem ponit ibi :
amplius si universale quidem etc., quae talis est. Universale non est aliquid
praeter singularis, ut probatur in VII Metaphys. Demonstratio autem
universalis facit opinionem, ex ipso modo suae demonstrationis, quod sit
aliquid et quaedam natura in entibus ; puta cum demonstrat aliquid de
triangulo praeter particulares triangulos, et de figura praeter particulares
figuras, et de numero praeter particulares numeros. Praemissis autem duabus
propositionibus addit alias duas. Nam primae propositioni, quae dicebat quod
universale non est aliquid praeter singularia, addit hanc propositionem, quod
potior est demonstratio, quae est de ente, quam illa quae est de non ente.
Secundae autem propositioni, quae dicebat quod demonstratio universalis facit
opinionem quod universale sit aliquid in rerum natura, addit aliam propositionem,
scilicet quod demonstratio, quae non facit errare, est potior quam ea per
quam erratur. Et ostendit quod propter demonstrationem universalem erratur,
quia procedentes secundum demonstrationem universalem demonstrant de aliquo
universali sicut de quodam analogo ; idest sicut de quodam
communi, quod proportionaliter se habet ad multa, quasi sit aliquid commune,
quod neque est linea, neque numerus, neque solidum,
idest corpus, neque planum, idest superficies, sed aliquid
praeter haec, idest ipsa quantitas universalis ; vel, aliquid
propter haec, idest quod necesse est ponere ad hoc quod ista habeant
rationem quantitatis. Sic igitur secundum duo media, quasi duplici ratione
concludit unam conclusionem, dicens quod si universalis demonstratio ita se
habet, quod minus est de ente quam particularis, et magis facit opinionem
falsam quam particularis ; sequitur ex his duobus mediis quod universalis sit
indignior quam particularis. [79795] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 37 n. 7Deinde cum dicit : aut primum quidem nihil
etc., solvit praedictas rationes per ordinem. Et primo primam, dicens
quod primum quidem, idest secundum quod procedebat prima ratio,
non habet aliam rationem in universali quam in particulari ; quia utrobique
invenitur secundum se et secundum aliud. Et manifestat quod in universali
inveniatur secundum se. Habere enim tres angulos aequales duobus rectis non
convenit isosceli secundum se, idest secundum quod isosceles est, sed
secundum quod est triangulus ; et ideo qui cognoscit quemdam triangulum habere
tres, scilicet isoscelem, minus habet cognitionem de eo quod est per se, quam
si cognoscat quod triangulus habet tres. Et hoc est universaliter dicendum,
quod si aliquid non insit triangulo secundum quod est triangulus, et
demonstretur de eo, quidquid sit illud, non erit vera demonstratio. Si autem
insit ei secundum quod est triangulus, cognoscens in universali de triangulo
secundum quod huiusmodi, perfectiorem cognitionem habet. Ex his igitur
concludit quamdam conditionalem, in cuius antecedenti tria ponuntur. Quorum
unum est quod triangulus sit in plus quam isosceles ;
secundum est quod triangulus praedicetur de isoscele et aliis secundum eamdem
rationem et non aequivoce ; tertium est quod habere tres angulos aequales
duobus rectis insit omni triangulo. Et his tribus suppositis, consequens est
quod habere tres non conveniat triangulo in quantum est isosceles, sed e
converso. Apposuit autem prima duo in antecedente, quia si triangulus non
esset in plus, vel si aequivoce praedicaretur de pluribus, non compararetur
ad isoscelem sicut universale ad particulare. Tertium autem addit, quia si
habere tres non conveniret omni triangulo, non conveniret ei in quantum
triangulus, sed in quantum aliquis triangulus. Sicut hoc ipsum quod est
habere tres, quia non convenit omni figurae, non convenit figurae in quantum
est figura, sed in quantum est figura quaedam, quae est triangulus. Ex his
igitur concludit oppositum eius quod obiectio supponebat, scilicet quod ille
qui scit in universali, magis cognoscit rem per se et in quantum huiusmodi,
quam ille qui cognoscit in particulari. Et ex hoc ulterius concludit
principale propositum, scilicet quod potior sit demonstratio universalis quam
particularis. [79796] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 37 n. 8Secundam rationem solvit ibi : amplius si
quidem sit quaedam etc., et dicit quod si universale praedicatur de pluribus
secundum unam rationem et non aequivoce, universale quantum ad id quod
rationis est, idest quantum ad scientiam et demonstrationem, non erit minus
ens quam particulare sed magis : quia incorruptibile est magis ens quam
corruptibile ; ratio autem universalis est incorruptibilis ; particularia
autem sunt corruptibilia, quibus accidit corruptio secundum principia
individualia, non secundum rationem speciei, quae communis est omnibus et
conservatur per generationem. Sic igitur quantum ad id quod rationis est,
universalia magis sunt entia quam particularia. Quantum vero ad naturalem
subsistentiam, particularia magis sunt entia, quae dicuntur primae et
principales substantiae. [79797] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 37 n. 9Tertiam rationem solvit ibi : amplius neque
una necessitas etc., et dicit quod quamvis in propositionibus vel
demonstrationibus universalibus significetur aliquid unum secundum se, puta
triangulus, nulla tamen necessitas est quod propter hoc aliquis opinetur quod
triangulus sit quoddam unum praeter multa ; sicut in his quae non significant
substantiam, sed aliquod genus accidentis, cum ea absolute significamus, puta
dicendo albedinem, vel paternitatem, non propter hoc cognoscimus aliquem
opinari quod huiusmodi sint praeter substantiam. Intellectus enim potest
intelligere aliquid eorum, quae sunt coniuncta secundum rem, sine hoc quod
actu intelligat aliud, nec tamen intellectus est falsus. Sicut si album sit
musicum, possum intelligere album et aliquid attribuere ei et demonstrare de
ipso, puta quod sit disgregativum visus, nulla consideratione habita de
musico. Si tamen aliquis intelligeret album non esse musicum, esset
intellectus falsus. Sic igitur cum dicimus aut intelligimus quod albedo est
color, nulla mentione facta de subiecto, verum dicimus. Esset autem falsum si
diceremus, albedo, quae est color, non est in subiecto. Et similiter cum
dicimus homo est animal, vere loquimur, non facta mentione de aliquo
particulari homine. Esset tamen falsum si diceremus, homo est animal,
existens separatus a particularibus hominibus. Si autem hoc est, ergo
sequitur quod demonstratio non sit causa falsae opinionis, qua quis opinatur
universale esse extra singularia, sed audiens, qui male intelligit. Unde ex
hoc nihil derogatur universali demonstrationi. |
323. Après avoir
traité du syllogisme démonstratif, le Philosophe traite ici de la comparaison
des démonstrations entre elles. Et parce que la science est causée par la
démonstration, c’est pourquoi il divise cette section en deux parties :
dans la première [232] il traite de la comparaison des démonstrations; dans
la deuxième, il traite de la comparaison des sciences, là [257] où il
dit : Mais une science est plus
certaine etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu il soulève une difficulté relative à la
comparaison des démonstrations; en deuxième lieu, il dit dans quel ordre il
faut procéder, là [233] où il dit : Donc,
en premier lieu certes etc.; en troisième lieu il examine les difficultés
soulevées, là [234] où il dit : Il
semblerait donc etc. 324. Il dit donc
en premier lieu [232] que la démonstration se divise de trois manières : en
un premier temps elle se divise en universelle et particulière; en un deuxième temps elle se divise en
catégorique et privative, c’est-à-dire en affirmative et négative; en un troisième temps elle se divise
en celle qui démontre pleinement et
directement d’une part et en celle qui conduit à l’impossible d’autre part. La question est donc de savoir, pour
chacune de ces divisions, quelle partie de la division est supérieure. 325. Ensuite
lorsqu’il dit [233] : Donc, en
premier lieu etc., il montre dans quel ordre cette question doit être
abordée; et il dit qu’il faut d’abord traiter cette question en comparant la
démonstration universelle à celle qui est particulière. Et lorsque nous
aurons montré cela, alors nous parlerons de la démonstration qui démontre
quelque chose affirmativement et ensuite de celle qui démontre en conduisant
à l’impossible; c’est-à-dire que nous chercherons à savoir si c’est
l’affirmative qui est supérieure à la négative, et si c’est la démonstration
qui conduit à l’impossible qui est supérieure à la démonstration directe. 326. Ensuite
lorsqu’il dit [324] : Il
semblerait donc etc., il poursuit l’examen des difficultés qu’il vient de
présenter. Et en premier lieu il compare la
démonstration particulière à celle qui est universelle; en deuxième lieu, il
compare la démonstration affirmative à celle qui est négative, là [246] où il
dit : Mais que l’affirmative
etc.; en troisième lieu, il compare la démonstration directe à celle qui
conduit à l’impossible, là [251] où il dit : Mais puisque l’affirmative etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu [234-235], il présente des arguments qui
tendent à montrer que la démonstration particulière est supérieure à
l’universelle; en deuxième lieu il résout ces arguments, là [236] où il
dit : Mais d’abord, est-ce que
etc.; en troisième lieu, il présente des raisonnements qui tendent à une
conclusion opposée, là [239] où il dit : En outre, si la démonstration etc. 327. Au sujet du
premier point [234], il présente trois arguments en disant qu’il semblera
peut-être à certains, en posant ces arguments qui se présentent aussitôt à
eux, que la démonstration particulière est supérieure à celle qui est
universelle. Et le
premier argument est le suivant. La démonstration qui est supérieure est
celle qui nous fait le plus savoir. Et cet argument le montre du fait que
toute la vertu de la démonstration
consiste à engendrer le savoir. On dit en effet pour toute chose que sa vertu
réside en sa puissance ultime, tout comme pour l’homme qui peut soulever cent
livres, sa vertu ne consiste pas à en soulever dix, mais à en soulever cent,
puisque c’est là que sa puissance est maximale, ainsi qu’on le dit au premier
livre Du Ciel et du Monde. Mais
c’est là ce que la démonstration peut faire de mieux, à savoir engendrer la
science. Et c’est pourquoi c’est là la vertu de la démonstration. Mais une
chose est d’autant plus parfaite qu’elle parvient davantage à réaliser la
vertu qui lui est propre, ainsi qu’on le voit au septième livre des Physiques. C’est pourquoi on peut
voir que cette proposition est manifeste, à savoir qu’une démonstration est
supérieure dans la mesure où elle fait savoir davantage. Mais il assume que nous connaissons
davantage une chose quand nous la connaissons par elle-même que quand nous la
connaissons par une autre : par exemple, nous connaissons davantage de
Coriscus qu’il est lui-même musicien quand nous savons que Coriscus est
musicien que quand nous savons seulement que l’homme est musicien. Et cette
proposition aussi est vraie absolument, à savoir que toujours ce qui existe
par soi est antérieur à ce qui existe dans un autre et en est la cause ainsi
qu’on l’établit au huitième livre des
Physiques. Et à partir de là on sous-entend la conclusion suivante, à
savoir que la démonstration qui fait savoir une chose par elle-même est
supérieure à celle qui la fait savoir par une autre. Mais la démonstration universelle démontre
une chose et la fait savoir non pas par elle-même mais par une autre,
c’est-à-dire par l’universel; par exemple, que le triangle qui possède deux
côtés égaux, l’isocèle, possède trois angles égaux à deux droits non pas en
tant qu’il est isocèle mais parce qu’il est un triangle. Mais la
démonstration particulière démontre qu’une chose particulière possède par
elle-même tel attribut. D’où il s’ensuit, d’après ce qui précède, que la
démonstration particulière est supérieure à celle qui est universelle. 328. Il présente le deuxième et le troisième argument là [235] où il dit : En outre, si l’universel n’est certes pas etc.,
que voici. L’universel n’est pas quelque chose qui existe en dehors des cas
particuliers, ainsi qu’on le prouve au septième livre de la Métaphysique. Mais la démonstration universelle engendre
l’opinion, de par sa manière même de démontrer, qu’il existe quelque chose et
une certaine nature dans la réalité, par exemple lorsqu’elle démontre quelque
chose sur le triangle en dehors des triangles particuliers, sur la figure en
dehors des figures particulières et sur le nombre en dehors des nombres
particuliers. Mais il ajoute deux autres propositions aux deux qui précèdent.
Car à la première proposition qui disait que l’universel n’est pas quelque
chose qui existe en dehors des individus, il ajoute cette proposition que la
démonstration qui porte sur l’être est supérieure à celle qui porte sur le
non-être. Mais à la deuxième proposition qui disait que la démonstration
universelle engendre l’opinion que l’universel est quelque chose qui existe
dans la nature des choses, il ajoute l’autre proposition, à savoir celle qui
dit que la démonstration qui n’entraîne pas l’erreur est supérieure à celle
par laquelle l’erreur est produite. Et cet argument tend à montrer que c’est
en raison de la démonstration universelle que l’erreur se produit car ceux
qui procèdent selon la démonstration universelle font porter leurs
démonstrations sur un universel comme ils le feraient sur un analogue,
c’est-à-dire comme sur quelque chose de commun qui se rapporterait
proportionnellement à plusieurs, comme s’il existait une notion commune qui
ne serait ni ligne, ni nombre, ni solide, c’est-à-dire ni corps, ni plan,
c’est-à-dire ni surface, mais quelque
chose en dehors de tout cela, c’est-à-dire la quantité universelle
elle-même, ou quelque chose pour tout
cela, c’est-à-dire quelque chose qu’il est nécessaire de poser pour que
ces dernières quantités particulières aient raison de quantité. Ainsi donc,
d’après ces deux moyens termes, comme par un raisonnement qui serait double,
il tire une seule conclusion en disant que si la démonstration universelle se
présente de telle sorte qu’elle porte moins sur l’être que la démonstration
particulière et qu’elle produit davantage une opinion fausse que la
démonstration particulière, il s’ensuit de ces deux moyens termes que la
démonstration universelle est inférieure à la démonstration particulière. 329. Ensuite
lorsqu’il dit [236] : Mais
d’abord, rien n’empêche etc., il résout dans l’ordre les arguments qui
précèdent. Et en premier lieu il résout le premier en disant que tout d’abord certes, c’est-à-dire de
la manière dont se présente le premier argument, il ne convient pas moins
bien à la démonstration universelle qu’à celle qui est particulière car dans
les deux cas on rencontre aussi bien du par
soi que du par un autre. Et il
prouve qu’on rencontre le par soi dans la démonstration universelle. En
effet, posséder trois angles égaux à deux droits n’appartient pas à l’isocèle
par soi, c’est-à-dire en tant qu’isocèle, mais plutôt en tant qu’il est un
triangle; et c’est pour cette raison que celui qui sait qu’un triangle, par
exemple l’isocèle, possède trois angles égaux à deux droits, connaît moins ce
dernier par soi que s’il savait que le triangle possède trois angles égaux à
deux droits. Et cela doit se dire universellement, à savoir que si quelque
chose n’appartient pas au triangle en tant que triangle et est démontré de
lui, peu importe ce prédicat, il ne s’agira pas là d’une véritable
démonstration. Mais si le prédicat appartient au sujet en tant que triangle,
celui qui connaît le triangle en tant que triangle dans l’universel possède
une connaissance plus parfaite. Et à partir de là il termine par une
proposition conditionnelle dont l’antécédent contient trois points. Le
premier de ces points est que le triangle a plus d’extension que
l’isocèle; le deuxième point est
que le triangle s’attribue à l’isocèle et aux autres triangles selon la même
définition et non pas seulement par pure homonymie; le troisième est que la possession de trois angles égaux à deux
droits appartient à tout triangle. Et ces trois points étant admis, le
conséquent est que la possession de trois angles égaux à deux droits
n’appartient pas au triangle en tant qu’isocèle, mais au contraire à
l’isocèle en tant qu’il est un triangle. Et il a placé les deux premiers points
dans l’antécédent parce que si le triangle n’avait pas plus d’extension ou
s’il s’attribuait à plusieurs par homonymie, il ne se comparerait pas à
l’isocèle dans le rapport de l’universel au particulier. Mais il ajoute le
troisième point parce que si posséder trois angles égaux à deux droits
n’appartenait pas à tout triangle, ce prédicat n’appartiendrait pas au
triangle en tant que triangle, mais en tant qu’il est tel triangle; tout
comme ce même prédicat, à savoir posséder trois angles égaux à deux droits,
parce qu’il n’appartient pas à toute figure, n’appartient pas à la figure en
tant que figure, mais seulement à la figure en tant qu’elle est telle figure,
à savoir un triangle. Et donc, à partir de là, il conclut
l’opposé de ce que l’objection supposait, à savoir que celui qui connaît dans
l’universel connaît mieux la chose par soi et en tant que telle que celui qui
la connaît en particulier. Et par la suite, à partir de là, il conclut le
propos principal : la démonstration universelle est supérieure à celle
qui est particulière. 330. Il résout le deuxième argument là [237] où il
dit : En outre, s’il y a certes
une etc., et il dit que si l’universel s’attribue à plusieurs selon une
même définition et non par homonymie, l’universel quant à ceci qu’il relève
de la raison, c’est-à-dire quant à ce qu’il relève de la science et de la
démonstration, ne possédera pas moins d’être mais plutôt plus d’être que le
particulier pour cette raison que l’incorruptible est davantage de l’être que
le corruptible; mais une définition universelle est incorruptible alors que
les individus, dans lesquels il se produit une corruption à cause des
principes individuels et non en raison de la définition de l’espèce qui est
commune à tous et se conserve à travers la génération, sont corruptibles.
Ainsi donc, quant à ce qu’ils relèvent de la raison, les universels sont
davantage des êtres que les particuliers. Mais du point de vue de la
subsistance dans la nature, les particuliers sont davantage des êtres et
c’est pour cette raison qu’on les appelle substances premières et
principales. 331. Il résout le troisième argument là [238] où il
dit : En outre il n’y a aucune
nécessité etc., et il dit que bien que dans les propositions et les
démonstrations universelles on signifie une chose une en elle-même, par exemple
le triangle, il ne s’ensuit pas nécessairement pour cette raison qu’on doive
conclure que le triangle soit une chose une qui existe en dehors des
multiples cas particuliers; il en est ici comme pour les notions qui ne
signifient pas la substance mais un genre d’accident : car bien que nous
les signifions d’une façon absolue, par exemple lorsque nous parlons de la blancheur ou de la paternité, nous ne connaissons
personne qui pour cette raison croirait que de tels accidents existent en
dehors de la substance. L’intelligence peut en effet comprendre une de ces
nombreuses caractéristiques qui sont unies selon la chose, sans en comprendre
une autre en acte et néanmoins l’intelligence n’est pas dans la fausseté pour
autant. Par exemple, si le blanc est musicien, je peux comprendre le blanc,
lui attribuer un prédicat et faire une démonstration à son sujet, par exemple
montrer à son sujet qu’il éblouit la vue, sans prendre en considération
l’aspect de la musique. Mais si quelqu’un croyait que le blanc n’est pas musicien,
il serait dans l’erreur. Ainsi donc, lorsque nous disons ou
comprenons que la blancheur est une
couleur sans faire aucune mention du sujet, nous disons la vérité. Mais
nous serions dans l’erreur si nous disions que la blancheur, qui est une couleur, n’existe pas dans un sujet. Et
de la même manière, lorsque nous disons que l’homme est un animal, nous disons le vrai même si nous ne
faisons pas mention d’un homme particulier. Nous serions cependant dans
l’erreur si nous disions que l’homme
est un animal, et qu’il existe en
dehors des hommes particuliers. Et s’il en est ainsi, il s’ensuit donc
que ce ne serait pas la démonstration qui serait cause de cette fausse
opinion par laquelle on croirait que l’universel existe en dehors des
individus, mais plutôt l’auditeur qui saisit mal ce qu’est la démonstration.
C’est pourquoi, à partir de là, il faut conclure que ce n’est pas la
démonstration universelle qui est ici en cause. |
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LECTIO 38 |
LEÇON 38. La
démonstration universelle est supérieure à la démonstration particulière
(nn.
332-339; [239-245]). |
[79798] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 38 n. 1Postquam philosophus solvit rationes, quae
sunt ad partem falsam, hic inducit rationes ad partem veram, scilicet ad
ostendendum quod demonstratio universalis sit potior. Et circa hoc ponit septem rationes,
annectens eas praemissis solutionibus, ex quibus etiam propositum concludi
potest, ut supra patuit. [79799] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 38 n. 2Prima ergo ratio talis est. Demonstratio
est syllogismus ostendens causam et propter quid : sic enim contingit scire,
sicut supra habitum est. Sed universale est magis tale quam particulare. Iam
enim ostensum est in prima solutione quod universali magis inest per se
aliquid quam particulari. Illud autem cui inest aliquid per se, est causa
eius : subiectum enim est causa propriae passionis, quae ei per se inest.
Universale autem est primum cui propria passio inest, ut ex supra dictis
patet : unde patet quod proprie causa est id quod est universale. Ex quo
concludit propositum, scilicet quod demonstratio universalis sit dignior,
utpote magis declarans causam et propter quid. [79800] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 38 n. 3Secundam rationem ponit ibi : amplius usque
ad hoc etc., et sumitur haec ratio a causis finalibus. Ubi considerandum est
quod aliquid est finis alterius et quantum ad fieri, et quantum ad esse :
quantum ad fieri quidem, sicut generatio est propter formam ; quantum ad esse
autem, sicut domus est propter habitationem. Dicit ergo quod usque ad illum
terminum quaerimus propter quid fiat aliquid, aut propter quid sit aliquid,
quousque non sit aliquid aliud assignare quam hoc ad quod perventum est,
propter quod fiat vel sit illud, de quo quaeritur propter quid. Et quando hoc
invenimus, tunc opinamur nos scire propter quid ; et hoc ideo quia illud quod
iam sic est ultimum ut non sit aliquid aliud ulterius quaerendum, est id quod
est vere finis et terminus, qui quaeritur cum quaerimus propter quid. Et
ponit exemplum, puta si quaeramus cuius causa aliquis venit, et respondeatur,
ut accipiat argentum : hoc autem propter quid ? Ut scilicet reddat debitum :
et hoc propter hoc aliud, ut scilicet non iniuste agat. Et sic semper
procedentes, quando iam non erit amplius propter aliquid aliud sicut propter
finem, puta cum pervenerimus ad ultimum finem, qui est beatitudo, dicemus
quod propter hoc venit sicut propter finem. Et similiter est in omnibus
aliis, quae sunt vel fiunt propter finem, et quando ad hoc pervenerimus,
sciemus propter quid venit. Si igitur ita se habet in aliis causis sicut in
causis finalibus, quod tunc maxime scimus quando ad ultimum fuerit perventum
; ergo in aliis tunc maxime sciemus, quando perveniemus ad hoc, quod hoc
inest huic non amplius propter aliquid aliud : et hoc contingit cum
pervenerimus ad universale. Et hoc manifestat in tali exemplo. Si enim
quaeramus de isto triangulo particulari, quare anguli eius extrinseci sunt
aequales quatuor rectis ; respondebitur quod hoc contingit huic triangulo
quia est isosceles ; isosceles autem est talis quia est triangulus ; triangulus
autem est talis quia est figura rectilinea talis. Si ergo amplius non possit
procedi, tunc maxime scimus : hoc autem est, quando pervenitur ad universale.
Ergo universalis demonstratio potior est particulari. [79801] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 38 n. 4Tertiam rationem ponit ibi : amplius
quantocumque etc., et dicit quod quanto magis proceditur versus particularia,
tanto magis itur versus infinitum ; quia, ut dicitur in III Physic.,
infinitum congruit materiae, quae est individuationis principium. Sed quanto
magis proceditur versus universale, tanto magis itur in aliquid simplex et in
ipsum finem ; quia ratio universalis sumitur ex parte formae, quae est
simplex, et habet rationem finis, in quantum terminat infinitatem materiae.
Manifestum est autem quod infinita in quantum huiusmodi non sunt scibilia,
sed in quantum aliqua sunt finita in tantum sunt scibilia ; quia materia non
est principium cognoscendi rem, sed magis forma. Manifestum est ergo quod
universalia sunt magis scibilia quam particularia. Ergo etiam sunt magis
demonstrabilia, quia demonstratio est syllogismus faciens scire. Sed magis demonstrabilium est potior demonstratio : simul enim intenduntur ea, quae dicuntur ad
invicem ; demonstratio autem ad demonstrabile dicitur. Et sic cum universalia sint magis
demonstrabilia, demonstratio universalis erit potior. [79802] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 38 n. 5Quartam rationem ponit ibi : amplius si
magis praeponenda etc., quae talis est. Cum demonstrationis finis sit
scientia, quanto demonstratio plura facit scire, tanto potior est. Et hoc est
quod dicit, quod magis praeferenda est demonstratio, secundum quam homo
cognoscit hoc et aliud, quam illa secundum quam homo cognoscit unum solum.
Sed ille qui habet cognitionem de universali, cognoscit etiam particulare,
dummodo sciat quod sub universali contineatur particulare ; sicut qui
cognoscit omnem mulam esse sterilem, scit hoc animal, quod cognoscit esse
mulam, esse sterile : sed ille qui cognoscit particulare, non propter hoc
cognoscit universale. Non enim si cognosco hanc mulam esse sterilem, propter
hoc cognosco omnem mulam esse sterilem. Relinquitur ergo quod demonstratio
universalis, per quam cognoscitur universale et particulare, sit potior quam
particularis, per quam cognoscitur solum particulare. [79803] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 38 n. 6Quintam rationem ponit ibi : amplius autem
et sic etc., quae talis est. Quanto medium demonstrationis est propinquius
primo principio, tanto demonstratio est potior. Et hoc probat, quia si illa
demonstratio, quae procedit ex principio immediato, est certior ea quae non
procedit ex principio immediato, sed ex mediato, necesse est quod quanto
aliqua demonstratio procedit ex medio propinquiori principio immediato, tanto
sit potior. Sed universalis demonstratio procedit ex medio propinquiori
principio, quod est propositio immediata. Et hoc manifestat in terminis. Si
enim oporteat demonstrare a, quod est universalissimum, de d, quod est
particularissimum, puta substantiam de homine, et accipiantur media b et c,
puta animal et vivum, ita quod b sit superius quam c, sicut vivum quam animal
; manifestum est quod b, quod est universalius, erit immediatum ipsi a, et
per hoc magis cognoscetur quam per c, quod est minus universale. Unde
relinquitur quod demonstratio universalis potior sit quam particularis. Addit
autem quasdam praedictarum rationum logicas esse : quia
scilicet procedunt ex communibus principiis, quae non sunt demonstrationi
propria ; sicut praecipue tertia et quarta, quae accipiunt pro medio id quod
est commune omni cognitioni. Aliae vero tres praedictarum rationum, scilicet
prima, secunda et quinta, magis videntur esse analyticae, utpote procedentes
ex propriis principiis demonstrationis. [79804] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 38 n. 7Sextam rationem ponit ibi : maxime autem
manifestum est etc., et dicit quod maxime evidens est universalem
demonstrationem principaliorem esse ex ipsis propositionibus, ex quibus
utraque demonstratio procedit. Nam universalis demonstratio procedit ex
universalibus propositionibus. Particularis autem demonstratio procedit ex
aliqua particulari propositione. Propositionum autem universalis et
particularis talis est comparatio, quod ille qui habet cognitionem de priori,
scilicet de universali, cognoscit quodammodo posteriorem, scilicet in
potentia. Nam in universali sunt in potentia
particularia, sicut in toto sunt in potentia partes. Puta si aliquis cognoscit quod omnis triangulus habet tres angulos
aequales duobus rectis, iam in potentia cognoscit hoc de isoscele. Sed ille
qui cognoscit aliquid in particulari, non propter hoc cognoscit in
universali, neque in actu neque in potentia. Non enim universalis propositio
continetur in particulari, neque in actu neque in potentia. Si igitur
demonstratio est potior, quae ex potioribus propositionibus procedit,
sequitur quod demonstratio universalis sit potior. Est autem attendendum quod
haec ratio non differt a quarta supraposita, nisi quod ibi fiebat comparatio
conclusionum, quae cognoscuntur per demonstrationem, hic autem fit comparatio
propositionum, ex quibus demonstratio procedit. [79805] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 38 n. 8Septimam rationem ponit ibi : et
universalis quidem etc., quae talis est. Universalis demonstratio intelligibilis
est, idest in ipso intellectu terminatur, quia finitur ad universale,
quod solo intellectu cognoscitur. Sed demonstratio particularis in intellectu
incipiens terminatur ad sensum, quia concludit particulare, quod directe per
sensum cognoscitur ; et per quamdam applicationem, seu reflexionem, ratio
demonstrans usque ad particulare producitur. Cum igitur intellectus sit
potior sensu, sequitur quod demonstratio universalis potior sit quam
particularis. Ultimo epilogando concludit hoc esse manifestum per omnia supra
dicta. |
332. Après avoir
résolu les arguments qui se tiennent du côté de la conclusion fausse, il
présente ici les raisonnements que se tiennent du côté de la conclusion qui
est vraie, c’est-à-dire ceux qui sont ordonnés à montrer que la démonstration
universelle est supérieure. Et à ce sujet il présente sept
raisonnements en les joignant aux résolutions qui précèdent et à partir
desquels le propos peut aussi être conclu de la manière que nous l’avons
manifesté plus haut. 333. Le premier raisonnement est le suivant
[239]. La démonstration est le syllogisme qui manifeste la cause et le
pourquoi : c’est ainsi en effet que le savoir est possible ainsi que
nous l’avons établi plus haut. Mais l’universel est davantage apte à cela que
le particulier. En effet, nous avons déjà montré dans la première solution
que c’est davantage à l’universel qu’au particulier qu’appartient un prédicat
essentiel. Mais le sujet auquel appartient quelque chose essentiellement est
cause de ce qui lui appartient ainsi : le sujet en effet est cause de la
passion propre qui lui appartient essentiellement. Mais l’universel est le
sujet premier auquel la passion propre s’attribue ainsi qu’on le voit à
partir de ce qui a été dit plus haut : d’où il est clair que c’est
l’universel qui est à proprement parler la cause. Et à partir de là il
conclut le propos, à savoir que la démonstration universelle est supérieure,
vu que c’est elle qui est plus capable d’établir la cause et le pourquoi. 334. Il présente le deuxième raisonnement là [240] où
il dit : En outre, nous
recherchons jusqu’à ce que etc., et ce raisonnement se tire des causes
finales. Et là il faut considérer qu’une chose est la fin d’une autre à la
fois quant au devenir et quant à l’être : quant au devenir certes comme
la génération est en vue de la forme; mais aussi quant à l’être comme la
maison qui est en vue de l’habitation. Et il dit que nous recherchons
pourquoi une chose est en devenir ou pourquoi elle existe, jusqu’à ce que
nous parvenions à ce terme au-delà duquel il n’y a plus autre chose à
désigner que ce terme auquel on est parvenu et pour lequel est engendré ou
existe cela même au sujet de quoi nous recherchons le pourquoi. Et quand nous
découvrons cela, alors nous croyons savoir le pourquoi; et il en est ainsi
parce que cela même qui est déjà le dernier terme de telle manière qu’il n’y
ait rien d’autre à rechercher ultérieurement, c’est cela même qui est
véritablement la fin et le terme qui est recherché lorsque nous recherchons
le pourquoi. Et
il présente un exemple, comme lorsque nous demandons pourquoi quelqu’un vient
et qu’on nous répond que c’est pour recevoir de l’argent : mais pourquoi
cela? Afin de régler sa dette. Et en vue de quoi d’autre fait-il cela? Afin
de ne pas commettre d’injustice. En procédant toujours ainsi, quand il n’y
aura plus aucune autre chose pour laquelle la chose est faite ou existe comme
en vue de sa fin, par exemple lorsque nous serons parvenus à la fin ultime
qui est le bonheur, alors nous dirons que c’est pour cette raison, prise
comme fin, qu’il est venu. Et il en est de même pour tous les autres cas qui
sont sujets à un devenir ou à une existence en vue d’une fin, et quand nous
serons parvenus à la connaissance de ce terme, alors nous saurons pourquoi il
est venu. Si donc les choses se présentent dans les
autres causes de la même manière que dans les causes finales, nous
atteindrons au plus grand savoir quand nous serons parvenus à ce terme
ultime; donc pour les autres causes notre savoir sera parfait lorsque nous
parviendrons à ce terme qui n’appartient plus à un sujet en raison de quelque
chose d’autre. Et ce terme sera possible lorsque nous serons parvenus à
l’universel. Et il manifeste cela par l’exemple
suivant. Si en effet nous demandions au sujet de ce triangle particulier
pourquoi ses angles extérieurs sont égaux à quatre droits, on répondrait que
cela se produit dans ce triangle par qu’il est isocèle; mais l’isocèle est
tel parce qu’il est un triangle; mais le triangle est tel parce qu’il est telle
figure rectiligne. Si donc on ne peut aller plus loin, c’est alors que notre
savoir est le plus grand : mais cela n’est possible que lorsque nous
parvenons à l’universel. Donc, la démonstration universelle est supérieure à
la démonstration particulière. 335.
Il présente le troisième
raisonnement là [241] où il dit : En
outre, plus etc., il dit que la démonstration chemine d’autant plus vers
l’infini qu’elle procède vers les particuliers; car, ainsi que nous l’avons
dit dans le troisième livre des
Physiques, l’infini se rapporte à la matière qui est principe
d’individuation. Mais la démonstration s’avance d’autant plus vers quelque
chose de simple et vers ce qui a raison de fin qu’elle procède vers
l’universel; car la définition universelle se tire du côté de la forme qui
est simple et qui a raison de fin pour autant qu’elle limite l’infinité de la
matière. Mais il est manifeste que l’infini en tant
que tel n’est pas connaissable et que c’est pour autant qu’elles sont finies
que les choses sont connaissables; car ce n’est pas la matière qui est
principe de connaissance de la chose, mais plutôt la forme. Il est donc
évident que les universels sont davantage connaissables que les particuliers.
Et par conséquent ils sont aussi davantage démontrables car la démonstration
est le syllogisme qui produit la science. Mais la démonstration qui est supérieure
est celle qui se rapporte à des objets qui sont davantage démontrables :
mais les choses qui se disent relativement sont recherchées simultanément;
mais la démonstration se dit relativement à ce qui est démontrable. Et ainsi,
puisque l’universel est davantage démontrable, la démonstration universelle
sera supérieure. 336.
Il présente le quatrième
raisonnement là [242] où il dit : En
outre, si doivent être préférées davantage etc., que voici. Puisque la
fin de la démonstration est la science, la démonstration sera d’autant
supérieure qu’elle fera savoir plus de choses. Et c’est là ce qu’il dit, à savoir que la
démonstration qui fait savoir telle chose et telle autre chose encore doit
être préférée à celle d’après laquelle l’homme ne connaît que cette chose
seulement. Mais celui qui possède la connaissance de l’universel se trouve
aussi à connaître le particulier, pourvu qu’il connaisse le particulier qui
est contenu sous l’universel, tout comme celui qui, sachant que toute mule
est stérile, sait aussi que tel animal, qu’il connaît comme étant une mule,
est stérile : mais celui qui connaît le particulier ne connaît pas pour
cette raison l’universel. Si en effet je sais que cette mule est stérile, je
ne sais pas du même coup pour cette seule raison que toute mule est stérile.
Il reste donc que la démonstration universelle, par laquelle sont connus
l’universel et le particulier, est supérieure à la démonstration particulière
par laquelle on ne connaît que le particulier. 337.
Il présente le cinquième
raisonnement là [243] où il dit : Mais
en outre si on peut démontrer par un moyen terme tel etc., que voici. Une
démonstration sera d’autant supérieure que le moyen terme de la démonstration
sera plus rapproché du premier principe. Et il prouve cela car si cette
démonstration qui procède d’un principe immédiat est plus certaine que celle
qui ne procède pas d’un principe immédiat mais d’un principe médiat, il est
nécessaire qu’une démonstration sera d’autant supérieure qu’elle procédera
d’un moyen terme plus rapproché du principe immédiat. Mais la démonstration
universelle procède d’un moyen terme qui est plus rapproché du principe qui
est une proposition immédiate. Et il manifeste cela par des termes. Si en
effet il fallait démontrer que A, qui est le terme le plus universel,
appartient à D, qui est le terme le plus particulier, par exemple que la
substance appartient à l’homme; et si on prend comme moyens termes B et C,
par exemple animal et vivant, de telle manière que B soit supérieur à C,
comme vivant qui est plus universel qu’animal, il est évident que B, qui est
plus universel, sera immédiatement rattaché à A lui-même, et c’est plus par
ce terme que par C, qui est moins universel,
qu’on connaîtra davantage que D est A. D’où il suit que la
démonstration universelle est supérieure à celle qui est particulière. Mais il ajoute que certains des
raisonnements qui précèdent sont dialectiques,
c’est-à-dire qu’ils procèdent de principes communs qui ne sont pas propres à
la démonstration; il en est ainsi surtout pour le troisième et le quatrième
raisonnement qui prennent pour moyen terme ce qui est commun à toute
connaissance. Mais les trois autres raisonnements, à savoir le premier, le
deuxième et le cinquième se présentent davantage comme étant analytiques vu
qu’ils procèdent de principes qui sont propres à la démonstration. 338.
Il présente le sixième raisonnement
là [244] où il dit : Mais la
preuve la plus manifeste etc., et il dit que la preuve la plus évidente
de la supériorité de la démonstration universelle se tire des propositions
mêmes d’où procède chacune des démonstrations. Car la démonstration
universelle procède de propositions universelles alors que la démonstration
particulière procède d’une proposition particulière. Mais parmi les
propositions, le rapport de celle qui est universelle à celle qui est
particulière est tel que celui qui possède la connaissance de la première,
c’est-à-dire de celle qui est universelle, connaît du même coup en un certain
sens, à savoir en puissance, celle qui est seconde. Car les cas particuliers existent en
puissance dans l’universel comme les parties existent en puissance dans le
tout. Par exemple, si quelqu’un sait que tout triangle possède trois angles
égaux à deux droits, il sait déjà en puissance que cela est vrai aussi de
l’isocèle. Mais celui qui sait quelque chose en particulier ne sait pas pour
cela l’universel, ni en acte, ni en puissance. En effet, la proposition universelle
n’est contenue dans la proposition particulière ni en acte ni en puissance.
Si donc la démonstration qui est supérieure est celle qui procède de
propositions qui sont supérieures, il s’ensuit que la démonstration
universelle est supérieure. Il faut cependant remarquer que ce
raisonnement ne diffère du quatrième présenté plus haut que par ceci qu’alors
la comparaison se faisait sous le rapport des conclusions qui sont connues
par la démonstration alors qu’ici la comparaison se fait sous le rapport des
propositions ou des prémisses d’où procède la démonstration. 339.
Il présente le septième
raisonnement là [245] où il dit : Et
la démonstration universelle est certes etc., que voici. La démonstration
universelle est intelligible, c’est-à-dire qu’elle se termine dans
l’intelligence même car elle s’achève dans l’universel qui n’est connu que
par l’intelligence seule. Mais la démonstration particulière qui commence
dans l’intelligence se termine dans le sens car elle conclut le particulier
qui est connu directement par le sens; et au moyen d’une certaine application
ou un certain retour en arrière, un raisonnement est produit en démontrant
jusqu’au particulier. Donc, puisque l’intelligence est supérieure au sens, il
s’ensuit que la démonstration universelle est supérieure à la démonstration
particulière. Et à la fin, comme en résumant ce qui a
été dit, il conclut que cela est manifeste à partir de tout ce qui a été dit. |
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LECTIO 39 |
LEÇON 39. La
démonstration affirmative est supérieure à celle qui est négative
(nn.
340-348; [246-250]). |
[79806] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 39 n. 1Postquam philosophus ostendit quod demonstratio
universalis est potior quam particularis, hic ostendit quod demonstratio
affirmativa sit potior negativa. Et circa hoc ponit quinque rationes. [79807] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 39 n. 2In quarum prima hoc praesupponit, quod,
caeteris paribus, illa demonstratio est dignior, quae procedit ex paucioribus
petitionibus aut suppositionibus aut propositionibus. Quae quidem qualiter
differant ex supra dictis patet. Nam propositiones possunt dici etiam illae
quae sunt per se notae, quae neque suppositiones neque petitiones sunt, ut
supra dictum est. Suppositio autem a petitione differt : nam suppositio est
propositio non per se nota, sed accipitur sicut a discente opinata ; petitio
autem est propositio non per se nota, quae non est opinata a discente, sive
habeat contrarias opiniones sive non. [79808] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 39 n. 3Quod autem demonstratio sit dignior quae
paucioribus utitur, caeteris paribus ostendit dupliciter. Primo quidem, quia
si detur quod utraeque propositiones ex quibus proceditur, sint aeque notae,
sequitur quod velocius erit cognoscere per pauciores propositiones quam per
plures ; quia citius terminatur discursus, qui est per pauciores
propositiones, quam qui est per plures. Hoc autem est eligibilius seu
appetibilius, quod homo citius addiscat. Unde relinquitur quod demonstratio
quae ex paucioribus propositionibus procedit, dummodo sint aeque notae, sit
melior. [79809] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 39 n. 4Secundo, probat eamdem propositionem
universaliter absque praedicta suppositione, scilicet quod omnes
propositiones assumptae sint aequaliter notae. Et ad hoc probandum assumit hanc suppositionem, quod media quae sunt
unius ordinis sint aeque nota, sed media quae sunt priora sunt notiora. Hoc
enim oportet esse universaliter verum. Hoc igitur supposito, sit una
demonstratio, in qua demonstretur quod a sit in e per tria
media, quae sunt b c d ; quae quidem concludit ex
quatuor propositionibus, quae sunt : omne b est a ; omne c est b ; omne d est
c ; omne e est d. Alia vero demonstratio sit, quae concludat eamdem
conclusionem, scilicet a esse in e, per duo media, quae sunt z h. His itaque
suppositis, manifestum est quod, ex quo ordo cognitionis proportionatur
ordini mediorum, quia priora sunt notiora, ut dictum est, necesse est quod
aequaliter sit nota haec propositio, omne d est a, in prima demonstratione,
et, omne e est a, in secunda, quia utrobique inveniuntur duo media. Sed manifestum est quod in prima
demonstratione haec propositio, omne d est a, prior et notior est quam haec
propositio, omne e est a ; quia haec secunda demonstratur ex priori in prima
demonstratione, et ex his quae supra dicta sunt, apparet quod id per quod
demonstratur aliquid, est credibilius et notius eo quod per ipsum
demonstratur. Ergo relinquitur quod haec propositio, omne e est a, secundum quod concluditur per secundam demonstrationem,
sit notior quam eadem propositio, secundum quod concluditur per priorem
demonstrationem, quae utebatur pluribus mediis. Relinquitur ergo quod
demonstratio quae ex paucioribus procedit, est potior ea quae procedit ex
pluribus. [79810] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 39 n. 5Maiore igitur propositione probata,
Aristoteles assumit quod affirmativa demonstratio ex paucioribus procedit
quam negativa : non quidem ex paucioribus terminis, vel ex paucioribus
propositionibus secundum materiam, quia utraque demonstratio tam affirmativa
quam negativa demonstrat per tres terminos et duas propositiones ; sed
demonstratio negativa dicitur ex pluribus procedere secundum propositionum
qualitatem. Nam demonstratio affirmativa accipit solum ens, idest procedit ex
solis propositionibus affirmativis : demonstratio vero negativa accipit esse et non
esse, idest assumit affirmativam et negativam simul. Ergo dignior est
affirmativa quam negativa. [79811] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 39 n. 6Secundam rationem ponit ibi : amplius
quoniam ostensum est etc., et inducitur haec secunda ratio ad confirmationem
primae, quae poterat videri deficiens ex hoc quod non assumebatur sub maiori
propositione eo modo quo probabatur. Et ideo, ut omnis calumnia excludatur, addit hanc secundam rationem ad
confirmationem primae. Ostensum est enim in libro priorum, quod ex duabus
propositionibus negativis non potest fieri syllogismus, sed oportet ad minus
unam propositionem esse affirmativam et alteram negativam. Ex quo aperte
apparet quod propositiones affirmativae habent maiorem efficaciam ad
syllogizandum quam negativae. Unde sequitur quod demonstratio affirmativa,
quae procedit ex solis affirmativis, sit potior quam demonstratio negativa,
quae procedit ex affirmativa et negativa. [79812] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 39 n. 7Tertiam rationem ponit ibi : amplius iuxta
hoc etc., et dicit quod secundum consequentiam praemissarum rationum possumus
hoc accipere, quod quando demonstratio augmentatur, scilicet per resolutionem
propositionum in sua principia, necesse est esse plures propositiones
affirmativas, sed negativas impossibile est esse plures quam unam. Sit enim
talis demonstratio negativa : nullum b est a ; omne c est b ; ergo nullum c
est a. Augeatur ergo demonstratio quantum ad utramque propositionem, si
utraque sit mediata, accipiendo medium utriusque ; et medium quidem maioris
propositionis, scilicet nullum b est a, sit d, medium autem minoris propositionis,
scilicet omne c est b, sit e. Et quia haec propositio, omne c est b, est
affirmativa, ad quam concludendam non concurrit aliqua negativa, necesse est
quod eius medium, quod est e, sit affirmativum ad utramque extremitatem ; et
sic sumuntur duae propositiones affirmativae, scilicet omne e est b, omne c
est e, ex quibus concluditur, omne c est b. Sed maior propositio est
negativa, scilicet nullum b est a : negativa autem non concluditur ex duabus
negativis ; sed in prima figura, per quam maxime fit demonstratio secundum
praemissa, maiorem oportet esse negativam et minorem affirmativam. Unde
oportebit quod hoc medium d sit affirmativum per comparationem ad b, sit
autem negativum per comparationem ad a, tali demonstratione facta : nullum d
est a ; omne b est d ; ergo nullum b est a. Sic igitur augmentata
demonstratione negativa per resolutionem propositionum in sua principia,
erunt quatuor propositiones, quarum una sola est negativa, scilicet nullum d
est a ; tres autem aliae erunt affirmativae, scilicet omne b est d, omne e
est b, omne c est e. Et idem est in omnibus aliis syllogismis, quia semper
necesse est medium per quod affirmativae propositiones probantur, esse
affirmativum ad ambo extrema. Medium autem per quod probatur negativa
propositio, necesse est esse negativum solum ad unam extremitatem ; et ita
sequitur quod una sola propositio sit negativa, aliae omnes affirmativae. Ex
quo patet quod propositio negativa maxime demonstratur per affirmativas. Si
ergo illud per quod aliquid demonstratur, est notius et credibilius eo quod
per ipsum demonstratur, cum negativa propositio maxime demonstretur per
affirmativam, non autem e converso, sequitur quod affirmativa propositio sit
prior et notior et credibilior quam negativa. Unde demonstratio affirmativa
erit dignior. [79813] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 39 n. 8Quartam rationem ponit ibi : amplius si
principium syllogismi etc., et dicit quod principium syllogismi demonstrativi
est propositio universalis immediata ; ita tamen quod affirmativi syllogismi
est principium proprium affirmativa propositio, negativi autem syllogismi
proprium principium est negativa propositio universalis. Sed nobilioris
principii nobilior est effectus. Ergo secundum proportionem propositionis
affirmativae ad negativam, est proportio demonstrationis affirmativae ad
negativam. Sed affirmativa propositio est potior quam negativa. Quod probat
dupliciter : primo quidem, quia affirmativa est prior et notior, cum per
affirmativam probetur negativa, et non e converso ; secundo, quia affirmatio
praecedit naturaliter negationem, sicut esse prius est quam non esse. Quamvis
enim in uno et eodem, quod de non esse in esse procedit, non esse sit prius
tempore, esse tamen est prius natura, et simpliciter prius etiam tempore ;
quia non entia non producuntur in esse, nisi ab aliquo ente. Ergo patet quod
affirmativa demonstratio est potior quam negativa. [79814] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 39 n. 9Quintam rationem ponit ibi : adhuc et
principalior etc., quae talis est. Illud ex quo aliud dependet, est
principalius. Sed demonstratio negativa dependet ex affirmativa ; quia non
potest esse negativa demonstratio sine affirmativa propositione, quae non
probatur nisi per affirmativam demonstrationem. Ergo demonstratio affirmativa
est principalior quam negativa. |
340.
Après avoir montré que la démonstration universelle est supérieure à celle
qui est particulière, le Philosophe montre ici que la démonstration
affirmative est supérieure à celle qui est négative. Et pour le montrer il présente cinq
raisonnements. 341.
Et parmi ces raisonnements, le premier
présuppose, toutes choses restant égales par ailleurs, que la démonstration
qui est supérieure est celle qui procède d’un petit nombre de postulats,
d’hypothèses ou de propositions. Et de quelle manière ces dernières, à savoir
les propositions, diffèrent, cela est évident à partir de ce qui a été dit
plus haut. Car on peut appeler propositions même les énoncés qui sont connus
par soi et qui ne sont ni des postulats ni des hypothèses, ainsi que nous
l’avons dit plus haut. Mais une hypothèse diffère d’un postulat car
l’hypothèse est une proposition qui n’est pas connue par soi mais qui se
prend comme étant admise de celui qui apprend, alors que le postulat n’est ni
une proposition qui est connue par soi ni une proposition qui est admise par
celui qui apprend, ce dernier ayant ou non des opinions contraires. 342.
Mais que la démonstration qui est supérieure soit celle qui se sert d’un
petit nombre de propositions, le reste étant égal par ailleurs, il le montre de deux manières. Et il montre certes en premier lieu que si on accorde que dans les deux cas les
propositions d’où on procède sont également connues, il s’ensuit que la
connaissance sera acquise plus rapidement au moyen des propositions moins
nombreuses qu’au moyen des propositions plus nombreuses. Car le discours qui
s’effectue au moyen de propositions moins nombreuses est plus rapide que
celui qui s’effectue au moyen de propositions plus nombreuses. Mais il est
préférable ou plus désirable que l’homme apprenne plus rapidement. D’où il
s’ensuit que la démonstration qui procède d’un plus petit nombre de
propositions est supérieure pourvu que les propositions soient également
connues. 343.
En deuxième lieu, il prouve
universellement la même proposition sans tenir compte de l’hypothèse qui
précède, à savoir que toutes les propositions admises soient également
connues. Et pour le prouver il assume cette hypothèse que les moyens termes
qui appartiennent à un même ordre sont également connus mais que les moyens
termes qui sont antérieurs sont plus connus. Mais cela doit être vrai
universellement. Cela étant donc pris comme hypothèse, supposons une
démonstration dans laquelle on démontre que A appartient à E au moyen des trois moyens termes qui sont B, C
et D; et cette conclusion se tire des quatre propositions suivantes : Tout B est A; tout C est B; tout D est C;
tout E est D. Supposons maintenant
une autre démonstration qui prouve la même conclusion, c’est-à-dire que A appartient à E, grâce à ces deux
moyens termes qui sont Z et H. C’est pourquoi, cela étant admis, il est
évident, du fait que l’ordre de la connaissance est proportionnel à l’ordre
des moyens termes, car ce qui est antérieur est plus connu ainsi que nous
l’avons dit, il est nécessaire que cette proposition, Tout D est A, qu’on
retrouve dans la première démonstration, et Tout E est A, qu’on retrouve dans
la deuxième, soient également connues puisque dans chacun des deux cas on
retrouve deux moyens termes. Mais il est évident que dans la première
démonstration cette proposition, Tout D
est A, est plus connue et antérieure à cette proposition Tout E est A car cette dernière est
démontrée à partir de la première dans la première démonstration et, à partir
de ce qui a été dit plus haut, il clair que ce à partir de quoi on démontre
quelque chose est plus certain et plus connu que ce qui est démontré à partir
de là. Il s’ensuit donc que cette proposition, à
savoir Tout E est A, selon qu’elle
est conclue dans la deuxième démonstration, est plus connue que la même
proposition en tant que conclue dans la première démonstration qui utilisait
plus de moyens termes. Il s’ensuit donc que la démonstration qui procède d’un
plus petit nombre de moyens termes est supérieure à celle qui procède d’un
plus grand nombre. 344.
La proposition majeure étant donc
prouvée, Aristote assume que la démonstration affirmative procède d’un plus
petit nombre de propositions que la démonstration négative; non pas certes
d’un plus petit nombre de termes ou d’un plus petit nombre de propositions
matériellement parlant, car chacune des deux sortes de démonstration, aussi
bien l’affirmative que la négative, démontre au moyen de trois termes et de
deux propositions; mais on dit que la démonstration négative procède d’un
plus grand nombre selon la qualité des propositions. Car la démonstration
affirmative n’admet que l’être,
c’est-à-dire qu’elle procède des seules propositions affirmatives alors
que la démonstration négative admet l’être
et le non-être, c’est-à-dire qu’elle
assume simultanément l’affirmation et la négation. Donc, la démonstration
affirmative est supérieure à celle qui est négative. 345.
Il présente le deuxième
raisonnement là [247] où il dit : En
outre, puisqu’il a été montré etc., et il introduit ce deuxième
raisonnement pour confirmer le premier qui pourrait sembler faible du fait
qu’il n’était pas assumé, de la manière dont il était prouvé, sous une
proposition majeure. Et c’est pourquoi, afin d’éviter toute accusation, il
ajoute ce deuxième raisonnement pour confirmer le premier. Il a été montré en effet dans le livre des Premiers Analytiques qu’on ne peut
produire un syllogisme à partir de deux propositions négatives, mais qu’il
faut, dans un syllogisme négatif, qu’il y ait une proposition affirmative et
que l’autre soit négative. D’où il apparaît clairement que les propositions
affirmatives possèdent une plus grande efficacité à syllogiser que les
négatives. D’où il s’ensuit que la démonstration affirmative, qui procède
seulement de propositions affirmatives, est supérieure à la démonstration
négative qui procède d’une affirmation et d’une négation. 346.
Il présente le troisième
raisonnement là [248] où il dit : En
outre, ajoutons à cela etc., et il dit que comme conséquence des
raisonnements qui précèdent nous pouvons admettre ceci que lorsque la
démonstration se développe par une résolution des propositions en leurs
principes, il est nécessaire qu’il y ait un plus grand nombre de propositions
affirmatives, mais il est impossible qu’il y ait plus d’une proposition
négative dans un raisonnement. Supposons en effet la démonstration
négative suivante : Aucun B n’est
A; tout C est B; donc, aucun C n’est A. Donc, si on suppose
que la démonstration se développe quant à chacune des deux propositions si
chacune d’elles est médiate, il faut prendre un moyen terme pour chacune
d’elles; supposons alors que le moyen terme de la proposition majeure, c’est-à-dire Aucun B n’est A, soit D, et que celui
de la proposition mineure,
c’est-à-dire tout C est B, soit E.
Et parce que cette proposition, tout C
est B, est affirmative et qu’aucune négative ne peut contribuer à la
prouver, il est nécessaire que son moyen terme, à savoir E, soit affirmatif
par rapport à chacun des deux termes extrêmes; et ainsi on tire de là deux
propositions affirmatives, à savoir tout
E est B, et tout C est E, d’où
on conclut que tout C est B. Mais
la proposition majeure, à savoir aucun B n’est A, est négative :
mais on ne peut conclure négativement à partir de deux négatives; et en
première figure, qui est la figure par excellence pour produire la
démonstration d’après ce qui précède, la majeure
doit être négative et la mineure
affirmative. D’où il faudra que le moyen terme D soit affirmatif par rapport
à B mais négatif par rapport à A pour donner la démonstration suivante :
Aucun D n’est A; tout B est D; donc, aucun B n’est A. Ainsi donc, la démonstration négative se
développant par résolution des propositions dans leurs principes, il y aura
quatre propositions dont une seule sera négative, à savoir aucun D n’est A, alors que les trois
autres seront affirmatives, soit tout B
est D, tout E est B et tout C est E. Et il en est de même
pour tous les autres syllogismes car il est toujours nécessaire que le moyen
terme, par lequel les propositions affirmatives sont prouvées, soit
affirmatif par rapport à chacun des deux termes extrêmes. Mais il est
nécessaire que le moyen terme, par lequel une proposition négative est
prouvée, soit négatif seulement par rapport à l’un des deux termes extrêmes; et
il s’ensuit ainsi qu’il ne doit y avoir qu’une seule proposition négative et
que toutes les autres seront affirmatives. D’où il est clair qu’une
proposition négative est démontrée surtout par des propositions affirmatives. Si donc ce par quoi quelque chose est
démontré est plus connu et plus certain que ce qui est démontré à partir de
là, puisqu’une proposition négative est démontrée surtout par l’affirmative
mais qu’une proposition affirmative n’est aucunement démontrée par la
négative, il s’ensuit que la proposition affirmative est antérieure, plus
connue et plus certaine que la proposition négative. D’où il suit que la
démonstration affirmative sera supérieure à celle qui est négative. 347.
Il présente le quatrième
raisonnement là [249] où il dit : En
outre, si le principe du syllogisme etc., et il dit que le principe du
syllogisme démonstratif est la proposition universelle immédiate; de telle
manière cependant que la proposition universelle affirmative est le principe
propre du syllogisme affirmatif, et que le principe propre du syllogisme
négatif est la proposition universelle négative. Mais à un principe plus
noble correspond un effet plus noble. Donc le rapport de la démonstration
affirmative à celle qui est négative correspond ou découle du rapport qu’il y
a entre la proposition affirmative et celle qui est négative. Mais la
proposition affirmative est supérieure à celle qui est négative. Ce qu’il prouve de deux manières : premièrement
certes parce que l’affirmative est antérieure et plus connue, puisque
c’est par l’affirmative que la négative est prouvée et non inversement; deuxièmement, parce que l’affirmation
précède par nature la négation comme l’être est antérieur au non-être. En
effet, bien que le non-être soit antérieur selon le temps dans un seul et
même être qui procède du non-être à l’être, cependant l’être est antérieur
par nature et premier absolument, même selon le temps, car ce qui n’existe
pas ne vient à l’existence que par ce qui existe déjà. Il est donc clair que
la démonstration affirmative est supérieure. 348.
Il présente le cinquième
raisonnement là [250] où il dit : En
outre, ce qui tient davantage de la nature du principe etc., que voici.
Ce dont une autre chose dépend tient davantage de la nature du principe. Mais
la démonstration négative dépend de la démonstration affirmative car il ne
peut y avoir de démonstration négative sans proposition affirmative, cette
dernière ne pouvant être prouvée que par une démonstration affirmative. Donc
la démonstration affirmative tient davantage de la nature du principe et est
donc supérieure. |
|
|
LECTIO 40 |
LEÇON 40. La
démonstration négative directe est supérieure à la démonstration qui conduit
à l’impossible
(nn.
349-355; [251-256]). |
[79815] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 40 n. 1Postquam ostendit philosophus quod
demonstratio universalis dignior est particulari, et affirmativa negativa,
hic tertio ostendit quod ostensiva potior est ea quae ducit ad
impossibile. Et circa hoc tria facit : primo, proponit quod intendit ;
secundo, praemittit quaedam necessaria ad propositum ostendendum ; ibi :
oportet autem scire etc. ; tertio, probat propositum ; ibi : natura autem
prior et cetera. Dicit ergo primo quod, quia ostensum est quod affirmativa
demonstratio est potior quam negativa, ex hoc ulterius sequitur quod
affirmativa demonstratio ostensiva sit potior ea quae ducit ad impossibile. [79816] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 40 n. 2Deinde cum dicit : oportet autem scire
etc., praemittit quaedam quae sunt necessaria ad propositum ostendendum. Et
circa hoc tria facit : primo, ostendit quae sit demonstratio negativa ;
secundo, ostendit quae sit demonstratio ducens ad impossibile ; ibi : quae
vero ad impossibile etc. ; tertio, concludit comparationem unius ad alteram ;
ibi : termini igitur et cetera. Dicit ergo primo, quod ad propositum
ostendendum oportet considerare differentiam ipsarum, scilicet
demonstrationis negativae et ducentis ad impossibile. Si ergo accipiatur quod
a in nullo b sit, et b sit in omni c, et concludatur a esse in nullo c, erit
demonstratio negativa. [79817] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 40 n. 3Deinde cum dicit : quae vero est ad
impossibile etc., manifestat quae sit demonstratio ducens ad impossibile. Et
dicit quod demonstratio ducens ad impossibile hoc modo se habet. Sit ita quod
oporteat demonstrare quod a non sit in b, et accipiamus oppositum eius quod
probare volumus, scilicet omne b est a, et accipiatur quod b sit in c per
hanc propositionem, omne c est b ; ex quibus sequitur conclusio, omne c est a
: et sit ita quod notum sit et concessum apud omnes quod hoc est impossibile.
Et ex hoc concludimus primam propositionem esse falsam, scilicet omne b est
a. Et ita oportebit vel quod nullum b sit a, vel saltem quod quoddam b non
sit a. Sed hoc tamen intelligendum est, quod sequitur a non esse in b, quando
manifestum est b esse in c : quia si manifestum
esset hanc esse falsam, omne c est a, et non esset manifestum hanc esse
veram, omne c est b, non esset per consequens manifestum hanc esse falsam,
omne b est a ; quia falsitas conclusionis poterat procedere ex alterutra
praemissarum, ut ex supra dictis patet. [79818] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 40 n. 4Deinde cum dicit : termini quidem similiter
etc., concludit comparationem utriusque demonstrationis praemanifestatae. Et primo ostendit in quo conveniunt, quia
in simili ordinatione terminorum. Nam sicut in demonstratione negativa
accipitur b medium inter a et c, ita in ea quae
ducit ad impossibile. Secundo autem ostendit differentiam, quia differt in
utraque demonstratione quae negativa propositio sit notior, utrum scilicet
ista propositio, nullum b est a, vel ista, nullum c est a :
quia in demonstratione ducente ad impossibile accipitur ista propositio, c
non est a, ut notior ; quia ex hoc quod est a non esse in c, ostenditur a non
esse in b, unde haec, c non est a, sumitur ut notior. Sed quando illa quae ponitur ut praemissa
in syllogismo, accipitur ut notior, tunc est demonstrativa, idest ostensiva
demonstratio negativa. [79819] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 40 n. 5Deinde cum dicit : natura autem prior est
etc., ostendit propositum hoc modo. Ista propositio, b non est a, est
naturaliter prior quam ista propositio, c non est a. Et hoc probat per hoc,
quod praemissa, ex quibus infertur conclusio, sunt naturaliter priora
conclusione. Sed in ordine syllogismi, c non est a ponitur ut conclusio, sed
b non est a ponitur ut id ex quo conclusio infertur ; ergo b non est a est
naturaliter prior. [79820] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 40 n. 6Consequenter cum dicit : non enim si
contingit etc., removet quamdam obviationem. Posset enim aliquis dicere quod
etiam ista negativa, c non est a, est id ex quo concluditur in demonstratione
ad impossibile quod b non est a. Sed hoc excludit, dicens quod per hoc quod
conclusio interimitur et ex eius interemptione interimitur aliquod
praemissorum, non efficitur quod id quod prius erat conclusio sit principium
et e converso, simpliciter et secundum naturam, sed solum quoad aliquem. Nam
ista est habitudo conclusionis et principiorum, quod interempta conclusione,
interimitur principium. Sed illud quidem est sicut principium, ex quo
syllogismus procedit, quod se habet ad conclusionem ut totum ad partem ; et
conclusio se habet ad principium ut pars ad totum. Nam subiectum conclusionis negativae sumitur sub subiecto primae
propositionis. Non autem ita se habent ac et ab propositiones ad invicem,
quod ac comparetur ad ab ut totum ad partem. Non enim ba accipitur sub ca, sed potius e converso. Unde relinquitur
quod licet interempto ca, concludatur interemptio eius quod est ba,
naturaliter tamen ca est conclusio et ba est principium ; et per consequens b
non est a est naturaliter notior quam c non est a. [79821] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 40 n. 7Et ex hoc sic argumentatur. Illa
demonstratio est dignior, quae procedit ex notioribus et prioribus. Sed
demonstratio negativa procedit ex notiori et priori quam demonstratio ducens
ad impossibile. Utraque enim facit scire per aliquam negativam propositionem
; sed demonstratio negativa procedit ad faciendam fidem ex hac propositione
negativa, b non est a, quae est naturaliter prior ; demonstratio autem ducens
ad impossibile procedit ad faciendum fidem ex hac propositione negativa, c
non est a, quae est posterior naturaliter. Relinquitur ergo quod demonstratio negativa sit potior ea quae ducit
ad impossibile. Sed affirmativa est potior negativa, ut supra ostensum est ; ergo demonstratio affirmativa ostensiva est multo
potior ea quae ducit ad impossibile. |
349.
Après avoir montré que la démonstration universelle est supérieure à la
démonstration particulière et que celle qui est affirmative est supérieure à
celle qui est négative, le Philosophe montre ici en troisième lieu que la
démonstration directe est
supérieure à celle qui conduit à
l’impossible. Et à ce sujet il fait trois choses :
en premier lieu [251] il présente son propos; en deuxième lieu, il fait
précéder certaines notions qui sont nécessaires à la manifestation du propos,
là [252] où il dit : Mais il faut
savoir etc.; en troisième lieu il prouve le propos là [255] où il
dit : Mais est antérieure par
nature etc. Il dit donc en premier lieu [251] que
parce qu’il a été montré que la démonstration affirmative est supérieure à
celle qui est négative, il suit de là par la suite que la démonstration
directe affirmative est supérieure à celle qui conduit à l’impossible. 350.
Ensuite lorsqu’il dit [252] : Mais
il faut savoir etc., il fait précéder certaines notions qui sont
nécessaires à la manifestation du propos. Et à ce sujet il fait trois choses :
en premier lieu il montre quelle est la démonstration négative; en deuxième
lieu il montre quelle est la démonstration qui conduit à l’impossible, là
[253] où il dit : Mais celle qui
conduit à l’impossible etc.; en troisième lieu il termine par la
comparaison de l’une à l’autre, là [254] où il dit : Donc, les termes etc. Il dit donc en premier lieu [252] que pour
manifester le propos il faut considérer la différence qu’il y a entre elles,
à savoir entre la démonstration négative directe et celle qui conduit à l’impossible.
Si donc on admet que A n’appartient à aucun B et que B appartient à tout C,
et qu’on conclut de là que A n’appartient à aucun C, on est là en présence
d’une démonstration négative. 351.
Ensuite lorsqu’il dit [253] : Mais
celle qui conduit à l’impossible etc., il manifeste quelle est cette
démonstration qui conduit à l’impossible. Et il dit que la démonstration qui
conduit à l’impossible se présente de cette manière. Supposons qu’il faille
démontrer que A n’appartient pas à B et que nous prenions pour point de
départ l’opposé de ce que nous voulons démontrer, à savoir tout B est A et qu’on admet que B
appartient à C par cette proposition, tout
C est B; de ces deux propositions il s’ensuit la conclusion suivante, tout C est A : et cette
conclusion est telle qu’elle est connue et admise par tous comme étant
impossible. Et à partir de là nous concluons que la première proposition, à
savoir tout B est A, est fausse. Et
ainsi il faudra ou bien qu’aucun B ne
soit A, ou bien qu’au moins quelques
B ne soient pas A. Mais on doit cependant comprendre qu’il
s’ensuit que A n’appartient pas à B
quand il est manifeste que B appartient
à C : car s’il était manifeste que cette proposition, tout C est A, est fausse mais qu’il
n’était pas manifeste que celle-là, tout
C est B, est vraie, il ne serait pas manifeste par conséquent que
celle-ci, tout B est A, est fausse;
dans ce cas en effet, la fausseté de la conclusion pourrait provenir de l’une
ou de l’autre des prémisses, ainsi qu’on peut le voir à partir de ce qui a
été dit plus haut. 352.
Ensuite lorsqu’il dit [254] : Les
termes sont certes ordonnés de la même manière etc., il termine par la
comparaison des deux démonstrations manifestées précédemment. Et en
premier lieu il montre en quoi elles se ressemblent, car elles se
présentent dans une ordonnance des termes qui est semblable. Car dans la
démonstration négative comme dans celle qui conduit à l’impossible, on prend
comme moyen terme B entre les termes extrêmes A et C. Mais en
deuxième lieu il montre la différence qu’il y a entre les deux car dans
chacune des démonstrations la proposition négative qui est la plus connue
n’est pas la même et il y a lieu de se demander si c’est cette proposition, aucun B n’est A, ou si ce n’est pas
plutôt cette autre, aucun C n’est A,
qui est la plus connue : car dans la démonstration qui conduit à
l’impossible, c’est cette proposition, à savoir aucun C n’est A, qui est prise comme plus connue, parce que c’est
à partir du fait que A n’appartient pas
à C qu’on montre que A n’appartient
pas à B et c’est pour cette raison que cette proposition, C n’est pas A, est prise comme étant
plus connue. Mais quand cette proposition (Aucun B n’est A) est placée comme
prémisse dans le syllogisme, elle est prise comme étant plus connue, et alors
elle est démonstrative : c’est-à-dire qu’on a alors affaire à une
démonstration négative directe. 353.
Ensuite lorsqu’il dit [255] : Mais
est antérieure par nature etc., il manifeste le propos de la manière
suivante. Cette proposition, B n’est
pas A, est naturellement antérieure à cette autre, C n’est pas A. Et il le prouve au moyen de ceci que les prémisses
d’où on tire la conclusion sont naturellement antérieures à la conclusion.
Mais dans la suite du syllogisme, C
n’est pas A est posé comme conclusion, alors que B n’est pas A est posé comme étant ce d’où la conclusion est
tirée; donc, B n’est pas A est
naturellement une proposition antérieure. 354.
Par conséquent lorsqu’il dit [256] : Il
n’y a pas en effet, s’il se produit etc., il écarte une objection.
Quelqu’un pourrait dire en effet que cette négative, C n’est pas A, est ce à partir de quoi on conclut, dans la
démonstration qui conduit à l’impossible, que B n’est pas A. Mais il écarte cela en disant que du fait qu’une
conclusion est abolie et qu’à partir de là une des prémisses est abolie, cela
ne fait pas que ce qui était d’abord conclusion soit maintenant, à proprement
parler et par nature, principe et inversement, mais seulement quant à nous. Car ce rapport de la conclusion aux
principes est tel qu’une fois la conclusion abolie, le principe est aboli.
Mais se présente comme un principe ce d’où procède le syllogisme et qui se
rapporte à la conclusion comme le tout à la partie et se présente comme
conclusion ce qui se rapporte au principe comme la partie au tout. Car le
sujet de la conclusion négative se prend comme étant contenu dans le sujet de
la première proposition, la majeure. Mais les propositions A C et A B ne se
présentent pas dans ce rapport l’une à l’égard de l’autre de telle manière que
A C se comparerait à A B comme le tout se compare à la partie. En effet, B A
ne se prend pas comme étant compris dans C A, mais c’est plutôt l’inverse qui
est vrai. D’où il s’ensuit que bien que C A étant aboli on conclut à
l’abolition de B A, cependant C A demeure par nature une conclusion et B A un
principe. Et par conséquent, B n’est
pas A est plus connu par nature que C
n’est pas A. 355.
Et à partir de là il argumente de la manière suivante. La démonstration qui
est supérieure est celle qui procède de ce qui est plus connu et de ce qui
est antérieur. Mais la démonstration négative procède de prémisses
antérieures et plus connues que la démonstration qui conduit à l’impossible.
L’une et l’autre en effet font savoir au moyen d’une proposition négative; mais
la démonstration négative, pour produire la conviction, procède de cette
proposition négative, B n’est pas A,
laquelle est antérieure par nature; mais la démonstration qui conduit à
l’impossible, pour engendrer la conviction, procède de cette proposition
négative, C n’est pas A, qui est
postérieure par nature. Il s’ensuit donc que la démonstration négative est
supérieure à celle qui conduit à l’impossible. Mais la démonstration
affirmative est supérieure à celle qui est négative ainsi que nous l’avons montré
plus haut; donc, la démonstration affirmative directe est encore davantage
supérieure à la démonstration qui conduit à l’impossible. |
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LECTIO 41 |
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[79822] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 41 n. 1Postquam philosophus comparavit
demonstrationes ad invicem, hic agit de comparatione scientiae, quae est
demonstrationis effectus. Et dividitur in duas partes : in prima parte
comparat scientiam ad scientiam ; in secunda, comparat scientiam ad alios
modos cognoscendi ; ibi : scibile autem et scientia differunt et cetera. Circa
primum duo facit : primo, comparat scientiam ad scientiam secundum
certitudinem ; secundo, secundum unitatem et pluralitatem ; ibi : una
scientia autem et cetera. [79823] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 41 n. 2Circa primum ponit tres modos, quibus una
scientia est alia certior. Primum modum ponit dicens, quod illa scientia est
prior et certior quam alia, quae scilicet eadem facit cognoscere et quia et propter
quid. Non autem est illa certior, quae est cognoscitiva solum
ipsius quia, separatim ab ea quae cognoscit propter quid
: haec enim est dispositio scientiae subalternantis ad subalternatam, ut
supra dictum est : nam scientia subalternata separatim scit quia,
nesciens propter quid. Sicut chirurgicus scit quod vulnera
circularia tardius curantur, non autem scit propter quid. Sed
huiusmodi cognitio pertinet ad geometram, qui considerat rationem circuli,
secundum quam partes eius non appropinquant sibi per modum anguli, ex qua
propinquitate contingit quod vulnera triangularia citius sanantur. [79824] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 41 n. 3Secundum modum ponit dicens, quod illa
scientia, quae non est de subiecto, est certior illa quae est de subiecto. Et accipitur hic subiectum pro
materia sensibili, quia, ut philosophus docet in II physicorum, quaedam scientiae
sunt pure mathematicae, quae omnino abstrahunt secundum rationem a materia
sensibili, ut geometria et arithmetica : quaedam
autem scientiae sunt mediae, quae scilicet principia mathematica applicant ad
materiam sensibilem, sicut perspectiva applicat principia geometriae ad
lineam visualem, et harmonica, idest musica, applicat principia arithmeticae
ad sonos sensibiles. Unde hic dicit quod arithmetica est certior quam musica
et prior : prior quidem, quia musica utitur
principiis eius ad aliud ; certior autem, quia incertitudo causatur propter
transmutabilitatem materiae sensibilis ; unde quanto magis acceditur ad eam,
tanto scientia est minus certa. [79825] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 41 n. 4Tertium modum ponit dicens, quod scientia
quae est ex paucioribus, est prior et certior ea quae est ex
appositione, idest quam illa quae se habet ex additione. Et ponit
exemplum. Sicut geometria est posterior et minus certa quam arithmetica :
habent enim se ea de quibus est geometria, ex additione ad ea de quibus est
arithmetica. Et hoc quidem planum est videre secundum positiones Platonicas,
secundum quas hic Aristoteles exponit, utens eis ad propositum ostendendum ;
sicut frequenter in libris logicae utitur opinionibus aliorum philosophorum
ad propositum manifestandum per viam exempli. Posuit autem Plato quod unum
est substantia rei cuiuslibet ; quia non distinguebat inter unum quod
convertitur cum ente, quod significat substantiam rei, et unum quod est
principium numeri, quod considerat arithmeticus. Hoc ergo unum, secundum quod recipit additionem positionis in
continuo, accipit rationem puncti. Unde dicebat quod unum est substantia non
habens positionem. Punctum autem est substantia habens positionem
: et sic punctum supra unitatem addit positionem. Et sicut ex uno causantur omnes numeri non
habentes positionem ; ita ex puncto, secundum Platonicos, causantur omnes
quantitates continuae. Nam punctus motus facit lineam ; linea mota facit
superficiem ; superficies mota facit corpus. Et secundum hoc quantitates continuae,
de quibus est geometria, se habent ex appositione ad numeros, de quibus est
arithmetica. Unde Platonici posuerunt numeros esse formas magnitudinum,
dicentes formam puncti esse unitatem ; formam autem lineae esse binarium,
propter duo extrema ; formam autem superficiei esse ternarium, propter primam
superficiem triangularem, scilicet quae tribus angulis terminatur : formam
autem corporis ponebant quaternarium, propter hoc quod prima figura corporea
est pyramis triangularis, quae quatuor angulos corporales habet, unum
scilicet in conum et tres in basim. [79826] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 41 n. 5Et secundum hoc patet quod comparatio
certitudinis scientiarum accipitur hic secundum duo. Nam primus modus
accipitur secundum quod causa est prior et certior suo effectu. Alii autem
duo modi accipiuntur secundum quod forma est certior materia, utpote quia
forma est principium cognoscendi materiam. Est autem duplex materia, ut
dicitur in VII metaphysicae : una quidem sensibilis, secundum quam accipitur
secundus modus ; alia vero intelligibilis, scilicet ipsa continuitas, et
secundum hanc accipitur tertius modus. Et quamvis hic tertius modus expositus
sit secundum opinionem Platonis, tamen etiam secundum opinionem Aristotelis
punctus se habet ex additione ad unitatem. Nam punctum est quoddam unum
indivisibile in continuo, abstrahens secundum rationem a materia sensibili ;
unum autem abstrahit et a materia sensibili et ab intelligibili. [79827] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 41 n. 6Deinde cum dicit : una autem scientia est
etc., comparat scientias ad invicem secundum unitatem et diversitatem. Et
circa hoc duo facit : primo enim ostendit unitatem et diversitatem esse in
scientiis et secundum subiectum et principia ; secundo, prosequitur et de
subiectis et de principiis ; ibi : eius autem quod est a fortuna et cetera.
Circa primum duo facit : primo, ostendit quid faciat ad unitatem vel
diversitatem scientiae ; secundo, ostendit quoddam necessarium ad
cognoscendum quid faciat ad pluralitatem scientiarum ; ibi : plures autem
demonstrationes et cetera. Circa primum duo facit : primo, ostendit quid
faciat unitatem scientiae ; secundo, quid faciat scientiarum diversitatem ;
ibi : altera autem scientia et cetera. Circa primum duo facit : primo enim
ponit quod unitas scientiae consideratur ex unitate generis subiecti ;
secundo, ostendit quale sit genus, quod potest esse subiectum scientiae ; ibi
: quaecunque ex primis et cetera. [79828] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 41 n. 7Dicit ergo primo quod scientia dicitur una,
ex hoc quod est unius generis subiecti. Cuius ratio est, quia processus
scientiae cuiuslibet est quasi quidam motus rationis. Cuiuslibet autem motus
unitas ex termino principaliter consideratur, ut patet in V physicorum, et
ideo oportet quod unitas scientiae consideretur ex fine sive ex termino
scientiae. Est autem cuiuslibet scientiae finis sive terminus, genus circa
quod est scientia : quia in speculativis scientiis nihil aliud quaeritur quam
cognitio generis subiecti ; in practicis autem scientiis intenditur quasi
finis constructio ipsius subiecti. Sicut in geometria intenditur quasi finis
cognitio magnitudinis, quae est subiectum geometriae ; in scientia autem
aedificativa intenditur quasi finis constructio domus, quae est huiusmodi
artis subiectum. Unde relinquitur quod cuiuslibet scientiae unitas secundum
unitatem subiecti est attendenda. Sed sicut unius generis subiecti unitas est
communior quam alterius, ut puta entis sive substantiae quam corporis
mobilis, ita etiam una scientia communior est quam alia. Sicut metaphysica,
quae est de ente sive de substantia, communior est quam physica, quae est de
corpore mobili. [79829] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 41 n. 8Deinde cum dicit : quaecunque ex primis
etc., ostendit qualia sunt illa genera, de quibus possunt esse scientiae, et
ponit duas conditiones. Quarum unam ponit dicens : quaecunque ex primis
componuntur ; ista scilicet sunt quorum unius generis una scientia est. Ad
cuius evidentiam considerandum est quod, sicut iam dictum est, progressus
scientiae consistit in quodam motu rationis discurrentis ab uno in aliud :
omnis autem motus a principio quodam procedit et ad aliquid terminatur ; unde
oportet quod in progressu scientiae ratio procedat ex aliquibus principiis
primis. Si qua ergo res est, quae non habeat principia priora, ex quibus
ratio procedere possit, horum non potest esse scientia, secundum quod
scientia hic accipitur, prout est demonstrationis effectus. Unde scientiae
speculativae non sunt de ipsis essentiis
substantiarum separatarum. Non enim per scientias demonstrativas possumus
scire quod quid est in eis ; quia ipsae essentiae harum
substantiarum sunt intelligibiles per seipsas ab intellectu ad hoc
proportionato ; non autem congregatur earum notitia, qua cognoscitur quod
quid est ipsarum, per aliqua priora. Sed per scientias speculativas
potest scire de eis an sint, et quid non sunt, et aliquid secundum
similitudinem in rebus inferioribus inventam. Et tunc utimur posterioribus ut
prioribus ad earum cognitionem ; quia quae sunt posteriora secundum naturam,
sunt priora et notiora quoad nos. Et sic patet quod illa, de quibus habetur
scientia per ea quae sunt priora simpliciter, sunt composita secundum se ex
aliquibus prioribus. Quaecunque vero cognoscuntur per posteriora, quae sunt
prima quoad nos, etsi in seipsis sint simplicia, secundum tamen quod in
nostra cognitione accipiuntur, componuntur ex aliquibus primis quoad nos. [79830] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 41 n. 9Secundam conditionem ponit cum dicit : et
partes aut passiones eorum sunt per se ; ubi considerandum est quod subiectum
alicuius scientiae duplices partes habere potest, scilicet partes ex quibus
componitur sicut ex primis, ut dictum est, idest ipsa principia subiecti, et
partes subiectivas. Et quamvis de utrisque partibus
possit intelligi quod hic dicitur, tamen magis videtur esse intelligendum de
primo genere partium. In qualibet enim scientia sunt quaedam principia
subiecti, de quibus est prima consideratio ; sicut in scientia naturali de
materia et forma, et in grammatica de literis. Est etiam in qualibet scientia
aliquid ultimum, ad quod terminatur consideratio scientiae, ut scilicet
passiones subiecti manifestentur. Sed utrumque horum, scilicet et primae
partes et passiones, possunt alicui attribui et per se et non per se. Nam ea
quae sunt per se principia et passiones trianguli, non sunt per se principia
et passiones isoscelis, in quantum isosceles est, sed in quantum triangulus.
Nec etiam sunt per se principia et passiones aeris et albi, quamvis contingat
aliquod aes triangulum esse, vel aliquod album. Unde si qua scientia esset,
quae ex principiis trianguli manifestaret passiones trianguli, huiusmodi
scientiae subiectum non esset isosceles, neque album aut aes, sed triangulus
; cuius etiam per se subiectivae partes sunt isosceles, aequilaterus et
gradatus. Sed pro tanto dixi de his partibus hic ad praesens non ita
convenienter accipi, quia magis accipere possumus documentum qualiter
scientia se habeat ad huiusmodi partes subiectivas, ex eo quod se habet
aliqualiter ad totum genus, quam e converso. [79831] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 41 n. 10Deinde cum dicit : altera autem scientia
etc., ostendit rationem diversitatis scientiarum. Et primo, ponit hanc
rationem ; secundo, manifestat eam ; ibi : huiusmodi autem signum et cetera.
Est autem considerandum circa primum, quod cum rationem unitatis scientiae
acceperit ex unitate generis subiecti, rationem diversitatis scientiarum non
accipit ex diversitate subiecti, sed ex diversitate principiorum. Dicit enim
quod una scientia est altera ab alia, quarum principia sunt diversa ; ita
quod nec ambarum scientiarum principia procedant ex aliquibus principiis
prioribus, nec principia unius scientiae procedant ex principiis alterius ;
quia sive procederent ex eisdem principiis, sive alia ex aliis, non esset
diversa scientia. [79832] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 41 n. 11Ad huius ergo evidentiam sciendum est, quod
materialis diversitas obiecti non diversificat habitum, sed solum formalis.
Cum ergo scibile sit proprium obiectum scientiae, non diversificabuntur
scientiae secundum diversitatem materialem scibilium, sed secundum
diversitatem eorum formalem. Sicut autem formalis ratio visibilis sumitur ex
lumine, per quod color videtur, ita formalis ratio scibilis accipitur
secundum principia, ex quibus aliquid scitur. Et ideo quantumcunque sint
aliqua diversa scibilia secundum suam naturam, dummodo per eadem principia
sciantur, pertinent ad unam scientiam ; quia non erunt iam diversa in quantum
sunt scibilia. Sunt enim per sua principia scibilia. Sicut patet quod voces
humanae multum differunt secundum suam naturam a sonis inanimatorum corporum
; sed tamen, quia secundum eadem principia attenditur consonantia in vocibus
humanis et sonis inanimatorum corporum, eadem est scientia musicae, quae de utrisque
considerat. Si vero aliqua sint eadem secundum naturam, et tamen per diversa
principia considerentur, manifestum est quod ad diversas scientias pertinent.
Sicut corpus mathematicum non est separatum subiecto a corpore naturali ;
quia tamen corpus mathematicum cognoscitur per principia quantitatis, corpus
autem naturale per principia motus, non est eadem scientia geometria et
naturalis. Patet ergo quod ad diversificandum scientias sufficit diversitas
principiorum, quam comitatur diversitas generis scibilis. Ad hoc autem quod
sit una scientia simpliciter utrumque requiritur et unitas subiecti et unitas
principiorum. Et ideo de unitate subiecti supra fecit mentionem, cum
dixit, quae est unius generis ; de principiis autem, cum
dixit, quaecunque ex primis et cetera. [79833] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 41 n. 12Sed ulterius considerandum est quod secunda
principia virtutem sortiuntur a primis. Unde requiritur diversitas primorum
principiorum ad diversitatem scientiarum. Quod quidem non erit, si vel diversorum
principia ex eisdem principiis fluant, sicut principia trianguli et quadrati
derivantur ex principiis figurae ; vel principia unius deriventur ex
principiis alterius, sicut principia isoscelis dependent a principiis
trianguli. Nec tamen intelligendum est quod sufficiat ad unitatem scientiae
unitas principiorum primorum simpliciter, sed unitas principiorum primorum in
aliquo genere scibili. Distinguuntur
autem genera scibilium secundum diversum modum cognoscendi. Sicut alio modo
cognoscuntur ea quae definiuntur cum materia, et ea quae definiuntur sine
materia. Unde aliud genus scibilium est corpus
naturale et corpus mathematicum. Unde sunt diversa prima principia utriusque
generis, et per consequens diversae scientiae. Et utrumque horum generum
distinguitur in diversas species scibilium, secundum diversos modos et
rationes cognoscibilitatis. [79834] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 41 n. 13Deinde cum dicit : huiusmodi autem signum
est etc., manifestat positam rationem. Et dicit quod signum huius est, quod
scientiae sint alterae secundum principia, cum perveniatur resolvendo ad
principia prima, quae sunt indemonstrabilia, quae oportet esse eiusdem
generis cum his quae demonstrantur ; quia, sicut supra ostensum est, non
contingit ex alio genere procedentem demonstrare. Ad hoc autem quod principia
indemonstrabilia sint unius generis, accipitur ut signum, cum ea quae
demonstrantur per ipsa, sint in eodem genere et congenea, idest
connaturalia vel proxima secundum genus sibi ipsis ; huiusmodi enim habent
eadem principia. Et sic patet quod unitas generis scibilis, in quantum est
scibile, ex quo accipiebatur unitas scientiae, et unitas principiorum,
secundum quae accipiebatur scientiae diversitas, sibi mutuo correspondent. [79835] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 41 n. 14Deinde cum dicit : plures autem
demonstrationes etc., ostendit quomodo una conclusio per plura principia
demonstrari potest. Et hoc quidem contingit dupliciter. Uno quidem modo,
quando ponuntur plura media in eadem coordinatione, et in una demonstratione
accipitur unum illorum mediorum, et in alia demonstratione accipitur aliud ad
eamdem conclusionem : et sic oportet quod accipiatur medium non continuum ;
ut si sint duo extrema ab, ut puta habere tres et isosceles, et sint eorum
duo media coordinata, scilicet d et c, ut puta triangulus et figura talis. Posset ergo demonstrari a de b duabus
demonstrationibus, in quarum una accipietur pro medio c, et in alia d, et in
neutra accipietur medium continuum extremis, quia in una accipietur medium
continuum uni extremo et discontinuum ab altero, in alia vero e converso. [79836] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 41 n. 15Alio modo hoc contingit, quando accipiuntur
diversa media ex diversa coordinatione, ut puta si a, quod est maior
extremitas, sit transmutari, et b, quod est minor extremitas,
sit delectari, et accipiantur diversa media non existentia sub
invicem, scilicet e, quod est quiescere, et d, quod est moveri.
Secundum hoc enim eadem conclusio potest concludi per diversa media non unius
ordinis ; et erit una demonstratio talis : omne quod quiescit transmutatur,
quia eiusdem est transmutari et quiescere ; omne quod delectatur quiescit,
quia quies in bono desiderato causat delectationem ; ergo omne quod
delectatur transmutatur. Alia demonstratio erit : omne quod movetur
transmutatur ; omne quod delectatur movetur, quia delectatio est quidam motus
appetitivae potentiae ; ergo omne quod delectatur transmutatur. Vel quod
dicit omne quod delectatur movetur, est secundum opinionem
Platonis, et habet locum in delectationibus sensibilibus, quae sunt cum motu.
Aliud quod dicit, omne quod delectatur quiescit, est verum
secundum opinionem Aristotelis, ut patet in VII et X Ethicorum. Et hoc
praecipue verificatur in delectationibus intelligibilibus. [79837] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 41 n. 16Deinde dicit quod, sicut hoc ostensum est
in prima figura, ita etiam potest in aliis figuris de facili considerari,
quod eadem conclusio diversis mediis potest syllogizari. Inducit autem hoc
philosophus ad ostendendum quod diversum medium demonstrationis quandoque
pertinet ad eamdem scientiam, puta cum est ex eadem coordinatione ; quandoque
autem ad diversas scientias, puta quando est ex alia coordinatione. Sicut terram esse rotundam per aliud medium
demonstrat astrologus, scilicet per eclipsim solis et lunae, et per aliud
naturalis, scilicet per motum gravium ad centrum, ut dicitur in II
physicorum. |
LEÇON 41. Sur la
comparaison d’une science à une autre d’après la certitude et d’après l’unité
et la multiplicité
(nn.
356-371; [257-262]). 356.
Après avoir comparé les démonstrations, le Philosophe compare ici les
sciences qui sont les effets des démonstrations. Et il divise cette sections en deux
parties : dans la première partie il compare une science à une autre
[257]; dans la deuxième il compare la science à d’autres modes de
connaissance, là [280] où il dit : Mais
le connaissable et la science diffèrent etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu, il compare
une science à une autre sous le rapport de la certitude; en deuxième
lieu, il compare une science à une autre sous le rapport de l’unité et de la
diversité, là [258] où il dit : Mais
une science est une etc. 357.
Au sujet du premier point [257] il présente trois modalités selon lesquelles
une science est dite plus certaine qu’une autre. Il présente la première modalité en disant qu’une science est antérieure et
plus certaine qu’une autre lorsque c’est cette même science qui fait
connaître à la fois le fait et le pourquoi. Mais une science n’est
pas plus certaine lorsqu’elle fait connaître seulement le fait séparément de celle qui fait connaître le pourquoi : c’est là en effet
la manière dont une science est subordonnée à une science supérieure, ainsi
que nous l’avons dit plus haut, car une science subordonnée connaît seulement
le fait en laissant de côté le pourquoi qui lui demeure inconnu.
Par exemple le chirurgien sait qu’une blessure circulaire prend plus de temps
à guérir mais il n’en sait pas le
pourquoi dont la connaissance relève du géomètre qui considère la notion
de cercle, notion selon laquelle les parties du cercle ne se touchent pas
comme le font les parties d’un angle dont la proximité permet à une blessure
triangulaire de guérir plus rapidement. 358.
Il présente la deuxième modalité
[ibid.] en disant qu’une science qui ne considère pas le substrat est plus
certaine qu’une science qui considère le substrat. Et par substrat il faut ici entendre la matière sensible car, ainsi que
le Philosophe l’enseigne au deuxième livre des Physiques, certaines sciences sont purement mathématiques,
lesquelles font totalement abstraction par la raison de la matière sensible,
comme la géométries et l’arithmétique; mais d’autres sciences sont comme
intermédiaires, c’est-à-dire celles qui appliquent les principes
mathématiques à une matière sensible, comme la perspective applique les
principes de la géométrie à la ligne visuelle, et comme l’harmonique, à
savoir la musique, applique les principes de l’arithmétique aux sons
sensibles. C’est pourquoi le Philosophe dit ici que l’arithmétique est plus
certaine que la musique et qu’elle lui est antérieure : elle lui est
antérieure certes car la musique se sert des principes de l’arithmétique pour
autre chose; elle lui est aussi plus certaine car l’incertitude est causée
par le changement inhérent à la matière sensible; c’est pourquoi une science
est d’autant moins certaine qu’elle s’approche davantage de la matière
sensible. 359.
Il présente la troisième modalité
[ibid.] en disant que la science qui est constituée de principes moins
nombreux est plus certaine et antérieure à celle qui est constituée de
principes qui sont le résultat d’une addition. Et il présente un exemple.
Ainsi, la géométrie est moins certaine et postérieure à l’arithmétique :
les principes dont traite la géométrie se présentent comme le résultat d’une
addition par rapport à ceux dont traite l’arithmétique. Et cela est évident si on examine les
opinions platoniciennes d’après lesquelles Aristote donne ici son
explication, se servant d’elles pour manifester son propos, tout comme il se
sert fréquemment dans les livres de la Logique des opinions des autres
philosophes pour manifester le propos par manière d’exemple. Or Platon
soutenait que l’un est la substance de toute chose car il ne faisait pas la
distinction entre l’un qui se convertit avec l’être, lequel signifie la
substance de la chose, et l’un qui est le principe du nombre que considère
l’arithmétique. Donc cet un, selon qu’il reçoit l’ajout de
la position dans le continu, reçoit du même coup la notion de point. C’est
pourquoi il disait que l’un est la substance qui ne possède pas de position
alors que le point est une substance qui possède une position : et ainsi
le point ajoute la position à la notion d’unité. Et tout comme à partir de
l’un sont causés tous les nombres qui n’ont pas de position, de même à partir
du point, d’après les Platoniciens, sont causées toutes les quantités
continues. Car le point en mouvement fait la ligne, la ligne en mouvement
fait la surface, la surface en mouvement fait le corps. C’est ainsi que les
quantités continues, qui sont l’objet de la géométrie, se comparent aux
nombres, qui sont l’objet de l’arithmétique, sous le rapport d’une addition. C’est pourquoi les Platoniciens ont
soutenu que les nombres sont les formes des grandeurs en disant que l’unité
est la forme du point, que la forme de la ligne est le nombre deux à cause
des deux points extrêmes de la ligne, que la forme de la surface est le
nombre trois, à cause de cette première surface qu’est le triangle,
c’est-à-dire cette figure qui est limitée par trois angles; et ils
affirmaient encore que le nombre quatre est la forme du corps pour cette
raison que la première figure corporelle est la pyramide triangulaire qui
possède quatre angles corporels, c’est-à-dire un au sommet et trois à la
base. 360.
Et d’après cela il est clair que la comparaison des sciences quant à la
certitude se prend ici d’après deux
modalités. Car la première modalité
se prend du fait qu’une cause est plus certaine que son effet et qu’elle lui
est antérieure. Mais les deux autres
modalités se prennent du fait que la forme est plus certaine que la
matière, vu que la forme est le principe de la connaissance de la matière. Mais il y a deux sortes de matières ainsi qu’on le dit au septième livre de la Métaphysique : la première est la matière sensible
d’après laquelle se prend la deuxième modalité; mais la deuxième est la matière intelligible, c’est-à-dire la
continuité elle-même, et c’est d’après cette matière que se prend la
troisième modalité. Et bien que cette troisième modalité soit expliquée
d’après l’opinion de Platon, cependant c’est aussi conformément à l’opinion
d’Aristote que le point se rapporte à l’unité par addition. Car le point est
l’un indivisible dans le domaine du continu qui fait abstraction par la
raison de la matière sensible alors que l’un, pris en lui-même, fait
abstraction à la fois de la matière sensible et de la matière intelligible. 361.
Ensuite lorsqu’il dit [258] : Mais
une science est une etc., il compare les sciences entre elles du point de
vue de l’unité et de la diversité. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu, il montre que l’unité et la diversité dans les sciences
existent à la fois selon le sujet et selon les principes; en deuxième lieu,
il poursuit son examen sur les sujets et les principes là [263] où il
dit : Mais pour ce qui est produit
par le hasard etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu, il montre ce qui fait l’unité ou la diversité
de la science; en deuxième lieu, il manifeste un point qui est nécessaire à
la compréhension de ce qui fait la multiplicité des sciences, là [262] où il
dit : Mais plusieurs
démonstrations etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il manifeste ce qui fait l’unité d’une science;
en deuxième lieu, il montre ce qui fait la diversité des sciences, là [260]
où il dit : Mais une science
diffère d’une autre etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu en effet il pose que l’unité d’une science
repose sur l’unité du genre-sujet; en deuxième lieu il montre quel est le
genre qui peut être le sujet d’une science, là [259] où il dit : Tous ceux qui sont constitués à partir des
premiers principes du genre etc. 362.
Il dit donc en premier lieu [258] qu’une science est dite une lorsqu’elle
embrasse un seul genre-sujet. La raison en est que le processus de toute
science est comme un certain mouvement de la raison. Mais l’unité de tout
mouvement se comprend principalement en partant du terme comme on le voit
dans le cinquième livre des Physiques,
et c’est pourquoi il faut que l’unité de la science se comprenne à partir de
la fin ou du terme de la science. Mais la fin ou le terme de toute science
est le genre sur lequel porte la science : car dans les sciences
spéculatives on ne recherche rien d’autre que la connaissance du genre-sujet;
mais dans les sciences pratiques, ce qu’on recherche comme fin est la
construction du sujet lui-même. Par exemple en géométrie ce qui recherché
comme fin est la connaissance de l’étendue qui est le sujet de la géométrie;
mais dans la science de la construction ce qui est recherché comme fin est la
construction de la maison qui est le sujet de cet art. D’où il s’ensuit que l’unité de toute
science doit se comprendre d’après l’unité du sujet. Mais tout comme l’unité
d’un genre-sujet est plus commune que celle d’un autre, comme par exemple
l’unité de l’être ou de la substance est plus commune que celle du corps
mobile, de même encore une science est plus commune qu’une autre. Par exemple
la métaphysique, qui porte sur l’être ou la substance, est plus commune que
la physique qui porte sur cette substance particulière qui est le corps
mobile. 363.
Ensuite lorsqu’il dit [259] : Tous
ceux qui sont constitués à partir des premiers etc., il montre quels sont
ces genres qui peuvent être objets de science et il présente deux conditions. Et il présente la première de ces conditions en disant : Tous les sujets qui sont constitués à
partir des premiers principes du genre : c’est-à-dire qu’il n’y a
qu’une seule science pour tous ces sujets dont les principes relèvent d’un
même genre. Et pour en avoir l’évidence il faut
considérer que, tout comme nous l’avons déjà dit, le processus de la science
consiste dans un certain mouvement de la raison qui passe d’un point à un
autre : mais tout mouvement procède d’un point de départ et se termine à
un point d’arrivée; d’où il faut que dans le processus de la science la
raison procède à partir de certains principes premiers. Si donc la chose est
telle qu’elle ne possède pas de principes premiers à partir desquels la
raison puisse procéder, il ne peut y avoir de science pour ce genre de
choses, selon que la science se prend ici comme l’effet de la démonstration.
C’est pourquoi les sciences spéculatives ne portent pas sur les essences
mêmes des substances séparées. Au moyen des sciences démonstratives en effet
nous ne pouvons pas savoir l’essence qui
est en elles car les essences mêmes de ces substances sont intelligibles par
elles-mêmes par une intelligence qui leur est proportionnée; la connaissance
qu’on peut en avoir, par laquelle est connue leur essence, n’est pas comme rassemblée à partir de quelque chose de
premier. Mais par les sciences spéculatives on peut
savoir à leur sujet si elles existent, ce qu’elles ne sont pas, et certaines
caractéristiques d’après une ressemblance qu’on découvre dans les choses
inférieures. Et alors nous nous servons de ce qui est postérieur comme de ce
qui est premier pour les connaître; car ce qui est postérieur selon la nature
est premier et plus connu quant à nous. Et ainsi il est clair que ces choses,
dont nous possédons la science au moyen de ce qui est premier absolument,
sont en elles-mêmes composées à partir de certains principes premiers. Mais
toutes celles qui sont connues au moyen de ce qui est postérieur et qui est
premier quant à nous, bien qu’elles soient simples en elles-mêmes, cependant
selon qu’elles sont reçues dans notre connaissance, elles sont composées à
partir de certains principes qui sont premiers quant à nous. 364.
Il présente la deuxième condition
lorsqu’il dit [ibid.] : Et leurs
parties et leurs propriétés essentielles etc.; et là il faut considérer
que le sujet d’une science peut posséder deux sortes de parties, à savoir les
parties à partir desquelles il est composé comme à partir de ses premiers
principes ainsi que nous l’avons dit, c’est-à-dire les principes mêmes du
sujet, et ses parties subjectives. Et bien que ce qu’on dit ici puisse s’entendre
des deux sortes de parties, il semble cependant qu’on doive davantage
l’entendre de la première sorte de parties. Dans toute science en effet il y a
certains principes sur lesquels porte la première considération; par exemple
la science de la nature porte d’abord sur la matière et la forme et la
grammaire sur les lettres. Mais il y a encore dans toute science quelque
chose de dernier sur quoi se termine la considération de la science afin que
soient manifestées les propriétés du sujet. Mais les deux sortes de parties, à savoir
à la fois les premières parties et les propriétés, peuvent être attribuées à
un sujet à la fois essentiellement et non-essentiellement. Car ce qui tient
lieu de principes et de propriétés essentiels pour le triangle n’est pas
principes et propriétés essentiels pour l’isocèle en tant qu’isocèle, mais en
tant que triangle. Et ils ne sont pas non plus les principes et les
propriétés essentiels du bronze et du blanc, bien qu’il arrive au bronze ou
au blanc d’être un triangle. C’est pourquoi, s’il existe une science qui
démontre les propriétés du triangle à partir des principes du triangle, le
sujet d’une telle science n’est ni l’isocèle, ni le blanc ni le bronze, mais
le triangle dont les parties subjectives essentielles sont aussi l’isocèle,
l’équilatéral et le scalène. Mais il ne convient pas pour le moment de
parler beaucoup ici de ces parties car nous pouvons tirer un plus grand
enseignement sur la manière dont la science se rapporte à ces parties
subjectives en partant de la manière dont elle se rapporte au genre total
qu’en procédant inversement. 365.
Ensuite lorsqu’il dit : Mais une
science diffère d’une autre etc., il montre la cause de la diversité des
sciences. Et en premier lieu il présente cette
cause; en deuxième, il la manifeste, là [261] où il dit : Mais un signe en est etc. Mais il faut considérer au sujet du
premier point [260] que puisque la cause de l’unité d’une science devra se
prendre à partir de l’unité du genre-sujet, la cause de la diversité des sciences
ne se prend pas à partir de la diversité du sujet, mais à partir de la
diversité des principes. Il dit en effet qu’une science diffère d’une autre
parce que ses principes sont différents de telle manière que les principes
des deux sciences ne procèdent pas de principes antérieurs et que les
principes d’une science ne procèdent pas des principes d’une autre science
car s’ils procédaient des mêmes principes ou si les principes de l’une
procédaient des principes de l’autre, on n’aurait pas affaire à des sciences
différentes. 366.
Mais pour en avoir l’évidence il faut savoir que ce n’est pas la diversité
matérielle de l’objet qui entraîne une diversité d’habitus, mais seulement la
diversité formelle. Donc, puisque le connaissable est l’objet propre de la science,
les sciences ne se distingueront pas d’après la diversité matérielle des
choses à connaître, mais seulement d’après leur diversité formelle. Mais tout
comme la raison formelle de l’objet visible se tire de la lumière par
laquelle la couleur est perçue, de même la raison formelle de l’objet à
savoir se prend à partir des principes par lesquels une chose est connue de
science. Et c’est pourquoi, si différentes que soient quant à leur nature les
différentes choses à savoir, aussi longtemps qu’elles sont connues par les
mêmes principes, elles relèvent d’une seule et même science car alors elles
ne différeront pas en tant qu’objets de science. C’est par leurs principes en effet que les
choses sont connaissables de science. Par exemple il est clair que les voix
humaines diffèrent beaucoup de par leur nature des sons produits par les
corps inanimés; cependant, puisque c’est d’après les mêmes principes que se
comprend l’harmonie dans les voix humaines et dans les sons des corps
inanimés, la science de la musique, qui considère les deux sortes de sons,
reste la même. Si par ailleurs il existait des choses identiques quant à leur
nature mais considérées d’après des principes différents, il est manifeste
qu’elles appartiendraient à des sciences différentes. Par exemple, le corps
mathématique n’est pas séparé du corps naturel quant au sujet lui-même;
cependant, parce que le corps mathématique est connu par les principes de la
quantité alors que le corps naturel est connu par les principes du mouvement,
la science de la géométrie diffère de la science de la nature. Il est donc clair que la diversité des
principes, qu’accompagne la diversité du genre de l’objet à connaître de
science, suffit à distinguer les sciences. Mais pour que la science soit une
absolument, les deux conditions sont requises, à savoir l’unité du sujet et
l’unité des principes. Et c’est pourquoi il avait fait mention de l’unité du
sujet lorsqu’il avait dit [258]] que la science est une quand elle se rapporte à un même genre; et c’est pourquoi il
avait fait mention aussi des principes lorsqu’il avait dit [259] : tous les sujets constitués à partir des
principes premiers etc. 367.
Mais il faut en outre savoir que les principes seconds tirent leur puissance
des principes premiers. Et c’est pourquoi la diversité des premiers principes
est requise à la diversité des sciences. Et une telle diversité n’aura pas
lieu si les principes de choses différentes découlent de principes identiques
comme c’est le cas pour les principes du triangle et du carré qui découlent
des principes de la figure, ou si encore les principes de l’un dérivent des
principes de l’autre, comme les principes de l’isocèle découlent de ceux du
triangle. Il ne faut cependant pas comprendre par
cela que l’unité des principes premiers suffit simplement à entraîner l’unité
de la science, mais plutôt que cette dernière n’est réalisée que par l’unité
des principes premiers contenus dans un genre déterminé d’objets à connaître
de science. Mais les genres des objets à connaître de science se distinguent
d’après les différents modes de connaître. Par exemple, c’est d’après des
modes différents que sont connues les choses qui se définissent avec la
matière et celles qui se définissent sans la matière. C’est pourquoi le corps
naturel et le corps mathématique sont des genres différents d’objets à
connaître de science. C’est pourquoi les principes premiers de chacun de ces
genres sont différents et relèvent de sciences différentes. Et chacun de ces
genres se divise en différentes espèces d’objets à connaître d’après
différents modes et différents rapports sous lesquels les choses peuvent être
connues. 368.
Ensuite lorsqu’il dit [261] : Mais
le signe de cela est que etc., il manifeste la cause qu’il vient de
présenter. Et il dit que la preuve de cela, à savoir que les sciences
diffèrent de par leurs principes, c’est que lorsqu’on parvient par résolution
aux principes premiers qui sont indémontrables, il faut que ces derniers
appartiennent au même genre que les conclusions qui sont démontrées par eux;
car, ainsi que nous l’avons montré plus haut, il n’est pas possible de
démontrer en procédant à partir d’un autre genre. Mais pour montrer que les principes
indémontrables appartiennent au même genre que les conclusions qui en
proviennent, on prend comme signe que les conclusions qui sont démontrées par
eux sont dans le même genre et sont homogènes, c’est-à-dire qu’elles sont de
même nature et apparentées à ces mêmes principes selon le genre; de telles
conclusions en effet procèdent des mêmes principes. Et ainsi il est clair que
l’unité du genre de l’objet à connaître de science, en tant qu’il est
connaissable de science, d’où se prend l’unité de la science, et l’unité des
principes selon lesquels se prend la diversité de la science, se
correspondent mutuellement. 369.
Ensuite lorsqu’il dit [262] : Mais
plusieurs démonstrations etc., il montre comment une même conclusion peut
être démontrée au moyen de plusieurs principes. Et cela est possible de deux manières. D’une première
manière certes lorsqu’on présente plusieurs moyens termes appartenant à
une même série et que dans une démonstration on prend un de ces moyens termes
et que dans l’autre on prend un autre moyen terme ordonné à la même
conclusion : et ainsi il faut que le moyen terme qu’on prend ne soit pas
continu; admettons donc les deux termes extrêmes A et B, comme posséder trois angles égaux à deux droits
et isocèle, et deux moyens termes
d’une même série, à savoir D et C, comme par exemple triangle et telle figure.
On pourrait donc montrer que A s’attribue à B par deux démonstrations dans
une desquelles on prend pour moyen terme C et dans l’autre D, de telle
manière que dans aucune d’elles n’est pris un moyen terme continu par rapport
aux deux extrêmes car dans une des démonstrations le moyen terme choisi est
continu par rapport à un seul des termes extrêmes et discontinu par rapport à
l’autre alors que dans l’autre démonstration c’est l’inverse. 370.
Mais cela se produit d’une deuxième
manière lorsqu’on prend différents moyens termes tirés chacun d’une série
différente, comme si par exemple A, le grand terme, était changer, et B, le petit terme, était se délecter, et qu’on prenait
différents moyens termes non subordonnés les uns aux autres, à savoir E, qui
est se reposer, et D, qui est se mouvoir. D’après cela en effet une
même conclusion pourrait être démontrée par différents moyens termes
n’appartenant pas à une même série et on obtiendrait la démonstration
suivante : Tout ce qui se repose
change, car il appartient à la même chose de se reposer et de changer; tout ce qui se délecte se repose, car
le repos dans le bien désiré cause la délectation; donc tout ce qui se délecte change. L’autre démonstration serait : Tout ce qui se meut change; mais tout ce qui se délecte se meut, car la
délectation est un certain mouvement de la puissance appétitive; donc tout ce qui se délecte change. Soit qu’on dise cet énoncé, tout ce qui se délecte se meut,
conformément à l’opinion de Platon et alors l’énoncé est vrai pour les
délectations sensibles qui s’accompagnent de mouvement. L’autre énoncé qu’on
retrouve dans la première démonstration, à savoir tout ce qui se délecte se repose, est vrai selon l’opinion
d’Aristote ainsi qu’on le voit au septième et au dixième livre des Éthiques. Et cela se vérifie
surtout pour les délectations intelligibles. 371.
Ensuite il dit que bien que ce qui a été montré, à savoir qu’une même
conclusion peut être démontrée par différents moyens termes, ait été mis en
lumière dans la première figure, cette même vérité aurait facilement pu être
manifestée dans les autres figures. Mais le Philosophe présente cela pour
montrer que la diversité du moyen terme pour une même conclusion relève
parfois d’une même science, par exemple lorsque les moyens termes se tirent
d’une même série; mais parfois elle relève d’une autre science, à savoir
lorsque les moyens termes se tirent de séries différentes. Par exemple,
lorsque l’astronome démontre que la terre est ronde, c’est au moyen de
l’éclipse du Soleil et de la Lune, moyen terme différent de celui qu’emprunte
le physicien et qui est le mouvement des corps lourds vers le centre, ainsi
qu’on le dit au deuxième livre des
Physiques. |
|
|
LECTIO 42 |
LEÇON 42. Il n’y a de
science ni pour ce qui est causé par le hasard, ni pour ce qui est connu par
le sens
(nn. 372-381;
[263-267]). |
[79838] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 42 n. 1Postquam philosophus assignavit rationem
unitatis et diversitatis scientiarum ex parte generis subiecti, et ex parte
principiorum, hic de utrisque prosequitur. Et primo, de subiectis de quibus
est scientia ; secundo, de principiis ; ibi : eadem autem principia et
cetera. Circa primum considerandum est quod supra duas conditiones posuerat
generis, quod est subiectum scientiae ; quarum una est ut componatur ex
primis, alia est ut partes et passiones sint eius per se. Quarum conditionum una deest in his quae
sunt a fortuna ; quia non eveniunt per se, sed per
accidens, et praeter intentionem, ut probatur in II physicorum. Alia vero
conditio deest in his quae per sensum cognoscuntur, quae sunt prima in nostra
cognitione. Et ideo primo ostendit quod scientia non
est eorum quae sunt a fortuna ; secundo ostendit quod non est eorum quae
cognoscuntur per sensum ; ibi : neque per sensum est scire et cetera. [79839] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 42 n. 2Dicit ergo primo, quod demonstrativa
scientia non potest esse de eo quod est a fortuna, quod est per accidens
eveniens. Et hoc probat sic. Omnis syllogismus demonstrativus aut procedit ex
propositionibus necessariis, aut ex propositionibus quae sunt verae ut
frequenter. Ex propositionibus autem necessariis sequitur conclusio
necessaria, ut supra probatum est. Et similiter ex propositionibus quae sunt
verae sicut frequenter, sequitur etiam conclusio quae est vera ut frequenter
; vel forte etiam necessaria, secundum quod ex contingenti potest sequi
necessarium, ut ex falso verum. Nunquam autem ex propositionibus quae sunt
verae ut frequenter, sequitur propositio quae est vera ut in paucioribus ;
quia sequeretur quod aliquando propositiones essent verae et conclusio falsa,
quod est impossibile, ut supra ostensum est. Necesse est ergo quod conclusio
syllogismi demonstrativi vel sit necessaria, vel sit vera sicut frequenter.
Sed id quod est a fortuna neque est necessarium, neque est sicut frequenter,
sed accidit ut in paucioribus, ut in II physicorum probatur. Ergo
demonstrativa scientia non potest esse de eo quod est a
fortuna. [79840] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 42 n. 3Est autem considerandum quod de his quidem
quae sunt sicut frequenter, contingit esse demonstrationem, in quantum in eis
est aliquid necessitatis. Necessarium autem, ut dicitur in II physicorum,
aliter est in naturalibus, quae sunt vera ut frequenter, et deficiunt in
minori parte ; et aliter in disciplinis, idest in mathematicis, quae sunt
semper vera. Nam in disciplinis est necessitas a priori ; in
naturalibus autem a posteriori (quod tamen est prius
secundum naturam), scilicet a fine et forma. Unde sic docet ibi Aristoteles
ostendere propter quid, ut si hoc debeat esse, puta quod oliva
generetur, necesse est hoc praeexistere, scilicet semen olivae ; non autem ex
semine olivae generatur oliva ex necessitate, quia potest impediri generatio
per aliquam corruptionem. Unde si fiat demonstratio ex eo quod est prius in
generatione, non concludet ex necessitate ; nisi forte accipiamus hoc ipsum
esse necessarium, semen olivae ut frequenter esse generativum olivae, quia
hoc facit secundum proprietatem suae naturae, nisi impediatur. [79841] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 42 n. 4Deinde cum dicit : neque per sensum etc.,
ostendit quod scientia non est eorum quae cognoscuntur secundum sensum. Et
circa hoc duo facit : primo, ostendit quod scientia non consistit in sensu ;
secundo, ostendit quomodo sensus ordinatur ad scientiam ; ibi : sunt tamen
quaedam reducta et cetera. Circa primum duo facit : primo, ostendit scientiam
non esse per sensum ; secundo, praefert scientiam sensui ; ibi : universale
autem honorabile et cetera. Circa primum duo facit : primo, ostendit
veritatem ; secundo, excludit quorumdam errorem ; ibi : sed manifestum est et
cetera. [79842] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 42 n. 5Dicit ergo primo, quod, sicut scientia non
est eorum quae sunt a fortuna, ita etiam scientia non consistit in
cognitione, quae est per sensum. Et hoc probat sic. Manifestum est enim quod
sensus cognoscit aliquid tale, et non hoc. Non enim obiectum per se sensus
est substantia et quod quid est, sed aliqua sensibilis qualitas, puta
calidum, frigidum, album, nigrum, et alia huiusmodi. Huiusmodi autem qualitates
afficiunt singulares quasdam substantias in determinato loco et tempore
existentes : unde necesse est quod id quod sentitur, sit hoc aliquid,
scilicet singularis substantia, et sit alicubi et nunc, idest in
determinato loco et tempore. Ex quo patet quod id quod est universale, non
potest cadere sub sensu. Non enim quod est universale determinatur ad hic et
nunc, quia iam non esset universale. Illud enim universale dicimus quod est
semper et ubique. [79843] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 42 n. 6Quod quidem non est secundum viam
affirmationis intelligendum, quod hoc sit de ratione universalis, aut eius
quod est universale, quod sit semper et ubique. Si enim esset de ratione eius
quod est universale, esse semper et ubique, puta de ratione hominis aut animalis,
oporteret quod quodlibet singulare hominis aut animalis esset semper et
ubique ; quia ratio hominis et animalis in quolibet singularium invenitur. Si
vero esset de ratione ipsius universalis, sicut de ratione generis est quod
contineat sub se species, sequeretur quod nihil esset universale, quod non
semper et ubique inveniretur ; et secundum hoc oliva non esset universale,
quia non in omni terra potest inveniri. Est ergo hoc intelligendum per modum
negationis seu abstractionis ; quia scilicet universale abstrahit ab omni
determinato tempore et loco. Unde quantum est de se, sicut invenitur in
quolibet, in uno loco vel tempore, sic natum est in omnibus inveniri. Sic
igitur patet quod universale non cadit sub sensu. Quia igitur demonstrationes
praecipue sunt universales, ut supra ostensum est, manifestum est quod
scientia per demonstrationem acquisita non consistit in cognitione sensus. [79844] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 42 n. 7Deinde cum dicit : sed manifestum est
quoniam etc., excludit errorem quorumdam, qui credebant in ipsa perceptione
sensus consistere scientiam. Et videtur haec ratio pertinere ad illos qui non
ponebant intellectum differre a sensu, et per consequens nullam aliam
cognitionem esse nisi sensitivam, ut habetur in III de anima et in IV
metaphysicae. Et ad hoc excludendum dicit quod si etiam per sensum percipere
possemus quod triangulus habet tres angulos aequales duobus rectis, adhuc
oporteret quaerere demonstrationem ad habendum scientiam, neque per sensuum
perceptionem sciremus : quia sensus est singularium, scientia autem consistit
in hoc quod universale cognoscimus, ut ostensum est. Et quia posuerat
exemplum de his quae sensu percipi non possunt, ad maiorem evidentiam ponit
exemplum in his quae sensibilia sunt, videlicet in eclipsi lunae, quae
contingit ex oppositione terrae, quae interponitur inter solem et lunam, ut
claritas solis non possit pertingere ad lunam propter umbram terrae, quam dum
luna subintrat, eclipsatur. Ponamus ergo quod aliquis esset in ipsa luna, et
sensu perciperet interpositionem terrae per umbram ipsius : sensu quidem
perciperet quod luna tunc deficeret ex umbra terrae, sed non propter hoc
sciret totaliter causam eclipsis. Illud enim est per se causa eclipsis, quod
causat universaliter eclipsim. Universale autem non cognoscitur sensu ; sed
ex pluribus singularibus visis, in quibus multoties consideratis invenitur
idem accidere, accipimus universalem cognitionem. Et sic per causam
universalem demonstramus aliquid in universali, de quo est scientia. [79845] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 42 n. 8Deinde cum dicit : universale autem
honorabilius etc., ostendit quod scientia est potior quam sensus. Manifestum
est enim quod cognitio quae est per causam, nobilior est : causa autem per
se est universalis causa, ut iam dictum est ; et ideo cognitio per
universalem causam, qualis est scientia, est honorabilis. Et quia huiusmodi
universalem causam impossibile est apprehendere per sensum, ideo consequens
est quod scientia, quae ostendit causam universalem, non solum sit honorabilior
omni sensitiva cognitione, sed etiam omni alia intellectiva cognitione,
dummodo sit de rebus quae habent causam ; quia scire aliquid per causam
universalem est nobilius quam intelligere qualitercunque id quod habet causam
sine cognitione suae causae. Sed de primis, quae non habent causam, est alia
ratio. Illa enim per se intelliguntur ; et talis eorum cognitio est certior
omni scientia, quia ex tali intelligentia scientia certitudinem habet. [79846] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 42 n. 9Ultimo concludit principale propositum,
quod scilicet impossibile sit per sensum cognoscere aliquid demonstrabile ;
nisi forte aequivoce utatur aliquis nomine sensus, vocans demonstrativam
scientiam sensum, propter hoc quod scientia demonstrativa est determinate
unius secundum certitudinem, sicut et sensus. Propter quod et certae
existimationes scientiae vocantur. [79847] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 42 n. 10Deinde cum dicit : sunt tamen quaedam
reducta etc., ostendit quomodo sensus ordinatur ad scientiam. Quaedam enim problematicae dubitationes
reducuntur sicut in causam ad defectum sensus. Quaedam enim sunt de quibus non quaereremus dubitando, si ea
vidissemus ; non quidem eo quod scientia consistat in videndo, sed in quantum
ex rebus visis per viam experimenti accipitur universale, de quo est
scientia. Puta si videremus vitrum perforatum, et quomodo lumen pertransit
per foramina vitri, sciremus propter quid vitrum est transparens. Et utitur
hoc exemplo secundum opinionem eorum qui ponebant lumen esse corpus, et
quaedam corpora esse transparentia propter subtilia quaedam foramina, quae
pori dicuntur ; quos quia visu discernere non possumus propter parvitatem,
dubitamus quare vitrum sit transparens. Et posset simile exemplum poni de
quibuscunque rebus quae habent causam sensibilem latentem. Et quia dixerat
quod scientia huiusmodi rei non est in videndo, manifestat hoc esse verum. Nam in videndo cognoscimus seorsum
unumquodque singularium ; sed in sciendo oportet
omnia intelligere simul in universali, ut scilicet intelligamus ita se habere
in omnibus. Videmus enim singillatim de diversis
vitris, sed scientiam accipimus de omni vitro, quod
sit tale. |
372.
Après avoir identifié la cause de l’unité et de la diversité des sciences, à
la fois du côté du genre-sujet et du côté des principes, il poursuit ici son
examen sur l’un et l’autre. Et en premier lieu il examine les sujets
sur lesquels porte la science [263]; en deuxième lieu il examine les
principes, là [268] où il dit : Mais
les mêmes principes etc. Au sujet du premier point il faut
considérer qu’il avait présenté plus haut les deux conditions du genre qui
est le sujet de la science, dont la
première est qu’il soit constitué des premiers principes et la deuxième est que ses parties et ses
propriétés soient essentielles. Et une de ces conditions manque aux choses
qui proviennent du hasard, car elles ne se produisent pas par soi ou
essentiellement mais par accident et en dehors de l’intention ainsi qu’on le
prouve au deuxième livre des Physiques.
Mais l’autre condition manque aux choses qui sont connues par le sens et qui
sont les premières à être connues de nous. Et c’est pourquoi il montre en premier
qu’il n’y a pas de science pour les choses qui naissent de la fortune; en
deuxième lieu, il montre qu’il n’y en a pas non plus pour les choses qui sont
connues par le sens, là [264] où il dit : On ne peut non plus parvenir à la science par le sens etc. 373.
Il dit donc en premier lieu [263] que la science démonstrative ne peut porter
sur ce qui provient du hasard, c’est-à-dire sur ce qui se produit par
accident. Et il le prouve de la manière suivante.
Tout syllogisme démonstratif procède soit de propositions nécessaires, soit
de propositions qui sont vraies dans la plupart des cas. Mais de propositions nécessaires suit une
conclusion nécessaire ainsi que nous l’avons prouvé plus haut. Et de même, de
propositions qui sont vraies le plus souvent suit aussi une conclusion qui
est vraie le plus souvent ou peut-être même une conclusion qui est nécessaire
selon que du contingent peut suivre le nécessaire comme du faux peut suivre
le vrai. Mais il n’arrive jamais que de propositions qui sont vraies le plus
souvent suive une proposition qui soit vraie rarement : car cela
impliquerait que parfois les propositions seraient vraies et la conclusion
fausse, ce qui est impossible ainsi que nous l’avons montré plus haut. Il est donc nécessaire que la conclusion
du syllogisme démonstratif soit ou bien nécessaire ou bien vraie dans la
plupart des cas. Mais ce qui provient du hasard n’est ni nécessaire, ni ainsi
dans la plupart des cas, mais se produit plutôt rarement comme on le prouve au
deuxième livre des Physiques. Donc
la science démonstrative ne peut avoir pour objet ce qui provient du hasard. 374.
Mais il faut considérer que pour les choses qui se produisent le plus
souvent, il peut y avoir démonstration dans la mesure où on retrouve en elles
quelque nécessité. Mais le nécessaire, comme on le dit au deuxième livre des Physiques, se présente
différemment dans les choses naturelles d’une part qui sont vraies le plus
souvent et rarement déficientes, et dans les disciplines d’autre part,
c’est-à-dire dans les mathématiques, dont les conclusions sont toujours
vraies. Car la nécessité qu’on retrouve dans les
disciplines est une nécessité a priori,
alors que dans les choses naturelles la nécessité est a postériori (laquelle est cependant antérieure par nature),
c’est-à-dire la nécessité qui se tire de la fin et de la forme. C’est
pourquoi ici Aristote enseigne ainsi à montrer le pourquoi, de telle manière que si ceci doit exister, il est
nécessaire que cela préexiste, par exemple que si l’olive doit être
engendrée, il est nécessaire que préexiste la semence de l’olive; et non pas
que si la semence de l’olive existe, il est nécessaire que l’olive soit
engendrée car la génération peut être empêchée par quelque corruption. C’est
pourquoi, si la démonstration était produite en partant de ce qui est premier
dans l’ordre de génération, elle ne conclurait pas nécessairement, à moins
peut-être qu’on prenne comme étant nécessaire cela même que la semence de
l’olive engendre l’olive dans la plupart des cas, car c’est là ce qu’elle
fait conformément à une propriété de sa nature, à moins qu’elle n’en soit
empêchée. 375.
Ensuite lorsqu’il dit [264] : Ni
par le sens etc., il montre que la science ne peut avoir pour objet les
choses qui sont connues par le sens. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il montre que la science ne consiste pas dans le sens; en deuxième lieu il montre comment
le sens est ordonné à la science là [267] où il dit : Cependant, certains problèmes ne sont
ramenés etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il montre que la science ne peut être atteinte
par le seul sens; en deuxième lieu, il place la science au-dessus du sens, là
[266] où il dit : Mais l’universel
est plus honorable etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il montre la vérité; en deuxième lieu il écarte
une erreur commise par certains, là [265] où il dit : Mais il est évident etc. 376.
Il dit donc en premier lieu [264] que tout comme la science n’a pas pour
objet ce qui vient du hasard, de même encore la science ne consiste pas dans
la connaissance qui s’effectue par le sens. Et il le prouve de la manière suivante. Il
est manifeste en effet que le sens fait connaître d’une chose son individualité
et non ce qu’elle est. L’objet par soi du sens en effet n’est pas l’essence
de la chose et ce qu’elle est en elle-même mais une certaine qualité
sensible, par exemple le chaud, le froid, le blanc, le noir et d’autres
qualités de cette sorte. Mais les qualités de cette sorte affectent des
substances individuelles qui existent dans un temps et dans un lieu
déterminés : d’où il est nécessaire que ce qui est senti soit quelque
chose d’individuel, c’est-à-dire une substance singulière qui est ici et maintenant,
c’est-à-dire dans un lieu et un temps déterminés. Et à partir de là il est
clair que ce qui est universel ne peut tomber sous le sens. En effet,
l’universel n’est pas limité par l’ici et le maintenant car alors il ne
serait plus l’universel. Nous disons en effet que l’universel est ce qui est
toujours et partout. 377.
Mais cette expression ne doit pas s’entendre à la manière d’une affirmation,
à savoir qu’être toujours et partout appartiendrait à la définition de
l’universel et de ce à quoi s’attribue l’universel. Si en effet il
appartenait à la définition de ce à quoi appartient l’universel d’être
toujours et partout, par exemple à la définition de l’homme ou de l’animal,
il faudrait que chaque homme ou chaque animal individuel existe toujours et
partout, car la définition de l’homme et de l’animal se retrouve dans chacun
des individus appartenant à ces espèces. Par ailleurs, si cette définition
faisait partie de la définition de l’universel lui-même, comme il appartient
à la définition du genre de contenir en lui ses espèces, il s’ensuivrait que
rien de ce qui n’existe pas toujours et partout ne serait universel; et suite
à cela l’olive ne serait pas universelle puisqu’elle ne peut se rencontrer
dans tous les lieux de la terre. Cette expression doit donc s’entendre par
mode de négation ou d’abstraction, c’est-à-dire que l’universel fait
abstraction de tout temps et de tout lieu déterminés. C’est pourquoi, quant à
ce qui le concerne en tant que tel, tout comme on le retrouve dans tel
individu, dans tel lieu et dans tel temps, de même il est apte à se
rencontrer chez tous. Ainsi donc il est clair que l’universel ne tombe pas
sous le sens. Ainsi donc, puisque les démonstrations
sont surtout universelles, ainsi que nous l’avons montré plus haut, il est manifeste
que la science acquise par démonstration ne consiste pas en une connaissance
sensible. 378.
Ensuite lorsqu’il dit [265] : Mais
puisqu’il est évident etc., il écarte l’erreur de ceux qui croyaient que
la science consiste en la perception du sens en elle-même. Et il semble que
ce raisonnement s’adresse à ceux qui ne faisaient pas de différence entre
l’intelligence et le sens et qui soutenaient par conséquent qu’il n’existe
pas d’autre connaissance que la connaissance sensible, ainsi qu’on le montre
au troisième livre de l’Âme et au
quatrième livre de la Métaphysique. Et pour écarter cette opinion il dit que
si c’était aussi par le sens qu’on pouvait percevoir que le triangle possède
trois angles égaux à deux droits, il faudrait encore rechercher la
démonstration pour en avoir la science, ce que nous ne pourrions pas savoir
par la perception des sens : car le sens a pour objet propre le
singulier alors que la science consiste dans la connaissance de l’universel
ainsi que nous l’avons déjà montré. Et
parce qu’il avait présenté un exemple sur des choses qui ne peuvent être
perçues par le sens, pour une plus grande évidence, il présente un exemple se
rapportant à des choses sensibles, c’est-à-dire à l’éclipse de la Lune qui
résulte de l’opposition de la Terre qui s’interpose entre le Soleil et la
Lune de telle manière que les rayons du soleil ne peuvent parvenir à la lune
en raison de l’ombre de la terre dans laquelle elle disparaît aussi longtemps
qu’elle y demeure introduite. Supposons donc que quelqu’un soit sur la
Lune et perçoive par le sens l’interposition de la Terre par l’ombre de cette
dernière : alors, il percevrait certes par le sens que la Lune
s’éteindrait à cause de l’ombre de la terre, mais il ne saurait pas pour cela
la cause de l’éclipse dans sa totalité. En effet, la cause essentielle de
l’éclipse est celle qui cause toute éclipse. Mais l’universel n’est pas connu
par le sens; cependant, à partir de la multitude des cas particuliers perçus
par la vue dans lesquels, par des observations répétées, on voit la même
chose se produire, nous parvenons à une connaissance universelle. Et c’est
ainsi que par la suite, nous démontrons quelque chose dans l’universel au
moyen d’une cause universelle, ce en quoi consiste l’objet même de la science. 379.
Ensuite lorsqu’il dit [266] : Mais
ce qu’il y a de plus admirable dans l’universel etc., il montre que la
science est supérieure au sens. Il est manifeste en effet que la connaissance
qui est obtenue par la cause est plus noble : mais la cause par soi est
une cause universelle ainsi que nous l’avons déjà dit; et c’est pourquoi la
connaissance par la cause universelle, qui est celle de la science, est
honorable. Et parce qu’il est impossible d’appréhender par le sens une telle
cause universelle, c’est pourquoi il s’ensuit que la science, qui révèle la
cause universelle, est non seulement plus honorable que toute connaissance
sensible, mais elle l’est même plus que toute autre connaissance
intellectuelle qui porte sur des choses qui ont une cause; car savoir quelque
chose par sa cause universelle est plus noble que de connaître de quelque
façon que ce soit ce qui a une cause sans en connaître la cause. Mais au
sujet des principes premiers qui n’ont pas de cause, il en va autrement.
Ceux-là en effet sont intelligibles par eux-mêmes et la connaissance que nous
en avons est telle qu’elle est plus certaine que celle que nous acquérons
dans toutes les sciences car c’est de cette intelligibilité par soi que toute
science tient sa certitude. 380.
Et à la fin il conclut son propos principal, à savoir qu’il impossible par le
sens de connaître ce qui est démontrable, à moins bien sûr qu’on se serve du
nom de sens en un sens équivoque en donnant à la science démonstrative le nom
de sens pour cette raison que la science démonstrative, tout comme la
sensation, se rapporte avec certitude à quelque chose qui est déterminément
un. Et c’est pour cette raison qu’on dit aussi des sciences qu’elles sont des
estimations certaines. 381.
Ensuite lorsqu’il dit [267] : Il y
a cependant des problèmes qui ne sont ramenés etc., il montre comment le
sens est ordonné à la science. En effet, certaines questions problématiques
se ramènent comme à leur cause à une imperfection du sens. Il y a des choses
en effet sur lesquelles nous ne mènerions pas une recherche par le
questionnement si nous les percevions par la vue : non pas pour cette
raison que la science consiste dans le seul acte de la vision, mais parce
qu’à partir des choses qui sont vues par mode d’expérimentation on saisit l’universel
qui est l’objet de la science. Par exemple si nous voyions un verre perforé
et comment la lumière passe au travers des pores du verre, nous saurions
pourquoi le verre est transparent. Et il se sert de cet exemple conformément
à l’opinion de ceux qui croyaient que la lumière est un corps et que certains
corps sont transparents en raison de certaines ouvertures qui sont en eux et
qu’on appelle des pores; et parce que nous ne pouvons les discerner par la
vue en raison de leur petitesse, nous nous demandons pourquoi le verre est
transparent. Et un exemple semblable pourrait être présenté pour toutes les
choses qui ont une cause sensible cachée. Et parce qu’il avait dit que la science de
cette sorte de choses ne consiste pas dans le seul acte de voir, il en
manifeste la vérité. Car dans l’acte même de voir nous connaissons séparément
chacun des singuliers; mais dans l’acte de science il faut saisir
simultanément tous les cas particuliers dans l’universel, c’est-à-dire de
telle manière que nous sachions qu’il en est ainsi dans tous les cas. C’est
séparément en effet que nous voyons chacun des différents verres mais nous
comprenons de science qu’il en est ainsi tout à la fois pour tous les verres. |
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LECTIO 43 |
LEÇON 43. Les principes
de tous les syllogismes ne sont pas les mêmes
(nn.
382-394; [268-279]). |
[79848] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 43 n. 1Postquam philosophus prosecutus est de
illis quorum est scientia, hic prosequitur de principiis scientiarum,
ostendens non esse eadem principia omnium syllogismorum. Et primo, ostendit
hoc logice, idest per rationes communes omnibus syllogismis ; secundo,
ostendit hoc analytice, scilicet per rationes proprias demonstrationis ; ibi
: si vero aliter et cetera. Circa
primum tria facit : primo, ostendit propositum per
differentiam syllogismorum falsorum a veris ; secundo, per differentiam
falsorum ad invicem ; ibi : postea neque falsae etc. ; tertio, per
differentiam syllogismorum verorum ad invicem ; ibi : neque verorum et cetera.
Circa primum duo facit ; primo, ostendit
propositum ; secundo, excludit quamdam obviationem ; ibi : et si namque sit
verum et cetera. [79849] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 43 n. 2Dicit ergo primo quod, primo logice
speculando, manifestum est quod non possunt esse eadem principia omnium
syllogismorum, propter hoc quod quidam syllogismi sunt falsi,
idest concludentes falsum, et quidam veri, idest concludentes
verum. Syllogismorum autem falsorum et verorum sunt diversa principia. Nam
syllogismorum verorum sunt principia vera ; syllogismorum autem falsorum sunt
principia falsa. Non ergo omnium syllogismorum sunt eadem principia. [79850] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 43 n. 3Deinde cum dicit : et si namque sit verum
etc., excludit quamdam obviationem. Posset enim aliquis dicere quod etiam
syllogismorum verorum sunt principia falsa, quia contingit ex falsis
syllogizare verum. Sed hoc excludit dicens quod quamvis contingat syllogizare
verum ex falsis, tamen hoc solum contingit semel in primo syllogismo, quo ex
falsis concluditur verum. Sed si oporteat alios syllogismos inducere ad
probandum praemissas propositiones, necesse erit quod illi syllogismi
procedant ex falsis, quia ex veris non concluditur falsum : et ita in sola
prima syllogizatione ex falsis concluditur verum. Et hoc manifestat per
exemplum. Sit enim haec propositio vera, omne c est a : accipiatur autem ad
utramque extremitatem medium falsum, quod est b, ita scilicet quod neque a
insit b, neque b insit c. Si accipiantur aliqua media ad probandum praemissas
propositiones, omnes propositiones falsorum syllogismorum erunt falsae : quia
omnis conclusio falsa concluditur ex falsis, sed conclusio vera potest
concludi ex omnibus veris. Unde quando propositiones praemissae sunt verae,
ex quibus concluditur verum, non oportebit devenire ad aliquod falsum. Sic
igitur, cum aliae sint propositiones verae, et aliae falsae, sequitur quod
alia sunt principia verorum syllogismorum et alia falsorum. [79851] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 43 n. 4Deinde cum dicit : postea neque falsae ex
eisdem etc., ostendit quod nec etiam falsorum syllogismorum sunt eadem
principia. Contingit enim conclusiones falsas esse contrarias ad invicem, et
incompossibiles sibi esse. Sicut haec conclusio, iustitia est iniustitia, est
incompossibilis huic conclusioni, iustitia est timor, cum utraque sit falsa. Timor enim sicut differt genere a iustitia, ita etiam ab iniustitia. Similiter etiam hae duae conclusiones
falsae sunt contrariae et incompossibiles, homo est equus, et, homo est bos.
Et similiter hae duae propositiones sunt incompossibiles, aequale est maius,
et, aequale est minus. Oportet autem concludere sic esse ex aliquibus, quibus
positis, ista sequuntur : unde oportet quod sicut ista sunt contraria et
incompossibilia, ita etiam principia ex quibus concluduntur. [79852] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 43 n. 5Deinde cum dicit : neque etiam verorum
etc., ostendit quod nec syllogismorum verorum sunt eadem principia, quatuor
rationibus. Quarum prima sumitur ex differentia principiorum propriorum ;
unde dicit quod neque etiam verorum syllogismorum sunt eadem
principia. Diversorum enim generum diversa principia sunt : sicut patet
quod magnitudinum principia sunt puncta, numerorum autem unitates ; quae non
conveniunt sibi invicem, quia unitates non habent positionem, puncta vero
habent. Si autem principia omnium syllogismorum convenirent ad invicem,
necesse esset quod vel convenirent in medio, vel sursum ascendendo versus
maiorem extremitatem, vel deorsum descendendo versus minorem, quia in syllogismis
necesse est quod termini vel assumantur interius vel exterius. Interius
quidem, quando multiplicantur syllogismi ad probandum propositiones inductas.
Tunc enim necesse est quod accipiantur media, quae sunt inter praedicata
propositionum et subiecta. Puta si sit talis syllogismus, omne b est a, omne
c est b, ergo omne c est a ; si oporteat probari omne b est a, oportet
assumere aliquod medium inter b et a, puta d. Et similiter si debeat probari
minor, oportet accipere aliquod medium inter c et b, puta e : et sic semper
termini assumpti interius habentur. Exterius autem assumuntur, quando vel
maior extremitas accipitur ut medium ascendendo, vel minor descendendo : puta
si a concludatur de c per b, et iterum c concludatur de b per a ; et sic
inde. Similiter etiam proceditur descendendo, si b concludatur de f per c.
Necesse est ergo in syllogismis communicantibus in principiis, vel quod
accipiatur medium unius syllogismi supra propositiones alterius syllogismi ;
vel accipiantur extrema unius syllogismi supra vel infra extrema alterius
syllogismi. Sed hoc non potest esse in rebus quarum sunt principia diversa :
quia puncta non possunt accipi neque ut media, neque ut extrema in
syllogismis in quibus concluditur aliquid de numero ; neque unitates in
syllogismis in quibus concluditur aliquid de magnitudinibus. Relinquitur ergo
quod non possunt esse eadem principia omnium syllogismorum. [79853] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 43 n. 6Secunda ratio ponitur ibi : sed neque
communium principiorum etc., quae sumitur ex principiis communibus ; et dicit
quod non possunt esse aliqua principia communia, ex quibus solum omnia
syllogizentur, sicut hoc est principium commune, de quolibet est affirmatio
vel negatio ; quod quidem communiter est verum in omni genere ; non tamen est
possibile, quod ex solis aliquibus taliter communibus possint omnia
syllogizari : quia genera entium sunt diversa, et diversa sunt principia quae
sunt solum quantitatum principia, ab his quae solum sunt principia qualitatum
; quae oportet coassumere principiis communibus ad concludendum in qualibet
materia. Puta si in quantitatibus oporteat ex dicto principio communi
syllogizare, oportet accipere quod, cum haec sit falsa, punctus est linea,
oportet hanc esse veram, punctus non est linea. Et similiter in qualitatibus
oportet coassumere aliquid proprium qualitati. Unde relinquitur quod
impossibile sit esse eadem principia omnium syllogismorum. [79854] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 43 n. 7Tertiam rationem ponit ibi : amplius
principia non multo etc., quae sumitur ex comparatione praemissarum ad
conclusiones ; et dicit quod principia non sunt multum pauciora
conclusionibus. Sunt quidem pauciora, quia, quamvis ad unam conclusionem
inferendam duo principia, idest duae propositiones requirantur, quia una
conclusio non concluditur immediate nisi ex duabus ; tamen una propositione
potest quis uti ad inferendum plurimas conclusiones, secundum quod sub
subiecto aut sub praedicato multa accipi possunt. Non tamen sunt multo
pauciora principia quam conclusiones ; quia plurima eorum quae principiis
coassumuntur ad conclusiones. Principia enim propositiones hic appellantur :
propositiones autem aut assumpti termini aut immissi sunt ; idest
propositiones in syllogismis multiplicantur, aut assumendo terminos extrinsecus,
vel supra maiorem extremitatem et infra minorem, ut supra dictum est, aut
accipiendo terminos qui sunt in medio. Et ad hoc addendum est quod
conclusiones sunt infinitae : potest enim quodlibet concludi de quolibet vel
affirmative vel negative. Et ne videretur hoc esse contrarium ei, quod supra
ostenderat, praedicationes non procedere in infinitum, subiungit quod termini
sunt finiti : et ad hoc pertinet quod supra ostensum est, esse statum in
praedicationibus ; sed ex terminis finitis possunt infinitae conclusiones
fieri secundum diversas combinationes, ut tamen accipiamus communiter
conclusiones, tam quae sunt per se quam quae sunt per accidens. Loquitur enim
nunc communiter de syllogismis. Si ergo conclusiones sunt infinitae,
principia autem non sunt multo pauciora conclusionibus, sequitur quod etiam
principia syllogismorum sunt infinita. Non ergo sunt eadem principia omnium
syllogismorum. [79855] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 43 n. 8Quartam rationem ponit ibi : amplius
principia, haec quidem etc., quae sumitur ex differentia necessarii et
contingentis ; et dicit quod principiorum quibus utimur in syllogismo,
quaedam sunt contingentia et quaedam sunt necessaria, ut patet in libro
priorum, ubi docuit syllogizare et ex necessariis et ex contingentibus. Non autem eadem sunt necessaria et contingentia : ergo non sunt eadem principia omnium
syllogismorum. Et hoc est
quod concludit ex his duabus ultimis rationibus, quod secundum rationem
praemissorum, cum infinitae sint conclusiones, impossibile est esse eadem
principia omnium syllogismorum, aut etiam finita. [79856] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 43 n. 9Deinde cum dicit : si vero aliter
quodammodo etc., ostendit idem analytice, scilicet per rationes proprias
principiis, quibus scientiae demonstrant. Et ponit tres rationes. Circa
quarum primam dicit quod, si aliquis non dicat omnium syllogismorum esse
eadem principia, sed aliquo modo dicat aliter ; scilicet quod quaedam sunt
principia geometriae et quaedam logicae, quae dicuntur principia
syllogismorum vel ratiocinationum, et quaedam sunt principia medicinae ; et
sic accipiendo principia omnium scientiarum, ista sic accepta eadem sunt
principia omnium demonstrationum ; hoc non facit ad propositum, quo quis vult
sustinere eadem esse principia, quia per hoc dictum nihil aliud dicitur, nisi
quod quaelibet scientia habet sua principia. Sed quod sint eadem principia
unius scientiae quae sunt alterius (quod oporteret si eadem essent principia
omnium syllogismorum scientialium), est impossibile et derisibile ; quia secundum
hoc sequeretur quod omnia quae sunt in scientiis, essent eadem, et ita omnes
scientiae essent una scientia. Quae enim
eisdem sunt eadem, sibi invicem sunt eadem. Sed principia cuiuslibet
scientiae sunt quodammodo eadem conclusionibus, quia sunt unius generis. Non enim est ex uno in aliud genus
demonstrare, ut supra dictum est. Si igitur
principia sunt eadem, sequeretur quod omnia quae sunt in scientiis, essent
eadem. [79857] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 43 n. 10Secundam rationem ponit ibi : at vero neque
quod ex omnibus etc., quae talis est. Si aliquis quaerens omnium eadem esse
principia, hoc intendat dicere quod quodlibet demonstretur ex quolibet, hoc
est stultum dicere ; quia hoc neque est possibile in manifestis mathematibus,
nec in resolutione. Et vocat manifesta mathemata, idest
considerationes vel disciplinas, quando ex aliquibus propositionibus
manifestis statim infertur conclusio. Vocat autem resolutionem, quando
propositiones assumptae non sunt manifestae, sed oportet eas resolvere in alias
manifestiores. Et quod hoc sit impossibile probat, quia utroque modo
principia demonstrativorum syllogismorum sunt immediatae propositiones, quae
vel statim assumuntur in manifestis mathematibus sive
doctrinis, vel ad eas devenitur per resolutionem. Videmus autem quod
demonstratur alia conclusio, coassumpta immediata propositione alia. Et ideo
non potest esse quod ex quolibet demonstretur quodlibet. [79858] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 43 n. 11Consequenter cum dicit : si autem dicat
aliquis etc., excludit quamdam obviationem. Posset enim aliquis dicere quod
duplex est genus immediatarum propositionum : quaedam enim sunt immediatae
propositiones primae, et quaedam secundae, ita quod accipiatur ordo
immediatarum propositionum secundum ordinem terminorum. Nam illae
propositiones immediatae quae consistunt in terminis primis et communibus,
sicut est ens et non ens, aequale et inaequale, totum et pars, sunt primae et
immediatae propositiones ; ut, non contingit idem esse et non esse, et, quae
uni et eidem sunt aequalia, sibi invicem sunt aequalia, et similia.
Immediatae autem propositiones quae sunt circa posteriores terminos et minus
communes, sunt secundae respectu primarum ; sicut quod triangulus est figura,
vel quod homo est anima. Potest ergo
aliquis dicere quod secundae propositiones immediatae coassumuntur ad
diversas conclusiones demonstrandas ; sed primae
propositiones immediatae sunt eaedem in omnibus demonstrationibus. Et ideo ad
hoc excludendum dicit quod, si aliquis dicat primas immediatas propositiones
has esse illa principia ex quibus omnia demonstrantur, considerare debet quod
nihilominus in unoquoque genere oportet esse unum principium vel unam
propositionem immediatam, primam in illo genere, non primam simpliciter ; et quod ex illa quae est prima simpliciter,
coassumpto isto principio proprio huiusmodi generis, oportebit in hoc genere
demonstrari. Et ita non
ex solis communibus principiis possunt omnia demonstrari ; sed oportet
coaccipere propria, quae sunt diversa diversorum. [79859] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 43 n. 12Consequenter cum dicit : si vero neque ex
omnibus etc., excluso stulto intellectu positionis contra quam disputatur,
concludit propositum ; et dicit quod, si non dicatur quod quodlibet
demonstretur ex quolibet, sicut opus est dicere propter praemissa, sequitur
quod nec sic ex principio, ex quo concluditur haec conclusio, concludatur
altera ; alioquin ex quolibet demonstraretur quodlibet. Unde necesse est quod
diversarum scientiarum sint diversa principia, si oportet quod omnium
scientiarum principia sint unius generis his, quae ex eis demonstrantur ; sed
oportebit quod ex istis principiis demonstrentur hae conclusiones, et ex
illis illae, ex diversis scilicet principiis demonstratione facta in diversis
scientiis, quae sunt de diversis generibus. [79860] Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 43 n. 13Tertiam rationem ponit ibi : manifestum
autem hoc est etc., et dicit quod manifestum est etiam alio modo quod non
contingit hoc, scilicet quod eadem sint principia omnium scientiarum ; quia
ostensum est supra quod diversorum generum sunt principia diversa genere.
Unde cum diversae scientiae sint de diversis generibus, sequitur quod diversa
principia sint diversarum scientiarum. Sed quia quodammodo eadem principia
communia sunt quibus omnes scientiae utuntur, ideo consequenter distinguit de
principiis, et dicit quod duplicia sunt principia. Quaedam ex quibus primo
demonstratur, sicut primae dignitates, ut quod non contingit idem esse et non
esse. Et iterum sunt quaedam principia circa quae sunt scientiae, scilicet
subiecta scientiarum ; quia definitionibus subiecti utimur ut principiis in
demonstrationibus. Illa ergo prima ex quibus demonstratur, sunt communia
omnibus scientiis : sed principia circa quae sunt scientiae, sunt propria
cuilibet scientiae, sicut numerus arithmeticae, et magnitudo geometriae. Principia autem communia oportet ad haec
propria applicari ad hoc quod demonstretur. Et quia non ex solis communibus principiis demonstratur, non potest
dici eadem esse principia omnium syllogismorum demonstrativorum, quod
intendit probare. |
382.
Après avoir parcouru les choses qui sont objets de science, le Philosophe
examine ici les principes des sciences pour montrer que les principes de tous
les syllogismes ne sont pas les mêmes. Et en premier lieu [268] il montre cela
selon un mode dialectique, c’est-à-dire par des raisons qui sont communes à
tous les syllogismes; en deuxième lieu, il le montre selon un mode
analytique, c’est-à-dire par des raisons qui sont propres à la démonstration,
là [275] où il dit : Mais si d’un
autre côté etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu il manifeste le propos en distinguant les
syllogismes qui sont faux de ceux qui sont vrais; en deuxième lieu, il le
fait en faisant une distinction à l’intérieur même des syllogismes qui sont
faux, là [270] où il dit : En
outre, celles qui sont fausses ne etc.; en troisième lieu, il le fait par
une distinction à l’intérieur même des syllogismes qui sont vrais, là [271]
où il dit : Et les conclusions qui
sont vraies ne etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il montre le propos; en deuxième lieu, il
écarte une objection, là [269] où il dit : Et même s’il est possible que le vrai etc. 383.
Il dit donc en premier lieu [268] que c’est d’abord par un examen dialectique
qu’il est manifeste que les principes ne peuvent pas être les mêmes pour tous
les syllogismes, pour cette raison que certains syllogismes sont faux,
c’est-à-dire qu’ils concluent le faux, et que certains sont vrais,
c’est-à-dire ceux qui concluent le vrai. Mais les principes des syllogismes
qui sont faux diffèrent des principes des syllogismes qui sont vrais. Car les
principes, pour ce qui est des syllogismes qui sont vrais, sont vrais; mais
pour ce qui est des syllogismes qui sont faux, les principes sont faux. Il
est donc clair que les principes ne sont pas les mêmes pour tous les
syllogismes. 384.
Ensuite lorsqu’il dit [269] : Et
même s’il est possible que le vrai etc., il écarte une objection. On
pourrait dire en effet que même pour des syllogismes qui sont vrais il y a
des principes qui sont faux, car il est possible de syllogiser le vrai à
partir du faux. Mais il écarte cette difficulté en disant que même s’il
arrive de syllogiser une conclusion vraie à partir de prémisses fausses,
cependant il n’est possible qu’une seule fois, c’est-à-dire dans le premier
syllogisme, que le vrai soit conclu à partir du faux. Mais s’il fallait
présenter d’autres syllogismes pour prouver les prémisses qui précèdent cette
conclusion, il serait nécessaire que ces syllogismes procèdent de
propositions fausses car à partir de prémisses vraies on ne conclut pas le
faux : ainsi, c’est seulement dans le premier raisonnement par
syllogisme qu’on conclut le vrai à partir de prémisses fausses. Et il manifeste cela par un exemple.
Supposons en effet que cette proposition, tout
C est A, soit vraie; et on prend à l’égard des deux termes extrêmes un
moyen terme qui est faux, lequel est B, de telle manière qu’il soit faux que
A appartient à B et que B appartient à C. Et si certains moyens termes sont
pris pour prouver ces prémisses, toutes les propositions des syllogismes qui
sont faux seront fausses car toute conclusion fausse vient de prémisses
fausses mais une conclusion vraie peut être conclue de deux prémisses vraies.
C’est pourquoi, quand les prémisses d’où on conclut le vrai sont vraies, on
ne pourra pas en arriver à une conclusion fausse. Ainsi donc, puisque les
propositions qui sont vraies diffèrent de celles qui sont fausses, il s’ensuit
que les principes des syllogismes qui sont vrais diffèrent des principes des
syllogismes qui sont faux. 385.
Ensuite lorsqu’il dit [270] : En
outre les conclusions fausses ne viennent pas de principes etc., il
montre que pour les syllogismes faux aussi les principes ne sont pas
identiques. Il arrive en effet que les conclusions fausses soient contraires
les unes aux autres et qu’elles soient inconciliables. Par exemple cette
conclusion, la justice est injustice,
est inconciliable avec cette autre conclusion, la justice est crainte, alors que les deux sont fausses. La
crainte en effet diffère de la justice par le genre et par conséquent aussi
de l’injustice. De même encore ces deux conclusions fausses, à savoir l’homme est un cheval et l’homme est un bœuf, sont contraires
et inconciliables. Enfin ces deux propositions, à savoir l’égal est plus grand et l’égal
est plus petit, sont inconciliables. Mais il faut conclure que ces
propositions sont telles parce qu’elles découlent de ce qui a été posé :
d’où il faut que, tout comme ces conclusions sont contraires et
inconciliables, de même encore doivent l’être les principes d’où elles sont
conclues. 386.
Ensuite lorsqu’il dit [271] : Et
même les conclusions qui sont vraies ne viennent pas etc., il montre, au
moyen de quatre raisonnements, que
même pour les syllogismes qui sont vraies les principes ne sont pas les
mêmes. Et le
premier de ces raisonnements se tire d’une différence qui se tient du
côté des principes propres; c’est pourquoi il dit que même pour les syllogismes qui sont vrais les principes ne sont pas
les mêmes. En effet, les principes des genres différents sont
différents : il est clair par exemple que les principes des étendues
sont les points et que ceux des nombres sont les unités et que ces principes
ne se ramènent pas les uns aux autres parce que les unités n’ont pas de
position alors que les points en ont une. Mais si les principes de tous les
syllogismes étaient interchangeables, il serait nécessaire qu’ils se
rencontrent soit dans le moyen terme, soit en montant vers le haut en
direction du grand terme, soit en
descendant vers le bas en direction du petit
terme, car dans les syllogismes il est nécessaire que les termes se
prennent ou bien à l’intérieur ou bien à l’extérieur. À l’intérieur certes quand les syllogismes
se multiplient pour prouver les propositions qui sont assumées. Alors en
effet il est nécessaire de prendre des moyens termes qui sont intermédiaires
entre les prédicats et les sujets des propositions. Supposons par exemple le
syllogisme suivant, à savoir tout B est
A, tout C est B, donc tout C est A. S’il fallait prouver que
tout B est A, il faudrait assumer
un moyen terme intermédiaire entre B et A, soit D. Et de même, s’il fallait
prouver la mineure, il faudrait prendre un moyen terme entre C et B, soit
E : et ainsi les termes assumés se présenteraient toujours à
l’intérieur. Mais les termes sont pris à l’extérieur ou
bien quand le grand terme est pris comme moyen terme vers le haut, ou bien
quand le petit terme est pris comme moyen terme vers le bas : par
exemple quand A est conclu de C par B et qu’en outre C est conclu de B par A,
et ainsi de suite. De même encore on procède vers le bas si B est conclu de F
par C. Il est donc nécessaire que dans les syllogismes qui communiquent dans
les principes, ou bien qu’on prenne le moyen terme d’un seul et même
syllogisme au-dessus des propositions de l’autre syllogisme, ou bien que les
termes extrêmes d’un syllogisme se prennent soit au-dessus soit en dessous
des termes extrêmes de l’autre syllogisme. Mais cela ne peut se produire pour
les choses dont les principes sont différents : car les points ne
peuvent être pris ni comme moyens termes, ni comme termes extrêmes dans les
syllogismes dans lesquels on conclut quelque chose sur le nombre et il en est
de même au sujet des unités dans les syllogismes dans lesquels on conclut
quelque chose sur les étendues. Il s’ensuit donc que les principes ne peuvent
être les mêmes pour tous les syllogismes. 387.
Il présente le deuxième
raisonnement, là [272] où il dit : Mais
certains des principes communs ne etc., qu’il tire des principes communs;
et il dit qu’il ne peut exister de principes communs desquels seuls
proviendraient toutes les conclusions. Par exemple ce principe commun, à
savoir qu’il faut en toute chose soit
affirmer soit nier, et qui est vrai universellement pour tout genre de
science; il n’est cependant pas possible que de certains de ces principes
communs se tirent toutes les conclusions, car les genres des êtres sont
différents et les principes qui ne sont principes que pour les quantités
diffèrent de ceux qui ne sont principes que pour les qualités, principes
qu’il faut assumer en même temps que les principes communs pour conclure dans
quelque matière que ce soit. Par exemple, s’il fallait syllogiser en partant
du principe commun dont nous venons de parler dans le domaine des quantités,
il faudrait admettre que si cette proposition est fausse, à savoir le point est une ligne, il faut que
celle-ci soit vraie, à savoir le point
n’est pas une ligne. Et de même dans le domaine des qualités il faut
assumer, en même temps que les principes communs, quelque chose qui est
propre à la qualité. D’où il reste qu’il est impossible que les principes
soient les mêmes pour tous les syllogismes. 388.
Il présente le troisième
raisonnement là [273] où il dit : En
outre, les principes ne sont pas beaucoup etc., qui se tire de la
comparaison des prémisses aux conclusions. Et il dit que les principes ne
sont pas beaucoup moins nombreux que les conclusions. Ils sont certes moins
nombreux car, bien que pour tirer une seule et même conclusion, deux
principes, c’est-à-dire deux propositions, sont requises, parce qu’une même
conclusion ne se déduit de façon immédiate que de deux principes; néanmoins,
on peut se servir d’une même proposition pour tirer une multitude de
conclusions selon que sous un sujet et un prédicat, plusieurs termes peuvent
se prendre. Les principes ne sont cependant pas beaucoup moins nombreux que
les conclusions parce qu’un grand nombre de propositions qui sont posées en
même temps que les principes pour amener d’autres conclusions sont aussi des
conclusions. Les principes en effet se voient ici attribuer le nom de
propositions : mais les propositions sont des termes qui ont été soit apposés
soit interposés, c’est-à-dire que les propositions se multiplient dans les
syllogismes ou bien en prenant des termes de l’extérieur, soit au-dessus du
grand terme soit en dessous du petit terme comme nous l’avons dit plus haut,
ou bien en prenant des termes qui sont entre le grand et le petit. Et à cela il faut ajouter que les
conclusions sont infinies : une conclusion en effet peut être conclue
d’un principe soit affirmativement soit négativement. Et afin que cela
n’apparaisse pas comme étant contraire à ce qui a été démontré plus haut, à
savoir que les attributions ne procèdent pas à l’infini, il ajoute que les
termes sont finis : et c’est à cela que se rapporte ce qui a été dit
plus haut, à savoir qu’il y a une limite dans les attributions; cependant, de
termes finis une infinité de conclusions peuvent surgir d’après des
combinaisons diverses, de telle manière cependant que nous prenions le terme
de conclusion dans son sens commun, à savoir aussi bien celles qui le sont
par soi que celles qui le sont par accident. Ce dont nous parlons en effet
maintenant, c’est des syllogismes pris communément. Si donc les conclusions
sont infinies et que les principes ne sont pas beaucoup moins nombreux que
les conclusions, il s’ensuit que même les principes des syllogismes sont
infinis. Les principes de tous les syllogismes ne sont donc pas les mêmes. 389.
Il présente le quatrième
raisonnement là [274] où il dit : En
outre, parmi les principes, certains sont etc., lequel se tire de la
différence qui se tient entre le nécessaire et le contingent; et il dit que
parmi les principes dont nous nous servons dans le syllogisme, certains sont
nécessaires alors que d’autres sont contingents, ainsi qu’on le voit dans le
livre des Premiers Analytiques, où
le Philosophe enseigne comment syllogiser à partir de prémisses nécessaires
et de prémisses contingentes : or, les principes qui sont nécessaires ne
sont pas identiques à ceux qui sont contingents. Donc, les principes de tous
les syllogismes ne sont pas les mêmes. Et c’est ce qu’il conclut à partir de
ces deux derniers raisonnements, que d’après leur argumentation, si les
conclusions sont infinies, il est impossible que les principes de tous les
syllogismes soient les mêmes, ou même qu’ils soient limités en nombre. 390.
Ensuite lorsqu’il dit [275] : Mais
si en quelque sorte on prend l’identité autrement etc., il montre la même
chose selon un mode analytique, c’est-à-dire au moyen de raisonnements qui se
rapportent proprement aux principes par lesquels les sciences démontrent. Et il présente trois raisonnements. Et dans le premier il dit que si on ne disait pas que les principes de
tous les syllogismes sont les mêmes, mais qu’on disait, en se servant en
quelque sorte de l’identité en un autre sens, que ces principes-ci sont ceux
de la géométrie, que certains autres appartiennent à la logique et qu’on
appelle les principes des syllogismes et des raisonnements, et que d’autres
sont les principes de la médecine, en prenant de cette manière les principes
de toutes les sciences, ces derniers pris en ce sens seraient les principes
de toutes les démonstrations. Mais celui qui voudrait soutenir de cette
manière que les principes sont les mêmes n’apporterait rien au propos parce
que par ses paroles il ne dit rien d’autre que chaque science possède ses
propres principes. Mais que les principes d’une science
soient les mêmes que ceux d’une autre science (ce qui doit être
nécessairement si les principes de tous les syllogismes scientifiques sont
les mêmes), cela est impossible et il serait dérisoire de vouloir le soutenir
car suivant cette opinion, il s’ensuivrait que tout ce qui est contenu dans
les sciences est identique, et ainsi toutes les sciences ne seraient plus
qu’une seule science. En effet, toutes les choses qui sont identiques aux
mêmes choses sont identiques entre elles. Mais les principes de toutes les
sciences sont en un sens identiques aux conclusions car elles appartiennent
au même genre. En effet, on ne peut arriver à démontrer, en partant d’un
principe, une conclusion qui appartient à un autre genre, ainsi que nous
l’avons dit plus haut. Si donc les principes sont les mêmes pour tous les
syllogismes, il s’ensuivrait que toutes les conclusions qu’on retrouve dans
les sciences seraient identiques. 391.
Il présente le deuxième raisonnement
là [276] où il dit : Mais pas
davantage à partir de tous les principes etc., que voici. Il serait
ridicule de dire que chercher à savoir si les principes sont les mêmes pour
toutes les choses, c’est avoir l’intention de dire que n’importe quelle
conclusion se démontre à partir de n’importe quel principe parce que cela
n’est possible ni dans les sciences de l’évidence, ni dans la résolution. Et
il appelle sciences de l’évidence
les considérations ou les disciplines dans lesquelles la conclusion se tire
immédiatement de certaines propositions manifestes. Mais on parle de résolution pour les
propositions que l’on prend et qui, parce qu’elles ne sont pas manifestes,
doivent être ramenées à d’autres propositions qui sont plus manifestes. Et il
prouve que cela soit impossible car dans les deux cas les principes des
syllogismes démonstratifs sont des propositions immédiates qui, ou bien sont
assumées dans les sciences de
l’évidence ou dans les doctrines, ou bien sont ramenées à elles par mode
de résolution. Mais nous voyons que c’est une autre conclusion qui est
démontrée lorsque c’est une autre proposition immédiate qui est assumée. Et
c’est pourquoi il est impossible que n’importe quelle conclusion se tire de
n’importe quel principe. 392.
Et par la suite lorsqu’il dit [277] : Mais si quelqu’un disait etc., il écarte une objection. Quelqu’un
pourrait dire en effet que le genre des propositions immédiates est
double : certaines d’entre elles en effet sont les propositions
immédiates premières alors que les autres sont secondes, de telle manière que
l’ordre des propositions immédiates se prenne d’après l’ordre des termes. Car
ces propositions immédiates qui consistent en des termes premiers et communs,
comme l’être et le non-être, l’égal et l’inégal, le tout et la partie, sont des propositions premières et immédiates comme
les suivantes : il n’est pas
possible à la même chose d’être et de ne pas être et les choses qui sont égales à une seule et même chose sont égales
entre elles et d’autres propositions immédiates de cette sorte. Mais les
propositions immédiates qui se rapportent à des termes seconds et moins
communs sont elles-mêmes secondes par rapport aux premières. Il en est ainsi
par exemple des propositions immédiates suivantes : le triangle est une figure et l’homme
est un animal. Quelqu’un pourrait donc dire que les propositions
immédiates secondes sont adoptées en même temps que les premières pour la
démonstration de conclusions différentes mais que les propositions immédiates
premières sont les mêmes pour toutes les démonstrations. Et c’est pourquoi, pour écarter cela, il
dit que si on disait que ces propositions immédiates premières sont ces
principes à partir desquels tout est démontré, il faut néanmoins considérer
que dans chacun des genres il faut qu’il y ait un principe ou une proposition
immédiate qui soit première dans ce genre mais non pas première absolument,
et qu’à partir de celle qui est première absolument, le principe propre de ce
genre étant pris simultanément avec elle, la démonstration devra s’opérer
dans ce genre. Et ainsi, ce n’est pas à partir des seuls principes communs
que tout peut être démontré, mais il faut prendre en même temps qu’eux les
principes propres qui sont différents pour
chaque science. 393.
Par la suite lorsqu’il dit [278] : Mais
si ce n’est pas de toutes etc., ayant écarté l’interprétation risible de
la position contre laquelle il argumente, il conclut son propos; et il dit
que, si on ne dit pas que n’importe conclusion se démontre à partir de
n’importe quel principe, comme c’est notre devoir de le dire en raison de ce
qui précède, il s’ensuit que de ce principe d’où se tire cette conclusion ne
se tire pas une autre conclusion; autrement n’importe quelle conclusion se
démontrerait à partir de n’importe quel principe. Il résulte de là qu’il est
nécessaire que les principes soient différents pour des sciences différentes
s’il faut que pour toutes les sciences les principes appartiennent au même
genre que les conclusions qui sont démontrées à partir d’eux; mais il faudra
qu’à partir de tels principes soient démontrées telles conclusions et qu’à
partir d’autres principes d’autres conclusions soient démontrées,
c’est-à-dire que la démonstration sera opérée à partir de principes
différents dans des sciences différentes qui se rapportent à des genres
différents. 394.
Il présente le troisième
raisonnement là [279] où il dit : Mais
il est clair que cela est etc., et il dit qu’il est encore manifeste
d’une autre manière que cette position, à savoir que les principes soient les
mêmes pour toutes les sciences, n’est
pas possible; car nous avons montré plus haut que pour des genres différents,
les principes diffèrent par le genre. C’est pourquoi, puisque les sciences
différentes portent sur des genres différents, il s’ensuit que les principes
des sciences différentes sont différents. Mais parce qu’en un sens les
principes communs dont toutes les sciences se servent sont les mêmes, c’est
pourquoi par la suite il fait une distinction sur les principes en disant que
les principes sont de deux sortes. Il y a ceux
avec l’aide desquels on démontre en premier, comme les premiers axiomes
dont celui-ci : il n’est pas
possible à la même chose d’être et de ne pas être. Et en outre il y a ces principes sur lesquels portent les
sciences, c’est-à-dire les sujets des sciences, car nous nous servons des
définitions du sujet comme principes dans les démonstrations. Donc, ces
premiers principes à partir desquels on démontre sont communs à toutes les
sciences : mais les principes sur lesquels reposent les différentes
sciences sont propres à chaque science, comme le nombre est le principe de
l’arithmétique et l’étendue celui de la géométrie. Mais pour qu’il y ait
démonstration, il faut que les principes communs soient appliqués à ces
principes propres. Et parce qu’on ne démontre pas à partir des seuls
principes communs, on ne peut dire que les principes de tous les syllogismes
démonstratifs soient les mêmes, ce qu’il cherche à prouver. |
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LECTIO 44 |
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[79861]
Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 44 n. 1Postquam philosophus ostendit comparationem scientiarum
ad invicem et secundum certitudinem et secundum unitatem et diversitatem, hic
ostendit comparationem scientiae ad alia quae ad cognitionem pertinent. Et
dividitur in duas partes : in prima, agit de comparatione scientiae ad
opinionem, quae est verorum et falsorum ; in secunda, de comparatione
scientiae ad alios habitus cognoscitivos, qui sunt semper verorum ; ibi :
reliqua autem quomodo oportet et cetera. Prima autem pars dividitur in duas partes
: in prima, determinat veritatem ; in secunda, excludit dubitationem ; ibi :
qualiter ergo est idem et cetera. Circa primum tria facit : primo enim,
proponit differentiam esse inter scientiam et opinionem ; secundo, ostendit
quid pertineat ad scientiam ; ibi : quoniam quidem scientia etc. ; tertio,
ostendit quid pertineat ad opinionem ; ibi : sunt autem quaedam vera et
cetera. Dicit ergo primo, quod scientia differt ab opinione ; et similiter scibile, quod est obiectum
scientiae, differt ab opinabili,
quod est obiectum opinionis. [79862]
Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 44 n. 2Deinde cum dicit : quoniam scientia universalis etc.,
ostendit quid pertineat ad scientiam et ponit duo ad eam pertinere : quorum
unum est quod sit universalis. Non enim scientia est de singularibus sub
sensu cadentibus : et hoc supra manifestatum est. Aliud est quod scientia est
per necessaria. Et exponit quid sit necessarium, scilicet illud quod non
contingit aliter se habere. Et hoc etiam est supra manifestatum, quod
demonstratio procedat ex necessariis. [79863]
Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 44 n. 3Deinde cum dicit : sunt autem quaedam etc., ostendit
quid pertineat ad opinionem ; scilicet quod sit circa contingentia aliter se
habere, sive in universali sive in particulari. Et hoc probat tripliciter.
Primo quidem per modum divisionis, dicens quod praeter vera necessaria, quae
non contingunt aliter se habere, sunt quaedam vera non necessaria, quae
contingit aliter se habere. Manifestum est autem ex praedictis, quod circa
huiusmodi non est scientia, quia sic sequeretur quod contingentia non possent
aliter se habere : circa talia enim est scientia, ut iam dictum est.
Similiter etiam non potest dici quod eorum sit intellectus. Et accipimus hic
intellectum non secundum quod intellectus dicitur quaedam potentia animae,
sed secundum quod est principium scientiae ; idest secundum quod est habitus
quidam primorum principiorum, ex quibus procedit demonstratio ad causandam
scientiam. Et ideo ad exponendum quid sit iste intellectus, qui est
principium scientiae, subdit : neque
scientia indemonstrabilis est, scilicet eorum quae contingunt aliter se
habere ; ac si dicat quod intellectus nihil aliud sit quam quaedam scientia
indemonstrabilis. Sicut enim scientia importat certitudinem cognitionis per
demonstrationem acquisitam, ita intellectus importat certitudinem cognitionis
absque demonstratione ; non propter defectum demonstrationis, sed quia id de
quo certitudo habetur, est indemonstrabile et per se notum. Et ideo ad hoc
exponendum, subdit quod scientia demonstrativa nihil aliud est quam certa
existimatio immediatae propositionis. Quod autem intellectus sit scientia
indemonstrabilis patet ex hoc ipso quod dicit quod est principium scientiae.
Cum enim scientia sit necessariorum, et necessaria non concludantur nisi ex
necessariis, ut supra probatum est, necesse est quod intellectus, qui est
principium scientiae, non sit contingentium. [79864]
Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 44 n. 4Ostenso ergo quod neque scientia neque intellectus sunt
contingentium, ponit quamdam divisionem. Et dicit quod contingit verum esse
et intellectum et scientiam et opinionem et quod
per hoc dicitur, idest quod enunciatur voce per intellectum et scientiam
et opinionem veram. Est enim verum et in compositione et divisione
intellectus, et in enunciatione exteriori, in quantum significat interiorem
veritatem opinionis, scientiae vel intellectus. Si ergo cuiuslibet veri vel
est intellectus, vel scientia, vel opinio, et sunt quaedam vera
contingentia, quorum non est neque scientia neque intellectus ; relinquitur
quod circa huiusmodi sit opinio, sive sint actu vera sive sint actu falsa,
dummodo possint aliter se habere. [79865]
Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 44 n. 5Et ad exponendum quid sit opinio, subiungit quod opinio
est acceptio, idest
existimatio quaedam, immediatae
propositionis, et non necessariae. Quod potest duobus modis intelligi :
uno modo sic quod propositio immediata in se quidem sit necessaria, sed ab
opinante accipiatur ut non necessaria ; alio modo, ut in se sit contingens.
Dicitur enim immediata propositio, quaecunque per aliquod medium probari non
potest, sive sit necessaria sive non necessaria. Ostensum est enim supra quod
non proceditur in infinitum in praedicationibus, neque quantum ad media neque
quantum ad extrema ; et hoc non solum analytice in demonstrationibus, sed
etiam logice communiter quantum ad omnes syllogismos. Si igitur sit aliqua
propositio contingens mediata, oportet quod reducatur ad aliquas immediatas.
Non autem reducitur ad immediatas necessarias, quia necessaria non sunt
propria principia contingentium, neque ex necessariis potest concludi
contingens. Unde relinquitur quod sit aliqua propositio immediata contingens.
Sicut, homo non currit, est mediata ; potest enim probari per hoc medium, homo
non movetur, quae etiam est contingens, sed immediata. Existimatio ergo
talium propositionum contingentium immediatarum est opinio : sed per hoc non
excluditur quin etiam acceptio propositionis contingentis mediatae sit
opinio. Sic enim se habet circa contingentia, sicut intellectus et scientia
circa necessaria. [79866]
Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 44 n. 6Secundo ; ibi : et confessum autem est etc., probat
idem per id quod communiter apparet. Et dicit quod id quod dictum est,
scilicet opinionem esse contingentium, est quoddam confessum, idest consentaneum
his quae apparent : opinio enim videtur sonare aliquid debile et incertum ;
et videtur esse aliqua talis natura, quae habeat in se imbecillitatem et
incertitudinem. [79867]
Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 44 n. 7Tertio ; ibi : adhuc autem nullus opinatur probare
etc., probat idem per experimentum. Nullus enim quando opinatur quod
impossibile sit aliter se habere, reputat se opinari ; sed tunc reputat se
scire : quando autem opinatur quod sic est, et quod nihil prohibeat aliter se
habere, tunc reputat se opinari : ac si opinio sit talis, idest contingentis,
scientia autem necessarii. [79868]
Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 44 n. 8Deinde cum dicit : qualiter igitur est idem opinari
etc., movet dubitationem contra praemissa. Et primo, movet dubitationes ;
secundo, solvit ; ibi : aut si quidem sic et cetera. Circa primum movet duas
dubitationes : quarum una est de opinabili et
scibili. Si enim opinio est contingentis, scientia vero necessarii ; non est
autem idem necessarium et contingens ; ergo remanet dubium qualiter possit
homo aliquid idem opinari et scire. Secunda dubitatio est de scientia et
opinione, quare scilicet opinio non sit scientia : si tamen aliquis ponat
quod de omni cognito possit esse opinio. De quolibet enim cognito potest homo
opinari quod possit aliter se habere, nisi forte de primis principiis per se
notis, quorum contraria non cadunt in existimatione : de quibus tamen non est
scientia. Sed circa omnia mediata, quorum est demonstratio et scientia,
potest aliquis existimare quod possibile sit aliter se habere, et ita potest
ea opinari. Non enim opinio est solum de his quae sunt contingentia in sui
natura ; quia secundum hoc, non omne quod quis novit, contingeret opinari.
Sed opinio est de his quae accipiuntur ut contingentia aliter se habere, sive
sint talia sive non. Hoc ergo supposito, videtur quod sit idem scientia et
opinio ; quia tam sciens quam opinans consequuntur scientiam et opinionem per
aliqua media, quousque perveniant ad aliqua immediata, sicut ex dictis patet.
Unde si
aliquis sit procedens per media ad immediata, habet scientiam. Quod autem
opinio per media veniat ad immediata, manifestat per hoc, quia sicut
contingit opinari quia ita est, ita contingit opinari propter quid sit ita.
Hoc autem quod dico propter
quid, significat medium. Unde patet quod opinio potest procedere per
media ad immediata, sive opinio sit eorum quae in natura sua sunt
contingentia, sive sit eorum quae accipiuntur ut contingentia. [79869]
Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 44 n. 9Deinde cum dicit : aut si quidem sic arbitratur etc.,
solvit praedictas dubitationes. Et primo secundam, quae est de identitate
scientiae et opinionis ; secundo, primam, quae est de identitate sciti et
opinati ; ibi : eiusdem autem et cetera. Dicit ergo primo quod si aliquis per
media procedat ad immediata, ita quod illa media non arbitretur ut
contingentia aliter se habere, sed arbitretur ea sic se habere sicut
definitiones, quae sunt media per quae demonstrationes procedunt, non erit
opinio, sed scientia. Si autem aliquis procedat usque ad immediata per aliqua
media vera, quae tamen vel non insint illis, de quibus dicuntur, per se,
sicut definitiones quae praedicantur substantialiter et significant speciem
rei, vel non accipiat ea ut quae sic insunt ; tunc habebit opinionem, et non
sciet vere quia et propter
quid simul, si tamen
procedat usque ad immediata ; tunc enim per immediata opinabitur, et non
sciet. Si vero non procedat per immediata, sed per mediata, tunc non
opinabitur propter quid,
sed opinabitur solum quia.
Nam etiam scientia, quae non est propter
quid et immediata, non est
scientia propter quid,
sed quia. [79870]
Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 44 n. 10Deinde cum dicit : eiusdem autem opinio et scientia
etc., solvit primam dubitationem, quae est de identitate sciti et opinati.
Ubi primo considerandum est quod non est inconveniens id quod est scitum ab
uno, esse opinatum ab alio ; quia quod unus accipit ut impossibile aliter se
habere quasi scitum, alter accipit ut contingens aliter se habere quasi
opinatum. Sed quod idem homo de eodem simul habeat opinionem et scientiam,
non omnino est verum, sed aliquo modo. Sicut enim falsa opinio et vera opinio
possunt esse quodammodo de eodem, sed non simpliciter, sic etiam est de opinione
et scientia. Si quis enim diceret quod opinio vera et falsa essent penitus de
eodem, sicut aliqui dicunt, puta illi qui dicebant quod omne quod alicui
videtur est verum, ut dicitur in IV Metaphys. ; ille qui sic diceret, vellet
consequi aliqua inconvenientia, et multa quidem alia, quae posita sunt in IV
Metaphys., quae consequuntur ex hoc, quod aliquis dicit idem esse verum et
falsum ; et specialiter hoc inconveniens consequeretur ei, quod nulla opinio
esset falsa, et quod ille qui opinatur falsa, non opinaretur. Non ergo potest
dici quod vera opinio et falsa sint eiusdem simpliciter. Sed quia idem
dicitur multipliciter, contingit quodammodo opinionem veram et falsam esse
eiusdem, et quodammodo non. Si enim accipiatur idem subiectum secundum rem,
de quo sunt opiniones, sic de eodem potest esse opinio vera et falsa. Si
autem accipiatur idem esse ipsum enunciabile opinatum, sic hoc est
impossibile. Puta diametrum esse commensurabilem lateri quadrati opinatur
aliquis falsa opinione, et inconveniens est dicere quod hoc enunciabile
aliquis opinetur vera opinione. Sed secundum quod accipimus ipsum subiectum
enunciabile diametrum, sic eiusdem potest esse opinio vera et falsa. Nam
circa diametrum, unus vere opinatur quod sit incommensurabilis, alius falso
quod sit commensurabilis. Et sic manifestum est quod id de quo est opinio et
scientia, etsi sit idem subiecto, non tamen est idem secundum rationem. Est
enim idem subiecto diametrum commensurari, et diametrum non commensurari,
quia subiectum utriusque enunciabilis est idem : tamen manifestum est quod
ratione diameter differt secundum quod accipitur ut commensurabilis, et
secundum quod accipitur ut incommensurabilis. Et sic opinio vera et falsa
possunt esse eiusdem subiecto, non autem eiusdem secundum rationem. Similiter
etiam est et de scientia et de opinione. Nam scientia quidem est de hoc quod
aliquis sciat animal, ita tamen quod non contingat illud non esse animal ;
sed opinio est de hoc quod aliquis scit animal, ita tamen quod contingat
illud non esse animal. Puta si scientia sit quod homo vere sit id quod est
animal, et sic impossibile sit aliter se habere ; opinio vero sit de hoc quod
homo non vere sit id quod est animal, et per hoc contingat aliter se habere.
Manifestum est enim quod idem est subiectum et scitum et opinatum, quod est
homo ; sed non est ut idem ratione. Sic igitur ex dictis manifestum est quod
non contingit simul omnino idem scire et opinari ; quia simul homo haberet
existimationem quod posset aliter se habere, et quod non posset aliter se habere.
Sed in alio homine hoc contingit quod de eodem unus
habet scientiam, et alius opinionem, sicut dictum est. In eodem vero homine
non contingit ratione iam dicta. [79871]
Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 44 n. 11Deinde cum dicit : reliqua autem quomodo etc., comparat
scientiam ad alios habitus qui se habent ad verum. Et primo, ad illos habitus
qui sunt de principiis et de conclusionibus ; secundo, ad habitum qui
specialiter respicit medium ; ibi : solertia autem et cetera. Dicit ergo
primo quod reliqua ab opinione ad cognitionem pertinentia, quomodo
distinguantur in rationem, et intellectum, et scientiam, et artem, et
prudentiam, et sapientiam, quantum ad aliquid pertinent ad considerationem
philosophiae primae, vel etiam philosophiae naturalis ; quantum autem ad
aliquid, ad considerationem philosophiae moralis, quae dicitur Ethica. Ad
cuius evidentiam sciendum est quod Aristoteles in VI Ethic. ponit quinque
quae se habent semper ad verum, scilicet artem, scientiam, sapientiam,
prudentiam et intellectum ; subiungens duo quae se habent ad verum et falsum,
scilicet suspicionem et opinionem. Prima autem quinque se habent solum ad
verum, quia important rectitudinem rationis. Sed tria eorum, scilicet
sapientia, scientia et intellectus, important rectitudinem cognitionis circa
necessaria : scientia quidem circa conclusiones, intellectus autem circa
principia, sapientia autem circa causas altissimas, quae sunt causae divinae.
Alia vero duo, scilicet ars et prudentia, important rectitudinem rationis
circa contingentia. Prudentia quidem circa agibilia, idest circa actus qui
sunt in operante, puta amare, odire, eligere et huiusmodi, quae pertinent ad
actus morales, quorum est directiva prudentia. Ars autem importat
rectitudinem rationis circa factibilia, idest circa ea quae aguntur in
exteriorem materiam, sicut est secare et alia huiusmodi opera, in quibus
dirigit ars. Hic autem addit rationem,
quae pertinet ad deductionem principiorum in conclusiones. Determinare quidem
de sapientia quid sit et quomodo se habeat, et de scientia et intellectu et
arte, pertinet aliqualiter ad philosophiam primam ;
prudentia vero pertinet ad considerationem moralem ; intellectus et ratio,
secundum quod significant potentias quasdam, pertinent ad considerationem
naturalem, ut patet in libro de anima. [79872]
Expositio Posteriorum, lib. 1 l. 44 n. 12Deinde cum dicit : solertia autem est subtilitas etc.,
facit mentionem de quodam habitu, qui specialiter respicit medium. Et dicit
quod solertia est quaedam subtilis et facilis
coniecturatio medii, propter quod aliquid evenit, et hoc quando non habet
magnum tempus ad perspiciendum vel deliberandum : sicut si aliquis videns
quod semper luna, quando convertitur opposita ad solem, splendorem habet per
totum, statim intellexit propter quid hoc sit, scilicet quia illustratur a
sole. Et similiter in actibus humanis, si aliquis videat aliquem pauperem
altercantem cum aliquo divite, cognoscit quod ille dives accommodavit ei
aliquid, et altercantur de redditione ; vel si aliquis videns aliquos, qui
prius fuerant inimici, esse factos amicos, cognovit propter quid hoc sit,
quia scilicet sunt inimici eiusdem. Et quod cognoscere medium sit cognoscere
propter quid, manifestat dupliciter : primo quidem per rationem, quia talis
solers videns omnes causas medias, cognovit et ultimas, in quas fit ultimo
resolutio, per quas cognoscitur propter quid ; secundo, manifestat per
exemplum ordinatum in syllogismo. Ut ponamus lunam esse c, idest minorem extremitatem ; sed esse splendidum per oppositionem ad
solem sit a, idest maior extremitas ; sed illuminari a sole sit b, idest
medium. C enim est b, idest
luna habet lumen a sole ; et a inest ipsi b, quia quod habet lumen a sole
splendet conversum ad solem ; et sic probatur quod a insit ipsi c per b. Unde
patet quod solertia est quaedam perspicacitas velociter apprehendendi medium
: quod contingit ex naturali aptitudine, et etiam ex exercitio. Posuit autem
diversa exempla solertiae, ut ostendat quod in omnibus praedictis habitibus,
scilicet prudentia et sapientia etc., possit esse solertia. |
LEÇON 44. Sur la
comparaison de la science aux autres sortes de connaissances
(nn.
395-406; [280-289]). 395.
Après avoir mis en lumière les rapports qu’il y a entre les sciences à la
fois selon la certitude et selon l’unité et la diversité, le Philosophe
manifeste ici les rapports qu’il y a entre la science et les autres modes de
connaître. Et cette section se divise en deux
parties : dans la première [280] il traite du rapport entre la science
et l’opinion qui se rapporte à la fois au vrai et au faux; dans la deuxième
il traite du rapport entre la science et les autres habitus cognitifs qui se
rapportent toujours au vrai, là [288] où il dit : Mais pour le reste, il faut voir comment etc. Mais la première partie se divise en
deux : dans la première il détermine la vérité; dans la seconde il
écarte une difficulté, là [285] où il dit : Donc, de quelle manière la même chose est etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu en effet il présente une différence entre la
science et l’opinion; en deuxième lieu, il montre ce qui appartient à la
science, là [281] où il dit : Mais
puisque la science etc.; en troisième lieu il montre ce qui appartient à
l’opinion, là [282] où il dit : Mais
bien qu’il y ait des choses qui soient vraies etc. Il dit donc en premier lieu [280] que la
science diffère de l’opinion; et que de la même manière, ce qui est scientifique, et qui est objet de
science, diffère du conjectural qui
est objet d’opinion. 396.
Ensuite lorsqu’il dit [281] : Puisque
la science est universelle etc., il montre ce qui appartient à la science
et il présente deux choses qui lui appartiennent, dont la première est qu’elle est universelle. La science en effet n’a
pas pour objet les singuliers qui tombent sous le sens : et cela a été
manifesté plus haut. L’autre point
est que la science procède au moyen de propositions qui sont nécessaires. Et
il explique ce qu’est le nécessaire en disant que le nécessaire est ce qui ne
peut être autrement qu’il n’est. Et cela aussi a été manifesté plus haut, à
savoir que la démonstration procède de propositions qui sont nécessaires. 397.
Ensuite lorsqu’il dit [282] : Mais
il y a certaines choses qui sont vraies etc., il montre ce qui appartient
à l’opinion, à savoir qu’elle a pour objet le contingent qui peut être
autrement qu’il n’est, qu’il soit universel ou particulier. Et il prouve cela de trois manières. Et il le prouve en premier lieu par mode de division en disant qu’en dehors du
vrai qui est nécessaire, qui ne peut être autrement qu’il n’est, il y a le
vrai qui n’est pas nécessaire et qui peut être autrement. Mais il est
manifeste en nous appuyant sur ce que nous avons déjà dit que la science ne
peut porter sur le contingent car il s’ensuivrait alors que le contingent ne
pourrait être autrement qu’il n’est : la science en effet, ainsi que nous
l’avons déjà dit, porte sur ce qui ne peut être autrement. De la même
manière, on ne peut dire que le contingent soit l’objet de l’intelligence. Et
il ne faut pas entendre ici l’intelligence selon qu’elle est une puissance de
l’âme, mais plutôt selon qu’elle est le principe de la science, c’est-à-dire
selon qu’elle est l’habitus des premiers principes d’où procède la
démonstration pour causer la science. Et c’est pourquoi, pour expliquer quelle
est cette intelligence qui est principe de science, il ajoute : et la science qui se rapporte à ce qui est
indémontrable ne s’occupe pas des choses qui peuvent être autrement; et
c’est comme s’il disait que cette intelligence n’est rien d’autre qu’une
science de ce qui est indémontrable. En effet, tout comme la science implique
la certitude de la connaissance acquise par voie de démonstration, de même
l’intelligence implique elle aussi la certitude de la connaissance sans
emprunter la voie de la démonstration; et il en est ainsi de l’intelligence
non pas en raison d’un défaut de démonstration mais bien parce que l’objet
sur lequel la certitude est acquise est indémontrable et connu par lui-même. Et c’est pourquoi, pour expliquer cela, il
ajoute que la science démonstrative n’est rien d’autre qu’une appréhension
certaine d’une proposition immédiate. Mais que l’intelligence ainsi entendue
soit une science de l’indémontrable, cela est évident à partir de cela même
qu’il dit, à savoir qu’elle est principe de science. En effet, puisque la
science a pour objet le nécessaire et que les conclusions nécessaires ne
peuvent être tirées que de principes nécessaires comme nous l’avons prouvé
plus haut, il faut absolument que l’intelligence qui est principe de science
n’ait pas pour objet le contingent. 398.
Ayant donc montré que ni la science ni l’intelligence n’ont pour objet le
contingent, il pose une division. Et il dit que peuvent être vraies à la fois
l’intelligence, la science et l’opinion, ainsi que ce
qu’elles disent, c’est-à-dire ce qui est exprimé extérieurement par la parole
à la fois par l’intelligence, la science et l’opinion vraies. En effet, le
vrai existe dans la composition et la division de l’intelligence et aussi
dans l’énonciation extérieure dans la mesure où cette dernière exprime la
vérité conçue intérieurement par l’opinion, la science ou l’intelligence. Si
donc pour toute vérité il y a soit intelligence,
soit science soit opinion, et qu’il existe certaines
vérités contingentes pour lesquelles il n’y a ni science ni intelligence, il
s’ensuit que c’est sur de telles vérités contingentes que portera l’opinion,
peu importe qu’elles soient vraies en acte ou fausses en acte, pourvu
qu’elles puissent être autrement. 399.
Et pour expliquer ce qu’est l’opinion, il ajoute que l’opinion est une réception, c’est-à-dire une certaine
appréhension d’une proposition
immédiate et non-nécessaire. Ce qui peut s’entendre de deux manières : en
un premier sens de telle manière que la proposition immédiate soit en
elle-même nécessaire mais qu’elle soit reçue comme étant non-nécessaire par
celui qui en a une opinion; en un
deuxième sens de telle manière que cette proposition immédiate soit en
elle-même contingente. On dit en effet qu’est immédiate toute
proposition qui ne peut être prouvée par un moyen terme, qu’elle soit
nécessaire ou non-nécessaire. Nous avons en effet prouvé plus haut qu’on ne
peut procéder à l’infini dans les attributions, ni quant aux moyens termes, ni quant aux termes extrêmes; et il en est ainsi
non seulement selon un mode analytique dans les démonstrations, mais aussi en
général, même selon un mode dialectique par rapport à tous les syllogismes. Si donc il existe une proposition
contingente médiate, il faut qu’elle soit ramenée à des propositions
immédiates. Mais elle ne se ramène pas à des propositions immédiates
nécessaires, car ces dernières ne sont pas les principes propres de ce qui
est contingent et le contingent ne peut être conclu à partir de prémisses
nécessaires. D’où il s’ensuit qu’elle se ramènera à une proposition immédiate
contingente. Par exemple, l’homme ne
court pas est une proposition médiate; elle peut en effet être prouvée
par ce moyen terme, l’homme ne se meut
pas, qui est aussi une proposition contingente, mais immédiate. Donc,
l’appréhension de telles propositions contingentes immédiates est une
opinion : mais en disant cela on n’exclut pas que même l’appréhension
d’une proposition contingente médiate soit une opinion. En effet, tout comme
la science et l’intelligence se rapportent au nécessaire, l’opinion se
rapporte au contingent. 400.
En deuxième lieu, là [283] où il
dit : Mais cela s’accorde
etc., il prouve la même chose au moyen de ce qu’on observe communément. Et il
dit que ce qui a été dit, à savoir que l’opinion a pour objet le contingent,
cela s’accorde, c’est-à-dire que
cela est conforme aux faits observés : l’opinion en effet s’entend comme
quelque chose de faible et d’instable; et ce qui possède en soi une faiblesse
ou une instabilité semble avoir en soi cette nature. 401.
En troisième lieu, là [284] : Mais en outre nul ne croit avoir une
simple opinion etc., il prouve la même chose par l’expérience. Jamais en
effet on ne pense avoir une simple opinion quand on pense qu’il est
impossible que la chose soit autrement; dans ce cas, au contraire, on pense
savoir. Mais quand on croit que la chose est ainsi mais que rien n’empêche
que la chose soit autrement, alors on pense avoir une opinion : car on
croit que l’objet de l’opinion, à savoir le continent, est tel tandis qu’on
estime que celui de la science est le nécessaire. 402.
Ensuite lorsqu’il dit [285] : Donc,
de quelle manière la même chose peut être l’objet à la fois d’opinion etc.,
il soulève une difficulté par rapport à ce qui vient d’être dit. Et en premier lieu il soulève les
difficultés; en deuxième lieu, il les résout, là [286] où il dit : Ou si quelqu’un croit ainsi etc. Au sujet du premier point il soulève deux difficultés, dont la première porte sur l’objet de la science et sur l’objet de l’opinion. Si en effet
l’objet de l’opinion est le contingent et celui de la science le nécessaire, et que le contingent n’est
pas la même chose que le nécessaire, il s’ensuit donc qu’il est difficile de
voir comment l’homme puisse avoir sur la même chose une connaissance
d’opinion et une connaissance de science. La
deuxième difficulté porte sur la science et sur l’opinion, c’est-à-dire
qu’on cherche à savoir pourquoi l’opinion n’est pas la science, si on pose
néanmoins que pour tout ce qui est connu on puisse avoir une opinion. Sur
tout ce qui est connu en effet l’homme peut penser qu’il peut en être
autrement, sauf peut-être sur les premiers principes connus par soi, dont les
contraires ne peuvent être conçus par l’intelligence et qui cependant ne sont
pas objet de science. Mais quant à l’ensemble des propositions médiates pour lesquelles
il y a démonstration et science, quelqu’un pourrait penser qu’il pourrait en
être autrement, et alors elles pourraient être objet d’opinion. L’opinion en
effet ne porte pas seulement sur ce qui est contingent de par sa nature car
alors, s’il en était ainsi, ce ne serait par tout ce qui est connu de l’homme
qui pourrait être objet d’opinion. Mais l’opinion, en vérité, porte sur tout
ce qui est reçu comme pouvant être autrement, que les choses en elles-mêmes
soient véritablement ainsi ou non. Partant donc de là, il semble que la
science et l’opinion soient identiques, puisque celui qui sait, tout comme
celui qui a une opinion, poursuivent la science et l’opinion par des moyens
termes jusqu’à ce qu’ils en arrivent à des propositions immédiates ainsi qu’on
le voit à partir de ce que nous avons dit. C’est pourquoi, si quelqu’un
procède vers des propositions immédiates grâce à des moyens termes, il
possède la science. Mais que l’opinion procède vers des propositions
immédiates grâce à des moyens termes, il le manifeste par ceci que tout comme
il est possible d’avoir une opinion sur le fait, de même il est possible
d’avoir une opinion sur le pourquoi du fait. Mais ce qu’il appelle le pourquoi signifie le moyen terme.
D’où il est clair que l’opinion peut procéder vers des propositions
immédiates par des moyens termes, peu importe que l’opinion porte sur des
choses qui sont contingentes de par leur nature ou qu’elle porte sur des
choses qui sont prises comme étant contingentes. 403.
Ensuite lorsqu’il dit [286] : Mais
si on croit etc., il résout les difficultés qui précèdent. Et en premier lieu il résout la deuxième
qui porte sur l’identité de la science et de l’opinion; en deuxième lieu il
résout la première qui porte sur l’identité de l’objet de science et de
l’objet d’opinion, là [287] où il dit : Mais l’objet de l’opinion et celui de la science ne sont pas
identiques etc. Il dit donc en premier lieu [286] que si
quelqu’un procède vers des propositions immédiates grâce à des moyens termes
de telle manière que ces derniers ne soient pas considérés comme pouvant être
autrement mais qu’ils soient vus comme se présentant comme des définitions
qui sont les moyens termes d’où procèdent les démonstrations, il n’y aura pas
alors opinion mais science. Mais s’il en vient à des propositions immédiates
par des moyens termes qui sont vrais mais qui n’appartiennent cependant pas
essentiellement aux sujets auxquels on les attribue comme c’est le cas pour
les définitions qui s’attribuent essentiellement et qui signifient l’espèce
de la chose, ou qu’il ne les prenne pas comme s’attribuant ainsi,
c’est-à-dire essentiellement, alors il ne possédera qu’une opinion et non pas
véritablement la science du fait et
du pourquoi simultanément, même
s’il procède jusqu’aux propositions immédiates, car alors il en sera arrivé
en effet, par ces propositions immédiates, à une opinion et non à la science.
Mais par ailleurs, s’il procède non pas au moyen de propositions immédiates
mais par des propositions médiates, alors il n’aura pas une opinion du pourquoi, mais seulement du fait. Car même la science qui ne porte
pas sur le pourquoi et ne procède
pas par des propositions immédiates n’est pas une science du pourquoi mais une science du fait. 404.
Ensuite lorsqu’il dit [287] : Mais
l’objet de la science et celui de l’opinion ne sont pas les mêmes etc.,
il résout la première difficulté qui se rapporte à l’identité de l’objet de
l’opinion et de l’objet de la science. Et là il faut en premier lieu considérer que rien n’empêche que ce qui est connu
de science par l’un soit connu d’opinion par l’autre car ce que l’un
considère comme ne pouvant être autrement et comme connu de science, l’autre
le considère comme pouvant être autrement et comme connu d’opinion. Mais que
le même homme ait simultanément sur la même chose science et opinion, cela
n’est pas vrai absolument mais seulement d’une certaine manière. En effet,
tout comme il peut y avoir opinion vraie et opinion fausse sur la même chose
d’une certaine manière mais non absolument, de même l’objet de la science et
celui de l’opinion peuvent être le même d’une certaine façon. Si en effet
quelqu’un disait que l’objet de la science et celui de l’opinion sont tout à
fait identiques au sens où certains le disaient, comme ceux qui soutenaient
que tout ce qui apparaît à un tel est vrai, comme on le dit au quatrième
livre de la Métaphysique, celui qui
parlerait ainsi s’exposerait à certaines impossibilités et à de nombreuses
autres qui ont été présentées au quatrième livre de la Métaphysique, et qui découlent de l’affirmation que le vrai et le
faux sont identiques; et en particulier, il s’ensuivrait pour lui qu’aucune
opinion ne serait fausse et que celui qui aurait une opinion fausse n’aurait
pas une opinion. On ne peut donc dire que l’opinion vraie et l’opinion fausse
ont le même objet absolument. Mais parce que le terme identique se dit en plusieurs sens, il
est possible en un certain sens que l’opinion vraie et l’opinion fausse aient
le même objet, mais non en un autre sens. Si en effet on prend comme étant
identique le sujet lui-même en tant que chose et auquel se rapportent les
opinions, en ce sens l’opinion vraie et l’opinion fausse pourront avoir un
objet identique. Mais si on prend comme étant identique l’opinion elle-même
qui peut être énoncée, cela est impossible. Par exemple quelqu’un peut croire
par une opinion fausse que la diagonale est commensurable au côté du carré et
il serait absurde de dire que quelqu’un adhère à cet énoncé par une opinion
vraie. Mais si nous prenons comme sujet la diagonale elle-même qui est
l’objet de l’énoncé, en ce sens l’opinion vraie et l’opinion fausse auront un
objet identique. Car sur la même diagonale, l’un aura une opinion vraie, à
savoir qu’elle est incommensurable, et l’autre une opinion fausse en croyant qu’elle
est commensurable. Et ainsi il devient manifeste que l’objet sur lequel porte
la science et l’opinion, bien qu’il soit identique par le sujet, n’est
cependant pas identique selon la raison. Est en effet identique par le sujet
la diagonale dont on dit qu’elle est commensurable et qu’elle n’est pas
commensurable car le sujet des deux énoncés est le même : il est
cependant manifeste que la diagonale, selon qu’on la prend comme
commensurable, diffère par la raison de la diagonale prise comme incommensurable.
Et ainsi, l’opinion vraie et l’opinion fausse peuvent avoir un objet
identique par le sujet, mais elles ne peuvent avoir un objet identique par la
raison. Il en est encore de même pour la science
et l’opinion. Car la science porte certes sur ce que qu’on sait être un
animal de telle manière cependant qu’il ne soit pas possible que cela ne soit
pas un animal; mais l’opinion se rapporte à ce que quelqu’un appréhende comme
étant un animal de telle manière cependant qu’il soit possible que cela ne
soit pas un animal. Il en serait ainsi par exemple si la science appréhende
l’homme comme étant véritablement ce qu’est un animal, et de telle manière
qu’il soit impossible qu’il en soit autrement; il y a opinion par ailleurs si
on considère que l’homme n’est pas véritablement ce qu’est un animal et
qu’ainsi il puisse en être autrement. Il est manifeste en effet dans cet
exemple que l’homme est le même sujet à la fois pour la science et pour
l’opinion, mais il n’est pas le même par la raison ou la définition. Ainsi
donc, en nous appuyant sur ce qui a été dit, il est clair qu’il n’est pas
possible que savoir et avoir une opinion soient absolument identiques en même
temps et à l’égard de la même chose car alors la même chose serait saisie
simultanément comme pouvant et ne pouvant pas être autrement qu’elle n’est.
Mais lorsqu’il s’agit de deux hommes différents, il est possible que pour la
même chose l’un d’eux ait une connaissance de science et l’autre une
connaissance d’opinion, ainsi que nous l’avons dit. Mais chez un même homme,
simultanément, cela n’est pas possible pour la raison que nous avons dite. 405.
Ensuite lorsqu’il dit [288] : Mais
pour le reste, comment etc., il compare la science aux autres habitus qui
se rapportent au vrai. Et en premier lieu, il la compare à ces
habitus qui se rapportent aux principes et aux conclusions; en deuxième lieu,
il la compare à l’habitus qui se rapporte spécialement au moyen terme, là
[289] où il dit : Mais la sagacité
etc. Il dit donc en premier lieu [288] que pour
le reste de ce qui appartient à la connaissance et qui se distingue de
l’opinion, comment cela se distingue en raison, intelligence, science, art,
prudence et sagesse, cela relève sous un certain rapport de l’étude de la
philosophie première ou encore de la philosophie de la nature; mais sous un
autre rapport, cela relève de la considération de la philosophie morale qu’on
appelle l’Éthique. Et pour en avoir l’évidence, il faut
savoir qu’Aristote au quatrième livre de l’Éthique
présente cinq habitus qui se rapportent toujours au vrai, à savoir l’art,
la science, la sagesse, la prudence et l’intelligence, en leur ajoutant deux
habitus qui se rapportent au vrai et au faux, à savoir le soupçon et
l’opinion. Mais les cinq premiers habitus se
rapportent seulement au vrai car ils impliquent une rectitude de la raison.
Mais parmi eux, il y en a trois qui impliquent une rectitude de la raison à
l’égard du nécessaire, à savoir la sagesse, la science et
l’intelligence : parmi ces derniers, la science implique la rectitude à
l’égard des conclusions, l’intelligence à l’égard des principes et la sagesse
à l’égard des causes les plus élevées qui sont les causes divines. Mais les
deux autres habitus, à savoir l’art et la prudence, impliquent une rectitude
de la raison à l’égard du contingent. Mais la prudence implique cette
rectitude à l’égard de l’agir, c’est-à-dire par rapport aux actes qui ont
lieu dans celui qui agit, par exemple aimer, haïr, choisir et les actes de
cette sorte qui appartiennent aux actes moraux et dont la prudence est le
guide. L’art cependant implique une rectitude de la raison à l’égard de ce
qu’on peut fabriquer, c’est-à-dire à l’égard de ce qui est fait dans une
matière extérieure, comme lorsqu’on coupe ou qu’on pose d’autres opérations
de cette sorte pour lesquelles l’art donne des règles. Mais il ajoute ici la raison, laquelle s’occupe de conduire les principes vers les
conclusions. Certes, traiter de la sagesse pour
préciser ce qu’elle est et comment elle se présente, tout comme traiter de la
science, de l’intelligence et de l’art, cela appartient d’une certaine
manière à la philosophie première; mais traiter de la prudence relève de
l’étude de la morale; enfin traiter de l’intelligence et de la raison selon
qu’elles signifient certaines puissances de l’âme, cela relève de l’étude de
la philosophie de la nature ainsi qu’on le voit au livre intitulé De l’âme. 406.
Ensuite lorsqu’il dit [289] : Mais
la sagacité est une certaine finesse à etc., il fait mention d’un habitus
qui se rapporte spécialement au moyen terme. Et il dit que la sagacité est une certaine finesse
et une habileté à juger du moyen terme en raison duquel quelque chose se
produit, et cela lorsqu’il n’y a pas beaucoup de temps pour réfléchir et
délibérer : par exemple, si quelqu’un voit que la Lune a toujours son
côté brillant tourné vers le Soleil, il comprend aussitôt pour quelle raison
il en est ainsi, à savoir parce qu’elle est éclairée par le Soleil. Et de
même dans les actes humains, si quelqu’un voyait un pauvre parler avec un
riche, il connaîtrait aussitôt que ce riche lui a donné quelque chose et
qu’ils discutent de la restitution; ou bien encore si quelqu’un, voyant que
certains hommes qui étaient des ennemis dans le passé sont devenus des amis,
connaît aussitôt la raison pour laquelle il en est ainsi, à savoir parce
qu’ils ont un ennemi commun. Et il manifeste de deux manières que connaître le moyen terme c’est connaître le
pourquoi ou la cause : en premier
lieu il le manifeste par un raisonnement car celui qui possède une telle
pénétration d’esprit en voyant tous les moyens termes qui sont des causes
connaît aussi les derniers par lesquels est connu le pourquoi et dans
lesquels se fait la résolution ultime. Il le manifeste en deuxième lieu par un exemple disposé en syllogisme. Supposons
par exemple que la Lune est C, à savoir le petit terme; mais briller en étant
exposé au Soleil est A, c’est-à-dire le grand terme; et être éclairé par le
Soleil est B, c’est-à-dire le moyen terme. En effet, C est B, c’est-à-dire
que la Lune reçoit sa lumière du Soleil; et A appartient à B, car ce qui
reçoit sa lumière du Soleil brille lorsqu’il est tourné vers lui; et ainsi on
prouve que A appartient à C par B. D’où il est clair que la sagacité est une
facilité à saisir rapidement le moyen terme, ce qui vient soit d’une aptitude
naturelle, soit encore de l’exercice. Mais il a présenté différents exemples
de sagacité pour montrer que cette dernière peut exister dans tous les
habitus présentés plus haut, à savoir dans la prudence, la sagesse etc. |
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LIBER 2 |
LIVRE II. DES PRINCIPES
DU SYLLOGISME DÉMONSTRATIF
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LECTIO 1 |
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[79873] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 1 n. 1Postquam philosophus in primo libro
determinavit de syllogismo demonstrativo, in hoc libro intendit determinare
de principiis eius. Est autem duplex principium demonstrativi syllogismi,
scilicet medium eius et primae propositiones indemonstrabiles. Dividitur ergo
liber iste in duas partes : in prima, determinat de cognitione medii in demonstrationibus
; in secunda, de cognitione primarum propositionum ; ibi : de principiis
autem qualiter fiunt cognita et cetera. Quia enim in primo libro habitum est
quod omnis doctrina et omnis disciplina fit ex praeexistenti cognitione ; in
demonstrationibus autem cognitio conclusionis acquiritur per aliquod medium
et per primas propositiones indemonstrabiles ; residuum erat investigare
qualiter ista innotescant. Prima autem pars dividitur in duas partes : in
prima, investigat quid sit medium in demonstrationibus ; in secunda parte
inquirit quomodo illud medium nobis innotescat ; ibi : quomodo autem quod
quid est ostenditur et cetera. Quia vero medium in demonstrationibus
assumitur ad aliquid innotescendum de quo poterat esse dubitatio vel
quaestio, ideo circa primum duo facit : primo enim, ponit numerum quaestionum
; secundo, ex ipsis quaestionibus investigat propositum, ostendens qualiter
quaestiones pertineant ad medium demonstrationum ; ibi : quaerimus autem cum
quaeramus et cetera. Circa primum tria facit : primo, enumerat quaestiones ;
secundo, manifestat compositas quaestiones ; ibi : cum quidem enim utrum hoc
etc. ; tertio, simplices ; ibi : quaedam autem alio modo et cetera. [79874] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 1 n. 2Dicit ergo primo quod aequalis est numerus
quaestionum et eorum quae sciuntur. Cuius ratio est, quia scientia est
cognitio per demonstrationem acquisita. Eorum autem oportet per
demonstrationem cognitionem acquirere, quae ante fuerint ignota : et de his
quaestiones facimus, quae ignoramus. Unde sequitur quod ea quae quaeruntur sint aequalia numero his quae
sciuntur. Quatuor autem sunt quae quaeruntur,
scilicet quia, propter quid, si est et quid est : ad quae quatuor
reduci potest quidquid est quaeribile vel scibile. Dividit autem in I
topicorum quaestiones sive problemata aliter in
quatuor, quae omnia comprehenduntur sub una harum quaestionum, quae dicitur
quaestio quia. Non enim ibi intendit nisi de quaestionibus ad
quas dialectice disputatur. [79875] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 1 n. 3Deinde cum dicit : cum quidem enim utrum
hoc etc., manifestat propositas quaestiones, et primo compositas. Ad cuius
evidentiam considerandum est quod, cum scientia non sit nisi veri, verum
autem significetur solum per enunciationem, oportet solam enunciationem esse
scibilem, et per consequens quaeribilem. Sicut autem in II perihermeneias
dicitur, enunciatio dupliciter formatur. Uno quidem modo, ex nomine et verbo
absque aliquo apposito, ut cum dicitur homo est ; alio modo, quando aliquid
tertium adiacet, ut cum dicitur homo est albus. Potest igitur quaestio
formata referri, vel ad primum modum enunciationis, et sic erit quasi
quaestio simplex ; vel ad secundum modum, et sic erit quaestio quasi
composita, vel in numerum ponens, quia videlicet quaeritur de compositione
duorum. Circa hunc ergo modum enunciationis duplex quaestio formari potest.
Una quidem, an hoc sit verum quod dicitur. Et hanc quaestionem primo exponit,
dicens quod cum de aliqua re quaerimus utrum illa res sit hoc aut illud,
et sic quodammodo ponimus in numerum (accipiendo scilicet duo, quorum unum
est praedicatum et aliud subiectum ; puta cum quaerimus utrum sol sit
deficiens per eclipsim vel non, et utrum homo sit animal vel non), tunc
dicimur quaerere quia : non ita quod hoc quod dico quia sit
nota vel signum interrogationis, sed quia ad hoc quaerimus ut sciamus quia
ita est. Cuius signum est, quia cum invenerimus per demonstrationem,
quiescimus a quaerendo ; et si in principio hoc scivissemus, non quaereremus
utrum ita sit. Inquisitio autem non cessat, nisi habito eo quod quaerebatur.
Et ideo cum quaestio qua quaerimus utrum hoc sit hoc, cesset
habito quod ita est, manifestum est quid huiusmodi quaestio quaerit. [79876] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 1 n. 4Deinde cum dicit : cum autem scimus etc.,
manifestat consequentem quaestionem, quae etiam in numerum ponit ; et dicit
quod cum scimus quia ita est, quaerimus propter quid ita
sit. Puta, cum scimus quia sol est deficiens per eclipsim, et quod terra est
mota in terraemotu, quaerimus propter quid sol deficiat, aut propter quid
terra moveatur. Hoc igitur sic quaerimus, ponentes scilicet in numerum. [79877] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 1 n. 5Deinde cum dicit : quaedam autem alio modo
etc., manifestat alias duas quaestiones, quae non ponunt in numerum, sed sunt
simplices. Et dicit quod quaedam quaerimus alio modo a praedictis
quaestionibus, scilicet non ponentes in numerum ; utpote si quaeramus an sit
Centaurus vel non : hic enim simpliciter quaeritur de Centauro an sit,
non autem quaeritur an Centaurus sit hoc, puta album vel non. Et sicut
scientes quia hoc est illud, quaerebamus propter
quid, ita etiam scientes de aliquo quia est simpliciter,
quaerimus quid sit illud, puta quid est Deus, aut quid est
homo. Haec igitur et tot sunt illa quae quaerimus : quae cum invenerimus,
dicimur scire. [79878] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 1 n. 6Deinde cum dicit : quaerimus autem cum
quaeramus etc., ostendit qualiter praedictae quaestiones se habeant ad
medium. Et circa hoc tria facit : primo, proponit quod intendit ; secundo,
manifestat quod dixerat ; ibi : dico autem quia etc. ; tertio, probat
propositum ; ibi : contingit itaque in omnibus quaestionibus et cetera. Circa
primum sciendum est quod praedictarum quatuor quaestionum, quarum duae ponunt
in numerum et duae non ponunt, primam utrarumque in unam coordinat, scilicet
quaestionem quia et quaestionem an est. Et dicit
quod cum quaerimus quia hoc est hoc, aut cum quaerimus de aliquo
simpliciter si est, nihil aliud quaerimus quam utrum aliquod
medium ipsius quod quaerimus sit invenire vel non. Quod non dicitur secundum
ipsam formam quaestionis. Non enim cum quaero an sol eclipsetur, vel an homo
sit, ex ipsa forma quaestionis quaero an sit aliquod medium, quo
possit demonstrari vel solem eclipsari, vel hominem esse : sed si sol
eclipsatur, vel homo est, consequens est quod sit aliquod medium invenire ad
demonstrandum ista quae quaeruntur. Non enim fit quaestio de immediatis, quae
etsi vera sunt, non tamen habent medium ; quia huiusmodi, cum sint manifesta,
sub quaestione non cadunt. Sic ergo qui quaerit an hoc sit hoc, vel an hoc
sit simpliciter, ex consequenti quaerit an sit huiusmodi medium. Quaeritur
enim in quaestione si est, vel quia est, an sit id
quod est medium ; quia id quod est medium est ratio eius, de quo quaeritur an
hoc sit hoc, vel an simpliciter, ut infra dicetur. Non tamen quaeritur sub
ratione medii. Contingit autem, invento quod quaeritur per has duas
quaestiones, cognoscere aut quia est aut si est
: quorum alterum est cognoscere esse simpliciter, alterum esse in parte,
sicut cum cognoscimus quod homo est albus ; quia esse album non significat
totaliter esse hominis, sed significat ipsum esse aliquid ; et ideo cum homo
fit albus, non dicitur generari simpliciter, sed generari secundum quid. Sed
cum dicitur, homo est, significatur ipsum esse simpliciter ; et cum homo fit
ens, dicitur generari simpliciter. Cum ergo cognito quia est,
quaerimus propter quid est, aut cognito si est,
quaerimus quid est, tunc quaerimus quid sit medium. Et hoc similiter
est accipiendum non secundum formam quaestionis, sed secundum concomitantiam.
Non enim qui quaerit causam propter quam sol eclipsatur, quaerit ipsam ut
medium demonstrans, sed quaerit id quod est medium : quia consequens est ut,
hoc habito, possit demonstrare. Et eadem ratio est de quaestione quid
est. [79879] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 1 n. 7Deinde cum dicit : dico autem quia aut si
est etc., manifestat quod dixerat, quod quia est et si
est differunt sicut in parte et simpliciter. Cum enim quaerimus
utrum deficit luna aut utrum augetur, est quaestio in parte : in huiusmodi
enim quaestione quaerimus si luna est aliquid ; puta si deficiens, vel aucta,
aut non. Sed cum quaerimus an luna sit, sive an nox sit, est quaestio de esse simpliciter. [79880] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 1 n. 8Deinde cum dicit : contingit itaque in
omnibus etc., probat propositum, scilicet quod praedictae quaestiones
pertineant ad medium. Et primo, probat per rationem ; secundo, probat per
signum ; ibi : quod autem sit medii et cetera. Concludit ergo primo ex
praemissa manifestatione quod in omnibus praedictis quaestionibus, vel
quaeritur an sit medium, scilicet in quaestione quia et in
quaestione si est ; vel quaeritur quid est medium, scilicet in
quaestione propter quid et in quaestione quid est.
Et probat quod quaestio propter quid quaerat quid sit
medium. Manifestum est enim quod causa est medium in demonstratione, quae
facit scire ; quia scire est causam rei cognoscere. Causa autem est quod
quaeritur in omnibus praedictis quaestionibus. Quod primo manifestat in
quaestione quia. Cum enim quaeritur utrum luna deficiat,
quaeritur secundum modum supra expositum, utrum aliquid sit causa defectus
lunae vel non. Et consequenter hoc manifestat in quaestione propter
quid. Cum enim scimus quia est aliquid causa defectus
lunae, quaeritur quid sit causa ; et hoc est quaerere propter quid.
Et eadem ratio est in aliis duabus quaestionibus, ut per sequentia
manifestat. Dicit enim quod, sive accipiamus aliquam rem esse non hoc aut hoc
(puta cum dico homo est albus, aut grammaticus), sed accipiamus ipsam
substantiam esse simpliciter ; sive etiam non accipiamus rem aliquam esse
simpliciter, sed rem aliquam esse aliquid, ponendo in numerum, (sive illud
aliquid sit de numero eorum quae praedicantur per se, sive de numero eorum
quae praedicantur per accidens), sive hoc modo sive illo accipiamus rem esse,
causa eius est medium ad demonstrandum ipsam. Exponit autem consequenter quod
dixit, simpliciter substantiam esse, cum quaerimus de luna, aut
de terra, aut de triangulo, aut de quolibet subiecto an sit, et
ad hoc demonstrandum accipitur aliquod medium. Dico autem rem esse
aliquid, cum quaerimus eclipsim de luna, aut aequalitatem, aut
inaequalitatem de triangulo, aut de terra utrum sit in medio mundi vel non.
Et ostendit quod non differt quantum ad propositum utrolibet modo accipiatur
rem esse ; quia in omnibus praedictis idem est quid est et propter
quid. Et hoc manifestat primo in defectu lunae. Si enim quaeratur quid
est defectus lunae : respondetur quod est privatio luminis a luna
propter terram, quae obiicitur inter ipsam et solem. Et hoc idem respondemus
si quaeratur propter quid luna deficit. Dicimus enim quod
luna deficit propter defectum luminis ex oppositione terrae. Et idem
manifestat in alio exemplo. Si enim quaeratur quid est consonantia
: respondetur quod est ratio, idest proportio numerorum secundum acutum et
grave. Et rursum si quaeratur propter quid acutum consonat
gravi : respondetur propter id quod habent numeralem proportionem acutum et
grave. Sic ergo quaestio quid est et quaestio propter
quid redeunt in idem subiecto, quamvis differant ratione. Unde quia
cum quaeritur propter quid, quaeritur quid sit medium, ut
ostensum est, relinquitur quod cum quaeritur quid est, similiter
quaeratur medium. Et idem ostendit in quaestione quia. Ut enim
dictum est, consonantia est ratio in numeris acuti et gravis : cum ergo
quaeritur utrum acutum et grave consonent, quaeritur utrum sit aliqua ratio
numeralis acuti et gravis ; et hoc est medium ad demonstrandum quod acutum et
grave consonant. Relinquitur
ergo quod in quaestione quia quaeritur an
sit medium. Cum autem acceperimus quia est
aliqua ratio numeralis acuti et gravis, quaeremus quae sit illa ratio. Et hoc est quaerere quid vel propter
quid. [79881] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 1 n. 9Videtur hic Aristoteles dicere quod
definitio passionis sit medium in demonstratione. Sed considerandum est quod
definitio passionis perfici non potest sine definitione subiecti. Manifestum
est enim quod principia, quae continet definitio subiecti, sunt principia
passionis. Non ergo demonstratio resolvet in primam
causam, nisi accipiatur ut medium demonstrationis definitio subiecti. Sic
igitur oportet concludere passionem de subiecto per definitionem passionis,
et ulterius definitionem passionis concludere de subiecto per definitionem
subiecti. Unde et in principio dictum est quod
oportet praecognoscere quid est, non solum de passione, sed etiam de subiecto
; quod non oporteret nisi definitio passionis concluderetur de subiecto per
definitionem subiecti. Et hoc patet per exemplum. Si velimus de triangulo
demonstrare quod habet tres angulos aequales duobus rectis, accipiamus primo
pro medio quod est figura habens angulum extrinsecum aequalem duobus intrinsecis
sibi oppositis, quod est quasi definitio passionis. Quod iterum demonstrare
oportet per definitionem subiecti, ut dicamus : omnis figura tribus rectis
lineis contenta habet angulum exteriorem aequalem duobus interioribus sibi
oppositis ; sed triangulus est huiusmodi ; ergo et cetera. Et idem patet si
velimus demonstrare quod vox acuta et gravis consonent : accipiemus
definitionem passionis, ut hic dicitur, scilicet quod habent proportionem
numeralem ; sed rursus ad hoc demonstrandum oportet accipere definitionem
gravis et acuti. Nam gravis vox est quae in multo tempore nata est movere
sensum, acuta autem quae in modico tempore ; modici autem ad multum est
proportio numeralis ; ergo vocis acutae et gravis est proportio numeralis. Nec refert si aliter definiatur acutum et
grave. Oportet enim in eorum definitione ponere aliquid ad quantitatem pertinens ; et sic necesse erit concludere in eis
proportionem numeralem. [79882] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 1 n. 10Deinde cum dicit : quod autem medii sit
quaestio etc., ostendit propositum per signum sensibile. Et dicit quod ea in
quibus medium est sensibile, manifeste ostendunt quod omnis quaestio sit
quaestio medii : quia scilicet quando medium per sensum innotescit, nullus
relinquitur quaestioni locus. Tunc enim quaerimus in rebus sensibilibus
secundum aliquam praedictarum quaestionum, quando medium non sentimus : sicut
quaerimus an sit defectus lunae vel non, quia non sentimus medium quod est
causa faciens deficere lunam. Sed si essemus in loco qui est super lunam,
videremus quomodo luna subintrando umbram terrae deficeret ; et ideo circa
hoc nihil quaereremus, nec si est nec propter quid
est ; sed simul utrumque nobis fieret manifestum. [79883] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 1 n. 11Et quia posset aliquis obviando dicere quod
sensus est singularium, ea vero quae quaeruntur sunt universalia, sicut et ea
quae sciuntur ; et ita per sensum non videtur quod possit nobis innotescere
id de quo est quaestio : ideo quasi obviationi respondens subiungit quod ex
hoc ipso quod sentiremus particulare, scilicet quod, hoc corpus lunae tunc
subintrat hanc umbram terrae, statim accideret nobis quod sciremus
universale. Sensus enim noster esset de hoc quod nunc lumen solis obstruitur
per oppositionem terrae ; et per hoc manifestum esset nobis quod luna nunc
deficit. Et quia nos coniiceremus quod semper hoc modo accideret lunae
defectus, statim in nostra scientia sensus rei singularis fieret universale.
Et ex hoc exemplo concludit quod idem est scire quod quid est et propter
quid. Nam ex hoc quod videmus terram interpositam inter solem et lunam,
sciremus et quid est defectus lunae et propter quid luna
deficit : quorum unum, scilicet scire quid est, refertur ad
scientiam qua scimus de aliquo quod simpliciter sit, non autem quod aliquid
insit alicui ; sed propter quid refertur ad cognitionem
eorum quae insunt, sicut cum dicimus quod tres anguli sunt aequales duobus
rectis, aut maiores aut minores. Ultimo autem epilogando concludit principale
propositum, scilicet manifestum esse ex praedictis, in omnibus quae
quaeruntur esse medii quaestionem. |
LEÇON 1. Il y a quatre
questions qui appartiennent à la science et toutes sont relatives au moyen
terme.
(nn.
407-417; [290-297]). 407. Après avoir
traité du syllogisme démonstratif dans le premier livre, le Philosophe
cherche à traiter dans ce deuxième livre des principes mêmes de ce
syllogisme. Mais il y a deux sortes de principes pour le syllogisme démonstratif, à
savoir son moyen terme et les premières propositions indémontrables. Ce deuxième
livre se divise donc en deux parties :
dans la première [290] il traite de la connaissance du moyen terme dans les
démonstrations; dans la deuxième, il traite de la connaissance des premières
propositions, là [427] où il dit : Mais
de quelle manière ces principes deviennent connus etc. En effet, parce
que nous avons établi dans le premier livre que toute doctrine et toute
discipline proviennent d’une connaissance préexistante et que dans les
démonstrations la connaissance de la conclusion est acquise par un moyen
terme et par les premières propositions indémontrables, il restait à
rechercher de quelle manière ces derniers nous deviennent connus. Mais la première partie se divise à son
tour en deux : dans la première il cherche à savoir ce qu’est le moyen
terme dans les démonstrations; dans la deuxième partie il cherche à savoir
comment ce moyen terme nous devient connu, là [298] où il dit : Mais comment on montre ce qu’est une chose
etc. Mais parce que le moyen terme dans les
démonstrations se prend pour faire connaître quelque chose au sujet de quoi
il pouvait y avoir une difficulté ou une question, c’est pourquoi il fait
deux choses relativement au premier point : en premier lieu en effet il
présente le nombre des questions; en deuxième lieu, à partir de ces mêmes
questions, il poursuit son propos en montrant comment ces questions se
rapportent toutes au moyen terme des démonstrations, là [294] où il
dit : Mais nous recherchons,
lorsque nous recherchons le fait etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu il énumère les questions; en deuxième lieu il
manifeste les questions qui sont composées, là [291] où il dit : En effet, lorsque nous nous demandons si
une chose est cela etc.; en troisième lieu il manifeste les questions qui
sont simples, là [293] où il dit : Mais
certaines questions se posent d’une autre manière etc. 408. Il dit donc
en premier lieu [290] que le nombre des questions est égal au nombre de
choses qui sont connues. La raison en est que la science est la connaissance
qui est acquise par démonstration. Mais il faut que la connaissance qui est
acquise par démonstration se rapporte à des choses qui étaient d’abord
inconnues : et nous posons des questions sur ces choses que nous
ignorons. D’où il s’ensuit que les choses sur lesquelles nous nous posons des
questions sont égales en nombre aux choses qui sont connues de science. Mais ces questions que nous nous posons
sont au nombre de quatre et elles portent sur le fait, le pourquoi, l’existence de la chose et ce qu’elle est. Et c’est à ces quatre
questions que peut se ramener tout ce qu’on peut se demander, tout ce qu’on
peut savoir. Mais au premier livre des
Topiques, il divise les questions ou les problèmes en quatre sortes mais
autrement, de telle manière que les questions se trouvent toutes à être
comprises dans une des questions antérieurement présentée et que nous avons
appelée la question du fait. Dans ce livre en effet il ne se préoccupe que
des questions dont on discute selon un mode dialectique. 409. Ensuite
lorsqu’il dit [291] : En effet,
lorsque nous nous demandons si la chose est cela etc., il manifeste les
questions qu’il vient de présenter et il commence en premier lieu par les
questions qui sont composées. Et pour en avoir l’évidence il faut considérer
que puisque la science ne s’intéresse qu’à la vérité et que le vrai n’est
signifié que par une énonciation, c’est de la seule énonciation dont nous
pouvons posséder une connaissance de science et sur laquelle nous pouvons
mener une recherche. Mais tout comme on le dit au deuxième
livre du Périherménéias, il y a deux manières de former l’énonciation.
La première manière, c’est à partir
du nom et du verbe, sans aucune apposition, comme lorsqu’on dit que l’homme existe; la deuxième manière c’est quand on inclut un troisième élément,
comme lorsqu’on dit que l’homme est
blanc. La question que l’on forme peut donc se
rapporter soit à la première manière de former l’énonciation et alors la
question sera simple; mais si elle se rapporte à la deuxième manière, alors
la question sera comme composée ou posée
en une pluralité de termes parce qu’elle portera sur la composition de
deux termes. Donc, sur cette dernière manière de former
l’énoncé, on peut former deux questions. La
première certes, c’est lorsqu’on se demande si ce qui est dit est vrai.
Et il explique en premier lieu cette question en disant que lorsque nous nous
demandons sur une chose si cette chose est
ceci ou cela et que d’une
certaine manière nous posons la question en plusieurs termes (c’est-à-dire en
prenant deux termes dont l’un est le prédicat et l’autre le sujet, par
exemple lorsque nous nous demandons si le soleil subit ou non une éclipse et
si l’homme est ou non un animal), alors nous disons que nous recherchons le fait : non pas de telle
manière que ce que j’appelle quia soit
la marque ou le signe de l’interrogation, mais nous recherchons le quia pour
savoir si la chose est bien ainsi.
Et le signe en est que lorsque nous l’aurons trouvé par démonstration, nous
arrêterons de nous le demander; et si dès le début nous l’avions su, nous ne
nous serions pas demandé s’il en est ainsi. Mais la recherche ne cesse que si
est connu ce qu’on se demandait. Et c’est pourquoi, puisque la question par
laquelle nous nous demandons si la chose est bien cela cesse lorsqu’on sait
qu’elle est bien ainsi, ce que recherche une telle question est manifeste. 410. Ensuite
lorsqu’il dit [410] : Mais lorsque
nous savons etc., il manifeste la question qui suit et qu’il pose aussi
en plusieurs termes; et il dit que lorsque nous savons qu’il en est ainsi, nous cherchons à savoir pourquoi il en est ainsi. Par exemple, lorsque nous savons que le
Soleil subit une éclipse et que la Terre tremble, nous cherchons à savoir
pourquoi le Soleil subit une éclipse et pourquoi la Terre tremble. Nous
cherchons donc à savoir cela en posant plusieurs termes. 411. Ensuite
lorsqu’il dit [293] : Mais c’est
d’une autre manière que nous posons d’autres etc., il manifeste les deux
autres questions qui ne présentent pas une multiplicité de termes mais qui
sont simples. Et il dit qu’il y a certaines questions que nous nous posons
d’une manière qui diffère de celle qui se rapporte aux questions qui
précèdent, c’est-à-dire que nous ne les posons pas en une multiplicité de
termes : c’est le cas par exemple si nous nous demandons si le centaure
existe ou non : ici en effet on se demande au sujet du centaure s’il existe absolument parlant et non
pas si le centaure est ceci, à savoir blanc ou non. Et tout comme en sachant que ceci est cela, nous nous demandons
pourquoi, de même encore en sachant
au sujet d’une chose qu’elle existe
absolument, nous cherchons à savoir ce
qu’est cette chose, par exemple ce qu’est Dieu ou ce qu’est l’homme. Tel
est donc le nombre de questions que nous nous posons : et lorsque nous y
aurons répondu, c’est alors que nous dirons être parvenus à la science. 412. Ensuite
lorsqu’il dit : [294] : Mais
ce que nous recherchons lorsque nous cherchons etc., il montre de quelle
manière les questions qui précèdent se rapportent au moyen terme. Et à ce sujet il fait trois choses :
en premier lieu il présente son propos; en deuxième lieu, il manifeste ce
qu’il avait dit, là [295] où il dit : Mais quand je parle d’existence etc.; en troisième lieu, il
prouve son propos, là [296] où il dit : C’est pourquoi il est possible pour toutes les questions etc. Au sujet du premier point il faut savoir
que pour ce qui est des quatre questions qui précèdent et dont deux se
présentent dans une multiplicité de termes mais non les deux autres, dans
chacune des deux séries la première question, à savoir la question du fait et la question de l’existence, est ordonnée à l’autre.
Et il dit que lorsque nous nous demandons si
ceci est cela ou lorsque nous cherchons à savoir d’une chose si elle existe absolument, cela
revient à se demander s’il existe un moyen terme à découvrir pour la chose
sur laquelle nous nous interrogeons, ce qui n’est pas dit explicitement par
la forme même de la question. En effet, lorsque nous cherchons à savoir si le Soleil subit une éclipse ou si l’homme existe, en partant de la
forme de la question je demande s’il
existe un moyen terme grâce auquel je pourrais démontrer soit que le
Soleil subit une éclipse, soit que l’homme existe : mais si le Soleil
subit une éclipse ou si l’homme existe, il s’ensuit qu’il y a un moyen terme
à rechercher pour démontrer ces choses qui sont l’objet de nos recherches. En
effet, on ne pose pas de questions sur les propositions qui sont immédiates
qui, bien qu’elles soient vraies, n’ont pas de moyen terme; car de telles
propositions, puisqu’elles sont évidentes, ne peuvent faire l’objet d’une
recherche. Donc, celui qui se demande si
ceci est cela ou si ceci existe
absolument se demande par conséquent s’il existe un tel moyen terme. En effet, dans la question de l’existence
et dans celle du fait, on cherche à savoir s’il y a un moyen terme; car le
moyen terme est la cause de ce sur quoi porte la question du fait ou la
question de l’existence prise absolument, ainsi que nous le dirons plus loin.
La question n’est cependant pas posée sous la notion de moyen terme. Il est possible cependant, ayant découvert
ce qui est recherché par ces deux questions, de connaître soit le fait, c’est-à-dire que la chose est
bien ainsi, soit qu’elle existe,
dont la première est la connaissance de l’existence prise absolument et la
première est la connaissance de l’existence prise partiellement, comme
lorsque nous connaissons que l’homme est blanc; car le fait d’être blanc ne
constitue pas l’existence absolue ou totale de l’homme, mais il signifie son
existence sous un certain rapport; et c’est pourquoi, lorsque l’homme devient
blanc, on ne dit pas qu’il est engendré absolument, mais qu’il est engendré
sous un certain rapport. Mais lorsque nous disons que l’homme existe, nous signifions son existence dans le sens absolu
du terme; et lorsque l’homme vient à exister, nous disons qu’il est engendré
absolument. Donc, lorsque nous connaissons le fait ou qu’il en est ainsi, nous
cherchons ensuite à savoir pourquoi il
en est ainsi et lorsque nous connaissons que la chose existe, nous cherchons en outre à savoir ce qu’elle est, et alors nous
cherchons à savoir quel est le moyen terme. Et de même ici cela ne doit pas
se prendre d’après la forme même de la question mais comme par un
accompagnement. En effet, celui qui recherche la cause pour laquelle le
Soleil subit une éclipse ne la recherche pas en tant que moyen terme de la
démonstration, mais recherche ce qui tient lieu de moyen terme : et la
conséquence en est qu’une fois qu’il la tiendra, il pourra démontrer. Et le
même raisonnement vaut pour la question qui cherche à savoir ce qu’est la chose. 413. Ensuite
lorsqu’il dit [295] : Mais lorsque
je parle de fait ou d’existence etc., il manifeste ce qu’il vient de
dire, à savoir que le fait et l’existence diffèrent comme la partie diffère
du tout. En effet lorsque nous nous demandons si la Lune diminue ou si elle
augmente, la question se rapporte à une existence partielle : dans cette
sorte de question en effet nous demandons si la Lune est ceci en particulier;
par exemple, la Lune peut-elle être diminuée ou augmentée ou pas? Mais
lorsque nous demandons si la Lune existe ou si la nuit existe, alors la
question porte sur l’existence prise absolument. 414. Ensuite
lorsqu’il dit [296] : Il résulte
de là que dans toutes ces recherches etc., il prouve le propos, à savoir
que toutes les questions qui précèdent se rapportent au moyen terme. Et en premier lieu il le prouve au moyen
d’un raisonnement; en deuxième lieu il le prouve par un signe, là [297] où il
dit : Mais que la question se
rapporte au moyen terme etc. À partir de ce qu’il vient de manifester
il conclut donc en premier lieu que dans toutes les questions qui précèdent,
ou bien on demande s’il existe un moyen terme, à savoir dans la question du fait et dans la question de l’existence; ou bien on demande quel
est ce moyen terme, à savoir dans la question du pourquoi et dans celle du quoi.
Et il prouve que la question du pourquoi
cherche à savoir quel est le moyen terme. Il est manifeste en effet que dans la
démonstration, c’est la cause qui est le moyen terme et que c’est elle qui
fait savoir; car savoir, c’est connaître la cause même de la chose. Mais la
cause, c’est ce qui est recherché dans chacune des questions qui précèdent. Et c’est là ce qu’il manifeste en premier
lieu dans la question du fait. En
effet, lorsque nous demandons si la Lune diminue, on demande, d’après la
manière dont nous l’avons exposé plus haut, s’il y a ou non quelque chose qui
soit la cause de la diminution de la Lune. Et par la suite il manifeste cela
pour la question du pourquoi. En
effet, lorsque nous savons qu’il y
a une cause de la diminution de la Lune, nous nous demandons alors quelle est cette cause. Et c’est là se
demander le pourquoi de la chose. Et le même raisonnement vaut encore pour
les deux autres questions ainsi qu’il le manifeste par la suite. Il dit en
effet que, soit qu’on considère une chose comme étant non pas ceci ou cela
(par exemple lorsque je dis que l’homme
est blanc ou qu’il est grammairien),
mais qu’on la prenne en tant que substance même qui existe absolument, soit
encore qu’on ne prenne pas la chose comme existant absolument mais qu’on
prenne la chose comme étant quelque chose de particulier en la posant en une multiplicité
de termes (que ces prédicats fassent partie de ce qui est attribué
essentiellement ou fassent partie de ce qui est attribué accidentellement),
que la chose soit prise de cette manière ou de l’autre, dans les deux cas la
cause est le moyen terme qui sert à la démontrer. Mais il explique par la suite ce qu’il a
dit, à savoir que la substance existe
absolument, dans le cas où nous demandons au sujet de la Lune, de la
Terre, du triangle ou de tout autre sujet s’il
existe, et que pour le démontrer on prenne un moyen terme. Mais je dis
qu’une chose est quelque chose,
lorsque je cherche à savoir au sujet de la Lune si elle est sujette à
éclipse, du triangle s’il est égal ou inégal et au sujet de la Terre si elle
est ou non au centre de l’univers. Et il montre que dans les deux cas, quelle
que soit la manière dont on prenne la chose, cela ne change rien au propos
car dans tous ces cas il y a identité
entre le pourquoi et le
quoi qui est ce qu’est la chose, sa nature. Et il manifeste cela en premier lieu pour
l’exemple de l’éclipse de la Lune. Si en effet on demande ce qu’est une éclipse de la Lune, on
répond qu’elle est une privation de la lumière du côté de la Lune à cause de
la Terre qui s’interpose entre elle et le Soleil. Et cette réponse sera la
même si on demande pourquoi il y a
eu éclipse de la Lune. On nous répondra en effet que la Lune s’est éclipsée
en raison de l’absence de la lumière du côté de la Lune à cause de
l’interposition de la Terre entre elle et le Soleil. Et il manifeste la même chose par un autre
exemple. Si en effet on demande ce qu’est une harmonie musicale, on répond
qu’elle est un rapport, c’est-à-dire une proportion numérique selon l’aigu et
le grave. Et si par la suite on demande pourquoi
il y a une harmonie entre l’aigu et le grave, on répond que c’est pour
cette raison que l’aigu et le grave ont entre eux une proportion numérique. Ainsi donc ces deux questions, à savoir
celle du quoi et celle du pourquoi, bien qu’elles diffèrent par
la raison, reviennent au même quant au sujet. Il résulte de là, parce que
lorsqu’on demande le pourquoi on
demande quel est le moyen terme ainsi que nous l’avons montré, il s’ensuit
que lorsqu’on demande le quoi, on
cherche de même à savoir quel est le moyen terme. Et il montre la même chose par rapport à
la question du fait. Ainsi que nous
l’avons dit en effet, l’harmonie est un rapport numérique dans l’aigu et le
grave : donc, lorsqu’on demande si l’aigu et le grave s’harmonisent, on
demande s’il y a un rapport numérique dans l’aigu et le grave; et c’est là le
moyen terme qui sert à démontrer que l’aigu et le grave s’harmonisent. Il
reste donc que dans la question du fait
on cherche à savoir s’il existe un moyen terme. Mais lorsqu’on aura reconnu
qu’il existe un rapport numérique
entre l’aigu et le grave, on demandera alors quel est ce rapport. Et c’est là ce que cherchent à savoir la
question du quoi et la question du pourquoi. 415. Aristote
semble ici dire que la définition de la passion ou de la propriété est le
moyen terme de la démonstration. Mais il faut savoir que la définition de la
passion ne peut être parfaitement réalisée sans la définition du sujet. Il
est manifeste en effet que les principes que contient la définition du sujet
sont les principes de la propriété. La démonstration ne résout donc dans la
cause première que si elle prend pour moyen terme la définition du sujet.
Ainsi donc il faut conclure que la passion appartient au sujet au moyen de la
définition de la passion, et par la suite conclure, au moyen de la définition
du sujet, que la définition de la passion appartient au sujet. C’est pourquoi
nous avons dit au tout début qu’il faut connaître à l’avance non seulement le quoi qui se rapporte à la propriété
mais aussi celui qui se rapporte au sujet, ce qui n’est nécessaire que si la définition de la propriété doit
être conclue comme appartenant au sujet au moyen de la définition du sujet. Et cela est rendu clair par un exemple. Si
nous voulions montrer au sujet du triangle qu’il possède trois angles égaux à
deux droits, nous admettrions en premier lieu pour moyen terme qu’il est une
figure possédant un angle extérieur égal aux deux angles intérieurs qui lui
sont opposés, ce qui tient lieu de définition pour la propriété. Mais ce
principe, il faudrait à son tour le démontrer par la définition du sujet en
disant : toute figure contenue à l’intérieur de trois lignes droites
possède un angle extérieur égal aux deux angles intérieurs qui lui sont
opposés; mais le triangle est une figure de cette sorte; donc, etc. Et la même
chose serait tout aussi évidente si nous voulions démontrer que le son aigu
et le son grave s’harmonisent : nous admettrions d’abord la définition
de la passion comme on le fait ici en disant qu’ils ont entre eux un rapport
numérique; mais pour démontrer cela à son tour il faut reconnaître la
définition du grave et de l’aigu. Car le son grave est celui qui est apte à
mouvoir le sens sur une longue période de temps, alors que le son qui est
aigu le meut sur une courte période de temps. Mais le rapport du long au
court est un rapport numérique; donc, le rapport du son aigu au son grave est
un rapport numérique. Et peu importe qu’on définisse autrement l’aigu et le
grave. Il faut en effet poser dans leur définition quelque chose qui se
rapporte à la quantité, de telle manière qu’il sera nécessaire de conclure
qu’il y a en eux un rapport numérique. 416. Ensuite
lorsqu’il dit [297] : Mais que la
recherche porte toujours sur le moyen terme etc., il manifeste le propos
au moyen d’un signe sensible. Et il dit que dans les cas où le moyen terme
est perceptible par le sens, ces cas manifestent clairement que toute
question de cette sorte se rapporte au moyen terme. Car lorsque le moyen
terme se fait connaître par le sens, il n’y a plus lieu de se poser la
question. Nous ne menons en effet une recherche sur les choses sensibles
d’après l’une ou l’autre de ces questions que lorsque nous ne percevons pas
par le sens le moyen terme : par exemple, nous ne nous demandons s’il y
a ou non une éclipse de la Lune que parce que nous n’en percevons pas le
moyen terme qui est la cause qui fait que la Lune s’éclipse. Mais si nous
étions dans cet espace qui est celui de la Lune, nous verrions comment la
Lune s’éclipse en entrant dans l’ombre de la Terre; et c’est pourquoi nous ne
chercherions plus rien à ce sujet, ni s’il
en est ainsi, ni pourquoi il en
est ainsi, car alors les réponses aux deux questions, celle du fait et celle
du pourquoi, nous deviendraient simultanément évidentes. 417. Et parce que
quelqu’un pourrait s’objecter en disant que le sens se rapporte aux choses
individuelles alors que ce qu’on recherche par ces questions est universel
tout comme l’est ce qui est poursuivi par la science, et qu’ainsi il ne
semble pas que ce sur quoi porte la question puisse être connu de nous par le
sens, c’est pourquoi, comme pour répondre à cette objection, il ajoute que du
seul fait que nous percevrions le particulier, à savoir que ce corps de la
Lune entre alors dans cette ombre de la Terre, il résulterait aussitôt en
nous que nous connaîtrions l’universel. Notre perception sensible nous ferait
maintenant connaître que la lumière du Soleil rencontre un obstacle par
l’interposition de la Terre; et c’est par là que nous deviendrait manifeste
que la Lune subit maintenant une éclipse. Et parce que nous conjecturerions
que c’est toujours de cette manière que se produit l’éclipse de la Lune, la
perception sensible de la chose singulière entraînerait aussitôt un universel
dans notre science. Et à partir de cet exemple il conclut que le savoir du quoi est identique à celui du pourquoi. Car du fait que nous verrions la Terre
s’interposer entre le Soleil et la Lune, nous saurions à la fois le quoi de l’éclipse de la Lune et pourquoi la Lune subit une
éclipse : et le premier, à savoir le savoir du quoi, se rapporte à la science par laquelle nous savons d’une
chose si elle existe absolument et non pas si quelque chose lui appartient;
mais le pourquoi se rapporte à la
connaissance de ce qui appartient, comme lorsque nous disons que les trois
angles intérieurs du triangle sont égaux, plus grands ou plus petits que deux
droits. À la fin, en résumé, il conclut le propos
principal, à savoir qu’il est manifeste à partir de ce qui a été dit que dans
toute recherche la question porte sur le moyen terme. |
|
|
LECTIO 2 |
LEÇON 2. Est-ce que la
définition qui signifie le quoi peut être démontrée?
(nn.
418-430; [298-308]). |
[79884] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 2 n. 1Postquam philosophus ostendit quod omnis
quaestio est quodammodo quaestio medii, quod quidem est quod quid est et propter
quid, hic incipit manifestare qualiter medium nobis innotescat ; et
dividitur in partes duas : in prima parte ostendit quomodo quod quid
est et propter quid se habent ad demonstrationem ;
in secunda parte ostendit quomodo oporteat investigare quod quid est et propter
quid ; ibi : quomodo autem oportet venari et cetera. Prima autem pars
dividitur in partes duas : in prima, manifestat quomodo se habeat ad
demonstrationem ly quid est ; in secunda, manifestat quomodo se
habeat ad demonstrationem ly propter quid, quod significat causam
; ibi : quoniam autem scire opinamur cum sciamus causam et cetera. [79885] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 2 n. 2Circa primum duo facit : primo, dicit de
quo est intentio ; secundo, prosequitur propositum ; ibi : principium autem
sit futurorum et cetera. Dicit ergo primo quod quia omnis quaestio, ad cuius
determinationem demonstratio inducitur, est quaestio medii, quod est quid et propter
quid, oportet primo dicere per quem modum hoc ipsum quod quid est nobis
ostendatur, utrum scilicet per demonstrationem, vel per divisionem, vel
quovis alio modo. Et iterum oportet dicere quis sit modus reducendi ea quae
apparent de re, ad quod quid est. Et quia definitio est oratio
significans quod quid est, oportet etiam scire quid sit definitio
et quae sint definibilia. In his
autem hoc ordine procedemus : primo quidem opponendo
; secundo autem veritatem determinando. [79886] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 2 n. 3Deinde cum dicit :
principium autem sit futurorum etc., exequitur propositum ordine praedicto.
Unde primo, procedit circa praemissa disputative opponendo
; secundo, veritatem determinando ; ibi : iterum autem speculandum est
quid horum et cetera. Circa
primum duo facit : primo, procedit disputando de ipsa definitione, quae
significat quod quid est ; secundo, de ipso quod quid est per
definitionem significato ; ibi : ipsius autem quid est utrum syllogismus et
cetera. Circa primum tria facit : primo, inquirit disputative utrum omnium
quorum est demonstratio, sit definitio ; secundo, utrum e converso omnium
quorum est definitio, sit demonstratio ; ibi : quid autem cuius est definitio
etc. ; tertio, utrum alicuius eiusdem sit definitio et demonstratio ; ibi :
sed utrum si non omnis et cetera. Circa primum duo facit : primo, dicit de
quo est intentio ; secundo, exequitur propositum ; ibi : dubitabit enim
utique aliquis et cetera. Dicit ergo primo quod inter ea quae in futurum
dicenda sunt, principium oportet sumere ab eo quod est
convenientissimum habitarum, idest consequentium rationum.
Quod quidem est de hoc quod posset aliquis dubitare utrum contingat idem et
secundum idem scire per definitionem et demonstrationem. [79887] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 2 n. 4Deinde cum dicit : definitio quidem enim
quod quid est etc., probat quod non omnium quorum est demonstratio, sit
definitio. Et hoc quadrupliciter. Primo quidem, quia definitio est indicativa
eius quod quid est ; omne autem quod pertinet ad quod quid est,
praedicatur et affirmative et universaliter ; ergo definitio est solum eorum
contentiva sive significativa, quae praedicantur affirmative et
universaliter. Sed non omnes syllogismi sunt demonstrativi conclusionum
affirmativarum universalium ; sed quidam sunt negativi, puta omnes qui sunt
in secunda figura ; quidam vero particulares, puta omnes qui sunt in tertia
figura. Non ergo omnium est definitio, quorum est demonstratio. [79888] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 2 n. 5Secundo, ibi : postea neque eorum quae sunt
etc., ostendit idem dicens quod neque definitio etiam potest esse omnium
eorum quae concluduntur per syllogismos affirmativos, quod contingit esse
solum in prima figura, sicut demonstrative syllogizatur quod omnis
triangulus habet tres angulos aequales duobus rectis. Huius autem quod
dictum est, scilicet quod non omnium quae sic syllogizantur, possit esse
definitio, ratio est, quia scire aliquid demonstrative nihil aliud est quam
demonstrationem habere. Ex quo patet quod si omnium horum scientia solum per
demonstrationem habetur, non est eorum definitio. Ea enim quorum est
definitio, cognoscuntur per definitionem. Sequeretur igitur quod aliquis non
habens horum demonstrationem sciret ea ; eo quod nihil prohibet aliquem
habentem definitionem non simul habere demonstrationem ; quamvis definitio
sit demonstrationis principium. Non enim quicunque cognoscit principia, scit
conclusionem deducere demonstrando. [79889] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 2 n. 6Tertio, ibi : sufficiens autem fides est
etc., ostendit idem per inductionem, ex qua potest fieri praemissae conclusionis
sufficiens fides : quia demonstratio est eorum quae per se insunt, ut patet
ex his quae in primo habita sunt. Nullus autem unquam cognovit per
definitionem neque aliquid eorum quae per se insunt, neque etiam aliquid
eorum quae per accidens insunt ; non quod accidentium, quae per se vel per
accidens insunt, non possunt esse aliquae definitiones, ut habetur in VII
Metaph. ; sed quia eius quod est inesse per se vel per accidens, quod
syllogismus concludit, nullus unquam dedit definitionem. [79890] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 2 n. 7Quarto, ibi : amplius si definitio
substantiae etc., ostendit idem per rationem, quia definitio est notificatio
substantiae : tum quia substantia principaliter definitur, accidens vero per
posterius, definitione quae est per additamentum, ut habetur in VII Metaph. ;
tum etiam quia accidens non definitur, nisi quatenus significatur per modum
substantiae per aliquod nomen. Haec autem de quibus sunt demonstrationes, non
sunt substantiae, nec per modum substantiae significantur, sed per modum
accidentium, scilicet secundum inesse aliquid alicui. Unde concludit non esse
possibile quod definitio sit omnis eius cuius est demonstratio. [79891] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 2 n. 8Deinde cum dicit : quid autem cuius est
definitio etc., inquirit an e converso demonstratio sit omnis eius cuius est
definitio. Et ostendit quod non, duplici ratione ; quarum prima iam supra
tacta est. Unius enim, in quantum est unum, videtur esse una scientia, idest
unus modus cognoscendi. Unde si id quod est demonstrabile, vere scitur per
hoc quod habetur demonstratio de eo, sequitur quoddam impossibile si per
definitionem sciri possit ; quia habens definitionem sciret aliquid
demonstrabile absque hoc quod haberet demonstrationem : quod videtur
inconveniens. Et haec ratio fuit secundo posita inter praemissas. [79892] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 2 n. 9Secundam rationem ponit ibi : amplius
principia demonstrationum et cetera. Definitiones enim sunt principia
demonstrationum, ut in primo habitum est ; sed principia non sunt
demonstrabilia, quia sic sequeretur quod principiorum essent principia, et
quod demonstrationes in infinitum procederent ; quod est impossibile, ut in
primo ostensum est. Unde sequitur quod definitiones sint indemonstrabiles,
tanquam quaedam prima principia in demonstrationibus. Et sic non omnium
quorum est definitio, est demonstratio. [79893] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 2 n. 10Deinde cum dicit : sed utrum si non omnis
etc., inquirit utrum sit possibile quod alicuius eiusdem sit definitio et
demonstratio, etsi non omnis eiusdem. Et ostendit quod non, tribus
rationibus. Quarum prima est, quia definitio est manifestativa eius quod
quid est et substantiae, idest essentiae cuiuslibet rei.
Demonstrationes autem hoc non manifestant, sed supponunt ; sicut in
mathematicis demonstrationibus arithmeticae supponitur quid est unitas et
quid est impar ; et simile est etiam in aliis demonstrationibus. Ergo non est
eiusdem demonstratio et definitio. [79894] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 2 n. 11Secundam rationem ponit ibi : amplius omnis
demonstratio etc. ; quae talis est. In eo quod per demonstrationem
concluditur, praedicatur aliquid de aliquo vel affirmative vel negative : sed
in definitione non praedicatur aliquid de aliquo ; sicut in hac definitione,
homo est animal bipes, neque animal praedicatur de bipede, neque bipes de
animali. Et similiter in hac definitione, circulus aut triangulus est figura
plana, nec planum praedicatur de figura, neque e converso. Si enim partes
definitionis adiungerentur sibi invicem, oporteret quod praedicatio
intelligeretur per modum convenientem definitioni, scilicet in eo quod
quid est. Hoc autem non videmus. Nec enim genus praedicatur in eo quod
quid est de differentia, neque e converso. Non ergo eiusdem est definitio et
demonstratio. [79895] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 2 n. 12Tertiam rationem ponit ibi : amplius
alterum est quod quid est etc. ; et dicit quod alterum est manifestare quod
quid est et quia est, ut patet in differentia
quaestionum supra posita : sed definitio ostendit de aliquo quid est
; demonstratio autem ostendit affirmative vel negative aliquid esse de aliquo
vel non esse. Videmus autem quod alterius rei alia est demonstratio, nisi illa duo se habeant ad invicem sicut totum et pars ; quia
tunc una et eadem esset demonstratio de utroque. Sicut demonstrato quod
triangulus habet tres angulos aequales duobus rectis, similiter etiam
ostensum est de isoscele, qui se habet ad triangulum sicut pars ad totum. Sed
non ita est in his duobus, quia est et quid est
: neutrum enim est pars alterius. [79896] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 2 n. 13Ostensum est igitur quod nec omnis cuius
est definitio, sit demonstratio, neque e converso. Et ex hoc ulterius
concludi potest quod nullius eiusdem sint ; et quod definitio et demonstratio
neque sint idem, neque unum sit in alio sicut pars subiectiva in suo toto ;
quia oporteret quod etiam ea quorum sunt, se haberent per modum totius et
partis, ita scilicet quod omne definibile esset demonstrabile, aut e
converso. Quod supra improbatum est. Ultimo
epilogando concludit usque ad hoc processum esse opponendo. |
418. Après avoir
montré que toute question est d’une certaine manière une recherche du moyen
terme, ce qui revient certes à connaître ce
qu’est la chose, le quoi de la chose, et pourquoi elle existe, le Philosophe commence ici à manifester de
quelle manière le moyen terme nous devient connu. Et cette section se divise en deux
parties : dans la première partie il montre comment le ce que c’est et
le pourquoi se rapportent à la démonstration [298]; dans la deuxième partie
il montre comment il faut rechercher le ce
que c’est et le pourquoi, là
[383] où il dit : Mais comment il
faut poursuivre etc. Mais la première partie se divise en
deux : dans la première il manifeste comment le ce que c’est, à savoir l’essence, se rapporte à la démonstration;
dans la deuxième il manifeste comment le pourquoi,
qui signifie la cause, se rapporte à la démonstration, là [354] où il
dit : Mais puisque nous croyons savoir
quand nous savons la cause etc. 419. Au sujet du
premier point il fait deux choses : en premier lieu, il dit sur quoi
porte le propos; en deuxième lieu il poursuit son propos, là [299] où il
dit : Mais pour commencer
examinons etc. Il dit donc en premier lieu [298] que
parce que toute question par rapport à laquelle on amène une démonstration
pour y répondre est une question qui est relative au moyen terme, lequel est
le ce que c’est et le pourquoi, il faut dire en premier
lieu de quelle manière le ce que c’est
lui-même se manifeste à nous. Est-ce par démonstration, par division ou par
un tout autre mode? Et en outre il faut dire quel mode il faut prendre pour
ramener ce qui est apparent dans la chose à ce qu’elle est. Et parce que la
définition est le discours qui signifie ce qu’est la chose, son essence, il
faut aussi savoir ce qu’est une définition et pour quelle raison les choses
sont définissables. –Mais pour ces choses c’est en suivant cet ordre que nous
procéderons : en premier lieu par l’opposition et en deuxième lieu, en
déterminant la vérité. 420. Ensuite
lorsqu’il dit [299] : Mais pour
commencer nous allons examiner etc., il poursuit son propos en suivant
l’ordre qu’il vient de préciser. C’est pourquoi en premier lieu il procède
sur ces questions en procédant selon un mode d’opposition dialectique; en
deuxième lieu, il procède en déterminant la vérité, là [341] où il dit :
Mais en outre il faut examiner
lesquelles de ces conclusions etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il s’étend sur la définition, laquelle signifie
le ce que c’est ou l’essence, en
suivant un mode dialectique; en deuxième lieu il s’étend sur l’essence elle-même qui est signifiée
par la définition, là [309] où il dit : Est-ce qu’il peut y avoir un syllogisme pour l’essence etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu il se demande dialectiquement s’il y a
définition de toutes les choses dont il y a démonstration; en deuxième lieu,
il se demande s’il y a à l’inverse démonstration pour toutes les choses dont
il y a définition, là [304] où il dit : Mais de tout ce dont il y a définition, etc.; en troisième lieu,
il se demande si certains objets de la définition et de la démonstration sont
les mêmes, là [306] où il dit : Mais
si ce n’est pas pour tout etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu, il dit sur quoi porte le propos; en deuxième
lieu il poursuit son propos, là [ibid.] où il dit : En effet, on se demandera de toute manière etc. Il dit donc en premier lieu [299] que
parmi les choses dont on doit parler plus loin, il faut commencer par
l’examen d’un point qui se rapproche le plus de ce que nous avons établi précédemment et des raisonnements qui ont suivi. Quelqu’un pourrait certes se
demander à ce sujet s’il est possible de savoir la même chose sous le même
rapport à la fois par définition et par démonstration. 421. Ensuite
lorsqu’il dit [300] : La
définition en effet semble bien porter sur ce qu’est la chose etc., il
prouve que ce n’est pas pour toutes les choses dont il y a démonstration
qu’il y a définition. Et il le fait de quatre manières. En
premier lieu certes parce que la définition nous indique le ce que c’est ou l’essence; mais tout
ce qui appartient à l’essence, cela s’attribue à la fois affirmativement et
universellement. Donc la définition ne contient et ne signifie que pour ce
qui qui est attribué affirmativement et universellement. Mais ce ne sont pas
tous les syllogismes qui démontrent des conclusions affirmatives et
universelles; au contraire, certains sont négatifs, par exemple ceux qui sont
disposés en deuxième figure; et certains autres sont particuliers, par
exemple tous ceux qui sont disposés en troisième figure. Donc, ce n’est pas
pour tout ce dont il y a démonstration qu’il y a définition. 422. En deuxième lieu, là [301] où il
dit : Par la suite, pas même pour
ceux qui sont etc., il montre la même chose en disant qu’il ne peut pas
même y avoir définition pour toutes les conclusions qui découlent de syllogismes
affirmatifs qu’il n’est possible de produire qu’en première figure, comme
lorsqu’on syllogise démonstrativement que tout
triangle possède trois angles égaux à deux droits. Mais la cause de ce
qui a été dit, à savoir qu’il ne peut y avoir définition pour tout ce qui est
syllogisé de cette manière, est que savoir quelque chose d’une manière
démonstrative n’est rien d’autre que d’en posséder la démonstration. D’où il
est clair que si on ne pouvait acquérir la science de toutes ces choses que
par démonstration, il n’y a pas pour elles de définition. En effet, les
choses dont il y a définition sont connues par la définition. Il s’ensuivrait
donc que celui qui n’en posséderait pas la démonstration les connaîtrait de
science du fait que rien n’empêche que celui qui en possède la définition
n’en possède pas simultanément la démonstration, bien que la définition soit
le principe de la démonstration. En effet, ce ne sont pas tous ceux qui
connaissent les principes qui savent en déduire la conclusion par la démonstration. 423. En troisième lieu, là [302] où il
dit : Mais une conviction
suffisante nous est etc., il montre la même chose par une induction à
partir de laquelle on peut arriver à une conviction suffisante de la
conclusion qui précède : car la démonstration se rapporte à ce qui
s’attribue essentiellement ainsi qu’on le voit à partir de ce qui a été
établi au premier livre. Car jamais on n’a encore connu par définition rien
de ce qui s’attribue essentiellement et rien de ce qui s’attribue
accidentellement; non pas qu’il ne puisse y avoir de définition des accidents
qui s’attribuent soit essentiellement soit accidentellement, ainsi qu’on
l’établit au septième livre de la Métaphysique;
mais parce que nul n’a jamais donné de définition de ce qui s’attribue essentiellement
ou accidentellement et qui est conclu par le syllogisme. 424. En quatrième lieu, là [303] où il
dit : Mais en outre si la
définition nous fait connaître la substance etc., il montre la même chose
grâce à un raisonnement, car la définition fait connaître la substance :
d’une part parce que c’est la substance qui est définie en premier et que
l’accident l’est comme secondairement par une définition qui se fait par
addition ainsi qu’on l’établit au septième livre de la Métaphysique; d’autre part parce que l’accident n’est défini
qu’en tant qu’il est signifié par mode de substance au moyen d’un nom. Mais
ces déterminations au sujet desquelles il y a démonstrations ne sont pas des
substances et elles ne sont pas signifiées à la manière des substances mais à
la manière des accidents, c’est-à-dire à la manière d’après laquelle un
accident appartient à un sujet. C’est pourquoi il conclut qu’il n’est pas
possible qu’il y ait définition pour tout ce dont il y a démonstration. 425. Ensuite
lorsqu’il dit [304] : Mais est-ce
que de tout ce dont il y a définition etc., il cherche à savoir au
contraire s’il y a démonstration pour
tout ce dont il y a définition. Et il montre que non, au moyen de deux raisonnements, dont le premier a déjà été évoqué plus
haut. Pour une seule et même chose en effet, pour autant qu’elle est une, il
n’y a qu’un seul mode de connaître. C’est pourquoi, si ce qui est démontrable
est véritablement connu de science par le fait qu’on en possède la
démonstration, il s’ensuit une impossibilité si on peut aussi en avoir une
connaissance de science par mode de définition : car celui qui en aurait
la définition aurait une connaissance de science de ce qui est démontrable
sans en posséder la démonstration : ce qui semble impossible. Et ce raisonnement
fut posé en deuxième place parmi les raisonnements précédents. 426. Il présente le deuxième raisonnement là [305] où
il dit : Mais en outre les
principes des démonstrations etc. Les définitions sont en effet les
principes des démonstrations ainsi que nous l’avons établi au premier livre;
mais les principes sont indémontrables car il s’ensuivrait autrement qu’il y
aurait des principes des principes et que les démonstrations procéderaient
alors à l’infini : ce qui est impossible ainsi que nous l’avons montré
au premier livre. D’où il s’ensuit que les définitions sont indémontrables en
tant que premiers principes des démonstrations. Et ainsi il n’y a pas
démonstration pour tout ce dont il y a définition. 427. Ensuite
lorsqu’il dit [306] : Mais est-ce
que, si ce n’est pas pour tout etc., il cherche à savoir s’il est
possible que pour certaines mêmes choses il y ait à la fois définition et
démonstration, même si ce n’est pas pour toutes les choses. Et il montre que
cela n’est pas possible en s’appuyant sur trois
raisonnements. Dont le
premier raisonnement est que la définition sert à manifester le ce que c’est et la substance,
c’est-à-dire l’essence de toute chose. Mais les démonstrations ne servent pas
à manifester cela, mais elles l’assument, tout comme dans les démonstrations
mathématiques de l’arithmétique on assume ce qu’est l’unité et ce qu’est
l’impair; et il en est de même dans les autres démonstrations. Il n’est donc
pas possible qu’il y ait démonstration et définition d’une même chose. 428. Il présente le deuxième raisonnement là [307] où
il dit : En outre toute
démonstration etc., que voici. Dans ce qui est conclu par démonstration,
on attribue un prédicat à un sujet soit affirmativement soit
négativement : mais dans la définition on n’attribue pas un prédicat à
un sujet; par exemple dans cette définition, à savoir l’homme est un animal bipède, animal n’est pas attribué à bipède
et bipède n’est pas attribué à animal. Et il en est de même pour cette
définition, à savoir le cercle ou le triangle est une figure plane, où
plan n’est pas attribué à figure et figure n’est pas attribué à plan. Si en
effet les parties de la définition s’attachaient ainsi les unes aux autres,
il faudrait que l’attribution se comprenne selon un mode qui convient à la définition,
c’est-à-dire dans l’essence. Mais
nous ne voyons pas cela. En effet, le genre ne s’attribue pas dans l’essence
de la différence et on ne voit pas non plus l’inverse se produire. Il n’y a
donc pas définition et démonstration pour une seule et même chose. 429. Il présente le troisième raisonnement là [308] où
il dit : En outre, démontrer le ce
que c’est diffère etc.; et il dit qu’autre chose est la manifestation de l’essence, autre chose est la
démonstration du fait, ainsi qu’on
le voit dans la différence que nous avons présentée plus haut relativement
aux questions : mais la définition montre au sujet d’une chose ce qu’elle est, son essence, alors que
la démonstration montre affirmativement ou négativement qu’un prédicat
s’attribue ou non à un sujet. Mais nous voyons qu’à des choses différentes
doivent correspondre des démonstrations différentes, à moins que les deux
démonstrations ne se rapportent l’une à l’autre comme le tout se rapporte à
la partie; car alors il y aurait une seule et même démonstration pour les
deux choses. Par exemple, ayant démontré que le triangle possède trois angles
égaux à deux droits, on a montré qu’il en est de même pour l’isocèle qui se
rapporte au triangle comme la partie se rapporte au tout. Mais il n’en est
pas ainsi en ce qui concerne le fait
et l’essence car aucun des deux
n’est une partie de l’autre. 430. Nous avons
donc montré qu’il n’y a pas démonstration pour tout ce dont il y a définition
et qu’il n’y a pas non plus définition pour tout ce dont il y a démonstration.
Et à partir de là on peut conclure par la suite que pour aucune chose il ne
peut y avoir à la fois définition et démonstration et que la définition et la
démonstration ne sont pas identiques et que l’une n’est pas contenue dans
l’autre comme une partie subjective est contenue dans son tout, car il
faudrait alors que même les choses qui sont définies et démontrées se
rapportent les unes aux autres dans la même relation de la partie au tout, de
telle manière que tout ce qui pourrait être défini pourrait être démontré et
inversement. Et cela a été réfuté plus haut. Et à la fin, en résumé, il dit que c’est
là qu’il termine l’examen des difficultés. |
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LECTIO 3 |
LEÇON 3. Est-ce que
l’essence, qui est ce qui est signifié par la définition, peut être prouvée
démonstrativement en prenant des termes qui sont convertibles?
(nn.
431-442; [309-318]). |
[79897] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 3 n. 1Postquam philosophus disputative inquisivit
utrum definitio significans quod quid est possit
demonstrari, hic procedit ulterius ad inquirendum disputative utrum
ipsum quod quid est, quod est definitionis significatum, possit
demonstrative probari. Et primo, proponit quod intendit ; secundo, exequitur
propositum ; ibi : syllogismus quidem enim et cetera. Movet ergo primo
quaestionem : utrum possit esse syllogismus aut demonstratio eius quod
quid est, ita scilicet quod concludatur hoc esse quod quid est huius ;
aut hoc non sit possibile, sicut supposuit ratio immediate praemissa ? [79898] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 3 n. 2Fuit autem necessaria haec disputatio post
praemissam, quia in definitione attenditur non solum ut illud quod
significatur, sit quod quid est, sed etiam ut tali modo tradatur
qui competat ad manifestandum quod quid est ; ita scilicet quod sit ex
prioribus et notioribus, et alia huiusmodi habeat quae in definitione sunt
observanda. Signanter autem dicit, utrum sit syllogismus aut
demonstratio : nam rationum subsequentium quaedam concludunt quod eius
quod quid est non sit demonstratio, quaedam vero quod eius omnino non sit
syllogismus. [79899] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 3 n. 3Deinde cum dicit : syllogismus quidem enim
aliquid de aliquo etc., procedit disputative ad ostendendum quod non sit
syllogismus vel demonstratio eius quod quid est. Et primo,
excludit quosdam speciales modos, quibus posset videri quod possit
demonstrari quod quid est ; secundo, ponit rationes communes ad hoc ; ibi :
amplius quomodo demonstrabit et cetera. Circa primum tria facit : primo,
ostendit quod non potest demonstrari quod quid est per acceptionem
convertibilium terminorum ; secundo, quod non potest demonstrari per
divisionem ; ibi : at vero neque per divisionem etc. ; tertio, quod non
potest demonstrari accipiendo id quod requiritur ad quod quid est ; ibi : sed
utrum sit demonstrare et cetera. Circa primum tria facit : primo, praemittit
quaedam quae sunt necessaria ad propositum ostendendum ; secundo, inducit
rationem ; ibi : si enim ipsius ca proprium est etc. ; tertio, manifestat
inconveniens quod sequitur ; ibi : oportet autem in duabus propositionibus et
cetera. [79900] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 3 n. 4Circa primum praesupponit duo. Quorum
primum pertinet ad syllogismum, scilicet quod omnis syllogismus probat
aliquid de aliquo per aliquod medium, ut ex
superioribus patet. Aliud autem pertinet ad ipsum quod quid est,
quod est per syllogismum probandum ; ad quod requiruntur duae conditiones.
Quarum una est quod quod quid est sit proprium : quaelibet enim res habet
propriam essentiam sive quidditatem. Et quia non omne quod est proprium
alicui pertinet ad essentiam eius, sicut risibile homini ; ideo requiritur
secunda conditio, quod praedicetur in quid. Et has duas
conditiones necesse est sequi tertiam, scilicet ut quod quid est sit
convertibile cum eo cuius est. [79901] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 3 n. 5Deinde cum dicit : si enim a ipsi c est
proprium etc., ponit rationem ad propositum ostendendum. Et circa hoc tria
facit : primo, dicit qualem oporteat esse syllogismum qui concludit quod
quid est, si hoc sit possibile ; secundo, concludit inconveniens, quod ex
hoc sequitur ; ibi : si ergo quod quid est etc. ; tertio, exemplificat in
terminis ; ibi : et omnino si est monstrare et cetera. Circa primum tria
facit : primo enim ostendit quid requiratur ad syllogismum concludentem quod
quid est, ex eo quod est proprium ; secundo, quid requiratur ex eo quod
praedicatur in quid ; ibi : at vero et si a etc. ; tertio,
ostendit quod sine his talis syllogismus esse non possit ; ibi : si vero
aliquis et cetera. Dicit ergo primo quod si a, quod est probandum de c
tanquam quod quid est eius, est proprium ipsi c (quod
requiritur ad quod quid est, ut dictum est), oportebit quod primum, scilicet
a, sit proprium medio, quod est b : nam si a excedit b, quod universaliter
praedicatur de c, sequitur quod a multo magis excedat c. Et similiter
manifestum est quod oportebit b esse proprium ipsius
c : nam si b excedat c, sequitur quod a, quod praedicatur universaliter de b,
excedat c ; et sic non erit proprium eius, ut supponebatur. Relinquitur ergo
quod si aliquis syllogismus sit, qui concludit quod quid est,
oportet esse talem habitudinem terminorum eius, ut omnes ad invicem
convertantur. [79902] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 3 n. 6Deinde cum dicit : at vero et si a in eo
quod quid est etc., ostendit quid debeat habere syllogismus praedictus, ex eo
quod concludit id quod praedicatur in eo quod quid est. Et dicit quod oportet
hoc modo syllogismum procedere, ut maior extremitas, quae est a, praedicetur
in eo quod quid de medio, quod est b ; et b similiter praedicetur in eo quod
quid de minori extremitate, quae est c ; et sic concluditur quod a
praedicetur de c in eo quod quid est. [79903] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 3 n. 7Deinde cum dicit : si vero aliquis non
accepit sic duplicans etc., ostendit quod praedictus modus syllogizandi
requiratur. Et dicit quod si aliquis non ita accipiat terminos duplicans,
idest observans duas conditiones praedictas, vel potius accipiens quod
quid est ex duabus partibus, non sequitur ex necessitate quod a
praedicetur de c in eo quod quid est. Sed et si ex una tantum parte
praedictae conditiones observentur, non sufficit ad propositum. Etsi enim
detur quod a praedicetur de b in eo quod quid est, non propter hoc sequitur
quod praedicetur in eo quod quid de quibuscunque praedicatur b
qualitercunque. Et sic sequitur quod ex utraque parte oporteat accipere quod
quid est : ita scilicet quod non solum a sit quod quid est ipsius b, sed
etiam ipsum b sit quod quid est ipsius c, tanquam convertibiliter et in eo
quod quid praedicatum. [79904] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 3 n. 8Deinde cum dicit : si igitur quod quid est
et quod quid erat esse etc., ducit ad inconveniens : quia si, sicut ostensum
est, ex utraque parte invenitur non solum praedicari aliquid in eo quod quid,
sicut genus praedicatur de specie, sed etiam quod ex utraque parte sit quod
quid erat esse, quod significat definitio, sequitur quod quid erat esse
prius fuisse in medio termino ; idest quod medius terminus sit quod quid erat
esse minoris extremitatis : et ita supponitur quod oportebat probare,
scilicet quidditatem ipsius c. [79905] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 3 n. 9Deinde cum dicit : et omnino si est
monstrare quid etc., manifestat quod dixerat in terminis. Puta si volumus
monstrare quid est homo, sit c, idest minor extremitas, homo ; a
vero, idest maior extremitas, sit quod quid est hominis,
puta animal bipes, vel aliquid aliud huiusmodi. Si
ergo hoc oporteat per syllogismum probari, necesse est quod definiatur
aliquod medium, scilicet b, de quo omni a praedicetur ; et ad hoc medium
pertinebit quaedam alia media definitio, quae scilicet erat definitio minoris
extremitatis. Unde sequetur quod hoc etiam medium sit quod quid est hominis.
Et ita qui sic syllogizat, accipit supponendo id quod oportebat ostendere,
scilicet quod b sit quod quid erat esse hominis. [79906] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 3 n. 10Deinde cum dicit : oportet autem in duabus
etc., manifestat quomodo hoc inconveniens sequatur ex praemissis. Et circa
hoc tria facit. Primo, ostendit modum quo convenienter hoc manifestetur. Et
dicit quod id quod dictum est, oportet considerare in duabus propositionibus,
quae sint primae et habeant terminos immediate sibi inhaerentes. Possibile
enim esset per plures propositiones hoc ostendere, ex quibus plures
syllogismi constarent ; vel etiam esset possibile duas solas propositiones
accipiendo, accipere eas mediatas. Sed quia oportet semper reducere ad duas
primas immediatas, ideo, ut brevior et expeditior sit consideratio, assumamus
a principio tales propositiones, et sic maxime poterit manifestari
propositum. [79907] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 3 n. 11Secundo, ibi : qui quidem itaque per
conversionem etc., proponit quod intendit ; et dicit, concludens ex
praemissis, quod illi qui volunt demonstrare per terminos convertibiles quod
quid est alicuius rei, puta quid est anima, vel quid
est homo, vel quodcunque aliud huiusmodi, necesse est quod incidant in
hoc quod petant principium. Et inducit exemplum de definitione animae
secundum Platonem. Quia enim anima vivit, et est corpori causa vivendi,
sequitur quod differat a corpore per hoc quod corpus vivit per aliam causam,
anima vero vivit per seipsam. Ponebat autem Plato quod numerus est substantia
omnium rerum : eo quod non distinguebat inter unum quod convertitur cum ente,
quod significat substantiam eius de quo dicitur, et unum quod est principium
numeri ; et ita sequebatur quod anima substantialiter sit numerus, sicut et
quaelibet alia res multa in se continens. Item ponebat Plato quod vivere sit
quoddam moveri. Duobus enim distinguitur vivum a non vivente, scilicet sensu
et motu, ut dicitur in I de anima ; et ipsum sentire sive cognoscere dicebat
esse quoddam moveri. Sic ergo dicebat animam esse numerum seipsum moventem :
dicebat etiam animam esse id quod est sibi causa vivendi. Si quis ergo velit
probare quid est anima, quia scilicet est id quod est sibi
causa vivendi, et assumat pro medio quod anima est numerus seipsum movens,
necesse est hoc petere, scilicet quod anima sit numerus seipsum movens : ita
scilicet quod hoc sit idem ipsi animae, tanquam quod quid est eius. Alioquin
non sequeretur quod si aliquid est quod quid est numeri moventis seipsum,
quod sit quod quid est ipsius animae. [79908] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 3 n. 12Tertio, ibi : non enim si consequitur etc.,
probat propositum, scilicet quod talis probatio contineat petitionem
principii ; et dicit quod non sequitur quod maior extremitas, quae est a,
sit quod quid est minoris extremitatis, quae est c, ex hoc
quod a sequitur ad b et b sequitur ad c ; sed sequitur simpliciter quod a
insit c. Et si ulterius detur quod ipsum a sit quod quid est alicuius, et
praedicetur universaliter de b, non adhuc sequitur quod a sit quod quid est
ipsius c : manifestum est enim hoc quod est animali esse, idest
quod quid est animalis, praedicari de hoc quod est homini esse,
idest de eo quod est quod quid est hominis. Sicut enim verum
est quod animal universaliter praedicatur de homine, ita verum est quod
definitio animalis universaliter praedicetur de definitione hominis, non
tamen ut sint omnino unum et idem. Sic igitur patet quod si aliquis non sic
accipiat terminos, ut primum sit omnino unum et idem medio, et medium ultimo,
non poterit syllogizari quod a, quod est primum, sit quod quid est ipsi c,
quod est ultimum, et essentia eius. Si vero accipiantur termini modo
praedicto, sequitur quod priusquam concludatur, accipiatur in praemissis quod
quid est ipsius c, scilicet ipsum b. Ex quo sequitur quod non sit
demonstratio, sed petitio vel acceptio principii. |
431. Après avoir
cherché à savoir, selon un mode dialectique, si la définition signifiant l’essence peut être démontrée, il
poursuit ici plus loin sa recherche selon un mode dialectique pour savoir si l’essence elle-même, qui est ce qui
est signifié par la définition, peut être prouvée par démonstration. Et en premier lieu [309] il présente son
propos; en deuxième lieu, il poursuit son propos, là [310] où il dit : Le syllogisme en effet etc. Il soulève donc en premier lieu [309] la
question suivante : est-il possible qu’il y ait syllogisme ou
démonstration du ce que c’est,
c’est-à-dire de telle manière que soit conclu que ceci est l’essence de cela,
ou bien cela n’est pas possible ainsi que le supposait le raisonnement qui
précède immédiatement? 432. Mais il
était nécessaire de présenter cette discussion après celle qui précède car
dans la définition on est attentif non seulement à ce qui y est présenté
comme signifiant le ce que c’est ou
l’essence mais aussi au mode selon lequel la définition est présentée et qui
sert à manifester l’essence, c’est-à-dire de telle manière qu’elle soit
constituée de ce qui est premier et plus connu, et qu’elle possède les autres
choses de cette sorte qu’on doit observer dans la définition. Et c’est avec
insistance qu’il dit : s’il y a
syllogisme ou démonstration, car certains des raisonnements qui suivent
concluent qu’il n’y a pas démonstration de l’essence alors que d’autres
concluent qu’il n’y a même absolument pas syllogisme de l’essence. 433. Ensuite
lorsqu’il dit [310] : En effet, le
syllogisme prouve certes quelque chose d’un sujet etc., il procède
dialectiquement pour montrer qu’il n’y a pas syllogisme ou démonstration de l’essence. Et
en premier lieu il écarte certaines modalités particulières par lesquelles il
pourrait sembler possible de démontrer l’essence; en deuxième lieu, il
présente les raisonnements communs pour le faire, là [332] où il dit : En outre, comment manifestera-t-on etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu, il montre qu’on ne peut démontrer l’essence en
prenant des termes qui sont convertibles; en deuxième lieu, il montre qu’on
ne peut la démontrer par la division, là [319] où il dit : Mais d’un autre côté on ne peut la
démontrer par la division etc.; en troisième lieu, il montre qu’on ne
peut la démontrer en prenant ce qui est contenu dans l’essence, là [324] où
il dit : Mais est-ce qu’il est
encore possible de démontrer etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu il fait précéder certaines notions qui sont
nécessaires à la manifestation du propos; en deuxième lieu, il présente un
raisonnement, là [311] où il dit : Car
si A est propre à C etc.; en troisième lieu il présente une impossibilité
qui découle de là lorsqu’il dit [316] : Mais il faut, dans le cas où il y a deux propositions etc. 434. Au sujet du
premier point, il présuppose deux choses
dont la première se rapporte au
syllogisme et il dit que tout syllogisme prouve, par un moyen terme, qu’un
prédicat appartient à un sujet, ainsi que nous l’avons vu plus haut. L’autre point se rapporte à l’essence qui doit être prouvée par le
syllogisme, ce qui exige deux conditions. La
première, c’est que l’essence soit propre : en effet, toute chose
possède une essence ou une quiddité qui lui est propre. Et parce que ce n’est
pas tout prédicat qui est propre à un sujet qui appartient à son essence,
comme c’est le cas pour la capacité de rire par rapport à l’homme, c’est
pourquoi la deuxième condition qui
est requise est que le prédicat se retrouve dans l’essence. Et il est nécessaire qu’une troisième condition
découle de ces deux dernières, à savoir que l’essence soit convertible avec
ce dont elle est l’essence. 435. Ensuite
lorsqu’il dit [311] : Si en effet
A est propre à C etc., il présente le raisonnement pour manifester le
propos. Et à ce sujet il fait trois choses :
en premier lieu [311], il dit quel doit être le syllogisme qui conclut l’essence, si cela est toutefois
possible; deuxièmement, il conclut une impossibilité qui découle de cela, là
[314] où il dit : Si donc
l’essence etc.; troisièmement, il illustre cela par des termes, là [315]
où il dit : Et pour généraliser,
s’il fallait démontrer etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu [311] il montre en effet ce qui est requis au
syllogisme qui conclut l’essence en partant de ce qui est propre;
deuxièmement, il montre ce qui est requis de lui en partant de ce qui s’attribue
dans l’essence, là [312] où il
dit : Et d’un autre côté, si A
etc.; en troisième lieu, il montre que sans ces conditions un tel syllogisme
ne peut exister, là [313] où il dit : Mais si quelqu’un etc. Il dit donc en premier lieu [311] que si
A, qui doit être prouvé de C en tant qu’essence,
est propre à ce même C (ce qui est requis à l’essence, comme nous l’avons
dit), il faudra que le grand terme, à savoir A, soit aussi propre à B qui est
le moyen terme : car si A dépasse B en universalité, lequel s’attribue à
C universellement, il s’ensuit que A dépassera encore davantage C en
universalité. Et il est également manifeste qu’il faudra que B soit propre à
C : car si B dépassait C, il s’ensuit que A, qui s’attribue
universellement à B, dépasserait C; et de cette manière, A ne serait pas
propre à C ainsi qu’on le supposait au départ. Il s’ensuit donc que s’il
existe un syllogisme qui conclut l’essence,
il faut qu’entre les termes il y ait un rapport tel qu’ils se convertissent
tous mutuellement. 436. Ensuite lorsqu’il
dit [312] : Et d’un autre côté si
A est contenu dans l’essence de tout B etc., il montre ce que doit
posséder le syllogisme précédent du fait qu’il conclut ce qui s’attribue dans
l’essence. Et il dit que ce syllogisme doit se présenter de cette manière,
c’est-à-dire de telle sorte que le grand
terme, qui est A, s’attribue dans l’essence du moyen terme qui est B; et B s’attribue également dans l’essence
du petit terme qui est C; ainsi, ce
syllogisme conclut que A s’attribue à C dans son essence. 437. Ensuite
lorsqu’il dit [313] : Mais si
quelqu’un ne prend pas les deux prémisses de cette manière etc., il
montre que la manière de syllogiser qui précède est requise. Et il dit que si
quelqu’un ne prend pas les termes de cette manière dans les deux prémisses,
c’est-à-dire en observant les deux conditions qui précèdent, ou mieux en
prenant l’essence des deux côtés, il ne s’ensuivra pas nécessairement que A s’attribuera à C dans son essence. Mais si c’est
d’un côté seulement que les conditions précédentes sont observées, cela ne
suffira pas au propos qui nous intéresse. En effet, même si on accordait que A s’attribue à B dans son essence, il ne s’ensuit pas
pour cela que A s’attribuerait dans l’essence de tout ce à quoi s’attribue B
de quelque manière que ce soit. Et il s’ensuit ainsi que c’est dans les deux
prémisses que l’attribution doit se faire dans l’essence, c’est-à-dire de
telle manière que ce ne soit pas seulement A qui soit dans l’essence de B,
mais aussi que B soit lui-même dans l’essence de C, en tant que s’attribuant
dans l’essence de manière à se convertir. 438. Ensuite
lorsqu’il dit [314] : Si donc
l’essence et la quiddité etc., il nous conduit à une impossibilité :
car, ainsi que nous l’avons montré, si c’est de part et d’autre, c’est-à-dire
dans la majeure et la mineure, qu’on rencontre non seulement une attribution
dans l’essence comme le genre s’attribue à l’espèce mais aussi l’attribution
de la quiddité que signifie la
définition, il s’ensuit que la quiddité se retrouve déjà au départ dans le moyen terme; c’est-à-dire que le
moyen terme serait alors la quiddité du petit terme : et ainsi ce qu’il
fallait prouver, à savoir la quiddité du petit terme C, était déjà posée
avant même qu’on tire la conclusion. 439. Ensuite
lorsqu’il dit [315] : Et pour
généraliser, s’il fallait démontrer l’essence etc., il manifeste ce qu’il
vient de dire au moyen de termes. Par exemple, si nous voulons montrer ce
qu’est l’homme, prenons comme petit terme
l’homme, à savoir C; mais A,
c’est-à-dire le grand terme, est l’essence de l’homme, par exemple animal bipède ou quelque chose d’autre de cette sorte. Si donc il fallait
démontrer cela par syllogisme, il faudrait délimiter un moyen terme, à savoir
B, auquel tout A s’attribue; et à ce moyen terme appartiendra une autre définition
intermédiaire, c’est-à-dire celle qui était la définition du petit terme.
D’où il s’ensuivrait que ce moyen terme aussi serait l’essence de l’homme. Et
ainsi, celui qui syllogiserait de cette manière se trouverait à poser à
l’avance, en supposant que B est l’essence de l’homme, ce qu’il fallait
prouver. 440. Ensuite
lorsqu’il dit [316] : Mais il faut
que ce soit dans deux etc., il manifeste comment cette impossibilité
découle des prémisses. Et à ce sujet il fait trois choses. En
premier lieu [ibid.], il montre la manière par laquelle cela est rendu
manifeste de la manière qui convient. Et il dit que ce qui a été dit doit
être considéré dans deux propositions qui sont premières et qui possèdent des
termes qui s’appartiennent de façon immédiate. Il serait possible en effet de
manifester cela par un plus grand nombre de propositions à partir desquelles
plusieurs syllogismes seraient constitués; il serait même possible de ne
prendre que deux propositions médiates. Mais parce qu’il faut toujours ramener
les propositions médiates à des propositions immédiates c’est pourquoi, afin
que la considération soit plus brève et plus rapide, nous prenons au départ
de telles propositions et de cette manière le propos pourra être mieux
manifesté. 441. En deuxième lieu, là [317] où il
dit : C’est pourquoi, ceux qui
veulent prouver par des termes qui se convertissent etc., il présente son
propos; et il dit, en tirant la conclusion qui suit de ce qui précède, que
ceux qui veulent prouver l’essence d’une
chose par des termes qui se convertissent, par exemple ce qu’est l’âme, ce qu’est
l’homme ou n’importe quoi d’autre,
il est nécessaire qu’ils tombent dans ce qu’on appelle une pétition de
principe. Et il présente un exemple sur la
définition de l’âme d’après Platon. En effet, parce que l’âme est principe de
vie et qu’elle est la cause qui fait que le corps est vivant, il s’ensuit
qu’elle diffère du corps en ceci que le corps vit par quelque chose d’autre
alors que l’âme vit par elle-même. Mais Platon soutenait que le nombre est la
substance de toutes les choses du fait qu’il ne faisait pas la différence
entre l’un qui se convertit avec
l’être, qui signifie la substance de ce dont on parle, et l’un qui est
principe du nombre; et ainsi il s’ensuivait d’après lui que l’âme, comme
toute autre chose qui contient en elle une multiplicité, est
substantiellement un nombre. De plus Platon soutenait que vivre, c’est
en quelque sorte se mouvoir. En effet, le vivant se distingue du non-vivant
par deux choses, c’est-à-dire par le sens et par le mouvement ainsi qu’on le
dit au premier livre de l’Âme; et
il disait que la sensation ou la connaissance était un certain mouvement.
Ainsi il disait donc que l’âme est un nombre qui se meut lui-même et aussi
que l’âme est ce qui est à soi-même cause de vie. Si donc quelqu’un voulait
prouver l’essence de l’âme, c’est-à-dire qu’elle est à elle-même cause de
vie, en assumant pour moyen terme qu’elle est un nombre qui se meut lui-même,
il est alors nécessaire de postuler cela, à savoir que l’âme est un nombre
qui se meut lui-même, c’est-à-dire de telle manière que cela soit identique à
l’âme elle-même en tant qu’essence. Autrement il ne s’ensuivrait pas, si
quelque chose est l’essence du nombre qui se meut lui-même, qu’il serait
l’essence de l’âme elle-même. 442. En troisième lieu, là [318] où il
dit : En effet, si A n’est qu’un
conséquent etc., il prouve son propos, à savoir qu’une telle preuve
contient une pétition de principe; et il dit qu’il ne s’ensuit pas que le
grand terme, qui est A, soit l’essence du petit terme qui est C du seul fait
que A soit seulement un conséquent de B et que B soit seulement un conséquent
de C; mais il suit simplement de là que A appartient à C. Et si par la suite
on accorde que A lui-même soit l’essence de quelque chose et qu’il s’attribue
universellement à B, il ne s’ensuivra pas encore que A sera l’essence de
C : il est manifeste en effet que ce qu’est l’animal, c’est-à-dire l’essence de l’animal, s’attribue à ce
qu’est l’homme, c’est-à-dire à ce
qui est l’essence de l’homme. En
effet, tout comme il est vrai que l’animal s’attribue universellement à
l’homme, de même il est vrai que la définition de l’animal s’attribue
universellement à la définition de l’homme, mais non pas de telle manière que
ces deux définitions ne seraient plus qu’une seule et même définition. Ainsi donc il est clair que si on ne prend
pas les termes de telle manière que le grand soit absolument identique au
moyen et que ce dernier soit absolument identique au petit, on ne pourra pas
syllogiser que A, qui est le grand, est l’essence du petit qui est C. Mais
d’un autre côté, si on prend les termes de cette manière, il s’ensuit
qu’avant même que la conclusion soit tirée, on aura assumé dans les prémisses
que B lui-même est l’essence de C. Il suit donc de là qu’on n’aura pas fait
une démonstration mais seulement une pétition de principe. |
|
|
LECTIO 4 |
LEÇON 4. Est-ce que
l’essence peut être démontrée par voie de division?
(nn.
443-450; [319-323]). |
[79909] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 4 n. 1Postquam philosophus ostendit quod non
potest demonstrari quod quid est per terminos convertibiles,
hic ostendit quod non potest demonstrari per viam divisionis. Et circa hoc
duo facit : primo, ostendit propositum ; secundo, excludit quamdam solutionem
; ibi : contingit autem solvere et cetera. Circa primum duo facit : primo,
ostendit propositum per rationem communem omnibus quae syllogizari possunt ;
secundo, ostendit propositum quantum ad ea quae sunt propria ei quod quid est
: ibi : quid enim prohibet et cetera. [79910] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 4 n. 2Dicit ergo primo quod, sicut non potest
demonstrari quod quid est per terminos convertibiles, ita
etiam non potest demonstrari per viam divisionis : per quam etiam nihil
syllogistice probatur, sicut dictum est in resolutione circa figuras, idest
in I priorum analyticorum. Sicut enim
in posterioribus analyticis docetur resolutio usque ad principia prima, ita
etiam in prioribus analyticis fit resolutio ad prima quaedam simplicia
pertinentia ad dispositionem syllogismi in modo et figura. [79911] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 4 n. 3Quod autem per viam divisionis non possit
aliquid syllogizari probat per hoc, quod in via divisionis non ex necessitate
sequitur conclusio, existentibus praemissis (quod requiritur ad rationem
syllogismi) : sed ita se habet in via divisionis, sicut et in via
inductionis. Ille enim
qui inducit per singularia ad universale, non demonstrat neque syllogizat ex
necessitate. Cum enim aliquid syllogistice probatur, non est necessarium
ulterius quod vel syllogizans interroget de conclusione, nec quod respondens
det ei conclusionem : sed necesse est quod conclusio sit vera, praemissis
existentibus veris. Hoc autem non accidit in via divisionis, sicut manifestat
per exempla. Proceditur enim via divisionis cum, accepto aliquo communi quod
per multa dividitur, remoto uno, concluditur alterum. Puta si entium aliud
est animal et aliud inanimatum, habito quod homo non sit inanimatum,
concluditur quod sit animal : sed ista conclusio non sequitur, nisi
respondens det quod homo vel sit animal vel inanimatum. [79912] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 4 n. 4Et est attendendum quod satis convenienter
comparavit divisionem inductioni. Utrobique enim oportet supponere quod
accepta sint omnia quae continentur sub aliquo communi : alioquin nec
inducens poterit ex singularibus acceptis concludere universale, nec dividens
ex remotione quarumdam partium poterit concludere aliam. Patet igitur quod
inducens, facta inductione quod Socrates currat et Plato et Cicero, non
potest ex necessitate concludere quod omnis homo currat, nisi detur sibi a
respondente quod nihil aliud contineatur sub homine quam ista quae inducta
sunt. Similiter etiam nec dividens, si probaverit quod hoc coloratum non sit
album nec pallidum, non potest ex necessitate concludere quod sit nigrum,
nisi detur sibi a respondente quod nihil aliud contineatur sub colorato nisi
ea quae assumpta sunt in divisione. Et quia investigantibus quid est
homo, oportet accipere non solum genus, quod est animal, sed etiam
differentiam ; ulterius in suo exemplo procedit quod, si omne animal aut
gressibile est aut aquaticum, et accipiat quod homo, quia non est aquaticum
animal, sit totum hoc quod est animal gressibile, non ex necessitate sequitur
ex dictis ; sed oportet quod hoc etiam supponat datum sibi a respondente,
scilicet quod animal sufficienter dividatur per gressibile et aquaticum. Et
quia quandoque per plures divisiones proceditur ad accipiendum quod quid est
alicuius rei, ideo, praemissis duabus divisionibus in suo exemplo, subdit
quod nihil differt quod sic procedatur in multis aut in paucis. Eadem enim
est ratio in omnibus. Et sic ulterius concludit quod procedentes per viam
divisionis, etiam circa ea quae contingit syllogizari, non utuntur probatione
syllogistica. [79913] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 4 n. 5Deinde cum dicit : quid enim prohibet hoc
verum etc., inducit duas rationes proprias ei quod quid est. Quarum prima
est, quia non omne quod vere praedicatur de aliquo, praedicatur in eo quod
quid est, nec significat essentiam eius. Si ergo detur quod per viam
divisionis sufficienter probetur quod totum hoc, scilicet animal gressibile,
vere praedicetur de homine ; non tamen propter hoc erit probatum quod
praedicetur de eo in eo quod quid est, vel ostendat quod quid erat esse,
idest quod demonstrat essentiam rei. [79914] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 4 n. 6Secundam rationem ponit ibi : amplius quid
prohibet aut apponere et cetera. Essentia enim cuiuslibet rei declaratur per
aliqua certa, quibus nec addere oportet nec subtrahi. Nihil autem prohibet
quin ille qui procedit per viam divisionis, aut apponat aliquid supra ea quae
sufficiunt ad ostendendum quod quid est, aut auferat aliquid eorum
quae ad hoc sunt necessaria, aut etiam quod supergrediatur vel excellat
essentiam rei, utpote si sit communius quam ipsa res ; quod fit dum
subtrahuntur differentiae ultimae, quibus ea quae sunt communia contrahuntur.
Unde per divisionem non probatur sufficienter quod quid est. Et hoc est quod
concludit, quod in via divisionis praetermittuntur praedictae conditiones ;
ut scilicet id quod concluditur, praedicetur in eo quod quid est, et quod nec
excedat nec excedatur. [79915] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 4 n. 7Deinde cum dicit : contingit autem solvere
in accipiendo etc., excludit quamdam solutionem. Et primo, proponit eam ;
secundo, excludit ipsam ; ibi : sed syllogismus tamen et cetera. Dicit ergo
primo quod contingit solvere ea quae obiecta sunt, ex eo quod aliquis dicat
quod dividendo accipiat omnia quae praedicantur in eo quod quid est ; et ita
per consequentiam ad divisionem faciat id quod primo intenditur, ut scilicet
constituat definitionem significantem quod quid est, et nihil
relinquat eorum quae requiruntur ad definiendum. Et si haec duo faciat,
scilicet quod omnia, quae accipit per divisionem, praedicentur in eo quod
quid, et omnia huiusmodi cadant in divisione, ita quod nihil desit,
necessarium est quod id quod est inventum sit quod quid est. Et huiusmodi
necessitatis ratio est quia, acceptis omnibus quae praedicantur in eo quod
quid, nullo derelicto, iam id quod inventum est, oportet esse quoddam individuum,
idest individuam rationem talis rei ; ita scilicet quod non indigeat
ulteriori divisione ad hoc quod approprietur huic rei. [79916] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 4 n. 8Deinde cum dicit : sed syllogismus tamen
non inest etc., excludit praedictam solutionem : et dicit quod quamvis
necesse sit, praedictis existentibus, aliquid individuum fieri, sicut
expositum est, tamen praedicta via non est syllogistica ; quamvis cognoscere
faciat quod quid est per alium modum. Et hoc non est
inconveniens, scilicet quod aliquid alio modo manifestetur quam per
syllogismum. Ille enim qui utitur inductione, non probat syllogistice, sed
tamen aliquid manifestat. Quod autem ille qui per divisionem ad definitionem
pervenit, non faciat syllogismum, ostendit per quoddam simile. Si enim
inducatur conclusio ex maiori propositione, subtracta media, et concludens dicat
quod hoc necesse est sequi ex praemissis, poterit interrogare
respondens, propter quid sit necessarium : quod non accidit
in syllogistica probatione. Unde talis modus argumentandi non est
syllogisticus. Ita etiam in terminis divisivis non fit syllogismus, quia
semper restat interrogatio propter quid. Puta si aliquis volens
notificare quid est homo, accipiat per viam divisionis quod homo
est animal mortale bipes, vel habens pedes, sine pennis
; ad quamlibet appositionem praedictorum poterit convenienter quaeri propter
quid sit necesse. Ille enim qui ad manifestandum quod quid est
conatur, non solum dicet, sed etiam probabit per divisionem, secundum quod
ipse opinatur, quod omne quod est sit mortale aut immortale. Et quamvis detur
quod per hanc divisionem possit demonstrare propositum, tamen non est necesse
quod ratio sic conclusa sit definitio ; quia forte ea ex quibus constat ratio
talis, non praedicantur in eo quod quid est, vel excedunt substantiam
definiti. Sed etsi contingat quod talis ratio sit definitio, non tamen per
syllogismum probatur quod definitio sit, ut ex supra dictis patet. |
443. Après avoir
montré que l’essence ne peut être
démontrée par des termes qui se convertissent, le Philosophe montre ici
qu’elle ne peut non plus être démontrée par voie de division. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il montre quel est son propos [319]; en deuxième lieu il
écarte une solution, là [322] où il dit : Mais peut-être est-il possible d’éviter etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il montre le propos au moyen d’un raisonnement
qui est commun à tout ce qui peut être syllogisé; en deuxième lieu il montre
le propos par rapport à ce qui se rapporte en propre à l’essence, là [320] où
il dit : Qu’est-ce qui empêche
etc. 444. Il dit donc
en premier lieu [319] que, tout comme on ne peut démontrer l’essence au moyen de termes qui se convertissent, de même
encore on ne peut la démontrer par voie de division par laquelle rien ne peut
être prouvé selon un mode syllogistique, ainsi qu’on le dit dans l’Analyse sur les figures,
c’est-à-dire dans le livre des Premiers
Analytiques. En effet, tout comme on enseigne dans le livre des Seconds Analytiques à résoudre
jusque dans les premiers principes, de même encore dans le livre des Premiers Analytiques on enseigne à
résoudre jusque dans les premiers principes qui sont simples et qui sont
relatifs à la disposition du syllogisme en modes et en figures. 445. Mais que
rien ne puisse être syllogisé par voie de division, il le prouve par ceci que
dans la voie de division la conclusion ne suit pas nécessairement une fois
qu’on a posé les prémisses (ce qui entre nécessairement dans la définition du
syllogisme) : mais on procède par voie de division de la manière donc on
procède par voie d’induction. En effet, celui qui induit en partant de cas
particuliers pour parvenir à l’universel ne démontre pas et ne syllogise pas
avec nécessité. En effet, lorsqu’on prouve quelque chose par voie de
syllogisme, il n’est nécessaire par la suite ni pour celui qui syllogise
d’interroger sur la conclusion, ni pour celui qui répond de lui accorder la
conclusion : mais au contraire il est nécessaire que la conclusion soit
vraie si les prémisses qui ont été posées le sont. Mais ce n’est pas là ce
qui se produit dans le cas d’une division ainsi qu’il le manifeste par des
exemples. En effet, on procède par voie de division
lorsque, ayant pris un terme commun qui se divise en plusieurs termes, ayant
écarté un de ces termes, on conclut l’autre. Par exemple, si on divise les
êtres en animaux et en êtres inanimés, ayant établi que l’homme n’est pas un
être inanimé, on conclut qu’il est un animal : mais cette conclusion ne
suit que si celui qui répond accorde ou concède que l’homme est soit un
animal, soit un être inanimé. 446.
Et il faut remarquer que nous avons comparé la division à l’induction d’une
manière suffisamment appropriée. Dans les deux cas en effet on sous-entend
que tous les cas contenus dans le terme commun ont été considérés :
autrement, celui qui induit ne pourrait pas conclure l’universel en partant
des cas particuliers qu’il a pris, tout comme celui qui divise, ayant écarté
une des parties de la division, ne pourrait conclure l’autre. D’où il est
clair que celui qui induit, voyant que Socrate, Platon et Cicéron courent, ne
peut conclure nécessairement par induction que tout homme court, sauf si
celui qui répond lui accorde qu’il n’y a rien d’autre qui soit contenu dans
¨homme¨ que les individus qui ont été présentés. De la même manière encore
celui qui divise, ayant montré que ce sujet coloré n’est ni blanc ni gris, ne
peut conclure nécessairement qu’il soit noir que si celui qui répond lui
accorde qu’il n’y a pas d’autres espèces dans le genre de la couleur que
celles qui ont été présentées dans la division. Et parce que ceux qui cherchent à savoir
ce qu’est l’homme doivent non seulement prendre le genre qui est animal, mais
aussi la différence, c’est pourquoi par la suite il poursuit avec son exemple
en disant que si tout animal est soit terrestre soit aquatique et qu’on admet
que l’homme, parce qu’il n’est pas un animal aquatique, est universellement
un animal terrestre, cette conclusion ne suit pas nécessairement de ce qui a
été dit, mais il faut encore sous-entendre que cela lui est accordé par celui
qui répond, à savoir que l’animal se divise d’une manière satisfaisante en
terrestre et aquatique. Et parce que parfois, en procédant par plusieurs
divisions, on en arrive à saisir l’essence d’une chose, c’est pourquoi, ayant
présenté ces deux divisions dans son exemple, il ajoute qu’il importe peu
qu’on procède par un petit ou un grand nombre de divisions. L’argument vaut
en effet pour tous les cas. Et ainsi il conclut par la suite que ceux qui
procèdent par voie de division, même par rapport à ce qui peut être
syllogisé, ne se servent pas d’une preuve syllogistique. 447.
Ensuite lorsqu’il dit [320] : Qu’est-ce
qui empêche en effet que cela soit vrai etc., il présente deux
raisonnements qui se rapportent en propre à l’essence. Dont le
premier est que ce n’est pas tout prédicat attribué en vérité à un sujet
qui lui est attribué dans son essence et qui signifie son essence. Si donc on
concède que par voie de division il est suffisamment prouvé que tout cela, à
savoir animal terrestre, s’attribue à l’homme en vérité, ce n’est cependant
pas pour cette raison qu’on aura prouvé que cela s’attribue à lui dans son
essence ou que cela manifeste sa quiddité, c’est-à-dire que cela démontre son
essence. 448.
Il présente le deuxième
raisonnement là [321] où il dit : En
outre, qu’est-ce qui empêche soit d’ajouter etc. En effet, on déclare
l’essence d’une chose au moyen de termes déterminés auxquels il ne faut rien
ajouter et rien enlever. Mais rien n’empêche que celui qui procède par voie
de division ou bien ajoute quelque chose à ce qui suffit à montrer l’essence, ou bien omette un des
éléments constitutifs nécessaires manifestant l’essence, ou bien encore
outrepasse l’essence de la chose en tant qu’il présente des éléments qui ne
sont pas propres à la chose elle-même, ce qui
se produit inévitablement si on enlève des différences dernières par
lesquelles ce qui est commun se trouve à être appliqué à ce qui est examiné
en particulier. C’est pourquoi l’essence n’est pas prouvée de manière
satisfaisante par voie de division. Et c’est là ce qu’il conclut, à savoir
que dans la voie de division les conditions dont nous avons parlé sont
ignorées, à savoir que ce qui est conclu doit s’attribuer dans l’essence et
que la conclusion n’est ni plus large ni plus étroite que l’essence. 449.
Ensuite lorsqu’il dit [322] : Mais
il est possible d’éviter ces difficultés, dira-t-on etc., il écarte une
solution au problème. Et en premier lieu [322] il présente la
solution; en deuxième lieu il l’écarte là [323] où il dit : Mais le syllogisme etc. Il dit donc en premier lieu [322] qu’il
est possible d’éviter les difficultés rencontrées du fait qu’on pourrait dire
que dans la division on pourrait prendre tous les termes qui s’attribuent
dans l’essence et qu’ainsi, en partant de ce qu’on se proposait en premier,
on poursuive la division, c’est-à-dire de manière à constituer la définition
qui signifie l’essence sans rien omettre de ce qui est requis à la
définition. Et si ces deux conditions sont réalisées, à savoir que tout ce
qu’on admet par la division s’attribue dans l’essence et que toute la série
des termes tombe dans la division de manière à ce qu’il ne manque rien, il
est nécessaire que ce qu’on trouvera sera l’essence. Et la raison d’une telle
nécessité est que, tout ce qui est attribué étant admis dans l’essence sans
qu’il ne manque aucun terme, alors ce qu’on aura trouvé doit être un
indivisible, c’est-à-dire une définition indivisible de telle chose, de telle
manière qu’on n’aura plus besoin d’une autre division par la suite pour que
cette définition soit ajustée à cette chose. 450.
Ensuite lorsqu’il dit [323] : Mais
il n’y a pas là syllogisme etc., il écarte la solution qui précède :
et il dit que bien qu’il soit nécessaire, ce qui précède au sujet de la
division ayant été posé, qu’un indivisible soit produit, ainsi que nous
l’avons expliqué, cependant cette manière de procéder n’est pas celle du
syllogisme, bien qu’elle fasse connaître l’essence
par une autre voie. Et il n’y a rien d’étonnant à cela, à savoir que
quelque chose puisse être manifesté d’une autre manière que par syllogisme.
En effet, celui qui procède par induction, bien qu’il ne prouve pas par
syllogisme, fait cependant connaître quelque chose. Mais que celui qui parvient à une
définition par voie de division ne fasse pas un syllogisme, il le montre par
une similitude. Si en effet une conclusion était amenée à partir d’une
proposition majeure et que la mineure était absente, et que celui qui conclut
disait que la conclusion suit nécessairement les prémisses, celui qui répond
pourrait demander pourquoi elle
suit nécessairement : ce qui ne se produit pas dans la preuve par
syllogisme. C’est pourquoi une telle manière d’argumenter ne constitue pas un
syllogisme. De même encore dans les termes de la division il n’y a pas
syllogisme parce qu’on peut toujours demander pourquoi. Par exemple si quelqu’un, voulant faire connaître l’essence de l’homme, trouve par voie
de division que l’homme est un animal
mortel, bipède, ou ayant des pieds
et sans ailes, à chaque addition
d’un des termes qui précèdent, on pourra à juste titre demander pourquoi cela est nécessaire. En
effet, celui qui entreprend de manifester l’essence non seulement dira, mais
encore croira prouver par division que tout ce qui existe est soit mortel
soit immortel. Et même si on accordait que par cette division il puisse
démontrer le propos, cependant il ne serait pas nécessaire que ce qui est conclu
de cette manière soit vraiment une définition; car peut-être que les termes à
partir desquels une telle définition serait constituée ne seraient pas
attribués dans l’essence, ou peut-être qu’ils dépasseraient même la substance
du défini. Mais même s’il arrivait qu’un tel énoncé soit véritablement une
définition, ce ne serait cependant pas par voie de syllogisme qu’on
prouverait qu’elle est une définition ainsi qu’on le voit à partir de ce qui
est dit plus haut. |
|
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LECTIO 5 |
LEÇON 5. Est-ce que
l’essence peut être démontrée en partant de ce qui est exigé pour l’essence?
(nn.
451-459; [324-331]). |
[79917] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 5 n. 1Postquam philosophus ostendit quod non
potest demonstrari quod quid est, nec per convertibiles terminos,
nec per viam divisionis, hic ostendit ulterius quod non potest quod quid est
demonstrari, accipiendo id quod requiritur ad quod quid est. Et circa hoc duo
facit : primo, ostendit propositum ; secundo, concludit ex omnibus praemissis
quod nullo modo quod quid est demonstrari possit ; ibi : qualiter igitur
definiens et cetera. Circa primum duo facit : primo, inducit rationes
proprias ad propositum ; secundo, inducit quamdam rationem communem ad id
quod nunc dicitur, et ad id quod supra dictum est ; ibi : ad utrosque autem
et cetera. Circa primum duo facit : primo, ostendit quod non potest
demonstrari quod quid est per hoc quod accipiatur id quod pertinet ad rationem
eius quod quid est ; secundo, ostendit quod non potest demonstrari quod quid
est huius rei, ex hoc quod accipitur quod quid est alterius rei ; ibi : ex
suppositione autem et cetera. Circa primum duo facit : primo, movet
quaestionem ; secundo, argumentatur ad propositum ; ibi : aut iterum accipit
et cetera. [79918] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 5 n. 2Quaerit ergo primo, utrum contingat
demonstrare quid sit aliquid secundum suam substantiam, ex tali
suppositione, per quam accipiatur quod quid erat esse alicuius
rei, ex illis conditionibus quae sunt propriae ei quod quid est. Puta si
aliquis probet quod animal gressibile bipes sit quod quid est hominis,
accipiens pro medio quod haec ratio convertitur cum homine, et constat ex
genere et differentia. Haec autem sola requiruntur ad hoc quod quid est, et
totum hoc quod dictum est, est proprium ei quod quid est, quia est esse illi,
scilicet ei quod est quod quid est : quasi dicat quod hoc quod est esse
rationem convertibilem, ex genere et differentiis constantem, est omnino idem
ei quod quid est. [79919] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 5 n. 3Deinde cum dicit : an iterum accepit etc.,
obiicit ad praedictam quaestionem duabus rationibus, ostendens quod non
potest quod quid est praedicto modo demonstrari. Quarum
prima est, quia sicut praemissi modi demonstrandi deficiunt in hoc quod
accipiunt id quod quaeritur, ita est in proposito. Accipitur enim et in hoc
modo probationis quod quid erat esse ; puta dum accipitur quod omnis ratio
convertibilis, constans ex genere et differentiis, significat quod quid est :
et ita inconveniens est probatio. Necesse est
enim id ad quod demonstratio inducitur, non supponere quasi medium ; sed potius per aliud medium demonstrare. [79920] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 5 n. 4Secundam rationem ponit ibi
: amplius sicut neque in syllogismo etc. ; quae sumitur ex
similitudine syllogismi. Cum enim
aliquis syllogizat, non oportet quod accipiat definitionem syllogismi ad
syllogizandum ; quia ea ex quibus procedit syllogismus, hoc modo se habent,
quod semper quodlibet eorum est aut tota propositio, idest
universalis seu maior, aut est pars, idest particularis seu
minor, quae sumitur sub maiori. Et ita definitio syllogismi non est aliquid
eorum ex quibus procedit syllogismus. Et similiter si aliquis velit
syllogizare quod quid erat esse alicuius rei, non oportet
quod accipiat quid sit quod quid erat esse : sed oportet hoc seorsum haberi
in mente, praeter ea quae ponuntur in definitione vel syllogismo. Huiusmodi
enim rationes syllogismi et definitionis se habent in definiendo et
syllogizando, sicut regulae artis, ad quas debet aspicere artifex in
operando. Artifex autem qui facit cultellum, non
facit operando regulam, secundum quam operatur : sed
secundum regulam, quam habet in mente, examinat an cultellus bene sit factus.
Ita etiam ille qui syllogizat non accipit rationem syllogismi in syllogizando : sed per rationem syllogismi examinat
syllogismum factum an sit bonus. Unde si aliquis dubitet, syllogismo facto, an sit syllogizatum vel non, poterit syllogizans obviare,
ostendendo quod sit syllogizatum, ostendendo quod syllogismus sit tale
aliquid. Similiter etiam ei qui intendit syllogizare
quod quid erat esse, convenit ut habeat seorsum in mente rationem eius quod
quid erat esse : ut si aliquis dicat quod non est syllogizatum quod quid erat
esse, ipse dicat quod immo, quia tale aliquid ponitur quod quid erat esse.
Sic ergo patet quod syllogizans quod quid erat esse, neque debet sumere quid
est syllogismus, neque quid est quod quid erat esse. [79921] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 5 n. 5Deinde cum dicit : et si ex suppositione
etc., ostendit quod non potest demonstrari quod quid est unius
rei ex quod quid est alterius rei. Et circa hoc duo facit :
primo, proponit quod intendit ; secundo, probat propositum ; ibi : etenim hic
accipiens et cetera. Dicit ergo primo quod etiam non probatur quod
quid est, si aliquis velit hoc probare ex suppositione quod quid est
alterius rei. Puta si aliquis sic procedat accipiens quod idem sit esse divisibili
et malo, idest quod divisio sit quod quid est mali, et ulterius argumentetur
sic : in omnibus quae habent contrarium, contrarii est contrarium quod quid
est ; sed bono est contrarium malum, et indivisibile est contrarium
divisibili ; sequitur ergo quod indivisibile sit quod quid est ipsius boni.
Et sumuntur ista exempla secundum opinionem Platonis, qui posuit quod eadem
est ratio unius et boni. Videmus enim quod unumquodque appetit unitatem sicut
proprium bonum. Unum autem est idem quod indivisibile ; et sic per oppositum
sequitur quod malum sit idem quod divisibile. Unumquodque enim refugit
divisionem sui, quia per hoc tendit ad diminutum et imperfectum. [79922] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 5 n. 6Deinde cum dicit : etenim hic accipiens
etc., probat propositum, scilicet quod non possit demonstrari quod
quid est ; et hoc duabus rationibus. Quarum prima est, quia etiam in hoc
modo probationis demonstrat aliquis accipiendo quod quid erat esse, et ita
accipit quod oportet probare. [79923] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 5 n. 7Secundam rationem ponit ibi : accipit autem
ad demonstrandum etc. ; et dicit quod non solum est inconveniens quod
accipiatur quod quid erat esse ad demonstrandum, sed et
alterum inconveniens fit quod accipitur quod quid erat esse ad demonstrandum
quod quid erat esse : quia etiam in demonstrationibus in quibus probatur hoc
de hoc, puta passio de subiecto, accipitur pro medio quod quid erat esse, non
tamen quod quid erat esse quod accipitur, est ipsummet quod debet concludi,
vel aliquid quod habeat eamdem rationem et convertatur. Eamdem autem rationem
habet quod bonum sit indivisibile, et malum divisibile ; et haec duo
convertuntur, quia posito uno ponitur alterum, et e converso. [79924] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 5 n. 8Deinde cum dicit : ad utrosque autem et
secundum divisionem etc., inducit rationem communem contra eum qui demonstrat
ex suppositione et divisione ; et dicit quod eadem oppositio habet locum
contra utrosque, scilicet contra eum qui vult demonstrare quod
quid est per divisionem, et contra eum qui utitur suppositione quod quid est
in syllogismo. Manifestum est enim quod definitio significat unum aliquid :
unde ea quae ponuntur in definitione, ad significandum unitatem, debent poni
absque copula ; puta ut dicatur quod homo est animal gressibile bipes, non
autem debet dici quod homo sit animal et bipes. Unde si aliquis vult probare
quod quid est, oportet quod probet ex his, quae assumuntur, fieri unum. Sed
non est necessarium, secundum praedictas vias divisionis et suppositionis, quod
ex his quae accipiuntur ad definiendum, fiat unum praedicatum : sed poterit
esse quod sint multa, puta si dicatur quod homo est grammaticus et musicus.
Videtur igitur quod secundum vias praedictas, non probetur quod quid est. [79925] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 5 n. 9Deinde cum dicit : qualiter igitur
definiens etc., concludit ex praemissis quod nullo modo potest probari quod
quid est ; et dicit : si igitur neque per terminos convertibiles, neque
per divisionem, neque per suppositionem demonstratur quod quid est,
quomodo igitur definiens poterit demonstrare substantiam rei
vel quod quid est ? Iam enim ex praemissis patet quod non
probat, sicut manifestum faciens ex his quae sunt per se nota, quod necesse
sit alterum aliquid sequi per ea quae dicta sunt, quod requiritur ad
demonstrationem. Relinquitur autem praeter tres modos quartus modus, qui est
per inductionem. Sed nec contingit probare quod quid est per singularia
manifesta, ita scilicet quod aliquid praedicetur de omnibus, et non sit
aliquid eorum quod aliter se habeat : quia sic inducendo non demonstrabit
quod quid est, sed demonstrabit aliquid esse vel non esse, puta quod omnis
homo est animal, vel nullus homo est lapis. Nullus autem alius modus
relinquitur ad demonstrandum quod quid est : nisi forte modus demonstrationis
qui est ad sensum, sicut cum aliquid demonstratur digito. Manifestum est
autem quod hic modus non potest competere in proposito : quia quod quid est
non est obiectum sensus, sed intellectus, ut dicitur in III de anima.
Relinquitur ergo quod nullo modo possit demonstrari quod quid est. |
451.
Après avoir montré que l’essence ne peut être démontrée ni au moyen de termes
qui se convertissent ni par voie de division, le Philosophe montre ici par la
suite que l’essence ne peut être non plus démontrée en partant de ce qui est
exigé pour l’essence. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il montre le propos [324]; en deuxième lieu, il conclut, à
partir de tout ce qui précède, que l’essence ne peut être démontrée d’aucune
manière, là [331] où il dit : De
quelle manière, en définissant, etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il présente des raisons qui sont propres au
propos; en deuxième lieu, il présente une raison qui est commune à ce dont on
parle maintenant et à ce dont on a parlé plus haut, là [330] où il dit :
Mais à l’égard des deux sortes etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu, il montre que l’essence ne peut être démontrée
en prenant ce qui appartient à la définition de l’essence; en deuxième lieu,
il montre que l’essence de cette chose ne peut être démontrée si on part de
l’essence d’une autre chose, là [327] où il dit : Mais si on démontre à partir d’une hypothèse etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il soulève une question; en deuxième lieu il
argumente en vue du propos là [325] où il dit : Mais ne serait-ce pas que là encore on postule déjà l’essence etc. 452.
Il cherche donc à savoir en premier lieu [324] s’il est possible de démontrer
la définition d’une chose d’après son
essence en partant de cette hypothèse par laquelle on pose que la quiddité d’une chose est constituée
à partir de ces conditions qui sont propres à l’essence de la chose. Par
exemple, si quelqu’un prouvait que l’essence de l’homme est animal terrestre
et bipède en prenant pour moyen terme que cette définition se convertit avec
l’homme et qu’elle est constituée du genre et de la différence, que ces
termes sont les seuls à être contenus dans son essence et que tout ce qui est
dit dans cette définition est propre à son essence car c’est là ce qu’est la
chose, c’est-à-dire l’essence même de la chose : c’est comme s’il disait
que, du fait que cette définition est convertible du fait qu’elle est
constituée du genre et des différences, elle est absolument identique à
l’essence. 453.
Ensuite lorsqu’il dit [325] : Ne
serait-ce pas encore une fois que l’on prend etc., il répond négativement
à la question qui précède au moyen de deux raisonnements, en montrant que l’essence ne peut être démontrée de la
façon qui précède. Dont le
premier stipule que la proposition qui précède, tout comme les manières
précédentes de démontrer l’essence, est fautive en ceci qu’elle pose à
l’avance dans les prémisses ce qu’elle cherche à prouver dans la conclusion.
Cette manière de prouver en effet postule déjà l’essence dans la prémisse;
par exemple lorsqu’elle pose que toute définition convertible, constituée du
genre et de la différence, signifie l’essence : et c’est ainsi que cette
preuve est problématique. En effet, ce que la démonstration cherche à
manifester, il est nécessaire de ne pas le prendre comme moyen terme, mais
plutôt de le démontrer par un autre moyen terme. 454.
Il présente le deuxième raisonnement
là [326] où il dit : En outre tout
comme dans le syllogisme on ne etc., lequel se tire d’une similitude avec
le syllogisme. En effet, lorsqu’on syllogise, il ne faut pas prendre la
définition du syllogisme comme prémisse pour syllogiser; car les prémisses
d’où procède le syllogisme se présentent toujours de telle manière que l’une
d’elles est soit la proposition prise
en totalité, c’est-à-dire la proposition universelle ou la majeure, soit la proposition qui est prise en partie, c’est-à-dire la proposition
particulière ou la mineure qu’on
pose sous la majeure. Et ainsi la
définition du syllogisme ne fait pas partie des prémisses d’où procède le
syllogisme. Et de même si on voulait syllogiser la quiddité d’une chose, il ne faudrait pas prendre dans les
prémisses ce qu’est la quiddité mais il faudrait la considérer séparément, en
dehors de ce qui est posé dans la définition ou le syllogisme. Les notions de cette sorte sur le
syllogisme et la définition se présentent, pour celui qui définit et syllogise,
comme des règles de l’art sur lesquelles l’artisan doit avoir les yeux fixés
lorsqu’il pose son opération. Mais l’artisan qui fait un couteau, lorsqu’il
pose son opération, ne fait pas la règle d’après laquelle il pose cette
opération : mais d’après la règle qu’il a à l’esprit il examine si le
couteau est bien fait. De même encore celui qui syllogise ne part pas de la
définition du syllogisme lorsqu’il syllogise : mais en ayant à part dans
son esprit la définition du syllogisme, il examine si le syllogisme qu’il a
fait est bien fait. C’est pourquoi, le syllogisme ayant été
fait, c’est seulement à celui qui doute si la conclusion est syllogistique ou
non que celui qui syllogise pourra résister et montrant qu’elle l’est en lui
manifestant qu’elle est telle qu’elle doit être conformément à ce qui a été
dit du syllogisme. De la même manière encore, face à celui qui cherche à
syllogiser la quiddité, il convient d’avoir séparément à l’esprit la
définition de la quiddité de telle manière que si quelqu’un disait que la
quiddité n’a pas été syllogisée, on pourrait dire bien au contraire qu’elle
l’a été puisqu’elle est conforme à la définition de la quiddité qui a été
posée. C’est pourquoi il est clair que celui qui syllogise la quiddité ne
doit prendre pour prémisse ni la définition du syllogisme, ni celle de la
quiddité. 455.
Ensuite lorsqu’il dit [327] : Et
si on démontrait à partir d’une
hypothèse etc., il montre qu’on ne peut démontrer l’essence d’une chose à partir de l’essence d’une autre chose. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il présente le propos; en deuxième lieu, il prouve ce qu’il
se propose de montrer, là [328] où il dit : En effet, c’est en prenant ici etc. Il dit donc en premier lieu [327] que là
encore on ne prouve pas l’essence si
on veut prouver cela en posant comme hypothèse l’essence d’une autre chose.
Par exemple si on procédait ainsi en supposant que l’être du divisible et
celui du mal sont identiques, c’est-à-dire que la division est l’essence du
mal, et qu’on argumentait par la suite de la manière suivante : Pour toutes les choses qui ont un
contraire, l’essence d’un contraire d’une chose est le contraire de l’essence
de cette chose; mais le mal est le contraire du bien et l’indivisible est le
contraire du divisible; il s’ensuit donc que l’indivisible soit l’essence du
bien. Et ces exemples sont tirés de l’opinion de Platon qui soutenait que
la définition de l’un et celle du bien sont identiques. Nous voyons en effet
que toute chose recherche l’unité comme son bien propre. Mais l’un
s’identifie à l’indivisible; et ainsi, par opposition, il s’ensuit que le mal
s’identifie au divisible. Toute chose en effet fuit la division car c’est par
là qu’elle est portée à subir une diminution ou une imperfection. 456.
Ensuite lorsqu’il dit [328] : En
effet, c’est en prenant ici etc., il prouve ce qu’il se propose de
montrer, à savoir que l’essence ne
peut être démontrée, et cela au moyen de deux raisonnements. Dont le
premier affirme que même dans cette façon de prouver on ne démontre qu’en
posant la quiddité comme prémisse et de cette manière on se trouve à prendre
comme principe ce qu’il faut prouver, à savoir la conclusion. 457.
Il présente le deuxième raisonnement là [329] où il dit : Mais comme une prémisse en vue de démontrer
etc.; et il dit qu’il n’y a pas seulement un problème à prendre la quiddité
pour démontrer, mais qu’il y a un autre problème à prendre la quiddité comme
prémisse pour démontrer la quiddité : car même dans les démonstrations
dans lesquelles on prouve que ceci appartient à cela, par exemple que telle
propriété appartient à tel sujet, on prend pour moyen terme la quiddité, mais
cependant la quiddité qui est prise n’est pas la même que celle qui doit être
conclue et elle n’est pas quelque chose qui a la même définition ou qui est
convertible avec elle. Mais dans l’exemple qui nous intéresse, les deux
propositions suivantes, à savoir le bien est l’indivisible et le mal est le
divisible, se rapportent à une même notion et à une même définition et elles
sont convertibles, car en posant l’une on pose aussi l’autre et inversement. 458.
Ensuite lorsqu’il dit [330] : Mais
à l’égard des deux sortes de preuves, à la fois selon la division etc.,
il présente un raisonnement commun qui s’oppose à la fois à celui qui cherche
à démontrer à partir d’une hypothèse et à celui qui cherche à démontrer à
partir d’une division. Et il dit que c’est la même difficulté qui se présente
à l’égard des deux sortes de preuves, c’est-à-dire à la fois à l’égard de
celui qui veut démontrer l’essence par voie de division et à l’égard de celui
qui se sert de l’hypothèse de l’essence dans le syllogisme. Il est manifeste
en effet que toute définition signifie une unité : de là, les termes que
l’on pose dans la définition pour signifier l’unité doivent y être posés sans
qu’on doive les réunir par une copule, par exemple comme lorsqu’on dit que
l’homme est un animal terrestre bipède et non pas comme lorsqu’on dit que
l’homme est animal et bipède. De là, si quelqu’un veut prouver l’essence, il
faut que ce qu’il prouve à partir de ce qui est posé devienne une unité. Mais si on examine les deux manières de
procéder dont on parle, à savoir celle qui procède par voie de division tout
comme celle qui procède par hypothèse, on voit qu’il n’est pas nécessaire, à
partir de ce qu’on prend pour parvenir à la définition, qu’on en arrive à un
prédicat qui forme une unité; au contraire, on pourra aboutir à une
multiplicité, par exemple comme dans le cas où on dit que l’homme est
grammairien et musicien. Il semble donc qu’on ne prouve pas l’essence en
empruntant les méthodes qui précèdent. 459.
Ensuite lorsqu’il dit [331] : Donc,
de quelle manière, en définissant, etc., il conclut, en s’appuyant sur
tout ce qui précède, qu’il n’est possible d’aucune façon de prouver l’essence; et il dit : si donc ce
n’est ni par des termes convertibles, ni par division, ni par hypothèse que l’essence est démontrée, alors comment
donc celui qui définit pourra-t-il en arriver à démontrer l’essence de la
chose ou sa quiddité? Il est déjà
clair en effet à partir de ce qui précède qu’il ne prouve pas comme lorsqu’on
le fait lorsqu’on rend quelque chose manifeste en partant de ce qui est connu
par soi; et, en partant de ce qui a été dit, il s’ensuit nécessairement que
c’est quelque chose d’autre qui est requis pour qu’il y ait démonstration. Il reste donc, en dehors des trois
méthodes dont nous venons de parler, une quatrième voie qui est celle qui
procède par induction. Mais on ne peut non plus prouver l’essence au moyen
des cas particuliers dont on a l’évidence, c’est-à-dire de telle manière que
quelque chose s’attribue à ce tout parce qu’il n’y a aucun des cas
particuliers qui se présente autrement : car en procédant ainsi par
induction on ne démontre pas l’essence mais on démontre que quelque chose
existe ou n’existe pas, par exemple que tout homme est animal ou qu’aucun
homme n’est une pierre. Mais il ne reste aucune autre manière de
démontrer l’essence, si ce n’est peut-être le mode de démonstration qui se
rapporte au sens, comme lorsqu’on montre une chose du doigt. Mais il est
évident que cette manière de procéder ne se rapporte pas à notre propos, car
l’essence n’est pas l’objet du sens mais de l’intelligence ainsi qu’on le dit
au troisième livre de l’Âme. Il
reste donc qu’il n’existe aucune manière de pouvoir démontrer l’essence. |
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LECTIO 6 |
LEÇON 6. Est-ce que
l’essence peut être manifestée par la démonstration ou par la définition?
(nn.
460-469; [332-340]). |
[79926] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 6 n. 1Postquam philosophus ostendit quod non
contingit demonstrare quod quid est, inducendo per singulos modos
quibus aliquid demonstrari potest, hic ostendit propositum per rationes
communes. Et circa hoc tria facit : primo, praemittit quoddam quod est
necessarium ad propositum ostendendum ; secundo, ostendit propositum ; ibi :
at vero si demonstrabit quod quid est etc. ; tertio, epilogat quae dicta sunt
; ibi : ex his igitur neque definitio et cetera. [79927] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 6 n. 2Dicit ergo primo quod non videtur esse
possibilis aliquis modus, quo aliquis demonstret quod quid est esse hominis
; et hoc ideo, quia necesse est quod quicunque scit quod quid est esse
hominis, vel cuiuscunque alterius rei, quod sciat rem illam esse. Quia
enim non entis non est aliqua quidditas vel essentia, de eo
quod non est, nullus potest scire quod quid est ; sed potest scire
significationem nominis, vel rationem ex pluribus nominibus compositam :
sicut potest aliquis scire quid significat hoc nomen Tragelaphus vel
Hircocervus, quod idem est, quia significat quoddam animal compositum ex
hirco et cervo ; sed impossibile est scire quod quid est Hircocervi, quia
nihil est tale in rerum natura. [79928] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 6 n. 3Deinde cum dicit : at vero si demonstrabit
quid est etc., ex eo quod praemissum est, procedit ad propositum ostendendum.
Et circa hoc duo facit : primo, ostendit quod non potest ostendi quod
quid est demonstratione ; secundo, quod non potest ostendi
definitione ; ibi : si ergo et definiens demonstrat et cetera. Circa primum
ponit tres rationes ; quarum prima talis est. Sicut definitio inducitur ad
manifestandum aliquid unum, in quantum scilicet ex partibus definitionis fit
unum per se, non per accidens, ita etiam oportet quod demonstratio, quae
utitur definitione tanquam medio, unum aliquid demonstret : oportet enim
conclusionem esse medio proportionatam. Et ita patet quod per unam et eamdem
demonstrationem non possunt diversa demonstrari. Sed aliud est quod
quid est homo, et esse hominem : in solo enim primo essendi
principio, quod est essentialiter ens, ipsum esse et quidditas eius est unum
et idem ; in omnibus autem aliis, quae sunt entia per participationem,
oportet quod sit aliud esse et quidditas entis. Non est ergo possibile quod
eadem demonstratione demonstret aliquis quid est et quia
est. [79929] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 6 n. 4Secundam rationem ponit ibi : postea et per
demonstrationem etc. ; quae talis est. Secundum commune sapientum dictum,
necessarium est quod omne, idest totum quod per demonstrationem
demonstratur, sit ipsum quia est, nisi forte aliquis dicat quod
hoc ipsum quia est sit substantia alicuius rei. Hoc autem
est impossibile. Hoc enim ipsum quod est esse, non est substantia vel
essentia alicuius rei in genere existentis. Alioquin oporteret quod hoc quod
dico ens esset genus, quia genus est quod praedicatur de aliquo in eo quod
quid. Ens autem non est genus, ut probatur in III Metaph. Et propter hoc
etiam Deus, qui est suum esse, non est in genere. Si autem quia est esset
substantia alicuius rei, simul cum aliquis ostenderet quia est,
ostenderet quid est, et ita non totum quod demonstratio
demonstrat, esset quia est. Illud autem est falsum. Ergo patet
quod demonstratio solum demonstrat quia est. Demonstrat enim
enunciationem aliquam, quae significat esse vel non
esse. Et hoc etiam apparet in processu scientiarum. Geometra enim accipit
quid significat hoc nomen triangulus, et demonstrat quod
sit, puta cum demonstrat super lineam rectam datam triangulum
aequilaterum constituere. Si igitur aliquis demonstraret solum quid
est triangulus, praeter morem demonstrationum quibus utuntur
scientiae, non demonstraret hoc totum quod est triangulum esse, sed
demonstraret solum hoc quod dico triangulum. Sicut enim propter hoc
quod esse non est substantia rei, ille qui demonstrat esse,
hoc solum demonstrat ; ita si aliquis demonstraret quid est, hoc
solum demonstraret. Sequeretur igitur quod aliquis sciens per
definitionem quid est, nesciret an est, quod est
impossibile, ut ex praedictis patet. [79930] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 6 n. 5Tertiam rationem ponit ibi : manifestum
autem est secundum nunc etc. ; quae per exempla consuetarum definitionum
manifestat idem, quod in praecedenti ratione est conclusum, scilicet quod
monstrans quid est non monstrat quia est. Unde
dicit manifestum esse non solum secundum praedicta, sed etiam secundum
modos terminorum, idest definitionum, quae nunc sunt
in usu, quod illi qui definiunt, non manifestant quia est. Puta
qui definit circulum, dicens quod est aliquid ex cuius medio lineae ad
circumferentiam ductae sunt aequales, adhuc restat quaestio propter
quid oporteat poni esse id quod definitur ; puta propter quid
oporteat poni quod sit circulus, qui praedicto modo definitur. Convenit enim
aliquam similem rationem dicere montis aenei, puta quod est
corpus aeneum in altum et usquequaque diffusum ; et tamen adhuc restat
quaerere an sit aliquid tale in rerum natura. Et hoc ideo quia termini,
idest rationes definitivae, non declarant quod illud de quo assignantur,
aut sit aut possibile sit esse ; sed
semper, assignata tali ratione, licet quaerere quare oporteat tale aliquid
esse. Sic igitur patet quod impossibile est quod simul demonstretur quid
est et quia est. [79931] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 6 n. 6Deinde cum dicit : si ergo definiens
demonstrat etc., ostendit quod non potest ostendi quod quid est definitione,
ducendo ad inconveniens. Unde primo, ostendit quid ex hoc sequatur ; secundo,
ostendit illud quod sequitur esse inconveniens ; ibi : sed inconveniens et
cetera. Dicit ergo primo quod, cum ille qui definit, possit ostendere
vel quid est, vel tantum quid significat nomen, non
propter hoc oportebit quod definitio sit manifestativa ipsius quod
quid est, quod proprie ad definitionem pertinet : alioquin sequetur quod
definitio significans quod quid est, nihil sit aliud quam ratio significans
idem quod nomen : non enim super talem rationem addit aliquid definitio, nisi
quia significat essentiam alicuius rei. Unde si non sit aliqua res, cuius
essentiam definitio significet, nihil differt definitio a ratione exponente
significationem alicuius nominis. [79932] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 6 n. 7Deinde cum dicit : sed inconveniens est
etc., ostendit inconveniens esse quod definitio nihil sit aliud quam ratio
exponens nominis significationem. Et hoc tribus rationibus. Quarum prima est,
quia contingit etiam ea quae nec sunt substantia, nec sunt universaliter
entia, aliquo nomine significare. Quodlibet autem nomen per aliquam
interpretationem exponi potest. Si ergo nihil aliud esset definitio quam
ratio interpretativa nominis, sequeretur quod definitio posset esse non
substantiarum et totaliter non entium. Quod patet esse
falsum. Ostensum est enim in VII Metaph. quod definitio principaliter quidem
est substantiae, aliorum autem in quantum se habent ad substantiam. [79933] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 6 n. 8Secundam rationem ponit ibi : amplius omnes
rationes etc. ; quae talis est. Cuilibet rationi, idest orationi
aliquid significanti, est imponere aliquod nomen ei correspondens, quod per
illam rationem manifestatur. Si ergo nihil aliud sit definitio quam ratio
interpretativa nominis, sequeretur quod omnes rationes essent definitiones :
et ita sequetur quod, cum disputamus vel colloquimur ad invicem, ipsae
disputationes vel collocutiones nostrae sint quaedam definitiones ; et
similiter sequetur quod Ilias, idest poema Homeri de bello
Troiano, sit quaedam definitio. [79934] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 6 n. 9Tertiam rationem ponit ibi : amplius neque
una scientia etc. ; quae talis est. Nulla scientia demonstrat quod tale nomen
significet talem rem. Nomina enim significant ad placitum ; unde oportet hoc
supponere secundum voluntatem instituentis. Manifestum est autem quod in
qualibet scientia dantur aliquae definitiones. Manifestum est ergo quod
definitiones non significant hoc, scilicet solam nominis interpretationem. [79935] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 6 n. 10Deinde cum dicit : ex his igitur neque
definitio etc., epilogat quae disputative praemissa sunt. Et dicit quod ex
praemissis videtur sequi quod definitio et syllogismus non sunt idem, neque
de eodem ; et quod definitio nihil demonstret, quia non est de eodem de quo
est demonstratio. Et similiter videtur esse ostensum quod non est possibile
cognoscere quod quid est, neque per definitionem, neque per
demonstrationem ; quia definitio solum ostendit quid, et
demonstratio ostendit quia est. Sed ad cognitionem quod
quid est requiritur cognitio quia est, ut dictum
est. |
460.
Après avoir montré qu’il n’est pas possible de démontrer l’essence en examinant séparément chacune des manières par
lesquelles quelque chose peut être démontré, le Philosophe manifeste ici son
propos au moyen de raisons communes. Et à ce sujet il fait trois choses :
en premier lieu il fait précéder son propos d’une notion qui est nécessaire à
la manifestation du propos [332]; en deuxième lieu il manifeste le propos, là
[333] où il dit : Et d’un autre
côté si la définition démontrait l’essence etc.; en troisième lieu il
résume ce qui a été dit, là [340] où il dit : Donc, à partir de là, ni la définition etc. 461.
Il dit donc en premier lieu [332] qu’il ne semble pas possible qu’il existe
une manière de démontrer l’essence de
l’homme; et il en est ainsi parce que quiconque sait ce qu’est l’homme ou
toute autre chose sait du même coup que cette chose existe. Car pour le non-être en effet il n’y a ni
essence ni quiddité, et nul ne peut savoir l’essence de ce qui n’existe pas;
mais on peut savoir la signification d’un nom ou une définition composée de
plusieurs noms, tout comme on peut savoir ce que signifie le nom tragélaphe ou le nom bouc-cerf, qui signifie la même chose,
car il signifie un animal qui serait à la fois un bouc et un cerf; mais il
est impossible de savoir l’essence d’un bouc-cerf, car il n’existe rien de
tel dans la nature des choses. 462.
Ensuite lorsqu’il dit [333] : Mais
d’un autre côté si la définition démontrait l’essence etc., il procède
vers la manifestation du propos à partir de ce qui précède. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il montre qu’on ne peut manifester l’essence par une démonstration; en deuxième lieu, il montre que
l’essence ne peut non plus être démontrée par une définition, là [336] où il
dit : Si donc en définissant on
montre etc. Au sujet du premier point il présente
trois raisonnements, dont voici le
premier [333]. Tout comme la définition conduit à manifester une unité,
c’est-à-dire pour autant qu’à partir des parties de la définition on en
arrive à quelque chose qui est un essentiellement
et non accidentellement, de
même encore il faut que la démonstration, laquelle se sert de la définition
comme moyen terme, démontre quelque chose qui est un : il faut en effet
que la conclusion soit proportionnée au moyen terme. Et ainsi il est clair
qu’au moyen d’une seule et même démonstration on ne peut démontrer
différentes choses. Mais ce
qu’est l’homme est une chose et l’existence
de l’homme est une autre chose : en effet, c’est seulement dans le
premier Principe de l’être, dont l’essence est d’exister, que l’existence elle-même et la quiddité sont une seule et même
chose; mais dans tous les autres êtres, lesquels sont des êtres par
participation, il faut que l’existence et
la quiddité de l’être soient
différentes. Il n’est donc pas possible que par une même démonstration on
démontre à la fois l’essence et l’existence. 463.
Il présente le deuxième
raisonnement là [334] où il dit : Par
la suite, nous soutenons que c’est par la démonstration etc., que voici.
D’après ce qu’en disent les sages en général, il est nécessaire que tout ce
qui est démontré, c’est-à-dire la totalité de ce qui est démontré par la
démonstration soit l’existence même,
à moins peut-être qu’on dise que l’existence
même est la substance d’une chose. Mais cela est impossible. En effet,
cela même qui est l’existence n’est
pas la substance ou l’essence d’une chose qui existe dans un genre.
Autrement, il faudrait que ce que j’appelle l’existence soit un genre car le
genre est ce qui s’attribue à un être dans son essence. Mais l’être n’est pas
un genre ainsi qu’on le prouve au troisième livre de la Métaphysique. Et c’est pour cela aussi que Dieu, qui est sa
propre existence, n’est pas dans un genre. Mais si l’existence était l’essence d’une chose, lorsque quelqu’un
manifesterait l’existence, il
manifesterait simultanément l’essence et
ainsi l’existence ne serait pas la
totalité de ce que la démonstration démontre. Mais cela est faux. Donc il est
clair que ce que démontre la démonstration, c’est seulement l’existence. En
effet, elle démontre une énonciation qui signifie qu’un prédicat est ou n’est pas dans un sujet. Et cela est encore évident dans la manière
dont procèdent les sciences. Le géomètre en effet pose la signification de ce
nom triangle et démontre qu’il existe, c’est-à-dire qu’il
possède tel attribut, par exemple lorsqu’il démontre qu’un triangle
équilatéral est constitué au-dessus d’une ligne droite donnée. Si donc
quelqu’un démontrait seulement l’essence
du triangle contrairement à la manière de démontrer dont on fait usage
dans les sciences, il ne démontrerait pas ce tout qui est l’existence du
triangle, mais il démontrerait seulement ce que j’appelle triangle. En effet,
pour cette raison que l’existence n’est
pas l’essence de la chose, tout comme celui qui démontre l’existence ne démontre que cela, de même, si quelqu’un
démontrait l’essence, il ne démontrerait que cela. Il
s’ensuivrait donc que celui qui saurait l’essence
par la définition ignorerait l’existence,
ce qui est impossible comme on le voit à partir de ce qui précède. 464.
Il présente le troisième
raisonnement, là [335] où il dit : Mais
il est clair d’après les méthodes actuelles etc.; lequel raisonnement
manifeste au moyen d’exemples tirés de définitions actuelles la même chose
que ce qui était conclu dans le raisonnement précédent, à savoir que celui
qui montre l’essence ne montre pas l’existence. Et il dit qu’il est
manifeste non seulement d’après ce qui précède, mais aussi d’après les
manières de poser les termes,
c’est-à-dire de définir, qui sont maintenant
en usage, que ceux qui définissent ne manifestent pas l’existence. Par exemple, celui qui définit le cercle
en disant qu’il est cette figure du milieu de laquelle les lignes qui sont
tirées vers la circonférence sont égales, il lui reste en outre à savoir pourquoi il faudrait poser qu’existe
ce qui est ainsi défini; par exemple, pourquoi faudrait-il poser qu’existe le
cercle qui a été défini de la manière qui précède. On pourrait aussi bien
dire que la même définition appartient à l’orichalque,
c’est-à-dire au bronze qui est répandu partout dans les montagnes; et
cependant il reste encore à se demander si quelque chose de tel existe
véritablement dans la nature des choses. Et il en est ainsi parce que les termes,
c’est-à-dire les notions qui définissent, ne vont pas jusqu’à dire que le
défini auquel ils s’appliquent existe ou puisse
exister; mais toujours, une fois que la définition est assignée, il est
permis de se demander pourquoi il faut que le défini soit tel que la
définition le déclare. Ainsi donc il est clair qu’il est impossible que l’essence et l’existence soient démontrées simultanément. 465.
Ensuite lorsqu’il dit [336] : Si
donc en définissant on démontre etc., il montre que l’essence ne peut être démontrée par la définition, en montrant
que cela conduit à une absurdité. C’est pourquoi, en premier lieu, il montre
ce qui suit de là; en deuxième lieu, il montre que ce qui suit est une
absurdité, là [337] où il dit : Mais
cela est absurde etc. Il dit donc en premier lieu [336] que
puisque celui qui définit peut montrer soit l’essence, soit seulement ce
que signifie le nom, pour cette raison la définition ne manifestera pas
nécessairement l’essence qui est l’objet propre de la définition; autrement,
il s’ensuivrait que la définition qui signifie l’essence ne serait rien
d’autre que l’énoncé qui signifie la même chose que le nom : en effet,
la définition n’ajoute rien d’autre à un tel énoncé que la signification de
l’essence de la chose. C’est pourquoi, si la chose dont la définition
signifie l’essence n’existe pas, la définition ne diffère en rien de l’énoncé
qui présente la signification du nom. 466.
Ensuite lorsqu’il dit [337] : Mais
il est absurde etc., il montre qu’il est impossible que la définition ne
soit rien d’autre que l’énoncé qui présente la signification du nom. Et il le manifeste au moyen de trois
raisonnements, dont le premier est
qu’il est possible de signifier par un nom même ce qui n’est pas une
substance et ce qui ne possède aucune existence. Mais tout nom peut être
exposé au moyen d’une explication. Si donc la définition n’était rien d’autre
que l’énoncé qui explique le nom, il s’ensuivrait que la définition pourrait
se rapporter à ce qui n’est pas une
substance et ne possède absolument
aucune existence. Mais cela est évidemment faux. Nous avons montré en
effet au septième livre de la
Métaphysique que la définition se rapporte principalement à la substance,
et au reste dans la mesure où ce reste est en relation avec la substance. 467.
Il présente le deuxième
raisonnement là [338] où il dit : En
outre tous les discours etc., que voici. Il est possible d’imposer à tout
énoncé, c’est-à-dire à tout
discours qui signifie quelque chose, un nom qui se trouve à être manifesté
par ce discours. Si donc la définition n’était rien d’autre que l’énoncé qui
explique le nom, il s’ensuivrait que tous les discours seraient des
définitions : et ainsi il s’ensuivrait que lorsque nous discutons ou que
nous nous entretenons ensemble, nos discussions et nos entretiens seraient
des définitions; et il s’ensuivrait encore que l’Iliade, c’est-à-dire le
poème d’Homère sur la guerre de Troie, serait une définition. 468.
Il présente le troisième
raisonnement là [339] où il dit : En
outre, une science ne etc., que voici. Aucune science ne démontre que tel
nom signifie telle chose. Les noms en effet signifient ce que nous voulons;
c’est pourquoi il faut poser la signification du nom d’après la volonté de
celui qui l’a institué. Mais il est manifeste que dans toute science les
définitions sont données. Il est donc manifeste que les définitions ne
signifient pas cela, c’est-à-dire la seule explication du nom. 469.
Ensuite lorsqu’il dit [340] : Donc,
à partir de là, ni la définition etc., il tire la conclusion de ce qui a
précédé suivant un mode dialectique. Et il dit qu’à partir de ce qui précède,
il semble s’ensuivre que la définition et le syllogisme ne sont pas
identiques et qu’ils ne portent pas sur un même objet, et que la définition
ne démontre rien parce qu’elle porte sur un objet qui est différent de
l’objet de la démonstration. Et de même il semble que nous avons montré qu’il
n’est possible de connaître l’essence ni par la définition ni par la
démonstration car la définition manifeste seulement ce qu’est la chose alors que la démonstration manifeste le fait,
à savoir qu’elle est ainsi. Mais pour connaître l’essence d’une chose, il faut d’abord connaître l’existence, ainsi que nous l’avons
dit. |
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LECTIO 7 |
LEÇON 7. Sur les deux
manières, dialectique et démonstrative, de manifester l’essence
(nn.
470-478; [341-347]). |
[79936] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 7 n. 1Postquam philosophus disputative inquisivit
qualiter cognoscatur definitio et quod quid est, hic determinat
veritatem. Et primo, dicit de quo est intentio ; secundo, exequitur
propositum ; ibi : quoniam autem sicut diximus etc. ; tertio, epilogat quae
dicta sunt ; ibi : manifestum est igitur ex dictis et cetera. Dicit ergo
primo quod iterum post disputativum processum, considerandum est,
determinando veritatem, quid praedictorum dicatur bene et quid non bene : et
hoc tam circa ipsam definitionem, ut consideremus quid sit ipsa definitio,
quam etiam circa ipsum quod quid est, ut consideremus utrum
possit aliqualiter manifestari demonstratione vel definitione, vel nullo
modo. [79937] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 7 n. 2Deinde cum dicit : quoniam autem sicut
diximus etc., exequitur propositum. Et primo, quantum ad ipsum quod quid est
; secundo, quantum ad definitionem, quae est ratio significativa eius ; ibi :
definitio autem quoniam dicitur ratio et cetera. Circa primum, ponit duos
modos manifestandi quod quid est. Et primo, ponit modum logicae
probationis ; secundo, modum demonstrativae probationis ; ibi : quo autem
modo contingat et cetera. Circa primum, resumit primo id quod supra
manifestatum est, scilicet quod idem est scire quid est, et scire
causam quaestionis an est ; sicut idem est scire propter
quid, et scire causam quaestionis quia est. Ratio autem huius,
scilicet quod idem sit scire quid est, et scire causam ipsius si est, ista
est, quia oportet quod eius quod est rem esse, sit aliqua causa : propter hoc
enim dicitur aliquid causatum, quod habet causam sui esse. Haec autem causa
essendi aut est eadem, scilicet cum essentia ipsius rei, aut
alia. Eadem quidem, sicut forma et materia, quae sunt partes essentiae ; alia
vero, sicut efficiens et finis : quae quidem duae causae sunt quodammodo
causae formae et materiae, nam agens operatur propter finem et unit formam
materiae. Et si accipiamus causam quae est alia ab essentia rei, quandoque
quidem est causa talis per quam possit fieri demonstratio, quandoque autem
non. Non enim ex omni causa agente sequitur ex necessitate effectus. Ex
suppositione autem finis sequitur quod sit id quod est ad finem, ut probatur
in II physicorum. [79938] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 7 n. 3Supponamus ergo quod sit aliquis effectus,
cuius esse causa sit non solum ipsa essentia rei, sed habeat etiam aliquam
aliam causam, et sit talis per quam possit demonstrari ; puta si dicamus quod
si homo pertingit ad beatitudinem, necesse est praeexistere virtutem.
Accipiamus autem quod essentia virtutis sit habitus operans secundum rationem
rectam. Potest ergo demonstrari esse aliquem habitum secundum rectam rationem
operantem, si sit aliquis habitus ad beatitudinem perducens. Accipiatur ergo
pro medio illa causa alia, quae est demonstrativa, et formetur syllogismus in
prima figura : quod necesse est fieri, quia oportet quod quid est
universaliter et affirmative praedicari de re cuius est. Syllogizabitur ergo
sic : omnis habitus perducens ad beatitudinem est habitus secundum rectam
rationem operans ; sed virtus est huiusmodi ; ergo et cetera. Concludit ergo
quod iste modus, qui est nunc inquisitus, est unus modus ostendendi quod
quid est per aliud, quod est causa. Et quod iste modus sit
conveniens patet, quia necesse est, sicut supra dictum est, quod medium ad
probandum quod quid est accipiatur ipsum quid est, et
similiter medium ad probandum aliqua propria accipiatur
aliquid proprium. Est autem considerandum quod, cum quid est sit
causa ipsius esse rei, secundum diversas causas eiusdem rei potest
multipliciter quod quid est eiusdem rei assignari. Puta quod quid est domus
potest accipi per comparationem ad causam materialem, ut dicamus quod est
aliquid compositum ex lignis et lapidibus ; et etiam per comparationem ad
causam finalem, ut dicamus quod est artificium praeparatum ad habitandum. Sic
ergo continget quod, cum sint multa quod quid est eiusdem rei, aliquod
illorum monstrabitur, et aliquod non monstrabitur, sed supponetur. Unde non
sequitur quod sit petitio principii, quia aliud quod quid est supponitur, et
aliud probatur. Nec tamen est modus probandi quod quid est demonstrative, sed
logice syllogizandi ; quia non sufficienter per hoc probatur quod id quod
concluditur, sit quod quid est illius rei de qua concluditur, sed solum quod
insit ei. [79939] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 7 n. 4Deinde cum dicit : quo autem modo etc.,
ostendit quomodo per demonstrationem possit accipi quod quid est.
Et circa hoc duo facit : primo, ostendit quomodo manifestetur quod quid est
per demonstrationem in aliquibus ; secundo, ostendit quod non est ita in
omnibus ; ibi : est autem quorumdam et cetera. Circa primum tria facit : primo,
praemittit quaedam quae sunt necessaria ad propositum ostendendum ; secundo,
manifestat propositum ; ibi : quorum igitur habemus etc. ; tertio, epilogat ;
ibi : quomodo quidem igitur et cetera. [79940] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 7 n. 5Circa primum praemittit tria ; quorum
primum est comparatio quaedam ipsius quod quid est ad propter
quid. Dicit ergo quod ad ostendendum quomodo
contingat accipere quod quid est per demonstrationem, oportet iterum a
principio resumere. Ubi
considerandum occurrit quod dupliciter se habet aliquis ad cognoscendum
propter quid. Quandoque enim habemus quia in nostra
cognitione, et quaerimus adhuc propter quid ; quandoque autem simul manifesta
sunt nobis utraque ; tertium autem est impossibile, ut scilicet
prius cognoscat aliquis de aliqua re propter quid quam quia. Et similiter est
de eo quod quid erat esse : quia aliquando scimus rem esse, nec tamen
perfecte scimus quid sit ; aliquando autem simul scimus utrumque ; sed
tertium est impossibile, ut scilicet sciamus quid est, ignorantes si est. [79941] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 7 n. 6Secundum ponit ibi : hoc autem si est etc.
; et dicit quod rem aliquam esse possumus scire, absque eo
quod sciamus perfecte quid est, dupliciter. Uno modo, secundum
quod cognoscimus aliquod accidens eius, puta si per velocitatem motus
existimemus leporem esse ; alio modo, per hoc quod cognoscimus aliquid de
essentia eius. Quod quidem est possibile in substantiis compositis, ut puta
si comprehendamus hominem esse per hoc quod est rationalis, nondum cognitis
aliis, quae complent essentiam hominis. In substantiis vero simplicibus hoc
non contingit ; quia non potest cognosci aliquid de substantia simplicis rei,
nisi tota cognoscatur, ut patet in IX Metaphys. Oportet autem quod qui
cognoscit aliquam rem esse, per aliquid rei illud cognoscat : et hoc vel est
aliquid praeter essentiam rei, vel aliquid de essentia ipsius. Et de hoc
ponit exemplum, puta si cognoscamus tonitruum esse, propter hoc quia
percipimus quemdam sonum in nubibus : quod quidem pertinet ad essentiam
tonitrui ; non tamen est tota tonitrui essentia, quia non omnis sonus nubium
est tonitruum. Et similiter si cognoscamus defectum, idest
eclipsim solis vel lunae esse, propter hoc quod est quaedam privatio luminis
; cum tamen non omnis privatio luminis sit eclipsis. Et eadem ratio est si
aliquis percipiat hominem esse, propter hoc quod est quoddam animal ; vel si
percipiat animam esse, propter hoc quod est aliquid seipsum movens. [79942] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 7 n. 7Tertium ponit ibi : sed quaecunque quidem
etc. ; et dicit quod illa de quibus scimus quia sunt per aliquod accidens
ipsorum, nullo modo per hoc se habent ad hoc quod cognoscamus de ipsis quid
est ; quia nec etiam per huiusmodi accidens vere scimus ea esse.
Scimus quidem esse eorum accidentia ; sed quia accidentia non sunt ipsae res,
non propter hoc vere scimus ipsas res esse. Vanum autem est quaerere quid
est, si aliquis nesciat quia est ; sed illa de quibus scimus ea esse per
aliquid ipsorum, facilius possunt cognosci a nobis quid sunt. Unde manifestum
est quod sicut nos habemus ad cognoscendum quia est aliquid, ita nos habemus
ad cognoscendum quid est. [79943] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 7 n. 8Deinde cum dicit : quorum igitur habemus
aliquid etc., manifestat propositum secundum praemissa ; et dicit quod in his
quae scimus esse per hoc quod cognoscimus aliquid essentiae eius, accipiamus
primo tale exemplum. Sit defectus, idest eclipsis, in quo a, quae
est maior extremitas ; luna in quo c, quae est minor extremitas ; oppositio
terrae directa inter lunam et solem in quo b, quod est medium. Idem igitur
est quaerere utrum deficiat luna vel non, et quaerere utrum b sit vel non :
quaerere autem utrum b sit vel non, nihil differt quam quaerere si est aliqua
ratio ipsius defectus. Nam b, idest oppositio terrae, est ratio defectus
lunae ; et si sit oppositio terrae, et illud dicimus esse, scilicet defectum
lunae. Aut similiter si quaeramus qualis sit ratio contradictionis,
utrum scilicet in habendo duos rectos vel non habendo sit contradictio. Cum
autem inveniamus esse id quod quaerimus, puta esse defectum, simul
sciemus quia et propter quid, si inveniatur
propositum per medium debitum, quod est causa. Si vero non, sed per aliquod
extrinsecum, sciemus quia, sed non propter quid. Puta
si sit luna c et defectus a, accipiamus pro medio, quod est b, hoc quod luna
non potest facere umbram aliquo nostrum medio existente, cum sit plenilunium.
Luna enim, quandocunque non deficit, facit umbram interposito aliquo corpore
: sed hoc quod est non posse facere umbram, non est causa defectus, sed
potius effectus. Si ergo b praedicetur de c (quia scilicet luna non potest in
plenilunio facere umbram aliquo nostrum medio existente), et iterum si in hoc
medio sit a (idest si accipiatur quod quandocunque hoc accidit, luna
deficit), manifestum erit lunam deficere. Sed propter quid luna
deficiat, nondum erit manifestum. Et similiter sciemus quia est
defectus, sed nesciemus quid est defectus, quando manifestum
est quod a est in c, idest quod luna deficit. Et sicut in praedicto exemplo
nec scitur propter quid est, nec scitur quid est,
ita quaerere propter quid est, nihil aliud est quam quaerere quid est. Puta
si quaeramus quare deficit luna, utrum deficiat propter hoc quod obiicitur
terra in medio inter solem et lunam ; vel hoc fiat per conversionem lunae, ut
scilicet tunc vertatur versus nos superficies lunae quae est tenebrosa, ut
quidam dixerunt ; vel etiam lunare lumen extinguatur in aliquo humido.
Quaerere autem utrum propter aliquam harum causarum fiat defectus lunae,
nihil est aliud quam quaerere utrum defectus lunae sit obiectio terrae, aut
conversio lunae, aut extinctio luminis eius. Et hoc medium est ratio alterius
extremitatis, sicut in praemissis exemplis est ratio ipsius a, quod est maior
extremitas ; quia defectus lunae nihil est aliud quam obiectio facta lunari
lumini a terra. Ponit etiam aliud exemplum : ut si quaeramus quid est
tonitruum. Et dicatur, secundum opinionem Anaxagorae et Empedoclis, quod est
extinctio ignis in nube. Secundum vero
opinionem eius in II Meteororum, tonitruum fit ex percussura exhalationis
siccae in frigiditate ad nubes. Utitur autem multoties in exemplis
opinionibus aliorum. Si ergo secundum praedictam opinionem quaeratur, propter
quid tonat : respondetur, propter hoc quod
extinguitur ignis in nube. Sit igitur
nubes c, quod est minor extremitas ; tonitruum a, quod est maior extremitas ;
extinctio ignis sit b, quod est medium. Syllogizetur ergo sic :
in c est b, idest in nube est extinctio ignis ; sed omnis extinctio ignis est
sonus ; ergo in nube est sonus tonitrui. Et sic patet quod accipiendo propter
quid, per demonstrationem accipimus quid est, quia ipsum medium ostendens
propter quid, est ratio definitiva primi termini, idest maioris extremitatis.
Sed si oporteat accipere aliquod aliud medium ad hoc demonstrandum, hoc
assumetur ex reliquis rationibus, idest ex definitione minoris
extremitatis, et aliarum causarum extrinsecarum. Cum enim subiectum sit causa
passionis, necesse est quod definitio passionis demonstretur per definitionem
subiecti. Et hoc patet in exemplo proposito. Quia enim luna est corpus natum
sic moveri, ideo necesse est quod obiiciatur certo tempore terra inter solem
et ipsam. [79944] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 7 n. 9Deinde cum dicit : quomodo quidem igitur
etc., epilogat quod dictum est : et dicit dictum esse quomodo accipiatur et
innotescat quod quid est, scilicet per hoc quod accipitur propter
quid. Dictum est etiam quod non est syllogismus neque demonstratio
ipsius quid est, ut scilicet proprie syllogizetur vel
demonstretur quod quid est ; et tamen manifestatur quod quid est per
syllogismum et per demonstrationem, in quantum scilicet medium
demonstrationis propter quid est quod quid est. Unde manifestum est quod
neque sine demonstratione potest cognosci quod quid est, cuius est altera
causa ; nec tamen est demonstratio ipsius quod quid est, sicut probabatur in
obiiciendo. Et secundum hoc obiectiones inductae sunt verae. |
470.
Après avoir cherché à savoir selon un mode dialectique de quelle manière la
définition et l’essence sont connues, le Philosophe détermine ici la vérité. Et en premier lieu il dit ce qu’il se
propose d’établir [341]; en deuxième lieu, il poursuit son propos, là [342]
où il dit : Mais puisque, ainsi
que nous l’avons dit, etc.; en troisième lieu, il tire une conclusion en
partant de ce qui a été dit, là [353] où il dit : Il est donc évident à partir de ce qui a été dit etc. Il dit donc en premier lieu [341]
qu’encore une fois, suite à notre démarche dialectique, il faut distinguer
dans tout ce qui précède ce qui a été bien dit de ce qui n’a pas été bien
dit, en déterminant la vérité; et cela aussi bien sur la définition, afin de
préciser ce qu’est la définition en elle-même, que sur l’essence pour
préciser si elle peut être manifestée d’une manière ou d’une autre par la
démonstration ou la définition, ou si cela n’est possible d’aucune manière. 471.
Ensuite lorsqu’il dit [342] : Mais
puisque, ainsi que nous l’avons dit etc., il poursuit son propos. Et il le fait en premier lieu à l’égard de
l’essence elle-même; en deuxième lieu, à l’égard de la définition qui est
l’énoncé qui signifie l’essence, là [349] où il dit : Mais puisqu’on dit de la définition
qu’elle est l’énoncé etc. Relativement au premier point, il présente
deux manières de manifester l’essence. Et en premier lieu il présente la
manière dialectique de la manifester; en deuxième lieu, il présente la
manière démonstrative, là [343] où il dit : Mais de quelle manière il serait possible etc. Au sujet du premier point il rappelle
d’abord [342] ce qui a été manifesté plus haut, à savoir que savoir ce qu’est la chose, c’est savoir la
cause de son existence, tout comme
savoir le pourquoi, c’est savoir la
cause du fait; et la raison de cela, à savoir celle qui
explique que savoir ce qu’est la chose c’est savoir la cause de l’existence
de la chose, c’est qu’il doit y avoir une cause pour tout ce qui est une
chose possédant l’existence : c’est pour cette raison en effet qu’on dit
d’une chose qu’elle est causée, à savoir parce que son existence a une cause. Mais cette cause de l’existence est soit identique, c’est-à-dire la même chose que l’essence de la chose,
soit quelque chose de différent d’elle. Elle est certes la même lorsqu’il
s’agit de la forme et de la matière qui sont les parties de l’essence; mais
elle est autre que l’essence lorsqu’il s’agit de la cause efficiente et de la
fin, ces deux dernières causes étant en quelque sorte comme les causes de la
forme et de la matière puisque l’agent agit en vue d’une fin et qu’il unit la
forme à la matière. Et si nous prenons la cause qui est en dehors de
l’essence de la chose, certes une telle cause est celle par laquelle
l’essence peut être parfois démontrée et parfois non. En effet, l’effet ne
suit pas nécessairement de toute cause agente. Mais si on pose la fin, il
s’ensuit nécessairement que ce qui est en vue de la fin existe, ainsi qu’on
le prouve au deuxième livre des
Physiques. 472.
Supposons donc qu’il existe un effet dont la cause de l’existence soit non
seulement l’essence même de la chose, mais qu’elle ait aussi une autre cause,
et que cette cause soit telle que par elle l’essence puisse être démontrée;
par exemple, lorsque nous disons que si l’homme parvient au bonheur, la vertu
doit nécessairement préexister en lui. Mais posons que l’essence de la vertu
soit l’habitus d’agir selon la raison droite. On peut donc démontrer qu’elle
est un habitus d’agir selon la raison droite si elle est un habitus qui conduit
au bonheur. On prend donc pour moyen terme cette autre cause, qui est
démonstrative, et on forme le syllogisme suivant en première figure, lequel
doit nécessairement posséder cette disposition car il faut que l’essence soit
attribuée universellement et affirmativement de la chose dont elle est
l’essence : Tout habitus qui
conduit au bonheur est un habitus qui agit selon la raison droite; mais la vertu est un habitus de cette sorte;
donc, etc. Il conclut donc que
cette manière de procéder qui vient d’être exposée est une première méthode
de manifester l’essence par une cause qui est autre que l’essence. Et il est clair que cette approche soit
juste car il est nécessaire, ainsi que nous l’avons dit plus haut, que le moyen terme que l’on prend pour
prouver l’essence se prenne dans l’essence
et également que le moyen terme qui sert à prouver des attributs qui sont
propres doit lui-même être propre. Il faut cependant considérer que puisque l’essence est la cause de l’existence
même de la chose, il est possible d’assigner l’essence d’une même chose de
plusieurs manières d’après les différentes causes de la même chose. Par
exemple, l’essence de la maison peut se prendre par rapport à la cause
matérielle, comme lorsque nous disons qu’elle est composée de pièces de bois
et de pierres; et elle peut même se prendre par rapport à la cause finale,
comme lorsque nous disons à son sujet qu’elle est une œuvre d’art fabriquée
en vue d’être habitée. Ainsi donc il serait possible, puisqu’il y aurait
plusieurs essences pour une même chose, que l’une d’elles soit démontrable et
qu’une autre ne le soit pas mais qu’on la suppose. De là, il ne s’ensuit pas
qu’il y ait pétition de principe car ce qui est posé comme principe diffère
de ce qui est prouvé ou conclu. Et cependant le mode par lequel on prouve
l’essence n’est pas démonstratif mais seulement une manière dialectique de
syllogiser, car par cette manière de procéder on ne prouve pas suffisamment
que ce qui est conclu est l’essence de la chose au sujet de laquelle elle est
conclue, mais seulement que ce qui est conclu appartient à la chose. 473.
Ensuite lorsqu’il dit [343] : Mais
de quelle manière etc., il montre de quelle manière il est possible d’en
arriver à saisir l’essence par la démonstration. Et à ce sujet il fait deux choses; en
premier lieu il montre comment pour certaines choses l’essence est manifestée
par voie de démonstration; en deuxième lieu, il montre qu’il n’en n’est pas
ainsi pour toutes les choses, là [348] où il dit : Mais il y a des choses dont la cause est etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu il fait précéder certaines notions qui sont
nécessaires à la manifestation du propos; en deuxième lieu il manifeste le
propos, là [346] où il dit : Parlons
donc des choses dont nous possédons etc.; en troisième lieu, il conclut
là [347] où il dit : Nous avons
donc établi comment etc. 474.
Au sujet du premier point [343] il fait précéder son propos de trois notions, dont la première est un certain rapport
qu’il y a entre l’essence et le pourquoi. Il dit donc que pour
manifester comment il est possible de saisir l’essence par démonstration, il
faut encore rappeler ce qui a été dit au début. Et là il faut considérer
qu’il arrive à quelqu’un de se présenter de deux manières par rapport à la
connaissance de l’essence. Parfois en effet nous possédons déjà le fait dans
notre connaissance et à partir de là nous cherchons en outre par la suite à
connaître le pourquoi; mais parfois les deux nous sont déjà simultanément
connus; mais le troisième cas est impossible, à savoir que quelqu’un
connaisse d’abord le pourquoi d’une chose avant d’en connaître le fait. Et il
en est de même pour ce qui est de la quiddité : car parfois nous savons
qu’une chose existe sans cependant
savoir parfaitement ce qu’elle est, mais parfois nous savons
simultanément les deux; mais le troisième cas est impossible, c’est-à-dire de
savoir ce qu’est une chose tout en ignorant si elle existe. 475.
Il présente la deuxième notion là
[344] où il dit : Mais si cela
existe etc.; et il dit que c’est de
deux manières que nous pouvons savoir qu’une chose existe sans savoir
parfaitement ce qu’elle est. Premièrement selon que nous
connaissons d’elle un de ses accidents, par exemple si par la vitesse de son
mouvement nous estimons que la chose est un lièvre; deuxièmement, selon que nous connaissons quelque chose de son
essence, ce qui est certes possible dans les substances composées, par
exemple lorsque nous savons seulement de l’homme qu’il existe par ceci qu’il
est rationnel sans connaître encore les autres éléments qui rendraient
complète l’essence de l’homme. Mais dans les substances simples cela n’est
pas possible car on ne peut connaître une partie de la substance d’une chose
simple sans la connaître complètement ainsi qu’on le voit au neuvième livre
de la Métaphysique. Mais celui qui sait qu’une chose existe,
il faut qu’il le sache au moyen de quelque chose qui appartient à la
chose : et cela est ou bien quelque chose qui est en dehors de l’essence
de la chose, ou bien quelque chose qui est contenu dans son essence. Et à ce
sujet il présente un exemple, à savoir que nous savons que le tonnerre existe
pour cette raison que nous percevons le son qu’il fait dans les nuages :
ce qui appartient certes à l’essence du tonnerre, sans être cependant toute
l’essence du tonnerre car ce n’est pas tout son qui se produit dans les
nuages qui est un tonnerre. Et il en est de même si nous savons que
l’absence, c’est-à-dire l’éclipse du Soleil et l’éclipse de la Lune existent
pour cette raison qu’elles sont des privations de lumière, puisque ce n’est
pas toute privation de lumière qui est une éclipse. Et la même raison vaut
dans le cas où quelqu’un perçoit que
l’homme existe pour cette raison qu’il est un animal ou que l’âme
existe pour cette raison qu’elle est quelque chose qui se meut par soi-même. 476.
Il présente la troisième notion là
[345] où il dit : Mais pour tout
ce que nous savons exister par un accident etc., et il dit que pour ces
choses dont nous savons qu’elles existent au moyen d’un de leurs accidents,
en aucune manière ces choses se présentent de telle manière que par là nous
en connaissions l’essence car nous
ne savons même pas véritablement que ces choses existent. Nous connaissons certes leurs accidents, mais parce que
les accidents des choses ne sont pas les choses elles-mêmes, nous ne savons
pas vraiment pour cela si les choses existent. Mais il est vain de rechercher
l’essence d’une chose tout en ignorant si elle existe. Mais pour ce qui est
des choses dont on sait, au moyen de quelque chose qui fait partie de la
chose elle-même, qu’elles existent, nous pouvons plus facilement en connaître
l’essence. D’où il est évident que mieux nous connaîtrons qu’une chose
existe, mieux nous connaîtrons son essence. 477.
Ensuite lorsqu’il dit [346] : Mais
les choses dont nous possédons un élément de l’essence etc., il manifeste
le propos conformément à ce qui précède; et il dit que pour les choses dont
nous savons, du fait que nous connaissons quelque chose qui appartient à leur
essence, qu’elles existent, prenons d’abord cet exemple : supposons que
A signifie l’absence ou l’éclipse, qui est le grand terme; que C signifie la Lune, qui est le petit terme; et que B signifie
l’interposition directe entre la Lune et le Soleil, qui est le moyen terme. Donc, rechercher s’il
y a éclipse de la Lune ou non, c’est se demander si B existe ou non; mais se
demander si B existe ou non ne diffère en rien de se demander s’il existe une
cause de l’éclipse elle-même. Car B, à savoir l’interposition de la Terre, est
la cause de l’éclipse de la Lune; et s’il y a interposition de la Terre, nous
disons aussi qu’il y a aussi éclipse de la Lune. Ou bien de la même manière si nous nous
demandions lequel des deux membres de
la contradiction la raison détermine-t-elle, c’est-à-dire est-ce pour le
triangle le fait de posséder ou de ne pas posséder trois angles égaux à deux
droits? Mais lorsque nous aurons trouvé qu’existe ce que nous recherchons,
par exemple que l’éclipse existe, nous saurons simultanément le fait et le pourquoi, si ce qu’on se propose est trouvé par le moyen terme
approprié, lequel est la cause. Mais si ce n’est pas le cas et que ce que
nous avons trouvé l’a été par quelque chose d’extérieur, alors nous saurons le fait mais non le pourquoi. Supposons par exemple que la Lune soit C, sa
disparition A, et que nous prenions pour moyen terme, à savoir B,
l’impossibilité pour la Lune, bien qu’elle soit pleine, de projeter une ombre
lorsqu’un corps s’interpose. La Lune en effet, tant qu’il n’y a pas éclipse,
produit une ombre si un corps s’interpose : mais le fait de ne pouvoir
produire une ombre n’est pas la cause de l’éclipse mais plutôt son effet. Si
donc B est attribué à C (c’est-à-dire que la Lune ne peut, lorsqu’elle est pleine, produire
notre ombre si un corps intermédiaire existe entre elle et nous) et en plus
si A est attribué à ce moyen terme (c’est-à-dire si on admet que tant que
cela a lieu, la Lune subit une éclipse), il sera manifeste que la Lune
disparaît ou subit une éclipse. Mais on ne saura pas encore pourquoi la Lune disparaît. Et de la
même manière nous saurons le fait, à savoir qu’il y a disparition de la Lune,
mais nous ignorerons ce qu’est une
éclipse quand nous saurons néanmoins que A est dans C, c’est-à-dire que la
Lune disparaît. Et tout comme dans l’exemple qui précède
on ne sait ni le pourquoi ni le quoi, ainsi rechercher le pourquoi
n’est rien d’autre que de rechercher le quoi. Par exemple, si nous cherchons
à savoir pourquoi la Lune disparaît, disparaît-elle pour cette raison que la
Terre s’interpose au milieu entre la Lune et le Soleil? Ou bien cela se
produit-il par la rotation de la Lune, c’est-à-dire de telle manière que se
tourne vers nous la surface de la Lune
qui est obscure, ainsi que certains l’ont soutenu? Ou bien cela est-il dû
aussi à l’extinction de sa lumière dans un lieu humide? Mais rechercher si
c’est en raison d’une de ces causes que la Lune disparaît revient à
rechercher si l’éclipse de la Lune est l’interposition de la Terre, la
rotation de la Terre ou l’extinction de sa lumière. Et ce moyen terme est la
définition de l’autre terme, comme dans les exemples précédents il est la
définition de A qui est le grand terme; car l’éclipse de la Lune n’est rien
d’autre que l’opposition de la Terre à la lumière lunaire. Il présente un autre exemple, celui où on
se demande ce qu’est le tonnerre. Et il dit que le tonnerre est, selon
l’opinion d’Anaxagore et d’Empédocle, l’extinction du feu dans les nuages.
Mais selon sa propre opinion présentée au deuxième livre des Météoriques, le tonnerre provient de la percussion
d’exhalaisons sèches dans la froidure des nuages. Mais Aristote se sert
souvent dans ses exemples des opinions des autres philosophes. Si donc c’est
d’après l’opinion qui précède qu’on cherche à savoir pourquoi il y a
tonnerre, on répondra que c’est pour cette raison que le feu s’éteint dans
les nuages. Supposons donc le terme C, à savoir les
nuages, qui est le petit terme; le terme A, à savoir le tonnerre, qui est le
grand terme; et enfin le terme B, à savoir l’extinction du feu, lequel est le
moyen terme. On syllogisera donc de la manière qui suit : B est dans C, c’est-à-dire que dans les
nuages il y a extinction du feu; mais toute extinction du feu est un son;
donc dans les nuages est le son du tonnerre. Et ainsi il est clair qu’en
prenant le pourquoi, nous parvenons par la démonstration à saisir le quoi,
car le moyen terme même qui manifeste le pourquoi est l’énoncé qui définit le
premier terme, c’est-à-dire le grand terme. Mais s’il fallait prendre un autre moyen
terme pour démontrer cela, il sera pris à
partir des définitions qui restent, c’est-à-dire à partir de la
définition du petit terme et des autres causes extérieures. En effet, puisque
le sujet est la cause de la propriété, il est nécessaire que la définition de
la propriété soit démontrée par la définition du sujet. Et cela est clair
dans l’exemple présenté. En effet, parce que la Lune est un corps qui est
apte à se mouvoir de telle façon, c’est pourquoi il est nécessaire que la
Terre s’interpose entre le Soleil et la Lune pendant un certain temps. 478.
Ensuite lorsqu’il dit [347] : Donc,
comment certes etc., il tire sa conclusion de ce qui vient d’être
dit : et il dit que nous avons dit comment on parvient à l’essence et comment elle devient
connue, c’est-à-dire en partant du
pourquoi. Nous avons encore dit qu’il n’y a ni syllogisme ni
démonstration de l’essence elle-même,
c’est-à-dire de telle manière que l’essence serait syllogisée ou démontrée à
proprement parler; et cependant c’est au moyen d’un syllogisme ou d’une
démonstration qu’est manifestée l’essence, c’est-à-dire dans la mesure où le
moyen terme de la démonstration par le pourquoi est l’essence. D’où il est
clair que sans démonstration on ne peut connaître l’essence d’une chose dont
la cause est autre qu’elle-même et cependant on ne peut connaître l’essence
d’une chose par démonstration ainsi qu’on l’a montré dans les discussions
préliminaires. Et sous ce rapport, les discussions dans l’étape dialectique
disaient vrai. |
|
|
LECTIO 8 |
LEÇON 8. Il n’est pas
possible dans tous les cas de saisir l’essence au moyen de la démonstration.
– Le rapport qu’il y a entre la définition et la démonstration
(nn.
479-489; [348-353]). |
[79945] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 8 n. 1Postquam philosophus ostendit quod in
quibusdam per demonstrationem accipitur quod quid est, hic
ostendit quod hoc non est possibile in omnibus. Et ad hoc ostendendum
praesupponit quod quorumdam est quaedam altera causa, quorumdam autem non.
Quia igitur quod quid est accipitur per demonstrationem, cuius medium est
causa, manifestum est quod sunt quaedam, quorum quod quid est oportet
accipere sicut quoddam immediatum principium ; ita quod oportet supponere de
tali re et esse et quid est, vel
manifestare aliquo alio modo quam per demonstrationem, puta per effectum vel
per simile vel aliquo tali modo. [79946] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 8 n. 2Est autem considerandum quod hoc quod
dicit, quorumdam non esse aliam causam, potest intelligi
tripliciter. Uno modo, quod simpliciter et absolute causam non habet sui
esse. Et hoc competit soli primo principio, quod est causa esse et veritatis
in omnibus rebus. Nihil enim prohibet etiam eorum quae ex necessitate sunt,
esse aliquam causam necessitatis, ut patet in V Metaphys. Et ideo, cum hic
philosophus pluraliter loquatur, non sic est intelligendum quod hic dicitur,
quod aliqua sint, quae nullam habent causam sui esse. [79947] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 8 n. 3Alio modo potest intelligi secundum ordinem
causarum eiusdem rei. Manifestum est enim in rebus habentibus quatuor causas,
quod una causa est quodammodo causa alterius. Quia enim materia est propter
formam et non e converso, ut probatur in II Physic., definitio quae sumitur
ex causa formali, est causa definitionis, quae sumitur ex causa materiali
eiusdem rei. Et quia generatum consequitur formam per actionem generantis,
consequens est quod agens sit quodammodo causa formae et definitio
definitionis. Ulterius autem omne agens agit propter finem ; unde et
definitio quae a fine sumitur, est quodammodo causa definitionis quae sumitur
a causa agente. Ulterius autem non est procedere in generibus causarum : unde
dicitur quod finis est causa causarum. Potest tamen in singulis causarum
generibus a posterioribus ad priora procedi ; sed definitiones debent dari
per causas proximas. Et secundum hunc sensum in quibusdam libris
interponitur, quod definitiones secundum speciem factae nullum habent medium
quo demonstrentur : definitiones autem secundum materiam factae possunt
habere medium : quia scilicet definitiones quae dantur secundum causam
materialem possunt demonstrari per definitiones quae dantur secundum causam
formalem. Definitio autem quae datur secundum causam formalem, non potest
ulterius demonstrari per aliquod principium intrinsecum rei, quod proprie
pertinet ad quod quid est, utpote intrans essentiam rei. Sed etsi
demonstretur per causam efficientem et finalem, dicendum erit quod semper
causa superior se habet ut formalis respectu inferioris. Praedicta tamen
verba non habentur in libris Graecis. Unde magis videtur esse Glossa, quae
per errorem scriptorum introducta est loco textus. [79948] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 8 n. 4Tertio modo potest intelligi in quantum
aliqua sunt, quae non habent causam in genere subiecto alicuius scientiae :
sicut in genere numeri, de quo est arithmetica, est devenire ad unitatem,
cuius in hoc genere non est accipere aliud principium. Et hic sensus
concordat exemplo quod philosophus subiungit, dicens quod arithmeticus
supponit quid est unitas et quia est. Et sicut illa
quorum non est alia causa, ita etiam illa quae possunt habere medium, et
quorum est altera causa, potest manifestari quod quid est : ita tamen quod
non demonstretur ipsum quod quid est, sed magis medium demonstrationis ut
quod quid est accipiatur. [79949] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 8 n. 5Deinde cum dicit : definitio autem quoniam
etc., ostenso qualiter se habeat quod quid est ad demonstrationem, ostendit
quomodo se habeat definitio. Et circa hoc duo facit : primo, ostendit
qualiter definitio se habeat ad demonstrationem ; secundo, manifestat quod
dixerat per exemplum ; ibi : differt enim dicere propter quid et cetera.
Circa primum tria facit : primo, proponit unum modum definitionis
significantis quid est ; secundo, proponit alium modum
definitionis significantis propter quid ; ibi : alia vero
terminus etc. ; tertio, ostendit qualiter utraque definitio se habeat ad
demonstrationem ; ibi : quare prima quidem et cetera. [79950] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 8 n. 6Circa primum, supponit primo quod definitio
sit ratio significativa ipsius quod quid est. Si autem non posset haberi
aliqua alia ratio rei quam definitio, impossibile esset quod sciremus aliquam
rem esse, quin sciremus de ea quid est ; quia
impossibile est quod sciamus rem aliquam esse, nisi per aliquam illius rei
rationem. De eo enim quod est nobis penitus ignotum, non possumus scire si
est aut non. Invenitur autem aliqua alia ratio rei praeter definitionem :
quae quidem vel est ratio expositiva significationis nominis, vel est ratio
ipsius rei nominatae, altera tamen a definitione, quia non significat quid
est, sicut definitio, sed forte aliquod accidens. Sicut forte invenitur
aliqua ratio, quae exponit quid significat hoc nomen triangulus.
Et per huiusmodi rationem habentes quia est, adhuc
quaerimus propter quid est, ut sic accipiamus quod quid
est. Sed sicut supra dictum est, hoc difficile est accipere in illis in
quibus nescimus an sint. Et huius difficultatis causa superius
est assignata : quia scilicet, quando nescimus rem esse per aliquid rei, non
absolute scimus si est vel non, sed solum secundum accidens, ut supra
expositum est. Ad distinguendum autem rationem significantem quid est ab
aliis, subiungit quod dupliciter aliqua ratio potest dici una.
Quaedam enim est una, sola coniunctione : per quem modum etiam habet unitatem
Ilias, idest poema de historia Troiana. Et per hunc etiam modum dicitur
esse una ratio, quae est expositiva nominis, vel manifestativa
ipsius rei nominatae per aliqua accidentia : ut si dicatur quod homo est
animal risibile susceptibile disciplinae. Alia vero ratio est una in quantum
simpliciter significat unum de re una, cuius est ratio, et hoc non secundum
accidens. Et talis ratio est definitio significans quid est, quia
essentia cuiuslibet rei est una. Sic igitur concludit quod illa quae dicta
est, est una definitio definitionis, scilicet quod definitio est ratio ipsius
quod quid est. [79951] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 8 n. 7Deinde cum dicit : alia vero terminus est
etc., ponit alium modum definitionis ; et dicit quod alia definitio
definitionis est, ut sit ratio manifestans propter quid. [79952] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 8 n. 8Deinde cum dicit : quare prima quidem etc.,
ostendit quomodo utraque definitio se habeat ad demonstrationem, concludens
ex praemissis quod prima definitio solum significat quod quid est, sed non
demonstrat ipsum. Secunda vero definitio est quasi demonstratio quaedam
ipsius quod quid est : et non differt a demonstratione nisi sola positione,
id est ordine terminorum et propositionum. [79953] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 8 n. 9Deinde cum dicit : differt enim dicere
propter quid etc., manifestat quod dixerat per exempla. Et circa hoc duo
facit : primo, manifestat per exempla quae dicta sunt ; secundo, colligit ex
praemissis diversitatem definitionum ; ibi : immediatorum autem definitio et cetera.
Dicit ergo primo quod differt dicere propter quid tonat,
et quid est tonitruum : quia secundum opinionem illorum qui
dicunt quod extinctio ignis in nube est causa tonitrui, dicit aliquis propter
quid cum dicit tonitruum esse propter hoc quod ignis extinguitur in
nube. Ille autem dicit quid est tonitruum, qui dicit quod
est sonus ignis extincti in nubibus. Utrumque autem horum significat eamdem rationem, sed per alium modum.
Nam cum dicitur tonat propter hoc quod extinguitur ignis in nube,
significatur per modum demonstrationis continuae, idest non
distinctae per diversas propositiones ; accipiuntur
tamen continue omnes termini demonstrationis. Cum autem dicitur quod tonitruum est sonus extincti ignis in
nubibus, significatur per modum definitionis. Sed si dicamus quod tonitruum
est sonus in nubibus, nulla mentione facta de extinctione ignis, erit
definitio significans quid est, et erit solum demonstrationis conclusio. [79954] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 8 n. 10Deinde cum dicit : immediatorum autem
definitio etc., colligit ex praemissis quot sunt modi definitionum per
respectum ad demonstrationem. Et primo, resumit quoddam quod supra dixerat,
quod eorum quae non habent causam, definitiones sunt accipiendae sicut
quaedam immediata principia. Et ideo dicit hic quod definitio immediatorum,
idest rerum non habentium causas, est sicut quaedam indemonstrabilis positio
eius quod quid est. Ex hoc ergo
concludit quod triplex est genus definitionis per comparationem ad
demonstrationem. Quaedam
enim est definitio, quae est indemonstrabilis ratio eius quod quid est ; et
haec est illa, quam dixerat esse immediatorum. Alia vero est definitio, quae
est quasi quidam syllogismus demonstrativus eius quod quid est ; et non
differt a demonstratione nisi casu, idest secundum diversam
acceptionem et positionem dictionum ; ut cum dicitur, tonitruum est
sonus extincti ignis in nubibus. Tertia autem est definitio, quae est
solum significativa ipsius quod quid est, et est conclusio demonstrationis. [79955] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 8 n. 11Deinde cum dicit : manifestum igitur ex
dictis etc., epilogat quae dicta sunt ; et dicit manifestum esse ex
praedictis per quem modum est demonstratio ipsius quod quid est,
et per quem modum non : quia scilicet quod quid est potest accipi ex ipsa
demonstratione, non autem potest demonstrari. Dictum est etiam in quibus
possit esse demonstratio eius quod quid est, secundum modum praedictum, quia
in habentibus causam ; et in quibus non, quia in non habentibus causam.
Dictum est etiam quot modis dicitur definitio : quia scilicet quaedam
significat quod quid est, quaedam autem etiam manifestat propter quid. Dictum
est etiam quomodo quod quid est demonstratur, in quantum scilicet
significatur per definitionem significantem solum quod quid est ; et quomodo
non demonstratur, in quantum scilicet per definitionem accipitur non solum
quid, sed etiam propter quid. Dictum est etiam quomodo definitio se habeat
diversimode ad demonstrationem, et quomodo contingat quod eiusdem sit
demonstratio et definitio, et quomodo hoc non contingat. |
479.
Après avoir montré pour quelles choses l’essence
est atteinte par démonstration, le Philosophe montre ici que cela n’est
pas possible dans tous les cas. Et pour le montrer il présuppose [348] que
pour certaines choses il y a une cause qui est autre qu’elles-mêmes tandis
que pour d’autres choses leur cause n’est pas autre qu’elles-mêmes. Donc,
parce que l’essence s’atteint par la démonstration dont le moyen terme est la
cause, il est manifeste qu’il y aura certaines choses dont l’essence devra se
prendre comme un principe immédiat, de telle sorte qu’il faudra supposer au
sujet de ces choses à la fois l’existence
et l’essence, ou les manifester
par un moyen autre que la démonstration, par exemple par l’effet, le
semblable ou par quelque autre moyen de cette sorte. 480.
Mais il faut considérer que ce qu’il dit, à savoir que la cause de certaines choses n’est pas autre qu’elles-mêmes, peut
s’entendre de trois manières. En
un premier sens, on peut entendre par là qu’une chose n’a purement et
simplement aucune cause de son existence. Et cela n’appartient qu’au seul
premier Principe qui est la cause de l’existence et de la vérité pour toutes
les choses. En effet, rien n’empêche, même pour les choses qui existent
nécessairement, qu’il y ait une cause de leur nécessité ainsi qu’on le voit
au cinquième livre de la Métaphysique.
Et c’est pourquoi, puisque le Philosophe parle ici d’après plusieurs
significations, on ne doit pas entendre ce qui est dit ici au sens où il
voudrait dire qu’il y a des choses pour lesquelles il n’y a aucune cause de
leur existence. 481.
En un deuxième sens, on peut entendre
ce qu’il dit d’après l’ordre des causes qui se rapportent à une même chose.
Il est manifeste en effet que, pour les choses qui possèdent quatre causes,
une cause est en un sens la cause d’une autre cause. En effet, puisque la
matière existe en vue de la forme et non inversement ainsi qu’on le prouve au
deuxième livre des Physiques, la
définition qui se tire de la cause formelle est la cause de la définition qui
se tire de la cause matérielle de la même chose. Et puisque ce qui est
engendré découle de la forme par l’action de celui qui engendre, il s’ensuit
que l’agent soit en un sens la cause de la forme et qu’une définition soit la
cause d’une autre définition. Mais par la suite tout agent agit en vue d’une
fin; de là la définition qui se tire de la fin est en un sens la cause de la
définition qui se tire de la cause efficiente. Mais on ne peut aller plus
loin dans les genres de causes : c’est pourquoi on dit que la fin est la
cause des causes. On peut cependant, dans des genres particuliers de causes,
procéder de ce qui est second à ce qui est premier; mais les définitions
doivent se donner au moyen de causes prochaines. Et c’est d’après ce sens que dans certains
livres on propose que les définitions faites selon l’espèce n’ont aucun moyen
terme par lequel elles seraient démontrées; mais les définitions qui sont
faites selon la matière peuvent avoir un moyen terme : c’est-à-dire que
les définitions qui sont données d’après la cause matérielle peuvent être
démontrées par les définitions qui sont données d’après la cause formelle.
Mais la définition qui est donnée d’après la cause formelle ne peut par la
suite être démontrée à son tour par un principe intérieur à la chose et qui
appartiendrait en propre à l’essence en tant qu’entrant dans l’essence de la
chose. Mais même si elle était démontrée par la cause efficiente et la cause
finale, il faut dire qu’une cause supérieure se rapporte toujours
formellement à une cause inférieure. – Cependant les paroles qui précèdent ne
se trouvent pas dans les livres grecs. De là, il semble qu’elles soient
plutôt une interprétation qui s’est glissée dans le texte par une erreur des
copistes. 482.
En un troisième sens, ces paroles
peuvent s’entendre selon qu’il y a des choses qui n’ont pas de cause dans le
genre-sujet d’une science : par exemple dans le genre du nombre, qui est
l’objet de l’arithmétique, on doit en venir à l’unité et il n’y a pas à
prendre un autre principe dans ce genre. Et ce sens s’accorde avec l’exemple
que le Philosophe ajoute en disant que l’arithméticien suppose au sujet de
l’unité à la fois ce qu’elle est et qu’elle existe. Et tout comme c’est le
cas pour les choses dont il n’y a pas d’autre cause qu’elles-mêmes, de même
aussi pour celles qui peuvent avoir un moyen terme et dont la cause est autre
qu’elles-mêmes, leur essence peut être manifestée : de telle manière
cependant que ce ne soit pas l’essence elle-même qui soit démontrée, mais
plutôt le moyen terme de la démonstration pour parvenir à l’essence. 483.
Ensuite lorsqu’il dit [349] : Mais
puisque la définition etc., ayant montré de quelle manière l’essence se
rapporte à la démonstration, il montre de quelle manière la définition se
rapporte à la démonstration. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu, il montre de quelle manière la définition se rapporte à la
démonstration; en deuxième lieu, il manifeste au moyen d’un exemple ce qu’il
vient de dire, là [351] où il dit : En
effet, dire pourquoi il tonne diffère etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu il présente un premier mode de définir qui
signifie ce qu’est la chose; en
deuxième lieu, il présente un autre mode de définir qui signifie le pourquoi, là [350] où il dit :
Mais autre est l’espèce de définition
etc.; en troisième lieu, il montre comment les deux sortes de définitions se
rapportent à la démonstration, là [350 bis] où il dit : C’est pourquoi la première etc. 484.
Au sujet du premier point [349] il suppose en premier lieu que la définition
est le discours qui signifie ce qu’est la chose. Mais s’il n’était pas
possible d’avoir un autre discours que la définition sur la chose, il serait
impossible de savoir qu’une chose existe
sans savoir à son sujet ce qu’elle est,
car il est impossible de savoir qu’une chose existe si ce n’est au moyen d’un
certain discours sur cette chose. En effet, quant aux choses qui nous sont
totalement inconnues, il nous est impossible de savoir si elles existent ou
non. Mais il se trouve qu’il existe un autre discours que la définition sur
la chose : celui certes qui est soit le discours expliquant ce que
signifie le nom, soit l’énoncé sur la chose nommée elle-même, et qui est
cependant autre que la définition car il ne signifie pas ce qu’est la chose comme la définition le fait, mais peut-être un
accident. Il arrive par exemple qu’on rencontre un discours qui explique ce
que signifie le nom triangle. Et au
moyen de ce discours, sachant que le triangle existe, nous cherchons encore à savoir pourquoi il existe afin de parvenir ainsi à l’essence, à ce qu’il est. Mais, ainsi que nous
l’avons dit plus haut, cela est difficile à saisir dans les choses pour
lesquelles nous ignorons si elles
existent. Et la cause de cette difficulté a été identifiée plus
haut : c’est-à-dire que lorsque nous ne savons pas, au moyen de ce qui
fait partie de la chose elle-même, que la chose existe, nous ne savons pas à
véritablement parler si la chose existe ou non, mais seulement par accident,
ainsi que nous l’avons expliqué plus haut. Mais pour distinguer des autres discours
le discours qui signifie ce qu’est
la chose, il ajoute que c’est de deux manières qu’on peut dire d’un discours
qu’il est un. Dans certains cas, le
discours est un seulement en raison d’un lien : et c’est de cette
manière que l’Iliade, poème qui raconte l’histoire de Troie, possède son
unité. Et c’est aussi de cette manière qu’on dit qu’est un le discours qui explique la signification du nom ou celui qui
manifeste la chose nommée au moyen de certains accidents, comme lorsque nous
disons que l’homme est un animal
capable de rire et apte à apprendre. Mais autre est le discours qui est
un pour autant qu’il exprime un seul prédicat d’un seul sujet dont il est la
définition et cela d’une manière essentielle et non pas d’une manière
accidentelle. Et c’est un tel discours qui est la définition signifiant l’essence, car l’essence de toute
chose est une. Ainsi donc il conclut que ce que nous avons dit, c’est qu’il y
a une première définition de la définition, à savoir que la définition est le
discours qui exprime l’essence. 485.
Ensuite lorsqu’il dit [350] : Mais
autre est la définition etc., il présente une autre manière de définir;
et il dit que l’autre définition de la définition est qu’elle est le discours
qui manifeste le pourquoi. 486.
Ensuite lorsqu’il dit [350 bis] : C’est
pourquoi la première donne certes etc., il montre comment chacune des
définitions se rapporte à la démonstration, en concluant à partir de ce qui a
été dit que la première définition ne fait que donner la signification mais
ne la démontre pas. Mais la deuxième définition est comme une certaine
démonstration de l’essence de la chose et elle ne diffère de la démonstration
que par la seule position,
c’est-à-dire par l’ordre des termes et des propositions. 487.
Ensuite lorsqu’il dit [351] : En
effet, dire pourquoi diffère etc., il manifeste ce qu’il vient de dire
par des exemples. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il manifeste par des exemples ce qu’il vient de dire; en
deuxième lieu il rassemble à partir de là une diversité de définitions, là
[352] où il dit : Mais la
définition des termes immédiats etc. Il dit donc en premier lieu que dire pourquoi il tonne n’est pas la même
chose que dire ce qu’est le
tonnerre : car il dit que, d’après l’opinion de ceux qui disent que la
cause du tonnerre est l’extinction du feu dans les nuages, quelqu’un dit le pourquoi lorsqu’il dit que le
tonnerre existe parce qu’il y a extinction du feu dans les nuages. Mais celui
qui dit ce qu’est le tonnerre est
celui qui dit qu’il est le bruit du feu qui s’éteint dans les nuages. Mais chacun des deux discours signifie la
même chose mais sous une forme différente. Car lorsqu’on dit qu’il tonne pour cette raison que le feu
s’éteint dans les nuages, on signifie à la manière d’une démonstration
continue qui ne se distingue pas par des propositions différentes; cependant,
tous les termes de la démonstration y sont pris de façon continue. Mais
lorsqu’on dit que le tonnerre est le
bruit que fait le feu lorsqu’il s’éteint dans les nuages, on signifie
alors à la manière d’une définition. Mais si nous disions que le tonnerre est un bruit dans les nuages,
sans faire mention de l’extinction du feu, ce sera là une définition
signifiant l’essence et qui ne contient que la conclusion de la
démonstration. 488.
Ensuite lorsqu’il dit [352] : Mais
la définition de ce qui est immédiat etc., il conclut à partir de là
combien il y de sortes de définitions par rapport à la démonstration. Et en premier lieu il rappelle ce qu’il
avait dit plus haut, à savoir que pour ce qui n’a pas de cause, les
définitions doivent se prendre comme des principes immédiats. Et c’est
pourquoi il dit ici que la définition de
ce qui est immédiat, c’est-à-dire des choses qui n’ont pas de causes, est
comme une donnée indémontrable de l’essence. Et à partir de là il conclut donc qu’il y
a trois espèces de définitions qui
sont en rapport avec la démonstration. Il y a en effet une première définition
qui est indémontrable et qui est la définition de l’essence; et cette sorte
de définition est celle qu’il disait se rapporter à ce qui est immédiat. La deuxième sorte de définition est
celle qui est comme un syllogisme démonstratif de l’essence et qui ne diffère
de la démonstration que par accident,
c’est-à-dire d’après une manière différente de prendre et de poser les termes,
comme lorsque je dis que le tonnerre
est le bruit que fait le feu lorsqu’il s’éteint dans les nuages. Mais la troisième espèce de définition est
celle qui ne signifie que l’essence et qui est la conclusion de la
démonstration. 489.
Ensuite lorsqu’il dit [353] : Il
est donc manifeste à partir de ce qui a été dit etc., il tire la
conclusion de ce qui a été dit en disant qu’il est manifeste à partir de ce
qui précède de quelle manière il y a démonstration de l’essence et de quelle manière cela n’a pas lieu :
c’est-à-dire que l’essence peut se prendre à partir de la démonstration mais
elle ne peut être démontrée. Nous avons encore dit pour quelle sorte de
choses il peut y avoir démonstration de l’essence de la manière qui précède,
à savoir pour celles qui ont une cause, et pour quelle sorte de choses cela
est impossible, à savoir pour celles qui n’ont pas de cause. Nous avons
encore dit en combien de sens se dit la définition : c’est-à-dire que
certaines signifient l’essence mais certaines manifestent aussi le pourquoi.
Nous avons dit aussi de quelle manière l’essence est démontrée, c’est-à-dire
pour autant qu’elle est signifiée par une définition qui signifie seulement
l’essence, et de quelle manière elle n’est pas démontrée, c’est-à-dire pour
autant que l’on prend par elle non seulement l’essence mais aussi le
pourquoi. Nous avons encore dit comment la définition se présente diversement
par rapport à la démonstration, et comment il est possible qu’il y ait à la
fois démonstration et définition pour le même objet et comment cela n’est pas
possible. |
|
|
LECTIO 9 |
LEÇON 9. Le pourquoi peut
être manifesté dans les quatre genres de causes
(nn.
490-503; [354-364]). |
[79956] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 9 n. 1Postquam philosophus ostendit qualiter
ipsum quid est se habeat ad demonstrationem, hic ostendit
quomodo ad demonstrationem se habeat propter quid, quod
significat causam. Et circa hoc duo facit : primo, ostendit quomodo causae
assumantur in demonstratione ; secundo, quomodo diversimode in diversis rebus
; ibi : eadem autem causa est et cetera. Circa primum duo facit : primo,
proponit quod intendit ; secundo, manifestat propositum ; ibi : et hoc enim
existente et cetera. [79957] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 9 n. 2Dicit ergo primo quod quia scire opinamur
cum sciamus causam, ut in primo habitum est, demonstratio autem est
syllogismus faciens scire ; ita consequens est quod medium demonstrationis
sit causa. Sunt autem quatuor genera causarum, ut in II Physic. et in V
Metaphys. plenius manifestatur. Quarum una est quod quid erat esse,
idest causa formalis, quae est completiva essentiae rei. Alia autem est
causa, qua posita necesse est causatum poni ; et haec est causa materialis,
quia ea quae sequuntur ex necessitate materiae, sunt necessaria absolute, ut
habetur in II Physic. Tertia autem causa est, quae est principium motus,
idest causa efficiens. Quarta autem causa est, cuius gratia fit
aliquid, scilicet causa finalis. Et ita patet quod per medium
demonstrationis omnes hae causae manifestantur ; quia quaelibet harum
causarum potest accipi ut medium demonstrationis. [79958] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 9 n. 3Deinde cum dicit : et hoc enim quod etc.,
manifestat quod dixerat. Et circa hoc duo facit : primo, ostendit quomodo
diversae causae sumuntur ut media demonstrationis in diversis rebus ;
secundo, ostendit quomodo unius et eiusdem rei possunt esse diversae causae ;
ibi : contingit autem idem et cetera. Circa primum quatuor facit : primo,
manifestat quomodo causa materialis accipiatur in demonstratione ; secundo,
manifestat propositum in causa formali ; ibi : at vero ipsius etc. ; tertio,
ostendit idem de causa efficienti ; ibi : propter quid autem Medorum etc. ;
quarto autem, in causa finali ; ibi : quorumcunque autem et cetera. Circa
primum duo facit : primo, proponit modum quo causa materialis assumitur in
demonstratione, qui etiam competit aliis causis ; secundo, ponit exemplum ;
ibi : manifestum est autem et cetera. [79959] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 9 n. 4Dicit ergo primo quod illud, quo existente
necesse est aliud esse, scilicet causa materialis, non contingit accipi sic,
ut ex necessitate aliquid sequatur, si accipiatur una sola propositio ; sed
oportet accipere ad minus duas hoc modo se habentes, quod communicent in uno
medio. Si ergo accipiatur in duabus propositionibus unum medium, quod est
causa materialis, ex necessitate sequitur conclusio : puta si dicamus : omne
compositum ex contrariis est corruptibile ; lapis est huiusmodi ; ergo et
cetera. Oportet autem accipere duas propositiones, non solum propter
exigentiam formae syllogisticae, sed etiam quia non omnia quae sunt ex
materia, habent ex materia necessitatem, ut probatur in II Physic. Et ideo praeter propositionem in qua
sumitur hoc habere talem materiam, oportet quod sumatur alia propositio, quae
declaret quod ex tali materia aliquid ex necessitate sequatur. [79960] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 9 n. 5Deinde cum dicit : manifestum autem est
etc., proponit exemplum in mathematicis. Nec est contra id quod dicitur in III Metaphys., quod mathematicae
scientiae non demonstrant per causam materialem. Mathematica enim abstrahit
quidem a materia sensibili, non autem a materia intelligibili, ut dicitur in
VI Metaphys. : quae quidem materia intelligibilis
consideratur secundum quod aliquid divisibile accipitur vel in numeris vel in
continuis. Et ideo quandocunque in mathematicis aliquid demonstratur de toto
per partes, videtur esse demonstratio per causam materialem
: partes enim se habent ad totum secundum rationem materiae, ut
habetur in II Physic. Et quia materia magis proprie dicitur in sensibilibus,
propter hoc noluit eam nominare causam materialem, sed causam necessitatis. [79961] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 9 n. 6Ad evidentiam autem exempli quod in litera
ponitur, sciendum est quod omnis angulus cadens in semicirculo est rectus, ut
probatur in III Euclidis. Est autem probatio talis. Sit semicirculus abc ; chorda autem eius, quae est diameter circuli,
dividatur per medium in puncto d, quod est centrum circuli. Erigatur ergo
super punctum d linea perpendicularis, quae attingat circumferentiam circuli
in puncto b ; a quo ducantur duae lineae ad duo
puncta a et c. Dico ergo quod angulus abc, cadens in semicirculo, est rectus.
Probatio. Triangulus bdc habet tres angulos
aequales duobus rectis ; sed angulus eius bdc est rectus, quia linea bd est
perpendicularis ; ergo duo alii anguli, scilicet dbc et bcd, sunt aequales
uni recto. Sed hi duo anguli sunt aequales, eo quod duae lineae db et dc sunt
aequales, quia protrahuntur a centro ad circumferentiam ; relinquitur ergo
quod angulus dbc sit media pars recti anguli. Pari quoque modo probatur quod
angulus abd sit media pars recti. Ergo totus angulus abc est rectus. Hac ergo
probatione utitur hic philosophus, dicens quod manifestum est per hunc modum,
propter quid est recta quae in semicirculo, idest rectus angulus qui cadit in
semicirculo, dum accipit illud, quo existente sequitur quod sit rectus. Sit
ergo rectus angulus in quo a, quod est maior extremitas ; medietas duorum
angulorum sit medium, in quo est b ; angulus cadens in semicirculo sit minor
extremitas, in quo est c. Huius igitur quod est a esse in c, idest quod
angulus in semicirculo sit rectus, causa est b, scilicet quod angulus
semicirculi est medium duorum rectorum. Hoc enim medium est aequale per
conversionem ipsi a, et ipsum c est simili modo aequale ipsi b. Nam b est
esse medietatem duorum angulorum rectorum. Hoc igitur existente, necesse est
quod a sit in c ; quod nihil est aliud quam angulum semicirculi esse rectum.
Subiungit autem quod hic modus demonstrationis potest etiam ad causam
formalem pertinere, quam nominaverat quod quid erat esse ; eo
quod esse medium duorum rectorum potest accipi ut ratio significans quod
quid est recti anguli. [79962] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 9 n. 7Deinde cum dicit : at vero et ipsius etc.,
remittit ad praemissa, et dicit quod in superioribus monstratum est quomodo
causa formalis, quae est quod quid erat esse, pertineat ad medium
demonstrationis. [79963] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 9 n. 8Deinde cum dicit : propter quid autem etc.,
ponit exemplum de causa movente, tangens quamdam Graecorum historiam :
videlicet quod Athenienses quondam, adiunctis sibi quibusdam aliis Graecis,
invaserunt Sardenses, qui erant subiecti regi Medorum ; et ideo Medi
invaserunt Athenienses. Dicit ergo quod quaeri potest propter quid bellum
Medorum factum est cum Atheniensibus ; et hoc propter quid est
causa quare Athenienses impugnati sunt a Medis : quia scilicet ipsi simul cum
quibusdam aliis, scilicet Eretriis, fecerunt, insultum in Sardenses ; hoc
enim est quod fuit primum motivum belli. Sit ergo bellum in quo a, quod est maior extremitas
; quod priores insultum fecerunt sit b, idest medium ; sed Athenienses
sit c, idest minor extremitas. Igitur b est in c, in quantum scilicet
Atheniensibus convenit quod priores fecerunt insultum. A
autem est in b, quia scilicet illi qui prius aliis iniustitiam intulerunt,
sunt debellati. Sic ergo a est
in b, in quantum debellantur illi qui prius inceperunt. Hoc autem, scilicet
b, quod est medium, pertinet ad Athenienses, qui prius bellum inceperunt. Et
sic patet quod hic accipitur quasi medium causa quae primo movit. [79964] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 9 n. 9Deinde cum dicit : quorumcunque autem causa
etc., manifestat idem in causa finali. Et circa hoc duo facit : primo,
proponit exemplum in causa finali ; secundo, ostendit differentiam inter
causam finalem et causam quae est principium motus ; ibi : generationes autem
e contrario et cetera. Dicit ergo primo quod similiter se habet cum
praedictis in quibuscunque accipitur quasi causa finis, cuius causa fit
aliquid. Puta si dicamus propter quid aliquis ambulat post coenam, ut
scilicet fiat sanus : et iterum propter quid est domus, ad hoc scilicet ut
vasa, idest supellectilia hominis, salventur, idest conserventur. Sic ergo
hoc, scilicet ambulatio post coenam, fit gratia sanandi ; hoc autem, scilicet
aedificatio domus, est gratia servandi supellectilia. Sic ergo nihil differt
dicere propter quid oportet post coenam ambulare, et cuius
gratia hoc oporteat. Sic ergo ambulare post coenam in quo c, minor
extremitas ; sed non eminere cibos in ore stomachi sit medium, in quo est b ;
sanari vero sit maior extremitas, in quo est a. Sit ergo b in c, quia
ambulatio post coenam facit ut non emineant cibi in ore stomachi ; et propter
hoc provenit sanitas, quod est a esse in b. Videtur enim quod ipsi ambulare,
quod est c, insit b, quod est non eminere cibos in ore stomachi. Ad hoc autem
sequitur a, quod est esse sanativum. Sic ergo patet quod b, scilicet non
eminere cibos in ore stomachi, est causa quare c est a, idest quare ambulare
post coenam sit sanativum ; et hoc, scilicet non eminere cibos in ore
stomachi, est ratio eius quod est esse sanativum. A enim, idest esse
sanativum, sic assignabitur, idest notificabitur. Quod autem b sit in c est
propter quid, quia scilicet sic se habere ut non emineant cibi in ore
stomachi est sanari. Et ad hoc quod singula fiant magis manifesta, oportet
transumere rationes, ut scilicet accipiatur medium quasi ratio maioris
extremitatis, sicut in praemisso exemplo apparet. [79965] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 9 n. 10Deinde cum dicit : generationes autem e
contrario etc., ostendit quomodo diversimode se habet et in causa quae est
principium motus. Contrario enim modo se habent in via generationis causa
finalis, et causa quae est principium motus. Nam ibi, scilicet in
demonstratione quae sumitur per causam quae est principium motus, oportet
medium primum fieri, idest esse primum in via generationis ; sicut prius
fuit quod Athenienses insultum fecerunt in Sardenses, quam quod impugnarentur
a Medis. Sed hic, in demonstratione quae fit per causam finalem, accipitur
sicut primum in via generationis ipsum c, quod est minor extremitas, et est
ultimum causatum causae finalis. Ultimum autem in via generationis est finis,
cuius gratia est aliquid. Manifestum est enim quod primo aliquis ambulat post
coenam, et ex hoc sequitur quod cibi non emineant in ore stomachi, et ex hoc
ulterius sequitur sanitas hominis, quae est principalis finis. [79966] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 9 n. 11Deinde cum dicit : contingit autem idem
etc., ostendit quomodo ad eumdem effectum possunt assumi plures praedictarum
causarum. Et circa hoc duo facit : primo, manifestat plures causas esse
eiusdem ; secundo, ostendit in quibus habeat locum quod dictum est ; ibi :
plurima autem huiusmodi sunt et cetera. Dicit ergo primo quod contingit unum
et eumdem effectum esse propter aliquem finem sive gratia eius, et ex
necessitate alicuius prioris causae ; sicut hoc quod est lumen apparere per
pellem lucernae, ex necessitate provenit ; necesse est enim quod corpus
minorum partium transeat per poros largiores. Dicitur autem hoc secundum
opinionem ponentium quod lumen sit corpus quoddam subtile, et quod apparentia
luminis per diaphanum fiat propter magnitudinem pororum quasi quorumdam
foraminum. Corpus autem subtile videtur esse parvarum partium. Et quia hoc
non est secundum suam opinionem, subiungit quod ex tali necessitate hoc
provenit, si tamen lumen appareat digrediendo, idest per egressum
partium eius per poros diaphani. Hoc autem quod est apparere lumen per pellem
lucernae, est propter aliquem finem, ut scilicet ambulantes in nocte
beneficio luminis non offendamus. In talibus ergo possibile est dupliciter
argumentari. Uno modo a causa praeexistente, ut dicamus : si esse
contingit hoc, et hoc erit ; puta si lumen impositum est lucernae,
sequitur quod diffundatur per poros pellis. Alio modo a causa posteriori,
quae est posterior in fieri ; et secundum hoc argumentabimur quod si fieri
contingit finem ultimum, oportet praecedere ea per quae pervenitur ad finem.
Sicut patet in tonitruo quod si est ignis extinctus, necesse est sizire,
idest facere fremitum quemdam ignis extincti et sonum quemdam. Et si opinio
Pythagoricorum est vera, quod tonitruum fiat ad comminandum his qui sunt in
Tartaro, oportet dicere quod tonitruum fiat ad hoc quod homines qui sunt in
Tartaro timeant. [79967] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 9 n. 12Deinde cum dicit : plurima autem
huiusmodi etc., ostendit in quibus contingat hoc quod dictum est. Et
circa hoc tria facit : primo, ostendit quomodo hoc se habeat in his quae sunt
a natura ; secundo, quomodo se habeat in his quae sunt a proposito ; ibi : in
his autem quae sunt etc. ; tertio, infert quoddam corollarium ; ibi : quare
finis bonus et cetera. Dicit ergo primo quod plurima huiusmodi, quae scilicet
sunt ex necessitate et fiunt propter finem, maxime inveniuntur in his quae
subsistunt a natura, et in his quae sunt per naturam constructa. Natura enim
quaedam facit propter finem, quaedam vero facit ex necessitate priorum
causarum. Quae quidem est duplex : una secundum naturam, quae est secundum
conditionem materiae ; alia secundum causam moventem : sicut lapis movetur
quidem ex necessitate quandoque sursum, quandoque deorsum, sed non propter
idem genus necessitatis ; sed deorsum movetur propter necessitatem naturae,
sursum autem propter necessitatem moventis, idest proiicientis. [79968] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 9 n. 13Deinde cum dicit : in his autem etc.,
ostendit quomodo se habeat in his quae sunt a proposito. Et dicit quod in
illis quae fiunt per rationem, sicut sunt opera artis, quaedam talia sunt
quae nunquam fiunt a casu, sicut domus et statua, nec etiam possunt unquam
fieri ex necessitate naturae ; sed semper fiunt propter finem, quia semper
fiunt a ratione, quae non operatur nisi intendens finem. Quaedam vero sunt
quae possunt quidem fieri a ratione artis, tamen possunt etiam quandoque
fieri a fortuna : sicut patet de sanitate, quae quandoque fit per artem
medicinae ; sed tamen, quia potest provenire ex aliqua causa naturali, potest
contingere quod aliquis sanetur praeter intentionem, sicut si leprosus sanetur
ex esu serpentis, quem comedit ut moreretur. Et similiter contingit de salute
; cum scilicet aliquis intrans domum propter aliquid aliud, liberatur de manu
inimicorum quaerentium ipsum. Et hoc maxime contingit in omnibus rebus in
quibus contingit quod aliquid fit et sic et aliter, cum non a fortuna fit,
idest cum contingit eumdem effectum non fortuito ex diversis causis
provenire. Puta potest aliquis intrare domum non a fortuna ut salvetur a manu hostium, vel ut comedat, vel ut quiescat. Unde si
intendendo unum eorum eveniat aliud, erit a fortuna. Sed domus et statua non
fiunt nisi per easdem causas ; et ideo talia non contingit fieri a fortuna. [79969] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 9 n. 14Deinde cum dicit : quare finis bonus etc.,
concludit ex praemissis quod pervenire ad bonum est aut a natura aut
ab arte. Ars enim et natura similiter operantur propter finem, ut habetur
in II Physic. Sed a fortuna non fit aliquid gratia
huius. Quod ideo dicitur, quia etsi fortuna contingat in his quae fiunt
propter aliquid, ut dicitur in II Physic., illud tamen quod dicitur a fortuna
fieri, non est intentum tanquam finis, sed praeter intentionem accidit. |
490.
Après avoir montré de quelle manière l’essence
se rapporte à la démonstration, le Philosophe montre ici comment le pourquoi, lequel signifie la cause,
se rapporte à la démonstration. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il montre comment les causes se prennent dans la
démonstration [354]; en deuxième lieu, il montre comment elles se prennent
différemment dans différentes choses, là [365] où il dit : Mais la cause est la même etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il présente son propos; en deuxième lieu il
manifeste ce propos, là [355] où il dit : En effet, que ceci étant donné etc. 491.
Il dit donc en premier lieu [354] que parce que nous croyons savoir lorsque
nous connaissons la cause, ainsi que nous l’avons établi au premier livre, et
que la démonstration est le syllogisme qui fait savoir, il s’ensuit alors que
le moyen terme de la démonstration est la cause. Mais il y a quatre genres de causes ainsi qu’on le manifeste plus clairement
au deuxième livre des Physiques et
au cinquième livre des Métaphysiques.
La première de ces causes est
l’essence, c’est-à-dire la cause formelle qui rend l’essence complète de la
chose. La deuxième est la cause
qui, étant posée, le causé est nécessairement posé; et cette cause est la
cause matérielle car ce qui provient d’une nécessité de la matière est
nécessaire absolument ainsi qu’on l’établit au deuxième livre des Physiques. La troisième cause est celle qui est le principe du mouvement, à
savoir la cause efficiente. Mais la
quatrième cause est celle en vue de quoi quelque chose est produit, à
savoir la cause finale. Et ainsi il est clair que toutes ces sortes de causes
se trouvent à être manifestées par le moyen terme de la démonstration, car
chacune de ces causes peut être prise comme moyen terme de la démonstration. 492.
Ensuite lorsqu’il dit [355] : Et
en effet, que ceci étant posé etc., il manifeste ce qu’il vient de dire. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il montre comment différentes causes sont prises comme moyens
termes de la démonstration dans différentes choses; en deuxième lieu, il
montre comment pour une même chose il peut y avoir différentes causes, là
[361] où il dit : Il est possible
cependant que la même chose etc. Au sujet du premier point il fait quatre
choses : en premier lieu il manifeste comment se prend la cause
matérielle dans la démonstration; en deuxième lieu il manifeste le propos
dans le cas de la cause formelle, là [357] où il dit : Mais nous avons montré que le moyen terme
etc.; en troisième lieu il montre la même chose en ce qui concerne la cause
efficiente, là [368] où il dit : Mais
pourquoi les Mèdes etc.; en quatrième lieu, il montre la même chose pour
la cause finale, là [359] où il dit : Mais pour toutes les choses dont la cause etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu, il présente la manière dont se prend la cause
matérielle dans la démonstration, manière qui appartient aussi aux autres
causes; en deuxième lieu, il présente un exemple, là [356] où il dit : Mais il est évident etc. 493.
Il dit donc en premier lieu [355] que le passage qui dit que ceci étant posé,
quelque chose d’autre doit nécessairement s’ensuivre, à savoir la cause
matérielle, ne doit pas s’entendre de telle manière que nécessairement
quelque chose s’ensuivrait si on prenait une seule proposition; mais il faut
prendre au moins deux propositions qui se présentent de telle manière
qu’elles communiquent dans un seul et même moyen terme. Si donc on prend dans
les deux propositions un même moyen terme qui est la cause matérielle,
nécessairement la conclusion s’ensuit comme dans l’exemple suivant : tout composé de contraires est corruptible;
or la pierre est composée de contraires;
donc, etc. Mais il faut prendre
deux propositions non seulement en raison de l’exigence de la forme
syllogistique, mais aussi parce que ce n’est pas tout ce qui est composé de
matière qui possède une nécessité venant de la matière, ainsi qu’on le prouve
au deuxième livre des Physiques. Et
c’est pourquoi, à côté de la proposition dans laquelle on pose que ceci
possède telle matière, il faut poser une autre proposition dans laquelle on
déclare qu’à partir de telle matière quelque chose s’ensuit nécessairement. 494.
Ensuite lorsqu’il dit [356] : Mais
il est évident etc., il présente un exemple tiré des mathématiques. Dire
que les sciences mathématiques ne démontrent pas par la cause matérielle
n’est pas contraire à ce qu’on dit au troisième livre de la Métaphysique. Les mathématiques en effet font abstraction de
la matière sensible, mais non de la matière intelligible, ainsi qu’on le dit
au sixième livre de la Métaphysique;
et cette matière intelligible est examinée selon que le divisible se prend
soit dans les nombres soit dans les quantités continues. Et c’est pourquoi en
mathématiques, aussi longtemps que quelque chose est démontré d’un tout au
moyen de ses parties, la démonstration se fait par la cause matérielle :
en effet, les parties se comparent au tout comme la matière à la forme, ainsi
qu’on l’établit au deuxième livre des
Physiques. Et parce que la matière se dit plus proprement des choses
sensibles, c’est pour cette raison qu’il n’a pas voulu la nommer ici cause
matérielle, mais cause de nécessité. 495.
Mais pour manifester l’exemple présenté dans le passage, il faut savoir que
tout angle qui tombe dans un demi-cercle est droit, ainsi qu’on le prouve au
troisième livre d’Euclide. Et en
voici la preuve. Supposons un demi-cercle A B C, dont la corde, qui est le
diamètre du cercle, se divise par le milieu au point D qui est le centre du
cercle. On dresse donc au-dessus du point D une ligne perpendiculaire qui
parvient à la circonférence du cercle au point B; et de ce point B sont
conduites deux lignes droites vers les deux points A et C. Je dis donc que l’angle A B C compris dans
le demi-cercle est un angle droit. En voici la preuve. Le triangle B D C
possède trois angles égaux à deux droits; mais l’angle B D C est droit car la
ligne B D est perpendiculaire à la corde; donc les deux autres angles, à
savoir D B C et B C D sont égaux à un seul droit. Mais ces deux angles sont
égaux du fait que les lignes D B et D C sont égales car elles sont tirées du
centre vers la circonférence; il reste donc que l’angle D B C est la partie
qui est la moitié de l’angle droit. C’est de la même manière encore qu’on
prouve que l’angle A B D est la partie qui est la moitié de l’angle droit;
donc, la totalité de l’angle A B C est droit. Le Philosophe se sert donc ici de cette
preuve en disant qu’il est manifeste en procédant ainsi pourquoi est droit
l’angle qui tombe dans le demi-cercle alors qu’on admet que, ceci étant posé,
il s’ensuit nécessairement que cet angle est droit. Soit donc le terme A, à
savoir l’angle droit, qui est le grand
terme; le terme B, à savoir la moitié des deux angles droits, qui est le moyen terme; enfin le terme C, à
savoir l’angle qui tombe dans un demi-cercle, qui est le petit terme. Donc la cause de ce que A
est dans C, à savoir que l’angle qui tombe dans un demi-cercle est droit, est
B, à savoir que l’angle qui tombe dans un demi-cercle est la moitié de deux
droits. Ce moyen terme en effet est égal par la conversion au terme A et le
terme C est de la même manière égal au terme B, car le terme B signifie
ceci : être la moitié de deux angles droits. Donc, ceci étant posé, il
est nécessaire que A soit dans C, ce qui ne signifie
rien d’autre que tout angle qui tombe dans un demi-cercle est un angle droit. Mais il ajoute que cette manière de
démontrer peut aussi appartenir à la cause formelle qu’il avait nommée quiddité, du fait que d’être la moitié
de deux angles droits peut se prendre comme la définition signifiant l’essence de l’angle droit. 496.
Ensuite lorsqu’il dit [357] : Et
par ailleurs nous avons etc., il revient à ce qui a précédé et il dit que
nous avons déjà montré plus haut comment la cause formelle, qui est la quiddité, se rapporte au moyen
terme de la démonstration. 497.
Ensuite lorsqu’il dit [358] : Mais
pourquoi etc., il présente un exemple de la cause efficiente qui touche
une certaine histoire des Grecs, à savoir que les Athéniens, s’étant
autrefois associés à certains autres Grecs, envahirent les Sardes qui étaient
les sujets du roi des Mèdes; et c’est pourquoi les Mèdes envahirent à leur
tour les Athéniens. Il dit donc qu’on peut se demander pourquoi les Mèdes ont fait la guerre aux Athéniens; et ce pourquoi est la cause pour laquelle
les Athéniens ont été combattus par les Mèdes : et la cause, c’est que
les Athéniens eux-mêmes avec d’autres, à savoir les Éréthriens, avaient
attaqué les Sardes; et ce fut là le premier motif de la guerre. Soit donc le
terme A, à savoir la guerre, qui est le
grand terme; le terme B, à savoir avoir été les premiers à attaquer, qui
est le moyen terme; enfin le terme
C, à savoir les Athéniens, qui est le
petit terme. Donc B est dans C dans la mesure où les Athéniens furent les
premiers à attaquer. Mais A est dans B, c’est-à-dire parce que ceux qui
portent en premier une injustice aux autres se font déclarer la guerre. Ainsi
donc A est dans B parce que ceux qui ont d’abord commencé la guerre sont
eux-mêmes provoqués à la guerre. Mais ce terme, à savoir B, qui est le moyen
terme, appartient aux Athéniens qui ont été les premiers à commencer la
guerre. Et ainsi il est clair qu’on prend ici comme moyen terme la cause qui
est le principe du mouvement. 498.
Ensuite lorsqu’il dit [359] : Mais
pour tous les cas où la cause etc., il manifeste la même chose pour la
cause finale. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il présente un exemple pris dans la cause finale; en deuxième
lieu, il montre une différence entre la cause finale et la cause qui est le
principe du mouvement, là [360] où il dit : Mais au contraire dans l’ordre du devenir etc. Il dit donc en premier lieu qu’il en est
de même pour tous les cas où la fin est prise comme cause en vue de laquelle
se produit quelque chose. Par exemple, si on demandait pourquoi quelqu’un se
promène après le repas, on répondrait qu’il le fait pour devenir en santé; en
outre, si on demandait pourquoi une maison existe, on dirait que c’est afin
que les biens matériels de l’homme soient protégés et conservés. Ainsi donc
ceci, à savoir la promenade après le repas, a lieu en vue de la santé; et
cela, à savoir la construction de la maison, est en vue de protéger les biens
matériels. Ainsi donc, dire pourquoi il faut se promener après le repas ne
diffère en rien de dire en vue de quoi cela est nécessaire. Soit donc C, à
savoir se promener après le repas, c’est-à-dire le petit terme; B, à savoir le fait pour les aliments de ne pas
demeurer à l’entrée de l’estomac, qui est le
moyen terme; et le terme A, à savoir devenir en santé, qui est le grand terme. Supposons donc que B
est dans C, car la promenade après le repas fait en sorte que les aliments ne
demeurent pas à l’entrée de l’estomac; et c’est pour cette raison que
survient la santé, à savoir parce que A est dans B. Il semble en effet que ce
soit à la promenade elle-même, qui est C, qu’appartient B qui est le fait
pour les aliments de ne pas demeurer à l’entrée de l’estomac. Mais c’est de
ce moyen terme que s’ensuit A qui est d’être en santé. Ainsi donc il est clair
que B, à savoir le fait pour les aliments de ne pas demeurer à l’entrée de
l’estomac, est la cause pour laquelle C est A, c’est-à-dire la cause pour
laquelle se promener après le repas est sain; et cela même, à savoir le fait
pour les aliments de ne pas demeurer à l’entrée de l’estomac, est la cause du
fait d’être en santé car c’est par ce terme que le terme A, c’est-à-dire le
fait d’être en santé, sera attribué et sera connu. Mais le fait que B soit en
C est le pourquoi (de l’attribution de A à C) parce qu’être dans l’état où
les aliments ne demeurent pas à l’entrée de l’estomac c’est être en santé. Et
afin que les cas particuliers deviennent plus évidents il faut transposer les
définitions de telle manière que le moyen terme soit pris comme la définition
du grand terme ainsi qu’on le voit dans l’exemple qui précède. 499.
Ensuite lorsqu’il dit [360] : Mais
au contraire, dans l’ordre du devenir etc., il montre comment le moyen
terme se présente différemment dans la cause qui est principe de mouvement.
C’est en effet selon un mode contraire que se présentent dans l’ordre du
devenir la cause finale et la cause qui est principe de mouvement. Car dans
ce cas-là, c’est-à-dire dans la démonstration qui se tire de la cause qui est
principe de mouvement, il faut que le moyen terme se présente en premier,
c’est-à-dire qu’il faut qu’il soit premier dans l’ordre du devenir; par
exemple, il arriva en premier que les Athéniens firent une attaque sur les
Sardes avant qu’ils furent eux-mêmes provoqués à la guerre par les Mèdes.
Mais ici, dans la démonstration qui est conduite par la cause finale, c’est
C, le petit terme, qui est pris comme étant premier dans l’ordre du devenir
et c’est l’effet de la cause finale qui vient en dernier. Ce qui est dernier
en effet dans l’ordre du devenir, c’est la fin en vue de laquelle existe
quelque chose. Il est manifeste en effet qu’après le repas quelqu’un se
promène en premier et de là il suit que les aliments ne demeurent pas à
l’entrée de l’estomac et de là par la suite s’ensuit la santé de l’homme qui
est la fin principale. 500.
Ensuite lorsqu’il dit [361] : Il
est possible que la même chose etc., il montre comment plusieurs des
causes qui précèdent peuvent être prises en vue d’un même effet. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il montre qu’il y a plusieurs causes pour une même chose; en
deuxième lieu il montre à quelle sorte de choses s’applique ce que nous avons
dit, là [362] où il dit : Mais les
exemples de cette sorte sont très nombreux etc. Il dit donc en premier lieu [361] qu’il
est possible qu’un même effet existe en vue d’une fin et qu’il soit le
résultat nécessaire de quelque cause antérieure; par exemple, que la lumière
apparaisse à travers la paroi de la lanterne est un fait qui se produit avec
nécessité; il est nécessaire en effet que les corps qui sont faits de
particules plus petites passent au travers des pores plus grands. Cela se dit
cependant d’après l’opinion de ceux qui posent que la lumière est un corps
subtil et qu’elle pénètre l’air en raison de l’étendue des pores comme si
elle passait au travers de certaines ouvertures. Mais un corps subtil semble
être composé de petites particules. Et comme cette position ne vient pas de
lui, il ajoute que cela se produit nécessairement si cependant la lumière nous
apparaît par dispersion, c’est-à-dire par la pénétration de ses parties au
travers des pores de l’air. Mais le fait que la lumière apparaisse au travers
de la paroi d’une lampe, cela est en vue d’une fin, c’est-à-dire afin que
ceux qui se promènent dans la nuit ne se blessent pas grâce à la lumière. Il est donc possible dans des cas
semblables d’argumenter de deux
manières. Premièrement par la
cause préexistante, comme lorsque nous disons : s’il arrive que ceci existe, cela
sera; par exemple si la lumière est placée sur la lanterne, il s’ensuit
qu’elle pénètre au travers des pores de la paroi. En un deuxième sens par la cause postérieure, celle qui est
postérieure dans le devenir; et d’après cela nous raisonnerons de la manière
suivante en disant que si une fin dernière doit se produire, doivent précéder
les choses au moyen desquelles on parvient à la fin. Et cela est clair dans
le cas du tonnerre car s’il est un feu qui s’éteint, il est alors nécessaire
qu’il siffle, c’est-à-dire qu’il
fasse une certaine vibration du feu qui s’éteint et qu’il produise un certain
son. Et si l’opinion de Pythagoriciens est vraie, à savoir que le tonnerre se
produit pour menacer ceux qui vivent dans le Tartare, alors il faut dire que
le tonnerre se produit afin que les hommes qui vivent dans le Tartare aient
peur. 501.
Ensuite lorsqu’il dit [362] : Des
cas de ce genre sont très nombreux etc., il montre pour quels cas ce qui
vient d’être dit est possible. Et à ce sujet il fait trois choses :
en premier lieu il montre comment cela se présente dans les choses qui sont
produites par la nature; en deuxième lieu il montre comment cela se présente
dans celles qui résultent de
l’intelligence, là [363] où il dit : Mais
dans les choses qui sont etc.; en troisième lieu il tire de là un
corollaire, là [364] où il dit : C’est
pourquoi la fin est bonne etc. Il dit donc en premier lieu [362] que de
nombreux cas de ce genre, c’est-à-dire qui sont produits à la fois à partir
d’une nécessité et en vue d’une fin, se retrouvent surtout parmi les choses
qui subsistent par la nature et qui sont construites par la nature. La nature
en effet fait certaines choses en vue d’une fin mais elle en fait d’autres en
partant de la nécessité de causes antérieures. Et cette nécessité est de deux sortes : la première est conforme à la nature
car elle se fait d’après la condition de la matière, tandis que l’autre est conforme à la cause
agente : par exemple, la pierre se meut certes nécessairement parfois
vers le haut, parfois vers le bas, mais ces deux mouvements ne se produisent
pas d’après le même genre de nécessité, car le mouvement vers le bas s’opère
en raison d’une nécessité de nature alors que le mouvement vers le haut
s’opère en raison de la nécessité de celui qui opère le mouvement, à savoir
celui qui projette la pierre. 502.
Ensuite lorsqu’il dit [363] : Mais
dans les choses etc., il montre comment cela se passe dans les choses qui
sont produites par l’intelligence. Et il dit que dans les choses qui sont
produites par la raison comme le sont les œuvres de l’art, certaines sont
telles qu’elles ne viennent jamais du hasard, comme la maison et la statue,
et elles ne peuvent même jamais provenir d’une nécessité de nature; au
contraire, elles sont toujours produites en vue d’une fin parce qu’elles sont
toujours produites par la raison qui n’agit qu’en poursuivant une fin. Mais il y a d’autres choses qui peuvent
être certes produites par la raison de l’art mais qui peuvent aussi parfois
être produites par le hasard comme on le voit pour la santé qui parfois est
le résultat de l’art de la médecine; mais parce qu’elle peut aussi provenir
d’une cause naturelle, il peut arriver que quelqu’un soit guéri sans l’avoir
voulu, comme lorsqu’un lépreux est guéri
suite à la digestion d’un serpent qu’il avait mangé pour mourir. Et la
même chose est possible pour la conservation de la vie; par exemple lorsque
quelqu’un, entrant dans une maison pour une autre raison, se trouve à
échapper à la main des ennemis qui le recherchaient. Et cela est possible
surtout dans toutes les choses pour lesquelles il est possible que la chose
se produise ainsi et autrement sans qu’elle soit produite par le hasard,
c’est-à-dire lorsqu’il arrive à un même effet d’être produit à partir de
différentes causes d’une manière qui n’est pas fortuite. Par exemple
quelqu’un peut entrer dans la maison d’une manière non fortuite, soit pour
échapper à la main de ses ennemis, soit pour manger, soit pour se reposer.
C’est pourquoi si, en recherchant un de ces effets, il s’en produit un autre,
ce sera par hasard. Mais la maison et la statue ne peuvent être produites que
par les mêmes causes; et c’est pourquoi il n’est pas possible à de telles
œuvres d’art d’être produites par le hasard. 503.
Ensuite lorsqu’il dit [364] : C’est
pourquoi la fin est bonne etc., il conclut à partir de ce qui précède que
parvenir au bien est le résultat soit de la nature soit de l’art. En effet,
l’art et la nature opèrent semblablement en vue d’une fin ainsi qu’on
l’établit au deuxième livre des
Physiques. Mais par le hasard, rien n’est produit en vue d’une fin. Et on
dit cela pour cette raison que bien que le hasard soit possible dans les
choses qui sont produites en vue de quelque chose, ainsi qu’on le dit au
deuxième livre des Physiques,
cependant ce qu’on dit être produit par le hasard n’est pas recherché comme
une fin mais se produit en dehors de l’intention. |
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LECTIO 10 |
LEÇON 10. Comment dans la
démonstration se prend le pourquoi ou la cause qui est simultanée avec ce
dont elle est la cause. – Présentation d’une notion nécessaire à la
détermination de l’autre question portant sur la cause qui n’est pas
simultanée avec son effet
(nn.
504-513; [365-372]). |
[79970] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 10 n. 1Postquam philosophus ostendit quomodo
quatuor genera causarum in demonstrationibus pro mediis assumuntur, hic ostendit
quomodo in diversis demonstratur aliquid per causam. Est autem circa hoc duplex differentia consideranda : prima quidem
secundum quod causa simul est cum effectu vel non simul ; secunda prout causa
producit effectum semper aut sicut frequenter ; et de hac agit ibi : sunt
autem quidem quaedam quae fiunt universaliter et cetera. Circa primum duo
facit : primo, ostendit quomodo aliquid demonstretur per causam quae est
simul cum eo cuius est causa ; secundo, quomodo demonstratur aliquid per
causam quae non est simul cum eo cuius est causa ; ibi : in his autem quae
non simul et cetera. [79971] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 10 n. 2Circa primum considerandum est quod, quia
in motu necesse est considerare prius et posterius, in causis motus est
accipere causam et causatum se habere secundum prius et posterius. Sicut
patet quod causa agens naturalis movendo perducit ad suum effectum : et sicut
per totum motum perducitur mobile ad terminum motus, ita per primam partem
motus perducitur ad secundam, et sic deinceps. Unde sicut motus est causa
quietis consequentis, ita prima pars motus est causa subsequentis, et sic
deinceps. Et hoc indifferenter sive hoc consideretur
in uno mobili, quod movetur continue a principio usque ad finem
; sive in diversis mobilibus, quorum primum movet secundum, et
secundum tertium. Et licet simul dum primum movens movet, primum motum
moveatur, tamen primum motum remanet movens postquam desiit moveri, quo
movente simul movetur secundum mobile. Et ita successive moventur mobilia,
quorum unum est causa motus alterius, sicut de his quae proiiciuntur
manifestat philosophus in VIII Physic. Per hunc ergo modum contingit quod causa non est simul cum eo cuius
est causa, in quantum scilicet prima pars motus est causa secundae, vel
primum motum movet secundum. Quamvis autem motus in suis partibus
successionem habeat, tamen simul est cum causa movente. Simul enim dum movens
movet, mobile movetur, eo quod motus nihil est aliud quam actus mobilis a
movente, secundum quem movens dicitur movere et mobile moveri. Et multo magis
in his quae sunt extra motum, oportet causam simul esse cum suo causato ;
sive accipiatur aliquid ut terminus motus (sicut illuminatio aeris simul est
cum solis exortu), sive aliquid accipiatur in his quae sunt penitus
immobilia, et in causis essentialibus, quae sunt causae ipsius esse. [79972] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 10 n. 3Circa primum ergo duo facit : primo,
proponit quod intendit ; secundo, manifestat propositum per exempla ; ibi :
ut propter quid factus est defectus et cetera. Dicit ergo primo quod
quandocunque causa est simul cum suo effectu, oportet eamdem causam accipere
quantum ad hoc quod est fieri vel factum esse vel futurum esse, quae
accipitur quantum ad hoc quod est esse : quia si causa est simul cum suo causato,
sicut necesse est quod quando est causa est effectus, ita necesse est quod
quando fit causa fiat effectus, et quando est facta quod sit factus effectus,
et quando est futura quod sit futurus effectus. Nec est instantia quod dum
fit aedificator, addiscendo artem aedificativam, nondum fit aedificium, cuius
ipse est causa per artem aedificativam ; quia aedificator non nominat causam
aedificii in actu, sed causam in potentia vel in habitu. Sed aedificans
nominat causam in actu, quam oportet simul esse cum eo cuius est causa, ut
dicitur in II Physic. Est autem identitas quantum ad hoc, quod in omnibus
medium est causa. Sed hoc accipiendum est secundum debitam proportionem ; ut
scilicet ipsum esse causae proportionetur ipsi esse effectus,
et fieri causae fieri causati, et factum
esse causae facto esse causati, et futurum
esse causae futuro esse causati. [79973] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 10 n. 4Deinde cum dicit : ut propter quid factus
est defectus etc., manifestat quod dixerat per duo exempla, quorum primum est
de eclipsi lunae. Dicimus enim quod heri factus est defectus lunae propter
hoc quod heri facta est interpositio terrae inter solem et lunam ; et quod
nunc fit defectus lunae propter hoc quod nunc fit talis interpositio terrae ;
et quod cras fiet defectus lunae propter id quod terra ponetur in medio ; et
quod nunc est defectus lunae propter id quod nunc est interpositio terrae.
Secundum autem exemplum est de crystallo : puta si dicamus quid est
crystallus ; et accipiatur hoc pro eius definitione, quod sit aqua condensata
vehementer. Sit ergo aqua c, idest minor extremitas ; et densatum esse sit a,
idest maior extremitas ; et accipiatur pro medio b, idest quod penitus caret
calore. Exhalante enim calido inspissatur humidum : unde quando intense
exhalat calidum, consequens est quod intense inspissetur humidum. Reducendo
ergo ad formam syllogisticam, dicemus quod b est in c, quia scilicet
crystallus habet perfectam exhalationem calidi ; in b autem est a, quia illud
quod perfecte caret calido, est densatum. Sicut igitur huius quod est
crystallum esse aquam plene densatam, causa est quod habeat defectum caloris
; ita etiam causa quod fiat crystallus, causa est quod fiat b. Et eadem ratio
est in factum esse, et in futurum esse. Et sic
concludit quod si sic accipiantur causa et causatum quod sint simul, oportet
quod similiter sint simul in fieri, et in esse, et in factum esse, et in
futurum esse. [79974] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 10 n. 5Deinde cum dicit : in his autem quae non
simul etc., ostendit quomodo causa quae non est simul cum causato, accipiatur
medium demonstrationis. Et primo,
in his quae fiunt in directum ; secundo, in his quae
fiunt circulariter ; ibi : quoniam autem videmus et cetera. Circa primum tria
facit : primo, proponit quaestionem ; secundo,
interponit quoddam quod necessarium est praecognoscere ad solutionem
quaestionis : ibi : est igitur a posterius facto etc. ; tertio, solvit
quaestionem ; ibi : speculandum est igitur quid est continens et cetera. Circa primum duo facit : primo, proponit
quaestionem ; secundo, manifestat eam ; ibi : sicut videtur nobis et cetera. Movet ergo primo quaestionem utrum in
causis quae non simul fiunt cum suis causatis, sit dicere quod causatum
secundum tempus continuum consequatur ad causam vel non. [79975] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 10 n. 6Deinde cum dicit : sicut videtur nobis
alias etc., manifestat quaestionem. Videmus enim quod aliae sunt causae
aliorum non simul cum eis existentes ; sicut eius quod est factum
esse est alia causa praecedens, quod est fieri ; et
ipsius fore, idest quod aliquid sit futurum, causa
est aliquod futurum fieri ; et iterum ipsius fieri causa
est aliquid quod prius factum est. Est igitur quaestio : utrum
istae causae se consequentes sint in tempore continuo vel non ? Hoc enim
necessarium est scire demonstratori, quia si non sit continuatio in huiusmodi
causis, non erit accipere immediatum principium, quia semper inter duo nunc
discontinuata est accipere aliquod medium. Et ideo si illud nunc in
quo est effectus, non sit continuum ad illud nunc in quo est
causa, erit in medio aliquid accipere quod sit causa media, et sic in
infinitum. [79976] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 10 n. 7Deinde cum dicit : est igitur a posterius
facto syllogismus etc., manifestat quoddam quod est necessarium ad solutionem
praemissae quaestionis. Et primo, proponit quod intendit ; secundo, probat
propositum ; ibi : neque enim determinati et cetera. Circa primum
considerandum est quod, sicut linea est quoddam continuum, punctus autem est
quoddam indivisibile quod terminat et dividit lineam ; ita etiam ipsum fieri vel moveri est
quoddam continuum, ipsum autem quod est motum esse vel factum
esse, est quoddam indivisibile, quod potest accipi vel ut terminans totum
motum, vel ut dividens motum tanquam finis primae partis motus et principium
secundae, sicut patet de puncto quod dividit lineam. Sic igitur ipsum factum
esse est causa praecedens ipsum fieri cuius est
principium ; et est effectus consequens illud fieri cuius
est terminus. Si ergo debeamus demonstrare, oportet fieri syllogismum
demonstrativum a posteriori factum esse ad fieri praecedens ; ut si dicamus :
hoc factum est ; ergo illud prius fiebat. Sed quia et ipsum factum esse est
principium ipsius fieri, sive quae facta sunt eorum quae fiunt, consequens
est ut similiter se habeat in his quae fiunt ; ut scilicet a posteriori fieri
syllogizetur ad prius factum ; puta si dicamus : sol movetur ad punctum medii
coeli ; ergo prius motus est ad punctum orientis. Sed a priori non poterit
fieri syllogismus ad posterius ; ut puta si dicamus quod, quia hoc prius
factum est, ideo sequitur quod illud quod est posterius fiat vel factum sit.
Et quae ratio est de fieri et de factum esse, eadem ratio est de fore et
futurum fieri. [79977] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 10 n. 8Deinde cum dicit : neque enim determinati
etc., probat quod dixerat. Et circa hoc duo facit : primo, probat propositum
ratione accepta ex parte temporis absolute considerati ; secundo, ex parte
temporis quod contingit esse medium inter causam priorem et effectum
posteriorem ; ibi : amplius enim neque indeterminatum et cetera. Dicit ergo
primo quod ideo a priori non potest syllogizari ad posterius, quia posito
priori non oportet quod sequatur posterius, neque secundum aliquod
determinatum tempus, neque simpliciter non determinate. Et hoc primo
manifestat quantum ad determinatum tempus, puta si dicamus : bibit infirmus
potionem ; ergo tali die sanabitur. Si enim a priori facto syllogizari possit
posterius secundum determinatum tempus, poterit concludi quod quia verum est
dicere hoc factum esse, puta infirmum bibisse potionem, quod etiam verum sit
dicere hoc factum esse quod posterius est, puta eum esse sanatum. Sed hoc non
sequitur, quia potest dari aliquod tempus in quo verum est eum potionem
bibisse, et tamen nondum verum est eum sanatum esse, sicut in intermedio
tempore inter sumptionem medicinae et sanitatem adeptam. Et hoc est quod
dicit, quod ideo praedicta conclusio non sequitur, quia in medio tempore
falsum erit dicere quod hoc sit factum, scilicet hunc esse sanatum, quamvis
alterum iam sit factum, scilicet eum medicinam bibisse. Et eadem ratio est
etiam respectu futuri : non enim possumus concludere : iste nunc medicinam
bibit ; ergo erit sanatus, pro aliquo tempore determinato ; quia hoc non erit
verum in quolibet tempore futuro, scilicet in tempore medio. [79978] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 10 n. 9Secundo, ibi : neque quoniam hoc factum est
etc., probat idem quantum ad tempus indeterminatum, puta si dicamus : iste
medicinam bibit ; ergo sanabitur. Non enim sequitur quod quia hoc factum est,
scilicet quod iste medicinam bibit, hoc erit, scilicet sanabitur. Iam enim
supra dictum est quod causa quae ex necessitate infert effectum, est simul
cum effectu. Et accipitur quasi medium homogeneum, idest unius
generis ; sicut ad probandum aliqua esse facta in praeterito, accipitur pro
medio et causa aliquid quod est factum in praeterito ; et similiter
futurorum, id quod est futurum ; et eorum quae sunt in fieri, id quod est in
fieri ; et eorum quae existunt, id quod existit. Sed quando sic syllogizatur
: hoc factum est ; ergo hoc erit ; non accipitur medium unius
generis, sed unum est prius et aliud posterius. Unde posito priori non
sequitur ex necessitate posterius in illis in quibus effectus causarum impediri
possunt. [79979] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 10 n. 10Deinde cum dicit : amplius enim neque etc.,
ponit aliam rationem, quae sumitur ex parte temporis medii ; et dicit quod,
sicut ex parte temporis absolute considerati manifestum est quod non potest
syllogizari a priori ad posterius, nec secundum tempus determinatum, neque
secundum tempus indeterminatum ; ita etiam nec ex parte medii temporis
contingit accipi aliquod determinatum aut indeterminatum, in quo scilicet
possit concludi posterius a priori. Iam enim dictum est quod in toto tempore
intermedio falsum est dicere id quod est posterius esse, quamvis id quod est
prius iam praecesserit. |
504.
Après avoir montré comment les quatre genres de causes sont pris comme moyens
termes dans les démonstrations, le Philosophe montre ici comment quelque
chose est démontré par la cause dans différentes sortes de causes. Mais il y a à ce sujet deux différences à considérer : la première est certes qu’il y a des
causes qui sont simultanées avec leurs effets et d’autres non; la deuxième c’est qu’une cause produit
son effet soit toujours soit dans la plupart des cas; et il traite de cela là
[380] où il dit : Il y a en effet
certaines choses qui se produisent dans tous les cas etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu [365] il montre comment quelque chose est
démontré au moyen d’une cause qui est simultanée avec ce dont elle est la
cause; en deuxième lieu il montre comment quelque chose est démontré au moyen
d’une cause qui n’est pas simultanée avec ce dont elle est la cause, là [367]
où il dit : Mais pour les causes
qui ne sont pas simultanées etc. 505.
Au sujet du premier point [365] il faut considérer que, parce que dans le
mouvement il est nécessaire de considérer l’avant et l’après, il faut admettre
que dans les causes du mouvement la cause et l’effet se présentent eux aussi
selon l’avant et l’après; cela est clair par exemple dans le cas d’une cause
agente naturelle qui parvient à son effet par le mouvement : et tout
comme la totalité du mouvement conduit le mobile au terme du mouvement, de
même par la première partie du mouvement le mobile est conduit à la deuxième
partie du mouvement et ainsi de suite. De là, tout comme le mouvement est la
cause du repos qui suit, ainsi la première partie du mouvement est la cause
de la partie suivante du mouvement et ainsi de suite. Et ce que nous venons de dire est aussi
vrai pour un seul et même mobile, dont on observe un mouvement continu du
début à la fin, que pour plusieurs mobiles dont le premier meut le second et
le second meut le troisième. Et bien que tant que le premier moteur meut,
simultanément le premier mobile est mû, cependant le premier mobile demeure
en mouvement après qu’il cesse d’être mû et c’est par ce mouvement qu’est mû
simultanément le second mobile. Et c’est ainsi que les mobiles sont mus
successivement, mobiles dont l’un est la cause du mouvement de l’autre, ainsi
que le manifeste le Philosophe au huitième livre des Physiques au sujet des objets que l’on projette. De cette
manière il arrive donc que la cause ne soit pas simultanée avec ce dont elle
est la cause, c’est-à-dire pour autant que la première partie du mouvement
est la cause de la deuxième partie, ou que le premier mobile meut le second. Mais bien que le mouvement comporte une
succession dans ses parties, cependant il se produit en même temps que la
cause motrice. En effet, tant que la cause motrice meut, en même temps le
mobile est mû du fait que le mouvement n’est rien d’autre que l’acte d’un
moteur sur un mobile, acte selon lequel on dit que le moteur meut et que le
mobile est mû. Et il faut encore bien davantage que la cause existe
simultanément avec son effet pour les choses qui existent en dehors du
mouvement : que la chose soit prise comme le terme d’un mouvement, comme
l’illumination de l’air existe simultanément avec le lever du soleil, ou
qu’on la prenne parmi les êtres qui sont absolument immobiles et parmi les
causes essentielles qui sont les causes de l’être lui-même. 506.
Au sujet du premier point [365] il fait donc deux choses : en premier
lieu il présente son propos; en deuxième lieu, il manifeste son propos par
des exemples, là [366] où il dit : Par
exemple, pourquoi l’éclipse a-t-elle eu lieu etc. Il dit donc en premier lieu [365] que tant
que la cause est simultanée avec son effet, il faut admettre, pour ce qui est
en train de se produire, pour ce qui a été produit et pour ce qui se
produira, la même cause que celle que l’on admet pour ce qui est : car
si la cause est simultanée avec son effet, tout comme il est nécessaire que
quand la cause est l’effet soit, de même il est nécessaire que quand la cause
est en devenir l’effet le soit aussi, que quand la cause a été produite
l’effet l’ait été aussi et que quand la cause est future l’effet l’est aussi. Et on ne fait pas véritablement une
objection en disant que tant que le constructeur est en formation en
apprenant l’art de la construction, l’édifice, dont lui-même est la cause par
l’art de la construction, n’est pas en train d’être construit. Car par le terme
de constructeur on ne désigne pas ici la cause en acte de l’édifice, mais la
cause en puissance en tant qu’habitus. Mais la cause en acte de l’édifice,
c’est plutôt celui qui est en train de construire et c’est lui qui doit
exister simultanément avec ce dont il est la cause, ainsi qu’on le dit au
deuxième livre des Physiques. Mais
ce qu’il y a d’identique quant à cela dans tous ces cas, c’est que c’est le
moyen terme qui est la cause. Mais cela doit se prendre d’après le rapport
qui convient, c’est-à-dire de telle manière que l’être de la cause soit proportionné à l’être de l’effet, que le
devenir de la cause le soit au devenir
de l’effet, que le passé de la
cause le soit au passé de l’effet
et que le futur de la cause soit
proportionné au futur de l’effet. 507.
Ensuite lorsqu’il dit [366] : Par
exemple, pourquoi l’éclipse a-t-elle eu lieu etc., il manifeste ce qu’il
vient de dire par deux exemples, dont le premier porte sur l’éclipse de la
Lune. Nous disons en effet qu’une éclipse de la Lune a eu lieu hier pour
cette raison qu’hier a eu lieu une interposition de la Terre entre le Soleil
et la Lune, comme nous disons qu’aujourd’hui une éclipse de la Lune est en
train de se produire pour cette raison qu’est en train de se produire
aujourd’hui une telle interposition de la Terre, que demain se produira une
éclipse de la Lune pour cette raison que demain la Terre s’interposera entre
les deux et que maintenant il y a éclipse de la Lune pour cette raison qu’il
y a maintenant interposition de la Terre entre le Soleil et la Lune. Mais le deuxième exemple porte sur la
glace; par exemple si nous disions ce qu’est la glace et qu’on prenait comme
définition de celle-ci qu’elle est de l’eau intensément congelée. Posons donc
comme termes C, pour l’eau, qui est le
petit terme; A, pour être congelé, qui est le grand terme; et B comme moyen
terme pour ce qui manque totalement de chaleur. En effet, c’est une fois
que la chaleur s’est dissipée que l’humidité se solidifie : de là, quand
le chaud se dissipe intensément, il s’ensuit que l’humide s’épaissit
intensément. Donc, en ramenant cela à la forme syllogistique, nous dirons que
B est dans C, c’est-à-dire que la glace implique une parfaite dissipation de
la chaleur; mais nous dirons aussi que A est dans B, à savoir que ce qui est
parfaitement privé de chaleur est solide. Donc, tout comme la cause du fait
que la glace soit de l’eau parfaitement solidifiée est qu’elle manque
totalement de chaleur, de même encore la cause qui explique que la glace soit
en train de se produire, c’est que B, le manque de chaleur, soit en train de
se produire. Et la même raison vaut pour ce
qui a été fait dans le passé et pour ce
qui sera fait dans le futur. Et il conclut ainsi que si on prend la cause
et l’effet de telle manière qu’ils existent simultanément, il faut qu’ils
soient également simultanés à la fois s’ils sont en train de devenir, s’ils
existent, s’ils sont passés et s’ils sont futurs. 508.
Ensuite lorsqu’il dit [367] : Mais
dans les cas où ils ne sont pas simultanés etc., il montre comment la
cause qui n’est pas simultanée se prend comme moyen terme de la
démonstration. Et en premier lieu, il le montre dans les cas où la cause et l’effet se
suivent immédiatement en ligne droite; en deuxième lieu, il le montre dans
les cas où il y a génération circulaire, là [378] où il dit : Mais puisque nous voyons etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu il présente la question; en deuxième lieu, il
intercale une explication qu’il est nécessaire de connaître à l’avance pour manifester la réponse à la question, là
[369] où il dit : Le syllogisme
procède donc de ce qui est postérieur dans le passé etc.; en troisième
lieu il résout la question, là [373] où il dit : Il faut donc aussi examiner ce qui assure la continuité etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il présente la question; en deuxième lieu, il
la manifeste là [368] où il dit : Comme
il nous semble bien etc. En premier lieu [367] il soulève donc la
question de savoir, pour les causes qui ne sont pas simultanées avec leurs effets, s’il faut dire que l’effet
suit ou non la cause selon un temps continu. 509.
Ensuite lorsqu’il dit [368] : Comme
il nous semble que d’autres etc., il manifeste la question. Nous voyons
en effet qu’autres sont les causes qui sont causes d’autres choses sans
exister simultanément avec ces autres choses; par exemple, pour un événement
passé il y a une cause différente de lui et qui le précède; et pour l’avenir,
c’est-à-dire pour un événement qui doit avoir lieu dans le futur il y a une cause future différente et pour un
effet en devenir il y a une cause antérieure différente de lui. La question est donc de savoir si ces
causes qui se suivent sont ou non dans un temps continu. En effet, il est
nécessaire à celui qui démontre de savoir cela parce que s’il n’y a pas de
continuité dans des causes de cette sorte, il n’y aura pas à prendre un
principe immédiat, car toujours entre deux moments discontinus il faut
prendre un intervalle. Et c’est pourquoi, si ce moment dans lequel se trouve l’effet n’est pas continu par
rapport au moment dans lequel se
trouve la cause, il faudra prendre dans cet intervalle quelque chose qui sera
la cause intermédiaire, et ainsi de suite à l’infini. 510.
Ensuite lorsqu’il dit [369] : Le
syllogisme doit donc procéder de ce qui est postérieur dans le passé etc.,
il manifeste une notion qui est nécessaire pour répondre à la question qui
précède. Et en premier lieu il présente son propos;
en deuxième lieu il prouve son propos, là [370] où il dit : Que le temps intermédiaire soit déterminé
ou non, il ne sera pas etc. Au sujet du premier point [369], il faut
considérer que tout comme la ligne est un continu et que le point est un
indivisible qui divise ou termine la ligne, de même encore le devenir lui-même ou le mouvement est un continu, bien que cela même qui est mû ou qui est fait
est un certain indivisible qui peut se prendre soit comme terminant la
totalité du mouvement, soit comme divisant le mouvement en tant qu’il est le
terme de la première partie du mouvement et le principe de la seconde partie
ainsi qu’on le voit pour le point qui divise la ligne. Ainsi donc ce qui est fait est la cause
qui précède le devenir même de ce dont il est le principe; et il est aussi
l’effet qui suit ce devenir dont il est le terme. Si donc nous devions
démontrer, il faudrait que le syllogisme démonstratif soit construit à partir
de ce qui est postérieur dans le passé pour aller vers ce qui est arrivé
antérieurement dans le passé; c’est ainsi que nous dirions alors que tel fait passé s’est produit; donc cet autre fait passé s’est produit
antérieurement. Mais parce que ce qui a été fait est principe de ce qui
doit devenir, si les choses qui sont faites font partie de ce qui est en
devenir, il s’ensuit que le raisonnement vaudra aussi bien pour les choses
qui sont en devenir, c’est-à-dire que là aussi le syllogisme sera construit
en partant de ce qui est postérieur pour conclure ce qui a été produit
antérieurement. Ce serait le cas par exemple si nous disions que, le Soleil se déplaçant vers le point qui
est au milieu du ciel, il a d’abord dû se déplacer vers le point de l’orient.
Mais le syllogisme ne peut être construit en partant de ce qui précède pour
conclure le postérieur, par exemple comme si nous disions que, parce que tel
fait passé est arrivé, c’est pourquoi il s’ensuit que cela qui est postérieur
arrive ou est arrivé. Et le raisonnement qui vaut pour les événements en
devenir et pour ceux qui sont passés vaut aussi pour les événements futurs et
pour ce qui doit arriver dans l’avenir. 511.
Ensuite lorsqu’il dit [370] : En
effet, que l’intervalle soit déterminé ou non, cela ne etc., il prouve ce
qu’il vient de dire. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il prouve son propos par un raisonnement qui se prend du côté
du temps considéré absolument; en deuxième lieu il le fait par un
raisonnement que se prend du côté du temps auquel il arrive d’être un
intervalle entre la cause qui est antérieure et l’effet qui est postérieur,
là [372] où il dit : En outre en effet le temps intermédiaire ne
peut être ni indéterminé etc. Il dit donc en premier lieu [370] que
c’est pour cette raison que le syllogisme ne peut procéder de l’antérieur au
postérieur. Car une fois posé ce qui est antérieur, il n’est pas nécessaire
que ce qui est postérieur s’ensuive, ni selon un temps déterminé, ni selon un
temps qui n’est absolument pas déterminé. Et cela, il le manifeste premièrement quant à un temps
déterminé, comme par exemple si nous disions : le malade a bu la potion; donc,
tel jour à venir, il sera guéri. Si en effet ce qui est postérieur
pouvait être syllogisé en partant d’un événement passé antérieur selon un
temps déterminé, on pourrait conclure que, parce qu’il est vrai de dire que
tel événement passé a eu lieu, par exemple que le malade a bu la potion, il
est vrai aussi de dire que tel autre événement passé postérieur s’est
produit, par exemple que le malade a été guéri. Mais cela ne s’ensuit pas
nécessairement parce qu’on peut trouver un temps intermédiaire déterminé dans
lequel il est vrai que la potion a été bue, mais où il n’est pas encore vrai
que le malade a été guéri, comme c’est le cas pour ce temps intermédiaire qui
se tient entre la prise du médicament et la réception de la santé. Et
c’est là ce qu’Aristote dit, à savoir que la conclusion qui précède ne suit
pas parce que dans ce temps intermédiaire il sera faux de dire que cela est
arrivé, à savoir que ce malade a été guéri, bien que l’autre événement passé
se soit déjà produit, à savoir que le malade a bu la potion. Et le même
raisonnement vaut encore par rapport aux événements futurs : en effet,
pour un temps déterminé, nous ne pouvons conclure, du fait que celui-ci boit la potion, qu’il sera guéri; la raison en est que
cela ne sera pas vrai dans un temps futur déterminé, c’est-à-dire dans ce
temps intermédiaire entre la cause et l’effet. 512.
En deuxième lieu, là [371] où il dit : On ne peut pas conclure que parce que ceci s’est produit etc., il
prouve la même chose par rapport à un temps indéterminé, comme si nous
disions par exemple : celui-ci a
bu la médecine, donc il sera guéri. En effet, ce n’est pas parce que ceci
s’est produit, à savoir que celui-ci a bu la médecine, que cela se produira,
c’est-à-dire qu’il sera guéri. En effet, nous avons déjà dit plus haut que la
cause d’où se tire nécessairement l’effet est celle qui est simultanée avec
son effet. Le moyen terme en effet doit se prendre comme étant homogène, c’est-à-dire qu’il doit
appartenir au même genre que les termes extrêmes; par exemple, pour prouver
que des événements se sont produits dans le passé, il faut prendre pour moyen
terme et cause quelque chose qui s’est produit dans le passé; et de même pour
les événements futurs le moyen terme doit se prendre dans le futur, et il
doit se prendre dans le devenir pour les événements qui sont en devenir et
comme existant pour les événements qui existent. Mais lorsqu’on syllogise de
la manière qui suit : ceci s’est
produit; donc cela se produira, alors le moyen terme ne se prend plus
dans le même genre, mais l’un des événements est dans le passé alors que
l’autre est dans le futur. C’est pourquoi, ce qui est antérieur ayant été
posé, le postérieur ne s’ensuit pas nécessairement pour les choses dans
lesquelles les effets des causes peuvent être empêchés. 513.
Ensuite lorsqu’il dit [372] : En
outre en effet il n’est pas etc., il présente un autre raisonnement qui
se tire du côté du temps intermédiaire; et il dit que, tout comme du côté du
temps considéré absolument il est manifeste qu’on ne peut syllogiser en
partant de l’antérieur pour conclure le postérieur, ni selon un temps
déterminé ni selon un temps indéterminé, de même encore du côté d’un temps
intermédiaire on ne peut trouver un temps déterminé ou indéterminé dans
lequel il serait possible de conclure le postérieur en partant de
l’antérieur. Nous avons déjà dit en effet que dans la totalité du temps
intermédiaire il est faux de dire que le postérieur existe bien que ce qui
est antérieur existe déjà. |
|
|
LECTIO 11 |
LEÇON 11. Comment, dans
la démonstration, soit se prendre la cause qui n’est pas simultanée avec son
effet
(nn.
514-520; [373-377]). |
[79980] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 11 n. 1Postquam philosophus quaesivit utrum in his
quae non simul fiunt, posterius secundum continuitatem temporis sequatur ad
prius ; et interposuit quoddam necessarium, scilicet quod a priori ad
posterius non syllogizatur ; hic accedit ad determinandum quaestionem motam.
Et circa hoc duo facit : primo, ostendit quomodo se habeant fieri et factum
esse secundum temporis continuitatem ; secundo, ostendit propositum ; ibi :
de hoc quidem igitur et cetera. [79981] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 11 n. 2Dicit ergo primo quod ad ostendendum
propositum oportet speculari quid est coniungens, vel continuans factum
esse ei quod est fieri, ut post unum continuo sequatur
aliud. Et circa hoc dicit primo, manifestum esse quod fieri cum eo quod est
factum esse, non est habitum, idest consequenter se habens.
Dicuntur autem consequenter se habentia, quorum nihil est medium eiusdem
generis, sicut duo milites in acie, vel duo clerici in choro. Habitum autem
supra id quod est consequenter addit contactum, sicut
dicitur in V Physicor. Sic ergo dicit quod fieri non potest
esse consequenter se habens et contiguum cum hoc quod est factum esse.
Et hoc probat, quia neque etiam factum esse est contiguum, scilicet ut
consequenter se habens cum alio factum esse ; eo quod duo facta esse hoc modo
se habent ut quaedam ultima et indivisibilia in tempore, sicut duo puncta in
linea. Unde sicut duo puncta non sunt consequenter se habentia ad invicem,
ita etiam neque duo facta esse ; quia tam puncta quam facta esse sunt sicut
indivisibilia, et talia non se habent consequenter in continuis, ut probatur
in VI Physicor. Et quia duo facta esse non sunt consequenter se habentia, propter
hoc etiam manifestum est quod fieri et factum esse non consequenter se
habent. Fieri enim est divisibile, sicut et moveri ; sed factum esse est
indivisibile, sicut et punctus. Sicut igitur se habet linea ad punctum, sic
se habet fieri ad factum esse. Sunt enim infinita facta esse in eo quod est
fieri, sicut et infinita puncta sunt potentialiter in linea. Et haec est
causa quare in linea non possunt accipi duo puncta consequenter se habentia,
quia scilicet inter quaelibet duo puncta est accipere aliud punctum : et
similiter inter quaelibet duo facta esse est accipere aliud. Unde duo facta
esse non se habent consequenter. Et quia factum esse est terminus eius quod
est fieri, sequitur consequenter quod nec fieri se habeat consequenter cum eo
quod est factum esse : quia tunc duo facta esse se haberent consequenter ad
invicem. Sed fieri immediate terminatur ad factum
esse, sicut linea ad punctum. De his autem patet magis in universalibus de
motu, idest in libro physicorum. Tractatur enim de his in sexto illius libri. [79982] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 11 n. 3Deinde cum dicit : de
hoc quidem igitur etc., ostendit secundum praedicta quomodo accipi
possit immediate vel mediate effectus causae in his quae non simul sunt. Et primo, ostendit propositum ; secundo,
manifestat per exempla ; ibi : habet autem sic se in operibus et cetera.
Circa primum duo facit : primo, ostendit propositum in praeteritis ; secundo,
in futuris ; ibi : similiter autem in eo quod erit et cetera. Circa primum
duo facit : primo, ostendit propositum ; secundo, excludit quamdam
obviationem ; ibi : aut semper intercidet et cetera. [79983] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 11 n. 4Dicit ergo primo quod ex praemissis accipi
potest quomodo causa, quae accipitur ut medium in demonstratione, se habeat
consequenter ei quod est in fieri vel generari : quia etiam in his
demonstrationibus, quae syllogizant de his quae sunt in fieri, necesse est
accipere esse aliquod medium et primum quae sint immediata ; sicut si
concludamus quod a factum est propter hoc quod c factum est ; ita scilicet
quod posterius factum sit c, et prius a. Puta si dicamus : iste sanatus est ;
ergo bibit medicinam : a priori enim non sequeretur syllogismus, ut supra
dictum est ; sed ipsum c accipitur ut principium, quamvis sit posterius in
fieri, propter id quod est magis proximum ipsi nunc praesenti
quam a. Praesens autem nunc est principium temporis, quia secundum ipsum
distinguitur praeteritum et futurum, et sic oportet praesens nunc accipere ut
principium notificandi temporis successionem. In praeteritis enim tanto
aliquid est posterius in fieri, quanto est proximius in praesenti nunc ; in
futuris autem est e converso. Sicut igitur c accipitur ut principium
syllogizandi, eo quod est posterius in fieri quam a, et propinquius praesenti
nunc ; ita et accipiamus d propinquius praesenti nunc quam c, et concludamus
quod si factum est d, quod prius factum est c ; puta si perfecit opus sani
hominis, prius sanatus est. Possumus ergo concludere quod si factum est d,
necesse est quod prius factum sit a : et accipitur pro causa id quod erat in
medio, scilicet c. Facto enim d, necesse est quod prius factum fuerit c ; et
facto c, necesse est quod prius factum fuerit a ; ergo facto d, necesse est
quod prius factum fuerit a. Puta si hic homo iam perfecit opus sani hominis,
sequitur quod prius fuerit sanatus ; et si est sanatus, necesse est quod
prius biberit medicinam. Sic igitur semper accipiendo medium, puta aliquid
aliud inter c et a, sicut c acceptum est medium inter d et a, stabitur
alicubi ad aliquod immediatum. [79984] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 11 n. 5Deinde cum dicit : aut semper intercidet
propter etc., ponit quamdam obviationem. Potest enim aliquis dicere quod
nunquam veniatur ad immediatum, sed semper erit accipere aliquod medium inter
duo facta esse, propter hoc quod in ipso fieri sunt infinita facta esse, eo
quod factum esse non consequenter se habet ad aliud factum esse, ut dictum
est. Sed hanc obviationem excludit ipse, quia quamvis sint infinita facta
esse in uno fieri, tamen necesse est incipere ab aliquo medio, scilicet ab
ipso nunc, tanquam a primo : dictum est enim quod id quod est posterius, est
principium syllogizandi ; respectu autem omnium in praeterito factorum,
postremum est ipsum praesens nunc ; unde necesse est ipsum praesens nunc
accipere ut primum et immediatum principium. Quodlibet autem aliorum factorum
accipitur ut principium mediatum. [79985] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 11 n. 6Deinde cum dicit : similiter autem est
etc., manifestat idem in futuris ; et dicit quod, sicut se habet in eo quod
factum est, similiter se habet et in eo quod factum erit ; quia si verum est
quod erit d, necesse est quod prius verificetur quod sit a ; et huiusmodi
causa accipietur c, quod cadit medium inter d et a. Quia si erit d, necesse
est quod prius erit c ; et si erit c, necesse est quod prius sit futurum a.
Et similiter etiam in his potest fieri obiectio de infinita divisione futuri
in instantia, vel motus in momenta ; quia sicut in praeteritis, ita et in
futuris non consequenter se habent indivisibilia. Et tamen hic etiam accipiendum est aliquid sicut immediatum
principium, sicut dictum est in his quae facta sunt in praeterito. Licet enim
non sit accipere duo facta esse se consequenter habentia, neque in praeterito
neque in futuro, potest tamen accipi aliquid ultimum utrobique, et hoc
accipietur ut principium immediatum. [79986] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 11 n. 7Deinde cum dicit : habet autem sic se etc.,
manifestat quod dixerat per exempla ; et dicit quod praedictus modus argumentandi
potest considerari circa opera humana. Accipiamus enim factum esse domus
tanquam quoddam postremum, ex quo concluditur sicut quoddam primum, quod
necesse est lapides prius fuisse decisos ; et accipiemus pro medio constructionem
fundamenti : quia si domus facta est, necesse est quod prius sit factum
fundamentum ; et si factum est fundamentum, necesse est quod prius sint
lapides decisi. Et quod dictum est in praeterito, accipiendum est etiam in
futuro : puta si erit domus, necesse est quod prius futura sit decisio
lapidum, et quod hoc demonstretur per medium, quod est constructio
fundamenti. |
514.
Après s’être demandé si, dans les cas où les causes ne se produisent pas
simultanément avec leurs effets, ce qui est postérieur suit ce qui est
antérieur selon la continuité du temps , et après avoir inséré une
explication nécessaire au développement subséquent, à savoir qu’on ne peut
syllogiser en procédant de l’antérieur au postérieur, le Philosophe en vient
ici à déterminer la réponse à la question soulevée. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu [373] il montre comment l’événement en devenir succède à
l’événement passé selon la continuité du temps; en deuxième lieu, il
manifeste le propos là [374] où il dit : Donc, à ce sujet etc. 515.
Il dit donc en premier lieu [373] que pour manifester le propos il faut
examiner ce qui assure le lien ou la continuité entre l’événement passé et l’événement en devenir de manière à ce que l’un
suive l’autre de façon continue. Et à ce sujet il dit en premier lieu qu’il est manifeste que ce qui est en devenir
n’est pas contigu avec ce qui est
passé, c’est-à-dire qu’il ne le suit pas immédiatement. Mais les choses dont
on dit qu’elles se suivent
immédiatement ou qu’elles sont consécutives, sont celles pour
lesquelles il n’y a aucun intermédiaire du même genre, comme deux soldats
dans une armée ou deux clercs dans un chœur. Mais le contigu ajoute au consécutif
la notion de contact ainsi qu’on le dit au cinquième livre des Physiques. Ainsi donc il dit que ce qui est en devenir ne peut être
consécutif et contigu avec ce qui a été
fait. Et il prouve cela car même un événement
passé n’est pas contigu, c’est-à-dire consécutif, avec un autre événement
passé du fait que deux événements passés se présentent comme des limites et
des indivisibles dans le temps comme deux points le sont dans la ligne. De
là, tout comme deux points se sont pas contigus l’un par rapport à l’autre,
il en est de même encore pour deux événements passés; car aussi bien les deux
points que les événements passés sont comme des indivisibles, et les
indivisibles ne sont pas consécutifs dans la continuité, ainsi qu’on le
prouve dans le sixième livre des Physiques.
Et parce que deux événements passés ne sont pas consécutifs l’un par rapport
à l’autre, c’est pour cette raison qu’il est aussi manifeste que l’événement
en devenir n’est pas consécutif à l’événement passé. En effet, l’événement en devenir est
divisible, tout comme le mouvement; mais l’événement passé est indivisible,
tout comme le point. Le rapport du devenir présent à l’événement passé est le
même que celui de la ligne au point. En effet, il y a une infinité
d’événements passés qui est contenue dans ce qui est en train de devenir,
tout comme il y a potentiellement une
infinité de points dans la ligne. Et telle est la cause pour laquelle on ne
peut prendre dans la ligne deux points qui seraient contigus l’un à l’autre,
c’est-à-dire parce qu’entre deux points, quels qu’ils soient, on peut
toujours prendre un autre point : et il en est de même entre n’importe
quels deux événements passés car entre eux on peut toujours en prendre un
autre. C’est pourquoi deux événements passés ne sont pas consécutifs. Et parce que l’événement passé est le
terme d’un devenir, il s’ensuit par la suite que le devenir ne se présente
pas consécutivement par rapport à l’événement passé, car alors il faudrait
que deux événements passés soient consécutifs l’un par rapport à l’autre.
Mais le devenir se termine immédiatement à l’événement passé comme la ligne
se termine au point. Mais on examine plus clairement ces notions dans la
théorie générale sur le mouvement, c’est-à-dire dans le livre des Physiques. C’est en effet au
sixième livre de ce traité qu’on traite de ces notions. 516.
Ensuite lorsqu’il dit [374] : Donc
à ce sujet etc., il montre d’après ce qui précède de quelle manière
l’effet peut se prendre de façon immédiate ou médiate par rapport à la cause
dans les cas où ils ne sont pas simultanés. Et en premier lieu il manifeste le propos;
en deuxième lieu il le manifeste par des exemples, là [377] où il dit : Et il en est de même pour les ouvrages
etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il montre le propos pour les événements passés;
en deuxième lieu, il le montre pour les événements futurs, là [376] où il
dit : Il en est de même aussi pour
les événements futurs etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il montre le propos; en deuxième lieu il écarte
une objection, là [375] où il dit : Ou
bien il faudra toujours insérer etc. 517.
Il dit donc en premier lieu [374] qu’à partir de ce qui précède on peut
saisir comment la cause, qui se prend comme moyen terme dans la
démonstration, se présente comme étant consécutive par rapport à ce qui est
en devenir ou qui est en train d’être engendré : car même dans ces
démonstrations qui syllogisent sur ce qui est en devenir, il est nécessaire
de prendre un moyen terme et un grand terme qui sont immédiats, comme si nous
avions à conclure que A a eu lieu pour cette raison que C a eu lieu,
c’est-à-dire de telle manière que C soit postérieur et A soit antérieur. Il
en serait ainsi par exemple si nous disions : celui-ci a été guéri; donc
il a bu la potion : en effet, la conclusion ne suivrait pas si le
syllogisme procédait en partant de ce qui est antérieur, comme nous l’avons
dit plus haut; mais C est pris comme principe bien qu’il soit postérieur dans
le devenir pour cette raison qu’il est plus près du moment présent que A. Mais le moment présent est le principe du
temps parce que c’est d’après lui que se distinguent le passé et le futur et
c’est ainsi que c’est le moment présent qu’il faut prendre comme principe
pour faire connaître la succession du temps. Dans le passé en effet, un
événement est d’autant plus postérieur dans le devenir qu’il est plus proche
du moment présent. Mais pour le futur, c’est l’inverse. Ainsi donc C est pris
comme principe du raisonnement du fait qu’il est postérieur à A dans le
devenir et qu’il est plus proche du moment présent; de même si nous prenions
D comme étant plus proche du moment présent que C, nous conclurions que si D
a eu lieu, C a nécessairement eu lieu antérieurement; par exemple que si la
santé de l’homme a été parfaitement réalisée, il a d’abord été guéri. Nous pouvons donc conclure que si D a eu
lieu, nécessairement A a eu lieu antérieurement et dans ce cas est pris pour
cause ce qui était au milieu comme moyen terme, c’est-à-dire C. En effet, D
ayant eu lieu, il est nécessaire que C ait eu lieu antérieurement; et C ayant
eu lieu, il est nécessaire que A ait eu lieu antérieurement. Par exemple si
cet homme a déjà parfaitement atteint la santé, il s’ensuit qu’il aura
d’abord été guéri; et s’il est guéri, il est nécessaire qu’il aura d’abord bu
la potion. Donc, en prenant toujours ainsi le moyen terme, par exemple
quelque chose d’autre entre C et A, tout comme C est pris comme moyen terme
entre D et A, on s’arrêtera à un moment donné à un principe immédiat. 518.
Ensuite lorsqu’il dit [375] : Ou
bien il faudra toujours insérer etc., il présente une objection. On
pourrait dire en effet que jamais on en viendra à un principe immédiat, mais
qu’il faudra toujours prendre un nouveau moyen terme entre deux événements
passés pour cette raison que dans le devenir présent il y a une infinité
d’événements passés du fait qu’un événement passé ne se présente pas
consécutivement par rapport à un autre événement passé ainsi que nous l’avons
dit. Mais Aristote écarte cette objection parce
que bien qu’il y ait une infinité de faits passés dans un même devenir
présent, cependant il est nécessaire de commencer par un moyen terme,
c’est-à-dire par le moment présent, comme premier moyen terme : nous
avons dit en effet que c’est ce qui est postérieur qui est principe du syllogisme;
mais par rapport à tous les événements passés, le plus postérieur est le
moment présent; d’où il est nécessaire de prendre le moment présent comme
principe premier et immédiat. Mais tout autre événement passé doit se prendre
comme principe médiat. 519.
Ensuite lorsqu’il dit [376] : Mais
il en est de même etc., il manifeste la même chose dans les événements
futurs; et il dit qu’il en est pour les événements futurs comme il en est
pour les événements passés; car s’il est vrai de dire que D sera, il doit nécessairement
être vrai que A sera antérieurement et la cause de cette conclusion sera C
qui tombe comme moyen terme entre D et A. Car si D doit exister, il est
nécessaire que C existe antérieurement; et si C doit exister, A existera
nécessairement avant. Et de la même manière, ici encore peut apparaître
l’objection sur une division infinie du futur en instants ou du mouvement en
moments. Car les indivisibles ne sont pas plus consécutifs pour le futur
qu’ils ne le sont pour le passé. Et cependant ici aussi il faut prendre
quelque chose comme principe immédiat comme nous l’avons dit pour les
événements qui ont eu lieu dans le passé. En effet, bien qu’il n’y ait pas à
prendre deux événements qui se présentent consécutivement, ni dans le passé
ni dans le futur, dans les deux cas cependant il faut prendre quelque chose
comme étant dernier, et cela sera pris comme principe immédiat. 520.
Ensuite lorsqu’il dit [377] : Mais
il en est bien ainsi etc., il manifeste ce qu’il vient de dire par des
exemples; et il dit que la manière d’argumenter qui précède peut être
examinée par rapport à des ouvrages humains. Supposons en effet que la
maison, prise ici en tant que terme dernier postérieur, a été faite, et qu’à
partir de là on conclut quelque chose de premier, à savoir qu’il est
nécessaire que les pierres aient antérieurement été taillées; et prenons
comme moyen terme la construction
des fondations : car si la maison a été faite, il est nécessaire que les
fondations aient été faites antérieurement; et si les fondations ont été
faites, il est nécessaire que les pierres aient été taillées antérieurement.
Et ce que l’on dit pour le passé doit aussi être admis pour le futur :
par exemple, si la maison doit exister dans le futur, il est nécessaire
qu’ait d’abord lieu la taille des pierres dans le futur, et que cela soit
démontré par un moyen terme qui est la construction des fondations. |
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LECTIO 12 |
LEÇON 12. Comment dans la
démonstration se prend la cause qui n’est pas simultanée avec son effet pour
les choses dont la génération est circulaire; et de quelle manière la
démonstration par la cause se présente différemment dans les choses qui sont
toujours ainsi et dans celles qui sont ainsi le plus souvent
(nn.
521-526; [378-382]). |
[79987] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 12 n. 1Postquam philosophus ostendit quomodo
accipiendum sit medium quod est causa in his quae fiunt in rectum, hic
ostendit quomodo debeat accipi in his quae fiunt secundum generationem
circularem. Et primo, ostendit propositum ; secundo,
manifestat per exempla ; ibi : in operibus autem videtur sic et cetera. [79988] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 12 n. 2Circa primum considerandum est quod, quia
motus caeli circularis causa est generationis in istis inferioribus, ideo
dicitur in II de generatione, quod quaedam circulatio in generationibus
invenitur, puta quod ex aqua generatur terra, et ex terra iterum aqua. Dicit
ergo quod, quia videmus esse quamdam generationem in his quae circulo
generantur, in his etiam contingit observari hoc quod supra dictum est,
scilicet quod syllogizetur a posteriori, si hoc modo accipiantur termini
demonstrationis, quod medium et extremi termini se invicem consequuntur :
quia in his quae sic generantur, est quaedam conversio circularis, dum
scilicet a primo generato devenitur ad ultimum, et ab ultimo reditur ad
primum, non idem numero, sed idem specie, ut patet in II de generatione. Et
ita non sequitur quod idem numero sit prius et posterius, effectus et causa.
Et hoc ipsum competit processui demonstrationum, eo quod, ut in
praecedentibus dictum est, quandoque conclusiones convertuntur, ut scilicet
ex eis syllogizentur aliquae praemissarum ; hoc enim est circulo demonstrare.
Quod quamvis non competat si omnino sit unum et idem quod prius fuit
conclusio, et postea est principium respectu eiusdem numero, ne sit idem
notius et minus notum ; si tamen non sit omnino idem, sicut accidit in his
quae circulo generantur, nullum inconveniens est. [79989] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 12 n. 3Deinde cum dicit : in operibus autem
videtur sic etc., manifestat quod dixerat per exempla, et dicit quod in ipsis
operibus naturae videtur sic evenire, quod sit quidam circularis processus.
Quia si terra sit compluta, necesse est quod per actionem solis vapor ex ea
resolvatur ; quo resoluto et sursum elevato, necesse est quod generetur nubes
; et hac generata, necesse est quod generetur aqua pluviae ; qua generata,
necesse est quod cadens super terram compluat eam. Et hoc est quod
accipiebamus quasi primum : non tamen est eadem complutio terrae ad quam
ultimo pervenitur, et a qua primo incipiebatur. Et sic manifestum est quod
factus est quidam circuitus, inquantum uno eorum existente fit aliud, et illo
existente fit aliquod aliud ; quo existente reditur ad primum, non idem
numero, sed idem specie. Iste tamen causarum circuitus inveniri non potest
secundum ordinem qui invenitur in causis per se : sic enim necesse est
pervenire ad unum primum in quolibet genere causarum, ut probatur in II
Metaphys. Quod autem aqua generetur ex igne, et ignis iterato ex aqua, hoc
non est per se, sed per accidens. Non enim ens per se generatur ut ex ente in
actu, sed ex ente in potentia, ut dicitur in I Physicor. Procedendo ergo in
causis per se non erit circulatio. Nam complutionis terrae causam agentem
accipiemus calorem aeris, qui causatur ex sole, et non e converso ; causam
vero materialem aquam, cuius materia non est vapor, sed materia communis
elementorum. [79990] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 12 n. 4Deinde cum dicit : sunt autem quaedam quae
etc., ostendit qualiter diversimode demonstretur per causam in his quae sunt
semper, et in his quae sunt ut frequenter. Et circa hoc tria facit : primo,
proponit quod intendit ; secundo, probat propositum ; ibi : si enim a de b
etc., tertio, epilogat quae dicta sunt ; ibi : quomodo quidem igitur et
cetera. Dicit ergo primo quod quaedam sunt quae universaliter fiunt, et
quantum ad tempus, quia semper, et quantum ad subiectum, quia in
omnibus, aut se habent, sicut immobilia, quibus non competit
proprie fieri, aut fiunt, sicut mobilia quae semper eodem modo se
habent, ut patet in motibus caelestibus. Quaedam vero non fiunt sicut semper,
sed sicut frequenter. Et ponit de his exemplum. Sicut quod omnis homo
masculus efficiatur quandoque barbatus, non accidit semper, sed sicut
frequenter. Sicut igitur eorum quae sunt semper,
oportet accipere medium quod est semper ; ita et
talium, quae sunt sicut frequenter, oportet accipere medium sicut frequenter. [79991] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 12 n. 5Deinde cum dicit :
si enim a de b praedicatur etc., probat quod ad concludendum id quod est
sicut frequenter, necesse sit accipere medium quod sit sicut frequenter. Detur enim oppositum, quod accipiatur
medium quod sit universaliter et semper ; puta si a, quae est maior
extremitas, praedicetur universaliter de b, quod est medium, et b de c, quod
est minor extremitas : ex necessitate sequitur quod a praedicetur de c
universaliter, et quantum ad tempus et quantum ad subiectum, quod est semper et de
omni praedicari. Unde idem nunc dicimus universaliter praedicari,
quod praedicari de omni et semper. Sed
suppositum erat quod a praedicaretur de c sicut frequenter.
Necesse est ergo quod medium, quod est b, accipiatur sicut frequenter existens.
Sic igitur patet quod possunt accipi quaedam immediata principia eorum quae
sunt frequenter, ita quod ipsa principia sint aut fiant sicut frequenter.
Huiusmodi tamen demonstrationes non faciunt simpliciter scire verum esse quod
concluditur, sed secundum quid, scilicet quod sit verum ut in pluribus ; et sic etiam principia quae assumuntur, veritatem
habent. Unde huiusmodi scientiae deficiunt a
scientiis, quae sunt de necessariis absolute, quantum ad certitudinem
demonstrationis. [79992] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 12 n. 6Deinde cum dicit : quomodo quidem igitur
etc., epilogat ea quae dicta sunt ; et dicit quod iam supra dictum est,
quomodo quod quid est, quod est aliqualiter idem ei quod propter
quid, assignatur inter terminos syllogisticos, dum ostensum est qualiter
singula causarum genera, et in singulis diversitatibus rerum, sint media demonstrationum.
Dictum est etiam qualiter eius quod quid est sit vel non sit
demonstratio vel definitio. |
521.
Après avoir montré comment il faut prendre le moyen terme qui est la cause
pour les démonstrations dont le devenir est en ligne droite, le Philosophe
montre comment le moyen terme doit être pris pour celles dont le devenir se
réalise par génération circulaire. Et en premier lieu il indique quel est son
propos [378]; en deuxième lieu il le manifeste par des exemples, là [379] où
il dit : Mais dans les œuvres de
la nature il semble en être ainsi etc. 522.
Au sujet du premier point [378], il faut considérer que parce que le
mouvement circulaire du ciel est cause de génération pour les corps
inférieurs d’ici-bas, c’est pourquoi on dit, au deuxième livre du traité de la Génération, qu’on retrouve dans
les générations un certain mouvement circulaire, par exemple lorsque la terre
est produite à partir de l’eau et qu’à partir de la terre l’eau est produite
à nouveau. Il dit donc que parce que nous voyons
qu’il se produit une certaine génération dans les choses dont le devenir est
circulaire, dans ces choses aussi il est possible d’observer ce que nous
avons dit plus haut, à savoir que le syllogisme procède de ce qui est
postérieur si les termes de la démonstration se prennent de telle manière que
le moyen terme et les termes extrêmes se suivent réciproquement : car
dans les choses dont le devenir est tel, on retrouve une certaine conversion
circulaire, c’est-à-dire que de ce qui est engendré en premier on en vient à
un dernier, et qu’à partir du dernier on revient au premier qui est le même
non pas par le nombre mais par l’espèce ainsi qu’on le voit au deuxième livre
de la Génération. Et ainsi il ne
s’ensuit pas que c’est la même chose, numériquement parlant, qui est à la
fois antérieure et postérieure, cause et effet. Et cette même façon de procéder, on la
retrouve dans les démonstrations du fait que, comme nous l’avons dit dans les
exposés précédents, les conclusions se convertissent parfois, c’est-à-dire de
telle manière qu’à partir d’elles on puisse syllogiser certaines des
prémisses; procéder ainsi en effet, c’est démontrer de manière circulaire.
Cette façon de procéder n’est cependant pas valide si cela même, qui était
d’abord conclusion et qui est par la suite principe, était absolument
identique par rapport à une même chose numériquement parlant, afin que le
plus connu et le moins connu ne se confondent pas dans la démonstration. Mais
si ce qui était d’abord conclusion et qui doit devenir principe n’est pas
absolument identique, comme on voit cela se produire dans les devenirs
circulaires, il n’y a pas de problème. 523.
Ensuite lorsqu’il dit [379] : Mais
on voit qu’il en est ainsi dans les œuvres de la nature etc., il
manifeste ce qu’il vient de dire par des exemples, et il dit que dans les
œuvres mêmes de la nature c’est ainsi qu’on voit les choses se produire,
c’est-à-dire qu’on voit se manifester là un tel procédé circulaire. Car si la
terre est mouillée, il est nécessaire que la vapeur s’élève par l’action du
Soleil; une fois cette vapeur produite et soulevée, il est nécessaire que le
nuage se forme; et le nuage une fois formé, il est nécessaire que l’eau de
pluie soit engendrée; et une fois cette dernière engendrée, il est nécessaire
qu’en tombant sur la terre elle la mouille. Et tel était là notre point de
départ : cependant, la terre mouillé à laquelle nous parvenons à la fin
n’est pas la même que celle d’où nous étions partis au début. Et ainsi il est
manifeste qu’un certain circuit a été parcouru dans la mesure où une chose
étant produite il s’en produit une autre, et cette dernière étant donnée une
autre chose est produite et de cette dernière on en revient à la première qui
n’est cependant pas la même par le nombre mais par l’espèce. Ce mouvement
circulaire des causes ne peut cependant pas se retrouver selon l’ordre qu’on
rencontre dans les causes par soi: selon cet ordre en effet il est nécessaire
d’en venir à un premier principe dans tout genre de causes ainsi qu’on le
prouve au deuxième livre de la
Métaphysique. Mais que l’eau soit engendrée à partir du feu et que le feu
à son tour soit engendré à partir de l’eau, cela n’est pas par soi mais par
accident. En effet, l’être par soi n’est pas engendré à partir de l’être en
acte mais à partir de l’être en puissance, ainsi qu’on le dit au premier
livre des Physiques. Donc en
procédant dans les causes par soi il n’y aura pas mouvement circulaire. Car
nous prendrons la chaleur de l’air, laquelle est causée par le Soleil, comme cause efficiente du fait que la terre
est mouillée, et non inversement; mais pour ce même effet nous prendrons comme cause matérielle l’eau dont la
matière n’est pas la vapeur mais une matière commune à tous les éléments. 524.
Ensuite lorsqu’il dit [380] : Mais
il y a certains événements etc., il montre de quelle manière on procède
différemment dans les démonstrations par la cause pour les choses qui se
produisent toujours ainsi et pour celles qui se produisent ainsi le plus
souvent. Et à ce sujet il fait trois choses :
en premier lieu il présente son propos; en deuxième lieu il prouve le propos,
là [381] où il dit : Si en effet A
s’attribue à B etc.; en troisième lieu il tire une conclusion de ce qui a
été dit, là [382] où il dit : Comment
donc etc. Il dit donc en premier lieu [380] que
certaines choses se produisent universellement à la fois quant au temps car
elles se produisent toujours ainsi, et quant au sujet car on les retrouve
dans tous les cas, soit quant à ce
qu’elles sont, comme pour les êtres immobiles auxquels n’appartient pas
le devenir, soit quant à ce qu’elles
deviennent, comme pour les êtres mobiles qui se présentent toujours de la
même manière, comme c’est le cas pour ce qu’on observe dans les mouvements
célestes. Mais il y a des choses qui ne se produisent pas toujours ainsi mais
seulement dans la plupart des cas. Et il présente un exemple à ce sujet. Par
exemple, ce ne sont pas tous les mâles humains qui présentent une barbe au
menton : cela ne se produit pas toujours mais seulement dans la plupart
des cas. Donc, pour les choses qui sont toujours ainsi, il faut prendre un
moyen terme universel tout comme pour celles qui sont ainsi dans la plupart
des cas, il faut prendre un moyen terme qui ait la propriété d’être ainsi le
plus souvent. 525.
Ensuite lorsqu’il dit [381] : Si
en effet A s’attribue à B etc., il prouve que pour conclure ce qui est
ainsi dans la plupart des cas, il est nécessaire de prendre un moyen terme
qui est ainsi dans la plupart des cas. Supposons en effet l’opposé, à savoir
qu’on prenne un moyen terme qui est universel et éternel; par exemple si A,
qui est le grand terme, est
attribué universellement à B, qui est le
moyen terme, et que B est attribué universellement à C qui est le petit
terme : alors, il s’ensuit nécessairement que A est attribué à C, à la
fois quant au temps et quant au sujet, c’est-à-dire qu’il lui est attribué toujours et dans tous les cas. C’est pourquoi nous disons maintenant qu’attribuer
universellement, c’est la même chose que d’attribuer toujours et dans tous
les cas. Mais nous examinions plus haut l’hypothèse où A s’attribue à C dans la plupart des cas. Il sera donc
nécessaire dans ce cas que le moyen terme, qui est B, se prenne comme étant
ainsi dans la plupart des cas. Ainsi donc il est clair que des principes
immédiats peuvent être pris pour les conclusions qui sont le plus souvent, de
telle manière que les principes eux-mêmes soient ou deviennent le plus
souvent. De telles démonstrations cependant ne font pas savoir de façon absolue que ce qui a été
conclu est vrai, mais elles le font savoir seulement dans une certaine limite, c’est-à-dire qu’elles font savoir que
la conclusion est vraie dans la plupart des cas. Et ainsi même les principes
qui sont pris dans ces cas contiennent de la vérité. C’est pourquoi les
sciences de cette sorte, quant à la certitude de la démonstration, s’écartent
des sciences qui procèdent de principes absolument
nécessaires. 526.
Ensuite lorsqu’il dit [382] : Donc,
comment etc., il résume ce qu’il vient de dire; et il dit que nous avons
déjà dit plus haut comment l’essence,
qui est d’une certaine manière identique au pourquoi, est posée parmi les termes de la démonstration, alors
que nous avons montré de quelle manière tous les genres de causes, pour
chaque sorte de choses, sont les moyens termes des démonstrations. Nous avons
encore dit comment il y a ou non démonstration ou définition de l’essence. |
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LECTIO 13 |
LEÇON 13. Quels doivent
être les notions qui constituent la définition signifiant l’essence de la
chose
(nn.
527-535; [383-387]). |
[79993] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 13 n. 1Postquam philosophus ostendit
qualiter quod quid est et propter quid se
habeant ad demonstrationem, hic ostendit quomodo possint investigari : et
primo, quomodo investigetur quod quid est ; secundo, quomodo investigetur
propter quid ; ibi : ad habendum autem et cetera. Circa primum duo facit :
primo, dicit de quo est intentio ; secundo, exequitur propositum ; ibi :
eorum autem igitur quae insunt semper et cetera. Dicit ergo primo quod
postquam dictum est qualiter quod quid est cognoscatur, et qualiter quod quid
est vel propter quid accipiatur ut medium in demonstratione, nunc dicendum
est quomodo oporteat investigare ea quae praedicantur in eo quod quid
est. [79994] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 13 n. 2Deinde cum dicit : eorum igitur quae insunt
etc., ostendit propositum : et primo, manifestat qualia oporteat esse illa,
quae accipiuntur ad constituendum quod quid est ; secundo, quomodo sint
inquirenda ; ibi : congruum autem est cum totum aliquod et cetera. Circa
primum tria facit : primo, praemittit quamdam divisionem ; secundo, proponit
qualia oporteat esse quae accipiuntur ad constituendum quod quid est ; ibi :
huiusmodi accipienda sunt etc. ; tertio, probat ; ibi : quoniam autem
ostensum est et cetera. [79995] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 13 n. 3Circa primum considerandum est quod ea quae
praedicantur in eo quod quid est, oportet quod semper et universaliter
praedicentur, ut supra habitum est : et ideo accipiens ea quae praedicantur
de unoquoque ut semper, dicit quod inter ea quaedam inveniuntur quae
extenduntur in plus quam id cui insunt ; non tamen ita quod inveniantur extra
genus illud. Et exponit quid sit esse in plus, et dicit quod in
plus esse dicuntur quaecunque universaliter insunt alicui, non tamen ei soli,
sed etiam alii. Datur autem per hoc intelligi aliud membrum oppositum, quia
scilicet est aliquid quod extenditur in plus, et est extra genus. Et de hoc
primo ponit exemplum, dicens quod est aliquid quod inest omni ternario, sed et non
ternario inest ; sicut patet de ipso ente communi, quod quidem
universaliter inest non tantum Trinitati, sed etiam aliis ; et non solum in
genere numeri, sed etiam in his quae sunt extra genus numeri. Impar vero
inest omni ternario, et est in plus, quia etiam inest ipsi quinario ; non
tamen invenitur extra genus ternarii, quod est numerus, quia etiam quinarius
in genere numeri invenitur ; nihil autem quod sit extra genus numeri potest
dici impar. [79996] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 13 n. 4Deinde cum dicit : huiusmodi autem
accipienda sunt etc., ostendit qualia debeant esse quae accipiuntur ad
constituendum quod quid est. Et primo, proponit quod intendit ;
secundo, manifestat per exemplum ; ibi : ut Trinitati omni et cetera. Dicit
ergo primo quod ad manifestandum quod quid est accipienda sunt talia, quae
quidem sunt semper et in plus, non tamen extra genus, usque ad talem
terminum, ut primo quidem unumquodque quod accipitur sit in plus, omnia autem
non sint in plus, sed convertantur cum re, cuius quaeritur quod quid est.
Huius enim rationem necesse est significare quod quid est rei. [79997] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 13 n. 5Deinde cum dicit : ut Trinitati omni inest
numerus etc., manifestat quod dixerat per exemplum. Accipiamus enim ista
quatuor, scilicet numerus, impar, primus utroque modo.
Dupliciter enim dicitur aliquis numerus primus. Uno modo, quia non mensuratur
aliquo alio numero, sicut per oppositum patet quod quaternarius non est
numerus primus, quia mensuratur dualitate ; ternarius autem est numerus
primus, quia non mensuratur aliquo numero, sed sola unitate. Alio modo
dicitur aliquis numerus primus, quia non componitur ex pluribus numeris ;
sicut patet per oppositum de septenario, qui primo modo est primus, non enim
mensuratur nisi unitate ; non autem est primus secundo modo, componitur enim
ex ternario et quaternario : sed ternarius non componitur ex pluribus
numeris, sed ex sola dualitate et unitate. Sic ergo patet quod quodlibet praedictorum quatuor convenit
universaliter Trinitati, quodlibet autem eorum convenit etiam aliis in genere
numeri. Nam hoc quod dicitur numerus et impar convenit omnibus numeris imparibus : ultimum autem, scilicet quod sit primus
utroque modo, convenit etiam dualitati, quae nec mensuratur alio numero, nec
componitur ex numeris, sed ex solis unitatibus : unde omnia ista simul iuncta
significant quod quid est ternarius. [79998] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 13 n. 6Sed videtur quod non requiratur ad
definitionem quod quaelibet particula sit in plus quam definitum. Dicit enim
philosophus in VII Metaphys. quod quando pervenitur
ad ultimas differentias, erunt aequales differentiae speciebus ; non ergo
oportet quod differentia sit in plus quam species. Quod etiam ratione
videtur. Dicit enim philosophus in VIII Metaphys., quod ratio quae est ex
differentiis, videtur esse speciei et actus, idest formae, quia, sicut ibidem
dicitur, differentia respondet formae ; cuiuslibet
autem speciei est propria forma, quae nulli alii convenit. Videtur igitur
quod differentia ultima non excedat speciem. Dicit etiam philosophus in VII
Metaphys. quod nihil est aliud in definitione quam
genus et differentiae, et quod possibile est definitionem ex duobus
constitui, quorum unum sit genus, aliud differentia. Differentia autem non
invenitur extra proprium genus, alioquin non esset divisiva generis per se,
sed per accidens. Videtur ergo quod differentia non excedat speciem. [79999] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 13 n. 7Sed dicendum est quod si accipi posset
differentia, quae notificaret ipsam formam substantialem speciei, nullo modo
differentia ultima esset in plus quam species, ut rationes probant. Sed quia
formae essentiales non sunt nobis per se notae, oportet quod manifestentur
per aliqua accidentia, quae sunt signa illius formae, ut patet in VIII
Metaphys. Non autem oportet accipere accidentia propria illius speciei, quia
talia oportet per definitionem speciei demonstrari ; sed oportet notificari
formam speciei per aliqua accidentia communiora ; et secundum hoc
differentiae assumptae dicuntur quidem substantiales, in quantum inducuntur
ad declarandum formam essentialem, sunt autem communiores specie, in quantum
assumuntur ex aliquibus signis, quae consequuntur superiora genera. [80000] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 13 n. 8Deinde cum dicit : quoniam autem ostensum
est etc., ostendit quod supra dixerat : et primo, quod oporteat praedicta
universaliter et ex necessitate praedicari de ternario ; secundo, quod ex
praedictis constituatur ipsa essentia ternarii ; ibi : quod autem substantia
ex his et cetera. Dicit ergo primo quod quia superius ostensum est quod ea
quae praedicantur in eo quod quid est ex necessitate insunt ; quaecunque
autem ex necessitate insunt, universaliter praedicantur ; necesse est quod
sive de ternario sive de quocunque alio accipiantur praedicto modo ea quae
praedicantur in eo quod quid, quod ex necessitate et universaliter
praedicentur. [80001] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 13 n. 9Deinde cum dicit : quod autem substantia
etc., ostendit quod ex his quae praedicto modo accipiuntur, constituatur
essentia ternarii, vel cuiuscunque alterius ; quia necesse est, si hoc quod
supra positum est non esset ipsa substantia ternarii, cum praedicetur in eo
quod quid est, quod esset quoddam genus, vel nominatum vel innominatum. Non
enim cuilibet rationi est nomen impositum : et inde est quod multa sunt
innominata tam in generibus quam in speciebus. Ideo autem oportet quod
praedicta ratio sit genus ternarii, si non significet essentiam eius, quia
omne quod praedicatur in quid, aut est genus aut definitio
significans essentiam. Non est autem possibile quod sit genus, quia
sequeretur quod esset in plus quam ternarius : hoc enim supponimus esse
genus, cuius potentia sub se plures species continet. Habitum est autem quod
praedicta ratio non convenit nisi atomis, idest individuis, sub ternario
contentis. Relinquitur ergo quod praedicta ratio sit
definitio significans essentiam ternarii. Haec enim supponitur esse essentia uniuscuiusque, quae invenitur in
individuis illius speciei finaliter, secundum praedictum modum
praedicationis. Et sicut dictum est de ternario, ita etiam est intelligendum
de quibuscunque aliis, quibus demonstretur aliquid esse idem per modum
praedictum. |
527.
Après avoir montré de quelle manière l’essence et le pourquoi se rapportent à
la démonstration, le Philosophe montre ici de quelle manière ils peuvent être
recherchés. Et en premier lieu il montre comment
rechercher l’essence [383]; en deuxième lieu, il montre comment rechercher le
pourquoi, là [409] où il dit : Mais
pour bien présenter les problèmes etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu, il dit sur quoi porte le propos; en deuxième
lieu, il poursuit le propos, là [383 bis] où il dit : Mais parmi les prédicats qui appartiennent
toujours à une chose etc. Il dit donc en premier lieu [383] qu’après
avoir dit de quelle manière l’essence est connue et de quelle manière
l’essence ou le pourquoi sont pris comme moyens termes dans la démonstration,
il faut maintenant dire de quelle manière il faut rechercher les prédicats
qui sont contenus dans l’essence. 528.
Ensuite lorsqu’il dit [383 bis] : Mais
pour ce qui est des prédicats qui appartiennent toujours etc., il
manifeste le propos. Et
en premier lieu il manifeste quels doivent être ces prédicats qui sont
pris pour constituer l’essence; en deuxième lieu, il montre comment il faut
les rechercher, là [388] où il dit : Mais
il faut, quand on veut traiter d’un sujet qui est un tout etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu, il fait précéder une division; en deuxième
lieu, il dit quels doivent être les prédicats qui sont pris pour constituer
l’essence, là [384] où il dit : Mais
les prédicats de cette sorte doivent être pris etc.; en troisième lieu,
il le prouve, là [386] où il dit : Mais
puisque nous avons montré etc. 529.
Au sujet du premier point [383 bis] il faut considérer que les termes qui
sont attribués dans l’essence doivent l’être toujours et universellement
ainsi que nous l’avons établi précédemment : et c’est pourquoi il dit
qu’en prenant les termes qui s’attribuent toujours à un sujet, il s’en trouve
parmi eux certains qui s’étendent plus largement qu’au seul sujet auquel ils
appartiennent, mais non pas au point de se retrouver en dehors du genre du
sujet. Et il explique ce qu’il veut dire
lorsqu’il dit s’étendre plus largement,
et il dit que possèdent une plus grande extension tous les prédicats qui
appartiennent à un sujet et qui, sans cependant appartenir à lui seul,
appartiennent aussi à d’autres. Mais il donne à entendre par là un autre
terme opposé à celui-là, car il existe encore un autre terme qui a plus
d’extension que le sujet mais qui est situé en dehors du genre du sujet. Et en premier lieu, il donne un exemple de
cela en disant qu’il y a un terme qui appartient à toute triade mais aussi à ce qui n’est pas triade ainsi qu’on le
voit pour l’être commun lui-même qui s’attribue certes universellement non
seulement à toute triade mais aussi à d’autres choses, et non seulement à
d’autres choses qui sont dans le genre du nombre, mais aussi à des choses qui
ne sont pas même dans le genre du nombre. Par exemple l’impair appartient à
toute triade mais il a plus d’extension parce qu’il s’attribue aussi à la
pentade; cependant, l’impair ne se retrouve pas en dehors du genre de la
triade qui est le nombre, car même le nombre cinq se trouve dans le genre du
nombre et rien de ce qui se trouve en dehors du genre du nombre ne peut être
appelé impair. 530.
Ensuite lorsqu’il dit [384] : Les
prédicats de cette sorte doivent cependant être pris etc., il montre
quels doivent être les prédicats qui doivent être pris pour constituer l’essence. Et en premier lieu il présente son propos;
en deuxième lieu, il le manifeste par un exemple, là [385] où il dit : Par exemple le nombre s’attribue à toute
triade etc. Il dit donc en premier lieu [384] que les
termes qui doivent être pris pour manifester l’essence doivent être tels
qu’ils s’attribuent certes toujours au sujet et avec une plus grande
extension que lui sans cependant sortir de son genre, jusqu’à ce point précis
où en premier chacun des termes a plus d’extension que le sujet lui-même,
mais où par la suite tous les termes pris ensemble n’ont pas plus d’extension
mais se convertissent avec la chose dont on recherche l’essence. 531.
Ensuite lorsqu’il dit [385] : Par
exemple le nombre s’attribue à toute triade etc., il manifeste ce qu’il
vient de dire par un exemple. Prenons donc ces quatre termes, à savoir nombre, impair et premier pris
dans les deux sens du terme. C’est en
deux sens en effet qu’on dit d’un nombre qu’il est premier. En un premier sens, parce qu’il n’est
mesuré par aucun autre nombre comme on peut le voir au contraire pour le
nombre quatre qui n’est pas un nombre premier parce qu’il est mesuré par le
nombre deux; mais trois est un nombre premier parce qu’il n’est pas mesuré
par un nombre mais seulement par l’unité. En
un autre sens on dit d’un nombre qu’il est premier parce qu’il n’est pas
composé de plusieurs nombres ainsi qu’on peut le voir au contraire pour le
nombre sept qui est premier dans le premier sens du terme puisqu’il n’est
mesuré en effet que par l’unité, mais qui n’est pas premier dans le deuxième
sens du terme puisqu’il est en effet composé de plusieurs nombres, à savoir
de trois et de quatre : trois au contraire n’est pas composé de
plusieurs nombres, mais seulement de deux et de l’unité. Ainsi donc il est clair que chacun de ces
quatre prédicats pris séparément appartient universellement à la triade, mais
que chacun d’eux appartient aussi à autre chose qui est dans le genre du
nombre. Car ce qu’on appelle nombre et impair appartient à tous les nombres
impairs; mais le dernier terme, c’est-à-dire ce qui est premier dans les deux
sens, appartient aussi à la dualité qui n’est pas mesurée par un autre nombre
et n’est pas composée de plusieurs nombres mais des seules unités : il résulte
de là que tous ces prédicats réunis ensemble signifient l’essence de la
triade. 532.
Mais il semble que pour définir il ne soit pas nécessaire que chacun des
termes ait plus d’extension que le défini. Le Philosophe dit en effet au
septième livre de la Métaphysique
que lorsqu’on parvient aux dernières différences, ces différences auront une
extension égale à celle des espèces; il ne faut donc pas d’après cela que la
différence ait une plus grande extension que l’espèce. Cela devient clair aussi par le
raisonnement. Le Philosophe dit aussi au huitième livre de la Métaphysique que la définition qui
se tire des différences semble appartenir à l’espèce et à l’acte,
c’est-à-dire à la forme car ainsi qu’on le dit au même endroit, la différence
correspond à la forme; mais toute espèce possède une forme qui lui est
propre, c’est-à-dire qui n’appartient à aucune autre espèce. Il semble donc
que la différence dernière n’a pas plus d’extension que l’espèce. Le Philosophe dit encore au septième livre
de la Métaphysique qu’on ne
retrouve rien d’autre dans la définition que le genre et les différences et
qu’il est possible pour la définition d’être constituée de deux termes dont
l’un est le genre et l’autre la différence. Mais la différence ne se retrouve
pas en dehors du genre qui est propre au sujet défini, autrement elle
n’opérerait pas une division essentielle
du genre, mais une division accidentelle.
Il semble donc que la différence n’ait pas plus d’extension que l’espèce. 533.
Mais il faut dire que si on pouvait prendre la différence qui fait connaître
la forme substantielle même de l’espèce, en aucune manière la différence
dernière n’aurait plus d’extension que l’espèce ainsi que les raisonnements
précédents le prouvent. Mais parce que les formes essentielles ne nous sont
pas connues par elles-mêmes, il faut qu’elles nous soient manifestées au
moyen des accidents qui sont les signes de ces formes, ainsi qu’on le voit au
huitième livre de la Métaphysique.
Il ne faut cependant pas prendre les accidents propres de cette espèce car
ces accidents doivent être démontrés au moyen de la définition de l’espèce;
mais il faut que la forme de l’espèce se fasse connaître au moyen d’accidents
plus communs; et les différences que l’on tire d’après eux sont appelées
substantielles dans la mesure où ils sont introduits pour manifester la forme
essentielle, mais ils sont plus communs que l’espèce dans la mesure où ils se
tirent de certains signes qui découlent de genres supérieurs. 534.
Ensuite lorsqu’il dit [386] : Mais
puisque nous avons montré etc., il manifeste ce qu’il a dit plus haut. Et en premier lieu, il montre qu’il faut
que les prédicats qui précèdent s’attribuent universellement et
nécessairement à la triade; en deuxième lieu, il montre que c’est à partir de
ces prédicats qu’est constituée l’essence même de la triade, là [387] où il
dit : Mais que la substance de la
triade soit constituée de etc. Il dit donc en premier lieu [386] que
parce que nous avons montré plus haut que les termes qui s’attribuent dans
l’essence appartiennent nécessairement au sujet et que tous les termes qui
appartiennent nécessairement à un sujet s’attribuent aussi à lui
universellement, il est nécessaire que les termes qui s’attribuent comme
appartenant à l’essence de la triade ou de tout autre sujet de la manière que
nous avons dite, s’attribuent nécessairement et universellement. 535.
Ensuite lorsqu’il dit [387] : Mais
que la substance etc., il dit qu’à partir des termes qui se prennent de
la manière qui a été dite précédemment, c’est l’essence même de la triade ou
de tout autre sujet qui est constituée; car il serait nécessaire, si ce qui a
été posé plus haut n’était pas la substance même de la triade, que ce qu’on
attribue dans l’essence serait comme un genre, peu importe qu’il ait ou non
un nom. En effet, ce n’est pas à toute définition
qu’un nom a été imposé : et c’est pourquoi il y a de nombreuses notions
qui ne sont pas nommées, aussi bien dans les genres que dans les espèces. Et
c’est pourquoi il faut, si la définition qui précède ne signifie pas
l’essence de la triade, qu’elle en soit le genre car tout ce qui s’attribue
dans l’essence est doit le genre, soit la définition signifiant l’essence.
Mais il n’est pas possible que cette définition soit le genre car il
s’ensuivrait alors qu’elle aurait plus d’extension que la triade : nous
supposons en effet que le genre contient en lui plusieurs espèces en
puissance. Mais nous avons établi que la définition qui précède n’appartient
qu’aux indivisibles, c’est-à-dire aux individus qui sont contenus dans la
triade. Il reste donc que la définition qui précède est la définition
signifiant l’essence de la triade. On suppose en effet que l’essence de
chaque chose est celle qu’on retrouve en dernier lieu dans les individus de
cette espèce d’après le mode d’attribution qui précède. Et ce qui a été dit
de la triade doit s’entendre aussi de toutes les autres choses pour
lesquelles on démontrera qu’une série de prédicats leur est identique de la
manière qui a été dite. |
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LECTIO 14 |
LEÇON 14. De la division
du genre pour rechercher les prédicats qui doivent être posés dans la
définition
(nn.
536-541; [388-392]). |
[80002] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 14 n. 1Postquam philosophus ostendit qualia
oportet esse ea quae constituunt definitionem significantem essentiam rei,
hic ostendit qualiter debeant investigari. Et circa hoc duo facit : primo,
proponit modum maxime convenientem ad investigandum ea quae sunt in
definitione ponenda, scilicet per divisionem generis ; secundo, ponit quemdam
alium modum per similia et differentia ; ibi : quaerere autem oportet et
cetera. Circa primum duo facit : primo, ostendit quod oportet uti divisione
generis ad investigandum particulas definitionis ; secundo, ostendit quid
oporteat in tali investigatione observari ; ibi : ad consequendum autem
terminum et cetera. Circa primum duo facit : primo, ostendit veritatem ;
secundo, excludit errorem ; ibi : nihil autem oportet dividentem et cetera.
Circa primum tria facit : primo, ostendit qualiter per divisionem generis
investigentur definitionis particulae ; secundo, quomodo processus divisionis
sit utilis ad propositum ; ibi : divisiones autem quae sunt etc. ; tertio,
quomodo sunt cavenda ea, quae circa hunc processum defectum inducere possunt
; ibi : differt autem et cetera. Circa primum duo facit : primo, ostendit
quod oportet uti divisione generis ad definiendum ; secundo, quomodo oportet
accipere differentias ; ibi : post autem accepto et cetera. [80003] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 14 n. 2Dicit ergo primo quod cum aliquis vult
negotiari, ad definiendum, aliquod totum, idest universale,
congruum est ut primo dividat genus in primas partes illius generis, quae
sunt indivisibiles secundum speciem, puta quod dividat numerum in binarium et
ternarium : et hac divisione praemissa, per quam cognoscitur genus, tentet
postea accipere definitionem singularum specierum ; sicut etiam fit in aliis,
puta in recta linea et in circulo et in recto angulo. Omnia enim haec congrue
definiuntur, praemissa divisione generis. [80004] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 14 n. 3Deinde cum dicit : post haec autem
accipientem etc., ostendit qualiter sint accipiendae differentiae ; et dicit
quod postquam acceperimus per divisionem generis in species quid sit genus,
puta utrum sit in genere qualitatis vel quantitatis, oportet ad investigandum
differentias considerare proprias passiones, quae, sicut dictum est, sunt
signa manifestantia formas proprias specierum. Et hoc oportet primum facere
per aliqua communia. Si enim nos congregemus accidentia ex generibus
communioribus (quae hic dicuntur indivisibilia, quia non resolvuntur in
aliqua priora genera), statim ex definitionibus eorum erunt manifesta ea quae
quaerimus. Oportet enim omnium definitionum esse principium id quod
simplex est, idest genus commune : et huiusmodi simplicibus solum per
se insunt accidentia, quae communiter inveniuntur in multis ;
omnibus autem aliis conveniunt secundum illa. Sicut album et nigrum per se
quidem conveniunt corpori terminato, et secundum hoc commune conveniunt et
homini et equo et quibuscunque aliis. Unde si oporteret accipere definitionem
alicuius, cui universaliter conveniret album, puta definitionem nivis,
oporteret recurrere ad genus communius, quod est corpus terminatum, et ex eo
investigare causam albedinis ; et secundum hoc ostenderetur nobis quare nix
universaliter sit alba. Et illa causa poterit pertinere ad quod quid est
nivis ; puta inspissatio humidi, quae facit humidum terminari cum
conservatione lucis. [80005] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 14 n. 4Deinde cum dicit : divisiones autem quae
sunt etc., ostendit quomodo praedictus processus conferat ad definitiones ;
et dicit quod ad hoc quod aliquis praedicto modo procedat ad definiendum,
scilicet dividendo genus in species, utile est quod homo accipiat divisionem
generis per differentias. Sed tamen quomodo per hoc manifestetur quod
quid est, dictum est in praecedentibus. Sunt quidem utiles praedictae
divisiones ad accipiendum quod quid est sic solum, sicut dictum est ; sed ad
syllogizandum quod quid est nihil videntur facere, ut prius dictum est. Sed
videtur quod dividentes statim accipiant omnia non syllogizata, sicut si a
principio aliquis accepisset, antequam divideret. [80006] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 14 n. 5Deinde cum dicit : differt autem aliquid
prius etc., ostendit quid oporteat cavere, ne circa praedictum processum
defectus accidat. Et circa hoc duo facit : primo, ostendit quod oportet
cavere inordinationem : secundo, quod oportet cavere diminutionem ; ibi :
amplius autem ad nil relinquendum et cetera. Dicit ergo primo quod multum
differt quid prius et quid posterius praedicetur inter ea quae ponuntur in
definitione. Potest enim uno modo sic dici, quod homo est animal
mansuetum bipes ; alio modo potest aliter ordinari, ut dicatur quod homo
est bipes animal mansuetum. Et quod hoc differat ad definiendum patet per
hoc, quod oportet omne quod definitur constitui ex duobus, scilicet ex genere
et differentia. Sic igitur si mansuetum accipitur ut
differentia animalis, oportet quod animal mansuetum sit aliquid unum quod
accipiatur ut genus, ex quo et alia differentia quae est bipes,
constituatur homo. Et eadem ratio est de quocunque alio quod fit unum ex
pluribus per se, et non per accidens. Sicut igitur differt quod accipiatur
hoc vel illud pro genere vel differentia, aut quod accipiatur aliquid ut est
differentia constitutiva generis et divisiva eiusdem ; ita differt ad
definiendum quod sic vel aliter partes definitionis ordinentur. Si enim dicam
quod homo est animal mansuetum bipes, accipietur animal ut genus,
mansuetum autem ut differentia constitutiva eius, bipes autem ut differentia
divisiva ipsius. E converso autem erit si dicatur quod homo est
animal bipes mansuetum. Quia igitur differentia ordinis facit
differentiam in quod quid est, consequens est quod ille qui dividit, non
solum supponat ea quae accipiuntur ad definiendum, sed etiam petat ordinem
eorumdem. Et sic manifestum est quod definitio non syllogizat quod quid est. [80007] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 14 n. 6Deinde cum dicit : amplius autem ad nil
relinquendum etc., docet cavere diminutionem, ostendens quomodo fieri possit
ut nil praetermittatur eorum quae requiruntur ad quod quid est ; et dicit
quod hoc contingit fieri solum isto modo quo dicetur. Ad cuius evidentiam considerandum est, quod
omnes differentiae superiorum generum pertinent ad quod quid est alicuius
speciei. Nam inferius genus constituitur per differentiam divisivam
superioris generis. Ad vitandum ergo diminutionem, oportet quod nulla
huiusmodi differentiarum praetermittatur. Praetermittitur autem si aliquis,
accepto supremo genere, accipiat consequenter aliquam differentiam divisivam
non quidem ipsius supremi generis, sed alicuius inferioris. Quod quidem hoc
modo cognosci potest : quia cum animal accipiatur
aliquod supremum genus, si postea aliquis accipiat divisionem alicuius de
inferioribus generibus, non totum quod continetur sub genere superiori cadet
sub illa divisione. Et ponit ad
hoc exemplum : sicut non omne animal est vel totalum, vel divisum
pennis. Dicitur autem animal totalum, quod habet totas alas
integras et continuas, sicut vespertilio ; divisum autem pennis dicitur
animal, cuius alae distinguuntur per diversas pennas, sicut accipitris vel
corvi. Animali autem non habenti alas neutrum horum convenit ; sed omne
animal volatile continetur sub altera harum differentiarum, quia secundum
praedictas differentias dividitur hoc genus quod est animal volatile. Sed
prima et immediata differentia animalis attenditur ex hoc quod omne animal
cadit sub divisione. Et ita est etiam de omnibus aliis generibus, sive
accipiamus genera quae sunt extrinseca ab animali, sicut lapis et planta,
sive illa quae sub animali continentur, sicut avis et piscis. Prima tamen
differentia avis attenditur secundum differentiam in quam incidit omnis avis
: et eadem ratio est de pisce. Concludit ergo quod si aliquis sic procedat in
dividendo, quod scilicet totum divisum contineatur sub partibus divisionis,
poterit homo cognoscere quod nil est relictum de his quae sunt necessaria ad
definiendum. Si autem aliter procedatur, necesse est quod aliqua relinquantur,
et quod homo non cognoscat se integraliter definisse. |
536.
Après avoir montré quels doivent être les termes qui constituent la
définition qui signifie l’essence de la chose, le Philosophe montre ici de quelle
manière ces termes doivent être recherchés. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu [388], il présente le mode qui convient le mieux à la
recherche des termes qui doivent être posés dans la définition, c’est-à-dire
celui qui s’effectue par la division du genre; en deuxième lieu il présente
un autre mode, celui qui s’opère au moyen des ressemblances et des
différences, là [403] où il dit : Mais
il faut rechercher etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il montre qu’il faut se servir de la division
du genre pour rechercher les éléments particuliers de la définition; en
deuxième lieu, il montre ce qu’il faut observer dans une telle recherche, là
[398] où il dit : Mais pour
constituer une définition etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu, il manifeste la vérité; en deuxième lieu, il
écarte une erreur, là [393] où il dit : Mais pour celui qui définit il n’est nullement nécessaire etc. Au sujet du premier point il fait trois choses :
en premier lieu, il montre de quelle manière les parties de la définition
sont recherchées par la division du genre; en deuxième lieu, il montre
comment le processus de division est utile au propos, là [390] où il
dit : Mais les divisions qui se font
d’après etc.; en troisième lieu, il montre comment doivent être disposés
les termes qui autrement d’après ce processus pourraient conduire à une
erreur, là [391] où il dit : Mais
il n’est pas indifférent etc. Au sujet du premier point il fait deux choses :
en premier lieu, il montre qu’il faut se servir de la division du genre pour
définir; en deuxième lieu, il montre comment il faut établir les différences,
là [389] où il dit : Mais après
avoir établi etc. 537.
Il dit donc en premier lieu [388] que lorsque quelqu’un veut traiter, pour
définir, d’un sujet qui est un tout, c’est-à-dire un universel, il convient
qu’il divise d’abord le genre en ses premières parties, parties qui sont
indivisibles selon l’espèce; c’est ainsi qu’il fera par exemple en divisant
le nombre en triade et dyade : et par la division qui précède, par
laquelle le genre est connu, il tentera par la suite d’établir la définition
de chacune de ces espèces comme on le fait aussi dans les autres disciplines,
par exemple pour la définition de la ligne droite, du cercle et de l’angle
droit. La première division du genre ayant été faite, toutes ces espèces sont
en effet définies comme il convient. 538.
Ensuite lorsqu’il dit [389] : Après
cela, ayant établi ce qu’est le genre etc., il montre de quelle manière
il faut établir les différences; et il dit qu’après avoir établi ce qu’est le
genre au moyen de la division du genre en ses espèces, par exemple s’il est
contenu dans la catégorie de la qualité ou de la quantité, il faut, pour
rechercher les différences, considérer les propriétés qui, ainsi que nous
l’avons déjà dit, sont les signes qui font connaître les formes propres des
espèces. Et il faut faire cela d’abord au moyen de
certaines propriétés communes. Si en effet nous rassemblons les accidents en
partant de genres plus communs (qu’on appelle ici indivisibles parce qu’ils
ne se ramènent pas à des genres antérieurs), aussitôt à partir de leurs
définitions ce que nous recherchons deviendra évident. Il faut en effet que
le principe de toutes les définitions soit quelque chose de simple, à savoir
le genre commun. Et c’est seulement à ces termes simples qu’appartiennent par
soi ou essentiellement de tels accidents qui se retrouvent communément chez
plusieurs, et c’est à travers eux qu’ils appartiennent aussi à tous les
autres. Par exemple le blanc et le noir appartiennent certes essentiellement
au corps physique délimité, et c’est à travers lui qu’ils appartiennent
communément à l’homme, au cheval et à tous les autres. De là, s’il fallait établir
la définition d’une chose à laquelle appartiendrait universellement le blanc,
par exemple la définition de la neige, il faut remonter à un genre plus
commun qui est le corps physique délimité et à partir de là rechercher la
cause de la blancheur; et c’est d’après cela que nous verrons pourquoi la
neige est universellement blanche. Et cette cause pourra appartenir à
l’essence de la neige : par exemple la solidification de l’humide ou de
l’eau qui fait que l’eau est définie avec la conservation de la lumière. 539.
Ensuite lorsqu’il dit [390] : Mais
les divisions qui se font par les différences etc., il montre de quelle
manière la façon de procéder dont on vient de parler contribue à la
définition. Et il dit qu’afin que quelqu’un procède de la manière que nous
avons dite pour définir, c’est-à-dire en divisant le genre en ses espèces, il
est utile que ce soit au moyen des différences que l’homme établisse cette
division du genre. Mais comment cependant l’essence
se trouve à être manifestée par cela, nous l’avons dit dans nos
développements précédents. Les divisions qui précèdent sont certes les seules
à être utiles pour établir l’essence de cette manière, comme nous l’avons
dit, mais elles ne semblent être utiles en rien pour syllogiser l’essence,
comme nous l’avons dit précédemment. Mais il semble que ceux qui divisent
posent d’une manière immédiate toutes les choses qui ne sont pas démontrées
comme si quelqu’un posait un postulat initial sans avoir divisé. 540.
Ensuite lorsqu’il dit [391] : Mais
l’ordre d’après lequel un prédicat est attribué avant etc., il montre ce
qu’il faut éviter afin qu’il ne se produise pas d’erreurs par rapport à la
manière de procéder dont on vient de parler. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il montre qu’il faut chercher à éviter ce qui n’est pas
ordonné : en deuxième lieu, il montre qu’il faut chercher à éviter la
diminution, là [392] où il dit : Mais
en outre, pour ne rien omettre etc. Il dit donc en premier lieu [391] que
parmi les termes qui sont posés dans la définition, l’ordre d’attribution des
termes, selon lequel l’un est attribué en premier ou en dernier, n’est pas
indifférent. On peut en effet dire de cette manière que l’homme est un animal apprivoisé et bipède; mais on peut ordonner
les termes d’une autre manière en disant que l’homme est un bipède animal apprivoisé. Et que l’ordre fasse une
différence dans la définition, cela est manifeste du fait qu’il faut que tout
ce qui est défini soit constitué de deux termes, à savoir le genre et la
différence. Ainsi donc, si apprivoisé se
prend comme une différence de l’animal, il faut qu’animal apprivoisé forme
une unité qui se prend comme le genre, à partir de laquelle, avec l’autre
différence qui est bipède, l’homme
est constitué. Et le même raisonnement vaut pour toute autre chose qui
devient une seule notion à partir de plusieurs éléments qui lui appartiennent
essentiellement et non par accident. Cela fait donc une différence qu’on prenne
ceci ou cela pour genre ou pour différence, ou qu’on prenne une notion en
tant que différence constitutive du genre ou en tant que différence qui le
divise; ainsi, pour définir, cela fait une différence que les parties de la
définition soient ordonnées ainsi ou autrement. Si en effet je disais que
l’homme est un animal apprivoisé et bipède, je prendrais animal comme genre,
mais apprivoisé serait pris comme une différence constitutive du genre, et
bipède comme une différence qui le divise. Mais il en serait autrement si je
disais que l’homme est un animal bipède apprivoisé. Donc, parce que la
différence de l’ordre fait une différence à l’égard de l’essence, il s’ensuit
que celui qui divise non seulement suppose les termes qu’il prend pour
définir, mais qu’il postule aussi l’ordre qu’il y a entre eux. Et ainsi il
est manifeste que la définition ne syllogise pas l’essence. 541.
Ensuite lorsqu’il dit [392] : Mais
en outre, pour ne rien omettre etc., il enseigne comment éviter de
diminuer la définition en montrant comment il peut arriver de n’omettre aucun
des termes qui sont requis à l’essence; et il dit que cela n’est possible
qu’en se conformant au mode dont nous avons parlé. Et pour en avoir l’évidence il faut
considérer que toutes les différences des genres supérieurs appartiennent à
l’essence d’une espèce. Car le genre inférieur est constitué par la
différence qui divise le genre supérieur. Donc, pour éviter les diminutions,
il faut qu’aucune des différences de cette sorte ne soit oubliée. Mais une
telle différence sera oubliée si quelqu’un, ayant posé le genre supérieur,
prend par la suite une différence qui divise non pas ce genre premier mais un
genre inférieur. Ce que l’on peut certes voir de la manière qui suit :
car lorsqu’on prend animal comme genre supérieur, si par la suite on pose la
division d’un genre inférieur, ce n’est pas la totalité de ce qui est contenu
dans le genre supérieur qui tombera sous cette division. Et il présente un exemple pour le
montrer : ainsi ce n’est pas tout animal qui est soit à plumes pleines, soit à plumes divisées. Mais
on dit de l’animal dont les plumes sont pleines
qu’il est celui dont les ailes sont entières et continues comme c’est le
cas pour la chauve-souris, et de l’animal dont les plumes sont divisées qu’il
est celui dont les ailes se distinguent par différentes sortes de plumes
comme c’est le cas pour le faucon et le corbeau. Mais aucune de ces divisions
ne convient à l’animal qui n’a pas d’ailes, mais tout animal qui vole est
contenu sous l’une ou l’autre de ces différences car c’est d’après ces
différences que se divise ce genre qui est l’animal qui vole. Mais la
différence première et immédiate du genre animal doit aussi être entendue
comme la division sous laquelle tombera tout animal. Et il en est encore
ainsi pour tous les autres genres, que ce soit pour établir les genres qui
sont extérieurs au genre animal comme c’est le cas pour la pierre ou la
plante, ou pour établir les genres qui sont contenus dans le genre animal
comme c’est le cas pour l’oiseau ou le poisson. Mais la première différence
du genre oiseau doit se comprendre comme étant celle dans laquelle on
retrouve tous les oiseaux; et le même raisonnement vaut pour le genre
poisson. Il conclut donc en disant que si quelqu’un
procède ainsi en divisant, c’est-à-dire de telle manière que la totalité de
ce qu’on divise se retrouve dans les parties de la division, alors cet homme
pourra savoir que rien de ce qui est nécessaire à la définition n’a été omis.
Mais s’il procédait autrement, nécessairement il y aurait omission et il ne
saurait même pas s’il y a eu omission ou si la définition a été complète. |
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LECTIO 15 |
LEÇON 15. Rejet de deux
erreurs. – Ce qui est requis à la constitution de la définition par voie de
division quant à la vérité de la chose
(nn.
542-551; [393-402]). |
[80008] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 15 n. 1Postquam philosophus ostendit veritatem
circa divisionem generis, quae assumitur ad definiendum, hic excludit duos
errores. Secundum, ibi : omne autem incidere et cetera. Circa primum tria
facit. Primo proponit exclusionem erroris : et dicit quod non est necessarium
quod ille qui dividendo definit, sciat omnia quae sunt in mundo. [80009] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 15 n. 2Secundo, ibi : et tamen impossibile quidam
dicunt etc., narrat opinionem errantium. Dicebant enim quidam, quod non
potest cognosci differentia alicuius ad omnia alia entia, nisi omnia alia
entia cognoscantur, ut patet in aliquibus duobus, quorum differentiam
cognoscere non possumus nisi utrumque cognoscamus. Addebant autem quod non
est possibile quod aliquid sciatur quid est, nisi cognoscatur differentia
eius ad omnia alia. Id enim a quo aliquid non
differt est idem ei : illud autem a quo differt est alterum ab ipso. Non
autem possumus scire quid sit unumquodque, nisi sciamus quid sit idem ei, et
quid alterum ab eo. Et secundum hoc concludebant quod non potest aliquid
cognosci nisi omnia cognoscantur. [80010] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 15 n. 3Tertio, ibi : primum quidem igitur etc.,
improbat quod dictum est dupliciter. Et primo quidem interimit hoc quod
dictum est, quod illud a quo aliquid differt, est alterum. Loquimur enim nunc
de eodem et de altero secundum essentiam, quam
significat definitio. Manifestum est autem quod etiam in eadem specie sunt
multae differentiae accidentales, quae non diversificant substantiam speciei,
quam significat definitio, nec per se insunt. Unde consequens est quod non omnis differentia facit talem
alteritatem, quam necessarium sit cognoscere ad definiendum. [80011] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 15 n. 4Secundo, ibi :
postea cum accipiat opposita etc., improbat quae dicta sunt alio modo. Cum
enim ille qui vult definire dividendo, accipiat oppositas differentias hoc
modo, quod omne quod continetur sub diviso, cadat sub hoc membro divisionis
vel sub illo, et accipiat sub altero membrorum illud cuius definitio
quaeritur, si hoc quod intendit definire, cognoscat sub illo membro
divisionis contineri ; non differt ad propositum
utrum sciat vel nesciat de quibuscunque aliis rebus praedicentur oppositae
differentiae. Puta si
dividam animal per rationale et irrationale, et accipiam propositum sic
hominem contineri sub rationali, non requiritur quod sciam de quibus
irrationale praedicetur, nec qualiter illa ad invicem differant. Manifestum
est enim quod si aliquis sic procedat, scilicet dividendo genus per primas
differentias eius, et accipiendo propositum sub altero membro, dividens
quousque perveniatur in illa quae ulterius dividi non possunt essentialibus
differentiis ; sic procedens habebit definitionem substantiae, quam
quaerebat. Decipiebantur ergo praedicti homines ex eo quod non distinguebant
inter cognoscere aliquid in communi et in speciali. Oportet enim quod
quicunque scit quid est aliquid, cognoscat omnia alia in communi, non autem
in speciali. Puta qui scit quid est homo, oportet quod sciat hominem per hoc
quod est animal, distingui ab omnibus quae non sunt animalia ; et per hoc
quod est rationale, distingui ab omnibus quae non sunt rationalia. Non enim
oportet quod illa cognoscat, nisi secundum hoc commune quod est non animal,
vel irrationale. [80012] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 15 n. 5Deinde cum dicit : omne autem incidere
etc., excludit secundum errorem. Posset enim aliquis credere quod quicunque
utitur divisione ad definiendum, indigeat petere quod totum divisum
contineatur sub membris divisionis ; sed ipse dicit quod hoc non est
necessarium, si opposita, per quae fit divisio, sint immediata ; quia
secundum hoc necessarium est quod totum divisum sub altero oppositorum
contineatur, dum tamen accipiantur primae differentiae alicuius generis.
Differentiae enim quae sunt immediatae si comparentur ad genus inferius, non
sunt immediatae si comparentur ad genus superius. Sicut par et impar sunt
immediata si comparentur ad numerum, cuius sunt propriae differentiae ; non
autem si comparentur ad quantitatem. [80013] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 15 n. 6Deinde cum dicit : ad construendum autem
terminum etc., postquam exclusit ea quae non requiruntur ad divisiones
definiti, hic ostendit quae secundum rei veritatem requirantur. Et primo,
proponit quod intendit ; secundo, manifestat propositum ; ibi : est autem
horum unum. Dicit ergo primo quod ad hoc quod aliquis constituat terminum,
idest definitionem, per viam divisionis, tria oportet considerare : quorum
primum est, ut ea quae accipiuntur, praedicentur in eo quod quid est
; secundum est, ut ordinetur quid sit primum et quid secundum ; tertium est,
quod accipiantur omnia quae pertinent ad quod quid est, et nihil eorum
praetermittatur. [80014] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 15 n. 7Deinde cum dicit : est autem horum unum
etc., manifestat propositum. Et primo, ostendit quomodo tria praedicta
possunt observari ; secundo, ostendit quod praedicta tria observata
sufficiant ; ibi : manifestum est autem et cetera. Circa primum tria facit.
Primo ostendit quomodo observetur primum : et dicit quod unum horum (scilicet
quod accipiantur ea quae praedicantur in eo quod quid est)
observatur, primo quidem per hoc quod homo potest inducere syllogismos quod
id quod assumitur insit, sicut cum disputatur ad problema de accidente ;
secundo, ut ostendatur quod praedicatur in eo quod quid, per ea quibus
disputatur ad problema de genere. [80015] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 15 n. 8Secundo, ibi : ordinare autem sicut oportet
etc., manifestat quomodo observetur secundum, scilicet debita ordinatio
partium ; et dicit quod tunc ordinantur partes definitionis sicut oportet, si
aliquis primo accipiat id quod est primum ; et hoc erit si aliquis primo
accipiat id quod consequitur ad alia posterius accepta, et non e converso.
Hoc enim est communius et prius. Necesse est autem aliquid huiusmodi accipi in
definitione tanquam genus, puta cum dicitur quod homo est animal gressibile
bipes. Si enim est gressibile bipes, est animal, sed non e converso. Cum ergo
iam acceperimus animal tanquam primum, idem modus observandus est in
ordinatione inferiorum. Accipietur enim quasi secundum in definitione illud
quod secundum rationem praemissam erit primum inter omnia sequentia ; et
similiter accipietur tertium id quod est primum respectu habitorum,
idest consequentium. Semper enim, remoto superiori, illud quod est habitum,
idest immediate consequens, erit primum omnium aliorum. Et ita est etiam in
omnibus aliis, puta in quarto et in quinto, si tot oporteat partes
definitionis esse. [80016] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 15 n. 9Tertio, ibi : quod autem haec omnia sint
etc., manifestat, qualiter possit tertium observari. Et dicit quod manifestum
erit omnia quae pertinent ad quod quid est accipi in
definitione secundum modum supra dictum, ex hoc scilicet quod dividendo
aliquod genus accipimus primas eius differentias, sub quibus divisum
universaliter continetur ; sicut quod omne animal est hoc vel illud, puta
rationale vel irrationale, et accipimus quod illud quod intendimus definire,
est hoc, puta rationale. Et iterum accipiemus hoc totum, scilicet animal
rationale, et dividemus ipsum per differentias proprias ; sed quando iam
devenerimus ad ultimam differentiam, iam non erit dividere per alias
differentias specificas : sed statim ultima differentia addita, hoc, cuius
definitio quaeritur, in nullo differet specie a simul toto, idest
a ratione congregata ab omnibus partibus acceptis ; sicut homo non differet
specie ab aliquo eorum de quibus praedicatur animal rationale mortale. [80017] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 15 n. 10Deinde cum dicit : manifestum enim est
etc., ostendit quod tria praedicta observata sufficiant ad definiendum, quia
definitio neque superfluum neque diminutum habebit. Quod autem non apponatur
aliquid plus quam debeat, manifestum est per primum trium praedictorum ; quia
scilicet accepta sunt solum ea quae praedicantur in eo quod quid et
talia necesse erat accipere. Similiter etiam manifestum est quod nihil
deficit. Aut enim deficeret genus, aut differentia. Sed quod genus non
deficiat, patet ex secundo trium praedictorum. Acceptum est enim primum id
sine quo non sunt alia, et quod potest esse sine aliis, et hoc est genus. Et cum genere postea acceptae sunt
differentiae. Sed quod differentiae omnes sint acceptae, patet per tertium
praedictorum trium ; quia non amplius potest accipi
posterior differentia post illam cuius diximus non esse aliam differentiam ;
quia iam sequeretur quod ultimum acceptum adhuc differret differentia
essentiali, cum tamen dictum sit, quod non differat. Similiter etiam ex
praemissis patet quod non intermittatur aliqua differentia in medio, per hoc
scilicet quod semper accipiuntur primae differentiae. Unde relinquitur quod sufficiat tria
praedicta ad definiendum observari. |
542.
Après avoir manifesté la vérité sur la division du genre qu’on assume pour
définir, le Philosophe écarte ici deux erreurs. Et il écarte la deuxième
erreur là [397] où il dit : Mais
poser que tout le contenu du genre tombe etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses. En premier lieu, il présente
son rejet de l’erreur [393] en disant qu’il n’est pas nécessaire à celui qui
définit par voie de division de savoir tout ce qui se trouve dans l’univers. 543.
En deuxième lieu, là [394] où il
dit : Et cependant certains disent
qu’il est impossible etc., il relate l’opinion de ceux qui se trompent.
Certains disaient en effet qu’il n’est possible de connaître les différences
qui distinguent chaque chose de toutes les autres qu’en connaissant tous les
autres êtres, ainsi qu’on le voit pour deux choses dont nous ne pouvons
connaître les différences qu’en connaissant les deux. Mais ils ajoutaient
qu’on ne peut connaître l’essence d’une chose qu’en connaissant les
différences qui distinguent la chose de toutes les autres choses. En effet,
ce dont une chose ne diffère pas est la même que cette chose et ce dont une
chose diffère est autre que cette chose. Nous ne pouvons donc savoir
l’essence d’une chose qu’en sachant ce qui lui est identique et ce qui est
autre qu’elle. Et c’est d’après ces principes qu’ils concluaient qu’il n’est
possible de connaître une chose qu’en connaissant toutes les autres. 544.
En troisième lieu, là [395] où il
dit : Donc, en premier lieu, etc.,
il réfute de deux manières ce qui
vient d’être dit. Et en
premier lieu certes il détruit ce qui a été dit, à savoir que ce dont une
chose diffère est autre que cette chose. En effet, c’est sous le rapport de
l’essence signifiée par la définition que nous parlons maintenant du même et
de l’autre. Mais il est évident que dans la même espèce aussi il y a de
nombreuses différences qui sont accidentelles, qui ne changent en rien la
substance de l’espèce signifiée par la définition, et qui n’appartiennent pas
essentiellement au défini. D’où il s’ensuit que ce n’est pas toute différence
qui entraîne cette altérité qu’il est nécessaire de connaître pour définir. 545.
En deuxième lieu, là [396] où il
dit : Ensuite, quand on a pris des
opposés etc., il réfute d’une autre manière ce qui a été dit. En effet,
lorsque celui qui veut définir par voie de division prend des différences
opposées de telle manière que tout ce qui est contenu dans le divisé tombe
sous tel ou tel autre membre de la division et qu’il admet que le sujet qu’on
cherche à définir tombe sous l’un des membres, s’il sait que ce qu’il cherche
à définir est contenu sous ce membre, alors il importe peu qu’il connaisse ou
qu’il ignore toutes les autres choses auxquelles les différences opposées
s’attribuent. Par exemple, si je divisais l’animal en rationnel et
irrationnel et que j’établissais que le sujet homme est contenu sous
rationnel, il ne serait pas nécessaire que je connaisse tous les sujets
auxquels l’irrationnel s’attribue et de quelle manière ces sujets diffèrent
entre eux. Il est évident en effet que si on procède de cette façon, c’est-à-dire
en divisant le genre par ses premières différences et en posant le sujet à
définir sous l’une d’elles, si on poursuit la division jusqu’à en arriver aux
sujets qui ne peuvent plus être divisés par des différences essentielles,
alors en procédant ainsi on parviendra à posséder la définition de l’essence
qu’on recherchait. Donc les hommes dont on parlait se
trompaient parce qu’ils ne distinguaient pas la connaissance universelle de
la connaissance particulière d’une chose. Il faut en effet que tout homme qui
sait ce qu’est une chose connaisse toutes les autres choses universellement,
mais non pas chacune d’elles dans le détail. Par exemple, celui qui sait ce
qu’est l’homme, il faut qu’il sache que l’homme, par ceci qu’il est un
animal, se distingue de tous les êtres qui ne sont pas des animaux; et qu’il
sache aussi que du fait qu’il est rationnel, l’homme se distingue de tous les
animaux qui ne sont pas rationnels. Mais ces autres êtres, il n’est
nécessaire qu’il les connaisse que sous le rapport de ces notions communes, à
savoir non-animal et irrationnel. 546.
Ensuite lorsqu’il dit [397] : Mais
poser que tout ce qui tombe etc., il écarte une deuxième erreur. En
effet, quelqu’un pourrait croire que quiconque se sert de la division pour
définir doit demander que lui soit concédé que tout ce qui est contenu dans
le genre divisé tombe sous les membres de la division; mais Aristote dit que
cela n’est pas nécessaire si les différences elles-mêmes par lesquelles
s’effectue la division sont immédiates; car dans ce cas il sera nécessaire
que la totalité du sujet à diviser soit contenue sous l’un des membres
opposés de la division, aussi longtemps cependant qu’on prendra les premières
différences de ce genre. Mais les différences qui sont immédiates par rapport
à un genre inférieur ne sont pas immédiates par rapport au genre supérieur.
Par exemple, le pair et l’impair sont des différences immédiates par rapport
au nombre dont ils sont les différences propres, mais ils ne sont pas des
différences immédiates par rapport au genre supérieur de la quantité. 547.
Ensuite lorsqu’il dit [398] : Mais
pour constituer une définition etc., après avoir écarté ce qui n’est pas
nécessaire à division du défini, il montre ici ce qui est nécessaire quant à
la vérité de la chose. Et en premier lieu, il présente son
propos; en deuxième lieu, il manifeste son propos, là [399] où il dit : Mais la première de ces etc. Il dit donc en premier lieu [398] que pour
que quelqu’un parvienne à constituer la
délimitation, c’est-à-dire la définition
par voie de division, il faut considérer trois choses, dont la première est que les termes qu’on
prend pour définir soient attribués dans l’essence; la deuxième est qu’ils soient posés selon l’ordre qui leur
correspond en établissant quel est le premier et quel est le second; la troisième est qu’on prenne tous les
termes qui sont dans l’essence sans en omettre aucun. 548.
Ensuite lorsqu’il dit [399] : Mais
la première de ces conditions etc., il manifeste le propos. Et en premier lieu, il montre comment on
peut observer ces trois conditions; en deuxième lieu, il montre que
l’observation de ces trois conditions suffit au propos, là [402] où il
dit : Mais il est évident etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu, il montre
comment s’observe la première condition : et il dit [399] que la
première de ces conditions (à savoir que les termes que l’on prend doivent
s’attribuer dans l’essence) est
d’abord observée par ceci que tout comme l’homme peut montrer par syllogisme
qu’un prédicat appartient à la chose, par exemple lorsqu’on argumente sur les
problèmes de l’accident, de même, pour montrer que les prédicats qui sont
attribués sont pris dans l’essence on argument par des lieux qui se
rapportent aux problèmes du genre. 549.
En deuxième lieu, là [400] où il
dit : Mais ranger comme il faut
etc., il manifeste comment on arrive à observer la deuxième condition, à
savoir la présentation des parties de la définition dans l’ordre qui
convient; et il dit que les parties de la définition sont ordonnées comme il
se doit si on pose en première place ce qui est premier; et il en sera ainsi
si on pose ensuite en premier ce qui suit nécessairement en premier du reste
qui est posé par la suite et non inversement. Et cela en effet sera plus
commun et antérieur. Mais il est nécessaire de poser quelque chose de la
sorte en tant que genre dans la définition, par exemple si on dit que l’homme
est un animal qui marche comme un bipède. Si en effet on est en présence d’un
être qui marche comme un bipède, on parle nécessairement d’un animal mais la
réciproque n’est pas nécessairement vraie. Donc, lorsque nous aurons posé
animal en tant que premier terme, la même façon de procéder doit être
observée pour l’ordonnance des termes inférieurs. En effet, celui qui sera
pris comme deuxième terme dans la définition sera ce terme qui sera premier
par rapport à tous ceux qui suivent, pour la même raison qui fonde la place
du premier terme; et de même celui qui sera en troisième place sera celui qui
est premier par rapport à ceux qui
suivent, c’est-à-dire par rapport à ceux qui viennent après lui. Toujours
en effet, une fois posé le terme le plus universel, celui qu’on cherche à
établir, c’est-à-dire celui qui le suit immédiatement, est le premier pour
tous les autres qui suivent. Et il en est de même aussi pour tous les autres,
par exemple pour le quatrième et le cinquième si tel est le nombre des
parties de la définition. 550.
En troisième lieu, là [401] où il
dit : Mais que tous les termes
soient etc., il manifeste de quelle manière la troisième condition peut
être observée. Et il dit qu’il sera manifeste que tous les termes qui
appartiennent à l’essence ont bel
et bien été posés dans la définition de la manière dont nous venons de
parler, c’est-à-dire du fait qu’en divisant un genre nous aurons pris ses
premières différences sous lesquelles ce qui est divisé sera contenu
totalement; par exemple que tout animal est ceci ou cela, soit rationnel,
soit irrationnel, et que nous posons que ce que nous cherchons à définir est
ceci, à savoir rationnel. Et ensuite nous poserons ce tout, à savoir animal
rationnel, et nous le diviserons par les différences qui lui sont propres;
mais lorsque nous serons parvenus à la dernière différence, alors il n’y aura
plus à procéder par d’autres différences spécifiques : mais au
contraire, une fois posée cette ultime différence, aussitôt ce dont nous
cherchons la définition ne différera en rien par l’espèce du composé, c’est-à-dire de la définition
qui rassemble toutes les parties qui ont été prises; par exemple, l’homme ne
différera spécifiquement d’aucun de ceux auxquels s’attribue la définition
suivante : animal rationnel mortel. 551.
Ensuite lorsqu’il dit [402] : Il
est clair en effet etc., il montre que les trois conditions qui précèdent
suffisent à bien définir, parce que la définition ne contiendra pas trop
d’éléments et n’en aura omis aucun. Mais il est clair, grâce à la première
condition, qu’on n’aura ajouté rien de trop, parce qu’on n’aura pris que les
termes qui s’attribuent dans l’essence comme on se devait de le faire. De même encore il sera manifeste qu’il n’y
manquera rien. Car ce qui pourrait manquer serait soit le genre, soit la
différence. Mais que le genre n’y soit pas absent, cela est clair puisqu’on
aura observé la deuxième des trois conditions. Nous avons posé en effet comme
étant premier ce sans quoi le reste n’existe pas et qui peut exister sans les
autres : et c’est là le genre. Et avec le genre par la suite les
différences ont été posées. Mais que toutes les différences aient été posées,
cela est évident du fait qu’on respecte la troisième des trois conditions
parce qu’on ne peut prendre aucune différence après celle dont nous avons dit
qu’il n’y a pas d’autre différence; autrement il s’ensuivrait que cette différence
que nous avons prise comme étant la dernière différerait encore du composé
par une différence essentielle alors que nous avons dit qu’en tant que
dernière elle ne peut pas en différer. De la même manière encore il est clair à
partir de ce qui précède qu’on n’insère pas une différence intermédiaire
puisque nous avons dit qu’on pose toujours les différences qui sont
premières. D’où il s’ensuit qu’il suffit d’observer ces trois conditions pour
définir. |
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LECTIO 16 |
LEÇON 16. Sur la manière
de rechercher les définitions par le semblable et l’opposé
(nn.
552-559; [403-408]). |
[80018] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 16 n. 1Postquam philosophus docuit
investigare quod quid est secundum modum maxime congruum,
qui est per divisionem generis, hic docet investigare quod quid est alio
modo. Et circa hoc tria facit : primo, docet praedictum modum investigandi ;
secundo, manifestat per exemplum ; ibi : ut puta dico etc. ; tertio, probat
hunc modum esse convenientem ; ibi : semper autem est omnis definitio et
cetera. [80019] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 16 n. 2Dicit ergo primo quod si aliquis inquirit
definitionem alicuius rei, oportet quod attendat ad ea quae sunt similia
illi, et etiam ad ea quae sunt differentia ab illa
re. Quod quidem qualiter fieri debeat, ostendit subdens quod primo oportet
circa similia considerare quid idem in omnibus inveniatur ; puta quid idem
inveniatur in omnibus hominibus, qui omnes conveniunt in hoc quod est esse
rationale. Postea considerandum est iterum in aliis, quae conveniunt cum
primis in eodem genere, et sunt sibi invicem idem specie, sunt autem altera
specie ab illis, quae primo accipiebantur, sicut equi ab hominibus : oportet
etiam accipere quid sit idem in his, scilicet equis, puta hinnibile. Cum ergo
accipiatur quid sit idem in omnibus his, scilicet hominibus, quia rationale ;
et quid sit idem similiter in omnibus aliis, scilicet equis, quia hinnibile ;
iterum considerandum est si aliquid est idem in istis duobus acceptis,
scilicet in rationali et hinnibili. Et ita est considerandum quousque
perveniatur ad aliquam unam rationem communem. Haec enim erit definitio rei.
Si vero talis consideratio non inducat in unam rationem communem, sed inducat
in duas rationes diversas, aut etiam in plures ; manifestum erit quod illud
cuius definitio quaeritur, non erit unum secundum essentiam, sed plura : et
ita non poterit habere unam definitionem. [80020] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 16 n. 3Deinde cum dicit : ut puta, si quid est
magnanimitas etc., manifestat quod dixerat per exemplum ; et dicit quod si
quaeramus quid est magnanimitas, debemus attendere ad quosdam magnanimos,
ut sciamus quid unum habent in seipsis, in quantum magnanimi sunt. Sicut
Alcibiades dictus est magnanimus, et etiam Achilles, et etiam Aiax ; qui
omnes habent unum quid commune, quod est non sustinere iniurias. Cuius signum
est, quod Alcibiades non sustinens iniurias dimicavit, Achilles vero in
insaniam versus est propter iram, Aiax autem interfecit seipsum. Iterum
debemus considerare in aliis qui dicuntur magnanimi, sicut in Lysandro aut
Socrate. Habent enim hoc commune, quod non mutabantur propter prosperitatem
fortunae et per infortunia, sed indifferenter se habebant in utrisque.
Accipiamus ergo haec duo, scilicet impassibilitatem a fortuitis casibus et
non tolerare iniurias, et consideremus si est aliquid commune eis. In hoc
enim consistit ratio magnanimitatis. Sicut si dicamus quod utrumque contingit
propter hoc, quod aliquis existimat se dignum magnis. Ex hoc enim contingit
quod homo non patitur iniurias ; et ex hoc etiam contingit quod contemnit
mutationem exteriorum bonorum, tanquam minimorum. Si autem nihil commune
inveniretur illis duobus acceptis, non esset una species magnanimitatis, sed
duae. Unde non posset dari una communis definitio. [80021] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 16 n. 4Deinde cum dicit : semper autem est omnis
etc., ostendit praemissum modum inveniendi quod quid est esse convenientem.
Et circa hoc duo facit : primo, ostendit hunc modum esse convenientem ;
secundo, ostendit quid oportet in hoc modo vitare ; ibi : si autem neque
disputare et cetera. Circa primum duo facit : primo, ostendit praedictum
modum esse convenientem quantum ad terminum, prout scilicet pervenitur ad
aliquid commune ; secundo, quantum ad processum, prout scilicet proceditur in
praedicto modo a particularibus ; ibi : faciliusque est singulare et cetera. [80022] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 16 n. 5Dicit ergo primo quod convenienter dictum
est quod oportet inquirentem quod quid est pervenire ad
aliquod commune, quia omnis definitio datur de aliquo secundum quod
consideratur in universali, non autem secundum quod consideratur in hoc
singulari vel in illo. Non enim medicus definit quid sit sanum in hoc oculo
huius hominis ; sed vel in universali simpliciter quantum ad omnes, vel
distinguit sanum secundum diversas species, puta cum dicit hoc esse sanum
cholericis, illud autem phlegmaticis. [80023] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 16 n. 6Deinde cum dicit : facilius autem est
singulare etc., ostendit praedictum modum esse convenientem quantum ad
processum, quo scilicet proceditur a minus communibus ad magis commune. Et
hoc dupliciter : primo, ratione facilitatis : procedit enim disciplina a
facilioribus. Facilius autem est definire singulare, idest aliquod minus
commune, quam universale, quod est magis commune ; in quantum scilicet in
universalibus, quia sunt minus determinata, magis latent aequivocationes quam
in illis quae sunt indifferentia, idest quae non dividuntur per
differentias specificas. Et ideo oportet a singularibus definiendo ascendere
ad universalia. [80024] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 16 n. 7Secundo, ibi : sicut autem in
demonstrationibus etc., ostendit idem ex ratione evidentiae. Sicut enim in
demonstrationibus oportet syllogizari praesupponendo aliquid, quod est
evidens et manifestum, sic etiam et in terminis, idest in
definitionibus. Non enim potest aliquis devenire in cognitionem alicuius
ignoti nisi per aliquod notum sive aliquis intendat cognoscere quia
est, quod fit per demonstrationem, sive quid est, quod fit
per definitionem. Hoc autem contingit, ut scilicet praeexistat aliquid
evidens, si sit, idest contingat, separatim, idest
distinctim, definiri per ea quae singulariter dicuntur, idest
quae proprie conveniunt et distincte huic vel illi ; sicut si aliquis velit
notificare quid est simile, non considerabit ad omne id quod
potest simile dici, sed de quibusdam similibus ; puta quomodo dicatur simile
in coloribus, et quomodo dicatur simile in figuris. Dicitur enim simile in
coloribus ex unitate coloris ; dicitur autem simile in figuris ex eo quod
anguli sunt aequales, et latera proportionalia. Similiter etiam in aliis, si velit definire acutum non
respiciet ad omne quod dici potest acutum, sed respiciet ad acutum secundum
quod dicitur in voce. Et per hunc
modum patet quod aliquis definire intendens refugit statim ne contingat
aliqua aequivocatio. Et per hoc patet esse convenientem modum definiendi, quo
ex inferioribus proceditur ad commune ; in quantum scilicet in specialibus
specialia definire facilius est, et magis in talibus potest esse nota
univocatio. [80025] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 16 n. 8Deinde cum dicit : si autem non oportet
etc., excludit quemdam modum procedendi in definitionibus. Et dicit quod
sicut non oportet disputare per metaphoras, ita etiam non oportet definire
per metaphoras ; utpote si dicamus quod homo est arbor inversa : nec oportet
in definitionibus assumere quaecunque metaphorice dicuntur. Cum enim
definitiones sint praecipua et efficacissima media in disputationibus, si
definitiones darentur per metaphoras, sequeretur quod oporteret ex metaphoris
disputare. Hoc autem fieri non debet, quia metaphora accipitur secundum
aliquid simile, non autem oportet ut id quod est simile secundum unum, sit
simile quantum ad omnia. |
552.
Après avoir enseigné comment rechercher l’essence
d’après la manière qui convient le mieux, à savoir par la division du
genre, le Philosophe enseigne ici comment la rechercher d’une autre manière. Et à ce sujet il fait trois choses :
en premier lieu, il enseigne cette nouvelle manière de rechercher l’essence
dont il vient de parler [403]; en deuxième lieu, il la manifeste par un
exemple, là [404] où il dit : Par
exemple, si je dis etc.; en troisième lieu, il prouve que cette manière
de procéder est appropriée, là [405] où il dit : Mais toute définition est toujours etc. 553.
Il dit donc en premier lieu [403] que si quelqu’un recherche la
définition d’une chose, il faut qu’il porte son regard sur les choses qui
sont semblables et même sur celles qui sont différentes de cette chose à
définir. Il montre certes de quelle manière cela doit être fait en ajoutant
qu’il faut d’abord considérer par rapport aux cas semblables quel caractère
commun on retrouve en eux; par exemple, quel caractère commun on retrouve
chez tous les hommes qui ont tous ceci en commun d’être des êtres rationnels.
Par la suite, il faut en outre considérer d’autres êtres, qui ont en commun
avec les premiers d’être dans le même genre, et qui sont entre eux identiques
par l’espèce mais qui diffèrent par l’espèce des autres qui ont été posés en
premier, comme c’est le cas pour les chevaux qui diffèrent des hommes :
il faut encore établir ce qu’il y a d’identique entre eux, c’est-à-dire entre
les chevaux, par exemple de pouvoir hennir. Donc, lorsqu’on aura établi ce qu’il y a
d’identique chez tous ceux-ci, c’est-à-dire chez tous les hommes, à savoir
qu’ils sont rationnels, et également ce qu’il y a d’identique chez tous les autres,
c’est-à-dire chez tous les chevaux, à savoir la capacité de hennir, en outre
il faudra considérer s’il y a quelque chose d’identique entre ces deux
groupes qu’on a pris, c’est-à-dire entre celui qui se caractérise par la
rationalité et celui qui se caractérise par la capacité de hennir. Et il
faudra poursuivre ainsi l’examen jusqu’à ce qu’on parvienne à un seul énoncé
commun. Et ce sera là en effet la définition de la chose. Mais si un tel
examen ne conduit pas à un seul énoncé commun mais à deux énoncés différents
ou même à plusieurs, il sera manifeste que ce qu’on cherche à définir ne
constituera pas une unité selon l’essence mais une multiplicité : et
ainsi, on ne pourra tenir une seule et même définition. 554.
Ensuite lorsqu’il dit [404] : Par
exemple, si nous cherchons à savoir l’essence de la noblesse etc., il
manifeste par un exemple ce qu’il vient de dire; et il dit que si nous
cherchons à savoir ce qu’est la noblesse, nous devons porter notre regard sur
des personnes nobles de manière à savoir le caractère unique qu’ils ont en
eux et qui les rend nobles. Par exemple, on disait d’Alcibiade, d’Achille et
d’Ajax qu’ils étaient nobles car tous possédaient en eux un trait unique en
commun, à savoir celui de ne pouvoir supporter un affront. Le signe en est
que c’est ce même trait commun qui conduisit Alcibiade à faire la guerre,
Achille à verser dans la folie et Ajax à se suicider. Nous devons en outre
considérer la noblesse chez d’autres dont on a dit qu’ils étaient nobles,
comme Lysandre et Socrate. Ces derniers en effet avaient ceci en commun
qu’ils n’étaient pas plus troublés par la bonne que par la mauvaise fortune
mais ils demeuraient les mêmes dans toutes ces situations opposées. Nous prenons alors ces deux
caractéristiques, à savoir l’indifférence face aux vicissitudes de la fortune
et l’incapacité de supporter les affronts, et nous examinons s’il y a un
élément commun à ces deux caractéristiques car c’est en cela que consistera
la définition de la noblesse. Par exemple si nous disions que les deux
caractéristiques se présentent pour cette raison que quelqu’un se croit digne
de grandes choses. C’est pour cette raison en effet qu’il arrive à un homme
de ne pouvoir supporter un affront et c’est pour la même raison qu’il arrive
à un homme de mépriser le changement dans les biens extérieurs qu’il estime
de peu de valeur. Mais si on ne trouvait rien de commun entre ces deux
caractéristiques, on ne parviendrait pas à une seule espèce de noblesse mais
à deux et ainsi on ne pourrait donner pour les deux caractéristiques une
définition commune. 555.
Ensuite lorsqu’il dit [405] : Mais
toute définition est toujours etc., il montre que cette manière de
rechercher l’essence convient. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu, il montre que cette manière de procéder convient; en
deuxième lieu, il montre ce qu’il faut éviter dans cette façon de faire, là
[408] où il dit : Mais s’il ne
faut pas discuter etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il montre que la manière de procéder qui
précède convient à la définition, c’est-à-dire pour autant qu’elle parvient à
quelque chose d’universel; en deuxième lieu, il montre qu’elle convient quant
au processus lui-même, c’est-à-dire pour autant qu’elle procède de cas
particuliers, là [406] où il dit : Il
est plus facile de définir l’espèce particulière etc. 556.
Il dit donc en premier lieu [405] que c’est avec raison que nous avons dit
qu’il faut que celui qui recherche l’essence
parvienne à quelque chose d’universel, car toute définition n’est donnée
pour un défini que selon qu’il est considéré dans l’universel et non selon
qu’il est considéré comme existant chez tel ou tel autre individu. En effet,
le médecin ne définit pas ce qui est sain pour tel œil appartenant à tel
homme, mais il dit plutôt ce qui est sain universellement et absolument pour
tous les yeux, ou du moins il distingue ce qui est sain pour différentes
espèces, par exemple lorsqu’il dit ce qui est sain pour les cholériques et ce
qui est sain pour les flegmatiques. 557.
Ensuite lorsqu’il dit [406] : Mais
il est plus facile de définir l’espèce particulière etc., il montre que
la manière de procéder qui précède, c’est-à-dire celle par laquelle on
procède de ce qui est moins universel pour aller vers ce qui est plus universel,
convient quant au processus lui-même. Et il le montre de deux manières : premièrement,
par une raison de facilité : l’apprentissage commence par ce qui est le
plus facile. Mais il est plus facile de définir le particulier, c’est-à-dire
le moins commun, que l’universel qui est plus commun, c’est-à-dire dans la
mesure où les homonymies se cachent davantage dans les universels, parce
qu’ils sont moins déterminés, que dans les espèces qui n’admettent plus de différences, c’est-à-dire qui ne se
divisent plus par des différences spécifiques. Et c’est pourquoi il faut,
lorsqu’on définit, s’élever du particulier à l’universel. 558.
En deuxième lieu, là [407] où il dit : Mais tout comme dans les démonstrations etc., il montre la même
chose par une raison d’évidence. En effet, tout comme dans les démonstrations
il faut syllogiser en présupposant quelque chose qui est évident et
manifeste, il faut aussi faire de même dans les délimitations, c’est-à-dire
dans les définitions. En effet, il n’est possible à quelqu’un de parvenir à
connaître quelque chose d’inconnu qu’au moyen de quelque chose de déjà connu,
que ce soit en cherchant à connaître le
fait par la démonstration ou en cherchant à connaître l’essence au moyen de la définition. Mais cela n’est possible, c’est-à-dire
qu’il préexiste quelque chose d’évident, que s’il est possible de définir
séparément, c’est-à-dire distinctement chaque espèce au moyen de ce qui
s’attribue en particulier, c’est-à-dire au moyen de ce qui appartient
proprement et distinctement à telle ou telle autre espèce; par exemple, si on
veut faire connaître ce qu’est le
semblable, on ne considérera pas la définition du semblable en général
pour tout ce qui peut être dit semblable, mais on partira de certains
semblables particuliers; par exemple, on examinera comment le semblable se
dit pour les couleurs et comment il se dit pour les figures. En effet, c’est
en partant de l’unité de la couleur qu’on dit des couleurs qu’elles sont
semblables; et c’est en partant de l’égalité des angles et du rapport des
côtés qu’on dit des figures qu’elles sont semblables. Et il en est de même pour les autres
choses; si par exemple on veut définir l’aigu,
on ne porte pas son regard sur tout ce qui peut être dit aigu, mais on
examine d’abord l’aigu dans la voix. Et c’est de cette manière que celui qui
cherche à définir échappe aussitôt à la possibilité qu’il se produise une
homonymie. Et c’est par là qu’on voit que cette façon
de définir, par laquelle on procède du particulier à l’universel, est juste;
c’est-à-dire que c’est dans les cas particuliers qu’il est plus facile de
définir les caractères particuliers et c’est davantage à travers eux qu’il
est possible qu’une définition univoque devienne connue. 559.
Ensuite lorsqu’il dit [408] : Mais
s’il ne faut pas etc., il écarte une manière de procéder pour les
définitions. Et il dit que tout comme dans la discussion dialectique il ne
faut pas utiliser des métaphores, de même encore il ne faut pas définir au
moyen de métaphores; ce qu’on ferait si on disait par exemple que l’homme est un arbre inversé; et dans
les définitions on ne doit pas assumer non plus les expressions
métaphoriques. En effet, puisque les définitions sont les moyens termes
principaux et les plus efficaces dans les discussions, si les définitions y
étaient données sous forme de métaphore, il s’ensuivrait qu’il faudrait mener
une discussion dialectique à partir de métaphores. Mais cela ne doit pas se
produire parce que la métaphore s’établit d’après quelque chose de semblable
et il ne faut pas que ce qui est semblable sous un seul rapport soit pris
comme semblable sous tous les rapports. |
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LECTIO 17 |
LEÇON 17. Sur la manière
de recherche le pourquoi par rapport à des problèmes particuliers; et de la
ressemblance des problèmes qui se rapportent au pourquoi, aussi bien quant à
l’unité du moyen terme qu’à l’ordre des moyens termes
(nn.
560-565; [409-413]). |
[80026] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 17 n. 1Postquam ostendit philosophus quomodo oportet
investigare quod quid est, hic ostendit quomodo oportet
investigare propter quid. Et circa hoc duo facit : primo,
ostendit quomodo oporteat investigari propter quid ; secundo, movet quasdam
quaestiones circa ipsum propter quid ; ibi : de causa autem et cuius est
causa et cetera. Circa primum duo facit : primo, ostendit quomodo alicuius
quaestionis propositae possit investigari propter quid ; secundo, ostendit
quomodo diversae quaestiones communicant in propter quid ; ibi : eadem autem
problemata et cetera. Circa primum duo facit : primo, docet accipere propter
quid, accipiendo commune univocum ; secundo, accipiendo commune analogum
; ibi : amplius autem alius modus et cetera. Circa primum duo facit : primo,
docet investigare propter quid, accipiendo commune univocum, quod est genus
nominatum ; secundo, accipiendo quodcunque aliud commune ; ibi : nunc quidem
igitur et cetera. [80027] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 17 n. 2Dicit ergo primo quod ad hoc quod
habeamus propter quid circa singula problemata quae
ponuntur, oportet considerare divisiones et subdivisiones, et sic ad singula
procedere disputando, supposito communi genere. Ut si aliquis velit
considerare propter quid aliquid conveniat aliquibus animalibus, oportet
accipere qualia sunt quae conveniunt omni animali. Quibus acceptis, oportet
iterato accipere secundum divisionem qualia sunt quae consequuntur primo ad
aliquod commune, quod sub animali continetur, puta qualia consequuntur ad
omnem avem : et sic semper debemus procedere accipiendo illud quod est
primum, in quod scilicet fit immediate divisio ; quod etiam supra
observabatur in divisionibus quibus proceditur ad investigandum quod quid
est. Sic autem procedendo manifestum est quod semper poterimus dicere propter
quid aliqua insunt his quae continentur sub aliquo communi ; ut si
velimus scire propter quid aliqua insunt homini et equo, puta somnus et
vigilia. Sit ergo animal in quo a, quod est medium ; b autem, idest maior
extremitas, accipiatur pro his quae inhaerent omni animali, sicut somnus et vigilia
; quaedam autem animalium species, puta homo, equus, bos, accipiantur ut
minor extremitas, scilicet cde. Sic igitur manifestum est propter quid b,
idest somnus vel vigilia sit in d, puta in homine, quia propter a, idest
propter hoc quod homo est animal. Et similiter est faciendum in aliis, et in
omnibus est eadem ratio observanda. Huiusmodi autem documenti ratio est, quia
subiectum est causa propriae passionis. Et ideo si volumus investigare causam
alicuius passionis, propter quam insit quibusdam rebus inferioribus, oportet
accipere commune quod est proprium subiectum, per cuius definitionem
accipitur causa illius passionis. [80028] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 17 n. 3Deinde cum dicit : nunc quidem igitur etc.,
ostendit quomodo oportet investigare propter quid est, reducendo
in aliquod commune, quod non sit genus nominatum ; et dicit quod ea quae
supra dicta sunt, dicuntur secundum illa communia, quibus nomina sunt
assignata ; sed oportet non solum in talibus considerare, sed et si quid
aliud appareat commune quod insit aliquibus, etiamsi non sit genus, vel si
non sit nominatum. Deinde oportet considerare ad quae hoc commune
consequatur, et quae sunt illa quae consequuntur ad hoc commune innominatum
acceptum. Sicut habere cornua est quoddam commune, cui non est nomen
impositum, et quod non est genus. Ad hoc autem commune sequuntur duo : quorum
unum est, quod omne animal habens cornua habet multos ventres propter
necessitatem ruminationis ; quorum unus vocatur echinus, in
interioribus existens, asper et capedines habens, ut dicitur in libro de
historiis animalium. Aliud autem
quod consequitur ad animalia habentia cornua, est quod non habeant dentes in
utraque mandibula, sed solum in inferiori, quia materia dentium convertitur
in cornua. Item considerandum est ad quae animalia consequatur habere cornua,
puta bovem et cervum. Sic enim manifestum erit propter quid haec
animalia habent illas proprietates, quia scilicet habent cornua. [80029] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 17 n. 4Deinde cum dicit : amplius autem alius
modus etc., ostendit investigare propter quid reducendo ad
aliquod commune analogum ; et dicit quod alius modus investigandi propter
quid est eligere commune secundum analogiam, idest proportionem. Contingit
enim unum accipere analogum, quod non est idem secundum speciem vel genus ;
sicut os sepiarum, quod vocatur sepion, et spina piscium, et ossa
animalium terrestrium. Omnia enim ista conveniunt secundum proportionem, quia
eodem modo se habent spinae ad pisces sicut ossa ad terrestria animalia. Ad
hoc autem commune analogum quaedam consequuntur propter unitatem
proportionis, sicut si communicarent in una natura generis vel speciei, sicut
esse coopertum carnibus. [80030] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 17 n. 5Deinde cum dicit : eadem autem problemata
sunt etc., ostendit quomodo multa problemata conveniunt in eo quod est propter
quid : et primo, quantum ad unitatem medii ; secundo, quantum ad ordinem
mediorum ; ibi : alia autem et cetera. Dicit ergo primo quod quaedam problemata
sunt eadem, in quantum scilicet conveniunt in eo quod est propter
quid. Uno quidem modo propter hoc quod habent idem medium
; sicut per hoc medium quod est antiperistasis, idest
contra-resistentia vel repercussio, multa demonstrantur. Sunt autem quaedam
media eadem non simpliciter, sed genere, quae quibusdam differentiis
diversificantur, quae sumuntur vel ex diversitate subiectorum, vel ex
diversitate modi fiendi. Sicut si quaeratur propter quid fit echo, aut
propter quid apparet, scilicet aliquid in speculo, vel propter quid
generatur iris. Omnia enim ista sunt idem problema quantum ad medium propter
quid, quod est idem genere : omnia enim causantur ex
repercussione. Sed repercussiones differunt specie. Nam echo fit per
repercussionem aeris moti a corpore sonante ad aliquod corpus concavum ;
apparitio autem rei in speculo fit propter hoc quod immutatio medii
repercutitur ad speculum ; iris autem fit propter hoc quod radii solares
repercutiuntur ad vapores humidos. [80031] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 17 n. 6Deinde cum dicit :
alia autem ex eo quod medium etc., ostendit quomodo problemata conveniunt
in propter quid secundum ordinationem mediorum ; et dicit
quod quaedam alia problemata sunt, quae differunt ad invicem ex eo quod
habent diversa media, quorum unum est sub altero. Et ponit exemplum, utpote si quaeratur propter quid Nilus in fine
mensis, scilicet lunaris, magis inundat. Huius enim ratio est, quia finis
mensis est magis pluvialis. Quare autem hoc sit, accipitur per aliud medium ;
propter hoc scilicet quod tunc deficit luna, quae habet dominium super
humores, et ideo, deficiente lumine eius, magis commoventur vapores in aere,
ex quo causatur pluvia. Et sic patet quod ista duo media sic se habent ad
invicem, quod unum eorum est sub alio. |
560.
Après avoir montré comment il faut rechercher l’essence, le Philosophe montre
ici comment rechercher le pourquoi. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu, il montre comment il faut rechercher le pourquoi [409]; en
deuxième lieu, il soulève certaines questions sur le pourquoi lui-même, là
[414] où il dit : Mais au sujet de
la cause et de ce dont il y a cause etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il montre comment pour une question donnée on
peut rechercher le pourquoi; en deuxième lieu, il montre comment différentes
questions partagent le même pourquoi, là [412] où il dit : Mais certains problèmes sont identiques
etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu, il enseigne à établir le pourquoi en prenant
une notion commune univoque; en deuxième lieu, il enseigne à établir le
pourquoi en prenant une notion commune analogue, là [411] où il dit : Mais il y a en outre une autre méthode
etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu il enseigne à rechercher le pourquoi en prenant
une notion commune univoque qu’on appelle le genre; en deuxième lieu, il le
fait en prenant tout autre attribut commun, là [410] où il dit : Nous venons donc certes de etc. 561.
Il dit donc en premier lieu, [409] que pour en arriver à saisir le pourquoi sur les problèmes
particuliers qui se présentent, il faut examiner les divisions et les
subdivisions et ainsi procéder dans la discussion vers les cas particuliers
après avoir posé le genre commun. Par exemple, si quel qu’un veut examiner
pourquoi une caractéristique appartient à certains animaux, il faut établir
quelles sont les propriétés qui appartiennent à tout animal. Une fois que
celles-ci sont établies, il faut une seconde fois établir par division celles
qui découlent nécessairement du premier genre commun qui est contenu
immédiatement sous le genre animal : par exemple, quelles sont les
caractéristiques qui appartiennent nécessairement à tout oiseau. Et nous
devons toujours procéder ainsi en prenant ce qui est premier, c’est-à-dire ce en quoi se divise immédiatement le
genre; et c’est la même façon de procéder qu’on observait aussi plus haut
dans les divisions par lesquelles on progresse dans la recherche de
l’essence. Il est manifeste qu’en procédant de cette
façon nous pourrons toujours dire pourquoi
certaines caractéristiques appartiennent aux espèces qui sont contenues
dans un genre commun; supposons que nous voulons savoir pourquoi certaines
caractéristiques appartiennent à l’homme et au cheval, par exemple le sommeil
et la veille. Posons alors comme termes
A pour l’animal, à savoir le
moyen terme; B pour les caractéristiques qui appartiennent à tout animal
comme le sommeil et la veille, à savoir le
grand terme; enfin C D E pour certaines espèces d’animaux comme l’homme,
le cheval et le bœuf, à savoir le petit
terme. Ainsi donc il est manifeste pourquoi B, le sommeil et la veille,
appartient à D, à savoir à l’homme : c’est à cause de A, c’est-à-dire
pour cette raison que l’homme est un animal. Et il faut procéder de la même
manière pour les autres cas, et c’est pour la même raison que B appartient
aussi aux autres espèces. Et le fondement d’un tel enseignement est que c’est
le sujet qui est la cause de la passion propre, de la propriété. Et c’est
pourquoi, si nous voulons rechercher la cause pour laquelle une propriété
appartient à des choses inférieures, il faut prendre le genre commun qui en
est le sujet propre et par la définition duquel se prend la cause de cette
passion ou de cette propriété. 562.
Ensuite lorsqu’il dit [410] : Certes,
nous venons donc de etc., il montre comment il faut rechercher le
pourquoi ou la cause en revenant à un genre commun qui n’a pas été nommé; et
il dit que ce qui vient tout juste d’être dit plus haut, nous l’avons dit de
ces genres communs auxquels des noms ont été attribués; mais ce n’est pas
seulement sur ces cas qu’il faut porter notre examen : il faudra aussi
porter notre examen sur tout autre attribut commun qui se manifeste comme
appartenant à certaines espèces, même s’il n’est pas un genre et qu’il ne
possède pas de nom. Ensuite il faut examiner de quelles
espèces provient cet attribut commun et quelles propriétés découlent de cet
attribut commun qui n’a pas reçu de nom. Par exemple ¨avoir des cornes¨ est
un attribut commun qui n’a pas reçu de nom et qui n’est pas un genre. Mais deux propriétés découlent de cet
attribut commun, dont la première
est que tout animal qui a des cornes possède plusieurs estomacs pour cette
raison qu’ils doivent ruminer, dont l’un s’appelle la
panse, laquelle est rude à l’intérieur et comporte des divisions comme on
le dit dans le livre sur l’Histoire des
animaux. L’autre propriété qui
découle du fait d’avoir des cornes chez les animaux est de ne pas posséder de
dents sur les deux mâchoires, mais seulement sur la mâchoire inférieure,
parce que la matière des dents se transforme en cornes. Il faut en outre examiner
à quelles espèces animales se rapporte la possession des cornes, par exemple
au bœuf et au cerf. C’est ainsi en effet qu’il deviendra évident pourquoi ces animaux possèdent ces
propriétés, à savoir parce qu’ils possèdent des cornes. 563.
Ensuite lorsqu’il dit [411] : Mais
en outre il y a une autre façon etc.,
il montre comment rechercher le
pourquoi en revenant à un genre qui est commun d’après l’analogie; et il
dit qu’une autre manière de rechercher le pourquoi c’est de choisir le genre
commun d’après l’analogie, c’est-à-dire d’après la proportion. Il est
possible en effet de choisir un analogue qui n’est pas le même d’après
l’espèce ou le genre; par exemple, l’os de la seiche, qu’on appelle sepion, l’arête du poisson et les os
des animaux terrestres. Tous ces animaux en effet ont entre eux un rapport de
proportion car les arêtes sont au poisson ce que les os sont aux animaux
terrestres. Et certains attributs découlent de ce
commun analogue en raison d’une unité de proportion comme s’ils communiquaient
dans une seule et même nature de genre ou d’espèce, comme d’être recouverts
de chairs. 564.
Ensuite lorsqu’il dit [412] : Mais
il y a des problèmes qui sont identiques etc., il montre comment
plusieurs problèmes se ramènent à un même pourquoi. Et en premier lieu il montre qu’il en est
ainsi quant à l’unité du moyen terme; en deuxième lieu, il montre qu’il en
est ainsi quant à l’ordre des moyens termes, là [413] où il dit : Mais pour d’autres etc. Il dit donc en premier lieu [412] que
certains problèmes sont identiques, c’est-à-dire dans la mesure où ils se
rencontrent dans le pourquoi. Et il
en est ainsi premièrement pour cette raison qu’ils ont le même moyen terme;
par exemple lorsque beaucoup de choses sont démontrées par ce moyen terme
qu’est l’antiperistasis,
c’est-à-dire l’effet de réaction ou la répercussion. Mais il y a d’autres moyens termes qui
sont identiques non pas absolument mais par le genre, et qui se distinguent
par certaines différences qui se tirent soit de la diversité des sujets, soit
de la diversité du mode de devenir. Par exemple, si on demande pourquoi il se
produit un écho, ou pourquoi une image apparaît
dans le miroir ou pourquoi il se produit un arc-en-ciel. En effet, ce
sont tous là des problèmes qui sont identiques quant au pourquoi,
c’est-à-dire quant au moyen terme qui est la cause et qui est le même par le
genre dans tous ces cas : tous en effet sont des effets de réaction ou
sont causés à partir d’une répercussion. Mais toutes les répercussions
diffèrent par l’espèce. Car l’écho se produit par une répercussion de l’air
ébranlé par le bruit d’un corps vers un corps concave; mais l’apparition
d’une chose dans le miroir se produit pour cette raison que le changement du
milieu se répercute dans le miroir et l’arc-en-ciel a pour cause la
répercussion des rayons du Soleil sur les vapeurs d’eau. 565.
Ensuite lorsqu’il dit [413] : Mais
pour d’autres problèmes, leur différence provient de ce que le moyen terme etc.,
il montre comment les problèmes se rencontrent dans le même pourquoi
selon l’ordonnance des moyens termes; et il dit qu’il y a certains autres
problèmes qui ne diffèrent entre eux que du fait qu’ils possèdent différents
moyens termes dont l’un est contenu sous l’autre. Et il présente un exemple,
à savoir si on demande par exemple pourquoi le Nil coule plus abondamment à
la fin du mois. La raison en effet en est que les pluies sont plus abondantes
à la fin du mois. Mais la raison de ce dernier fait se prend d’un autre moyen
terme : c’est-à-dire que c’est parce que la Lune, qui exerce un contrôle
sur les liquides, décroît; et c’est pourquoi, sa lumière faisant défaut, les
vapeurs d’eau présentes dans l’air sont ébranlées, ce qui provoque la pluie.
Et ainsi il est clair que ces deux moyens termes se présentent dans un rapport
tel que l’un est contenu dans l’autre. |
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LECTIO 18 |
LEÇON 18. Sur la
coexistence de la cause et du causé quant à la simultanéité de consécution
(nn.
566-574; [414-420]). |
[80032] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 18 n. 1Postquam philosophus ostendit quomodo
oportet investigare propter quid, hic movet duas quaestiones
circa ipsum propter quid, quarum prima est de coexistentia causae ad
causatum, secunda pertinet ad unitatem causae ; ibi : utrum autem contingat
et cetera. Circa primum tria facit : primo, proponit quaestionem ; secundo,
obiicit ; ibi : si enim non est etc. ; tertio, solvit ; ibi : aut contingit
unius et cetera. [80033] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 18 n. 2Dicit ergo primo quod de causa et causato
potest aliquis dubitare utrum quando est unum eorum, sit et aliud. Quae
quidem quaestio non est intelligenda quantum ad simultatem temporis, sed
quantum ad simultatem consecutionis, utpote si posito uno consequatur aliud
vel simul tempore, vel prius et post. Et ponit duo exempla. In quorum uno
causa tempore praecedit causatum : nam lata folia habere est causa quod
fluant folia alicuius arboris ; non autem habere lata folia et folia fluere
sunt simul tempore. In alio autem exemplo causa et causatum sunt simul
tempore, sicut interpositio terrae simul tempore est cum defectu lunae. Est
ergo quaestio utrum ad unum istorum consequatur aliud. [80034] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 18 n. 3Deinde cum dicit : si enim non aliqua etc.,
obiicit ad propositam quaestionem, ostendens quod causa et causatum semper
simul sunt secundum consequentiam ; et ponit ad hoc duas rationes. Quarum
prima sumitur ex ratione causae et causati ; et dicit quod omne causatum
oportet quod habeat aliquam causam. Unde si posito isto causato, non simul
ponitur quod ista eius causa sit, sequitur quod sit eius aliqua alia causa ;
et hoc ideo, quia necesse est quod causatum simul sit cum aliqua causa. Sicut
ad hoc quod est terram esse in medio, sequitur quod luna deficiat ; et ad hoc
quod est arborem habere lata folia, sequitur quod folia eius fluant. Si ergo
non est dare aliam causam, sequitur quod simul sit hoc causatum cum hac
causa. [80035] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 18 n. 4Secundam rationem ponit ibi : et si demonstrentur
per altera etc., quae quidem sumitur ex hoc quod causa et causatum per
invicem demonstrantur. Et circa hoc tria facit : primo, ponit rationem ;
secundo, removet errorem qui posset consequi ; ibi : si autem non contingit
etc. ; tertio, probat quoddam quod supposuerat ; ibi : quod autem non
deficere et cetera. [80036] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 18 n. 5Circa primum dicit quod etiam manifestum
est quod causa et causatum simul se consequuntur, si hoc verum est, quod per
invicem demonstrentur ; quia ad medium demonstrationis ex necessitate
sequitur conclusio. Quod autem
per invicem demonstrentur, probat in praedicto exemplo. Sit enim folium
fluere in quo a, quae est maior extremitas ; latum
folium habere in quo b, quod est medium ; vites vero accipiantur in quo c,
quod est minor extremitas. Sic igitur in b est a, quia omne quod habet latum
folium, folio fluit ; in c autem est b, quia omnis
vitis habet lata folia ; et sic concluditur quod a est in c, idest quod omnis
vitis folio fluit. Et in toto hoc processu causa accipitur pro medio, et sic
causatum per causam demonstratur. Contingit autem et e converso demonstrare
causam per causatum, scilicet quod vitis habet lata folia per hoc quod fluit
folio. Accipiatur enim lata folia habere quasi maior extremitas, quae est d ; fluere folio quasi medium, quod est e ; vitis vero
minor extremitas, quae est z. Sic igitur e est in z, quia omnis vitis fluit
folio ; d autem est in e, quia scilicet omne quod fluit folio, habet lata
folia ; et ex hoc concluditur quod omnis vitis sit lati folii, et accipitur
pro causa in consequendo folio fluere. [80037] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 18 n. 6Deinde cum dicit : si autem non contingit
etc., excludit quemdam errorem, qui posset sequi ex praemissis, ut scilicet
eadem ratione unum praedictorum demonstretur ex alio. Sed ipse excludens hoc
dicit quod si non contingit quod aliqua duo sint sibi invicem causae,
scilicet in eodem genere (eo quod causa est prior eo cuius est causa ; non
autem contingit idem esse prius et posterius eodem modo) ; cum causa defectus
lunae sit terram esse in medio, non est possibile quod defectus lunae sit
causa eius quod terra sit in medio. Si igitur demonstratio quae est per
causam, est demonstratio propter quid, quae autem non est per
causam, est ipsius quia, ut in primo habitum est ; sequitur quod
ille qui per defectum lunae demonstrat quod terra sit in medio, cognoscit
quidem quia, non propter quid. [80038] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 18 n. 7Deinde cum dicit : quod autem non deficere
etc., probat quod supposuerat, scilicet quod interpositio terrae sit causa
defectus, et non e converso ; et dicit manifestum esse quod lunam deficere
non est causa eius quod est terram esse in medio, sed e converso ; quia in
ratione eclipsis ponitur quod terra sit in medio, ut supra dictum est. Cum
igitur quid et propter quid sint idem,
manifestum est quod defectus lunae cognoscitur per interpositionem terrae,
sicut per medium propter quid, et non e converso. [80039] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 18 n. 8Deinde cum dicit : aut contingit unius
plures causas etc., solvit praemissam quaestionem ostendens in quibus verum
sit quod causa et causatum semper se consequantur, et in quibus non. Et circa
hoc duo facit : primo, ostendit in quibus non sit verum ; secundo, in quibus
sit verum ; ibi : aut si semper et cetera. Dicit ergo primo quod contingit
aliquid unum commune habere plures causas secundum quod convenit diversis,
sicut esse vituperabile convenit audaci propter excessum, timido autem
propter defectum. Accipiatur ergo quod aliquod unum praedicetur de pluribus
primo et immediate, et praedicetur a de b primo, et similiter de c, sicut
esse vituperabile de superabundantia et defectu ; et ista duo, scilicet c et
b, praedicentur de d et e, sicut superabundantia convenit audaci, defectus
autem timido. Praedicabitur itaque a de d et e, quia tam audax quam timidus
est vituperabilis. Causa autem quod a sit in d est
ipsum b : est enim audax vituperabilis propter superabundantiam. Quod autem a
insit ipsi e, causa est ipsum c : timidus enim vituperabilis est propter
defectum. Patet ergo quod cum causa sit, necesse est rem esse ; quia sive a
sit superabundantia, sive defectus, necesse est aliquid esse vituperabile.
Sed existente re, necesse est quidem quod aliqua causarum sit, non tamen
necesse est quamlibet causam esse. Sicut
posito quod aliquid sit vituperabile, non est necesse quod sit in
superabundantia, sed necesse est quod sit vel in superabundantia vel in
defectu. [80040] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 18 n. 9Deinde cum dicit : aut si semper est
universale etc., ostendit in quibus necesse sit simul se consequi causam et
causatum ; et dicit quod si aliquid quaeratur in universali, et accipiatur
tam causa quam id cuius causa quaeritur, in universali ; tunc oportet quod ad
causam semper sequatur effectus, et ad effectum causa. Sicut hoc quod est
fluere folio, non convenit primo pluribus, ut erat in praemisso exemplo, sed
determinate uni primo communi, quamvis illius communis sint multae species,
quibus universaliter convenit quod fluunt folio ; puta si accipiamus vel
plantas vel tales plantas, scilicet lata folia habentes. Unde in omnibus
istis oportet accipere aequale medium, ita quod convertatur causa et id cuius
est causa. Sicut si quaeramus quare arbores fluant folio ; si accipiatur
causa huius esse propter hoc quod humidum est condensatum et sic facilius est
desiccabile, sequetur quod si causatum sit, quod etiam causa sit ; puta si
fluit arbor, oportet quod sit condensatio humoris. Et e converso, oportet
quod posita causa in tali subiecto ponatur effectus ; ut puta si condensatio
humoris est, non in quacunque re sed in arbore, sequitur quod folio fluat. |
566.
Après avoir montré comment il faut rechercher le pourquoi, le Philosophe soulève ici deux questions sur la
cause elle-même, dont la première porte sur la coexistence de la cause et de
l’effet et la seconde sur l’unité de la cause, là [421] où il dit : Mais est-il possible etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu il présente la question; en deuxième lieu il
présente une difficulté, là [415] où il dit : Si en effet il n’y a pas etc.; en troisième lieu il résout la
difficulté, là [419] où il dit : Ou
bien est-il possible que pour un seul et même effet etc. 567.
Il dit donc en premier lieu [414] qu’au sujet de la cause et de l’effet on
peut se demander si, lorsque l’un est présent, l’autre l’est aussi. Mais
cette question ne doit certes pas s’entendre quant à la simultanéité du temps
mais quant à la simultanéité de consécution pour autant que si l’un est posé,
l’autre suit soit en même temps soit selon l’avant et l’après. Et il présente deux exemples. Et dans l’un
d’eux la cause précède le causé selon le temps : car le fait de posséder
de larges feuilles est la cause qui explique que les feuilles tombent de
l’arbre; mais la possession de larges feuilles et la chute de ces mêmes
feuilles n’existent pas simultanément dans le temps. Mais dans l’autre
exemple la cause et l’effet existent simultanément dans le temps, comme
l’interposition de la Terre entre le Soleil et la Lune existe en même temps
que l’éclipse de la Lune. La question est donc de savoir si, dans l’un de ces
cas, lorsque l’effet est présent, la cause l’est aussi. 568.
Ensuite lorsqu’il dit [415] : Si
en effet la cause n’est pas présente etc., il s’objecte à la question
présentée en montrant que la cause et l’effet sont toujours simultanés selon
la conséquence; et pour le montrer il présente deux raisonnements. Donc le
premier se tire de la définition de la cause et de l’effet; et il dit que
tout effet se doit d’avoir une cause. De là, si une fois que l’effet est posé
on ne pose pas simultanément que telle est sa cause, il s’ensuit qu’il ait
une autre cause; et il en est ainsi parce qu’il est nécessaire que l’effet
existe simultanément avec sa cause. Par exemple du fait que la Terre
s’interpose entre la Lune et le Soleil, il s’ensuit que la Lune s’éclipse; et
du fait que l’arbre possède de larges feuilles, il s’ensuit que ses feuilles
tombent. Si donc il n’y a pas lieu de donner une autre cause, il s’ensuit que
l’effet est simultané avec cette cause. 569.
Il présente le deuxième
raisonnement là [416] où il dit : Et
s’ils se démontrent l’un par l’autre etc., lequel se tire certes de ce
que la cause et le causé se démontrent l’un par l’autre. Et à ce sujet il fait trois choses :
en premier lieu il présente le raisonnement; en deuxième lieu il écarte une
erreur qui pourrait en découler, là [417] où il dit : Mais s’il n’est pas possible etc.; en
troisième lieu, il prouve une proposition qu’il supposait, là [418] où il
dit : Mais que l’éclipse ne soit
pas la cause etc. 570.
Au sujet du premier point [416] il dit qu’il est aussi manifeste que la cause
et l’effet se suivent simultanément s’il est vrai qu’ils se démontrent
réciproquement l’un par l’autre, car la conclusion suit nécessairement le
moyen terme de la démonstration. Mais qu’ils se démontrent mutuellement l’un
par l’autre, il le prouve par l’exemple précédent. Prenons en effet pour termes A pour la
chute des feuilles, à savoir le grand
terme, B pour la possession de larges feuilles, à savoir le moyen terme, et C pour vignes, à savoir le petit terme. Ainsi donc A appartient à B, car toute plante à
large feuillage perd ses feuilles; mais B appartient à C car toute vigne
possède un large feuillage; on conclut ainsi que A appartient à C, à savoir
que toute vigne perd son feuillage. Et dans toute cette démarche la cause est
prise pour moyen terme et l’effet est ainsi démontré par sa cause. Mais il
est possible de démontrer inversement la cause par l’effet, c’est-à-dire de
démontrer que la vigne possède un large feuillage au moyen du fait qu’elle
perd son feuillage. On prend en effet dans ce cas la possession d’un large
feuillage comme étant le grand terme,
à savoir D; on prend la chute du feuillage comme étant le moyen terme, à savoir E; enfin on prend les vignes comme étant
le petit terme, à savoir Z. Ainsi
donc E appartient à Z car toute vigne perd son feuillage; mais D appartient à
E car tout feuillage qui tombe est un feuillage à larges feuilles; et de là
on conclut que toute vigne possède un feuillage à large feuilles, conclusion
qui contient la cause qui servait à conclure l’effet de la chute des feuilles
dans la démonstration précédente. 571.
Ensuite lorsqu’il dit [417] : Mais
s’il n’est pas possible etc., il écarte une erreur qui pourrait suivre de
ce qui précède, à savoir celle de croire que l’un de ceux dont on vient de
parler se démontre à partir de l’autre pour la même raison. Mais pour écarter
cela il dit que s’il n’est pas possible que ces termes soient réciproquement
causes l’un de l’autre, c’est-à-dire dans le même genre (du fait que la cause
est antérieure à ce dont elle est cause, il n’est pas possible que le même
terme soit à la fois antérieur et postérieur sous le même rapport); mais
puisque la cause de l’éclipse est l’interposition de la Terre entre la Lune
et le Soleil, il n’est pas possible que l’éclipse de la Lune soit la cause de
l’interposition de la Terre. Si donc la démonstration qui se fait par la
cause est celle du pourquoi et que
celle qui ne se fait pas par la cause est celle du fait ainsi que nous l’avons établi au livre premier, il
s’ensuit que celui qui démontre l’interposition de la Terre par l’éclipse de
la Lune connaît certes le fait de
l’interposition mais non le pourquoi. 572.
Ensuite lorsqu’il dit [418] : Mais
que l’éclipse ne soit pas etc., il prouve ce qu’il supposait, à savoir
que l’interposition de la Terre est la cause de l’éclipse, et non l’inverse;
et il dit qu’il est évident que l’éclipse de la Lune n’est pas la cause de
l’interposition de la Terre, mais que c’est l’inverse qui est vrai pour cette
raison que dans la définition de l’éclipse on pose l’interposition de la
Terre ainsi que nous l’avons dit plus haut. Donc, puisque le quoi et le pourquoi sont identiques, il est manifeste que l’éclipse de la
Lune est connue par l’interposition de la Terre comme par un moyen terme qui
est la cause, et non l’inverse. 573.
Ensuite lorsqu’il dit [419] : Du
moins est-il possible qu’il y ait plusieurs causes pour un même etc., il
répond à la question qui précède en montrant pour quelles choses il vrai que
la cause et l’effet sont toujours simultanés et pour quelles choses ce n’est
pas le cas. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il montre pour quelle sorte de choses cela n’est pas vrai; en
deuxième lieu, il montre pour quelle sorte de choses cela est vrai, là [420]
où il dit : Mais si la question
est toujours etc. Il dit donc en premier lieu [419] qu’il
est possible qu’un même attribut commun possède plusieurs causes selon qu’il
appartient à plusieurs sujets, tout comme être blâmable appartient à
l’audacieux en raison de son excès et au timide en raison de son manque. Supposons donc qu’un même prédicat commun
s’attribue à plusieurs comme à des sujets premiers et immédiats, et que A
s’attribue de cette manière à B tout comme à C, comme d’être blâmable
s’attribue à l’excès et au manque; et ces deux sujets premiers, à savoir B et
C, s’attribuent à leur tour à D et à E, tout comme l’excès s’attribue à
l’audace et le manque à la timidité. C’est pourquoi A s’attribuera à D et à E
car l’audacieux, aussi bien que le timide, est blâmable. Mais la cause qui
explique que A s’attribue à D est B lui-même :
en effet, si l’audacieux est blâmable, c’est à cause de son excès. Mais la
cause qui explique que A s’attribue aussi à E, c’est
C : en effet, le timide est blâmable à cause de son manque. Il est donc
clair que lorsque la cause existe, il est nécessaire que la chose existe; car
peu importe que A soit l’excès ou le manque, il est nécessaire que quelque
chose soit blâmable. Mais une fois que la chose existe, il est certes
nécessaire qu’une des causes existe; il n’est cependant pas nécessaire que
toute cause existe. Par exemple, une fois qu’on a posé que quelque chose est
blâmable, il n’est pas nécessaire que ce soit dans l’excès, mais il est
nécessaire que ce soit ou bien dans l’excès ou bien dans le manque. 574.
Ensuite lorsqu’il dit [420] : Mais
si le problème à résoudre est toujours universel etc., il montre dans
quelles choses il est nécessaire que la cause et l’effet se suivent
simultanément; et il dit que si la question qu’on se pose est universelle et
que la cause aussi bien que l’effet dont on recherche la cause sont pris
universellement, alors il faudra toujours que l’effet suive la cause et que
la cause suive l’effet. Par exemple la chute du feuillage n’appartient pas
d’abord à plusieurs comme à des sujets premiers, comme on le voit dans
l’exemple précédent, mais précisément à un unique sujet premier et universel,
bien que plusieurs espèces soient contenues dans ce sujet universel
auxquelles s’attribuent universellement la chute du feuillage, par exemple
soit à toutes les plantes, soit à telles espèces de plantes auxquelles il
convient de posséder un large feuillage. C’est pourquoi dans tous ces
syllogismes il faudra prendre un moyen terme qui sera d’une universalité
égale à celle des effets, de telle manière que la cause et son effet puissent
se convertir. Par exemple, si nous demandions pourquoi
les arbres perdent leurs feuilles et que nous supposions que la cause en est
la condensation de l’humidité qui la rend plus facilement apte à sécher, il
s’ensuivrait que si l’effet existe, la cause existe aussi; par exemple, si
l’arbre perd ses feuilles, il faut que soit présente la condensation de
l’humidité. Et inversement, une fois qu’est présente la cause dans un tel
sujet, il faut que l’effet aussi soit présent; par exemple, s’il y a
condensation de l’humidité non pas dans n’importe quel sujet mais dans un
arbre, il s’ensuit la chute du feuillage. |
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LECTIO 19 |
LEÇON 19. Si de l’unité
de la cause suit l’unité de l’effet et inversement. Manifestation du mode de
consécution de la cause et de l’effet
(nn.
575-581; [421-426]). |
[80041] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 19 n. 1Postquam philosophus determinavit
quaestionem motam, utrum ad existentiam effectus sequatur existentia causae,
et e converso ; hic inquirit utrum ad unitatem causae sequatur unitas
effectus et e converso. Et circa hoc duo facit : primo, ostendit quomodo ad
unitatem effectus sequatur unitas causae ; secundo, ex hoc manifestat
consecutionem causae et effectus ; ibi : habet autem sic consequi et cetera.
Circa primum tria facit : primo, proponit quaestionem ; quae est, utrum
contingat quod eiusdem effectus non sit eadem causa in omnibus, sed alia et
alia, vel non. Videbatur enim in solutione praemissae quaestionis supponi
quod contingat unius effectus in diversis rebus esse diversas causas. [80042] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 19 n. 2Secundo, ibi : aut si quidem per se etc.,
solvit quaestionem distinguendo. Contingit
enim aliquid assignari pro causa alicuius effectus tripliciter
: uno modo, accipiendo causam per se, et sic demonstrative concludendo
effectum ; alio modo, accipiendo aliquod signum ; tertio modo, accipiendo
aliquod accidens. Si ergo accipiatur pro causa id quod per se est medium
demonstrationis, non potest esse nisi una causa unius effectus in omnibus. Et hoc probat quia medium per se in
demonstrationibus est ratio ultimi, idest definitio maioris
extremitatis. Quae tamen si demonstrari indigeat de subiecto, demonstrabitur
per definitionem subiecti, ut supra habitum est. Manifestum est autem quod
unius una est definitio. Unde oportet quod unius effectus non accipiatur nisi
una causa, quae est medium demonstrationis. Si vero non accipiatur quasi
causa inferens, id quod est per se medium demonstrationis, sed accipiatur pro
medio aliquod signum vel aliquod accidens, tunc contingit unius effectus
accipi quasi plures causas in diversis, sicut patet in exemplo superius
posito. Per se enim causa quod aliquid sit vituperabile, est esse praeter
rationem rectam. Sed quod aliquid sit superabundans vel deficiens, est signum
eius quod est praeter rationem rectam. [80043] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 19 n. 3Tertio, ibi : est autem et causam et etc.,
manifestat positam solutionem, ostendens membra divisionis positae esse
possibilia. Et dicit quod contingit et id quod est causa et id cuius est
causa considerare secundum accidens ; sicut musicus per accidens est causa
domus, cuius per se est causa aedificator, qui tamen est causa receptaculi
latronum per accidens, si contingat hoc in domo fieri : quinimo etiam ipsa
problemata videntur esse per accidens. Si vero non accipiantur per accidens
causa et causatum, oportet quod medium quod accipitur pro causa, similiter se
habeat cum effectu, cuius demonstratio quaeritur. Utpote si aliqua sint
aequivoca, et medium commune quod accipitur, erit aequivocum. Si autem non
sint aequivoca, sed conveniant quasi in genere, et medium erit commune
secundum genus ; sicut vicissim analogum, idest commutatim
proportionari, univoce in multis invenitur, puta in numeris et in lineis, in
quibus habet quodammodo aliam causam, et quodammodo eamdem. Aliam quidem
secundum speciem, in quantum scilicet alii sunt numeri et aliae lineae : sed
est genere eadem, in quantum scilicet tam lineae quam numeri conveniunt in
hoc quod habent tale augmentum, ex quo in eis commutata proportio
demonstratur. Aliud autem exemplum subiungit in aequivocis ; et dicit quod
eius quod est esse simile, alia causa est in coloribus et in figuris, quia
aequivoce dicitur utrobique. In figuris enim nihil est aliud esse simile,
quam quod latera habeant analogiam, idest quod sint ad invicem
proportionalia, et quod anguli sint aequales. Sed in coloribus esse simile
est quod faciant eamdem immutationem in sensu, vel aliquid aliud huiusmodi.
Tertio autem dicit de his quae conveniunt secundum analogiam, quod in his
etiam oportet esse medium unum secundum analogiam ; sicut supra dictum est
quod tam iris quam echo est quaedam repercussio. [80044] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 19 n. 4Deinde cum dicit : habet autem sic consequi
causam etc., ostendit secundum praemissa qualiter sibi invicem causae
consequantur. Et circa hoc tria facit : primo, ostendit qualis sit consecutio
causae et effectus ; secundo, ordinat huiusmodi consequentiam in figura
syllogistica ; ibi : in figuris autem etc. ; tertio, movet quamdam
dubitationem ex praemissis ; ibi : si autem in atomum et cetera. Dicit ergo
primo quod talis modus consequentiae invenitur inter causam et causatum et
subiectum cui inest illud causatum, quod si aliquis accipiat secundum unum
aliquid particulare id cuius causa quaeritur, erit in plus quam causa vel
subiectum ; sicut habere angulos extrinsecos aequales quatuor rectis convenit
triangulo eadem ratione, quia tres anguli eius extrinseci simul cum tribus
intrinsecis sunt aequales sex rectis. Cum igitur tres intrinseci sint
aequales duobus rectis, sequitur quod tres extrinseci sint aequales quatuor rectis.
Etiam quadrangulus habet quatuor angulos aequales quatuor rectis, sed alia
ratione. Anguli enim eius intrinseci et extrinseci sunt aequales octo rectis
; sed anguli intrinseci quadranguli sunt aequales quatuor rectis ; ergo
anguli extrinseci sunt aequales quatuor rectis. Sic igitur habere angulos
exteriores aequales quatuor rectis, est in plus quam triangulus aut
quadrangulus : sed si simul accipiantur, aequaliter se habebunt. Quaecunque
enim figurae communicant in hoc quod habeant angulos exteriores aequales
quatuor rectis, oportet quod similiter communicent in medio, quod est causa
aequalitatis ad quatuor angulos rectos. Et hoc probat sicut et prius, per hoc
quod medium est definitio maioris extremitatis. Et inde est quod omnes
scientiae fiunt per definitionem. Probat autem hoc per exemplum in rebus
naturalibus. Hoc enim quod est folio fluere, consequitur ad vitem et excedit
ipsam, quia est in pluribus ; consequitur etiam ad ficum et excedit eam : non
tamen est excessivum omnium quibus convenit, sed est eorum sicut aequalium.
Si ergo aliquis velit accipere id quod est primum medium respectu omnium,
erit haec definitio eius quod est folio fluere ; quae quidem definitio erit
primum medium ad alia, eo quod omnia talia sunt. Et iterum huius accipietur aliquod aliud medium, puta quod succus
densatur per desiccationem, vel aliquod aliud huiusmodi. Unde si quaeratur quid est folio fluere,
dicemus quod nihil aliud est quam condensari succum seminis in
contactu, scilicet folii ad ramum. [80045] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 19 n. 5Deinde cum dicit : in figuris autem sic
assignabit etc. ordinat modum praedictae consecutionis in figura syllogistica
; et dicit quod si quaeratur consecutio causae et causati, sic poterit
assignari secundum figuras syllogismorum. Sit enim a in omni b ; b autem in
unoquoque eorum quae sunt d, sed in plus quam d. Sic igitur b universaliter
erit in his quae continentur sub d, secundum quod universaliter dicitur
inesse quod non convertitur. Sed et primum universale est, cui unumquodque quidem
contentorum sub eo non convertitur ; omnia autem simul accepta convertuntur
cum primo universali, et excedunt quodlibet eorum quae sub eo continentur.
Sic igitur quod a sit in ipsis quae continentur sub d, causa est b. Oportet
ergo quod a extendatur in plus quam b. Si autem non, sed se haberet ex aequo,
quare magis b esset causa in inferendo quod a sit in d, quam e converso ?
Potest enim ex utroque convertibilium concludi aliud. Ponatur igitur ulterius
quod a praedicetur de omnibus in quibus est e, sed non convertitur. Oportet
ergo dicere quod illa omnia quae continentur sub e,
sint aliquid unum diversum ab eo quod est b. Si enim non esset aliud e quam
b, quomodo esset verum dicere quod a inesset omni b, et non e converso, cum a
non sit nisi in e et in b ? Et ita sequeretur, si e et b non essent aliud,
quod a non esset in plus quam e. Supponatur ergo quod a sit in plus quam d et
quam e. Quare ergo non poterit inveniri aliqua causa propter quam insit
omnibus quae sunt in d ? Et haec causa est b. Sed adhuc quaerendum est utrum
et omnia quae continentur sub e, habeant aliquam unam causam ; et sit talis
causa c. Sic igitur concludit quod contingit eiusdem esse plures causas, sed
non in eodem secundum speciem. Sicut eius quod est a, causa est et b et c :
sed b est causa quod a insit his quae continentur sub d, c autem est causa
quod a insit his quae continentur sub e. Et ponit exemplum in rebus
naturalibus. Sit enim hoc quod est esse longae vitae, quasi a ; quadrupedia
quasi d ; sed non habere choleram, scilicet superfluam, sit quasi b, quod est
causa in quadrupedibus longae vitae ; volatilia autem sint quasi e ; siccum
autem esse, vel aliquid aliud huiusmodi, quod est in eis causa longae vitae,
aut aliquid aliud huiusmodi sit quasi c. [80046] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 19 n. 6Deinde cum dicit : si autem in atomum etc.,
movet quamdam dubitationem ex praemissis. Dictum est enim supra quod non
statim a principio venitur in aliquod atomum, idest indivisibile,
in quo inveniatur illud cuius causa quaeritur ; sed statim inveniuntur multa
et indivisa, in quibus illud unum invenitur, et non est unum medium, per quod
de omnibus illud unum demonstretur, et causae plures sunt. Est ergo
dubitatio, si illorum plurium mediorum oporteat aliquam causam accipere,
utrum oporteat eam accipere ex parte universalis primi, puta ex parte ipsius
a ; vel ex parte singularium, idest eorum quae sunt minus communia, sicut
supra accipiebantur e et d, vel quadrupedia et aves. Et ad hoc respondet
dicens quod oportet semper media accipere quae sunt propinquiora subiecto, in
quo quaeritur causa illius communis causati ; et sic oportet procedere
quousque perveniatur ad id quod est immediatum communi causato. Et huius
rationem assignat, quia illud quod est ex parte eius quod continetur sub aliquo
communi, est ei causa quod sit sub illo communi ; sicut si d est sub b, et si
c sit causa d quod b insit ei. Et ex hoc sequitur ulterius quod c sit causa
quod a insit d ; et quod a insit c, b est causa. Ipsi autem b inest a per
seipsum et immediate. [80047] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 19 n. 7Ultimo autem epilogat ea quae dicta sunt in
tota doctrina analyticorum ; et dicit quod manifestum est ex praemissis, tam
in libro priorum quam in hoc libro posteriorum, de syllogismo et de
demonstratione, quid sit et quomodo fiat utrumque ; et similiter manifestum
est de scientia demonstrativa, quomodo fiat in nobis. Hoc enim ad idem
pertinet, quia demonstratio est syllogismus faciens scire, ut supra habitum
est. |
575.
Après avoir répondu à la question soulevée, à savoir si la présence de la
cause suit la présence de l’effet et inversement, le Philosophe cherche ici à
savoir si l’unité de l’effet suit l’unité de la cause et inversement. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu il montre comment l’unité de la cause suit l’unité de l’effet
[421]; deuxièmement, il manifeste à partir de là la consécution de la cause
et de l’effet, là [424] où il dit : Il
faut cependant que s’affirment réciproquement etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu, il présente la question [421] qui est
de savoir s’il est possible que pour un même effet, la cause ne soit pas la
même dans tous les sujets mais qu’elle diffère dans tel et tel autre sujet,
ou si cela est impossible. Nous avons vu en effet, dans la solution à la
question précédente, qu’on supposait qu’il est possible aux causes de
différer pour un même effet dans différentes choses. 576.
En deuxième lieu, là [422] où il
dit : Mais si on démontre que
l’effet appartient essentiellement etc., il résout la question en faisant
une distinction. C’est de trois
manières en effet qu’une chose peut être assignée comme cause à un
effet : premièrement, lorsqu’on
prend la cause comme étant essentielle et qu’on conclut démonstrativement à
partir de là que l’effet suit comme appartenant essentiellement à la chose; deuxièmement, en prenant pour moyen
terme un signe; troisièmement, en
prenant comme moyen terme un accident. Si donc on prend pour cause ce qui est à
titre essentiel le moyen terme de la démonstration, il ne peut y avoir qu’une
seule cause pour un même effet dans toutes les choses. Et il prouve cela en
disant que le moyen terme essentiel dans la démonstration est la définition du dernier terme, c’est-à-dire la définition du grand terme. Mais si
cette définition doit être démontrée du sujet, elle sera démontrée par la
définition du sujet ainsi que nous l’avons établi plus haut. Il est cependant
évident que pour une même chose il n’y a qu’une seule définition. D’où il
faut que pour un même effet on ne puisse poser qu’une seule cause, laquelle
est le moyen terme de la démonstration. Mais si on ne prend pas comme cause, en
vue de conclure, ce qui est à titre essentiel le moyen terme de la
démonstration, mais qu’on prend pour moyen terme un signe ou un accident,
alors il est possible que pour un même effet il y ait plusieurs causes dans
différentes choses ainsi qu’on le voit dans un exemple présenté plus haut.
Mais la cause essentielle de ce qui est blâmable est d’être en dehors de la
raison droite. Et que quelque chose soit dans l’excès ou dans le manque est
un signe de ce qui est en dehors de la raison droite. 577.
En troisième lieu, là [423] où il
dit : Mais il faut considérer à la
fois la cause et etc., il manifeste la solution présentée en montrant que
les parties de la division présentée sont possibles. Et il dit qu’il est
possible de considérer la cause et son effet dans un rapport accidentel; par
exemple, c’est de manière accidentelle que le musicien est la cause de la
maison dont la cause essentielle est le constructeur qui est cependant la
cause accidentelle du refuge des brigands s’il arrive que cela se produise
dans la maison : en fait, les problèmes de cette sorte semblent se
produire de manière accidentelle. Mais si la cause et l’effet ne sont pas
pris dans une relation accidentelle, il faut alors que le moyen terme qu’on
prend pour cause soit de même nature que l’effet qu’on cherche à démontrer. Mais si les termes de la conclusion sont
homonymes, alors le moyen terme qu’on prendra aura en commun d’être homonyme.
Mais s’ils ne sont pas homonymes et qu’ils se rencontrent comme dans un
genre, alors le moyen terme aura en commun ce genre, comme c’est le cas pour
ce qui est mutuellement analogue, c’est-à-dire
ce qui présente une proportion dans le changement, se retrouve de manière
univoque dans plusieurs sujets, par exemple dans les nombres et dans les
lignes dans lesquels on retrouve en un sens des causes différentes, en un
autre sens la même cause. La cause est certes différente selon l’espèce,
c’est-à-dire dans la mesure où autres sont les lignes et autres sont les
nombres : mais la cause est la même par le genre, c’est-à-dire dans la
mesure où aussi bien les lignes que les nombres ont en commun qu’ils
comportent un accroissement déterminé à partir duquel on démontre en eux un
changement proportionnel. Mais il ajoute un autre exemple pour les
termes homonymes; et il dit que la cause du semblable dans les couleurs n’est
pas la cause du semblable dans les figures car, attribué à ces deux cas, le
semblable est un terme homonyme. Dans les figures en effet le semblable ne
signifie rien d’autre que le fait pour les côtés de présenter une analogie, c’est-à-dire de retrouver
une proportion dans les côtés de manière à ce que les angles soient égaux.
Mais dans les couleurs le semblable renvoie à une même immutation dans le
sens ou à quelque chose du genre. Mais il dit en troisième lieu au sujet des
termes qui sont communs selon l’analogie que pour eux aussi il faut que le
moyen terme soit un selon l’analogie, comme nous avons dit plus haut que
l’arc-en-ciel, tout comme l’écho, est une répercussion. 578.
Ensuite lorsqu’il dit [424] : Il
faut cependant que s’affirment réciproquement la cause et etc., il montre
d’après ce qui précède de quelle manière les causes se suivent mutuellement. Et à ce sujet il fait trois choses :
en premier lieu, il montre de quelle manière la cause et l’effet se suivent;
en deuxième lieu, il ordonne cette suite dans la figure syllogistique, là
[425] où il dit : Mais dans les
figures etc.; en troisième lieu, il soulève une difficulté qui provient
de ce qui a été posé, là [426] où il dit : Mais si on ne parvient pas aussitôt à des principes immédiats etc. Il dit donc en premier lieu [424] que le
mode de consécution qu’on retrouve entre la cause, l’effet et le sujet auquel
appartient cet effet est tel que si on prend ce dont on recherche la cause
d’après une espèce particulière, cet effet aura plus d’extension que la cause
ou le sujet; par exemple, avoir ses angles extérieurs égaux à quatre droits
appartient au triangle pour cette raison que ses trois angles extérieurs plus
ses trois angles intérieurs sont égaux à six droits. Donc, puisque ses trois
angles intérieurs sont égaux à deux droits, il s’ensuit que ses trois angles
extérieurs sont égaux à quatre droits. Mais le rectangle possède quatre
angles extérieurs dont la somme est égale elle aussi à quatre droits, mais
pour une autre raison. En effet, la somme de ses angles extérieurs et de ses
angles intérieurs est égale à huit droits; mais les angles intérieurs du
rectangle sont égaux à quatre droits; donc ses angles extérieurs sont égaux à
quatre droits. Ainsi donc, posséder des angles extérieurs égaux à quatre
droits a plus d’extension que le triangle ou que le rectangle pris
séparément : mais si on prend toutes les espèces ensemble, l’effet aura
une extension égale à celle du sujet. En effet, toutes les figures ayant ceci
en commun qu’elles possèdent des angles extérieurs égaux à quatre droits, il
faut de même qu’elles aient en commun un même moyen terme qui est la cause de
l’égalité des angles extérieurs à quatre droits. Et il prouve cela de la même
manière qu’il l’a fait antérieurement, à savoir par ceci que le moyen terme est
la définition du grand terme. Et c’est pour cette raison que toutes les
sciences se forment au moyen de définitions. Mais il prouve cela au moyen d’un exemple
tiré des choses naturelles. En effet, le fait même de perdre ses feuilles est
un effet de la vigne et un attribut qui a plus d’extension qu’elle car on le
retrouve dans plusieurs plantes; on le retrouve aussi chez le figuier et cet
effet a aussi plus d’extension que lui : cet effet n’a cependant pas
plus d’extension que toutes les plantes auxquelles il appartient, mais une
extension égale à celles-ci. Si donc on voulait prendre ce qui tient lieu de
moyen terme premier par rapport à toutes ces plantes, ce serait là la
définition du fait de perdre ses feuilles, laquelle définition sera le moyen
terme premier par rapport à toutes les autres plantes, puisque toutes sont de
cette nature. Et par la suite on prendra à partir de lui un autre moyen
terme, par exemple que la sève se solidifie par dessiccation ou quelque chose
de ce genre. C’est pourquoi, si on demande ce qu’est la chute des feuilles,
nous dirons qu’elle n’est rien d’autre que la solidification de la sève de la semence au point de contact
entre la feuille et la branche. 579.
Ensuite lorsqu’il dit [425] : Mais
c’est ainsi qu’on indiquera dans les figures etc., il dispose sous forme
syllogistique le mode de consécution ou de liaison entre la cause et son
effet. Et il dit que si on recherche le mode de consécution ou la sorte de
liaison qu’il y a entre la cause et son effet, on pourra le représenter ainsi
d’après les figures du syllogisme. Supposons en effet que A appartienne à
tout B; mais B se retrouve en chacun de ceux qui sont dans D, mais aussi en
d’autres qui sont en dehors de D. Ainsi donc B s’attribuera universellement à
ceux qui sont contenus dans D selon que l’universel se dit ici du prédicat
qui ne se convertit pas avec le sujet. Mais le premier universel est celui
avec lequel chacune des espèces contenues sous lui ne se convertit pas; mais
toutes les espèces prises simultanément se convertissent avec le premier
universel et elles dépassent en extension chacune des espèces qui sont
contenues en lui. Ainsi donc B est la cause de ce que A
s’attribue à tous ceux qui sont contenus dans D. Il faut donc que A ait plus
d’extension que B. Mais si ce n’était pas le cas et que A possédait une
extension égale à celle de B, pourquoi B serait-il davantage cause de
l’inférence de A à D plutôt que A serait la cause de l’attribution de B à D ?
En effet, c’est à partir de chacun des deux termes convertibles que l’autre
terme peut être conclu. On pose donc par la suite que A s’attribue à toutes les espèces contenues dans E,
mais sans se convertir avec elles. Il faut donc dire que toutes ces espèces
contenues dans E possèdent une unité distincte de tout ce qui a pour cause B.
Si en effet E ne différait pas de B, comment serait-il vrai de dire que A
appartient à tout B et non inversement puisque A ne se retrouve qu’en E et en
B? Et ainsi il s’ensuivrait, si E et B n’étaient pas différents, que A
n’aurait pas plus d’extension que E. On suppose donc que A a
plus d’extension que D et que E. Pourquoi donc ne pourrait-on pas trouver une
cause pour laquelle il appartiendrait à tout ce qui est en D? Et cette cause
est B. Mais il faut en outre se demander si
toutes les espèces qui sont contenues dans E possèdent une cause; et cette
cause est C. Ainsi donc il conclut qu’il est possible pour un même effet
d’avoir plusieurs causes mais pas dans des sujets qui sont identiques par
l’espèce. Par exemple, la cause de l’effet A est à la fois B et C : mais
B est la cause de l’attribution de A aux espèces qui sont contenues dans D
tandis que C est la cause de l’attribution de A aux espèces qui sont dans E. Et il présente un exemple tiré des choses
naturelles. Prenons en effet le terme A qui est cet effet qui consiste à
avoir une longue vie; puis le terme D qui est quadrupède; enfin le moyen
terme B, à savoir ne pas posséder de fiel en abondance, qui est la cause de
la longévité chez les quadrupèdes. Posons par ailleurs comme terme E, à
savoir les volatiles; puis le terme C, à savoir le fait de posséder une
constitution sèche ou quelque autre cause de la sorte différente de celle des
quadrupèdes et qui est la cause de la longévité chez les volatiles. 580.
Ensuite lorsqu’il dit [426] : Mais
si on ne parvient pas à de l’indivisible etc., il soulève une difficulté
qui naît de ce qui précède. Nous avons dit en effet plus haut que ce
n’est pas dès le début qu’on en vient aussitôt à un principe immédiat,
c’est-à-dire à quelque chose d’indivisible, dans lequel se trouve ce dont on
recherche la cause; au contraire au début on rencontre plusieurs indivisibles
dans lesquels l’effet se manifeste et on ne voit pas cet unique moyen terme
par lequel cet effet unique se démontre comme appartenant à toutes ces
espèces données, et il nous semble alors y avoir plusieurs causes. La
question est alors de savoir, si parmi ces nombreux moyens termes il faut
établir une cause unique, s’il faut l’établir en partant du premier
universel, à savoir du côté de A; ou s’il ne faut pas plutôt l’établir en
partant des espèces individuelles, c’est-à-dire du côté des cas particuliers
qui sont moins communs comme lorsqu’on prenait plus haut les termes E et D, à
savoir les quadrupèdes et les oiseaux. Et il répond à cette difficulté en disant
qu’il faut toujours prendre les moyens termes qui sont les plus rapprochés du
sujet pour lequel on recherche la cause de cet effet commun; et il faut ainsi
procéder jusqu’à ce qu’on parvienne à ce qui est immédiat à l’effet universel.
Et il identifie la raison de cela en disant que le moyen terme qui se tient
du côté du sujet qui est contenu sous l’universel est la cause même qui fait
que ce sujet est contenu sous l’universel; par exemple, supposons que D est
contenu sous B et que C est la cause qui fait que B appartient à D. Et il
s’ensuit de là par la suite que C est la cause qui fait que A appartient à D;
et B est la cause du fait que A appartient à C. Mais la cause qui fait que A
appartient à B, c’est B lui-même. 581.
Et à la fin il se trouve comme à résumer tout l’enseignement des Analytiques;
et il dit qu’on voit clairement en s’appuyant sur ce qui précède, aussi bien
dans le livre des Premiers Analytiques que dans celui des Seconds
Analytiques, ce que sont le syllogisme et la démonstration et comment chacun
d’eux se forme en nous; et de même on voit comment la science démonstrative
arrive à se former en nous. La science démonstrative en effet est identique à
la démonstration, car la démonstration n’est rien d’autre que le syllogisme
qui engendre la science, ainsi que nous l’avons établi plus haut. |
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LECTIO 20 |
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[80048]
Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 20 n. 1Postquam philosophus ostendit quomodo cognoscatur illud
quod est principium demonstrationis sicut medium, scilicet quid et propter
quid, hic ostendit quomodo cognoscantur prima principia demonstrationis
communia. Et primo, dicit de quo est intentio ; secundo, exequitur propositum
; ibi : quod quidem igitur et cetera. Dicit ergo primo quod ex his quae
sequuntur, manifestum erit de principiis primis indemonstrabilibus, qualiter
eorum cognitio fiat in nobis, et quo habitu cognoscantur ; hoc tamen ordine
observato, ut prius circa hoc dubitationes ponamus. [80049]
Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 20 n. 2Deinde cum dicit : quod quidem igitur non contingit
scire etc., exequitur propositum. Et circa hoc duo facit : primo, movet
dubitationem ; secundo, solvit ; ibi : necesse itaque est habere et cetera.
Circa primum tria facit : primo, praemittit quoddam ex quo ostenditur
necessitas huiusmodi inquisitionis ; secundo, movet quaestiones ; ibi :
immediatorum autem etc. ; tertio, obiicit ad quaestionem ; ibi : si quidem et cetera. Dicit ergo primo quod iam
supra dictum est, quod non
contingit aliquid scire per demonstrationem, nisi praecognoscantur prima
principia immediata. Et ideo ad scientiam quae est de demonstratione,
utile est ut sciatur qualiter prima principia cognoscantur. [80050]
Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 20 n. 3Deinde cum dicit : immediatorum autem cognitio etc.,
movet dubitationes tres circa praedictam cognitionem principiorum. Quarum
prima est, utrum omnium immediatorum principiorum sit eadem cognitio vel non.
Secunda dubitatio est, utrum omnium immediatorum principiorum sit scientia
vel nullorum, aut quorumdam sit scientia, aliorum vero aliud genus
cognitionis. Tertia quaestio est, utrum habitus istorum principiorum fiant in
nobis, cum prius non fuerint, vel semper in nobis fuerunt, sed tamen nos
latebat. [80051]
Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 20 n. 4Deinde cum dicit : si quidem igitur habemus ipsos etc.,
obiicit ad quaestionem ultimam, ad quam aliae ordinantur. Et primo obiicit ad
unam partem ; et dicit quod est inconveniens dicere quod habeamus habitus
horum principiorum, et lateat nos. Manifestum est enim quod illi qui habent
cognitionem principiorum, habent certiorem cognitionem cognitione quae est
per demonstrationem. Sed cognitio quae est per demonstrationem, non potest
haberi ita quod lateat habentem. Dictum est enim in principio huius libri,
quod ille qui habet scientiam, scit quod impossibile est aliter se habere.
Ergo multo minus potest esse quod aliquis habeat cognitionem principiorum
immediatorum, et lateat ipsum. Quod tamen inconveniens sequeretur, si habitus
huiusmodi inessent, et laterent. [80052]
Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 20 n. 5Secundo, ibi : si autem accipimus etc., obiicit ad
contrarium. Si enim aliquis dicat quod accipimus de novo habitus
principiorum, cum prius eos non habuerimus, relinquitur ulterius dubitatio
qualiter possimus huiusmodi principia de novo cognoscere et addiscere, et hoc
non ex aliqua praeexistenti cognitione ; impossibile est enim aliquid
addiscere nisi ex praeexistenti cognitione, sicut etiam supra circa
demonstrationem diximus. Immediata autem principia ideo ex praeexistenti
cognitione addiscere non possumus, quia praeexistens cognitio est certior,
cum sit causa certitudinis his quae per eam innotescunt. Nulla autem cognitio
est certior cognitione huiusmodi principiorum. Unde non videtur quod possimus
ea cognoscere, cum prius non cognoverimus. [80053]
Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 20 n. 6Tertio, ibi : manifestum igitur est etc., concludit ex
praemissis duabus rationibus, quod neque possibile est semper habere
cognitionem horum principiorum, quae nos lateat ; neque etiam possibile est
quod in nobis generetur de novo talis cognitio, omnimoda ignorantia
praecedente, et non habito aliquo alio habitu. [80054]
Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 20 n. 7Deinde cum dicit : necesse itaque est etc., solvit
praemissas quaestiones. Et primo, solvit ultimam ; secundo, solvit duas
primas ; ibi : quoniam autem eorum qui circa intellectum et cetera. Circa
primum duo facit : primo, solvit dubitationem ; secundo, manifestat
solutionem positam ; ibi : quod autem dictum est olim et cetera. Circa primum
tria facit : primo, proponit quod oportet aliquid cognoscitivum in nobis
praeexistere ; secundo, ostendit quid sit illud ; ibi : videtur autem etc. ;
tertio, ostendit quomodo ex praeexistenti cognoscitivo principio fiat in
nobis principiorum cognitio ; ibi : ex sensu quidem et cetera. Dicit ergo
primo quod necesse est a principio in nobis esse quamdam potentiam
cognoscitivam, quae scilicet praeexistat cognitioni principiorum ; non tamen
talem quae sit potior quantum ad certitudinem cognitione principiorum. Unde non eodem modo
principiorum cognitio fit in nobis ex praeexistenti cognitione, sicut accidit
in his quae cognoscuntur per demonstrationem. [80055] Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 20 n. 8Deinde cum dicit : videtur autem hoc inesse etc., ostendit quid sit
illud principium cognoscitivum praeexistens. Et quantum ad hoc ponit tres gradus in animalibus.
Quorum primus est hoc, quod videtur inesse communiter omnibus animalibus,
quae omnia habent quamdam connaturalem potentiam ad iudicandum de
sensibilibus, quae vocatur sensus, quae non acquiritur de novo, sed ipsam
naturam consequitur. [80056]
Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 20 n. 9Secundum gradum ponit ibi : cum autem insit sensus etc.
; et dicit quod cum sensus sit in omnibus animalibus, in quibusdam eorum
remanet aliqua impressio sensibilis, abeunte re sensibili, sicut contingit in
omnibus animalibus perfectis. In quibusdam autem hoc non contingit, sicut in
quibusdam animalibus imperfectis, sicut patet in his quae non moventur motu
progressivo. Et forte contingit quod circa aliqua animalia remanet aliqua
impressio quantum ad aliqua sensibilia, quae sunt vehementiora, non autem
quantum ad alia, quae sunt debiliora. In quibuscunque igitur animalibus
omnino nulla impressio remanet sensibilium, huiusmodi animalia nullam
cognitionem habent, nisi dum sentiunt. Et similiter animalia in quibus nata
est remanere talis impressio, si circa aliqua sensibilia in eis non remaneat,
non possunt habere aliquam cognitionem nisi dum sentiunt. Sed animalia in
quibus inest huiusmodi remansio impressionis, contingit adhuc habere quamdam
cognitionem in anima praeter sensum ; et ista sunt quae habent memoriam. [80057]
Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 20 n. 10Tertium gradum ponit ibi : multis igitur factis etc. ;
et dicit quod cum multa sint talia animalia habentia memoriam, inter ea
ulterius est quaedam differentia. Nam in quibusdam eorum fit ratiocinatio de his quae
remanent in memoria, sicut in hominibus ; in
quibusdam autem non, sicut in brutis. [80058]
Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 20 n. 11Deinde cum dicit : ex
sensu quidem igitur etc.,
ostendit secundum praedicta quomodo in nobis fiat cognitio primorum
principiorum, et concludit ex praemissis quod ex sensu fit memoria in illis
animalibus, in quibus remanet impressio sensibilis, sicut supra dictum est.
Ex memoria autem multoties facta circa eamdem rem, in diversis tamen
singularibus, fit experimentum ; quia experimentum nihil aliud esse videtur
quam accipere aliquid ex multis in memoria retentis. Sed tamen experimentum
indiget aliqua ratiocinatione circa particularia, per quam confertur unum ad
aliud, quod est proprium rationis. Puta cum aliquis recordatur quod talis
herba multoties sanavit multos a febre, dicitur esse
experimentum quod talis sit sanativa febris. Ratio autem non sistit in
experimento particularium, sed ex multis particularibus in quibus expertus
est, accipit unum commune, quod firmatur in anima, et considerat illud absque
consideratione alicuius singularium ; et hoc commune accipit ut principium
artis et scientiae. Puta quamdiu medicus consideravit hanc herbam sanasse Socratem
febrientem, et Platonem, et multos alios singulares homines, est experimentum ; cum autem sua consideratio ad hoc ascendit
quod talis species herbae sanat febrientem simpliciter, hoc accipitur ut
quaedam regula artis medicinae. Hoc
est ergo quod dicit, quod sicut ex memoria fit experimentum, ita etiam ex
experimento, aut etiam ulterius ex
universali quiescente in anima (quod
scilicet accipitur ac si in omnibus ita sit, sicut est experimentum in
quibusdam. Quod quidem universale dicitur esse quiescens in anima ; in
quantum scilicet consideratur praeter singularia, in quibus est motus. Quod
etiam dicit esse unum
praeter multa, non quidem secundum esse, sed secundum considerationem
intellectus, qui considerat naturam aliquam, puta hominis, non respiciendo ad
Socratem et Platonem. Quod etsi secundum considerationem intellectus sit unum
praeter multa, tamen secundum esse est in omnibus singularibus unum et idem,
non quidem numero, quasi sit eadem humanitas numero omnium hominum, sed
secundum rationem speciei. Sicut enim hoc album est simile illi albo in
albedine, non quasi una numero albedine existente in utroque, ita etiam
Socrates est similis Platoni in humanitate, non quasi una humanitate numero
in utroque existente) ex hoc igitur experimento, et ex tali universali per
experimentum accepto, est in anima id quod est principium artis et scientiae.
Et distinguit inter artem et scientiam, sicut etiam in VI Ethic., ubi dicitur
quod ars est recta ratio factibilium. Et ideo hic dicit quod si ex
experimento accipiatur aliquod universale circa generationem, idest circa
quaecunque factibilia, puta circa sanationem vel agriculturam, hoc pertinet
ad artem. Scientia vero, ut ibidem dicitur, est circa necessaria ; et ideo si
universale consideretur circa ea quae semper eodem modo sunt, pertinet ad
scientiam, puta circa numeros vel figuras. Et iste modus qui dictus est,
competit in principiis omnium scientiarum et artium. Unde concludit quod
neque praeexistunt in nobis habitus principiorum, quasi determinati et completi ; neque etiam fiunt de
novo ab aliquibus notioribus habitibus praeexistentibus, sicut generatur in
nobis habitus scientiae ex praecognitione principiorum ; sed habitus principiorum
fiunt in nobis a sensu praeexistente. Et ponit exemplum in pugnis quae fiunt
per reversionem exercitus devicti et fugati. Cum enim unus eorum perfecerit
statum, idest immobiliter ceperit stare et non fugere, alter stat adiungens
se ei, et postea alter, quousque tot congregentur quod faciant principium
pugnae. Sic etiam ex sensu et memoria unius particularis, et iterum alterius
et alterius, quandoque pervenitur ad id quod est principium artis et
scientiae, ut dictum est. [80059]
Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 20 n. 12Posset autem aliquis credere quod solus sensus, vel
memoria singularium sufficiat ad causandum intelligibilem cognitionem
principiorum, sicut posuerunt quidam antiqui, non discernentes inter sensum
et intellectum ; et ideo ad hoc excludendum philosophus subdit quod simul cum
sensu oportet praesupponere talem naturam animae, quae possit pati hoc, idest quae
sit susceptiva cognitionis universalis, quod quidem fit per intellectum
possibilem ; et iterum quae possit agere hoc secundum intellectum agentem,
qui facit intelligibilia in actu per abstractionem universalium a
singularibus. [80060]
Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 20 n. 13Deinde cum dicit : quod autem dictum est etc.,
manifestat quod dictum est in praecedenti solutione, quantum ad hoc quod ex
experimento singularium accipitur universale ; et dicit quod illud quod supra
dictum est, et non plane, quomodo scilicet ex experimento singularium fiat
universale in anima, iterum oportet dicere, ut planius manifestetur. Si enim
accipiantur multa singularia, quae sunt indifferentia quantum ad aliquid unum
in eis existens, illud unum secundum quod non differunt, in anima acceptum,
est primum universale, quidquid sit illud, sive scilicet pertineat ad
essentiam singularium, sive non. Quia enim invenimus Socratem et Platonem et
multos alios esse indifferentes quantum ad albedinem, accipimus hoc unum,
scilicet album, quasi universale quod est accidens. Et similiter quia
invenimus Socratem et Platonem et alios esse indifferentes quantum ad
rationalitatem, hoc unum in quo non differunt, scilicet rationale, accipimus
quasi universale quod est differentia. [80061]
Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 20 n. 14Qualiter autem hoc unum accipi possit, manifestat
consequenter. Manifestum est enim quod singulare sentitur proprie et per
se, sed tamen sensus est quodammodo etiam ipsius universalis. Cognoscit
enim Calliam non solum in quantum est Callias, sed etiam in quantum est hic
homo, et similiter Socratem in quantum est hic homo. Et exinde est quod tali
acceptione sensus praeexistente, anima intellectiva potest considerare
hominem in utroque. Si autem ita esset quod sensus apprehenderet solum id
quod est particularitatis, et nullo modo cum hoc apprehenderet universalem
naturam in particulari, non esset possibile quod ex apprehensione sensus
causaretur in nobis cognitio universalis. Et hoc idem manifestat consequenter
in processu qui est a speciebus ad genus. Unde subdit quod iterum in his,
scilicet in homine et equo, anima stat per considerationem quousque
perveniatur ad aliquid impartibile in eis, quod est universale. Ut puta
consideramus tale animal et tale, puta hominem et equum, quousque perveniamus
ad commune animal, quod est genus ; et in hoc similiter facimus quousque
perveniamus ad aliquod genus superius. Quia igitur universalium cognitionem
accipimus ex singularibus, concludit manifestum esse quod necesse est prima
universalia principia cognoscere per inductionem. Sic enim, scilicet per viam
inductionis, sensus facit universale intus in anima, in quantum considerantur
omnia singularia. [80062]
Expositio Posteriorum, lib. 2 l. 20 n. 15Deinde cum dicit : quoniam autem eorum etc., solvit
primas duas quaestiones, utrum scilicet primorum principiorum sit scientia,
vel aliquis alius habitus. Circa quod ex praemissis accipit quod cognitio
principiorum pertinet ad intellectum, cuius est cognoscere universale : nam
universale dicit esse principium scientiae. Circa intellectum autem sunt duo
genera habituum habentium se aliqualiter ad verum. Quidam enim sunt semper
veri, alii vero interdum recipiunt falsitatem, ut patet de opinione et
ratiocinatione, quae potest esse et veri et falsi. Sunt etiam et quidam
habitus erronei, se habentes ad falsum. Quia vero principia sunt maxime vera,
manifestum est quod non pertinent ad habitus qui semper sunt falsi, neque
etiam ad habitus qui interdum recipiunt falsitatem, sed solum ad habitus qui
sunt semper veri. Huiusmodi autem sunt scientia et intellectus. Additur autem
in VI Ethic. tertium, scilicet sapientia : sed quia sapientia, ut ibidem
dicitur, comprehendit in se scientiam et intellectum (est enim quaedam
scientia et caput scientiarum), hic eam praetermittit. Hac ergo praetermissa,
nullum aliud genus cognitionis quam intellectus, est certius scientia.
Manifestum est autem quod principia demonstrationum sunt notiora
conclusionibus demonstratis, ut in primo habitum est. Non autem potest esse
scientia ipsorum principiorum, quia omnis scientia fit ex aliqua
ratiocinatione, scilicet demonstrativa, cuius sunt principia illa de quibus
loquimur. Quia igitur nihil potest esse verius quam scientia et intellectus
(nam sapientia in his intelligitur), consequens est ex consideratione
praemissorum quod principiorum proprie sit intellectus. Probat hoc etiam alia
ratione, quia scilicet demonstratio non est ex necessitate demonstrationis
principium ; alioquin procederetur in demonstrationibus in infinitum, quod in
primo improbatum est. Cum igitur demonstratio scientiam causet, sequitur quod
neque scientia possit esse principium scientiae, ita scilicet quod principia
scientiarum per scientiam cognoscantur. Si igitur nullum aliud genus
cognitionis praeter scientiam habemus quod semper sit verum, relinquitur quod
intellectus erit principium scientiae, quia scilicet per intellectum
cognoscuntur principia scientiarum ; ita scilicet quod hic intellectus, qui
est principium scientiae, est cognoscitivus principii, ex quo procedit
scientia. Hoc autem, scilicet scientia, est omne,
idest totum, quod similiter se habet ad omnem rem, idest ad totam materiam de
qua est scientia, sicut scilicet intellectus ad principium scientiae. |
LEÇON 20. Comment nous
parvenons à connaître les premiers principes de la démonstration
(nn.
582-596; [427-439]). 582.
Après avoir montré comment est connu ce qui tient lieu de principe de
démonstration en tant que moyen terme, à savoir l’essence et la cause,
le Philosophe montre ici comment on arrive à connaître les premiers principes
universels de la démonstration. Et en premier lieu, il dit quel est son
propos [427]; en deuxième lieu, il poursuit son propos, là [428] où il
dit : Donc, nous avons certes
indiqué que etc. Il dit donc en premier lieu [427] qu’à
partir de ce qui suivra nous verrons clairement au sujet des principes
indémontrables de quelle manière nous arrivons à les connaître et par quel
habitus nous y parvenons, après avoir d’abord discuté des difficultés
suivantes. 583.
Ensuite lorsqu’il dit [428] : Qu’il
ne soit donc pas possible de savoir etc., il poursuit son propos. Et à ce sujet il fait deux choses :
en premier lieu, il soulève une difficulté; en deuxième lieu, il la résout,
là [433] où il dit : C’est
pourquoi il est nécessaire de posséder etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu il fait précéder une considération à partir de
laquelle est manifestée la nécessité d’une telle recherche; en deuxième lieu,
il soulève des questions, là [429] où il dit : Mais la connaissance des principes immédiats etc.; en troisième
lieu, il s’objecte à une question, là [430] où il dit : Mais si etc. Il dit donc en premier lieu [428] que nous
avons déjà dit plus haut qu’il n’est pas possible de savoir quelque chose par
démonstration sans connaître préalablement les premiers principes immédiats.
Et c’est pourquoi il est utile à la science qui a pour objet la démonstration
de savoir comment les premiers principes sont connus de nous. 584.
Ensuite lorsqu’il dit [429] : Mais
la connaissance des principes immédiats etc., il soulève trois
difficultés se rapportant à la connaissance des principes. Quant à la première difficulté, on se demande
s’il y a ou non une seule et même connaissance pour tous les principes. Quant
à la deuxième, on se demande s’il y
a connaissance de science pour tous les principes ou pour aucun d’eux, ou
s’il y a connaissance de science pour certains d’entre eux et un autre genre
de connaissance pour les autres. Quant à la
troisième difficulté, la question est de savoir si les habitus de ces
principes sont acquis en nous alors que nous ne les possédions pas avant, ou
bien s’ils ont toujours été présents en nous mais sous une forme latente. 585.
Ensuite lorsqu’il dit [430] : Donc,
si nous possédions ces principes etc., il présente des objections à la
dernière question à laquelle les autres questions sont ordonnées. Et en
premier lieu, il s’objecte à une partie de cette question; et il dit
qu’il est déraisonnable de dire que nous possédions les habitus de ces
principes et qu’ils nous soient cachés. Il est évident en effet que ceux qui
possèdent la connaissance des principes possèdent une connaissance plus
certaine que la connaissance qui est produite par la démonstration. Mais la
connaissance qui est produite par la démonstration ne peut être acquise de
telle manière qu’elle soit ignorée de celui qui la possède. Nous avons dit en
effet au début de ce livre que celui qui possède la science sait qu’il est
impossible qu’il en soit autrement. Il est donc beaucoup moins possible que
quelqu’un possède la connaissance des principes immédiats tout en les ignorant. Cette impossibilité devrait cependant
s’ensuivre si de tels habitus nous appartenaient sans que nous le sachions. 586.
En deuxième lieu, là [431] où il
dit : Mais si nous acquérons
etc., il s’objecte à la partie opposée de la question. Si en effet quelqu’un
disait que nous acquérons les habitus des principes alors que nous ne les
possédions pas antérieurement, il reste à savoir par la suite de quelle
manière nous pouvons connaître et apprendre de tels principes sans recourir à
une connaissance préalable; il n’est possible en effet d’apprendre quelque
chose qu’à partir d’une connaissance préexistante ainsi que nous l’avons dit
plus haut en traitant de la démonstration. Mais c’est pour cette raison que
nous ne pouvons apprendre les principes immédiats à partir d’une connaissance
préexistante, à savoir parce que la connaissance préexistante est plus
certaine, puisqu’elle est cause de certitude pour les choses qui deviennent
connues par elle. Mais aucune connaissance n’est plus certaine que la
connaissance de ces principes. C’est pourquoi il ne semble pas que nous
puissions parvenir à les connaître alors que nous ne les connaissions pas
antérieurement. 587.
En troisième lieu, là [432] où il
dit : Il est donc évident
etc., il conclut à partir des deux raisonnements qui précèdent qu’il n’est
possible ni d’avoir toujours connu ces principes tout en les ignorant, ni
d’acquérir une telle connaissance sans aucune connaissance préalable et sans
la possession d’un autre habitus. 588.
Ensuite lorsqu’il dit [433] : Il
est donc nécessaire etc., il résout les difficultés qui précèdent. Et en premier lieu, il résout la dernière
difficulté; en deuxième lieu, il résout les deux premières difficultés, là
[439] où il dit : Mais puisque
pour les habitus qui se rapportent à l’intelligence etc. Au sujet du premier point il fait deux
choses : en premier lieu, il résout la difficulté; en deuxième lieu, il
manifeste la solution qu’il a présentée, là [438] où il dit : Mais ce qui a été dit précédemment etc. Au sujet du premier point il fait trois
choses : en premier lieu, il propose qu’un principe cognitif doive
préexister en nous; en deuxième lieu, il montre quel est ce principe, là
[434] où il dit : Mais il semble
etc.; en troisième lieu, il montre comment la connaissance des principes est
engendrée en nous d’une certaine manière à partir d’un principe cognitif
préexistant, là [437] où il dit : C’est
certes à partir du sens etc. Il dit donc en premier lieu [433] qu’il
est nécessaire qu’il existe en nous dès le début une puissance cognitive,
c’est-à-dire une connaissance préalable à la connaissance des principes, mais
non pas une puissance telle qu’elle serait supérieure à la connaissance des
principes sous le rapport de la certitude. C’est pourquoi la manière selon
laquelle la connaissance des principes est produite en nous à partir d’une
connaissance préexistante n’est pas la même que celle que nous voyons se
produire dans les choses qui sont connues par démonstration. 589.
Ensuite lorsqu’il dit [434] : Cela
semble manifestement appartenir etc., il montre quel est ce principe
cognitif préexistant. Et par rapport à cela il identifie trois
degrés qui se présentent dans le règne animal. Et le premier d’entre eux est ce qu’on voit appartenir en commun à
tous les animaux qui possèdent tous une capacité naturelle à juger des choses
sensibles, capacité qu’on appelle le sens et qui n’est pas acquise mais
donnée par la nature. 590.
Il présente le deuxième degré là
[435] où il dit : Mais bien que le
sens appartienne etc.; et il dit que bien que le sens soit présent chez
tous les animaux, chez certains d’entre eux il demeure une certaine
impression sensible même lorsque la chose sensible est absente; et c’est là
ce qu’on observe chez tous les animaux parfaits. Mais chez certains il n’en
est pas ainsi comme on peut le voir chez les animaux qui sont imparfaits et
qui ne peuvent se mouvoir selon le mouvement local. Et peut-être est-il
possible que chez certains animaux il demeure une impression sensible par
rapport à certaines qualités sensibles qui sont plus ardentes mais non par
rapport à celles qui sont plus faibles. Donc, chez ces animaux où il ne
demeure absolument aucune impression des choses sensibles perçues, ces
animaux ne possèdent aucune autre connaissance que celle qu’ils ont pendant
l’acte même de la perception sensible. Et de même, ces animaux qui sont
naturellement aptes à conserver une telle impression, si par rapport à
certaines qualités sensibles ils ne peuvent conserver une impression, alors
dans ces cas ils ne peuvent posséder une connaissance autre que celle qu’ils
ont alors même qu’ils posent l’acte de percevoir. Mais il est possible, pour
les animaux auxquels appartient la persistance de l’impression après la
perception, de posséder en outre en leur âme une connaissance autre que la
sensation; et ces animaux sont ceux qui possèdent la mémoire. 591.
Il présente le troisième degré là
[437] où il dit : Donc, ces actes
ayant été répétés un grand nombre de fois etc.; et il dit que puisque ces
animaux qui possèdent la mémoire sont nombreux, parmi eux il faut par la
suite établir une certaine différence. Car chez certains d’entre eux il se
produit une certaine réflexion sur les choses qui ont été conservées dans la
mémoire, ainsi qu’on le voit chez les hommes; mais chez d’autres, comme les
brutes animales, cette réflexion n’a pas lieu. 592.
Ensuite lorsqu’il dit [437] : C’est
donc certes à partir du sens etc., il montre, en s’appuyant sur ce qui
précède, de quelle manière la connaissance des premiers principes est
engendrée en nous; et il conclut, en s’appuyant sur ce qui précède, que la
mémoire vient du sens chez ces animaux dans lesquels il demeure une
impression sensible après la perception sensible ainsi que nous l’avons dit
plus haut. Mais c’est de la mémoire plusieurs fois répétée sur une même chose
mais à travers différents cas particuliers cependant que provient
l’expérience; car une expérience ne semble être rien d’autre que la réception
d’une certaine notion à partir d’une multitude de cas individuels conservés
dans la mémoire. L’expérience a cependant besoin d’une
certaine réflexion sur les cas particuliers par laquelle une chose est
comparée à une autre, ce qui est le propre de la raison. Par exemple, lorsque
quelqu’un se souvient qu’une plante à plusieurs occasions en a guéri
plusieurs de la fièvre, on dit qu’il a l’expérience que telle plante guérit
de la fièvre. Cependant la raison ne s’arrête pas à l’expérience des cas
particuliers mais à partir des nombreux cas particuliers dont elle a
l’expérience elle en dégage une notion universelle qui se fixe dans l’âme et
qu’elle considère comme séparément de chacun des cas individuels; et cette
notion universelle, la raison l’établit comme un principe de l’art et de la
science. Par exemple, aussi longtemps que le médecin considère que cette
plante a guéri de la fièvre Socrate, Platon et beaucoup d’autres individus
humains, il est au niveau de l’expérience; mais lorsque sa considération
s’élève jusqu’à saisir que telle espèce de plante guérit de la fièvre
purement et simplement, il arrive alors à saisir un principe qui est comme
une règle de l’art de la médecine. Et c’est cela même que dit Aristote, à
savoir que tout comme l’expérience vient de la mémoire, de même encore par la
suite c’est de l’expérience ou de
l’universel en repos dans l’âme (ce qui est posé comme s’il en était
ainsi chez tous les hommes, tout comme l’expérience existe chez certains
animaux) – Et il dit que l’universel est en repos dans l’âme dans la mesure
où il est considéré en dehors des cas individuels chez lesquels on retrouve le
mouvement. Mais qu’il dise aussi que l’universel est une unité en dehors de la multiplicité, ce n’est pas dans le sens
où il en serait ainsi selon l’être, mais selon la considération de
l’intelligence seulement, laquelle a la capacité de considérer une nature,
par exemple celle de l’homme, sans tenir compte des individus que sont
Socrate et Platon. Bien que l’universel considéré par l’intelligence soit une
unité en dehors de la multiplicité des individus, quant à son existence
cependant l’universel est une unité qui réside une et identique pour tous les
individus : non pas certes par le nombre, comme s’il existait une seule
humanité numériquement parlant pour tous les hommes, mais seulement selon la
définition de l’espèce. En effet, tout comme ce blanc est semblable à cet
autre blanc quant à la blancheur mais non par une blancheur qui serait
numériquement une dans chacun des deux, de même Socrate est semblable à
Platon sous le rapport de l’humanité mais non comme par une humanité qui
existerait numériquement une dans chacun d’eux.) - c’est donc à partir de
cette expérience et de cet universel saisi au moyen de l’expérience que se
fixe dans l’âme ce qui est principe de l’art et de la science. Et il fait une distinction entre l’art et
la science comme il l’a fait aussi au sixième livre de l’Éthique où il dit que l’art est la raison droite à l’égard des
choses à produire. Et c’est pourquoi il dit ici que, si à partir de
l’expérience on pose un universel qui se rapporte à la génération, c’est-à-dire au devenir des choses à produire, par
exemple la santé ou l’agriculture, cela appartient à l’art. Par ailleurs la
science, comme on le dit aussi au même endroit, porte sur le nécessaire; et
c’est pourquoi, si l’universel est considéré par rapport à l’être, c’est-à-dire
par rapport à ce qui est toujours de la même manière, par exemple les nombres
et les figures, cela relève de la science. Et cette manière d’établir
l’universel dont nous venons de parler vaut pour les principes de tous les
arts et de toutes les sciences. Il conclut de là que les habitus des
principes ne préexistent pas en nous sous une forme déterminée et achevée; et ils ne sont pas non plus acquis à
partir d’habitus préalables plus connus comme est engendré en nous l’habitus
de la science à partir de la connaissance antérieure des principes; mais
l’habitus des principes est engendré en nous à partir de la connaissance
sensible préexistante. Et il présente un exemple tiré de combats
qui proviennent d’un retournement d’une armée vaincue et en fuite. En effet,
lorsqu’un soldat aura réussi à s’arrêter, c’est-à-dire lorsqu’il aura choisi
de demeurer immobile et de ne pas fuir, un autre s’ajoute à lui et se tient à
ses côtés, puis un autre jusqu’à ce qu’ils se rassemblent de manière à former
une unité, c’est-à-dire un principe de combat. De même encore, à partir de la
perception sensible et du souvenir d’un cas particulier, puis d’un autre et
d’un autre cas particulier encore, on parvient parfois à ce qui est le
principe de l’art et de la science ainsi que nous l’avons dit. 593.
Mais on pourrait croire que la perception sensible et le souvenir des cas
particuliers suffisent à eux seuls à causer la connaissance intelligible des
principes, ainsi que l’ont soutenu certains anciens philosophes qui ne
faisaient pas la distinction entre le sens et l’intelligence; et c’est
pourquoi le Philosophe, pour écarter cette position, ajoute qu’avec le sens
il faut présupposer simultanément dans l’âme une nature de cette sorte capable d’éprouver cela, c’est-à-dire
capable de recevoir la connaissance universelle par l’intellect possible, et
capable en outre de la produire par l’intellect agent qui fait que les
intelligibles existent en acte en tirant les universels des cas individuels. 594.
Ensuite lorsqu’il dit [438] : Mais
ce que nous avons dit etc., il manifeste ce qui a été dit dans la
solution qui précède quant à ceci que l’universel est saisi à partir de
l’expérience des cas individuels; et il dit que ce qui a été dit plus haut
d’une façon qui n’est pas suffisamment claire, à savoir comment l’universel
naît dans l’âme à partir de l’expérience des cas individuels, il faut le
reprendre de manière à le manifester plus clairement. Si en effet on prend
plusieurs individus qui sont indifférenciés spécifiquement quant à ce qu’il y
a de commun en eux, ce caractère commun fixé dans l’âme selon lequel ils ne
diffèrent pas est la première notion universelle, quelle qu’elle soit, qu’il
s’agisse ou non de l’essence de ces individus. En effet, parce que nous
trouvons que Socrate, Platon et beaucoup d’autres ne diffèrent pas quant à la
blancheur, nous recevons ce caractère un, à savoir le blanc, comme un
universel qui est un accident. Et de la même manière, parce que nous trouvons
que Socrate, Platon et beaucoup d’autres ne diffèrent pas quant à la
rationalité, nous recevons ce caractère un dans lequel ils ne diffèrent pas,
à savoir rationnel, comme un universel qui est une différence à l’intérieur
du genre animal. 595.
Mais il manifeste par la suite de quelle manière ce caractère un peut être
reçu. Il est manifeste en effet que bien que le sens, à proprement parler et essentiellement, ait pour objet le
singulier, cependant il a aussi pour objet en un sens l’universel. En effet,
le sens connaît Callias non seulement en tant qu’il est Callias, mais aussi
en tant qu’il est cet homme et de même il connaît Socrate en tant qu’il est
cet homme. Et c’est de là que par une telle réception préalable du sens,
l’âme intellectuelle peut considérer l’homme présent dans les deux. Mais si
les choses se passaient de telle manière que le sens ne pouvait saisir que ce
qui relève de la particularité et qu’il ne pouvait appréhender d’aucune
manière avec cela la nature universelle présente dans le particulier, il ne
serait pas possible que la connaissance universelle soit causée en nous à
partir de la perception sensible. Et il manifeste la même chose par la suite
dans le processus qui va des espèces au genre. De là il ajoute qu’une fois de
plus, pour ces cas particuliers que sont l’homme et le cheval, l’âme s’arrête
par la considération jusqu’à ce qu’elle parvienne à quelque chose qui est
impartageable en eux et qui est l’universel. Par exemple nous considérons tel
animal puis tel autre, comme l’homme et le cheval, jusqu’à ce que nous
parvenions à la notion commune d’animal qui est leur genre et nous procédons
de la même manière à partir de là jusqu’à ce que nous parvenions à un genre
supérieur. Donc, parce que nous recevons la connaissance des universels à
partir des cas individuels, il conclut qu’il est évident qu’il est nécessaire
de connaître par induction les premiers principes universels. C’est de cette
manière en effet, c’est-à-dire par voie d’induction, que le sens est comme la
porte d’entrée de l’universel dans l’âme, dans la mesure où tous les singuliers
sont considérés. 596.
Ensuite lorsqu’il dit [439] : Mais
puisque parmi ceux etc., il résout les deux premières questions, à savoir
celles où s’agit de savoir si pour les premiers principes il y a science ou
un autre habitus. Et à ce sujet, à partir de ce qui précède,
il pose que la connaissance des principes relève de l’intelligence à laquelle
il appartient de connaître l’universel : car il dit que l’universel est
le principe de la science. Mais à l’égard de l’intelligence il y a
deux genres d’habitus qui se rapportent de quelque manière à la vérité.
Certains en effet sont toujours dans le vrai alors que d’autres sont
susceptibles d’erreur ainsi qu’on le voit pour l’opinion et le raisonnement
qui peuvent être tantôt vrais, tantôt faux. Il y a aussi certains habitus
erronés qui se rapportent au faux. Mais parce que les principes sont ce qu’il
y a de plus vrai, il est clair qu’ils ne relèvent ni des habitus qui sont
toujours faux ni de ceux qui sont susceptibles de fausseté, mais qu’ils
relèvent seulement des habitus qui sont toujours dans le vrai. Mais la
science et l’intelligence sont des habitus de cette sorte. On ajoute cependant au sixième livre de l’Éthique un troisième habitus à la
science et à l’intelligence, à savoir la sagesse : mais parce que la
sagesse, comme on le dit au même endroit, comprend en elle la science et
l’intelligence (elle est en effet une sorte de science et la reine des
sciences), c’est pourquoi Aristote l’omet ici. Cette dernière étant donc mise
de côté, il n’y a aucun autre genre de connaissance en dehors de
l’intelligence qui soit plus certain que la science. Mais il est évident que les principes des
démonstrations sont plus connus que les conclusions qui sont démontrées à
partir d’eux, ainsi que nous l’avons établi au premier livre. Mais il ne peut
y avoir de science ayant pour objet les principes eux-mêmes car toute science
provient d’un raisonnement démonstratif dont les principes sont ceux dont
nous parlons. Donc, puisque rien ne peut être plus vrai que la science et l’intelligence
(la sagesse étant comprise dans ces deux derniers habitus), il découle des
considérations qui précèdent que c’est l’intelligence à proprement parler qui
a pour objet les principes. Il prouve encore cela par un autre
raisonnement, à savoir que de toute nécessité le principe de la démonstration
n’est pas lui-même le résultat d’une démonstration car autrement on
procéderait à l’infini dans les démonstrations, ce que nous avons réfuté dans
le premier livre. Donc, puisque la démonstration cause la science, il
s’ensuit que le principe de la science ne peut lui-même être une science,
c’est-à-dire de telle sorte que les principes des sciences seraient connus
par la science. Si donc nous ne possédons aucun autre genre de connaissance
que l’intelligence, en dehors de la science, qui soit toujours dans le vrai,
il reste que c’est l’intelligence qui sera le principe de la science car
c’est par l’intelligence que sont connus les principes des sciences,
c’est-à-dire que l’intelligence se comprend ici comme l’habitus qui est le
principe de la science du fait qu’elle fait connaître les principes d’où
procèdent les sciences. Mais cela même, à savoir la science tout entière, c’est-à-dire dans sa
totalité, se rapporte à toute chose, c’est-à-dire à toute matière qui est
objet de science, tout comme l’intelligence se rapporte au principe de la
science. |
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